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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Tuesday, February 26, 2019 - Vol. 45 N° 5

Special consultations and public hearings on Bill 9, An Act to increase Québec’s socio-economic prosperity and adequately meet labour market needs through successful immigrant integration


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Table des matières

Auditions (suite)

Association québécoise des avocats et avocates en droit d'immigration (AQAADI)

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

Montréal International (MI)

Québec International

Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)

Barreau du Québec

Intervenants

Mme MarieChantal Chassé, présidente

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Lucie Lecours

Mme Dominique Anglade

Mme Paule Robitaille

M. Monsef Derraji

Mme Catherine Fournier

M. Andrés Fontecilla

M. François Jacques

M. Richard Campeau

M. Christopher Skeete

M. Joël Arseneau

M. Samuel Poulin

Mme Stéphanie Lachance

M. Gregory Kelley

*          M. Guillaume Cliche-Rivard, AQAADI

*          Mme Martine Hébert, FCEI

*          M. Stéphane Forget, FCCQ

*          M. Michel Cournoyer, idem

*          M. Alexandre Gagnon, idem

*          M. Hubert Bolduc, MI

*          M. Martin Goulet, idem

*          M. Joël Beaudoin, idem

*          M. Carl Viel, Québec International

*          Mme Line Lagacé, idem

*          Mme Marie-Josée Chouinard, idem

*          M. Yann Hairaud, TCRI

*          M. Stephan Reichhold, idem

*          Mme Dominique Lachance, idem

*          Mme Réa Hawi, Barreau du Québec

*          M. Hugues Langlais, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures cinq minutes)

La Présidente (Mme Chassé) : Bonjour. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes ici présentes, dans la salle, de bien vouloir éteindre la sonnerie de tous leurs appareils électroniques. Je vais le faire moi-même, d'ailleurs. Très bien.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 9, la Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes.

Tout d'abord, est-ce qu'il y a consentement pour que le député de Rimouski soit remplacé ce matin par la députée de Marie-Victorin et qu'ensuite la députée de Marie-Victorin soit remplacée par le député des Îles-de-la-Madeleine?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci.

Mme la secrétaire, y a-t-il d'autres remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Poulin (Beauce-Sud) est remplacé par M. Campeau (Bourget); M. Birnbaum (D'Arcy-McGee) est remplacé par M. Derraji (Nelligan); Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis), par M. Kelley (Jacques-Cartier); Mme Sauvé (Fabre), par Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne); Mme Dorion (Taschereau) est remplacée par M. Fontecilla (Laurier-Dorion); puis M. LeBel (Rimouski) est d'abord remplacé par Mme Fournier (Marie-Victorin).

La Présidente (Mme Chassé) : Excellent. Avant de débuter, je précise que la séance a commencé à 10 h 5. Y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, soit jusqu'à 12 h 5?

Des voix : Consentement.

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Merci à tous. Ce matin, nous débuterons les auditions par l'Association québécoise des avocats et des avocates en droit de l'immigration et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante

Je souhaite donc la bienvenue à l'Association québécoise des avocats et des avocates en droit de l'immigration. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Je vous ferai signe près de la fin. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Association québécoise des avocats et avocates
en droit d'immigration (AQAADI)

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci. Je vous présente Me Trempe, qui est rédactrice du mémoire; Me Kim aussi, qui est sur notre conseil d'administration, qui est aussi rédacteur du mémoire, avec Me Rogov, qui n'est pas avec nous aujourd'hui; et puis il y a moi-même, le président de l'AQAADI, Me Cliche-Rivard, qui a participé à la rédaction aussi. Alors, c'est nous qui représentons l'AQAADI aujourd'hui.

D'abord, merci de l'invitation. Merci au comité. Merci à vous d'être présents, présentes pour entendre nos propositions. On vous a communiqué notre mémoire dans les délais les plus raisonnables, considérant qu'on n'avait quand même pas beaucoup de temps. Mais, cela étant dit, je pense que nos rédacteurs, nos rédactrices ont fait quand même un bon travail, considérant le temps qu'on avait.

Je veux quand même prendre quelques secondes pour introduire l'AQAADI, parce que ce n'est pas tout le monde qui connaît notre association. Alors, l'AQAADI a été fondée en 1991 et regroupe environ 250 avocats et avocates, à travers le Québec, qui oeuvrent dans le domaine particulier du droit de l'immigration, de la citoyenneté et de la protection des réfugiés. L'AQAADI a directement pour mandat d'intervenir devant les cours, les tribunaux, le Parlement et l'Assemblée nationale du Québec lorsque les questions soulevées touchent le droit de l'immigration, l'intérêt de ses membres et les principes de fondement de notre système judiciaire. L'AQAADI est également mandatée pour promouvoir les moyens d'action propres à assurer les intérêts de ses membres, pour défendre et promouvoir le principe de la primauté du droit et les principes de justice naturelle et fondamentale et pour défendre et promouvoir de manière active les libertés individuelles et les droits fondamentaux de tout ressortissant étranger et de ceux qui demandent la protection du Canada. Alors, ce sont nos mandats et c'est qui nous sommes.

Avant d'entrer sur le vif de nos propositions et du mémoire, je veux, d'entrée de jeu, saluer les orientations générales du projet de loi n° 9, projet de loi quant à l'idée d'offrir un meilleur accompagnement aux immigrants ainsi que de mieux accompagner l'intégration et la francisation de ceux-ci, et ce, de manière à combler la pénurie de main-d'oeuvre actuelle avec un meilleur arrimage entre les employés et les employeurs. Pour ça, on salue les orientations du projet de loi et on pense que c'est tout à fait adapté de permettre un meilleur arrimage, là, entre employés et employeurs.

Cela étant dit, on a quelques réserves. Vous nous avez entendus dans les derniers jours, mon travail aujourd'hui, c'est de commenter le projet de loi n° 9, pas de commenter quelconque autre débat sur son application à ce jour, mais bien de discuter du projet de loi n° 9.

Alors, on a aujourd'hui deux zones plus importantes à vous soulever. La première zone ou le premier point considère la résidence permanente conditionnelle, les conditions qui pourraient être grevées à la résidence permanente, et on va tenter d'expliquer pourquoi ceci devrait être modifié ou amendé, et par la suite on va parler du fameux article 20, là, de la décision de ne plus traiter ou d'envoyer à la déchiqueteuse les 18 000 dossiers ou, en fait, ce qu'il en restera à ce moment-là.

• (10 h 10) •

Alors, je vais commencer tout de suite avec les conditions à la résidence permanente. Écoutez, pour nous, pour nous, même avant de parler de droit, c'est davantage une question de principe, une question de coercition plutôt que d'une volonté d'incitation. Et, pour nous, on devrait beaucoup plus être dans une volonté de favoriser l'intégration, de permettre les meilleures chances de réussite, de donner des résultats ou des moyens pour arriver à un résultat plutôt que de conditionner un résultat et de risquer... ou de laisser, là, ces gens-là dans une incertitude, à savoir s'ils auront ou pas la capacité de préserver leur résidence permanente.

On soumet aussi avec respect que, quand un résident permanent devient résident permanent, il devient résident permanent du Canada au complet et non pas d'une ville ou d'une profession. Et donc, si on veut ajouter des conditions à la résidence permanente, nous, on est d'avis que ça serait potentiellement en violation avec l'article 6.(2) de la charte canadienne et on est d'avis que, si quelqu'un veut vivre sur le territoire québécois ou canadien, bien, qu'il le fasse à Chibougamau ou qu'il le fasse à Val-d'Or, à Rouyn, en Abitibi, à Montréal, à Québec, à Gaspé, c'est son droit de le faire. Et, s'il veut changer de ville de résidence, on ne peut pas lui dire qu'il va perdre son statut. Pour moi, ça, c'est non seulement inhumain et injuste, mais c'est aussi contre la Charte des droits et libertés. Et c'est la même chose au niveau du travail. On ne peut pas obliger quelqu'un à exercer un travail, quitte à le menacer de perdre son statut s'il va perdre son travail.

Alors, pour moi... Bien sûr, il restera à le définir, je comprends qu'il y aura un règlement d'application. Mais ce que ça lance comme message... Pour moi, d'ajouter des conditions à la résidence permanente, ça crée des problèmes. Et ça a existé au fédéral en 2012, on avait mis des conditions aux époux et aux épouses pour s'assurer qu'ils restent dans leur relation conjugale plus longtemps, et on a tout enlevé ça en 2016 parce qu'on s'est assurés qu'on... on a réalisé qu'on laissait des gens dans une situation de dépendance puis de précarité. On réalisait qu'il y a des gens... puis on peut faire le parallèle avec employés-employeurs, malheureusement il y a des gens qui vont être contraints de rester dans les emplois, comme il y a des femmes, ou il y a des enfants, ou il y a des hommes qui étaient contraints de rester dans des relations qui n'étaient pas saines pour eux parce qu'il y avait la possibilité ou le spectre de perdre leur statut. Et, pour ça, on a complètement enlevé ça au fédéral et maintenant on devient résident permanent, point à la ligne. Il y a certainement eu déjà d'autres conditions dans d'autres programmes d'immigration, notamment le programme des entrepreneurs, mais rien de nature à obliger quelqu'un à vivre dans une ville précise, rien non plus de l'obliger à exercer un emploi précis.

Alors, bien sûr, il restera à définir le règlement, mais déjà cette porte ouverte là qui se lance potentiellement aussi dans un débat constitutionnel avec le fédéral, qui ne me semble pas à propos à l'instant... Je pense que, pour toutes ces raisons, cet article-là, là, qui parle de résidence permanente conditionnelle, avec respect pour la position contraire, devrait être abrogé.

Mon deuxième point que je veux faire valoir, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, et vous avez beaucoup de questions, c'est sur l'histoire du traitement de l'arriéré, là, des 18 000 dossiers. En fait, on a vu qu'il y a beaucoup, beaucoup de ces dossiers qui ne dataient pas de tant que ça. Certes il y en a quelques-uns, là, une fraction, qui datent d'avant 2010, mais la grande, grande, grande majorité de ces dossiers-là datent de 2013, 2014, 2015, 2016 et en montant. C'est déjà long, j'en conviens, j'en conviens, je ne suis pas ici pour applaudir personne, c'est déjà très long, considérant qu'au fédéral ça prend six mois, du moment où on est sélectionnés, pour recevoir la résidence permanente, et là, pas le CSQ, pas le certificat de sélection du Québec, mais six mois pour recevoir sa résidence dans le programme Entrée express. Alors, je n'ai pas de fleurs à lancer à personne, c'est trop long. Cela étant dit, ce n'est pas en jetant ces dossiers-là à la poubelle qu'on règle le problème.

Ce qu'on vous demande, avec respect, puis ce qu'on demande qui soit entendu, c'est qu'on finalise d'abord le traitement des dossiers papier. Les dossiers papier, ce sont à peu près, j'ai les chiffres, là, 4 500 dossiers, 4 500 demandes, qui ont été envoyés au ministère avant 2015, avant décembre 2015, et qui sont complétés, qui sont complets. Quand on envoyait le dossier à l'Immigration, à ce moment-là il fallait que tous nos documents soient soumis, là. En ce moment, aujourd'hui, on attendait une liste de documents qu'il fallait fournir. À l'époque, on envoyait nos documents directement. Alors, ces dossiers-là, ces 4 500 là, ils ont prêts à être traités, là, demain, la semaine prochaine, le plus rapidement possible. Ce sont des dossiers papier, donc il n'y a pas de problème technologique, il n'y a pas de problème d'administration, là, à mon humble avis, et on devrait traiter ces 4 500 dossiers là le plus rapidement possible puis les prioriser.

On devrait poursuivre et finaliser aussi le traitement des demandes informatiques des gens qui vivaient légalement au Québec, qui ont déposé dans ce qui s'appelle le hors-quota. Quand vous aviez un statut de résident temporaire, soit par les études soit pour le travail, vous n'aviez pas à attendre l'ouverture du programme de travailleurs qualifiés, vous pouviez déposer en dehors du quota à tout moment. Et ça, ce sont des gens, donc, manifestement, qui se trouvaient sur le territoire canadien, québécois, soit avec un emploi soit avec un permis d'étude, et qui, donc, correspondent directement aux besoins sur le marché mais aussi qui ont démontré une capacité d'intégration, puis une capacité d'intégration qui s'étend encore jusqu'à aujourd'hui pour la plupart. Des enfants sont à l'école québécoise depuis plusieurs années, des gens ont étudié dans le système québécois, des gens ont travaillé dans le système québécois, des gens ont payé leurs impôts dans le système québécois, et donc, pour moi, notamment, ces gens-là devraient être rapidement priorisés.

Pour le reste, pour ceux qui restent, parce que, là, ceux... au Québec, on parlait aussi de 3 700 dossiers, alors, pour ceux qui restent, à peu près 10 000, là, pour mettre les chiffres assez clairs, on pourrait rapidement évaluer lesquels se qualifient et lesquels ne se qualifient pas à l'intérieur de la grille, faire une première sélection, là, à sa face même, en regardant est-ce que les demandes... le prima facie, là, à leur face même, est-ce qu'ils respectent la grille. La grille, la dernière modification qu'on a eue, là, c'est au mois d'août 2018. La règle de domaines de formation, la liste des domaines de formation, qui correspond aux emplois en demande dans l'économie québécoise, elle date du mois d'août. Alors, quand on prétend que ces dossiers-là, là, ne correspondent plus au marché, bien, passons-les à travers la grille, évaluons-les à travers la grille, puis on verra la réponse.

Mais ce n'est pas la solution de tout simplement ne pas les étudier, surtout dans une logique de pénurie de main-d'oeuvre et surtout quand il manque 120 000 travailleurs, travailleuses au Québec en ce moment. Alors, on soumet que rapidement une équipe devrait être traitée...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Parfait. Une équipe devrait être créée qui permettrait rapidement d'étudier ces dossiers-là. Et on ne veut pas oublier les gens qui se retrouvent à l'extérieur. C'est des gens qui ont des dossiers extrêmement pertinents puis c'est des gens aussi dont on a besoin. Parce que, dans 120 000 emplois, là, ce n'est pas les 120 000 qui sont déjà sur le territoire. C'est des immigrants neufs, c'est des gens qui doivent venir pour exécuter une force de travail qu'on n'a pas déjà sur le territoire. Alors, on a soumis quelques préoccupations... quelques propositions pour s'assurer que ces gens-là ne soient pas préjudiciés. On parle de l'âge, on parle de test de français, qui demeurent valides, on parle aussi de l'âge des dépendants. Je vous apprends que, si votre enfant avait 17 ou 18 ans, bien, s'il repasse dans Arrima, là, bien, il ne se qualifie plus, votre enfant, et là il y a des déchirements familiaux terribles qui s'annoncent.

Alors, vraiment, ça, c'est dans nos considérations. Et ces dossiers-là devraient être transférés dans Arrima, je conclus là-dessus, ils ne devraient pas être effacés, ils ne devraient pas être mis à la poubelle, ils devraient tout simplement être transférés dans Arrima et ils devraient être traités en priorité parce que ces gens-là attendent depuis longtemps. Ils devraient pouvoir être sélectionnés sans préjudice à leurs droits acquis. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Me Cliche-Rivard, Me Kim, Me Choquette Trempe, merci d'être à l'Assemblée nationale. C'est un plaisir de vous voir en personne. On se voit à la télé depuis quelques semaines, déjà, mais là c'est une première rencontre en personne, donc je pense que c'est une bonne chose qu'on se rencontre.

Relativement à votre mémoire, vous indiquez notamment le fait que vous voulez qu'on déploie davantage de ressources pour l'intégration. Vous en faites, là, une proposition, là, je pense que c'est la proposition 2. Vous nous invitez à bonifier les budgets des programmes d'intégration déjà en place afin d'offrir un meilleur encadrement aux nouveaux arrivants, et ce, avec des objectifs d'intégration clairement énoncés comme principes de base de ce projet de loi.

Je suis heureux de vous avoir entendu dire au début que l'objectif du projet de loi, notamment, c'est de mieux intégrer les gens. Parce que ce qu'on fait avec le projet de loi n° 9, c'est notamment ça. La base du projet de loi, c'est de dire : Comment est-ce qu'on fait pour mieux accompagner les gens, et ce, dès l'étranger? Parce qu'actuellement, avec le système d'immigration qu'on a, il y a certaines lacunes. Et ce qu'on fait, c'est qu'on se donne les outils, dans le cadre du projet de loi n° 9, de façon à faire en sorte, dès l'étranger, bien, de pouvoir déployer un parcours personnalisé pour les personnes immigrantes : intégration, francisation, accompagnement socioéconomique, accompagnement en emploi. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, en lien avec votre recommandation que vous nous faites, là, au niveau de la proposition 2.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Écoutez, effectivement, on est... Puis on est très, très, très d'accord sur le fait que l'objectif... Les objectifs sont louables, et ça, on en convient. On en convient, par contre, que ce sont des objectifs qui sont relativement similaires à ceux de la Loi sur l'immigration de 2016, là. Arrima, ce n'est pas le projet de loi n° 9. Et le règlement d'immigration sur 2018 et la loi de 2016 mettaient déjà en place le système Arrima et mettaient déjà en place une meilleure équation entre les employés et les employeurs.

Alors, avec respect, oui, vous pouvez vous doter de plus de moyens, mais ce n'est pas une révolution de l'immigration. Puis c'est des objectifs qu'on a salués en 2016, puis qu'on continue de saluer sous votre gouvernement, puis qu'on va continuer de saluer. S'il y a plus de fonds à l'intégration puis s'il y a plus d'incitatifs, c'est ce qu'on vous demande, plutôt que de coercitifs, d'y aller plus avec une valeur d'ouverture et d'accueil, et qu'on donne aux gens des objectifs, puis qu'on les félicite dans l'objectif plutôt que de tenir des conditions puis des risques de perdre la résidence puis de perdre le statut.

• (10 h 20) •

Mais on va toujours vous appuyer, M. le ministre, sur des volontés d'intégration. Puis vraiment, sincèrement, on va le faire. Puis je pense que le projet de loi n° 9, pour ça, met des bonnes bases. Mais on est sur les mêmes bases que 2016, et ce n'est pas ça qu'on conteste dans votre projet de loi. Puis, le reste, on l'appuie, on l'appuie à 100 %. Mais les articles de loi dont on a parlé aujourd'hui, c'est ceux qui causent problème.

M. Jolin-Barrette : Vous dites : Il n'y a pas de différence par rapport à 2016. Par contre, entre le projet de loi qui a été déposé en 2016 puis la mise en vigueur d'Arrima en 2018, puis le règlement qui été pris en 2018, il est quand même arrivé un élément majeur au Québec, c'est le rapport du Vérificateur général en 2017. Puis, dans le rapport du Vérificateur général, on vient dire qu'il n'y a pas de suivi des dossiers des immigrants, à la fois en intégration, à la fois en francisation. Les immigrants quittent le Québec, notamment. Moi, je me retrouve avec cette situation-là.

Et, dans le projet de loi n° 9, justement, il y a des pouvoirs supplémentaires en termes de coordination. Parce qu'auparavant, au gouvernement du Québec, tout le monde travaillait en silo : Éducation, Emploi, Immigration. Puis il n'y avait pas de synergie entre tous les ministères. Là, ce qu'on fait, c'est qu'on instaure un pouvoir de coordination, notamment au ministère de l'Immigration, pour s'assurer qu'il y ait quelqu'un d'imputable au gouvernement du Québec. Premier changement.

Deuxième changement, on met une mesure de traçabilité aussi pour s'assurer que, lorsque les immigrants arrivent au Québec, on puisse assurer un suivi personnalisé avec eux. Puis ça, dans le projet de loi de 2016, ce n'était pas là non plus. Même chose au niveau des services qu'on donne aux personnes immigrantes. Auparavant, les services qu'on pouvait donner, c'étaient des services aux résidents permanents, pas aux temporaires. Ça, c'est une partie qui n'est pas présente dans votre mémoire.

Mais, sur toute la question des travailleurs temporaires, qui sont à hauteur d'environ 60 000 au Québec, bien, est-ce qu'on les accompagne? Nous, notre volonté comme gouvernement, c'est de s'assurer que, lorsque les gens sont en emploi au Québec, ils connaissent le français, qu'ils puissent demeurer sur le territoire québécois puis qu'ils puissent être permanentisés sur le territoire québécois. Alors, on rajoute énormément de pouvoirs au ministère de l'Immigration dans le cadre du projet de loi n° 9, comparativement au projet de loi n° 77 qu'il y avait eu en 2016.

Pour ce qui est d'Arrima aussi, et ça, je l'ai dit dès le départ du projet de loi, relativement au dépôt, ce qu'on veut faire, c'est de s'assurer que tous les gens puissent déposer dans Arrima puis qu'on puisse les sélectionner en fonction des besoins du marché du travail. Parce que je suis convaincu que, parmi vos clients que vous avez, les gens qui immigrent au Québec, il y en a beaucoup qui ne se sont pas trouvé un emploi à la hauteur de leurs compétences. On entend tous des histoires à l'effet que ces personnes-là n'ont pas... leurs aspirations au Québec ont été déçues. Puis, nous, ce qu'on veut changer, c'est ça. On veut avoir un lien entre les besoins de main-d'oeuvre et le profil des candidats.

Alors, j'aimerais ça vous entendre sur... Vous dites : Plus d'ouverture. Mais nous, on veut mieux accompagner aussi puis on veut s'assurer que, les gens qu'on sélectionne, bien, lorsqu'on les sélectionne à l'étranger, on ne leur raconte pas des menteries puis qu'on puisse leur dire : Oui, tu vas pouvoir travailler dans ton emploi, oui, tu vas pouvoir travailler dans ton domaine, les études que tu as faites vont être reconnues au Québec. On est dans cette logique-là. Je ne sais pas si ça rejoint un peu le message que vous nous portez aujourd'hui.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Oui, M. le ministre. Je n'ai pas de problème avec la volonté de meilleure intégration puis de faire miroiter un meilleur avenir pour les immigrants et les immigrantes. C'est pour ça aussi qu'on tend la main aujourd'hui, puis c'est pour ça qu'on tend la main suite à ce qui se passe depuis quelques jours, puis c'est pour ça qu'on est avec vous aujourd'hui dans une volonté beaucoup plus de collaboration. Puis on est prêts, puis on a salué les bons coups, là, puis j'en salue depuis quelques minutes déjà. Mais c'est plutôt dans une approche... C'est une approche d'ajouter à vos pouvoirs une résidence permanente conditionnelle qui me semble un peu, là, aller à l'encontre de cette logique-là de vraiment vouloir pousser l'intégration.

Moi, je pense que le plus qu'on laisse les gens dans une situation conditionnelle, le plus qu'on met des freins, là, à l'établissement permanent sans condition, le plus difficile l'intégration va se trouver. Et moi, je suis d'accord avec vous qu'on fait des suivis, je suis d'accord avec vous que votre ministère va se donner des moyens pour aller chercher plus d'informations. Je n'ai aucun problème avec ça. Mon problème, c'est que va exister une épée de Damoclès, là, sur la tête de certaines personnes, à savoir : vous pourriez perdre votre statut de résident permanent parce que le Québec va le grever de conditions. Et à ce moment-là vous seriez toujours, véritablement, plutôt dans une situation temporaire, et ça, jusqu'à quand? Jusqu'à ce que vous ayez la citoyenneté canadienne, alors qu'on est résident permanent?

C'est plutôt ça, mon problème. C'est : sortons la carotte au lieu du bâton, là. C'est vraiment ça qu'on dit. Soyons plus dans une ouverture. Accompagnez-les. Puis ça, on va vous saluer puis on va vous aider, il n'y a aucun problème. Mais la logique où on ajoute en plus un volet coercitif de potentiel retrait de la résidence, c'est là que j'ai un problème, parce que ça va toucher des enfants, ça va toucher des familles, ça va toucher des gens qui vont peut-être devoir quitter le Québec parce qu'ils n'auront pas à 100 % répondu à vos conditions. C'est là que j'ai un problème. Mettons des objectifs, mettons des objectifs de francisation, ça me fait plaisir, mettons des objectifs d'intégration, ça me fait plaisir. Mais faisons-les de manière incitative et non pas de manière coercitive.

M. Jolin-Barrette : Je comprends. Donc, rien de coercitif, même si, au cours des dernières années, il a été démontré qu'il y a certaines problématiques avec le système d'immigration.

Pour ce qui est, justement, de la condition grevant la résidence permanente, vous savez que c'était dans la loi avant le projet de loi n° 77? Vous l'avez dit, le fédéral l'a déjà utilisée lui-même. D'ailleurs, c'est toujours dans la loi fédérale actuellement. Les libéraux fédéraux ont cessé de l'utiliser en 2015, 2016. Le gouvernement du Québec l'avait utilisée pour le Programme immigrants entrepreneurs, avait imposé des conditions grevant. C'est un pouvoir qui était là depuis 1993, qui avait été instauré par Monique Gagnon-Tremblay, une libérale, suite à l'accord Canada-Québec. C'était le prolongement des compétences du Québec.

Vous avez dit tout à l'heure : On ne peut pas obliger quelqu'un à demeurer en région parce qu'on a la libre circulation sur le territoire canadien. Je suis d'accord avec vous, et ça n'a jamais été la prétention du gouvernement du Québec de prétendre le contraire. D'ailleurs, on n'a jamais dit ça. Alors, c'est important de bien renseigner les gens, aussi, lorsqu'on fait des affirmations. Par contre, on pourrait utiliser cet article-là pour un projet d'affaires, pour faire en sorte que l'établissement d'une entreprise... si la personne est reçue comme immigrant entrepreneur, l'entreprise soit établie dans les différentes régions du Québec. Ça, ça pourrait être une condition grevant.

Il est vrai aussi que nous pourrions utiliser cet article pour faire en sorte que les gens connaissent le français et que la résidence permanente, pour la sélection des travailleurs qualifiés ou la sélection économique... que le Québec a ce pouvoir-là... relève du gouvernement du Québec, qu'on puisse imposer des conditions. Mais ce que j'entends de votre message, c'est que, puisqu'il s'agit de l'immigration permanente, vous ne voulez pas du tout qu'on assujettisse ça à certaines conditions, notamment de la connaissance du français. Vous dites : Mettons des mesures incitatives, mais ne mettons aucune mesure coercitive, notamment sur la question de la connaissance du français.

Parce qu'il y a plusieurs points de vue qui s'échangent ici. Certaines formations politiques disent : On ne devrait pas accepter d'immigrants s'ils ne parlent pas français. Une barrière à l'entrée. Moi, je ne suis pas là. Moi, ce que je dis, c'est : Toute personne qui veut venir au Québec peut venir si elle répond aux besoins du marché du travail et si elle souhaite apprendre le français. Puis, nous, notre responsabilité comme État québécois, comme gouvernement, c'est de dire : Bien, écoutez, on va faire notre bout de chemin, on va déployer les ressources pour que vous puissiez apprendre le français, on va déployer les ressources pour que vous puissiez être en emploi, on va faire en sorte qu'on déploie les ressources pour assurer une bonne intégration. Alors, on est dans cette logique-là d'accompagnement.

Mais c'est un partage aussi, c'est un partage entre le fait que la personne immigrante choisit le Québec... Puis il y a des conditions associées. Alors, ça peut être autant économique, social, l'intégration socioéconomique. Là-dessus, c'est comme un partage de responsabilités entre le gouvernement du Québec puis le candidat à l'immigration.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Vous avez certainement, M. le ministre, un pouvoir de sélection, ça, on en convient, puis vous pouvez émettre votre grille de sélection, puis vous pouvez sélectionner l'immigrant que vous voulez dans les grilles que vous voulez. Je n'ai jamais contesté à cet effet-là. Du moment où l'immigrant, par contre, dépose une demande de résidence permanente et devient résident permanent, nous, on allègue que le statut de résident permanent, c'est un statut qui est fédéral, qui est régi par des règles fédérales. L'interdiction de territoire qui mène à la perte de résidence, ça se trouve aux articles 33 et suivants de la loi sur l'immigration fédérale.

Et trouvez-moi, là, une fois, une façon où quelqu'un, un travailleur qualifié, là, a perdu son statut de résident permanent à cause d'une condition dans la Loi sur l'immigration du Québec. Il n'y en a pas, O.K.? Les entrepreneurs avaient l'obligation de mettre sur pied un programme d'entreprise, une entreprise, et, s'ils ne l'avaient pas fait, ils pouvaient perdre. Mais jamais de libertés de circulation n'ont été entravées et jamais d'obligation d'avoir un travail type... n'était obligée.

Moi, je vous ramène à votre article 21.1. Vous m'avez dit de ne pas prétendre des choses que vous n'avez pas écrites. Bien, lisez vos propres mots, M. le ministre, parce que c'est exactement ça que vous dites. On met des conditions à assurer «la satisfaction des besoins régionaux — alors, si ça, ce n'est pas une imposition de localisation, vous allez nous l'expliquer — ou sectoriels de main-d'oeuvre, la création régionale [...] d'entreprises». Alors, je ne vois pas pourquoi vous êtes en train de dire qu'on ne va pas mettre des conditions à la régionalisation et à la création régionale ou à la satisfaction régionale de main-d'oeuvre, alors que ce n'est pas moi qui ai écrit l'article 21.1. C'est vous, là, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Avez-vous lu le précédent article qui était dans la loi avant le projet de loi n° 77?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Non, lisez-le-moi.

M. Jolin-Barrette : Vous ne l'avez pas lu, hein? O.K.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Je l'ai très bien lu, M. le ministre. Vous savez très bien que je lis ma loi, puis je la pratique à tous les jours, ma loi.

M. Jolin-Barrette : O.K. Est-ce que c'est le même article, à quelques mots près, que le Parti libéral avait adopté en 1993 et dans les gouvernements successifs?

• (10 h 30) •

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Je vous garantis qu'il n'y a aucun article de loi sur l'immigration du Québec qui a mis en oeuvre une perte de résidence permanente conditionnelle pour une régionalisation.

M. Jolin-Barrette : Répondez à la question.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : J'ai répondu à la question, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Est-ce que c'est pratiquement le même libellé?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : J'ai répondu à la question.

M. Jolin-Barrette : Non, répondez à la question. Est-ce que c'est pratiquement le même libellé, mot pour mot, à ce que le Parti libéral du Québec avait adopté? Est-ce que c'est le même article que le Parti libéral, dans le cadre du projet de loi n° 77, a décidé de ne pas réintroduire, abdiquant un pouvoir que le gouvernement du Québec avait introduit sous Robert Bourassa, faisant en sorte que c'était le prolongement des compétences du Québec, faisant en sorte qu'un gouvernement québécois, libéral par ailleurs, a abdiqué une compétence qui avait été acquise dans le cadre d'une entente avec le gouvernement fédéral, une entente historique suite à l'échec de l'accord du lac Meech, par rapport au fait que l'État du Québec, la nation québécoise doit contrôler la majorité de son immigration, parce que, pour un peuple, pour une nation, c'est fondamental de faire en sorte que l'immigration, au Québec, elle puisse avoir un mot à dire? Et donc, à partir du moment où une personne est sélectionnée en fonction des critères québécois, il en va de soi que le gouvernement du Québec puisse imposer certaines conditions, comme c'est le cas pour le gouvernement fédéral lorsqu'on obtient la citoyenneté. Et ça, c'est un choix que nous faisons et que nous mettons en place aussi. Nous réintroduisons un article qui faisait partie des pouvoirs du gouvernement du Québec.

Je comprends que vous êtes en désaccord avec ce choix-là d'imposer des conditions grevant la résidence permanente. Il y aura toute une discussion avec le gouvernement fédéral à l'effet que le gouvernement fédéral doit réintroduire lui-même dans sa réglementation un règlement miroir qui va faire en sorte de s'assurer que la législation québécoise et la réglementation québécoise puissent s'appliquer. Cela étant dit, c'était le cas jusqu'en 2016, au moment de l'adoption du projet de loi n° 77. Ça existait. Le gouvernement fédéral lui-même avait adopté cette réglementation-là, et encore aujourd'hui, à ce jour, dans la loi fédérale, c'est présent. Alors, c'est prévu que lui-même peut doter son immigration hors Québec de conditions associées à cela.

Deuxièmement, s'il réintroduit le règlement, c'est possible pour le Québec de le faire aussi. Moi, ce que je n'accepte pas, c'est, quand on est au gouvernement du Québec, que le gouvernement du Québec a certains pouvoirs, que la nation québécoise a certains pouvoirs puis qu'on les abdique. Ça, jamais je ne vais accepter ça, et c'est notamment pour cette raison-là qu'on réintroduit l'article et que nécessairement on vise à doter le Québec du plus de pouvoirs possible. Je comprends que vous pouvez être en désaccord sur l'interprétation au niveau de la résidence permanente. Cela étant dit, il s'agit pas mal du même libellé.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Que ça soit le même libellé ou pas, je serais devant la même commission en train de défendre le même point de vue. Alors, ici, l'association, elle est non partisane, elle ne prend pas de parti pour un parti ou l'autre, et, au contraire, on fait des mémoires à une commission parlementaire. Et le même article aurait été ou a été décrié, ce n'est pas moi qui étais président à l'époque. Mais, jamais au Québec, moi, je n'ai vu quelqu'un perdre sa résidence parce qu'il n'était pas établi à Val-d'Or ou dans une autre ville. Et ça, si c'est ça qui est derrière l'intention, bien, écoutez, on va continuer à discuter parce que je suis vraiment dans une approche de collaboration aujourd'hui puis je pense que c'est mieux qu'on soit dans cette approche-là.

Moi, je vous lance plutôt une porte ouverte, je vous lance une porte à la discussion puis à la négociation, et je vous demande de la prendre, cette offre-là. Et j'aimerais ça qu'on puisse discuter à savoir si vraiment c'est nécessaire, à savoir si on ne peut pas plutôt y aller avec une approche d'intégration, d'inclusion, parce que c'est quand même ça, le nom de votre ministère, le ministère de l'Inclusion, et non pas de la coercition. Alors, je vous demanderais juste d'y aller plus avec l'inclusion.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, je prends note de votre éditorial. Moi, je serai toujours ouvert à collaborer pour autant que les objectifs soient similaires. Cela étant dit, on aura l'occasion d'en débattre avec les collègues de l'opposition officielle puis des deux autres formations politiques ici, à l'Assemblée nationale. On prend note de vos commentaires.

Pour ce qui est du système d'immigration québécois, il faut aussi réaliser que l'État québécois a une responsabilité par rapport aux personnes immigrantes puis que l'approche qui a été préconisée au cours des dernières années, de ne pas s'occuper des immigrants, bien, ça n'a pas donné beaucoup de succès. Alors, nous, on n'est pas dans cette logique-là. On est dans l'optique de réformer le système d'immigration, on est dans l'optique de mieux accompagner et de surtout faire en sorte de s'assurer aussi qu'il y ait de la régionalisation.

Parce que ça, c'est un autre élément aussi dont il faut parler. Il y a de multiples régions au Québec qui ont besoin d'assurer la vitalité des villes et des villages. Il y a de multiples régions du Québec qui ont une pénurie de main-d'oeuvre. Vous-même, tout à l'heure, vous avez dit en mêlée de presse, puis même ici, vous avez dit : Il y a 120 000 travailleurs de nécessaires, 117 000 emplois. Bon, le chiffre sur les emplois à long terme est beaucoup plus faible que ça. Cela étant dit, si on a ce nombre d'emplois à combler là, il faut bien s'assurer d'arrimer les besoins du marché du travail avec les candidats à l'immigration, et notamment ça passe par la régionalisation.

Ça fait que, nous, il faut avoir des outils, entre autres l'article 21.1. On ne peut pas, et vous le savez, faire en sorte d'obliger quelqu'un à aller en région. Par contre, ce que ça permet de faire, c'est d'utiliser le système Arrima puis de dire : On va vous accompagner beaucoup plus rapidement, on va vous inviter beaucoup plus rapidement à venir au Québec si vous avez une offre d'emploi validée en Abitibi. À partir du moment où la personne arrive, s'établit en Abitibi, moi, comme ministre de l'Immigration, je n'ai pas d'outil pour l'obliger à demeurer en Abitibi. Par contre, moi, je trouve que c'est un bel incitatif de dire : Vous allez venir en priorité, puis votre délai va être beaucoup plus court pour venir.

Il y a l'autre aspect aussi des travailleurs temporaires. Actuellement, les travailleurs temporaires, et c'est un permis fédéral, eux sont liés avec un entrepreneur, avec un emploi dans les différentes régions du Québec. Est-ce qu'on peut utiliser les travailleurs temporaires pour faire en sorte qu'à partir du moment où ils sont un an, deux ans ici, qu'ils sont en emploi, qu'ils ont appris le français... Pourquoi? Parce qu'on leur a donné des ressources pour apprendre le français, les employeurs, les entrepreneurs les ont libérés. Toute la communauté a participé à leur francisation, à leur intégration, puis ils passent dans le PEQ par la suite, à l'intérieur de 20 jours ouvrables. Ça aussi, ça peut être une bonne solution pour assurer la régionalisation, parce que, durant deux ans où ils sont dans les différentes régions du Québec, bien, ils sont liés avec un employeur puis ils se sont fait des amis, ils ont intégré la vie communautaire. Ça aussi, ça peut être un aspect intéressant. Qu'est-ce que vous en pensez, là-dessus?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, écoutez, l'offre d'emploi validée, là, ou le match employé, employeur, ça existe depuis des années, là. Ça s'appelle l'offre d'emploi validée, et puis on passait en priorité déjà. Alors, ce n'est pas une nouveauté puis ce n'est pas dans votre projet de loi, ça. L'offre d'emploi validée puis la capacité de passer directement dans la grille quand on a une offre d'emploi validée par le ministère, c'est... pour aller en région, tant mieux. Ça existe déjà, puis c'est un bon programme, puis peut-être qu'il faut l'accentuer, puis peut-être qu'il faut y mettre plus de travail puis plus de temps.

Votre projet de loi, il ne parle pas de conditions à l'admission, il ne parle pas de conditions à la sélection. Il parle de conditions à la résidence permanente. Alors, si vous voulez qu'on conditionne l'accès au CSQ, puis qu'on mette des conditions d'admission ou de sélection, puis qu'on aille plus vite pour le CSQ, aucun problème, M. le ministre. Mais mon point, c'est que, du moment où quelqu'un devient résident permanent, là, on ne peut pas grever cette résidence-là de conditions. C'est ça qu'on dit. Mais, si vous voulez accélérer puis faire une meilleure intégration régionale puis une meilleure intégration de main-d'oeuvre avec des gens qui veulent y aller, en région, puis qui passent dans votre système, puis qui qualifient à vos critères de régionalisation... On a déjà plus de points quand on a une offre d'emploi validée en région que quand on a une offre en ville, en grande ville de Montréal. C'est déjà comme ça. Il y a quatre points de plus sur l'offre d'emploi?

Des voix : Six.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Six points de plus sur l'offre d'emploi validée en région. Alors, sur la sélection, oui. Sélectionnons-les tout de suite, allons plus vite, donnons ces emplois-là plus vite dans la catégorie de sélection puis d'admission. Tout ce qu'on dit, c'est... Au niveau de l'admission, je n'ai jamais contesté votre pouvoir d'admission puis je ne le contesterai jamais. Mais, du moment où quelqu'un devient résident permanent, là c'est autre chose. Puis, à ce moment-là, d'ajouter des conditions au maintien de la résidence, c'est là où on pense puis on est d'avis que ça va trop loin. Mais, sur le principe du meilleur arrimage, M. le ministre, on va vous suivre, c'est certain.

M. Jolin-Barrette : Je comprends et je comprends qu'on ne sera pas en accord là-dessus. Cela étant dit, j'ai bien entendu votre point de vue. Je vous remercie d'être venus en commission parlementaire. Je crois que la députée...

La Présidente (Mme Chassé) : Des Plaines.

M. Jolin-Barrette : ...veut vous poser quelques questions. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : J'invite la députée de Les Plaines à prendre la parole. Il vous reste 2 min 45 s.

Mme Lecours (Les Plaines) : Bien, tout d'abord, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui, de manifester votre position.

Vous avez parlé d'incitatifs à l'immigration, comme quoi qu'évidemment c'est important. Quels devraient être, selon vous, les incitatifs qui feraient que ça répondrait, à ce moment-là, aux besoins de main-d'oeuvre que nous avons au Québec, en région notamment? Et est-ce que la démarche de francisation des candidats devrait prendre une plus grande importance? Est-ce que le français... Est-ce qu'ils devraient être à prédominance française?

• (10 h 40) •

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Absolument. On ne conteste pas ça puis on ne contestera pas, l'immigration francophone va être privilégiée, puis il y a des programmes pour ça. Puis le Programme expérience québécoise est là pour ça aussi, parce qu'on passe en 20 jours, on obtient notre CSQ quand on a un diplôme ou un emploi au Québec puis qu'on parle français avec un bon niveau. Alors, oui, le français doit prendre plus de place. Oui, il doit y avoir des meilleurs programmes de francisation, absolument, puis on va vous suivre là-dessus, il n'y a aucun problème.

On parle beaucoup aussi... ou, en fait, on ne parle pas assez peut-être de reconnaissance de diplômes pour l'instant, et c'est ça qu'il va falloir discuter rapidement. On parle de leur donner un meilleur arrimage, justement, mais il va falloir qu'on reconnaisse les diplômes. Et là je vois justement... et j'attends justement, puis j'ouvre la grande porte, là, à est-ce qu'on a des mesures qui s'en viennent pour la reconnaissance des acquis puis des diplômes. Est-ce qu'on ne peut pas permettre un meilleur arrimage comme ça?

Mais le français, pour répondre à votre question, absolument, puis on va toujours saluer vos initiatives pour avoir une meilleure intégration puis une meilleure francisation des immigrants.

Mme Lecours (Les Plaines) : Et quels types d'incitatifs, à ce moment-là, pour que les gens acceptent de s'en aller en région? Parce qu'on a des besoins très importants en région. Vous avez parlé : On est ouverts à des incitatifs. Ce serait quoi, selon vous?

La Présidente (Mme Chassé) : Simplement vous indiquer qu'il vous reste une minute.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : J'ai plusieurs, plusieurs idées, là, mais, écoutez, si on pense même à la citoyenneté canadienne, on ne devient pas citoyen canadien sans avoir la maîtrise d'une des deux langues officielles. Alors, pour moi, ça, pour mes clients, c'est un grand, grand incitatif, de vouloir obtenir le passeport, de vouloir obtenir le droit de vote, de pouvoir s'intégrer à 100 % dans la société québécoise. Et, pour la plupart de nos clients, l'intérêt rapide, pour ceux qui ne sont pas déjà anglophones... puis ça, c'est un autre problème, mais, pour tous les autres, c'est de réussir à s'intégrer dans leur société, dans leur vie, dans leur ville, d'aller au dépanneur, d'aller à la bibliothèque, de pouvoir vivre, dans leur vie, en français, puis de pouvoir rapidement espérer pouvoir appliquer sur la citoyenneté, puis de réussir leur test de langue pour la citoyenneté.

Alors, il y a déjà là des beaux incitatifs, des incitatifs inclusifs. On peut en mettre plus, on peut trouver plus de programmes incitatifs, plus de bourses, plus de programmes d'immersion, plus de solutions à l'intégration, fonctionner avec les entreprises pour qu'il y ait des programmes de francisation dans les entreprises. Mais voilà, aidons-les, c'est ça, le message qu'on envoie aujourd'hui.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Parfait. Merci. Merci, Mme la Présidente, et merci à l'AQAADI d'être présente avec nous.

Alors, quelques questions d'entrée de jeu, peut-être un commentaire d'abord. Contente de vous entendre dire que, d'un point de vue de principe, l'idée de mieux intégrer, de mieux arrimer, c'est quelque chose que vous poursuivez et que, dans le projet de loi qui est déposé, en bonne partie, ça suit le projet de loi de 2016 et ça suit la logique qui avait déjà été avancée par le Parti libéral à l'époque. Et je tiens à préciser qu'effectivement, depuis 2016, au-delà du rapport qui a été présenté par... sur toute la question de l'intégration, il y a quelque chose qui s'est produit depuis 2016, c'est que jamais les taux de chômage pour la population immigrante n'ont été aussi bas et jamais le taux d'emploi de la population immigrante n'a été aussi haut également. Donc, on voit qu'il y a une intégration qui se fait, qui doit se poursuivre et qui doit encore aller plus loin. Je retiens vos éléments par rapport à la coercition versus les incitatifs.

Ma question va rejoindre toute la question sur les 18 000 dossiers qui touchent les 50 000 personnes. Le gouvernement vient d'essuyer une sérieuse rebuffade d'un point de vue légal, mais, au-delà de ça, si on était en mesure de traiter tous les dossiers dans l'ancien système, j'aimerais vous entendre pour savoir si ce ne serait pas la meilleure chose à faire à court terme, de traiter l'ensemble des dossiers, parce que, si on traitait seulement une partie de ces dossiers, on reviendrait peut-être avec d'autres recours judiciaires qui pourraient avoir lieu, même après l'adoption d'une loi. J'aimerais un peu vous entendre sur cet aspect-là des choses.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : D'abord, je ne veux pas... Merci de votre question, Mme Anglade. D'abord, je ne veux pas présumer de quelconques recours judiciaires à venir, là. Pour l'instant, ce n'est vraiment pas ça qui est sur la table puis, au contraire, c'est vraiment une discussion. Puis on est ici en commission parlementaire, puis vraiment, vraiment, ce n'est vraiment pas ce que j'ai en tête. Alors, on va plutôt parler aujourd'hui de propositions, puis de modifications, puis d'inclusion, nous aussi, là, de discussion puis de voir à trouver des compromis.

Mais, oui, il faut trouver une solution pour les 18 000 personnes, que ça soit dans Arrima, que ça soit dans Mon projet Québec, appelez-le comme vous voulez, le système, mais ce sont des gens qui sont sur le territoire, mais aussi à l'étranger, qui attendent et qui attendent depuis des années. Et ça, c'est une critique aussi qui doit être faite, là. Au niveau fédéral, ça prenait six mois... ça prend six mois avant d'avoir la résidence, alors qu'ici, là, on compte deux ans.

Alors, effectivement, les choses doivent être améliorées, les choses doivent être accélérées, mais, pour ces familles-là, pour ces mères de famille, pour ces pères de famille qui, aujourd'hui, ne savent plus où donner de la tête, ne savent pas trop qu'est-ce qu'ils vont faire... Ils espèrent peut-être être dans ceux qui seront traités dans les prochaines semaines, mais il va y avoir des déçus, et c'est pour ces déçus-là qu'on est là aujourd'hui. C'est pour trouver des solutions rapides pour ces gens-là, effectivement, qui se font laisser de côté, tasser de côté, après avoir investi beaucoup d'argent, beaucoup de temps, leurs rêves, d'avoir rêvé au Québec, d'avoir espéré pouvoir s'intégrer. C'est à eux qu'on pense aujourd'hui.

Mme Anglade : Dans le système Arrima, si on était en mesure de traiter les dossiers, on a vu vendredi que, selon le ministère de l'Immigration, il ne nous resterait que 400 dossiers à pouvoir passer dans le nouveau système Arrima. Comment vous évaluez la situation par rapport à si c'était seulement 400 dossiers qui étaient passés dans le nouveau système Arrima, par rapport à l'ensemble des dossiers qui sont traités présentement et qu'on dirait de transférer dans le nouveau système?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : C'est certain que c'est problématique. C'est certain que 400, à mon humble avis, ça ne répond pas aux besoins sur le marché du travail, et c'est encore un chiffre hypothétique, hein? C'est encore un chiffre qu'il faudra voir, c'est une estimation sur 2019, mais, à mon humble avis, ce n'est pas suffisant et ça ne répond pas ni économiquement, ni régionalement, ni dans les ressources, ça ne répond pas aux besoins pour le Québec. Et ça, c'est une discussion qu'on doit avoir, sur le seuil de 40 000, qui peut être un seuil discutable, ou peut-être qu'il faut prévoir une exception. Le seuil peut rester son seuil, mais on peut prévoir une exception pour les gens qui étaient déjà dans le système, qui ne seraient pas parmi le seuil.

Je peux comprendre la volonté du gouvernement d'y aller avec un seuil de 40 000. C'est son droit démocratique puis c'est leur droit de le faire. Cela étant, est-ce qu'on ne peut pas, peut-être, faire une parenthèse? Est-ce qu'on ne peut pas mettre un nota bene, là, un astérisque, en disant que les 18 000 dossiers qui étaient déjà dans le système, bien, peut-être que ceux-là... Comme ils ont un droit acquis, comme ils avaient déjà appliqué dans le système, est-ce qu'on ne peut pas, eux, les mettre dans une autre catégorie, comme le «backlog», comme le dossier «qui sont traités», et fixer, et respecter la cible de 40 000 du gouvernement en même temps? Pour moi, ça me semblerait être un compromis qui me semblerait et aller avec les positions gouvernementales et aller avec les droits et les préjudices matériels et directs pour les familles qui sont directement visées, là.

Mme Anglade : Parfait. Merci. Je céderais la place à...

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. J'invite la députée de Bourassa-Sauvé à prendre la parole.

Mme Robitaille : Merci. Me Kim, Me Cliche-Rivard, Me Rogov, merci d'être là aujourd'hui. Vos commentaires sont très, très précieux. Écoutez, hier, il y a eu une décision de la Cour supérieure qui a été très, très claire. La décision du ministre relativement aux 18 000 dossiers, là, qu'on voulait mettre à la poubelle, le juge a dit que c'était une erreur juridique profonde. Au paragraphe 18, on dit clairement : Le ministère a tort.

Si vous étiez conseiller juridique du ministre de l'Immigration, qu'est-ce que vous diriez? Quelles seraient vos mises en garde par rapport à ce projet de loi n° 9, vos mises en gardes juridiques et constitutionnelles?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Je ne vais pas commenter l'affaire devant les tribunaux, ça, c'est certain, puis ce n'est pas ce que vous demandez.

Mme Robitaille : Mais, moi, c'est par rapport au projet de loi n° 9, oui.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Vous me demandez sur le projet de loi n° 9, oui, exactement. Alors, ce qu'on pense sur le projet de loi n° 9, je pense que c'est très clairement écrit dans notre mémoire. On a mis nos mises en garde par rapport à l'article 21.1, on a mis nos mises en garde relatives à la... en fait, à l'arrêt ou à la mise à la poubelle des 18 000 dossiers.

Alors, je ne veux pas faire devant le politique le débat qui sera peut-être fait devant le judiciaire. Peut-être qu'il n'y en aura pas, non plus, de débat judiciaire, puis je ne peux pas présumer non plus de l'adoption d'articles qui pourraient être modifiés. Alors, je me dois d'être prudent et j'espère vraiment, en tendant cette main-là envers le ministère, qu'on est capables de trouver des solutions puis qu'on n'aura pas besoin de se poser ces questions de mise en garde constitutionnelle.

Le ministère a ses avocats, nous, on a les nôtres, et j'espère vraiment qu'on n'aura pas besoin d'aller jusque-là et que, plutôt, on est capables de régler la question humainement parlant. Parce qu'au-delà de tout ça ce sont des vies, puis je veux le rappeler, puis je le dis souvent, là, ce sont des rêves, ce sont des intégrations, ce sont des enfants, des femmes, des hommes, des mères, des pères qui vraiment espèrent simplement pouvoir matérialiser leurs rêves au Québec. Alors, je comprends votre point, mais je vais plutôt rester dans une attitude collaborative aujourd'hui.

Mme Robitaille : Mais, quand vous regardez le projet de loi comme il est, là, en ce moment, est-ce qu'on s'engage dans une bataille constitutionnelle?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Oui. On l'annonce. On l'annonce et on le dit, on fait des commentaires. On fait des commentaires, et c'est écrit noir sur blanc, et je vais les redire, et je vais les redire. On a cité des arrêts de la Cour suprême, on a cité des droits prévus à la charte, on a prévu nos interprétations, c'est écrit dans notre mémoire, alors, oui.

Mais est-ce que, oui, il y aura débat? Est-ce que l'article sera adopté tel quel? Est-ce que le gouvernement ne mettra pas en place des politiques? Ce n'est pas à moi de le prédire, puis je vais présumer de la bonne foi ministérielle, sincèrement, aujourd'hui, et je vais vraiment espérer que nos commentaires soient écoutés et qu'on n'ait pas à se rendre jusque-là. Mais, dans le libellé tel quel, aujourd'hui, effectivement, on a fait des commentaires quant à la constitutionnalité de certaines dispositions.

Mme Robitaille : Parce que justement... oui, parce que ce droit-là de mobilité, il est reconnu depuis longtemps, là, si je comprends bien, par les cours, par les cours canadiennes.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Par la Charte canadienne des droits et libertés.

