(Neuf heures trente-sept minutes)
Mme Lecours (Les Plaines) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de poursuivre
l'étude détaillée du projet de loi n° 70, Loi visant à
protéger les personnes contre les thérapies de conversion dispensées pour
changer leur orientation sexuelle, leur identité de genre ou leur expression de
genre.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Blais (Abitibi-Ouest) est remplacée par M. Provençal (Beauce-Nord); Mme Dansereau
(Verchères), par M. Caron (Portneuf); Mme Lachance
(Bellechasse), par M. Lévesque (Chapleau); Mme Picard (Soulanges), par M. Tremblay
(Dubuc); Mme Samson (Iberville), par M. Campeau
(Bourget); M. Barrette (La Pinière), par M. Tanguay
(LaFontaine); Mme Perry Mélançon (Gaspé), par Mme Hivon
(Joliette).
Étude détaillée (suite)
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Nous allons donc... Au moment d'ajourner hier,
nous en étions... nous avons adopté un
premier amendement pour l'article 1, mais nous avons suspendu l'amendement de la députée de Westmount—Saint-Louis.
Alors, est-ce que l'on poursuit sur cet amendement? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, je vais
avoir un amendement à déposer. Alors... Bon matin, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Bon matin.
• (9 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Alors, je vais
vous proposer l'amendement suivant : Remplacer l'article 1 du projet de
loi par le suivant :
«La présente
loi vise à protéger les personnes contre les préjudices occasionnés par les
thérapies de conversion, lesquelles
sont susceptibles de porter atteinte à leur intégrité et à leur dignité, et à
empêcher la publicité de ces thérapies.
«On entend
par "thérapie de conversion" toute pratique, service ou traitement de
nature spirituelle ou non ayant pour
but d'amener une personne à changer
son orientation sexuelle, son identité de genre ou son expression de genre ou
encore visant à réprimer les comportements
sexuels non hétérosexuels. Est cependant exclu tout traitement médical ou
intervention chirurgicale découlant de la démarche autonome d'affirmation de
genre d'une personne, ainsi que l'accompagnement requis à cette fin. Est
également exclu l'accompagnement d'une personne dans le cadre de sa démarche
autonome d'acceptation, d'adaptation et d'affirmation à l'égard de son
orientation sexuelle, de son identité de genre ou de son expression de genre.»
Alors, Mme la Présidente, les explications. Cet amendement
propose de modifier l'énoncé de principe du premier
alinéa de l'article 1 afin que
le projet de loi vise également à empêcher la publicité des thérapies de
conversion.
Cet amendement propose également de remplacer le
deuxième alinéa pour préciser la portée de la définition de «thérapie de
conversion», en y ajoutant la notion de «service ou traitement de nature
spirituelle ou non» pour être explicite sur le fait qu'elle vise à réprimer les
comportements sexuels non hétérosexuels, d'actualiser la terminologie pour ne plus référer à la notion de changement de
sexe mais plutôt à l'affirmation de genre ou pour mieux circonscrire le
fait que la démarche d'affirmation de genre doit l'être sur une base autonome.
Donc, la disposition telle qu'elle se lirait
maintenant, Mme la Présidente, pour l'article 1 :
«1. La
présente loi vise à protéger les personnes contre les préjudices occasionnés
par les thérapies de conversion, lesquelles
sont susceptibles de porter atteinte à leur intégrité et à leur dignité, et à
empêcher la publicité de ces thérapies.
«On entend par "thérapie de
conversion" toute pratique, service ou traitement de nature spirituelle ou
non ayant pour but d'amener une personne à changer son orientation sexuelle,
son identité de genre ou son expression de genre ou encore visant à réprimer
les comportements sexuels non hétérosexuels. Est cependant exclu tout
traitement médical ou intervention chirurgicale découlant de la démarche
autonome d'affirmation de genre d'une personne, ainsi que l'accompagnement
requis à cette fin. Est également exclu l'accompagnement d'une personne dans le
cadre de sa démarche autonome d'acceptation,
d'adaptation et d'affirmation de son orientation sexuelle, de son identité de
genre ou de son expression de genre.»
Donc, Mme la
Présidente, l'objectif, tel que l'a proposé, hier soir, le député de
LaFontaine, était de rassembler, à l'intérieur du même amendement,
l'ensemble des éléments que nous souhaitons apporter comme modifications, donc nous avons pris en compte la publicité. Durant les
auditions, plusieurs témoins nous ont dit : C'est important de venir dire
que...
M. Tanguay : Mme la
Présidente, bien, excusez-moi, je ne veux pas... On pourrait-tu avoir
l'amendement, le texte? D'habitude, on a le texte devant nous, mais on ne l'a
pas du tout. Parce que c'est intéressant, ce que dit le ministre, mais on ne
peut pas suivre.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : O.K. On va suspendre quelques instants, si vous permettez,
le temps de...
M. Tanguay : Merci
beaucoup. Désolé.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : On suspend.
M. Tanguay : C'est parce
que je suis tellement visuel...
(Suspension de la séance à 9 h 41)
(Reprise à 9 h 57)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : La commission reprend donc ses travaux. M. le ministre, je
vais vous demander de poursuivre. Je pense que vous avez modifié un peu votre amendement.
Donc, vous allez devoir retirer l'amendement dont vous nous avez fait lecture.
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, je
retire, s'il y a consentement, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il y a consentement. Donc, l'amendement du ministre est retiré. Je vous laisse poursuivre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Alors : Remplacer l'article 1 du projet de loi par le suivant :
«La présente
loi vise à protéger les personnes contre les préjudices occasionnés par les
thérapies de conversion, lesquelles sont susceptibles de porter atteinte à leur
intégrité et à leur dignité, et à empêcher la publicité de ces thérapies.
«On entend par "thérapie de
conversion" toute pratique, service ou traitement de nature spirituelle ou
non ayant pour but d'amener une personne à
changer son orientation sexuelle, son identité de genre ou son expression de
genre ou encore à réprimer les comportements sexuels non hétérosexuels.
Est cependant exclu tout traitement médical ou intervention chirurgicale
destiné à changer le sexe d'une personne, ainsi que l'accompagnement requis à
cette fin. Est également exclu l'accompagnement
d'une personne dans le cadre de sa démarche autonome d'acceptation,
d'adaptation et d'affirmation à l'égard de son orientation sexuelle, son
identité de genre ou son expression de genre.»
Donc, c'est bien ça?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui, vos explications.
• (10 heures) •
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, au
niveau des explications, on maintient la proposition qui a été faite par la députée
de Sainte-Marie—Saint-Jacques hier, mais ce qu'on vient ajouter dans le cadre du projet de loi, ça vise à faire en
sorte qu'on vient inclure maintenant, au premier alinéa... on empêche la
publicité des thérapies. Donc, plusieurs intervenants sont venus nous dire, en commission
parlementaire, qu'on devait notamment faire en sorte de ne pas publiciser les thérapies de conversion. Et on
verra, plus tard, on aura un amendement, à l'article 3.1, pour venir instaurer une disposition
pénale relativement à quiconque ferait la publicité, publiciserait les
thérapies de conversion, avec des amendes importantes, notamment pour les
personnes morales.
Ensuite, au deuxième alinéa, on vient ajouter,
dans la définition de thérapie de conversion, «toute pratique, service ou
traitement». Donc, ça, la pratique, à la base, couvre service ou traitement. Cependant,
on veut... parce qu'il y a eu des questionnements relativement à une pratique, alors on vient faire une
énumération notamment pour dire «service ou traitement», pour
avoir davantage de clarté. Cela étant dit, ça fait suite aux commentaires des
oppositions que j'ai reçus et des gens qui
sont venus en commission parlementaire, pour expliciter ce qu'on entend dire par
«pratique».
Et là,
l'autre élément important, on ajoute «de nature spirituelle ou non». Donc,
souvent, dans les consultations, on
est venu nous dire : Bien, écoutez, s'il y
a un volet spirituel à ça, il faut
que ça soit aussi compris dans une thérapie de conversion. Donc, si jamais
c'était une pratique de nature spirituelle, ça va être couvert. Si c'est une
pratique qui n'est pas de nature spirituelle, c'est aussi ouvert. Si
c'est un service de nature spirituelle, c'est couvert. Si ce n'est pas un service de nature spirituelle, c'est
couvert aussi. Et même chose pour... le traitement de nature spirituelle est
couvert et le traitement qui n'est pas de nature spirituelle est couvert
également.
Par la suite, si on poursuit, «ou encore à
réprimer les comportements sexuels non hétérosexuels», ça, ça fait suite à la
suggestion du député de LaFontaine hier, qui nous suggérait d'inscrire le mot
«réprimer» ou «décourager». On a retenu «réprimer» parce que la répression
permet de faire le lien. Le «décourager», le fardeau de preuve n'est pas... est difficile à remplir. C'est pour ça qu'on n'a pas
inscrit «décourager», et on l'a placé à la fin de la phrase, parce qu'on ne
peut pas réprimer l'orientation sexuelle, on peut... visant à réprimer les...
on peut viser à réprimer les comportements.
Bon, par la
suite, la démarche autonome, elle est déjà là par la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques. Et, à la fin, on
ajoute : «Est également exclu l'accompagnement d'une personne dans le
cadre de sa démarche autonome d'acceptation, d'adaptation et
d'affirmation à l'égard de son orientation sexuelle...» On vise à faire en
sorte qu'une personne qui se questionne sur son orientation puisse aller
consulter, puisse avoir un cheminement, que ce soit par le biais d'un
psychologue, d'un... de faire une... comment on dit ça, une...
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Une
psychothérapie, merci, une psychothérapie ou pour discuter. Donc, dans le fond,
quand quelqu'un est en questionnement, on ne veut pas empêcher quelqu'un, un
individu qui se questionne, d'aller chercher un accompagnement, une écoute.
Alors, c'est pour ça qu'on met «acceptation, adaptation et affirmation à
l'égard de son orientation sexuelle, son identité de genre ou son expression de
genre».
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Je vais prendre les interventions. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme
Maccarone : Merci, Mme la Présidente. D'emblée, j'aimerais dire un merci à Aide aux
trans du Québec pour le beau masque
que je porte aujourd'hui, parce
que c'est bientôt la semaine de la
visibilité et de la sensibilisation à la réalité trans, alors je trouve
que c'est très important. Ça fait que, maintenant, je vais l'enlever.
Je remercie le ministre pour les amendements qui
comprennent un peu ce que les groupes d'opposition ont partagé comme
préoccupations. Je trouve que c'est une belle avancée, mais je regrette que...
je suis déçue que ça ne comprenne pas un peu les débats que nous avons eus
hier, où nous avons parlé de rajouter «pratiques de conversion» à côté de
«thérapie de conversion», ainsi que... Oui, on a eu le débat sur non-jugement,
c'est sûr, c'est quelque chose que je pense qu'il faut... on continue de
discuter et avoir le débat à ce sujet. Je suis contente de voir qu'on fait des
avancées pour la communauté intersexe puis, oui, pour la publicité, absolument,
puis, oui, les suggestions que nous avons faites pour réprimer. On est prêts à peut-être
revoir un peu la formulation, mais j'aimerais plus comprendre de la part du ministre pourquoi
il n'a pas jugé pertinent d'inclure «pratiques de conversion» avec le «thérapie
de conversion».
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Dans le
fond, je n'inclus pas «pratiques de conversion» parce que, pour moi, la
définition, elle est claire, de «thérapie de conversion». Le terme «pratiques»,
il est dans la définition. Je comprends du désir de la députée de Westmount—Saint-Louis
qu'elle préférait dire : On parle de «thérapie de conversion» ou de
«pratiques de conversion». C'est ce que les sexologues ont dit. Mais là on est
au niveau de la sémantique parce que la thérapie de conversion comprend la
pratique, le service ou le traitement, alors le travail, il est effectué. On va
parler de thérapie de conversion, mais dans la publicisation de cette loi, on
va dire que ça touche la pratique, le service
ou le traitement. On va venir l'expliquer. C'est la même chose que d'autres
termes lorsqu'on parle d'un élément qui est englobant, mais on ne vient
pas utiliser différentes formes pour le nommer.
Alors, ça
m'apparaît clair pour «thérapie de conversion», ça inclut la pratique, toute
pratique. Et je l'ai dit d'entrée de
jeu, quand j'ai lu l'amendement,
la pratique couvre aussi les traitements, aussi les services, mais la pratique
est plus large que les services ou les traitements. C'est vraiment tout ce qui
pourrait être considéré.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Mme la députée.
Mme Maccarone : J'entends le ministre,
par contre, c'est sûr, ce n'est pas une forme de thérapie. Le mot «thérapie»,
c'est un enjeu. Ce n'est pas seulement le groupe qui représente les sexologues,
l'Ordre des sexologues du Québec qui nous a dit que ce n'est pas une thérapie.
