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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Tuesday, March 14, 2023 - Vol. 47 N° 2

Special consultations and public hearings on Bill 11, an Act to amend the Act respecting end-of-life care and other legislative provisions


Aller directement au contenu du Journal des débats


 

Journal des débats

9 h 30 (version non révisée)

(Neuf heures et quarante-neuf minutes)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.

La Commission est réunie aujourd'hui afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire. Y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Madame Garceau, Robert-Baldwin, est remplacée par madame Maccarone, Westmount--Saint-Louis, et madame Massé, Sainte-Marie-Saint-Jacques, est remplacée par madame Labrie, Sherbrooke.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, nous allons avoir un ordre du jour bien rempli aujourd'hui. Ce matin, nous allons débuter par les remarques préliminaires, puis nous entendrons les personnes et les organismes suivants : madame Nicole Filion conjointement avec Monsieur Jocelyn Maclure, coprésidente et coprésident du groupe d'experts sur l'inaptitude et l'aide médicale à mourir; nous entendrons par la suite la Fédération québécoise des sociétés d'Alzheimer; et nous allons terminer l'avant-midi avec l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité. Par contre, nous allons débuter par les remarques préliminaires d'une durée totale de 12 minutes : le gouvernement, six minutes; l'opposition officielle, 3 min 36 s; le deuxième groupe d'opposition, 1 min 12 s; ainsi que la députée indépendante, 1 min 12 s.

J'invite maintenant la ministre déléguée à la Santé et aux Aînés à faire ses remarques préliminaires. Mme la ministre, pour une durée de six minutes, la parole est à vous.

• (9 h 50) •

Mme Bélanger : Mme la Présidente, les consultations particulières qui débutent aujourd'hui s'inscrivent dans la continuité de la réflexion et de la démarche transpartisane sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie afin de permettre l'élargissement de l'aide médicale à mourir. Je nous invite à effectuer ces travaux avec une approche empreinte de rigueur, de bienveillance et de recherche d'équilibre entre l'autodétermination de la personne pour une fin de vie digne et la protection des personnes vulnérables.       Je tiens à rappeler que l'aide médicale à mourir est un soin de fin de vie et qu'à cet égard il doit offrir à toute personne qui le souhaite de vivre ses derniers moments selon ses volontés, en toute...

Mme Bélanger : ...ses volontés, entourée de ses proches et avec dignité. Par le dépôt de ce projet de loi, notre gouvernement fait écho aux travaux réalisés d'abord par la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie puis à ceux menés par les députés lors de la précédente législature. L'analyse et les consensus établis par ces travaux se reflètent dans l'actuel projet de loi. Dans le cadre des présentes consultations, nous aurons le privilège d'entendre plusieurs groupes et experts afin d'alimenter nos réflexions et d'apporter les ajustements qui s'avéreraient nécessaires.

Permettez-moi, Mme la Présidente, de faire un rapide survol des éléments principaux que nous étudierons. Le projet de loi propose d'élargir l'aide médicale à mourir aux personnes ayant un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l'inaptitude à consentir aux soins. À cet égard, le consensus québécois semble bien établi. Les travaux précédents ont néanmoins permis de soulever des préoccupations quant à l'applicabilité de la loi par les professionnels de la santé et des services sociaux. La présente proposition législative a été raffinée pour prendre en compte ces préoccupations.

Le projet de loi propose d'élargir l'admissibilité à l'aide médicale à mourir de façon circonscrite aux personnes ayant un handicap neuromoteur grave et incurable, à condition que tous les autres critères prévus dans la loi soient rencontrés. Cette proposition vise notamment à reconnaître pleinement l'autonomie décisionnelle des personnes ayant cette condition. La notion de handicap et de souffrance associée est délicate et la perspective des groupes intéressés permettra de jeter les bases pour une discussion approfondie.

Le projet de loi propose cependant d'interdire l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les personnes présentant un trouble mental comme seul problème médical invoqué. Devant l'absence de consensus clair, le caractère sensible de ce sujet et la nécessité de poursuivre la réflexion, le principe de précaution a été privilégié.

Le projet de loi propose également que les maisons de soins palliatifs ne puissent plus exclure l'aide médicale à mourir de leur offre de soins. Cette proposition vise à favoriser un accès équitable aux soins de fin de vie et à offrir une continuité de soins aux patients qui y sont admis.

Au niveau des professionnels de la santé, le projet de loi propose que les infirmières praticiennes spécialisées puissent offrir tous les soins de fin de vie, y compris l'aide médicale à mourir, au même titre que les médecins. Le projet de loi propose qu'il soit dorénavant permis aux infirmières et infirmiers de constater les décès, et ce, tant pour l'aide médicale à mourir que dans toutes les autres circonstances de décès. Cette disposition, d'ailleurs, avait été émise lors de la pandémie et les interventions se sont démontrées probantes.

Afin de renforcer davantage le soutien des professionnels impliqués dans les soins de fin de vie, le projet de loi propose de rendre obligatoire la consultation de groupes interdisciplinaires de soutien. Ces groupes existent déjà dans plusieurs établissements, sans toutefois être obligatoires. Au sujet de la Commission sur les soins de fin de vie, celle-ci a pour mandat d'examiner toute question relative aux soins de fin de vie et de surveiller l'application des exigences particulières relatives à l'aide médicale à mourir.

Le projet de loi propose d'élargir les renseignements dont la commission peut disposer pour mieux accomplir son travail. On propose également d'augmenter le nombre de membres de la Commission sur les soins de fin de vie.

En conclusion, Mme la Présidente, je tiens à réitérer l'importance de ce projet de loi pour une fin de vie digne et à rappeler les principes sous-jacents à son étude, soit la rigueur, la bienveillance et la recherche d'équilibre entre l'autodétermination de la personne et la protection des personnes vulnérables. À l'avance, je tiens à remercier l'ensemble des députés, les groupes qui viendront partager avec nous leur expertise, leurs constats et leurs préoccupations et à souligner l'engagement de tous dans cet important exercice. Alors, je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, j'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Westmount—Saint-Louis à faire ses remarques préliminaires pour une durée de 3 min 36 s. Allez-y, Mme la députée.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, collègues. Évidemment, je suis contente...

Mme Maccarone : ...je suis contente d'être parmi vous. C'est la suite pour moi car j'ai été membre de la commission spéciale lors de la dernière législature. Je suis heureuse d'être accompagnée par la collègue de D'Arcy-McGee. Je pense que tous les deux, on amène quand même une expérience en ce qui concerne le concept de handicap.

Alors, je veux dire que nous, on a l'intention, évidemment, de poursuivre dans le débat en ce qui concerne le projet de loi n° 11 avec beaucoup de compassion. C'est un projet de loi qui est très émotionnel. On parle de l'humanité, on parle des soins de fin de vie, mais, en principe, on parle vraiment d'aide médicale à mourir. Parce que, malgré qu'on parle beaucoup de... Au début, on parlait d'un état et maintenant c'est une évolution à une maladie. On introduit la notion de handicap, puis je comprends qu'on parle de handicap neuromoteur, mais ça va en prendre une définition de ce que ça veut dire, la notion de handicap, pour assurer qu'on a une clarté en ce qui concerne l'adoption de cette loi, pour éviter qu'on a des dérives, pour protéger les personnes qui sont souvent en situation de vulnérabilité, et qu'ils sont vulnérables.

On va parler beaucoup de l'autonomie, on va parler beaucoup d'autodétermination, on va parler beaucoup d'aptitude, inaptitude, la notion de souffrance. C'est des concepts qui me préoccupent beaucoup. Les collègues qui ont siégé avec moi lors de la dernière commission spéciale vont s'en souvenir, que nous avons fait beaucoup de débats en ce qui concerne toutes ces notions, parce que c'est très humain, parce que ça peut être très subjectif. Alors, tout ce qu'il va être des balises en ce qui concerne les demandes anticipées me préoccupe énormément, ainsi que le débat en ce qui concerne l'introduction d'une notion de handicap, car nous n'avons jamais fait le débat ici, à l'Assemblée nationale, en ce qui concerne l'introduction d'une notion de handicap. Nous n'avons jamais fait le débat lors de notre dernière commission spéciale. Et, aussi, les collègues vont s'en souvenir, lors du dépôt du projet de loi n° 38 du ministre de la Santé lors de la dernière législature, c'était une notion qui a été introduite et retirée parce qu'on savait qu'on n'était pas prêts.

Et ce qui me préoccupe... Et j'ai hâte d'entendre tous les témoignages de tous les gens qui vont passer en consultation particulière, parce qu'on n'a pas fait un débat en ce qui concerne cette notion. Et ce que j'ai beaucoup appris de Lise Thériault, l'ancienne députée d'Anjou--Louis-Riel, au moment qu'on dépose un projet de loi, que le gouvernement dépose un projet de loi, ce n'est plus votre projet, c'est le projet de loi de la société. J'ai hâte d'entendre tous les témoignages et je remercie d'avance tous les gens qui vont venir partager leurs expériences, leurs compétences. Tout, que ce soit dans le cadre législatif ou personnel, ça va être important pour nous d'être à l'écoute. J'aurais souhaité avoir des consultations encore plus larges, parce que ça va être important de s'assurer que tous les gens qui souhaitent s'exprimer en ce qui concerne cette nouvelle notion soient entendus. On ne va pas en faire le débat ici, dans ce projet de loi, des troubles mentaux, mais c'est clair, il va y avoir des gens qui vont venir en témoigner à cet égard. Et j'espère qu'on va avoir une écoute ouverte et un esprit ouvert en ce qui concerne l'application de l'aide médicale à mourir parce que c'est un débat de société et ça représente une évolution pour tous les Québécois et Québécoises.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Maintenant, j'invite la porte-parole du deuxième groupe d'opposition et députée de Sherbrooke à faire ses remarques préliminaires pour une durée de 1 min 12 s. La parole est à vous.

Mme Labrie : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je dois dire que je me joins à vous avec beaucoup d'humilité sur ce dossier-là parce que je n'ai pas fait partie de la commission spéciale comme certaines de mes collègues. Mais ça me rassure de savoir que vous êtes autour de la table encore avec nous aujourd'hui pour nous partager tout cela.

Le dossier de l'aide médicale à mourir, c'est un dossier que j'ai suivi à distance depuis ses tout débuts parce que j'appréciais beaucoup, d'abord, comme citoyenne, puis ensuite comme députée, la manière dont ça se travaillait par consensus. Donc, moi, j'ai bien l'intention de travailler de cette manière-là avec vous. Je trouve ça très inspirant, la façon dont ça s'est déroulé jusqu'à maintenant, et puis j'espère que ça continuera d'être le cas.

• (10 heures) •

Je vais porter une attention particulière aux groupes qui viennent se prononcer sur l'enjeu de handicap neuromoteur, parce que ça n'avait pas été l'objet de discussions dans la Commission spéciale sur l'évolution de la loi, mais il y a quand même plusieurs groupes qui viennent s'exprimer là-dessus aujourd'hui. Donc, moi, j'arrive ici l'esprit ouvert. Si on est capables de dégager des consensus, on verra ce qu'on peut en faire, mais c'est vraiment ça qui va me guider.

Donc, merci, puis j'espère que l'ambiance sera bonne tout au long de ces travaux, parce que c'est quand même un enjeu délicat.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. J'invite maintenant la députée de Laviolette Saint-Maurice à faire ses remarques préliminaires pour une durée de 1 min 12 s. La parole est à vous.

Mme Tardif : Merci, Mme la Présidente. C'est avec émotion...


 
 

10 h (version non révisée)

Mme Tardif : ...que je prends la parole aujourd'hui, que je siège à titre de membre de cette commission. C'est un projet de loi, comme on l'a dit, qui vise à étendre la portée de l'aide médicale à mourir, mais je crois que ça représente probablement un des sujets les plus importants sur lequel nous allons légiférer.

Et, en ce sens, ça a été dit aussi, mais on va poursuivre le travail que vous avez fait, chers collègues, l'énorme travail, devrais-je dire, qui a été accompli par les membres de la Commission spéciale sur l'évolution de la loi concernant les soins de fin de vie. Et tout comme eux, je m'engage à être à l'écoute des organismes qui ont déposé un mémoire et qui vont venir nous donner leur avis, car il est essentiel que la loi soit représentative de notre société. Nous devons tous nous sentir respectueux, sereins et en paix lorsque ce projet de loi sera adopté.

Aussi, pour ma part, je suis confortable avec le fait qu'un trouble mental ne soit pas considéré comme une maladie admissible. Je suis en accord que, comme les médecins, les infirmières praticiennes spécialisées qui le souhaitent, c'est bien important, puissent administrer la sédation palliative continue et l'aide médicale à mourir.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Mme la députée, votre temps est malheureusement écoulé. Merci beaucoup, merci.

Alors, avant d'entamer le début des auditions, je vais suspendre quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 03)

(Reprise à 10 h 07)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre les travaux de la commission. Nous sommes donc rendus aux auditions particulières pour une durée de total de 45 minutes. Le gouvernement aura 16 minutes de 30 secondes, l'opposition officielle neuf minutes 54 secondes, le deuxième groupe de l'opposition trois minutes 18 secondes et les indépendants... l'Indépendante trois minutes 18 secondes.

Je souhaite donc la bienvenue aux représentants suivants, c'est-à-dire madame Nicole Filion et monsieur Jocelyn Maclure. Bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons, par la suite, à la période d'échanges avec les parlementaires. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre exposé. La parole est à vous.

Mme Filion (Nicole) : Bonjour. Mon nom est Me Nicole Fillon, avocate. Et je suis ex-directrice générale des affaires juridiques au bureau du Curateur public du Québec.

M. Maclure (Jocelyn) : Jocelyn Maclure, professeur de philosophie à l'Université McGill et président de la Commission d'éthique en sciences et technologies du Québec.

Mme Filion (Nicole) : Alors, bonjour à tous. À titre de co-présidents du Groupe d'experts sur la question d'inaptitude et l'aide médicale à mourir, nous sommes bien heureux, Monsieur Maclure et moi-même, de pouvoir participer aux consultations sur le projet de loi n° 11.

D'entrée de jeu, nous voulons vous rappeler que le groupe d'experts avait été constitué à l'époque à la demande du ministre de la Santé et des Services sociaux en 2017, et il était composé de 13 experts qui étaient issus de différents domaines, dont la médecine, la pharmacie, les sciences infirmières, la psychologie, le travail social, la philosophie, le droit et la défense des droits des usagers. Le mandat du groupe était notamment d'analyser des situations pour lesquelles l'aide médicale à mourir serait souhaitable en cas d'inaptitude, le cas échéant, et aussi de rédiger un rapport faisant état de ses recommandations. Le rapport a été déposé en novembre 2019 et était intitulé L'aide médicale à mourir pour les situations... pour les personnes en situation d'inaptitude, le juste équilibre entre le droit à l'autodétermination, la compassion et la prudence. Il figure à la page 2... le lien figure à la page 2 de notre mémoire.

D'entrée de jeu, on doit rappeler qu'on ne peut exprimer des opinions sur le projet de loi 11 au nom des experts qui ont constitué le groupe puisque le mandat du groupe est terminé et que le groupe a été dissous, mais nous pouvons affirmer que le projet de loi, et plus spécifiquement les dispositions qui traitent de la demande anticipée d'aide médicale à mourir, est de façon générale en adéquation avec les conclusions auxquelles en sont venus le groupe en 2019. Dans le mémoire du 31 mai 2022, eu égard au projet de loi n° 38, nous avions exprimé des réserves dont va vous faire part Monsieur Maclure.

• (10 h 10) •

M. Maclure (Jocelyn) : Merci beaucoup, Nicole. Donc, lors de notre mémoire dans le cadre du projet de loi n° 38 ans, on avait exprimé quatre grandes réserves, dont une réserve importante sur la notion de refus de recevoir l'aide médicale à mourir par une personne qui est en situation d'inaptitude et qui aurai fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir auparavant, lorsqu'elle était apte. Une autre réserve sur le rapport entre les souffrances détaillées, décrites dans la demande anticipée versus les souffrances contemporaines, objectivables, vécues par une personne en situation d'inaptitude. Une réserve aussi concernant la prise en considération des personnes isolées, et une autre quant à l'implication des proches dans la formulation d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Comme Me Filion l'a dit, le projet de loi 11 est nettement supérieur au projet de loi n° 38 sur ces questions.

J'y reviens à tour de rôle, mais en m'attardant à la question du refus, parce que je pense que c'est là où il reste...

M. Maclure (Jocelyn) : ...l'ambiguïté dans le projet de loi n° 11, même si cet enjeu-là est mieux traité que dans le projet 38. Donc, pour être très spécifique, le projet de loi n° 1, s'il est adopté en l'état, le nouvel article 29.19 de la Loi concernant les soins de fin de vie inclura les troisième et quatrième alinéas suivants. Donc, je cite le texte du projet de loi :

«Tout refus de recevoir l'aide médicale à mourir manifesté par la personne doit être respecté et il ne peut d'aucune manière y être passé outre.

«Pour l'application du troisième alinéa, une manifestation clinique découlant de la situation médicale de la personne ne constitue pas un refus de recevoir l'aide médicale à mourir.» Fin de citation.

Donc, cette idée est très importante, qu'il y ait une manifestation clinique qui découle de la situation médicale ne constitue pas un refus. Donc ça, c'est vraiment un pas dans la bonne direction.

Les nouveaux articles 30.1 et 30.2 de la loi se liront comme suit, si le p. l. n° 11 est adopté :

«Une demande anticipée ne devient pas caduque du fait qu'un professionnel de compétent a conclu qu'il ne peut administrer l'aide médicale à la mourir, à moins que cette conclusion ne découle du refus de recevoir cette aide manifestée par la personne.

La proposition est qu'il faut préciser ce qui constitue un refus.

«30.2. Lorsqu'un professionnel compétent conclut qu'il ne peut administrer la médicale à mourir à une personne qui a formulé une demande anticipée en raison du refus de recevoir cette aide manifestée par la personne, il doit s'assurer que la demande est radiée dans les plus brefs délais du registre établi en vertu de l'article 63.»

Donc, quand on met ces quatre dispositions-là ensemble, je pense... on pense que ça peut créer un flou, une incertitude dans l'application de la loi. Donc, on présume que la notion de refus de recevoir l'aide médicale à mourir lorsqu'on est en situation d'inaptitude, ça s'applique à une personne qui a perdu l'aptitude, hein, à consentir à ces soins. Et c'est pour ça qu'elle aurait dû d'abord... une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Mais quel est le sens de refus d'une personne qui m'est plus apte à évaluer les soins de santé qu'elle souhaite recevoir? Ça ne peut pas être un refus issu d'une délibération rationnelle sur les soins de fin de vie qu'elle souhaite. Ce serait un refus qui se manifesterait sans doute par de la résistance, une certaine forme d'agitation.

Évidemment, si c'est un refus qui est issu d'un retour passager à la lucidité, la volonté doit être respectée. Et si la personne dit qu'elle ne souhaite pas recevoir l'aide médicale à mourir, cette demande doit être en fait radiée. Donc là, il n'y a pas d'enjeu éthique de ce côté-là. Mais, si la personne demeure en situation d'inaptitude, donc là, il faut se demander : Est ce que, bon, c'est un refus par rapport à quoi, hein? Par rapport aux procédures mises en place par les professionnels de la santé et, si c'est le cas, bien, on ne croit pas que ça devrait mener à la radiation de la demande, hein. Peut-être qu'il faut reporter la procédure, peut être que les circonstances ne sont pas appropriées, mais ça ne devrait pas mener à un refus.

Donc, notre position, c'est que s'il y a ce qu'on pourrait penser, on pense qu'il faudrait préciser. Est-ce que le refus en question doit être A lorsque la personne n'est pas encore apte pour que la demande soit radiée? Et je pense que c'est ça qui découle de l'esprit de la loi lorsqu'on dit que le refus ne doit pas être une manifestation clinique de l'état de la maladie. On pense que c'est sans doute ce que ça implique, mais ce n'est pas clair dans la loi présentement. Sur le plan des souffrances subjectives et versus objectives, on pourra reparler si vous voulez,  le projet de loi est plus satisfaisant. Je laisse la parole à Nicole pour les dernières minutes.

Mme Filion (Nicole) : D'accord. Nous avions aussi des remarques eu égard aux personnes totalement isolées. Alors, nous avions, à l'époque, le groupe d'experts, exprimé une préoccupation sur le sort de ces personnes-là. On était d'avis que l'impossibilité de désigner un tiers ne devait pas pour autant compromettre le droit à l'autodétermination de la personne qui a rédigé une demande anticipée. Nous saluons le fait que le législateur dans le p. l. 11 ait considéré une telle préoccupation en introduisant de nouveaux articles, en l'occurrence les articles 29.6, 29.14 à 29.16.

À la lumière de ces articles-là, nous comprenons qu'il peut y avoir un tiers de confiance ainsi qu'un second tiers de confiance. Et malgré qu'ils soient tous deux dans l'impossibilité d'agir ou ne pas avoir été identifiés dans une demande anticipée, un professionnel de l'équipe de soins et même tout autre personne peut signaler aux professionnels compétents la possibilité que la personne éprouve des souffrances. Nous sommes très rassurés de ce fait-là et, selon nous, ça constitue un filet de sécurité très appréciable pour que la personne qui peut continuer d'exercer son autonomie malgré son inaptitude...

Mme Filion (Nicole) : ...Donc, pour ce qui est des articles, nous sommes également d'avis qu'ils sont... ce sont des remèdes suffisants pour répondre à une personne qui est isolée et qui reçoit... Qui ne reçoit pas des soins en continu dans la mesure où lorsqu'une personne reçoit un diagnostic grave et incurable, elle est généralement suivie par une équipe soignante multidisciplinaire ou à tout le moins un médecin.

L'implication des proches selon la volonté de la personne. Le p.l. prévoit, dans le cadre d'une demande contemporaine, l'implication des provinces. Ça, de ce côté-là, ça ne pose aucun problème.

Là où on voit encore une problématique, c'est dans le cadre d'une demande anticipée. Nous constatons à regret que l'implication des proches n'est pas prévue dans les circonstances suivantes. Il s'agit de quatre circonstances quand même importantes et je veux les identifier : la survenance de l'inaptitude d'une personne qui a formulé une demande, lorsque le professionnel procède à l'examen de la personne, lorsqu'elle paraît éprouver des souffrances, lorsqu'il a effectué un examen et qu'il rend ses conclusions ou lorsqu'il est temps pour le professionnel compétent de poser un geste aussi radical que l'aide médicale à mourir, soit avant de procéder à l'administration. Donc, l'implication, on constate que l'implication des proches est abordée uniquement lorsque le professionnel invite la personne à s'entretenir avec ses proches, lorsqu'elle formule sa demande, à l'article 29.4. Donc, on pense qu'il y aurait lieu pour le législateur de considérer sérieusement cette question-là.

En conclusion, nous accueillons favorablement les dispositions du projet de loi qui portent sur la possibilité d'une personne qui reçoit un diagnostic de rédiger une demande anticipée d'aide médicale à mourir. On croit que ces dispositions-là favorisent le droit à l'autodétermination des personnes quant aux soins de vie qu'elles souhaitent obtenir, tout en protégeant les personnes qui sont éminemment vulnérables, soient celles qui se trouvent en situation d'inaptitude. Cependant, on croit que les dispositions concernant les refus de recevoir l'aide médicale à mourir gagneraient à être clarifiées et qu'on pourrait prévoir une implication plus grande des proches, en particulier ceux qui ne jouent pas le rôle de tiers de confiance, évidemment, dans la mesure où la personne malade en a exprimé la volonté de manière explicite ou tacite. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, madame Filion. Merci, monsieur Maclure. Alors, nous allons entamer la période d'échange avec les parlementaires. Je vais donc céder la parole à la banquette de la ministre. Vous aurez un temps total de 15 minutes 30 secondes. La parole est à vous.

Mme Bélanger : Alors, je vais débuter et, si mes collègues veulent poursuivre, naturellement, vous êtes les bienvenus.

D'abord, merci beaucoup, Maître Filion et monsieur Maclure, pour votre exposé. Merci pour le dépôt du mémoire. En fait, et ce que je constate, c'est que le p.l. no 11 semble répondre en grande partie de façon satisfaisante, là, aux préoccupations qui ont été énoncées lors de l'étude du projet de loi no 38 et lors du précédent mémoire. Moi, j'ai peut-être une question qui m'interpelle davantage, c'est sur la notion de refus. Vous avez parlé tantôt de la notion de reflux et qu'arrive-t-il au moment où la personne n'est plus apte à consentir, comment interpréter que la personne refuse maintenant d'aller de l'avant avec l'aide médicale à mourir, j'aimerais vous entendre davantage sur cette notion.

• (10 h 20) •

M. Maclure (Jocelyn) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Oui, c'est un enjeu extrêmement difficile. Vous êtes peut-être au fait d'un cas aux Pays-Bas où une personne qui avait à répétition réitéré une demande anticipée d'euthanasie, dans ce cas-là, avait très, très souvent réitéré sa volonté. Mais, au moment de l'administration de l'euthanasie, a résisté, a éprouvé un malaise, et, bon, les professionnels de... soignants étaient dans une certaine détresse, hein, ne savaient pas comment gérer cette résistance. Et c'est le genre de situation, effectivement, qu'on veut éviter. Mais, bon, il faut se rappeler que, si on permet les demandes anticipées d'aide médicale à mourir, c'est pour respecter la volonté de la personne lorsqu'elle était en pleine possession de ses facultés rationnelles, qui a réfléchi à ce qu'elle souhaitait pour sa fin de vie, a exprimé la volonté d'avoir accès à l'aide médicale à mourir une fois, hein, qu'elle...

M. Maclure (Jocelyn) : ...une fois qu'elle serait en situation de souffrance, hein, réfractaire aux traitements, avec un déclin irréversible, et ainsi de suite. Donc, si on en arrive à la conclusion qu'il faut radier une demande, il faut s'assurer, hein, que ça vienne vraiment de la volonté de la personne et que ça ne soit pas une manifestation de son état de santé à ce moment-là, une fois qu'elle a perdu les moyens de réfléchir de façon rationnelle à ce qu'elle souhaite pour sa fin de vie.

Donc, je pense que ça prend un protocole clinique très clair. Comment on administre une AMM à une personne en situation d'inaptitude? Quelles sont les bonnes pratiques? Et, s'il y a de la résistance, on peut arriver à la conclusion que ça devrait être reporté à un autre moment. Mais, s'il y a une radiation de la demande, je pense que ça doit être lors de s'il y a un retour à la lucidité, hein? Ça peut arriver aussi. Si la personne est redevenue apte à évaluer ce qu'elle souhaite pour elle-même, donc là, il faut effectivement respecter sa volonté. Mais, si c'est des symptômes cliniques... Et la notion de refus, dans le projet de loi, n'est pas précisée, là. Est-ce que c'est en situation d'aptitude ou est-ce que ça inclut des situations d'inaptitude? Et, si c'est le cas, ça me semblerait problématique.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...à vous.

Mme Bélanger : O.K. Oui. Alors... bien, écoutez, peut-être... Ce que je comprends, dans le fond, c'est qu'on doit s'assurer que les professionnels soient en mesure de bien faire la différence entre un refus de soins versus une résistance aux soins. Et ce que vous recommandez, c'est que, dans l'élaboration d'un protocole, il y ait des signes cliniques ou des manifestations, là, pour guider les professionnels dans leurs décisions et... dans leur évaluation d'abord et dans leurs décisions par la suite. Est-ce que c'est bien ça?

M. Maclure (Jocelyn) : C'est exactement ça. Et, si possible, est-ce que le refus qui suppose l'aptitude? Je pense que, logiquement, ça devrait être le cas. Sinon, ça devrait être interprété comme une résistance.

Mme Bélanger : O.K. Ça va pour moi, oui.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, merci beaucoup, madame Mme la ministre. On a une question de Mme la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Bonjour, merci d'être présent avec nous aujourd'hui. Moi, je reviens sur la question de refus. Est-ce qu'on devrait l'aborder dans la... Quand il est question de remplir la demande anticipée, est-ce que la personne devrait dire : Bien, moi, même s'il y a un refus, je souhaite qu'on aille au bout ou, non, si vous voyez qu'il y a un refus, je ne veux pas? Est-ce que cette cet aspect-là devrait d'emblée être mentionné dans le formulaire de demande, d'après vous?

M. Maclure (Jocelyn) : Nicole, est-ce que tu veux intervenir ou tu...

Mme Filion (Nicole) : Je te laisse continuer sur ta lancée.

M. Maclure (Jocelyn) : O.K. Parfait. Je pense qu'il faut d'abord élaborer le protocole clinique avant de pouvoir répondre à cette question-là. Entre autres, dans ce protocole, on va déterminer quel est... quelles sont les bonnes pratiques eu égard à l'utilisation de sédatifs, hein, de calmant, qu'est-ce qui se fait présentement lors de l'administration de soins à des personnes en situation d'inaptitude. Et, une fois qu'on aurait répondu à ces questions, élaborés le protocole, je pense qu'après on pourrait revenir à cette question. Parce que, si ça fait déjà partie du protocole de donner quelque chose pour calmer la personne qui ne comprend pas ce qu'il se passe, bien, la... c'est... je pense qu'on peut respecter la volonté qu'elle a exprimée antérieurement. Mais, bon, est-ce qu'on devrait encourager les personnes à préciser quoi faire si leur soi contemporain, là, est en situation d'agitation? Je pense qu'on ne perd rien de le faire, mais je pense qu'il faut d'abord réfléchir au protocole clinique à mettre en œuvre dans ces situations-là.

Mme Guillemette : Parfait, merci. J'aurais peut-être une dernière question avant de passer la parole à mes collègues. Pour vous, on parle de souffrance contemporaine, de souffrance anticipée. Pour vous, est-ce que la souffrance psychologique qui serait anticipée par quelqu'un... et là je comprends que ce n'est pas, bien, lorsque je ne reconnaîtrai plus mes proches, lorsque je serai incontinent, mais vraiment une souffrance qu'elle aura identifiée comme psychologique. Est-ce que, pour vous, c'est admissible à la notion de souffrance ou c'est vraiment une souffrance physique, pour vous, qui devrait être admise?

M. Maclure (Jocelyn) : Je pense que, dans les demandes anticipées, dans la description...

M. Maclure (Jocelyn) : ... de ce qui va constituer des souffrances intolérables, je pense que, bon, la personne peut décrire ce qu'elle ressent quand même comme étant des souffrances qu'elle souhaite éviter.

Mais, bon, vous vous rappelez, le sens de notre recommandation était qu'on évite de procéder trop tôt à une aide médicale à mourir pour éviter qu'elle soit administrée dans une situation de démence relativement paisible ou plutôt heureuse. Et ça, c'est compatible avec le fait qu'on ne reconnaisse plus ses proches, hein? Donc, je pense que, dans la demande anticipée, la personne peut décrire sa propre perception, mais elle doit, au moment de l'administration, être en situation de souffrance objectivable, là. Il faut voir qu'elle n'a plus de qualité de vie, qu'elle souffre, et ça peut inclure des souffrances psychiques aussi et physiques.

Nicole, je ne sais pas si tu voulais ajouter quelque chose.

Mme Filion (Nicole) : Bien, je fais un petit peu du pouce sur l'implication des proches. Je pense que l'implication des proches est très importante en ce sens où les proches sont une mine d'informations très, très riche, entre autres, justement, pour décoder des signaux de souffrance chez la personne malade qui sont souvent des souffrances d'ordre psychologique, par exemple la peur, de l'anxiété, de la détresse. Alors, je pense que ce serait intéressant de ne pas se priver des proches qui peuvent vraiment aiguiller le professionnel sur des souffrances qu'il a à observer de façon tout à fait objectivable. Voilà.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Est-ce que j'ai d'autres questions? Il reste six minutes de 50 secondes. Mme la députée de Châteauguay, la parole est à vous.

Mme Gendron : Bonjour, Me Filion, Monsieur Maclure. Merci d'être avec nous ce matin puis de nous permettre ces belles discussions. En fait, je vais faire un peu du pouce sur ce que vous avez dit, Me Filion. Je veux aller y voir un petit peu plus la notion... Vous avez noté, en fait, de demander de l'implication des proches, que l'implication des proches devrait être plus intégrée à la démarche. Est-ce que vous avez une piste d'idées ou des exemples à nous fournir, s'il vous plaît?

Mme Filion (Nicole) : Oui, absolument. Je veux d'entrée de jeu vous dire qu'il faut que la personne malade ait exprimé explicitement ou tacitement une volonté, hein, de voir ses proches impliqués. Peut-être qu'elle a choisi délibérément de ne pas vouloir impliquer les proches pour toutes sortes de raisons qui lui appartiennent. Cependant, je pense que le législateur devrait étudier l'option que, dans la loi, y figure un article qui énonce, si on veut, un principe général qui pourrait stipuler qu'à moins qu'il y ait l'expression d'une volonté à l'effet contraire provenant de la personne inapte, les proches devraient être considérés ou pris en compte dans une démarche de demande anticipée d'aide médicale à mourir. Personnellement, je crois que, si on ne prévoit pas une telle disposition, je crains que la loi soit malheureusement appliquée au pied de la lettre et elle pourrait causer des préoccupations aux proches aidants et à la famille qui entourent la personne dans la dernière phase de sa maladie.

Je pense que... Je réitère le fait que la place du tiers de confiance est prépondérante dans le cadre de la demande anticipée, et c'est très bien ainsi, je ne remets pas en question. Au contraire, dans notre recommandation, je crois que c'était la recommandation sept du rapport du groupe d'experts déposé en novembre 2009, nous en avions fait une question prépondérante. Cependant, je pense qu'il devrait y avoir lieu de trouver une place, minime soit-elle, dans la loi aux proches, sous réserve de la volonté exprimée de façon tacite ou exprès de la personne malade.

• (10 h 30) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Mme Gendron : Bien, si vous pouvez me permettre, j'aimerais juste préciser quelque chose. Donc, j'entends que vous désireriez qu'on s'informe auprès des proches si la procédure doit être faite à un moment donné. Est-ce que c'est ce que je comprends?

Mme Filion (Nicole) : Pas tout à fait. En fait, d'entrée de jeu, il faudrait voir la volonté de la personne. Ça, c'est la première chose à faire au moment où elle formule sa demande anticipée d'aide médicale à mourir. Souhaite-t-elle ou non l'implication de ses proches? Elle a le droit de ne pas souhaiter l'implication de ses proches, et c'est son choix...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

Mme Filion (Nicole) : Ceci étant dit, on voit beaucoup dans les dispositions de la loi, dans le cadre d'une demande anticipée, l'implication du tiers de confiance. J'en suis tout à fait d'accord avec ça. Mais, si vous lisez les dispositions, vous allez voir que les proches ne sont pas là autrement que dans l'application de l'article 29.4, au moment où la personne formule sa demande et que le professionnel compétent l'invite, si elle le souhaite, à consulter ses proches. Mais, tout le long du processus menant à... jusqu'à l'administration de l'aide médicale à mourir, les proches n'y sont pas. Alors, je pense que ce serait bien qu'on ait une clause de nature générale pour voir, toujours sous la base de la même réserve que je viens de vous expliquer, si des proches pourraient ou pas être considérés dans la démarche d'une demande anticipée d aide médicale à mourir.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Je pense qu'on a une question de Mme la ministre.

Mme Bélanger : En fait, je pense que la discussion est fort pertinente. La notion de proche, elle est importante, on le sait, là, quand on... tout au long de notre vie, en particulier quand on arrive en fin de vie. Mais est-ce que vous ne craignez pas qu'il y ait un problème de confusion des rôles entre le tiers de confiance et les proches? Parce qu'on sait très bien qu'une personne pourrait choisir un tiers de confiance - on suppose qu'elle fait confiance, donc qu'elle est proche - mais quelle serait la nuance entre une personne qui choisit un tiers de confiance qui est une amie, par exemple, versus les proches, qui sont les enfants? Est-ce qu'il n'y aurait pas un risque, en amenant la notion de proche, si on ne le définit pas, de créer, je dirais, de l'incertitude par rapport au rôle que doit avoir le tiers de confiance?

Mme Filion (Nicole) : Je peux répondre à ça, en ce sens où le tiers de confiance n'est pas un mandataire. Ce n'est pas lui qui décide, ce n'est pas un tuteur, ce n'est pas un curateur, c'est une personne qui souvent a gagné la confiance, évidemment, de la personne malade et peut attirer l'attention du personnel médical sur, par exemple, les souffrances que la personne malade éprouve.

Quant aux proches, quant à moi, ils peuvent avoir un rôle tout à fait complémentaire, c'est-à-dire... souvent ce sont des proches aidants. Les tiers de confiance ne sont pas nécessairement des proches aidants. Mais les proches peuvent témoigner de l'histoire de la personne malade, rapporter son vécu, ses valeurs, les facettes de son existence et ils peuvent, et c'est quelque chose à ne pas négliger, témoigner des volontés que la personne malade a déjà exprimées par le passé, de ce que ça... ce qu'elle souhaitait comme mort digne. Alors, je ne vois pas de conflit entre les deux rôles, et, ceci étant dit, je reviens sur le fait que la personne peut très bien choisir de ne pas impliquer, de ne pas vouloir impliquer ses proches, et quant à moi c'est tout à fait acceptable, si c'est de sa volonté.

Je ne sais pas, Jocelyn, si tu veux compléter.

M. Maclure (Jocelyn) : Bien, peut-être juste pour dire que... je pense...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Le temps est écoulé, je m'excuse.

M. Maclure (Jocelyn) : Parfait.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Le temps est écoulé pour la partie du gouvernement. Par contre, on va continuer ces discussions fort intéressantes avec la députée de Westmount-Saint-Louis. Votre temps est de 9 min 54 s.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bien, je vais prendre la balle au bond, parce que les questions sont très pertinentes. Quand on parle de... le rôle de tiers de confiance, je pense que c'est très important, puis vous soulevez vraiment quelque chose qui est important souvent dans la vie de la personne concernée, puis, je suis d'accord, ce n'est pas le proche aidant ou la personne qui est désignée comme tiers de confiance qui va administrer l'aide médicale à mourir, c'est eux qui vont peut-être soulever le questionnement : Est-ce que ma mère, est-ce que mon ami, est-ce que la personne dont je suis responsable est rendue à un point où nous devons se préoccuper de la demande anticipée? Et j'ajoute que dans les statistiques, 27 % de l'aide médicale à mourir qui est administrée est faite à domicile. Ça, c'est les statistiques de 2020-2021. C'est quand même 40 % des demandes. Alors, est-ce que c'est... C'est important.

D'abord, comment nous devons le baliser dans la loi pour que le rôle de tiers de confiance soit vraiment pris en considération? Est-ce que, selon vous... Parce que, moi, je suis...

Mme Maccarone : ...heureuse que vous nous accompagniez toujours dans ce processus. Vous êtes là vraiment depuis le début. Comment l'élaborer dans la loi pour que ça soit clair, le rôle de cette personne? Est-ce qu'on dit que c'est eux qui devraient peut-être, s'ils sont nommés, être le précurseur? Parce qu'on veut respecter l'autonomie de la personne concernée.

Mme Filion (Nicole) : Vas-y, Jocelyn. Je te cède la parole.

M. Maclure (Jocelyn) : Bien, très brièvement, parce que, vraiment, Me Filion était au Curateur public avant, puis c'est vraiment une experte dans le domaine, mais je pense que les dispositions actuelles qui concernent le tiers de confiance sont en adéquation avec l'esprit de nos recommandations. C'est une personne qui n'a pas un droit de veto, c'est une personne qui attire l'attention de l'équipe soignante, qui est aussi une mine d'informations, et ainsi de suite, mais sans avoir de droit de veto. Et on est heureux qu'il y ait un deuxième tiers de confiance qui puisse être désigné aussi.

Ceci étant dit, la personne peut avoir été accompagnée par plusieurs proches pendant tout ce processus et peut-être qu'une application trop stricte ou étroite de la loi pourrait convaincre un médecin, par exemple, de simplement s'entretenir avec un tiers de confiance, alors qu'il y avait peut-être des enfants, des frères et soeurs aussi qui ont toujours été impliqués. Je pense que c'est l'esprit de la recommandation de Me Filion.

Mme Maccarone : Et je présume que la notion aussi de s'assurer que le tiers de confiance... que ça soit clair que... Exemple, si les professionnels qui entourent la personne concernée disent que nous... pensent que nous sommes rendus à un moment où nous, selon la demande anticipée, nous devons poursuivre parce que l'état de la personne est rendu à un point où on peut administrer les soins de fin de vie, mais le tiers de confiance dit : Non, non, je ne suis pas d'accord. Est-ce que ça aussi, c'est une leçon que nous devons aussi élaborer dans la loi pour assurer qu'on respecte aussi le droit et l'autonomie de la personne qui a fait la demande anticipée?

Mme Filion (Nicole) : Je dois vous dire que 29.6 vient bien camper les responsabilités du tiers de confiance dans la demande anticipée, notamment d'aviser le professionnel de la santé lorsqu'il croit que la personne éprouve des souffrances telles qu'elles sont décrites dans la demande. Et, à partir de ce moment-là, il y aura... ce que j'en ai compris, évidemment, il y aura l'entrée en scène du professionnel de la santé qui va procéder à un examen. Donc, dans le fond, le tiers de confiance, c'est celui qui lève le drapeau rouge, qui va dire aux gens, l'équipe médicale : Écoutez, moi, j'ai comme l'impression, puis c'est bien campé à 29.6, que la personne souffre et je demande à ce qu'est un examen qui soit réalisé. Et ça aussi, tout l'aspect examen par le professionnel compétent tout à fait bien campé dans le projet de loi, là, 11. Donc...

Mais, ceci étant dit, je pense que l'entrée en scène d'un tiers de confiance ne devrait pas nécessairement vouloir dire qu'on exclut de façon radicale l'implication des proches. Et, quand je parle d'implication des proches, là, c'est peut-être juste de les tenir informés de ce qui se passe, point à la ligne.

• (10 h 40) •

M. Maclure (Jocelyn) : Si je peux ajouter quelque chose, c'est une très bonne question, je pense qu'on pourrait décider de procéder à l'aide médicale à mourir suite à un examen des professionnels de la santé. C'est possible qu'un tiers de confiance considère que ça ne soit pas le... ça soit trop rapide, et il faut prendre son point de vue au sérieux aussi, mais c'est... L'esprit de notre recommandation, c'était d'abord une mesure de protection supplémentaire au cas où les professionnels de la santé ne seraient pas au fait qu'il y aurait une demande anticipée ou aurait perdu de vue qu'il y en a une, il peut y avoir quelqu'un qui dit : Bien, écoutez, là, mon proche souffre vraiment, c'est peut-être le temps d'exécuter sa volonté.

Mais, si le tiers, lui, n'est pas prêt mais que les médecins et les personnels soignants considèrent que là l'état s'est beaucoup dégradé, la personne est en souffrance constante, ça peut justifier aussi l'administration de l'aide médicale à mourir. Il n'y a pas un droit de veto, là, du tiers de confiance ni dans la loi ni dans l'esprit de nos recommandations.

Mme Maccarone : Je veux retourner sur la notion de leur refus. Parce que, selon vous, dans votre mémoire puis dans vos remarques, si j'ai bien saisi, vous, vous pensez que nous devons ajouter une définition de la notion de refus dans la loi. Ça prend un article pour que ça soit plus clair. Oui?

M. Maclure (Jocelyn) : Oui, parce que, présentement, on peut interpréter les dispositions comme...

M. Maclure (Jocelyn) : ...refus pouvant être exprimé en situation d'inaptitude. Et, si c'est le cas, là il y a une ambiguïté, parce qu'en même temps, on dit que si c'est une manifestation clinique de la maladie, ça ne doit pas être vu comme un refus. Alors, est-ce que ça signifie que c'est simplement en situation d'aptitude qu'il puisse y avoir un refus? Et là, le texte ne le dit pas. Il y a une sorte de sous-détermination et ça pourrait créer peut-être une certaine confusion pour les cliniciens.

Mme Maccarone : Sauf que, dans votre mémoire, vous n'avez pas fourni une définition de c'est quoi, un refus. Alors, je vous vois sourire, évidemment, ce n'est jamais trop tard. Nous, on est prenants pour les amendements. Mais je pense que ça va être important si vous pouvez vous exprimer en ce qui concerne la notion, puis ça devrait avoir l'air de quoi dans la loi. Parce que je vous soumets aussi, on parle de refus, mais on n'a pas parlé de démence heureuse, que nous savons tous, surtout, on a tous entendu les témoignages de par exemple madame de Montigny, qui a passé beaucoup aux nouvelles lors de la commission spéciale aussi. Si c'est clairement indiqué dans une demande anticipée, c'est fait... On a fait la recommandation de faire des témoignages par vidéo, par exemple, si c'est clairement indiqué que, peu importe, si j'arrive à un tel moment puis je dis : pour moi, là, ça, c'est un refus, si je suis rendu à un moment dans ma vie où c'est une démence heureuse, mais je souhaite quand même poursuivre, est-ce que, ça, ça peut faire partie d'une définition que nous avons besoin de la loi aussi? Parce que c'est rendu à un point où, moi, mon autodétermination, mon choix, c'est de ne plus vivre parce que ce n'est plus moi, rendu à ce moment-là. Mais comment est-ce qu'on peut équiper aussi le corps professionnel? Parce que, c'est sensible, c'est humain, c'est difficile, c'est catégorisé pour moi aussi comme un type de refus.

