(Douze heures quarante et une
minutes)
La Présidente (Mme Chassé) :
Bonjour. À l'ordre, s'il vous plaît! Les affaires courantes sont maintenant terminées, et je constate le quorum. Je déclare la
séance de la Commission des relations
avec les citoyens ouverte. Je vous
souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 9, Loi visant à accroître la
prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du
marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Poulin (Beauce-Sud) est remplacé par Mme Jeannotte
(Labelle); M. Birnbaum (D'Arcy-McGee)
est remplacé par M. Derraji (Nelligan); Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis) est remplacée par
Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne);
M. LeBel (Rimouski) est remplacé par Mme Fournier (Marie-Victorin);
et Mme Dorion (Taschereau) est remplacée par M. Fontecilla
(Laurier-Dorion).
Remarques préliminaires
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci. Alors, ce matin, ce midi, nous
débuterons par les remarques préliminaires. J'invite maintenant le
député de Chauveau à faire ses remarques préliminaires. M. le député, vous
disposez de six minutes.
M. Sylvain Lévesque
M. Lévesque
(Chauveau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. MM., Mmes les membres
de la commission, M. le sous-ministre
ainsi que les membres du personnel du ministère de l'Immigration, de la
Diversité et de l'Inclusion, mesdames
et messieurs, merci beaucoup. Je suis très heureux aujourd'hui, au nom du
ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, de
procéder aux remarques préliminaires du gouvernement.
Nous débutons
aujourd'hui l'étape des consultations particulières et auditions publiques du
processus démocratique visant l'adoption du projet de loi n° 9, Loi
visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre
adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des
personnes immigrantes. Nous avons hérité du
système d'immigration déficient, et le ministre de l'Immigration, de la
Diversité et de l'Inclusion a eu le mandat du premier ministre de
corriger la situation. Avec ce projet de loi, nous avons su démontrer l'audace
et l'ambition nécessaires pour enfin améliorer concrètement le système
d'immigration au Québec.
Le travail en
commission parlementaire permet de débattre du projet de loi entre députés de
toute allégeance et d'entendre la
voix des différents acteurs sociaux concernés par l'immigration. Le
gouvernement aborde cette consultation avec
une attitude d'ouverture. Nos discussions permettront d'approfondir les
différentes facettes du projet de loi. Je souhaite que les discussions soient les plus constructives
possible, au bénéfice des personnes immigrantes et de la société québécoise.
C'est dans cet esprit que j'ouvre les travaux de la commission et j'invite les
participants à enrichir le débat.
Lors de la
présentation du projet de loi n° 9, le ministre a souligné les trois
améliorations principales qu'il apporte au système d'immigration du Québec, soit de permettre de mieux
sélectionner les personnes qui répondent aux besoins du Québec et d'accélérer leur arrivée au Québec;
deuxièmement, de mieux franciser et intégrer les personnes immigrantes;
et, troisièmement, de renforcer l'action du Québec en matière de coordination
et de suivi de l'immigration.
J'aimerais
revenir sur certains de ces aspects. Pour commencer, j'espère que tout le monde ici s'entend sur le fait que
l'inventaire actuel engendre, depuis beaucoup trop longtemps déjà, des délais d'attente inacceptables, voire
inhumains. Ces délais sont le reflet
de l'échec du système d'immigration passé. Cet échec, c'est ce que l'on veut changer
avec le projet de loi n° 9.
Rappelons certains chiffres. Peu importe la
source utilisée, le taux de chômage des immigrants arrivés depuis cinq ans et moins est toujours
au minimum deux fois plus élevé que celui de la population native. Voici quelques
chiffres de l'Enquête
sur la population active 2018 par Statistique Canada : le taux de surqualification est plus important
chez les personnes immigrées que les personnes natives, près d'une personne
immigrée sur deux occupe un emploi surqualifié, on parle de 48,2 %,
alors qu'une personne native sur quatre se trouve dans cette situation,
27,5 %; la surqualification diminue
avec la durée de résidence, le taux de surqualification des personnes
immigrées très récentes, c'est-à-dire cinq ans et
moins au Québec, atteint 59 %, alors que celui des personnes
de longue date, plus de 10 ans au Québec, est de 39,8 %. C'est un triste
bilan.
Face à ces problématiques
sérieuses, il importe de passer, dans les plus brefs délais, à une gestion des demandes d'immigration basée sur la déclaration d'intérêt, qui nous permet d'inviter les personnes
qui répondent le mieux aux besoins du
Québec à faire une demande d'immigration. Il faut enfin miser sur une intégration réussie
aux personnes qui le
choisissent pour entamer une nouvelle vie. Nous avons, comme parlementaires, l'obligation d'être responsables et de renseigner convenablement les personnes
concernées. Bref, nous ne demandons pas aux candidats, qu'ils soient à l'étranger ou au Québec, de faire un trait sur
leur projet d'avenir, nous leur proposons de prendre une voie plus rapide
et plus efficace pour y parvenir.
Parmi les quelque 18 000 demandes en
inventaire, environ 3 700 ont été présentées par des candidats qui séjournaient temporairement au Québec à
ce moment. Certaines personnes ayant présenté ces demandes pourraient être
admissibles au Programme
de l'expérience québécoise, un programme où le ministère s'engage à rendre une décision dans un délai moyen de 20 jours ouvrables. Il
faut les inviter à déposer une demande dans le cadre de ce programme.
Les personnes qui ne respectent pas les conditions du Programme de
l'expérience québécoise sont aussi encouragées à déposer une déclaration d'intérêt dans Arrima. Le système de gestion des
demandes d'immigration basé sur la déclaration d'intérêt permet de traiter en priorité les personnes
qui répondent aux besoins du Québec et à les inviter à faire une demande d'immigration. Il y aura une réduction des délais de traitement, qui
passeront de 36 à six mois à compter de la réception d'une demande
complète.
Maintenant,
Mme la Présidente, en conclusion, j'aimerais inviter les membres de cette commission à participer activement avec nous à enrichir et à débattre de ce projet de loi n° 9 dans la plus cordiale discussion, et
souhaitons-nous de fructueux travaux. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
• (12 h 50) •
La
Présidente (Mme Chassé) :
Merci. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition
officielle et députée de Saint-Henri—Sainte-Anne
à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de
quatre minutes.
Mme Dominique Anglade
Mme Anglade : Je vous remercie, Mme
la Présidente, et je profite de l'occasion pour saluer l'ensemble des parlementaires qui sont ici et vous dire que j'approche... et ma formation politique,
nous approchons le travail qui s'en vient de manière constructive parce
que nous pensons qu'il est essentiel de voir de quelle manière on veut
poursuivre l'amélioration du système d'immigration au Québec.
D'entrée de jeu, je vous dirais que, pour le bien des travaux, il va falloir que l'on
utilise des chiffres qui soient exacts.
Il va falloir que l'on arrête aussi, quelque
part, de faire de la projection, dans
la mesure où 2017‑2018, ce que nous avons vu dans les taux de chômage pour la population immigrante, c'est
une amélioration qui est considérable, c'est une amélioration
qui n'a jamais été vue dans l'histoire du Québec. Alors, je pense que ça
vaudrait la peine qu'on se le remette en
tête et qu'on le remette en perspective. Est-ce qu'il y a place à amélioration?
Absolument, j'en suis, et je serai de celles qui vont continuer à dire
qu'il y a un travail que nous devons poursuivre.
Dans les propositions qui ont été faites dans le
projet de loi, il y a évidemment les 18 000 dossiers que l'on
appelle, de manière fort inhumaine, à mon avis, la question d'inventaire, parce
qu'il s'agit de personnes, il s'agit de 50 000 personnes.
Et ce que j'aimerais dire, c'est que, dans les dernières semaines, à aucun
moment, à aucun moment les gens qui nous ont parlé, qui sont venus nous
rencontrer, qui sont venus nous voir n'ont dit qu'ils sentaient qu'ils avaient
l'écoute de la part du gouvernement, à aucun moment. Alors, lorsque l'on dit
qu'on veut avoir une approche humaine, cette
approche humaine là ne se définit pas par celui qui le dit, mais par celui qui
le ressent. Et les personnes qui sont touchées par ça aujourd'hui ne se
sentent pas du tout interpelées par la décision qui est prise de la part du
gouvernement, et puis je pense qu'il faut le mentionner.
Donc, vous
allez retrouver, dans ma formation politique, encore une fois, une approche
constructive. On veut faire en sorte
qu'il y ait encore une meilleure intégration, qu'il y ait une meilleure
francisation dans les régions. On va être ouverts à ces discussions-là, absolument, mais il va
falloir qu'on utilise la science et les faits pour prendre des décisions
éclairées et ne pas se baser sur des idées qui sont préconçues.
Un mot
certainement sur la manière, également, de fonctionner. Il m'apparaît évident
que, dans le contexte dans lequel on se trouve, on veut avoir le plus
d'opinions possible, on veut pouvoir entendre le plus de groupes possible. Aujourd'hui, après les remarques préliminaires,
quand mes collègues de la seconde et de la troisième opposition auront terminé de parler, nous allons devoir suspendre.
Nous allons devoir suspendre parce que nous n'avons pas de groupes. Les
groupes qui devaient être présents se sont désistés. Pourquoi se sont-ils
désistés? Parce qu'ils n'ont pas eu suffisamment
de temps pour se préparer, parce qu'ils n'ont pas eu suffisamment de délai pour
venir. Et on ne parle pas de groupes
qui sont... ce n'est pas banal, encore une fois, ce sont des groupes qui sont
fondamentaux, on parle de la CSN et on parle du Barreau du Québec.
Alors, moi, j'encourage les collègues ici, autour de la table, à nous
assurer...
La Présidente (Mme Chassé) :
...
Mme Anglade :
... — merci,
Mme la Présidente — nous
assurer qu'on n'ait pas de déficit de démocratie, qu'on puisse entendre les groupes, qu'on puisse
comprendre ce qu'ils ont à nous dire pour que nous, comme parlementaires,
prenions des décisions qui soient à la fois pertinentes et constructives.
Finalement,
je vous dirais la chose suivante : L'immigration a un poids significatif
en matière économique, mais l'immigration, ce n'est pas que
l'économique. Et, lorsque nous allons avoir nos discussions, je pense qu'il
faut également que l'on garde ça en tête, c'est plus large que ça. Ce n'est pas
simplement ajuster une personne avec un emploi, c'est un processus qui est complexe. Et
j'espère que nous allons avoir la réflexion nécessaire ou la profondeur
nécessaire pour avoir ce type de discussion et le voir de manière plus large.
Alors, je vous remercie, Mme la Présidente, et
puis au plaisir d'échanger avec l'ensemble de mes collègues.
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci. Si ça vous convient, je vous
aviserai à 15 secondes en disant simplement «en terminant», par
délicatesse. Merci.
J'invite maintenant la porte-parole du deuxième
groupe d'opposition et députée de Marie-Victorin à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale d'une minute.
Mme Catherine
Fournier
Mme Fournier : Merci,
Mme la Présidente. Je salue à mon tour tous les collègues et les gens, donc,
qui participent à nos travaux aujourd'hui.
On est bien contents de pouvoir débuter les échanges sur le projet de loi
n° 9, le projet de loi n° 9 qui comporte des dispositions
intéressantes pour favoriser l'intégration des nouveaux arrivants.
Bien sûr, je
crois qu'il faut aller en ce sens-là. Par exemple, au niveau des services
gouvernementaux, il y a des bonnes
choses, mais encore faut-il qu'on puisse avoir les ressources pour fournir ces
services-là aux personnes qui arrivent au
Québec, et c'est en ce sens-là qu'on sera très attentifs aux ressources qui
seront allouées dans le budget prochainement, bien entendu.
Néanmoins, tout comme les autres oppositions, on
s'explique mal la décision de mettre à la poubelle les 18 000 dossiers. Alors, c'est bien certain que ça va faire
partie intégrante de nos travaux, on aura l'occasion d'en rediscuter.
Pour nous, c'est sorti de nulle part, mais néanmoins on est prêts à travailler
avec le gouvernement pour arriver à un compromis
au moins avec les gens... pour les gens qui parlent déjà français, qui occupent
déjà un emploi au Québec. Pour nous, ça nous apparaît comme étant la
moindre des choses. Alors, on aborde les travaux avec beaucoup d'ouverture.
La
Présidente (Mme Chassé) :
Merci. J'invite maintenant le porte-parole du troisième
groupe d'opposition et député
de Laurier-Dorion à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale
d'une minute.
M. Andrés Fontecilla
M. Fontecilla : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, les collègues. Effectivement, je suis très content de me prononcer sur un sujet très important
pour l'avenir du Québec. Et je déplore aussi que certains groupes ne
puissent pas être ici, ne puissent
pas être entendus. Et je déplore aussi que, semble-t-il, de ce que je perçois,
vous allez me confirmer, des disputes
partisanes aient retardé aussi longtemps la tenue d'une commission parlementaire
autour d'un sujet qui nous intéresse tous et toutes.
Et, oui, ma
formation politique, on est d'accord pour l'arrimage du profil d'immigration et
les besoins économiques du Québec, mais il n'y a pas que cela. Un immigrant
économique, oui, il est économique, mais c'est aussi une personne et ne
doit pas être considéré comme une pièce, comme un container qu'on déplace à
travers le territoire, donc il y a des considérations autres qu'on doit tenir
compte, là.
Et l'immigration, pour nous et pour plusieurs au
Québec, n'est pas un problème, mais surtout une grande opportunité, et le
processus migratoire doit reposer sur le respect des droits. Merci.
La Présidente (Mme Chassé) :
Merci. Merci à vous. Merci pour ces remarques préliminaires.
À la suite du
désistement des organismes à l'horaire de cet avant-midi, je vous informe que
les auditions débuteront donc à 15 heures, et je suspends donc les
travaux jusqu'à 15 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 56)
(Reprise à 15 heures)
La
Présidente (Mme Chassé) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission
des relations avec les citoyens
reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes, tel que je l'ai
dit ce matin, dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 9, la Loi visant à accroître la
prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins
du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes.
Auditions
Cet
après-midi, nous débuterons avec M. Pierre Fortin, nous poursuivrons avec
le Conseil du patronat du Québec puis la Commission des partenaires du
marché du travail.
Je souhaite
donc la bienvenue à M. Pierre Fortin. Je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé
puis que, par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous ferai signe à une minute de la fin, ça
vous va? Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.
M. Pierre Fortin
M. Fortin
(Pierre) : Alors, j'y vais?
Bon, très bien. Alors, mon objectif ici n'est pas de traiter directement des
aspects opérationnels du projet de loi
n° 9, mais de l'arrière-plan macroscopique ou macroéconomique qui
l'entoure, ce qui est quand même assez important, là, pour bien placer
la discussion plus précise par la suite.
La première
chose que je veux dire, c'est que l'immigration,
ce n'est pas une question passagère, c'est une question qui va nous
interpeler sans répit d'ici la fin du XXIe siècle.
La Présidente (Mme Chassé) : On
n'entend pas très bien. Allez, recommencez, M. Fortin.
M. Fortin
(Pierre) : Ça va? Je peux
dire quelque chose? Si j'avais eu le choix de recommencer, j'aurais
fait un océanographe plutôt qu'un mathématicien.
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Fortin (Pierre) :
Bon, donc l'immigration n'est pas une question passagère, elle va nous
interpeler jusqu'à la fin du
XXIe siècle au moins parce que, d'une part, on a 4 milliards d'habitants
des pays les moins riches qui sont de plus en plus conscients du niveau
élevé de revenus et de bien-être du milliard d'habitants des pays riches et ils sont naturellement attirés par eux. Bien sûr,
il y a des migrations entre les pays du Sud et entre les pays du Nord, mais du Sud au Nord, il va y en avoir constamment et d'autant plus que le coût du transport et des communications entre
les pays ne cesse de diminuer.
Troisième point, 14 % de la population du Québec
est d'origine immigrante. Est-ce que c'est beaucoup ou pas beaucoup? La réponse, c'est que nous sommes une région
d'immigration moyenne dans les pays riches. Ceux qui ont le moins d'immigrants,
c'est la Corée et le Japon; ceux qui ont le plus d'immigrants, c'est la Suisse,
et certaines provinces canadiennes, et l'Australie.
Quatrièmement,
dans les recherches comme dans les
sondages, l'attitude des Québécois face à l'immigration est très
semblable à celle des autres Canadiens. Il y a de la xénophobie partout, mais
on ne l'est pas plus que les autres provinces
canadiennes en moyenne, selon les derniers sondages Angus
Reid que j'ai lus et aussi selon les recherches que j'ai déjà faites pour comparer les Anglo et les
Franco-Montréalais à ce sujet-là. Ils ont, à caractéristique donnée, les mêmes
attitudes face aux immigrants.
L'impact de
l'immigration sur le vieillissement est microscopique. L'immigration n'a rien d'un élixir de jeunesse. Pourquoi? Parce que les immigrants arrivent, mais également
l'ensemble de leurs familles, leurs enfants et aussi leurs
parents, de sorte que, même si le niveau moyen d'âge, l'âge moyen, est un peu
plus faible que la moyenne, c'est microscopique
comme impact sur le vieillissement. Alors, il ne faut pas penser à l'immigration comme étant une solution au vieillissement.
Sixièmement,
l'immigration sélective peut soulager à point nommé les pénuries particulières
de main-d'oeuvre. Donc, j'insiste sur le mot «sélectif» parce qu'il faut
travailler beaucoup plus... maintenant, et ça a été le cas dans le p.l. n° 77 en 2016 et aujourd'hui le p.l.
n° 9, on veut travailler plus sur la composition que sur la taille, sur le
nombre total d'immigrants.
Évidemment, la pression pour soulager cette pénurie-là va demeurer encore
longtemps. Pourquoi? Parce que le
taux de chômage au Québec, qui est bas, va rester bas. On ne retournera pas aux
taux de chômage qu'on a connus entre
1975 et 1995. Vous n'étiez pas né à ce moment-là, mais, entre 1975 et 1995,
c'était très rare qu'on avait des taux de chômage, au Québec, en dessous de 10 %; maintenant, ça va être
5 % ou 6 %. Évidemment, on peut avoir des récessions, il peut augmenter temporairement, mais ça va
rester bas, et par conséquent il va continuellement y avoir des pénuries de
main-d'oeuvre, on en parle énormément au Québec. La principale raison, c'est
que c'est la première génération d'entreprises
qui fait face à ce problème-là. Il y a plus de pénuries de main-d'oeuvre en
Colombie-Britannique ou aux États-Unis,
mais on en parle beaucoup moins parce qu'eux autres sont habitués à ça. Et ça
veut dire que, chez nous, il faut travailler fort pour résoudre le
problème, pour se donner une base, pour attaquer la pénurie de main-d'oeuvre
qui soit permanente et non pas seulement comme un problème passager.
Les fortes hausses du quota général
d'immigration qui sont recommandées par la commission fédérale Barton, qui a demandé au gouvernement fédéral
d'augmenter le quota d'immigration canadien de 300 000 à 450 000 de
2015 à 2020, ou ce qui voudrait dire, chez
nous, une augmentation de 50 %, de 50 000 à 75 000, ça serait
sans effet sur le taux global des
postes vacants. Pourquoi? Parce que ces immigrants-là amènent plus de demande,
et par conséquent ce n'est pas
évident, a priori, que la demande supplémentaire de biens et services que ça va
produire va être plus faible... que ça va résoudre... que l'offre
supplémentaire de travailleurs que ça va amener. D'ailleurs, Mme Weil a
réussi à convaincre M. Couillard qu'il
ne fallait pas augmenter à 60 000 ou 70 000, mais rester à
50 000, 51 000, 52 000, 53 000. Et la même chose
pour M. McCallum, qui était ministre de l'Immigration à Ottawa à
l'époque... a dit : On s'excuse, M. Barton, mais c'est non, là, pour
l'augmentation de 50 %.
Huitièmement,
des fortes hausses comme celle-là du nombre d'immigrants, de quotas annuels
feraient simplement augmenter le taux
de chômage chez nous, et on ne veut pas que le taux de chômage, chez nous, des
nouveaux immigrants, augmente. Et une des raisons, ce n'est pas
seulement que ça coûte plus cher — on est quand même capables de payer ça, là — mais également que plus la pression pour une
augmentation importante du nombre d'immigrants est grande, plus il va y
avoir une résistance politique et sociale contre l'immigration. Et, si c'est
trop fort, bien, on va arriver avec un gouvernement
qui va vouloir réduire le nombre d'immigrants à 20 000 plutôt que le
porter à 70 000. Alors, comme disent les chanteurs italiens,
l'immigration, c'est «allegro ma non troppo».
L'immigration accroît donc
la taille de l'économie et enrichit les nouveaux arrivants, mais le solde de
ses avantages et de ses coûts sur la
population d'accueil est incertain. C'est-à-dire que la recherche économique
contemporaine n'est pas certaine à savoir si plus d'immigrants augmente
le niveau de vie de la population d'accueil elle-même. Certaines études disent
que oui, d'autres disent que non, et ça reste incertain. Moi, personnellement,
mon instinct est de dire oui, là, je suis
entouré d'immigrants : mes cinq enfants sont immigrants, mes trois ou
quatre beaux-enfants sont immigrants,
mes petits-enfants sont des immigrants de deuxième génération. Je veux dire,
dans la famille, chez nous, là, moi,
je suis la minorité visible, littéralement. Et donc c'est clair qu'au XXIe
siècle l'immigration a commencé à se justifier beaucoup plus par sa
dimension sociale, humanitaire et culturelle que par sa dimension économique.
• (15 h 10) •
Je finirais
en disant que, malheureusement, il existe beaucoup de discrimination encore à
l'embauche de la part des entreprises contre les immigrants. Il faudra en parler à
M. Yves-Thomas Dorval, qui vient tout
de suite après moi, vous lui
tirerez la pipe là-dessus, là. Il faut combattre, évidemment, vigoureusement
cette tendance-là qui est en contradiction avec la propension des associations d'entreprises
à réclamer plus d'immigrants.
Bon, il faut
plus d'immigrants à moyen terme, mais il faut également que ces immigrants-là
soient bien acceptés. Si, par
exemple, mon fils Thomas envoie un très beau C.V. à une entreprise pour un
poste, et puis que, je ne le sais pas, là, une des très bonnes hautes fonctionnaires de M. Jolin-Barrette,
Siham Zouali, qui est responsable des régions, envoie le même C.V. à la même compagnie, bien, mon fils
Thomas va recevoir un appel, mais elle, non. C'est ça, le problème qu'on
a à l'heure actuelle. Donc, il faut
combattre ça, puis pas en sacrant le diable aux entreprises, mais en essayant
gentiment de leur dire : Bien,
écoutez, vous ne pourriez pas faire un petit effort, là, dans cette
direction-là? Alors, voilà l'arrière-plan macro pour la discussion sur
l'immigration.
La
Présidente (Mme Chassé) : M. Fortin, je vous remercie pour votre exposé. Nous allons
maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre,
la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Bonjour,
M. Fortin. C'est un privilège de vous avoir en commission parlementaire. Les membres de la commission vous remercient d'être
venu témoigner ici, en commission.
Vous
permettrez que je salue les collègues qui participent à la commission parce que
je n'étais pas là tout à l'heure, donc M. le député de
Vanier, Mme la députée de Bellechasse, M. le député de Mégantic, Mme la députée
de Labelle, M. le député de Sainte-Rose, Mme
la députée des Plaines, ma collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne, porte-parole de l'opposition
officielle en matière d'immigration, M. le député de Nelligan, Mme la députée
de Marie-Victorin ainsi que M. le député de
Laurier-Dorion. Simplement pour vous informer, je suis accompagné de
M. Bernard Matte, qui est sous-ministre à l'Immigration, également.
Alors, on entreprend les travaux
en lien avec l'étude du projet de loi n° 9 par les consultations. Ce que
vous dites, M. Fortin, c'est
intéressant, vous nous dites : On n'a pas de garantie, relativement au
seuil d'immigration, que plus on
accepte un haut taux d'immigration... ça ne veut pas dire que ça va répondre à
la pénurie de main-d'oeuvre. C'est ce que je crois décoder de vos
propos.
M. Fortin
(Pierre) : C'est très clair que, si on pousse trop fort, on se trouve
à souffler les braises de l'intolérance, c'est-à-dire que
nos gens se sentent immergés d'immigrants, je veux dire, ils vont réagir
contre. Il s'agit d'avoir la sagesse de
déterminer quel est le niveau d'acceptation sociale, de capacité d'absorption
culturelle et sociale que notre monde est
capable d'accepter. Bon, c'est certainement quelque part entre 40 000 et 55 000, à mon avis, là, à
l'heure actuelle, mais c'est certain qu'augmenter ça tout d'un coup, en
deux, trois ans, de 50 %, on joue avec le feu.
