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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Wednesday, February 27, 2019 - Vol. 45 N° 6

Special consultations and public hearings on Bill 9, An Act to increase Québec’s socio-economic prosperity and adequately meet labour market needs through successful immigrant integration


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Table des matières

Auditions (suite)

Ville de Montréal

Service d'aide et de liaison pour immigrants La Maisonnée

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

Accueil liaison pour arrivants (ALPA)

Protecteur du citoyen

Intervenants

Mme MarieChantal Chassé, présidente

M. Simon Jolin-Barrette

M. Christopher Skeete

M. Samuel Poulin

Mme Dominique Anglade

Mme Paule Robitaille

M. Monsef Derraji

Mme Catherine Fournier

M. Andrés Fontecilla

M. Sylvain Lévesque

Mme Lucie Lecours

M. François Jacques

Mme Stéphanie Lachance

M. Gregory Kelley

*          M. Robert Beaudry, ville de Montréal

*          Mme Rosannie Filato, idem

*          M. Guy Drudi, Service d'aide et liaison pour immigrants La Maisonnée

*          Mme Nisrin Al Yahya, idem

*          M. Yvon Soucy, FQM

*          M. Pierre Châteauvert, idem

*          Mme Maryse Drolet, idem

*          M. Éric Mallette, ALPA

*          M. René Fréchette, idem

*          Mme Marie Rinfret, Protectrice du citoyen

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures seize minutes)

La Présidente (Mme Chassé) : Bonjour. Ayant constaté le forum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes de fermer leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 9, la Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Birnbaum (D'Arcy-McGee) est remplacé par M. Derraji (Nelligan); Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis), par M. Kelley (Jacques-Cartier); Mme Sauvé (Fabre), par Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne); M. LeBel (Rimouski), par Mme Fournier (Marie-Victorin); et Mme Dorion (Taschereau), par M. Fontecilla (Laurier-Dorion).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Chassé) : Excellent. Merci. Ce matin, nous débuterons les auditions par la ville de Montréal puis La Maisonnée. Nous avons commencé à l'heure, tout va bien.

Je souhaite donc la bienvenue à la ville de Montréal. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. À une minute de la fin de votre exposé, je vais vous faire un petit signe. Je vous invite donc à vous présenter et puis à commencer votre exposé.

Ville de Montréal

M. Beaudry (Robert) : Robert Beaudry, élu du district de Saint-Jacques, responsable au comité exécutif au développement économique et relations gouvernementales.

Mme Filato (Rosannie) : Bonjour. Rosannie Filato, élue dans le district de Villeray, à Montréal, membre du comité exécutif au niveau du développement social et communautaire, l'itinérance, la jeunesse, la condition féminine, les sports et loisirs.

M. Beaudry (Robert) : Mme la Présidente, Mme la vice-présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci de nous recevoir aujourd'hui dans le cadre des consultations particulières du projet de loi n° 9.

À l'instar de toutes les grandes métropoles du monde, Montréal se caractérise par sa grande diversité ethnoculturelle. Principal lieu d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes en sol québécois, la métropole reçoit chaque année plus de 70 % de l'immigration internationale destinée au Québec. En 2017, cela représentait 33 000 nouveaux arrivants pour l'agglomération de Montréal.

Loin d'être un phénomène nouveau, la métropole s'est construite à travers une succession de vagues migratoires, toutes plus riches les unes que les autres. Il en résulte qu'une personne sur trois y est d'origine immigrante. C'est là une des composantes majeures de la diversité montréalaise et de son ouverture sur le monde. Riche de cette diversité, la ville de Montréal demeure soucieuse de favoriser l'intégration des nouveaux arrivants sur son territoire. La métropole a d'ailleurs développé une expertise reconnue en la matière.

Le gouvernement du Québec a souligné la particularité de Montréal en ratifiant en 2016 l'entente-cadre sur les engagements du gouvernement du Québec et de la ville de Montréal pour la reconnaissance du statut particulier de la métropole. Dans la foulée de cette reconnaissance, la ville de Montréal et le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion ont conclu en 2018 une entente triennale en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion. Cette entente repose sur un partenariat innovant qui vise à rendre Montréal plus accueillante et inclusive pour les personnes immigrantes, et plus particulièrement celles nouvellement arrivées.

Le projet de loi n° 9, Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes, jette les bases de plusieurs changements structurants au processus d'immigration actuel. Certains de ces changements sont énoncés clairement, d'autres doivent toutefois être mieux définis.

Par l'entremise des commentaires et recommandations présentés dans notre mémoire, la ville de Montréal entend contribuer à la bonification du projet de loi n° 9. Nous vous représentons également quelques projets porteurs déployés sur le territoire montréalais pour favoriser l'accueil et l'intégration des nouveaux arrivants. Je laisse maintenant la parole à Mme Filato.

• (11 h 20) •

Mme Filato (Rosannie) : Merci. Donc, le projet de loi propose la mise en oeuvre d'un parcours d'accompagnement personnalisé pour les nouveaux arrivants et d'une bonification de mesures visant la francisation. La ville de Montréal se réjouit de cette intention. La francisation et l'accès à un emploi demeurent des facteurs puissants d'intégration à la société québécoise. Ceci étant dit, le gouvernement doit toutefois y consacrer les ressources appropriées, facteur essentiel de succès. Or, le niveau de financement et de ressources additionnelles pour livrer ces services et assurer leur arrimage avec les initiatives locales demeure inconnu. Nous tenons à souligner que les objectifs de la francisation doivent être liés à de nouvelles enveloppes budgétaires provenant du gouvernement québécois.

En tant que métropole et gouvernement de proximité, la ville de Montréal est un acteur de premier plan en matière d'accueil et d'intégration des nouveaux arrivants sur son territoire. C'est en effet le quartier qui est le premier lieu d'identification, là où se déroulent les relations quotidiennes et où le nouvel arrivant apprivoise son nouvel environnement. En tant que palier le plus près des citoyens, Montréal a le souci de consolider ses interventions de proximité et de maximiser l'utilisation des ressources municipales telles que les bibliothèques, les maisons de la culture, les installations sportives et les centres de loisirs pour assurer un accueil de qualité et une intégration réussie des nouveaux citoyens.

Montréal entend plus que jamais assurer son leadership en matière d'accueil et d'intégration des nouveaux arrivants. La métropole travaille d'ailleurs depuis plusieurs mois à la mise sur pied de la station nouveau départ en collaboration avec plusieurs ministères et organismes fédéraux et provinciaux, dont le MIDI. Inspiré des meilleures pratiques déployées dans le monde, il s'agit d'un centre de services intégré cohésif et accessible qui regroupera les différentes instances gouvernementales, régionales et locales concernées. Cette initiative s'inscrit en complémentarité directe aux démarches que le MIDI souhaite mettre en oeuvre pour améliorer la qualité de l'accueil et du soutien à l'intégration des nouveaux arrivants. La station deviendra, à terme, l'un des principaux points de service à Montréal, avec la particularité d'offrir des services spécifiques et adaptés permettant d'accélérer le processus d'installation et d'intégration des nouveaux arrivants.

La ville de Montréal recommande donc que le gouvernement prévoie des ressources financières et humaines nécessaires et qu'il travaille de concert avec la ville de Montréal pour la mise en place et la bonification de mesures en matière d'accueil et d'intégration des nouveaux arrivants, notamment la francisation. Ensuite, la ville de Montréal recommande que des ressources supplémentaires soient allouées également à l'élaboration et la réussite d'un parcours individualisé en complémentarité avec l'approche intégrée développée par la ville et ses partenaires locaux, soit la station nouveau départ.

M. Beaudry (Robert) : Et c'est là qu'on me passe la puck. Montréal accueille la grande majorité des immigrants sélectionnés dans les catégories économiques, c'est-à-dire ceux qui sont choisis en fonction de leurs diplômes, de leur formation professionnelle et de l'adéquation de leurs compétences avec les besoins du marché du travail.

Depuis plus de 20 ans, l'immigration internationale demeure le moteur principal de la croissance démographique de l'agglomération. La ville de Montréal considère d'ailleurs qu'il s'agit d'une richesse et d'un privilège d'accueillir de nouveaux arrivants qui viendront, de par leurs talents, leur créativité et leur culture, contribuer à l'essor de nos entreprises et institutions ainsi qu'à la vitalité et au rayonnement de notre société.

Bien que la métropole ait l'avantage de pouvoir attirer des travailleurs qualifiés à l'emploi qui correspondent a priori aux candidats recherchés par les différentes entreprises présentées sur son territoire, des défis persistent en matière de disponibilité de main-d'oeuvre. Depuis quelques années, la tendance est claire, le nombre de postes vacants s'accroît, et la métropole est confrontée à une pénurie de main-d'oeuvre dans plusieurs secteurs et catégories d'emploi. En 2018, pour la région métropolitaine de recensement de Montréal, ce sont 73 405 postes vacants qui ont été répertoriés. Il s'agit d'un enjeu de taille qui risque, à terme, de freiner la croissance de la métropole et la productivité des entreprises et institutions montréalaises.

Face à ces constats, en conséquence avec la stratégie de développement économique 2018-2022, Accélérer Montréal, la métropole déploie des efforts importants et concertés pour attirer et mieux intégrer les nouveaux arrivants. Montréal mobilise les entreprises et partenaires locaux afin qu'ils soient des acteurs de changement dans la perspective d'une croissance économique inclusive et durable.

Le 18 février dernier, Montréal a convié une quarantaine de membres de la communauté d'affaires, des femmes, des hommes d'influence du Grand Montréal, des élus du Québec — d'ailleurs, vous étiez présent, M. le ministre — pour discuter de la stratégie Montréal inclusive au travail. Cette démarche est une mesure-phare du plan d'action de la ville de Montréal en matière d'intégration des nouveaux arrivants qui vise à mobiliser et à sensibiliser la société montréalaise autour des enjeux d'intégration des immigrants au marché de l'emploi. Il ressort de cet événement une volonté commune forte et l'affirmation claire que l'intégration économique des nouveaux arrivants, c'est l'affaire de tous.

Lors du lancement de la stratégie Montréal, les chefs d'entreprise de la métropole ont également souligné le fait que les organisations qui comptent parmi leur personnel des travailleurs immigrants jouissent d'un meilleur rendement. Il faut noter que ces travailleurs ont aussi besoin d'accompagnement et de soutien, notamment de la part du gouvernement du Québec, pour accélérer et améliorer la reconnaissance des diplômes et leur expérience de travail.

La ville recommande donc que les gouvernements promeuvent et soutiennent les initiatives locales qui, comme stratégie Montréal inclusive au travail, favorisent l'intégration en emploi en français des nouveaux arrivants ainsi que la sensibilisation des employeurs aux besoins et aux réalités de ces segments de la main-d'oeuvre.

Dans la même lignée, il apparaît pertinent de prévoir des mesures destinées au soutien de l'entrepreneuriat pour les nouveaux arrivants. En effet, c'est près de 10 000 entreprises, des PME, qu'on pourrait perdre d'ici 2024, au Québec, faute de main-d'oeuvre. À cet égard, le gouvernement peut être un acteur de changement et agir en aidant les immigrants entrepreneurs, notamment ceux avec un statut temporaire, et faciliter l'octroi de soutien financier pour lancer une entreprise.

La ville recommande que le gouvernement de Montréal prévoie la mise en place de mesures et d'outils concrets visant à soutenir les nouveaux arrivants entrepreneurs, quel que soit leur statut d'immigration.

Enfin, j'ajouterais que Montréal est préoccupée par l'effet combiné de la réduction des seuils d'immigration annoncée et la priorisation accordée à une régionalisation de la main-d'oeuvre. Une meilleure répartition de l'immigration au Québec permettra de mieux répondre aux besoins de main-d'oeuvre de l'ensemble des régions et de réduire la fracture sociodémographique qui a pu se creuser au fil du temps.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

M. Beaudry (Robert) : Merci. Toutefois, la répartition de l'immigration au Québec permettra de mieux répondre aux besoins de main-d'oeuvre de l'ensemble des régions et de réduire la fracture... Oh! oui, ça, je l'ai dit. Toutefois, vous comprendrez qu'il importe, dans la combinaison des deux mesures, qu'on n'accroisse pas la pénurie de main-d'oeuvre déjà observée dans la métropole. En tant que principal moteur économique du Québec, Montréal a besoin d'un apport significatif en immigration pour faire face à ses réalités démographiques propres.

Mme Filato (Rosannie) : En déposant son projet de loi n° 9, le gouvernement a annoncé du même souffle l'annulation de plus de 18 000 dossiers qui avaient été enregistrés avant le 2 août 2018. Nonobstant l'injonction qui a forcé le gouvernement à poursuivre l'étude des dossiers, la ville de Montréal est très préoccupée par cette annonce, notamment par l'absence de mesures transitoires claires visant à assurer une continuité dans le traitement des dossiers. De ce nombre, plus de 5 600 personnes sont déjà installées au Québec. Il s'agit de travailleurs et de familles, dont certaines incluant des enfants nés au Québec.

La ville de Montréal considère que les solutions proposées par le gouvernement doivent permettre de réduire l'insécurité des personnes touchées en leur offrant des solutions concrètes. Au-delà des enjeux administratifs, il y a des femmes, il y a des hommes, souvent des familles entières qui contribuent déjà à la vie collective. Il est urgent que le gouvernement du Québec précise ses intentions à l'égard de ces candidats.

La ville recommande donc que le gouvernement s'engage à traiter dans les six prochains mois des déclarations d'intérêt des personnes qui ont déposé une demande avant le 2 août 2018, qui déjà vivent au Québec et apportent leur contribution à la société.

En conclusion, j'aimerais rappeler que le partenariat entre la ville de Montréal et le gouvernement du Québec a permis la réalisation de nombreuses actions significatives, notamment en matière d'accueil et d'intégration des nouveaux arrivants. Le projet de loi n° 9 est une nouvelle occasion de poursuivre cette collaboration et de trouver des solutions concrètes à des défis qui auront des impacts sur la prospérité du Québec et de la métropole pour les années à venir.

Le traitement avec égard et rapidité des demandes d'immigration déjà déposées par des demandeurs résidant au Québec de même que le soutien de mesures visant à la mise en place d'un continuum de services intégrés visant à promouvoir l'intégration socioéconomique des nouveaux arrivants sont, à notre avis, quelques exemples de conditions du succès du processus d'immigration québécois. On vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie de votre exposé. Le ministre vous a gracieusement offert de son temps. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Filato, M. Beaudry, bonjour, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour votre participation à la commission parlementaire.

Quelques mots pour féliciter la ville de Montréal, notamment sur votre activité que vous avez tenue le 18 février dernier. J'ai participé au début de la journée, mais je trouvais que c'était une belle initiative de la part de la ville de Montréal et de la mairesse également de faire en sorte d'asseoir tous les acteurs autour de la table, les partenaires économiques à la fois du privé, à la fois du public, pour faire de Montréal inclusive... de sensibiliser. Je pense qu'honnêtement c'est une belle initiative.

Puis c'est vrai ce que vous dites lorsque vous dites : Bien, nous, en tant que ville, bien, les gens s'identifient, dans un premier temps, à leur quartier, souvent, c'est à leur rue, à leur quartier. Donc, c'est vrai qu'il y a une réelle proximité. Puis vous êtes des partenaires importants en matière d'immigration, notamment dans l'entente qui a été signée en 2016 par le précédent gouvernement, mais aussi au point de vue de l'intégration dans les différents services publics. Alors, je souligne le travail de la ville de Montréal en ce sens-là.

Pour ce qui est des... Allons-y avec la question des ressources. Dans le fond, vous nous invitez... L'autre fois, lorsque j'ai rencontré la mairesse, on a parlé de la station nouveau départ. Ce que vous souhaitez faire, c'est d'avoir un pôle central pour l'ensemble de la ville de Montréal, où tous les services seraient là. C'est ce que je comprends?

• (11 h 30) •

M. Beaudry (Robert) : Oui, absolument. C'est un peu dans le même esprit que les «one-stop shops» qu'il y a eu en Europe, une espèce de guichet unique dans lequel les services du MIDI, les services de la ville de Montréal, du BINAM, le ministère, aussi, du Travail et de la Solidarité sociale... pour offrir un service 360 degrés aux nouveaux arrivants, donc vraiment d'avoir un lieu de chute identifié sur l'île de Montréal.

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis, pour le bénéfice des membres de la commission, là, le BINAM, c'est le...

M. Beaudry (Robert) : Le Bureau d'intégration des nouveaux arrivants de Montréal.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, vous avez un bureau, à l'intérieur de la ville, qui déploie des ressources notamment pour l'intégration.

M. Beaudry (Robert) : Absolument. Et on a d'ailleurs, aussi, un plan d'action du BINAM 2018-2022, ce que je faisais référence tout à l'heure, pendant le préambule, là, l'entente qu'on a eu via Réflexe Montréal, qui est une entente financière, là, de 12 millions par année, là, du gouvernement du Québec, à laquelle Montréal vient investir le même montant d'argent.

M. Jolin-Barrette : O.K. Pour la station nouveau départ, vous voulez mettre tout le monde sous le même chapeau où les personnes immigrantes pourraient avoir accès. Est-ce que, dans cette perspective-là, vous visez uniquement l'immigration permanente ou, également, vous offririez des services aux immigrants qui ont un statut temporaire? Parce que, nous, dans le cadre du projet de loi n° 9, ce qu'on veut faire, c'est donner davantage d'outils, puis on veut étendre les services que le gouvernement du Québec va donner aux personnes qui ont un statut temporaire au Québec, dans l'objectif de les amener vers la permanentisation, donc intégration, francisation, accompagnement à l'emploi. Est-ce que, vous, votre perspective, c'est les deux ou c'est uniquement...

M. Beaudry (Robert) : ...en fait, tous les nouveaux arrivants, peu importe le statut.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, ça pourrait s'inscrire dans cette logique-là?

M. Beaudry (Robert) : Absolument.

M. Jolin-Barrette : O.K. Au niveau de la régionalisation, vous dites : On n'est pas contre la régionalisation, mais on veut garder notre part du gâteau aussi parce qu'on a des défis en matière économique à Montréal. J'en suis. Mais là il y a comme un arbitrage à faire entre Montréal... entre les régions parce que, dans toutes les régions aussi, il y a des difficultés d'attraction, de rétention aussi. 80 %, environ, des nouveaux arrivants s'établissent dans la région métropolitaine de Montréal. Comment vous voyez ça, là? Parce que, dans votre mémoire, vous dites : Bien oui, on est en faveur, mais on veut aussi conserver...

M. Beaudry (Robert) : Bien, en fait, c'est cette reconnaissance-là aussi de l'impact économique, le moteur économique qu'est Montréal à travers tout ça, ses besoins de main-d'oeuvre qui sont là. Au niveau des besoins, là, par exemple, en main-d'oeuvre, nos postes vacants ne font que croître de trimestre en trimestre. On a un besoin criant... Quand Montréal va bien, c'est toutes les régions qui vont bien aussi. Donc, on comprend ce besoin-là en région, puis on le reconnaît, puis on veut une meilleure coordination à ce niveau-là.

Par contre, ce qui nous inquiète beaucoup, c'est au niveau des seuils parce que, si on baisse des seuils puis on veut répartir, là... l'impact sur Montréal, ça va être quoi? Comment on est capables de le traduire? Et ça, pour nous, c'est encore incertain à ce niveau-là. Alors, ce qu'on veut vous sensibiliser, c'est vraiment... Montréal est un moteur économique. Montréal a un impact, un rayonnement sur le reste des régions du Québec. Il ne faut pas la traiter comme une région comme les autres.

M. Jolin-Barrette : O.K. Selon vous, là, qu'est-ce qu'il faut faire pour s'assurer que les immigrants occupent un emploi à la hauteur de leurs compétences? Parce que, tu sais, on voit, là, les taux de surqualification pour les immigrants de cinq ans et moins. Le taux de chômage, également, est plus du double aussi. Avez-vous des propositions pour voir comment est-ce qu'on peut corriger ça?

M. Beaudry (Robert) : Bien, vous voyez, dans... le rendez-vous dont vous avez assisté, c'est justement pour rassembler les chefs d'entreprise pour voir quelles étaient les frontières, justement, à l'embauche des personnes immigrantes, à leur... selon leurs capacités... selon leurs qualificatifs, pardon. Il y a la reconnaissance des acquis. Il y a le fait aussi d'éviter de demander une expérience québécoise à ces nouvelles personnes là quand elles arrivent sur le territoire aussi, de travailler avec les employeurs pour aussi avoir une culture d'embauche qui reflète un peu ce qu'on a à Montréal, cette diversité-là. Parce qu'il y a des entreprises qui nous l'ont dit lors de ce rendez-vous-là, le fait d'intégrer des personnes immigrantes dans leur structure, ça amène une nouvelle façon de voir justement l'intégration. Donc, les incitatifs, pour nous, à ce niveau-là, sont très importants, et pour les entreprises aussi.

M. Jolin-Barrette : O.K. Et puis, dans le cadre de l'entente que le gouvernement du Québec a avec la ville de Montréal, dans le fond, c'est une entente qui vous convient actuellement?

M. Beaudry (Robert) : Oui. En fait, ce qui est très important pour nous, c'est le Réflexe Montréal. Comme je vous ai dit tout à l'heure, Montréal ne peut pas être considérée comme une région comme les autres. Montréal a une entente conjointe avec Québec. On a des canaux, justement, de communication privilégiés pour faire atterrir les lois sur notre territoire. On a des délégations de pouvoirs de la part de Québec à certains niveaux, dont au niveau de l'immigration, au niveau du développement économique, par exemple. Donc, ce canal-là nous convient. Il faut vraiment qu'on puisse l'activer et que ça devienne vraiment un réflexe.

Quand on veut intégrer une politique, on ne peut pas l'intégrer mur à mur à travers le Québec sans aller voir Montréal, parce qu'on reçoit 75 % de l'immigration, par exemple. Donc, c'est vraiment une situation particulière.

Mme Filato (Rosannie) : En complément de réponse, en fait, oui, l'entente Réflexe Montréal est très importante. Cependant, si vous parlez des montants d'argent, c'est certain qu'aujourd'hui on a été clairs. Il y a quand même des besoins financiers et en termes de ressources humaines qui sont énormes. Et tout le monde ici le sait, les besoins évoluent. Donc, à travers les années, on voit énormément de changements démographiques sur le marché de l'emploi également. Donc, c'est la raison pour laquelle on est ici aujourd'hui. On veut collaborer. On veut parler des besoins qui évoluent justement, pour parler des ressources qui ont été négociées.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la réalité de la régionalisation, tantôt, je vous ai bien entendu, vous dites : Nous, on a des besoins à Montréal aussi. Il y a une situation aussi qui fait en sorte qu'il faut assurer la vitalité des régions aussi. Donc, dans la perspective que nous avons d'utiliser le nouveau système Arrima, c'est notamment le fait aussi de prioriser, supposons, dans certaines circonstances... Bien, en fait, dans un premier temps, à la base, on veut jumeler le profil des candidats avec les emplois disponibles, mais aussi on souhaite assurer la régionalisation. Mais là je vous entends bien que vous avez des besoins à Montréal aussi puis vous souhaitez... Cela étant dit, toutes les régions du Québec aussi crient à l'aide, et puis il faut répondre à la réalité des régions pour assurer l'occupation du territoire aussi. Ça, c'est une réalité.

M. Beaudry (Robert) : On l'entend parfaitement. Puis on est membres de l'UMQ, donc on siège avec nos partenaires villes. Donc, c'est une réalité. Mais, comme je disais tout à l'heure, 75 % de l'immigration au Québec est à Montréal. On a quand même le plus gros PIB du Québec. Ce n'est pas quelque chose non plus à négliger à ce niveau-là.

M. Jolin-Barrette : Sur l'aspect du projet de loi n° 9, vous nous invitez à traiter en priorité les gens qui sont sur le territoire québécois. Vous dites, dans votre mémoire, là : 5 600 personnes sont sur le territoire québécois. Ce n'est pas tout à fait exact. Dans le fond, il y a 3 700 demandeurs principaux qui ont déposé leurs demandes au moment où ils étaient physiquement sur le territoire québécois. Ça pourrait représenter 5 600 personnes, mais ça, c'est si tous les demandeurs étaient sur le territoire québécois.

Mais je vous entends bien sur le fait que vous dites : Les gens qui sont en emploi et qui sont sur le territoire du Québec, bien, on devrait les prioriser. Puis c'est mon intention aussi. Je l'ai toujours dit, avec le dépôt dans Arrima, on veut faire en sorte d'inviter prioritairement les gens qui sont sur le territoire québécois et en emploi. Cela étant dit, le projet de loi ne change rien au statut des gens actuellement. Qu'il y ait le projet de loi n° 9 ou non, le statut temporaire qu'ils avaient relève du gouvernement fédéral. Ça fait que ça, je voulais juste éclaircir ça avec vous, là. Mais je vous entends bien sur le fait que vous souhaitez qu'on les traite de façon prioritaire.

M. Beaudry (Robert) : Oui. Puis il y a une question aussi, à ce niveau-là, au niveau du nombre, c'est de savoir le nombre exact à Montréal. Est-ce que vous avez ces chiffres-là actuellement?

M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas possible de le savoir, notamment sur le fait... Et c'est pour ça, là... Dans votre mémoire, vous dites, vous voulez qu'il y ait un partage d'information entre le ministère de l'Immigration et la ville. Il n'y avait pas de moyen d'assurer le suivi et la traçabilité, si je peux dire, là. Donc, c'est pour ça que, dans le projet de loi n° 9, notamment, ce qu'on fait, c'est qu'on s'assure de mettre des dispositions pour s'assurer du parcours personnalisé des gens. Moi, mon objectif, là, avec le projet de loi n° 9, là, c'est vraiment d'accompagner les gens dès l'étranger, de leur offrir des services dès l'étranger, à la fois aux immigrants permanents que les gens qui sont en situation temporaire ici, leur offrir des services de francisation et d'intégration, peu importe qu'ils soient temporaires ou permanents, pour viser la permanentisation de leur statut sur le territoire québécois. Mais on va voir ce qu'il est possible de faire avec le ministère de l'Immigration, si on peut partager de l'information avec la ville de Montréal.

M. Beaudry (Robert) : Pour nous, le partage des données est très important aussi, là, vous l'avez dit, et ça, c'est dans l'optique d'un continuum de services après. Et, quand on dit : On veut bonifier justement cette loi-là, on a besoin, en tant que ville, de clarification, comment ce partage-là, non nominatif, là, on s'entend, des données va être fait aussi. C'est des questions qu'on a en tant que ville. Pour nous, c'est très, très important, la traçabilité, justement, de ces personnes-là sur le territoire. On ne veut pas dédoubler les interventions qui vont se faire après et on veut réussir au maximum l'intégration de ces personnes-là. Donc, c'est ce qu'on vous amène à travers le mémoire. Pour nous, ça, c'est une considération très importante.

M. Jolin-Barrette : Bien, je peux vous dire, je suis très sensible à ce que vous me dites sur cet élément-là, parce qu'il faut vraiment travailler en partenariat. Puis, comme je vous l'ai dit, vous êtes des acteurs, vraiment, sur le terrain. Donc, c'est important.

Je pense que certains collègues veulent poser des questions aussi, Mme la Présidente.

• (11 h 40) •

La Présidente (Mme Chassé) : Absolument. Il y a tout d'abord le député de Sainte-Rose, s'il veut encore se prévaloir de son droit de parole, puis ensuite le député de Beauce-Sud.

M. Skeete : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. Je suis résident de Laval, alors on est voisins.

Une voix : ...

M. Skeete : On peut le dire aussi, mais on peut aussi dire la région de Laval. Mais je me permets de vous poser une question parce que justement les faits sont intéressants, que 75 % des immigrants qui choisissent le Québec vont à Montréal. Mais on a appris par nos délibérations, ici, que 55 % des emplois disponibles au Québec se trouvent à l'extérieur de Montréal. Donc, je me demande, quand vous faites l'analyse de ça et que vous voyez le projet du gouvernement en ce qui a trait à la déclaration d'intérêt, est-ce que vous pensez que de revoir la façon qu'on place les immigrants qui choisissent le Québec... est-ce que de le demander en amont pour arrimer les types d'emploi aux employeurs, est-ce que ça, c'est quelque chose que vous voyez d'un bon oeil? Est-ce que c'est une façon de régler les besoins du marché du travail?

M. Beaudry (Robert) : Vous voulez dire de... L'arrimage est intéressant...

M. Skeete : Bien, la déclaration d'intérêt qui se fait par l'immigrant qui veut choisir le Québec, par la suite de l'arrimer avec les emplois au Québec, est-ce que vous voyez ça d'un bon oeil? Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait...

M. Beaudry (Robert) : Nous, au niveau des incitatifs, ça va. On veut inciter les gens, mais on ne souhaite pas les obliger à aller vers les régions. Pour nous, ça, c'est un point qui est très important. Montréal, dans son développement économique, c'est un peu la position qu'on se donne, on offre des incitatifs pour attirer sur notre territoire autant les personnes que les investissements directs étrangers. Mais on ne veut pas contraindre les gens à aller vers des régions, vers des emplois.

M. Skeete : Je suis curieux parce que c'est à Montréal qu'on trouve le plus haut taux de surqualification. Donc, si le gouvernement propose de placer des gens dans des endroits qui ont un vrai besoin, et vous, vous avez une surcapacité en termes d'immigrants prêts à travailler, je me demande...

M. Beaudry (Robert) : En 2018, on avait 173 000 emplois vacants à Montréal, et ça ne fait que croître de trimestre en trimestre. Donc, pour nous, l'arrimage, je pense que c'est là-dessus qu'il faut travailler parce que... Oui, vous avez raison, il y a des gens qui sont surqualifiés à l'heure actuelle. Mais comment on est capables d'optimiser justement notre travail en commun, le gouvernement du Québec, la ville de Montréal, pour justement amener les entreprises... Et c'est ce qu'on fait par des initiatives... Montréal inclusive au travail. C'est ce qu'on veut faire aussi par notre projet de guichet unique, comment on arrive à ramener justement ces gens qualifiés là vers le besoin... Parce qu'il y a des entreprises, à Montréal, qui ont des besoins spécialisés. J'en rencontre à tous les jours, et de plus en plus. Et toutes les grappes industrielles nous disent actuellement que c'est... Le premier enjeu, pour eux, c'est le manque de disponibilité de main-d'oeuvre, puis après c'est même aussi dans les investissements directs étrangers. La première question qui nous est posée quand on attire un investissement direct étranger, c'est : Est-ce que vous avez la main-d'oeuvre sur le territoire à Montréal? On a les universités qui sont là, qui sont présentes. Je veux dire, on est intéressants, on est attractifs. Montréal a connu la plus grande croissance des villes du Canada. Il ne faudrait pas mettre ça à risque en obligeant les gens à aller vers d'autres régions.

M. Skeete : Merci.

M. Beaudry (Robert) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, j'invite maintenant le député de Beauce-Sud à prendre la parole.

M. Poulin : Il me reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Chassé) : Huit minutes.

M. Poulin : Huit minutes? Parfait. Bien, merci encore une fois d'être là, la ville de Montréal. Très content également de voir de jeunes élus prendre ce dossier-là à bras-le-corps. Je pense que c'est fondamental également d'avoir un regard qui est neuf sur cet enjeu-là.

Un sujet qui préoccupe la société québécoise depuis déjà plusieurs années, c'est, bien entendu, l'importance du fait français. Dans votre mémoire, vous parlez justement, bon, de l'importance du français, mais on sait très bien que, lorsqu'une personne fait le choix d'arriver au Québec et qu'elle a été qualifiée, elle ne le parle pas nécessairement. Alors, on sait également que Montréal, compte tenu de son historique, a des enjeux pour la sauvegarde et la promotion de la langue française sur son territoire.

J'aimerais vous entendre sur le rôle que les villes doivent jouer, comme la ville de Montréal, pour s'assurer que, lorsque les gens qui viennent ici... oui, des fois, font le choix du Canada, font le choix du Québec, mais font aussi, très souvent, le choix de Montréal, avec la beauté de cette ville-là. Comment pouvons-nous s'assurer que le français ait réellement un suivi important pour une ville comme la vôtre, que ce soit lorsque vos employés, par exemple, l'utilisent, que ce soit via la promotion que vous en faites sur le territoire? Alors, de quelle façon, comme ville, vous pouvez faire en sorte que les immigrants puissent, du moins, avoir un intérêt assez grand pour apprendre le français et qu'ils aiment également apprendre cette nouvelle langue?

Mme Filato (Rosannie) : Je vous dirais que, pour la ville de Montréal, c'est essentiel. C'est certain que c'est la langue officielle à Montréal et c'est très important. En fait, selon nous, il faut prendre une approche qui est holistique. Et c'est ce qu'on propose avec la station nouveau départ également.

Mais, quand on parle du BINAM, quand on parle des agents de liaison, par exemple, qui sont dans nos bibliothèques, la maison de la culture, c'est ce qu'ils font sur le terrain, c'est ce qu'ils font, ils accueillent que ce soit l'immigrant qui est venu pour des motifs économiques, donc, pour travailler, ou sa conjointe et ses enfants. Ils offrent des cours de francisation. Ils offrent des ateliers, par exemple, de groupe. C'est extrêmement important. Il faut le faire dans une approche qui est dynamique, qui est près des gens. Ces agents de liaison, c'est des gens qui vont... qui se déplacement également sur le terrain. On a la chance d'en avoir une dans... En fait, je regarde M. Fontecilla parce qu'on est élus dans le même coin. On a une agente de liaison qui se promène, qui fait du porte-à-porte justement pour aller rejoindre ces personnes qui, souvent, restent à la maison, qui ont un peu de difficultés à s'intégrer à la société québécoise.

Mais le rôle du français est très important, comme tout le rôle de l'intégration sociale. On parle beaucoup d'intégration économique aujourd'hui, ce qui est très important, mais il faut parler de l'intégration sociale également. C'est très, très difficile pour les conjointes, pour les enfants, pour la famille. Je reviens aux 5 600, ou à peu près, M. le ministre, personnes qui sont touchées par ce projet de loi. La ville de Montréal est quand même préoccupée par ça. Et c'est important de prendre toutes les mesures, de façon holistique, pour permettre une bonne intégration.

M. Poulin : Donc, vous reconnaissez que c'est un enjeu important, à la fois, que le français... la promotion du français sur l'île de Montréal et de s'assurer également que nos immigrants l'apprennent. Est-ce que vous jugez cependant qu'au courant des 15 dernières années, pour reprendre un chiffre populaire, les efforts ont été suffisamment faits pour s'assurer que, le français auprès de nos immigrants, non seulement la promotion soit faite, mais que le désir d'apprendre le français soit suffisamment au rendez-vous pour nos immigrants qui sont, par exemple, du côté de Montréal?

Mme Filato (Rosannie) : En fait, notre objectif aujourd'hui, c'est de regarder vers le futur, de travailler ensemble. On est ici pour collaborer avec le gouvernement pour voir comment... On sait qu'il y a des défis. On sait qu'il y a des lacunes. On est là pour améliorer le tout avec vous, de collaboration avec le gouvernement. C'est certain... Je reviens aux ressources, ça va être important pour la ville de Montréal. Et je peux également parler pour les régions, j'imagine. On a besoin de plus de ressources. On parle de l'importance de la francisation. Tout ce que je viens de nommer, les agents de liaison, dans toutes nos installations, à la ville de Montréal, toutes les femmes et les hommes qui travaillent pour instruire la langue française et aider à l'inclusion sociale, ça prend des ressources financières et humaines, et on ici pour vous en parler, justement.

M. Poulin : Diriez-vous que le défi risque d'être en augmentation avec le temps? Parce que, qu'on le veuille ou pas, il y a un passif qui est là. Il y a des gens qui n'ont pas appris suffisamment le français, qui ne le maîtrisent pas parce que peut-être qu'à une certaine époque on a manqué d'outils, on a manqué de ressources pour faire en sorte que ces gens-là puissent apprendre le français. Parce que c'est aussi ça, la réussite de l'intégration, hein, au bout du compte, c'est de s'assurer que ces gens-là puissent maîtriser le français. Et, lorsqu'on parle de l'importance de la régionalisation de l'immigration, c'est évident que, si on se décide d'aller, par exemple, en région, l'outil, c'est de parler français, compte tenu du fait que, très souvent, dans nos régions, au Québec, on parle très majoritairement français. Je vous dirais que le défi des ressources, vous me parlez de l'avenir, mais, compte tenu du passif qu'on a, il faut peut-être mettre les bouches doubles.

Mme Filato (Rosannie) : On pourrait absolument mettre les bouchées doubles. Les ressources doivent suivre. J'ai de la difficulté à généraliser... En fait, je pense, ce qui va être important, c'est justement de nous assurer qu'on ait les ressources. Mais ce que vous amenez comme propos, c'est très pertinent. Cependant, il faut avoir les données. Il faut partager les données également. Combien de Montréalais et de Montréalaises qui seront soit visées dans les 5 600 personnes ou au-delà de ça parlent le français? Est-ce que c'était la problématique? Il faut avoir ces discussions-là. Il faut avoir les données. Et l'objectif de la ville de Montréal, aussi, aujourd'hui, c'est de dire que l'objectif de la loi est louable. Il faudrait clarifier cependant certaines... en fait, les moyens, je dirais, pour en arriver... Il ne faut pas généraliser. On parle d'humains ici.