M. Maclure (Jocelyn) : Oui. Un des choix que le groupe d'experts a fait, c'est d'exclure l'administration d'aide médicale à mourir pour des personnes en situation de démence relativement heureuse et paisible, hein? C'est... ça a été une des grandes questions qu'on avait à... Sur laquelle on devait se prononcer, une des plus complexes, et on considère que tous les autres critères qui donnent accès à l'AMM doivent être respectés lors de l'administration. Donc, il doit y avoir souffrance persistante, réfractaire aux traitements, il doit y avoir un déclin irréversible de la maladie, et avancé, donc ça exclut ces moments de démence heureuse. Même si une personne inscrivait dans une demande anticipée que, lorsque je reconnais plus mes proches, même si j'ai l'air d'être dans un certain bien-être, c'est à ce moment-là que je voudrais l'AMM, nos recommandations, c'est que, non, ça, c'est trop tôt parce que la personne devenue inapte acquiert des nouveaux intérêts à ce moment-là, a un certain bien-être, on veut lui permettre de vivre cette période-là avant de passer à l'administration d'un soin, hein, qui est l'aide médicale à mourir. Donc, ça exclut déjà ce genre de possibilité là. Et évidemment, là, je parle en mon nom, parce que, le groupe, on n'a pas été dans le fin détail là-dessus. Pour moi, un refus doit... Qui mène à une radiation de la demande doit être issu d'une réflexion rationnelle sur les soins qu'on se souhaite. Donc, ça doit être en situation d'inaptitude. Si c'est de la résistance en situation d'inaptitude, ça peut mener au report de la procédure et non pas à la radiation. Mais, ça, c'est mon point de vue personnel, hein, je ne m'exprime pas au nom du groupe sur cette question.

Mme Maccarone : Merci. Est-ce qu'il reste du temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Dix secondes pour une petite question rapide, rapide.

Une voix : Je pense qu'on va laisser faire.

Mme Maccarone : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : On va laisser faire. Merci beaucoup. Alors, on est maintenant... Merci beaucoup pour ces réponses. On est maintenant rendus à la députée de Sherbrooke. Vous bénéficiez de trois minutes 18 secondes.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Je vais poursuivre sur la question de tiers de confiance parce que vous nous amenez à réfléchir à l'implication de davantage de proches, là. Le projet de loi prévoit deux tiers de confiance, est-ce qu'il y a une raison pour laquelle on devrait limiter le nombre de tiers de confiance? Par exemple, une personne qui désigne son mari mais qui a plusieurs enfants, si son mari décède entre-temps, on va se retrouver sans tiers de confiance. Est-ce qu'une personne ne pourrait pas avoir le droit de nommer sans qu'il y ait nécessairement une limite au nombre de tiers de confiance qui pourraient être habilités à lever le drapeau sur sa souffrance?

Mme Filion (Nicole) : Je crois que le projet de loi no 11 prévoit un tiers de confiance et un second tiers de confiance, tout ça dans le but de pouvoir s'assurer que la condition de la personne malade soit considérée en temps utile, alors qu'elle exprime des souffrances, et cetera, et cetera. Et je pense que le projet de loi no 11 répond très bien et davantage de ce que répondait le projet de loi no 38 sur cette question-là, à savoir au-delà des...

Mme Filion (Nicole) : ...tiers de confiance, on responsabilise en quelque sorte, si je peux m'exprimer ainsi, aussi es professionnels de l'équipe soignante et aussi toute autre personne qui pourrait être témoin de souffrances qu'exprime.... Donc, tout ça pour lever le drapeau, comme je le disais tout à l'heure et pour s'assurer que la personne sera prise en charge par le professionnel compétent qui, dès lors, va procéder à l'examen de la personne selon les prescriptions, là des articles 29.12 et suivants. Donc, quant à moi, c'est suffisant parce qu'il y a un filet de sécurité qui vient entourer la personne.

Mme Labrie : Est ce que, M. Maclure, vous souhaitez vous exprimer aussi sur...

M. Maclure (Jocelyn) :  Ça va pour moi.

Mme Labrie :  O.K. Bien, vous nous dites que c'est suffisant, mais je me permets de vous poser quand même la question parce qu'on peut imaginer tout un paquet de situations pour lesquelles il pourrait arriver quelque chose, ou même l'inaptitude de la personne qui est nommée tiers de confiance entre temps, et donc que ce ne soit pas possible d'en nommer un nouveau. Une personne peut avoir plusieurs enfants, être déchirée par rapport à quel tiers de confiance nommé, c'est comme choisir entre ses enfants. Ça m'apparaît assez difficile comme décision à prendre. Je ne vois... j'ai de la misère à comprendre pourquoi il faudrait que ce soit limitatif le nombre de tiers de confiance. J'ai bien compris leur rôle, mais j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi il faudrait que ce soit limitatif le nombre de personnes qu'on demande de choisir pour être un tiers de confiance. Est-ce que vous avez une piste d'explication pour moi, pour ça?

Mme Filion (Nicole) : Bien. En fait, dans l'hypothèse que vous exposez, l'autre... le frère ou l'autre soeur, ou l'autre enfant pourrait très bien à titre de personne, non pas nécessairement à titre de tiers de confiance, signaler la condition de son proche au professionnel compétent. Donc, peu importe le chapeau qu'il porte. Je pense que le législateur, dans le projet de loi, a prévu fermer toutes les portes pour ne pas que la personne soit privée d'un traitement ou d'un examen par le professionnel compétent, et là je fais le parallèle un peu avec le mandat de protection qu'on appelait par ailleurs le mandat en cas d'inaptitude. Il y a des précisions sur...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Me Filion...

Mme Filion (Nicole) : Oui?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...je suis désolée, je dois vous demander d'arrêter. Le temps réparti est arrêté pour la députée de Sherbrooke. Je dois maintenant laisser le temps de parole à la députée de Laviolette-St-Maurice pour une période également de 3 min 18 s.

• (10 h 50) •

Mme Tardif : Merci. Merci d'être là, merci de vous être penchés, là, sur ce projet de loi qui est très important.

Corrigez-moi si j'ai malentendu, mais de manière générale, je constate que vous êtes en accord avec l'esprit du projet de loi, avec l'esprit de l'élargissement de cette loi. Je me posais des questions aussi par rapport au refus, parce qu'on entend beaucoup parler de démence heureuse. Mes collègues en ont parlé. Vous nous conseillez donc d'ajouter un article, dans la loi, pour bien définir ce qu'est un refus. Et à ça, je crois que nous allons y réfléchir sérieusement. C'est un bon point.

Je suis aussi confortable avec le fait que vous nous dites d'impliquer davantage les proches aidants, mais je me pose aussi la question à savoir... et on sait comment ça fonctionne, là, ce sont des moments extrêmement émotifs. Et quand une personne est malade, et s'il y a le tiers qui a été nommé par la personne malade et ses proches aidants, comment bien définir le rôle de chacun pour ne pas justement engendrer de la chicane? Et comment... Je dirais même par rapport aux intérêts des proches, parce que les proches, souvent, vont avoir un intérêt. Malheureusement, disons-le, mais ca sera parfois des intérêts pécuniers. Donc, il faut jauger nos articles de loi, et ce n'est pas facile, et je vous demande votre aide par rapport à ça. Et j'aimerais vous entendre aussi par rapport à... vous avez parlé de l'insistance sur la description subjective, et c'est très important, là, de détailler les souffrances. Ce n'est pas une mince affaire non plus, mais au point de vue médical, ça se fait. Comment détailler? Donc, j'ai une question avec deux volets.

M. Maclure (Jocelyn) : Très bien. Mais merci de votre question. Brièvement, sur...

M. Maclure (Jocelyn) : ...sur la notion de refus. Je pense que ça pourrait être un alinéa dans l'article disant qu'un refus ne doit pas être une manifestation directe de la maladie, une manifestation clinique. Donc, on pourrait ajouter alinéa disant qu'un refus doit être exprimé dans une situation de... un état lucidité ou en situation d'aptitude.

Sur la question des souffrances, et je vais laisser l'autre question à Nicole, dans le projet de loi antérieur, 38, on insistait très lourdement sur la description suggestive antérieure, là, dans la demande anticipée des souffrances qui ne seront pas acceptables à nos yeux lorsqu'on sera en situation d'inaptitude. Le problème avec cette insistance était que plusieurs personnes, on le sait, hein, n'ont pas envie d'être dépendantes, de dépendre lourdement des proches, de ne plus les reconnaître, d'être placées en centre d'hébergement de longue durée, et ainsi de suite. Mais tous ces symptômes-là sont compatibles avec un certain bien-être et on veut s'assurer que l'aide médicale à mourir soit administrée au moment où il y a des souffrances contemporaines objectivables par des professionnels de la santé. Et là le projet de loi atteint un meilleur équilibre entre les deux souffrances, là.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Le temps est écoulé. Je vous laisse quelques secondes pour répondre à l'autre partie, mais le temps est déjà écoulé. Très rapidement, s'il vous plaît.

Mme Filion (Nicole) : Écoutez, pour répondre brièvement, les articles 29.6, 29.14 ou 29.15 et 29.16, viennent bien camper le rôle du tiers de confiance. Je pense que ça n'exclut pas l'implication des proches si telle est la volonté de la personne malade. Et le rôle du tiers de confiance est d'abord et avant tout d'aviser le professionnel de la santé s'il croit que la personne éprouve des souffrances et aussi pour l'aviser de l'existence de la demande. Alors, je pense que le projet de loi n° 11 vient bien répondre au rôle du tiers de confiance, avec une petite réserve sur l'implication des proches que j'ai exprimée tout à l'heure.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Me Filion, M. Maclure, merci énormément au nom des parlementaires et des membres de la commission, du personnel également, pour votre présentation et surtout pour votre contribution à nos travaux.

Alors, je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 10 h 54)

(Reprise à 10 h 57)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Nous sommes maintenant rendus au deuxième groupe de la journée, qui est représenté par madame Sylvie Grenier, directrice générale, et madame Nouha Ben Gaied, directrice, Recherche, et développement, et qualité de services, à la Fédération québécoise des sociétés d'Alzheimer.

Alors, je vous rappelle que vous avez une période de 10 minutes, mesdames, pour notamment vous représenter... vous présenter, et ensuite pour votre exposé. La parole est à vous.

Mme Grenier (Sylvie) : Merci beaucoup. D'abord, Mme la ministre des Aînés et des proches aidants, Mme la Présidente de la commission, Mesdames les députées, merci de nous accueillir et de nous permettre de prendre part à la consultation publique entourant le projet de loi n° 11, qui vise notamment à étendre l'aide médicale à mourir aux personnes inaptes.

Je me présente, Sylvie Grenier, comme vous l'avez fait... comme vous l'avez dit, Sylvie Grenier, directrice générale de la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer, porte-parole des 20 sociétés Alzheimer du Québec, qui, elle, offre aux 170 000 Québécois qui vivent avec troubles cognitifs et leurs proches aidants de l'information, du soutien psychosocial, de la formation et du répit. Je suis accompagnée aujourd'hui par ma collègue, Dre Noha Ben Gaied, qui, elle, est directrice de recherche et développement de la qualité des services. Le hasard fait parfois bien des choses, notre horaire a été modifié, on a l'opportunité aujourd'hui d'être parmi les premiers à s'entretenir avec vous.

Le projet de loi permettant d'encadrer l'élargissement de l'aide médicale à mourir était très attendu, surtout à la suite des recommandations de la Commission des soins de fin de vie, et de l'avis de plusieurs experts, et de l'acceptation sociale au sein de la société québécoise.

La FQSA avait d'ailleurs déploré que les discussions autour du projet de loi n° 38 aient menées... aient été menées en fin de session parlementaire en juin 2022. Nous sommes ravies de voir que très rapidement, Mme la ministre, vous avez agi en déposant un nouveau projet de loi, pour discuter d'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes inaptes dans des conditions plus sereines, sans pressions temporelles, pour laisser la place à la réflexion et à des discussions avec l'ensemble des groupes concernés, et cela, dans un contexte transpartisan.

La FQSA a été partie prenante de l'ensemble des consultations publiques, forums ou commissions parlementaires entourant l'élargissement de l'aide médicale à mourir, et nous tenons, d'ores et déjà, à mentionner que la fédération accueille favorablement les énoncés généraux du projet de loi du projet de loi, soit :

• (11 heures) •

Que des personnes atteintes d'une maladie grave et incurable menant à l'inaptitude à consentir aux soins puissent formuler une demande anticipée d'aide médicale à mourir;

Que des infirmières praticiennes soient habilitées à administrer la sédation palliative en continu et aux infirmières de constater le décès;

Que l'AMM puisse être rajoutée à l'offre de services des maisons de soins palliatifs;

Que le concept de mort raisonnablement prévisible soit supprimé du projet de loi, au profit du concept global de soins de fin de vie;

Qu'un groupe interdisciplinaire d'experts soit sollicité, au besoin, par l'équipe soignante;

Que la demande anticipée d'AMM soit notariée et consignée dans un registre commun, au même titre, en fait, que les directives médicales anticipées.

La charte des droits et des personnes atteintes de troubles cognitifs majeurs stipule, comme premiers droits à respecter, d'avoir accès aux mêmes droits que l'ensemble des Canadiens. Cela passe notamment par leur inclusion dans l'ensemble des lois qui régissent notre...


 
 

11 h (version non révisée)

Mme Grenier (Sylvie) : ...société. Un comité aviseur de la Société Alzheimer Canada s'est également penché sur cette question, et l'ensemble des membres sont d'accord avec la possibilité d'avoir accès à une demande anticipée pour pouvoir avoir le choix de prendre une décision éclairée, et ce, dès qu'un diagnostic est posé.

Au Québec, nous n'avons pas assez entendu la voix des personnes qui vivent avec un trouble neurocognitif majeur tel que la maladie d'Alzheimer. Et nous essayerons aujourd'hui de porter leur voix, d'apporter certaines nuances mais aussi de vous convaincre de procéder à des amendements de l'actuel projet de loi. Ces nuances portent notamment sur l'importance du diagnostic dans le processus de discussion et, par la suite, de la notion de déclin avancé lors de l'administration de l'AMM, les troubles mentaux associés aux troubles neurocognitifs majeurs, le rôle du tiers de confiance, le processus de l'administration de l'AMM au moment venu, certaines obligations des professionnels compétents, et enfin le principe d'autodétermination qui, lui, est pratiquement absent du projet de loi. Après lecture de l'actuel projet de loi, plusieurs des suggestions que nous avions formulées lors de la précédente consultation ont été prises en compte, mais il ne demeure pas moins que certains articles du projet de loi nécessitent plus de précisions pour mieux encadrer l'administration d'une demande anticipée d'AMM aux personnes rendues inaptes suite à l'évolution des troubles neurocognitifs.

Pour la fédération et les 20 sociétés membres, l'aide médicale à mourir devra toujours être considérée dans une situation de déclin cognitif avancé comme un soin de dernier recours, après que l'équipe soignante ait tout tenté pour soulager la souffrance physique et psychique de la personne. Ça suppose également que l'AMM ne devrait en aucun cas devenir la solution de facilité à l'incapacité de notre système de santé et des services sociaux à prendre soin et accompagner adéquatement les personnes les plus vulnérables de notre société, et ce, jusqu'à la fin de leur vie. Il ne faudrait pas non plus qu'en raison de préjugés, de stigma ou encore d'expériences négatives personnelles on accélère la mort des personnes atteintes, alors que l'on devrait les accompagner en mettant à leur disposition des soins de qualité, une approche humaniste des milieux de vie adaptés à leurs besoins, du personnel surtout qualifié et formé à l'intervention auprès des personnes qui vivent avec un trouble neurocognitif majeur et surtout en les considérant comme des personnes à part entière, et ça, tout au long du parcours de leur vie avec la maladie. Voilà, c'était notre introduction de notre présentation.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Il vous reste encore trois minutes si vous voulez... si vous avez d'autres informations. Est-ce que ça va? Sinon, on passe la parole.

Mme Grenier (Sylvie) : Ça va pour nous, oui.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, merci infiniment pour votre exposé. Donc, je vais me tourner du côté de la ministre pour une période de 16 minutes 30 secondes. Alors, la parole est à vous.

Mme Bélanger : Oui, alors, Mme la Présidente, alors, madame Grenier, bonjour. Quel plaisir de vous revoir. Dre Ben Gaied aussi. Merci pour le mémoire que vous déposez et puis pour votre présentation que vous venez de faire. Naturellement, on voit que, de façon générale, vous êtes en faveur de l'ensemble des éléments au niveau du projet de loi 11. Par contre, vous amenez certains éléments, puis j'aimerais peut-être qu'on ait une discussion à ce niveau-là.

Dans votre mémoire, vous notez que l'obligation pour la personne de déterminer, dans sa demande anticipée d'aide médicale à mourir, les souffrances qu'elle ne souhaite pas vivre va à l'encontre de l'autodétermination. J'aimerais vous entendre là-dessus. C'est ce qu'on a compris, là, qui était inscrit dans votre mémoire. Qu'est-ce que vous proposez comme solution? Ou peut-être qu'on a moins bien interprété, mais j'aimerais vous entendre spécifiquement sur cet élément-là.

Mme Grenier (Sylvie) : Moi, je vois Nouha qui réagit. Donc, je te laisse aller, Nouha.

Mme Ben Gaied (Nouha) : Non, effectivement, on mentionne, dans notre mémoire, que l'aide médicale à mourir devrait être considérée dans un... dans des conditions de déclin avancé et irréversible de la capacité de la personne et, pour ça, de se baser sur des échelles bien connues pour, justement déterminer, ce déclin avancé, mais en aucun cas, en fait, que cela va à l'encontre du principe d'autodétermination de la personne. Au contraire, on trouve que ce principe-là n'est pas assez mis en valeur dans le projet de loi et qu'il faudrait, justement, que...

Mme Ben Gaied (Nouha) : ...ce soit davantage quelque chose qui soit poursuivi au-delà de la demande anticipée et qu'ils soient respectés tout au long du processus. Donc, pour nous, le principe d'autodétermination de la personne, c'est quelque chose qui, justement, est un point de discorde au niveau du projet de loi. Mais, en aucun cas, le fait de faire une demande anticipée va à l'encontre de ce principe-là. On demande, au contraire, que la personne, lorsqu'elle reçoit un diagnostic, qu'elle soit impliquée dans le processus décisionnel, qu'elle puisse avoir cette conversation avec le professionnel compétent, que le tiers de confiance soit impliqué, que les proches autant que possible, soient impliqués également dans cette discussion et que ce soit une décision libre et éclairée de la personne qu'elle effectue lorsqu'elle est apte à consentir aux soins.

Mme Bélanger : O.K. Peut-être, j'aimerais revenir, une question de clarification, là. Vous dites que vous constatez que l'autodétermination serait un point de discorde dans le projet de loi. J'ai bien compris ça, là? C'est ce que vous avez mentionné. J'aimerais ça vous entendre un petit peu plus là-dessus, là, sur l'autodétermination versus qui était inscrit dans le projet de loi versus votre vision des choses par rapport à ça.

Mme Ben Gaied (Nouha) : Effectivement, dans un contexte où c'est une demande anticipée qui est effectuée de manière libre et éclairée par la personne apte à consentir aux soins, on s'attend que cette demande soit respectée le moment venu, dans un contexte d'inaptitude. Et, dans ce contexte-là, il y a certains articles du projet de loi qui vont à l'encontre de ce principe d'autodétermination. C'est notamment, par exemple au niveau de l'article 29.19, où là, on mentionne que tout refus de recevoir l'aide médicale à mourir manifestée par la personne doit être respecté et il ne peut d'aucune manière y être passé outre, ou encore le fait que... il y a un autre article, excusez-moi, là, je suis en train de le chercher, où, là, on va encore une fois à l'encontre de ce principe-là.

Et, en fait, ce n'est pas qu'on va à l'encontre, c'est une omission si on ne le prend pas assez en considération, dans le processus suivi, pour justement recevoir l'aide médicale à mourir. Le fait également de radier, pardon, excusez-moi, il y a eu un retour, le fait également de radier une demande d'aide médicale à mourir, lorsqu'il y a un refus, pour nous, est considéré non seulement comme une compréhension très simpliste de l'évolution avec un trouble neurocognitif majeur, mais également comme une... on va à l'encontre du principe d'autodétermination, puisque oui, effectivement, il peut y avoir un refus lors de l'administration de l'aide médicale à mourir. Et cette manifestation, ça va se manifester notamment par de la résistance, par des pleurs, par des cris. Mais il ne faudrait pas effectivement s'arrêter à cette résistance aux soins et continuer effectivement avec le processus d'administrer l'aide médicale à mourir.

• (11 h 10) •

On rejoint ici beaucoup ce que le groupe d'experts avant nous, notamment Dr Maclure a mentionné, entre ce qui est une résistance aux soins et ce qui est un refus de l'aide médicale à mourir. Et, pour cela, bien, forcément, les professionnels compétents, les professionnels de la santé qui entourent la personne au moment de l'administration de l'aide médicale à mourir doivent être formés, sensibilisés justement à cette possible résistance aux soins au moment de l'administration de l'aide médicale à mourir. Mais, en aucun cas, ça ne doit être considéré comme un refus, et que la radiation soit donc l'action qui en suit ce refus-là.

C'est pour ça qu'on mise davantage sur des protocoles clairs, sur une formation et que, bien, ça ne doit pas nécessairement être ouvert à tous les professionnels, mais plutôt à une catégorie de professionnels qui seraient formés à administrer l'aide médicale à mourir auprès des personnes inaptes dans un contexte de trouble neurocognitif majeur.

Mme Bélanger : D'accord.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Allez-y.

Mme Bélanger : Ça va pour moi.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Donc, est-ce que j'ai des questions? Mme la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci, Mme la Présidente. Merci, Dre Ben Gaied, d'être ici et madame Grenier, pour nous éclairer sur certaines questions qu'on a. Et moi, je reviens aussi sur le refus, est-ce que ce ne serait pas bien de le baliser dans la demande anticipée, de demander, quand la personne est apte, si jamais il y a un refus, est-ce qu'on va jusqu'au bout ou est ce qu'on ne va pas jusqu'au bout? Parce que...

Mme Guillemette : ...Nous, on est des législateurs, mais vous comprendrez, pour le médecin qui va, ou l'IPS qui va administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui crie, qui pleure, qui ne veut plus et, en tout cas, qui manifeste des signes, il faut prendre cet aspect-là en considération. Quelqu'un qui n'aurait jamais manifesté aucune, aucune... Qui n'aurait jamais eu aucune manifestation de peur de seringue ou d'injection ou... puis que, tout d'un coup, quand vient le temps d'administrer l'aide médicale à mourir, se débat, est-ce que, d'après vous, il faudrait bien l'encadrer dans le formulaire de demande lorsque la personne est apte? Vous voyez ça comment, cet aspect-là?

Mme Ben Gaied (Nouha) : Alors, oui, effectivement, on ne peut... On ne pourra jamais, en fait, savoir à l'avance comment la personne va réagir lors de l'administration de l'aide médicale à mourir. Elle ne sera pas non plus nécessairement toujours en mesure de verbaliser son accord à l'administration des soins. Et donc c'est pour ça qu'effectivement des lignes directrices devront être bien claires. Le fait de le baliser en amont, donc dans la demande anticipée, dans la demande, oui, anticipée, permettrait, en fait, de donner au professionnel compétent un cadre dans lequel il pourra agir. Et ça sera effectivement sa volonté, et encore une fois, au moment venu, de recevoir l'aide médicale à mourir ou pas.

Maintenant, c'est toujours quelque chose de très de très personnel, dans le sens que dans... Actuellement, le formulaire d'aide médicale à mourir de manière anticipée, bien, on ne sait pas encore de... Son contenu et donc, bien, à ce moment-là, ce sera très important de savoir qu'est-ce qu'on accepte et qu'est-ce qu'on refuse, comme c'est le cas dans le formulaire des directives médicales anticipées, où on accepte ou on refuse un certain nombre de soins. Ça viendra baliser, d'une certaine manière, mais, en même temps, il se peut qu'il y ait des manifestations qui n'aient pas été incluses dans la demande anticipée et qui seront malheureusement vécues par la personne au moment de l'administration de l'aide médicale à mourir.

Mme Guillemette : Merci. J'ai des collègues qui ont des questions, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Mme la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : Bonjour, mesdames. Au niveau des critères d'administration, si on regarde le volet numéro un, vous demandez d'ajouter davantage de balises. Vous demandez à ce qu'il y ait des critères supplémentaires basés sur la perte de dignité et d'autonomie. Et cet instrument, en fait, qui a été développé par les chercheurs, vous avez élaboré plusieurs points. Je me posais la question, peut-être que j'ai mal compris, c'est : pourquoi vous voulez ajouter ces critères-là dans ce point-là, pourquoi on les ajoute? Est-ce qu'ils sont en opposition ou ils sont complémentaires?

Mme Ben Gaied (Nouha) : Ils sont tout à fait en complémentaires. C'est vraiment pour venir spécifier qu'est-ce qu'on entend par un déclin avancé et irréversible. Et, encore une fois, ça fera plus l'objet des lignes directrices, des procédures pour les professionnels. Mais effectivement, le fait que ce soit un déclin avancé et irréversible des capacités, bien, ça suppose qu'on s'appuie sur des échelles évaluées qui sont déjà utilisées par les professionnels de la santé et qui permettent, qui leur permettent, en fait, de définir à ce moment-là quelles seront les souffrances insoutenables, physiques et psychiques qu'éprouve la personne. Mais c'est aussi pour baliser dans le formulaire de demande anticipée qu'est-ce qu'on pourra et qu'est-ce qu'on ne pourra pas demander dans ce formulaire-là. Donc, il faudra, en fait, objectiver sa demande lorsqu'elle sera remplie par la personne et non pas tout simplement donner des exemples comme, bien : je ne reconnais pas mes proches, par exemple. Cette reconnaissance des proches, elle n'est pas nécessairement associée à de la souffrance. Cette reconnaissance des proches est aussi beaucoup associée à la souffrance des proches, de l'entourage, qui, effectivement, vit un deuil blanc par rapport à l'évolution de la maladie. Et donc, bien, c'est là qu'on va ramener, effectivement, des échelles validées qui sont utilisées par les professionnels pour que, dans la demande anticipée, on se base sur quelque chose qui est, par la suite, mesurable.

Mme Schmaltz : Est-ce que je... Juste une dernière petite question, là, juste pour être certaine d'avoir bien saisi. Parce que, je regardais, bon, je donne un point, là, que vous avez...

Mme Schmaltz : ...les atteintes de la personne à effectuer des tâches domestiques. Le point que je soulevais par rapport à ça, quand on parle de critères de souffrance intolérables, c'est : Comment qu'on évalue ces points-là? C'est juste ça que j'ai essayé de voir. Est-ce que ce sont les catégories dans des souffrances insoutenables ou c'est... Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire? Pour moi, c'est une base, peut-être, assez simple. Est-ce qu'on peut les rentrer dans ces catégories-là si la personne, justement, n'a plus... a perdu ces fonctions-là?

Mme Ben Gaied (Nouha) : Alors, il y a d'autres échelles pour mesurer la douleur des personnes aînées, et, à ce moment-là, elles seraient également à utiliser pour, justement, mesurer ces souffrances physiques et psychiques. Là, le fait que ce soit un déclin avancé et irréversible, on s'appuie sur l'échelle de Reisberg, et puis, bien, c'est vraiment dans les stades les plus avancés de la maladie, où on va avoir une répercussion assez importante sur le niveau d'autonomie et de dignité de la personne. Ce n'est pas nécessairement toujours associé à de la souffrance. Donc, effectivement, il y aurait d'autres échelles à utiliser pour mesurer cette douleur-là et évaluer, effectivement, est-ce que la personne répond aux critères de l'aide médicale à mourir ou pas.

Mme Schmaltz : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Je crois que la députée d'Abitibi-Ouest aurait une question pour vous.

Mme Blais : Merci, mesdames... Dans votre mémoire, vous dites que la fédération accueille favorablement les énoncés généraux du projet de loi. Soit, et je m'en tiens au point 2, qui dit que les infirmières praticiennes soient habilitées à administrer la sédation palliative continue, aux infirmières, et de constater le décès. Pour moi, une sédation palliative, c'est un soin de confort. Est-ce qu'on parle de la même chose?

Mme Ben Gaied (Nouha) : Bien là, c'est ce qui est proposé dans le concept du projet de loi, et ça permettra aussi d'arrimer, finalement, la loi provinciale et la loi fédérale que d'étendre les... que d'étendre, effectivement, le champ de compétence des infirmières. Qu'elles soient impliquées dans le processus, bien, nous paraît tout à fait acceptable, et même, souhaité, puisqu'elles sont aussi au chevet des personnes puis qu'elles les accompagnent sur une longue durée. Donc, qu'elles soient impliquées dans ce processus nous paraît tout à fait légitime.

Mme Blais : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Je pense que, Mme la députée de Laporte, vous avez également une question?

• (11 h 20) •

Mme Poulet : Oui, merci beaucoup à tous les deux d'être présente dans votre mémoire. Vous parlez de certaines nuances, certaines dans certaines obligations des professionnels compétents. Dans notre projet de loi, on parle que le médecin doit faire une recherche. Si un formulaire était complété, d'aviser chef de service, un médecin, infirmières praticiennes doit être de compétence. Des professionnels sont compétents et sont formés. Et quand vous parlez de nuances concernant les obligations, est-ce que ce serait possible d'avoir plus de détails sur ce point-là, sur cette nuance-là que vous apportez?

Mme Ben Gaied (Nouha) : Oui. Effectivement, c'est surtout par rapport, bien, à des amendements, là, que l'on amène, au niveau, notamment, par exemple, de l'article 29.13, où c'est non seulement une reformulation, mais c'est, en plus, dans un contexte global, là, du processus qui serait suivi pour administrer l'aide médicale à mourir. Mais c'est surtout dans le cas de refus. Dans le cas de refus, bien, il n'y a aucune mention, à notre sens, par rapport à quelle serait l'obligation du professionnel compétent s'il refuse d'administrer l'aide médicale à mourir à une personne inapte. À ce moment-là, on ne mentionne pas qu'il doit référer à un professionnel compétent. Ça doit d'abord passer par l'établissement, qui, lui, doit avoir... doit remédier à la situation, et là, pour nous, il y aurait, encore une fois, une précision à donner.

Le fait, également, que le professionnel compétent devra, effectivement, avoir cette conversation avec la personne en début, donc la nécessité, encore une fois, de miser sur le diagnostic. Mais on est bien conscients que, d'une part, il faudra bien choisir le moment durant lequel cette conversation va avoir lieu. Non seulement il y a toute la charge émotive qui est associée au diagnostic, mais il y a également une notion de temps. Il faudra que le professionnel compétent prenne le temps, avec le patient, pour lui expliquer le processus, pour lui expliquer également à quoi s'attendre avec les...

Mme Ben Gaied (Nouha) : ...de la maladie pour lui donner, justement, un aperçu de l'ensemble des possibilités de soins qui s'offrent à lui avec la maladie, mais également en fin de vie. Puis, c'est vraiment ce... cette obligation-là qu'on souhaiterait davantage mise de valeur parce que ce n'est pas une décision qui devra être prise à la légère, mais il devra y avoir un accompagnement par les professionnels durant tout le parcours, finalement.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Dre Ben Gaied, merci beaucoup pour votre réponse. Je suis désolée, le temps vient de s'écouler. Merci, Mme la ministre. Merci, merci, Mmes les députées. Je me retourne maintenant, bien, vers la députée de Westmount-Saint-Louis pour une période de neuf minutes 54 secondes. On poursuit les échanges.

Mme Maccarone : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre témoignage et pour votre mémoire. Vous soulevez des questions très importantes, surtout la notion de ce formulaire. Alors, je fais une demande formelle tout de suite, si possible, de déposer le formulaire, que nous pouvons tous avoir une consultation, de faire la lecture de ceci et de faire un... comme ça, lors des échanges, rendus à l'étude détaillée, nous serons en mesure d'avoir comme quand même un échange constructif au lieu d'au moment que ce serait déposé pour retarder aussi le débat en ce qui concerne cette loi. Parce que toutes vos questions sont en lien avec le formulaire, nous n'avons pas vu le formulaire, alors c'est difficile de se prononcer en ce qui concerne les balises. On peut avoir des espoirs, puis ça se peut que c'est là-dedans, ça se peut que ce n'est pas là-dedans. Il va falloir vraiment qu'on fait un débat presque uniquement en ce qui concerne les critères qui sont écrits dans le formulaire. Alors, merci de l'avoir soulevé, parce que, c'est vrai, ça va être un enjeu très important.

Je veux ramener un peu la notion du déclin avancé, irréversible, lors des échanges que nous avons eus avec Maître Filion et Monsieur Maclure. J'avais soulevé les questions de démence heureuse puis, selon eux, ça ne fait pas partie d'un critère pour être éligible pour procéder avec une demande anticipée, par exemple, si, mettons, ça fait partie du formulaire. Je souhaite entendre votre point de vue là-dessus, parce que, quand on parle souvent de démence heureuse, on parle vraiment d'un Alzheimer qui est très avancé. Alors, si vous pouvez nous illuminer, s'il vous plaît.

Mme Ben Gaied (Nouha) : Alors, déjà, en termes de terminologie, au niveau des sociétés alzheimer, on n'utilise pas le terme «démence» puisque c'est un terme qui est très chargé en connotation négative, mais on va y aller avec le terme «démence heureuse», qui est plus communément utilisé. La démence heureuse, effectivement, pour nous, ne rentrerait pas dans le cadre de la loi, du projet de loi actuel. Qui dit démence heureuse dit que la personne est entourée, que la personne n'éprouve pas de souffrance physique et psychique, que le proche aidant accompagne la personne, qu'elle a des services et des soins adaptés à ses besoins et que, finalement, il y a une certaine qualité de vie qui est maintenue pour la personne versus ce qui est présenté dans le projet de loi où on parle vraiment de souffrances qui sont physiques et psychiques et pour lesquelles, finalement, toutes les les conditions médicales ont été suivies pour pouvoir soulager cette souffrance-là sans pouvoir... sans, finalement, être... y avoir été... Y avoir répondu adéquatement. Et donc à ce moment-là, l'aide médicale à mourir pourrait être la solution, si la personne a formulé une demande anticipée. Donc, pour nous, la demande heureuse, effectivement, ne rentrerait pas dans le cadre du projet de loi.

Mme Maccarone : Parfait. Puis en ce qui concerne le refus, parce qu'on... Vous avez fait quand même des interventions là-dessus. Puis, c'est vrai, je pense qu'on est d'accord qu'on devrait quand même préciser et baliser cette notion de refus. Dans le Code civil, on parle d'un refus catégorique, mais, dans ce projet de loi, on ne parle pas d'un refus catégorique. Selon vous, si ce n'est pas plus balisé, si ce n'est pas clarifié, est-ce que ça veut dire que, mettons, un proche ou le tiers de confiance va avoir recours au tribunal, par exemple, pour procéder avec des demandes anticipées?

Mme Ben Gaied (Nouha) : Tout à fait, tout à fait. En fait, dans l'ancien projet de loi, cette notion de refus était... il y avait aussi un flou par rapport à combien de fois est-ce qu'on allait administrer l'aide médicale à mourir, bien sûr, lorsque les personnes répondent aux critères. Mais là, on revient avec, finalement, une seule tentative. Et, à ce moment-là, bien, quel sera le rôle du proche, le tiers de...

Mme Ben Gaied (Nouha) : ...le tiers de confiance, mais également de la famille, qui, elle, aura été témoin, finalement, de la volonté répétée, éclairée de la personne au moment où elle était apte à consentir aux soins, et qu'au moment, finalement, où elle répondrait aux critères on lui refuse ce soin-là. Donc, oui, clairement, à notre sens, il pourrait y avoir des contestations devant les tribunaux parce que la demande de la personne n'aura pas été répondue, et ce qui ramène aussi la notion de demande versus une directive.

Mme Maccarone : Merci. Ma collègue de D'Arcy-McGee a des questions.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Donc, Mme la collègue... Mme la députée de D'Arcy-McGee, la parole est à vous. Juste repeser sur votre bouton, s'il vous plaît. Voilà. Vous n'avez pas besoin d'y toucher.

Mme Prass : Parfait. Alors, moi, j'ai une question à propos de votre traitement de la demande et, spécifiquement, ce qui arrive en l'absence de tiers de confiance qui sont désignés par la personne. Donc, vous dites que la responsabilité devrait procéder à un examen d'évaluation. Mais deux questions. Premièrement, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir un mécanisme de surveillance de la personne à une certaine fréquence? Parce que, justement, on ne sait pas, la personne qui va être désignée du côté du système de la santé, s'ils vont être présents tout le temps, s'ils vont vraiment avoir une obligation d'aller voir cette personne-là à des fréquences régulières, parce qu'on ne veut pas que la personne, comme ils n'ont pas de tiers désigné, qu'ils soient un petit peu ignorés par un système de santé qui est déjà en pénurie et qui n'a pas toujours les moyens ou le temps de faire ces surveillances-là. Donc, je voudrais vous entendre davantage là-dessus.

Mme Ben Gaied (Nouha) : En fait, là, vraiment, vous soulevez deux choses, d'une part, le rôle du tiers de confiance, mais également en l'absence d'un tiers de confiance. Pour nous, effectivement, le tiers de confiance doit vraiment être présent. Le projet de loi mentionne qu'une personne pourrait désigner un tiers de confiance, alors qu'en notre sens il devra être désigné par la personne, d'une part. Il devra également être impliqué dans l'ensemble des discussions qui sont en cours avec le professionnel compétent, parce qu'il y a une obligation justement d'enclencher le processus en informant les professionnels, mais également il a... il va y avoir effectivement une... et il peut y avoir, en fait, des émotions qui sont associées à cette prise de décision et donc, bien, on demande qu'il y ait un suivi psychologique pour la personne, le tiers de confiance, au besoin, parce que ça peut être très chargé en émotions à ce moment-là.

Et, dans le cas, justement, où il n'y a pas de tiers de confiance, donc c'est ni la première ni la deuxième personne de tiers de confiance, il n'y en a pas, il n'y en a pas qui ont été désignées, à ce moment-là, effectivement, c'est le professionnel de la santé qui va en informer le professionnel compétent. Mais sur quelle base? Sur quelle base est-ce que le processus va être enclenché? Est-ce que... Parce qu'on a besoin d'un lit, parce qu'on est en manque, justement, de places dans une résidence et donc on a... Excusez-moi, d'être très crue, là, ici, là, mais ça va être ça, la réalité. Sur quelle base est-ce qu'on va définir que la personne, effectivement, répond aux critères de la loi? Oui, il y a des critères qui vont être définis, mais le moment, le moment qui va être nécessaire à enclencher ce processus-là. Et, justement, on ne voudrait pas qu'il y ait une dérive en absence d'un tiers. Et puis, bien, forcément, ça soulève aussi le rôle de la famille dans ce processus-là. Parce que qui? Il se pourrait très bien que la personne n'ait pas désigné de tiers de confiance, mais qu'il y ait quand même de la famille, des membres de la famille rapprochée, des personnes qui ont à cœur cette personne. Et puis quel va être leur rôle aussi dans ce processus-là? Est-ce qu'ils vont pouvoir s'opposer à une demande anticipée, à l'aide médicale à mourir à ce moment-là?

Donc, c'est vraiment toutes ces petites nuances qui sont à amener dans le processus. Et, pour ça, forcément, le fait de désigner un tiers de confiance, que l'acte également... que le formulaire soit notarié, nous paraît, justement, des protections à avoir en amont.

• (11 h 30) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Vous avez une autre question? Mme la députée de Saint-Louis.

Mme Maccarone : Bien, dans le fond, c'est comment l'écrire dans la loi pour que ça soit clair? Tu sais, quand on... Je pense que c'est ça, ma question, que j'aurais pour vous, parce que vous soulevez une excellente question. Mais comment le mettre dans la loi pour que ce soit clair, selon vous?

Mme Ben Gaied (Nouha) : Selon nous, il faudra qu'il y ait un tiers de confiance, et, à ce moment-là, de définir un rôle pour la famille et également un rôle pour le mandataire, ce qui est... ce qui n'est pas actuellement présent.

Mme Maccarone : Ma préoccupation, c'est si, mettons, on n'a pas un membre proche dans notre famille, puis, comme vous dites, on devrait désigner un membre du corps professionnel. Vous avez dit...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Maccarone : ...tu sais, vous avez... Vous excusez d'être crus. Mais, dans... présentement, dans notre réseau de système de santé, on fait face à une pénurie de personnel vraiment importante. J'ai une inquiétude qu'on est en train de rajouter à leurs tâches puis que ça se peut qu'ils ne soient pas au rendez-vous. C'est encore plus de responsabilités pour eux. Alors, est-ce qu'on a un autre moyen ou une autre façon de voir ceci? On a dit, dans la loi, qu'on va ouvrir la possibilité d'administrer l'aide médicale à mourir aux infirmières praticiennes. Quand on parle de...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Je suis désolée, le temps est écoulé.

Mme Maccarone : Bon, bien, merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : On va continuer avec nos discussions avec la députée de Sherbrooke. Alors, pour une période de trois minutes de 18 secondes.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Dans le mémoire, vous nous dites que vous voulez jouer un rôle de sensibilisation, d'information auprès des personnes à risque. J'imagine que vous allez aussi être appelés à le faire auprès des tiers de confiance qui vont potentiellement avoir besoin d'accompagnement pour évaluer l'évolution de la maladie, comprendre un peu les souffrances que ça peut générer. Si vous le mentionnez spécifiquement, est-ce que c'est parce que vous estimez ne pas avoir les ressources nécessaires actuellement pour justement répondre aux demandes que ça va générer, là, d'accompagnement de la part des personnes atteintes d'Alzheimer ou de leurs proches?

Mme Ben Gaied (Nouha) : Ce n'est pas une demande qui est formulée puis qui est discutée au niveau de notre réseau par les personnes atteintes et par les proches aidants. Mais, par contre, ça doit faire partie de la discussion dans un processus, justement, de planification de soins. Comme on parle du mandat de protection, comme on parle du testament, de la procuration ou encore de la planification par rapport à l'hébergement, bien, c'est quelque chose qu'il faudra également envisager à des stades très légers de la maladie, voire même en amont chez les personnes à risque, puisqu'on sait que, malheureusement, c'est des personnes qui pourraient développer par la suite un trouble neurocognitif léger et éventuellement la maladie d'Alzheimer. Donc, c'est vraiment de considérer cette sensibilisation, cette information dans un contexte plus global, où la personne aurait à prendre des décisions et à planifier sa vie de manière adéquate avec la maladie d'Alzheimer, tout simplement. Donc, ce n'est pas nécessairement une question de ressources, mais plutôt un rôle que l'on voudrait jouer pour, justement, informer les personnes qui sont déjà notre clientèle et qui pourraient vouloir avoir accès à une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Donc, à nous de les accompagner de manière adéquate.

Mme Labrie : Est-ce qu'à votre avis le référencement se fait déjà suffisamment auprès des personnes qui ont un diagnostic d'Alzheimer, par exemple, vers vos organismes?

Mme Ben Gaied (Nouha) : Donc un référencement vers la Société Alzheimer?

Mme Labrie : Oui.

Mme Ben Gaied (Nouha) : En fait, depuis maintenant plus d'un an, on a le processus de référence aidance Québec qui permet aux professionnels de la santé de référer les personnes proches aidantes vers les services de la Société Alzheimer et également vers les services de l'appui pour les proches aidants. Pour nous, effectivement, il faudrait inclure davantage la personne atteinte d'un trouble neurocognitif dans le processus pour justement pouvoir la prendre en charge de manière adéquate, en amont, donc vraiment aux stades les plus légers de la maladie et puis pour justement maintenir cette qualité de vie. Le fait d'avoir accès à des services de stimulation, à des cafés-rencontres, à pouvoir échanger avec les pairs, également à soutenir la personne proche aidante, parce qu'elle va pouvoir avoir les outils nécessaires pour communiquer et également pour intervenir lors des comportements, bien, tout ça va contribuer à l'amélioration de la qualité de vie de la personne atteinte.

Et donc, dans ce contexte-là, c'est quand même un projet qui commence, mais déjà, on a énormément de demandes qui ont un effet, oui, potentiel sur les services par la suite.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Le temps est écoulé. Maintenant, je vais... je cède la parole à la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour une période de trois minutes 18 secondes.

Mme Tardif : Bonjour. Merci. Merci d'avoir pris le temps de tabler sur cet important projet de loi.

Et je rebondis un peu sur ce que vous venez de dire parce qu'effectivement il y a certains... et vous avez fait un sondage et vous vous êtes informées auprès de vos... Des gens que vous représentez, et il y a tout de même certaines maisons qui prennent soin des personnes qui sont atteintes d'Alzheimer et qui ont un regard différent ou un regard qui nous appelle.