M. Jolin-Barrette : Sur la question de l'intégration au niveau du
marché du travail, parce qu'une des réalités... vous dites : Bien, écoutez, présentement, il y a une pénurie de
main-d'oeuvre, mais ce que vous dites, c'est que ce n'est pas parce
qu'on accueille plus d'immigrants qu'on va répondre à la pénurie de
main-d'oeuvre?
M. Fortin
(Pierre) : Bien, je dis que
ce qui est important, c'est la composition de la main-d'oeuvre, c'est l'adéquation entre les besoins réels de nos
entreprises et puis les compétences qui sont offertes. Et ça, évidemment, la
nouvelle méthode qui a commencé à être
appliquée, il y a un an ou deux, de déclaration d'intérêt, qui a été
expérimentée ailleurs, je pense, en
Australie notamment, bon, c'est un pas dans la bonne direction. On va voir ce
que ça va donner, là. Tu sais, on expérimente avec ça, et possiblement
qu'il y aura des adaptations en cours de route.
Mais, globalement, si on augmente le nombre
d'immigrants, la conséquence sur la pénurie de main-d'oeuvre, globalement, sur le taux de postes vacants, va
être relativement... ne sera pas significative. Je veux dire, j'ai utilisé
toutes les données que j'ai pu avec les postes vacants de toutes les
provinces canadiennes dans les années... depuis 2015, là, qu'il y a ça, et j'ai mis ça en relation avec le
taux de chômage puis avec le taux de croissance de la population en âge de
travailler, mettons, en gros, là, 15 à 69 ans, et puis il n'y a aucun
effet significatif de l'augmentation de la population de 15-64 ans là-dessus une fois qu'on tient compte du chômage. C'est le
taux de chômage qui est la variable qui va vous indiquer la conséquence sur le taux de postes vacants. Ça ne veut pas
dire par là qu'il ne faut pas augmenter l'immigration. Il y a toujours
les aspects culturels, identitaires, sociaux qui sont importants. Et il y a
aussi le travail des entreprises pour dire quels sont leurs besoins
spécifiques, donc travailler sur la composition de la main-d'oeuvre.
Moi, j'étais
administrateur d'une compagnie, là, Camoplast, qui est rendue Camso, qui est
rendue Michelin, que je ne sais plus qu'est-ce que ça va être dans cinq ans, là, et on avait besoin d'usineurs de pièces,
on n'en a pas trouvé un au Québec. Et
puis on a envoyé notre directeur
général, Réal, de Richmond, il est allé à Poznań,
il nous en a ramené cinq, et puis
qui se sont installés dans le coin, puis, bon, leurs enfants vont à l'école française, puis ils sont des immigrants. Mais là, bien sûr, il s'agissait d'une adéquation très claire et très parfaite entre le besoin et la
compétence.
Mais
évidemment, là, aujourd'hui, ce n'est plus nécessairement toujours possible
pour les entreprises d'aller elles-mêmes
faire immigrer des gens de l'extérieur. Il y a un sondage de Jean-Marc Léger
qui va sortir bientôt, dans une rencontre
à Québec le 28, et qui montre que la grande majorité des dirigeants
d'entreprise à Québec sont d'avis que le processus actuel est très lourd
et très exigeant pour l'immigration. C'est là-dessus qu'il faut travailler. Je
veux dire, le gouvernement du Québec, c'est une grosse business de
100 milliards, là, et puis, bien, il faut découper ça en petits morceaux. C'est comme un éléphant : si tu veux
le manger, il faut prendre tout ça par petites tranches. Puis là cette
tranche-là, bien, il faut travailler fort pour améliorer le service aux
citoyens et aux entreprises.
M. Jolin-Barrette : Parce que ce qu'on souhaite faire en lien
avec le projet de loi n° 9 notamment, c'est de mieux
arrimer le profil des candidats avec les besoins en matière de main-d'oeuvre
qu'on a au Québec, donc d'utiliser le système
Arrima, que les gens déclarent leur intérêt, puis que les employeurs,
éventuellement, puissent repêcher directement les candidats, puis qu'il y ait un maillage entre les deux. Donc, ça,
vous êtes d'accord avec ça, qu'on change la façon dont on sélectionne
les immigrants puis qu'on utilise uniquement le nouveau système?
M. Fortin (Pierre) : Bien, il faut aussi
suivre les expériences qui ont lieu dans d'autres pays là-dessus. Puis, je veux dire, au Québec, on est bons
dans ça, c'est-à-dire de voir, de regarder ce qui se fait un peu partout puis
de l'importer, mais en l'adaptant à
nos propres institutions puis nos propres pratiques. Par exemple, prenez les
garderies à tarif réduit, je veux
dire, ce n'est pas le Québec qui a innové là-dedans, c'est les Pays-Bas, les
Scandinaves, etc. On l'a importé, mais on
l'a adapté à notre contexte, et puis là... Alors, moi, ça fait huit conférences
que je fais depuis un an et demi, là, à travers le Canada pour expliquer aux
gens qu'est-ce qu'on fait, puis tout le monde trouve ça extraordinaire. Bien,
c'est comme ça qu'il faudrait faire avancer les choses, je pense, dans
le domaine de l'immigration.
M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce que vous pensez pour, supposons, le marché du travail
d'avoir recours aux travailleurs temporaires? Présentement, avec le projet de
loi, on touche uniquement l'immigration permanente, mais il y a beaucoup d'entreprises au Québec qui
utilisent l'immigration temporaire, avec le permis fédéral temporaire ou avec
des permis de vacances travail, pour combler
des besoins de main-d'oeuvre. Qu'est-ce que vous pensez de ça, d'utiliser
le recours aux travailleurs temporaires pour, par la suite, les permanentiser
lorsqu'ils sont sur le territoire québécois?
• (15 h 20) •
M. Fortin (Pierre) : Moi, je suis flyé, là,
puis votre sous-ministre, Bernard, lui, il a les deux mains sur le volant puis il est terrain pas mal, là, tu
sais, je ne peux pas vous répondre, à dire, bon, bien, à quel rythme on
commence avec un permis temporaire
puis à quel rythme il faut l'acheminer à la permanence. Je ne suis pas capable
de dire ça parce que je n'ai pas
l'information qu'il faut, là, mais c'est certainement... c'est en continuité,
je pense, avec ce qui a été entrepris par le p.l. n° 77 il y a trois ans, où on mentionnait explicitement
qu'il fallait amener plus
d'étudiants étrangers à rester une fois qu'ils ont fini leurs études et
plus de travailleurs temporaires à devenir permanents parce qu'ils vont avoir
acquis l'expérience du Québec,
ils vont avoir les deux pieds bien installés dans des emplois profitables chez
nous. Mais, je veux dire, dans le détail, je ne peux pas aller beaucoup
plus loin, là.
M. Jolin-Barrette : Puis, tout
à l'heure, vous avez commencé votre intervention en disant que le Québec était dans la moyenne au niveau des seuils
en matière d'immigration. Donc, à 40 000 immigrants annuellement, on
se retrouve, parmi les pays, supposons, de l'OCDE ou les pays occidentaux, à
être dans la moyenne au niveau du seuil d'accueil par rapport à la population,
à 40 000?
M. Fortin
(Pierre) : Je ne comprends pas, je m'excuse.
M. Jolin-Barrette : Ce que je vous demandais... Dans le fond, tout à
l'heure, vous avez dit : Le Québec est dans la moyenne au niveau du
nombre d'immigrants qu'on accueille annuellement. Donc, on est dans la moyenne,
à 40 000 immigrants, on est dans la moyenne des pays...
M. Fortin
(Pierre) : Je ne faisais pas référence au 40 000, là, je
faisais référence au nombre d'immigrants accumulés
depuis l'assassinat de Jules César, mettons, ça donne à peu près 14 %.
Quand on regarde le recensement de 2016 du Canada, on a 14 % de la
population du Québec qui est d'origine immigrante. Ça peut être des gens qui
sont arrivés en 1945, là, tu sais, bon.
Mais, dans l'accueil plus récent, on est, je crois, aussi dans la moyenne, mais
je n'ai pas le chiffre devant moi.
Comme je suis mathématicien, quand je n'ai pas de chiffres, je ne peux pas vous
donner... Bon, vous pouvez le faire calculer rapidement par
Mme Lemay, là, au ministère.
M. Jolin-Barrette : Sur la question... Vous disiez tout à
l'heure : Moi, mon garçon, lorsqu'il se présente pour un emploi, il envoie un C.V., il s'appelle Thomas
Fortin, il a plus de chances d'être appelé pour une entrevue. Qu'est-ce que
vous pensez que la société québécoise doit faire pour s'assurer d'avoir une
intégration réussie, pour s'assurer qu'il n'y ait pas de quelconque discrimination basée sur le nom des personnes?
Vous pensez qu'on doit travailler là-dessus?
M. Fortin
(Pierre) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. De
quelle façon?
M. Fortin
(Pierre) : Je ne peux pas
répondre de façon précise à ça, là, ça sort de ce que je connais, puis ma mère
m'a dit de ne jamais parler de ce que je ne connaissais pas.
La Présidente
(Mme Chassé) : Désirez-vous que...
M. Fortin (Pierre) : Mais je peux dire, par exemple, il y a une chose
qui est assez frappante, il y a une cascade de difficultés qui se présentent. Par exemple, on a des retards dans
l'octroi de certificats de sélection. On a des retards dans l'administration de la justice. On envoie des
criminels présumés sur le trottoir parce qu'il est passé cinq ans depuis
qu'ils ont été inculpés. Il y a des pénuries de profs dans les écoles. On a des
infrastructures dont M. Arcand, l'ancien président du Conseil du trésor,
nous dit que l'état de nos routes est soit mauvais soit très mauvais, puis il y
a pour 15 milliards de déficit d'entretien.
Je
veux dire, il me semble que l'objectif du gouvernement doit être non pas de
toujours en rajouter, des nouvelles affaires,
mais essayer de mieux faire ce qu'on s'est engagés à faire. Je m'excuse, c'est
très conservateur, puis je viens d'une
famille conservatrice de Lévis, là, tu sais. Puis, je veux dire, je vous donne
l'impression d'être un peu plus libéral ou à gauche que la moyenne, mais mon instinct conservateur, dans ce
cas-là, est : Pourquoi ne pas se concentrer sur mieux faire les choses qu'on s'est engagés à faire
plutôt que de toujours essayer d'en rajouter? Bien, évidemment, bon, c'est
un souhait que je fais en l'air. Comme
dirait le curé s'il finissait son sermon, c'est la grâce que je vous souhaite à
tous.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, c'est ce qu'on souhaite faire avec
le projet de loi n° 9, mieux faire les choses, améliorer le système
d'immigration et surtout faire en sorte, maintenant, que ça réponde aux besoins
du marché du travail. Vous avez vu les
nombreuses critiques du projet de loi, notamment par ma collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne, relativement au fait qu'on souhaite rembourser les dossiers du Programme
régulier des travailleurs qualifiés et qu'on passe par le système
Arrima. Est-ce que vous avez une opinion relativement au choix du gouvernement
d'aller dans cette direction-là?
M. Fortin
(Pierre) : Non.
M. Jolin-Barrette :
O.K. Je reviens à cette question-là, au niveau de l'impact économique de l'immigration.
Il y a une pénurie de main-d'oeuvre dans plusieurs régions, actuellement. Certains disent que l'immigration est la solution, mais, pour
vous... tout à l'heure, vous disiez : Écoutez,
c'est marginal comme impact. Qu'est-ce
qu'on fait pour répondre à la
pénurie de main-d'oeuvre dans les différentes régions du Québec?
M. Fortin
(Pierre) : Ah oui, bien là, on garde nos vieux au travail.
Prenez moi, je suis vieux puis je continue à
travailler. Non, tous ceux qui le désirent, évidemment. Alors, il faut
travailler là-dessus. Ça va dans la bonne direction. Il y a 20 ans, la proportion des
55-64 ans qui étaient au travail au Québec était 13 points en arrière
de l'Ontario, puis là on est juste deux points en... on est en train de les
rattraper. Donc, gardez les gens qui le désirent, passé...
La pénurie de main-d'oeuvre,
deuxièmement, c'est que les entreprises, les dirigeants d'entreprise apprennent
à écouter leurs employés. Il y a
un sondage très intéressant d'IBM qui a été fait auprès de 700 des plus
grandes entreprises internationales,
ils leur ont demandé : Votre productivité, ça augmente comment? Bien, ils
ont été unanimes à dire que les deux
tiers de la productivité, ça vient de suggestions de leurs propres employés sur
le plancher de l'usine ou sur le plancher
du bureau. Donc, écoutez les employés sur la manière de réorganiser le
travail ou de changer la technologie de façon
à pouvoir avoir des manières de procéder qui économisent sur la main-d'oeuvre, justement, parce
que la main-d'oeuvre est rare.
Un autre aspect qui
est très important, c'est la formation continue des employés. Les employés
apprécient énormément quand on leur dit : Bien, écoute, ma grande, je vais te donner trois
heures de plus par semaine pour que tu puisses finir ton secondaire ou
bien que tu puisses faire une partie de ton cégep, parce que ça donne le signal
à l'employé qu'il est valorisé et ça tend à
le fidéliser. Évidemment, la pénurie de main-d'oeuvre, ça ne vient pas juste de
la difficulté de recruter, ça vient aussi du danger d'en perdre, des
employés qui quittent, O.K.? Alors, en fidélisant les employés, c'est important, avec la formation... Mais évidemment il
faudrait que le message à M. Girard soit clair que, si on veut que les cégeps puis les universités
fassent plus de formation continue, bien, il faut leur donner les ressources
pour, parce qu'ils ont déjà des
programmes entiers puis il leur manque déjà de main-d'oeuvre, d'enseignants
pour faire tout ça.
Quoi
encore? Bien là, il faut investir dans les nouvelles technologies, en profiter.
Un des problèmes qu'on a eus ces
dernières années, c'est que l'investissement, au Québec, de 2013 à 2016, a pris
une énorme débarque, on a pris une énorme
débarque. Et évidemment, comme la productivité, la capacité de faire plus
d'argent, de produire plus de valeur par
heure travaillée, ça vient... le vecteur, c'est l'investissement, la
conséquence, c'est que, pendant un certain temps, la productivité, elle aussi, a fait du surplace. Mais
là, maintenant, on espère que l'investissement va reprendre suffisamment
puis la productivité va suivre. Et, si la
productivité suit, les salaires vont suivre aussi. Les jobs payantes, ils vont
venir seulement si la productivité
augmente. Si les entreprises sont capables de faire plus d'argent par heure
travaillée, ils vont être capables
d'en distribuer plus. Et donc il y a ça aussi pour la pénurie de main-d'oeuvre.
Et, comme dirait ma mère, le dernier moyen, c'est la prière.
M. Jolin-Barrette : Je vous remercie, M. Fortin. Je sais que
j'ai des collègues qui veulent vous poser des questions. Donc, Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Chassé) : M.
le député de Chauveau.
M. Lévesque (Chauveau) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup, M. Fortin, pour votre
présence parmi nous aujourd'hui, c'est très intéressant.
Et j'aimerais mettre
un peu d'emphase sur un des éléments de votre présentation. Vous parlez du
français, de l'importance du français dans
le choix des immigrants. J'aimerais ça que vous expliquiez un peu votre
perception là-dessus. Est-ce que vous envisagez davantage une
immigration qui parle français dès le départ ou vous parlez davantage de l'importance d'investir dans la francisation des
personnes qui pourraient venir de pays... par exemple, d'Amérique latine
ou autres régions du monde? Quelle est votre perspective, votre vision
là-dessus?
La Présidente
(Mme Chassé) : ...si vous désirez qu'on précise les questions...
M. Fortin
(Pierre) : Oui, il faut avoir... pardon?
• (15 h 30) •
La
Présidente (Mme Chassé) : M. Fortin, si vous désirez qu'on
précise les questions ou qu'on les
reformule, faites signe, ça va nous faire plaisir.
M.
Fortin (Pierre) : Je comprends très bien votre question.
La Présidente (Mme
Chassé) : Parfait.
M.
Fortin (Pierre) : Il faut essayer tout ça, il faut faire un équilibre
avec tout ça. C'est bien évident qu'une immigrante
du Pérou, c'est plus facile pour elle d'apprendre le français. Bon, on peut
tenir compte de ça, on a même un système de points qui peut en tenir
compte. Mais la chose qui est importante, c'est que la francisation a une base
qui n'est pas seulement culturelle, identitaire, mais aussi économique.
J'ai deux confrères à
l'Université d'Ottawa, Serge Nadeau et Gilles Grenier, qui sont des poids
lourds de la recherche sur l'immigration au
Canada, qui ont comparé les salaires des immigrants récents à Montréal et à
Toronto, O.K., et ils ont évidemment
trouvé que parler français à Montréal, c'est un net avantage par rapport à
parler anglais, mais qu'à Toronto l'avantage de savoir l'anglais était beaucoup
plus puissant pour avoir des bons emplois puis des emplois payants que de connaître le français à Montréal,
de sorte que leur conclusion, c'est : renforcer la capacité de parler
français à Montréal, pas empêcher les gens de connaître l'anglais, là, au
contraire, je veux dire...
Ma
mère disait toujours : L'anglais, c'est important, mon Pierrot, la
science, le commerce, c'est en anglais, tout
ça, mais fais-toi-z-en pas, c'est facile, l'anglais; la preuve, c'est que les
Anglais le parlent, O.K., puis ma mère qui était très anglophile. Mais il faut aussi que nos gens apprennent
d'autres langues comme le mandarin, l'espagnol et, je ne sais pas, le néerlandais ou l'allemand, c'est bien
évident, mais il est important qu'ils comprennent qu'on ait plus de nos gens, des nouveaux arrivants qui s'expriment bien
en français, et ça va leur permettre d'avoir des salaires plus élevés, c'est ça qu'on cherche, là, des jobs plus
payantes, ces immigrants-là, que s'ils ne parlent que l'anglais. On le voit,
d'ailleurs, dans les données du
recensement, le bilinguisme à Montréal est beaucoup, beaucoup plus payant que
l'unilinguisme anglais. Donc, il y a un aspect économique et pas
seulement culturel et identitaire à savoir le français.
La Présidente (Mme
Chassé) : ...poursuivre, désolée. Le député de Sainte-Rose, allez-y.
M. Skeete :
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Chassé) : Ça me fait plaisir.
M.
Skeete : Merci beaucoup, M. Fortin, pour votre intervention. J'ai
quelques questions à vous demander. Vous avez fait allusion à la capacité d'intégration de la communauté
québécoise, et je me demandais si vous pouvez nous en dire un peu plus à ce niveau-là. Est-ce que vous
citez des exemples d'études? Est-ce que vous avez... D'où vient votre
crainte par rapport au nombre versus la capacité d'intégration?
M. Fortin (Pierre) : C'est très difficile à mesurer. J'ai fait une
recherche, il y a quelques années, avec mon confrère Denis Bolduc à l'Université Laval — j'étais prof à l'Université Laval à
l'époque, là, maintenant, je suis à l'UQAM, mais je suis encore bon quand même, même si je ne suis plus à Laval — mais alors on a trouvé que la principale
variable qui rendait les gens réticents à l'immigration ou qui
entraînait des attitudes négatives face à l'immigration, c'était la distance.
Par exemple, les gens qui étaient retraités ou les femmes qui restaient à la
maison sans travailler...
La Présidente (Mme
Chassé) : Il reste une minute.
M.
Fortin (Pierre) : ...étaient très nettement plus
anti-immigration que les gens qui étaient au travail, par exemple, ou même les chômeurs. On pense : Les
chômeurs sont contre les immigrants; non, mais ils connaissent des gens sur le marché du travail qui le sont. Alors, le
contact entre la population, les nouveaux arrivants et la population d'accueil,
c'est ça qui est fondamental, il faut multiplier ces contacts-là.
Le
même sondage de M. Léger, qui va sortir bientôt, montre exactement ça, il
montre exactement ça, c'est-à-dire qu'il
trouve que les deux tiers des dirigeants d'entreprise de la région de Québec
sont d'avis que les contacts entre leurs employés qui sont de souche puis les employés d'origine immigrante sont
magnifiques, c'est parfait, et puis ils sont bien accueillis, etc.,
alors que, dans la population générale, le pourcentage, c'est 30 %,
seulement un tiers.
La Présidente (Mme
Chassé) : M. Fortin, je vous remercie...
M.
Fortin (Pierre) : Et la
différence, c'est le contact, donc c'est ça qu'il faut surveiller. Il faut
multiplier les contacts entre la population immigrante et la population
d'accueil.
La Présidente (Mme Chassé) : M.
Fortin, je laisse la parole, maintenant, à la première opposition.
Mme Anglade : Parfait. Alors, bien,
quel plaisir de vous revoir, M. Fortin, hein, ça fait... On a eu l'occasion d'échanger à maintes reprises par le passé, donc
toujours un plaisir de vous voir, en commission parlementaire cette fois-ci.
Écoutez, quelques questions spécifiques par
rapport à votre exposé. Par rapport aux dernières années, bon an, mal an, le
Québec a accueilli 50 000 immigrants, êtes-vous en faveur d'une
réduction du nombre d'immigrants?
M. Fortin (Pierre) :
Si je suis en faveur de quoi?
Mme Anglade : D'une réduction du
nombre d'immigrants.
M. Fortin (Pierre) :
Je ne le sais pas trop. Chose certaine, j'étais contre... J'étais un fan de Mme
Weil, O.K., c'est-à-dire 50 000,
c'était correct. On monte à 51 000, on augmente de 1 % par année ou
2 % par année, c'était correct, ça.
Mais la décision de passer de 50 000 à 40 000, je pense que c'est une
décision qui est stratégique. On peut vouloir très bien... Je veux dire, c'est comme quand les avants du Canadien
partent à la course puis reviennent dans leur zone mais pour se relancer plus fort après. Si c'est ça,
bon, c'est possible que descendre à 40 000 ce soit une excellente
stratégie et qu'on fasse ça pour, à
moyen terme, recommencer à augmenter et puis rejoindre... N'oubliez pas, là,
qu'il y a quelques années aussi on était à 30 000, là, tu sais, ça
ne fait pas longtemps qu'on est à 50 000. Bon, il faut, je pense...
Un avantage qu'il y a, par contre, à descendre à
40 000, c'est que ça libère de l'argent. Il faut s'assurer que M. Girard laisse de l'argent dans les poches de M.
Jolin-Barrette de manière que, cet argent-là, il l'utilise effectivement
pour améliorer l'intégration puis la francisation, ça, c'est certain. Mais,
ceci dit, si c'est possible, 50 000, j'en prends 50 000, là, tu sais, si on est capables de faire une bonne job avec
ça. Mais si, pour l'instant, là, on est dans une transition, on passe à la déclaration d'intérêt, et on change
l'orientation de la politique gouvernementale, puis il y a une transition
à faire avec l'ancien système, bon, on en a
18 000 à récupérer d'une manière ou d'une autre, de façon humaine, là,
peut-être que c'est... Mais je n'ai pas d'opinion forte là-dessus.
Mme
Anglade : Là-dessus? Très bien. Je vous remercie. Je vous amène sur un
autre terrain de jeu. Lorsqu'on regarde
la pénurie de main-d'oeuvre, aujourd'hui, lorsqu'on regarde les besoins du
Québec, deux tiers des emplois qui sont
à occuper sont des emplois qui sont moins qualifiés, donc des gens qui n'ont
pas nécessairement atteint... qui ne vont pas au-delà du secondaire V, tandis qu'un tiers ce sont des gens
qui sont extrêmement qualifiés. Donc, c'est comme ça que ça se
subdivise, environ. À votre avis, lorsqu'on pense à l'immigration, est-ce qu'on
devrait s'orienter sur cette proportion-là
par rapport aux besoins de la main-d'oeuvre ou est-ce qu'il faut réfléchir puis
se dire : Même si les besoins spécifiques
demandent moins de scolarisation, on serait mieux de quand même prendre une
proportion plus grande de gens
scolarisés parce qu'à terme ça va être mieux pour la société québécoise? Est-ce
que vous avez une opinion là-dessus?
• (15 h 40) •
M.
Fortin (Pierre) : On court
après les besoins des entreprises, point à la ligne, dans mon esprit, que ce
soient des emplois qui sont moins
rémunérateurs, et tout, ou des emplois plus rémunérateurs. Une des choses qui
n'est pas encore très connue, mais qui m'a pété dans la face depuis deux, trois
semaines, c'est que la hausse de l'emploi depuis deux ans, de 2016 à 2018, ces
deux années-là, c'est 130 000 au
Québec : 90 000 en 2017 et 40 000 en 2018, O.K.? Dans ces
130 000 là, on a 130 000, au net,
d'augmentation, mais on a eu 160 000 emplois de plus pour les
diplômés du postsecondaire puis on a
40 000 de moins pour les gens qui n'ont pas de diplôme postsecondaire,
c'est-à-dire qu'ils ont soit secondaire ou moins.