Thérapie, ça donne une impression qui est quelque chose qui est favorable,
c'est un accompagnement qui est positif, on s'en va en thérapie parce que nous
avons besoin d'avoir de l'aide, mais ce n'est pas une thérapie de faire une
pratique de conversion.
Alors, moi, je pense que c'est très important
qu'on pense vraiment à rajouter... Ça n'enlève rien, mais rien du projet de loi. Ça n'enlève rien de cet amendement
puis de cet article de mettre, entre guillemets,
«thérapie de conversion», parce que je comprends que c'est quand même ce
qui est connu comme terminologie, mais il faut que les gens comprennent aussi
que nous, ici, comme législateur, on sait que ce n'est pas une thérapie, c'est
une torture. Ça me tient vraiment à coeur qu'on mette absolument «pratiques de
conversion» à côté, entre guillemets. Comme j'ai dit, ça n'enlève rien de cet article,
ça n'enlève rien de l'amendement puis même que, oui, ça explique encore mieux
c'est quoi une pratique, un traitement ou un service. Je comprends tout ça,
mais, par exemple, la religion, ce n'est pas une thérapie, c'est peut-être une
pratique.
Alors, moi, je dirais que c'est très important
qu'on ait le débat puis la discussion de le rajouter. Je ne suis pas légiste
puis je ne suis pas juriste, mais on a eu la discussion hier puis on avait une
ouverture de rajouter. Je ne peux pas comprendre pourquoi qu'on n'a pas... on
ne peut pas avoir un projet de loi qui est complet puis qui reflète vraiment la
réalité de toutes les personnes concernées, des victimes d'une pratique de
conversion. C'est important.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Mme la
Présidente, on va continuer le débat sur cet amendement-là, mais il y a une
erreur légistique sur l'amendement, parce que l'amendement qui a été proposé
par la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques
n'est pas dans l'amendement. Donc, faisons le débat là-dessus en prenant pour
acquis que c'est là, et je vais retirer puis je vais redéposer en fonction de l'amendement
de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Bon, sur le propos, je comprends que la députée
de Westmount—Saint-Louis
souhaite avoir le terme «pratiques de
conversion» dans le titre et même dans le vocable, au lieu d'utiliser «thérapie
de conversion». Elle-même, dans son propre projet de loi, dans le projet
de loi n° 599, nous disait : Loi visant à respecter l'orientation
sexuelle, l'identité de genre. Et dans la définition qu'on avait, elle nous
disait : «Les thérapies de conversion sont interdites et nul ne peut offrir de tels services. Dans la
présente loi, on entend par "thérapie de conversion" une pratique, un
traitement ou un service...» Donc, c'est conforme à ce qu'elle disait. Donc, la
démarche, elle est effectuée et elle permet d'être clair en faisant
référence à la pratique de conversion.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. Mme la députée.
Mme Maccarone : Je suis contente que
le ministre soulève mon projet de loi comme un exemple parce que ça démontre
que, de mon côté, j'ai fait du cheminement. C'est ça que nous faisons ici, en
commission parlementaire. C'est ça, c'est le
but, c'est l'objectif de le faire, une étude détaillée, c'est de bonifier le
projet de loi. Je suis la première personne à dire que mon projet de loi est
perfectible, alors j'aurais été heureuse que ça soit appelé pour avoir
un débat pour le «perfecter». Comme j'ai déjà remercié le ministre puis je l'ai
déjà soulevé que lui, ses sanctions pénales, je... Bravo! parce que ça ne figurait pas de cette façon-là dans le 599, alors
c'était vraiment une amélioration, une bonification de ce que moi,
j'avais proposé.
Alors, c'est pour ça que je dis : C'est
important peut-être de brocher les deux projets de loi ensemble puis d'avoir
une harmonisation. Mais de faire du chemin sur les définitions, sur ce qui est
important dans le projet de loi, sur ce
qu'on devrait enlever, évoluer, bien, c'est pour ça qu'on a des consultations
particulières. C'est parce qu'on doit être
à l'écoute de la population qui vient nous donner de l'information. Alors, avec
cette écoute, avec de l'information par
la suite du dépôt du projet de loi
n° 70, bien, c'est sûr que j'ai
évolué puis j'ai... mon opinion a eu un cheminement. Alors, je trouve
que c'est important d'être à l'écoute. Ça fait que de faire référence à mon
projet de loi, c'est bien, mais je suis la
première personne à dire que j'aurais fait le même changement au mien. Je pense
que c'est important d'avoir cette écoute de la population.
La
terminologie, Mme la Présidente, c'est tellement important. C'est tellement
important, surtout à l'intérieur de
ce projet de loi. On l'a dit, je le répète, on n'aura pas une deuxième fois à
avoir une bataille. On n'aura pas la deuxième fois d'avoir un débat sur ce
projet de loi pour plusieurs années, d'où l'importance de le faire comme il
faut la première fois puis de faire
un pas, une avancée pour la communauté de reconnaître que ce n'est pas une
thérapie, une pratique de conversion. Ça fait que je suis prête à dire
qu'on devrait garder le mot «thérapie», mais on devrait au moins avoir les deux
parce que ce n'est pas une thérapie, c'est une torture, puis ça donne mal...
une image qui est négative, vraiment, de c'est quoi. Alors, je dis, pour moi,
ce serait vraiment une négociation d'avoir les deux.
• (10 h 10) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Je
comprends ce que la députée de Westmount—Saint-Louis dit. Effectivement, c'est une torture.
Dans le vocable populaire, les gens connaissent la référence à «thérapie de
conversion». C'est ce qu'on entend dans
la sphère publique. Ça comprend également la pratique, ça comprend également le
service, ça comprend également le
traitement. Or, c'est déjà couvert. Alors, bien que je comprenne ses arguments,
je vais demeurer avec le libellé au niveau de «thérapie de conversion»
parce que ça a une portée large, et la définition vient indiquer clairement ce
que c'est.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay : Oui, deux
choses. La réalité que ma collègue de Westmount—Saint-Louis exprime, qui est très terrain, très tangible dans les gens... On
fait une loi pour toute la population, mais les personnes qui sont visées au premier titre et qu'on veut protéger dans ce projet de loi là le disent haut et fort, «thérapie», ça ne tient pas la route. Ça,
c'est l'argument très pratico-pratique, dans la société, ça ne passe pas.
Je dirais
même, qui plus est, au ministre, lorsque vous faites Légis Québec, moi, j'ai voulu savoir,
«thérapie», c'est employé à quelle sauce dans notre corpus législatif.
«Thérapie» vient dans cinq lois à six reprises. La loi où il
revient deux fois, c'est la Loi sur le système correctionnel. Et dans tous les
cas, thérapie, c'est positif. On parle d'une thérapie cellulaire, une thérapie
parentale, une thérapie médicamenteuse... médicamenteuse, c'est ça, on parle
d'une thérapie en lien avec les besoins de la personne incarcérée. Quand, dans
le corpus législatif québécois, vous écrivez, comme législateur, «thérapie»,
c'est un beau drapeau vert, c'est positif.
Là, on vient condamner quelque chose
d'éminemment positif en le revirant dans notre corpus. Même au point de vue légistique, Mme la Présidente, je vous soumets que ça ne peut pas être
«thérapie». Ça ne peut pas être «thérapie» parce qu'on dit blanc d'un
côté puis noir de l'autre.
Mme Maccarone : Mme la
Présidente, est-ce que le ministre a besoin d'avoir une suspension?
M.
Jolin-Barrette : Non, ce n'est pas nécessaire.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors,
je comprends l'argument du député de LaFontaine. Pour moi, il m'apparaît clair que la thérapie de conversion, avec la
définition qu'on vient lui donner, la pratique, le fait d'amener une personne
à changer son orientation, au niveau du traitement et du service, on retient
l'objectif aussi. Et je vous rappellerais qu'il
y aura aussi des campagnes publicitaires, il y aura des campagnes avec le
Bureau de lutte à l'homophobie pour faire en sorte d'indiquer clairement, les thérapies de conversion, de quoi
sont-elles constituées, les pratiques de conversion, les traitements de
conversion, les services de conversion aussi.
Alors, je
pense que, dans l'imaginaire collectif, notamment, les gens disent : Oui,
c'est une thérapie de conversion, c'est l'objectif visé. Et ça nous
revient aussi à des définitions qui sont... Vous savez, lorsqu'on identifie un
terme, la définition emporte le mot par
lequel on le désigne. Alors, nous, on vient le désigner ici. Je comprends que
l'Ordre des sexologues souhaiterait «pratiques de conversion». Moi, je
préfère «thérapie de conversion».
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay :
Juste pour revenir, puis je... Un politicien, je ne sais pas si le ministre
aime beaucoup, moi, j'adore... j'adore
Emmanuel Macron, et une de ses forces, au président de la République française,
c'est de nommer les choses. En politique, si vous voulez avoir un impact, vous
devez bien nommer les choses. Une fois que vous avez bien nommé les
choses, vous avez un attachement, vous vous raccrochez à la réalité.
Et je ne peux pas croire qu'on va donner des
lettres de noblesse à une pratique de conversion qu'on doit condamner puis qu'on doit dépeindre dans les mots
que l'on utilise comme tel. Ne me parlez pas d'un élément positif, si
vous voulez m'envoyer le message que c'est négatif. «Pratiques» est
suffisamment, même, englobant et englobe «thérapie». Au Québec, il y a des
thérapeutes. Au Québec, il y a des thérapies. Au Québec, il y a un langage qui
fait en sorte que «thérapie», c'est bénéfique, et je ne pense pas qu'il faille
accoler et galvaniser cette étiquette négative au mot «thérapie».
Je pense que ça ne mérite même pas d'être nommé,
«thérapie», c'est innommable, mais on va le nommer comme étant une pratique.
«Pratique», puis là on peut... puis c'est très englobant parce que ce n'est pas
vrai que c'est un soin. On ne dit pas : Un soin de conversion, c'est
interdit. C'est antinomique. C'est antinomique. Une thérapie, c'est positif, il
y a les thérapeutes au Québec, il y a les thérapies parentales, thérapies
médicamenteuses, thérapies cellulaires, thérapies pour les besoins.
Vous me dites : Il y a du positif dans le
négatif. Moi, je vous dis : Non, c'est négatif puis c'est une pratique,
une pratique que l'on condamne. Honnêtement, ce n'est pas... puis ce n'est pas
uniquement sémantique, c'est sur le message... bien nommer les choses. Puis qui
plus est, sur le terrain, c'est un cri du coeur qui est envoyé puis qui est
véhiculé, aujourd'hui, par ma collègue de Westmount—Saint-Louis.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : J'entends
bien mes collègues de l'opposition
officielle. Je suggère une courte
suspension puis je vous reviens.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 17)
(Reprise à 10 h 47)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : La commission poursuit ses travaux. Donc, au moment de
suspendre, M. le ministre, vous aviez la parole.
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, Mme
la Présidente, je vais vous demander qu'on retire l'amendement que j'ai déposé,
parce qu'il y avait une coquille à l'intérieur, et on va redéposer un amendement
qui est conforme.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Est-ce qu'il y a consentement pour retirer l'amendement?
Consentement. Donc, l'amendement est retiré. Vous déposez un nouvel amendement.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
Alors, oui, le nouvel amendement, Mme la
Présidente : Modifier, à l'article 1
du projet de loi tel
qu'amendé :
1° par l'insertion, à la fin du premier alinéa
et après «dignité», de «, ainsi qu'à empêcher la publicité de ces thérapies»;
2°
dans le deuxième alinéa :
a) par le remplacement
de la première phrase par la suivante : «On entend par "thérapie de
conversion" toute pratique, service ou traitement de nature spirituelle ou
non ayant pour but d'amener une personne à changer son orientation sexuelle, son
identité de genre ou son expression de genre ou encore à réprimer les
comportements sexuels non hétérosexuels»; et
b)
par le remplacement de «d'acceptation» par «autonome d'acceptation, d'adaptation et d'affirmation à l'égard».
Donc,
je verse les explications que j'ai faites dans l'amendement précédent dans
celui-ci. L'objectif est de faire en sorte que l'amendement qui a été adopté par la commission hier, celui de la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques, demeure, mais on ajoute la publicité, qu'on empêche la
publicité des thérapies.
On vient spécifier
quelle est la définition de «thérapie de conversion». On vient rajouter
l'élément que le député de LaFontaine, hier, nous a souligné, le fait de
réprimer, on l'ajoute. Et, à la fin complètement, on ajoute «acceptation»... on
remplace «acceptation» par «autonome d'acceptation, d'adaptation et
d'affirmation à l'égard».
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Ainsi, cet amendement
est conforme. Je vais prendre les interventions. Mme la députée.