Mme Tardif : ...par rapport au déclin et à la définition de ce déclin avancé, cette notion-là est très importante, parce que, comme vous l'avez mentionné, il y a beaucoup de ces personnes-là atteintes qui, lorsqu'elles sont stimulées, les gens qui en prennent soin nous diront qu'il y a un net progrès. Alors, je me demandais avec vous - vous êtes ceux et celles qui avez les yeux tournés vers ça, vers ces personnes-là et vers les maisons de soins : Comment faire pour offrir davantage de ces soutiens-là? Jusqu'où aller? Vous êtes d'accord avec le projet de loi, vous êtes d'accord avec l'élargissement du projet de loi. Mais c'est une question excessivement importante, et le principe d'autodétermination et le principe... la notion de déclin avancé... Je pense que j'aurais besoin de votre aide, là.

Mme Ben Gaied (Nouha) : On est, oui, en faveur de l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour offrir un choix aux personnes atteintes d'un trouble neurocognitif majeur dans des conditions où elles deviendraient inaptes. Cela ne veut pas dire que toutes les personnes devraient y avoir accès. Ça demeure une un choix personnel, et ce projet de loi va dans ce sens-là.

Au niveau des sociétés Alzheimer, quatre sociétés offrent de l'hébergement, et, effectivement, on accompagne les personnes jusqu'à la fin de vie dans certains cas. Ça passe par la stimulation cognitive, ça passe par le maintien des capacités en les incluant dans les activités, ça passe également par la reconnaissance qu'il faut s'adapter, il faut s'adapter à leurs capacités, et puis ce qui était possible hier, peut-être, va devenir un peu plus difficile aujourd'hui, mais on doit, nous, s'adapter. Ça passe également par des environnements qui sont adaptés à leurs besoins et ça passe toujours par leur inclusion dans le processus. Donc on est tout à fait... Puis ça, ça va carrément avec l'approche centrée sur la personne préconisée par les sociétés Alzheimer, on doit y aller par le moment présent, on doit favoriser cette collaboration et puis ce partenariat avec la personne atteinte, et c'est comme ça qu'on maintient leur qualité de vie puis qu'on maintient également leur dignité et leur autonomie. C'est à nous de nous adapter, et non pas à eux. On doit leur donner les meilleures conditions de vie, et, par la suite, si la personne fait ce choix-là, bien, on doit aussi l'accompagner dans ce choix-là.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dre Ben Gaied, merci beaucoup, Mme Grenier, pour votre contribution aux travaux de notre commission, au nom des parlementaires qui sont assises ici. Je vous souhaite une bonne journée.

Et je suspends les travaux jusqu'à notre prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 39)

(Reprise à 11 h 41)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...à l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la commission reprend ses travaux. Nous en sommes rendus maintenant avec une présentation de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité.

Alors, je souhaite la bienvenue au docteur Georges L'Espérance, président et neurochirurgien, ainsi qu'à madame Catherine Leclerc, membre du conseil d'administration. Je vous rappelle, madame, monsieur, que vous avez une période de 10 minutes pour vous présenter ainsi que pour exposer vos propos. La parole est à vous.

M. L'Espérance (Georges) : Mme la Présidente, merci beaucoup, Mmes, MM. les députés de l'Assemblée nationale. L'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité vous remercie pour l'invitation à témoigner devant cette commission d'étude. Mon nom est Georges L'Espérance, neurochirurgien, et j'ai le plaisir d'être accompagné de madame Catherine Leclerc, membre du conseil d'administration. L'association est une association citoyenne bénévole, dont la mission est d'oeuvrer pour assurer que les lois permettent à chaque citoyen de choisir et d'obtenir des soins de fin de vie conformes à sa conception personnelle de dignité dont l'aide médicale à mourir.

Le présent témoignage résume la mémoire qui vous fut remis pour fins de discussion sur quelques aspects précis du projet de loi 11. Par la suite, je céderai la parole de madame Leclerc pour quelques remarques complémentaires sur les demandes anticipées. Nous tenons à souligner le remarquable travail du groupe du groupe transpartisan, rapport suivi du projet de loi n° 38, et maintenant la continuité sous forme de ce projet de loi 11, présenté par Mme la ministre Bélanger. J'insisterai sur les aspects médicaux du projet de loi, tel qu'élaboré dans notre mémoire.

Passons tout d'abord, rapidement, sur les notes explicatives du projet de loi. Premièrement, nous nous réjouissons au plus haut point des modifications progressistes pour les demandes anticipées des personnes atteintes d'une maladie neurodégénérative cognitive menant à l'inaptitude. Deuxièmement, nous sommes totalement en accord avec l'exclusion temporaire, et espérons-le de courte durée, des problématiques de santé mentale jusqu'au dépôt d'un projet de loi fédéral. Troisièmement, nous sommes en accord total avec l'inclusion des infirmières praticiennes spécialisées, modification très attendue. Quatrièmement, nous sommes très heureux de l'obligation faite aux maisons de soins palliatifs d'intégrer l'aide médicale à mourir dans le continuum de soins, et que nulle philosophie religieuse ne doit interférer avec ce droit du malade. Nous ne devrions plus jamais avoir à transférer le demandeur en ambulance à l'hôpital pour recevoir le soin, loin des soignants qui l'avaient soutenu pendant des semaines. De plus, cette disposition est parfaitement cohérente avec la volonté gouvernementale d'instaurer une laïcité de fait dans les services rendus au nom de l'État.

Passons à quelques commentaires sur les articles du projet de loi. Il est implicite que ne sont pas discutés ici les articles avec lesquels nous sommes en accord complet. Ainsi, en est-il des articles 1 à 13 impeccables, tel que décrit. L'article 14 du projet de loi 11, modifie l'article 26 de la loi deux. Nous avons ici deux commentaires. Premièrement, à l'alinéa trois, nous suggérons à la ministre de retirer l'adjectif "neuromoteur" qui suit le terme "handicap", car médicalement inapproprié dans le contexte. Dans une optique d'harmonisation avec le Code criminel et la décision de la Cour suprême, l'alinéa trois devrait simplement se lire comme suit : "La personne est atteinte d'une maladie, d'une affection ou d'un handicap grave et incurable." Le terme de "handicap" doit être reconnu médicalement pour ce qu'il est : la conséquence d'une maladie. Vous trouverez en annexe, dans le mémoire, des explications plus élaborées. J'ajoute ici que le handicap intellectuel grave ne devrait jamais faire partie, bien sûr, de la définition ici du handicap.

Alinéa cinq, il est écrit que "la personne éprouve des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge tolérables." Afin de ne pas prêter à confusion avec les problématiques de santé mentale, nous suggérons de changer le terme de "psychiques" pour "psychologiques", ce qui, là aussi, harmonisera avec le Code criminel. Nous suggérons d'y ajouter le terme de "souffrances existentielles" afin de couvrir l'ensemble des situations vécues par les patients, particulièrement pour les demandes anticipées. Afin de ne pas me répéter inutilement ainsi, cette modification devra se retrouver aussi dans le reste du projet de loi, tel que mentionné dans le mémoire. L'article 18 ajoute les articles 29.1 et suivants à la loi deux et concerne les demandes anticipées.

Les concepts qui posent problème au plan clinique tournent essentiellement autour des termes suivants : "objectivation et addition des souffrances physiques, psychologiques et existentielles". Nous avons quelques interrogations dont découlent certaines suggestions. Premièrement, pour la même raison qu'exprimée plus haut, nous suggérons de remplacer "physiques ou psychiques" par "physiques ou psychologiques ou existentielles". Deuxièmement, le terme "objectiver" va prêter à confusion et à d'interminables discussions et prêter le flanc aux objections de tous ordres. Troisièmement, s'il est possible d'objectiver des souffrances physiques, il n'en est pas de même des souffrances...

M. L'Espérance (Georges) : ...et ou existentielles chez un patient devenu dément. Quatrièmement, une telle objectivation reviendrait à nier les volontés exprimées par la personne, alors qu'elle était apte, en particulier chez les personnes que l'on qualifie à tort de déments heureux. Cinquièmement, les souffrances physiques ne sont pas nécessairement en lien avec la maladie qu'est la démence, par exemple, des plaies de décubitus, des infections urinaires à répétition, des fractures non consolidées, qui sont objectivables.

C'est pourquoi nous suggérons la structure suivante de cet article, donc l'alinéa deux : «Au moment de l'administration de l'aide médicale à mourir, d, elle semble, petit i, objectivement éprouver des souffrances physiques telles que décrites dans sa demande.» Et la deuxième partie : «et où elle est à l'étape de sa maladie, qui correspond aux états de souffrance psychologique ou existentielle, telle que décrite dans sa demande.» Garder les deux conditions conjointement revient à quasiment refuser l'aide médicale à mourir à tous ces patients car comment évaluer la souffrance psychologique ou existentielle d'un patient dément?

À 29.3, même remarque que ci-haut concernant le lien entre les souffrances et la maladie, c'est-à-dire la démence. Notre suggestion, pour être cohérents avec les précédents paragraphes, est de remplacer aussi le deuxième alinéa tel que cela est précisé dans le mémoire.

À 29.5 et 29.13, modifier les alinéas selon les suggestions ci-dessus, à 29.1 et 29.3, toujours pour la cohérence. À 29.9, il est complet tel quel. Et au nom de nos patients et de leurs proches, j'en profite pour remercier la ministre et son équipe d'avoir su prévoir les moyens technologiques à distance. À 29.13, il faudrait préciser ici qu'il s'agit de l'examen nécessaire lorsque la personne est arrivée au stade où le tiers de confiance demande une évaluation. Je vous réfère à notre mémoire pour une formulation intégrative.

Et, pour terminer, je souligne notre accord complet avec l'alinéa h de l'article 19. Et il en est de même de l'article 20 qui assure ainsi qu'aucun demandeur ne sera lésé de son droit d'être évalué adéquatement et dans un délai raisonnable, c'est-à-dire quelques jours, au maximum. Cette mesure de sauvegarde permettra de combler un vide qui était trop souvent utilisé par des opposants pour brimer les droits de certains demandeurs.

Je cède maintenant la parole à madame Catherine Leclerc.

Mme Leclerc (Catherine) : Bonjour. Donc, je suis membre du conseil d'administration de l'AQDMD, avec Georges. Je vous remercie de l'opportunité de m'exprimer devant vous aujourd'hui.

Le 13 février, au terme de sept jours d agonie en soins palliatifs, ma douce maman a rendu son dernier souffle. Sept interminables jours et nuits à la veiller jusqu'à ce que son petit corps frêle cède finalement sous le poids de la dénutrition et de la souffrance. Les premiers symptômes de l'Alzheimer se sont manifestés très tôt, alors qu'elle n'avait que 61 ans. Au fil des années qui s'effaçaient, sa réalité s'écroulait et la plongeait dans une solitude, nous laissant à 1000 lieues de son cœur, de son âme, de son monde inatteignable. Elle aura été terrassée par la maladie pendant 16 longues années, dont les six dernières entre les murs d'un CHSLD qui lui aura tout volé. Et bien que ma mère faisait partie de ce que certains appellent la démence heureuse, je sais avec une certitude inébranlable qu'elle n'aurait jamais accepté de vivre ainsi et que si elle avait eu le choix, elle aurait décidé de mettre fin à ses jours.

• (11 h 50) •

Advenant un diagnostic d'Alzheimer, dont les probabilités sont malheureusement élevées dans ma famille, je ferai le nécessaire pour ne pas vivre et ne pas mourir dans les mêmes circonstances que ma mère. Le dépôt du projet de loi 11 m'amène l'espoir d'une grande sérénité, de nuits paisibles devant un avenir qui est pourtant incertain. Or, le simple fait de savoir que je ne subirai pas avec impuissance la fatalité d'un tel diagnostic et que je pourrai donner mon consentement anticipé à une demande d'aide médicale à mourir lorsque j'aurai atteint des souffrances physiques et ou existentielles intolérables selon mes convictions, mes croyances, mes valeurs personnelles... Et, pour cela, vous avez toute ma gratitude.

Mais je Suis également préoccupée parce que l'article 29.1 du projet de loi est formulé de façon à ce qu'on pourrait refuser d'honorer ma demande anticipée, si, à l'instar de ma mère, je ne sois plus capable de communiquer avec le monde extérieur et que je sourisse béatement lorsque le moment sera venu. Entériner le projet de loi dans sa forme actuelle avec un critère d'observation manifeste de souffrance contemporaine, physique et existentielle qui soit objectivable rendra pour moi la possibilité d'un consentement anticipé inexistant. Avec un diagnostic de maladie neurodégénérative cognitive, je ne pourrai pas prendre le risque qu'arrivée à terme ma demande ne soit pas respectée, alors je n'aurai pas eu le choix...

Mme Leclerc (Catherine) : ...autre choix que de procéder à une demande contemporaine d'aide médicale à mourir, soit le deux fois un comme on appel, alors que je serai encore apte à consentir, et, de ce fait, en sacrifiant ainsi quelques années de vie de qualité où j'aurais pu partager des beaux moments auprès de mes proches.

Mmes et MM. les députés commissionnaires, vous avez entre vos mains le pouvoir de rendre nos dernières années de vie plus dignes, plus douces. Je vous remercie de votre attention, et Dr L'Espérance et moi sommes disposés à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, madame Leclerc. Merci, monsieur... Dr L'Espérance. Votre témoignage, madame Leclerc, nous touche grandement ce matin, alors nos pensées sont avec vous. Et je pense que ce que vous avez, comme témoin... ce que vous avez témoigné va nous aider, va nous éclairer énormément. Alors, sans plus tarder, je vais céder la parole à la ministre pour une période... je m'excuse, j'ai un petit peu... 16 min 30 s. Merci.

Mme Bélanger : Alors... Bien, bonjour, Dr L'Espérance. Bonjour, madame Leclerc. Un grand merci pour la qualité et le dépôt de votre mémoire, que j'ai lu avec beaucoup d'attention. Et, madame Leclerc, je veux aussi vous offrir mes plus sincères sympathies à vous et à vos proches, et merci de témoigner de ce que vous venez de vivre et de nous le partager. C'est très apprécié. Ça nous aide à mieux comprendre le travail que nous avons à faire dans ce projet de loi, qui est fort important.

Dr L'Espérance, j'aimerais vous poser une première question en lien avec le handicap neuromental. Alors, j'aimerais ça, pour nous éclairer tous et toutes, que vous nous parliez de qu'est-ce que c'est, le handicap neuromental, comment vous le concevez, comment vous définissez ce que c'est le handicap neuromoteur.

M. L'Espérance (Georges) : C'est une question qui a été amenée dans l'actualité législative depuis quelques années. En fait, tout handicap peut être de handicap de tout autre ordre. Un handicap neurolocomoteur, on s'entend qu'on est dans un handicap qui touche et les nerfs ou le cerveau ou la motricité, mais ça fait partie des grands handicaps. Et ce que je comprends du questionnement qui a été amené depuis quelques années, ça a toujours été l'exemple d'un jeune homme qui se retrouve paraplégique suite à un accident. Mais une personne qui est née avec une encéphalopathie néonatale, c'est un handicap neurolocomoteur, une personne qui va... qui est née avec une... par exemple, un syndrome de moelle attachée, c'est un handicap neurolocomoteur, une personne qui a une tumeur de sa moelle va avoir un handicap neurolocomoteur, etc. Je pense qu'on veut tenter de mettre un peu en opposition le handicap neurolocomoteur avec des handicaps tels que la vision ou la surdité. Mais perdre la vision, c'est un handicap neurologique, donc c'est un handicap neuromoteur aussi, en quelque sorte.

Je pense que cette notion de handicap, elle a été, disons, mise à l'intérieur des maladies par la Cour suprême, par la Cour fédérale, par le Code criminel fédéral aussi. La seule... Pour moi, là, et puis je ne suis pas tout seul, je peux vous garantir que tous mes collègues puis même le Collège des médecins ont le même avis, le seul élément qui est très... qui ne devrait jamais être touché, c'est le handicap intellectuel de naissance, handicap intellectuel sévère, on ne parle pas de quelqu'un qui a un handicap léger. Mais un handicap intellectuel sévère, c'est une personne qui ne pourra jamais décider pour elle-même. Et ça, ça devrait être totalement exclu à tout jamais, pour des raisons très évidentes de consentement.

Tout le reste, et je l'explique dans notre annexe, toute maladie amène un handicap, qu'il soit léger ou important, qu'il soit temporaire ou transitoire. Et je vous donne... Dans le mémoire, je parle de l'exemple de la COVID. Tout le monde l'a vécu. Donc, toute maladie amène un handicap et tout handicap vient d'une maladie, que ce soit une maladie néonatale, que ce soit une maladie à la naissance, toute... une maladie infectieuse, etc.

Donc, cette notion de handicap... je sais, toutes les discussions qui ont lieu, on ne va pas refaire ici parce qu'on n'a pas le temps, mais, dans l'annexe, on en parle. Mais là cette question du handicap neuromoteur, et avec tout le respect que j'ai pour madame Hivon, et elle le sait, c'est une... Madame Hivon a beaucoup insisté sur cet aspect-là, mais tout ça a été largement discuté déjà au niveau fédéral. Puis, au niveau du Québec, je pense que la question du handicap a aussi été discutée lorsqu'on parlait de maladie. On ne peut pas faire la différence entre une maladie et un handicap. Mais je pourrais discuter longtemps, mais je vais vous laisser poser d'autres questions.

Mme Bélanger : Mais... hein, c'est vraiment intéressant, mais ne trouvez-vous pas que le fait d'enlever la qualification de neuromoteur et de parler dans de handicap, sans balise...

Mme Bélanger : ...est-ce qu'il n'y a pas un risque qu'on assiste à un dérapage? Parce que la notion de handicap, vous l'avez mentionné, c'est quand même une situation qui peut être très, très large. Alors, vous croyez que ce n'est pas nécessaire que, dans le projet de loi, que, dans la loi, on vienne préciser de quoi on parle quand on parle de handicap?

M. L'Espérance (Georges) : Non, parce qu'un handicap vient d'une maladie, et, de toute façon, les autres critères sont là, l'aptitude, bien sûr. Mais une maladie grave et incurable... Je vais vous donner un exemple complètement banal, là. Mettons que j'ai un handicap parce que je me suis coupé le majeur. Bon, bien, j'ai un handicap, c'est certain, mais ce n'est pas une maladie grave et incurable, là. C'est peut-être incurable, mais ce n'est pas une maladie grave, et ça n'amène pas un déclin irréversible, etc. Donc, tous les autres critères sont là. C'est vraiment... Cette histoire du handicap moteur amène, disons, des blocages, pour certains, qui n'ont pas lieu d'être. D'ailleurs, le Collège des médecins, en 2021, a averti tous les médecins que, s'ils suivaient le Code criminel canadien, bien, il n'y aurait pas de problème. Mais je pense que vous savez tous ces éléments-là déjà.

Mais je ne crois pas que, dans une loi, il soit obligé de le qualifier. Ça devient un problème clinique, qui doit être dans les guides cliniques. Par contre, ce que j'aimerais beaucoup voir dans la loi, si vous me permettez, ce serait d'indiquer que cela exclut le handicap intellectuel sévère, et ça, point final, quant à moi.

Mme Bélanger : D'accord. Peut-être une autre question, puisque vous êtes là. Vous avez parlé tantôt de la classification de dément heureux, mais à tort. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce qu'on entend aussi, complètement, des positions très différentes par rapport à ça. Alors, vous entendre, comme spécialiste. Dément heureux, est-ce que ça existe? Est-ce que c'est un diagnostic? Votre position par rapport à ça?

M. L'Espérance (Georges) : Bien, je ne suis pas certain du tout que c'est un diagnostic. C'est plus une constatation que les soignants font ou que les familles peuvent faire. Mais, Catherine l'a très bien exprimé, un dément heureux, c'est vraiment dans la vision de celui qui voit le patient, mais le patient, qui, lui, alors qu'il était apte et qu'il avait toute son aptitude et sa conscience... je ne suis pas du tout certain qu'il est heureux... qu'il serait heureux de se voir dans la condition où il est après. C'est pour ça que, pour moi, la question de la démence heureuse est une question qui est un petit peu, disons, pour être poli, un peu tendancieuse. D'ailleurs, Judes Poirier, qui est le grand spécialiste de ça, avait très bien, aussi, fait un témoignage devant la commission.

Peut-être, Catherine aurait un mot à dire sur la démence heureuse? J'ajouterais juste une chose : Est-ce qu'il y a un seul d'entre vous qui veut se voir assis, dément, et en pensant qu'il va être heureux?

Mme Bélanger : Oui, c'est une bonne question. Ça va pour moi, merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci. Mes sympathies, Mme Leclerc. On est de tout cœur avec vous, et merci d'être ici pour nous partager votre vécu, parce que c'est important d'avoir des témoignages comme le vôtre dans la commission.

Dr L'Espérance, c'est un plaisir de vous retrouver, on a eu plusieurs discussions. Et moi, je vous ramènerais sur la notion du refus. Je sais que vous administrez l'aide médicale à mourir. Vous réagissez comment à quelqu'un qui se débat, qui ne veut pas, qui semble manifester un refus, mais qui a, d'emblée, avant ça, manifesté son intention d'avoir l'aide médicale à mourir? On fait quoi avec ça légalement, et pour vous aussi, là, pour la conscience du médecin?

• (12 heures) •

M. L'Espérance (Georges) : Oui. D'abord, je tiens à préciser que Catherine, ce matin, est avec nous, est à Vancouver, imaginez-vous, alors merci encore plus d'être là.

La question du refus... Ce matin, j'écoutais les autres intervenants, et je trouve ça intéressant, c'est la première fois que ça m'allume une lumière, parce qu'on parle de refus, mais, en fait, la plupart du temps, sinon, la majorité du temps, c'est une résistance, et je pense que M. Maclure l'a très bien dit. Et la résistance, on la voit partout, je dirais, en clinique. Si vous avez un patient qui arrive intoxiqué à l'urgence, il va être résistant. Si vous avez un patient qui est... puis je le sais, j'en ai vu, dans ma vie... qui est comateux, mais, disons, léger, ou qui est en trouble de conscience, il va être résistant au traitement qu'on veut lui donner. Donc, la résistance, c'est une chose, et je pense que les explications qu'on a eues ce matin vont dans ce sens-là.

Le refus, c'est une tout autre chose, et moi, j'ai tendance à penser comme M. Maclure, si j'ai bien compris sa pensée... parce que c'est un philosophe, ça fait qu'il faut quand même écouter comme il faut... j'ai tendance à penser que, pour avoir un refus, il faut que le patient soit apte. Par définition, s'il est rendu dément, il n'est plus apte à présenter un refus. Et donc je crois qu'on revient à la case... au carré numéro un : Qu'est-ce que la personne veut lorsqu'elle est apte? Qu'est-ce qu'elle a décidé de vouloir pour sa fin de vie lorsqu'elle est apte? Et...


 
 

12 h (version non révisée)

M. L'Espérance (Georges) : ...arriver au moment où elle est inapte, il peut y avoir une résistance, mais la résistance, on la vit assez régulièrement. Les soignants qui... avec des personnes âgées la vivent, les soignants qui sont dans des urgences ou ailleurs, on vit cette résistance-là. Et, bon, il y a des moyens soit médicamenteux soit doux de par... d'amoindrir la résistance du patient.

Mais moi, je n'aurais pas de problème avec cet élément-là de diminuer la résistance du patient qui peut être tout à fait normal. Si vous voulez mettre un cathéter à quelqu'un qui est un peu agité, vous allez avoir de la résistance.

Mme Guillemette : Merci, Dr L'Espérance. Je céderais la parole à ma colère.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, je pense qu'on a une question de la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : Bonjour, Monsieur Lespérance, madame Leclerc. Madame Leclerc, veuillez accepter mes condoléances de tout cœur.

En fait, ma question s'adresse à monsieur Leclerc, ça concerne le point de J de votre mémoire. Et puis vous mentionnez que ce sont les concepts qui posent problème au plan clinique et que ça tourne autour de termes. J'aimerais vous entendre concernant les termes physique, psychique, psychologique et existentiel. Parce que moi, dans ma tête, j'imagine que psychique et existentiel, c'est un peu la même chose versus psychologique. Pourquoi on en enlève un, mais on rajoute deux termes supplémentaires?

M. L'Espérance (Georges) : C'est simple, vous avez raison, c'est simplement le fait que le terme psychique fait beaucoup plus référence aux pathologies de santé mentale, et comme nous ne sommes pas là et que la plupart du temps, d'ailleurs, les gens vont présenter une souffrance psychologique, à savoir qu'est-ce qui va m'arriver, etc. Et l'existentiel, bien, ça c'est un élément qui est... je dirais, un élément de surplus, particulièrement pour les patients qui se font donner un diagnostic de maladie dégénérative cognitive, l'Alzheimer, ou autre.

Parce que la grosse question... Et là je vais laisser Catherine parler, parce que la grosse question dans l'existentiel, dans une maladie comme ça, c'est : Qu'est-ce qui va m'arriver? À quoi va servir ma vie quand je vais devenir complètement dément? Catherine, je voudrais que tu complètes là-dessus.

Mme Leclerc (Catherine) : Oui, bien, en fait, je pense que c'est donner un sens à sa vie. Donc, mon existence sert à quoi? Et je pense, c'est la question qu'on se pose tous. Et c'est aussi souvent de cette question-là qu'on va avoir, d'un autre côté, des résistances de communautés religieuses, parce que, pour eux, le sens de la vie vient d'un dieu quelconque, là, peu importe lequel, c'est dans la gamme de Dieu.

Mais, si je peux me permettre, en quoi est-ce que c'est plus moral, ou acceptable, ou catholique, ou peu importe, de mettre quelqu'un en sédation continue pendant des jours et des nuits en attendant qu'elle décède de dénutrition? Donc, rendu là, si moi, mon... Si moi, je me place dans une situation où qu'on me donne un diagnostic d'Alzheimer, et ayant vu ma mère dépérir avec pourtant une démence heureuse et avec des soins d'une qualité... On va se le dire là, mon père, quand qu'elle ouvrait les yeux le matin, à 7 h et demie, il était déjà au CHSLD, il prenait soin d'elle de huit à 10 h par jour, il quittait seulement pour aller dîner. Et, lorsqu'elle fermait les yeux pour s'endormir à 7 h et demie le soir, il était toujours à ses côtés. Pour elle, c'est comme s'il vivait avec elle au CHSLD. Donc, si même dans ce genre d'accompagnement là d'amour, je suis persuadée, et moi, je ne voudrais pas vivre dans une situation comme ça, parce que, pour moi, ma vie n'aurait plus de sens, donc mon existence n'aurait plus de sens... Ma mère, ça fait longtemps qu'elle était décédée d'une certaine façon.

Donc, je pense que c'est un peu là où la douleur existentielle est. Je suis qui, moi? Comme, c'est quoi, mon identité? Donc, tout ça disparaît au fil que la maladie vient affecter différentes cellules de ton cerveau. Et la possibilité de sourire que ma mère avait encore... Je l'avais déjà exprimé lors de la commission en 2021, la seule une raison pourquoi ma main souriait, c'est parce que la maladie ne lui avait pas encore arraché la possibilité de le faire. J'ai deux de mes tantes qui ont aussi la maladie d'Alzheimer. Il y en a une, malheureusement, que, vers la fin, son cerveau était affecté de façon qu'elle criait ou... mais c'est juste une question de quelle partie du cerveau ou d'inhibition a été affectée par la maladie, de quelle façon physiquement ton corps a souffert de la maladie qui fait que tu vas pouvoir sourire ou pas, ou avoir un comportement x, y, z. Donc, pourquoi quelqu'un dont la maladie a évolué de façon où qu'elle crie ou manifeste des signes qui semblent, dans notre perception à nous, représenter de la souffrance...

Mme Leclerc (Catherine) : ...aurait droit qu'on honore sa demande anticipée et ses volontés, alors que quelqu'un dont le cerveau est affecté d'une manière différente, lui, on ne respecte plus ses volontés. Moi, ça m'inquiète vraiment parce que, comme je vous le disais tout à l'heure, si j'ai la moindre des chances avec un diagnostic d'Alzheimer, de faire une démence heureuse comme ma mère, bien, je vais demander l'aide médicale à mourir alors que je suis encore apte, je ne prendrai pas la chance, je ne prendrai pas la chance. Puis, quand je dis : Je ne veux pas mourir comme ma mère, là, bien, c'est surtout : Je ne veux pas vivre comme ma mère les dernières années. C'est ce qui... Voilà.

M. L'Espérance (Georges) : Si je peux prendre une seconde, Mme la députée, la souffrance physique s'objective très bien. Pas besoin de faire de dessin. La souffrance psychologique, c'est : Bien là, qu'est-ce qui va m'arriver, là, je vais mourir comment, ça, c'est une souffrance psychologique, c'est qu'est-ce qui va m'arriver. La souffrance existentielle, c'est qu'est-ce que je vais faire? À quoi va servir ma vie? C'est ça, l'existence, le sens de l'existence. Je n'aurais plus de sens de l'existence quand je serai rendu dément. C'est pour ça que moi, je suggère fortement qu'on l'ait. D'ailleurs, quand on rencontre nos patients, on évalue toujours les trois termes : physiques, psychologiques et existentiels.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Je pense qu'il reste 1 min 16 s. Mme la députée de Soulanges, rapidement.

Mme Picard : Merci beaucoup pour votre apport à la commission. J'aimerais savoir, selon vous, quelles seraient les bonnes balises pour la demande anticipée, en quelques secondes?

M. L'Espérance (Georges) : Des balises...

Mme Leclerc (Catherine) : Mais moi, je pourrais peut-être y aller, parce que dans mon mémoire, si vous voulez vous référer, mon mémoire de 2021, pour moi, j'aimerais que ça m'arrive pouvoir dire... séparer en différentes catégories. Donc, par exemple, maladie d'Alzheimer, on sait que c'est sur sept stades, mais dire : Bon, bien, lorsque je serai arrivé à tel stade des sept stades de la maladie, et de pouvoir combiner avec certains critères. Donc, oui, là, c'est parce qu'on sait que les maladies n'évoluent pas de façon linéaire d'un stade à l'autre, de façon très structurée, hein, évidemment. Donc, on pourrait dire, par exemple : Dans mon cas, ce serait lorsque je serais arrivé au stade cinq et que j'aurais rencontré les symptômes suivants : donc je ne reconnais plus mes proches depuis minimum six mois, je ne suis plus en mesure de m'alimenter seule, je ne suis plus en mesure de... Donc, et là, à ce moment-là, ces critères-là physiques ou cognitifs, donc je n'arrive plus, par exemple, à faire telle ou telle activité d'autonomie physique, cognitive et selon les barèmes de la maladie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci. on va poursuivre, de toute façon, la discussion. Merci, Mme la députée. Je me tourne du côté de la députée de Westmount-Saint-Louis pour une période de neuf minutes 54 secondes. La parole est à vous.

• (12 h 10) •

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre témoignage et ce que vous avez partagé avec nous, Dr L'Espérence et madame Leclerc. Puis mes condoléances sincères en ce qui concerne le départ de votre mère. Votre histoire est très touchante, puis ce que vous venez d'évoquer, ça me ramène à la même question que j'avais partagée tantôt aussi, je pense que ça va être d'où l'importance de revoir le formulaire. Ça fait que je relance la demande, si ce n'est pas écrit, mais de s'assurer qu'on va pouvoir tous contribuer aux critères de ce qu'on verra à l'intérieur de ce formulaire. Parce que ce que vous venez d'évoquer est quand même important puis c'est très personnel. Les choix de chacun seront aussi personnels, puis je souhaite que ça soit pris en considération.

Dr L'Espérance, je souhaite revenir sur la notion de handicap, parce que vous dites que nous devons enlever "neuromoteur". J'ai entendu les échanges que vous avez eus avec Mme la ministre et je partage les préoccupations. Mais vous avez aussi ajouté des notions de handicap grave et incurable, selon vous, je présume que ce serait important d'avoir une définition dans la loi, en ce qui concerne... c'est quoi, la notion de handicap. Parce que vous avez aussi parlé de, par exemple... ça peut être un handicap si nous avons perdu notre vision.

M. L'Espérance (Georges) : Oui, mais, encore une fois... D'abord, premièrement, la Cour suprême n'a jamais donné de liste de maladies, la Cour suprême a toujours parlé de maladie, affection ou handicap. Et je ne pense pas qu'en faisant une liste de handicaps, on soit beaucoup plus avancé, parce que le handicap, ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est que les autres critères sont tout aussi valides bien sûr : maladies graves et incurables, et cetera. Donc, le handicap, c'est inclus à l'intérieur de cela.

Mon point, c'est que cette différence, entre le handicap et les maladies que l'on fait depuis quatre, cinq ans au Québec, n'a pas sa raison d'être au point de vue médical, s'entend. Et, encore une fois, les exemples que l'on donnait souvent, c'était, par exemple, le jeune homme de 25 ans qui a une blessure de sa moelle, qui devient paraplégique, pourra obtenir...

M. L'Espérance (Georges) : ...l'aide médicale à mourir. Il n'y a aucun médecin qui va donner l'aide médicale à mourir à un jeune homme comme ça. Pourquoi? Parce qu'on sait qu'il y a une étape de consolidation. Normalement, toutes les blessures du système nerveux, il y a deux ans qui s'écoulent avant qu'on parle de séquelles définitives, il y a des fois aussi plus rapides que d'autres, mais, d'autre part, il y a tout le processus de réadaptation, c'est vrai pour les traumatismes crâniens, c'est vrai pour les traumatismes médullaires, mais ce terme... de vouloir définir un terme de handicap, alors que dans le dans la médecine, c'est défini un handicap, c'est tout ce qui ne concerne pas un fonctionnement normal du corps. Alors, à chacun de définir ce qui est pour lui un handicap, mais il faut les autres critères, maladie grave et incurable, etc. Et ça nous met en porte à faux avec tous les... Tous les citoyens ici sont en porte à faux avec les autres citoyens canadiens qui eux n'ont pas à définir ce type de problématique là.

Mme Maccarone : Mais ça m'amène des préoccupations de la perception qu'on donne de la vie d'une personne en situation de handicap parce qu'il y en a plusieurs, entre autres, comme par exemple Jonathan Marchand qui a fait une protestation devant l'Assemblée nationale, lui, il fait face... puis il vit avec une maladie grave et incurable, mais il souhaite vivre. Alors, je veux vraiment agir avec de la prudence puis utiliser des mots qui sont justes puis délicats, parce que je ne veux surtout pas donner l'impression que ces personnes... c'est comme un commentaire qu'on fait en ce qui concerne la qualité de leur vie. Surtout que vous faites la comparaison avec une personne, mettons, qui a eu un accident d'automobile, vous l'avez évoqué, qui est en période de réadaptation, mais là, on ajoute aussi la notion de souffrance, puis c'est là où je me retrouve dans... vous avez dit un questionnement existentiel, comment déterminer la souffrance de cette personne si elle... parce que vous avez dit «s'échelonne sur plusieurs années» dans votre mémoire, par exemple, il n'y a aucun médecin qui va administrer l'aide médicale à mourir à ce jeune homme de 24 ans qui vient d'avoir un accident d'automobile, qui a perdu l'utilisation de son corps, il est quadriplégique, mais combien d'années, si, mettons, il revient cinq ans plus tard, après cinq ans de rétablissement, de travail, mais la souffrance qu'il a, il est en douleur et il souffre psychologiquement parce qu'auparavant c'était un athlète olympique, est-ce que lui, il serait éligible pour recevoir l'aide médicale à mourir, selon la définition de la notion de handicap grave et incurable?

M. L'Espérance (Georges) : Bien, il a une maladie grave et incurable, il a eu une blessure de sa moelle, c'est incurable. Il a eu... il a des souffrances physiques, psychologiques ou existentielles, il a eu tout ce qu'il fallait pour avoir... c'est-à-dire on a vérifié qu'il avait eu tout ce qu'il fallait comme aide par la suite, réadaptation, etc., etc. Donc, après, on ne peut pas mettre dans une loi un délai, mais après cinq ans, huit ans, 10 ans, cette personne-là peut revenir avec une demande et là on refait le même processus. Je ne vois pas où il y a vraiment un problème parce qu'on pourrait poser le même questionnement avec une maladie, une personne peut avoir une maladie, et parce qu'elle a une maladie, on considère les autres critères, et elle va être admissible, mais parce que c'est un handicap neuromoteur, là, à ce moment-là, on ne considère pas, faudrait qu'il y ait des délais. On ne peut pas fonctionner comme ça. Le handicap vient d'une maladie, et on peut tourner ça dans tous les sens, un handicap, ce n'est pas une entité en soi, l'handicap vient d'une maladie.

D'autre part, et vous avez raison de dire qu'il y a des gens qui se sentent... Mais l'aide médicale à mourir, ce n'est pas du tout donné à tout le monde, c'est donner à la personne qui le demande. Alors, il y a plein de gens handicapés, très lourdement handicapés qui ont des vies extraordinaires. On a eu des collègues, nous, un collègue psychiatre à Québec, qui est maintenant décédé malheureusement, mais qui a eu une vie extraordinaire. Il y a plein de gens comme ça qui ont des vies remarquables, c'est leur choix, mais pour certaines personnes qui ont un handicap lourd qui vient d'une maladie, x, y, z, bien, eux, s'ils demandent l'aide médicale à mourir, on doit évaluer ces patients-là de la même façon qu'on évalue les autres et non pas par rapport au regard d'un groupe de patients handicapés. Mme la juge Beaudoin, dans sa décision de la Cour supérieure, avait très bien élaboré sur ce sujet-là et a donné de très belles... très beaux paragraphes juridiques, et je dirais même un peu cliniques et philosophiques sur ces aspects-là.

Mme Maccarone : Merci. J'avoue, je réitère quand même ma préoccupation que si ce n'est pas bien défini dans la loi, j'ai des préoccupations que malgré qu'il y avoir quelqu'un qui pense qu'il devrait avoir recours à l'aide médicale à mourir serait refusé parce que ce n'est pas clair, parce que c'est flou en ce qui concerne la définition de qui qui devrait être éligible...

Mme Maccarone : ...si on n'a pas des critères, puis je ne vous demande pas d'élaborer une liste de toutes les maladies dont on devrait être dire que vous, vous êtes éligible, mais vous n'êtes pas éligible. Mais, si ce n'est pas clair et si on n'a pas des balises en place... Par exemple, on parle de la souffrance puis,  comme on sait, lors des débats que nous avons eus dans la commission spéciale, c'est très difficile de déterminer et d'évaluer la souffrance aussi d'une personne parce que c'est subjectif. Moi, la façon que je souffre va être différente que la façon de ma collègue de Châteauguay va souffrir, ce n'est pas du tout la même affaire. Alors, je vous mets à la même la même circonstance, quelqu'un qui est dans un accident d'automobile, il perd l'utilisation de son corps puis l'autre personne qui est dans le même accident d'automobile perd sa vision et ses capacités auditoires, mais pour cette personne qui est musicien, cette personne qui contribue, puis c'est sa façon de gagner sa vie, mais il est en train de souffrir. Puis là, on n'est plus dans un état parce qu'on ne parle plus de soins de fin de vie, on parle des maladies parce qu'on parle d'aide médicale à mourir. Ça fait que je suis préoccupée de savoir comment ça va être administré. Et puis pour vous, les médecins, comment vous avez faire des choix? Puis vous avez parlé d'harmoniser beaucoup dans votre mémoire avec la loi fédérale pour ici, avec, avec notre code civil par exemple et ce que nous allons faire en terme de cette loi. Mais je suis préoccupé parce que dans un an, par exemple, on doit prendre en considération les troubles mentals parce que c'est juste un retard. Alors, nous allons faire face à encore un débat, ça fait que je souhaite mieux vous équiper. Dans le fond, c'est ça la problématique, je pense, que dont nous faisions face.

M. L'Espérance (Georges) : La santé mentale est un autre sujet. On est tout à fait d'accord. Mais le handicap, ça fait six ans qu'on se débat avec ça, nous comme médecins, et c'est la... pour le Canada anglais, ça ne pose pas de problème. Encore une fois, c'est une question médicale, et en fait, la réponse est un peu dans votre question parce qu'on ne peut pas, nous, dans le regard du patient, savoir si est existentielle ou psychologique. C'est le patient qui ressent sa souffrance, et nous, notre travail, c'est de l'écouter et de et de tenter de voir par tous les moyens possibles quelle est cette souffrance, si elle est réitérée, si elle persiste dans le temps. C'est ça notre travail. Mais ce n'est pas à nous de décider, surtout pas, et personne d'autre d'ailleurs, de décider à quel niveau le patient souffre.

Mme Maccarone : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je vais maintenant céder la parole à la députée de Sherbrooke pour une période de 3 min 18 s. La parole est à vous.

• (12 h 20) •

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Merci d'être ici ce matin. Mme Leclerc, mes sympathies pour le décès de votre mère.

J'essaie de voir comment on peut répondre aux problèmes que vous nous énoncez par rapport à votre propre vie parce que vous n'êtes pas la seule à vous poser ces questions-là évidemment. On vous voit tous venir des situations comme celle-là. Est-ce que vous voudriez pouvoir dire, de manière anticipée, vos volontés par rapport à la démence heureuse? Puis je me demande si on ajoute la notion de souffrance existentielle et qu'une personne dans cette demande anticipée pouvait énoncer clairement que pour elle, vivre dans une situation que certains appellent la démence heureuse, ce serait une souffrance existentielle. Est-ce que ça permettrait de répondre à l'enjeu que vous soulevez puis de laisser une certaine souplesse aussi parce que ce n'est pas nécessairement perçu par tout le monde de la même manière, là, l'état de démence heureuse? Certains peuvent trouver, comme vous, par exemple, que ce n'est pas du tout une belle qualité de vie. D'autres pourraient trouver que ce que ça ne nécessite plus d'avoir recours à l'aide médicale à mourir. Donc, pensez-vous que ce serait une manière de répondre à la préoccupation que vous énoncez?

Mme Leclerc (Catherine) : Bien, écoutez, de façon très très très simple, on pourrait juste inscrire dans la demande si je semble présenter des symptômes d'une démence heureuse, procéder ou ne pas procéder à la demande. Donc, à ce moment-là, il y a des gens qui, pour eux, se disent : Bien, si ma maladie se développe et que j'ai l'air d'être bien dans la maladie, comme on entend des fois, puis qu'ils sont prêts à vivre avec ces conséquences-là, que leurs demandes deviennent caduques selon ce qu'ils présentent comme symptômes, bien, c'est leur choix, libre à eux, aucun problème. Moi, je ne veux pas, par exemple, me voir privée de ma demande anticipée parce que, dans le regard de quelqu'un d'autre, je paraîtrais ne pas souffrir à ce moment-là. Donc ça pourrait être très simple effectivement, de mettre une coche... une case à cocher, démence heureuse, procéder ou ne pas procéder,  et voilà. Des fois...

Mme Labrie : Est-ce que, de votre point de vue, ça nécessite une modification législative...

Mme Labrie : ...de pouvoir procéder comme ça ou c'est plutôt une question, là, de formulaire à la fin?

Mme Leclerc (Catherine) : Pour moi, c'est plus une question de formulaire et de protocole, et de façon... donc, comme le formulaire dans lequel on va combiner les différents critères qu'on va vouloir voir appliquer dans notre demande. Donc, je crois qu'à ce moment-là ça pourrait faire partie du formulaire et que ça ne devrait pas être enchâssé dans une loi, parce que, tu sais, les choses peuvent changer et le formulaire va être plus apte à s'adapter à la réalité du futur qu'un projet de loi ou qu'une loi.

Mme Labrie : Donc, ce n'est pas nécessairement la rédaction de la loi actuelle qui vous fait craindre qu'on vous empêche d'exécuter votre volonté, c'est plutôt parce qu'on ne connaît pas encore la teneur, là, du formulaire.

Mme Leclerc (Catherine) : En fait, la façon dont, présentement, c'est inscrit avec le caractère objectivable de la souffrance psychologique ou existentielle, ça, ça m'inquiète parce que ça, ça m'empêcherait qu'on exécute ma demande anticipée. Donc, si, à ce moment-là, on met comme de quoi... Bien, en fait, oui, ça pourrait être contourné par un formulaire qui dit : Dans le cas où n'est pas objectivable une demande... une souffrance existentielle, ou de procéder quand même selon les critères qui ont été décrits dans la demande anticipée.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour votre réponse, madame Leclerc. Je passe maintenant la parole pour trois minutes et 18 secondes à la députée de Laviolette-Saint-Maurice. Merci.

Mme Tardif : Merci, madame Leclerc, je vous réitère ce que mes collègues nous ont dit, là, mes sincères condoléances, et j'aime croire que votre mère vous accompagne, donc, à vous et votre famille.

Dr L'Espérance, sans diminuer l'importance de l'objection qu'un patient a au moment ou la réaction qu'un patient peut avoir au moment de lui administrer l'aide médicale à mourir suite à sa demande, quel est l'impact... la médication qu'on donne au patient sur leur comportement à être heureux ou agressif? Parce que j'ai suivi aussi mon père jusqu'en fin de vie et j'ai constaté qu'il y a des... certains médicaments qui les rendent agressifs, malheureusement. Et je sais que ce n'est pas dans ce projet de loi, actuellement ce n'est pas dans le projet de loi, mais on a reçu des demandes à avoir une certaine ouverture.

