(Neuf
heures quarante-cinq minutes)
La Présidente (Mme
D'Amours) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance à la Commission des relations avec les citoyens ouverte.
La commission est
réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des
consultations particulières sur le projet de loi n° 32, Loi sur la liberté
académique dans les milieux universitaires.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Lachance (Bellechasse)
remplace Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré); M. Lévesque (Chapleau),
par M. Chassin (Saint-Jérôme); Mme Picard (Soulanges), par M. Émond
(Richelieu); Mme Maccarone
(Westmount—Saint-Louis), par Mme David
(Marguerite-Bourgeoys); Mme Labrie (Sherbrooke), par M. Leduc
(Hochelaga-Maisonneuve); et M. Bérubé (Matane-Matapédia), par Mme Perry
Mélançon (Gaspé).
Remarques préliminaires
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Ce matin, nous allons débuter par les remarques préliminaires
puis nous entendrons les groupes suivants : l'Union étudiante du Québec et
la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec.
Je
cède maintenant la parole à la ministre
de l'Enseignement supérieur pour ses
remarques préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de six minutes.
Mme Danielle McCann
Mme McCann : Merci,
Mme la Présidente. Alors, très contente d'être ici aujourd'hui. Et je veux
saluer, évidemment, d'entrée de jeu, mes collègues parlementaires, là, de
l'opposition. Alors, je les salue. On vient de se voir à l'étude des crédits,
alors c'est un plaisir de vous retrouver aujourd'hui dans un autre contexte. Et
évidemment je veux saluer les collègues, là, du gouvernement : Mme Émilie
Foster, députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré;
M. Youri Chassin, député de Saint-Jérôme; M.
Jean-Bernard Émond également, et Mme Suzanne Dansereau. Donc, très contente
de vous revoir, et merci d'être présents. Et
aussi j'ai des représentants de mon cabinet et du ministère de l'Enseignement supérieur.
Donc, on est réunis
aujourd'hui pour débuter les consultations particulières sur le projet de loi
n° 32, la Loi sur la liberté académique dans le milieu universitaire.
Alors, avant de débuter, j'aimerais faire un bref retour en arrière pour mettre
en contexte l'importance de ce qu'on fait aujourd'hui. La question de la
liberté académique est fondamentale, et les dernières années nous ont démontré
qu'elle n'est pas aussi acquise qu'on serait tentés de le croire. Il y a
plusieurs événements troublants en lien avec la liberté académique qui ont
attiré notre attention récemment. À ce sujet, les recommandations du rapport de
l'université du futur étaient claires, et c'est pourquoi nous nous étions
engagés à agir pour protéger la liberté académique dans les universités
québécoises.
Pour y arriver, nous
avons voulu faire les choses correctement, dans l'ordre, sans sauter d'étapes.
Alors, on a créé la Commission scientifique et technique indépendante sur la
reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire, qui a été
présidée par M. Alexandre Cloutier. M. Cloutier et son équipe avaient pour
mandat de rédiger une proposition d'orientation gouvernementale sur la liberté
académique en milieu universitaire et de déterminer le meilleur véhicule pour
reconnaître la liberté académique. Pour ce faire, la commission a notamment
dressé un portrait de la situation, tenu des consultations publiques sur la
question, soumis au gouvernement des propositions pour déterminer le meilleur
véhicule afin d'assurer la reconnaissance de la liberté académique. Le gouvernement a décidé de donner suite à l'ensemble
des recommandations de la commission et aussi à certains de ses avis.
En premier lieu, elle
a recommandé au gouvernement d'adopter une loi portant sur la liberté
universitaire, la raison de notre présence ici. Alors, ce projet de loi permet
notamment de réaffirmer que la liberté académique universitaire et
l'autonomie des établissements sont des conditions essentielles à
l'accomplissement de la mission des universités; de définir la liberté
académique universitaire et d'en identifier ses bénéficiaires, de nous assurer
que les universités se dotent d'une politique portant exclusivement sur la
liberté académique universitaire et de faire en sorte que les établissements
visés rendent compte de la mise en oeuvre de leur politique.
Alors, le projet de
loi permettrait la mise en place d'un cadre uniforme en matière de liberté
académique et universitaire dans le milieu universitaire. Par exemple, elle
exclurait toute possibilité pour les établissements visés d'inclure des mesures
qui empêcheraient d'aborder, à l'occasion d'une activité qui contribue à la mission
universitaire, des idées et des sujets qui sont susceptibles de choquer.
Autrement dit, à des fins académiques, toutes les idées, tous les sujets, sans
exception, peuvent être débattus de manière rationnelle et argumentés au sein
des universités.
• (9 h 50) •
Toujours selon le
projet de loi déposé, les bénéficiaires de la liberté académique universitaire
ne pourraient être contraints d'émettre un avertissement avant d'aborder un
contenu susceptible de choquer. D'autres dispositions prévoient
de permettre au ministre ou à la ministre de demander des éléments additionnels
à la politique des établissements. Si besoin était, le ou la ministre pourrait
également faire apporter les correctifs nécessaires à ses frais à un
établissement qui ferait défaut d'adopter une politique conforme. Les
établissements visés bénéficieraient de la souplesse nécessaire afin de
déterminer eux-mêmes les moyens les plus appropriés à mettre en place pour
atteindre les objectifs du projet de loi. L'autonomie de chaque établissement
universitaire est très importante, et nous comptons la respecter. Elle est même
réaffirmée dans le projet de loi.
Au cours des
prochaines heures, je serai donc à l'écoute des différents points de vue qui
seront partagés. Je vous le dis d'emblée, moi, je suis dans un mode d'ouverture
et de collaboration. S'il est nécessaire de bonifier ce projet de loi, nous
allons le faire assurément, mais, sur le principe, sur la protection de la
liberté académique et la fin de l'autocensure, nous sommes catégoriques, il n'y
aura pas de compromis. Le développement d'un esprit critique et d'un jugement
éclairé ne peut se faire que si le milieu universitaire défend les principes de
la liberté académique.
Par ailleurs, on
pense que les étudiants ont droit à une formation de qualité dans un
environnement propice à l'apprentissage, à la discussion et au débat, et je
suis confiante que cet exercice de consultations mènera à l'adoption d'une loi
qui fera du Québec une société avant-gardiste quant à la protection de la liberté
académique dans ses universités et qui va inspirer d'autres États à travers le
monde. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
D'Amours) : Merci, Mme la ministre. Je vais juste vous faire un petit
rappel qu'on ne doit pas nommer nos collègues par leurs noms, mais bien par
leurs titres.
Mme McCann : Ah
mon Dieu! Vous avez tellement raison. Après tant d'années, je devrais savoir
ça. Merci.
La Présidente (Mme
D'Amours) : Merci. Donc, Mme la députée... J'invite maintenant,
pardon, la députée du groupe de l'opposition officielle, de
Marguerite-Bourgeoys, à faire ses remarques préliminaires pour une durée de
quatre minutes.
Mme Hélène David
Mme David : Merci
beaucoup. Bonjour, tout le monde. Comme je n'ai que quatre minutes, je vais
aller au plus important, étant celui de discuter de ce projet de loi là. Alors,
je remercie la ministre, dans ses propos introductifs, de dire qu'elle sera
très ouverte et en mode collaboration parce que c'est ça qui va être très, très
important, quand on lit tous les mémoires, qu'on entend tous les commentaires.
Encore ce matin, à la radio, le recteur de l'Université de Montréal qui disait
carrément de retirer ce projet de loi, donc vous allez voir qu'on va passer par
beaucoup de choses, beaucoup de points de vue. Mais il y a unanimité contre
beaucoup de parties de ce projet de loi, même si tout le monde défend, comme vient de terminer la ministre, en
disant : Le milieu universitaire défend le principe de la liberté
académique. Oui, oui, oui, mais c'est pour ça qu'il protège... qu'il propose
tant de changements au projet de loi.
Alors, ce projet de
loi là est de la plus grande importance. C'est comme, Mme la ministre, rouvrir
la Constitution canadienne, rien de moins. C'est comme les articles 90Q.1 et
90Q.2 dans le projet de loi n° 96. C'est la liberté académique, c'est le
fondement même du fonctionnement d'une université et de la mission des
universités. Donc, chaque mot compte, chaque absence de mot est lourde de
conséquences, chaque mesure a son lot d'enjeux.
Par exemple,
l'article 6 est unanimement décrié par tous les partenaires, et, en 40 ans
de pratique en enseignement supérieur, je peux vous dire que j'ai rarement vu
une telle unanimité. Quand on a les trois piliers qui sont contre, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas, c'est-à-dire
les étudiants, les syndicats, les professeurs et les hauts dirigeants,
qui disent : Ça n'a pas de bon sens, c'est une ingérence sans précédent,
ça donne un fondement juridique sans précédent, des intrusions massives dans la
sphère décisionnelle des universités. Il y a donc unanimité contre cette
mesure, et tous les protagonistes sont contre ce projet de loi, en tout ou en
partie. Donc, ça va être un exercice d'équilibrisme, comme j'ai dit, jeudi
dernier, à la ministre, de pouvoir trouver le meilleur de tout ça. Il va
falloir écouter, réfléchir, dialoguer, trouver les meilleurs compromis, sinon
c'est vers un échec total qu'on se dirige, à moins de faire mourir le projet de
loi au feuilleton.
Donc, si on met
ensemble toutes les recommandations, pas mal tout, et on va le voir avec les
mémoires, avec les présentations, pas mal tout est à repenser, refaire,
réécrire. Je ne dis pas que tout est mauvais, je ne dis pas que ça n'a pas été
réfléchi, mais il y a tellement d'obstacles et tellement d'enjeux qu'on va
entendre toute la journée : Vous devriez faire ci, vous devriez faire ça.
Si on met ça bout à bout, c'est un... Nous sommes conviés, tous ensemble, à une
grande, grande réflexion et amendements autour de ce projet de loi. Je ne dis
pas qu'on n'y arrivera pas, je l'ai dit à la ministre, mais il va falloir
s'asseoir et être extrêmement ouverts à tous les commentaires qui vont être
apportés.
Et je ne sais pas
s'il me reste du temps. Ah! il me reste une minute? Alors, nous allons écouter
tous les... nous allons commencer avec l'Union étudiante du Québec, qui, par
exemple, dans sa recommandation 1, c'est simple : «Que le gouvernement du
Québec ne légifère pas au sujet de la liberté académique.» On commence raide,
je dirais, Mme la Présidente, mais il y a d'autres qui vont venir dire la même
chose. L'Université de Montréal l'a encore dit ce matin, le BCI va venir
demain. Alors, on est entre ce genre de position. La FQPPU va venir, des
syndicats, la CSN, la FNEEQ. Il y a beaucoup, beaucoup de monde.
M. Cloutier va venir lui-même pour son rapport. Et eux-mêmes proposent,
dans leur... des amendements importants parce que, quand on dit que le
gouvernement a donné suite à l'ensemble des recommandations du rapport
Cloutier, bien, M. Cloutier et ses collaborateurs vont venir dire que non,
le gouvernement n'a pas donné suite à l'ensemble de leurs recommandations.
Alors, ça va être passionnant. Ça va être
passionnant, Mme la Présidente, et nous allons travailler très fort, et j'offre
toute ma collaboration à trouver des voies de solution.
15
399
La
Présidente (Mme D'Amours) : Merci, Mme la députée. J'invite maintenant le
porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député
d'Hochelaga-Maisonneuve à faire ses remarques préliminaires. Vous disposez
d'une minute.
M. Alexandre Leduc
17
935
M. Leduc : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. Bienvenue. C'est une journée
importante aujourd'hui. Une loi sur la liberté universitaire et la liberté
académique est réclamée quand même depuis longtemps par différents acteurs.
Nous, on souscrit, à Québec solidaire, à cet objectif, mais visiblement la
pièce qu'on nous a servie est mal bricolée, mal ficelée. On a peut-être
travaillé trop vite. Pour prendre l'allégorie professorale, je ne suis pas sûr
qu'elle obtiendrait une note de passage, cette première copie.
Mais bon, on est là. J'entends l'ouverture de la
ministre, autant aujourd'hui que la semaine dernière, à l'étude des crédits. Je
suis content d'entendre cette ouverture-là maintenant. Ça tombe bien, la
semaine prochaine, c'est une semaine de circonscription. Il y aura le temps,
peut-être à son cabinet, de retravailler les amendements, de mettre une
deuxième copie au jeu au retour. Nous sommes... Nous serons disponibles, les
différents députés d'opposition, pour travailler peut-être avec elle dans cette
semaine de circonscription là et arriver à une pièce législative qui sera...
qui fera peut-être l'unanimité, cette
fois-ci, en faveur et non l'unanimité en défaveur, comme c'est le cas
actuellement. Merci.
15
399
La Présidente (Mme
D'Amours) : Merci beaucoup, M. le député. J'invite maintenant la
porte-parole du troisième groupe d'opposition et députée de Gaspé à faire ses
remarques préliminaires pour un maximum d'une minute.
Mme Méganne Perry
Mélançon
18
217
Mme Perry
Mélançon : D'une minute. Merci, Mme la Présidente. Je salue les
collègues et Mme la ministre pour cet important projet de loi qu'on va analyser
dans son détail avec nos invités, justement, dt je salue également les
collègues de l'opposition. Bien, ce sera un peu des commentaires qui rejoignent
ceux de mes collègues. Il faut s'assurer que cet important pas qu'on fait pour
assurer une protection aux établissements, et à leur personnel, et à leurs enseignants, que ce soit un pas vers la bonne
direction et non pas un pas de recul. Alors, c'est vraiment dans le libellé,
dans les articles tels qu'ils sont rédigés, qu'il faudra aller en profondeur
voir quels impacts que ça a. Je pense qu'on entendra beaucoup de commentaires qui vont nous éclairer. Et j'entendais
l'ouverture de la ministre pour apporter des amendements, et évidemment, moi, je suis vraiment favorable à
ce qu'on légifère, qu'il y ait une... qu'il y ait vraiment un projet de
loi pour assurer la liberté académique.
Alors, ça, évidemment qu'on sera toujours dans cette optique-là au Parti québécois. Merci.
Auditions
15
399
La Présidente (Mme
D'Amours) : Merci beaucoup. Je souhaite maintenant la bienvenue à
l'Union étudiante du Québec et aux représentants, M. Jonathan Desroches,
président, et Mme Alice Lemieux-Bourque, coordonnatrice à l'enseignement
supérieur. Nous procédons à la période d'échanges entre les membres d'une
durée... Vous avez... Pardon, vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, et ensuite nous procéderons à la période d'échanges avec les membres de
la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre
exposé. La parole est à vous.
Union étudiante du
Québec (UEQ)
M. Desroches (Jonathan) : Merci,
Mme la Présidente. Je tiens à vous saluer, saluer les députés, saluer la ministre
de l'Enseignement supérieur. Mon nom est Jonathan Desroches. Je suis président
de l'Union étudiante du Québec pour encore quelques heures. Je laisse ma
collègue se présenter.
Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Alice
Lemieux-Bourque, coordonnatrice en enseignement supérieur.
• (10 heures) •
M. Desroches
(Jonathan) : L'Union étudiante du Québec représente directement
91 000 étudiants et étudiantes universitaires au Québec par
l'entremise de 10 associations étudiantes membres et regroupe, là, dans ses
travaux, sur une base régulière, plus de 200 000 étudiants
et étudiantes représentés par l'entremise d'associations non-membres également.
L'UEQ a pour mission de défendre les droits et les intérêts de la communauté
étudiante universitaire, de ses associations étudiantes membres et de leurs
membres individuels. Par sa représentation politique, ses recherches et sa
mobilisation, l'UEQ est, depuis six ans maintenant, l'interlocutrice principale
des dossiers d'accessibilité aux études universitaires et de conditions de vie
des étudiants et des étudiantes auprès du gouvernement provincial, fédéral, des
partis d'opposition et des groupes sociaux. Vraiment, je remercie la commission
de l'invitation à témoigner et à présenter le point de vue étudiant sur le projet
de loi n° 32, Loi sur la liberté académique dans le
milieu universitaire.
En septembre passé, l'UEQ a participé à la
Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la
liberté académique dans le milieu universitaire, la commission Cloutier, en
s'opposant à l'idée d'une loi ayant pour but de définir et de baliser la
liberté académique au sein des universités. On souhaitait donc qu'il n'y ait
pas de projet de loi et on est ici aujourd'hui pour réitérer cette position, en
plus de suggérer des pistes d'amendement pour améliorer le projet de loi, bien
que nous y demeurions opposés.
Donc, allons-y tout de suite avec le coeur de
notre position. Pour qu'elle puisse accomplir pleinement sa mission, soit
d'alimenter les connaissances, les débats et le développement de la société,
l'université doit être un lieu où toutes les idées
peuvent être exprimées, discutées et remises en question. La communauté
étudiante est une partie centrale de cette discussion, et la seule manière dont
ces débats peuvent avoir lieu, c'est dans un milieu respectueux, inclusif,
inclusif des idées et des individus. Il est normal, il est sain que ces
discussions se déroulent dans les universités. Et, en fait, c'est même dans les
universités et non à l'Assemblée nationale que ces discussions-là doivent avoir
lieu parce que la liberté universitaire permet aussi la critique indépendante
de l'État. Et c'est impossible d'atteindre cet objectif si c'est l'État qui
définit les contours de la liberté universitaire. En imposant un cadre
législatif, en imposant une démarche, l'Assemblée nationale ouvre une brèche
pour affecter le rôle de l'université et son évolution dans le temps.
L'article 6 du projet de loi est le meilleur exemple pour illustrer le
danger que ce projet de loi représente pour la liberté académique en elle-même.
Je vais d'ailleurs revenir à l'article 6 un peu plus tard.
En plus d'être une menace à l'autonomie des
universités et à la liberté académique, le projet de loi ne va régler aucun
problème, selon nous, parce que la commission Cloutier a existé en réponse à
des événements médiatisés. Or, avec ou sans une loi, avec ou sans une
politique, s'il y a des propos dans les universités qui sont inacceptables ou
qui ne sont pas respectueux, qui sont tenus par des personnes qui bénéficient
de la liberté académique, évidemment, les personnes qui sont concernées par ces
propos-là seront toujours dans leur droit de s'exprimer sur la place publique,
dans les médias, si elles le souhaitent. Donc, les situations médiatiques qu'on
cherche à éviter, ce n'est pas avec une loi, ce n'est pas avec une politique
qui va les corriger, c'est plutôt en travaillant en amont dans un processus de
formation continue de la communauté universitaire. Ça aussi, on va y revenir
peu plus tard.
Donc, ce que je disais, c'est que le projet de
loi non seulement ne va rien changer à la situation initiale, soit la
possibilité qu'il y ait des événements médiatiques, mais en plus représente une
menace à la liberté universitaire et à l'autonomie des universités. C'est pour
ça que la première recommandation de l'Union étudiante du Québec demeure de ne
pas légiférer sur la liberté académique dans les universités et de laisser
cette notion évoluer selon la communauté universitaire. Bien que ce soit là notre
principale recommandation, nous souhaitons tout de même suggérer des
amendements dans le cas où le projet de loi serait adopté.
Notre première suggestion d'amendement concerne
l'article 6. L'Union étudiante du Québec suggère de retirer le premier alinéa
de l'article 6 qui stipule que le ministre peut, lorsqu'il l'estime
nécessaire pour protéger la liberté académique, la liberté académique
universitaire, donc, ordonner à un établissement d'enseignement de prévoir dans
sa politique tout élément qu'il indique. C'est un élément du projet de loi qui
suscite de vives réactions dans la communauté universitaire, chez la communauté
étudiante également. Et pour l'UEQ, si on souhaite vraiment protéger la liberté
académique, il faut empêcher une intervention de l'État qui aurait pour
conséquence d'influencer sa mission même car ça demeure ce niveau de danger
auquel nous confronte le projet de loi avec un exemple comme l'article 6.
Ainsi, notre première suggestion d'amendement est de retirer le premier alinéa
de l'article 6, et Alice va poursuivre avec la suite de nos suggestions
d'amendement.
Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Merci.
Ensuite, là, on pense qu'il faudrait mieux définir ce qu'on entend par liberté
d'enseigner à l'article 3 du projet de loi. La communauté étudiante
s'inquiète que la reconnaissance de cette nouvelle liberté là mène à des
interprétations légales qui risquent de restreindre les droits et libertés
acquis par les étudiants et les étudiantes dans leurs institutions. Et ce qu'on
veut dire par là, en gros, là, c'est qu'on ne veut pas que le concept de
liberté d'enseigner soit utilisé pour justifier, par exemple, qu'une personne
enseignante ne suive pas son plan de cours selon les règlements de
l'université, sous prétexte que ça ferait partie de sa liberté académique. À
cet effet, d'ailleurs, là, on propose dans le mémoire un amendement qui
permettrait, là, de spécifier la liberté d'enseigner.
Ensuite, Jonathan l'a déjà dit, mais je vais à
mon tour rappeler pourquoi on est ici aujourd'hui. La problématique à l'origine
du projet de loi, c'était à propos de conflits liés à des événements à
caractère discriminatoire qui se sont retrouvés dans l'espace public. En ce
moment, dans le projet de loi, il n'y a absolument rien qui va permettre
d'éviter des situations conflictuelles puis rien non plus qui va permettre de
désamorcer ces conflits afin d'éviter que des membres de la communauté
étudiante ne ressentent que leur seule option, face à un désaccord, soit de
sortir dans les médias. Au contraire, là, le projet de loi ne contient que des
éléments répressifs qui ne viennent pas encourager la médiation, mais donnent
plutôt l'impression que l'endroit pour exprimer son désaccord, c'est à
l'extérieur des murs de l'université. Un comité de règlement de plaintes portant
sur une atteinte au droit à la liberté académique, comme c'est en ce moment,
là, prévu au projet de loi, ça n'offre pas de solution à une personne qui se
sent brimée dans son milieu d'apprentissage. Ce que l'UEQ proposait,
lorsqu'elle a témoigné devant la commission Cloutier, en septembre dernier,
c'était la mise en place de mécanismes de médiation et de gestion de plainte
envers le contenu d'un cours ou les propos tenus dans le cadre d'un milieu
d'apprentissage. La présence de lieux de médiation, de consensus, de lieux
d'arbitrage, ça permettrait de proposer une procédure encadrée de gestion de
conflit plus inclusive et respectueuse pour les personnes touchées. Pour nous,
afin que le projet de loi ne rate pas complètement sa cible, c'est essentiel qu'il
demande la mise en place d'espaces de dialogue et de processus de gestion de
plainte envers le contenu d'un cours. On croit que ça pourrait être fait, là,
entre autres, en intégrant ces fonctions-là au conseil qui est proposé au
paragraphe 1° de l'article 4.
Pour continuer encore sur ce conseil-là, on
croit qu'il serait important que le projet de loi spécifie que des membres de
la communauté étudiante doivent être inclus dans la constitution du conseil. On
doit vraiment s'assurer de la participation et de la consultation de la
population étudiante sur cet enjeu dans toutes les universités.
Encore une fois dans l'article 4, mais
cette fois-ci au paragraphe 3°, qui demande de préciser dans les
politiques les mesures et sanctions applicables en cas d'atteinte au droit à la
liberté académique universitaire, puisque l'université possède déjà les outils
nécessaires pour sanctionner les personnes en cas de harcèlement ou de
diffamation, l'UEQ craint que les politiques mises en place mènent à des abus
de sanctions sur les membres de la communauté étudiante qui
exprimeraient leur désaccord. Les politiques ne doivent pas servir à porter
atteinte à la liberté d'expression de la population étudiante et à remettre en
question son droit fondamental de s'exprimer, de manière non diffamatoire, bien
sûr, sur l'enseignement qu'elle reçoit. On veut être bien clair ici, là, c'est
impensable qu'on permette la création de systèmes dans les universités qui
sanctionneraient les étudiants et les étudiantes exerçant leur droit constitutionnel
de s'exprimer, de protester ou de manifester. Ainsi, l'UEQ demande que, dans
les politiques mises en place par les universités, on réaffirme le droit
fondamental de la communauté étudiante à s'exprimer sur le contenu académique
et les propos tenus par une personne enseignante.
Finalement, l'UEQ croit que les politiques
pourraient être utilisées afin de mettre en place des ressources et formations
sur l'équité, la diversité et l'inclusion, ou l'EDI, dans le milieu
universitaire. Plus précisément, là, l'UEQ propose de demander la mise en place
de ressources pour accompagner le corps enseignant des universités lorsque
vient le temps d'aborder des sujets potentiellement litigieux, une proposition
d'ailleurs, là, qu'on peut retrouver dans le rapport de la commission Cloutier.
Cette initiative permettrait de rendre le milieu universitaire plus inclusif et
d'éviter des situations conflictuelles.
Dans le même ordre d'idée, afin d'assurer que
l'ensemble de la communauté étudiante soit sensibilisée aux enjeux liés à la
discrimination, on demande que les universités mettent en place des formations
sur les enjeux liés à l'EDI, notamment l'utilisation d'un langage et d'une
expression inclusifs. Il me reste combien de temps?
La Présidente (Mme D'Amours) : ...
Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Je
vais y aller rapidement. En résumé, l'UEQ s'oppose à la légifération de la
liberté académique dans les universités. Le premier alinéa de l'article 6,
qui fait la démonstration même que ce projet de loi est une porte d'entrée pour
les ingérences de la part du gouvernement, doit être retiré afin de s'assurer
que le projet de loi ne rate pas sa cible et qu'il puisse réellement désamorcer
les conflits présents dans les universités lors d'événements à caractère discriminatoire.
Il doit prévoir la mise en place de milieux de médiation et de gestion de
plainte. Des étudiants et des étudiants doivent se retrouver sur le conseil mis
en place dans chaque université. Les universités doivent reconnaître le droit
fondamental de la communauté étudiante à s'exprimer sur le contenu académique
et les propos d'une personne enseignante. Et finalement, des ressources doivent
être développées afin de soutenir le corps
enseignant lorsque vient le temps d'aborder des sujets potentiellement
litigieux. Et toute la communauté universitaire devrait être formée aux
enjeux d'équité, de diversité et d'inclusion. Voilà.
La
Présidente (Mme D'Amours) : Bravo! Merci. Merci pour votre exposé. Nous allons
maintenant commencer la période d'échange. Mme la ministre, la parole
est à vous pour une durée de 16 min 30 s
Mme McCann : Merci, Mme la
Présidente. Bien, écoutez, je vous salue et je vous remercie vraiment d'avoir
pris le temps, là, d'évidemment rédiger le mémoire, les consultations, sûrement,
que vous avez faites et d'être présents aujourd'hui avec nous. Vous le savez
probablement, mais je vous le réitère, que je valorise énormément vos opinions,
vos positions. C'est sûr que je peux être en désaccord, là, avec certaines de
vos positions, vous le savez, mais tout au long du mandat, je vous ai
rencontrés, et vos prédécesseurs, et ça a été, pour moi, toujours très
enrichissant, et ça va être la même chose aujourd'hui.
Alors, suite
à votre exposé, j'aurais quelques questions sur... parce que, vous le savez, le
rapport Cloutier, il y a eu un
sondage qui a été fait auprès des étudiants, auprès des professeurs, et il y
avait une proportion, une certaine proportion
des professeurs, des étudiants qui
disaient qu'ils ne pouvaient pas utiliser... s'autocensurer sur certains mots,
certains sujets dans les classes.
Quelle est votre position là-dessus, là, actuellement? La situation, elle a été
amenée, là, par ces sondages qu'a faits la commission Cloutier. Quelle
est votre position pour régler cette autocensure, là, des étudiants et des
professeurs?
• (10 h 10) •
M. Desroches (Jonathan) : Merci.
Merci de la question. Donc, je tiens... On a vu récemment, dans des articles,
je crois, de La Presse, des groupes de professeurs remettre
en question la méthode scientifique de ce sondage-là, là. Également, il me
semble que c'est le recteur Jutras qui a soulevé ces points-là. Mais, bon, je
vais laisser la remise en question, là, de la méthodologie scientifique, puis
on peut parler directement au niveau de la censure. Évidemment, on ne peut pas
être contre la vertu. Pareillement, on ne peut pas être pour la censure. Et ce
n'est pas ça qui est soulevé dans ce qu'on dit, mais plutôt une optique de...
En fait, c'est normal, que ça soit dans les universités, à l'Assemblée
nationale ou sur la rue, de réfléchir avant de parler, et c'est souhaitable,
évidemment. Mais c'est pour ça que, quand on demande : Est-ce que vous
avez l'impression de vous autocensurer?, ça peut avoir plusieurs connotations.
Ça veut dire quelque chose et son contraire, en fait, et clairement, ce n'est
pas... ce n'est pas de ça qu'on parle.
Mais dans
l'évolution peut-être de l'université, les termes, évidemment, évoluent. Les
personnes qui fréquentent les universités évoluent, au Québec particulièrement,
dans les 20, 30, 40 dernières années. Et évidemment, avec une évolution des personnes qui fréquentent
l'université, ça apporte aussi une évolution des concepts, des discussions qui
ont lieu dans les universités. C'est donc
normal et c'est même souhaitable que des termes qui étaient peut-être
utilisables, il y a 50 ans ou dans des générations précédentes, ne
le soient plus aujourd'hui. Mais dans tous les cas, ce qu'on dit, c'est que ces
discussions-là appartiennent ou doivent avoir lieu dans le milieu
universitaire, et c'est une bonne chose qu'elles aient lieu dans le milieu
universitaire.
Mme McCann :
D'accord. Je vais vous poser une autre question, mais je vais faire un
petit préambule, là, parce que je veux être sûre, là, qu'on comprend le projet
de loi. Peut-être... Je vais vous poser la question suivante : Est-ce que votre compréhension du projet de loi, dans votre
compréhension, il est entendu que les étudiants peuvent aussi porter plainte au
conseil qui est mentionné dans le projet de loi? Est-ce que votre
compréhension, c'est celle-là? Est-ce que vous pensez que ce sont seulement les
professeurs, les chargés de cours, etc., qui peuvent porter plainte, là, au
conseil qui est mentionné dans le projet de loi, ou est-ce que vous pensez que...
Est-ce que votre compréhension, c'est que les étudiants aussi peuvent porter
plainte à ce conseil?