Mme
Maccarone : Oui. Moi, j'aimerais savoir... Pendant qu'on est en
suspension, on a eu un peu de discussion par rapport à la terminologie,
de rajouter «pratiques de thérapie» ainsi que... parce qu'on comprend que
«thérapie de conversion», c'est un terme qui
est connu, mais on sait qu'une thérapie c'est quelque chose qui est quand même
bien. On a l'ordre des thérapeutes... On a des thérapeutes qui offrent
des thérapies, qui est supposé d'être positif, puis, dans ce cas-ci, une
thérapie de conversion, c'est vraiment une torture de conversion.
Alors, c'est sûr, je
reviens à la charge par rapport à l'idée d'avoir une pratique de conversion.
Nous, on propose qu'on a les deux, mais on a quand même eu des discussions hors
micro. Alors, je voulais juste savoir si le ministre a quand même évolué dans
ses pensées à cet égard.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui, Mme la Présidente, je chemine. Ma démonstration
est à l'effet qu'on vient rajouter, dans la
définition, le terme «traitement», le terme «service». Par contre, je vais
demeurer avec l'identification en termes de thérapie de conversion.
Je suis sensible à ce
que le député de LaFontaine et la députée de Westmount—Saint-Louis me disent. Cela
étant, dans l'univers public, on réfère déjà à «thérapie de conversion». Le
législateur fédéral a indiqué la thérapie de conversion.
L'Île-du-Prince-Édouard utilise le terme «thérapie de conversion». Et,
lorsqu'on fait une revue médiatique, entre
autres, dans la population ou dans ce qui est véhiculé, c'est «thérapie de
conversion». Et souvent les groupes qui offrent ce genre de thérapie là
vont dire «thérapie» aussi.
Alors, je pense que
c'est important, surtout avec le fait qu'on vient amener la publicité,
l'interdiction de la publicité. Bien, c'est normal de le lier à «thérapie». Et
le travail est fait parce qu'on vient inclure, dans la définition, «pratique»,
«service» et «traitement».
• (10 h 50) •
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Mme la députée.
Mme
Maccarone : J'ai un sous-amendement à déposer. Alors, je vous
demanderais de suspendre, s'il vous plaît, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : On va suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à
10 h 51)
(Reprise à 10 h 55)
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : La commission reprend ses travaux. Alors, au
moment de suspendre, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, vous aviez la parole.
Mme
Maccarone : Oui. Mme la Présidente, je vous propose qu'on poursuit
puis qu'on passe au vote sur l'amendement proposé par le ministre. Et, par la
suite, j'aurai un amendement à déposer lors de l'adoption de ceci.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : D'accord. Donc, si je n'ai pas d'autres interventions,
nous allons procéder au vote de l'amendement. Mme la secrétaire.
La Secrétaire :
Oui. Pour, contre, abstention. M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M.
Jolin-Barrette : Pour.
La Secrétaire : M. Provençal
(Beauce-Nord)?
M.
Provençal : Pour.
La Secrétaire : M. Lévesque
(Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) : Pour.
La Secrétaire : M. Poulin
(Beauce-Sud)?
M. Poulin : Pour.
La Secrétaire : M. Caron
(Portneuf)?
M. Caron : Pour.
La Secrétaire : M. Campeau
(Bourget)?
M. Campeau : Pour.
La Secrétaire : M. Tremblay
(Dubuc)?
M. Tremblay : Pour.
La Secrétaire : Mme Maccarone
(Westmount—Saint-Louis)?
Mme Maccarone : Pour.
La Secrétaire : M. Tanguay
(LaFontaine)?
M. Tanguay : Pour.
La Secrétaire : Mme Hivon
(Joliette)?
Mme
Hivon : Pour.
La Secrétaire : Mme Lecours
(Les Plaines)?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Abstention.
Mme Maccarone : J'ai un vote par
procuration, je m'excuse, pour...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Non, ici, il n'y a pas de... Ça n'a pas été annoncé au
début.
Mme Maccarone : Je suis désolée.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : L'amendement est donc adopté.
Mme Maccarone : Alors, Mme la
Présidente, j'aurais un amendement à déposer. Alors, je vous demande de
suspendre parce que je crois qu'on a presque terminé la rédaction.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Parfait. Alors, nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 57)
(Reprise à 11 h 02)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : La commission reprend ses travaux.
Nous en étions donc à l'amendement déposé par la
députée de Westmount—Saint-Louis.
Je vous laisse en faire la lecture.
Mme Maccarone : Merci beaucoup.
Alors : L'article 1 du projet de loi, tel qu'amendé, est modifié
par :
1° par le remplacement, au premier alinéa, du
mot «thérapies» par «pratiques»;
2° par le remplacement, à la fin du premier
alinéa, du mot «thérapies» par le mot «pratiques»;
3° par le remplacement, au deuxième alinéa, des
mots «thérapies» par «pratiques».
Tel que nous avons déjà
discuté lors du dépôt de l'amendement du ministre, c'est sûr, ça nous tient
vraiment à coeur d'avoir la bonne terminologie. On se comprend que, ce qui
arrive à des victimes, ce n'est pas une thérapie de conversion, c'est vraiment
une pratique de conversion. Je sais que c'est une bataille. Puis j'ai entendu
le ministre, je comprends qu'il y a peut-être des petites chances qu'on ait des
difficultés au niveau de la Constitution, mais je dirais que les risques sont tellement
faibles. Puis, de se comparer avec les autres provinces, c'est vrai, on
pourrait faire ça, on pourrait s'inspirer d'eux, mais on a quand même notre
propre droit de légiférer puis d'adopter un projet de loi à notre façon, à
notre image ici.
C'est non seulement l'ordre des sexologues qui
nous a dit que ce n'est pas une thérapie, que ça devrait être appelé une
pratique... puis je comprends leur point de vue, je comprends tout à fait leur
bataille, parce que ce sont des thérapeutes. Alors, pour eux, c'est sûr, c'est
un enjeu quand on n'utilise pas les bons mots. Il n'y a rien qui nous empêche
vraiment d'utiliser la bonne terminologie.
Puis comme le ministre, lui, il dit : Ça
prend de la pédagogie par la suite... mais on devrait peut-être faire l'inverse
d'abord, on devrait utiliser le bon terme à l'intérieur de notre projet de loi
puis faire la pédagogie de c'est quoi, la terminologie, de c'est quoi, une
pratique de conversion, parce que c'est le temps d'agir, puis c'est le temps
d'évoluer, puis d'avoir un cheminement sur les bons termes, parce que c'est
faux de dire que c'est une thérapie. C'est vraiment une pratique. Puis je
constate qu'on utilise «pratique, traitement ou service», mais ce n'est pas
assez. Ce n'est vraiment pas assez. C'est bien qu'on ait élargi un peu c'est
quoi, la définition, mais la terminologie de c'est quoi sur le terrain, c'est
également important.
L'ordre des sexologues nous a dit... tu sais, on
a le mémoire, ils nous en ont fait la présentation lors de leur témoignage en
commission parlementaire, mais ça va au-delà de ceci. Sur le terrain, c'est ça
qui est compris. On est prêt pour avoir un autre terme, on est prêt pour avoir
cette évolution, on est prêt pour utiliser... «call a cat a cat», c'est ça que
c'est, c'est vrai que ce n'est pas une thérapie.
Alors, je soumets que nous devrions avoir la
réflexion, le débat, s'il faut, si on peut juste aller vers l'avant. C'est des
petits changements qu'on va faire à l'intérieur d'un projet de loi que... Ce
n'est pas un omnibus avec 150 articles, c'est un projet de loi qui est
hyperimportant quand on parle de la terminologie. Alors, les modifications
qu'on doit faire à l'intérieur de 10 articles, c'est mineur, on pourra les
faire au fur et à mesure. Mais je vous dirais que ça me tient énormément, c'est
très, très, très important.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Merci, Mme la députée. Juste un instant, dans votre libellé, il faudrait
enlever le mot «par» dans la première... «L'article 1 du projet de loi,
tel qu'amendé, est modifié...»
Mme Maccarone : Ah! oui, c'est
redondant. Oui, oui, oui, aucun problème, oui.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : C'est beau, parfait, merci. M. le ministre, la parole est à
vous.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Écoutez, je suis sensible à ce que la députée de Westmount—Saint-Louis
nous dit relativement à son désir de
remplacer «thérapies» par «pratiques». Ce que je lui dirais, c'est que, dans la
définition, on fait référence à «pratique, service ou traitement», et il faut
dire aussi, là, lorsqu'on fait une revue, là, médiatique du phénomène — appelons-le le phénomène, ce phénomène
déplorable là — lorsqu'on
est au Canada, Île-du-Prince-Édouard... législateur fédéral
utilise «thérapie de conversion». Dans les communications, c'est ce qui
résulte. Dans le vocable public, on utilise
«thérapie». Il y a une construction à savoir qu'on identifie ce genre de
traitement, de service, de pratique par «thérapie de conversion».
L'enquête qui a été citée à la fois par moi, par
la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
par la députée de Westmount—Saint-Louis
aussi, Sexe au présent, qui indiquait, là, que près de 20 % des hommes
issus de minorités sexuelles avaient subi de la pression pour changer leur
orientation sexuelle, eux aussi font référence à «thérapie de conversion».
Ensuite, vous avez la ville de Montréal qui a
adopté une résolution demandant au gouvernement d'interdire les thérapies de
conversion en août 2019, lors d'une séance du conseil municipal. Vous avez
également l'association des psychiatres
canadiens qui parle de thérapie de conversion. Vous avez également la Société
canadienne de psychologie qui parle
de thérapie de conversion. Vous avez l'Organisation
mondiale de la santé, qui est une
organisation internationale, qui parle de thérapie de conversion.
Alors, moi,
je pense que, si on veut être compris partout, c'est le terme qui est utilisé
présentement, c'est le terme qui percole. Parce qu'il y a beaucoup de gens qui disent : Aïe! voir que ce
genre de thérapie là, ça existe, voir, là, que, un, il n'y a pas de loi.
Il y a bien
des gens qui pensaient que les gens étaient protégés contre les thérapies de
conversion, les pratiques, les traitements, les services qui visent à
modifier l'orientation sexuelle d'une personne, son identité de genre ou son
expression de genre. Les gens, ils tombent en bas de leur chaise de dire que ce
genre de pratiques là ont encore cours aujourd'hui. Or, dans la sphère
publique, comment c'est nommé, ces pratiques, ces services ou ces
traitements-là, comme on s'est doté de cette
définition-là tous ensemble, et j'ai cheminé parce que j'ai entendu les
collègues, et c'est pour ça que j'ai proposé l'amendement en lien avec
leur proposition, on réfère à «thérapies de conversion».
Alors, je
comprends l'objectif derrière l'intervention puis l'amendement de la députée de
Westmount—Saint-Louis.
Je l'apprécie. Cependant, pour ce qui est du libellé, je souhaite demeurer avec
«thérapies».
• (11 h 10) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Oui, juste un petit point. Le ministre a tout à fait
raison de référer que l'Île-du-Prince-Édouard parle de «conversion therapy»,
donc thérapie de conversion. Ça, c'est l'Île-du-Prince-Édouard.
L'Ontario, excusez du
peu, ne parle pas du tout, du tout de thérapie de conversion dans sa loi. Elle
parle, dans la version française, parce que la loi ontarienne, elle est en
anglais et en français, d'une intervention visant à changer l'orientation
sexuelle, elle parle des services visant à changer l'orientation ou l'identité
sexuelle. Elle ne parle pas, puis on me corrigera si j'ai tort, là, ne parle
pas du tout, du tout, du tout de thérapie de conversion. Puis je ne pense pas
qu'on pourrait leur faire le reproche d'avoir mal travaillé ou d'être en
porte-à-faux avec quiconque. Ça, c'est l'Ontario.
La Nouvelle-Écosse ne
parle pas de thérapie de conversion, parle plutôt de «change effort», donc
d'effort de changement :
«...counselling, behavior modification techniques, administration or
prescription [...] or any other purported treatment, service or tactic
used with the objective of changing a person's sexual orientation or gender
identity». Ça, c'est la Nouvelle-Écosse. On ne parle pas qu'ils soient en
porte-à-faux avec un ordre constitutionnel et compétent, parce que ça voudrait donc dire que ces
provinces-là se seraient mises à risque d'avoir un débat constitutionnel
invalidant.
Puis, à date, loi de
2015, je n'ai pas entendu que ça va se rendre en Cour suprême. Je pense qu'il
n'y a même pas eu de débat là-dessus, donc... et le fédéral, oui, parle de
thérapie. Moi, ce que j'ai ici, c'est son document de... Loi modifiant le projet de loi C-8, le Code
criminel. Il parle de thérapie, mais il n'est pas adopté, là, il est en train
de le débattre.
