Journal des débats (Hansard) of the Committee on Citizen Relations
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Tuesday, March 14, 2023
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Vol. 47 N° 2
Special consultations and public hearings on Bill 11, an Act to amend the Act respecting end-of-life care and other legislative provisions
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures et quarante-neuf minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission des relations avec les citoyens ouverte.
La Commission est réunie aujourd'hui
afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur
le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie
et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire. Y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Madame Garceau, Robert-Baldwin, est remplacée par madame Maccarone,
Westmount--Saint-Louis, et madame Massé, Sainte-Marie-Saint-Jacques, est
remplacée par madame Labrie, Sherbrooke.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, nous allons avoir un ordre du jour
bien rempli aujourd'hui. Ce matin, nous allons débuter par les remarques
préliminaires, puis nous entendrons les personnes et les organismes suivants :
madame Nicole Filion conjointement avec Monsieur Jocelyn Maclure, coprésidente
et coprésident du groupe d'experts sur l'inaptitude et l'aide médicale à
mourir; nous entendrons par la suite la Fédération québécoise des sociétés d'Alzheimer;
et nous allons terminer l'avant-midi avec l'Association québécoise pour le
droit de mourir dans la dignité. Par contre, nous allons débuter par les
remarques préliminaires d'une durée totale de 12 minutes : le
gouvernement, six minutes; l'opposition officielle, 3 min 36 s;
le deuxième groupe d'opposition, 1 min 12 s; ainsi que la
députée indépendante, 1 min 12 s.
J'invite maintenant la ministre déléguée à
la Santé et aux Aînés à faire ses remarques préliminaires. Mme la ministre,
pour une durée de six minutes, la parole est à vous.
• (9 h 50) •
Mme Bélanger : Mme la
Présidente, les consultations particulières qui débutent aujourd'hui s'inscrivent
dans la continuité de la réflexion et de la démarche transpartisane sur l'évolution
de la Loi concernant les soins de fin de vie afin de permettre l'élargissement
de l'aide médicale à mourir. Je nous invite à effectuer ces travaux avec une
approche empreinte de rigueur, de bienveillance et de recherche d'équilibre
entre l'autodétermination de la personne pour une fin de vie digne et la
protection des personnes vulnérables. Je tiens à rappeler que l'aide
médicale à mourir est un soin de fin de vie et qu'à cet égard il doit offrir à
toute personne qui le souhaite de vivre ses derniers moments selon ses
volontés, en toute...
Mme Bélanger : ...ses
volontés, entourée de ses proches et avec dignité. Par le dépôt de ce projet de
loi, notre gouvernement fait écho aux travaux réalisés d'abord par la
Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de
vie puis à ceux menés par les députés lors de la précédente législature.
L'analyse et les consensus établis par ces travaux se reflètent dans l'actuel
projet de loi. Dans le cadre des présentes consultations, nous aurons le
privilège d'entendre plusieurs groupes et experts afin d'alimenter nos
réflexions et d'apporter les ajustements qui s'avéreraient nécessaires.
Permettez-moi, Mme la Présidente, de faire
un rapide survol des éléments principaux que nous étudierons. Le projet de loi
propose d'élargir l'aide médicale à mourir aux personnes ayant un diagnostic de
maladie grave et incurable menant à l'inaptitude à consentir aux soins. À cet
égard, le consensus québécois semble bien établi. Les travaux précédents ont
néanmoins permis de soulever des préoccupations quant à l'applicabilité de la
loi par les professionnels de la santé et des services sociaux. La présente
proposition législative a été raffinée pour prendre en compte ces
préoccupations.
Le projet de loi propose d'élargir
l'admissibilité à l'aide médicale à mourir de façon circonscrite aux personnes
ayant un handicap neuromoteur grave et incurable, à condition que tous les
autres critères prévus dans la loi soient rencontrés. Cette proposition vise
notamment à reconnaître pleinement l'autonomie décisionnelle des personnes
ayant cette condition. La notion de handicap et de souffrance associée est
délicate et la perspective des groupes intéressés permettra de jeter les bases
pour une discussion approfondie.
Le projet de loi propose cependant
d'interdire l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les personnes
présentant un trouble mental comme seul problème médical invoqué. Devant
l'absence de consensus clair, le caractère sensible de ce sujet et la nécessité
de poursuivre la réflexion, le principe de précaution a été privilégié.
Le projet de loi propose également que les
maisons de soins palliatifs ne puissent plus exclure l'aide médicale à mourir
de leur offre de soins. Cette proposition vise à favoriser un accès équitable
aux soins de fin de vie et à offrir une continuité de soins aux patients qui y
sont admis.
Au niveau des professionnels de la santé,
le projet de loi propose que les infirmières praticiennes spécialisées puissent
offrir tous les soins de fin de vie, y compris l'aide médicale à mourir, au
même titre que les médecins. Le projet de loi propose qu'il soit dorénavant
permis aux infirmières et infirmiers de constater les décès, et ce, tant pour
l'aide médicale à mourir que dans toutes les autres circonstances de décès.
Cette disposition, d'ailleurs, avait été émise lors de la pandémie et les
interventions se sont démontrées probantes.
Afin de renforcer davantage le soutien des
professionnels impliqués dans les soins de fin de vie, le projet de loi propose
de rendre obligatoire la consultation de groupes interdisciplinaires de
soutien. Ces groupes existent déjà dans plusieurs établissements, sans
toutefois être obligatoires. Au sujet de la Commission sur les soins de fin de
vie, celle-ci a pour mandat d'examiner toute question relative aux soins de fin
de vie et de surveiller l'application des exigences particulières relatives à
l'aide médicale à mourir.
Le projet de loi propose d'élargir les
renseignements dont la commission peut disposer pour mieux accomplir son
travail. On propose également d'augmenter le nombre de membres de la Commission
sur les soins de fin de vie.
En conclusion, Mme la Présidente, je tiens
à réitérer l'importance de ce projet de loi pour une fin de vie digne et à
rappeler les principes sous-jacents à son étude, soit la rigueur, la
bienveillance et la recherche d'équilibre entre l'autodétermination de la
personne et la protection des personnes vulnérables. À l'avance, je tiens à
remercier l'ensemble des députés, les groupes qui viendront partager avec nous
leur expertise, leurs constats et leurs préoccupations et à souligner
l'engagement de tous dans cet important exercice. Alors, je vous remercie, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, j'invite maintenant
la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Westmount—Saint-Louis
à faire ses remarques préliminaires pour une durée de 3 min 36 s. Allez-y, Mme
la députée.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, collègues. Évidemment, je suis contente...
Mme Maccarone : ...je suis
contente d'être parmi vous. C'est la suite pour moi car j'ai été membre de la
commission spéciale lors de la dernière législature. Je suis heureuse d'être
accompagnée par la collègue de D'Arcy-McGee. Je pense que tous les deux, on
amène quand même une expérience en ce qui concerne le concept de handicap.
Alors, je veux dire que nous, on a
l'intention, évidemment, de poursuivre dans le débat en ce qui concerne le
projet de loi n° 11 avec beaucoup de compassion. C'est un projet de loi qui est
très émotionnel. On parle de l'humanité, on parle des soins de fin de vie,
mais, en principe, on parle vraiment d'aide médicale à mourir. Parce que,
malgré qu'on parle beaucoup de... Au début, on parlait d'un état et maintenant
c'est une évolution à une maladie. On introduit la notion de handicap, puis je
comprends qu'on parle de handicap neuromoteur, mais ça va en prendre une
définition de ce que ça veut dire, la notion de handicap, pour assurer qu'on a
une clarté en ce qui concerne l'adoption de cette loi, pour éviter qu'on a des
dérives, pour protéger les personnes qui sont souvent en situation de
vulnérabilité, et qu'ils sont vulnérables.
On va parler beaucoup de l'autonomie, on
va parler beaucoup d'autodétermination, on va parler beaucoup d'aptitude,
inaptitude, la notion de souffrance. C'est des concepts qui me préoccupent
beaucoup. Les collègues qui ont siégé avec moi lors de la dernière commission
spéciale vont s'en souvenir, que nous avons fait beaucoup de débats en ce qui
concerne toutes ces notions, parce que c'est très humain, parce que ça peut
être très subjectif. Alors, tout ce qu'il va être des balises en ce qui
concerne les demandes anticipées me préoccupe énormément, ainsi que le débat en
ce qui concerne l'introduction d'une notion de handicap, car nous n'avons
jamais fait le débat ici, à l'Assemblée nationale, en ce qui concerne
l'introduction d'une notion de handicap. Nous n'avons jamais fait le débat lors
de notre dernière commission spéciale. Et, aussi, les collègues vont s'en
souvenir, lors du dépôt du projet de loi n° 38 du ministre de la Santé lors de
la dernière législature, c'était une notion qui a été introduite et retirée
parce qu'on savait qu'on n'était pas prêts.
Et ce qui me préoccupe... Et j'ai hâte
d'entendre tous les témoignages de tous les gens qui vont passer en
consultation particulière, parce qu'on n'a pas fait un débat en ce qui concerne
cette notion. Et ce que j'ai beaucoup appris de Lise Thériault, l'ancienne
députée d'Anjou--Louis-Riel, au moment qu'on dépose un projet de loi, que le
gouvernement dépose un projet de loi, ce n'est plus votre projet, c'est le
projet de loi de la société. J'ai hâte d'entendre tous les témoignages et je
remercie d'avance tous les gens qui vont venir partager leurs expériences,
leurs compétences. Tout, que ce soit dans le cadre législatif ou personnel, ça
va être important pour nous d'être à l'écoute. J'aurais souhaité avoir des
consultations encore plus larges, parce que ça va être important de s'assurer
que tous les gens qui souhaitent s'exprimer en ce qui concerne cette nouvelle
notion soient entendus. On ne va pas en faire le débat ici, dans ce projet de
loi, des troubles mentaux, mais c'est clair, il va y avoir des gens qui vont
venir en témoigner à cet égard. Et j'espère qu'on va avoir une écoute ouverte
et un esprit ouvert en ce qui concerne l'application de l'aide médicale à
mourir parce que c'est un débat de société et ça représente une évolution pour
tous les Québécois et Québécoises.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Maintenant, j'invite la
porte-parole du deuxième groupe d'opposition et députée de Sherbrooke à faire
ses remarques préliminaires pour une durée de 1 min 12 s. La parole est à vous.
Mme Labrie : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Je dois dire que je me joins à vous avec beaucoup d'humilité
sur ce dossier-là parce que je n'ai pas fait partie de la commission spéciale
comme certaines de mes collègues. Mais ça me rassure de savoir que vous êtes
autour de la table encore avec nous aujourd'hui pour nous partager tout cela.
Le dossier de l'aide médicale à mourir,
c'est un dossier que j'ai suivi à distance depuis ses tout débuts parce que
j'appréciais beaucoup, d'abord, comme citoyenne, puis ensuite comme députée, la
manière dont ça se travaillait par consensus. Donc, moi, j'ai bien l'intention
de travailler de cette manière-là avec vous. Je trouve ça très inspirant, la
façon dont ça s'est déroulé jusqu'à maintenant, et puis j'espère que ça
continuera d'être le cas.
• (10 heures) •
Je vais porter une attention particulière
aux groupes qui viennent se prononcer sur l'enjeu de handicap neuromoteur,
parce que ça n'avait pas été l'objet de discussions dans la Commission spéciale
sur l'évolution de la loi, mais il y a quand même plusieurs groupes qui
viennent s'exprimer là-dessus aujourd'hui. Donc, moi, j'arrive ici l'esprit
ouvert. Si on est capables de dégager des consensus, on verra ce qu'on peut en
faire, mais c'est vraiment ça qui va me guider.
Donc, merci, puis j'espère que l'ambiance
sera bonne tout au long de ces travaux, parce que c'est quand même un enjeu
délicat.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. J'invite maintenant la
députée de Laviolette Saint-Maurice à faire ses remarques préliminaires pour
une durée de 1 min 12 s. La parole est à vous.
Mme Tardif : Merci, Mme la
Présidente. C'est avec émotion...
10 h (version non révisée)
Mme Tardif : ...que je prends
la parole aujourd'hui, que je siège à titre de membre de cette commission. C'est
un projet de loi, comme on l'a dit, qui vise à étendre la portée de l'aide
médicale à mourir, mais je crois que ça représente probablement un des sujets
les plus importants sur lequel nous allons légiférer.
Et, en ce sens, ça a été dit aussi, mais
on va poursuivre le travail que vous avez fait, chers collègues, l'énorme travail,
devrais-je dire, qui a été accompli par les membres de la Commission spéciale
sur l'évolution de la loi concernant les soins de fin de vie. Et tout comme
eux, je m'engage à être à l'écoute des organismes qui ont déposé un mémoire et
qui vont venir nous donner leur avis, car il est essentiel que la loi soit
représentative de notre société. Nous devons tous nous sentir respectueux,
sereins et en paix lorsque ce projet de loi sera adopté.
Aussi, pour ma part, je suis confortable
avec le fait qu'un trouble mental ne soit pas considéré comme une maladie
admissible. Je suis en accord que, comme les médecins, les infirmières
praticiennes spécialisées qui le souhaitent, c'est bien important, puissent
administrer la sédation palliative continue et l'aide médicale à mourir.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Mme la députée, votre temps est malheureusement écoulé.
Merci beaucoup, merci.
Alors, avant d'entamer le début des
auditions, je vais suspendre quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 03)
(Reprise à 10 h 07)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre
les travaux de la commission. Nous sommes donc rendus aux auditions
particulières pour une durée de total de 45 minutes. Le gouvernement aura 16
minutes de 30 secondes, l'opposition officielle neuf minutes 54 secondes, le
deuxième groupe de l'opposition trois minutes 18 secondes et les
indépendants... l'Indépendante trois minutes 18 secondes.
Je souhaite donc la bienvenue aux
représentants suivants, c'est-à-dire madame Nicole Filion et monsieur Jocelyn
Maclure. Bienvenue à cette commission. Je vous rappelle que vous disposez de 10
minutes pour votre exposé, puis nous procéderons, par la suite, à la période
d'échanges avec les parlementaires. Je vous invite donc à vous présenter et à
débuter votre exposé. La parole est à vous.
Mme Filion (Nicole) : Bonjour.
Mon nom est Me Nicole Fillon, avocate. Et je suis ex-directrice générale des
affaires juridiques au bureau du Curateur public du Québec.
M. Maclure (Jocelyn) : Jocelyn
Maclure, professeur de philosophie à l'Université McGill et président de la
Commission d'éthique en sciences et technologies du Québec.
Mme Filion (Nicole) : Alors,
bonjour à tous. À titre de co-présidents du Groupe d'experts sur la question
d'inaptitude et l'aide médicale à mourir, nous sommes bien heureux, Monsieur
Maclure et moi-même, de pouvoir participer aux consultations sur le projet de
loi n° 11.
D'entrée de jeu, nous voulons vous
rappeler que le groupe d'experts avait été constitué à l'époque à la demande du
ministre de la Santé et des Services sociaux en 2017, et il était composé de 13
experts qui étaient issus de différents domaines, dont la médecine, la
pharmacie, les sciences infirmières, la psychologie, le travail social, la
philosophie, le droit et la défense des droits des usagers. Le mandat du groupe
était notamment d'analyser des situations pour lesquelles l'aide médicale à
mourir serait souhaitable en cas d'inaptitude, le cas échéant, et aussi de
rédiger un rapport faisant état de ses recommandations. Le rapport a été déposé
en novembre 2019 et était intitulé L'aide médicale à mourir pour les
situations... pour les personnes en situation d'inaptitude, le juste équilibre
entre le droit à l'autodétermination, la compassion et la prudence. Il figure à
la page 2... le lien figure à la page 2 de notre mémoire.
D'entrée de jeu, on doit rappeler qu'on ne
peut exprimer des opinions sur le projet de loi 11 au nom des experts qui ont
constitué le groupe puisque le mandat du groupe est terminé et que le groupe a
été dissous, mais nous pouvons affirmer que le projet de loi, et plus
spécifiquement les dispositions qui traitent de la demande anticipée d'aide
médicale à mourir, est de façon générale en adéquation avec les conclusions
auxquelles en sont venus le groupe en 2019. Dans le mémoire du 31 mai 2022, eu
égard au projet de loi n° 38, nous avions exprimé des réserves dont va vous
faire part Monsieur Maclure.
• (10 h 10) •
M. Maclure (Jocelyn) : Merci
beaucoup, Nicole. Donc, lors de notre mémoire dans le cadre du projet de loi n°
38 ans, on avait exprimé quatre grandes réserves, dont une réserve importante
sur la notion de refus de recevoir l'aide médicale à mourir par une personne
qui est en situation d'inaptitude et qui aurai fait une demande anticipée
d'aide médicale à mourir auparavant, lorsqu'elle était apte. Une autre réserve
sur le rapport entre les souffrances détaillées, décrites dans la demande
anticipée versus les souffrances contemporaines, objectivables, vécues par une
personne en situation d'inaptitude. Une réserve aussi concernant la prise en
considération des personnes isolées, et une autre quant à l'implication des
proches dans la formulation d'une demande anticipée d'aide médicale à mourir.
Comme Me Filion l'a dit, le projet de loi 11 est nettement supérieur au projet
de loi n° 38 sur ces questions.
J'y reviens à tour de rôle, mais en
m'attardant à la question du refus, parce que je pense que c'est là où il
reste...
M. Maclure (Jocelyn) : ...l'ambiguïté
dans le projet de loi n° 11, même si cet enjeu-là est
mieux traité que dans le projet 38. Donc, pour être très spécifique, le
projet de loi n° 1, s'il est adopté en l'état, le
nouvel article 29.19 de la Loi concernant les soins de fin de vie inclura
les troisième et quatrième alinéas suivants. Donc, je cite le texte du projet
de loi :
«Tout refus de recevoir l'aide médicale à
mourir manifesté par la personne doit être respecté et il ne peut d'aucune
manière y être passé outre.
«Pour l'application du troisième alinéa,
une manifestation clinique découlant de la situation médicale de la personne ne
constitue pas un refus de recevoir l'aide médicale à mourir.» Fin de citation.
Donc, cette idée est très importante,
qu'il y ait une manifestation clinique qui découle de la situation médicale ne
constitue pas un refus. Donc ça, c'est vraiment un pas dans la bonne direction.
Les nouveaux articles 30.1 et 30.2 de
la loi se liront comme suit, si le p. l. n° 11
est adopté :
«Une demande anticipée ne devient pas
caduque du fait qu'un professionnel de compétent a conclu qu'il ne peut
administrer l'aide médicale à la mourir, à moins que cette conclusion ne
découle du refus de recevoir cette aide manifestée par la personne.
La proposition est qu'il faut préciser ce
qui constitue un refus.
«30.2. Lorsqu'un professionnel compétent
conclut qu'il ne peut administrer la médicale à mourir à une personne qui a
formulé une demande anticipée en raison du refus de recevoir cette aide
manifestée par la personne, il doit s'assurer que la demande est radiée dans
les plus brefs délais du registre établi en vertu de l'article 63.»
Donc, quand on met ces quatre
dispositions-là ensemble, je pense... on pense que ça peut créer un flou, une
incertitude dans l'application de la loi. Donc, on présume que la notion de
refus de recevoir l'aide médicale à mourir lorsqu'on est en situation
d'inaptitude, ça s'applique à une personne qui a perdu l'aptitude, hein, à
consentir à ces soins. Et c'est pour ça qu'elle aurait dû d'abord... une
demande anticipée d'aide médicale à mourir. Mais quel est le sens de refus
d'une personne qui m'est plus apte à évaluer les soins de santé qu'elle
souhaite recevoir? Ça ne peut pas être un refus issu d'une délibération
rationnelle sur les soins de fin de vie qu'elle souhaite. Ce serait un refus
qui se manifesterait sans doute par de la résistance, une certaine forme
d'agitation.
Évidemment, si c'est un refus qui est issu
d'un retour passager à la lucidité, la volonté doit être respectée. Et si la
personne dit qu'elle ne souhaite pas recevoir l'aide médicale à mourir, cette
demande doit être en fait radiée. Donc là, il n'y a pas d'enjeu éthique de ce
côté-là. Mais, si la personne demeure en situation d'inaptitude, donc là, il
faut se demander : Est ce que, bon, c'est un refus par rapport à quoi,
hein? Par rapport aux procédures mises en place par les professionnels de la
santé et, si c'est le cas, bien, on ne croit pas que ça devrait mener à la
radiation de la demande, hein. Peut-être qu'il faut reporter la procédure, peut
être que les circonstances ne sont pas appropriées, mais ça ne devrait pas
mener à un refus.
Donc, notre position, c'est que s'il y a
ce qu'on pourrait penser, on pense qu'il faudrait préciser. Est-ce que le refus
en question doit être A lorsque la personne n'est pas encore apte pour que la
demande soit radiée? Et je pense que c'est ça qui découle de l'esprit de la loi
lorsqu'on dit que le refus ne doit pas être une manifestation clinique de
l'état de la maladie. On pense que c'est sans doute ce que ça implique, mais ce
n'est pas clair dans la loi présentement. Sur le plan des souffrances
subjectives et versus objectives, on pourra reparler si vous voulez, le projet
de loi est plus satisfaisant. Je laisse la parole à Nicole pour les dernières
minutes.
Mme Filion (Nicole) : D'accord.
Nous avions aussi des remarques eu égard aux personnes totalement isolées.
Alors, nous avions, à l'époque, le groupe d'experts, exprimé une préoccupation
sur le sort de ces personnes-là. On était d'avis que l'impossibilité de
désigner un tiers ne devait pas pour autant compromettre le droit à
l'autodétermination de la personne qui a rédigé une demande anticipée. Nous
saluons le fait que le législateur dans le p. l. 11 ait considéré une
telle préoccupation en introduisant de nouveaux articles, en l'occurrence les
articles 29.6, 29.14 à 29.16.
À la lumière de ces articles-là, nous
comprenons qu'il peut y avoir un tiers de confiance ainsi qu'un second tiers de
confiance. Et malgré qu'ils soient tous deux dans l'impossibilité d'agir ou ne
pas avoir été identifiés dans une demande anticipée, un professionnel de
l'équipe de soins et même tout autre personne peut signaler aux professionnels
compétents la possibilité que la personne éprouve des souffrances. Nous sommes
très rassurés de ce fait-là et, selon nous, ça constitue un filet de sécurité
très appréciable pour que la personne qui peut continuer d'exercer son
autonomie malgré son inaptitude...
Mme Filion (Nicole) : ...Donc,
pour ce qui est des articles, nous sommes également d'avis qu'ils sont... ce
sont des remèdes suffisants pour répondre à une personne qui est isolée et qui
reçoit... Qui ne reçoit pas des soins en continu dans la mesure où lorsqu'une
personne reçoit un diagnostic grave et incurable, elle est généralement suivie
par une équipe soignante multidisciplinaire ou à tout le moins un médecin.
L'implication des proches selon la volonté
de la personne. Le p.l. prévoit, dans le cadre d'une demande contemporaine,
l'implication des provinces. Ça, de ce côté-là, ça ne pose aucun problème.
Là où on voit encore une problématique,
c'est dans le cadre d'une demande anticipée. Nous constatons à regret que
l'implication des proches n'est pas prévue dans les circonstances suivantes. Il
s'agit de quatre circonstances quand même importantes et je veux les identifier :
la survenance de l'inaptitude d'une personne qui a formulé une demande, lorsque
le professionnel procède à l'examen de la personne, lorsqu'elle paraît éprouver
des souffrances, lorsqu'il a effectué un examen et qu'il rend ses conclusions
ou lorsqu'il est temps pour le professionnel compétent de poser un geste aussi
radical que l'aide médicale à mourir, soit avant de procéder à
l'administration. Donc, l'implication, on constate que l'implication des
proches est abordée uniquement lorsque le professionnel invite la personne à
s'entretenir avec ses proches, lorsqu'elle formule sa demande, à
l'article 29.4. Donc, on pense qu'il y aurait lieu pour le législateur de
considérer sérieusement cette question-là.
En conclusion, nous accueillons
favorablement les dispositions du projet de loi qui portent sur la possibilité
d'une personne qui reçoit un diagnostic de rédiger une demande anticipée d'aide
médicale à mourir. On croit que ces dispositions-là favorisent le droit à
l'autodétermination des personnes quant aux soins de vie qu'elles souhaitent
obtenir, tout en protégeant les personnes qui sont éminemment vulnérables,
soient celles qui se trouvent en situation d'inaptitude. Cependant, on croit
que les dispositions concernant les refus de recevoir l'aide médicale à mourir
gagneraient à être clarifiées et qu'on pourrait prévoir une implication plus
grande des proches, en particulier ceux qui ne jouent pas le rôle de tiers de
confiance, évidemment, dans la mesure où la personne malade en a exprimé la
volonté de manière explicite ou tacite. Merci de votre attention.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, madame Filion. Merci, monsieur Maclure.
Alors, nous allons entamer la période d'échange avec les parlementaires. Je
vais donc céder la parole à la banquette de la ministre. Vous aurez un temps
total de 15 minutes 30 secondes. La parole est à vous.
Mme Bélanger : Alors, je vais
débuter et, si mes collègues veulent poursuivre, naturellement, vous êtes les
bienvenus.
D'abord, merci beaucoup, Maître Filion et
monsieur Maclure, pour votre exposé. Merci pour le dépôt du mémoire. En fait,
et ce que je constate, c'est que le p.l. no 11 semble répondre en grande
partie de façon satisfaisante, là, aux préoccupations qui ont été énoncées lors
de l'étude du projet de loi no 38 et lors du précédent mémoire. Moi, j'ai
peut-être une question qui m'interpelle davantage, c'est sur la notion de
refus. Vous avez parlé tantôt de la notion de reflux et qu'arrive-t-il au
moment où la personne n'est plus apte à consentir, comment interpréter que la
personne refuse maintenant d'aller de l'avant avec l'aide médicale à mourir,
j'aimerais vous entendre davantage sur cette notion.
• (10 h 20) •
M. Maclure (Jocelyn) : Merci
beaucoup, Mme la ministre. Oui, c'est un enjeu extrêmement difficile. Vous êtes
peut-être au fait d'un cas aux Pays-Bas où une personne qui avait à répétition
réitéré une demande anticipée d'euthanasie, dans ce cas-là, avait très, très
souvent réitéré sa volonté. Mais, au moment de l'administration de
l'euthanasie, a résisté, a éprouvé un malaise, et, bon, les professionnels
de... soignants étaient dans une certaine détresse, hein, ne savaient pas
comment gérer cette résistance. Et c'est le genre de situation, effectivement,
qu'on veut éviter. Mais, bon, il faut se rappeler que, si on permet les
demandes anticipées d'aide médicale à mourir, c'est pour respecter la volonté
de la personne lorsqu'elle était en pleine possession de ses facultés
rationnelles, qui a réfléchi à ce qu'elle souhaitait pour sa fin de vie, a
exprimé la volonté d'avoir accès à l'aide médicale à mourir une fois, hein,
qu'elle...
M. Maclure (Jocelyn) : ...une
fois qu'elle serait en situation de souffrance, hein, réfractaire aux
traitements, avec un déclin irréversible, et ainsi de suite. Donc, si on en
arrive à la conclusion qu'il faut radier une demande, il faut s'assurer, hein,
que ça vienne vraiment de la volonté de la personne et que ça ne soit pas une
manifestation de son état de santé à ce moment-là, une fois qu'elle a perdu les
moyens de réfléchir de façon rationnelle à ce qu'elle souhaite pour sa fin de
vie.
Donc, je pense que ça prend un protocole
clinique très clair. Comment on administre une AMM à une personne en situation
d'inaptitude? Quelles sont les bonnes pratiques? Et, s'il y a de la résistance,
on peut arriver à la conclusion que ça devrait être reporté à un autre moment.
Mais, s'il y a une radiation de la demande, je pense que ça doit être lors de
s'il y a un retour à la lucidité, hein? Ça peut arriver aussi. Si la personne
est redevenue apte à évaluer ce qu'elle souhaite pour elle-même, donc là, il
faut effectivement respecter sa volonté. Mais, si c'est des symptômes
cliniques... Et la notion de refus, dans le projet de loi, n'est pas précisée,
là. Est-ce que c'est en situation d'aptitude ou est-ce que ça inclut des
situations d'inaptitude? Et, si c'est le cas, ça me semblerait problématique.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...à vous.
Mme Bélanger : O.K. Oui.
Alors... bien, écoutez, peut-être... Ce que je comprends, dans le fond, c'est
qu'on doit s'assurer que les professionnels soient en mesure de bien faire la
différence entre un refus de soins versus une résistance aux soins. Et ce que
vous recommandez, c'est que, dans l'élaboration d'un protocole, il y ait des
signes cliniques ou des manifestations, là, pour guider les professionnels dans
leurs décisions et... dans leur évaluation d'abord et dans leurs décisions par
la suite. Est-ce que c'est bien ça?
M. Maclure (Jocelyn) : C'est
exactement ça. Et, si possible, est-ce que le refus qui suppose l'aptitude? Je
pense que, logiquement, ça devrait être le cas. Sinon, ça devrait être
interprété comme une résistance.
Mme Bélanger : O.K. Ça va
pour moi, oui.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, merci beaucoup, madame Mme la ministre. On a une
question de Mme la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Bonjour,
merci d'être présent avec nous aujourd'hui. Moi, je reviens sur la question de
refus. Est-ce qu'on devrait l'aborder dans la... Quand il est question de
remplir la demande anticipée, est-ce que la personne devrait dire : Bien,
moi, même s'il y a un refus, je souhaite qu'on aille au bout ou, non, si vous
voyez qu'il y a un refus, je ne veux pas? Est-ce que cette cet aspect-là
devrait d'emblée être mentionné dans le formulaire de demande, d'après vous?
M. Maclure (Jocelyn) : Nicole,
est-ce que tu veux intervenir ou tu...
Mme Filion (Nicole) : Je te
laisse continuer sur ta lancée.
M. Maclure (Jocelyn) : O.K.
Parfait. Je pense qu'il faut d'abord élaborer le protocole clinique avant de
pouvoir répondre à cette question-là. Entre autres, dans ce protocole, on va
déterminer quel est... quelles sont les bonnes pratiques eu égard à l'utilisation
de sédatifs, hein, de calmant, qu'est-ce qui se fait présentement lors de
l'administration de soins à des personnes en situation d'inaptitude. Et, une
fois qu'on aurait répondu à ces questions, élaborés le protocole, je pense
qu'après on pourrait revenir à cette question. Parce que, si ça fait déjà
partie du protocole de donner quelque chose pour calmer la personne qui ne
comprend pas ce qu'il se passe, bien, la... c'est... je pense qu'on peut
respecter la volonté qu'elle a exprimée antérieurement. Mais, bon, est-ce qu'on
devrait encourager les personnes à préciser quoi faire si leur soi
contemporain, là, est en situation d'agitation? Je pense qu'on ne perd rien de
le faire, mais je pense qu'il faut d'abord réfléchir au protocole clinique à
mettre en œuvre dans ces situations-là.
Mme Guillemette : Parfait,
merci. J'aurais peut-être une dernière question avant de passer la parole à mes
collègues. Pour vous, on parle de souffrance contemporaine, de souffrance
anticipée. Pour vous, est-ce que la souffrance psychologique qui serait
anticipée par quelqu'un... et là je comprends que ce n'est pas, bien, lorsque
je ne reconnaîtrai plus mes proches, lorsque je serai incontinent, mais
vraiment une souffrance qu'elle aura identifiée comme psychologique. Est-ce
que, pour vous, c'est admissible à la notion de souffrance ou c'est vraiment
une souffrance physique, pour vous, qui devrait être admise?
M. Maclure (Jocelyn) : Je
pense que, dans les demandes anticipées, dans la description...
M. Maclure (Jocelyn) : ... de
ce qui va constituer des souffrances intolérables, je pense que, bon, la
personne peut décrire ce qu'elle ressent quand même comme étant des souffrances
qu'elle souhaite éviter.
Mais, bon, vous vous rappelez, le sens de
notre recommandation était qu'on évite de procéder trop tôt à une aide médicale
à mourir pour éviter qu'elle soit administrée dans une situation de démence
relativement paisible ou plutôt heureuse. Et ça, c'est compatible avec le fait
qu'on ne reconnaisse plus ses proches, hein? Donc, je pense que, dans la
demande anticipée, la personne peut décrire sa propre perception, mais elle
doit, au moment de l'administration, être en situation de souffrance
objectivable, là. Il faut voir qu'elle n'a plus de qualité de vie, qu'elle
souffre, et ça peut inclure des souffrances psychiques aussi et physiques.
Nicole, je ne sais pas si tu voulais
ajouter quelque chose.
Mme Filion (Nicole) : Bien,
je fais un petit peu du pouce sur l'implication des proches. Je pense que
l'implication des proches est très importante en ce sens où les proches sont
une mine d'informations très, très riche, entre autres, justement, pour décoder
des signaux de souffrance chez la personne malade qui sont souvent des
souffrances d'ordre psychologique, par exemple la peur, de l'anxiété, de la
détresse. Alors, je pense que ce serait intéressant de ne pas se priver des
proches qui peuvent vraiment aiguiller le professionnel sur des souffrances
qu'il a à observer de façon tout à fait objectivable. Voilà.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Est-ce que j'ai d'autres questions? Il
reste six minutes de 50 secondes. Mme la députée de Châteauguay, la parole
est à vous.
Mme Gendron : Bonjour, Me
Filion, Monsieur Maclure. Merci d'être avec nous ce matin puis de nous
permettre ces belles discussions. En fait, je vais faire un peu du pouce sur ce
que vous avez dit, Me Filion. Je veux aller y voir un petit peu plus la
notion... Vous avez noté, en fait, de demander de l'implication des proches,
que l'implication des proches devrait être plus intégrée à la démarche. Est-ce
que vous avez une piste d'idées ou des exemples à nous fournir, s'il vous
plaît?
Mme Filion (Nicole) : Oui,
absolument. Je veux d'entrée de jeu vous dire qu'il faut que la personne malade
ait exprimé explicitement ou tacitement une volonté, hein, de voir ses proches
impliqués. Peut-être qu'elle a choisi délibérément de ne pas vouloir impliquer
les proches pour toutes sortes de raisons qui lui appartiennent. Cependant, je
pense que le législateur devrait étudier l'option que, dans la loi, y figure un
article qui énonce, si on veut, un principe général qui pourrait stipuler qu'à
moins qu'il y ait l'expression d'une volonté à l'effet contraire provenant de
la personne inapte, les proches devraient être considérés ou pris en compte
dans une démarche de demande anticipée d'aide médicale à mourir.
Personnellement, je crois que, si on ne prévoit pas une telle disposition, je
crains que la loi soit malheureusement appliquée au pied de la lettre et elle
pourrait causer des préoccupations aux proches aidants et à la famille qui
entourent la personne dans la dernière phase de sa maladie.
Je pense que... Je réitère le fait que la
place du tiers de confiance est prépondérante dans le cadre de la demande
anticipée, et c'est très bien ainsi, je ne remets pas en question. Au
contraire, dans notre recommandation, je crois que c'était la recommandation
sept du rapport du groupe d'experts déposé en novembre 2009, nous en avions
fait une question prépondérante. Cependant, je pense qu'il devrait y avoir lieu
de trouver une place, minime soit-elle, dans la loi aux proches, sous réserve
de la volonté exprimée de façon tacite ou exprès de la personne malade.
• (10 h 30) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres questions?
Mme Gendron : Bien, si vous
pouvez me permettre, j'aimerais juste préciser quelque chose. Donc, j'entends
que vous désireriez qu'on s'informe auprès des proches si la procédure doit
être faite à un moment donné. Est-ce que c'est ce que je comprends?
Mme Filion (Nicole) : Pas
tout à fait. En fait, d'entrée de jeu, il faudrait voir la volonté de la
personne. Ça, c'est la première chose à faire au moment où elle formule sa
demande anticipée d'aide médicale à mourir. Souhaite-t-elle ou non
l'implication de ses proches? Elle a le droit de ne pas souhaiter l'implication
de ses proches, et c'est son choix...
10 h 30 (version non révisée)
Mme Filion (Nicole) : Ceci
étant dit, on voit beaucoup dans les dispositions de la loi, dans le cadre d'une
demande anticipée, l'implication du tiers de confiance. J'en suis tout à fait d'accord
avec ça. Mais, si vous lisez les dispositions, vous allez voir que les proches
ne sont pas là autrement que dans l'application de l'article 29.4, au moment où
la personne formule sa demande et que le professionnel compétent l'invite, si
elle le souhaite, à consulter ses proches. Mais, tout le long du processus menant
à... jusqu'à l'administration de l'aide médicale à mourir, les proches n'y sont
pas. Alors, je pense que ce serait bien qu'on ait une clause de nature générale
pour voir, toujours sous la base de la même réserve que je viens de vous
expliquer, si des proches pourraient ou pas être considérés dans la démarche d'une
demande anticipée d aide médicale à mourir.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Je pense qu'on a une question de Mme la ministre.
Mme Bélanger : En fait, je pense
que la discussion est fort pertinente. La notion de proche, elle est
importante, on le sait, là, quand on... tout au long de notre vie, en
particulier quand on arrive en fin de vie. Mais est-ce que vous ne craignez pas
qu'il y ait un problème de confusion des rôles entre le tiers de confiance et
les proches? Parce qu'on sait très bien qu'une personne pourrait choisir un
tiers de confiance - on suppose qu'elle fait confiance, donc qu'elle est proche
- mais quelle serait la nuance entre une personne qui choisit un tiers de
confiance qui est une amie, par exemple, versus les proches, qui sont les
enfants? Est-ce qu'il n'y aurait pas un risque, en amenant la notion de proche,
si on ne le définit pas, de créer, je dirais, de l'incertitude par rapport au
rôle que doit avoir le tiers de confiance?
Mme Filion (Nicole) : Je peux
répondre à ça, en ce sens où le tiers de confiance n'est pas un mandataire. Ce
n'est pas lui qui décide, ce n'est pas un tuteur, ce n'est pas un curateur, c'est
une personne qui souvent a gagné la confiance, évidemment, de la personne
malade et peut attirer l'attention du personnel médical sur, par exemple, les
souffrances que la personne malade éprouve.
Quant aux proches, quant à moi, ils
peuvent avoir un rôle tout à fait complémentaire, c'est-à-dire... souvent ce
sont des proches aidants. Les tiers de confiance ne sont pas nécessairement des
proches aidants. Mais les proches peuvent témoigner de l'histoire de la
personne malade, rapporter son vécu, ses valeurs, les facettes de son existence
et ils peuvent, et c'est quelque chose à ne pas négliger, témoigner des
volontés que la personne malade a déjà exprimées par le passé, de ce que ça...
ce qu'elle souhaitait comme mort digne. Alors, je ne vois pas de conflit entre
les deux rôles, et, ceci étant dit, je reviens sur le fait que la personne peut
très bien choisir de ne pas impliquer, de ne pas vouloir impliquer ses proches,
et quant à moi c'est tout à fait acceptable, si c'est de sa volonté.
Je ne sais pas, Jocelyn, si tu veux compléter.
M. Maclure (Jocelyn) : Bien,
peut-être juste pour dire que... je pense...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Le temps est écoulé, je m'excuse.
M. Maclure (Jocelyn) : Parfait.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Le temps est écoulé pour la partie du gouvernement. Par
contre, on va continuer ces discussions fort intéressantes avec la députée de
Westmount-Saint-Louis. Votre temps est de 9 min 54 s.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bien, je vais prendre la balle au bond, parce que les questions
sont très pertinentes. Quand on parle de... le rôle de tiers de confiance, je
pense que c'est très important, puis vous soulevez vraiment quelque chose qui
est important souvent dans la vie de la personne concernée, puis, je suis d'accord,
ce n'est pas le proche aidant ou la personne qui est désignée comme tiers de
confiance qui va administrer l'aide médicale à mourir, c'est eux qui vont
peut-être soulever le questionnement : Est-ce que ma mère, est-ce que mon
ami, est-ce que la personne dont je suis responsable est rendue à un point où
nous devons se préoccuper de la demande anticipée? Et j'ajoute que dans les
statistiques, 27 % de l'aide médicale à mourir qui est administrée est
faite à domicile. Ça, c'est les statistiques de 2020-2021. C'est quand même
40 % des demandes. Alors, est-ce que c'est... C'est important.
D'abord, comment nous devons le baliser
dans la loi pour que le rôle de tiers de confiance soit vraiment pris en
considération? Est-ce que, selon vous... Parce que, moi, je suis...
Mme Maccarone : ...heureuse
que vous nous accompagniez toujours dans ce processus. Vous êtes là vraiment
depuis le début. Comment l'élaborer dans la loi pour que ça soit clair, le rôle
de cette personne? Est-ce qu'on dit que c'est eux qui devraient peut-être,
s'ils sont nommés, être le précurseur? Parce qu'on veut respecter l'autonomie
de la personne concernée.
Mme Filion (Nicole) : Vas-y,
Jocelyn. Je te cède la parole.
M. Maclure (Jocelyn) : Bien,
très brièvement, parce que, vraiment, Me Filion était au Curateur public avant,
puis c'est vraiment une experte dans le domaine, mais je pense que les
dispositions actuelles qui concernent le tiers de confiance sont en adéquation
avec l'esprit de nos recommandations. C'est une personne qui n'a pas un droit
de veto, c'est une personne qui attire l'attention de l'équipe soignante, qui
est aussi une mine d'informations, et ainsi de suite, mais sans avoir de droit
de veto. Et on est heureux qu'il y ait un deuxième tiers de confiance qui
puisse être désigné aussi.
Ceci étant dit, la personne peut avoir été
accompagnée par plusieurs proches pendant tout ce processus et peut-être qu'une
application trop stricte ou étroite de la loi pourrait convaincre un médecin,
par exemple, de simplement s'entretenir avec un tiers de confiance, alors qu'il
y avait peut-être des enfants, des frères et soeurs aussi qui ont toujours été
impliqués. Je pense que c'est l'esprit de la recommandation de Me Filion.
Mme Maccarone : Et je présume
que la notion aussi de s'assurer que le tiers de confiance... que ça soit clair
que... Exemple, si les professionnels qui entourent la personne concernée
disent que nous... pensent que nous sommes rendus à un moment où nous, selon la
demande anticipée, nous devons poursuivre parce que l'état de la personne est
rendu à un point où on peut administrer les soins de fin de vie, mais le tiers
de confiance dit : Non, non, je ne suis pas d'accord. Est-ce que ça aussi,
c'est une leçon que nous devons aussi élaborer dans la loi pour assurer qu'on
respecte aussi le droit et l'autonomie de la personne qui a fait la demande
anticipée?
Mme Filion (Nicole) : Je dois
vous dire que 29.6 vient bien camper les responsabilités du tiers de confiance
dans la demande anticipée, notamment d'aviser le professionnel de la santé
lorsqu'il croit que la personne éprouve des souffrances telles qu'elles sont
décrites dans la demande. Et, à partir de ce moment-là, il y aura... ce que
j'en ai compris, évidemment, il y aura l'entrée en scène du professionnel de la
santé qui va procéder à un examen. Donc, dans le fond, le tiers de confiance,
c'est celui qui lève le drapeau rouge, qui va dire aux gens, l'équipe
médicale : Écoutez, moi, j'ai comme l'impression, puis c'est bien campé à
29.6, que la personne souffre et je demande à ce qu'est un examen qui soit
réalisé. Et ça aussi, tout l'aspect examen par le professionnel compétent tout
à fait bien campé dans le projet de loi, là, 11. Donc...
Mais, ceci étant dit, je pense que l'entrée
en scène d'un tiers de confiance ne devrait pas nécessairement vouloir dire
qu'on exclut de façon radicale l'implication des proches. Et, quand je parle
d'implication des proches, là, c'est peut-être juste de les tenir informés de
ce qui se passe, point à la ligne.
• (10 h 40) •
M. Maclure (Jocelyn) : Si je
peux ajouter quelque chose, c'est une très bonne question, je pense qu'on
pourrait décider de procéder à l'aide médicale à mourir suite à un examen des
professionnels de la santé. C'est possible qu'un tiers de confiance considère
que ça ne soit pas le... ça soit trop rapide, et il faut prendre son point de
vue au sérieux aussi, mais c'est... L'esprit de notre recommandation, c'était
d'abord une mesure de protection supplémentaire au cas où les professionnels de
la santé ne seraient pas au fait qu'il y aurait une demande anticipée ou aurait
perdu de vue qu'il y en a une, il peut y avoir quelqu'un qui dit : Bien,
écoutez, là, mon proche souffre vraiment, c'est peut-être le temps d'exécuter
sa volonté.
Mais, si le tiers, lui, n'est pas prêt
mais que les médecins et les personnels soignants considèrent que là l'état
s'est beaucoup dégradé, la personne est en souffrance constante, ça peut
justifier aussi l'administration de l'aide médicale à mourir. Il n'y a pas un
droit de veto, là, du tiers de confiance ni dans la loi ni dans l'esprit de nos
recommandations.
Mme Maccarone : Je veux
retourner sur la notion de leur refus. Parce que, selon vous, dans votre
mémoire puis dans vos remarques, si j'ai bien saisi, vous, vous pensez que nous
devons ajouter une définition de la notion de refus dans la loi. Ça prend un
article pour que ça soit plus clair. Oui?
M. Maclure (Jocelyn) : Oui,
parce que, présentement, on peut interpréter les dispositions comme...
M. Maclure (Jocelyn) : ...refus
pouvant être exprimé en situation d'inaptitude. Et, si c'est le cas, là il y a
une ambiguïté, parce qu'en même temps, on dit que si c'est une manifestation
clinique de la maladie, ça ne doit pas être vu comme un refus. Alors, est-ce
que ça signifie que c'est simplement en situation d'aptitude qu'il puisse y
avoir un refus? Et là, le texte ne le dit pas. Il y a une sorte de
sous-détermination et ça pourrait créer peut-être une certaine confusion pour
les cliniciens.
Mme Maccarone : Sauf que,
dans votre mémoire, vous n'avez pas fourni une définition de c'est quoi, un
refus. Alors, je vous vois sourire, évidemment, ce n'est jamais trop tard.
Nous, on est prenants pour les amendements. Mais je pense que ça va être
important si vous pouvez vous exprimer en ce qui concerne la notion, puis ça
devrait avoir l'air de quoi dans la loi. Parce que je vous soumets aussi, on
parle de refus, mais on n'a pas parlé de démence heureuse, que nous savons
tous, surtout, on a tous entendu les témoignages de par exemple madame de
Montigny, qui a passé beaucoup aux nouvelles lors de la commission spéciale
aussi. Si c'est clairement indiqué dans une demande anticipée, c'est fait... On
a fait la recommandation de faire des témoignages par vidéo, par exemple, si
c'est clairement indiqué que, peu importe, si j'arrive à un tel moment puis je
dis : pour moi, là, ça, c'est un refus, si je suis rendu à un moment dans
ma vie où c'est une démence heureuse, mais je souhaite quand même poursuivre,
est-ce que, ça, ça peut faire partie d'une définition que nous avons besoin de
la loi aussi? Parce que c'est rendu à un point où, moi, mon autodétermination,
mon choix, c'est de ne plus vivre parce que ce n'est plus moi, rendu à ce
moment-là. Mais comment est-ce qu'on peut équiper aussi le corps professionnel?