Mme Lemieux-Bourque
(Alice) : Je vais y aller, là. De notre... Bien, de notre
compréhension, bien, de ce que vous avez dit, les étudiants pouvaient...
peuvent aller porter plainte, mais de ce qu'on lit, nous, c'est qu'en ce
moment, dans le projet de loi, le conseil, sa fonction, là, c'est écrit
d'examiner les plaintes portant sur une atteinte au droit à la liberté
académique universitaire. Or, comme une personne étudiante ne bénéficie pas de
la liberté académique universitaire, comme dans le projet de loi, bien, tu
sais, si le comité est pour atteinte au droit à la liberté académique, bien, si
un étudiant se retrouve sur ce comité-là, on s'entend que ce n'est pas parce
que c'est son droit qui a été atteint, et donc c'est qui l'atteint... Il porte
atteinte au droit à la liberté académique. Donc, nous, pour nous, la façon dont
le projet de loi conçoit la problématique, ça semble être à sens unique. Ça fait
que c'est pour ça que pour nous, là, c'est... On ne voit vraiment pas comment
un étudiant ou une étudiante, là, pourrait aller voir ce comité-là pour parler.
Mme McCann :
Parfait. Et si c'était possible qu'un étudiant puisse porter plainte au
conseil, est-ce que ça modifierait votre position?
Mme Lemieux-Bourque
(Alice) : Bien, ça ne modifierait pas notre position sur le projet de
loi en soi, parce qu'on considère que les universités pourraient déjà mettre
des mécanismes en place par elles-mêmes, là, pour, par exemple, la médiation.
Mais c'est sûr que ce serait mieux pour nous, puis ce serait même très
important, de préciser dans le projet de loi que ça peut être une place pour
que les étudiants puissent aller exprimer leur désaccord.
Mme McCann :
O.K. Et il y a un lien avec ma prochaine question. Vous êtes probablement
au courant d'une étude qui est faite actuellement par des étudiants en
psychologie à McGill et cette étude porte sur la liberté universitaire. Ils ont
recueilli des commentaires de plusieurs des... quelques centaines d'étudiants
d'ailleurs, qui indiquent que le débat et la diversité des points de vue sont
difficiles, voire impossibles dans certains départements, que les étudiants
craignent de partager leurs points de vue, qu'il est difficile d'avoir des
conversations posées et raisonnées, que ceux qui présentent des points de vue
qui critiquent ou questionnent les dérives du mouvement de justice sociale,
même à des fins constructives, se font humilier publiquement par certains
professeurs et étudiants, que les étudiants ont peur de s'exprimer, craignant
d'être traités de suprémacistes blancs ou transphobes, alors que ça n'est pas
du tout leur point de vue, ou encore de se faire annuler ou de se voir refuser
l'accès à des bourses ou à des études graduées. Les chercheurs disent :
Nous avons nous-mêmes observé ces phénomènes dans nos programmes.
Est-ce que ça suscite
chez vous une inquiétude? Parce que vous, là, comme Union étudiante du Québec,
vous représentez tous les étudiants. Et là on a une étude qui est faite par des
chercheurs étudiants, et vous avez un rôle de défense, hein, des droits, des
intérêts, que vous jouez pleinement pour toute la communauté étudiante. Quelle
est votre réaction à cette étude, là, qui démontre qu'il y a un certain nombre
d'étudiants qui ont vraiment peur de s'exprimer?
M. Desroches
(Jonathan) : Je peux y aller. Merci de la question. Donc, je vais vous
mentionner que, clairement, ce n'est pas une question, par exemple, là, puis
c'est parce que la ministre l'a soulevée, mais ce n'est pas une question de
débat woke ou antiwoke. Puis de toute façon, ici — j'ai suivi l'actualité
récemment — tout
le monde, ici, serait rendu des wokes, là, ou à peu près.
Mais sur la notion de
liberté académique, ce qu'on soutient, essentiellement, c'est que ça fait des
décennies que les universités gèrent la liberté académique. C'est au coeur, en
fait, de la liberté. La liberté académique est un outil pour accomplir la
mission même des universités. Donc, ça fait des décennies que ces
considérations-là ont lieu, qu'il y a des situations académiques qui sont
gérées dans les comités de discipline, par exemple, qui existent déjà dans les
universités. Évidemment, on n'en entend pas toujours parler, mais c'est une
situation qui se passe de manière régulière dans les universités. Et au niveau
de l'accessibilité, quand je parlais, dans mon préambule, d'accessibilité, qui
est une mission de l'Union étudiante du Québec, là, on ne parle pas uniquement
d'accessibilité financière. Oui, évidemment, mais dans le cas qui nous concerne
aussi, on parle d'accessibilité des différentes personnes, porteurs, porteuses
de marqueurs de diversité, ce qu'on ne voyait pas dans les universités au
Québec il y a 30, 40 ans. Et comme je le mentionnais tantôt, ça fait en
sorte que les discussions évoluent, et c'est une bonne chose. Et le point qui a
été soulevé à McGill, spécifiquement, c'est une étude universitaire, là, du
côté de l'UEQ, qu'on n'a pas vue récemment, mais clairement ça démontre qu'il y
a des discussions dans le milieu universitaire et que c'est une bonne chose que
ces discussions-là, que ces analyses-là aient lieu dans le milieu
universitaire, et que la communauté universitaire peut arriver à des... à un
consensus sans avoir un projet de loi qui impose ce cadre-là, législatif, là.
Mme McCann :
Bien, je vous remercie et je suis d'accord qu'il y a des actions qui sont
prises dans plusieurs universités, mais je pense que... Évidemment, là, vous
avez lu le rapport Cloutier, puis c'est bien clair que c'est à géométrie
variable. Il y a eu beaucoup de commentaires, là, par rapport à la
disponibilité de l'information. Enfin, c'est à géométrie variable, mais
effectivement il existe quand même beaucoup d'actions qui se font dans les
universités. Et le projet de loi va dans le sens d'une cohérence, hein, d'une
uniformité.
Donc, là-dessus, je
vous demanderais, et ce sera ma dernière question avant que je passe la parole
à mes collègues, comment vous voyez que la
politique, là, qu'on va instaurer dans chaque université, il y aurait une
consultation auprès des membres de la communauté
universitaire? Alors, comment vous voyez cette consultation-là pour qu'elle
soit la plus rassembleuse possible?
• (10 h 20) •
M. Desroches
(Jonathan) : Pour ce qui est de la disparité des informations entre
les universités, on tient aussi à souligner qu'on parle peut-être, là... La
liberté universitaire s'applique, là, pareillement dans l'ensemble des
universités. Évidemment, ce qui est question, des fois, quand on parle de
différence, c'est dans les traitements, surtout dans les traitements, par
exemple, dans les différents comités, les traitements des plaintes. Chaque
université a déjà des processus pour traiter ces éléments-là.
Maintenant, en ce qui
a trait de politique, puis c'est pour ça aussi qu'on pense que ce n'est pas
nécessaire de légiférer ou, en tout cas, d'imposer une politique aux
universités, c'est parce que les universités vont peut-être aller vers d'autres
options, pourraient aller vers d'autres options, comme ce qu'on a fait à
l'Université de Montréal avec un énoncé de principes qui a suivi la mission du
recteur sur la liberté académique, et cet énoncé de principes là a été
travaillé par l'ensemble de la communauté. Je pense, quand on cherche à avoir
un processus de consultation, celui-ci en est un bon exemple. Et évidemment,
comme on l'a mentionné, on doit impliquer la communauté étudiante dans ces
consultations-là. Chaque université a ses structures dans lesquelles les
étudiants et étudiantes doivent avoir une voix. Donc, c'est pour ça que c'est
difficile... et ça illustre un peu à quel point c'est difficile d'appliquer le
même modèle à l'ensemble des universités parce que les structures sont
légèrement différentes, bien qu'évidemment la liberté académique, là,
s'applique de manière similaire dans tous les cas.
La Présidente (Mme
D'Amours) : Merci. Je vais maintenant... Merci, Mme la ministre. Je
vais maintenant céder la parole à la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Il reste 4 min 50 s
Mme Foster :
Merci beaucoup. Bienvenue à vous. Merci beaucoup pour votre mémoire très
enrichissant. Vous apportez certaines idées
d'amendement, et, comme la ministre l'a mentionné, elle montre quand même une
certaine ouverture.
Moi, de mon côté,
j'aurais une question. Vous avez dit tout à l'heure, lors de votre
présentation, que certains mots ne se disent plus et que ce n'est peut-être pas
une mauvaise chose. Bon, moi, j'ai ma perspective d'ancienne chargée de cours,
peut-être future, également. Je viens de ce monde-là, j'ai un doctorat. Bon, à
mon avis, le prodébat, c'est une notion qui doit être fondamentale au niveau
académique. O.K. Je pense que, là-dessus, on s'entend sur le fond. Par contre,
on la détermine où, la limite? Qui détermine ce qui va se dire et ce qui ne se
dira pas, quel mot se dit, quel mot ne doit pas se dire? Par exemple, si on
fait un cours sur la deuxième guerre mondiale en histoire puis on ne parle pas
d'Hitler, est-ce qu'à la base on doit nommer les choses pour pouvoir les décrier
et dire qu'elles étaient inacceptables historiquement ou il ne faut pas les
nommer? Vous me suivez? Ça fait que, voilà, c'est ma question.
M. Desroches
(Jonathan) : Merci de la question. Mme la Présidente, je dirais qu'un
peu comme on l'a mentionné en introduction, la commission Cloutier a existé en
réponse à des événements qui ont été médiatisés. Ce qu'on veut dire par là,
c'est qu'on n'est pas devant des problèmes théoriques de gens, par exemple, qui
cherchent à remettre en question le big
bang, puis qui ne sont pas capables, puis qui se font censurer. Ce n'est pas
ça. C'est qu'il y a des... Il y a des
personnes, dans le contexte universitaire, sur la liberté académique, on a vu
ce qui a été médiatisé, qui veulent dire le «n-word» puis qui ne
devraient peut-être pas. C'est de ça qu'il a été question. C'est ça qui a été
médiatisé.
Ensuite,
est-ce qu'il y a des contextes pour... Est-ce
qu'il est acceptable d'avoir certains
propos? Ces contextes-là, ce qu'on
dit, c'est au milieu universitaire de les définir, que ça soit dans chaque
domaine, dans chaque secteur. Ce n'est clairement
pas à l'Assemblée nationale, ici, d'imposer un cadre aux universités et aux
milieux universitaires pour établir qu'est-ce qu'il est possible de dire
ou qu'est-ce qu'il est possible de ne pas dire.
La Présidente (Mme
D'Amours) : Merci. Je vais céder maintenant la parole au député de
Saint-Jérôme.
M. Chassin : Merci, Mme la Présidente. Peut-être une dernière question
sur le volet de votre présentation qui concerne la pertinence ou la nécessité
d'un projet de loi par rapport à, dans le fond, l'organisation autonome dans
chacune des universités. Est-ce que... Vous parlez des cas médiatisés. Est-ce
que, selon vous, donc, la réaction des universités a été correcte?
M. Desroches
(Jonathan) : Correcte par rapport...
M. Chassin : Est-ce que vous jugez que les universités ont bien géré les
différentes crises médiatiques dont on a entendu parler? Est-ce que vous jugez
que les universités ont bien géré ça de façon autonome?
M. Desroches
(Jonathan) : Merci de la question, merci de la précision. Bien, on
sait qu'il y a eu un cas à l'Université
d'Ottawa, il y a un an et demi, deux ans maintenant, donc, qui ne nous concerne
pas, évidemment. Et, à l'Université McGill, là, on avait entendu aussi
un événement médiatisé il y a un an, un an et demi. Et, à notre connaissance,
cette situation-là a été réglée comme, je
mentionnais, des situations qui se produisent et qui sont réglées par des
comités de discipline. Donc, à notre
connaissance, il n'y a pas eu d'enjeu problématique, là, qui a suivi cette
situation-là à McGill, par exemple.
M. Chassin : Et donc, même si ce n'est pas au Québec, je trouve que
c'est quand même intéressant de retenir les leçons de nos voisins. Renvoyer,
par exemple, une chargée de cours ou la suspendre sans solde, est-ce que ça
peut être, à votre point de vue, une réaction tout à fait pertinente d'une
université dans un cas?
M. Desroches
(Jonathan) : Dans... et c'est pour ça qu'on ramène la discussion vers
l'équité, la diversité et l'inclusion, vers la formation en continu du milieu
universitaire, parce que non, la censure, ce n'est pas une option. Et de
sanctionner des gens, comme on le mentionnait, c'est ça que la politique
apporte, là. Quand on parle d'imposer une politique, on parle de sanction. La
différence entre un énoncé de principe et une politique, c'est que la
politique, il doit y avoir des sanctions pour pouvoir l'appliquer. Donc, nous,
on pense que c'est favorable, dans cette discussion-là du milieu universitaire,
de travailler en amont et de laisser peut-être les sanctions de côté, de
favoriser la discussion et de laisser le milieu universitaire, si c'est des
énoncés de principe qui émanent, bien, de laisser ces conclusions.
M. Chassin : Puis là j'imagine qu'il me reste très peu de temps, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme
D'Amours) : 20 secondes.
M. Chassin : 20 secondes. Est-ce que... Juste sur la méthodologie
du sondage, est-ce que je comprends que, quand
vous dites qu'autocensurer, ça peut vouloir dire une chose et son contraire,
c'est que vous comprenez «autocensurer» comme peut-être que des
répondants se sont dit : Ah! bien, il faut que je pense avant de parler?
Et donc c'est positif de s'autocensurer dans ce sens-là?
M. Desroches
(Jonathan) : Oui. On dit ça, mais ce n'est pas que nous qui disons ça,
là. Comme je le mentionnais, le recteur Jutras a soulevé un problème avec ce
sondage-là, et, je crois, c'est il y a deux semaines, il y a trois semaines, dans
La Presse, c'est un groupe de professeurs, là, de plus de
200 professeurs, là, qui soumet ça.
La Présidente (Mme
D'Amours) : Merci beaucoup. Donc, maintenant, je cède la parole à la
députée de Marguerite-Bourgeoys pour une durée de 11 minutes.
Mme David :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Des questions que j'entends, j'espère
qu'on ne passera pas toute la journée à faire le procès de l'Université
d'Ottawa, parce que la question de la liberté académique est tellement plus
large que ça. Même la ministre a référé à la recherche, tout à l'heure, la
liberté de pouvoir chercher sur n'importe quoi. Or, on sait que souvent les
fonds de recherche orientent et mettent de l'argent, comme on fait pour les
bourses Perspective Québec d'ailleurs, dans des sujets particuliers, parce que
c'est prioritaire pour la société. Alors, ça, ça pourrait être une forme de
censure. Les étudiants le savent très bien. Quand ils font des demandes de
bourse de maîtrise, de doctorat, il y a des mots à écrire dans la demande de
subvention, si tu veux avoir ta subvention, puis il y a des mots à proscrire ou
il y a des sujets.
Alors, j'espère qu'on
ne sera pas là-dessus tout le long. Mais vous êtes le seul regroupement
étudiant qui va venir aujourd'hui, si je ne m'abuse, et c'est extrêmement
important, ce que vous avez à dire. Vous ne voulez pas de loi. Vous
dites : Les universités sont capables de le faire. Vous référez souvent à
l'Université de Montréal. C'est assez intéressant, d'ailleurs, je vous en
parlerai tout à l'heure, mais vous dites : La communauté étudiante doit
pouvoir s'exprimer sur le contenu académique d'un cours et les propos d'une
personne enseignante. Alors, vous dites : On ne veut pas de loi, mais
c'est... Il faut que l'université trouve une façon. Et vous référez à la
médiation, alors que la ministre vous envoie directement au conseil, qui est
une instance suprême, selon le rapport Cloutier. Ce n'est pas une instance
première, c'est quand toutes les procédures universitaires habituelles n'ont
pas fonctionné.
On le sait, comment
ça fonctionne, vous le savez, il y a un directeur des départements, il y a un
directeur de programme de baccalauréat, ou de maîtrise, ou de doctorat. Après
ça, il peut y avoir un vice-doyen aux études dans le décanat de la faculté.
Après ça, il peut y avoir le doyen qui intervient, après ça le vice-recteur,
puis le conseil, c'est la dernière, dernière, dernière instance. Alors,
l'étudiant qui dit : Moi, je n'aime pas le prof, puis il a dit tel mot, il
ne s'en va pas au conseil directement. En tout cas, si c'est ça, on va en
parler tout à l'heure avec M. Cloutier qui va venir parler de son rapport,
bien, ça va être impossible de s'immiscer dans le contenu de tous les cours.
Alors,
comment, vous, vous conciliez votre sentiment que vous voulez pouvoir exprimer
ce que vous voulez, de la même façon que vous dites que les professeurs
ont le droit d'enseigner de la façon dont ils veulent, ils ne doivent pas se
censurer, et cette question du processus puis de... jumelé au fait que vous ne
voulez pas de projet de loi, finalement?
Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Bien,
je peux y aller. Bien, vous venez, en fait, d'expliquer, là, notre
position, puis il existe déjà des processus dans les universités pour entendre,
pour régler ce genre de problématique là. Donc, pour nous, le projet de loi
n'est pas nécessaire. La mise en place de ce conseil-là, précisément, dans
chacune des universités, n'est pas nécessaire parce qu'il existe déjà des
processus pour faire exactement ça. Ça fait que je pense que, tu sais, ce qu'on
veut dire, c'est que c'est irréconciliable.
La seule chose qu'on
avait peur avec le conseil, c'est que ça devienne un conseil seulement, là, à
sens unique, de sanctions, par exemple, pour un étudiant ou une étudiante qui
exprimerait son désaccord, puis que la personne enseignante en réponse
dise : C'est ma liberté académique. Puis en voulant m'empêcher, tu sais,
en te plaignant de la façon dont j'aborde un sujet, tu nuis à ma liberté
académique. On va au conseil, puis tu vas être sanctionné. L'idée, c'était
qu'on ne voulait absolument pas que ce conseil-là soit mis en place dans les
universités pour mener à des sanctions contre la communauté étudiante. Mais on
s'entend, là, c'est pour ça aussi qu'on ne voulait pas nécessairement de projet
de loi, c'est parce qu'en soi il existe des processus déjà dans les
universités, on s'entend.
Mme David : Ce qui est
intéressant dans ce que vous dites, c'est qu'on ne veut pas qu'ils soient
sanctionnés. Et la dernière question du député de Saint-Jean... non, de
Saint-Jérôme, excusez, Saint-Jean, je le sais, il n'est pas là, de Saint-Jérôme dit : Qu'est-ce que vous pensez de la
sanction de la prof qui aurait été suspendue? Et donc, des sanctions que le
conseil pourrait appliquer, c'est exactement ça, là. C'est exactement ça, et ce
contre quoi, évidemment, le gouvernement est, il ne faut pas sanctionner une
prof, mais le conseil aurait pour objectif de sanctionner, entre autres, de
réfléchir aux sanctions en étape directe. Tu vas à la Cour suprême sans passer
par les premières instances, si on veut, si on considère que le conseil serait
la Cour suprême.
Alors, comment vous réconciliez cette histoire,
justement, de sanctions? Comment on sanctionne un professeur qui aurait dit un
mot qui aurait rendu inconfortables certains étudiants, par exemple?
• (10 h 30) •
Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Bien,
nous, on ne voyait pas ça en termes de sanction, là, d'un professeur qui aurait
rendu des étudiants inconfortables, mais plutôt, quand on parle de processus de
médiation, c'est de s'asseoir entre le prof, tu sais, de s'asseoir professeur,
étudiant, étudiante, d'essayer d'arriver à un consensus, puis d'un peu de... tu
sais, c'est quelque chose que j'avais beaucoup parlé, là, à la commission
Cloutier, mais un peu que le corps enseignant se place un peu en position
d'apprentissage, tu sais, puis qu'il prenne les commentaires, puis qu'il essaie
de s'améliorer pour la suite, puis peut-être de ne pas réaborder le même sujet
de la même manière parce qu'on réalise que ça peut venir toucher certaines
personnes de manières différentes. Puis on est conscients aussi qu'en arrivant
dans une classe une personne enseignante ne peut pas automatiquement savoir
tous les impacts de tout ce qu'elle peut dire. Ce qu'on veut, en fait, c'est
que le corps enseignant soit ouvert, en fait, à recevoir de la rétroaction puis
à s'améliorer pour la suite, parce que le
milieu universitaire, parce que la société évoluent et que les opinions
évoluent aussi avec ça.
Mme David : Justement, je vais vous
amener à ce fameux rapport de mission de l'Université de Montréal qui recommande — et je
recommande à tout le monde de le lire parce que ça donne des belles pistes, ils
ont fait un travail colossal — que l'Université de Montréal protège en
tout temps son autonomie. Et c'est les seuls qui parlent de ça, le projet de
loi n'en parle pas, mais je suis très contente qu'ils disent ça par rapport aux
ordres professionnels. On en a parlé avec la ministre la semaine dernière, les
rehaussements, les ci, les ça. Les ordres professionnels ont le goût, des fois,
de dire, ils le font allègrement, comment... quelles sortes de programmes
faire pour donner accès à l'ordre.
Bon, alors, ils le disent, «protège en tout
temps l'autonomie par rapport aux ordres professionnels, aux instances
gouvernementales, aux entités politiques comme aux agents économiques ou
philanthropiques». Parce que la philanthropie, on peut en parler longtemps,
comment ça paie bien, des fois, des professeurs, pour faire de la recherche...
que «l'Université de Montréal — bon — continue d'assurer la
défense, la protection de la libre expression agissant dans le cadre de leurs
fonctions ou d'activités universitaires». Je comprends que ça inclut les cours,
après ça, ils parlent d'aborder... soutiennent la mise en place de dispositifs
de partage de ressources pédagogiques, bon, pour... tels que des
communautés de pratique qui reflètent la diversité des approches déjà éprouvées
par le personnel enseignant pour aborder des
thèmes et des oeuvres sensibles. On y est, là, dans la question d'aborder des
oeuvres sensibles, mais avec discussion, réflexion. Et ils veulent que
l'Université de Montréal produise un règlement visant à interdire la
cyberintimidation, je pense, c'est important.
Et finalement qu'ils disent, et c'est là où vous
dites la même chose, que les facultés se dotent d'une ressource dont elles peuvent déterminer la nature et la
composition pour recueillir les témoignages des personnes ou des groupes
qui souhaitent relayer une situation
problématique en lien avec l'exercice des libertés d'expression en contexte
universitaire, cette ressource se veut un espace de médiation entre les
parties, j'ai l'impression que c'est votre inspiration, ça.
M. Desroches (Jonathan) : Je
pourrais dire clairement que... peut-être pas une inspiration, mais qu'il y a
des éléments intéressants ici. Puis, quand on regarde ces conclusions-là à
l'Université de Montréal, on se demande aussi, avec le projet de loi actuel, ça
va être quoi, l'interaction entre une future politique et ces conclusions-là
qui ont déjà lieu à l'Université de Montréal. Donc, on se retrouve, là, quand
on parlait d'autonomie institutionnelle puis du milieu universitaire, on se
retrouve un peu à devoir refaire le travail, si on comprend, si l'Université de
Montréal doit avoir une politique comme dans toutes les autres universités.
Puis aussi, bon, là, ça, c'est le cas de
l'Université de Montréal, mais ce qu'on voit aussi souvent, dans la communauté
universitaire, comme vous le savez, c'est les différentes universités qui
s'inspirent l'une de l'autre. On le voit dans le cadre de d'autres sujets,
d'autres politiques. Donc, est-ce qu'on pourrait voir éventuellement, sans le
projet de loi, est-ce qu'on pourrait voir différentes universités se prononcer
dans ce sens-là puis créer un milieu de discussion comme l'a fait l'Université
de Montréal? C'est certain qu'on le souhaite, mais, pour nous, il n'y a pas
lieu d'imposer une politique par-dessus, par exemple, les travaux, là, qui sont
mentionnés par la députée.
Mme David : Avez-vous l'impression
que chaque université pourrait trouver, à l'intérieur d'une... admettons qu'il
y a une exigence législative, qu'il y a une loi, trouver chacune les moyens
pour s'assurer qu'il y a un dispositif aussi, je pourrais dire, intéressant,
parce que je pense que c'est intéressant, ce que l'Université de Montréal a
fait, et que ça pourrait être ça, l'exigence du projet de loi?
M. Desroches (Jonathan) : Je crois
que... puis, bon, je ne vais pas parler pour le BCI, je sais aussi que vous
recevez le BCI plus tard dans la commission, mais c'est certain qu'il y a,
comme je mentionnais plus tôt, des éléments, là, qui sont propres à chaque
université dans les structures.
Puis, en parlant
peut-être du BCI, je tiens aussi à mentionner que c'est assez rare, là, qu'on
voit le milieu universitaire autant unanime sur un élément, sur un projet de
loi, ou contre quelque chose, pour des raisons différentes, d'avoir les profs,
les étudiants, les étudiantes et les administrations universitaires qui, somme
toute, sont insatisfaits d'un élément, là. Ça arrive
environ tous les samedis de pleine lune d'année bissextile, là. Donc, je pense
que c'est important de le noter aussi.
Mme David : Oui,
effectivement, je ne sais pas comment on va s'en sortir, parce que vous êtes
seulement les premiers, mais ça va s'accumuler, là, toutes les objections, les
propositions. Alors, c'est assez vertigineux, et je prends la mesure, moi, en
tout cas et, je pense, mes collègues aussi, de l'importance de ce projet de loi
là, qui, malgré le faible nombre d'articles, peut changer vraiment, comme je
dis, la constitution et l'essence même de la mission universitaire.
Alors, je ne sais pas
combien de temps il me reste...Alors, j'aimerais vous entendre sur la crainte
qu'un étudiant, avec ce processus-là, puisse lui-même faire l'objet de plainte
par un professeur à ce conseil.
M. Desroches (Jonathan) : Sur
la crainte qu'une personne étudiante puisse avoir accès ou ne pas avoir accès,
c'est ça?
Mme David : ...être
l'objet d'une plainte par un prof qui dit : Il m'a traumatisé, puis je
n'ose plus parler.
M. Desroches
(Jonathan) : Sur la liberté universitaire en tant que telle, pour
nous, ça nous ramène au fait que ce n'est pas à l'Assemblée nationale de
définir s'il doit y avoir des politiques ou non. Le milieu universitaire, comme
je le mentionnais, ça fait... et comme plusieurs personnes ici le savent très bien,
ça fait des décennies que ces éléments-là sont discutés, évoluent dans le
milieu universitaire, et on pense qu'on peut laisser au milieu universitaire le
soin de continuer cette discussion-là.
Mme David :
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Merci beaucoup. Maintenant, je cède la parole au député
d'Hochelaga-Maisonneuve...
M. Leduc : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. D'abord, bravo pour le mandat qui se
termine. Beaucoup de beau travail cette année. Je vous souhaite du succès dans
les parcours qui vous attendent respectivement.
Première
question : Vous avez été déposer un mémoire à la commission Cloutier.
Avez-vous été consultés en amont de la rédaction de ce projet de loi?
M. Desroches
(Jonathan) : De la rédaction du projet de loi? On a eu l'information
qu'il y avait un projet de loi, là, dans les dernières semaines, là, je ne sais
plus exactement, là, mais...
M. Leduc : Il
n'y a pas de rencontre entre vous et le cabinet?
Mme Lemieux-Bourque
(Alice) : Oui, oui. On a rencontré le cabinet avant.
M. Leduc : Parfait.
Bonne nouvelle. Tout ce qu'on entend sur les enjeux qui créent du remous
alentour de la liberté académique, on dirait que c'est toujours une question de
sciences humaines. Est-ce qu'à votre connaissance il y a des enjeux aussi
brûlants en génie, en arts, en gestion? Est-ce que c'est une erreur de penser
que c'est juste un problème de sciences humaines?
Mme
Lemieux-Bourque (Alice) : Bien, le problème de la liberté académique,
en fait, si on parle en termes de mots utilisés dans les cours, c'est sûr qu'on
retrouve plus ça en sciences humaines. Mais Mme David en a parlé tantôt, là,
que, tu sais, la liberté académique, ça peut aussi être les ordres
professionnels ou les philanthropes. Ça, c'est quelque chose qu'on peut
retrouver beaucoup en génie, par exemple, ou en pharmacie, c'est sûr. Ça fait
que c'est des enjeux... Je dirais que les enjeux, ils peuvent être différents,
oui, en fonction des programmes.
C'est sûr que, sur
l'utilisation, par exemple, de certains termes plus litigieux, je dirais, que
c'est assez rare que... Tu sais, si on utilise ça dans un cours de génie, c'est
assez clair que ça n'a pas sa place, alors que je peux comprendre qu'il y a
plus de débats, en fait, sur l'utilisation de certains mots en sciences
humaines.
M. Leduc : Et
les éléments que vous faisiez référence, donc, en pharmacie, est-ce que,
d'après vous, ce projet de loi là pourrait contribuer à les aider?
Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Je
n'ai pas l'impression... En fait, je n'ai pas l'impression que ça ne touche
à rien de ce qui est extérieur à, en fait,
l'utilisation de certains mots ou de certains termes dans la communauté, par
exemple.
M. Leduc : Est-ce
que, dans un même état d'esprit, tout ce qui se passe à McGill, en ce moment,
avec l'association étudiante puis la question palestinienne, ce qu'on a connu
avec le Projet Laurentia, à l'Université Laval, ou la chaire de recherche sur
la laïcité, que la CAQ avait un peu orientée, ça aussi, donc, si je comprends
bien, ça ne sera pas... le projet de loi, ça ne traite pas de ces enjeux-là non
plus.
Mme
Lemieux-Bourque (Alice) : Bien, en tout cas, certainement pas sur le
cas à McGill, là, que vous parlez, avec l'association étudiante, parce qu'en
fait les associations étudiantes ne sont pas bénéficiaires de la liberté
académique, là, selon la définition qu'il y a dans le projet de loi.
La Présidente (Mme
D'Amours) : 10 secondes.
M. Leduc : Oui, 10 secondes. On
va vous souhaiter une bonne journée.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je cède maintenant la parole à la députée de Gaspé pour une période de
2 min 45 s.
Mme Perry Mélançon : Merci, Mme la
Présidente. Donc, c'était, je pense, très éclairant de connaître votre position
sur le projet de loi. C'est sûr qu'on est effectivement contre l'intervention
puis l'ingérence, là, de l'État dans les affaires internes des universités,
mais je pense que d'avoir une loi qui sécurise, finalement, la liberté
académique, moi, c'est là ou je me rejoins dans le discours, d'une certaine
façon, là, du gouvernement. J'ai quand même émis aussi certains bémols à la
lecture du projet de loi.