• (11 h 50) •

M. Poulin : Mais vous êtes prêts à jouer un leadership dans le... continuer à jouer un leadership, et peut-être même encore plus fort, dans le fait que le français est fondamental à Montréal et que, nos immigrants, on doit tout mettre en place afin qu'ils puissent avoir les outils pour pouvoir l'apprendre. C'est ce que j'en comprends?

Mme Filato (Rosannie) : On est toujours prêts à jouer un rôle de leadership.

M. Beaudry (Robert) : Je pense qu'on doit... tous les paliers de gouvernement réunis ensemble. Ça n'incombe pas à une ville ou à une autre. Le fait français est important, mais c'est toute... Comme, tantôt, je parlais d'un continuum de services. C'est un accompagnement personnalisé aussi, qu'une personne qui arrive sur le territoire... Ce n'est pas tous les mêmes besoins. Le français peut être une barrière pour un. Pour l'autre, ça va être autre chose, l'habitation, l'employabilité. Donc, c'est pour ça que l'accompagnement personnalisé, pour nous, est important.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

M. Beaudry (Robert) : Mais on va vous suivre dans votre leadership et on va en insuffler, du leadership.

M. Poulin : Bien, merci beaucoup. Fort intéressant. Puis effectivement le français, c'est quelque chose de fondamental pour tout le monde. Mais il est important de se rappeler que, par moments, on a un passif dans des endroits précis, et c'est pour ça qu'il faut se donner tous les outils. Alors, je vous remercie. Très content de vous compter comme un partenaire à nouveau dans cette belle aventure. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. J'invite maintenant la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne à prendre la parole.

Mme Anglade : Alors, bonjour. Un plaisir de vous revoir, Mme Filato. Quant à M. Beaudry, c'est toujours un plaisir de se croiser, surtout quand c'est dans le comté de Saint-Henri—Sainte-Anne, mais on est contents de vous avoir à Québec aujourd'hui.

Alors, écoutez, sur la question de la réforme, il ne fait nul doute qu'on est en faveur d'une régionalisation, d'une meilleure intégration des immigrants, de faire en sorte que le fait français soit appliqué de manière encore plus forte et plus sentie. Donc, de ce point de vue là, on n'a pas d'enjeu.

M. Beaudry, vous disiez tout à l'heure que Montréal connaît une pénurie de main-d'oeuvre historique, et là vous parliez de chiffre de 173 000 ou 73 000 emplois?

M. Beaudry (Robert) : ...

Mme Anglade : Pardon?

M. Beaudry (Robert) : 73 000, oui.

Mme Anglade : 73 000, parce que le total, en principe, est autour de 120 000. Donc, 73 000 postes vacants. Aujourd'hui, il y a 18 000 dossiers qui ne sont pas traités. Parmi ces 18 000 dossiers là, vous faites référence à ceux qui sont présentement au Québec. On a appris que l'intention du gouvernement cette année, pour 2019, c'est de ne traiter que 400 dossiers au total, et parmi les 18 000 dossiers et parmi tout ce qui se passe dans le volet Arrima, un total de 400 dossiers. Donc, 400 dossiers, quand on regarde une pénurie de main-d'oeuvre, avec 73 000 juste pour Montréal, comment vous réagissez à ça? Vous dites ça puis vous dites : Bien, si, la prochaine année, il va y avoir juste 400 dossiers traités dans le nouveau système, incluant même mes 18 000 dossiers, quel est l'impact que ça a sur Montréal?

M. Beaudry (Robert) : Nous, ce qui est important pour nous, puis c'est ce qu'on dit dans le mémoire, c'est de traiter... On veut le faire de façon personnalisée. Alors, c'est important aussi de traiter ces dossiers-là. Pour nous, c'est important de les traiter de la façon la plus rapide, la plus efficace possible. Il n'y a personne qui est contre la tarte aux pommes, là. On veut tous une meilleure intégration. C'est fondamental. Mais, nous, ce qu'on dit aujourd'hui, c'est : Faisons attention, ce sont des humains qui sont derrière ces dossiers-là, ce sont des gens qui sont aussi sur le territoire. Donc, on veut la plus grande attention possible portée au traitement de ces dossiers et que ça se fasse le plus rapidement possible.

Mme Anglade : Le plus rapidement possible, ça veut dire quoi? Parce qu'historiquement on a démontré que, dans les dernières années, le ministère est capable de traiter l'ensemble des 18 000 dossiers. On a vu qu'il y avait des hauts fonctionnaires du ministère de l'Immigration qui ont témoigné, qui ont dit : En six mois, on est capables de traiter les 18 000 dossiers. Quand vous dites «le plus rapidement possible», qu'est-ce qui vous apparaît acceptable?

Mme Filato (Rosannie) : En fait, dans nos recommandations, on recommande un délai de six mois. Ce qui est important, je vais continuer en complément d'information de M. Beaudry, je veux qu'on pense à l'humain derrière les dossiers. Ce n'est pas des dossiers dont on parle, c'est des humains. De leur demander de recommencer à zéro... Je reviens aux 5 600, c'est des gens qui contribuent déjà à la vie collective, à la vie communautaire, à la vie sociale, à la vie économique, qui paient des impôts. Il ne faut pas les oublier. On crée énormément d'insécurité si on ne traite pas les dossiers. Évidemment, on ne va pas imposer un échéancier au gouvernement québécois. On n'a pas le pouvoir de le faire, de toute façon. Mais, en fait, on recommande six mois. On considère que c'est raisonnable pour ceux et celles qui sont déjà sur le territoire québécois.

Mme Anglade : En fait, c'est ça, ce qu'on a montré, c'est que, d'un point de vue historique... tant d'un point de vue historique que d'un point de vue des commentaires de hauts fonctionnaires du... d'anciens fonctionnaires du ministère, c'était absolument possible, d'où le problème de seulement vouloir traiter 400 dossiers cette année, qui pourrait avoir des répercussions sur le développement économique de la région métropolitaine. Alors, j'aimerais vous entendre sur... Aujourd'hui, vous en avez parlé un peu, M. Beaudry, mais j'aimerais vous entendre à nouveau sur l'impact grandissant... J'ai l'impression que la tension par rapport au manque de main-d'oeuvre, chaque jour, est un peu plus élevée dans la région montréalaise. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus.

M. Beaudry (Robert) : Le besoin de main-d'oeuvre et le besoin de talent aussi est criant sur l'île de Montréal. Je l'ai dit tout à l'heure, il y a des entreprises qui nous approchent et qui... C'est la première question qu'ils nous posent. Montréal International, que vous connaissez très bien, c'est un enjeu pour eux aussi quand ils viennent nous voir. Est-ce qu'on a cette disponibilité-là de talents? Actuellement, on voit qu'on a de la forte pression dans certains secteurs, les TIC, les technologies de l'information et des communications, jeux vidéo, la restauration. Donc, vraiment, dans le spécialisé et le non-spécialisé, la demande est très, très forte.

Donc, oui, on a un élan de croissance intéressant. On sait que, bon, il peut y avoir un ralentissement de l'économie. On est en fin de cycle. Donc, il y a toujours une crainte à ce niveau-là. Il faut qu'on puisse s'assurer de rester concurrentiels, parce que Montréal, c'est aussi le «flagship» du Québec au niveau du développement économique à l'international. Donc, il faut qu'on puisse répondre à ces approches-là des entreprises. Il faut qu'on soit prêts aussi à les accueillir, tu sais, on dit... Un terrain prêt pour la première pelletée de terre, bien, c'est la même chose, là. Il faut qu'on ait les ressources, au niveau humain, qui soient sur le terrain.

Mme Anglade : Donc, j'en conclus que juste procéder... Puis là je vous entends quand vous me dites que ce sont des humains, que ce ne sont pas des dossiers. Mais juste procéder au traitement de 400 dossiers cette année peut avoir définitivement un impact négatif d'un point de vue économique.

M. Beaudry (Robert) : Ce qu'on dit, c'est vraiment... On veut que ça soit traité dans les six prochains mois. On veut qu'il y ait une attention particulière... Les mesures transitoires, pour nous, sont superimportantes. Donc, oui, on veut avoir ces personnes-là prêtes à l'emploi. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Parfait. Merci. Je cède la parole à la députée de Bourassa-Sauvé. À vous la parole.

Mme Robitaille : Merci. Merci d'être là aujourd'hui. Sur un autre front, dans le projet de loi, on parle d'accoler une condition à la résidence permanente, l'article 9 qui ajouterait l'article 21.1 à la loi, donc accoler une condition à la résidence permanente et soumettre les gens à une espèce de test de français, peut-être, test sur les valeurs québécoises, les obliger peut-être à rester en région. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Quel impact vous pensez que ça pourrait avoir sur la rétention des immigrants? Et, vous, qu'est-ce que vous en pensez, là, pour l'être humain qui arrive, qui est un immigrant puis qui voudrait... qui compte s'établir au Canada ou au Québec? Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Filato (Rosannie) : En fait, je vous dirais qu'on serait prudents en termes de... On n'a pas la définition, nécessairement, du test de valeurs, des tests qui sont proposés par la loi. On demanderait des clarifications avant même de se prononcer. Mais, comme mon collègue Beaudry l'a bien dit, en fait, on souhaite plutôt des incitatifs que des mesures coercitives.

Mme Robitaille : ...mais la carotte, en fait, pas quelque chose de coercitif comme, peut-être, là... Quand vous lisez ça, est-ce que vous avez l'impression que c'est plus coercitif que...

M. Beaudry (Robert) : Comme on vous a dit tout à l'heure, nous, on ne souhaite pas obliger les gens à aller vers les régions. On veut travailler main dans la main avec les régions. Les municipalités, on a quand même une grande solidarité entre nous. C'est très important. On comprend ces besoins-là qu'il y a en région puis on veut en faire aussi la promotion. C'est important. Je disais tantôt : Quand Montréal va bien, les régions vont bien. Bien, c'est inversement proportionnel. Quand les régions vont bien, c'est Montréal aussi qui va bien. Mais nous ne sommes pas dans l'optique d'obliger les gens à se retrouver dans des secteurs. On croit à la mobilité des personnes. Pour nous, c'est important. Donc, oui, effectivement, Montréal, dans son approche, dans son champ de compétence... On est plus dans une approche d'attirer, comme vous dites, de carotte plutôt que de bâton.

Mme Robitaille : Est-ce que vous pensez que ça aurait un impact justement sur la rétention des immigrants si on appliquait une clause comme celle-là? Est-ce que ça aurait un impact?

M. Beaudry (Robert) : Je peux difficilement me prononcer là-dessus.

Mme Filato (Rosannie) : En fait, oui, on peut difficilement se prononcer sur ça. On n'a pas tous les détails non plus par rapport à cette clause, à cette proposition du gouvernement.

La Présidente (Mme Chassé) : Je cède la parole au député de Nelligan.

M. Derraji : Merci. Combien j'ai... s'il vous plaît?

La Présidente (Mme Chassé) : Vous avez sept minutes.

• (12 heures) •

M. Derraji : Ah mon Dieu! Merci. Merci à la ville de Montréal de venir nous exposer vos préoccupations. Mais, avant de passer à mes questions, je tiens à saluer vos efforts par rapport à l'intégration des minorités visibles et les minorités ethniques depuis les deux ou trois dernières années. Je sais comment le ministre aime quand on parle du bilan. Ça, c'est un excellent projet qui a été initié par le précédent gouvernement et qui donne d'excellents résultats. Et, dans le même ordre, parce que je sais qu'il a assisté à une très belle rencontre dans la Maison des régions, je pense qu'on peut s'inspirer des travaux du BINAM à travers l'ensemble de la province du Québec. Je ne suis pas là pour vendre ni pour vanter les mérites de ce BINAM, mais je pense que... je pense, parce que je sais... je vois les collègues de... on représente tous des régions, et sérieusement il y a des exemples concrets, et il vous a donné l'occasion tout à l'heure, si vous êtes satisfaits de l'entente... Moi, à votre place, vu les surplus budgétaires, je vais lui demander de doubler le financement pour accompagner l'intégration des immigrants, justement, pour en prendre soin dans toutes les régions du Québec.

J'ai deux remarques, et corrigez-moi si je me trompe. Vous avez levé un drapeau rouge par rapport à l'effet de la régionalisation. Considérez-vous que vous êtes victimes de la diminution des seuils d'immigration, et que ça va vous affecter très à court terme, le fait de diminuer les seuils, et qu'au-delà de diminuer les seuils d'immigration on rajoute un aspect qui est de la régionalisation, et, somme toute, on est tous d'accord sur la régionalisation?

Donc, est-ce que vous êtes victimes de ces deux constats?

M. Beaudry (Robert) : Je ne dirais pas qu'on est victimes. Ce que je dirais, c'est qu'on a une inquiétude par rapport à cette addition-là de mesures et qu'on souhaiterait justement de travailler en collaboration avec le gouvernement pour voir l'impact que ça a, comment ça se traduit sur Montréal. Donc, vraiment, nous, ce qu'on arrive aujourd'hui... avec quoi on vient aujourd'hui, c'est une inquiétude.

M. Derraji : Vous voulez...

Mme Filato (Rosannie) : J'allais juste dire une inquiétude, mais aussi une volonté de travailler ensemble avec les acteurs locaux également, avec les régions, pour trouver des solutions concrètes.

M. Derraji : Mais, je pense, cette inquiétude a été aussi démontrée par d'autres partenaires. Hier, on l'a entendue de Montréal International. Hier, on l'a entendue de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Sérieusement, écoutez, Montréal, c'est aussi une région parmi les autres régions. Je comprends l'idée derrière la régionalisation, mais, devant moi, si je suis un gestionnaire, pour combler les besoins, 73 000 postes vacants, sachant la vitesse avec laquelle le MIDI va travailler et traiter les prochains dossiers, moi, je pense que c'est un sentiment d'urgence, quand même, si on veut s'assurer du développement économique à Montréal.

M. Beaudry (Robert) : Je vous dirais que c'est pour ça qu'on travaille à ces consultations-là, c'est pour ça qu'on a été contents de venir exposer nos inquiétudes, pour ça que d'autres exposent aussi leurs inquiétudes. Donc, on n'est pas encore là, mais on soulève la question, justement, pour qu'elle soit explicitée.

M. Derraji : Oui. C'est très bien, c'est très bien soulevé. C'est quoi, votre demande, bien concrètement?

M. Beaudry (Robert) : Notre demande, c'est qu'au niveau de Montréal ça n'affecte pas notre croissance économique, donc que cette mesure-là n'affecte pas notre besoin en main-d'oeuvre et qu'elle n'affecte pas non plus de façon négative les besoins en main-d'oeuvre des régions. Ce qu'on veut, c'est trouver une solution, justement, pour qu'on soit équitable à ce niveau-là, mais en fonction aussi de l'impact que Montréal a au niveau de l'économie du Québec.

M. Derraji : Si j'ai bien compris, je veux juste reprendre, les immigrants à l'extérieur, vu la nouvelle formule d'Arrima, ils vont remplir et ils vont être déjà destinés à une région. Et là on entend : le seuil devient de 40 000. Là, c'est la première fois qu'on va essayer 40 000. Vous ne voyez pas une menace par rapport à la ville?

M. Beaudry (Robert) : On est inquiets.

M. Derraji : Oui, O.K. Deuxième question que vous évoquez, sérieusement, je la trouve très bonne... Depuis le début, nous avons concentré les discussions, nos discussions, uniquement sur les employés. Plusieurs statistiques le démontrent, nous avons un réel problème par rapport à la reprise d'entreprise. Il y a beaucoup d'entreprises qui ferment en région. Justement, en région, j'ai eu l'occasion de parcourir pas mal de régions, et c'est un réel, réel, réel danger. Et, dans votre proposition, vous soulevez aussi le fait de ne pas uniquement concentrer les efforts sur ramener les employés, mais aussi ramener des entrepreneurs. Est-ce que c'est ça que vous suggérez?

M. Beaudry (Robert) : Absolument, parce que le déficit démographique qu'on vit, c'est 22 000 habitants, là, par année à Montréal... a un impact partout, sur toutes les sphères. La sphère de l'entrepreneuriat... on est composé à près de 99 % de PME, là, sur l'île de Montréal. La sphère sur le transfert de ces entreprises-là va avoir un impact immanquable, et pas un impact dans 50 ans, là, c'est... En 2024, il y a des statistiques qui nous font craindre que c'est 10 000 PME, à travers le Québec, qu'on pourrait perdre, faute de repreneur.

L'immigration, selon nous, est une solution, parce que, quand on regarde au niveau de l'intention d'entreprendre, les personnes immigrantes sur le territoire de Montréal... L'indice montréalais sur l'entrepreneuriat nous montre qu'il y a une plus... on est à 35 % d'intention d'entreprendre, versus 25 %, je pense, de la population en général, chez les personnes immigrantes. Donc, on voit là un moteur, des gens qui sont partis, donc qui ont déjà un esprit entrepreneur. Ils ont quitté leurs pays, ils sont arrivés dans un nouveau pays. Donc, oui, ce qu'on dit, c'est que, là, il y a peut-être aussi une opportunité, une opportunité pour répondre à un besoin qui va poindre tout de suite. Et ce besoin de reprise... Et on a des outils qui sont sur place. Je pense, par exemple, au CTEQ, qui est un outil, là, qui permet de faire le maillage entre entrepreneurs cédants et repreneurs. Donc, le côté immigration, entrepreneur, pour nous, c'est un...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

M. Beaudry (Robert) : Excusez-moi.

La Présidente (Mme Chassé) : Allez-y.

M. Beaudry (Robert) : C'est quelque chose sur lequel... On trouve ça très intéressant, oui.

M. Derraji : Mais vous comprenez que nous sommes dans une situation très délicate. Un, on a arrêté l'étude du 18 000 dossiers. Même ma collègue de Saint-Henri—Saint-Jacques vient de le dire, qu'on a 400 dossiers qu'on risque de traiter en 2019, et vous, l'urgence, vous la voyez très court terme. Est-ce que vous êtes inquiets, après votre passage à la commission, par rapport à l'évolution du traitement des dossiers?

M. Beaudry (Robert) : On va suivre le processus de la commission. Ce qu'on fait aujourd'hui, c'est qu'on expose les enjeux qui vont poindre pour Montréal, et on va suivre, et on va travailler en collaboration avec le gouvernement du Québec, justement, pour pouvoir venir à bout de ces enjeux-là. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède la parole maintenant à la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Beaudry, Mme Filato, pour votre présentation. Je reviens sur vos propos concernant les 18 000 dossiers annulés. Vous avez dit, avec justesse, que ça vous apparaissait illogique que les gens qui sont déjà au Québec, qui occupent déjà un emploi doivent recommencer leurs démarches à zéro, et j'en suis également. Et, si je comprends bien, votre proposition, au fond, c'est de traiter ces dossiers-là en priorité du côté du gouvernement.

Mme Filato (Rosannie) : En fait, oui, je n'ai pas utilisé le terme «illogique», cependant, mais, oui, je pense que ça serait important de traiter les dossiers des personnes qui sont déjà sur le sol québécois. À Montréal également, on n'a pas les données exactes, mais ça va être important. C'est des gens qui contribuent déjà à la vie collective, qui paient des impôts, comme je l'ai dit tout à l'heure. Et c'est important d'enlever ce sentiment d'insécurité. C'est déjà des personnes qui, peut-être pendant des années, ont vécu de l'insécurité, et maintenant on crée un sentiment d'urgence en leur disant qu'ils vont possiblement devoir quitter, on va fermer leurs dossiers. Je pense qu'on est tous d'accord avec l'approche d'un parcours personnalisé. Je pense que ça doit s'appliquer également aux 18 000 dossiers. On doit prendre une approche personnalisée à ce niveau-là également. C'est des gens qui méritent un certain suivi, qui ont vécu de l'insécurité pendant des années.

Mme Fournier : Parfait. Puis, pour les gens qui ne sont pas déjà au Québec, vous sembliez d'accord avec le fait de traiter les dossiers selon le système des déclarations d'intérêt.

Mme Filato (Rosannie) : En fait, pour les personnes qui ne sont pas... on n'a pas émis de recommandation à ce niveau-là, pour ceux et celles qui ne sont pas au Québec en ce moment, mais effectivement on souhaite que les dossiers soient traités. De la même façon, quand on parle d'un parcours personnalisé, je pense que ça va être important de leur offrir le même traitement.

M. Beaudry (Robert) : Pour nous, ce qui est important, c'est de clarifier la situation pour ces personnes-là, de les rassurer aussi par rapport au processus. On veut un parcours personnalisé. Il faut vraiment qu'on ait un accompagnement personnalisé aussi vers cette nouvelle mesure là.

Mme Fournier : Tout à fait. Puis, concernant les fameux parcours personnalisés, vous avez fait référence au projet de centre de services intégré que vous avez à la ville de Montréal. D'ailleurs, il y a un projet comme ça, aussi, qui est en train de voir le jour dans ma circonscription, à Longueuil, un projet de maison de l'accueil, puis vous parliez justement des ressources qui sont nécessaires à investir pour que ces projets-là fonctionnent bien. On sait que le gouvernement va déposer son budget le 21 mars prochain. Quelles sont vos attentes spécifiques en ce qui a trait à ces projets que vous avez sur le territoire de la ville de Montréal?

Mme Filato (Rosannie) : En fait, il y a déjà des discussions entre M. le ministre et la mairesse de Montréal. M. Beaudry va continuer à travailler en étroite collaboration avec le gouvernement, mais c'est certain, surtout avec le projet de loi qui est proposé...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

• (12 h 10) •

Mme Filato (Rosannie) : ...on va avoir besoin de plusieurs ressources humaines et financières à ce niveau-là. On parle d'un centre intégré, ça va être le principal point de service. C'est certain qu'il va y en avoir d'autres. On a six territoires prioritaires également qui sont visés à Montréal, avec des agents de liaison, comme je le mentionnais tantôt. Donc, oui, il y a un centre intégré pour faciliter l'accès pour les nouveaux arrivants, mais on a aussi dans nos quartiers respectifs des agents selon les territoires prioritaires.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci, Mme Filato, M. Beaudry. Montréal est une grande ville, une métropole. On dit souvent que Montréal est une ville de savoir, ou, enfin, je pense que ça continue, et donc les besoins en main-d'oeuvre sont très diversifiés. On a entendu beaucoup, beaucoup ici, en commission parlementaire, différents intervenants nous disant qu'on devait baisser les... favoriser grandement l'immigration avec une scolarité plus faible, alors que Montréal aussi compte des industries qui ont besoin du personnel très qualifié. Où vous vous placez dans ces deux extrêmes-là? Il faut aller vers l'un, vers l'autre ou il faut avoir une approche plus diversifiée?

M. Beaudry (Robert) : Évidemment, je pense qu'il faut regarder dans tous les secteurs. Montréal, par exemple, on a une concentration universitaire très forte, on attire énormément d'étudiants étrangers, et l'objectif, c'est de les conserver, c'est de les garder. Donc, il doit y avoir des efforts là-dessus.

Ceci étant dit, effectivement, il y a des besoins, au niveau manufacturier, partout sur le territoire, même à Montréal aussi, où on a des besoins au niveau non spécialisé. Je pense qu'on doit avoir un équilibre à ce niveau-là et vraiment y aller en fonction des besoins qui sont identifiés. C'est pour ça que la coordination d'actions est très importante. Et, nous, ce qu'on vient dire aujourd'hui, c'est qu'on a l'opportunité, via Réflexe Montréal, de travailler main dans la main avec le gouvernement justement pour qu'on puisse identifier ces enjeux-là. On a une bonne connaissance économique de notre territoire, on est prêts à le partager, voir où sont les besoins, et les identifier, et mettre le pied sur l'accélérateur en fonction.

Mme Filato (Rosannie) : Et je tiens à rappeler qu'il y a quand même une grande diversité d'immigration à Montréal. On parle souvent d'intégration économique des travailleurs, mais on a des demandeurs d'asile, des réfugiés, on accueille également des demandes d'immigration pour la réunification familiale, et c'est la raison pour laquelle il faut prendre une approche qui est holistique, parce qu'on ne peut pas uniquement parler d'intégration économique, mais également d'intégration sociale. C'est primordial.

M. Fontecilla : On a entendu souvent dire que le projet de loi n° 9 n'affecte pas les conditions des... le statut des personnes qui résident au Québec, mais il introduit une incertitude quant au délai. Et on sait qu'il y a des permis de travail qui arrivent à échéance, etc. Est-ce que vous pensez que cette incertitude-là contribue à la rétention de la main-d'oeuvre?

M. Beaudry (Robert) : Comme on a dit tout à l'heure, l'incertitude, ce n'est jamais une bonne chose. Il faut qu'on puisse clarifier les choses. Je ne vois pas un peu la question au niveau de la rétention de la main-d'oeuvre, mais, nous, ce qu'on vient dire aujourd'hui, c'est vraiment : Rassurons ces personnes-là, ne faisons pas vivre d'insécurité en leur offrant des mesures transitoires fortes, en humanisant aussi cette situation-là pour les accompagner de la meilleure façon. Donc, après, l'impact, là, sur la rétention de la main-d'oeuvre, je ne pourrais pas vous dire.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

M. Fontecilla : ...diminution du seuil d'immigration, condition pour la résidence permanente, abolition des dossiers, etc., là, est-ce que ça envoie des bons messages à l'immigration au Québec?

M. Beaudry (Robert) : Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on a de l'inquiétude par rapport à, justement, notre attractivité, qui est, pour nous, très importante. Montréal s'est construite avec une variété de communautés culturelles. On veut continuer à être attractifs, donc on veut qu'il y ait encore des gens qui viennent à Montréal pour contribuer à cette prospérité-là. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Oui. Alors, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission. C'est très apprécié.

Je suspends les travaux pour quelques instants. J'invite mes collègues à rester au sein de la salle, ici, par souci d'efficacité, parce qu'il y a une rencontre tout de suite après la prochaine présentation. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

(Reprise à 12 h 17)

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, à l'ordre, s'il vous plaît! Je vous invite à reprendre votre place. Je vous invite à reprendre votre place. Bonjour, bienvenue.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de La Maisonnée. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis par la suite nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. À une minute de la fin de votre exposé et de vos réponses aux questions, je vous ferai un signe. Je vous invite donc à vous présenter puis à débuter votre exposé.

Service d'aide et de liaison pour immigrants La Maisonnée

M. Drudi (Guy) : Merci, Mme la Présidente. Donc, mon nom est Guy Drudi, je suis président du conseil d'administration de La Maisonnée.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Nisrin Al Yahya, donc, coordonnatrice de projets en employabilité à La Maisonnée et présidente du comité consultatif Personnes immigrantes.

M. Drudi (Guy) : Bien, sans plus tarder, nous allons vous présenter notre mémoire. Donc, je vais peut-être mentionner que, pour nous, ce qui est important, c'est d'assurer, oui, également, l'intégration réussie des personnes immigrantes au Québec, mais en éliminant les obstacles systémiques qui limitent à la fois leur accès au marché de l'emploi et la prospérité socioéconomique. Donc, il y a un double volet, il y a un double versant, c'est-à-dire qu'on n'est pas gagnant-gagnant, mais on est perdant-perdant à ce niveau-là.

Juste peut-être un court résumé, plus la courte présentation de La Maisonnée en plus, par la suite, pour parler de la problématique, et Mme Nisrin Al Yahya va être en mesure de présenter l'ensemble des recommandations et la suite du rapport.

• (12 h 20) •

Donc, juste peut-être mentionner que, pour nous, le projet de loi n° 9 propose une démarche fragmentée. Il n'a pas, finalement, tout l'aspect englobant de la politique sur l'immigration, la participation et l'inclusion qui a été publiée et émise en 2015, qui nous apparaissait, je dirais, assez complète. Là, actuellement, c'est assez fragmenté, et les mesures favorisées sont effectivement, à mon sens, limitées : l'apprentissage du français, les valeurs démocratiques et des valeurs québécoises. Or, on le voit que ça revient souvent, alors que, pour nous, et vous allez le voir, le constater, il y a des éléments beaucoup plus concrets qui s'installent. Pour nous, la principale barrière à l'intégration des personnes immigrantes est leur non-reconnaissance. Donc, pour éliminer les obstacles systémiques qui les disqualifient, bien, il faut avoir effectivement des mesures beaucoup plus concrètes, qu'on va vous présenter tantôt.

Rapidement, juste mentionner que La Maisonnée existe depuis 40 ans. Donc, lorsque le gouvernement parle de prendre soin de la population immigrante, nous, dans le fond, effectivement, c'est ce que l'on fait depuis 40 ans. On accueille 22 000 personnes par année et, à ce niveau-là, donc, 10 000 personnes à travers 35 programmes qui y sont aussi associés à partir de leur entrée, et jusqu'à l'employabilité, et au parcours aussi.

J'entendais M. le ministre parler de l'installation dans les régions. Je viens d'une région et personnellement... on a des programmes qui ont été d'ailleurs primés, aussi, puis appréciés par la ville de Montréal lors du dernier rendez-vous culturel sur, justement, le loisir comme vecteur d'intégration. Donc, juste mentionner que l'intégration ne se base pas seulement sur l'intégration socioéconomique, mais sur une intégration qui vise l'adaptation sociale.

Donc, La Maisonnée a pour mission de faire de tout résident, ancien, nouveau, de naissance, un citoyen à part entière. Donc, pour ce faire, on intervient sur les deux volets, je dirais, au niveau de la société d'accueil et les populations nouvellement arrivées. Mais on constate, et, dans le mémoire, je l'ai fait ressortir avec mes collègues, on constate qu'il y a un volet dont on ne parle pas dans le projet de loi, qui est celui de la discrimination. Et cette discrimination, elle est déjà présente lors de l'étude pionnière de 1996 qui a été générée par le ministère lui-même, et qui, finalement, actuellement, est encore présente suite à l'étude de Statistique Canada qui est sortie en février 2019.

Et un autre point que je veux mentionner, c'est qu'on ne parle pas simplement de choc culturel, que ce soit de part et d'autre, mais de choc discriminatoire qui, finalement, se base sur une stigmatisation de l'immigrant comme étant non formé, pas assez bien formé, alors que nous, on constate, au contraire, dans nos activités de placement, que les gens sont très appréciés.

Donc, en quelque sorte, j'ai l'impression que le projet de loi n'est pas complet, parce qu'il ne touche pas, je dirais, tout l'ensemble d'une vision holistique, mais strictement fragmentaire et linéaire. Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole à Mme Nisrin Al Yahya, qui va nous présenter justement l'étude du comité consultatif de la personne immigrante.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, dans le fond, moi, ce que je tiens à mentionner, c'est que nous savons très bien qu'il y a plusieurs défis que rencontre la personne immigrante quand elle arrive ici, au Québec, et qui ont été documentés depuis plus d'une vingtaine d'années, et qui perdurent malheureusement aujourd'hui.

Donc, l'un des plus grands défis pour ces personnes-là, c'est la reconnaissance de leurs acquis de compétence, la reconnaissance de leur niveau de scolarité, la déqualification professionnelle qu'ils subissent pas mal souvent. On a aussi un gros problème au niveau de l'apprentissage de la langue française. Parce qu'on parle de notre mission, en tant que pays d'accueil, en tant que province francophone, à améliorer l'accès à la langue française. Cependant, on trouve que, malheureusement, ce n'est pas encore à la hauteur des attentes de toutes les personnes qui sont dans la société.

Il y a aussi la problématique des différents statuts d'immigration. On sait très bien qu'aujourd'hui il y a plusieurs statuts d'immigration avec lesquels arrivent les personnes, mais qui, malheureusement aussi, n'ont pas nécessairement accès, tous, à différents services.

Donc, tout ça, ça fait partie des défis qu'on a déjà rencontrés puis qu'on a déjà énumérés depuis longtemps, mais qui ne sont pas, aujourd'hui encore, traités de façon efficace et puis qu'on ne voit pas que, dans notre projet de loi qui est présenté aujourd'hui, on a des pistes de solution par rapport à ces défis-là.

Autre chose aussi qui est très important à mentionner, c'est qu'au niveau du recrutement ou des processus de recrutement qui se font auprès des personnes immigrantes, on sait très bien qu'au niveau des RH, par exemple, il n'y a pas encore une méthodologie générale ou globale qui va être plus orientée vers une interaction interculturelle.

Autre chose que, nous, en tant qu'organisme, on essaie de faire, dans le fond, c'est d'essayer de créer des liens avec la société d'accueil via aussi les entreprises de la société. On sait très bien que, nous, ce qui compte actuellement, c'est le cri des entreprises qui sont en train de dire qu'on a besoin de main-d'oeuvre, on a besoin de gens qui travaillent et que, pour une fois, immigration devrait rimer avec solution.

Mais comment est-ce que l'immigration va devenir une solution? Bien, déjà, il faut partir des bassins que nous avons ici, sur place, qui sont très employables et qui ont les compétences et les qualifications, mais qu'on n'arrive pas encore à intégrer en emploi. Il faut mentionner que Statistique Canada, 2018, disait que 13,8 % des personnes immigrantes qui sont déjà ici sont encore en situation de chômage. Donc, pourquoi ne pas déjà utiliser cette main-d'oeuvre existante et qui est prête à aller vers le travail?

Au niveau du comité consultatif Personnes immigrantes, il y a eu 25 recommandations qui ont été ressorties. Je vais vous épargner les détails, parce que ça va prendre trop longtemps, puis je sais que Mme la présidente me regarde en me disant qu'il me reste une minute et que... Deux? Parfait. Donc, en fait, on a beaucoup insisté sur quatre points en particulier. Les quatre points sont principalement... c'est l'accompagnement de toutes les personnes immigrantes, tous statuts confondus, avec des services, alors être plus inclusif dans une société qui a toujours eu l'accueil à coeur. Un deuxième point qui est très, très important, c'est la francisation, mais la francisation à vocation professionnelle. Ce n'est pas juste apprendre le français pour apprendre le français, mais aussi pour aller vers l'emploi avec notre français. Une troisième chose que nous, on recommande activement, c'est que la personne... les employeurs aient accès à toutes les mesures qui sont déjà à leur disposition puis qu'ils ne connaissent peut-être pas nécessairement ou qu'ils connaissent mais qu'ils sous-utilisent. Et un quatrième élément, et non des moindres, c'est de nous reconnaître en tant qu'organismes communautaires, en tant qu'organismes de la société et qui ont toute une expertise qu'elles pourraient apporter à nos instances, qu'elles soient publiques, qu'elles soient entrepreneuriales. Donc, que ce soit au niveau de l'entreprise, que ce soit au niveau de différentes instances, on est une expertise qui est incontournable. Merci à vous.

M. Drudi (Guy) : Je voudrais peut-être compléter, terminer en...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une quarantaine de secondes.

M. Drudi (Guy) : ...mentionnant le dernier paragraphe, s'il me reste 30 secondes. La population des jeunes et des très jeunes travailleurs a fortement baissé au Québec, et la province attire peu de migrants interprovinciaux. Le fait, c'est que, pour nous, dans le fond, on voit qu'il y a une diminution de l'offre d'emploi et de la... du bassin d'emploi, j'entends, et des gens qui sont en mesure de pouvoir occuper ces emplois. Et actuellement, bien, La Maisonnée estime que le projet de loi n° 9 ne remplit pas le mandat d'être attrayant et de faire en sorte que les nouvelles populations arrivées puissent intégrer la nouvelle communauté.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci pour votre exposé. J'ai l'impression que ça va susciter des beaux débats. La période d'échange débute. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Al Yahya, bonjour, merci d'être à l'Assemblée. M. Drudi, bonjour, merci d'être à l'Assemblée. On se revoit dans un autre contexte, un fier Antonien de la municipalité de Saint-Antoine-sur-Richelieu. D'ailleurs, moi et M. Drudi... M. Drudi et moi, on a passé la guignolée ensemble il y a quelques années, alors on a cogné aux portes du comté. C'était une pratique pour la campagne électorale. On ne va pas chercher la même chose, par contre.

M. Drudi (Guy) : On a eu des succès dans les deux occasions.

M. Jolin-Barrette : Oui, effectivement, c'est vrai, les gens sont généreux à Saint-Antoine, particulièrement pour la guignolée, puis c'est un exercice qu'on doit faire à chaque année.

Écoutez, merci pour votre présence en commission parlementaire, merci pour votre mémoire. Vous dites, bon : Le projet de loi n° 9, c'est un projet de loi qui est fragmenté. Vous dites : On ne touche pas à tous les aspects, dans le fond, qui touchent l'immigration. C'est vrai qu'on ne touche pas à tous les aspects qui touchent l'immigration. Ce qu'on fait avec le projet de loi n° 9, c'est une première étape dans la réforme de l'immigration par la voie législative. Donc, ce n'est pas toutes les réformes que l'on va faire qui vont passer nécessairement par une modification de la loi. Il y a certains programmes, il y a certaines politiques qui vont être mis en place aussi, mais ça, ça ne passe pas par la voie législative, ça passe par la voie, supposons, administrative gouvernementale.