Parce que, c'est sensible, c'est humain, c'est difficile, c'est catégorisé pour
moi aussi comme un type de refus.
M. Maclure (Jocelyn) : Oui.
Un des choix que le groupe d'experts a fait, c'est d'exclure l'administration
d'aide médicale à mourir pour des personnes en situation de démence
relativement heureuse et paisible, hein? C'est... ça a été une des grandes
questions qu'on avait à... Sur laquelle on devait se prononcer, une des plus
complexes, et on considère que tous les autres critères qui donnent accès à
l'AMM doivent être respectés lors de l'administration. Donc, il doit y avoir
souffrance persistante, réfractaire aux traitements, il doit y avoir un déclin
irréversible de la maladie, et avancé, donc ça exclut ces moments de démence
heureuse. Même si une personne inscrivait dans une demande anticipée que,
lorsque je reconnais plus mes proches, même si j'ai l'air d'être dans un
certain bien-être, c'est à ce moment-là que je voudrais l'AMM, nos
recommandations, c'est que, non, ça, c'est trop tôt parce que la personne
devenue inapte acquiert des nouveaux intérêts à ce moment-là, a un certain
bien-être, on veut lui permettre de vivre cette période-là avant de passer à
l'administration d'un soin, hein, qui est l'aide médicale à mourir. Donc, ça
exclut déjà ce genre de possibilité là. Et évidemment, là, je parle en mon nom,
parce que, le groupe, on n'a pas été dans le fin détail là-dessus. Pour moi, un
refus doit... Qui mène à une radiation de la demande doit être issu d'une
réflexion rationnelle sur les soins qu'on se souhaite. Donc, ça doit être en
situation d'inaptitude. Si c'est de la résistance en situation d'inaptitude, ça
peut mener au report de la procédure et non pas à la radiation. Mais, ça, c'est
mon point de vue personnel, hein, je ne m'exprime pas au nom du groupe sur
cette question.
Mme Maccarone : Merci. Est-ce
qu'il reste du temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Dix secondes pour une petite question rapide, rapide.
Une voix : Je pense qu'on va
laisser faire.
Mme Maccarone : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : On va laisser faire. Merci beaucoup. Alors, on est
maintenant... Merci beaucoup pour ces réponses. On est maintenant rendus à la
députée de Sherbrooke. Vous bénéficiez de trois minutes 18 secondes.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Je vais poursuivre sur la question de tiers de confiance parce que
vous nous amenez à réfléchir à l'implication de davantage de proches, là. Le
projet de loi prévoit deux tiers de confiance, est-ce qu'il y a une raison pour
laquelle on devrait limiter le nombre de tiers de confiance? Par exemple, une
personne qui désigne son mari mais qui a plusieurs enfants, si son mari décède
entre-temps, on va se retrouver sans tiers de confiance. Est-ce qu'une personne
ne pourrait pas avoir le droit de nommer sans qu'il y ait nécessairement une
limite au nombre de tiers de confiance qui pourraient être habilités à lever le
drapeau sur sa souffrance?
Mme Filion (Nicole) : Je
crois que le projet de loi no 11 prévoit un tiers de confiance et un
second tiers de confiance, tout ça dans le but de pouvoir s'assurer que la
condition de la personne malade soit considérée en temps utile, alors qu'elle
exprime des souffrances, et cetera, et cetera. Et je pense que le projet de loi
no 11 répond très bien et davantage de ce que répondait le projet de loi
no 38 sur cette question-là, à savoir au-delà des...
Mme Filion (Nicole) : ...tiers
de confiance, on responsabilise en quelque sorte, si je peux m'exprimer ainsi,
aussi es professionnels de l'équipe soignante et aussi toute autre personne qui
pourrait être témoin de souffrances qu'exprime.... Donc, tout ça pour lever le
drapeau, comme je le disais tout à l'heure et pour s'assurer que la personne
sera prise en charge par le professionnel compétent qui, dès lors, va procéder
à l'examen de la personne selon les prescriptions, là des articles 29.12
et suivants. Donc, quant à moi, c'est suffisant parce qu'il y a un filet de
sécurité qui vient entourer la personne.
Mme Labrie : Est ce que, M.
Maclure, vous souhaitez vous exprimer aussi sur...
M. Maclure (Jocelyn) : Ça va
pour moi.
Mme Labrie : O.K. Bien, vous
nous dites que c'est suffisant, mais je me permets de vous poser quand même la
question parce qu'on peut imaginer tout un paquet de situations pour lesquelles
il pourrait arriver quelque chose, ou même l'inaptitude de la personne qui est
nommée tiers de confiance entre temps, et donc que ce ne soit pas possible d'en
nommer un nouveau. Une personne peut avoir plusieurs enfants, être déchirée par
rapport à quel tiers de confiance nommé, c'est comme choisir entre ses enfants.
Ça m'apparaît assez difficile comme décision à prendre. Je ne vois... j'ai de
la misère à comprendre pourquoi il faudrait que ce soit limitatif le nombre de
tiers de confiance. J'ai bien compris leur rôle, mais j'ai de la difficulté à
comprendre pourquoi il faudrait que ce soit limitatif le nombre de personnes
qu'on demande de choisir pour être un tiers de confiance. Est-ce que vous avez
une piste d'explication pour moi, pour ça?
Mme Filion (Nicole) : Bien.
En fait, dans l'hypothèse que vous exposez, l'autre... le frère ou l'autre
soeur, ou l'autre enfant pourrait très bien à titre de personne, non pas
nécessairement à titre de tiers de confiance, signaler la condition de son
proche au professionnel compétent. Donc, peu importe le chapeau qu'il porte. Je
pense que le législateur, dans le projet de loi, a prévu fermer toutes les
portes pour ne pas que la personne soit privée d'un traitement ou d'un examen
par le professionnel compétent, et là je fais le parallèle un peu avec le
mandat de protection qu'on appelait par ailleurs le mandat en cas d'inaptitude.
Il y a des précisions sur...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Me Filion...
Mme Filion (Nicole) : Oui?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...je suis désolée, je dois vous demander d'arrêter. Le
temps réparti est arrêté pour la députée de Sherbrooke. Je dois maintenant
laisser le temps de parole à la députée de Laviolette-St-Maurice pour une
période également de 3 min 18 s.
• (10 h 50) •
Mme Tardif : Merci. Merci
d'être là, merci de vous être penchés, là, sur ce projet de loi qui est très
important.
Corrigez-moi si j'ai malentendu, mais de
manière générale, je constate que vous êtes en accord avec l'esprit du projet
de loi, avec l'esprit de l'élargissement de cette loi. Je me posais des questions
aussi par rapport au refus, parce qu'on entend beaucoup parler de démence
heureuse. Mes collègues en ont parlé. Vous nous conseillez donc d'ajouter un
article, dans la loi, pour bien définir ce qu'est un refus. Et à ça, je crois
que nous allons y réfléchir sérieusement. C'est un bon point.
Je suis aussi confortable avec le fait que
vous nous dites d'impliquer davantage les proches aidants, mais je me pose
aussi la question à savoir... et on sait comment ça fonctionne, là, ce sont des
moments extrêmement émotifs. Et quand une personne est malade, et s'il y a le
tiers qui a été nommé par la personne malade et ses proches aidants, comment
bien définir le rôle de chacun pour ne pas justement engendrer de la chicane?
Et comment... Je dirais même par rapport aux intérêts des proches, parce que
les proches, souvent, vont avoir un intérêt. Malheureusement, disons-le, mais
ca sera parfois des intérêts pécuniers. Donc, il faut jauger nos articles de
loi, et ce n'est pas facile, et je vous demande votre aide par rapport à ça. Et
j'aimerais vous entendre aussi par rapport à... vous avez parlé de l'insistance
sur la description subjective, et c'est très important, là, de détailler les
souffrances. Ce n'est pas une mince affaire non plus, mais au point de vue
médical, ça se fait. Comment détailler? Donc, j'ai une question avec deux
volets.
M. Maclure (Jocelyn) : Très
bien. Mais merci de votre question. Brièvement, sur...
M. Maclure (Jocelyn) : ...sur
la notion de refus. Je pense que ça pourrait être un alinéa dans l'article
disant qu'un refus ne doit pas être une manifestation directe de la maladie,
une manifestation clinique. Donc, on pourrait ajouter alinéa disant qu'un refus
doit être exprimé dans une situation de... un état lucidité ou en situation d'aptitude.
Sur la question des souffrances, et je
vais laisser l'autre question à Nicole, dans le projet de loi antérieur, 38, on
insistait très lourdement sur la description suggestive antérieure, là, dans la
demande anticipée des souffrances qui ne seront pas acceptables à nos yeux
lorsqu'on sera en situation d'inaptitude. Le problème avec cette insistance
était que plusieurs personnes, on le sait, hein, n'ont pas envie d'être
dépendantes, de dépendre lourdement des proches, de ne plus les reconnaître,
d'être placées en centre d'hébergement de longue durée, et ainsi de suite. Mais
tous ces symptômes-là sont compatibles avec un certain bien-être et on veut
s'assurer que l'aide médicale à mourir soit administrée au moment où il y a des
souffrances contemporaines objectivables par des professionnels de la santé. Et
là le projet de loi atteint un meilleur équilibre entre les deux souffrances,
là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Le temps est écoulé. Je vous laisse quelques secondes pour
répondre à l'autre partie, mais le temps est déjà écoulé. Très rapidement, s'il
vous plaît.
Mme Filion (Nicole) : Écoutez,
pour répondre brièvement, les articles 29.6, 29.14 ou 29.15 et 29.16,
viennent bien camper le rôle du tiers de confiance. Je pense que ça n'exclut
pas l'implication des proches si telle est la volonté de la personne malade. Et
le rôle du tiers de confiance est d'abord et avant tout d'aviser le
professionnel de la santé s'il croit que la personne éprouve des souffrances et
aussi pour l'aviser de l'existence de la demande. Alors, je pense que le projet
de loi n° 11 vient bien répondre au rôle du tiers de confiance, avec une
petite réserve sur l'implication des proches que j'ai exprimée tout à l'heure.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Me Filion, M. Maclure, merci énormément au
nom des parlementaires et des membres de la commission, du personnel également,
pour votre présentation et surtout pour votre contribution à nos travaux.
Alors, je vais suspendre quelques
instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 10 h 54)
(Reprise à 10 h 57)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos
travaux. Nous sommes maintenant rendus au deuxième groupe de la journée, qui
est représenté par madame Sylvie Grenier, directrice générale, et madame Nouha
Ben Gaied, directrice, Recherche, et développement, et qualité de services, à
la Fédération québécoise des sociétés d'Alzheimer.
Alors, je vous rappelle que vous avez une
période de 10 minutes, mesdames, pour notamment vous représenter... vous
présenter, et ensuite pour votre exposé. La parole est à vous.
Mme Grenier (Sylvie) : Merci
beaucoup. D'abord, Mme la ministre des Aînés et des proches aidants, Mme la
Présidente de la commission, Mesdames les députées, merci de nous accueillir et
de nous permettre de prendre part à la consultation publique entourant le
projet de loi n° 11, qui vise notamment à étendre l'aide médicale à mourir aux
personnes inaptes.
Je me présente, Sylvie Grenier, comme vous
l'avez fait... comme vous l'avez dit, Sylvie Grenier, directrice générale de la
Fédération québécoise des sociétés Alzheimer, porte-parole des 20 sociétés
Alzheimer du Québec, qui, elle, offre aux 170 000 Québécois qui vivent avec
troubles cognitifs et leurs proches aidants de l'information, du soutien
psychosocial, de la formation et du répit. Je suis accompagnée aujourd'hui par
ma collègue, Dre Noha Ben Gaied, qui, elle, est directrice de recherche et
développement de la qualité des services. Le hasard fait parfois bien des
choses, notre horaire a été modifié, on a l'opportunité aujourd'hui d'être
parmi les premiers à s'entretenir avec vous.
Le projet de loi permettant d'encadrer
l'élargissement de l'aide médicale à mourir était très attendu, surtout à la
suite des recommandations de la Commission des soins de fin de vie, et de
l'avis de plusieurs experts, et de l'acceptation sociale au sein de la société
québécoise.
La FQSA avait d'ailleurs déploré que les
discussions autour du projet de loi n° 38 aient menées... aient été menées en
fin de session parlementaire en juin 2022. Nous sommes ravies de voir que très
rapidement, Mme la ministre, vous avez agi en déposant un nouveau projet de
loi, pour discuter d'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes
inaptes dans des conditions plus sereines, sans pressions temporelles, pour
laisser la place à la réflexion et à des discussions avec l'ensemble des
groupes concernés, et cela, dans un contexte transpartisan.
La FQSA a été partie prenante de
l'ensemble des consultations publiques, forums ou commissions parlementaires
entourant l'élargissement de l'aide médicale à mourir, et nous tenons, d'ores
et déjà, à mentionner que la fédération accueille favorablement les énoncés
généraux du projet de loi du projet de loi, soit :
• (11 heures) •
Que des personnes atteintes d'une maladie
grave et incurable menant à l'inaptitude à consentir aux soins puissent
formuler une demande anticipée d'aide médicale à mourir;
Que des infirmières praticiennes soient
habilitées à administrer la sédation palliative en continu et aux infirmières
de constater le décès;
Que l'AMM puisse être rajoutée à l'offre
de services des maisons de soins palliatifs;
Que le concept de mort raisonnablement
prévisible soit supprimé du projet de loi, au profit du concept global de soins
de fin de vie;
Qu'un groupe interdisciplinaire d'experts
soit sollicité, au besoin, par l'équipe soignante;
Que la demande anticipée d'AMM soit
notariée et consignée dans un registre commun, au même titre, en fait, que les
directives médicales anticipées.
La charte des droits et des personnes
atteintes de troubles cognitifs majeurs stipule, comme premiers droits à respecter,
d'avoir accès aux mêmes droits que l'ensemble des Canadiens. Cela passe
notamment par leur inclusion dans l'ensemble des lois qui régissent notre...
11 h (version non révisée)
Mme Grenier (Sylvie) : ...société.
Un comité aviseur de la Société Alzheimer Canada s'est également penché sur
cette question, et l'ensemble des membres sont d'accord avec la possibilité d'avoir
accès à une demande anticipée pour pouvoir avoir le choix de prendre une
décision éclairée, et ce, dès qu'un diagnostic est posé.
Au Québec, nous n'avons pas assez entendu
la voix des personnes qui vivent avec un trouble neurocognitif majeur tel que
la maladie d'Alzheimer. Et nous essayerons aujourd'hui de porter leur voix, d'apporter
certaines nuances mais aussi de vous convaincre de procéder à des amendements
de l'actuel projet de loi. Ces nuances portent notamment sur l'importance du
diagnostic dans le processus de discussion et, par la suite, de la notion de
déclin avancé lors de l'administration de l'AMM, les troubles mentaux associés
aux troubles neurocognitifs majeurs, le rôle du tiers de confiance, le
processus de l'administration de l'AMM au moment venu, certaines obligations
des professionnels compétents, et enfin le principe d'autodétermination qui,
lui, est pratiquement absent du projet de loi. Après lecture de l'actuel projet
de loi, plusieurs des suggestions que nous avions formulées lors de la
précédente consultation ont été prises en compte, mais il ne demeure pas moins
que certains articles du projet de loi nécessitent plus de précisions pour
mieux encadrer l'administration d'une demande anticipée d'AMM aux personnes
rendues inaptes suite à l'évolution des troubles neurocognitifs.
Pour la fédération et les 20 sociétés
membres, l'aide médicale à mourir devra toujours être considérée dans une
situation de déclin cognitif avancé comme un soin de dernier recours, après que
l'équipe soignante ait tout tenté pour soulager la souffrance physique et psychique
de la personne. Ça suppose également que l'AMM ne devrait en aucun cas devenir
la solution de facilité à l'incapacité de notre système de santé et des
services sociaux à prendre soin et accompagner adéquatement les personnes les
plus vulnérables de notre société, et ce, jusqu'à la fin de leur vie. Il ne
faudrait pas non plus qu'en raison de préjugés, de stigma ou encore d'expériences
négatives personnelles on accélère la mort des personnes atteintes, alors que l'on
devrait les accompagner en mettant à leur disposition des soins de qualité, une
approche humaniste des milieux de vie adaptés à leurs besoins, du personnel
surtout qualifié et formé à l'intervention auprès des personnes qui vivent avec
un trouble neurocognitif majeur et surtout en les considérant comme des
personnes à part entière, et ça, tout au long du parcours de leur vie avec la
maladie. Voilà, c'était notre introduction de notre présentation.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Il vous reste encore trois minutes si vous
voulez... si vous avez d'autres informations. Est-ce que ça va? Sinon, on passe
la parole.
Mme Grenier (Sylvie) : Ça va
pour nous, oui.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, merci infiniment pour votre exposé. Donc, je vais me
tourner du côté de la ministre pour une période de 16 minutes 30 secondes.
Alors, la parole est à vous.
Mme Bélanger : Oui, alors, Mme
la Présidente, alors, madame Grenier, bonjour. Quel plaisir de vous revoir. Dre
Ben Gaied aussi. Merci pour le mémoire que vous déposez et puis pour votre
présentation que vous venez de faire. Naturellement, on voit que, de façon
générale, vous êtes en faveur de l'ensemble des éléments au niveau du projet de
loi 11. Par contre, vous amenez certains éléments, puis j'aimerais
peut-être qu'on ait une discussion à ce niveau-là.
Dans votre mémoire, vous notez que l'obligation
pour la personne de déterminer, dans sa demande anticipée d'aide médicale à
mourir, les souffrances qu'elle ne souhaite pas vivre va à l'encontre de l'autodétermination.
J'aimerais vous entendre là-dessus. C'est ce qu'on a compris, là, qui était
inscrit dans votre mémoire. Qu'est-ce que vous proposez comme solution? Ou
peut-être qu'on a moins bien interprété, mais j'aimerais vous entendre
spécifiquement sur cet élément-là.
Mme Grenier (Sylvie) : Moi,
je vois Nouha qui réagit. Donc, je te laisse aller, Nouha.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Non,
effectivement, on mentionne, dans notre mémoire, que l'aide médicale à mourir
devrait être considérée dans un... dans des conditions de déclin avancé et
irréversible de la capacité de la personne et, pour ça, de se baser sur des
échelles bien connues pour, justement déterminer, ce déclin avancé, mais en
aucun cas, en fait, que cela va à l'encontre du principe d'autodétermination de
la personne. Au contraire, on trouve que ce principe-là n'est pas assez mis en
valeur dans le projet de loi et qu'il faudrait, justement, que...
Mme Ben Gaied (Nouha) : ...ce
soit davantage quelque chose qui soit poursuivi au-delà de la demande anticipée
et qu'ils soient respectés tout au long du processus. Donc, pour nous, le
principe d'autodétermination de la personne, c'est quelque chose qui,
justement, est un point de discorde au niveau du projet de loi. Mais, en aucun
cas, le fait de faire une demande anticipée va à l'encontre de ce principe-là.
On demande, au contraire, que la personne, lorsqu'elle reçoit un diagnostic,
qu'elle soit impliquée dans le processus décisionnel, qu'elle puisse avoir
cette conversation avec le professionnel compétent, que le tiers de confiance
soit impliqué, que les proches autant que possible, soient impliqués également
dans cette discussion et que ce soit une décision libre et éclairée de la
personne qu'elle effectue lorsqu'elle est apte à consentir aux soins.
Mme Bélanger : O.K.
Peut-être, j'aimerais revenir, une question de clarification, là. Vous dites
que vous constatez que l'autodétermination serait un point de discorde dans le
projet de loi. J'ai bien compris ça, là? C'est ce que vous avez mentionné.
J'aimerais ça vous entendre un petit peu plus là-dessus, là, sur
l'autodétermination versus qui était inscrit dans le projet de loi versus votre
vision des choses par rapport à ça.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Effectivement,
dans un contexte où c'est une demande anticipée qui est effectuée de manière
libre et éclairée par la personne apte à consentir aux soins, on s'attend que
cette demande soit respectée le moment venu, dans un contexte d'inaptitude. Et,
dans ce contexte-là, il y a certains articles du projet de loi qui vont à
l'encontre de ce principe d'autodétermination. C'est notamment, par exemple au
niveau de l'article 29.19, où là, on mentionne que tout refus de recevoir
l'aide médicale à mourir manifestée par la personne doit être respecté et il ne
peut d'aucune manière y être passé outre, ou encore le fait que... il y a un
autre article, excusez-moi, là, je suis en train de le chercher, où, là, on va
encore une fois à l'encontre de ce principe-là.
Et, en fait, ce n'est pas qu'on va à
l'encontre, c'est une omission si on ne le prend pas assez en considération,
dans le processus suivi, pour justement recevoir l'aide médicale à mourir. Le
fait également de radier, pardon, excusez-moi, il y a eu un retour, le fait
également de radier une demande d'aide médicale à mourir, lorsqu'il y a un
refus, pour nous, est considéré non seulement comme une compréhension très
simpliste de l'évolution avec un trouble neurocognitif majeur, mais également
comme une... on va à l'encontre du principe d'autodétermination, puisque oui,
effectivement, il peut y avoir un refus lors de l'administration de l'aide
médicale à mourir. Et cette manifestation, ça va se manifester notamment par de
la résistance, par des pleurs, par des cris. Mais il ne faudrait pas
effectivement s'arrêter à cette résistance aux soins et continuer effectivement
avec le processus d'administrer l'aide médicale à mourir.
• (11 h 10) •
On rejoint ici beaucoup ce que le groupe
d'experts avant nous, notamment Dr Maclure a mentionné, entre ce qui est une
résistance aux soins et ce qui est un refus de l'aide médicale à mourir. Et,
pour cela, bien, forcément, les professionnels compétents, les professionnels
de la santé qui entourent la personne au moment de l'administration de l'aide médicale
à mourir doivent être formés, sensibilisés justement à cette possible
résistance aux soins au moment de l'administration de l'aide médicale à mourir.
Mais, en aucun cas, ça ne doit être considéré comme un refus, et que la
radiation soit donc l'action qui en suit ce refus-là.
C'est pour ça qu'on mise davantage sur des
protocoles clairs, sur une formation et que, bien, ça ne doit pas
nécessairement être ouvert à tous les professionnels, mais plutôt à une
catégorie de professionnels qui seraient formés à administrer l'aide médicale à
mourir auprès des personnes inaptes dans un contexte de trouble neurocognitif
majeur.
Mme Bélanger : D'accord.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Allez-y.
Mme Bélanger : Ça va pour moi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Donc, est-ce que j'ai des questions? Mme la députée de
Roberval.
Mme Guillemette : Merci, Mme
la Présidente. Merci, Dre Ben Gaied, d'être ici et madame Grenier, pour nous
éclairer sur certaines questions qu'on a. Et moi, je reviens aussi sur le
refus, est-ce que ce ne serait pas bien de le baliser dans la demande
anticipée, de demander, quand la personne est apte, si jamais il y a un refus,
est-ce qu'on va jusqu'au bout ou est ce qu'on ne va pas jusqu'au bout? Parce
que...
Mme Guillemette : ...Nous, on
est des législateurs, mais vous comprendrez, pour le médecin qui va, ou l'IPS
qui va administrer l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui crie, qui pleure,
qui ne veut plus et, en tout cas, qui manifeste des signes, il faut prendre cet
aspect-là en considération. Quelqu'un qui n'aurait jamais manifesté aucune,
aucune... Qui n'aurait jamais eu aucune manifestation de peur de seringue ou
d'injection ou... puis que, tout d'un coup, quand vient le temps d'administrer
l'aide médicale à mourir, se débat, est-ce que, d'après vous, il faudrait bien
l'encadrer dans le formulaire de demande lorsque la personne est apte? Vous
voyez ça comment, cet aspect-là?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Alors,
oui, effectivement, on ne peut... On ne pourra jamais, en fait, savoir à
l'avance comment la personne va réagir lors de l'administration de l'aide
médicale à mourir. Elle ne sera pas non plus nécessairement toujours en mesure
de verbaliser son accord à l'administration des soins. Et donc c'est pour ça
qu'effectivement des lignes directrices devront être bien claires. Le fait de
le baliser en amont, donc dans la demande anticipée, dans la demande, oui,
anticipée, permettrait, en fait, de donner au professionnel compétent un cadre
dans lequel il pourra agir. Et ça sera effectivement sa volonté, et encore une
fois, au moment venu, de recevoir l'aide médicale à mourir ou pas.
Maintenant, c'est toujours quelque chose
de très de très personnel, dans le sens que dans... Actuellement, le formulaire
d'aide médicale à mourir de manière anticipée, bien, on ne sait pas encore
de... Son contenu et donc, bien, à ce moment-là, ce sera très important de
savoir qu'est-ce qu'on accepte et qu'est-ce qu'on refuse, comme c'est le cas
dans le formulaire des directives médicales anticipées, où on accepte ou on
refuse un certain nombre de soins. Ça viendra baliser, d'une certaine manière,
mais, en même temps, il se peut qu'il y ait des manifestations qui n'aient pas
été incluses dans la demande anticipée et qui seront malheureusement vécues par
la personne au moment de l'administration de l'aide médicale à mourir.
Mme Guillemette : Merci. J'ai
des collègues qui ont des questions, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Mme la députée de Vimont.
Mme Schmaltz : Bonjour,
mesdames. Au niveau des critères d'administration, si on regarde le volet
numéro un, vous demandez d'ajouter davantage de balises. Vous demandez à ce
qu'il y ait des critères supplémentaires basés sur la perte de dignité et
d'autonomie. Et cet instrument, en fait, qui a été développé par les
chercheurs, vous avez élaboré plusieurs points. Je me posais la question,
peut-être que j'ai mal compris, c'est : pourquoi vous voulez ajouter ces
critères-là dans ce point-là, pourquoi on les ajoute? Est-ce qu'ils sont en
opposition ou ils sont complémentaires?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Ils
sont tout à fait en complémentaires. C'est vraiment pour venir spécifier
qu'est-ce qu'on entend par un déclin avancé et irréversible. Et, encore une
fois, ça fera plus l'objet des lignes directrices, des procédures pour les
professionnels. Mais effectivement, le fait que ce soit un déclin avancé et
irréversible des capacités, bien, ça suppose qu'on s'appuie sur des échelles
évaluées qui sont déjà utilisées par les professionnels de la santé et qui
permettent, qui leur permettent, en fait, de définir à ce moment-là quelles
seront les souffrances insoutenables, physiques et psychiques qu'éprouve la personne.
Mais c'est aussi pour baliser dans le formulaire de demande anticipée qu'est-ce
qu'on pourra et qu'est-ce qu'on ne pourra pas demander dans ce formulaire-là.
Donc, il faudra, en fait, objectiver sa demande lorsqu'elle sera remplie par la
personne et non pas tout simplement donner des exemples comme, bien : je
ne reconnais pas mes proches, par exemple. Cette reconnaissance des proches,
elle n'est pas nécessairement associée à de la souffrance. Cette reconnaissance
des proches est aussi beaucoup associée à la souffrance des proches, de
l'entourage, qui, effectivement, vit un deuil blanc par rapport à l'évolution
de la maladie. Et donc, bien, c'est là qu'on va ramener, effectivement, des
échelles validées qui sont utilisées par les professionnels pour que, dans la
demande anticipée, on se base sur quelque chose qui est, par la suite,
mesurable.
Mme Schmaltz : Est-ce que
je... Juste une dernière petite question, là, juste pour être certaine d'avoir
bien saisi. Parce que, je regardais, bon, je donne un point, là, que vous
avez...
Mme Schmaltz : ...les
atteintes de la personne à effectuer des tâches domestiques. Le point que je
soulevais par rapport à ça, quand on parle de critères de souffrance
intolérables, c'est : Comment qu'on évalue ces points-là? C'est juste ça
que j'ai essayé de voir. Est-ce que ce sont les catégories dans des souffrances
insoutenables ou c'est... Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire?
Pour moi, c'est une base, peut-être, assez simple. Est-ce qu'on peut les
rentrer dans ces catégories-là si la personne, justement, n'a plus... a perdu
ces fonctions-là?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Alors,
il y a d'autres échelles pour mesurer la douleur des personnes aînées, et, à ce
moment-là, elles seraient également à utiliser pour, justement, mesurer ces
souffrances physiques et psychiques. Là, le fait que ce soit un déclin avancé
et irréversible, on s'appuie sur l'échelle de Reisberg, et puis, bien, c'est
vraiment dans les stades les plus avancés de la maladie, où on va avoir une
répercussion assez importante sur le niveau d'autonomie et de dignité de la
personne. Ce n'est pas nécessairement toujours associé à de la souffrance.
Donc, effectivement, il y aurait d'autres échelles à utiliser pour mesurer
cette douleur-là et évaluer, effectivement, est-ce que la personne répond aux
critères de l'aide médicale à mourir ou pas.
Mme Schmaltz : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Je crois que la députée d'Abitibi-Ouest
aurait une question pour vous.
Mme Blais : Merci,
mesdames... Dans votre mémoire, vous dites que la fédération accueille
favorablement les énoncés généraux du projet de loi. Soit, et je m'en tiens au
point 2, qui dit que les infirmières praticiennes soient habilitées à
administrer la sédation palliative continue, aux infirmières, et de constater
le décès. Pour moi, une sédation palliative, c'est un soin de confort. Est-ce
qu'on parle de la même chose?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Bien
là, c'est ce qui est proposé dans le concept du projet de loi, et ça permettra
aussi d'arrimer, finalement, la loi provinciale et la loi fédérale que
d'étendre les... que d'étendre, effectivement, le champ de compétence des
infirmières. Qu'elles soient impliquées dans le processus, bien, nous paraît
tout à fait acceptable, et même, souhaité, puisqu'elles sont aussi au chevet
des personnes puis qu'elles les accompagnent sur une longue durée. Donc,
qu'elles soient impliquées dans ce processus nous paraît tout à fait légitime.
Mme Blais : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Je pense que, Mme la députée de Laporte,
vous avez également une question?
• (11 h 20) •
Mme Poulet : Oui, merci
beaucoup à tous les deux d'être présente dans votre mémoire. Vous parlez de
certaines nuances, certaines dans certaines obligations des professionnels
compétents. Dans notre projet de loi, on parle que le médecin doit faire une
recherche. Si un formulaire était complété, d'aviser chef de service, un
médecin, infirmières praticiennes doit être de compétence. Des professionnels
sont compétents et sont formés. Et quand vous parlez de nuances concernant les
obligations, est-ce que ce serait possible d'avoir plus de détails sur ce
point-là, sur cette nuance-là que vous apportez?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Oui.
Effectivement, c'est surtout par rapport, bien, à des amendements, là, que l'on
amène, au niveau, notamment, par exemple, de l'article 29.13, où c'est non
seulement une reformulation, mais c'est, en plus, dans un contexte global, là,
du processus qui serait suivi pour administrer l'aide médicale à mourir. Mais
c'est surtout dans le cas de refus. Dans le cas de refus, bien, il n'y a aucune
mention, à notre sens, par rapport à quelle serait l'obligation du
professionnel compétent s'il refuse d'administrer l'aide médicale à mourir à
une personne inapte. À ce moment-là, on ne mentionne pas qu'il doit référer à
un professionnel compétent. Ça doit d'abord passer par l'établissement, qui,
lui, doit avoir... doit remédier à la situation, et là, pour nous, il y aurait,
encore une fois, une précision à donner.
Le fait, également, que le professionnel
compétent devra, effectivement, avoir cette conversation avec la personne en
début, donc la nécessité, encore une fois, de miser sur le diagnostic. Mais on
est bien conscients que, d'une part, il faudra bien choisir le moment durant
lequel cette conversation va avoir lieu. Non seulement il y a toute la charge émotive
qui est associée au diagnostic, mais il y a également une notion de temps. Il
faudra que le professionnel compétent prenne le temps, avec le patient, pour
lui expliquer le processus, pour lui expliquer également à quoi s'attendre avec
les...
Mme Ben Gaied (Nouha) : ...de
la maladie pour lui donner, justement, un aperçu de l'ensemble des possibilités
de soins qui s'offrent à lui avec la maladie, mais également en fin de vie.
Puis, c'est vraiment ce... cette obligation-là qu'on souhaiterait davantage
mise de valeur parce que ce n'est pas une décision qui devra être prise à la
légère, mais il devra y avoir un accompagnement par les professionnels durant
tout le parcours, finalement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Dre Ben Gaied, merci beaucoup pour votre réponse. Je suis
désolée, le temps vient de s'écouler. Merci, Mme la ministre. Merci, merci,
Mmes les députées. Je me retourne maintenant, bien, vers la députée de
Westmount-Saint-Louis pour une période de neuf minutes 54 secondes. On
poursuit les échanges.
Mme Maccarone : Merci
beaucoup. Merci beaucoup pour votre témoignage et pour votre mémoire. Vous
soulevez des questions très importantes, surtout la notion de ce formulaire.
Alors, je fais une demande formelle tout de suite, si possible, de déposer le
formulaire, que nous pouvons tous avoir une consultation, de faire la lecture
de ceci et de faire un... comme ça, lors des échanges, rendus à l'étude
détaillée, nous serons en mesure d'avoir comme quand même un échange constructif
au lieu d'au moment que ce serait déposé pour retarder aussi le débat en ce qui
concerne cette loi. Parce que toutes vos questions sont en lien avec le
formulaire, nous n'avons pas vu le formulaire, alors c'est difficile de se
prononcer en ce qui concerne les balises. On peut avoir des espoirs, puis ça se
peut que c'est là-dedans, ça se peut que ce n'est pas là-dedans. Il va falloir
vraiment qu'on fait un débat presque uniquement en ce qui concerne les critères
qui sont écrits dans le formulaire. Alors, merci de l'avoir soulevé, parce que,
c'est vrai, ça va être un enjeu très important.
Je veux ramener un peu la notion du déclin
avancé, irréversible, lors des échanges que nous avons eus avec Maître Filion
et Monsieur Maclure. J'avais soulevé les questions de démence heureuse puis,
selon eux, ça ne fait pas partie d'un critère pour être éligible pour procéder
avec une demande anticipée, par exemple, si, mettons, ça fait partie du
formulaire. Je souhaite entendre votre point de vue là-dessus, parce que, quand
on parle souvent de démence heureuse, on parle vraiment d'un Alzheimer qui est
très avancé. Alors, si vous pouvez nous illuminer, s'il vous plaît.
Mme Ben Gaied (Nouha) : Alors,
déjà, en termes de terminologie, au niveau des sociétés alzheimer, on n'utilise
pas le terme «démence» puisque c'est un terme qui est très chargé en
connotation négative, mais on va y aller avec le terme «démence heureuse», qui
est plus communément utilisé. La démence heureuse, effectivement, pour nous, ne
rentrerait pas dans le cadre de la loi, du projet de loi actuel. Qui dit
démence heureuse dit que la personne est entourée, que la personne n'éprouve
pas de souffrance physique et psychique, que le proche aidant accompagne la
personne, qu'elle a des services et des soins adaptés à ses besoins et que,
finalement, il y a une certaine qualité de vie qui est maintenue pour la
personne versus ce qui est présenté dans le projet de loi où on parle vraiment
de souffrances qui sont physiques et psychiques et pour lesquelles, finalement,
toutes les les conditions médicales ont été suivies pour pouvoir soulager cette
souffrance-là sans pouvoir... sans, finalement, être... y avoir été... Y avoir
répondu adéquatement. Et donc à ce moment-là, l'aide médicale à mourir pourrait
être la solution, si la personne a formulé une demande anticipée. Donc, pour
nous, la demande heureuse, effectivement, ne rentrerait pas dans le cadre du
projet de loi.
Mme Maccarone : Parfait. Puis
en ce qui concerne le refus, parce qu'on... Vous avez fait quand même des
interventions là-dessus. Puis, c'est vrai, je pense qu'on est d'accord qu'on
devrait quand même préciser et baliser cette notion de refus. Dans le Code
civil, on parle d'un refus catégorique, mais, dans ce projet de loi, on ne
parle pas d'un refus catégorique. Selon vous, si ce n'est pas plus balisé, si
ce n'est pas clarifié, est-ce que ça veut dire que, mettons, un proche ou le
tiers de confiance va avoir recours au tribunal, par exemple, pour procéder
avec des demandes anticipées?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Tout
à fait, tout à fait. En fait, dans l'ancien projet de loi, cette notion de
refus était... il y avait aussi un flou par rapport à combien de fois est-ce
qu'on allait administrer l'aide médicale à mourir, bien sûr, lorsque les
personnes répondent aux critères. Mais là, on revient avec, finalement, une
seule tentative. Et, à ce moment-là, bien, quel sera le rôle du proche, le
tiers de...
Mme Ben Gaied (Nouha) : ...le
tiers de confiance, mais également de la famille, qui, elle, aura été témoin,
finalement, de la volonté répétée, éclairée de la personne au moment où elle
était apte à consentir aux soins, et qu'au moment, finalement, où elle
répondrait aux critères on lui refuse ce soin-là. Donc, oui, clairement, à
notre sens, il pourrait y avoir des contestations devant les tribunaux parce
que la demande de la personne n'aura pas été répondue, et ce qui ramène aussi
la notion de demande versus une directive.
Mme Maccarone : Merci. Ma
collègue de D'Arcy-McGee a des questions.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Donc, Mme la collègue... Mme la députée de
D'Arcy-McGee, la parole est à vous. Juste repeser sur votre bouton, s'il vous
plaît. Voilà. Vous n'avez pas besoin d'y toucher.
Mme Prass : Parfait. Alors,
moi, j'ai une question à propos de votre traitement de la demande et,
spécifiquement, ce qui arrive en l'absence de tiers de confiance qui sont
désignés par la personne. Donc, vous dites que la responsabilité devrait
procéder à un examen d'évaluation. Mais deux questions. Premièrement, est-ce
qu'il ne devrait pas y avoir un mécanisme de surveillance de la personne à une
certaine fréquence? Parce que, justement, on ne sait pas, la personne qui va
être désignée du côté du système de la santé, s'ils vont être présents tout le
temps, s'ils vont vraiment avoir une obligation d'aller voir cette personne-là
à des fréquences régulières, parce qu'on ne veut pas que la personne, comme ils
n'ont pas de tiers désigné, qu'ils soient un petit peu ignorés par un système
de santé qui est déjà en pénurie et qui n'a pas toujours les moyens ou le temps
de faire ces surveillances-là. Donc, je voudrais vous entendre davantage
là-dessus.
Mme Ben Gaied (Nouha) : En
fait, là, vraiment, vous soulevez deux choses, d'une part, le rôle du tiers de
confiance, mais également en l'absence d'un tiers de confiance. Pour nous,
effectivement, le tiers de confiance doit vraiment être présent. Le projet de
loi mentionne qu'une personne pourrait désigner un tiers de confiance, alors
qu'en notre sens il devra être désigné par la personne, d'une part. Il devra
également être impliqué dans l'ensemble des discussions qui sont en cours avec
le professionnel compétent, parce qu'il y a une obligation justement
d'enclencher le processus en informant les professionnels, mais également il
a... il va y avoir effectivement une... et il peut y avoir, en fait, des
émotions qui sont associées à cette prise de décision et donc, bien, on demande
qu'il y ait un suivi psychologique pour la personne, le tiers de confiance, au
besoin, parce que ça peut être très chargé en émotions à ce moment-là.
Et, dans le cas, justement, où il n'y a
pas de tiers de confiance, donc c'est ni la première ni la deuxième personne de
tiers de confiance, il n'y en a pas, il n'y en a pas qui ont été désignées, à
ce moment-là, effectivement, c'est le professionnel de la santé qui va en
informer le professionnel compétent. Mais sur quelle base? Sur quelle base
est-ce que le processus va être enclenché? Est-ce que... Parce qu'on a besoin
d'un lit, parce qu'on est en manque, justement, de places dans une résidence et
donc on a... Excusez-moi, d'être très crue, là, ici, là, mais ça va être ça, la
réalité. Sur quelle base est-ce qu'on va définir que la personne,
effectivement, répond aux critères de la loi? Oui, il y a des critères qui vont
être définis, mais le moment, le moment qui va être nécessaire à enclencher ce
processus-là. Et, justement, on ne voudrait pas qu'il y ait une dérive en absence
d'un tiers. Et puis, bien, forcément, ça soulève aussi le rôle de la famille
dans ce processus-là. Parce que qui? Il se pourrait très bien que la personne
n'ait pas désigné de tiers de confiance, mais qu'il y ait quand même de la
famille, des membres de la famille rapprochée, des personnes qui ont à cœur
cette personne. Et puis quel va être leur rôle aussi dans ce processus-là?
Est-ce qu'ils vont pouvoir s'opposer à une demande anticipée, à l'aide médicale
à mourir à ce moment-là?
Donc, c'est vraiment toutes ces petites
nuances qui sont à amener dans le processus. Et, pour ça, forcément, le fait de
désigner un tiers de confiance, que l'acte également... que le formulaire soit
notarié, nous paraît, justement, des protections à avoir en amont.
• (11 h 30) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Vous avez une autre question? Mme la
députée de Saint-Louis.
Mme Maccarone : Bien, dans le
fond, c'est comment l'écrire dans la loi pour que ça soit clair? Tu sais, quand
on... Je pense que c'est ça, ma question, que j'aurais pour vous, parce que
vous soulevez une excellente question. Mais comment le mettre dans la loi pour
que ce soit clair, selon vous?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Selon
nous, il faudra qu'il y ait un tiers de confiance, et, à ce moment-là, de
définir un rôle pour la famille et également un rôle pour le mandataire, ce qui
est... ce qui n'est pas actuellement présent.
Mme Maccarone : Ma
préoccupation, c'est si, mettons, on n'a pas un membre proche dans notre
famille, puis, comme vous dites, on devrait désigner un membre du corps
professionnel. Vous avez dit...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Maccarone : ...tu sais, vous
avez... Vous excusez d'être crus. Mais, dans... présentement, dans notre réseau
de système de santé, on fait face à une pénurie de personnel vraiment
importante. J'ai une inquiétude qu'on est en train de rajouter à leurs tâches
puis que ça se peut qu'ils ne soient pas au rendez-vous. C'est encore plus de
responsabilités pour eux. Alors, est-ce qu'on a un autre moyen ou une autre
façon de voir ceci? On a dit, dans la loi, qu'on va ouvrir la possibilité d'administrer
l'aide médicale à mourir aux infirmières praticiennes. Quand on parle de...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Je suis désolée, le temps est écoulé.
Mme Maccarone : Bon, bien,
merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : On va continuer avec nos discussions avec la députée de
Sherbrooke. Alors, pour une période de trois minutes de 18 secondes.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Dans le mémoire, vous nous dites que vous voulez jouer un rôle de
sensibilisation, d'information auprès des personnes à risque. J'imagine que
vous allez aussi être appelés à le faire auprès des tiers de confiance qui vont
potentiellement avoir besoin d'accompagnement pour évaluer l'évolution de la
maladie, comprendre un peu les souffrances que ça peut générer. Si vous le
mentionnez spécifiquement, est-ce que c'est parce que vous estimez ne pas avoir
les ressources nécessaires actuellement pour justement répondre aux demandes
que ça va générer, là, d'accompagnement de la part des personnes atteintes d'Alzheimer
ou de leurs proches?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Ce n'est
pas une demande qui est formulée puis qui est discutée au niveau de notre
réseau par les personnes atteintes et par les proches aidants. Mais, par
contre, ça doit faire partie de la discussion dans un processus, justement, de
planification de soins. Comme on parle du mandat de protection, comme on parle
du testament, de la procuration ou encore de la planification par rapport à l'hébergement,
bien, c'est quelque chose qu'il faudra également envisager à des stades très
légers de la maladie, voire même en amont chez les personnes à risque, puisqu'on
sait que, malheureusement, c'est des personnes qui pourraient développer par la
suite un trouble neurocognitif léger et éventuellement la maladie d'Alzheimer.
Donc, c'est vraiment de considérer cette sensibilisation, cette information
dans un contexte plus global, où la personne aurait à prendre des décisions et
à planifier sa vie de manière adéquate avec la maladie d'Alzheimer, tout
simplement. Donc, ce n'est pas nécessairement une question de ressources, mais
plutôt un rôle que l'on voudrait jouer pour, justement, informer les personnes
qui sont déjà notre clientèle et qui pourraient vouloir avoir accès à une
demande anticipée d'aide médicale à mourir. Donc, à nous de les accompagner de
manière adéquate.
Mme Labrie : Est-ce qu'à
votre avis le référencement se fait déjà suffisamment auprès des personnes qui
ont un diagnostic d'Alzheimer, par exemple, vers vos organismes?
Mme Ben Gaied (Nouha) : Donc
un référencement vers la Société Alzheimer?
Mme Labrie : Oui.
Mme Ben Gaied (Nouha) : En
fait, depuis maintenant plus d'un an, on a le processus de référence aidance
Québec qui permet aux professionnels de la santé de référer les personnes
proches aidantes vers les services de la Société Alzheimer et également vers
les services de l'appui pour les proches aidants. Pour nous, effectivement, il
faudrait inclure davantage la personne atteinte d'un trouble neurocognitif dans
le processus pour justement pouvoir la prendre en charge de manière adéquate,
en amont, donc vraiment aux stades les plus légers de la maladie et puis pour
justement maintenir cette qualité de vie. Le fait d'avoir accès à des services
de stimulation, à des cafés-rencontres, à pouvoir échanger avec les pairs,
également à soutenir la personne proche aidante, parce qu'elle va pouvoir avoir
les outils nécessaires pour communiquer et également pour intervenir lors des
comportements, bien, tout ça va contribuer à l'amélioration de la qualité de
vie de la personne atteinte.
Et donc, dans ce contexte-là, c'est quand
même un projet qui commence, mais déjà, on a énormément de demandes qui ont un
effet, oui, potentiel sur les services par la suite.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Le temps est écoulé. Maintenant, je vais...
je cède la parole à la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour une période de
trois minutes 18 secondes.
Mme Tardif : Bonjour. Merci.
Merci d'avoir pris le temps de tabler sur cet important projet de loi.
Et je rebondis un peu sur ce que vous
venez de dire parce qu'effectivement il y a certains... et vous avez fait un
sondage et vous vous êtes informées auprès de vos... Des gens que vous représentez,
et il y a tout de même certaines maisons qui prennent soin des personnes qui
sont atteintes d'Alzheimer et qui ont un regard différent ou un regard qui nous
appelle.