Mme Robitaille : Oui, par la charte, oui, qui... Puis les cours ont entériné ça d'une façon constante depuis des années.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Absolument. On cite deux arrêts de la Cour suprême du Canada qui sont assez clairs sur la question, puis il y en a plusieurs autres, puis il y a de la jurisprudence extensive sur l'article 6. C'est les tribunaux d'instance supérieure qui en ont parlé. Alors, c'est sûr que moi, je n'avance pas un argumentaire juridique, là, juste sur mes deux épaules, là. On a des autorités qui sont... en tout cas, qui s'interprète de cette façon.

• (10 h 50) •

Mme Robitaille : Maintenant, vous dites, dans votre rapport : «D'entrée de jeu, nous ne pouvons que souscrire aux principes généraux énoncés aux articles 1 à 3 et à l'article 6 du projet de loi, sous réserve des modalités d'application réglementaire ou autres qui suivront, notamment le test des valeurs québécoises. L'AQAADI prendra d'abord connaissance de la portée des modalités d'application réglementaires à venir de ces dispositions avant de se prononcer sur leur application.»

Qu'est-ce qui vous chatouille? Qu'est-ce qui vous dérange là-dedans?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Encore une fois, je ne veux pas présumer, Mme Robitaille. Alors, ce serait bien malavisé pour moi de mettre des mots dans la bouche du gouvernement, alors que je ne sais pas qu'est-ce qu'on attend. Je vais vraiment être prudent puis appeler à la collaboration, puis, quand je vais voir les dispositions... puis, si vous voulez mes commentaires à ce moment-là, je vais les faire.

Mais aujourd'hui ce que je suggère puis qu'est-ce que je lance comme message, autant au ministre qu'à l'opposition, qu'à tout le monde, c'est : Discutons, trouvons des solutions puis allons-y vers l'inclusion. Et des tests qui excluraient des gens, ce n'est peut-être pas vers ça qu'on... vers lequel je veux m'en aller. Certainement, on a de magnifiques valeurs, et je veux citer qu'à la fin de chaque demande de certificat de sélection du Québec il y a référence à la charte québécoise, il y a référence au fait que le Québec est une société francophone. C'est écrit dans le test... c'est écrit dans le certificat de sélection, dans la demande de certificat de sélection, et les gens signent à plus d'une reprise à cet effet dans le certificat de sélection. Alors, la base de la société libre et démocratique, laïque, francophone et dans le respect des hommes et des femmes, c'est déjà dans une demande de certificat de sélection du Québec, à la fin, et on signe à plusieurs reprises.

Alors, pour moi, sur cette question-là, les points y sont, et ils sont déjà bien respectés, et ce sont des valeurs pour lesquelles on est d'accord, et on ne va jamais contester ces valeurs-là.

Mme Robitaille : Oui, parce que... Bien, peut-être qu'il faudrait poser la question au ministre, mais, entre valeurs québécoises puis valeurs démocratiques, c'est pas mal pareil, non?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Vous l'avez répondu d'entrée de jeu, je vais laisser M. le ministre commenter sur son prochain test puis, à ce moment-là, quand j'aurai lu le test puis je l'aurai étudié, je commenterai. Mais j'ai un devoir de prudence et de réserve sur cette question-là.

Mme Robitaille : L'article 56.1 du projet de loi : «Le ministre peut annuler sa décision de sélection certifiée et prise en application de l'article 21 de la présente loi lorsque — bon — la demande contenait une information ou un document faux ou trompeur; la décision a été rendue par erreur.» «La décision a été rendue par erreur». Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais avez-vous des commentaires à faire là-dessus?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, écoutez, le pouvoir d'annulation existait dans l'ancienne loi, et c'est correct. Je veux dire, ce sera place à interprétation, évidemment, là. Ça veut dire quoi, «prise par erreur»? Chaque dossier va être un cas d'espèce, puis les avocats qui vont être à ces dossiers-là font faire valoir ces... Il va falloir qu'il y ait une justification de l'erreur, là. On ne fait pas juste vous envoyer une lettre en disant : Il y a une erreur. Fausse représentation, si quelqu'un a menti dans sa demande de sélection, bien sûr que le ministre a le pouvoir d'annuler ce CSQ là. Mais l'erreur, il va falloir que ça soit défini dans cette lettre-là. Mais je n'ai pas la... Je ne pense pas que c'est ce que le ministre vise ou, honnêtement, je serais vraiment surpris. Je pense que c'est plutôt une disposition de protection de l'intérêt public, puis c'est correct qu'elle soit là, cette disposition-là. C'est correct que le ministère ait des dispositions pour contrôler la véracité des informations. Mais il va falloir que ça soit justifié.

Mme Robitaille : Merci. Je vais passer la parole à mon...

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. J'invite le député de Nelligan à prendre la parole.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre rapport qui nous éclaire sur plusieurs points. J'aimerais bien vous entendre par rapport à les articles 9 et 10 du projet de loi, si vous le permettez. Et vous pensez quoi de ces deux articles?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : On va juste les trouver.

M. Derraji : Qui font référence... Bien, en fait, l'article...

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Ah! c'est 21.1, oui.

M. Derraji : Exactement. Et, si on prend un angle employeur... Parce que je comprends la logique derrière le projet de loi, mais j'aimerais bien vous entendre d'un point de vue juridique. Qu'est-ce que vous en pensez, de ces deux articles, s'il vous plaît?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, le 21.1, c'est celui dont on a discuté, là, de long et en large depuis quelques minutes, c'est celui qui ajoute des conditions à la résidence permanente. Alors, on a bien dit que, pour nous, ces conditions-là ne devraient pas avoir lieu.

Pour l'article suivant, que j'essaie de relire rapidement, on peut déterminer les conditions que doit respecter l'employeur qui souhaite embaucher un résident permanent. Bien là, je ne me pose pas la question à savoir... D'abord, l'article 29... puis M. le ministre pourra peut-être préciser, mais est-ce que c'est vraiment d'employer un résident permanent? On ne parle pas de ressortissant étranger, là, à l'article 29? Je ne pense pas que... quand on emploie un résident permanent, on n'a pas de comptes à rendre à l'Immigration, là. Ça, ça me surprend vraiment. J'estime... ou peut-être que je me trompe, c'est le ministère qui confirmera, mais il me semble que c'est plutôt qu'il souhaite embaucher un travailleur étranger. Mais il faudra préciser parce que, si c'est vraiment ajouter des conditions à l'emploi d'un résident permanent, là, effectivement, on a les mêmes problèmes qu'à 21.1, sur la potentielle constitutionnalité ou sur les conditions, là. Alors, peut-être qu'il faudra préciser. À mon avis, effectivement, il peut y avoir des conditions de respect pour l'employeur temporaire. Pour le résident étranger, il n'y a pas de problème, et, du moment où on devient résident permanent, on ne peut pas ajouter des conditions, là.

M. Derraji : J'ai les mêmes inquiétudes. J'ai les mêmes inquiétudes que vous. Et moi, je me mets à la place d'un employeur, qu'on veut, avec ce projet de loi, régler un problème — je vais utiliser les mots de la dernière semaine — une crise, une crise de main-d'oeuvre, mais, si on applique et on met en application ces deux articles, je pense, on ajoute un autre degré de complexité à l'employeur.

Et je me demande même l'essence même de ce projet de loi qui vise l'arrimage entre l'immigration et l'intégration, et l'accompagnement en région. Est-ce que, si, à la lumière de ces deux articles... Et j'en suis sûr, qu'on va avoir l'occasion d'avoir beaucoup plus, je dirais, de clarification par rapport à ces deux articles au futur, mais j'ai les mêmes inquiétudes, surtout du côté employeurs, qu'eux on leur ajoute davantage de problèmes dans l'intégration.

La Présidente (Mme Chassé) : Simplement vous informer qu'il vous reste un peu plus d'une minute.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : O.K. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Écoutez, oui, il ne faudrait pas augmenter la charge ou le fardeau de nos entreprises, qui sont déjà débordées puis qui sont débordées à faire rouler l'économie canadienne et québécoise avant toute chose.

M. Derraji : ...c'est la prospérité, oui.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Exact, et il faut que ça demeure comme ça. Et il ne faut pas non plus qu'il y ait un frein ou une limitation de volonté d'engager un résident permanent parce qu'il y aura des conditions supplémentaires. Les employeurs nous appellent, ce sont... Les employeurs sont souvent nos clients, et ils ont beaucoup, beaucoup de conditions, et c'est déjà assez complexe comme ça.

Je pense que, plutôt, il faudrait peut-être plutôt simplifier puis de permettre l'emploi plus facile. Les résidents permanents, pour l'instant, c'est facile, il n'y en a pas, de limite. Du moment que vous avez votre carte, il n'y a pas vraiment de condition. Peut-être qu'il faudrait plutôt aller dans cet angle-là plutôt que de mettre des conditions pour l'employé résident permanent.

M. Derraji : Alors, si j'ai bien compris, c'est plus une autre contrainte qu'on rajoute aux PME, si on lit les deux articles.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Dans sa lecture actuelle, si vraiment le mot qui est décrit là, c'est vraiment la volonté du ministre d'aller avec résidence permanente, oui.

M. Derraji : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Il ne reste que quelques secondes, alors je vais céder la parole à la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous trois pour la présentation fort intéressante.

Moi, je vais y aller tout de suite sur l'article 20, donc la question des 18 000 dossiers. Je veux un peu revenir sur ce que vous avez dit dans votre mot d'introduction. Vous avez parlé des gens, parmi les 18 000, qui sont déjà installés au Québec, par exemple, avec un permis de travail, avec un permis d'études, donc, dans beaucoup de cas, qui parlent déjà français, par exemple, qui sont déjà bien intégrés à notre société, comme vous l'avez dit, ou qui ont démontré une capacité d'intégration. Vous avez dit que ces gens-là devraient être rapidement priorisés.

Est-ce que vous parlez de les prioriser selon l'ancien système, par exemple, dans les prochains jours, si le ministère peut mettre les ressources appropriées pour qu'on les traite avant, par exemple, l'adoption du projet de loi n° 9?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, dans tous les cas, un traitement rapide et efficace pour ces gens-là puis... pour qu'ils puissent avoir le sentiment de l'intégration le plus rapide, là, que ça soit six mois, neuf mois, 10 mois, là, mais rapidement. C'est sûr que, là, il y a de la détresse, là, puis les témoignages qu'on entend depuis quelques semaines, c'est les témoignages de gens ici. Pour la plupart, oui, on a fait des Skype, oui, on a fait des vidéos, mais on a fait aussi beaucoup de témoignages «live», là, des gens qui étaient avec nous en situation de précarité ou en situation difficile qui demandent vraiment des solutions. Et, oui, à mon avis, il faudrait accélérer parce qu'eux leur statut, sur le Québec, là, peut être conditionné à l'obtention d'un CSQ ou à leur renouvellement d'un autre permis de travail, qui n'est pas toujours renouvelable. Alors, effectivement, il faut trouver des solutions rapides pour les gens ici.

Mais je vous entends, mais je ne veux pas non plus abandonner les gens qui sont à l'étranger, qui peut-être parlent aussi bien français puis répondraient à cette condition aussi, là, et qui ont des capacités d'intégration très, très, très marquées et déterminées.

Quand on parle de pénurie de main-d'oeuvre, Mme Fournier, on parle aussi de nouvel immigrant, de nouvelle main-d'oeuvre. Alors, les gens qui sont sur le territoire, ils répondent déjà à un emploi. Alors, ils ne correspondent probablement pas à ce que le marché a besoin maintenant, dans le sens... dans la pénurie de main-d'oeuvre, là. Ils correspondent bien sûr à leur emploi actuel, mais ça nous prend aussi des nouvelles personnes. C'est ce qu'on dit.

Alors, oui, priorisons les 4 000 ou les 3 700 ici, mais trouvons aussi des solutions rapides pour qu'on puisse avoir de l'aide, là, puis pour que les gens puissent venir travailler au Québec.

Mme Fournier : Mais est-ce que vous parlez de l'ancien système? Parce qu'avec Mon projet Québec c'était vraiment premier arrivé, premier servi. Donc, dans ce contexte où on utilise l'ancien système, est-ce que c'est possible de prioriser les dossiers des gens qui sont déjà au Québec, selon vous?

• (11 heures) •

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : On parlait d'un premier arrivé, premier servi quand on ouvrait le quota, quand on ouvrait le quota une fois par année, avec des 5 000, ou des 6 000, ou des... en tout cas, ça a monté plus que ça, de certains... puis là c'est ce matin-là que c'était premier arrivé, premier servi, et donc le programme ouvrait à 9 heures, puis, à 9 h 10, il n'y avait plus de place. Mais, dans le reste de l'année, là, le traitement des dossiers se faisait aléatoirement, puis c'est pour ça qu'on a encore des dossiers de 2013, 2014, 2015, alors que d'autres ont eu leurs CSQ en 2016.

Quand on dit premier arrivé, premier servi, c'est vraiment au niveau... quand on ouvre le quota le matin même, là, et qu'on laisse 5 000 places, là, c'est les premiers 5 000 qui sont choisis. Mais après ça, une fois que vous êtes dans le système, une fois que vous êtes sélectionné, le ministère, avec les ressources qui lui appartiennent puis ses règles opérationnelles qui lui appartiennent, peuvent faire le traitement qu'ils veulent, et ils peuvent, par décret, par règle, par... On voit aussi que les traitements sont priorisés, par exemple l'Europe, ensuite l'Afrique, ensuite l'Asie, on voit ça dans les demandes d'accès à l'information.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Alors, il y a possibilité de gérer le «backlog» comme il le veut.

Mme Fournier : Dernière question, très rapidement. Vous avez aussi suggéré au ministre que les dossiers restants soient transférés dans Arrima directement, plutôt que de demander aux nouveaux arrivants de refaire une demande. Alors, selon vous, d'un point de vue légal, c'est possible, j'imagine, en demandant le consentement pour le transfert des données personnelles?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Je pense que, si vous offrez cette possibilité-là aux gens, ils vont cocher la petite case qui va dire : Permettez-nous de transférer votre dossier dans Arrima, là. Je suis pas mal certain, si c'est en réservant les droits acquis de tout le monde, oui.

Mme Fournier : Parfait. C'est ce que je pense aussi. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci, Mme la Présidente. Merci d'être ici. Question très simple. Le gouvernement du Québec s'est déjà retrouvé avec des volumes importants de demandes à traiter, et ce n'est pas la première fois. Est-ce que, selon vous, il est possible de traiter ces volumes-là rapidement avec l'ajout de ressources, selon votre expérience, là, en termes de droit de l'immigration?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, avec respect, les statistiques qu'on a fournies en annexe de notre mémoire démontrent que oui, démontrent que c'est possible. Puis, au Québec, là, on émet 50 000... on émettait 50 000 CSQ. Maintenant, on va en émettre 40 000. Donc, il y a capacité de traitement, peut-être en quelques mois, peut-être jusqu'à une année, mais il y a capacité de le traiter.

Là, c'est une volonté de savoir... Là, on s'apprête à mettre 19 millions de dollars de fonds publics pour rembourser des gens, pour déchiqueter des dossiers, alors qu'on pourrait en mettre une fraction, là, à accélérer le traitement des dossiers, à faire une parenthèse sur le seuil de 40 000, parce qu'on avait des engagements envers des gens, traiter ces gens-là puis, après ça, aller de l'avant avec le plan ministériel, parce que c'est la liberté démocratique de le faire. Mais on a la capacité puis on s'apprête à mettre 19 millions de notre argent, là, des fonds publics là-dessus. Alors, je pense que, oui, on a la capacité de le faire, M. Fontecilla.

M. Fontecilla : Le ministre parle souvent de l'utilisation accrue des permis temporaires pour des travailleurs étrangers, là. Est-ce qu'une utilisation massive de ces permis-là peut amener des problèmes d'exercice des droits fondamentaux, c'est-à-dire être lié à un employeur, pour une personne qui vient de l'étranger, peut poser des problèmes d'exercice de droits fondamentaux?

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : Bien, du moment où on n'est pas résident permanent, cette disposition-là de la charte n'est pas tout à fait applicable, elle s'applique aux résidents permanents puis aux citoyens canadiens. Donc, effectivement, ça existe, au Canada, de lier une entreprise avec un employé, ça s'appelle un permis de travail fermé, et ça, c'est légal.

Maintenant, il faut savoir que le permis de travail fermé, au Québec, nécessite l'EIMT, là, l'étude d'impact sur le marché du travail, avec Services Canada, qui nécessite un CAQ aussi, un certificat d'acceptation du Québec. Tout ça ensemble, on est rendu à plus de six mois, sept mois, on monte un petit peu plus en délai de traitement, et ça, avant ça, l'employeur doit faire un affichage, un affichage d'une trentaine de jours. Alors, c'est-à-dire que, du moment où vous êtes en pénurie de main-d'oeuvre, avant de voir votre premier travailleur sur le territoire, vous avez huit mois, neuf mois d'attente.

Alors, il y a beaucoup de problèmes là, et certainement qu'on peut régler une partie du problème avec des permis temporaires, c'est correct, mais, à un moment donné, on doit aussi se poser la question de l'intégration à long terme de ces immigrants puis ces immigrantes-là. De laisser des gens sur des permis de travail, c'est de laisser des gens dans une situation temporaire, et temporaire, c'est difficile, c'est difficile pour la famille, c'est difficile pour les enfants qui vont soudainement entrer à l'école, qui vont se faire des amis dans la classe, qui vont commencer à développer ou apprendre les valeurs québécoises puis la langue québécoise. Et puis là, si on ne donne pas une route rapide, ou si on ne prévoit pas directement la possibilité d'aller vers la résidence permanente, ou, disons, si on en prend 400 en 2019, bien là, on se retrouve à laisser les gens, là, dans une continualité de renouvellement de permis de travail, puis je ne suis pas certain...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

M. Cliche-Rivard (Guillaume) : ... que c'est ça, la société qu'on veut au Québec, hein? Merci, M. le député.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute, vous voulez continuer?

M. Fontecilla : C'est bon. J'ai posé ma question.

La Présidente (Mme Chassé) : Parfait. Je vous remercie. Alors, je suspends... Je suis désolée. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 5)

(Reprise à 11 h 8)

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous invite à reprendre place. Je souhaite maintenant la bienvenue à la représentante... Vous êtes de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante... Ça va? Tout est beau. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous indiquerai à une minute de la fin. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Mme Hébert (Martine) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, mon nom est Martine Hébert, je suis vice-présidente principale à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, l'organisme qui regroupe les PME. En fait, on est le plus gros regroupement de PME à l'échelle canadienne, 110 000 membres, dont environ un sur cinq est au Québec.

Alors, Mme la Présidente, c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on a pris connaissance du projet de loi n° 9. D'ailleurs, je vous dis d'emblée que nous souscrivons entièrement aux objectifs qui sont poursuivis par le gouvernement de mieux arrimer l'immigration avec les besoins du marché du travail. Et cela est important, Mme la Présidente, particulièrement dans le contexte actuel, où la pénurie de main-d'oeuvre qui sévit sur le marché du travail au Québec est l'une des plus imposantes au pays. D'ailleurs, les chiffres qu'on a publiés encore hier le démontrent. Ce sont environ, là, au moment où on se parle, 112 000 postes qui ne trouvent pas preneur au Québec, et tout ça alors que, dans plusieurs régions, on a un taux de chômage sous la barre des 4 %, qui est un taux de chômage historique et où l'économie continue quand même d'afficher une bonne performance.

Alors, ce n'est pas sans conséquence, ça, Mme la Présidente, sur les entreprises touchées, hein? Il faut bien se rappeler que les conséquences sont très concrètes. Ça veut dire qu'au moment où on se parle on a des manufacturiers au Québec qui ne trouvent pas le personnel nécessaire pour être capables de prendre des nouveaux contrats ou encore pour être capables d'accepter de nouveaux clients. On a des restaurateurs qui doivent fermer leurs portes plusieurs jours par semaine, on a des hôteliers qui ne roulent qu'à 50 % de leur capacité. Donc, il faut bien comprendre que la pénurie de main-d'oeuvre, ce n'est pas juste un concept théorique, mais ça a des impacts bien concrets.

• (11 h 10) •

Alors, évidemment, il y a des raisons, à ce phénomène-là, qui sont liées à la démographie du Québec et qui sont liées aussi à la conjoncture économique actuelle. Donc, c'est important que le gouvernement prenne des actions pour soutenir les entreprises à pallier ce phénomène-là. Et l'immigration en est un. D'ailleurs, les prédictions du gouvernement démontrent que, d'ici les 10 prochaines années, on aura à combler plus de 1,3 million d'emplois au Québec et que, parmi ces emplois-là, à peu près 22 % devront être comblés par l'immigration. Alors, notre sujet dont on discute aujourd'hui nous interpelle grandement pour ces raisons-là.

Il faut dire, Mme la Présidente, que le système d'immigration au Québec a été victime depuis plusieurs, années de ce que j'appelle un mauvais casting, pour emprunter un terme au cinéma, c'est-à-dire que les personnes immigrantes qu'on a accueillies, lorsqu'on regarde les statistiques au Québec... Alors que, les PME québécoises, particulièrement dans nos régions, ce qu'elles recherchent en premier, ce sont surtout du personnel de production, des gens qui ont des métiers spécialisés, comme des soudeurs, des électromécaniciens, en grande majorité, ou encore du personnel de vente, quand on regarde les statistiques d'immigration, ce qu'on constate, c'est qu'au cours des 10 dernières années pour lesquelles elles sont disponibles ce qu'on a accueilli beaucoup, c'est tout à fait l'inverse, c'est des gens ultrascolarisés, beaucoup plus qualifiés par rapport aux besoins. Donc, il y avait principalement des compétences en gestion ou des professionnels. Autrement dit, on a accueilli ici des gens qui sont surqualifiés.

D'ailleurs, Mme la Présidente, il y a plusieurs études et plusieurs articles, dans les médias, qui ont paru qui ont bien démontré qu'il y avait un problème de surqualification dans un cas sur deux au niveau de nos immigrants. Autrement dit, on a fait venir des gens ici en leur faisant miroiter des choses, en leur faisant des promesses, mais qu'on ne peut pas tenir. Alors, c'est comme... Donc, il y a un problème à la base, et il faut corriger le tir. Et, en cette matière-là, je pense que le projet de loi n° 9 déposé par le ministre de l'Immigration vient apporter, là, une partie de la solution.

Alors, je vous dirais, Mme la Présidente, que c'est sûr que, dans le projet de loi n° 9, ce n'est pas là où on va revoir la grille de sélection, mais je profite de l'opportunité qui m'est donnée aujourd'hui devant les parlementaires pour rappeler l'importance de revoir cette grille de sélection là parce que cette dernière, justement, nous conduit à sélectionner des personnes qui sont souvent beaucoup plus scolarisées que ce qu'on aurait besoin. Une personne, par exemple, qui a un doctorat en philosophie d'une université étrangère et qui parle français va être sélectionnée, là, va être avantagée, dans la grille actuelle, par rapport à une personne, par exemple, qui n'a pas de diplôme d'études secondaires, qui parle un peu le français, mais qui pourrait très bien occuper un emploi, là, en région au moment où on se parle. Donc, ce qu'on souhaite faire aujourd'hui aussi, c'est lancer un appel, là, à la révision de cette grille de sélection là, dans la foulée, là, des actions qui suivront le projet de loi, parce que, sinon, même si on a le système Arrima, si la grille de sélection demeure la même après ça pour sélectionner les gens, bien, on ne sera pas plus avancés ou, en tout cas, on n'aura peut-être pas l'effet aussi optimal, là, qu'on aurait souhaité.

Alors, je voulais vous parler un petit peu de la vision déployée par, justement, le projet de loi n° 9, notamment par rapport à la participation en français. Mme la Présidente, la FCEI souscrit entièrement au fait français. Je pense que le français, c'est la langue du Québec, et donc on doit respecter ça. Toutefois, on se questionne sur certaines dispositions du projet de loi et les effets qu'elles auront.

Par exemple, à l'article 3, qui vient modifier le paragraphe 4° de la loi, on peut lire que le ministre a la responsabilité de «sélectionner, à titre temporaire ou permanent, des ressortissants étrangers en mesure de participer pleinement, en français...» Alors, je souligne le «participer pleinement, en français». Ce qu'on comprend de ça, nous, c'est que l'exigence va dorénavant être... donc, va être maintenue, de dire qu'il faut que tu puisses participer pleinement, donc, que la personne possède une très... une excellente connaissance du français avant de pouvoir venir s'installer au Québec. Nous, on croit qu'il y a moyen de déployer des mesures de francisation et d'accompagner les personnes qui ne posséderaient pas un niveau aussi bon de français en amont, avant leur arrivée, mais qu'une fois arrivées ici, si on les accompagne et si on fait les choses correctement, on est capables de les aider à développer ces connaissances-là. Alors, c'est pour ça qu'on recommande de modifier ce paragraphe-là, de façon à ce qu'on soit un peu plus ouverts et que ça ne vienne pas, là, si vous voulez, contraindre en amont les personnes qu'on accueille, en parlant plutôt de personnes qui seraient en mesure éventuellement de participer — en français, hein? — à la société québécoise, pour leur donner une chance de pouvoir, si vous voulez, là, apprendre le français.

Un autre principe aussi qui se dégage du projet de loi n° 9 et auquel on souscrit complètement, c'est la question de l'emploi et de la régionalisation de l'immigration comme... Et, en ce sens-là, on souligne que ce sont d'excellents vecteurs de francisation, d'ailleurs, des immigrants. Vous savez, je dis toujours... ma grand-mère disait toujours, Mme la Présidente : La faim sort le loup du bois, hein? Après six mois passés à Chibougamau, si on ne parlait pas français en arrivant, il y a fort à parier que si... en étant imprégné dans un milieu entièrement francophone, à un moment donné, le français, on va finir par l'apprendre. Alors, je pense qu'on doit aussi fournir à ces personnes-là de l'accompagnement pour pouvoir ce faire.

Mais tout ça pour dire qu'il ne faut pas brimer, si vous voulez, certaines personnes, là, qui ne posséderaient pas un niveau de français suffisant et bloquer cette entrée-là. Et je pense qu'encore une fois le projet de loi, si vous voulez, permet de faire plusieurs choses en la matière. D'ailleurs, on souligne, Mme la Présidente, l'article 3, qui édicterait le nouveau paragraphe 4.7° de la Loi du MIDI, qui, lui, établirait la responsabilité du ministre justement de coordonner les efforts de plusieurs ministères ou organismes pertinents en vue de soutenir l'apprentissage du français par les nouveaux arrivants. Je pense que ce rôle de coordination là est important, et il y a plusieurs instances et institutions, dans la société, qui ont un rôle et une responsabilité, et, en ce sens-là, je pense que ce genre de disposition là du projet de loi doit être appuyée et doit être maintenue lors de l'étude par les parlementaires.

Un petit mot sur les questions liées aux procédures et à la réglementation. Vous savez, on prend note, là, des modifications qui sont prévues, notamment à l'article 15 de la Loi sur l'immigration, là, qui sont prévues par l'article 8 du projet de loi. On comprend qu'à travers ça il y a une manifestation de la volonté du gouvernement de procéder à un allègement du fardeau de l'employeur qui s'engage dans un exercice de recrutement international. Parce qu'on vient changer une obligation avant. On disait qu'avant ça l'employeur était... «est tenu d'obtenir du ministre» un avis, alors que, maintenant, ce qu'on vient dire, c'est : L'employeur peut... le gouvernement peut exiger de l'employeur d'obtenir un avis. Donc, ce qu'on comprend, c'est qu'il y aurait une volonté du législateur, là, d'alléger les procédures et les exigences qui sont imposées aux employeurs, et, en ce sens-là, je pense que c'est bien accueilli.

On voudrait aussi noter, Mme la Présidente, que, dans ces dispositions-là, il est crucial que les objectifs qui nous semblent être portés par les articles 8 et 10 se traduisent aussi dans les règlements qui vont en découler, hein, parce que ça arrive des fois qu'on a un projet de loi sur la table, on l'étudie, puis là, après ça, les règlements qui en découlent viennent défaire ce qu'on a essayé de faire dans le projet de loi. Donc, je pense que ça va être important de faire ça, et que ça ne comporte pas de chevauchement d'exigences aussi avec ce qui est exigé des employeurs de la part du gouvernement fédéral.

Donc, la FCEI, en ce sens-là, propose donc un amendement à l'article 8 pour qu'il soit spécifiquement mentionné... Parce que, vous savez, l'intention du gouvernement... J'ai confiance, tout à fait confiance au ministre que l'objectif était d'alléger la réglementation, mais...

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous indique qu'il vous reste près de 30 secondes.

Mme Hébert (Martine) : ... — d'accord — mais les ministres passent, et, malheureusement, des fois, les règlements, ça se change vite, alors il faudrait peut-être enchâsser ce principe-là dans le projet de loi.

Juste 30 secondes sur les limites de la déclaration du système Arrima, avec lequel on souscrit mais qui... à notre avis, peut-être, il y aurait d'autres actions à poser à côté, là, pour obtenir encore de façon plus optimale des résultats. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Chassé) : Le ministre m'indique qu'il vous laisse un peu plus de temps, un peu plus de son temps.

Mme Hébert (Martine) : C'est beau, parfait.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça va?

Mme Hébert (Martine) : Oui, bien, merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci pour votre exposé. Je vous invite, M. le ministre, à prendre la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Hébert, bonjour. Merci d'être à l'Assemblée nationale aujourd'hui pour participer à nos travaux.

Je vous dirais, d'entrée de jeu, que j'entends bien ce que vous nous dites relativement au français. Vous, ce que vous dites, avec l'article 3, paragraphe 4°, vous dites... Avec le libellé qu'on a actuellement, vous pensez qu'on ne pourra pas sélectionner des gens qui ne parlent pas français, vous avez peur que ça soit une barrière à l'entrée, c'est votre interprétation, là, de l'article 3, paragraphe 4°.

Mme Hébert (Martine) : Oui, tout à fait. Oui.

M. Jolin-Barrette : Moi, ce que je peux vous dire : ce n'est pas l'intention du gouvernement de mettre des barrières à l'entrée pour les gens qui ne parlent pas français. Par le biais de l'article, là, ce qu'on souhaite faire, c'est faire en sorte que le gouvernement québécois déploie des ressources pour assurer la francisation, pour s'assurer qu'à la base, là, il n'y a pas de porte fermée, on va vraiment être basé sur... on va sélectionner les gens en fonction des besoins du marché du travail puis vraiment faire en sorte qu'on déploie les ressources pour qu'ils apprennent le français. L'idée, c'est qu'éventuellement on va amener tout le monde à participer à la société québécoise en français et d'acquérir les compétences langagières en français. C'est l'objectif. Mais je retiens votre suggestion, que vous, vous nous dites... Le «éventuellement», ça vous rassurerait.

• (11 h 20) •

Mme Hébert (Martine) : Oui, effectivement, M. le ministre, parce que de la façon que c'est libellé là, dans le fond, ça pourrait être interprété de différentes façons. Je ne suis pas juriste, mais moi, de la façon que je l'avais compris, je me suis dit : Ah! tiens, «en mesure de participer pleinement, en français», ça veut dire qu'ils doivent déjà, donc, avoir soit... en fait, avoir une facilité d'apprentissage de la langue ou encore, sinon, une connaissance de la langue. Et comment on fait pour mesurer ça, la facilité d'apprentissage de la langue? Ce n'est pas évident. Donc, je suggérerais peut-être, pour en arriver, justement, à rencontrer l'objectif que vous visez, sans dénaturer cet objectif-là, qui est tout à fait louable, de peut-être moduler, amender l'article, là, pour pas que ça porte à confusion, que ce soit plus clair.

M. Jolin-Barrette : O.K. On en prend note. Puis l'objectif derrière ça... Tout le projet de loi est construit de façon à faire en sorte de pouvoir déployer des ressources dès l'étranger. À partir du moment où on dit aux candidats à l'immigration : Bien, on vous accueille au Québec, on diminue les délais, six mois avec le système Arrima, on veut vraiment réduire les délais, passer de 36 mois avec l'ancien Programme régulier des travailleurs qualifiés, ramener ça à l'intérieur de six mois. Mais on veut déjà démarrer l'intégration, la francisation dès le départ, dès l'étranger, puis aussi, à partir du moment où les gens arrivent sur le territoire québécois, là, vraiment avoir un parcours personnalisé pour faire en sorte que, dans la vie civile, ça fonctionne bien, dans la vie communautaire, ça fonctionne bien, dans la vie professionnelle des gens aussi. Donc, c'est pour ça aussi, supporter les employeurs, puis nous, on voit ça comme une question de responsabilité partagée. L'État déploie les ressources, mais en même temps il faut que le candidat à l'immigration aussi s'investisse dans le processus d'intégration, de participation.

Je voulais vous demander comment vous voyez ça, le fait qu'on souhaite faire participer les employeurs à cette démarche-là. Il y a un article qui dit qu'on pourrait mettre en place, on pourrait déployer, adopter un règlement pour faire participer les entrepreneurs, les employeurs au processus d'intégration. Comment vous voyez ça, là, pour les gens que vous représentez?

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, je pense que les employeurs ont vraiment envie de faire leur part dans l'intégration, là, des personnes qu'on accueille. Je pense que ça, c'est indéniable. D'ailleurs, vous savez, M. le ministre, qu'on a plusieurs de nos membres qui emploient des personnes, là, qui sont issues de l'immigration. Et, je veux dire, c'est extraordinaire, ce sont de très, très belles expériences. Et donc je pense qu'on a intérêt, dans ce sens-là.

Maintenant, lorsque je vois le mot «règlement», lorsque je vois «obligation de l'employeur», je vous dirais que ça, ça nous inquiète toujours un peu, à la FCEI. Hein, vous savez qu'on a une allergie à tout ce qui est... On espère que ça sera dans une perspective de réglementation intelligente, comme l'édicte d'ailleurs la politique d'allègement réglementaire, là, auquel le gouvernement se soumet, qui... et donc qu'il y aura une modulation peut-être des obligations en fonction de la taille de l'entreprise. Parce qu'il faut bien considérer que, M. le ministre, la pénurie de main-d'oeuvre sévit principalement chez les plus petites entreprises, là, 20 employés et moins. Elle est encore là avec plus d'acuité que dans les plus grandes entreprises, et ce ne sont pas des entreprises qui ont des départements de ressources humaines, de formation ou même juridiques. Donc, si jamais le gouvernement allait de l'avant avec des obligations supplémentaires aux employeurs, je vous inviterais, en toute déférence, de considérer à ce moment-là une modulation de ces obligations-là en fonction de la taille des entreprises, pour tenir compte du fait que c'est ça, là, tu n'as pas de ressources.

Je veux dire, si on a un petit commerce en région, bien, là, on n'a peut-être pas de place pour faire des cours de francisation dans l'entreprise, on n'a peut-être pas les moyens non plus, hein, de dégager ces travailleurs-là pendant plusieurs heures par semaine, pendant des semaines, pour aller sur les bancs d'école autant que d'autres types d'entreprise de plus grande taille. Donc, je vous demanderais, à ce moment-là, de peut-être tenir compte, là, des ressources et d'exempter aussi peut-être même les plus petits employeurs, là, de certaines des obligations, sachant que, dans toutes les régions, par contre, ces personnes-là pourraient avoir accès à des mesures, que ce soit en matière de francisation ou autre aussi, hein, d'éducation, par exemple, hein, là, c'est quoi, les droits et les responsabilités des employeurs aux lois du travail, comment ça fonctionne ici, à travers, par exemple, les excellents groupes communautaires qu'on a partout au Québec, qui seraient de très bons partenaires dans ce type d'éléments là.

Donc, je vous inviterais... Comme je vous dis, on n'est pas... Je pense que les employeurs ont une responsabilité, sauf qu'il faut faire attention de ne pas leur mettre sur leurs épaules des responsabilités, là, qu'ils ne peuvent pas remplir ou encore qui ne relèvent pas de leurs compétences, comme par exemple, là, l'éducation aux valeurs ou à la citoyenneté, ou ce genre de choses là.

M. Jolin-Barrette : Donc, je comprends, ne pas alourdir le fardeau sur les employeurs, surtout les PME, parce que, bon, c'est moins que 10 employés généralement, la majorité de vos membres. J'entends bien votre commentaire. L'objectif, aussi, de la disposition, puis de l'aspect réglementaire aussi, c'est de se donner les outils notamment pour faire participer tout le monde. Mais c'est sûr qu'on n'a pas l'intention d'imposer un règlement quelconque sans consulter l'ensemble des parties prenantes. Puis l'objectif, c'est vraiment que ça pourrait être applicable et efficient aussi. On a ce grand souci là. Il ne s'agit pas de faire, de mettre en place un règlement pour mettre un règlement, il faut qu'il y ait une plus-value à cela pour que l'ensemble des partenaires travaillent dans le même sens au niveau de l'intégration. Mais je vous entends très bien, puis on va être sensibles à cet élément-là.

J'aimerais qu'on revienne sur la question de la grille de sélection. Vous nous invitez à la réviser, et je lierais ma question à la question de la régionalisation : Comment est-ce qu'on fait pour s'assurer d'une plus grande régionalisation de l'immigration, puis comment vous voyez ça avec la grille de sélection, quand vous nous invitez à la réformer?

Mme Hébert (Martine) : Je vais vous dire, M. le ministre, que je pense qu'en arrimant mieux les besoins du marché du travail avec le profil des personnes qu'on va accueillir, il va y avoir une espèce de régionalisation qui va se faire d'elle-même, dans le sens où, si on accueille des gens, par exemple, qui ont un profil de journalier, qui ont un profil comme ce qui est en demande présentement, là, hein, ou encore des métiers, là, spécialisés, là, mais peu qualifiés, si on accueille des gens capables de travailler dans nos hôtels, dans nos restaurants, etc., ces emplois-là sont beaucoup en région, hein, très peu à Montréal, donc beaucoup en région. Donc, si on met l'accent sur, justement, l'offre d'emploi validée, sûre, pour ces personnes-là aussi, en leur permettant de se qualifier à travers la grille, bien, je pense que, là, à ce moment-là, il y a une espèce de mécanisme qui va faire en sorte que ça va aller de soi.

Est-ce que le gouvernement devrait aller jusqu'à dire... bon, obliger les gens à rester à certains endroits? Là, encore une fois, je ne suis pas juriste, mais je pense qu'on a intérêt, comme société, et pour les personnes qu'on accueille et pour nous-mêmes, comme société, à faire en sorte qu'effectivement les gens qu'on va accueillir puissent participer pleinement, à la hauteur de leur potentiel, à l'édification de la société québécoise. Et ça, ça va passer beaucoup par l'emploi. Et je trouve que c'est injuste et que ce n'est pas correct, ce qu'on fait à l'heure actuelle, de faire venir des gens qui ont un doctorat en philosophie, comme je l'ai dit tantôt, puis qui débarquent à Montréal, et puis qui finalement se ramassent chauffeurs de taxi parce que, qu'est-ce que vous voulez... Je n'ai rien contre les doctorats en philosophie, ça prend... je trouve ça... J'aime beaucoup la philosophie, mais ce n'est pas nécessairement ça, comme emploi, qui est en demande. Et donc on brise des rêves aussi, on crée de faux espoirs lorsqu'on fait ça.

Et je souhaite que le nouveau système puisse permettre de corriger ça, M. le ministre. Et j'ai confiance que, si, justement, on a un système qui dit : Bien, écoutez, si vous venez puis que vous vous établissez, vous avez plus de points; si vous vous engagez à rester là pour trois ans, vous avez plus de points dans la grille, donc, etc., ça va faire en sorte qu'effectivement la régionalisation, là, va se faire de façon naturelle et sans heurt.

M. Jolin-Barrette : Bien, c'est vraiment l'objectif qu'on recherche avec le projet de loi n° 9, là, de faire un arrimage entre les besoins du marché du travail puis d'inviter le plus possible les gens à aller en région.

Je voudrais vous demander : Pour les petites, moyennes entreprises, c'est quoi, les plus grands défis qu'ils vivent avec le ministère de l'Immigration ou avec le gouvernement du Québec pour aller recruter des gens? On souhaite aller de l'avant avec le programme Arrima, de mettre en place un portail employeurs pour s'assurer qu'il y ait un maillage entre le candidat à l'immigration, l'offre d'emploi. Mais vous diriez, là... Parfois, on a parlé du parcours du combattant pour le candidat à l'immigration. Du point de vue, là, des employeurs, là, les PME, là, c'est quoi, leurs défis, pour dire : Moi, j'ai un manque de main-d'oeuvre, je veux aller chercher des candidats à l'immigration, à la fois du côté temporaire, à la fois du côté permanent. C'est quoi, les défis qu'ils ont, là, vos membres?

Mme Hébert (Martine) : C'est une excellente question, M. le ministre, je vous remercie de la poser, parce que c'est un véritable parcours du combattant aussi. Il y a une lourdeur administrative, une lenteur endémique du système à l'heure actuelle. Je vous donne juste un exemple, là. Au niveau des enquêtes sur le marché du travail, au niveau fédéral, on est rendu à neuf mois d'attente. Neuf mois d'attente, là, si vous êtes un horticulteur, là, puis que vous attendez votre personnel pour l'été, oubliez ça, là, vous allez planter les fleurs au mois d'octobre, là.

M. Jolin-Barrette : ...pour le bénéfice de la commission, l'enquête, là, sur le marché du travail?

Mme Hébert (Martine) : En fait, c'est une étude que les employeurs doivent produire lorsqu'ils veulent avoir accès, par exemple, à un travailleur étranger temporaire. C'est une étude qu'ils doivent produire démontrant qu'ils ont fait tous les efforts nécessaires dans leur propre milieu pour recruter et qu'ils n'ont pas retrouvé. Et donc ça, c'est analysé par le fédéral. Et, bon, il y a une lenteur dans le système. La lourdeur bureaucratique, c'est extrêmement coûteux. Mais le fait est que les machines sont bloquées. Les machines n'arrivent pas à livrer la marchandise, que ce soit... Peu importe le programme, on a l'impression que ça coince de partout et qu'il faut donner un coup de barre, là, pour décoincer les appareils administratifs, pour faire en sorte, justement, que les employeurs pourront avoir accès à leurs...

• (11 h 30) •

L'autre problème majeur est celui du problème de mauvais casting, de mauvais arrimage, où ils disent : Bien, moi, là, j'ai des temporaires qui sont excellents puis j'aimerais ça les garder, mais, qu'est-ce que tu veux, ils ne se qualifient pas sur le système permanent, je ne suis pas capable de les qualifier, ils ne sont pas capables de qualifier au système permanent parce qu'ils ne sont pas assez scolarisés. Donc, c'est ces deux problèmes-là.

M. Jolin-Barrette : Présentement, on est en négociation avec le gouvernement fédéral, justement, pour le Programme des travailleurs étrangers temporaires, pour assouplir les critères, notamment sur l'étude d'impact. Très certainement, nous, c'est un objectif qu'on veut faire pour répondre aux besoins des entreprises, aux besoins des différentes régions pour assouplir tous ces critères-là. On est déjà au travail.

Dans votre mémoire, à la page 12, la dernière page, vous parlez de l'article 20 puis vous dites que vous êtes favorables au fait que... bien, au libellé de l'article 20 en général, donc, et qu'on devrait orienter les gens, comme on le propose, vers le nouveau système d'analyse des demandes. Donc, je comprends que, pour vous, l'article 20, c'est approprié.

Mme Hébert (Martine) : C'est-à-dire que ce qu'on a compris de l'article 20, là, c'est qu'il y avait 18 000 dossiers en attente d'évaluation selon les critères qui étaient utilisés dans l'ancien système. Nous, ce qu'on souhaite, c'est que ces 18 000 dossiers là, s'ils sont analysés, ils le soient en fonction des critères du nouveau système, et donc qu'ils prévoient justement un arrimage entre les besoins du marché du travail et le profil des personnes qu'on accueille. Ça fait que, nous, c'est ça qu'on comprend.

Alors, le mécanisme interne de processus de traitement opérationnel. Moi, je ne suis pas une spécialiste des opérations, là, propres au MIDI. Je pense que votre sous-ministre est pas mal plus qualifié que moi pour répondre à ces questions-là. Mais, le mécanisme par lequel le gouvernement va passer pour faire ça, nous, c'est qu'on n'est pas sur le moyen, on est plus sur le résultat. Ce qu'on souhaite, c'est qu'on ne veut pas se retrouver encore... Et, si on dit qu'on analyse les 18 000 dossiers puis que, là, ça prend un an à les analyser, ou huit mois, ça veut dire qu'on retarde d'un an ou de huit mois encore plus l'entrée en vigueur du nouveau système qui nous permet de mieux arrimer. Alors, ce n'est pas souhaitable. Nous, on préférerait, et ce, par contre, dans le respect évidemment des individus qui ont déposé un dossier, et tout ça, et avec empathie... mais on préférerait que ces dossiers-là soient traités en fonction des nouveaux critères.

Alors, par quel moyen le ministère peut le faire? Ça, malheureusement, je n'ai pas la réponse à ça. Mais, pour nous, c'est l'objectif qui compte et non pas le moyen. Et, en ce sens-là, est-ce que ça pourrait être de mettre en place des mesures facilitatrices pour ces personnes-là, par exemple, qui sont déjà en emploi ici? Parce que, moi, ce que je comprends, c'est que, si la personne est déjà en emploi ici puis qu'on la met sur Arrima, elle va se qualifier automatique. Donc, si elle était en 17e... en 1 000e position sur le 18 000 puis que, là, dans Arrima, woups! elle se qualifie, est-ce qu'elle va passer plus vite? Si ça permet ça, nous, c'est ce qu'on souhaiterait, donc, d'avoir des mesures facilitatrices, des mesures transitoires, peut-être, pour permettre, là, aux personnes... mais d'avoir aussi la bonne information, parce que je ne vous cacherai pas que c'est assez alambiqué, hein, le système d'immigration. Je pense qu'on l'a tous vu dans le débat actuel.

Et je pense que l'information, aussi, aux personnes est quelque chose de crucial. Et je pense que, si on avait peut-être un petit effort à faire, ce serait peut-être dans cette matière-là, là, pour s'assurer que les personnes aient la bonne information. Et, à travers des mécanismes, peut-être qu'on pourrait leur faciliter, justement, le passage, ou avoir des inscriptions automatiques, ou des choses comme ça.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Bien, en fait, c'est pour ça qu'on invite notamment les gens à appliquer dans le programme Arrima dès le départ puis de faire en sorte aussi qu'ils puissent appliquer au Programme de l'expérience québécoise, déjà, pour ceux qui sont sur le territoire québécois et qui n'auraient pas été qualifiés auparavant.

Je vous remercie pour vos interventions. Je pense que mon collègue de Mégantic veut poser des questions.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, le collègue de Mégantic et ensuite le député de Bourget aussi.

M. Jacques : Bonjour, Mme Hébert. Lors de l'annonce du projet de loi n° 9, vous avez mentionné avoir des questions sur la portée de certaines modifications apportées aux dispositions relatives aux exigences liées à l'évaluation des effets de l'offre d'emploi sur le marché du travail ainsi qu'aux conditions qui y sont rattachées. Vous avez souligné que le gouvernement pourrait déterminer par règlement les conditions auxquelles les employeurs devront satisfaire pour obtenir une validation des offres d'emploi. J'aimerais que vous me précisiez ce que la FCEI anticipe de ce côté. Et quelles pourraient être des conditions aux employeurs que vous jugez justifiables sans compromettre la productivité de leurs entreprises?

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, c'est ça — merci, M. le député, pour votre question — parce qu'effectivement c'était une disposition qui... Ce qu'on comprend, c'est qu'il y a une intention d'allègement. Mais, quand on dit le mot «règlement», nous autres, comme j'ai dit tantôt, hein, malheureusement, les ministres finissent... ils passent, ils changent, puis on se ramasse, des fois, avec des changements où là... d'autres législations où on perd de vue ce qui était, à la base, là, fait.

Donc, ce qu'on ne voudrait pas, par exemple, c'est qu'on vienne rajouter des conditions. Actuellement, les employeurs, par exemple, sont tenus de produire une enquête sur le marché du travail, hein? On souhaitait que le règlement vienne peut-être, si vous voulez, simplifier certaines modalités, par exemple, si on a besoin de 20 travailleurs étrangers temporaires, qu'on ne soit pas obligés de produire 20 études du marché du travail, mais qu'on en produise une pour l'ensemble de l'entreprise, puis que ce soit facilité, donc qu'on ait des mécanismes comme ça, que, dans le règlement, ça vienne se traduire comme ça, et qu'aussi, dans le règlement, on module les obligations, encore une fois, en fonction, là, de la taille des entreprises pour ne pas remettre un fardeau indu sur la tête des plus petites entreprises. Parce qu'il faut bien se rappeler qu'au Québec, hein, je le dis souvent, puis les gens ne le savent pas toujours, au Québec, le trois quarts de nos entreprises ont moins de 10 employés. 95 % en ont moins de 50. Donc, on est dans une économie de très petites entreprises, et c'est dans ce sens-là qu'on a formulé cette recommandation-là.

M. Jacques : ...c'est vraiment la problématique, là, à ce niveau-là, puis que les entreprises ont beaucoup de publication à faire avant de pouvoir recevoir des immigrants. Et il y a le 10 % aussi qui vient du fédéral, qui dénigre un peu les entreprises en région, étant donné qu'il y a peu de travailleurs qui travaillent pour eux. Mais qu'est-ce qu'on pourrait ou les employeurs pourraient faire aussi pour prévenir la discrimination et favoriser l'embauche d'une main-d'oeuvre diversifiée?

Mme Hébert (Martine) : Je vais reprendre le fameux adage de ma grand-mère : la faim sort le loup du bois, hein? Je pense qu'en même temps les employeurs voient maintenant les avantages, justement, en région, là, d'avoir une main-d'oeuvre qui est issue de l'immigration, voient l'apport extraordinaire que ces personnes-là peuvent avoir à la fois au niveau aussi des communautés, des collectivités, de par la diversité, la richesse de la diversité. Et donc je pense que les employeurs sont tout à fait ouverts. Moi, je pense que peut-être que les problèmes que j'ai vus, en tout cas dans certaines études, étaient peut-être des problèmes qui étaient concentrés davantage dans certains grands centres urbains. Mais ce n'est certainement pas, nécessairement, le cas, là, dans les régions, où, au contraire, moi, en tout cas, l'écho que j'ai des milliers de membres chez nous, là, c'est : On en veut, on en veut, on en veut, des travailleurs étrangers; temporaires, permanents, peu importe, mais on en veut.

Donc, je pense que... Et je pense que ça va aller de soi parce que, comme je disais tantôt, là, ce qu'on fait depuis des années, on accueille des gens ici qui sont fortement scolarisés, puis qu'on met à Montréal, puis qu'on dit : Bien, vous autres, là, venez-vous-en avec vos beaux diplômes, puis ça va être extraordinaire, ça va être le Klondike au Québec, là ils arrivent à Montréal, ils débarquent, puis, qu'est-ce que vous voulez, il n'y a pas de débouchés dans leur domaine d'études. Alors, ils se retrouvent à faire des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés, pour lesquels leur potentiel n'est, injustement, pas pleinement exploité. Et donc je pense que... Si on rééquilibre ce fait-là, je pense qu'on va en sortir gagnants, et ça va être gagnant pour ces personnes-là aussi.

M. Jacques : Une petite dernière. On parle beaucoup de régions. J'aime beaucoup ça parce que, la pénurie de main-d'oeuvre, on la vit beaucoup. Quelles sont vos suggestions pour que le potentiel des régions soit mieux valorisé dès le début de la démarche de l'immigration?

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, moi, je pense, là, que... à partir du moment où on va réviser nos critères puis qu'on va dire : Bien, on accueille des personnes qui répondent aux besoins du marché du travail, là, je veux dire, je pense qu'il y a beaucoup, beaucoup de personnes immigrantes qui vont vouloir venir au Québec. Il y en a déjà. D'ailleurs, on le voit avec l'engouement autour du Programme de travailleurs étrangers temporaires, parce que c'est la seule façon de faire venir au Québec... Il faut bien le dire, c'est la seule façon de faire venir au Québec des travailleurs peu qualifiés, mais, en tout cas, l'une des seules façons. Donc, on le voit avec l'engouement que ce programme-là suscite chez les travailleurs étrangers qui sont concernés. Et donc, à ce moment-là, je pense qu'on a réponse à votre question.

M. Jacques : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. J'invite maintenant le député de Bourget à prendre la parole.