Mais, si une université ne se conforme pas, justement,
à la loi, selon vous, de quelle manière est-ce qu'on peut amener l'université à
se conformer sans que le gouvernement s'ingère dans ses affaires?
• (10 h 40) •
M. Desroches (Jonathan) : On revient
à la situation actuelle au Québec, puis ce n'est pas... il n'y a pas une
avalanche d'éléments, là, qui ont eu lieu, comme je le mentionnais dans mon
interlocution. On parle d'un ou deux, peut-être, éléments qui ont été fortement
médiatisés. Pour nous, ces éléments-là ne justifient pas un projet de loi. Puis
ça fait des années, là, ça fait des années que les universités existent au
Québec, sans projet de loi pour encadrer ou définir la liberté académique, et
on pense qu'on peut très bien continuer dans ce chemin-là.
Mme Perry Mélançon : Bien, c'est sûr
qu'on a vu des avancées. J'aimerais peut-être vous entendre sur les impacts que
ça a eu de se doter de mécanismes pour sanctionner, par exemple, quand on est
dans le harcèlement sexuel, dans les universités ou, tu sais, toute la question
des violences à caractère sexuel. Pourquoi vous ne voyez pas ça, justement, du
même oeil, finalement? Peut-être...
Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Ah!
pour nous, c'est assez clair que ce n'est pas la même chose. Parce que, tu
sais, la loi pour prévenir et combattre les violences à caractère sexuel, on
parle de protéger l'intégrité physique de la communauté universitaire, dans
l'autre, on parle de façons d'aborder un sujet dans un cours. Pour nous, c'est
assez clair qu'il y en a un que c'est important qu'on légifère, qu'on encadre
puis qu'on s'assure que les gens soient protégés. De l'autre côté, bien là, on
pense que les universités sont capables d'avoir cette discussion-là puis de
développer, en fait, des mécanismes vraiment appropriés pour traiter de ça.
Parce que, comme Jonathan, il dit depuis tantôt, la liberté académique, c'est
traité depuis toujours dans les universités, quand même.
Mme Perry
Mélançon : Mais est-ce que c'est valorisé? Est-ce qu'au sein
des universités on le valorise ou est-ce qu'on aurait besoin, peut-être,
d'être plus dans la prévention, l'intervention en cas de graves problèmes, tu
sais, qu'on soit dans le punitif, mais qu'il y ait aussi des mécanismes
constructifs, là, de prévention? Vous ne voyez pas là une opportunité que la
liberté académique soit vraiment valorisée au sein des institutions?
La Présidente (Mme D'Amours) : En
cinq secondes.
Mme Lemieux-Bourque (Alice) : Bien,
on est très ouverts à la promotion de la liberté académique, mais ça pourrait
être fait, entre autres, par un énoncé de principes qu'on encourage toute la
communauté à lire, là.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la
commission.
Je suspends les travaux quelques instants afin
d'accueillir nos prochains témoins. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 42)
(Reprise à 10 h 50)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux. Et je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération nationale des enseignantes et
enseignants du Québec. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à
vous.
Fédération nationale
des enseignantes et
des enseignants du Québec (FNEEQ)
Mme Quesnel (Caroline) : Bonjour.
Alors, je vais commencer par me présenter puis je présenterai, un peu plus tard,
mes deux collègues. Alors, je m'appelle Caroline Quesnel, je suis présidente de
la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec. C'est
une des huit fédérations affiliées à la CSN. Une des particularités de la FNEEQ, c'est qu'elle est l'organisation syndicale la plus
représentative en enseignement supérieur, puisque nous représentons
45 syndicats des cégeps, à savoir 85 % des profs de cégep, ainsi que
80 % des personnes chargées de cours, tuteurs, tutrices au Québec, dans
10 universités différentes.
Je dirais, d'emblée, la question de la liberté
académique revêt une importance particulière pour les personnes chargées de
cours que nous représentons, notamment, en raison de leur statut, de la
précarité qui caractérise ce statut-là et qui rend les personnes chargées de
cours vulnérables aux attaques de leur propre liberté académique. Je
rappellerai que les cas médiatisés, depuis
un an, touchaient en grande majorité des personnes chargées de cours ou des
enseignantes ou des enseignants contractuels.
La FNEEQ est favorable à l'introduction d'une
loi, mais, si nous le sommes, c'est en bonne partie en raison de l'incurie, de
la négligence des directions universitaires d'avoir mis... en fait, de ne pas
avoir mis en place des mécanismes pour protéger la liberté académique et,
lorsqu'il y en a, d'avoir fait preuve de laxisme dans l'application. Je dirais,
cela dit, qu'à nos yeux l'État et les entreprises privées constituent des
menaces bien plus sérieuses et réelles à la liberté académique, et, en
conséquence, nous estimons que l'intervention législative, le projet de loi
devrait être limité et circonscrire, de manière très précise, des interventions
et des balises.
Enfin, le projet de loi n° 32, tel que
déposé par la ministre McCann, est insatisfaisant à nos yeux, et nous demandons
aux membres de la commission d'y apporter des amendements. Et c'est ce que
présenteront mes deux collègues, alors, d'abord, Christine Gauthier, qui est
vice-présidente, responsable du regroupement universitaire à la FNEEQ, elle est
aussi chargée de cours au Département des fondements et pratiques en éducation
à l'Université Laval et chercheuse; ainsi que Benoît Lacoursière, qui est
secrétaire général et trésorier de la FNEEQ. Il est aussi enseignant de
sciences politiques au cégep de Maisonneuve. Je leur cède la parole.
M. Lacoursière (Benoît) : Merci.
Donc, à titre de première recommandation que nous faisons à l'Assemblée, nous
recommandons d'élargir la portée du projet de loi aux établissements collégiaux
publics et privés. Il s'agit d'établissements d'enseignement supérieur, et les
réalités d'enseignement, et même de recherche, sont très similaires à celles
des universités. À l'article 3 du projet de loi, nous recommandons
également d'utiliser la définition complète et internationalement reconnue de
la liberté académique, c'est-à-dire celle qui est prévue à l'article 27 de
la recommandation de l'UNESCO. En ce sens,
il s'agit ici de donner suite à une recommandation formulée par la
commission Cloutier, d'autant plus que, nous
l'avons dit, l'État et parfois même les directions locales peuvent constituer
des menaces à la liberté académique.
En lien avec cette recommandation, nous
recommandons aussi d'ajouter au projet de loi la précision que les obligations
auxquelles un bénéficiaire de la liberté académique est tenu, en vertu de tout
instrument régissant ses conditions de travail, par exemple, le devoir de
loyauté, ne devraient pas être interprétées ou appliquées de façon à
compromettre ou à restreindre l'exercice de la liberté académique, et que les
tribunaux doivent, dans l'interprétation et l'application de ces obligations,
donner plein effet à la liberté académique. Nous avons assisté, au cours des
dernières années, à des invocations abusives du devoir de loyauté. De plus, et
il nous semble important de souligner que, dans le cas des services publics,
comme les universités et les cégeps, le devoir de loyauté prévu au Code civil
doit s'appliquer avec une grande souplesse. À qui s'adresse cette soi-disant
loyauté, à l'établissement, à sa direction ou à la nature même du service
public qui est représenté? On ne doit pas voir le devoir de loyauté à travers
le même prisme que celui d'une entreprise privée, par exemple.
Comme
quatrième recommandation, nous recommandons de renforcer l'obligation imposée
aux établissements d'enseignement supérieur de prendre fait et cause
pour les membres de la communauté qui sont pris à partie par des tiers pour
avoir exercé leur liberté académique, que ce soit en raison de leur recherche
ou de leur enseignement. Les établissements doivent avoir l'obligation de
soutenir les membres de leur communauté dès qu'ils sont l'objet de recours judiciaires afin d'éviter, par exemple, une autre
affaire Mayer. L'état actuel du droit n'est pas stable à cet égard,
d'autant plus que les directions d'établissement hésitent à soutenir leurs
chercheurs et leurs chercheuses face à des poursuites.
Mme Gauthier
(Christine) : Alors, bonjour aux membres de la commission.
Alors, pour l'article 4, la FNEEQ salue l'obligation faite aux
établissements de se doter d'une politique particulière sur la liberté
académique, tel que recommandé par la
commission Cloutier. Pour nous, c'est une exigence qui va permettre de mieux
protéger les personnes chargées de cours face à des plaintes qui
concernent la liberté académique puis également ça permet d'uniformiser les
protections relatives à la liberté académique pour l'ensemble des universités
puis éviter les disparités de traitement.
Tout de même, pour l'article 4, certaines
précisions nous apparaissent importantes sur le libellé des articles, et il est important aussi que ce soit clair que le
mécanisme de traitement des plaintes compris dans les politiques élaborées
par les établissements se distingue des processus qui peuvent mener à des
mesures disciplinaires, parce que ce sont des processus
qui ne sont pas toujours impartiaux puis qui accordent une très large autonomie
aux directions d'établissement plutôt qu'à la collégialité entre les
pairs. Et la collégialité est un corollaire important à la liberté académique.
Alors, notre recommandation 5. À
l'article 4, paragraphe introductif, la FNEEQ recommande de préciser que
la politique sur la liberté académique, dans chaque établissement, soit non
seulement consultée par l'ensemble des membres de la communauté universitaire,
mais soit aussi adoptée de façon collégiale dans les instances universitaires
ou de cégeps. Notre recommandation 6, à l'article 4... alinéa 1°,
pardon, recommande d'indiquer clairement quels sont les groupes et les
associations devant faire partie du conseil visé au paragraphe 1° pour
affirmer notamment la place des personnes chargées de cours au sein de ce
conseil de manière représentative à leur contribution à l'enseignement
universitaire. Et nous tenons à préciser que c'était d'ailleurs le cas dans la
loi sur les violences à caractère sexuel pour pouvoir assurer, là, une
représentation de plusieurs groupes.
Alors, notre recommandation 7 concerne l'article 4,
l'alinéa 4°. Alors, nous recommandons d'ajouter la
responsabilité de l'établissement de porter à la connaissance de chaque
nouveau membre de la communauté universitaire la politique adoptée sur la
liberté académique. À l'alinéa 5° du même article, nous recommandons de
préciser ou d'ajouter que ces ressources et
outils pédagogiques soient disponibles au sein des universités et des collèges
pour soutenir les bénéficiaires de la liberté académique qui sont tenus
d'aborder des sujets potentiellement sensibles.
La recommandation 9, on propose d'ajouter
un nouvel article qui préciserait que les membres de la communauté étudiante
bénéficient de la liberté d'apprendre, ce qui comprend notamment le droit de
choisir ses cours en fonction des programmes et de son domaine d'études, de
recevoir une formation de qualité et de participer aux échanges en classe.
La recommandation 10 concerne
l'article 4, l'alinéa 5° sur la question des traumavertissements.
Nous sommes d'avis qu'on ne doit pas obliger les enseignantes et enseignants de
voir inscrire des traumavertissements dans un plan de cours puis qu'une telle
obligation serait difficilement applicable, hein? C'est difficile de prévoir
comment un contenu académique peut créer, par exemple, des sentiments
douloureux. Cela dit, nous sommes aussi d'avis que ces éléments doivent
appartenir aux enseignantes et enseignants et ne doit pas amener à légiférer,
là, sur cette question. Donc, on recommande de retirer du projet de loi cette
disposition relative aux traumavertissements.
La recommandation 11, donc, l'ajout d'un
nouvel article, pour ajouter aux éléments de contenu des dispositions relatives
à la protection de la liberté académique, en lien avec le financement de la
recherche. Les enjeux relatifs à la recherche sont aussi importants à bien
aborder dans le cadre de ce projet de loi là.
Et enfin, notre dernière recommandation, 12,
elle porte sur l'article 6, que nous invitons à abroger ou à modifier
considérablement. Nous jugeons que ça ouvre une porte inquiétante à l'ingérence
de l'État dans les politiques des universités. Nous estimons que le
gouvernement doit s'en tenir à émettre des conditions générales qui encadrent
les devoirs et obligations des établissements et non pas en fixer le contenu
normatif.
Donc, pour conclure en quelques secondes, donc,
la FNEEQ est en accord avec le principe d'une loi comme recommandé par la
commission Cloutier, mais le projet de loi doit être amendé.
• (11 heures) •
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer notre
période d'échange, et je cède la parole à Mme la ministre pour une durée de 16
min 30 s.
Mme McCann : Merci, Mme la
Présidente. Alors, je veux vous saluer, vraiment. Vraiment très contente que
vous participiez aux consultations. Vous êtes au coeur, évidemment, des
bénéficiaires de la liberté universitaire telle qu'on en parle, là, dans le
projet de loi, donc votre participation est absolument essentielle.
J'aurais beaucoup de questions, mais je vais
m'en tenir à quelques-unes, étant donné le temps que nous avons. D'ailleurs,
évidemment, je reconnais, là, que vous êtes... vous l'avez dit deux ou trois
fois, que vous êtes en accord avec le projet de loi, mais vous avez évidemment
des demandes au niveau d'amendements potentiels, des changements que vous
aimeriez au projet de loi, et j'accueille ça, évidemment, avec ouverture.
Évidemment, on va en discuter puis on va réfléchir là-dessus dans les prochains
jours, mais effectivement c'est un exercice important.
Donc, ma première question, et ce n'est
peut-être pas dans l'ordre chronologique, là, des demandes, au niveau des
articles, que vous nous faites, c'est vraiment au niveau du fonctionnement...
au niveau du fonctionnement, parce que vous connaissez très bien le terrain,
comment ça se passe. Je veux simplement dire, tout à l'heure, quand on a
rencontré l'Union étudiante, je mentionnais le conseil, hein, qu'on peut faire
une plainte au conseil, mais je clarifie tout de suite que les situations qui
peuvent se passer dans les établissements, ils vont être réglés aussi par les
départements. Alors, ce fonctionnement-là peut continuer. Si l'université juge
que c'est le fonctionnement qu'elle veut se donner, hein, il y a une autonomie
de ce côté-là, mais il y a un conseil qui est responsable aussi de traiter les
plaintes, on peut dire, si le département n'a pas réussi à résoudre la
situation, on va le dire comme ça, dans le fonctionnement. Donc... Mais le
conseil est très important dans ce sens-là.
Donc, au niveau du fonctionnement, comment vous
voyez l'apport du projet de loi? Comment ça va bonifier le fonctionnement dans
les universités, dans les établissements?
Mme Gauthier (Christine) : Donc, je
peux peut-être commencer une réponse, mes collègues pourront compléter. Bien,
c'est clair qu'effectivement il y a déjà des mécanismes qui existent,
présentement, pour protéger la liberté universitaire ou pour traiter les
plaintes, que ce soit étudiantes, pour travailler de concert, là, entre les
enseignants et les étudiants, si on parle du volet enseignement. Mais c'est
clair qu'un des problèmes pour lesquels il est urgent d'agir, c'est que, s'il y
a une plainte, comment on s'assure qu'il n'y a pas un traitement disciplinaire
de ce dossier-là et que ce soit, justement, traité de façon académique,
c'est-à-dire qu'on puisse, tu sais, discuter de la situation, évaluer s'il y a vraiment eu, effectivement, un manquement au
niveau des contenus enseignés, donc, qui n'est pas un problème de
comportement, mais qui est vraiment un problème de... comment dire, d'interprétation,
là, différente par rapport à un contenu qui est amené par un enseignant versus
les étudiants.
Donc, le conseil, à ce niveau-là, peut
effectivement écouter les... advenant qu'il n'y ait pas de règlement au niveau
du département, peut entendre les parties pour évaluer si, effectivement, c'est
un enjeu de liberté académique et, à ce compte-là, le protéger des
bénéficiaires de cette liberté académique là, plutôt que de prendre le chemin
des voies disciplinaires ou administratif, qui ne nous semble pas approprié
dans ces circonstances-là. On a vu, dans l'affaire lieutenant Duval, une
suspension qui n'aurait pas dû avoir lieu, qui aurait dû être... peut avoir une
défense, finalement, de sa situation face à des pairs, en toute collégialité,
pour justifier, finalement, les éléments d'enseignement amenés dans le cadre du
cours, là, pour lequel elle avait à intervenir. Donc, je m'arrêterais
là-dessus.
Mme McCann : Merci,
Mme Gauthier. Je veux vous amener également sur ce que vous proposez en regard
du devoir de loyauté à l'établissement. Alors, j'aimerais que vous élaboriez,
s'il vous plaît, parce que c'est une question quand
même complexe et importante, toute cette question de devoir de loyauté versus
la liberté universitaire. Pourriez-vous élaborer davantage sur la
proposition que vous nous faites et peut-être nous illustrer concrètement, là,
le vécu, là, dans les établissements?
M. Lacoursière (Benoît) : Oui, bien
sûr. Écoutez, si je peux peut-être donner quelques exemples, là, il y a... il
doit y avoir une protection, là, contre la censure institutionnelle, puis
souvent, ce qu'on a pu constater, les directions d'établissement vont se servir
de l'obligation générale du devoir de loyauté pour avoir un effet dissuasif
pour s'exprimer sur, par exemple, des enjeux de politique locale.
Je vais donner un exemple. Une enseignante est
convoquée en réunion disciplinaire parce qu'elle a critiqué l'établissement
d'un comptoir de malbouffe à la cafétéria. Un enseignant qui critique une
intention de la direction de modifier le fonctionnement ou la composition de la
commission des études est suspendu de ses fonctions. Ce sont des... et en ayant
recours aux mécanismes disciplinaires, en disant : Tu dois avoir une
loyauté à la direction. Les enseignants, les enseignantes qui, par exemple,
dans un contexte de grève étudiante, se prononcent publiquement sont rabroués
par certaines directions.
Puis là-dessus, bien, ce qu'on voit, c'est que
les décideurs, les juges ont tendance à ne pas donner plein exercice ou plein pouvoir
à la liberté académique ou, même, à la liberté d'expression, qui est pourtant
prévue aux chartes des droits et libertés, dans leurs décisions. On cite une
décision qui concerne le Syndicat des professeurs de l'Université du Québec en
Outaouais, où l'arbitre a même dit que, même si c'est dans la Loi sur l'UQ, la
liberté académique, bien, le devoir de loyauté est aussi dans le Code civil,
donc c'est égal, donc je donne préséance au devoir de loyauté.
Il faut qu'il y ait une intervention
législative. Même, à l'origine, nous, on aurait souhaité un amendement à la
charte québécoise des droits et libertés pour affirmer plus fortement le droit
à la liberté académique. Donc, c'est pour ça qu'il y a une nécessité que
l'Assemblée nationale légifère pour vraiment accorder une supériorité à la
liberté académique sur d'autres obligations, là, du droit du travail.
Mme McCann : Bien, merci, M.
Lacoursière. Puis la question, là, vous y faites allusion, la liberté
universitaire versus la liberté
d'expression, ça, c'est une grande, grande question. Peut-être, je vous
demanderais de commenter là-dessus rapidement, parce que je voudrais
donner du temps aussi à mes collègues pour vous poser des questions.
Pouvez-vous commenter rapidement sur liberté d'expression versus liberté
universitaire, avec ce que vous venez de dire, là, nous illustrer davantage?
M. Lacoursière (Benoît) : Bien, la
liberté d'expression est l'une des composantes de la liberté académique ou de
la liberté universitaire, sauf que la liberté d'expression comme telle, elle
est reconnue à la charte québécoise puis à la Charte canadienne des droits.
Mais il semblerait que les décideurs n'y accordent pas le poids qu'elle devrait
avoir.
Mme McCann : Mais le projet de loi
dont on parle, évidemment, on le sait, là, c'est sur la liberté universitaire,
académique universitaire. Et comment délimiter cette liberté académique
universitaire? Vous avez donné quelques exemples.
Dans le projet de loi, on parle, dans son champ d'activité... Est-ce que vous avez
des commentaires là-dessus?
Mme Gauthier (Christine) : Bien, en
fait, si vous me permettez, il faut être capable d'élargir, justement, cette
notion de champ d'activité. Les enjeux universitaires sont souvent
transdisciplinaires. Elle doit permettre de pouvoir juger, par exemple, de
l'intervention d'une entreprise versus la qualité de l'air, en tout respect,
dans le cadre de son travail universitaire, d'être capable de critiquer les
institutions, de critiquer son établissement, de le faire sans avoir peur de se
retrouver censuré par l'institution.
Donc, la définition de l'UNESCO, elle prévoit
ces possibilités-là de critiquer, même, les connaissances que nous avons de tous les enjeux scientifiques,
phénomènes sociaux, etc. Donc, de nous en priver ou en priver les
bénéficiaires de la liberté académique, ce serait vraiment un recul majeur. Et
c'est pourquoi nous, on invoque, là, un amendement sur la définition qui est
actuellement prévue dans le projet de loi, pour l'élargir à ce qui est
normalement, là, prévu partout au niveau international.
Mme McCann : Vous avez fait beaucoup
de propositions. Si je vous demandais quelles sont les priorités dans vos
propositions... parce que vous en avez fait 12, là. Quelles sont les priorités?
• (11 h 10) •
Mme Gauthier (Christine) : Alors, si
vous permettez de refaire notre conclusion, les amendements les plus majeurs...
C'est clair que la liberté académique doit inclure tous les aspects reconnus
par l'UNESCO, pour la définir et la
protéger. Alors, pour nous, il manque des pans importants. Il faut absolument
rendre le droit à la liberté académique supérieur aux autres obligations
juridiques des enseignantes et des enseignants. Comme l'a rappelé mon collègue,
la politique doit prévoir quels sont les groupes d'acteurs qui doivent composer
le conseil, au comité, pour assurer une représentation juste des groupes visés
puis une collégialité. Et enfin l'article 6, là, doit absolument être
abrogé ou modifié considérablement pour éviter l'intervention de l'État dans
les politiques institutionnelles.
Mme McCann : Bien, écoutez, je vous
remercie beaucoup. Et, Mme la Présidente, je vais passer la parole, je pense,
là, je regarde l'heure, là, à mes collègues et je la reprendrai, si jamais il y
a encore du temps.
La
Présidente (Mme D'Amours) : Parfait. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, à vous la parole.
Mme Foster : Merci. Il reste combien
de temps?
La Présidente (Mme D'Amours) : 6 min
30 s.
Mme Foster : Parfait. J'aurai une ou
deux questions. Juste avant vous... Bien, d'abord, bonjour. Merci pour votre
mémoire et votre apport à la commission. Juste avant vous, l'Union étudiante du
Québec, dans son mémoire, a proposé que l'article 4 du projet de loi
puisse mentionner que... comment je pourrais l'exprimer, qu'on puisse recevoir
les plaintes envers le contenu d'un cours. Donc, je voulais savoir qu'est-ce
que vous pensiez de cette proposition-là. Je serais curieuse d'entendre votre
point de vue, là, comme chargés de cours ou comme professeurs, là.
Mme
Gauthier (Christine) : Oui. Bien, nous, on a défendu, dans le cadre d'un
mémoire précédent, l'importance de la discussion collégiale en classe
avec les étudiants, de pouvoir, en tout respect, là, échanger sur des contenus
de cours. Puis c'est certain que ce sont des éléments qui peuvent faire
progresser les débats sociaux, qui peuvent être... amener des divergences
d'opinions aussi, mais c'est le propre d'un milieu universitaire que d'échanger
autour d'enjeux complexes qui ne font pas l'unanimité, mais qui méritent le
débat, évidemment, en tout respect des droits prévus à la charte, et qui ne
doit pas contenir d'insultes, ou d'injures, ou de discrimination dans les
propos.
Mais il y a beaucoup de contenus de cours qui
peuvent, comment dire, créer des situations difficiles pour certains étudiants.
Il y a des contenus de cours qui peuvent parler, par exemple, du harcèlement
sexuel en milieu de travail, sur des enjeux psychologiques, sur des enjeux de
vaccination, d'obésité, donc ce sont un ensemble de contenus de cours qui
peuvent faire l'objet de difficultés d'interprétation ou de ressenti. Alors,
c'est clair que ce qu'on invite, nous, la FNEEQ, c'est le débat en classe, de
soutenir des interventions qui permettent de faire réfléchir, dans un esprit
scientifique et académique, le débat. Bien, c'est ce que je vous répondrais
d'emblée.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je vais céder maintenant la parole au député de Saint-Jérôme.
M. Chassin : Bonjour. Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous. Je vais
essayer de poser deux questions assez courtes. D'abord, pour rebondir sur la
question de ma collègue, il y avait aussi une crainte, dans le fond, exprimée
par l'UEQ, de dire : La liberté académique et la liberté d'expression,
est-ce que ça va vouloir dire, dans le fond, que, si on garantit la liberté
d'enseigner, par exemple, un enseignant puisse... puis là, que ce soit un
professeur ou un chargé de cours, puisse ne pas respecter le plan de cours?
Est-ce que, pour vous, ça, c'est une crainte, que la liberté d'enseigner
permette, finalement, de sortir du plan de cours complètement?
Mme Gauthier (Christine) : Bien,
vas-y, Benoît.
M. Lacoursière (Benoît) : Bien, ce
n'est pas à coup de licences ou d'interdits qu'on gère la liberté académique,
hein? Moi, je n'ai pas de... On parle de professionnalisme aussi. On agit en
tant que professionnels, puis je pense qu'il faut faire confiance aux gens,
tant aux enseignants, puis aux enseignantes, puis aux étudiants puis étudiantes
qui peuvent échanger sur le contenu des cours.
M. Chassin : ...je pense comme vous, on a des libertés, on a des devoirs
et des responsabilités aussi. Puis, par curiosité, vous parliez du droit
d'apprendre, le deuxième considérant, dans le projet de loi, parle
spécifiquement d'un environnement propice à l'apprentissage. Vous, vous le
mettriez comme le droit d'apprendre de plus? Ce n'est pas suffisant, le
considérant, pour vous?
Mme Gauthier (Christine) : Pour
nous, c'est important que les étudiants... on identifie clairement les
étudiants comme étant aussi des bénéficiaires de la liberté académique, que ce
soit dans le cadre de leurs projets de recherche, que ce soit dans le cadre des
échanges que nous avons dans les salles de cours, donc... Et c'est clair que,
dans cette optique-là, c'est important de l'ajouter, c'est important de
considérer, tu sais, l'ampleur de la liberté académique et de ne pas la
restreindre à certains bénéficiaires.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Nous revenons maintenant à la ministre. Mme la ministre, il vous reste 2 min 20
s.
Mme
McCann : Oui. Bien, je suis très contente de pouvoir
revenir puis vous poser une question sur l'équité, la diversité et l'inclusion, parce que, dans notre
échange, là, avec les étudiants, c'est une préoccupation pour eux. Et je
veux vous entendre, vous, là, de votre
expérience, là, vous êtes sur le terrain... Comment concilier, de votre point
de vue, tout ce qui tourne autour de
l'équité, la diversité, l'inclusion et la liberté... versus la liberté
académique universitaire? Comment vous le voyez, là, concilié? Bon, moi, de mon point de vue, il y a des
politiques, hein, dans toutes les universités, sur l'EDI. Là, on parle d'un projet de loi sur la liberté académique
universitaire. Vous, de votre point de vue, comment concilier les deux?
M. Lacoursière (Benoît) : Bien,
écoutez, on a fait plusieurs suggestions. On a tenu plusieurs propos sur
l'équité, la diversité, l'inclusion, là, dans notre mémoire à la commission
puis aussi à la commission Cloutier. Je pense que ce
n'est absolument pas impossible de concilier les deux. Il faut le reconnaître,
il y a encore des efforts substantiels à faire en matière d'équité, diversité
et d'inclusion dans les universités, dans les collèges, ne serait-ce que, par
exemple, pour ce qui est de la représentation, là, en emploi, on pense... on
sait qu'il y a un plafond de verre, là, dans les universités, certains diraient
même un plancher collant.
Donc, il y a des efforts substantiels pour que
les étudiants et les étudiantes aussi se sentent peut-être plus accueillis, je
dirais, dans l'université. On a parlé qu'il doit y avoir des mesures de
soutien, des ressources disponibles pour les enseignants, pour les enseignantes
pour aborder les sujets sensibles, qui sont assez souvent liés à l'équité, la
diversité, l'inclusion, auxquels, donc, les enseignants, les enseignantes
pourraient avoir affaire.
Peut-être, dernière chose, puis on revient à ce
qu'on a dit, il faut nourrir les espaces de dialogue, et de débats, et de
discussions dans les universités entre les différents groupes, quels que soient
ces groupes, pour permettre, là, une meilleure harmonie dans les
établissements. Mais, disons-le, ça se passe quand même généralement bien dans
nos établissements. Il y a des dérives, il y a des éléments qui attirent
l'attention, mais, dans l'ensemble, ça va bien.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Merci, Mme la ministre. Maintenant, je cède la parole à la députée de
Marguerite-Bourgeoys pour une période de 11 minutes.
Mme David : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Bonjour à vous tous, que j'ai eu l'occasion de rencontrer en
différentes circonstances. Juste pour continuer un peu sur la diversité,
l'inclusion, l'équité, ça peut être autant un étudiant qui se sent heurté par
des propos qui toucheraient à quelque chose de sa propre diversité ou
d'inclusion, mais ça peut aussi donner lieu à ce qui est arrivé à l'Université
Laval, une chaire de recherche où il ne faut pas être blanc, de souche, de sexe
masculin.
Alors, vous voyez comme c'est complexe, parce
que ce qui est bon pour pitou est bon pour minou. Alors là, on est dans deux situations où on s'insurge
énormément sur la question de l'affichage de postes en chaires de recherche,
de candidatures, puis, en même temps, on
veut protéger des étudiants qui seraient eux-mêmes... qui se diraient victimes
de ça.
Donc, comme je le répète depuis ce matin, nous
ne sommes pas dans un projet de loi simple. Ce sont des contextes et des enjeux
extrêmement complexes. Et vous le dites, d'ailleurs, je répète la phrase que
vous dites, dès la page 3 : «Nous sommes d'avis que l'État — donc
on y est, là, ici, c'est l'État — et les entreprises privées — puis
Dieu sait qu'on en parle beaucoup dans les universités, surtout en recherche — représentent
des menaces bien plus sérieuses et réelles à la liberté académique», dans le
fond, que l'incurie, comme vous dites, des directions d'établissement. «En
conséquence, nous estimons que l'intervention législative doit être minimale et
circonscrite.» Alors, est-ce que vous trouvez qu'elle est minimale et
circonscrite, cette intervention du projet de loi n° 32?