Donc, le
message est très clair, je veux dire, il faut évidemment que tout le monde
finisse son secondaire puis, si tu as
décroché, que tu raccroches au début de la vingtaine au plus sacrant parce que
plus tu retardes, moins tu as de chances d'aller au cégep. Mais il faut absolument que... Moi, le gouvernement du
Québec, je ferais la même chose que la SAQ fait ou qu'Éduc'alcool fait, je ferais une campagne massive et permanente
pour dire aux gens, aux jeunes : Bien, va au cégep, «man», O.K., va
au cégep et à l'université. Et c'est pour ça...
Mme Anglade : Quand vous dites ça...
M.
Fortin (Pierre) : Et c'est
clair que, dans le domaine de l'immigration, ça va être ça qui va être le plus fort. Mais, si les entreprises te disent :
Moi, j'ai besoin de gens au bas de l'échelle, oui, on va aller les chercher.
Une des raisons importantes pour ça... Je m'excuse, je suis lent, là,
c'est parce que, bon, je perds 25 000 neurones par jour, n'oubliez
pas, là. Où est-ce que j'en étais? C'est que, dans ces deux années-là, de 2016
à 2018, le taux d'emploi des 15-24 sans diplôme — O.K., ça ce n'est pas pour des jobs très,
très qualifiées, là — a
augmenté de 19 %. Il y avait 35 % des 15-24 sans diplôme qui
étaient au travail en 2016, puis en 2018 ils étaient rendus 43 %. Le
danger que je vois là, c'est que nos entreprises
se mettent à pêcher les bébés homards avant qu'ils arrivent à maturité, puis là
le taux de décrochage puis le taux de sans-diplôme se remettent à
remonter au Québec. Donc, il faut qu'il y ait un message très fort de la part
des dirigeants, que ce soit M. Roberge, M. Fitzgibbon ou M. Boulet, pour
faire en sorte... pour pousser sur les entreprises pour qu'elles évitent d'embaucher excessivement
puis prématurément les jeunes de 15 à 24 ans qui n'ont pas de diplôme.
Et ça, la raison pour laquelle je dis ça,
c'est que, s'il y a des personnes immigrantes qui n'ont pas de grandes
qualifications, ils sont prêts à prendre ces jobs-là, bien, qu'ils les
prennent, ces emplois-là. Donc, il y a une demande qui est très clairement là, mais on voudrait éviter que ce
soient nos jeunes sans diplôme qui les prennent parce que plus tu travailles
avant d'avoir ton diplôme, plus tu as de chances de décrocher. Ça, c'est Daniel
Parent, mon collègue à HEC, qui a démontré ça — ce n'est pas l'UQAM, mais
quand même.
Mme
Anglade : C'est bon. Écoutez,
je vous amène sur un autre terrain de jeu. Il a beaucoup été question de test de valeurs pour les immigrants, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Est-ce que vous pensez que c'est une bonne approche que d'avoir, par exemple, un test des valeurs pour
les gens qui viennent s'installer ici? Et comment vous verriez la chose?
M. Fortin (Pierre) :
Quelles valeurs?
Mme
Anglade : Bien, je vous pose la question, les valeurs québécoises.
Est-ce que vous êtes favorable à un test des valeurs? Et, si oui,
quelles sont les valeurs que vous aimeriez voir dans un test des valeurs?
M.
Fortin (Pierre) : Je n'ai pas
d'opinion à exprimer là-dessus, je veux dire, ça ne fait pas partie de mes compétences économiques directes, là, tu sais.
Sauf : Est-ce que vous êtes pour le plein-emploi? S'ils disent non, bien,
je serais réticent à les embaucher, mais,
s'ils disent oui, «let's go». Mais non, sérieusement, là, je ne veux pas
m'embarquer sur ce sujet-là en particulier qui est plus de nature politique
qu'économique pour moi.
Mme
Anglade : Très bien. Donc, vous ne voyez pas d'incidence sur l'aspect
économique non plus? C'est-à-dire que
vous pourriez dire aussi que ça pourrait avoir des incidences sur un volet
économique, mais vous n'avez pas d'opinion là-dessus.
M. Fortin (Pierre) :
Je m'excuse?
Mme
Anglade : J'ai dit : Est-ce qu'on pourrait considérer qu'un test
des valeurs pourrait avoir des incidences sur le débat économique également? Peut-être que non, peut-être que oui,
peut-être que non, peut-être que vous avez une opinion là-dessus
également. Vous n'en avez pas? Très bien. Est-ce que tu veux...
M. Derraji : Oui.
Mme Anglade : Je vais céder la
parole à mon collègue de Nelligan.
La Présidente (Mme Chassé) : Oui.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Chassé) : Ça me
fait plaisir.
M.
Derraji : Je vais vous
citer, M. Fortin, et dites-moi est-ce
que j'ai bien compris votre citation,
vous avez dit «à condition que la
capacité d'absorption de la population d'accueil soit respectée». Est-ce que
vous pouvez m'expliquer davantage le
lien entre un bassin qu'on veut aller chercher d'immigrants et la capacité
d'accueil de la population qui doit être respectée? Qu'est-ce que
vous voulez dire par ça?
M.
Fortin (Pierre) : O.K. Je
pense qu'on peut tout de même avoir un certain nombre d'indicateurs qui nous
disent, bien, quelle fraction de la population,
que ce soit de n'importe quelle province canadienne, juge qu'il y a
trop d'immigrants. Bon, chez nous, au
Québec, c'est 38 %; dans le
reste du Canada, c'est 39 %. Heureusement, c'est une minorité de la
population qui trouve qu'il y a trop
d'immigrants. Mais en suivant un indicateur comme ça, là, pas seulement faire
une enquête une fois, mais la faire de façon répétée, on peut voir
comment notre population est prête à absorber plus d'immigration. Évidemment,
si on arrive à une situation où là on voit la courbe monter, il faut faire
attention, mais ça reste une appréciation politique.
M.
Derraji : Donc, selon vous,
l'accueil des immigrants... Parce que
vous avez déclaré en 2016 que vous êtes à l'aise avec 50 000 immigrants, que la tendance, si à la baisse
et à ne pas accueillir des immigrants, le gouvernement, sa stratégie politique doit baisser et doit baisser
les seuils. Est-ce que c'est ça que je dois comprendre de votre conclusion
de l'accueil?
M.
Fortin (Pierre) : Ma
conclusion, c'est que, oui, on peut songer à augmenter plus le nombre
d'immigrants si notre population est d'avis que, oui, on est une société
qui est prête à en absorber plus et que cet indicateur-là s'améliore avec le temps. Mais ma crainte à
l'heure actuelle, c'est que les... Le danger qu'on a couru dans les dernières
années, ça a été qu'il y a eu plusieurs
sources qui ont dit : Bien, il faut augmenter le nombre d'immigrants de
50 % au Canada et puis au Québec il faut l'augmenter beaucoup plus.
Il faut augmenter aussi, et c'est ça qui... Heureusement, la ministre de l'Immigration avant M. Heurtel, là,
Mme Weil, a réussi à contrôler ça correctement. Mais, bon, est-ce que ce pourcentage-là de nos gens qui sont réticents à
l'immigration va augmenter ou diminuer? Il faut le suivre, l'indicateur.
Puis, si on le voit baisser, bien là, on pourra voir qu'il y a moyen
d'augmenter. Mais, je veux dire...
M. Derraji :
...et on augmente, genre, on passe à 50 000, à 60 000? Est-ce que
c'est ça que vous voulez dire?
M. Fortin (Pierre) : Quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse, augmenter le
nombre d'immigrants de 50 % en trois ans, là, dans n'importe
quelles circonstances, c'est tout à fait à rejeter, là. À vouloir avancer trop
vite, on va reculer.
M.
Derraji : Vous êtes un spécialiste de croissance économique et des
sources et conséquences de la croissance économique. On s'entend qu'un des facteurs de la croissance économique
c'est la disponibilité de la main-d'oeuvre active au niveau du marché du travail. On sait que la
réalité et les faits sont ainsi faits que le vieillissement de la population
nous attrape. La pénurie de
main-d'oeuvre, pas besoin de l'expliquer, on l'entend en long et en large à
travers l'ensemble du territoire
québécois, la population active sur le marché de travail ira en diminution.
Est-ce que vous ne pensez pas que cette
équation avec la réduction des seuils d'immigration va à l'encontre des mesures
économiques de prospérité — je veux juste terminer — va à l'encontre de la
prospérité économique d'un État fédéré?
• (15 h 50) •
M. Fortin (Pierre) : O.K., il faut faire la distinction entre
l'augmentation totale du gâteau et puis l'augmentation du gâteau par habitant. Alors, c'est bien évident
que, si la population d'âge actif
augmente, la richesse totale dans le pays va augmenter, mais est-ce que
la richesse par habitant va augmenter? C'est ça dont la littérature de la
recherche est incertaine.
En
d'autres mots, l'augmentation, disons, de revenus intérieurs dont bénéficie un pays ou une province qui voit son PIB augmenter, est-ce que cette augmentation-là
retourne simplement
aux nouvelles personnes qui sont admises? En d'autres mots, elles nous permettent de produire plus, mais
elles gagnent... ce surplus-là va dans leurs poches? Si c'est le cas,
bien là, la population d'accueil ne verra pas son niveau de vie augmenter, mais
on est incertains là-dessus.
La Présidente
(Mme Chassé) : ...
Mme Robitaille :
Petite question brève. Bonjour, M. Fortin. Le rôle... parce qu'on parle beaucoup
du taux de chômage élevé chez la population immigrante, spécialement les nouveaux immigrants,
on accuse beaucoup la mécanique du gouvernement, je l'ai entendu
souvent, là, durant les dernières semaines. Quelle est la part de la
discrimination? Quelle est la part de la mécanique? Comment vous expliquez le
plus haut taux de chômage chez les immigrants?
La Présidente
(Mme Chassé) : M. Fortin, il ne reste que quelques secondes.
M. Fortin
(Pierre) : Je ne sais pas quelle est la part de la
discrimination là-dedans. Il est très...
Mme
Robitaille : Est-ce qu'elle est là? Est-ce que c'est un aspect?
M. Fortin
(Pierre) : Ce qui est certain, c'est que le taux de chômage des
nouveaux arrivants, c'est-à-dire des immigrants de...
La Présidente
(Mme Chassé) : ...maintenant laisser la parole à la deuxième
opposition. Je dois maintenant laisser la parole à la deuxième opposition.
Mme
Fournier : Merci. Merci, M. Fortin. Ça fait vraiment du
bien d'avoir votre regard équilibré sur la question. Moi, je voulais vous amener plus spécifiquement au
niveau de la connaissance de la langue française par les nouveaux arrivants, que vous avez abordée. En fait, vous
avez dit que c'est autant important pour une question d'identité que pour
une question économique, que plus... les
nouveaux arrivants doivent parler français parce que ça va leur permettre
d'avoir des salaires plus élevés,
puis j'avais envie, avec vous, de passer en revue les statistiques puis de voir
ce que vous en pensez puis quelles solutions vous nous suggérez de
mettre de l'avant.
Par exemple, avec le nouveau plan en immigration
qu'a déposé le gouvernement, on a vu que la cible de maîtrise de la langue
française par les nouveaux arrivants de la catégorie économique était à la
baisse. Alors, on suggère que cette année 41 % des immigrants qui
soient accueillis au Québec parlent français. Ça, ça veut dire qu'il y a une
possibilité qu'il y ait 59 % des nouveaux arrivants qui ne parlent pas
français. De ce nombre-là, selon les dernières statistiques, il y a 33 % seulement qui vont s'inscrire aux
cours de francisation, donc seulement un immigrant sur trois. Et finalement,
selon le dernier rapport de la Vérificatrice
générale, il y a 90 % des gens qui sont inscrits en francisation qui
échouent. Alors, selon vous, quelles sont les conséquences de cette
situation-là sur les nouveaux arrivants au Québec?
M.
Fortin (Pierre) : Alors, quelle est la question?
Mme Fournier :
Selon vous, quelle est la conséquence de ce fait-là sur les immigrants au
Québec?
M.
Fortin (Pierre) : Pour la langue?
Mme Fournier :
Oui.
M. Fortin (Pierre) : Ce qu'on trouve,
c'est que plus on va avoir d'immigrants qui vont parler français... Si la
proportion augmente, si on suit les résultats qu'ils ont obtenus à l'Université
d'Ottawa, le niveau de revenus moyen, le salaire moyen de ces gens-là va être
plus élevé que de ceux qui ne parlent pas français, et donc c'est un pas dans
la bonne direction d'augmenter la proportion
d'immigrants qui sont capables de s'exprimer en français et de travailler en
français.
Évidemment,
à un moment donné, il y a un équilibre à observer entre la partie anglophone et
la partie francophone, là, surtout
dans la région de Montréal, là. Mais néanmoins, en augmentant la proportion de
francophones, d'immigrants francophones
ou qui deviennent capables de parler français, les résultats qu'on a obtenus en
traitant les microdonnées du
recensement nous disent qu'il va y avoir une augmentation du salaire moyen des
immigrants chez nous. Et c'est très important parce que le salaire moyen des
immigrants au Canada était à 60 % du salaire moyen des Canadiens de souche
il y a 40 ans, et maintenant il est descendu en dessous de 60 %, donc
il est important d'augmenter ça.
La Présidente (Mme
Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.
Mme Fournier :
Donc, selon vous, ce serait préférable de hausser les cibles d'immigrants qui
connaissent le français à l'arrivée au Québec?
M.
Fortin (Pierre) : De?
Mme Fournier :
De hausser les cibles d'immigrants qui parlent français en arrivant au Québec.
M. Fortin (Pierre) : Oui, pourquoi pas? Bien, il faudrait regarder
attentivement, là, avec les gens qui ont la sagesse puis l'information
scientifique là-dessus, là, mais, oui, c'est...
Mme
Fournier : Comme vous disiez tout à l'heure, ça laisserait plus
d'argent pour investir en francisation pour ceux qui ne connaissent pas le français, par exemple, si on augmentait
les cibles, si on accueillait un plus grand nombre d'immigrants qui le
connaissent déjà à l'arrivée au Québec?
M. Fortin (Pierre) : Oui, bien, on peut descendre l'escalier puis
mâcher de la gomme en même temps, là, tu sais. Je veux dire, ce n'est pas une mauvaise idée d'avoir un objectif
d'immigrants parlant français plus élevé et en même temps... les
immigrants qui arrivent ici, et puis d'augmenter leur capacité...
La Présidente (Mme
Chassé) : Je laisse maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.
Merci.
M.
Fontecilla : Merci beaucoup. Bonjour, M. Fortin. Vous faites le
constat que la discrimination des entreprises, à l'embauche, contre des immigrants est répandue au Canada. Dans quelle
mesure, selon vous, cette discrimination-là met en danger une quelconque politique d'arrimage ou de sélection des
immigrants en fonction de leurs profils et les besoins du marché du
travail?
M. Fortin (Pierre) : C'est effrayant, cette question-là, et ce n'est
pas seulement au Québec, hein? Je veux dire, mon confrère Phil Oreopoulos, de l'Université de Toronto, a fait une
enquête semblable et trouve qu'à C.V. identique, si on s'appelle Sien Kwong ou bien si on s'appelle Pierre Fortin, je
veux dire, on ne recevra pas le même nombre de retours d'appel, là, tu sais. Qu'est-ce qu'il faut faire
pour combattre ça? Bien, il faut répéter aux entreprises d'éviter de le faire.
Puis on ne peut pas aller beaucoup plus loin
que des incitations, des engueulades, les engueuler pour faire changer les choses.
Je pense qu'un des
problèmes qu'on a au Québec, évidemment, c'est la première génération de
dirigeants d'entreprise qui fait face
sérieusement à ce problème-là. Ça fait plus longtemps, dans les autres
provinces, qu'on fait face à cette question-là. Et je pense qu'en en
parlant et en répétant constamment d'éviter de faire cette...
Par
exemple, dans la région de Québec, ce qui est vraiment le prochain défi pour
l'immigration du point de vue des
entreprises, c'est de réussir la région de Québec. Je veux dire, la région de
Québec, on a seulement 8 % de la population qui est d'origine immigrante de première ou de seconde génération, O.K.,
8 %, alors que c'est 38 % à Montréal et c'est 70 % à Toronto, O.K.? Et donc il est très
important, je pense, que les immigrants, les Québécois d'origine immigrante
à Québec soient de plus en plus visibles
dans la communauté comme agissant positivement pour la communauté, de façon
que les dirigeants d'entreprise eux-mêmes, quand ils reçoivent des C.V., bien,
ils ne soient pas surpris de recevoir des
C.V. avec des noms de toutes sortes, des noms bizarres, tu sais, qui vont leur
sembler de moins en moins bizarres parce qu'ils vont avoir vu un tel ou
un tel placoter avec le maire Labeaume ou autrement. Donc, le contact est ce
qui va améliorer les choses de façon importante.
La Présidente (Mme
Chassé) : Il vous reste une minute.
• (16 heures) •
M.
Fontecilla : Très rapidement, M. Fortin, est-ce que vous croyez que
c'est une bonne chose pour la question économique d'obliger un immigrant
à aller travailler en région, d'obliger?
M.
Fortin (Pierre) : Non. L'obligation,
non. Les travaux forcés, ça n'a jamais été une bonne politique d'incitation,
à mon avis, là. Ils ont essayé ça en Russie, ils ont envoyé plein de monde en
Sibérie, là, mais ça a donné Soljenitsyne.
La
Présidente (Mme Chassé) : Je
vous remercie, M. Fortin. M. Fortin, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission. Merci
beaucoup.
Je suspends les travaux pour quelques courts
instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place rapidement.
(Suspension de la séance à 16 h 1)
(Reprise à 16 h 3)
La
Présidente (Mme Chassé) : Je
souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Conseil du
patronat du Québec.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis par la suite nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la
commission, et je vous ferai signe à
une minute de la fin de votre exposé. Je vous invite donc à vous
présenter puis à commencer votre exposé.
Conseil
du patronat du Québec (CPQ)
M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci, Mme la Présidente. Merci, membres de la commission. Mon
nom est Yves-Thomas Dorval, je suis président et directeur général du CPQ, le
Conseil du patronat du Québec, et je suis accompagné,
à ma gauche, par Me Julie Lessard, qui est associée au cabinet BCF,
spécialisée dans des dossiers de mobilité et d'immigration, et, à ma droite, par Denis Hamel, vice-président, politiques de développement de main-d'oeuvre au CPQ, Conseil du patronat.
Alors, merci, Mme la Présidente, et merci, M. le ministre. Chers députés
de l'Assemblée nationale, je suis très heureux d'être ici avec
vous. Écoutez, il faut quand même rappeler une chose : le CPQ, si on est
ici devant vous, c'est parce qu'on représente plus de 70 000 employeurs
qui ont des activités au Québec, donc je pense que ça vaut la peine de nous
prononcer en leur nom ici. On les a consultés, on a eu des comités, des
échanges avec eux. C'est une question qu'on étudie depuis longtemps, les
questions qui touchent l'immigration. Mais également, je pense, c'est important
aussi de souligner que c'est notre 50e anniversaire cette année, donc on a 50
ans de profondeur dans les sujets et les débats que nous avons et auxquels nous
participons.
La raison du projet de loi n° 9, on va
laisser au gouvernement l'expliquer, mais quant à nous, c'est certain qu'il y a
un grand enjeu, au Québec, de mieux arrimer l'immigration avec les besoins du
marché du travail. On a présentement environ 118 000 postes vacants dans
l'immédiat. On parle d'environ 1,5 million de postes à combler au cours
des cinq... 10 prochaines années, pardon. Vous savez qu'à peu près
54 % de ces postes-là à combler dans les 10 prochaines
années vont être comblés par nos jeunes qui sont actuellement dans nos
institutions d'éducation. Il reste donc
46 % des besoins de main-d'oeuvre à combler. Là-dessus, à peu près la
moitié, hein, à peu près, donc, le quart du total va venir de l'immigration et l'autre quart, bien, c'est l'effort qu'on
doit faire, parce qu'il y a toujours une question aussi d'intégration là-dedans et de diversité,
comment on peut aussi s'assurer que des gens qui sont au Québec mais qui
sont dans des groupes moins représentés sur le marché du travail puissent
s'intégrer.
Là-dessus, on est très fiers, au CPQ, de travailler dans plusieurs
initiatives, actuellement, pour permettre, dans tous ces domaines-là, de favoriser la persévérance scolaire, meilleure éducation, favoriser l'intégration des personnes et, bien sûr, les dossiers d'immigration. On n'est pas
ici juste parce que c'est un sujet
qui est à l'ordre du jour, on a publié des
études sur la valeur économique de l'immigration, on a tenu des colloques sur
ces questions-là, on a pris position en faveur de l'importance d'une
immigration forte au Québec, une immigration réussie.
Alors, on
comprend que le gouvernement veut avoir une immigration mieux intégrée et on
comprend également qu'il veut avoir
une immigration... pour l'intégrer, il y a la dimension de l'emploi.
L'intégration économique, c'est un des
facteurs les plus importants dans l'immigration. Donc, c'est pour ça qu'on
souscrit à plusieurs des objectifs qu'il y a dans le projet de loi, parce que c'est un peu l'objectif qu'on cherche à
faire. Bien sélectionner, accueillir et intégrer nos futurs arrivants,
ce sont les enjeux les plus importants.
Actuellement, il faut comprendre qu'immigrer au
Québec, pour les personnes concernées mais aussi pour les employeurs qui
cherchent à obtenir des personnes immigrantes, c'est le parcours du combattant.
Je ne veux pas jeter l'opprobre soit à des
gouvernements successifs ou aux gens de la fonction publique, mais
malheureusement il y a un écart qu'on
assiste depuis des années entre des objectifs, entre des visions, la réalité et
les résultats. Bref, on a tous des objectifs vertueux, tous des
objectifs intéressants, malheureusement les résultats sont peu en ligne avec
les objectifs qu'on poursuivait. Ce n'est pas une question de mauvaises
intentions — je
n'ai pas la réponse à ça — probablement
que le processus qu'on avait n'était pas
adapté aux besoins, mais surtout nous, on pense qu'il y avait un grand écart
entre le processus d'immigration et
les besoins du marché du travail, donc l'intégration économique des personnes
immigrantes.
Est-ce que
les employeurs ont leur responsabilité là-dessus? Oui, hein? Nous, on siège
comme partie prenante sur plein de tables, on a une responsabilité là-dedans,
mais il reste que le processus d'immigration, c'est d'abord un processus
gouvernemental : la sélection, ultimement les processus en place,
l'émission des certificats, des résidences permanentes,
et etc. Et ça se trouve qu'en plus de ça on a deux, hein, niveaux de
gouvernement. Ce n'est pas de la tarte.
J'aimerais ça
que vous posiez des questions tout à l'heure... je sais qu'on a juste
10 minutes, mais j'ai une personne à ma gauche qui a beaucoup
d'expérience sur ces sujets-là. Vous savez qu'actuellement, dans les autres
provinces canadiennes, dans plusieurs cas,
en six mois, c'est réglé au complet en utilisant un système exactement comme
celui qu'on veut implanter au Québec,
le système Arrima. Quand je dis «on veut implanter», le système existe, mais il
n'est pas en opération,
j'allais dire, en termes de processus d'immigration. Donc, comment se fait-il
que, dans les autres provinces, on
est capables de partir, à partir du moment où on est intéressés à faire une
offre jusqu'à la résidence permanente incluse, à des durées qui sont six mois et inférieures à six mois? Alors, comment
ça se fait qu'au Québec, même si on veut réduire le processus québécois à six mois, il faut, après ça, aller aussi dans
le processus de résidence permanente, c'est encore plus long? J'admets toutefois qu'on a des
programmes, comme l'Expérience québécoise, qui peuvent être des voies rapides,
et ça, il faut l'utiliser au maximum.
Et tout ça m'amène à dire que c'est tellement
complexe, toute cette situation-là, et beaucoup de gens se sont prononcés là-dessus. Il y a beaucoup, même, de
décisions qui ont été prises, puis on n'a pas bien compris les tenants et les
aboutissants de tous ces éléments-là.
• (16 h 10) •
Concernant le
projet de loi lui-même, donc, on souscrit à plusieurs des objectifs, qui est de
mieux arrimer, de mieux intégrer les
personnes... la notion des besoins du marché du travail sont importants. Il y a
quand même des éléments qu'on questionne,
pas dans le sens qu'on dit : On
n'est pas pour ou on est d'accord, mais la question, par exemple, de notion d'engagement des employeurs, on ne sait pas ce que ça veut dire exactement. Vous savez, on a l'habitude d'avoir une
réglementation toujours plus invasive auprès des entreprises, ça fait qu'on
veut savoir qu'est-ce que ça veut dire, ça, l'engagement
des employeurs. Il y a certaines responsabilités aussi qu'on donne, là, qu'on
veut donner aux employeurs de ce côté-là. Donc, il y a des questions de
langage à préciser dans le temps.
