(Neuf heures trente-six minutes)
Le
Président (M. Picard) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission des relations avec les citoyens
ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à tous et je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
appareils électroniques.
La commission est réunie afin de terminer la consultation
générale et les auditions publiques sur le cahier de consultation intitulé La
planification de l'immigration au Québec pour la
période 2017-2019.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président : Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par
Mme Roy (Montarville).
Auditions (suite)
Le Président (M. Picard) :
Merci. Ce matin, nous entendrons les groupes et organismes suivants : le
Centre multiethnique de Québec,
la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, Montréal International et la Chambre de commerce du Montréal
métropolitain.
Sans plus
tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants du Centre multiethnique de Québec.
Vous êtes des habitués, donc je vais
vous demander, dans un premier temps, de vous identifier. Vous disposez d'une
période de 10 minutes, va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires.
La parole est à vous, mesdames.
Centre multiethnique de
Québec inc. (CMQ)
Mme
Béguerie (Corinne) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, M. le
Président, Mmes et MM. les députés,
Mme la secrétaire, bonjour. Je suis Corinne Béguerie, présidente du
Centre multiethnique de Québec et je
suis accompagnée de Mme Dominique Lachance, qui est la directrice de
l'organisme.
Pour le
bénéfice de tous, je me permets quelques mots pour présenter le Centre multiethnique de Québec. Le CMQ oeuvre depuis plus de 55 ans
auprès des personnes réfugiées et immigrantes et a reçu du MIDI le mandat
exclusif d'accueillir, dans la ville de
Québec, les réfugiés pris en charge par l'État. Aujourd'hui, la mission du CMQ
est d'accueillir les immigrantes et les immigrants de toutes catégories
afin de faciliter leur établissement, de soutenir leur adaptation et leur intégration à la société québécoise afin
de favoriser leur accès à de meilleures conditions socioéconomiques. Cette
mission s'accomplit par le biais
d'interventions individuelles et en groupes et par la participation active à
différents comités. Le dynamisme du
CMQ se reflète par les nombreux projets qui ont vu le jour au fil des années et
notamment la clinique de santé des
réfugiés, la session Premières démarches d'installation, le Réseau des agents
en milieu interculturel, connu sous
l'acronyme de RAMI, le projet d'hébergement temporaire des Habitations du
centre multiethnique et enfin la banque d'interprètes communautaires.
Le CMQ a
développé une expertise reconnue par le milieu, et ces 10 dernières années ont
vu les mandats confiés au CMQ
augmenter et se bonifier grâce au partenariat et à l'effort d'arrimage des
services aux besoins de la clientèle sans cesse grandissante. Ainsi, le personnel de notre organisme est passé, en
10 ans, de sept personnes à 28 aujourd'hui pour répondre à ces besoins, tant pour l'accueil et l'installation des
réfugiés pris en charge par l'État — donc, les RPCE — que pour l'accompagnement des
travailleurs qualifiés, notamment depuis l'externalisation des services du
MIDI.
• (9 h 40) •
De plus,
depuis plusieurs années, le CMQ bénéficie de l'expertise et du temps de
nombreux bénévoles provenant de
toutes les catégories de la population et travaillant au sein de toutes ces
sphères d'activité, confirmant ainsi l'organisme comme une ressource enracinée dans sa communauté. Nous tenons aussi à
souligner aujourd'hui que les citoyens de Québec s'impliquent en très grand nombre auprès de la clientèle de l'organisme,
notamment depuis l'arrivée des réfugiés syriens en décembre 2015. Ce
sont près de 500 bénévoles qui sont inscrits aujourd'hui au Centre
multiethnique.
Le CMQ a étudié avec intérêt les documents pour
cette consultation sur le cahier intitulé La planification de l'immigration au Québec pour période 2017‑2019, et nous vous remercions de l'opportunité qui nous est offerte de vous
communiquer nos commentaires.
Nos propos
s'inscrivent aujourd'hui dans une perspective dictée par notre mission. Pour
contrer la dénatalité et maintenir le poids du français, le CMQ a
toujours soutenu les politiques d'attraction d'immigrants dans la province, notamment dans la Capitale-Nationale, et ce, dans
le respect d'un certain équilibre entre les catégories humanitaire, familiale
et économique. C'est encore le cas
aujourd'hui et nous accueillons favorablement les orientations de la
planification de l'immigration. Nous
saluons donc tout particulièrement le fait que le gouvernement réaffirme l'engagement
humanitaire du Québec dans
l'orientation n° 9. En effet, Québec est la plus importante destination
des réfugiés pris en charge par l'État en
termes de nombre de personnes. Si, au cours des huit dernières années, le
Québec a vu diminuer le nombre d'arrivée de réfugiés pris en charge par l'État, il faut maintenant reconnaître et
saluer l'effort qui a été investi cette année par les gouvernements canadien et québécois pour accroître
le nombre de réfugiés et répondre ainsi aux besoins de plus en plus
pressants des personnes réfugiées. D'ailleurs, la région de Québec a su
s'organiser dès le départ et une mobilisation importante a vu le jour.
Nous pensons que cet enjeu de société doit être
présenté comme un axe de développement social et non pas seulement économique. Nous souhaitons continuer à
recevoir un nombre suffisant de RPCE et estimons qu'il est nécessaire que des cibles appropriées soient fixées
annuellement non seulement en réponse à une crise humanitaire, mais en tenant
compte des réalités régionales de la
province. Le maintien et la croissance de ce nombre soutiennent et renforcent
nos valeurs d'accueil. À cette fin,
il nous semble important que soit prise en compte l'expertise des organismes
d'accueil des réfugiés dans les
différentes régions dans l'élaboration future des plans d'accueil et
d'installation, notamment en ce qui concerne
les arrivées massives, et que soit mis en place un comité consultatif
provincial viable, une instance qui assurerait un leadership incluant des ressources communautaires et avec pour mandat
de déterminer les orientations relatives aux réfugiés pris en charge par l'État : les lieux de destination, les
niveaux d'immigration et la veille sur les programmes établis en
partenariat pour l'ensemble des régions de destination.
Un des grands
défis, à l'heure actuelle, est de convaincre la population du bien-fondé d'une
croissance de l'immigration. Il faut
sensibiliser davantage les milieux et en faire des communautés accueillantes,
pourquoi pas par le biais d'une campagne
nationale de sensibilisation et d'information positive portée par les instances
gouvernementales afin d'atténuer les
préjugés qui entretiennent des craintes au sein de la population? Le
gouvernement doit mettre en application des mesures visant à appuyer des
rapports harmonieux au sein de la société d'accueil en encourageant les
stratégies gagnantes qui ont déjà fait leurs preuves.
Concernant
l'accueil, l'installation et l'intégration des personnes immigrantes, nous
constatons que des éléments que nous avons déjà présentés lors de
précédentes consultations sont malheureusement toujours d'actualité, même si
des améliorations ont été apportées au fil
des années. Nous sommes convaincus que des immigrants, qu'ils soient réfugiés
ou travailleurs qualifiés, s'intégreront
plus facilement, plus rapidement et durablement dans la province et a fortiori
dans les régions s'ils sont bien accueillis et bien accompagnés dans leur
établissement. Cela passe par des mesures concernant le logement et les places en garderie notamment,
mais également en rendant la francisation accessible, fonctionnelle et
adaptée aux entreprises qui engagent. Enfin, pour les réfugiés, cela passe, à
notre avis, par l'élimination des charges financières comme la mesure de
remboursement des frais de transport du lieu de sélection vers le lieu de
destination.
Enfin, les personnes immigrantes veulent
contribuer à leur société d'accueil et veulent travailler rapidement. L'obtention d'un premier emploi s'avère un
parcours difficile, rempli de déceptions et d'obstacles, comme en font foi les
constats sur le terrain et les nombreuses
recherches sur le sujet. Pourquoi ne pas envisager le traitement et l'obtention
de l'évaluation comparative des
études effectuées hors Québec en même temps que le certificat de sélection pour
faciliter l'intégration professionnelle des immigrants? La
reconnaissance des acquis et des compétences n'est pas toujours au rendez-vous
et nous sommes impatients de connaître les résultats du comité interministériel
à ce sujet. Merci.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à
Mme la ministre pour une période de 16 minutes.
Mme Weil :
Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mmes Béguerie et Lachance. Merci
d'être présentes ici, avec nous,
aujourd'hui. Vous avez une expérience extraordinaire, et vous travaillez dans
un milieu vraiment de plein emploi, et je pense qu'on peut beaucoup
apprendre de vos commentaires, votre expérience.
Et je vais
peut-être commencer par le dossier des réfugiés parce que vous avez été très
impliquées. Moi, j'ai fait une visite chez vous dans la foulée de ce
magnifique... cet effort collectif de solidarité,
qui va, comme vous le voyez, qui va se maintenir. Alors, quant à la dernière
orientation que nous avons mise de l'avant, ou une des orientations que nous
avons mises de l'avant, de maintenir notre
engagement envers l'immigration humanitaire... Parce que vous voyez que les volumes ont augmenté de façon importante en
2015. Ça se maintient en 2016 et 2017, 2018, 2019. Vous le voyez à
l'échelle du Canada aussi. C'est des nombres qu'on n'a pas vus depuis
longtemps.
Est-ce qu'on
pourrait vous entendre sur cet enjeu, comment vous le voyez? La contribution?
Vous avez mentionné qu'on doit y voir
aussi une contribution sociale, économique. Ces personnes sont aptes, certaines
d'entre elles, à travailler. Mais
j'aimerais vous entendre sur votre expérience par rapport aux réfugiés que vous
accueillez et que vous avez aidés à s'installer.
À quel moment vous les trouvez prêts à peut-être embarquer dans une formation
après la francisation ou le travail? Parce que je sais que vous avez une
expérience dans ce domaine.
Mme
Lachance (Dominique) :
Merci, Mme la ministre, de nous donner cette opportunité-là. Je joins mes mots
à ceux de ma collègue pour saluer
l'effort qui a été fait, du Canada et du Québec, pour l'augmentation des
cibles. On était, disons, en période
creuse depuis les dernières années. On est heureux de voir qu'il y a une
augmentation qui se fait parce qu'effectivement les réfugiés sont
toujours aux portes des pays plus nantis, ont toujours des besoins à
l'international.
Cela dit, si
on parle d'augmentation du nombre, l'effort, pendant les prochaines années, est
là, mais on pense qu'il devrait... l'effort devrait être encore plus
grand, étant donné que le Québec, d'après l'accord Canada-Québec, devrait supporter son engagement à 23 %.
C'est-à-dire, sur 50 000, ça fait à peu près 11 500 réfugiés qu'on
devrait accueillir. Alors là, on
parle de 7 000, donc, selon nous, il y a encore un manque à gagner qui
devrait se faire pour qu'on rétablisse l'équilibre au sein du Canada.
Cela dit, les
réfugiés... effectivement, vous l'avez bien nommé. La région de Québec, je
pense, l'a montré, comme beaucoup de
régions d'ailleurs, a montré, a démontré qu'on est prêts à accueillir ces
gens-là, à les aider, à les supporter dans
l'intégration. Ça prend aussi les ressources qui vont avec. Il y a eu une belle
mobilisation au niveau de la région de Québec.
La ville de Québec a su assez rapidement convoquer tous les partenaires du
milieu, de toutes instances, en fait, communautaires, institutionnelles, pour que
s'organise l'accueil de ces réfugiés syriens là. On a été peut-être un petit
peu trop rapides. Il a fallu qu'on
mobilise les troupes pour les garder jusqu'au moment où ces gens-là sont
arrivés. Cependant, l'organisation
était là, et elle est toujours là, et on tend à la maintenir avec les nouvelles
données, les plans d'action, etc., ce qui s'en vient dans le futur.
Donc, ça, on est très heureux de ça.
Cependant,
ce qui nous inquiète, c'est qu'à travers l'accueil des réfugiés syriens
certaines ressources ont été mises sur
le plancher pour qu'on puisse favoriser l'installation et l'intégration de ces
gens-là. On parle de sommes en interprétariat, le logement, on parle aussi du jumelage interculturel, qui sont, à notre
avis, des clés d'accès à l'intégration. Ça semble banal. Par le passé, on a eu effectivement... le
jumelage interculturel a fait ses preuves. Malheureusement, pour des raisons
probablement financières, ce volet-là, ce
service-là a été écarté, et nous souhaitons ardemment qu'il soit non pas
maintenu jusqu'en décembre, mais
qu'il soit consolidé dans les programmes, parce que c'est une porte d'accès à
la société québécoise.
Et, même si les
organisations qui sont les plus sensibilisées à l'accueil et l'intégration...
parce qu'on travaille là-dedans... même si
nous travaillons de tout coeur, si la population, elle, n'embarque pas dans le
même mouvement, c'est voué à un échec.
Alors, les programmes comme le jumelage interculturel, c'est vraiment une clé
pour favoriser l'accès de ces
gens-là, des nouveaux arrivants, des réfugiés à l'intérieur de la société
québécoise, puis c'est ces gens-là qui vont prendre le relais par la suite.
Donc, au niveau de
l'accueil des réfugiés syriens, nous avons accueilli 251 personnes. C'est
au-dessus d'une quarantaine de familles.
Dans l'ensemble, ça se passe bien. Je
vous dirais que, comme dans n'importe
quelle population qu'on accueille, il y a
des difficultés, mais il
y a aussi des situations
qui font en sorte qu'on est gagnants,
notamment par la mobilisation des
gens. Ce que je vous dirais actuellement, c'est la francisation... et, on l'a
nommé, il faut aussi l'accès en
emploi, parce que ces gens-là, comme beaucoup, doivent avoir un accès rapide,
il faut que la francisation soit amalgamée à l'emploi pour que les gens donnent un sens à cette francisation-là et
voient qu'au bout du chemin il y a un accès à l'emploi qui va être
facilitant pour eux du fait qu'ils apprennent le français.
• (9 h 50) •
Mme
Weil : Est-ce que vous, vous jouez un rôle? Est-ce que vous
avez pu, par un financement, je ne sais pas, du ministère de l'Emploi ou... jouer un rôle d'accompagnement à l'emploi
ou est-ce que vous avez une expérience à cet égard pour les réfugiés syriens ou d'autres réfugiés? Parce que, là, je
pense que le consensus qui émane de ces quelques jours, bien, un été de consultations, que la prochaine étape après la
francisation, l'installation... comme vous dites, l'installation en logement, notamment, bon, les
soins médicaux spécialisés pour certains... que la prochaine étape, c'est
vraiment l'intégration en emploi. Est-ce que
vous avez une expérience ou des recommandations à cet égard pour cette
population en particulier?
Mme Lachance (Dominique) : Bien, écoutez, nous ne travaillons pas en
employabilité. Il y a des organismes qui
le font et le font très bien, à Québec comme dans les autres régions.
Cependant, ce qu'on a noté, avec l'expérience, je vous dirais, c'est que très peu de profils professionnels des
réfugiés... ce n'est pas documenté, en fait. Les gens arrivent, on pose des questions quand on les intègre à
l'aide sociale, mais ça s'arrête là. Alors, on a déposé un projet qui a été
supporté par le Secrétariat à la
Capitale-Nationale et qu'on voudrait bonifier — parce que c'est quand même minime, là — pour documenter dès l'arrivée le profil de ces gens-là, parce que, oui, il y
a des gens qui sont analphabètes ou peu scolarisés dans les réfugiés, mais il y a aussi des gens qui
sont très scolarisés, donc documenter l'ensemble de ces profils-là, le rendre
accessible, par la suite, aux gens, comme
Emploi-Québec ou d'autres organisations, qui vont avoir à créer des programmes
pour faciliter l'insertion en emploi.
Donc, on est en train de le travailler. Je pense
aussi que mes collègues de la TCRI ont une étude dans ce sens-là. Donc, c'est de supporter... Nous, on pense que le
b.a.-ba, c'est de documenter qui sont ces réfugiés-là, qu'est-ce qu'on
peut leur offrir et quels sont les programmes qu'ils auraient besoin pour se
rendre plus rapidement en emploi. Voilà.
Mme
Weil : Excellent. Merci. Vous recommandez aussi une campagne de
sensibilisation. J'aimerais vous amener sur cette question-là. C'est aussi dans notre politique des stratégies
d'action, une campagne sociétale pour contrer, bon, les préjugés, la
discrimination, etc. J'aimerais vous entendre sur cette question, vos
observations, les constats que vous faites
par rapport aux attitudes. Voyez-vous... Êtes-vous... Comment dire... Dans
votre région, évidemment, là, la région de la Capitale-Nationale, qu'est-ce que vous voyez puis est-ce que c'est
dans toutes les tranches de la société? Est-ce que c'est les
entreprises? Est-ce que c'est les gens en général? Je vous invite à vous
prononcer là-dessus.
Mme Lachance (Dominique) : Bien, écoutez, moi, je pense que c'est
nécessaire. On a vécu ici, à Québec, certaines situations, notamment reliées à la venue des réfugiés syriens, qui a été
très, très, très médiatisée. Dans l'ensemble, ça a été quand même positif, je pense qu'au bout du compte
on en ressort avec une attitude favorisante pour l'accueil des réfugiés.
Mais on ne peut pas non plus occulter le
fait qu'il y a des gens qui se positionnent comme étant contre pour toutes
sortes de raisons, notamment la
méconnaissance et l'inquiétude qui est générée par cette méconnaissance-là.
Donc, on pense qu'il doit y avoir une
volonté gouvernementale. On fait venir les gens, on doit favoriser une
meilleure connaissance au sein de la
population pour expliquer qui sont ces gens-là et expliquer l'apport que ces
gens-là vont apporter à la société québécoise.
Et, à l'heure actuelle, les organisations se battent un peu à travers les
médias, on l'a vu dans la crise syrienne, pour essayer d'expliquer ça,
mais il devrait y avoir un support plus national pour valoriser cet accueil-là,
sinon on travaille un peu dans le vide, et
c'est avec la population... Il faut semer des graines dans la population. Il
faut convaincre les gens que c'est
positif et nécessaire pour notre société. Alors, on pense que ça prend du
leadership là-dedans, sinon on n'y arrivera pas. Voilà.
Mme Béguerie (Corinne) :
Il y a des choses qui ont été faites
avec l'arrivée des réfugiés syriens. C'est sûr que nous, on a eu la possibilité de nous exprimer dans
les médias, notamment, donc on a pu expliquer d'où venaient les
réfugiés syriens, qui ils étaient, qu'est-ce qu'ils avaient vécu, comment ils étaient accueillis ici, comment ça se passe.
Puis c'est ça aussi qui a déclenché
cette vague de personnes qui sont venues au centre multiethnique pour faire du
bénévolat pour aider ces personnes-là.
Donc,
on se dit : S'il y a une campagne qui peut démystifier l'immigrant ou
le réfugié, plus précisément, bien, ça
donne une bonne idée aussi de qui sont ces personnes-là. Il y a
des choses qui sont faites évidemment par la Capitale-Nationale,
parce que c'est ici qu'on est, mais il y a
eu une campagne de sensibilisation, depuis deux, trois ans, qui s'appelle
Du monde à connaître, qui a été menée notamment par les organismes
qui étaient autour de la table de concertation en immigration de la Capitale-Nationale, et ça a
touché les écoles, les entreprises, M. et Mme Tout-le-monde, mais, encore
là, c'est porté par la région, c'est
porté par les organismes, c'est porté par certaines entreprises, mais ça
nécessiterait d'être plus largement
diffusé, parce que ça a donné des bons résultats finalement.
Les gens expliquent qui ils sont, des entreprises disent qu'elles sont ouvertes à la diversité, ça
donne des exemples positifs aussi de l'intégration des immigrants dans la
société québécoise.
Mme
Weil : Bien, je vous
remercie pour ces commentaires, ça vient nous rejoindre absolument,
ce que vous dites, d'ailleurs, que, oui, on a tous partagé ce constat, cet
émerveillement face à l'attitude des Québécois en général. Je pense qu'on se démarque,
comme société, par
rapport à l'accueil des réfugiés
syriens. Mais, comme vous dites, que ce soient des réfugiés ou d'autres immigrants, des gens qui viennent d'ailleurs,
j'aime bien votre mot «méconnaissance», hein, on peut partir de là, tout
simplement «méconnaissance». Tellement
d'études le confirment que, quand les gens se connaissent et ont l'occasion de dialoguer, finalement,
tout le mystère, les différences s'évaporent, et les relations généralement vont bien, mais il faut le travailler. Alors, oui, on prépare
une campagne sociétale à cet égard.
Vous évoquez, dans
votre mémoire, à la page 11, que parfois les personnes réfugiées ont des
difficultés à se prévaloir de l'allocation
pour frais de garde. Est-ce qu'il y a des choses qu'on pourrait faire, peut-être
expliquer la complexité ou la difficulté à cet égard?