Pour ce qui est du projet de loi n° 9, ce qu'on fait, c'est qu'on vient changer, dans un premier temps, la façon dont on sélectionne les immigrants, basée sur le fait de dire : Bien, maintenant, on va prioriser le profil des candidats en fonction des besoins du marché du travail.

• (12 h 30) •

Je suis sensible à ce que vous avez dit tout à l'heure relativement au fait qu'il y a beaucoup d'immigrants qui sont sur le territoire québécois actuellement qui... le taux de chômage, c'est plus du double de la population native, pourquoi ne pas faire en sorte d'aller recruter dans les personnes qui sont là? Je suis d'accord avec vous, il y a des efforts qui doivent être faits à ce niveau-là puis il faut s'assurer que les gens qui sont sur le territoire québécois, ils puissent être en emploi. Il n'y a pas de raison, au Québec présentement, que les gens soient au chômage, on est quasiment en situation de plein-emploi. Alors, oui, il faut travailler là-dessus pour les personnes qui sont sur le territoire québécois, je suis d'accord avec vous.

Pour ce qui est des gens qui ne sont pas encore présents sur le territoire québécois, nous, on veut changer le système pour s'assurer qu'il y ait un maillage entre le fait de l'emploi disponible puis le profil de la personne, pour ne pas que d'autres situations comme ça, où le taux de chômage est plus du double que la population native, ça continue d'arriver. Il faut prendre des moyens, puis un des moyens pour ça, c'est de s'assurer qu'il y ait une adéquation.

L'autre élément qui est extrêmement important, c'est la surqualification. Puis c'est pour ça que je vous dis que ça ne fonctionne pas bien actuellement, le système d'immigration, parce qu'on n'a pas réussi, comme société, au fil des années, à s'assurer que les gens occupent un emploi à la hauteur de leurs compétences.

Alors, ma question, c'est : À partir du moment où on fait ça dans le projet de loi n° 9, comment est-ce que vous, comme organisme communautaire, vous voyez cette façon de procéder là? Qu'est-ce qui vous manque pour, au niveau de... Vous disiez tantôt : On veut être reconnus comme organisme communautaire, comme partenaires. Je suis d'accord, vous êtes des partenaires du ministère de l'Immigration. Comment est-ce qu'on fait pour vous accompagner davantage là-dedans, dans votre mission?

Mme Al Yahya (Nisrin) : C'est une bonne question. Dans le fond, nous, ce qu'on est en train de dire, là, c'est que l'accompagnement devrait se faire à trois niveaux. Vous parlez du fait d'arrimer les compétences des personnes qui vont arriver d'ailleurs avec les besoins du marché du travail. C'est un objectif très louable, dans le fond, mais la problématique, c'est que qui garantit que les personnes, une fois qu'elles arrivent ici, vont vouloir travailler exactement dans un même domaine? Comment est-ce qu'on va pouvoir évaluer? Et est-ce que les personnes vont travailler en synergie avec des équipes qui sont déjà en place? Comment est-ce qu'on va s'assurer que la communication interculturelle en milieu professionnel va se passer de la meilleure manière que ce soit?

Je pense que c'est ça, le rôle de nous, en tant qu'organisme communautaire, comment accompagner les entreprises via, entre guillemets, de la sensibilisation et de l'éducation en milieu de travail, mais aussi en accompagnant les personnes pour qu'elles soient bien accueillies, ne pas se sentir démunies et ne pas, surtout, se sentir écrasées par l'obligation d'être avec un employeur. En fait, ce qu'on est en train de dire, là, c'est qu'une personne qui arrive avec plein de compétences devrait avoir accès au marché du travail, mais aussi à un bassin d'employeurs divers, et pas à un seul employeur avec lequel elle va être attachée, et qu'au cas où il y a un problème avec cet employeur-là elle ne va pas être en mesure de quitter l'emploi parce qu'elle n'a pas d'autre option.

M. Drudi (Guy) : Si je peux me permettre, M. le ministre, juste un petit complément, c'est que, dans le fond, ça relève d'une vision néolibérale du marché de l'immigration, là. Et, dans ce sens-là, je veux juste mentionner que ça rompt avec une tradition d'accueil du Québec. Et ça, je trouve, là, que c'est essentiel, important, dans la confiance que les gens ont dans l'approche québécoise, qui est fondée sur l'interculturalisme. Et, dans ce sens-là, actuellement, cette vision néolibérale ne vise qu'à combler des besoins statutaires qui sont en évolution.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, en fait, juste pour préciser, là, le projet de loi n° 9, là, ce qu'il fait, il ne lie pas les candidats à l'immigration à un employeur. Ça, c'est le permis de travail fédéral qui fait ça. Moi, je n'ai pas de juridiction là-dessus. Et le permis de travail fédéral peut être une solution, entre autres, pour s'assurer que les gens puissent aller en région, puissent répondre à un besoin du marché du travail. Et par la suite, moi, mon objectif, c'est de les permanentiser. À partir du moment où vous êtes un immigrant permanent, vous n'êtes pas lié avec quelconque employeur qui existe. Mais les contrats de travail temporaires, il faut comprendre qu'ils sont liés avec un employeur précis quand c'est un permis de travail fermé. Des fois, il y a des permis de travail ouverts aussi, ça dépend de la catégorie. Mais ça, c'est fédéral.

Cela étant dit, moi, dans le projet de loi n° 9, ce que je fais, c'est que je me donne les outils, les pouvoirs pour pouvoir donner des services aux personnes qui sont en situation temporaire aussi. Ça, c'est nouveau, là, ça n'existait pas. Donc, nous, on veut pouvoir s'assurer de franciser... intégration, employabilité aux immigrants qui sont sur le territoire québécois en statut temporaire aussi. Ça, c'est nouveau, puis on est dans cette démarche-là.

Pour ce qui est de l'immigration permanente, supposons avec Arrima, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on ne veut plus de situation du fait où la résultante, c'est le fait que, les gens, leur taux de chômage est beaucoup plus élevé ou qu'ils sont surqualifiés. C'est pour ça qu'on veut avoir le maillage. Puis, nous, ce qu'on dit, c'est, notamment pour la régionalisation : Bien, on souhaite inviter en priorité ceux qui auront un lien avec un employeur, pour dire : Bien, écoutez, parmi la banque de candidats, vous allez être embauché par un employeur, vous avez une offre d'emploi validée, bien, on va vous faire venir beaucoup plus rapidement au Québec, et particulièrement en région.

On peut mettre des critères pour les régions pour faire en sorte, un, d'assurer la vitalité des régions, mais aussi s'assurer d'amener des incitatifs à aller en région. C'est la logique dans laquelle on pense. Ce n'est pas une approche qui est néolibéraliste, c'est une approche qui est respectueuse des droits de tous et chacun, parce que, notamment, la réalité aujourd'hui, quand on regarde l'immigration, c'est que ce n'est pas très respectueux. On n'a pas bien accompagné, on n'a pas bien intégré, on ne s'est pas assuré que les gens occupent un emploi à la hauteur de leurs compétences, puis la résultante, c'est qu'il y a eu beaucoup de rêves déçus. Alors, moi, là, c'est la perspective dans laquelle je suis présentement.

M. Drudi (Guy) : Là, à ce moment-là, c'est un découpage que vous faites, M. le ministre, qui est, à mon sens, réducteur. Parce qu'effectivement il existe un accompagnement. Et là, où est-ce que l'accompagnement est bien financé, à ce moment-là, les organismes sont en mesure de donner de très bons résultats. La question, maintenant, que je voulais... sauf que ces subventions-là ou, en fait, ces ressources-là ne sont pas disponibles, et ne sont pas disponibles nécessairement en région. Nous, on travaille avec les régions également, et les employeurs viennent nous voir.

D'ailleurs, une chose que j'ai oublié de mentionner tantôt, nous sommes un partenaire principal du Mouvement Desjardins. Donc, à ce moment-là, donc, ils nous font confiance pour pouvoir, mettons, produire, je dirais, des maillages, comme vous dites. Et, dans ce contexte-là, moi, ce que je dis, c'est que ce dont on ne parle pas et qui est très présent dans toutes les études de 1996 jusqu'à aujourd'hui, c'est ce qu'on appelle la discrimination, le choc discriminatoire, la discrimination systémique et indirecte, et quelques fois directe, mais ça, c'est une autre question. Mais je veux juste dire que, dans le projet et dans ce que vous proposez aux employeurs, bien, actuellement, ça, c'est moins présent que la coercition qui est mise sur les requérants au niveau de l'immigration. C'est ça, moi, en fait que je... et ça rompt, comme je vous ai dit tantôt, le contrat, qui est le contrat d'accueil, la tradition d'accueil au niveau du Québec. Et nous, dans le fond, on l'a vécu depuis 40 ans. Nous autres, ça fait depuis 40 ans. On a été le premier organisme multiethnique à accueillir, je dirais, les populations immigrantes à Montréal. Il y en a eu d'autres qui étaient religieux, mais nous, on était laïques. Donc, c'est juste pour vous dire, dans le fond, qu'à quelque part, l'expertise, on l'a développée plus, plus, plus.

M. Jolin-Barrette : Oui. Je peux vous rassurer, l'objectif du projet de loi est de s'assurer de bien intégrer les personnes immigrantes, de faire en sorte aussi d'avoir un parcours personnalisé et de déployer des ressources. Moi, je me retrouve dans une situation où la Vérificatrice générale, en 2017, dit : Il n'y a pas de mesures de suivi notamment sur la francisation, sur l'intégration. Il n'y a pas de leadership qui est exercé par le ministère de l'Immigration. Alors là, on change ça, puis on va travailler en partenariat avec les organismes comme le vôtre pour s'assurer que...

Parce que tout le monde dans le réseau de l'immigration a son rôle à jouer, à la fois les cégeps, les universités en francisation, et les commissions scolaires, à la fois vous, comme organisme communautaire, en termes d'intégration, de francisation aussi, parce qu'il y a beaucoup de professeurs du MIDI qui sont dans les organismes comme les vôtres. Le ministère de l'Immigration, aussi, sa job maintenant, ça va être de coordonner l'action gouvernementale en matière d'immigration et d'intégration, parce qu'avant on avait Santé d'un bord, Éducation de l'autre, Emploi et Solidarité sociale, puis il n'y avait personne qui était imputable. Tout le monde était imputable dans son petit carré de sable. Mais là ça change, ça va être l'Immigration qui va être imputable. On ramène de la cohérence gouvernementale pour s'assurer d'avoir une vision, là, qui est sur l'ensemble du gouvernement. Ça fait qu'on va être des partenaires avec vous là-dedans.

Et, pour ce qui est des résultats, moi, je compte bien faire en sorte de m'assurer que les gens qu'on accueille, ils puisent être bien intégrés, puis on leur donne les outils aussi pour ce faire. Alors, je suis vraiment dans la même logique que vous au niveau de l'accompagnement, de l'intégration, l'accompagnement personnalisé. Je pense que mes collègues ont des questions aussi, mais je vous remercie beaucoup, puis on aura l'occasion de se revoir à Saint-Antoine.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre. Je cède la parole maintenant au député de Chauveau.

• (12 h 40) •

M. Lévesque (Chauveau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est un plaisir, M. Drudi, Mme Al Yahya. Merci beaucoup d'être là aujourd'hui. Puis je trouve ça intéressant parce que, pour avoir été impliqué, dans les dernières années, dans un organisme relativement similaire au vôtre, là, le SAAI à Québec, le service d'aide et d'accueil aux immigrantes et immigrants, je trouve ça très intéressant d'avoir un organisme communautaire qui vient nous parler.

Puis évidemment je suis conscient que, le projet de loi, puis le ministre l'a bien expliqué, là, il y a peut-être des éléments que vous auriez aimé voir apparaître, mais on place les assises juridiques pour améliorer la situation. Et, pour l'avoir vécu comme vice-président de l'organisme, on le voit, là, les problèmes de francisation, les problèmes d'intégration à l'emploi, les problèmes de la reconnaissance des acquis, c'est des problèmes qui deviennent... qui sont récurrents, qui sont mentionnés par les citoyens qu'on accueillait, et les organismes communautaires peuvent jouer un rôle très important, je crois, dans l'intégration des personnes immigrantes au Québec. Puis votre travail est important, puis ça fait longtemps que vous êtes là, puis vous êtes certainement un des plus gros, si ce n'est pas le plus gros, au Québec.

Comment le gouvernement — moi, c'est ça qui me questionne — comment le gouvernement peut vous aider à faire mieux, vous et votre réseau, et comment on peut intégrer davantage le milieu communautaire dans la réussite de l'intégration? Parce que, qu'on le veuille ou non, il y a des gens qui sont venus au Québec, et on en a perdu. Il y a beaucoup de personnes qui quittent vers l'Ontario, vers d'autres provinces canadiennes ou vers d'autres pays, malheureusement. Donc, l'objectif, c'est de les garder chez nous. C'est bien beau de les accueillir, mais après ça il faut qu'ils aient le goût de rester à La Maisonnée.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Je vais peut-être vous répondre à travers le volet de l'employabilité, parce qu'une personne qui est en emploi dans son domaine de compétence, sans être déqualifiée, avec des emplois de qualité, avec la possibilité d'être maintenue et bien intégrée dans le milieu aussi, à travers tout le système, à savoir avoir une bonne éducation pour ses enfants, un bon emploi pour son conjoint, avoir aussi accès à tous les services, c'est ça qui va faire que la personne veuille rester. Par contre, si on voit miroiter dans les autres provinces ce qu'on n'a pas chez nous, bien, c'est certain que la personne va se dire : Bien, c'est quoi, l'équation? Je vis au Canada.

Aussi, je vous dirais que quelque chose de très important, c'est que, nous, l'une de nos valeurs de base, puis je ne cesserai jamais de le dire, c'est la langue française. Alors, comment faire que les gens aiment notre langue et comment qu'ils peuvent se l'approprier aussi? Parce que, et c'est pour ça qu'on parlait de franciser en milieu de travail, les gens ont besoin de travailler très rapidement, parce que la personne, quand elle arrive, elle a besoin de mettre du pain sur sa table. Et puis c'est un parcours migratoire qui est long et qui est lourd.

Ce qu'on est en train de voir, ce n'est pas le jour d'aujourd'hui, quand la personne est là, que je veux la maintenir, mais c'est quoi qui était derrière son rêve d'immigration? Comment est-ce que je vais pouvoir réaliser son rêve avec elle? Alors, je pense que le gouvernement, dans son rôle, devrait comme renforcer d'une part un financement, d'autre part une capacité d'accès et puis aussi d'accompagnement des organismes communautaires dans leur intervention auprès des entreprises, parce que c'est un volet qui, actuellement, n'existe pas. On parle d'accompagnement de la personne, mais on ne parle pas de l'accompagnement de l'entreprise en tant que telle pour mieux inclure et préserver.

M. Lévesque (Chauveau) : Le volet employabilité, le volet reconnaissance des acquis et le volet francisation, beaucoup de groupes nous en ont parlé et vont continuer à nous en parler. Je suis entièrement d'accord, puis c'est primordial et au coeur de l'intégration des personnes immigrantes, mais il y a un bout que j'aurais aimé que, peut-être, vous alliez un peu plus loin parce que peu auront l'expertise que vous avez sur les autres difficultés : se trouver un logement, l'accompagnement pour remplir des fois des formulaires gouvernementaux, la période de l'impôt, il y a tellement de problèmes sociaux liés à l'intégration qui fait que les gens trouvent ça lourd, des fois, d'être au Québec. Et je sais qu'il y a peu d'organismes qui vont venir nous parler qui ont l'expertise pointue que vous avez dans l'accompagnement de ces personnes-là. Pouvez-vous nous en parler pour nous sensibiliser à cette problématique?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Oui, bien sûr. En fait, en ce qui concerne le logement, par exemple, La Maisonnée a tout un volet au niveau du logement, elle s'occupe carrément de la personne à partir de ses premières démarches d'installation, l'obtention du logement. On a aussi un service de dépannage alimentaire, on a des groupes d'achats qui sont présents au sein de nos services. On a aussi la possibilité pour les personnes d'avoir accès à faire leurs déclarations d'impôt. D'ailleurs, ça s'en vient très rapidement, je ne rappelle ça à personne. Mais, en fait, en même temps, ce qu'il y a de très génial là-dedans, c'est qu'on offre une trentaine de services sous notre toit, et c'est là où notre expertise est un incontournable. Je vous dirais aussi qu'on a des programmes de jumelage, on a des programmes d'accompagnement plus au niveau de la vie culturelle, on a des programmes de bénévolat.

En fait, La Maisonnée, c'est un tout, et c'est pour ça qu'on n'est pas juste un organisme qui accueille la personne au départ de son... dès qu'elle arrive, mais on est là pour elle pendant des années et des années. Je vous dirais que nos meilleurs bénévoles, c'est des bénévoles qui sont passés par nos services depuis 10, 15, 20 ans. Et je pense que c'est là qu'il faut qu'on aille chercher comment rendre l'individu un citoyen à part entière, à travers nos organismes communautaires.

M. Drudi (Guy) : Et ce que je voulais juste peut-être compléter, c'est qu'actuellement le projet de loi cible le volet socioéconomique par l'emploi, mais nous, on développe actuellement, à travers la recherche, en partenariat avec le LABRRI et l'UQTR le volet loisirs et intégration. Donc, il y a une partie où est-ce que les gens travaillent puis il y a une partie où les gens ne travaillent pas, mais c'est là que les contacts avec la société d'accueil se font davantage, et ça, c'est... On a fait deux recherches exploratoires, et il y a une troisième qui va effectivement surgir, si jamais le ministère de l'Enseignement, du Loisir et du Sport daigne nous financer à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Les Plaines.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci, Mme la Présidente. Merci d'être ici aujourd'hui.

Plus je vous entends parler, plus vous devez connaître AMINATE — oui? — qui est un organisme... je vois les services que vous offrez, donc c'est à peu près la même chose. Après de longues discussions avec la directrice générale de l'organisme, elle me disait... puis je vous expose la situation puis je vais vous poser la question sous-jacente, elle me disait aussi que la grande difficulté des gens, c'est de se faire connaître dans le milieu du travail, évidemment, et que les employeurs potentiels puissent bien connaître aussi les opportunités qu'ils ont. Vous l'avez noté, surtout dans la grande région de Montréal, il y a peu d'emplois pour la capacité... au niveau des nouveaux arrivants.

Donc, elle me disait... Et voici ma question : Comment est-ce que les employeurs pourraient, selon vous, mieux comprendre la réalité et mieux encadrer des personnes en les accueillant dans leurs entreprises?

Mme Al Yahya (Nisrin) : En fait, je pense que ça se passe à deux niveaux. Le premier niveau, c'est l'accueil de la personne immigrante dans son milieu de travail, et le deuxième niveau, c'est l'accompagnement de l'entreprise dans ses démarches d'intégration pour la personne immigrante.

Donc là, je reviens à la question de M. le ministre de comment est-ce que le communautaire pourrait accompagner. Dans le fond, l'accueil de la personne immigrante ne se fait... On a beau vouloir intégrer une personne immigrante en emploi, tous les employeurs aujourd'hui en veulent, mais, maintenant, est-ce que le plancher est prêt? Est-ce que les autres collègues de travail sont prêts à les recevoir? C'est ça qu'il va falloir qu'on essaie de préparer. Donc, il faut qu'on prépare le milieu, déjà, au niveau des entreprises, pour qu'ils accueillent bien la personne immigrante.

Et aussi qu'il faut qu'on accompagne les ressources humaines, mais pas juste les ressources humaines, les gestionnaires aussi, à travers des espaces de dialogue, à travers une adaptation des pratiques, à travers, surtout et de façon très importante, un élément, à savoir une compréhension des codes culturels. Très souvent, on se fait approcher parce qu'il y a un problème de communication beaucoup plus qu'un problème de compétence technique. Et puis la question qui revient souvent : Qu'est-ce que je dois faire avec ça? Mais le «qu'est-ce que je dois faire avec ça», ça fait partie de nos savoir-être, comment on définit... Et il y a eu une étude, au niveau de l'IRIPI, par exemple, qui avait mentionné que la plupart des employeurs n'avaient pas nécessairement besoin de personnes immigrantes avec des compétences très élevées parce que, les compétences en savoir-faire, on peut les leur apprendre, mais il faut qu'ils apprennent les savoir-être des personnes d'ici. Nous ne voulons pas dire que les personnes immigrantes n'ont pas un savoir-être, mais qu'il faut adapter ce savoir-être à un savoir-être compris ici, auprès de nos entreprises.

Et je peux tout simplement citer l'exemple du soutien du regard. Le soutien du regard est considéré comme une insulte pour certains pays desquels nos personnes immigrantes sont ressortissantes, et ils baissent le regard par respect pour l'individu, alors que nos ressources humaines pensent qu'il a quelque chose à cacher ou il y a quelque chose de malhonnête dans ce qui est raconté. Donc, c'est tout ça qu'il va falloir qu'on essaie d'améliorer au niveau de l'adaptation de nos pratiques.

• (12 h 50) •

M. Drudi (Guy) : Je compléterais en disant que les compétences spécifiques, il n'y a aucun problème. Et je pense que le projet de loi, malheureusement, vise les compétences spécifiques. Et, dans ce sens-là, le principal échec est attribué aux compétences génériques. Et, parmi les compétences génériques, je vais vous en nommer qui provoquent un choc discriminatoire, c'est le fait d'être né à l'étranger, d'être différent physiquement, notamment au niveau de la couleur de la peau, de parler une langue maternelle différente, de posséder un accent différent, d'avoir la consonance d'un patronyme différent, d'avoir une religion différente et ne pas avoir d'ancêtres québécois.Mais là, à ce moment-là, il faut vraiment faire ce qu'on appellerait une éducation interculturelle des employeurs parce qu'autrement, que ce soit en région ou à Montréal, il va y avoir effectivement toujours ce constat d'échec.Nous, quand on intervient à l'intérieur des entreprises, bien, c'est exactement sur ces volets-là des compétences génériques que l'on travaille. Et on obtient des succès. Et habituellement les emplois trouvés sont des emplois qui conviennent à la formation, je dirais, des requérants.

Et l'autre point aussi que je veux mentionner, c'est qu'on parle des premières générations d'immigration, mais quelquefois ça peut aller jusqu'à la troisième génération d'immigration, qui subissent le même choc discriminatoire que leurs grands-parents. Là, à ce moment-ci, pour nous, si le ministère veut intervenir correctement, ce serait à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Il reste à peine une minute. Est-ce qu'il y a une autre intervention de la part du groupe qui forme le gouvernement?

M. Jacques : ...rapidement, là, vous avez dit que...

La Présidente (Mme Chassé) : Alors, le député de Mégantic, je vous invite à prendre la parole.

M. Jacques : Excusez, Mme la... Merci, Mme la Présidente. Vous avez dit plus tôt qu'il y avait 13,8 % des immigrants qui étaient en chômage et vous servez aussi... vous aidez à l'aide alimentaire à 5 000 familles. Donc, ces familles-là, là, c'est des gens qui arrivent ou des gens que ça fait un bout de temps qui sont là?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, en fait, ça dépend, ça dépend des situations, de la précarité. Il y a des personnes qui viennent d'arriver, il y a des personnes qui sont là depuis un peu plus longtemps. Nous, comme Maisonnée, on essaie toujours d'aller chercher les personnes qui ont vraiment ce besoin-là de façon très claire à travers leur... en fait, qui frôlent le seuil de la pauvreté, à quelque part. Cependant, à chaque fois qu'on est dans une situation où la personne est là depuis plus longtemps, on va aussi essayer de l'aider sur son volet employabilité. On va vraiment travailler là-dessus.

M. Jacques : Y a-tu une façon de les amener rapidement, le plus tôt possible? Y a-tu une façon miracle de les amener en emploi rapidement?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Ah! j'aurais bien voulu. Les miracles... En fait, le miracle, le seul miracle, sérieusement, c'est de pouvoir... Parce que ça dépend, je ne peux pas généraliser, vous comprenez, ça dépend parce que c'est des cas par cas. Il y a des cas où c'est beaucoup plus compliqué...

La Présidente (Mme Chassé) : En terminant.

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...il y a d'autres cas où c'est beaucoup plus simple, dépendamment de la situation, oui.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Malheureusement, je dois céder la parole à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne. Mme la députée.

Mme Anglade : Merci. Merci beaucoup de votre présentation. Dans votre document de présentation, justement, vous écrivez que «le projet de loi n° 9 constitue une rupture dans l'histoire du Québec comme terre d'accueil». C'est un message qui est très fort, qui est très révélateur également. Et je conçois très bien qu'on veuille améliorer la situation de l'immigration.

On dit tout le temps que c'est un système qui ne fonctionne pas, mais il faut rappeler quand même que, lorsqu'on regarde les chiffres, lorsqu'on regarde l'intégration, si on se compare à d'autres sociétés, on a été capable de faire un bon bout de chemin au Québec, en termes de résultats d'intégration, avec des résultats fort positifs également. Alors, on insiste beaucoup sur les éléments qui ne fonctionnent pas, mais la réalité, c'est qu'il y en a beaucoup qui fonctionnent également et qu'il nous faut les renforcer. Alors, on est tous d'accord avec l'idée de les renforcer.

Il y a deux raisons pour lesquelles j'ai l'impression, quand je lis la question de la rupture... qui me viennent en tête. La première, c'est que, dans la manière dont on parle d'un projet de loi... des gens, lorsqu'on parle des 18 000 dossiers, on banalise la situation, on traite la situation de manière extrêmement cavalière. Et cette manière cavalière de traiter les choses fait en sorte que les gens se disent : Bien, dans le fond, est-ce qu'on veut vraiment prendre soin des gens puis on est vraiment intéressés? Parce que, si c'était le cas, on ne ferait pas les choses de cette manière-là.

Et l'autre volet, c'est l'aspect qui est davantage coercitif. Là, on introduit une notion très coercitive dans est-ce qu'on a une résidence permanente conditionnelle, et cette notion de coercition fait en sorte que ça vient teinter de manière très négative le projet de loi dans son ensemble.

Est-ce que vous êtes d'accord avec les commentaires que je fais? Et est-ce qu'il y a d'autres éléments qui, à votre avis, nuisent à notre capacité de collectivement être plus en faveur de ce projet de loi? Parce qu'il y a des éléments qui sont positifs malgré tout.

M. Drudi (Guy) : Oui, en fait, juste peut-être mentionner, c'est qu'effectivement la rupture dans l'histoire du Québec, c'est le fait de dire qu'on change les règles du jeu malgré, je dirais, les personnes qui ont formé, dans leurs têtes et avec leurs familles, un projet migratoire. Et donc on change de bout en bout. Alors, ça veut dire que, dans le fond, la société québécoise ne devient plus crédible dans sa démarche, je dirais, d'accueil des personnes immigrantes. Et ceci est très fondamental parce qu'il s'agit d'un contrat relationnel. Et nous, on le voit.

Comme Mme Nisrin Al Yahya disait, c'est que chaque situation est personnalisée, et, dans ce sens-là, le fait de personnaliser la démarche au niveau du projet de loi est intéressant, mais, cependant, personnaliser strictement au niveau de l'employabilité, ça devient très dangereux. Parce que nous, on a une démarche personnelle, personnalisée également, à travers, je dirais, l'ensemble des services. Comme j'ai entendu tantôt une collègue du BINAM dire, nous, en fait, ce ne sont pas des dossiers, mais des personnes, des trajectoires de vie. Et, quand je dis que nous accueillons 20 000 personnes, bien, nous accueillons 20 000 personnes. Calculé sur 40 ans, on est à 800 000 personnes qui ont été accueillies par La Maisonnée, pas par le Québec, par La Maisonnée. Donc, dans ce sens-là, lorsqu'on fait une fête interculturelle, je dirais, de fin d'année pour les... on a 90 % de 400 personnes qui viennent pour la première fois fêter Noël avec nous.

Donc, voyez-vous ce que je veux dire? C'est que ça se trouve à être une démarche, même à travers les voyages, personnalisée. Mais ceci, lorsqu'on leur dit : Vous êtes ici, ou votre conjoint s'en vient, ou... et là, à ce moment-là, lui, non, il ne pourra pas, il va falloir qu'il refasse la demande, là, on a un double discours. On dit : Venez au Québec, on vous accueille, mais, d'un autre côté, on leur dit : Écoutez, recommencez. Bien, vous savez comme moi que ce n'est pas juste recommencer à faire une formule en ligne, là, c'est des drames sociaux.

Mme Anglade : Il est évident qu'il y a un double discours. Il y a un double discours qui est tellement clair et apparent, je pense que tout le monde s'en rend bien compte, notamment, encore une fois, dans la manière de traiter les cas qui nous interpellent.

Dans les dernières semaines — ça ne fait pas longtemps que le projet de loi a été déposé, hein, ça fait trois semaines qu'il a été déposé — dans les dernières semaines, quels sont les commentaires que vous avez... Comment qualifiez-vous ce que vous vivez sur le terrain, de manière plus spécifique, et comment vous comparez ça à ce qui se passe d'habitude sur le terrain? Juste avoir une meilleure appréciation pour la chose.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, je vous dirais que, sur le terrain, il y a beaucoup de peur, beaucoup de craintes, beaucoup d'incompréhension, beaucoup de «qu'est-ce qui va nous arriver». Est-ce qu'on va pouvoir rester? Est-ce que mon conjoint va pouvoir arriver dans les délais? Est-ce que mes enfants vont pouvoir se joindre à moi?

Toutes ces peurs et ces craintes, on n'a pas d'éléments pour le moment, aujourd'hui, d'y répondre. On entend beaucoup : Vous êtes en train de briser mes rêves. Ça fait six ans, sept ans, huit ans que je suis en attente. J'ai fait un projet pour pouvoir venir, mais là je ne sais plus où est-ce que je vais être rendu. On a beau essayer de calmer les angoisses, mais on n'a pas encore assez d'éléments pour sécuriser les gens. Donc, ce qu'on espère, c'est pouvoir les sécuriser le plus rapidement possible par rapport à ce qui va advenir de leur cas et de leur situation.

Mme Anglade : Et, dans les trois semaines, ce qui est un peu court quand même pour créer un tel émoi, honnêtement, avez-vous déjà observé ce genre de réaction dans la population?

Mme Al Yahya (Nisrin) : On a reçu des courriels, carrément, de dire comme : Comment ça va se faire? Comment on va pouvoir vivre? Comment ça va marcher? Est-ce qu'on va...

En fait, je vous dirais que tout élément qui est incompris provoque ce genre de comportement en réaction. Donc, c'est une action qui a nécessité une réaction parce qu'il y a eu une incompréhension. Maintenant encore, d'habitude, nous, en tant qu'organisme, on a tous les éléments pour rassurer les gens, pour les ramener à terre, pour expliciter ce qui est derrière, mais, aujourd'hui, on n'a pas encore d'éléments de réponse et on attend. On est comme tout le monde, on attend.

M. Drudi (Guy) : Dans le fond, dans nos réponses, on est fragmentés autant que le projet de loi nous apparaît, dans un premier temps, parce qu'on se trouve à... Et ceci fragilise aussi la relation et la confiance, parce que n'oubliez pas que nous, on représente le Québec aussi, je veux dire, dans notre démarche d'accueil. Et, dans ce sens-là, quelques fois, quelques fois, je le sais qu'on fait des efforts pour que cela ne se produise pas, mais on peut très bien nous jumeler à une politique qui, finalement, les discrimine, là.

Mme Anglade : Voilà plusieurs semaines qu'on dit qu'on n'a pas de réponse aux questions que l'on pose. On le dit, on le répète, on essaie d'en obtenir, on n'en a pas. Est-ce que vous vous sentez dans la même position présentement ou est-ce qu'il y a eu un élément de clarté qui a été amené?

Mme Al Yahya (Nisrin) : C'est une très bonne question. Je vous dirais qu'on a beaucoup de questions sans vraiment avoir de réponses concrètes, solides qu'on peut donner à la population qui nous la pose.

• (13 heures) •

M. Drudi (Guy) : Puis une réponse qu'on a entendue, c'est que les 3 000 qui étaient déjà présents seraient, entre guillemets, priorisés à l'intérieur de six mois. Nous, dans le fond, ce qu'on dit, c'est que, très bien, ça serait effectivement souhaitable que ça puisse avoir lieu rapidement et qu'il y ait toute une armada qui puisse — et non pas un Arrima, mais une armada — vraiment s'installer pour pouvoir, je dirais, traiter les demandes à la satisfaction non seulement des employeurs, mais des organisations.

Mme Anglade : Peut-être qu'il y a des personnes qui pourront vous confirmer que les 3 000 ont été priorisées, mais la seule chose que nous avons entendue jusqu'à présent, c'est qu'il y a 400 dossiers qui vont être traités cette année. C'est la seule chose dont nous pouvons être...

Mme Al Yahya (Nisrin) : Je vous dirais qu'aujourd'hui, dans le cadre de la rareté et de la pénurie de la main-d'oeuvre et que c'est des personnes qui sont actuellement en emploi puis qui ont des positions, ce ne serait probablement pas une situation favorable, ni pour nous, ni pour l'économie, ni pour le développement social, si jamais on n'accélère pas le traitement de ces dossiers-là.

Mme Anglade : ...le 400 n'est pas exact, quelqu'un peut me confirmer le bon chiffre? Ça me fera plaisir de l'avoir. Je ne sais pas si le ministre veut confirmer quelque chose? Je peux lui donner mon temps de parole s'il veut confirmer, si le 400 n'est pas exact.

La Présidente (Mme Chassé) : Est-ce que je peux autoriser le ministre à...

M. Jolin-Barrette : Bien oui, certainement. Ce que je peux dire à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, c'est que, lorsqu'elle pose des questions, elle doit se baser sur ce qu'on a dit, et ce que j'ai toujours dit, c'est qu'on allait prioriser les 3 700 demandes qui étaient sur le territoire québécois par le biais du système Arrima.

Alors, pour la suite des choses, on va faire le débat ici en étude détaillée après les semaines du mois de mars. On a la collaboration de votre parti pour réformer le système d'immigration, mais surtout je l'invite, lorsqu'elle questionne les témoins, à dire la vérité aux témoins sur l'étendue des propos que j'ai tenus notamment en Chambre et notamment à l'extérieur.

Mme Anglade : Je vais répondre à la question. Je vais répondre à la question à nouveau puis je vais clarifier la situation. Ce que l'on comprend, c'est que, pour 2019, ce qui a été présenté par le sous-ministre adjoint du ministère, c'est qu'il y aura 400 dossiers qui seront étudiés dans le système Arrima, de même que les 18 000. C'est ça, l'information que nous avons. Si ce n'est pas exact, je n'ai pas entendu de commentaire différent à ce propos-là.

Maintenant, je vais céder la parole à un de mes collègues pour la suite des choses.

La Présidente (Mme Chassé) : Et je vous invite à poser les questions à l'organisme qui est avec nous. Je vous invite à poser la question à l'organisme qui est avec nous. La députée de Bourassa-Sauvé, merci, allez-y.

Mme Robitaille : Combien de temps il me reste?

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste six minutes.

Mme Robitaille : O.K. Bien, justement, sur ce thème-là de la rupture avec la tradition d'accueil québécoise, dans le passé, de tradition, quand un immigrant arrivait ici puis il avait une résidence permanente, il avait la sécurité d'avoir la résidence permanente puis, à partir de là, bon, il travaillait, il apprenait le français. Bon, ce n'était pas parfait, mais, au moins, il avait la sécurité d'être ici puis de commencer un nouveau chapitre de sa vie.

Or, dans le projet de loi, on veut accoler une condition à la résidence permanente. Ça peut être, tu sais : vous allez être permanent quand vous allez passer le test de français ou quand vous allez passer le test de valeurs. Ce n'est pas très, très clair, mais il y a des conditions qui seraient accolées. Comment vous voyez ça, vous, dans la tradition québécoise d'accueil? Est-ce que ça vous trouble un peu?

M. Drudi (Guy) : Bien, très précisément, là... c'est-à-dire qu'il y ait, je dirais, des recommandations, c'est effectivement quelque chose qui pourrait, mettons, comme aider. Voyez-vous, ce qui se passe, là, actuellement, là, premièrement, les régions ne sont pas comparables... En termes d'équipements, il y a des régions qui peuvent être un petit peu plus vulnérables, et, lorsque vous accueillez ou lorsqu'une personne a un projet pour venir immigrer au Québec, il faut être capable de bien le renseigner. Et, lorsqu'on a une précision sur, justement, l'environnement qui va attendre la personne et sa famille, bien, je dirais que, là, à ce moment-là...