Alors,
je vous soumets deux choses. Si d'aventure, le Code criminel est amendé
puis qu'ils disent : On interdit les thérapies de conversion, la terre va
continuer de tourner en Nouvelle-Écosse puis en Ontario, qui n'en parlent
pas, puis on va savoir qu'on parle de la même affaire. Mais je pense que ces
deux provinces-là auront été l'exemple à suivre.
Et si, deuxième cas,
qui est encore mieux, le fédéral qui, dans son processus d'adaptation, fait en
sorte de mettre des modifications pour que ce ne soit pas uniquement «thérapie
de conversion», mais que ce soit «pratique de conversion»,
là, on marche main dans la main, puis c'est l'ambition, Mme la Présidente, à laquelle on invite le ministre.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci, M. le député. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Mme la Présidente, je comprends les arguments du
député de LaFontaine, de la députée de Westmount—Saint-Louis. Mondialement, on parle
aussi de thérapie de conversion. Au Conseil des droits de l'homme, cette année, en 2020, cet été, là, ils ont reçu
également le rapport d'un expert mondial sur les thérapies de conversion. Alors, je comprends leur désir de
venir modifier le terme ou comment on identifie ce genre de thérapie là,
mais je crois que le travail est
fait avec le libellé que nous avons. «Thérapie de conversion», ça vise toute
pratique qui... C'est très, très
large, mais j'ai rajouté «service» et «traitement» pour venir rassurer le plus
possible que les gens n'aient pas de doute aussi.
Et
je pense que, lorsqu'on regarde ce qui se fait ailleurs...
Je comprends l'argument au niveau de l'Ontario,
mais, pour moi, le terme «thérapie de
conversion» est suffisamment clair et est englobant pour viser les pratiques,
les services et les traitements.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay : Petit mot.
Puis, à toutes les fois... Je suis sur le site, là, Haut-Commissariat Nations
unies droits de l'homme, c'est fascinant de voir les guillemets toujours
autour de «thérapie de conversion». Je suis sur le site puis je viens d'aller le chercher live, là, Nations unies, droits de l'homme, Haut-Commissariat : Les «thérapies de
conversion» peuvent être assimilées à des actes de torture et devraient
être interdites, déclare un expert de l'ONU. Il y a une identification, puis le ministre a raison, on parle de thérapie, puis, même dans
le texte de l'ONU, Haut-Commissariat, droits de l'homme, on met toujours
«thérapie» entre guillemets. C'est parce qu'il y a un malaise avec «thérapie»,
puis il faut arrêter d'appeler ça «thérapie». Il faut arrêter à quelque part.
L'Ontario a arrêté
puis la Nouvelle-Écosse a arrêté. 2015, l'Ontario, puis il n'y a pas eu de
bouleversement constitutionnel. Puis le
fédéral serait bien avisé, puis les députés québécois pourront faire écho, les
78 députés québécois pourront faire écho, dans leur caucus
respectif puis au Parlement, que ce serait bon d'aller voir comment est-ce que
le Québec vient de le légiférer, parce qu'on risque de le passer avant le
fédéral, puis le fédéral pourra s'amender.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : ...M. le député. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Sur la question des guillemets, j'invite le député de LaFontaine à
aller voir à l'alinéa deux de notre projet de loi : «On entend par
"thérapie de conversion"». Nous aussi, on l'a mis entre guillemets,
Mme la Présidente, pour identifier ce de quoi est constitué les thérapies
de conversion avec la définition.
Alors, je comprends
que le député de LaFontaine veut amener un changement sur l'utilisation du
terme. Pour moi, il m'apparaît clair de ce que constitue une thérapie de
conversion, avec la définition large qu'on lui donne. Et, au niveau mondial,
aux Nations unies, au Conseil des droits de l'homme, c'est le terme qui est
employé. C'est le terme qui sera employé au fédéral, c'est le terme qui est
employé à l'Île-du-Prince-Édouard, c'est le terme qui est employé dans l'univers médiatique. Alors, moi, je pense qu'on vient faire le travail, puis c'est une avancée significative.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : C'est précisément mon point. Si le législateur met une
expression entre guillemets, puis il y a bien
des projets de loi qu'on ne voit pas ça... On entend par «permis de
pêche» telle affaire, on entend par «intervention chirurgicale» telle
affaire. On ne met jamais ça entre guillemets. Là, le ministre dit qu'on a mis
les guillemets parce que... Puis je ne veux pas... Il n'a pas dit «malaise»,
là, il a dit : On met des guillemets, justement, parce que c'est une
expression impropre, impropre dans le sens non parfaite, c'est sûr, incorrecte,
qui ne traduit pas la réalité de ce qu'est une thérapie. C'est ça, c'est une
expression impropre.
Moi, Mme la
Présidente, j'enlèverais les guillemets, puis j'interdirais toute pratique,
puis je redonnerais... L'étiquette que doivent avoir ces actes condamnables,
c'est une pratique qu'on condamne, ce n'est pas une thérapie, puis mettre des guillemets dans la loi... Alors,
j'écrirais la loi... puis revenons là-dessus. C'est important, en politique, d'envoyer les bons messages, de
bien nommer les choses, puis je pense que les provinces de l'Ontario puis de la
Nouvelle-Écosse ont bien nommé les choses.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : ...M. le député. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Simplement vous dire que c'est un terme avéré,
«thérapie de conversion», et ça fait oeuvre de pédagogie aussi, parce que c'est
de ça dont on parle aussi, et ça inclut les pratiques, les traitements et les
services. Alors, je remercie les collègues pour leur opinion, leur effort. Je
sais qu'ils ont le désir de faire en sorte qu'il y ait le plus de pédagogie
possible, il y ait le plus de publicité associée au fait de protéger les
personnes contre ce genre de thérapie de conversion là qui vise les pratiques,
les services ou les traitements. Cependant, je suis à l'aise avec le libellé au
niveau de «thérapies».
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Est-ce
que j'ai d'autres interventions? Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Je
comprends que ça représente un certain travail pour le ministre
puis je comprends exactement
que c'est un terme qui est avéré, mais je pense que c'est quand même important
de s'y arrêter puis de se demander ce qui
pourrait être fait, dans le sens où on a l'occasion d'utiliser le bon
terme, de faire une différence puis de, justement, en utilisant le bon terme, faire évoluer les choses
aussi. Puis vous savez, au Québec, on a créé une expression, qui est l'«aide
médicale à mourir» — ça
n'existait pas avant, cette expression-là — puis parce qu'on voulait
exposer une réalité. Puis cette expression-là, maintenant, est reprise à
plusieurs endroits.
Si
je vous dis ça... Ce n'est pas exactement la même chose, évidemment, mais c'est
qu'on a le droit d'innover puis on a le droit de dire, à un moment donné
c'est quoi, le bon terme qui illustrerait vraiment la pratique que l'on veut
mettre de l'avant. Puis c'est le cas de le dire, ça serait le mot «pratique»
plus que le mot «thérapie».
Donc, moi, je demande
simplement au ministre de le considérer sérieusement, parce que je pense que
tout le monde va comprendre, même si le
terme qui est plus usuel, c'est «thérapie de conversion», tout le monde va
comprendre, si on parle de «pratique», comme le terme-phare, et on va
avoir la chance de ne pas se sentir inconfortable avec l'expression qu'on
utilise et en plus de créer, je pense, un précédent qui va être heureux puis
qui risque de faire des petits ailleurs.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Merci, Mme la Présidente. J'apprécie la
proposition de la députée de Joliette. À ce stade-ci, moi, je suis très à
l'aise avec «thérapie de conversion», parce qu'on vient clairement le définir,
mais je peux y réfléchir durant la semaine de travail en circonscription. Cela
étant, moi, je suis très, très à l'aise avec le terme de «thérapie», parce que je comprends l'innovation,
mais ce qu'on fait déjà avec le projet de loi, c'est très, très innovant.
On va être la juridiction canadienne la plus avancée.
Et, dans l'univers
public, dans la sphère publique, on parle de thérapie de conversion. Alors, il
y a déjà un travail qui est amorcé, à ce niveau-là, de sensibilisation. Je
pense qu'outre l'ordre des sexologues, pour les raisons qui lui sont propres,
propose «pratique», je pense que «thérapie» nous amène avec une approche plus
englobante qu'uniquement «pratique», parce que la sensibilisation est déjà
faite.
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, M.
le ministre. Est-ce que
j'ai de nouvelles interventions? M. le député de LaFontaine.
• (11 h 20) •
M. Tanguay :
Je salue le fait que le ministre nous indique qu'il va... qu'il a l'intention
d'y penser durant la semaine en circonscription. Pour nous, Mme la Présidente,
pour démontrer notre bonne foi, on serait prêts, je pense... puis ce n'est pas
moi, le porte-parole, là, mais on se concerte, là. Je sais que ma collègue a un
autre amendement. Moi, je pense qu'on serait prêts à suspendre cet amendement-là
puis on pourrait travailler sur l'autre amendement. Et, par contre, pour être très clair, d'ici 12 h 30,
j'aimerais ça que le ministre y pense, comme il a dit qu'il allait le faire,
mais que l'on suspende l'article 1, si d'aventure on statue sur l'autre amendement
de ma collègue, puis qu'on passe à l'article 2. Comme ça, on pourra réellement y revenir
puis le clore, qu'il y ait pensé, qu'il ait cheminé ou pas, mais y revenir.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Moi, Mme la
Présidente, je n'ai pas d'enjeu, si ça nous permet d'avancer dans l'étude du projet
de loi.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Donc, je comprends qu'on suspend l'amendement
déposé par la députée de Westmount—Saint-Louis. Et je comprends que vous voulez
déposer un nouvel amendement.
M.
Jolin-Barrette : Juste, Mme la Présidente... Pouvons-nous régler le premier amendement qui est suspendu?
Voulez-vous le retirer, le premier?
Mme Maccarone : Je veux le
retirer... aucun problème, madame...
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Donc, le premier amendement, qui a été déposé hier, va être retiré. Est-ce qu'il y a consentement pour retirer l'amendement? Donc, le premier
amendement est retiré. Nous suspendons le second amendement,
et vous allez en déposer un autre.
Mme
Maccarone : Oui. Alors, je
vous demande, s'il vous plaît, de suspendre pour qu'on puisse le déposer au
Greffier.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Donc, nous suspendons les travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 22)
(Reprise à 11 h 31)
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, les travaux reprennent. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis,
vous aviez un amendement à déposer. Je vous rappelle que l'amendement précédent
est suspendu.
Mme Maccarone : Oui. Merci, Mme la
Présidente. Alors, je ferais la lecture : L'article 1 du projet de
loi est modifié par l'ajout, à la fin du
deuxième alinéa, des mots «toute pratique, service, traitement ou
accompagnement d'une personne doivent être neutres et exempts de tout
jugement.»
Mme la Présidente, à la fin de la commission
hier, j'ai eu plusieurs appels, surtout des personnes trans de la communauté, des gens qui ont dit qu'il faut
continuer à mener le débat sur l'idée d'avoir un accompagnement sans jugement.
Je sais qu'on avait discuté de ceci hier et je comprends que c'est peut-être
une bataille qui est difficile, pour les personnes
qui n'ont jamais vécu une pratique de conversion, à comprendre, mais c'est
toute une pratique. C'est tout un processus
pour une personne qui décide... qui aimerait être en transition pour un
changement de genre, et c'est important que cet accompagnement est fait
dans une façon où il n'y a pas de jugement.
Pour une personne qui aimerait faire un
changement... une intervention chirurgicale comme affirmation de genre, dans leur transition, ça ne se fait pas du
jour au lendemain. Ce n'est pas une rencontre avec un médecin où on dit :
Bien, voilà, c'est ça que je veux faire; puis pas de problème, je vous
cédule ça. C'est un processus, ça peut prendre des années, c'est des
consultations en psychothérapie, c'est des consultations en médecine, ça prend
un papier d'un médecin pour faire ceci. Dans le fond, ça prend une approbation
puis une affirmation d'un médecin pour dire : Oui, cette personne devrait
être éligible pour ceci.
Malheureusement, à l'intérieur de cet
accompagnement, souvent, ce qui arrive, c'est l'inverse d'une affirmation.
Souvent, ce qui arrive, c'est que, malheureusement,
les personnes qui sont en transition, les soins qui sont offerts, c'est pour aller à l'encontre de ce qu'ils veulent.
C'est dommage, mais souvent, c'est : Êtes-vous certain? Êtes-vous certain
que c'est ça que vous voulez faire? C'est blessant.