Mme Tardif : ...par rapport au
déclin et à la définition de ce déclin avancé, cette notion-là est très
importante, parce que, comme vous l'avez mentionné, il y a beaucoup de ces
personnes-là atteintes qui, lorsqu'elles sont stimulées, les gens qui en
prennent soin nous diront qu'il y a un net progrès. Alors, je me demandais avec
vous - vous êtes ceux et celles qui avez les yeux tournés vers ça, vers ces
personnes-là et vers les maisons de soins : Comment faire pour offrir
davantage de ces soutiens-là? Jusqu'où aller? Vous êtes d'accord avec le projet
de loi, vous êtes d'accord avec l'élargissement du projet de loi. Mais c'est
une question excessivement importante, et le principe d'autodétermination et le
principe... la notion de déclin avancé... Je pense que j'aurais besoin de votre
aide, là.
Mme Ben Gaied (Nouha) : On
est, oui, en faveur de l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour offrir
un choix aux personnes atteintes d'un trouble neurocognitif majeur dans des
conditions où elles deviendraient inaptes. Cela ne veut pas dire que toutes les
personnes devraient y avoir accès. Ça demeure une un choix personnel, et ce
projet de loi va dans ce sens-là.
Au niveau des sociétés Alzheimer, quatre
sociétés offrent de l'hébergement, et, effectivement, on accompagne les
personnes jusqu'à la fin de vie dans certains cas. Ça passe par la stimulation
cognitive, ça passe par le maintien des capacités en les incluant dans les
activités, ça passe également par la reconnaissance qu'il faut s'adapter, il
faut s'adapter à leurs capacités, et puis ce qui était possible hier, peut-être,
va devenir un peu plus difficile aujourd'hui, mais on doit, nous, s'adapter. Ça
passe également par des environnements qui sont adaptés à leurs besoins et ça
passe toujours par leur inclusion dans le processus. Donc on est tout à fait...
Puis ça, ça va carrément avec l'approche centrée sur la personne préconisée par
les sociétés Alzheimer, on doit y aller par le moment présent, on doit
favoriser cette collaboration et puis ce partenariat avec la personne atteinte,
et c'est comme ça qu'on maintient leur qualité de vie puis qu'on maintient
également leur dignité et leur autonomie. C'est à nous de nous adapter, et non
pas à eux. On doit leur donner les meilleures conditions de vie, et, par la
suite, si la personne fait ce choix-là, bien, on doit aussi l'accompagner dans
ce choix-là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dre Ben Gaied, merci beaucoup, Mme Grenier,
pour votre contribution aux travaux de notre commission, au nom des
parlementaires qui sont assises ici. Je vous souhaite une bonne journée.
Et je suspends les travaux jusqu'à notre
prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 39)
(Reprise à 11 h 41)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...à l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la commission reprend
ses travaux. Nous en sommes rendus maintenant avec une présentation de
l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité.
Alors, je souhaite la bienvenue au docteur
Georges L'Espérance, président et neurochirurgien, ainsi qu'à madame Catherine
Leclerc, membre du conseil d'administration. Je vous rappelle, madame,
monsieur, que vous avez une période de 10 minutes pour vous présenter ainsi que
pour exposer vos propos. La parole est à vous.
M. L'Espérance (Georges) : Mme
la Présidente, merci beaucoup, Mmes, MM. les députés de l'Assemblée nationale.
L'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité vous remercie
pour l'invitation à témoigner devant cette commission d'étude. Mon nom est
Georges L'Espérance, neurochirurgien, et j'ai le plaisir d'être accompagné de
madame Catherine Leclerc, membre du conseil d'administration. L'association est
une association citoyenne bénévole, dont la mission est d'oeuvrer pour assurer
que les lois permettent à chaque citoyen de choisir et d'obtenir des soins de
fin de vie conformes à sa conception personnelle de dignité dont l'aide
médicale à mourir.
Le présent témoignage résume la mémoire
qui vous fut remis pour fins de discussion sur quelques aspects précis du
projet de loi 11. Par la suite, je céderai la parole de madame Leclerc pour
quelques remarques complémentaires sur les demandes anticipées. Nous tenons à
souligner le remarquable travail du groupe du groupe transpartisan, rapport
suivi du projet de loi n° 38, et maintenant la continuité sous forme de ce
projet de loi 11, présenté par Mme la ministre Bélanger. J'insisterai sur les
aspects médicaux du projet de loi, tel qu'élaboré dans notre mémoire.
Passons tout d'abord, rapidement, sur les
notes explicatives du projet de loi. Premièrement, nous nous réjouissons au
plus haut point des modifications progressistes pour les demandes anticipées
des personnes atteintes d'une maladie neurodégénérative cognitive menant à
l'inaptitude. Deuxièmement, nous sommes totalement en accord avec l'exclusion
temporaire, et espérons-le de courte durée, des problématiques de santé mentale
jusqu'au dépôt d'un projet de loi fédéral. Troisièmement, nous sommes en accord
total avec l'inclusion des infirmières praticiennes spécialisées, modification
très attendue. Quatrièmement, nous sommes très heureux de l'obligation faite
aux maisons de soins palliatifs d'intégrer l'aide médicale à mourir dans le
continuum de soins, et que nulle philosophie religieuse ne doit interférer avec
ce droit du malade. Nous ne devrions plus jamais avoir à transférer le
demandeur en ambulance à l'hôpital pour recevoir le soin, loin des soignants
qui l'avaient soutenu pendant des semaines. De plus, cette disposition est
parfaitement cohérente avec la volonté gouvernementale d'instaurer une laïcité
de fait dans les services rendus au nom de l'État.
Passons à quelques commentaires sur les
articles du projet de loi. Il est implicite que ne sont pas discutés ici les
articles avec lesquels nous sommes en accord complet. Ainsi, en est-il des
articles 1 à 13 impeccables, tel que décrit. L'article 14 du projet de loi 11,
modifie l'article 26 de la loi deux. Nous avons ici deux commentaires.
Premièrement, à l'alinéa trois, nous suggérons à la ministre de retirer
l'adjectif "neuromoteur" qui suit le terme "handicap", car
médicalement inapproprié dans le contexte. Dans une optique d'harmonisation
avec le Code criminel et la décision de la Cour suprême, l'alinéa trois devrait
simplement se lire comme suit : "La personne est atteinte d'une
maladie, d'une affection ou d'un handicap grave et incurable." Le terme de
"handicap" doit être reconnu médicalement pour ce qu'il est : la
conséquence d'une maladie. Vous trouverez en annexe, dans le mémoire, des
explications plus élaborées. J'ajoute ici que le handicap intellectuel grave ne
devrait jamais faire partie, bien sûr, de la définition ici du handicap.
Alinéa cinq, il est écrit que "la
personne éprouve des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables
et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge
tolérables." Afin de ne pas prêter à confusion avec les problématiques de
santé mentale, nous suggérons de changer le terme de "psychiques"
pour "psychologiques", ce qui, là aussi, harmonisera avec le Code
criminel. Nous suggérons d'y ajouter le terme de "souffrances
existentielles" afin de couvrir l'ensemble des situations vécues par les
patients, particulièrement pour les demandes anticipées. Afin de ne pas me
répéter inutilement ainsi, cette modification devra se retrouver aussi dans le
reste du projet de loi, tel que mentionné dans le mémoire. L'article 18 ajoute
les articles 29.1 et suivants à la loi deux et concerne les demandes
anticipées.
Les concepts qui posent problème au plan clinique
tournent essentiellement autour des termes suivants : "objectivation
et addition des souffrances physiques, psychologiques et existentielles".
Nous avons quelques interrogations dont découlent certaines suggestions.
Premièrement, pour la même raison qu'exprimée plus haut, nous suggérons de
remplacer "physiques ou psychiques" par "physiques ou
psychologiques ou existentielles". Deuxièmement, le terme
"objectiver" va prêter à confusion et à d'interminables discussions et
prêter le flanc aux objections de tous ordres. Troisièmement, s'il est possible
d'objectiver des souffrances physiques, il n'en est pas de même des
souffrances...
M. L'Espérance (Georges) : ...et
ou existentielles chez un patient devenu dément. Quatrièmement, une telle objectivation
reviendrait à nier les volontés exprimées par la personne, alors qu'elle était
apte, en particulier chez les personnes que l'on qualifie à tort de déments
heureux. Cinquièmement, les souffrances physiques ne sont pas nécessairement en
lien avec la maladie qu'est la démence, par exemple, des plaies de décubitus,
des infections urinaires à répétition, des fractures non consolidées, qui sont
objectivables.
C'est pourquoi nous suggérons la structure
suivante de cet article, donc l'alinéa deux : «Au moment de
l'administration de l'aide médicale à mourir, d, elle semble, petit i,
objectivement éprouver des souffrances physiques telles que décrites dans sa
demande.» Et la deuxième partie : «et où elle est à l'étape de sa maladie,
qui correspond aux états de souffrance psychologique ou existentielle, telle
que décrite dans sa demande.» Garder les deux conditions conjointement revient
à quasiment refuser l'aide médicale à mourir à tous ces patients car comment
évaluer la souffrance psychologique ou existentielle d'un patient dément?
À 29.3, même remarque que ci-haut
concernant le lien entre les souffrances et la maladie, c'est-à-dire la
démence. Notre suggestion, pour être cohérents avec les précédents paragraphes,
est de remplacer aussi le deuxième alinéa tel que cela est précisé dans le
mémoire.
À 29.5 et 29.13, modifier les alinéas
selon les suggestions ci-dessus, à 29.1 et 29.3, toujours pour la cohérence. À
29.9, il est complet tel quel. Et au nom de nos patients et de leurs proches,
j'en profite pour remercier la ministre et son équipe d'avoir su prévoir les
moyens technologiques à distance. À 29.13, il faudrait préciser ici qu'il
s'agit de l'examen nécessaire lorsque la personne est arrivée au stade où le
tiers de confiance demande une évaluation. Je vous réfère à notre mémoire pour
une formulation intégrative.
Et, pour terminer, je souligne notre
accord complet avec l'alinéa h de l'article 19. Et il en est de même de
l'article 20 qui assure ainsi qu'aucun demandeur ne sera lésé de son droit
d'être évalué adéquatement et dans un délai raisonnable, c'est-à-dire quelques
jours, au maximum. Cette mesure de sauvegarde permettra de combler un vide qui
était trop souvent utilisé par des opposants pour brimer les droits de certains
demandeurs.
Je cède maintenant la parole à madame
Catherine Leclerc.
Mme Leclerc (Catherine) : Bonjour.
Donc, je suis membre du conseil d'administration de l'AQDMD, avec Georges. Je
vous remercie de l'opportunité de m'exprimer devant vous aujourd'hui.
Le 13 février, au terme de sept jours
d agonie en soins palliatifs, ma douce maman a rendu son dernier souffle. Sept
interminables jours et nuits à la veiller jusqu'à ce que son petit corps frêle
cède finalement sous le poids de la dénutrition et de la souffrance. Les premiers
symptômes de l'Alzheimer se sont manifestés très tôt, alors qu'elle n'avait que
61 ans. Au fil des années qui s'effaçaient, sa réalité s'écroulait et la
plongeait dans une solitude, nous laissant à 1000 lieues de son cœur, de
son âme, de son monde inatteignable. Elle aura été terrassée par la maladie
pendant 16 longues années, dont les six dernières entre les murs d'un
CHSLD qui lui aura tout volé. Et bien que ma mère faisait partie de ce que
certains appellent la démence heureuse, je sais avec une certitude inébranlable
qu'elle n'aurait jamais accepté de vivre ainsi et que si elle avait eu le
choix, elle aurait décidé de mettre fin à ses jours.
• (11 h 50) •
Advenant un diagnostic d'Alzheimer, dont
les probabilités sont malheureusement élevées dans ma famille, je ferai le
nécessaire pour ne pas vivre et ne pas mourir dans les mêmes circonstances que
ma mère. Le dépôt du projet de loi 11 m'amène l'espoir d'une grande
sérénité, de nuits paisibles devant un avenir qui est pourtant incertain. Or, le
simple fait de savoir que je ne subirai pas avec impuissance la fatalité d'un
tel diagnostic et que je pourrai donner mon consentement anticipé à une demande
d'aide médicale à mourir lorsque j'aurai atteint des souffrances physiques et
ou existentielles intolérables selon mes convictions, mes croyances, mes
valeurs personnelles... Et, pour cela, vous avez toute ma gratitude.
Mais je Suis également préoccupée parce
que l'article 29.1 du projet de loi est formulé de façon à ce qu'on
pourrait refuser d'honorer ma demande anticipée, si, à l'instar de ma mère, je
ne sois plus capable de communiquer avec le monde extérieur et que je sourisse
béatement lorsque le moment sera venu. Entériner le projet de loi dans sa forme
actuelle avec un critère d'observation manifeste de souffrance contemporaine,
physique et existentielle qui soit objectivable rendra pour moi la possibilité
d'un consentement anticipé inexistant. Avec un diagnostic de maladie
neurodégénérative cognitive, je ne pourrai pas prendre le risque qu'arrivée à
terme ma demande ne soit pas respectée, alors je n'aurai pas eu le choix...
Mme Leclerc (Catherine) : ...autre
choix que de procéder à une demande contemporaine d'aide médicale à mourir,
soit le deux fois un comme on appel, alors que je serai encore apte à
consentir, et, de ce fait, en sacrifiant ainsi quelques années de vie de
qualité où j'aurais pu partager des beaux moments auprès de mes proches.
Mmes et MM. les députés commissionnaires,
vous avez entre vos mains le pouvoir de rendre nos dernières années de vie plus
dignes, plus douces. Je vous remercie de votre attention, et Dr L'Espérance et
moi sommes disposés à répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, madame Leclerc. Merci, monsieur... Dr L'Espérance.
Votre témoignage, madame Leclerc, nous touche grandement ce matin, alors nos
pensées sont avec vous. Et je pense que ce que vous avez, comme témoin... ce
que vous avez témoigné va nous aider, va nous éclairer énormément. Alors, sans
plus tarder, je vais céder la parole à la ministre pour une période... je
m'excuse, j'ai un petit peu... 16 min 30 s. Merci.
Mme Bélanger : Alors... Bien,
bonjour, Dr L'Espérance. Bonjour, madame Leclerc. Un grand merci pour la
qualité et le dépôt de votre mémoire, que j'ai lu avec beaucoup d'attention.
Et, madame Leclerc, je veux aussi vous offrir mes plus sincères sympathies à
vous et à vos proches, et merci de témoigner de ce que vous venez de vivre et
de nous le partager. C'est très apprécié. Ça nous aide à mieux comprendre le
travail que nous avons à faire dans ce projet de loi, qui est fort important.
Dr L'Espérance, j'aimerais vous poser une
première question en lien avec le handicap neuromental. Alors, j'aimerais ça,
pour nous éclairer tous et toutes, que vous nous parliez de qu'est-ce que
c'est, le handicap neuromental, comment vous le concevez, comment vous
définissez ce que c'est le handicap neuromoteur.
M. L'Espérance (Georges) : C'est
une question qui a été amenée dans l'actualité législative depuis quelques
années. En fait, tout handicap peut être de handicap de tout autre ordre. Un
handicap neurolocomoteur, on s'entend qu'on est dans un handicap qui touche et
les nerfs ou le cerveau ou la motricité, mais ça fait partie des grands
handicaps. Et ce que je comprends du questionnement qui a été amené depuis
quelques années, ça a toujours été l'exemple d'un jeune homme qui se retrouve
paraplégique suite à un accident. Mais une personne qui est née avec une
encéphalopathie néonatale, c'est un handicap neurolocomoteur, une personne qui
va... qui est née avec une... par exemple, un syndrome de moelle attachée,
c'est un handicap neurolocomoteur, une personne qui a une tumeur de sa moelle
va avoir un handicap neurolocomoteur, etc. Je pense qu'on veut tenter de mettre
un peu en opposition le handicap neurolocomoteur avec des handicaps tels que la
vision ou la surdité. Mais perdre la vision, c'est un handicap neurologique,
donc c'est un handicap neuromoteur aussi, en quelque sorte.
Je pense que cette notion de handicap,
elle a été, disons, mise à l'intérieur des maladies par la Cour suprême, par la
Cour fédérale, par le Code criminel fédéral aussi. La seule... Pour moi, là, et
puis je ne suis pas tout seul, je peux vous garantir que tous mes collègues puis
même le Collège des médecins ont le même avis, le seul élément qui est très...
qui ne devrait jamais être touché, c'est le handicap intellectuel de naissance,
handicap intellectuel sévère, on ne parle pas de quelqu'un qui a un handicap
léger. Mais un handicap intellectuel sévère, c'est une personne qui ne pourra
jamais décider pour elle-même. Et ça, ça devrait être totalement exclu à tout
jamais, pour des raisons très évidentes de consentement.
Tout le reste, et je l'explique dans notre
annexe, toute maladie amène un handicap, qu'il soit léger ou important, qu'il
soit temporaire ou transitoire. Et je vous donne... Dans le mémoire, je parle
de l'exemple de la COVID. Tout le monde l'a vécu. Donc, toute maladie amène un
handicap et tout handicap vient d'une maladie, que ce soit une maladie
néonatale, que ce soit une maladie à la naissance, toute... une maladie
infectieuse, etc.
Donc, cette notion de handicap... je sais,
toutes les discussions qui ont lieu, on ne va pas refaire ici parce qu'on n'a
pas le temps, mais, dans l'annexe, on en parle. Mais là cette question du
handicap neuromoteur, et avec tout le respect que j'ai pour madame Hivon, et
elle le sait, c'est une... Madame Hivon a beaucoup insisté sur cet aspect-là,
mais tout ça a été largement discuté déjà au niveau fédéral. Puis, au niveau du
Québec, je pense que la question du handicap a aussi été discutée lorsqu'on
parlait de maladie. On ne peut pas faire la différence entre une maladie et un
handicap. Mais je pourrais discuter longtemps, mais je vais vous laisser poser
d'autres questions.
Mme Bélanger : Mais... hein,
c'est vraiment intéressant, mais ne trouvez-vous pas que le fait d'enlever la
qualification de neuromoteur et de parler dans de handicap, sans balise...
Mme Bélanger : ...est-ce qu'il
n'y a pas un risque qu'on assiste à un dérapage? Parce que la notion de
handicap, vous l'avez mentionné, c'est quand même une situation qui peut être
très, très large. Alors, vous croyez que ce n'est pas nécessaire que, dans le
projet de loi, que, dans la loi, on vienne préciser de quoi on parle quand on
parle de handicap?
M. L'Espérance (Georges) : Non,
parce qu'un handicap vient d'une maladie, et, de toute façon, les autres
critères sont là, l'aptitude, bien sûr. Mais une maladie grave et incurable...
Je vais vous donner un exemple complètement banal, là. Mettons que j'ai un
handicap parce que je me suis coupé le majeur. Bon, bien, j'ai un handicap,
c'est certain, mais ce n'est pas une maladie grave et incurable, là. C'est
peut-être incurable, mais ce n'est pas une maladie grave, et ça n'amène pas un
déclin irréversible, etc. Donc, tous les autres critères sont là. C'est
vraiment... Cette histoire du handicap moteur amène, disons, des blocages, pour
certains, qui n'ont pas lieu d'être. D'ailleurs, le Collège des médecins, en
2021, a averti tous les médecins que, s'ils suivaient le Code criminel
canadien, bien, il n'y aurait pas de problème. Mais je pense que vous savez
tous ces éléments-là déjà.
Mais je ne crois pas que, dans une loi, il
soit obligé de le qualifier. Ça devient un problème clinique, qui doit être
dans les guides cliniques. Par contre, ce que j'aimerais beaucoup voir dans la
loi, si vous me permettez, ce serait d'indiquer que cela exclut le handicap
intellectuel sévère, et ça, point final, quant à moi.
Mme Bélanger : D'accord.
Peut-être une autre question, puisque vous êtes là. Vous avez parlé tantôt de
la classification de dément heureux, mais à tort. J'aimerais vous entendre
là-dessus, parce qu'on entend aussi, complètement, des positions très
différentes par rapport à ça. Alors, vous entendre, comme spécialiste. Dément
heureux, est-ce que ça existe? Est-ce que c'est un diagnostic? Votre position
par rapport à ça?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
je ne suis pas certain du tout que c'est un diagnostic. C'est plus une
constatation que les soignants font ou que les familles peuvent faire. Mais,
Catherine l'a très bien exprimé, un dément heureux, c'est vraiment dans la
vision de celui qui voit le patient, mais le patient, qui, lui, alors qu'il
était apte et qu'il avait toute son aptitude et sa conscience... je ne suis pas
du tout certain qu'il est heureux... qu'il serait heureux de se voir dans la
condition où il est après. C'est pour ça que, pour moi, la question de la
démence heureuse est une question qui est un petit peu, disons, pour être poli,
un peu tendancieuse. D'ailleurs, Judes Poirier, qui est le grand spécialiste de
ça, avait très bien, aussi, fait un témoignage devant la commission.
Peut-être, Catherine aurait un mot à dire
sur la démence heureuse? J'ajouterais juste une chose : Est-ce qu'il y a
un seul d'entre vous qui veut se voir assis, dément, et en pensant qu'il va
être heureux?
Mme Bélanger : Oui, c'est une
bonne question. Ça va pour moi, merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci, Mme la ministre. Mme la députée de
Roberval.
Mme Guillemette : Merci. Mes
sympathies, Mme Leclerc. On est de tout cœur avec vous, et merci d'être ici
pour nous partager votre vécu, parce que c'est important d'avoir des
témoignages comme le vôtre dans la commission.
Dr L'Espérance, c'est un plaisir de vous
retrouver, on a eu plusieurs discussions. Et moi, je vous ramènerais sur la
notion du refus. Je sais que vous administrez l'aide médicale à mourir. Vous
réagissez comment à quelqu'un qui se débat, qui ne veut pas, qui semble
manifester un refus, mais qui a, d'emblée, avant ça, manifesté son intention
d'avoir l'aide médicale à mourir? On fait quoi avec ça légalement, et pour vous
aussi, là, pour la conscience du médecin?
• (12 heures) •
M. L'Espérance (Georges) : Oui.
D'abord, je tiens à préciser que Catherine, ce matin, est avec nous, est à
Vancouver, imaginez-vous, alors merci encore plus d'être là.
La question du refus... Ce matin,
j'écoutais les autres intervenants, et je trouve ça intéressant, c'est la
première fois que ça m'allume une lumière, parce qu'on parle de refus, mais, en
fait, la plupart du temps, sinon, la majorité du temps, c'est une résistance, et
je pense que M. Maclure l'a très bien dit. Et la résistance, on la voit
partout, je dirais, en clinique. Si vous avez un patient qui arrive intoxiqué à
l'urgence, il va être résistant. Si vous avez un patient qui est... puis je le
sais, j'en ai vu, dans ma vie... qui est comateux, mais, disons, léger, ou qui
est en trouble de conscience, il va être résistant au traitement qu'on veut lui
donner. Donc, la résistance, c'est une chose, et je pense que les explications
qu'on a eues ce matin vont dans ce sens-là.
Le refus, c'est une tout autre chose, et
moi, j'ai tendance à penser comme M. Maclure, si j'ai bien compris sa pensée...
parce que c'est un philosophe, ça fait qu'il faut quand même écouter comme il
faut... j'ai tendance à penser que, pour avoir un refus, il faut que le patient
soit apte. Par définition, s'il est rendu dément, il n'est plus apte à
présenter un refus. Et donc je crois qu'on revient à la case... au carré numéro
un : Qu'est-ce que la personne veut lorsqu'elle est apte? Qu'est-ce qu'elle
a décidé de vouloir pour sa fin de vie lorsqu'elle est apte? Et...
12 h (version non révisée)
M. L'Espérance (Georges) : ...arriver
au moment où elle est inapte, il peut y avoir une résistance, mais la
résistance, on la vit assez régulièrement. Les soignants qui... avec des
personnes âgées la vivent, les soignants qui sont dans des urgences ou ailleurs,
on vit cette résistance-là. Et, bon, il y a des moyens soit médicamenteux soit
doux de par... d'amoindrir la résistance du patient.
Mais moi, je n'aurais pas de problème avec cet
élément-là de diminuer la résistance du patient qui peut être tout à fait
normal. Si vous voulez mettre un cathéter à quelqu'un qui est un peu agité,
vous allez avoir de la résistance.
Mme Guillemette : Merci, Dr L'Espérance.
Je céderais la parole à ma colère.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, je pense qu'on a une question de la
députée de Vimont.
Mme Schmaltz : Bonjour,
Monsieur Lespérance, madame Leclerc. Madame Leclerc, veuillez accepter mes
condoléances de tout cœur.
En fait, ma question s'adresse à monsieur
Leclerc, ça concerne le point de J de votre mémoire. Et puis vous mentionnez
que ce sont les concepts qui posent problème au plan clinique et que ça tourne
autour de termes. J'aimerais vous entendre concernant les termes physique,
psychique, psychologique et existentiel. Parce que moi, dans ma tête, j'imagine
que psychique et existentiel, c'est un peu la même chose versus psychologique.
Pourquoi on en enlève un, mais on rajoute deux termes supplémentaires?
M. L'Espérance (Georges) : C'est
simple, vous avez raison, c'est simplement le fait que le terme psychique fait
beaucoup plus référence aux pathologies de santé mentale, et comme nous ne
sommes pas là et que la plupart du temps, d'ailleurs, les gens vont présenter
une souffrance psychologique, à savoir qu'est-ce qui va m'arriver, etc. Et l'existentiel,
bien, ça c'est un élément qui est... je dirais, un élément de surplus,
particulièrement pour les patients qui se font donner un diagnostic de maladie
dégénérative cognitive, l'Alzheimer, ou autre.
Parce que la grosse question... Et là je
vais laisser Catherine parler, parce que la grosse question dans l'existentiel,
dans une maladie comme ça, c'est : Qu'est-ce qui va m'arriver? À quoi va
servir ma vie quand je vais devenir complètement dément? Catherine, je voudrais
que tu complètes là-dessus.
Mme Leclerc (Catherine) : Oui,
bien, en fait, je pense que c'est donner un sens à sa vie. Donc, mon existence
sert à quoi? Et je pense, c'est la question qu'on se pose tous. Et c'est aussi
souvent de cette question-là qu'on va avoir, d'un autre côté, des résistances
de communautés religieuses, parce que, pour eux, le sens de la vie vient d'un
dieu quelconque, là, peu importe lequel, c'est dans la gamme de Dieu.
Mais, si je peux me permettre, en quoi
est-ce que c'est plus moral, ou acceptable, ou catholique, ou peu importe, de
mettre quelqu'un en sédation continue pendant des jours et des nuits en
attendant qu'elle décède de dénutrition? Donc, rendu là, si moi, mon... Si moi,
je me place dans une situation où qu'on me donne un diagnostic d'Alzheimer, et
ayant vu ma mère dépérir avec pourtant une démence heureuse et avec des soins d'une
qualité... On va se le dire là, mon père, quand qu'elle ouvrait les yeux le
matin, à 7 h et demie, il était déjà au CHSLD, il prenait soin d'elle de huit à
10 h par jour, il quittait seulement pour aller dîner. Et, lorsqu'elle fermait
les yeux pour s'endormir à 7 h et demie le soir, il était toujours à ses côtés.
Pour elle, c'est comme s'il vivait avec elle au CHSLD. Donc, si même dans ce
genre d'accompagnement là d'amour, je suis persuadée, et moi, je ne voudrais
pas vivre dans une situation comme ça, parce que, pour moi, ma vie n'aurait
plus de sens, donc mon existence n'aurait plus de sens... Ma mère, ça fait
longtemps qu'elle était décédée d'une certaine façon.
Donc, je pense que c'est un peu là où la
douleur existentielle est. Je suis qui, moi? Comme, c'est quoi, mon identité?
Donc, tout ça disparaît au fil que la maladie vient affecter différentes
cellules de ton cerveau. Et la possibilité de sourire que ma mère avait
encore... Je l'avais déjà exprimé lors de la commission en 2021, la seule une
raison pourquoi ma main souriait, c'est parce que la maladie ne lui avait pas
encore arraché la possibilité de le faire. J'ai deux de mes tantes qui ont
aussi la maladie d'Alzheimer. Il y en a une, malheureusement, que, vers la fin,
son cerveau était affecté de façon qu'elle criait ou... mais c'est juste une
question de quelle partie du cerveau ou d'inhibition a été affectée par la maladie,
de quelle façon physiquement ton corps a souffert de la maladie qui fait que tu
vas pouvoir sourire ou pas, ou avoir un comportement x, y, z. Donc, pourquoi
quelqu'un dont la maladie a évolué de façon où qu'elle crie ou manifeste des
signes qui semblent, dans notre perception à nous, représenter de la
souffrance...
Mme Leclerc (Catherine) : ...aurait
droit qu'on honore sa demande anticipée et ses volontés, alors que quelqu'un
dont le cerveau est affecté d'une manière différente, lui, on ne respecte plus
ses volontés. Moi, ça m'inquiète vraiment parce que, comme je vous le disais
tout à l'heure, si j'ai la moindre des chances avec un diagnostic d'Alzheimer,
de faire une démence heureuse comme ma mère, bien, je vais demander l'aide
médicale à mourir alors que je suis encore apte, je ne prendrai pas la chance,
je ne prendrai pas la chance. Puis, quand je dis : Je ne veux pas mourir
comme ma mère, là, bien, c'est surtout : Je ne veux pas vivre comme ma
mère les dernières années. C'est ce qui... Voilà.
M. L'Espérance (Georges) : Si
je peux prendre une seconde, Mme la députée, la souffrance physique s'objective
très bien. Pas besoin de faire de dessin. La souffrance psychologique,
c'est : Bien là, qu'est-ce qui va m'arriver, là, je vais mourir comment,
ça, c'est une souffrance psychologique, c'est qu'est-ce qui va m'arriver. La
souffrance existentielle, c'est qu'est-ce que je vais faire? À quoi va servir
ma vie? C'est ça, l'existence, le sens de l'existence. Je n'aurais plus de sens
de l'existence quand je serai rendu dément. C'est pour ça que moi, je suggère
fortement qu'on l'ait. D'ailleurs, quand on rencontre nos patients, on évalue
toujours les trois termes : physiques, psychologiques et existentiels.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci beaucoup. Je pense qu'il reste 1 min 16 s. Mme la députée de
Soulanges, rapidement.
Mme Picard : Merci beaucoup
pour votre apport à la commission. J'aimerais savoir, selon vous, quelles
seraient les bonnes balises pour la demande anticipée, en quelques secondes?
M. L'Espérance (Georges) : Des
balises...
Mme Leclerc (Catherine) : Mais
moi, je pourrais peut-être y aller, parce que dans mon mémoire, si vous voulez
vous référer, mon mémoire de 2021, pour moi, j'aimerais que ça m'arrive pouvoir
dire... séparer en différentes catégories. Donc, par exemple, maladie
d'Alzheimer, on sait que c'est sur sept stades, mais dire : Bon, bien,
lorsque je serai arrivé à tel stade des sept stades de la maladie, et de
pouvoir combiner avec certains critères. Donc, oui, là, c'est parce qu'on sait
que les maladies n'évoluent pas de façon linéaire d'un stade à l'autre, de
façon très structurée, hein, évidemment. Donc, on pourrait dire, par
exemple : Dans mon cas, ce serait lorsque je serais arrivé au stade cinq
et que j'aurais rencontré les symptômes suivants : donc je ne reconnais
plus mes proches depuis minimum six mois, je ne suis plus en mesure de
m'alimenter seule, je ne suis plus en mesure de... Donc, et là, à ce moment-là,
ces critères-là physiques ou cognitifs, donc je n'arrive plus, par exemple, à
faire telle ou telle activité d'autonomie physique, cognitive et selon les
barèmes de la maladie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci. on va poursuivre, de toute façon, la
discussion. Merci, Mme la députée. Je me tourne du côté de la députée de
Westmount-Saint-Louis pour une période de neuf minutes 54 secondes. La parole
est à vous.
• (12 h 10) •
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup pour votre témoignage et ce que vous avez partagé
avec nous, Dr L'Espérence et madame Leclerc. Puis mes condoléances sincères en
ce qui concerne le départ de votre mère. Votre histoire est très touchante,
puis ce que vous venez d'évoquer, ça me ramène à la même question que j'avais
partagée tantôt aussi, je pense que ça va être d'où l'importance de revoir le
formulaire. Ça fait que je relance la demande, si ce n'est pas écrit, mais de
s'assurer qu'on va pouvoir tous contribuer aux critères de ce qu'on verra à
l'intérieur de ce formulaire. Parce que ce que vous venez d'évoquer est quand
même important puis c'est très personnel. Les choix de chacun seront aussi
personnels, puis je souhaite que ça soit pris en considération.
Dr L'Espérance, je souhaite revenir sur la
notion de handicap, parce que vous dites que nous devons enlever
"neuromoteur". J'ai entendu les échanges que vous avez eus avec Mme
la ministre et je partage les préoccupations. Mais vous avez aussi ajouté des
notions de handicap grave et incurable, selon vous, je présume que ce serait
important d'avoir une définition dans la loi, en ce qui concerne... c'est quoi,
la notion de handicap. Parce que vous avez aussi parlé de, par exemple... ça
peut être un handicap si nous avons perdu notre vision.
M. L'Espérance (Georges) : Oui,
mais, encore une fois... D'abord, premièrement, la Cour suprême n'a jamais
donné de liste de maladies, la Cour suprême a toujours parlé de maladie,
affection ou handicap. Et je ne pense pas qu'en faisant une liste de handicaps,
on soit beaucoup plus avancé, parce que le handicap, ce que j'ai dit tout à
l'heure, c'est que les autres critères sont tout aussi valides bien sûr :
maladies graves et incurables, et cetera. Donc, le handicap, c'est inclus à
l'intérieur de cela.
Mon point, c'est que cette différence,
entre le handicap et les maladies que l'on fait depuis quatre, cinq ans au
Québec, n'a pas sa raison d'être au point de vue médical, s'entend. Et, encore
une fois, les exemples que l'on donnait souvent, c'était, par exemple, le jeune
homme de 25 ans qui a une blessure de sa moelle, qui devient paraplégique,
pourra obtenir...
M. L'Espérance (Georges) : ...l'aide
médicale à mourir. Il n'y a aucun médecin qui va donner l'aide médicale à
mourir à un jeune homme comme ça. Pourquoi? Parce qu'on sait qu'il y a une
étape de consolidation. Normalement, toutes les blessures du système nerveux,
il y a deux ans qui s'écoulent avant qu'on parle de séquelles définitives, il y
a des fois aussi plus rapides que d'autres, mais, d'autre part, il y a tout le
processus de réadaptation, c'est vrai pour les traumatismes crâniens, c'est
vrai pour les traumatismes médullaires, mais ce terme... de vouloir définir un
terme de handicap, alors que dans le dans la médecine, c'est défini un handicap,
c'est tout ce qui ne concerne pas un fonctionnement normal du corps. Alors, à
chacun de définir ce qui est pour lui un handicap, mais il faut les autres
critères, maladie grave et incurable, etc. Et ça nous met en porte à faux avec
tous les... Tous les citoyens ici sont en porte à faux avec les autres citoyens
canadiens qui eux n'ont pas à définir ce type de problématique là.
Mme Maccarone : Mais ça
m'amène des préoccupations de la perception qu'on donne de la vie d'une
personne en situation de handicap parce qu'il y en a plusieurs, entre autres,
comme par exemple Jonathan Marchand qui a fait une protestation devant
l'Assemblée nationale, lui, il fait face... puis il vit avec une maladie grave
et incurable, mais il souhaite vivre. Alors, je veux vraiment agir avec de la
prudence puis utiliser des mots qui sont justes puis délicats, parce que je ne
veux surtout pas donner l'impression que ces personnes... c'est comme un
commentaire qu'on fait en ce qui concerne la qualité de leur vie. Surtout que vous
faites la comparaison avec une personne, mettons, qui a eu un accident
d'automobile, vous l'avez évoqué, qui est en période de réadaptation, mais là,
on ajoute aussi la notion de souffrance, puis c'est là où je me retrouve
dans... vous avez dit un questionnement existentiel, comment déterminer la
souffrance de cette personne si elle... parce que vous avez dit «s'échelonne
sur plusieurs années» dans votre mémoire, par exemple, il n'y a aucun médecin
qui va administrer l'aide médicale à mourir à ce jeune homme de 24 ans qui
vient d'avoir un accident d'automobile, qui a perdu l'utilisation de son corps,
il est quadriplégique, mais combien d'années, si, mettons, il revient cinq ans
plus tard, après cinq ans de rétablissement, de travail, mais la souffrance qu'il
a, il est en douleur et il souffre psychologiquement parce qu'auparavant
c'était un athlète olympique, est-ce que lui, il serait éligible pour recevoir
l'aide médicale à mourir, selon la définition de la notion de handicap grave et
incurable?
M. L'Espérance (Georges) : Bien,
il a une maladie grave et incurable, il a eu une blessure de sa moelle, c'est
incurable. Il a eu... il a des souffrances physiques, psychologiques ou
existentielles, il a eu tout ce qu'il fallait pour avoir... c'est-à-dire on a vérifié
qu'il avait eu tout ce qu'il fallait comme aide par la suite, réadaptation,
etc., etc. Donc, après, on ne peut pas mettre dans une loi un délai, mais après
cinq ans, huit ans, 10 ans, cette personne-là peut revenir avec une
demande et là on refait le même processus. Je ne vois pas où il y a vraiment un
problème parce qu'on pourrait poser le même questionnement avec une maladie,
une personne peut avoir une maladie, et parce qu'elle a une maladie, on
considère les autres critères, et elle va être admissible, mais parce que c'est
un handicap neuromoteur, là, à ce moment-là, on ne considère pas, faudrait
qu'il y ait des délais. On ne peut pas fonctionner comme ça. Le handicap vient
d'une maladie, et on peut tourner ça dans tous les sens, un handicap, ce n'est
pas une entité en soi, l'handicap vient d'une maladie.
D'autre part, et vous avez raison de dire
qu'il y a des gens qui se sentent... Mais l'aide médicale à mourir, ce n'est
pas du tout donné à tout le monde, c'est donner à la personne qui le demande.
Alors, il y a plein de gens handicapés, très lourdement handicapés qui ont des
vies extraordinaires. On a eu des collègues, nous, un collègue psychiatre à
Québec, qui est maintenant décédé malheureusement, mais qui a eu une vie
extraordinaire. Il y a plein de gens comme ça qui ont des vies remarquables,
c'est leur choix, mais pour certaines personnes qui ont un handicap lourd qui
vient d'une maladie, x, y, z, bien, eux, s'ils demandent l'aide médicale à
mourir, on doit évaluer ces patients-là de la même façon qu'on évalue les
autres et non pas par rapport au regard d'un groupe de patients handicapés. Mme
la juge Beaudoin, dans sa décision de la Cour supérieure, avait très bien
élaboré sur ce sujet-là et a donné de très belles... très beaux paragraphes juridiques,
et je dirais même un peu cliniques et philosophiques sur ces aspects-là.
Mme Maccarone : Merci.
J'avoue, je réitère quand même ma préoccupation que si ce n'est pas bien défini
dans la loi, j'ai des préoccupations que malgré qu'il y avoir quelqu'un qui
pense qu'il devrait avoir recours à l'aide médicale à mourir serait refusé
parce que ce n'est pas clair, parce que c'est flou en ce qui concerne la
définition de qui qui devrait être éligible...
Mme Maccarone : ...si on n'a
pas des critères, puis je ne vous demande pas d'élaborer une liste de toutes
les maladies dont on devrait être dire que vous, vous êtes éligible, mais vous
n'êtes pas éligible. Mais, si ce n'est pas clair et si on n'a pas des balises
en place... Par exemple, on parle de la souffrance puis, comme on sait, lors
des débats que nous avons eus dans la commission spéciale, c'est très difficile
de déterminer et d'évaluer la souffrance aussi d'une personne parce que c'est
subjectif. Moi, la façon que je souffre va être différente que la façon de ma
collègue de Châteauguay va souffrir, ce n'est pas du tout la même affaire.
Alors, je vous mets à la même la même circonstance, quelqu'un qui est dans un
accident d'automobile, il perd l'utilisation de son corps puis l'autre personne
qui est dans le même accident d'automobile perd sa vision et ses capacités
auditoires, mais pour cette personne qui est musicien, cette personne qui
contribue, puis c'est sa façon de gagner sa vie, mais il est en train de
souffrir. Puis là, on n'est plus dans un état parce qu'on ne parle plus de
soins de fin de vie, on parle des maladies parce qu'on parle d'aide médicale à
mourir. Ça fait que je suis préoccupée de savoir comment ça va être administré.
Et puis pour vous, les médecins, comment vous avez faire des choix? Puis vous
avez parlé d'harmoniser beaucoup dans votre mémoire avec la loi fédérale pour
ici, avec, avec notre code civil par exemple et ce que nous allons faire en
terme de cette loi. Mais je suis préoccupé parce que dans un an, par exemple,
on doit prendre en considération les troubles mentals parce que c'est juste un
retard. Alors, nous allons faire face à encore un débat, ça fait que je
souhaite mieux vous équiper. Dans le fond, c'est ça la problématique, je pense,
que dont nous faisions face.
M. L'Espérance (Georges) : La
santé mentale est un autre sujet. On est tout à fait d'accord. Mais le
handicap, ça fait six ans qu'on se débat avec ça, nous comme médecins, et c'est
la... pour le Canada anglais, ça ne pose pas de problème. Encore une fois,
c'est une question médicale, et en fait, la réponse est un peu dans votre
question parce qu'on ne peut pas, nous, dans le regard du patient, savoir si
est existentielle ou psychologique. C'est le patient qui ressent sa souffrance,
et nous, notre travail, c'est de l'écouter et de et de tenter de voir par tous
les moyens possibles quelle est cette souffrance, si elle est réitérée, si elle
persiste dans le temps. C'est ça notre travail. Mais ce n'est pas à nous de
décider, surtout pas, et personne d'autre d'ailleurs, de décider à quel niveau
le patient souffre.
Mme Maccarone : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je vais maintenant céder la
parole à la députée de Sherbrooke pour une période de 3 min 18 s. La parole est
à vous.
• (12 h 20) •
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Merci d'être ici ce matin. Mme Leclerc, mes sympathies pour le
décès de votre mère.
J'essaie de voir comment on peut répondre aux
problèmes que vous nous énoncez par rapport à votre propre vie parce que vous
n'êtes pas la seule à vous poser ces questions-là évidemment. On vous voit tous
venir des situations comme celle-là. Est-ce que vous voudriez pouvoir dire, de
manière anticipée, vos volontés par rapport à la démence heureuse? Puis je me
demande si on ajoute la notion de souffrance existentielle et qu'une personne
dans cette demande anticipée pouvait énoncer clairement que pour elle, vivre
dans une situation que certains appellent la démence heureuse, ce serait une
souffrance existentielle. Est-ce que ça permettrait de répondre à l'enjeu que
vous soulevez puis de laisser une certaine souplesse aussi parce que ce n'est
pas nécessairement perçu par tout le monde de la même manière, là, l'état de démence
heureuse? Certains peuvent trouver, comme vous, par exemple, que ce n'est pas
du tout une belle qualité de vie. D'autres pourraient trouver que ce que ça ne
nécessite plus d'avoir recours à l'aide médicale à mourir. Donc, pensez-vous
que ce serait une manière de répondre à la préoccupation que vous énoncez?
Mme Leclerc (Catherine) : Bien,
écoutez, de façon très très très simple, on pourrait juste inscrire dans la
demande si je semble présenter des symptômes d'une démence heureuse, procéder
ou ne pas procéder à la demande. Donc, à ce moment-là, il y a des gens qui,
pour eux, se disent : Bien, si ma maladie se développe et que j'ai l'air
d'être bien dans la maladie, comme on entend des fois, puis qu'ils sont prêts à
vivre avec ces conséquences-là, que leurs demandes deviennent caduques selon ce
qu'ils présentent comme symptômes, bien, c'est leur choix, libre à eux, aucun
problème. Moi, je ne veux pas, par exemple, me voir privée de ma demande
anticipée parce que, dans le regard de quelqu'un d'autre, je paraîtrais ne pas
souffrir à ce moment-là. Donc ça pourrait être très simple effectivement, de
mettre une coche... une case à cocher, démence heureuse, procéder ou ne pas
procéder, et voilà. Des fois...
Mme Labrie : Est-ce que, de
votre point de vue, ça nécessite une modification législative...
Mme Labrie : ...de pouvoir
procéder comme ça ou c'est plutôt une question, là, de formulaire à la fin?
Mme Leclerc (Catherine) : Pour
moi, c'est plus une question de formulaire et de protocole, et de façon...
donc, comme le formulaire dans lequel on va combiner les différents critères
qu'on va vouloir voir appliquer dans notre demande. Donc, je crois qu'à ce
moment-là ça pourrait faire partie du formulaire et que ça ne devrait pas être
enchâssé dans une loi, parce que, tu sais, les choses peuvent changer et le
formulaire va être plus apte à s'adapter à la réalité du futur qu'un projet de
loi ou qu'une loi.
Mme Labrie : Donc, ce n'est
pas nécessairement la rédaction de la loi actuelle qui vous fait craindre qu'on
vous empêche d'exécuter votre volonté, c'est plutôt parce qu'on ne connaît pas
encore la teneur, là, du formulaire.
Mme Leclerc (Catherine) : En
fait, la façon dont, présentement, c'est inscrit avec le caractère objectivable
de la souffrance psychologique ou existentielle, ça, ça m'inquiète parce que
ça, ça m'empêcherait qu'on exécute ma demande anticipée. Donc, si, à ce
moment-là, on met comme de quoi... Bien, en fait, oui, ça pourrait être
contourné par un formulaire qui dit : Dans le cas où n'est pas
objectivable une demande... une souffrance existentielle, ou de procéder quand
même selon les critères qui ont été décrits dans la demande anticipée.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour votre réponse, madame Leclerc. Je passe
maintenant la parole pour trois minutes et 18 secondes à la députée de
Laviolette-Saint-Maurice. Merci.
Mme Tardif : Merci, madame
Leclerc, je vous réitère ce que mes collègues nous ont dit, là, mes sincères
condoléances, et j'aime croire que votre mère vous accompagne, donc, à vous et
votre famille.
Dr L'Espérance, sans diminuer l'importance
de l'objection qu'un patient a au moment ou la réaction qu'un patient peut
avoir au moment de lui administrer l'aide médicale à mourir suite à sa demande,
quel est l'impact... la médication qu'on donne au patient sur leur comportement
à être heureux ou agressif? Parce que j'ai suivi aussi mon père jusqu'en fin de
vie et j'ai constaté qu'il y a des... certains médicaments qui les rendent
agressifs, malheureusement. Et je sais que ce n'est pas dans ce projet de loi,
actuellement ce n'est pas dans le projet de loi, mais on a reçu des demandes à
avoir une certaine ouverture.