Vous savez, on a une TCRI, là, une table de concertation des organismes qui s'occupent des réfugiés et de l'immigration, et on a aussi le Regroupement des organismes de la francisation du Québec qui couvre aussi tout le Québec. On est en mesure de pouvoir solliciter les organismes qui sont sur place pour faire en sorte qu'ils reçoivent justement les soins dont ils ont besoin pour pouvoir obtenir un emploi et bien s'intégrer. L'idée actuellement, c'est que, si on leur dit... on leur laisse supposer que, s'ils ne peuvent pas, je dirais, avoir une mobilité à l'intérieur du territoire... là encore, je veux dire, on vient comme, je dirais, obscurcir le discours d'accueil.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Je vais vous répondre, peut-être, si vous permettez. Dans le fond, pourquoi la personne immigre? C'est ça, la question qu'on devrait se poser à la base. Ceux qui arrivent avec une résidence permanente ont quitté leurs pays pour trois types de raisons, principalement, soit une résidence économique, donc améliorer des conditions de vie, soit politique, soit sociale. Mais, dans les trois situations, posez la question à n'importe quel immigrant, il va vous dire : Je cherche la sécurité, et je cherche la tranquillité, et je cherche la paix d'esprit.

Alors, le problème dans ce genre de situation, c'est justement que, s'il va être insécurisé par rapport à «je ne sais pas ce qui va m'arriver», on pourrait les perdre, justement, et on pourrait ne plus pouvoir les garder chez nous comme on le désire. Et, en fin du compte, je reviens à ce que disait M. Drudi justement, c'est là où on voit la coupure, parce que la personne, quand elle est arrivée comme résidente permanente, elle se disait : Bien, je suis là pour ma vie, je reconstruis, je recommence à zéro. L'idée, c'est de ne pas, justement, la mettre dans la précarité, et je pense que, si jamais elle va avoir à débattre encore une fois de sa résidence permanente, ça pourrait précariser sa situation.

Mme Robitaille : Donc, ce n'est pas très gagnant pour la rétention des immigrants au Québec.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Exactement. Selon moi, oui, ce n'est pas très gagnant.

Mme Robitaille : Et, si, par exemple, les régions ont plus de difficulté à accompagner leurs nouveaux arrivants, finalement le nouvel arrivant, dans une région, a peut-être... est moins bien placé que quelqu'un à Montréal qui aurait tous les services pour passer le fameux test, s'il y en a un, etc.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, je vous dirais qu'à ce moment-là on devrait se donner les moyens pour pouvoir mieux accompagner les gens en région parce que les régions sont dans ce besoin-là. Et elles ont tellement besoin de main-d'oeuvre, je vous dirais, on entend les employeurs crier : Au secours! On a besoin de continuer notre travail, sinon on va fermer boutique. Et je pense que régionaliser l'immigration n'est pas une mauvaise idée, mais c'est qu'il va falloir juste restructurer sur de bonnes bases, donner les moyens aux régions aussi. Puis pourquoi n'y aurait-il pas des antennes dans les MRC pour pouvoir justement créer cet arrimage entre la population immigrante et la société d'accueil?

Mme Robitaille : Oui, parce que, dans votre rapport, vous parlez de choc culturel, choc discriminatoire pour des immigrants qui sont à Montréal, où il y a... la population immigrante est ici à la grande majorité. Donc, dans les régions, le risque est pire.

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...beaucoup plus grand, certainement, et puis je vous dirais aussi que le choc culturel n'est pas dans un sens. Le choc culturel va dans les deux sens.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Le choc culturel est autant celui de la personne immigrante que la personne de la société d'accueil, parce que ça va nous toucher dans ce qui est viscéral en nous. Ça peut être autant une langue, une religion ou une façon d'être, mais ça nous touche viscéralement. Alors, qu'on soit acteur de la société d'accueil ou une personne immigrante, on peut subir ce choc-là, donc les deux doivent être préparés. On dit souvent qu'on a préparé les immigrants mais qu'on a oublié la société d'accueil.

Mme Robitaille : ...le travail... vous voyez beaucoup, beaucoup de travail à faire.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Il va y avoir plus de travail à faire...

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous deux pour votre présence, votre présentation. C'est un plaisir de vous entendre.

D'abord, vous parliez du fait que le projet de loi n° 9, pour vous, représente une approche très fragmentée qui ne répond pas nécessairement à l'approche holistique que vous préconisez. Effectivement, je pense que les attentes sont grandes pour la suite du côté du gouvernement. On espère qu'il puisse déposer justement des mesures qui viennent pallier à ce qui est manquant dans le projet de loi n° 9, notamment pour ce qui a trait à l'accès à la francisation. Parce que c'est bien beau qu'on se donne le pouvoir... et je pense que c'est une bonne chose de pouvoir offrir les services gouvernementaux aux travailleurs temporaires qui voudraient, par exemple, pouvoir bénéficier de la francisation, mais encore faut-il qu'il puisse y avoir des places en francisation, n'est-ce pas? Est-ce que c'est un problème que vous rencontrez fréquemment, le manque de places ou la désorganisation dans le réseau de services de francisation?

• (13 h 10) •

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, je dirais que c'est surtout la lenteur des attentes, parce qu'il y a beaucoup de... Des fois, les gens arrivent puis ils veulent s'inscrire à un cours à temps complet, il n'y a pas assez de places, donc ils vont devoir aller à des temps partiels. Entre-temps, ils se trouvent des emplois dans le réseau, très souvent des emplois élémentaires, donc ils ne vont plus aller faire de la francisation, ils vont juste être emportés dans la vie au quotidien.

Donc, ce serait plus de créer plus de places, en termes de francisation, créer la possibilité aussi de pouvoir avoir accès à des classes de francisation tout au long de l'année, dépendamment du moment de l'arrivée de la personne, parce que ça aussi, c'est très important. Et puis moi, je soulignerai aussi l'importance d'avoir des classes qui sont diversifiées en termes de francisation. Je peux m'expliquer par rapport à ça.

Je vous dirais que l'une des situations qui étaient très critiques en 2016-2017, c'était que la plupart des classes de francisation étaient composées de personnes qui étaient arrivées en tant que... les réfugiés syriens. Donc, les classes étaient, pour la plupart, des arabophones qui parlaient entre eux la langue puis qui étaient là face à un enseignant. Donc, comment est-ce que je vais transmettre un savoir? Et c'est pour ça que je parlais tout à l'heure de l'intérêt de faire prévaloir l'importance du français pour nous, en tant que société. L'une des choses sur laquelle il faut vraiment insister, c'est l'identité québécoise, et puis c'est quoi, l'impact de cette identité-là dans le parcours de la personne migratoire, et où est-ce qu'elle se situe par rapport à cela.

M. Drudi (Guy) : Au niveau de la francisation, c'est assez exceptionnel. On reçoit plusieurs... une forte immigration maghrébine, dont la langue maternelle est le français. Mais ce que j'ai entendu, dans une recherche que j'ai faite, moi, en fait, auprès d'un employeur important, c'est qu'ils ne parlaient pas le français des affaires. Donc, voyez-vous, ce qui se passe actuellement, là, c'est un peu comme si on déboussole beaucoup, là, les personnes, parce qu'ils sont francophones, et c'est leur langue... mettons, une langue parlée dans leur pays. Et ce qu'on arrive à dire, c'est que...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

M. Drudi (Guy) : ...ce n'est pas convenable. Donc, voyez-vous, actuellement, là, je veux dire, on doit, à ce moment-là, avoir certains programmes ou, en fait, adapter les programmes pour qu'il puisse y avoir une correspondance entre les attentes et les besoins.

Mme Fournier : Un genre de mise à niveau, au fond.

M. Drudi (Guy) : On pourrait dire.

Mme Fournier : O.K. Puis, rapidement, est-ce que vous voyez aussi des problèmes avec le classement dans les tests en ligne pour la francisation?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Oui, parce qu'il n'y a pas beaucoup... il y a beaucoup de personnes qui ne sont pas à l'aise avec l'outil informatique déjà quand elles arrivent de leur pays d'origine. Donc, quand elles vont faire le test de classement, elles vont prendre beaucoup plus de temps que nécessaire pour finaliser le test.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci. Bonjour. Merci, encore une fois, de nous apporter une vision un petit peu plus complexe de ce que c'est, l'immigration, parce que le projet de loi vise uniquement à créer un lien d'emploi, puis voilà, là, c'est dans le sac, comme on dit. Ce que je comprends de votre propos, c'est que, pour réussir une adaptation, une intégration globale à la société du Québec, c'est ce qu'on veut, là, il ne suffit pas seulement que de trouver un emploi, là. J'aimerais vous entendre.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, en fait, ce qui est très important, c'est de prendre la personne dans son intégralité. La personne, quand elle arrive ici, elle est en perte de repères, elle est en perte de reconnaissance. Elle n'est plus fonctionnelle, même si elle est très qualifiée et très compétente. Donc, ça prend un temps d'acculturation, d'adaptation à la société d'accueil avant qu'elle puisse reprendre des façons de faire et des façons d'être qui vont être adéquates pour la société d'accueil.

Je vous dirais, les pires échecs qu'on a vus, c'est quand une personne arrive de l'extérieur puis qu'elle a un emploi une semaine plus tard. Très souvent, ces gens-là vont nous revenir deux, trois ans plus tard pour nous dire : J'ai perdu mon emploi puis je ne sais pas quoi faire, je ne sais même pas comment préparer un C.V.

Alors, c'est pour ça qu'on trouve que c'est compliqué quand même de ne pas... L'idée, c'est, si jamais la personne est en emploi, effectivement, au bout d'une semaine, qu'elle ait aussi accès à d'autres ressources qui vont l'accompagner au niveau de son intégration dans la vie sociale de Québec et de Montréal.

M. Drudi (Guy) : L'intégration vise à jumeler, si je peux dire, là, trois processus d'adaptation : l'adaptation fonctionnelle, qui tient lieu, donc... avec la langue, le logement, l'emploi et la scolarisation; ensuite, l'adaptation sociale, qui vise à se créer des réseaux; et l'adaptation culturelle, qui vise à être présent dans les représentations collectives de la société. Et, pour nous, le processus d'intégration, c'est de faire en sorte que la personne nouvellement arrivée et sa famille puissent finalement se développer, avoir une mobilité sociale en fonction de ses intérêts.

Le projet de loi n° 9 vise les intérêts des employeurs mais ne vise pas nécessairement les intérêts des personnes immigrantes. Donc, je dis qu'il faut compléter avec les recommandations que l'on fait, qui proviennent d'une recherche qui s'est étendue sur 25 ans par rapport à une présence, je dirais, des obstacles systémiques qui ont été réunis dans la recherche du comité consultatif de la personne immigrante.

M. Fontecilla : Est-ce qu'établir des conditions, des tests linguistiques, des tests de valeurs favorise l'intégration à long terme d'une personne issue de l'immigration, ou faire dépendre leur résidence...

Mme Al Yahya (Nisrin) : Je vous dirais que, pour convaincre, il faut être convaincu et que, si la personne n'est pas convaincue que c'est important pour elle de faire ça pour elle...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...afin qu'elle puisse s'intégrer dans la société, bien, ce n'est pas le test qui va faire la différence.

M. Fontecilla : ...beaucoup de demandes, surtout des gens qui ont été refusés, là, qui ont été... bon, dont, le dossier, on ne sait pas ce qui s'est... qu'est-ce qui arrive, là. Est-ce que ça coûte cher, les démarches, l'ensemble des démarches, là, pour demander... rester au Québec, là?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Ça coûte très cher. Oui, ça coûte très, très cher.

M. Fontecilla : ...le montant?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Je ne peux pas vous donner de montant, ce n'est pas du tout mon domaine d'expertise. Mais je vous dirais qu'à travers l'accompagnement de mes collègues au niveau de différents dossiers je vois beaucoup de gros montants passer pour que la personne puisse obtenir sa résidence permanente.

M. Drudi (Guy) : Parce qu'il ne s'agit pas simplement, je dirais, du déboursé pour donner le droit d'accès, si je peux ainsi m'exprimer, mais il s'agit de tout ce qu'on appelle l'externalisation des dépenses. Et actuellement le projet de loi n° 9, moi, je tiens à le préciser, fait reposer le fardeau sur le requérant. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Vraiment, je vous remercie pour votre contribution aux travaux.

Je suspends les travaux jusqu'à 15 heures. Merci, tout le monde.

(Suspension de la séance à 13 h 16)

(Reprise à 15 h 1)

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Je demande...

Des voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Aïe! Les amis, allo! Je vous en prie.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, ça va. Merci. La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux dans la joie. Je demande à toutes les personnes de la salle de bien vouloir fermer son téléphone cellulaire ou ses appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 9, la Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes.

Cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : la Fédération québécoise des municipalités, accueil et liaison pour arrivants et le Protecteur du citoyen.

Je souhaite donc la bienvenue à la Fédération québécoise des municipalités. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis par la suite nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Une minute avant la fin, je vous ferai un signe. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter.

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

M. Soucy (Yvon) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je me présente, je suis Yvon Soucy, préfet de la MRC de Kamouraska et premier vice-président de la FQM. M'accompagnent — m'accompagnent et m'apostrophent, là...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Soucy (Yvon) : ... — Maryse Drolet, conseillère politique à la FQM, et Pierre Châteauvert, qui est directeur Recherche et politique, à la FQM également. Donc, merci beaucoup d'accueillir la Fédération québécoise des municipalités dans le cadre de cette commission parlementaire sur le projet de loi n° 9.

Fondée en 1944, nous célébrons cette année nos 75 années d'existence. La fédération est porte-parole des régions et regroupe près de 1 000 municipalités locales et régionales au Québec. En fait, ce sont quatre municipalités sur cinq qui sont membres chez nous sur une base volontaire. Notre rôle est de faire entendre la voix des régions, de porter les ambitions locales et régionales et de défendre les intérêts des gouvernements de proximité. La Fédération québécoise des municipalités constitue le plus grand rassemblement du monde municipal au Québec.

Lors de la dernière assemblée des MRC du Québec, qui s'est tenue en décembre dernier, l'ensemble des préfets se sont positionnés sur des principes et des revendications en prévision du dépôt de ce projet de loi. De plus, notre commission permanente sur le développement social, les institutions... et la démocratie, pardon, s'est penchée sur la question le 18 février dernier. Le présent mémoire reflète donc la vision sur la régionalisation de l'immigration de l'ensemble des élus que nous représentons.

La Fédération québécoise des municipalités accueille favorablement le projet de loi n° 9, Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes, pour les précisions et les références à l'importance de la régionalisation de l'immigration qui y sont apportées. Cela fait plus de 10 ans que la FQM en fait la demande, lors de son passage à la commission Bouchard-Taylor, lors des consultations sur les modifications à la Loi sur l'immigration en 2016, fait ici même, à cette commission. Nos demandes ont enfin été entendues. Nous sommes patients.

Les commentaires et recommandations de la FQM porteront spécifiquement sur les articles visant la mise en oeuvre de la régionalisation de l'immigration, le rôle des municipalités locales et des municipalités régionales de comté. Rappelons ici que, selon un rapport de l'Institut du Québec daté du 18 septembre 2018, 76 % des 52 388 immigrants permanents accueillis en 2017 se sont établis à Montréal. Seulement 16 % des nouveaux arrivants, depuis 2011, ont choisi de vivre en région. Ces données nous interpellent. C'est pourquoi, à la fédération, parler d'immigration, c'est bien plus qu'accueillir de nouveaux travailleurs pour combler nos besoins en main-d'oeuvre. Parler d'immigration, c'est aussi parler d'accueillir de nouvelles familles, de nouveaux enfants dans nos écoles, de nouveaux collègues et de futurs amis. Les MRC et les municipalités sont ainsi des acteurs clés de toute démarche de régionalisation de l'immigration. Le rôle des municipalités et des MRC dans toute l'opération d'accueil et d'intégration des nouveaux arrivants doit être reconnu dans ce projet de loi.

La FQM souhaite rappeler ici l'adoption du projet de loi n° 122 qui reconnaît les municipalités comme de véritables gouvernements de proximité depuis juin 2017. Rappelons également que l'Assemblée nationale a confié à la MRC la compétence en développement économique local et régional, indiquant qu'une municipalité régionale de comté peut prendre toutes les mesures afin de favoriser le développement local et régional sur son territoire.

Ainsi, la première recommandation de la fédération sera de demander que ce projet de loi reconnaisse la MRC et la municipalité, en tant que gouvernements de proximité, comme acteurs clés de toute démarche de régionalisation de l'immigration par le gouvernement du Québec.

Le projet de loi fait référence à la coordination de la mise en oeuvre des services d'accueil, de francisation et d'intégration des personnes immigrantes ainsi qu'à l'importance de bâtir des collectivités plus inclusives, contribuant à l'établissement durable en région des personnes immigrantes. Pour la fédération, le rôle des MRC et des municipalités est indéniable dans ces actions de coordination, notamment lorsqu'il est question des services d'accueil, de francisation et d'intégration pour les immigrants allant en région. Bien sûr, ces responsabilités de coordination confiées aux municipalités et aux MRC devront être accompagnées d'une décentralisation des ressources financières à la hauteur de ces responsabilités. Il en va de même pour les interventions de promotion de l'apport de l'immigration au dynamisme des régions ou toute autre opération de promotion et de mise en valeur de vivre en région... de la vie en région.

Pour appuyer la mise en oeuvre de la loi, la Fédération québécoise des municipalités demande qu'une politique de régionalisation de l'immigration soit élaborée, qui prévoie l'implication active des MRC dans le processus de régionalisation de l'immigration.

Ainsi, la FQM demande que soient conclues des ententes d'au moins cinq ans entre le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, le MIDI, et les MRC d'une même région administrative pour assurer la coordination et l'adaptation de mesures d'accueil et d'intégration des personnes immigrant en région.

La FQM demande également que le MIDI ouvre des bureaux régionaux dont la mission sera d'assurer une coordination efficiente entre l'accueil et... en région, en concertation avec les MRC. Ces bureaux verront à l'application et à la mise en oeuvre de la politique de régionalisation de l'immigration.

La FQM demande que soit reconnu le rôle des MRC et de leurs services de développement économique dans tout le processus d'identification des besoins de main-d'oeuvre, de sélection des travailleurs immigrants qui seront invités à s'établir en région.

La FQM demande que les interventions d'accueil, de francisation et d'intégration des personnes immigrantes soient régionalisées, décentralisées à l'échelle des MRC. À titre de gouvernements de proximité, les MRC sont les mieux placées pour assurer la coordination et la concertation des groupes et intervenants sur leurs territoires. La FQM demande que cette délégation de compétences soit accompagnée des ressources financières suffisantes.

Finalement, la Fédération québécoise des municipalités demande que toute discussion entre le MIDI et les régions concernant la régionalisation de l'immigration et ses modalités de décentralisation ait lieu à la table régionale des préfets, présente dans chacune des régions du Québec.

En conclusion, j'aimerais aussi rappeler que la personne qui immigre choisit un emploi, mais aussi un milieu de vie pour elle-même et sa famille. Ainsi, accueillir de nouveaux arrivants dans un milieu, c'est aussi accueillir des personnes remplies de rêves et d'espoir de se réaliser pleinement, des familles qui souhaitent bâtir une nouvelle vie. Les municipalités et les MRC sont les mieux placées pour comprendre et répondre localement et rapidement aux besoins des nouveaux arrivants, et, ce faisant, facilitent leur intégration. La reconnaissance et le respect des champs de compétence de chacun des paliers de gouvernement, comprenant les gouvernements de proximité, que ce soient les MRC ou les municipalités, devront être inscrits dans la loi pour assurer le succès de toute démarche de régionalisation de l'immigration, et ce, dans le meilleur intérêt de la société québécoise tout entière.

Je vous remercie, et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Soucy, M. Châteauvert, Mme Drolet, bonjour. Merci d'être à l'Assemblée pour venir présenter votre mémoire.

Alors, j'entends bien ce que vous nous dites relativement au fait que vous souhaitez, en lien avec les municipalités qui sont membres de la FQM, qu'il y ait des pouvoirs qui soient dévolus au sein des MRC puis qu'ils soient vraiment en charge, dans le fond, de l'intégration au niveau régional. C'est bien ça?

M. Soucy (Yvon) : Absolument.

• (15 h 10) •

M. Jolin-Barrette : O.K. Comment je pourrais dire... comment est-ce que le rôle du ministère de l'Immigration peut s'inscrire en lien avec la proposition que vous faites? Parce que, là, depuis l'an passé, je crois, il y a 21 ressources du ministère de l'Immigration dans les bureaux de Services Québec, de l'emploi. Là, le ministère recommence à s'établir en région pour avoir un parcours personnel. Ça va s'inclure, dans le fond, avec ce qu'on veut faire, de l'accompagnement, plus de ressources pour les temporaires, pour les permanents sur l'ensemble du territoire québécois.

Comment est-ce qu'on peut travailler ensemble là-dessus avec les ressources du ministère de l'Immigration puis les MRC? Comment vous voyez ça?

M. Soucy (Yvon) : Bien, écoutez, actuellement, je pense que le ministère... les ressources sont principalement consacrées à Montréal. Il commence à y avoir une décentralisation vers les régions, mais actuellement c'est quand même très peu.

Je peux vous dire, moi, je suis préfet de la MRC de Kamouraska, nous avons une personne qui travaille en mobilisation avec une entente que nous avons avec le MIDI. On constate, là, que les besoins... Moi, il n'y a pas une semaine que je ne me fais pas interpeler par des entrepreneurs qui manquent cruellement de main-d'oeuvre, qui actuellement freine des projets de développement. Puis nous, en fait, là, on pense que les municipalités régionales de comté, les municipalités locales doivent faire partie du processus d'accueil, d'intégration. On est dans la mobilisation chez nous, là, mais, malgré le fait qu'on n'est même pas assurés d'avoir du financement, là, on se dirige déjà vers l'accueil, l'intégration parce qu'on a besoin de ressources. Puis c'est pour ça que nous, on croit que, par territoires de MRC, les besoins vont être beaucoup plus facilement identifiables, puis on va pouvoir y répondre également beaucoup plus facilement par notre proximité que nous avons, par exemple, avec les chercheurs d'emploi, avec les communautés qui veulent se revitaliser, qui veulent maintenir des services de proximité.

Donc, notre lien avec la région, évidemment, c'est pour toute la question des programmes, mais on pense qu'à l'échelle d'une municipalité régionale de comté et des municipalités locales on a un travail à faire puis on est prêts à le faire.

M. Jolin-Barrette : ...l'étendue de votre proposition, là, vous nous dites... Est-ce que, dans le fond, supposons qu'on dévoluerait vers les MRC, vous prendriez en charge, supposons, la francisation, l'intégration dans vos bâtiments propres de la MRC, dans le fond, ou vous voulez continuer de travailler en partenariat avec les organismes communautaires? C'est quoi, votre vision, là, là-dessus, là?

M. Soucy (Yvon) : Écoutez, actuellement, on est en partenariat, là... Je prends chez nous, on a un comité immigration qui réunit plusieurs intervenants, on a un comité également plus politique pour donner les orientations, puis il y a déjà plusieurs organisations qui travaillent à l'accueil et l'intégration. Mais tout ça, sur un territoire de MRC, ça nécessite une coordination, ça nécessite quand même un travail important. Donc, c'est vraiment à ce niveau-là que nous voyons notre rôle. M. Châteauvert.

M. Châteauvert (Pierre) : Et, M. le ministre, si vous permettez, effectivement, le lien avec le ministère, dans le passé... avant 2015, le ministère appuyait son action beaucoup sur les conférences régionales des élus, et, bon, tout ça a sauté, est disparu. Les MRC ont été obligées de pallier et de créer une intervention sur le territoire, et la majorité de nos membres, effectivement, sont très actifs là-dessus.

La décentralisation, ça ne veut pas dire... ça nécessite aussi un accompagnement, c'est-à-dire une déconcentration, une présence en région. Avec d'autres ministères qui sont très présents, qui ont des directions régionales fortes, genre... je prends l'Agriculture, le ministère des Affaires municipales, il est toujours possible de discuter et d'adapter les programmes, les interventions pour mieux répondre aux besoins. Parce que, souvent, ce qui se passe, c'est qu'au niveau soit de la table des MRC, qui regroupe toute une région, avec la direction régionale, ils s'entendent sur une façon de faire, et souvent, même, ça se reproduit, ça, au niveau de la MRC pour adapter encore plus les interventions, pour avoir une intervention plus efficace.

C'est ce modèle-là qu'on aimerait beaucoup développer avec vous, M. Soucy a développé, effectivement, son expérience, on la voit un peu partout sur le terrain, mais que vous soyez là, que le ministère soit davantage présent et avec des gens qui sont capables d'adapter les mesures en fonction des besoins, donc pas nécessairement qui reproduit ce qui vient de Montréal, du central, mais aussi capables d'adapter pour mieux intervenir. Parce que, des histoires, des exemples, là, on en a plein, des cas absolument magnifiques, mais, parce que ça ne correspond pas à telle règle, et tout ça, le projet est refusé, alors qu'il aurait pu avoir des impacts positifs.

Donc, c'est sûr que c'est le message qu'on aimerait vous lancer, puis de dire que... de travailler en symbiose, nous autres aussi, c'est le message qu'on lance à l'ensemble des ministères. Puis, avec le MIDI, c'est particulièrement criant comme besoin.

M. Jolin-Barrette : Bien, c'est un des plans que nous avons, de renforcer le ministère de l'Immigration. Dans la loi, on met le rôle de leadership aussi, mais on veut aussi s'assurer qu'on donne au ministère les ressources pour s'assurer de l'accompagnement. Ça fait que très certainement je vais être intéressé à travailler avec vous, avec l'ensemble des MRC puis avec les différentes municipalités pour s'assurer que ça fonctionne. Parce que moi, je pense qu'on a le devoir de faire en sorte que ça fonctionne mieux, de faire en sorte aussi d'avoir une plus grande régionalisation.

Comment vous voyez ça? Dans le système Arrima, moi, j'avais l'idée notamment de faire en sorte de prioriser, supposons, les candidats avec des offres d'emploi validées en région en lien avec les employeurs. Comment vous envisagez ça? Parce qu'en fait, je vais vous dire, là, Montréal est venue avant vous ce matin puis ils disaient : Nous, on est en faveur de la régionalisation, mais on a des grands besoins à Montréal aussi. Je sais que, dans toutes les régions du Québec, il y a une pénurie de main-d'oeuvre aussi. Que me conseillez-vous, là, pour faire l'arbitrage là-dedans?

M. Soucy (Yvon) : Écoutez, nous avons aussi nos services de développement économique dans chaque territoire des MRC, là, que ça soit intégré à la MRC ou par les CLD. Je pense qu'on... Comme je vous le disais tantôt, on est en mesure d'identifier les besoins, puis c'est certain que, des besoins, nous en avons. Je regardais juste chez nous, là, issus de l'immigration, pour une communauté qu'on pense quand même assez homogène, là, on a 475 personnes qui sont issues de l'immigration chez nous, provenant de 25 nationalités différentes.

Donc, moi, ce que je pense, c'est qu'on peut voir des histoires à succès, si on régionalise l'immigration, là, très certainement.

M. Jolin-Barrette : Et est-ce que vous accueillez favorablement le fait que le gouvernement souhaite aller de l'avant avec une réforme qui va baser la sélection des immigrants en fonction des besoins de main-d'oeuvre que nous avons?

M. Soucy (Yvon) : Puis, écoutez, c'est clair, là, qu'on doit répondre aux besoins de nos entreprises, mais moi, j'ajouterais qu'on doit bien accueillir puis bien intégrer également les personnes qui vont arriver chez nous, parce que, sinon, malheureusement, ces gens-là ne développeront pas leur sentiment d'appartenance, puis c'est le facteur clé, selon moi, d'une intégration réussie. Puis c'est pour ça qu'on doit avoir les moyens, par territoires de MRC, les municipalités régionales, les municipalités locales, de bien assurer la coordination, d'avoir les ressources nécessaires, d'avoir un financement adéquat pour faire en sorte que ces accueils, ces intégrations-là seront réussis puis que les gens vont rester chez nous, vont se sentir chez eux. Mais évidemment on est en faveur qu'il y ait une adéquation entre les besoins de nos employeurs et les personnes qu'on va accueillir.

M. Jolin-Barrette : Sur la question, là, des bureaux régionaux que vous voulez qui soient mis en place, présentement les agents du ministère de l'Immigration se retrouvent dans les centres locaux d'emploi ou Services Québec, est-ce que cette formule-là vous convient ou vous souhaitez vraiment que le ministère implante des bureaux distincts?

M. Soucy (Yvon) : Je vais laisser mon collègue répondre.

M. Châteauvert (Pierre) : En fait, oui, effectivement, c'est une présence, c'est déjà mieux que ce qu'il y avait avant, là. Il faut développer, mais ce qu'on a de besoin aussi, oui, c'est une présence, mais un accompagnement pour, des fois, adapter les mesures. Donc, que ça passe par... que vous ayez une entente de gestion avec les centres locaux d'emploi, on a aucun problème avec ça.

L'objectif ultime, c'est que vous soyez là, que vous accompagniez la démarche et que vous puissiez adapter. Des fois, il y a des choses, là, qui ne fonctionnent pas, tu sais, des... Supposons, si on... Tantôt, on parlait de cas des réfugiés, pour répondre aux besoins. Dans le coin de Sainte-Françoise, dans la MRC de Bécancour, eux autres, ils se sont dit... C'est une population agricole, c'est un milieu agricole. Ils se sont dit : On a besoin de travailleurs agricoles. Ils ont travaillé avec les groupes à Montréal pour attirer les réfugiés qui étaient des agriculteurs dans leurs pays au lieu de les faire installer dans le centre-ville de Montréal. C'est un succès incroyable, mais le nombre d'embûches qu'ils ont dû traverser pour que ça fonctionne... tu sais, c'est des milieux où est-ce que tu as besoin d'un permis de conduire. Même, juste aller à la SAAQ, ça a été un défi. Donc, c'est cette notion-là de pouvoir être accompagné par le ministère pour, des fois, régler les choses.

Parce que vous avez le lien avec l'ensemble des autres machines. Donc, que ça passe par la... Ça prend une présence active et capable d'adapter la réalité. Donc, effectivement, la gestion... la façon que vous vous structurez, vous avez énormément d'ententes avec Emploi-Québec. Effectivement, ça fonctionne, des choses comme ça. Mais, pour la présence en région, Emploi-Québec, c'est un très, très, très bon partenaire, mais sauf que le résultat, il faut qu'il soit là. Notre souhait, c'est la capacité d'adapter les mesures, et de façon active, avec les intervenants sur le territoire qui sont regroupés au niveau des municipalités et coordonnés au niveau des MRC puis la table des MRC. Mais le monde municipal est très bien structuré à ce niveau-là, puis, quand les ministères en profitent, ça fonctionne très bien.

M. Jolin-Barrette : Puis, j'imagine, dans plusieurs MRC, c'est vraiment criant, les besoins que vous avez présentement. Il doit y avoir des entreprises à risque dans plusieurs MRC. C'est quoi, le portrait, l'écho que vous avez, là, à la FQM, des différentes municipalités?

• (15 h 20) •

M. Soucy (Yvon) : L'an dernier, on a produit une étude sur, justement, la réalité économique puis de l'emploi, on vous la fera parvenir, mais qui a fait un bruit certain, sur le fait que, même si les taux de chômage baissent, la réalité, c'est que la main-d'oeuvre, les emplois s'en vont. Les emplois quittent. Mais on va vous transférer, à votre cabinet puis aussi aux membres de la commission, là, cette étude-là, puis on vous invite tous d'en prendre connaissance. Vous allez voir que, même si, des fois, les chiffres sont bons, en arrière de ça se cache une réalité. Le nombre d'emplois réels diminue et le nombre de personnes pour occuper les emplois qui sont disponibles diminue également, étant donné le vieillissement, et tout ça.

Donc, il y a vraiment une problématique, et c'est l'avenir des régions, là, qu'on pense que... On parlait toujours, il y a quelques années : Le taux de chômage est important. Non, c'est l'inverse qui se passe actuellement.

(Interruption)

La Présidente (Mme Chassé) : On est en train de corriger... On fait des tests et petits ajustements pour bien vous entendre.

M. Soucy (Yvon) : Parfait. Je...

M. Jolin-Barrette : Le type d'emplois qui sont disponibles dans les régions, qu'est-ce qui ressort du profil qui est requis?

M. Soucy (Yvon) : Très, très diversifié. On était au salon de l'emploi à Montréal il y a quelques semaines, la... bien, en fait, le Bas-Saint-Laurent, mais pour la MRC de Kamouraska, puis on a une diversité d'emplois, là. Ça va de travailleur en usine mais jusqu'à des emplois comme des...

Une voix : Des ingénieurs.

M. Soucy (Yvon) : Oui, oui, absolument, des ingénieurs ou... Écoutez, je prends seulement Bombardier, chez nous, qui est constamment en recrutement, beaucoup de centres spécialisés également qui recherchent des travailleurs très, très qualifiés. C'est très diversifié, là.

M. Châteauvert (Pierre) : La FQM a une corporation informatique municipale. On est structuré, on a une mutuelle, la municipalité, l'assurance puis la corporation. Et, même si elle n'est pas très loin de Québec, elle est quand même dans un territoire rural. On a de la difficulté à... Et, même au niveau du fonctionnement même du monde municipal, ce n'est pas facile, parce que, là, on a ce service des ressources humaines et des gens qui travaillent à temps plein pour combler des postes, là, pour amener des gens, et tout ça. Et ça, c'est... Les entreprises, on a simplement... L'été dernier, je me souviens, j'ai fait la véloroute du bleuet, puis on voyait, toutes les entreprises, c'était assez hallucinant, là, tout ce qu'on offrait pour attirer des gens. Donc, c'est de tous les corps d'emploi, en région, qu'il y a un manque.

M. Jolin-Barrette : Le projet de loi n° 9 touche l'immigration permanente. Puis, en terminant de mon côté, parce que je vais laisser la parole à mes collègues, au niveau de l'immigration temporaire, un des objectifs que nous avons, c'est que, les immigrants qui sont en situation temporaire, on puisse les permanentiser, d'offrir des ressources. En fait, le projet de loi n° 9, c'est ce qu'il va nous permettre de faire, de s'assurer de pouvoir donner du service maintenant aux personnes en statut temporaire au Québec pour les franciser et les intégrer. Est-ce qu'à court terme des assouplissements dans le Programme des travailleurs étrangers temporaires, ça peut être une voie pour répondre rapidement à la pénurie des différentes régions?

M. Châteauvert (Pierre) : M. le ministre, nous, ce qu'on peut vous dire, c'est que toute mesure est nécessaire. Toute mesure est nécessaire de faciliter les choses. Parce qu'il y a des gens qui contactent les services de développement puis qui ont déjà des liens avec des entreprises, mais qui ne sont pas capables d'accueillir parce qu'il y a des blocages au niveau de la structure. Nous, toute, toute mesure est nécessaire parce que c'est... L'étude qu'on va envoyer à la commission, vous allez voir, c'est criant, les besoins. Puis là il est une question d'avenir et, effectivement, de la structure économique des régions. Nous autres, là, c'est le message qu'on veut vous lancer aujourd'hui.

M. Soucy (Yvon) : Puis je conclurais que moi, comme élu, comme préfet de MRC, là, je ne peux pas concevoir, là, qu'actuellement des entreprises... Puis j'en ai encore rencontré un, entrepreneur, ce matin puis qui nous dit qu'il manque de main-d'oeuvre actuellement. Les gens ne peuvent pas offrir les services auxquels leurs clients s'attendent. Les gens mettent le frein sur des projets de développement, même de consolidation d'entreprise. Pour quelqu'un, pour un élu, là... puis je pense que c'est la même perception pour tous les élus, on souhaite que nos territoires se développent. Puis, lorsqu'on voit que nos entreprises, malheureusement, ne peuvent pas le faire, bien, on se sent assez démunis.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le député de Beauce-Sud à prendre la parole.

M. Poulin : Merci beaucoup, Mme la Présidente, de m'indiquer le temps qu'il nous reste.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 9 min 8 s.

M. Poulin : Neuf minutes. Parfait. Merci beaucoup. Alors, bonjour. Content de vous voir et de vous revoir. D'ailleurs, on a un rendez-vous ensemble vendredi, avec la FQM, pour parler de différents enjeux qui touchent la jeunesse québécoise. Alors, on aura la chance effectivement de discuter à nouveau de l'occupation du territoire, de l'importance de nos régions et de parler également de la ruralité, hein, qui est un mot très rare ici, à l'Assemblée nationale. Parce qu'au-delà, bien entendu, des régions qu'on utilise, on a des municipalités qu'il y a moins de 1 000 personnes, moins de 500 personnes et qui ont des défis extrêmement précis, entre autres au niveau de l'immigration.

Tout à l'heure... bien, hier, en fait, ma collègue la députée de Bourassa-Sauvé nous rappelait à juste titre que l'immigration, c'est autre chose que seulement un emploi, et c'est vrai. La survie des écoles de village dans nos régions, dans nos plus petites municipalités, c'est important. La survie de nos cégeps, de certains programmes également, dans nos cégeps, des centres universitaires également dans nos régions. Alors, on voit à quel point que l'immigration, c'est un enjeu qui est social, qui est économique et qui est fort important pour le développement de nos régions.