• (11 h 20) •
Mme Gauthier (Christine) : Alors, je
peux peut-être commencer. L'intervention, elle mérite, puis on l'a mentionné,
là, elle mérite des amendements pour être certain que, justement, on n'empiète
pas sur les politiques institutionnelles. Donc, on a parlé de l'article 6,
mais, dans l'ensemble, il y a des précisions importantes et il faut absolument
s'assurer de bien baliser la définition de la liberté académique. Mais dans
l'ensemble, effectivement, la majorité des articles, là, sont plus dans
l'encadrement des devoirs et des obligations des établissements et doivent s'en
tenir à ces éléments-là, c'est-à-dire soutenir l'importance d'une politique
claire, soutenir des ressources pour les bénéficiaires de la liberté
académique, bien encadrer de quoi on parle quand on parle de liberté
académique. Et, pour nous, ça répond, justement, à ce qui est bien circonscrit.
Là où on voit des...
(Interruption)
Mme Gauthier (Christine) : J'avais
entendu un arrêt. Je m'excuse. Alors, là où on voit là où ça empiète, puis
c'est plus problématique, c'est : Est-ce qu'on peut s'ingérer dans le
contenu des politiques en indiquant les traumavertissements
ou encore en obligeant, là, la ministre à avoir un certain pouvoir sur le
contenu de ces politiques-là? Nous, on appelle à retirer ces
éléments-là.
Mme David : Vous ajoutez, à la
page 4, vers la fin de votre introduction : «La posture
gouvernementale insiste abusivement sur certaines dérives en particulier,
plutôt que sur l'ensemble des menaces, instrumentalisant de façon excessive des
revendications étudiantes dites wokes.» Alors, vous concluez : «Le projet
de loi, tel que déposé, risque fort de rater la cible et nous apparaît ainsi
inacceptable en l'état.» Alors, en quoi vous trouvez que c'est trop restrictif
et ciblé sur certains événements médiatisés, plutôt que sur l'ensemble des
dimensions qui existent depuis des siècles sur la question de la liberté
académique?
M. Lacoursière (Benoît) : Si je peux
me permettre, c'est ce qu'on a dit, puis c'est l'essentiel des premiers
amendements qu'on propose, on veut retenir... on appelle à retenir la définition
complète de l'UNESCO. Puis ce que nous, on dénonce depuis de nombreuses années,
c'est les invocations abusives du devoir de loyauté, c'est du financement
étatique ou privé dirigé vers des fins particulières, avec des contraintes, par
exemple, sur la possibilité de publier des recherches. Ça, c'est des problèmes
concrets, réels, qui datent d'il y a longtemps et qui doivent faire l'objet
d'une intervention publique.
Il y a
effectivement des rebondissements, dans l'actualité, sur des événements qui se
passent en classe, mais, comme j'ai
dit... comme on a dit un peu plus tôt, bien, ce sont des événements qui sont,
je dirais, marginaux, qui sont... qu'on doit intervenir, mais qui sont
peut-être moins importants, par rapport aux menaces que peuvent poser l'État ou
le financement privé.
Mme
Gauthier (Christine) : J'ajouterais...
Mme David : Et
effectivement... Pardon?
Mme Gauthier
(Christine) : J'ajouterais juste, comme exemple, l'obligation de
prendre fait et cause, pourquoi, pour nous, c'est important, c'est qu'on a
eu... on a vu des cas, au cours des années, dont l'affaire Maillé, où
l'établissement n'avait pas d'emblée pris fait et cause pour défendre la
doctorante face à des menaces extérieures de tiers qui voulaient l'empêcher ou
avoir recours à ses données. Et ça, c'est problématique et c'est pour ça que le
projet de loi est important mais doit permettre, donc, de s'assurer que les
établissements vont défendre la liberté académique en protégeant les membres de
leur communauté face à des recours abusifs par des tiers.
Mme David :
Et je rajouterais que le rapport Cloutier traite en long et en large de tout
ça, plusieurs pages où il nous rapporte quelles universités ont ou pas cette
question du devoir de loyauté expressément nommée. Évidemment, le SPUL est
directement visé. Louis-Philippe Lampron a écrit un mémoire qui ne sera pas...
il ne sera pas entendu, mais il a écrit un mémoire très, très précis. On sait
bien que l'Université Laval a cette question du devoir de loyauté, mais certaines
universités l'ont, d'autres ne l'ont pas. Vous pensez que ça devrait se
retrouver... que la liberté académique doit primer dans le... plutôt que le
devoir de loyauté.
On voit qu'on est
bien loin de ce qui se passe en classe, là, à ce moment-là. Et c'est ce que je
prétends, et je vais le répéter souvent, ce projet de loi là va beaucoup plus
loin que juste une situation pédagogique entre un étudiant ou des étudiants et
un enseignant. Donc, vous incluriez, si je comprends bien, cette question-là,
comme le rapport Cloutier le suggère, d'ailleurs, la question de la liberté
académique qui supplante le devoir de loyauté, vous mettriez, évidemment, la
définition complète de l'UNESCO. Ça, ce n'est pas compliqué, tout le monde le
dit. Tout le monde le dit, alors, y compris les syndicats, les étudiants, les
administrations universitaires, le 1.b du rapport Cloutier, là, dans la page V
en chiffre latin, le dit clairement, eux réclament absolument l'autonomie
universitaire, et ils sont... quand ils vont venir, demain, ils vont le dire
haut et fort. Donc, tout le monde dit : On a pris juste la partie qui
faisait notre affaire du rapport de l'UNESCO. Alors, il va falloir la remettre
au complet, l'article 27, donc, de la définition.
Prendre fait et
cause, ça aussi, ce n'est pas nécessairement dit dans le projet de loi, et
plusieurs en parlent. Plusieurs en parlent, et l'affaire Maillé, je pense,
devrait être assez instructive pour comprendre que ça peut être très pertinent.
Alors, j'insiste parce que vous parlez de choses qui sont souvent nommées par
d'autres aussi, mais qui sont très nommées dans le rapport Cloutier. Alors,
encore une fois, si on veut s'inspirer du rapport Cloutier et dire qu'il est
formidable, ce rapport-là, bien, je pense que ce que vous faites, et je
voudrais vous entendre là-dessus, vous allez chercher des choses qui ne sont
pas là, du rapport Cloutier. Est-ce que je me trompe?
M. Lacoursière (Benoît) : Bien, effectivement, on
ramène plusieurs conclusions, là, de la commission Cloutier, qui nous
semblent pertinentes. Puis c'est des choses que les larges consultations de la
commission Cloutier ont aussi permis de mettre en évidence, donc... Puis c'est
des éléments où il faut que... l'état du droit étant instable, bien, il faut qu'il
y ait une intervention législative pour venir, je dirais, rassurer, là, le
socle juridique de ces questions.
Mme David : Est-ce
que, vous qui avez, Mme Quesnel en particulier mais les autres aussi, une
longue expérience syndicale... et on a des gens aussi de d'autres syndicats qui
écoutent et qui assistent ou ils écoutent en virtuel. J'ai rarement vu une
telle unanimité, que ça soit les trois piliers qui composent ce qu'on appelle
la communauté universitaire, étudiants, enseignants, syndicats et dirigeants,
réclamer à peu près les mêmes choses, finalement. C'est pour ça que j'ose
croire, à ce stade-ci, je suis encore optimiste, que la ministre et ses équipes
entendent, ont lu tout ça et vont arriver avec des... Les propositions sont
extrêmement concrètes, les gens rédigent les amendements. Est-ce que vous
pensez que, si ces amendements-là sont tous acceptés et qu'on se colle vraiment
beaucoup plus au rapport Cloutier, on va arriver avec une loi intéressante pour
tout le monde et aussi unanime, dans le positivisme, qu'elle ne l'est en ce
moment dans le négativisme, par rapport au projet de loi?
Mme Quesnel
(Caroline) : Je vais peut-être répondre, vous m'interpelez, Mme David,
à ce sujet-là. Effectivement, il y a, autour du milieu universitaire puis des
différents corps qui la composent... ce sujet-là est discuté depuis fort
longtemps, vous le savez, vous le devinez. Et, à travers beaucoup de
discussions, bien, c'est clair qu'en ce moment se concrétise une volonté forte
qui est d'avoir une prise, dans le monde universitaire, et, je pense, on n'en a
pas parlé de manière aussi claire, mais une uniformité à l'intérieur des
universités. Elles sont toutes autonomes, il est évident. Mais, sur des sujets
aussi importants que sont la liberté académique, la liberté d'expression, qui
touchent tout le milieu et de manière très complexe, là, de la classe à la
recherche, à l'expression des individus sur le plan social, ces éléments-là
sont très importants pour nous. Si les amendements que nous proposons puis qui
sont semblables à ce que j'ai lu jusqu'à présent dans plusieurs mémoires sont
adoptés, c'est sûr que ce projet de loi là va être non seulement bien
accueilli, mais va être utile.
Mme David : Merci.
Écoutez, vous n'êtes pas les seuls. Encore ce matin, le recteur Jutras, à
Radio-Canada, disait : Il faudrait que ça passe par la Charte des droits
et libertés. Vous l'avez dit tout à l'heure. Ça, c'est comme un concept
nouveau, différent, là, on sort du rapport Cloutier. Alors, j'aurais aimé vous entendre
là-dessus. Peut-être que mes collègues prendront la relève. Merci, Mme la
Présidente.
La
Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Nous avons terminé ce bloc d'échange avec
la députée de l'opposition officielle. Maintenant, je cède la parole au
député d'Hochelaga-Maisonneuve pour une durée de 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour à vous trois. Toujours un plaisir de vous voir. Je suis content de lire... beau mémoire, d'ailleurs. Je suis
content de lire votre recommandation n° 10 sur la question des
traumavertissements. C'est vraiment quelque chose que j'ai trouvé étonnant,
pour ne pas dire étrange, dans la proposition du gouvernement, d'interdire
l'obligation des traumavertissements, parce que je me suis demandé, là :
J'ai-tu manqué un épisode ou je n'ai pas vu une file d'attente de gens qui
réclamaient, tu sais, l'obligation des traumavertissements un peu partout, tu
sais? Est-ce que je me trompe? J'ai manqué un épisode? Est-ce qu'il y a des
gens et des groupes organisés qui réclament ça, l'obligation de
traumavertissement, partout?
• (11 h 30) •
Mme
Gauthier (Christine) : Bien, c'est clair que ce n'est pas... on l'a
entendu, mais ce n'est pas des associations étudiantes nationales. Mais
c'est clair que la question du traumavertissement, c'est très difficile à
baliser, c'est-à-dire, comment prévoir le fait qu'un contenu de cours peut
individuellement déranger ou créer un impact négatif sur la personne? Puis je
vous mentionnais des exemples qui... Nous, on est beaucoup au-delà, aussi, des
sciences humaines et sociales. On en a, des
exemples, en biologie, en géographie, où la présentation de cartes avec des
mots qui sont utilisés dans certains pays peuvent soulever aussi des
aspects négatifs. Ça fait que ce qu'on dit, c'est que ça appartient à la
liberté académique des enseignants, des enseignantes. Si certains souhaitent le
faire en considérant les contenus de cours qui sont abordés, ils et elles
peuvent le faire.
Cela dit, si on en force l'obligation, bien, on
va avoir la difficulté de comment on aborde, là. Bien là, la personne, elle a...
le chargé de cours n'a pas, par exemple, cette obligation-là dans son plan de
cours. Or, on a parlé d'obésité, or, je me reconnais dans ce groupe-là, et ça
me dérange. Bref, vous voyez un peu la difficulté, là, autour de cette
obligation-là, donc, mais je suis d'accord avec...
M. Leduc : ...ce n'est pas juste la
question, donc, du fameux mot en n, là. Vous parlez des questions d'obésité,
par exemple, des violences à caractère sexuel. J'avais l'impression qu'on
faisait un peu une mauvaise presse au concept de traumavertissement, qui, en
effet, peut être fort adéquat dans toutes sortes de situations et qui, si je
comprends bien, est déjà une pratique plutôt bien utilisée, autant, j'imagine,
au cégep qu'à l'université.
M. Lacoursière (Benoît) : Bien, à
vrai dire, c'est ça, c'est que c'est une pratique pédagogique puis ça doit
relever de l'aspect pédagogique. On ne voit pas non plus la place que ça
devrait avoir de l'obliger ou d'interdire l'obligation dans le cadre d'un texte
législatif.
M. Leduc : Vous avez évoqué, dans
votre présentation, là, qu'il y a... le fait qu'il y a plusieurs directions qui
hésitent à soutenir leurs chercheurs, leurs professeurs lorsqu'ils sont
poursuivis ou... bon. Pourquoi ils hésitent? Est-ce que c'est la question de la
mauvaise presse?
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
suis désolée...
M. Leduc : C'est déjà fini?
La Présidente (Mme D'Amours) : Oui,
c'est déjà terminé.
M. Leduc : À une prochaine fois,
alors. Bonne journée.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je cède maintenant la parole à la députée de Gaspé pour une période de 2 min 45
s.
Mme Perry Mélançon : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Ça me fait plaisir de vous voir, ce matin, parce que je vous ai lus avec beaucoup d'intérêt.
J'aimerais commencer... justement, dans le tout début de votre mémoire,
vous nous amenez sur un terrain que... sur lequel on s'est penchés, nous aussi,
dans ma formation politique, et j'aimerais vous entendre sur la question de
l'étendre, le projet de loi, au réseau collégial. J'aimerais savoir, selon
votre expérience, qu'est-ce que vous vivez sur le terrain, est-ce qu'on est
plus dans la prévention de ce genre de cas là ou est-ce qu'on le vit,
actuellement, ce type d'autocensure ou d'enseignants qui sont critiqués pour
leur façon d'aborder leurs cours?
M. Lacoursière (Benoît) : Bien,
écoutez, effectivement, oui, il y a... il peut y avoir ce genre de phénomène,
mais les questions relatives, par exemple, au financement de la recherche, il y
a des centres collégiaux de transfert de technologie, dans les cégeps, où il y
a des partenaires privés dans les projets, il y a des enjeux de recherche. Les
exemples que j'ai évoqués, quant à l'utilisation du devoir de loyauté, sont
aussi présents dans le réseau collégial depuis bon nombre d'années.
Au Québec, on juge que les cégeps appartiennent
à l'enseignement supérieur. Bien, écoutez, on est dans l'ordre de l'enseignement supérieur ici, donc il ne
devrait pas y avoir de différence. Comme la loi sur... visant à prévenir les
violences à caractère sexuel s'appliquait à l'ordre collégial, bien, de la même
façon, on estime que ça devrait s'appliquer à l'ordre collégial, la liberté
académique.
Mme Perry
Mélançon : Donc, autant l'enseignement que la recherche, de ce que je
comprends, devraient être assujettis, là. Et, selon vous, est-ce que... si on y
apporte les amendements proposés dans votre mémoire, est-ce que ce projet de
loi là pourrait s'appliquer dans... de cette façon-là ou est-ce qu'on devrait
faire les travaux en amont, un peu comme la commission Cloutier? Est-ce qu'on
doit revoir, dans un environnement plus collégial, comment l'appliquer, ou ça
pourrait être fait directement dans ce projet de loi là?
M. Lacoursière (Benoît) : Je pense,
comme la loi... l'ancien projet de loi n° 151 sur les violences à caractère
sexuel, on a une mécanique qui se ressemble. Nous, on l'a défendu, devant la
commission Cloutier aussi, que ça devait s'appliquer à l'ordre collégial. Je
pense qu'il y a un consensus là-dessus aussi.
Mme Perry Mélançon : Très bien,
merci. Combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme D'Amours) : 30 secondes.
Mme Perry Mélançon : 30 secondes.
Est-ce que... On a entendu l'Union étudiante du Québec qui demandait à ce que
la communauté étudiante soit présente sur le conseil qui sera formé. À votre
avis, est-ce que c'est une bonne recommandation?
Mme Gauthier (Christine) : Oui, nous
sommes d'accord avec cette recommandation-là. C'est un conseil qui doit être
représentatif des groupes de la communauté universitaire, mais aussi en
fonction de leur importance. Donc, pour les
personnes chargées de cours, nous pensons que c'est important qu'ils soient
largement présents sur ce conseil-là, les étudiants, les professeurs,
bien sûr, et d'autres membres du personnel, là, impliqués.
Mme Perry Mélançon : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
vous remercie pour votre contribution à nos travaux, chers invités.
La commission suspend ses travaux jusqu'après
les affaires courantes. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 35)
(Reprise à 15 h 34)
La Présidente (Mme D'Amours) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend
ses travaux.
Nous poursuivons les auditions publiques dans le
cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 32, Loi sur
la liberté académique dans le milieu universitaire.
Avant de débuter, est-ce qu'il y a consentement
afin que la députée de Huntingdon remplace la députée d'Abitibi-Ouest cet
après-midi? Est-ce que j'ai le consentement?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme D'Amours) : Consentement.
Merci. Cet après-midi, nous entendrons la Centrale des syndicats du Québec, la
Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université et
M. Alexandre Cloutier, président de la Commission scientifique et
technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le
milieu universitaire.
Je souhaite
maintenant la bienvenue à l'enseignement universitaire du Québec et... Je n'ai
pas dit le titre au complet, parce que mon écran ne me le donne pas, je
vais reprendre ma feuille : Centrale des syndicats du Québec. Et je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi
nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je
vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à
vous.
Centrale des syndicats
du Québec (CSQ)
M. Beaucher (Vincent) : Oui. Donc,
bon après-midi. Je m'appelle Vincent Beaucher, je suis président de la
Fédération de la recherche et de l'enseignement universitaire du Québec. Je
suis accompagné de Catherine Huart qui est conseillère politique à la CSQ.
Donc, dans le cadre des travaux du projet de loi
n° 32, la Fédération de la recherche et de l'enseignement universitaire du
Québec, qui est une fédération de la CSQ, a produit un mémoire. Le mémoire
contient 13 recommandations, et on les reprend ici avec de brèves
explications.
La recommandation n° 1 :
Ajouter, après l'article 1... en fait, à l'article un, après les termes
«liberté académique universitaire», les mots «telle que reconnue à la
définition de l'UNESCO». À l'égard de plusieurs acteurs du milieu universitaire,
dont certains sont présents lors de ces audiences, il nous apparaît opportun de
miser sur une définition qui fait consensus, depuis plusieurs années, et dont
l'intégration dans la loi serait un ajout significatif qui permettrait, en
outre, de dissiper les questionnements et également aussi de légitimer la loi.
Recommandation n° 2 : Ajouter, à l'article 3 du projet de loi, une
mention voulant que la liberté académique puisse
inclure la critique des modes de gestion des décisions administratives et des
orientations de l'institution d'attache des membres de la communauté
universitaire. Cette recommandation découle de la première recommandation, en
fait... donc, avec la définition de
l'UNESCO. À l'intérieur d'un cadre légal qui est déjà en place et qui ne
permettrait pas, par exemple, la diffamation, il nous apparaît très
sain, sinon attendu, que les universitaires puissent critiquer leur institution
sans peur de représailles. En d'autres mots, la liberté académique doit
prévaloir sur le devoir de loyauté. Selon nous, il s'agit d'un des piliers de
l'université avec un grand U.
Recommandation n° 3 :
Inscrire, en préambule du projet de loi, que le principe de collégialité se
trouve au coeur de l'université québécoise.
Ici aussi, il nous apparaît essentiel que le gouvernement reconnaisse une des
particularités de l'université, à savoir qu'il s'agit d'une institution dont la
pérennité et l'évolution sont le fruit d'une réflexion, de discussions et de
débats en communauté. Si, historiquement, cette communauté se voulait davantage
savante, elle regroupe aujourd'hui
l'ensemble des acteurs d'une université qui travaillent en collégialité pour le
bénéfice de celle-ci. L'inscrire dans la loi serait avisé.
Modification... bien, en fait, recommandations n° 4 et n° 5, soit de modifier
l'article 4 du projet de loi afin que celui-ci prévoie que le comité, ce
qu'on appelle, dans le projet de loi, «le conseil», soit le maître d'oeuvre de
l'élaboration de la politique institutionnelle sur la liberté académique et que
ce comité soit celui qui détermine les mécanismes de consultation de la
communauté universitaire à cet égard. Donc, en fait, par rapport à
l'élaboration de la politique institutionnelle, nous croyons, dans un objectif
de sensibilisation, d'éducation et surtout de recherche de cohésion, que la
constitution des comités sur la liberté académique devrait être préalable à la
rédaction, l'adoption et la mise en oeuvre d'une politique sur la liberté
académique dans chaque institution. Ainsi, au lieu que ce soit la direction de
l'université qui rédige et fasse cheminer une telle politique, nous sommes
d'avis que le comité pourrait être d'abord créé, puis que celui-ci aurait le
mandat de consulter la communauté universitaire et d'en arriver avec une
politique qui répond à la fois à la loi et aussi aux attentes des acteurs
locaux.
Notre sixième recommandation va à l'effet qu'à
l'alinéa 1° de l'article 4, après les termes «la composition d'un
conseil», il faudrait détailler la composition de ce conseil ou du comité que
l'on voudrait comme multicatégoriel. Notre recommandation parle d'elle-même,
nous la proposons dans le but d'assurer une réelle représentativité de tous les
acteurs dans chacune des universités du Québec. Elle est cohérente avec notre
précédente recommandation et aussi avec notre vision selon laquelle la liberté
académique est l'affaire de tous, tant du point de vue de son application que
de sa promotion.
Recommandation n° 7 :
Intégrer au projet de loi l'obligation des établissements de voir à la mise sur
pied d'une formation obligatoire pour les gestionnaires de tous les paliers, ce
qui inclut les directions départementales et facultaires, ainsi que les
conseils d'administration. Les dirigeants universitaires, à tous les niveaux,
sont nombreux et changent régulièrement. Or, ce sont eux qui ont la lourde
tâche de s'assurer que les règlements, les politiques et aussi les conventions
collectives soient bien appliqués. La liberté académique étant fondamentale à
la mission universitaire, il nous apparaît primordial que les dirigeants en
aient une bonne compréhension et en reconnaissent les implications. Une
formation disponible à tous et en permanence assurerait donc un cadre commun de
langage au bénéfice d'une meilleure promotion et d'une meilleure reconnaissance
de la liberté académique.
• (15 h 40) •
Recommandation n° 8 :
Que l'alinéa 5° de l'article 4 soit modifié afin que soient ajoutés,
après les mots «la mise en place», les mots «et le financement adéquat». Si le
gouvernement juge assez important de légiférer sur la liberté académique, nous
croyons qu'il doit offrir un financement conséquent afin de s'assurer que
toutes les institutions universitaires fassent leurs devoirs et que l'argent ne
soit pas une raison ou une excuse pour tourner les coins ronds. Ce financement
supplémentaire et pérenne serait considéré comme une preuve d'engagement du
gouvernement dans ce dossier qualifié de capital par le premier ministre
lui-même, avec raison.
Recommandation n° 9 :
Retirer tout simplement l'article 6 du projet de loi en raison de son
incohérence avec l'ensemble des dispositions et des principes qui y sont
amenés. À l'instar de plusieurs autres acteurs du milieu universitaire, nous
jugeons que cet article va à l'encontre de l'esprit même du projet de loi et
qu'il soulève réellement un enjeu de cohérence interne. D'autre part, il est
contradictoire avec les principes mêmes qui donnent corps à la liberté
académique, soit les notions d'autonomie, de collégialité et, plus largement,
de communauté. De fait, il est contradictoire aux principes que le gouvernement
cherche à protéger dans le contexte actuel.
Recommandation n° 10 :
Inscrire la reconnaissance de l'expertise disciplinaire du personnel enseignant
non professoral et des professionnels et professionnelles de recherche dans le
projet de loi. Il s'agit pour nous d'un principe fondamental au fonctionnement
et au rayonnement de toute institution universitaire. L'expertise disciplinaire
de nos membres, à savoir des chargés de cours et des professionnels de
recherche, est au coeur de leurs fonctions d'enseignement et de recherche au
sein des universités. Malgré cela, nos membres doivent bien souvent faire face
à un certain manque de considération de leur
statut, que ce soit par les étudiants, mais aussi de la part d'autres
personnels de la communauté
universitaire. Une reconnaissance de leur expertise viendrait nécessairement
influer de manière positive la place occupée par la liberté
universitaire dans une classe, dans un département et dans l'institution
elle-même.
Recommandation n° 11 :
De manière complémentaire à l'adoption du projet de loi, prévoir une commission
parlementaire portant sur l'enjeu précis de la précarité à l'emploi au sein des
universités du Québec, en accordant une attention particulière aux effets des
différents statuts d'emploi sur la liberté académique, notamment. Il apparaît
fondamental de reconnaître que le modèle universitaire actuel produit des
statuts de seconde classe où l'autonomie professionnelle et la liberté
académique sont régulièrement menacées, voire sacrifiées. Le coût de ces
sacrifices ne peut être que néfaste pour le développement et le rayonnement des
universités québécoises.
Concrètement, et pour les
personnes concernées, les impacts d'une non-reconnaissance de leur autonomie
professionnelle et d'une non-valorisation de leur liberté académique peuvent
prendre différentes formes : autocensure, décision de ne plus enseigner
certains cours ou sujets sensibles, refus de postuler pour de nouvelles charges
de cours, acceptation de comportements déplacés pour ne pas déranger à cause du
statut précaire, etc. Nous sommes d'avis qu'en continuité du chantier de l'université du futur le Québec est mûr pour
une réflexion élargie sur le milieu universitaire du XXIe siècle
et, entre autres, sur la place qu'y occupent les différents acteurs de ce
moteur social et économique que sont les universités.
Cette proposition de réflexion élargie nous
amène à nos deux dernières recommandations, à savoir que le gouvernement adopte
une loi-cadre sur les universités, dont l'objectif serait de définir les
assises du contrat social entre les universités et la société québécoise, et le
cadre de référence entre les universités et l'État, et que cette loi-cadre soit
rassembleuse et qu'elle inclue, entre autres, la mission de l'université
québécoise ainsi que les principes fondamentaux et les moyens pour les mettre
en oeuvre. Son élaboration devra résulter d'un véritable exercice démocratique
axé sur la collaboration et la concertation entre les membres de la communauté
universitaire, les citoyennes et les citoyens et le gouvernement.
En conclusion, il nous apparaît important de
mentionner que l'intention du gouvernement de légiférer sur la liberté
universitaire s'avère une avancée significative pour la Centrale des syndicats
du Québec et la Fédération de la recherche et de l'enseignement universitaire
du Québec. Bien qu'il reste quelques éléments à bonifier, pour en faire une
référence en la matière et un texte législatif concrètement viable, les
événements qui ont conduit à ce projet de loi et les données, recueillies de
part et d'autre depuis quelques mois, démontrent la pertinence de réitérer
l'importance suprême de la liberté académique en contexte universitaire. Nous
vous remercions de votre écoute.
La Présidente (Mme D'Amours) : Maintenant,
nous allons commencer la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à
vous pour 16 min 30 s.
Mme McCann : Merci, Mme la
Présidente. Alors, je veux vous remercier, M. Beaucher, Mme Huart aussi, d'être
présents aujourd'hui puis d'avoir élaboré le mémoire que vous nous avez
transmis. C'est important, vous représentez beaucoup de monde et vous avez fait
13 recommandations.
Je vous pose la première question. Vous l'avez
dit, mais je veux vous l'entendre confirmer, ce que je comprends de votre
position, c'est que vous êtes certainement en faveur d'un projet de loi, mais
vous demandez des modifications au projet de loi. C'est bien ce que j'ai
compris de votre position?
M. Beaucher (Vincent) : Effectivement.
Depuis qu'il en est question, même avant la proposition, là, du projet de loi
que vous avez fait, nous, on était d'avis que c'était positif d'aller dans
cette direction-là. Vous avez déposé un projet
de loi, que nous jugeons, dans son ensemble, intéressant, mais maintenant il y
a effectivement certaines modifications qui, comme d'autres vous l'ont
mentionné également, bonifieraient assurément le projet de loi.
Mme McCann : Oui, vous suggérez
évidemment de reprendre la définition de l'UNESCO. Ça nous a été dit par les
précédents interlocuteurs, et effectivement on voit que votre position est la
même. Est-ce que vous pouvez nous identifier les éléments qui sont
particulièrement importants pour vous, dans la définition de l'UNESCO, et qui
ne sont pas dans le projet de loi?
M. Beaucher (Vincent) : L'aspect le
plus important, là, sans aller sur les mots, là, dans la définition, je pense,
c'est vraiment l'idée qu'un universitaire a la possibilité, sans peur de représailles,
de pouvoir critiquer des positions de son institution et également, aussi, des
positions peut-être scientifiques, mais également au niveau de la gestion de
l'université en tant que telle. Donc, cet aspect-là de la loi... pas de la loi,
mais de la définition de l'UNESCO nous apparaît très important. Et, comme on
l'a mentionné, pour nous, cette idée, de pouvoir participer activement, donc, à
la gestion entre autres des universités, fait partie de ce qu'est une
université.
Mme McCann : Merci. La question
aussi que j'ai pour vous, parce que vous êtes évidemment branchés sur le terrain, là, de par vos membres : Pourquoi
vous jugez qu'un projet de loi c'est nécessaire? Quelle est votre lecture de
l'état de situation actuel, en général, dans les universités, concernant la
protection de la liberté académique universitaire?
M. Beaucher (Vincent) : Quand les
événements sont arrivés, au printemps 2021, qui ont précipité finalement,
là, votre désir de mettre sur pied, par exemple, la commission, outre ce qu'on
avait vu dans les médias, ce n'est pas quelque chose qu'en tant que président
de fédération ou en tant que président de syndicat... parce que c'est un
chapeau que je porte également aussi, ce n'est pas quelque chose qu'on avait
vraiment beaucoup entendu parler.
Pour me nourrir un peu, j'ai sondé les membres
de mon syndicat de chargés de cours à l'Université de Sherbrooke et j'ai été
vraiment surpris d'apprendre que sur, par exemple, les 400 répondants, au
petit sondage que je leur avais fait parvenir, donc, déjà là, il y avait un
taux de réponse assez élevé, j'en avais une centaine qui m'affirmaient
s'autocensurer à divers degrés ou s'être déjà autocensurés à divers degrés dans
leur enseignement. Je n'avais jamais entendu parler de ça, et là, tout d'un
coup, cette réalité-là, qui était... je ne dirais pas cachée, mais qui n'était
pas nécessairement au grand jour, existait. Moi, c'est quelque chose qui me
préoccupe beaucoup.