Je me questionne et j'aimerais avoir votre avis par rapport au fait qu'il y a des parents qui ont vu leurs grands adolescents souffrir le martyre, qui ont vécu le décès de leurs enfants avec des maladies incurables, irréversibles, souffrant, tous les mêmes critères, là, et qui ont recommandé qu'on ait une certaine ouverture par rapport à la voie, que ce soit la voie naturelle raisonnablement prévisible. Surtout qu'il apparaît que, peut-être incessamment, le gouvernement fédéral va modifier les critères d'admissibilité. Donc, je veux avoir... Je ne me positionne pas, je veux avoir votre avis médical par rapport à ces deux points. Merci.

M. L'Espérance (Georges) : Bon, bien, effectivement, ce n'est pas un projet de loi. Notre position est très claire là-dessus, et la mienne, comme médecin, l'est encore plus, ce qu'on appelle les mineurs matures, disons à partir de 12 ans, ce n'est pas tellement l'âge qui est important, c'est la capacité de l'enfant de comprendre sa situation.

Deuxièmement, les jeunes qui ont le malheur d'avoir de telles pathologies, d'abord, on s'entend que ça serait tous dans la voie un, c'est-à-dire la mort naturelle raisonnablement prévisible. La très grande... la totalité, ce sont des cancers, des saloperies, permettez-moi ce mot qui n'est pas parlementaire, ce sont des cochonneries, ce sont des jeunes qui passent une partie de leur vie à l'hôpital. Ils ont des chirurgies, de la radiothérapie, de la chimiothérapie, ils sont amputés. C'est effrayant. Et on arrive à un jeune, disons, de 17 ans et demi et on lui dit Bien non, tu ne peux pas avoir l'aide médicale à mourir, attends six mois, souffre encore, puis à 18 ans tu vas pouvoir demander. Alors, il y a quelque chose de complètement incongru dans ça.

Et j'ajouterais que ces jeunes-là, puis moi, j'en ai traité au début de ma carrière, des jeunes avec des pathologies sévères, là, ils ont une maturité que bien des gens n'ont pas à l'âge adulte. Et je pense que de priver des jeunes de 12 à 18 ans de leur autonomie alors qu'ils sont très aptes à décider pour eux-mêmes, je pense, ce n'est pas très correct, mais ça ne fait pas partie du projet de loi actuel.

Mme Tardif : Et par rapport à la médication qu'on donne, est-ce que ça pourrait jouer sur le comportement, justement, d'une personne qui semble... ou qui elle peut aussi changer d'idée, là, mais...

Mme Tardif : ...elle change... elle semble changer d'idée, et, des fois, j'attribue ça sur la médication qui est tellement forte qui leur est donnée et qui les rend agressifs.

M. L'Espérance (Georges) : Vous avez raison. Puis pour des patients qui sont encore aptes effectivement, on va voir des modifications de comportement. Là, je sors pas mal de mon domaine de compétence même, mais il reste, c'est vrai que la médication peut amener une modification du comportement chez des patients. Maintenant, chez des patients qui sont devenus inaptes, chez des patients déments, on va avoir les mêmes réactions physiologiques ou physiopathologiques, mais on tourne toujours dans la même chose, ce patient-là est devenu dément, ce n'est plus la même personne qui l'a été pendant toute sa vie, alors je crois que c'est pour ça qu'on doit respecter l'autonomie, la dignité de ce patient-là, alors qu'il était lui-même ou elle-même, là, alors que cette personne-là était elle-même ce qu'elle a été toute sa vie, ce qu'elle a représenté, sa dignité, son autonomie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dr L'Espérance. À nouveau, Mme Leclerc, merci beaucoup pour votre témoignage. Nos sincères condoléances. Je vais suspendre les travaux jusqu'à l'avis touchant les travaux des commissions cet après-midi. Merci beaucoup à tous et à toutes.

(Suspension de la séance à 12 h 27)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 21)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît? Nous allons donc reprendre nos travaux avec la Commission des relations avec les citoyens. Je rappelle le mandat, nous poursuivons donc les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et autres dispositions législatives.

Cet après-midi, nous allons entendre les personnes et les organisations suivantes...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...Mme Véronique Hivon, ancienne députée de Joliette. Je peux maintenant nommer votre nom, le Collège des médecins du Québec, Mme Nicole Poirier, de Carpe Diem, Centre de ressources Alzheimer, la Commission sur les soins de fin de vie ainsi que le Curateur public du Québec. Donc, pour ces auditions particulières, je vous rappelle le temps des auditions, donc, d'une durée maximale de 45 minutes, le temps du gouvernement, 16 min 30 s, celui de l'opposition officielle neuf minutes... 8 min 35 s, parce que nous allons avoir également le Parti québécois, vous pouvez vous approcher, 2 min 52 s pour le deuxième groupe d'opposition, 2 min 52 s pour la députée indépendante ainsi que 2 min 12 s pour le Parti québécois. Je vous rappelle, Mme Hivon, que vous avez 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons ensuite à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi qu'à commencer votre exposé, à parler.

Mme Hivon (Véronique) : Merci, Mme la Présidente. Je suis Véronique Hivon, ex-ministre, ministre et ex-députée de Joliette. Je tiens à remercier chaleureusement les membres de la commission de m'avoir invitée à participer aux présentes consultations. Cela témoigne d'une ouverture et d'une volonté renouvelée de travailler en collégialité qui transcende même maintenant la fin des législatures et des engagements en politique active. Je veux souligner d'ailleurs l'engagement de la ministre qui présente le projet de loi en tout début de mandat, de l'ex-présidente de la commission spéciale et de tous les porte-parole des oppositions. Vous êtes tous, je le sais, très investis.

Mon mémoire est composé de trois sections, beaucoup plus approfondies que ce que je pourrai reprendre en 10 minutes, mais je suivrai le même ordre. Je partagerai d'abord quelques remarques préliminaires, puis je procéderais à une discussion générale des trois enjeux centraux du projet de loi. Pour ce qui est de la dernière section, je présente mes observations détaillées sur plusieurs des articles. Je n'aurai pas le temps de l'aborder, mais il me fera plaisir d'en discuter pendant la période des échanges.

D'abord, il m'apparaît essentiel de débuter en rappelant l'importance, lorsque l'on parle d'un enjeu aussi sensible et complexe que l'aide médicale à mourir, de favoriser le débat social et parlementaire le plus large qui soit. Si on peut statuer que les fondements du débat sont bien en place pour la question de la demande anticipée, à la suite notamment de la commission spéciale et du groupe d'experts Maclure Filion, il n'en va pas de même pour la question du handicap, qui n'a pas eu droit au même type d'exercice, contrairement à la tradition québécoise.

D'où l'importance d'aller au fond des choses dans le cadre de cette consultation-ci et d'entendre largement, avec beaucoup d'ouverture et sans a priori, tous ceux qui souhaitent être entendus. Il en va aussi du respect d'une forme de pacte qui a été conclu, je dirais, lors des débats entourant la loi initiale, avec ceux qui avaient des craintes et qui arguaient qu'une fois qu'une première ouverture serait faite, les ouvertures successives se multiplieraient dans une certaine forme d'automatisme, ce à quoi nous avions bien sûr répondu que ce ne serait jamais le cas et qu'il en allait de la responsabilité première des élus de retourner chaque pierre face à chaque enjeu. Me sentant un peu comme la principale dépositaire de ce pacte, à ce jour, je souhaite le partager aujourd'hui avec vous, question que tous les citoyens soient bien rassurés, évidemment, par le sérieux du travail qui sera fait.

Deuxièmement, il faut rejeter l'idée d'effectuer de nouvelles ouvertures au seul nom de l'harmonisation avec le Code criminel. Cela signifierait de taire les débats et d'y aller d'automatismes allant tout à fait à l'encontre de ce pacte que je viens d'évoquer. La loi québécoise doit demeurer autoportante et ancrée dans les perspectives, les valeurs et les consensus du Québec. On se tendrait de surcroît un piège à nous-mêmes en adoptant une telle approche, car cela aurait pour effet de rejeter le cœur même du projet de loi no 11, soit la demande anticipée qui est non prévue à ce jour au fédéral, alors qu'elle entre parfaitement dans nos champs de compétence.

Dernière remarque toujours garder en tête l'importance de ne pas dénaturer ou rendre désincarnée la philosophie unique de la loi québécoise qui intègre, on le sait, à la fois les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir sur un continuum et de ne pas migrer vers une vision de l'aide médicale à mourir comme un geste isolé.

Maintenant, sur la discussion générale, la demande anticipée d'aide médicale à mourir. Je vais passer rapidement sur les fondements de l'ouverture à l'aide médicale à mourir par demande anticipée et sur mon positionnement, ceci étant bien établi dans le rapport de la commission spéciale de laquelle j'ai eu le privilège d'être membre. Je continue à être convaincue que la demande anticipée en prévision d'inaptitude est une avancée humaniste significative qui permettra d'éviter des fins de vie extrêmement difficiles et très souffrantes...

Mme Hivon (Véronique) : ...pour qu'il en soit véritablement ainsi, toutefois, un souci constant pour les personnes vulnérables devra se manifester. L'encadrement doit donc être extrêmement réfléchi, strict et rigoureux.

De plus, pour que cette ouverture ne demeure pas qu'une idée théorique, sa faisabilité doit être une préoccupation constante. Ça signifie à la fois d'avoir des règles claires et des médecins et IPS en nombre et expertises suffisants pour accompagner les personnes désireuses de faire une telle demande. Il faudra assurément que la sensibilisation et la formation soient au rendez-vous.

Au cœur de l'encadrement de la demande anticipée se trouve évidemment le respect des critères actuellement applicables. Si nous nous éloignons, par exemple, du respect du critère central de la souffrance contemporaine au moment de l'administration de l'aide médicale à mourir, ça signifierait qu'il serait moins contraignant pour une personne devenue inapte que pour une personne apte d'obtenir l'aide médicale à mourir, alors que tous conviendront que la vulnérabilité plus grande des personnes inaptes commande au contraire une vigilance accrue.

En ce qui a trait précisément, donc, au critère des souffrances constantes et insupportables, la formulation proposée dans le projet de loi nous apparaît adéquate dans la mesure où elle indique clairement que, pour que l'aide médicale à mourir soit administrée, il faudra à la fois qu'il y ait présence de ce qui est mentionné dans la demande anticipée et présence de souffrance vécue au moment de l'évaluation de la personne. Certaines questions devront toutefois trouver des réponses sans aucune ambiguïté dans le cadre de l'étude détaillée. Qu'est-ce qui sera considéré comme une demande faite de façon détaillée, au sens de l'article 29.3? Cela se fera sur un formulaire où l'on coche des cases ou par une véritable description faite par la personne permettant de vraiment tenir lieu de témoignage. Si une personne prend soin de faire une demande anticipée et prévoit dans le détail certaines souffrances qu'elle ne voudrait pas vivre, mais omet la principale forme de souffrance qui se révélera finalement être la sienne, est-ce à dire qu'on ne pourra lui administrer d'aucune façon l'aide médicale à mourir? Pourrait-elle prévoir globalement que, si elle souffre de manière constante et intolérable, elle veut recevoir l'aide médicale à mourir ou ce serait jugé non conforme? Qu'en serait-il de la personne qui ne souffrirait pas en lien avec la maladie ayant mené à son inaptitude, mais qui aurait des souffrances liées à une autre maladie grave et incurable, comme un cancer? Pourrait-elle prévoir qu'elle veut aussi que ses souffrances soient prises en compte?

Il faudra par ailleurs qu'il soit bien clair dans l'accompagnement des personnes que le fait d'avancer dans l'évolution de la maladie et de franchir certains stades ne représente pas en soi une souffrance pouvant donner ouverture. Dans un autre ordre d'idées, l'atteinte de certains stades pourrait toutefois être jugée utile pour déterminer que la personne remplit le critère du déclin avancé et irréversible.

L'inclusion du handicap neuromoteur. J'ai déjà énoncé l'importance de faire un débat en profondeur sur cet enjeu et d'éviter à tout prix l'automatisme. J'expose dans mon mémoire qu'un bref retour dans l'histoire établit que le contexte dans lequel le terme a fait son entrée était bien différent de ce qui est l'état des lieux dans un contexte maintenant non lié à la fin de vie. Ainsi, l'inclusion signifiera-t-elle qu'un jeune sportif de 20 ans qui perd l'usage de ses jambes ou une pianiste qui perd l'usage de ses mains à la suite d'un accident pourrait faire une demande si les autres critères sont remplis? Je me questionne d'ailleurs, en passant, dans mon mémoire, sur l'applicabilité du critère du déclin à une situation de handicap, de surcroît quand on parlerait d'un handicap de naissance, puisque c'est un concept lié davantage à l'évolution d'une maladie qu'à un état. Bref, c'est tout un changement de paradigme, mais je pense qu'il faut aller au fond des choses.

• (15 h 30) •

Au-delà, donc, de la question fondamentale qui demeure de savoir s'il est opportun ou non, socialement et éthiquement, d'ouvrir cette possibilité, parmi les questions qui méritent d'être approfondies, je mentionnerais en priorité: Quelle est la définition de «handicap neuromoteur»? Le projet de loi devrait, selon moi, inclure une définition pour assurer une compréhension commune et une application prévisible du concept. Par ailleurs, quelle serait la justification de limiter l'aide médicale à mourir au seul handicap neuromoteur? En vertu de quel principe serait-il légitime de permettre l'aide à mourir pour des souffrances liées à la perte de l'usage d'une jambe ou d'un bras, par exemple, mais pas de la vue ou de l'ouïe? Devrait-on prévoir un encadrement spécifique à ces situations, notamment pour s'assurer qu'une période d'adaptation nécessaire à l'apprivoisement d'une nouvelle réalité à la suite d'un accident, par exemple, soit applicable avant qu'une personne puisse faire une telle demande? Ce ne sont pas des éléments, selon moi, qui peuvent être laissés uniquement à la pratique et au terrain, car ils sont à la base de l'exercice d'un droit potentiel.

En terminant, le retrait du critère de fin de vie...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Hivon (Véronique) : ...J'ai peu de temps pour aborder cet enjeu qui est discuté dans mon mémoire. Je vais juste mentionner rapidement que le critère de fin de vie n'étant plus appliqué dans la pratique depuis le jugement Gladu Truchon un peu plus que deux ans, cela a donné lieu à l'application d'une mesure différenciée pour les personnes qui ne sont pas en fin de vie, un fameux 90 jours qui est dans le Code criminel, et a des interprétations autonomes sur le terrain qui ont des effets significatifs et qui méritent à ce stade-ci qu'on s'y arrête afin de déterminer si le législateur souhaite qu'elles perdurent ou corriger le tir. Alors, je serai maintenant heureuse de répondre à vos questions et d'échanger avec vous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme Hivon. Alors, justement, pour répondre à ces interrogations, ces questionnements, ces commentaires, je vais céder la parole à Mme la Ministre.

Mme Bélanger : Mme la Présidente, Mme Hivon, ça fait vraiment plaisir de vous rencontrer. Je pense que c'est la première fois que je vous rencontre en personne en plus, même si j'ai l'impression de vous connaître depuis quand même plusieurs années. Je veux quand même souligner qu'aujourd'hui, c'est notre première journée de ces consultations particulières. Et ce matin, donc, on a ouvert le bal en recevant déjà différentes personnes. Et vous ne serez pas surprise que, dans les groupes que nous avons reçus ce matin, déjà plusieurs nous ont parlé de la notion de handicap et même suggéré d'enlever la notion du terme, en particulier «neuromoteur», pour ne conserver que la notion de handicap dans une perspective de s'arrimer avec le fédéral, mais aussi parce qu'étant donné que tous les critères sont déjà bien décrits dans la loi, c'est-à-dire être... avoir une maladie incurable, être... avoir des souffrances physiques, psychologiques difficiles à supporter, difficiles à être apaisées. Donc, comme tous les critères sont là et le côté de l'irréversibilité, donc, pour les gens qui sont venus témoigner ce matin, ils nous ont dit : Bien, pourquoi préciser la notion de neuromoteur dans ce cas-là, puisque le handicap devrait, si elle répond à certains critères qui sont déjà énoncés, ça devrait être suffisant pour bien baliser l'aide médicale à mourir.

Mme Hivon (Véronique) : Alors, d'entrée de jeu, merci beaucoup pour la question. Vous aurez compris de mon propos que je pense que ce débat-là doit être fait en profondeur sur le fond des choses, sur l'opportunité même d'ouvrir. Et je pense qu'au cœur de la réflexion, vont devoir être entendus, comme vous allez le faire dans quelques jours, les groupes qui représentent les personnes handicapées, les personnes handicapées. Où est le consensus social là-dessus? Comme moi, j'imagine, vous avez reçu beaucoup de commentaires sur cet enjeu-là depuis que le projet de loi a été déposé. Si d'aventure c'est maintenu dans le projet de loi, je pense qu'effectivement c'est une question légitime, vous connaissez mon point de vue, pas à cause d'une question d'harmonisation avec le fédéral. Je veux le redire, je pense que c'est un piège que le Québec se tendrait d'être dans une logique pure d'harmonisation. On n'aurait jamais bougé en 2009. Le Code criminel n'était pas ouvert à l'aide médicale à mourir et là on ne bougerait pas sur la demande anticipée, ce qui, je pense, serait une grave erreur parce que c'est ancré dans un consensus social solide.

Donc, je pense que si on fait l'ouverture, si les parlementaires décident de la faire, c'est parce qu'ils vont juger que c'est en accord avec ce qui est bien, le bien commun de la société et les personnes qui sont directement touchées. Ceci dit, si on est dans ce cas de figure là, je pense effectivement que la question se pose. Qui peut juger et en vertu de quel principe? Serait-il plus souffrant nécessairement, par exemple, de perdre l'usage de ses jambes que de perdre l'usage de sa vue ou de son ouïe? Qui va déterminer ça? Donc, je pense que c'est excessivement complexe si on rentre là-dedans.

Même chose, le handicap intellectuel. En fait, si on y va pour le handicap, ça, c'est un autre élément, sans définition, sans restriction, en théorie, si une personne qui a un handicap intellectuel est toujours apte à consentir, vous savez très bien que ça peut être le cas, et le handicap pourrait quand même être jugé grave et incurable, ça ouvre cette porte-là aussi. Ce ne sont pas des petits débats. Alors, ce qui m'inquiète quand... Puis je comprends la position des médecins, là. Je comprends que, sur le terrain, si tout était pareil, ce serait plus simple et plus confortable, mais la responsabilité de la société puis des parlementaires, c'est de voir tous les angles et de faire cette agrégation-là. Alors, de ce point de vue là, je pense que c'est une question légitime qui est soulevée, est-ce que neuromoteur devrait rester ou pas s'il y a ouverture? Mais surtout quelle est la définition qu'on donne? Est-ce que les jeunes dont je parlais, qui peuvent vivre une souffrance psychique terrible à la suite d'un accident, un sportif, une pianiste, est-ce qu'ils ont droit à cette possibilité-là? Parce que je pense que...

Mme Hivon (Véronique) : ...ça va toujours pas mal, après la période d'adaptation, être considéré incurable et pas mal toujours quand tu perds l'usage d'un membre grave. Donc, où on va mettre la limite? D'où l'importance, je pense, que ce travail-là se fasse dans le cadre du projet de loi.

Mme Bélanger : Madame Hivon, vous avez beaucoup d'expérience, vous avez mené le premier projet de loi, vous avez fait partie de la Commission spéciale sur les soins de fin de vie. J'aimerais peut-être juste revenir sur la notion de handicap. Je comprends, dans la présentation que vous nous avez faite tantôt, que vous êtes favorable à la notion de handicap neuromoteur mais en ayant la précaution de bien entendre, de bien examiner la question. Est-ce qu'à la lumière de l'expérience que vous avez depuis des années vous êtes ouverte à ce que, dans le projet de loi, il y ait seulement la notion de handicap et qu'on exclue complètement le volet neuromoteur?

Mme Hivon (Véronique) : Je ne suis pas... Je ne me positionne pas... Vous allez trouver ça fatigant, là, mais je ne veux pas me positionner aujourd'hui sur le bien-fondé de l'ouverture au handicap. Pourquoi? Parce que, justement, je pense que, dans la tradition québécoise, on a toujours fait d'abord, d'habitude, des débats dans des commissions spéciales sans a priori, en entendant tout, en n'ayant pas de position de départ. Et je pense que c'est très simple de le faire comme ça en démocratie. Puis ce n'est pas parce que, c'est juste que je ne veux pas orienter les choses par rapport à ça.

Donc, ce que je vous dis, c'est que ce n'est pas une mince affaire et que l'encadrement, si les parlementaires, le législateur décident d'aller de l'avant, il va être essentiel, selon moi, pour même envisager cette ouverture-là. Parce que j'entendais ce matin, puis j'ai beaucoup de respect pour Dr L'Espérance puis je sais qu'il a référé à moi aussi, j'ai beaucoup de respect avec lui, puis des fois il y a des choses, beaucoup de choses sur lesquelles on s'entend, mais, quand moi, j'entends les médecins dire : Vous savez, on ne le fera pas, là, à quelqu'un, on ne donnera pas l'aide médicale à mourir si ça fait juste un an qu'il a eu un accident puis qu'il a perdu l'usage de ses jambes. Mais qui qui va décider ça? À partir du moment où c'est dans une loi puis qu'il n'y a rien qui le détaille et qui le définit, si un médecin dit : Oui, ça répond aux critères, c'est grave et incurable, bien, il va peut-être le donner. Quelqu'un d'autre va peut-être avoir une appréciation différente, d'où l'importance que ce soit clairement dit.

L'autre chose sur la question du handicap qui me laisse un peu perplexe, c'est que, ce matin, on entendait que tout handicap découle d'une maladie. Bien, si c'est ça, la position, puis que tout handicap découle d'une maladie, je ne comprends même pas pourquoi on fait un débat. Parce que la maladie grave et incurable, elle est dans le projet de loi. Puis, s'il y a des symptômes qui sont ceux d'un handicap qui en découlent, la personne est admissible. Si le débat se fait, c'est parce qu'on fait une distinction, selon moi, fort à propos. Ce n'est pas exactement la même chose. Le handicap, c'est plus un état qu'une maladie qui va évoluer. Alors, ce n'est pas... ce n'est pas rien, comment affaire.

Puis je dis dans mon mémoire, je fais une petite recension historique, qu'il ne faut pas oublier que, quand ce mot-là, là, est apparu dans le Code criminel, on était dans un contexte de fin de vie, de mort raisonnablement prévisible, ça fait que c'était pratiquement une vue de l'esprit. Un handicap ne vous mène pas en soi à être en fin de vie. Et là, quand le critère a tombé à la suite du jugement Gladu-Truchon, le mot, il est resté dans le Code criminel, mais il n'y a pas eu un débat en profondeur sur ce que ça voulait dire maintenant qu'on n'était plus en fin de vie. Alors, je pense que, maintenant, le Québec, avec le sérieux qu'il donne à ce dossier-là, doit le faire, ce débat-là.

Mme Bélanger : Je ne peux pas faire autrement que poser une autre question, j'ai encore un peu de temps. Trouble mental, j'aimerais ça vous entendre. Vous avez participé à la commission spéciale sur les soins de fin de vie, puis c'était une des recommandations d'exclure complètement... trouble mental. Et c'est ce qu'on a fait dans le projet de loi que j'ai déposé. J'aimerais vous entendre à ce sujet-là.

• (15 h 40) •

Mme Hivon (Véronique) : Bien, essayant d'être généralement cohérente avec moi-même, je partage toujours la position que j'avais comme membre de la commission spéciale. Je pense que c'est la bonne position, pas parce qu'il n'y a pas de souffrance mais parce que c'est d'une telle complexité, c'est la même chose pour le handicap, c'est la même chose pour la demande anticipée, que l'idée même d'ouvrir doit s'accompagner d'une certitude que ça va être applicable avec toutes les balises nécessaires. Et, au sortir des travaux de la commission spéciale, on n'avait pas atteint ce niveau de sérénité, comme élus, que cette certitude-là était là.

Mme Bélanger : O.K., merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci, Mme la ministre. Il reste encore à sept minutes 35 secondes. Mme la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : Bonjour, madame Hivon. En fait, j'aimerais bien vous entendre sur la définition de la souffrance intolérable. Et vous avez mentionné tantôt de ne pas... de sortir, justement, du concept d'harmonisation. Si on sort de ce concept-là et on...

Mme Schmaltz : ...fini la... si on arrive à définir la souffrance intolérable, est-ce qu'on devrait personnaliser, à ce moment-là, le débat... bien, le débat, je veux dire, sur la question.

Mme Hivon (Véronique) : Oui. C'est une très bonne question. La souffrance intolérable, en fait, je dirais que c'est vraiment ce qui devient intolérable pour la personne dans des conditions qu'elle juge acceptables. Exemple, avec la demande contemporaine, là, qui existe en ce moment, vous souffrez tellement de votre cancer qu'on doit vous donner des doses importantes de calmants, que vous êtes somnolent, que vous venez à faire un délirium, que vous avez des hallucinations, quelqu'un peut dire : Bien là, on essaie de calmer mes souffrances, mais les effets secondaires sont tels que ce n'est pas dans les conditions que je peux juger acceptables. Et ce niveau-là, il est très défini par la personne avec l'appréciation du professionnel compétent qui l'accompagne. Évidemment, quand on est dans la demande anticipée, il y a une complexité plus grande parce que la personne, au moment deux... Moi, je dis toujours, il y a le moment un où on fait l'écriture de notre demande anticipée, on a eu notre diagnostic, on est apte, puis il y a le moment deux, où l'on n'est plus apte, et qu'un tiers de confiance, par exemple, dit : Je pense que ma mère est rendue à éprouver des souffrances intolérables et je voudrais qu'on évalue. Donc, comment on va faire ça, bien, je pense que ce qui est dans le projet de loi est exactement comment on doit le faire, c'est-à-dire de se fier sur le témoignage de la personne de manière anticipée, mais de s'assurer que ce n'était pas juste une projection anticipée d'une souffrance, mais qu'au moment deux, quand la personne est devenue inapte et qu'on constate qu'elle semble souffrir, qu'effectivement elle souffre, puis là je ne suis pas médecin, donc les médecins vont pouvoir vous répondre, mais pour mes échanges avec eux, on est capable physiquement puis aussi psychologiquement de voir si une personne devient soudainement très agitée et se met à faire de l'errance, a des hallucinations, est crispée, a peur dès qu'une personne rentre dans son appartement, dans sa chambre, ce sont des manifestations de souffrance. Et pour que ce soit intolérable, bien, il faut évidemment que ce soit jugé, que la personne n'a plus de bien-être et aussi que c'est constant dans le temps. Donc, ça, je fais juste un petit aparté, vous l'avez dans la section c, là, du mémoire. J'ai noté que pour la demande anticipée, au lieu de souffrance constante, vous avez mis souffrance persistante, je vous soumets humblement que je pense que pour ne pas créer de confusion, ce serait mieux de garder toujours les mêmes critères, «constante», et que la persistance peut être mesurée en amenant un autre élément qui est là pour la demande contemporaine, qui est de mesurer la persistance de la souffrance à des moments différents. Donc, ça, je l'expose en détail, je pense qu'on ferait une pierre deux coups, on aurait la notion de persistance, mais on ne créerait pas une confusion entre constance et persistance.

Mme Schmaltz : ...je peux ajouter juste une dernière petite question, pensez-vous qu'au final... là on parle, on a des critères, on a... bon, on a élaboré quelque chose, mais, au final de tout ça, ça repose quand même, la décision finale, sur le professionnel de la santé qui va lui-même juger, peut-être hors critères, de se dire : O.K., bien là, le moment est arrivé. Et non pas parce que la personne, à ce moment-là, est en crise physique très visible. Il peut aussi... ça repose finalement une décision entièrement humaine, là, si je comprends.

Mme Hivon (Véronique) : Totalement humaine, extrêmement complexe, extrêmement difficile. Et je pense que les médecins vont porter une charge encore plus forte que celle qu'ils portent, et les infirmières praticiennes, évidemment, si c'est accepté, à l'heure actuelle, parce que de donner l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui n'est plus là pour le demander en temps réel, c'est une charge professionnelle et émotive assurément très forte, d'où l'importance que l'encadrement soit très clair. Puis c'est pour ça que quand je dis... c'est des questions réelles, là, quand je dis si quelqu'un a pris le temps de faire sa demande était apte, qu'elle a prévu les souffrances mais qu'elle a été accompagnée d'une manière qu'on n'a pas prévu une forme de souffrance qui va s'avérer être la forme de souffrance qui l'affecte le plus, mais qu'elle ne l'aura pas décrite, qu'est-ce qu'on va faire avec ça? Moi, j'ai un point de vue, je pense qu'on devrait être capable de définir de manière relativement large, tout en étant capable de juger qu'on a eu un consentement, mais pour ne pas vivre des situations comme celles-là. Même chose si une personne a un cancer et qu'elle souffre atrocement de son cancer, mais pas de sa maladie d'Alzheimer. Moi, je comprends, quand c'est écrit dans le projet de loi que ça doit être lié, que les souffrances qui sont décrites doivent être liées à la maladie, je suis tout à fait d'accord avec ça, mais s'il y en a une autre maladie, comme un cancer en plus de la maladie d'Alzheimer, ce n'est pas une vue de l'esprit, là, ça peut arriver, est-ce que la personne peut le prévoir? Donc, c'est des questions d'application qui, je pense, doivent vraiment habiter les parlementaires pour qu'après sur le terrain, ça se passe...

Mme Hivon (Véronique) : ...Bien parce que ça va déjà être extrêmement complexe.

Une voix : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Bélanger : Ça va aussi, oui.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : J'ai encore deux minutes. Est-ce que j'ai d'autres questions? Mme la députée d'Abitibi-Ouest, la parole est à vous.

Mme Blais : Merci, Mme Hivon, d'être avec nous aujourd'hui. Que signifie pour vous mourir dans la dignité?

Mme Hivon (Véronique) : mourir dans la dignité, selon moi, c'est mourir en étant je dirais dans un état où on est capable d'avoir le sentiment qu'on est encore soi-même et qu'on est capable de vivre l'étape ultime de notre vie de manière conséquente, avec nos valeurs et sans souffrance. Donc, je pense que c'est ça, si on me demande c'est quoi, mourir dans la dignité.

Pour ce qui est de la question de la demande anticipée, c'est beaucoup plus complexe. J'entendais ce matin les débats sur la question de souffrance existentielle. Petit aparté, selon moi, la souffrance existentielle fait partie de la souffrance psychique. Ça a toujours été interprété comme ça. Pour ce qui est de la demande contemporaine, en ce moment, des gens vont manifester toutes sortes de souffrances psychiques, y compris existentielles, qui va faire partie de l'évaluation. Mais c'est sûr que c'est beaucoup plus complexe. Et, si vous me dites : est-ce que du seul fait de projeter une souffrance qu'on pourrait traverser, mais qui peut-être ne s'avérera pas? Je ne pense pas qu'on peut aller jusque là, parce qu'il faut aussi faire attention de ne pas complètement déshumaniser quelqu'un qui évolue dans le cadre d'une maladie dégénérative comme la maladie d'Alzheimer. Beaucoup de personnes vont encore avoir des moments où elles vont apprécier la vie de différentes manières. Elles n'auront pas de grandes souffrances, elles vont vivre des pertes, mais elles vont avoir encore des petits bonheurs. Donc, je pense qu'il faut intégrer ça dans la réflexion.

Mme Blais : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour ces échanges. Je me retourne maintenant du côté de la députée de Westmount-Saint-Louis. Pour votre bloc, vous avez huit minutes 35 secondes.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame Hivon, Véronique, vraiment un plaisir de t'avoir parmi nous aujourd'hui.

Moi, je veux revenir évidemment sur la notion de handicap. Comme tu sais sans doute, je suis très préoccupée de l'ajout de notions et je ne veux pas faire fausse route puis je pense que personne ici ne souhaite faire fausse route en ce qui concerne l'ajout de la notion de handicap. Parce que, comme on a dit à maintes reprises, on n'est plus dans l'État, là, maintenant on est dans la maladie. Puis là, on a entendu les témoignages précédents que peut-être nous devons enlever la notion de neuromoteur. Tu as élaboré un peu en ce qui concerne cette notion. Mais on a aussi entendu qu'on devrait rayer ou d'ajouter la notion que ce ne serait pas applicable pour les personnes qui sont dans une situation de handicap, déficience intellectuelle. Mais on peut imaginer qu'on parle de quelqu'un qui souffre d'une déficience intellectuelle grave, hein, ça fait que cette personne sera en situation d'inaptitude, c'est clair. Mais, pour une personne, mettons, si on enlève la notion de neuromoteur, mais «handicap» reste, une personne autiste, par exemple, qui est apte, mais souffre d'une déficience intellectuelle, mais apte à consentir à des soins, comment devons-nous traiter ça dans la loi? Puis, si on ne le traite pas puis on laisse juste tel quel, est-ce que c'est une discrimination envers eux puis leur possibilité d'autodéterminer s'ils rejoignent tous les autres critères évidemment de maladie comme tu viens d'évoquer, une personne qui est gravement malade, une personne autiste peut être atteinte d'un cancer, par exemple, et être en fin de vie? Mais, si ce n'est pas adapté, est-ce que ça se peut que cette personne n'aura pas le droit de faire une demande d'aide médicale à mourir?

• (15 h 50) •

Mme Hivon (Véronique) : Vous avez des bonnes questions, je trouve. Donc, je veux juste... Je suis allée chercher, là, en temps réel... «Constitue un handicap toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques.» Donc, je pense que ça vous montre à quel point c'est large, la notion de handicap.

Le handicap, c'est le fait d'avoir des limitations dans ton interaction avec ton environnement, dans le fond. Et c'est beaucoup plus un concept social même que médical. Alors, c'est pour ça que ce n'est pas une mince affaire. Puis je sais que je me répète, mais c'est parce que, oui, on peut comprendre que les médecins viennent dire : oui, mais là, ça serait plus clair, OK. Mais, socialement, ça veut dire quoi? Si une personne autiste, capable de consentir, a un cancer, bien, elle a une maladie grave et incurable, elle a un cancer, en vertu de son...

Mme Hivon (Véronique) : ...elle veut obtenir l'aide médicale à mourir, ça va. Si une personne autiste juge que l'autisme est un handicap, puis vous voyez comment la définition est large, est-ce à dire que, si elle juge qu'elle souffre de manière intolérable et que son déclin est avancé et irréversible, qu'elle pourrait obtenir l'aide médicale à mourir? Puis moi, je comprends que les médecins disent : Bien, on ne le fera pas. O.K.. Peut-être que le médecin qui vient vous dire ça, il ne le fera pas. Mais, si on ne le précise pas dans la loi, est-ce que la personne va dire : Bien, excusez, moi, j'ai droit à ça, là? Il y a une ouverture dans la loi qui devrait me permettre d'y avoir accès. C'est ça tout le nœud de l'affaire et pour lequel il faut aller au fond des choses dans la loi parce que ça ouvre la possibilité d'exercer des droits.

Donc je pense que la notion de handicap, elle est extrêmement large. Mais ce que je dis par ailleurs, c'est que... Qu'est-ce qui, philosophiquement ou éthiquement, si vous décidez d'aller de l'avant avec le handicap, justifie une distinction entre les différentes formes de handicap?

Mme Maccarone : Selon toi, qu'est-ce qui peut arriver s'il n'y a pas un consensus en ce qui concerne la terminologie qui serait adoptée dans cette loi?

Mme Hivon (Véronique) : Bien, je pense que ce qui est fondamental, c'est que la société sache ce qui se passe comme débat. Donc, ça a l'air d'un grand principe, là, mais je vous explique, si c'est adopté, c'est large. On s'est dit : Oui, oui, oui, ça va bien se faire, tout ça, puis que dans deux ans il y a la une d'un journal, je ne sais pas, qui dit qu'un jeune homme de 25 ans qui a eu un accident il y a 18 mois a été jugé répondre aux critères, puis que là la société dit : Wo! Bien là, ça va trop loin. Je pense qu'il faut avoir ça en tête parce qu'on ne veut pas perdre l'ensemble du consensus et du travail qu'on a fait, qui est sur des bases extrêmement solides jusqu'à maintenant, y compris sur la demande anticipée, pour une question qui n'aurait pas été suffisamment débattue ou correctement comprise.

Mme Maccarone : ...le formulaire, on a entendu beaucoup de questions là-dessus. Est-ce que tu penses que ça serait important de voir le formulaire pendant que nous sommes en consultation pour s'assurer que la population aussi peut s'exprimer en ce qui concerne les critères de demandes anticipées?

Mme Hivon (Véronique) : C'est une... Je pense que c'est toujours un plus. Quand on avait fait la première loi, on n'avait pas le formulaire, là, écrit, là, parce qu'on se comprend que ça va prendre du monde, vraiment du terrain, avec une conscience très profonde de ce que ça veut dire, médecins, travailleurs sociaux, psychologues, infirmières. Bon, il va falloir qu'il y ait des gens très... Mais on avait, comme, exposé ce que seraient les grands principes du formulaire, comment on encadrerait ça globalement pour pouvoir avoir une idée, parce que c'est de l'essence même, je pense, de l'ouverture à une nouvelle forme d'aide médicale à mourir, une nouvelle circonstance de savoir comment on va l'encadrer. Puis moi, je pense que ce n'est pas banal de savoir, est-ce que c'est des cases qu'on va cocher ou est-ce qu'on va faire un témoignage? Parce qu'entre vous et moi il y a des gens qui vont les cocher, toutes les cases, parce qu'ils vont dire : Là, ça va bien. Moi, je ne voudrais vivre aucune, aucune souffrance.

Donc, est-ce que ça va vraiment avoir une plus-value par rapport à un témoignage, où la personne va vraiment exprimer ce qu'elle juge être des souffrances? Alors, ça peut être un mélange des deux aussi, mais ce n'est pas anodin, tout ça, là.

Mme Maccarone : Ça me ramène à ma dernière question, et, s'il reste du temps, ma collègue souhaite poser des questions aussi. Mais, dans le mémoire que tu as déposé, tu souhaites qu'il y a une période prévue avant la mise en vigueur, parce que ça prend la formation, entre autres, en ce qui concerne... formulaire, puis l'application, puis c'est quoi, le rôle de chaque personne à l'intérieur d'une demande anticipée, ou autre. C'est quoi, le temps que, toi, tu penses que nous devons prendre pour assurer que l'application de la loi, qui sera potentiellement... peut-être adoptée, qui devrait être mis en vigueur.

Mme Hivon (Véronique) : À la loi initiale, on avait prévu 18 mois. Puis on l'avait prévu pourquoi? Parce que je pense qu'il y a une question d'efficacité puis de mettre les gens en mouvement quand on sait qu'il y a une échéance plutôt que de dire à une date indéterminée.

Donc, je pense que certainement un horizon de 18 mois ou 12 mois, là... parce que ça peut être un peu moins, parce que le grand est fait, mais ça va être... je veux dire, le grand premier pas est fait, mais la demande anticipée... si on parle de demande anticipée, le handicap, c'est autre chose aussi. Il va y avoir des guides, éventuellement pour la demande anticipée, des guides de pratique, tout ça. Donc, il faut donner un temps suffisant. C'est clair.

Mme Maccarone : C'est qui qui devrait s'occuper de cette formation?

Mme Hivon (Véronique) : Bien, je pense que c'est des... les ordres professionnels, très certainement. Je pense que le ministère doit être très vigilant dans une concertation avec les ordres professionnels. L'autre chose, maintenant que les...

Mme Hivon (Véronique) : ...IPS vont être là, je pense que ça va être important aussi qu'il u ait comme une unification de comment chaque ordre doit un peu traiter les choses, notamment quand la Commission des soins de fin de vie renvoie un dossier pour lequel ils ont des questions qu'il y a une certaine uniformisation. Donc, probablement qu'il va falloir qu'ils travaillent... qu'ils travaillent ensemble.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme Hivon, pour ces réponses. Je cède mettant la parole à la députée de Sherbrooke pour une période de 2 min 52 s

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Hivon. Véronique, contente de te retrouver. Sur la notion de handicap, vous avez été très claire que ça prend un débat public, que le Québec doit faire ce débat-là. Mais je ne suis pas certaine d'avoir compris le processus auquel vous nous appelez. Est-ce que, pour vous, les auditions qui ont cours dans le cadre de ce projet de loi là constituent en soi ce grand débat public que le Québec devrait tenir? Ou est-ce que vous nous invitez plutôt à retirer ça du projet de loi, puis à le faire en commission spéciale? Parce que ça m'apparaît quand même important de, oui, effectivement, de tenir ce débat-là, mais de le faire dans les bons paramètres.

Mme Hivon (Véronique) : Je dirais que si... Parce que, là, le retirer puis dire on va aller faire une commission spéciale, le problème qu'il va y avoir d'autres enjeux, et tout ça, si vous décidez de le garder, je pense qu'il faut juste avoir l'ouverture de dire O.K. s'il y a des groupes qui se disent : Moi je vais être entendu. On les entend. Je sais c'est quoi la vie parlementaire, le rôle de leader et tout ça, mais ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas se contraindre pour, après, avoir une épine dans le pied, de dire le processus n'a peut-être pas été assez légitime parce qu'on n'était pas allé en profondeur, puis on n'a pas fait la... Ça fait que, moi, je dirais minimalement, dans ce cadre-ci, donnez toute la place qu'il faut à cet enjeu-là.

Deuxièmement, je ferais aussi une consultation en ligne. On a toujours fait ça pour les autres enjeux. On l'a fait dans la commission spéciale. Ça permet aux gens de s'exprimer, de répondre à des questions, de se positionner, la population en général, les personnes qui vivent en situation de handicap. Je pense que ce serait un plus. Et si, dans le cours, ensuite, de l'étude détaillée, vous jugez qu'il y a vraiment besoin d'éclaircissements, moi, je vous recommanderais de refaire, on avait fait ça pour la commission spéciale numéro un, des auditions, quitte à ce que ça soit en plus petits groupes, mais de vraiment approfondir ça.

Mme Labrie : Donc, c'est possible de le faire dans le cadre de ce projet de loi, mais en gardant toujours les auditions ouvertes à la limite tout au long du processus.

Mme Hivon (Véronique) : De le faire ça en ligne, ce n'est vraiment pas escamoter le débat. Je suis tannante avec ça, mais si on est dans une logique d'harmonisation pure, jusqu'où ça va mener? Je veux juste vous dire, il y a des gens qui vont dire : La loi québécoise, là, on n'en a plus besoin, on tasse ça. Ce qui serait une perte énorme parce qu'on a une philosophie unique au monde, d'un continuum de soins palliatifs et d'aide médicale à mourir. Ça fait qu'il faut être extrêmement prudent de tomber dans ces automatismes-là. Donc, faisons un débat en profondeur. Puis si vous êtes capables de le sortir pour comme dire : On fait quelque chose en parallèle, puis on le ramène. Super, là! Je pense qu'on peut être créatifs aussi.

Mme Labrie : Pour que personne ne puisse déplorer de ne pas avoir pu se faire entendre dans le cadre du processus, là.

Mme Hivon (Véronique) : Ou de ne pas le savoir. Moi, je me rends compte qu'il y a beaucoup de... Il y a beaucoup d'incompréhension par rapport à ça, beaucoup.

• (16 heures) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour cet échange intéressant. Je veux maintenant donner la parole à la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour une période de 2 min 52 s également.

Mme Tardif : Ah bon! Avant le Parti québécois? Ah! Merci. Merci. Bonjour, Mme Hivon. C'est un plaisir. Tout d'abord, j'aimerais vous remercier au nom de la société québécoise parce qu'effectivement on vous prête le qualificatif de mère de cette loi, mais vous êtes mère de plusieurs lois. Donc, merci pour le temps que vous avez passé en politique. Là, j'ai une question et je me demandais comment vous vous positionnez par rapport à une situation où, au moment où la personne qui est atteinte du stade qu'elle a décrit, soit par formulaire ou suite à une rencontre, mais elle l'a décrit clairement et elle est apte à recevoir l'aide médicale à mourir, mais que son comportement, qui peut peut-être, souvent, parfois être affecté par la médication, donne l'impression qu'elle ne veut plus l'aide médicale à mourir. Est-ce que vous seriez porté à vous référer au formulaire et à ce qu'elle a demandé initialement ou vous seriez porté à dire : Ouf! on attend?

Mme Hivon (Véronique) : Oui. Je pense qu'il faut se mettre dans les chaussures, pour prendre une mauvaise expression anglaise, de l'équipe soignante. Donc...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Hivon (Véronique) : ...eux qui vont vivre cette situation-là extrêmement perturbante, je peux l'imaginer. Moi, je suis d'avis que le plus clair la demande anticipée peut être par rapport à ça, le mieux ce serait. Donc, que la personne indique que, si elle a des manifestations qu'on peut juger cliniques liées à sa maladie qui semblent s'apparenter à un refus mais qu'elle est inapte, qu'elle est prête à ce qu'on passe outre, je pense que ça donnerait un niveau de confort ou de sérénité plus grand. Ça ne veut pas dire que c'est obligatoire, mais je pense que ça pourrait être une piste intéressante.