Mme Lachance (Dominique) : C'est-à-dire que l'allocation n'est pas ajustée
au... n'a pas été indexée, je dirais, par
rapport aux frais de garde qui
augmentent, qui augmentent, qui augmentent. La difficulté qu'on vit actuellement au niveau des
organisations comme la nôtre, qui avons le mandat d'inscrire
les enfants en service de garde, c'est que, d'une part, on n'a pas beaucoup d'information... on n'a pas l'information rapide sur les besoins de la clientèle en termes de début de cours de
francisation, parce que nous inscrivons les enfants des parents qui
commencent la francisation. On a des délais très, très courts, ce qui fait
qu'on est assez limités dans notre recherche, d'une part, puis vous connaissez,
comme moi, la situation
des services de garde, il y a des listes d'attente, je ne ferai pas ici
l'exposé sur la situation des services de garde, d'autres le feront mieux que moi, mais il reste
qu'on a des délais entre 24 et 48 heures pour inscrire des gens en service de garde, ce qui fait que c'est
très court si on veut que les gens aient accès à la francisation.
Tout
ça pour dire que ça amène souvent les gens à être obligés d'aller dans des
garderies privées, je n'ai rien contre la
situation des garderies privées, mais à des coûts qui sont
assez importants. Des coûts importants, on parle maintenant... il y a
20 ans, il y a 10 ans, même, c'était quoi, c'était
15 $, 20 $, 25 $ par jour pour les familles, pour un enfant en
garderie. Maintenant, c'est rendu 30 $, 35 $, voire
40 $. Alors, on aimerait que les allocations soient ajustées en fonction de ces besoins-là pour qu'on puisse s'assurer que les gens sont quand
même capables de payer les garderies. Voilà.
Le Président (M.
Picard) : Il vous reste une minute, Mme la ministre.
• (10 heures) •
Mme
Weil : Oui. J'allais
vous dire, sur la question de délivrance en simultané de l'évaluation
comparative des études effectuées
hors du Québec en même
temps que le certificat de sélection
du Québec, c'est prévu dans notre stratégie, c'est dans notre feuille de route, si vous voulez,
donc on est tout à fait d'accord avec vous, ce serait très, très utile pour
accompagner toutes les autres mesures de reconnaissance des acquis, des
compétences et tout.
Je note que vous êtes
d'accord avec une orientation importante, c'est l'orientation quatre, de fixer
à 85 % la proportion des adultes, des travailleurs qualifiés qui déclarent
connaître le français. Donc, vous voyez ça comme un avantage, les gens qui ont
déjà cette compétence pour pouvoir intégrer le marché du travail.
Et j'apprécie aussi
votre... Je comprends cet enjeu pour ce qui est du pourcentage du nombre brut
de réfugiés, je comprends ce que vous dites.
La TCRI est venue dire la même chose, qu'on puisse respecter notre poids
relatif en vertu de l'entente
Canada-Québec. Mais en même temps vous avez noté des défis, alors on veut juste
bien s'assurer de relever ces défis avant d'aller trop loin. Merci.
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme la ministre. Je cède la
parole à M. le député de Bourget pour une période de
9 min 30 s.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Mme Béguerie, Mme Lachance, soyez les bienvenues. Merci
pour votre contribution à ces travaux. Je
voudrais avoir votre son de cloche relativement à la connaissance du français.
Doit-on se satisfaire du fait que les
gens déclarent connaître le français ou faut-il aller plus loin, c'est-à-dire
vérifier ces déclarations de façon pratique?
Mme Béguerie (Corinne) : Nous, on
pense que la francisation est très importante. C'est en français qu'on s'intègre au Québec, c'est en français qu'on vit
au Québec. Et, moi, pour avoir étudié plusieurs langues étrangères, je peux
vous dire que le sentiment de connaître une langue, et de
maîtriser une langue, et de la maîtriser effectivement sont deux choses totalement différentes. Fait que
d'apprendre une langue étrangère à l'école, en francisation, c'est une chose;
pouvoir l'utiliser et être fonctionnel dans cette langue-là, c'en est une
autre. C'est pour ça que, quand on parle d'une francisation fonctionnelle et qui soit adaptée aux besoins des entreprises,
on pense que la francisation ne doit pas se faire seulement en vase clos à l'école : c'est très
long, ça fait que ça éloigne les personnes du marché du travail et en même
temps ce n'est pas très pratico-pratique,
vous m'excuserez l'expression, et ça ne répond pas forcément aux besoins de la
personne pour intégrer un travail.
Donc,
peut-être envisager une francisation mixte, à l'école et en entreprise en même
temps, pour leur permettre de commencer
à travailler, de ne pas perdre leurs compétences, de ne pas perdre leur envie
de s'intégrer, de ne pas perdre du
temps pour aller sur le marché du travail, mais d'avoir des bases solides en
français, parce que je ne suis pas sûre que d'apprendre le français juste dans l'entreprise, ce soit suffisant. Oui,
une langue, ça s'apprend, on l'a entendu la semaine dernière, mais en même temps on a besoin d'avoir
des bases solides — conjugaison,
grammaire, etc. — pour
pouvoir parler un français correct.
Parce que le français, c'est très important, mais il faut quand même qu'on
continue à avoir un français qui ait de l'allure.
M. Kotto :
O.K. Oui, pardon.
Mme Lachance (Dominique) : Si je me permets d'ajouter un peu par rapport à
l'autre question, c'est que... Je suis
tout à fait d'accord avec ce que Corinne dit, puis en même temps j'ajouterais
que l'important n'est pas tant de vérifier est-ce que oui ou non la personne a déclaré avoir un français parfait
versus... Non, c'est de voir, de vérifier plutôt l'intérêt de la personne à s'intégrer en français, et de là
fournir les mesures qui sont nécessaires. Il y a des gens qui sont allophones,
qui apprennent la langue, et de façon très
efficace parce qu'ils ont une volonté de le faire, et il y a des personnes qui
ont une base en français et qui stagnent parce que l'intérêt n'est pas
là, entre autres.
Donc,
moi, j'irais davantage vérifier est-ce que oui ou non on veut vivre en
français que de vérifier si j'ai déclaré avoir un français suffisant ou non, parce qu'effectivement, des fois, on
a l'impression de posséder une langue, et on arrive dans le milieu, et
on est loin de la coupe aux lèvres. Voilà.
M.
Kotto : O.K. Moi, j'évoquais la question parce que certains
candidats à l'emploi se sont vus, disons, refoulés quelque temps après parce que, contrairement à leurs
déclarations sur papier, ce n'était pas totalement le cas. Parlant de la
maîtrise du français, quel intérêt
peut-on... Autre question : De la perspective de ces personnes, de ces
nouvelles personnes, quel intérêt
peut-on attacher à l'apprentissage du français, à la maîtrise du français quand
de plus en plus on exige d'eux de maîtriser l'anglais pour le travail?
Mme Lachance (Dominique) : À Québec,
évidemment, je
pense que la problématique, elle est moins présente parce que tout se passe en français. Moi, je pense qu'un n'empêche pas l'autre, c'est-à-dire qu'on
est dans une société francophone,
mais en même temps il ne faut pas non plus vivre en vase clos, on est aussi en
transaction avec l'ensemble du Canada. Voilà.
M. Kotto :
C'est ce pourquoi je posais la question de la perspective de ces personnes.
Mme Lachance
(Dominique) : Exactement.
M.
Kotto : Parce que, voyez-vous, il est beaucoup plus facile pour
eux de venir et d'apprendre une langue. Ça devient plus compliqué quand on leur demande d'apprendre deux langues.
Quand ils vont en Ontario, on leur demande d'apprendre une langue, et c'est beaucoup plus facile. C'est peut-être
probablement l'une des raisons qui expliquent le sentiment, disons, d'acceptation beaucoup facilement là-bas, ils sont
moins découragés. Deux langues, c'est un exercice difficile pour quelqu'un qui est un adulte parce
que c'est au plus bas âge que l'apprentissage des langues se fait le plus
facilement. C'est de leur perspective des
choses que je posais la question. Comment prennent-ils le fait qu'on leur
impose, en quelque sorte... pour
l'anglais, c'est beaucoup plus subtil, mais, qu'on leur impose l'apprentissage
de deux langues pour l'emploi? Vous
dites : À Québec, certes, mais on réfléchit pour l'ensemble du Québec pour
l'avenir du français et du tissu culturel français en tant que tel.
Mme Lachance (Dominique) : Mais, vous savez, c'est le travail, c'est
l'emploi. Qu'est-ce qui va faire en sorte qu'on a un intérêt? Oui, il y a une question peut-être de connaissance,
à l'étranger, on avait déjà appris l'anglais. Mais, au bout du compte, ultimement, les gens viennent
ici pour continuer leurs vies, je ne dis pas recommencer, continuer leurs
vies, améliorer leur qualité de vie,
s'installer, la quiétude pour les enfants, surtout quand on parle des réfugiés,
le travail évidemment. Le travail pour les travailleurs qualifiés, c'est
ça aussi. Donc, si on associe l'apprentissage de la langue française avec un gain pour l'emploi, moi, je ne
pense pas que les gens soient rebutés à l'idée d'apprendre le français. Il
est vrai que le français est difficile, il
ne faut pas se le cacher, on entend ça tous les jours, surtout pour les gens
dont la culture n'est pas d'origine
latine, c'est plus difficile, mais ça se fait et ça se fait très bien, surtout
quand il y a l'intérêt de pouvoir
avoir un accès à l'emploi, et, au Québec, si on peut travailler en français,
bien, les gens vont l'apprendre. Il faut le valoriser, il faut le mettre
en forme, et surtout il faut attacher, je le dis encore, la francisation avec
l'accès à l'emploi.
M. Kotto : O.K. Dans votre
mémoire, recommandation 5, vous proposez «qu'une campagne nationale de sensibilisation et d'information positives soit
portée par les instances gouvernementales afin d'atténuer les préjugés qui
entretiennent des craintes au sein de la population. Le
gouvernement doit mettre en application des mesures visant à appuyer des rapports harmonieux au sein de la
société d'accueil en encourageant les stratégies gagnantes qui ont déjà fait
leurs preuves.» Est-ce que c'est une bonne
idée? C'est une bonne idée? Ça procède des mêmes paradigmes que la publicité
à la télévision ou dans les magazines. Mais
est-ce que vous pensez que c'est suffisant? Est-ce que changer le regard
collectif d'une société d'accueil ou
même des nouveaux arrivants relativement à cette société d'accueil, ça peut,
disons... cette approche peut y avoir un impact comme vous l'envisagez?
Ne devons-nous pas, en tant que société, depuis l'école primaire jusqu'à l'université, à travers le paysage
audiovisuel, nous inscrire avec davantage la volonté de construire une mémoire
commune? Je pense que... enfin, quand je
parle de mémoire commune, ce n'est pas pour effacer ou diminuer l'identité de
la société d'accueil, l'identité de la majorité francophone...
Le Président (M. Picard) : Il
vous reste une minute, M. le député.
M. Kotto : ...d'accueil.
Est-ce qu'au-delà de la publicité on ne devrait pas envisager d'autres
approches pour atteindre cet objectif du vivre-ensemble?
• (10 h 10) •
Mme
Béguerie (Corinne) : C'est
sûr que la sensibilisation... et puis pour reprendre les mots qu'on a utilisés
tout à l'heure, démystifier, expliquer qui sont les immigrants, ça commence à
l'école. À l'école, dans la vie de tous les jours, c'est une sensibilisation
qu'on fait dans toutes les sphères de la société ou qui devrait se faire dans
toutes les sphères de la société. On
va faire de la sensibilisation en entreprise, on fait des activités à l'école, dans les camps de vacances. Il y a beaucoup d'organismes qui font des activités
comme ça pour démystifier l'immigration. Puis, quand on dit «démystifier», ce n'est pas de tomber dans du folklore, sans
vouloir être péjoratif, mais c'est vraiment d'expliquer : Bien, au Québec,
on a des politiques d'immigration,
c'est un choix de société. On fait venir des personnes du monde entier,
puis les personnes immigrantes qui viennent viennent de bassins diversifiés.
Puis, nous, au Centre multiethnique, on est très attachés à cette diversification des bassins. Ça fait
en sorte qu'on devient une société riche de cette diversité-là. Mais il ne faut pas
avoir peur de l'autre. Donc,
expliquer les différences, expliquer l'autre, de travailler sur ses propres,
aussi, perceptions, c'est tout un travail qu'on doit faire auprès de la société.
Alors, oui, ça peut passer par une campagne qui est...
Le Président (M. Picard) : En
terminant, s'il vous plaît.
Mme
Béguerie (Corinne) :
...soutenue par le gouvernement, mais c'est aussi le travail des organismes sur
le terrain.
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Mme la députée de Montarville, pour une période de 6 min 30 s,
maximum.
Mme Roy : Merci
beaucoup. Merci, M. le Président. D'abord, permettez-moi de m'excuser auprès des membres
de la commission et de nos invités pour mes
quelques minutes de retard, je suis prise à faire d'autres tâches en même temps. Alors, je suis navrée pour le délai, mon retard.
Ceci dit, j'ai lu votre mémoire.
Vous
m'entendez mal, hein? C'est la construction. On s'excuse pour la construction,
on doit vivre avec ça. Alors, je m'excusais pour mon délai et pour mon
retard. Je m'en excuse.
Merci d'être
là, merci pour le mémoire. Je vous amène tout de suite à la page 5 de
votre mémoire. Pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, vous parlez
des seuils d'immigration — puisqu'on
discute, ici, entre autres, des seuils d'immigration — vous
nous dites que vous êtes en faveur des seuils qui sont proposés par la partie gouvernementale, mais vous dites : «Cependant,
cette augmentation doit être accompagnée de mesures et de ressources
financières adaptées. Dans cette
perspective, la situation vécue par les organismes comme le nôtre, ainsi
que leur perception des difficultés rencontrées par les immigrants et de la
qualité des services qui leur sont donnés doivent être prises en compte, de
même que le sous-financement inquiétant de
ces organismes.» Alors, vous mettez un petit bémol ici, là, vous dites :
Attention, là, si on veut réussir l'intégration, il y a des conditions.
Alors,
avez-vous été témoins de lacunes à l'intégration réussie, de lacunes qui
auraient été causées justement par ce sous-financement dont vous parlez?
Mme
Lachance (Dominique) :
Écoutez, c'est sûr qu'actuellement, ce qu'on a vécu depuis un an avec l'accueil des
réfugiés syriens, je dirais qu'on a... Il ne faut pas niveler par le bas, mais,
au contraire, il faut bonifier l'accueil, l'installation. Les organismes actuellement font des miracles avec le financement qu'ils ont
pour s'assurer d'une meilleure intégration
possible et de passer le relais aux autres organisations dans la société,
puisque ce n'est pas le propre uniquement
des organisations d'accueil, d'installation que de s'assurer du bien-être
et de l'intégration des réfugiés et des immigrants dans la société
québécoise.
Cela dit,
avec l'accueil des réfugiés syriens, on a vu certains services
réapparaître : je le nommais tantôt, le jumelage interculturel; il y a eu aussi de l'aide au
logement; il y a eu de l'aide pour de la médiation
interculturelle. Il y a eu beaucoup
de services qui ont été mis en place, et on remercie le ministère de l'avoir
fait.
Maintenant,
une fois la vague syrienne passée, est-ce
qu'on va retirer ces services-là,
alors qu'on a des besoins qui sont
là, et c'est un minimum? Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il faut bonifier ces
services-là, maintenir les pratiques
gagnantes. Puis les organismes le
savent, pas parce qu'on est là pour se vanter, mais parce qu'on est sur le
terrain, on sait exactement par
l'expérience qu'est-ce que ça prend ou à tout le moins qu'est-ce qu'on devrait
faire pour aider les populations à mieux s'intégrer. On n'a pas la solution miracle, mais on a certaines petites
solutions. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il faut maintenir les ICSI, il faut maintenir le jumelage interculturel, il
faut maintenir la recherche sur le logement, la médiation interculturelle. Pourquoi une population x en
bénéficie et que les autres réfugiés n'en bénéficieraient pas? Il faut
maintenir ces services-là et les consolider dans des programmes fixes, parce
que c'est nécessaire. Voilà.
Mme Roy :
Merci.
Le Président (M.
Picard) : Trois minutes.
Mme
Roy : Je vous amène à
la page 12, recommandation 11. On va parler de francisation. Je lis votre recommandation : «Que le MIDI et le ministère de l'Éducation
revoient la question de la francisation des immigrants dans la région de la
Capitale-Nationale afin de la rendre accessible, attrayante et
fonctionnelle.» Alors, est-ce dire que ce n'est pas tout à fait accessible, ce n'est pas tout
à fait attrayant puis ce n'est pas tout à fait fonctionnel pour le moment? Quelles
sont les lacunes auxquelles vous vous êtes heurtées?
Mme Lachance (Dominique) : C'est-à-dire qu'il y a eu beaucoup d'efforts de
faits, il faut quand même le mentionner,
depuis quelques années. Il y a eu une augmentation, etc. Mais — mais — quand on parle d'accessibilité, notamment... On reçoit des réfugiés, encore une
fois, des immigrants économiques aussi, mais des gens qui ont des réalités
familiales qui font en sorte que la francisation n'est pas adaptée à leurs
besoins. Je pense, un exemple très banal, les rendez-vous
médicaux. Vous allez me dire : Oui, tout le monde en a, des rendez-vous
médicaux quand on travaille. C'est ce qu'on m'a répondu d'ailleurs il y a
quelques mois quand j'ai fait part de la situation au MIDI. Oui, mais, quand
on accueille des réfugiés pris en charge par
l'État, qui ont des besoins spécifiques de santé, qui sont pris en charge,
bien, il faut tenir compte de cette
réalité-là. Et, à certains égards, les réfugiés ont à choisir entre le
rendez-vous médical pris par un spécialiste,
par exemple, et la présence à un cours de français, qui est très important,
mais, si le réfugié accumule plus d'un
certain nombre d'absences, notamment pour des rendez-vous médicaux, bien, il
peut se voir exclu de la francisation. Bien, pour moi, ce n'est pas
adapté, ça.
Mme
Roy : Je suis d'accord avec vous, il y a des incongruités
là-dedans, là. Puisqu'on veut que ces gens-là s'intègrent, la première chose, c'est apprendre le français, ça
va aller bien, là, mais il ne faut pas les pénaliser s'ils ont aussi d'autres
obligations à rencontrer simultanément, là.
Mme Lachance (Dominique) : ...aussi, les écoles sont un peu partout, les
gens sont éparpillés sur le territoire, ce qui
est correct aussi, c'est ce qu'on souhaite, mais en même temps il faut qu'on
tienne compte de la réalité d'une garderie qui est à une place, d'une école qui est à une autre. Quand les parents
vont reconduire les enfants, ils arrivent en retard.
Mme
Roy : J'ai très peu
de temps, je veux vous poser une question — excusez-moi — 241
personnes, 241 réfugiés syriens qui sont ici...
Est-ce
que, maintenant, tous ces gens, à l'heure actuelle, ont eu les
cours de français auxquels ils ont droit, et tout le monde est à l'école, ou a appris le français, ou est en
voie de l'apprendre?
Mme Lachance (Dominique) : C'est-à-dire qu'on n'apprend pas une langue en trois mois, donc effectivement ils ont eu la possibilité de s'intégrer au cours de français, ça leur a été
offert en dedans des délais prescrits par le ministère, ça, il n'y a
pas eu de problème... les enfants également.
Mme
Roy : Vous
dites : Ça leur a été offert, je suis d'accord, mais est-ce que les gens
s'inscrivent tous à des cours? Est-ce qu'il y a une réticence à
l'apprendre, autrement dit?
Mme Lachance (Dominique) : À Québec, heureusement, on n'a pas cette problématique-là, les gens
courent après les cours de français.
S'ils ne participent pas au cours de français, c'est souvent pour des réalités
soit de santé ou bien grossesse, etc., ou des personnes qui sont très
âgées ou des situations famille qui les empêchent. Mais, de façon générale, la plupart attendent impatiemment les
cours de français. Alors, ça, c'est une réalité qu'il faut encourager, mais,
là-dessus, il n'y a pas de problématique particulière.
Le
Président (M. Picard) :
Merci, Mme Lachance. Je vous remercie, mesdames, pour votre contribution aux travaux de la commission.
Et je suspends quelques
instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à
10 h 18)
(Reprise à 10 h 20)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons en recevant les représentantes de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes.
Mesdames, vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé. Va
s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. Dans un premier temps, je vous demanderais de vous présenter. Merci.
Allez-y. Vous n'avez pas besoin de toucher à rien.
Fédération des maisons
d'hébergement pour femmes (FEDE)
Mme
Monastesse (Manon) : Oui.
C'est ça. Alors, bonjour. Merci de nous recevoir aujourd'hui. Alors, mon nom
est Manon Monastesse, je suis la directrice provinciale de la Fédération des
maisons d'hébergement pour femmes.