Puis j'ai
même reçu une lettre d'une femme qui s'appelle Erika Muse. C'est sûr, elle,
elle mène une bataille au niveau fédéral à l'intérieur de ceci, parce que c'est
très important, parce que quand on parle de l'idée de non-jugement, le
non-jugement, c'est crucial quand on parle de soins de santé, les soins de ces
professionnels pour ces personnes qui cherchent à avoir des traitements
médicaux. La transition, pour ces personnes, souvent, ça se fait dans une façon
où on leur essaie de l'interdire, de leur convaincre
de ne pas faire ceci, alors je dirais que c'est important qu'on utilise
les mots «non-jugement», «neutre», pour s'assurer que ces personnes savent
qu'ils vont avoir une protection à l'intérieur de la loi.
J'ai posé la
question : Comment ça se fait qu'on n'a pas plus de dénonciations, ou on
ne peut pas trouver plein d'articles là-dessus, surtout au Québec,
comment ça se fait, si c'est si courant puis si ça arrive si fréquemment? C'est
parce que les personnes qui cherchent à avoir ces soins puis avoir accès à de
telles chirurgies d'affirmation de genre, elles ont peur des représailles,
elles ont peur d'avoir un non, elles ont peur qu'elles n'auront pas leur lettre
qui va leur donner un accès à une telle intervention. Alors, elles ne dénoncent
pas, elles ne disent rien parce qu'elles ont juste peur qu'elles vont être
refusées. Ça fait qu'ils vont subir un type de pratique de conversion en
sachant que, pour moi, le but, ça reste le
même, mais, entre-temps, pendant un an, deux ans, trois ans,
cinq ans, je vais subir un type de torture parce que je sais que,
pour moi, mon but est clair. Une personne qui décide d'être trans, c'est
fondamental. Ce n'est pas fait «on a whim»,
de même, c'est parce que c'est à l'intérieur d'eux, c'est une sûreté de qui ils
sont comme personne... parce que c'est difficile.
Alors, je soumets pour la commission d'avoir le
débat puis d'avoir la discussion de ce que nous pouvons faire pour protéger ces personnes, pour qu'eux ils sachent qu'il y
aurait quelque chose légal qui les protège. Dans le fond, c'est le monde
à l'envers, Mme la Présidente, parce que, la façon que ça fonctionne, oui, ils
ne dénoncent pas parce qu'ils
ont peur des représailles, parce qu'actuellement il n'y a pas une loi en place
qui les protège. Alors, si on peut adopter un article qui est plus
complet, qui dit que oui, voilà, on comprend les enjeux, on comprend ce qui est
nécessaire pour vous, dans votre
accompagnement, qui devrait être neutre, qui devrait être sans jugement, bien, je pense qu'on va pouvoir...
bien, on aura, un, probablement plus de dénonciations quand on aura des cas qui
se produisent parce que, premièrement, les
gens vont dire : Bien là, on a quelque chose qui nous protège. Puis
nous-mêmes, on aura une meilleure compréhension de c'est quoi, le
processus pour une personne qui va subir... qui va avoir une transition. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien,
écoutez, je comprends l'objectif de la députée de Westmount—Saint-Louis.
Cependant, le caractère neutre, exempt de tout jugement, on a eu la
conversation hier, ce n'est pas un critère qui peut être dans la loi, parce que
c'est propre à l'individu, c'est difficile à évaluer. Et ça, ça s'en vient dans
les exceptions qui sont rattachées au fait
de dire : Écoutez, quand une personne est accompagnée, elle est
accompagnée, bien souvent, par un
professionnel. Le professionnel est régi par un code de déontologie aussi,
alors il doit respecter son code de déontologie.
Alors, je comprends l'objectif, mais
législativement, ça s'insère mal dans le projet de loi, considérant le fait que
le professionnel est là pour la protection du public. Donc, toute personne qui
irait voir un psychologue, qui irait... et
d'ailleurs, ça a été souligné par l'Ordre des psychologues publiquement aussi
qu'il n'y en avait pas de leurs membres qui offraient des thérapies de
conversion. Par contre, ils offrent du soutien pour les gens qui souhaitent...
qui sont en réflexion par rapport à un
changement de sexe, par rapport à leur orientation sexuelle, par rapport à une
transition, par rapport à leur identité de genre, et ça, les ordres
professionnels régissent le comportement de leurs membres.
Alors, bien
que je souligne le souhait de la contribution, ça ne m'apparaît pas opportun,
dans le cadre d'un projet de loi, parce que le facteur de neutralité et
le facteur de «exempt de tout jugement», ils ne sont pas vérifiables.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. Mme la députée.
• (11 h 40) •
Mme Maccarone : Il n'est pas
vérifiable, sauf que des personnes, sur le terrain, nous disent que c'est ça
qu'ils sont en train de vivre. Alors, je soumets encore que, si on avait
quelque chose qui était clairement écrit dans le projet de loi, peut-être ce
serait vérifiable. Je comprends que c'est peut-être clair pour l'ordre, mais
sur le terrain, ce n'est pas ça nécessairement qui arrive. Un accompagnement
d'une personne qui est en transition, qui peut durer plusieurs années, peut
être très douloureux. On est tous des êtres humains. Notre façon d'accompagner
une personne puis une autre personne... puis une autre personne peut différer.
Puis peut-être la façon qu'un professionnel, que ce soit médical, psychologique
ou autre, eux, dans leur tête, la façon que je dois accompagner cette
personne... Parce qu'on se comprend qu'une
intervention chirurgicale pour affirmation de genre, c'est permanent. Ce n'est
pas extrême, mais c'est important, alors oui, il faut prendre le soin de
le faire comme il faut, oui, il faut consulter.
Je suis tout à fait d'accord avec la façon qu'on procède, mais la façon que
c'est fait actuellement sur le terrain, ça ne respecte pas l'identité de
genre, l'orientation de genre puis l'expression de genre de la
personne parce que c'est comme une intervention où on essaie de
convaincre la personne que ce n'est pas ça que tu veux. Ce n'est pas ça que tu
veux, dans le fond, je vais te convaincre, puis à la fin de deux ans, trois ans,
cinq ans, si je n'ai pas réussi à te convaincre, et voilà, je vais
t'écrire un papier. C'est pour ça qu'eux ils nous le demandent d'écrire
«non-jugement ou neutre». Je suis flexible de trouver une façon pour que ce
soit écrit. Je ne pense pas que ça n'empêche personne, au niveau du Code de profession
ou autre, si on écrit une telle affaire dans le projet de loi, ça n'empêche
personne à pratiquer, mais ça va être clair pour les personnes qui sont
potentiellement des victimes d'une pratique de conversion parce que... Écoute,
ce n'est pas la façon que ça fonctionne sur le terrain, c'est vraiment... puis
ils ont peur d'avoir des représailles.
Ce qu'Erika Muse a partagé, c'est une lettre,
puis j'ai fait une traduction parce que c'est en anglais. Je peux la lire en
anglais, mais je dis pour le bénéfice des membres de la commission, étant donné
que nous n'avons pas un traducteur avec moi, je vais juste expliquer ce
qu'elle, elle a partagé.
Le traitement que j'ai reçu n'était ni
thérapeutique, ni curatif, ni le soutien, et certainement pas sexiste. Lorsque
je suis allée à mon premier rendez-vous d'admission, j'ai clairement indiqué
que j'avais besoin de service de transition médicale. Au lieu de cela, ils
m'ont fait suivre des années de thérapie par la parole destructive, visant à
annihiler mon identité, ma personnalité et à mon expression de genre pour
essayer de me changer, de me reconstruire en tant qu'homme que le thérapeute
pensait que je devrais être. Il m'a insultée et attaquée à plusieurs reprises
pour ce qu'il considérait comme mes échecs personnels, mes problèmes et les
choses qu'il estimait que je devais résoudre dans ma vie. Cela ne se limitait
pas seulement à mon identité ou à mon expression de genre, mais aussi d'autres problèmes
qui, selon lui, contribuaient à mon problème de genre, comme mon absence de
père. Le thérapeute m'a forcé à essayer de changer ces problèmes qu'ils
voyaient en moi, en faisant au respect de son programme une condition
préalable, nécessaire pour accéder aux services médicaux dont j'avais
désespérément besoin.
Ces missions étaient toujours conçues comme des
moyens de me soigner, de soigner la maladie qu'il voyait en moi, de repousser la partie de moi qui
s'identifiait comme une femme. Je vous prie de m'aider à s'assurer que nous
avons des pratiques sans jugement comme
accompagnement pour des personnes qui vont me suivre dans leur transition.
C'est fort comme message. Puis quand j'ai dit,
quand j'ai demandé : Pourquoi que nous n'avons pas plus de dénonciations?
Pourquoi que, mettons, je fais une recherche dans les revues médiatiques,
pourquoi nous n'avons pas plus de ça? La peur de représailles, la peur de ne
pas avoir la lettre... Vraiment, ça ne fait pas mal au projet de loi d'avoir cette phrase, ça ne fait pas mal à l'ordre
professionnel, ça ne fait pas mal... le code de professionnel, ça ne fait pas
mal aux professionnels de soins de santé et services sociaux, parce que, si
c'est vrai, ce qu'ils font, bien, ça va juste bonifier leurs actions sur le
terrain en plus de protéger des personnes qui vont suivre une transition pour
s'assurer qu'eux ils ne seront pas victimes d'une pratique de conversion.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, la première des choses, là, dans les exemples qui sont donnés par
la députée de Westmount—Saint-Louis, dans l'éventualité où un professionnel fait... mettait de la pression
pour changer l'orientation sexuelle, changer l'identité de genre ou
l'expression de genre, cette personne-là tombe dans la définition expressément
de ce que constitue une thérapie de conversion. Et à plus fort titre, ça serait
contraire, et on va le voir plus tard, au
Code des professions. Ça serait un acte dérogatoire à la profession.
Donc, dans la situation qui est décrite, le comportement du
professionnel qui fait ça, ça constitue une thérapie de conversion, et on vise
à protéger contre les thérapies de conversion. Donc, c'est déjà couvert à ce
niveau-là.
Après ça, la députée de
Westmount—Saint-Louis nous dit : Oui, mais il faut, quand le professionnel accueille
la personne, le professionnel soit neutre et soit exempt de tout jugement.
Mais, en fait, tous les professionnels ont un code de déontologie. Et, à titre d'exemple,
là, dans l'exemple qui est soulevé, c'était le cas d'un médecin... dans le Code
de déontologie des médecins, à l'article 3 : «Le médecin a le devoir
primordial de protéger et de promouvoir la santé
et le bien-être des individus qu'il sert, tant sur le plan individuel que
collectif.» Article 4 : «Le médecin doit exercer sa profession
dans le respect de la vie, de la dignité et de la liberté de la personne.» Et
on vient dire qu'une telle thérapie porte atteinte à la dignité de la personne.
Donc, nommément, ce que la députée de Westmount—Saint-Louis
nous dit, elle dit : Bien, écoutez, si on avait un professionnel qui
commettait ce genre d'acte, il tomberait sous le coup de la thérapie de
conversion. Donc, nécessairement, il se retrouve en situation où il engage sa
responsabilité civile, il est passible d'une poursuite pénale, plus, il serait passible d'une poursuite sur le
plan disciplinaire, par son syndic aussi. Donc, dans le libellé, dans le corps
du texte, c'est déjà prévu.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. le député de LaFontaine... Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Si vous me
permettez, Mme la Présidente, je vais juste dire une réplique très courte.
C'est parce qu'un accompagnement, c'est sujet à l'interprétation de la personne
qui offre le soin, ou le service, ou le traitement, ou offre la pratique. Ça
fait que la façon que ça se produit sur le terrain, malheureusement, ce n'est
pas clair, évidemment. Tellement que ce
n'est pas clair, que la communauté qui représente
surtout les personnes trans, mais des personnes qui représentent LGBT,
des... mes amis, ils m'ont dit : C'est hyperimportant qu'on adopte quelque
chose qui utilise les mots «neutres», «non-jugement», parce que la façon que ça
fonctionne...
J'entends le ministre, mais malheureusement,
c'est sujet à l'interprétation. L'accompagnement pour ces personnes, ça se fait d'une façon qui n'est
peut-être pas claire. Peut-être une balise à l'intérieur de ce projet de loi
qui dicte ce qui est nécessaire, ce
qu'il faut que les professionnels ou autres... autres personnes qui feront un
accompagnement, il faut qu'ils comprennent qu'il faut que ça soit neutre
et sans jugement. Sinon, si vous pensez peut-être que ce que vous allez offrir
comme un accompagnement peut être sujet à une interprétation autre que sans
jugement et neutre... mais peut-être que je ne le ferai pas parce que je serais
en contravention de la loi, mais c'est sujet à l'interprétation sans avoir des
balises qui sont plus claires, où ils disent que nécessairement neutres et sans
jugement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Un
professionnel ou une personne qui accompagnerait, dans le questionnement d'une
personne sur son identité, son expression ou son orientation sexuelle... O.K.,
prenons le cas d'un professionnel qui ne respecterait pas ses obligations
déontologiques, mais la personne qui sentirait ça appelle l'ordre professionnel
directement et dit : Votre
professionnel, dans son comportement, ne respecte pas ses règles
déontologiques. Tout est là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay : Je vais
dire une chose que je me dis... Je vais-tu la dire à la fin? Je vais la dire au
début puis je vais redire à la fin, le deuxième alinéa de l'article 1,
puis on est sur l'article 1, sera copier-coller à 59.1.2, alinéa 2°. Donc, ce qu'on fait là sur l'alinéa 1°, ça va
être... ça va aller bien, bien vite, Mme la Présidente. On ne va pas présenter
les mêmes arguments, les mêmes amendements. Ce qu'on statue là, comme commission... parce
que ce serait hors d'ordre.