Donc, le projet de loi, je ne le vois pas tant
comme un élément où est-ce qu'on veut s'assurer de pouvoir punir des comportements qui ne seraient peut-être pas
l'idéal à l'université, mais vraiment comme un pas pour la réaffirmation
de l'importance de la liberté universitaire dans les
universités... bien, de la liberté académique dans les universités, excusez-moi, et qui doit s'accompagner d'une
promotion de cette liberté académique là, d'une éducation sur son
importance pour les universités et, plus largement, pour notre société
démocratique. Donc, c'est pour ça que je pense qu'un projet de loi est
important, parce que ça a une valeur qui est définitivement plus que, par
exemple, un énoncé pourrait avoir.
• (15 h 50) •
Mme McCann : Oui. D'ailleurs, M.
Beaucher, vos recommandations tournent beaucoup autour du rôle et du mandat...
une partie de vos recommandations tournent beaucoup autour du rôle et du mandat
du conseil, hein, qui est prévu à l'article 4. Alors, moi, j'aimerais vous
demander un peu plus votre opinion sur le rôle et les fonctions du conseil. Comment
vous voyez ça concrètement, là? Parce qu'on nous dit, dans les
universités : C'est déjà traité. Les universités nous disent : C'est
déjà traité. Pour certaines d'entre elles, là, c'est déjà traité dans des
départements. Nous, évidemment, dans le projet de loi, on amène un conseil, on
pense que c'est une instance qui est en recours, là, après les départements,
mais vous, là, votre vision du fonctionnement, là, du conseil, son rôle
aussi...
M. Beaucher (Vincent) : Donc,
je pense qu'à cet égard-là il est très pertinent de retourner au rapport de la
commission Cloutier. Il y a beaucoup d'éléments là-dedans qui expliquent ce que
pourrait faire... en fait, ce que devrait faire un conseil ou un comité dans
les universités. Et vous mentionnez également aussi, bon, son rôle par rapport
aux départements, etc. Je pense qu'effectivement il y a beaucoup... S'il y a
des situations dites mineures ou quelque chose qui se passe dans notre
département, ça peut se régler à cet endroit-là. Après ça, peut-être que le
comité, sur un aspect plus, comment je pourrais dire... pour régler des
situations problématiques, pourrait jouer un rôle, là.
Mais sinon toute la question de la promotion de
la liberté académique sur un campus devrait revenir à ce comité-là. Les
formations dont il est question dans notre mémoire devraient faire... relever
de ce comité-là, et ça devrait être une instance de médiation lorsqu'il y a des
situations particulières qui sont relevées. Donc, j'ai... et on le voit
également aussi comme un outil qui va faire en sorte que les différents
acteurs, au sein même d'une communauté universitaire, vont se rallier à la
liberté académique et à son importance, donc vraiment sur le terrain. Et, au
lieu que ce soit une responsabilité d'une direction d'université, bien, on...
finalement, on remet ça un peu dans les mains de la communauté, et ça, on pense
qu'il y a une valeur ajoutée à prendre ce chemin-là.
Mme McCann : Et je note... oui,
madame, vous vouliez intervenir?
Mme Huart (Catherine) : Bien,
simplement ajouter, d'ailleurs, qu'on... ce qu'on recommande aussi, c'est que
ce soit le comité qui voie à l'élaboration de la loi, puis c'est... de la
politique interne, pardon. Puis ça, c'est assez important, pour nous, pour
encore une fois se distancier de cette approche-là où tout vient du haut,
finalement, là, en bon français, «top-down», donc, pour nous, c'est assez
fondamental, puis aussi pour s'éloigner des logiques punitives qu'on a vues
quand même se mettre en place à différentes occasions, là.
Mme McCann : Merci. D'ailleurs,
vous l'avez répété deux fois, là, vous parlez de mesures de sensibilisation et
d'information, vous semblez insister beaucoup là-dessus, puis c'est dans le
projet de loi d'ailleurs, et la mise en place aussi d'outils pédagogiques et de
ressources pour assurer la promotion et le respect de la liberté académique.
Puis il y a même un service-conseil, là, qu'on a inscrit dans la loi. J'imagine
que ça va dans le sens de votre vision, là. Est-ce que vous voudriez élaborer
davantage sur ces objets?
M. Beaucher (Vincent) : Bien,
comme vous l'avez dit, ça va dans le sens qu'on cherche, qu'on vise. Nous, on
pense qu'il y a une... Des fois, on prend pour acquis, par exemple, si on prend
les étudiants ou même des... différents personnels,
que la liberté académique, c'est connu, c'est compris, c'est partagé, etc.
C'est peut-être des éléments, en fait, sur lesquels il faudrait mettre
un peu plus d'efforts, et qui pourraient donner des fruits assez rapidement, et
justement qui nous permettraient de ne pas
s'en aller dans une direction où est-ce qu'il y aurait des chocs, finalement,
là, entre diverses positions. Si, par exemple, des... les étudiants comprennent
bien qu'est-ce que c'est, aller à l'université et pourquoi que la liberté
académique, c'est important... Donc, nous, oui, effectivement, c'est ces
aspects-là qu'on retrouve dans le projet de loi, on est d'accord avec ça.
Mme McCann : Bien, vous faites
allusion à quelque chose qui est quand même très important. On a rencontré
l'Union étudiante du Québec ce matin, là. Et effectivement vous dites qu'il
faut bien comprendre qu'est-ce que c'est, la liberté académique universitaire,
où est-ce que ça se situe. Et je disais d'ailleurs, ce matin, que même un
étudiant peut faire une plainte dans le cadre, là, du conseil, en regard de la
liberté académique universitaire, puis je pense que ça, ça n'avait peut-être
pas été complètement compris, là. Et je peux comprendre pourquoi là, ce n'est
peut-être pas complètement explicite dans le projet de loi.
Et il y a toute la question aussi de l'équité,
la diversité, l'inclusion. C'est quand même un domaine différent, mais il y a
quand même des liens dans le vécu, hein, on se comprend. Et il y a peut-être
une inquiétude, du côté des étudiants, que l'équité, la diversité, l'inclusion,
il y ait un impact par rapport à toutes ces questions. Vous, vous voyez ça
comment? La liberté académique... (panne de son) ...ces préoccupations au
niveau de l'équité, de la diversité, l'inclusion, parce que, dans les
universités, chacune a une politique, là, sur ces questions-là.
M. Beaucher (Vincent) : Bien,
nous, on pense que c'est des thématiques qui peuvent être abordées en classe.
Et moi, je serais beaucoup plus enclin à ce que, lorsque des étudiants ont des
malaises, des appréhensions ou des questionnements sur ce
genre de sujets là... Bien, en fait, nous, ce qu'on ne veut pas, c'est que, par
exemple, le conseil soit le premier
réflexe : Je vais aller voir cette instance-là et porter plainte. Dans un
premier temps, nous, on pense qu'il
faut que ça passe par la classe ou encore peut-être en privé avec l'enseignant,
pour en parler de ces sensibilités-là. Mais, je réitère, c'est important
de comprendre que, quand on vient à l'université, ce n'est pas forcément pour
se faire confirmer dans ses croyances, dans ses visions, mais c'est pour venir
en parler, voire en débattre, les mettre au jeu et, après ça, en sortir grandi,
collégialement.
Mme McCann : Excellent.
Merci. Puis je termine par une question puis je vais passer la parole à mes
collègues. Si je vous demandais, vous avez 13 recommandations, quelles
sont les prioritaires pour vous?
M. Beaucher (Vincent) : Nous,
on pense que d'y aller avec la définition complète de l'UNESCO, c'est quelque
chose qui n'est pas compliqué, qui devrait se faire. Y aller avec ça ferait en
sorte que la question du devoir de loyauté versus la liberté académique serait...
si ce n'est pas réglé, du moins on s'y attaquerait adéquatement. Et bien, là,
ça en regroupe plusieurs, là, mais nous, l'aspect collégial, là, si on veut,
c'est quelque chose, là, sur lequel on mise beaucoup. Puis finalement je
mentionnerais peut-être que la question de l'article 6 est... ce n'est pas
nécessaire dans sa forme actuelle. Et le gouvernement et la ministre a d'autres
chemins, là, si on veut, là, pour faire voir... faire valoir un point de vue
aux institutions, s'il y a un manquement quelconque.
Mme McCann : Bien, je vous
remercie beaucoup. Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme D'Amours) : Merci. Je vais céder la parole à Mme la députée de
Charlevoix—Côte-de-Beaupré pour 3 min 40 s.
Mme Foster : Bien, merci beaucoup,
merci à vous. C'était très intéressant comme présentation. Je sais qu'il y a
toujours beaucoup de travail derrière ces mémoires présentés en commission
parlementaire. Donc, merci.
J'aurais une petite question, premièrement, sur
les recommandations que vous nous faites à l'article 4. Là, dans le fond,
je veux juste être certaine de bien comprendre, concrètement, ce que ça
donnerait. Vous recommandez que ce soit le conseil qui détermine les mécanismes
de consultation et l'élaboration de la politique. Parmi la composition du
conseil, vous voudriez qu'on ajoute, bon, une longue liste de personnes membres
de la communauté universitaire, vous citez en dernier les directions de
départements et de facultés, et autres gestionnaires. Bon, si on lègue à un conseil
les mécanismes de consultation, l'élaboration de la politique, comment se fait
l'arbitrage à travers tout ça? Et mon autre question : L'article 5,
est-ce que vous remettez en question le fait qu'il y ait un responsable de la
liberté académique ou, ça, vous êtes corrects avec ça?
• (16 heures) •
M. Beaucher
(Vincent) : Si je prends d'emblée la question de
l'article 5, nous, on serait à l'aise avec ça. Il y a déjà, dans
les universités, là, quelques personnes qui ont des rôles particuliers qui
ressemblent, là, à celui-là, qu'on parle de l'ombudsman, ou etc. Donc, ça, on
serait d'accord avec l'idée.
Et, concernant la composition, donc, vous parlez
de l'arbitrage, c'est ça? Donc, l'arbitrage à l'intérieur, je vous dirais
qu'ultimement il y aurait toujours la question de pouvoir passer au vote, là.
Donc, il y aurait ça à l'intérieur d'un comité, mais, de façon générale, pour
être sur plusieurs comités universitaires, je vous dirais qu'on finit toujours
par trouver, là, un terrain d'entente qui va faire en sorte que ce qui doit
aller de l'avant va de l'avant. Après ça, est-ce qu'on pourrait, par exemple, voir
la personne responsable de cette politique-là comme étant une espèce de,
comment je pourrais dire... je ne veux pas
aller vers le droit de veto, là, mais vers l'espèce de sage, là, si on veut,
puis... du comité, comme... donc, ce serait à voir, je dirais.
Mme Foster : Dans le fond, votre
peur, c'est peut-être les...
Une voix : ...
Mme Foster : Oui? Ah! je pensais que
tu avais parlé. Désolée.
Donc, dans le fond, votre peur, c'est un peu
que, si on laisse au... bon, à la direction, là, de l'université, que ce soit
un peu l'approche, excusez-moi l'anglicisme, «top-down». Donc, vous voudriez
vraiment que ce soit le conseil qui puisse avoir davantage de pouvoirs pour
l'élaboration... bon. O.K. Bien, je suis le raisonnement, là, mais je me demandais
juste comment vous voyiez l'arbitrage dans tout ça. Parce que, si ça ne
s'entend pas sur la composition, sur l'élaboration de la politique, sur la
version finale de la politique, qu'est-ce qu'on en fait et qui tranche? C'est
un peu ça, là, ma question, au final, là.
Donc, vous dites que ça pourrait être, au final,
le responsable de l'établissement, le responsable de la liberté académique.
La Présidente (Mme D'Amours) :
...secondes, M. Beaucher.
M. Beaucher (Vincent) : On pourrait
le voir de même. Oui?
La Présidente (Mme D'Amours) : En 25
secondes, M. Beaucher.
M.
Beaucher (Vincent) : En 25 secondes. Ça pourrait être une voie à
utiliser. Honnêtement, je pense qu'il y aurait une réflexion à y avoir.
Il y a peut-être également aussi, là, des us ou des moeurs, là, dans
différentes institutions, là, qui pourraient répondre à cette question-là, mais
ce serait une réflexion à mener plus loin.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Merci. Maintenant, je cède la parole à la députée de
Marguerite-Bourgeoys pour une période de 11 minutes.
Mme David : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Bonjour. Bonjour à vous. Merci de votre mémoire.
Écoutez, il y a, j'ai calculé ça, et ça ne me
rajeunit pas, mais, il y a 41 ans, je donnais ma première charge de cours au
baccalauréat en psychologie. J'avais 26 ans, 25, 26 ans. J'étais terrorisée,
littéralement, parce qu'il y avait 200 étudiants dans un cours de bac, vous
savez ce que c'est, et j'enseignais les troubles de santé mentale, la
psychopathologie. Alors, c'était très couru, évidemment, comme cours. Et je
pense que, bien avant que ce soit nommé, cette question de sensibilité, de ne
pas blesser les étudiants, bien, j'avais des étudiants paniqués constamment
devant moi. Pourquoi vous pensez? C'est
comme des étudiants en médecine, ils se retrouvaient dans toutes les
pathologies que j'enseignais. Alors,
c'était trouble anxieux, trouble dépressif, trouble périnatal, trouble sur le
spectre de l'autisme, schizophrénie, nommez-les, Asperger, enfin,
borderline, tout le monde se voyait là-dedans. Donc... trouble de
l'attachement, etc.
Alors, dans
le fond, je réfléchis à ça, puis je vais aller à ma question sur votre
minisondage interne, là, je me suis... est-ce que je me suis
autocensurée ou j'ai été dans la délicatesse de dire : Je vous avertis — un
traumavertissement, comme on dit — vous allez vous retrouver dans tout.
C'est normal, mais, s'il y a des choses qui vous angoissent vraiment plus, venez
me voir. Parce que, quand tu étudies en psycho, souvent, tu peux avoir toi-même
des inquiétudes par rapport à ta santé mentale, ou être passé à travers des
choses très difficiles, ou vivre encore des choses très difficiles. Donc, j'y
étais... je m'aperçois que j'y étais, en plein dans cette question de
sensibilité. Alors, diversité, inclusion, bien, la santé mentale en est une,
forme de diversité.
Donc, vous, vous avez dit : Pourquoi...
alors que beaucoup de monde, là, 40 %, vous avez dit, je pense, ou
60 % ont affirmé s'autocensurer, j'aurais probablement été dans vos
répondants qui a dit : Bien oui, je m'autocensure. Ça dépend comment vous
avez posé la question, mais je fais très, très, très attention à ce que je dis.
Alors, je
vous pose la question : Est-ce que vous vous êtes demandé pourquoi ils se
censuraient? Est-ce qu'il y avait des modalités de réponse? Première
question. Et deuxième : En quoi, le projet de loi va changer quelque chose
à ça?
M. Beaucher (Vincent) : Concernant...
Bien, juste peut-être pour préciser, là, en fonction des chiffres que je vous
ai présentés, dans mon cas, c'était à peu près le quart, là, je vous dirais, ce
qui est quand même assez assez élevé, là. Et
donc ça peut différer, là, d'un milieu à l'autre, là. Mais, sur les raisons,
donc c'était ça qui était demandé, je pense, en fait, il y a... des fois, ça va être une dynamique de groupe qui va
s'installer et donc... ou qu'on a peur que ça s'installe. Donc, c'est
pour ça, par exemple, qu'on va s'autocensurer. On va s'autocensurer parce que,
par exemple, particulièrement dans mon université, à Sherbrooke, on a beaucoup,
beaucoup, beaucoup de nos membres qui sont précaires, donc en période de
probation. Et ce que ça implique, c'est qu'elles pourraient, tout simplement,
ne pas être appelées pour donner un cours l'année suivante parce qu'elles n'ont
pas de priorité sur les cours qu'elles donnent.
Donc, est-ce que moi, en tant que chargé de
cours, qui n'a aucune priorité, n'a aucune protection, presque, sur mes charges
de cours, je veux que mon nom atterrisse sur le bureau de la direction de mon
département, de mon programme? Probablement pas. Donc, est-ce que je vais faire
en sorte que, dans ma classe, tout se passe le mieux possible, peut-être ne pas
amener les questions qui seraient plus sensibles, de faire place à des débats
qui pourraient être moins intéressants?
Mme David : Peut-être que je
vais vous interrompre pour poser la question suivante... Tout dépend de la
méthodologie que vous avez employée. Si c'est que le chargé de cours, puis vous
avez raison, là, à statut précaire ne fait pas des examens aussi difficiles
pour ne pas que les étudiants se plaignent qu'ils ont eu des mauvaises notes — ça
peut atterrir sur le bureau d'un directeur des études, ça — est-ce
que c'est de l'autocensure? Est-ce que c'est de l'autocensure dans le sens que
l'examen va être plus facile? Est-ce que... Autrement dit, dans votre
questionnaire, avez-vous des détails? Leur avez-vous demandé qu'est-ce qu'eux
entendent par l'autocensure, ou si c'était oui ou non?
M. Beaucher (Vincent) : Non,
c'était... puis on avait effectivement une question qui demandait des détails.
Évidemment, on en a plusieurs dans des cours en sciences... en univers social,
en sciences sociales, mais ça peut être, par exemple, de...
Je vais donner un exemple qui arrive, de mon
point de vue, du champ gauche, en sciences. Le cours d'histoire de la science,
à certaines époques, ça va côtoyer la question de la magie, la question de la
religion. Bien, au fil des ans, on se rend compte qu'il y a des étudiants qui
viennent de certains milieux culturels, avec des croyances religieuses, entre
autres, qui vont être moins réceptifs à ce que le chargé de cours va leur
annoncer comme étant l'évolution de la science et les liens avec la religion et
d'autres croyances comme ça.
Donc, il y en a dans différents milieux,
plusieurs cours sur la sexualité, sur les identités de genre, sur... Donc, les
exemples qu'on a vus dans les médias, on en a retrouvé, là, dans nos réponses.
Et, quand on parle d'autocensure, c'était vraiment en fonction de sujets à
l'intérieur de cours que ces personnes-là enseignent.
Mme David : O.K. Mais, à ce
moment-là, en quoi... Quels éléments, dans le projet de loi, ont l'impression que ça va donner l'entière liberté au chargé de
cours de parler de sexualité, parler de religion, parler de race et
d'intelligence? Il y avait ça dans mon temps, là. C'était
beaucoup, beaucoup... Est-ce que... Bon, en quoi le projet de loi va changer
quelque chose devant le chargé de cours précaire?
M. Beaucher (Vincent) : Au-delà
d'éléments particuliers dans le projet de loi, nous, on pense que le projet de
loi en lui-même et le message qu'il va envoyer va faire en sorte qu'il va y
avoir une place plus importante et plus explicite donnée à la liberté
académique dans les institutions universitaires, et ce, autant pour les
personnels, par exemple, les chargés de cours, que pour les directions, que
pour les étudiants. Si tout le monde comprend qu'est-ce que la liberté académique,
et l'impact que ça a, et l'importance que ça a dans une institution
universitaire, on va avoir fait un très bon pas dans la bonne direction, non
pas qu'on s'en va dans le sens contraire actuellement, mais on a des exemples
ici et là qui nous posent des questions.
Mme David : Et vous avez...
M. Beaucher (Vincent) : Puis
également aussi, dans le projet de loi, si je termine, la question de demander,
par exemple, au comité de s'assurer qu'il y a des outils qui sont fournis tant
au personnel enseignant que voire même de la promotion faite au niveau des
étudiants. Ça, c'est vraiment un bon pas dans la bonne direction.
Mme David : Oui,
effectivement, vous parlez de ça, de promouvoir, le comité pourrait faire ça,
former — former,
ça, c'est tout le monde, là — et médiation. Donc, médiation, la
ministre l'a encore redit tout à l'heure, on arrive à ce conseil, selon la
logique interne d'un fonctionnement d'université, après moult étapes
antérieures de plaintes au premier niveau, deuxième niveau, troisième niveau. Puis
là, si vraiment rien ne se règle, on pourrait dire, à l'amiable et de façon collégiale... on arrive au conseil, et
là il y aurait une ultime médiation avec probablement des... Là, vous
dites : On veut s'éloigner des logiques
punitives. Alors, est-ce qu'on punit l'étudiant de s'être plaint? Est-ce qu'on
punit le chargé de cours d'avoir dit
des mots pas corrects? Comment on fait ça, là? Parce qu'on parle de sanctions
aussi dans le projet de loi.
• (16 h 10) •
M. Beaucher (Vincent) : Oui,
mais je vous dirais que... Je pense que, si on prend du côté des chargés de
cours, je pense qu'il faut quand même mettre aussi de l'avant, bon, la liberté
académique, mais aussi l'autonomie professionnelle, et ça, de mon point de vue,
là, c'est majeur. Et après ça, si on arrivait, ultimement, avec une situation où est-ce qu'un étudiant ou un groupe d'étudiants
est complètement non réceptif, là, aux diverses médiations antérieures
qui ont eu lieu avant d'arriver au conseil,
en termes de... peut-être qu'effectivement, bien, il faut prévoir, là, une
éventualité où est-ce qu'il pourrait
y avoir une sanction, mais ce serait peut-être l'expulsion d'un cours ou
peut-être même, ultimement, dépendamment des gestes qui ont été posés,
là, peut-être même de l'institution, là, jusqu'à un certain point. Mais
clairement il ne faut pas que ça soit le message qui soit envoyé d'emblée,
qu'il existe maintenant une instance dans une université qui va punir des
étudiants ou des chargés de cours qui auraient des paroles ou des comportements
qui vont à l'encontre de la liberté académique. Ce n'est pas ça...
Mme David : Vous
élaborez quand même pas mal, sur la page 4 et 5, le principe de
collégialité. Ça, habituellement, c'est très mal compris quand on n'est
pas de l'interne, dans le milieu, probablement, et collégial et universitaire.
D'autant que le mot «collégialité», ça ressemble au mot «collégial», mais ce
n'est pas l'ordre collégial d'enseignement, ça réfère vraiment à un principe de
gestion. Et vous parlez même des membres externes dits indépendants. Ça, ça
fait longtemps que je n'avais pas réfléchi à cette question-là, de la
composition des conseils d'administration, mais vous... J'aimerais que vous
élaboriez là-dessus pour bien faire comprendre en quoi ce principe de
collégialité peut changer quelque chose dans l'atterrissage de ce projet de loi
là.
M. Beaucher
(Vincent) : On est d'avis que, si, par exemple, l'élaboration
de la politique sur la liberté académique est faite de façon réellement
collégiale, il va y avoir une meilleure cohésion de l'ensemble des acteurs dans
une institution autour de la politique interne qui aura été élaborée et également...
mais surtout, entre autres, sur la question de la liberté académique. Il faut
quand même comprendre que, dans une université, de façon générale, lorsque, par
exemple, une politique ou un règlement est proposé pour modification, il y a un
chemin qui se fait à travers différentes instances
où est-ce qu'il y a une certaine représentation de différents acteurs, mais ça
reste... Comment je pourrais dire? Il y
a quand même un sentiment de pouvoir changer les choses qui est là, mais à des
degrés extrêmement variables et souvent pas très élevés. Donc, on pense
que, si, d'emblée, on se dit : C'est un comité qui a été créé de façon
collégiale, qui a la responsabilité de mettre en place...
La Présidente (Mme D'Amours) : En
terminant, M. Beaucher. Je suis désolée, je vais être obligée...
M. Beaucher (Vincent) : ...donc ce
serait mieux.
La Présidente (Mme D'Amours) : ...je
vais être obligée de vous couper. La période d'échange avec la députée est
terminée. Je vais maintenant céder la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve
pour une durée de 2 min 45 s.
M. Leduc : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Content de vous voir. Je suis un ancien
syndicaliste moi-même, alors, quand vous
parlez de la question du devoir de loyauté, ça résonne chez moi. Vos
collègues de la FNEEQ, qui vous ont précédés, l'ont soulevé également.
Pourriez-vous
nous entretenir un peu davantage, dans le fond, sur ce concept-là et si vous
avez peut-être des cas plus concrets à nous soumettre ou, dans votre expérience
de syndicaliste, vous avez vu que ça pouvait causer problème et que ça
mériterait donc qu'on précise davantage cet enjeu-là dans le projet de loi?
M. Beaucher
(Vincent) : Moi, personnellement, en tant que président d'un syndicat
de fédération, j'ai... vite de même, là, je n'ai pas d'exemple particulier et,
en fait, je suis content de ne pas en avoir, là. O.K.? Donc, ce n'est quand
même pas quelque chose qu'on voudrait qui arrive à toutes les semaines, là, une
problématique liée au devoir de loyauté appliqué dans une université. C'est
antinomique par rapport à la philosophie de ce qu'est une université. Il n'y a
personne, là, qui est d'accord à ce qu'au nom de la liberté académique, ou peu
importe, quelqu'un se mette à lancer des propos racistes, ou à faire des propos
diffamatoires, ou etc. On n'est vraiment pas là. On en est dans une logique de
l'avancement des connaissances et également aussi dans une logique d'évolution
de l'institution avec un grand ou un petit «u», comme vous le voulez, là. Et
les acteurs universitaires s'inscrivent, pour la très grande majorité, ceux qui
y participent, dans cette logique-là, et il faut que ça continue comme ça.
Et donc, d'arriver
avec un concept comme le devoir de loyauté qui pourrait, parce qu'inscrit,
entre autres, dans le Code civil du Québec et parce qu'il n'est pas contrecarré
ailleurs par un contrepoids vraiment important, commencer à être appliqué
davantage dans les universités, c'est juste, bien honnêtement, inconcevable.
M. Leduc :
Vos collègues, plus tôt, parlaient aussi, là, que des directions
d'universités hésitent à soutenir leurs chercheurs quand ils sont poursuivis ou
ébranlés par des acteurs externes. Est-ce que c'est quelque chose aussi que
vous avez observé? Et pensez-vous que le projet de loi peut venir corriger
cette situation?
La Présidente (Mme
D'Amours) : En 20 secondes, M. Beaucher.
M. Beaucher
(Vincent) : Ce n'est pas une situation à laquelle... j'ai vécue. Je ne
pourrais pas m'avancer sur l'impact du projet de loi actuel ou de la loi,
éventuellement.
La Présidente (Mme
D'Amours) : 10 secondes, M. le député.
M. Leduc :
10 secondes. Est-ce qu'il faut appliquer ça aux cégeps aussi?
M. Beaucher
(Vincent) : C'est un autre contexte. On va peut-être pouvoir élaborer
dans quelques secondes là-dessus, mais...
M. Leduc :
À suivre.
Mme Huart
(Catherine) : Ce serait prématuré.
M. Leduc :
Oui, c'est ça.
La Présidente (Mme
D'Amours) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée
de Gaspé pour une période de 2 min 45 s. À vous la parole.
Mme Perry
Mélançon : Merci. M. Beaucher, Mme Huart, bien, on va poursuivre
dans cette même question que mon collègue avait sur la question de l'étendre au
réseau collégial. On l'a entendu de vos collègues, la FNEEQ, et qui était en
faveur de ça. Et vous, comme centrale plus large, disons, est-ce que vous êtes
du même avis?
Mme Huart
(Catherine) : Bien, en fait, on pense que... on n'est pas du tout
fermés à l'idée qu'il y ait une réflexion pour le réseau collégial, qu'il y ait
peut-être même, éventuellement, une loi, mais présentement c'est prématuré, à
notre avis, d'étendre le projet de loi n° 32 comme
ça, là, sans consultation des acteurs concernés du réseau collégial, de
l'étendre au réseau collégial. Il y a quand même différentes... Il y a des
distinctions. Les réalités ne sont pas les mêmes entre le réseau universitaire
puis le réseau collégial, entre le milieu universitaire et le réseau collégial,
malgré qu'on se trouve quand même en enseignement supérieur, là. Je suis tout à
fait d'accord avec ce que... on est tout à fait d'accord avec le propos, une
partie du propos que soutenait la FNEEQ plus tôt, mais, quand même, c'est des
réalités qui sont différentes puis... Mais, au-delà de ça, il faut qu'il y ait
une réelle consultation, là, de l'ensemble des réseaux du milieu collégial, qui
n'a pas eu lieu du tout, là, pour le projet de loi n° 32.
Donc, à notre avis, partir un processus de consultation serait de loin la
meilleure avenue.
Mme Perry Mélançon : O.K. Parce que,
justement, la FNEEQ disait qu'ils avaient déjà présenté à la commission
Cloutier, finalement, leurs recommandations, autant au niveau du milieu
universitaire que dans le réseau collégial, que finalement le travail pouvait
être comparable sur certains points. Je ne veux pas parler pour eux, mais il me
semble qu'ils ont dit qu'on serait en mesure d'appliquer, en fonction du projet
de loi dans sa... s'il y a des amendements de proposés, en fait, qu'on soit
capables de l'ajouter dans ces travaux-ci. Donc, vous n'êtes pas à la même
place.
Mme Huart (Catherine) : Bien,
en fait, c'est qu'il y a la FNEEQ comme fédération. Il y a aussi la FEC, donc la Fédération des enseignantes et enseignants de
cégep, qui est affiliée à la CSQ, qui n'a pas participé aux travaux de
la commission Cloutier. Il y a aussi la FECQ, donc la
fédération étudiante, qui n'a pas participé aux travaux, donc... puis ni non
plus la Fédération des cégeps, bref, un paquet d'acteurs du réseau collégial
qui n'ont pas participé à cette réflexion-là. Donc, voilà, l'étendre, à ce
stade-ci, à notre avis, est prématuré.
La Présidente (Mme D'Amours) : 20 secondes,
Mme la députée.
Mme Perry Mélançon : Oui. Bien,
malheureusement, on m'indique que... Je pense qu'il y avait une volonté de la
fédération étudiante d'être là, mais que ça n'a pas pu se faire. Donc, on
n'entendra pas, malheureusement, qu'est-ce qu'ils en pensent. Donc, je vous
remercie pour ces éclairages-là.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Je vous remercie, chers invités, pour votre contribution aux travaux
de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants afin
d'accueillir les prochains témoins. Merci infiniment.
Bonne fin de journée.