Par ailleurs, je comme les intervenants de ce matin, je pense que la distinction entre un refus et un rejet lié à la maladie, ça, c'est un plus du projet de loi, là, je trouve que c'est bien, bien indiqué, mais c'est vrai que est-ce qu'on peut vraiment parler de refus quand on est inapte ou c'est plus une manifestation d'une résistance ou d'un rejet? Moi, le point supplémentaire que j'amène, pas pour compliquer la vie, mais c'est la cohabitation entre le refus que vous prévoyez dans le régime et le refus catégorique qui est à l'article 16 du Code civil. Je dois vous dire que je me demande comment ces deux régimes-là vont cohabiter. Parce que, si une personne est jugée refusée catégoriquement, on peut aller devant le tribunal pour demander une autorisation, alors que là, comme c'est écrit dans le projet de loi, s'il y a un refus, même s'il n'est pas catégorique, c'est supposé rendre la demande caduque. D'ailleurs, je note, dans la partie mon mémoire, que je pense qu'il faut assouplir ça, là. Ça ne peut pas être final, une fois on a évalué, elle a refusé, eu des manifestations, on rejette la demande, là. Donc, je pense qu'il faut apporter un soin à ça, là.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, pour terminer ces... ces échanges, pardon, je laisse la parole aux députés des Îles-de-la-Madeleine pour une période de deux minutes 12 secondes. La parole est à vous.

M. Arseneau : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, madame Hivon, de votre présence. C'est un beau cadeau que vous nous faites aujourd'hui, en ce jour de votre anniversaire. J'aimerais revenir, on a deux minutes, sur la question du critère de soins de fin de vie. En fait, vous l'avez mentionné suite au jugement, là, Gladu-Truchon sur le handicap mais qui était associé à une fin de vie imminente, si j'ai bien compris, alors qu'aujourd'hui il y aurait un danger de désincarner, que ce soit un acte médical séparé. Pouvez-vous élaborer là-dessus?

Mme Hivon (Véronique) : Je dirais deux choses, là, je l'ai dit tout à l'heure, quand le mot «handicap» a fait son entrée, il était avec le critère de mort raisonnablement prévisible dans le Code criminel, il faut toujours garder ça à l'esprit. Quand ils ont enlevé le critère, le débat en profondeur ne s'est pas fait sur toutes les implications. Je pense que c'est ce qui peut expliquer notamment que les gens dans le reste du Canada sont aussi un peu dubitatifs, ça se fait mais très peu, mais, au Québec, avec l'expérience qu'on a, et tout, on peut se douter qu'il y aurait des demandes. Donc, c'est pour ça qu'il faut y penser.

Les éléments que j'ai mis dans le trois, le point trois de ma section B, c'est vraiment : dans le projet de loi, il y a un choix qui est fait de ne pas différencier une personne qui est en fin de vie de pas en fin de vie, il n'y a pas de trajectoire différente. Dans le Code criminel, ils ont mis un 90 jours si vous n'êtes pas réputé être en fin de vie, donc, entre l'évaluation et le moment où vous pouvez recevoir l'aide médicale à mourir. Et loin de moi l'idée de vouloir harmoniser, je veux juste porter à votre attention que, sur le terrain, ce 90 jours là, il est appliqué. Alors, si le Québec juge que lui ne veut pas différencier, je pense qu'il doit être très conscient qu'il doit dire quelque chose là-dessus ou, au contraire, s'il veut différencier, qu'il le fasse pour garder une loi québécoise autoportante.

Et la dernière chose que je voudrais dire là-dessus, ça fait un peu plus que deux ans, le critère de fin de vie a sauté. Quand on avait fait la loi, vu qu'on était dans un contexte de fin de vie, on n'avait pas spécifié que les souffrances éprouvées par une personne doivent être en lien avec sa maladie grave et incurable, parce qu'on est en fin de vie, ça nous semblait aller de soi. Là, sur le terrain, on n'a jugé que, si les souffrances étaient vécues, maux de dos, côlon irritable, migraines récurrentes, et qu'elles ne sont pas en lien avec la maladie grave et incurable, qui pourtant est le critère pour donner ouverture, que c'était acceptable.

Mais je vous soumets juste la question éthique suivante : Si une personne souffre des mêmes symptômes, de maux de dos chroniques, de côlon irritable, de migraine récurrente, mais qu'elle n'a pas, par ailleurs, une maladie grave incurable, elle ne pourra pas avoir l'aide médicale à mourir. C'est le genre d'interprétations qui sont faites sur le terrain. Donc, si vous voulez changer un peu ça, je pense que c'est le moment de s'y pencher dans le cadre du projet de loi puisque le critère est retiré.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Sur ce, merci beaucoup, madame Hivon, pour votre apport non seulement à la commission spéciale... la commission spéciale, mais également la commission que nous représentons. Alors, au nom de tous les membres de cette commission, du personnel, merci encore. Et je me permets un joyeux anniversaire pour cette belle journée...

Mme Hivon (Véronique) : ...de la plus belle des manières.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Encore merci. Alors, je suspends les travaux pour quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 16 h 06)

(Reprise à 16 h 09)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Les travaux de la commission reprennent. Nous recevons maintenant le Collège des médecins, qui est représenté par le Dr Maurice Gaudreault, président, ainsi que le Dr Alain Naud, administrateur. Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé. Vous commencez par vous présenter, ensuite s'ensuivront les périodes de questions. La parole est à vous.

• (16 h 10) •

M. Gaudreault (Mauril) :Merci. Bonjour à tous et toutes. Mme la ministre Sonia Bélanger, Mme la Présidente Lucie Lecours, membres de la commission, merci d'entendre cet après-midi les commentaires du Collège des médecins du Québec sur le projet de loi n° 11 modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie. Nous voulons notre témoignage éclairant et constructif pour vous, les parlementaires. Nous sommes aujourd'hui la voix des patients qui ont droit à un soin. Nous sommes aussi la voix des médecins qui veulent le prodiguer en toute légalité et sans ambiguïté. Je suis le Dr Mauril Gaudreault, médecin de famille depuis plus de 50 ans, président du Collège des médecins du Québec depuis un peu plus de quatre ans, et j'ai déjà été doyen associé à la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke. Je suis accompagnée du Dr Alain Naud, médecin de famille lui aussi, qui prodigue les soins palliatifs et de fin de vie depuis près de 40 ans. Il a été témoin expert au procès Gladu-Truchon. Il est également membre du conseil d'administration du Collège des médecins du Québec.

Nous sommes ici pour faire valoir certains aspects médicaux qui devraient être pris en compte dans le nouveau projet de loi. D'abord, nous sommes heureux que la ministre Bélanger reprenne avec autant de conviction un projet de loi mort au feuilleton l'an dernier et qu'elle le bonifie. On reconnaît là l'empreinte de son expérience clinique. Les avancées de cette nouvelle version du projet de loi sont nombreuses et je veux prendre le temps de les soutenir. Enfin, les infirmières praticiennes spécialisées pourront administrer l'aide médicale à mourir...

M. Gaudreault (Mauril) :...comme c'est déjà le cas pour l'ensemble de leurs collègues partout ailleurs au Canada depuis 2016.

Enfin, toutes les maisons de soins palliatifs devront dorénavant offrir l'aide médicale à mourir. Aux dernières heures de leur vie, des personnes n'auront plus ainsi à quitter en ambulance ces maisons pour aller mourir sur un lit d'hôpital. Nous saluons aussi les dispositions qui autoriseront, en temps et lieu, les demandes anticipées. Nous soulignons, bien sûr, aussi le retrait du critère de fin de vie de toute manière inopérant depuis le jugement de la Cour supérieure de 2019 dans l'affaire Truchon et qui n'a pas été porté en appel. Nous sommes heureux également de l'obligation pour les établissements de constituer un groupe interdisciplinaire d'experts pour soutenir les professionnels de la santé et des services sociaux qui participent à l'offre des soins de fin de vie.

Et, en terminant, le retour du handicap comme critère d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Ce terme est inclus dans le Code criminel. C'est un droit reconnu d'un bout à l'autre du Canada depuis 2016, sauf au Québec. Nous nous en réjouissons de revoir ce terme de handicap au nom des personnes souffrantes, au nom des médecins qui ne pouvaient soulager ces personnes. Nous avons cependant un questionnement. Le projet de loi parle d'un handicap neuromoteur. On y voit bien, bien sûr, une tentative d'harmonisation des deux lois mais pas tout à fait. Aujourd'hui, dans tout le Canada, sauf au Québec, toutes les personnes atteintes d'une maladie, d'une infection ou d'un handicap grave et incurable peuvent être admissibles à l'aide médicale à mourir.

On comprend... La question qu'on se pose : Que veut faire le législateur en associant le terme neuromoteur au mot handicap? C'est ça, notre questionnement principal. On comprend, bien sûr, qu'il veut exclure notamment les personnes atteintes d'un handicap intellectuel, mais, du même coup, il exclut, par exemple, des personnes souffrant d'un handicap grave de naissance, de syndromes héréditaires qui ne sont pas forcément des handicaps neuromoteurs mais qui sont inclus dans les critères d'admissibilité de l'aide médicale à mourir partout ailleurs au Canada. Cela ne fera, encore une fois, qu'entretenir, à notre avis, de la confusion chez la population et chez les soignants et cela ne changera rien pour les personnes handicapées intellectuelles qui sont déjà bien protégées par les critères existants.

On peut supposer que le législateur veut éviter que le terme handicap non balisé mène à des dérives. Pourtant, il est bien encadré par les autres critères obligatoires, soit une souffrance jugée insupportable et inapaisable, le caractère grave et incurable de la condition et l'aptitude à consentir aux soins. En considérant les autres critères d'admissibilité et les mesures de sauvegarde pour baliser ce soin, à notre avis, aucune personne ne pourrait se qualifier si elle est seulement atteinte d'un handicap mineur.

La présence du terme handicap sans aucun qualificatif associé parmi les critères d'admissibilité n'a pas conduit, à notre reconnaissance, à des excès ou à des dérives dans tout le reste du Canada depuis 2016. Pourquoi en serait-il autrement au Québec? Si on veut enfin autoriser les personnes souffrantes affligées de handicaps lourds ici à accéder à l'aide médicale à mourir, ne restreignons pas ce droit davantage qu'ailleurs au pays. Sur le plan médical, à notre avis, c'est injustifiable. On ne peut accepter qu'une personne d'Ottawa, par exemple, puisse pouvoir mettre fin à ses souffrances grâce à l'aide médicale à mourir tout en refusant celle-ci à une personne de Gatineau affligée des mêmes handicaps. Je l'ai dit et je le redis, il ne peut y avoir deux lois pour une même souffrance.

Sur la question des demandes anticipées, nous constatons cette grande avancée pour la société québécoise bien que le Code criminel ne le permette pas encore. Il faut dès lors, je pense, prévoir les dispositions et décrets nécessaires pour son entrée en vigueur. Cependant, nous constatons un ajout comparativement au texte du projet de loi n° 38 qui stipule qu'au moment de l'administration du soin la personne devra objectivement éprouver les souffrances décrites dans sa demande anticipée en plus des souffrances physiques ou psychiques persistantes et insupportables qui ne peuvent être apaisées. Cela pourrait-il rendre certaines demandes anticipées inapplicables? Qu'adviendra-t-il si, par exemple, le patient n'éprouve pas d'autre souffrance que celles prévues à sa demande? Ce faisant, va-t-on à l'encontre du respect des valeurs, de l'autodétermination, des volontés et des droits de la personne? Là encore, le collège fait entendre la voix des personnes souffrantes et la voix des médecins qui ne peuvent prodiguer ce soin dans la confusion...

M. Gaudreault (Mauril) :...Mourir dans la dignité, c'est aussi pouvoir terminer sa vie chez soi et bénéficier des soins palliatifs à domicile. Au Québec, ce n'est malheureusement pas toujours le cas, et, même à l'hôpital, la dignité n'est pas toujours présente, malheureusement. Nous saluons donc la volonté affirmée de la ministre que les soins à domicile se déploient davantage et nous lui offrons notre entière collaboration.

En terminant, impossible pour nous de ne pas vous en parler, la question des troubles mentaux. Le collège respecte la volonté de la ministre de faire le débat sur cette question. Le collège comprend aussi qu'il faut avancer à un rythme qui tient compte de l'acceptabilité de la société. Sur le plan médical, cependant, le Collège estime que le Québec ne peut plus et ne doit plus être en retard sur le reste du Canada. Lorsque la santé mentale sera autorisée comme seule ou principale condition médicale invoquée d'un océan à l'autre, il ne faudra pas laisser des années s'écouler avant que les Québécoises et les Québécois puissent y avoir accès. D'ici là, il faudrait convenir d'une terminologie relative aux troubles et à la maladie, car les deux termes sont utilisés comme synonymes par les gouvernements fédéral et provincial. Du reste, nous estimons que le niveau de souffrance engendré par certains problèmes de santé mentale est aussi inapaisable que pour toute autre maladie physique. Penser autrement, pour nous, c'est stigmatiser les personnes atteintes de problèmes de santé mentale, cela perpétue le préjugé qu'elles ne sont pas aptes à prendre des décisions, et qu'on doit forcément les protéger d'elles-mêmes et décider à leur place. Et, à celles et ceux qui prétendent qu'il y a à court terme un espoir de guérison, le collège répond que c'est entretemps condamner ces personnes à des souffrances auxquelles, chaque jour, elles préfèrent souvent la mort. Le collège, d'ailleurs, a réfléchi sur cette question et a proposé des balises cliniques claires dans le rapport de son groupe de réflexion sur l'aide médicale à mourir en décembre 2021. Par respect pour ces personnes souffrantes, donc, Mme la ministre, il faut accélérer la réflexion sur cette question.

Nous vous remercions de toute l'attention que vous avez portée à nos propos, et que vous accorderez au mémoire détaillé, que nous avons transmis, la même attention. Dr Naud et moi sommes prêts à répondre à vos questions et à accueillir vos commentaires. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Messieurs, merci beaucoup pour cet exposé. Maintenant, je vais céder la parole à la ministre pour une période de 16 minutes 30 secondes.

Mme Bélanger : Alors, merci beaucoup, Dr Gaudreault, Dr Naud. Je veux saluer d'entrée de jeu la grande implication du Collège des médecins depuis l'adoption de la première loi concernant les soins de fin de vie. Je pense que c'est important de mentionner que le Collège des médecins a toujours été présent, collaboratif, ouvert, soucieux de donner une qualité de soins et services exemplaire à la population. Et donc merci beaucoup pour cette grande implication.

Nous avons reçu votre mémoire. Je l'ai lu attentivement. Il y a plus d'une dizaine de recommandations, là, j'y vais de mémoire, mais vous en avez soulevé quelques-unes. Elles sont toutes très importantes, mais vous ne serez pas surpris que, dans le fond, ma première question va être en lien avec le handicap neuromoteur.

• (16 h 20) •

Donc, nous avons débuté nos travaux ce matin, et dès ce matin, là, c'est une question qui est très importante, qui a été soulevée d'ailleurs par des collègues médecins, que vous connaissez sans doute, et qui recommande aussi de ne pas, je dirais, aller de l'avant avec la notion spécifique du neuromoteur et de laisser la question du handicap bien présente dans le projet de loi, mais sans spécifier la nature de handicap.

Donc, vous recommandez aussi, donc, la même chose, de retirer le volet neuromoteur. Ma question, dans le fond, est : Comme Collège des médecins, est-ce que vous n'avez... vous ne craignez pas qu'il y ait des dérives, justement, si on ne précise pas dans notre projet de loi la définition de handicap?

M. Gaudreault (Mauril) :...je vais faire... on va toujours fonctionner un peu comme ça. Alors, je vais débuter la réponse, Alain va compléter.

Mme Bélanger : C'est parfait.

M. Gaudreault (Mauril) :En fait, ce qui nous préoccupe, c'est beaucoup de priver des personnes qui souffrent et qui ne...

M. Gaudreault (Mauril) :...pas ce fameux qualificatif de : Là, m'as... Et je vous dirai tout de suite il faut garder les choses simples. Je ne connais aucun médecin qui veuille contourner les lois ou son code de déontologie. La notion de handicap, à notre avis, est claire partout au Canada, sauf ici. À notre connaissance, je le répète, il n'y a pas eu de dérive nulle part au Canada à ce sujet-là.

Et en tout respect, vraiment, en tout respect pour vous, là, à vouloir clarifier davantage, je pense qu'on complique les choses. Il existe effectivement plusieurs sortes de handicaps, qu'ils puissent être visuels, auditifs, sensoriels, physiques ou neuromoteurs. Les balises, à mon avis, pour éviter les dérapages, sont déjà claires, et je ne pense pas qu'il soit utile d'en ajouter. Le Québec, sur le plan médical, je le répète, a déjà sept années de retard, sept années pendant lesquelles des personnes n'ont pas eu accès aux soins médicaux disponibles ailleurs au Canada. Nous pensons qu'il faut corriger cette situation et qu'il faut regarder la personne globalement, peu importe l'origine de son handicap.

En ajoutant le terme «neuromoteur», nous estimons que vous n'avez pas les personnes, que vous n'avez pas les médecins non plus. Dans les faits, on risque de continuer à priver de soins des Québécoises et des Québécois. Pour nous, pour moi, il s'agit de personnes, de personnes qui ont des handicaps et qui sont lourdement affectées par ces handicaps-là. Et je ne pense pas qu'il soit nécessaire de définir l'origine de ce handicap, mais de regarder l'état global de la personne qui en est arrivée à demander ce soin. Et vous aurez compris que, pour nous, c'est toujours un soin à l'aide médicale à mourir, s'il y a d'autres soins, mais c'est un soin pour lequel le médecin et bientôt l'infirmière praticienne spécialisée, tant mieux, auront des discussions avec le ou la patiente par rapport à la possibilité d'utiliser ou d'administrer ce soin. Compléments.

M. Naud (Alain) :Mme la ministre, la réponse à votre question, est-ce que nous craignons des dérives, la réponse est non. Vous savez, quand on a commencé à parler d'aide médicale à mourir en 2009 au Québec, là, on a fait le même genre de prévisions apocalyptiques. Là, vous savez, il y aura des dérives et on va prendre la pente glissante. On va utiliser ça pour vider les CHSLD, on va utiliser ça pour libérer des lits, économiser de l'argent dans les hôpitaux. Ça fait sept ans maintenant au Québec qu'on pratique l'aide médicale à mourir, et il n'y a pas eu de dérive, et ça n'a pas été utilisé pour vider les CHSLD.

Alors, à chaque fois qu'on parle d'élargissement, on revient toujours avec ces mêmes prévisions apocalyptiques là. Et c'est très bien d'y aller avec prudence et, je pense, c'est très bien et c'est parfait, là, dans l'exercice, de retourner, là, chacune des pierres. Mais, vous savez, il y a eu une hécatombe dans les CHSLD dans les trois dernières années, puis c'était à cause de la COVID, là. Ce n'était pas à cause de l'aide médicale à mourir.

En 2014, quand le Québec a adopté sa propre loi, c'était remarquable. À l'époque, le Québec devenait la société la plus avant-gardiste et la plus progressiste en Amérique du Nord et réussissait à introduire l'aide médicale à mourir comme un soin de santé, justement parce qu'on le limitait aux gens qui étaient en fin de vie, malgré que le Code criminel le prohibait toujours. Et c'était remarquable. Mais il faut comprendre que depuis ce temps-là il y a eu le jugement unanime de la Cour suprême du Canada qui est l'arrêt Carter en février 2015, où la Cour suprême, encore une fois, dans un jugement unanime, a posé des balises qui sont à la fois très simples et très, très claires.

Et on arrivait alors dans un tout autre paradigme. Ce n'était plus l'aide médicale à mourir pour mourir plus rapidement, c'était l'aide médicale à mourir maintenant qui s'adressait à des patients avec des maladies, affections, handicaps graves et incurables et qui rencontraient par ailleurs toutes les autres balises pour mettre fin à des souffrances sans égard à la durée de vie qu'il pouvait rester. Et le message de la Cour suprême, il était très clair. Le droit à la vie ne doit pas se transformer en obligation de vivre. Si vous avez une maladie, une affection ou un handicap grave et incurable, que vous avez des souffrances que vous ne voulez plus tolérer, avec un impact sur votre vie constant et que vous n'en pouvez plus, que vous êtes rendu au bout de la route que vous étiez prêt à prendre.

Donc, on était complètement ailleurs. La difficulté qu'on a au Québec, c'est qu'on ne s'est jamais ajusté à l'évolution du droit, des jugements qui ont eu lieu dans l'aide médicale à mourir depuis l'adoption de notre propre loi. Ce qui fait qu'on est passé de la société la plus progressiste en Amérique du Nord à la province...

M. Naud (Alain) :...depuis juin 2016, la première modification du Code criminel, à la province la plus injustement restrictive dans l'accès à l'aide médicale à mourir, et que, depuis toutes ces années-là, nous avons sept ans de retard maintenant, nous avons des patients, j'en ai eus, mes collègues en ont eus, des patients que nous avions dans nos lits, extrêmement souffrants, qu'on a regardés mourir en faisant des grèves de la faim, qu'on a regardés se suicider parce que nous ne pouvions pas accéder à leur demande. Depuis sept ans que le Canada anglais fonctionne avec les balises claires de la Cour suprême à donner, maladie, infection, handicap, il n'y a jamais eu de dérapage ou de dérive au Canada anglais. Pourquoi en serait-il différemment au Québec? Pourquoi serions-nous différents à cet égard?

Il faut bien comprendre que la notion de handicap n'est pas un passe-droit automatique vers l'aide médicale à mourir non plus, hein? Alors, il y a une série de critères, il y a une série de balises. Et comme médecins, ça fait sept ans, maintenant, que nous utilisons ces balises-là qui doivent toutes être rencontrées, donc on parle d'un handicap grave et incurable avec un impact, hein, sur un déclin avancé et irréversible des capacités. Alors, il est très évident que quelqu'un qui perd un oeil ne pourrait pas avoir accès à l'aide médicale à mourir. C'est le cas dans tout le Canada depuis 2006, et il n'y a pas de raison qu'il en soit, là, différemment, là, ici, au Québec.

Mme Bélanger : ...Dr Naud, je pense que c'est important de mentionner que je ne voudrais pas qu'on fasse le lien, dans cette salle, entre les personnes aînées qui vivent en CHSLD et ce qui s'est passé durant la COVID. Et ma question était davantage sur la notion de l'handicap «at large», mais vous y avez répondu, là, vers la fin de votre intervention.

Je suis un petit peu surprise d'entendre qu'au Québec on a sept ans de retard. Sept ans de retard par rapport à qui? À quoi? J'ai plutôt l'impression, surtout quand je consulte les différents rapports de la commission des soins de fin de vie ainsi que d'autres groupes, qu'au contraire, au Québec, on a développé toute une approche très professionnelle, interdisciplinaire. Puis je veux saluer encore une fois le travail du Collège des médecins, l'Ordre des infirmières ainsi que d'autres collèges professionnels, le ministère de la Santé. Et on est même cités en exemple dans la façon d'aborder les soins de fin de vie au Québec. Ceci étant dit, on n'est pas parfaits, mais je suis très surprise d'entendre qu'on a sept ans de retard. Donc, il faudra certainement, éventuellement, qu'on regarde ça de notre côté.

Et je vais aussi vouloir examiner qu'est-ce qui se passe réellement dans les autres provinces par rapport à la notion de handicap? Parce que, dans le fond, là, c'est vraiment ça, là, je dirais, le cœur de notre discussion, là. Et puis je voulais vous entendre, mais merci, vous l'avez bien fait, mais je pense qu'il va falloir continuer d'examiner la situation de près. Je suis très sensible aux arguments que vous avez apportés.

Peut-être une dernière question de mon côté, puis après je pourrais laisser la parole à mes collègues. J'aimerais vous entendre sur le volet du trouble mental. Vous savez que, lors de la Commission spéciale sur les soins de fin de vie, il y a eu... on a reçu plusieurs recommandations, dont une d'exclure tout à fait le trouble mental du projet de loi que j'ai déposé. Et j'aimerais vous entendre sur la notion de trouble mental. On est à la première journée, là, de nos rencontres, mais on va avoir d'autres groupes qui vont venir nous entretenir du volet du trouble mental, mais comme Collège des médecins, j'aimerais vous entendre à ce sujet-là.

• (16 h 30) •

M. Gaudreault (Mauril) :...je veux vous dire que nous respectons les parlementaires qui, au niveau fédéral, ont décidé de retarder tout cela d'un an, prétextant que la société n'était pas prête à aller de l'avant. C'est tout à fait... on est tout à fait d'accord avec ça. Ce que nous aimerions, c'est que nous, on se prépare à cela également au Québec par rapport à une décision prise, peut-être dans un an, de permettre à des personnes pour lesquelles le seul problème en est un état de santé mentale de pouvoir avoir recours à ce soin, ce soin qu'est l'aide médicale à mourir. C'est ça que nous proposons. On propose de le faire avec vous également, là, de toute cette réflexion-là puis d'y participer.

Mais nous, au collège, en 2021, on a mis sur pied un groupe de réflexion qui a fait des travaux pendant sept mois pour, par la suite, proposer un positionnement officiel de notre ordre professionnel en décembre.


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Gaudreault (Mauril) :...21 dans laquelle on parle de santé mentale, de problèmes de santé mentale. Et quand on a fait ça, on a fait des sondages au niveau de la population, un sondage au niveau de la communauté médicale québécoise, on a reçu des mémoires de diverses personnes, la plupart étant des médecins, on a consulté des experts et on en est venu à la conclusion, puis c'est très bien décrit dans notre positionnement puis dans notre document, qu'il faudrait regarder cela comme il faut, puis permettre ce soin éventuel à adapter à des patients qui souffrent de problèmes de santé mentale. Mais on décrit très bien les balises, très bien la discussion puis très bien le l'attention qu'il faut porter à cela, puis ce n'est pas pour n'importe quel problème de santé mentale, c'est pour des problèmes de santé mentale qui durent depuis des décades, depuis des dizaines d'années, pour lesquels divers soins ont été tentés, etc., et pour lesquels la personne demeure apte à prendre des décisions pour elle-même au bout de ces décades-là de traitements qui ont été efficaces et qui entraînent des souffrances d'ordre psychique, mais tout aussi importantes que les souffrances physiques e inapaisables. Donc, notre position, elle est celle-là. Elle est très bien décrite dans notre guide, dans notre document et, je le répète, là, je veux dire, pour nous, il s'agit de vous recommander de débuter dès maintenant une réflexion là-dessus pour arriver quelque part au même point lorsque le gouvernement fédéral prendra une décision à ce sujet-là. C'est dans ce sens-là qu'on veut s'exprimer aujourd'hui là-dessus.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, je pense que la députée de Soulanges avait une question. Il reste 2min 22 s. La parole est à vous.

Mme Picard : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais vous entendre un petit peu plus... bien, pas précisément, mais j'aimerais avoir un exemple où, en Ontario, si la loi est telle qu'elle avec le neuromoteur, en Ontario, quelqu'un y aurait accès et pas ici. Pouvez-vous nous décrire un cas que vous avez rencontré peut-être, pour nous faire une meilleure tête?

M. Gaudreault (Mauril) :Bien, là-dessus, je vais demander au clinicien qui est avec moi.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Dr Naud.

M. Naud (Alain) :J'ai deux exemples à vous proposer. Le premier, c'est le Dr Jacques Deblois. Dr Deblois était un médecin urgentologue au Québec. Ici, 2008, il fait un accident de moto, il se retrouve quadriplégique. Il a fait de la réadaptation. Le Dr Deblois avait des ressources. Alors, ce n'était pas par manque de ressources. Il habitait sa propre maison totalement adaptée avec un préposé 24/7. Il a même recommencé à travailler éventuellement comme médecin. 10 ans plus tard, il ne trouvait plus de sens à sa vie. Et qui suis-je, moi, comme clinicien, pour lui dire qu'il devrait en trouver un? Dr Deblois, le 16 février 2018, est allé mourir en Suisse à la clinique Dignitas. Et je ne sais pas si vous avez une idée de ce que c'est d'aller mourir en Suisse, là, mais c'est dans un quartier industriel, dans un bâtiment anonyme. Vous allez mourir loin de chez vous, loin de vos proches qui, un mois plus tard, reçoivent une petite boîte de cendres, là, par la poste. En 2018, docteur Deblois aurait été admissible à l'aide médicale à mourir partout ailleurs au Canada, sauf au Québec.

Je vous réfère rapidement à un autre un autre exemple, Caroline Lamontagne, et je vous invite à aller voir un récit numérique sur le site de Radio-Canada qui a été mi, sur le site Web en décembre dernier, décembre 2022. Caroline Lamontagne avait 33 ans. Lors d'une plongée dans un lac, une simple baignade, une simple plongée, une vague lui a frappé le cou. Elle a été victime d'une fracture de C1 qui l'a laissée quadriplégique. Caroline Lamontagne a fait de la réadaptation. Elle aurait eu une... récupéré partiellement au niveau des épaules. Après deux ans et demi, Caroline Lamontagne jugeait que sa vie n'avait plus de sens. Elle n'avait plus aucun plaisir à vivre. Elle a dit : Là, le matin, moi, quand je me réveille, là, tout ce que je regarde, c'est le plafond, c'est ma journée et c'est ça ma nuit, puis, si je n'ai pas personne, ce n'est rien d'autre. Qui suis je, moi, pour lui dire qu'elle devrait trouver un sens à sa vie? Caroline Lamontagne, et je vous invite à aller voir sur le site Web parce qu'il y a un reportage et un témoignage vidéo de Caroline Lamontagne qui dure six minutes. Et si vous vous demandez encore qui sont ces gens-là qui ont un handicap, qui font une demande d'aide médicale à mourir, en six minutes, vous allez tout comprendre.

Le 20 octobre 2022, Caroline Lamontagne a reçu l'aide médicale à mourir chez elle, accompagnée de son mari, un ami et de son fils dans sa maison parce qu'elle vivait en Alberta. Caroline Lamontagne aurait pu recevoir l'aide médicale à mourir au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, en Ontario, partout ailleurs au Canada, sauf au Québec. Et je vous invite vraiment à regarder le reportage vidéo qui dure 6 min 20 s et à réfléchir. Si vous aviez été là à ce moment-là, qu'auriez-vous dit à Caroline...

M. Naud (Alain) :...Lamontagne pour lui expliquer qu'il y a seulement qu'au Québec qu'elle n'aurait pas pu mettre fin dignement à ses jours comme elle le souhaitait. Alors que partout ailleurs...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Dr Naud, sur cette grande question, je vais devoir passer maintenant la parole à la députée de Westmount Saint-Louis pour une période de 9 min 54 s. Donc, on poursuit l'échange, cette fois avec la députée de Westmount. La parole est à vous.

Mme Maccarone : De Westmount—Saint-Louis.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Westmount—Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci. Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Un plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui. Merci beaucoup pour votre témoignage, pour votre mémoire et aussi d'avoir partagé l'histoire de Mme Lamontagne. Évidemment, je pense qu'on peut tous constater que c'est une histoire triste. Je pense qu'on est tous ici... puis je regrette que je ne l'aie pas dit auparavant, mais on est une belle brochette féminine autour de la table, vous avez toute notre écoute, puis on est ici parce qu'on souhaite aider des personnes comme Mme Lamontagne, mais quand je vous entends dire qu'il n'y a pas de dérive depuis 2016, moi, je n'ai pas vu la preuve de ça. On voit... il y a des journalistes derrière vous, j'espère que quelqu'un va creuser pour voir. Puis ce n'est pas parce que je ne vous crois pas, mais parce que moi je n'ai pas lu... Ça se peut qu'il y a eu des dérives. Et moi, personnellement, je suis ici pour éviter, pour éviter qu'on en a des dérives. S'ils n'en ont pas eu, tant mieux, mais je suis sincèrement préoccupée que si on n'en met pas des balises, des critères, des définitions avec une compréhension commune dans cette loi, on risque d'avoir des balises. Puis j'ai entendu qu'on parle de la comparaison avec, par exemple, en Ontario ou Alberta, mais... puis je constate que c'est important pour moi peut-être de regarder la météo ailleurs, mais ce n'est pas parce qu'il pleut en Alberta que je vais ouvrir mon parapluie ici au Québec. Je pense que c'est important aussi d'amener notre savoir de qui nous sommes ici comme Québécois et Québécoises pour s'assurer qu'on a une loi qui reflète nos valeurs aussi.

Ça fait que je vous soumets la question parce que vous, vous avez raconté l'histoire de Mme Lamontagne, mais si, mettons, c'était l'exemple que j'avais posé plutôt à... les gens qui sont venus témoigner de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, l'exemple de quelqu'un, jeune, athlète, 24 ans, peut-être similaire à l'histoire de Mme Lamontagne, qui est maintenant quadriplégique. Puis, dans leur mémoire, il dit : J'ajoute qu'aucun médecin ne répondrait à une demande d'aide médicale à mourir d'un adulte blessé médullaire avant une période reconnue de réadaptation qui s'échelonne sur plusieurs années. Selon vous, c'est quoi cette période? Parce que si on n'a pas de balises dans la loi, ça se peut que, à Chicoutimi, pour eux, c'est cinq ans, ça se peut qu'au CUSM, je vois Dr Gfeller est avec nous, ça se peut qu'au CUSM, c'est deux ans, ça se peut ailleurs, c'est 10 ans, comment allons-nous déterminer qu'on a une compréhension commune de ça? C'est ma grande question. Si on enlève la notion de neuromoteur puis qu'on en n'a pas de définition puis des balises, comment allons-nous s'assurer qu'on ne fait pas fausse route puis qu'on respecte l'autodétermination et les choix des personnes comme Mme Lamontagne? Parce que ce n'est pas moi qui va déterminer la souffrance de cette personne puis, malgré que vous, les médecins puis les professionnels de la santé, vous allez hériter cette question, puis j'ai énormément de respect pour le corps professionnel puis ceux qui vont administrer l'aide médicale à mourir parce que, mon Dieu, je ne peux même pas imaginer être dans cette position, vous êtes quand même des êtres humains vous-même, puis ça reste que c'est quand même des choix qui sont à quelque part existentiels et subjectifs. Voilà.

• (16 h 40) •

M. Gaudreault (Mauril) :Un, pour les dérives au Canada, au reste du Canada, à notre connaissance, je l'ai dit tantôt, il n'y a pas eu de dérives. Oui, je suis d'accord avec Mme Bélanger, là, on va aller voir comme il faut par rapport à tout cela, s'il y en a eu des dérives ou pas. O.K. Au Québec, il n'y a pas eu de dérives, tu sais, vous pourrez peut-être demander, poser la question au Dr Bureau plus tard aussi par rapport à tout ça, mais il n'y en a pas eu de dérives ici, à notre connaissance, il n'y en a pas eu ailleurs au Canada, mais je suis tout à fait d'accord pour qu'on aille voir de façon sérieuse s'il y en a eu ou pas, là, tu sais, ce n'est pas... il ne s'agit pas de se lancer là-dedans tout à coup sans prendre les précautions nécessaires. Ça, c'est la même chose par rapport aux dérives, c'est ma première réponse à votre question par rapport aux dérives.

Par rapport aux cas, moi, je suis un gars de Chicoutimi, ça fait qu'à Chicoutimi, je ne sais pas, peut-être que ça prend cinq ans, peut-être... puis avec Gfeller au CUSM ça prenait deux ans, je ne le sais pas, mais, tout ça, je veux dire, c'est cas par cas, hein, je veux dire, ça dépend des patients. Les patients, il faut toujours les écouter, qu'est-ce qu'ils veulent? Qu'est-ce qu'ils ressentent comme sentiment? Qu'est-ce qu'ils ont comme désir? Qu'est-ce qu'ils veulent...

M. Gaudreault (Mauril) :...mais c'est toujours une discussion que le médecin a avec son ou sa patiente par rapport au problème et par rapport aux avenues, par rapport à un plan de traitement, par rapport à un pronostic possible. Et donc cheminer là-dedans, ça peut prendre... pour une patiente de 24 ans, ça peut prendre 10 ans, pour une autre ça peut prendre quatre ans, mais ça ne peut pas prendre quatre semaines. Tu sais, on va s'entendre là-dessus, là, mais c'est cas par cas, puis de décisions entre le professionnel compétent, moi, je dis médecin parce que je suis président du Collège des médecins, mais on va dire infirmière praticienne spécialisée aussi bien sûr, donc professionnel compétent et son patient ou sa patiente. Je veux dire, c'est de définir le plan de traitement ensemble puis de convenir des divers soins possibles dont celui-là.

M. Naud (Alain) :Vous savez...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Oui, vous voulez ajouter, Dr Naud?

M. Naud (Alain) :Oui, j'aimerais ajouter.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Allez-y.

M. Naud (Alain) :Vous savez, déterminer qu'un patient est admissible... Moi, je suis un praticien, ça fait 38 ans que je suis en pratique, je suis médecin de famille, je fais des soins palliatifs depuis 38 ans, je pratique l'aide médicale à mourir depuis les tout débuts. Évaluer qu'un patient est admissible, la première rencontre me prend entre 2 h et demie et 5 h. Alors, s'il y en a qui pensent que ça se fait sur le coin d'une table à la va-vite, là, entre 2 h et demie et 5 h. Donc, c'est un exercice qui est extrêmement rigoureux.

Il n'y a pas de réponse précise à votre question parce qu'il n'y a pas d'individus pareils. Si on essaie de mettre en place des critères très restrictifs, on va priver une grande partie de la population. Parce que déterminer qu'un malade a un handicap, et un handicap physique n'est pas forcément un handicap neuromoteur, et je pense qu'on erre en associant les deux, là, handicap physique n'équivaut pas à neuromoteur, de vouloir définir ça, on va forcément restreindre l'accès à l'aide médicale à mourir, alors que notre objectif à tous, c'est de l'élargir. Et...

Mme Maccarone : ...dire que quelqu'un qui a perdu l'utilisation de ses jambes, ça peut être l'équivalent d'une personne qui a perdu l'utilisation de ses bras, ou sa vision...

M. Naud (Alain) :Écoutez, la valeur de la vie, il appartient à chaque personne de le déterminer. Est-ce que ma vie vaut encore la peine d'être vécue? Et, pour le même handicap, évidemment, la temporalité peut être très différente. Vous avez 80 ans, vous vous retrouvez quadriplégique, peut-être que vous n'aurez pas le goût d'essayer la réadaptation pendant trois ans comme un jeune de 23 ans qui vient d'avoir un accident de moto. Alors, ça s'apprécie au cas par cas, et c'est pour ça qu'une première évaluation nous demande entre 2 h et demie et 5 h.

Alors, si, dans l'optique d'élargir l'aide médicale à mourir, on commence à mettre beaucoup de critères, on va avoir l'effet contraire, on va restreint l'aide médicale à mourir. Encore une fois, dans le Canada anglais, on fonctionne avec les balises simples et claires que la Cour suprême a mises, qui sont maladie, infection, handicap grave et incurable, mais après ça, bien, faisons confiance aux professionnels de la santé à qui on a confié le rôle d'évaluer l'admissibilité des patients et de prodiguer l'aide médicale à mourir.

Moi, comme médecin, pour soulager la souffrance, pour aider mes patients, ce que j'ai besoin, c'est qu'on me donne des lois qui sont claires. Actuellement, et je parle au nom des médecins dans la province, là, ce qui retient le plus les médecins de participer à l'aide médicale à mourir, c'est l'incohérence entre deux lois. Et nous sommes les seuls au Québec à avoir deux lois qui ne disent pas la même chose sur les mêmes pathologies. Et ça, c'est ce qui retient beaucoup les médecins par crainte d'être... de se retrouver avec des poursuites criminelles, parce que vous savez comme moi qu'on n'a pas respecté les balises de la loi nous expose à des poursuites criminelles. C'est le principal motif actuellement. Alors, moi, comme médecin, pour soulager la souffrance de mes patients, j'ai besoin qu'on me donne des instruments qui sont clairs. Il vous appartient de les déterminer, et on va fonctionner avec, mais ça nous cause un gros problème depuis sept ans au Québec.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dr Naud. Pour une courte question, la députée de D'Arcy-McGee.

Mme Prass : Merci. Moi, je voudrais revenir sur votre suggestion que les troubles... les personnes avec troubles mentaux soient ajoutées au projet de loi. Parce que, bien là, disons que c'est... Bien là, on l'a vu du côté fédéral qu'il y a eu une année qui... un délai d'une année parce que, justement, c'étaient des enjeux très particuliers, très sensibles, et il n'y a pas assez, disons, de services qui sont disponibles à la population, justement, pour s'assurer qu'ils peuvent trouver un moyen de vivre avec leur maladie mentale, enjeu de santé mentale, sans devoir aller pour... excusez-moi, l'aide médicale à mourir.

Donc, je voudrais savoir... puis je voudrais juste revenir sur un point aussi. La dernière fois que ça a été discuté en commission, il me semble que ça n'a pas été... bien, ça n'a pas été amené dans le projet de loi parce qu'il n'y avait pas de consensus. Donc...

Mme Prass : ...avant d'arriver à ce que les gens avec des troubles de santé mentale puissent être admis dans le projet... dans l'aide médicale à mourir, ne pensez-vous pas qu'il n'y a pas plus de services de soins à leur offrir que dans le contexte actuel?

M. Gaudreault (Mauril) :Écoutez, on n'est pas là pour vous convaincre d'aller dans ce sens-là. Ce que j'ai dit, puis je le précise à nouveau, c'est que, oui, la société doit continuer à débattre de cela puis on veut faire partie de la conversation avec vous par rapport à comment on va cheminer par rapport au problème de santé mentale. La deuxième chose, c'est que, dans notre document, c'est très clair, notre positionnement par rapport à des malades qui les ont eus, ces soins-là, qui les ont eus pendant des dizaines d'années, des soins appropriés, et pour lesquels ils arrivent dans une condition où ils espéraient pouvoir bénéficier de ce soin. Donc, c'est sûr qu'on aura ensemble, comme société, à avoir à fournir l'ensemble des soins possibles aux diverses personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Gaudreault.

M. Gaudreault (Mauril) :...avant d'aller plus loin.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois vous couper, le temps imparti à la formation politique vient de s'écouler. Je dois maintenant laisser la parole pour la poursuite de nos discussions à la députée de Sherbrooke. La parole est à vous pour 3 min 18 s au total. Merci.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Je vais changer de sujet, avez-vous... puis je vais vous amener sur la recommandation 8 parce qu'elle me surprend. Si je comprends bien la recommandation 8, c'est que vous nous invitez à réfléchir au fait qu'en ce moment c'est la Commission sur les soins de fin de vie qui évalue la conformité de l'administration de l'aide médicale à mourir à la loi. Vous revendiquez de vous occuper vous-même de ce suivi, si je comprends bien. Ça me surprend parce que la composition de la Commission sur les soins de fin de vie, c'est quand même une composition qui est assez interdisciplinaire, ça m'apparaît pertinent. Donc, j'aimerais comprendre pourquoi vous jugez plus pertinent que ce soit le Collège des médecins qui s'occupe de ça.

M. Gaudreault (Mauril) :...ce qu'on recommande, c'est de revoir le mandat de la commission, on ne recommande pas de l'effacer ou de l'éliminer, pas du tout, mais d'en revoir le fonctionnement. Pourquoi? Après x années de fonctionnement, je suis convaincu que c'était nécessaire d'avoir une commission comme celle-là, alors qu'en mettant en place une telle loi, de telle possibilité d'offrir ce soin-là... convaincu de ça. Est-ce que c'est encore nécessaire maintenant? La question, c'est la même chose qu'un débat de société par rapport à d'autres problèmes : Est-ce qu'on doit continuer à garder la commission? Puis, en tout respect pour Dr Bureau, qui est derrière moi puis que je connais bien, là, ce n'est pas ça, ce n'est pas une question de personnalité par rapport à tout ça. Nous, ce qu'on demande, c'est de faire une réflexion là-dessus : A-t-on besoin encore de cette commission-là? Et je vais terminer là-dessus pour respecter le temps, là, mais, pour tout soin au Québec, l'évaluation de la qualité de l'acte, elle est confiée au Collège des médecins du Québec et au CMDP dans les établissements. Ce soin-là, ce n'est pas le cas. Je comprends historiquement, puis peut-être que nous allons décider, tous ensemble, que la commission doit continuer son travail dans ce sens-là, mais, éventuellement, je pense que ce soin-là devra aussi faire partie de l'évaluation de la qualité des actes médicaux partout au Québec pour tous les autres soins. Voilà, c'est dans ce sens-là.

Mme Labrie : Mais l'administration de l'aide médicale à mourir, l'administration de la... la conformité à la loi, ce n'est pas juste l'acte médical, il me semble que c'est quand même pertinent que ce soit un comité sur lequel il y a par exemple... bon, il y a des travailleurs sociaux, le milieu de l'éthique est présent... c'est ça...

• (16 h 50) •

M. Gaudreault (Mauril) :...plein de soins au Québec, là, il y a plein de soins pour plein de personnes, là, qui nécessitent du travail des équipes interdisciplinaires. Il n'y a pas ce soin-là. Mais l'acte, l'acte, et c'est un acte médical, mais aussi infirmière spécialisée maintenant, l'acte d'administrer ce soin, bien, c'est un acte médical qui, à notre avis, pourrait faire l'objet de l'évaluation du Collège des médecins comme tous les autres soins. Mais ça, on verra bien par rapport... Ce qu'on recommande, puis je vais finir là-dessus, c'est de... Je pense qu'il faut profiter, après tant d'années, de revoir le mandat puis le fonctionnement de la commission.