Mme Senay (Marie-Hélène) : Bonjour. Marie-Hélène Senay, je suis
coordonnatrice, Communication et analyse à la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes. Je
vais commencer et Mme Monastesse vous présentera nos recommandations
principales.
Alors, évidemment,
vous vous doutez bien que la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes
ne se prononcera pas sur combien de migrants
on devrait accueillir chaque année au Québec.
Nous sommes plutôt
ici pour discuter des dommages
collatéraux, notamment sur les femmes surtout victimes de violence qui
ne maîtrisent pas complètement
leur parcours, et nous souhaitons évoquer
les services et ressources qu'on doit mettre à leur disposition afin de favoriser une intégration globale sociale, et pas seulement
par emploi.
Force
est de constater que, bien que nous ayons une nouvelle politique
assortie d'un plan d'action et une nouvelle loi en immigration, au
quotidien, nous devons constater que les changements ne se font pas encore
sentir et qu'il y a obligation de faire davantage pour les femmes migrantes, qu'elles soient
réfugiées demandeurs d'asile, qu'elles soient parrainées, qu'elles soient aides domestique ou encore à statut
précaire. Parce que la violence envers les femmes, ça ne connaît ni frontières, ni nationalité,
ni culture, c'est tout à fait transversal, et, dans nos maisons, nous recevons
autant des femmes de diplomates que
des femmes à statut précaire ayant vécu à peu près tous les aléas de
la vie. Il faut évidemment
donc offrir des services à ces femmes, et cela ne saurait se faire sans une
volonté politique forte.
Quelques mots sur la fédération
qui, depuis 1987, regroupe, soutient et représente 35 maisons d'hébergement réparties dans 11 régions de la province. On
produit aussi beaucoup de connaissances en lien avec des centres de recherche, notamment
de calibre international, avec des chercheurs indépendants, évidemment
de la recherche terrain qui est beaucoup
en lien avec nos maisons d'hébergement. On réalise donc des activités de
sensibilisation auprès des instances publiques et des autorités
compétentes, provinciales, nationales et internationales.
La
base de notre travail, c'est une perspective féministe. On vise donc
l'«empowerment» des femmes, le respect et
la défense de leurs droits. On prétend qu'elles devraient avoir accès aux
services et ressources et on fait beaucoup de prévention et
sensibilisation.
Rappelons
que nous vivons dans un État de droit et que ces droits sont enchâssés dans les
textes, que ce soient les conventions
internationales, les chartes nationales et provinciales, ainsi que la politique
en violence conjugale que le Québec a
adoptée il y a déjà plusieurs années. Pourtant, ces femmes migrantes ne
jouissent pas toujours des droits auxquels elles sont en mesure de prétendre, que ce soit au sein des systèmes de
justice, de santé, d'éducation, des services sociaux... voilà.
Donc,
notre fédération travaille sur le sujet de l'accueil des femmes immigrantes en
général depuis 30 ans par des études,
des formations, de la recherche, dont la dernière a été menée avec le soutien
financier du MIDI, que nous remercions d'ailleurs
grandement à cet effet, et qui portait sur l'adaptation des services aux
réalités et besoins des femmes immigrantes en maison. C'est ce qu'on vous a présenté comme mémoire. Nous évoquerons
donc surtout les nombreux besoins de ces femmes, le manque de services et de ressources afin qu'elles puissent,
encore une fois, prétendre aux droits auxquels elles devraient pouvoir accéder. Nous tenterons de faire
ressortir les besoins de cohérence des politiques, surtout, et les grands
besoins de volonté politique.
Chaque
année, dans nos maisons, nous recevons près de 3 000 femmes et leurs 1 500 enfants, dont 20 %, à
l'échelle de la province, de femmes
immigrantes, dont les statuts sont divers et variés. À Montréal,
c'est 40 % et, dans certaines maisons, c'est jusqu'à 92 %
d'accueil de femmes migrantes.
Parmi
ces femmes immigrantes, 25 % ne maîtrisent ni le français ni l'anglais.
Pour la vie en maison d'hébergement, vous
pouvez sûrement imaginer comment la cohabitation est agréable quand on ne peut
pas se parler. Et l'intervention en matière de violence, facilitée par
le partage d'une langue commune... parce que sinon l'échange est très
difficile.
Les
nationalités des femmes varient évidemment au gré des tensions mondiales. Les premières
Syriennes sont arrivées cette année
dans nos maisons déjà, mais on a 74 pays répertoriés dans notre rapport
d'activité. Quelques besoins spécifiques
généralement : un séjour plus long en maison d'hébergement,
parce qu'il faut régulariser le statut d'immigration, parce qu'il faut régulariser la situation
au Canada, parce qu'il faut apprendre la langue,
parce qu'on n'a pas les moyens, parce
que trouver un logement et un emploi quand on est une femme migrante
monoparentale avec quatre enfants qui ne parle pas la langue, ce n'est
pas évident.
On
se doit donc de dégager des ressources pour être en mesure d'offrir à ces
femmes les mêmes services que ceux qu'on
offre aux Québécoises qui parlent français et anglais et pour qui la
grosse base du système est connue, maîtrisée, et elles sont déjà bien rentrées dans des
petites cases, que ce soit pour l'assurance sociale, l'assurance maladie, le
chômage, les allocs, la vie en société dans le système.
Mme Monastesse
(Manon) : Et qui n'est déjà pas facile quand on est une femme victime
de violence.
Mme Senay (Marie-Hélène) : Voilà. Donc, le point commun, évidemment,
c'est bien entendu la violence, qui prend
plusieurs formes. Juste quelques exemples de problématiques qu'on a vues en
maison, parce que c'est important, je
pense, d'en parler, de les nommer
pour se rendre compte de comment c'est compliqué, et douloureux, et lourd pour
ces femmes, mais aussi pour les équipes des maisons, et que, si on veut que ces
femmes soient un jour citoyennes et intégrées
et participent à la vie et au bien commun, bien là, on a, comme société,
un petit effort à faire pour leur fournir un accueil.
Donc, évidemment, tout se
mélange, hein? On n'est pas juste dans la violence physique, et psychologique,
et sexuelle. Tout ça va ensemble,
mais aussi la traite, et les mariages forcés, et les violences basées sur
l'honneur, et la violence conjugale,
et la violence familiale, tout ça s'imbrique, s'influence, se complexifie, et
font que, souvent, quand les... on prend
l'exemple de la pelure d'oignon, parce qu'on commence avec une violence et puis
on en découvre, on en découvre, et c'est difficile de trouver la fin.
Certaines
n'ont jamais eu accès à leurs papiers, surtout les parrainées
et les aides domestiques; il y a là un levier incroyable d'exploitation et de violence pour les garants et pour les
employeurs. On a reçu des femmes qui ne parlaient ni le français ni
l'anglais, n'étaient jamais sorties de la maison dans laquelle on l'avait
lancée à leur arrivée. Ça faisait cinq ans.
Elles étaient privées de vêtements d'hiver, de chauffage, de nourriture,
d'éclairage, pas de télé, évidemment.
Quand on a fini par leur parler, elles
savaient qu'elles étaient au Canada, mais ni la province, ni la ville, ni la rue, ni
le transport en commun, ni les droits, ni l'égalité hommes-femmes. Et
puis il a fallu pour elles trouver un interprète qui parlait Bangladesh. Et, quand les policiers l'ont amenée chez le
monsieur qu'ils connaissaient qui parlait Bangladesh, à deux coins de la rue, il s'est trouvé que c'était
son beau-frère. Donc, il faut faire attention. Ce n'était pas nécessairement la bonne solution.
On a aussi
reçu dans nos maisons trois femmes différentes parrainées par le même homme québécois
qui, donc, chaque année, à Noël, va
faire un tour à Cuba, jette la vieille, prend la neuve. Et voilà que ça
recommence, parce que la vieille, elle n'avait pas su satisfaire ses
nombreuses exigences, que je ne nommerai pas ici.
Il y a beaucoup de garants qui promettent de
parrainer, mais menacent de ne pas conclure ou de dénoncer à l'immigration si on ne satisfait pas aux faveurs
exigées. Il y a des femmes qui viennent et qui savent qu'elles seront dans
l'illégalité. Elles s'attendent à devenir des danseuses au Québec. C'est ce
qu'on leur a promis, on leur a fait miroiter. Par
contre, elles ne s'attendaient pas à
finir dans un salon de massage à travailler 20 heures sur 24. Donc, ces
femmes-là sont à risque de déportation, alors qu'on aimerait bien les protéger,
parce qu'elles n'ont jamais demandé à vivre cette vie.
Et finalement
certaines parrainées et aides domestiques finissent évidemment
en esclaves sexuelles du garant, du
parrain, de l'employeur. Elles sont
privées de tous les biens de base si elles ne répondent pas positivement à
toutes les faveurs exigées.
Une liste de
besoins très rapide, parce que ce serait certainement plus exhaustif, mais
l'interprétariat, l'interprétariat en
maison d'hébergement, c'est un vrai problème. Ces femmes-là, on a un travail
d'intervention à faire avec elles, il faut désamorcer souvent une vie de
violence dont les conséquences sont incroyables.
• (10 h 30) •
Le Président (M. Picard) : En
terminant, s'il vous plaît.
Mme Senay
(Marie-Hélène) : Les interprètes disponibles, c'est 40 $ de
l'heure, les maisons n'ont pas de budget pour ça, il faut un fonds spécial, il faut des accords. Et je laisserai
donc Mme Monastesse terminer avec les recommandations.
Le Président (M. Picard) :
Madame, vous allez...
Une voix : ...
Le
Président (M. Picard) : On va prendre ça sur le temps de Mme la
ministre. O.K. Allez-y avec vos recommandations.
Mme
Monastesse (Manon) : D'accord. Alors, je vais y aller globalement.
C'est sûr que, pour nous, ce qui est important,
c'est qu'il y ait des mécanismes de suivi des femmes qui, souvent, vont être
parrainées ou vont accompagner celui
qui demande l'immigration. Alors, c'est important qu'il y ait des mécanismes de
suivi des conjoints... des conjointes, en
ce qui nous concerne, parce que ce sont des femmes. Et, comme disait Mme Senay,
les cas qu'on vous présente, ce ne sont
pas des cas anecdotiques, c'est le quotidien que l'on voit, des femmes qui
n'ont eu jamais accès à leurs papiers, qui ont eu... Alors, ça prend des mécanismes de suivi sur un an, sur deux
ans. C'est inacceptable qu'ici, au Québec, des femmes aient été enfermées pendant des années, sans aucun
contact avec la société, et ce, c'est notre quotidien de voir qu'elles
ont été privées de leurs droits fondamentaux.
Alors, ça
prend des structures comme ça de suivi, ça prend, au niveau du processus
juridique... quand ce sont des femmes
qui sont dans des statuts précaires, on demande à ce que le processus
d'immigration ou d'expulsion... là, je pourrais vous donner des exemples, mais... soit suspendu pendant qu'on règle
quand il y a des causes de violence conjugale, que les femmes... Ici, on a une politique en violence
conjugale, où on leur demande de dénoncer, et qu'elles se retrouvent...
à la fin, qu'elles soient expulsées parce
qu'elles ont dénoncé, elles ont rendu public, elles essaient d'avoir la garde
de leurs enfants et qui sont expulsées par la suite.
Alors, il
faut avoir des mécanismes pour les protéger, ce sont des victimes. Et ça répond
aussi aux engagements du Canada et,
bien sûr, du Québec, dans des conventions internationales pour l'élimination de
la violence faite aux femmes. Et un
des principes directeurs de la politique qui dit d'assurer en priorité la
sécurité des femmes et des enfants... Ce sont majoritairement des femmes et des enfants qui sont victimes de violence.
Et le fait qu'on n'ait pas de mécanisme pour les protéger, quand elles veulent s'affranchir d'un contexte de
violence... Et on le voit régulièrement, des femmes qui sont expulsées du Canada parce qu'elles sont tenues en
maisons d'hébergement, qu'elles ont dénoncé leur situation. Ça, pour
nous, c'est inacceptable, là, c'est un paradoxe au niveau de notre implication.
Alors, c'est
ça, ça prend un «fast track» pour les victimes de violence, surtout dans le
système de justice, avoir l'accès aux
soins rapidement, à la protection, à la sécurité. Puis ça prend, au niveau du
ministère, et ça, c'est quand même de façon globale au niveau du gouvernement, une
ADS de toutes les statistiques, et de tout ça, pour avoir un portrait fidèle
et d'avoir aussi les impacts, les impacts
des situations que vivent les femmes immigrantes. Il faut le documenter, et ça,
on a commencé à le documenter et on le fait depuis 30 ans.
Au niveau
de l'investissement, on sait que... et leur donner des mécanismes rapidement
pour pouvoir s'affranchir de la
violence, donc avoir accès à des logements, avoir accès à la francisation qui
soit adaptée à leurs situations, avoir accès
au niveau, là, de la reconnaissance de leurs diplômes, de favoriser tous les
éléments qui vont leur permettre de pouvoir s'affranchir du contexte de violence, et nous soutenir aussi, parce que
les femmes immigrantes, quand elles arrivent, elles n'ont pas de papier, elles n'ont pas eu de soins.
Les enfants, il faut les scolariser. C'est tout, tout, tout, on les
accompagne partout, l'avocat, le médecin, l'école, c'est un travail sur
tous les plans.
Le Président (M. Picard) : Ça
va?
Mme Monastesse (Manon) : Alors, on
attend vos questions.
Le Président (M. Picard) :
Merci.
Mme Senay (Marie-Hélène) : En guise
de conclusion, juste pour terminer et donner un exemple éloquent de comment on essaie, mais on n'arrive pas toujours,
par exemple, à l'aide juridique, ce qui est le lot de
plusieurs de ces femmes, parce
qu'elles n'ont pas le moyen de faire autrement, bien, l'aide juridique va
fournir un interprète en cour, mais jamais pour la préparation du dossier, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de fonds.
Donc, pendant toute la préparation, la femme ne pourra pas discuter avec son avocat et elle aura une
vraie première discussion le matin, la journée de la cour. Donc, on se rend
compte que leurs droits fondamentaux sont
bafoués et que nombre de politiques manquent de cohérence pour assurer une
vraie défense.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Weil :
Oui, alors, bienvenue et merci pour cette présentation, Mme Monastesse, Mme
Senay. Évidemment, ce n'est pas la
première fois que moi, j'ai eu l'occasion d'entendre ces différents enjeux,
mais je dois vous dire que votre présentation, elle est très, très,
comment dire, puissante et je pense qu'on se sent tous très interpelés, tous et
toutes.
J'ai eu
l'occasion, en tant que ministre de la Justice, de participer à la campagne
contre la violence faite aux femmes. Lorsque
je suis arrivée au ministère de l'Immigration, j'ai été sensibilisée à des
enjeux, mais l'ampleur de ces problématiques et la tâche... comment dire, une action qui serait... parce que là, en
écoutant tous les problèmes que vous avez évoqués, il y a le gouvernement fédéral, il y a
gouvernement provincial, la sécurité publique, notamment la police, qui est
peut-être les premiers intervenants
que vous rencontrez. Les questions de confidentialité, nous, on a les
recherches, on est capables de
répondre à cette demande, on a le profil des femmes, etc. Mais de suivre les
femmes, il faut trouver une façon de faire qui ne brime pas la confidentialité — elles sont libres, c'est des résidents
permanents — mais
vous avez aussi plusieurs interfaces,
hein? Je pense que, après la police, c'est le réseau de la santé et des
services sociaux, hein, c'est beaucoup eux qui sont interpelés. Les
plans d'action, comme vous le savez, sont interministériels, mais vous dites...
Alors, je
pense qu'on va aller... Mais, moi, ce que je veux vous dire, c'est que c'est
sûr qu'on va transmettre votre mémoire
à tous les ministres qui sont concernés. Je pense qu'il va falloir qu'on fasse
une réflexion profonde et unique sur cette question. Moi, c'est mon
sens, parce que, oui, on a fait des avancées. On n'a peut-être pas le temps de
vous entendre sur tous ces éléments-là, je
vais aller sur certaines questions précises. Mais comment mieux protéger ces
femmes dans des contextes que vous
avez décrits, c'est la tâche, en effet, des pouvoirs publics, dans un premier
temps. Il y a les élus, il y a la
municipalité, il y a le gouvernement provincial, il y a le fédéral, mais pour
décortiquer tout ça, je pense qu'on a
besoin de plus de temps et un environnement avec différents intervenants, mais
je veux vraiment vous remercier de venir faire cette présentation, parce qu'a priori, bon, on est sur les
orientations, la sélection, hein? Je comprends que vous êtes venues ici pour parler de la vulnérabilité de ces
femmes qui sont victimes de par leur non-statut. Ils ont un statut de résident
permanent, mais finalement ils n'ont pas vraiment de statut. Ils sont cachés,
ils... elles sont vulnérables.
Mais je vais
commencer par un sujet que je considère extrêmement important, c'est
l'interprétariat. Moi-même, juste pour communiquer avec les réfugiés
syriens, je cherche toujours l'interprète autour de moi, puis il y a toujours quelqu'un qui apparaît et sinon, on ne peut pas
communiquer. Mais vous, dans le cas que vous décrivrez, pourriez-vous
peut-être nous en parler un peu plus? Comment vous voyez ça? C'est peut-être
une contribution que le ministère de l'Immigration
pourrait... On n'est pas acteurs uniques dans beaucoup de ces choses, mais on
est toujours le ministère qui peut
sensibiliser les autres, le ministère agit de façon transversale. Donc, là, il
y a toute une équipe qui vous écoute aujourd'hui au ministère de
l'Immigration, je vous rassurer là-dessus.
Donc,
interprétariat, peut-être, si vous aviez d'autres choses à rajouter sur des
expériences qui ont bien fonctionné... Je
comprends que l'argent, c'est le nerf de la guerre pour vous. Donc, vous
demandez tout simplement d'avoir ce service «in house», essentiellement,
hein?
• (10 h 40) •
Mme
Monastesse (Manon) : Bien, dans d'autres provinces, c'est gratuit,
hein, des systèmes d'interprétariat, parce que c'est extrêmement onéreux. Il faut payer le déplacement de
l'interprète, il faut payer quand il est sur place. Alors, c'est des factures énormes. Et malheureusement les
maisons d'hébergement le défraient à même le montant que les maisons
d'hébergement sont financées, santé et services sociaux. Ils vont ponctionner ces
montants-là qui peuvent aller... Des maisons
qui reçoivent à plus que 90 %
des femmes immigrantes, c'est des factures de 10 000 $, et ça, c'est
vraiment en comprimant
le plus possible les services. Alors, on a besoin de soutien, et c'est
fondamental pour ces femmes-là d'avoir accès.
Et, on le
sait, apprendre, M. Kotto l'a bien dit, apprendre une langue, c'est très
difficile, mais, quand on vit des traumatismes et qu'on doit parler de quelque
chose d'extrêmement douloureux et difficile, bien, dans un premier temps,
il faut pouvoir le faire dans sa propre
langue. Et apprendre une autre langue dans ces conditions-là, c'est extrêmement
difficile. Alors, il faut favoriser le plus
possible le soutien de ces femmes d'abord, pour qu'elles puissent effectivement
avoir ultérieurement... et ça prend des
banques d'interprètes. Il y a déjà des banques, là, interrégionales, et tout,
mais c'est mal coordonné. Et il y a toute la question aussi au niveau de
l'éthique de ces personnes. On a vu des interprètes souvent, comme la banque interrégionale, c'est l'agence, la
défunte agence... mais ce ne sont pas tous des interprètes qui étaient
membres de leur ordre, mais qui sont payés quand même le prix d'un interprète.
Et ce ne sont pas tous des interprètes membres
de leur ordre, qui garantit une certaine éthique, et on a vu des interprètes embarquer... Malheureusement il n'y a
pas juste interpréter ce que la personne dit, traduire ce que la personne
dit, mais il faut aussi qu'il puisse
comprendre la dynamique, hein? Ce n'est pas juste des interprètes juste au
niveau des mots, mais du contexte, et qu'on puisse s'assurer que ces
personnes-là ne vont pas induire des réponses. On a vu des interprètes dire : Bien, écoute, tu es en
train de déshonorer notre communauté. Qu'est-ce que tu fais? Retourne avec ton
mari, et tout ça. Mais nous, on ne sait pas
ce qu'il se passe quand ils se parlent. Alors, il y a tous ces aspects-là qui
sont très délicats, et, pour certaines communautés qui sont très
restreintes ici, au Québec, c'est tout un problème de trouver un interprète qui
ne connaît pas ni l'oncle, la mère. Et, quand on arrive en région, c'est encore
un autre problème.