Je me questionne et j'aimerais avoir votre
avis par rapport au fait qu'il y a des parents qui ont vu leurs grands
adolescents souffrir le martyre, qui ont vécu le décès de leurs enfants avec
des maladies incurables, irréversibles, souffrant, tous les mêmes critères, là,
et qui ont recommandé qu'on ait une certaine ouverture par rapport à la voie,
que ce soit la voie naturelle raisonnablement prévisible. Surtout qu'il
apparaît que, peut-être incessamment, le gouvernement fédéral va modifier les
critères d'admissibilité. Donc, je veux avoir... Je ne me positionne pas, je
veux avoir votre avis médical par rapport à ces deux points. Merci.
M. L'Espérance (Georges) : Bon,
bien, effectivement, ce n'est pas un projet de loi. Notre position est très
claire là-dessus, et la mienne, comme médecin, l'est encore plus, ce qu'on
appelle les mineurs matures, disons à partir de 12 ans, ce n'est pas
tellement l'âge qui est important, c'est la capacité de l'enfant de comprendre
sa situation.
Deuxièmement, les jeunes qui ont le
malheur d'avoir de telles pathologies, d'abord, on s'entend que ça serait tous
dans la voie un, c'est-à-dire la mort naturelle raisonnablement prévisible. La
très grande... la totalité, ce sont des cancers, des saloperies, permettez-moi
ce mot qui n'est pas parlementaire, ce sont des cochonneries, ce sont des
jeunes qui passent une partie de leur vie à l'hôpital. Ils ont des chirurgies,
de la radiothérapie, de la chimiothérapie, ils sont amputés. C'est effrayant.
Et on arrive à un jeune, disons, de 17 ans et demi et on lui dit Bien non,
tu ne peux pas avoir l'aide médicale à mourir, attends six mois, souffre
encore, puis à 18 ans tu vas pouvoir demander. Alors, il y a quelque chose
de complètement incongru dans ça.
Et j'ajouterais que ces jeunes-là, puis
moi, j'en ai traité au début de ma carrière, des jeunes avec des pathologies
sévères, là, ils ont une maturité que bien des gens n'ont pas à l'âge adulte.
Et je pense que de priver des jeunes de 12 à 18 ans de leur autonomie
alors qu'ils sont très aptes à décider pour eux-mêmes, je pense, ce n'est pas très
correct, mais ça ne fait pas partie du projet de loi actuel.
Mme Tardif : Et par rapport à
la médication qu'on donne, est-ce que ça pourrait jouer sur le comportement,
justement, d'une personne qui semble... ou qui elle peut aussi changer d'idée,
là, mais...
Mme Tardif : ...elle
change... elle semble changer d'idée, et, des fois, j'attribue ça sur la
médication qui est tellement forte qui leur est donnée et qui les rend
agressifs.
M. L'Espérance (Georges) : Vous
avez raison. Puis pour des patients qui sont encore aptes effectivement, on va
voir des modifications de comportement. Là, je sors pas mal de mon domaine de
compétence même, mais il reste, c'est vrai que la médication peut amener une
modification du comportement chez des patients. Maintenant, chez des patients
qui sont devenus inaptes, chez des patients déments, on va avoir les mêmes
réactions physiologiques ou physiopathologiques, mais on tourne toujours dans
la même chose, ce patient-là est devenu dément, ce n'est plus la même personne
qui l'a été pendant toute sa vie, alors je crois que c'est pour ça qu'on doit
respecter l'autonomie, la dignité de ce patient-là, alors qu'il était lui-même
ou elle-même, là, alors que cette personne-là était elle-même ce qu'elle a été
toute sa vie, ce qu'elle a représenté, sa dignité, son autonomie.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dr L'Espérance. À nouveau,
Mme Leclerc, merci beaucoup pour votre témoignage. Nos sincères
condoléances. Je vais suspendre les travaux jusqu'à l'avis touchant les travaux
des commissions cet après-midi. Merci beaucoup à tous et à toutes.
(Suspension de la séance à 12 h 27)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 21)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît? Nous allons donc reprendre nos
travaux avec la Commission des relations avec les citoyens. Je rappelle le
mandat, nous poursuivons donc les consultations particulières et auditions
publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les
soins de fin de vie et autres dispositions législatives.
Cet après-midi, nous allons entendre les
personnes et les organisations suivantes...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...Mme Véronique Hivon, ancienne députée de Joliette.
Je peux maintenant nommer votre nom, le Collège des médecins du Québec,
Mme Nicole Poirier, de Carpe Diem, Centre de ressources Alzheimer, la
Commission sur les soins de fin de vie ainsi que le Curateur public du Québec.
Donc, pour ces auditions particulières, je vous rappelle le temps des
auditions, donc, d'une durée maximale de 45 minutes, le temps du
gouvernement, 16 min 30 s, celui de l'opposition officielle neuf
minutes... 8 min 35 s, parce que nous allons avoir également le
Parti québécois, vous pouvez vous approcher, 2 min 52 s pour le
deuxième groupe d'opposition, 2 min 52 s pour la députée
indépendante ainsi que 2 min 12 s pour le Parti québécois. Je
vous rappelle, Mme Hivon, que vous avez 10 minutes pour votre exposé,
puis nous procéderons ensuite à une période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi qu'à commencer votre
exposé, à parler.
Mme Hivon (Véronique) : Merci,
Mme la Présidente. Je suis Véronique Hivon, ex-ministre, ministre et ex-députée
de Joliette. Je tiens à remercier chaleureusement les membres de la commission
de m'avoir invitée à participer aux présentes consultations. Cela témoigne
d'une ouverture et d'une volonté renouvelée de travailler en collégialité qui
transcende même maintenant la fin des législatures et des engagements en
politique active. Je veux souligner d'ailleurs l'engagement de la ministre qui
présente le projet de loi en tout début de mandat, de l'ex-présidente de la
commission spéciale et de tous les porte-parole des oppositions. Vous êtes
tous, je le sais, très investis.
Mon mémoire est composé de trois sections,
beaucoup plus approfondies que ce que je pourrai reprendre en 10 minutes,
mais je suivrai le même ordre. Je partagerai d'abord quelques remarques préliminaires,
puis je procéderais à une discussion générale des trois enjeux centraux du
projet de loi. Pour ce qui est de la dernière section, je présente mes
observations détaillées sur plusieurs des articles. Je n'aurai pas le temps de
l'aborder, mais il me fera plaisir d'en discuter pendant la période des
échanges.
D'abord, il m'apparaît essentiel de
débuter en rappelant l'importance, lorsque l'on parle d'un enjeu aussi sensible
et complexe que l'aide médicale à mourir, de favoriser le débat social et parlementaire
le plus large qui soit. Si on peut statuer que les fondements du débat sont
bien en place pour la question de la demande anticipée, à la suite notamment de
la commission spéciale et du groupe d'experts Maclure Filion, il n'en va pas de
même pour la question du handicap, qui n'a pas eu droit au même type
d'exercice, contrairement à la tradition québécoise.
D'où l'importance d'aller au fond des
choses dans le cadre de cette consultation-ci et d'entendre largement, avec
beaucoup d'ouverture et sans a priori, tous ceux qui souhaitent être entendus.
Il en va aussi du respect d'une forme de pacte qui a été conclu, je dirais,
lors des débats entourant la loi initiale, avec ceux qui avaient des craintes
et qui arguaient qu'une fois qu'une première ouverture serait faite, les
ouvertures successives se multiplieraient dans une certaine forme
d'automatisme, ce à quoi nous avions bien sûr répondu que ce ne serait jamais
le cas et qu'il en allait de la responsabilité première des élus de retourner
chaque pierre face à chaque enjeu. Me sentant un peu comme la principale
dépositaire de ce pacte, à ce jour, je souhaite le partager aujourd'hui avec
vous, question que tous les citoyens soient bien rassurés, évidemment, par le
sérieux du travail qui sera fait.
Deuxièmement, il faut rejeter l'idée
d'effectuer de nouvelles ouvertures au seul nom de l'harmonisation avec le Code
criminel. Cela signifierait de taire les débats et d'y aller d'automatismes
allant tout à fait à l'encontre de ce pacte que je viens d'évoquer. La loi
québécoise doit demeurer autoportante et ancrée dans les perspectives, les
valeurs et les consensus du Québec. On se tendrait de surcroît un piège à
nous-mêmes en adoptant une telle approche, car cela aurait pour effet de
rejeter le cœur même du projet de loi no 11, soit la demande anticipée qui
est non prévue à ce jour au fédéral, alors qu'elle entre parfaitement dans nos
champs de compétence.
Dernière remarque toujours garder en tête
l'importance de ne pas dénaturer ou rendre désincarnée la philosophie unique de
la loi québécoise qui intègre, on le sait, à la fois les soins palliatifs et
l'aide médicale à mourir sur un continuum et de ne pas migrer vers une vision
de l'aide médicale à mourir comme un geste isolé.
Maintenant, sur la discussion générale, la
demande anticipée d'aide médicale à mourir. Je vais passer rapidement sur les
fondements de l'ouverture à l'aide médicale à mourir par demande anticipée et
sur mon positionnement, ceci étant bien établi dans le rapport de la commission
spéciale de laquelle j'ai eu le privilège d'être membre. Je continue à être
convaincue que la demande anticipée en prévision d'inaptitude est une avancée
humaniste significative qui permettra d'éviter des fins de vie extrêmement
difficiles et très souffrantes...
Mme Hivon (Véronique) :
...pour qu'il en soit véritablement ainsi, toutefois, un souci constant pour
les personnes vulnérables devra se manifester. L'encadrement doit donc être
extrêmement réfléchi, strict et rigoureux.
De plus, pour que cette ouverture ne
demeure pas qu'une idée théorique, sa faisabilité doit être une préoccupation
constante. Ça signifie à la fois d'avoir des règles claires et des médecins et
IPS en nombre et expertises suffisants pour accompagner les personnes
désireuses de faire une telle demande. Il faudra assurément que la
sensibilisation et la formation soient au rendez-vous.
Au cœur de l'encadrement de la demande
anticipée se trouve évidemment le respect des critères actuellement
applicables. Si nous nous éloignons, par exemple, du respect du critère central
de la souffrance contemporaine au moment de l'administration de l'aide médicale
à mourir, ça signifierait qu'il serait moins contraignant pour une personne
devenue inapte que pour une personne apte d'obtenir l'aide médicale à mourir,
alors que tous conviendront que la vulnérabilité plus grande des personnes
inaptes commande au contraire une vigilance accrue.
En ce qui a trait précisément, donc, au
critère des souffrances constantes et insupportables, la formulation proposée
dans le projet de loi nous apparaît adéquate dans la mesure où elle indique
clairement que, pour que l'aide médicale à mourir soit administrée, il faudra à
la fois qu'il y ait présence de ce qui est mentionné dans la demande anticipée
et présence de souffrance vécue au moment de l'évaluation de la personne.
Certaines questions devront toutefois trouver des réponses sans aucune
ambiguïté dans le cadre de l'étude détaillée. Qu'est-ce qui sera considéré
comme une demande faite de façon détaillée, au sens de l'article 29.3? Cela se
fera sur un formulaire où l'on coche des cases ou par une véritable description
faite par la personne permettant de vraiment tenir lieu de témoignage. Si une
personne prend soin de faire une demande anticipée et prévoit dans le détail
certaines souffrances qu'elle ne voudrait pas vivre, mais omet la principale
forme de souffrance qui se révélera finalement être la sienne, est-ce à dire
qu'on ne pourra lui administrer d'aucune façon l'aide médicale à mourir?
Pourrait-elle prévoir globalement que, si elle souffre de manière constante et
intolérable, elle veut recevoir l'aide médicale à mourir ou ce serait jugé non
conforme? Qu'en serait-il de la personne qui ne souffrirait pas en lien avec la
maladie ayant mené à son inaptitude, mais qui aurait des souffrances liées à
une autre maladie grave et incurable, comme un cancer? Pourrait-elle prévoir
qu'elle veut aussi que ses souffrances soient prises en compte?
Il faudra par ailleurs qu'il soit bien
clair dans l'accompagnement des personnes que le fait d'avancer dans
l'évolution de la maladie et de franchir certains stades ne représente pas en
soi une souffrance pouvant donner ouverture. Dans un autre ordre d'idées,
l'atteinte de certains stades pourrait toutefois être jugée utile pour déterminer
que la personne remplit le critère du déclin avancé et irréversible.
L'inclusion du handicap neuromoteur. J'ai
déjà énoncé l'importance de faire un débat en profondeur sur cet enjeu et
d'éviter à tout prix l'automatisme. J'expose dans mon mémoire qu'un bref retour
dans l'histoire établit que le contexte dans lequel le terme a fait son entrée
était bien différent de ce qui est l'état des lieux dans un contexte maintenant
non lié à la fin de vie. Ainsi, l'inclusion signifiera-t-elle qu'un jeune sportif
de 20 ans qui perd l'usage de ses jambes ou une pianiste qui perd l'usage de
ses mains à la suite d'un accident pourrait faire une demande si les autres
critères sont remplis? Je me questionne d'ailleurs, en passant, dans mon
mémoire, sur l'applicabilité du critère du déclin à une situation de handicap,
de surcroît quand on parlerait d'un handicap de naissance, puisque c'est un
concept lié davantage à l'évolution d'une maladie qu'à un état. Bref, c'est
tout un changement de paradigme, mais je pense qu'il faut aller au fond des
choses.
• (15 h 30) •
Au-delà, donc, de la question fondamentale
qui demeure de savoir s'il est opportun ou non, socialement et éthiquement,
d'ouvrir cette possibilité, parmi les questions qui méritent d'être
approfondies, je mentionnerais en priorité: Quelle est la définition de
«handicap neuromoteur»? Le projet de loi devrait, selon moi, inclure une
définition pour assurer une compréhension commune et une application prévisible
du concept. Par ailleurs, quelle serait la justification de limiter l'aide
médicale à mourir au seul handicap neuromoteur? En vertu de quel principe
serait-il légitime de permettre l'aide à mourir pour des souffrances liées à la
perte de l'usage d'une jambe ou d'un bras, par exemple, mais pas de la vue ou de
l'ouïe? Devrait-on prévoir un encadrement spécifique à ces situations,
notamment pour s'assurer qu'une période d'adaptation nécessaire à
l'apprivoisement d'une nouvelle réalité à la suite d'un accident, par exemple,
soit applicable avant qu'une personne puisse faire une telle demande? Ce ne
sont pas des éléments, selon moi, qui peuvent être laissés uniquement à la
pratique et au terrain, car ils sont à la base de l'exercice d'un droit
potentiel.
En terminant, le retrait du critère de fin
de vie...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Hivon (Véronique) : ...J'ai
peu de temps pour aborder cet enjeu qui est discuté dans mon mémoire. Je vais
juste mentionner rapidement que le critère de fin de vie n'étant plus appliqué
dans la pratique depuis le jugement Gladu Truchon un peu plus que deux ans,
cela a donné lieu à l'application d'une mesure différenciée pour les personnes
qui ne sont pas en fin de vie, un fameux 90 jours qui est dans le Code
criminel, et a des interprétations autonomes sur le terrain qui ont des effets
significatifs et qui méritent à ce stade-ci qu'on s'y arrête afin de déterminer
si le législateur souhaite qu'elles perdurent ou corriger le tir. Alors, je
serai maintenant heureuse de répondre à vos questions et d'échanger avec vous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme Hivon. Alors, justement, pour
répondre à ces interrogations, ces questionnements, ces commentaires, je vais
céder la parole à Mme la Ministre.
Mme Bélanger : Mme la
Présidente, Mme Hivon, ça fait vraiment plaisir de vous rencontrer. Je
pense que c'est la première fois que je vous rencontre en personne en plus,
même si j'ai l'impression de vous connaître depuis quand même plusieurs années.
Je veux quand même souligner qu'aujourd'hui, c'est notre première journée de ces
consultations particulières. Et ce matin, donc, on a ouvert le bal en recevant
déjà différentes personnes. Et vous ne serez pas surprise que, dans les groupes
que nous avons reçus ce matin, déjà plusieurs nous ont parlé de la notion de
handicap et même suggéré d'enlever la notion du terme, en particulier
«neuromoteur», pour ne conserver que la notion de handicap dans une perspective
de s'arrimer avec le fédéral, mais aussi parce qu'étant donné que tous les
critères sont déjà bien décrits dans la loi, c'est-à-dire être... avoir une
maladie incurable, être... avoir des souffrances physiques, psychologiques
difficiles à supporter, difficiles à être apaisées. Donc, comme tous les
critères sont là et le côté de l'irréversibilité, donc, pour les gens qui sont
venus témoigner ce matin, ils nous ont dit : Bien, pourquoi préciser la
notion de neuromoteur dans ce cas-là, puisque le handicap devrait, si elle
répond à certains critères qui sont déjà énoncés, ça devrait être suffisant
pour bien baliser l'aide médicale à mourir.
Mme Hivon (Véronique) : Alors,
d'entrée de jeu, merci beaucoup pour la question. Vous aurez compris de mon
propos que je pense que ce débat-là doit être fait en profondeur sur le fond
des choses, sur l'opportunité même d'ouvrir. Et je pense qu'au cœur de la
réflexion, vont devoir être entendus, comme vous allez le faire dans quelques
jours, les groupes qui représentent les personnes handicapées, les personnes
handicapées. Où est le consensus social là-dessus? Comme moi, j'imagine, vous
avez reçu beaucoup de commentaires sur cet enjeu-là depuis que le projet de loi
a été déposé. Si d'aventure c'est maintenu dans le projet de loi, je pense qu'effectivement
c'est une question légitime, vous connaissez mon point de vue, pas à cause d'une
question d'harmonisation avec le fédéral. Je veux le redire, je pense que c'est
un piège que le Québec se tendrait d'être dans une logique pure d'harmonisation.
On n'aurait jamais bougé en 2009. Le Code criminel n'était pas ouvert à l'aide
médicale à mourir et là on ne bougerait pas sur la demande anticipée, ce qui,
je pense, serait une grave erreur parce que c'est ancré dans un consensus
social solide.
Donc, je pense que si on fait l'ouverture,
si les parlementaires décident de la faire, c'est parce qu'ils vont juger que c'est
en accord avec ce qui est bien, le bien commun de la société et les personnes
qui sont directement touchées. Ceci dit, si on est dans ce cas de figure là, je
pense effectivement que la question se pose. Qui peut juger et en vertu de quel
principe? Serait-il plus souffrant nécessairement, par exemple, de perdre l'usage
de ses jambes que de perdre l'usage de sa vue ou de son ouïe? Qui va déterminer
ça? Donc, je pense que c'est excessivement complexe si on rentre là-dedans.
Même chose, le handicap intellectuel. En
fait, si on y va pour le handicap, ça, c'est un autre élément, sans définition,
sans restriction, en théorie, si une personne qui a un handicap intellectuel
est toujours apte à consentir, vous savez très bien que ça peut être le cas, et
le handicap pourrait quand même être jugé grave et incurable, ça ouvre cette
porte-là aussi. Ce ne sont pas des petits débats. Alors, ce qui m'inquiète
quand... Puis je comprends la position des médecins, là. Je comprends que, sur
le terrain, si tout était pareil, ce serait plus simple et plus confortable,
mais la responsabilité de la société puis des parlementaires, c'est de voir
tous les angles et de faire cette agrégation-là. Alors, de ce point de vue là,
je pense que c'est une question légitime qui est soulevée, est-ce que
neuromoteur devrait rester ou pas s'il y a ouverture? Mais surtout quelle est
la définition qu'on donne? Est-ce que les jeunes dont je parlais, qui peuvent
vivre une souffrance psychique terrible à la suite d'un accident, un sportif,
une pianiste, est-ce qu'ils ont droit à cette possibilité-là? Parce que je
pense que...
Mme Hivon (Véronique) : ...ça
va toujours pas mal, après la période d'adaptation, être considéré incurable et
pas mal toujours quand tu perds l'usage d'un membre grave. Donc, où on va
mettre la limite? D'où l'importance, je pense, que ce travail-là se fasse dans
le cadre du projet de loi.
Mme Bélanger : Madame Hivon,
vous avez beaucoup d'expérience, vous avez mené le premier projet de loi, vous
avez fait partie de la Commission spéciale sur les soins de fin de vie.
J'aimerais peut-être juste revenir sur la notion de handicap. Je comprends,
dans la présentation que vous nous avez faite tantôt, que vous êtes favorable à
la notion de handicap neuromoteur mais en ayant la précaution de bien entendre,
de bien examiner la question. Est-ce qu'à la lumière de l'expérience que vous
avez depuis des années vous êtes ouverte à ce que, dans le projet de loi, il y
ait seulement la notion de handicap et qu'on exclue complètement le volet
neuromoteur?
Mme Hivon (Véronique) : Je ne
suis pas... Je ne me positionne pas... Vous allez trouver ça fatigant, là, mais
je ne veux pas me positionner aujourd'hui sur le bien-fondé de l'ouverture au
handicap. Pourquoi? Parce que, justement, je pense que, dans la tradition
québécoise, on a toujours fait d'abord, d'habitude, des débats dans des
commissions spéciales sans a priori, en entendant tout, en n'ayant pas de
position de départ. Et je pense que c'est très simple de le faire comme ça en
démocratie. Puis ce n'est pas parce que, c'est juste que je ne veux pas
orienter les choses par rapport à ça.
Donc, ce que je vous dis, c'est que ce
n'est pas une mince affaire et que l'encadrement, si les parlementaires, le
législateur décident d'aller de l'avant, il va être essentiel, selon moi, pour
même envisager cette ouverture-là. Parce que j'entendais ce matin, puis j'ai
beaucoup de respect pour Dr L'Espérance puis je sais qu'il a référé à moi
aussi, j'ai beaucoup de respect avec lui, puis des fois il y a des choses,
beaucoup de choses sur lesquelles on s'entend, mais, quand moi, j'entends les
médecins dire : Vous savez, on ne le fera pas, là, à quelqu'un, on ne
donnera pas l'aide médicale à mourir si ça fait juste un an qu'il a eu un
accident puis qu'il a perdu l'usage de ses jambes. Mais qui qui va décider ça?
À partir du moment où c'est dans une loi puis qu'il n'y a rien qui le détaille
et qui le définit, si un médecin dit : Oui, ça répond aux critères, c'est
grave et incurable, bien, il va peut-être le donner. Quelqu'un d'autre va
peut-être avoir une appréciation différente, d'où l'importance que ce soit
clairement dit.
L'autre chose sur la question du handicap
qui me laisse un peu perplexe, c'est que, ce matin, on entendait que tout
handicap découle d'une maladie. Bien, si c'est ça, la position, puis que tout
handicap découle d'une maladie, je ne comprends même pas pourquoi on fait un
débat. Parce que la maladie grave et incurable, elle est dans le projet de loi.
Puis, s'il y a des symptômes qui sont ceux d'un handicap qui en découlent, la
personne est admissible. Si le débat se fait, c'est parce qu'on fait une
distinction, selon moi, fort à propos. Ce n'est pas exactement la même chose.
Le handicap, c'est plus un état qu'une maladie qui va évoluer. Alors, ce n'est
pas... ce n'est pas rien, comment affaire.
Puis je dis dans mon mémoire, je fais une
petite recension historique, qu'il ne faut pas oublier que, quand ce mot-là,
là, est apparu dans le Code criminel, on était dans un contexte de fin de vie,
de mort raisonnablement prévisible, ça fait que c'était pratiquement une vue de
l'esprit. Un handicap ne vous mène pas en soi à être en fin de vie. Et là,
quand le critère a tombé à la suite du jugement Gladu-Truchon, le mot, il est
resté dans le Code criminel, mais il n'y a pas eu un débat en profondeur sur ce
que ça voulait dire maintenant qu'on n'était plus en fin de vie. Alors, je
pense que, maintenant, le Québec, avec le sérieux qu'il donne à ce dossier-là,
doit le faire, ce débat-là.
Mme Bélanger : Je ne peux pas
faire autrement que poser une autre question, j'ai encore un peu de temps.
Trouble mental, j'aimerais ça vous entendre. Vous avez participé à la
commission spéciale sur les soins de fin de vie, puis c'était une des
recommandations d'exclure complètement... trouble mental. Et c'est ce qu'on a
fait dans le projet de loi que j'ai déposé. J'aimerais vous entendre à ce
sujet-là.
• (15 h 40) •
Mme Hivon (Véronique) : Bien,
essayant d'être généralement cohérente avec moi-même, je partage toujours la
position que j'avais comme membre de la commission spéciale. Je pense que c'est
la bonne position, pas parce qu'il n'y a pas de souffrance mais parce que c'est
d'une telle complexité, c'est la même chose pour le handicap, c'est la même chose
pour la demande anticipée, que l'idée même d'ouvrir doit s'accompagner d'une
certitude que ça va être applicable avec toutes les balises nécessaires. Et, au
sortir des travaux de la commission spéciale, on n'avait pas atteint ce niveau
de sérénité, comme élus, que cette certitude-là était là.
Mme Bélanger : O.K., merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci, Mme la ministre. Il reste encore à
sept minutes 35 secondes. Mme la députée de Vimont.
Mme Schmaltz : Bonjour,
madame Hivon. En fait, j'aimerais bien vous entendre sur la définition de la
souffrance intolérable. Et vous avez mentionné tantôt de ne pas... de sortir,
justement, du concept d'harmonisation. Si on sort de ce concept-là et on...
Mme Schmaltz : ...fini la...
si on arrive à définir la souffrance intolérable, est-ce qu'on devrait
personnaliser, à ce moment-là, le débat... bien, le débat, je veux dire, sur la
question.
Mme Hivon (Véronique) : Oui.
C'est une très bonne question. La souffrance intolérable, en fait, je dirais
que c'est vraiment ce qui devient intolérable pour la personne dans des
conditions qu'elle juge acceptables. Exemple, avec la demande contemporaine,
là, qui existe en ce moment, vous souffrez tellement de votre cancer qu'on doit
vous donner des doses importantes de calmants, que vous êtes somnolent, que
vous venez à faire un délirium, que vous avez des hallucinations, quelqu'un
peut dire : Bien là, on essaie de calmer mes souffrances, mais les effets
secondaires sont tels que ce n'est pas dans les conditions que je peux juger
acceptables. Et ce niveau-là, il est très défini par la personne avec
l'appréciation du professionnel compétent qui l'accompagne. Évidemment, quand
on est dans la demande anticipée, il y a une complexité plus grande parce que
la personne, au moment deux... Moi, je dis toujours, il y a le moment un où on
fait l'écriture de notre demande anticipée, on a eu notre diagnostic, on est
apte, puis il y a le moment deux, où l'on n'est plus apte, et qu'un tiers de
confiance, par exemple, dit : Je pense que ma mère est rendue à éprouver
des souffrances intolérables et je voudrais qu'on évalue. Donc, comment on va
faire ça, bien, je pense que ce qui est dans le projet de loi est exactement
comment on doit le faire, c'est-à-dire de se fier sur le témoignage de la
personne de manière anticipée, mais de s'assurer que ce n'était pas juste une
projection anticipée d'une souffrance, mais qu'au moment deux, quand la
personne est devenue inapte et qu'on constate qu'elle semble souffrir,
qu'effectivement elle souffre, puis là je ne suis pas médecin, donc les
médecins vont pouvoir vous répondre, mais pour mes échanges avec eux, on est
capable physiquement puis aussi psychologiquement de voir si une personne devient
soudainement très agitée et se met à faire de l'errance, a des hallucinations,
est crispée, a peur dès qu'une personne rentre dans son appartement, dans sa
chambre, ce sont des manifestations de souffrance. Et pour que ce soit
intolérable, bien, il faut évidemment que ce soit jugé, que la personne n'a
plus de bien-être et aussi que c'est constant dans le temps. Donc, ça, je fais
juste un petit aparté, vous l'avez dans la section c, là, du mémoire. J'ai noté
que pour la demande anticipée, au lieu de souffrance constante, vous avez mis
souffrance persistante, je vous soumets humblement que je pense que pour ne pas
créer de confusion, ce serait mieux de garder toujours les mêmes critères,
«constante», et que la persistance peut être mesurée en amenant un autre
élément qui est là pour la demande contemporaine, qui est de mesurer la
persistance de la souffrance à des moments différents. Donc, ça, je l'expose en
détail, je pense qu'on ferait une pierre deux coups, on aurait la notion de
persistance, mais on ne créerait pas une confusion entre constance et
persistance.
Mme Schmaltz : ...je peux
ajouter juste une dernière petite question, pensez-vous qu'au final... là on
parle, on a des critères, on a... bon, on a élaboré quelque chose, mais, au
final de tout ça, ça repose quand même, la décision finale, sur le
professionnel de la santé qui va lui-même juger, peut-être hors critères, de se
dire : O.K., bien là, le moment est arrivé. Et non pas parce que la
personne, à ce moment-là, est en crise physique très visible. Il peut aussi...
ça repose finalement une décision entièrement humaine, là, si je comprends.
Mme Hivon (Véronique) : Totalement
humaine, extrêmement complexe, extrêmement difficile. Et je pense que les
médecins vont porter une charge encore plus forte que celle qu'ils portent, et
les infirmières praticiennes, évidemment, si c'est accepté, à l'heure actuelle,
parce que de donner l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui n'est plus là pour
le demander en temps réel, c'est une charge professionnelle et émotive
assurément très forte, d'où l'importance que l'encadrement soit très clair.
Puis c'est pour ça que quand je dis... c'est des questions réelles, là, quand
je dis si quelqu'un a pris le temps de faire sa demande était apte, qu'elle a
prévu les souffrances mais qu'elle a été accompagnée d'une manière qu'on n'a
pas prévu une forme de souffrance qui va s'avérer être la forme de souffrance
qui l'affecte le plus, mais qu'elle ne l'aura pas décrite, qu'est-ce qu'on va
faire avec ça? Moi, j'ai un point de vue, je pense qu'on devrait être capable
de définir de manière relativement large, tout en étant capable de juger qu'on
a eu un consentement, mais pour ne pas vivre des situations comme celles-là.
Même chose si une personne a un cancer et qu'elle souffre atrocement de son
cancer, mais pas de sa maladie d'Alzheimer. Moi, je comprends, quand c'est
écrit dans le projet de loi que ça doit être lié, que les souffrances qui sont
décrites doivent être liées à la maladie, je suis tout à fait d'accord avec ça,
mais s'il y en a une autre maladie, comme un cancer en plus de la maladie
d'Alzheimer, ce n'est pas une vue de l'esprit, là, ça peut arriver, est-ce que
la personne peut le prévoir? Donc, c'est des questions d'application qui, je
pense, doivent vraiment habiter les parlementaires pour qu'après sur le
terrain, ça se passe...
Mme Hivon (Véronique) : ...Bien
parce que ça va déjà être extrêmement complexe.
Une voix : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Mme la ministre.
Mme Bélanger : Ça va
aussi, oui.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : J'ai encore deux minutes. Est-ce que j'ai d'autres
questions? Mme la députée d'Abitibi-Ouest, la parole est à vous.
Mme Blais : Merci,
Mme Hivon, d'être avec nous aujourd'hui. Que signifie pour vous mourir
dans la dignité?
Mme Hivon (Véronique) : mourir
dans la dignité, selon moi, c'est mourir en étant je dirais dans un état où on
est capable d'avoir le sentiment qu'on est encore soi-même et qu'on est capable
de vivre l'étape ultime de notre vie de manière conséquente, avec nos valeurs
et sans souffrance. Donc, je pense que c'est ça, si on me demande c'est quoi,
mourir dans la dignité.
Pour ce qui est de la question de la
demande anticipée, c'est beaucoup plus complexe. J'entendais ce matin les
débats sur la question de souffrance existentielle. Petit aparté, selon moi, la
souffrance existentielle fait partie de la souffrance psychique. Ça a toujours
été interprété comme ça. Pour ce qui est de la demande contemporaine, en ce
moment, des gens vont manifester toutes sortes de souffrances psychiques, y
compris existentielles, qui va faire partie de l'évaluation. Mais c'est sûr que
c'est beaucoup plus complexe. Et, si vous me dites : est-ce que du seul fait
de projeter une souffrance qu'on pourrait traverser, mais qui peut-être ne
s'avérera pas? Je ne pense pas qu'on peut aller jusque là, parce qu'il faut
aussi faire attention de ne pas complètement déshumaniser quelqu'un qui évolue
dans le cadre d'une maladie dégénérative comme la maladie d'Alzheimer. Beaucoup
de personnes vont encore avoir des moments où elles vont apprécier la vie de
différentes manières. Elles n'auront pas de grandes souffrances, elles vont
vivre des pertes, mais elles vont avoir encore des petits bonheurs. Donc, je
pense qu'il faut intégrer ça dans la réflexion.
Mme Blais : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour ces échanges. Je me retourne maintenant
du côté de la députée de Westmount-Saint-Louis. Pour votre bloc, vous avez huit
minutes 35 secondes.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, madame Hivon, Véronique, vraiment un plaisir de
t'avoir parmi nous aujourd'hui.
Moi, je veux revenir évidemment sur la
notion de handicap. Comme tu sais sans doute, je suis très préoccupée de
l'ajout de notions et je ne veux pas faire fausse route puis je pense que
personne ici ne souhaite faire fausse route en ce qui concerne l'ajout de la
notion de handicap. Parce que, comme on a dit à maintes reprises, on n'est plus
dans l'État, là, maintenant on est dans la maladie. Puis là, on a entendu les
témoignages précédents que peut-être nous devons enlever la notion de
neuromoteur. Tu as élaboré un peu en ce qui concerne cette notion. Mais on a
aussi entendu qu'on devrait rayer ou d'ajouter la notion que ce ne serait pas
applicable pour les personnes qui sont dans une situation de handicap,
déficience intellectuelle. Mais on peut imaginer qu'on parle de quelqu'un qui
souffre d'une déficience intellectuelle grave, hein, ça fait que cette personne
sera en situation d'inaptitude, c'est clair. Mais, pour une personne, mettons,
si on enlève la notion de neuromoteur, mais «handicap» reste, une personne
autiste, par exemple, qui est apte, mais souffre d'une déficience
intellectuelle, mais apte à consentir à des soins, comment devons-nous traiter
ça dans la loi? Puis, si on ne le traite pas puis on laisse juste tel quel,
est-ce que c'est une discrimination envers eux puis leur possibilité d'autodéterminer
s'ils rejoignent tous les autres critères évidemment de maladie comme tu viens
d'évoquer, une personne qui est gravement malade, une personne autiste peut
être atteinte d'un cancer, par exemple, et être en fin de vie? Mais, si ce
n'est pas adapté, est-ce que ça se peut que cette personne n'aura pas le droit
de faire une demande d'aide médicale à mourir?
• (15 h 50) •
Mme Hivon (Véronique) : Vous
avez des bonnes questions, je trouve. Donc, je veux juste... Je suis allée
chercher, là, en temps réel... «Constitue un handicap toute limitation
d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son
environnement par une personne en raison d'une altération substantielle durable
ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales,
cognitives ou psychiques.» Donc, je pense que ça vous montre à quel point c'est
large, la notion de handicap.
Le handicap, c'est le fait d'avoir des
limitations dans ton interaction avec ton environnement, dans le fond. Et c'est
beaucoup plus un concept social même que médical. Alors, c'est pour ça que ce
n'est pas une mince affaire. Puis je sais que je me répète, mais c'est parce
que, oui, on peut comprendre que les médecins viennent dire : oui, mais
là, ça serait plus clair, OK. Mais, socialement, ça veut dire quoi? Si une
personne autiste, capable de consentir, a un cancer, bien, elle a une maladie
grave et incurable, elle a un cancer, en vertu de son...
Mme Hivon (Véronique) : ...elle veut
obtenir l'aide médicale à mourir, ça va. Si une personne autiste juge que
l'autisme est un handicap, puis vous voyez comment la définition est large,
est-ce à dire que, si elle juge qu'elle souffre de manière intolérable et que
son déclin est avancé et irréversible, qu'elle pourrait obtenir l'aide médicale
à mourir? Puis moi, je comprends que les médecins disent : Bien, on ne le
fera pas. O.K.. Peut-être que le médecin qui vient vous dire ça, il ne le fera
pas. Mais, si on ne le précise pas dans la loi, est-ce que la personne va dire :
Bien, excusez, moi, j'ai droit à ça, là? Il y a une ouverture dans la loi qui
devrait me permettre d'y avoir accès. C'est ça tout le nœud de l'affaire et
pour lequel il faut aller au fond des choses dans la loi parce que ça ouvre la
possibilité d'exercer des droits.
Donc je pense que la notion de handicap,
elle est extrêmement large. Mais ce que je dis par ailleurs, c'est que...
Qu'est-ce qui, philosophiquement ou éthiquement, si vous décidez d'aller de
l'avant avec le handicap, justifie une distinction entre les différentes formes
de handicap?
Mme Maccarone : Selon toi,
qu'est-ce qui peut arriver s'il n'y a pas un consensus en ce qui concerne la
terminologie qui serait adoptée dans cette loi?
Mme Hivon (Véronique) : Bien, je pense
que ce qui est fondamental, c'est que la société sache ce qui se passe comme
débat. Donc, ça a l'air d'un grand principe, là, mais je vous explique, si
c'est adopté, c'est large. On s'est dit : Oui, oui, oui, ça va bien se
faire, tout ça, puis que dans deux ans il y a la une d'un journal, je ne sais
pas, qui dit qu'un jeune homme de 25 ans qui a eu un accident il y a
18 mois a été jugé répondre aux critères, puis que là la société
dit : Wo! Bien là, ça va trop loin. Je pense qu'il faut avoir ça en tête
parce qu'on ne veut pas perdre l'ensemble du consensus et du travail qu'on a
fait, qui est sur des bases extrêmement solides jusqu'à maintenant, y compris
sur la demande anticipée, pour une question qui n'aurait pas été suffisamment
débattue ou correctement comprise.
Mme Maccarone : ...le
formulaire, on a entendu beaucoup de questions là-dessus. Est-ce que tu penses
que ça serait important de voir le formulaire pendant que nous sommes en
consultation pour s'assurer que la population aussi peut s'exprimer en ce qui
concerne les critères de demandes anticipées?
Mme Hivon (Véronique) : C'est une...
Je pense que c'est toujours un plus. Quand on avait fait la première loi, on
n'avait pas le formulaire, là, écrit, là, parce qu'on se comprend que ça va
prendre du monde, vraiment du terrain, avec une conscience très profonde de ce
que ça veut dire, médecins, travailleurs sociaux, psychologues, infirmières.
Bon, il va falloir qu'il y ait des gens très... Mais on avait, comme, exposé ce
que seraient les grands principes du formulaire, comment on encadrerait ça
globalement pour pouvoir avoir une idée, parce que c'est de l'essence même, je
pense, de l'ouverture à une nouvelle forme d'aide médicale à mourir, une
nouvelle circonstance de savoir comment on va l'encadrer. Puis moi, je pense
que ce n'est pas banal de savoir, est-ce que c'est des cases qu'on va cocher ou
est-ce qu'on va faire un témoignage? Parce qu'entre vous et moi il y a des gens
qui vont les cocher, toutes les cases, parce qu'ils vont dire : Là, ça va
bien. Moi, je ne voudrais vivre aucune, aucune souffrance.
Donc, est-ce que ça va vraiment avoir une
plus-value par rapport à un témoignage, où la personne va vraiment exprimer ce
qu'elle juge être des souffrances? Alors, ça peut être un mélange des deux
aussi, mais ce n'est pas anodin, tout ça, là.
Mme Maccarone : Ça me ramène
à ma dernière question, et, s'il reste du temps, ma collègue souhaite poser des
questions aussi. Mais, dans le mémoire que tu as déposé, tu souhaites qu'il y a
une période prévue avant la mise en vigueur, parce que ça prend la formation,
entre autres, en ce qui concerne... formulaire, puis l'application, puis c'est
quoi, le rôle de chaque personne à l'intérieur d'une demande anticipée, ou autre.
C'est quoi, le temps que, toi, tu penses que nous devons prendre pour assurer
que l'application de la loi, qui sera potentiellement... peut-être adoptée, qui
devrait être mis en vigueur.
Mme Hivon (Véronique) : À la loi
initiale, on avait prévu 18 mois. Puis on l'avait prévu pourquoi? Parce
que je pense qu'il y a une question d'efficacité puis de mettre les gens en
mouvement quand on sait qu'il y a une échéance plutôt que de dire à une date
indéterminée.
Donc, je pense que certainement un horizon
de 18 mois ou 12 mois, là... parce que ça peut être un peu moins,
parce que le grand est fait, mais ça va être... je veux dire, le grand premier
pas est fait, mais la demande anticipée... si on parle de demande anticipée, le
handicap, c'est autre chose aussi. Il va y avoir des guides, éventuellement
pour la demande anticipée, des guides de pratique, tout ça. Donc, il faut
donner un temps suffisant. C'est clair.
Mme Maccarone : C'est qui qui
devrait s'occuper de cette formation?
Mme Hivon (Véronique) : Bien, je pense
que c'est des... les ordres professionnels, très certainement. Je pense que le
ministère doit être très vigilant dans une concertation avec les ordres
professionnels. L'autre chose, maintenant que les...
Mme Hivon (Véronique) : ...IPS
vont être là, je pense que ça va être important aussi qu'il u ait comme une
unification de comment chaque ordre doit un peu traiter les choses, notamment
quand la Commission des soins de fin de vie renvoie un dossier pour lequel ils
ont des questions qu'il y a une certaine uniformisation. Donc, probablement
qu'il va falloir qu'ils travaillent... qu'ils travaillent ensemble.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme Hivon, pour ces réponses. Je cède
mettant la parole à la députée de Sherbrooke pour une période de
2 min 52 s
Mme Labrie : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Mme Hivon. Véronique, contente de te retrouver.
Sur la notion de handicap, vous avez été très claire que ça prend un débat
public, que le Québec doit faire ce débat-là. Mais je ne suis pas certaine
d'avoir compris le processus auquel vous nous appelez. Est-ce que, pour vous,
les auditions qui ont cours dans le cadre de ce projet de loi là constituent en
soi ce grand débat public que le Québec devrait tenir? Ou est-ce que vous nous
invitez plutôt à retirer ça du projet de loi, puis à le faire en commission
spéciale? Parce que ça m'apparaît quand même important de, oui, effectivement,
de tenir ce débat-là, mais de le faire dans les bons paramètres.
Mme Hivon (Véronique) : Je
dirais que si... Parce que, là, le retirer puis dire on va aller faire une
commission spéciale, le problème qu'il va y avoir d'autres enjeux, et tout ça,
si vous décidez de le garder, je pense qu'il faut juste avoir l'ouverture de
dire O.K. s'il y a des groupes qui se disent : Moi je vais être entendu.
On les entend. Je sais c'est quoi la vie parlementaire, le rôle de leader et
tout ça, mais ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas se contraindre pour,
après, avoir une épine dans le pied, de dire le processus n'a peut-être pas été
assez légitime parce qu'on n'était pas allé en profondeur, puis on n'a pas fait
la... Ça fait que, moi, je dirais minimalement, dans ce cadre-ci, donnez toute
la place qu'il faut à cet enjeu-là.
Deuxièmement, je ferais aussi une
consultation en ligne. On a toujours fait ça pour les autres enjeux. On l'a
fait dans la commission spéciale. Ça permet aux gens de s'exprimer, de répondre
à des questions, de se positionner, la population en général, les personnes qui
vivent en situation de handicap. Je pense que ce serait un plus. Et si, dans le
cours, ensuite, de l'étude détaillée, vous jugez qu'il y a vraiment besoin
d'éclaircissements, moi, je vous recommanderais de refaire, on avait fait ça
pour la commission spéciale numéro un, des auditions, quitte à ce que ça soit
en plus petits groupes, mais de vraiment approfondir ça.
Mme Labrie : Donc, c'est
possible de le faire dans le cadre de ce projet de loi, mais en gardant
toujours les auditions ouvertes à la limite tout au long du processus.
Mme Hivon (Véronique) : De
le faire ça en ligne, ce n'est vraiment pas escamoter le débat. Je suis
tannante avec ça, mais si on est dans une logique d'harmonisation pure,
jusqu'où ça va mener? Je veux juste vous dire, il y a des gens qui vont
dire : La loi québécoise, là, on n'en a plus besoin, on tasse ça. Ce qui
serait une perte énorme parce qu'on a une philosophie unique au monde, d'un
continuum de soins palliatifs et d'aide médicale à mourir. Ça fait qu'il faut
être extrêmement prudent de tomber dans ces automatismes-là. Donc, faisons un
débat en profondeur. Puis si vous êtes capables de le sortir pour comme
dire : On fait quelque chose en parallèle, puis on le ramène. Super, là!
Je pense qu'on peut être créatifs aussi.
Mme Labrie : Pour que
personne ne puisse déplorer de ne pas avoir pu se faire entendre dans le cadre
du processus, là.
Mme Hivon (Véronique) : Ou
de ne pas le savoir. Moi, je me rends compte qu'il y a beaucoup de... Il y a
beaucoup d'incompréhension par rapport à ça, beaucoup.
• (16 heures) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cet échange intéressant. Je veux
maintenant donner la parole à la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour une
période de 2 min 52 s également.
Mme Tardif : Ah bon!
Avant le Parti québécois? Ah! Merci. Merci. Bonjour, Mme Hivon. C'est un
plaisir. Tout d'abord, j'aimerais vous remercier au nom de la société
québécoise parce qu'effectivement on vous prête le qualificatif de mère de
cette loi, mais vous êtes mère de plusieurs lois. Donc, merci pour le temps que
vous avez passé en politique. Là, j'ai une question et je me demandais comment
vous vous positionnez par rapport à une situation où, au moment où la personne
qui est atteinte du stade qu'elle a décrit, soit par formulaire ou suite à une
rencontre, mais elle l'a décrit clairement et elle est apte à recevoir l'aide
médicale à mourir, mais que son comportement, qui peut peut-être, souvent,
parfois être affecté par la médication, donne l'impression qu'elle ne veut plus
l'aide médicale à mourir. Est-ce que vous seriez porté à vous référer au
formulaire et à ce qu'elle a demandé initialement ou vous seriez porté à
dire : Ouf! on attend?
Mme Hivon (Véronique) : Oui.
Je pense qu'il faut se mettre dans les chaussures, pour prendre une mauvaise
expression anglaise, de l'équipe soignante. Donc...
16 h (version non révisée)
Mme Hivon (Véronique) : ...eux
qui vont vivre cette situation-là extrêmement perturbante, je peux l'imaginer.