(Suspension de la séance à 16 h 19)
(Reprise à 16 h 21)
La Présidente (Mme D'Amours) : Nous
reprenons nos travaux, et je souhaite la bienvenue à la Fédération québécoise des professeures et professeurs
d'université. Je vous rappelle, chers invités, que vous disposez de 10
minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à
procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Fédération québécoise
des professeures
et professeurs d'université (FQPPU)
M.
Portugais (Jean) : Bonjour. Je m'appelle Jean Portugais. Je suis le
président de la Fédération québécoise des professeures et professeurs
d'université. J'y reviens dans un instant. Je suis accompagné de Pre Lucie
Lamarche, de l'Université du Québec à
Montréal, et du Pr Pierre
Trudel, de l'Université de Montréal, pour le compte de notre fédération.
La Fédération québécoise des professeurs
d'université représente 8 200 professeurs permanents dans les 18 universités québécoises et donc l'ensemble
des syndicats et associations qui en sont membres. Elle a été fondée en
1991.
Pour nous, le fait que le gouvernement s'engage
dans un processus législatif sur la liberté académique est une très bonne
nouvelle. C'est un moment important de notre vie collective et de notre réseau
universitaire au Québec. Il faut trouver la bonne façon d'accompagner et de
donner le plein effet à la liberté académique de manière à en promouvoir le
rôle et les effets.
La liberté
académique joue un rôle fondamental dans nos universités. Elle doit, bien sûr,
comme ça a été discuté, prendre plein
effet sur l'enseignement, bien sûr — il
y a eu beaucoup de débats publics là-dessus depuis deux ans — mais
aussi, il ne faut pas l'oublier, sur la science, sur la recherche, sur les
services à la collectivité, et sur la création, et toutes les activités qui
réalisent la mission universitaire.
La liberté académique, ce n'est pas un problème
à résoudre, ce n'est pas une question que l'on doit traiter dans un comité de
discipline. Essentiellement, ça doit être une affirmation d'un droit ouvert. En
réalité, c'est un outil de travail qui constitue le fondement des tâches pour
nous, les professeurs, et pour d'autres membres de la communauté, comme sont
les chargés de cours et tout le personnel qui... un an avant les événements de
l'affaire Lieutenant-Duval, de la liberté académique dans les différentes
instances. Et on avait même sensibilisé le gouvernement, M. Roberge à l'époque,
de la nécessité de cette chose-là.
Pourquoi c'est un moment important? On pourrait
faire l'image miroir de la liberté de la presse qui... Le gouvernement l'avait
décidé ainsi en 1929. C'était le premier ministre Louis-Alexandre Taschereau
qui avait décidé de faire une loi pour protéger les journalistes et l'exercice
de leurs fonctions. C'est un petit peu la même chose dont on a besoin pour
protéger les fonctions universitaires, une loi affirmative, ouverte qui
permette de donner plein effet à la mission de l'université de façon à garantir
l'exercice du travail qui est fait par les collègues. Et, pour le meilleur
bénéfice, pour l'intérêt public, pour les citoyens, on a besoin des
universitaires. On les a vus pendant la pandémie, durant deux ans, dans les
médias, presque tous les jours, leurs avis éclairés servent les citoyens bien
au-delà de la sphère des étudiants qui sont dans la classe.
Il y a deux éléments qui attirent notre
attention sur ce projet de loi là. On pense qu'il doit être amendé parce que,
dans l'état où il se trouve, là, ce projet-là ne nous plaît pas, mais il
pourrait être amendé, et on fait toute une série de propositions. Mais je veux
aller à l'essentiel de ce qui est demandé par la FQPPU comme amendements sous
deux rubriques : d'abord, des amendements au texte, et ma collègue Lucie
Lamarche va développer là-dessus dans un instant, puis ensuite des éléments qui
devraient être repris et qui sont absents du texte.
Pour ce qui est des amendements au texte, la
liberté académique devrait prévoir, notamment dans le préambule de l'article 3,
que le domaine d'activité devrait être mis de côté, parce que les activités
professorales nécessitent, notamment, qu'on puisse permettre la critique de sa
propre institution, de son propre établissement. On peut penser aussi à
d'autres exemples. On y reviendra.
La question de la
définition de l'UNESCO, qui a été reprise par plusieurs, on est d'accord, on
pense qu'elle doit être complétée d'un
élément qui est manquant aussi à cet égard-là et, bien sûr, aussi les pouvoirs
qui sont accordés au ou à la ministre
nous paraissent inusités. Et, pour préserver l'autonomie des universités, il
nous apparaît important, bien sûr, que la ministre pourrait s'assurer
d'un respect de la liberté académique dans les universités, mais elle n'a pas à
aller, comment dire, jusqu'à infléchir ou modifier le contenu des politiques.
Il faudrait donc trouver une solution appropriée pour ce qui est de l'article 6.
Autrement dit, la liberté académique doit s'appliquer lorsque ça correspond à
la mission de l'université et pas au-delà, donc dans les tâches qui sont
exécutées par les différents membres de la communauté.
Donc, ceci complète les trois principaux
amendements au texte qu'on va demander, et Lucie va développer.
Et puis je termine en disant rapidement que les
deux éléments qui sont manquants au texte et qu'on voudrait retrouver, ils sont
déjà recommandés par la commission Cloutier. On a participé à cette commission,
on salue son rapport. Deux éléments qui nous apparaissent absolument
fondamentaux : l'absence d'une règle d'interprétation concernant le devoir
de loyauté qui fait en sorte que la liberté académique n'aurait pas son plein
effet si la loi ne prévoit pas une disposition, une clause interprétative, on y
reviendra, et aussi, toute la question de l'obligation de prendre fait et cause
pour les institutions dès lors que les collègues sont intimés dans des
situations qui sont litigieuses. Il faut, pour pouvoir garantir l'exercice de
la liberté académique, que les institutions puissent le faire. Sinon, on fait
place à une espèce d'effet de refroidissement ou encore, si vous préférez, une
sorte d'autocensure. On ne veut pas que les membres de la communauté
universitaire scientifique s'autocensurent dans leur prise de parole publique
pour les services qu'ils rendent à la communauté.
Alors, voilà, tracés à grands traits, les
principaux éléments qu'on demande au gouvernement d'intégrer dans le projet pour
le rendre acceptable pour nous, mais, bien sûr aussi, pour améliorer la portée
de ce projet-là dans le rôle de la défense de la mission de l'université. Je
vais céder la parole à ma collègue Mme Lucie Lamarche.
Mme Lamarche (Lucie) : Mme la
ministre, MM., Mmes les députés, comme le disait M. Portugais, célébrons l'enchâssement dans une loi de la liberté
académique. La liberté académique, c'est une bonne nouvelle. Et donc, à titre
de bonne nouvelle, ça doit être distingué
d'autres comportements qui seraient plus répréhensibles dans le contexte
universitaire.
Toutefois, si la liberté académique est reconnue
dans cette éventuelle loi, ce qui est tout à fait souhaitable pour plusieurs
interlocuteurs, ça signifie que, corollairement, il faut aussi envisager les
devoirs de l'établissement universitaire. Et je vous amène à la page 18 du
sommaire des recommandations du mémoire de la fédération pour expliquer, en
quelques secondes, comment, selon la fédé, ces devoirs pourraient être exprimés
dans un remodèlement de l'article 4 de l'actuel projet de loi. Parce que
la fédération propose que ce qui soit affirmé à cet article 4, c'est
d'abord l'obligation de l'établissement de s'assurer de la conformité de
l'ensemble de ses règles et politiques ou, dit autrement, de tout le spectre de
la liberté académique, à la reconnaissance de cette liberté.
Alors, on vous en a déjà parlé aujourd'hui, je
répète rapidement, un membre de la communauté académique, c'est déjà redevable
à l'égard de plusieurs politiques en milieu universitaire. Pensons au comité
éthique, les politiques sur le harcèlement, celle sur les violences sexuelles,
la disponibilité d'un recours auprès du protecteur universitaire, les comités
de programmes qui sont au coeur de la collégialité. Et donc ce faisceau de
protections n'a pas à être enrichi d'un nouveau comité qui, finalement,
pourrait peut-être jeter un brin de confusion dans le respect de la liberté académique. Et c'est pourquoi la fédé propose une
approche sobre, qui est celle d'utiliser l'article 4 du projet de loi
pour affirmer la barre et décliner les obligations de l'établissement au sein
duquel est exercée, par une large communauté de professeurs et chercheurs,
cette liberté académique. Et c'est pourquoi la proposition de la fédé sacrifie,
si j'ose dire, l'idée de la création d'un conseil et certainement l'éventualité
pour ce conseil de pouvoir imposer des sanctions mais ne sacrifie pas les
obligations positives qui sont celles de promouvoir la liberté académique.
À cause de cette approche, il va de soi que,
selon la fédé, l'article 6 du projet de loi, on l'a déjà entendu
aujourd'hui, mérite d'être sacrifié parce qu'il heurte de plein fouet le
principe de l'autonomie universitaire.
Et je passe la parole à mon collègue Trudel qui
va parler des grands absents du projet de loi n° 32.
• (16 h 30) •
La Présidente (Mme D'Amours) : Il
reste 45 secondes.
M. Trudel (Pierre) : ...deux
absences, Mme la Présidente. Une, pour s'assurer que la liberté académique soit
efficace... la reconnaissance soit efficace, nous proposons de l'accompagner
d'une obligation de prendre fait et cause, c'est-à-dire que les universités ont
le devoir de protéger, de défendre la capacité effective des universitaires de
prendre la parole, et nous considérons également qu'il faut comprendre le
devoir de loyauté de la façon de... il faut comprendre le devoir de loyauté
imposé aux universitaires dans le contexte de la mission de l'université. Et
donc, par conséquent, il faut une clause interprétative qui permettrait, en quelque
sorte, de mettre fin à cette confusion que l'on rencontre très souvent lorsque
vient le temps d'interpréter les différentes normes qui régissent les
universités et qui, souvent, ont tendance à subordonner la liberté
universitaire à une compréhension, à notre avis, erronée d'un devoir de
loyauté. Les universitaires ont une loyauté, ils doivent la loyauté à
l'institution, ce qui est différent, évidemment, des gestionnaires de
l'institution, et c'est ce principe-là que nous demandons d'enchâsser.
La
Présidente (Mme D'Amours) : Merci beaucoup. Maintenant, nous allons commencer
la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous. Il vous
reste un temps de 15 min 44 s.
Mme McCann : Merci, Mme la
Présidente. Je vous salue tous les trois, mais je ne vois pas
M. Portugais. Je ne sais pas s'il a des problèmes techniques.
M. Portugais
(Jean) : Je suis là.
Mme McCann : Ah! vous êtes là?
Bon. Ah mon Dieu! Je ne vous avais pas vu en haut. Excusez-moi. Oui. Alors, écoutez, j'apprécie énormément votre
présentation et je dois vous dire que, comme tous les gens qu'on va
entendre, elle est très importante, mais on
se comprend, là, vous représentez quand même un nombre très important de
professeurs à l'université, donc très important de vous entendre. Et je suis...
On va manquer de temps, probablement, pour clarifier tous les éléments que vous
nous apportez aujourd'hui parce que c'est majeur quand même, là.
Vous... Par
exemple, au niveau du conseil, quand vous dites : Nous, on propose de ne
pas avoir de conseil ou de comité,
bon, comment on s'assure, à ce moment-là, de l'application du principe de la
liberté académique et universitaire? Concrètement, là, comment on
s'assure que ça se passe bien sur le terrain?
M. Portugais
(Jean) : C'est important que le conseil, s'il y en avait
un, ne contienne pas d'éléments disciplinaires ou de contrôle... de mesures de contrôle, c'est-à-dire qu'à notre avis
le plein exercice de la liberté académique ne devrait pas entrer en
conflit avec les autres éléments de la tâche ou des fonctions qui existent dans
l'université.
Donc, dans la loi, l'article 4, c'est un
conseil. On a compris des débats ce matin qu'il y avait une gradation et que ça
se trouvait à être une espèce de structure d'appel, ce qui est une précision
que, personnellement, je n'avais pas auparavant. Sachant cela, il est
probablement possible de modifier l'article 4, mais, en l'état, tel que la
lecture qu'on avait de ça, on se disait : Ce n'est peut-être pas possible
pour... de le conserver tel qu'il est. C'est pour ça qu'on a fait une série de
propositions, pour modifier le texte, que vous allez retrouver dans notre
mémoire.
Peut-être plus techniquement, Lucie, sur ce
point.
Mme Lamarche (Lucie) : Mes
excuses, Mme la ministre, un petit débat de micros.
Contrairement à d'autres comportements, hein,
dans la cité universitaire, pour lesquels, à juste titre, on est intervenus à
l'aide d'une loi pour les prohiber, les sanctionner et, bien sûr, promouvoir
leur caractère inadmissible, on répète que la liberté académique, c'est une
liberté. Elle est fluide, elle est transversale. Elle s'exprime tous les jours
dans tous les racoins de la collégialité universitaire. C'est difficile
d'imaginer un établissement rendant compte, balisant, voire faisant la police
d'une bonne nouvelle comme la liberté académique. Par contre, ce n'est pas du
tout difficile d'évoquer les responsabilités qui sont à la clé de la
reconnaissance, par l'établissement, de cette liberté. Donc, c'est peut-être
d'une nature différente de d'autres comportements ou enjeux que la loi a
explorés précédemment, dans d'autres législations, et, bien sûr, on pense aussi
aux violences sexuelles sur campus. Ce n'est pas un comportement à prohiber,
c'est une liberté à célébrer, la liberté académique.
Mme McCann : Bien, je vous
remercie. Donc, je comprends que, et vous l'avez dit d'entrée de jeu, vous êtes
tout à fait en accord avec un projet de loi, vous êtes en accord avec une loi,
avec le principe d'une loi, mais vous suggérez énormément de modifications.
Puis je vous demanderais : Quels sont, en fait, les éléments principaux de
ce qui est devenu, là, votre propre mouture, là, du projet de loi? Quels sont
les éléments principaux? Vous avez mentionné, je pense, là, la définition de
l'UNESCO, mais quels sont les autres éléments principaux? Parce qu'il y a quand
même des éléments du projet de loi que vous retirez.
M. Portugais
(Jean) : Alors, «domaine d'activité», je l'ai mentionné
dans mon introduction tout à l'heure. Je ne sais pas si vous m'entendiez bien à ce moment-là, on a eu quelques
problèmes techniques, mais il y a eu la question ...(panne de son)...
Mme McCann : Oui, on vous
entend bien, M. Portugais. La question que j'avais pour vous...
M. Portugais (Jean) : ...l'article 6.
Ça, c'est pour les modifications, les amendements ...(panne de son)... au texte
existant. Et on demande d'ajouter les éléments concernant le devoir de loyauté
et poursuite-bâillon, sur lesquels mon collègue Pierre pourrait compléter.
M. Trudel (Pierre) : Oui. En
fait, comme le signalent mes collègues, c'est d'une liberté qu'il s'agit. Et ce
qu'une... À notre sens, ce qu'une loi comme celle que vous proposez devrait
faire, c'est de l'affirmer, cette liberté et d'expliquer les obligations des
institutions universitaires... des établissements universitaires dès lors que
l'on reconnaît et que l'on veut enchâsser cette liberté. Alors, une des
approches qui nous semble beaucoup plus fructueuse, c'est celle de mettre en
place des mécanismes par lesquels les institutions universitaires seraient
tenues de démontrer que leurs règles internes, leurs modes de fonctionnement
sont compatibles avec la liberté académique.
Et les deux autres
approches, les deux autres éléments qui nous semblent importants pour s'assurer
que cette liberté académique est effectivement protégée, bien, c'est
précisément cette obligation de prendre fait et cause et cette balise... et ce
balisage du devoir de loyauté pour tenir compte du fait que les universitaires,
ils participent à l'institution universitaire, à son fonctionnement. Et ils
doivent, par conséquent, avoir la liberté de critiquer cette institution
universitaire mais de critiquer également tous les pouvoirs qui sont
susceptibles d'exister dans la société et qui pourraient avoir différents
intérêts à tenter de domestiquer, ou d'encadrer, ou de baliser la capacité des
universitaires de prendre la parole pour expliquer, prendre la parole dans un
contexte de service public. Les universitaires sont au service du public et
donc au service des gens qui financent les universités. Mais, pour rendre ce
service, bien, il leur faut des coudées franches, il leur faut une capacité, il
leur faut... Il faut leur garantir que, s'ils sont poursuivis, ils ne seront pas seuls à se défendre, l'institution sera là pour
prendre fait et cause en leur nom et pour les défendre. Et il faut également
baliser et redécouper le devoir de loyauté qui est prévu dans le Code civil et
qui justement impose aux universitaires
d'être loyaux. Mais c'est loyaux à quoi? C'est loyaux à l'institution, à
l'établissement universitaire comme institution, et non pas loyal au
gestionnaire ou aux personnes qui, à un moment ou à un autre, sont appelées à
diriger l'établissement.
Et donc voilà deux
façons de faire en sorte que la liberté universitaire est plus qu'un mot ou
plus qu'un principe. C'est une liberté qui irrigue toutes les activités
universitaires et elle en porte des conséquences et des obligations pour les
établissements.
• (16 h 40) •
Mme McCann :
Merci beaucoup. Alors, j'en comprends, de la réaction aussi de M.
Portugais, qu'étant donné l'éclairage que je vous ai apporté ou qu'on a
apporté, là, au cours de nos consultations aujourd'hui sur le conseil... la
fonction du conseil, qui est un dernier recours, on va le dire comme ça
rapidement, peut-être ça a modifié un petit peu votre réflexion... bien, je n'irai pas jusqu'à dire que ça modifie votre
position complètement, mais ça vous porte à réflexion. C'est ce que j'ai
entendu, là, de vos propos, M. Portugais.
Parce
que la question que je veux vous poser, par exemple, je reviens à la
base : De votre expérience à vous et de vos membres, est-ce que
vous avez une... Vous avez sûrement une lecture de ce qui se passe sur le
terrain. Le rapport Cloutier nous en a donné un éclairage avec le sondage que
la commission a fait auprès des professeurs et des étudiants. Est-ce qu'on peut
avoir votre point de vue là-dessus, au niveau de l'autocensure dans les
universités? Est-ce que vous avez des échos du terrain là-dessus? Je présume
que oui, mais je veux vous entendre.
M. Portugais (Jean) : Je
peux vous dire, Mme la ministre, qu'on peut... on est en état de confirmer ce
que vous avez avancé et ce que la commission Cloutier avance concernant
l'autocensure à l'égard de l'enseignement. Mais notre préoccupation pour la
liberté académique, elle est plus profonde et plus large parce qu'elle touche
aussi les autres aspects. Et, comme les collègues la FNEEQ l'ont souligné ce
matin, peut-être les dangers les plus grands proviennent, en fait, de
l'entreprise privée, des pressions externes à l'université sur la question, par
exemple, du financement de la recherche, sur les questions de probité, sur les
questions de fonctionnement, sur les questions d'autonomie.
La liberté académique
est une notion large qui structure l'ensemble de l'université. Protéger
l'exercice de l'enseignant dans la classe est une bonne chose. C'est le geste
législatif que vous avez voulu poser. On vous invite à l'élargir pour que la
liberté académique prenne son plein effet dans l'ensemble des sphères
d'activité de l'université, ce qui inclut recherche et services, etc., ce qui
veut dire que, pour nous, oui, on a des cas pour l'enseignement, mais on a
encore plus de cas... Puis vous pouvez consulter la littérature. Il y a un
excellent rapport de l'association canadienne des professeurs d'université qui
a été publié il y a quelques mois, qui fait état de l'ensemble des violations
qui ont eu lieu. Et on peut voir que, dans le financement de la recherche en particulier,
il y a des pressions, soit de l'entreprise, soit de toute autre forme de
pressions externes à l'université. Celles-ci sont prises dans une espèce de tir
croisé ou de feu extérieur.
Puis j'en veux pour
preuve le... et peut-être vous donner un peu de contexte de cette réflexion-là.
Je pense qu'il y a 10 ou 20 ans on n'avait pas ces préoccupations-là. On
discutait, les professeurs d'université, entre nous, de cette question de
liberté académique. Qu'est-ce qui a changé, qui rend l'intervention législative
nécessaire et importante aujourd'hui, bien, c'est l'évolution de la société et
les pressions externes, notamment le fait qu'on vit dans une société
post-factuelle où chacun peut, notamment via les réseaux sociaux, faire
circuler toutes sortes de contrevérités. Et les professeurs d'université se
retrouvent au centre de cela et ont besoin d'une protection importante de leur
outil principal de fonctionnement qu'est la liberté académique. Donc, ça veut
dire pas seulement les discours d'opinion, mais ça veut dire aussi les
pressions externes.
Sans faire de la
politique fiction, on voit que l'acquisition du réseau Twitter par un grand
argentier, un puissant milliardaire américain, en ce moment, va en conditionner
le fonctionnement. Est-ce que la prise de parole publique va être préservée?
Est-ce qu'il ne faut pas se doter d'outils pour protéger le rôle que l'on joue
dans la société et ne pas prendre les collègues universitaires dans un tir
croisé d'opinions sur la place publique? Ça va bien au-delà de la salle de
classe, comprenez-moi bien.
Alors, on a une
préoccupation là-dessus, pour le financement, pour le fonctionnement de
l'université, pour en assurer... finalement, assurer l'autonomie de
l'université. Le meilleur geste qu'on peut poser, c'est de renforcer la liberté
académique, et je pense que c'est ça, l'intention première. C'est comme ça
qu'on comprend l'intention du législateur, de vouloir faire en sorte que la
liberté académique soit pleinement reconnue puis trouve toute sa portée. On
vous invite simplement à le faire pour l'ensemble des sphères, pas seulement
pour la question de l'enseignement et de la classe. Je ne sais pas si ça vous
aide à saisir un petit peu notre réflexion.
Mme McCann :
Ah! bien, tous vos commentaires nous aident, M. Portugais. Mais je
dois vous dire que je suis toujours un petit peu étonnée parce que vous n'êtes
pas le seul qui avez soulevé ça. Mais, dans le projet de loi, on ne parle pas
seulement d'enseignement, on parle de recherche, de création dans toutes les missions
de l'université. Je pense que vous apportez aussi d'autres dimensions dans
votre discours, là. Je le comprends très bien, mais on fait quand même
référence à l'ensemble des activités faites par des universitaires, là, je vais
le dire comme ça. Mais on n'aura pas le temps, peut-être, de vider la question
parce que j'aimerais donner la parole à mes collègues, là, qui aimeraient vous
poser des questions. Mme la Présidente.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je vais céder la parole à la députée d'Huntingdon pour un temps de 2 min
50 s.
Mme IsaBelle :
O.K. Alors je vais aller... je vais essayer d'aller rapidement.
Écoutez, j'ai bien lu
votre rapport. Je comprends que vous demandez l'autonomie, hein, des
institutions. Vous dites... mais qu'il y a un devoir des institutions. Vous
précisez qu'il faut faire confiance aussi à l'institution, mais on sait qu'il y
a déjà eu un dérapage, hein? Puis vous dites, en plus, que les universitaires
sont loyaux envers leur université et la mission, puis vous rappelez que cette
liberté comprend le droit de critiquer la gestion même des universités.
Et là je veux vous
emmener à un point de la fédération de la recherche et de l'enseignement du
Québec. Parce que là, c'est comme si vous
nous dites : Supprimez l'article 6, pas de comité, on doit faire
confiance à l'institution. Je suis d'accord, on peut faire confiance à
l'institution, mais, dans ce cas-là, qu'est-ce que vous dites de ce que propose
la fédération de la recherche et de l'enseignement du Québec quant à une
formation de vos gestionnaires?
Moi, je vais vous
lire, là, ce qu'a proposé tantôt... c'est une recommandation qu'ils font, la
fédération. Et vous avez dit tantôt aussi,
vous avez dit : de dissocier l'institution des gestionnaires. Bien là,
j'ai un peu de difficulté à comprendre ça, là. L'institution, elle est
quand même gérée par des gestionnaires, puis là, eux, ce qu'ils suggèrent... ou
elle, la fédération, c'est de «voir à la mise sur pied d'une formation
obligatoire pour les gestionnaires de tous les paliers, les directions
départementales, facultaires ainsi que les conseils d'administration.»
Qu'est-ce que vous pensez de ça, si vous... moi, vous me dites... moi, je suis
une prof d'université, vous me dites : Pas de comité mais faites confiance
à votre institution? Wo! Rassurez-moi.
M. Trudel
(Pierre) : En fait, dans notre mémoire, on reconnaît la nécessité de
mettre en place des mesures de sensibilisation, d'information, la mise en place
d'outils pédagogiques. Par contre, dans les universités, il y a déjà une
pluralité d'instances et de comités qui sont chargés de résoudre les multiples
conflits, les multiples situations dans lesquelles peut être impliquée, en
totalité ou en partie, la liberté académique. Or, ce que l'on met de l'avant,
c'est de s'en remettre autant que faire se peut au fonctionnement de ces
comités, qui, pour la plupart des situations, fonctionnent déjà, mais en
ajoutant des mécanismes qui vont forcer les institutions à s'assurer que
l'ensemble des comités, des mécanismes qui existent déjà fonctionnent de
manière à respecter la liberté académique. C'est ça, la différence d'angle,
puisqu'il nous semble assez peu réaliste de s'imaginer qu'on pourrait instituer
une sorte de comité unique qui aurait pour vocation de régler les questions...
La Présidente (Mme
D'Amours) : Merci infiniment. C'est tout le temps que nous avions pour
le premier échange... bloc d'échange. Maintenant, je vais céder la parole à la
députée de Marguerite-Bourgeoys pour une période de 11 minutes.
Mme David : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour, tout le monde.
Écoutez, je vais
continuer un peu sur ma recherche, parce qu'une note en bas de page, à la page
48 du rapport Cloutier, le rapport... enfin, qui a un nom plus long que ça, en
note en bas de page, 179, la note infrapaginale : «Il faut également
s'interroger sur les tendances récentes à ajouter aux demandes d'octroi de
subvention des conditions non académiques n'ayant aucun lien avec l'expertise
scientifique. Certaines de ces conditions peuvent constituer en fait des
intrusions dans les choix et opinions personnels sur des sujets socialement
débattus. Le gouvernement du Québec aurait avantage à porter une attention
particulière à ces nouvelles tendances.» Alors... Et, dans le texte, c'est
dit : «Cette liberté de choix est, en fait, inhérente à la liberté
universitaire qui découle directement de la mission des universités.» On est au
coeur des enjeux de la recherche et des bailleurs de fonds.
En quoi trouvez-vous
que le projet de loi... parce que la ministre a répondu : On en parle, de
la recherche, mais en quoi vous trouvez que ce projet de loi là protège les
enjeux abordés par le rapport Cloutier?
Mme Lamarche (Lucie) : Eh bien, il n'est pas impossible que, dans le
contexte actuel, où se complexifient des... et s'échafaudent des structures et des infrastructures de recherche
intermultidisciplinaires, privé-public, interétablissements... bien, il
n'est pas impossible que le et la chercheure se retrouve bien seul au monde à
revendiquer sa liberté académique, voire un peu contrainte peut-être de faire
certains compromis, s'agisse-t-il de propriété intellectuelle, s'agisse-t-il de
distribution, diffusion des données, voire, dans des cas les plus malheureux,
d'une certaine influence exercée sur les membres de la communauté universitaire
en matière de recherche.
Cette solitude, si j'ose dire, ou cette inquiétude — je
pense que les sondages ont révélé beaucoup d'inquiétude — bien,
il faut un levier pour l'atténuer, l'organiser et faire en sorte que
l'établissement soit présent pour y répondre. Et donc il nous apparaît que, ces
articles 3 et 4 du projet de loi n° 32, ça pourrait un peu devenir le
yin et le yang de l'affaire, c'est-à-dire, la dimension recherche, oui, non
seulement c'est un aspect de la liberté académique, mais c'est un aspect
parfois périlleux, pour le chercheur, de la liberté académique. Et, de manière
corollaire, à l'article 4, il y aurait donc, dans les obligations qui sont
faites aux établissements, le devoir de se soucier et de reconnaître les
enjeux, hein? Les optimistes parleront d'enjeux, les pessimistes parleront de
dangers, mais c'est un peu l'un et l'autre. Dans le contexte québécois, on a
beaucoup plus parlé de la salle de classe, dans les dernières années, les derniers
mois, peut-être parce que les chercheurs sont trop occupés ou trop préoccupés,
mais, comme le dit si bien l'article 3 du projet de loi, c'est trois
piliers importants, la liberté académique. C'est l'enseignement, la recherche
et les services aux collectivités.
Mme David : Merci beaucoup.
M. Portugais, pour une rare fois peut-être, la FQPPU est pas mal d'accord
avec le BCI sur une approche sobre,
sobre de la liberté académique et surtout de son encadrement. Alors, vous êtes
d'accord avec le BCI qui va venir
nous dire : Le conseil, pas sûr que c'est nécessaire, et les sanctions,
pas sûr non plus, on a déjà tout ça dans le fonctionnement interne et
dans tous les multiples règlements qui régissent déjà les universités. Alors,
là-dessus, qu'est-ce qu'on fait?
Parce que vous êtes
clairs, là, à la page 6, d'ailleurs, je salue votre document d'appoint, je
dirais, qui résume bien les amendements, c'est clair, l'article 4, il
saute pas mal, puis l'article 6 aussi. L'article 4 ne garde qu'une
fonction-conseil et formation, ce avec quoi, je pense, on peut tous être
d'accord, mais l'alinéa un, deux, trois est enlevé. Puis après ça, oui, mesures
de sensibilisation et d'information et, après ça, bon, responsabilité de
l'établissement, les outils pédagogiques, donc des choses qui ne font pas trop
mal, conseil, formation, sensibilisation, etc. Là-dessus, les recteurs vont venir nous dire la même chose, et la
même chose pour l'article 6. Ça, c'est l'unanimité totale de tout le
monde.
Alors,
qu'est-ce que vous dites... qu'est-ce que vous avez à dire de plus sur
l'article 4, par exemple ...(panne de son)... de ce que la ministre
aussi a apporté, peut-être que ça peut être en dernier recours que le conseil
est saisi d'une plainte?
• (16 h 50) •
M. Portugais (Jean) : Bien,
effectivement, on n'avait pas cette lecture-là avant les travaux de ce matin.