M. Campeau : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Hébert, pour votre présentation. En fait, je veux revenir sur ce que mon collègue vient de poser comme question. Le taux de chômage, on s'est beaucoup obstinés pour savoir, par rapport aux gens issus de l'immigration, est-ce qu'il était deux fois, cinq fois, huit... Mettons qu'il est un peu plus de deux fois plus grand que le taux de chômage actuel moyen. Vous semblez dire que le projet de loi, dans son essence actuelle, va contribuer à réduire cette discrimination à l'embauche. Mais est-ce que vous voyez, en plus de ça, des mesures que la FCEI pourrait faire pour justement favoriser cette main-d'oeuvre plus diversifiée?

• (11 h 40) •

Mme Hébert (Martine) : C'est sûr que nous, on a un paquet d'outils qu'on a développés pour aider nos membres, là, à se débrouiller dans le cadre de la pénurie de main-d'oeuvre et à s'ouvrir aussi... Et donc il y a des outils, justement, de gestion de la diversité, par exemple, etc., qui sont à leur disposition, à différents égards. Et donc, dans ce sens-là, je pense que c'est une partie du rôle que nous avons à jouer et que nous jouons, d'ailleurs, auprès de nos membres, parce que c'est ce qu'ils nous demandent.

Je vois aussi que l'intégration des gens en région... Puis je sais qu'il y a beaucoup de craintes. J'entends souvent des craintes, là, de dire : Oui, mais, Martine, si on fait venir des gens qui sont peu scolarisés, il n'y a pas un potentiel d'exploitation possible de ces gens-là, peut-être, par les employeurs, et tout ça? Je tiens à dire que ce n'est pas la majorité des employeurs qui exploitent, d'abord, les personnes, les travailleurs, là. Je veux dire, ce n'est pas tout le monde qui a une motocyclette qui est un Hell's Angels, hein, on s'entend? Donc, ce n'est pas parce qu'il y a des gens qui ont peut-être exploité, là, des travailleurs que c'est tout le monde qui le fait, O.K.?

Et, deuxièmement, moi, en tant que membre de la Commission des partenaires du marché du travail aussi, où siègent les syndicats, où siègent les groupes communautaires, les groupes en employabilité, je plaide beaucoup aussi pour une implication de l'ensemble de ces groupes-là dans l'intégration des personnes dans les différentes régions du Québec. Pour l'accompagnement, on sait qu'il y a des groupes qui font un excellent travail dans toutes les régions du Québec. Donc, mettons-les à contribution dans ce processus-là pour s'assurer d'une intégration réussie, pleine et entière des personnes dans les régions, et je pense qu'on aurait des résultats assez extraordinaires. En tout cas, j'ai la foi.

M. Campeau : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. J'invite le député de Sainte-Rose. Vous avez 1 min 30 s.

M. Skeete : Merci. Justement, j'avais juste une question, Mme la Présidente. Avez-vous des exemples, des cas types où vos entreprises ont facilité l'intégration des immigrants? Est-ce que vous avez... Vous avez parlé d'un kit d'outils, là, pour aider vos membres. Avez-vous des exemples comment la francisation et l'intégration se fait dans les entreprises de vos membres?

Mme Hébert (Martine) : Effectivement. Écoutez, ça dépend des régions, hein, parce qu'il y a des régions où il y a des mesures qui sont facilement accessibles. Lorsqu'elles ne le sont pas, par exemple, les employeurs vont mettre en place des formations, vont permettre à leurs travailleurs d'accéder à des formations en ligne, par exemple, lorsque ce n'est pas possible d'y aller physiquement pour la francisation. Donc, ce sont des exemples de choses...

Il y a aussi des communautés qui se sont unies. Et je reviens là-dessus parce que ce n'est pas juste à l'employeur, la responsabilité de l'intégration. Il y a une partie qui appartient à l'employeur, mais c'est une... Et je vois M. le député... des régions, aussi, hein, il y a une partie de la communauté qui est responsable de l'intégration. Et moi, je pense que, quand tout le monde met l'épaule à la roue, quand ça se fait de façon concertée... Et c'est dans ce sens-là que le travail de coordination... Le pouvoir de coordination que le ministre a dans le projet de loi est important aussi pour pouvoir justement mettre à profit l'ensemble de ces acteurs-là dans les régions pour contribuer davantage, là, à une intégration réussie des personnes.

M. Skeete : Donc, selon vous, l'intégration, c'est une voie à deux sens. La personne qui veut venir au Québec a une responsabilité, mais la société accueillante aussi a des responsabilités.

Mme Hébert (Martine) : Absolument.

M. Skeete : Merci beaucoup.

Mme Hébert (Martine) : Et d'ailleurs la plupart des sociétés du monde sélectionnent, hein, les personnes, choisissent les personnes qu'elles accueillent, mais font aussi en sorte de déployer des ressources et des mesures pour ces personnes-là.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Merci, Mme la Présidente. Et merci, Mme Hébert, de votre présence aujourd'hui, toujours un plaisir d'échanger avec vous sur les enjeux économiques du Québec.

Mme Hébert, sur le dossier des... enfin, en ce qui a trait aux 18 000 dossiers qui touchent les 50 000 personnes, vous avez dit tout à l'heure... ce que vous aimeriez voir, c'est une transition. Si on vous dit, par exemple, que, dans les 18 000 dossiers, plusieurs d'entre eux ne pourront pas... ne se qualifieront pas pour Arrima de toute façon, mais mettons qu'une large partie d'entre elles se qualifierait et que, cette année, il n'y aurait que 400 dossiers qui seraient véritablement analysés dans Arrima, est-ce que vous seriez, à ce moment-là, à l'aise avec ça? Parce que c'est ça, les chiffres qui sont sortis vendredi. Alors, je veux vous entendre un peu. S'il y avait juste 400 dossiers qui étaient analysés cette année, en fonction des 18 000 dossiers qui sont donnés... qui sont présentement en attente de traitement, est-ce que vous seriez à l'aise avec cette transition-là, de dire que, probablement, ça irait à l'année prochaine de toute façon?

Mme Hébert (Martine) : Bien, ça dépend. Ça dépend si ça s'accompagne... si c'est parce qu'il y en a 5 000 à côté qui sont déjà en emploi, qui ont déjà été acceptés. Comprenez-vous? S'ils disent : Il y en a 400 autres qui vont s'ajouter... Ça fait que je...

Mme Anglade : ...parmi ceux qui seraient... Aujourd'hui, dans le système Arrima, il y a minimum... bien, le dernier chiffre, c'était 90 000. On a sûrement dépassé ça présentement. Dans le système Arrima, il y a, mettons, 100 000 personnes, 100 000 dossiers qui sont là. Si, en 2019, on traitait environ 400 dossiers, est-ce que ça répondrait à vos attentes?

Mme Hébert (Martine) : Que ce soit 400, ou 4 000, ou 10 000, je pense, ce n'est pas suffisant. Je pense que ce qui est clair, c'est que... Ce qu'on souhaite, c'est que les ressources et les mécanismes qui sont en place permettent de contribuer à régler le problème de pénurie de main-d'oeuvre qu'on a. Ce qu'on comprend, c'est que le gouvernement est prêt à mettre en place, là, des ressources, à déployer des ressources pour faire en sorte justement qu'on va accélérer le traitement des dossiers, parce que, moi, ce que j'ai entendu, en tout cas, puis j'aimerais... Tu sais, ce que j'ai entendu de la part du ministre, c'est de dire qu'au contraire on va diminuer les délais de traitement, là, qui sont actuellement de 36 mois, on va les faire passer — je m'excuse, là, je l'avais pris en note — à six mois. Donc, si on fait ça, je ne vois pas pour quoi faire qu'on ne pourrait pas traiter plus de dossiers. C'est là où...

Mme Anglade : De manière optimale, pour vous... Mettons qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre de 120 000 personnes aujourd'hui. La pénurie de main-d'oeuvre ne peut pas être uniquement réglée par l'immigration. On s'entend tous là-dessus. Il y a différentes manières d'approcher la problématique. Une portion de ça, c'est l'immigration. Quelle est cette proportion-là? Selon vous, selon les études que vous avez vues, quelle est cette proportion-là?

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, la stratégie nationale sur la main-d'oeuvre, sur laquelle on avait travaillé avec votre gouvernement, Mme la députée, d'ailleurs, stipulait qu'il y a environ, là... on estime qu'il y a environ un emploi... pas loin d'un emploi sur quatre qui devrait être comblé par l'immigration au cours des 10 prochaines années. Donc, faites le calcul. Et donc, en conséquence... Mais il faut faire attention parce qu'il y a aussi toute la question de l'immigration temporaire qui vient aussi combler des emplois, là, et qui ne sont pas nécessairement dans les statistiques, là, de ce qu'on retrouve au niveau de l'immigration permanente.

Mme Anglade : Vous avez raison. Et, sur la question de l'immigration temporaire, si je rebondis là-dessus, dans un monde idéal, on aurait plus de travailleurs temporaires ou des travailleurs temporaires... lorsqu'on ouvre la vanne pour les travailleurs temporaires, ce serait dans l'optique d'avoir une immigration permanente. Parce que, la semaine dernière, des gens du milieu économique sont venus et nous ont clairement dit que, d'un point de vue prévisibilité, pour les employeurs, l'immigration permanente est de loin souhaitable, plus souhaitable que temporaire. Alors, temporaire n'est qu'une voie vers la permanentisation, si vous voulez, si vous me passez le mot.

Mme Hébert (Martine) : Moi, je suis différente des autres, je vais vous répondre : Toutes ces réponses. Vos deux suggestions sont excellentes, Mme la députée, dans le sens qu'au Québec, à l'heure actuelle, on a besoin de travailleurs temporaires et de plus de travailleurs temporaires, peu importe. On a besoin de travailleurs temporaires qui comblent des besoins temporaires. Si vous avez une firme en horticulture, si vous êtes dans le domaine de l'industrie touristique, si vous avez un centre de ski, etc., donc vous avez besoin de ces travailleurs-là pour une certaine période de l'année. Alors, ça, c'est des vrais... c'est des temporaires temporaires, O.K.? Donc, on a besoin de temporaires temporaires. Et, si on en a besoin de plus... parce que ça, c'est le gouvernement fédéral qui est venu mettre des contraintes sur le nombre, comme M. le député l'a très bien dit tantôt, et qui, injustement, pénalise nos entreprises en région. Ça fait que temporaires temporaires...

Et, ensuite de ça, oui, on a besoin de temporaires qui sont... Et d'ailleurs on en a, des travailleurs étrangers temporaires, au Québec en ce moment, qui sont là pour occuper et pour combler des besoins permanents. Et malheureusement ces temporaires-là, dans le système actuel, ils ne peuvent pas se qualifier à l'immigration permanente, puis c'est ça, le problème. C'est pour ça qu'ils sont temporaires, puis qu'ils restent temporaires, puis que, là, après trois ans, une fois qu'ils ne peuvent plus revenir, on est obligés de les changer. Donc, il faut faire en sorte que ces travailleurs étrangers temporaires là puissent avoir une voie de passage vers l'immigration permanente puisque ces derniers comblent des emplois qui sont permanents, je pense, chez nos manufacturiers, hein, je pense, dans certains... de certains restaurateurs, dans nos commerces de détail, etc. Donc, ce sont des emplois qui sont permanents mais qui sont actuellement comblés par des travailleurs temporaires parce qu'il n'y a pas d'autre moyen d'avoir accès à ce profil de travailleur étranger là qu'à travers le Programme de travailleurs étrangers temporaires.

Mme Anglade : O.K., très bien. Vous avez bien répondu à ma question, Mme Hébert. J'aimerais céder la parole à mon collègue de Nelligan.

La Présidente (Mme Chassé) : J'invite le collègue de Nelligan, le député de Nelligan à prendre la parole.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Hébert, pour votre présence. C'est toujours un réel plaisir vous entendre. Et je sais que vous avez mené pas mal de combats, surtout par rapport à l'allègement réglementaire. Et, au regard de ce que Me Cliche-Rivard, tout à l'heure, vient de nous avancer, que les articles 9 et 10 — je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de les voir, les articles 9 et 10 — font peser des contraintes supplémentaires sur les employeurs, qu'en pensez-vous?

Mme Hébert (Martine) : Bien, c'est un petit peu comme ce que j'ai dit tantôt, là. Il y a deux choses là-dedans, hein? Il y a d'abord une volonté, là, d'allègement, mais il y a aussi la question que le ministre peut imposer des conditions par voie de règlement. Et ça, c'est comme j'ai dit tantôt, M. le député. Votre question est tout à fait pertinente. Ce qu'on souhaiterait, c'est le développement de cette réglementation-là et que... Même qu'on a d'ailleurs proposé des amendements à ces dispositions-là afin que ce soit clairement mentionné dans les dispositions que... en vue de faciliter la vie... les procédures administratives, là, qui sont imposées aux employeurs. Je pense que, si on amendait ces articles-là en y inscrivant expressément que ce qu'on veut faire est en vue d'alléger le fardeau administratif, ou en vue de faciliter les procédures, ou peu importe, ou d'assurer plus de fluidité, ou peu importe, je pense qu'on serait gagnants. On éviterait comme ça... Parce que, comme je vous ai dit tantôt, j'ai une très grande confiance dans le ministre, mais, vous savez, un règlement, ça se change plus facilement qu'une réglementation. Ce n'est pas dit qu'un jour il n'y aura pas un autre ministre qui débarquera puis que lui dira : Bien, ce règlement-là n'est pas assez sévère, il n'impose pas assez de conditions aux employeurs, puis on veut leur en imposer plus.

Donc, ce qu'on souhaite, c'est que, dans les cas où le gouvernement peut imposer des obligations supplémentaires aux employeurs, que ce soit... nommément qu'on dise plutôt dans l'article que ce qu'on souhaite, au contraire, c'est d'alléger et d'assurer plus de fluidité dans le système.

• (11 h 50) •

M. Derraji : À la lumière de la lecture des deux articles, ce qu'on constate, c'est tout à fait le contraire, c'est plus une lourdeur administrative. Vous l'avez dit tout à l'heure, c'est que, pour la plupart, une bonne majorité de nos PME, surtout en région, c'est 10 employés et moins. Je me vois mal comment, avec l'ajout de tous ces critères, on leur facilite la vie, sachant le problème et la crise de main-d'oeuvre qui frappe partout au Québec.

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, nous, dans le fond, ce qu'on voit plutôt, c'est qu'il faut dire qu'il y a... C'est Simone de Beauvoir qui disait : «Pourquoi les mots, cette précision brutale qui maltraite nos complications?» C'est-à-dire qu'il y a le mot «peut», hein? Le ministre... Quand on dit : «Le gouvernement peut imposer aux entreprises», c'est «peut», il peut le faire ou il peut ne pas le faire, O.K.? Donc, il peut décider de le faire ou pas, alors que ce que je comprends de l'ancien libellé, c'était «il doit», hein, l'employeur doit donc fournir au gouvernement la preuve, etc.

Donc, si on change le «doit» par le «peut», déjà là, pour nous, on n'est plus dans l'obligation systématique. Et c'est pour ça tantôt que je disais d'ailleurs au ministre... de dire : Si vous y allez avec davantage d'obligations pour les employeurs, bien, à ce moment-là, arrangez-vous soit pour exempter les plus petites entreprises... arrangez-vous pour que les obligations soient les plus minimales possible, qu'il n'y ait pas de recoupement avec le fédéral, et que ces obligations-là, si tant soient-elles qu'elles doivent apparaître, elles soient modulées en fonction de la taille des entreprises, comme les principes de réglementation intelligente, d'ailleurs, le prescrivent.

M. Derraji : Oui. Vous avez mentionné, au troisième trimestre de 2018, qu'il y a à peu près 58,7 % des postes vacants de longue durée. Et tout à l'heure vous avez évoqué la question de travailleurs temporaires versus longue durée. C'est quoi, votre lecture du processus actuel? Donc, je ne vais pas revenir aux 18 000 dossiers, parce que, là, on voit où on s'en va avec ça. On sait qu'aussi avec Arrima et la démarche que le ministre veut mettre en place on... 400 dossiers en 2019. Vous ne pensez pas que ce projet de loi, en ce moment, augmente l'incertitude au niveau de nos PME en région et rajoute une autre lourdeur sur leur quotidien?

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, sur la question de l'objectif global du projet de loi, moi, je pense que ça s'inscrit dans la continuité, d'ailleurs, de ce que le gouvernement libéral... de ce que vous aviez fait. Moi, je me souviens très bien d'avoir été ici, Mme la Présidente, avec l'ancienne ministre, Mme Weil, l'ancienne ministre de l'Immigration, lorsqu'elle a étudié son projet de loi, aussi, sur l'immigration, où on avait la volonté... Donc, je pense qu'on s'inscrit dans une espèce de continuité, là, de vouloir mieux arrimer le profil des personnes qu'on accueille avec les besoins du marché du travail.

Maintenant, c'est sûr qu'à chaque fois qu'on a un projet de loi il y a toujours des questions qui se posent. Et c'est pour ça d'ailleurs qu'on formule des recommandations et que je compte sur les parlementaires, dont vous, M. le député, pour... lorsqu'on voit des articles comme ça. Et je pense qu'il y a moyen de le faire, de dire que... de mettre des obligations pour le gouvernement d'aller moduler en fonction, par exemple, de la taille des entreprises, d'aller exempter peut-être certaines entreprises en fonction de la taille, là, de certaines obligations, comme on le voit dans d'autres réglementations ou dans d'autres lois. Donc, je pense qu'il y a moyen... Et, avec ce qu'on voit dans ce projet de loi là, en tout cas, les objectifs qui sont poursuivis par le gouvernement, on y souscrit entièrement. Et ça s'inscrit dans la foulée... Et on espère vivement que cette fois-ci sera la bonne, d'ailleurs.

M. Derraji : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Est-ce que quelqu'un d'autre de l'opposition officielle veut prendre la parole? Merci à vous. J'invite le député des Îles-de-la-Madeleine à prendre la parole.

M. Arseneau : Merci, Mme la Présidente. Merci de votre présentation, Mme Hébert. On voit toute l'urgence et on sent que votre plaidoyer pour que la main-d'oeuvre arrive rapidement et vienne en relève aux petites et moyennes entreprises vous tient à coeur.

Je voulais revenir sur une remarque que vous avez faite, d'entrée de jeu, sur la question du français. Vous semblez dire que les gens vont pouvoir apprendre une fois qu'ils vont avoir un emploi, et particulièrement en région. Vous avez cité votre grand-mère, je pense, qui disait que la faim fait sortir le loup du bois. On pourrait aussi interpréter cette citation-là à l'aune des statistiques qui prouvent qu'il est très difficile pour le Québec de retenir les immigrants, que ce soit en région ou que ce soit même au Québec, puisqu'il y a quand même un grand nombre de gens qui quittent après quelques années. Nous l'avons expérimenté, d'ailleurs, dans ma région. On a eu des gens qui sont venus et, pour toutes sortes de raisons, mais particulièrement des raisons d'intégration linguistique ou culturelle, allaient quitter après quelques mois ou quelques années. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, à savoir s'il est vraiment possible de régionaliser l'immigration si on ne s'assure pas que les immigrants puissent s'intégrer, particulièrement par le vecteur de la langue.

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, c'est sûr que ça revient au problème que je mentionne depuis le début, c'est-à-dire que, si ces personnes-là ont été sélectionnées en vertu de l'ancien système, ça veut dire qu'elles étaient probablement surqualifiées par rapport aux emplois qu'il y avait, par exemple, à occuper dans votre région, hein? Ça veut dire qu'on se retrouvait peut-être avec quelqu'un qui avait, je ne sais pas, moi, un baccalauréat en sciences politiques, l'équivalent de ça, puis qui se retrouve en région, puis qui occupe un emploi, finalement, qui n'est pas du tout dans ses fonctions, qui est un emploi... parce que l'emploi qui était disponible n'était pas un emploi pour quelqu'un qui a un baccalauréat en sciences politiques. Donc, ça, c'est sûr qu'après quelques mois la personne va quitter, et donc ça fait en sorte aussi qu'on a ces statistiques-là.

Comme quand on parle aussi du taux de chômage important des personnes immigrantes, c'est particulièrement dans les grands centres urbains, parce que, celles qui sont en région, ce n'est pas du tout le cas, c'est plutôt l'inverse, donc elles sont en emploi. Donc, je pense que c'est dû justement au mauvais arrimage entre les critères de sélection et les besoins du marché du travail et qu'on va solutionner une très grande partie, M. le député, de ce que vous évoquez en effectuant un meilleur arrimage à ces égards-là.

M. Arseneau : Est-ce que vous ne voyez pas un problème avec le fait qu'on ait des gens... Vous parlez de surqualification, mais est-ce que la surspécialisation ne serait pas aussi un danger? Dans la mesure où, évidemment, le marché du travail évolue à vive allure, on dit aujourd'hui que les gens changent d'emploi à tous les deux ou trois ans, à vouloir aller trop vite et choisir des gens pour les besoins immédiats, sans nécessairement qu'ils parlent la langue, est-ce qu'on ne peut pas arriver, dans bien des cas, à des échecs de l'intégration des immigrants?

Mme Hébert (Martine) : Bien, c'est pour ça que je disais tantôt... Moi, je pense qu'il faut mettre à profit les différents groupes dans les différentes régions par rapport à ça parce que... à la fois pour calmer aussi les craintes, hein, que certains ont, de dire : Bien, ces gens-là, ils arrivent ici, ils ne connaissent pas leurs droits, ils ne connaissent pas... Je pense qu'il y a des groupes, partout dans les régions du Québec, qui pourraient faire une très bonne job, justement, de former ces gens-là, de les parrainer et de les accompagner, dans le fond, à ce genre de mesures là.

Alors, si on met en place l'ensemble de ces mesures-là, je pense qu'on peut favoriser une intégration réussie et une régionalisation de l'immigration, mais dans un processus de continuum, en se disant que ces gens-là qui, malheureusement... Parce que notre système est très élitiste, là. Disons-nous-le, cachons-nous pas ça, là, il est élitiste, le système qu'on a à l'heure actuelle. Bien, ces gens-là vont pouvoir débarquer ici enfin, puis venir tenter leur chance au Québec, puis avoir toutes les ressources à leur disposition pour pouvoir justement s'intégrer et participer pleinement à la société. Puis éventuellement ils vont changer d'emploi, hein? Ils vont se former.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Hébert. Étant donné l'ampleur de la problématique de la rareté de la main-d'oeuvre au Québec, est-ce que vous considérez que le traitement des 18 000 dossiers est une bonne chose pour contribuer à régler ce problème-là?

Mme Hébert (Martine) : Comme j'ai dit tantôt, que ce soient les 18 000 dossiers, 5 000, 30 000, ce qui est important, c'est qu'on traite les dossiers justement en fonction des besoins du marché du travail et non pas en fonction des critères qui étaient appliqués sous l'ancien système. Maintenant, tu sais, j'ai l'impression qu'on est dans une espèce de dialogue, là, de sourds sur la mécanique, sur l'opérationnalisation de tout ça. Moi, je pense que ce qui est important, c'est de dire : Est-ce qu'on peut s'assurer que les personnes qu'on va accueillir ont des caractéristiques, si vous voulez, qui correspondent aux profils qui sont recherchés par les employeurs? Et ça, je pense que c'est fondamental parce que c'est gagnant-gagnant pour les deux parties.

Le mécanisme que le gouvernement va prendre pour arriver à ça, ce n'est pas à moi à lui dicter le moyen. Moi, dans le fond, ce qui m'importe puis ce que je demande à la commission, c'est de dire : Allons-y sur l'objectif et laissons le soin, là, au gouvernement de déterminer le moyen par lequel il va agir pour s'assurer qu'on va avoir des gens qui correspondent aux besoins du marché du travail, et ce, le plus rapidement possible, tout en, évidemment, affichant une compassion puis en s'assurant que les personnes qui sont concernées, là, dans les 18 000 dossiers, reçoivent toute l'information nécessaire et peut-être même aussi des mesures facilitatrices et des dispositions transitoires, là, à leur égard dans ce passage-là.

M. Fontecilla : Mais, si on tient compte toujours des besoins de main-d'oeuvre sectoriels, etc., là, est-ce que ça peut être utile de quand même étudier ces 18 000 dossiers rapidement?

• (12 heures) •

Mme Hébert (Martine) : Bien oui, mais selon l'optique, si vous voulez, du nouveau système, et non pas selon les anciens critères qu'on utilisait, parce qu'on va retarder, dans le fond, sinon, l'étude de l'entrée en vigueur du nouveau système parce qu'on va avoir... Et c'est pour ça que je dis : Il y a peut-être moyen d'avoir un... Bon, je n'ai pas la réponse parce que je ne suis pas responsable des opérations au MIDI, mais il y a sûrement moyen, peut-être, d'avoir des mécanismes facilitateurs ou des mécanismes transitoires qui permettraient de faciliter, là, justement, ce passage-là d'un système vers un autre pour ces personnes-là.

M. Fontecilla : Concernant la rétention des immigrants, autant au Québec, là, qu'en région, là, dans des emplois, là, est-ce que la question d'établir des conditions, d'obliger, en quelque sorte, les personnes issues de l'immigration à s'installer en région est, pour vous, une bonne chose pour favoriser la rétention à moyen et long terme de ces gens-là?

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, certainement, en tout cas...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

Mme Hébert (Martine) : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci à vous.

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, certainement que d'avoir une grille de sélection où ces personnes-là qui veulent aller s'établir en région, qui s'engageraient à le faire, par exemple, pour un certain nombre d'années... d'avoir une grille de sélection de l'immigration permanente qui aurait un critère qui accorde plus de pointage à ça, ça pourrait être une bonne chose. Je veux dire, on a le droit de sélectionner... Comme société, je pense qu'on est en droit de sélectionner les personnes que nous accueillons selon les critères qu'on veut. Et je pense qu'en en faisant un critère de sélection plus important, dans la grille de sélection, que ce qu'on a actuellement, on serait tous gagnants.

M. Fontecilla : Merci.

Mme Hébert (Martine) : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Excellent. Merci. Merci pour votre contribution à la commission.

Je suspends la commission jusqu'après les affaires courantes. Bon dîner à tout le monde.

(Suspension de la séance à 12 h 2)

(Reprise à 15 h 26)

La Présidente (Mme Chassé) : Merci de tous être là. La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre leurs appareils électroniques. Je vous donne l'exemple.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 9, la Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes.

Cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : Fédération des chambres de commerce du Québec, Montréal International et Québec International.

Est-ce qu'on a besoin... Oui? Alors, comme la séance débute à 15 h 25, y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, c'est-à-dire jusqu'à 18 h 25? Y a-t-il consentement?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je souhaite donc la bienvenue à la Fédération des chambres de commerce du Québec. Et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Je vous ferai un signe à une minute de la fin. Puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

M. Forget (Stéphane) : Merci beaucoup. Stéphane Forget, P.D.G. de la fédération. J'ai à ma droite Alexandre Gagnon, qui est directeur Main-d'oeuvre et Santé et sécurité au travail à la fédération, et, à ma gauche, Michel Cournoyer, qui est économiste-conseil à la fédération, spécialisé dans les dossiers de main-d'oeuvre.

Alors, peut-être brièvement saluer aussi tous les nouveaux élus qui sont en place depuis quelques mois.

Alors, la fédération, brièvement vous dire que c'est à la fois une fédération qui réunit et qui fédère l'ensemble des chambres de commerce au Québec, et c'est aussi la chambre provinciale, donc plus de 1 100 membres directement membres de la fédération. Et, avec les membres des chambres, on représente plus de 50 000 entreprises au Québec. Nous sommes aussi très actifs dans les dossiers de main-d'oeuvre, siégeant moi-même à la CNESST, à la Commission des partenaires du marché du travail et au Comité consultatif travail et main-d'oeuvre.

Donc, la fédération s'implique beaucoup dans les dossiers, notamment, d'immigration avec notre projet Un emploi en sol québécois, où on tente d'attirer les immigrants en région pour aider les employeurs à combler leurs besoins de main-d'oeuvre. Les chambres à travers le Québec travaillent aussi avec les organismes en employabilité et en intégration pour essayer de favoriser le plus possible l'intégration des immigrants dans les régions.

Pourquoi on s'implique autant? Bien, parce qu'il y a un chiffre qui nous dérange et qui est important à se rappeler. Quand on regarde les courbes de progression de la population active au Québec, d'ici 2030, par rapport à 2015, nous serons 1,5 % de moins, soit à peu près moins 100 000 travailleurs par rapport à aujourd'hui. Quand on compare ce chiffre-là avec la moyenne canadienne, et c'est là que c'est inquiétant, pendant que, nous, notre population active va diminuer, la moyenne canadienne est de plus 3 %, et nos voisins ontariens à 2,5 %. Alors, pendant que le reste du Canada va voir sa population croître, nous, notre population active va décroître, et c'est préoccupant pour nous.

Voilà pourquoi, notamment, nous partageons pleinement l'objectif du présent projet de loi. Nous étions d'accord à l'époque où le précédent gouvernement a mis en place la politique qui devait mettre fin au premier arrivé, premier servi, et nous le sommes encore davantage aujourd'hui compte tenu de l'urgence d'agir. D'ailleurs, s'il y a un message que nous souhaitons que vous reteniez cet après-midi et qui, nous l'espérons, saura vous guider dans vos délibérations sur ce projet de loi, c'est de mettre en place rapidement l'ensemble des mesures qui sont nécessaires afin qu'il y ait une meilleure adéquation entre les besoins des entreprises et la sélection des nouveaux immigrants.

Comme le propose le projet de loi, il est nécessaire de simplifier le processus d'immigration, mieux arrimer la sélection des immigrants avec les besoins de main-d'oeuvre des entreprises et, finalement, mieux coordonner les efforts d'intégration des immigrants. La fédération salue l'intention du gouvernement à cet effet.

• (15 h 30) •

Cela dit, la portée de certaines dispositions clés nécessite des précisions et des balises, et ce projet de loi ne règle pas tout. À titre d'exemple, la fédération considère qu'il est urgent de mettre pleinement en oeuvre la déclaration d'intérêt et d'ouvrir le bassin des candidats aux employeurs afin de répondre aux besoins grandissants de main-d'oeuvre laissés en plan. Aussi, il faut terminer le changement de paradigme en immigration en modifiant en profondeur et dans les meilleurs délais la grille de sélection du Programme régulier des travailleurs qualifiés. Il est plus que temps d'agir si on souhaite réellement améliorer l'adéquation.

Maintenant, concernant l'annulation des 18 000 demandes, la fédération est d'avis qu'il faut profiter de l'opportunité d'avoir en sol québécois des candidats qui sont déjà en emploi au Québec et ceux dont le dossier est récent. Il faut se doter de priorités de traitement à leur égard. S'en priver, c'est déstabiliser des entreprises qui les emploient déjà ou encore se priver d'un nombre de candidats potentiels important.

Donc, dans un souci d'équité et de simplicité, la fédération recommande d'accorder un traitement hautement prioritaire et en continu dès maintenant aux personnes en emploi, nonobstant le programme auquel ces personnes sont inscrites et sans démarche additionnelle de leur part, et de déposer les autres demandes dans la banque de déclaration d'intérêt, et de les traiter selon les nouveaux critères, sans démarche, aussi, additionnelle de leur part.

Maintenant, quelques mots sur le débat entourant la connaissance du français. Nous croyons, et ça, il n'y a pas de doute, dans l'importance du français au Québec et de l'apprentissage de la langue par les immigrants. Cependant, et c'est la grande question, doivent-ils le parler parfaitement avant d'arriver en sol québécois ou pouvons-nous accepter un français moins parfait, mais investir davantage en francisation?

La FCCQ considère que les exigences actuelles en matière de connaissance initiale du français éliminent un certain nombre de candidatures de qualité, et cela n'est pas favorable dans le contexte actuel. C'est pourquoi nous croyons dans l'intention exprimée dans le présent projet de loi de mettre l'accent sur l'apprentissage du français après l'admission au Québec. Il s'agit d'une approche qui permettrait de répondre plus adéquatement aux besoins du marché du travail, compte tenu du contexte actuel. Pour la FCCQ, il n'y a pas de doute, il est primordial d'améliorer l'efficacité des programmes de francisation et d'intégration et d'investir en ces matières.

Aussi, je souhaite soulever une grande préoccupation à l'égard des responsabilités que le gouvernement pourrait donner aux employeurs lors de l'embauche d'un ressortissant étranger. Vous le savez, les employeurs qui recrutent investissent temps et argent. Ils tiennent à retenir ces personnes. Le recrutement et la rétention sont des défis courants en gestion de personnel, et les employeurs favorisent par toutes sortes de moyens l'intégration des nouveaux arrivants dans leur milieu de vie. Cependant, l'encadrement réglementaire des employés à cet égard serait contre-productif, et il faut éviter, à notre avis, d'imposer aux employeurs de s'immiscer dans les démarches individuelles de francisation ou d'apprentissage des valeurs québécoises.

La FCCQ est d'avis que les conditions s'appliquant au recrutement direct par les employeurs devront être souples, car il serait contre-productif que l'immigration devienne une source de main-d'oeuvre trop onéreuse à cause d'un fardeau administratif indûment lourd, de délais trop longs ou de droits élevés qui pourraient être imposés, aussi que la sélection des candidats inscrits à la banque de déclaration d'intérêt soit effectuée régulièrement, voire en continu, afin d'éviter de rendre caduques les offres d'emploi, et d'en faire un outil de recrutement efficace.

Enfin, nous considérons que la réduction des seuils d'immigration permanente exerce une pression afin de recourir plus facilement à l'immigration temporaire. Mais, de toute évidence, le Programme des travailleurs étrangers temporaires du fédéral, dans sa forme actuelle, ne peut répondre adéquatement aux besoins à court terme des employeurs.

La FCCQ considère que la réponse aux besoins de main-d'oeuvre des entreprises à moyen et long terme relève de l'immigration permanente et qu'un nouveau programme des travailleurs étrangers temporaires est un complément, non pas un substitut, à une immigration permanente mieux arrimée aux besoins des entreprises. Ainsi, un programme des travailleurs étrangers temporaires révisé, quoique désirable et nécessaire, comme instrument d'un coffre à outils — et nous sommes prêts à aider le gouvernement, à cet égard-là, du côté du gouvernement fédéral — ne dispense en aucun temps de la nécessité de revoir la situation quant aux seuils d'immigration et à la sélection ainsi qu'aux délais très longs d'analyse des demandes.

En conclusion, le contexte démographique particulier du Québec exige des mesures efficaces et rapides en matière d'immigration afin de répondre adéquatement aux besoins du marché du travail. Il faut un meilleur arrimage entre les besoins du marché du travail et la sélection des immigrants. Il faut accélérer le processus de mise en oeuvre de la déclaration d'intérêt, qui met fin au système du premier arrivé et premier servi, et en offrant plus de souplesse aux employeurs dans le recrutement. Il faut aussi modifier la grille de sélection et investir en intégration et en francisation.

Enfin, la volonté d'impliquer davantage les entreprises dans la sélection des immigrants est une bonne nouvelle. L'obtention d'un bon emploi est, à notre avis, le meilleur outil d'intégration et de rétention d'un immigrant. Mais il ne faut pas que les employeurs aient l'obligation de s'immiscer dans les démarches individuelles des immigrants, que ce soit dans leur apprentissage du français à l'extérieur de ce que l'entreprise peut offrir ou des valeurs québécoises. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Forget et M. Gagnon... Désolé, je...

Une voix : M. Cournoyer.

M. Jolin-Barrette : M. Cournoyer. Désolé, j'avais manqué votre nom. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci de participer aux travaux. Mme la Présidente, vous me permettrez de souligner également la présence, je crois, de M. Trudel et des étudiants de l'ENAP, qui sont avec nous en commission parlementaire, qui passent la journée à l'Assemblée nationale. 50e anniversaire de l'ENAP cette année. On soulignait cette motion. Moi-même étant un diplômé de l'ENAP, je vous salue bien bas.

Cela étant dit, je vous remercie pour votre mémoire. D'entrée de jeu, je souhaite peut-être vous rassurer relativement aux conditions qui pourraient être imposées aux employeurs. On ne veut pas imposer des conditions aux employeurs sans le faire en partenariat. Dans le projet de loi, on met en place une habilitation réglementaire pour faire participer l'ensemble des acteurs, notamment les employeurs. Mais l'objectif est vraiment de s'assurer d'avoir tous les outils pour assurer une intégration et une francisation réussies.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante est venue avant vous, ce matin, nous a dit sensiblement la même chose aussi : Les PME, ça peut être lourd, tout ça. Et sachez qu'on sera à l'écoute relativement à la mise en application d'un règlement. Mais c'est un outil dont le ministère se donne dans un souci d'assurer la coordination, l'intégration puis le parcours personnalisé.

Ça fait que, là-dessus, pour travailler avec les entreprises, on veut vraiment être des partenaires, et ça ne sera pas l'imposition d'une réglementation d'une façon unilatérale là-dessus.

Pour ce qui est de la question du français, tout à l'heure, vous avez dit... Bon, je comprends que vous ne voulez pas de barrière à l'emploi au niveau de la connaissance du français.

M. Forget (Stéphane) : En fait, ce qu'on dit, c'est qu'on pense que c'est un critère qui doit exister notamment dans la grille de sélection. Mais ça ne peut pas être un critère qui vient d'être tellement important qu'on va passer à côté de candidats importants.

Nous, on pense que, dans le contexte actuel, compte tenu des besoins du marché du travail, on est certainement capables d'accueillir au Québec un immigrant qui parle un peu moins bien le français, mais qui va, dans l'entreprise où il va se retrouver ou dans la région où il va se retrouver, avoir des outils ou des moyens pour améliorer son français de façon importante. On pense qu'on ne peut pas se priver à l'entrée d'un candidat important si on donne évidemment les moyens, au Québec, pour l'accompagner après dans sa formation en matière de français. Pour nous, il y a trop de candidats intéressants et importants.

Deuxième élément, c'est : dans un contexte où la compétition en matière d'immigration est mondiale, ça serait un peu dommage que le Québec se prive de candidats extrêmement intéressants parce qu'il n'a pas encore atteint un niveau de français qui soit important, comme on le trouve dans la grille actuellement, et que, dans certains cas, bien des gens même ici auraient peut-être de la difficulté à passer comme test.

• (15 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Et c'est exactement ce qu'on veut faire dans le cadre du projet de loi n° 9. Dans le fond, on veut passer du système de premier déposé, premier traité à un système qui est basé sur l'arrimage entre l'offre d'emploi et le profil de compétence de la personne. Nous, ce qu'on pense, c'est que c'est une responsabilité partagée entre la société d'accueil, le Québec, et la personne immigrante d'apprendre le français.

Au gouvernement du Québec, il faut déployer les ressources pour accompagner en matière de francisation, d'intégration. Ça, ça veut dire donner des cours. Ça veut dire assurer un suivi, aussi, parce qu'on vient répondre au rapport de la Vérificatrice générale de 2017, pour faire en sorte d'assurer un suivi, d'assurer une traçabilité du parcours de la personne immigrante pour lui donner les outils en intégration, en francisation, mais aussi en emploi.

Ça fait que, nous, notre premier critère, c'est cela, on veut donner l'opportunité à tous de venir au Québec, de venir enrichir le Québec de leurs compétences, mais on va déployer des ressources pour faire en sorte que l'apprentissage du français soit favorisé puis soit beaucoup simplifié aussi.

Je pense notamment, parfois... J'ai constaté certains délais, supposons, en matière de cours de francisation. Bien, parfois, c'est 60 jours ouvrables. Moi, je trouve que c'est beaucoup trop long, ces délais-là. Alors, on travaille là-dessus présentement. Puis on veut vraiment faire en sorte d'avoir un parcours personnalisé, et ce, dès l'étranger.

Tu sais, nous, l'objectif du projet de loi n° 9, c'est de donner des ressources aussi aux personnes immigrantes qui ne sont pas nécessairement permanentes non plus. Donc, les temporaires, tout à l'heure, vous disiez : Pour nous, on privilégie l'immigration permanente. D'accord. Mais il y a, actuellement, quand même 40 000 travailleurs temporaires qui sont ici, qui sont en emploi. Nous, on pense que, s'ils sont en emploi, on leur donne des ressources pour apprendre le français, bien, il y a la voie rapide du Programme de l'expérience québécoise, puis ils répondent déjà au marché du travail. Qu'est-ce que vous en pensez, de ça, pour ceux qui sont déjà sur le territoire québécois, les travailleurs temporaires?

M. Forget (Stéphane) : Je vais laisser mon collègue...

M. Cournoyer (Michel) : D'abord, notre lecture des données est peut-être un peu différente. Si on exclut les aides familiaux et puis travailleurs agricoles, on arrive, selon les chiffres de l'IRCC, là, à peu près à 7 500 personnes qui ont des permis de travail au Québec, alors qu'on compte environ 120 000 postes vacants. Donc, la marge entre les deux, on la trouve assez importante.

D'ailleurs, l'objectif de la révision du Programme des travailleurs étrangers temporaires, c'était de réduire le nombre de permis de travail émis. On peut dire que le programme a atteint son but, sans l'ombre d'un doute, mais là on est probablement rendus dans un paradigme différent où il faudrait libérer les conditions du programme pour répondre aux besoins à très court terme, là. On parle des besoins à court terme pour le Programme des travailleurs étrangers temporaires, c'est-à-dire pour les travailleurs pour lesquels l'emploi est saisonnier ou lorsque le besoin est purement ponctuel ou conjoncturel.

Mais, vous savez, dans la plupart des régions au Québec, le besoin de main-d'oeuvre, il est lié à la croissance puis il est lié au remplacement de la main-d'oeuvre, et le remplacement de la main-d'oeuvre, c'est le vieillissement. Ça, ce n'est pas un besoin temporaire, là, de main-d'oeuvre, c'est un besoin permanent de main-d'oeuvre. Et c'est pour ça qu'on dit : On souhaite que l'immigration permanente réponde. Et le besoin permanent est le besoin dominant.

M. Jolin-Barrette : Ce qu'on veut faire, entre autres, en utilisant Arrima, c'est de réussir à réduire les délais, à les comprimer le plus possible à l'intérieur de six mois puis, justement, que les employeurs aient accès à Arrima éventuellement pour qu'il puisse y avoir un maillage entre les offres d'emploi et le profil des candidats. Mais, je pense, M. Cournoyer, les chiffres auxquels vous faisiez référence, c'est dans le PTET. Puis, dans le fond, les temporaires, ça inclut aussi le PMI aussi, le permis fédéral. Donc, dans le PMI, il y a comme 38 000 permis de travail aussi.

Mais je reviens sur la question de la mobilité régionale. Nous, ce qu'on souhaite faire, entre autres, avec Arrima, c'est de s'assurer qu'on puisse faire en sorte que les gens qui ont le désir d'aller en région puissent être repêchés beaucoup plus rapidement et puissent intégrer directement dans la région. Mais il n'est pas question d'obliger quelqu'un, dans le cadre du programme immigration permanente, de demeurer sur le sol, parce que ça, on ne peut pas le faire, de demeurer dans une région distante.

Sur ce fait-là, le fait d'agir de cette façon-là avec la régionalisation de l'immigration, qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que vous êtes favorables au fait qu'on priorise les emplois qui sont disponibles dans les différentes régions?

M. Forget (Stéphane) : La réponse, c'est : il faut trouver le moyen d'attirer plus d'immigrants en région. On le voit, comme je l'ai mentionné plus tôt, avec notre projet Un emploi en sol québécois, la capacité de... Vous savez, il y a 86 % des immigrants qui arrivent au Québec qui s'installent dans la région de Montréal, puis 55 % des postes à combler sont à l'extérieur de la région de Montréal. Donc, on a tout un défi puis un défi de demander à une famille de se déraciner à nouveau après qu'elle se soit un tant soit peu enracinée à Montréal. Ça, c'est le premier élément. Donc, il faut tout faire pour essayer de favoriser la volonté des gens dans les régions.

Déjà, dans le projet de loi n° 9, d'avoir une meilleure idée où sont les immigrants, une fois qu'on a accepté qu'ils viennent vivre au Québec, c'est déjà un gain important. Parce qu'actuellement, quand on a lancé le projet Un emploi en sol québécois, on a essayé de savoir où ils étaient, les immigrants qui sont à Montréal, au Québec, depuis moins de cinq ans, et c'est à peu près impossible de savoir où ils se trouvent. Alors, déjà, dans le projet de loi n° 9, de faire ça, ce serait un pas dans la bonne direction.

Deuxièmement, oui, on est favorables à l'idée de favoriser les gens, dans la déclaration d'intérêt, dans le système Arrima, qui vont rapidement être en mesure de répondre aux besoins du marché du travail. Et ces besoins-là sont, oui, en grande partie en région, 55 % des postes à combler sont à l'extérieur de Montréal, mais ils sont aussi dans la région de Montréal.

Donc, pour répondre simplement à votre question, on est favorables à ce qu'on intéresse davantage d'immigrants à aller en région, mais il faut en même temps, à la fois, être prudent pour ne pas que le besoin dans la grande région de Montréal, par exemple, se voie pénaliser par la décision de favoriser seulement ou en priorité ceux qui choisiront d'aller en région.

Donc, le défi que vous avez et qu'on a, c'est de trouver un équilibre, et je pense que de trouver les bons critères pour choisir les immigrants qui vont bien répondre à nos besoins en région et dans la région de Montréal va être la meilleure solution. Parce que, si on fait juste favoriser ceux qui vont vouloir aller je ne sais pas où, à Sept-Îles ou peu importe où, bien là, on va pénaliser les entreprises de Montréal qui ont des besoins aussi. Et ça, il faut être sensible à ça.

M. Gagnon (Alexandre) : Je veux peut-être ajouter un petit point là-dessus. Le meilleur moyen d'arriver à une régionalisation qui va être idéale puis de maintenir les immigrants en région, ça va être clairement de faire ce qu'on appelle le recrutement direct, donc de permettre le maillage entre l'entreprise et le candidat à l'immigration avant même qu'il arrive au Québec. Si, lorsqu'il dépose sa candidature, il sait déjà qu'il y a un emploi qui l'attend en Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, il va y aller avec sa famille, et à ce moment-là le maillage va être idéal, va être parfait, et on s'assure d'une rétention à long terme de cet immigrant-là.

M. Jolin-Barrette : En fait, simplement pour vous rassurer, c'est exactement là où on s'en va, pour s'assurer de faire en sorte que, dès l'étranger, on s'assure qu'il y ait un maillage entre l'offre d'emploi puis le profil de la personne. Mais je comprends que, généralement, vous êtes d'accord à ce qu'on migre vers la déclaration d'intérêt, puis qu'on accueille des gens qui ont un emploi, puis qu'il y ait un lien entre le profil du candidat puis l'offre d'emploi.

M. Forget (Stéphane) : Déclaration d'intérêt, recrutement direct des employeurs le plus rapidement possible. Parce qu'on doit se comparer dans la vie, et, vous le savez aussi bien que nous, depuis 2015 le programme Entrée express existe dans le reste du Canada, il y a un projet pilote dans les provinces de l'Atlantique, on est en compétition avec le reste du Canada sur l'accueil des immigrants. Alors, le plus vite on va passer de l'un à l'autre, le mieux ce sera.

M. Cournoyer (Michel) : J'ajouterais aussi que, dans le contexte de la déclaration d'intérêt et du recrutement direct, il faudrait que la sélection ou l'appel de candidats... Parce qu'il y aura des appels périodiques, parce qu'ils sont périodiques, bien, il va s'écouler un laps de temps. Et une offre d'emploi, ça peut venir caduque, ce n'est pas dans... C'est dans le sens qu'un employeur a besoin de faire exécuter les tâches, et il va recruter autrement. Et donc ce qui serait encore plus préférable, c'est la déclaration d'intérêt, le recrutement direct en continu. Aussitôt qu'une personne est recrutée lors d'un poste, on n'attend pas de faire un appel de candidats dans la déclaration d'intérêt, mais cette personne-là est acceptée sur une base continue.

M. Jolin-Barrette : Et puis, M. Forget, vous faites référence au fédéral, avec Entrée express, la réduction de leurs délais. Mais, pour arriver à cette réduction de délais là, le gouvernement fédéral fait exactement la même chose que le gouvernement du Québec est en train de faire. Donc, vous êtes d'accord à ce qu'on procède comme le gouvernement fédéral a fait avec son inventaire de dossiers?

M. Forget (Stéphane) : Vous parlez de l'inventaire des 100 000 dossiers? En fait...

M. Jolin-Barrette : ...des 100 000 dossiers, comme nous, ce qu'on fait, c'est que c'est le remboursement des 18 000 dossiers.

M. Forget (Stéphane) : Sur ce point-là, comme on l'a mentionné, puis vous allez le voir dans notre mémoire, je pense qu'on n'est pas sûrs est-ce qu'on doit abandonner ou pas les dossiers. Ce qu'on dit, c'est : Comment on fait pour que rapidement... notamment parmi ces gens-là, ceux qui sont en emploi ici déjà, au Québec, comment on peut faire pour que rapidement on puisse procéder? Deuxièmement, ceux qui ont fait des demandes récentes, qu'on puisse les traiter rapidement et qu'on transfère dans les meilleurs délais l'ensemble de ces dossiers-là dans le nouveau système, sachant qu'il y en a un certain nombre qui doivent être probablement déjà caducs.

Alors, nous, on n'est pas sûrs est-ce qu'on doit les faire venir, puis les rembourser, puis on oublie ça. Je pense que l'idée, c'est : les quelque 3 000 qui sont déjà ici, agissons rapidement. Parce que, comme je le mentionnais tantôt, il y a beaucoup d'entreprises, là, qui se disent : Qu'est-ce qui va arriver avec ces employés-là que j'ai chez moi actuellement? Ça, c'est un élément. Il y a les étudiants qui sont ici aussi, il y a ceux qui ont déposé récemment. Donc, comment on fait pour ne pas se priver de ce bassin de candidats potentiels là, pour que rapidement on puisse les intégrer? Alors, c'est ça, dans le fond, qui est notre volonté eu égard aux 18 000 dossiers dont vous parlez.

• (15 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Mais donc, en terminant — ensuite, je vais céder la parole, là — simplement pour rassurer vos membres, nous, l'objectif, c'est de s'assurer que les gens qui sont en emploi ici et qui répondent aux besoins du marché du travail, ils puissent, dans un premier temps, appliquer au PEQ, au Programme de l'expérience québécoise, si les gens se qualifient. Parce que, bien souvent, il y en a qui avaient appliqué au Programme régulier des travailleurs qualifiés, au moment où ils ont appliqué ils n'étaient pas admissibles au PEQ. Bien, aujourd'hui, ils seraient admissibles au PEQ.

Deuxième élément, on les invite à déclarer leur intérêt dans le système Arrima et on pourra, à terme, les inviter en priorité, ceux qui sont sur le territoire québécois. Mais c'est important de rappeler que le projet de loi n° 9 ne change rien à leur statut. Dans le fond, présentement, ils sont sur un permis fédéral, sur le territoire québécois, puis ça ne change rien. Donc, Mme la Présidente, je vais céder la parole à mes collègues.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre. J'invite la députée de Les Plaines à prendre la parole.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci, Mme la Présidente. M. Forget, messieurs, merci beaucoup de vos éclaircissements aujourd'hui. J'aimerais que vous me parliez juste un petit peu davantage de... le programme que vous avez parlé, Mon emploi en sol québécois, parce qu'il me semble... la raison pour laquelle vous l'avez mis sur pied avec les chambres de commerce des entreprises de l'ensemble des territoires québécois. Mais il me semble qu'un des constats que vous avez faits, c'est qu'il y a aussi des gens qui seraient allés travailler en région mais qui sont surqualifiés.

M. Forget (Stéphane) : Je vais laisser son idéateur vous en parler avec plus de précision.

La Présidente (Mme Chassé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Oui. Également, c'est avec M. Cournoyer, également. Mais, le programme, en fait, c'est qu'on sélectionne les immigrants, historiquement, selon les grilles de besoins de main-d'oeuvre et au niveau du Québec en entier, et la majorité vont venir à Montréal. Donc, évidemment, il y a un débalancement à ce niveau-là. Ce n'est pas toujours les besoins de Montréal qui sont exprimés par les grilles de sélection au niveau de l'immigration. Donc, comment est-ce qu'on peut rétablir ça et renvoyer... (Interruption), désolé, donc, renvoyer les immigrants qui ont été attirés parce qu'on avait de besoin de leur profil? Et c'était de leur faire rencontrer, leur faire visiter — avec un peu d'eau — les régions du Québec.