Moi, je suis d'avis que le plus clair la demande anticipée peut être par
rapport à ça, le mieux ce serait. Donc, que la personne indique que, si elle a
des manifestations qu'on peut juger cliniques liées à sa maladie qui semblent s'apparenter
à un refus mais qu'elle est inapte, qu'elle est prête à ce qu'on passe outre,
je pense que ça donnerait un niveau de confort ou de sérénité plus grand. Ça ne
veut pas dire que c'est obligatoire, mais je pense que ça pourrait être une
piste intéressante.
Par ailleurs, je comme les intervenants de
ce matin, je pense que la distinction entre un refus et un rejet lié à la
maladie, ça, c'est un plus du projet de loi, là, je trouve que c'est bien, bien
indiqué, mais c'est vrai que est-ce qu'on peut vraiment parler de refus quand
on est inapte ou c'est plus une manifestation d'une résistance ou d'un rejet?
Moi, le point supplémentaire que j'amène, pas pour compliquer la vie, mais c'est
la cohabitation entre le refus que vous prévoyez dans le régime et le refus
catégorique qui est à l'article 16 du Code civil. Je dois vous dire que je
me demande comment ces deux régimes-là vont cohabiter. Parce que, si une
personne est jugée refusée catégoriquement, on peut aller devant le tribunal
pour demander une autorisation, alors que là, comme c'est écrit dans le projet
de loi, s'il y a un refus, même s'il n'est pas catégorique, c'est supposé
rendre la demande caduque. D'ailleurs, je note, dans la partie mon mémoire, que
je pense qu'il faut assouplir ça, là. Ça ne peut pas être final, une fois on a
évalué, elle a refusé, eu des manifestations, on rejette la demande, là. Donc,
je pense qu'il faut apporter un soin à ça, là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, pour terminer ces... ces échanges,
pardon, je laisse la parole aux députés des Îles-de-la-Madeleine pour une
période de deux minutes 12 secondes. La parole est à vous.
M. Arseneau : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, madame Hivon, de votre présence. C'est un beau
cadeau que vous nous faites aujourd'hui, en ce jour de votre anniversaire. J'aimerais
revenir, on a deux minutes, sur la question du critère de soins de fin de vie. En
fait, vous l'avez mentionné suite au jugement, là, Gladu-Truchon sur le
handicap mais qui était associé à une fin de vie imminente, si j'ai bien
compris, alors qu'aujourd'hui il y aurait un danger de désincarner, que ce soit
un acte médical séparé. Pouvez-vous élaborer là-dessus?
Mme Hivon (Véronique) : Je
dirais deux choses, là, je l'ai dit tout à l'heure, quand le mot «handicap» a
fait son entrée, il était avec le critère de mort raisonnablement prévisible
dans le Code criminel, il faut toujours garder ça à l'esprit. Quand ils ont
enlevé le critère, le débat en profondeur ne s'est pas fait sur toutes les
implications. Je pense que c'est ce qui peut expliquer notamment que les gens
dans le reste du Canada sont aussi un peu dubitatifs, ça se fait mais très peu,
mais, au Québec, avec l'expérience qu'on a, et tout, on peut se douter qu'il y
aurait des demandes. Donc, c'est pour ça qu'il faut y penser.
Les éléments que j'ai mis dans le trois,
le point trois de ma section B, c'est vraiment : dans le projet de loi, il
y a un choix qui est fait de ne pas différencier une personne qui est en fin de
vie de pas en fin de vie, il n'y a pas de trajectoire différente. Dans le Code
criminel, ils ont mis un 90 jours si vous n'êtes pas réputé être en fin de
vie, donc, entre l'évaluation et le moment où vous pouvez recevoir l'aide
médicale à mourir. Et loin de moi l'idée de vouloir harmoniser, je veux juste
porter à votre attention que, sur le terrain, ce 90 jours là, il est
appliqué. Alors, si le Québec juge que lui ne veut pas différencier, je pense
qu'il doit être très conscient qu'il doit dire quelque chose là-dessus ou, au
contraire, s'il veut différencier, qu'il le fasse pour garder une loi
québécoise autoportante.
Et la dernière chose que je voudrais dire
là-dessus, ça fait un peu plus que deux ans, le critère de fin de vie a sauté.
Quand on avait fait la loi, vu qu'on était dans un contexte de fin de vie, on n'avait
pas spécifié que les souffrances éprouvées par une personne doivent être en
lien avec sa maladie grave et incurable, parce qu'on est en fin de vie, ça nous
semblait aller de soi. Là, sur le terrain, on n'a jugé que, si les souffrances
étaient vécues, maux de dos, côlon irritable, migraines récurrentes, et qu'elles
ne sont pas en lien avec la maladie grave et incurable, qui pourtant est le
critère pour donner ouverture, que c'était acceptable.
Mais je vous soumets juste la question
éthique suivante : Si une personne souffre des mêmes symptômes, de maux de
dos chroniques, de côlon irritable, de migraine récurrente, mais qu'elle n'a
pas, par ailleurs, une maladie grave incurable, elle ne pourra pas avoir l'aide
médicale à mourir. C'est le genre d'interprétations qui sont faites sur le
terrain. Donc, si vous voulez changer un peu ça, je pense que c'est le moment
de s'y pencher dans le cadre du projet de loi puisque le critère est retiré.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Sur ce, merci beaucoup, madame Hivon, pour votre apport non
seulement à la commission spéciale... la commission spéciale, mais également la
commission que nous représentons. Alors, au nom de tous les membres de cette
commission, du personnel, merci encore. Et je me permets un joyeux anniversaire
pour cette belle journée...
Mme Hivon (Véronique) : ...de
la plus belle des manières.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Encore merci. Alors, je suspends les travaux pour quelques
instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 16 h 06)
(Reprise à 16 h 09)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Les travaux de la
commission reprennent. Nous recevons maintenant le Collège des médecins, qui
est représenté par le Dr Maurice Gaudreault, président, ainsi que le Dr Alain
Naud, administrateur. Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes
pour votre exposé. Vous commencez par vous présenter, ensuite s'ensuivront les
périodes de questions. La parole est à vous.
• (16 h 10) •
M. Gaudreault
(Mauril) :Merci. Bonjour à tous et
toutes. Mme la ministre Sonia Bélanger, Mme la Présidente Lucie Lecours,
membres de la commission, merci d'entendre cet après-midi les commentaires du
Collège des médecins du Québec sur le projet de loi n° 11 modifiant la Loi
concernant les soins de fin de vie. Nous voulons notre témoignage éclairant et
constructif pour vous, les parlementaires. Nous sommes aujourd'hui la voix des
patients qui ont droit à un soin. Nous sommes aussi la voix des médecins qui
veulent le prodiguer en toute légalité et sans ambiguïté. Je suis le Dr Mauril
Gaudreault, médecin de famille depuis plus de 50 ans, président du Collège
des médecins du Québec depuis un peu plus de quatre ans, et j'ai déjà été doyen
associé à la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke. Je suis
accompagnée du Dr Alain Naud, médecin de famille lui aussi, qui prodigue les
soins palliatifs et de fin de vie depuis près de 40 ans. Il a été témoin
expert au procès Gladu-Truchon. Il est également membre du conseil d'administration
du Collège des médecins du Québec.
Nous sommes ici pour faire valoir certains
aspects médicaux qui devraient être pris en compte dans le nouveau projet de
loi. D'abord, nous sommes heureux que la ministre Bélanger reprenne avec autant
de conviction un projet de loi mort au feuilleton l'an dernier et qu'elle le
bonifie. On reconnaît là l'empreinte de son expérience clinique. Les avancées
de cette nouvelle version du projet de loi sont nombreuses et je veux prendre
le temps de les soutenir. Enfin, les infirmières praticiennes spécialisées
pourront administrer l'aide médicale à mourir...
M. Gaudreault
(Mauril) :...comme c'est déjà le cas pour
l'ensemble de leurs collègues partout ailleurs au Canada depuis 2016.
Enfin, toutes les maisons de soins palliatifs
devront dorénavant offrir l'aide médicale à mourir. Aux dernières heures de
leur vie, des personnes n'auront plus ainsi à quitter en ambulance ces maisons
pour aller mourir sur un lit d'hôpital. Nous saluons aussi les dispositions qui
autoriseront, en temps et lieu, les demandes anticipées. Nous soulignons, bien
sûr, aussi le retrait du critère de fin de vie de toute manière inopérant
depuis le jugement de la Cour supérieure de 2019 dans l'affaire Truchon et qui
n'a pas été porté en appel. Nous sommes heureux également de l'obligation pour
les établissements de constituer un groupe interdisciplinaire d'experts pour
soutenir les professionnels de la santé et des services sociaux qui participent
à l'offre des soins de fin de vie.
Et, en terminant, le retour du handicap
comme critère d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Ce terme est inclus
dans le Code criminel. C'est un droit reconnu d'un bout à l'autre du Canada
depuis 2016, sauf au Québec. Nous nous en réjouissons de revoir ce terme de
handicap au nom des personnes souffrantes, au nom des médecins qui ne pouvaient
soulager ces personnes. Nous avons cependant un questionnement. Le projet de
loi parle d'un handicap neuromoteur. On y voit bien, bien sûr, une tentative
d'harmonisation des deux lois mais pas tout à fait. Aujourd'hui, dans tout le
Canada, sauf au Québec, toutes les personnes atteintes d'une maladie, d'une
infection ou d'un handicap grave et incurable peuvent être admissibles à l'aide
médicale à mourir.
On comprend... La question qu'on se
pose : Que veut faire le législateur en associant le terme neuromoteur au
mot handicap? C'est ça, notre questionnement principal. On comprend, bien sûr,
qu'il veut exclure notamment les personnes atteintes d'un handicap
intellectuel, mais, du même coup, il exclut, par exemple, des personnes
souffrant d'un handicap grave de naissance, de syndromes héréditaires qui ne
sont pas forcément des handicaps neuromoteurs mais qui sont inclus dans les
critères d'admissibilité de l'aide médicale à mourir partout ailleurs au
Canada. Cela ne fera, encore une fois, qu'entretenir, à notre avis, de la
confusion chez la population et chez les soignants et cela ne changera rien
pour les personnes handicapées intellectuelles qui sont déjà bien protégées par
les critères existants.
On peut supposer que le législateur veut
éviter que le terme handicap non balisé mène à des dérives. Pourtant, il est
bien encadré par les autres critères obligatoires, soit une souffrance jugée
insupportable et inapaisable, le caractère grave et incurable de la condition
et l'aptitude à consentir aux soins. En considérant les autres critères
d'admissibilité et les mesures de sauvegarde pour baliser ce soin, à notre
avis, aucune personne ne pourrait se qualifier si elle est seulement atteinte d'un
handicap mineur.
La présence du terme handicap sans aucun
qualificatif associé parmi les critères d'admissibilité n'a pas conduit, à
notre reconnaissance, à des excès ou à des dérives dans tout le reste du Canada
depuis 2016. Pourquoi en serait-il autrement au Québec? Si on veut enfin
autoriser les personnes souffrantes affligées de handicaps lourds ici à accéder
à l'aide médicale à mourir, ne restreignons pas ce droit davantage qu'ailleurs
au pays. Sur le plan médical, à notre avis, c'est injustifiable. On ne peut
accepter qu'une personne d'Ottawa, par exemple, puisse pouvoir mettre fin à ses
souffrances grâce à l'aide médicale à mourir tout en refusant celle-ci à une
personne de Gatineau affligée des mêmes handicaps. Je l'ai dit et je le redis,
il ne peut y avoir deux lois pour une même souffrance.
Sur la question des demandes anticipées,
nous constatons cette grande avancée pour la société québécoise bien que le
Code criminel ne le permette pas encore. Il faut dès lors, je pense, prévoir
les dispositions et décrets nécessaires pour son entrée en vigueur. Cependant,
nous constatons un ajout comparativement au texte du projet de loi n° 38
qui stipule qu'au moment de l'administration du soin la personne devra
objectivement éprouver les souffrances décrites dans sa demande anticipée en
plus des souffrances physiques ou psychiques persistantes et insupportables qui
ne peuvent être apaisées. Cela pourrait-il rendre certaines demandes anticipées
inapplicables? Qu'adviendra-t-il si, par exemple, le patient n'éprouve pas
d'autre souffrance que celles prévues à sa demande? Ce faisant, va-t-on à
l'encontre du respect des valeurs, de l'autodétermination, des volontés et des
droits de la personne? Là encore, le collège fait entendre la voix des
personnes souffrantes et la voix des médecins qui ne peuvent prodiguer ce soin
dans la confusion...
M. Gaudreault
(Mauril) :...Mourir dans la dignité,
c'est aussi pouvoir terminer sa vie chez soi et bénéficier des soins palliatifs
à domicile. Au Québec, ce n'est malheureusement pas toujours le cas, et, même à
l'hôpital, la dignité n'est pas toujours présente, malheureusement. Nous
saluons donc la volonté affirmée de la ministre que les soins à domicile se
déploient davantage et nous lui offrons notre entière collaboration.
En terminant, impossible pour nous de ne
pas vous en parler, la question des troubles mentaux. Le collège respecte la
volonté de la ministre de faire le débat sur cette question. Le collège
comprend aussi qu'il faut avancer à un rythme qui tient compte de
l'acceptabilité de la société. Sur le plan médical, cependant, le Collège
estime que le Québec ne peut plus et ne doit plus être en retard sur le reste
du Canada. Lorsque la santé mentale sera autorisée comme seule ou principale
condition médicale invoquée d'un océan à l'autre, il ne faudra pas laisser des
années s'écouler avant que les Québécoises et les Québécois puissent y avoir
accès. D'ici là, il faudrait convenir d'une terminologie relative aux troubles
et à la maladie, car les deux termes sont utilisés comme synonymes par les
gouvernements fédéral et provincial. Du reste, nous estimons que le niveau de
souffrance engendré par certains problèmes de santé mentale est aussi
inapaisable que pour toute autre maladie physique. Penser autrement, pour nous,
c'est stigmatiser les personnes atteintes de problèmes de santé mentale, cela
perpétue le préjugé qu'elles ne sont pas aptes à prendre des décisions, et
qu'on doit forcément les protéger d'elles-mêmes et décider à leur place. Et, à
celles et ceux qui prétendent qu'il y a à court terme un espoir de guérison, le
collège répond que c'est entretemps condamner ces personnes à des souffrances
auxquelles, chaque jour, elles préfèrent souvent la mort. Le collège,
d'ailleurs, a réfléchi sur cette question et a proposé des balises cliniques
claires dans le rapport de son groupe de réflexion sur l'aide médicale à mourir
en décembre 2021. Par respect pour ces personnes souffrantes, donc, Mme la
ministre, il faut accélérer la réflexion sur cette question.
Nous vous remercions de toute l'attention
que vous avez portée à nos propos, et que vous accorderez au mémoire détaillé,
que nous avons transmis, la même attention. Dr Naud et moi sommes prêts à
répondre à vos questions et à accueillir vos commentaires. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Messieurs, merci beaucoup pour cet exposé. Maintenant, je
vais céder la parole à la ministre pour une période de 16 minutes
30 secondes.
Mme Bélanger : Alors, merci
beaucoup, Dr Gaudreault, Dr Naud. Je veux saluer d'entrée de jeu la grande
implication du Collège des médecins depuis l'adoption de la première loi
concernant les soins de fin de vie. Je pense que c'est important de mentionner
que le Collège des médecins a toujours été présent, collaboratif, ouvert,
soucieux de donner une qualité de soins et services exemplaire à la population.
Et donc merci beaucoup pour cette grande implication.
Nous avons reçu votre mémoire. Je l'ai lu
attentivement. Il y a plus d'une dizaine de recommandations, là, j'y vais de
mémoire, mais vous en avez soulevé quelques-unes. Elles sont toutes très
importantes, mais vous ne serez pas surpris que, dans le fond, ma première
question va être en lien avec le handicap neuromoteur.
• (16 h 20) •
Donc, nous avons débuté nos travaux ce
matin, et dès ce matin, là, c'est une question qui est très importante, qui a
été soulevée d'ailleurs par des collègues médecins, que vous connaissez sans
doute, et qui recommande aussi de ne pas, je dirais, aller de l'avant avec la
notion spécifique du neuromoteur et de laisser la question du handicap bien
présente dans le projet de loi, mais sans spécifier la nature de handicap.
Donc, vous recommandez aussi, donc, la
même chose, de retirer le volet neuromoteur. Ma question, dans le fond, est :
Comme Collège des médecins, est-ce que vous n'avez... vous ne craignez pas
qu'il y ait des dérives, justement, si on ne précise pas dans notre projet de
loi la définition de handicap?
M. Gaudreault (Mauril) :...je vais faire... on va toujours fonctionner un peu comme
ça. Alors, je vais débuter la réponse, Alain va compléter.
Mme Bélanger : C'est parfait.
M. Gaudreault (Mauril) :En fait, ce qui nous préoccupe, c'est beaucoup de priver
des personnes qui souffrent et qui ne...
M. Gaudreault
(Mauril) :...pas ce fameux qualificatif
de : Là, m'as... Et je vous dirai tout de suite il faut garder les choses
simples. Je ne connais aucun médecin qui veuille contourner les lois ou son
code de déontologie. La notion de handicap, à notre avis, est claire partout au
Canada, sauf ici. À notre connaissance, je le répète, il n'y a pas eu de dérive
nulle part au Canada à ce sujet-là.
Et en tout respect, vraiment, en tout
respect pour vous, là, à vouloir clarifier davantage, je pense qu'on complique les
choses. Il existe effectivement plusieurs sortes de handicaps, qu'ils puissent
être visuels, auditifs, sensoriels, physiques ou neuromoteurs. Les balises, à
mon avis, pour éviter les dérapages, sont déjà claires, et je ne pense pas
qu'il soit utile d'en ajouter. Le Québec, sur le plan médical, je le répète, a
déjà sept années de retard, sept années pendant lesquelles des personnes n'ont
pas eu accès aux soins médicaux disponibles ailleurs au Canada. Nous pensons
qu'il faut corriger cette situation et qu'il faut regarder la personne
globalement, peu importe l'origine de son handicap.
En ajoutant le terme «neuromoteur», nous
estimons que vous n'avez pas les personnes, que vous n'avez pas les médecins
non plus. Dans les faits, on risque de continuer à priver de soins des
Québécoises et des Québécois. Pour nous, pour moi, il s'agit de personnes, de
personnes qui ont des handicaps et qui sont lourdement affectées par ces
handicaps-là. Et je ne pense pas qu'il soit nécessaire de définir l'origine de
ce handicap, mais de regarder l'état global de la personne qui en est arrivée à
demander ce soin. Et vous aurez compris que, pour nous, c'est toujours un soin
à l'aide médicale à mourir, s'il y a d'autres soins, mais c'est un soin pour
lequel le médecin et bientôt l'infirmière praticienne spécialisée, tant mieux,
auront des discussions avec le ou la patiente par rapport à la possibilité
d'utiliser ou d'administrer ce soin. Compléments.
M. Naud
(Alain) :Mme la ministre, la réponse à
votre question, est-ce que nous craignons des dérives, la réponse est non. Vous
savez, quand on a commencé à parler d'aide médicale à mourir en 2009 au Québec,
là, on a fait le même genre de prévisions apocalyptiques. Là, vous savez, il y
aura des dérives et on va prendre la pente glissante. On va utiliser ça pour
vider les CHSLD, on va utiliser ça pour libérer des lits, économiser de
l'argent dans les hôpitaux. Ça fait sept ans maintenant au Québec qu'on
pratique l'aide médicale à mourir, et il n'y a pas eu de dérive, et ça n'a pas
été utilisé pour vider les CHSLD.
Alors, à chaque fois qu'on parle
d'élargissement, on revient toujours avec ces mêmes prévisions apocalyptiques
là. Et c'est très bien d'y aller avec prudence et, je pense, c'est très bien et
c'est parfait, là, dans l'exercice, de retourner, là, chacune des pierres.
Mais, vous savez, il y a eu une hécatombe dans les CHSLD dans les trois
dernières années, puis c'était à cause de la COVID, là. Ce n'était pas à cause
de l'aide médicale à mourir.
En 2014, quand le Québec a adopté sa
propre loi, c'était remarquable. À l'époque, le Québec devenait la société la
plus avant-gardiste et la plus progressiste en Amérique du Nord et réussissait
à introduire l'aide médicale à mourir comme un soin de santé, justement parce
qu'on le limitait aux gens qui étaient en fin de vie, malgré que le Code
criminel le prohibait toujours. Et c'était remarquable. Mais il faut comprendre
que depuis ce temps-là il y a eu le jugement unanime de la Cour suprême du
Canada qui est l'arrêt Carter en février 2015, où la Cour suprême, encore une
fois, dans un jugement unanime, a posé des balises qui sont à la fois très
simples et très, très claires.
Et on arrivait alors dans un tout autre
paradigme. Ce n'était plus l'aide médicale à mourir pour mourir plus rapidement,
c'était l'aide médicale à mourir maintenant qui s'adressait à des patients avec
des maladies, affections, handicaps graves et incurables et qui rencontraient
par ailleurs toutes les autres balises pour mettre fin à des souffrances sans
égard à la durée de vie qu'il pouvait rester. Et le message de la Cour suprême,
il était très clair. Le droit à la vie ne doit pas se transformer en obligation
de vivre. Si vous avez une maladie, une affection ou un handicap grave et
incurable, que vous avez des souffrances que vous ne voulez plus tolérer, avec
un impact sur votre vie constant et que vous n'en pouvez plus, que vous êtes
rendu au bout de la route que vous étiez prêt à prendre.
Donc, on était complètement ailleurs. La
difficulté qu'on a au Québec, c'est qu'on ne s'est jamais ajusté à l'évolution
du droit, des jugements qui ont eu lieu dans l'aide médicale à mourir depuis
l'adoption de notre propre loi. Ce qui fait qu'on est passé de la société la
plus progressiste en Amérique du Nord à la province...
M. Naud
(Alain) :...depuis juin 2016, la première
modification du Code criminel, à la province la plus injustement restrictive
dans l'accès à l'aide médicale à mourir, et que, depuis toutes ces années-là,
nous avons sept ans de retard maintenant, nous avons des patients, j'en ai eus,
mes collègues en ont eus, des patients que nous avions dans nos lits,
extrêmement souffrants, qu'on a regardés mourir en faisant des grèves de la
faim, qu'on a regardés se suicider parce que nous ne pouvions pas accéder à
leur demande. Depuis sept ans que le Canada anglais fonctionne avec les balises
claires de la Cour suprême à donner, maladie, infection, handicap, il n'y a
jamais eu de dérapage ou de dérive au Canada anglais. Pourquoi en serait-il
différemment au Québec? Pourquoi serions-nous différents à cet égard?
Il faut bien comprendre que la notion de
handicap n'est pas un passe-droit automatique vers l'aide médicale à mourir non
plus, hein? Alors, il y a une série de critères, il y a une série de balises.
Et comme médecins, ça fait sept ans, maintenant, que nous utilisons ces
balises-là qui doivent toutes être rencontrées, donc on parle d'un handicap
grave et incurable avec un impact, hein, sur un déclin avancé et irréversible
des capacités. Alors, il est très évident que quelqu'un qui perd un oeil ne
pourrait pas avoir accès à l'aide médicale à mourir. C'est le cas dans tout le
Canada depuis 2006, et il n'y a pas de raison qu'il en soit, là, différemment,
là, ici, au Québec.
Mme Bélanger : ...Dr Naud, je
pense que c'est important de mentionner que je ne voudrais pas qu'on fasse le
lien, dans cette salle, entre les personnes aînées qui vivent en CHSLD et ce
qui s'est passé durant la COVID. Et ma question était davantage sur la notion
de l'handicap «at large», mais vous y avez répondu, là, vers la fin de votre
intervention.
Je suis un petit peu surprise d'entendre
qu'au Québec on a sept ans de retard. Sept ans de retard par rapport à qui? À
quoi? J'ai plutôt l'impression, surtout quand je consulte les différents rapports
de la commission des soins de fin de vie ainsi que d'autres groupes, qu'au
contraire, au Québec, on a développé toute une approche très professionnelle,
interdisciplinaire. Puis je veux saluer encore une fois le travail du Collège
des médecins, l'Ordre des infirmières ainsi que d'autres collèges
professionnels, le ministère de la Santé. Et on est même cités en exemple dans
la façon d'aborder les soins de fin de vie au Québec. Ceci étant dit, on n'est
pas parfaits, mais je suis très surprise d'entendre qu'on a sept ans de retard.
Donc, il faudra certainement, éventuellement, qu'on regarde ça de notre côté.
Et je vais aussi vouloir examiner
qu'est-ce qui se passe réellement dans les autres provinces par rapport à la
notion de handicap? Parce que, dans le fond, là, c'est vraiment ça, là, je
dirais, le cœur de notre discussion, là. Et puis je voulais vous entendre, mais
merci, vous l'avez bien fait, mais je pense qu'il va falloir continuer
d'examiner la situation de près. Je suis très sensible aux arguments que vous
avez apportés.
Peut-être une dernière question de mon
côté, puis après je pourrais laisser la parole à mes collègues. J'aimerais vous
entendre sur le volet du trouble mental. Vous savez que, lors de la Commission
spéciale sur les soins de fin de vie, il y a eu... on a reçu plusieurs
recommandations, dont une d'exclure tout à fait le trouble mental du projet de
loi que j'ai déposé. Et j'aimerais vous entendre sur la notion de trouble
mental. On est à la première journée, là, de nos rencontres, mais on va avoir
d'autres groupes qui vont venir nous entretenir du volet du trouble mental,
mais comme Collège des médecins, j'aimerais vous entendre à ce sujet-là.
• (16 h 30) •
M. Gaudreault
(Mauril) :...je veux vous dire que nous
respectons les parlementaires qui, au niveau fédéral, ont décidé de retarder
tout cela d'un an, prétextant que la société n'était pas prête à aller de
l'avant. C'est tout à fait... on est tout à fait d'accord avec ça. Ce que nous
aimerions, c'est que nous, on se prépare à cela également au Québec par rapport
à une décision prise, peut-être dans un an, de permettre à des personnes pour
lesquelles le seul problème en est un état de santé mentale de pouvoir avoir
recours à ce soin, ce soin qu'est l'aide médicale à mourir. C'est ça que nous
proposons. On propose de le faire avec vous également, là, de toute cette
réflexion-là puis d'y participer.
Mais nous, au collège, en 2021, on a mis
sur pied un groupe de réflexion qui a fait des travaux pendant sept mois pour,
par la suite, proposer un positionnement officiel de notre ordre professionnel
en décembre.
16 h 30 (version non révisée)
M. Gaudreault (Mauril) :...21 dans laquelle on parle de santé mentale, de problèmes
de santé mentale. Et quand on a fait ça, on a fait des sondages au niveau de la
population, un sondage au niveau de la communauté médicale québécoise, on a
reçu des mémoires de diverses personnes, la plupart étant des médecins, on a
consulté des experts et on en est venu à la conclusion, puis c'est très bien
décrit dans notre positionnement puis dans notre document, qu'il faudrait
regarder cela comme il faut, puis permettre ce soin éventuel à adapter à des
patients qui souffrent de problèmes de santé mentale. Mais on décrit très bien
les balises, très bien la discussion puis très bien le l'attention qu'il faut
porter à cela, puis ce n'est pas pour n'importe quel problème de santé mentale,
c'est pour des problèmes de santé mentale qui durent depuis des décades, depuis
des dizaines d'années, pour lesquels divers soins ont été tentés, etc., et pour
lesquels la personne demeure apte à prendre des décisions pour elle-même au
bout de ces décades-là de traitements qui ont été efficaces et qui entraînent
des souffrances d'ordre psychique, mais tout aussi importantes que les
souffrances physiques e inapaisables. Donc, notre position, elle est celle-là.
Elle est très bien décrite dans notre guide, dans notre document et, je le
répète, là, je veux dire, pour nous, il s'agit de vous recommander de débuter
dès maintenant une réflexion là-dessus pour arriver quelque part au même point
lorsque le gouvernement fédéral prendra une décision à ce sujet-là. C'est dans
ce sens-là qu'on veut s'exprimer aujourd'hui là-dessus.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, je pense que la députée de Soulanges avait une
question. Il reste 2min 22 s. La parole est à vous.
Mme Picard : Merci, Mme la
Présidente. J'aimerais vous entendre un petit peu plus... bien, pas
précisément, mais j'aimerais avoir un exemple où, en Ontario, si la loi est
telle qu'elle avec le neuromoteur, en Ontario, quelqu'un y aurait accès et pas
ici. Pouvez-vous nous décrire un cas que vous avez rencontré peut-être, pour
nous faire une meilleure tête?
M. Gaudreault
(Mauril) :Bien, là-dessus, je vais
demander au clinicien qui est avec moi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Dr Naud.
M. Naud
(Alain) :J'ai deux exemples à vous
proposer. Le premier, c'est le Dr Jacques Deblois. Dr Deblois était
un médecin urgentologue au Québec. Ici, 2008, il fait un accident de moto, il
se retrouve quadriplégique. Il a fait de la réadaptation. Le Dr Deblois
avait des ressources. Alors, ce n'était pas par manque de ressources. Il
habitait sa propre maison totalement adaptée avec un préposé 24/7. Il a même
recommencé à travailler éventuellement comme médecin. 10 ans plus tard, il
ne trouvait plus de sens à sa vie. Et qui suis-je, moi, comme clinicien, pour
lui dire qu'il devrait en trouver un? Dr Deblois, le 16 février 2018,
est allé mourir en Suisse à la clinique Dignitas. Et je ne sais pas si vous
avez une idée de ce que c'est d'aller mourir en Suisse, là, mais c'est dans un
quartier industriel, dans un bâtiment anonyme. Vous allez mourir loin de chez
vous, loin de vos proches qui, un mois plus tard, reçoivent une petite boîte de
cendres, là, par la poste. En 2018, docteur Deblois aurait été admissible à l'aide
médicale à mourir partout ailleurs au Canada, sauf au Québec.
Je vous réfère rapidement à un autre un
autre exemple, Caroline Lamontagne, et je vous invite à aller voir un
récit numérique sur le site de Radio-Canada qui a été mi, sur le site Web en
décembre dernier, décembre 2022. Caroline Lamontagne avait 33 ans.
Lors d'une plongée dans un lac, une simple baignade, une simple plongée, une
vague lui a frappé le cou. Elle a été victime d'une fracture de C1 qui l'a
laissée quadriplégique. Caroline Lamontagne a fait de la réadaptation.
Elle aurait eu une... récupéré partiellement au niveau des épaules. Après deux
ans et demi, Caroline Lamontagne jugeait que sa vie n'avait plus de sens.
Elle n'avait plus aucun plaisir à vivre. Elle a dit : Là, le matin, moi,
quand je me réveille, là, tout ce que je regarde, c'est le plafond, c'est ma
journée et c'est ça ma nuit, puis, si je n'ai pas personne, ce n'est rien d'autre.
Qui suis je, moi, pour lui dire qu'elle devrait trouver un sens à sa vie?
Caroline Lamontagne, et je vous invite à aller voir sur le site Web parce
qu'il y a un reportage et un témoignage vidéo de Caroline Lamontagne qui
dure six minutes. Et si vous vous demandez encore qui sont ces gens-là qui ont
un handicap, qui font une demande d'aide médicale à mourir, en six minutes,
vous allez tout comprendre.
Le 20 octobre 2022, Caroline Lamontagne
a reçu l'aide médicale à mourir chez elle, accompagnée de son mari, un ami et
de son fils dans sa maison parce qu'elle vivait en Alberta. Caroline Lamontagne
aurait pu recevoir l'aide médicale à mourir au Nouveau-Brunswick, en
Nouvelle-Écosse, en Ontario, partout ailleurs au Canada, sauf au Québec. Et je
vous invite vraiment à regarder le reportage vidéo qui dure 6 min 20 s
et à réfléchir. Si vous aviez été là à ce moment-là, qu'auriez-vous dit à
Caroline...
M. Naud
(Alain) :...Lamontagne pour lui expliquer
qu'il y a seulement qu'au Québec qu'elle n'aurait pas pu mettre fin dignement à
ses jours comme elle le souhaitait. Alors que partout ailleurs...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Dr Naud, sur cette grande question, je vais devoir passer
maintenant la parole à la députée de Westmount Saint-Louis pour une période de
9 min 54 s. Donc, on poursuit l'échange, cette fois avec la députée de
Westmount. La parole est à vous.
Mme Maccarone : De Westmount—Saint-Louis.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci. Merci,
Mme la Présidente. Bonjour. Un plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui.
Merci beaucoup pour votre témoignage, pour votre mémoire et aussi d'avoir
partagé l'histoire de Mme Lamontagne. Évidemment, je pense qu'on peut tous
constater que c'est une histoire triste. Je pense qu'on est tous ici... puis je
regrette que je ne l'aie pas dit auparavant, mais on est une belle brochette
féminine autour de la table, vous avez toute notre écoute, puis on est ici
parce qu'on souhaite aider des personnes comme Mme Lamontagne, mais quand
je vous entends dire qu'il n'y a pas de dérive depuis 2016, moi, je n'ai pas vu
la preuve de ça. On voit... il y a des journalistes derrière vous, j'espère que
quelqu'un va creuser pour voir. Puis ce n'est pas parce que je ne vous crois
pas, mais parce que moi je n'ai pas lu... Ça se peut qu'il y a eu des dérives.
Et moi, personnellement, je suis ici pour éviter, pour éviter qu'on en a des
dérives. S'ils n'en ont pas eu, tant mieux, mais je suis sincèrement préoccupée
que si on n'en met pas des balises, des critères, des définitions avec une
compréhension commune dans cette loi, on risque d'avoir des balises. Puis j'ai
entendu qu'on parle de la comparaison avec, par exemple, en Ontario ou Alberta,
mais... puis je constate que c'est important pour moi peut-être de regarder la
météo ailleurs, mais ce n'est pas parce qu'il pleut en Alberta que je vais
ouvrir mon parapluie ici au Québec. Je pense que c'est important aussi d'amener
notre savoir de qui nous sommes ici comme Québécois et Québécoises pour
s'assurer qu'on a une loi qui reflète nos valeurs aussi.
Ça fait que je vous soumets la question
parce que vous, vous avez raconté l'histoire de Mme Lamontagne, mais si,
mettons, c'était l'exemple que j'avais posé plutôt à... les gens qui sont venus
témoigner de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité,
l'exemple de quelqu'un, jeune, athlète, 24 ans, peut-être similaire à
l'histoire de Mme Lamontagne, qui est maintenant quadriplégique. Puis,
dans leur mémoire, il dit : J'ajoute qu'aucun médecin ne répondrait à une
demande d'aide médicale à mourir d'un adulte blessé médullaire avant une
période reconnue de réadaptation qui s'échelonne sur plusieurs années. Selon
vous, c'est quoi cette période? Parce que si on n'a pas de balises dans la loi,
ça se peut que, à Chicoutimi, pour eux, c'est cinq ans, ça se peut qu'au CUSM,
je vois Dr Gfeller est avec nous, ça se peut qu'au CUSM, c'est deux ans, ça se
peut ailleurs, c'est 10 ans, comment allons-nous déterminer qu'on a une
compréhension commune de ça? C'est ma grande question. Si on enlève la notion
de neuromoteur puis qu'on en n'a pas de définition puis des balises, comment
allons-nous s'assurer qu'on ne fait pas fausse route puis qu'on respecte
l'autodétermination et les choix des personnes comme Mme Lamontagne? Parce
que ce n'est pas moi qui va déterminer la souffrance de cette personne puis,
malgré que vous, les médecins puis les professionnels de la santé, vous allez
hériter cette question, puis j'ai énormément de respect pour le corps
professionnel puis ceux qui vont administrer l'aide médicale à mourir parce
que, mon Dieu, je ne peux même pas imaginer être dans cette position, vous êtes
quand même des êtres humains vous-même, puis ça reste que c'est quand même des
choix qui sont à quelque part existentiels et subjectifs. Voilà.
• (16 h 40) •
M. Gaudreault
(Mauril) :Un, pour les dérives au Canada,
au reste du Canada, à notre connaissance, je l'ai dit tantôt, il n'y a pas eu
de dérives. Oui, je suis d'accord avec Mme Bélanger, là, on va aller voir
comme il faut par rapport à tout cela, s'il y en a eu des dérives ou pas. O.K.
Au Québec, il n'y a pas eu de dérives, tu sais, vous pourrez peut-être
demander, poser la question au Dr Bureau plus tard aussi par rapport à tout ça,
mais il n'y en a pas eu de dérives ici, à notre connaissance, il n'y en a pas
eu ailleurs au Canada, mais je suis tout à fait d'accord pour qu'on aille voir
de façon sérieuse s'il y en a eu ou pas, là, tu sais, ce n'est pas... il ne
s'agit pas de se lancer là-dedans tout à coup sans prendre les précautions
nécessaires. Ça, c'est la même chose par rapport aux dérives, c'est ma première
réponse à votre question par rapport aux dérives.
Par rapport aux cas, moi, je suis un gars
de Chicoutimi, ça fait qu'à Chicoutimi, je ne sais pas, peut-être que ça prend
cinq ans, peut-être... puis avec Gfeller au CUSM ça prenait deux ans, je ne le
sais pas, mais, tout ça, je veux dire, c'est cas par cas, hein, je veux dire,
ça dépend des patients. Les patients, il faut toujours les écouter, qu'est-ce
qu'ils veulent? Qu'est-ce qu'ils ressentent comme sentiment? Qu'est-ce qu'ils
ont comme désir? Qu'est-ce qu'ils veulent...
M. Gaudreault
(Mauril) :...mais c'est toujours une
discussion que le médecin a avec son ou sa patiente par rapport au problème et
par rapport aux avenues, par rapport à un plan de traitement, par rapport à un
pronostic possible. Et donc cheminer là-dedans, ça peut prendre... pour une
patiente de 24 ans, ça peut prendre 10 ans, pour une autre ça peut
prendre quatre ans, mais ça ne peut pas prendre quatre semaines. Tu sais, on va
s'entendre là-dessus, là, mais c'est cas par cas, puis de décisions entre le
professionnel compétent, moi, je dis médecin parce que je suis président du
Collège des médecins, mais on va dire infirmière praticienne spécialisée aussi
bien sûr, donc professionnel compétent et son patient ou sa patiente. Je veux
dire, c'est de définir le plan de traitement ensemble puis de convenir des
divers soins possibles dont celui-là.
M. Naud
(Alain) :Vous savez...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui, vous voulez ajouter, Dr Naud?
M. Naud
(Alain) :Oui, j'aimerais ajouter.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Allez-y.
M. Naud
(Alain) :Vous savez, déterminer qu'un
patient est admissible... Moi, je suis un praticien, ça fait 38 ans que je
suis en pratique, je suis médecin de famille, je fais des soins palliatifs
depuis 38 ans, je pratique l'aide médicale à mourir depuis les tout
débuts. Évaluer qu'un patient est admissible, la première rencontre me prend
entre 2 h et demie et 5 h. Alors, s'il y en a qui pensent que ça se fait sur le
coin d'une table à la va-vite, là, entre 2 h et demie et 5 h. Donc, c'est un
exercice qui est extrêmement rigoureux.
Il n'y a pas de réponse précise à votre
question parce qu'il n'y a pas d'individus pareils. Si on essaie de mettre en
place des critères très restrictifs, on va priver une grande partie de la
population. Parce que déterminer qu'un malade a un handicap, et un handicap
physique n'est pas forcément un handicap neuromoteur, et je pense qu'on erre en
associant les deux, là, handicap physique n'équivaut pas à neuromoteur, de
vouloir définir ça, on va forcément restreindre l'accès à l'aide médicale à
mourir, alors que notre objectif à tous, c'est de l'élargir. Et...
Mme Maccarone : ...dire que
quelqu'un qui a perdu l'utilisation de ses jambes, ça peut être l'équivalent
d'une personne qui a perdu l'utilisation de ses bras, ou sa vision...
M. Naud
(Alain) :Écoutez, la valeur de la vie, il
appartient à chaque personne de le déterminer. Est-ce que ma vie vaut encore la
peine d'être vécue? Et, pour le même handicap, évidemment, la temporalité peut
être très différente. Vous avez 80 ans, vous vous retrouvez
quadriplégique, peut-être que vous n'aurez pas le goût d'essayer la réadaptation
pendant trois ans comme un jeune de 23 ans qui vient d'avoir un accident
de moto. Alors, ça s'apprécie au cas par cas, et c'est pour ça qu'une première
évaluation nous demande entre 2 h et demie et 5 h.
Alors, si, dans l'optique d'élargir l'aide
médicale à mourir, on commence à mettre beaucoup de critères, on va avoir
l'effet contraire, on va restreint l'aide médicale à mourir. Encore une fois,
dans le Canada anglais, on fonctionne avec les balises simples et claires que
la Cour suprême a mises, qui sont maladie, infection, handicap grave et
incurable, mais après ça, bien, faisons confiance aux professionnels de la
santé à qui on a confié le rôle d'évaluer l'admissibilité des patients et de
prodiguer l'aide médicale à mourir.
Moi, comme médecin, pour soulager la
souffrance, pour aider mes patients, ce que j'ai besoin, c'est qu'on me donne
des lois qui sont claires. Actuellement, et je parle au nom des médecins dans
la province, là, ce qui retient le plus les médecins de participer à l'aide médicale
à mourir, c'est l'incohérence entre deux lois. Et nous sommes les seuls au
Québec à avoir deux lois qui ne disent pas la même chose sur les mêmes
pathologies. Et ça, c'est ce qui retient beaucoup les médecins par crainte
d'être... de se retrouver avec des poursuites criminelles, parce que vous savez
comme moi qu'on n'a pas respecté les balises de la loi nous expose à des
poursuites criminelles. C'est le principal motif actuellement. Alors, moi,
comme médecin, pour soulager la souffrance de mes patients, j'ai besoin qu'on
me donne des instruments qui sont clairs. Il vous appartient de les déterminer,
et on va fonctionner avec, mais ça nous cause un gros problème depuis sept ans
au Québec.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dr Naud. Pour une courte question, la
députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci. Moi, je
voudrais revenir sur votre suggestion que les troubles... les personnes avec
troubles mentaux soient ajoutées au projet de loi. Parce que, bien là, disons
que c'est... Bien là, on l'a vu du côté fédéral qu'il y a eu une année qui...
un délai d'une année parce que, justement, c'étaient des enjeux très
particuliers, très sensibles, et il n'y a pas assez, disons, de services qui
sont disponibles à la population, justement, pour s'assurer qu'ils peuvent
trouver un moyen de vivre avec leur maladie mentale, enjeu de santé mentale,
sans devoir aller pour... excusez-moi, l'aide médicale à mourir.
Donc, je voudrais savoir... puis je
voudrais juste revenir sur un point aussi. La dernière fois que ça a été
discuté en commission, il me semble que ça n'a pas été... bien, ça n'a pas été
amené dans le projet de loi parce qu'il n'y avait pas de consensus. Donc...
Mme Prass : ...avant d'arriver
à ce que les gens avec des troubles de santé mentale puissent être admis dans
le projet... dans l'aide médicale à mourir, ne pensez-vous pas qu'il n'y a pas
plus de services de soins à leur offrir que dans le contexte actuel?
M. Gaudreault
(Mauril) :Écoutez, on n'est pas là pour
vous convaincre d'aller dans ce sens-là. Ce que j'ai dit, puis je le précise à
nouveau, c'est que, oui, la société doit continuer à débattre de cela puis on
veut faire partie de la conversation avec vous par rapport à comment on va
cheminer par rapport au problème de santé mentale. La deuxième chose, c'est
que, dans notre document, c'est très clair, notre positionnement par rapport à
des malades qui les ont eus, ces soins-là, qui les ont eus pendant des dizaines
d'années, des soins appropriés, et pour lesquels ils arrivent dans une
condition où ils espéraient pouvoir bénéficier de ce soin. Donc, c'est sûr
qu'on aura ensemble, comme société, à avoir à fournir l'ensemble des soins
possibles aux diverses personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Gaudreault.
M. Gaudreault
(Mauril) :...avant d'aller plus loin.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous couper, le temps imparti à la formation
politique vient de s'écouler. Je dois maintenant laisser la parole pour la
poursuite de nos discussions à la députée de Sherbrooke. La parole est à vous
pour 3 min 18 s au total. Merci.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Je vais changer de sujet, avez-vous... puis je vais vous amener sur
la recommandation 8 parce qu'elle me surprend. Si je comprends bien la
recommandation 8, c'est que vous nous invitez à réfléchir au fait qu'en ce
moment c'est la Commission sur les soins de fin de vie qui évalue la conformité
de l'administration de l'aide médicale à mourir à la loi. Vous revendiquez de
vous occuper vous-même de ce suivi, si je comprends bien. Ça me surprend parce
que la composition de la Commission sur les soins de fin de vie, c'est quand même
une composition qui est assez interdisciplinaire, ça m'apparaît pertinent.
Donc, j'aimerais comprendre pourquoi vous jugez plus pertinent que ce soit le
Collège des médecins qui s'occupe de ça.
M. Gaudreault
(Mauril) :...ce qu'on recommande, c'est de
revoir le mandat de la commission, on ne recommande pas de l'effacer ou de
l'éliminer, pas du tout, mais d'en revoir le fonctionnement. Pourquoi? Après x
années de fonctionnement, je suis convaincu que c'était nécessaire d'avoir une
commission comme celle-là, alors qu'en mettant en place une telle loi, de telle
possibilité d'offrir ce soin-là... convaincu de ça. Est-ce que c'est encore
nécessaire maintenant? La question, c'est la même chose qu'un débat de société
par rapport à d'autres problèmes : Est-ce qu'on doit continuer à garder la
commission? Puis, en tout respect pour Dr Bureau, qui est derrière moi puis que
je connais bien, là, ce n'est pas ça, ce n'est pas une question de personnalité
par rapport à tout ça. Nous, ce qu'on demande, c'est de faire une réflexion
là-dessus : A-t-on besoin encore de cette commission-là? Et je vais
terminer là-dessus pour respecter le temps, là, mais, pour tout soin au Québec,
l'évaluation de la qualité de l'acte, elle est confiée au Collège des médecins
du Québec et au CMDP dans les établissements. Ce soin-là, ce n'est pas le cas.
Je comprends historiquement, puis peut-être que nous allons décider, tous
ensemble, que la commission doit continuer son travail dans ce sens-là, mais,
éventuellement, je pense que ce soin-là devra aussi faire partie de
l'évaluation de la qualité des actes médicaux partout au Québec pour tous les
autres soins. Voilà, c'est dans ce sens-là.
Mme Labrie : Mais
l'administration de l'aide médicale à mourir, l'administration de la... la
conformité à la loi, ce n'est pas juste l'acte médical, il me semble que c'est
quand même pertinent que ce soit un comité sur lequel il y a par exemple...
bon, il y a des travailleurs sociaux, le milieu de l'éthique est présent...
c'est ça...