M. Naud (Alain) :Puis juste pour rajouter, Mme la députée, c'est que les conseils de médecins, dentistes, pharmaciens de tous les établissements de la province évaluent déjà toutes les AMM administrées et toutes les sédations palliatives continues administrées. Alors, c'est un exercice qui est déjà fait, qui est déjà fait, qui est déjà en place et il évolue à partir des mêmes formulaires que reçoit la Commission sur les soins de fin de vie. Et, quand la Commission sur les soins de fin de vie juge qu'une AMM n'est pas conforme pour...

M. Naud (Alain) :...Quelque raison que ce soit, le dossier est référé au CMDP et au Collège des médecins du Québec, qui sont les instances en bout de ligne, qui prennent la décision finale et qui se prononcent sur la conformité médicale de l'acte médical qu'est l'aide médicale à mourir.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, docteur Naud. Pour terminer cette ronde de discussion, je laisse la parole à la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour une période de trois minutes 18 secondes. La parole est à vous.

Mme Tardif : Merci, Mme la Présidente.

Bonjour. J'aimerais vous amener peut-être sur deux terrains un peu glissants, mais je pense qu'on doit, on doit en parler. Vous êtes d'accord avec... et moi aussi, là, avec l'obligation que les établissements constituent des groupes interdisciplinaires d'experts pour soutenir, pour accompagner les professionnels de la santé ou des services sociaux qui offrent les soins de fin de vie. Concrètement, est-ce que nous avons suffisamment de professionnels? Parce que, là, on va travailler sur un projet de loi. Sur le terrain, vous êtes sur le terrain depuis quelques décennies, j'ai une crainte, parce que j'ai vu et j'ai entendu des hôpitaux qui me disent et qui, des hôpitaux qui font des soins de fin de vie, et ce n'est même pas l'aide médicale à mourir, là, et ils me disent : On est à bout de souffle. Comment on va faire, concrètement?

Et ma deuxième question, ma sous-question serait : Vous avez émis des bémols quant au rôle et aux obligations des tiers, des tiers de confiance, et vous parlez, vous avez nommé quelques allègements ou modifications, j'aimerais vous entendre à ce sujet-là, s'il reste un peu de temps.

M. Gaudreault (Mauril) :...

M. Naud (Alain) :Oui. Bien, écoutez, l'enjeu de ressources, il prévaut partout, hein? Il ne prévaut pas juste dans notre système de santé. Effectivement, c'est une bonne question, que vous soulevez. Il faut comprendre qu'il y a déjà actuellement, depuis le tout début, ce qu'on appelle des groupes interdisciplinaires en santé qui sont actifs au Québec. La difficulté, c'est que c'est quand même assez hétérogène. Alors, je pense qu'il n'y aurait pas un gros effort de restructurer ça tout simplement pour les rendre plus efficaces et fonctionnels. Mais il y a déjà quelque chose qui existe, qui est en place depuis le tout début. Moi, je pense que...

Mme Tardif : Pour chaque institution, pour chaque établissement?

M. Naud (Alain) :Bien, «Chaque établissement», c'est-à-dire qu'il faut voir l'établissement dans un sens très, très large, hein? Puis, si je vous parle, mettons, par exemple, ici, de la région 03, Portneuf, Québec, Charlevoix, bien, il y a trois établissements. Il n'y en a pas tant que ça, des établissements, hein, vous savez. Alors, on en est là. Il y en a une vingtaine, près d'une trentaine, là, Mme la ministre le sait mieux, plus que moi, là, d'établissements au Québec, là, il n'y en a pas tant que ça. Et je pense qu'on ne parle pas ici, là, de faire un groupe dans chaque hôpital, nécessairement, ou CLSC ou clinique, mais ce sont des groupes de support, à ce moment-là. Et, moi, je pense que c'est réaliste, là, d'envisager de le mettre en place.

M. Gaudreault (Mauril) :Votre deuxième question, si on a le temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...allez-y.

M. Gaudreault (Mauril) :Quelques secondes, O.K.. Bien, le collège, on l'a écrit dans notre mémoire, voit d'un bon oeil la possibilité de désigner un tiers de confiance dans une demande anticipée, O.K., mais il faut faire attention par rapport à tout le poids qu'il y aura, éventuellement, sur cette personne-là. Donc, il faut l'accompagner tous ensemble, là, pour qu'elle fasse bien son travail, la personne, parce qu'à un moment donné ça peut devenir très lourd pour le tiers de confiance lorsque la personne devient inapte, par exemple. Mais, ça, on pourra ensemble y travailler.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Docteur Naud, docteur Gaudreault, la maîtresse du temps que je suis vous remercie pour votre contribution aux travaux de notre commission. L'ensemble des parlementaires vous souhaite une bonne fin de journée.

Je vais suspendre quelques instants pour recevoir notre prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 55)

(Reprise à 17 heures)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous recevons donc Carpe Diem, Centre de ressources Alzheimer, qui est représenté par la directrice et présidente, Mme Nicole Poirier. Bienvenue, Mme Poirier. Donc, vous aurez 10 minutes pour vous présenter ainsi qu'exposer votre... une partie de votre mémoire. La parole est à vous.

Mme Poirier (Nicole) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Mme Bélanger, merci, membres du comité, de m'avoir permis de venir exprimer le fruit de mes réflexions, qui sont échelonnées sur bientôt presque...


 
 

17 h (version non révisée)

Mme Poirier (Nicole) : ...40 ans d'accompagnement de personnes qui vivent avec la maladie et leur famille. Je l'ai fait dans le cadre de Carpe Diem, une maison qui accueille des personnes qui vivent avec la maladie d'Alzheimer, des familles aussi qui sont à domicile et aussi avec ma mère, qui a eu la maladie et qui en est décédée. Donc, moi, je propose de débuter un petit peu par mon expérience personnelle puis aussi parler de certains éléments généraux qui viennent en lien avec le projet de loi, puis ensuite, peut-être regarder quelques... Quelques articles qui... Qui ont soulevé mon... mes questionnements.

Bien, d'abord, quand j'ai accompagné ma mère qui souffrait de la maladie d'Alzheimer, nous, on est sept enfants et on avait tous le consensus qui consistait à dire : il ne faut pas qu'elle souffre inutilement et on est partis avec une bonne entente familiale. Et on s'est vite rendu compte que, décider à la place d'une personne, c'est compliqué lorsqu'elle n'est plus capable de prendre certaines décisions, donc... Elle a eu un cancer en plus. Alors, on s'est tout de suite demandé : est-ce qu'on traite ou pas le cancer, est-ce qu'on cesse ou non la médication anti-Alzheimer qui provoque des effets indésirables, et est-ce qu'on la continue ou pas, est-ce qu'elle peut toujours vivre à domicile, est-ce qu'on a une compréhension commune des enjeux cliniques, tels que la souffrance qu'elle peut ressentir, quelle est la différence avec la douleur, douleur et souffrance, on n'était pas toujours tous d'accord avec ça, c'est quoi, l'acharnement et le raisonnable, la volonté de... qu'elle avait avant la maladie versus quand elle a développé la maladie, et puis comment savoir si son comportement était lié à la maladie ou à d'autres effets comme notre incompréhension ou l'environnement physique?

Et puis, vers la fin de sa vie, ma mère, elle fronçait les sourcils et elle exprimait des jurons, ce qu'elle n'avait jamais fait. Elle levait le poing, lançait son dentier. Certains membres de ma famille y voyaient l'expression de la maladie. Des gens pouvaient dire : Ah, c'est un trouble du comportement qui est lié à la maladie. Et on s'est rendu compte que, si elle prenait des antidouleurs, elle retrouvait le sourire, elle remettait son dentier puis elle nous disait merci puis elle était souriante.

Donc là, je vous partage cet événement-là parce que, souvent, les professionnels et les familles, on a tendance à mettre sur le compte de la maladie ou... Sur sur le compte de la maladie certains comportements, alors qu'il peut y avoir une cause qui est liée à la douleur et ou à l'environnement aussi. Je donne souvent l'exemple de fenêtres. Les fenêtres, dans une chambre ou dans une salle à manger, le soir, peuvent refléter. On marche, puis on se voit dans les fenêtres. Mais, pour certaines personnes qui ont des troubles perceptuels, elles y voient des personnes, alors elles ont toujours l'impression qu'il y a quelqu'un qui les suit. Donc, souvent, on se dit : Bien, qu'est-ce qu'elle a, elle ne reste pas assise, elle ne veut pas rester dans sa chambre. Quand on ne sait pas ces choses-là, on peut mettre la personne dans une condition de souffrance, parce que, son environnement... Il y a, il y a des choses à faire dans son environnement, et on ne le sait pas par manque de connaissance.

Et puis ensuite, bien, j'ai vu que même si on était unis, une famille de sept enfants qui chemine, il y en a qui prennent des chemins dans leur vie qu'on ne connaît pas toujours. Et puis j'ai été quand même étonnée de voir qu'à un moment donné quand on discutait, certains membres de ma famille avaient... Il y a des croyances religieuses ou philosophiques qui s'étaient développées, que j'ignorais et pour lesquelles il a fallu tenir compte aussi lorsqu'on accompagnait ma mère.

Donc, tout ça compliquait beaucoup les choses. Et, quand est arrivée la fin de la vie, malgré des signes cliniques évidents, je vous jure, moi, j'étais... J'en ai vu, moi, des gens mourir, j'ai été brouillée, troublée par le fait de dire : est-ce que c'est vraiment le dernier moment? Est-ce qu'on donne la dernière dose? Si je ne la donne pas, est-ce que c'est par égoïsme, parce que je veux la garder encore un peu avec moi? Puis, si je la donne, c'est-tu parce qu'on est fatigués, et puis il y a des conditions qui font qu'on... Et puis je me disais : eh bien, c'est compliqué. Et, pour moi, cette... le fait de devoir décider comme ça pour elle, ça m'a convaincue que jamais je ne demanderai à mes enfants ou à quiconque de décider plus tard. Cette décision-là, je trouve qu'elle est sous-estimée dans toutes les... dans tous les échanges qu'on a, ce qu'on impose, ce que le tiers de confiance va avoir à vivre, s'il est toujours là, en plus, si ses convictions changent aussi. Donc, je me dis : mais qu'est-ce qu'il me reste, si je décide que je ne veux pas faire vivre ça à mes enfants? Ça ne veut pas dire que j'ai envie de souffrir plus tard. Ça veut... j'ai... Je ne veux pas souffrir plus qu'une autre personne. Donc, ça, c'est le premier élément.

Puis ensuite, bien, pour ce qui est des... du Projet de loi, je dirais que souvent on pense que le...

Mme Poirier (Nicole) : ...de rédiger des directives anticipées, ça va nous donner l'esprit tranquille. On va être corrects puis on va pouvoir, éventuellement, vivre certaines années de vie, puis après ça, que notre volonté soit exprimée. Et, quand j'ai fait partie du comité d'experts avec Howard Bergman en 2008, déjà, le comité d'experts visait à mettre sur pied un plan d'action pour la maladie d'Alzheimer. Il y avait 10 000 diagnostics par année en 2008 de maladies apparentées à l'Alzheimer. Donc là, vous avez posé la question, quelques-uns. Comment on va faire pour évaluer ça? Qui va le faire? Est-ce qu'on aura les ressources pour prendre le temps de le faire? Puis, si on prend des ressources pour le faire, qui on va priver ensuite? Et qu'est-ce qui va se passer avec les personnes qui n'auront pas dit... rédigé des demandes anticipées? Moi, ça, c'est une de mes craintes, que ces personnes-là soient mises de côté parce que, pour x raisons, elles n'auront pas rédigé des demandes, rédigé des demandes parce que le diagnostic va être posé trop tard, par exemple, parce qu'elles n'auront pas été accompagnées, peut-être, sur ce chemin-là, ou pour des raisons comme la mienne, moi, je ne veux pas lui faire porter cette responsabilité-là à quelqu'un d'autre. Je trouve que c'est... Il faut avoir les moyens de nos ambitions aussi si on veut faire ça.

Ensuite, il y a un point qui m'intrigue beaucoup aussi, c'est l'évaluation de l'état de conscience versus les fonctions cognitives. Il y a beaucoup de confusion quand on parle d'inaptitude et de troubles cognitifs. Les outils qu'on a en ce moment, d'un point de vue clinique, ce sont des outils qui évaluent les fonctions cognitives : la mémoire, le jugement, l'orientation, le langage. Mais ces outils-là n'évaluent pas l'état de conscience, l'état émotif, l'état intérieur. Et ces outils, ils pénalisent beaucoup les personnes qui sont aphasiques. Je vous invite vraiment, dans vos réflexions, à prendre connaissance de ces outils-là. Quand on... Quand les professionnels vous disent : On a des échelles qui mesurent la douleur... C'est difficile de mesurer la douleur pour une personne qui est aphasique. C'est difficile de mesurer aussi l'état intérieur d'une personne qui ne peut plus dire les mots qui sont... qui correspondent à la photo qu'il y a sur le test, mais ça ne veut pas dire qu'intérieurement elle n'a pas les réponses. Donc, j'ai peur que des personnes, autant au début de la maladie, qui pourraient se prévaloir du droit de mourir avec l'aptitude ne soient pas jugées apte parce qu'elles vont avoir été pénalisées par l'aphasie ou, en bout de ligne, aussi, en fin de vie ou plus tard, seront pénalisées parce qu'elles n'ont pas l'aptitude à communiquer à cause de l'aphasie aussi. Donc, je trouve que, là-dessus, il y a vraiment un... Quand les gens disent : On peut évaluer, puis, oui... Moi, ça fait 40 ans et puis je ne peux pas comprendre comment on peut faire pour évaluer ça avec certitude. Ça risque de créer beaucoup de confusion puis, peut-être, d'opposition.

Ensuite, bien, on parle du droit au choix. C'est beaucoup revenu ça, hein, d'avoir le choix. Si j'ai le choix, les autres ont le choix. Bon, alors le choix, si je pense, aussi, aux Pays-Bas, par exemple, où le seul pays où les personnes peuvent exiger... fournir des demandes anticipées, aux Pays-Bas, ça existe, bien, les choix... Le choix qu'ils ont, aussi, c'est beaucoup de pouvoir vivre à domicile. Aux Pays-Bas, il y a toute une dynamique à domicile. J'ai... je suis allée aux Pays-Bas puis j'ai vu des organismes qui aident les gens à vivre chez eux et qui investissent beaucoup à ce niveau-là, puis, s'ils ne peuvent pas de chez eux, ils peuvent vivre dans des petites maisons non institutionnelles. C'est... Ça me semble, en tout cas, être au moins un minimum de choix. Ici, qu'est-ce qu'on offre aux gens comme choix? Donc, moi, si je ne veux pas faire porter le poids à mes enfants, quel choix il me reste? Il me reste que je ne pourrai peut-être pas vivre à domicile à cause qu'on a... Et je vous remercie aussi d'avoir comme priorité les soins à domicile et... pour permettre aux gens de dire : Bien, si je ne veux pas confier ce choix-là à quelqu'un, au moins, je pourrai vivre à domicile puis j'aurai d'autres perspectives d'avenir.

• (17 h 10) •

Donc, le projet de loi... j'ai décrit quelques commentaires sur les articles. D'abord, ce n'est pas assez connu que bientôt, ou maintenant, je crois même, une personne qui a la maladie d'Alzheimer peut avoir l'aide à mourir en autant qu'elle soit apte. Moi, j'ai posé des questions dans mon entourage puis les gens ne savent pas ça. Ils pensent que, si les directives anticipées ne sont pas adoptées, on laisse tomber complètement les gens qui ont la maladie. Souvent, les gens me disent encore : Il faut... Je ne voudrais pas être obligé d'aller en Suisse. Mais on n'est plus obligés d'aller en Suisse, on peut recevoir ici l'aide à mourir. Donc, ça, je pense qu'il faudrait quand même le mentionner, que c'est un changement important avec ce qu'on connaissait avant. Puis ensuite, si vous voulez, je peux déjà... On pourra passer sur les articles un à un si vous avez des questions...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme Poirier, pour d'abord votre témoignage puis également les commentaires que vous formulez. On va commencer l'étape de la période d'échange avec les députés. On va commencer d'ailleurs avec la ministre, qui a quelques questions pour vous.

Mme Bélanger : Oui. Bonjour, Mme Poirier. Merci d'être présente, merci d'avoir préparé ce mémoire, puis aussi j'en profite pour souligner le travail que vous faites depuis plus de 30 ans, notamment comme fondatrice de Carpe Diem, et puis je pense qu'on le voit dans vos propos, mais aussi dans l'approche que vous avez par rapport au milieu de vie, l'environnement, l'importance de l'accompagnement des personnes ayant une maladie d'Alzheimer.

Vous avez dit beaucoup, beaucoup de choses, et j'aimerais peut-être revenir... J'ai vu ça, là, dans votre mémoire, mais vous écrivez : «Je ne peux être en faveur de cette loi, parce que je sais que des actions et des décisions pour atténuer un grand nombre de souffrances existent et ne sont pas considérées.» Qu'est-ce que vous voulez dire précisément? J'aimerais ça, vous entendre là-dessus, parce que c'est quand même assez important comme affirmation.

Mme Poirier (Nicole) : Oui.

Mme Bélanger : Alors, si je peux... Ça, j'aimerais ça, vous entendre un petit peu plus, s'il vous plaît.

Mme Poirier (Nicole) : Oui. Bien, ce que je dis, c'est qu'aujourd'hui on a beaucoup de difficulté, les professionnels, à faire la différence entre des souffrances qui sont liées à la maladie puis des souffrances qui sont liées à l'environnement. Donc, qu'est-ce qui pourrait être fait? Ils pourraient... Par exemple, quand on parle d'incontinence, par exemple : Je ne veux pas vivre si je deviens incontinent. Mais on sait que l'incontinence, ça peut être repoussé longtemps si on est capable d'accompagner la personne, si on a une organisation qui le favorise. Donc, ça, c'est un exemple de situation où on pourrait prendre des décisions, d'un point de vue organisationnel, qui changeraient beaucoup la vie des personnes. Être incontinent, ça peut être souffrant, effectivement. Mais rester dans sa protection pendant plusieurs heures, ça, c'est encore plus souffrant, puis encore plus souffrant, comme j'ai vu dernièrement, lorsqu'on a des plaies qui ne sont pas connues de la famille puis qu'on urine sur une plaie. On fait juste se brûler le bout du doigt, puis le... ça fait mal longtemps. Mais des plaies qui sont brûlées comme ça... Bon. Ça, c'est un exemple.

L'alimentation, par exemple. Il y a des gens qui disent : Bien, si je ne peux plus manger seul... Il y a tellement de choses qu'on peut faire pour aider une personne à s'alimenter! Il y a 60% des gens,  selon certaines études, qui sont dénutris dans certains milieux, pas dénutris parce qu'on ne leur donne pas à manger, mais dénutris parce que, soit ils ne savent plus comment manger, on leur pose la nourriture, on s'en va, et puis ils ont plus... ils ont faim, mais ils pourraient manger s'ils avaient un peu d'aide, et puis il y a plein de mesures. Nous, à Carpe Diem, on mange avec les personnes, puis juste le fait de manger, ça redonne la personne... à la personne la réponse pour commencer à manger, et, si elle ne sait plus comment, on va l'aider discrètement, par exemple, puis elle va continuer à manger.

On a vu dans les médias qu'il y avait de la nourriture qui se jetait dans les établissements. Tout... Non. Il y a eu plein de commentaires là-dessus. Mais, moi, je me disais : Mais cette nourriture-là, qui devait être donnée aux gens, qu'on jetait, pourquoi elle n'a pas été donnée? Est-ce que c'est parce qu'on n'a pas su comment les alimenter correctement?

Bon. Ça, c'est un autre exemple. La nuit, il y a tellement de choses qu'on pourrait faire la nuit, parce que les gens se lèvent, sont parfois angoissés, veulent aller aux toilettes. Il y a des décisions qui pourraient être prises juste dans une vision de mieux accompagner la nuit, au lieu de parfois donner... appeler ça un trouble d'errance nocturne perturbateur, avec plein de termes qui, en... un petit peu, étiquettent la personne. On pourrait changer la façon d'accompagner la nuit pour que les gens ne soient pas médicamentés, puis tombent moins vite, puis perdent leur autonomie. C'est plein de petites choses comme ça que je trouve qui pourraient être faites puis qui ne sont pas assez connues.

Mme Bélanger : En fait, je pense que vous démontrez bien l'importance de bien répondre aux besoins des personnes, puis chaque personne est spécifique, et on doit donc organiser les soins, les services en conséquence. Là, je pense que vous le démontrez très bien.

Cependant, pour les personnes ayant la maladie d'Alzheimer, on le voit bien, qu'une fois que toutes les conditions, là, sont au rendez-vous, il reste qu'il y a quand même une détérioration éventuelle de la personne, qui va éventuellement, là, aller vers la fin de sa vie. Chaque personne est unique, les stratégies doivent être différentes d'une personne à l'autre, puis malgré ça je pense qu'on remarque quand même dans certaines expériences cliniques qu'il y a des personnes qui, malgré tout ce qui va avoir pu être fait, vont continuer à être dans un état où elles s'acheminent vers la fin de leur vie, puis avec le moins de souffrance possible, on l'espère...

Mme Bélanger : ...Vous avez faites, tantôt... Vous avez parlé de votre propre expérience, celle que vous avez vécue avec votre mère, et vous dites que vous avez réalisé tout le poids moral et les déchirements que peuvent... Qui peuvent avoir lieu entre les membres d'une famille lors d'un accompagnement d'un proche en fin de vie. Est-ce que vous ne croyez pas, justement, que la demande anticipée viendrait enlever cette pression sur les proches? J'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que, la demande médicale anticipée, elle est faite au moment où la personne, en fait, a tout son jugement pour prendre une décision éclairée, donc, c'est la... la décision appartient à la personne dans le cas d'une demande anticipée, dans le cas d'une demande d'aide médicale à mourir, bien sûr. Mais, si je reviens avec l'exemple de la maladie d'Alzheimer, alors vous ne croyez pas que la personne qui a un diagnostic d'Alzheimer, supposons, à 60 ans, qui, en toute connaissance de cause, en pleine capacité, porte un jugement sur ce qu'elle souhaite pour elle-même comme fin de vie... Quelle valeur vous attribuez à ça? Ça, j'aimerais vous entendre à ce sujet-là. Puis prenons l'exemple d'une personne qui a un diagnostic d'Alzheimer, mais qui n'est pas du tout en phase de fin de vie, là, elle est vraiment dans une période d'adaptation. Elle vient de recevoir son diagnostic et elle fait cette réflexion-là. Vous ne pensez pas que ça ne pourrait pas décharger, au contraire, les proches?

Mme Poirier (Nicole) : Bien, il y a deux choses. Une personne qui est dans les débuts puis qui peut réfléchir comme vous le mentionnez, moi, je regarderais beaucoup la possibilité de vivre et de... tant qu'elle est apte, elle a l'accès, elle a un choix, en ce moment, cette personne-là, elle a le choix de décider de... d'avoir l'aide à mourir en étant apte. Déjà, je trouve que c'est... On a l'impression qu'on peut tomber inapte du jour au lendemain.

Mme Bélanger : ...

Mme Poirier (Nicole) : Oui?

Mme Bélanger : ...vous corriger un petit peu, là. La compréhension... En fait, la personne qui reçoit un diagnostic d'Alzheimer, qui ne répond pas aux critères de souffrance physique, elle ne pourrait pas recevoir l'aide médicale à mourir au moment où elle le demande, au moment où elle vient d'avoir un diagnostic, si elle ne répond pas à toutes les autres conditions qui sont déjà prévues dans la Loi sur les soins de fin de vie. La nuance que j'amène, c'est qu'elle pourrait cependant faire une demande anticipée, c'est-à-dire faire une demande aujourd'hui pour quelque chose qui va arriver plus tard.

Mme Poirier (Nicole) : Oui.

Mme Bélanger : Alors, on est là, pas pour avoir immédiatement l'aide médicale à mourir, là, bien sûr.

Mme Poirier (Nicole) : Non, je le sais. Mais il ne faut pas oublier qu'elle aurait toujours ce choix-là. Et donc vous dites : pour plus tard, bien, pour plus tard, là où je pense que ça peut être très lourd, moralement, c'est quand la personne ne présentera pas de souffrance, mais que des symptômes comme on a vus, qui ont été dit publiquement, si je ne reconnais pas les proches, si je suis incontinent, des choses comme ça, pour moi, ça, ça... ça peut être source de grande culpabilité pour les proches, s'il n'y a pas de souffrance. Ce qui est très dur, c'est de voir des gens souffrir, puis c'est pour ça que je vous dis que je ne peux pas être... Je ne suis pas contre le projet de loi parce qu'effectivement il y a des fois où il y a des personnes qui souffrent l'Enfer, qu'ils n'auraient jamais pu prédire dans une demande anticipée, puis que, malgré tout ce qu'on fait, on n'arrive pas à les soulager, bien, ces personnes-là, je pense qu'il faut qu'on pense à les soulager. Puis il ne faut pas que ça soient que celles qui ont pensé l'écrire d'une façon, et c'est là que ça... moi, je suis inquiète de ça. Puis je suis inquiète que les gens disent : mais ce n'est pas juste, finalement, parce qu'il y a plein de monde qui souffre.

Puis il y a des gens qui souffrent beaucoup aussi parce qu'on n'a pas les ressources pour évaluer leur condition, par exemple, quand ils sont à domicile ou en RPA. Puis il y a beaucoup de monde qui sont dirigés vers l'urgence, où c'est la pire place à aller. Et puis ce qu'on vient vous raconter ici, en commission parlementaire, c'est des situations qui ont lieu souvent à l'urgence, où on est obligés de contrôler les personnes, et puis c'est traumatisant. Moi, c'est c'est ça qui a fait que je me suis engagée, il y a presque 40 ans, c'est quand j'ai accompagné une personne à l'urgence, qui était... qui s'était fendu la tête puis qui s'est retrouvée, en 24 heures, alitée puis elle n'a pu remarcher pendant 10 ans. Elle avait 60 ans.

Donc, je le comprends, ça, qu'il y a des conditions où la souffrance, elle pourrait être évitée. Et puis c'est pour ça que je trouve qu'il faudrait qu'on pense à tout le monde et non pas qu'à ceux qui l'ont rédigé à l'avance.

• (17 h 20) •

Mme Bélanger : O.K. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Merci, Mme Poirier. Je pense qu'il y a la députée de Laporte qui aurait quelques questions.

Mme Poulet : ...Alors...

Mme Poulet : ...alors, en lien avec qu'est-ce que vous avez vécu personnellement, on sait que... Bon, ma question, c'est concernant les tiers de confiance. Vous avez mentionné que, dans une même famille, il peut avoir des valeurs différentes d'une personne à l'autre, et quelle est, au niveau des tiers de confiance... De quelle façon? Bon, on a déjà plusieurs lignes pour encadrer tout ça. Est-ce que vous avez des recommandations supplémentaires que vous pouvez nous apporter, justement, pour bien encadrer le tiers de confiance?

Mme Poirier (Nicole) : Bien, comme je vous dis, je... Tu sais, tout à l'heure vous parliez... Madame Hivon parlait du poids moral pour les équipes, les médecins, le professionnel, et tout. Je me disais, avec ma collègue, bien... Et puis les tiers de confiance, eux, quels poids ils vont avoir lorsqu'il va falloir enclencher la démarche? Je n'ai pas vraiment... Je trouve que c'est tellement un enjeu important sous-estimé. Pour un proche, moi, je me dirais... bien, peut-être, pour accepter, ce serait si la personne souffre, puis c'est... puis le consensus d'équipe qui dit qu'elle souffre, et il y a des gens qui en souffrent, là, que c'est évident. Là, je pense que ça serait plus acceptable pour un proche de lever le... d'enclencher le processus.

Puis, pour ce qui est du reste, je vous invite aussi à essayer de les rédiger, vos demandes anticipées. Vous allez voir que ce n'est vraiment pas facile de se projeter, puis encore moins quand on a reçu un diagnostic et puis qu'on est sous le choc du diagnostic. Donc, je garderais profondément le critère de la souffrance pour soulager la culpabilité, peut-être, que peut être vécue par les proches.

Une voix : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Je pense que la députée de Vimont a une question.

Mme Schmaltz : Vous avez soulevé tantôt quelque chose d'intéressant par rapport à l'état de conscience et vous mentionnez qu'actuellement, de ce que j'ai compris, il n'existe pas d'outil qui puisse mesurer cet état-là chez les personnes atteintes de cette maladie dont on parle, l'Alzheimer. Il semble... De ce que je comprends, c'est que vous aimeriez peut-être, pour pallier peut-être à ce manque d'outils, d'avoir ce qu'on appelle... Vous proposer un professionnel indépendant. Ça veut dire quoi exactement?

Mme Poirier (Nicole) : Moi, ce que je dis, c'est qu'un professionnel indépendant qui ne connaît pas la personne, c'est... C'est mieux d'avoir un professionnel compétent, parce qu'un professionnel qui ne connaît pas la personne, il peut arriver... Comme vous et moi, on arrive devant une personne qui ne parle plus, c'est difficile de connaître les petites subtilités. Donc, je pense plutôt que ça prend des professionnels qui connaissent la personne, puis sur la durée, puis qu'ils vont être capables d'avoir une évaluation plus juste.

Mme Schmaltz : ...comme outil pour justement mesurer cet état de conscience?

Mme Poirier (Nicole) : Bien, il n'en existe pas.

Mme Schmaltz : Bien, c'est ça, il n'y en a pas.

Mme Poirier (Nicole) : Moi, j'ai écrit un livre avec Roger Gil, qui est neuropsychiatre en France. Et je l'ai contacté avant de venir ici, puis il me dit : Il n'existe aucun outil qui mesure l'état de conscience de la personne, sauf peut-être quand elle est dans le coma en fin de vie, puis qu'elle bascule dans un état comateux, puis que, là, on voit cliniquement qu'il y a des signes. Sinon, juste la prosopagnosie, reconnaître les traits du visage, c'est très subjectif. Il y a tout un paquet d'échelles qui part de ne pas reconnaître les traits à reconnaître la voix, à reconnaître les cheveux, à sourire à une personne, qu'est-ce... Il y a une... Il n'y a pas d'échelle qui peut nous dire... Il n'y a pas un grade qui nous dit à quel... quel est l'état de conscience. Mais, souvent, les gens nous disent : Mais, oui, elle me reconnaît. Je ne peux pas dire exactement pourquoi.

Donc, les outils, ils mesurent l'aspect cognitif et l'aspect... Et certains outils, dont on parle ici, ont été créés en 1970 aux États-Unis par des psychiatres qui voulaient détecter les signes cognitifs. Moi, quand j'ai commencé en 1980, là, 85, on me disait : Ces outils-là, qui sont les mêmes qu'on utilise aujourd'hui ou inspirés, ne les utilisez jamais pour autre chose que pour du dépistage. C'est des outils de dépistage. Puis aujourd'hui, bien, on prend la même formule pour évaluer une personne en fin de vie. Donc, si quelqu'un vous dit : En bas de tel score, la personne, elle, correspond aux critères, moi, j'ai des gros doutes là-dessus parce que ça nous donne que l'état cognitif, mais pas l'état intérieur émotif de la personne.

Donc, c'est pour ça que je souhaite qu'il y ait... Dans un des articles, quand on parle beaucoup de professionnels compétents, là, je questionne beaucoup parce que, «compétent», être médecin ou être infirmière, ça ne donne pas nécessairement la compétence pour évaluer tout ça. Puis, je vous le dis, j'en voie des médecins puis j'en...

Mme Poirier (Nicole) : ...parle à des infirmières, puis ça te prend une formation particulière. Il faut que les équipes soient formées pour pouvoir comprendre la réalité de la personne puis aussi s'assurer que, quand on prendra la décision, on aura éliminé toutes les autres causes possibles. Puis je trouve que c'est un aspect positif qu'il peut y avoir dans cette loi-là. C'est que... Puis, madame Bélanger, j'étais rassurée, quand je vous avais entendue dire : ça va être une loi pour des derniers recours, quand on aura tout essayé. Mais peut-être que ça sera l'opportunité, pour les équipes, de vraiment éliminer tout ce qui ne sera pas... Tout ce qui peut être traitable ou soulagé. Donc, c'est ça, pour ce qui est du professionnel aussi, compétent, ça ne vient pas juste avec un titre.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Il reste une minute, je pense, pour la députée d'Abitibi-Ouest. La parole est à vous.

Mme Blais : Merci, madame, pour votre présentation. Vous avez piqué ma curiosité avec les gens qui ne dorment pas la nuit. Qu'est-ce que vous faites exactement? Parce que vous dites qu'on pourrait fonctionner avec eux. Parce qu'on sait que l'anxiété, la nuit, est élevée, alors j'aimerais vous entendre sur ce point.

Mme Poirier (Nicole) : Bien, une personne qui se lève la nuit, en fait, c'est que notre approche est de se dire : elle se lève la nuit, normalement, pour les mêmes raisons que vous et moi. Mais souvent, le personnel ne pense pas à : aller aux toilettes, si tu... On lui demande : Voulez-vous aller aux toilettes, elle ne comprend pas les mots. On va... on n'insistera pas pour faire des gestes pour l'amener aux toilettes. Il y a des gens qui ont faim, qui ne sont pas capables de le demander puis qui fouillent partout, puis on va dire : Ils sont fouilleurs. Il y a des gens qui se réveillent la nuit, entre autres, surtout dans les débuts, quand ils sont dans une résidence. Imaginez-vous, la mémoire à court terme est touchée, ça veut dire que vous vous levez la nuit, vous pouvez tous essayer ça, quand vous allez ailleurs, vous vous couchez, la... Vous dormez ailleurs, vous vous réveillez, vous ne savez plus où est-ce que vous êtes, bien, ça vous prend quelqu'un qui vous dit où est-ce que vous êtes, donc être rassuré. Ça fait que l'environnement doit être prêt à ça, l'environnement doit être adapté aux personnes qui se lèvent la nuit. Donc, on peut manger, on peut faire plein de choses.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci pour cette réponse. Alors, le temps imparti à la partie du gouvernement étant épuisé, je me tourne du côté de l'opposition officielle avec la députée de D'Arcy-McGee. La parole est à vous.

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Merci de votre présence ici aujourd'hui.

Moi, j'ai une question à propos de la notion des refus. Donc, la façon dont c'est rédigé présentement dans la loi, c'est un refus qui amènerait à un rejet de la demande anticipée. Et on sait que pour les personnes qui ont des... une maladie d'Alzheimer, il peut y avoir des sautes d'humeur, il peut y avoir une démence heureuse, et cetera, différents moments auxquels peut-être ils rejetteraient, en cette instance-là, la demande qu'ils avaient faite. Donc là, la demande est rejetée totalement. Disons, par la suite, ils décident qu'ils veulent aller de l'avant et leur humeur est différente cette journée-là ou quoi que ce soit, mais là, ils sont devenus inaptes. Donc, ils ne peuvent plus faire une demande anticipée parce qu'ils n'ont plus l'état d'esprit pour le faire. Donc, pensez-vous, par exemple, que, s'il y a un refus d'une personne avec une maladie d'Alzheimer, par exemple, qu'il devrait y avoir un délai, disons, de 30 jours, 90 jours, quoi que ce soit? Plutôt qu'il y ait un rejet total de la demande, qu'il y ait justement une période de délai pour que peut-être dans, comme j'ai dit, une période de temps, que la personne revienne à leurs pensées originales? Ou, par exemple, avec l'idée d'un tiers de confiance, que c'est inscrit dans la demande anticipée de la personne que, même si moi je refuse, je donne la permission à ce tiers d'accepter pour ma part?

• (17 h 30) •

Mme Poirier (Nicole) : O.K. Bien, moi, d'abord, je pense que les demandes anticipées, là, commencer à rentrer dans des critères, là, comme ceux qu'on a parlé tout à l'heure, c'est... Ça va être compliqué à appliquer. Mon souci, c'est que ça soit applicable aussi, tout ça. Puis c'est pour ça que je dirais qu'une demande anticipée, ça devrait être de ne pas souffrir. Et, si je souffre, là, qu'on évalue ma condition.

Donc, si la personne refuse, ça aussi, c'est paradoxal, parce que, souvent, le refus, il est la... est cause de grandes souffrances, c'est l'expression d'une grande souffrance. Alors, si on dit : non, il y a un refus, on ne fait rien, mais, derrière ça, il y a une souffrance. Puis, quand je vous parlais tout à l'heure des personnes, là, qu'on... pour lesquelles on n'arrive pas à comprendre, c'est souvent des gens qui nous repoussent, qui nous voient arriver, puis comme des personnes qui peuvent être dangereuses pour elles, qui nous... Et qui crient et qui... Et c'est considéré comme un refus, alors que c'est une souffrance, si on a éliminé toutes les autres causes. Donc, je ne peux pas vraiment dire qu'est-ce que je ferais dans... Je trouve que c'est trop paradoxal, cet article de loi là, de dire : S'il y a un refus, je ne veux pas, elle est déjà inapte, donc son refus, il devrait être causé par la maladie, normalement...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

Mme Prass : ...Donc, comme je disais, est-ce que vous pensez, par exemple, que, dans la demande anticipée, il devrait y avoir un élément pour que la personne dise : même si je refuse, je serais déjà en... inapte, donc on garde ce que j'ai écrit dans ma demande anticipée? Ou, comme je l'ai dit, que le tiers de... On précise que le tiers de confiance peut demander même si la personne refuse d'aller de l'avant?

Mme Poirier (Nicole) : Oui, si je suis souffrant. Si je suis souffrant, oui.

Mme Prass : O.K. Parfait. Donc, vous êtes d'accord que ça ne devrait pas être un rejet total, on devrait prendre en considération, vraiment...

Mme Poirier (Nicole) : Non. Bien, je pense.

Mme Prass : O.K., ça fait que, donc, ce cas-là, le formulaire dont on a parlé, qu'on voudrait voir, est-ce qu'il devrait y avoir justement un élément compris dans ce formulaire-là? Bien, premièrement, vous avez des réticences autour de la demande anticipée, donc les éléments qui se retrouveraient dans la formule pour que la personne prenne une décision consciente. Et donc, c'est ça, pensez-vous qu'il devrait y avoir des éléments dans le formulaire, justement, qui s'assurent qu'en cas de situation nette, la personne, leur souhait lors de la rédaction de la demande anticipée sera toujours respecté?

Mme Poirier (Nicole) : Bien là, moi, ce que je dis, c'est que c'est la souffrance contemporaine, là, c'est... Donc, qu'il faut que la personne, au moment précis, souffre, bien, je pense que oui, il faudrait que ce soit... que ce soit respecté, il me semble, s'il y a souffrance.

Mme Prass : Donc, ça devrait être aussi inclus dans ce formulaire pour que la personne puisse...

Mme Poirier (Nicole) : Oui, oui.

Mme Prass : O.K. Parfait. Donc je renouvelle notre demande de voir le formulaire avant que... Dans le cadre de l'étude du projet de loi.

Mme Poirier (Nicole) : Il faudrait aussi prévoir un soutien énorme auprès des équipes. Parce que, je vous ai... J'ai parlé de moi puis ma famille, moi, j'accompagne des équipes, là, avec mes collègues, là, qui sont ici, puis, dans une équipe aussi, il y a tout ce que je vous ai dit tout à l'heure, là, qui peut être des points de vue différents, mais on retrouve exactement la même dynamique dans une équipe où quelqu'un va dire : Bien non, mais, moi, je pense qu'elle ne souffre pas, puis : Ah non, bien, elle ne veut pas que je l'accompagne ce matin, par respect, je vais la laisser dans son urine. Puis l'autre va dire : non, par respect, il faut que je l'accompagne. Elle ne mange pas, je pense qu'elle veut mourir, l'autre, elle dit : non, non, elle ne mange pas parce qu'elle a mal aux dents, elle ne mange pas parce que ce n'est pas bon, parce qu'elle a des médicaments, donc, il y a vraiment un accompagnement d'équipe qu'il va falloir avoir. Parce que je ne pense pas qu'on va voir le sens dont on parlait tout à l'heure, pour une personne qui vit avec la maladie. Bien, ça s'applique aussi au personnel : quel sens mon travail va prendre, si, à un moment donné, mon évaluation de la situation n'est pas celle des autres, et puis que, là, ce soin-là est donné et c'est irréversible?

Mme Prass : Ah non, je suis tout à fait d'accord avec vous. Et en retournant à mon point original, justement, par exemple, si on est soignant et, là, que la personne dit : Bien, moi, je refuse la demande, mais qu'on sait qu'on doit aller de l'avant parce que c'est inscrit dans la loi, par exemple, si c'est le cas, cette personne-là va avoir des contradictions, à savoir comment procéder et comment... Comment passer à travers ça, donc tout à fait d'accord qu'il y ait un accompagnement, et même service santé mentale dans certains cas où les personnes, il y a un conflit interne, disons, pour aller de l'avant avec le voeu de la personne.

Il nous reste combien de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il vous reste trois minutes 30.

Mme Prass : Là, je voudrais vous entendre... bien, vous en avez parlé un petit peu, mais, si vous pouvez élaborer sur, justement, quels sont les critères que vous pensez devraient être vraiment expliqués à la personne qui va faire une demande anticipée pour qu'il comprenne que ça soit côté physique, que ça soit côté mental, qu'il comprenne vraiment : quand je serai rendu là, c'est à ce moment-là que je ne... Je considérais que je voudrai avoir l'aide médicale à mourir.

Mme Poirier (Nicole) : J'ai essayé de le faire, parce que j'accompagne des gens à tous les jours, là, des personnes qui venaient d'avoir le diagnostic. Et, juste d'en parler, juste d'en parler, c'est compliqué. La personne, elle n'en parle pas, elle, puis, moi, je vais arriver puis je vais lui dire, elle vient d'avoir le diagnostic : voici ce qui serait possible plus tard. Un peu comme si vous vous apprenez un cancer, puis on vous parle tout de suite des soins de fin de vie. C'est ça qu'on veut proposer aux personnes qui vont avoir le diagnostic. Moi, à moins que la personne ne m'en parle pas... ne m'en... c'est ça, si elle m'en parle, je vais y... Je vais élaborer avec elle. Mais, si elle n'en parle pas, déjà, ça va être un... vraiment un enjeu, cette affaire-là. Mais... et qu'est-ce qu'elle met dans sa demande, bien, je vais avoir de la difficulté à aller autrement que : si je souffre puis que ma souffrance est évaluée et puis qu'il n'y a rien...

Mme Poirier (Nicole) : ...pour me soulager, je veux être... je veux l'aide à mourir. C'est à peu près tout ce que je serais capable de lui proposer dans la rédaction de sa demande. Toutes les autres me semblent impossibles à accepter. Il y a des gens... Même, j'ai entendu à la télé quelqu'un dire : Mon père ne voulait pas aller en CHSLD. S'il y avait eu la loi, il n'aurait pas été obligé d'y aller. Bien, est-ce que ça va être... de genre de demandes recevables, ça? Les gens pensent ça en ce moment. C'est pour ça que je dis, il y a un consensus, mais, quand on creuse un peu, c'est plus complexe que ça.

Mme Prass : Donc... une crainte que, justement, le diagnostic d'une maladie d'Alzheimer et la possibilité d'avoir une aide médicale à mourir va diminuer notre perception envers ces personnes-là, pour dire : Bien, tu sais, de toute façon, il va y avoir une diminution de l'état de la personne, donc c'est inévitable?

Mme Poirier (Nicole) : Bien, je m'excuse, mais je ne suis pas sûre d'avoir compris.

Mme Prass : O.K. Avez-vous une crainte que, justement, en offrant une demande anticipée pour les gens qui ont une maladie d'Alzheimer, que ça va amoindrir leur... la façon dont eux, ils voient leur futur, par exemple, pour dire : Bien, écoute, on me dit qu'inévitablement ça s'en va... tu sais, donc j'imagine que c'est le choix pour moi, sans vraiment faire le choix, de même, mais parce que ça leur a été présenté?

Mme Poirier (Nicole) : Bien, peut-être, mais peut-être ça va les rassurer aussi. Bien, s'ils souffrent, éventuellement, ils vont être soulagés. Ce n'est quand même pas... Il n'y a pas de dérive là non plus, ils vont être... La dérive, pour moi, c'est ceux qui ne seront pas soulagés puis qui n'auront pas fait leur demande. Puis je pense aussi qu'il y aura des gens qui, rapidement, vont dire : Ce n'est pas juste d'attendre qu'il y ait un diagnostic, parce qu'il y a beaucoup de monde qui, lors du diagnostic, ne sont plus aptes. Il y a des gens qui m'ont dit : Ma mère, il aurait été trop tard. Donc, il faut que le diagnostic... il faut que la demande soit faite avant le diagnostic, que les gens mettent ça dans leur mandat d'inaptitude. D'après moi, ça va... c'est une demande qui va venir parce que beaucoup de gens ne sont plus capables de le faire au moment de... qu'ils ont un diagnostic. C'est logique.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci pour ces réponses. Alors... Mais on est rendus maintenant à la députée de Sherbrooke pour une période de 3 min 18 s. La parole est à vous.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Merci. D'abord, je tiens à vous dire que, pour ce que j'ai entendu, c'est très beau ce que vous faites à la maison Carpe Diem, bravo, d'offrir ce niveau de services-là aux gens.