Et donc ce qu'on fait, c'est qu'on les prend, on fait un maillage entre les entreprises qu'on sélectionne en région, avec les immigrants qui sont à Montréal qui sont intéressés par la régionalisation, et on les amène découvrir les régions, passer des entrevues avec les entreprises, évidemment. Donc, tout ça se fait en maillage avec les organismes communautaires, et la région, et les MRC, donc tout le monde est impliqué. De faire un peu ce que le projet de loi n° 9 fait, c'est de dire qu'on va mettre tout le monde coordonné ensemble pour arriver aux moyens et non pas travailler chacun de notre côté avec notre petit morceau. Donc, c'est comme ça que s'organise Emploi en sol québécois, qui jusqu'à maintenant atteint de très bons résultats. Je ne sais pas si ça répond à vos questions.

Mme Lecours (Les Plaines) : Bien, je ne me trompe pas, mais, en amont, vous vous êtes rendu compte aussi que l'arrimage... pour faire un mauvais jeu de mots, l'arrimage n'était pas nécessairement bon parce qu'il y a beaucoup de gens qui étaient surqualifiés, quand ils arrivaient en région, par rapport aux types de postes. Je pense à Lanaudière, en l'occurrence, là, où ils arrivaient en région, et les postes qui étaient offerts n'étaient pas à la...

M. Forget (Stéphane) : Et d'ailleurs il arrive, en région, quand les entrevues se font... On s'est posé la question : Pourquoi un certain nombre d'immigrants qui allaient passer les entrevues en région revenaient sans offre d'emploi? Et, dans un certain nombre de cas, l'employeur disait : Je préfère ne pas l'embaucher, compte tenu de ses surqualifications, j'ai peur qu'il ne reste pas. Alors, effectivement, dans certains cas, on doit travailler pour trouver... Parce que les employeurs nous définissent leurs besoins, puis on cherche les immigrants qui répondent à ces besoins-là. Mais, lorsque c'est des gens qui sont surqualifiés, il peut y avoir une certaine préoccupation, réticence chez un employeur, de craindre de ne pas être capable de garder cette personne-là en emploi.

M. Gagnon (Alexandre) : Je voudrais rajouter un petit point sur ce point. En fait, l'essence même de la surqualification des immigrants... On l'exprime depuis plusieurs années, il y a un travail important que, même avec le projet de loi n° 9, il va rester à faire, qui est la grille de sélection. On donne des points de façon importante au niveau du niveau de scolarité, et, voilà quelques années, au contraire, ce qu'on a fait, c'est au détriment du domaine de compétence, du domaine d'activité de l'immigrant sélectionné. Donc, à ce niveau-là, ça nous amène, par la force des choses, à favoriser quelqu'un avec une maîtrise plutôt que quelqu'un avec une technique en usinage, par exemple, alors qu'il y a des besoins importants au niveau de l'usinage dans certaines régions.

Mme Lecours (Les Plaines) : Je vais laisser mes collègues... Merci. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Je comprends que le député de Beauce-Sud veut prendre la parole, mais il y a eu un consentement ce matin pour votre remplacement. Est-ce qu'il y a consentement pour que le député de Beauce-Sud participe de nouveau?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Chassé) : Il y a consentement. Je vous invite à prendre la parole.

M. Poulin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je dispose de combien de temps... qu'il reste à la partie gouvernementale?

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste 5 min 25 s.

M. Poulin : Cinq minutes. Alors, je vais saluer quand même mes collègues de l'opposition officielle, également les collègues du deuxième groupe et du troisième groupe d'opposition. Très content d'être ici avec vous pour étudier un projet de loi qui est fondamental, qui est très important.

Vous avez parlé justement de la surqualification que certains employeurs peuvent vivre. Vous êtes représentants des entreprises au Québec, en quelque sorte. Est-ce que vous jugez que nos directeurs en ressources humaines, que nos conseillers en ressources humaines, dans nos entreprises au Québec, sont suffisamment préparés, y compris à ces nouveaux défis de main-d'oeuvre là, que ce soit l'élaboration de plans de carrière rapides, lorsque des gens issus de l'immigration arrivent en entreprise, afin de s'assurer que, oui, ils soient heureux dans leur vie de tous les jours, mais qu'ils soient heureux au travail, et que ça, ça va faire en sorte justement qu'ils demeurent au Québec et qu'ils demeurent en entreprise? Est-ce qu'il y a un travail qui est fait avec les institutions scolaires, par exemple, avec l'Ordre des conseillers en ressources humaines pour s'assurer qu'il y ait réellement un plan, oui, un plan de carrière, mais un objectif à long terme pour s'assurer que ces gens-là puissent demeurer en entreprise? Puis, je dis «ces gens-là», ces défis de main-d'oeuvre sont partout, là, y compris pour celles et ceux qui ont une formation très précise dans un domaine. Mais je me pose la question, bien honnêtement.

M. Forget (Stéphane) : Je vais vous dire... Brève réponse. Je vais laisser Michel... qui, je pense, a beaucoup d'intérêt à vous répondre à cette question-là. Je vous dirais que le premier défi qu'on a, c'est qu'il n'y a pas beaucoup d'entreprises au Québec qui ont un directeur des ressources humaines. Et une des raisons pour lesquelles on développe des projets, c'est justement parce que les employeurs se retrouvent bien souvent avec l'ensemble des défis, des enjeux, que ce soit transformer leurs entreprises, de trouver le personnel dont on a besoin, de trouver... de chercher des contrats, etc. Donc, un des grands défis qu'on a, c'est notre capacité collective d'accompagner les employeurs, c'est-à-dire tous ceux qui n'ont pas les moyens ou la capacité d'avoir des spécialistes autour d'eux qui peuvent répondre à leurs besoins en ressources humaines.

M. Cournoyer (Michel) : J'ajouterais peut-être la dimension de l'action au niveau de la sélection de la personne immigrante parce que c'est là que ça commence. On a un modèle, le modèle que j'appellerais peut-être le modèle administration publique, où c'est une personne, un fonctionnaire, qui fait la sélection, mais cette personne-là n'a jamais géré une PME, n'a jamais fait de sélection de personnel, mais va sélectionner l'immigrant en fonction d'un besoin qu'elle perçoit. Et souvent, quand on a des missions à l'étranger, c'est d'être perçu... Et puis elle va livrer aussi un message sur une réalité qui est assez éloignée de son quotidien.

Nous, en recrutement direct, ce qu'on préfère, c'est de laisser cette tâche-là à des gens dont c'est le pain et le beurre à tous les jours de faire du recrutement, parce qu'ils sont dans l'entreprise, parce qu'ils recrutent selon leurs besoins. Et on pense qu'ils ont les moyens et... outillés, le jugement pour accomplir une tâche de manière efficace.

M. Poulin : Et il est tout là, le défi, également, qu'à travers toutes les tâches qu'un propriétaire d'entreprise peut avoir, de se rappeler l'important qu'une fois qu'on a embauché quelqu'un, qu'il soit issu de l'immigration ou non, cette rétention-là, ce plan de carrière là, ce plan de match là, il doit être fait. Et, très malheureusement, il n'est pas fait. On est bien content, on embauche l'employé, ça fonctionne bien, on va être capable de remplir notre contrat, mais on n'a pas un plan annuel ou à long terme. C'est ce qui fait en sorte que parfois cette personne-là peut se décourager, quitte le pays ou décide de changer d'emploi, tout simplement. Alors, le bonheur à l'emploi, il se doit d'être rappelé puis particulièrement, aussi, dans un secteur comme le manufacturier, où il y a de gros défis d'obtention de contrats, de livrables, etc., de s'assurer qu'il puisse y avoir un travail qui est fait à ce niveau-là. Alors, si votre fédération y travaille déjà, bien, tant mieux. Sinon, je pense que les acteurs politiques doivent s'y engager également.

M. Forget (Stéphane) : Puis il y a l'intégration dans la communauté. Et on le voit dans le programme Un emploi en sol québécois, quand ils sont 25 ou 30 dans l'autobus ou dans l'avion pour aller en Abitibi ou dans l'autobus pour aller peu importe où au Québec, il se crée un effet de groupe. Ils n'ont plus l'impression d'être seuls. Ils se questionnent entre eux : Est-ce que tu viendrais, toi, à Joliette? Comment tu as aimé l'école? Penses-tu que ta famille, elle viendrait? Moi, je suis en train... Alors, il se crée une dynamique de groupe, et c'est toute la différence entre partir seul pour aller essayer de se dénicher un emploi en quelque part au Québec puis la capacité d'avoir un sentiment qu'on n'est pas laissés à nous-mêmes. Et ça, je pense que ça aussi, c'est fondamental dans la dynamique autour de l'intégration des immigrants au Québec.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste une minute au gouvernement.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, vous voulez rajouter, M. Gagnon?

M. Gagnon (Alexandre) : Oui, je vais y aller, parce que la question était quand même plus générale qu'effectivement... qu'au niveau des immigrants, là. Il y a quand même une initiative qui a été amorcée, qui est encore à se terminer, afin d'accompagner davantage les employeurs au niveau des ressources humaines, Services Québec, qui est en train d'être déployée à l'ensemble des régions, et davantage de conseillers aux entreprises. C'est une bonne initiative. Il va falloir peut-être plus que ça, il va falloir davantage d'initiatives.

Actuellement, des offres de programmes de soutien aux employeurs, il y en a beaucoup. Ils ne sont pas connus, ils ne sont pas nécessairement amenés auprès des employeurs, les employeurs n'ont pas nécessairement le temps de rechercher ces initiatives-là. Il faut qu'il y ait quelqu'un qui prenne le bâton de pèlerin pour les amener à connaître l'ensemble des offres de service qui sont à leur disposition, et c'est à ce niveau-là qu'il faudrait peut-être travailler à ce moment-ci, là.

• (16 heures) •

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède la parole maintenant à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Je vous remercie, Mme la Présidente, et je remercie les personnes représentant la fédération. Encore une fois, on a eu, par le passé, de nombreux échanges de points de vue économiques, donc bien contente de vous voir aujourd'hui.

Écoutez, j'étais aussi satisfaite de voir que vous prenez de manière sérieuse la question de l'immigration permanente, et que, dans le long terme, on n'a pas le choix, en termes de développement économique, de considérer une immigration de long terme, et que la solution, ça ne peut pas être le temporaire. Ça peut être une mesure qui accompagne, qui est là, mais elle ne peut pas être la mesure-phare pour développer l'économie du Québec.

J'aimerais vous entendre... La semaine dernière, on a entendu que, dans les 18 000 dossiers qui sont en train d'être traités par le ministère de l'Immigration suite au jugement, il y aurait environ 400 dossiers, sur les 90 000 qui sont présentement dans Arrima plus les 18 000, il y aurait environ 400 dossiers, cette année, qui seraient traités, ce qui voudrait dire que, dans les 10 prochains mois, il n'y aura pas de dossier traité au-delà de ces 400 là. C'est ça qu'on comprend.

J'aimerais avoir votre réaction par rapport à ça, et les impacts que ça pourrait avoir, et les conséquences qu'on devrait envisager pour 2020, par exemple.

M. Forget (Stéphane) : Bien, je vais débuter, puis après ça on pourra... je vous dirais, je l'ai mentionné d'entrée de jeu, il faut que vos délibérations servent à faire en sorte qu'on puisse mettre le plus rapidement en place tous les moyens nécessaires pour qu'on puisse recruter rapidement les immigrants dont on a besoin au Québec, et ça, c'est fondamental. Le nombre de 400, nous, on a bon espoir qu'Arrima, qui a été mis en place l'an passé, peut donner de bons résultats, mais il faut qu'on agisse rapidement, il faut qu'on le démarre. Là, les gens s'inscrivent dans Arrima, mais, pour le moment, il n'y a pas de dossier de traité beaucoup, pour toutes sortes de raisons peut-être qui s'expliquent, le projet de loi, il doit être adopté, etc. Je n'en suis pas sur la mécanique, j'en suis sur le fait qu'il faut qu'on aille rapidement à libérer le plus possible des immigrants qui vont correspondre à nos besoins.

C'est pour ça qu'on a parlé des travailleurs qui sont déjà en emploi, qu'on a parlé des postes récents. C'est pour ça qu'on est prêts à travailler pour qu'on modifie le Programme des travailleurs étrangers temporaires, parce que ça répond aussi à un besoin. Il faut travailler sur plusieurs fronts à la fois, mais il faut rapidement rattraper le retard qu'on a pris en matière de sélection des immigrants au Québec. Ça, pour nous, c'est fondamental.

Mme Anglade : Et... Oui, allez-y, je vous en prie.

La Présidente (Mme Chassé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : En fait, effectivement, il va y avoir un délai en acceptant peut-être uniquement 400 dossiers, mais, si... et ce qu'on a bon espoir, c'est qu'une fois que la déclaration d'intérêt va être en place, c'est qu'on va rétrécir les délais, on va réussir à récupérer davantage de dossiers qui vont être acceptés plus tard. On sait que quelqu'un qui se fait accepter son dossier aujourd'hui n'arrive pas au Québec le lendemain matin. Il y a un délai, de toute façon. Donc, il faut s'assurer que, tout au moins, si on est limités avec ces 400 dossiers là, l'année prochaine, qu'on accélère de façon importante les acceptations de dossier.

Mme Anglade : Vous comprenez que traiter 18 000 dossiers, ça peut se faire en un an. Ça a déjà été fait dans le ministère par le passé, ça peut se faire en un an. Donc, ce que vous dites, c'est qu'en prenant 400 dossiers cette année, les 18 000 dossiers, on les fait attendre encore un an. Il n'y a pas de six mois, là, il y a minimum un an d'attente par rapport au traitement de tout cela.

M. Cournoyer (Michel) : L'approche qu'on a voulu privilégier s'appuie d'ailleurs sur un article de la Loi sur l'immigration déjà en vigueur, qui dit que le ministre peut déterminer des priorités de traitement. Or, de notre point de vue, la priorité de traitement, et puis ça semble être... C'est le titre de la loi, la priorité de traitement, c'est le besoin économique, c'est le besoin de main-d'oeuvre. Bien, il y a des indices, dans les dossiers, bien, traitons ces dossiers-là. Ne nous obligeons pas à traiter tous, si on ne peut pas, mais on peut certainement, nos pouvoirs... le ministre a les pouvoirs de déterminer des priorités.

Donc, c'est l'approche qu'on a préférée, parce que les données qu'on a en main sur le nombre... On en apprend tous les jours, là, sur le nombre des 18 000, comment ça se répartit à travers les années. On n'en sait pas assez pour vous donner une réponse, mais ce qu'on sait, c'est que la priorité, c'est de répondre aux besoins de main-d'oeuvre.

Mme Anglade : Parfait. Est-ce que vous voulez... Je vais céder la parole à mes collègues puis je vais revenir par la suite. Alors, allez-y.

La Présidente (Mme Chassé) : J'invite la députée de...

Mme Robitaille : Bourassa-Sauvé.

La Présidente (Mme Chassé) : Parfait. Merci.

Mme Robitaille : J'aimerais savoir quel est le point de vue de l'employeur pour ce qui est des conditions à la résidence permanente. Dans le projet de loi, on peut comprendre qu'il y aurait peut-être des tests de valeurs, des tests de français.

Est-ce que, pour un entrepreneur, accueillir quelqu'un comme ça, sachant que la résidence permanente n'est plus permanente, est conditionnelle à quelque chose, c'est un peu rébarbatif? En tout cas, comment l'entrepreneur perçoit ça, selon vous?

M. Forget (Stéphane) : Comme je le mentionnais plus tôt, puis, bon, le ministre nous a donné une réponse aussi, c'est certain que les employeurs ne souhaitent pas avoir une responsabilité à cet égard-là, de dire... Si, de façon fictive, là, il y a une obligation liée à la résidence permanente et que la personne décide d'être mobile puis de se déplacer, on ne peut pas imaginer que les employeurs commencent à avoir à signaler un numéro de téléphone pour dire : Bien, ça fait deux semaines que l'employé n'est pas venu au travail, puis je ne sais pas où il est.

Donc, je fais une image fictive pour dire qu'on ne peut pas exiger des employeurs d'avoir une responsabilité à cet égard-là. Je pense que les employeurs ont une responsabilité d'accompagner le travailleur pour qu'il s'intègre, pour qu'il ait un meilleur français, qu'on trouve des moyens pour que l'apprentissage du français se fasse en entreprise ou avec un certain nombre d'employeurs. Donc, il y a toutes sortes de méthodes qu'on peut mettre de l'avant, mais les employeurs nous ont tous dit la même chose : On ne peut pas nous imposer une responsabilité à cet égard-là.

Et j'ai bien entendu M. le ministre tantôt, mais vous comprendrez, sauf tout le respect que j'ai pour le législateur, qu'on est toujours un peu préoccupés, et ça, depuis toujours, lorsqu'on voit dans un projet de loi arriver quelque chose qui viendra un jour par règlement. Parce que ça, pour nous, il n'y a rien de plus incertain qu'un règlement potentiel, alors... Et ce n'est pas spécifique au ministre aujourd'hui, c'est vrai pour l'ensemble des projets de loi qu'on étudie depuis toujours. On est toujours un peu préoccupés par les éventuels projets de règlement, bien qu'on est heureux d'entendre les ministres quand ils nous rassurent sur leurs intentions.

Mme Robitaille : Donc, évidemment, l'employeur n'aime pas avoir l'épée de Damoclès d'un test ou de quoi que ce soit en bout de ligne. Il préférerait une résidence permanente claire.

M. Forget (Stéphane) : Ça ne devrait pas lui incomber...

Mme Robitaille : C'est ça, ça ne devrait pas lui incomber. Il ne devrait pas perdre son employé à cause de ça.

M. Cournoyer (Michel) : Oui. J'ajouterais l'autre exemple, imaginons qu'on a une condition à la mobilité et qui est liée à la région, que l'emploi soit dans une région. Mais, un coup que cette personne-là quitte cette région-là, chaque employeur d'un immigrant sur l'ensemble du territoire se met à être obligé de surveiller si la personne immigrante a une restriction. Là, ce n'est pas gérable.

Mme Robitaille : Et de là aussi, bien, justement, le... J'ai eu ces discussions-là, là, pour ce qui est de votre programme expérience en sol québécois, j'ai même quelqu'un de votre organisation qui est venu chez nous, on a eu des organismes communautaires qui ont participé à la discussion. Je comprends qu'il y a peut-être, environ, plusieurs centaines... peut-être 400, 450 immigrants qui ont participé jusqu'à maintenant au programme, mais il y en a seulement 34, finalement, qui se sont placés en région. Les gens étaient craintifs, ils se disaient : Quand on va arriver, est-ce que... Il y a un problème d'intégration, ils craignent de ne pas être bien accompagnés.

Selon votre expérience, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour bien accompagner l'immigrant qui va en région?

M. Forget (Stéphane) : Je vous dirais tout d'abord que les 34 dont vous faites mention, c'est dans la première phase d'un projet pilote, alors, qui nous a permis d'ajuster les choses. Là, on commence... À partir de très bientôt, d'ici juin, il y aura 20 autres visites en région. Donc, il y a eu tout un ajustement à faire. Puis le défi aussi, c'est de trouver les immigrants, dans un premier temps, après ça qu'ils viennent, puis après ça c'est d'assurer le suivi avec eux.

Alors là, il y a eu tout un arrimage à faire, mais, pour répondre plus spécifiquement à votre question, j'invite Alexandre...

M. Gagnon (Alexandre) : Oui. En effet, Stéphane l'a mentionné, notre grande préoccupation a été de rejoindre les immigrants, et c'est vraiment la grande difficulté. L'enjeu, actuellement, n'est pas de trouver des employeurs qui sont ouverts à accueillir des personnes immigrantes chez eux. Au contraire, ça, c'est très facile. La difficulté, c'est de rejoindre les immigrants, et, à ce niveau-là, bien, il faut le donner au projet de loi, il mentionne des articles importants qui vont nous permettre de mieux suivre les immigrants, de mieux les rejoindre, de mieux savoir où est-ce qu'ils sont rendus.

Donc, à ce niveau-là, il y a eu un enjeu, et on l'a mentionné tout à l'heure, au niveau de la surqualification, et donc le match parfait, là, au niveau du profil des immigrants qui viennent au Québec rend ça encore plus compliqué au niveau de la sélection, de l'arrimage, je dirais

• (16 h 10) •

Mme Robitaille : Je suis juste curieuse : Quelle part doit jouer l'entrepreneur pour franciser, pour intégrer? Quelle part doit-il jouer? Quelle part doivent jouer les organismes communautaires, selon vous, avec l'expérience que vous avez avec expérience en sol québécois?

M. Forget (Stéphane) : En fait, on continue de prétendre qu'il faut investir davantage en francisation, parce que, si on est d'accord avec le fait qu'on peut accueillir des immigrants qui sont peut-être moins... un français moins impeccable, il faut investir. Après ça, le défi, c'est en entreprise, et là il y a toutes sortes de formules qui se développent, et c'est là qu'il va falloir que, tout le monde, il y ait un accompagnement, parce qu'une grande entreprise... J'ai Peerless en tête, qui a un succès phénoménal avec la francisation en entreprise de leurs employés. C'est une grande entreprise, qui a des moyens, qui a des ressources, qui a des espaces, ce qui n'est pas le cas de toutes les entreprises. Alors, il va falloir qu'on soit créatifs. Les commissions scolaires ont des projets pour accompagner les entreprises. Il y a le secteur privé qui peut jouer un rôle. On peut essayer de faire en sorte qu'un certain nombre d'entreprises se regroupent pour trouver des moyens de former les immigrants en francisation.

Donc, je pense que les employeurs ont tout intérêt à ce que leurs employés parlent bien français, parce que c'est le contexte dans lequel on évolue. Ils ont besoin d'accompagnement, ils ont besoin d'appui, ils ont besoin d'aide. Puis pensons dans le secteur du commerce de détail, c'est un bel exemple, ou, bon, même dans d'autres secteurs. Ceci étant dit, on ne pourra pas leur imposer la responsabilité qu'au terme de leur expérience professionnelle dans leurs entreprises ils soient responsables du résultat au test de français qui pourra être éventuellement donné par le gouvernement.

Alors donc, je pense que le milieu de travail est un endroit parfait pour aider un immigrant à s'intégrer et à parler français. Maintenant, on est plus en mode accompagner les entreprises qu'en mode imposer des restrictions aux entreprises.

Mme Robitaille : Vous avez besoin de soutien de la part du gouvernement, un bon soutien.

M. Forget (Stéphane) : Bien, oui, puis pas nécessairement ou pas seulement financier. Je pense qu'il faut faire connaître les meilleures pratiques puis être innovants en cette matière.

M. Cournoyer (Michel) : Puis soutenir et favoriser des partenariats indispensables. Je vous donne l'exemple, là, on a des PME, ils ont des cohortes de personnes immigrantes. Est-ce que ça constitue un nombre de personnes suffisant pour constituer une classe? Pas nécessairement. En outre, chaque personne a son propre niveau, donc ce n'est pas une classe homogène.

Les meilleures choses, là, c'est de faire affaire avec d'autres, demander à des experts, notamment les institutions de formation, à nous aider pour le faire, parce que ça ne peut pas se faire à l'intérieur de l'entreprise. Quand on dit : Francisation en milieu de travail, il faut se comprendre, là. Cette francisation-là se fait avec la participation active, là, des commissions scolaires et des collèges, par exemple. Elle ne peut pas se faire à l'entreprise quand tu as trois personnes à franciser qui sont de trois niveaux différents, là. Ça ne s'organise pas comme ça.

La Présidente (Mme Chassé) : J'invite le député de Nelligan à prendre la parole.

M. Derraji : Combien il me reste, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme Chassé) : Trois minutes.

M. Derraji : O.K. Excellent, je vais être très rapide.

M. Forget (Stéphane) : Nous aussi, M. le député.

M. Derraji : Ah oui! Comme ça, vous allez m'aider à poser toutes mes questions. Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre excellent rapport. Pour moi, vous faites déjà de l'arrimage. Je connais très bien le projet, Mon premier emploi en sol québécois.

Vous avez dit quelque chose d'extrêmement important, et je vais le répéter : Le défi, et le message aussi s'adresse au gouvernement, le défi, c'est rejoindre les immigrants. Donc, si j'ai bien compris, l'emploi existe en région, il y a d'énormes opportunités. Le bassin où vous devez aller chercher ces immigrants est très minime.

Donc, ce qui me ramène à vous poser deux questions. L'attitude de traiter et de mettre à la déchiqueteuse les 18 000 dossiers, la décision de réduire les seuils d'immigration... Et je sais que, depuis longtemps, la FCCQ prône plus une augmentation. En 2017-2018, vous avez proposé d'ajouter 10 000. Est-ce qu'avec l'ensemble de ces décisions, donc la déchiqueteuse des 18 000, la réduction des seuils d'immigration... est-ce qu'on n'est pas en train de nuire à l'économie des régions au Québec?

M. Forget (Stéphane) : Je vous ramène à ce que je disais au début. Nous sommes préoccupés par la diminution de la population active au Québec. La migration n'est pas la seule solution à cette réalité-là, mais c'en est une, donc la population active, je veux dire.

C'est évident que nous, on pense qu'il faut agir sur deux fronts : accueillir davantage d'immigrants et mieux les sélectionner. Donc, on vous a mentionné tantôt qu'il faut trouver le moyen rapidement de pouvoir traiter ceux qui sont ici et les autres, et on vous a mentionné qu'il faut revoir la grille de sélection. C'est avec une amélioration de ces deux critères-là qu'on va réussir à faire en sorte qu'on va répondre aux besoins du marché du travail et, de ce fait, contribuer à la croissance de notre économie.

M. Derraji : Donc, pour vous, l'urgence, il faut vraiment augmenter les seuils, et non pas aller dans l'objectif de les réduire à 40 000.

M. Forget (Stéphane) : Il faut aussi et surtout revoir la grille de sélection pour qu'on puisse bien sélectionner les immigrants dont on a besoin au Québec.

M. Derraji : Oui. Merci pour votre recommandation 3. Si j'ai bien compris, pour vous, la recommandation 3 va à l'encontre de... je dirais, rajoute à vos entrepreneurs et à vos entreprises plus une lourdeur réglementaire?

M. Forget (Stéphane) : Bien, c'est ce qu'on veut éviter. Puis prenons l'exemple du recrutement direct, là, quand on pourra le mettre en place, s'assurer que la façon dont on va procéder va simplifier la vie des employeurs. Parce que la réalité, c'est que, si c'est juste plus compliqué, plus onéreux, plus difficile, on n'atteindra pas nos objectifs que nous avons.

M. Cournoyer (Michel) : On a donné tantôt l'exemple de la condition liée à la présence dans une région. Le projet de loi ajoute la profession. On ne sait pas à quoi... Est-ce qu'on parle d'une profession dans une région ou une profession à l'échelle nationale? Il nous manque des précisions. Mais une chose est certaine, travailler avec de telles conditions, ça ne simplifie pas la vie des employeurs.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous trois pour la présentation.

Sur la question des 18 000 dossiers plus particulièrement, si j'ai bien compris, une solution que vous mettriez de l'avant, en fait, un compromis qu'on pourrait trouver dans le présent projet de loi serait, par exemple, de traiter en priorité les dossiers des gens qui sont déjà au Québec, qui occupent déjà un emploi et qui parlent déjà français, puis ensuite, pour ce qui est des autres dossiers, bien, de pouvoir les transférer via le nouveau système, le système Arrima, par exemple, en demandant le consentement pour le transfert des données personnelles. Pour vous, ce serait une solution qui serait acceptable?

M. Forget (Stéphane) : Et de traiter aussi rapidement les demandes récentes.

Mme Fournier : Oui, tout à fait, en les transférant dans la nouvelle plateforme. C'est bien ça?

M. Forget (Stéphane) : Absolument, absolument.

Mme Fournier : O.K. Parfait, merci beaucoup. On est sur la même longueur d'onde là-dessus.

Plus spécifiquement concernant le nouveau programme Arrima, vous avez semblé mettre de l'avant certaines lacunes que vous voyez quand même dans le programme actuel. Quels changements concrets est-ce que vous verriez pour rendre le système plus efficient et plus efficace?

La Présidente (Mme Chassé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Bien, en fait, c'est que le système Arrima va utiliser une nouvelle grille pour mieux sélectionner les profils d'immigrants, une grille qu'on ne connaît pas, évidemment, encore aujourd'hui, afin de les inviter ensuite, ceux qui ont les meilleurs scores, à toutes fins pratiques, à ensuite déposer une demande de sélection. La demande de sélection, évidemment, il va falloir, comme on l'a mentionné à plusieurs occasions, changer la grille. Ça ne veut pas dire qu'on va passer la première grille, qu'ensuite on va passer la deuxième, la grille officielle, là. Donc, à ce niveau-là, il va falloir changer, tout au moins clarifier les choses, la mettre en application.

Et il y a évidemment... bon, c'est le délai. C'est que ça fait longtemps, au Canada, qu'ils ont mis en place le système Entrée express, qui est là, qui fonctionne bien. Au Québec, on est toujours en attente du... ou quand ça va démarrer réellement et qu'on puisse faire ce recrutement direct, ce pairage-là directement avec les entreprises.

M. Forget (Stéphane) : Je vous dirais que — si je peux me permettre rapidement — dans le dossier de déclaration d'intérêt, on a vécu pendant quelques années d'espoir et maintenant on vit d'impatience, parce que maintenant le système... Les projets de règlement ont été adoptés à l'été dernier, le système s'est mis en place. Maintenant, on piaffe d'impatience qu'on puisse commencer à piger et à mettre en oeuvre ce qui est dans la déclaration, dans ce système Arrima là. Donc là, on est impatients que ça démarre.

Mme Fournier : C'est bon. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste un peu plus d'une minute.

Mme Fournier : Parfait. Une dernière question rapide sur le programme Un emploi en sol québécois, qui a connu beaucoup, beaucoup de succès. Puis vous avez parlé tantôt que, bon, dans le projet de loi n° 9, le parcours personnalisé, ça va vous aider à donner davantage, là, de bons résultats également à ce programme-là. Mais est-ce qu'il y aurait d'autres mesures concrètes qu'on pourrait venir ajouter, qui aideraient le déploiement de votre programme partout au Québec?

M. Forget (Stéphane) : Là, on travaille sur un autre projet aussi, qui est Immigrants entrepreneurs. Donc, vous savez, il y a des gens qui arrivent au Québec avec un statut d'immigrant entrepreneur, il y a des immigrants qui arrivent ici et qui se découvrent une fibre entrepreneuriale. Donc, là, l'idée, c'est de contribuer aussi à amener des immigrants entrepreneurs en région via le réseau des chambres de commerce, de leur donner un cahier de charges pour les faire connaître, les faire réseauter. Un grand défi pour les entrepreneurs immigrants, c'est le manque de réseau. Alors, l'idée, c'est de contribuer à ce qu'ils soient connus, qu'ils soient intégrés rapidement dans la communauté d'affaires et qu'on puisse les aider à connaître la personne à la ville qui s'occupe des permis, le fournisseur potentiel pour x produits. Alors là, ça, c'est la deuxième phase.

Un emploi en sol québécois, on va travailler, comme on le disait tantôt, à améliorer notre arrimage entre l'immigrant et le besoin de l'entreprise. Ça, c'est une chose. Puis la deuxième, c'est d'amener plus d'immigrants entrepreneurs en région. Et on pense que, là, on va peut-être arriver, humblement, de notre point de vue, à créer un certain mouvement qui, nous l'espérons, va contribuer à amener des immigrants partout sur le territoire québécois.

• (16 h 20) •

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Merci beaucoup. Je cède la parole maintenant au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci. Très rapidement, concernant... On a fait grand cas de la question de la reconnaissance des diplômes, des compétences, etc. Soudainement, ça a disparu du décor. Est-ce que vos membres ont soulevé cette problématique-là?

M. Forget (Stéphane) : Oui, oui. Veux-tu y aller, Alexandre? Bien, vas-y. Vas-y, Michel. Vas-y, sur la reconnaissance des acquis.

M. Cournoyer (Michel) : Oui. Dans de nombreux cas, ça fait partie certainement des difficultés, et puis les employeurs souhaitent pouvoir bénéficier de l'aide en matière de reconnaissance des compétences acquises à l'étranger. Mais, pour un bon nombre d'employeurs, les postes pour lesquels ils recrutent n'ont pas d'exigence, comme par exemple en matière d'appartenance à un ordre professionnel. Et donc ce n'est pas nécessairement un élément problématique, là, dans plusieurs secteurs d'activité ou pour plusieurs postes, parce que ces qualifications-là professionnelles n'existent pas. Mais il y a certainement la problématique de mettre en valeur les acquis expérientiels, comme on dit, les compétences acquises à l'étranger par des services appropriés, là, de reconnaissance des compétences.

M. Gagnon (Alexandre) : Sur ce point, effectivement, ça a été soulevé, ça fait plusieurs années qu'il y a des travaux qui ont cours au niveau de la reconnaissance des acquis. Les milieux d'enseignement ont développé une expertise à ce niveau-là. Il y a la création d'un organisme qui s'appelle Qualifications Québec, qui est là pour épauler cette... pour renvoyer les immigrants vers les bonnes places afin de faire reconnaître leurs diplômes.

Donc, l'important, c'est de démarrer ce processus de reconnaissance des acquis, reconnaissance des compétences avant même leur arrivée au Québec. C'est ce qui manque actuellement et c'est là qu'il faut travailler. C'est que, dès leurs pays d'origine, ils puissent commencer cette reconnaissance des compétences là.

M. Forget (Stéphane) : Et de s'engager, au Québec, à livrer la promesse. Souvent, on crée beaucoup d'espoirs chez les immigrants qui sont à l'extérieur du Québec, et c'est des espoirs qui sont souvent déçus rendus ici. Alors, il faut trouver le moyen, lorsqu'on les sélectionne, s'il y a des compétences à acquérir, s'il y a des reconnaissances à faire, bien, qu'on soit en mesure de leur expliquer la réalité puis de mettre les moyens en place ici, au Québec, pour reconnaître à sa juste valeur ces compétences-là. Et là on a, je pense, une responsabilité collective de faire en sorte que, quand on crée de l'espoir, on soit capable de livrer la marchandise quand on arrive en territoire québécois.

M. Fontecilla : Donc, si je comprends bien, il y a des choses qui sont faites, mais c'est insuffisant.

M. Forget (Stéphane) : C'est insuffisant, de notre point de vue.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste une minute à l'échange.

M. Fontecilla : C'est bon.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Merci pour votre participation à la commission. C'est très apprécié.

Je suspends les travaux pour quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup, vraiment, merci.

(Suspension de la séance à 16 h 24)

(Reprise à 16 h 26)

La Présidente (Mme Chassé) : Alors, je répète, à l'ordre, s'il vous plaît! Merci.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de Montréal International. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé puis que nous procéderons par la suite à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous ferai signe à une minute de la fin et je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre exposé.

Montréal International (MI)

M. Bolduc (Hubert) : Bonjour. Bonjour à tous et à toutes. Bienvenue aux nouveaux députés. Donc, au cours des 10 prochaines minutes, je tenterai de passer rapidement à travers un document que nous vous avons soumis.

Bon, d'abord, peut-être vous expliquer un peu Montréal International. Montréal International est une organisation qui existe depuis 23 ans, qui est un partenariat public-privé qui est financé par quatre paliers de gouvernement : Québec, Ottawa, la CMM et la ville de Montréal. Nous représentons 82 municipalités du Grand Montréal et 4,2 millions de personnes. Donc, essentiellement, c'est la moitié du Québec en économie puis la moitié du Québec en population.

Nous existons aussi grâce au financement de 176 partenaires du secteur privé qui contribuent à tout près de 2,5 millions de dollars, selon les chiffres de 2017, à notre financement. Nous avons le mandat exclusif de la promotion et de la prospection des investissements étrangers, mais aussi de l'attraction de talents et de l'attraction d'organisations internationales. J'y reviendrai. Et enfin on collabore étroitement avec les autres acteurs du développement économique du Québec et du Grand Montréal.

Donc, nous travaillons sur trois aspects : l'attraction et la rétention d'investissements directs étrangers. L'année dernière, nous avons attiré pour plus de 2 milliards de dollars d'investissements directs étrangers en provenance de l'Europe, de l'Asie et des États-Unis.

Nous travaillons aussi sur l'attraction et la rétention d'organisations internationales. C'est peu connu, mais Montréal regroupe tout près de 66 organisations internationales : l'Agence mondiale antidopage, l'OACI et autres similaires. Et donc nous sommes, après Washington et New York, la troisième ville en importance avec le plus grand nombre d'organisations internationales.

Et enfin, et c'est ce qui vous concerne le plus aujourd'hui, nous travaillons aussi à l'attraction et à la rétention de talents internationaux, que ce soient des travailleurs temporaires qualifiés ou encore d'étudiants.

À la page n° 5, vous avez nos résultats. Donc, essentiellement, depuis les deux dernières années, nous avons doublé les investissements directs étrangers. Nous avons doublé aussi le nombre de travailleurs ou d'embauches faites de travailleurs en provenance de l'international, passant de 150 à tout près de 300. Et, au niveau des organisations internationales, c'est resté sensiblement le même état de situation.

Cela dit, sans dévoiler les résultats que nous annoncerons jeudi, je peux vous dire que ce chiffre-là va bouger, tout comme les investissements étrangers et les embauches. Grosso modo, vous verrez jeudi, lorsqu'on rendra publics nos résultats, mais je peux vous dire que la tendance qu'on observe depuis les deux dernières années semble se poursuivre, ce qui devrait normalement faire le plaisir des gens et de la députation ici présente, dans la salle.

• (16 h 30) •

Quand on regarde plus précisément ce que nous faisons en matière d'attraction de talents, je l'ai dit, donc, les travailleurs temporaires qualifiés, d'un côté, mais aussi, et c'est très important, l'attraction et la rétention d'étudiants internationaux, donc, nous les attirons, nous facilitons les permis de travail. Nous expliquons, par l'entremise de formations, les processus d'immigration. Et enfin nous faisons aussi de l'accompagnement pour les conjoints, conjointes et enfants, mais on concentre nos efforts sur les conjoints, conjointes.

Lorsqu'on regarde précisément les missions d'attraction de talents, qui est le principal outil que nous utilisons pour faire de l'attraction, nous conduisons, l'année dernière, plus d'une quinzaine de missions à l'international, où, essentiellement, les entreprises s'inscrivent, viennent nous voir, et nous organisons pour eux des missions d'attraction de talents. Donc, sur la base des offres d'emploi qu'ils veulent pourvoir, nous organisons, en collaboration avec Québec International, qui est ici, en arrière de moi, des missions dans des villes comme Paris, qui est probablement la ville avec le plus grand succès.

Et, pour vous donner un exemple de l'ampleur de ces missions, l'année dernière, au mois de décembre, nous avons accompagné... nous étions accompagnés d'une centaine d'entreprises à Paris. Nous avons reçu 25 000 C.V. Et les entreprises ont conduit tout près de 2 500 entrevues d'embauche, qui va probablement se refléter, là, au cours des prochains mois, une fois que les processus vont être faits, par l'arrivée au Québec d'à peu près 200 à 250 personnes issues de ces missions. Encore une fois, ces chiffres sont à la hausse au cours des deux dernières années, et la tendance est à la hausse aussi pour la troisième année.

Au niveau des étudiants, c'est un mandat que le gouvernement nous a donné il y a deux ans. Nous travaillons aussi à tenter de convaincre des étudiants internationaux — il y en a plus de 35 000 dans le Grand Montréal — à choisir le Québec et choisir Montréal pour poursuivre leurs projets d'études dans un projet de vie et un projet de travail.

À la planche n° 9, vous voyez justement, là, le bassin, là, donc le nombre de personnes sur lesquelles Montréal International a de l'impact, dont les TETQ, les travailleurs étrangers temporaires qualifiés, qui sont au nombre de 28 000, dont 44 % viennent dans le Grand Montréal, et les étudiants internationaux, qui sont au nombre de 45 000, dont 80 % choisissent le Grand Montréal. Donc, ce sont essentiellement 50 000 personnes sur lesquelles nous avons, entre guillemets, de l'emprise. Plus de la moitié désirent rester après leurs études. Malheureusement, nous n'en retenons qu'entre 20 % et 25 %.

N'eût été de l'arrivée massive d'étudiants internationaux dans le Grand Montréal, les effectifs universitaires seraient en diminution. Vous le voyez à la planche 10, où, essentiellement, les étudiants internationaux viennent combler la baisse des étudiants nationaux pour faire en sorte que le bassin universitaire de talent demeure à la hausse. Il y a une raison pour laquelle il y a autant d'étudiants. Montréal, en 2016, a gagné meilleure destination... meilleure ville au monde pour y faire des études. L'année dernière, nous sommes déçus, nous sommes seulement arrivés premiers des Amériques. Le concours devrait sortir dans quelques semaines. Nous espérons à nouveau se retrouver en haut du podium. Et c'est un sondage mondial auprès des étudiants, et donc c'est toujours intéressant de voir que Montréal se place très bien.

Pourquoi ces étudiants ou ces travailleurs choisissent Montréal? D'abord parce que nous avons des secteurs de pointe très performants : l'aéronautique, sciences de la vie, technologies de la santé, jeux vidéo, effets visuels, animation, des offres d'emploi de qualité, une qualité de vie et évidemment des politiques d'immigration qui font envier bien d'autres juridictions dans le monde.

Lorsqu'on regarde concrètement le projet de loi n° 9, vous avez, à la planche n° 13 — et ce sera mes derniers commentaires — les problèmes que nous avons identifiés, dont, d'abord, environ 3 700 demandes qui ont été déposées en sol québécois et qui se retrouvent parmi les 18 000 demandes annulées. Nous croyons que nous ne devrions pas annuler ces 3 700 demandes déposées en sol québécois et poursuivre l'analyse et le traitement. Enfin, les candidats qui ont déposé des demandes et qui seront annulées ont soumis des documents importants, des originaux. Nous croyons qu'il serait pertinent de les leur retourner. Et sachez aussi que ces documents sont difficiles à obtenir pour la plupart d'entre eux. Et enfin, dernier point, certains candidats dont la demande sera annulée risquent de perdre des points, suivant la nouvelle grille de sélection des travailleurs qualifiés en vigueur au 2 août 2018, s'ils doivent déposer une nouvelle demande. Alors, évidemment, on demande d'évaluer la déclaration d'intérêt de ces candidats, de même que leur demande de certificat de sélection du Québec, du Programme régulier des travailleurs qualifiés, en vertu de la grille de sélection du PRTQ en vigueur au moment du dépôt de leur demande qui a été annulée suivant le projet de loi n° 9.

Je termine là-dessus. Cela fait exactement neuf minutes.

Et je vous signale que je suis accompagné de Martin Goulet et de deux autres avocats dont c'est la première expérience en commission parlementaire. Ils sont tous les deux âgés de moins de 30 ans. Et j'espère que vous allez avoir des questions tellement difficiles que ça va me faire un immense plaisir de leur demander de répondre à ma place. Mais, blague à part, ce sont des gens qui sont spécialisés en immigration, et, sur des questions plus pointues, je leur laisserai, avec grande joie, la parole.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça me fera plaisir de les nommer lorsque...

M. Bolduc (Hubert) : Ceci termine mon propos.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. Bolduc. Ça me fera plaisir de les nommer. Comme ça, on pourra entendre leurs noms.

M. Bolduc (Hubert) : Alors, il y a Joël Beaudoin, ici, à ma droite, et puis Mélissa Potvin, et enfin Martin Goulet, qui est à ma gauche, qui est vice-président chez nous.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Mme la Présidente. M. Bolduc, Me Goulet, Me Potvin, Me Beaudoin, alors bienvenue en commission parlementaire. C'est une première expérience qui... qu'on souhaite que ça soit la première de plusieurs expériences en commission parlementaire. Je sais que Montréal International vient souvent en commission, quand même, sur des dossiers économiques. Donc, on aura certainement la chance de vous revoir ici.

D'entrée de jeu, pour Montréal International, le Québec, au niveau international, il est attractif, généralement?

M. Bolduc (Hubert) : Absolument. À vrai dire, le Grand Montréal n'a jamais été aussi attractif. Si on se fie aux résultats d'investissements étrangers, effectivement, Montréal est attractive.

Des voix : ...

M. Bolduc (Hubert) : Ah! de deux choses l'une, soit Montréal est attractive, soit on fait une fichue de bonne job, soit les deux, mais à vous de choisir.

M. Jolin-Barrette : Écoutez, ma collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne me dit : Écoutez, c'est à cause du règne libéral durant 15 ans, donc c'est pour ça que Montréal est attractive. Je pourrais lui dire aussi, et peut-être le prendra-t-elle comme un compliment : C'est peut-être à cause du travail qu'elle a fait chez Montréal International aussi à l'époque où elle était là.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre, on poursuit.

M. Jolin-Barrette : Alors, revenons aux choses plus sérieuses. Parlons des 3 700 demandes qui ont été déposées sur le territoire québécois. Donc, ce sont des gens qui étaient sur le territoire québécois au moment où ils ont fait leurs demandes. On ne sait pas à ce jour est-ce qu'ils sont toujours sur le territoire québécois parce qu'ils ont fait leurs demandes... ils étaient avec un permis de travail temporaire. Vous nous invitez, dans le fond, à traiter leurs dossiers en priorité.

M. Bolduc (Hubert) : Ce sont des gens qui, normalement, sont à l'emploi, ont été invités à venir occuper un poste par ces entreprises. Nous les avons, dans certains cas ou dans plusieurs cas, accompagnés. Donc, à votre question, la réponse est oui.

M. Jolin-Barrette : Mais, parmi ceux qui ont déposé une demande, ils ne sont pas nécessairement en emploi. Exemple, il y en a qui sont sur des permis de vacances travail, et donc ils ont déposé leurs demandes. Donc, ils n'avaient pas été nécessairement liés avec un permis temporaire d'une entreprise, un permis fermé, supposons?

M. Bolduc (Hubert) : Ce serait un cas de figure potentiel, effectivement.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, je vous le dis, il y en a plein. Sur cet élément-là... Je pense que ça résonne un petit peu...

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, il travaille là-dessus...

M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, pour vous, la priorité, c'est les 3 700 plutôt que le 18 000 en totalité?

M. Bolduc (Hubert) : À vrai dire, nous, notre priorité... Lorsqu'on a rencontré... Lorsque vous avez rendu public le projet de loi n° 9, nous avons d'abord reçu beaucoup d'appels et nous avons convoqué ces entreprises à venir rencontrer Éric Gervais. Et donc ce sont leurs demandes dont nous portons la parole, de ces entreprises-là, aujourd'hui. Mais effectivement il y en a plusieurs qui sont en emploi dans les secteurs, donc, que j'ai mentionnés et qui souhaiteraient pouvoir continuer le processus.

M. Jolin-Barrette : Et, nous, ce qu'on dit notamment, c'est sur le fait que les gens qui sont présentement en emploi et qui parlent français, ils doivent appliquer dans le programme d'expérience québécois parce que, nécessairement, lorsqu'ils ont fait leurs demandes au Programme régulier des travailleurs qualifiés, parfois, ils pouvaient ne pas être admissibles au moment où ils ont déposé leurs demandes. Ça, je pense que c'est important de le souligner, du fait qu'il y a une voie rapide avec le Programme de l'expérience québécoise.

Également, on les invite à déclarer leur intérêt dans le système Arrima pour faire en sorte qu'ils se retrouvent en situation prioritaire si jamais on décide de les inviter de façon prioritaire pour ceux qui sont sur le territoire québécois. Ça, je pense que, pour les entreprises, c'est important de le souligner. Puis je pense que c'est important de souligner aussi que le projet de loi n° 9, relativement à leur statut au Québec, ne change rien, avec le dépôt du projet de loi, parce qu'ils sont sur des permis fédéraux. On s'entend là-dessus? O.K.

Relativement aux travailleurs temporaires, tout à l'heure on avait la Fédération des chambres de commerce qui nous disait : Nous, on privilégie davantage l'immigration permanente. Si on réussit à permanentiser les travailleurs temporaires, est-ce que vous pensez que c'est une voie qu'on doit suivre, de dire : On répond de façon rapide à un besoin de main-d'oeuvre par le biais des travailleurs temporaires, et par la suite on met les mesures en place pour s'assurer d'une immigration permanente un coup rendu sur le territoire québécois?

• (16 h 40) •

M. Bolduc (Hubert) : Bien, nous, on travaille sur les TETQ. Donc, lorsque les entreprises viennent nous voir, c'est pour faire venir des travailleurs, quelle que soit la ville de provenance. Ensuite, toute la question de la résidence permanente, nous n'avons pas le mandat, à moins que je me trompe, nous n'avons pas le mandat de faire de la résidence... Nous, les entreprises sont dans des besoins. Ils nous disent : Oui, Montréal est attractive, oui, Montréal a des bassins de talents intéressants, en revanche, on n'est pas capables de toujours trouver ce qu'on cherche. Nous sommes contents des systèmes d'immigration actuels aux niveaux fédéral et québécois. Est-ce que vous pourriez nous aider à en faire venir davantage? Et c'est sur cet aspect-là que nous travaillons. Et, dans le cas des étudiants internationaux, là, encore une fois, bien, ils vont passer à travers le PEQ s'ils parlent le français. Et donc c'est seulement sur ces deux aspects-là que nous travaillons.

M. Jolin-Barrette : Mais on a de la difficulté présentement au niveau... Peut-être, vous pourrez compléter. Au niveau de la rétention, au niveau des diplômés, on ne réussit pas à retenir tous ceux qu'on pourrait retenir sur le marché du travail québécois.

M. Goulet (Martin) : Pour les diplômés, habituellement, si on regarde les statistiques, effectivement, la hausse au niveau de la rétention n'est pas... c'est marginal, 1 700 à 3 400. Ce qu'on remarque, cependant, qui est très intéressant, c'est que les étudiants passent de plus en plus du permis d'études en permis postdiplôme, qui souvent a la même durée que le diplôme, donc un bac, trois ans. On a vu une hausse quand même assez impressionnante. Donc, on voit que les étudiants prennent ce moment-là pour se chercher un travail, avoir une première expérience, et, par la suite, je l'espère, vont-ils basculer au niveau de la résidence permanente.

À votre première question, là, au sujet de résidence permanente, résidence temporaire, je pense que le mandat de Montréal International se situe vraiment au niveau de la résidence temporaire. On est exactement... Enfin, on vise le même objectif que le projet de loi, c'est-à-dire répondre à un besoin du marché du travail. Est-ce que c'est la seule solution au problème que l'on vit actuellement? Je ne le crois pas parce qu'il faut quand même avoir des entreprises qui décident de faire le choix d'aller recruter à l'étranger. Mais, de faciliter le passage de ces travailleurs-là vers la résidence permanente, là, il y a des gros efforts à faire. Quand on regarde l'objectif de votre projet de loi, d'arriver à émettre un CSQ en quelques mois, en quelques semaines, il y a toute l'autre portion qui est la portion fédérale, qui, elle, actuellement, demande 18 mois. Et leur projet à eux, à Ottawa, Entrée express, c'est six mois.

M. Bolduc (Hubert) : Puis, peut-être en complément, sur les étudiants internationaux, quand on regarde les barrières, entre guillemets, à l'entrée, elles sont au nombre de trois. D'abord, pour certains, la complexité du système d'immigration. Bon, pour nous, on est là-dedans tous les jours, on le comprend, mais, pour des gens qui viennent de l'extérieur, ça peut apparaître un peu complexe. Deuxièmement, vais-je être en mesure de me trouver un emploi? Bon, avec les taux de chômage historiquement bas qu'on connaît, je pense que les employeurs sont beaucoup plus enclins à engager des étudiants internationaux que ce fut le cas il y a quelques années. Puis, troisièmement, c'est la question de la langue. Donc, si on est capables de jouer sur ces trois barrières-là, on va améliorer notre score.

Et c'est dans cet esprit que le gouvernement du Québec nous a demandé justement de faciliter ces étudiants internationaux, aller à leur rencontre. Et on a fait tout près de 150 événements l'année passée, de mémoire, pour justement leur dire : Bien, voici comment le système fonctionne, voici les endroits où vous pouvez suivre des cours de français, voici l'aide que nous pouvons faire pour comprendre le système d'immigration. Donc, c'est en ce sens-là que nos efforts sont déployés, puis même chose pour Québec International, en passant. Et on n'a pas encore atteint les résultats qu'on voudrait, mais on y travaille très fort.