Et donc la fédération se rend disponible auprès du gouvernement pour examiner
des espèces de formes de solutions alternatives, à savoir les formations, vous
en avez parlé, l'accompagnement que la ministre pourrait jouer auprès des
universités via l'article 6, plutôt que de lui donner un pouvoir de
quasi-tutelle, qui est actuellement celui qu'on trouve dans la formulation de
l'article 6. Il y a sans doute façon de modifier le texte pour faire en
sorte que le gouvernement accompagne les universités dans un rôle d'étude,
d'examen de la bonne marche de la liberté académique au sein des universités.
Alors, ça, ça pourrait faire l'objet de discussions tout prochainement.
Quant à l'article 4, évidemment, dans son
état actuel, avec l'article 6 tel que rédigé, on a pris ça comme un tout.
Si on les divise puis on modifie les équilibres changeants, il est possible
probablement d'examiner les choses dans une autre perspective. C'est ce que je
comprends de ce que vous dites et de ce que la ministre a indiqué plus tôt
aujourd'hui. On pourrait, par exemple... si on fait un peu de millage dans
cette direction, on pourrait examiner qu'elle donnerait...
qu'est-ce que ça pourrait donner si les universités avaient un accompagnement
qui leur permette de documenter l'exercice
de la liberté académique, un peu comme il y avait dans la loi que vous avez
vous-même proposée, Mme David, sur les violences à caractère
sexuel, c'est-à-dire que cette loi-là... mes collègues juristes pourront
peut-être compléter, cette loi-là avait d'autres types de fonctionnements, et,
par exemple, obligeait les universités à faire une sorte de reddition de
comptes, une fois par année, sous forme de rapport, etc., sur les actions qui
sont prises pour s'assurer du bon suivi. Évidemment, ici, il ne s'agit pas de
formes répréhensives, on l'a dit tantôt, des actions qui devraient être prises,
parce que la liberté académique, c'est un droit positif, mais tout de même, on peut
comprendre que le législateur peut avoir une volonté d'examiner pour regarder
ce que ça donne, si j'ose m'exprimer dans ce langage familier, au bout d'un an,
au bout de deux ans, au bout de trois ans. Puisque c'est une loi qui est
innovante, ce n'est pas une mauvaise idée de regarder ce que ça donne. Et ça,
ça pourrait être sous forme de rapports, de redditions de comptes additionnels
sur les effets de la loi.
Ce qu'on veut absolument éviter, nous, de notre
côté, pour être très clairs, c'est les effets punitifs, c'est les corrections, c'est l'aspect disciplinaire qui se
trouve implicitement dans la question des sanctions ici qu'on retrouve
dans la loi. Si on enlevait ces aspects-là,
sans doute qu'on peut examiner autrement les choses, mais, pour l'heure, on
s'est prononcé sur le projet qui a été soumis. Donc je me suis permis
d'ouvrir un peu le dialogue avec la suite de votre question.
Peut-être que Pierre peut compléter, si
nécessaire. Pierre?
M. Trudel
(Pierre) : Oui. Bien, j'ajouterais simplement qu'il y a quand
même... dans notre mémoire, on recommande quand même de maintenir un devoir de tous les établissements de
s'assurer de la conformité de l'ensemble de leurs normes...
La Présidente (Mme D'Amours) : M.
Trudel?
M. Trudel (Pierre) : Oui?
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
suis désolée. On vous entend en écho. Probablement qu'un de vos collègues n'a
pas fermé le micro ou... Allez ...(panne de son)... Trudel, pour qu'on
puisse...
M. Trudel (Pierre) : Ah! O.K. Ça va
mieux maintenant?
La Présidente (Mme D'Amours) : Oui.
Merci.
M. Trudel (Pierre) : En fait, tout
simplement pour ajouter que la recommandation que le mémoire de la FQPPU fait,
c'est que... quand même, c'est de maintenir la phrase introductive de
l'article 4, c'est-à-dire une obligation de
l'établissement de démontrer et de faire en sorte, de s'assurer que l'ensemble
de ses pratiques, règlements et procédures internes sont compatibles avec la liberté universitaire, ce qui n'est
pas rien comme obligation, dans la mesure où ça implique, finalement, de
passer en revue, là, tout un ensemble de pratiques et de procédures pour
chacune des institutions, mais selon sa... selon leur logique propre, selon
leurs traditions, selon leur configuration, qui ne sont pas toujours les mêmes.
Les universités au Québec sont très différentes les unes des autres.
Mme David : Merci beaucoup. Et je
pense, M. Portugais, vous ouvrez la porte à continuer la collaboration avec le
ministère. Il va y avoir une dizaine de jours, là, où on ne siégera pas, et je
pense qu'à la lumière de certaines précisions qui sont apportées,
effectivement, vous pourriez continuer cette collaboration.
Parce que, dans les principaux éléments à
modifier, quand vous avez posé... quand la ministre vous a posé la question, vous et d'autres, là, on est à peu près
à six points d'achoppement, là : le «domaine d'activité» à enlever;
l'article 6, unanimement,
à enlever; «poursuite-bâillon», prendre fait et cause pour l'université,
prendre fait et cause pour le personnel, la personne qui est poursuivie; quatrièmement, baliser le devoir de
loyauté et pouvoir critiquer l'administration; cinquièmement, changer quelques... «fine-tuning», là, excusez
l'anglicisme, dans les considérants; et, sixièmement, l'autonomie
universitaire, l'article 1b, page V, en chiffre romain, du rapport Cloutier,
que les recteurs vont venir demander et supplier d'ajouter, l'autonomie
institutionnelle.
Quand on met tout ça ensemble, là, on commence à
avoir quelque chose, je pense, qui est beaucoup plus... qui rallie beaucoup
plus, et je voulais vous entendre là-dessus.
La Présidente (Mme D'Amours) : M.
Portugais.
M. Portugais (Jean) : Oui. Je trouve
très importante votre remarque, Mme David, d'autant plus que, si on retourne au
document de l'UNESCO de 1997, il y a d'autres articles qui ne sont pas devant
nous aujourd'hui mais qui spécifient que l'autonomie universitaire doit être
garantie et que la liberté académique en est, en quelque sorte, la condition
d'exercice. Donc, il y a une... C'est bien expliqué, dans la recommandation de
1997, qu'il y a une forme de synergie très importante entre ces deux
notions-là. Donc, évidemment, on est d'accord pour... avec cette idée d'un
renforcement mutuel, mais jamais au détriment l'un de l'autre. Et d'ailleurs
l'UNESCO va jusqu'à préciser...
La Présidente (Mme D'Amours) : M.
Portugais, je suis désolée, je dois vous couper. On a terminé le bloc d'échange. Merci beaucoup de votre compréhension.
Et je cède maintenant la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve pour
une durée de 2 min 45 s.
M. Leduc : Bonjour. Terminez donc
votre lancée, M. Portugais.
M. Portugais (Jean) : Simplement
pour dire que la liberté académique, tel que définie dans UNESCO... on dit que
«l'autonomie universitaire ne saurait avoir pour effet de limiter la portée de
la liberté universitaire.» C'est un des articles, je ne sais pas par coeur le
numéro, là, mais ça se trouve dans UNESCO 97. C'est ce que je voulais
dire.
• (17 heures) •
M. Leduc : Merci. Bonjour à vous
trois. Toujours un plaisir de vous voir. Passer en troisième, c'est faire le
deuil de plusieurs très bonnes questions qui ont été posées précédemment.
Je me posais la question, plus tôt aujourd'hui,
avec un autre groupe : Est-ce qu'on a affaire essentiellement à un
problème de sciences humaines? Est-ce que l'enjeu de la liberté académique se
reflète aussi dans le génie, les sciences, les arts, la gestion? Est-ce qu'on
parle de tout ça aujourd'hui parce qu'on a un problème assez spécifique en
sciences humaines?
M. Portugais (Jean) : Pas du tout.
C'est transversal à l'ensemble des secteurs d'activité. On a des dizaines,
voire plusieurs dizaines de départements ou de facultés. Dans mon université,
l'Université de Montréal, il y en avait 60, et dans les autres universités
également. Donc, ça touche tous les domaines. La liberté académique n'est pas
spécifique à un secteur d'activité. Elle existe partout. Elle ne prend pas
toujours les mêmes formes, les mêmes déploiements.
C'est pourquoi, dans la loi, on doit trouver une définition suffisamment large
pour qu'elle puisse s'appliquer à toutes et tous d'une manière uniforme.
Et le bénéfice, c'est aussi qu'à l'intérieur de notre réseau, on a
18 universités au Québec, le fait de légiférer là-dessus va permettre
d'avoir, comme l'ont précisé les chargés de cours ce matin, une définition
universelle au Québec. Et ça, c'est un ajout important à notre fonctionnement
collectif au Québec.
M. Leduc : Merci.
J'aime beaucoup votre dernière suggestion, là, le nouvel article : «Si un
membre du personnel enseignant ou de
recherche est poursuivi en justice par un tiers pour un acte qu'il a posé ou
omis de poser dans l'exercice de ses fonctions, l'université prend fait
et cause pour lui, sauf si cette personne a commis une faute lourde.»
On disait plus tôt que, parfois, les directions
d'université hésitent à soutenir leurs membres professoraux, entre autres.
Pourquoi c'est comme ça? Pourquoi les directions d'université hésitent?
M. Portugais (Jean) : Il y en a
beaucoup. Moi, j'ai été président de syndicat longtemps. J'accompagne des
présidents de syndicat partout au Québec. Les institutions sont frileuses
parfois, et ça prend des formes dramatiques. On a connu, au Québec, au Canada
et à l'étranger, de nombreux cas depuis 30 ans où la recherche,
l'enseignement ou les activités universitaires, lorsqu'elles font l'objet d'un
litige, l'université peut hésiter à prendre fait et cause, alors que dans
certaines conventions collectives, c'est garanti et pas dans d'autres. Un des
effets de la loi serait d'uniformiser les protections pour l'ensemble des 8 200 profs
au Québec et des chargés de cours également. Ça me paraît tout à fait majeur
qu'on puisse le faire et qu'on pose un geste pour leur permettre de faire leur
travail. Merci.
M. Leduc : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup. Donc, je cède maintenant la parole à la députée de Gaspé, toujours
pour une période de 2 min 45 s
Mme Perry
Mélançon : Merci. Bonjour. Merci d'être présents et de nous éclairer
sur ces enjeux-là, notamment tout le volet de la recherche. Pour vous, c'est
très important, et je voulais peut-être vous entendre, comme première
question, sur la pression qui est exercée dans ce volet-là, sur les professeurs
notamment. Est-ce que vous avez des exemples connus, par exemple, du secteur
privé ou du gouvernement qui pourraient permettre d'alimenter les discussions,
réflexions?
M. Portugais (Jean) : Il
y en a beaucoup. Il y a des ouvrages qui ont été publiés là-dessus. Là, au
Québec, il y a l'affaire Laurentia assez récemment, à Québec, qui est
bien connue, mais il y en a eu d'autres. Elles ne sont pas toutes publiques,
ces situations, mais elles sont importantes. Et, lorsqu'un professeur rencontre
ça... Moi, j'ai accompagné un professeur en pharmacologie qui faisait l'objet
d'une poursuite bâillon d'une entreprise pharmaceutique qui voulait le faire
taire parce que ses résultats déplaisaient à l'industrie pharmaceutique. La
personne s'est trouvée dans des beaux draps, puis l'université a hésité pendant
de longues années avant de finalement prendre sa défense, mais il était trop
tard. Les effets délétères de la poursuite bâillon avaient fait leur oeuvre un
peu funeste. Alors, c'est très important, si on veut conserver un corps
professoral actif, il faut en garantir les protections.
Donc, c'est le privé
parfois, c'est plus rarement le gouvernement lui-même, mais c'est souvent des
forces extérieures à l'université. Il ne s'agit pas de dire que le travail qu'on
fait n'est pas recevable. On passe notre temps et notre vie à faire de la
reddition de comptes, les profs, et à rédiger des rapports. Mais toujours
est-il qu'il faut que l'exercice de la recherche ou de la science se fasse à
l'abri des influences indues, et l'idée d'avoir une clause dans la loi qui le
protège nous apparaît absolument nécessaire à cet égard.
Mme Perry Mélançon : Merci. Justement,
garantir la protection sans toutefois donner trop de pouvoir directement
dans les mains de le ou la ministre, comment est-ce qu'on peut arriver à faire
appliquer la loi dans cette condition-là?
M. Portugais
(Jean) : Bien, je pense que les universités devraient avoir, comme l'a
suggéré Pierre tantôt, l'obligation de faire en sorte que la liberté académique
prenne plein effet dans toutes les sphères d'activité, et dans tous les
comités, et dans toutes les situations qui sont rencontrées. Autrement dit, la
liberté académique, ce n'est pas quelque chose qui se traite dans une case
spécifique, avec un comité qui lui est uniquement dédié. Mais la loi pourrait
trouver dans une affirmation un peu ouverte, comme le recommandait d'ailleurs
Mme Bissonnette dans le rapport Bissonnette-Porter, il y a presque
10 ans déjà, une expression généreuse qui fasse en sorte que la liberté
académique soit un principe directeur, en quelque sorte, de l'ensemble de
l'activité. Si ça, c'est énoncé dans la loi, ça nous suffit comme facteur de
protection, nous, les acteurs de l'université que nous représentons.
La Présidente (Mme
D'Amours) : Chers invités, je vous remercie pour votre contribution à
la commission et j'ajourne les travaux
pour... pas j'ajourne les travaux, je suspends les travaux pour recevoir nos
prochains invités. Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 06)
(Reprise à 17 h 12)
La Présidente (Mme
D'Amours) : Nous reprenons nos travaux, et je souhaite la bienvenue à
M. Alexandre Cloutier, président, Commission scientifique et technique
indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu
universitaire. Il est accompagné de Mme Chantal Pouliot et, en
visioconférence, de M. Yves Gingras. Alors, vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.
M. Alexandre Cloutier
M. Cloutier
(Alexandre) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme la ministre, MM.
Mmes les députés, membres du personnel, bonjour à chacun d'entre vous. Alors,
c'est un immense honneur pour nous, les membres de la commission, d'être devant
vous aujourd'hui. Je vous dis d'emblée que les propositions qui vous seront
faites sont signées par les cinq membres de la commission. Et on va donc vous
présenter, là, quelques éléments qui méritent, à notre point de vue, une
bonification au projet de loi actuel.
D'abord,
vous rappeler brièvement le mandat qui avait été confié à la commission. Le
principal mandat, c'était de déterminer
le meilleur véhicule pour protéger et promouvoir la liberté universitaire. Et
vous rappeler que la commission s'est quand
même réunie 46 fois entre le 25 mars et le 2 décembre 2021. On a
procédé à une vaste consultation à la fois auprès des professeurs
d'université, mais aussi auprès des étudiants. Et nous avons aussi tenu des
audiences publiques et reçu de nombreux mémoires. Je tiens aussi à préciser que
l'échantillon utilisé pour la cueillette de données est représentatif du corps
professoral.
Quelques faits
saillants du sondage du corps professoral et des étudiants, question de se
rafraîchir la mémoire. Ce sont 60 % des membres du corps professoral sondé
qui affirment s'être censurés en évitant d'utiliser certains mots. 28 %
des étudiants affirment s'être censurés dans le cadre de leurs études. 82 %
des membres du corps professoral considèrent qu'ils devraient pouvoir utiliser
tous les mots utiles à des fins universitaires. Et il n'y a seulement que
14 % des membres du corps professoral qui considèrent que les mesures sur
la liberté universitaire devraient relever uniquement de leur institution.
Quelques constats dans le cadre de nos travaux.
D'abord, oui, il existe une protection de la liberté universitaire dans les
conventions collectives, mais ce qu'on constate, c'est qu'il y a des
divergences quant à la signification et quant à la
portée. On retrouve des éléments divergents, par exemple, sur le droit d'être
critique des institutions, sur qui sont les bénéficiaires de la liberté
universitaire, sur l'obligation de prendre fait et cause. On retrouve aussi des
mécanismes de règlement de litige qui sont carrément déficients. Procédure de
grief, par exemple, qui est évidemment inapplicable aux étudiants, qui
nécessite aussi une intervention de l'employeur pour qu'un grief puisse être
déposé. Il y a aussi une gestion, en quelque sorte, qui dépend un peu du bon
vouloir, là, des administrations en place, puis on réalise aussi la portée très
limitée des déclarations ou des déclarations de principe. Alors, il y a aussi
des conventions collectives qui sont carrément muettes sur l'enjeu de la
liberté universitaire.
Le projet de loi n° 32 reprend plusieurs de
nos recommandations. D'abord, la loi, hein, pour nous, les membres de la
commission, c'est un véhicule qui est nécessaire, qui permet d'avoir une
protection qui est uniforme pour l'ensemble des établissements au Québec, donc,
une seule définition de la liberté universitaire qui s'applique à l'ensemble
des institutions. Le projet de loi reconnaît la mission de l'université ainsi
que les conditions d'exercice, dont l'autonomie des universités,
l'article 1 et le préambule. On y reviendra avec quelques précisions à
apporter. Le projet de loi identifie aussi les bénéficiaires de la liberté
universitaire à l'article 3. Là aussi, on aura quelques précisions à apporter.
Et elle définit aussi les mécanismes des litiges par la création d'un conseil.
On va proposer, dans quelques minutes, un comité. Elle prévoit, enfin
l'adoption d'une politique spécifique afin de promouvoir la liberté
universitaire.
La première recommandation qu'on veut vous
faire, c'est de reprendre la définition de la liberté universitaire telle qu'on
vous le propose dans le rapport. Honnêtement, je pense qu'à la lumière de ce
qu'on a entendu aujourd'hui, ça réglerait beaucoup d'enjeux, si on reprenait
intégralement la définition qui vous a été présentée dans le rapport. Donc, essentiellement, on reprend, là, les propos
qui viennent de vous être présentés par la FQPPU en ce qui a trait, par exemple, au domaine d'activité. On pense que c'est
une limitation inutile et on devrait davantage axer la réflexion sur la démarche universitaire pour l'atteinte de la
mission de l'université, qui est la bonne approche à notre point de vue,
parce que c'est beaucoup trop complexe, je
pense, d'entamer un débat sur le domaine d'expertise. Si vous le souhaitez, on
pourra vous donner quelques exemples de complexité que ça pourrait apporter.
Ensuite, on souhaite réintégrer le concept de création dans la définition de la
liberté universitaire, probablement juste une omission. Puis enfin, préciser le
droit du bénéficiaire, là, d'exprimer son opinion, hein, sur l'établissement.
Le monde universitaire, dans la définition de la liberté universitaire, ça
comprend ce droit de critique de l'institution et ça nécessite, on pense,
également une précision.
Maintenant, on vous propose aussi de modifier
l'article 4, là, la création d'un conseil. On préfère, nous, l'expression
«comité», là, qui nous apparaît plus conforme dans l'environnement
universitaire. Je tiens aussi quand même à préciser, hein, dans notre rapport,
ce qu'on souhaitait, c'était la création d'un comité pour régler les enjeux en
lien avec la liberté universitaire, mais uniquement en cas de litige, donc une
fois que les parties sont insatisfaites du résultat. Et pour préciser, dans le
fond, cette mécanique, on a soumis, dans le cadre de nos travaux, un tableau en
annexe, qui est la dernière page, en fait, de notre rapport, qui montrait un
peu la procédure à suivre avant d'en arriver à un comité, avant que le comité,
finalement, entre en action au sein de l'institution. Donc, ça permet, grosso
modo, à chaque institution, s'il arrive un événement, bien, de trouver une
solution à l'interne. Mais, en cas d'insatisfaction d'une des parties, là,
c'est le dépôt formel de la plainte, et là une mécanique, là, qui s'ensuit.
Évidemment, on pense qu'avec l'adoption de la loi et la définition de la
liberté universitaire, on va régler essentiellement une grosse partie du
problème avant d'en arriver à la mise en oeuvre comme telle du comité.
Quant à l'article 6, nous aussi, on vous
invite peut-être à revoir la formulation quant à cette nécessité.
Essentiellement, nous, ce qu'on pense, c'est que vous devriez vous inspirer de
la loi sur les violences à caractère sexuel dans laquelle, grosso modo, on permettait
au gouvernement d'intervenir en cas de violation de la loi. Essentiellement,
c'est un peu normal qu'un gouvernement souhaite s'assurer que la loi soit
respectée, mais, en même temps, il faut s'assurer de ne pas être trop intrusif
dans le concept d'autonomie des universités.
Enfin, j'aimerais vous mentionner également
qu'en ce qui a trait aux considérants, bien, il y a peut-être une
reformulation, là, qu'on pourrait apporter aux considérants 3 et 4,
simplement réaffirmer qu'il existe des conditions essentielles que sont
l'autonomie et la liberté universitaire. Mais, en fait, la façon dont c'est
formulé, on dit essentiellement que ça découle de la recommandation de
l'UNESCO. Mais, en fait, les conditions de la... les conditions essentielles ne
découlent pas de l'UNESCO mais découlent plutôt de la mission de l'université.
Donc, ce qu'on vous propose au quatrième
considérant, en fait, c'est de... pardon, de remplacer les considérants 3
et 4 par celui-ci, essentiellement : «Considérant que l'autonomie universitaire et la liberté universitaire
sont des conditions essentielles à l'accomplissement de cette mission;»
et de placer cette recommandation-là en numéro 2.
Alors, voilà essentiellement ce que les membres
de la commission souhaitaient soumettre à votre attention aujourd'hui. Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci
beaucoup pour votre exposé. Nous allons commencer nos échanges avec la ministre
pour une période de 16 min 30 s
• (17 h 20) •
Mme McCann : Merci, Mme la
Présidente. Alors, je veux saluer vraiment M. Cloutier, Mme Pouliot
et M. Gingras, là, qui est sur écran, et vous remercier d'entrée de jeu de
tout le travail que vous avez fait au niveau de la commission, et remercier
aussi les autres membres de la commission. Ça a été, pour nous, essentiel,
hein, ce que vous avez fait. C'est la base, vraiment, de ce que nous avons
décidé. Puis effectivement, là, aujourd'hui, vous nous apportez des
recommandations sur, peut-être, réajuster le texte du projet de loi en fonction
de ce que vous aviez recommandé. On comprend ça très bien, et je reçois ça très
positivement.
Alors, j'aurais quelques questions. Puis,
écoutez, ce n'est pas étranger que vous arriviez à ce moment-ci de la commission où on a entendu différents groupes et
notamment le dernier groupe sur lequel je vais avoir quelques questions,
la position de la fédération des professeurs
d'universités, là, du Québec. Donc, juste d'entrée de jeu, pour être sûre que
je vous comprends bien... parce qu'on nous a beaucoup recommandé de prendre la
définition de l'UNESCO. Et là je vais vous poser une petite question pointue au
départ, là. La recommandation, votre définition, de la commission Cloutier,
elle est assez similaire à celle de l'UNESCO. Il y a quand même quelques
petites divergences. Vous êtes très à l'aise avec ça. Est-ce qu'il y a... parce
qu'on nous demande de prendre la définition de l'UNESCO, et vous nous suggérez
votre définition.
M. Cloutier (Alexandre) : Bien,
en fait, on n'a vu aucun intervenant, suite au dépôt de notre rapport, qui a
remis en question la définition qui avait été suggérée au gouvernement pour la
définition de la liberté universitaire. Nous, on considère que cette
définition-là semble faire consensus. Donc, effectivement, on pourrait s'y
référer. Sinon, si vous voulez utiliser le texte actuel, bien, il y a moyen d'y
arriver aussi en biffant, par exemple, «dans le domaine», en y ajoutant «la
créativité» et en y ajoutant «le droit de critiquer les institutions». Je pense
qu'on pourrait arriver, à partir du texte actuel, mais vous pouvez aussi le
réécrire si vous le souhaitez, mais nous, on a travaillé à partir du texte du
projet de loi, et c'est dans cet esprit-là qu'on vous a soumis quelques
amendements. C'est ce que vous retrouvez dans la page, là, page et demie qui
vous a été soumise.
Mme McCann : Oui, puis on vous
en remercie, c'est très clair d'ailleurs. Je voulais aussi vous demander, parce que vous avez entendu la fédération
québécoise des professeurs d'université, la FQPPU... parce qu'un des éléments,
une de vos recommandations, c'est celle de mettre sur pied un comité. On va
appeler ça un comité pour le moment. On parle d'un conseil dans le projet de
loi, mais on va parler du comité, c'est votre recommandation. Et on a clarifié,
hein, sur place qu'évidemment c'est un dernier recours. Par contre, le projet
de loi n'était peut-être pas assez explicite là-dessus, là, que ce n'est pas en
première instance, là. Mais la suggestion qui est faite par la fédération,
celle qu'on vient d'entendre, des professeurs
d'université, c'est que le conseil ou le comité, évidemment, n'avait pas à...
n'était pas... suggérait qu'il
n'existe pas, à la limite. Mais vous, vous suggérez que même le comité puisse
sanctionner, hein, apporter des sanctions, et la position des
intervenants précédents suggère qu'il n'y ait pas de sanction. Qu'est-ce que
vous répondez?
M. Cloutier (Alexandre) : Une
nuance, intéressante, Mme la ministre, on n'a pas suggéré, dans notre rapport,
que le comité sanctionne.On a suggéré que le comité fasse une
recommandation aux responsables de la politique parce que, d'un point de vue
purement relation de travail, on ne peut pas demander à un comité de prendre
une décision au nom de l'employeur. Par définition, ça sera celui qui recevra
les recommandations, donc probablement le vice-recteur à l'enseignement, qui
aura à mettre en oeuvre ou non les recommandations.
C'est un peu
comme ça que ça fonctionne pour les comités, par exemple, sur le harcèlement,
par exemple. Il y a une enquête, on
étudie, puis ensuite, bien, au terme de cette cueillette d'information, il y a
une recommandation qui est faite. Puis la recommandation, bien, elle est
entre les mains de l'administration, puis c'est elle qui décide de la façon de la mettre en oeuvre. Donc, c'est vraiment un
comité qui propose à l'institution puis, ensuite, c'est la haute
administration qui doit décider des suites à donner.
Mme McCann : Bien, c'est une
nuance extrêmement importante. Puis on voit qu'au fil des discussions qu'on a
eues aujourd'hui, il y a beaucoup de nuances qui doivent être apportées. Et on
s'aperçoit qu'évidemment on n'a pas tous la même compréhension, hein, de
certains éléments, et c'est probablement normal parce que c'est un dossier
extrêmement complexe. Vous dites... vous avez dit, dans votre présentation et
dans votre rapport, que 14 %, si je vous ai bien compris, des professeurs
ou du personnel enseignant souhaitent que ce soit vraiment la responsabilité de
leur institution, la protection de la liberté universitaire, académique,
universitaire. Les derniers intervenants nous disaient, en quelque part, que
l'université devrait, si je les ai bien compris, et peut-être qu'il y aura des
nuances à apporter là-dessus aussi, l'université devrait être responsable. La
ministre accompagnerait, mais l'université serait responsable. Qu'est-ce que
vous pensez de ça?
M. Cloutier (Alexandre) : Peut-être
un élément de précision, effectivement, sur les 14 %. Le 14 % fait
référence à qui devrait protéger la liberté universitaire ou qui devrait être
responsable de sa définition en quelque sorte. 14 %, c'était que ça
devrait être juste l'institution. Alors, ce qui est intéressant, c'est de voir
une proportion très élevée qui pensait qu'un point de vue national était
nécessaire. Donc, ça justifiait, en quelque sorte qu'il y ait une vision et une compréhension communes pour l'ensemble des
Québécois. Enfin, après, effectivement, l'université a une immense responsabilité dans la mise en oeuvre de la
liberté universitaire au sein de son institution, ce qui est tout à fait à
propos. Mais maintenant, ce qu'on
essaie d'éviter maintenant, c'est qu'il y ait une divergence dans la définition
entre la faculté, je ne sais pas, moi, de sociologie de telle université
versus telle autre université et que chacun y va un peu de son interprétation.
Donc, je
pense que vous avez été à même de le constater durant votre journée à quel
point il y a des compréhensions assez diverses de la liberté
universitaire.Et, si on ne réussit pas à avoir une compréhension
commune, bien, on passe à côté de l'objectif. Et mettez-vous à la place ensuite
de ceux qui ont à mettre en oeuvre. Il faut que ça soit clair pour eux,
qu'est-ce qu'ils doivent mettre en oeuvre et quelle est la compréhension. C'est
pour ça qu'on revient, nous, au texte de l'UNESCO qui est beaucoup plus large,
et qui fait consensus, et qui nous permet justement d'avoir un environnement
commun de compréhension.
Mme McCann :
Oui. Et on voit qu'il y a un assentiment du côté, là, des fédérations, des
associations que nous avons rencontrées, du personnel enseignant, d'avoir un
projet de loi. Ça, c'est vraiment unanime, même si on demande plusieurs modifications. Évidemment, il y a toute la
question des étudiants et on a... J'ai souhaité clarifier ce matin qu'un étudiant peut faire une plainte dans le
cadre de la liberté académique universitaire. Et ça, je pense que, et c'est
normal, là, que l'UEQ ne l'avait pas saisie de cette façon-là. Alors, j'étais
contente de le clarifier. C'est votre position aussi?
M. Cloutier
(Alexandre) : Bien sûr. Tout à fait.
Mme McCann :
Bon, la FQPPU, à nouveau, leurs commentaires... et je pense que vous en
avez parlé dans votre rapport, l'obligation de prendre fait et cause pour le
professeur. Et pouvez-vous nous dire quelle importance, là, vous attachez à cet
élément-là?
M. Cloutier
(Alexandre) : C'était effectivement une de nos recommandations. On
suggérait que la haute administration prenne
fait et cause en cas de litige. C'est donc dire qu'en cas de procédure
judiciaire, que l'administration devrait prendre fait et cause, mais on
fait le pari, Mme la ministre, que pour qu'il y ait une procédure judiciaire,
ça voudra dire qu'il y aura eu des échecs précédents. Parce que, normalement,
il y a la loi, il y a la définition de la liberté universitaire. Ensuite, il y
aura une première application avec les personnes concernées. En cas de réel
litige, il y aura un comité. Ensuite, il y
en a une recommandation, puis lorsqu'on va tomber dans la mise en oeuvre de la
recommandation, j'imagine que c'est là que pourrait intervenir davantage un
litige potentiel. Et c'est là que l'obligation de prendre fait et cause devrait
intervenir auprès de la haute administration. Mais vous voyez qu'on est quand
même à un niveau de dernière étape. Je vois que mon collègue Yves lève la main,
Mme la ministre. Je pense qu'il...