• (16 h 50) •
M. Gaudreault
(Mauril) :...plein de soins au Québec,
là, il y a plein de soins pour plein de personnes, là, qui nécessitent du
travail des équipes interdisciplinaires. Il n'y a pas ce soin-là. Mais l'acte,
l'acte, et c'est un acte médical, mais aussi infirmière spécialisée maintenant,
l'acte d'administrer ce soin, bien, c'est un acte médical qui, à notre avis,
pourrait faire l'objet de l'évaluation du Collège des médecins comme tous les
autres soins. Mais ça, on verra bien par rapport... Ce qu'on recommande, puis
je vais finir là-dessus, c'est de... Je pense qu'il faut profiter, après tant
d'années, de revoir le mandat puis le fonctionnement de la commission.
M. Naud
(Alain) :Puis juste pour rajouter, Mme la
députée, c'est que les conseils de médecins, dentistes, pharmaciens de tous les
établissements de la province évaluent déjà toutes les AMM administrées et
toutes les sédations palliatives continues administrées. Alors, c'est un
exercice qui est déjà fait, qui est déjà fait, qui est déjà en place et il
évolue à partir des mêmes formulaires que reçoit la Commission sur les soins de
fin de vie. Et, quand la Commission sur les soins de fin de vie juge qu'une AMM
n'est pas conforme pour...
M. Naud
(Alain) :...Quelque raison que ce soit,
le dossier est référé au CMDP et au Collège des médecins du Québec, qui sont
les instances en bout de ligne, qui prennent la décision finale et qui se
prononcent sur la conformité médicale de l'acte médical qu'est l'aide médicale
à mourir.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, docteur Naud. Pour terminer cette ronde de
discussion, je laisse la parole à la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour
une période de trois minutes 18 secondes. La parole est à vous.
Mme Tardif : Merci, Mme la
Présidente.
Bonjour. J'aimerais vous amener peut-être
sur deux terrains un peu glissants, mais je pense qu'on doit, on doit en
parler. Vous êtes d'accord avec... et moi aussi, là, avec l'obligation que les
établissements constituent des groupes interdisciplinaires d'experts pour
soutenir, pour accompagner les professionnels de la santé ou des services
sociaux qui offrent les soins de fin de vie. Concrètement, est-ce que nous
avons suffisamment de professionnels? Parce que, là, on va travailler sur un
projet de loi. Sur le terrain, vous êtes sur le terrain depuis quelques
décennies, j'ai une crainte, parce que j'ai vu et j'ai entendu des hôpitaux qui
me disent et qui, des hôpitaux qui font des soins de fin de vie, et ce n'est
même pas l'aide médicale à mourir, là, et ils me disent : On est à bout de
souffle. Comment on va faire, concrètement?
Et ma deuxième question, ma sous-question
serait : Vous avez émis des bémols quant au rôle et aux obligations des
tiers, des tiers de confiance, et vous parlez, vous avez nommé quelques
allègements ou modifications, j'aimerais vous entendre à ce sujet-là, s'il
reste un peu de temps.
M. Gaudreault
(Mauril) :...
M. Naud
(Alain) :Oui. Bien, écoutez, l'enjeu de
ressources, il prévaut partout, hein? Il ne prévaut pas juste dans notre
système de santé. Effectivement, c'est une bonne question, que vous soulevez.
Il faut comprendre qu'il y a déjà actuellement, depuis le tout début, ce qu'on
appelle des groupes interdisciplinaires en santé qui sont actifs au Québec. La
difficulté, c'est que c'est quand même assez hétérogène. Alors, je pense qu'il
n'y aurait pas un gros effort de restructurer ça tout simplement pour les
rendre plus efficaces et fonctionnels. Mais il y a déjà quelque chose qui
existe, qui est en place depuis le tout début. Moi, je pense que...
Mme Tardif : Pour chaque
institution, pour chaque établissement?
M. Naud
(Alain) :Bien, «Chaque établissement»,
c'est-à-dire qu'il faut voir l'établissement dans un sens très, très large,
hein? Puis, si je vous parle, mettons, par exemple, ici, de la région 03,
Portneuf, Québec, Charlevoix, bien, il y a trois établissements. Il n'y en a
pas tant que ça, des établissements, hein, vous savez. Alors, on en est là. Il
y en a une vingtaine, près d'une trentaine, là, Mme la ministre le sait mieux,
plus que moi, là, d'établissements au Québec, là, il n'y en a pas tant que ça.
Et je pense qu'on ne parle pas ici, là, de faire un groupe dans chaque hôpital,
nécessairement, ou CLSC ou clinique, mais ce sont des groupes de support, à ce
moment-là. Et, moi, je pense que c'est réaliste, là, d'envisager de le mettre
en place.
M. Gaudreault
(Mauril) :Votre deuxième question, si on
a le temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
...allez-y.
M. Gaudreault
(Mauril) :Quelques secondes, O.K.. Bien,
le collège, on l'a écrit dans notre mémoire, voit d'un bon oeil la possibilité
de désigner un tiers de confiance dans une demande anticipée, O.K., mais il
faut faire attention par rapport à tout le poids qu'il y aura, éventuellement,
sur cette personne-là. Donc, il faut l'accompagner tous ensemble, là, pour
qu'elle fasse bien son travail, la personne, parce qu'à un moment donné ça peut
devenir très lourd pour le tiers de confiance lorsque la personne devient
inapte, par exemple. Mais, ça, on pourra ensemble y travailler.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Docteur Naud, docteur Gaudreault, la maîtresse du temps que
je suis vous remercie pour votre contribution aux travaux de notre commission.
L'ensemble des parlementaires vous souhaite une bonne fin de journée.
Je vais suspendre quelques instants pour
recevoir notre prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 55)
(Reprise à 17 heures)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission des
relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous recevons donc Carpe Diem,
Centre de ressources Alzheimer, qui est représenté par la directrice et
présidente, Mme Nicole Poirier. Bienvenue, Mme Poirier. Donc, vous aurez 10
minutes pour vous présenter ainsi qu'exposer votre... une partie de votre
mémoire. La parole est à vous.
Mme Poirier (Nicole) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Mme Bélanger, merci, membres du comité, de
m'avoir permis de venir exprimer le fruit de mes réflexions, qui sont
échelonnées sur bientôt presque...
17 h (version non révisée)
Mme Poirier (Nicole) : ...40
ans d'accompagnement de personnes qui vivent avec la maladie et leur famille.
Je l'ai fait dans le cadre de Carpe Diem, une maison qui accueille des
personnes qui vivent avec la maladie d'Alzheimer, des familles aussi qui sont à
domicile et aussi avec ma mère, qui a eu la maladie et qui en est décédée.
Donc, moi, je propose de débuter un petit peu par mon expérience personnelle
puis aussi parler de certains éléments généraux qui viennent en lien avec le
projet de loi, puis ensuite, peut-être regarder quelques... Quelques articles
qui... Qui ont soulevé mon... mes questionnements.
Bien, d'abord, quand j'ai accompagné ma
mère qui souffrait de la maladie d'Alzheimer, nous, on est sept enfants et on
avait tous le consensus qui consistait à dire : il ne faut pas qu'elle
souffre inutilement et on est partis avec une bonne entente familiale. Et on s'est
vite rendu compte que, décider à la place d'une personne, c'est compliqué
lorsqu'elle n'est plus capable de prendre certaines décisions, donc... Elle a
eu un cancer en plus. Alors, on s'est tout de suite demandé : est-ce qu'on
traite ou pas le cancer, est-ce qu'on cesse ou non la médication anti-Alzheimer
qui provoque des effets indésirables, et est-ce qu'on la continue ou pas,
est-ce qu'elle peut toujours vivre à domicile, est-ce qu'on a une compréhension
commune des enjeux cliniques, tels que la souffrance qu'elle peut ressentir,
quelle est la différence avec la douleur, douleur et souffrance, on n'était pas
toujours tous d'accord avec ça, c'est quoi, l'acharnement et le raisonnable, la
volonté de... qu'elle avait avant la maladie versus quand elle a développé la
maladie, et puis comment savoir si son comportement était lié à la maladie ou à
d'autres effets comme notre incompréhension ou l'environnement physique?
Et puis, vers la fin de sa vie, ma mère,
elle fronçait les sourcils et elle exprimait des jurons, ce qu'elle n'avait
jamais fait. Elle levait le poing, lançait son dentier. Certains membres de ma
famille y voyaient l'expression de la maladie. Des gens pouvaient dire :
Ah, c'est un trouble du comportement qui est lié à la maladie. Et on s'est
rendu compte que, si elle prenait des antidouleurs, elle retrouvait le sourire,
elle remettait son dentier puis elle nous disait merci puis elle était
souriante.
Donc là, je vous partage cet événement-là
parce que, souvent, les professionnels et les familles, on a tendance à mettre
sur le compte de la maladie ou... Sur sur le compte de la maladie certains
comportements, alors qu'il peut y avoir une cause qui est liée à la douleur et
ou à l'environnement aussi. Je donne souvent l'exemple de fenêtres. Les
fenêtres, dans une chambre ou dans une salle à manger, le soir, peuvent
refléter. On marche, puis on se voit dans les fenêtres. Mais, pour certaines
personnes qui ont des troubles perceptuels, elles y voient des personnes, alors
elles ont toujours l'impression qu'il y a quelqu'un qui les suit. Donc,
souvent, on se dit : Bien, qu'est-ce qu'elle a, elle ne reste pas assise,
elle ne veut pas rester dans sa chambre. Quand on ne sait pas ces choses-là, on
peut mettre la personne dans une condition de souffrance, parce que, son
environnement... Il y a, il y a des choses à faire dans son environnement, et
on ne le sait pas par manque de connaissance.
Et puis ensuite, bien, j'ai vu que même si
on était unis, une famille de sept enfants qui chemine, il y en a qui prennent
des chemins dans leur vie qu'on ne connaît pas toujours. Et puis j'ai été quand
même étonnée de voir qu'à un moment donné quand on discutait, certains membres
de ma famille avaient... Il y a des croyances religieuses ou philosophiques qui
s'étaient développées, que j'ignorais et pour lesquelles il a fallu tenir
compte aussi lorsqu'on accompagnait ma mère.
Donc, tout ça compliquait beaucoup les
choses. Et, quand est arrivée la fin de la vie, malgré des signes cliniques
évidents, je vous jure, moi, j'étais... J'en ai vu, moi, des gens mourir, j'ai
été brouillée, troublée par le fait de dire : est-ce que c'est vraiment le
dernier moment? Est-ce qu'on donne la dernière dose? Si je ne la donne pas,
est-ce que c'est par égoïsme, parce que je veux la garder encore un peu avec
moi? Puis, si je la donne, c'est-tu parce qu'on est fatigués, et puis il y a des
conditions qui font qu'on... Et puis je me disais : eh bien, c'est
compliqué. Et, pour moi, cette... le fait de devoir décider comme ça pour elle,
ça m'a convaincue que jamais je ne demanderai à mes enfants ou à quiconque de
décider plus tard. Cette décision-là, je trouve qu'elle est sous-estimée dans
toutes les... dans tous les échanges qu'on a, ce qu'on impose, ce que le tiers
de confiance va avoir à vivre, s'il est toujours là, en plus, si ses
convictions changent aussi. Donc, je me dis : mais qu'est-ce qu'il me
reste, si je décide que je ne veux pas faire vivre ça à mes enfants? Ça ne veut
pas dire que j'ai envie de souffrir plus tard. Ça veut... j'ai... Je ne veux
pas souffrir plus qu'une autre personne. Donc, ça, c'est le premier élément.
Puis ensuite, bien, pour ce qui est des...
du Projet de loi, je dirais que souvent on pense que le...
Mme Poirier (Nicole) : ...de
rédiger des directives anticipées, ça va nous donner l'esprit tranquille. On va
être corrects puis on va pouvoir, éventuellement, vivre certaines années de
vie, puis après ça, que notre volonté soit exprimée. Et, quand j'ai fait partie
du comité d'experts avec Howard Bergman en 2008, déjà, le comité d'experts
visait à mettre sur pied un plan d'action pour la maladie d'Alzheimer. Il y
avait 10 000 diagnostics par année en 2008 de maladies apparentées à
l'Alzheimer. Donc là, vous avez posé la question, quelques-uns. Comment on va
faire pour évaluer ça? Qui va le faire? Est-ce qu'on aura les ressources pour
prendre le temps de le faire? Puis, si on prend des ressources pour le faire,
qui on va priver ensuite? Et qu'est-ce qui va se passer avec les personnes qui
n'auront pas dit... rédigé des demandes anticipées? Moi, ça, c'est une de mes
craintes, que ces personnes-là soient mises de côté parce que, pour x raisons,
elles n'auront pas rédigé des demandes, rédigé des demandes parce que le
diagnostic va être posé trop tard, par exemple, parce qu'elles n'auront pas été
accompagnées, peut-être, sur ce chemin-là, ou pour des raisons comme la mienne,
moi, je ne veux pas lui faire porter cette responsabilité-là à quelqu'un
d'autre. Je trouve que c'est... Il faut avoir les moyens de nos ambitions aussi
si on veut faire ça.
Ensuite, il y a un point qui m'intrigue
beaucoup aussi, c'est l'évaluation de l'état de conscience versus les fonctions
cognitives. Il y a beaucoup de confusion quand on parle d'inaptitude et de
troubles cognitifs. Les outils qu'on a en ce moment, d'un point de vue
clinique, ce sont des outils qui évaluent les fonctions cognitives : la
mémoire, le jugement, l'orientation, le langage. Mais ces outils-là n'évaluent
pas l'état de conscience, l'état émotif, l'état intérieur. Et ces outils, ils
pénalisent beaucoup les personnes qui sont aphasiques. Je vous invite vraiment,
dans vos réflexions, à prendre connaissance de ces outils-là. Quand on... Quand
les professionnels vous disent : On a des échelles qui mesurent la
douleur... C'est difficile de mesurer la douleur pour une personne qui est
aphasique. C'est difficile de mesurer aussi l'état intérieur d'une personne qui
ne peut plus dire les mots qui sont... qui correspondent à la photo qu'il y a
sur le test, mais ça ne veut pas dire qu'intérieurement elle n'a pas les
réponses. Donc, j'ai peur que des personnes, autant au début de la maladie, qui
pourraient se prévaloir du droit de mourir avec l'aptitude ne soient pas jugées
apte parce qu'elles vont avoir été pénalisées par l'aphasie ou, en bout de
ligne, aussi, en fin de vie ou plus tard, seront pénalisées parce qu'elles
n'ont pas l'aptitude à communiquer à cause de l'aphasie aussi. Donc, je trouve
que, là-dessus, il y a vraiment un... Quand les gens disent : On peut
évaluer, puis, oui... Moi, ça fait 40 ans et puis je ne peux pas comprendre
comment on peut faire pour évaluer ça avec certitude. Ça risque de créer
beaucoup de confusion puis, peut-être, d'opposition.
Ensuite, bien, on parle du droit au choix.
C'est beaucoup revenu ça, hein, d'avoir le choix. Si j'ai le choix, les autres
ont le choix. Bon, alors le choix, si je pense, aussi, aux Pays-Bas, par
exemple, où le seul pays où les personnes peuvent exiger... fournir des
demandes anticipées, aux Pays-Bas, ça existe, bien, les choix... Le choix
qu'ils ont, aussi, c'est beaucoup de pouvoir vivre à domicile. Aux Pays-Bas, il
y a toute une dynamique à domicile. J'ai... je suis allée aux Pays-Bas puis
j'ai vu des organismes qui aident les gens à vivre chez eux et qui investissent
beaucoup à ce niveau-là, puis, s'ils ne peuvent pas de chez eux, ils peuvent
vivre dans des petites maisons non institutionnelles. C'est... Ça me semble, en
tout cas, être au moins un minimum de choix. Ici, qu'est-ce qu'on offre aux
gens comme choix? Donc, moi, si je ne veux pas faire porter le poids à mes
enfants, quel choix il me reste? Il me reste que je ne pourrai peut-être pas
vivre à domicile à cause qu'on a... Et je vous remercie aussi d'avoir comme
priorité les soins à domicile et... pour permettre aux gens de dire :
Bien, si je ne veux pas confier ce choix-là à quelqu'un, au moins, je pourrai
vivre à domicile puis j'aurai d'autres perspectives d'avenir.
• (17 h 10) •
Donc, le projet de loi... j'ai décrit
quelques commentaires sur les articles. D'abord, ce n'est pas assez connu que
bientôt, ou maintenant, je crois même, une personne qui a la maladie
d'Alzheimer peut avoir l'aide à mourir en autant qu'elle soit apte. Moi, j'ai
posé des questions dans mon entourage puis les gens ne savent pas ça. Ils
pensent que, si les directives anticipées ne sont pas adoptées, on laisse
tomber complètement les gens qui ont la maladie. Souvent, les gens me disent
encore : Il faut... Je ne voudrais pas être obligé d'aller en Suisse. Mais
on n'est plus obligés d'aller en Suisse, on peut recevoir ici l'aide à mourir.
Donc, ça, je pense qu'il faudrait quand même le mentionner, que c'est un
changement important avec ce qu'on connaissait avant. Puis ensuite, si vous
voulez, je peux déjà... On pourra passer sur les articles un à un si vous avez
des questions...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme Poirier, pour d'abord votre témoignage
puis également les commentaires que vous formulez. On va commencer l'étape de
la période d'échange avec les députés. On va commencer d'ailleurs avec la
ministre, qui a quelques questions pour vous.
Mme Bélanger : Oui. Bonjour,
Mme Poirier. Merci d'être présente, merci d'avoir préparé ce mémoire, puis
aussi j'en profite pour souligner le travail que vous faites depuis plus de 30
ans, notamment comme fondatrice de Carpe Diem, et puis je pense qu'on le voit
dans vos propos, mais aussi dans l'approche que vous avez par rapport au milieu
de vie, l'environnement, l'importance de l'accompagnement des personnes ayant
une maladie d'Alzheimer.
Vous avez dit beaucoup, beaucoup de
choses, et j'aimerais peut-être revenir... J'ai vu ça, là, dans votre mémoire,
mais vous écrivez : «Je ne peux être en faveur de cette loi, parce que je
sais que des actions et des décisions pour atténuer un grand nombre de
souffrances existent et ne sont pas considérées.» Qu'est-ce que vous voulez
dire précisément? J'aimerais ça, vous entendre là-dessus, parce que c'est quand
même assez important comme affirmation.
Mme Poirier (Nicole) : Oui.
Mme Bélanger : Alors, si je
peux... Ça, j'aimerais ça, vous entendre un petit peu plus, s'il vous plaît.
Mme Poirier (Nicole) : Oui.
Bien, ce que je dis, c'est qu'aujourd'hui on a beaucoup de difficulté, les
professionnels, à faire la différence entre des souffrances qui sont liées à la
maladie puis des souffrances qui sont liées à l'environnement. Donc, qu'est-ce
qui pourrait être fait? Ils pourraient... Par exemple, quand on parle
d'incontinence, par exemple : Je ne veux pas vivre si je deviens
incontinent. Mais on sait que l'incontinence, ça peut être repoussé longtemps si
on est capable d'accompagner la personne, si on a une organisation qui le
favorise. Donc, ça, c'est un exemple de situation où on pourrait prendre des
décisions, d'un point de vue organisationnel, qui changeraient beaucoup la vie
des personnes. Être incontinent, ça peut être souffrant, effectivement. Mais
rester dans sa protection pendant plusieurs heures, ça, c'est encore plus
souffrant, puis encore plus souffrant, comme j'ai vu dernièrement, lorsqu'on a
des plaies qui ne sont pas connues de la famille puis qu'on urine sur une
plaie. On fait juste se brûler le bout du doigt, puis le... ça fait mal
longtemps. Mais des plaies qui sont brûlées comme ça... Bon. Ça, c'est un
exemple.
L'alimentation, par exemple. Il y a des
gens qui disent : Bien, si je ne peux plus manger seul... Il y a tellement
de choses qu'on peut faire pour aider une personne à s'alimenter! Il y a 60%
des gens, selon certaines études, qui sont dénutris dans certains milieux, pas
dénutris parce qu'on ne leur donne pas à manger, mais dénutris parce que, soit
ils ne savent plus comment manger, on leur pose la nourriture, on s'en va, et
puis ils ont plus... ils ont faim, mais ils pourraient manger s'ils avaient un
peu d'aide, et puis il y a plein de mesures. Nous, à Carpe Diem, on mange avec
les personnes, puis juste le fait de manger, ça redonne la personne... à la
personne la réponse pour commencer à manger, et, si elle ne sait plus comment,
on va l'aider discrètement, par exemple, puis elle va continuer à manger.
On a vu dans les médias qu'il y avait de
la nourriture qui se jetait dans les établissements. Tout... Non. Il y a eu
plein de commentaires là-dessus. Mais, moi, je me disais : Mais cette
nourriture-là, qui devait être donnée aux gens, qu'on jetait, pourquoi elle n'a
pas été donnée? Est-ce que c'est parce qu'on n'a pas su comment les alimenter
correctement?
Bon. Ça, c'est un autre exemple. La nuit,
il y a tellement de choses qu'on pourrait faire la nuit, parce que les gens se
lèvent, sont parfois angoissés, veulent aller aux toilettes. Il y a des
décisions qui pourraient être prises juste dans une vision de mieux accompagner
la nuit, au lieu de parfois donner... appeler ça un trouble d'errance nocturne
perturbateur, avec plein de termes qui, en... un petit peu, étiquettent la
personne. On pourrait changer la façon d'accompagner la nuit pour que les gens
ne soient pas médicamentés, puis tombent moins vite, puis perdent leur
autonomie. C'est plein de petites choses comme ça que je trouve qui pourraient
être faites puis qui ne sont pas assez connues.
Mme Bélanger : En fait, je
pense que vous démontrez bien l'importance de bien répondre aux besoins des
personnes, puis chaque personne est spécifique, et on doit donc organiser les
soins, les services en conséquence. Là, je pense que vous le démontrez très
bien.
Cependant, pour les personnes ayant la
maladie d'Alzheimer, on le voit bien, qu'une fois que toutes les conditions,
là, sont au rendez-vous, il reste qu'il y a quand même une détérioration
éventuelle de la personne, qui va éventuellement, là, aller vers la fin de sa
vie. Chaque personne est unique, les stratégies doivent être différentes d'une
personne à l'autre, puis malgré ça je pense qu'on remarque quand même dans
certaines expériences cliniques qu'il y a des personnes qui, malgré tout ce qui
va avoir pu être fait, vont continuer à être dans un état où elles s'acheminent
vers la fin de leur vie, puis avec le moins de souffrance possible, on
l'espère...
Mme Bélanger : ...Vous
avez faites, tantôt... Vous avez parlé de votre propre expérience, celle que
vous avez vécue avec votre mère, et vous dites que vous avez réalisé tout le
poids moral et les déchirements que peuvent... Qui peuvent avoir lieu entre les
membres d'une famille lors d'un accompagnement d'un proche en fin de vie.
Est-ce que vous ne croyez pas, justement, que la demande anticipée viendrait
enlever cette pression sur les proches? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Parce que, la demande médicale anticipée, elle est faite au moment où la
personne, en fait, a tout son jugement pour prendre une décision éclairée,
donc, c'est la... la décision appartient à la personne dans le cas d'une
demande anticipée, dans le cas d'une demande d'aide médicale à mourir, bien
sûr. Mais, si je reviens avec l'exemple de la maladie d'Alzheimer, alors vous
ne croyez pas que la personne qui a un diagnostic d'Alzheimer, supposons, à
60 ans, qui, en toute connaissance de cause, en pleine capacité, porte un
jugement sur ce qu'elle souhaite pour elle-même comme fin de vie... Quelle
valeur vous attribuez à ça? Ça, j'aimerais vous entendre à ce sujet-là. Puis
prenons l'exemple d'une personne qui a un diagnostic d'Alzheimer, mais qui
n'est pas du tout en phase de fin de vie, là, elle est vraiment dans une période
d'adaptation. Elle vient de recevoir son diagnostic et elle fait cette
réflexion-là. Vous ne pensez pas que ça ne pourrait pas décharger, au
contraire, les proches?
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
il y a deux choses. Une personne qui est dans les débuts puis qui peut
réfléchir comme vous le mentionnez, moi, je regarderais beaucoup la possibilité
de vivre et de... tant qu'elle est apte, elle a l'accès, elle a un choix, en ce
moment, cette personne-là, elle a le choix de décider de... d'avoir l'aide à
mourir en étant apte. Déjà, je trouve que c'est... On a l'impression qu'on peut
tomber inapte du jour au lendemain.
Mme Bélanger : ...
Mme Poirier (Nicole) : Oui?
Mme Bélanger : ...vous
corriger un petit peu, là. La compréhension... En fait, la personne qui reçoit
un diagnostic d'Alzheimer, qui ne répond pas aux critères de souffrance
physique, elle ne pourrait pas recevoir l'aide médicale à mourir au moment où
elle le demande, au moment où elle vient d'avoir un diagnostic, si elle ne
répond pas à toutes les autres conditions qui sont déjà prévues dans la Loi sur
les soins de fin de vie. La nuance que j'amène, c'est qu'elle pourrait
cependant faire une demande anticipée, c'est-à-dire faire une demande
aujourd'hui pour quelque chose qui va arriver plus tard.
Mme Poirier (Nicole) : Oui.
Mme Bélanger : Alors, on
est là, pas pour avoir immédiatement l'aide médicale à mourir, là, bien sûr.
Mme Poirier (Nicole) : Non,
je le sais. Mais il ne faut pas oublier qu'elle aurait toujours ce choix-là. Et
donc vous dites : pour plus tard, bien, pour plus tard, là où je pense que
ça peut être très lourd, moralement, c'est quand la personne ne présentera pas
de souffrance, mais que des symptômes comme on a vus, qui ont été dit
publiquement, si je ne reconnais pas les proches, si je suis incontinent, des
choses comme ça, pour moi, ça, ça... ça peut être source de grande culpabilité
pour les proches, s'il n'y a pas de souffrance. Ce qui est très dur, c'est de
voir des gens souffrir, puis c'est pour ça que je vous dis que je ne peux pas
être... Je ne suis pas contre le projet de loi parce qu'effectivement il y a
des fois où il y a des personnes qui souffrent l'Enfer, qu'ils n'auraient
jamais pu prédire dans une demande anticipée, puis que, malgré tout ce qu'on
fait, on n'arrive pas à les soulager, bien, ces personnes-là, je pense qu'il
faut qu'on pense à les soulager. Puis il ne faut pas que ça soient que celles
qui ont pensé l'écrire d'une façon, et c'est là que ça... moi, je suis inquiète
de ça. Puis je suis inquiète que les gens disent : mais ce n'est pas
juste, finalement, parce qu'il y a plein de monde qui souffre.
Puis il y a des gens qui souffrent
beaucoup aussi parce qu'on n'a pas les ressources pour évaluer leur condition,
par exemple, quand ils sont à domicile ou en RPA. Puis il y a beaucoup de monde
qui sont dirigés vers l'urgence, où c'est la pire place à aller. Et puis ce
qu'on vient vous raconter ici, en commission parlementaire, c'est des
situations qui ont lieu souvent à l'urgence, où on est obligés de contrôler les
personnes, et puis c'est traumatisant. Moi, c'est c'est ça qui a fait que je me
suis engagée, il y a presque 40 ans, c'est quand j'ai accompagné une
personne à l'urgence, qui était... qui s'était fendu la tête puis qui s'est retrouvée,
en 24 heures, alitée puis elle n'a pu remarcher pendant 10 ans. Elle
avait 60 ans.
Donc, je le comprends, ça, qu'il y a des
conditions où la souffrance, elle pourrait être évitée. Et puis c'est pour ça
que je trouve qu'il faudrait qu'on pense à tout le monde et non pas qu'à ceux
qui l'ont rédigé à l'avance.
• (17 h 20) •
Mme Bélanger : O.K.
Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Merci, Mme Poirier.
Je pense qu'il y a la députée de Laporte qui aurait quelques questions.
Mme Poulet : ...Alors...
Mme Poulet : ...alors, en lien
avec qu'est-ce que vous avez vécu personnellement, on sait que... Bon, ma
question, c'est concernant les tiers de confiance. Vous avez mentionné que,
dans une même famille, il peut avoir des valeurs différentes d'une personne à
l'autre, et quelle est, au niveau des tiers de confiance... De quelle façon?
Bon, on a déjà plusieurs lignes pour encadrer tout ça. Est-ce que vous avez des
recommandations supplémentaires que vous pouvez nous apporter, justement, pour
bien encadrer le tiers de confiance?
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
comme je vous dis, je... Tu sais, tout à l'heure vous parliez... Madame Hivon
parlait du poids moral pour les équipes, les médecins, le professionnel, et
tout. Je me disais, avec ma collègue, bien... Et puis les tiers de confiance,
eux, quels poids ils vont avoir lorsqu'il va falloir enclencher la démarche? Je
n'ai pas vraiment... Je trouve que c'est tellement un enjeu important
sous-estimé. Pour un proche, moi, je me dirais... bien, peut-être, pour
accepter, ce serait si la personne souffre, puis c'est... puis le consensus
d'équipe qui dit qu'elle souffre, et il y a des gens qui en souffrent, là, que
c'est évident. Là, je pense que ça serait plus acceptable pour un proche de
lever le... d'enclencher le processus.
Puis, pour ce qui est du reste, je vous
invite aussi à essayer de les rédiger, vos demandes anticipées. Vous allez voir
que ce n'est vraiment pas facile de se projeter, puis encore moins quand on a
reçu un diagnostic et puis qu'on est sous le choc du diagnostic. Donc, je
garderais profondément le critère de la souffrance pour soulager la
culpabilité, peut-être, que peut être vécue par les proches.
Une voix : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Je pense que la députée de Vimont a une question.
Mme Schmaltz : Vous avez
soulevé tantôt quelque chose d'intéressant par rapport à l'état de conscience
et vous mentionnez qu'actuellement, de ce que j'ai compris, il n'existe pas
d'outil qui puisse mesurer cet état-là chez les personnes atteintes de cette
maladie dont on parle, l'Alzheimer. Il semble... De ce que je comprends, c'est que
vous aimeriez peut-être, pour pallier peut-être à ce manque d'outils, d'avoir
ce qu'on appelle... Vous proposer un professionnel indépendant. Ça veut dire
quoi exactement?
Mme Poirier (Nicole) : Moi,
ce que je dis, c'est qu'un professionnel indépendant qui ne connaît pas la
personne, c'est... C'est mieux d'avoir un professionnel compétent, parce qu'un
professionnel qui ne connaît pas la personne, il peut arriver... Comme vous et
moi, on arrive devant une personne qui ne parle plus, c'est difficile de
connaître les petites subtilités. Donc, je pense plutôt que ça prend des
professionnels qui connaissent la personne, puis sur la durée, puis qu'ils vont
être capables d'avoir une évaluation plus juste.
Mme Schmaltz : ...comme outil
pour justement mesurer cet état de conscience?
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
il n'en existe pas.
Mme Schmaltz : Bien, c'est
ça, il n'y en a pas.
Mme Poirier (Nicole) : Moi,
j'ai écrit un livre avec Roger Gil, qui est neuropsychiatre en France. Et je
l'ai contacté avant de venir ici, puis il me dit : Il n'existe aucun outil
qui mesure l'état de conscience de la personne, sauf peut-être quand elle est
dans le coma en fin de vie, puis qu'elle bascule dans un état comateux, puis
que, là, on voit cliniquement qu'il y a des signes. Sinon, juste la
prosopagnosie, reconnaître les traits du visage, c'est très subjectif. Il y a
tout un paquet d'échelles qui part de ne pas reconnaître les traits à
reconnaître la voix, à reconnaître les cheveux, à sourire à une personne,
qu'est-ce... Il y a une... Il n'y a pas d'échelle qui peut nous dire... Il n'y
a pas un grade qui nous dit à quel... quel est l'état de conscience. Mais,
souvent, les gens nous disent : Mais, oui, elle me reconnaît. Je ne peux
pas dire exactement pourquoi.
Donc, les outils, ils mesurent l'aspect
cognitif et l'aspect... Et certains outils, dont on parle ici, ont été créés en
1970 aux États-Unis par des psychiatres qui voulaient détecter les signes
cognitifs. Moi, quand j'ai commencé en 1980, là, 85, on me disait : Ces
outils-là, qui sont les mêmes qu'on utilise aujourd'hui ou inspirés, ne les
utilisez jamais pour autre chose que pour du dépistage. C'est des outils de
dépistage. Puis aujourd'hui, bien, on prend la même formule pour évaluer une
personne en fin de vie. Donc, si quelqu'un vous dit : En bas de tel score,
la personne, elle, correspond aux critères, moi, j'ai des gros doutes là-dessus
parce que ça nous donne que l'état cognitif, mais pas l'état intérieur émotif
de la personne.
Donc, c'est pour ça que je souhaite qu'il
y ait... Dans un des articles, quand on parle beaucoup de professionnels
compétents, là, je questionne beaucoup parce que, «compétent», être médecin ou
être infirmière, ça ne donne pas nécessairement la compétence pour évaluer tout
ça. Puis, je vous le dis, j'en voie des médecins puis j'en...
Mme Poirier (Nicole) : ...parle
à des infirmières, puis ça te prend une formation particulière. Il faut que les
équipes soient formées pour pouvoir comprendre la réalité de la personne puis
aussi s'assurer que, quand on prendra la décision, on aura éliminé toutes les
autres causes possibles. Puis je trouve que c'est un aspect positif qu'il peut
y avoir dans cette loi-là. C'est que... Puis, madame Bélanger, j'étais
rassurée, quand je vous avais entendue dire : ça va être une loi pour des
derniers recours, quand on aura tout essayé. Mais peut-être que ça sera
l'opportunité, pour les équipes, de vraiment éliminer tout ce qui ne sera
pas... Tout ce qui peut être traitable ou soulagé. Donc, c'est ça, pour ce qui
est du professionnel aussi, compétent, ça ne vient pas juste avec un titre.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci. Il reste une minute, je pense, pour la députée d'Abitibi-Ouest. La
parole est à vous.
Mme Blais : Merci, madame,
pour votre présentation. Vous avez piqué ma curiosité avec les gens qui ne
dorment pas la nuit. Qu'est-ce que vous faites exactement? Parce que vous dites
qu'on pourrait fonctionner avec eux. Parce qu'on sait que l'anxiété, la nuit,
est élevée, alors j'aimerais vous entendre sur ce point.
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
une personne qui se lève la nuit, en fait, c'est que notre approche est de se
dire : elle se lève la nuit, normalement, pour les mêmes raisons que vous
et moi. Mais souvent, le personnel ne pense pas à : aller aux toilettes,
si tu... On lui demande : Voulez-vous aller aux toilettes, elle ne
comprend pas les mots. On va... on n'insistera pas pour faire des gestes pour
l'amener aux toilettes. Il y a des gens qui ont faim, qui ne sont pas capables
de le demander puis qui fouillent partout, puis on va dire : Ils sont
fouilleurs. Il y a des gens qui se réveillent la nuit, entre autres, surtout
dans les débuts, quand ils sont dans une résidence. Imaginez-vous, la mémoire à
court terme est touchée, ça veut dire que vous vous levez la nuit, vous pouvez
tous essayer ça, quand vous allez ailleurs, vous vous couchez, la... Vous
dormez ailleurs, vous vous réveillez, vous ne savez plus où est-ce que vous
êtes, bien, ça vous prend quelqu'un qui vous dit où est-ce que vous êtes, donc
être rassuré. Ça fait que l'environnement doit être prêt à ça, l'environnement
doit être adapté aux personnes qui se lèvent la nuit. Donc, on peut manger, on
peut faire plein de choses.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci pour cette réponse. Alors, le temps
imparti à la partie du gouvernement étant épuisé, je me tourne du côté de
l'opposition officielle avec la députée de D'Arcy-McGee. La parole est à vous.
Mme Prass : Merci, Mme la
Présidente. Merci de votre présence ici aujourd'hui.
Moi, j'ai une question à propos de la
notion des refus. Donc, la façon dont c'est rédigé présentement dans la loi,
c'est un refus qui amènerait à un rejet de la demande anticipée. Et on sait que
pour les personnes qui ont des... une maladie d'Alzheimer, il peut y avoir des
sautes d'humeur, il peut y avoir une démence heureuse, et cetera, différents
moments auxquels peut-être ils rejetteraient, en cette instance-là, la demande
qu'ils avaient faite. Donc là, la demande est rejetée totalement. Disons, par
la suite, ils décident qu'ils veulent aller de l'avant et leur humeur est
différente cette journée-là ou quoi que ce soit, mais là, ils sont devenus
inaptes. Donc, ils ne peuvent plus faire une demande anticipée parce qu'ils
n'ont plus l'état d'esprit pour le faire. Donc, pensez-vous, par exemple, que,
s'il y a un refus d'une personne avec une maladie d'Alzheimer, par exemple,
qu'il devrait y avoir un délai, disons, de 30 jours, 90 jours, quoi que ce
soit? Plutôt qu'il y ait un rejet total de la demande, qu'il y ait justement
une période de délai pour que peut-être dans, comme j'ai dit, une période de
temps, que la personne revienne à leurs pensées originales? Ou, par exemple,
avec l'idée d'un tiers de confiance, que c'est inscrit dans la demande
anticipée de la personne que, même si moi je refuse, je donne la permission à ce
tiers d'accepter pour ma part?
• (17 h 30) •
Mme Poirier (Nicole) : O.K.
Bien, moi, d'abord, je pense que les demandes anticipées, là, commencer à
rentrer dans des critères, là, comme ceux qu'on a parlé tout à l'heure,
c'est... Ça va être compliqué à appliquer. Mon souci, c'est que ça soit
applicable aussi, tout ça. Puis c'est pour ça que je dirais qu'une demande
anticipée, ça devrait être de ne pas souffrir. Et, si je souffre, là, qu'on
évalue ma condition.
Donc, si la personne refuse, ça aussi, c'est
paradoxal, parce que, souvent, le refus, il est la... est cause de grandes
souffrances, c'est l'expression d'une grande souffrance. Alors, si on
dit : non, il y a un refus, on ne fait rien, mais, derrière ça, il y a une
souffrance. Puis, quand je vous parlais tout à l'heure des personnes, là,
qu'on... pour lesquelles on n'arrive pas à comprendre, c'est souvent des gens
qui nous repoussent, qui nous voient arriver, puis comme des personnes qui
peuvent être dangereuses pour elles, qui nous... Et qui crient et qui... Et
c'est considéré comme un refus, alors que c'est une souffrance, si on a éliminé
toutes les autres causes. Donc, je ne peux pas vraiment dire qu'est-ce que je
ferais dans... Je trouve que c'est trop paradoxal, cet article de loi là, de
dire : S'il y a un refus, je ne veux pas, elle est déjà inapte, donc son
refus, il devrait être causé par la maladie, normalement...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Prass : ...Donc, comme je
disais, est-ce que vous pensez, par exemple, que, dans la demande anticipée, il
devrait y avoir un élément pour que la personne dise : même si je refuse,
je serais déjà en... inapte, donc on garde ce que j'ai écrit dans ma demande
anticipée? Ou, comme je l'ai dit, que le tiers de... On précise que le tiers de
confiance peut demander même si la personne refuse d'aller de l'avant?
Mme Poirier (Nicole) : Oui,
si je suis souffrant. Si je suis souffrant, oui.
Mme Prass : O.K. Parfait.
Donc, vous êtes d'accord que ça ne devrait pas être un rejet total, on devrait
prendre en considération, vraiment...
Mme Poirier (Nicole) : Non.
Bien, je pense.
Mme Prass : O.K., ça fait
que, donc, ce cas-là, le formulaire dont on a parlé, qu'on voudrait voir,
est-ce qu'il devrait y avoir justement un élément compris dans ce
formulaire-là? Bien, premièrement, vous avez des réticences autour de la
demande anticipée, donc les éléments qui se retrouveraient dans la formule pour
que la personne prenne une décision consciente. Et donc, c'est ça, pensez-vous
qu'il devrait y avoir des éléments dans le formulaire, justement, qui s'assurent
qu'en cas de situation nette, la personne, leur souhait lors de la rédaction de
la demande anticipée sera toujours respecté?
Mme Poirier (Nicole) : Bien
là, moi, ce que je dis, c'est que c'est la souffrance contemporaine, là, c'est...
Donc, qu'il faut que la personne, au moment précis, souffre, bien, je pense que
oui, il faudrait que ce soit... que ce soit respecté, il me semble, s'il y a
souffrance.
Mme Prass : Donc, ça devrait
être aussi inclus dans ce formulaire pour que la personne puisse...
Mme Poirier (Nicole) : Oui,
oui.
Mme Prass : O.K. Parfait.
Donc je renouvelle notre demande de voir le formulaire avant que... Dans le
cadre de l'étude du projet de loi.
Mme Poirier (Nicole) : Il
faudrait aussi prévoir un soutien énorme auprès des équipes. Parce que, je vous
ai... J'ai parlé de moi puis ma famille, moi, j'accompagne des équipes, là,
avec mes collègues, là, qui sont ici, puis, dans une équipe aussi, il y a tout
ce que je vous ai dit tout à l'heure, là, qui peut être des points de vue
différents, mais on retrouve exactement la même dynamique dans une équipe où
quelqu'un va dire : Bien non, mais, moi, je pense qu'elle ne souffre pas,
puis : Ah non, bien, elle ne veut pas que je l'accompagne ce matin, par
respect, je vais la laisser dans son urine. Puis l'autre va dire : non,
par respect, il faut que je l'accompagne. Elle ne mange pas, je pense qu'elle
veut mourir, l'autre, elle dit : non, non, elle ne mange pas parce qu'elle
a mal aux dents, elle ne mange pas parce que ce n'est pas bon, parce qu'elle a
des médicaments, donc, il y a vraiment un accompagnement d'équipe qu'il va
falloir avoir. Parce que je ne pense pas qu'on va voir le sens dont on parlait
tout à l'heure, pour une personne qui vit avec la maladie. Bien, ça s'applique
aussi au personnel : quel sens mon travail va prendre, si, à un moment
donné, mon évaluation de la situation n'est pas celle des autres, et puis que,
là, ce soin-là est donné et c'est irréversible?
Mme Prass : Ah non, je suis
tout à fait d'accord avec vous. Et en retournant à mon point original,
justement, par exemple, si on est soignant et, là, que la personne dit :
Bien, moi, je refuse la demande, mais qu'on sait qu'on doit aller de l'avant
parce que c'est inscrit dans la loi, par exemple, si c'est le cas, cette
personne-là va avoir des contradictions, à savoir comment procéder et
comment... Comment passer à travers ça, donc tout à fait d'accord qu'il y ait
un accompagnement, et même service santé mentale dans certains cas où les
personnes, il y a un conflit interne, disons, pour aller de l'avant avec le voeu
de la personne.
Il nous reste combien de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il vous reste trois minutes 30.
Mme Prass : Là, je voudrais
vous entendre... bien, vous en avez parlé un petit peu, mais, si vous pouvez
élaborer sur, justement, quels sont les critères que vous pensez devraient être
vraiment expliqués à la personne qui va faire une demande anticipée pour qu'il
comprenne que ça soit côté physique, que ça soit côté mental, qu'il comprenne
vraiment : quand je serai rendu là, c'est à ce moment-là que je ne... Je
considérais que je voudrai avoir l'aide médicale à mourir.
Mme Poirier (Nicole) : J'ai
essayé de le faire, parce que j'accompagne des gens à tous les jours, là, des
personnes qui venaient d'avoir le diagnostic. Et, juste d'en parler, juste d'en
parler, c'est compliqué. La personne, elle n'en parle pas, elle, puis, moi, je
vais arriver puis je vais lui dire, elle vient d'avoir le diagnostic :
voici ce qui serait possible plus tard. Un peu comme si vous vous apprenez un
cancer, puis on vous parle tout de suite des soins de fin de vie. C'est ça qu'on
veut proposer aux personnes qui vont avoir le diagnostic. Moi, à moins que la
personne ne m'en parle pas... ne m'en... c'est ça, si elle m'en parle, je vais y...
Je vais élaborer avec elle. Mais, si elle n'en parle pas, déjà, ça va être
un... vraiment un enjeu, cette affaire-là. Mais... et qu'est-ce qu'elle met
dans sa demande, bien, je vais avoir de la difficulté à aller autrement que :
si je souffre puis que ma souffrance est évaluée et puis qu'il n'y a rien...
Mme Poirier (Nicole) : ...pour
me soulager, je veux être... je veux l'aide à mourir. C'est à peu près tout ce
que je serais capable de lui proposer dans la rédaction de sa demande. Toutes
les autres me semblent impossibles à accepter. Il y a des gens... Même, j'ai
entendu à la télé quelqu'un dire : Mon père ne voulait pas aller en CHSLD.
S'il y avait eu la loi, il n'aurait pas été obligé d'y aller. Bien, est-ce que
ça va être... de genre de demandes recevables, ça? Les gens pensent ça en ce
moment. C'est pour ça que je dis, il y a un consensus, mais, quand on creuse un
peu, c'est plus complexe que ça.
Mme Prass : Donc... une
crainte que, justement, le diagnostic d'une maladie d'Alzheimer et la
possibilité d'avoir une aide médicale à mourir va diminuer notre perception
envers ces personnes-là, pour dire : Bien, tu sais, de toute façon, il va
y avoir une diminution de l'état de la personne, donc c'est inévitable?
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
je m'excuse, mais je ne suis pas sûre d'avoir compris.
Mme Prass : O.K. Avez-vous
une crainte que, justement, en offrant une demande anticipée pour les gens qui
ont une maladie d'Alzheimer, que ça va amoindrir leur... la façon dont eux, ils
voient leur futur, par exemple, pour dire : Bien, écoute, on me dit
qu'inévitablement ça s'en va... tu sais, donc j'imagine que c'est le choix pour
moi, sans vraiment faire le choix, de même, mais parce que ça leur a été
présenté?
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
peut-être, mais peut-être ça va les rassurer aussi. Bien, s'ils souffrent,
éventuellement, ils vont être soulagés. Ce n'est quand même pas... Il n'y a pas
de dérive là non plus, ils vont être... La dérive, pour moi, c'est ceux qui ne
seront pas soulagés puis qui n'auront pas fait leur demande. Puis je pense
aussi qu'il y aura des gens qui, rapidement, vont dire : Ce n'est pas
juste d'attendre qu'il y ait un diagnostic, parce qu'il y a beaucoup de monde
qui, lors du diagnostic, ne sont plus aptes. Il y a des gens qui m'ont
dit : Ma mère, il aurait été trop tard. Donc, il faut que le diagnostic...
il faut que la demande soit faite avant le diagnostic, que les gens mettent ça
dans leur mandat d'inaptitude. D'après moi, ça va... c'est une demande qui va venir
parce que beaucoup de gens ne sont plus capables de le faire au moment de...
qu'ils ont un diagnostic. C'est logique.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci pour ces réponses. Alors... Mais on
est rendus maintenant à la députée de Sherbrooke pour une période de 3 min 18
s. La parole est à vous.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Merci. D'abord, je tiens à vous dire que, pour ce que j'ai entendu,
c'est très beau ce que vous faites à la maison Carpe Diem, bravo, d'offrir ce
niveau de services-là aux gens.