Donc, nous
observons un changement aussi majeur d'orientation où le MIDI, le ministère, se
donnerait des coudées franches pour
prendre en charge tous les services d'accueil. Là aussi, là, c'est clair qu'au
Québec on avait un problème de coordination entre les différents types de
programmes. Donc, la volonté est intéressante à une condition, c'est qu'il
faut que l'administration soit capable de le
faire et il faut que la coordination soit effectivement mise en place d'une
manière efficace. Donc, c'est beau,
les intentions, c'est les résultats, et actuellement il y a un enjeu, les
employeurs qu'on a consultés sont
actuellement sceptiques. Alors, j'espère que les sceptiques seront confondus
dans le futur, mais la réalité actuelle, c'est qu'ils sont sceptiques.
Vous savez,
il y a eu des programmes informatiques qu'on a voulu implanter, il y avait des
objectifs, puis à la fin ça ne donne
jamais les résultats, ça prend du temps. Même qu'on a fait la promesse aux
employeurs, à un moment donné, de
dire : Le système Arrima, vous allez même pouvoir l'utiliser; ce n'est pas
un service de placement, mais il y a moyen peut-être de connecter les employeurs avec le système. Ça, ce n'est pas
en opération encore. Alors, on ne sait même pas comment ça va
fonctionner. Alors, vous comprenez qu'on travaille là-dessus depuis 2015, quand
même. Pendant ce temps-là, les autres provinces puis le fédéral, ils l'ont
implanté, puis ça marche bien. Ce qui nous permet d'être optimistes, c'est qu'au fédéral c'est le même
genre de système puis ça fonctionne. Ce qui nous inquiète, c'est : Est-ce
qu'on va réussir à assouplir ces doubles processus là? Comment on va faire en
sorte pour arrimer ça ensemble? Puis comment on va faire en sorte que les
parties prenantes vont pouvoir travailler ensemble?
Pendant ce
temps-là, bien, il y a 18 000 personnes qui étaient sur des dossiers en
arriéré qui contribuent aussi au scepticisme,
là, actuellement, là. Comment ça se fait qu'on est dans des arriérés comme ça?
Et là il y a eu toute la discussion autour
de ça. Moi, je ne me prononcerai pas sur est-ce que c'est bon, est-ce que ce
n'est pas bon, ou ainsi de suite. Moi, je me dis : Il aurait fallu,
dans le fond, transposer ça en opportunité plutôt qu'en menace, hein? Au lieu
de dire : On élimine 18 000 dossiers,
on aurait dû présenter ça comme : On va offrir des meilleures conditions
pour que les gens aient un système
plus efficace, plus rapide, etc., donc arriver dans... Les employeurs aussi
sont inquiets. Parce que, là, on parle toujours des individus, nous, on
représente les employeurs, et les employeurs sont inquiets parce qu'il y a
plusieurs employeurs qui ont actuellement des personnes à leur emploi.
La Présidente (Mme Chassé) : Il vous
reste une minute.
M. Dorval (Yves-Thomas) :
Puis, même quand on dit : Ah! bon, il y a une solution miracle, il y a le
PEQ, le Programme de l'expérience
québécoise, il est très limitatif, le PEQ, hein, il a des conditions très
particulières. Il y a des travailleurs,
par exemple, autonomes qui n'ont pas accès à PEQ. Actuellement, il y a même des
entrepreneurs au Québec qui se font refuser certains... parce qu'ils ne
rencontrent pas certains critères. Puis on a même délaissé, il y a quelques années, le fait qu'un étudiant qui était
à six mois d'obtenir son diplôme, il pouvait appliquer; là, il doit attendre
d'avoir son diplôme, là. Voyez-vous, on a
des processus, mais on a donc l'art, au Québec, de trouver la façon de
complexifier tout ça. C'est comme si on aimait en mettre davantage.
Chose
certaine, Mme la Présidente, je suis très heureux d'être ici avec mes collègues
ici et répondre à vos questions.
La
Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre contribution aux
travaux de la commission. Nous allons maintenant débuter la période
d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la
Présidente. M. Dorval, M. Hamel, Me Lessard, merci d'être présents en
commission.
D'entrée de jeu, je souhaiterais dire au Conseil
du patronat que moi, je suis en mode solution. J'accueille les critiques que vous formulez à l'égard du ministère
de l'Immigration, puis, tout comme vous, là, on ne jette pas la pierre à tous les gouvernements successifs. Je pense, c'est
une responsabilité collective puis je pense que tout le monde ici, dans
la salle, peu importe le parti, on considère
qu'il y a des problématiques en matière d'immigration, par rapport au système
d'immigration. Il faut réformer. Nous, notre
réponse législative, le premier pas qu'on fait, c'est qu'on dépose le projet
de loi n° 9. C'est la première étape, et on vise à réformer pour améliorer
le tout.
Je suis d'accord avec vous
quand vous dites : Il faut éviter de dédoubler, il faut simplifier le plus
possible le procédé, il faut faire en sorte
aussi qu'à la fois pour les employeurs, mais à la fois pour les candidats à
l'immigration le système soit le plus simple possible et le plus
efficace possible.
Moi, le
message que j'ai à vous livrer aujourd'hui, c'est de vous dire : Les
délais qu'il y avait dans le passé sont beaucoup trop longs, ils sont déraisonnables. On passe du PRTQ vers le
système Arrima pour l'immigration permanente, notamment pour ça, pour
faire en sorte qu'il y ait un maillage le plus rapidement possible entre
l'employeur et le candidat à l'immigration. Lorsque vous parlez du Portail
Employeurs, on est présentement à travailler sur le Portail Employeurs, on
souhaite qu'il soit mis en place le plus rapidement possible justement pour
offrir l'opportunité aux employeurs de pouvoir avoir du maillage avec les
employés.
Mais j'accueille votre critique à l'effet que
vous êtes sceptiques sur la capacité de livraison du ministère de l'Immigration, mais je peux vous dire que, pour le
gouvernement du Québec, il s'agit d'une priorité, l'immigration, de mieux faire les choses et de faire en sorte aussi
qu'on réponde, un, à la volonté de la société québécoise de mieux intégrer
et mieux franciser, mais aussi à la volonté
des employeurs de faire en sorte que la main-d'oeuvre que l'on va chercher à
l'étranger pour s'intégrer au Québec corresponde aux besoins des différentes
entreprises, mais, troisièmement — et ça, c'est vraiment un critère important — qu'on soit respectueux avec les gens qu'on
accueille puis qu'ils puissent occuper des emplois dans leur domaine de
compétence à l'étranger. Ça fait que ça, c'est le topo, un peu, du projet de
loi n° 9.
Vous disiez
tout à l'heure : C'est un peu le parcours du combattant pour la personne
immigrante. Qu'est-ce que vous pensez
que le ministère de l'Immigration devrait faire pour simplifier le parcours du
combattant pour la personne qui choisit le Québec?
M.
Dorval (Yves-Thomas) : Mme
la Présidente, la première des choses, puis on a un bon exemple en place, c'est
que, si on décide de s'impliquer dans un
processus, de s'engager dans un processus, il faut que ce soit prévisible et il
faut que la durée du processus soit prévisible aussi, non seulement le
processus, mais sa durée. Donc, il faut que l'information soit très
claire, il faut que l'information soit très claire pour le candidat.
Je vous donne
un exemple, hein, puis je ne vous dis pas qu'il faut le faire ou non, mais
actuellement le système au fédéral,
les gens doivent, quand ils appliquent dans le système, avoir déjà... il faut
qu'ils analysent les compétences qu'ils ont puis là ils arrivent à un
certain, je dirais, pointage, puis là ils savent s'ils peuvent être acceptés ou
non, pas nécessairement pour un emploi, il n'y a pas d'offre encore, mais au
moins ils savent qu'ils vont rentrer dans le système, et ça, ça peut être revu
annuellement.
Là,
actuellement, au provincial, le système Arrima, c'est : tout le monde met
son... sans avoir de critères à la base, à part certains critères, je
dirais, de base, mais pas nécessairement au niveau des compétences au niveau
externe. Donc, c'est un exemple, là. Il y a
un processus, oui, il est clair, on peut aller dans Arrima, mais comment ça va
fonctionner? Est-ce que je vais être
appelé? Est-ce que je rencontre les besoins du Québec, et etc.? Donc, il n'y a
pas nécessairement de filtre. Je ne
vous dis pas qu'il faut faire le filtre avant, parce qu'il y a des mérites de
faire le filtre après dans la gestion de
l'offre aussi, je veux juste vous dire l'impact de la non-prévisibilité. Pour
une personne qui, actuellement, occupe un emploi au Québec, mais qui est en demande de certificat, actuellement...
la situation actuelle, je veux dire, on ne se mettra pas la tête dans le
sable, là, il y a une incertitude qui a été créée, même chose pour certaines
personnes à l'étranger.
Une fois que
ça s'est fait, là, il y a plusieurs programmes, hein? Il y a le programme
d'expérience, le programme... Puis en
plus de ça, il y a la question de... le travailleur étranger temporaire qui
vient ici, comment il peut appliquer. Il y a toutes sortes de programmes comme celui-là. Donc, est-ce que c'est
clair, etc.? Moi, je vais demander à notre collègue ici, qui a beaucoup
d'expérience avec des employeurs et des personnes immigrantes, qui pourrait
peut-être commenter davantage que moi cette...
• (16 h 20) •
Mme Lessard (Julie) : Bien, en
fait, effectivement, la question de la prévisibilité, elle est extrêmement importante parce qu'on vit une pénurie de
main-d'oeuvre importante dans plusieurs secteurs. L'immigration, c'est une
des solutions. Il y a plusieurs solutions
pour combler ces besoins-là, mais l'immigration est une solution importante
puis essentielle, mais ça fait partie
d'un plan stratégique pour une entreprise. Puis si, du jour au lendemain, le plan
qu'on a fait ne peut plus être mis en
oeuvre parce que les systèmes ne fonctionnent plus, parce qu'il y a un blocage,
bien, on est mal pris.
Je comprends qu'aujourd'hui le PEQ fonctionne
encore, mais le PEQ ne vient pas combler un besoin de main-d'oeuvre, le PEQ couvre des gens qui sont déjà en emploi ici. Ça
fait que les emplois qui ne sont pas occupés puis ceux pour lesquels il
y a une crise à l'heure actuelle, il n'y a pas de solution, il n'y a rien qui
est en branle. Puis effectivement on voit
qu'il y a 91 000 candidats dans le système futur, qui sera mis en
place bientôt, on l'espère, mais on
ne sait pas quelle est la qualité de ces candidats-là parce que, par opposition
au système fédéral où le système va bloquer la candidature d'une
personne qui n'a pas le pointage requis pour se qualifier comme travailleur
qualifié ou sous le programme d'expérience
canadienne, notre système, nous, ouvre la porte à tout le monde. Ça fait que,
déjà, même en termes de travail administratif, on a déjà une surcharge qu'on
a créée en ne faisant pas un minimum de sélection au départ.
C'est sûr,
par contre, que les solutions que vous apportez sont intéressantes. S'il y a
une offre d'emploi validée, ça va
être traité avant les autres, mais ça va marcher mieux quand les employeurs
vont avoir accès aussi aux candidats qui sont dans le système. Donc, il
y a des éléments intéressants, mais de ne pas être capable de prévoir
aujourd'hui, c'est extrêmement difficile parce que le PEQ est là pour certaines
personnes, mais ce n'est pas des nouveaux postes qu'on comble, et le PEQ n'est pas ouvert non plus aux gens qui n'ont pas une
maîtrise assez avancée du français aussi. Et cette réalité-là existe pour certains postes, notamment
dans le secteur manufacturier ou dans certains secteurs peu spécialisés où, à court terme, c'est ça, la solution que les
entreprises ont, c'est ça, la main-d'oeuvre qui est disponible puis c'est à celle-là à
laquelle on a besoin d'avoir accès aussi.
Donc,
il y a tous ces éléments-là qui ne sont pas clairs puis qui font en sorte que
c'est difficile de faire un plan pour une entreprise, puis d'intégrer
l'immigration dans son plan, puis d'intégrer les immigrants.
M. Jolin-Barrette : C'est
intéressant, ce que vous dites. Est-ce
que vous m'invitez à réviser la
décision qui avait été prise par
l'ancienne ministre de l'Immigration, la députée
de Notre-Dame-de-Grâce, relativement à la grille de sélection, d'avoir un filtre dès le départ plutôt que
d'ouvrir le bassin à tout le monde? Est-ce que le Conseil du patronat m'invite à réviser ce qui avait été fait
sous le précédent gouvernement au niveau du fonctionnement du système Arrima?
La Présidente (Mme Chassé) :
M. Dorval.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Alors, c'est
une bonne question. Mme la Présidente, la question est la suivante... J'ai donné ça comme un exemple d'imprévisibilité
ou d'incertitude, puis c'est ça que je donnais comme exemple. Je vous ai dit qu'il
y a des avantages et des
inconvénients aux deux aspects, hein? On est quand même un petit joueur au
niveau mondial pour attirer les gens,
alors c'est sûr que, quand vous êtes dans une situation, par exemple, une
communauté plus anglophone, où est-ce que l'anglais est plus connu à
travers le monde, où est-ce qu'il y a plusieurs éléments comme celui-là, puis vous compétitionnez à travers le
monde, vous avez plus de marge de manoeuvre. Nous, on a quand même, je dirais, des bassins un petit peu plus
restreints parce qu'on cherche des gens qui sont soit francophones ou soit...
qui, en tout cas, démontrent clairement qu'ils vont apprendre rapidement
le français puis qu'ils vont être capables de le faire. Alors, on s'adresse donc dans un marché concurrentiel mondial énorme.
Alors, peut-être que la décision qui a été prise... parce qu'encore une fois on n'a pas tous les
éléments... Ça fait partie de nos recommandations, en passant, dans notre
mémoire d'avoir plus de transparence sur un
paquet d'éléments pour qu'on puisse davantage comprendre les décisions.
Mais, à votre
réponse, je vous dirais qu'il y a des avantages et des inconvénients aux deux.
On est dans un marché concurrentiel, on est un petit joueur sur
l'échelle planétaire par rapport à tout ça. Je ne peux pas vous répondre, à ce moment-ci, sur cet élément-là précis, ne sachant
pas tous les éléments qui ont été étudiés, mais chose certaine, on peut regarder qu'au fédéral ça permet une gestion plus
efficace du système parce que ça... Vous savez, au Québec, je l'ai dit tout à l'heure, 50 %, à peu près, des
demandeurs déjà dans le système étaient refusés. Ça veut dire qu'à quelque part
il y a déjà un 50 % de personnes, environ, là, qui font application, donc
les 18 000 dossiers qui sont... il y en a probablement environ 9 000 qui vont être refusés, de toute
façon, dans le système actuel. Alors, la question, c'est que, si on peut
réduire à l'entrée un petit peu ceux qu'on sait qui ne fitteront pas...
excusez-moi, qui ne rencontreront pas les objectifs, bien, à ce moment-là, peut-être que ça va être plus efficace.
Mais la partie contraire à ça, c'est, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, ça
va réduire notre bassin encore plus, puis on a besoin d'être compétitifs.
L'enjeu que
j'ai davantage aussi, c'est que... actuellement, je ne sais pas exactement ce
qu'il y a dans le bassin, là, de 80
quelques mille dossiers d'Arrima, mais advenant que c'était majoritairement,
genre, 90 % de gens qui ont un diplôme universitaire et que
54 %, peut-être, des besoins pour les travailleurs immigrants sont des
travailleurs sans diplôme universitaire, là,
je ne l'ai pas, le fit, non plus, là. Alors, évidemment, ça va prendre beaucoup
de promotions à l'externe, mais on
sait en partant que de faire l'exercice de vouloir émigrer à quelque part, ça
nécessite aussi beaucoup d'autonomie, beaucoup de compétences
personnelles, de capacité.
Alors, tout
ça, là, c'est des enjeux que, malheureusement, on ne peut pas répondre à une
question rapide comme celle-là. Ça, ça prendrait vraiment une étude plus
approfondie du travail. Il y a des tables pour parfaire ça, il y a des chercheurs qui peuvent s'impliquer dans ces
questions-là. Ça serait vraiment présomptueux de ma part de répondre à une
question aussi pointue.
M. Jolin-Barrette : Je comprends aussi ce que vous me dites. Dans le
fond, le ministère de l'Immigration doit avoir un rôle de prospection
aussi. Ça, on instaure ça dans le projet de loi n° 9, notamment pour faire
en sorte que les besoins des entreprises correspondent aussi au profil des
candidats. Donc, on va faire, dès l'étranger... on va aller chercher les gens à l'étranger, s'assurer de
vendre le Québec, mais aussi d'être honnête avec les gens. Parce que je vois,
là, à la page 5 de votre mémoire, le
paragraphe 3, là, vous dites : «Le précédent système a conduit le
Québec à accepter beaucoup trop
d'immigrants surqualifiés par rapport aux besoins des employeurs, condamnant
bon nombre d'entre eux au chômage ou
à devoir occuper des emplois qui ne sont pas à la hauteur de leurs talents et
compétences. C'est une situation déplorable qu'un système basé sur une
offre d'emploi validée, nous l'espérons, permettra d'éviter.»
C'est
exactement ça qu'on veut faire en passant du système que nous avions avant vers
le nouveau système. Mais très
certainement, dans le projet de loi n° 9, aussi on se donne les outils
pour le faire puis aussi on se donne les outils pour, dès l'étranger, déployer des ressources pour faire
en sorte, supposons, de donner de la formation au niveau de la francisation,
au niveau de l'intégration. Donc, ça,
j'entends très bien votre message, puis c'est un des objectifs qui a conduit à
la rédaction du projet de loi n° 9 pour faire en sorte de vraiment
être arrimés sur les besoins du marché du travail.
Pour ce qui
est du maillage, là, entre les employeurs et les candidats à l'immigration,
comment vous voyez ça pour les
employeurs, la période de temps où ils peuvent rejoindre les candidats à
l'immigration? Est-ce que c'est de façon informatique? Est-ce que vous avez besoin de ressources pour aller à
l'étranger? Comment le Conseil du patronat voit ça, là?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : D'abord, la
première des choses, c'est important de le mentionner parce que, dans le projet
de loi, il y a une disposition qui vient donner aux rôles du ministère le rôle
de recruteur. Alors, vous comprendrez qu'on représente des employeurs et
on représente des entreprises, puis il y a des entreprises qui sont déjà
impliquées dans ces questions-là. C'est sûr que vous comprendrez qu'on va
défendre nos membres qui disent : Bien là, il faudrait quand même avoir notre... il ne faudrait pas
réduire notre capacité d'intervenir. D'autant plus que les besoins sont
énormes, il ne faudrait pas nuire à des gens qui sont déjà dans le processus.
Moi,
je pense qu'il y a une coordination qui doit se faire parce que,
malheureusement, des fois, là, on le voit au Québec, il y a des initiatives qui viennent de partout. D'ailleurs, dans
le projet de loi, vous dites : Le ministère va devoir avoir un petit peu plus de coordination des
différents intervenants. Mais il n'y a pas juste des intervenants gouvernementaux,
il y a des intervenants de groupes,
d'associations, d'entreprises, de municipalités, et ainsi de suite, alors
comment faire ça? Encore une fois, c'est
une question qui nécessite d'amener tous les gens à la table puis de discuter
quelles sont les meilleures façons.
Nous,
ce qu'on pense, c'est qu'il y a des employeurs qui sont en mesure de faire
eux-mêmes du démarchage, des employeurs
qui sont en mesure d'utiliser des entreprises spécialisées dans ce domaine-là
qui ont des réseaux à travers le monde.
Parce que, même si le Québec a des délégations, hein, il faut comprendre qu'au
Québec on a des entreprises de services
qui ont des réseaux mondiaux très bien établis, qui ont cette valeur ajoutée là
dans le processus, donc il faut pouvoir les utiliser.
Les
questions d'émission, ça nécessite de l'aide parce que la plupart des
entreprises n'ont pas nécessairement les ressources pour planifier les bons... les endroits, etc. Les
municipalités en font, les associations en font. Comment on fait pour faire en sorte que ce soit vraiment le plus
efficace et le plus efficient possible sans réduire jamais, hein, l'initiative?
Parce que c'est ça qui est le pire, hein? Si
on commence à tout dicter d'en haut, bien là, l'initiative va être tuée. Me
Lessard, est-ce que vous voulez rajouter quelque chose là-dessus?
Mme Lessard
(Julie) : Non, je suis en accord avec vos propos. Je pense que le
recrutement, effectivement...
La Présidente
(Mme Chassé) : ...de vous approcher un peu pour qu'on vous
entende mieux sur votre micro.
Mme Lessard
(Julie) : O.K. Je pense que le recrutement, effectivement, il y a déjà
beaucoup d'acteurs qui sont impliqués,
puis il ne faudrait pas leur enlever ce rôle-là important parce que c'est des
gens qui connaissent bien les besoins techniques.
Mais il faut leur offrir un système qui est clair puis une façon facile, une
fois que les candidats sont trouvés, de pouvoir accéder à la résidence
permanente ou aux différents programmes qui nous permettent de les amener rapidement pour combler ces besoins-là. On a
besoin d'une présence qui est plus large que le nombre de délégations qu'on peut
avoir à court terme au niveau ministériel, donc de ne pas bloquer ces
efforts-là puis de les encourager aussi d'avoir
un effort collectif pour qu'on puisse recruter le bon talent dans les bons
endroits parce qu'il y a des pays précis où on va trouver des expertises précises, et ça, les entreprises sont
aujourd'hui les mieux outillées pour pouvoir définir ces besoins-là puis
identifier les bons candidats.
• (16 h 30) •
M. Dorval (Yves-Thomas) : Si vous me permettez, Mme la Présidente, un
point, parce qu'il faut être pratique aussi,
hein, il y a 90 % des entreprises, c'est des PME au Québec. Elles n'ont
pas toutes les services, les ressources, etc., donc, de plus en plus, on doit regarder comment on peut mutualiser les
besoins, hein, d'un groupe d'employeurs, surtout des PME. Nous, on a des
projets dans ce sens-là pour différents domaines, mais je pense...
Je vais donner un
exemple. Dans la région de Québec, actuellement, bon, par exemple, les
compagnies d'assurance — elles sont importantes, mais c'est juste
l'exemple que je vais chercher — elles se sont regroupées, hein, dans une espèce d'association pour les aider. Puis
la main-d'oeuvre, ce n'est pas juste l'immigration, vous le savez, alors
on regarde la main-d'oeuvre sur le plan de
l'éducation, de l'intégration, de l'immigration, de tous ces aspects-là, y
compris la formation des gens qui
sont déjà au travail, qui vont faire face à des changements technologiques.
Alors, il faut regarder ça toujours dans une approche holistique et non
pas seulement dire : Ah! l'immigration. Et c'est ça qui est intéressant
quand on mutualise les besoins de certaines entreprises, puis ça va... encore
plus intéressant pour les PME.
Alors, voyez-vous, à
Québec, il y a déjà des compagnies d'assurance qui se sont mises ensemble.
Québec International s'est organisée aussi
avec ces gens-là pour organiser des missions, et ainsi de suite. Donc,
voyez-vous, c'est ça, hein, c'est la
synergie. Mais en même temps qu'on fait ça à Québec, si on fait ça en même
temps à Sherbrooke, si on fait ça à Victoriaville... Vous savez, les
gens à l'étranger, là... il ne faut pas se le cacher, soyons réalistes, là, les
gens connaissent le Canada, peut-être Montréal dans le milieu francophone,
probablement Québec, mais quand on arrive à Rivière-du-Loup, ce n'est pas
nécessairement connu, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne sont pas capables.
En
passant, je donne un exemple, à Matane, ils se sont spécialisés en recrutant
des étudiants au cégep de Matane, c'est
formidable, ce qui se passe là. Mais là on rentre dans un autre domaine, là, ce
n'est pas l'immigration permanente, mais
c'est une voie pour aller chercher des personnes qui viennent chercher des diplômes
ici, qui un jour seront probablement, possiblement, des résidents
permanents.
M. Jolin-Barrette :
Je vous remercie. Je vous entends bien. Je crois que le député de Chauveau a...
La Présidente
(Mme Chassé) : Je laisse la parole au député de Chauveau.
M. Lévesque
(Chauveau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup,
M. Dorval et Mme Lessard, de
votre présentation. C'est évident qu'il y a un rôle de l'entreprise, et vos
membres en sont impliqués, là. On le sait que, pour accueillir les immigrants, il doit y avoir un processus de mis en
place à l'intérieur des entreprises pour favoriser cet accueil-là et pour avoir une rétention, c'est bien
évident. Les grandes entreprises sont bien équipées en général, probablement
pas toutes, mais plusieurs ont ces moyens-là, disposent de capacités
supplémentaires. Nos PME, parfois, j'imagine que c'est un peu plus difficile.