M. Jolin-Barrette : Vous êtes sur la bonne voie, comme on dit.

M. Bolduc (Hubert) : Je pense que oui. Il ne faut pas arrêter.

M. Jolin-Barrette : Oui. Non, surtout pas. Me Goulet, je reviens à ce que vous disiez. Vous dites : Bon, il y a le six mois, ici, qu'on souhaite mettre en place, mais après ça il y a le fédéral, le 18 mois. Je suis d'accord avec vous. Mais on se retrouve avec un inventaire de dossiers au fédéral aussi, où il y a des CSQ qui ont été émis et que, là, l'inventaire est rendu du côté fédéral aussi. Ça fait que, nécessairement, moi, je me retrouve avec un système que je veux réformer, je veux mettre en place, je veux raccourcir les délais au Québec, mais je suis encore... je suis pogné avec les délais fédéraux des CSQ qui ont été émis dans le passé de façon importante, où est-ce qu'il y a une volumétrie importante de CSQ qui ont été émis, qui sont en attente que la résidence permanente soit traitée. Alors, c'est une réalité. On parle, dans les travailleurs qualifiés, de 40 000 personnes qui ont leurs CSQ puis qui sont en attente du fédéral. Ça fait que, quand on dit : Il faut traiter les dossiers, bien, la résultante, c'est qu'on pitche le problème à Ottawa.

M. Goulet (Martin) : Je pense qu'il faut faire attention. Il faut faire une distinction. Si on veut accorder un «fast-track» à certains candidats ayant obtenu un certificat de sélection, je pense qu'il faut l'accorder à ceux qui ont eu leur certificat de sélection dans le PEQ ou avec une offre d'emploi validée. On ne peut pas satisfaire tout le monde. Mais je pense qu'il faut vraiment offrir aux employeurs qui recrutent à l'étranger ou qui ont eu l'arrimage, là, avec Arrima une espèce de scénario qui va dire : O.K., mon travailleur arrive ici, il a un permis de travail, ce n'est pas facile, mais par la suite j'ai accès à une plateforme qui va m'aider à le permanentiser, si je peux dire, à lui obtenir cette résidence permanente là qui va le sécuriser.

M. Bolduc (Hubert) : M. le ministre, si je peux rajouter, ça ne vous prendra pas beaucoup d'efforts pour me convaincre qu'il y a des enjeux avec le fédéral. Mais d'ailleurs, à la planche n° 14, une des premières recommandations que nous faisons, c'est justement de demander à Ottawa de raccourcir les délais de traitement au même niveau que le système Entrée express. Et nous serons d'ailleurs justement jeudi à Ottawa, pas moi mais mes collègues, pour faire état de cette recommandation et pousser sur le fédéral pour qu'il accélère justement ses processus.

M. Jolin-Barrette : En terminant, parce que je vais céder la parole à mes collègues, vous dites, au niveau de l'immigration permanente, à la planche 14, d'offrir des solutions de francisation aux immigrants temporaires. C'est précisément ce qu'on veut faire avec le projet de loi n° 9, de façon à faire en sorte que ça ne soit pas uniquement les cours en ligne qui soient donnés, mais que les immigrants avec un statut temporaire puissent aller dans les cours de francisation, puissent avoir des ressources, des outils, même chose en matière d'intégration aussi. Ça fait qu'on est au même endroit que vous là-dessus.

M. Bolduc (Hubert) : Nous, à partir du moment où la rapidité est améliorée, les entreprises que nous accompagnons vont être très heureuses.

M. Jolin-Barrette : Parfait.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Beauce-Sud.

M. Poulin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour. Merci d'être là encore une fois.

Vous avez dit tout à l'heure, M. Bolduc, que vous receviez 25 000 C.V... lors d'un événement, que les employeurs avaient reçu 25 000 C.V., que ça s'était soldé par 2 500 entrevues. Combien d'embauches?

M. Bolduc (Hubert) : Pour faire un chiffre rond, là, allons-y 10-10-10, donc 25 000 C.V., 10 % d'entrevues, à peu près 10 % d'embauches, là. Ça varie selon la qualité des C.V. que nous recevons. Mais il y a deux choses que vous devez savoir, c'est que, d'abord, ces missions d'attraction de talents, qui étaient au nombre de deux il y a quelques années, sont au nombre de 15 l'année dernière et vont probablement dépasser la vingtaine cette année. Donc, il y a beaucoup d'entreprises qui s'intéressent à participer à ces missions d'attraction de talents là avec Montréal International et Québec International, d'une part. Et, d'autre part, il y a davantage de personnes qui disent : Wow! Voici une opportunité pour moi — Espagnol, Tunisien, Français — de peut-être commencer une autre vie en Amérique du Nord. Et donc il y a beaucoup plus de C.V. que nous recevons aujourd'hui que dans le passé. L'engouement est à la fois local, mais il est à la fois international.

M. Poulin : Parce que, du même coup, vous vous trouvez à générer beaucoup de gens qualifiés. Vous vous trouvez à générer des gens qui non seulement sont prêts à venir vivre au Québec, ils sont prêts à collaborer à l'économie du Québec, puis qui, en plus, ont le désir sincère de venir s'établir ici. Alors, comment assurez-vous ce suivi-là par la suite pour les gens qui n'ont pas été pris, pour les gens qui, même s'ils n'ont pas réussi à trouver, par exemple, un emploi dans ces entreprises-là, mais qui ont quand même passé le processus d'entrevue... qu'on puisse maintenir ce lien-là avec ces gens-là qui sont probablement, très souvent, fortement qualifiés et dont on souhaite leur venue au Québec?

M. Bolduc (Hubert) : Alors, nous, ce n'est pas nous qui faisons les entrevues. Nous, nous sommes... Le ministre a utilisé le mot «Tinder». Nous, on est un peu le... On est Tinder, c'est ça. Je suis Tinder. Mais nous, on est la machine qui fait le maillage entre l'employeur québécois ou international, parce qu'il y a beaucoup de filiales de sociétés étrangères qui viennent avec nous à l'international pour recruter, et où nous recevons... avec des partenaires comme Pôle Emploi, en France, qui génèrent des C.V. Et, nous, tout ce qu'on fait, c'est le match entre l'employeur qui arrive avec un poste de programmeur Java polonais et français, parce que c'est un cas précis de la Banque Nationale, et l'employé potentiel qui dit : Bien, moi, je parle français, puis je parle polonais, puis je suis un programmeur Java. Nous, on fait ce match. Et ensuite l'entreprise dit : Parfait, j'ai trouvé dans Jean-Paul la personne que je cherchais, s'il vous plaît, messieurs et madame de Montréal International, pouvez-vous faire la suite des choses? Et là on fait des permis de travail, on fait l'accompagnement. Mais nous, on ne fait pas d'embauche. C'est les CGI, les Banque Nationale, les Ubisoft qui disent : J'ai trouvé, fais-le venir.

• (16 h 50) •

M. Poulin : Mais ça, je le comprends bien. Ma préoccupation est sur ces gens-là qui n'auraient peut-être pas été choisis et qui, à ce moment-là, via les entreprises que vous vous trouvez à parrainer, ou à chapeauter, ou à appuyer, retournent soit... ou restent... ou demeurent dans leurs pays, je vais dire ça comme ça, et, pour eux, leur expérience québécoise, elle est terminée parce qu'une fois ils n'ont pas réussi à obtenir un emploi dans le cadre d'une entrevue. Alors, mon souhait et mon désir, c'est que...

J'imagine, dans les 25 000 C.V. qui étaient reçus, par exemple, dans ces types de missions là, avec ces entrevues qui ont été générées, donc, vous faites, à ce niveau-là, un excellent travail. Est-ce qu'il y a un mécanisme qui existe pour s'assurer que, ces gens-là qui n'ont pas réussi à venir au Québec via votre processus, nous ne les perdons pas et qu'on puisse s'assurer, via notre expérience en immigration au Québec, que ces gens-là puissent y venir quand même?

La Présidente (Mme Chassé) : M. Goulet.

M. Goulet (Martin) : Oui, bonne question. On est capables maintenant de s'organiser, chez Montréal International. On l'a dit, on a fait plus de deux missions, quatre missions. On en a fait 15 l'année dernière. Là, ce n'est plus des missions qu'on doit faire. Oui, on va continuer à en faire, mais il faut être constamment en recrutement. Donc, ces gens-là, effectivement, qui nous transmettent leur candidature s'en vont, à partir de mars-avril, dans une base de données. Alors, si, malheureusement, le candidat qui a été rencontré en France, il n'a pas eu de fitte avec l'employeur qu'il a rencontré, il va demeurer dans la base de données et sera peut-être contacté par un employeur qui ne s'est pas déplacé lors d'une mission. On est rendus là, là. On est rendus à cette étape-là.

M. Bolduc (Hubert) : Mais, si je peux me permettre, le danger qui nous guette, et je l'ai déjà exprimé à plusieurs personnes ici, autour de la salle... autour de la table, c'est que, là, on fait Montréal, on fait Québec, on fait Drummondville, mais là Matane, Rouyn-Noranda, Saguenay—Lac-Saint-Jean, comment nous allons nous assurer que les maires, les élus, qui ont de bonnes intentions puis qui entendent des entreprises dire : Nous avons besoin de main-d'oeuvre... Comment allons-nous nous assurer que les bassins de talents dans lesquels nous pêchons ne soient pas surpêchés?

Et donc il va falloir que le Québec s'organise pour s'assurer que ces missions-là, qui prennent de plus en plus... qui sont de plus en plus populaires, ne se transforment pas dans un «free-for-all», excusez-moi l'expression, où là tout le monde va venir à Paris dans une mission d'attraction de camionneurs, ensuite, la semaine d'après, une mission d'attraction de pêcheurs, ensuite une mission d'attraction de soudeurs. Et donc il va falloir qu'on s'organise pour s'assurer que nous ne pêchions pas de la bonne manière dans les bassins de talents classiques français, donc Belgique, France, Luxembourg, Suisse. Et donc ça, c'est un danger.

M. Poulin : Vous faites un travail assez exceptionnel justement dans ce repêchage-là. Alors, je suis content de vous entendre dire que, ces gens-là, si jamais leur expérience via une mission ne fonctionne pas, on les a quand même en note puis qu'on sera capables éventuellement de faire un bout de chemin avec eux afin qu'ils puissent venir au Québec.

Est-ce qu'il y avait d'autres collègues qui avaient...

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, qui se sont signifiés, absolument.

M. Poulin : Oui? Parfait. Alors, je vous remercie.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. J'invite la députée de Bellechasse à prendre la parole.

Mme Lachance (Bellechasse) : Merci, Mme la Présidente. Merci d'être là. Et, un peu en continuité avec mon collègue, de deux à 15 missions, ce n'est pas rien. Puis, comme vous le dites, dans ce contexte-là, il faut s'assurer, comme vous avez dit, de ne pas pêcher... de ne pas surpêcher. À ce titre-là, le MIDI, à titre de responsable officiel du Québec à l'étranger, doit concerter ses actions, s'assurer d'une cohérence, notamment lors des missions. Comment vous percevez votre rôle à titre de partenaire dans ce contexte-là?

M. Bolduc (Hubert) : Bien, ça fait longtemps que nous travaillons avec le MIDI et avec Emploi-Québec pour justement coordonner le déploiement de ces missions à l'international. Je pense qu'on a eu beaucoup de succès au cours des dernières années. Il faut que ça continue. Encore une fois, là, il y a juste une question de volume. Les gens du ministère des Relations internationales ne sont pas présents autour de cette salle, mais, si vous parlez à Line Beauchamp à Paris, elle vous dira qu'il y a certains appels du Quai d'Orsay qui disaient : Écoutez, nous aussi, des travailleurs dans le domaine des technologies, on en a de besoin. Donc, s'il vous plaît, venez en France, venez à Paris recruter des gens, mais allez-y avec délicatesse, puis, surtout, bien, ne venez pas à toutes les semaines. Et donc la France aussi a des besoins, et les autres pays où nous allons également.

Et donc il faut y aller avec parcimonie, des fois, et ne pas, encore une fois, surpêcher. C'est un équilibre assez délicat. Et, quand on a franchi le cap des 25 000 C.V., c'est sûr que... et qu'on est obligés de changer d'hôtel parce qu'on n'a plus assez de place parce que les salles ne sont pas assez grandes, même si on est rendus sur deux étages, ça commence à être un peu annonciateur que ça prend une ampleur qu'on avait sous-estimée.

Mme Lachance (Bellechasse) : Avez-vous des suggestions ou des recommandations que vous nous feriez dans ce contexte-là?

M. Bolduc (Hubert) : Bien, je pense qu'il y a des territoires où nous n'allons pas encore. On commence à toucher un peu au Maghreb. On a eu quelques missions en Tunisie, au Maroc, de mémoire.

M. Goulet (Martin) : Il y a une première mission virtuelle en Amérique latine au mois de mars. Alors là, on touche Colombie, Brésil, Mexique, ce qui est déjà, pour nous, une première. Donc, on va voir le résultat.

Mais on cherche d'autres bassins parce que le Québec... Nous voulons recruter des gens francophones ou francophiles, mais la réalité, c'est qu'on est souvent limités à la France, la Belgique, le Maghreb. L'Afrique subsaharienne, la difficulté, c'est d'obtenir des permis de travail, mais on a d'autres enjeux sur ce territoire-là. On essaie d'élargir un peu les territoires selon nos besoins.

Mme Lachance (Bellechasse) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Une voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, oui, il reste 3 min 40 s. J'invite la députée de Les Plaines à poursuivre.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup d'être ici encore une fois avec nous.

Justement, si on pêche dans des eaux qui sont un petit peu moins francophiles, comment est-ce qu'on peut faire pour convaincre les entrepreneurs, les entreprises à mieux intégrer par la francisation? Parce que ce qu'on veut, c'est évidemment qu'ils restent ici, qu'ils restent longtemps. Ça passe par l'intégration, ça passe par la francisation. Comment, sans contraindre les entrepreneurs, on peut les convaincre à s'engager dans une meilleure intégration francophile?

M. Bolduc (Hubert) : Bien, je crois que les employeurs, aujourd'hui, sont beaucoup plus en demande qu'ils ne l'étaient. Ils sont moins tentés de faire du «cherry picking», excusez-moi l'expression. Je pense qu'aujourd'hui les besoins de main-d'oeuvre sont tels que, s'ils trouvent le bon candidat ou la bonne candidate, je suis convaincu qu'ils vont faire tous les efforts possibles pour conserver cette personne.

Je vais vous donner l'exemple de l'industrie de la mode, qui est une industrie qui éprouve de graves problèmes de main-d'oeuvre. Il manque dans le Grand Montréal environ 1 000 couturières. Bon, est-ce qu'on va trouver des couturières pour faire les nouveaux Canada Goose qui vont être fabriqués dans Chabanel,à Paris? Peut-être que oui, mais on va peut-être en trouver davantage au Vietnam, où, en passant, il y a une communauté francophone, donc, mais il y a des bonnes chances aussi que ça soit des personnes qui ne soient pas francophones ou francophiles. Alors, en revanche, les besoins sont tels que, si, pour engager 50 couturières, Canada Goose est prêt à déployer un programme de francisation intensif, bien, je pense qu'il faut les encourager. Et je ne serais pas surpris qu'on voie justement des initiatives très agressives de la part des employeurs pour justement franciser en vitesse grand V les talents qu'ils auraient trouvés à l'extérieur du Québec qui ne sont pas nécessairement habiles avec le français.

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste à peine une minute. Est-ce que quelqu'un d'autre veut prendre la parole? C'est bon? Oui, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : En fait, simplement pour vous remercier de votre présence. C'est très apprécié.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Bonjour, messieurs madame. Merci d'être ici. Écoutez, vous parliez tout à l'heure de recrutement en France, au Maroc, en Tunisie. Bon, je me demandais, avec ce qui arrive en ce moment, tous ces articles dans les journaux francophones, dans la presse du Maghreb, sur ces 18 000 dossiers là qui sont... bon, qui voulaient être mis à la poubelle, là, on ne sait pas ce qui va arriver avec... Suite à la décision de la cour, avec, justement, ce système d'immigration qui est gelé, pour ainsi dire, avec 90 000 déclarations d'intérêt, où on va peut-être en traiter 400 durant la prochaine année, est-ce que vous pensez que tout ça, ça va avoir une influence, un impact sur votre recrutement dans les pays francophones?

• (17 heures) •

M. Bolduc (Hubert) : Je ne crois pas que les quelques articles qui ont été publiés récemment ont percolé ou sont venus influencer le choix de milliers de Français ou de d'autres immigrants. En revanche, c'est sûr que c'est un équilibre fragile. Il faut faire attention, il faut s'assurer que l'image du Québec demeure ce qu'elle est. Et je l'ai dit dans mon introduction, le Grand Montréal n'a jamais été attractif et nous sommes aussi bons que la dernière coupure de presse que nous avons eue, et, en ce sens, il faut porter une attention particulière à cela. Et nous qui avons le mandat aussi de la promotion du Grand Montréal, on déploie beaucoup, beaucoup, beaucoup d'efforts pour s'assurer que la couverture médiatique du Grand Montréal, mais aussi du Québec, soit la meilleure possible. Et donc on est sensibles à cela, mais je ne peux pas dire qu'on a vu jusqu'à présent de l'impact.

Et le meilleur exemple, c'est que la mission d'attraction de talents à Paris que nous avons annoncée la semaine dernière, ou il y a deux semaines, est déjà... Bon, vous me direz : Ce sont les entreprises locales qui décident d'y aller. On verra, lorsqu'on informera nos partenaires français, dans ce cas-ci, la mission de Paris en mai, s'il y a une diminution du nombre de C.V. reçus ou pas, mais, pour l'instant, on n'a pas de signe encore à cet...

Mme Robitaille : ...on est en plein dedans. On va voir comment ça va évoluer.

M. Bolduc (Hubert) : À vrai dire, je vous... fais juste dire que l'intention des entreprises est toujours aussi forte. Quand on recevra le nombre de C.V., c'est à ce moment-là que je pourrai répondre, chiffres à l'appui, à votre question.

Mme Robitaille : Mais est-ce que cette confusion-là vous inquiète?

M. Bolduc (Hubert) : Pardon? Je n'ai pas entendu.

Mme Robitaille : Est-ce que cette confusion-là... Ce gel-là de l'immigration en attendant la venue de ce nouveau projet de loi, est-ce que ça vous inquiète?

M. Bolduc (Hubert) : Ça va m'inquiéter si effectivement on a moins de C.V. et si on est moins attractif. On va avoir, comme on dit en bon anglais, un «acid test» assez franc dans quelques mois. C'est de fin mai, donc dans trois mois.

Toute couverture de presse internationale négative inquiète une organisation comme Montréal International, ça, c'est certain. Et, encore une fois, nous, on suit de très près cette couverture de presse là. Elle a été très, très, très bonne au cours des dernières années, et on va déployer beaucoup d'efforts pour s'assurer qu'elle demeure positive.

Mme Robitaille : Dites-moi, au Canada, là, c'est quoi, la... Quelle est la ville qui concurrence le plus Montréal? Qu'est-ce qui... Québec? Toronto? Moi, je pensais que c'était Toronto, là, mais ça peut être Québec. Allez-y.

M. Goulet (Martin) : En fait, c'est Vancouver et Toronto.

Mme Robitaille : Vancouver et Toronto. Et là, quand vous regardez ce projet de loi là, les conditions qu'on veut accoler à la résidence permanente, etc., est-ce que ça rend votre rôle... est-ce que ça rend votre pitch un peu plus compliqué quand vous voulez attirer les meilleurs talents, quand vous voulez vous assurer qu'ils viennent à Montréal d'abord et pas à Toronto ni à Vancouver ou à New York?

M. Bolduc (Hubert) : Je crois que le Grand Montréal, en ce moment, a une offre, de la part des employeurs, qui est excessivement attirante. Prenons l'exemple de l'intelligence artificielle qui est un secteur dans lequel Montréal, le Grand Montréal, à mon avis, surperforme. Les derniers chiffres que j'ai en tête, c'est que nous avons attiré depuis les deux dernières années une trentaine d'entreprises pour environ 500 millions d'investissement en intelligence artificielle.

Donc, à partir du moment où... Pour un chercheur, un universitaire, un doctorat, une maîtrise, s'il y a un employeur de qualité qui offre des postes intéressants, que ça soit à Toronto, à Chicago ou à Montréal, il va venir pour le job. Est-ce que le pitch Montréal, Grand Montréal ou le pitch Québec ou le Québec en général est facile? Non.

Mme Robitaille : Pourquoi...

M. Bolduc (Hubert) : Bien, parce que Montréal n'apparaît jamais ou très rarement dans la liste finale des destinations «top of mind» des investisseurs étrangers. Chicago, Toronto, New York, bon, ça va, mais Montréal apparaît rarement, là. Il faut se battre pour s'assurer que le Grand Montréal soit sur la courte liste. La bonne nouvelle, c'est que, lorsque nous arrivons sur cette courte liste, dans 60 % des cas, on gagne.

Donc, nous, notre défi, chez Montréal International, c'est de s'assurer que le Grand Montréal figure dans l'esprit des gens comme une destination où il fait bon faire autre chose qu'avoir du plaisir, aller à des festivals. Il y a un exemple que je donne souvent, Montréal est connue à travers le monde pour les quatre F : fun, festivals, «formula 1» puis «food». Bien, ça serait le fun aussi que le Grand Montréal soit connu pour «foreign direct investment». Et la réalité, c'est qu'on n'est pas là, et notre devoir, c'est justement, que ce cinquième F, qui est le «foreign direct investment», ou investissement direct étranger, monte. Et c'est notre job, puis, quand je regarde les résultats, bien, je pense qu'on fait une job pas pire. Est-ce qu'il y a place à l'amélioration? Totalement.

Mme Robitaille : Mais cette condition-là que... Dans le projet de loi n° 9, cette condition-là à la résidence permanente, là, par exemple, qu'on veut accoler, si vous étiez le ministre, est-ce que vous mettriez ça de côté?

M. Bolduc (Hubert) : Madame, la journée que je vais vouloir être ministre, je vais mettre ma photo sur un poteau puis je vais faire campagne. Mais, en attendant, je ne suis pas ministre, je n'ai pas d'ambition de devenir ministre et j'ai déjà joué dans ce film qui a gagné un Gémeaux, et ça... je vais arrêter mes commentaires sur si j'étais ministre parce que je ne le suis pas et je ne caresse pas d'ambition de le devenir non plus. Sait-on jamais, mais, jusqu'à présent, c'est pas mal plus «jamais» que «sait-on».

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 8 min 30 s. J'invite la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne à prendre la parole.

Mme Anglade : Bien, d'abord, féliciter Montréal International, quand même, de voir que la lancée se poursuit en termes de résultats, puis c'est très chouette à regarder. Donc, merci à vous.

Évidemment, dans la question de ma collègue sur l'impact des articles négatifs, on s'entend, ça fait deux semaines et demie, alors, avant que ça percole, ça va prendre un certain temps. Mais la réalité, c'est que, si on continue à ce rythme-là, ça risque aussi de percoler. Puis je suis très sensible quand vous dites : Toute couverture de presse négative nous inquiète. Avec raison. Moi, j'ai parlé avec des étudiants internationaux, aujourd'hui localisés au Québec, qui, eux, sont inquiets, qui, eux, nous le disent, l'articulent, et ces gens-là parlent avec des étudiants qui sont à l'extérieur de leurs propres universités. Donc, on ne peut pas sous-estimer l'impact que ça a quand même dans la population, surtout qu'on veut réduire ce temps-là le plus possible, on veut régler la situation.

Je sais également à quel point c'est important, le talent, pour vendre. Le talent, c'est la clé de voûte pour vendre vos investisseurs, et j'aimerais vous entendre sur la difficulté... les résultats sont là, je les vois, je vois les chiffres, mais la difficulté aujourd'hui qu'on a de faire compétition avec Toronto. Parce que tout ce que Toronto et tout ce que Vancouver vont faire en voyant ce qui se passe au Québec, c'est dire : C'est plus facile chez nous. Et là la tension peut monter.

J'aimerais vous entendre sur cette tension qui existe et qui augmente, parce que le talent, c'est un enjeu que l'on voit partout et qui est accentué depuis les dernières années, là. Depuis les deux dernières années, je vous dirais, ça s'est accentué, mais cette tension-là, est-ce que vous la sentez de plus en plus forte? Et, auquel cas, il faut être de plus en plus agressif de notre côté.

M. Bolduc (Hubert) : Merci. D'abord, ces succès, Mme la députée, vous y avez contribué, parce que vous avez occupé mes fonctions puis vous avez mis en place des plans stratégiques dont vous voyez probablement aujourd'hui certains des résultats. Donc, je vous renvoie les fleurs et je me garderai le pot.

Mais, oui, je pense qu'il y a... il faut faire attention, je l'ai dit à votre collègue. En revanche, il faut se réjouir aujourd'hui que Montréal est beaucoup plus attractif... attractive, pardon, le Grand Montréal, que Toronto ou que Vancouver sur d'autres aspects : qualité de vie, coût de la vie, sécurité. On oublie ça, mais n'importe qui, homme ou femme, peut sortir dans un restaurant à trois heures du matin à Montréal sans se sentir importuné de quelconque façon que ce soit. Donc, le Grand Montréal aujourd'hui a des avantages que Toronto n'a pas et que Vancouver n'a certainement pas non plus sur certains aspects.

Sur la question de l'immigration, je l'ai dit, je pense qu'il faut être très prudent, d'autant plus que nos adversaires aiment mettre en exergue les choses négatives qui se passent dans le Grand Montréal. Je pense qu'on peut penser à ce qui se passe avec SNC-Lavalin, c'est un autre débat, mais on le voit que ce sont des enjeux. Donc, il faut faire attention. Ça a pris beaucoup de temps pour que le Grand Montréal ait cette place enviable qu'elle occupe en ce moment et il faut protéger cette image.

Et donc, à votre question, oui, je crois qu'il faut être soucieux de cette image, mais, encore une fois, je n'ai pas de chiffre qui me dit que ça a commencé à être négatif. Je pense qu'il faudrait être non-entendant pour ne pas non plus... ou non-voyant pour ne pas voir ce qui se passe dans l'actualité et poser l'hypothèse que ça nuit, c'est clair. Mais moi, je veux voir des chiffres avant puis, après ça, je vais dire que ça nuit ou pas, mais...

• (17 h 10) •

Mme Anglade : J'aime beaucoup votre approche de baser vos décisions sur des faits, hein?

M. Bolduc (Hubert) : ...parce que souvent, le verre à moitié plein à longueur d'année... Je suis condamné à être positif, et, à partir du moment où on vend quelque chose, on ne dira pas : Mes chips sont plus engraissantes que les autres. Moi, mes chips ne sont pas engraissantes puis elles sont meilleures pour la santé.

Alors donc, quand on vend le Grand Montréal, il faut être positif, puis moi, je suis un éternel positif et je crois qu'il faut être sensible à l'image du Grand Montréal. Puis tout commentaire négatif sur le Grand Montréal nuit à notre travail, et, nous, notre job, c'est de s'assurer qu'il n'y en a pas de négatif qui sorte.

Mme Anglade : Je vous amène sur un autre terrain de jeu rapidement, celui du test des valeurs. Vous savez, lorsque les gens appliquent, ils doivent remplir, hein... pour obtenir la résidence permanente, ils doivent déjà signer, dire qu'ils ont lu et qu'ils comprennent ce que sont les valeurs au Québec. Il y a déjà ce document qui existe.

Quelle est la valeur ajoutée d'un test de valeurs, selon vous, dans les fonctions que vous occupez, par rapport à ce que vous voyez au quotidien?

M. Bolduc (Hubert) : Franchement, cette question-là... D'abord, un, ce n'est pas dans le projet de loi. Je pense que, quand on arrivera à ce projet de loi là sur les valeurs, probablement qu'on rédigera un mémoire puis on viendra donner nos commentaires. Mais, dans le cas qui nous concerne, nous, on a concentré nos efforts sur le projet de loi n° 9, on a concentré nos efforts sur les TETQ et les étudiants internationaux. Pour ce qui est des autres questions, je reviendrai avec plaisir à Québec...

Mme Anglade : Vous reviendrez, mais il n'y aura pas de commission à ce moment-là.

M. Bolduc (Hubert) : Pardon?

Mme Anglade : Il n'y a pas de commission à ce moment-là.

M. Bolduc (Hubert) : Ah! bien, ça, je ne sais pas, mais, en tout cas, si nous devons faire nos commentaires, nous les ferons, que ce soit en commission parlementaire ou ailleurs.

Mme Anglade : Oui, excellent. Est-ce qu'on peut céder...

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. Je cède la parole au député de Nelligan.

M. Derraji : Combien de temps, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme Chassé) : 2 min 40 s.

M. Derraji : Excellent. Je vais être très rapide. Merci...

Une voix : ...

M. Derraji : C'est bon? O.K. Bon, merci pour votre rapport, et, écoutez, je vais venir vraiment vous poser une question dans votre terrain de spécialité. Donc, à la lumière de vos réponses, je pense que vous voulez rester vraiment dans votre mission et vision, et je vais vous citer quelqu'un que probablement vous connaissez très bien, c'est Mitch Garber. Hier, il disait : «Les investisseurs de l'étranger cherchent toujours les meilleures places pour leur famille, leur compagnie, pour leurs employés. Et les politiques plus restrictives nuisent beaucoup à l'investissement étranger.»

Une de vos missions, c'est ramener des investissements étrangers. Or, si on veut mettre Montréal, et je vais dire aussi Québec, sur la mappe des investissements étrangers, nous avons deux défis : un, le vieillissement de la population, deux, le manque de main-d'oeuvre.

Ne pensez-vous pas qu'avec la proposition du gouvernement de réduire déjà les seuils d'immigration — hein, on l'oublie, il y a une réduction des seuils d'immigration plus les 18 000 dans la déchiqueteuse — on vous complique la vie de ramener des investisseurs étrangers au Québec?

M. Bolduc (Hubert) : C'est sûr que, sur l'attraction de talents, la question de l'immigration est excessivement importante, mais il y a d'autres facteurs sur lesquels on peut jouer, notamment le drame national, le vrai drame national québécois, qui est celui du décrochage scolaire. Je ferme la parenthèse, mais un des endroits où on peut jouer et avoir le plus d'impact, c'est si on est capables, justement, de faire en sorte que nos jeunes terminent leur secondaire. Et, si on se compare à l'Ontario, puis que vous voulez que je fasse du négativisme sur le Québec, bien, on n'est pas forts en matière de diplomation.

Cela étant dit, pour répondre à Mitch Garber, qui est un ancien membre de notre conseil d'administration, soit dit en passant, je pense qu'en ce moment, encore une fois, chiffres à l'appui, Montréal est plus attractive... le Grand Montréal est plus attractive... attractif, pardon, que jamais. Il faut chouchouter ce positionnement que nous avons et il ne faut pas qu'une image négative par rapport à l'immigration, par rapport à une complexité d'un système, qui est déjà fort complexe pour le commun des mortels, soit véhiculée, tout à fait.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Effectivement, deux, trois secondes. Je cède maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci pour la présentation. On est heureux de voir qu'il y a d'autres bonnes nouvelles aussi qui s'en viennent du côté de Montréal International.

Une voix : Jeudi.

Mme Fournier : Excellent. On va suivre ça de très près.

D'abord, sur la question des 18 000 dossiers, moi, j'essaie de trouver une voie de passage, là, entre les positions de tout un chacun. Puis vous avez mentionné le fait que ce serait bien de pouvoir traiter en priorité, en fait, les dossiers, là, des gens qui sont déjà au Québec, qui occupent déjà un emploi. Donc, là-dessus, on s'entend.

Pour ce qui est des autres demandes, est-ce que, vous, vous verriez d'un bon oeil que les demandes qui sont actuellement dans le système Mon projet Québec soient, par exemple, transférées dans la nouvelle plateforme Arrima, bien sûr en demandant le consentement, là, pour le transfert des données personnelles, mais est-ce que, pour vous, ça représenterait une bonne solution de compromis?

La Présidente (Mme Chassé) : Me Beaudoin.

M. Beaudoin (Joël) : C'est sûr, c'est dur pour nous de nous prononcer sur de l'immigration permanente qui est faite directement de l'extérieur du Canada. Nous, notre terrain de jeu, c'est vraiment l'immigration temporaire et l'accompagnement vers l'immigration permanente. Donc, c'est pour ça que nous, on préfère se prononcer sur les 3 700 dossiers, dossiers que nous, on connaît, qu'on accompagne les travailleurs, qu'on sait qui, bon, en matière générale, s'intègrent au marché du travail.

Maintenant, est-ce que, les 18 000 dossiers, le reliquat, est-ce que c'est... devrait être traité en priorité? C'est difficile pour nous d'avoir une position claire parce qu'on ne voudrait pas trop s'avancer non plus par rapport à ça. Ce n'est pas quelque chose qu'on connaît directement. On veut se prononcer sur quelque chose qu'on connaît, et puis ça, c'est les 3 700 dossiers.

Mme Fournier : Non, je comprends. Je comprends bien. D'abord, si on va sur la question, justement, des travailleurs temporaires, l'immigration temporaire, au niveau des permis de travail, on sait qu'il y a une difficulté en ce moment du côté du gouvernement fédéral, il y a de plus en plus de délais. Est-ce que c'est quelque chose que vous expérimentez du côté de Montréal International? Quelle est la situation à l'heure actuelle?

M. Beaudoin (Joël) : Bien, c'est sûr que, oui, c'est une problématique qu'on rencontre au niveau des délais, mais il faut faire attention, parce que ce n'est pas tous les programmes nécessairement qui fonctionnent avec des longs délais. Oui, il y en a certains qui entraînent des longs délais, mais il y a des programmes d'immigration qui vont quand même assez bien, qui fonctionnent très rapidement aussi. Donc, il ne faut pas tout mettre dans le même panier, mais, oui, c'est quelque chose qui nous préoccupe, c'est quelque chose qui préoccupe beaucoup nos entreprises qu'on représente.

Maintenant, c'est des représentations qu'on va faire directement à Services Canada et à Ottawa, donc, cette semaine, mais, oui, effectivement, c'est quelque chose qui nous préoccupe dans l'obtention des permis de travail temporaires.

Mme Fournier : Merci. Puis, du côté de l'attraction des talents, on sait que ça passe beaucoup par les étudiants internationaux, notamment. On sait que ça peut être difficile d'assurer une bonne rétention des étudiants internationaux. Mais est-ce que vous proposez des mesures concrètes pour permettre au Québec de faire encore meilleure figure, puis à Montréal plus spécifiquement?

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

M. Bolduc (Hubert) : Bien, dans le cas de l'attraction d'étudiants internationaux, bon, le Grand Montréal représente à peu près 85 % des étudiants internationaux. 80 % des étudiants internationaux qui choisissent le Québec, donc, sont concentrés dans le Grand Montréal. Nos efforts sont à l'effet qu'on sait que 50 % d'entre eux aimeraient, à l'issue de leurs études, transformer leurs projets d'étude en projet de vie. Donc, comme on sait... et malheureusement on en conserve à peu près entre 20 % et 25 %. Donc, il y a beaucoup d'efforts à faire.

Et le grand avantage de cette main-d'oeuvre, d'abord, c'est que, un, leur diplôme est reconnu — on ne parlera pas de la reconnaissance des diplômes ici, mais c'est un autre enjeu de commission parlementaire — deux, la plupart du temps, ils ont ou vont maîtriser la langue, et, trois, il y a des bonnes chances qu'ils ont un réseau de contacts qui fait en sorte que leur intégration va être plus simple.

Donc, on a, dans les étudiants internationaux, un potentiel exceptionnel pour aider les entreprises à combler les besoins en main-d'oeuvre qu'ils ont et qui est un processus qui est plus simple que l'attraction de travailleurs temporaires qualifiés, parce qu'ils sont déjà ici, ils ont un réseau, là, en tout cas, bien reconnu.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Bonjour. Pour continuer sur cette question-là, justement, on a entendu beaucoup de témoignages d'étudiants très inquiets. Est-ce que le projet de loi n° 9 est en mesure de les rassurer?

M. Bolduc (Hubert) : Bien, comme j'ai répondu à vos collègues de l'opposition, je pense qu'en ce moment il y a beaucoup d'incertitude. Je crois que cette incertitude, elle a percolé dans certains journaux à l'international. Il faut être jaloux de la position que nous occupons aujourd'hui, et tout geste politique qui pourrait nuire au très bon positionnement du Grand Montréal... Nous devons s'assurer de protéger ce positionnement-là. Donc, à votre question, lorsqu'il y a de l'incertitude, ça ne nous aide pas à faire notre travail. Ça, c'est clair et net.

M. Fontecilla : Est-ce que cette incertitude-là affecte aussi les 3 700 personnes que vous accompagnez en ce moment?

• (17 h 20) •

M. Bolduc (Hubert) : Cette incertitude, elle a un impact sur les entreprises qui sont inquiètes du projet de loi, et que nous avons convoquées, et qui ont rencontré M. Gervais, qui est le sous-ministre adjoint, je pense, et qui les a rassurées quant à l'intention du projet de loi, sans pour autant aller dans les microdétails. Évidemment, si je suis un Cinesite ou un Framestore et que j'ai dans mes équipes une personne qui a contribué à faire les effets visuels de Mary Poppins, qui était en nomination aux Oscars, puis que cette personne-là pourrait ne pas obtenir ses permis, c'est sûr que c'est inquiétant. Et, nous, notre travail, ce n'est pas d'entretenir cette incertitude-là, mais de les accompagner pour s'assurer qu'ils soient en mesure de faire obtenir à ces gens-là leur permis, puis c'est pour cette raison qu'on est ici aujourd'hui.

M. Fontecilla : Le chiffre 40 000... Réduction du volume d'immigration à 40 000, réduction... 18 000 dossiers jetés à la poubelle, test de valeurs, conditions à la résidence permanente, est-ce que ça va envoyer une bonne image?

M. Bolduc (Hubert) : Bien, je ne pense pas que ça soit... à vrai dire, ce n'est pas tant l'image que ça envoie que l'incertitude. Je pense qu'il y a des États qui ont des images beaucoup plus négatives que la nôtre. Ce que les gens n'aiment pas, ce que les entreprises n'aiment pas, c'est l'imprévisibilité et l'incertitude. Quelle que soit la décision... Et le meilleur exemple, c'est probablement celui des crédits d'impôt. Il fut un temps où on jonglait avec l'idée de possiblement modifier les crédits d'impôt dans des secteurs comme l'effet visuel ou les jeux vidéo. Ce n'est pas tant...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

M. Bolduc (Hubert) : ...le crédit d'impôt, c'est l'incertitude entourant la possibilité que ce crédit d'impôt là disparaisse. Et donc je pense qu'à vous, parlementaires... Quelles que soient les décisions qui sont prises, il faut qu'elles soient prises rapidement et que nous soyons capables de faire des représentations sur la base de règles claires, de politiques claires et de contraintes ou d'avantages clairs.

Et donc, à votre question, moins il y a d'incertitude, mieux je me porte, puis mieux le Grand Montréal se porte, puis mieux mon collègue, en arrière, de Québec International se porte.

M. Fontecilla : Merci.

M. Bolduc (Hubert) : Plaisir.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je vous remercie pour votre contribution à la commission, aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre à Québec International de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 23)

(Reprise à 17 h 26)

La Présidente (Mme Chassé) : J'invite tout le monde à prendre place. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de Québec International. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous ferai signe à une minute de la fin. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Québec International

M. Viel (Carl) : Alors, Mme la Présidente, membres de la commission, permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent. Donc, premièrement — je lui ai demandé si je devais dire maître ou madame — Line Lagacé, vice-présidente, Croissance des entreprises et investissements étrangers; Mme Marie-Josée Chouinard, directrice principale, Attraction de talents; et Carl Viel, président-directeur général de Québec International.

Au nom de Québec International, je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de s'exprimer aujourd'hui sur le projet de loi n° 9. Soyez assurés que nous comprenons et sommes d'accord avec les objectifs derrière ce projet de loi.

Québec International, à titre d'agence de développement économique de la région métropolitaine de Québec, compte parmi ses principaux mandats un service de soutien à l'attraction de travailleurs étrangers qualifiés, et nous, par rapport à ce mandat-là, nous travaillons principalement sur les territoires de la Capitale-Nationale et celui de Chaudière-Appalaches. Notre équipe aide les entreprises à combler leurs besoins de main-d'oeuvre en relevant les défis liés à l'embauche et à l'intégration des travailleurs étrangers. Elle déploie également des initiatives pour promouvoir la région de Québec auprès de ces travailleurs.

Les efforts déployés chez Québec International depuis 10 ans, c'est 42 missions de recrutement international, dont sept missions virtuelles, plus de 30 missions de promotion et de prospection, deux actions locales de recrutement dans la ville des gens qui étaient nous... juste avant, près de 200 activités de formation en mobilité internationale, et, au cours de l'année 2018, Québec International a accompagné plus de 400 entreprises distinctes.

Les résultats obtenus depuis 10 ans, c'est plus de 3 315 travailleurs étrangers embauchés, plus de 8 300 nouveaux arrivants, incluant conjoints et enfants, près de 260 millions en retombées économiques, PIB généré par les travailleurs étrangers recrutés. Pour seulement l'année 2018, nous avons reçu plus de 2,2 millions de visites sur notre site, Québec en tête, et permettez-moi d'ajouter un petit point suite à la présentation précédente, mais, lors de notre mission virtuelle que nous avons tenue la semaine dernière, nous avons reçu plus de 30 000 dossiers pour un peu moins de 300 postes, 15 entreprises et des candidatures venant de 98 pays.

• (17 h 30) •

Concernant le projet de loi n° 9, nous souhaitons souligner les efforts faits pour diminuer la lourdeur administrative et les délais de traitement. Nous saluons la volonté que les immigrants sélectionnés correspondent davantage aux besoins de main-d'oeuvre et nous sommes heureux de voir la priorité qui sera faite ou donnée aux profils correspondant à des offres d'emploi validées. Les actions en attraction de talents de Québec International sont basées sur le même principe puisque tous nos efforts d'attraction sont appuyés sur les offres d'emploi validées des entreprises de notre région. Notre région, de par sa taille, n'attire pas spontanément de l'international comme les grandes métropoles. La guerre des talents est mondiale. Nos concurrents ont des moyens beaucoup plus élevés que nous pour attirer. Les métropoles, incluant Montréal, sont connues et sont attractives. Comment une région comme la nôtre peut-elle tirer son épingle du jeu? Nous croyons fortement que l'emploi est le meilleur angle d'attraction mais également l'élément principal d'une intégration durable.

Les points sur lesquels nous aimerions revenir de façon plus spécifique sont traités dans trois volets.

Volet 1, un système qui mettrait en place une sous-catégorie de résidence permanente conditionnelle à certaines conditions pour son maintien. Nous comprenons la volonté du gouvernement de mieux encadrer le cursus de l'immigrant afin de s'assurer d'une intégration réussie. Le respect des valeurs québécoises est indéniablement un critère important.

Le gouvernement du Québec a actuellement tous les pouvoirs afin de statuer sur des conditions supplémentaires en amont du processus, entre autres lors de la sélection des immigrants. Nous estimons que les employeurs peuvent jouer un rôle actif dans le processus de sélection.

À titre d'exemple, dans le cadre du projet pilote programme d'immigration en Canada atlantique, l'employeur doit être désigné par un organisme local et a l'obligation de déposer un plan d'intégration pour les candidats qu'il recrute. L'accréditation d'un employeur est faite par un organisme local, au même titre que Québec International désigne des entreprises dans le cadre de la stratégie des talents mondiaux du gouvernement du Canada.

Nous suggérons la mise en place d'un projet similaire pour l'ensemble des régions du Québec en déficit d'attraction. L'entreprise, pour être désignée et pour accéder au programme, devra définir ses besoins de main-d'oeuvre et ses impacts sur le marché du travail et s'engager à déposer un plan d'intégration de ses ressources, qui pourrait alors inclure un volet francisation et même un cours sur les valeurs québécoises.

Cette façon de faire est celle préconisée par le gouvernement du Canada, c'est-à-dire d'appuyer des régions à plus faible attractivité en favorisant une meilleure adéquation avec le marché du travail, ce qui rejoint également les objectifs du gouvernement du Québec.

Volet 2, l'abolition des 18 000 dossiers en attente dans le cadre d'un processus régulier pour la résidence permanente. Nous souhaitons que le gouvernement du Québec analyse plus en profondeur des méthodes alternatives afin d'accompagner ces 18 000 candidats. Considérant que près de 4 000 — on a parlé tout à l'heure de 3 500 — candidats soient déjà en sol québécois, nous suggérons que ces dossiers soient traités dans le cadre du Programme expérience québécoiseou traités en priorité.

Nous recommandons d'accélérer la sélection des candidats sur des offres d'emploi validées dans le cadre d'initiatives comme Journées Québecou encore dans le cadre des missions menées par Québec International, Montréal International ou la Société de développement économique de Drummondville.

À titre d'exemple, pour 2019, Québec International prévoit 12 missions de recrutement à l'international, sans compter nos missions qui visent la promotion et la prospection. Pourquoi ne pas créer une mission virtuelle exclusive pour cette clientèle? Nous suggérons la mise sur pied d'un portail employeurs temporaires sur lequel les offres d'emploi validées seraient déposées et les profils des candidats valorisés.

Pour la balance des candidats non retenus, nous proposons qu'ils soient dirigés vers Arrima ou que le gouvernement accélère l'analyse des dossiers restants.

L'image ainsi donnée serait positive à l'international et correspondrait à la volonté du gouvernement de sélectionner les candidats potentiels en fonction de l'adéquation de leurs profils avec l'emploi disponible au Québec. En offrant des alternatives concrètes, nous évitons ainsi de nuire à notre réputation, mais marquons le fait que le Québec a besoin de ceux dont les profils peuvent correspondre au marché de l'emploi.

Volet 3, enjeux relatifs à l'intégration, francisation et intégration des valeurs québécoises. Selon notre expérience, l'attraction et l'intégration en région facilitent la francisation des immigrants et la connaissance des valeurs québécoises. L'entreprise en région exige la connaissance de la langue française et elle est prête à soutenir ses travailleurs en ce sens. Cependant, les services de francisation doivent être accessibles pour tous et particulièrement pour les conjoints et conjointes des travailleurs temporaires.

De plus, nous rejoignons la recommandation du Conseil du patronat du Québec, qui mentionnait que les efforts de mutualisation en recrutement international au niveau local doivent être soutenus et valorisés par le gouvernement. Les régions et les employeurs ont l'expertise et l'agilité nécessaires pour bien faire valoir leurs besoins en main-d'oeuvre, leur milieu de vie et mieux cibler les candidats potentiels. Merci pour votre attention.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Viel, Mme Lagacé, Mme Chouinard, bonjour. Merci d'être présents en commission parlementaire. Merci à Québec International.

J'aimerais que vous me parliez de la mutualisation, des efforts de mutualisation en recrutement international. Dans le fond, c'est de se mettre tout le monde ensemble puis de ne pas s'éparpiller. En gros, c'est d'être sous le même chapeau.

La Présidente (Mme Chassé) : Mme Lagacé.

Mme Lagacé (Line) : Oui, tout à fait. Merci. Donc, pour nous, en fin de compte, je pense que la région de la Capitale-Nationale est un bel exemple justement de mutualisation des efforts. Donc, les gens se sont regroupés, ont identifié effectivement les besoins, et nous avons mis l'énergie nécessaire pour déployer des initiatives à l'international. Pour nous, c'est cet aspect-là où l'agilité d'une région doit être conservée et maintenue, et ne pas nécessairement être toujours regroupée dans des initiatives qui sont panquébécoises, par exemple.

La mutualisation des efforts, c'est aussi être en mesure de pouvoir avoir un langage commun, être capable de positionner adéquatement et de façon un petit peu plus pointue une région en particulier et les offres d'emploi, bien sûr, d'une région ou ces particularités d'une région. Et ce message-là est porté de façon exponentielle par les représentants de la région elle-même.

M. Jolin-Barrette : Donc, ça, ça signifie qu'il ne faut pas que... comment je pourrais dire, que, l'État québécois, quand il fait de la représentation à l'étranger pour aller chercher des talents, ça ne soit pas uniquement qu'une organisation. Je comprends, là, qu'exemple, pour Québec International, il y a des particularités distinctes par rapport à Montréal International. Vous allez dans les mêmes marchés, mais nécessairement il y a des particularités à la région de Chaudière-Appalaches, à la région de Québec International. Il faut vraiment laisser cette flexibilité-là parce que vous, vous êtes spécialisés dans cette région-là, versus Montréal ou versus les autres régions du Québec.

Mme Lagacé (Line) : Oui. Je vous dirais qu'il y a cette réalité-là. Rien n'empêche, quand même, que, dans certaines initiatives sur de nouveaux territoires, par exemple, le fait de pouvoir être en... que ce soit la province qui... ou le gouvernement qui débroussaille ou accompagne, je pense qu'il y a une réalité là-dedans qui a une force de frappe, parce qu'il faut... J'entendais tout à l'heure mes collègues de Montréal. La région de Montréal est quand même une région attractive, si on compare... oui, on compare Montréal à d'autres grandes métropoles, mais, quand on compare une région métropolitaine de la grandeur ou de la taille de Québec, là, on se retrouve le petit joueur à essayer de jouer dans la cour des grands, et c'est la même chose pour la majorité des régions du Québec. Donc, il faut être en mesure de valoriser des initiatives qui sont davantage plus locales, permettant ainsi à des régions de pouvoir davantage se positionner sur des territoires. Parce que, même sur des territoires, si on est en concurrence avec la métropole, l'individu devant nous, ce qu'il va connaître en premier lieu, ça va être probablement la grande métropole et non pas... Donc, le travail qu'on a à faire, de positionnement, doit s'accentuer évidemment, là, dans ces circonstances-là.

M. Viel (Carl) : Si vous me permettez...

M. Jolin-Barrette : Oui, oui.

M. Viel (Carl) : Pardon, excusez-moi, M. le ministre. Peut-être, aussi, en complément, les initiatives que nous avons menées au cours des dernières années afin de développer des nouveaux territoires, que ça soit l'Europe de l'Est, que ça soit en Amérique du Sud, ont été faites conjointement avec le ministère afin justement de développer les réseaux toujours en partenariat avec vous. On part prochainement sur deux nouveaux pays sur lesquels on veut accentuer... Je mentionnais tout à l'heure près de 98 pays, mais il faut développer des réseaux, ça prend du temps, il faut trouver des partenaires de confiance avec lesquels on peut travailler. On l'a mentionné tout à l'heure par rapport à la France, mais sur d'autres pays, donc... On s'en va justement, entre autres, au Chili et en Colombie pour, justement, développer, on le fait conjointement avec votre ministère afin de s'assurer qu'on développe les corridors et qu'on développe des nouveaux bassins pour nous, pour faire du recrutement aussi.

M. Jolin-Barrette : Puis, je vous dirais, comment est-ce qu'on pourrait faire pour encore mieux vous accompagner dans ces démarches-là?

Mme Lagacé (Line) : Je pense qu'effectivement, comme on mentionnait, de valoriser des initiatives plus locales et régionales et de supporter... À chaque fois qu'on se déplace... On le mentionnait, il y a 11 missions qu'on va déployer sur le territoire. La présence avec nous des représentants du gouvernement du Québec est essentielle. Pour nous, c'est en quelque sorte la porte d'entrée. On choisit aussi les territoires sur lesquels on est, des territoires sur lesquels déjà le gouvernement du Québec a fait de la promotion, a établi un réseau international et est en mesure de nous seconder au niveau de l'ouverture des portes. Donc, il y a ce volet-là, au niveau de la promotion internationale, qu'on doit, veux veux pas, bénéficier de l'appui du gouvernement du Québec, parce que c'est extrêmement difficile pour une région de pouvoir se positionner de façon mondiale, donc on doit choisir de façon parcimonieuse et être accompagnés.

• (17 h 40) •

Il y a tout le volet aussi d'accompagnement des entreprises sur le territoire. Donc, l'accessibilité au recrutement international est quand même un enjeu important. Bien sûr, ça coûte des sous. Et le temps, le délai, etc., l'accompagnement de l'entreprise... et là, entre autres, Emploi-Québec peut seconder, mais l'accessibilité à des missions, par exemple, à des initiatives, ça, c'est important qu'effectivement le ministère soit... le gouvernement, en réalité, soit très, très de proximité, afin de permettre de supporter l'entreprise également à ce niveau-là.

Et, je dirais aussi, dans toute la pérennité des actions, il faut aussi qu'entre autres... on le sait, là, 95 %, à peu près, des gens qu'on recrute arrivent avec un permis de travail temporaire, donc d'être en mesure de les faire bifurquer par la suite. C'est très lourd sur une entreprise en région, par exemple, de penser à faire penser à son candidat de préparer son dossier, etc. Donc, le fait de pouvoir être supporté aussi par des antennes régionales permettant de sensibiliser et l'entreprise et les individus à la démarche. Et c'est la même chose pour tout ce qui a trait au niveau de l'accessibilité, au niveau de la francisation ou de soutien à l'entreprise, pour la gestion de la diversité, par exemple. Donc, c'est sur ce volet-là.