Tout ça m'amène à vous dire que, compte tenu de tous les défis qu'on a et des défis que les MRC ont, vous en avez pas mal, de défis. Et, entre autres, depuis l'abolition des CLD, qui, dans certaines régions, ont été mis avec les MRC, d'autres ont demeuré avec une certaine autonomie, avec les gouvernements de proximité dont vous vous revendiquez, selon l'ancien, précédent gouvernement, mais également avec le nouveau gouvernement, vous en avez pas mal dans votre cour. Vous faites même l'objet vous-mêmes de pénurie de main-d'oeuvre pour avoir des directeurs municipaux, pour avoir des secrétaires dans vos municipalités. Vous avez des enjeux également pour livrer la marchandise même dans ce que doit être une municipalité au Québec.

Alors, ma question est la suivante : Lorsque vous... D'ailleurs, je tiens à saluer votre mémoire qui est assez incroyable, où je retrouve des mots en faveur de l'ajout de cet article, «appuie le projet de loi». Donc, c'est très intéressant à lire, tout ça... d'ailleurs, qui, votre appui, faut-il le rappeler, corrobore ce qu'on entend auprès des entreprises dans les régions du Québec, qui sont très satisfaites de ce projet de loi.

Alors, ma question : Compte tenu de tout ce travail que vous avez à faire dans vos municipalités, les enjeux qui touchent nos MRC au Québec, comment pourrions-nous être efficients en ajoutant tout ce volet-là au niveau de l'immigration, qui d'ailleurs, à juste titre, se retrouve dans certains carrefours jeunesse-emploi, par exemple, avec des ententes qui avaient été développées avec les bureaux régionaux du MIDI? Alors, comment pourrions-nous atteindre cet objectif-là face à tout le travail que je viens de vous exposer, que vous avez déjà devant vous?

M. Soucy (Yvon) : Écoutez, je vous ramène à l'exemple de la MRC de Kamouraska. On le fait, là. Depuis un peu plus d'un an, on est dans la phase mobilisation. Mais je vais vous dire qu'on s'est vite rendu compte en faisant le portrait qu'on était même rendu beaucoup plus loin, qu'on était beaucoup plus rendu à répondre concrètement aux besoins de nos employeurs. Puis notre rôle, là, c'est... puis notre rôle est essentiel, c'est un rôle de coordination à l'échelle d'un territoire de MRC, puis en complémentarité avec toutes les organisations qui travaillent à faire en sorte d'amener des gens chez nous, là.

Puis là on parle d'immigration, mais on est aussi dans une démarche d'attractivité chez nous. Puis il y a plusieurs régions, au Québec, qui sont dans des démarches d'attractivité, puis c'est le rôle des municipalités régionales de comté. On a été constituées, bon, bien sûr, pour planifier l'aménagement du territoire, mais également pour assurer la concertation sur un territoire de MRC. Donc, moi, je vous dirais qu'on est en plein dans ce pour quoi on a été créées, puis, si on ne le fait pas, qui va le faire en fait, là?

M. Poulin : Mais cette notion-là de gouvernement de proximité, elle est hyperimportante, compte tenu du fait que vous connaissez vos milieux, vous connaissez vos MRC puis vous êtes bel et bien conscients de la réalité qu'il y a sur le territoire.

Ma question, c'est : Est-ce qu'on va réussir à atteindre tous nos objectifs et à atteindre, justement, ces objectifs-là de vitalité, de ruralité, d'occupation du territoire? Voyez-vous, chez nous, en Beauce, je travaille l'Internet haute vitesse puis la couverture cellulaire avec la MRC parce qu'ils ont l'expertise, ils savent exactement où ils s'en vont. Alors, si on en rajoute... Parce que, très souvent, les municipalités veulent plus de pouvoirs, plus d'actions mais nous disent : Les sommes financières ne suivent pas, les outils ne suivent pas pour travailler. Alors, moi, je veux m'assurer, dans votre revendication qui, je crois, mérite d'être analysée... Comme le ministre l'a souligné, il faut certainement s'assurer que, si jamais vous avez ce pouvoir-là, je le mets entre guillemets, vous puissiez avoir tous les outils pour atteindre vos objectifs.

M. Soucy (Yvon) : Absolument, puis c'est indiqué dans notre mémoire, à quelques reprises, qu'on demande que cette délégation de compétences soit accompagnée des ressources financières suffisantes. Donc, je suis heureux de voir qu'on est entendus, puis espérons que ça se concrétisera.

M. Châteauvert (Pierre) : La problématique est intense, et les gens le font déjà, O.K.? On ne compte plus le nombre de MRC et aussi de tables de préfets de MRC, là, le regroupement au niveau de la région, qui ont lancé des opérations de concertation pour organiser l'accueil ou organiser l'action. La MRC n'accueillera pas l'immigrant, mais elle va coordonner les groupes qui vont accueillir l'immigrant, la famille, les gens du scolaire, et tout ça, autour d'une table. On peut vous fournir des modèles d'un peu partout, de ce qui se passe un peu partout, et c'est ça qui se passe actuellement sur le terrain. Ça se fait parce qu'il y a une urgence.

Atteindre une qualité égale partout, je n'y crois pas. L'État n'y réussit même pas lui-même avec l'ensemble des ressources qu'il a sa disposition. Mais d'améliorer le processus, d'améliorer le système, d'aller plus loin... Les gens sont mobilisés. Il faut savoir qu'être préfet il y a 20 ans puis être préfet aujourd'hui, ça demande pas mal d'heures. Ça se rapproche de ce que vous vivez, vous, comme milieu à l'Assemblée nationale, en termes d'obligations, en termes d'implication, en termes de réunions, en termes de concertation, en termes de ci, en termes de ça. Donc, les gens s'impliquent parce que c'est l'avenir de leur communauté qui est en jeu, point.

• (15 h 30) •

M. Poulin : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je comprends bien que la députée de Les Plaines désire prendre la parole.

Mme Lecours (Les Plaines) : Oui, Mme la Présidente, merci beaucoup. Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Enfin, on... bien, pour ma part, je mets un visage derrière les trois lettres, l'acronyme. En fait, je ne répéterai pas ce que mon collègue a dit. Je suis bien contente d'avoir passé au travers de votre mémoire et de voir effectivement qu'en majorité vous êtes d'accord avec le projet de loi qu'on présente aujourd'hui.

Par ailleurs, j'ai arrêté sur des statistiques : 16 % d'immigrants, seulement qu'en région, et combien ils restent aussi, c'est ce qui importe beaucoup en ce moment. Vous êtes pour l'arrimage, pour la régionalisation. Mais, une fois que les gens, les immigrants sont rendus en région, qu'ils ont un emploi, qu'ils sont francisés, parce qu'il y en a aussi qui connaissent bien le français, qui arrivent en région, et tout ça, l'idée, c'est de trouver les moyens pour qu'ils demeurent.

Moi, une petite histoire dans ma circonscription, je me suis liée d'amitié avec quelqu'un qui vient d'arriver, ça fait à peine un an, qui parle très bien français, qui a un emploi, ça va bien, mais elle s'ennuie, là. Elle a passé quelques mois à Montréal puis elle se dit : Hum, je serais tentée d'y retourner, mais je sais que je n'ai pas d'emploi là-bas. Ici, ça va bien, et tout ça.

Comment est-ce que notre gouvernement, que ce soit le MIDI ou d'autres aussi, là, j'ouvre grandes les portes... comment est-ce qu'on pourrait aider vos membres, les municipalités, à s'assurer qu'elles soient attrayantes? Je n'aime pas le mot «attractives», là, j'aime mieux «attrayantes». Comment est-ce qu'on peut s'assurer qu'on va conserver les gens dans leur milieu de vie? Parce qu'on l'a dit, hein, ce n'est pas juste un emploi, c'est un individu derrière cet emploi-là. Comment est-ce qu'on peut vous aider? Quel type...

M. Soucy (Yvon) : Moi, j'ai déjà entendu, là, que ce qu'il faut créer le plus rapidement, là, c'était une présentation que j'avais eue, c'est... bien, je vous parlais tantôt du sentiment d'appartenance, c'est créer rapidement des souvenirs heureux pour ces gens-là. Donc, il faut vraiment... ça prend des communautés qui sont mobilisées, là.

Je vais prendre Saint-Alexandre-de-Kamouraska, chez nous, là, qui a une importante usine puis qui accueille des travailleurs temporaires, une cinquantaine, de façon continue, puis, en majorité, ce sont des Philippins. La communauté est mobilisée, là, derrière ces gens-là pour faire en sorte qu'ils se sentent chez eux, que ce soit... Parce que, comme je le disais tantôt, ce n'est pas juste d'accueillir des gens pour combler les besoins de nos entreprises, c'est d'accueillir des gens qui vont participer à la collectivité, qui vont être, espérons-le, un jour, des concitoyens, qui vont peut-être participer à la vie de la communauté. Donc, je vous dirais que c'est toute une communauté qui doit être en oeuvre.

Puis les municipalités, là, mettent en branle une foule d'initiatives, là : je pense, par exemple, aux politiques familiales, les comités de développement, les comités familles. Il y a une multitude de comités, dans nos municipalités, qui font en sorte... qui peuvent être mis à profit pour faire en sorte que ces gens-là soient bien entourés puis soient bien accueillis.

Donc, quand on disait... Il y a une responsabilité partagée dans tout ça, là. Le ministère, évidemment, là, a une responsabilité, les MRC ont un rôle de coordination, puis les municipalités locales, un peu plus un rôle beaucoup plus terrain, là, au niveau de tous les organismes.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci.

M. Soucy (Yvon) : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie. Je suis désolée. Je cède maintenant la parole à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Alors, très contente de vous voir ici. Et puis, bien, la dernière fois, c'était à La Pocatière, là c'est à Québec, hein? Mais on pourra renouveler l'expérience à La Pocatière.

Écoutez, en fait, je vais faire du pouce sur ce que ma collègue des Plaines disait par rapport au rôle qui est plus large que simplement l'emploi. Certaines personnes qui sont venues nous présenter leurs mémoires, ici, nous ont dit que, bon, on comprend bien l'objectif d'arrimer davantage les besoins de main-d'oeuvre avec l'immigration, mais c'est beaucoup plus large que ça. On l'a dit à maintes reprises.

Quels sont les éléments que vous aimeriez voir, sur lesquels on devrait davantage insister, dans le projet de loi, qui feraient en sorte qu'on prendrait d'autres éléments en considération par rapport à l'intégration comme milieu de vie, pas simplement l'emploi, mais d'autres choses que vous aimeriez voir? Vous dites : Dans un monde idéal, là, dans un projet de loi, j'aurais mis a, b, c en plus parce que ça a vraiment... ça donnerait une perspective beaucoup plus générale de l'intégration dans les municipalités.

M. Soucy (Yvon) : Bien, écoutez, comme je le disais lors de la lecture, on salue le fait qu'il y a une volonté de régionaliser l'immigration. Ça, c'est une demande que nous avions depuis longtemps. Plus concrètement, là, je crois que ce qu'on veut voir, c'est d'avoir les moyens, là, pour que cette régionalisation de l'immigration là se fasse comme il faut dans nos territoires de MRC. Donc, les moyens, ce sont les ressources à notre disposition, les ressources humaines, les ressources financières, de bonnes ententes avec le ministère, pas du court terme, là.

Regardez, actuellement, chez nous, on est dans la phase mobilisation. Bon, on a décidé, là, le conseil, on est unanimes à dire : Il faut poursuivre. Mais on n'est même pas assurés d'avoir le financement. On imagine qu'on va l'avoir, mais en tout cas, actuellement, on n'est même pas assurés d'avoir le financement. Donc, on aurait besoin d'ententes à long terme. Nous, dans notre mémoire, on dit : Des ententes au moins de cinq ans entre le ministère et les MRC. Là, à ce moment-là, on pourrait vraiment planifier de façon adéquate, là, tout le processus d'accueil et d'intégration.

Mme Anglade : Est-ce que ça se résume, selon vous, à simplement avoir les bons moyens financiers? Parce que ça se peut que la réponse soit oui.

M. Soucy (Yvon) : Non, non, absolument pas.

Mme Anglade : Non, non, mais d'un point de vue... le ministère vous accorde les moyens financiers nécessaires ou est-ce qu'il y a d'autres éléments que vous aimeriez voir?

M. Châteauvert (Pierre) : Non, en fait, c'est comme on indique dans notre mémoire, il y a toute une structure, il y a une approche, une implication, en fait, une association avec les intervenants locaux, notamment, au niveau de l'identification des emplois disponibles. Chaque MRC a un service de développement économique, ou CLD, ça dépend s'il est intégré ou pas. Ces gens-là, lorsqu'on parle à ces gens-là, on parle aux entreprises, ils sont en connexion avec les entreprises, donc ils sont capables d'identifier des besoins.

Au niveau des MRC, au niveau des tables de MRC, il y a de plus en plus de... en fait, même, je pense que c'est la quasi-totalité, maintenant, qui ont des groupes, des regroupements de groupes communautaires qui sont associés à cette démarche-là d'immigration, donc qui sont capables de parler, cette structuration-là.

En fait, notre message, c'est de connecter ce qui se fait en bas... ce qui s'est fait depuis la disparition des CRE, et tout ça, que les MRC, les tables ont pris la relève et avec un peu de moyens, même pas de moyens, là, donc, elles se sont organisées, il s'est bâti des liens, il s'est bâti des expériences, des choses intéressantes, c'est de prendre ça, c'est de connecter ça avec l'action du ministère, avec un ministère présent en région. Grosso modo, c'est ce qu'on dit, pour que ça soit encore plus efficace. Parce qu'il y a des sous qui s'investissent, mais nous, on pense que ça peut aller encore plus loin.

Et les gens, on le voit, les gens se... les élus, et tout ça, investissent aussi directement à partir de leur budget là-dedans. Ils mettent des fonds, ils mettent des ressources, ils utilisent des fonds qui sont à leur disposition pour réaliser des expériences. On le voit un peu partout. Tantôt, je faisais référence à Centre-du-Québec, la MRC de Bécancour au complet, dans une démarche collective de... tout ça, qui implique les groupes. Donc, les expériences se multiplient. C'est ça, notre message aujourd'hui.

Mme Anglade : Alors, merci de la réponse. Tout à l'heure vous preniez l'exemple de Philippins qui viennent, qui sont en grand nombre dans une ville en particulier. On voit dans certains endroits des autobus de personnes qui viennent de Montréal, qui font une heure de trajet, deux heures de trajet, qui viennent travailler dans des localités, qui repartent à la fin de la journée. Ça se vit présentement, ça se vit présentement au Québec. Pas certaine que ce soit la bonne approche, à terme, pas certaine du tout que ce soit la bonne approche. J'aimerais vous entendre là-dessus puis de voir comment est-ce qu'on est... Parce que des entreprises sont rendues à faire ça aujourd'hui, hein, comme vous le savez.

M. Soucy (Yvon) : Non, non. Puis effectivement, si on pouvait accueillir ces gens-là plutôt dans nos communautés, puis, encore une fois, j'ai l'impression de me répéter, mais bien les accueillir, bien les intégrer puis faire en sorte que ça ne soit pas juste des travailleurs pour répondre à des besoins, mais des gens qui vont habiter, qui vont vivre, qui vont contribuer à la vie de la communauté, je pense que ce serait bien.

• (15 h 40) •

M. Châteauvert (Pierre) : Si vous permettez, je pourrais ajouter qu'aussi, ces travailleurs-là, ces gens-là, souvent, c'est dans des conditions qui sont misérables et qui ne sont pas toujours intéressantes. À ce moment-là, nous autres, ce qu'on vous a dit tout à l'heure, ce que M. Soucy vous transmettait comme message, c'est qu'on désire que ça soit des membres de la communauté qui viennent travailler, oeuvrer et contribuer à la communauté.

On le voit, les gens de Sainte-Françoise, tantôt, l'exemple, ils ont été prendre des réfugiés syriens qui étaient des agriculteurs, qu'on est en train d'établir dans un quartier urbain, et ils les ont amenés en région. Passez par Sainte-Françoise, allez voir, l'école est pleine, et il n'y a plus de résidences de disponibles parce qu'ils s'en viennent tous là. Et ça profite aux agriculteurs du coin. Puis c'est des grosses entreprises agricoles de toutes natures, toutes productions. Et ces gens-là sont en train de devenir des citoyens. Ils sont déjà là, là, mais ils savent... avec l'appartenance, et tout ça. Puis ils ont un fun noir dans ce coin-là, là, c'est le cas de le dire, ils ont du fun, ce n'est pas possible, là. Et, le préfet, là, qui est préfet puis qui est maire, c'est d'une fierté totale, cette affaire-là, là. C'est vraiment une expérience extraordinaire.

Donc, c'est ça que nous autres, on pense. Parce que, ces gens-là, je pense qu'en quelque part ils sont exploités aussi. Puis il faut absolument, je pense, effectivement, intervenir.

Mme Anglade : Merci. Je sais que le député de Nelligan a plusieurs questions.

La Présidente (Mme Chassé) : ...le député de Nelligan à prendre la parole.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça fait plaisir.

M. Derraji : Merci pour votre intervention et votre rapport. Écoutez, j'ai une inquiétude et je vais vous partager mon inquiétude. En fait, je me suis inspiré de l'intervention du collègue de Beauce-Sud qui nous a parlé d'une multitude d'enjeux que vous vivez notamment par rapport au manque de main-d'oeuvre et de personnel aussi. Et je vous comprends, parce que, là, maintenant, vous allez avoir d'autres tâches supplémentaires pour nous accompagner et accompagner la régionalisation de l'immigration.

Parlant de l'intégration, je ne vais pas aborder, pour une fois, le volet économique, je pense que les MRC, vous comprenez très bien, vous êtes en contact avec... via les CLD, vos services de développement économique de vos régions respectives. Mais ce matin nous avons eu une excellente présentation d'un organisme qui travaille avec le ministère, qui nous a présenté le choc d'intégration, notamment le choc discriminatoire, le choc culturel. Et je vais vous présenter un cas concret, c'est juste pour vous dire : Est-ce que vous avez pensé à ça? Mais, si vous n'avez pas pensé à ça, c'est le moment de le demander au ministère, d'être accompagné.

L'exemple parfait qui me vient à l'esprit, c'est l'exemple de Shawinigan, où CGI a fait un effort énorme de ramener des ingénieurs et où on a vu... quand les gens, ils ont commencé à demander le fait d'avoir un lieu de culte, on a vu ce qui s'est passé au niveau de la ville. On peut penser aussi aux cimetières et les problèmes que... la pression que ça met sur les conseils de ville. Et donc on veut... On sait la volonté du ministère, c'est l'arrimage, c'est l'accompagnement, mais on oublie que parfois il y a des paramètres qu'on ne contrôle pas.

Et ma question, elle est très simple. Les PME n'ont pas les moyens d'accompagner la diversité, elles n'ont pas de département de ressources humaines. Est-ce que les villes, aujourd'hui, et les MRC, et les préfets sont capables d'accompagner et de régler ce genre de problématique?

Mme Drolet (Maryse) : Bien, moi, j'ai envie de vous partager différentes expériences qu'on a vues dans plusieurs MRC du Québec : Rocher-Percé, Portes ouvertes sur le lac au Lac-Saint-Jean. En fait, ça illustre les propos de M. Soucy : Quand on travaille ensemble, on peut faire des choses merveilleuses. Et, les MRC, ce qu'elles souhaitent, c'est travailler, justement, avec les organismes du milieu, notamment les carrefours jeunesse-emploi, les différentes organisations communautaires qui sont particulières, qui ne sont pas uniformes et qui travaillent avec leurs couleurs, dans les territoires, à faire en sorte que les communautés se connaissent.

La clé pour que, justement, on accueille à bras ouverts les communautés qui viennent chez nous, c'est de mieux se connaître et c'est tout simple. Et les différentes organisations prévoient différentes activités, des soupers, des dîners où on se partage nos cultures. Et, une fois qu'on se connaît mieux, les demandes particulières qui nous arrivent, elles sont beaucoup mieux accueillies et beaucoup mieux respectées aussi. Alors, il y a plein d'exemples comme ça.

C'est sûr qu'on ramène toujours les situations qui ont été plus difficiles ou mal vécues. Mais les exemples à succès, il y a en a plein, plein, plein, au Québec, et c'est sur ces exemples-là qu'on dépose nos recommandations. Il faut qu'on travaille ensemble, et au contraire, justement, on va sauver énormément de sous et d'énergie à mieux se concerter, arrimer nos interventions et faire en sorte que, justement, les gens qu'on accueille soient heureux du choix qu'elles auront fait de venir en région. Pour maintenir, vous avez vu, dans les chiffres qu'on a sortis, je pense, qu'on a besoin d'équilibrer un petit peu l'accueil des personnes qui viennent à l'étranger dans nos belles régions du Québec.

M. Derraji : Je n'ai aucun doute par rapport à ça. Et, écoutez, moi-même, j'ai eu l'occasion de parcourir le Québec en long et en large. Mais nous avons des faits devant nous. Si on suit la stratégie de régionalisation, qu'on veut tous la réussir, c'est que, si on veut que les municipalités, les MRC, les préfets jouent un rôle très important, moi, à mon avis, je pense que c'est une charge supplémentaire au-delà de ce que vous avez au quotidien pour vos citoyens. C'est ça, mon inquiétude.

M. Soucy (Yvon) : Bien, écoutez, je pense qu'on est capables de l'assumer. Et puis ça faisait partie de nos représentations également pour devenir de véritables gouvernements de proximité puis... Mais, écoutez, on veut avoir les moyens puis, on l'a dit tantôt, votre collègue l'a dit, évidemment on ne veut pas non plus se faire transférer des responsabilités sans avoir le moyen de les assumer. Actuellement, on fait face à une situation, là, qui est vraiment criante, puis c'est partout au Québec, là. Puis on est interpelés, les élus, puis on est sans moyen ou sans solution face à ces problématiques-là. Bien, écoutez, nous, on ne demande pas mieux que de travailler, de se mettre à l'oeuvre, de travailler, puis de faire en sorte de bien accueillir les gens chez nous, là, puis de répondre aux besoins, aux défis que nous avons, là. Moi, je ne vois pas ça comme un problème, là. On est capables de le faire. On l'a fait dans une multitude de dossiers, de responsabilités qui nous ont été confiées au fil des années, puis on l'a toujours bien assumé, parfois sans moyen, mais, bon... Sans moyen, je pense qu'on veut un petit peu moins le faire qu'on l'a déjà fait.

M. Derraji : ...je n'étais pas en train de vous dire que j'ai un doute. Je vous dis juste de rester au fait qu'il y a cet enjeu et, justement, avec toutes les demandes qui vont venir de la régionalisation, de prendre en considération que la rétention est aussi importante, à part la régionalisation. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Est-ce que la députée de Bourassa-Sauvé veut prendre la parole?

Mme Robitaille : Oui. Combien de temps on a?

La Présidente (Mme Chassé) : 3 min 30 s.

Mme Robitaille : Merci à tous les trois. Très intéressant. Écoutez, j'ai passé mes étés à Kamouraska, il y a plusieurs années, et à cette époque-là je ne pouvais pas imaginer qu'il y avait 475 personnes de 25 nationalités différentes qui seraient là aujourd'hui. Ça doit être un paysage très différent de quand j'étais petite. Mais je me demandais : À Kamouraska, par exemple, qui fait la coordination de l'intégration? Est-ce que c'est l'entreprise? Est-ce que c'est la municipalité? Est-ce que c'est les organismes communautaires? Comment ça fonctionne?

M. Soucy (Yvon) : Bien, actuellement, là, comme je vous le disais, on commence à assurer une certaine coordination à la MRC. On a un comité immigration qui rassemble les différentes organisations. Puis, bien, on était plus, officiellement, dans la phase mobilisation, là. Là, on veut vraiment s'en aller vers la phase accueil, intégration. Donc, évidemment, le carrefour jeunesse-emploi, avec les projections 16-35, chez nous, en fait beaucoup. Le cégep de La Pocatière... je ne l'ai pas dit, on a la chance d'avoir un cégep en région, le cégep de La Pocatière accueille quand même une clientèle immigrante assez importante. Probablement, c'est un peu ce qui fait en sorte qu'on a beaucoup d'immigrants également qui choisissent de vivre chez nous par la suite. Donc, toutes les organisations, le réseau de la santé, évidemment, les entreprises qui accueillent, toutes les... les organisations, pardon, actuellement, assument un certain rôle. Mais, la coordination, on est au début du processus, la coordination commence à se faire à la MRC actuellement.

Mme Robitaille : Au niveau de la MRC?

M. Soucy (Yvon) : Oui.

Mme Robitaille : Puis qu'est-ce que vous souhaiteriez, dans un monde idéal, là? Quel devrait être le rôle du ministère de l'Immigration dans ça? Est-ce qu'il devrait prendre un rôle de leadership ou vous donner les moyens pour faire... pour prendre le leadership dans votre région, pour l'intégration?

M. Soucy (Yvon) : Bien, évidemment, là, comme je vous le disais, il doit y avoir certainement une coordination régionale, là, des programmes puis les directions régionales, comme qu'on en discutait dans notre mémoire, mais à l'échelle des territoires de MRC. Comme chez nous, actuellement, une personne, on se rend compte que ce n'est peut-être pas suffisant, là. Pour répondre aux besoins chez nous, là, je vous dirais, juste en coordination, toutes les activités de mobilisation, accueil, intégration, je pense qu'on aurait deux personnes à la MRC puis on n'en aurait pas de trop, là. Puis je vois difficilement, en tout cas pour notre territoire, là, comment ça pourrait être ailleurs qu'à l'échelle de la MRC. Mais là, par la suite, c'est sûr que nos municipalités... je vous parlais de Saint-Alexandre-de-Kamouraska qui accueille beaucoup d'immigrants, nos deux villes, Saint-Pascal, La Pocatière, ont leurs initiatives puis ont leurs actions, là. Donc, c'est un travail collectif...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

M. Soucy (Yvon) : C'est un travail collectif, tout ça.

Mme Robitaille : Merci.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Ah!

Une voix : Bien, écoutez...

M. Soucy (Yvon) : ...revenir au Kamouraska, pas de problème. Vous êtes tous les bienvenus.

Mme Robitaille : Certainement. Cet été, je vais venir faire un tour, oui, oui, sans faute, oui. Je tiens mes promesses. Je tiens mes promesses.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. J'invite maintenant la députée de Marie-Victorin à prendre la parole.

• (15 h 50) •

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous trois pour la présentation. J'ai bien aimé que vous puissiez nous parler davantage de la nécessaire régionalisation de l'immigration. Vous avez abordé la question des bureaux régionaux de l'immigration. On sait que ça avait fait couler beaucoup d'encre dans les dernières années, les bureaux, qui avaient été abolis par le précédent gouvernement. Avant, finalement, la fin du mandat, annoncer en grande pompe que les bureaux seraient réouverts... Mais, bon, il n'est jamais trop tard pour bien faire. Donc, tant mieux.

Je voulais savoir où c'en était dans les régions que vous représentez, justement. On a parlé tantôt des agents qui étaient présents, mais est-ce que, formellement, il va y avoir des nouveaux bureaux, là, qui seront ouverts à court terme?

M. Soucy (Yvon) : Je vais laisser M. Châteauvert répondre, si...

M. Châteauvert (Pierre) : Bien, en fait, effectivement, le ministère est en train de multiplier les intervenants en région, là, pour les rencontrer, pour voir. La première phase, ça a été de se présenter, hein, parce que c'étaient des nouveaux postes qu'on a créés. Ça a commencé il y a un an et demi, je crois, quelque chose comme ça, la prise de connaissance. Et aussi ces gens-là avaient aussi à entrer en contact avec les autres membres de la CAR, des conférences administratives régionales. Donc, ils avaient à se bâtir un réseau, de partir la roue, comme on dit.

Il y a des liens qui se font, mais les demandes sont tellement importantes que je pense que nous, on croit que ça prend plus de ressources. Parce que le message qu'on vous lançait tout à l'heure, c'est que la décentralisation, ça prend aussi une déconcentration, un accompagnement. Le ministère a une entente qui fonctionne bien, là, avec Emploi-Québec, ça fait très longtemps que ça existe, là. Effectivement, si le ministère, tu sais, passe par Emploi-Québec, bien, nous, ce qu'on a besoin, comme on disait, c'était de la flexibilité, en fait, un accompagnement, de la discussion et de la flexibilité pour adapter les mesures pour mieux répondre aux territoires... ou aux communautés. C'est ce qu'on a besoin.

Mais évidemment moi, je vais dire que ce qu'on voit aujourd'hui, là, puis ce qu'on voyait il y a deux ans, il y a un changement. C'est clair qu'il y a une volonté de vouloir retourner sur le territoire. Parce que ce qui s'est passé, ça a été difficile, on ne se le cachera pas, ça a été difficile. De reprendre le flambeau après des années de traditions, c'est-à-dire de liens avec les groupes communautaires à travers les CRE, les conférences régionales des élus de l'époque, ça n'a pas été simple, ça n'a pas été simple. Mais donc, là, les gens prennent la relève, reprennent le flambeau, et on aimerait beaucoup une présence du ministère.

Mme Fournier : Donc, les intentions sont là, il y a de la volonté, mais il manque encore les ressources. C'est ce que je comprends.

M. Châteauvert (Pierre) : Bien, tu sais, on est au début, là. Effectivement, il faut commencer à travailler. Puis là il y a un projet de loi, puis c'est ça, nos propositions pour aller encore plus loin.

Mme Fournier : Sinon, en termes de ressources, est-ce que vous incluez également les ressources financières? Est-ce que vous avez des attentes à cet égard-là dans le budget qui sera déposé le 21 mars?

M. Soucy (Yvon) : Oui, absolument, là. Puis c'est mentionné à plusieurs reprises dans notre mémoire, là, on a besoin des ressources financières pour bien accomplir ces mandats.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

M. Soucy (Yvon) : Oui, puis des ententes à long terme, évidemment, là.

Mme Fournier : J'imagine que c'est la même chose aussi pour, bon, les organismes qui sont sur le territoire de vos municipalités, pour toute la notion de médiation interculturelle à laquelle vous faisiez référence, là, tant pour les gens qui arrivent ici que pour la société d'accueil dans les régions que vous représentez.

M. Soucy (Yvon) : Oui. Puis je pense que, pour la société québécoise, tout ça sera gagnant, là, puis autant pour les régions du Québec qui en ont besoin.

Mme Fournier : D'accord. Merci.

M. Soucy (Yvon) : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. J'invite maintenant le député de Laurier-Dorion à prendre la parole.

M. Fontecilla : Bonjour, messieurs dame. À la page 11 de votre mémoire, vous demandez que le service d'accueil et de francisation soit adapté avec... qu'il se fasse localement. Est-ce que vous en demandez la coordination, du service d'accueil de francisation? Mais, plus concrètement, comment vous pensez... quelle formule de francisation privilégiez-vous?

M. Châteauvert (Pierre) : En fait, ce qu'on vous dit comme message, dans une communauté en région, et on le voit... Et là je fais référence à Sainte-Françoise, c'est des gens qui ne... L'expérience de Sainte-Françoise... Puis il y en a ailleurs, on a nommé Rocher-Percé, un peu partout sur le territoire, avec des groupes qui sont là, en termes de francisation, des groupes populaires et des intervenants aussi qui sont engagés par soit la MRC, la municipalité ou la... avec l'aide souvent du ministère ou à partir des propres fonds. C'est très rapide. C'est un milieu francophone très, tu sais, complet, et avec les échanges, les activités qui sont organisées, ça se fait de façon très, très rapide.

Mais c'est certain qu'il y a, comme M. Soucy disait, un défi de coordination, de structuration. Il y a des intervenants sur le territoire, et ça, ce qu'on dit, c'est que ça devrait être coordonné, la MRC, la table des MRC, et tout ça, puis de structurer. Mais c'est certain que ce n'est pas les municipalités et ce n'est pas les MRC qui peuvent faire ça, ce sont des groupes, ce sont les commissions scolaires, des fois c'est le soir, avec le professeur, qu'on demande, là, parce que le professeur qui enseigne aux enfants, bien, le soir, il va... et souvent, aussi, avec la collaboration des entreprises, des entreprises locales, tout ça se fait. C'est une coopération puis c'est une collaboration de tout le monde qui se met ensemble pour arriver.

Parce que le besoin... Le propriétaire de l'entreprise, l'agriculteur qui a besoin d'un réfugié, de la force de travail pour faire fonctionner sa ferme, il prend aussi les moyens. Ils mettent en place... Dans une région, il y a une ferme de coopérative, justement, pour pallier aux autres problèmes, des problèmes de ces agriculteurs, tu sais, qui ne sont pas nécessairement juste agricoles, là, tu sais, tout ce qui est à côté. Donc, ces gens-là s'organisent pour accompagner les travailleurs qui sont saisonniers, les travailleurs, les immigrants, des choses comme ça, pour la francisation. Donc, ils font appel à toutes les ressources disponibles sur le territoire puis ils s'arrangent pour que ça fonctionne. Mais il faudrait aller plus loin.

M. Soucy (Yvon) : Si vous le permettez, j'ai repris souvent une phrase de mon président, que j'apprécie. En fait, je pense que, si on accueille des immigrants en région puis dans des régions francophones comme la nôtre, là, des problèmes de francisation, là, au bout de quelques années, il n'y en aura pas, là, il n'y en aura pas. Puis en plus, bien, peut-être qu'ils gagneront un accent coloré comme l'accent des Îles, ou peu importe, là — je viens de la Gaspésie. Mais on pense que, dans un milieu francophone comme chez nous, pratiquement à 100 %, là, c'est beaucoup plus facile pour une personne immigrante de s'intégrer dans la communauté, de se franciser facilement, parce que les occasions sont beaucoup plus grandes.

M. Fontecilla : Le projet de loi prévoit que le ministre peut imposer des tests de valeurs et linguistiques. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne façon de retenir la main-d'oeuvre en région?

M. Soucy (Yvon) : Bien, comme je vous le disais, moi, je pense bien que, si quelqu'un arrive au Bas-Saint-Laurent puis qu'il a encore des problèmes avec la langue au bout de trois ans, là, ce n'est pas parce qu'il n'aura pas essayé, là. Ça devrait bien aller. Puis, je pense, chez nous... bien, écoutez, je ne pense pas...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

M. Soucy (Yvon) : ...oui, oui, je ne pense pas qu'actuellement ça cause problème, là. Les gens qui arrivent chez nous, dans des communautés francophones, la francisation se fait, selon moi, beaucoup plus facilement. C'est comprenable. À Montréal, bien, les communautés sont présentes, les gens se retrouvent. Puis je pense que je ferais la même chose si j'étais dans un autre pays puis que j'avais la chance d'être dans ma communauté, j'aurais plus de difficulté à apprendre la langue du pays que si je m'en vais en région, dans un autre pays.

M. Fontecilla : Merci.

M. Soucy (Yvon) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci beaucoup. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 57)

(Reprise à 15 h 59)

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous invite à reprendre place. Merci.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants d'Accueil liaison pour arrivants. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons par la suite à la période des échanges avec les membres de la commission. À une minute de la fin, comme je vous ai dit tantôt, je vais vous faire une indication. Et je vous invite donc à vous présenter puis à débuter.

Accueil liaison pour arrivants (ALPA)

M. Mallette (Éric) : Avec plaisir. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission. Mon nom est Éric Mallette, et je suis membre du conseil d'administration d'ALPA, Accueil liaison pour arrivants. Et je suis accompagné de René Fréchette, notre directeur général.

• (16 heures) •

Je veux d'abord vous remercier de nous avoir invités. C'est un bel honneur. Et nos commentaires et nos recommandations sont ceux d'une organisation qui travaille tous les jours avec les personnes immigrantes et les employeurs sur le terrain. ALPA est situé dans l'est de Montréal, près du Stade olympique. Chaque année, notre excellente équipe de 22 spécialistes, dont plusieurs sont issus de la diversité, accompagne plusieurs milliers de nouveaux arrivants de l'ensemble du territoire de la métropole. ALPA parle 10 langues. Notre offre intégrée de services couvre quatre volets : l'accueil et l'intégration, la francisation, l'emploi, la régionalisation. Nous fêterons notre 35e anniversaire d'existence cette année. Tant à Montréal que pour les régions du Québec, ALPA est un partenaire important dans le succès du parcours d'intégration des nouveaux arrivants. Je parie que des familles desservies par ALPA vivent dans vos circonscriptions.

Comme membre du conseil d'administration, je m'implique dans cette cause parce que j'y crois profondément et bien sincèrement. Depuis 10 ans, en plus de faire ALPA, je suis aussi associé dans un cabinet de recrutement et de formation à Montréal, La Tête chercheuse. Je constate sur le terrain à quel point la tâche est complexe pour les immigrants et aussi pour les employeurs qui veulent les accueillir ou qui les accueillent. Le C.A. multidimensionnel d'ALPA est diversifié et très solide. Les compétences des sept membres sont variées et complémentaires, leur provenance est tant institutionnelle que corporative. Nous demeurons très vigilants sur les meilleures pratiques de gouvernance et avons récemment adopté une planification stratégique triennale. Nous nous sommes aussi dotés d'une vision, soit celle de devenir la référence au Québec en matière des services aux personnes immigrantes, rien de moins.