J'essaie de réconcilier plusieurs des choses que vous nous avez dites puis j'avoue avoir de la difficulté à voir comment, comment on pourrait s'y prendre. Vous nous avez mentionné... Aux personnes qui vont vivre la souffrance au moment où ils sont déjà devenus inaptes, donc il est trop tard pour une demande de consentement anticipée, il est trop tard pour une demande contemporaine et donc vous vous inquiétez de cette souffrance-là.

Vous nous dites aussi votre malaise par rapport à la transmission de l'information sur l'aide médicale à mourir sans que ce soit sollicité. Est-ce que ça va être la promotion de ça? Je comprends, ce malaise-là, mais en même temps comment, comment on fait pour réconcilier tout ça, s'assurer que les gens ont vraiment entendu parler que ces recours-là existent, qu'ils n'en soient pas privés parce qu'ils l'ignoraient et qu'ils subissent donc la souffrance sans avoir pu exercer ce droit-là, sans non plus tomber dans la proposition de l'aide médicale à mourir à une personne, il ne faut pas que ça ait l'air de ça non plus? Je... Est-ce que vous voyez une manière de trouver un équilibre là-dedans?

• (17 h 40) •

Mme Poirier (Nicole) : Bien, moi, j'ai beaucoup... Comme je le dis dans le mémoire, je suis... j'ai de la difficulté à être pour de façon tranchée puis être contre aussi, parce que beaucoup, beaucoup d'ambiguïté comme ça qui sont... qui vont apparaître sur le chemin de... sur ce chemin-là. Donc, je ne saurais pas comment, comment concilier tout ça autrement que de dire... Ce qui serait simple, là, ce serait de dire : Bien, les gens peuvent le faire sans avoir de diagnostic. Ça, tu le fais sous aucune pression ni celle d'avoir la maladie ni de personne, tu le fais toi-même avant d'être malade. Peut-être... bon, il y aurait peut-être des notions. Ou la fin de vie, lorsque la personne, elle bascule dans un... comme en Belgique par exemple, où on peut faire des directives... des demandes anticipées lorsqu'on devient inconscient. À ce moment-là, c'est évaluable, là... où, d'un point de vue médical, on voit que la personne est en fin de vie, on procède à l'aide médicale à mourir. En Belgique, c'est comme... c'est de cette façon-là. C'est plus précis, c'est plus circoncis. Mais, entre les deux, il y a un monde de subtilités, de nuances que je trouve difficiles à mettre dans un...

Mme Labrie : ...selon ce que vous me dites ici, si c'était possible de faire une demande anticipée avant d'avoir un diagnostic et qu'on... et donc que la...

Mme Labrie : ...à la... la transmission de l'information sur l'aide médicale à mourir anticipée était faite de cette manière-là, ce serait moins perçu pour vous comme une pression vers la médicale à mourir, si on... si c'était fait comme ça, ce serait plus... Il y aurait moins... il y aurait moins de pression vers la personne, si elle le fait sans diagnostic?

Mme Poirier (Nicole) : Bien oui. Est-ce que c'est réaliste de penser ça? Je ne sais pas, mais, oui, quand tu as le diagnostic, tu peux... il est démontré qu'une grande proportion des gens vivent une dépression. Ils sont dépressifs pendant les trois, six, 12 mois qui suivent après avoir appris leur diagnostic. Puis après ça, bien, ils se disent : Bien là... Ils sont pris avec l'émotion, et : je ne veux pas être un poids pour mes enfants, est-ce que je vais coûter cher, toutes ces questions-là se posent. C'est difficile de le faire d'une façon vraiment rationnelle, essayez-le, juste comme ça, là, ce soir, de les écrire, vos directives, c'est compliqué.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci pour cette période d'échange. On va terminer maintenant avec la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour une période de trois minutes 18 secondes. La parole est à vous.

Mme Tardif : Madame Poirier, bonjour. Tout d'abord, merci, merci de vous être déplacée. Je sais à quel point vous êtes occupée et investie. J'ai eu le privilège de visiter votre demeure et de voir les merveilles que vous et votre équipe, vous faites auprès de ces personnes-là, c'est assez extraordinaire. Ça nous en prendrait plus, des madame Poirier à travers la province.

Je veux vous rassurer, puis, si je me trompe, Mme la ministre, corrigez-moi, mais on veut et on va inclure la notion de souffrance dans le projet de loi. C'est un des critères, là, une des conditions d'admissibilité. Donc, il faut qu'il y ait une souffrance qui soit là, pas une souffrance momentanée, mais une souffrance persistante et... Et non temporaire.

Vous parliez des professionnels, avec raison, parce que, comme je disais, bien, il y en a... il y en a très peu, de madames Poirier, mais on parle d'une expertise et d'une équipe de professionnels et on parle d'évaluer des critères pour les malades. Quelles seraient les formations, quelles expertises vous voyez que ces gens-là devraient avoir?

Mme Poirier (Nicole) : Bien, je pense qu'ils doivent avoir une formation sur une meilleure compréhension de la réalité de la personne, être capables de faire la différence entre un symptôme lié à la maladie et lié à un manque de formation. Il y a de la maltraitance par manque de formation, ce n'est pas parce qu'on est méchant, c'est parce qu'on n'a pas la formation. Il y a de la maltraitance organisationnelle, des horaires rigides, des cloisons... Oui?

Mme Tardif : ...

Mme Poirier (Nicole) : Bien, merci, parce que ça me fait penser qu'un point important pour nous, c'était aussi de dire ça serait bien qu'on réfléchisse, collectivement, sur l'aide à vivre, comment on peut aider à vivre, quels seraient les critères de bientraitance. Comme je disais tout à l'heure, là, des gens, ils se pensent bientraitants quand ils laissent quelqu'un dans leur urine parce qu'ils disent : je le respecte. Bien, ça serait quoi, de façon objective, cette bientraitance-là, qu'on pourrait proposer aux gens, comment on peut les aider à vivre? Et ça vient avec de la formation, ça vient avec une organisation, ça vient avec une approche globale. Puis je pense qu'il y aurait aussi quelque chose à proposer de ce côté-là.

Mme Tardif : Puis, par rapport à l'article 13, là, on dit : l'article 13 mériterait d'être clarifié pour expliquer la différence entre la demande contemporaine d'aide médicale et la demande anticipée. Donnez-moi un peu votre... Votre idée par rapport à ça.

Mme Poirier (Nicole) : Bien, je trouvais... je l'ai relu souvent, cet article-là, pour essayer de comprendre la différence entre les deux. Mais je pense que, si j'ai... Ce que j'ai compris, c'est qu'il y a une différence entre la demande anticipée, qui ne nécessite pas nécessairement de... qu'est ce que... il faut qu'elle soit cohérente avec ce qu'on avait prévu versus contemporaine, il faut que la personne, elle souffre, à ce moment-là. Moi, je préconise la souffrance contemporaine pour éviter, justement, de... toutes sortes d'interprétations.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions. Merci, madame Poirier, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Mme Poirier (Nicole) : Merci à vous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, je vais suspendre les travaux pour quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 17 h 46)

(Reprise à 17 h 51)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre, tout le monde! Nous allons reprendre les travaux de la commission. Pour cette séance, nous recevons la Commission sur les soins de fin de vie, qui est représentée par le docteur Michel Bureau, président de la commission, ainsi que madame Maryse Carignan, membre et infirmière. Alors, je vous appelle... rappelle que vous aurez 10 minutes pour présenter... Pour vous présenter et...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...votre... une partie de votre mémoire, ensuite s'ensuivent les périodes d'échange avec les députés. Le temps commence maintenant pour vous.

M. Bureau (Michel) : Bien, merci, Mme la Présidente, Mme la ministre et chers parlementaires. Je suis ici comme président de la Commission de... soins de fin de vie. Je suis accompagné de Maryse Carignan, qui est commissaire désignée par l'Ordre des infirmières, et elle est ici pour son expertise en soins palliatifs, et j'espère que nous aurons la chance d'en parler un petit peu. Pour ma part, je suis un pédiatre, un pédiatre de soins intensifs, et j'ai connu les difficultés de la fin de vie avec mes jeunes patients dans ma carrière de médecin à l'époque. Je préside cette commission, et c'est une commission qui est très particulière. Elle a été créée par Mme Hivon, j'aime le dire ainsi, à une époque... Il faudra lui demander pourquoi.

Quand il y a eu le débat sur la loi de fin de vie, en 2014, tout de suite on a dit : C'est un sujet fort complexe, pas seulement l'aide médicale à mourir, mais les soins palliatifs, la sédation palliative continue, des directives médicales anticipées, et ça prend un organisme de surveillance. On a commencé par penser : Est-ce que le Collège des médecins peut faire ça? Et à l'époque on a dit : Collège des médecins, c'est la même famille. Est-ce que les hôpitaux peuvent faire ça? Dans un hôpital, petit ou gros, tout le monde se connaît, on est dans le même département. Est-ce que ça peut être cette équipe? Et il fut décidé de créer une commission qui est à l'image de la société civile, qui représente des citoyens, des éthiciens, des infirmiers, infirmières, des pharmaciens, des médecins, et on lui a donné le mandat global de surveiller les problèmes de fin de vie et de faire des recommandations au ministre, le cas échéant, et surtout de regarder, après le coup, chacune des aides médicales à mourir pour s'assurer qu'il n'y ait pas de dérives.

Alors, la Commission des soins de vie est équipée de... Moi, je les appelle les «supercommissaires», c'est des gens de très grande compétence dans leur domaine, ils sont tous attachés à la fin de vie. Par exemple, juristes : il y en a un qui est un juriste de la capacité de décider, de l'aptitude, il y a un avocat des soins de fin de vie aussi, et il est aussi éthicien. Alors, c'est une commission qui est... qui est très... où il y a beaucoup d'expertises, et, quand vient le temps d'écrire une recommandation au ministre, on a toute l'expertise interne pour faire ce travail, et j'en suis très fier, comme vous le sentez.

La commission a étudié le projet de loi n° 11 et l'approuve en général dans son ensemble. Nous avons quelques remarques à faire, mais d'entrée de jeu, elle rappelle que la loi, c'est une loi concernant les soins de fin de vie, puis le tronc commun des soins de fin de vie, c'est les soins palliatifs. C'est là où se greffe l'aide médicale à mourir, la sédation palliative continue. C'est là où se greffera aussi les déclarations, dans les mêmes... sur décision anticipée. Tous les gens qui ont besoin de soins de vie ont besoin du plateau de base qui est le plateau des soins palliatifs qu'on oublie souvent.

Pour les personnes qui sont atteintes de maladies graves, incurables et qui vont en décéder, les soins palliatifs, ça va de soi. Pour les gens qui ont un handicap ou qu'on e... ou qui vont demander l'aide médicale à mourir pour trouble neurocognitif, cela demande un environnement qui est comparable à ce qu'on fait avec les soins palliatifs pour les aider à bien vivre tout le temps qu'ils auront à bien vivre. Si on pense aux personnes qui sont porteurs de handicaps, les équiper pour qu'aucun d'eux ne choisisse l'aide médicale à mourir parce qu'ils n'ont pas les services qui rendraient leur vie acceptable. La commission appuie des décisions... pas des décisions, mais des recommandations qui avaient été faites par le p.l. 38, par exemple, d'introduire les infirmiers, infirmières spécialisés pour se joindre aux médecins dans l'aide médicale à mourir. Elle appuie aussi la décision ou la recommandation...

M. Bureau (Michel) : ...qui est dans cette loi, d'inclure le GIS, le Groupe interdisciplinaire de soutien, on a décrit comme c'était complexe, cette histoire-là, les médecins ont besoin d'aide, les... l'équipe soignante a besoin d'être guidée aussi, et, la loi, bien, dans une optique de loi, la création des groupes de soutien dans les établissements.

La Commission appuie aussi la décision de ne pas transférer les mourants d'une maison de soins palliatifs à un hôpital pour recevoir l'AMM. Nous comprenons que le consensus est en train de se faire, il faut peut-être l'accélérer, mais nous appuyons cet article de la... du P.L. Onze.

La Commission, en ce qui concerne les handicaps neuromoteurs, la Commission ne voulait pas de débat sur le handicap neuromoteur. On aurait bien voulu appeler cela autrement, parce que, le mot «handicap», et madame Hivon en a fait la lecture tout à l'heure, c'est tout. Tout est un handicap. On en a tous un petit qui est caché puis il y en a qui en ont des gros. Mais, le handicap, c'est tout. Alors, il n'y avait pas moyen d'éviter le mot «handicap», avons-nous compris, mais il fallait le baliser.

Le handicap neuromoteur vient dire qu'il y a une catégorie qui est demandeur d'aide médicale à mourir pour une raison de handicap neuromoteur. C'est particulièrement les traumatisés de la moelle lors d'un accident. Tous les autres traumatisés, si vous regardez les rapports des quatre coins du monde sur l'aide médicale à mourir ou l'euthanasie, les autres personnes qui sont porteurs d'un handicap ne réclament pas l'aide médicale à mourir. Les sourds de naissance, les aveugles, les... même les enfants avec paralysie cérébrale ne réclament pas, et il y en a à peu près 5000 au Québec, ces gens-là ont appris à vivre avec leur handicap. On les a aidés, peut-être pas assez, et ils ne demandent pas l'aide médicale à mourir.

Alors, avoir un débat large sur l'aide médicale à mourir m'a semblé un petit peu alarmiste pour inquiéter des gens qui jamais ne penseront à demander l'aide médicale à mourir. Cependant, nous sommes d'accord avec la proposition de la loi de... D'accepter le handicap neuromoteur et que, dans ce cas-là, des balises soient expliquées par les ordres professionnels et les organismes, les associations professionnelles pour bien baliser ce que c'est. Vous sentez que j'ai vraiment peur de ce mot «handicap» parce qu'il est trop large. Il faut le baliser et ne pas... et le garder. C'est pourquoi la demande se fait, et c'est des... qui sont très peu nombreux.

Concernant les demandes anticipées, la Commission est favorable à... au projet de loi, bien sûr. Elle soulève deux questions qui étaient des obstacles. Le premier, c'est la réticence des médecins. Quand Mme McCann avait fait son forum le 27 janvier 2020, tout le monde était favorable aux demandes anticipées d'aide médicale à mourir. Mais les médecins disaient : Moi je ne le ferai pas. Puis, en juin 2022, à PL 38, je me souviens, je pense, c'est le 8 juin, les docteurs Ricard et Rivard dit : Non, on ne le fera pas, les médecins. Ça a bien inquiété la commission.

• (18 heures) •

Et nous avons fait un sondage, pas un «sondage», un questionnaire interne auprès des 1400 médecins qui donnent l'aide médicale à mourir au Québec pour dire : pensez-vous encore ça, voulez-vous ne... vous abstenir de soutenir l'aide médicale à mourir sur demande anticipée, et la réponse a été très étonnante, entre 200 et 300 médecins acceptent, disent-ils dans ce questionnaire, de donner l'aide médicale à mourir. Alors, c'est une barrière qui tombe.

Il y en a une autre qui s'apprivoise, c'est celle, je termine, c'est la barrière de la reconnaissance des souffrances. Vous avez vu, de madame Poirier, assise ici tout à l'heure, qu'elle sait reconnaître les souffrances chez ces personnes. La commission a consulté des spécialistes de la question qui nous ont dit la même chose : ça ne doit pas être un obstacle, il faut avoir recours aux bonnes personnes pour reconnaître la souffrance...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Bureau (Michel) : ...Peut-être savez-vous, mais il y a 70 personnes qui ont reçu de l'aide médicale à mourir pour raison d'Alzheimer, qui étaient aptes à décider, ils avaient une maladie grave et incurable et ils étaient... elles étaient suffisamment en déclin pour être encore apte... pour pouvoir demander l'aide médicale à mourir. Et de cette cohorte de personnes, on apprend beaucoup. Ils sont à la veille de devenir inaptes, alors leurs souffrances sont identifiables, leurs conditions, on a gardé un répertoire de ces 70 personnes, si jamais cela peut vous éclairer.

Enfin, je termine en disant que quand la commission a été créée, elle a été créée pour traiter 300, 400 aides médicales à mourir par année. Nous nous dirigeons vers 5000 ou 6000 bientôt. Et la commission, on doit reviser le fonctionnement de la commission, assurer sa gouvernance, lui donner les moyens pour faire face aux nouveaux mandats qui lui sont confiés.

Alors, je serais à votre disposition pour répondre à vos questions, et n'oubliez pas Maryse de soins palliatifs.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, je passe maintenant la parole à Mme la ministre. Il vous reste 15 minutes 30 secondes pour les questions.

Mme Bélanger : Alors, bonjour Docteur Bureau. C'est toujours un plaisir de vous entendre. Bonjour, madame Carignan.

Alors, je pense que vous avez bien expliqué votre vision. On voit que, dans le fond, la Commission et vous comme président, vous êtes donc en faveur d'une grande majorité des éléments qui sont présentés dans le projet de loi. Moi, j'aimerais peut-être que vous nous parliez de votre vision et peut-être des expériences aussi que vous avez vues avec d'autres pays sur le fait d'avoir une commission indépendante versus un ordre professionnel. J'aimerais ça vous entendre à ce sujet-là. Puis est-ce qu'à votre connaissance, dans d'autres pays, cette instance existe?

M. Bureau (Michel) : Oui, cette instance existe en Belgique et aux Pays-Bas, et c'est les deux seuls régimes qui ont vraiment l'aide médicale à mourir un peu comme nous. Ailleurs, c'est l'euthanasie, le suicide assisté. Mais une commission comme nous, c'est aux Pays-Bas puis en Belgique. Et aux Pays-Bas, ils fonctionnent avec des divisions régionales. En Belgique, c'est une commission centrale. Aux Pays-Bas, 17 millions d'habitants. La Belgique ont 11 millions. Ils font le travail équivalent de ce que nous nous faisons. Je pense que la composition de notre commission n'a pas à envier personne d'autre.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Et je vois aussi, puis on l'a vu dans le dernier rapport que vous avez produit puis que j'ai déposé en décembre dernier à l'Assemblée nationale, une augmentation des demandes d'aide médicale à mourir. Pouvez-vous nous expliquer, selon vous, quel est... Qu'est-ce qui explique qu'au Québec on a cette augmentation du nombre de demandes et aussi du nombre d'interventions en lien avec l'aide médicale à mourir?

M. Bureau (Michel) : Quand on a écrit notre rapport, on l'a gardé silencieux pendant un moment, se demandant qu'est-ce que c'était vraiment? Et le premier réflexe, c'est de regarder chaque demande. Est-ce que ce sont des demandes qui sont conformes à la loi? Elles sont toutes conformes à la loi. De temps en temps, il y en a une qui est sur la clôture. On s'occupe de passer le message, de faire attention. Elles sont conformes à la loi.

Deuxième chose qu'on a regardée, est-ce que ce sont des soins de dernier recours? Alors, les gens qui demandent et reçoivent l'aide médicale à mourir, ils sont dans les derniers trois mois de leur vie pour 70 %, dans les derniers six mois de leur vie pour 81 % puis dans les moins de deux ans pour 97 %. Ces gens-là ont essayé toutes les thérapies, et c'est des soins de dernier recours. Alors, pourquoi? On a... Vous, madame Bélanger, vous m'avez demandé l'autre fois : Qu'est ce que les médecins en pensent? J'ai saisi le message et j'ai fait un questionnaire pour les médecins. Et on a envoyé ça à 1 400 médecins, et ils nous ont répondu... 550. Et les questions, c'était : Pourquoi pensez-vous? La première réponse, c'est : pour des douleurs inapaisables...

M. Bureau (Michel) : ...deuxième réponse, c'est pour la dégradation de la vie de la personne, puis la troisième réponse, c'est les gens veulent contrôler leur mort, puis il y a une sous-question : est-ce qu'ils font ça par défaut, parce qu'ils n'ont pas les soins adéquats? Plus de 90 % disent : Jamais par défaut. Alors, c'est quoi? Bien, je pense qu'on aurait besoin de sociologues pour étudier qu'est-ce qui se passe au Québec. Des sous-questions disaient qu'il y a une acceptabilité sociale telle au Québec... Beaucoup d'entre vous connaissez des gens qui sont décédés, et l'exemple d'un décès en douceur vous dit : Moi, si je suis malade, c'est comme ça que je veux... c'est ce soin-là que je veux utiliser. Puis le fait que ce soit un soin, c'est un soin avec la même équipe de soins, de soins palliatifs dans le continuum, ce n'est pas la même chose que de demander l'euthanasie. C'est prendre un soin qui est par la même équipe, dans notre institution, dans notre environnement. Il faudra que des sociologues regardent ça pour vous donner des réponses plus précises que les miennes.

Mme Bélanger : Peut-être, tantôt, vous avez abordé brièvement les maisons de soins palliatifs, mais vous voyez que, dans le projet de loi, là,  on prévoit que les maisons de soins palliatifs doivent offrir l'aide médicale à mourir lorsque c'est demandé. Puis je peux quand même juste, en tout cas, aller dans le même sens de ce que vous avez mentionné : il y a toute une évolution, actuellement, la grande majorité des maisons de soins palliatifs procèdent, il y a à peu près sept, huit maisons de soins palliatifs, au Québec, qui sont en réflexion pour adapter leurs façons de faire, et tout ça, ça fait que, là aussi, on voit, là, qu'il y a quand même une évolution à ce niveau-là.

Je termine ma dernière question parce que je vais laisser mes collègues s'exprimer, mais je veux juste revenir sur la notion de handicap neuromoteur. Donc, vous le voyez--je sais que vous avez passé une grande partie de la journée ici--vous voyez un petit peu que c'est le cœur, là, vraiment, d'un élément très important dans le projet de loi, puis ça ne fait pas consensus, hein, on le voit bien. Et vous avez parlé de la définition en disant : Bien, on le voit, il y a une définition très large du handicap, puis même, certains intervenants, aujourd'hui, ont parlé d'une définition plutôt à caractère social de ce que c'est, le handicap. Peut-être poser une question hypothétique, peut-être que ce n'est pas régulier dans le cadre d'une commission, mais supposons que, dans les prochaines consultations, on décide de ne plus mettre la notion de neuromoteur, qu'on le retire complètement puis qu'on va juste avec la notion de handicap, vous, comme président de la commission, ce serait quoi les mises en garde que vous nous feriez là-dessus?

• (18 h 10) •

M. Bureau (Michel) : Ma première réponse, c'est que vous allez inquiéter 98 % des gens, qui ne sont pas concernés par le handicap. Ils ne demanderont pas l'aide médicale à mourir. Ils n'y ont jamais pensé, leur entourage n'y a jamais pensé, puis là vous allez leur demander est-ce que c'est bon pour vous, est-ce que vous voulez avoir ce droit? Je le die, et j'ai eu des discussions avec Mme Hivon, qui est la mère de cette loi, moi, je trouve que nous questionnons des gens qui ne veulent pas entendre la question.

Est-ce que ce serait carrossable si le p.l. 11 l'adoptait comme ça? Ce serait carrossable. Il faudrait que le Collège des médecins et la commission s'entendent sur une interprétation très, très, très stricte. Et je fais écho aussi à ce que les Drs L'Espérance et autres ont dit sur le Canada et les autres pays, si vous regardez les rapports de la Belgique, des Pays-Bas... Canada, le rapport n'est pas spécifique, il est assez succinct, mais le handicap, pour ceux à qui nous poserions la question... ces gens-là ne sont pas des sujets qui demandent et reçoivent l'aide médicale à mourir dans ces autres pays aussi. Ça fait que le limiter à neuromoteur, c'est innocent, parce que tous les autres, ils ne réclameront pas ce privilège d'avoir l'aide médicale à mourir.

Mme Bélanger : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre. Merci, Dr Bureau. Je vais maintenant céder la parole à la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci, Mme la Présidente. Merci d'être avec nous. C'est très important pour nous de vous...

Mme Guillemette : ...Et à la fin de votre présentation, vous nous avez parlé que ce serait le moment de réviser le fonctionnement de la commission. Puis là il ne restait plus beaucoup de temps. Ça fait que qu'est-ce qu'il faudrait revoir, là, avec les changements qu'on va faire, la commission des soins de fin de vie là-dessus?

M. Bureau (Michel) : Bien, vous nous avez donné un petit bateau pour naviguer sur un petit lac. Et là, bien, on est amené dans la mer. Alors, le p.l., la loi de l'époque n'a pas défini la gouvernance de la commission. Il y a-tu un président ou il n'y en a pas? Comme les... Le Conseil des ministres nomme un président. Il reste qu'il y a un secrétaire général, un directeur général. Qu'est-ce qu'il a le droit de faire? Je vais vous donner un exemple. J'ai fait deux sondages auprès des médecins et des commissaires. Est-ce que la loi nous permet de faire ça? Ce n'est pas clair. Il faut clarifier ça. On doit garder nos... On a un répertoire de 15 000 aides médicales à mourir. On a la meilleure collection du monde qu'on peut exploiter pour fins de recherche et de comprendre comment notre société... Est-ce qu'on a le droit de faire ça?

Quand les médecins dépassent la ligne un peu, là, on pourrait leur envoyer une lettre d'avocat. On ne fait pas ça, mais est-ce que j'ai le droit de les appeler? Voyez-vous, si une institution n'est pas ouverte à... Est-ce que je peux appeler le P.D.G. et lui dire : Occupe-toi donc de ça? C'est ça que nous disons. Il faut donc préciser la gouvernance. C'est la première chose. Il faut accepter qu'on garde plus de cinq ans le registre des AMM. Et ce sont des petites choses comme ça et on a des articles de loi à vous proposer dans le mémoire pour répondre à cette question. Mais après sept, huit ans, c'est le temps de faire ça. Quant à la question est-ce que la commission doit exister? Je vous laisse répondre. Il faudrait demander à Mme Hivon pourquoi elle l'a créée d'abord, mais je pense que c'était une bonne décision de la société civile.

Mme Guillemette : Merci. Est-ce qu'il reste encore un petit peu de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...4 min 30 s

Mme Guillemette : Dans tous les cas que vous avez étudiés, c'est votre mandat, est-ce que vous avez vu des cas de dérives, des choses qui reviennent peut-être souvent, à laquelle on devrait peut-être, pendant qu'on est dans le projet de loi, corriger.

M. Bureau (Michel) : Bien, il y en a un qui est une véritable obsession. C'est une personne qui a 95 ans qui a toute sorte de petits bobos, qui ne veut vivre et puis qui dit : Je vais arrêter de manger puis je n'ai plus faim, puis personne ne me visite et qui est très fragile, «frailty» comme disent les Anglais, mourra de sa belle mort. Est-ce que... Ce qui m'obsède, est-ce que notre société remplacerait la mort naturelle par l'aide médicale à mourir? Alors, on a vu souvent des AMM administrés qui n'étaient pas clairs. Et dans ces circonstances, un commissaire médecin ou une commissaire contacte le médecin et dit : Est-ce que c'est vraiment la mort naturelle qu'on n'a pas laissée arriver puis qu'on a pris l'aide médicale à mourir? Oui? Ce n'est pas facile de répondre à cette question et dans tous les cas, je dirais qu'on trouve des éléments qui font que ce n'est pas l'aide médicale à mourir qui vient pousser la mort naturelle ou la remplacer. La loi, quand elle fut faite, elle ne fut pas faite pour ça du tout. Alors, on a dû écrire une missive aux médecins. Puis quand vous disiez qu'est-ce qui nous dérange dans notre loi? Bien, on ne sait pas si on a le droit de dire aux médecins puis envoyer une règle générale. Voilà notre interprétation dans ces cas-là. Et s'il vous plaît, tenez-vous-en aux règles. Quand on dit qu'il n'y a pas de dérive, ce n'est pas pour rien. Il y a aussi une action préventive assez importante.

Mme Guillemette : Ça fait que chaque cas est étudié par la commission d'aide médicale à mourir.

M. Bureau (Michel) : Oui.

Mme Guillemette : Merci. Je crois que j'ai d'autres collègues qui ont des questions.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. Je pense que la députée de Vimont a des questions.

Mme Schmaltz : J'ai-tu encore le temps? Oui, c'est bon. Nous...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...58.

Mme Schmaltz : D'accord. En fait, on a entendu beaucoup de gens aujourd'hui parler de l'aide médicale à mourir, du terme handicap, de plusieurs, plusieurs éléments. Mais moi, il y a quelque chose qui... pas qui me chicote, là, mais qui m'interpelle en tant que citoyenne. Appelons ça comme ça, enlevons notre chapeau. Puis parlons en tant que citoyens. Je comprends que l'aide médicale à mourir, c'est le dernier recours, dans tout ce qui est soins palliatifs. Appelons ça comme ça. Mais juste avant, on a quand même les soins de confort de longue durée, donc ceux qui mènent vers la finalité. Appelons ça comme ça. Qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné, une personne va préférer l'aide médicale à mourir versus les soins de confort continu? Parce que je comprends que c'est parce que c'est plus rapide, ou est-ce qu'on essaye de lui expliquer la différence? Est-ce qu'elle est bien consciente, finalement, de qu'est-ce qu'elle peut choisir quand elle arrive... quand elle est... elle a ce choix à faire, sans faire des jeux de mots.

M. Bureau (Michel) : J'aime bien votre question. C'est le... quand quelqu'un reçoit de son médecin : Vous avez le cancer, vous allez vivre six mois ou un an, pas plus. Le médecin va lui dire : On ne vous abandonne pas, on va vous donner des soins de confort et si ça doit être plus intensif, ça va être des soins palliatifs. Puis vous allez avoir des soins de confort et pour 90 % des personnes, ils vont cheminer comme ça jusqu'à leur mort ou ils vont être soulagés dans les derniers, derniers moments. En cours de route, il y en a 7%, 8 % au Québec qui dit : Moi, j'envisage une mort dans la grande douleur. Je ne veux pas vivre ça. Alors, deux, trois mois avant le décès, ils disent : Je veux être évalué pour l'aide médicale à mourir. Et les deux médecins le font, et cette personne est jugée admissible et elle fixe une date. Quelques-uns vont changer d'idée parce que les soins de confort ou les soins palliatifs vont les aider ou parce que, des fois, c'est parce que la famille ne veut pas ou c'est parce qu'ils... alors, c'est ça le grand... Mais votre question nous fait dire qu'on parle beaucoup d'AMM. mais c'est des 90 % qui ne recourent pas à l'AMM, qui ont des soins de confort et des soins palliatifs de qui on doit s'occuper et le faire à domicile.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Docteur Bureau pour votre réponse. Le temps de la banquette ministérielle étant écoulé, je vais me tourner du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Westmount–Saint-Louis, vous bénéficiez de neuf minutes 54 secondes. Le temps est commencé.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre témoignage et votre mémoire. Je veux renchérir sur la notion de handicap neuromoteur. J'entends ce que vous dites. Puis le 90 % qui ne réclament pas. Alors, si on enlève la notion de neuromoteur, mais, dans le fond, nous sommes en train de peut-être faire fausse route parce qu'on rouvre l'accessibilité à l'aide médicale à mourir à des personnes qui, peut-être, ne souhaitent pas faire appel à la demande d'avoir ce soin.

• (18 h 20) •

Mais je vous soumets que ce qui est de consensus, là, je pense que la seule chose qu'on peut constater de consensus, c'est que c'est très difficile de déterminer la souffrance de quelqu'un. La souffrance va varier entre chaque personne. Alors, je vous mets au défi parce que, si on enlève la notion de neuromoteur ou si on lève la notion... on laisse la notion de neuromoteur, par exemple, comme vous proposez, est-ce que nous ne sommes pas en train d'enlever le droit de choisir pour des personnes qui souffrent selon leur propre définition de souffrance? Parce que ce n'est peut-être pas suite à un accident d'automobile, mais ils sont nés avec un handicap dont la souffrance est très, très, très difficile. Moi, je crois fortement à l'autodétermination, l'autonomie de choix. Ça fait que, si on laisse neuromoteur, est-ce que nous ne sommes pas en train de tourner le dos envers des personnes qui, peut-être, ne feront pas le choix? Mais d'avoir le choix, ce n'est pas un droit fondamental, un droit civil que nous devons continuer à offrir à ces personnes, ces citoyens, ces Québécois?

M. Bureau (Michel) : Réponse courte, c'est oui. C'est ce que vous faites. Je peux vous retourner la question : Pourquoi ces gens-là, à aucun endroit dans le monde, ne se manifestent pour recevoir ce type de soins? Il y a peut-être des...

M. Bureau (Michel) : ...exceptions qui voudraient y recourir peut-être. Mais rappelez-vous pourquoi nous sommes dans l'aide médicale à mourir. On le doit au Collège des médecins. En 2008, il a dit : Eh! l'acharnement thérapeutique, ça fait assez, là. On va trouver d'autres façons puis on va mourir dans la dignité. C'est comme ça qu'est née l'aide médicale à mourir.

Alors, ici, ce que vous me dites : Il n'y a pas de demande de la clientèle. Pourquoi on ferait une discussion qui les interpellerait puis les amènerait à la barre pour en discuter? Alors, est-ce qu'on fait plus de tort que de bien?

Mme Maccarone : Puis, tu sais, peut-être c'est parce que je ne le sais pas s'il y a des demandes. Je ne sais pas la raison pour laquelle qu'il n'y a pas de demande. Ça se peut qu'il n'y a pas de demande parce que l'option n'est pas là. On a vu aussi beaucoup de gens qui sont venus devant le tribunal pour dire que moi, ma souffrance est importante, puis je souhaite avoir accès. On peut penser à Gladu-Truchon, par exemple. Ça fait qu'on peut dire que... est-ce qu'on devrait prendre en considération ces personnes? Je ne dis pas que c'est moi qui va prendre la décision. Je souhaite avoir le débat avec mes collègues puis avec toutes les personnes qui souhaitent venir témoigner. J'aurais espéré avoir une commission plus large pour entendre la voix des personnes en situation de handicap, parce que je pense que leur opinion en ce qui concerne l'ouverture est très importante. Mais je comprends ce que vous êtes en train de dire. Mon but, c'est de ne pas dire à tout le monde : Bon, c'est bar ouvert, maintenant c'est là. Ce n'est pas ça le but. Moi, mon but, c'est de s'assurer qu'on protège aussi les droits de tout le monde. Puis je ne veux pas dire qu'on limite, à quelque part, les droits civils de quelqu'un parce qu'il ne rentre pas dans une définition, parce qu'on a peur peut-être de faire une offre ou de dire qu'on va élargir les soins.

Ça m'amène à une autre question, parce que vous avez dit puis avec beaucoup de justesse que c'est arrivé peut-être dans le passé que l'aide médicale à mourir n'a pas été appliquée correctement avec une demande anticipée. Si, mettons, je veux définir moi-même après qu'on voit la formule puis le document, puis, moi, je coche des boîtes ou j'écris, pour moi, c'est quoi la souffrance puis, rendue à ce point, je souhaite avoir accès à l'aide médicale à mourir. Que devons-nous faire si la souffrance n'est pas une réflexion exacte de la façon que j'ai décrit mon désir d'avoir accès rendue à ce moment-là?

M. Bureau (Michel) : Il y a deux éléments de réponse. C'est d'abord la formulation que la personne doit faire et la vérification de la formulation au moment deux. Dans le questionnaire qu'on a envoyé au médecin, on leur a posé deux questions qui sont en miroir : Qu'est-ce qui vous aiderait le plus à être confiant de donner l'aide médicale à mourir sur demande anticipée puis qu'est-ce qui vous stopperait de le faire? La réponse est exactement la même. Ce qui m'aiderait, c'est une formulation impeccable; ce qui me stopperait, c'est le flou. Et ça, ça comprend les souffrances, le déclin que la personne doit décrire elle-même. Et un effort considérable va devoir être fait peut-être par les établissements, peut-être par légiste, un rôle de la commission, du ministère là-dedans pour avoir des... la fameuse formule auquel vous référez qui soit parfaite, si on veut s'en tirer. Rappelez-vous qu'aucun pays n'a réussi ce qu'on essaie de faire. Même les Pays-Bas ont très, très peu... quelques cas par année d'aide médicale à mourir sur demande anticipée. Ils n'ont pas réussi. Il y a plusieurs papiers américains de littérature qui disent que ce n'est pas faisable.

Alors, on a un défi considérable ici. Toutes les embûches sont : le médecin, le patient, la formulation, le délai qui fait perdre la mémoire du patient. On ne s'en souvient plus. Ce n'est plus le même médecin. Vous voyez la complexité. La clé, c'est la bonne formulation.

Mme Maccarone : La bonne formulation et la formation, n'est-ce pas?

M. Bureau (Michel) : Oui.

Mme Maccarone : Vous l'avez évoqué aussi dans votre mémoire. Combien de temps, selon vous, devrons-nous prévoir de formation avant que la loi sera en vigueur?

M. Bureau (Michel) : Ah! ici, je pense, ça devrait prendre du temps et ça ne peut pas prendre de temps. Si nous vous disons que... Vous avez entendu madame Leclerc ce matin? Elle a dit : Si je n'ai pas d'assurance, je vais aller à la demande contemporaine d'aide médicale à mourir pour Alzheimer. Alors, nous avons, dans l'année qui s'est terminée le 31 décembre, 70...

M. Bureau (Michel) : ...patients qui ont demandé et reçu l'aide médicale à mourir. Est-ce que c'est parce que la loi traînait trop ou est-ce qu'ils l'auraient demandé pareil parce qu'ils ne voulaient pas vivre les dernières années? Je ne sais pas, mais vous ne pouvez pas attendre très longtemps, il faut déjà qu'on se mette à écrire, même si votre loi n'est pas rendue au bout, il faut déjà qu'on commence à travailler sur la formule de l'aide médicale à mourir pour être prêt à démarrer... pas trop long. De 2014 à décembre 2015, ça a pris 18 mois. Là, je ne crois pas qu'on puisse attendre 18 mois, dans la lecture du président de la commission.

Mme Maccarone : Et comme membre de la commission, vous avez eu la question : Prochaine étape de la commission? Vous êtes dans un gros bateau, peut être, dans un petit lac, je ne m'en souviens pas exactement, la façon que vous l'avez formulé, mais aussi, dans votre mémoire, quand vous vous parlez de la notion de handicap neuromoteur, vous dites que c'est important parce que c'est important d'harmoniser avec la loi fédérale.

M. Bureau (Michel) : Moi, je ne dis pas ça.

Mme Maccarone : Bien, c'est avec le Code criminel. Le Code criminel, c'est fédéral.

M. Bureau (Michel) : Non.

Mme Maccarone : Dans le fond, le but de la question que je souhaite vous poser, c'est si ça c'est important, parce que dans le fond, à quelque part, il faut harmoniser. La prochaine étape de la commission, est-ce que ça devrait être de se pencher en ce qui concerne santé mentale? Parce que je comprends que la notion de santé mentale était retardée au niveau fédéral pour un an, mais ça s'en vient. Que devons-nous faire en ce qui concerne cette nouvelle réalité qui va avoir un impact sur les médecins, les infirmières praticiennes après que la loi sera peut-être, éventuellement, adoptée?

M. Bureau (Michel) : Alors, je dis comme le Dr Gaudreault disait là-dessus : C'est bien, que le fédéral n'ait pas... ne soit pas allé de l'avant. Et je pense qu'au Québec non plus nous ne sommes pas prêts à incorporer la santé mentale dans l'accessibilité à l'aide médicale à mourir. Cependant, c'est juste un rendez-vous retardé.

Dans les discussions de coulisses, moi, je disais : Pourquoi vous ne l'adoptez pas en principe, dans la loi pour application quand l'Assemblée nationale décidera de le faire? Et nos juristes nous disaient qu'il y a des lois qui ont déjà fait ça, elles acceptent un principe puis le mettent en application deux ans ou cinq ans plus tard, là. Mais, pour moi, c'est juste un rendez-vous retardé, là, c'est... Le fédéral va y aller, les groupes professionnels disent qu'il y a une toute, toute, toute petite place pour un tout petit nombre de ces patients-là. Alors, ma réponse, c'est je serais plutôt favorable à adopter le principe.

Mais je veux revenir sur un point que vous avez soulevé. Moi, je ne veux pas qu'on s'harmonise avec le fédéral. Le fédéral, c'est le Code criminel. Ce n'est pas du tout une loi de santé. Le fédéral, quand il dit : Une affection grave et incurable... dites-moi donc qu'est-ce que c'est, une affection? Qu'est-ce que c'est? C'est tout. Il dit le handicap... comme disait Mme Hivon, il définit le handicap avant, quand il y avait le critère de fin de vie. Handicap, c'était tout petit, comme ça, là, mais quand il n'y plus le critère de fin de vie, là, c'est très vaste. Ça fait que l'argument que j'entends de mes confrères, puis ils ne sont pas contents quand ils m'entendent... de dire qu'il faut s'harmoniser avec le fédéral, je ne trouve pas, à titre de président de la commission, que c'est une cible qu'on doit atteindre. On ne doit pas se compliquer la vie, on ne doit pas compliquer la vie de la pratique médicale.

• (18 h 30) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Je dois vous arrêter. Je m'excuse, c'est le temps qui roule, qui roule. Merci beaucoup pour ces réponses. Nous en sommes maintenant rendus... on poursuit le débat, tout de même, avec la députée de Sherbrooke pour 3 min de 18 s. Le temps commence.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Tout à l'heure, vous nous avez dit que vous avez sondé les médecins par rapport à leur intention de mettre en pratique la loi pour les demandes anticipées. Je suis contente que vous l'ayez fait parce que c'était effectivement inquiétant, ce qu'on entendait le printemps dernier. Vous avez semblé assez rassuré d'avoir trouvé 200, 300 médecins qui avaient l'intention, là, de pratiquer. Moi, je trouve que c'est assez peu en proportion du nombre de médecins qui pratiquent actuellement l'aide médicale à mourir. Vous, vous semblez trouver que c'est suffisant par rapport à ce qu'on anticipe de gens qui vont vouloir avoir recours à la demande anticipée?

M. Bureau (Michel) : Bien, il y a 1700 personnes qui meurent d'Alzheimer par année. S'il y a 25 % qui vont jusqu'à une demande... Tout le monde dit qu'il est favorable, mais quand vient le temps de dire : Êtes-vous prêt à faire une demande...


 
 

18 h 30 (version non révisée)

M. Bureau (Michel) : ...il y en a moins. Puis on a fait la mathématique. Et s'il y avait 200, 250 médecins qui le font, c'est amplement pour répondre à la demande. Il y a 1400 médecins qui font 5000 AMM dans la province, mais, pour cette sous-catégorie, qu'il y en ait entre 200 et 300, moi, j'ai été très étonné. Je m'attendais à 75. Mais dans cette... Avec ce nombre de médecins, je crois que la loi pourrait être mise en œuvre. Puis il y en a d'autres qui vont se joindre.

Mme Labrie : Parfait, Merci. Vous avez... J'espère ne pas vous mettre mal à l'aise avec cette question-là, mais vous avez nommé d'emblée, tout à l'heure, que vous êtes pédiatre. Donc, j'en profiterais peut-être pour vous poser la question par rapport au critère de majorité pour l'admissibilité à une demande contemporaine. Si vous êtes à l'aise de répondre, j'aimerais peut-être avoir votre point de vue là-dessus.

M. Bureau (Michel) : Oui, c'est une situation qui oblige les pédiatres à du doigté pour soulager le patient que décrivait le docteur L'Espérance, une personne de 15 ans qui fait un sarcome, puis qui va mourir dans de grandes souffrances. Il ne faut pas penser que les pédiatres les laissent sans soulagement, mais ils le font sous la couverture de la loi puis il va falloir régler ce problème-là tôt ou tard. À 14 ans, 15 ans, si on fait ce type de pathologie, il faut recevoir le soulagement qu'il faut. On a posé la question aux pédiatres. Puis c'était une première réponse, c'était un premier contact. C'est des pédiatres d'oncologie. Ils ont dit : Essentiellement, on se débrouille pour... on fait une médecine bienveillante, mais il va falloir s'adresser à ce problème...

Mme Labrie : Donc, quand vous dites : il faut s'adresser à ça. Donc vous, est-ce que vous nous invitez à en discuter?

M. Bureau (Michel) : Oui. Dans ma présentation pour le p.l. 38, j'avais dit : Nous recommandons qu'un comité de cette table étudie la question, puis ça voulait dire : Tous les moyens appropriés pour inclure les adolescents dans l'accès à l'aide médicale à mourir.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour vos questions et réponses. Nous terminons cet échange avec la députée de Laviolette-Saint-Maurice. Une période de trois minutes, 18 secondes.

Mme Tardif : Merci. Votre exemple de la personne de 95 ans qui veut mourir parce qu'elle n'a pas de visite, parce qu'elle se sent seule, parce qu'elle souffre. Je pense, ça nous ramène à l'importance de voir l'aide médicale à mourir dans un tout sociétal, de s'assurer tout d'abord que la personne qui fait cette demande ne le fait pas faute d'accès aux soins, faute d'accès aux services et que ce soit adapté à ses conditions de vie. Vous l'avez bien souligné.