Mme McCann :
Oui, M. Gingras.
La Présidente (Mme
D'Amours) : M. Gingras.
M. Gingras (Yves) : Oui. Pour montrer cette
importance, je pourrais donner un exemple très bref. À l'Université de
Toronto, il y a une bonne quinzaine d'années, il y a une chercheuse, Nancy
Olivieri, qui avait fait une recherche en biomédical qui mettait en évidence
les dangers d'un médicament qui était fait par une compagnie pharmaceutique. La
compagnie a poursuivi le professeur. Au début, l'université a dit : Ah!
bien là, nous, elle avait signé un contrat, on ne la défend pas, ce qui est
assez inacceptable parce que c'était une chercheuse, et l'université était
contente que les contrats de la chercheuse rentrent à l'université. Mais la
minute où elle a eu une poursuite, l'université a refusé.
Et on peut aussi
prendre le cas au Québec de l'affaire Maillé qui a fait un grand scandale. Il a
fallu que le Scientifique en chef, lui, prenne fait et cause pour que là,
soudainement, les universités changent d'avis. Donc, cette... C'est concret,
cette affaire-là et c'est très important, d'où le fait qu'on l'a mis dans notre
rapport comme un des éléments qui touchent souvent plus la recherche et
l'opinion sur la société. Vous savez qu'en France, actuellement, il y a des
économistes qui ont été poursuivis parce qu'ils avaient dénoncé des
traitements. Eux avaient fait des preuves que des compagnies avaient des
comportements, sur le plan économique, qui étaient inacceptables. C'était des
professeurs d'université, et ils ont été poursuivis. Or, c'est dans leur
mission d'enseignement et surtout de recherche et de service à la collectivité
que de défendre le bien commun. Les universités sont contentes lorsque les scientifiques
sont à la télé, mais il faut qu'en compensation elles disent : On va aussi
vous défendre, si quelqu'un vous attaque.
• (17 h 30) •
Mme McCann :
Bien, je vous remercie. Je regarde l'heure et je voudrais vous entendre,
parce que je veux donner la parole aussi à mes collègues, tout de suite après.
Dernière question sur le devoir de loyauté. On en a parlé. Les différents
groupes en ont parlé, le dernier a affirmé que ça devrait être dans le projet
de loi. Et c'est quand même une question, là aussi, complexe parce que ça
touche aux conventions collectives. Et je pense, si j'ai bien compris la FQPPU,
c'est comme si on nous disait : Le devoir de loyauté, c'est presque
antinomique par rapport à une université. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez?
M. Cloutier
(Alexandre) : Bien, en nommant clairement, dans la définition de la
liberté universitaire, le droit de critiquer l'institution, on vient de régler,
à mon avis, une grosse partie du problème. Il faut reconnaître que, dans le monde universitaire — puis je vois Mme David, qui connaît très bien le
milieu — qu'il
y a une culture qui fait partie du monde
universitaire, mais qui est... cette culture, elle est internationale. Dans la
déclaration de l'UNESCO, on le reconnaît aussi, et ça fait partie de... certains pourraient rattacher, par
exemple, à la collégialité, en quelque sorte, cette collaboration, ce droit de participer aux discussions, aux
orientations qui sont prises par l'institution, quand on est pour et quand on
est contre.
Alors, ce que ça veut
dire, c'est qu'il faut que... En ajoutant le droit de critique, inévitablement,
on envoie aussi un message aux arbitres de griefs puis aux juges que, quand
vous abordez ces enjeux-là dans une université, bien, c'est un contexte
particulier du milieu universitaire, avec ses propres règles et ses propres
codes.
Mme McCann :
Bien, je vous remercie. Et, avant de passer la parole, je veux, encore une
fois, vous remercier pour l'énorme travail que vous avez fait dans le dossier.
Ça a été extrêmement aidant pour nos réflexions. Merci.
La Présidente (Mme D'Amours) : Merci.
Je vais céder la parole à la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Il vous reste 3 min 50 s.
Mme Foster : Merci beaucoup,
merci beaucoup. D'entrée de jeu, je me joins à la ministre, je vous remercie
pour tout le beau travail effectué, parce que c'était tout un boulot, ce
rapport. Il était très complet.
Première question. On a
discuté beaucoup, avec les intervenants précédents, bon, de liberté académique,
le point de vue des professeurs, bon, etc.
Par contre, je voudrais vous entendre sur une notion. Dans votre rapport, vous
parlez de la liberté d'apprendre, donc,
cette liberté fondamentale, hein, pour les étudiants pour avoir un enseignement
de qualité. J'aimerais que vous m'en parliez et le lien potentiel avec
notre projet de loi. Donc, c'est une question à développement.
M. Cloutier (Alexandre) : J'ai
presque envie de céder la parole à mon collègue Yves, parce que je sais
qu'Yves... Non, je peux donner un bout de réponse puis tu pourras... O.K.,
c'est beau, je vais compléter.
Pour nous, c'est important de reconnaître aux
étudiants ce droit d'apprendre là, parce que les étudiants ont le droit de
poser des questions, ils ont le droit de choisir leurs cours. Ils font partie
intégrante du processus universitaire, et ça, c'est important de leur dire,
mais évidemment ça vient avec des responsabilités aussi. Et, lorsqu'on met
cartes sur table et en reconnaissant ce droit d'apprendre, ce droit de participer,
ce droit être présent, ce droit de remettre des choses en question, le droit de
poser des questions, de participer en classe, bien, ça nous permet, dans le
contexte de la promotion de la liberté universitaire, de dire qu'il existe
aussi, pour les étudiants, ce droit d'apprendre.
Yves pourrait faire l'historique d'où ça
origine. Yves, j'aimerais ça que tu expliques aux membres de la commission, à
l'époque... dès le départ.
M. Gingras (Yves) : Non, mais
je pense que la raison pour laquelle, dans notre rapport, on a insisté sur le
droit d'apprendre, c'est aussi le complément. L'université, c'est d'abord, bien
sûr, le professeur qui enseigne, parce que les gens viennent à l'université
pour apprendre, mais pour qu'il y ait un équilibre, il faut que l'étudiant...
Et on vient de voir, dans l'enquête qui a été faite par les étudiants de
McGill, qui viennent confirmer l'enquête qu'on a faite auprès des étudiants...
Et moi, comme professeur, je peux vous dire que je l'ai vu aussi, quand les
étudiants viennent me parler, il y a des étudiants qui se sentent aussi
censurés, soit parce qu'un professeur leur dit qu'ils n'ont pas droit de croire
à telle idée ou que des étudiants les empêchent d'exprimer librement leurs
opinions.
Donc, ce droit d'apprendre, c'est fondamental.
Ça veut dire qu'il y a un milieu académique qui est propice, il y a un
véritable échange sur toutes les opinions, pas uniquement de la part des
professeurs, mais de la part des étudiants. Donc, on a insisté sur cette notion
qui n'a pas été reprise dans le projet de loi, mais on pense que ça équilibre,
que les étudiants... L'université, là, c'est les étudiants et les professeurs.
C'est ça, les universités. Les administrateurs sont au service de l'université,
dont la définition, depuis le Moyen Âge, c'est les professeurs et les
étudiants. Et les directions passent, mais les profs restent plus longtemps,
puis les étudiants passent. Donc, le droit d'apprendre est fondamental dans
notre rapport.
M. Cloutier
(Alexandre) : Et nous, on l'avait inclus dans la politique. Ce
qu'on avait suggéré au gouvernement, c'était de l'inclure comme
élément... partie intégrante de la politique sur la liberté universitaire, dans
laquelle on devait reconnaître ce corollaire pour les étudiants.
Mme Pouliot (Chantal) : J'ajouterais
une chose. C'est dans ce sens-là qu'à l'annexe 10, lorsqu'on présente la
façon de fonctionner du comité, qu'on souligne que tout membre de la communauté
universitaire pourrait déposer une plainte. Dans le fond, c'est la réponse à la
question qui était posée ce matin.
La Présidente (Mme D'Amours) : ...il
reste 30 secondes.
Mme Foster : Je passerais la parole...
Mme IsaBelle : J'aurais aimé ça
savoir...
La Présidente (Mme D'Amours) : Oui,
députée de Huntingdon.
Mme IsaBelle : Oui. Excusez, hein,
je suis allée trop vite. J'aurais aimé ça savoir ce que vous pensez de la
recommandation 7, que j'ai posée tantôt comme question, de la fédération
de la recherche et de l'enseignement du Québec, qui propose que tout
gestionnaire suive une formation.
M. Cloutier (Alexandre) : Bien, ça
va dans la logique de la promotion de la liberté universitaire. Puis, en soi,
on pense que c'est assurément une bonne idée qu'il y ait le plus de gens possible
qui comprennent qu'est-ce que ça veut dire, la liberté universitaire, d'autant
que les gestionnaires, par définition, auront davantage, éventuellement,
j'imagine, à s'interroger sur la mise en oeuvre. Donc, d'avoir une
compréhension commune, ça m'apparaît approprié.
Mme IsaBelle : Est-ce qu'on devrait
l'ajouter dans le projet de loi?
La Présidente (Mme D'Amours) : Je
suis désolée, le temps étant écoulé, je me tourne maintenant vers l'opposition
officielle avec la députée de... non, pardon, de Marguerite-Bourgeoys, pour une
période de 11 minutes.
Mme David : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour, bonjour tout le monde, même de
France. Alors, je vais commencer par une drôle de CQFD à l'envers, ce qu'il
fallait démontrer. Alors, les éloges pleuvent sur votre rapport, unanimes, j'ai
rarement vu ça. Le projet de loi dit s'inspirer fortement de votre rapport et
vous félicite à profusion. Les mémoires et sorties
publiques critiquent à profusion le projet de loi. Donc, unanimité pour votre
rapport et unanimité contre la mouture actuelle du projet de loi. On en est là.
Je ne suis pas découragée, j'ai encore de l'espoir, mais c'est fascinant. Je
veux dire, tout le monde vous admire, rapport formidable, mais que des critiques
sur ce qui manque ou sur ce qui n'a pas été bien compris de votre rapport,
peut-être.
Premier exemple, vous
l'avez bien précisé, article 4, troisième alinéa, l'article 4 que
décrie très, très fort, entre autres, la FQPPU, parce qu'ils avaient mal
compris la question du conseil qui arrive en toute fin, là, je pense, c'est
plus clair, alors là il faut tout repenser les choses. Mais, troisième alinéa,
alors, «cette politique doit notamment prévoir les mesures et sanctions
applicables...» alors, vous, vous dites : Bien non, on n'a jamais parlé de
mesure de sanction.
M. Cloutier
(Alexandre) : C'est-à-dire, je vais apporter une nuance ici, Mme la
députée. En fait, nous, ce qu'on a dit, c'est que la politique, effectivement,
devrait réfléchir à la panoplie de mesures ou de sanctions ou de... les suites, finalement, à donner au rapport. En fait,
ce qu'on souhaitait, c'est que chaque... secrétaires généraux des
institutions décident eux-mêmes de la politique puis de la façon dont ils
donnaient suite au rapport du comité qui était soumis, au vice-recteur,
probablement responsable. Mais nous, on n'a pas voulu aller jusque-là, parce
que, nous aussi, on était préoccupés par ce juste équilibre de l'autonomie des
universités, puis on jugeait... chaque université établira bien la procédure...
puis incluant les sanctions. C'est pour ça qu'on disait aux universités :
Décidez de ce que vous voulez.
Mme David : Décidez
vous-mêmes...
M. Cloutier
(Alexandre) : C'est ça.
Mme David :
...mais vous dites bien, au premier alinéa, parce c'est là qu'il y a un grand
malentendu, il y a plein de malentendus dans le projet de loi par rapport au
rapport. Je pense qu'on nage dans les malentendus sur la liberté académique.
Mais on dit bien, dans le premier alinéa, que «le cas échéant», pour un cas en
particulier, là, ce ne sont que des recommandations, ce ne sont pas des
sanctions. Mais ce comité que, vous, vous appelez «comité» dans votre rapport,
qui s'appelle «conseil»... je ne sais pas d'où vient cette inspiration, je
pense que vous étiez mieux inspiré, pour les fins du milieu universitaire, de
parler d'un comité. Ce n'est pas clair du tout. Ce comité fait de la
sensibilisation, de la formation, explique comment ça devrait fonctionner, mais
reçoit des cas litigieux. Donc, il a un bras
dans les opérations et dans les recommandations concrètes, puis il a un bras
dans la formation, sensibilisation, etc. Est-ce que c'est... je
comprends bien les choses?
M. Cloutier
(Alexandre) : Je crois que oui. Je crois que oui, mais évidemment, les
suites à donner, ça peut être rien du tout également, là, juste pour être
clair. Le comité pourrait décider, absolument, aucune sanction sous forme de
recommandation. Mais je rappelle qu'ultimement c'est le vice-recteur qui va
décider de la sanction à appliquer, et c'est lui qui va devoir prendre la
responsabilité, comme employeur, avec ce qui vient avec, c'est-à-dire...
Mme David : Oui. Donc, c'est très différent d'un comité de
discipline, parce qu'un comité de discipline, là, nous, on a... j'en
faisais partie longtemps, on peut mettre des professeurs à la porte,
complètement.
M. Cloutier
(Alexandre) : Ça n'était pas dans cet esprit-là, effectivement, du
tout, que ça a été... La recommandation, effectivement, ne va pas jusque-là.
• (17 h 40) •
M. Gingras
(Yves) : Je peux faire un complément, là. Il faut rappeler aussi que
le but de tout ça, c'est de faire la promotion de la liberté universitaire, ce
que les directions d'université n'ont, jusqu'à maintenant, jamais fait. Donc,
soyons clairs, le comité a une fonction. C'est que, s'il y a une plainte, c'est
qu'il n'y a pas eu promotion ni défense de la liberté universitaire.
Donc, le but du
comité, c'est de s'assurer qu'on défend la liberté universitaire, hein? Il ne
faut pas oublier ça, là. Ce n'est pas si confus, ce n'est pas si compliqué.
Donc, quand on complique les choses, souvent, ça peut être pour noyer le
poisson. Ne perdons pas de vue que le but, c'est de promouvoir et de défendre la liberté universitaire. Il y a plein de cas qui ont
été assurés qu'elle n'a pas été défendue. Donc, ce comité distinct des autres,
il ne faut pas qu'il soit noyé dans d'autres types de comités qu'ils vont faire
sur le coin de la table. Il faut qu'il y ait un seul comité qui dit : Si
la liberté universitaire n'a pas été mise en application, il doit y avoir des
mesures. Appelez ça des mesures, ne jouons pas sur les mots... Est-ce qu'il y a
des mesures qui vont s'assurer que le professeur ou l'étudiant a bien eu son
droit d'apprendre et, le professeur, sa liberté universitaire?
Mme David : C'est
clair. Les recteurs sont très, très inquiets et réfèrent beaucoup à la
page V, en chiffres romains, l'article 1b, pour parler de l'autonomie
universitaire. Alors, ça, ils vont venir le dire, le BCI va venir nous le dire.
Le recteur de l'Université de Montréal s'est prononcé, il y a un mémoire de
l'Université de Montréal. Où c'est qu'on pourrait mettre ça pour rassurer,
d'après vous, les directions d'université?
M. Cloutier (Alexandre) :
Bien, nous, la commission, on proposait qu'il soit dans la loi.
Mme David : C'est
ça, pas dans les considérants, là.
M.
Cloutier (Alexandre) : Non. Nous, les recommandations qu'on faisait au
gouvernement, effectivement, c'était de l'inclure dans la loi. Puis c'est une
occasion, je pense, vraiment extraordinaire de le faire, parce qu'on est en
train de poser les bases, dans le fond, des conditions d'exercice d'une
université. Alors, c'est dans cet esprit-là que, nous, on a proposé qu'effectivement
les deux conditions... Maintenant, si on ne veut pas modifier, on peut aussi
modifier le considérant, mais je suis bien conscient qu'un article de loi,
versus un considérant, a un impact plus fort.
Mme David : Donc...
parce que j'ai noté votre considérant, qui deviendrait le numéro 2, plutôt
que 3 et 4, vous allez envoyer ça à la ministre, j'imagine. «Considérant que
l'autonomie universitaire et la liberté universitaire sont des conditions
essentielles à l'accomplissement», ça ne satisfera pas entièrement les
recteurs. Il faut trouver... Et est-ce que vous trouvez que vos modifications,
à l'article 3, comblent ou rassurent les directions d'université?
M. Cloutier
(Alexandre) : À la base, les cinq membres de la commission
recommandent les recommandations du rapport. Donc, si on a à choisir entre des
considérants versus un article de loi, nous, on a privilégié un article de loi
sur ces deux conditions.
Mme David : Mais
vous le mettez où? Vous le mettez où actuellement, dans votre mémoire, à
l'article 3?
M. Cloutier
(Alexandre) : En fait, on le retrouve dans la première recommandation:
Que le gouvernement fasse adopter une loi sur la liberté... consacrer l'autonomie
universitaire. On peut en faire un article de loi. On pourrait ajouter un
article de loi, par exemple, si vous vouliez modifier. Il y a deux choix, soit
qu'on ajoute un considérant, comme on vous l'a proposé tout à l'heure, ou qu'on
l'inclut carrément dans un article de loi.
Mme David : Mais,
pour l'instant, ça n'existe pas.
M. Cloutier
(Alexandre) : Non, absolument...
Mme David : Puis
vous ne le proposez pas dans votre mémoire.
M. Cloutier
(Alexandre) : Bien, c'est-à-dire qu'on le propose dans nos
recommandations. Parce qu'il faut comprendre aussi que, dans le fond, ce qu'on
propose au gouvernement, ce sont toutes les recommandations. Maintenant, il y a
un choix qui est fait par le gouvernement, qu'on accepte par la démocratie, qu'ils
ont le droit de choisir qu'est-ce qu'ils veulent ou pas.
Mme David : Oui,
oui, mais disons que, dans le «pick and choose», il y a des choses qui sont...
M. Cloutier
(Alexandre) : Oui, mais si vous nous demandez, aux membres de la
commission, nous, on a recommandé que ça soit dans la loi.
Mme David : O.K.
Et vous continuez à le recommander, et vous serez d'accord quand les recteurs
vont venir dire qu'eux autres sont très inquiets que ça se...
M. Cloutier
(Alexandre) : L'ensemble des recommandations sont toujours portées par
les cinq commissaires.
Mme David : O.K.
Bonne réponse de politicien.
Des voix : Ha!
Ha! Ha!
Mme David : Il
n'a pas perdu ses réflexes.
M. Cloutier
(Alexandre) : Bien, j'ai un peu de pratique, quand même.
Mme David : La question va peut-être s'adresser à M. Gingras,
parce qu'au début j'ai bien entendu, l'échantillon de votre sondage, qui
a été fort critiqué par plusieurs, est représentatif du corps professoral.
Alors, comme ça a été beaucoup critiqué, peut-être que M. Gingras pourrait dire
pourquoi vous prenez la peine d'expliquer ça.
M. Gingras
(Yves) : O.K. Tout d'abord, je veux rappeler que le rapport a très
bien expliqué, dans une note de bas de page, en référant à un manuel standard
de méthodologie des sondages, comment ça fonctionne, les sondages. Alors là, il
est assez surréaliste que certains recteurs qui n'ont soit jamais fait de
statistiques ou qui ont oublié leurs sondages,
ils devraient savoir ce que tous les élus, autour de la table, savent : Au
Québec, vous avez, à chaque semaine, des sondages sur l'ensemble des 7 millions de Québécois, fondés soit
par Léger & Léger ou d'autres, sur 1 000 ou 1 200
de Québécois sur 7 millions. Est-ce qu'on dit que le taux de réponse de
1 200 sur 7 millions, c'est... Donc, ils n'ont pas compris que ce qui
compte dans la validité d'un sondage, ce n'est pas que 3 % des 33 000
ont répondu, ça n'a rien à voir. C'est que, sur l'échantillon de 1 000 sur
30 000, et non pas 1 000 sur 7 millions, il soit représentatif
des variables.
Alors, si vous
regardez le tableau, c'est écrit que, sur la distribution de l'âge des
professeurs, sur le domaine disciplinaire, ça représente la distribution des
professeurs, sur la séparation Montréal, régions aussi, et sur le sexe aussi, vous avez le tableau dans le rapport. Donc, tous ceux qui
font des échantillons au Québec prennent 1 000 sur 7 millions, et, au
Canada, sur 30 millions, on prend à peu près 2 000. Donc, aller dire
que 3 % de répondants, ce n'est pas suffisant, c'est montrer qu'on ne sait
pas les règles des sondages. Et tous les politiciens, ils lisent les sondages,
et il n'y a jamais plus que 1 000 ou 1 200.
Dernier
point, aucun des recteurs qui se sont plaints de la soi-disant invalidité de l'échantillon,
ce qui est scandaleux, n'ont remis en cause la même... le même sondage
sur les étudiants. Il y a 1 000 étudiants qui ont été interviewés par
un panel tiré de Léger & Léger, et c'est 1 000 sur combien?
Mais sur 200 000 étudiants... Mais ce n'est pas le taux de réponse
qui compte, c'est la représentativité de l'échantillon qui, avec 1 000 ou
1 200, est à 3 % de précision.
Donc, comme je dis,
quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage. Donc, les recteurs
n'aimaient pas les résultats, ils ont inventé des arguments
pseudoscientifiques, alors que notre sondage est représentatif et valide.
Mme David :
Merci. Merci pour le cours de statistiques. Merci beaucoup, Yves. Et donc
l'article 6... Et là je me sens un peu juge et partie là, mais ça prend la
prémisse de tout le reste qui précède, parce qu'à défaut de se conformer aux
obligations prévues par la présente loi, encore faut-il que la présente loi
soit satisfaisante pour l'ensemble des parties. On se comprend?
M. Gingras (Yves) :
Oui.
Mme David :
Si la prémisse est bonne, l'article 3, l'article 4, les
considérants, on est en business pour l'article 6. Moi, c'est comme ça que
j'interprète ça.
M. Gingras
(Yves) : Oui, mais c'est inévitable. Il ne faut pas... Il ne faut
surtout pas oublier... parce que j'ai entendu des discours qui prennent une
phrase de l'article 3, un projet de loi, chaque paragraphe est relié à
l'autre paragraphe. Donc, quand on définit la mission au premier, la
conséquence de la mission, c'est la liberté universitaire.
La Présidente (Mme
D'Amours) : Merci. M. Gingras, je suis désolée de vous
interrompre. Le bloc étant terminé, je dois procéder au prochain qui est le
député d'Hochelaga-Maisonneuve pour une durée de 2 min 45 s.
M. Leduc :
Merci, Mme la Présidente. Vous me permettrez de commencer par un truc un
peu plus léger en cette journée très chargée. Je voudrais souhaiter joyeux
anniversaire à notre collègue la députée de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Merci.
M. Leduc :
C'est aujourd'hui, n'est-ce pas?
Mme Perry
Mélançon : Mais oui.
M. Leduc :
Bon. Bonne fête. Ensuite, je veux saluer M. Gingras. Je suis un diplômé
d'histoire de l'UQAM. Alors, c'est une sommité internationale, c'est mon alma
mater, et puis salutations faites à M. Gingras. Merci pour votre présence.
Merci pour votre contribution.
Je veux reprendre
l'échange que vous aviez avec Mme la ministre sur la question, là, de prendre
fait et cause pour les professeurs. Moi, c'est quelque chose qui me touche
beaucoup, étant un ancien syndicaliste. Je n'ai pas compris si la fin de
l'échange atterrissait sur l'idée qu'il fallait, en effet, préciser dans la
loi, rajouter un article, tel que le propose la FQPPU, pour obliger, en quelque
sorte, les universités à prendre fait et cause.
M. Cloutier
(Alexandre) : Oui, en fait, c'est ce qu'on a suggéré. Là, c'est la
quatrième recommandation. En fait, là, ce qu'on vous propose, c'est que la loi
indique que chaque établissement rende compte de la mise en oeuvre... oui,
c'est bien ça, de la mise en oeuvre de la politique dans un rapport annuel
qui pourrait cheminer. Ce rapport doit faire l'objet d'un nombre de
traitements. Non, ce n'est pas ça du tout. Il faut juste que je trouve la
bonne...
M. Leduc :
C'est le quatrième avis, je pense.
M. Cloutier
(Alexandre) : Oui, c'est pourtant... Ah! c'est l'avis, pardon, oui, je
vous remercie. Non, ce n'est pas l'avis non plus. J'étais persuadé que...
M. Leduc :
Donc, au-delà de ça, vous êtes d'accord à ce qu'on rajoute...
M. Cloutier
(Alexandre) : Oui, vas-y donc, Chantal.
M. Leduc :
Allez-y, oui.
Mme Pouliot
(Chantal) : Donc, pour répondre à cette question, oui... cette
question-là, c'est, en effet, le cas. On proposait que ce soit... que ça fasse
partie de la loi.
M. Leduc : Dans la loi, un
texte là-dessus.
Mme Pouliot
(Chantal) : Oui.
M. Leduc :
Parfait. Intéressant. J'aimais vos échanges aussi sur la question du devoir
de loyauté. Si on rajoute quelque chose dans la définition de l'UNESCO, on
règle une bonne partie. Que penseront vos collègues du Bureau de coopération
interuniversitaire, demain, sur cette question de la loyauté? Est-ce que vous
pensez qu'il y a de l'ouverture de leur côté pour qu'on aille jouer là-dedans?
M. Cloutier
(Alexandre) : Je suis persuadé que oui, pour la simple raison que je
ne crois pas que les recteurs remettent en question la définition de l'UNESCO,
qui reconnaît, dans le fond, ce droit de critique des institutions, et, pour
eux-mêmes être recteurs, ils visitent assez régulièrement ce droit de critique
des professeurs au sein des institutions. Alors, je pense qu'ils comprennent
bien que ça fait partie de l'environnement universitaire.
M. Leduc :
Peut-être une dernière question, si le temps le permet.
La Présidente (Mme
D'Amours) : 30 secondes.
M. Leduc :
30 secondes. Plusieurs personnes ont proposé d'élargir le débat aux
cégeps. Est-ce que c'est trop tôt? Est-ce que c'est trop vite?
M. Cloutier
(Alexandre) : On n'ose pas trop se prononcer là-dessus, parce que,
d'emblée, on nous a clairement indiqué que nous, notre mandat, c'était sur la
liberté universitaire puis, honnêtement, on n'en serait pas autorisés. Je pense
que, comme commission, comme on l'a complètement exclu et qu'on n'a entendu
aucun témoin provenant du milieu du cégep, là, ça ne serait probablement pas
adéquat de le faire.
• (17 h 50) •
La Présidente (Mme
D'Amours) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Gaspé,
qui fête son anniversaire aujourd'hui, pour une période de
2 min 45 s.
Mme Perry
Mélançon : Bien, merci à tout le monde pour vos bons mots. Le député
d'Hochelaga-Maisonneuve a toujours cette attention pour ses collègues. Bien, à
mon tour de vous saluer. C'est vraiment intéressant de vous entendre, après
toutes les heures que vous avez travaillé ce rapport-là, bien complet. Pour...
nous aussi, on en retrouve plusieurs, recommandations qui sont... le sens où il
faut aller avec la liberté académique. Mais là je comprends que, dans le réseau
collégial, on n'a pas fait ce travail-là, mais est-ce que ce serait pertinent
qu'on le fasse, une commission Cloutier, volet cégep?
M. Cloutier
(Alexandre) : On peut y aller à titre personnel, là. Moi, je pense
qu'on pourrait facilement s'inspirer de plusieurs éléments du rapport pour en
arriver à une application éventuelle dans les cégeps. C'est mon opinion personnelle.
Maintenant, comme je vous dis, il faudrait quand même entendre les membres du
cégep pour aller plus loin, mais je pense sincèrement qu'il y a beaucoup
d'enjeux qui sont similaires. Moi, je n'aurais aucun problème, demain matin, à
aller donner une conférence dans un cégep puis expliquer les principes de la
liberté universitaire dans le milieu de l'enseignement, par exemple.
Mme Perry
Mélançon : O.K. Justement, parlons de la communauté étudiante, qui...
On a entendu aujourd'hui, ce matin, il y en a... bon, l'Union étudiante allait
jusqu'à ne pas recommander d'adopter le projet de loi, mais de ne même pas
légiférer, en fait, là. Puis ça m'amène un peu, dans l'esprit de vos travaux,
c'est quoi, la place, justement, si ce n'est pas... Si je comprends bien, le
comité, c'était vraiment pour être plus dans les cas de litige, et donc ce
n'est pas vraiment la place pour les ajouter sur ce comité-là, ou finalement,
tu sais, dans la façon qu'on compose le conseil du projet de loi versus le comité
que vous aviez à recommander.
M. Cloutier
(Alexandre) : Il y a peut-être un élément direct, là, qui concerne les
étudiants, d'abord, dans la définition de la liberté universitaire, hein? Tous
ceux qui contribuent à la mission de l'université bénéficient de la liberté
universitaire. Ça inclut les étudiants de, particulièrement, deuxième cycle,
qui sont dans un exercice pédagogique, les étudiants en doctorat, à plusieurs
égards, etc. Donc, ça concerne aussi les étudiants. Puis maintenant, nous, on a
essayé d'être... de trouver une façon de bien reconnaître ce droit de
participer, par la liberté d'apprendre, qu'on a souhaité voir intégrée dans la
politique, là, ce qu'on a discuté un peu précédemment, pour justement, là,
équilibrer, se rappeler qu'une classe, là, ce n'est pas un monologue, c'est une
discussion, c'est un moment d'apprentissage collectif, et que les étudiants
aussi doivent être reconnus dans cette démarche-là.
La Présidente (Mme
D'Amours) : 13 secondes, Mme la députée.
Mme Perry
Mélançon : Bien, ça répond à ma question, parce que, c'est ça, je
pense que ça doit aussi être une affaire de la communauté étudiante de
s'approprier ce principe-là puis de le défendre aussi. Donc, de les ajouter,
c'est sûr, dans le processus, je pense que c'était une espèce de voie de
passage possible pour s'assurer que ce soit... que tout le monde y adhère,
finalement, et qu'on puisse aller de l'avant avec l'adoption du projet de loi.
La Présidente (Mme
D'Amours) : Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.
La commission ajourne, et là c'est vrai, ses
travaux au mercredi 11 mai 2022, après les affaires courantes, où
elle poursuivra son mandat. Merci infiniment.
(Fin de la séance à 17 h 54)