Nous, on a
fait le plus qu'on peut. Dans des maisons, souvent les intervenantes vont
parler deux, trois, quatre, 10
langues pour essayer de pallier au fait que c'est des coûts qui sont très
onéreux. Il ne faut pas oublier les enfants aussi. On n'a pas l'argent pour donner des services aux
enfants, qui en ont grandement besoin, de pouvoir exprimer leur traumatisme
et tout ce qu'ils ont vécu. Alors, ça prend... Mme Senay pourrait compléter.
Mme Senay
(Marie-Hélène) : Bien, le
topo a été bien fait. Juste ajouter que, par exemple, quand on décide de
régionaliser l'immigration et qu'on voit que se crée une communauté d'Afghans à
Sherbrooke ou de Kurdes irakiens à
Trois-Rivières, bien, il faut qu'en amont on pense à fournir les services et
les besoins, parce que quand, à Trois-Rivières, ils ont cherché un interprète irakien, bien, finalement, ils ont, après
deux semaines, trouvé quelqu'un qui parlait arabe, mais ça ne servait à rien parce que c'étaient des
Kurdes. Donc, il y a des situations comme ça qui montrent qu'on n'anticipe pas où vont aller et dans quelle situation vont se
retrouver les populations. Il faut que ce soit à l'échelle de la province, là,
et, à Gaspé, c'est très compliqué. Peut-être
la technologie, peut-être... Il faut trouver d'autres façons. Quand c'est les
hôpitaux, et les médecins, et les
avocats qui appellent les maisons d'hébergement communautaires sous-financées
pour qu'ils viennent faire
l'interprétariat en espagnol avec la madame qui vient de Colombie, ça ne peut
pas fonctionner comme ça. Ce n'est pas dans cet ordre-là, pas de
recette.
Mme Weil : Il me reste juste?
Le Président (M. Matte) : Trois
minutes.
Mme Weil :
Trois minutes. Alors, j'aimerais vous amener sur l'intersectionnalité, qui est
quand même un enjeu important, mais juste parce que je n'aurai peut-être
pas le temps de vous le dire, la politique et la stratégie d'action, d'ailleurs il y a une mesure qui évoque exactement
ce dont vous parlez, mais de façon très large : «Prendre en compte la diversité ethnoculturelle québécoise dans
l'élaboration des politiques publiques pour que les orientations et les actions
qui en découlent répondent aux besoins d'une
population diversifiée...» Donc, il y a plusieurs ministères qui sont
là-dedans. Juste vous le dire, vous
amenez du concret à cette mesure. Donc, il va falloir que le ministère échange
avec vous de façon plus profonde pour
qu'on puisse meubler, si vous voulez, cet aspect de la politique. Alors, je vous laisse expliquer cette question
d'intersectionnalité.
Le Président (M. Matte) : Vous avez
deux minutes.
Mme
Monastesse (Manon) : Bon,
bien, l'intersectionnalité, c'est prendre en compte toutes les oppressions que
peut vivre une femme. Alors, oui, c'est une
femme, mais qu'elle soit noire, qu'elle soit handicapée, qu'elle est très peu
scolarisée, ce sont toutes des oppressions qu'on doit tenir compte parce que ça
a un impact sur sa situation.
Mais je
voulais aussi parler, vous donner un exemple extrêmement concret des
obstacles qu'on peut rencontrer. Il y a le service des garants...
Une voix : Défaillant.
Mme
Monastesse (Manon) :
...défaillants, où est-ce qu'on va exiger que... on a eu des cas comme ça, où
est-ce qu'il a fallu intervenir, où
est-ce qu'on exigeait que la question de la pension alimentaire soit réglée, dans un
cas extrême de violence, avant que le
service de garant défaillant puisse faire son travail. C'est tout à fait inacceptable, parce que, de
toute façon, ici, au Québec, quand on est victime de violence conjugale,
quand une femme va demander de l'aide sociale, ce n'est pas elle qui va
intervenir pour avoir une pension alimentaire, c'est l'aide sociale, parce
qu'elle est victime de violence, on ne va
pas lui demander de garder, et de maintenir, et d'exiger de son conjoint qu'il
paie une pension, justement
pour la protéger, c'est le gouvernement, c'est l'aide sociale qui va recourir.
Mais, quand on arrive avec des femmes immigrantes, souvent, et ça... il faut aussi
former les fonctionnaires sur le fait que... déjà, c'est mal connu des
fonctionnaires, tous ces mécanismes de protection, mais encore plus pour
les femmes immigrantes.
Le Président (M.
Matte) : Je vous remercie, et nous allons poursuivre avec le député de
Bourget.
M.
Kotto : Merci, M. le Président. Mme Monastesse, Mme Senay, merci d'être là, merci pour la contribution.
À
vous entendre, j'avais l'intention d'aller un peu plus loin sur la question
de ces 3 000 femmes, ces 1 500 enfants qui sont sous votre aile. Vous avez dit qu'il y en a 40 % à Montréal
et que 25 % d'entre elles ne parlent ni le français ni l'anglais,
potentiellement des otages quand elles deviennent victimes de leurs milieux ou
de leurs cellules restreintes.
Ces situations que
vous évoquez ici durent depuis combien d'années?
• (10 h 50) •
Mme Monastesse
(Manon) : C'est des femmes... on a rencontré... C'est depuis toujours.
On parle beaucoup maintenant de la traite des femmes, des mariages forcés,
mais, il y a 30 ans, les premières maisons d'hébergement recevaient des femmes
immigrantes qui vivaient déjà ces réalités-là. Et les femmes qui sont dans des situations...
C'est pour ça que, pour nous, c'est totalement
aberrant, il y a quelque
chose dans notre société,
au niveau du soutien, qui n'est pas actualisé. Des femmes qui ont été enfermées pendant cinq ans,
pendant 10 ans, qui ne connaissaient rien, qui ne sont jamais
allées même... qui ne savent pas
prendre l'autobus, qui ne connaissent pas les services auxquels elles ont droit
et qui sont ici depuis cinq ans et 10
ans. Et là je parle même de femmes italiennes, de communautés
qui sont bien implantées ici, au Québec,
depuis plusieurs années. Alors, il y a
tout un suivi, oui, des nouvelles immigrantes et tout ça, mais des communautés
aussi, qui sont implantées depuis des années ici, au Québec.
Il y a quelque chose au niveau de... Nous, les maisons d'hébergement, on travaille beaucoup dans la perspective du «outreach» dans la communauté,
d'avoir des liens avec les communautés. On sait que, pour les femmes de communautés
ethnoculturelles, les femmes immigrantes, la communauté d'accueil et la communauté
dans le pays d'origine, c'est extrêmement important. Et là c'est parce que nous, on ne veut pas non
plus qu'on ait un profil seulement de l'immigration
récente. Comme avec les communautés
asiatiques, le contact s'est fait au cours de décennies. Et c'est difficile, ce
sont des communautés qui vivent en autarcie. Alors, quand on parle de
violence, qui n'est pas comprise au même titre, de même façon d'une communauté à l'autre, il faut
être capable d'avoir des contacts, ce qu'on a, mais il y a toujours
beaucoup de travail à faire.
Mme Senay (Marie-Hélène) : Juste ajouter que les mieux cachées, en fait, on
ne les a sûrement jamais vues, celles que ça fait le plus longtemps
et qui sont les plus violentées et que... Sûrement qu'elles n'arrivent même pas
dans nos maisons, en fait.
M. Kotto :
Et, quand ces victimes dénoncent leurs bourreaux, qu'arrive-t-il à ces
derniers? Est-ce qu'ils sont inquiétés d'une
manière ou d'une autre? Est-ce que leur situation... Est-ce
que vous avez des références
d'histoires qui se terminent bien ou c'est toujours cauchemardesque de A
à Z?
Mme
Monastesse (Manon) : Bien,
c'est extrêmement difficile parce que souvent les femmes,
elles sont dans une situation
où est-ce que, si elles quittent leur
conjoint, qu'elles vont en maison d'hébergement, elles sont identifiées comme... elles ont quitté le conjoint, mais pas
seulement le conjoint, elles ont quitté toute la communauté. Alors, souvent,
elles sont complètement coupées de la
communauté. Et on l'a vu dans les crimes basés sur l'honneur, où est-ce que les
femmes, en prévention, vont quitter, et maintenant, bien, c'est un choix, elles
doivent couper totalement les ponts avec toute leur communauté. Alors, pour elles, c'est un obstacle de plus à
l'affranchissement de la violence. Et malheureusement on a eu et des situations où les femmes étaient
dans un statut précaire, où elles ont été hébergées, elles ont finalement
quitté le conjoint qui les exploitait
financièrement et les violentait de toutes sortes de façons, elles quittent le
conjoint pour aller en maison
d'hébergement, pour dénoncer la situation, pour entamer les démarches pour
avoir la garde de ses enfants, mais, parce
qu'elles sont en statut précaire, elles mettent leur situation en danger. Parce
qu'on a vu régulièrement des femmes... comme
un cas où est-ce qu'on a même intervenu, à l'époque, c'était votre collègue Mme
James, où une femme qui a eu trois
enfants avec un homme qui lui disait toujours : Je vais régulariser ta
situation, on va se marier, et tout, et malheureusement ça ne s'est jamais fait, qui était grandement
exploitée, et elle a quitté, elle est allée en maison d'hébergement. Elle a fait
les démarches, et, quand elle est
arrivée, un jour, elle devait aller à la cour pour la garde de ses enfants, et
le juge a dit : Bien, écoutez,
madame, votre statut est tellement précaire, je ne peux pas vous donner la
garde, je donne la garde à monsieur, et
il y avait six agents des services frontaliers qui l'attendaient à la porte et
qui l'ont prise, ils l'ont détenue à Laval pendant 48 heures et elle a
été déportée.
Mme Senay (Marie-Hélène) : Juste ajouter à ça aussi qu'il y a un vrai
travail de sensibilisation à faire auprès de tous les acteurs, notamment du système sociojudiciaire, mais il n'est
pas rare qu'il y a des femmes qui prennent leur courage à deux mains et
osent enfin aller porter plainte à la police et qu'on leur réponde : Mais
ça, ça ne se fait pas dans votre culture? Ce
n'est pas normal chez vous,? Donc, ça, ça arrive encore, et pas juste à
Saint-Foinfoin-des-Meuhmeuh, là, c'est Montréal,
c'est Québec, c'est le juge, c'est le policier, c'est le procureur qui se
permettent des commentaires comme ça. Donc, le relativisme culturel, là,
il faudrait peut-être traiter cette question importante.
Mme Monastesse
(Manon) : Et l'aide sociale et...
M. Kotto : O.K.
Est-ce que, du haut de votre expérience, on peut, d'une manière ou une autre...
Je sais que les stratégies sont diverses relativement à la complexité
des situations, mais est-ce qu'en amont, quand, par exemple, un imposteur, appelons ça comme ça, en parrainage va
vouloir faire venir sa conjointe, sa fiancée, est-ce qu'il y a quelque chose qui pourrait être fait pour débusquer ces
personnes qui deviennent potentiellement des bourreaux pour ces femmes
et ces enfants une fois qu'ils arrivent sur le territoire?
Le Président (M.
Matte) : Vous disposez de deux minutes, madame.
Mme
Monastesse (Manon) : La question est complexe. Mais je crois que, pour
nous, il y a un travail qui doit
se faire, d'évaluer la situation
conjugale dans le pays d'origine, quand on va émettre les certificats, et tout
ça. Et, comme je le disais, il faut se donner des balises, des
garde-fous.
Quand
les femmes arrivent, là, à l'aéroport, là, elles passent par l'immigration,
hein? C'est comme ça, il faudrait se mettre des balises ou des gens qui
puissent vérifier des choses. Et, quand ils arrivent, comme dans tout cas de
violence conjugale, ce serait de
trouver un moyen de parler à madame uniquement, pas avec monsieur à côté
d'elle, ou dans les fameux... quand
ils arrivent ici, au Québec, là, il
y a les séances d'information, là, en sept blocs, et souvent madame est avec monsieur, ce n'est pas là où est-ce qu'elle va dénoncer la situation. Et même ces personnes qui donnent ça sont mal
outillées, parce qu'à un moment donné elles vont parler de la violence conjugale,
qu'ici, au Québec, c'est inacceptable, qu'on
prône l'égalité entre les hommes et les femmes, et elles nous disent, elles
sont totalement désemparées, parce que même
les conjoints vont répondre carrément : Bien, c'est ma femme, c'est moi
qui décide s'il faut que je la corrige, puis vous pouvez appeler la
police, on s'en fout. Alors, ils vont même contester.
Le Président (M.
Matte) : Je vous invite à conclure.
Mme Monastesse
(Manon) : C'est ça. Bien...
Mme Senay (Marie-Hélène) :
...en fait, il faut se donner des balises dès le départ, mais aussi sur une
longue période, parce que la violence est un
cycle et une escalade et que, notamment pour les parrains québécois, quand ils
vont aller au pays la chercher, ils vont être gentils, ils vont donner des
cadeaux, ils vont arroser toute la famille, elle va arriver, ça va être
joyeux, mais, petit à petit, au cours des semaines et des mois qui s'ensuivent,
là, le calvaire va commencer.
Le
Président (M. Matte) : Je vous remercie, et on va poursuivre avec Mme
Roy, députée de Montarville, pour 6 min 30 s.
Mme
Roy : Merci, M. le Président. Merci, mesdames. Et je ne peux
pas m'empêcher de continuer dans la même foulée. Pour nous, c'est extrêmement important que tant les réfugiés que
les immigrants qui arrivent ici comprennent, un, l'importance de la langue française, et, deux, également, nos
valeurs, notre culture. Et, dans une commission antérieure, il y a déjà plusieurs mois de ça, des gens étaient
venus nous dire, entre autres : Le fameux répondant, c'est souvent le
mari, l'homme, le conjoint, et qui fait fi de transmettre toute cette
information à la femme.
Et
là ce que vous dites, c'est que ça se poursuit, on ne lui transmet pas plus ou
ça continue à être le répondant qui décide. À cet égard-là, que
devrions-nous faire, quelle piste de solution devons-nous aborder pour que ces
femmes comprennent qu'ici c'est l'égalité entre les hommes et les femmes et
elles sont libres de faire ce qu'elles veulent?
Mme
Monastesse (Manon) : Oui, mais, quand on est dans un contexte de
violence, c'est que ça prend des mécanismes
pour pouvoir parler aux femmes uniquement, sans que les conjoints soient
présents. Alors, il faudrait trouver... sans être discriminatoire, ça prendrait comme des séances particulières
pour expliquer aux femmes comment ici on conçoit l'égalité hommes-femmes
et tout ça, ça prend des mécanismes comme ça.
Il ne faut pas
oublier que ces femmes-là vont aller chez le médecin, alors, ça prend... Il y a
tous les acteurs... à l'école, qui est quand même une certaine...
Mme Senay
(Marie-Hélène) : ...
Mme Monastesse
(Manon) : Pardon?
Mme Senay
(Marie-Hélène) : Les cours de francisation pourraient être un...
Mme
Monastesse (Manon) : Les cours de francisation, ça prend aussi... Il
faut former ces gens-là, parce que ces gens-là, s'il y a un dévoilement
spontané, il faut qu'ils soient capables de référer certains d'entre eux. Et
les gens qui donnent les cours, ils savaient
très peu que les maisons d'hébergement, on offre des services gratuits
24 heures sur 24, une femme peut appeler.
Il
y a former les intervenants et s'assurer qu'on puisse avoir des lieux où on
puisse parler aux femmes, leur expliquer. Après ça, elles vont décider d'elles-mêmes, et ne serait-ce que de leur
dire : Bien, vous pouvez toujours appeler telle maison d'hébergement, il y a des intervenants. Quand il
est question de traite, on travaille en étroite collaboration avec l'escouade
spécialisée du SPVM ou, quand ils interviennent,
dans des cas de traite, tout ça, bien, souvent, les femmes viennent en maison d'hébergement, et on travaille comme ça en
étroite collaboration. Mais il faut se donner, comme je vous dis, des balises,
des drapeaux rouges, de dire : Attention! Et il faut former ces gens-là
qui vont être en contact avec les immigrants.
• (11 heures) •
Mme Roy : Je suis
d'accord avec vous, et, je dirais même, il faut travailler en amont de la
violence parce que je pense que
toutes les femmes doivent connaître leurs droits et libertés sans qu'il n'y ait
nécessairement une problématique de violence, là, il faut leur faire
comprendre et leur expliquer.
Et
je pense que ce que vous dites, peut-être juste prendre les femmes pour une journée femmes pour expliquer ce que sont leurs droits, ça permettrait — et
même celles victimes de violence, et les autres qui ne le sont pas du tout — de
savoir quels sont leurs droits.
Mme Senay
(Marie-Hélène) : Juste ajouter là-dessus, même leur remettre leurs
papiers puisque nombre de femmes parrainées
n'ont jamais vu la couleur de leurs propres papiers parce que
tout passe par le parrain. Donc, elles n'ont aucun levier et même pas de preuve pour montrer qu'elle est
officiellement acceptée, c'est lui qui a tout caché puis qui a flushé
dans la toilette ses... pour ne pas qu'elle ait accès.
Mme
Monastesse (Manon) : Ou qui
leur prennent leurs passeports. Elles arrivent en maison d'hébergement, elles n'ont aucun document. Ça fait que vous vous
imaginez tout le travail qu'il faut faire pour aller rechercher. Et ça leur
prend aussi de leur donner les clés
que, si jamais que ça se passe mal, qu'elles sachent où aller, où demander de
l'aide, qu'elles aient accès à leurs papiers.
Mme
Roy : Je vais poursuivre, j'ai peu de temps. Vous dites :
Maintenant, dans les maisons d'hébergement, on a vu arriver nos premières Syriennes, ce qui est extrêmement triste
puisque les Syriens sont avec nous depuis janvier, donc à peine huit mois. À quel type de problématiques
font-elles face? J'imagine qu'autant d'individus, autant de problématiques,
mais est-ce qu'il y a des problématiques qui se dégagent avec les réfugiées
syriennes?
Mme Senay (Marie-Hélène) : Bien, c'est sûr que les réfugiés sont souvent en
stress post-traumatique. Donc, je n'ai
pas les profils précis de ces deux femmes, mais on voit plus de symptômes de
stress post-traumatique chez les femmes réfugiées que chez les migrantes. Mais, après, on ne saurait pas vous
dire si c'est violence conjugale ou violence familiale, exploitation
financière. Ça, on est dans la confidentialité des dossiers.
Mme
Roy : On parle justement de maisons d'hébergement pour femmes
violentées. Quel est le pourcentage, pour me donner une idée de
grandeur, là, des femmes qui vont chercher des services chez vous, quel est le
pourcentage d'immigrantes? Ça ressemble à quoi? J'imagine que ça a dû augmenter
au fil des ans?
Mme Senay (Marie-Hélène) : Bien, sur l'ensemble du Québec, on est à
20 %. À Montréal, on est à 40 %. Jusqu'à 92 % de femmes immigrantes dans certaines
maisons, et 25 % des femmes immigrantes que l'on reçoit ne parlent ni
français ni anglais.
Mme
Roy : Quand vous dites jusqu'à 92 % dans certaines
maisons, j'imagine que c'est sur l'île de Montréal?
Mme Senay
(Marie-Hélène) : Oui, évidemment.
Mme Monastesse
(Manon) : Oui, mais en périphérie également.
Mme Senay
(Marie-Hélène) : Mais aussi, oui, Longueuil et Greenfield Park,
on a des maisons qui reçoivent vraiment
beaucoup de femmes, et Lachine. Donc, ce n'est pas juste Montréal-Centre. Et
évidemment, tu sais, région de Montréal
et banlieues, c'est quelque chose. Québec, c'est une autre chose.
Nord-du-Québec, Gaspé, c'est évidemment une tout autre réalité. Mais il faut se donner les moyens à l'échelle de
la province, parce que la maison à Sherbrooke, c'est des femmes afghanes
qu'elle reçoit, hein.
Mme
Monastesse (Manon) : Parce que la communauté... c'est ça qu'on disait,
c'est qu'il y a le flux migratoire, on
veut que les immigrants ne restent pas simplement dans la région de Montréal,
mais, quand il y a le flux migratoire, en Montérégie, il y a eu de plus
en plus une communauté hispanophone qui s'est installée, mais les femmes qui
sont victimes de violence sont venues en
maison d'hébergement, il a fallu que les maisons traduisent en espagnol tous
leurs dépliants. Le Saguenay—Lac-Saint-Jean, toute la question des plaques
tournantes au niveau de la traite et de l'exploitation sexuelle...
Le Président (M.
Matte) : Je vous invite à conclure.
Mme Monastesse
(Manon) : ...des femmes de l'Europe de l'Est. Alors, il y a le flux
migratoire et il y a les conjoints que les femmes... qui suivent.
Le Président (M.
Matte) : Alors, merci de votre contribution à la commission.
Je suspends les
travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre
place.