Ma question était : Il y a combien de mois entre la personne qui décède par le soin de fin de vie, le soin palliatif par rapport à l'aide médicale à mourir? J'ai retenu. Vous êtes une encyclopédie, d'ailleurs je ne vous ai pas vu une fois regarder sur vos chiffres, mais j'ai lu votre rapport avec intérêt. Il y a de très intéressantes données, pourcentages. J'ai retenu que 81 % des cas qui vont diminuer leur vie d'à peu près six mois, de six mois, c'est ce que vous avez dit et que le délai moyen entre quelqu'un qui demande l'aide médicale à mourir et qui le reçoit est de 44 jours et que 91 % des gens le reçoivent en bas de 90 jours. Quelque chose comme ça.

Deux courtes questions. Quel est le pourcentage des gens qui décèdent par l'aide médicale à mourir par rapport à ceux qui vont décéder en soins palliatifs? Et quel est le pourcentage des gens qui retirent leur demande pour recevoir l'aide médicale à mourir après l'avoir demandée? Et j'aimerais vous vous entendre aussi, Mme Carignan, parce qu'on pas eu la chance de vous entendre. Donc, si vous avez des choses à dire, dites-le, je ne pose plus de question. Merci.

Mme Carignan (Maryse) : Bien, c'est très variable, hein?

M. Bureau (Michel) : Pour l'encyclopédie...

M. Bureau (Michel) : ...pour l'encyclopédie, les gens veulent vivre, là. Ils attendent d'être à l'orée de la mort pour demander l'aide médicale à mourir. Il y en a beaucoup qui vont mourir dans la semaine, dans le mois. Quand on dit : Moins de trois mois, c'est moins de deux mois, c'est moins d'un mois. Les gens veulent vivre. Ils souffrent. Ils acceptent leurs souffrances.

Maintenant, les soins palliatifs.

Mme Carignan (Maryse) : C'est ça, jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus. Parce que, souvent, c'est ce qu'on voit dans les demandes, tu sais, les gens sont tannés de souffrir. On ne peut pas toujours les soulager de toutes les souffrances. Je pense que, moi, c'est ce que personnellement j'ai appris dans les dernières années de la commission. Je pense qu'on n'est pas capable... puis, dans la pratique, on n'est pas capable de soulager tout le monde, malheureusement. Ça fait que c'est d'écouter la souffrance.

Puis, au niveau du temps, bien, on ne le sait pas. C'est très, très variable d'une personne à l'autre. Il y a des patients atteints de cancer que, dès qu'on arrête les traitements, ça va être deux mois, trois mois et ils vont décéder. Les patients de l'insuffisance cardiaque, ça dure des années. On a parlé beaucoup des soins palliatifs, ça fait que là, j'ai la chance, je vais en parler. On a... La loi prévoit des soins palliatifs et de fin de vie pour tous les citoyens dont la situation requiert, mais... puis on n'a pas de données nécessairement. Mais, dans tout ce que j'ai vu, dans tout ce que j'ai lu, il y a encore... Malgré toutes les initiatives, autant du gouvernement du Québec que du gouvernement du Canada et partout dans le monde, les soins palliatifs, le moment où on l'introduit, le moment où on parle de soins palliatifs avec le patient, les chiffres sur combien de patients ont des soins palliatifs au Québec, par exemple. On ne le sait pas, parce que, pour une institution, ça va être le nombre de patients qui sont admis à l'unité des soins pal. Ce n'est pas juste les patients qui reçoivent des soins palliatifs, ça. Il y en a ailleurs. Ça fait que c'est de voir comment... Puis je sais que ce n'est pas nécessairement dans la loi qu'on peut écrire ça. C'est au niveau des pratiques. Mais comment les soins palliatifs peuvent être intégrés? Comment on peut planifier les soins avec la personne? La personne qui fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir, présentement, à son début d'alzheimer, elle ne pourra pas avoir des soins palliatifs, parce que les critères sont trop restrictifs sur la fin de vie et sur... Parfois, il y a des gens qui vont dire : Le soin pall, ça égale le cancer. Ça fait que les mythes, il faut travailler là-dessus, la formation. Il faut parler de la philosophie des soins pall. Et il faut que les établissements d'enseignement se mettent de la partie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, madame Carignan. Je suis désolée. Je suis la maîtresse du temps. Je vous ai laissé quand même poursuivre votre intervention.

Alors, c'est ce qui met fin à cette audition. Dr Bureau, madame Carignan, merci beaucoup pour votre témoignage, vos éclaircissements. Vous nous apportez beaucoup à la commission.

Alors, je suspends cette séance pour quelques instants, le temps de recevoir notre dernier groupe de la journée.

(Suspension de la séance à 18 h 39)

(Reprise à 18 h 43)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre à tous! Nous allons reprendre nos travaux et avant d'entendre notre prochain et dernier groupe de la journée, comme nous avons quelques minutes de retard, je vais demander s'il y a consentement qu'on déroge, qu'on aille au-delà de la période prescrite aujourd'hui. Donc, il y a un consentement?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, je vais souhaiter la bienvenue au Curateur public du Québec, qui est représenté par Me Julie Baillargeon-Lavergne ainsi que Me Sophie Gravel. Alors, mesdames, bienvenue à la commission. Vous allez bénéficier de 10 minutes pour faire votre présentation, puis je vais vous demander en même temps de vous présenter. Ensuite, va suivre la période des questions avec les élus de la commission. La parole est à vous.

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Parfait. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, membres de la commission. Je veux vous présenter, tout d'abord, la personne qui m'accompagne, Me Sophie Gravel, qui est secrétaire générale et responsable du bureau de la Curatrice publique, avec qui je vais partager cette présentation.

Je commence en vous remerciant de donner l'occasion au Curateur public d'être entendu sur le projet de loi n° 11. Évidemment, c'est un projet de loi qui nous interpelle particulièrement, puisque, dans sa forme actuelle, il va permettre aux personnes atteintes d'une maladie grave et incurable qui mène à l'inaptitude à consentir aux soins de formuler une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Donc, ces personnes vont pouvoir ainsi bénéficier de cette aide une fois devenues inaptes.

En mai 2021, le Curateur public s'adressait aux membres de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie pour témoigner de son appui à l'élargissement des critères d'admissibilité pour l'aide médicale à mourir aux personnes qui prévoient perdre leurs facultés mentales en raison de la progression d'une maladie neurodégénérative. Nous étions alors d'avis, et nous le sommes toujours, que les personnes ayant reçu un diagnostic de maladies neurodégénératives devraient pouvoir préparer une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Le Curateur public s'appuyait alors sur le principe fondamental de l'autodétermination des personnes, principe auquel nous souscrivons toujours. Le Curateur public appuie les mesures visant une meilleure prise en compte des volontés exprimées par des personnes au moment où elles étaient encore aptes, et, plus généralement, la prise en compte des volontés actuelles des personnes qui ont des limitations cognitives. Cette position est en concordance avec la mission du Curateur public qui est de veiller à la protection des personnes inaptes. Nous avons toujours préconisé l'intérêt des personnes inaptes, le respect de leurs droits, la sauvegarde de leur autonomie, qui sont au quotidien au cœur de nos actions.

On a d'ailleurs traduit ce principe directeur là dans l'élaboration de notre loi, la Loi visant à mieux protéger les personnes en situation de vulnérabilité, qui a été adoptée à l'unanimité ici, à l'Assemblée nationale, le 2 juin 2020 et qui est entrée en vigueur le 1ᵉʳ novembre dernier. Donc, cette loi introduit de nouvelles dispositions dans le Code civil du Québec qui renforcent le respect de la volonté des personnes représentées. En effet, tout représentant légal, qu'il s'agisse d'un tuteur, d'un représentant temporaire ou d'un mandataire, doit tenir compte de la volonté de la personne dans la prise de décisions financières et juridiques.

De plus, en matière de soins de santé, le Code civil stipule qu'un représentant légal, lorsqu'il est appelé à consentir aux soins, doit tenir compte de la volonté que la personne représentée aurait pu exprimer ou manifester...

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : ...au moment où elle était encore apte, à titre de représentant légal de plus de 13 000 personnes inaptes, nous prenons au quotidien des milliers de décisions pour assurer leur bien être et l'administration de leurs biens. Si une personne sous notre responsabilité est inapte à consentir à un soin, notre direction médicale traite la demande de consentement aux soins en collaboration avec le réseau de la santé. Le Curateur public est donc heureux de mettre à profit son expertise pour contribuer aux travaux de la commission. Nous sommes d'avis que le cadre législatif proposé doit être bien ancré dans les réalités d'aujourd'hui, qu'il préserve l'exercice des droits des personnes inaptes, favorise leur autonomie et tienne compte de leur volonté et préférences.

Mme Gravel (Sophie) : Le projet de loi prévoit qu'une personne pourra désigner un tiers de confiance pour veiller au respect de sa demande anticipée. Nous sommes d'accord avec le fait que la désignation du tiers de confiance soit facultative puisque cela fait en sorte que plusieurs personnes, notamment les proches et l'équipe soignante, pourraient jouer un rôle. Il s'agit à notre avis d'une disposition qui favorisera une meilleure prise en compte des volontés exprimées par la personne. Nous croyons cependant que le rôle des autres intervenants impliqués, dont les proches et les aidants, devrait être précisé dans le projet de loi. Afin de favoriser le respect de la volonté de la personne concernée, ces intervenants devraient pouvoir informer le professionnel compétent qu'ils croient que les souffrances de la personne concernée correspondent à celles décrites dans sa demande anticipée d'aide médicale à mourir ou qu'elles sont devenues intolérables.

Nous souhaitons également porter à l'attention des membres de la commission que le projet de loi ne prévoit pas que la personne concernée puisse elle-même déclencher le traitement de sa demande anticipée au moment où elle croit que ses souffrances sont devenues insupportables. Même si, à ce moment, la personne concernée serait probablement inapte à consentir à ces soins, elle pourrait encore posséder l'aptitude nécessaire pour exprimer ou manifester le souhait que sa demande soit évaluée par le professionnel compétent. Le Curateur public recommande donc que la personne ayant préparé une demande anticipée d'aide médicale à mourir, son tiers de confiance, ses proches et les membres de son équipe soignante puissent, lorsqu'ils croient que ses souffrances correspondent à celles décrites dans la demande, en informer le professionnel compétent et ainsi déclencher le traitement de la demande anticipée.

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Je veux maintenant aborder la question du retrait de la demande anticipée. Le projet de loi prévoit qu'une personne peut annuler sa demande anticipée d'aide médicale à mourir après qu'un professionnel ait confirmé son aptitude à le faire. C'est donc dire qu'une personne qui exprimerait le souhait de retirer sa demande pourrait recevoir un refus si elle ne possède plus la capacité de consentir aux soins. Les impacts de ce refus potentiel sont importants. Nous croyons qu'il faut permettre à la personne concernée de retirer sa demande en tout temps.

Cette position nous apparaît tout à fait en concordance avec l'essence même de la demande anticipée d'aide médicale à mourir. En effet, cette demande est fondée sur le principe d'autodétermination d'une personne atteinte d'une maladie dégénérative qui, en prévision de son inaptitude, consigne par écrit la nature des souffrances qu'elle juge intolérables. Cependant, pour toutes sortes de raisons, cette volonté peut changer selon l'évolution de la maladie. Par exemple, si cette personne change d'avis, il faut s'assurer de respecter sa volonté. Le Curateur public croit que les règles relatives au retrait d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir devraient être assouplies pour permettre de tenir compte des nouvelles volontés de la personne. Ainsi, le Curateur public recommande que la personne ayant préparé une demande anticipée plus pouvoir retirer sa demande si elle est encore apte à exprimer sa volonté concernant l'aide médicale à mourir.

• (18 h 50) •

Mme Gravel (Sophie) : Un mot maintenant sur la relation entre le professionnel compétent et la personne concernée. Divers facteurs peuvent intervenir dans la vie d'une personne qui a un diagnostic de maladie neurodégénérative. Sa maladie peut progresser plus ou moins rapidement, de nouveaux soins peuvent être disponibles ou encore ses conditions de vie peuvent changer. Selon nous, il est souhaitable que le professionnel compétent maintienne un dialogue avec la personne ayant préparé une demande anticipée d'aide médicale à mourir afin de lui permettre de l'actualiser au besoin. Si la personne est encore apte à consentir à ses soins, elle pourrait préparer une nouvelle demande ou décider de retirer une demande existante. Des entretiens ponctuels entre le professionnel de la santé et la personne concernée au sujet de sa demande d'aide médicale à mourir pourraient aussi éventuellement aider le professionnel compétent appelé à évaluer la demande anticipée. Nous croyons donc qu'il pourrait être utile de préciser dans le texte du projet de loi, d'un règlement ou d'une directive que le professionnel compétent discute ponctuellement de la demande anticipée d'aide médicale à mourir avec la personne concernée et consigne ses observations dans son dossier médical.

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Donc, en résumé...

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : ...le Curateur public croit fermement que les choix qui ont été faits en toute lucidité et en toute connaissance de cause concernant l'aide médicale à mourir devraient être respectés le moment venu. L'égalité des droits pour tous, le respect des volontés devrait primer, ce sont des valeurs profondément ancrées dans la mission du Curateur public.

Je vous remercie de votre attention. Me Gravel et moi-même sommes maintenant prêtes à répondre à votre question.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons donc commencer cette période d'échanges avec Mme la ministre pour une période de 18 minutes... 16 minutes 30 secondes. La parole est à vous, Mme la ministre.

Mme Bélanger : Oui. Alors, Mme la Présidente... Maître Baillargeon-Lavergne, Me Gravel, merci d'être présents ici. Merci pour le mémoire. On le sait très bien que vous avez une très grande expertise dans la représentation des personnes, les personnes vulnérables en particulier. Et j'aimerais vous entendre sur comment vous envisagez le rôle du Curateur public quand la personne qui fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir n'a pas de tiers de confiance.

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Je vous dirais que le fait que la personne soit sous régime de protection ou non ne change rien au processus qui est actuellement en place dans la loi... dans le projet de loi 11. Donc, évidemment, s'il n'y a pas de tiers de confiance, je comprends que ça sera l'équipe soignante qui lèvera le drapeau le moment venu. Je vous ramène par contre à notre recommandation un, puis Sophie pourra élaborer là-dessus, là où on pense qu'on devrait ouvrir un peu plus, là, aux proches ou autres si la personne n'a pas désigné de tiers de confiance. Évidemment, notre direction médicale de consentement aux soins continue de collaborer avec les équipes de soins s'ils ont des questions puis ils veulent échanger sur la situation particulière ou sur la question d'aide médicale à mourir, évidemment. On reste présents, mais le fait qu'elle soit sous régime ou pas, représenté ou pas, ne change rien au processus.

Mme Bélanger : O.K. Vous avez quand même abordé tantôt la notion de proche, l'importance d'impliquer des proches, puis c'est tout à fait vrai, c'est très, très important, mais il y a quand même certaines situations où des personnes sont seules, ils n'ont pas de proches. Comment vous voyez à ce moment-là... Peut être que c'est des situations qui n'arrivent pas souvent, mais advenant une demande d'aide médicale à mourir, comment vous voyez le rôle du curateur spécifiquement?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Je vous dirais que c'est des discussions qu'on a eues l'année dernière abondamment avec le réseau de la santé. Puis, si on se remet dans le contexte du PL 38, à l'époque, la désignation du tiers de confiance était obligatoire, et donc il fallait trouver une solution pour les personnes isolées. Et, évidemment, la question s'est posée à savoir si le Curateur public pouvait jouer le rôle du tiers de confiance. Donc, évidemment, nous, notre position pour les personnes qu'on ne représente pas, ce n'était pas possible, hein? On estime à environ 175 000 personnes inaptes au Québec, ça reste une minorité, 13 000 qui sont sous juridiction publique. Donc, pour les autres, il y a vraiment une impossibilité puisqu'on ne connaît pas ces personnes et il n'y a aucune façon de savoir leur condition médicale.

Après, la question s'est posée pour les personnes qu'on représente directement. Et, au fil des discussions qu'on a eues, puis c'est la conclusion à laquelle on en est venue, je ne pense pas qu'une organisation gouvernementale est la mieux placée pour évaluer les souffrances d'une personne. Vous savez, on a une mission très large, on représente 13 000 personnes. On surveille aussi plus de 12 000 régimes privés. En tant que représentant légal, on gère les biens, on peut prendre des décisions pour la personne, le milieu de vie, mais on n'est pas au quotidien aux côtés de la personne. Donc, ça va être très difficile pour une curatrice déléguée, par exemple, de pouvoir statuer ou avoir un rôle aussi crucial. On pense que l'équipe soignante... Si vraiment, il n'y a personne d'autre, il n'y a pas de proche, l'équipe soignante est beaucoup mieux placée pour le faire.

Mme Bélanger : O.K. Merci. Ça va pour moi.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup.

Une voix : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Est-ce que j'ai d'autres questions? Mme la députée de Roberval, il vous reste encore 12 minutes 38 secondes.

Mme Guillemette : Merci. On parle de mieux définir le rôle des proches et des aidants naturels. S'il y a déjà un tiers de confiance, vous voyez comment le rôle des proches, lorsqu'ils ne sont pas le tiers de confiance.

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Je vais peut-être laissé ma collègue répondre.

Mme Gravel (Sophie) : En fait, c'est ça, même si le tiers de confiance a une position privilégiée, on considère que les proches pourraient tout de même...

Mme Gravel (Sophie) : ...par exemple, on pense que ces personnes-là pourraient aider, pourraient... soit dans la situation où il y a un tiers de confiance qui est nommé où il n'y en a pas. Je comprends très bien, dans l'éventualité où la personne décide de nommer un tiers de confiance et que sa volonté aura été de nommer cette personne-là. Alors nous, on suggère, dans ce cas-ci, qu'il y ait quand même une place à préciser le rôle des proches, mais dans la mesure où la personne elle-même, elle n'aurait pas exprimé une volonté d'exclure cette possibilité-là. On peut penser aux formulaires par exemple : Je nomme ce tiers de confiance et je veux que ce soit uniquement cette personne, là, qui agisse pour traiter la demande. Par ailleurs, dans les cas où il n'y aura pas de tiers de confiance ou qu'il est empêché d'agir, on néglige de le faire, on pense, nous, que les proches ou les personnes significatives qui ne sont pas nécessairement dans l'équipe soignante ou le tiers de confiance pourraient avoir un rôle, soit pour épauler l'équipe soignante, pour y aller de conseils. Ils sont proches des gens, ils pourraient détecter les souffrances, peut être, qui sont décrites, qui ont été décrites par la personne dans sa demande. Alors, dans la loi, on voit que les proches ont un certain rôle au moment de la rédaction de la demande anticipée. On voit aussi que cette espèce de rôle là ou cette précision se répercute aussi au moment du traitement de la demande.

Mme Guillemette : O.K., et vous ne pensez pas que ça pourrait, des fois, apporter une confusion si le tiers de confiance dit : C'est le moment d'analyser la demande... parce que le tiers de confiance va va dire que c'est le moment, mais ça ne veut pas dire que la demande va être acceptée immédiatement. Donc, vous ne pensez pas que ça peut apporter une confusion si le tiers de confiance dit : C'est le moment, et que les membres de la famille disent : Non, ce n'est pas le moment.

Mme Gravel (Sophie) : Je comprends très bien votre point, et d'ailleurs, nous, ce qu'on préconise, c'est que l'ouverture du processus va faire justement qu'il y ait plus d'avis, puis on risque peut-être d'avoir des idées divergentes ou des idées complémentaires sur les volontés de la personne puis ce qui est en train de se produire. Je suis d'accord avec vous que ça pourra se produire, mais, dans le fond, c'est lui qui va décider de l'examen, c'est vraiment le professionnel compétent, et toutes ces personnes, que ce soit le tiers de confiance ou les autres... le tiers de confiance, en fait, il a un rôle privilégié parce qu'il est au premier rang des décisions qui sont prises, de l'information. Par ailleurs, il n'a pas de pouvoir de décision sur le fait de déclencher ou non, hein, ce n'est pas une décision substitutive. Donc, on pense, dans ces cas-là, que les proches pourraient quand même jouer un rôle.

Nous, on a des régimes de protection dans lesquels parfois il y a des familles. Vous avez raison, des fois, c'est difficile, les divergences d'opinions, mais parfois c'est très précieux. Alors, selon nous, là, ça serait quand même intéressant de donner un rôle à ces personnes-là, à moins, comme je l'ai dit, que la personne qui a rédigé sa demande anticipée ait spécifiquement dit : Moi, je veux que ce soit mon tiers de confiance et seulement mon tiers de confiance.

Mme Guillemette : Parfait. Merci. J'aimerais vous entendre un peu plus sur le retrait de la demande. Vous dites qu'il faudrait que ce soit assoupli plus que ce l'est là, encore, donc j'aimerais vous entendre à ce niveau-là.

• (19 heures) •

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Bien, actuellement, ma compréhension du projet de loi, c'est, évidemment, une fois que le processus est enclenché, si vous voulez, et que la personne exprime un refus, bien, on ne procède pas, et ça, c'est bien parfait. Sauf qu'entre le moment où la personne rédige sa demande anticipée et le moment x où elle a atteint, là, un déclin cognitif très, très avancé, il peut s'écouler plusieurs années et il y a une progression de la maladie. Donc la personne pourrait, à mi-parcours, par exemple, ne plus rencontrer les critères du consentement aux soins qui ont été établis par la Cour d'appel, mais être quand même capable d'exprimer sa volonté de retirer sa demande.

Et et on a pris exemple sur le critère qui apparaît aux Pays-Bas, où on dit vraiment... on sort des critères de la Cour d'appel. Puis je peux peut-être les rappeler, là, rapidement, le test en cinq volets de la Cour d'appel. On dit qu'une personne, pour évaluer son aptitude à consentir aux soins, on regarde, est-ce qu'elle comprend la nature de sa maladie, est-ce qu'elle comprend le but du traitement, les risques et avantages associés au traitement, est-ce que sa capacité de comprendre est affectée. Et dès qu'il y a un déni de la maladie, elle est inapte à consentir à ses soins. Et, durant cette évaluation-là, la personne, elle doit être capable de prendre une décision, de l'exprimer et de comprendre l'information, donc. Et, cette évaluation-là est faite à chaque fois qu'un soin est prodigué, et ça peut fluctuer dans le temps. Donc, la personne pourrait ne pas rencontrer...


 
 

19 h (version non révisée)

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : ...de la Cour d'appel, mais est capable quand même d'exprimer, être apte à exprimer sa volonté de retirer sa demande. Et donc je ne pense pas qu'il faut nécessairement atteindre à la... attendre, pardon, à la fin du processus lorsque le traitement est enclenché, pour constater le refus. Il faudrait avoir une certaine latitude, je pense, dans la période plus... ou plus... la période du milieu, si on veut, là.

Mme Guillemette : Parfait. Merci. Il me reste encore un petit peu de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 6 min 40 s

Mme Guillemette : ...sept minutes. J'aimerais vous entendre. Vous n'en avez pas parlé. Peut-être que... Bon, je sais que ce n'est pas dans votre champ d'expertise, mais au niveau du handicap neuromoteur, j'aimerais vous entendre à ce niveau-là. Si, bon, premièrement, si vous êtes en accord ou pas. Et deuxièmement, peut-être... Est-ce qu'il y a des mesures de protection à mettre en place spécifiquement? Comment vous voyez cet aspect-là du projet de loi?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Bien, je vous dirais effectivement que c'est complètement en dehors de notre champ d'expertise. Parce que quand on parle d'un handicap neuromoteur, on ne parle pas d'inaptitude. Et donc le Curateur public, là, est vraiment spécialisé en matière d'inaptitude. Donc, je ne souhaiterais pas trop me prononcer sur cette question-là. Merci.

Mme Guillemette : Est-ce qu'il y a des éléments que vous n'avez pas abordés, que vous aimeriez mettre en lumière, que vous n'avez pas eu le temps dans votre 10 minutes?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Oui. Bien, juste pour compléter la réponse de ma collègue tout à l'heure, j'ai voulu intervenir, notre compréhension de l'article, et là je ne l'ai pas sous la main, je crois, 29.7, lorsque le tiers refuse, néglige ou encore qu'il n'y a pas de tiers de confiance, ça va directement à la responsabilité du personnel soignant. On trouve que c'est une lourde charge à porter. Donc, ça vient renforcer un peu notre argument ou notre recommandation à l'effet d'impliquer les proches parce qu'il pourrait... Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de tiers de confiance que la personne est nécessairement isolée. Ça peut être un choix qu'elle fait de ne pas désigner de tiers de confiance, mais il y a quand même l'entourage, donc, de leur donner un certain rôle à ce niveau -là, je pense que ça serait bénéfique.

Mme Guillemette : Mais il y a des gens qui sont vraiment isolés, qui n'ont pas de famille, qui sont vraiment seuls.

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Effectivement. Donc dans ces cas-là...

Mme Guillemette : C'est sûr que c'est lourd peut-être pour le corps médical, pour l'équipe soignante, mais on pourrait procéder comment pour que ces personnes-là ne soient pas abandonnées puis qu'elles aient accès quand même?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Bien, je trouve qu'en rendant la désignation du tiers de confiance facultative, on est venu régler un peu cette problématique-là. Et puis évidemment, l'équipe soignante, dans ces cas-là, serait la mieux placée pour prendre la décision. Donc, on est en accord, là, avec le positionnement.

Mme Guillemette : Parfait. Merci. Mais je pense que j'ai des collègues...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je pense qu'il y a une collègue qui a une question. Mme la députée de Châteauguay.

Mme Gendron : Oui. Bonjour. Merci d'être là. Je vais être quand même brève pour laisser le temps à ma collègue. Je veux juste savoir votre point de vue advenant un refus. Donc, d'après ce que vous avez expliqué, là, il y a quelques minutes, est-ce que ça serait possible de simplement reporter ou, à vos yeux, s'il y a un refus, donc ce serait final puisque la personne a quand même perdu des capacités depuis qu'elle a fait sa demande?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Oui. J'ai écouté les commissions plus tôt, aujourd'hui, puis je vous dirais que je rejoins assez l'opinion des collègues qui sont venus témoigner à l'effet que c'est une manifestation clinique d'un refus. Et puis on ne parle pas vraiment d'une personne qui est apte à exprimer sa volonté sur l'aide médicale à mourir, mais c'est plus une réaction. Bon, je ne pense pas que ça devrait entraîner nécessairement le retrait de la demande du registre. Je pense que ce n'est peut-être pas le bon moment. Ça, ça pourrait être revisité plus tard à mon avis, mais je pense que le retrait complet de la demande du registre, peut-être qu'on pourrait assouplir ce côté-là?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Oui. Votre question.

Mme Labrie : J'ai peut-être une petite question rapide parce que je ne pense pas qu'il me reste beaucoup de temps.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 2 min 53 s

Mme Labrie : Advenant le cas où une personne qui est apte fait une demande anticipée, la personne, elle a un diagnostic d'Alzheimer, supposons, elle désigne un tiers de confiance et le tiers de confiance décède. Est-ce que vous seriez d'accord à ce que dans le formulaire quelconque, il y ait un endroit où on pourrait indiquer que si le tiers de confiance décède, on veut que ce soit vous qui ayez cette responsabilité-là?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Nous étant le curateur public?

Mme Labrie : Oui.

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Non.

Mme Labrie : Non?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Non, parce que je vous dirais que ça rentre vraiment dans les critères où refuse, néglige ou est empêchée d'agir, là. Je présume que le décès d'un tiers de confiance rentrerait dans l'empêchement...

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : ...avant d'agir. Et donc il y a des solutions alternatives qui ont été prévues. Je vous dirais que ce n'est pas dans la mission du Curateur public de jouer un rôle comme celui-là. Comme je vous l'ai expliqué tout à l'heure, pour toutes les raisons que j'ai mentionnées, considérant qu'on n'a pas la connaissance fine des personnes, on n'est pas à leurs côtés au quotidien. On est un représentant légal, on est une organisation gouvernementale. Je pense que l'équipe soignante serait beaucoup mieux placée pour le faire.

Une voix : Merci.

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Encore peut-être une dernière question? C'est beau. Alors merci beaucoup. Je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle. Donc, Mme la députée de Westmount–Saint-Louis, vous avez toujours neuf minutes 54 secondes de temps.

Mme Maccarone : Merci Mme la Présidente. Bonjour Mme la Curatrice, bonjour, Me Gravel, merci beaucoup pour votre témoignage et votre présentation et le mémoire que vous avez déposé. Vous avez parlé de la lourde tâche des curateurs. Vous avez parlé des 13 000 dossiers, les 12 000 régimes privés. Il y a combien de curateurs ou curatrices actuellement?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Les curateurs délégués sont au nombre de presque 130, je pense, mais ce qu'il faut comprendre... ce qu'on pense que c'est les curateurs délégués qui s'occupent de tout, là. Oui, ils s'occupent de la personne, mais on a des techniciens fiduciaires qui s'occupent de gérer les biens. On a un service juridique qui s'occupe du respect de leurs droits. On a une direction médicale qui s'occupe du consentement aux soins, donc c'est très sectorisé, chacun a son rôle et chacun contribue à la protection des personnes.

Mme Maccarone : Vous faites bien de l'expliquer parce que je comprends comment la tâche est lourde, puis c'est pour ça que je pense que c'est intéressant, que vous dites que ce n'est pas le rôle comme représentant légal de prendre la décision ou de déclencher un processus comme on ferait comme le tiers de confiance. Mais je voulais savoir, à date, parce que malgré qu'on n'a pas des demandes anticipées qui sont enchâssées dans la loi, mais avez-vous déjà fait face à des cas où il y a des personnes qui sont sous la responsabilité du curateur, mais ils ont quand même eu des demandes médicales, demandes d'aide médicale à mourir?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Je crois qu'il y en a eu. Je n'ai pas de données à vous soumettre. On est pas toujours informés. Il n'y a pas une obligation d'informer le Curateur public sur ces questions-là. Donc, ce serait difficile de vous donner un quelconque chiffre.

Mme Maccarone : C'est intéressant de savoir d'abord quel est votre rôle, que, mettons, s'il y a quelqu'un qui a une demande anticipée, ce serait quoi, le rôle du curateur? D'abord, je pense que ce serait bien d'élaborer c'est quoi, le type d'accompagnement. Parce que, comme c'était évoqué par la collègue de Roberval, il y a beaucoup de gens qui se retrouvent seuls. Ça fait que, quel est votre rôle précisément face à une demande anticipée et comme représentant légal?

• (19 h 10) •

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Pour la rédaction de la demande, on n'a pas de rôle. Souvent, les personnes, lorsqu'elles vont rédiger cette demande-là, sont aptes et n'ont pas de régime de protection. Donc, et ça sera versé au registre, là, de ce que je comprends, ce qui est inscrit au projet de loi. Lorsque le tiers de confiance ou l'équipe médicale souhaite déclencher l'évaluation de la demande, le rôle qu'on pourrait jouer, comme on joue pour toutes les personnes qu'on représente, c'est un... On reçoit, on a une direction médicale de consentement aux soins. Donc l'équipe médicale peut nous appeler, poser des questions, échanger sur divers sujets. On va aussi consentir aux soins pour les personnes qui sont inaptes à le faire. Dans le cas d'aide médicale à mourir, évidemment, il n'y a pas de consentement substitué, et on est tout à fait en faveur de ça. Mais ça serait plutôt un rôle-conseil auprès de l'équipe soignante. Mais le rôle du tiers de confiance, c'est de lever le drapeau le moment venu. Et ça, je pense que c'est bien établi dans la loi. Je ne sais pas si tu voulais rajouter quelque chose là-dessus?

Mme Gravel (Sophie) : Non. C'est ça, c'est assez complet. Dans notre rôle de représentant légal, on peut accompagner, conseiller, que ce soit l'équipe médicale ou ça peut être les curatrices déléguées aussi. Mais, comme le mentionnait Me Baillargeon-Lavergne, les limites d'une organisation sont les limites d'une organisation puis on n'est pas au quotidien auprès de ces personnes-là.

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Mais lorsqu'un soin doit être prodigué à une personne inapte, le médecin a tout à fait le loisir de contacter la curatrice déléguée pour en discuter, de contacter notre direction médicale pour en discuter. Et ça, ça se fait régulièrement. Donc, je présume que ça se poursuit...

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : ...dans ce sens-là.

Mme Maccarone : Loisir, mais pas obligation?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Il n'y a pas d'obligation.

Mme Maccarone : Il n'y a pas d'obligation?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Bien, à moins que la personne soit inapte à consentir à ses soins, et là il faut obtenir un consentement substitué. C'est la direction médicale qui le donne, mais, si la personne est sous régime et apte à consentir à ses soins, il n'y a pas d'obligation.

Mme Maccarone : Mais dans le cas d'une personne qui n'est plus apte parce qu'elle a fait une demande anticipée, par exemple, puis quand on est rendu... puis à la suite, il tombe sous la responsabilité de la curatrice, il y aura quand même une obligation de vous contacter pour dire : Nous sommes rendus au moment où, comme corps professionnel, médecins, infirmières praticiennes, nous pensons que c'est le moment que nous devons déclencher le processus, n'est-ce pas? Puis même si ce n'est pas le cas, comment allez-vous savoir? Comment est-ce que vous souhaitez qu'on vous informe qu'une personne qui devient sous votre responsabilité pour x, y, z raison... sont seules puis maintenant ils sont sous la responsabilité de la curatrice, mais ils ont fait une demande anticipée? Comment devons-nous vous informer que ça existe pour que ça fait partie aussi de votre charge de travail, votre responsabilité, dans le fond, même si ce n'est pas vous qui allez déclencher le processus?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Avec le registre, je comprends que c'est la façon de publicité... les demandes anticipées. Il n'y a pas d'obligation de fournir une copie au représentant légal. Les rôles qui sont confiés dans la loi à l'équipe soignante ou au tiers de confiance... Mais, par contre, si vous souhaitez ajouter une obligation d'informer le représentant légal, qu'il soit public ou privé, parce qu'il ne faut pas oublier les représentants légaux privés, il y a plus de 10 000 régimes privés au Québec. Puis la question se poserait également pour les mandataires. Est-ce qu'on va jusque là? Est-ce que les mandataires devront être informés que le tiers de confiance déclenche?

Mme Maccarone : Votre opinion? Votre opinion sur les deux questions, est-ce que ce serait... nous sommes à l'écoute, est-ce que ce serait une recommandation? Devons-nous faire le débat là-dessus?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Bien, quand on dit d'impliquer les proches, les personnes significatives, je pense que le représentant légal, nécessairement, tombe dans cette catégorie-là. Donc, je pense que ça serait une bonne pratique, effectivement, Maintenant, d'en faire une obligation, je ne crois pas que ce soit nécessaire.

Mme Maccarone : Ce n'est pas nécessaire, O.K. Je veux parler un peu de ce que vous avez parlé en ce qui concerne le refus puis, je vous entends, la nécessité d'élaborer puis de s'assurer que c'est bien ancré dans la loi, les critères en ce qui concerne le refus, mais... Parce que vous dites qu'il faut pour le retirer si... il faut respecter le refus de la personne concernée.

Mais je veux savoir si... par exemple, dans la demande anticipée, si c'est clairement indiqué que, comme personne qui fait la demande anticipée, si je me retrouve à un moment de ma vie où je ne suis plus la personne que j'étais auparavant parce que je souffre d'Alzheimer, ou quoi qu'il soit, c'est quoi la maladie neurodégénérative, bien, à ce moment-là, si moi, j'ai écrit : Si je refuse, là ce n'est plus Jennifer qui refuse, là, c'est une autre personne, je souhaite que vous procédez. Comment devons-nous poursuivre avec une telle demande qui est vraiment bien élaborée? Parce que je sais que les collègues travaillent très fort sur le formulaire. Que devons-nous faire face à ce type de problématique?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Je vous dirais que c'est une problématique qui est très, très complexe. Je ne sais pas si je vais pouvoir apporter un éclairage aujourd'hui, je peux simplement me mettre dans la peau d'un médecin ou d'une infirmière praticienne qui doit procéder malgré un refus qui semble évident. Je vois mal comment ça pourrait se concrétiser, mais, encore une fois, ça peut peut-être clarifier les volontés de la personne, mais je ne peux pas vous donner de réponse exacte.

Mme Maccarone : Une dernière question pour moi. Moi aussi, j'ai été surprise, dans le mémoire, que vous n'avez pas évoqué la notion de handicap. Puis je comprends, votre explication était très claire, c'est parce que vous, vous êtes responsable des personnes en situation d'inaptitude, mais j'avais une question très précise, parce que, si on enlève la notion de neuromoteur et on n'a pas une définition de c'est quoi, un handicap, ça se peut que les personnes qui souffrent d'une déficience intellectuelle... Puis la notion d'autodétermination, la notion d'aptitude peuvent vraiment varier d'un moment à l'autre. Nous avons travaillé ensemble sur la réforme du Curateur public...

Mme Maccarone : ...on sait très bien que l'attitude peut varier d'un moment à l'autre. Comment devons-nous traiter les demandes des personnes avec une attitude qui peut varier, ou une personne qui a la capacité de consentir à un soin, malgré une déficience, peut-être intellectuelle ou autre? Parce que ça se peut qu'une personne qui souffre d'une telle difficulté, dans leur vie, peut avoir la capacité de consentir et aussi souffrir d'un cancer, une maladie très grave, et souffrir. Comment devons-nous nous assurer qu'on protège aussi ces personnes en situation de vulnérabilité?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Très rapidement, s'il vous plaît, le temps est déjà écoulé.

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Évidemment, quand vous parlez de déficience intellectuelle, ça va être plus difficilement applicable si elle est inapte à consentir à ses soins, évidemment, là, ce qui est souvent le cas dans ces diagnostics-là. Quand vous parlez de dimension changeante ou d'évolution, on parle surtout du trouble mental dans ces cas-là. Parce que, quand on parle de maladie dégénérative, c'est souvent sur une pente descendante. Donc, je veux juste être sûr de bien comprendre votre question pour cerner ces personnes-là, oui.

Mme Maccarone : Bien, que la notion... Voilà.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois malheureusement vous couper. Je m'excuse.

Mme Maccarone : Merci, quand même.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : On est rendu à la deuxième opposition officielle avec une période de temps de trois minutes 18 secondes. Le temps est à vous.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Vous nous invitez à préciser le rôle des autres proches. Vous nous dites qu'eux aussi devraient pouvoir lever le drapeau, là, lorsqu'ils constatent de la souffrance. Mais moi, j'ai de la difficulté à voir, ça va être quoi le rôle spécifique du tiers de confiance si tout le monde peut lever ce drapeau-là. Puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus, si ce ne serait pas plutôt pertinent de permettre à la personne qui remplit une demande anticipée d'avoir un nombre vraiment flexible, là, de tiers de confiance sans que ce soit limitatif à deux, pour qu'elle puisse vraiment choisir les personnes en qui elle fait confiance, puis que ces personnes-là puissent se prononcer. Puis que si elle désire en nommer zéro, bien, ce sera ça, puis ce sera clair que ce sont vraiment ces personnes-là qui peuvent se prononcer là-dessus, peu importe le nombre que la personne aura déterminé.

Mme Gravel (Sophie) : En fait, la distinction que je ferais, actuellement, dans la loi telle qu'elle est rédigée, le tiers de confiance, il y a vraiment, pour nous, un statut privilégié, il était... c'est lui qui est informé lorsque l'inaptitude survient, et aussi c'est le premier... Le médecin, le professionnel a toujours l'obligation, dans la loi, d'en informer, en premier plan, le tiers de confiance. Pour nous, le rôle qu'on voyait accorder aux proches, ce n'était pas de ce niveau-là, mais c'était plus des personnes, en ouvrant le processus tiers de confiance, membres de l'équipe soignante ou personnes significatives qui pouvaient contribuer à la réflexion puis à la mise en œuvre du déclenchement de la demande anticipée.

Donc, la façon, dont on voyait notre recommandation un, le proche n'entrerait pas en conflit avec le tiers, parce que le rôle du tiers, tel qu'il est décrit dans la loi, resterait comme il l'est. Par ailleurs, effectivement, la loi prévoit qu'on peut nommer plus qu'un tiers de confiance. Là, c'est en cas de remplacement. S'il y en avait plusieurs, bien là, peut-être que la problématique de celui qui lève le drapeau, s'il y en a plusieurs qui peuvent le faire, pourrait... ça pourrait être peut-être difficile à gérer s'ils ne sont pas du même avis, là, si j'ai bien compris votre...

Mme Labrie : Dans la mesure où, de toute façon, ce n'est pas tant une question d'avis. Après, la personne lève le drapeau, mais il y a un professionnel de la santé qui va évaluer la situation. Ce n'est pas une question d'avis du proche.

Mme Gravel (Sophie) : Oui, d'avis de lever le drapeau.

Mme Labrie : Exact.

Mme Gravel (Sophie) : Oui, effectivement.

• (19 h 20) •

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Je vais peut-être aussi juste mettre l'emphase sur l'ouverture, on en a parlé rapidement, mais de permettre à la personne elle-même, la personne concernée, de demander que sa demande soit évaluée. Parce que oui, on peut s'imaginer qu'elle a atteint un degré assez avancé, mais elle est quand même capable d'exprimer qu'elle souhaite mourir. Et donc pourquoi on ne pourrait pas l'ouvrir pour déclencher ou, à tout le moins, l'évaluation pour voir si elle rencontre les critères? Puis c'est effectivement ce qui se fait aux Pays-Bas actuellement, où la grande majorité, là, des demandes anticipées sont enclenchées par la personne elle-même qui est visée. Et, pour nous, ça s'inscrit vraiment dans le respect de ses droits puis le respect de sa volonté.

Mme Labrie : Dans la mesure où la personne qui exprime : Je veux mourir, n'est pas nécessairement habilitée à entreprendre une démarche auprès de quelques établissements de santé quand elle dit ça. Est-ce que ça ne revient pas plutôt aux membres de l'équipe de soins ou à son proche qui l'entend dire : Je veux mourir, de, justement, déclencher...

Mme Labrie : ...processus. Qu'est-ce que vous voulez dire par : Lui donner le droit de déclencher le processus?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Bien, je pense qu'il faudrait le considérer comme un indice important que la personne souhaite enclencher l'évaluation de sa demande, puis on dit que ça devrait être considéré au même titre que l'opinion du tiers de confiance et de l'équipe soignante.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci pour cet échange. On termine cette période avec la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour une période de trois minutes 18 secondes.

Mme Tardif : Madame Baillargeon-Lavergne, madame Gravel, merci, premièrement, d'être venue. Merci d'avoir préparé un rapport. On sait que c'est quand même beaucoup de travail et c'est très apprécié. Là, on a parlé de beaucoup de choses, vous avez eu plusieurs questions, mais je peux sortir un petit peu de la boîte parce que je sais que la question je vais vous poser, ce n'est pas du tout sous votre juridiction, ça ne fait pas partie de vos rôles, mais vous êtes habitués à jongler avec un paquet de formulaires. Et je me disais : Je pense, s'il y a une personne qui fait une demande par anticipation, suite à son diagnostic du médecin, et qui passe, par la suite... qui devient sous tutelle, est-ce qu'il y a quelque chose... Parce que vous, vous allez avoir un formulaire, j'imagine, vous allez... Est-ce qu'il y a quelque chose dans le formulaire qui devrait... des éléments, des questions qu'il devrait y avoir, qui devraient être incluses pour vous faciliter la tâche par la suite. Avez-vous des idées à nous suggérer, là?

Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) : Il faudrait y réfléchir. Pour nous faciliter la tâche, nous, en tant qu'organisation, je pense qu'un accès au registre, je ne sais pas si ça va être un registre public, pourrait être une possibilité pour voir si des personnes représentées sous notre juridiction ont effectivement consigné des demandes, là. Puis là je pense à voix haute, là, mais ça mériterait un certain élément de réflexion. Le fait de le savoir, je pense, pourrait être aidant dans les discussions qui s'ensuivent avec les équipes soignantes, que la curatrice déléguée en soit informée. Donc, c'est un élément auquel je peux penser qui nous concerne plus particulièrement.

Mme Gravel (Sophie) : Aussi, à titre de représentant légal qui aurait éventuellement accompagné ou donné... avoir un rôle-conseil, mais finalement, le cœur, ça va être la description des souffrances, hein? Vraiment, ça aussi, ça va être... Puis j'imagine que tout le monde dans le formulaire, c'est vraiment le cœur du formulaire, là, mais évidemment ça, plus ça sera précis et bien détaillé, ça pourrait nous aider à jouer notre rôle de représentant légal.

Mme Tardif : Merci, ça va être tout pour moi.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Maître Baillargeon-Lavergne, Maître Gravel. Merci pour votre contribution à nos travaux. Vous avez été nos dernières représentantes aujourd'hui. Merci à l'ensemble des collègues pour cette première journée. Merci beaucoup, Mme la.... pardon, Mme la ministre.

Alors, à ce moment-ci, nous allons suspendre les travaux. En fait, nous allons ajourner jusqu'au mercredi 15 mars 2023, tout de suite après l'avis touchant les travaux des commissions. Bonne soirée à toutes.

(Fin de la séance à 19 h 25)


 
 

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