La planification stratégique vise plusieurs objectifs qui sont spécifiques, mesurables et ancrés dans un échéancier. J'en souligne deux : l'évaluation en profondeur et la révision des programmes dans un souci d'amélioration continue et un rapprochement avec les employeurs. Notre organisation est agile. Nous gardons l'oeil ouvert pour toujours mieux répondre aux besoins des nouveaux arrivants. Tous nos dossiers sont traités électroniquement pour mieux suivre le parcours des participants. Nous offrons des heures d'ouverture plus étendues le soir et les samedis, incluant les classes de français. Et on s'implique dans de nombreux comités du milieu des affaires, du milieu communautaire et dans les réseaux spécialisés en immigration. Bref, notre démarche est sérieuse et appuyée par des experts de divers secteurs d'activité. Pour vous présenter les commentaires et les recommandations d'ALPA sur le projet de loi n° 9, je laisse la parole à René Fréchette, directeur général.

M. Fréchette (René) : Merci. Merci de votre accueil. J'aborderai trois thèmes, tous avec la perspective de l'engagement partagé : d'abord, l'engagement individuel, puis l'engagement collectif, et enfin je vais vous parler de régionalisation. Ça va faire un beau lien avec ce que vous avez entendu avant moi.

L'engagement partagé implique d'abord la personne immigrante. Il vise à renforcer son pouvoir d'agir pour qu'elle puisse participer pleinement dans toutes les sphères de la vie en société. Pour que l'intégration réussisse, le modèle exige une implication de la société d'accueil, qui doit aussi s'engager pleinement.

Parlons d'abord de l'engagement individuel de chaque personne immigrante à prendre part à la vie québécoise. À sa première visite chez ALPA, chaque nouvel arrivant rencontre un membre de notre équipe qui évalue ses besoins en s'assurant de couvrir à la fois les dimensions économique, linguistique, culturelle, citoyenne et communautaire. ALPA compte 35 ans d'expérience dans le développement de tels parcours. Nous tenons à renforcer l'importance de le réviser et de l'adapter tout au long du parcours d'immigration. Ça permet trois choses. Ça permet de tenir compte des besoins spécifiques de la personne et d'offrir un soutien plus efficace s'il y a des besoins accrus. Ça permet aussi de couvrir les dimensions de la vie adulte, comme la maîtrise du français, comprendre le marché du travail ou encore la compréhension des valeurs et des codes de la vie quotidienne au Québec. Aussi, ça favorise le sentiment d'appartenance au Québec en offrant les clés de la réussite aux personnes immigrantes.

À cet égard, ALPA salue les conclusions du rapport de la Vérificatrice générale du Québec et l'article 4, sixième point du projet de loi, portant sur le renforcement de la connaissance des besoins pour offrir des services adaptés et à mesurer la satisfaction de la clientèle quant aux services reçus. Nous confirmons volontiers notre engagement à toujours mieux adapter notre offre de services. On le fera à partir de nos analyses, mais aussi à partir des résultats des études qui seront effectuées par le MIDI, comme mentionné au neuvième point de l'article 3 du projet de loi. Nous souhaiterions que les données que recueillera le MIDI soient partagées.

M. Mallette (Éric) : Nous allons maintenant parler d'un point auquel je crois profondément, il s'agit de l'engagement collectif de la société, notamment l'engagement des employeurs à soutenir l'intégration des personnes immigrantes.

Pour répondre à la nouvelle réalité du marché du travail, un marché où le recrutement de la main-d'oeuvre qualifiée et le maintien en emploi sont des défis, ALPA veut se rapprocher des employeurs. C'est un objectif de notre plan stratégique. L'organisme créera dès cette année une nouvelle direction de développement et services aux entreprises. Une équipe de conseillers de confiance en diversité accompagnera donc les employeurs dans une démarche personnalisée en s'appuyant sur des diagnostics rigoureux. Pour ce projet pilote, nous sommes en lien avec le Conseil du patronat du Québec, qui nous confirme que, même si des boîtes à outils génériques existent, les employeurs veulent parler à des conseillers qui comprennent leurs besoins spécifiques et qui sont prêts à les épauler dans leurs démarches. On pourra ainsi démystifier, par exemple, les questions de reconnaissance des compétences, de formation et d'expérience de travail, offrir des services de médiation interculturelle pour favoriser le maintien en emploi et développer une offre de formation. Cette initiative d'ALPA permettra aussi de favoriser un meilleur arrimage entre les besoins de l'employeur et les compétences des personnes immigrantes déjà établies au Québec, appuyer les employeurs, notamment les PME, qui généralement n'ont pas de service des ressources humaines, pour mieux gérer la diversité et prévenir la discrimination. Par exemple, l'implantation de programmes de parrainage et de mentorat interculturel a prouvé son efficacité en milieu de travail.

ALPA salue l'orientation préconisée dans l'article 10 du projet de loi n° 9, qui permet au gouvernement d'imposer par règlement des conditions aux employeurs pour le recrutement de personnes immigrantes ou pour la validation d'une offre d'emploi. À titre d'exemple, le gouvernement a récemment obligé les entreprises à se doter de politiques sur la prévention du harcèlement. Avec un accompagnement, les employeurs ont pu se préparer adéquatement à cette transition. Une approche similaire ne pourrait-elle pas s'appliquer en gestion de la diversité?

M. Fréchette (René) : Enfin, je vous parle de la régionalisation de l'immigration, qui doit allier l'engagement individuel et l'engagement collectif pour réussir.

ALPA reconnaît que la présence des personnes immigrantes à l'extérieur de la région de Montréal pourrait être plus élevée si les conditions propices étaient réunies. Comment soupeser les avantages et inconvénients d'une approche qui cherche à encourager, comparativement à une approche que nous voyons comme contraignante à l'article 9 du projet de loi? Notre expérience sur le terrain démontre que l'engagement forcé donne rarement des résultats positifs à long terme.

Je citerai trois exemples de mesures auxquelles on pourrait penser pour améliorer les chances de succès de la régionalisation : améliorer l'information disponible à l'étranger sur les régions du Québec pour contrer la méconnaissance des réalités régionales et mettre en place un accompagnement personnalisé dès l'étranger; s'assurer de la disponibilité des services d'accompagnement dans toutes les régions du Québec où l'offre varie; enfin, poursuivre les efforts amorcés pour développer des pratiques innovantes, comme le projet pilote du MIDI en cours à Montréal en ce moment en concertation avec trois organismes, dont ALPA, et qui travaillent en partenariat avec la Fédération des chambres de commerce du Québec. Les débouchés de ce type de partenariat sont déjà porteurs, comme les campagnes publicitaires ciblées ou les séjours exploratoires collés aux besoins des employeurs des régions.

Avant de conclure, voici une synthèse des recommandations que vous trouvez dans notre mémoire. Sur l'engagement individuel, on souhaite offrir un accompagnement personnalisé à la personne immigrante qui s'engage dans un parcours à partir de l'étranger. Pour être pertinent et efficace, il est essentiel que ce parcours soit souple, flexible et adapté aux besoins différenciés de chaque personne, quels que soient son statut et son parcours migratoire. En ce sens, la mise à profit de l'expertise éprouvée des organismes spécialisés dans l'accueil et le soutien à l'intégration est un gage de réussite.

Recommandation sur l'engagement collectif de la société. Sur le plan collectif, toujours dans une perspective...

La Présidente (Mme Chassé) : Simplement vous mentionner qu'il vous reste une minute.

M. Fréchette (René) : Une minute? Ah! d'accord.

M. Jolin-Barrette : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Le ministre vous offre ses minutes.

M. Fréchette (René) : Merci beaucoup, M. Jolin-Barrette. Sur le plan collectif, toujours dans une perspective d'engagement partagé, le Québec doit mettre tout en oeuvre pour mieux accompagner les employeurs, lesquels seraient assujettis à de nouvelles conditions, afin que les personnes immigrantes deviennent une solution encore plus pertinente à la sévère pénurie de main-d'oeuvre qui sévit actuellement.

Dernière recommandation, l'importance des enjeux de régionalisation commande un effort accru assorti d'investissement de ressources et de moyens conséquents dans toutes les régions du Québec. Pour réussir, la mobilisation et la concertation de tous les acteurs s'imposent.

• (16 h 10) •

M. Mallette (Éric) : Fort de 35 ans d'expérience, donc — et j'achève, c'est promis — ALPA a contribué au succès du parcours de milliers de personnes immigrantes devenues des citoyennes et des citoyens du Québec. L'emploi étant un volet important du projet de loi, nous croyons qu'il faut garder une image d'employeur de choix pour le Québec afin qu'il rayonne à travers le monde. Il faut assurer que les personnes immigrantes voient le Québec comme une société inclusive où l'on peut réaliser ses plus belles ambitions. Soyons là assurés qu'ils passeront ensuite le mot.

Chez ALPA, nous souhaitons collaborer avec vous dans le cadre de ce vaste chantier qui vise à mettre en place des conditions qui favoriseront une intégration réussie. Quand tous les acteurs de la société s'engagent pleinement de façon collaborative, tout le monde y gagne.

Je vous remercie de votre écoute. Nous espérons pouvoir alimenter vos réflexions. Et, bien sincèrement, merci pour le travail que vous faites au sein de cette commission. Le chasseur de têtes en moi sait que ça ne doit pas toujours être facile. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre intéressant exposé. Nous allons maintenant débuter la période des échanges. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Fréchette, M. Mallette, merci beaucoup pour votre présentation. D'entrée de jeu, je tiens à vous remercier aussi puis à vous féliciter pour le travail que vous faites. Donc, j'ai compris : 22 professionnels qui sont chez vous qui travaillent à temps plein, plus de 1 000 personnes en francisation par année dans une trentaine de classes aussi. Honnêtement, ça, c'est un bel exemple du travail qui est fait par les organismes en collaboration avec le ministère, puis, moi, c'est ce que je veux qu'on fasse, que tous les partenaires puissent travailler en collaboration. Dans le projet de loi n° 9, ce qu'on fait, c'est que le ministère de l'Immigration vient coordonner l'action des ministères, qu'on parle d'une seule voix, maintenant, qu'il y ait un ministère d'imputable pour l'immigration, l'intégration en francisation. Puis on veut continuer à collaborer avec les partenaires du réseau, alors, qu'ils soient institutionnels, comme vous, qu'ils soient communautaires. Donc, ne lâchez pas votre bon travail, on continue.

Sur la question de la régionalisation, vous nous recommandez, à la recommandation 3, de prendre des campagnes de sensibilisation pour l'intégration puis sensibiliser la communauté d'accueil à la régionalisation. Je suis d'accord avec vous. Encore faut-il qu'on réussisse à amener les gens dans les différentes régions. Avez-vous des suggestions de stratégie pour réussir à accompagner les gens en région? C'est sûr qu'avec le nouveau système, là — je ne sais pas si vous étiez là tout à l'heure — ce que je disais, c'est qu'on souhaite donner, entre autres, la priorité aux personnes immigrantes, avec le nouveau système, qui vont avoir une offre d'emploi validée en région puis faire en sorte que, lorsqu'ils ont l'emploi, il y a un maillage, on les envoie en région directement. Mais, pour maintenir, là, les gens en région ou même pour les inciter... Tantôt, les gens, parmi vos prédécesseurs qui sont venus, ils disaient, bon : Il y a... 11,4 % de taux de chômage chez les immigrants de moins de cinq ans, supposons, dans la région de Montréal. Comment on fait pour vendre les régions, pour inviter les gens en région?

M. Fréchette (René) : Il y a plusieurs façons de l'envisager, cette situation-là. Quand on référait aux campagnes de sensibilisation... On parlait aux campagnes de sensibilisation dans les milieux d'accueil. On a beaucoup parlé de l'emploi comme vecteur principal d'intégration. C'est sûr que, quand le frigo est vide, il n'y a pas grand monde qui a le goût de rester nulle part. Donc, l'emploi, c'est la base. Maintenant, la régionalisation, c'est souvent une situation qui se vit en famille. Il faut donc s'assurer qu'il y a des ressources compétentes pour faire de l'accompagnement spécialisé dans les milieux d'accueil.

Puis, quand je mentionnais tout à l'heure que l'offre varie, bien, elle varie dans la taille des organisations. Bon, ALPA, on a 22 spécialistes dans les différents secteurs dont on vous a parlé, donc c'est sûr que, nous, ça fait 35 ans qu'on vit tous les jours des situations d'accueil. Dans les régions, il n'y a pas nécessairement les infrastructures, en termes de connaissance de l'immigration. Donc, il peut y avoir des organismes famille, il peut y avoir des organismes jeunesse, mais c'est une tout autre réalité que d'accompagner une famille issue de l'immigration que juste une famille qui est partie de la municipalité d'à côté, puis qui vient s'installer, puis qui ne connaît pas trop les services. Donc, il y a les besoins de services dans différentes langues.

Je sais que vous en avez parlé abondamment, de la francisation. La décision de familles d'aller s'installer en région... Il faut que tout le monde soit capable de se franciser. Les enfants vont à l'école, le père va au travail. Si l'épouse reste à la maison, bien, ça, ça va peut-être faire en sorte que, six mois plus tard, s'il n'y a personne qui lui adresse la parole et qu'elle n'a pas encore commencé à se franciser, elle va être la première à dire : Chéri, tu as beau avoir un emploi, mais, moi, c'est fini; on reprend les affaires et on s'en va à Montréal parce que, là-bas, je peux parler à des gens et, peut-être, je vais pouvoir me franciser, si l'offre n'est pas bien structurée dans la région où ils sont. Donc, des services pertinents, des campagnes de sensibilisation des milieux d'accueil.

La concertation des milieux d'accueil. Les employeurs ne peuvent pas porter sur leurs épaules le poids de l'intégration. Ils en ont trop. L'autre jour, j'ai un employeur qui est chez moi, dans mon bureau, et qui me dit : Écoutez, il va-tu falloir que j'aille à la caisse populaire avec la famille? Ma réponse fut : Peut-être pas vous, mais il va falloir qu'il y ait quelqu'un qui y aille. Et il faut qu'on soit capable d'outiller les milieux d'accueil puis que les gens comprennent que... Puis c'est toujours l'exemple que je donne, là. Il y a peut-être des Tremblay puis des Gagnon dans la salle, là, mais, si vous vous appelez Tremblay et Gagnon et que vous êtes installés dans la région, il n'y a pas personne qui a besoin de vous expliquer comment ça marche, la caisse populaire. Mais, si vous arrivez d'ailleurs, il faut qu'il y ait des ressources compétentes.

Donc, pour moi, l'enjeu, c'est que, les gens qui arrivent en région, on leur offre un emploi puis on se dit : Bien, regarde, tu as une job, tu devrais être content. Bien, ça ne marche pas, juste la job. Ça prend plus que ça. Et, toutes ces facettes-là, c'est le milieu qui doit se concerter. Il y en a eu, des expériences à succès à travers le Québec. Je pense à l'Abitibi, entre autres, où il y a eu des organismes qui se sont concertés avec tout le milieu. Et, quand ta job est menacée puis que tu te dis : Pour que notre entreprise survive, ça va prendre de la main-d'oeuvre supplémentaire — on est rendus là, vous l'entendez depuis le début de la commission — et qu'il y a des immigrants qui peuvent faire partie de la solution... Mais, s'ils arrivent, il faut qu'on les garde, puis là les gens vont commencer à se mobiliser.

Donc, moi, je pense que c'est l'effort... Quand je parlais d'engagement collectif, de concertation des milieux, c'est des moyens qui existent, puis il y en a d'autres qu'on suggère dans le mémoire. Donc, je vous dirais que... Mais le mot à retenir, pour moi, c'est «concertation».

M. Jolin-Barrette : C'est une responsabilité partagée, dans le fond. La société d'accueil a autant une responsabilité que la personne immigrante. Je suis d'accord avec vous là-dessus. C'est pour ça que, dans le projet de loi n° 9, on veut faire un parcours d'accompagnement personnalisé déjà dès l'étranger pour faire en sorte que les gens, ils aient déjà des ressources, puis que, par la suite, ici, le ministère de l'Immigration retrouve son rôle de leadership puis participe, fasse un suivi d'accompagnement, puis qu'on déploie vraiment les ressources pour voir que tout va bien. Mais il faut travailler avec les organismes comme vous puis il faut bonifier ça également.

Sur la question, là... Sur la recommandation sur «l'engagement individuel de chaque personne immigrante à prendre part activement à la vie québécoise, dans le respect des valeurs démocratiques et des valeurs québécoises exprimées par la charte», là aussi, vous voulez qu'on amène un accompagnement pour faire connaître le Québec, dans le fond?

M. Fréchette (René) : Oui, tout à fait. Le parcours personnalisé à partir de l'étranger, tout à fait une bonne idée parce que plus... mieux on est préparé, plus il y a de chances, en fait, que le parcours réussisse. Je soulève peut-être un drapeau en disant qu'il existe le besoin que ce parcours-là soit modulé en cours de route. Donc, il faut des experts. Dans notre cas, on se définit comme des professionnels dans le domaine de l'intégration, donc on est capables de réajuster ce programme-là, qui devrait être un outil pour toutes les personnes immigrantes, donc tous, sans exception.

En ce moment, il y a une étude du BINAM, le bureau de l'immigration de la ville de Montréal, qui nous dit qu'il y a presque au-delà de 40 % des immigrants qui ignorent tout de l'existence des services d'accueil et d'intégration, 40 %. Ça fait que, si vous pensez au chiffre que vous avez entendu tout à l'heure, qu'il y a... je ne me souviens pas du chiffre qu'on vous a donné, du pourcentage d'immigrants qui s'installent à Montréal versus les régions, ça fait beaucoup de gens qui sont laissés dans le noir et qui doivent... qui perdent du temps. C'est ça, l'enjeu principal, c'est qu'il y a une perte de temps colossale parce qu'on ne sait pas où aller. On cogne à des portes qui ne sont pas les bonnes, on prend des jobs qui ne sont pas les bonnes parce qu'on a été mal conseillé, notre voisin, notre cousin, lui, il le sait, hein, parce que lui, il a émigré il y a 10 ans puis il va vous dire : Regarde, ne fais pas ça, fais comme ce que je te dis, alors que nous, on se réclame d'être des organismes qui sont capables d'éviter ces problématiques-là.

Donc, l'accompagnement personnalisé, oui, mais fait par des spécialistes qui connaissent ça et qui sont capables de réajuster le tir en cours de route.

• (16 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Sur la question, là, des jumelages interculturels, là, j'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dessus. Qu'est-ce que vous envisagez par les jumelages interculturels?

M. Fréchette (René) : Bien, c'est une formule qui existe déjà. Elle existe à Montréal. Elle existe parfois en région. Tout à l'heure, vous me demandiez un truc pour que ça fonctionne en régionalisation. Le jumelage interculturel, c'est une formule qui est éprouvée, qui fonctionne bien. Donc, une famille qui arrive de l'extérieur et qui est prise sous l'aile d'une famille québécoise et qui se charge... pas dire qu'ils vivent en commune, là, mais qui se charge d'aller cogner à la porte puis d'éviter que ça fait cinq jours qu'il n'y a personne qui nous a adressé la parole. Donc, il y a toujours quelqu'un qui appelle pour vérifier : Regarde, on s'en va au ballon-balai ce soir... Mon Dieu! Le ballon-balai, je ne sais pas d'où vient cet exemple-là, mais, en tout cas, on s'en... — ah! c'est le fun, hein, jouer au ballon-balai? — donc, on s'en va faire du sport, on s'en va voir un spectacle, on s'en va participer à une activité, venez avec nous. Et l'épouse, qui, souvent, est celle qui se retrouve à la maison, bien, il y a quelqu'un qui s'occupe de son intégration. Jumelage interculturel, c'est dans ce sens-là, les deux cultures se marient.

Puis l'objectif, ce n'est pas d'assimiler les gens. Ils vont toujours rester des immigrants dans leur coeur, dans le sens qu'ils vont toujours garder leurs racines, mais ce qu'on veut, c'est qu'ils s'intègrent à la vie québécoise. On ne leur demande pas de devenir des Tremblay et des Gagnon, mais on leur demande de vivre en harmonie avec les Tremblay et les Gagnon de ce monde puis de toutes les autres familles, les Fréchette, les Mallette et compagnie.

M. Mallette (Éric) : Si je peux me permettre aussi, M. le ministre, les équivalents à ça existent en termes de parrainage et de mentorat au sein des entreprises. Donc, avec le nouveau service qu'on veut offrir, la division de développement et de services aux entreprises, une des suggestions sera justement d'encourager ce parrainage et ce mentorat, qui, au-delà des murs de l'entreprise, peut perdurer également dans la société. Et ça fait que des individus qui sont parfois bien intégrés au travail réussissent aussi à s'intégrer en communauté.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie grandement pour votre présentation. J'ai des collègues, je sais, qui veulent poser des questions. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le député de Sainte-Rose à prendre la parole.

M. Skeete : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. J'aurais, en fait, deux questions, elles sont peut-être larges, je vous demanderais d'être succincts, s'il vous plaît, par équité à mes collègues.

Quand vous dites «interculturalisme», c'est un terme qui est souvent discuté ici, mais j'aimerais ça entendre votre définition de l'interculturalisme, surtout quand on le compare au multiculturalisme, s'il vous plaît.

M. Fréchette (René) : L'interculturalisme amène un véritable échange de cultures. Chacun reste... garde sa culture en partie, à tout le moins, mais il se construit des ponts entre les deux. Multiculturalisme, on peut rester chacun chez nous puis garder... rester qui on est, mais... On vit tous dans la même société, oui, mais, dans l'interculturalisme, puis, au Québec, l'interculturalisme s'est teinté du fait français, il y a donc cette particularité qui amène les gens à devoir créer des ponts entre les cultures, et là il y a un rapprochement qui s'effectue dans un contexte d'interculturalisme, dans le contexte interculturel.

M. Skeete : Oui. Ça fait que, si je comprends bien ce que vous dites, c'est que, dans un monde multiculturaliste, dans le fond, on n'a pas grand-chose à faire en tant que société d'accueil puis la personne qui est reçue, mais, dans l'interculturalisme, bien là, il y a une obligation et de la société accueillante et de la personne qui vient.

M. Fréchette (René) : C'est l'engagement partagé dont je parlais tout à l'heure, tout à fait.

M. Skeete : ...est l'interculturalisme. Parfait.

M. Fréchette (René) : Oui, oui, oui, tout à fait.

M. Mallette (Éric) : ...l'inclusion versus l'intégration aussi.

M. Skeete : Bien, O.K., je comprends, puis c'est ce que j'avais compris. Merci.

La deuxième question que j'ai, puis j'ai trouvé ça intrigant, je suis curieux, vous parlez d'imposer des conditions à l'employeur sur la francisation. Est-ce que vous pouvez élaborer davantage là-dessus?

M. Fréchette (René) : Dans les faits, c'est dans le projet de loi. Le projet de loi parle d'imposer des conditions aux employeurs. Ces conditions-là vont être imposées par règlement. Donc, nous, c'est des pistes qu'on a suggérées en lien, entre autres, avec la francisation, parce qu'au coeur de tout ce projet de loi il y a un fil conducteur qu'on voit beaucoup, c'est la volonté de franciser les personnes immigrantes. Donc, quand on réfère, dans les conditions, et qu'on apporte des pistes, il y en a, entre autres, qui parlent d'un certificat de francisation, c'est une des solutions qu'on propose en lien avec cette notion de conditions du projet de loi.

M. Skeete : Donc, à votre sens, dans l'esprit de l'interculturalisme, vous ne voyez pas de problème à ce que, d'un côté, une partie demande quelque chose de la personne qui est reçue, mais, de l'autre côté, l'employeur qui va en subir aussi un bénéfice, et la société aussi qui va l'accueillir, a une responsabilité.

M. Fréchette (René) : C'est la notion d'engagement partagé. Donc, quand je viens vivre, oui, je m'engage dans un processus où est-ce que j'ai fait le choix de venir vivre dans une région où on parle français. Donc, oui, c'est l'engagement partagé, effectivement.

M. Skeete : Merci beaucoup.

M. Fréchette (René) : Bienvenue.

La Présidente (Mme Chassé) : Y a-t-il d'autres interventions de la part du groupe formant... Est-ce que le député de Beauce-Sud désire prendre la parole?

M. Poulin : Effectivement. Je peux trouver un sujet, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Bien, j'en ai...

M. Poulin : Moi, il me reste combien de temps?

La Présidente (Mme Chassé) : Juste un moment. J'ai l'impression que...

M. Poulin : Ah! je peux les laisser à la députée de Bellechasse sans problème.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, hein? Alors, la députée de Bellechasse, je vous invite à prendre la parole.

Mme Lachance : Merci beaucoup. Vous vous êtes... Merci d'être là, d'abord. C'est très intéressant, la manière dont vous nous abordez le sujet.

Vous avez traité... Tout à l'heure, vous vous êtes définis comme des professionnels de l'accueil d'immigrants. Puis on voit, dans les régions et un peu partout, beaucoup d'initiatives se créer, puis c'est tant mieux, c'est merveilleux. Par contre, on a un souci de cohérence, dans tout ça, puis d'arrimage. Est-ce que vous avez une vision d'une organisation qui devrait... ou qu'il serait souhaitable d'avoir dans nos régions pour que tout ça, bien, ça se tienne et puis qu'on puisse bénéficier de cet apport-là?

M. Fréchette (René) : La mobilisation, c'est la base de tout, hein? On a entendu les gens de la fédération des municipalités dire à quel point les milieux se mobilisaient. Donc, c'est le point de départ. En termes d'organisation, j'aurais tendance à vous dire que ce qui est difficile pour les personnes immigrantes, c'est de se démêler dans tout ce qui existe comme services. Et c'est dans les initiatives qu'on propose, en termes de régionalisation... qu'on suggère, en fait, pardon, qui est de créer des... La concertation va amener les gens à centraliser les services. Donc, c'est sûr que, quand l'offre de services, elle est intégrée, puis qu'on n'a pas besoin d'aller cogner à cinq organisations différentes, c'est beaucoup plus facilitant dans la démarche d'intégration. Donc, ma suggestion serait vraiment, par rapport à votre question, d'amener les regroupements d'individus puis de centraliser les services. À cet égard-là, le rôle du MIDI, d'agir comme centre de coordination, en quelque sorte, des ressources, c'est une bonne nouvelle.

Mme Lachance : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Est-ce que le député de Beauce-Sud désire prendre la parole?

M. Poulin : Il restait combien de temps?

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous resterait six minutes.

M. Poulin : Ah, quand même, hein? Je peux vous le donner si, tantôt, vous m'en redonnez, par exemple, mais ça, je ne suis pas certain. Ça, je ne suis pas certain, par exemple, si on refait un échange.

La Présidente (Mme Chassé) : Les amis, on va se concentrer sur les échanges avec nos invités.

M. Poulin : Oui, certainement. Alors, je suis content de vous entendre. Votre présentation a été très claire. Alors, c'est peut-être pour ça que les questions se font un peu tardives. Mais, quand même, vous avez une expertise depuis 1984, ce qui n'est pas banal et également qui, j'imagine, est assez rare dans l'univers de tout ce qui se fait en matière d'immigration au Québec depuis plusieurs années.

Là où je souhaitais vous entendre... Parce qu'on parle beaucoup de vagues d'immigration, soit la première, la deuxième, la troisième vague d'immigration. Le projet de loi parle beaucoup de l'élément présent, où on parle des futurs immigrants qui viendront collaborer à l'essor économique, social et culturel du Québec. Mais je veux vous entendre sur les gens qui sont ici depuis longtemps et qui ont réussi à s'intégrer. Quelle a été, selon vous, la clé de voûte pour favoriser cette immigration-là? Parce que, très souvent, il y a des gens qui venaient immigrer ici, et l'homme ou la femme demeurait à la maison pour élever la famille. Donc, ça a apporté certains retards de francisation. J'ai bien dit : L'homme ou la femme demeurait à la maison. Je l'ai spécifié, effectivement. Alors, je l'ai rerespécifié. C'est très important parce que c'est un choix très noble que ces gens-là faisaient. Mais ça a apporté des défis en matière d'intégration. Alors, comment aviez-vous fait avec si peu de ressources au début, en 1984, pour quand même avoir des exemples extraordinaires de réussite en matière d'immigration?

• (16 h 30) •

M. Fréchette (René) : Je n'étais pas là en 1984, mais ce que je peux vous dire, c'est que la formule qui fonctionne, c'est celle qu'on a appliquée puis qui est dans le projet de loi, c'est l'approche personnalisée, c'est faire en sorte qu'il n'y a pas deux parcours identiques. Tous les gens sont uniques, ont des histoires uniques. Et c'est la capacité que nous, on a, comme équipe d'accompagnement, de s'adapter à ces besoins-là, de les déceler puis d'être en mesure d'orienter vers les bonnes ressources. Et c'est là que l'intégration à la société réussit mieux. Donc, pour avoir, bon, vu ce que mes prédécesseurs ont fait au sein de l'organisation ALPA, c'est cette question de personnalisation des services qu'on fait en accueil, en intégration, qu'on fait en francisation. Bon, un peu moins parce qu'on est... les services sont dispensés par le MIDI. Donc, notre rôle, comme organisme communautaire en francisation, il est relativement limité. Nous, on a développé des services complémentaires comme des ateliers de conversation, par exemple, qui permettent aux gens de pratiquer en dehors des heures de cours, en emploi, par cours personnalisés, puis en régionalisation par cours personnalisés. Donc, le mot-clé, c'est personnalisé.

M. Poulin : Et, j'imagine, au bout de tout ça, on ne fait pas ça tout seul, hein? Bien entendu, vous, vous avez l'impulsion, vous avez la volonté, comme vous le dites, d'intégration, de franciser, et tout ça. Tout à l'heure, on était avec les gens de la ville de Montréal qui... À juste titre, mutuellement, on se rappelait l'importance de la francisation puis on se rappelait l'importance également d'accompagner les gens qui sont déjà au Québec et qui n'ont pas réussi à apprendre suffisamment le français à trouver des outils pour pouvoir le faire.

Alors, est-ce que vous avez une écoute ou, du moins, une très ferme volonté de la part de vos partenaires de mettre le pied sur l'accélérateur pour la francisation, y compris pour les gens qui demeurent actuellement au Québec? Parce que tout ça a un effet multiplicateur, on s'entend. Les gens qui viendront au Québec dans les prochaines années, s'ils arrivent dans un bassin où les gens soit apprennent le français, sont déjà francisés, entre guillemets, ça va faciliter l'intégration, et tout ça. Alors, est-ce que vos partenaires ont cette vision-là même à travers les immigrants qui sont ici présentement?

M. Fréchette (René) : Je veux élargir ma réponse à plus que juste la francisation. Les immigrants qui sont de deuxième génération ou de troisième génération, il y a une problématique importante, c'est qu'ils n'ont souvent pas accès aux services d'organismes comme nous. Et on présume parfois que... Puis je sais qu'il y a des discussions en ce moment, là. Les services d'accueil, c'est en train d'évoluer. Mais, au moment où on se parle, on est beaucoup sur une contrainte de 0-5 ans. Donc, après cinq ans, on considère que la personne est intégrée, ce qui n'est pas le cas. Et tantôt je trouvais ça merveilleux qu'à Kamouraska on réussisse à apprendre le français en trois ans. Ça m'apparaît court pour venir à bout de faire tout ça. Mais nous, on accompagne des gens qui sont là depuis cinq ans et qui tergiversent encore avec un certain nombre d'objectifs dans leur parcours d'intégration.

Donc, oui, il y a une volonté de francisation, il y a une volonté des partenaires avec lesquels on travaille, mais il y a aussi un certain nombre de contraintes. Entre autres, dans les programmes de francisation, on sent que c'est des programmes qui auraient besoin d'être plus souples, mieux adaptés, et qui... En ce moment, malheureusement, on voit des taux d'abandon spectaculaires, taux d'abandon de participation. Je ne dis pas des gens qui arrêtent de se franciser complètement, mais qui laissent tomber les cours en cours de route.

M. Poulin : Mais qui abandonne? Est-ce que c'est l'immigrant qui a déjà un emploi, dont le français n'est peut-être pas utile à son travail? Est-ce que c'est des gens qui sont avancés... d'un certain âge, et qui se disent : Bon, j'en aurai peut-être moins besoin? Qui sont ces gens qui abandonnent?

M. Fréchette (René) : La priorité...

La Présidente (Mme Chassé) : ...vous mentionner qu'il vous reste un peu plus d'une minute.

M. Fréchette (René) : D'accord. Les gens qui abandonnent les cours de français, c'est souvent pour des impératifs économiques. Donc, quand il faut manger, on fait un choix et on se dit : Je vais laisser tomber les cours de français et je vais travailler. Et, croyez-moi, c'est assez facile de travailler à Montréal. Je ne vous dis pas que vous allez devenir un V.P. d'une compagnie, là, mais trouver un emploi alimentaire quand on ne parle pas français, ça se fait très facilement. Donc, les motifs d'abandon, c'est souvent lié à des impératifs économiques, comme je disais. Ce n'est pas nécessairement une question d'âge, quoique c'est sûr que, plus on avance en âge — puis je suis obligé de l'avouer — on est moins souples. Donc, apprendre une nouvelle langue, c'est plus difficile, c'est clair. Et, dans certains cas, on se décourage, on abandonne, on laisse tomber. Donc, il n'y a pas qu'un facteur, il y en a plusieurs.

M. Poulin : Ces minutes ont été très enrichissantes. Merci beaucoup.

M. Fréchette (René) : Merci, ça me fait plaisir.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. J'invite maintenant la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne à prendre la parole.

Mme Anglade : Merci. Nous avons plusieurs collègues ici qui veulent prendre la parole. Alors, merci d'être avec nous.

Première question que j'ai pour vous, juste pour qu'on comprenne bien, dans les dernières années, vous qui avez... On a la chance d'avoir des gens qui connaissent le milieu depuis longtemps. Quelles sont les grandes différences, dans les cinq dernières années, que vous avez vues sur le terrain en matière d'intégration des immigrants? Si vous en avez vu, partagez avec nous qu'est-ce qui a évolué, qu'est-ce qui a changé dans les dernières années.

M. Mallette (Éric) : Si je peux me permettre, moi, je vais commencer d'abord par parler du marché de l'emploi, que je connais comme représentant d'un cabinet de recrutement. Ce que je juge qui se passe présentement est certainement causé par la pénurie d'emploi. Même dans les secteurs que nous représentons, qui ne sont pas nécessairement des secteurs technologiques, on s'aperçoit que la période de carrière avant de pouvoir changer d'un emploi à l'autre est de plus en plus courte. Quand j'ai commencé, disons, même il y a 10 ans, mais il y a cinq ans aussi, il y avait encore des employeurs qui nous disaient : Bien, je ne considérerai pas ce candidat-là, qu'il soit une personne immigrante ou non, parce que, son dernier emploi, il n'est même pas là depuis deux ans ou il n'est même pas là... il n'est pas resté dans son dernier emploi depuis trois ans. Alors, la loyauté à l'emploi était vraiment valorisée. Aujourd'hui, en situation de pénurie de talents, l'employeur va dire : Ah! il a fait un an à l'autre endroit, je m'en fous, je veux l'engager.

Alors, ça, c'est la situation d'emploi plus globale. Évidemment, ce que je vous dirais en termes plus de l'embauche de personnes immigrantes, ce que je constate, c'est qu'il y a lentement une volonté de les accueillir, mais les barrières systémiques existent encore à l'entrée, malheureusement, et les employeurs sont encore frileux et amplifient la complexité du processus d'immigration. Alors, ça, c'est ce que j'observe du côté de l'emploi. Maintenant, René, tu peux...

M. Fréchette (René) : Peut-être un mot sur l'amplification de la complexité du processus. C'est qu'il y a une méconnaissance de la part des employeurs par rapport aux différents statuts d'immigration. Et je vais prendre un exemple, parce qu'une des grandes différences, c'est qu'on a vu apparaître au Québec une réalité qu'on avait déjà connue, mais qui est arrivée massivement à l'été 2017, c'est l'arrivée des demandeurs d'asile, et ça, ça a changé le paysage. Chez nous, chez ALPA, on a dit qu'on était près du Stade olympique. Qu'est-ce qui a frappé l'imaginaire collectif, c'est quand on a vu le Stade olympique converti en centre d'hébergement. Et là nous, on est sur Pie IX, à trois coins de rue du stade, donc on a eu beaucoup de demandeurs d'asile qui sont venus chez nous. Les demandeurs d'asile, si vous n'êtes pas familiers... ils n'ont pas droit à beaucoup de services dans les organismes communautaires. Nous, on a fait le choix de leur en offrir, pas au détriment de la clientèle qu'on dessert normalement, mais en surplus. Donc, on est allés chercher les ressources du secteur privé pour nous appuyer puis créer des ressources qui aident les demandeurs d'asile. Ça, c'est une réalité qui a changé dans les cinq dernières années. Il y a beaucoup plus de demandeurs d'asile.

Une autre réalité, c'est la complexité des besoins. Les besoins se sont complexifiés au cours des cinq dernières années. Il y a des réalités qui ont changé. Les immigrants, avant, ils n'arrivaient pas chez nous avec un téléphone cellulaire. Et là vous allez vous dire : Mon Dieu! On a un peu cette image de la personne immigrante qui a de la difficulté à vivre. Les téléphones cellulaires, à travers le monde, il y a beaucoup d'endroits où c'est plus facile d'en obtenir qu'ici, et ça coûte moins cher. Donc, quand ils arrivent ici, ils vivent un petit choc culturel, un choc financier, de voir combien ça coûte.