Est-ce qu'ils ont les outils pour y arriver?
Et
vous vous êtes inquiétés, dans votre mémoire, d'ailleurs, de l'engagement des
employeurs, donc j'imagine que c'est
un peu à ça que vous faites référence. Comment vous le voyez, ce rôle-là de la
PME, de son implication? Parce que, si
on veut régionaliser la main-d'oeuvre, pas seulement à Montréal, de l'envoyer
en région... Bien, de la grande entreprise, il y en a, en région. Je suis moi-même originaire de la Côte-Nord, puis
on le sait qu'il y a des grosses usines, mais il y a aussi des petites PME. Et comment on peut
favoriser ça, cette intégration-là des personnes immigrantes dans nos régions,
dans les PME, puis comment on peut arriver à vous aider à réaliser ce
mandat-là?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Vous touchez
à un point qui nous passionne, au CPQ, Mme la Présidente, parce qu'on
croit beaucoup à, justement, la question de l'accompagnement, particulièrement
les entreprises qui n'ont pas nécessairement
tous les services corporatifs pour faire ces choses-là. On pense beaucoup aux
PME et on pense à l'accompagnement
beaucoup sur une base... Tantôt, je parlais de mutualiser mais sur une base
locale. Pourquoi? Parce que c'est plus facile de rejoindre des gens
ensemble, et on a des projets, chez nous, en ce sens-là.
Alors, la question de l'engagement dans notre
mémoire, c'était plus sur l'angle «est-ce qu'on va imposer des nouvelles
règles». Et on a déjà un fardeau réglementaire majeur au Québec, donc il ne
faudrait pas en ajouter. Mais l'engagement,
il est là parce que nécessité fait loi. Les employeurs ont besoin de
main-d'oeuvre, inquiétez-vous pas, ils vont travailler dans ce sens-là.
Et il faut aussi passer outre à la question
juste de la sélection. Parce qu'il y a des enjeux de sélection, hein, on parle des fois de discrimination, ces choses-là,
mais, nous, je pense qu'il faut passer ça maintenant vers l'accompagnement,
c'est-à-dire maintenant il faut commencer à travailler pas seulement la
sélection, mais comment on va intégrer le nouvel arrivant au travail, comment
on va le faire cheminer, comment on va l'aider à gravir... qu'il devienne un gestionnaire, devenir un actif aussi puis
peut-être un membre de la direction, peut-être le propriétaire de l'entreprise.
Alors, toute cette réflexion-là doit
se faire, et ça nécessite de l'accompagnement. Je vais demander à mon collègue
Denis Hamel, ici, peut-être de renchérir là-dessus.
La Présidente (Mme Chassé) :
M. Hamel.
M. Hamel
(Denis) : Oui, merci, Mme la Présidente. Effectivement, comme mentionnait M. Dorval, c'est tout
l'enjeu de l'accompagnement des entreprises qui est au coeur du projet ici
parce que, jusqu'à maintenant, le support donné
a été dirigé essentiellement vers l'immigrant, vers le chercheur d'emploi. Une fois qu'il était
en entreprise, on disait : Bon, bravo! Le travail est fait, il a un emploi. Malheureusement, ce qu'on observe, c'est que beaucoup quittent l'emploi, justement faute d'intégration
ou faute d'avoir pu s'habituer à leur nouveau milieu de travail, et c'est là
qu'on s'est aperçu qu'il y avait
un gros manque d'accompagnement des employeurs. L'employeur est bien content
d'attirer un travailleur étranger, mais toute la question
de la rétention... il se trouve très,
très, très souvent démuni devant le
manque de ressources. Alors,
que ce soit au niveau de la francisation... La francisation en entreprise
est beaucoup plus efficace que la francisation en cours du
soir lorsqu'on a eu une semaine de 40 heures. Même chose au niveau
de l'accompagnement de ces travailleurs-là pour ne serait-ce que trouver le réseau à l'intérieur de la municipalité, ouvrir son compte de banque ou faire son épicerie, placer ses enfants en garderie.
Donc, c'est tout l'aspect accompagnement de l'employeur, je dirais, en aval de
l'embauche qui a été fautif. Et récemment le Comité consultatif des personnes
immigrantes de la Commission des partenaires
du marché du travail a demandé une étude sur comment cerner effectivement
pourquoi les immigrants ont tant de difficultés d'abord à percer le
marché du travail et à garder certains emplois. Et c'est un des facteurs qui
est ressorti de façon quand même importante,
le manque de ressources destinées aux employeurs. Donc, je pense qu'il faut...
C'est une chaîne complète qu'on doit regarder, et pas juste la partie recrutement,
mais s'assurer que le travailleur immigrant est accompagné au moins pour une
bonne période d'adaptation et non pas qu'il soit laissé à lui-même, là.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Encore un
exemple très pratique, Mme la Présidente, tous nos projets, maintenant au
CPQ, hein, d'accompagnement des employeurs, là, on fait ça avec un organisme
d'employabilité, en fonction des clientèles, qui ont l'expérience de travailler
avec les gens. On travaille avec le communautaire, on fait ça avec des
organisations du milieu de l'éducation parce qu'il y a toujours des questions
de reconnaissance des compétences, de formation
additionnelle, donc ça peut être la commission scolaire, ça peut être le cégep.
On fait ça avec Emploi-Québec, parce
que faire ça tout seul, sans Emploi-Québec, on risque juste de... hein, à un
moment donné, comme un chien dans un jeu de quilles, à un moment donné,
là, on ne sait plus où est-ce qu'on s'en va, puis on fait ça aussi avec des
représentants des gouvernements locaux, donc les municipalités.
Donc, tous
nos projets, maintenant, sont axés toujours de la même façon : on met à
profit... on regroupe ensemble l'organisme
communautaire d'employabilité, ou d'intégration, ou d'accompagnement, le CPQ,
bien sûr, une institution d'enseignement pour les questions de
compétences, formation et aussi le gouvernement local, une municipalité. Donc, pour nous, c'est très important Alors, c'est
une façon très simple et qui fonctionne parce que, là, ces gens-là sont
dans leurs réseaux puis ils peuvent expliquer qu'est-ce qui se passe, notamment
Emploi-Québec, auprès des autres.
La Présidente (Mme Chassé) : Il
reste moins d'une minute.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Est-ce que ça peut être quelqu'un du ministère
de l'Immigration? Je n'ai pas d'objection, mais Emploi-Québec a déjà des
services avec des personnes avec des personnes partout.
La Présidente (Mme Chassé) : M.
le député de Chauveau.
M. Lévesque (Chauveau) : Oui, merci, Mme la Présidente. Jusqu'à quel point le meilleur moyen
pour... Vous avez parlé de la
possibilité de la francisation en entreprise, puis ça, je trouve ça
intéressant. Avez-vous sondé auprès de vos membres le nombre en
pourcentage ou l'implication que vos membres sont prêts à faire pour favoriser
ça, cette francisation-là en milieu d'affaires?
La Présidente (Mme Chassé) :
20 secondes, oui.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Alors, Mme
la Présidente, je vais être honnête avec vous, très peu d'entreprises...
Actuellement, les entreprises ont de la misère à livrer le... alors, pour eux
autres, ça voudrait dire passer du temps à libérer
du personnel, etc. Il y a des entreprises modèles, hein, Peerless, à Montréal,
est un modèle dans ce sens-là. Il y en a plein, d'entreprises modèles.
Mais, si je regarde l'ensemble, les 260 000, je ne sais pas, entreprises,
là...
La Présidente (Mme Chassé) : Je
laisse maintenant la parole à la députée...
M. Dorval
(Yves-Thomas) : ...c'est un
nombre quand même limité, parce qu'il y a d'autres institutions qui ont
les capacités de le faire aussi, notamment le gouvernement local.
La Présidente (Mme Chassé) :
M. Dorval, je laisse maintenant la parole à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Merci.
Mme Anglade : Merci. Merci, Mme
la Présidente. Alors, rebonjour, bonjour à vous trois, et merci d'être en
commission parlementaire avec nous.
Tout à
l'heure, M. Dorval, votre ami Pierre Fortin nous a demandé de vous poser
la question suivante — je ne sais pas si vous étiez déjà arrivé — tout l'enjeu de la discrimination par
rapport au C.V. et le fait que vous aviez beaucoup d'opinions sur la chose, sur ce que devraient
faire les entreprises à ce sujet. Donc, j'ai envie de prendre sa question telle
qu'elle a été formulée et de vous la soumettre aujourd'hui.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Alors, Mme
la Présidente, c'est une question importante. Il y a eu des études qui ont démontré, par exemple, qu'un nom sur un
curriculum vitae pouvait avoir un effet dissuasif au niveau de la
discrimination, etc. Écoutez, ce n'est pas un sujet facile, puis je vais
le faire avec transparence et honnêteté. On a été, pendant des dizaines d'années au Québec, dans un contexte de surcapacité
de disponibilité de main-d'oeuvre, hein, on avait un taux de chômage très élevé, on avait une main-d'oeuvre très
abondante et qui ne trouvaient pas tous des emplois. Alors, la première
des choses, quand on comprend le contexte, pendant des dizaines d'années, on
avait un surplus de main-d'oeuvre. Alors, si
vous êtes n'importe qui, vous êtes au Parlement, vous avez quelqu'un à
embaucher, vous êtes dans une
organisation, bien, vous regardez le bassin de main-d'oeuvre qui est là, puis
le bassin de main-d'oeuvre qui est là, qu'est-ce qu'on fait quand on
fait de la sélection? D'abord, la discrimination.
• (16 h 40) •
En passant,
discriminer, là, ce n'est pas nécessairement toujours dans l'angle négatif de
la loi ou quoi que ce soit, ça peut
être tout simplement de faire un choix à partir de certains critères. Les critères
qui sont basés sur des choses que la
Charte des droits et libertés condamne, on ne peut pas utiliser ces
éléments-là, et ça, on est d'accord avec ça, ce n'est pas correct. Mais, quand vous êtes un employeur,
vous cherchez toujours à réduire le risque de l'incertitude. Or, si, par
exemple, une personne n'a pas eu d'expérience au Québec... Et je connais
beaucoup de personnes immigrantes qui disent :
Comment voulez-vous que je gagne de l'expérience si vous ne me donnez pas
d'expérience?, et ils ont raison, d'où
le fait d'avoir des programmes comme... d'expérience ou de stages, etc., parce
qu'il faut leur donner l'expérience.
Moi, je vous
donne, là, de façon très transparence, très honnête, la question. Si vous êtes
un employeur, vous êtes responsable de la sélection, vous regardez...
comment je fais en sorte de réduire l'incertitude de la personne que je vais
embaucher? Vous êtes dans un monde de surplus de main-d'oeuvre. Une grande
partie de ça est en train de se résoudre de
soi-même parce que, j'ai dit tantôt, nécessité fait loi. Les employeurs sont en
demande, ils ont des besoins, les employeurs
qui avaient des enjeux de ce côté-là, pas tous, commencent à ouvrir leurs
oeillères, commencent à considérer, et ce n'est pas seulement pour les
personnes immigrantes. Je le dis, il faut toujours regarder ça de façon
générale, la diversité : les personnes handicapées, les personnes
autochtones, les personnes en réinsertion sociale, même les personnes plus
âgées, hein, qui veulent quitter le marché du travail. Alors, tous les
employeurs sont dans cette... Est-ce qu'ils
vont au même rythme? Non, hein? Dans tous les modèles, il y a des gens qui sont
lents. En anglais, on dit «first adapter»
ou «early follower», etc., des concepts que les gens connaissent bien dans le marketing,
mais c'est la même chose dans la réalité des employeurs.
Moi, je pense
que c'est en train, tranquillement pas vite, de se mettre en place, mais il
faut les accompagner parce qu'ils ne savent pas. Nous, on a des projets,
actuellement, exactement là-dessus. On fait de la formation avec des organismes communautaires, qu'on a bâtie avec des
organismes du milieu de l'éducation pour former les gestionnaires en entreprise
parce que la personne — mettons, on est dans une grande entreprise — qui fait la sélection, c'est le
service des ressources humaines,
probablement qu'il y a des objectifs de diversité dans une grande entreprise,
mais, quand tu arrives sur le plancher des vaches, c'est le
gestionnaire, à la fin, qui fait la sélection puis l'engagement, et lui n'a pas
nécessairement eu toute la préparation,
l'engagement. Puis lui aussi, il veut réduire ses risques, puis lui, il est
dans les opérations quotidiennes, puis qu'est-ce que je vais faire?
Donc, il faut l'aider, l'accompagner, le former, puis c'est exactement ce qu'on
a élaboré, puis on est en train de faire le tour du Québec à faire de la
formation à tous les gestionnaires
qui sont intéressés dans toutes les entreprises qui sont intéressées... comment
on peut aider les gestionnaires à
comprendre comment, par exemple, intégrer, sélectionner, embaucher et
accompagner une personne, puis on le fait sur des groupes. Là, on le fait personnes handicapées actuellement. On
commence, cette année, les personnes autochtones, on veut commencer
aussi les personnes immigrantes.
Donc,
voyez-vous, c'est des éléments, ça. Il faut accompagner parce que ce n'est pas
dit que les gens ont cette expérience-là. Les gens, il y a des craintes
naturelles, il y a des craintes, il faut tout simplement les accompagner pour les éliminer. Ça adonne bien, nécessité fait
loi, ils n'ont pas le choix, comme on dit, ils ont besoin de main-d'oeuvre.
Alors, tout ça est en train de s'enligner.
Ça prend du temps, ça prend de l'accompagnement, puis les gestionnaires, là,
la science n'est pas infuse, hein, il faut les aider aussi de ce côté-là.
Mme Anglade : Juste une petite
question complémentaire sur les formations que vous donnez. Est-ce que vous
faites des formations sur les biais, les biais que les gens ont?
M. Dorval (Yves-Thomas) :
Oui.
Mme Anglade : C'est ça, la
formation dont vous... à laquelle...
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Notamment,
il y a des sessions d'une demi-journée puis d'une journée, hein, puis on
va plus en détail, puis on demande à des personnes impliquées dans ces
domaines-là de venir témoigner, O.K., comment
on vit ça, puis on fait des jeux de rôle avec le gestionnaire — pas drôles, mais de rôles — pour faire en sorte que le gestionnaire comprenne. Ah! parce que, si
je lui pose telle question, c'est quoi, l'impact? Qu'est-ce que ça va créer?
Alors, il faut, tranquillement pas vite... Puis il y a des craintes. Par
exemple, je ne sais pas, moi, santé et sécurité au travail, il y a quelqu'un qui ne connaît pas les méthodes de travail au
Québec, puis je vais-tu avoir des nouveaux dossiers de santé et sécurité
au travail? Des fois, il y a des études qui disent : Les nouveaux
arrivants, bien, on regarde l'augmentation
des enjeux de santé et sécurité. C'est toutes des choses que le gestionnaire a
en tête, le risque, la crainte, l'incertitude, alors comment on peut
l'aider et l'accompagner là-dedans?
Et ce que
M. Hamel a dit tout à l'heure est très important, et ça, les organismes
communautaires aussi travaillent avec
nous dans ce sens-là puis travaillent eux autres même, de leur côté, ce
côté-là, ce n'est pas juste de trouver un emploi, après ça il faut l'accompagner pendant un certain
temps dans l'entreprise parce qu'il y a plein de situations qui vont se produire dans la première année, puis il faut
aider. Puis, au niveau des mesures de l'État, il faut mesurer, il faut mesurer.
Est-ce que c'est une réussite? Est-ce que la
personne est restée en emploi ou elle est partie après? Puis qu'est-ce qui a amené
ces facteurs-là? C'est là-dessus qu'il faut travailler.
Puis je dois dire qu'on est chanceux, nous, on
siège à la Commission des partenaires du marché du travail, on travaille avec les partenaires syndicaux, on
travaille avec les partenaires communautaires, les partenaires de l'éducation
et Emploi-Québec, et ça, là, c'est une mine d'or. Je pense que la présidente...
notre présidente va me suivre tout à l'heure
sur la tribune, alors elle pourra certainement vous parler des mérites de la
Commission des partenaires. Mais nous... ça, ce n'est pas tout le monde qui ont cette chance-là, donc il faut,
nous autres, prendre ce qu'on a là, ce qu'on voit, là, puis l'amener aux
gens maintenant sur le terrain. C'est le grand défi qu'on a au Québec.
Mme Anglade : Une question que j'ai par
rapport au scepticisme des employeurs
face au nouveau système, puis à la réforme, et le nouveau système particulièrement...
À l'heure où on se parle aujourd'hui — puis vous l'avez bien mentionné, Me Lessard — il
n'y a rien qui répond à la pénurie de main-d'oeuvre parce que le PEQ ne répond
pas à la pénurie de main-d'oeuvre.
Donc, aujourd'hui, demain, après-demain, il n'y a rien qui répond à ça, dans
les prochaines semaines, probablement
dans les prochains mois. Le niveau de scepticisme... Quand vous regardez ça,
vous vous dites : Bon, si le système
Arrima, là, est en place d'ici trois mois, ce n'est pas si mal; si ça va
prendre six mois, ça va commencer à être...
J'aimerais
avoir un peu votre... le pouls, en fait, des employeurs par rapport à ce niveau de scepticisme là, puis jusqu'où on a pour ne pas
créer une brèche, jusqu'à quel moment on a pour faire en sorte qu'eux, ils se sentent quelque peu rassurés, si vous voulez.
La Présidente (Mme Chassé) :
Mme Lessard.
Mme Lessard (Julie) : Bien,
c'est sûr qu'à court terme il n'y a pas de solution permanente. Il y a toujours
le Programme des travailleurs étrangers temporaires qui permet l'arrivée de
travailleurs temporaires pour combler ces postes-là,
mais c'est sûr que c'est moins compétitif puis c'est plus difficile de recruter
quand on ne peut pas faire de la planification à long
terme puis qu'on vit plus avec des
permis de travail temporaire. Mais il
y a ce programme-là qui est en
place puis qui permet, à court terme, là, de combler des postes qui sont
vacants immédiatement.
Par contre, encore une fois, on revient à la planification
stratégique des entreprises. Elles ont besoin d'être capables de prévoir : Si moi, j'investis dans l'arrivée de ce
travailleur-là puis dans son intégration, est-ce que je vais être capable de le garder à long terme? Et là on n'a
pas la réponse encore. Puis à long terme, bien, dans combien de temps?
Puis il y a
certaines personnes aussi qui vont arriver ici mais qui ne peuvent pas être
accompagnées par les membres de leur
famille en fonction de leurs qualifications puis en fonction des différents
programmes qu'ils vont utiliser dans le Programme des travailleurs
étrangers temporaires, ça fait qu'encore là c'est plus difficile d'attirer ces
gens-là en leur disant : Un jour, ton
conjoint ou ta conjointe pourra suivre puis un jour tes enfants pourront venir
aussi. Donc, on a besoin d'un système à très, très court terme pour pouvoir non seulement pallier
des besoins urgents qui vont probablement être encore palliés par le
Programme des travailleurs étrangers temporaires en première étape, mais qui
nous permet quand même de faire
immédiatement une planification à long terme puis d'être beaucoup plus
compétitifs dans l'offre qu'on peut faire aux travailleurs étrangers.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Puis, Mme la
Présidente, le point qui a été touché là est très important : il n'y a pas
une semaine qu'on n'a pas des gens qui nous
racontent des expériences difficiles à cause que le conjoint ne peut pas avoir
une reconnaissance des diplômes ou ne peut
pas avoir un certificat pour travailler dans tel... parce que, par exemple, ce
n'est pas un secteur en pénurie, ou que ci,
ou que ça. Ça, là, c'est légion, particulièrement dans les entreprises, là, qui
font venir des gens des fois à grands
coûts, là, pour les amener ici, là. Et sans compter que ça prend du temps avant
d'avoir la réponse finale qu'ils vont
rentrer, mais en plus de ça c'est l'incertitude du conjoint ou de la conjointe.
Écoutez, ça, c'est... problématique majeure.
La Présidente (Mme Chassé) :
Oui, le député de Nelligan.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Bien, premièrement, bon 50e anniversaire au Conseil du
patronat! Je reconnais l'organisme qui défend l'intérêt de plusieurs
entreprises.
J'ai une
première question très rapide : Avez-vous eu l'occasion de tester le
système Arrima ou bien est-ce que vous l'avez déjà vu?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Alors, Mme
la Présidente, non, dans le sens où c'est... Nous, personnellement... bien,
moi, je ne suis pas un immigrant, je ne l'ai
pas testé. Mais, de toute façon, le problème, il n'est pas là, c'est que le
système, actuellement, n'est que la
constitution d'une banque, alors les gens peuvent appliquer, et, oui, il
fonctionne, il doit y avoir je ne
sais pas combien de milliers, voire de dizaines de milliers de dossiers,
actuellement. Mais la question de l'offre... Et puis, en passant, peut-être qu'il y aura des petits ajustements à
faire au début. Tu sais, au fédéral, ce n'est pas arrivé comme ça non
plus, et ils ont appris avec un an, deux ans, trois ans, puis ça va arriver au
Québec aussi.
Le problème
qu'on a, c'est que le système, il est là, pas avec l'employeur, cependant. Nous,
ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait
que l'employeur puisse avoir accès aussi, là, ça, c'est un enjeu important.
Mais surtout c'est qu'il n'est pas opérationnel.
Puis notre crainte, c'est que, si on attend l'adoption du projet de loi aussi,
bien, il y en a que ça va faire presque un an, à la fin, qu'ils vont
avoir déjà mis leur C.V. puis qu'ils n'auront toujours pas eu la possibilité
d'avoir d'offres.
M. Derraji :
À la lecture de votre rapport, dans la partie «Incertitude», vous avez
dit : «Nous déplorons en plus l'absence
de mesures transitoires dans le projet de loi qui permettraient au ministre
d'assurer une forme de continuité dans le traitement des dossiers. La
rareté de main-d'oeuvre, qui prive notre économie de milliards de dollars de
contrats et d'investissements, mérite qu'on
porte une attention aux candidats qui pourraient rapidement assurer le maintien
de leur emploi ou de leur statut de travailleur au Québec.» Si j'ai bien
compris, vous faites référence à la décision de mettre à la déchiqueteuse les
18 000 dossiers?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : J'ai dit que
je n'allais pas nécessairement commenter cette décision-là sur le fait que... parce qu'il y a une raison, cette
décision-là a été mise de l'avant pour une raison, elle n'est pas... elle
comporte des impacts humains majeurs
et aussi des impacts pour les employeurs. On devrait le transformer en
opportunité plutôt qu'en ménage,
c'est-à-dire qu'au lieu de parler de détruire on aurait dû parler de trouver
des solutions. Je vais laisser M. Hamel répondre davantage à la
question.
La Présidente (Mme Chassé) :
...
• (16 h 50) •
M. Hamel
(Denis) : Oui, merci, Mme la
Présidente. Effectivement, il y a un vide, actuellement. Nous, ce qu'on
veut amener à la commission, c'est la voix des employeurs qui nous disent
depuis une semaine ou deux : J'ai des travailleurs qui sont présentement chez nous, qui sont dans l'incertitude, on a de
la misère à avoir de l'information, à savoir vont-ils rester, vont-ils partir, des candidats qui espéraient venir.
Souvent, des employeurs ont eu des contacts avec des candidats à l'étranger qui disent : Bon,
j'attendais, j'en ai vraiment besoin, de travailleurs ou de travailleuses
spécialisés. Là, on se retrouve un
petit peu dans le brouillard, on se retrouve un peu beaucoup dans le
brouillard, à savoir ces gens-là vont
arriver quand. Est-ce qu'ils vont
arriver... Est-ce qu'Arrima va arriver très rapidement, d'ici deux, trois à quatre mois? Est-ce
que ça va prendre encore du temps? On risque de perdre... Donc, il y a beaucoup
de crainte de la part des employeurs de
perdre ces bons candidats là. Alors, on invitait... Dans le fond, ce qu'on
invite, c'est le ministère à avoir un processus rapide pour aller
chercher les bons candidats qui sont susceptibles de combler les postes
vacants. Puis M. Dorval le disait
tantôt, on a 118 000 postes vacants, actuellement, dont à peu près
60 % qui sont des postes nécessitant peu ou pas de qualifications, c'est important, et c'est là qu'on perd,
effectivement. Vous avez sûrement vu des histoires d'entreprises qui,
actuellement, sont obligées de refuser des contrats ou voire même mettre en
veilleuse des projets d'expansion faute de main-d'oeuvre. Alors, est-ce qu'on
peut trouver une façon pour rapidement aller rejoindre ces candidats-là qui
comblent vraiment un besoin actuel?
M.