Ce qu'on statue sur l'alinéa 2° de
l'article 1, ça va être copier-coller à l'article 4 pour les
professionnels. Là, l'article 1, c'est
pour toute personne. Article 4, c'est pour les professionnels. Ma
collègue dit : Ne faisons pas
l'argument de dire : Bien, les
professionnels sont déjà tous couverts par l'article 4, parce que
l'article 1, il est beaucoup plus large. Premier élément. Alors,
l'accompagnement, ce n'est pas exclusivement par des professionnels, puis que
vous ayez un recours contre un
professionnel, vous n'aurez pas de recours à l'ordre des professions contre une
personne qui n'est pas professionnelle. Bon.
Alors, ceci
étant dit, un accompagnement neutre, exempt de tout jugement, cette expression
est fille de : vous ne pouvez pas changer ou tenter de changer
l'orientation, l'identité, l'expression et vous ne pouvez pas réprimer les comportements sexuels non
hétérosexuels. D'ajouter la phrase : Votre accompagnement doit donc être
neutre, exempt de tout jugement...
Vous vous ramassez sur les quatre choses que je viens de dire. Vous ne pouvez
pas changer ou tenter de changer l'orientation sexuelle, l'identité de
genre, l'expression de genre, puis on l'a ajouté : Vous ne pouvez pas réprimer les comportements sexuels non
hétérosexuels. Puis là, à la fin, on rajoute une phrase toute simple :
Dans votre accompagnement, dans vos pratiques, dans ce que vous faites,
vous devez être neutre puis exempt de tout jugement. En le disant, en le rajoutant, cette expression est fille des quatre
éléments qui sont dans l'alinéa 2°. On ne vient pas changer la logique interne, on vient réaffirmer le principe
de neutralité et exempt de tout jugement, puis ça, on l'entend sur le terrain.
Puis, en plus, on sait que les gens, ils ne se
plaignent pas. Ça, c'est un autre débat. Le ministre pourrait dire : Bien,
ce n'est pas en étant plus clairs dans l'alinéa 2° que les gens vont
nécessairement se plaindre plus. Il pourrait peut-être avoir un bon point, mais
en le mettant dans la loi, peut-être que le message à 1, toute personne, 4,
tout professionnel, bien, qu'en le mettant dans la loi, quand c'est dit, ce
n'est pas juste de : Ah! bien, moi, là, je suis une personne ou je suis un
professionnel. Si je suis une personne, le mot «personne» englobe les
professionnels, alors si je ne suis pas professionnel, c'est l'article 1,
puis, si je suis professionnel, c'est 1 et 4. Alors, moi, je ne suis pas
proactif pour que la personne change son orientation sexuelle, je ne suis pas
proactif pour que la personne change son identité de genre ou son expression de
genre, je ne suis même pas proactif pour réprimer les comportements sexuels non
hétérosexuels.
Mais pose-toi donc la question toi, là,
là : Est-ce que tu es neutre? Est-ce que tu es exempt de tout jugement?
Oui. Parce que c'est marqué dans la loi. Oui, cette expression est fille des
quatre éléments, elle ajoute une subtilité qui, je crois, a sa place. Puis ce
qu'on fait là, encore une fois, Mme la Présidente, on va aller le mettre dans
le Code des professions, copier-coller, puis on ne refera pas tous les débats,
là, ça va aller très vite, là, l'article 4, là, de ce qu'on fait à
l'alinéa 2°.
Alors, honnêtement, je pense, ça coule de
source. Puis en le disant... puis je suis convaincu que le ministre est
d'accord avec nous, que ça ne serait pas correct que ce soit une personne ou un
professionnel qui n'est pas neutre, qui fait des petits commentaires, qui vous
remet en question : Es-tu bien sûr? Tu es bien, bien sûr? Tu es-tu bien
sûr? Puis tout ça. Ah! Puis c'est ça, puis... du jugement, du non-dit. Puis
comme dit ma collègue, les gens... Bon, est-ce qu'ils vont se plaindre plus? Je
ne le sais pas parce que, les gens, ils veulent avoir leur lettre à la fin pour
pouvoir bénéficier, à la fin, de ce cheminement-là. Mais de le dire, je pense
qu'honnêtement on ferait... on ne gaspillerait pas de mots à le dire et,
surtout, on référerait à une réalité où on vient encore visser un peu plus le
boulon. Vous devez être neutre, là, puis vous allez me dire : Il va sans
dire. Disons-le, puis ça va aller mieux après, puis exempt de tout jugement.
Puis je termine là-dessus, Mme la Présidente, c'est ce qui se... par les
témoignages, c'est ce qui se vit sur le terrain, puis il faut s'attaquer à ça
aussi. Je pense, ça ferait une belle conclusion de cet alinéa-là.
• (11 h 50) •
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le député. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Simplement
rajouter, Mme la Présidente, là, à l'article 4, là, du code de déontologie
des psychologues : «Le psychologue a une conduite irréprochable envers
toute personne avec laquelle il entre en relation dans l'exercice de sa profession,
que ce soit sur le plan physique ou psychologique.» Je comprends l'argumentaire
du député de LaFontaine, celui également de la députée de Westmount—Saint-Louis,
mais c'est déjà encadré. Et le critère de neutralité, le critère de
non-jugement, il est difficilement applicable en termes légistiques. Et je
pense que le député de LaFontaine le sait très bien aussi à ce niveau-là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Mme la députée.
Mme Maccarone : J'aimerais
avoir l'explication de pourquoi que c'est difficile.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
viens de le dire, c'est déjà prévu par les différents codes de déontologie pour
les professionnels et, en termes d'application de la loi, c'est matériellement,
pratiquement même impossible à vérifier, à s'assurer du respect de cette
obligation-là. Et donc le professionnel, lui, est déjà attaché par son code des
professions, par le Code des professions qui est un acte dérogatoire. Et dans
l'éventualité où on ferait face à quelqu'un qui n'est pas membre d'un ordre
professionnel, là, il faut aller voir est-ce que l'acte qui est posé est un
acte réservé. Si ce n'est pas un acte réservé puis que c'est offert par
quelqu'un qui n'est pas un professionnel, exemple, une démarche d'écoute, à ce
moment-là, l'alinéa 1° du projet de loi vient protéger les gens contre les
thérapies de conversion et vient nous dire : Écoutez, si vous avez des
agissements ou un comportement qui va à l'encontre de la thérapie de
conversion, vous n'avez pas le droit de faire ça, là. Vous êtes passible d'une
poursuite au civil par la personne directement pour requérir des dommages et
intérêts, vous êtes passible d'une poursuite de la commission aux droits de la
personne, puis, en plus, on crée une présomption portant sur l'atteinte à la
dignité. Vous êtes passible d'une infraction de nature pénale, puis, en plus,
on vient rajouter la publicité, si vous en faites la publicité.
Or, moi, je
peux rassurer les gens, avec le projet de loi, avec les obligations qu'on met,
premièrement, il n'y a pas de
professionnel qui peut agir contrairement à son code de déontologie. Les
recours sont là avec le syndic, et, dans l'éventualité où on ne serait pas face à quelqu'un qui est membre d'un
ordre professionnel, l'article 1 vient encadrer le tout.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay :
Je prends le dernier bout que le ministre a dit pour l'ordre professionnel. Il
y a l'article 4 puis, pour la personne qui n'est pas professionnelle, il y
a l'article 1. Encore une fois, ce qu'on met dans un et l'autre va être
utile. Je comprends le ministre quand il dit : Et, par ailleurs, les
psychologues, les... tel corps de métier, tel corps de professionnels, et ainsi
de suite, ont en plus leur code de déontologie, puis les boulons sont bien
vissés. Mais les personnes à l'article 1 ne sont pas nécessairement
professionnelles, et, pour celles qui ne sont pas professionnelles, ils n'ont
pas de code de déontologie, premier élément. Donc, c'est ça qu'on veut renforcer.
Deuxième élément, puis je suis en train de faire
une recherche, là, je n'ai pas les ressources du ministre, il n'est pas
contraire au vocabulaire légistique que de faire référence aux comportements de
certains officiers qui doivent être empreints de neutralité. Neutralité veut
dire exempt de tout jugement. Puis, voyez-vous, je n'ai même pas relu la fin de
l'amendement de ma collègue, puis c'est ça que je lis, là, exempt de tout
jugement.
Alors, il y a moyen, Mme la Présidente, d'aller
chercher cette notion-là et de l'ajouter, surtout qu'on est dans un contexte où on veut éliminer les pratiques de
conversion. On est dans un contexte bien précis, on fait de la législation
nouvelle, et je pense que dans tout le
respect du corpus légistique québécois, le concept de neutralité, dans un
contexte où on ne parle pas de permis de pêche, mais on parle de
pratiques de conversion qu'on veut interdire, je pense qu'il coule de source...
Ça veut dire quoi «neutralité»? Allez juste à la
phrase au-dessus, Mme la Présidente. Vous ne devez pas réprimer les comportements sexuels non hétérosexuels. Je veux dire, ça,
c'est une grande avancée légistique. À nulle part, à nulle part on ne voit cette expression ou cette
notion de : ne réprime pas les comportements sexuels non hétérosexuels.
La neutralité s'inscrit dans ce cadre-là, ça
coule de source, puis la langue française est une belle langue, c'est
compréhensible. C'est compréhensible surtout, Mme la Présidente, puis je
termine là-dessus, pour un syndic d'un ordre professionnel qui va devoir vous
taper sur les doigts puis d'en juger, ou pour une ou un juge qui devra en juger
dans ce contexte-là. L'alinéa va bien se lire, se tient, tient la route devant
nos tribunaux puis devant les syndics.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : J'ai dit tout ce
que j'avais à dire, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Est-ce que j'ai d'autres interventions? Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
• (12 heures) •
Mme
Maccarone : Oui. Évidemment,
c'est une bataille qui me tient à coeur. Je trouve que c'est très important
de respecter la parole des personnes sur le terrain, surtout les victimes. Dans
le fond, c'est eux qui nous soumettent qu'on
devrait revenir puis repenser à avoir une terminologie qui reflète plus leur
réalité. Et, c'est sûr, je vais toujours miser sur les expériences des victimes de
cette torture.
Alors, moi, je pense que c'est tout à fait
acceptable puis même que je dirais que c'est très important, c'est mieux que
nous avons une définition qui est claire. Pourquoi? Parce que, c'est sûr, il va
y avoir des thérapeutes qui vont prétendre qu'ils ne font pas d'une pratique de
conversion une thérapie de conversion parce qu'ils font ça sous le prétexte d'un accompagnement. Alors, bien, dans le
fond, c'est ça qui est arrivé à Erika. C'est vraiment ça, c'est ça, son expérience, puis on veut éviter que ça arrive
encore une fois à d'autres personnes parce qu'on sait que c'est actuellement
la réalité de plusieurs personnes qui sont en transition.
Alors, de faire... de prétendre qu'il y a
simplement un accompagnement puis qu'il n'y a pas de balises, c'est trop sujet
à... c'est sujet à une interprétation. Oui, je vois... puis je ne dis pas que
toutes les personnes qui offrent une thérapie
font quelque chose qui n'est pas correct, qui n'est pas en respect de leur
pratique puis leur ordre professionnel dont ils font partie. Je ne
pointe pas le doigt à personne puis je ne veux pas être critique, mais j'ose
croire que même eux, ils diront que ce
serait acceptable de voir ceci à l'intérieur d'un projet de loi qui est si
important, qui va être un projet de loi qui va être vu puis regardé par
plusieurs à travers notre pays, mondialement. Si on est vraiment les leaders, bien, on devrait bien prendre
notre place que... puis de mettre en vigueur une loi qui est compréhensive.