Mais il y a eu, donc, toute une évolution dans le visage, dans le profil des personnes immigrantes, et elles arrivent avec des objectifs, dans certains cas, qui sont beaucoup plus clairs par rapport à l'accompagnement dont elles ont besoin. Mais je vais dire «dans certains cas», parce que, le meilleur exemple, les Français détenteurs de PVT qui arrivent au Québec et qui ont souvent l'impression qu'eux, parce qu'ils sont Français, qu'ils parlent français, ils n'ont pas besoin de conseils en intégration, ils ont juste à s'installer sur Le Plateau—Mont-Royal, puis tout va se faire tout seul, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Donc, la diversité des besoins, la complexité des profils font en sorte que l'expertise des organismes comme le nôtre, c'est d'autant plus important.

Mme Anglade : Bien que je pense que, sur Le Plateau—Mont-Royal, il y a quand même un peu de vrai là-dedans.

Mais, écoutez, il y a une chose qui, il me semble, se produit présentement, puis je pense que tous les parlementaires devraient être très sensibles à ça, le milieu économique se transforme à vitesse grand V au Québec. Et, même si on aime dire que c'est du simple au double dans les taux de chômage des immigrants 0-5 ans, la réalité, c'est que c'est en chute drastique et rapide, parce que nécessité fait loi, hein? À un moment donné, comme vous le disiez tout à l'heure, les employeurs vont aller recruter les gens. Il me semble qu'il faut qu'on ait un degré d'agilité dans notre système. On ne peut pas toujours utiliser... Ce n'est pas évident de dire ça à l'Assemblée nationale, avec les projets de loi, mais il faut qu'il y ait une agilité, dans le système, qui nous permette d'aller chercher, d'aller recruter des gens. Moi, j'ai l'impression que le phénomène de pénurie de main-d'oeuvre s'est terriblement accéléré. Et j'ai l'impression qu'il ne va faire que s'accélérer dans les prochaines années, dans les prochains mois, et que notre responsabilité, c'est de nous assurer d'être beaucoup plus agressifs non seulement en matière d'intégration, mais en matière d'accueil.

Et là je vous amène sur les seuils d'immigration parce que j'aimerais vous entendre là-dessus. Quand vous parlez des seuils d'immigration par rapport aux pénuries de main-d'oeuvre, il me semble qu'on va dans la mauvaise direction et que c'est l'économie qui nous dicte aussi qu'on va dans la mauvaise direction. Très contente de vouloir mettre plus d'argent en matière d'intégration, mais j'aimerais vous entendre sur cet enjeu-là.

• (16 h 40) •

M. Fréchette (René) : Deux choses que j'aimerais dire. La première, c'est : Oui, il y a une diminution du taux de chômage. Les immigrants trouvent du travail, mais il y a une précarité d'emploi qui est très présente. Et là-dessus je pense qu'il faut être attentif pour ne pas combler des emplois de façon... des emplois, finalement, où règne une certaine précarité.

Ça, c'est une chose. Dans le projet de loi, on fait beaucoup un arrimage entre les emplois et les gens. On a entendu qu'il y a un besoin de main-d'oeuvre non spécialisée au Québec. Oui, effectivement, mais je ne pense pas qu'il faut uniquement se tourner vers l'immigration pour combler ces postes-là parce que ça serait faire fausse route à moyen terme puis à long terme. Notre société s'enligne vers une société du savoir. Et il y a un certain nombre de gens qui naissent aujourd'hui dont les jobs n'existent même pas au moment où ils viennent au monde parce que ça va apparaître dans les prochaines années. Donc, si on recrute des gens qui sont non spécialisés et qu'on compte uniquement sur l'immigration pour combler ces postes-là, qu'est-ce qui va arriver quand il y a une machine qui va remplacer cette personne-là? Qu'est-ce qu'elle va faire, cette personne-là? Et moins on est éduqué, moins on a de compétences transférables, moins on est mobile en termes d'emploi. Et c'est des gens qui risquent de revenir au crochet de la société parce qu'ils auront été mal accompagnés au départ.

Mme Anglade : Donc, ce que vous dites, c'est : Oui, il faut arrimer davantage — j'en suis — mais attention parce que, le deux tiers des emplois, qui sont des emplois qui nécessitent moins de formation, si on fait juste ça, on va se créer... on s'achète du trouble à long terme, on s'achète des problèmes.

M. Fréchette (René) : Exact.

Mme Anglade : Je veux revenir sur votre question de la précarité, qui, à mon avis, est très intéressante, c'est que... Quel est le meilleur outil pour combattre la notion de précarité d'emploi aujourd'hui? Parce que les taux de chômage, comme je disais, sont en baisse drastique. Quels sont les gestes à poser pour penser la précarité? Est-ce que c'est la transformation de l'économie qui va faire en sorte qu'au bout du compte on va être capable d'avoir des emplois moins précaires?

M. Fréchette (René) : Bien, il y a ça. Vas-y, Éric.

M. Mallette (Éric) : Bien, j'allais juste... De manière générale, sur le marché de l'emploi, ce qu'on constate, c'est une espèce de phénomène de vases communicants. Un emploi précaire ici devient un emploi intéressant ailleurs, particulièrement avec toute l'évolution technologique en ce moment. Alors, ça, c'est du côté de l'emploi de mon marché, mais, René...

Mme Anglade : ...ici devient un emploi intéressant ailleurs?

M. Mallette (Éric) : Ce que je veux dire, c'est qu'il y a plusieurs emplois qui deviennent assez transitoires de par la technologie qui évolue assez rapidement.

Mme Anglade : D'accord.

M. Mallette (Éric) : Alors, on perd un emploi là qui redevient un nouvel emploi là, mais il a évolué légèrement. Alors, c'est ce que je parle.

Mme Anglade : D'où la nécessité d'avoir des gens qui sont capables de franchir les étapes également avec la transformation technologique?

M. Mallette (Éric) : À mon avis.

Mme Anglade : D'accord.

M. Mallette (Éric) : Et c'est vrai, à mon avis, pour les personnes immigrantes, mais c'est aussi vrai du marché de l'emploi, que je constate, de manière plus globale.

Mme Anglade : Donc, l'agilité des gens.

M. Mallette (Éric) : L'agilité, la transformation numérique, la capacité de vite s'adapter aux changements, c'est quelque chose qui est très, très existant aujourd'hui.

Mme Anglade : Excellent. Parfait.

M. Mallette (Éric) : L'accès à des outils technologiques, etc., aussi.

Mme Anglade : Merci. Je sais que mes collègues ont d'autres questions. J'en aurais d'autres, mais je vais céder la parole à...

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, absolument. Je cède la parole à la députée de Bourassa-Sauvé. Merci à vous.

Mme Robitaille : Merci. Oui, Bourassa-Sauvé, Montréal-Nord... Alors, toute la problématique des nouveaux arrivants, on la connaît, à Montréal-Nord. Mais, en fait je voulais continuer sur la même lancée que mon collègue de Beauce-Sud, qui, malheureusement, n'est pas ici, mais c'était une discussion très intéressante, justement, sur la francisation, sur l'intégration. Vous disiez qu'après cinq ans on a l'impression que la personne est intégrée, mais souvent ça prend beaucoup plus de temps que ça. Dans Montréal-Nord, dans Bourassa-Sauvé, il y a des multiples cas d'Italiens, justement, qui sont arrivés, et, pour des raisons économiques, ils ont dû travailler, et puis ça a pris du temps, mais, en bout de ligne, ils l'ont appris, le français.

On est ici pour mieux comprendre toute la problématique, parce qu'on va regarder un à un les articles du projet de loi, et il y a un article, l'article 9, qui veut insérer un article qui s'appelle 21.1, qui ajouterait des conditions à la résidence permanente, c'est-à-dire, on dit que le ministre peut imposer à l'immigrant des conditions qui affecteraient la résidence permanente, O.K., conférée en vertu de la loi afin d'assurer, entre autres, toutes sortes de choses, dont l'intégration linguistique, sociale et économique du ressortissant. On avait les gens de La Maisonnée ce matin et on parlait de ça. On se disait que, finalement, l'immigration, pour un individu qui vient ici, c'est plus que juste une job, mais c'est vraiment tourner la page, commencer un nouveau chapitre, construire une nouvelle vie ailleurs. Et cette personne-là a besoin d'un minimum de sécurité pour aller plus loin, pour bien s'intégrer. Quelle est votre impression? Est-ce que mettre des conditions à la résidence permanente, c'est une bonne idée pour l'intégration d'un individu?

M. Mallette (Éric) : De manière générale, moi, je crois beaucoup aux mesures incitatives et encourageantes.

Mme Robitaille : O.K. Donc, si on veut intégrer, franciser, la réponse est claire, ce n'est pas nécessaire.

M. Fréchette (René) : En fait, je dirais qu'en 35 ans d'histoire, ALPA, on a... Évidemment, on a beau être des spécialistes, on ne détermine pas les politiques publiques. On applique les paramètres. On s'est toujours adaptés aux paramètres qui nous ont été transmis. Donc, on le fera encore dans le contexte actuel.

Si vous me demandez, et c'est ce que vous faites : Est-ce que c'est une bonne idée d'imposer des conditions?, moi, je pense que non, dans la mesure où, quand on dit «trois ans», qui est la période nécessaire à obtenir la citoyenneté canadienne, ça va peut-être faire en sorte que ces gens-là vont décider de partir ailleurs s'ils échouent le test de français. Par contre, comme on ne connaît pas à ce moment-ci le niveau d'exigence du français qui va être demandé, est-ce que c'est un niveau de base, est-ce qu'un niveau... donc c'est difficile de se prononcer clairement. À prime abord, pas favorable, mais tout dépendant de ce que ce sera sur le terrain et comment ça va se transposer.

Mme Robitaille : Dans le parcours du combattant, là, quand il est ici, il y en a, des tests, à différents moments de son intégration, non? Bien, en tout cas, on évalue, d'une certaine façon...

M. Fréchette (René) : Oui. Les gens qui entreprennent le processus de francisation dans les cours qui sont offerts par le MIDI passent un examen à la fin de chaque niveau puis... Oui, oui, oui, tout à fait, ça existe.

Mme Robitaille : Alors, quoi faire pour s'assurer d'une bonne intégration? En fait, quel est le rôle des organismes communautaires comme le vôtre pour une bonne intégration d'un immigrant? Est-ce qu'il doit... Est-ce qu'un organisme comme le vôtre devrait prendre le leadership ou ce leadership-là devrait venir du ministère?

M. Fréchette (René) : En francisation?

Mme Robitaille : Oui, en francisation, en intégration en général?

M. Mallette (Éric) : Si tu permets, René?

M. Fréchette (René) : Oui, vas-y, je t'en prie.

M. Mallette (Éric) : Nous croyons vraiment au parcours personnalisé et mené par des experts. En ce sens, nos 22 spécialistes sont très, très bien équipés, à notre avis, pour faire ça, d'autant plus qu'ils sont polyglottes.

M. Fréchette (René) : Mais, tu sais, il y a une réalité, c'est que, depuis nombre d'années, le ministère ne rend pas de services directs aux personnes immigrantes, dans le sens que les immigrants qui arrivent à Montréal, ils ne vont pas au bureau du ministère de l'Immigration pour recevoir des services. Le ministère a développé des ententes avec des organismes qui rendent ces services-là directement aux personnes immigrantes. Donc, je pense qu'à ce moment-ci, puis c'est ce que j'entendais tout à l'heure de la bouche du ministre, le MIDI ne veut pas se substituer aux organismes, veut travailler en partenariat avec les organismes.

Donc, moi, je pense qu'on pourrait jouer... on joue déjà ce rôle-là, mais on pourrait continuer à le jouer. Puis, dans l'établissement des parcours personnalisés, je pense que les mieux placés pour faire ça, c'est les organismes, comme ALPA, qui ont l'expertise, qui ont l'expérience, qui ont la connaissance puis qui ont la capacité. Le lien de confiance dont il a été question ce matin avec les gens de La Maisonnée, le lien de confiance qui se crée avec une personne immigrante qui arrive, qui n'a pas de réseau, qui ne connaît personne... Son réseau, là, ça devient son intervenante sociale qu'elle rencontre et avec qui il y a un lien qui se crée. Bien, c'est là que la confiance fait en sorte qu'il y a un parcours personnalisé qui va être mieux réussi que si c'est fait par quelqu'un qui est dans un petit bureau quelque part à l'aéroport, là.

M. Mallette (Éric) : Et, si je peux me permettre, qu'on permet de suivre...

La Présidente (Mme Chassé) : ...pour vous dire qu'il vous reste une minute.

M. Mallette (Éric) : ...qu'on peut suivre dans le temps et évoluer à la lumière des enjeux vécus par la personne immigrante.

Mme Robitaille : Brièvement, pour résumer pour le ministre, qui n'était pas ici, l'idée d'une condition à la résidence permanente : pas nécessairement une bonne idée pour aller vers une certaine...

M. Fréchette (René) : Sans en connaître les détails puis les subtilités au moment où on se parle. Donc, sur le principe, on est plus favorables à des mesures incitatives qu'à des mesures contraignantes.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci beaucoup. Je cède la parole à la députée de Marie-Victorin.

• (16 h 50) •

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci pour la présentation. Mes questions porteraient sur la question de la francisation. Vous avez fait mention qu'il y avait environ 40 % des nouveaux arrivants au Québec qui ignoraient tout des services d'accueil et d'intégration, O.K., à Montréal spécifiquement. Quand on sait que, globalement au Québec, il y a environ deux tiers des personnes immigrantes qui, en arrivant ici, ne s'inscrivent pas en francisation, puis là je parle seulement pour celles qui ne maîtrisent pas le français, est-ce que vous pensez que ceci explique cela et que c'est parce qu'il n'y a pas assez de connaissances sur les services qui sont offerts?

M. Fréchette (René) : Il y a plusieurs raisons. À mon avis, la méconnaissance des services, c'est la première. Quand on ne sait pas que ça existe, on ne peut évidemment pas s'y rendre. La deuxième, c'est que les programmes de francisation manquent de souplesse. Donc, les programmes de francisation doivent être...

En ce moment, si vous arrivez au Québec et vous manquez le début de la session... Parce qu'en ce moment c'est organisé comme au cégep. Vous manquez le début de la session au cégep, vous êtes obligé d'attendre à la session d'hiver. En francisation, c'est la même chose. Qu'est-ce qui se passe pendant les 12, 13, 14 semaines où vous ne suivez pas de cours de français? Êtes-vous assis chez vous à attendre la prochaine session? Non, parce qu'il faut vivre. Vous avez vous à nourrir. Vous avez peut-être une famille à nourrir. À cet égard-là, vous allez trouver un emploi. Et l'image que souvent je fais, c'est que c'est comme quelqu'un qui décroche de l'école puis qui se dit : Bien, je vais arrêter, je vais travailler un an, puis après ça je vais retourner aux études. Décrochage scolaire. Donc, décrochage de francisation, c'est la même chose. Donc, le fait que tous les programmes partent en même temps partout, ce n'est pas idéal.

Mme Fournier : Donc, selon vous, ça devrait être mieux adapté et qu'on puisse commencer des cours de francisation quand on arrive au Québec?

M. Fréchette (René) : En continu et dans une approche plus souple, plus personnalisée, qui va faire en sorte que les gens vont mieux se franciser, oui.

Mme Fournier : Puis est-ce que vous avez remarqué un manque de places, tout simplement, dans les cours de francisation?

M. Fréchette (René) : Bien, dans notre cas, en ce moment, là, notre programme de francisation arrive au maximum de ses capacités, mais c'est des questions de locaux, là. Mais je sais que, dans le réseau, il y a encore de la capacité pour en prendre davantage. Ce qui est problématique pour nous, je l'ai souligné tout à l'heure, c'est le taux d'abandon. Et il faut donc revoir les programmes pour diminuer les taux d'abandon, puis comprendre pourquoi les gens abandonnent, puis qu'est-ce qu'on peut faire pour intervenir pour diminuer ces taux-là, parce que ça, c'est assez endémique, là. Je vous parle de taux, là, chez nous, qui peuvent aller parfois à 60 % des élèves... 66 % des élèves qui lâchent leurs cours de français en cours de session.

M. Mallette (Éric) : Puis, si je peux me permettre, aussi, c'est juste important de rappeler que nous ne sommes que des prêteurs de locaux dans ce dossier-là.

M. Fréchette (René) : Donc, dans le sens où nous, on n'intervient pas sur les programmes, sur les formules, et tout.

M. Mallette (Éric) : Le contenu.

M. Fréchette (René) : On a une entente avec le MIDI puis on opère les cours tels qu'ils sont formulés et qu'ils sont donnés par les enseignants embauchés par le MIDI.

Mme Fournier : Mais, sur la question de l'abandon, est-ce que vous diriez que les tests de classement, qui ont connu des ratés, ont beaucoup à voir avec les taux d'abandon? Parce que les contacts qu'on avait avec les professeurs pouvaient laisser sous-entendre ça, en tout cas en partie.

M. Fréchette (René) : Il s'est dit beaucoup de choses sur le test de classement. Il y a eu une levée de boucliers assez importante quand ça a été imposé.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste près de 30 secondes.

M. Fréchette (René) : Je ne sais pas ce qui va arriver avec ça. Le son de cloche qu'on a eu récemment, c'est que ça allait être abandonné, puis on allait revenir à une évaluation personnalisée avec un individu. Donc, je ne sais pas si le test de classement a vraiment été si problématique parce qu'il n'y avait pas tant de reclassement en plus par rapport à ce qui se faisait avant.

Mme Fournier : Merci beaucoup.

M. Fréchette (René) : Bienvenue.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Bonjour. Moi, j'aimerais vous entendre parler des 18 000 dossiers qui vont être annulés. Est-ce que vous en connaissez beaucoup? Est-ce que beaucoup de ces gens-là travaillent, ne travaillent pas? Est-ce qu'ils risquent de quitter? Qu'est-ce qui se passe avec ces gens-là?

M. Fréchette (René) : 18 000, aussi, vous avez entendu parler de ça, vous?

M. Fontecilla : Vaguement.

M. Fréchette (René) : Écoutez, j'aurais envie de vous dire qu'évidemment c'est une décision qui relève... Nous, les impacts qu'on ressent, en fait, sur le terrain... Puis je veux revenir à ce qu'on est. On est un organisme qui fait de l'intégration puis de l'accompagnement. On ressent de l'inquiétude. On ressent de l'incertitude. On entend les gens qui viennent vers nous et qui s'inquiètent de leur sort, à juste titre, et on n'a pas l'information à ce moment-ci pour les réconforter où les orienter pour leur dire : Ce qui va arriver avec vous, c'est telle chose. On ne le sait pas.

Puis je vais corriger tout de suite pour dire qu'on ne parle pas, chez nous, de dossiers, mais on parle de personnes. Donc, ces 18 000 dossiers là, comme on parle, on n'est pas en train de parler de boîtes dans une salle d'archives, on est en train de parler d'êtres humains. Et, nous, dans nos valeurs, l'humanisme, c'est la valeur numéro un. Donc, si vous dites : Est-ce que c'est inquiétant pour ces gens-là?, oui. Est-ce qu'ils nous en parlent? Oui. Est-ce qu'on peut faire quelque chose? Non, que de constater, on espère en tout cas, qu'il va y avoir une révision de cette question-là.

M. Fontecilla : Concernant la question... On a beaucoup parlé de la question de la discrimination systémique, donc non pas une discrimination directe, là, mais on dirait que la nécessité fait loi : les employeurs n'ont plus de complexe à embaucher des personnes issues de la diversité, surtout les minorités visibles, et ce qui est une bonne chose. Mais ces gens-là se retrouvent en entreprise aujourd'hui, là, et vous dites que ça prend un engagement des entreprises, là. Qu'est-ce que vous voulez dire, là, par... Ça se traduit comment concrètement, cet engagement-là?

M. Fréchette (René) : L'engagement partagé des entreprises, dans ce contexte-là, c'est une démarche réelle de gestion de la diversité, donc une politique de gestion de la diversité, une formation des équipes de travail, des collègues de travail qui ne vont pas stigmatiser ou ostraciser une personne qui est issue de l'immigration. Donc, pour nous, là où les employeurs ont un rôle à jouer, c'est un rôle de facilitateur dans leur milieu de travail pour faire en sorte que le maintien en emploi, ce qui est un enjeu majeur en ce moment, le maintien en emploi, puisse être corrigé... puisse avoir des meilleurs taux de succès plutôt, ce que je devrais dire, en permettant aux milieux qui accueillent des gens issus des minorités visibles de se sentir bienvenus puis inclus dans le milieu de travail.

M. Fontecilla : Vous pensez que l'État devrait appuyer cet accompagnement des entreprises?

M. Fréchette (René) : Bien, je pense que, définitivement, l'accompagnement, c'est la meilleure formule. Les employeurs sont déjà submergés de plein de choses à faire. S'ils n'ont pas d'accompagnement, il y a fort à parier que ça ne va pas être une priorité, puis ils ne vont pas réussir à le faire seuls. Ils ont besoin d'aide.

M. Mallette (Éric) : Et, certainement, nous nous lançons dans cette direction-là avec une nouvelle direction du service aux entreprises. Alors, nous sommes également équipés pour le faire. Nous allons nous équiper pour le faire.

La Présidente (Mme Chassé) : ll vous reste 30 secondes.

M. Fréchette (René) : On va continuer dans cette direction-là. Et je pense que le milieu a... C'est important que les employeurs aient de l'aide là-dedans parce que c'est des situations qui sont complexes. Nous, c'est notre quotidien. Je ne peux pas demander à un employeur de comprendre toutes les subtilités qui vont faire en sorte qu'on va désamorcer des situations qui pourraient être problématiques en termes de racisme systémique ou de discrimination.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre dynamique contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux pour quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre la place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 58)

(Reprise à 17 h 1)

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous invite à prendre place. À l'ordre, s'il vous plaît! Je pense que Mme Rinfret aimerait avoir un nouveau verre d'eau. Oui. Je souhaite maintenant la bienvenue à la Protectrice du citoyen et à son équipe. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous ferai signe à une minute de la fin. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre exposé.

Protecteur du citoyen

Mme Rinfret (Marie) : Merci, Mme la Présidente. Alors, Marie Rinfret, Protectrice du citoyen. M. le ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, Mmes, MM. les députés, membres de la Commission des relations avec les citoyens, permettez-moi de vous remercier d'avoir accepté la demande du Protecteur du citoyen d'être entendu sur le projet de loi n° 9. Je vous présente les personnes qui m'accompagnent : à ma droite, M. Claude Dussault, vice-protecteur aux services aux citoyens et aux usagers, et, à ma gauche, Mme Sophie Thomas, déléguée aux enquêtes au Protecteur du citoyen.

Le Protecteur du citoyen est un ombudsman impartial et indépendant qui veille au respect des personnes dans leurs relations avec les services publics. Nous avons quatre mandats distincts, je vous les présente brièvement. D'abord, nous agissons pour prévenir et corriger des situations de non-respect des droits, d'abus, de négligence, d'inaction ou d'erreur commises par un ministère ou un organisme du gouvernement du Québec. Nous intervenons également auprès du réseau de la santé et des services sociaux en deuxième recours après le commissaire aux plaintes et à la qualité des services. Nous agissons en premier recours à la suite d'un signalement par une tierce personne. À titre d'ombudsman correctionnel du Québec, nous recevons les plaintes des personnes incarcérées dans les 17 établissements de détention sous la responsabilité du ministère de la Sécurité publique. Et enfin, depuis mai 2017, nous traitons les divulgations d'actes répréhensibles à l'égard des organismes publics et les plaintes en cas de représailles liées à ces divulgations. Nos services sont gratuits, et nous agissons confidentiellement.

Le Protecteur du citoyen peut aussi, lorsqu'il le juge conforme à l'intérêt général, commenter les projets de loi présentés à l'Assemblée nationale et, lorsqu'il l'estime opportun, proposer des modifications. C'est dans ce contexte que nous nous présentons devant vous aujourd'hui.

D'entrée de jeu, le Protecteur du citoyen souscrit aux objectifs du projet de loi n° 9 qui consistent notamment à assurer une meilleure adéquation entre l'immigration économique et les besoins de main-d'oeuvre du Québec. Le projet de loi devrait aussi permettre d'améliorer les délais de traitement des demandes et de régler le problème de l'inventaire des dossiers. À cet égard, déjà dans son rapport annuel 2016-2017, le Protecteur du citoyen sonnait l'alarme. Qu'adviendra-t-il, demandions-nous alors, des 10 000 demandes reçues en ligne à l'été 2016 via le nouveau portail Mon projet Québec et toujours non traitées au 31 mars 2017 ainsi que des 21 000 demandes reçues en format papier avant le 31 décembre 2015? Plus tard, soit en janvier 2018, le compte n'était guère plus encourageant, 24 000 dossiers en inventaire. Au 30 septembre de la même année, on en était à près de 20 000 dossiers. Au fil des ans, le ministère avait trop de demandes d'immigration eu égard aux cibles fixées.

Or, aujourd'hui, comme suite des choses et parallèlement à la mise en place d'un nouveau système basé sur la déclaration d'intérêt des candidats et des candidates, appelé Arrima, le ministre fait face à une situation critique. Le traitement de 18 000 dossiers, soumis il y a parfois plusieurs années, n'a jamais été complété.

On peut saluer la volonté du ministre de vouloir résoudre ce problème d'inventaire. Toutefois, face à des candidatures d'immigration qui sont avant tout des projets de vie, le ministre adopte une seule approche : la suppression des dossiers et un remboursement partiel des frais encourus par les candidats et candidates. Il s'agit, selon moi, d'une solution essentiellement administrative pour un problème humain.

L'article 20 du projet de loi n° 9 précise en effet qu'il est mis fin à toute demande présentée au ministre dans le cadre du Programme régulier des travailleurs qualifiés avant le 2 août 2018 si, à la date de la présentation du projet de loi, il n'a pas pris de décision de sélection, de refus ou de rejet concernant cette demande. L'article prévoit le remboursement sans intérêt des droits exigibles.

Pour moi, nous sommes clairement dans une opération de contrôle des dommages. Or, à défaut de faire mieux, le contrôle des dommages devrait consister à tenter, avec empathie et équité, de limiter des dégâts dont on est forcé de reconnaître la gravité. Nous sommes ici dans l'atténuation des inévitables conséquences négatives.

Ceci m'amène à partager avec vous ce qui me préoccupe le plus : Quels seront, au regard de cet article 20, les impacts et les préjudices pour les quelque 45 000 personnes visées par les 18 000 dossiers dont l'étude n'aurait pas été complétée, mais plus particulièrement pour les quelque 6 000 personnes qui vivent au Québec et dont la demande n'a toujours pas fait l'objet d'une décision de sélection au ministère? En effet, si l'article du projet de loi n° 9 affectera l'ensemble des personnes et des familles qui projetaient de venir faire leur vie au Québec, il y aura un impact encore plus considérable pour les personnes qui y habitent, qui y ont intégré le marché du travail et qui participent activement à la société québécoise.

Depuis la présentation du projet de loi n° 9, le Protecteur du citoyen a reçu de nombreuses plaintes qui reflètent l'inquiétude de gens qui habitent au Québec et qui appréhendent les effets de la nouvelle législation sur eux et sur leurs familles. Pour bien illustrer la réalité, j'aimerais vous donner deux exemples de plaintes que nous avons reçues depuis la présentation du projet de loi.

Un candidat arrivé au Québec il y a trois ans a une offre d'emploi validée par un employeur dans un secteur d'activité où il y a une pénurie de main-d'oeuvre. Son permis de travail expire en octobre 2019. Il s'est plaint à nous parce qu'il craint de devoir quitter le Québec, n'ayant pas reçu de décision sur sa demande de certificat de sélection. Un autre détient un diplôme universitaire du Québec, il a suivi des cours de français, mais il n'atteint pas encore le seuil minimal pour être admissible au Programme de l'expérience québécoise. Son permis de travail expire lui aussi à l'automne prochain. S'il n'obtient pas son certificat de sélection, il devra quitter le Québec.

Malgré que le ministère dirige les candidats déjà en sol québécois vers le Programme d'expérience québécoise, ce programme n'offre pas une solution pour toutes et tous, et ce, pour les raisons suivantes. Il exige notamment une connaissance du français oral de niveau intermédiaire avancé. Or, de nombreux candidats, dont un grand nombre sont des diplômés du Québec, n'atteignent pas encore ce niveau de maîtrise de la langue. Pour les travailleurs temporaires étrangers, le même programme exige d'avoir occupé un emploi à temps plein pendant 12 des 24 derniers mois. Quant aux travailleurs autonomes, ils en sont exclus. Ces candidats pourraient bien sûr se tourner vers le Programme des travailleurs autonomes, mais les exigences financières de ce programme, en termes de dizaines de milliers de dollars, pourraient ne pas être à la portée de tous.

En conséquence, je recommande que l'article 20 du projet de loi n° 9 soit modifié afin de prévoir que le premier alinéa ne s'applique pas aux demandes faites par des personnes qui habitent au Québec et que le ministère donne priorité à ces demandes et les traite dans les plus brefs délais.

Parlons maintenant des autres dossiers, soit les 14 300 demandes concernant un peu plus de 39 000 personnes qui projetaient de venir vivre au Québec. Nous faisons face ici à un problème causé notamment par l'écart entre les cibles ministérielles retenues au fil des ans et le nombre de demandes reçues. Concrètement, si les 14 300 demandes de personnes ne vivant pas au Québec devaient être étudiées selon un mode accéléré, nombre de gens se qualifiant aux fins du programme ne pourraient quand même pas y être admis, étant donné l'atteinte du seuil maximal du nombre de personnes acceptées annuellement.

Il en résulte qu'advenant l'adoption du projet de loi n° 9 il serait, selon moi, plus équitable pour les candidats et les candidates toujours intéressés à immigrer au Québec d'être remboursés avec intérêt pour les frais de leurs demandes initiales. De plus, le remboursement proposé devrait comprendre les sommes déboursées par ces personnes à l'appui de leurs demandes pour passer les tests de compétence linguistique.

En conséquence, je recommande que le deuxième alinéa de l'article 20 du projet de loi n° 9 soit modifié pour prévoir que le remboursement des droits exigibles payés par le demandeur porte intérêt selon le taux légal et que le coût des tests linguistiques reconnus par le ministère soit remboursé aux demandeurs dont le dossier est supprimé. Je considère...

• (17 h 10) •

La Présidente (Mme Chassé) : ...

Mme Rinfret (Marie) : Pardon?

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

Mme Rinfret (Marie) : Très bien. Je considère également comme allant de soi que tous les candidats et candidates à l'immigration dont le dossier serait supprimé reçoivent du ministère une lettre signée leur expliquant le contexte, soit la réception d'un trop grand nombre de demandes au regard des cibles ministérielles fixées. Elle exprimerait aussi les regrets de l'administration de procéder à la suppression des dossiers. En pareil cas, les excuses sont bien peu de chose, mais elles peuvent témoigner que nous ne sommes pas indifférents ni insensibles, comme terre d'accueil, aux espoirs de ceux et celles qui s'adressent à nous.

De plus, tenant compte des nombreuses démarches que des personnes ont eu à effectuer pour constituer leurs dossiers de candidature et des frais associés, il m'apparaît essentiel que le ministère retourne à chacun et chacune tout document en format papier qui a été produit à l'appui de leurs demandes. La même lettre les invitera à déposer, s'ils le souhaitent, une nouvelle demande par l'intermédiaire du système Arrima. Des recommandations sont faites en conséquence.

Pour conclure, j'ai pris note, lors des remarques préliminaires, de l'engagement selon lequel le nouveau système Arrima devrait permettre de traiter dans un délai de six mois les candidatures des personnes invitées à déposer une demande de certificat de sélection du Québec. Soyez assurés que je suivrai attentivement l'atteinte de cette cible. Je vous remercie pour votre attention.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre exposé. Le ministre vous a offert certaines de ses minutes. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Rinfret, M. Dussault, Mme Thomas, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. C'est un plaisir de vous retrouver.

D'entrée de jeu, je pense qu'on s'entend sur un point, à l'effet que le fait que le gouvernement du Québec actuel ait des dossiers en inventaire, c'est notamment dû au fait que, préalablement, il n'y avait pas eu de gestion de la demande qui était en lien avec nos cibles d'admission. Donc, ça, je comprends que vous êtes en accord avec ça.

Mme Rinfret (Marie) : C'est une question? Excusez-moi.

M. Jolin-Barrette : Oui, c'est une question.

Mme Rinfret (Marie) : Excusez-moi. Je pense que c'est un fait. On est confrontés aujourd'hui à 18 000 dossiers qui concernent 45 000 personnes dans le dossier du Programme régulier des travailleurs qualifiés.

M. Jolin-Barrette : Puis le Protecteur du citoyen est conscient aussi que, dans le fond, cette accumulation de dossiers là résultait du fait que la gestion de la demande n'était pas faite adéquatement avec les cibles d'accueil du Québec. Bien, ça a créé un inventaire. Ça, c'est sur l'inventaire québécois, mais, parallèlement à ça, aussi, sur les dossiers qui étaient traités, supposons, pour diminuer l'inventaire québécois, en lien avec la gestion de la demande qui était incontrôlée... faisait en sorte que le gouvernement du Québec émettait certains CSQ et, à partir du moment où il y avait un CSQ, envoyait les dossiers CSQ à Ottawa, créant un autre inventaire. Donc, actuellement, à Ottawa, là, il y a 40 000 personnes, 40 000 travailleurs qualifiés qui ont un CSQ et qui sont en attente aussi d'obtenir leur résidence permanente, mais ça, c'est en lien aussi avec les dernières années. Il y a un inventaire aussi par rapport au fait que ça ne respectait pas les cibles d'accueil du Québec. Ça fait que la situation actuelle quand moi, je rentre en poste, c'est cette réalité-là. Vous êtes d'accord avec moi là-dessus?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, M. le ministre, pour être bien au fait de la situation québécoise... Nous n'avons pas enquêté du côté du gouvernement fédéral. Ce n'est pas notre mandat. Je ne vous cacherai pas cependant que nous sommes extrêmement préoccupés par les 18 000 dossiers. Nous avons sonné l'alarme, depuis 2016 à tout le moins. Notre rapport annuel d'activité en faisait état en 2016-2017. Au mois de novembre dernier, j'ai rappelé encore une fois cette situation en enjoignant le ministère à considérer toutes les alternatives nécessaires pour faire en sorte que, de fait, le système Arrima puisse éventuellement être appliqué, parce qu'il s'agit là, de fait, d'un système qui répond mieux aux dossiers en immigration.

M. Jolin-Barrette : Les lacunes avaient déjà été identifiées par rapport à la gestion de la demande. Moi, c'est notamment pour ça que je souhaite utiliser le système Arrima, parce que ce que j'ai constaté aussi, c'est que le taux de refus, là, au Programme régulier de travailleurs qualifiés, c'est d'environ 50 %.

Lorsqu'on parle, supposons, d'un accueil respectueux, ou du processus, ou la démarche aussi, moi, je suis très sensible à cette réalité-là que les gens investissent plusieurs années, font des démarches. La moitié des dossiers sont rejetés parce qu'on dit : Soumettez votre demande, payez le montant, puis on sait pertinemment qu'un candidat sur deux va être rejeté. Ça fait qu'ils perdent, environ, le 1 000 $, plus les tests de français, plus tout ça. Puis en plus, parmi ceux qu'on accueille, parmi les gens qu'on accueille, bien, ils ne répondent pas aux besoins du marché du travail bien souvent, parce que, la grille de sélection, telle qu'elle était faite aussi, le processus de pointage fait en sorte que, bien, souvent, on accueillait des gens qui ne répondaient pas au marché du travail puis en plus, souvent, on n'assurait pas la régionalisation non plus.

Ça fait que ça fait en sorte que les taux de chômage, les cinq premières années, sont plus du double de la population native. On se ramasse aussi avec un taux de surqualification de 59 % des immigrants de moins de cinq. Ça veut dire, ça, qu'ils occupent une job pour laquelle ils sont surqualifiés. Ça amène beaucoup de frustration. On voit les reportages à la télévision, à la radio, des gens qui, dans leurs pays d'origine, ils exerçaient un métier, ils avaient une formation, ici ils sont barrés au Québec. Moi, je ne suis pas à l'aise avec ça du tout. Je veux faire en sorte qu'ils puissent occuper un emploi dans leur domaine de compétence.

L'autre élément aussi, c'est la reconnaissance des compétences avec les ordres professionnels, parfois, lorsque c'est des professionnels, ou même la reconnaissance des acquis. L'autre fois, je donnais l'exemple d'une thanatologue, à l'effet que — une thanatologue française — pour pratiquer au Québec, ça prend un permis du ministère de la Santé, mais, pour donner le permis du ministère de la Santé, le ministère de la Santé demande une attestation d'un établissement collégial québécois. Mais là il n'y a plus d'établissement collégial qui émet des attestations. Ça fait que, là, la personne qui est thanatologue en France ne peut pas pratiquer au Québec à cause de raisons administratives. Ça, on veut changer ça aussi dans le projet de loi en lien avec la coordination qu'on veut conférer au ministère de l'Immigration.