J'essaie de réconcilier plusieurs des
choses que vous nous avez dites puis j'avoue avoir de la difficulté à voir
comment, comment on pourrait s'y prendre. Vous nous avez mentionné... Aux
personnes qui vont vivre la souffrance au moment où ils sont déjà devenus
inaptes, donc il est trop tard pour une demande de consentement anticipée, il
est trop tard pour une demande contemporaine et donc vous vous inquiétez de
cette souffrance-là.
Vous nous dites aussi votre malaise par
rapport à la transmission de l'information sur l'aide médicale à mourir sans
que ce soit sollicité. Est-ce que ça va être la promotion de ça? Je comprends,
ce malaise-là, mais en même temps comment, comment on fait pour réconcilier
tout ça, s'assurer que les gens ont vraiment entendu parler que ces recours-là
existent, qu'ils n'en soient pas privés parce qu'ils l'ignoraient et qu'ils
subissent donc la souffrance sans avoir pu exercer ce droit-là, sans non plus
tomber dans la proposition de l'aide médicale à mourir à une personne, il ne
faut pas que ça ait l'air de ça non plus? Je... Est-ce que vous voyez une
manière de trouver un équilibre là-dedans?
• (17 h 40) •
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
moi, j'ai beaucoup... Comme je le dis dans le mémoire, je suis... j'ai de la
difficulté à être pour de façon tranchée puis être contre aussi, parce que
beaucoup, beaucoup d'ambiguïté comme ça qui sont... qui vont apparaître sur le
chemin de... sur ce chemin-là. Donc, je ne saurais pas comment, comment
concilier tout ça autrement que de dire... Ce qui serait simple, là, ce serait
de dire : Bien, les gens peuvent le faire sans avoir de diagnostic. Ça, tu
le fais sous aucune pression ni celle d'avoir la maladie ni de personne, tu le
fais toi-même avant d'être malade. Peut-être... bon, il y aurait peut-être des
notions. Ou la fin de vie, lorsque la personne, elle bascule dans un... comme
en Belgique par exemple, où on peut faire des directives... des demandes
anticipées lorsqu'on devient inconscient. À ce moment-là, c'est évaluable,
là... où, d'un point de vue médical, on voit que la personne est en fin de vie,
on procède à l'aide médicale à mourir. En Belgique, c'est comme... c'est de
cette façon-là. C'est plus précis, c'est plus circoncis. Mais, entre les deux,
il y a un monde de subtilités, de nuances que je trouve difficiles à mettre
dans un...
Mme Labrie : ...selon ce que
vous me dites ici, si c'était possible de faire une demande anticipée avant
d'avoir un diagnostic et qu'on... et donc que la...
Mme Labrie : ...à la... la
transmission de l'information sur l'aide médicale à mourir anticipée était
faite de cette manière-là, ce serait moins perçu pour vous comme une pression
vers la médicale à mourir, si on... si c'était fait comme ça, ce serait plus...
Il y aurait moins... il y aurait moins de pression vers la personne, si elle le
fait sans diagnostic?
Mme Poirier (Nicole) : Bien
oui. Est-ce que c'est réaliste de penser ça? Je ne sais pas, mais, oui, quand
tu as le diagnostic, tu peux... il est démontré qu'une grande proportion des
gens vivent une dépression. Ils sont dépressifs pendant les trois, six,
12 mois qui suivent après avoir appris leur diagnostic. Puis après ça,
bien, ils se disent : Bien là... Ils sont pris avec l'émotion, et :
je ne veux pas être un poids pour mes enfants, est-ce que je vais coûter cher,
toutes ces questions-là se posent. C'est difficile de le faire d'une façon
vraiment rationnelle, essayez-le, juste comme ça, là, ce soir, de les écrire,
vos directives, c'est compliqué.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci pour cette période d'échange. On va terminer
maintenant avec la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour une période de
trois minutes 18 secondes. La parole est à vous.
Mme Tardif : Madame Poirier,
bonjour. Tout d'abord, merci, merci de vous être déplacée. Je sais à quel point
vous êtes occupée et investie. J'ai eu le privilège de visiter votre demeure et
de voir les merveilles que vous et votre équipe, vous faites auprès de ces
personnes-là, c'est assez extraordinaire. Ça nous en prendrait plus, des madame
Poirier à travers la province.
Je veux vous rassurer, puis, si je me
trompe, Mme la ministre, corrigez-moi, mais on veut et on va inclure la notion
de souffrance dans le projet de loi. C'est un des critères, là, une des
conditions d'admissibilité. Donc, il faut qu'il y ait une souffrance qui soit
là, pas une souffrance momentanée, mais une souffrance persistante et... Et non
temporaire.
Vous parliez des professionnels, avec
raison, parce que, comme je disais, bien, il y en a... il y en a très peu, de
madames Poirier, mais on parle d'une expertise et d'une équipe de
professionnels et on parle d'évaluer des critères pour les malades. Quelles
seraient les formations, quelles expertises vous voyez que ces gens-là
devraient avoir?
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
je pense qu'ils doivent avoir une formation sur une meilleure compréhension de
la réalité de la personne, être capables de faire la différence entre un
symptôme lié à la maladie et lié à un manque de formation. Il y a de la
maltraitance par manque de formation, ce n'est pas parce qu'on est méchant,
c'est parce qu'on n'a pas la formation. Il y a de la maltraitance
organisationnelle, des horaires rigides, des cloisons... Oui?
Mme Tardif : ...
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
merci, parce que ça me fait penser qu'un point important pour nous, c'était
aussi de dire ça serait bien qu'on réfléchisse, collectivement, sur l'aide à
vivre, comment on peut aider à vivre, quels seraient les critères de
bientraitance. Comme je disais tout à l'heure, là, des gens, ils se pensent
bientraitants quand ils laissent quelqu'un dans leur urine parce qu'ils
disent : je le respecte. Bien, ça serait quoi, de façon objective, cette
bientraitance-là, qu'on pourrait proposer aux gens, comment on peut les aider à
vivre? Et ça vient avec de la formation, ça vient avec une organisation, ça
vient avec une approche globale. Puis je pense qu'il y aurait aussi quelque
chose à proposer de ce côté-là.
Mme Tardif : Puis, par
rapport à l'article 13, là, on dit : l'article 13 mériterait
d'être clarifié pour expliquer la différence entre la demande contemporaine
d'aide médicale et la demande anticipée. Donnez-moi un peu votre... Votre idée
par rapport à ça.
Mme Poirier (Nicole) : Bien,
je trouvais... je l'ai relu souvent, cet article-là, pour essayer de comprendre
la différence entre les deux. Mais je pense que, si j'ai... Ce que j'ai
compris, c'est qu'il y a une différence entre la demande anticipée, qui ne
nécessite pas nécessairement de... qu'est ce que... il faut qu'elle soit
cohérente avec ce qu'on avait prévu versus contemporaine, il faut que la
personne, elle souffre, à ce moment-là. Moi, je préconise la souffrance
contemporaine pour éviter, justement, de... toutes sortes d'interprétations.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions. Merci,
madame Poirier, pour votre contribution aux travaux de la commission.
Mme Poirier (Nicole) : Merci
à vous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, je vais suspendre les travaux pour quelques
instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 17 h 46)
(Reprise à 17 h 51)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre, tout le monde! Nous allons reprendre les
travaux de la commission. Pour cette séance, nous recevons la Commission sur
les soins de fin de vie, qui est représentée par le docteur Michel Bureau,
président de la commission, ainsi que madame Maryse Carignan, membre et
infirmière. Alors, je vous appelle... rappelle que vous aurez 10 minutes
pour présenter... Pour vous présenter et...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...votre... une partie de votre mémoire, ensuite
s'ensuivent les périodes d'échange avec les députés. Le temps commence
maintenant pour vous.
M. Bureau (Michel) : Bien,
merci, Mme la Présidente, Mme la ministre et chers parlementaires. Je suis ici
comme président de la Commission de... soins de fin de vie. Je suis accompagné
de Maryse Carignan, qui est commissaire désignée par l'Ordre des infirmières,
et elle est ici pour son expertise en soins palliatifs, et j'espère que nous
aurons la chance d'en parler un petit peu. Pour ma part, je suis un pédiatre,
un pédiatre de soins intensifs, et j'ai connu les difficultés de la fin de vie
avec mes jeunes patients dans ma carrière de médecin à l'époque. Je préside
cette commission, et c'est une commission qui est très particulière. Elle a été
créée par Mme Hivon, j'aime le dire ainsi, à une époque... Il faudra lui
demander pourquoi.
Quand il y a eu le débat sur la loi de fin
de vie, en 2014, tout de suite on a dit : C'est un sujet fort complexe,
pas seulement l'aide médicale à mourir, mais les soins palliatifs, la sédation
palliative continue, des directives médicales anticipées, et ça prend un
organisme de surveillance. On a commencé par penser : Est-ce que le Collège
des médecins peut faire ça? Et à l'époque on a dit : Collège des médecins,
c'est la même famille. Est-ce que les hôpitaux peuvent faire ça? Dans un
hôpital, petit ou gros, tout le monde se connaît, on est dans le même
département. Est-ce que ça peut être cette équipe? Et il fut décidé de créer
une commission qui est à l'image de la société civile, qui représente des
citoyens, des éthiciens, des infirmiers, infirmières, des pharmaciens, des
médecins, et on lui a donné le mandat global de surveiller les problèmes de fin
de vie et de faire des recommandations au ministre, le cas échéant, et surtout
de regarder, après le coup, chacune des aides médicales à mourir pour s'assurer
qu'il n'y ait pas de dérives.
Alors, la Commission des soins de vie est
équipée de... Moi, je les appelle les «supercommissaires», c'est des gens de
très grande compétence dans leur domaine, ils sont tous attachés à la fin de
vie. Par exemple, juristes : il y en a un qui est un juriste de la
capacité de décider, de l'aptitude, il y a un avocat des soins de fin de vie
aussi, et il est aussi éthicien. Alors, c'est une commission qui est... qui est
très... où il y a beaucoup d'expertises, et, quand vient le temps d'écrire une
recommandation au ministre, on a toute l'expertise interne pour faire ce
travail, et j'en suis très fier, comme vous le sentez.
La commission a étudié le projet de loi n°
11 et l'approuve en général dans son ensemble. Nous avons quelques remarques à
faire, mais d'entrée de jeu, elle rappelle que la loi, c'est une loi concernant
les soins de fin de vie, puis le tronc commun des soins de fin de vie, c'est
les soins palliatifs. C'est là où se greffe l'aide médicale à mourir, la
sédation palliative continue. C'est là où se greffera aussi les déclarations,
dans les mêmes... sur décision anticipée. Tous les gens qui ont besoin de soins
de vie ont besoin du plateau de base qui est le plateau des soins palliatifs
qu'on oublie souvent.
Pour les personnes qui sont atteintes de
maladies graves, incurables et qui vont en décéder, les soins palliatifs, ça va
de soi. Pour les gens qui ont un handicap ou qu'on e... ou qui vont demander
l'aide médicale à mourir pour trouble neurocognitif, cela demande un
environnement qui est comparable à ce qu'on fait avec les soins palliatifs pour
les aider à bien vivre tout le temps qu'ils auront à bien vivre. Si on pense
aux personnes qui sont porteurs de handicaps, les équiper pour qu'aucun d'eux
ne choisisse l'aide médicale à mourir parce qu'ils n'ont pas les services qui
rendraient leur vie acceptable. La commission appuie des décisions... pas des
décisions, mais des recommandations qui avaient été faites par le p.l. 38, par
exemple, d'introduire les infirmiers, infirmières spécialisés pour se joindre
aux médecins dans l'aide médicale à mourir. Elle appuie aussi la décision ou la
recommandation...
M. Bureau (Michel) : ...qui
est dans cette loi, d'inclure le GIS, le Groupe interdisciplinaire de soutien,
on a décrit comme c'était complexe, cette histoire-là, les médecins ont besoin
d'aide, les... l'équipe soignante a besoin d'être guidée aussi, et, la loi,
bien, dans une optique de loi, la création des groupes de soutien dans les
établissements.
La Commission appuie aussi la décision de
ne pas transférer les mourants d'une maison de soins palliatifs à un hôpital
pour recevoir l'AMM. Nous comprenons que le consensus est en train de se faire,
il faut peut-être l'accélérer, mais nous appuyons cet article de la... du P.L.
Onze.
La Commission, en ce qui concerne les
handicaps neuromoteurs, la Commission ne voulait pas de débat sur le handicap
neuromoteur. On aurait bien voulu appeler cela autrement, parce que, le mot
«handicap», et madame Hivon en a fait la lecture tout à l'heure, c'est tout.
Tout est un handicap. On en a tous un petit qui est caché puis il y en a qui en
ont des gros. Mais, le handicap, c'est tout. Alors, il n'y avait pas moyen
d'éviter le mot «handicap», avons-nous compris, mais il fallait le baliser.
Le handicap neuromoteur vient dire qu'il y
a une catégorie qui est demandeur d'aide médicale à mourir pour une raison de
handicap neuromoteur. C'est particulièrement les traumatisés de la moelle lors
d'un accident. Tous les autres traumatisés, si vous regardez les rapports des
quatre coins du monde sur l'aide médicale à mourir ou l'euthanasie, les autres
personnes qui sont porteurs d'un handicap ne réclament pas l'aide médicale à
mourir. Les sourds de naissance, les aveugles, les... même les enfants avec
paralysie cérébrale ne réclament pas, et il y en a à peu près 5000 au Québec,
ces gens-là ont appris à vivre avec leur handicap. On les a aidés, peut-être
pas assez, et ils ne demandent pas l'aide médicale à mourir.
Alors, avoir un débat large sur l'aide
médicale à mourir m'a semblé un petit peu alarmiste pour inquiéter des gens qui
jamais ne penseront à demander l'aide médicale à mourir. Cependant, nous sommes
d'accord avec la proposition de la loi de... D'accepter le handicap neuromoteur
et que, dans ce cas-là, des balises soient expliquées par les ordres
professionnels et les organismes, les associations professionnelles pour bien
baliser ce que c'est. Vous sentez que j'ai vraiment peur de ce mot «handicap»
parce qu'il est trop large. Il faut le baliser et ne pas... et le garder. C'est
pourquoi la demande se fait, et c'est des... qui sont très peu nombreux.
Concernant les demandes anticipées, la
Commission est favorable à... au projet de loi, bien sûr. Elle soulève deux
questions qui étaient des obstacles. Le premier, c'est la réticence des
médecins. Quand Mme McCann avait fait son forum le 27 janvier 2020,
tout le monde était favorable aux demandes anticipées d'aide médicale à mourir.
Mais les médecins disaient : Moi je ne le ferai pas. Puis, en juin 2022, à
PL 38, je me souviens, je pense, c'est le 8 juin, les docteurs Ricard et Rivard
dit : Non, on ne le fera pas, les médecins. Ça a bien inquiété la
commission.
• (18 heures) •
Et nous avons fait un sondage, pas un
«sondage», un questionnaire interne auprès des 1400 médecins qui donnent
l'aide médicale à mourir au Québec pour dire : pensez-vous encore ça,
voulez-vous ne... vous abstenir de soutenir l'aide médicale à mourir sur
demande anticipée, et la réponse a été très étonnante, entre 200 et
300 médecins acceptent, disent-ils dans ce questionnaire, de donner l'aide
médicale à mourir. Alors, c'est une barrière qui tombe.
Il y en a une autre qui s'apprivoise,
c'est celle, je termine, c'est la barrière de la reconnaissance des
souffrances. Vous avez vu, de madame Poirier, assise ici tout à l'heure,
qu'elle sait reconnaître les souffrances chez ces personnes. La commission a
consulté des spécialistes de la question qui nous ont dit la même chose :
ça ne doit pas être un obstacle, il faut avoir recours aux bonnes personnes
pour reconnaître la souffrance...
18 h (version non révisée)
M. Bureau (Michel) : ...Peut-être
savez-vous, mais il y a 70 personnes qui ont reçu de l'aide médicale à
mourir pour raison d'Alzheimer, qui étaient aptes à décider, ils avaient une
maladie grave et incurable et ils étaient... elles étaient suffisamment en
déclin pour être encore apte... pour pouvoir demander l'aide médicale à mourir.
Et de cette cohorte de personnes, on apprend beaucoup. Ils sont à la veille de
devenir inaptes, alors leurs souffrances sont identifiables, leurs conditions,
on a gardé un répertoire de ces 70 personnes, si jamais cela peut vous
éclairer.
Enfin, je termine en disant que quand la
commission a été créée, elle a été créée pour traiter 300, 400 aides
médicales à mourir par année. Nous nous dirigeons vers 5000 ou 6000 bientôt. Et
la commission, on doit reviser le fonctionnement de la commission, assurer sa
gouvernance, lui donner les moyens pour faire face aux nouveaux mandats qui lui
sont confiés.
Alors, je serais à votre disposition pour
répondre à vos questions, et n'oubliez pas Maryse de soins palliatifs.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, je passe
maintenant la parole à Mme la ministre. Il vous reste 15 minutes 30 secondes
pour les questions.
Mme Bélanger : Alors, bonjour
Docteur Bureau. C'est toujours un plaisir de vous entendre. Bonjour, madame
Carignan.
Alors, je pense que vous avez bien
expliqué votre vision. On voit que, dans le fond, la Commission et vous comme
président, vous êtes donc en faveur d'une grande majorité des éléments qui sont
présentés dans le projet de loi. Moi, j'aimerais peut-être que vous nous
parliez de votre vision et peut-être des expériences aussi que vous avez vues
avec d'autres pays sur le fait d'avoir une commission indépendante versus un
ordre professionnel. J'aimerais ça vous entendre à ce sujet-là. Puis est-ce qu'à
votre connaissance, dans d'autres pays, cette instance existe?
M. Bureau (Michel) : Oui,
cette instance existe en Belgique et aux Pays-Bas, et c'est les deux seuls
régimes qui ont vraiment l'aide médicale à mourir un peu comme nous. Ailleurs,
c'est l'euthanasie, le suicide assisté. Mais une commission comme nous, c'est
aux Pays-Bas puis en Belgique. Et aux Pays-Bas, ils fonctionnent avec des
divisions régionales. En Belgique, c'est une commission centrale. Aux Pays-Bas,
17 millions d'habitants. La Belgique ont 11 millions. Ils font le
travail équivalent de ce que nous nous faisons. Je pense que la composition de
notre commission n'a pas à envier personne d'autre.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Et je vois aussi, puis on l'a vu dans le dernier rapport
que vous avez produit puis que j'ai déposé en décembre dernier à l'Assemblée
nationale, une augmentation des demandes d'aide médicale à mourir. Pouvez-vous
nous expliquer, selon vous, quel est... Qu'est-ce qui explique qu'au Québec on
a cette augmentation du nombre de demandes et aussi du nombre d'interventions
en lien avec l'aide médicale à mourir?
M. Bureau (Michel) : Quand on
a écrit notre rapport, on l'a gardé silencieux pendant un moment, se demandant
qu'est-ce que c'était vraiment? Et le premier réflexe, c'est de regarder chaque
demande. Est-ce que ce sont des demandes qui sont conformes à la loi? Elles
sont toutes conformes à la loi. De temps en temps, il y en a une qui est sur la
clôture. On s'occupe de passer le message, de faire attention. Elles sont
conformes à la loi.
Deuxième chose qu'on a regardée, est-ce
que ce sont des soins de dernier recours? Alors, les gens qui demandent et reçoivent
l'aide médicale à mourir, ils sont dans les derniers trois mois de leur vie
pour 70 %, dans les derniers six mois de leur vie pour 81 % puis dans
les moins de deux ans pour 97 %. Ces gens-là ont essayé toutes les
thérapies, et c'est des soins de dernier recours. Alors, pourquoi? On a...
Vous, madame Bélanger, vous m'avez demandé l'autre fois : Qu'est ce que
les médecins en pensent? J'ai saisi le message et j'ai fait un questionnaire
pour les médecins. Et on a envoyé ça à 1 400 médecins, et ils nous ont
répondu... 550. Et les questions, c'était : Pourquoi pensez-vous? La
première réponse, c'est : pour des douleurs inapaisables...
M. Bureau (Michel) : ...deuxième
réponse, c'est pour la dégradation de la vie de la personne, puis la troisième
réponse, c'est les gens veulent contrôler leur mort, puis il y a une
sous-question : est-ce qu'ils font ça par défaut, parce qu'ils n'ont pas
les soins adéquats? Plus de 90 % disent : Jamais par défaut. Alors,
c'est quoi? Bien, je pense qu'on aurait besoin de sociologues pour étudier
qu'est-ce qui se passe au Québec. Des sous-questions disaient qu'il y a une
acceptabilité sociale telle au Québec... Beaucoup d'entre vous connaissez des
gens qui sont décédés, et l'exemple d'un décès en douceur vous dit : Moi,
si je suis malade, c'est comme ça que je veux... c'est ce soin-là que je veux
utiliser. Puis le fait que ce soit un soin, c'est un soin avec la même équipe
de soins, de soins palliatifs dans le continuum, ce n'est pas la même chose que
de demander l'euthanasie. C'est prendre un soin qui est par la même équipe,
dans notre institution, dans notre environnement. Il faudra que des sociologues
regardent ça pour vous donner des réponses plus précises que les miennes.
Mme Bélanger : Peut-être,
tantôt, vous avez abordé brièvement les maisons de soins palliatifs, mais vous
voyez que, dans le projet de loi, là, on prévoit que les maisons de soins
palliatifs doivent offrir l'aide médicale à mourir lorsque c'est demandé. Puis
je peux quand même juste, en tout cas, aller dans le même sens de ce que vous
avez mentionné : il y a toute une évolution, actuellement, la grande
majorité des maisons de soins palliatifs procèdent, il y a à peu près sept,
huit maisons de soins palliatifs, au Québec, qui sont en réflexion pour adapter
leurs façons de faire, et tout ça, ça fait que, là aussi, on voit, là, qu'il y
a quand même une évolution à ce niveau-là.
Je termine ma dernière question parce que
je vais laisser mes collègues s'exprimer, mais je veux juste revenir sur la
notion de handicap neuromoteur. Donc, vous le voyez--je sais que vous avez
passé une grande partie de la journée ici--vous voyez un petit peu que c'est le
cœur, là, vraiment, d'un élément très important dans le projet de loi, puis ça
ne fait pas consensus, hein, on le voit bien. Et vous avez parlé de la
définition en disant : Bien, on le voit, il y a une définition très large
du handicap, puis même, certains intervenants, aujourd'hui, ont parlé d'une
définition plutôt à caractère social de ce que c'est, le handicap. Peut-être
poser une question hypothétique, peut-être que ce n'est pas régulier dans le
cadre d'une commission, mais supposons que, dans les prochaines consultations,
on décide de ne plus mettre la notion de neuromoteur, qu'on le retire
complètement puis qu'on va juste avec la notion de handicap, vous, comme
président de la commission, ce serait quoi les mises en garde que vous nous
feriez là-dessus?
• (18 h 10) •
M. Bureau (Michel) : Ma
première réponse, c'est que vous allez inquiéter 98 % des gens, qui ne
sont pas concernés par le handicap. Ils ne demanderont pas l'aide médicale à
mourir. Ils n'y ont jamais pensé, leur entourage n'y a jamais pensé, puis là
vous allez leur demander est-ce que c'est bon pour vous, est-ce que vous voulez
avoir ce droit? Je le die, et j'ai eu des discussions avec Mme Hivon, qui est
la mère de cette loi, moi, je trouve que nous questionnons des gens qui ne
veulent pas entendre la question.
Est-ce que ce serait carrossable si le
p.l. 11 l'adoptait comme ça? Ce serait carrossable. Il faudrait que le Collège
des médecins et la commission s'entendent sur une interprétation très, très,
très stricte. Et je fais écho aussi à ce que les Drs L'Espérance et autres ont
dit sur le Canada et les autres pays, si vous regardez les rapports de la
Belgique, des Pays-Bas... Canada, le rapport n'est pas spécifique, il est assez
succinct, mais le handicap, pour ceux à qui nous poserions la question... ces
gens-là ne sont pas des sujets qui demandent et reçoivent l'aide médicale à
mourir dans ces autres pays aussi. Ça fait que le limiter à neuromoteur, c'est
innocent, parce que tous les autres, ils ne réclameront pas ce privilège
d'avoir l'aide médicale à mourir.
Mme Bélanger : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci, Mme la ministre. Merci, Dr Bureau. Je vais maintenant céder la
parole à la députée de Roberval.
Mme Guillemette : Merci, Mme
la Présidente. Merci d'être avec nous. C'est très important pour nous de
vous...
Mme Guillemette : ...Et à
la fin de votre présentation, vous nous avez parlé que ce serait le moment de
réviser le fonctionnement de la commission. Puis là il ne restait plus beaucoup
de temps. Ça fait que qu'est-ce qu'il faudrait revoir, là, avec les changements
qu'on va faire, la commission des soins de fin de vie là-dessus?
M. Bureau (Michel) : Bien,
vous nous avez donné un petit bateau pour naviguer sur un petit lac. Et là,
bien, on est amené dans la mer. Alors, le p.l., la loi de l'époque n'a pas
défini la gouvernance de la commission. Il y a-tu un président ou il n'y en a
pas? Comme les... Le Conseil des ministres nomme un président. Il reste qu'il y
a un secrétaire général, un directeur général. Qu'est-ce qu'il a le droit de
faire? Je vais vous donner un exemple. J'ai fait deux sondages auprès des
médecins et des commissaires. Est-ce que la loi nous permet de faire ça? Ce
n'est pas clair. Il faut clarifier ça. On doit garder nos... On a un répertoire
de 15 000 aides médicales à mourir. On a la meilleure collection du
monde qu'on peut exploiter pour fins de recherche et de comprendre comment
notre société... Est-ce qu'on a le droit de faire ça?
Quand les médecins dépassent la ligne un
peu, là, on pourrait leur envoyer une lettre d'avocat. On ne fait pas ça, mais
est-ce que j'ai le droit de les appeler? Voyez-vous, si une institution n'est
pas ouverte à... Est-ce que je peux appeler le P.D.G. et lui dire :
Occupe-toi donc de ça? C'est ça que nous disons. Il faut donc préciser la
gouvernance. C'est la première chose. Il faut accepter qu'on garde plus de cinq
ans le registre des AMM. Et ce sont des petites choses comme ça et on a des
articles de loi à vous proposer dans le mémoire pour répondre à cette question.
Mais après sept, huit ans, c'est le temps de faire ça. Quant à la question
est-ce que la commission doit exister? Je vous laisse répondre. Il faudrait
demander à Mme Hivon pourquoi elle l'a créée d'abord, mais je pense que
c'était une bonne décision de la société civile.
Mme Guillemette : Merci.
Est-ce qu'il reste encore un petit peu de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...4 min 30 s
Mme Guillemette : Dans
tous les cas que vous avez étudiés, c'est votre mandat, est-ce que vous avez vu
des cas de dérives, des choses qui reviennent peut-être souvent, à laquelle on
devrait peut-être, pendant qu'on est dans le projet de loi, corriger.
M. Bureau (Michel) : Bien,
il y en a un qui est une véritable obsession. C'est une personne qui a
95 ans qui a toute sorte de petits bobos, qui ne veut vivre et puis qui
dit : Je vais arrêter de manger puis je n'ai plus faim, puis personne ne
me visite et qui est très fragile, «frailty» comme disent les Anglais, mourra
de sa belle mort. Est-ce que... Ce qui m'obsède, est-ce que notre société remplacerait
la mort naturelle par l'aide médicale à mourir? Alors, on a vu souvent des AMM
administrés qui n'étaient pas clairs. Et dans ces circonstances, un commissaire
médecin ou une commissaire contacte le médecin et dit : Est-ce que c'est
vraiment la mort naturelle qu'on n'a pas laissée arriver puis qu'on a pris
l'aide médicale à mourir? Oui? Ce n'est pas facile de répondre à cette question
et dans tous les cas, je dirais qu'on trouve des éléments qui font que ce n'est
pas l'aide médicale à mourir qui vient pousser la mort naturelle ou la
remplacer. La loi, quand elle fut faite, elle ne fut pas faite pour ça du tout.
Alors, on a dû écrire une missive aux médecins. Puis quand vous disiez
qu'est-ce qui nous dérange dans notre loi? Bien, on ne sait pas si on a le
droit de dire aux médecins puis envoyer une règle générale. Voilà notre
interprétation dans ces cas-là. Et s'il vous plaît, tenez-vous-en aux règles.
Quand on dit qu'il n'y a pas de dérive, ce n'est pas pour rien. Il y a aussi
une action préventive assez importante.
Mme Guillemette : Ça
fait que chaque cas est étudié par la commission d'aide médicale à mourir.
M. Bureau (Michel) : Oui.
Mme Guillemette : Merci.
Je crois que j'ai d'autres collègues qui ont des questions.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. Je pense que la députée de Vimont a
des questions.
Mme Schmaltz : J'ai-tu
encore le temps? Oui, c'est bon. Nous...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...58.
Mme Schmaltz : D'accord. En
fait, on a entendu beaucoup de gens aujourd'hui parler de l'aide médicale à
mourir, du terme handicap, de plusieurs, plusieurs éléments. Mais moi, il y a
quelque chose qui... pas qui me chicote, là, mais qui m'interpelle en tant que
citoyenne. Appelons ça comme ça, enlevons notre chapeau. Puis parlons en tant
que citoyens. Je comprends que l'aide médicale à mourir, c'est le dernier
recours, dans tout ce qui est soins palliatifs. Appelons ça comme ça. Mais
juste avant, on a quand même les soins de confort de longue durée, donc ceux
qui mènent vers la finalité. Appelons ça comme ça. Qu'est-ce qui fait qu'à un
moment donné, une personne va préférer l'aide médicale à mourir versus les
soins de confort continu? Parce que je comprends que c'est parce que c'est plus
rapide, ou est-ce qu'on essaye de lui expliquer la différence? Est-ce qu'elle
est bien consciente, finalement, de qu'est-ce qu'elle peut choisir quand elle
arrive... quand elle est... elle a ce choix à faire, sans faire des jeux de
mots.
M. Bureau (Michel) : J'aime
bien votre question. C'est le... quand quelqu'un reçoit de son médecin :
Vous avez le cancer, vous allez vivre six mois ou un an, pas plus. Le médecin
va lui dire : On ne vous abandonne pas, on va vous donner des soins de
confort et si ça doit être plus intensif, ça va être des soins palliatifs. Puis
vous allez avoir des soins de confort et pour 90 % des personnes, ils vont
cheminer comme ça jusqu'à leur mort ou ils vont être soulagés dans les
derniers, derniers moments. En cours de route, il y en a 7%, 8 % au Québec
qui dit : Moi, j'envisage une mort dans la grande douleur. Je ne veux pas
vivre ça. Alors, deux, trois mois avant le décès, ils disent : Je veux
être évalué pour l'aide médicale à mourir. Et les deux médecins le font, et
cette personne est jugée admissible et elle fixe une date. Quelques-uns vont
changer d'idée parce que les soins de confort ou les soins palliatifs vont les
aider ou parce que, des fois, c'est parce que la famille ne veut pas ou c'est
parce qu'ils... alors, c'est ça le grand... Mais votre question nous fait dire
qu'on parle beaucoup d'AMM. mais c'est des 90 % qui ne recourent pas à
l'AMM, qui ont des soins de confort et des soins palliatifs de qui on doit
s'occuper et le faire à domicile.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Docteur Bureau pour votre réponse. Le temps
de la banquette ministérielle étant écoulé, je vais me tourner du côté de
l'opposition officielle. Mme la députée de Westmount–Saint-Louis, vous bénéficiez
de neuf minutes 54 secondes. Le temps est commencé.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup pour votre témoignage et votre mémoire. Je veux
renchérir sur la notion de handicap neuromoteur. J'entends ce que vous dites.
Puis le 90 % qui ne réclament pas. Alors, si on enlève la notion de
neuromoteur, mais, dans le fond, nous sommes en train de peut-être faire fausse
route parce qu'on rouvre l'accessibilité à l'aide médicale à mourir à des
personnes qui, peut-être, ne souhaitent pas faire appel à la demande d'avoir ce
soin.
• (18 h 20) •
Mais je vous soumets que ce qui est de
consensus, là, je pense que la seule chose qu'on peut constater de consensus,
c'est que c'est très difficile de déterminer la souffrance de quelqu'un. La
souffrance va varier entre chaque personne. Alors, je vous mets au défi parce
que, si on enlève la notion de neuromoteur ou si on lève la notion... on laisse
la notion de neuromoteur, par exemple, comme vous proposez, est-ce que nous ne
sommes pas en train d'enlever le droit de choisir pour des personnes qui
souffrent selon leur propre définition de souffrance? Parce que ce n'est
peut-être pas suite à un accident d'automobile, mais ils sont nés avec un
handicap dont la souffrance est très, très, très difficile. Moi, je crois
fortement à l'autodétermination, l'autonomie de choix. Ça fait que, si on
laisse neuromoteur, est-ce que nous ne sommes pas en train de tourner le dos
envers des personnes qui, peut-être, ne feront pas le choix? Mais d'avoir le
choix, ce n'est pas un droit fondamental, un droit civil que nous devons
continuer à offrir à ces personnes, ces citoyens, ces Québécois?
M. Bureau (Michel) : Réponse
courte, c'est oui. C'est ce que vous faites. Je peux vous retourner la
question : Pourquoi ces gens-là, à aucun endroit dans le monde, ne se
manifestent pour recevoir ce type de soins? Il y a peut-être des...
M. Bureau (Michel) : ...exceptions
qui voudraient y recourir peut-être. Mais rappelez-vous pourquoi nous sommes
dans l'aide médicale à mourir. On le doit au Collège des médecins. En 2008, il
a dit : Eh! l'acharnement thérapeutique, ça fait assez, là. On va trouver
d'autres façons puis on va mourir dans la dignité. C'est comme ça qu'est née
l'aide médicale à mourir.
Alors, ici, ce que vous me dites : Il
n'y a pas de demande de la clientèle. Pourquoi on ferait une discussion qui les
interpellerait puis les amènerait à la barre pour en discuter? Alors, est-ce
qu'on fait plus de tort que de bien?
Mme Maccarone : Puis, tu
sais, peut-être c'est parce que je ne le sais pas s'il y a des demandes. Je ne
sais pas la raison pour laquelle qu'il n'y a pas de demande. Ça se peut qu'il
n'y a pas de demande parce que l'option n'est pas là. On a vu aussi beaucoup de
gens qui sont venus devant le tribunal pour dire que moi, ma souffrance est
importante, puis je souhaite avoir accès. On peut penser à Gladu-Truchon, par
exemple. Ça fait qu'on peut dire que... est-ce qu'on devrait prendre en
considération ces personnes? Je ne dis pas que c'est moi qui va prendre la
décision. Je souhaite avoir le débat avec mes collègues puis avec toutes les
personnes qui souhaitent venir témoigner. J'aurais espéré avoir une commission
plus large pour entendre la voix des personnes en situation de handicap, parce
que je pense que leur opinion en ce qui concerne l'ouverture est très
importante. Mais je comprends ce que vous êtes en train de dire. Mon but, c'est
de ne pas dire à tout le monde : Bon, c'est bar ouvert, maintenant c'est
là. Ce n'est pas ça le but. Moi, mon but, c'est de s'assurer qu'on protège
aussi les droits de tout le monde. Puis je ne veux pas dire qu'on limite, à
quelque part, les droits civils de quelqu'un parce qu'il ne rentre pas dans une
définition, parce qu'on a peur peut-être de faire une offre ou de dire qu'on va
élargir les soins.
Ça m'amène à une autre question, parce que
vous avez dit puis avec beaucoup de justesse que c'est arrivé peut-être dans le
passé que l'aide médicale à mourir n'a pas été appliquée correctement avec une
demande anticipée. Si, mettons, je veux définir moi-même après qu'on voit la
formule puis le document, puis, moi, je coche des boîtes ou j'écris, pour moi,
c'est quoi la souffrance puis, rendue à ce point, je souhaite avoir accès à
l'aide médicale à mourir. Que devons-nous faire si la souffrance n'est pas une
réflexion exacte de la façon que j'ai décrit mon désir d'avoir accès rendue à
ce moment-là?
M. Bureau (Michel) : Il y a
deux éléments de réponse. C'est d'abord la formulation que la personne doit
faire et la vérification de la formulation au moment deux. Dans le
questionnaire qu'on a envoyé au médecin, on leur a posé deux questions qui sont
en miroir : Qu'est-ce qui vous aiderait le plus à être confiant de donner
l'aide médicale à mourir sur demande anticipée puis qu'est-ce qui vous
stopperait de le faire? La réponse est exactement la même. Ce qui m'aiderait,
c'est une formulation impeccable; ce qui me stopperait, c'est le flou. Et ça,
ça comprend les souffrances, le déclin que la personne doit décrire elle-même.
Et un effort considérable va devoir être fait peut-être par les établissements,
peut-être par légiste, un rôle de la commission, du ministère là-dedans pour
avoir des... la fameuse formule auquel vous référez qui soit parfaite, si on
veut s'en tirer. Rappelez-vous qu'aucun pays n'a réussi ce qu'on essaie de
faire. Même les Pays-Bas ont très, très peu... quelques cas par année d'aide
médicale à mourir sur demande anticipée. Ils n'ont pas réussi. Il y a plusieurs
papiers américains de littérature qui disent que ce n'est pas faisable.
Alors, on a un défi considérable ici.
Toutes les embûches sont : le médecin, le patient, la formulation, le
délai qui fait perdre la mémoire du patient. On ne s'en souvient plus. Ce n'est
plus le même médecin. Vous voyez la complexité. La clé, c'est la bonne
formulation.
Mme Maccarone : La bonne
formulation et la formation, n'est-ce pas?
M. Bureau (Michel) : Oui.
Mme Maccarone : Vous l'avez
évoqué aussi dans votre mémoire. Combien de temps, selon vous, devrons-nous
prévoir de formation avant que la loi sera en vigueur?
M. Bureau (Michel) : Ah! ici,
je pense, ça devrait prendre du temps et ça ne peut pas prendre de temps. Si
nous vous disons que... Vous avez entendu madame Leclerc ce matin? Elle a
dit : Si je n'ai pas d'assurance, je vais aller à la demande contemporaine
d'aide médicale à mourir pour Alzheimer. Alors, nous avons, dans l'année qui
s'est terminée le 31 décembre, 70...
M. Bureau (Michel) : ...patients
qui ont demandé et reçu l'aide médicale à mourir. Est-ce que c'est parce que la
loi traînait trop ou est-ce qu'ils l'auraient demandé pareil parce qu'ils ne
voulaient pas vivre les dernières années? Je ne sais pas, mais vous ne pouvez
pas attendre très longtemps, il faut déjà qu'on se mette à écrire, même si votre
loi n'est pas rendue au bout, il faut déjà qu'on commence à travailler sur la
formule de l'aide médicale à mourir pour être prêt à démarrer... pas trop long.
De 2014 à décembre 2015, ça a pris 18 mois. Là, je ne crois pas qu'on puisse
attendre 18 mois, dans la lecture du président de la commission.
Mme Maccarone : Et comme
membre de la commission, vous avez eu la question : Prochaine étape de la
commission? Vous êtes dans un gros bateau, peut être, dans un petit lac, je ne
m'en souviens pas exactement, la façon que vous l'avez formulé, mais aussi,
dans votre mémoire, quand vous vous parlez de la notion de handicap
neuromoteur, vous dites que c'est important parce que c'est important
d'harmoniser avec la loi fédérale.
M. Bureau (Michel) : Moi, je
ne dis pas ça.
Mme Maccarone : Bien, c'est
avec le Code criminel. Le Code criminel, c'est fédéral.
M. Bureau (Michel) : Non.
Mme Maccarone : Dans le fond,
le but de la question que je souhaite vous poser, c'est si ça c'est important,
parce que dans le fond, à quelque part, il faut harmoniser. La prochaine étape
de la commission, est-ce que ça devrait être de se pencher en ce qui concerne
santé mentale? Parce que je comprends que la notion de santé mentale était
retardée au niveau fédéral pour un an, mais ça s'en vient. Que devons-nous
faire en ce qui concerne cette nouvelle réalité qui va avoir un impact sur les
médecins, les infirmières praticiennes après que la loi sera peut-être,
éventuellement, adoptée?
M. Bureau (Michel) : Alors,
je dis comme le Dr Gaudreault disait là-dessus : C'est bien, que le
fédéral n'ait pas... ne soit pas allé de l'avant. Et je pense qu'au Québec non
plus nous ne sommes pas prêts à incorporer la santé mentale dans
l'accessibilité à l'aide médicale à mourir. Cependant, c'est juste un
rendez-vous retardé.
Dans les discussions de coulisses, moi, je
disais : Pourquoi vous ne l'adoptez pas en principe, dans la loi pour
application quand l'Assemblée nationale décidera de le faire? Et nos juristes
nous disaient qu'il y a des lois qui ont déjà fait ça, elles acceptent un
principe puis le mettent en application deux ans ou cinq ans plus tard, là.
Mais, pour moi, c'est juste un rendez-vous retardé, là, c'est... Le fédéral va
y aller, les groupes professionnels disent qu'il y a une toute, toute, toute
petite place pour un tout petit nombre de ces patients-là. Alors, ma réponse,
c'est je serais plutôt favorable à adopter le principe.
Mais je veux revenir sur un point que vous
avez soulevé. Moi, je ne veux pas qu'on s'harmonise avec le fédéral. Le
fédéral, c'est le Code criminel. Ce n'est pas du tout une loi de santé. Le
fédéral, quand il dit : Une affection grave et incurable... dites-moi donc
qu'est-ce que c'est, une affection? Qu'est-ce que c'est? C'est tout. Il dit le
handicap... comme disait Mme Hivon, il définit le handicap avant, quand il y
avait le critère de fin de vie. Handicap, c'était tout petit, comme ça, là,
mais quand il n'y plus le critère de fin de vie, là, c'est très vaste. Ça fait
que l'argument que j'entends de mes confrères, puis ils ne sont pas contents
quand ils m'entendent... de dire qu'il faut s'harmoniser avec le fédéral, je ne
trouve pas, à titre de président de la commission, que c'est une cible qu'on
doit atteindre. On ne doit pas se compliquer la vie, on ne doit pas compliquer
la vie de la pratique médicale.
• (18 h 30) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Je dois vous arrêter. Je m'excuse, c'est le temps
qui roule, qui roule. Merci beaucoup pour ces réponses. Nous en sommes
maintenant rendus... on poursuit le débat, tout de même, avec la députée de
Sherbrooke pour 3 min de 18 s. Le temps commence.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Tout à l'heure, vous nous avez dit que vous avez sondé les médecins
par rapport à leur intention de mettre en pratique la loi pour les demandes
anticipées. Je suis contente que vous l'ayez fait parce que c'était
effectivement inquiétant, ce qu'on entendait le printemps dernier. Vous avez
semblé assez rassuré d'avoir trouvé 200, 300 médecins qui avaient l'intention,
là, de pratiquer. Moi, je trouve que c'est assez peu en proportion du nombre de
médecins qui pratiquent actuellement l'aide médicale à mourir. Vous, vous
semblez trouver que c'est suffisant par rapport à ce qu'on anticipe de gens qui
vont vouloir avoir recours à la demande anticipée?
M. Bureau (Michel) : Bien, il
y a 1700 personnes qui meurent d'Alzheimer par année. S'il y a 25 % qui
vont jusqu'à une demande... Tout le monde dit qu'il est favorable, mais quand
vient le temps de dire : Êtes-vous prêt à faire une demande...
18 h 30 (version non révisée)
M. Bureau (Michel) : ...il y
en a moins. Puis on a fait la mathématique. Et s'il y avait 200, 250 médecins
qui le font, c'est amplement pour répondre à la demande. Il y a 1400 médecins
qui font 5000 AMM dans la province, mais, pour cette sous-catégorie, qu'il y en
ait entre 200 et 300, moi, j'ai été très étonné. Je m'attendais à 75. Mais dans
cette... Avec ce nombre de médecins, je crois que la loi pourrait être mise en
œuvre. Puis il y en a d'autres qui vont se joindre.
Mme Labrie : Parfait, Merci.
Vous avez... J'espère ne pas vous mettre mal à l'aise avec cette question-là,
mais vous avez nommé d'emblée, tout à l'heure, que vous êtes pédiatre. Donc, j'en
profiterais peut-être pour vous poser la question par rapport au critère de
majorité pour l'admissibilité à une demande contemporaine. Si vous êtes à l'aise
de répondre, j'aimerais peut-être avoir votre point de vue là-dessus.
M. Bureau (Michel) : Oui, c'est
une situation qui oblige les pédiatres à du doigté pour soulager le patient que
décrivait le docteur L'Espérance, une personne de 15 ans qui fait un
sarcome, puis qui va mourir dans de grandes souffrances. Il ne faut pas penser
que les pédiatres les laissent sans soulagement, mais ils le font sous la
couverture de la loi puis il va falloir régler ce problème-là tôt ou tard. À 14 ans,
15 ans, si on fait ce type de pathologie, il faut recevoir le soulagement
qu'il faut. On a posé la question aux pédiatres. Puis c'était une première
réponse, c'était un premier contact. C'est des pédiatres d'oncologie. Ils ont
dit : Essentiellement, on se débrouille pour... on fait une médecine
bienveillante, mais il va falloir s'adresser à ce problème...
Mme Labrie : Donc, quand vous
dites : il faut s'adresser à ça. Donc vous, est-ce que vous nous invitez à
en discuter?
M. Bureau (Michel) : Oui.
Dans ma présentation pour le p.l. 38, j'avais dit : Nous recommandons qu'un
comité de cette table étudie la question, puis ça voulait dire : Tous les
moyens appropriés pour inclure les adolescents dans l'accès à l'aide médicale à
mourir.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour vos questions et
réponses. Nous terminons cet échange avec la députée de
Laviolette-Saint-Maurice. Une période de trois minutes, 18 secondes.
Mme Tardif : Merci. Votre
exemple de la personne de 95 ans qui veut mourir parce qu'elle n'a pas de
visite, parce qu'elle se sent seule, parce qu'elle souffre. Je pense, ça nous
ramène à l'importance de voir l'aide médicale à mourir dans un tout sociétal,
de s'assurer tout d'abord que la personne qui fait cette demande ne le fait pas
faute d'accès aux soins, faute d'accès aux services et que ce soit adapté à ses
conditions de vie. Vous l'avez bien souligné.