(Suspension de la séance à
11 h 4)
(Reprise à 11 h 6)
Le
Président (M. Matte) :
Alors, bienvenue à la Commission des
relations avec les citoyens. Je vous rappelle que vous disposez de 10
minutes pour faire un exposé. Et je vous invite à vous présenter et à débuter
votre exposé.
Montréal International
(MI)
M. Bolduc (Hubert) : Merci beaucoup.
Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. Mon nom est Hubert Bolduc. Je suis
président-directeur général de Montréal International. Mes acolytes, très
importants, sont Martin Goulet,
vice-président, talents internationaux et M. Francis Langlois, analyste
principal, Stratégie et communications, et économiste.
Montréal International agit comme moteur
économique du Grand Montréal pour attirer de la richesse en provenance de l'étranger. Nous attirons des
entreprises étrangères, des organisations internationales et des talents
stratégiques dans la grande région de
Montréal. La plupart des grandes villes disposent d'agences similaires à la
nôtre. Il y a 30 ans, il y en avait
800. Aujourd'hui, elles sont au nombre de 4 000. C'est cinq fois plus.
Depuis sa création, Montréal International a contribué à l'attraction de projets d'investissements directs
étrangers d'une valeur de 10,6 milliards de dollars dans le Grand
Montréal, à la venue et à la rétention de plus de 10 000 travailleurs
stratégiques internationaux et, finalement, à l'établissement de près de la
moitié des quelque 60 organisations internationales présentes dans la
métropole.
Les politiques d'immigration québécoises et
canadiennes ont un impact majeur sur l'accomplissement de nos mandats et l'amélioration de la compétitivité du
Grand Montréal. Les talents stratégiques sont au coeur des préoccupations
des gens d'affaires. Cet atout est d'autant
plus central que les secteurs qui sont les moteurs de la création d'emplois du
Grand Montréal sont ceux de haut savoir.
Nous avons d'ailleurs produit une fiche pour quelques-uns de ces secteurs en
annexe de notre mémoire.
Comment définir un poste stratégique? Six
facteurs les distinguent : d'abord, le degré de difficulté à trouver localement le profil d'employé; l'importance du
poste pour la croissance des affaires de l'entreprise; l'importance du secteur
ou de l'entreprise pour la croissance économique; le niveau de rémunération du
poste; le degré de formation de la spécialisation; et, finalement, le nombre
d'années d'expérience requis.
Le mémoire
que nous vous présentons repose sur quelques grands principes. Notre système
d'immigration doit être flexible,
rapide et accessible. L'immigration ne doit pas être un frein à la venue
d'investissements étrangers, bien au contraire.
Nous devons nous démarquer des autres juridictions, qui sont, elles aussi, à la
recherche de talents stratégiques et nous donner les moyens de nos
ambitions. Notre mémoire regroupe six propositions qui touchent l'immigration temporaire et permanente. Aujourd'hui, j'aimerais
attirer votre attention sur deux de ces propositions qui, selon nous, doivent
être abordées en priorité dans le cadre de la nouvelle politique en matière
d'immigration du Québec.
La première proposition que nous aimerions
soumettre à votre attention porte sur l'immigration temporaire. Le Grand Montréal étant bien ancré dans l'économie
du savoir, son développement économique passe nécessairement par le développement de ces secteurs de haute
technologie. Les entreprises évoluant au sein de ces mêmes secteurs font
souvent appel à des travailleurs temporaires
spécialisés pour combler des pénuries de main-d'oeuvre. Pensons aux secteurs
des technologies de l'information, notamment, du jeu vidéo, des effets visuels,
du développement de logiciels, de l'aéronautique,
des centres de solution des services financiers, etc. Montréal International
accompagne plusieurs de ces entreprises dans leurs démarches de
recrutement à l'étranger.
La grande
majorité des demandes de certificat d'acceptation du Québec pour lesquelles
Montréal International est impliquée
sont faites par l'entremise du processus simplifié d'obtention du certificat
d'acceptation et de l'étude d'impact sur le marché du travail. Cette
procédure allège les exigences pour une liste de professions en pénurie établie
par Emploi-Québec. Jusqu'à présent, ce
programme s'est montré efficace et permet de nous démarquer de nos voisins
canadiens.
• (11 h 10) •
Cependant, le processus d'obtention du permis de travail
s'avère toujours long et ardu, surtout pour les entreprises
nécessitant du renfort rapidement.
Dans le secteur du jeu vidéo, par
exemple, à partir du moment où une production débute, les gens ont besoin d'avoir les talents dans les
18-24 semaines qui suivent le début de la production. En effet, elles doivent
présenter une demande d'étude d'impact sur
le marché du travail auprès de Service Canada dans le cadre du programme des travailleurs étrangers temporaires, un
exercice inutile puisque nous savons déjà que ces professions sont en pénurie
ou en forte demande. Nous vous demandons
donc de négocier une dispense d'EIMT pour des professions inscrites au
processus simplifié.
Nous
n'inventons rien : en mai 1997, une telle dispense a déjà été créée pour
remédier à une pénurie de travailleurs spécialisés
dans le secteur des technologies de l'information. Le gouvernement canadien a
convenu de mettre à l'essai un
processus simplifié d'entrée pour les étrangers exerçant certaines professions
en technologies de l'information. Ce projet pilote d'étude d'impact sur
le marché du travail national ou son ancêtre, l'avis sur le marché du travail,
dispensait les employeurs québécois de l'obligation d'obtenir une étude
d'impact sur le marché du travail jusqu'en février 2010. Sept professions
étaient alors visées.
Nous savons
qu'une telle proposition implique des négociations avec le gouvernement fédéral
et nous vous appuierons dans vos
démarches, le cas échéant. Nous avons d'ailleurs effectué des représentations
en juin dernier dans le cadre de la consultation sur le Programme des travailleurs
étrangers temporaires, tenu par le Comité permanent des ressources humaines, du
développement des compétences, du développement social et de la condition des
personnes handicapées. Une commission de la
Chambre des communes s'est penchée sur ce programme. Pour votre information,
nos recommandations sont reproduites en annexe de notre mémoire.
La
seconde proposition porte sur les entrepreneurs innovants et créatifs. La
nouvelle politique en matière d'immigration
du Québec ouvre la porte aux idées, à la créativité et à l'innovation. En sa
stratégie d'action en matière d'immigration, de participation et
d'inclusion, le gouvernement du Québec veut favoriser la venue de gens
d'affaires talentueux et innovants qui
contribueront au développement économique du Québec. Un nouveau programme
entrepreneurs devrait comprendre un
volet démarrage d'entreprise pour start-up. Nous devons attirer ces
entrepreneurs et les personnes clés qui les accompagnent.
Par
définition, une start-up est une entreprise lancée depuis peu qui est
généralement innovante, dynamique et qui s'annonce prometteuse. Montréal
arrive au 20e rang mondial des meilleurs écosystèmes pour développer une
start-up selon Compass, The Global Startup
Ecosystem Ranking de 2015. Montréal compte entre 1 800 et 2 600
start-up en technologie seulement. De
plus, 44 % des employés des start-up à Montréal sont des étrangers. Je
vous signale au passage que c'est 27 %
au-dessus de la moyenne nord-américaine. Pourquoi? Parce que Montréal a des
forces. D'abord, le financement est
disponible, il y a une masse critique de talents, notamment des ingénieurs de
logiciels, des faibles coûts d'exploitation, une fiscalité avantageuse
et un écosystème de qualité.
Il faut se doter d'un
programme simple et rapide dans le traitement des demandes. On parle
d'entrepreneurs innovants et créatifs, alors
soyons, nous aussi, innovants et créatifs. Nous avons besoin d'un programme qui
ne prévoit que quelques critères de
sélection : un, un projet d'affaires et, deux, un incubateur et/ou un
accélérateur impliqué, ou un partenaire financier, ou des anges, des
entrepreneurs qui flairent des opportunités d'affaires pour nous.
En
conclusion, le Québec doit occuper la place décisionnelle qui lui revient en
collaboration avec son partenaire canadien.
Notre système d'immigration doit être flexible, rapide et accessible.
Donnons-nous les outils pour être les meilleurs sur la courte liste de choix des investisseurs étrangers et des talents
stratégiques. Montréal International est particulièrement conscient de
la valeur de la contribution de l'immigration au développement économique du
Grand Montréal et de l'importance de
travailler au positionnement judicieux du Québec pour attirer des talents
stratégiques de toutes les régions du
monde. Vous pouvez être assurés de notre volonté de continuer à collaborer
activement avec toutes les instances qui solliciteront notre
participation aux réflexions et aux actions touchant l'avenir du développement
économique du Grand Montréal. Je vous remercie beaucoup de votre attention, et
c'est en deçà du temps qui m'était alloué.
Le
Président (M. Matte) : Merci de votre exposé. Vous êtes très
respectueux, M. Bolduc. J'invite la ministre à poursuivre les échanges
pour 15 minutes.
Mme
Weil : Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonjour et
bienvenue, M. Bolduc, M. Goulet et M. Langlois. Merci encore de venir participer à nos consultations.
Les gens ont été très, très, très consultés par le ministère de l'Immigration.
D'ailleurs, c'est notre troisième séance de consultation pour vraiment bien faire les choses, mais chaque étape... Et on arrive à ce que moi, j'appelle le troisième pilier
et le dernier pilier de cette grande réforme en immigration. Donc, que
vous reveniez à ce stade-ci, c'est très important, parce que vous êtes un
acteur extrêmement important dans un pôle d'attraction
d'immigration extrêmement important, c'est le Grand Montréal, avec des besoins très, très
aigus, je dirais, dans certains créneaux particuliers qu'on ne voit
pas nécessairement ailleurs. Donc, vous êtes un des acteurs capables
de parler de ça.
Vous
témoignez aussi de la grande mobilité internationale. Et ça aussi, on n'en
parle pas beaucoup ici, en commission
parlementaire. On le sait quand on vit à Montréal, parce qu'on rencontre constamment des gens qui
viennent d'ici, mais qui s'en vont ailleurs.
Donc, il y a une nouvelle réalité qu'on observe. Et comment le ministère de l'Immigration joue son rôle là-dedans? Vous l'évoquez
par le rôle que vous jouez auprès de ces entreprises qui ont besoin de talents.
J'aimerais
peut-être vous amener dans un premier temps sur le
programme destiné aux entrepreneurs étrangers. Comme vous le savez, on est en
train de revoir ce programme pour
qu'il réponde exactement aux enjeux que vous soulevez. Mais j'aimerais vous entendre un peu plus, parce
qu'on veut vraiment s'assurer qu'on capte exactement
le profil dont vous avez mentionné.
40 %, vous dites, de ces gens qui travaillent dans ces start-up viennent
d'ailleurs. Donc, ça, c'est des gens qui sont extrêmement
mobiles et en même temps... Donc, ça, c'est la première question.
Cette
question d'allègement des permis de travail, c'est un
enjeu bien important. J'ai eu l'occasion d'en parler avec le ministre fédéral. Il est très sensibilisé à cette question.
Comment peut-on rendre ça plus rapide? Parce qu'on nous dit : Les gens vont aller ailleurs.
Ils ont le choix : Montréal, Toronto, Silicon Valley, bon, Boston. On sait la
compétition. Donc, comment peut-on tirer son épingle du jeu?
Alors,
c'est deux questions : des recommandations pour nous assurer qu'on... notre nouveau programme
réponde vraiment à la nouvelle réalité des start-up, notamment, puisque
ceux qui vont acheter ou reprendre une entreprise... et deuxièmement la simplification
des procédures. Puis ensuite, si vous voulez rajouter aussi... mais j'y
reviendrai, si j'ai le temps, sur l'autre question sur les avis sur le marché
du travail.
M. Bolduc (Hubert) : Bon, bien, d'abord, peut-être sur la rapidité. Dans le cas récent qui m'a été
présenté, un entrepreneur français qui est intéressé par l'écosystème
montréalais nous demande à quelle vitesse peut-il avoir des permis nécessaires. Évidemment, c'était peut-être avant le Brexit, mais il avait le choix entre Montréal
et Londres. Et après presque, je vous
dirais, un mois de négociation, on n'a plus entendu parler du client en tant que
tel. Il avait choisi Londres. Est-ce
que c'est parce que ce n'était pas assez rapide? Est-ce que c'est parce que
Londres offrait un meilleur écosystème? Malheureusement, je n'ai pas
la réponse, mais une chose est certaine : ce point peut illustrer que ces
gens-là, le nerf de la guerre, pour
eux, c'est d'arriver rapidement sur le marché avec leurs technologies et leurs
innovations, et ils cherchent des endroits où c'est excessivement facile
de faire affaire, premièrement.
Deuxièmement, Montréal attire
naturellement à cause, je l'ai dit dans le mémoire, du talent stratégique que
nous offrons. Je travaillais sur un
dossier, récemment, ontarien. La présence de talents à Montréal est un des
atouts. C'est le premier facteur
d'attractivité pour une entreprise étrangère qui regarde à s'implanter à
l'étranger. Le premier facteur, c'est le
talent. Donc, Montréal en a, donc, automatiquement, nous sortons très haut dans
les sondages, puis on en a mentionné un.
Donc, il faut s'assurer que cet avantage ne soit pas, comment dire... ne soit
pas amenuisé par le fait notre système n'est pas rapide et qu'on ne soit
pas capables de donner des suites positives aux demandes qui nous sont faites.
Ensuite, je ne sais
pas s'il y a d'autres embûches auxquelles je ne pense pas, mais, spontanément,
c'est les deux que je voyais. Peut-être que Martin pourrait nous en rajouter.
• (11 h 20) •
M. Goulet (Martin) : Il y a un point important aussi, c'est d'être prévisible. Le scénario
qu'on propose à ces gens-là lorsqu'ils ont l'intention de venir
s'établir ici, c'est un scénario qui doit être prévisible. Première question :
Je veux m'installer de façon temporaire,
démarrer mon entreprise dans combien de temps? Deux mois? D'accord. Si par la
suite je décide de demeurer au
Québec, d'installer ma famille, dans combien de temps je vais pouvoir être
résident permanent? On doit avoir un
scénario prévisible, autant pour des jeunes entrepreneurs innovants, sans attache, mobiles, que pour un chef
d'entreprise accompagné par sa famille.
Le
futur programme entrepreneur, par exemple, devra s'assurer que le scénario est
prévisible parce qu'on va vouloir provoquer des rencontres. La rencontre
d'un jeune entrepreneur avec un incubateur, un accélérateur ou, imaginez, un investisseur, qui va demander à ce jeune de créer
une entreprise québécoise et qui va vouloir le garder ici. Alors, le côté
prévisible du scénario est très important aussi, autant pour la petite
entreprise que la grande entreprise.
Mme
Weil : Donc, c'est ce
qu'on entend, c'est cet écosystème, mais comment le jumeler, donc, à de l'immigration? Parce que ça existe pour
tous ces jeunes qui sortent de l'université, les incubateurs, les accélérateurs, etc., les investissements, mais là c'est l'évaluation
du projet de l'étranger, pour ensuite l'amener sur la voie de l'immigration permanente avec ces acteurs,
donc c'est cet écosystème, il faut que cet écosystème fonctionne pour cette
personne. C'est un peu ça, là, pour l'encadrer.
Donc, vous, vous avez cette expérience-là. Donc, on arrive à la dernière étape
de la réforme de ce programme,
alors merci pour cette intervention.
Pour
ce qui est... l'EIMT simplifié, allégé... bon, là, il y a
un nouveau programme, qui, lorsqu'il y a des pénuries avérées... Et vous savez que la liste est
continuellement enrichie, hein, parce que des pénuries s'observent, et donc on
a réussi, avec cette réforme... en 2012, je crois bien, que l'entente a été signée
avec le gouvernement fédéral... ça fonctionne bien, quand même, dans le sens qu'assez fréquemment, au fur et à mesure
que les pénuries sont avérées, la liste et les mesures sont simplifiées. Mais les délais ne sont pas
nécessairement respectés, et là on travaille pour que ça soit vraiment 10
jours, qu'on puisse compléter le
dossier. Mais le gouvernement fédéral est très sensible, mais toutes vos
interventions sont utiles à cet
égard. Parce que vous, vous voyez les choses bouger constamment, hein, donc
c'est important, les gouvernements, en
immigration, doivent être très flexibles et rapides, parce que les conditions
sont toujours changeantes et les besoins sont toujours changeants.
M. Bolduc (Hubert) : ...Mme la ministre que la dernière représentation que nous avons faite à Ottawa — dans un mémoire conjoint avec, entre autres, l'Alliance numérique — et des rencontres que nous avons tenues au
mois de juillet, je crois comprendre
et saisir qu'il y a une volonté véritable de vouloir améliorer des choses de
manière très rapide, et des demandes
récentes de la part de McCallum pour des participations à des activités que
nous organisons, sur ce sujet en particulier, au mois de novembre, je
pense, sont de bon augure.
Mme
Weil : En effet, en effet, on a bien vu les commentaires du
ministre de l'Immigration, les commentaires publics. C'est très bien. Et j'ai eu l'occasion aussi de voir votre
mémoire, de m'imprégner... qui est exactement le même positionnement que
le gouvernement du Québec.
La
francisation. Travailleur temporaire, étudiant étranger, vous parlez du défi de
maîtriser la langue à temps pour l'immigration permanente. Vous savez
que nous, on a l'intention de donner accès au cours de francisation en ligne.
Pourriez-vous
peut-être évoquer des problématiques, peut-être, dont vous avez été mis au
courant ou...
M. Bolduc (Hubert) : Bien, écoutez, il y a des problématiques qui sont récurrentes,
notamment le niveau exigé. Bon,
personnellement, dans les cas que nous avons d'entreprises qui décident de
s'implanter ici, des fois c'est problématique, des fois ça ne l'est pas. Parce que, moi, personnellement, depuis que je
fais ce métier, depuis trois ans, je n'ai pas... ça arrive, mais ce n'est pas un enjeu si majeur, bien
que, pour la plupart des gens, le niveau de français est considéré trop élevé. Intermédiaire, avancé, c'est un niveau
élevé, et on est, des fois, confrontés à expliquer pourquoi le niveau exigé
est si élevé. Mais je n'ai pas senti que c'était si problématique, du moins
pour les cas que j'ai vus personnellement. Évidemment,
il y en a toujours, ce sont des cas qui nous sont présentés, qu'on essaie de
régler, mais, dans la courte histoire que
j'ai avec et Investissement Québec et Montréal International, ce n'est pas des
enjeux que j'ai rencontrés fréquemment.
M. Goulet (Martin) : C'est un peu la même chose au niveau d'être prévisible, ça fait partie
du scénario. Alors, si on donne le
temps au travailleur étranger d'apprendre le français, à ce moment-là, il n'y a
pas de difficulté. Lorsque le
gouvernement canadien est venu limiter certains permis de travail à quatre ans,
notamment dans le domaine des effets visuels
et des jeux vidéo, eh bien, là, le scénario était un petit peu plus compliqué. Les travailleurs doivent être francisés beaucoup plus rapidement
et l'entreprise doit encore plus investir dans la francisation de ses employés.
Donc, c'est vraiment... ça fait partie du scénario aussi qu'on évalue
dans l'établissement de l'entreprise et dans la venue des travailleurs
étrangers.
Mme Weil :
Il me reste combien de temps?
Le Président (M. Matte) : Cinq
minutes.
Mme Weil : Ah! c'est bon. Il a été proposé par la Fédération des chambres de commerce l'implication
des employeurs, entreprises en amont
de la sélection. Moi-même ou nous-mêmes,
on a vu des études qui montrent... D'ailleurs, à la conférence de Montréal, des
organismes internationaux ont confirmé que plus on met les entreprises en amont
du processus, mieux sont les résultats par
rapport à la sélection de gens qui sont vraiment capables de répondre aux
besoins du marché du travail.
Vous, vous
participez aux Journées Québec. D'ailleurs, ça, c'est une façon. Il y a
d'autres façons de faire qu'on va regarder dans le processus même de
déclaration d'intérêts, mais Journées Québec, en fait, et d'amener les
travailleurs temporaires vers
l'immigration permanente, c'est d'autres façons aussi d'aller chercher
l'employeur. Pourriez-vous nous parler,
évoquer de votre participation à Journées Québec et ce que vous avez pu
constater par rapport à l'évolution de ces Journées Québec, comment dire, la contribution de ces Journées Québec,
les réussites, les ajustements, votre expérience avec les Journées
Québec?
M. Bolduc
(Hubert) : Les Journées Québec, je pense que c'est quelque
chose qui fonctionne très bien. On a des succès depuis leur implantation. Je crois qu'on pourrait avoir plus de
succès parce qu'on pourrait en faire plus et on pourrait en faire des sectorielles, par exemple, dans le
secteur tout ce qui est jeux vidéo, animation, effets visuels. Je crois qu'il
y a assez de demande aujourd'hui pour pouvoir faire des Journées Québec
sectorielles.