La pratique, je le répète, la pratique, pour une
personne qui cherche à avoir une approbation médicale est au risque et péril de
la personne qui veut se transitionner. Il y a une peur sur le terrain, il y a
une peur... des personnes qui ne vont même pas dénoncer parce qu'elles ont tellement
peur de ne pas avoir ce papier puis cette approbation. Pour eux, ce serait non seulement acceptable, ils vont se réjouir, si on
adopte un amendement qui indique clairement que le processus
qu'eux, ils doivent utiliser pour transitionner dans leur identité de genre...
que ça soit clair dans la loi que c'est neutre, ou sans jugement, ou...
Écoute, je
suis ouverte à avoir des contrepropositions ou quelque chose que le ministre
jugerait plus acceptable. La terminologie, si c'est la terminologie qui
ne fait pas l'affaire du ministre, qu'on en discute. Dans le fond, je pense que ce qu'on devrait faire, c'est de s'assurer que
les victimes sont entendues à l'intérieur de ce que nous sommes en train
de faire ici, dans cette commission, parce que c'est important de les protéger.
On a dit, dès le début, dans le projet de loi, que c'était perfectible puis on avait plein de
places où on pouvait bonifier. Ma crainte, dès le départ, c'est qu'il y a des
trous, il y a des trous puis il y a de l'eau qui rentre dans notre bateau.
Puis, si on va le faire, est-ce qu'on peut le faire comme il faut une fois?
J'aimerais adopter un projet de loi le plus rapidement possible, mais un projet
de loi qui est vraiment clair, complet, compréhensif, bien vu par les personnes
concernées. C'est ça qui est important.
Alors, honnêtement, j'ai beaucoup de la misère à
comprendre pourquoi nous ne pouvons pas faire ceci, étant donné que... comme j'ai dit, je ne suis pas
avocate, je sais que je le répète souvent, j'ai beaucoup envie des collègues
qui sont des juristes, ou des légistes, ou des avocats, qui sont
capables d'avoir le débat sur tel article puis comment ça fonctionne dans le Code civil puis au niveau de
la Constitution. Je ne suis pas capable de faire ceci. Je suis une personne
du terrain, de la communauté, je parle en leur nom puis, oui, je
plaide de mon coeur parce que je sais ce qui est important pour eux.
Alors, mon offre est : Est-ce qu'on peut
avoir une discussion de trouver une meilleure façon d'arrimer la phrase, le
sens de ce qui est nécessaire pour eux à l'intérieur de cet article? Est-ce
qu'on peut travailler sur quelque chose qui est plus acceptable? Je suis prête
à faire ceci. Dans le fond, ce que je veux, c'est négocier pour avoir quelque
chose qui rejoint les besoins du ministre, mais aussi de s'assurer que les
personnes de la communauté LGBTQ2 se sentent protégées.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, je peux rassurer la députée de Westmount—Saint-Louis. On est la
première juridiction à aller aussi loin avec le projet de loi. Donc, en ce qui
concerne de protéger les membres de la communauté LGBTQ, je pense que nous
agissons comme gouvernement. Et d'ailleurs je tiens à souligner que l'Ontario... je crois que le projet de loi date de 2015. Ça aurait pu être fait avant,
au Québec, et nous avions fait le choix d'en faire
une priorité. Alors, entre ce que la députée de Westmount—Saint-Louis
nous dit, «je parle en leur nom», j'en suis... Cependant, Mme la Présidente,
nous agissons.
Alors, pour les raisons que je lui ai
mentionnées tout à l'heure, je n'irai pas de l'avant avec son amendement.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Est-ce que j'ai d'autres interventions? Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Moi, j'ai
une question pour ma collègue de Westmount—Saint-Louis. Je comprends très bien
le bout «exempts de tout jugement». C'est plus la question de la neutralité.
Donc, comment on peut l'évaluer? Parce qu'elle s'est penchée beaucoup sur la question,
là. Donc, quand on fait référence à «neutres», qu'est-ce qu'on veut dire
concrètement?
Mme Maccarone : Bien, évidemment, je
ne suis pas une personne trans, alors je ne pourrais pas parler d'une expérience
personnelle. Mais je peux dire que, de ce que j'ai entendu des témoignages, ce
qui est souhaité, c'est... s'il y a
quelqu'un qui aimerait ou qui souhaite se transitionner, puis ils vont en
consultation, puis comprennent que c'est très important, cette consultation,
cet accompagnement, ce qu'ils souhaitent, c'est que la personne pose des
questions qui ne vont pas à l'encontre de ce qui est désiré.
Ce qui arrive actuellement sur le terrain, c'est
comme un essai de leur convaincre que ce n'est pas ça que vous voulez. Rendu à la fin du processus, si je ne
vous ai pas convaincu que ce n'est pas ça que vous voulez, bon, bien,
voilà, je vais vous donner votre papier pour que vous pouviez aller faire votre
intervention chirurgicale.
Ce qu'ils souhaitent, en la neutralité de
non-jugement, c'est un accompagnement qui est plus : Qu'est-ce que vous
avez besoin? Avez-vous pensé, peut-être, aux effets? Qu'est-ce que vous allez
faire pour accompagner votre famille, vos enfants, si c'est le cas, votre
conjoint ou votre conjointe? Avez-vous pensé à l'impact sur votre emploi?
Avez-vous pensé que... un accompagnement plus psychologique? Parce que c'est un
changement assez important.
Mais de ne pas aller à l'encontre de... Ce n'est
pas ça que vous voulez, vous ne comprendrez pas, ce n'est pas ça que vous
voulez, vous allez faire du mal aux personnes dans votre vie, vous allez perdre
votre emploi. C'est sûr, ce ne serait pas : Vous n'allez peut-être pas
avoir l'air d'une femme, c'est... puis je constate... je dis, je répète juste,
c'est permanent comme intervention.
Alors, c'est important d'avoir des spécialistes
qui vont accompagner. Mais sur le terrain, ce qui arrive, c'est l'inverse d'un
accompagnement qui est neutre et sans jugement. C'est vraiment fait d'une façon
pour te convaincre que ce n'est pas ça que tu veux.
Mme
Hivon : Puis,
juste pour répliquer à l'argument du ministre, la question de... toujours à
votre intention. Ce n'est pas juste des gens qui font partie, donc, d'ordres
professionnels qui pourraient offrir ces thérapies-là et avoir besoin d'un
rappel quant à la neutralité. C'est ça que je comprends.
Mme Maccarone : Exactement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...juste vous préciser qu'il vous reste un petit peu moins
de deux minutes.
Mme Maccarone : Oui, exactement. Ça
peut être fait au niveau de la religion ou autres, oui, exactement. Ça fait que
ce n'est pas uniquement les professionnels. C'est pour ça que je trouvais l'intervention
de...
Mme
Hivon : Sauf
que...
Mme Maccarone : Oui.
Mme
Hivon : Je
comprends. C'est pour ça que tantôt je trouvais qu'il fallait pousser
l'argument plus loin. Mais normalement, pour qu'il y ait un accompagnement qui
a du sens, ça devrait être des professionnels, surtout pour
des enjeux aussi importants que les personnes trans qui veulent, donc, être
accompagnées. Donc, est-ce que, dans ce cas-ci, le problème ne réside pas
justement dans le fait que ce ne serait pas des professionnels, donc des gens
qui ne sont pas encadrés par un code de déontologie, une pratique
professionnelle?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Mme la députée.
Mme Maccarone : Je dirais que le
plus de cas que moi, j'ai entendus, c'est plus à l'intérieur des ordres
professionnels médicaux, santé. Mais, si on doit faire quelque chose, qu'on le
fait pour tout le monde pour que... c'est
complet puis pas limité. Mais, dans le fond... parce que c'est le bout de
papier qu'ils ont besoin. Puis ce n'est pas un ministre de... Comment
est-ce qu'on dit ça encore?
Une voix : ...
Mme Maccarone : Du culte. Un
ministre du culte qui peut m'offrir ce papier. Il peut faire une lettre de
référence, mais c'est vraiment le papier d'un médecin qui confirme que je peux
aller au-delà pour chercher ce soin.
Mme
Hivon : ...on juge
que ce qui est prévu dans les codes de déontologie des différents
professionnels n'est pas suffisant ou assez
clair sur cet enjeu-là, d'où votre proposition de venir le mettre noir sur blanc. Je comprends la vertu pédagogique, là, mais
j'essaie juste de comprendre, par rapport à l'argument du ministre, et des
codes de déontologie, puis l'encadrement des professions, le plus que ça donne
de le mettre noir sur blanc dans la loi.
Mme
Maccarone : Oui, exactement,
parce que ce n'est pas clair, évidemment,
parce que ce n'est pas la réalité des victimes sur
le terrain.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Est-ce que j'ai d'autres interventions sur l'amendement?
M. le député de LaFontaine.
• (12 h 10) •
M. Tanguay : J'aimerais que le ministre... J'aimerais avoir
la «undivided attention» du ministre. Le ministre,
ministre de la Justice, connaît bien l'article 138 de la charte québécoise des droits et libertés. À l'article 138 : «Le ministre de la Justice est chargé de l'application
de la présente charte», charte québécoise des droits et libertés.
Le règlement, qu'il relisait fort probablement
ce matin, encore une fois, avant de s'en venir ici, sur les programmes
d'accès à l'égalité, Charte des
droits et libertés de la personne, à
son article 1, le règlement, puis
j'aimerais ça qu'il me suive bien : «Le présent règlement
s'applique aux personnes qui élaborent, implantent ou appliquent des programmes
d'accès à l'égalité sur recommandation de la Commission des droits de la
personne[...]
«Ces programmes ont pour but de corriger la
situation de groupes victimes de discrimination interdite par l'article 10
de la charte...»
À l'article 6 du règlement, on y lit...
parce qu'on parle toujours accès à l'égalité contre la discrimination à l'emploi, on demande qu'il y ait des analyses qui
soient faites de ce qu'on appelle des systèmes d'emploi. À l'article 6,
on y lit : «Une analyse du système
d'emploi de l'entreprise permet d'identifier parmi les règles, directives,
politiques, décisions, contrats,
ententes ou actes de même nature, ainsi que par leur mode d'application, les
pratiques — ah!
tiens, tiens, tiens — même
apparemment neutres qui ont un effet discriminatoire...»
Mon point, c'est qu'on joue dans ces eaux-là.
Puis mon exemple, encore une fois, ce n'est pas un exemple de chasse et pêche, là, c'est un exemple de la Charte
des droits et libertés de la personne du Québec, c'est un exemple de l'article 10 contre la discrimination. C'est
l'article 6, loi dont le ministre est chargé de l'application, ce qui fait
qu'aujourd'hui c'est le ministre de la Justice qui nous présente le
projet de loi. On dit qu'il vise à interdire «les pratiques même apparemment
neutres qui ont un effet discriminatoire».
Mon point,
c'est que, si on avait besoin d'un précédent, là, il va me dire : Ce n'est
pas la loi, c'est le règlement, mais
quand même c'est un règlement excessivement important qui découle de
l'article 10 d'une loi quasi constitutionnelle. Il y a de quoi, là.
Il y a de quoi, là, qui lui donnerait, je pense, toute légitimité d'accepter
l'amendement ou d'en faire une reformulation.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le député. M. le ministre. On va attendre
quelques secondes.
M. Jolin-Barrette : Bien, Mme
la Présidente, le député de LaFontaine a un oeil de lynx pour aller chercher
les termes employés en lien avec l'amendement. Cependant, ce n'est pas le même
contexte puis ce n'est pas la même portée qu'on veut donner sur le «neutres» au
niveau du comportement par rapport à l'article 6 du règlement auquel il
fait référence. Mais c'est sur la pratique même apparemment neutre qui ont un
effet discriminatoire. Là, on parle du comportement d'un individu en lien avec
les jugements qu'il pourrait avoir.
Donc, la députée de Westmount—Saint-Louis
nous a dit : Écoutez, la majorité des cas que j'ai, sinon l'exclusivité
des cas, des témoignages qui nous sont rapportés, c'est face avec un
professionnel. Le recours existe déjà dans
les codes de déontologie. Les professionnels se doivent d'avoir un tel type de
pratique. Et j'invite, s'il y a des personnes,
lorsqu'elles vont consulter, à faire une plainte au syndic de l'ordre si le
comportement du professionnel est dérogatoire, puis on envoie un signal
très, très, très clair.
Et l'autre élément qui est
important aussi, de souligner aussi, un professionnel a l'obligation de valider
le consentement libre et éclairé de la personne qui veut avoir un acte médical,
un accompagnement aussi. Ça, c'est important
aussi. Ça rentre dans les règles déontologiques du professionnel, de s'assurer,
avant de procéder, supposons, à une chirurgie, que la personne émet
clairement son consentement libre et éclairé aussi. Alors, il faut faire
attention aussi, il y a des obligations de part et d'autre aussi.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : M. le député.