Derraji : Justement, en fait, c'est à la lumière de la présentation,
vous avez dit qu'il y a présentement... on parle de 118 000 postes à combler immédiatement, on parle de
presque 1 million pour les 10 prochaines années. Si j'ai bien compris que, pour vous, avant d'arriver au projet de
loi, il ne faut pas se priver, priver l'économie québécoise... notamment, on parle de la prospérité, il ne faut
priver l'économie québécoise d'une main-d'oeuvre qui existe déjà sur le
territoire, notamment on fait référence à l'arrêt du traitement de ces
18 000 dossiers en attendant la mise en place de l'Arrima. Est-ce que
c'est ça que vous voulez nous faire comprendre avec ce paragraphe?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Oui, Mme la Présidente. Malheureusement, je suis mal fait, Mme la Présidente, moi,
j'aime ça contextualiser puis comprendre ce
qui est derrière. Vous savez, à la fin, là, même si on traitait les dossiers, si
on arrive au quota avec le fédéral, ça va attendre.
Une voix : ...
La Présidente (Mme Chassé) :
Vous n'entendez pas bien? O.K.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Je m'excuse.
Alors, il y a une question de nombre aussi à la fin, hein? C'est-à-dire que le fédéral aussi, il a le processus après, là, puis le processus
du fédéral, il est enligné sur les ententes qu'il y a aussi sur des quotas, c'est-à-dire le nombre de
personnes qu'on va accepter ou non. Alors, la question ici, qui est légitime... Je
ne vous dis pas que la réponse, elle est bonne ou non, mais la question
est légitime. Si on a un objectif de x milliers de personnes, O.K., puis qu'on veut qu'ils
soient arrimés au marché du travail, même si on voulait faire les deux en même temps, la cible maximum d'immigration
que vous avez ne vous permettra pas nécessairement de traiter tous ces
dossiers-là. Ce que je suis en train de vous dire...
La Présidente (Mme Chassé) : Il
vous reste une minute.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Je n'ai pas
la solution. Je vous dis juste qu'on parle beaucoup, là, au Québec, de
toutes ces questions-là, mais il y a
plein de complexités, plein d'éléments derrière ça qu'il faut comprendre, puis
je ne les connais pas moi-même tous. C'est pour ça que je vous ai
dit : Le parcours du combattant, même pour nous, il est là.
La Présidente (Mme Chassé) : M.
le député de Nelligan.
M. Derraji : Bien, j'ai de la misère à comprendre une chose.
Là, vous avez une entreprise au Lac-Saint-Jean qui vous
dit : Écoutez, j'ai un besoin réel, criant de la main-d'oeuvre. On a un projet de loi qui va prendre des années avant... des années...
des mois avant qu'on commence à avoir le fruit de cet arrimage. Et là qu'est-ce qu'on va faire avec le besoin immédiat
de ces entreprises? Comment on va répondre? La situation,
elle est criante. Il y a 110 000 postes
disponibles. Il y a des projets qu'on
a mis sur le «hold» parce qu'on n'a pas la main-d'oeuvre nécessaire pour
répondre à ces projets d'investissement,
et de l'autre côté on a de la main-d'oeuvre qui est disponible déjà, et on a
pris la décision d'arrêter le traitement de ces
18 000 dossiers. C'est ça, ma question.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Mme la Présidente, très rapidement vous dire
simplement...
La Présidente (Mme Chassé) :
Bon, je vais vous arrêter parce que je dois laisser la parole à la députée de
Marie-Victorin. Vous aurez alors l'occasion de lui répondre.
Mme Fournier :
Merci, Mme la Présidente. Justement, j'allais faire du pouce sur ce que disait
mon collègue de Nelligan. Et je sais
que vous ne voulez pas commenter spécifiquement la décision d'annuler les
18 000 dossiers, mais vous
référiez quand même à un effet sur les employeurs. Est-ce que vous pouvez nous
en parler davantage? Est-ce que c'est au niveau de de l'incertitude que
ça peut créer au sein des entreprises?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Comme Me Lessard a dit tout à l'heure, les
entreprises ont des plans, hein, des stratégies,
puis ils disent : Bon, voici, j'ai tant de postes à combler. Puis là, dans
leur façon de régler leurs enjeux, bien, ils vont avoir peut-être de la main-d'oeuvre temporaire en attendant.
Ils vont avoir toutes sortes de moyens, il n'y a pas un seul outil. Puis là on calcule tout ça puis on
dit : O.K., si la personne arrive, elle passe dans le PEQ ou si la
personne arrive... elle n'est pas
arrivée encore, on l'a recrutée, mais il faut qu'elle passe à travers l'autre
programme pour l'offre, déjà, de
l'employeur, là il y a plusieurs éléments. Donc, l'entreprise fait son plan,
elle envisage différents moyens, puis là, tout à coup, on dit :
Bon, on va arrêter ça, là, on va stopper ça pour le moment. L'impact est énorme
pour les employeurs. Donc, ça répond aussi à la question de votre collègue
député juste avant, Mme la Présidente.
Alors, le
point ici, c'est... dans le fond, on a besoin de beaucoup de personnes
au Québec, beaucoup de personnes de
tous les bassins, les étudiants, les personnes handicapées, les personnes autochtones, etc., les nouveaux arrivants. On n'a pas
le moyen... On n'a pas le choix de ne pas bénéficier au maximum, hein, de
toutes les opportunités à cause des emplois,
et l'immigration est importante là-dessus, donc les cibles d'immigration aussi
sont importantes. Vous savez, le milieu
des affaires a dit qu'on voudrait beaucoup d'immigration, mais l'immigration...
il y a le travailleur temporaire, il y a le... bon, il y a toutes sortes
de choses.
Ce qu'on dit
simplement, c'est : Au niveau des employeurs, si on change le processus en
cours de route, s'il y a un arrêt,
c'est comme n'importe quoi, si vous arrêtez, à un moment donné, votre
production, bien, vous êtes fait, vous avez
des commandes avec vos clients, etc. Là, actuellement, c'est ça qui arrive, là,
il y a un arrêt, puis là, bien, on se retrouve où? Ce qu'il faut faire, c'est d'accompagner les
employeurs et les employés en question, de dire : O.K., l'arrêt, là... On
va te trouver une façon que ça soit
encore plus rapide. C'est pour ça que j'ai dit : Il faut peut-être, par
exemple, le Programme d'expérience québécoise, assouplir un peu les
conditions, donc il y aura plus de gens qui seront admis dans le Programme d'expérience québécoise. Alors, ce sont
des éléments comme ça, mais, à la fin, je vous ai dit, très complexes parce qu'il y a des cibles d'immigration puis il y
a des ententes avec le fédéral. Parce que le fédéral, on l'oublie, on parle
ensemble, au Québec, là, mais il y a une autre étape après. Alors, comment
est-ce qu'on peut... Et d'ailleurs je pense qu'il faut que ça travaille
davantage, là, ensemble.
Mme Fournier :
Tout à fait. Puis, au niveau du recrutement, on sait déjà que c'est difficile,
donc, d'avoir des travailleurs qui
ont l'occasion d'occuper un emploi à la hauteur de leurs compétences, avec un
diplôme reconnu, des gens qui parlent
déjà français. Alors, au niveau de ces 18 000 dossiers, on sait qu'il
y en a plusieurs, de ces personnes, qui sont déjà au Québec. Est-ce que vous craignez que ça envoie un message
négatif? Et même est-ce que vous avez une crainte qu'on puisse perdre
ces travailleurs-là, à terme?
M. Dorval (Yves-Thomas) : On a déjà été clairs, là, dans notre mémoire, on
dit que ça crée une incertitude et ça crée...
c'est clair. Et il y a bien des choses qui peuvent créer des... Alors, la
meilleure façon, c'est de trouver une solution très rapide et de pouvoir
les mettre en place très rapidement, mais surtout, surtout — ça
revient toujours à la même chose — d'accompagner les gens. Parce que, quand on
dit quelque chose puis on ne l'accompagne pas, bien là, les gens sont
pris juste avec l'incertitude. Il faut les aider et les accompagner.
Mme Fournier : Est-ce que le gouvernement, en ce sens-là,
aurait dû, par exemple, prendre les mesures nécessaires
pour transférer lui-même, par exemple, les dossiers, les
18 000 dossiers en attente dans le nouveau système Arrima?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : ...lui poser la question.
La
Présidente (Mme Chassé) :
Merci. Merci, Mme la députée de
Marie-Victorin. Je laisse maintenant la parole au député de
Laurier-Dorion.
M. Fontecilla :
Bonjour. Le temps file, une question très simple sur le même sujet :
Est-ce que vous pensez que l'annulation des 18 000 dossiers,
en particulier des gens qui se trouvent déjà au Québec, est en mesure de...
contribue à augmenter la pénurie de main-d'oeuvre au Québec?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : En fait, Me Lessard...
Une voix :
...
La
Présidente (Mme Chassé) : ...entend bien ici? Est-ce qu'on entend
bien ici? Non, on n'a pas bien entendu, hein?
M. Fontecilla :
Est-ce que l'annulation des 18 000 dossiers, en particulier de gens
qui sont ici, contribue à augmenter la pénurie de main-d'oeuvre au Québec?
• (17 heures) •
M. Dorval (Yves-Thomas) : En fait, Mme la Présidente, la pénurie de
main-d'oeuvre... D'abord, c'est des raretés de main-d'oeuvre qu'on a, au Québec. Il y a une rareté de main-d'oeuvre
dans plusieurs secteurs, dans plusieurs régions, on a des enjeux de ce côté-là. Donc, c'est clair qu'il faut toujours
aller chercher le maximum, actuellement, parce qu'on est dans une situation de crise, dans les faits,
là, en termes de main-d'oeuvre, de besoin de main-d'oeuvre, on est dans
une situation de crise.
Disons-le
tout simplement, là, 118 000 postes ouverts, 1,5 million avec,
chaque année, actuellement, plus de gens qui quittent le marché du travail que de gens qui rentrent sur le marché
du travail, si on n'appelle pas ça une crise... bien, c'est une crise larvée, mais c'est une crise
réelle pour les employeurs. Alors, il faut trouver tous les moyens, hein, il
faut travailler ensemble, tout le monde, par rapport à ça.
Est-ce
que l'annonce du 18 000... Encore une fois, il y en a qui travaillent déjà
dans ça, donc ça n'a pas augmenté la
pénurie. Ce que ça rend, c'est de l'incertitude par rapport à leur futur ou
l'employeur, par rapport au futur de son employé, ça, oui. Il y a des gens qui sont ici, qui ne
travaillent pas, actuellement, des étudiants, par exemple, c'est pour ça qu'on
a dit : Ah! il faudrait peut-être
élargir, travailleurs autonomes, les étudiants qui attendent leurs diplômes,
les entrepreneurs, comment on peut
faire en sorte... Il y a des gens qui ne sont ni un ni l'autre, actuellement,
ne sont pas nécessairement en situation
de travail, qui sont en attente de leur certificat, beaucoup sont à l'étranger.
Je n'ai pas de réponse à ça. Il faut demander aux gens comment on peut
faire les deux. Mais, à la fin, il faut avoir des cibles ambitieuses, des
cibles ambitieuses de recrutement, des
cibles ambitieuses d'intégration. Ils n'ont pas le choix. Et plus on retarde...
C'est comme de mettre en arrière, là,
des dossiers qu'on n'a pas traités après une année, bien, ils sont toujours là,
ces dossiers-là, hein? Bien, c'est la
même chose. Chaque fois qu'on ne recrute pas une personne, c'est une personne
de moins qu'on a, donc elle s'ajoute
aux autres qui s'en viennent. On a dit qu'il y aura 1,5 million
de postes à combler dans les 10 prochaines années, alors, si
on ne compte pas ceux aujourd'hui, ça ferait juste s'ajouter aux autres, là.
La Présidente (Mme Chassé) :
C'est beau? C'est terminé? Merci beaucoup. Je vous remercie pour votre
contribution aux travaux de la commission.
Je
suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de
prendre place. Merci encore.
(Suspension de la séance à 17 h 1)
(Reprise à 17 h 3)
La Présidente (Mme Chassé) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Comme nous avons pris un peu de retard, y a-t-il consentement pour poursuivre les travaux au-delà
de l'heure prévue, c'est-à-dire jusqu'à 18 h 5? Il y a consentement?
Merci.
Des voix : ...
La Présidente (Mme Chassé) :
Allez, allez, allez! On ne se rendra pas jusqu'à 18 h 10.
Je souhaite
maintenant la bienvenue aux représentants de la Commission des partenaires du
marché du travail. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à
la période d'échange avec les membres
de la commission. À une minute de la fin, je vais vous avertir, je vais vous
aviser. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre
exposé.
Commission
des partenaires du marché du travail (CPMT)
Mme Murray
(Audrey) : Alors, merci, Mme
la Présidente. Audrey Murray, présidente de la Commission des partenaires du marché du travail. Je suis
accompagnée de Michèle Houpert, qui est la directrice de la commission. Donc,
on est ravies d'être avec vous aujourd'hui.
Dans un premier temps, je me permettrais
peut-être de vous présenter la Commission des partenaires du marché du travail. C'est un organisme qui a
maintenant 20 ans, qui relève du ministre de l'Emploi et qui a une mission
qui, dans le contexte du marché du travail
actuel, est certainement très importante qui est de contribuer à ce qu'il y ait
un équilibre dans le marché du
travail entre les besoins quantitatifs ou qualitatifs de main-d'oeuvre, les
besoins en compétences.
Et comment
cette commission travaille, bien, c'est tout aussi important de prendre le
temps de l'expliquer. Elle s'appuie
sur un grand cercle de partenaires. D'abord, il y a son assemblée délibérante,
qui est constituée de 26 membres. Elle
rassemble aujourd'hui les grands leaders du monde patronal, du monde syndical,
du milieu de l'éducation, donc les grands
réseaux, cégeps, commissions scolaires et universités, de même que le secteur
communautaire. Et l'assemblée est accompagnée
aussi par la présence de sous-ministres qui représentent des ministères qui ont
de l'impact dans le marché du travail
de par les politiques publiques ou les règles qu'ils ont à influencer. Donc,
évidemment, Emploi-Québec est au coeur
de cette commission pour faire le travail qu'on a à faire, mais on a également,
au sein de la commission, le ministère de
l'Immigration, le ministère du Développement économique, le ministère de
l'Éducation qui est présent et le ministère des Affaires municipales.
Donc, vous
comprenez que, dans le contexte actuel, c'est une commission qui travaille par
consensus. En 2019, faire des
consensus, ce n'est pas toujours facile autour de sujets complexes. Vous le
savez, vous les abordez également. Sa
mission, donc, c'est d'essayer d'abord de comprendre ce qui se passe dans le
marché du travail, donc d'avoir les outils et les informations pour avoir une bonne vue sur les enjeux, et que ce
soit documenté, et qu'on puisse avoir une vue partagée, les différents
secteurs, les différents partenaires qui sont présents, pour pouvoir en
discuter.
Et par la
suite elle a la mission de conseil auprès du ministre de l'Emploi. Notamment, à
chaque année, on indique au ministre de l'Emploi quelles devraient être
les mesures aux individus ou aux entreprises qui sont offertes par
Emploi-Québec. Vous savez, c'est un budget d'environ 1 milliard de dollars
à chaque année qui fait qu'on aide la main-d'oeuvre
et les entreprises à vivre des défis du marché du travail. Donc, la commission
joue un rôle important avec les partenaires
pour indiquer au ministre comment devraient évoluer ces mesures-là en lien,
justement, avec les enjeux qu'on rencontre, contextuels.
Elle est
aussi responsable des programmes qui découlent du fonds du 1 %, que vous
connaissez probablement, qui est un
fonds qui se consacre à quelque chose d'important, qui est développer les
compétences de la main-d'oeuvre en
emploi. Donc, à chaque année, on a environ 50 millions qui est investi, je
dirais, pour s'assurer que la main-d'oeuvre en emploi, actuellement,
développe les compétences dont elle aura besoin en ce moment, mais aussi pour
le futur. Et finalement, plus récemment, la
commission s'est vu confier le mandat de donner des avis au gouvernement pour
améliorer les politiques publiques du gouvernement en matière de marché
du travail pour améliorer le marché du travail.
Donc, ça fait
le tour. Et tout ça, elle le fait, oui, avec son assemblée délibérante, mais
aussi avec un réseau, un vaste réseau
des partenaires, puisqu'on s'appuie sur l'expertise de 17 conseils
régionaux, 29 comités sectoriels et sept comités consultatifs, dont
un comité consultatif en immigration. Et chacune de ces instances implique, au
total, à peu près 1 000 personnes
qui contribuent à cette intelligence collective pour donner de la valeur aux
consensus, évidemment, qui se développent au sein de cette grande
concertation là.
Donc, je vais prendre le reste du temps pour un
peu vous donner la lecture qui est partagée au sein de la Commission des partenaires en ce moment en regard
du marché du travail et, à la fin, je vous dirai notre position par rapport
au projet de loi.
Donc,
vous le savez, là, c'est une grande transformation qui est en train de s'opérer
dans le marché du travail. Ce n'est pas seulement Québec qui vit cette
grande transformation-là, et elle se fait en accéléré pour plusieurs raisons. Évidemment, Québec le vit à sa façon, hein? Donc, trois
grands moteurs qui sont en train de faire bouger les plaques tectoniques de ce marché du travail. D'abord,
l'impact du vieillissement de la population, c'est certain que ça crée une
pression qui est importante et dont il faut
prendre la mesure et prendre les bons moyens pour y remédier. Le deuxième
grand levier qui est en marche en ce moment,
c'est toute la question des changements technologiques, qui est aussi un
vecteur important à tenir compte parce que
ça force le jeu du développement des compétences de la main-d'oeuvre qui
est en emploi, mais aussi de celle que nous
souhaitons accueillir comme nouveaux Québécois, éventuellement, donc c'est
un deuxième moteur important. Puis le
troisième, dont on connaît moins l'ampleur, mais qui, dans la documentation,
est certainement un enjeu important, et ça fait partie de la
planification stratégique de la CPMT d'essayer de mieux le comprendre, c'est
les changements environnementaux et le développement de l'économie verte, qui
est un vecteur important, qui va faire
aussi... qui a de l'impact sur comment le marché du travail est en train
d'évoluer. Donc, c'est les trois
grands changements qui sont en marche et qui peuvent influencer, évidemment, la
discussion qui a cours aujourd'hui sur le projet de loi.
• (17 h 10) •
Les
gens vont vous parler des données — je me suis dit que c'était vain de vous en
parler, là — sur le
taux de chômage, le taux d'emploi.
Peut-être des commentaires un peu plus qualitatifs ou appréciatifs de cette
situation-là pour alimenter vos
réflexions... Je crois que M. Fortin, là, en a fait mention, c'est la
première fois que le Québec vit une situation de plein-emploi depuis au
moins 30 ou 40 ans. Et donc, en plus de vivre une situation concrète de difficultés
de recrutement, on comprend que, quand c'est
la première fois qu'on vit quelque
chose, ça veut dire que nos
habitudes, nos façons de faire, nos processus,
qu'on soit une entreprise, qu'on soit un travailleur ou une travailleuse
ou qu'on soit même un organisme de services publics en emploi, eh bien, ça
demande des ajustements à tout le
monde. Donc, au-delà des chiffres, je trouvais important de signaler aux
parlementaires ce choc de cette première fois du plein-emploi. Et on
sait qu'on est au début de ce cycle,
hein, parce que, d'ici 2023, là, on aura un phénomène de
remplacement important de notre main-d'oeuvre.
Donc, on est vraiment
en amont de cette situation-là. Donc, il ne faut pas sous-estimer ce qu'elle veut
dire non seulement en termes
d'enjeux de recrutement concrets, en nombre ou en qualité, mais aussi
d'ajustements dans les façons de faire pour les entreprises.
Pour
la main-d'oeuvre, qui va se retrouver avec un rapport de force
différent qu'elle ne l'a eu jusqu'à maintenant, puis
pour aussi les services publics, qui doivent s'adapter, le ministre
de l'Emploi a lancé une grande corvée récemment en indiquant qu'il fallait faire en sorte que les services d'emploi se
tournent maintenant vers le soutien aux entreprises parce qu'il y a moins de gens à aider pour les
réintégrer, et ceux qui restent, celles et ceux qui restent, souvent, demandent
un accompagnement différent que par le passé. Et je pense que c'est un bon
exemple du genre d'ajustement auquel
tout le monde... sommes confrontés, et mon partenaire qui m'a précédé vous a
expliqué, pour le volet entreprises, des choses importantes.
La Présidente
(Mme Chassé) : 1 min 30 s.
Mme Murray
(Audrey) : Pardon?
La Présidente
(Mme Chassé) : Il vous reste 1 min 30 s.
Mme Murray (Audrey) : O.K., c'est bon. Alors, vous dire que, d'ici 2023, 1,4 million de personnes dont on aura besoin
pour remplacer les postes ou occuper les nouveaux postes, 54 % seront les gens qui sont sur les bancs
d'école, mais on sait que plus de 22 % seront de l'immigration. Et
donc c'est certain que la discussion qui a cours, que j'espère alimenter
aujourd'hui pour que vous puissiez trouver les solutions appropriées, les
parlementaires, bien, c'est que l'immigration
n'est pas une option pour répondre aux besoins du marché du travail, c'est une
réalité que le Québec va devoir
conjuguer pour les prochaines années.
Et donc certainement qu'il faut se
préoccuper de choses qu'on sait déjà sur les défis que suppose l'arrivée des immigrants de façon plus
significative, mais on a quand même déjà une expérience qui nous enseigne qu'il y a des défis pour les
entreprises et pour les immigrants eux-mêmes, pour les milieux de travail
aussi — il ne faut pas les oublier — pour les gens qui les accueillent dans les
milieux de travail. Donc, c'est un phénomène important.
À
propos du projet de loi, trois éléments avant de clore. Vous comprenez que,
sous l'angle de la responsabilité de
la commission, ce qui a intéressé la commission, c'est de regarder, à partir
des enjeux et des objectifs communs aux membres, comment le projet de
loi appuyait ou non, et globalement, toute la question d'orienter les choix...
La Présidente
(Mme Chassé) : Mme Murray?
Mme Murray
(Audrey) : J'ai terminé?
La Présidente
(Mme Chassé) : Oui, vous avez terminé. Je vous remercie pour
votre exposé.
Mme Murray
(Audrey) : Ça sera un suspense. Merci. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente
(Mme Chassé) : On voyait bien que ça allait prendre un peu plus
de temps. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la
parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, mesdames,
merci de participer aux travaux de la commission. Je ne sais pas, Mme Murray, si vous
voulez terminer ce que vous disiez à la fin.
Mme Murray
(Audrey) : Si vous me le permettez, je peux le faire.
M. Jolin-Barrette :
Oui, allez-y.
Mme Murray (Audrey) : Donc, peut-être trois éléments qui, je pense, vont dans le sens
de ce que la Commission des partenaires a constaté et demandé en termes
d'objectifs au cours des dernières années. En regard de l'immigration, bien sûr, c'est d'essayer
d'aligner les choix d'immigration sur les besoins du marché du travail. Et, quand
on parle de cet objectif-là, on est en train de se raffiner dans la
façon... dans la compréhension qu'on a des besoins en termes de secteurs,
en termes de métiers, en termes de régions,
et donc on pense qu'on a ce qu'il faut pour soutenir les objectifs que vise le
projet de loi pour faire en sorte que cette immigration qu'on dit économique puisse répondre au marché du travail. Et il s'agit ici aussi de se
dire que le milieu de travail est souvent le levier d'intégration premier,
donc, en ce sens, le projet de
loi appuie les recommandations de la commission.
Le
deuxième élément, c'est la question des services intégrés, d'une meilleure
coordination, que ce soit au niveau
de la prospection... Donc, on comprend tout
le parcours de l'accueil, de l'intégration, du soutien en emploi, du maintien
en emploi. Dans les constats qu'a eus la commission
au cours des dernières années, évidemment que cette question d'avoir une approche coordonnée pour soutenir les entreprises
et les immigrants depuis leur terre de naissance jusqu'à chez nous est un élément important. Donc, à la lecture du projet de loi, on comprend que c'est un objectif qui est visé et qui est appuyé par la Commission
des partenaires.
Puis
le troisième élément, c'est l'objectif du projet
de loi de documenter pour suivre le
parcours des immigrants et comprendre
de quelle façon ils arrivent ou non à s'intégrer, bien sûr,
du point de vue de la commission, au marché du travail, même si on comprend
qu'on pourrait avoir un intérêt plus large, c'est-à-dire, à la société
d'accueil.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie. Donc, je comprends que vous
êtes globalement en accord avec le projet de loi. Puis c'est l'objectif véritable, de
répondre aux besoins du marché du
travail, parce que
ce qu'on a constaté, et puis les taux de surqualification sont quand même
impressionnants chez les immigrants de moins de cinq ans, ils ne répondent
pas nécessairement aux besoins du marché du
travail. Puis je trouve ça intéressant, ce que vous dites, parce que vous avez
différents partenaires qui siègent au comité, à la fois patronal, à la fois
syndical, alors c'est intéressant de voir que vous portez ce message-là aussi,
de dire : Il faut arrimer les besoins du marché du travail aux profils des
candidats.