Donc, si je concluais : proximité de services à l'entreprise, de soutien à l'entreprise, et de permettre de soutenir les efforts qui sont effectués à l'international.

M. Viel (Carl) : Peut-être, aussi, ce qui est important de prendre, pour nous, en considération, c'est un autre élément, c'est aussi le support au niveau local, donc, c'est-à-dire les intervenants au niveau local, que ça soit, par exemple, la ville de Québec, que ça soit les autres acteurs qui vont aider lorsqu'on a à se déplacer et qu'on a un candidat ou une candidate qui, pendant que son conjoint, conjointe passe des entrevues... Souvent, la conjointe ou le conjoint va venir rencontrer, ils veulent être réconfortés, ils veulent comprendre, que ça soit le système scolaire, que ça soit le logement, etc., il y a d'autres éléments qui sont très importants, les mécanismes, qu'est-ce qu'il y aura, localement, pour accueillir ces gens-là. Donc, c'est des éléments importants qu'on doit considérer, tant...

Puis il y a un autre élément, on peut en nommer plusieurs, que ça soit, voyons, l'historique de crédit que les gens n'ont pas lorsqu'ils arrivent ici, que ça soit aussi le ou la conjointe, au départ, hein, ça fait 10 ans qu'on est là-dedans, au départ, on avait... les gens ne pensaient pas nécessairement... la conjointe, souvent, arrivait puis, une fois rendue ici, elle commençait elle-même ses démarches, donc s'assurer que les processus sont mis en amont aussi.

Donc, tous ces volets-là sont très importants pour s'assurer que les efforts qui sont mis de part et d'autre, tant de la part de l'entreprise, que ça soit du gouvernement, de nous et des candidats, soient là pour maximiser la rétention des gens et que les gens, ils soient capables... ils vont rester chez nous. C'est très important par la suite.

M. Jolin-Barrette : Bien, c'est un des objectifs, je vous dirais, du projet de loi n° 9, là, je l'ai dit tout à l'heure aussi, là, de faire en sorte de s'assurer d'avoir un parcours d'accompagnement personnalisé et de déployer des ressources, même pour ceux qui n'étaient pas admissibles jusqu'à ce jour, notamment au niveau des temporaires. Parce que, nous, notre objectif, c'est vraiment les gens qui sont en emploi, les gens qui parlent français. On souhaite qu'ils demeurent sur le territoire québécois, qu'ils puissent s'établir durablement. Donc, je vous rejoins là-dessus.

Vous nous invitez, dans votre mémoire, là, à mettre en place un projet pilote, un programme pilote pour... un peu comme ça se fait, à Canada atlantique. Donc, pouvez-vous nous expliquer à quoi vous pensez, là, quand vous nous dites ça, là?

Mme Lagacé (Line) : À chaque fois, quand on analyse, dans le fond, ce qui se passe au niveau fédéral, soit sur la mise en place de programmes, par exemple comme le programme immigration Canada atlantique, ou la mise en place de la stratégie des talents mondiaux, on s'aperçoit qu'il y a deux volets qui sous-tendent toujours la prise de position du fédéral.

Le premier, c'est des régions ou des postes qui sont avérés étant en pénurie, et le fédéral essaie de donner un avantage concurrentiel en accélérant les processus sur ces professions-là qui sont considérées en pénurie ou vraiment en rareté de main-d'oeuvre.

Le deuxième volet, c'est le soutien à des régions ou des territoires qui ne sont pas, de façon spontanée, attractifs. Donc, on le voit dans les provinces atlantiques, on le voit dans le nord de l'Ontario, et, dans ces régions-là, on essaie effectivement, encore une fois, de donner un avantage concurrentiel permettant la venue prioritaire et accélérée de candidats pour combler les besoins d'emploi. Et on considère qu'effectivement l'ensemble des régions du Québec qui sont moins attractives, donc hors la métropole, sont exactement dans la même situation, donc ne sont pas attractives de façon spontanée, et effectivement 80 % des emplois, je pense que vous l'avez entendu tout le long de la commission, sont hors région de Montréal.

Donc, pour nous, la proposition était de mettre en place un projet, je dirais, similaire au projet Canada atlantique pour le volet de la résidence permanente, permettant effectivement qu'il y ait des emplois validés sur lesquels l'employeur pourrait être désigné au même titre que, justement, dans le cadre de ce projet-là. La désignation de l'employeur permet à ce moment-là de valider ses besoins, analyser les impacts sur le marché du travail de ses besoins et du non-recrutement, par exemple, et de s'assurer, justement, d'un plan d'intégration de cet employeur-là, qui pourrait comprendre des tests... en fin de compte, un cursus au niveau de la francisation et même un test au niveau des valeurs québécoises. Donc, c'est au gouvernement de pouvoir attribuer, justement, à l'intérieur de ce plan d'intégration, le volet qu'il considère, justement, à juste mesure pour permettre l'accessibilité à un programme qui donnerait un traitement prioritaire et un traitement de délai garanti, on espère, similaire à celui du Canada atlantique, c'est-à-dire un délai de six mois.

Au niveau du volet temporaire, de l'immigration temporaire, ce qu'on suggère, c'est effectivement d'agrandir ou d'élargir, dans le fond, la liste des professions à traitement simplifié, permettant encore une fois, un peu à l'image de la stratégie des talents mondiaux, qu'on puisse espérer avoir un traitement qui est prioritaire et un traitement garanti. Non, on ne va pas jusqu'à demander un 20 jours de traitement, ce qui serait merveilleux, mais au moins de revenir à ce qu'on a déjà vécu, un délai de traitement d'environ huit semaines garanti pour le volet temporaire, pour ces types de postes là, donc, encore une fois, sur emploi validé.

Et c'est exactement les processus que nous employons chez Québec International, c'est-à-dire toute l'attraction qu'on fait actuellement est une attraction basée sur l'emploi. Donc, c'est exactement dans le cadre. Et c'est... malheureusement, parce que c'est ce qu'on doit faire en région, on n'a pas le choix, le facteur d'attraction prédominant, lorsqu'on veut se positionner à l'international, lorsqu'on est hors métropole, c'est l'emploi. Donc, c'est le facteur. Les études aussi, c'est l'autre facteur. On en a deux. C'est soit en emploi, soit étudier, ou soit entreprendre, mais c'est les trois vecteurs sur lesquels on est en mesure de travailler lorsqu'on veut attirer en région, donc, Capitale-Nationale, mais également l'ensemble des autres régions, pour travailler de façon très étroite avec l'ensemble des autres régions du Québec.

M. Jolin-Barrette : Bien, c'est ce qu'on souhaite faire, entre autres, avec le projet de loi, répondre aux besoins de main-d'oeuvre des différentes régions. Sur la rapidité du traitement, je suis d'accord avec vous. C'est pour ça qu'on est en négociation présentement avec le gouvernement fédéral pour assouplir les critères pour les programmes de travailleurs temporaires étrangers, notamment. D'augmenter les catégories, je suis d'accord avec vous aussi. Il y a vraiment une nécessité d'assouplir les critères pour répondre aux besoins des différentes régions, répondre aux besoins des employeurs, et d'avoir une simplification aussi, parce qu'au Québec on connaît notre marché du travail, on connaît les différents organismes. Mon collègue le ministre du Travail est en train de faire...

M. Viel (Carl) : Une grande corvée.

M. Jolin-Barrette : ...une grande corvée — j'allais dire un grand recensement — une grande corvée pour bien identifier. Mais on est capables au Québec de faire très bien cet arrimage-là, ce maillage-là. Et donc on souhaite vraiment qu'il y ait un assouplissement du côté fédéral. Et vous pourrez joindre votre voix à la nôtre à ce niveau-là.

Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous nous invitez à mettre rapidement le Portail employeurs dans Arrima. Ça, je vous le dis, c'est une de mes volontés aussi que j'ai, de faire en sorte que les employeurs aient accès directement aux candidats de façon à ce qu'il y ait justement le maillage entre les deux puis que, pour les offres d'emploi validées en région notamment, on puisse les traiter en priorité. Donc, là-dessus, le ministère travaille présentement. Puis c'est quelque chose auquel je tiens beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre. Je donne la parole au député de Sainte-Rose.

M. Skeete : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre prestation. C'est intéressant parce que ce que j'ai entendu, c'est qu'à votre sens les tests de français, les tests de valeurs, ça, c'est des outils d'intégration. Et, pour vous, ça, c'est totalement normal et acceptable.

M. Viel (Carl) : Il faut comprendre que, dans la région de Québec, les entreprises qui vont aller recruter à l'extérieur... les candidats doivent avoir un français qui soit à un niveau important, sinon la possibilité de travailler, elle est limitée dans bien des cas. Donc, ça fait partie des choses qu'on constate. Lorsqu'on fait du recrutement, les entreprises s'assurent justement que les candidats vont avoir un niveau de français important ou élevé, là, dépendamment de la définition qu'on veut prendre. Donc, ça fait partie des choses. Et, lorsqu'on arrive dans une région, à travers le Québec, bien, c'est certain qu'on s'intègre à une communauté puis on s'intègre aussi à notre façon de vivre, etc., dans la région.

• (17 h 50) •

M. Skeete : Parfait.

M. Viel (Carl) : Line, peut-être juste un complément, là.

Mme Lagacé (Line) : Oui, une petite précision. Ceci n'enlève pas, par exemple, l'enjeu concernant les conjoints, conjointes et les enfants des travailleurs recrutés. Donc, il y a beaucoup d'efforts quand même qui sont mis en région, et ça a été... Comme nous attirons en emploi, nous avons été en mesure de très rapidement aborder cette question-là. Donc, ça fait depuis environ cinq ans, actuellement, qu'on avait mis en place un comité pour venir en soutien aux travailleurs étrangers temporaires sur le territoire et rendre accessibles certains services, entre autres au niveau de la francisation mais également au niveau de la recherche d'emploi pour le conjoint, conjointe. Depuis un an, on travaille conjointement avec, justement, Services Québec, Emploi-Québec pour... On a déployé sur le territoire en projet pilote un service permettant d'avoir accès aussi à des services d'employabilité pour les personnes à statut temporaire sur le territoire. Ça fait une différence et ça fait... Pour nous, en tout cas, on recommande vraiment que ça puisse s'étendre à la grandeur du Québec parce que c'est un enjeu important aussitôt qu'on se retrouve en région, sur laquelle le conjoint ou la conjointe se retrouve souvent isolé et doit assurer d'avoir accès à des services, entre autres de francisation ou d'accompagnement.

M. Viel (Carl) : On y a mis aussi en place, là, des programmes, aussi, ou des projets pour les étudiants internationaux aussi, c'est important, on en a parlé, que ça soit un peu la même chose, donc de mettre en contact les étudiants internationaux avec des entreprises, leur permettre de faire... de travailler 20 heures-semaine pendant l'année scolaire et avoir un emploi pendant l'été. Si on veut que les étudiants internationaux aussi demeurent après leurs études, de leur permettre justement d'avoir accès, de pouvoir rencontrer des entreprises, de bien comprendre la situation du marché et de pouvoir travailler pendant les études, bien, on croit qu'on va augmenter aussi les chances que les gens, à la fin des études, vont demeurer ici.

M. Skeete : Puis je me permets de faire du pouce sur ce que madame a dit. Dans le fond, la francisation se fait en partie au travail, et les employeurs de votre région sont prêts à jouer leur rôle dans le but de combler les postes.

Mme Lagacé (Line) : L'engagement d'un employeur, je pense qu'il est acquis actuellement sur ce type de processus là. L'engagement, par exemple, je pense que c'est des responsabilités qui sont partagées : l'État, la région et l'entreprise, et le candidat bien sûr, qui, de façon autonome, doit également prendre une part de responsabilité. La part de l'employeur, moi, je la déterminerais comme étant : Je dois être en mesure de libérer mon candidat ou mon employé lorsqu'il doit suivre des formations, je dois m'assurer de rendre accessible, mais je ne dois pas faire... Donc, l'État a quand même aussi une responsabilité à ce niveau-là, de rendre accessible la francisation, de rendre accessibles des cours, par exemple, sur les valeurs québécoises, de rendre accessibles des formations pour la gestion de la diversité. Le rôle de l'employeur... Dans ce cadre-là, il est tout à fait prêt à jouer ce rôle-là et de s'engager, mais sa responsabilité est de bien encadrer et de libérer son travailleur, permettant qu'il puisse accéder à ce service-là.

M. Skeete : Bien, je suis content de vous entendre dire ça, parce que, justement, l'intention du projet de loi présenté par le ministre est de responsabiliser les candidats, mais aussi aider les entreprises à trouver la main-d'oeuvre dont ils ont besoin.

Je vais terminer sur une autre question. En général, est-ce que vous avez des statistiques sur le pourcentage d'immigrants qui s'établissent dans votre région? Est-ce que vous avez ça à portée de main?

Mme Chouinard (Marie-Josée) : Bien, en fait...

Des voix : ...

M. Viel (Carl) : Vas-y, vas-y.

Mme Chouinard (Marie-Josée) : Bien, en fait, on voit quand même une grande croissance du nombre d'immigrants qui arrivent dans la région de Québec depuis les 10 dernières années, là. Au moment où on a commencé à faire nos missions de recrutement à l'international, on est passé d'à peu près 3 % d'immigrants qui arrivaient à Québec jusqu'à 6 %. Mais aujourd'hui c'est encore trop peu pour la région de la Capitale-Nationale. Il faut vraiment donner un coup d'accélérateur parce qu'on ne rejoint pas la proportion de 10 % de notre population par rapport au Québec. Donc, encore aujourd'hui, il y a des efforts d'attraction qui doivent être faits, là, on travaille très, très fort à cet effet-là, mais il y a une volonté vraiment de pouvoir faire en sorte qu'on puisse se démarquer par rapport à partout, là, sur la province pour attirer davantage.

Et la particularité aussi de Québec, c'est que nos immigrants sont en emploi. On a un des taux d'employabilité les plus importants, là, au niveau du Canada, même. On est vraiment fiers de ça. Et, par ailleurs, ce qu'il est important de savoir, c'est que, contrairement à ce que beaucoup de gens pensaient à l'époque, les immigrants restent à Québec. Le taux de rétention est très élevé, si on regarde le dernier recensement du gouvernement. Bien, on l'estime à 94 %.

M. Skeete : Donc, un programme comme le gouvernement propose, d'arrimer en amont les candidats avec un employeur de votre région, ce serait quelque chose qui, à la fois, simplifierait la vie de tout le monde puis, à la fois aussi... bien, vu qu'on est convaincu qu'on peut les garder, ça marcherait dans votre cas.

Mme Chouinard (Marie-Josée) : Bien, en fait, c'est ce qu'on fait déjà chez Québec International. De manière générale, on doit faire en sorte que tout soit mis en place pour faciliter au maximum le travail d'attraction, que ce soient des établissements d'enseignement ou des employeurs. L'idée, c'est vraiment de leur faciliter la vie le plus possible, et c'est pour ça qu'on salue la volonté de diminuer la lourdeur administrative, de s'assurer qu'on pérennise aussi les efforts de recrutement à l'international en favorisant l'accès à la résidence permanente par la suite. Parce que les gens ne viennent pas, comme je le disais tout à l'heure, naturellement à Québec, c'est vraiment parce qu'ils ont eu une offre d'emploi à quelque part ou parce qu'ils se sont inscrits à un programme de formation qu'ils vont arriver à Québec. Alors, oui, il faut mettre en place des choses, mais on est déjà en action, en fait, donc c'est juste de renforcir et de continuer ces actions-là, je dirais.

M. Skeete : Merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Vous vouliez rajouter quelque chose, M. Viel?

M. Viel (Carl) : Tout simplement à titre informatif, c'est plus de... environ 75 % des gens qui arrivent dans la région de Québec, c'est des familles. Donc, pour nous, c'est un élément important. Donc, on connaît un autre élément quand on parle de la natalité, mais, lorsqu'on a 75 % des gens qui arrivent avec famille, bien, pour nous, c'est très important aussi.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Est-ce que le parti formant le gouvernement désire faire une intervention supplémentaire? Oui, le député de Mégantic. Vous avez 2 min 25 s.

M. Jacques : Bien, merci. Je veux refaire du pouce, là, avec Chaudière-Appalaches, en partant. Il y a beaucoup d'entreprises qui ont besoin de main-d'oeuvre que... Vous estimez à combien, là, le nombre de...

Mme Lagacé (Line) : De postes? Actuellement, dans la région de la Chaudière-Appalaches, il y a environ 7 000 postes vacants, donc...

M. Jacques : ...qui proviennent du milieu industriel, des manoeuvres industriels, en fait.

Mme Lagacé (Line) : Oui, effectivement. Oui, beaucoup, beaucoup. Donc, le tissu... Même si, oui, cette industrie-là est extrêmement présente, puis les besoins les plus criants sont dans cette industrie-là, donc on parle de nos fameux machinistes, soudeurs, effectivement, ils sont en demande sur l'ensemble du territoire. Mais n'empêche que c'est une région où les besoins au niveau des technologies de l'information sont également présents, au niveau de tout ce qui a trait au niveau du tourisme, l'hôtellerie, la restauration sont également extrêmement présentes. Donc, on s'aperçoit également, dans la Chaudière-Appalaches autant qu'en Capitale-Nationale, que les besoins actuellement sont presque étendus dans toutes les industries.

M. Jacques : Est-ce que vous estimez que vos besoins de main-d'oeuvre sont complètement différents à ceux de Montréal?

Mme Lagacé (Line) : Non, non, non, au contraire, je pense que les besoins sont probablement plus... se sont présentés encore plus tôt qu'à Montréal. Donc, bien sûr, la situation économique, entre autres, de la Capitale-Nationale, a fait état en amont, justement, d'un besoin très criant, mais je pense que la grande différence entre Montréal et la Capitale-Nationale...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

Mme Lagacé (Line) : ...c'est la capacité d'attraction, c'est la capacité d'attraction. C'est ça où on se retrouve face à... Tu sais, il ne faut pas nier qu'il y a... Environ 80 %, de façon spontanée, des immigrants vont se retourner vers Montréal. Donc, pour attirer ici, là, il faut pédaler, là, il faut se positionner, il faut pédaler, il faut être capable de bien camper... Puis l'angle dans lequel on travaille, c'est de présenter l'emploi, donc le fait d'opportunité de carrière ici, et d'accompagner, donc de mettre en place tout un volet sur lequel on fait valoir qu'on est une ville à taille humaine, qu'on est de proximité, qu'on est assez gros pour tout avoir, mais assez petit pour se parler puis être capable d'être très, très agile. Mais c'est ça qu'on doit mettre de l'avant. Mais imaginez l'effort que ça demande en concurrence de Montréal qui, de façon très spontanée, va attirer presque 80 % des immigrants sur son territoire.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci.

M. Jacques : ...talents, c'est les mêmes genres de talents que vous cherchez...

La Présidente (Mme Chassé) : Je dois céder la parole. Merci au député de Mégantic. Je dois céder la parole à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Alors, merci, merci de l'opportunité de pouvoir échanger avec toute l'équipe de Québec International. Puis, Mme Lagacé, merci du commentaire par rapport à Québec. Les différences entre Québec et Montréal, d'un point de vue du type de ressources, ne sont pas radicalement différentes, mais Québec vit probablement... et c'est pour ça que Québec est tellement importante dans cette analyse-là, parce qu'on voit ce qui va se produire ailleurs au Québec d'abord ici, à Québec. Donc, cette tension-là qu'on vit entre la demande... c'est ici qu'on la vit, d'abord et avant tout.

J'ai plusieurs questions. La première touche immigration temporaire versus immigration permanente. Est-ce que vous êtes d'avis — puis je veux bien vous entendre là-dessus — que l'immigration permanente, à terme, c'est ça que l'on cherche à avoir, et non une immigration temporaire, parce que l'immigration permanente vous permet réellement de combler les besoins de main-d'oeuvre? Donc, vous, vous êtes parfaitement à l'aise avec ça?

• (18 heures) •

Mme Lagacé (Line) : Bon, actuellement, tous nos employeurs recherchent du personnel permanent. L'utilisation des permis temporaires de travail est un outil pour tout simplement permettre une entrée plus rapide sur le territoire. Mais il ne faut pas se leurrer, là, les besoins sont permanents, et l'ensemble des employeurs vont vous le confirmer.

Mme Anglade : À Québec, vous avez une, en fait... Comment je clarifierais ça? Il y a un pouvoir d'attraction, d'un point de vue technologique, il y a beaucoup de... Le secteur technologie s'est beaucoup développé avec le temps, et on sait à quel point c'est difficile d'attirer les gens dans le secteur des technologies. On peut ouvrir des postes infinis et on ne peut jamais trouver les personnes pour combler ces postes-là.

Tout à l'heure, on parlait du test de valeurs, et vous avez mentionné que vous étiez en faveur... c'est ce que j'ai compris, en fait, que vous étiez relativement en faveur par rapport au test de valeurs. Ma question est la suivante : Si un test de valeurs vient réduire l'agilité... ou réduire l'attractivité de Québec par rapport à d'autres régions qui ne seraient pas une autre ville du Québec, mais l'Ontario, par exemple, ou bien Vancouver, ne pensez-vous pas que ça aura un impact négatif sur votre capacité d'attraction, justement, si les délais sont plus longs, si ça ajoute de la bureaucratie? Alors, comment est-ce que... Quel est votre positionnement par rapport à ça? Je vois que vous êtes enchantés tous les trois de répondre à cette fabuleuse question. Alors, j'ai hâte de voir qui va répondre.

Mme Chouinard (Marie-Josée) : Oui. Bien, en fait, ce que nous croyons fondamentalement, c'est que c'est une responsabilité partagée, la question des valeurs, entre la communauté d'accueil puis le nouvel arrivant. Et ce qu'on remarque, c'est qu'habituellement les nouveaux arrivants cherchent à s'intégrer et cherchent à avoir les outils, qu'on leur donne un peu les paramètres pour savoir comment bien s'intégrer. Donc, en soi, notre réflexion par rapport à ça, c'est : donnons l'occasion aux nouveaux arrivants de pouvoir connaître les valeurs québécoises. Et ce n'est pas nécessairement un test. On n'est pas là pour se prononcer sur cette question-là, mais on comprend bien que c'est important de pouvoir les présenter, ces valeurs, au même titre que de donner des outils pour améliorer la francisation de nos immigrants. Donc, c'est plus dans ce sens-là.

Mme Anglade : Mais vous savez qu'il existe aujourd'hui, quand les gens appliquent, toute une grille qui dit : Voici, quand vous venez au Québec, voici les valeurs auxquelles vous vous engagez. La personne doit signer plusieurs fois plutôt qu'une ce document-là. En quoi est-ce qu'on a besoin d'ajouter quelque chose de plus et qu'est-ce que ça va faire par rapport à l'attractivité de la région?

Mme Chouinard (Marie-Josée) : ...nous, le mécanisme, ça relève du gouvernement, dans le sens qu'on n'a pas à nécessairement identifier comment faire les choses. On peut juste dire que c'est normal, à quelque part, qu'on puisse présenter les valeurs québécoises, mais, au bout du compte, finalement, c'est la Charte des droits et libertés qui domine par rapport à tout ça. Et par la suite on considère que les nouveaux arrivants sont des citoyens à part entière, comme tous les autres. Maintenant, le mécanisme qui sera mis en place, bien, pour nous, c'est sûr qu'il ne faut pas qu'il y ait des contraintes qui pourraient être insurmontables pour les individus. Mais, en soi, on n'a pas de souci à ce que les valeurs soient bien présentées comme telles.

Mme Anglade : Oui, d'accord. Gestion de la diversité. C'est sûr que c'est un enjeu auquel font face les entreprises. Est-ce qu'il y a des initiatives que vous avez vues qui fonctionnent très bien que vous aimeriez voir mises de l'avant au sein des entreprises pour qu'il y ait une meilleure adéquation, justement, dans l'intégration de l'immigration ici, à Québec?

Mme Chouinard (Marie-Josée) : En fait, il y a deux recettes qu'on expérimente actuellement dans la région de Québec. La première recette, c'est d'utiliser l'expertise des gens qui sont les organismes d'accueil, d'intégration, qui ont vraiment développé une expertise. Et on pense qu'on doit faire appel aux organismes spécialisés justement pour appuyer les entreprises, que ça passe par des formations à l'intérieur de l'organisation, que ça passe... des formations pour les gestionnaires, les employés planchers, bref, aller chercher l'expertise. Des fois, c'est juste de comprendre quelle est la notion du temps, qui est très différente d'un pays à l'autre, pour enlever finalement des fausses perceptions dans certains cas. Ça, c'est une première chose.

Et le deuxième élément qu'on trouve très, très intéressant par rapport à l'expérimentation de chacun des employeurs, c'est les cercles locaux de développement qu'on a mis sur pied. Parce qu'on estime que ce sont souvent les pairs, donc les gens soit des ressources humaines ou les entreprises entre elles, qui sont les mieux outillés pour se donner des trucs et astuces avec des cas vécus : Comment as-tu vécu telle situation?, comment ça s'est passé?, etc. Et souvent on se rend compte qu'il y a vraiment des beaux exemples qui émanent de tout ça.

La gestion de la diversité culturelle, dans la région de Québec, on a la chance qu'elle arrive tranquillement. Donc, tranquillement, les gens, finalement, de plus en plus intègrent plus facilement. Ça se fait, disons, un peu plus de façon organique, si on veut, l'intégration culturelle, puisqu'elle est arrivée tranquillement dans les entreprises, et les gens se sont adaptés petit à petit à s'ouvrir à la diversité culturelle, finalement.

Mme Anglade : O.K. Très bien.

M. Viel (Carl) : ...

Mme Chouinard (Marie-Josée) : Oui, bien, en fait, on anime actuellement cinq cercles de codéveloppement, et il y a à peu près entre 10 et 20 entreprises qui participent à ça, et on y croit vraiment, à cette formule d'accompagnement...

Une voix : ...

Mme Chouinard (Marie-Josée) : ... oui, 10 à 20 entreprises par cercle, qui sont accompagnées. Donc, on croit vraiment qu'il y a une synergie qui se passe dans ces cercles-là, finalement.

Mme Anglade : Bien. Je vais peut-être céder la parole à mon collègue...

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. Alors, je cède la parole au député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie pour la qualité de votre rapport. Et je vous suis depuis longtemps et je vous félicite pour votre première mondiale, à savoir une mission de recrutement virtuel. Je pense, si, aujourd'hui, on a des articles qui parlent mal de notre système d'immigration, je pense qu'il faut saluer les bons coups, et un des bons coups qui a été repris pas mal sur la place publique, surtout à l'échelle internationale, c'est le succès de votre mission virtuelle.

Ce qui nous ramène à ma question, et je m'inspire de ce que vos collègues de Montréal International ont dit tout à l'heure. Et rassurez-moi parce que, là, je vois un gros problème. Rassurez-moi parce que je vois vraiment un gros problème. Le problème que je vois à l'horizon, c'est que, devant l'ampleur du manque de la main-d'oeuvre, Montréal International recrute, Québec et les maires recrutent, les régions recrutent, Québec International recrute, Arrima prépare une base de données de 91 000 $... de 91 000 applications — «dollars!» Est-ce que vous ne voyez pas qu'à court terme ces bassins vont être un peu, je dirais, épuisés, qu'il risque d'y avoir un manque de main-d'oeuvre réel, vu la limite que le gouvernement nous impose en termes de capacité d'accueil?

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, Mme Lagacé.

Mme Lagacé (Line) : Je vais donner l'exemple des technologies de l'information, O.K. ? La guerre des talents, en technologies de l'information, elle est mondiale. Donc, même des métropoles ont de la difficulté, même nos pays sur lesquels nous sommes de façon un peu plus consolidée manifestent un peu d'«écoutez, je veux bien vous aider»... Par exemple, je donne l'exemple de la France : Je veux bien vous aider, mais, en technologies de l'information, j'aimerais ça que vous ralentissiez un peu le pas. Ça oblige effectivement d'être toujours en amont, et toujours de façon beaucoup plus de proximité sur les territoires internationaux, et de cibler justement des bassins. On rajoute, dans la région de Québec, le fait qu'on doit cibler des bassins francophones ou francophiles. Donc, on imagine, là, que, sur la carte mondiale, là, notre point de chute est de plus en plus petit.

Mais ça, ça oblige justement d'être de plus en plus performants sur les territoires, d'être capables d'établir des relations de proximité, d'avoir des yeux et des oreilles sur les territoires étrangers, permettant de mettre en lien davantage les individus avec les postes que nous avons, etc. Donc, c'est constant. Et on doit, c'est ça... Le plus grand défi que nous avons... et nous devons justement gagner cette bataille-là et cette guerre-là parce que... Et le seul moyen qu'on est en mesure de le faire, comme région, c'est d'être en mesure d'être vraiment en premier sur le territoire, d'être plus agressifs, d'y aller de façon plus fréquente, d'être capables d'avoir des canaux pour diffuser de façon permanente nos offres d'emploi, de saisir des opportunités, une entreprise qui ferme, qu'on peut proposer. Donc, c'est d'être constamment dans cette voie-là et de cibler les bassins. Donc, beaucoup de travail en amont pour cibler adéquatement les bassins et être présents.

M. Derraji : En fait, ma question, elle était en deux temps. Et je suis tout à fait d'accord avec cette affirmation parce que vous avez déjà une énorme pression d'aller chercher des francophones spécialisés en TI, et on sait que tout le monde court auprès de ces personnes. Mais là, si on voit le projet de loi, on voit les articles du projet de loi, l'incertitude... votre collègue de Montréal International nous a dit tout à l'heure : L'imprévisibilité, c'est quelque chose qui nuit aux entrepreneurs, qui nuit à nos PME. Est-ce que vous pensez qu'avec les articles de ce projet de loi... je ne vais pas dire «l'ensemble des articles», mais c'est quoi, les articles que vous pensez que, vraiment, ça vous rajoute une autre tâche, une autre lourdeur pour faire votre mission?

• (18 h 10) •

Mme Lagacé (Line) : Actuellement, dans le cadre du projet de loi, ce que nous soulevons et que nous sommes totalement en accord, c'est justement la volonté de pouvoir être en adéquation avec l'emploi, d'être sur des offres d'emploi validées, d'être exactement dans le modèle, justement, qu'on est en train de mettre en place. Bien sûr qu'il y a des inquiétudes sur le fait : Est-ce que, par exemple, on abolit des dossiers? Donc, quand on parle de réputation à l'international, c'est sûr que ça peut amener des ambiguïtés et le fait de nuire à l'image. Donc, quand on nuit à l'image... On fait tellement d'efforts pour, justement, bien positionner que de nuire peut justement amener une couche supplémentaire de lourdeur, etc. Tout est une question de positionnement des choses et de gestion, justement, de la présentation de ce projet-là.

M. Derraji : Je vais être beaucoup plus précis, je vais vous lire l'énoncé : «Lorsque le ministre sélectionne un ressortissant étranger, il peut lui imposer des conditions qui affectent la résidence permanente conférée en vertu de la Loi[...] — donc, le ministre — afin d'assurer, notamment, la protection de la santé publique, la satisfaction des besoins régionaux ou sectoriels de main-d'oeuvre, la création régionale ou sectorielle d'entreprises ou le financement de celles-ci, ou l'intégration linguistique, sociale ou économique du ressortissant étranger.

«Le gouvernement détermine, par règlement, les conditions que peut imposer le ministre ainsi que les cas où celui-ci peut les imposer, les modifier, les lever ou les annuler.»

Je me mets à la place d'un ressortissant en TI, très spécialisé, et je vois cet article. Est-ce que vous pensez qu'on vous aide à le ramener au Québec, dans la région de Québec?

Mme Lagacé (Line) : Moi, je répondrais : Dans tous les règlements, la possibilité, justement, de mettre en place... Tout va dépendre quelles seraient ces conditions-là. Moi, si on me parle, par exemple, de conditions reliées au français, à... par exemple, au test de valeurs ou des choses comme ça, moi, je pense que tout est déjà mis en place pour permettre qu'on puisse travailler sur ces conditions-là en amont des processus, et non pas par la suite, à partir du moment où la résidence serait octroyée. Et, pour moi, il y a d'autres moyens de pouvoir le faire. Et, oui, ce seraient des... je considère que ça pourrait être un enjeu important, considérant, justement, l'obtention ou non ou l'attraction.

M. Derraji : Donc, ça, c'est un enjeu par rapport à l'employé. Maintenant, on va se mettre dans la peau de l'employeur. Je continue avec l'article 10 : «Le gouvernement peut, par règlement, déterminer les conditions que doit respecter un employeur qui souhaite embaucher un résident permanent.

«Il peut notamment déterminer les cas où l'employeur peut présenter une demande de validation de son offre d'emploi au ministre ainsi que les conditions auxquelles cet employeur doit satisfaire pour obtenir cette validation.»

Si on suit la volonté du ministre, on veut ramener des gens en région, on veut qu'ils restent en région, mais on conditionne aussi. C'est qu'il n'y a aucune garantie que cet employé va rester auprès de cet employeur. Un. Deux, comment l'employeur va jongler avec tout ça? Il n'a pas que ça, il doit s'occuper de son entreprise.

Mme Lagacé (Line) : Effectivement, je dirais, c'est exactement ce que l'employeur vit actuellement. On fonctionne par des offres d'emploi validées et sur lesquelles, bien, effectivement, il y a des critères, il y a des conditions par rapport au recrutement international. Et ça, l'employeur le vit bien.

Le fait de la rétention, c'est un enjeu qu'on vit depuis toujours. Les régions... ou la crainte des régions, c'est qu'on ne devienne que des portes d'entrée pour, par la suite, qu'un individu choisisse de partir vers un grand centre. D'où l'importance, et c'est ce que les régions font actuellement, de travailler en amont sur le processus d'accompagnement de l'entreprise de proximité et d'accompagnement de l'individu lorsqu'il arrive ici.

L'enjeu, et on le connaît depuis toujours, et on vit avec, c'est... Mais on réussit. Actuellement, après un an sur le territoire, 91 % des gens qu'on a recrutés sont toujours sur le territoire. Et, après cinq ans, l'analyse de la ville de Québec sur le recensement, 94 % de ces gens-là sont toujours sur le territoire. Donc, on réussit dans cette dynamique-là.

M. Derraji : Comme vous le savez, le gouvernement dispose de marges de manoeuvre historiques grâce à la bonne performance des quatre dernières années. Et j'utilise ici, pour plaire au ministre, les 15 dernières années. Et comme...

Une voix : ...

M. Derraji : Oui, oui, il faut inclure le PQ, oui.

Une voix : Il est généreux.

La Présidente (Mme Chassé) : S'il vous plaît! Merci.

M. Derraji : Moi, je suis très généreux.

La Présidente (Mme Chassé) : En passant...

Des voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Un moment, s'il vous plaît! Je vous arrête un moment. Merci. Il vous reste 50 secondes.

M. Derraji : Et, comme il veut en prendre soin, des immigrants, avez-vous des projets dans votre tiroir par rapport à augmenter, justement, l'attraction et qu'on garde les gens à Québec?

M. Viel (Carl) : Bien, là-dessus, il y a trois aspects. Le premier aspect, c'est de pouvoir faire plus de missions, deuxièmement, de travailler au niveau de la promotion, donc développer des nouveaux territoires, s'assurer qu'on a les moyens en place pour, justement, être capables de bien diffuser. Et le troisième volet, c'est qu'une fois qu'on a réussi à convaincre des gens de venir ici on est capables de les conserver, de les garder. Jusqu'à maintenant, comme on l'a dit, la recette, selon les données de la ville, après cinq ans, 94 %, bien, je pense qu'on réussit bien. Puis, comme on l'a dit, un des facteurs qui permet aux gens de rester, c'est qu'ils arrivent avec un emploi, dans notre cas à nous.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous trois pour la présentation, encore une fois, très intéressante. Selon ce que vous avez dit dans votre présentation puis ce que j'ai pu lire dans votre mémoire également, sur le volet 2, je voulais simplement vérifier avec vous si vous étiez d'accord pour... par exemple, sur la question des fameux 18 000 dossiers annulés, si vous considériez qu'une bonne voie de passage, un compromis serait, donc, de traiter de façon prioritaire, comme vous l'avez bien dit, les dossiers des gens qui sont déjà au Québec, qui occupent déjà un emploi, qui parlent déjà français et, en même temps, de transférer la balance des autres dossiers dans la plateforme Arrima en demandant le consentement des gens pour l'utilisation des données personnelles. Est-ce que ça vous semble raisonnable comme solution?

Mme Lagacé (Line) : Bien, ça nous semble raisonnable, mais on ajoutait une couche supplémentaire, c'est qu'on disait : À partir du moment où ces 18 000 dossiers là sont transférés dans Arrima, pourquoi ne pas mettre en place, justement, quelque chose qui permettrait de mieux cibler les profils de ces gens-là? Donc, même, à la limite, on suggérait même de mettre en place une mission virtuelle permettant, justement, que des offres d'emploi validées leur soient offertes de façon prioritaire. Donc, on allait même jusqu'à proposer, justement, des actions concrètes permettant que les profils qui sont dans cette base-là puissent être, justement, jumelés à des offres d'emploi. Et ça, je pense que ça pourrait être quelque chose qui serait concret et faisable quand même à court terme. Et, pour ceux qui, donc... et l'analyse accélérée aussi des traitements. Parce que, selon la grille, est-ce qu'il y en a plusieurs? On parle souvent qu'à peu près 50 % des dossiers ne passeraient pas au niveau de la grille de sélection. Est-ce qu'on ne devrait pas, justement, aussi accélérer pour permettre que ces gens-là reçoivent tout simplement la réponse comme de quoi effectivement leur dossier n'est pas retenu?

M. Viel (Carl) : J'allais aussi mentionner en complément que, comme on a mentionné, ça fait déjà plusieurs années qu'on fait des missions virtuelles, donc c'est quelque chose qui serait retenu. Ça nous fera plaisir de collaborer et partager notre expertise avec le gouvernement et le ministère.

Mme Fournier : Ce serait intéressant parce que, de ce que je comprends de votre présentation, c'est que vous avez plusieurs idées pour améliorer, au fond, le système Arrima. Est-ce que vous y voyez des lacunes présentement? Est-ce que vous pensez que le fait que ce genre de méthode...

Mme Lagacé (Line) : On ne peut pas parler beaucoup de lacunes actuellement parce qu'on ne l'utilise pas, donc... Mais je pense que, le critère le plus important, puis M. le ministre l'a mentionné tout à l'heure, la mise en place du portail employeurs, donc que l'employeur puisse avoir accès au bassin, est prioritaire. Puis on nous a sécurisés sur le fait que c'est également une priorité du gouvernement, la mise en place de ce volet-là. Parce que, tant et aussi longtemps qu'on ne sera pas en mesure de piger dans la banque et de faire, justement, cette adéquation-là entre les offres et le bassin, malheureusement, pour nous, on ne peut pas considérer. Ce n'est qu'une banque de C.V. potentiels sur laquelle on pourrait piger. Mais il faut que le mécanisme soit mis en place.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

Mme Fournier : Une petite question, en terminant, sur un autre sujet que vous avez abordé, la question des délais pour les permis de travail. Quel impact diriez-vous que ça a sur les entreprises dans la ville de Québec?

Mme Lagacé (Line) : Bien, c'est sûr que c'est un impact énorme, là. Lorsqu'on pense qu'on est passés, entre autres, sur les permis temporaires de travail, à environ... on parlait de neuf à 10 semaines, huit semaines, même, à... actuellement, on vit du 27 semaines pour les permis temporaires, c'est évident que le délai de traitement qui se prolonge comme ça a un impact énorme sur la venue du travailleur et la capacité de l'entreprise à pouvoir répondre à ses contrats ou à ses mandats. C'est énorme.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Bonjour, mesdames, monsieur. Dites-moi, bon, il y a beaucoup d'étudiants étrangers, à Québec, dont la situation n'est pas tout à fait claire avec le projet de loi n° 9. Est-ce que, pour vous, c'est un sujet de préoccupation, ce qui arrive, en termes de rétention de possibles travailleurs bien formés?

• (18 h 20) •

Mme Lagacé (Line) : De ce qu'on comprend du projet de loi n° 9, les étudiants postdiplômes ne seraient pas touchés par le projet de loi n° 9. N'empêche que, pour nous, la rétention des étudiants sur le territoire est une préoccupation. On parlait tout à l'heure qu'à Montréal 60 % des étudiants manifestaient un intérêt de rester. À Québec, on a fait l'analyse, et c'est 70 %, donc, sur une étude, qui ont manifesté l'intérêt de demeurer. On a déjà mis en place des structures permettant, justement, de mettre en lien les étudiants internationaux avec l'emploi sur le territoire et on les accompagne, même, à partir du moment où est-ce qu'ils arrivent sur le territoire. On essaie de maximiser la possibilité de travailler 20 heures par semaine, mais également le prolonger dans un postdiplôme en emploi sur le territoire. Donc, déjà, notre plan d'action à ce niveau-là est mis en place, mais c'est évident que ça demande énormément de travail aussi.

M. Fontecilla : Concernant les travailleurs temporaires, est-ce que, dans la... dans l'état réglementaire actuel, particulièrement au niveau du gouvernement fédéral, est-ce qu'il est possible d'envisager ce type de travailleurs comme une voie à privilégier, tant et aussi longtemps que le gouvernement fédéral n'a pas effectué... n'a pas rendu plus agile, disons, le processus de transformation d'un travailleur temporaire en...

Mme Lagacé (Line) : ...pour le travailleur temporaire?

M. Fontecilla : Oui.

Mme Lagacé (Line) : Bien sûr, c'est exactement ce qu'on fait. 95 %, environ, des gens qu'on recrute sont arrivés avec un permis temporaire de travail. Tant et aussi longtemps que cette voie-là sera la voie la plus rapide pour permettre, justement, qu'un travailleur rentre en poste, en réalité, et comble le besoin de main-d'oeuvre, c'est une des voies. Bien sûr, le fédéral a mis en place certains programmes, comme la stratégie des talents mondiaux, sur lesquels on travaille également. Mais c'est sûr que la voie temporaire, actuellement, est une des seules voies sur lesquelles on est en mesure de répondre le plus rapidement aux besoins de l'entreprise.

M. Fontecilla : ...à plusieurs reprises parlé des conjoints et conjointes. Est-ce que c'est une préoccupation pour vous? Le p.l. n° 9 répond à la question de l'intégration des conjoints et conjointes. C'est quand même un élément important.

Mme Lagacé (Line) : Je veux juste vous donner une statistique : après un an, les conjoints, en fin de compte, les travailleurs qu'on recrute, 91 % sont toujours en poste. Je peux vous confirmer, en date d'aujourd'hui, que le 9 %, c'est généralement le fait que le conjoint, conjointe ne s'est pas intégré. C'est à peu près la seule raison, donc, d'où l'importance pour nous de travailler extrêmement fort sur l'accompagnement des conjoints, conjointes, pour permettre une intégration durable et globale de la famille. Parce que chacun peut avoir un projet, que ce soit l'étude, entreprendre ou travailler, c'est vraiment...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

Mme Lagacé (Line) : On aborde le projet d'immigration comme un projet global.

M. Viel (Carl) : Si vous me permettez, je pense qu'il faut aussi prendre en considération que ça soit nous-mêmes qui, un jour, se déplace ou va vivre dans une autre ville, que ça soit au Québec, au Canada ou ailleurs. Si on a un ou une conjointe, bien, c'est certain que, si elle a fait... puis elle veut travailler, bien, si elle ne peut pas ou elle n'a pas la possibilité de travailler, ça sera probablement une des raisons qui va susciter que les gens vont quitter l'endroit où ils sont allés. Alors, pour nous, on le considère comme si c'était nous qui avions à se déplacer, donc on travaille très fort pour justement aider les conjoints et conjointes à pouvoir aussi s'intégrer et avoir un emploi.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien. 10 secondes... Alors, vraiment, merci, merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux. C'est très apprécié.

J'ajourne la commission... je suspends les travaux jusqu'à 19 h 30. On se retrouve ici. Merci, tout le monde.

(Suspension de la séance à 18 h 23)

(Reprise à 19 h 32)

La Présidente (Mme Chassé) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes, tel que je le dis à chaque fois, de bien fermer son téléphone cellulaire ou tout autre appareil électronique.

Nous poursuivons les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 9, la Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes.

Ce soir, nous entendrons les organismes suivants : la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes puis le Barreau du Québec.

Je souhaite donc la bienvenue à la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis par la suite nous précéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous ferai signe à une minute de la fin de votre intervention. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.

Table de concertation des organismes au service des
personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)

M. Hairaud (Yann) : Bonsoir. Merci de nous donner l'occasion de venir nous exprimer à propos du projet de loi n° 9. Mon nom est Yann Hairaud, je suis le coprésident de la TCRI. Je vous présente également ma collègue Dominique Lachance, qui est également membre du conseil d'administration et directrice générale de l'organisme CMQ à Québec; et puis M. Stephan Reichhold, le directeur général de la TCRI.

Alors, écoutez, notre présentation va se faire en deux temps. On va d'abord commencer par brièvement vous présenter la TCRI et également partager avec vous notre vision de l'intégration avant, dans un deuxième temps, de pouvoir aborder plus spécifiquement le projet de loi n° 9.

La TCRI, c'est d'ailleurs 144 organismes communautaires partout au Québec, dont plus de la moitié sont mandatés par le MIDI pour donner quotidiennement des services d'accueil et d'intégration aux nouveaux arrivants. On parle, pour l'année 2007... 2017, pardon, de 40 000 personnes desservies, incluant les demandeurs d'asile. La TCRI oeuvre pour un Québec inclusif et riche de sa diversité en proposant un espace d'échange, de concertation et de formation sur les enjeux liés à l'immigration et à l'intégration, en coopérant avec les autres réseaux et l'ensemble des acteurs institutionnels, communautaires et privés pour renforcer la défense des droits et améliorer l'accès à des services adaptés pour des personnes réfugiées et immigrantes, et enfin en contribuant au développement de l'analyse critique des politiques publiques, tant au Québec qu'au Canada et voire même à l'international. La TCRI s'inscrit également comme agent de transformation et de développement social, donc s'inscrit complètement dans l'action communautaire autonome.

Alors, notre vision de l'intégration, elle se définit dans une plateforme que nous avons intitulée Cap vers l'intégration, qui a été adoptée par l'ensemble de nos membres en 2005, qui définit l'intégration comme un processus complexe, car multidimensionnel, bidirectionnel, graduel, continu, individuel et encadré. La TCRI croit fermement au modèle interculturel, en matière d'intégration, qui repose sur la rencontre des cultures et le façonnement d'une société qui s'enrichit de ses diversités tout en s'appuyant sur une langue commune et un ensemble de valeurs universelles fondamentales.

Selon nous, cela requiert un partage de la responsabilité, en matière d'intégration, entre l'immigrant et la société d'accueil. Or, force est de constater que ce principe de bidirectionnalité, pourtant clairement inscrit dans les deux énoncés de politique, tant de 1990 que de 2016, est souvent peu considéré, voire carrément absent des politiques et programmes gouvernementaux.

Cela requiert également, selon nous, un leadership assumé du gouvernement dans la lutte contre toute forme de préjugé, discrimination et racisme pour éviter les dérives face à tout ce qui touche l'interculturel.

Ça requiert également des programmes et des services adaptés qui répondent aux besoins de toutes les catégories des immigrants, que ce soient les immigrants indépendants, mais également les réfugiés, les demandeurs d'asile et les travailleurs temporaires, qui sont de plus en plus nombreux mais souvent laissés pour compte.

Ça requiert également des mesures d'emploi adaptées au rythme des personnes qui doivent se familiariser et intégrer de nouvelles règles du jeu concernant le marché du travail, des mesures qui facilitent la reconnaissance des compétences et l'accès à des emplois de qualité et, enfin, des mesures d'emploi qui accompagnent les entreprises adéquatement, notamment les petites entreprises et les PME, pour faciliter l'intégration et le maintien en emploi.

Selon nous, la prise en compte de la réalité des femmes immigrantes et racisées est essentielle, en incluant l'approche intersectionnelle et l'analyse différenciée selon les sexes dans les différents programmes, afin d'enrayer une profonde inégalité criante à laquelle elles font face en matière de taux d'emploi et de revenus.

Enfin... Également, pardon, cela requiert la poursuite des efforts en matière d'immigration humanitaire. La TCRI tient, au passage, à saluer le leadership assumé par le Québec en la matière, mais toutefois la baisse annoncée du nombre de personnes réfugiées pour 2009 aura pour conséquence de fragiliser le dispositif d'accueil, réparti dans les 14 régions, qui est pourtant devenu exemplaire.

Cela requiert également de faciliter le passage au statut de résident permanent des travailleurs temporaires et des étudiants internationaux en leur donnant accès à tous les services, incluant la santé et les services sociaux.

Et enfin cela requiert que le gouvernement se dote d'un cadre de stratégie clair en matière de régionalisation de l'immigration, qui doit certes se faire en lien avec les besoins des entreprises en région, mais aussi en tenant compte de la préparation des milieux de vie et d'un financement des ressources communautaires adapté aux différentes réalités régionales.

Voilà. Je vais maintenant passer la parole à Stephan pour le p.l. n° 9.

M. Reichhold (Stephan) : Il ne me reste plus beaucoup de temps, donc je vais faire ça très, très rapidement, donc, pour mettre la table.

La Présidente (Mme Chassé) : ...4 min 30 s, M. Reichhold, oui, quand même.

M. Reichhold (Stephan) : 4 min 30 s? Ah! parfait. Alors, bon, comme tout le monde sait, on n'a pas eu énormément de temps pour se préparer, mais nous, on regroupe quand même 144 organismes à travers tout le Québec, donc il fallait quand même valider certaines positions.

Donc, on a fait un sondage dès qu'on a appris que le projet de loi était lancé et on a quand même eu un taux de réponse de 50 %, là, donc à peu près 60 %, 70 % des organismes ont répondu, donc, très globalement. Donc, ce qui est ressorti de façon très favorable, parce qu'il y a du chaud et du froid, hein, comme dans tous les projets de loi, c'est le renforcement des pouvoirs du MIDI. C'est quelque chose qu'on demande depuis des années. Sous ces quatre murs, ici, on a souvent parlé... et aussi cette perception du MIDI, du vilain petit canard qui se fait barouetter par ses grands frères des autres ministères depuis des années. Je pense que c'est une bonne nouvelle de pouvoir que le MIDI prenne sa place et ses responsabilités, et... parce qu'en bout de ligne, ce que ça faisait, dire... La faiblesse du ministère de l'Immigration, ces dernières années, faisait en... pénalisait beaucoup les nouveaux arrivants.

• (19 h 40) •

Deuxième... C'est toujours par rapport à l'article 3, le parcours d'accompagnement personnalisé, oui. C'est d'ailleurs ce qu'on essaie de faire depuis de nombreuses années. Malheureusement, on a deux problèmes, deux gros obstacles. Le premier, c'est la méconnaissance des services existants. Ce qu'on constate, beaucoup de nouveaux arrivants ne savent pas qu'il existe des services et aussi beaucoup d'autres institutions. Donc, la méconnaissance et aussi le manque de ressources, hein, depuis des années, de vraiment pouvoir développer des services mieux adaptés.

On rappelle quand même qu'entre 2011 et 2016 le ministère de l'Immigration a perdu 15 % de son budget. On parle de 25 millions de dollars. Et ça a fait très, très mal, je veux dire, au niveau des services et de ce qu'on pouvait offrir aux nouveaux arrivants.

Alors, on n'a pas attendu le projet de loi. Depuis le rapport du Vérificateur général, dont on a beaucoup parlé ces jours-ci, on s'est mis au travail. On travaille étroitement avec le ministère de l'Immigration depuis presque un an maintenant, d'ailleurs depuis l'arrivée de M. Matte, que je souhaite saluer aussi, la confiance qu'il fait au réseau. Ce lien de confiance qui a été rétabli avec le ministère permet vraiment actuellement de sortir des chemins battus et d'innover, surtout. Et d'ailleurs, M. le ministre, si vous donnez plus de pouvoirs à M. Matte et plus d'argent, on va faire encore mieux. Donc, ça, c'est pour le message.

Finalement, bon, les choses moins réjouissantes qui sont sorties du sondage, on en a parlé amplement. Bon, c'est sûr, c'est l'article 9, la résidence conditionnelle. On trouve que c'est une très mauvaise idée. Ça rajoute aux obstacles déjà existants, on voit ça comme un autre obstacle qui empêchera les nouveaux arrivants de s'intégrer d'une manière naturelle et facile. D'ailleurs, historiquement...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

M. Reichhold (Stephan) : Et, bon, finalement, bon, l'article 20, la saga des 18 000 dossiers, je pense que tout a été dit. Les organismes qui sont en contact avec de nombreuses personnes qui sont dans ces 18 000 dossiers, surtout ceux qui sont ici, nous implorent de sortir d'ici pour leur annoncer : Non, non, ils ne vont pas être détruits. Alors, c'est ça, donc on va s'arrêter là puis on pourra continuer sur les questions, si vous voulez. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Hairaud, Mme Lachance, M. Reichhold, merci d'être présents en commission parlementaire.