M. Tanguay : Juste, puis la
collègue nous l'a confirmé, ce n'est pas exclusivement des professionnels,
c'est... Il y a des cas que ce n'est pas des professionnels, de un. De deux, le
ministre a lui-même fait le bon choix de ne
pas légiférer uniquement par l'article 4 mais de légiférer par
l'article 1, où là il veut viser toute personne. C'est pour ça que
«toute personne», 1 et 4, ça va être copier-coller. Ils peuvent porter plainte
en vertu d'un code de déontologie, qui n'est pas une loi du Québec, mais ils ne
le font pas. Pour x raison, ils ne le font pas, ou pas suffisamment, ou
très peu. De le dire dans la loi, de le
proclamer dans une loi, on sort ça du code de déontologie puis on le met dans
une loi du Québec. Comme on dit par chez nous, ça fesse plus. C'est un
engagement, une déclaration législative.
Et, sur l'exemple que je lui ai donné, malgré le
fait, évidemment, que toute analogie n'est pas parfaite, quand on vise à
débusquer, au sein des employeurs du Québec, des pratiques... Puis là, Mme la
Présidente, comme à la pétanque, là, on vient de frapper deux boules en
même temps, parce que je frappe sur la boule de la neutralité puis je viens de frapper sur la boule de la pratique. On
est proches du cochonnet, là. Des pratiques à l'intérieur d'une entreprise
qui est discriminatoire... On veut débusquer les pratiques. «Pratiques», c'est
excessivement large. Notre parenthèse de notre débat, «thérapies de
conversion», «pratiques de conversion», on referme la parenthèse.
«Même
apparemment neutres»... «Apparamment neutres», moi, Mme la Présidente, l'analogie n'est pas parfaite, mais elle est bonne en titi. «Apparemment neutres», ça veut dire :
Écoutez, non, non, tu n'as pas eu la promotion parce qu'on a de coutume, par
chez nous, dans l'entreprise, de donner ça à telle personne pour tel critère.
Bien, voyons donc, c'était moi qui étais la prochaine en ligne. Non,
non, tu n'as pas la promotion parce que ça ne marche pas de même chez nous. Ah! c'est une pratique. Oui, c'est une
pratique puis c'est de même depuis 25 ans. Ah oui, c'est apparemment
neutre? Oui, c'est apparemment neutre.
Un bénévole, une personne qui n'est pas
professionnel — c'est
l'article 1 — qui
vous accompagne dans votre cheminement
pourrait avoir un comportement, une pratique, qui ne soit pas neutre, puis de
dire : Bien non, bien, moi, mon
travail, tel que je le conçois, c'est de te consulter puis de te questionner.
Tu es-tu réellement sûr que c'est ça que tu veux? Tu es réellement sûr?
Ah oui? Tu es réellement sûr que c'est ça que tu veux dire, oui? Et de faire
écho à ce que la collègue de Westmount—Saint-Louis veut condamner.
Alors, moi, je trouve que l'analogie, plus on y
regarde, plus on est pas mal sur notre x, Mme la Présidente. Et qui plus est, c'est une loi quasi
constitutionnelle, la charte québécoise des droits et libertés, qui est sous la
responsabilité, quant à son
application, du ministre de la Justice, puis le ministre de la Justice présente
ce projet de loi là. On est en lien.
Encore une fois, Mme la Présidente, ma collègue,
j'entends d'elle, là : On est bien ouverts à modeler son amendement, qui
ne ferait qu'ajouter une phrase, mais qui aurait tout son sens et toute son
importance à la fin. Alors, on peut travailler sur le... mais je pense que les
mots sont bien choisis.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le député. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Pas de
commentaire, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement?
Mme Maccarone : Il reste combien de
temps...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 30 secondes.
Mme Maccarone : 30 secondes.
Bon, bien, je veux évidemment... car on va probablement passer au vote, je veux
juste partager ma déception que c'est un amendement qui, évidemment, de tous
sens de nos discussions, sera voté contre par les membres du gouvernement. Puis
je veux juste qu'ils savent que la communauté, ils sont en train de nous
écouter, puis ça ne va pas être oublié. Ce n'était pas un amendement que j'ai
déposé pour faire du temps ou pour retarder les travaux que nous faisons ici,
mais parce que c'était vraiment important pour eux. Alors, je suis triste et
fâchée en leur nom.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Est-ce que j'ai d'autres
interventions sur l'amendement? Alors... Oui, M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Juste un
point, Mme la Présidente, pour ne pas que la députée de Westmount—Saint-Louis soit fâchée. Parfois, il y a
des amendements qui sont acceptés dans le travail parlementaire, il y en a
d'autres qui ne sont pas acceptés. Je
comprends qu'elle peut être déçue, mais je ne souhaite pas qu'elle soit fâchée
parce que je souhaite qu'on contribue tous ensemble au projet de loi. Et j'ai déjà indiqué que j'allais accepter certains amendements,
bonifications, on s'est parlé, mais je ne voudrais pas qu'elle soit
fâchée.
La Présidente (Mme
Lecours, Les Plaines) : Alors, écoutez, le temps est...
Mme Maccarone : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Écoutez... Allez-y.
Mme Maccarone : Il y a des amendements,
évidemment, qui sont plus chers puis plus importants que d'autres. Les gens qui
me connaissent savent que je mets tout mon coeur dans ce que je fais. Je ne
suis pas avocate, mais des projets de loi comme ceci sont personnels pour moi.
Alors, c'est pour ça que je suis fâchée, parce que j'ai de la misère de m'en
sortir personnellement de ce que nous sommes en train de faire comme travail.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée.
Mme Maccarone : Je me sens heurtée.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Alors, est-ce que j'ai d'autres interventions? Si je
n'ai pas d'autre intervention, Mme la secrétaire, nous allons placer
l'amendement aux voix.
La Secrétaire : Pour, contre,
abstention. Mme Maccarone... (Westmount—Saint-Louis)? Pardon.
Mme Maccarone : Pour.
La Secrétaire :
M. Tanguay (LaFontaine)?
M. Tanguay : Pour.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire :
M. Provençal (Beauce-Nord)?
M.
Provençal : Contre.
La Secrétaire :
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) : Contre.
La Secrétaire :
M. Poulin (Beauce-Sud)?
M. Poulin : Contre.
La Secrétaire : M. Caron
(Portneuf)?
M. Caron : Contre.
La Secrétaire :
M. Tremblay (Dubuc)?
M. Tremblay : Contre.
La Secrétaire :
Mme Hivon (Joliette)?
Mme
Hivon : Pour.
La Secrétaire :
Mme Lecours (Les Plaines)?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Abstention. L'amendement est donc rejeté.
Nous revenons à l'article 1 puisque nous
avons suspendu le premier amendement de la députée. Est-ce que nous poursuivons
sur l'article 1?
Mme Maccarone : On va passer à
l'article 2.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : On va passer à l'article 2. Donc, nous allons
suspendre. Est-ce qu'il y a consentement pour suspendre l'article 1?
M.
Jolin-Barrette : ...juste une question.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Allez-y, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Dans le fond,
votre amendement, il est suspendu sur l'article 1, puis vous voulez qu'on
suspende l'article 1 considérant la réflexion qu'on fait. C'est ça que je
comprends?
• (12 h 20) •
M. Tanguay : ...
M. Jolin-Barrette : Oui, oui...
M. Tanguay : «On», c'était
vous.
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
on peut y réfléchir des deux côtés, Mme la Présidente, là.
M. Tanguay : C'est bon. Oui,
tout à fait.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Donc, nous suspendons l'article 1.
M. Jolin-Barrette : C'est un «nous»
inclusif, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : L'article 1 étant suspendu, nous allons passer à l'article 2.
M. le ministre, je vous invite à en faire la lecture et les notes
explicatives. Allez-y.
M. Jolin-Barrette : Oui. Mme la
Présidente : «Toute thérapie de conversion est présumée porter atteinte au
droit à l'intégrité et à la dignité de la personne qui la suit.
«Toute personne ayant suivi une telle thérapie
peut obtenir la réparation du préjudice corporel ou moral qui en résulte.»
Cette disposition établit une présomption
voulant que la personne exposée à une thérapie de conversion subit une atteinte
à son intégrité et à sa dignité et la libère de l'obligation d'en faire la
preuve.
Et je vais avoir un amendement à déposer, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...qui est déjà dans Greffier.
M. Jolin-Barrette : Oui.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Ça va se faire dans les prochaines secondes, donc je vais
vous inviter à lire l'amendement.
M.
Jolin-Barrette : Donc :
Au deuxième alinéa de
l'article 2 du projet de loi, supprimer «corporel ou moral».
Et cet amendement propose de retirer les
qualificatifs «corporel ou moral» pour référer uniquement à la notion générale de préjudice. C'est en lien avec
les questions que le député de LaFontaine posait aux intervenants lors de la commission parlementaire. Et, à juste titre, le
député de LaFontaine disait : Pourquoi exclure le préjudice
matériel? Et donc il sera désormais couvert en faisant référence à
l'ensemble des préjudices.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Est-ce que j'ai des interventions? M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay : Oui. Je remercie
le ministre sur son... Oui?
Mme Maccarone : Parce que
l'amendement, il n'est pas déposé sur le Greffier.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je vais suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 12 h 22)
(Reprise à 12 h 23)
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : La commission reprend ses travaux. Donc, la parole était au député
de LaFontaine.
M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je
remercie le ministre pour la paternité de l'amendement, mais c'était surtout la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse, comme on s'en rappelle, qui avait souligné qu'en précisant... peut-être il aurait pu
y avoir interprétation, qu'en précisant que, pour dommage corporel et moral... Là, j'y vais de
mémoire, il y en avait trois, on pourrait exclure... Bon, mais je pense que
l'amendement est bien. On aurait pu,
certains, exclure, puis je pense que c'était bien fondé, des recours pour...
voire compenser des préjudices matériels. Il y avait également des
préjudices... des dommages exemplaires, en vertu de 49 de la charte québécoise,
puis il y en avait même une autre catégorie, dont le nom m'échappe.
Donc, tout à fait... Ça fait qu'en enlevant...
«Toute personne ayant suivi une telle thérapie peut obtenir la réparation du préjudice qui en résulte», là, on
vient couvrir les cinq catégories, en ne nommant pas deux d'entre elles.
Alors, je pense, c'est tout à fait avisé puis je salue cet amendement du
ministre. Là, on est pour.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, M. le député. Est-ce que j'ai d'autres interventions
sur l'article 2? Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Oui.
Alors, je trouve que c'est une avancée de ne pas venir qualifier le préjudice,
à la suite du témoignage de la commission
des droits de la personne et de la jeunesse. Mais moi, j'ai une autre question.
Pourquoi ne pas avoir changé «présumée» par «réputée» au premier alinéa?
M. Jolin-Barrette : Effectivement,
il y a certains groupes qui nous l'ont souligné. La présomption permet... Bien,
en fait, si on indique «réputée», c'est une présomption irréfragable. L'autre,
c'est une présomption réfragable.
Mme
Hivon : Je nous
invite, Mme la Présidente, à y aller avec la présomption irréfragable. Il me
semble que, s'il y a un domaine où on
devrait être dans le «réputée» versus le «présumée»... C'est très technique en
droit, mais c'est que c'est une présomption qui est beaucoup plus forte.
En fait, c'est réputé, et non pas juste de présumer, donc c'est un niveau de
plus. Ça fait que j'avais trouvé que les représentations à cet effet-là, lors
des auditions, étaient très pertinentes.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : On va suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 12 h 25)
(Reprise à 12 h 30)
La
Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Les travaux reprennent. Donc, nous en étions sur les interventions
sur l'amendement. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement? S'il
n'y a pas d'autre intervention, nous allons passer au vote. Mme la secrétaire.
La Secrétaire : Pour, contre,
abstention. M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Pour.
La Secrétaire : M. Provençal
(Beauce-Nord)?
M. Provençal :
Pour.
La Secrétaire : M. Lévesque
(Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) : Pour.
La Secrétaire : M. Poulin
(Beauce-Sud)?
M. Poulin : Pour.
La Secrétaire : M. Caron
(Portneuf)?
M. Caron : Pour.
La Secrétaire : M. Tremblay
(Dubuc)?
M. Tremblay : Pour.
La Secrétaire : Mme Maccarone
(Westmount—Saint-Louis)?
Mme Maccarone : Pour.
La Secrétaire : M. Tanguay
(LaFontaine)?
M. Tanguay :
Pour.
La Secrétaire : Mme Hivon
(Joliette)?
Mme Hivon : Pour.
La Secrétaire : Mme Lecours
(Les Plaines)?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Abstention. L'amendement est donc adopté.
Alors, compte tenu de l'heure, les travaux sont
ajournés jusqu'à...
Une voix : Sine die.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...sine die — merci beaucoup — jusqu'à
sine die.
(Fin de la séance à 12 h 31)