Nous,
l'objectif, c'est d'avoir un parcours personnalisé, de faire en sorte que
l'État québécois est là dès le départ, dès l'étranger. Et c'est pour ça
aussi qu'on a un rôle de coordination, maintenant, dans la loi, pour le
ministère de l'Immigration, parce qu'on veut éviter qu'il y ait du travail en
silo. Et, dans le passé parfois, les différents ministères, chacun faisait son
petit bout, mais il n'y avait pas de coordination. Alors là, on va collaborer,
mais on va surtout coordonner. Puis l'objectif de coordination aussi, c'est de
coordonner avec les partenaires comme la...
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette :
...CPMT, merci, oui, et avec les différents partenaires aussi. Alors, ça, c'est
l'objectif principal. Je veux vous
demander : Qu'est-ce que vous pensez que le ministère de l'Immigration
devrait faire dans le cadre du projet de loi pour vraiment avoir un
accompagnement spécifique pour répondre aux besoins de vos membres?
Mme Murray
(Audrey) : En fait, vous parlez des besoins du marché du
travail au niveau de la coordination spécifiquement?
M. Jolin-Barrette : Oui, bien, au niveau de la coordination, mais ce
qui est exprimé par vos membres, c'est quoi, les enjeux? Qu'est-ce qui
accroche, présentement?
Mme Murray (Audrey) : Parce qu'en fait il faut bien situer que la
Commission des partenaires, dans ses avis, n'a jamais ciblé qui devait faire la coordination. Donc, moi, je veux
bien cadrer mon propos, on a plus travaillé par objectifs. Puis d'ailleurs c'est une façon de faire quand on
tente d'avoir des consensus, souvent ça aide. Je pense que les constats
qui sont derrière cet objectif-là des partenaires de demander une coordination,
ce n'est pas sorcier, hein, c'est-à-dire qu'idéalement il faudrait bâtir les
services et le soutien à partir de la réalité des parcours des gens, donc, pour
être sûr qu'il n'y a pas d'espaces ou de
trous, là, qui s'installent, et puis à un moment donné on perd les personnes,
on perd les liens qui sont utiles à
faire pour être capables d'assurer un continuum puis que la personne puisse
s'intégrer. Donc, peu importe qui, finalement, je pense que, derrière cette
demande de coordination, c'est de pouvoir s'y retrouver facilement.
Du
point de vue des employeurs, écoutez, il y a une panoplie de services. En ce
moment, les différents leviers à la disponibilité
des entreprises pour qu'elles puissent faire leurs choix et prévoir les délais,
comprendre toutes les étapes, c'est un effort considérable seulement de
comprendre l'information. Donc, je pense que l'idée derrière cet objectif de
coordination puis d'avoir un regard plus fluide de la part des services publics
mais aussi des partenaires, des organismes
gouvernementaux qui aident aussi à la livraison de ces services-là, bien, c'est
d'essayer de les regarder du point de
vue des gens qui les vivent et, à terme, de les simplifier, de les rendre plus
accessibles, plus compréhensibles pour, en tout cas, éviter les délais qui sont
davantage liés à cette difficulté-là d'un parcours qui est morcelé puis qui n'a
pas nécessairement été construit, à la base peut-être, du point de vue des gens
qui ont à l'expérimenter.
• (17 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est ce qu'on veut faire dans le projet de
loi n° 9, d'éviter qu'à la fois les personnes immigrantes mais à la
fois les employeurs aient à cogner à 10 portes différentes. On veut
s'assurer qu'il y ait une véritable
coordination puis on veut s'assurer aussi que le ministère de l'Immigration
soit un leader dans ce domaine-là.
Mais, je vous donne un exemple, avec mon
collègue de l'Emploi, on veut s'assurer que, dans les centres de Services
Québec, bien, les gens qui sont présents, les conseillers en emploi puissent
travailler avec les conseillers du ministère de l'Immigration, donc qu'il y ait
vraiment une synergie à la fois orientée vers les besoins des personnes immigrantes mais à la fois également vers les
besoins des entreprises. Ça, c'est vraiment important, puis on veut vraiment créer
une synergie entre les deux. Ça fait qu'on est vraiment dans cette logique-là
avec le projet de loi.
Je voulais
savoir quelle est votre opinion relativement au programme temporaire. On n'en parle pas dans le projet de
loi, mais relativement au Programme des travailleurs étrangers temporaires,
actuellement, là, on voit qu'il y a beaucoup d'employeurs qui sont en pénurie. Moi, je pense que ça peut répondre en
partie aux besoins des différentes entreprises, à la pénurie de main-d'oeuvre. Et surtout il faut dire aussi, les
travailleurs étrangers et même l'immigration aussi, parfois ça permet de maintenir en activité des entreprises
d'une industrie dans les différentes régions du Québec. Donc, c'est quoi, votre opinion par rapport
au programme des travailleurs temporaires, actuellement, qui est en place?
Mme Murray (Audrey) :
Bien, écoutez, dans les discussions qui ont eu cours à la commission sur ces questions-là,
en fait, je pense que les partenaires se rallient pour dire qu'il faut
tenter d'avoir à la disponibilité tous les leviers
qui permettent l'immigration. Donc, l'immigration temporaire peut être un levier qui reçoit l'appui
de la Commission des partenaires. Donc, l'idée, ce n'est pas
d'essayer de jouer plus l'un ou plus l'autre, mais de bien les utiliser et
qu'ils soient performants, tous ces leviers, pour répondre aux
différents besoins du marché du travail.
Donc, dans les conversations et puis dans les
zones communes, je dirais que c'est sûr que, du côté de la main-d'oeuvre, on va
être préoccupés par le respect des droits. Donc, ce consensus-là autour des travailleurs
temporaires s'organise, à la commission, dans un équilibre pour dire : Oui, on reconnaît que les travailleurs temporaires sont un levier
utile pour répondre aux besoins du marché
du travail, mais ça doit se faire
dans le respect de leurs droits, dans le respect des normes du travail
au Québec.
M. Jolin-Barrette : Tout à
fait d'accord, notamment
les travailleurs en situation de vulnérabilité. Selon vous, est-ce que ça prend davantage de flexibilité au
niveau du Programme
des travailleurs étrangers temporaires de la part du gouvernement
fédéral pour répondre aux besoins des différentes entreprises du Québec?
Mme Murray
(Audrey) : Bien, écoutez,
vous m'amenez un peu hors zone par
rapport au projet de loi, mais c'est certain que la commission s'est prononcée dans le passé sur ces questions-là
pour demander des allègements et faire
en sorte que... Bon, au niveau, encore
une fois, de la lourdeur administrative, de ce qui est exigé pour démontrer
le besoin, souvent en doublon, par
rapport aux besoins du gouvernement fédéral, du gouvernement du Québec, aussi
dans la façon d'identifier les secteurs qui ont besoin de travailleurs
temporaires et dans les règles qui sont en place en ce moment, à savoir à quel pourcentage de chômage il est
permis d'avoir des travailleurs temporaires ou pas dans un secteur ou dans
une région donnée, donc, oui, les
partenaires ont des griefs, je dirais, ou des attentes qu'il y ait des
adaptations propres à la couleur de la réalité de la rareté de
main-d'oeuvre au Québec.
Donc, vous
savez, chaque province, chaque territoire, là, vit en ce moment cette
situation-là de rareté à sa façon, hein,
donc, et avec les conditions qui lui sont propres, avec tout l'écosystème qui
lui est propre. Donc, oui, la Commission des partenaires a formulé des
souhaits à l'effet que ce Programme des travailleurs étrangers temporaires soit
adapté davantage aux besoins du marché du travail au Québec.
M. Jolin-Barrette : Je suis d'accord avec vous là-dessus. Notamment,
nous, on souhaite avoir des assouplissements du gouvernement fédéral pour répondre aux spécificités du marché
québécois. Ça, je pense que c'est fondamental, puis ça s'inscrit aussi
dans la démarche du projet de loi n° 9. Parce que ce qu'on fait avec le
projet de loi n° 9, c'est au niveau de
l'immigration permanente, donc, on réforme le système, on s'assure d'avoir une
adéquation entre les besoins de main-d'oeuvre des entreprises et le profil de
compétence, mais également, les travailleurs temporaires, ça permet
aussi de s'assurer que les gens viennent répondre à un besoin de main-d'oeuvre
au Québec.
Mais aussi,
par la suite, nous, comme ministère de l'Immigration, ce qu'on va pouvoir faire
avec le projet de loi n° 9, c'est
de s'assurer de développer des outils pour les travailleurs temporaires, parce
qu'auparavant le ministère de l'Immigration ne pouvait pas déployer des
ressources pour les travailleurs temporaires, alors que, là, à partir du moment où ils vont être sur le territoire
québécois, on va avoir les outils au ministère de l'Immigration, on va pouvoir
leur offrir des services en matière
d'intégration et de francisation pour les garder dans les différentes
entreprises du Québec, dans les différentes régions.
Vous
soulevez, à la page 5 de votre mémoire, là, parmi les défis du travail
lorsqu'il s'agit de l'immigration, la difficulté
au niveau de la régionalisation. J'aimerais ça vous entendre, à savoir si vous
avez des propositions pour assurer la régionalisation. Qu'est-ce que
vous nous conseillez?
Mme Murray (Audrey) : Bien, en fait, c'est une dimension qui devra être
regardée par la commission, elle ne l'a
pas été de façon spécifique jusqu'à maintenant. On
comprend et on entend que les villes de nos régions, hein, de plus en plus, veulent s'impliquer, justement, pour résoudre... on
entend que... vous le lisez comme moi, donc, l'accès au logement, l'organisation du transport, les services d'accueil, donc, il y a beaucoup
de facteurs qui, en ce moment, pourraient nuire ou favoriser une présence de travailleurs, travailleuses
immigrants plus forte dans nos régions. Ils sont vraiment concentrés sur l'île de Montréal, nos immigrants, là, en
ce moment. Dans la dernière année, je pense, c'est
85 % qui vivent à Montréal puis dans la grande région métropolitaine, là,
donc, et il y a des besoins en région qui sont légitimes.
Et
donc il faut qu'on regarde un peu mieux c'est quoi, les... Comme commission,
là, je pense que c'est un regard qu'on devrait porter pour voir quels facteurs, leviers... Puis il faut probablement rapprocher les intervenants du monde du travail et de l'emploi qui sont plus traditionnels, comme le ministère de l'Emploi, la CPMT, des villes parce que
je pense que les villes ont un
rôle à jouer, nécessairement, parce
que la pression que met l'effet de rareté fait en sorte qu'on doit... on ne peut plus travailler en silo, hein?
Il faut travailler de façon plus intégrée à créer des environnements qui vont
nous permettre de relever ces défis-là. Donc, c'est quelque chose qu'on devra
regarder, à la commission.
M. Jolin-Barrette : Très certainement, on va travailler en
collaboration avec vous. Je crois que certains collègues veulent poser
des questions.
La
Présidente (Mme Chassé) : Oui, j'ai le député de Chauveau et j'ai
la députée de Labelle. Alors, on va débuter avec le député de Chauveau.
M. Lévesque
(Chauveau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'ailleurs,
Mme Murray, bonjour. Je suis très heureux
de pouvoir vous parler aujourd'hui, et c'est un peu en complémentarité avec ce
que mon collègue ministre vient de mentionner. La régionalisation, c'est
un enjeu très important dans ce projet de loi là. On veut, bien sûr, arrimer
les besoins de la main-d'oeuvre avec les
besoins des différentes régions. Et moi, j'apprécie votre appui à ce projet de
loi là. Et, quand je regarde le
membership de la CPMT, c'est impressionnant, vous avez des partenaires très,
très intéressants autour de la table.
Mais
le ministre a mentionné tout à l'heure qu'il y a opportunité d'arrimer le
travail de Services Québec avec le ministère
de l'Immigration. On a posé la question avec les employeurs, mais je me pose la
question, puisque vous avez des
groupes communautaires, des groupes d'enseignement qui sont autour de votre
table. Est-ce que le milieu communautaire
et le milieu de l'éducation, notamment, mais on peut aller plus large aussi...
Est-ce qu'on est outillés, au Québec,
présentement, dans nos régions, pour faire face à ce défi d'immigration qui devra
croître au cours des prochaines années?
Si on veut réussir ce défi-là de la rétention, de l'accueil des personnes
immigrantes dans nos régions, est-ce que nos milieux parallèles sont
équipés, outillés? Qu'est-ce qu'on pourrait faire? Est-ce que vous avez eu ce
genre de discussion là à la CPMT?
Mme Murray (Audrey) : Bien, en fait, sous l'angle des régions, je pense
que c'est une discussion qu'on doit alimenter.
Mais il y a quand même des éléments d'information, d'abord les réseaux de
l'éducation... de l'information qui est partagée à la Commission des
partenaires, on voit différents projets. Évidemment, on a accès à une
information. Il y a beaucoup d'efforts qui se font en région pour
adapter les programmes de formation, les stratégies de formation à l'accueil des immigrants, parce que vous savez
que les étudiants étrangers sont aussi un levier important, là. Quand on
parle d'immigration et qu'on remarque que,
souvent, nos étudiants étrangers, quand ils ont pris goût au Québec... c'est
déjà beaucoup pour espérer pouvoir les garder et puis les intégrer au marché du
travail.
Mais donc, dans la
volonté qui est exprimée par les partenaires de l'éducation au sein de la
Commission des partenaires, il y a une
volonté qui, à mon avis, est visionnaire et très forte, d'être capable de faire
bouger les grands réseaux du Québec
que sont les cégeps, les commissions scolaires, les universités pour faire les
adaptations requises. Évidemment que
ça ne se bouge pas facilement, là. Vous le savez, transformer des grandes institutions,
c'est très exigeant et, je le disais tout à l'heure, ça implique de
travailler dans des nouvelles synergies, ce qu'on est en train de vivre. Il ne
faut pas perdre de vue la mission première
non plus de nos institutions d'éducation, mais ce maillage-là, en regard des
besoins du marché du travail, donc,
pour les jeunes, pour la population plus âgée mais aussi pour les immigrants,
le secteur de l'éducation exprime une grande volonté de pouvoir
s'adapter puis aider, notamment, les régions, grand défi.
La Présidente
(Mme Chassé) : Merci. Est-ce que la députée de Labelle tient
toujours à prendre la parole?
Mme Jeannotte :
Bien oui, d'accord. Bonjour, Mme Murray, merci de votre participation. Et
c'est très impressionnant, la liste
des membres de la commission. Donc, également heureuse de voir que vous êtes
favorable au projet de loi. Est-ce qu'il y aurait un élément de
surprise, dans ce que vous avez entendu de la part des membres, que vous souhaiteriez communiquer? Qu'est-ce qui vous
a surpris puis qui serait intéressant d'amener aujourd'hui dans le cadre
de notre discussion actuelle?
Mme Murray
(Audrey) : De la part des membres de la commission?
Mme Jeannotte :
Oui, de nouveau.
• (17 h 30) •
Mme Murray (Audrey) : Un élément de surprise... Bien, écoutez, là, je
ne veux pas les décevoir, eux, en disant qu'ils ne m'ont pas surprise...
Mme Jeannotte : De nouveau ou
de... mais qu'on n'a pas entendu, peut-être, qu'on devrait entendre.
Mme Murray (Audrey) : Bien, en fait, je pense qu'il y a tout le volet,
aussi, d'intégration des immigrants qui est un volet important parce
que... Donc, quand on regarde les facteurs de succès pour le marché du travail
pour les immigrants, on voit bien qu'il faut
qu'on fasse évoluer les façons de s'y prendre. Et donc l'idée, dans les
discussions qui ont cours... Il y a un avis qui vient d'être émis, là,
un portrait de la part du comité consultatif immigration, auquel référait aussi mon collègue du CPQ tout à l'heure,
qui fait un peu la synthèse, hein, de la documentation qu'on a sur les
obstacles que rencontrent les immigrants quand ils souhaitent s'intégrer puis
aussi des défis que cela pose pour les entreprises.
Et donc, au sein de la commission, je pense qu'il y a aussi un regard qui est
porté pas seulement sur le besoin en
termes de nombre dans les métiers et dans les régions, mais aussi dans la façon
dont on va trouver les accompagnements requis
et qu'on va utiliser les ressources en termes de services publics ou des
différents groupes pour résoudre ces enjeux-là.
On voit bien
qu'intégrer... Bon, déjà, il faut avoir une entrevue, donc, déjà, il faut que
la façon d'afficher les postes, de
définir les postes, de rendre compréhensible, hein, le besoin pour une
entreprise, déjà il faut que, pour les immigrants, ce soit quelque chose
qui soit lisible puis qu'ils comprennent ou qu'elles comprennent. On sait que
le fait d'exiger systématiquement une
expérience de travail au Québec est un obstacle pour les immigrants. Ils
tournent un peu en rond, hein? Ça leur prend un premier moment, à un
moment donné, donc quelqu'un qui... Donc, ces éléments-là sont bien documentés
et font partie des préoccupations puis du regard que portent les partenaires
pour soutenir les travaux, aujourd'hui, des
parlementaires dans les réflexions, puis les politiques publiques, et les
services, la façon de faire évoluer les services.
Mme Jeannotte : Merci.
La Présidente (Mme Chassé) : Merci. M. le député de Chauveau veut reprendre la parole?
M. Lévesque
(Chauveau) : Oui. Vous parliez tout à l'heure de la fameuse loi du
1 % concernant la formation. Et
c'est évident que la francisation, là, c'est un enjeu extrêmement important
pour le maintien, notamment en région, c'est bien évident. Est-ce que vous avez une idée... ou est-ce qu'il y a une
partie de cette cagnotte-là, là, du 1 %, là, qui sert à la formation des travailleurs? Est-ce qu'on s'en
sert pour la francisation? Et, si oui, quelle est cette proportion? Moi, ça
m'intéresse de savoir comment on a investi, là, en francisation de ce côté-là.
Mme Murray
(Audrey) : Il y a à peu près
8 millions qui ont été investis en 2018‑2019, et on a accompagné la
francisation d'environ un peu moins de
2 000 travailleurs en emploi. Donc, le programme qui découle du FDRCMO,
c'est un programme qui vise
spécifiquement la francisation alors que la personne est en emploi, donc ça
vient compléter l'offre de services
qui peut se donner dans les réseaux de l'emploi ou même du côté du MIDI. Donc,
c'est ce qu'on a fait dans la dernière année.
Et donc, en
ce moment, on est d'ailleurs à un moment où on est en train de revoir les
programmes. Donc, à chaque année, la
commission fait un travail pour adapter les programmes et la commission a pris
la décision, à ma recommandation, de prendre un peu plus de temps parce
que les changements sont tellement rapides en ce moment et les besoins évoluent
qu'on s'est donné trois mois supplémentaires pour aller plus loin dans la
révision de nos programmes puis prioriser
aussi les différents programmes. Donc, c'est des choses qu'on est en train de
regarder pour voir comment on peut les renforcer.
Je vous
dirais que, depuis mon arrivée, ce que je constate aussi, donc c'est seulement
depuis juin, la visibilité de ces
programmes-là, le fait qu'ils soient connus par les bonnes personnes au bon
moment, c'est aussi un enjeu sur lequel j'ai l'intention d'agir, là,
dans les prochains mois avec mes partenaires.
M. Lévesque
(Chauveau) : Avez-vous le sentiment que ce montant-là d'argent est
suffisant, dans le cadre de ce que
vous avez comme enveloppe qui peut y être consacrée? Est-ce que vous avez une
masse de personnes, autrement dit des listes d'attente, des gens qui
souhaiteraient obtenir des services, et que, malheureusement, vous êtes obligés
de limiter l'accès, et que ça devient, à la
fin, un frein pour la francisation, et éventuellement c'est une cause qui
pourrait amener la personne à déménager, revenir vers Montréal et, pire,
quitter vers une autre province canadienne?
Mme Murray
(Audrey) : En fait, il y a
une grande complémentarité des services qu'on offre par le fonds du 1 %
avec les leviers qu'Emploi-Québec, ils sont en train de mettre en place. Donc,
pour l'instant, on ne refuse personne, il n'y a pas d'enjeu d'accessibilité à
un soutien financier pour un service de francisation en emploi.
La Présidente (Mme Chassé) :
Oui, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Puisque vous avez une expertise sur le
marché du travail, j'aimerais qu'on clarifie quelque chose. On parle souvent,
là, de 117 000, 118 000 postes vacants. J'aimerais qu'on fasse la
déclinaison de... vous en parlez un
peu, là, à la page 5 de votre mémoire, on parle, supposons, des postes vacants,
118 000 postes, mais aussi on
parle des postes vacants longue durée, avec 90 jours. C'est quoi, la
différence entre les 118 000 postes vacants puis ceux de longue
durée versus non longue durée? Comment ça se calcule, là, tout ça?
Mme Murray (Audrey) : Le comment ça se calcule... En fait, je ne suis
pas économiste, donc là je ne me lancerai pas dans la méthodologie, mais
la façon de le regarder et quoi comprendre, ça, je peux répondre en partie à
votre question, c'est-à-dire que plus on a
un indicateur de postes longue durée non comblés, plus on a un indice que
l'enjeu de
rareté s'exprime dans le marché. Donc, c'est certain qu'il faut être très
attentif à cet indicateur-là. Et je ne sais pas si vous l'avez vu récemment, mais donc l'équipe
d'Emploi-Québec vient de sortir un nouveau produit d'information sur le marché du travail pour qu'on soit capables
d'approfondir notre connaissance, notre compréhension de ces postes vacants,
à savoir quels sont les niveaux, par
exemple, d'éducation qui sont requis pour les combler, ils sont dans quels
secteurs, quelles régions.
Et
je reviens à la Corvée, hein, c'est un peu l'idée aussi, là, d'aller sur le
terrain, en ce moment, pour avoir une vue
plus juste des besoins qui s'expriment. Donc, ici, on est dans le «here and
now» puis dans le court terme, là. Donc, il faut être capables, je dirais, de faire tout ça en même temps, hein,
d'avoir une prévision moyen, long terme, mais aussi de s'outiller, en ce
moment, pour accompagner les entreprises et trouver des solutions pour le court
terme.
La Présidente
(Mme Chassé) : Il vous reste une minute.
M. Jolin-Barrette :
Mais juste une petite sous-question. Les 118 000 postes vacants, là, ce
n'est pas tous ces postes-là qui sont
vacants depuis plus de 90 jours. C'est seulement un faible pourcentage de
ces postes vacants là qui sont disponibles depuis plus de 90 jours.
Mme Murray
(Audrey) : Oui.
M. Jolin-Barrette :
Est-ce qu'on connaît le pourcentage?
Mme Murray
(Audrey) : Je ne sais pas si je l'ai ici.
M. Jolin-Barrette :
Parce qu'il n'était pas indiqué, là, mais...
Mme Murray
(Audrey) : Attendez, je vais le vérifier, M. le ministre, ce ne
sera pas long.
M. Jolin-Barrette : Mais, c'est ça, mais, pour répondre, dans le fond, aux besoins des employeurs, ce qu'il faut cibler, c'est vraiment ceux qui sont vacants depuis longtemps.
Elle est là, la difficulté.
Mme Murray (Audrey) : Bien, en fait, elle est prioritaire, mais je
dirais qu'il faut avoir une compréhension quand même de l'ensemble de l'oeuvre, donc, pour être capables... parce
qu'on est quand même dans le court terme dans les postes vacants, même
si on peut prioriser puis essayer de comprendre d'abord ceux qui le sont
depuis plus de 90 jours.
M. Jolin-Barrette :
Je vous remercie. Merci pour votre passage en commission.
Mme Murray
(Audrey) : Merci.
La
Présidente (Mme Chassé) :
Merci, M. le ministre. Maintenant, la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Robitaille :
Bonjour, mesdames, merci d'être ici aujourd'hui. Écoutez, dans le projet de
loi, le paragraphe 7.1, je vais vous le
lire : «Les ministères et organismes concernés communiquent périodiquement
au ministre, selon des modalités déterminées par entente, les
renseignements nécessaires à l'exercice de ses responsabilités et fonctions.» Comment vos partenaires se
sentent avec l'idée de transmettre leurs informations au ministère de
l'Immigration? Parce que, bon, ils
fonctionnaient justement d'une façon très autonome. Comment vous vous sentez
par rapport à ça? Vos partenaires, comment ils se sentent?
Mme Murray
(Audrey) : Oui, je peux comprendre l'intérêt de cette question.