Si vous
regardez une entreprise, puis c'est toujours à cette entreprise-là à laquelle
je pense quand je viens ici parce que
c'est un cas très intéressant, qui a annoncé déjà la création de 500 nouveaux
emplois, pour en avoir créé déjà presque le même montant... le même nombre, pardon... ces entreprises-là ont une
croissance de 25 % de l'emploi par année. C'est énorme. Et on a beau dire que Montréal a du
talent, à un certain moment donné, le talent, il commence à se le voler entre
eux. Et ça, ce n'est pas bon signe, parce
que, quand tu commences le développement d'une production et que tu arrives,
par exemple, à six mois après le début puis
que tu te fais voler ton programmeur en chef ou tu te fais voler ton créatif en
chef, bien, par un compétiteur qui, lui, n'a
pas été capable d'en trouver, alors je pense qu'il y aurait beaucoup d'intérêt
à ce qu'on fasse des missions sectorielles.
Je me retourne vers Martin parce que c'est lui qui va mettre ce projet sur
pied, mais on est d'avis qu'on pourrait, dans l'aéronautique, dans les
jeux vidéo, tout ce qui est le «fintech»... Ultimement, ces gens-là utilisent
des ingénieurs, des programmeurs, et on a beau dire que McGill en produit, que
l'Université de Montréal en produit, Poly
puis que l'ETS en produit, il y a de l'appétit, il y a de l'appétit, et donc
aller recruter à l'étranger, je pense qu'on va avoir du succès.
Mme Weil :
Est-ce que vous pourriez nous dire... Parce que, dans la prospection,
promotion, on va changer aussi le
programme, le mettre au goût du jour. C'est un des éléments de la grande
réforme pour vraiment arrimer la prospection, promotion avec des bassins de talents bien connus, que ça soit dans des
universités ou des pays. De votre expérience avec Journées Québec, pour ces créneaux que vous avez
soulignés ou mentionnés, quels sont les bassins usuels? Beaucoup la France,
on comprend. Sinon, quels autres bassins dans lesquels...
M. Bolduc (Hubert) : Où il y a des...
(Interruption) Pardon... dans ces secteurs-là...
Mme Weil : Où les talents se
trouvent?
M. Bolduc
(Hubert) : Où il y a des
écoles d'ingénierie, évidemment, la plupart du temps, ça facilite le travail.
Paris est un bassin naturel non pas parce
que c'est francophone, quoique ça aide énormément, mais aussi parce que Paris
est considérée comme une des villes où il y a des meilleurs programmeurs
dans le secteur du jeu vidéo, entre autres, les meilleures écoles. Donc, on
chasse, entre guillemets, beaucoup dans ce secteur-là. La Belgique, évidemment.
Le Maghreb un peu moins, mais je pense qu'il
y a quand même du potentiel. Évidemment, il y a toute la question aussi de
travailler à augmenter le bassin par les
étudiants étrangers. J'ai été surpris d'apprendre que les universités
québécoises font très peu de promotion à l'étranger des programmes
universitaires disponibles au Québec.
Le Président (M. Matte) : ...à
conclure.
M. Bolduc
(Hubert) : Alors, je pense
qu'il y a peut-être une avenue à ce niveau-là d'aider à faire augmenter le
nombre d'étudiants étrangers dans des secteurs très précis, oui.
• (11 h 30) •
Le Président (M. Matte) : Je vous
remercie. Nous allons poursuivre avec le député de Bourget.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. M. Bolduc, M.
Goulet, M. Langlois, merci d'être là et merci pour la contribution à
cette réflexion, à ce triptyque, réflexion en trois temps.
Je voulais
revenir sur la raison de votre présence ici. N'eût été du fait que feu René
Lévesque et feu Robert Bourassa eût
été déterminés à aller chercher des pouvoirs pour mieux contrôler nos politiques
en immigration fédérale, vous ne seriez
pas là, on ne serait pas là en train de débattre de tout cela. Vous seriez peut-être
dans un comité parlementaire à Ottawa à échanger avec M. McCallum.
Cela dit, j'évoque cela parce que,
quand on parle d'immigration temporaire, Québec est quasiment démuni
quant au pouvoir de contrôle qu'exerce Ottawa sur ce volet de l'immigration.
Vous parlez de flexibilité et de prévisibilité. C'eût été, disons, intéressant pour le Québec d'avoir la maîtrise
d'oeuvre totale en ces matières, notamment en ce
qui concerne le volet de l'immigration temporaire, du regroupement
familial et autres, on aurait, disons, espoir justement d'aboutir à une posture plus positive du gouvernement du Québec, quel
que soit le parti au pouvoir évidemment, mais ce n'est pas le cas.
Vous évoquiez tout à l'heure l'idée qu'il y
a probablement un écho favorable à vos doléances relativement au profil des temporaires. Qu'en est-il exactement?
M. Bolduc
(Hubert) : Qu'est-ce que vous voulez...
M. Kotto :
Des travailleurs temporaires.
M. Bolduc
(Hubert) : Des préférences pour Montréal?
M. Kotto :
Oui. Vous avez évoqué le témoignage fait en comité parlementaire à Ottawa.
M. Bolduc (Hubert) : Oui. Écoutez, je pense que les gens, quand on
regarde nos territoires, hein, enfin nos territoires de chasse, notamment en France, en Belgique et au
Maghreb, c'est sûr que Montréal est une destination privilégiée. De plus en plus, les entrepreneurs qui décident de
venir s'établir au Québec nous posent la question : Bon, oui, je veux
ouvrir une filiale étrangère. Je veux
m'attaquer au marché nord-américain, au marché canadien. Puis rapidement, dans
les rencontres, on se fait poser la
question : Et qu'en est-il des universités, de la possibilité d'amener ma
famille ici, à Montréal, d'intégrer le
Québec? Donc, c'est des choses qu'on voyait peu ou pas, puis, de plus en plus,
on commence à entendre ces demandes. Et c'est tant mieux parce que, que
ces entrepreneurs décident de venir s'établir ici pour accroître leur part de
marché, développer leur entreprise, tant
mieux, mais, si, en plus, on peut avoir le luxe de les garder chez nous et
qu'ils participent à la société
québécoise, ça, je pense que c'est un plus que nous ne voyions pas avant, que
l'on voit aujourd'hui. Donc, je pense que Montréal a un avantage sur
d'autres régions en Amérique du Nord pour ces gens-là en particulier.
Puis là j'évite, je
passe par-dessus toutes les questions sécurité, qualité de vie pour lesquelles
Montréal score vraiment nettement au-dessus
de toutes les autres villes en Amérique du Nord, et donc c'est dans ce sens-là
que je parlais de Montréal étant une ville privilégiée.
M.
Kotto : Dans l'hypothèse... et je le dis sans, disons, aucune
partisanerie, nous avons une ministre qui est très active dans ces dossiers et relativement à ces enjeux...
dans l'hypothèse où Ottawa serait ouvert notamment à faciliter le processus d'implantation, le processus de
transition du statut de temporaire à permanent, pour vous, avec les préoccupations que vous avez de façon tangible,
quel serait l'échéancier qui vous arrangerait le mieux pour que ce dossier
se règle?
M. Bolduc (Hubert) : J'aime bien, oui, les questions hypothétiques, mais le plus vite, le
mieux. Le plus vite, le mieux. Écoutez,
quand vous regardez des secteurs en
particulier, puis je reviens toujours
à celui des jeux vidéo puis des effets
visuels parce qu'on connaît un boom
exceptionnel, il y a quatre ans, il y a cinq ans, l'industrie des effets
visuels à Montréal n'existait pas ou
à peu près pas, hein? Aujourd'hui, il y a plus de 4 000 travailleurs dans
l'industrie des effets visuels à Montréal. L'industrie de l'animation
n'existait pas il y a trois ou quatre ans; aujourd'hui, il y a presque
1 000 personnes dans l'animation à Montréal. Le jeu vidéo, hein, qui a vu
le jour en 1998, sous le génie d'un certain Sylvain
Vaugeois, qui a dit : On pourrait peut-être attirer à Montréal une
entreprise comme Ubisoft, puis qui a fait qu'aujourd'hui l'industrie du jeu vidéo fait de Montréal une
quatrième ville en importance au monde dans le jeu vidéo. Bien, ces gens-là,
ils ont besoin de travailleurs. Puis une
fois qu'on a gratté dans toutes les universités pour essayer de combler des
postes, bien là ils se tournent vers l'étranger, puis ils disent :
Pouvez-vous nous aider à en attirer ici? Pour eux, c'est majeur. Majeur. La première question qu'ils nous
posent : Avez-vous suffisamment de talents pour répondre aux besoins que
j'ai en termes de main-d'oeuvre?
(Interruption)
Le
Président (M. Matte) : O.K. Allez-y. Continuez. Je voulais fermer le
cellulaire de monsieur. Allez-y, continuez. Il vous reste trois minutes.
M. Bolduc (Hubert) : Puis pas juste... Je m'excuse, je vais juste rajouter : pas juste
les gens à l'étranger, même des
entreprises qu'on essaie d'aller chercher en Ontario et dans le reste du
Canada. Première question : talents, talents, talents? Et on bat plusieurs grandes villes
canadiennes parce que nous sommes encore aujourd'hui capables d'attirer des
gens à Montréal pour répondre aux besoins des employeurs.
M. Kotto : O.K. Merci. Dans un autre ordre d'idées, en référence à
l'immigration, comment pouvez-vous, en tant qu'entité... Montréal International, c'est remarquable sur le plan
réalisation, sur le plan rayonnement aussi. Alors, comment pouvez-vous, du haut de votre position, contribuer
à assurer le caractère français et l'identité francophone de Montréal?
M.
Bolduc (Hubert) : Bien,
écoutez, d'abord, je pense qu'il faut être franc quand on rencontre les
entreprises étrangères qui viennent
s'installer à Montréal et au Québec puis il faut leur dire les choses comme
elles sont : Montréal et le
Québec est un endroit où ça se passe en français, comme en Chine ça se passe en
mandarin et comme à Londres ça se passe
en anglais. Et je pense que le début d'une immigration francophone et avec une
intégration remarquable commence par
la franchise. Et, à partir du moment où vous dites : Bien, voici les
règles du jeu... «Do you want to play in that game»? Et, la plupart du
temps, quand on leur expose les règles du jeu, on n'a pas vraiment de
difficulté à les convaincre de continuer à
jouer avec nous. La preuve, Montréal a attiré, l'année dernière, plus de
1 milliard d'investissements directs étrangers. Ce n'est quand même
pas rien.
M. Kotto :
Ce n'est pas, dans l'absolu, un obstacle que d'être aussi transparent face au
potentiel des investisseurs.
M. Bolduc (Hubert) : Les choses
transparentes éclairent.
M. Kotto : Merci beaucoup.
M. Bolduc
(Hubert) : Et je pense que,
quand on dit aux gens qui désirent investir ici, à une multinationale qui
est présente dans 25 pays : Une langue
de plus, une langue de moins... Bien, il faut leur dire d'emblée quelles sont
les règles ici, et je pense que cette transparence et cette franchise
nous fait gagner beaucoup de points.
Le Président (M. Matte) : Merci.
Nous allons poursuivre avec la députée de Montarville. Mme Roy.
Mme Roy :
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, messieurs. M. Bolduc, je vous
écoutais parler, puis moi, j'ai travaillé
longtemps dans le Vieux-Montréal, la fameuse Cité du multimédia, et je me
souviens des premiers balbutiements. Alors,
vous parlez d'entreprises qui roulent depuis trois, quatre ans, moi, je vous
dirais, ça fait 10, 15 ans et plus que cette cité du multimédia là est
quelque chose de très important pour nous.
J'ai lu avec
attention votre mémoire, puis je voudrais que vous m'expliquiez certaines choses.
Je comprends que vous demandez à la
partie gouvernementale d'alléger les critères pour des travailleurs, des
travailleurs temporaires, surtout des
TI, hein, les technologies de l'information — si je vous comprends bien, vous me
corrigerez — et ça, vous
nous dites ça, entre autres, à la
page 18. Par ailleurs, à la page 20, vous nous dites, plus loin, que vous
demandez également de convertir les
immigrants temporaires en immigrants permanents. Alors, on veut assouplir pour
les temporaires, mais, vite, on veut convertir.
Alors, ma question est la suivante :
Qu'allez-vous faire si une réponse favorable est donnée à votre demande d'allégement des travailleurs temporaires?
Qu'allez-vous faire pour pallier aux lacunes, par exemple, en français ou à
d'autres critères, sur la grille
d'évaluation, qui auraient été modifiés pour satisfaire à votre demande
d'alléger les critères pour ces travailleurs temporaires si on veut
qu'ils deviennent permanents rapidement?
• (11 h 40) •
M. Bolduc
(Hubert) : Bon. D'abord,
on a mis en place un système pour essayer de... Vous savez, quand on regarde
le profil des travailleurs étrangers puis
des étudiants étrangers, Montréal, sur les 40 000 étudiants que le Québec reçoit, Montréal en a à peu près 30 000. Et, quand on leur demande :
Est-ce que vous aimeriez, à l'issue de vos études, demeurer au Québec, demeurer à Montréal pour poursuivre
votre carrière? 50 % des gens nous disent : Moi, oui, après mon bac,
ma maîtrise ou mon doctorat, j'aimerais ça
rester à Montréal. On en conserve seulement 20 %. Et c'est pour cette
raison qu'on a mis en place, avec le
gouvernement, un programme pour essayer d'augmenter le nombre d'étudiants
étrangers qui, à l'issue de leurs
diplômes, vont poursuivre leur carrière ici. Pourquoi? Parce que c'est pas mal
plus facile, pendant qu'un étudiant
est aux études, d'apprendre le français que quelqu'un qui rentre avec famille,
femme et enfants, et qui doit commencer à travailler, et où l'immersion
est peut-être moins évidente, d'une part.
Quand on
regarde les travailleurs étrangers, 50 % d'entre eux aussi disent :
Ah! j'aimerais bien rester après mon séjour
de quatre ans ou de trois ans comme travailleur étranger temporaire. Dans leur
cas, on n'en conserve seulement que 1/6. Alors, on est d'avis... puis ensuite je laisserai la place à mon
collègue pour des questions plus spécifiques, mais on est d'avis qu'il faut travailler spécifiquement sur
ces personnes-là, leur offrir de la francisation, pousser pour de la
francisation en milieu de travail
pour s'assurer qu'à l'issue de leur processus, que ce soit trois ans pour un
bac ou quatre ans pour un permis de
travail, que ces gens-là, par la suite, arrivent justement à rencontrer les
exigences de l'immigration permanente. Martin, je ne sais pas s'il y a
quelque chose...
M. Goulet
(Martin) : Bien, juste pour
compléter. Les deux volets, dont vous faites mention, le premier, c'est
pour la venue des travailleurs temporaires, donc alléger les processus
d'obtention des permis de travail, de un. Le deuxième
volet, c'est beaucoup plus dans, je dirais, la promotion de notre système
d'immigration permanente pour que ces
gens-là puissent demeurer au Québec. Donc, on le prend sur deux angles
différents. Il y a un côté promotionnel, faire connaître nos programmes
d'immigration permanente pour conserver ces gens-là sur le territoire du
Québec.
Mme Roy : Parfait. Je vais poursuivre dans la même
veine. Page 32, vous nous dites, un des problèmes... Recommandations présentées lors des consultations fédérales sur les travailleurs temporaires : «Le niveau de français
exigé pour obtenir la résidence permanente
est difficile à atteindre en quatre pour certains travailleurs temporaires.» Je comprends
que, si on va... on parle des spécialisés, des TI ou des étudiants, on s'entend
que ces gens-là sont des gens brillants qui apprennent vite. Quatre ans, difficile pour apprendre le français,
moi, j'ai une petite réserve à cet égard-là puisqu'on parle des gens qui sont brillants ici. Mais, cela
dit, ma question est la suivante : Est-ce que vous désirez, à cet égard,
modifier la grille d'évaluation du niveau de français?
M. Goulet (Martin) : Dans les représentations qui
ont été faites auprès du gouvernement canadien, on attaquait la durée de
validité des permis, on s'attaquait à ce volet-là. Ce qu'on dit, par
exemple — et,
tout à l'heure, je faisais référence à un scénario — il faut être
prévisible. La famille qui vient s'établir au Québec, déjà, en premier, c'est
une aventure initiée avec un permis de
travail. Madame, les enfants, monsieur, est-ce qu'on aime ça, premier hiver?
Par la suite, ils vont vouloir,
lorsqu'ils ont pris leur décision, s'investir vraiment au niveau du français.
Donc, ce n'est plus quatre, ça
devient un trois ans, deux ans et demi. Donc, c'est beaucoup d'heures de
français. Donc, ce qu'on disait au gouvernement canadien : S'il vous plaît, enlevez-nous cette limite de quatre ans
pour les permis de travail. Donnez-leur une chance, entre autres, notre réalité québécoise, c'est celle-là,
donner une chance aux entreprises de franciser leurs travailleurs temporaires.
Mme Roy :
Je vais poursuivre.
Une voix :
...
Mme
Roy : Une minute. O.K. On
entend beaucoup de monde, beaucoup d'intérêts
divergents, et c'est un petit peu... il y a
une confusion dans mon esprit dans la mesure où on a des demandes qui sont
différentes. On a les gens de la Fédération canadienne des entreprises
indépendantes qui nous dit : Il y a trop de travailleurs surqualifiés, il
y a de la surqualification, et les besoins
sont vraiment de travailleurs non qualifiés, alors que, vous,
vous nous dites : Au contraire, nous,
on veut du très, très qualifié, du très, très pointu. Alors, la
réalité, elle se situe où, là-dedans, alors qu'on sait que, chez nos
immigrants, le taux de chômage est de 18 %, puis on nous a dit qu'ils
étaient très surqualifiés?
M. Bolduc (Hubert) : Écoutez, moi, je ne peux pas parler au nom des autres organisations, mais, dans notre cas à nous, lorsqu'on se fait demander
d'accompagner des entreprises pour combler des postes, on n'est pas du tout
devant le cas où ils sont surqualifiés.
Évidemment, nous, on cherche des choses très, très pointues dans des
secteurs très, très précis. Donc,
on n'a pas la même réalité que les autres organisations. Mais je ne
veux pas parler en leur nom. Moi, je parle aux gens des organisations qu'on essaie d'attirer ici puis qui nous
disent : Bien, ça nous en prend des plus qualifiés encore.
Il y a
des entreprises, dans le secteur du «fintech» qui se sont établies à Montréal,
qui sont rendues à 1 000 employés, ça commence à faire pas mal
de programmeurs.
Le
Président (M. Matte) : Je
vous remercie de votre participation aux travaux de la commission, et je suspends les travaux pour quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
11 h 45)
(Reprise à 11 h 47)
Le
Président (M. Matte) :
Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé et, par
la suite, nous allons poursuivre notre échange. Alors, je vous demande
de vous présenter et de débuter votre exposé.
Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM)
M. Leblanc (Michel) : Alors, bonjour. Mme la
ministre, M. le Président, bonjour, messieurs dames les élus. Mon nom est Michel Leblanc, je suis le président et chef de la direction
de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
C'est
la troisième fois : nous étions venus lors des consultations sur la politique,
lors des consultations sur le projet
de loi et aujourd'hui, donc, sur cette planification pluriannuelle.
D'entrée de jeu, je vais vous dire... donc, je vais présumer que je n'ai pas à redire
tout ce que j'ai dit, et, comme j'ai 10 minutes, on va aller à
l'essentiel en ce qui concerne, je pense, l'objet d'aujourd'hui.
Présentation de la
chambre, vous la connaissez tous, donc je ne reviendrai pas là-dessus non plus.
Je
vous dirai tout simplement à quel point c'est encore une fois très important,
ce qu'il se passe ici. Vous avez eu
Hubert Bolduc, juste avant, qui parlait de l'attraction d'investissements
étrangers, mais je veux attirer votre attention sur le fait que ce n'est
même pas que l'investissement étranger dont on parle, c'est l'investissement
des entreprises québécoises et canadiennes installées dans la région de Montréal.
Et, si vous êtes un champion du domaine des technologies de l'information à Montréal et que vous avez un investissement à faire qui va requérir
500 employés qualifiés dans cinq ans, vous vous préoccupez, comme
une multinationale de l'étranger, de savoir si vous allez trouver ces gens-là ici.
Donc,
ce dont il s'agit, c'est aussi notre base économique d'ici dans sa capacité
d'investir en fonction de travailleurs qui
seront là ou pas. L'immigration fait partie de la réponse, et donc c'est de ce
point de vue là qu'il faut toujours garder à l'esprit que c'est extrêmement fondamental, pour notre base économique,
les niveaux d'immigration et les gens qu'on attire.