M. Reichhold, je pense, vous avez dit : Le ministère de l'Immigration, c'était comme le vilain petit canard. Bien, écoutez, moi, mon objectif, c'est de faire comme le conte et d'en faire un cygne pour que le ministère de l'Immigration retrouve ses lettres de noblesse et de faire en sorte qu'il redevienne un leader au sein du gouvernement du Québec. Et notamment c'est pour ça qu'on met le rôle de coordination, qu'on donne ce pouvoir-là au ministère de l'Immigration, pour s'assurer de faire en sorte que, maintenant, l'Immigration, ça ne soit plus... En fait, auparavant, c'était en silo, et maintenant on veut avoir une vision, là, périphérique sur l'ensemble des ministères, qu'Éducation, Emploi et Solidarité sociale, Santé, Immigration travaillent ensemble, mais qu'il y ait quelqu'un d'imputable là-dedans puis que ça soit le ministère de l'Immigration qui assure la coordination, tout en collaborant avec les différents ministères. Mais là-dessus c'est très clair qu'on veut donner suite aux recommandations de la Vérificatrice générale puis qu'on veut exercer un rôle de leadership au sein du gouvernement du Québec.

L'autre élément aussi, je vois que vous accueillez favorablement le renforcement des pouvoirs du ministère de l'Immigration. Dans toute cette démarche-là, ce qui sous-entend le projet de loi n° 9, c'est notamment le fait d'avoir un parcours personnalisé, le fait d'accompagner les personnes immigrantes dès l'étranger et de faire en sorte que le ministère de l'Immigration ait les ressources sur le territoire québécois aussi pour accompagner en termes de francisation, d'intégration.

Ça m'amènerait à ma question. Vous dites : Nous, on a besoin de ressources dans les organismes communautaires. Qu'est-ce que ça vous prend? Tantôt, vous avez parlé de financement, mais, pour améliorer l'intégration, améliorer la francisation, comment est-ce que le ministère peut vous accompagner là-dedans?

M. Reichhold (Stephan) : C'est sûr que c'est une question de ressources au départ, quand on sait qu'actuellement un organisme — et puis, Dominique, tu confirmeras — qui offre un service au nouvel arrivant, le premier accueil, il reçoit 219 $ pour l'accompagner, pour accompagner une famille durant 12 mois. Donc, vous ne faites pas de miracle avec 219 $. Donc, comme disait Yann, 40 000 personnes, donc quand il y a du gros volume, bon, tu t'en sors financièrement, mais, pour des plus petits organismes, surtout en région, ce n'est pas viable, en fait, hein, 219 $ par année pour... S'il vient une fois, 10 fois ou 15 fois dans l'organisme, ça reste... c'est un forfait qu'il reçoit. Donc, c'est ça qu'on est en train de revoir, justement, là, on a des choses à vous proposer, là.

Sinon, bon, l'autre grand obstacle auquel souvent on fait affaire, c'est toute la coordination, c'est-à-dire le... parce que les nouveaux arrivants ne viennent pas juste dans un service pour nouveaux arrivants. Ils vont au ministère de l'Éducation, ils vont au ministère de la Santé, ils vont à Emploi-Québec. Mais il n'y a pas de... on n'est pas capables de les suivre, parce que nous, oui, on a les liens avec le ministère de la Santé, on a les liens avec Emploi-Québec, mais c'est tout... c'est comme vous dites, c'est par silo, là, il n'y a pas de vases communicants.

Et la francisation aussi, il faut en parler, parce que, là aussi, il y a des problèmes de vases communicants, au niveau de la francisation, comme on sait, hein, entre le ministère de l'Éducation, le ministère de l'Immigration, le ministère Emploi et Solidarité sociale. Chacun fait des bonnes choses, ça, il n'y a pas de doute, mais ils pourraient faire de meilleures choses s'ils les faisaient ensemble, à mon avis.

M. Jolin-Barrette : Tout à l'heure... Ah! vous voulez ajouter?

M. Hairaud (Yann) : Oui. Je voulais simplement, peut-être, préciser aussi qu'en termes de vision de l'intégration, hein, comme je l'ai mentionné d'entrée de jeu, on est dans des complexes extrêmement... dans des processus, pardon, extrêmement complexes, hein? C'est du matériel humain et donc c'est des processus qui doivent s'envisager à moyen, long terme. Et donc on est trop souvent dans du très court terme, en termes de vision, dans des programmes où, effectivement, il faut répondre à des besoins de première ligne à l'arrivée, le logement, l'école, l'intégration, etc., et je pense qu'il faut aussi s'inscrire dans un accompagnement et un suivi à moyen, long terme...

M. Jolin-Barrette : Pouvez-vous donner un exemple, supposons, quand vous dites : C'est dans une vision à court terme? Un exemple, là, de programme où ce que les organismes vivent, là, dans du...

M. Hairaud (Yann) : Bien, c'est-à-dire que le PRIIME, actuellement, est conçu beaucoup pour du court terme, hein, pour... C'est un ensemble de paniers de services qui viennent répondre effectivement à des besoins très, très précis et indispensables, hein, je veux dire... et utiles, mais je pense aussi que l'intégration doit s'envisager à plus long terme dans une vision de pleine participation et d'inclusion. Donc, je pense qu'il faut également traiter ce bout-là et donc avoir les ressources appropriées pour pouvoir le faire.

M. Jolin-Barrette : O.K. Au niveau de la régionalisation, là, pour s'assurer d'avoir une régionalisation qui est adéquate, qu'est-ce que vous pensez que le gouvernement du Québec devrait utiliser comme outils pour inciter les gens à, un, s'établir en région, mais, deux, à demeurer en région?

Mme Lachance (Dominique) : Si vous me permettez, tout d'abord, il y a un...

La Présidente (Mme Chassé) : Mme Lachance.

Mme Lachance (Dominique) : Oui, pardon. Il y a un réseau qui est existant actuellement, qui est le RORIQ, qui regroupe plusieurs organisations qui ont déjà réfléchi à une méthode d'organisation de transferts, par exemple, ou d'accompagnement des personnes immigrantes, notamment qui arrivent à Montréal, vers les régions. C'est déjà un réseau qui a une expertise et qui aurait... À mon avis, on aurait intérêt à consulter davantage et à voir au niveau de ce qu'ils ont détaillé comme façons de procéder plutôt que de réinventer la roue encore une fois. Il y a des gens qui sont mandatés, qui ont réfléchi sur cette façon de procéder là et qui sont actuellement en attente de soutien, et je pense qu'on aurait tout à fait avantage à les consulter.

M. Jolin-Barrette : Les organismes qui sont dans le RORIQ, souvent ils sont membres chez vous aussi.

M. Reichhold (Stephan) : Oui, oui. Ça fait partie, ça, des réseaux. Et surtout, moi, je pense, ce qui serait primordial, c'est de se doter d'un plan et d'une stratégie, que le Québec n'a plus depuis 15 ans. Un vrai plan avec des objectifs, ça pourrait être intéressant.

Mme Lachance (Dominique) : Si vous me permettez, un modèle, à mon avis, qui est particulièrement intéressant, puis qui est exploité, puis qui fonctionne malgré les défis qu'il encourt, c'est toute la question de l'accueil des réfugiés, qu'on devrait peut-être d'ailleurs étendre à l'ensemble des façons de procéder au niveau des nouveaux arrivants.

Bon, le Québec a une grande tradition d'accueil des réfugiés depuis longtemps, malgré le fait qu'on n'en accueille pas beaucoup. C'est une goutte dans l'océan par rapport à ce qui se passe actuellement dans le monde. On a passé de 23 millions à 25 millions, en trois ans, de réfugiés et de personnes déplacées dans le monde. Donc, je ne vous ferai pas un dessin de ce qui se passe au niveau international.

Cependant, avec tous les défis que ça comporte, l'accueil des réfugiés, et le peu de nombre qu'on a au Québec, on a mobilisé du partenariat... les gens sont essentiellement installés dans les régions, on a mobilisé des partenaires de tous les milieux, communautaire, institutionnel, municipal, pour accueillir et organiser l'accueil de ces personnes-là.

Donc, les réfugiés restent en région, il y a une transversalité des services qui se fait et il y a une expertise qui s'est développée autour de l'accueil de ces gens-là qui sont actuellement... une expertise qui se développe et qui est transférable à d'autres types de personnes, d'autres types de nouveaux arrivants. Je pense, entre autres, à des pratiques porteuses comme le jumelage interculturel, comme les intervenants communautaires scolaires interculturels, qui, initialement, avaient été pensés par les organisations pour l'accueil des réfugiés mais qui, maintenant, servent à l'ensemble des populations immigrantes qu'on accueille, notamment en région.

Donc, moi, je pense qu'il faut regarder ces pratiques-là, plutôt qu'encore une fois réinventer la roue, et les bonifier. Et c'est sûr que — je reviens sur l'accueil des réfugiés — la TCRI déplore vraiment beaucoup le fait... 400 personnes de moins, ce n'est pas beaucoup dans une politique, dans une vision de l'immigration. Par contre, ce que ça va impacter au niveau de l'expertise et des programmes, ça, c'est assez important. Donc, on espère qu'il va y avoir un regard ou un changement par rapport à cette décision-là qu'on déplore beaucoup.

 (19 h 50)

M. Jolin-Barrette : Je vous entends bien. Au niveau, là, du modèle interculturel, vous dites : Bon, on en parle beaucoup, mais on ne le définit pas. Pour vous, c'est quoi, la définition du modèle interculturel québécois? Sur quoi ça repose? Parce que, dans le fond, là, dans le mémoire, on dit, là... on fait référence à l'interculturalisme, mais on ne le définit pas. Dans la Loi sur l'immigration, on en parle aussi, mais on ne le définit pas non plus. Ça devrait être quoi, les assises de l'interculturalisme québécois?

M. Hairaud (Yann) : Bien, comme je l'ai mentionné rapidement en introduction, on est dans une espèce de jonction entre les cultures, là, et de faire en sorte qu'on ne soit pas dans une vision unidirectionnelle où le nouvel arrivant doit s'adapter coûte que coûte et voire... j'allais dire, s'intégrer en s'assimilant, là, simplement d'essayer de trouver un équilibre. Bon, on le sait, hein, le modèle interculturel se trouve au milieu entre le modèle d'assimilation et puis le multiculturalisme, là. Donc, c'est ça un petit peu, l'approche.

Mais, tout ça, en termes d'intervention, de définition d'intervention, ça implique beaucoup d'éléments, beaucoup de mise en perspective de façon, justement, à pouvoir... tout en se basant sur une société d'accueil, les règles de fonctionnement dont elle s'est dotée et ses valeurs, mais de pouvoir aussi tenir compte de l'environnement par effet de miroir duquel vient la personne et puis d'essayer de voir de quelle manière on peut finalement faire un alliage judicieux entre tout ça, là.

M. Jolin-Barrette : Et puis, tout à l'heure, vous avez parlé de la méconnaissance des services existants pour les personnes immigrantes. Du point de vue des organismes communautaires, du point de vue de l'État... Puis comment vous voyez ça pour les faire connaître, ces services-là, pour les personnes immigrantes?

M. Hairaud (Yann) : Je pense qu'effectivement, en matière d'information, pour ne pas dire de promotion des services qu'offre le gouvernement du Québec aux nouveaux arrivants, il y a place à amélioration, hein? Très souvent, dans nos organismes, quand on pose la question aux gens : Est-ce que vous estimez avoir eu la bonne information au bon moment?, beaucoup nous disent que c'est compliqué, finalement, d'accéder à cette information sur l'existence des services. Et même un certain nombre passe à côté, là. On peut les rattraper par la bande, là, mais donc il y a nécessairement un manque à ce niveau-là.

Je vais prendre l'exemple très concret, là, du dispositif qui existe actuellement à Montréal, là, en l'occurrence le service à l'aéroport, là. Regardez, c'est un service qui est donné entre le passage à l'immigration et les valises. C'est des personnes qui ont fait plusieurs heures d'avion, qui sont fatiguées, qui sont complètement en déphasage, et on leur donne une information de base, là, à un moment qui n'est pas forcément approprié. Et donc on en perd beaucoup. Pour, en tant qu'organisme, donner des sessions collectives, hein, première démarche d'installation et objectif intégration, on s'aperçoit que le taux de personnes qui, finalement, ne s'inscrivent pas est élevé et probablement parce que le choix du moment où l'information est donnée n'est pas pertinent.

Je pense qu'il y a des actions aussi à mener en amont, c'est-à-dire qu'avant même que les personnes arrivent on devrait, notamment avec la technologie actuelle, être en mesure de pouvoir les capter et puis même peut-être déjà de programmer certaines étapes du parcours. On peut prendre l'exemple des applications mobiles... enfin, bref, on peut envisager toutes sortes de solutions, mais c'est clair qu'actuellement nous, on considère effectivement que le potentiel de services qui existe, même s'il est limité, n'est pas suffisamment connu, effectivement, des nouveaux arrivants.

M. Jolin-Barrette : Je vais céder la parole. Juste vous dire, dans le fond, dans le projet de loi n° 9, c'est ça aussi qu'on veut faire, c'est le parcours personnalisé d'accompagnement et de faire en sorte vraiment, dès l'étranger, qu'on puisse déployer des ressources, et même ici également, pour les personnes qui sont en situation temporaire, qui ne sont pas des immigrants permanents, pour déployer aussi des ressources de francisation, d'intégration. Je pense que la députée de Bellechasse...

La Présidente (Mme Chassé) : ...le député de Sainte-Rose, puis Beauce-Sud, et ensuite Bellechasse... (panne de son) ...Sainte-Rose à prendre la parole.

M. Skeete : Merci beaucoup, Mme la Présidente. En fait, à la page 13, vous avez mentionné que le ministère a manqué de leadership face à la société et face à ses partenaires ministériels sur les enjeux d'immigration. L'initiative du ministère est de renforcer ces pouvoirs dans le but d'assurer un meilleur arrimage des différents secteurs responsables de l'intégration.

Je me demande si, à ce titre, vous avez des suggestions ou si vous êtes intéressés à nous partager qu'est-ce que vous voyez dans ce que le ministre... ou le ministère, plutôt, devrait avoir pour renforcer son leadership spécifiquement?

M. Reichhold (Stephan) : Bien, on en a parlé un petit peu au début, hein, c'est la difficulté souvent avec le MIDI, c'est un ministère qui, jusqu'à maintenant, était relativement petit, avec peu de ressources, à Montréal. Tous les autres ministères étaient surtout à Québec. Donc, déjà là, on sentait qu'il y a comme un problème souvent de communication et de connaissances. Et, là aussi, là, je veux dire, il y a un problème toujours existant, là, de fonctionnement en silo, où souvent on a l'impression que la main droite ne sait pas ce que fait la main gauche. Si Emploi-Québec lance un nouveau programme — par exemple, en régionalisation, c'est arrivé — souvent, le MIDI n'était même pas au courant que ça se faisait et vice versa. Donc, il y a très peu de collaboration. Peut-être, à un plus haut niveau, au niveau de la haute gestion, oui, ça se parle, mais ça ne descend pas toujours, et, sur le terrain, souvent on sent qu'il y a... c'est assez déconnecté.

Pour le réseau de la santé, c'est pareil. Le réseau de la santé, vous allez dans un CIUSSS, ça, on le vit quotidiennement à Montréal, ils ne sont pas au courant ce qui existe comme ressources pour un nouvel arrivant ou pour une femme réfugiée qui a des besoins particuliers. Ils vont, s'ils ont de la chance, savoir : Oui, j'ai vu, il y a un organisme au coin de la rue, là, on va l'appeler, peut-être qu'il y a une ressource. Mais il n'y a rien de structuré, il n'y a pas une salle d'attente de CIUSSS, il n'y a aucune ressource qui parle de services aux nouveaux arrivants. Ce n'est pas documenté sur les sites Internet des différents ministères. Il y a très, très, très peu de choses et souvent en contradiction les unes avec les autres.

Donc, tout ça pour dire, il y a un problème de coordination vraiment et ce n'est pas fait de mauvaise foi, ou tout ça. C'est que personne ne semble vouloir s'en occuper, là. C'est surtout ça.

M. Skeete : Avez-vous quelque chose de concret à proposer, dans le cadre des réflexions qu'on a aujourd'hui, par rapport à qu'est-ce qu'on doit faire, justement, pour assurer ce leadership-là, là?

M. Reichhold (Stephan) : Bien, il faudrait qu'il y ait quelqu'un qui assure ce leadership. En l'occurrence, le ministre de l'Immigration, si on lui donne plus de pouvoirs, va pouvoir imposer des choses aux autres ministères, ce qu'actuellement il ne peut pas faire, et si... parce que les autres ministères ne vont pas le faire tout seuls, là, s'il n'y a pas de coercition.

M. Skeete : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : J'invite maintenant le député de Beauce-Sud à prendre la parole.

M. Poulin : Il me reste combien de temps, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Chassé) : 6 min 30 s.

• (20 heures) •

M. Poulin : ...laisser à ma collègue la députée de Bellechasse. On a beaucoup parlé de régionalisation de l'immigration. À juste titre, mon collègue le ministre en a parlé. Je suis député de Beauce-Sud, 2 % de chômage, alors vous comprenez que c'est extrêmement criant chez nous.

Ce matin, il y a un sondage qui a été publié par SOM, et je l'ai même tweeté tellement que je trouvais ça bon, où une majorité de jeunes Québécois croient que la qualité de vie est meilleure dans les régions que dans les grands centres et qu'il est possible d'y obtenir d'aussi bons emplois. Je n'ai pas la certitude, et peut-être qu'avec votre expertise vous pouvez me rassurer, à l'effet que les immigrants sont conscients avant leur arrivée de tous les avantages de vivre dans une région du Québec et que, lors du jumelage, justement, avec les emplois, il y a des gens qui peuvent provenir de d'autres régions ailleurs dans le monde, ils sont conscients des avantages de vivre également dans les régions du Québec, que ce soit au niveau de la qualité de vie ou encore au niveau de certaines conditions de travail.

Alors, je veux savoir le travail qui est fait en amont pour séduire réellement nos immigrants à venir en région. Parce qu'on a souvent entendu dire, que ce soit de la part des employeurs ou d'autres, que, si, par exemple, ils atterrissent du côté de Montréal ou du côté de Québec, ça ajoute un obstacle, après ça, à se déplacer, par exemple, en Gaspésie, au Bas-Saint-Laurent ou au Saguenay—Lac-Saint-Jean, par exemple. Alors, est-ce qu'il y a un travail, réellement, qui est fait pour les séduire sur les régions du Québec, avant? Et de quelle façon, sinon — parce que vous me parliez des réfugiés tout à l'heure — il y a une volonté, réellement, de mettre en connexion avec les régions du Québec?

M. Reichhold (Stephan) : Il y a des mesures qui ont été mises en place, et, justement, demain, il y a un organisme qui va venir présenter le modèle qu'ils ont développé, justement, d'immigration secondaire, comment eux arrivent à faire le match entre Montréal et les régions, et certains organismes avec des entreprises aussi. Donc, c'est l'organisme ALPA, qui passe, je pense, demain matin ou demain après-midi, qui va pouvoir vous expliquer exactement, là, comment ça fait. Et ça fonctionne à petite échelle, bien sûr, toujours une question de ressources. Mais ça fonctionne, vous allez voir demain.

M. Poulin : Non, mais, si ça fonctionne, pourquoi la régionalisation de l'immigration est si un échec que ça? Tu sais, je veux dire, j'ai beau poser la question... Vous, vous êtes la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, vous vous situez à la grandeur du Québec, vous avez une expertise, vous avez un modèle, alors moi, je veux savoir : Est-ce qu'avant que les gens viennent ici ils sont séduits par les régions et est-ce qu'ils viennent réellement au Québec pour vivre dans une région ou ils viennent réellement au Québec pour être au Québec, point? Alors, c'est surtout ça que je veux savoir. Parce que, dans ce que vous nous dites, vous nous dites que c'est un échec.

M. Hairaud (Yann) : Bien, c'est-à-dire que l'aspect qui consiste d'aller les sensibiliser avant leur arrivée, c'est sûr que c'est moins dans notre champ d'expertise, là. Nous, on est plus à l'arrivée ici, au Québec, là. Mais nous, le constat qu'on fait, bon... Parce que ça, dès l'étranger, j'imagine que c'est le ministère qui est en mesure de développer des stratégies en termes d'attraction et de rétention en région, là, ça fait partie, j'imagine, de ses missions.

Mais, sur le plan, je veux dire, local, au niveau du Québec, comme on l'a mentionné, malheureusement, il y a eu des avancées, des reculs, des changements dans les structures. À un moment donné, il y avait les CRE, il n'y avait plus les CRE, on ne savait plus, je veux dire, à un moment donné, on ne savait plus qui, finalement, étaient les porteurs de dossiers au niveau de l'immigration. Donc, il n'y avait pas de cadre et de vision clairs, je pense. Et puis, bon, c'est sûr que le fait que le MIDI, pour tout un tas de sortes de raisons, se soit retiré des régions, ça n'a pas aidé non plus, donc, ce qui fait qu'il y avait...

Je pense qu'effectivement on l'entend quotidiennement, les régions crient au secours en disant : On a des besoins, on a des besoins. Sauf qu'il n'y a pas cette force fédératrice, là. Et il faut essayer, effectivement, de voir comment on peut ramener tout le monde autour de la table et puis fonctionner. Et, comme le mentionnait ma collègue, nous, on considère qu'en tout cas, à travers notre réseau, on a un relais d'organismes en région qui peuvent jouer un rôle, pas seuls, là, mais...

M. Poulin : ...effectivement. Oui?

M. Reichhold (Stephan) : ...rajouter, là. Tu sais, c'est sûr qu'en diminuant de 23 % les niveaux d'immigration ça ne va pas aider, je veux dire, là, les régions vont prendre leur mal en patience parce qu'il y aura moins de personnes, il y aura moins de volume, donc les chances que...

M. Poulin : Bien, il y aura une sélection qui sera faite selon les besoins de main-d'oeuvre.

M. Reichhold (Stephan) : On va voir. On attend avec...

M. Poulin : Alors, je pense que ça, ça sera intéressant pour les régions.

M. Reichhold (Stephan) : On attend de comprendre comment va se faire cette sélection, mais on n'a pas tout bien compris encore, là...

La Présidente (Mme Chassé) : On veut laisser maintenant la parole à la députée de Bellechasse. Merci.

Mme Lachance (Bellechasse) : Merci à vous. Merci d'être là. Je voudrais...

La Présidente (Mme Chassé) : ...

Mme Lachance (Bellechasse) : Oui. C'est excellent. Je voulais revenir sur ce que vous avez parlé tout à l'heure, le parcours d'accompagnement personnalisé. Je comprends qu'on n'a pas nécessairement à réinventer la roue puis qu'il y a des choses qui se font. Par contre, on a des réalités qui sont bien différentes d'une région à l'autre. Pour ma part, je viens de Bellechasse, on est en région, il y a des difficultés qui sont particulières au niveau du transport, entre autres.

Est-ce que vous auriez des suggestions ou des recommandations à faire au niveau des mesures qui devraient être mises en place spécifiquement dans votre parcours d'accompagnement personnalisé, dans ce que vous proposez comme parcours?

Mme Lachance (Dominique) : ...si vous me permettez, je reviens encore sur le modèle de l'accueil des réfugiés — j'en fais mon dada — où est-ce que les organismes, dès le départ, accueillent les personnes et les accompagnent dans tout le... en fait, dans une partie de leur cheminement, hein? Normalement, c'est cinq ans. Là, on pense que les orientations et les critères vont changer. Mais donc, dans la première année, c'est vraiment l'installation, puis par la suite, bien, on parle d'intégration.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 30 secondes.

Mme Lachance (Dominique) : Donc, c'est un modèle qui est gagnant parce que les gens peuvent avoir une meilleure connaissance, et on crée un lien de confiance avec les organismes qui, au départ, les accompagne. Par la suite, il y a une référence, il y a un relais qui se fait auprès des ressources, notamment, en employabilité ou ailleurs. Donc, c'est vraiment d'avoir une prise en compte dès le départ des besoins, ce sont des humains qu'on accueille, oui, il y a une main-d'oeuvre, mais c'est d'abord des humains, et d'assurer au départ leur organisation...

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie...

Mme Lachance (Dominique) : ...leur installation. Puis par la suite ils vont être en mesure de mieux fonctionner...

La Présidente (Mme Chassé) : Merci beaucoup. Je dois céder la parole maintenant à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, j'imagine?

Mme Anglade : Oui.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, voilà. Merci.

Mme Anglade : On va commencer comme ça, bien sûr. Alors, bonsoir, et merci d'être avec nous. Et merci aussi d'identifier les pistes sur lesquelles nous devons collectivement travailler pour améliorer le système d'immigration, notamment la nécessité de toute cette coordination plus forte qu'on a besoin d'avoir pour avoir un impact plus grand sur cet enjeu-là. Donc, je pense que c'est très apprécié, tout l'ensemble de vos commentaires.

J'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez fait... que vous avez dit. Vous avez mentionné tout à l'heure que vous n'avez pas eu beaucoup de temps pour vous préparer. On en est très, très conscients. On aurait souhaité que vous en ayez davantage. Cela dit, vous avez été en mesure de constater dans les dernières semaines un peu les commentaires des gens par rapport à la question des 18 000 dossiers. Et tout à l'heure vous disiez : Ils nous ont implorés. Alors, j'aimerais que vous décriviez un peu les deux dernières semaines, les trois dernières semaines, comment ça s'est passé, les messages que vous avez eus, que vous nous expliquiez ce que vous entendez, vous, sur le terrain et ce que nous, on devrait retenir, comme élus à l'Assemblée nationale, dans notre manière de nous gouverner pour la suite des choses.

M. Reichhold (Stephan) : Bien, je peux essayer de répondre. Bien, comme tout le monde, ça a pris du temps avant de comprendre l'impact qu'on a entendu parler la première fois. Bien, on savait qu'il y avait un arriéré, mais qui n'était pas très bien identifié. De quand dataient ces dossiers? Est-ce que c'est à l'étranger? Est-ce que c'est sur place? Qui sont exactement ces... Parce qu'on a aussi des arriérés dans le parrainage, on a aussi des arriérés dans la planification familiale, on a aussi des arriérés dans les aides familiales, on a des arriérés partout, là. Alors, juste essayer d'identifier : à cause du fédéral, souvent, aussi à cause du Québec, ça dépend, à cause des débats, niveau d'immigration aussi, ça crée d'autres arriérés.

Donc, quand on a compris finalement, bon, de qui il s'agissait, et là aussi c'est sorti au compte-gouttes, bon, une fois qu'on a identifié combien étaient au Québec, combien étaient... puis qu'on a commencé à comprendre, il commençait à y avoir des témoignages, et, dans nos organismes aussi, on commençait à avoir des appels, pas obligatoirement de personnes qui avaient été dans les 18 000, c'est beaucoup de personnes qui avaient déjà leurs CSQ, mais qui paniquaient à mort, qui pensaient : Ça y est, on va me retirer mon CSQ, la nouvelle loi. Donc, les gens, comme beaucoup les médias aussi, ne comprenaient pas vraiment de quoi on... la mécanique, hein? C'est quand même compliqué, tout le CSQ, la sélection, la résidence permanente, la citoyenneté, tout. Bon, les gens se mêlent facilement.

Donc, finalement, on est arrivés à la conclusion que, oui, l'urgence, c'est vraiment les personnes qui vivent ici actuellement, qui travaillent, qui ont des enfants à l'école, qu'on ne peut pas laisser tomber comme ça du jour au lendemain. Il faut leur offrir une alternative et aussi, bon, évaluer. Donc, la seule façon de pouvoir le faire, c'est d'évaluer les dossiers. D'après ce que j'ai compris, bon, ceux d'avant 2015 ont déjà été évalués ou... du fait qu'ils sont sur papier, c'est moins compliqué, mais... Et c'est sûr qu'on est très préoccupés, parce qu'on reçoit énormément d'appels, de courriels et de personnes qui pensent qu'elles sont dans les 18 000, mais qui ne savent pas, ou qui ont un frère, une soeur, etc.

• (20 h 10) •

Mme Anglade : C'est quand la dernière fois que vous avez vécu ce type d'appels là, ce nombre d'appels là dans les dernières années? Ça se compare à quoi?

M. Reichhold (Stephan) : Bien, je pense, quand il y a eu tout le gros boom du parrainage des réfugiés, où il y avait énormément de demandes de refuge, où on a même dû suspendre les nouveaux dossiers...

Mme Anglade : Vous parlez des réfugiés, pas d'immigrants?

M. Reichhold (Stephan) : Réfugiés parrainés par les groupes privés.

Mme Anglade : D'accord, oui. Très bien.

M. Reichhold (Stephan) : C'est-à-dire où il y a eu... après l'arrivée des Syriens. Vous savez que c'est passé de... un programme qui roulait à 500 réfugiés par année est passé, du jour au lendemain, de 500 à 5 000, que le ministère de l'Immigration a d'ailleurs... Mme Weil, on le sait, qui était très dédiée à ce dossier-là, ont fait des miracles, mais le miracle n'était pas assez miraculeux, qu'il y a quand même eu beaucoup de laissés-pour-compte. Et là on a eu énormément de pression aussi, là.

Mme Anglade : D'accord. Donc, vous diriez : Il faut avancer sur les dossiers des 18 000 le plus rapidement possible, là, c'est ce que je comprends dans ce que vous nous dites, clairement.

M. Reichhold (Stephan) : Bien, du point de vue humain, oui, oui, absolument. Parce qu'on sait que, même si on les traite... Si, demain matin, vous émettez 18 000 CSQ, on sait que ces personnes-là vont arriver, dans trois, quatre, cinq ans vont avoir la résidence permanente, là. Ça ne va pas être un coup de baguette magique. Ils vont arriver ici...

Mme Anglade : ...de toute façon, que ce n'est pas 100 % des gens. Mais on sait que ce n'est pas 100 % des gens. Vous avez mentionné la résidence conditionnelle, l'idée d'une résidence permanente conditionnelle, que vous n'étiez définitivement pas en faveur de ça. Je veux juste vous entendre davantage là-dessus, être sûre de vous avoir bien compris, que vous pensez que ce n'est pas l'avenue à prendre pour la suite des choses.

M. Hairaud (Yann) : Bien, c'est-à-dire que, selon nous, ça va à l'encontre du modèle d'intégration basé sur l'interculturel. Parce qu'en envoyant un message aux nouveaux arrivants qu'ils doivent se conformer à certains aspects à travers, éventuellement, des tests de validation d'acquis, etc., c'est sûr qu'on est plutôt dans une démarche, on va dire, un petit peu coercitive, là, et c'est clair que ça rajoute beaucoup de pression à des personnes qui sont déjà dans une situation objective de stress. Je veux dire, quitter son pays, partir pour l'inconnu, là, ce n'est pas rien, là, hein, sur le plan de l'expérience personnelle, sur le plan humain. Donc, si, en plus, on a l'impression qu'on a encore des conditions supplémentaires pour vraiment confirmer la réussite de notre projet, en tout cas, au niveau du statut de l'immigration, là, c'est un petit peu comme une épée de Damoclès.

Et puis, bon, bien, c'est sûr qu'en plus, je veux dire, un système qui serait spécifique au Québec versus le reste du Canada, ça va avoir des effets auxquels on peut penser assez facilement, le fait qu'il va y avoir un glissement des personnes, à un moment donné, vers d'autres provinces du Canada. Donc, c'est ça, là, ça ne nous paraît, non, effectivement, pas viable comme approche, définitivement.

Mme Anglade : Non, pas viable. Très bien. Merci de cette réponse. Sur le volet discrimination, vous avez brièvement mentionné ce point un peu plus tôt, il y a aussi le rôle des entreprises là-dedans, dans l'accueil, dans l'emploi. Et on sait qu'on a des enjeux, on a des barrières à l'entrée, à l'embauche et même à l'intégration en emploi à cause d'enjeux de discrimination. Est-ce que vous avez des propositions que vous aimeriez voir mises de l'avant pour traiter de cet enjeu?

M. Hairaud (Yann) : Bien, c'est-à-dire que l'enjeu au niveau des entreprises, puis là on parle plus particulièrement des petites entreprises, voire même des PME, c'est qu'elles ne sont pas forcément bien outillées pour accueillir des personnes immigrantes et surtout pour pouvoir les intégrer comme il se doit au sein de leurs organisations, de leurs équipes. Et nous, on le voit, moi, j'interviens plus spécifiquement au niveau de l'employabilité, certaines entreprises sont en demande par rapport à ça. En fait, ce n'est pas nécessairement qu'elles sont forcément fermées, mais c'est qu'elles ne savent pas nécessairement comment s'y prendre. Sauf que l'effet est le même. C'est-à-dire que, finalement, face à l'incertitude ou la crainte, bien, on préfère finalement, peut-être, ne pas embaucher, parce que ce sera plus simple, de personnes immigrantes.

Et, là-dessus encore, on a eu des expériences intéressantes. Je me souviens d'un projet où il y avait une trentaine d'organismes communautaires à travers le Québec, un projet d'immersion professionnelle où, justement... alors, avec un moyen financier, là, une subvention, mais il y avait aussi un rôle d'accompagnement qui était offert aux entreprises. Alors, l'objectif n'est pas de rentrer dans les entreprises puis leur dire comment faire, là, ce n'est pas du tout l'approche et la vision, mais c'est plus d'accompagner le nouvel arrivant dans son nouvel environnement de travail et puis de s'assurer que tout se passe bien. Parce que, souvent, vous savez, tout repose sur de la méprise, de l'incompréhension des codes culturels qui ne sont pas bien interprétés, etc. Puis parfois ça prend une ampleur telle qu'à un moment donné ça crée des tensions au niveau des relations.

Vous savez, dans les petites entreprises, on travaille beaucoup à une dimension très humaine, hein? Donc, les rapports humains sont fondamentaux. Et ça donnait de bons résultats, je veux dire, on avait des taux d'intégration en emploi de 80 %. Et d'ailleurs tout ça a donné le PRIIME. Sauf que, le PRIIME, ce qu'il en reste, c'est uniquement l'aspect subvention salariale. Tout le volet accompagnement dans les entreprises, malheureusement, est sous-utilisé.

Donc, je pense qu'il y a probablement des préjugés, de la discrimination dans les entreprises, comme partout ailleurs dans la société, mais je pense qu'il y a aussi, tout simplement, une crainte, une méfiance et un manque d'outils, finalement, par rapport à ça. Et, je ne sais pas, sans vouloir faire de lecture particulière, mais peut-être que ce besoin est encore plus important dans les régions.

Mme Anglade : On vous entend. Est-ce qu'on peut céder la parole à mon collègue le député de Jacques-Cartier?

La Présidente (Mme Chassé) : Certainement... (panne de son) ...heureuse de vous entendre.

M. Kelley : C'est juste une question liée avec l'article 9. Et vous avez utilisé un terme, «intégration naturelle», alors je veux juste... J'ai lu votre mémoire, c'était très, très intéressant, puis, dans votre mémoire, sous l'article 9, vous parlez de cette mesure-là, dans le projet de loi, ça va créer deux classes d'immigrants. Alors, je pose la question, là, juste une première chose : Est-ce qu'il y a un concept d'intégration naturelle qui existe, que les immigrants quand même, avec des programmes d'intégration, vont trouver leur façon de vivre, de bien vivre ensemble avec des Québécois? Et puis, une autre chose, juste peut-être expliquer un petit peu plus cette idée de deux classes que ce projet de loi va créer, des immigrants.

M. Reichhold (Stephan) : Est-ce que c'est moi qui ai utilisé le terme «naturelle»?

M. Kelley : Oui.

M. Reichhold (Stephan) : Ce n'est pas vraiment... je veux dire, ça ne faisait pas référence... Peut-être que ça faisait référence à une façon d'intégrer de manière plus coercitive, tu sais, d'obliger les gens à faire quelque chose, alors qu'ils ne sont pas obligatoirement convaincus que c'est une bonne chose. Peut-être dans ce sens-là, là, mais non...

Bien, les deux classes, bon, je pense que ce que... l'expérience quand même très traumatisante à l'époque où le Parti conservateur avait instauré une résidence permanente mais vraiment conditionnelle pour les conjoints et conjointes, bon, ça touchait surtout les conjointes, là, pour faire la démonstration qu'ils allaient rester au moins deux ans une fois qu'ils étaient parrainés par leurs conjoints, et là on était vraiment dans deux catégories d'immigrants, c'est-à-dire une catégorie qui avait le pouvoir sur l'autre de pouvoir décider si, oui ou non, on acceptait qu'elle restait ou si on voulait la mettre dehors, c'est par rapport à ça, là. Oui, ça a été très traumatisant pour beaucoup, beaucoup d'intervenants, ces histoires, hein?

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. La députée de Bourassa-Sauvé voulait prendre la parole?

Mme Robitaille : Oui.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste trois minutes.

• (20 h 20) •

Mme Robitaille : Oh! O.K. Toute la question de rétention des immigrants au Québec est un défi, on en a parlé beaucoup durant les derniers mois. Dites-moi, vous parliez tout à l'heure de la résidence conditionnelle et vous parliez de glissement. Pouvez-vous nous dire comment cette résidence conditionnelle là, la résidence conditionnelle... en tout cas, la résidence permanente conditionnelle, comment ça peut nuire à la rétention des immigrants au Québec? Pouvez-vous nous réexpliquer ça brièvement, en quoi ça a un impact? Vous disiez tout à l'heure que... vous parliez de glissement dans les autres provinces.

M. Reichhold (Stephan) : Bien, la difficulté, c'est qu'on... Pour l'instant, bon, là, si on lit l'article... Mais on n'est pas des juristes, là, on essaie de comprendre ça va être quoi, la mécanique, le levier. Est-ce que ça va être plus au niveau du CSQ? Est-ce que ça va être plus au niveau d'une entente avec le fédéral? Donc, il y a tout un flou qu'on ne connaît pas, là. Et on ne connaît pas exactement non plus les intentions du gouvernement actuel. Jusqu'à quel degré il va y avoir ces conditions?

Bon, il y a déjà des conditions actuellement, au niveau de la sélection, au niveau français, au niveau de la signature d'une déclaration qu'on accepte les valeurs du Québec. Bon, ça, ça existe déjà. Bon, est-ce que c'est des conditions? Est-ce que c'est conditionnel? Je dirais que non. Je veux dire, les gens le signent ou vont suivre des cours de français pour atteindre le niveau de francisation, de bonne foi, et puis ils vont être acceptés une fois qu'ils auront atteint un certain niveau. On peut débattre sur le niveau, mais, bon...

Après, bon, l'impact, quand on parle de glissement, c'est sûr, comme mentionnait mon collègue Yann, je veux dire, les gens ne sont pas fous, là, je veux dire, une fois que... s'ils voient qu'il y a une moindre menace à leur résidence permanente au Québec, ils prendront l'autobus, ils traversent le pont...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

M. Reichhold (Stephan) : ...ils vont à Ottawa, là, tu sais, c'est comme... puis ils deviennent citoyens, puis ils reviennent, là, je veux dire. On n'a aucun... C'est comme...

Mme Robitaille : Donc, si le projet de loi reste comme ça, si l'article 9 du projet de loi reste là, bien, ce n'est pas gagnant pour la rétention des immigrants au Québec. C'est ce que je comprends.

M. Reichhold (Stephan) : Non. C'est un message, tu sais, qui n'est pas obligatoirement bien reçu par la...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 30 secondes.

M. Reichhold (Stephan) : ...majorité des immigrants. Oui.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est bon.

Mme Robitaille : Bien, je ne sais pas, juste pour terminer, bien, peut-être qu'on pourrait se laisser là-dessus, mais on fait... dans ce projet de loi là, qui est bien de... on veut arrimer l'emploi à l'immigration et puis, par l'emploi, on peut bien s'intégrer. On comprend. Mais est-ce qu'il faut faire attention à être trop myope? Est-ce que l'immigration, c'est plus que juste un immigrant, une job? J'aimerais qu'on pense peut-être une façon plus...

La Présidente (Mme Chassé) : Je vais simplement... Je suis désolée, je dois...

Une voix : Ce n'est surtout pas ça.

La Présidente (Mme Chassé) : Je suis désolée, je dois vous couper la parole. Toutes mes excuses. Je cède la parole à la députée de Marie-Victorin. Merci.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Je pense qu'effectivement tout le monde est d'accord que c'est plus que ça. Concernant, tu sais, la fameuse question, là, des 18 000 dossiers annulés... D'abord, bien, merci pour votre présentation. Mais, si on va directement à cette question-là, vous avez parlé de l'urgence de traiter des dossiers, au moins de ceux qui sont déjà au Québec, de ce que je comprends. Donc, vous êtes d'accord pour prioriser ces dossiers-là avant de poser un autre geste?

M. Reichhold (Stephan) : Bien, je dirais que oui. Je pense que, les organismes, je veux dire, le sondage, je pense que c'est quatre... je ne l'ai plus en tête, là, c'est SurveyMonkey, là, on était rendus à... 92 % disaient que c'était totalement inacceptable. Je veux dire, ça, c'est la majorité des organismes qui s'occupent des nouveaux arrivants qui ont dit ça, là, tu sais? Donc, ce n'est pas des opinions, enfin...

Mme Fournier : Tout à fait. Puis c'est ce qu'on entend beaucoup dans le discours public aussi. Je pense qu'il y a un consensus qui se dégage au Québec à cet effet-là.

Maintenant, sur la question de la discrimination, qui est un enjeu qui est, en fait, absent du projet de loi n° 9, là j'en comprends que c'est un premier geste, mais on espère qu'il va y avoir des mesures concrètes qui soient établies, là, rapidement, dans les prochains mois, parce qu'on sait que c'est une grande barrière à l'emploi pour les nouveaux arrivants, que ce soit beaucoup au niveau, par exemple, des réfugiés. Puis je me demandais quelles étaient, selon vous, les mesures concrètes prioritaires qu'on pourrait mettre de l'avant pour justement diminuer la discrimination dont peuvent être victimes les nouveaux arrivants sur le marché du travail. Est-ce que ça passe par l'interdiction de l'exigence de la première expérience québécoise? Est-ce que ça passe par les C.V. anonymes, par un régime d'amendes, d'inspection plus sévère, des quotas dans la fonction publique? Bref, pour vous, quelles seraient, disons, les politiques que vous mettriez de l'avant en priorité?

Une voix : C'est toute une question.

M. Hairaud (Yann) : Oui, c'est toute une question. Sans vouloir éviter la réponse, j'ai l'impression que... en tout cas, j'aurais tendance à dire qu'il faut surtout éviter de ne rien faire. Parce qu'au cours des 15 dernières années, là, il y a eu plusieurs occasions d'essayer, effectivement, d'aborder le sujet. Bon, on sait qu'il y a eu l'étape de la commission Taylor-Bouchard, il y a eu, à un moment donné, la question de la charte des valeurs. Là, on revient avec la loi sur la laïcité. À un moment donné, on voulait créer une commission par rapport à toutes les questions de racisme et de discrimination, ça n'a pas... Alors, je comprends que c'est normal, c'est un processus sociétal, là, c'est une réalité qu'il faut s'approprier.

Le Québec n'est pas plus raciste que d'autres sociétés à travers le monde, mais il faut quand même considérer que le racisme existe encore. Je lisais, en m'en venant, là, une nouvelle de Radio-Canada, un joueur de couleur noire, à Saint-Jérôme, sa famille s'est fait apostropher hier, il a quitté la game parce que... Voilà. Je veux dire, il y a quand même des signes, là, qui montrent qu'il y a, je veux dire...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

M. Hairaud (Yann) : ...il y a une tension importante. Et je pense que, quand on parle de leadership, il faut vraiment que le gouvernement, à un moment donné, quelle que soit la couleur, vraiment, prenne le dossier à pleins bras et puis l'adresse, et puis, voilà, je pense que...

Mme Fournier : ...vous vous attendez à des mesures concrètes rapidement de la part du gouvernement.

M. Hairaud (Yann) : Oui, absolument.

Mme Lachance (Dominique) : Si je peux me permettre, il faut d'abord reconnaître qu'il y en a, premièrement, puis de l'afficher publiquement, que... Il faut cesser de balayer en dessous du tapis, puis, une fois que c'est reconnu, bien, d'avoir un leadership. Des exemples de discrimination et de racisme, on en voit...

La Présidente (Mme Chassé) : Désolée, encore une fois, pour vous. Maintenant, je cède — on va y arriver — la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Bonjour. J'aimerais bien vous entendre plus sur ce sujet-là. Mais je voudrais tout d'abord vous féliciter pour la profondeur et l'ampleur de votre mémoire. Ça nous sort un peu du dogme uniquement économique, là, qui plane sur cette commission-là, des témoignages qu'on a reçus, là, d'où il en ressort que, des fois, le MIDI, c'est une grosse agence d'emploi, hein, face à l'international.

Justement, là, sur ce sujet-là, puisqu'on ne sort pas de la pensée unique du tout à l'économique, là, on a beaucoup parlé de la question des permis de travail validés, comme quoi c'était une voie royale pour l'intégration, l'intégration sociale, économique, culturelle, etc., là. Qu'en est-il des permis de travail validés? Qu'est-ce que vous avez à dire? Ça fonctionne? Ça ne fonctionne pas?

M. Hairaud (Yann) : Je pense que vous faites référence aux offres d'emploi validées, hein...

M. Fontecilla : Oui, c'est ça.

M. Hairaud (Yann) : ...pour l'obtention de la résidence permanente. Bien, écoutez, difficile à dire. C'est sûr que c'est une mesure qui existe depuis un certain temps déjà, hein, qui a été introduite il y a plusieurs années de cela dans la grille de sélection. Et donc ça permet d'obtenir plus de points et donc d'obtenir plus facilement... ou, en tout cas, d'avoir plus de chances d'obtenir son CSQ. Je pense que la question de l'arrimage entre une personne immigrante et un emploi, dans le contexte actuel des processus d'immigration, ça ne fonctionne tout simplement pas. En tout cas, nous, c'est l'analyse qu'on fait. Parce que le temps administratif pour la procédure d'immigration n'a rien à voir avec le temps entreprise d'un point de vue des besoins de main-d'oeuvre.

Alors, j'ai l'impression qu'effectivement des candidats — pour répondre plus directement à votre question — avaient la possibilité de pouvoir déposer une offre d'emploi réelle, validée, mais, entre le moment où ils la déposaient et le moment où ils arrivaient, s'il se passait plusieurs années, j'imagine que... Je ne sais pas si l'entreprise était toujours là pour les attendre, etc. Je dis ça à mon humble niveau, je ne sais pas s'il y a des analyses qui ont été faites par rapport à ça pour vérifier si effectivement, sur un certain nombre d'offres d'emploi validées, on a bien en bout de ligne le candidat qui est arrivé et qui a intégré un emploi. Donc, il y aurait peut-être une analyse à faire à ce niveau-là.

M. Fontecilla : Selon vous, imposer des conditions géographiques, ou linguistiques, ou de valeurs, là, est-ce que c'est une bonne chose à faire en termes de politique migratoire?

M. Hairaud (Yann) : Bien, comme on l'a dit tout à l'heure, nous, on a plus une vision où on veut que la personne, finalement, procède par elle-même au niveau de son intégration, en fonction de ses besoins, de sa réalité. Et en général, les immigrants, ce qu'ils souhaitent, c'est s'intégrer, hein, ils viennent pour s'établir...

La Présidente (Mme Chassé) : Vous en êtes à votre dernière minute.

• (20 h 30) •

M. Hairaud (Yann) : ...pour faire leur vie. Alors, à partir de là, leur imposer des choses sans qu'ils le ressentent ou le veuillent nécessairement, on n'est pas convaincus que ça soit une bonne approche.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je vous remercie pour votre contribution à la commission.

J'invite ceux qui sont autour de la table, à tous les membres de la commission, de demeurer assis par souci d'efficacité pour ce soir, pour qu'on puisse faire une transition efficace.

Je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 31)

(Reprise à 20 h 33)

La Présidente (Mme Chassé) : Puisque nous recommençons à 8 h 33, est-ce que vous acceptez... est-ce qu'il y a consentement à ce qu'on prolonge jusqu'à 9 h 33? Merci.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Barreau du Québec. Je vous ferai signe à une minute de la fin... Alors, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puis nous procéderons à la période d'échange. Et je vous ferai signe à une minute de la fin. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Barreau du Québec

Mme Hawi (Réa) : Bonsoir. Réa Hawi. Je suis avocate au Secrétariat de l'ordre et Affaires juridiques au Barreau du Québec. Je suis accompagnée de mon collègue, Me Hugues Langlais, qui est président du comité consultatif en droit de l'immigration et de la citoyenneté au Barreau du Québec. Alors, nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui pour présenter la position du Barreau du Québec sur le projet de loi n° 9 et nous vous remercions de nous donner l'opportunité de le faire.

La mission principale du Barreau du Québec est la protection du public. Cette mission amène le Barreau à assumer un rôle social de premier plan dans la promotion de la primauté du droit. Le Barreau surveille donc l'évolution législative et intervient dans les cas où sont en jeu les droits des justiciables ou l'administration de la justice. Donc, c'est dans ce contexte que le Barreau du Québec donne son point de vue sur les questions liées à l'immigration et aux droits de la personne.

Le projet de loi n° 9 vise à mettre en place les assises juridiques nécessaires pour améliorer la francisation, l'intégration et l'adéquation entre les besoins de main-d'oeuvre du Québec et le profil des candidats. Pour ce faire, il propose notamment des mesures concernant le soutien aux personnes immigrantes dans leurs démarches d'immigration, de francisation et d'intégration, et il intègre les valeurs exprimées par la Charte des droits et libertés de la personne.

A priori, le Barreau du Québec accueille favorablement les mesures qui permettront de développer des outils pour mieux accompagner et mieux intégrer les immigrants. Cependant, il faut attendre de voir les modalités d'application de ces mesures, qui sont inconnues pour l'instant. Cela étant dit, le Barreau du Québec a soulevé trois points, dans le projet de loi, sur lesquels nous nous attarderons : d'abord, la compétence en matière d'immigration, ensuite, la liberté d'établissement, et enfin la fin des demandes déposées avant le 2 août 2018.

D'abord, l'article 9 du projet de loi propose d'ajouter un nouvel article 21.1 à la Loi sur l'immigration au Québec pour accorder au gouvernement le pouvoir habilitant de déterminer par règlement des conditions qui affectent la résidence permanente. Ces dispositions soulèvent une question de compétence, puisque c'est le gouvernement fédéral qui est responsable de l'admission des immigrants au Canada et qui leur accorde le statut de résident permanent. Ce statut leur donne leur droit de s'établir de façon permanente sur le territoire canadien.

L'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 donne au Parlement fédéral le pouvoir exclusif de légiférer relativement à ce qu'on appelle la naturalisation et les aubains, ce qui vise les ressortissants étrangers et le processus de naturalisation. L'article 95, quant à lui, fait de l'immigration une compétence partagée ou concurrente, ce qui veut dire que les deux ordres de gouvernement peuvent légiférer dans ce domaine. Par contre, puisque le pouvoir appartient au fédéral, une loi provinciale doit être compatible avec la loi fédérale.

Par exemple, si la loi fédérale donne à un résident permanent le droit de s'établir sur tout le territoire canadien, une loi provinciale qui s'applique à un résident permanent doit être compatible et ne pas brimer ce droit. Dans les faits, la mise en oeuvre de cette juridiction concurrente est faite avec une entente, l'accord Canada-Québec, qui régit les relations en matière d'immigration et établit le partage des responsabilités entre les gouvernements du Québec et du Canada. Cet accord couvre la planification des niveaux d'immigration, la sélection des immigrants, l'accueil, la francisation et l'intégration. Mais c'est le gouvernement fédéral qui accorde aux immigrants le droit de s'établir de façon permanente sur le territoire canadien ou, autrement dit, le droit d'établissement. Et, bien que le Québec possède, en vertu de l'accord, des pouvoirs significatifs quant à la sélection de certaines catégories d'immigrants, ce pouvoir demeure sujet à la volonté du gouvernement fédéral puisqu'il a prépondérance.