Ma question était : Il y a combien de
mois entre la personne qui décède par le soin de fin de vie, le soin palliatif
par rapport à l'aide médicale à mourir? J'ai retenu. Vous êtes une
encyclopédie, d'ailleurs je ne vous ai pas vu une fois regarder sur vos
chiffres, mais j'ai lu votre rapport avec intérêt. Il y a de très intéressantes
données, pourcentages. J'ai retenu que 81 % des cas qui vont diminuer leur
vie d'à peu près six mois, de six mois, c'est ce que vous avez dit et que le
délai moyen entre quelqu'un qui demande l'aide médicale à mourir et qui le
reçoit est de 44 jours et que 91 % des gens le reçoivent en bas de 90 jours.
Quelque chose comme ça.
Deux courtes questions. Quel est le
pourcentage des gens qui décèdent par l'aide médicale à mourir par rapport à
ceux qui vont décéder en soins palliatifs? Et quel est le pourcentage des gens
qui retirent leur demande pour recevoir l'aide médicale à mourir après l'avoir
demandée? Et j'aimerais vous vous entendre aussi, Mme Carignan, parce qu'on pas
eu la chance de vous entendre. Donc, si vous avez des choses à dire, dites-le,
je ne pose plus de question. Merci.
Mme Carignan (Maryse) : Bien,
c'est très variable, hein?
M. Bureau (Michel) : Pour l'encyclopédie...
M. Bureau (Michel) : ...pour
l'encyclopédie, les gens veulent vivre, là. Ils attendent d'être à l'orée de la
mort pour demander l'aide médicale à mourir. Il y en a beaucoup qui vont mourir
dans la semaine, dans le mois. Quand on dit : Moins de trois mois, c'est
moins de deux mois, c'est moins d'un mois. Les gens veulent vivre. Ils
souffrent. Ils acceptent leurs souffrances.
Maintenant, les soins palliatifs.
Mme Carignan (Maryse) : C'est
ça, jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus. Parce que, souvent, c'est ce qu'on voit
dans les demandes, tu sais, les gens sont tannés de souffrir. On ne peut pas
toujours les soulager de toutes les souffrances. Je pense que, moi, c'est ce
que personnellement j'ai appris dans les dernières années de la commission. Je
pense qu'on n'est pas capable... puis, dans la pratique, on n'est pas capable de
soulager tout le monde, malheureusement. Ça fait que c'est d'écouter la
souffrance.
Puis, au niveau du temps, bien, on ne le
sait pas. C'est très, très variable d'une personne à l'autre. Il y a des
patients atteints de cancer que, dès qu'on arrête les traitements, ça va être
deux mois, trois mois et ils vont décéder. Les patients de l'insuffisance
cardiaque, ça dure des années. On a parlé beaucoup des soins palliatifs, ça
fait que là, j'ai la chance, je vais en parler. On a... La loi prévoit des
soins palliatifs et de fin de vie pour tous les citoyens dont la situation
requiert, mais... puis on n'a pas de données nécessairement. Mais, dans tout ce
que j'ai vu, dans tout ce que j'ai lu, il y a encore... Malgré toutes les
initiatives, autant du gouvernement du Québec que du gouvernement du Canada et
partout dans le monde, les soins palliatifs, le moment où on l'introduit, le
moment où on parle de soins palliatifs avec le patient, les chiffres sur
combien de patients ont des soins palliatifs au Québec, par exemple. On ne le
sait pas, parce que, pour une institution, ça va être le nombre de patients qui
sont admis à l'unité des soins pal. Ce n'est pas juste les patients qui
reçoivent des soins palliatifs, ça. Il y en a ailleurs. Ça fait que c'est de
voir comment... Puis je sais que ce n'est pas nécessairement dans la loi qu'on
peut écrire ça. C'est au niveau des pratiques. Mais comment les soins
palliatifs peuvent être intégrés? Comment on peut planifier les soins avec la
personne? La personne qui fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir,
présentement, à son début d'alzheimer, elle ne pourra pas avoir des soins
palliatifs, parce que les critères sont trop restrictifs sur la fin de vie et
sur... Parfois, il y a des gens qui vont dire : Le soin pall, ça égale le
cancer. Ça fait que les mythes, il faut travailler là-dessus, la formation. Il
faut parler de la philosophie des soins pall. Et il faut que les établissements
d'enseignement se mettent de la partie.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci beaucoup, madame Carignan. Je suis désolée. Je suis la maîtresse du
temps. Je vous ai laissé quand même poursuivre votre intervention.
Alors, c'est ce qui met fin à cette
audition. Dr Bureau, madame Carignan, merci beaucoup pour votre témoignage, vos
éclaircissements. Vous nous apportez beaucoup à la commission.
Alors, je suspends cette séance pour
quelques instants, le temps de recevoir notre dernier groupe de la journée.
(Suspension de la séance à 18 h 39)
(Reprise à 18 h 43)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre à tous! Nous allons reprendre nos travaux
et avant d'entendre notre prochain et dernier groupe de la journée, comme nous
avons quelques minutes de retard, je vais demander s'il y a consentement qu'on
déroge, qu'on aille au-delà de la période prescrite aujourd'hui. Donc, il y a
un consentement?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, je vais souhaiter la bienvenue au
Curateur public du Québec, qui est représenté par Me Julie Baillargeon-Lavergne
ainsi que Me Sophie Gravel. Alors, mesdames, bienvenue à la commission. Vous
allez bénéficier de 10 minutes pour faire votre présentation, puis je vais vous
demander en même temps de vous présenter. Ensuite, va suivre la période des
questions avec les élus de la commission. La parole est à vous.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Parfait. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, membres de la
commission. Je veux vous présenter, tout d'abord, la personne qui m'accompagne,
Me Sophie Gravel, qui est secrétaire générale et responsable du bureau de la
Curatrice publique, avec qui je vais partager cette présentation.
Je commence en vous remerciant de donner
l'occasion au Curateur public d'être entendu sur le projet de loi n° 11.
Évidemment, c'est un projet de loi qui nous interpelle particulièrement,
puisque, dans sa forme actuelle, il va permettre aux personnes atteintes d'une
maladie grave et incurable qui mène à l'inaptitude à consentir aux soins de
formuler une demande anticipée d'aide médicale à mourir. Donc, ces personnes
vont pouvoir ainsi bénéficier de cette aide une fois devenues inaptes.
En mai 2021, le Curateur public
s'adressait aux membres de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi
concernant les soins de fin de vie pour témoigner de son appui à
l'élargissement des critères d'admissibilité pour l'aide médicale à mourir aux
personnes qui prévoient perdre leurs facultés mentales en raison de la
progression d'une maladie neurodégénérative. Nous étions alors d'avis, et nous
le sommes toujours, que les personnes ayant reçu un diagnostic de maladies
neurodégénératives devraient pouvoir préparer une demande anticipée d'aide
médicale à mourir. Le Curateur public s'appuyait alors sur le principe
fondamental de l'autodétermination des personnes, principe auquel nous
souscrivons toujours. Le Curateur public appuie les mesures visant une
meilleure prise en compte des volontés exprimées par des personnes au moment où
elles étaient encore aptes, et, plus généralement, la prise en compte des
volontés actuelles des personnes qui ont des limitations cognitives. Cette
position est en concordance avec la mission du Curateur public qui est de
veiller à la protection des personnes inaptes. Nous avons toujours préconisé
l'intérêt des personnes inaptes, le respect de leurs droits, la sauvegarde de
leur autonomie, qui sont au quotidien au cœur de nos actions.
On a d'ailleurs traduit ce principe
directeur là dans l'élaboration de notre loi, la Loi visant à mieux protéger
les personnes en situation de vulnérabilité, qui a été adoptée à l'unanimité
ici, à l'Assemblée nationale, le 2 juin 2020 et qui est entrée en vigueur le 1ᵉʳ
novembre dernier. Donc, cette loi introduit de nouvelles dispositions dans le
Code civil du Québec qui renforcent le respect de la volonté des personnes
représentées. En effet, tout représentant légal, qu'il s'agisse d'un tuteur,
d'un représentant temporaire ou d'un mandataire, doit tenir compte de la
volonté de la personne dans la prise de décisions financières et juridiques.
De plus, en matière de soins de santé, le
Code civil stipule qu'un représentant légal, lorsqu'il est appelé à consentir
aux soins, doit tenir compte de la volonté que la personne représentée aurait
pu exprimer ou manifester...
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : ...au moment où elle était encore apte, à titre de
représentant légal de plus de 13 000 personnes inaptes, nous prenons
au quotidien des milliers de décisions pour assurer leur bien être et l'administration
de leurs biens. Si une personne sous notre responsabilité est inapte à
consentir à un soin, notre direction médicale traite la demande de consentement
aux soins en collaboration avec le réseau de la santé. Le Curateur public est
donc heureux de mettre à profit son expertise pour contribuer aux travaux de la
commission. Nous sommes d'avis que le cadre législatif proposé doit être bien
ancré dans les réalités d'aujourd'hui, qu'il préserve l'exercice des droits des
personnes inaptes, favorise leur autonomie et tienne compte de leur volonté et
préférences.
Mme Gravel (Sophie) : Le
projet de loi prévoit qu'une personne pourra désigner un tiers de confiance
pour veiller au respect de sa demande anticipée. Nous sommes d'accord avec le
fait que la désignation du tiers de confiance soit facultative puisque cela
fait en sorte que plusieurs personnes, notamment les proches et l'équipe
soignante, pourraient jouer un rôle. Il s'agit à notre avis d'une disposition
qui favorisera une meilleure prise en compte des volontés exprimées par la
personne. Nous croyons cependant que le rôle des autres intervenants impliqués,
dont les proches et les aidants, devrait être précisé dans le projet de loi.
Afin de favoriser le respect de la volonté de la personne concernée, ces
intervenants devraient pouvoir informer le professionnel compétent qu'ils
croient que les souffrances de la personne concernée correspondent à celles
décrites dans sa demande anticipée d'aide médicale à mourir ou qu'elles sont
devenues intolérables.
Nous souhaitons également porter à
l'attention des membres de la commission que le projet de loi ne prévoit pas
que la personne concernée puisse elle-même déclencher le traitement de sa
demande anticipée au moment où elle croit que ses souffrances sont devenues
insupportables. Même si, à ce moment, la personne concernée serait probablement
inapte à consentir à ces soins, elle pourrait encore posséder l'aptitude
nécessaire pour exprimer ou manifester le souhait que sa demande soit évaluée
par le professionnel compétent. Le Curateur public recommande donc que la
personne ayant préparé une demande anticipée d'aide médicale à mourir, son
tiers de confiance, ses proches et les membres de son équipe soignante
puissent, lorsqu'ils croient que ses souffrances correspondent à celles
décrites dans la demande, en informer le professionnel compétent et ainsi
déclencher le traitement de la demande anticipée.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Je veux maintenant aborder la question du retrait de la
demande anticipée. Le projet de loi prévoit qu'une personne peut annuler sa
demande anticipée d'aide médicale à mourir après qu'un professionnel ait
confirmé son aptitude à le faire. C'est donc dire qu'une personne qui
exprimerait le souhait de retirer sa demande pourrait recevoir un refus si elle
ne possède plus la capacité de consentir aux soins. Les impacts de ce refus
potentiel sont importants. Nous croyons qu'il faut permettre à la personne
concernée de retirer sa demande en tout temps.
Cette position nous apparaît tout à fait
en concordance avec l'essence même de la demande anticipée d'aide médicale à
mourir. En effet, cette demande est fondée sur le principe d'autodétermination
d'une personne atteinte d'une maladie dégénérative qui, en prévision de son
inaptitude, consigne par écrit la nature des souffrances qu'elle juge
intolérables. Cependant, pour toutes sortes de raisons, cette volonté peut
changer selon l'évolution de la maladie. Par exemple, si cette personne change
d'avis, il faut s'assurer de respecter sa volonté. Le Curateur public croit que
les règles relatives au retrait d'une demande anticipée d'aide médicale à
mourir devraient être assouplies pour permettre de tenir compte des nouvelles
volontés de la personne. Ainsi, le Curateur public recommande que la personne
ayant préparé une demande anticipée plus pouvoir retirer sa demande si elle est
encore apte à exprimer sa volonté concernant l'aide médicale à mourir.
• (18 h 50) •
Mme Gravel (Sophie) : Un
mot maintenant sur la relation entre le professionnel compétent et la personne
concernée. Divers facteurs peuvent intervenir dans la vie d'une personne qui a
un diagnostic de maladie neurodégénérative. Sa maladie peut progresser plus ou
moins rapidement, de nouveaux soins peuvent être disponibles ou encore ses conditions
de vie peuvent changer. Selon nous, il est souhaitable que le professionnel
compétent maintienne un dialogue avec la personne ayant préparé une demande
anticipée d'aide médicale à mourir afin de lui permettre de l'actualiser au
besoin. Si la personne est encore apte à consentir à ses soins, elle pourrait
préparer une nouvelle demande ou décider de retirer une demande existante. Des
entretiens ponctuels entre le professionnel de la santé et la personne
concernée au sujet de sa demande d'aide médicale à mourir pourraient aussi
éventuellement aider le professionnel compétent appelé à évaluer la demande
anticipée. Nous croyons donc qu'il pourrait être utile de préciser dans le
texte du projet de loi, d'un règlement ou d'une directive que le professionnel
compétent discute ponctuellement de la demande anticipée d'aide médicale à
mourir avec la personne concernée et consigne ses observations dans son dossier
médical.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Donc, en résumé...
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
...le Curateur public croit fermement que les choix qui ont été faits en
toute lucidité et en toute connaissance de cause concernant l'aide médicale à
mourir devraient être respectés le moment venu. L'égalité des droits pour tous,
le respect des volontés devrait primer, ce sont des valeurs profondément
ancrées dans la mission du Curateur public.
Je vous remercie de votre attention. Me
Gravel et moi-même sommes maintenant prêtes à répondre à votre question.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons donc commencer cette période
d'échanges avec Mme la ministre pour une période de 18 minutes...
16 minutes 30 secondes. La parole est à vous, Mme la ministre.
Mme Bélanger : Oui. Alors,
Mme la Présidente... Maître Baillargeon-Lavergne, Me Gravel, merci d'être
présents ici. Merci pour le mémoire. On le sait très bien que vous avez une
très grande expertise dans la représentation des personnes, les personnes
vulnérables en particulier. Et j'aimerais vous entendre sur comment vous
envisagez le rôle du Curateur public quand la personne qui fait une demande
anticipée d'aide médicale à mourir n'a pas de tiers de confiance.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Je vous dirais que le fait que la personne soit sous régime
de protection ou non ne change rien au processus qui est actuellement en place
dans la loi... dans le projet de loi 11. Donc, évidemment, s'il n'y a pas
de tiers de confiance, je comprends que ça sera l'équipe soignante qui lèvera
le drapeau le moment venu. Je vous ramène par contre à notre recommandation un,
puis Sophie pourra élaborer là-dessus, là où on pense qu'on devrait ouvrir un
peu plus, là, aux proches ou autres si la personne n'a pas désigné de tiers de
confiance. Évidemment, notre direction médicale de consentement aux soins
continue de collaborer avec les équipes de soins s'ils ont des questions puis
ils veulent échanger sur la situation particulière ou sur la question d'aide
médicale à mourir, évidemment. On reste présents, mais le fait qu'elle soit
sous régime ou pas, représenté ou pas, ne change rien au processus.
Mme Bélanger : O.K. Vous avez
quand même abordé tantôt la notion de proche, l'importance d'impliquer des
proches, puis c'est tout à fait vrai, c'est très, très important, mais il y a
quand même certaines situations où des personnes sont seules, ils n'ont pas de
proches. Comment vous voyez à ce moment-là... Peut être que c'est des
situations qui n'arrivent pas souvent, mais advenant une demande d'aide
médicale à mourir, comment vous voyez le rôle du curateur spécifiquement?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Je vous dirais que c'est des discussions qu'on a eues
l'année dernière abondamment avec le réseau de la santé. Puis, si on se remet
dans le contexte du PL 38, à l'époque, la désignation du tiers de
confiance était obligatoire, et donc il fallait trouver une solution pour les
personnes isolées. Et, évidemment, la question s'est posée à savoir si le
Curateur public pouvait jouer le rôle du tiers de confiance. Donc, évidemment,
nous, notre position pour les personnes qu'on ne représente pas, ce n'était pas
possible, hein? On estime à environ 175 000 personnes inaptes au Québec, ça
reste une minorité, 13 000 qui sont sous juridiction publique. Donc, pour les
autres, il y a vraiment une impossibilité puisqu'on ne connaît pas ces
personnes et il n'y a aucune façon de savoir leur condition médicale.
Après, la question s'est posée pour les
personnes qu'on représente directement. Et, au fil des discussions qu'on a
eues, puis c'est la conclusion à laquelle on en est venue, je ne pense pas
qu'une organisation gouvernementale est la mieux placée pour évaluer les
souffrances d'une personne. Vous savez, on a une mission très large, on
représente 13 000 personnes. On surveille aussi plus de 12 000 régimes privés.
En tant que représentant légal, on gère les biens, on peut prendre des
décisions pour la personne, le milieu de vie, mais on n'est pas au quotidien
aux côtés de la personne. Donc, ça va être très difficile pour une curatrice
déléguée, par exemple, de pouvoir statuer ou avoir un rôle aussi crucial. On
pense que l'équipe soignante... Si vraiment, il n'y a personne d'autre, il n'y
a pas de proche, l'équipe soignante est beaucoup mieux placée pour le faire.
Mme Bélanger : O.K. Merci. Ça
va pour moi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup.
Une voix : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Est-ce que j'ai d'autres questions? Mme la députée de
Roberval, il vous reste encore 12 minutes 38 secondes.
Mme Guillemette : Merci. On
parle de mieux définir le rôle des proches et des aidants naturels. S'il y a
déjà un tiers de confiance, vous voyez comment le rôle des proches, lorsqu'ils
ne sont pas le tiers de confiance.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Je vais peut-être laissé ma collègue répondre.
Mme Gravel (Sophie) : En
fait, c'est ça, même si le tiers de confiance a une position privilégiée, on
considère que les proches pourraient tout de même...
Mme Gravel (Sophie) : ...par
exemple, on pense que ces personnes-là pourraient aider, pourraient... soit
dans la situation où il y a un tiers de confiance qui est nommé où il n'y en a
pas. Je comprends très bien, dans l'éventualité où la personne décide de nommer
un tiers de confiance et que sa volonté aura été de nommer cette personne-là.
Alors nous, on suggère, dans ce cas-ci, qu'il y ait quand même une place à
préciser le rôle des proches, mais dans la mesure où la personne elle-même,
elle n'aurait pas exprimé une volonté d'exclure cette possibilité-là. On peut
penser aux formulaires par exemple : Je nomme ce tiers de confiance et je
veux que ce soit uniquement cette personne, là, qui agisse pour traiter la
demande. Par ailleurs, dans les cas où il n'y aura pas de tiers de confiance ou
qu'il est empêché d'agir, on néglige de le faire, on pense, nous, que les
proches ou les personnes significatives qui ne sont pas nécessairement dans
l'équipe soignante ou le tiers de confiance pourraient avoir un rôle, soit pour
épauler l'équipe soignante, pour y aller de conseils. Ils sont proches des
gens, ils pourraient détecter les souffrances, peut être, qui sont décrites,
qui ont été décrites par la personne dans sa demande. Alors, dans la loi, on
voit que les proches ont un certain rôle au moment de la rédaction de la
demande anticipée. On voit aussi que cette espèce de rôle là ou cette précision
se répercute aussi au moment du traitement de la demande.
Mme Guillemette : O.K., et
vous ne pensez pas que ça pourrait, des fois, apporter une confusion si le
tiers de confiance dit : C'est le moment d'analyser la demande... parce
que le tiers de confiance va va dire que c'est le moment, mais ça ne veut pas
dire que la demande va être acceptée immédiatement. Donc, vous ne pensez pas que
ça peut apporter une confusion si le tiers de confiance dit : C'est le
moment, et que les membres de la famille disent : Non, ce n'est pas le
moment.
Mme Gravel (Sophie) : Je
comprends très bien votre point, et d'ailleurs, nous, ce qu'on préconise, c'est
que l'ouverture du processus va faire justement qu'il y ait plus d'avis, puis
on risque peut-être d'avoir des idées divergentes ou des idées complémentaires
sur les volontés de la personne puis ce qui est en train de se produire. Je
suis d'accord avec vous que ça pourra se produire, mais, dans le fond, c'est
lui qui va décider de l'examen, c'est vraiment le professionnel compétent, et
toutes ces personnes, que ce soit le tiers de confiance ou les autres... le
tiers de confiance, en fait, il a un rôle privilégié parce qu'il est au premier
rang des décisions qui sont prises, de l'information. Par ailleurs, il n'a pas
de pouvoir de décision sur le fait de déclencher ou non, hein, ce n'est pas une
décision substitutive. Donc, on pense, dans ces cas-là, que les proches
pourraient quand même jouer un rôle.
Nous, on a des régimes de protection dans
lesquels parfois il y a des familles. Vous avez raison, des fois, c'est
difficile, les divergences d'opinions, mais parfois c'est très précieux. Alors,
selon nous, là, ça serait quand même intéressant de donner un rôle à ces
personnes-là, à moins, comme je l'ai dit, que la personne qui a rédigé sa
demande anticipée ait spécifiquement dit : Moi, je veux que ce soit mon
tiers de confiance et seulement mon tiers de confiance.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. J'aimerais vous entendre un peu plus sur le retrait de la demande. Vous
dites qu'il faudrait que ce soit assoupli plus que ce l'est là, encore, donc
j'aimerais vous entendre à ce niveau-là.
• (19 heures) •
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Bien, actuellement, ma compréhension du projet de loi,
c'est, évidemment, une fois que le processus est enclenché, si vous voulez, et
que la personne exprime un refus, bien, on ne procède pas, et ça, c'est bien parfait.
Sauf qu'entre le moment où la personne rédige sa demande anticipée et le moment
x où elle a atteint, là, un déclin cognitif très, très avancé, il peut
s'écouler plusieurs années et il y a une progression de la maladie. Donc la
personne pourrait, à mi-parcours, par exemple, ne plus rencontrer les critères
du consentement aux soins qui ont été établis par la Cour d'appel, mais être
quand même capable d'exprimer sa volonté de retirer sa demande.
Et et on a pris exemple sur le critère qui
apparaît aux Pays-Bas, où on dit vraiment... on sort des critères de la Cour
d'appel. Puis je peux peut-être les rappeler, là, rapidement, le test en cinq
volets de la Cour d'appel. On dit qu'une personne, pour évaluer son aptitude à
consentir aux soins, on regarde, est-ce qu'elle comprend la nature de sa
maladie, est-ce qu'elle comprend le but du traitement, les risques et avantages
associés au traitement, est-ce que sa capacité de comprendre est affectée. Et
dès qu'il y a un déni de la maladie, elle est inapte à consentir à ses soins.
Et, durant cette évaluation-là, la personne, elle doit être capable de prendre
une décision, de l'exprimer et de comprendre l'information, donc. Et, cette
évaluation-là est faite à chaque fois qu'un soin est prodigué, et ça peut fluctuer
dans le temps. Donc, la personne pourrait ne pas rencontrer...
19 h (version non révisée)
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
...de la Cour d'appel, mais est capable quand même d'exprimer, être apte à
exprimer sa volonté de retirer sa demande. Et donc je ne pense pas qu'il faut
nécessairement atteindre à la... attendre, pardon, à la fin du processus
lorsque le traitement est enclenché, pour constater le refus. Il faudrait avoir
une certaine latitude, je pense, dans la période plus... ou plus... la période
du milieu, si on veut, là.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. Il me reste encore un petit peu de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 6 min 40 s
Mme Guillemette : ...sept
minutes. J'aimerais vous entendre. Vous n'en avez pas parlé. Peut-être que...
Bon, je sais que ce n'est pas dans votre champ d'expertise, mais au niveau du
handicap neuromoteur, j'aimerais vous entendre à ce niveau-là. Si, bon,
premièrement, si vous êtes en accord ou pas. Et deuxièmement, peut-être...
Est-ce qu'il y a des mesures de protection à mettre en place spécifiquement?
Comment vous voyez cet aspect-là du projet de loi?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Bien, je vous dirais effectivement que c'est complètement en dehors de
notre champ d'expertise. Parce que quand on parle d'un handicap neuromoteur, on
ne parle pas d'inaptitude. Et donc le Curateur public, là, est vraiment
spécialisé en matière d'inaptitude. Donc, je ne souhaiterais pas trop me
prononcer sur cette question-là. Merci.
Mme Guillemette : Est-ce
qu'il y a des éléments que vous n'avez pas abordés, que vous aimeriez mettre en
lumière, que vous n'avez pas eu le temps dans votre 10 minutes?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Oui. Bien, juste pour compléter la réponse de ma collègue tout à l'heure, j'ai
voulu intervenir, notre compréhension de l'article, et là je ne l'ai pas sous
la main, je crois, 29.7, lorsque le tiers refuse, néglige ou encore qu'il n'y a
pas de tiers de confiance, ça va directement à la responsabilité du personnel
soignant. On trouve que c'est une lourde charge à porter. Donc, ça vient
renforcer un peu notre argument ou notre recommandation à l'effet d'impliquer
les proches parce qu'il pourrait... Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de tiers
de confiance que la personne est nécessairement isolée. Ça peut être un choix
qu'elle fait de ne pas désigner de tiers de confiance, mais il y a quand même l'entourage,
donc, de leur donner un certain rôle à ce niveau -là, je pense que ça serait
bénéfique.
Mme Guillemette : Mais
il y a des gens qui sont vraiment isolés, qui n'ont pas de famille, qui sont
vraiment seuls.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Effectivement. Donc dans ces cas-là...
Mme Guillemette : C'est
sûr que c'est lourd peut-être pour le corps médical, pour l'équipe soignante,
mais on pourrait procéder comment pour que ces personnes-là ne soient pas
abandonnées puis qu'elles aient accès quand même?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Bien, je trouve qu'en rendant la désignation du tiers de confiance
facultative, on est venu régler un peu cette problématique-là. Et puis évidemment,
l'équipe soignante, dans ces cas-là, serait la mieux placée pour prendre la
décision. Donc, on est en accord, là, avec le positionnement.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. Mais je pense que j'ai des collègues...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je pense qu'il y a une collègue qui a une question. Mme la
députée de Châteauguay.
Mme Gendron : Oui.
Bonjour. Merci d'être là. Je vais être quand même brève pour laisser le temps à
ma collègue. Je veux juste savoir votre point de vue advenant un refus. Donc, d'après
ce que vous avez expliqué, là, il y a quelques minutes, est-ce que ça serait
possible de simplement reporter ou, à vos yeux, s'il y a un refus, donc ce
serait final puisque la personne a quand même perdu des capacités depuis qu'elle
a fait sa demande?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Oui. J'ai écouté les commissions plus tôt, aujourd'hui, puis je vous dirais
que je rejoins assez l'opinion des collègues qui sont venus témoigner à l'effet
que c'est une manifestation clinique d'un refus. Et puis on ne parle pas
vraiment d'une personne qui est apte à exprimer sa volonté sur l'aide médicale
à mourir, mais c'est plus une réaction. Bon, je ne pense pas que ça devrait
entraîner nécessairement le retrait de la demande du registre. Je pense que ce
n'est peut-être pas le bon moment. Ça, ça pourrait être revisité plus tard à
mon avis, mais je pense que le retrait complet de la demande du registre,
peut-être qu'on pourrait assouplir ce côté-là?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui. Votre question.
Mme Labrie : J'ai
peut-être une petite question rapide parce que je ne pense pas qu'il me reste
beaucoup de temps.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 2 min 53 s
Mme Labrie : Advenant le
cas où une personne qui est apte fait une demande anticipée, la personne, elle
a un diagnostic d'Alzheimer, supposons, elle désigne un tiers de confiance et
le tiers de confiance décède. Est-ce que vous seriez d'accord à ce que dans le
formulaire quelconque, il y ait un endroit où on pourrait indiquer que si le
tiers de confiance décède, on veut que ce soit vous qui ayez cette
responsabilité-là?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Nous étant le curateur public?
Mme Labrie : Oui.
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Non.
Mme Labrie : Non?
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
Non, parce que je vous dirais que ça rentre vraiment dans les critères où
refuse, néglige ou est empêchée d'agir, là. Je présume que le décès d'un tiers
de confiance rentrerait dans l'empêchement...
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
...avant d'agir. Et donc il y a des solutions alternatives qui ont été
prévues. Je vous dirais que ce n'est pas dans la mission du Curateur public de
jouer un rôle comme celui-là. Comme je vous l'ai expliqué tout à l'heure, pour
toutes les raisons que j'ai mentionnées, considérant qu'on n'a pas la
connaissance fine des personnes, on n'est pas à leurs côtés au quotidien. On
est un représentant légal, on est une organisation gouvernementale. Je pense
que l'équipe soignante serait beaucoup mieux placée pour le faire.
Une voix : Merci.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Encore peut-être une dernière question? C'est beau. Alors
merci beaucoup. Je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle.
Donc, Mme la députée de Westmount–Saint-Louis, vous avez toujours neuf minutes
54 secondes de temps.
Mme Maccarone : Merci Mme la
Présidente. Bonjour Mme la Curatrice, bonjour, Me Gravel, merci beaucoup pour
votre témoignage et votre présentation et le mémoire que vous avez déposé. Vous
avez parlé de la lourde tâche des curateurs. Vous avez parlé des
13 000 dossiers, les 12 000 régimes privés. Il y a combien de
curateurs ou curatrices actuellement?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Les curateurs délégués sont au nombre de presque 130, je
pense, mais ce qu'il faut comprendre... ce qu'on pense que c'est les curateurs
délégués qui s'occupent de tout, là. Oui, ils s'occupent de la personne, mais
on a des techniciens fiduciaires qui s'occupent de gérer les biens. On a un
service juridique qui s'occupe du respect de leurs droits. On a une direction
médicale qui s'occupe du consentement aux soins, donc c'est très sectorisé,
chacun a son rôle et chacun contribue à la protection des personnes.
Mme Maccarone : Vous faites
bien de l'expliquer parce que je comprends comment la tâche est lourde, puis
c'est pour ça que je pense que c'est intéressant, que vous dites que ce n'est
pas le rôle comme représentant légal de prendre la décision ou de déclencher un
processus comme on ferait comme le tiers de confiance. Mais je voulais savoir,
à date, parce que malgré qu'on n'a pas des demandes anticipées qui sont
enchâssées dans la loi, mais avez-vous déjà fait face à des cas où il y a des
personnes qui sont sous la responsabilité du curateur, mais ils ont quand même
eu des demandes médicales, demandes d'aide médicale à mourir?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Je crois qu'il y en a eu. Je n'ai pas de données à vous
soumettre. On est pas toujours informés. Il n'y a pas une obligation d'informer
le Curateur public sur ces questions-là. Donc, ce serait difficile de vous
donner un quelconque chiffre.
Mme Maccarone : C'est
intéressant de savoir d'abord quel est votre rôle, que, mettons, s'il y a
quelqu'un qui a une demande anticipée, ce serait quoi, le rôle du curateur?
D'abord, je pense que ce serait bien d'élaborer c'est quoi, le type
d'accompagnement. Parce que, comme c'était évoqué par la collègue de Roberval,
il y a beaucoup de gens qui se retrouvent seuls. Ça fait que, quel est votre
rôle précisément face à une demande anticipée et comme représentant légal?
• (19 h 10) •
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Pour la rédaction de la demande, on n'a pas de rôle.
Souvent, les personnes, lorsqu'elles vont rédiger cette demande-là, sont aptes
et n'ont pas de régime de protection. Donc, et ça sera versé au registre, là,
de ce que je comprends, ce qui est inscrit au projet de loi. Lorsque le tiers
de confiance ou l'équipe médicale souhaite déclencher l'évaluation de la
demande, le rôle qu'on pourrait jouer, comme on joue pour toutes les personnes
qu'on représente, c'est un... On reçoit, on a une direction médicale de consentement
aux soins. Donc l'équipe médicale peut nous appeler, poser des questions,
échanger sur divers sujets. On va aussi consentir aux soins pour les personnes
qui sont inaptes à le faire. Dans le cas d'aide médicale à mourir, évidemment,
il n'y a pas de consentement substitué, et on est tout à fait en faveur de ça.
Mais ça serait plutôt un rôle-conseil auprès de l'équipe soignante. Mais le
rôle du tiers de confiance, c'est de lever le drapeau le moment venu. Et ça, je
pense que c'est bien établi dans la loi. Je ne sais pas si tu voulais rajouter
quelque chose là-dessus?
Mme Gravel (Sophie) : Non.
C'est ça, c'est assez complet. Dans notre rôle de représentant légal, on peut
accompagner, conseiller, que ce soit l'équipe médicale ou ça peut être les
curatrices déléguées aussi. Mais, comme le mentionnait Me Baillargeon-Lavergne,
les limites d'une organisation sont les limites d'une organisation puis on
n'est pas au quotidien auprès de ces personnes-là.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Mais lorsqu'un soin doit être prodigué à une personne
inapte, le médecin a tout à fait le loisir de contacter la curatrice déléguée
pour en discuter, de contacter notre direction médicale pour en discuter. Et
ça, ça se fait régulièrement. Donc, je présume que ça se poursuit...
Mme Baillargeon-Lavergne (Julie) :
...dans ce sens-là.
Mme Maccarone : Loisir, mais
pas obligation?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Il n'y a pas d'obligation.
Mme Maccarone : Il n'y a pas
d'obligation?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Bien, à moins que la personne soit inapte à consentir à ses
soins, et là il faut obtenir un consentement substitué. C'est la direction
médicale qui le donne, mais, si la personne est sous régime et apte à consentir
à ses soins, il n'y a pas d'obligation.
Mme Maccarone : Mais dans le
cas d'une personne qui n'est plus apte parce qu'elle a fait une demande
anticipée, par exemple, puis quand on est rendu... puis à la suite, il tombe
sous la responsabilité de la curatrice, il y aura quand même une obligation de
vous contacter pour dire : Nous sommes rendus au moment où, comme corps
professionnel, médecins, infirmières praticiennes, nous pensons que c'est le
moment que nous devons déclencher le processus, n'est-ce pas? Puis même si ce
n'est pas le cas, comment allez-vous savoir? Comment est-ce que vous souhaitez
qu'on vous informe qu'une personne qui devient sous votre responsabilité pour
x, y, z raison... sont seules puis maintenant ils sont sous la responsabilité
de la curatrice, mais ils ont fait une demande anticipée? Comment devons-nous
vous informer que ça existe pour que ça fait partie aussi de votre charge de
travail, votre responsabilité, dans le fond, même si ce n'est pas vous qui
allez déclencher le processus?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Avec le registre, je comprends que c'est la façon de
publicité... les demandes anticipées. Il n'y a pas d'obligation de fournir une
copie au représentant légal. Les rôles qui sont confiés dans la loi à l'équipe
soignante ou au tiers de confiance... Mais, par contre, si vous souhaitez
ajouter une obligation d'informer le représentant légal, qu'il soit public ou
privé, parce qu'il ne faut pas oublier les représentants légaux privés, il y a
plus de 10 000 régimes privés au Québec. Puis la question se poserait
également pour les mandataires. Est-ce qu'on va jusque là? Est-ce que les
mandataires devront être informés que le tiers de confiance déclenche?
Mme Maccarone : Votre
opinion? Votre opinion sur les deux questions, est-ce que ce serait... nous
sommes à l'écoute, est-ce que ce serait une recommandation? Devons-nous faire
le débat là-dessus?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Bien, quand on dit d'impliquer les proches, les personnes
significatives, je pense que le représentant légal, nécessairement, tombe dans
cette catégorie-là. Donc, je pense que ça serait une bonne pratique,
effectivement, Maintenant, d'en faire une obligation, je ne crois pas que ce
soit nécessaire.
Mme Maccarone : Ce n'est pas
nécessaire, O.K. Je veux parler un peu de ce que vous avez parlé en ce qui
concerne le refus puis, je vous entends, la nécessité d'élaborer puis de
s'assurer que c'est bien ancré dans la loi, les critères en ce qui concerne le
refus, mais... Parce que vous dites qu'il faut pour le retirer si... il faut
respecter le refus de la personne concernée.
Mais je veux savoir si... par exemple,
dans la demande anticipée, si c'est clairement indiqué que, comme personne qui
fait la demande anticipée, si je me retrouve à un moment de ma vie où je ne
suis plus la personne que j'étais auparavant parce que je souffre d'Alzheimer,
ou quoi qu'il soit, c'est quoi la maladie neurodégénérative, bien, à ce
moment-là, si moi, j'ai écrit : Si je refuse, là ce n'est plus Jennifer
qui refuse, là, c'est une autre personne, je souhaite que vous procédez.
Comment devons-nous poursuivre avec une telle demande qui est vraiment bien
élaborée? Parce que je sais que les collègues travaillent très fort sur le
formulaire. Que devons-nous faire face à ce type de problématique?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Je vous dirais que c'est une problématique qui est très,
très complexe. Je ne sais pas si je vais pouvoir apporter un éclairage
aujourd'hui, je peux simplement me mettre dans la peau d'un médecin ou d'une
infirmière praticienne qui doit procéder malgré un refus qui semble évident. Je
vois mal comment ça pourrait se concrétiser, mais, encore une fois, ça peut
peut-être clarifier les volontés de la personne, mais je ne peux pas vous
donner de réponse exacte.
Mme Maccarone : Une dernière
question pour moi. Moi aussi, j'ai été surprise, dans le mémoire, que vous
n'avez pas évoqué la notion de handicap. Puis je comprends, votre explication
était très claire, c'est parce que vous, vous êtes responsable des personnes en
situation d'inaptitude, mais j'avais une question très précise, parce que, si
on enlève la notion de neuromoteur et on n'a pas une définition de c'est quoi,
un handicap, ça se peut que les personnes qui souffrent d'une déficience intellectuelle...
Puis la notion d'autodétermination, la notion d'aptitude peuvent vraiment
varier d'un moment à l'autre. Nous avons travaillé ensemble sur la réforme du
Curateur public...
Mme Maccarone : ...on sait
très bien que l'attitude peut varier d'un moment à l'autre. Comment devons-nous
traiter les demandes des personnes avec une attitude qui peut varier, ou une
personne qui a la capacité de consentir à un soin, malgré une déficience,
peut-être intellectuelle ou autre? Parce que ça se peut qu'une personne qui
souffre d'une telle difficulté, dans leur vie, peut avoir la capacité de
consentir et aussi souffrir d'un cancer, une maladie très grave, et souffrir.
Comment devons-nous nous assurer qu'on protège aussi ces personnes en situation
de vulnérabilité?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Très rapidement, s'il vous plaît, le temps est déjà écoulé.
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Évidemment, quand vous parlez de déficience intellectuelle,
ça va être plus difficilement applicable si elle est inapte à consentir à ses
soins, évidemment, là, ce qui est souvent le cas dans ces diagnostics-là. Quand
vous parlez de dimension changeante ou d'évolution, on parle surtout du trouble
mental dans ces cas-là. Parce que, quand on parle de maladie dégénérative,
c'est souvent sur une pente descendante. Donc, je veux juste être sûr de bien
comprendre votre question pour cerner ces personnes-là, oui.
Mme Maccarone : Bien, que la
notion... Voilà.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois malheureusement vous couper. Je m'excuse.
Mme Maccarone : Merci, quand
même.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : On est rendu à la deuxième opposition officielle avec une
période de temps de trois minutes 18 secondes. Le temps est à vous.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Vous nous invitez à préciser le rôle des autres proches. Vous nous
dites qu'eux aussi devraient pouvoir lever le drapeau, là, lorsqu'ils
constatent de la souffrance. Mais moi, j'ai de la difficulté à voir, ça va être
quoi le rôle spécifique du tiers de confiance si tout le monde peut lever ce
drapeau-là. Puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus, si ce ne serait pas
plutôt pertinent de permettre à la personne qui remplit une demande anticipée
d'avoir un nombre vraiment flexible, là, de tiers de confiance sans que ce soit
limitatif à deux, pour qu'elle puisse vraiment choisir les personnes en qui
elle fait confiance, puis que ces personnes-là puissent se prononcer. Puis que
si elle désire en nommer zéro, bien, ce sera ça, puis ce sera clair que ce sont
vraiment ces personnes-là qui peuvent se prononcer là-dessus, peu importe le
nombre que la personne aura déterminé.
Mme Gravel (Sophie) : En
fait, la distinction que je ferais, actuellement, dans la loi telle qu'elle est
rédigée, le tiers de confiance, il y a vraiment, pour nous, un statut
privilégié, il était... c'est lui qui est informé lorsque l'inaptitude
survient, et aussi c'est le premier... Le médecin, le professionnel a toujours
l'obligation, dans la loi, d'en informer, en premier plan, le tiers de
confiance. Pour nous, le rôle qu'on voyait accorder aux proches, ce n'était pas
de ce niveau-là, mais c'était plus des personnes, en ouvrant le processus tiers
de confiance, membres de l'équipe soignante ou personnes significatives qui
pouvaient contribuer à la réflexion puis à la mise en œuvre du déclenchement de
la demande anticipée.
Donc, la façon, dont on voyait notre
recommandation un, le proche n'entrerait pas en conflit avec le tiers, parce
que le rôle du tiers, tel qu'il est décrit dans la loi, resterait comme il
l'est. Par ailleurs, effectivement, la loi prévoit qu'on peut nommer plus qu'un
tiers de confiance. Là, c'est en cas de remplacement. S'il y en avait plusieurs,
bien là, peut-être que la problématique de celui qui lève le drapeau, s'il y en
a plusieurs qui peuvent le faire, pourrait... ça pourrait être peut-être
difficile à gérer s'ils ne sont pas du même avis, là, si j'ai bien compris
votre...
Mme Labrie : Dans la mesure
où, de toute façon, ce n'est pas tant une question d'avis. Après, la personne
lève le drapeau, mais il y a un professionnel de la santé qui va évaluer la
situation. Ce n'est pas une question d'avis du proche.
Mme Gravel (Sophie) : Oui,
d'avis de lever le drapeau.
Mme Labrie : Exact.
Mme Gravel (Sophie) : Oui,
effectivement.
• (19 h 20) •
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Je vais peut-être aussi juste mettre l'emphase sur
l'ouverture, on en a parlé rapidement, mais de permettre à la personne
elle-même, la personne concernée, de demander que sa demande soit évaluée.
Parce que oui, on peut s'imaginer qu'elle a atteint un degré assez avancé, mais
elle est quand même capable d'exprimer qu'elle souhaite mourir. Et donc
pourquoi on ne pourrait pas l'ouvrir pour déclencher ou, à tout le moins,
l'évaluation pour voir si elle rencontre les critères? Puis c'est effectivement
ce qui se fait aux Pays-Bas actuellement, où la grande majorité, là, des
demandes anticipées sont enclenchées par la personne elle-même qui est visée.
Et, pour nous, ça s'inscrit vraiment dans le respect de ses droits puis le
respect de sa volonté.
Mme Labrie : Dans la mesure
où la personne qui exprime : Je veux mourir, n'est pas nécessairement habilitée
à entreprendre une démarche auprès de quelques établissements de santé quand
elle dit ça. Est-ce que ça ne revient pas plutôt aux membres de l'équipe de
soins ou à son proche qui l'entend dire : Je veux mourir, de, justement,
déclencher...
Mme Labrie : ...processus.
Qu'est-ce que vous voulez dire par : Lui donner le droit de déclencher le
processus?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Bien, je pense qu'il faudrait le considérer comme un indice
important que la personne souhaite enclencher l'évaluation de sa demande, puis
on dit que ça devrait être considéré au même titre que l'opinion du tiers de
confiance et de l'équipe soignante.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci pour cet échange. On termine cette
période avec la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour une période de trois
minutes 18 secondes.
Mme Tardif : Madame
Baillargeon-Lavergne, madame Gravel, merci, premièrement, d'être venue. Merci
d'avoir préparé un rapport. On sait que c'est quand même beaucoup de travail et
c'est très apprécié. Là, on a parlé de beaucoup de choses, vous avez eu
plusieurs questions, mais je peux sortir un petit peu de la boîte parce que je
sais que la question je vais vous poser, ce n'est pas du tout sous votre
juridiction, ça ne fait pas partie de vos rôles, mais vous êtes habitués à
jongler avec un paquet de formulaires. Et je me disais : Je pense, s'il y
a une personne qui fait une demande par anticipation, suite à son diagnostic du
médecin, et qui passe, par la suite... qui devient sous tutelle, est-ce qu'il y
a quelque chose... Parce que vous, vous allez avoir un formulaire, j'imagine,
vous allez... Est-ce qu'il y a quelque chose dans le formulaire qui devrait...
des éléments, des questions qu'il devrait y avoir, qui devraient être incluses
pour vous faciliter la tâche par la suite. Avez-vous des idées à nous suggérer,
là?
Mme Baillargeon-Lavergne
(Julie) : Il faudrait y réfléchir. Pour nous faciliter la tâche, nous,
en tant qu'organisation, je pense qu'un accès au registre, je ne sais pas si ça
va être un registre public, pourrait être une possibilité pour voir si des
personnes représentées sous notre juridiction ont effectivement consigné des
demandes, là. Puis là je pense à voix haute, là, mais ça mériterait un certain
élément de réflexion. Le fait de le savoir, je pense, pourrait être aidant dans
les discussions qui s'ensuivent avec les équipes soignantes, que la curatrice
déléguée en soit informée. Donc, c'est un élément auquel je peux penser qui
nous concerne plus particulièrement.
Mme Gravel (Sophie) : Aussi,
à titre de représentant légal qui aurait éventuellement accompagné ou donné...
avoir un rôle-conseil, mais finalement, le cœur, ça va être la description des
souffrances, hein? Vraiment, ça aussi, ça va être... Puis j'imagine que tout le
monde dans le formulaire, c'est vraiment le cœur du formulaire, là, mais
évidemment ça, plus ça sera précis et bien détaillé, ça pourrait nous aider à
jouer notre rôle de représentant légal.
Mme Tardif : Merci, ça va
être tout pour moi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Maître Baillargeon-Lavergne, Maître Gravel.
Merci pour votre contribution à nos travaux. Vous avez été nos dernières
représentantes aujourd'hui. Merci à l'ensemble des collègues pour cette
première journée. Merci beaucoup, Mme la.... pardon, Mme la ministre.
Alors, à ce moment-ci, nous allons
suspendre les travaux. En fait, nous allons ajourner jusqu'au mercredi
15 mars 2023, tout de suite après l'avis touchant les travaux des
commissions. Bonne soirée à toutes.
(Fin de la séance à 19 h 25)