Donc, je suis sensible à cette réalité-là, mais je vous explique le contexte dans lequel on prend notre décision. Puis l'objectif, c'est vraiment que ça cesse, cette façon-là de traiter les gens puis de dire : Bien, venez au Québec, mais vous allez venir ici, puis on ne sait pas ce qui va vous arriver. C'est un peu le contexte dans lequel on est présentement.

Sur l'aspect des cas que vous avez eus, là, qui vous ont appelé, au niveau du Protecteur du citoyen, vous en citez deux, notamment un qui... Le premier cas que vous citez, là, un candidat arrivé au Québec il y a trois ans, une offre d'emploi validée par un employeur dans un secteur d'activité où il y a une pénurie de main-d'oeuvre. Son permis de travail expire en octobre 2019, il s'est plaint à nous parce qu'il craint de devoir quitter le Québec. Le projet de loi ne change rien à sa situation, à cette personne-là, parce que, dans le fond, lui, il pourrait appliquer dans le PEQ, s'il a une expérience de travail de 12 mois, et il est sur un permis de travail fédéral. Mais le projet de loi, il ne change rien à ça. Et ce qu'on a dit, là, dès le départ, là, c'est que, pour les candidats qui ont appliqué sur le territoire québécois, il y a 3 700 personnes... oui, 3 700 demandeurs qui ont appliqué sur le territoire québécois. Pour ceux qui sont encore sur le territoire québécois, qui répondent aux besoins du marché du travail, moi, j'ai dit : On va les inviter prioritairement dans Arrima. Mais, dans le cas du candidat numéro un, théoriquement, il serait admissible au PEQ, mais on ne connaît pas sa situation particulière.

Pour le deuxième, lui, la problématique, c'est au niveau de la connaissance du français, parce qu'il est diplômé ici, mais il n'a pas encore atteint le seuil minimal du PEQ. Mais on ne sait pas s'il est en emploi présentement. Alors, lui, on pourrait également le passer dans Arrima, aussi, pour faire en sorte que, s'il est déjà sur le territoire québécois, il est en emploi... pour ne pas... pour le permanentiser.

Mais l'objectif du projet de loi aussi, c'est de faire en sorte que, toutes les personnes qui sont au Québec en situation temporaire, on puisse les accompagner, on puisse leur donner des ressources pour éventuellement les amener vers la permanence.

Je ne sais pas qu'est-ce que vous pensez de ça, de ce qu'on souhaite faire au niveau des temporaires, les amener vers la permanence, déployer des ressources pour eux. Voyez-vous ça d'un bon oeil?

• (17 h 20) •

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, pour répondre à votre question relativement aux deux cas de plainte que nous avons reçus, les deux personnes ne se qualifient pas au PEQ en raison de leur niveau de français, qui est assez exigeant par rapport au programme... — et là je me trompe toujours dans l'acronyme, là — le Programme régulier des travailleurs qualifiés. Voilà.

Alors, à cet égard-là, il y a des enjeux majeurs pour eux. Il y a une insécurité, et ça, le précédent intervenant l'a manifesté également. Nous, on le sent chez les gens qui nous appellent. Il y a beaucoup d'insécurité, il y a beaucoup d'inquiétude par rapport à leur situation. Ce sont des gens qui sont établis au Québec, qui vivent, en fait, au Québec, et, partant de là, ont des emplois, contribuent à la société québécoise, et ne savent pas si leur certificat de sélection du Québec, de la façon dont ils l'ont demandé, au moment où ils l'ont demandé, pourrait leur être émis.

En fait, ce qu'ils lisent, c'est que leur dossier va être supprimé, et on leur demanderait d'aller sur la plateforme Arrima, où il y a déjà 90 000 personnes qui ont soumis leur candidature. Ils ne savent pas si les conditions qu'ils remplissaient au moment où ils ont déposé leur demande de certificat de sélection seront encore valides au moment de l'examen de la demande. Parce qu'ils vont être invités, hein? Ce n'est pas juste de faire une déclaration d'intérêt, c'est d'attendre d'avoir l'invitation pour déposer, pour...

M. Jolin-Barrette : Là-dessus, j'ai été très clair. J'ai dit : Pour les candidats au Québec, on souhaite les inviter prioritairement. Ça, dès le départ, dès le dépôt du projet de loi, je l'ai dit.

Pour ce qui est aussi de leur statut, là, le projet de loi ne change rien à leur statut. Parce qu'on enlève le projet de loi n° 9, là... Ces deux candidats-là, là, ils ont déposé leurs demandes dans le PRTQ, O.K.? Il n'y avait aucune garantie qu'ils allaient être sélectionnés puis que leurs dossiers allaient passer. Ça, là-dessus, vous êtes d'accord avec moi, sur le fait qu'il n'y avait aucune garantie qu'un CSQ allait être délivré.

Mme Rinfret (Marie) : C'est vrai.

M. Jolin-Barrette : ...50 % de taux de refus. On s'entend là-dessus.

Mme Rinfret (Marie) : C'est vrai. Oui.

M. Jolin-Barrette : Moi, ce que je dis, c'est qu'avec Arrima, pour les gens qui sont en emploi ici, qui sont sur le territoire québécois, on va les inviter prioritairement. Donc, là-dessus... Et je les invite rapidement à déclarer leur intérêt et à faire en sorte qu'on puisse les inviter. Mais, juste pour mettre les choses claires, avec le PRTQ, il n'y avait aucune garantie.

Et, l'autre élément, c'était une situation où ils sont temporaires, le statut est temporaire. Notre objectif, éventuellement, c'est de s'assurer de la permanentisation de toutes ces personnes-là qui répondent aux besoins du marché du travail. Mais je pense qu'on se rejoint là-dessus.

Mme Rinfret (Marie) : Mais, là où il faudra faire attention, M. le ministre, et j'ai déjà passé le message il y a deux ans... Le diable est dans les détails. Et, à cet égard-là, il va... Je vous présente ces dossiers, vous précisez votre pensée, c'est parfait. Maintenant, il n'en demeure pas moins que ces personnes-là auront avancé des sous, et là leur dossier va être supprimé. Ils ne seront pas basculés automatiquement dans Arrima. Ils vont devoir éventuellement faire à nouveau des déboursés. Est-ce que les tests linguistiques qu'ils avaient passés il y a deux ans vont toujours être valides dans le système Arrima? C'est des inquiétudes qui sont vécues au quotidien par les personnes qui, au moment où on se parle, sont en emploi au Québec. Ils y vivent, ils y contribuent comme... au sein de la société québécoise. Leur permis de travail, qui dépend du certificat de sélection du Québec... On ne sait pas trop, en octobre 2019, est-ce qu'Arrima va être en fonction. Est-ce que je vais avoir reçu mon certificat de sélection, dans l'hypothèse, bien sûr, où il me sera délivré? C'est toutes des situations, M. le ministre, qui, au-delà des dossiers, concernent des personnes qui vivent au Québec, qui ont fait le choix de contribuer à notre société et qui malheureusement, tout à coup, se retrouvent dans le vide et n'ont pas l'heure juste, parce que la situation est en mouvance, là.

Ce qui fait que la proposition, la recommandation qu'on formule rejoint ce que vous me dites, en ce sens que les personnes qui vivent au Québec seraient traitées prioritairement dans Arrima. Moi, ce que je vous propose, c'est que les personnes qui vivent au Québec soient traitées prioritairement dans le système actuel, donc qu'elles n'aient pas elles-mêmes à reprendre les démarches, à reformuler, à remplir à nouveau les formulaires, à attendre de la part du ministère une invitation. Le dossier, il est, pour la plupart du temps, complet. Ce n'est pas un nouveau dossier qui a été déposé il y a quelques semaines, c'est un dossier complet qui n'attend peut-être qu'un examen d'un fonctionnaire puis une décision. Alors que, si on lui dit tout de go : On supprime votre dossier, retournez dans Arrima, vous allez avoir une voie royale, bien, il faut quand même reprendre toutes les démarches, mettre encore une fois la main dans ses poches, décaisser des sous, reprendre des tests de français. Bref, on ne facilite pas la vie à des gens qui déjà occupent des emplois, dans des emplois où il y a une pénurie de main-d'oeuvre, puis qui contribuent à la société québécoise avec nous, en l'occurrence dans le dossier qui nous a été soumis depuis trois ans.

M. Jolin-Barrette : Je comprends et je vous entends. Quelques points, par contre. Premier point, dans le Programme régulier des travailleurs qualifiés, et c'était là avant que j'arrive aussi, les tests de français, après deux ans, il fallait que les gens les refassent. C'était la norme administrative. On est en train de regarder ça, là, mais c'était la réalité. Puis, à cause que les délais étaient pas mal plus que deux ans, en moyenne 36 mois, ça veut dire que tous les candidats devaient repayer le test de français. Ça, c'est une réalité, j'en ai pris acte, puis on est en train de regarder ça. Premier élément.

Alors, pour ce qui est de la question des coûts rattachés au test de français, je comprends votre argument, mais il y a des nuances à apporter là-dessus, parce que, de toute façon, les tests de français auraient dû être renouvelés. Premier élément.

Deuxième élément, le permis de travail fédéral, le renouvellement n'est pas conditionnel au CSQ. Le fédéral fait ses renouvellements, ça touche uniquement le fédéral, mais le fait que le CSQ soit émis, ce n'est pas ça qui rentre en ligne de compte. Donc, l'émission du CSQ ne fait pas en sorte que vous renouvelez le permis fédéral. Les deux, ce n'est pas lié puis ce n'est pas conditionnel. Parce que, quand vous dites : Celui-ci est habituellement conditionnel à la détention d'un certificat de sélection du Québec, ce n'est pas le cas, ce n'est pas exact. Ça fait que là-dessus on ne s'entend pas.

Sur le fait de dire : Ils sont en emploi, je comprends, les gens qui vous ont interpelée, ceux-ci étaient en emploi. Ça ne veut pas dire que tous les candidats qui sont au Québec sont en emploi nécessairement.

L'autre élément aussi, parmi les 3 700 demandeurs principaux, les demandeurs qui ont fait leurs demandes au Québec, un, on ne sait pas combien il y en a encore au Québec; deux, on ne sait pas combien sont en emploi; trois, c'est pour ça qu'on instaure notamment, dans le projet de loi n° 9, un suivi, une traçabilité, un parcours d'accompagnement personnalisé, justement pour s'assurer de l'intégration des personnes immigrantes.

Ça fait que c'est quelques nuances que je souhaite apporter. Mais je vous entends bien puis je suis très sensible à la réalité des personnes qui sont sur le territoire québécois, qui veulent demeurer sur le territoire québécois, et le choix du gouvernement, c'est de les inviter prioritairement dans Arrima. Et, pour ce qui est de la déclaration d'intérêt, c'est gratuit, on rembourse les gens et on va inviter prioritairement ces personnes-là. Donc, à ce stade-ci, le gouvernement est dans cette position-ci, mais je suis sensible aux arguments que vous soulevez.

Je ne sais pas si j'ai des collègues qui veulent intervenir.

La Présidente (Mme Chassé) : Il n'y a personne qui s'est signifié. Ah oui! Peut-être la députée des Plaines. Allez-y.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous invite à prendre la parole.

Mme Lecours (Les Plaines) : C'est beau? Je suis heureuse de faire votre rencontre, Mme Rinfret, mesdames et messieurs.

Il y a un aspect aussi, dans le projet de loi n° 9, que j'aimerais que vous abordiez, parce que, bon, j'imagine que vous allez être d'accord avec moi qu'une intégration réussie, c'est un gain économique, mais surtout, c'est un gain humain aussi pour la société québécoise. Et, à cet égard, justement, le projet de loi n° 9 vise également le principe de l'intégration réussie. Il y a des services qui sont offerts actuellement. J'aimerais vous entendre sur la qualité de ces services-là. Et ma deuxième question, c'est : Comment pourrait-on les améliorer davantage, justement, pour régler certaines de ces problématiques?

• (17 h 30) •

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, au moment où on se parle, les interventions que nous avons faites auprès du MIDI portaient davantage puis presque essentiellement, je vous dirais, aux délais relatifs à la délivrance du certificat de sélection du Québec. D'entrée de jeu, dans mon allocution, j'ai mentionné souscrire aux objectifs visés par le projet de loi. Et, à cet égard-là, bien sûr, l'intégration, tout comme l'adéquation avec les besoins du marché du travail, c'en fait partie, et ça, on le salue. On l'a demandé d'ailleurs, déjà, à plusieurs reprises. Et on considère que ça répond aux recommandations qu'on a pu déjà formuler au ministère de mieux planifier, de mieux organiser, de mieux orchestrer les demandes en immigration pour, justement, y avoir une adéquation.

Il est important que vous sachiez que nous n'avons pas compétence sur les partenaires qui peuvent offrir des services aux personnes immigrantes. Donc, les gens qui, par exemple, offrent des cours de français, donc tout ce qui a trait à la francisation, nous n'avons pas compétence. Donc, je ne peux me prononcer sur la qualité des services qui y sont offerts.

Mme Lecours (Les Plaines) : Je comprends votre réserve. C'est juste que, quand je regarde le candidat que ça fait trois ans qu'il est ici, il détient un diplôme universitaire, et il a même suivi des cours de français, puis il ne se qualifie pas, je me disais : Est-ce qu'à quelque part c'est une question d'offre qui n'est pas... disons, qui n'est pas arrimée, pour faire un jeu de mots, avec les besoins?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, c'est une hypothèse, et j'aurais tendance effectivement à l'explorer. Maintenant, pour être admissible au Programme sur l'expérience québécoise, l'exigence du français est élevée, là. On n'est pas dans le langage courant. Ce qui fait que, bien, à cet égard-là, il y a des gens qui ne se qualifient pas, ne passent pas ces tests de français parce que, bien, ils occupent un emploi, ils ont une famille, ils n'ont pas le temps d'aller suivre les cours qui leur permettraient d'acquérir un niveau plus avancé du français mais qui par ailleurs leur permet d'obtenir un certificat de sélection du Québec en vertu du Programme régulier des travailleurs qualifiés. Voilà.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions du groupe formant le gouvernement? M. le ministre, je vous donne la parole.

M. Jolin-Barrette : Juste un autre détail. Dans votre mémoire, vous dites d'informer les gens. On leur a envoyé deux courriels, dans leurs dossiers, à l'effet du suivi qu'il fallait apporter à leurs dossiers. Donc, pour toutes les personnes, on les oriente vers le programme régulier... vers Arrima ou vers le Programme de l'expérience québécoise. Et je le dis et je le répète, pour les gens qui vont vouloir venir au Québec, en lien avec les besoins du marché du travail, on va les inviter par Arrima. Donc, toutes les personnes ont été contactées par courriel déjà pour connaître le suivi associé à leurs dossiers.

Mme Rinfret (Marie) : Si vous me permettez, M. le ministre, je le sais parce que les gens nous transmettent, de fait, les courriels qu'ils ont reçus. Je dois cependant vous signifier, puis je vais le dire comme je le pense, le manque d'empathie reçue de la part des personnes qui reçoivent le courriel, qui est assez anonyme, qui ne leur permet pas de penser qu'ils peuvent être accompagnés dans cette transition.

Vous savez, les gens qui font appel au Protecteur du citoyen, c'est, à terme, leur ultime recours. Ils se sentent absolument démunis dans cette situation et, bien qu'informés, ils n'ont pas l'impression d'avoir l'heure juste, ils ne savent plus trop vers où se retourner, qu'est-ce que ça veut dire, «Arrima». Ils ont déposé leurs dossiers, ils ont essayé de savoir où en étaient leurs dossiers, ce n'est pas trop évident. De sorte que...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une trentaine de secondes.

Mme Rinfret (Marie) : ... — merci — de sorte qu'il y a peut-être, là également, un enjeu de communication, de la part du ministère, à l'égard des personnes qui seront visées, qui sont visées par la transition dont on parle aujourd'hui, quelles qu'elles soient, quelles qu'elles soient.

M. Jolin-Barrette : Je comprends. Cela étant dit, l'information est disponible puis elle est communiquée. Donc, je comprends, ce que vous nous dites, c'est : faire preuve de davantage... Bien, en fait, le courriel, il m'apparaît clair, mais ce que vous nous dites, c'est qu'il pourrait être plus clair.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je dois céder la parole à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Moi, ce que j'entends, Mme la Protectrice du citoyen — je vous salue, et ça, de même que vos collègues — et en tout respect pour le ministre, moi, ce que j'entends, c'est que les communications ne fonctionnent pas bien présentement. Et moi, à titre de députée, je le sais parce que des gens nous en parlent constamment. Et ce n'est pas les deux courriels qu'ils ont reçus qui feraient l'affaire, de toute façon, parce qu'ils ont besoin d'avoir davantage d'information, d'être mieux guidés.

Et c'est toute la complexité, en fait, du système d'immigration, évidemment. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut traiter de manière cavalière, c'est un processus qui est long, qui est complexe. Et, quand on commence à rentrer dans le détail, comme vous le disiez vous-même, entrer dans les détails, c'est là qu'on constate qu'il y a un travail de fond qui est à faire, qui doit être respectueux de la personne. Puis je pense que c'est ce que les gens expriment. Du moins, c'est ce que je lis dans votre rapport.

J'aimerais revenir sur un certain nombre de choses, les inventaires, premièrement, 2011, il y avait environ près de 100 000 dossiers en inventaire et, au fil des années, qu'il y a eu une diminution de ces inventaires-là. Et je n'aime pas utiliser le terme «inventaire», mais c'est quand même... c'est des inventaires de dossiers, même si on parle de personnes, qui ont diminué au fil du temps. Donc, depuis 2011, vous vous êtes exprimée, j'imagine, sur la question, et de dire qu'il fallait absolument qu'il y ait une réduction de ce nombre-là à terme. C'est ce que je comprends de ce que vous dites puis de vos rapports précédents.

Mme Rinfret (Marie) : Absolument.

Mme Anglade : Et, lorsqu'on était à 95 000, année en année, il y a eu des réductions. L'année dernière, il y a eu 20 000 dossiers de traités dans la réduction des inventaires. Donc, il y a eu une réduction significative qui s'est faite au cours des dernières années également, vous le reconnaissez.

Lorsque l'on parle des 18 000 dossiers des personnes qui sont touchées par ça, j'entends le ministre qui nous dit que, dans Arrima, les personnes qui sont installées au Québec vont avoir une priorité. Cependant, ce que l'on sait de la part du sous-ministre adjoint, c'est que c'est 400 dossiers qu'ils ont l'intention de traiter dans Arrima cette année. C'est le chiffre que nous avons. Est-ce que vous avez la même compréhension ou vous n'avez pas de visibilité là-dessus autre que ce chiffre qui a été partagé la semaine dernière par le sous-ministre adjoint du ministère de l'Immigration?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, c'est le seul chiffre qu'on... On en a pris acte, nous aussi, au moment, là, où on l'a entendu. De la même manière, il y a des chiffres également qui apparaissent, sur les seuils, les cibles d'émission de certificats de sélection du Québec, dans la décision de la Cour supérieure du Québec, qui découlent d'un affidavit, d'une déclaration assermentée, là, du sous-ministre adjoint.

Mme Anglade : D'accord. Dans le document que vous nous présentez, vous avez des recommandations et vous dites que l'article 20 du projet de loi n° 9 devrait être modifié pour prévoir le remboursement des droits exigibles, mais également le coût des tests linguistiques. Vous ne faites pas référence, par exemple, à d'autres coûts additionnels comme les services de traduction, comme la certification de documents. Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle vous ne faites pas référence à ces autres coûts qui sont quand même associés à la demande?

Mme Rinfret (Marie) : C'est que ces autres coûts, ils pourront... Dans le fond, les documents pourront être utilisés dans le cadre d'une nouvelle demande. Comme par exemple, si la personne veut déposer une nouvelle demande dans le système Arrima, elle aura déjà les documents authentifiés. Cependant, les tests linguistiques, comme le ministre nous l'a dit tout à l'heure, eux, ils ont une date de péremption. C'est qu'après deux ans on est tenu de passer de nouveaux tests. Donc, une personne qui était sur le point d'obtenir son certificat de sélection du Québec et dont les tests linguistiques avaient été passés il y a 18 mois, par exemple, bien, si elle doit se réinscrire, il va falloir qu'elle passe de nouveaux tests, ce qui va engendrer des nouveaux coûts pour la personne, pour les mêmes tests.

Mme Anglade : Ça, c'est à supposer aussi que la personne qui a fait sa demande puisse de manière... puisse faire sa déclaration d'intérêt de toute façon dans Arrima. Mais, si c'est...

Mme Rinfret (Marie) : Bien sûr.

• (17 h 40) •

Mme Anglade : O.K. De toute façon. Bien, parce que ce qui nous a été présenté hier, c'est qu'au-delà de ces montants-là puis de ce que vous suggérez... c'est qu'au-delà du 19 millions de remboursement pour supprimer l'ensemble des dossiers il y aurait des coûts additionnels. Et hier il y a des avocats qui sont venus nous parler d'un risque de poursuite, également, de la part des personnes qui sont touchées par ça, parce que, justement, elles demanderaient à avoir compensation pour certains des frais si leur dossier n'est tout simplement pas traité. Est-ce que vous avez un commentaire par rapport à ça? Peut-être que c'est trop juridique pour vous pour commenter, mais je vous soumets quand même la question.

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, pour ma part, j'ai le souhait profond que les gens n'auraient pas à déposer de demande auprès des tribunaux judiciaires. Ils peuvent toujours s'adresser au Protecteur du citoyen s'ils ont le sentiment qu'un préjudice leur a été causé. Maintenant, dans le projet de loi, à l'article 20, il y a une clause, un alinéa qui prévoit, là, l'absence de recours, alors il faudra voir. Les gens ont à exercer les recours auxquels ils pensent qu'ils ont droit, en somme.

Mme Anglade : Mme la protectrice, vous êtes habituée à recevoir des plaintes, vous êtes habituée, c'est ça, votre... une partie de votre rôle. Et on dit : «Depuis la présentation du projet de loi — ça ne fait pas encore trois semaines qu'il a été déposé — le Protecteur du citoyen a reçu de nombreuses plaintes...» Est-ce que vous pouvez qualifier de «nombreuses plaintes» par rapport à ce que vous voyez d'habitude? Est-ce que c'est un nombre très important? Ça se compare à quoi, en général, dans ce que vous avez vécu par le passé? Vous avez pas mal d'expérience.

Mme Rinfret (Marie) : C'est un nombre qui est très important par rapport au volume de plaintes auquel on est habitués d'avoir concernant le ministère. Pour, donc, l'espace de deux semaines, là, on a reçu au-delà de 60 plaintes qui concernent le projet de loi n° 9 et la situation qui est soulevée par le projet de loi, en fait par l'article 20 essentiellement.

Mme Anglade : Très bien. Juste pour clarifier, les cas que vous avez mentionnés, je sais que le ministre n'était pas en accord, donc je veux juste clarifier une chose. Alors : «Un candidat, arrivé au Québec il y a trois ans, a une offre d'emploi validée par un employeur[...]. Son permis de travail expire en octobre[...]. Il s'est plaint à nous parce qu'il craint de devoir quitter le Québec.» En quoi est-ce que c'est directement lié à la décision de ne pas traiter le dossier? Je veux juste bien comprendre. Est-ce que c'est... Parce qu'il dit : Si j'avais le CSQ maintenant, je n'aurais pas ce problème-là. C'est simplement ça?

Mme Rinfret (Marie) : Oui, parce qu'avec son CSQ, son permis de travail, en fait, ça simplifie. Et le ministre a raison quand il vient préciser l'élément qui se retrouve dans mon allocution, ce n'est pas conditionnel, mais ça vient simplifier l'obtention du permis de travail par le gouvernement fédéral.

Mme Anglade : Alors, en somme, votre recommandation très forte étant de traiter les 18 000 dossiers, tant d'un point de vue humain que d'un point de vue du système. Parce que vous êtes habituée à voir le système et les transitions, et vous savez que les transitions peuvent être difficiles. Donc, en somme, ce que vous dites, c'est : Traitez les 18 000 dossiers le plus rapidement possible pour qu'on puisse maintenant passer à Arrima. En fait, c'est très... ça se résume à ça, et c'est essentiellement le coeur de votre préoccupation aujourd'hui. Ce n'est pas la nouvelle loi, ce n'est pas le système Arrima lui-même, c'est vraiment cette transition qui est présentement mal gérée. C'est ça?

Mme Rinfret (Marie) : Bien, ce qu'on demande, c'est de clarifier effectivement la situation pour les 45 000 personnes visées par les 18 000 dossiers. Dans les recommandations qui sont formulées devant vous aujourd'hui, il y a deux voies de passage. Une première qui vise les personnes qui vivent au Québec : on demande que leurs dossiers soient traités en priorité et, conséquemment, qu'elles n'aient pas à reprendre l'ensemble de leur démarche et des procédures dans le nouveau système Arrima. Et, quant aux 14 300 autres dossiers, qui, pour leur part, visent approximativement 39 000 personnes, elles ne vivent pas encore au Québec, ce qu'on demande, c'est effectivement que les droits exigés soient remboursés, avec intérêt, et également que les tests linguistiques qu'ils ont dû assumer et qui seront périmés si elles déposent une nouvelle demande dans le système Arrima, par exemple, leur soient remboursés.

Mme Anglade : Parfait. Je vais maintenant céder... Je vous remercie, donc, de vos commentaires. J'aimerais céder la parole à un de mes collègues. D'abord, je vais commencer par le député de Jacques-Cartier.

La Présidente (Mme Chassé) : ...Jacques-Cartier.

M. Kelley : Mme la Présidente, nous avons combien de temps qui reste?

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste six minutes.

M. Kelley : Six minutes? Parfait. Juste une question. Après votre échange avec le ministre, est-ce que vous pensez que le MIDI ou le ministre va présenter ses excuses envers les personnes qui ont reçu des... deux courriels?

Mme Rinfret (Marie) : Ma recommandation s'applique à l'ensemble des personnes, donc aux 45 000 personnes visées par les 18 000 dossiers. Je pense que, comme société, on doit être en mesure d'exprimer aux gens envers qui on a créé des attentes, hein... Les personnes qui ont déposé une demande de certificat de sélection du Québec attendent du MIDI, du gouvernement du Québec que leurs dossiers soient étudiés, ils attendent une décision sur leurs demandes.

Et conséquemment, aujourd'hui, on fait le constat qu'en raison de l'inventaire, en raison du volume de dossiers et compte tenu des seuils d'immigration qui sont fixés on ne pourra pas les traiter, de sorte qu'on souhaite passer immédiatement au nouveau système de gestion des demandes d'immigration, appelé Arrima, et on veut faire maison nette. Et, par conséquent, on supprime les 18 000 demandes, les 18 000 dossiers.

Je pense qu'au minimum on doit leur écrire, leur expliquer cette situation, leur rembourser les droits exigibles qu'ils ont payés, avec intérêt, leur rembourser les tests linguistiques qu'ils devront repasser à nouveau, puisque... dans l'hypothèse où ils veulent appliquer sur le système Arrima, bien leur expliquer le système Arrima et les inviter à nous faire part de leurs demandes, dans l'hypothèse où ils veulent toujours venir au Québec, bien sûr.

M. Kelley : O.K. Mais est-ce que vous pensez que le ministère va présenter ses excuses ou est-ce que vous n'avez pas vraiment cette confiance présentement?

Mme Rinfret (Marie) : Moi, je pense que oui, je pense que, comme... C'est une recommandation que l'on formule. Je pense que toute personne qui a fait un projet de vie de venir s'installer au Québec et dont on souhaite qu'elle réapplique dans notre système Arrima, bien, devrait effectivement recevoir des excuses de la part du ministère pour expliquer : Malheureusement, on ne peut traiter votre dossier parce qu'on... raison x, trop de volume, trop de ceci, on a installé un nouveau système qui va mieux fonctionner, puis on vous demande de nous manifester votre intérêt, et, si on a besoin de vous, on va vous inviter à poser votre dossier, qui sera à ce moment-là étudié.

M. Kelley : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : J'invite le député de Nelligan à prendre la parole.

M. Derraji : Il me reste combien de temps, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme Chassé) : Trois minutes.

M. Derraji : Trois minutes. Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre rapport. À la lumière de la recommandation 4, quand j'essaie de la lire, j'ai comme l'impression que vous avez fait une lecture que le MIDI n'était pas prêt à gérer une crise et que cette crise, malheureusement, de déchiqueter les 18 000 dossiers, a des conséquences très graves, des conséquences très graves à court terme, vu qu'il y a des gens qui sont déjà sur le territoire, mais aussi des vies humaines, des gens en attente d'une réponse. Pensez-vous qu'en tant que votre rôle de blâmer le gouvernement et de blâmer le ministère par rapport à ce qui vient d'arriver c'est uniquement des excuses qui vont atténuer un peu ce qu'on est en train de faire vivre à ces gens?

• (17 h 50) •

Mme Rinfret (Marie) : Je vous remercie de votre question parce que ça me permet de préciser mon rôle et de venir préciser également que je ne suis pas ici pour blâmer personne. À titre de Protectrice du citoyen, je vous fais part de mon expérience, de l'expertise que j'ai pu recueillir, que mon équipe a pu recueillir au fil des 50 ans de notre existence. Ça, c'est une chose.

Maintenant, la recommandation 4, elle répond à un grand souhait d'empathie, et également à obtenir pour les personnes qui veulent venir au Québec d'avoir l'heure juste, de bien comprendre ce qui s'est passé le 9 ou le 7 février 2019, à savoir : on a fait un constat, on a trop de dossiers et on a mis en place un nouveau système qui va mieux fonctionner, alors on vous avise qu'on a dû supprimer votre dossier, on vous rembourse des frais payés, on vous rembourse pour les tests linguistiques que vous avez dû assumer et par ailleurs on vous invite à manifester votre intérêt au sein du nouveau système Arrima.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une trentaine de secondes.

Mme Rinfret (Marie) : Merci. C'est l'objectif visé. Cette solution-là, elle se veut une réponse à l'insécurité, à l'inquiétude des gens qui vont voir leurs dossiers supprimés.

M. Derraji : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. On sent toute la sensibilité que vous avez à l'égard du présent dossier, donc je trouve que c'est comme un cri du coeur, puis ça fait du bien de vous entendre.

Je vais vous amener d'abord sur ce que vous avez dit dans votre présentation, mais ce qui est également mentionné à la page 3 de votre mémoire, sur le fait que votre rapport, en 2016-2017, sonnait déjà, disons, l'alarme sur la question des demandes reçues en ligne. Selon vous... Bien qu'on ne puisse pas revenir en arrière, mais qu'est-ce que le gouvernement aurait dû faire à l'époque pour corriger tout de suite le tir? Ça peut nous servir de leçon peut-être pour l'avenir.

Mme Rinfret (Marie) : Je vous dirais que, et, à ce titre-là, le système Arrima est bien réfléchi, au moment... L'inventaire a été causé par un volume de demandes d'immigration qui était beaucoup plus grand que les seuils, donc que notre, je vais dire, capacité d'accueil en fonction des cibles, des seuils, des quotas, peu importe comment on les appelle, d'immigration à recevoir dans tel programme ou dans tel autre. Et c'est ce qui fait qu'année après année, à partir du moment où le seuil était atteint, on mettait en suspens le reste des dossiers qu'on avait reçus et on reprenait l'étude des dossiers l'année suivante, quand on avait... quand on mettait à niveau... qu'on recommençait, dans le fond, la délivrance des certificats de sélection du Québec — excusez-moi.

Mme Fournier : Donc, à ce moment-là, le problème devrait être réglé par le nouveau système, comme vous le dites?

Mme Rinfret (Marie) : Oui.

Mme Fournier : Bon. Tant mieux. Vous avez parlé évidemment des nombreuses plaintes que vous avez reçues concernant la décision d'annuler les 18 000 dossiers. Nous aussi, on a beaucoup d'appels dans nos bureaux de circonscription. Mes attachés politiques me faisaient remarquer qu'on avait rarement vu ça, là, pour un dossier, qu'il y ait autant de gens qui nous interpellent. Puis, en fait, c'est qu'il y a beaucoup, beaucoup d'incertitude, parce qu'il y a même des gens qui viennent nous voir ou qui nous téléphonent qui ne sont pas visés par l'élimination des dossiers. Puis c'est d'ailleurs ce que nous rapportaient certains organismes un peu plus tôt, aujourd'hui, également. Est-ce que c'est votre cas aussi? Est-ce que vous recevez des appels, des plaintes des gens qui ne sont pas visés, mais qui, par l'incertitude causée ou par la mauvaise communication gouvernementale, pensent qu'ils vont perdre, par exemple, leurs certificats de sélection du Québec?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, c'est notre rôle comme ombudsman, lorsqu'on reçoit ce type d'appel, et, oui, bien sûr, on en reçoit, on réfère les personnes aux bons organismes, aux bons endroits pour qu'ils puissent obtenir l'aide qu'ils recherchent et le support qu'ils recherchent.

La Présidente (Mme Chassé) : Je veux seulement vous informer qu'il vous reste une minute.

Mme Fournier : Bien, une question pour terminer. Est-ce que vous donneriez comme recommandation au gouvernement qu'à l'avenir il puisse réfléchir davantage ses communications gouvernementales en termes humains plutôt qu'en termes administratifs comme il a semblé le faire dans le projet de loi n° 9?

Mme Rinfret (Marie) : Encore une fois, et je pense qu'ici ça se pose avec encore plus d'acuité, de planifier, de gérer la transition. Et moi, je dis : Planifiez, gérez la transition en plaçant la personne au coeur de la prestation de services. C'est ça qui va devenir primordial et c'est ça qui va permettre aux personnes d'être rassurées dans l'administration de l'application du projet de loi, lorsqu'il sera adopté, ou encore du système Arrima, ou des transferts, ou de la bascule, selon l'orientation que vous aurez prise à titre de législateur en ce qui concerne le projet de loi n° 9.

Mme Fournier : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci pour votre exposé très, très clair. Et, justement, mettre la personne au coeur de la prestation de services... Est-ce que vous qualifieriez les agissements du gouvernement, du MIDI, de manque d'humanité par rapport au traitement de ces dossiers-là?

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, je ne suis pas devant vous pour qualifier les agissements de qui que ce soit. Ce que je souhaite... On est en présence d'une situation que j'ai qualifiée de critique dans le cadre de mon allocution. On a la chance, moi, j'ai la chance de vous partager les constats que j'ai faits à partir de l'expérience, à partir de notre expertise, et j'invite les... je vous invite, à titre de parlementaires, mais j'invite également l'administration publique à démontrer... particulièrement dans ce dossier-ci, parce qu'on la sent, l'insécurité, on l'entend, les inquiétudes également, de faire preuve d'empathie, donc de placer vraiment, ici, les personnes au coeur de la prestation de services pour s'assurer que, dans toute communication comme dans toute décision, on se mette à leur place, puis qu'on comprenne qu'ils vont comprendre ce qu'on veut dire, puis qu'on va les accompagner comme on veut le faire avec les objectifs prévus dans le projet de loi n° 9.

M. Fontecilla : Vous n'avez pas parlé du critère de l'âge, qui joue quand même un rôle important dans le pointage de la grille de sélection. Est-ce que vous pensez que cette question-là, l'âge de la personne, dans le traitement du dossier, devrait... l'âge considéré, ça devrait être l'âge au moment du dépôt de la demande?

Mme Rinfret (Marie) : C'est pour cela notamment, en ce qui concerne les personnes qui vivent au Québec déjà et qui sont en attente d'une décision sur leur demande de certificat de sélection du Québec, qu'on demande que leur demande soit traitée en fonction des conditions au moment où ils ont déposé leur demande, plutôt qu'effectivement si on leur demande de refaire une nouvelle demande... Ça fait beaucoup de mots «demande», hein? Mais, si on exige qu'ils déposent leur nouvelle demande sur le système Arrima, bien là, peut-être qu'ils ne se qualifieront plus, effectivement.

M. Fontecilla : Justement, le ministre invite les gens qui restent au Québec à déposer dans Arrima. On sait qu'il y a 6 000 personnes et on sait en même temps qu'il va y avoir 400 permis... certificats de sélection du Québec émis à la fin de l'année. Est-ce que ça vous paraît juste, équitable comme traitement, là, pour ces personnes-là, comme voie de solution, là?

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, à cet égard-là, je ne suis pas ici, encore une fois, pour me prononcer sur les seuils, les cibles d'immigration. Il devra y avoir... Quelle que soit la solution que vous reteniez, qui sera retenue, le traitement des demandes, de l'ensemble des demandes devra être équitable et respectueux des personnes en fonction de leur statut et du type de programme sur lequel ils appliquent.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, merci beaucoup. Nous vous remercions pour votre contribution aux travaux de la commission.

La commission ajourne ses travaux. On se retrouve demain, jeudi 28 février, après les affaires courantes.

(Fin de la séance à 17 h 59)

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