Je veux être
bref, j'ai 10 minutes, cinq points. Le premier point, les critères de
sélection : Qui veut-on attirer? Nous, ce qu'on vous recommande dans la planification pluriannuelle, c'est
évidemment d'accorder une importance prioritaire aux immigrants qu'on appellera économiques. Et on va sortir des
pourcentages, on vous dira : 68 % de l'immigration qu'on reçoit devrait être
sélectionnée sur la base de sa contribution économique, son «fit» avec
l'économie du Québec. Donc, c'est un
chiffre important, ce que ça signifie, c'est que, dans un horizon donné, on
devrait avoir des immigrants qui vont être
mieux arrimés avec les besoins du marché du travail, leurs contributions
devraient être plus immédiates, l'immigration devrait, de toute
évidence, être une contribution à l'économie du Québec.
Tabler
sur la jeunesse, donc, accueillir des immigrants plus jeunes, on a, nous, et on
propose, et on est d'accord avec
l'orientation de maintenir à 65 % les immigrants qui auraient moins de
35 ans. Donc, on augmente nos chances d'avoir des immigrants qui vont bien s'intégrer parce
qu'ils répondent à des besoins du marché du travail, et aussi parce qu'ils
sont plus jeunes. Et donc, s'il y a besoin
d'ajustements, ils vont pouvoir le faire plus facilement. On pense que
l'immigration qui proviendrait des étudiants étrangers est une voie à
privilégier de façon absolue.
• (11 h 50) •
Ce que Montréal
International tente de faire, c'est très important. Nos étudiants étrangers
étudient ici, se familiarisent avec le marché du travail, avec la société, connaissent nos langues, que ce soit le français
ou l'anglais, ils sont capables de s'intégrer beaucoup plus facilement.
La
semaine dernière, j'étais avec le président de la Chambre de commerce de
Boston, à qui j'ai demandé : Quelle est la cible sur la rétention des étudiants étrangers à Boston? Cette
cible, elle est de 25 %. Ça ne
veut pas dire qu'ils l'atteignent toujours, mais je pense qu'une cible
de 25 % pourrait nous guider dans notre approche sur la rétention des
étudiants étrangers. Une augmentation du nombre d'étudiants étrangers pourrait
être une cible. Montréal International pourrait probablement vous fournir des
informations plus spécifiques, mais estimons à 10 000, sur la durée de la planification, le nombre d'étudiants étrangers additionnels à
accueillir. Sur les 10 000, si on en retient 25 %, c'est 2 500
étudiants, c'est une source d'immigration extrêmement importante qui
pourrait bien s'intégrer.
J'ai
parlé de la sélection. Deuxième point, je le sais que c'est le bâton, à notre
avis, qu'il faut utiliser le plus souvent, l'intégration réussie des immigrants. Si on accueille plus d'immigrants,
si on les sélectionne bien, il va quand même falloir les suivre, il y a quand même des enjeux au niveau
de l'intégration, et le message qu'on lance, c'est que, jusqu'ici, beaucoup
de ce qui est fait avec les immigrants vise à
s'assurer de l'employabilité des immigrants. Le gouvernement a des programmes, a des outils qui visent l'immigrant.
Le gouvernement est mal outillé pour avoir des programmes qui visent les entreprises. Donc, des entreprises qui ont des
meilleures pratiques, qui intègrent bien, qui savent comment aller détecter
des candidats issus de l'immigration ne partagent pas facilement, parce qu'il
n'y a pas de mécanisme, les meilleures pratiques
avec les autres entreprises. je pense qu'on doit se poser la question dans
l'intégration, comment on est-ce qu'on va travailler avec les
entreprises, non pas pour dire qu'on dire qu'on devrait moins travailler avec
les immigrants eux-mêmes, mais travailler davantage avec les entreprises.
Troisième
point : les volumes. Alors, je le répète encore une fois : Ce que la
Chambre de commerce du Montréal métropolitain préconise, c'est qu'on
cible un volume d'immigrants à 60 000 immigrants en 2020, donc l'année
après la fin de cette planification pluriannuelle de trois ans, nous voudrions
qu'on ait la capacité, au Québec, d'accueillir 60 000 immigrants. Et là vous pourrez prendre les pourcentages que
j'ai dit tout à l'heure. Donc, si on est à 68 % d'immigrants économiques, si on est à 65 % d'immigrants de
moins de 35 ans, ça nous donnera un profil de l'immigration à cibler pour 2020.
Quatrième
message : communiquer, communiquer, communiquer. Il existe encore beaucoup
d'individus au Québec, beaucoup de gens qui
pensent que l'immigration, ce n'est pas positif. Il faut aider les Québécois à
réaliser qu'avec le resserrement démographique
qui a lieu au Québec, nous avons besoin que ces immigrants-là viennent. Ces
immigrants-là vont combler des
besoins sur le marché du travail, vont rassurer les entreprises que les talents
seront là, les entreprises vont
investir. La croissance économique va venir parce que les Québécois
travaillent, parce que les Québécois se forment bien, mais parce que
nous avons des immigrants qualifiés, bien sélectionnés, qui s'intègrent bien et
qui contribuent à l'économie du Québec. Et,
si on en a un nombre suffisant, notre population va rester à une masse critique
suffisante, et, dans la fédération canadienne, notre voix va être plus
forte si notre population est d'un bon niveau.
Dernier
point, c'est un travail que je vous propose de faire. Vous avez eu trois
consultations. Il existe actuellement une
problématique, mon... en a parlé. Nous, on dit : Nous avons besoin
d'une stratégie de mobilité internationale. Il est en train de se développer quelque chose, et c'est le
travailleur qui est extrêmement mobile, qui ne réfléchit pas nécessairement
en termes d'immigration, mais en termes de
travailler là où il y a un besoin. Ça peut être à l'intérieur de son entreprise
ou il peut être très mobile parce que son
talent est en demande. Cette stratégie de mobilité internationale, on devrait
la voir comme étant de l'immigration
extrêmement temporaire, très fluide et comme étant possiblement une très bonne
source pour avoir des immigrants qualifiés éventuellement. Et ça se
négocie avec le gouvernement fédéral.
J'ai
l'impression qu'on ne devrait pas attendre que le gouvernement fédéral se fasse
une tête, mais peut-être que, collectivement,
on devrait se faire une tête sur quelle est la stratégie de mobilité
internationale la plus utile pour le Québec, la négocier avec le fédéral et avoir, donc, ce discours éclairé entre
l'immigration elle-même et la mobilité des travailleurs très qualifiés à
l'international. Merci.
Le
Président (M. Matte) : Merci. Maintenant, nous allons poursuivre avec
Mme la ministre pour 15 minutes.
Mme
Weil : Oui. Alors, bonjour. Bienvenue, M. Leblanc. Vous aussi,
j'aimerais vous remercier pour votre participation active et fidèle à l'immigration. Et, honnêtement,
votre discours, comme celui de Montréal
International, le rôle que vous jouez,
je sais que vous ne le sous-estimez pas, mais, comme ministre de l'Immigration, j'apprécie vos paroles tellement,
et c'est tellement important. On a entendu, ce matin, le Centre multiethnique,
et je leur ai... remerciés aussi pour leurs paroles
sur la contribution de l'autre au développement du Québec. Ça fait partie de notre histoire, c'est notre avenir
aussi. Vous l'amenez d'un point de vue économique, mais je pense que, globalement, on est tous sur la même page. Alors, ça nous a amenés à parler d'une campagne — qui
est dans notre stratégie d'action, d'amener une campagne — pour vraiment valoriser cette
contribution.
Maintenant, il y a une pénurie qui est
à l'horizon, rareté, pénurie, bon. Le ministère de l'Emploi nous plaide pour
«rareté», mais, dans certains cas, on a
vraiment l'impression d'une pénurie, tout ça pour dire qu'il faut mobiliser la
société. Alors, je vous remercie pour ces paroles et je vous remercie de
le répéter, le répéter.
Je comprends que vous
saisissez bien cette période de transition. Alors, j'apprécie que vous le
saisissiez bien, parce que, de mon
expérience dans d'autres domaines, la dernière chose à faire quand on est en
transformation, c'est de rajouter une pression additionnelle. Donc, on
demande juste deux années pour commencer à voir l'avenir. Et on est d'accord avec vous; notre cible, c'est toujours
70 % de la part économique, c'est toujours l'objectif, l'idéal. Il n'y a
pas une province qui l'atteint, et
beaucoup parce qu'on met beaucoup
d'efforts sur l'immigration humanitaire. Les gens le comprennent, mais je pense que c'est important que
vous le répétiez. On partage aussi votre objectif, qu'on s'emmène
vers le... d'un éventuel de 70 %. Mais on a un travail à faire humanitaire, le rôle qu'on joue au sein de...
international, des enjeux internationaux.
J'aimerais
vous amener sur la mobilité. Vous êtes vraiment les premiers, les seuls dans la consultation qui amènent cet enjeu, et, je
suis d'accord avec vous, c'est une nouvelle réalité. On n'a
qu'à parler avec des jeunes et on l'observe. Et le Programme de mobilité internationale, actuellement, il est très restreint, vous avez tellement raison. Je pense que
ça mérite une réflexion dans... J'aimerais peut-être
que vous alliez un peu plus en avant sur ça de vos propres observations
sur cette mobilité, des gens qui peuvent
aller un peu partout, puis qu'on puisse, en amont, faire la promotion de la
mobilité pour ensuite, évidemment, amener certains d'entre eux vers
l'immigration permanente.
M. Leblanc (Michel) : On le sait, la nouvelle réalité du marché du travail repose sur
un mélange de compétences. Il y a de plus
en plus de compétences extrêmement fines, et Montréal International parlait tout à l'heure des travailleurs stratégiques,
et cette compétence-là fine finit par descendre à des niveaux de technicien. Et
on va penser aussi que, dans certaines
industries, il y
a des périodes de blitz. Alors, en
jeux vidéo — on va prendre cet exemple parce que c'est
très présent à Montréal — il y a des périodes où on rentre dans de la... on a fini la conception, on est
dans de la programmation et on est en
des étapes où, là, on a besoin, pendant une certaine période, d'un nombre très
important de travailleurs. Ça se peut
qu'on les trouve localement, mais, si on a un secteur en pleine expansion comme
il y a celui à Montréal, on finit par avoir de la difficulté, et ce qu'on parlait tout à l'heure, c'est que ça amène les gens à se les voler, et là ça a toutes sortes
d'effets négatifs, parce que
ça bloque des projets qui allaient bon train. Alors, la logique, c'est que les entreprises
vont tenter d'en relocaliser déjà de l'entreprise à l'étranger, ou appelons-les des agents libres qu'ils peuvent
recruter, ils savent qu'ils sont bons.
Plus on va avoir,
nous, la capacité d'accompagner les entreprises dans ces périodes-là — et
là, ça peut être en aéronautique avec
Bombardier, qui, à certaines étapes de son développement de CSeries,
avait besoin de certains types de ressources,
ça peut être Pratt & Whitney, qui fait un moteur vert et qui, à certaines
étapes, va avoir besoin de beaucoup de travailleurs, et ces travailleurs-là ne vont pas venir ici nécessairement dans l'optique d'y rester — plus
on sera fluides, plus on pourra dire
que, dans ce lieu, ces lieux dans le monde où il y a de la production de
pointe, nous, on peut être un lieu
d'accueil et que ça soit fluide. D'abord, je pense que Montréal International va être
en mesure d'attirer des investissements, va être en mesure d'attirer des travailleurs stratégiques, mais nous serons aussi en mesure, nous, de bâtir l'écosystème ici en sachant que, quand il y a
des besoins non comblés, il y a des soupapes, et des soupapes, c'est cette
fluidité internationale. Et, si on peut être
les plus intelligents, et je pense que ça peut être pour tout le Canada,
mais, pour Montréal, ça va être très important, et ça va faire en sorte
qu'on va aller chercher des individus susceptibles de rester.
Et là on revient dans
l'immigration plus traditionnelle, et moi, je crois beaucoup à Montréal. Venir
habiter quelques mois à Montréal, ça donne le goût d'y rester, surtout si on
tombe en amour avec une Montréalaise ou un Montréalais, et éventuellement on
recruterait des gens qui viendraient s'intégrer très facilement dans notre économie.
Ça prend
une stratégie et ça prend de poser les balises pour que... Il y a
des enjeux de sécurité, il y a des enjeux de fluidité, mais il faut d'abord de la lucidité. Par exemple, une exigence présentement dans le programme des travailleurs temporaires,
c'est dire : À la fin du travailleur temporaire, quel est votre plan pour éventuellement embaucher un Québécois
ou embaucher une ressource
locale? Pour les entreprises, souvent, il n'y en a pas, de plan.
C'est une période de blitz, c'est une
période sur un projet, puis, après, on verra s'il y a un autre projet.
Mais, s'il n'y a pas d'autre projet, je n'ai pas besoin d'un travailleur local après. Donc, quand vous me demandez de vous
proposer un plan pour trouver une ressource locale, ça
n'a pas de sens. Donc, il faut vraiment penser en
termes de mobilité internationale, de travailleurs de l'étranger,
et nos travailleurs qui vont aussi s'insérer dans cette mobilité
internationale.
• (12 heures) •
Mme
Weil : Je reviens sur cette question parce qu'honnêtement c'est
la seule occasion où on peut
publiquement, là, creuser, en commission parlementaire, cet enjeu. Donc, ce serait : la stratégie
vise le besoin des entreprises, une consultation
avec eux, une stratégie proactive, mais aussi avec ces talents qui flottent un
peu partout. Donc, c'est une stratégie qui regarderait ces deux acteurs principaux
là.
M. Leblanc (Michel) : Tout à fait. Je partirais d'abord des entreprises dans les secteurs et
j'essaierais d'identifier ces types de besoins qui vont être très
difficiles à combler localement, qui sont en général circonscrits dans le
temps, et j'irais trouver des informations
auprès de ces travailleurs types, en disant : Qu'est-ce qui fait que, pour
vous, c'est facile? Qu'est-ce qui
fait que, pour vous, aller travailler six mois à Montréal, ça paraîtrait
d'abord excitant, s'il y a un besoin réel, il y a une belle job, puis éventuellement c'est simple? Est-ce que c'est
d'être accompagné par vos conjoints pendant ces six mois-là? Est-ce que
c'est d'avoir certaines facilités au niveau fiscal? Qu'est-ce que ça prendrait
pour que ces travailleurs stratégiques
étrangers viennent facilement à Montréal et pour qu'on soit bien arrimés à la
réalité des entreprises?
Mme Weil :
Là aussi, sur question, on a eu l'occasion d'échanger avec le gouvernement
fédéral parce que la réforme du programme de
mobilité internationale a été prise dans la réforme du PTET, comme vous le
savez. On a une grande écoute à cet
égard d'extirper ce programme de mobilité internationale, beaucoup pour les
raisons que vous mentionniez. Mais je
dirais que la réflexion, oui, doit être approfondie. Mais, en soi, cette
mobilité, puis, pour le Québec, ça a toujours été une richesse, on pense
à l'entente France-Québec. Justement, c'est un exemple de mobilité qui vient
enrichir les deux États, les deux sociétés,
et donc on a une grande expérience avec ça. Puis le ministère des Relations
internationales est très favorable à cette notion de mobilité. Donc, on
retient et on aura l'occasion de revenir là-dessus.
Vous parliez,
à la page 5, de renforcer le programme PEQ, le Programme de l'expérience
québécoise, au-delà du fait qu'on se
donne comme cible 40 %, à compter de 2019, la proportion des immigrants
qui seraient issus de la voie temporaire,
notamment les travailleurs qualifiés et des étudiants étrangers. Est-ce que
vous avez des recommandations particulières par rapport au renforcement?
M. Leblanc (Michel) : Bien, d'abord,
pour les étudiants étrangers, je pense — et on va, nous, solliciter la
collaboration du milieu des affaires — plus on va être capables de sortir, durant
leurs études, les étudiants des campus universitaires par des programmes
de stages, des programmes coop, des programmes de travail d'été, plus on va démystifier pour les étudiants étrangers ce que ça
représente de travailler au Québec et éventuellement plus ils vont se
sentir à l'aise à la fin de leur curriculum de chercher des emplois puis de se
donner la possibilité de s'établir ici.
On pense
qu'on devrait commencer par un objectif. On devrait ensuite mobiliser les
intervenants concernés et leur dire :
Comment vous nous aidez à accomplir cet objectif? Il y a des enjeux du point de
vue du milieu des affaires. Le milieu des
affaires, lorsque vient le temps d'embaucher un stagiaire étudiant, souvent va
le voir sous l'angle de la possibilité qu'il le prenne de façon permanente à la fin. Et historiquement, donc, pour
une entreprise, c'était plus intéressant prendre un Québécois, où j'ai une plus grande probabilité de
le garder, qu'un étudiant étranger, qui pourrait tout simplement vouloir
retourner dans son pays.
Il faut renverser
cette mentalité chez les entreprises en disant : Quand vous allez chercher
des étudiants étrangers, vous allez chercher une expertise dont vous
avez besoin qui va être rare sur le marché, puis en plus vous contribuez collectivement à atteindre notre objectif, qui est
de retenir plus d'étudiants étrangers. Même chose pour les travailleurs temporaires : pendant qu'ils sont ici, dans
quelle mesure on peut les aider à bien comprendre le marché du travail au-delà
de leur employeur immédiat, toujours dans
l'objectif très avoué d'en tenter le plus possible à la fin de leur emploi
temporaire ou à la fin de leurs études.
Mme Weil : Et quel rôle la chambre
de commerce de Montréal peut jouer pour, comment dire, intéresser les
entreprises à engager des stagiaires qui seraient de l'étranger?
M. Leblanc
(Michel) : C'est clair qu'on
a présentement un programme, Interconnexion, dont l'objectif initial, rappelons-le, était de trouver du travail en
entreprise dans des domaines de qualification de ces immigrants. Donc, c'est
le chauffeur de taxi qui est ingénieur, qui
n'a jamais eu sa réponse, pourquoi il n'a pas trouvé son emploi. Là, on essaie
de les raccrocher dans le domaine où ils avaient été formés, dans le
domaine de leur expertise.
Notre force,
à la chambre de commerce, c'est le lien avec les entreprises. Ce ne serait pas
plus compliqué de parler aux
entreprises en disant : Il y a des étudiants qui pourraient être en stage
chez vous, et il y a des travailleurs temporaires qui sont dans votre domaine, qui pourraient vous
intéresser, et de faire en sorte que, du point de vue des entreprises, ce soit
beaucoup plus facile d'aller chercher ces
travailleurs temporaires ou ces étudiants étrangers vers des stages, vers des
besoins à combler. Donc, c'est
l'interface avec les entreprises, où la chambre est très forte, et on peut
travailler en partenariat avec des
organisations qui sont en lien avec des travailleurs temporaires, qui sont en
lien avec des étudiants ou qui sont en lien avec des immigrants
qualifiés.
Mme Weil :
Là, j'aimerais vous amener sur toute la grande question de l'intégration en
emploi. Vous avez une expérience avec
Interconnexion, vous avez un vécu de terrain, puis ça a été une grande
préoccupation de la chambre de commerce de Montréal. Comme vous le savez
peut-être, il y a un grand chantier de travail sur la reconnaissance des acquis, etc., bon. 10 % de notre immigration,
c'est des professionnels, c'est des gens... professions; un autre 10 %,
métiers réglementés. Mais la part la
plus importante, c'est tout simplement des... bien, tout simplement... je
devrais dire : C'est, malheureusement,
incapacité de reconnaître l'expérience de travail. Le diplôme, ça, on a déjà,
dans nos cartons, de pouvoir donner une évaluation comparative avec le
certificat de sélection du Québec, donc.
Mais, pour le
reste, comment aider ces entreprises? Quel est votre vécu? Parce que je dirais
que c'est le gros du travail. Oui, on
travaille avec des ordres professionnels, il y a eu des progrès, métiers
réglementés aussi — mais le
gros, c'est ça — alors, d'où la naissance du Programme de
l'expérience québécoise. C'était tout simplement plus facile de dire :
Bon, il a une expérience du Québec, et
l'employeur se sent rassuré, un diplôme, une expérience de travail. Mais, pour
la grosse majorité, c'est des gens qui viennent de l'étranger, puis on
voudrait, comment dire, s'attaquer, comme vous le recommandez, en amont, avant
que le personne arrive.
M. Leblanc (Michel) : Pour moi, la
solution, elle est probablement en partie gouvernementale, en partie non
gouvernementale. Du point de vue gouvernemental, c'est clair que ce qui
pourrait être fait en amont... lorsqu'un immigrant
vient, qui permettrait de dire à l'immigrant : Quand tu vas arriver au
Québec, tu vas avoir un C.V., essaie de documenter, preuve à l'appui, ce qu'il y a dans ton C.V. Plus tu vas
pouvoir démontrer... Tu dis que tu as géré une équipe de 30 personnes dans une entreprise. Bien, essaie
de trouver l'information qui va prouver que cette entreprise-là, elle a au
moins 30 personnes,
que cette entreprise-là, elle est bien dans ce secteur-là. Fais en sorte que
ton C.V. va être plus facile à lire pour un employeur québécois.