Malheureusement, ce volet-là, je n'ai pas pu
l'aborder à la Commission des partenaires, donc je ne peux pas me prononcer de
façon spécifique. Par contre, l'objectif
qui est visé par cet article-là, à ce sujet-là il y a quand même un appui pour
dire : On doit comprendre ce qui se passe avec le parcours de nos immigrants une fois qu'ils sont arrivés.
En ce moment, on perd complètement le fil, hein, et c'est difficile de s'améliorer et puis de mettre en place des mesures
appropriées si on a de la difficulté, et ça m'apparaît une
responsabilité quand même publique importante.
Maintenant,
sur la façon de le formuler, les exigences, je dois me retenir. En fait, je
n'ai pas eu l'occasion d'en parler avec les partenaires.
Mme Robitaille :
...cette collaboration-là est fondamentale. Il faut que les gens se parlent...
Mme Murray (Audrey) : Bien, d'une manière ou d'une autre, en fait, je
pense qu'il faut qu'on ait une lecture intégrée du vécu et du parcours
des immigrants au Québec.
Mme Robitaille : Maintenant, est-ce que... Et cette collaboration-là, comment elle va s'articuler? Comment elle va trouver sa place? Est-ce qu'il y aura
une centralisation du ministère de
l'Immigration? J'ai l'impression, en
lisant le projet de loi... où on veut, justement, pour avoir une
certaine prise, là, sur l'intégration, la francisation, et tout ça. Est-ce que vos partenaires pourraient perdre un peu
d'autonomie ou est-ce que cette centralisation-là, ça pourrait inquiéter un peu
les partenaires?
• (17 h 40) •
Mme Murray (Audrey) :
Bien, en fait, la façon dont on en a discuté, c'est dans une compréhension de coordination. Donc, je pense que, derrière ça, j'ai compris, même des interventions qui ont eu cours à la commission, que l'intention, c'est de s'appuyer sur
des réseaux qui existent déjà, dont les partenaires gouvernementaux, que ce
soit Emploi-Québec ou d'autres joueurs clés dans le marché. Le projet de loi
n'a pas été compris comme voulant se substituer à des réseaux qui sont déjà
déployés. Je pense que la compréhension qu'on en a, c'est qu'il y a un effort
de coordination à faire pour s'assurer que
c'est complémentaire, que c'est bien arrimé et qu'on couvre le parcours, comme
je le disais tout à l'heure, de bout en bout
du point de vue des entreprises et de l'immigration. Donc, pour l'instant, ça
n'a pas été compris de cette façon-là, là, du point de vue des partenaires.
Mme Robitaille : Comment vous
la voyez, cette... Parce que, bon, moi, mon comté, c'est Bourassa-Sauvé, Montréal-Nord, il y a plein d'organismes, il y a
plein d'organismes qui s'occupent de plein de choses différentes, puis c'est difficile de s'y retrouver. Qu'est-ce que
vous souhaiteriez, vous? Comment vous voyez ça, dans un monde idéal?
Mme Murray
(Audrey) : Bien, écoutez, je
pense que, dans un premier temps, je l'ai dit tout à l'heure, d'abord il faut se donner des cartographies où on sait qui
fait quoi, hein? C'est la première étape, et je dirais que l'urgence, en ce
moment, que pose la rareté de main-d'oeuvre
fait en sorte que parfois on a peut-être plus tendance à en ajouter qu'à
regarder qu'est-ce qu'on a déjà en place pour...
Donc, pour
moi, la première étape... puis là, bien, c'est quelque chose qui serait à
discuter plus amplement avec mes
membres, mais je pense que ça va de soi dans la logique, c'est-à-dire il faut
d'abord bien cartographier, hein, quels sont les services en place. Donc, on le sait, au niveau de la
francisation, par exemple, il faut savoir qui fait quoi à quel moment du
parcours et de quelle façon ça répond et c'est connu par les utilisateurs qu'on
vise par ces services-là. Donc, je dirais
que, si on veut améliorer une coordination pour un enjeu comme celui de
l'intégration des immigrants, qui force le jeu un peu de briser les
silos, bien, il faut partir d'une cartographie claire de qui fait quoi. Il faut
essayer d'identifier, à partir de là, où
est-ce qu'on a des écarts par rapport à ce qu'on a comme objectif, hein, de
bien les intégrer puis de bien accompagner les entreprises, et par la
suite il faut qu'on ait des vraies conversations pour voir qui est le mieux
placé... Vous savez, au Québec, il s'est développé des expertises importantes
dans les réseaux des groupes communautaires
pour aider à l'employabilité. Il y a des groupes, même, qui sont spécialisés,
que ce soit en mixité en emploi ou en immigration.
Donc, il faut bâtir sur des compétences qui sont
disponibles. Le ministère de l'Emploi a une grande expertise d'accompagnement
dans le marché du travail, donc il faut qu'on parte de ça et puis ensuite qu'on
tente de trouver l'équilibre pour atteindre l'objectif, l'objectif étant que
l'immigrant s'intègre mieux et que les entreprises soient bien accompagnées. Moi, je pense, quand on travaille
pour quelque chose de précis avec un objectif clair, on arrive à atteindre
cette coordination-là maximale.
Mme Robitaille :
Est-ce que vous souhaitez que le ministère de l'Immigration s'implique plus,
soit un peu plus dirigiste, justement, parce que...
Mme Murray
(Audrey) : Bien, écoutez, je
pense que c'est incontournable que les ministères... Moi, je vous l'ai dit,
à ma table, il y a le ministère du
Développement économique. Est-ce qu'on peut penser développement économique en
ce moment sans regarder les enjeux de rareté? Non. Est-ce qu'on peut
parler d'équilibre dans le marché du travail sans s'associer avec le MIDI? Non, c'est impossible. Est-ce qu'on peut
relever ce défi-là sans travailler avec le ministère de l'Éducation? La
réponse est non, puis la même chose avec les Affaires municipales, donc,
l'Occupation du territoire.
Enfin, moi,
je pense que, je le disais tout à l'heure, il faut le voir comme une
opportunité de renforcer le travail plus
intégré des différents acteurs. Dans le fond, ce n'est pas seulement pour
l'immigration, là, que cette pression-là se fait sentir en ce moment, là, c'est-à-dire que, globalement, pour relever ce
grand défi, pour se garder prospère, comme Québec, bien, on est obligés
de réfléchir nos façons d'agir de façon plus intégrée.
Mme Robitaille :
Donc, c'est une cohésion constante, là, une collaboration constante égale entre
les différents acteurs.
Mme Murray (Audrey) :
Oui. Il faut trouver l'équilibre, oui.
La Présidente (Mme Chassé) : Je
laisse maintenant la parole à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme Anglade :
Alors, merci, Mme Murray. Je salue également Mme Houpert, résidente
du magnifique comté de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Je voulais vous poser la question par rapport à
l'immigration temporaire. Lorsque l'on parle d'immigration temporaire pour
combler des pénuries de main-d'oeuvre, est-ce que, dans votre optique, c'est
une immigration temporaire qui devrait se pérenniser à terme ou c'est une
immigration temporaire qui vient combler des pénuries de main-d'oeuvre, mais, dans
le fond, si les gens ne restent pas au bout du compte, ce n'est pas plus grave
qu'il faut?
Tout à
l'heure, lorsqu'on avait M. Dorval qui parlait de l'enjeu de l'aspect
temporaire, du fait que ça manque de prévisibilité pour les employés, ça
ne leur permet pas d'avoir la visibilité nécessaire pour vraiment planifier
leurs projets, est-ce
que vous avez un peu la même perspective? Donc, si on met plus de personnes temporaires, automatiquement ça voudrait dire aussi accueillir plus de
personnes, à long terme, en termes permanents? Voilà ma question.
Mme Murray
(Audrey) : En fait, si j'ai bien compris votre question — vous
me direz — en ce moment, on sait que le volet des
temporaires répond parfois à un besoin ponctuel. Donc, je regarde ce qui se
passe, par exemple, dans le secteur
de l'agriculture, évidemment que le
monde de l'agriculture va dire : Il n'y a rien de moins temporaire parce
que souvent les personnes reviennent année après année. Mais ça se situe
dans un contexte de travail saisonnier, et donc il peut y avoir des besoins temporaires à combler, dans le marché du
travail, liés à une conjoncture qui est propre au secteur ou qui est
propre à la situation économique d'un secteur.
Donc, moi, dans les discussions qu'on a eues à
la Commission des partenaires, tout le monde constate que ce levier-là, il demeure important. Aussi, on
constate que ça peut être un levier de passage vers une immigration permanente.
Donc, ça peut aussi être un vecteur qui, à
terme, va permettre à quelqu'un qui a une expérience québécoise de vouloir
ou d'espérer obtenir une permanence...
Mme Anglade :
Si vous dites que ça peut être un vecteur, je comprends que ça peut être un
vecteur. Ma question, c'est : Est-ce que c'est souhaitable que ça
le soit?
Mme Murray
(Audrey) : Écoutez, moi, je
n'ai pas eu de discussions à cet effet-là avec mes partenaires. C'est plus le résultat de ce qui se passe dont on m'a
parlé, c'est-à-dire que ça devient de facto un levier qui peut amener quelqu'un
qui vient temporairement à vouloir
s'installer. Maintenant, est-ce que ça devrait l'être? Je n'oserais pas me
prononcer là-dessus sans avoir une vraie conversation avec mes
partenaires.
Mme Anglade : Très bien.
La Présidente (Mme Chassé) : M.
le député de Nelligan.
M. Derraji :
Merci, Mme la Présidente. Merci pour l'excellent rapport et merci pour votre
présentation. Écoutez, on voit très
bien le rôle de la Commission des partenaires du marché du travail et
l'ensemble des partenaires. Ma question, elle est très simple :
Sentez-vous une réelle inquiétude par rapport à la rareté de la main-d'oeuvre
au niveau de l'ensemble du territoire québécois?
Mme Murray
(Audrey) : Bien, la réponse,
c'est oui. Je pense que les partenaires du marché du travail expriment
clairement le fait que, de la même façon que le Québec a pu traverser des
moments de crise associés davantage à une situation
économique défavorable, il y a un sentiment de crise, mais là basé sur une
économie qui va bien et, en même temps, conjugué à un défi de trouver
des solutions innovantes pour répondre aux enjeux de rareté.
M. Derraji :
Je ne veux pas essayer de mettre des mots à votre place, mais vous qualifiez
que la situation, c'est une situation de crise par rapport à la
main-d'oeuvre.
Mme Murray
(Audrey) : Bien, les
partenaires, dans le fond, c'est sûr que, du côté patronal, c'est vécu avec
plus de force, mais les partenaires constatent qu'il y a quand même un enjeu
d'adaptation important. Parce qu'il faut voir que l'idée, ce n'est pas
seulement... ce qui se passe en ce moment force le jeu pas seulement sous le
couvert de trouver de la main-d'oeuvre quand on n'en trouve pas, ça force aussi
le jeu de dire comment je développe mon entreprise à l'avenir. Est-ce que je passe à la numérisation? Est-ce que j'améliore
ma productivité? Est-ce que je trouve des stratégies?
Donc, au
fond, le propos des partenaires à la commission par rapport à la situation
globale de rareté, c'est de dire qu'il
y a une grande transformation et il faut qu'on soit capables de trouver... Et
il y a des choses qui se font, il y a des gestes qui sont posés concrètement et qui sont reconnus comme étant des
gestes utiles pour remédier à la situation, mais il y a un sentiment d'urgence
quand même d'agir et puis d'être sur les bonnes choses.
M. Derraji :
Justement, parlons de ce sentiment d'urgence, et on sait très bien que
l'équation de répondre à la crise de
main-d'oeuvre, ce n'est pas uniquement l'immigration, on s'entend. Vous avez
évoqué l'automatisation, vous avez évoqué la digitalisation, vous avez aussi
évoqué l'adéquation formation-emploi. Mais on sent que ces deux paramètres, c'est
aussi deux blocs, nécessitent du temps. Donc, à court terme, l'immigration
constitue une réponse, je peux dire, entre guillemets, rapide, facile pour
combler certains besoins en région si on veut accompagner des entreprises dans
leur productivité. Est-ce que, de vos contacts en région, vous avez senti qu'il
y a une préoccupation à court terme qui peut mettre en péril la prospérité
économique de nos entreprises?
• (17 h 50) •
Mme Murray
(Audrey) : Non, je ne pense
pas qu'on en est là, mais il y a un sentiment d'urgence de trouver les
solutions appropriées. Puis, à court terme, il n'y a pas seulement l'immigration.
À court terme, il y a d'autres leviers qui
sont disponibles pour les entreprises et qui sont nommés par la Commission des
partenaires. D'ailleurs, il y a tout un propos qui a été appuyé par plusieurs membres autour de l'importance de viser un retour ou un maintien en emploi des
travailleurs expérimentés. C'est des gens qui sont déjà ici, avec qui on peut
travailler.
La commission est très préoccupée, vous l'avez
entendu, par les stratégies d'intégration des groupes qui sont éloignés du marché du travail. Il y a plusieurs
centaines de milliers... il y a 200 000 chômeurs, je pense, encore au
Québec, là,
qu'on est capables de ramener en emploi avec des stratégies gagnantes. Donc, à
court terme, il y a d'autres zones d'action qui sont très importantes, qu'il ne faut pas négliger puis il faut y
mettre les efforts. En fait, d'une manière ou d'une autre, je le disais au début de ma présentation, la
situation fait qu'on doit faire des efforts nouveaux, on doit s'adapter, on
doit... Ça met de la pression pour qu'on change nos façons de faire.
Maintenant, à court terme, il y a des leviers, il y a plusieurs leviers
disponibles pour les entreprises au Québec.
La Présidente (Mme Chassé) :
Oui, M. le député de Nelligan.
M. Derraji : Merci, Mme
la Présidente. Un des volets que vous avez évoqués, c'est l'accompagnement des
PME. Donc, on s'entend que, même si
on ramène et on fait un arrimage entre l'immigrant ou le chercheur d'emploi et
la région en besoin en termes de
main-d'oeuvre... Comment vous voyez concrètement l'accompagnement au sein de
l'entreprise, mais aussi l'accueil en région?
Mme Murray (Audrey) :
Bien, l'accompagnement, il y a des parcours gagnants qui sont quand même bien documentés maintenant quand il s'agit d'intégrer
une main-d'oeuvre, on va dire, à visage différent, là. Ça a été documenté
aussi, même si ça peut être différent, quand on intègre des femmes dans des
milieux homogènes d'hommes. Donc, l'accompagnement, c'est très concret, là.
Vous voulez
que je vous explique les... Dans le fond, il faut agir dès l'intégration. Il
faut avoir une stratégie dans notre
recrutement, dans notre façon de décrire nos postes, dans la manière de faire
les entrevues. En fait, il y a souvent un
défi pour adapter les processus dès les stratégies de recrutement pour les
entreprises pour qu'elles puissent prendre la mesure de la compétence
des gens qu'elles vont avoir devant elles, hein, donc qu'elles s'outillent pour
bien annoncer leurs postes puis bien évaluer
les personnes qu'elles vont avoir devant elles. Et par la suite ça prend
souvent des interventions en milieu
de travail qui vont impliquer aussi les équipes. Donc, ce n'est pas juste un
effort du côté des immigrants qu'il y
a à faire, hein? Quand on parle d'intégration dans le marché du travail, il y a
un effort à déployer du côté de la gestion, du côté des collègues de
travail.
La Présidente (Mme Chassé) : Il
vous reste une minute.
Mme Murray
(Audrey) : Donc, souvent, on
a vu la nécessité d'avoir des stratégies de formation, des approches
pour être capables d'accompagner l'intégration des immigrants en milieu de
travail et que ce soit un succès puis pour les maintenir, hein? Parce que
l'objectif, à terme, d'une entreprise, quand elle investit puis qu'elle
accueille du personnel, c'est de le garder à
plus long terme, et donc aussi d'avoir des stratégies de formation et
d'accompagnement parce que souvent
ils ont besoin de faire certains apprentissages ou des ajustements à la culture
de l'entreprise, à la façon de s'intégrer dans le groupe de travail.
La Présidente (Mme Chassé) : Il
reste 17 secondes.
Mme Anglade :
Une question rapide. La CSN n'a pu être présente pour des raisons de délais
octroyés, mais peu importe. Vous
avez, autour de la table, des gens qui représentent les syndicats, peut-être
que vous allez avoir l'opportunité d'y répondre. Quelles sont les particularités
de leurs perspectives?
La Présidente (Mme Chassé) : Je
cède maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Merci, Mme la Présidente. Si vous le voulez, vous pourrez répondre à la
question de la collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Pour ma part,
j'allais dans le même sens aussi, encore une fois, que le collègue de Nelligan
puis je voulais vous parler, justement, de ces défis que rencontrent les
milieux de travail pour l'intégration des nouveaux arrivants. Puis vous en avez bien fait la démonstration, de
l'ensemble des obstacles, peut-être, qu'on rencontre dans les milieux de
travail, mais vous, en tant
qu'organisation, quelles sont vos attentes envers le gouvernement à cet
égard-là, précisément? Est-ce que vous voulez avoir davantage de ressources?
Est-ce qu'il y a des mesures concrètes qui pourraient être adoptées, qui
faciliteraient la vie, justement, des employeurs ou même des immigrants,
justement, qui arrivent en milieu de travail?
Mme Murray
(Audrey) : Bien, en fait, dans ses responsabilités, la
commission a récemment, là, donné avis sur les orientations qui vont guider le prochain plan d'action
d'Emploi-Québec au niveau des mesures qui seront offertes aux individus et aux entreprises. Et les partenaires
ont eu l'occasion de s'exprimer sur, justement, le fait qu'au niveau des
services d'emploi les stratégies d'accompagnement des entreprises, donc
le coffre à outils que les conseillers d'Emploi-Québec
ont maintenant en main pour accompagner les entreprises, puissent être adaptées
et avoir un impact positif parce qu'on sait très bien que c'est un
changement aussi au sein des équipes de travail, dans l'approche.
Donc, dans
les attentes qui ont été exprimées et aussi dans l'accompagnement qui va être
offert dans le cadre des groupes sous-représentés, donc pas seulement
pour les immigrants... mais je pense que la commission, les membres de la commission captent bien ce que ça veut dire
en termes de transformation pour une entreprise et donc a formulé le souhait,
dans les objectifs et les orientations du prochain plan d'action
d'Emploi-Québec, que ce soit possible d'en tenir compte dans la façon dont les entreprises vont être accompagnées. Donc,
à ce moment-ci, je dirais que c'est la zone qu'ils ont occupée pour formuler,
et les besoins ont été bien entendus de la part d'Emploi-Québec.
Mme Fournier : Merci
beaucoup. Maintenant, vous avez abordé un autre point, celui des étudiants
étrangers, puis je trouvais ça
intéressant d'y revenir. Selon vous, est-ce que le gouvernement devrait mettre
davantage de mesures de l'avant pour
s'assurer de la rétention des étudiants étrangers qui, comme vous le dites,
vont souvent très bien s'intégrer au milieu de l'emploi, d'autant plus
qu'ils ont obtenu leur diplôme chez nous, au Québec?
Mme Murray (Audrey) : Bien, je pense aussi que vous ciblez une zone de
travail sur laquelle doit se pencher, là,
la commission. Et je pense que... on a les statistiques, on voit qu'on est
capables d'avoir une bonne rétention du côté des étudiants, donc
certainement que, s'il y a un regard et un effort concerté plus grand, ça peut
être une voie intéressante. Il y a des
initiatives ailleurs dans le monde, hein? C'est des stratégies que d'autres
pays ont en ce moment, d'attirer des
étudiants étrangers pour répondre aussi à leurs enjeux d'équilibre du marché du
travail. Donc, certainement qu'on peut faire davantage, même si on a
quand même un certain succès.
La Présidente
(Mme Chassé) : Il vous reste une minute.
Mme Fournier :
Merci. Peut-être une petite dernière question pour terminer. Si vous aviez une
mesure que vous voyez qui est, par
exemple, manquante dans le projet de loi actuel, laquelle souhaiteriez-vous
ajouter au projet de loi?
Mme Murray (Audrey) : En fait, il n'y a pas de mesure à ajouter, je
dirais que vous allez le constater dans le mémoire à la fin. Donc,
globalement, sur les trois éléments qui sont soulevés, pour la commission, ça
cadre avec les objectifs des avis ou des
études qui ont été faits par la commission. Ensuite, c'est sûr qu'il y a un
enjeu d'efficience dans les services
qui découleront ou dans la façon dont on aura d'opérationnaliser tout ça, et ce
sera quelque chose auquel on souhaitera
contribuer pour s'assurer que les choses se passent bien par la suite. Étant
d'accord avec les objectifs, après il faut le faire, oui.
Mme Fournier :
Une question d'efficience, mais également de ressources, j'imagine, aussi pour
accompagner les entreprises.
Mme Murray
(Audrey) : C'est un tout, oui.
Mme Fournier :
Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de
Laurier-Dorion.
M. Fontecilla :
Oui, bonjour. Première question : La question de la reconnaissance des
acquis, des diplômes, etc., est-ce que la commission s'est penchée sur
les solutions pour une problématique, semble-t-il?
Mme Murray (Audrey) : À ma connaissance, il n'y a pas eu d'avis
spécifique sur cette question-là. Bien sûr que c'est une préoccupation, ça a été identifié comme étant un des
éléments qui fait obstacle à l'intégration du marché du travail. La commission siège sur un pôle qui
est piloté par l'Office des professions, où siège le Conseil interprofessionnel.
Donc, au niveau des ordres professionnels,
on a un lieu en ce moment, avec un plan d'action qu'on est en train de regarder
pour faire en sorte que cet élément-là soit aménagé de manière à peut-être
jouer moins dans le film de l'obstacle à l'intégration des personnes
immigrantes. Certainement qu'il y a un défi aussi à regarder de ce côté-là.
Et,
au niveau de la reconnaissance des compétences, il y a un nouvel organisme qui
est parrainé par le MIDI dont la mission a été élargie sur la
reconnaissance des compétences, et on doit les accueillir... Enfin, je les ai
invités pour qu'ils viennent rencontrer les
membres de la commission, présenter leur offre de services, ce qu'ils sont en
train de mettre sur pied, ce qui
fonctionne bien. Donc, certainement que c'est un angle qui intéresse la
commission, mais on n'a pas d'avis ou de position formulé sur cette
question-là, sinon de constater que ça peut être un obstacle.
M. Fontecilla :
O.K. Pour vous, c'est une problématique?
Mme Murray
(Audrey) : Ça peut être un obstacle, tout à fait, oui.
M. Fontecilla :
O.K. Dites-moi, est-ce que vous avez une opinion sur la question des volumes
par rapport à la rareté de
main-d'oeuvre? Est-ce que réduire le volume de l'immigration économique
augmente la rareté de main-d'oeuvre?
• (18 heures) •
Mme Murray (Audrey) : Les réflexions de la commission sur cette
question-là ont été davantage ancrées sur la nécessité que l'intégration fonctionne. Donc, la question du nombre
devient, je dirais, si je traduis bien l'avis
qui a été fait... oui, c'est important, là, mais en même temps il faut
que cette évolution-là du nombre suive la capacité qu'on a d'intégrer correctement les immigrants. Donc, la
commission a toujours abordé la question du seuil sous les deux volets,
autant qualitatif que quantitatif, oui.
M. Fontecilla : M. Fortin signalait la question de la
discrimination en emploi comme une réalité. Comment la commission
adresse cette problématique-là?
Mme Murray (Audrey) : La commission ne s'est pas penchée sur les questions de
discrimination. L'angle de réflexion,
par exemple, du comité consultatif en immigration, là, est beaucoup
de comprendre, hein, de comprendre les enjeux,
hein, c'est-à-dire je
pense qu'il faut s'attarder... si quelqu'un ne choisit pas un C.V.
systématiquement à cause du nom,
bien, il faut comprendre pourquoi avant de présumer qu'on est nécessairement
dans une situation de discrimination...
La Présidente (Mme Chassé) : Il
vous reste une minute.
Mme Murray
(Audrey) : ...bien que le
Québec ne fait pas exception et qu'on peut penser qu'il y a des enjeux de cette nature-là. Mais l'angle de la commission
est vraiment un angle d'essayer de comprendre et de lever les obstacles,
donc de travailler — tout à l'heure, on faisait référence aux
différents biais qui peuvent exister — pour accompagner les entreprises puis s'assurer que les services sont
au rendez-vous puis tiennent compte de ces éléments-là dans la façon de
travailler avec les entreprises.
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci pour votre contribution. Je
comprends que c'était une première fois pour vous ici. Bravo!
Félicitations!
La commission
ajourne les travaux jusqu'à demain, vendredi 22 février, 10 heures, où nous
commencerons un autre mandat, celui d'une interpellation, au salon bleu.
De retour demain. Merci à tout le monde.
(Fin de la séance à 18 h 2)