Puisque les conditions dont il est question dans le projet de loi seront prévues dans un règlement et que le projet de loi ne prévoit qu'une disposition habilitante, avec une indication générale seulement des objectifs, il est difficile d'en évaluer la portée et les effets réels. Cependant, l'article 21.1 proposé emploie le terme «imposer», ce qui implique une force contraignante. Cela suppose que le non-respect des conditions entraînera une conséquence. Or, dans l'état actuel du droit, le Québec ne pourrait pas retirer aux personnes visées leur statut de résident permanent ni créer un nouveau statut en attendant que certaines conditions soient remplies.

Maintenant, la liberté d'établissement. L'article 9 du projet de loi soulève, comme nous l'avons expliqué, une question d'excès de compétence. Il soulève aussi des préoccupations quant à la violation de la liberté d'établissement, prévue à l'article 6.2 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit aux résidents permanents le droit de se déplacer dans tout le pays, d'établir leur résidence dans toute province et de gagner leur vie dans toute province.

L'article 10 du projet de loi soulève les mêmes préoccupations puisqu'il propose d'accorder au gouvernement le pouvoir habilitant de déterminer les conditions que doit respecter un employeur qui souhaite embaucher un résident permanent.

Dans notre mémoire, nous dressons un aperçu des arrêts de la Cour suprême qui ont appliqué l'article 6 pour démontrer comment la cour analyse la liberté d'établissement et le droit de gagner sa vie dans toute province. En somme, pour la Cour suprême, la liberté de gagner sa vie est une question d'accomplissement de soi et de survie, et ce droit doit être interprété de façon libérale pour réaliser son objectif, qui est d'accorder à tous les Canadiens et résidents permanents les droits qui découlent du fait d'appartenir à un seul et même pays uni ou d'y résider en permanence.

• (20 h 40) •

Ainsi, ce droit ne peut pas être supprimé par une province. De la même façon, une province ne peut pas y porter atteinte de manière à le rendre sans effet ou illusoire. La personne qui bénéficie de ce droit doit pouvoir l'exercer. Lorsqu'il y a des limitations, celles-ci doivent être justifiées par l'article 1 de la charte. Le fait que la Cour suprême considère ce droit comme étant un droit fondamental prend toute son importance puisqu'une restriction à ce droit sera ainsi interprétée de manière restrictive. Le résident permanent est libre de choisir son lieu de résidence et l'endroit où il souhaite gagner sa vie. On veut ainsi assurer la mobilité. Les lois provinciales, donc, ne peuvent pas faire obstacle à ces droits fondamentaux.

Troisièmement, en ce qui concerne la fin des demandes. L'article 20 du projet de loi propose de mettre fin aux demandes présentées dans le cadre du Programme régulier des travailleurs qualifiés avant le 2 août 2018. L'article 20 proposé vise les dossiers soumis, donc, en vertu de l'ancien système basé sur l'ordre de réception des demandes, et qui a pris fin lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'immigration, le 2 août 2018.

L'article 20 vise aussi les dossiers pour lesquels le ministre n'a pas pris de décision de sélection, de refus ou de rejet. Lorsqu'on dit, à l'article 20, qu'il s'agit de dossiers pour lesquels le ministre n'a pas pris de décision de sélection, de refus ou de rejet, cela ne signifie pas qu'ils n'ont pas été autrement traités. Le traitement de certains dossiers peut être à un niveau avancé ou avoir requis des candidats des démarches supplémentaires pouvant être complexes et coûteuses. Il ne faut pas oublier que les dossiers remontent à plusieurs années. Le projet de loi ne fait pas de nuance, et les dossiers soumis la veille du 2 août 2018 se trouvent exactement sur le même pied d'égalité que ceux qui ont été soumis plusieurs années avant cette date et qui ont pu avoir franchi certaines étapes.

Ensuite, la possibilité qui sera offerte aux candidats de déposer un nouveau dossier ne pourra corriger tous les torts que cette situation crée. Par exemple, des demandeurs pourraient perdre des droits qui étaient cristallisés en date du dépôt de leurs demandes. Pensons aux familles avec des enfants. Les droits acquis des enfants à charge pourraient ne plus l'être si ces enfants sont maintenant majeurs, même s'ils sont admissibles en vertu du nouveau système.

Ainsi, nous sommes d'avis que l'ajout de modulations serait approprié pour l'application de l'article 20 du projet de loi. Des mesures d'atténuation, donc, ou de transition permettraient de rétablir un certain équilibre entre les demandes et permettraient de tenir compte du fait que le nouveau système de gestion des demandes basé sur la déclaration d'intérêt ne fonctionne pas complètement à ce jour. Il est possible de déposer une déclaration d'intérêt grâce au portail Arrima, mais aucune sélection n'a été faite encore par le ministère, et nous n'avons aucune indication quant au moment où cela débutera.

En ce qui concerne le remboursement des montants payés pour l'examen des demandes, prévu à l'alinéa deux de l'article 20, nous constatons que rien n'est prévu pour les intérêts accumulés sur ces sommes qui ont été déposées depuis plusieurs années, dans certains cas. De plus, il ne faut pas oublier que les demandeurs ont déboursé bien davantage que le seul montant pour l'examen de la demande. En effet, rien n'est prévu non plus pour les autres coûts associés à ces demandes, par exemple les frais de traduction et de certification de documents, les coûts des examens linguistiques et les frais d'avocat. Par ailleurs, ces frais peuvent être encore plus élevés pour les demandeurs dont les dossiers ont évolué depuis leur dépôt et à qui on a demandé de fournir des documents supplémentaires. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période des échanges. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Me Hawi, Me Langlais, merci pour votre présence en commission parlementaire puis pour la livraison du mémoire. Juste pour mon information, le processus menant à la rédaction du mémoire du Barreau, comment ça fonctionne? Ça passe à travers le comité d'immigration?

Mme Hawi (Réa) : Oui, bien sûr, nous avons deux comités consultatifs qui ont été affectés pour les travaux d'analyse du projet de loi n° 9, le Comité consultatif en droit de l'immigration et de la citoyenneté et le comité sur les droits de la personne et de la diversité. Donc, nous avons travaillé sur la rédaction du mémoire avec ces comités-là composés de membres du Barreau. Et le mémoire, ensuite, est approuvé par le conseil d'administration du Barreau.

M. Jolin-Barrette : Qui est composé d'environ 12 à 15 membres?

Mme Hawi (Réa) : Oui, administrateurs, oui.

M. Jolin-Barrette : C'est ça. Et puis, sur les deux comités, vous avez dit Comité consultatif en droit de l'immigration et citoyenneté puis celui sur la diversité de la profession... et puis là il y a un nombre prédéfini de membres du Barreau qui siègent sur ces comités-là?

Mme Hawi (Réa) : Oui. On peut voir la liste des membres, par ailleurs, dans le mémoire, dans les remerciements.

M. Jolin-Barrette : Et puis c'est une implication volontaire, sur ces comités-là, de la part des membres du Barreau, qui signifient leur intérêt à siéger sur les comités?

Mme Hawi (Réa) : Oui, et qui sont nommés par un comité des nominations.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Dans votre mémoire, là, vous faites référence notamment à l'article 9, à 21.1. Bon, vous faites l'explication à l'effet qu'en vertu de la loi constitutionnelle 91(25), ensuite 95... 95, c'est compétences partagées. 91(25), la naturalisation, c'est le fédéral, pour la citoyenneté, et tout ça. Vous nous dites : Il y aurait peut-être des problématiques associées au partage des compétences si jamais on adoptait le projet de loi, bien, en fait, l'article 21.1 qu'on a introduit. Est-ce que vous avez consulté les anciennes versions de la Loi sur l'immigration avant 2016?

Mme Hawi (Réa) : Oui, bien sûr.

M. Jolin-Barrette : Et est-ce que vous considérez que c'était pas mal le même article qui était présent dans l'ancienne loi sur l'immigration québécoise?

Mme Hawi (Réa) : C'est un article similaire, oui, qui était présent, effectivement.

M. Jolin-Barrette : C'est pratiquement le même libellé?

Mme Hawi (Réa) : Oui, sauf qu'à l'époque on avait une disposition concordante au fédéral qui permettait cela. Cette disposition-là a été abolie également.

M. Jolin-Barrette : La disposition concordante dans la loi a été abolie ou la réglementation fédérale a été abolie?

Mme Hawi (Réa) : Dans la réglementation.

M. Jolin-Barrette : C'est ça. Donc, le pouvoir habilitant dans la loi fédérale est toujours présent aujourd'hui?

Mme Hawi (Réa) : Pas à ma connaissance, non.

M. Jolin-Barrette : Bien, moi, les juristes du ministère de la Justice m'indiquent que, dans la loi fédérale, actuellement, c'est toujours prévu qu'il y a un pouvoir habilitant pour que les provinces puissent mettre en place cette disposition-là, et ce qui manque, c'est un règlement miroir de la part du gouvernement fédéral. Donc, au niveau de la réglementation fédérale, actuellement, il y a une absence parce que, lorsque ça a été abrogé en 2016, par le biais du projet de loi n° 77, le fédéral a abrogé sa disposition miroir aussi. Mais par contre la loi fédérale prévoit toujours que les provinces pourraient grever, mais il faut adopter un règlement du côté fédéral. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation-là?

Mme Hawi (Réa) : Selon notre analyse, selon l'état actuel du droit, la législation fédérale ne permettrait pas aux provinces d'attacher des conditions contraignantes à la résidence permanente. Ça, c'est selon notre analyse de l'état actuel du droit. Cela ne signifie pas que cela ne peut pas se faire. Cela pourrait se faire si le fédéral le permettait, en autant que la loi provinciale soit compatible.

M. Jolin-Barrette : Donc, vous nous dites que le fédéral devrait modifier sa législation et non pas sa réglementation?

Mme Hawi (Réa) : Il faudrait commencer par la législation, effectivement.

M. Jolin-Barrette : O.K. C'est la position du Barreau du Québec à l'effet que la législation fédérale doit être modifiée pour faire en sorte de pouvoir intégrer l'article 21.1?

Mme Hawi (Réa) : Oui. Cela peut se faire autrement également, comme avec une entente, comme dans le cas de l'entente de l'accord Canada-Québec, mais il faut que le fédéral y acquiesce.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, ce n'est pas uniquement la réglementation, c'est vraiment la loi fédérale?

Mme Hawi (Réa) : Oui, dans le cas de la résidence permanente, on s'entend, oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vais soumettre quand même une réserve là-dessus parce que, moi, ce que les juristes du ministère de la Justice du Québec... ce n'est pas ça qu'ils disent.

Mme Hawi (Réa) : On s'entend aussi qu'on ne connaît pas c'est quoi, les conditions. Donc, dépendamment des conditions qui vont être mises en place...

M. Jolin-Barrette : En fait, moi, je vous parle du pouvoir habilitant parce que ce qui est arrivé, entre autres, c'est que, dans le projet de loi n° 77, on a abrogé cet article-là, l'article 21.1, et la réglementation qui en découlait du point de vue québécois. Le fédéral, de son côté, a abrogé aussi sa réglementation, mais il n'a pas abrogé le pouvoir habilitant qu'il avait dans la loi fédérale, parce qu'à ce jour encore le fédéral, il peut imposer des conditions sur la résidence permanente lui-même. C'est le cas. Le fédéral, là, il peut grever la résidence permanente de certaines conditions. Exemple, si vous commettez un crime puis vous avez uniquement la résidence permanente au Canada, il peut vous retirer la résidence permanente. Ça existe, ça, au Canada. Il y a plein de cas, là, qui existent, là. Quelqu'un qui commet un crime, qui est reconnu coupable d'un crime se fait enlever la résidence permanente et doit... interdire son statut de séjour au Canada. Ça existe.

Mme Hawi (Réa) : Effectivement. C'est le fédéral qui va prendre cette décision-là puis qui va révoquer le statut, effectivement.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais ce que je comprends, c'est que le fédéral pourrait... Là, on ne s'entend pas à savoir si c'est dans la loi fédérale ou non, mais, si c'est, d'aventure, dans la loi fédérale, ça veut dire que le fédéral pourrait adopter un règlement qui ferait en sorte d'arrimer notre disposition législative québécoise avec la législation fédérale.

Mme Hawi (Réa) : Mais encore il faudrait que le fédéral le fasse.

M. Jolin-Barrette : Oui, mais c'est possible.

Mme Hawi (Réa) : Oui, il est possible si le fédéral le fait, effectivement.

M. Jolin-Barrette : O.K. Et, jusqu'en 2016, cette situation-là existait, cette situation juridique là existait?

• (20 h 50) •

Mme Hawi (Réa) : Cette situation juridique là existait, effectivement, dans une certaine catégorie. Je crois qu'on parlait de la catégorie des entrepreneurs, si je ne me trompe pas. Et là mon collègue pourrait vous expliquer parce que ça s'appliquait pour une catégorie spécifique d'immigrants. Mais cette option-là existait à l'époque. Elle n'existe plus aujourd'hui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Juste pour l'information de la commission, là, à l'article 9.1 de la loi fédérale : «Lorsqu'une province a, sous le régime d'un accord, la responsabilité exclusive de sélection de l'étranger qui cherche à s'y établir comme résident permanent, les règles suivantes s'appliquent à celui-ci sauf stipulation contraire de l'accord : a) le statut de résident permanent est octroyé à l'étranger qui répond aux critères de sélection de la province et n'est pas interdit de territoire; b) le statut de résident permanent ne peut être octroyé à l'étranger qui ne répond pas aux critères», tout ça.

Donc, dans la loi fédérale, actuellement, c'est déjà prévu qu'il y a une disposition habilitante qui fait en sorte que les provinces peuvent adopter de telles réglementations. Il suffit que le fédéral adopte une réglementation qui va être miroir avec celle du gouvernement provincial. Donc, ça, c'est l'état du droit actuellement au niveau de la législation fédérale. Et, en 2016, ce qui est arrivé, c'est que le fédéral a abrogé sa réglementation parce que le gouvernement du Québec a abrogé ses dispositions dans le cadre du projet de loi n° 77. Ça fait que ça, c'est l'état de la législation actuellement.

Alors, l'article 21.1 qu'on introduit reprend ce qui existait auparavant, depuis 1993. Et le fédéral avait autorisé le gouvernement du Québec à adopter une telle réglementation, à adopter une telle disposition législative aussi dans sa loi parce que, justement, suite à l'accord Canada-Québec, le gouvernement fédéral considérait qu'il était normal, suite à l'échec de l'accord du lac Meech, que le Québec ait le prolongement des pouvoirs en matière de sélection. Puis moi, je peux vous assurer que, comme ministre du gouvernement du Québec, je vais toujours défendre les prérogatives de la nation québécoise puis je vais toujours faire en sorte de m'assurer que le Québec ait l'entièreté ou le maximum de pouvoirs en matière d'immigration.

Puis, lorsqu'on nous dit qu'il y a une problématique constitutionnelle, bien, écoutez, à l'intérieur de la fédération canadienne, on le sait, qu'on est capables de travailler ensemble avec le gouvernement fédéral, et qu'on est capables de trouver des voies de passage, et que, le système juridique et les lois qu'on adopte, autant au Parlement du Québec puis d'Ottawa, on est capables, dans des champs de compétence qui sont partagés, de trouver des arrangements. Moi, je suis vraiment dans cette logique-là, et surtout lorsqu'il y a des précédents qui ont été faits.

Et, dans ce cas-ci, durant 25 ans, il y a une loi québécoise et il y a une réglementation québécoise qui était en vigueur, et le Barreau du Québec ne s'est pas prononcé contre, à ma connaissance. Ça a été abrogé par le gouvernement libéral en 2016. Le gouvernement fédéral a lui aussi abrogé sa disposition. Mais ça ne veut pas dire que ça a été abrogé... que ce n'est pas possible de la réintroduire. Alors, je nous invite tous, comme société, puis aussi tous les législateurs québécois qui sont autour de la table, à réfléchir aux pouvoirs que l'Assemblée nationale puis que la nation québécoise doit avoir sur son immigration pour s'assurer que la société québécoise s'épanouisse. Alors, j'invite le Barreau aussi à réfléchir lorsqu'il affirme une telle chose, alors que l'état du droit, actuellement, ce n'est pas ça au niveau fédéral.

Pour ce qui est de la liberté d'établissement, aussi, vous nous indiquez, avec l'article 10, qu'on ne doit pas imposer de conditions grevant la résidence permanente. L'article 10, ce n'est pas ça qu'il dit. L'article 10 prévoit qu'on peut imposer des conditions à l'employeur. C'est très clair qu'au niveau de la résidence permanente on ne peut pas imposer des conditions à quelqu'un qui a une résidence permanente puis qui est sur le territoire québécois ou sur le territoire canadien. On est très conscients de ça. Mais l'article 10, ce qu'il dit, c'est qu'on va... on pourrait imposer des conditions à l'employeur.

Alors, je comprends que vous citez dans votre mémoire l'ensemble des enseignements de la Cour suprême. J'en suis. Et je suis conscient qu'on n'imposera pas de conditions aux travailleurs, aux résidents permanents. Cela étant dit, pour l'employeur, on pourrait avoir certaines conditions imposées. Et je l'ai dit précédemment, lorsque la Fédération des chambres de commerce sont venue, l'idée, c'est de travailler en collaboration avec eux, notamment au niveau de la francisation. Donc, je comprends que, le Barreau, sa préoccupation, c'est vraiment sur la personne. On ne peut pas l'obliger à rester dans une région ou l'empêcher de circuler sur le territoire canadien. C'est ça?

Mme Hawi (Réa) : Oui, c'est bien ça. Est-ce que je peux revenir rapidement sur un point?

M. Jolin-Barrette : Oui, oui, allez-y.

Mme Hawi (Réa) : Alors, nous, le Barreau, quand on a étudié le projet de loi n° 9... Nous, notre rôle, c'est de présenter le cadre juridique dans lequel s'inscrivent les dispositions du projet de loi n° 9. Alors, en ce moment, le fédéral ne permet pas l'imposition de conditions contraignantes pour la résidence permanente. Cela étant dit, l'article 10, lorsqu'on vient dire qu'on va pouvoir imposer des conditions à un employeur... Lorsqu'on impose des conditions à un employeur qui veut embaucher un résident permanent, on affecte le résident permanent. Donc, c'est de ce point de vue là qu'on va le regarder. On affecte le droit de gagner sa vie du résident permanent puisque, dépendamment... encore une fois, parce qu'on ne les connaît pas, les conditions qui vont être mises en place, mais, dépendamment de ces conditions-là, ce résident permanent là pourrait être désavantagé par rapport à un résident permanent d'une autre province, par exemple, du fait de son seul statut. Alors, c'est là que le droit de gagner sa vie va être affecté.

M. Jolin-Barrette : Bien, moi, quand je lis l'article 10 qui vient modifier l'article 29, là : «Le gouvernement peut, par règlement, déterminer les conditions que doit respecter un employeur qui souhaite embaucher un résident permanent», ça voudrait dire : Bien, écoutez, peut-être qu'on souhaite lui offrir des cours de français. On souhaite qu'il y ait à la disposition de la personne immigrante qui devient résident permanent des locaux. Ça ne dit pas que ça va empêcher son droit de travailler. Ça ne veut pas dire que cette personne-là va être empêchée dans sa mobilité. Ce n'est pas ça que ça dit, là. Il y a plein de lois puis il y a plein de règlements qui donnent le pouvoir au gouvernement du Québec d'adopter de la réglementation sur des emplois. Vous savez, là, toute notre société est régie par les lois puis les règlements.

Alors, écoutez, je prends acte de ce que vous me dites, de ce qui est écrit dans le mémoire du Barreau. Par contre, moi, quand je lis l'article, ce n'est vraiment pas ça que je vois, puis ce n'est pas l'intention non plus qu'on a derrière ça, au niveau de l'article.

Pour ce qui est de l'article 60... l'article 14, pardon, qui modifie l'article 60 : «Le ministre élabore des programmes d'accueil, de francisation et d'intégration des personnes immigrantes. Ces programmes visent notamment l'apprentissage du français [et] des valeurs démocratiques [...] québécoises exprimées par la Charte des droits et libertés de la personne ainsi que l'établissement de relations interculturelles harmonieuses», donc là vous nous dites que ce n'est pas clair au niveau de la portée du droit. Vous nous invitez à modifier...

Mme Hawi (Réa) : Oui. Bien, c'est-à-dire que c'est l'expression... On se questionne sur l'expression qui est utilisée ici, que nous, on n'a pas vue ailleurs, en fait, dans d'autres lois, et on se demandait ce qu'on voulait dire par... ce que le législateur voulait dire par «l'établissement des relations interculturelles harmonieuses», tout simplement. Pour nous, ça ne semblait pas clair, et on se demandait, bien, qu'est-ce que ça veut dire. On pensait que ça devrait être clarifié. Et surtout est-ce que ça va avoir des conséquences? Parce qu'on ne connaît pas les programmes qui vont être reliés à ça. Donc, qu'est-ce que c'est, des relations interculturelles harmonieuses? Et est-ce qu'il y aura des conséquences, par exemple, si on détermine que, dans certains cas, elles ne le sont pas, harmonieuses, dépendamment de ce qu'on veut dire par «harmonieuses»?

M. Jolin-Barrette : Ce libellé-là, c'était dans le projet de loi n° 77. Ce n'est pas moi qui l'ai ajouté. Donc, c'est l'état de la législation actuelle. Donc, «l'établissement de relations interculturelles harmonieuses», ce n'est pas mon libellé à moi, c'est le libellé du Parti libéral, qui a été adopté en 2016. Donc, ce n'est pas un nouvel article relativement à son contenu, relativement aux relations interculturelles harmonieuses. Juste le porter à votre attention parce que ce ne sont pas mes mots. Ce ne sont pas les mots du législateur 2019, la CAQ, là, ce sont les mots du Parti libéral en 2016, quand ils ont adopté le projet de loi n° 77.

Mme Hawi (Réa) : Mais il demeure que l'expression, elle est quand même employée dans le projet de loi n° 9. Alors, on peut quand même se poser la question aujourd'hui à ce qu'on entend par cette expression-là.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, moi, ce que je vous dis, c'est qu'on a repris l'article qui était dans le projet de loi n° 77, puis on a ajouté un bout. Mais, pour ce qui est du contenu relativement aux relations interculturelles harmonieuses, ça vient du Parti libéral et c'est la reprise du libellé.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Oui, mais parce qu'à d'autres endroits dans la Loi sur l'immigration il est présent.

Bon, pour ce qui est du parcours, vous nous invitez à avoir un terme plus précis, à l'article 4 du projet de loi, le paragraphe 6°.

Mme Hawi (Réa) : On se demandait, encore une fois, qu'est-ce qui est visé par le terme «parcours» et quel genre d'information est-ce qu'on vise à recueillir des personnes immigrantes. Et, bien entendu, bien, cet article-là a soulevé des questions quant à la protection de la vie privée des personnes immigrantes. Encore une fois, quel genre d'information qui est visé ici et comment... Est-ce qu'elle sera partagée ou conservée?

• (21 heures) •

M. Jolin-Barrette : Sur la question de la traçabilité, là, dans le projet de loi, là, on indique... pour faire suite au rapport de la Vérificatrice générale, on dit : On souhaite assurer une traçabilité pour s'assurer du parcours. Ça fait que, là, je comprends que le terme «parcours», ça ne fonctionne pas. Est-ce que vous trouvez ça légitime qu'on utilise une façon de s'assurer du suivi, supposons, au niveau... là, j'utilise le terme «parcours», là, mais supposons qu'on le change, là, au niveau de l'accompagnement des personnes immigrantes? Est-ce que vous voyez une problématique à ce qu'on s'assure d'avoir des informations qui visent à s'assurer que, supposons, les cours de français sont donnés, les cours d'intégration, puis qu'on puisse accompagner les personnes immigrantes?

M. Langlais (Hugues) : Sur cette question-là, il n'y a pas nécessairement de problématique à accompagner, tout dépend si on a envie de mettre une sanction à cet accompagnement ou à défaut d'accompagnement, ou au manque d'accompagnement, ou au défaut par la personne visée de satisfaire aux exigences qui pourraient être posées dans le cadre d'un accompagnement. C'est plutôt là qu'est le problème.

M. Jolin-Barrette : O.K. Parfait. Je vous remercie. Je pense que mes collègues ont des questions.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, absolument. Merci, M. le ministre. J'invite le député de Beauce-Sud à prendre la parole.

M. Poulin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci au Barreau également d'être avec nous en cette fin de soirée.

Deux, trois petits éléments, peut-être sur une note un peu plus légère. Bien, je veux saluer l'intervention du ministre, qui a rappelé à juste titre l'importance de revendiquer les droits que le Québec a acquis en matière d'immigration au cours des dernières années, des droits qui, faut-il le rappeler, ont été faits sous un gouvernement d'une autre formation politique que le nôtre. Alors, c'est important de les rappeler et de les réitérer, surtout lorsqu'on fait une étude aussi importante d'un projet de loi.

Je veux également revenir sur les propos qui ont été tenus tout à l'heure, de la députée de Bourassa-Sauvé, pour qui j'ai une très, très grande estime et qui a réitéré qu'un immigrant, une job, ce n'est pas seulement ça qu'il faut analyser dans le cadre de ce projet de loi là, et elle a entièrement raison. Alors, c'est sûr qu'on parle beaucoup d'économie dans les différents groupes que nous recevons, on parle beaucoup d'emploi, mais l'immigration, c'est beaucoup plus que ça, c'est une richesse culturelle qui est importante également pour le Québec. Alors, je tiens à réitérer, comme membre de ce gouvernement, que c'est important de toujours conserver ça en tête lorsqu'on parle de l'immigration. Alors, la députée de Bourassa-Sauvé l'a bien rappelé, ainsi que le député de Laurier-Dorion tout à l'heure. Alors, je tiens à vous dire que je pense que tous les parlementaires qui sont autour de cette table considèrent l'immigration comme une richesse.

Maintenant, puisque vous êtes sur un volet un peu plus juridique, dans les constats du Vérificateur général, il constatait la connaissance insuffisante des besoins et du parcours d'intégration des personnes immigrantes. Le projet de loi que notre collègue ministre dépose prévoit un pouvoir pour recueillir des informations auprès des personnes immigrantes. Alors, bien entendu, l'objectif, c'est de s'assurer de la confidentialité des renseignements personnels. Et, à cet effet, comme spécialistes du droit, comment voyez-vous les retombées que ce pouvoir peut nous donner pour améliorer nos services d'intégration, et quels moyens, lorsqu'on recueille ces informations personnelles là, qui sont assez importantes pour favoriser l'intégration... de quelle façon on peut assurer une confidentialité? Comment, juridiquement, vous voyez cette collection de données là?

La Présidente (Mme Chassé) : Me Langlais.

M. Langlais (Hugues) : Oui. C'est certain que la protection des données personnelles est un élément important. Si on s'en tient à des éléments statistiques uniquement et qu'on collige des informations en vue d'améliorer l'ensemble des processus, je n'ai pas de véritable difficulté avec cela. Je pense que c'est dans le respect de nos principes démocratiques et de, oui, colliger les informations dans le but d'améliorer l'ensemble de nos processus. Jusque-là, je n'ai pas de difficulté particulière.

M. Poulin : Au niveau, bien entendu, de cette collection de données personnelles, bien entendu, c'est le ministère de l'Immigration qui les fait à travers ces étapes. Est-ce qu'il y a des outils que... Parce que toute la protection des renseignements personnels demeure un enjeu pour l'ensemble des ministères, pour l'ensemble des gouvernements. Est-ce que vous avez des mises en garde, des outils, des façons, des méthodes de faire pour s'assurer que ces données-là soient non seulement strictement confidentielles, mais qu'elles soient portées à bon port?

M. Langlais (Hugues) : Je n'ai pas de suggestion à faire à ce moment-ci à cette honorable commission autrement que pour suggérer qu'un jour on s'attarde à la révision de la loi sur l'accès à l'information, qui est un dangereux problème.

M. Poulin : Voulez-vous élaborer davantage sur le sujet?

M. Langlais (Hugues) : Bien, c'est une loi qui a été qualifiée et qui est encore qualifiée d'une loi d'inaccès à l'information, qui ne permet pas véritablement d'obtenir les renseignements qui sont demandés parce qu'il y a beaucoup de dossiers ou des éléments qui sont caviardés. Il y a beaucoup de difficultés dans l'accès à l'information proprement dit. C'est une difficulté monstrueuse que d'avoir accès à l'information détenue par l'ensemble du gouvernement. C'est une loi qui date d'une époque où on n'avait pas encore trop, trop l'usage de l'informatique. Alors, il y a encore énormément de difficultés, mais ça, c'est un autre sujet sur lequel on pourra, un jour, vous faire des représentations beaucoup plus complètes.

M. Poulin : Je vous remercie.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Mégantic. Il vous reste deux minutes.

M. Jacques : Merci, Mme la Présidente. Bonjour... bonsoir. Je voudrais entendre votre position sur le système de la déclaration d'intérêt. Est-ce qu'il y a, selon vous, un outil susceptible d'améliorer l'adéquation entre les compétences des personnes immigrantes et les besoins du marché du travail? Est-ce que c'est un outil qui peut faciliter ça?

M. Langlais (Hugues) : Le principe de la déclaration d'intérêt est un principe louable qui fonctionne, qui fonctionne très bien du côté canadien, dans le reste du Canada. Il n'y a pas de souci à y avoir là-dessus. Ce qu'il faut s'assurer, c'est de faire en sorte qu'il y ait une transition entre les dossiers qui sont en suspens et la nouvelle déclaration d'intérêt. On vous a mentionné, dans le cadre de notre rapport et de la présentation de Me Hawi, qu'il y avait des problématiques quant à ce qu'on appelle la date déterminante prévue quant aux demandes qui sont faites ou qui ont été faites. C'est cette date déterminante qui avait pour avantage, en vertu de l'article 25.1 du règlement, de protéger les droits des gens qui ont déposé une demande, donc de cristalliser leurs droits. Du fait de l'annulation des demandes, ces droits sont perdus. Ce qui serait souhaitable...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

M. Langlais (Hugues) : ...c'est que la déclaration d'intérêt soit un continuum d'une demande déjà déposée, qu'elle ait valeur de continuum dans la demande de certificat de sélection. Actuellement, le résultat concret, c'est que c'est un hiatus, c'est une coupure nette. Alors, ceux qui avaient des droits les perdent, ceux qui avaient des enfants autour de l'âge de la majorité, en raison des temps de traitement, et ainsi de suite, vont perdre ces avantages, qui étaient sanctionnés et prévus par la loi fédérale. Donc, ils perdent ces droits. Est-ce qu'il y a un moyen d'envisager une transition harmonieuse entre les anciens dossiers, sans égard à ce qui sera fait nécessairement, mais une transition vers la déclaration d'intérêt de façon à ce que déclaration d'intérêt vaille protection des droits qui ont déjà été souscrits par la majorité de ces gens-là?

M. Jacques : ...

M. Langlais (Hugues) : Pardon?

M. Jacques : Elle devrait être déployée quand?

M. Langlais (Hugues) : Au moment où la demande de déclaration d'intérêt sera faite.

La Présidente (Mme Chassé) : Je dois céder la parole maintenant, merci. Je cède la parole maintenant à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Je vous remercie, Mme la Présidente. Écoutez, je tiens à remercier le Barreau d'être présent. Je pense que l'opportunité qui nous est donnée, c'est d'entendre ce que vous avez à dire. Lorsque vous venez en commission parlementaire, l'objectif ici, c'est d'écouter ce que les gens viennent nous transmettre. Ça fait partie de notre processus démocratique. Et j'apprécie le fait que vous vous soyez déplacés à peu de temps d'avis pour venir ce soir avec nous, à 8 h 30. Ça représente quelque chose d'important pour nous. Merci infiniment.

On a écouté tout à l'heure les commentaires du ministre sur le Barreau du Québec. Vous savez, le Barreau du Québec a émis plusieurs réserves dans son document, l'association des avocats en immigration a émis plusieurs réserves sur le document, le jugement qui a été rendu public hier, à l'article 18, écrit clairement : «Le ministère a tort.» Alors, évidemment, on va se réserver le droit aussi de regarder le travail qui est fait avec un certain oeil critique par rapport à ce qui est fait.

J'aimerais donc revenir, moi, sur la question de la résidence permanente et j'aimerais que vous élaboriez davantage sur les enjeux que cela représente si elle devait être conditionnelle. Je sais que le ministre vient de mentionner que ce n'est pas vraiment la résidence permanente qu'on va rendre conditionnelle, mais c'est les employeurs qui pourraient avoir un problème avec ça. Vous avez mentionné que, si c'étaient les employeurs, ça revenait au même. J'aimerais vous entendre davantage sur cet élément-là.

M. Langlais (Hugues) : Sur cet élément-là, j'aimerais ajouter une réponse que n'a pas donnée ma collègue Me Hawi. Quand on regarde l'article 29, ou l'article 10, j'aimerais qu'on fasse un petit exercice ensemble, tout simple, de remplacer l'article 10(29), donc «respecter un employeur qui souhaite embaucher un résident permanent», je vous propose de remplacer ça par «citoyen canadien». Voyons ce que ça donne comme résultat : un processus discriminatoire parce que, là, on favorise des citoyens canadiens au détriment de résidents permanents ou d'autres personnes. Ici, un citoyen canadien pourrait, suivant l'énoncé qui en a été fait par le ministre, donc, dire : J'aimerais avoir des cours de français. Ah! je regrette, tu n'es pas un résident permanent, tu n'y auras pas droit. Pourtant, je suis un citoyen canadien récent. Je n'ai pas encore une très grande connaissance de la langue française, suffisante pour obtenir la citoyenneté, mais je n'en ai pas une suffisante, et j'aimerais me prévaloir du privilège prévu par mon employeur. Discrimination. Sur la base de quoi? Du statut au Canada. Premier problème.

• (21 h 10) •

Mme Anglade : Vous pensez donc que ça ne tiendrait pas la route d'un point de vue...

M. Langlais (Hugues) : Bien, disons que ça donne ouverture à des contestations. Donc, si on aime les contestations, il y a une matière à contestation dans cet énoncé-là, déjà.

Mme Anglade : ...déjà rendus là...

M. Langlais (Hugues) : Voilà. Alors qu'on est dans une société où on devrait tenter d'harmoniser le plus possible l'ensemble des règles, ici on vient de faire une discrimination sur la base du statut au Canada. Alors, ça, c'est une première.

Ensuite de ça, il y a tout le problème de la résidence conditionnelle. Est-ce que comme société, est-ce que comme territoire je suis attractif dans le monde entier lorsque je mets une condition ou je mets des conditions? La réponse, c'est tout simplement non. Il faut quand même comprendre qu'on est en 2019, le Québec fait partie d'un ensemble de gens qui sollicitent... de territoires, pardon, qui sollicitent les gens pour immigrer. Alors, moins il y a de conditions, plus ce sera favorable à l'immigration.

Certes, on a des obligations qui tiennent à la langue française, à des valeurs de ce type-là, qui sont assez fondamentales, je n'en disconviens absolument pas, ne me méprenez pas. Cependant, dès qu'on rajoute des conditions, on éloigne. On éloigne des gens qui pourraient potentiellement venir. Dès qu'on traite avec lenteur des dossiers, on éloigne des gens. Dès qu'on s'éloigne entre le moment où la personne manifeste le désir de quitter son pays et le jour où elle y arrive, plus on s'en éloigne, plus on va se priver de gens compétents. Quand on est à attendre jusqu'à cinq, sept, huit, 10 ans une décision de Québec et qu'on aura encore par la suite une décision du fédéral à attendre, on se désintéresse, on va voir ailleurs. Alors, dès qu'on rajoute des conditions, quelles qu'elles soient, à la résidence permanente, on se prive de gens compétents.

Mme Anglade : Cela dit, je pense que l'objectif, en partie, pas en totalité mais certainement en partie, c'est quand même d'améliorer le processus d'immigration et de faire en sorte que ce soit ultimement plus rapide, malgré le fait qu'on constate qu'il y a des mesures et des dispositions, dans le projet de loi, qui font en sorte qu'on fait exactement l'inverse de ce qu'on aimerait voir, au bout du compte, comme résultats.

Nous sommes déjà en contestation judiciaire avec les 18 000 dossiers, il y a eu un jugement qui a été rendu. Vous avez parlé de la possibilité qu'il y en ait d'autres. À partir du moment où on met des règles ou des discriminations, ça fait en sorte qu'il y a plus de contestations qui pourraient arriver. Si l'article qui permet de ne pas traiter les 18 000 dossiers reste tel quel, est-ce qu'on s'expose particulièrement à d'autres poursuites, selon vous?

M. Langlais (Hugues) : Je ne sais pas si on s'expose à d'autres poursuites, mais c'est certain que la poursuite qui est déjà là, en cours, va aller jusqu'à terme, et, à terme, on verra, mais, si... l'énoncé du paragraphe 18 du jugement le dit très clairement, et il est repris au fond, bien, on vivra avec les conséquences ou le gouvernement vivra avec les conséquences. Oui, il y a encore des possibilités de poursuites.

L'idée de ne pas dédommager les gens est un problème. Ces gens-là ont... Il faut faire le calcul un jour, il faut faire le calcul de chacune de ces personnes-là, c'est non seulement les frais d'immigration, mais, comme on l'a mentionné, c'est les frais de traduction, les frais de certification, les frais des tests linguistiques. Je suppose que vous le savez tous, mais les tests linguistiques ne sont valables que pour deux ans. Ça coûte combien, des tests linguistiques? Ça coûte 450 $ pour la batterie de tests nécessaires pour faire une demande d'immigration au Québec. Il faudra refaire ces tests-là. Qui va les payer? L'individu qui est à l'autre bout du monde. Évidemment, ce n'est pas un contribuable, on n'a pas l'air de s'en soucier grandement, hein, dans un contexte... sauf qu'il y a des frais. On vient de payer ou l'argent est peut-être... ne pousse pas dans les arbres encore, un jour ça arrivera peut-être, j'y crois fermement, mais, pour l'instant, donc, on est dans des pays où l'argent est très difficile à gagner, et là on impose à ces gens-là des frais importants.

Il faut donc avoir cette conscience qu'il y aura vraisemblablement, et on ne peut pas l'éliminer, malgré les dispositions du projet de loi, des contestations qui sont possibles pour ces raisons-là.

Mme Anglade : Et l'impact, vous pensez, sur la capacité d'attraction du Québec par rapport à des talents? Les talents... Il y a des gens qui veulent venir au Québec, sans doute, il y a toujours des personnes intéressées à venir au Québec. Cela dit, dans bien des secteurs, on se bat pour les talents, les talents qui se démarquent à l'international ont l'embarras du choix sur les endroits où ils souhaitent aller. Que pensez-vous de l'impact que ça pourrait avoir sur notre capacité d'attraction à l'international?

M. Langlais (Hugues) : Ça reste toujours une problématique. Qu'on pense au fait français. Déjà, on a érigé par le français, mais parce que c'est notre société puis c'est notre choix, une barrière, pour des raisons linguistiques. Alors, la difficulté d'attraction des compétences... Prenons l'intelligence artificielle, pour ne prendre qu'un secteur parmi tant d'autres. Beaucoup sont dans des secteurs où la connaissance de l'anglais est assez fondamentale. Alors, si on dit : On veut attirer des gens ici, dans le contexte où on leur impose la connaissance de la langue française, c'est certain que ça constitue un frein. Certains vont passer outre à ce frein-là et vont l'apprendre, la langue. Mais d'autres, pour qui ce n'est pas acquis d'apprendre une langue, à ce moment-là, ils vont peut-être aller voir ailleurs, ils vont peut-être aller voir dans d'autres endroits du monde où on est en mesure de reconnaître leur talent et où on ne leur posera pas la question de la connaissance linguistique. Alors, oui, il y a toujours un risque de porter atteinte à la compétitivité du Québec sur le marché international.

Mme Anglade : Très bien. Je vous remercie. Je vais céder la parole à un de mes collègues. Ah! Oui, mon collègue de Nelligan.

La Présidente (Mme Chassé) : Le député de Nelligan. Je vous cède la parole.

M. Derraji : Oui, merci, Mme la Présidente. Premièrement, merci pour votre processus très rigoureux de passer votre mémoire par deux comités et aussi le valider par le conseil d'administration. Je vous félicite. C'est un excellent parcours qui respecte les bonnes règles de gouvernance.

Par rapport à ma question, si j'ai bien compris, à la lumière de votre rapport, c'est comme vous nous ramenez une mise en garde par rapport à une panoplie de mesures discriminatoires que ce projet de loi ramène sur la table. Est-ce que j'ai... C'est ce que j'ai bien compris?

Mme Hawi (Réa) : Oui, on soulève qu'il y a des mesures, dans ce projet de loi là, qui pourraient soulever des cas de discrimination, une atteinte au droit à l'égalité à l'article 15 de la charte, oui.

M. Derraji : Donc, je tiens juste à le rappeler, que le nom du ministère, c'est le ministère de l'Immigration, et de l'Inclusion, et de la Diversité. À la lumière de la lecture de ce projet de loi, est-ce que vous pensez que, toujours, on peut parler d'inclusion si on va de l'avant avec les projets d'articles qu'on a dans ce projet de loi?

Mme Hawi (Réa) : Bien, la difficulté... Je vais parler puis, après ça, je vais laisser la parole à mon collègue. La difficulté, bien entendu, comme je disais tantôt, c'est que ça dépend de ce que l'on va imposer comme conditions aux résidents permanents. Mais, dans la mesure où, et c'est comme ça qu'une cour va le regarder, on entrave un droit d'un résident permanent, que ça soit le droit d'habiter dans la région de son choix ou le droit de travailler, à travers des conditions qu'on va imposer pour un employeur qui souhaite l'embaucher, dans la mesure où on entrave ces droits-là, on le traite d'une façon qui est discriminatoire et qui porte atteinte à son droit à l'égalité, puisqu'il est traité différemment, selon son statut de résident permanent, par rapport aux autres personnes au Québec et par rapport aux autres résidents permanents dans les autres provinces. Je ne sais pas si mon collègue veut ajouter quelque chose. Voilà.

M. Langlais (Hugues) : C'est bon.

M. Derraji : Dernière question. Vous avez dit que, si on peut remplacer «un résident permanent» par «citoyen»... ou «citoyen canadien» par «résident permanent», et une fois où on le change, on voit vraiment l'ampleur de... vraiment un drapeau rouge qui se lève, de contraintes. Et, depuis le début des consultations, la plupart des groupes, surtout patronaux, ils ne veulent pas d'autres contraintes. C'est très difficile pour eux. Déjà, on leur dit de régler le problème de main-d'oeuvre, d'être productifs, mais là on rajoute de la réglementation pour garder les employés en région et pour occuper les postes. Pensez-vous qu'à la lumière des articles qu'on a que vraiment on va régler la problématique de la main-d'oeuvre, que vraiment le but d'avoir un... de l'immigration va régler vraiment cette problématique avec les mesures contraignantes qu'on a dans le projet de loi?

M. Langlais (Hugues) : Au risque de me répéter, toute contrainte a pour effet d'éliminer ou d'empêcher des gens de venir. Alors, plus il y aura des contraintes, plus on va empêcher les gens de venir. Alors, il faut assouplir le plus possible dans le cadre strictement requis de notre réglementation et de notre Assemblée nationale, ainsi que des critères linguistiques. Certes, qu'on le fasse, mais il ne faut pas en ajouter de trop grosses couches parce que plus on en ajoute, plus on va éloigner les gens. C'est très clair.

Il faut parcourir le monde pour savoir que les gens ont l'embarras du choix pour ce qui est de l'immigration, et le choix qui est fait de venir sur cette terre, il est fait en pleine connaissance de cause, parce qu'on veut y venir. On accepte de passer outre à des contraintes, mais, il vient, un moment donné, trop de contraintes fait qu'on va voir ailleurs. Clair, net et précis.

• (21 h 20) •

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. La députée de Bourassa-Sauvé. Je vous invite à prendre la parole. Il vous reste 3 min 15 s.

Mme Robitaille : O.K. Écoutez, j'essaie juste de comprendre... Donc, si je vous entends bien, il y a des risques sérieux que, si ce projet de loi est accepté avec ces mêmes libellés, on contrevienne à l'article 15 de la charte des droits, l'article 6(2) aussi, le paragraphe 6(2) de la charte, donc la liberté d'établissement, et puis, en plus, si le fédéral, bien, n'est pas du tout d'accord avec cette idée d'adjoindre des conditions à la résidence permanente, finalement on ne va nulle part. Donc, pour M. Tout-le-monde, si cette loi-là est adoptée, si ce projet de loi est adopté de cette façon-là, qu'est-ce qui arrive après, qu'est-ce qui arrive? Elle est contestée devant les tribunaux? Qu'est-ce qui se passe?

M. Langlais (Hugues) : S'il appartient au justiciable de contester les lois qu'il estime qu'elles sont discriminatoires, qui lui imposent des règles qui ne satisfont pas à l'ensemble des règles de droit, alors c'est certain que ça devient un terrain miné ouvert à toutes formes de contestation, c'est clair.

Mme Robitaille : Et, selon vous, il y a des risques sérieux dans ce projet de loi là?

M. Langlais (Hugues) : Absolument, ils ont été énoncés. Les mises en garde ont été énoncées par le Barreau dans le mémoire que nous avons présenté. Oui, il y a des risques.

Mme Robitaille : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : D'autres droits de parole à l'opposition officielle? Ça va? Il vous reste 1 min 30 s.

Mme Robitaille : Alors, il serait sage de modifier l'article 9, en tout cas ce 21.1, et mettre de côté ces conditions-là, et en faire juste un article où la résidence permanente, finalement, est bien la résidence permanente, sans poser de conditions.

M. Langlais (Hugues) : Ce serait souhaitable. À défaut, il faudra prévoir une augmentation du budget du ministère de la Justice pour répondre aux contestations judiciaires.

Mme Robitaille : Et, selon vous, est-ce que vous pensez que le fédéral pourrait vraiment collaborer?

M. Langlais (Hugues) : Évidemment, je ne suis pas dans les souliers du fédéral, mais je pense qu'ils ont exprimé une position assez claire et assez ferme le lendemain ou le jour même du dépôt du projet de loi. Alors, je m'en tiens à l'énoncé... je crois que c'est du ministre Garneau.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est bon? Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous deux pour la présentation.

En ce qui concerne la partie de votre mémoire où vous parlez des imprécisions qu'on peut retrouver dans le projet de loi n° 9, vous faites référence, là, au parcours personnalisé, à la connaissance du parcours de chaque immigrant. Puis je vous avoue que, moi aussi, quand j'ai lu le projet de loi, ça m'a un peu titillée. Je me demandais quels aspects allaient être réellement mesurés, là, dans cette définition du parcours. Alors, vous recommandez que ce soit précisé, qu'on puisse voir quels aspects seraient suivis au fil, donc, du fameux parcours, là, d'un immigrant qui arriverait au Québec. Mais lesquels, selon vous? Quels critères devraient être retenus pour le gouvernement?

Mme Hawi (Réa) : Juste pour préciser, pour ce qui concerne les imprécisions dans... lorsqu'on soulève des imprécisions, on ne critique pas les objectifs de l'article ni du projet de loi dans ce cas-ci. Vraiment, ce n'est qu'une imprécision qu'on soulève. Donc, on se demande qu'est-ce qu'on veut dire par «parcours». Est-ce qu'on vise le parcours personnel, professionnel? Est-ce qu'on veut connaître l'expérience de travail? On ne se prononce pas sur ce qui devrait être mesuré, mais plutôt ce qu'on vise à mesurer. Donc, juste pour clarifier les choses, comme tantôt pour l'autre expression, donc, on ne prend pas position sur ce qui devrait être mesuré, mais plutôt sur ce qu'on vise par le mot «parcours».

Mme Fournier : Dans le fond, vous vous positionnez sur le fait qu'il faudrait qu'on le sache.

Mme Hawi (Réa) : On se positionne sur le fait qu'il faudrait qu'on sache qu'est-ce qu'on va mesurer exactement. Et, en utilisant le terme «parcours», ce n'est pas clair. Donc, il faudrait préciser, dans cette disposition-là, ce qu'on cherche à mesurer exactement, et sans nécessairement dire qu'est-ce qui devrait être mesuré.

Mme Fournier : Je comprends, merci. Maintenant, en ce qui a trait à la question des 18 000 dossiers annulés, on a discuté de la possibilité, par exemple, que les dossiers qui avaient été, disons, recueillis sous Mon projet Québec, la plateforme Mon projet Québec puissent peut-être être transférés, là, dans le nouveau système Arrima, puis j'aurais aimé avoir votre avis sur la légalité de la chose. Si on demande aux gens leur consentement pour le transfert des données personnelles, est-ce que c'est quelque chose qui peut se faire, d'un point de vue légal?

M. Langlais (Hugues) : A priori, je ne vois pas de difficulté particulière de demander le consentement. Moi, ce qui me préoccupe, c'est qu'on conserve les droits acquis de ces gens-là. Ces enfants ont un droit acquis qui découle de l'article 25, paragraphe 1, de la loi fédérale. La date déterminante est fixée au jour du dépôt de la demande de certificat de sélection, fût-elle le 1er août 2018 ou le 1er août 2011. Les enfants sont protégés. Donnez-moi une protection, dans le cadre de la nouvelle version d'Arrima, qui n'est pas en soi une demande de certificat de sélection, mais tout simplement une déclaration, une manifestation d'intérêt. Donc, ça ne veut dire rien. Il faut assurer une continuité et, si effectivement il y a sélection... invitation plutôt, à ce moment-là, que les droits soient encore protégés.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 45 secondes.

M. Langlais (Hugues) : J'ai besoin d'une protection sur toute la ligne.

Mme Fournier : S'il y avait cette protection-là, ce serait, selon vous, un compromis peut-être acceptable.

M. Langlais (Hugues) : C'est sûrement une démarche qu'il est absolument valable d'envisager.

Mme Fournier : O.K., c'est bon. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède la parole maintenant au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Bonsoir. Ce qui m'a étonné dans ce projet de loi, c'est qu'il y a plusieurs aspects qui vont être réglés par règlement, et des questions assez vitales, dont la question des conditions qui affectent la résidence permanente. Considérez-vous que la loi devrait être plus précise et établir clairement les conditions?

M. Langlais (Hugues) : C'est toujours une préoccupation lorsque nous avons une loi qui dit : On renvoie à des règlements. Alors, on est forcés de regarder la loi en disant : Quelles pourraient être la nature, la couleur et la version des règlements qui nous seront présentés un de ces quatre matins?

On souhaite davantage de précisions dans la loi, mais c'est un modus operandi quand on fait des lois, semble-t-il — à tort, à mon avis — mais, quoi qu'il en soit, c'est un modus operandi de renvoyer le tout dans le cadre des règlements. C'est malheureux parce qu'on ne sait pas qu'est-ce qu'on adopte au moment où on adopte la loi parce que tout est renvoyé au ministre, et sous forme de décret ou sous forme de règlement par la suite, sans qu'il y ait l'approbation de l'Assemblée.

M. Fontecilla : Et vous avez parlé tantôt des droits acquis. Il y a des gens qui ont déposé... j'en connais une, madame, là, qui a déposé à l'âge de 33 ans — ce qui lui donnait une certaine quantité de points — en 2014. On est cinq ans plus tard, et là, faites l'addition, elle a perdu des points. Est-ce que l'âge peut être un motif, un droit acquis?

M. Langlais (Hugues) : L'âge est un motif très important chez tous les premiers candidats à la demande de certificat de sélection. C'est également le cas pour les enfants qui accompagnent. Donc, c'est une donnée essentielle, fondamentale. Séparez les enfants des parents dans un contexte comme ça, vous allez perdre les parents et les enfants. Alors, c'est pour ça qu'il faut assurer une transition des droits acquis en ce qui a trait à ces personnes qui avaient déposé jadis, naguère, un jour, une demande de certificat de sélection et qui, selon l'issue de l'affaire, verront leur dossier traité ou non.

M. Fontecilla : Vous nous avez annoncé... le gouvernement a annoncé qu'il allait retourner les coûts des permis, 19 millions, de ce qu'on en sait, là. Vous nous annoncez qu'une possibilité de poursuite, ça pourrait coûter beaucoup plus cher.

M. Langlais (Hugues) : Les réclamations sont potentielles. Vous avez facilement 1 000 $, 2 000 $ par personne, là, qui sont en jeu, compte tenu de l'ensemble des frais, juste les frais, je ne parle même pas des honoraires, que ce soient nous, des notaires ou des consultants. Il y a des réclamations qui peuvent... Oui, absolument, il y a des réclamations qui sont possibles.

M. Fontecilla : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie de vous être montrés disponibles à si brève échéance. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

La commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, mercredi 27 février, après les affaires courantes. Merci à tous.

(Fin de la séance à 21 h 29)

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