Souvent,
c'est l'enjeu des PME. Les grandes entreprises, ils sont capables d'évaluer
quelqu'un qui dit : J'ai travaillé chez Embraer. Bon, bien, je vais être capable de détecter si c'est vrai
puis si le travail que tu décris, c'est un travail que tu as vraiment fait. La PME, c'est plus difficile.
Donc, je pense qu'en amont d'informer sur la documentation qui viendrait
supporter un C.V. au Québec serait valable.
Une fois au
Québec, le défi pourrait être de dire : Comment je réduis le coût, pour
les entreprises, de valider des C.V.?
Et là on pourrait penser à des programmes conjoints gouvernement-chambre
de commerce, où moi, j'aurais des PME
qui m'enverraient des C.V. en disant : J'ai telle personne, me dit qu'il a
telle, telle ou telle expérience. Sur les diplômes, ça commence à être résolu, mais sur l'expérience
elle-même, on pourrait dire : D'accord, on va faire un service de
recherche. On va à l'international
travailler avec des chambres de commerce là-bas, au moins aller valider que les
entreprises existent vraiment, que
les emplois qui sont décrits sont vraiment des emplois dans ces entreprises-là,
que les niveaux de responsabilité sont réels.
On n'arrivera
pas à dire : O.K., on va aller faire une validation réelle que tu as
occupé de 1992 à 2006 cet emploi-là. Mais
on pourrait aider les entreprises. Et l'enjeu, c'est du point de vue, toujours,
des PME, est c'est que les PME, c'est trop
coûteux, ça prend trop de temps. Alors, du point de vue des PME, quand on
parle, des fois, qu'il y a un petit peu de comportement, je dirais, fermé sur l'immigration, mais c'est... Si j'ai
un Québécois dont je suis capable d'évaluer à peu près ce qu'il a fait, où il a étudié puis j'ai un
étranger dont je ne suis pas sûr, il est possible que l'entreprise québécoise
n'aille pas chercher ce qui est optimal, qui est ce travailleur étranger
là, parce qu'elle a de la difficulté...
Le Président (M. Matte) : Je vous
invite à conclure.
M. Leblanc
(Michel) : Donc, c'est
d'aider, et, je le dis, c'est dans une logique de PME... réduire un peu le
coût, le temps que ça prendrait pour qu'une PME puisse évaluer
correctement ces C.V. là.
Le Président (M. Matte) : Je vous
remercie. Nous allons poursuivre avec le député de Bourget.
• (12 h 10) •
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Bonjour, M.
Leblanc, soyez le bienvenu. Et je suis toujours très attentif à tout ce que vous dites
depuis le début de l'année sur ce dossier, et je sais combien vous êtes
passionné par le sujet.
Je voudrais vous entendre davantage relativement
à la validation de ces expériences déclarées de nouvel arrivant x dans telle ou telle entreprise au Québec. Aller valider à l'étranger pour vérifier des déclarations, n'est-ce pas une étude
postérieure à quelque chose qui pourrait se faire sur le terrain au
préalable? Parce qu'à quoi juge-t-on un maçon au pied de son mur? Si, d'aventure, on prenait ce nouvel arrivant ou
cette nouvelle arrivante, et qu'on le plaçait devant un pupitre relativement aux compétences ou à
l'expérience déclarées par elle ou lui, et qu'on lui dise : Allez-y,
faites-nous la démonstration de votre
expérience, avec, bien évidemment, la complicité des entreprises, les membres que
vous représentez, n'est-ce pas quelque chose qui s'inscrit dans le
concret et qui serait, disons, un gain de temps aussi?
M. Leblanc
(Michel) : Je dirais qu'une
des grandes frustrations qu'on entend de la part des immigrants à Montréal,
souvent, c'est cette perception qu'ils
devraient repasser des tests, ils devraient redevenir, dans le fond, des étudiants pour démontrer
leurs compétences. Et, dans bien des cas, ils disent : J'ai été
sélectionné au départ, là, puis j'avais dit : Voici ce que je sais faire,
puis ça faisait partie des critères. Puis, une fois rendu ici, c'est comme si
ce que j'avais eu comme expérience ou comme apprentissage, ce n'est pas
reconnu.
Alors, moi,
je pense que la vraie solution, ce serait idéalement de dire : Maintenant,
pour tout nouvel immigrant, quand il
va arriver, il va être informé de ce que son C.V., là, il devrait contenir
plein d'annexes au besoin, pour rassurer que c'est... puis je ne sais
pas si le mot «maçon» ou le maçon, comme type d'employé, c'est celui en 2016
qui est problématique, mais j'ai
l'impression qu'il y a des fonctions que des gens ont exercées à
l'étranger... Et ça serait rassurant pour
des PME de dire : Ah oui! Ça me va, là, je suis rassuré, il a fait quelque chose qui correspond à ce que je veux lui faire faire, je sais que cette personne-là va pouvoir livrer. J'ai
l'impression, donc, qu'on peut solutionner une partie du problème pour
tout ce qui est nouveaux arrivants.
Pour ceux qui sont déjà arrivés, là, il y a
ceux, comme vous le dites, qui vont être appelés à démontrer immédiatement, par des tests très faciles dans un nouvel emploi : oui, c'est
vrai, il sait faire ça. Ça, c'est probablement
ce qui est le plus simple, parce qu'en deux
semaines ou en un mois, deux mois, on est capables de savoir si l'employé
qu'on a embauché correspond au profil qu'il avait. Progressivement, tout le
monde est rassuré, ça va bien.
Ce qui est
plus difficile, c'est les C.V. qu'on envoie où, là, on dit qu'on a cette
expérience-là, on a une liste de compagnies
qui ne disent rien à l'employeur d'ici, on a des diplômes dans des écoles
techniques ou des écoles avec des noms particuliers, et, ultimement, ça
devient, donc, un défi, pour la PME, de dire : J'ai peu de temps, est-ce
que c'est vraiment mon bon candidat?
Moi, j'ai
l'impression que là on pourrait l'accompagner. Avec le temps, la valeur des
expériences commencerait à être
démystifiée, les gens connaîtraient que, quand quelqu'un vient de l'Algérie
et il dit qu'il a travaillé dans telle entreprise, c'est
une entreprise qui est une très grande entreprise,
il a géré des grandes équipes, ça correspond au profil que je recherche.
M. Kotto : O.K. Je voudrais revenir aux seuils. Vous suggérez d'y
aller, pour 2020, à hauteur de 60 000 par année. On s'entend que, dans cette perspective, on ne
peut pas négliger la capacité d'accueil, c'est des moyens financiers, et les
ressources, et les structures mêmes d'accueil qui devraient aller de pair
avec...
M. Leblanc (Michel) : C'est clair dans mon esprit que, dans les trois
prochaines années, dans les années de la planification, si on sélectionne sur la base économique, si on sélectionne des jeunes, si on
augmente la proportion qui vient des
étudiants étrangers et des travailleurs temporaires, on devrait, dans trois
ans, avoir un profil où l'immigration est un avantage, un bénéfice économique. Et on devrait donc, dans trois ans,
avoir la perspective qu'augmenter le nombre c'est une possibilité d'augmenter la richesse,
d'augmenter la croissance, d'augmenter les investissements. Donc là, on le
prend encore sous l'angle de
dire : Si on augmente l'immigration, on augmente les coûts. Moi, ce que je
vous dis, c'est que le milieu des
affaires pense qu'en augmentant l'immigration, en la sélectionnant bien, on va
augmenter les bénéfices pour la société, et ça va se traduire par de la
fiscalité plus élevée, ça va se traduire par plus d'emplois.
La perspective de
l'immigration au Québec, c'est une perspective bénéfique pour le Québec, ce
n'est pas une perspective de coût pour le Québec.
M.
Kotto : O.K. Là
où... et je vous entends bien, là où certains sont dubitatifs, relativement au coût, c'est le fait que nous
ne disposions pas, actuellement, de données relatives au coût de la francisation,
notamment, au coût de l'accompagnement en intégration en emploi. Ces données, on ne les a
pas. Donc, la perception est à l'effet qu'on est dans l'improvisation quand on dit : Bon, prenons-en 50 000,
60 000, 70 000, c'est ça qui n'est pas rassurant. Si d'aventure ces
données étaient disponibles, je pense
que ça aiderait à la pédagogie, ça aiderait et ça faciliterait la démonstration
que vous êtes en train de faire ici.
Le
ministère — là, je vais sur la langue — de l'Immigration du Québec offre des cours
en français ainsi que des incitatifs aux personnes immigrantes...
Le Président (M.
Matte) : Je vous invite à conclure, M. le député.
M.
Kotto : Oui, et il appartient aux immigrants de les suivre. Des
incitatifs, est-ce que c'est suffisant? Parce que le ministère ne se
préoccupe pas de la courbe démolinguistique du Québec.
M. Leblanc (Michel) : Nous sommes actifs sur le dossier de la francisation sur le territoire
de la région de Montréal. Nous, ce
qu'on perçoit, c'est qu'il y a une préoccupation, il y a une bonne volonté de
la part des entreprises, il y a un défi de la part des petites entreprises, qui sont aux prises avec des
horaires de travail, des contraintes. Et c'est là qu'on peut agir, et on
agit déjà.
Ce
qu'on a sorti, ce printemps, qui était nouveau, c'était pour les travailleurs
issus de l'immigration déjà en emploi et
leur progression vers des postes de cadre. Et ce qu'on s'est aperçu, c'est que,
là, il y a un autre défi, qui est la connaissance d'un français plus avancé, qui est requis pour
atteindre des postes de cadre. Et là il y a une responsabilité, à notre avis,
qui incombe aux entreprises elles-mêmes. Probablement que le gouvernement a un
rôle à jouer, mais les entreprises devraient
se préoccuper de bien outiller leurs employés prometteurs, qui devraient avoir
accès à des postes de cadre, sur des besoins de qualification, notamment
en français.
Et,
pour conclure, je dirais : Je pense qu'on se dit les vraies choses dans un
contexte où on apprend, où on apprend à
mieux intégrer, on apprend à mieux sélectionner et à mieux accompagner. Et j'ai
l'impression que la programmation pluriannuelle trois ans, la
planification, elle est le bon outil, avec les bonnes données, pour que, dans
trois ans, on puisse dire : Est-ce
qu'on bascule à 60 000? Est-ce qu'on intègre bien? Est-ce que, linguistiquement,
ça se passe bien? On devra être
attentifs. Vous avez un sous-ministre ici, j'ai l'impression que les données
vont être bien colligées, mais on devrait s'en aller dans cette
direction-là, d'après nous.
M. Kotto :
Merci.
Le Président (M.
Matte) : Merci. Nous allons poursuivre avec la députée de Montarville.
Mme Roy :
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Leblanc, merci. Merci pour votre
mémoire.
J'aimerais vous
amener naturellement tout de suite à la page 12, puisqu'on est ici pour
questionner les seuils d'immigration qui sont soumis par le gouvernement. Mon
collègue en a parlé, mais je veux revenir là-dessus parce qu'actuellement on sait qu'à l'égard de
l'intégration des immigrants, tout comme vous, on pense qu'il faut mieux
arrimer les besoins des entreprises
avec la sélection des immigrants. Ça, c'est une chose. Oui, c'est important, on
est d'accord.
Cependant,
force est de constater qu'actuellement il y a quand même 18 % des
immigrants qui n'ont pas de travail, qui
sont au chômage. Et, là-dessus, on nous a dit, en commission, hier encore, que
c'était... c'est-à-dire la semaine dernière, que c'étaient des gens, pour la plupart, surqualifiés, même, très
qualifiés. Donc, il y a un problème d'intégration au niveau du marché du
travail actuellement pour les immigrants.
Il
y a un problème également pour la francisation puisque ces cours, comme vous le
savez, ne sont pas obligatoires. Certains
doivent attendre longtemps, d'autres ne les prennent tout simplement pas, il y
a une proportion de francophones à Montréal qui est en constante
décroissance.
Donc,
quand vous nous dites que le seuil d'immigration, la cible à atteindre, c'est
de 60 000 pour l'année 2020 — donc vous souhaitez une augmentation importante — la question que je vous pose c'est :
Sur quel motif, sur quelle base vous basez-vous
pour dire que cette intégration-là, elle sera plus facile à 60 000 qu'à
50 000 actuellement, avec tous les écueils qu'on a présentement?
• (12 h 20) •
M. Leblanc
(Michel) : Alors, d'abord,
on paie pour nos ratés du passé. L'immigrant qu'on a mal intégré, ce n'est
pas l'immigrant qu'on a accueilli cette
année, basé sur des critères et basé sur le «fit» avec le marché du travail,
c'est, en bonne
partie, des immigrants qu'on a accueillis à une époque où on s'en préoccupait
beaucoup moins. Donc, de dire : Il
y a un taux de chômage élevé, ils ne sont pas bien intégrés, bien, d'abord, il
y a la sélection qu'on a faite dans le passé.
Deuxièmement, à notre avis, puis on va se le dire candidement
entre nous, nos entreprises, ils apprennent à embaucher des immigrants, ils apprennent à intégrer des immigrants. Il y a
des entreprises pour qui maintenant c'est extrêmement fluide, c'est très facile, mais il y a
une partie de notre économie qui n'est pas encore si ouverte à embaucher
des immigrants. Donc, de ce point de vue là, ce n'est pas tellement l'immigrant qualifié qu'on n'aurait pas dû
accueillir, c'est nos entreprises, ici, qu'on aurait peut-être dû
familiariser davantage avec l'embauche d'un immigrant qualifié.
Troisièmement,
moi, je vous dirais, c'est assez évident, le resserrement démographique est en
route, puis il ne ralentira pas, il
s'accélère. Donc, on s'en va vers une dynamique où la pression à l'embauche,
trouver les candidats va devenir un
enjeu. Dans quelques années, on ne parlera plus de chômage, on va parler d'entreprises qui sont en pénurie et d'entreprises qui ne font pas d'investissement ici parce
que, tout à coup, là, ça devient trop
compliqué, c'est trop coûteux ou
c'est trop compliqué de trouver les ressources dont on a besoin. C'est ça,
notre défi devant nous. Ça demande de voir plus loin.
Et, effectivement, moi, je peux comprendre, d'un point
de vue politicien, qu'on entend
encore parler du chômage, on entend
encore parler de gens qui ne trouvent pas leur emploi, mais la réalité, c'est
que le resserrement démographique, il
va être assez brutal. Et les entreprises à qui on demande de faire des investissements qui vont être amortis sur plusieurs années en fonction
d'employés qui vont être embauchés dans plusieurs années vont résister.
Mon
impression, c'est que, présentement, on regarde des problèmes issus du passé.
Les problèmes à venir, ce n'est pas est-ce qu'on va être capables d'intégrer, ça va être est-ce qu'on a les bonnes
ressources pour rassurer l'écosystème économique que le bassin de
travailleurs est là et est compétent.
Mme Roy : Je vais poursuivre. Alors, ma question : Comment arrivez-vous au chiffre de 60 000? Quel est le calcul que vous avez fait pour nous
dire : Ça prend 60 000 justement pour contrer le déficit
démographique?
M. Leblanc
(Michel) : Alors, le Québec,
c'est 23 % de la population du Canada, on accueille 16 % des immigrants.
Si on se dit qu'au Canada il y a une capacité d'accueil, nous disons :
Visons une cible qui fait que, dans la population canadienne et dans l'immigration, nous avons le même ratio.
Imposons-nous ce qui, à notre avis, est très raisonnable pour le Canada, puis il suffit de venir en avion entre
Montréal puis Québec pour voir qu'il y a de l'espace, hein, il y a de la
possibilité d'accueillir des gens au Québec.
Il suffit de voir aussi comment notre économie roule, comment le resserrement
démographique va affecter la population active pour se dire : On a de
l'espace, on a des besoins en entreprise. La population
du Canada est de tant et l'immigration, dans le Canada, c'est de tant.
Fixons-nous comme objectif d'avoir le même pourcentage, 23 %,
60 000 immigrants.
Mme Roy :
Il y a la capacité d'accueil, comme vous dites. Oui, le Canada, c'est grand, le
Québec, c'est grand, mais il y a aussi la capacité d'intégration.
Je reviens
encore aux chiffres. Je sais que vous vous fiez, vous dites : «D'ailleurs,
le document de consultation du gouvernement
du Québec au sujet de la nouvelle politique en matière d'immigration, de
diversité et d'inclusion affirme clairement
que ce n'est qu'à partir de 60 000 admissions par année qu'on réussira à
prévenir le déclin de la population en âge
de travailler au Québec.» Ce sont les prétentions du gouvernement, mais vous
savez aussi qu'il y a d'éminents chercheurs qui nous disent que c'est faux. Ce n'est pas à 60 000, c'est à
100 000 qu'on pourrait arrêter ce déclin démographique. Alors, c'est la question pour laquelle pourquoi le
60 000, là. Force est de constater que vous emboîtez le pas du gouvernement avec la même prétention, mais
le calcul n'a pas été fait.
M. Leblanc (Michel) : On ne propose
pas 100 000, si c'est ce que vous voulez demander.
Mme Roy : Non, non.
M. Leblanc (Michel) : On propose
60 000. La réalité...
Mme Roy : Non, pour stopper
le déclin. Oui, excusez-moi, pour stopper le déclin, d'autres chercheurs...
M. Leblanc (Michel) : C'est ça, pour
stopper le déclin.
Mme Roy : ...nous disent que
c'est 100 000, que c'est nécessaire.
M. Leblanc (Michel) : C'est ça. Ce
qu'on dit, c'est...
Mme Roy : C'est pour ça que
je me dis : Comment démontrer qu'à 60 000 on stoppe le déclin?
M. Leblanc
(Michel) : On ne s'impose
pas, on ne s'impose pas d'accueillir plus d'immigrants en proportion de notre population que le reste du Canada, ce n'est
pas ça qu'on préconise. Donc, vous avez raison, une partie de la solution
va être : Est-ce que les Québécois et
les Québécoises sont prêts à avoir plus d'enfants? Ça, c'est l'autre enjeu.
Mais l'enjeu, du point de vue de l'immigration, c'est : Est-ce qu'on
pourrait s'imposer, nous, collectivement, d'en accueillir en proportion autant que dans le reste du Canada? On
fait partie du Canada; 23 % de la population du Canada nous amène un
certain pouvoir d'influence. Laisser notre population se diminuer à l'intérieur
du Canada, ça a un coût.
Le
Président (M. Matte) : Je vous remercie de votre participation. Ça a
été très agréable.
Et je suspends les
travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi. Bon appétit.
(Suspension de la séance à
12 h 25)
(Reprise à 14 h 4)
Le
Président (M. Picard) :
S'il vous plaît! La Commission
des relations avec les citoyens
reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes, dans la salle,
de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Je
vous rappelle que la commission est réunie afin de terminer la consultation générale et les auditions publiques
sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au
Québec pour la période 2017-2019.
Nous
entendrons cet après-midi les organismes suivants : la Commission des
partenaires du marché du travail et Portes ouvertes sur le lac.
Nous
allons débuter avec la Commission des partenaires du marché du travail, M.
Florent Francoeur. Vous disposez d'une période de 10 minutes, va
s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous, M.
Francoeur.
Commission des partenaires du marché du travail (CPMT)
M.
Francoeur (Florent) : Alors, merci, M. le Président. Mme la ministre,
Mmes et MM. les députés, alors merci de
l'opportunité que vous nous offrez d'exprimer le point de vue de la Commission
des partenaires du marché du travail sur la planification 2017-2019 de
l'immigration au Québec.
D'entrée
de jeu, j'aimerais vous présenter brièvement la commission. D'abord, c'est une
instance nationale de concertation qui regroupe, il faut quand même le
souligner, des représentants et représentantes des employeurs, de la
main-d'oeuvre, du milieu de l'enseignement, des organismes communautaires et
des organismes gouvernementaux préoccupés par l'emploi et le fonctionnement du
marché du travail, autrement dit, une table où on retrouve les chefs syndicaux, patronaux, les représentants du milieu
communautaire, du milieu de l'enseignement et des différents ministères
concernés par l'emploi autour d'une seule et même unique table. Elle peut
également compter sur un vaste réseau de différents partenaires pour accomplir
ses actions, 17 conseils régionaux de partenaires, 29 comités sectoriels de
main-d'oeuvre, cinq comités représentant des clientèles particulières et le
Conseil Emploi Métropole. Ces décideurs mettent
en commun leur expertise et leurs idées pour accroître notamment l'efficacité
des services publics d'emploi et pour favoriser le développement et la
reconnaissance des compétences dans la main-d'oeuvre en emploi.
Au
cours des prochaines années, et on en discute actuellement dans le cadre du
projet de loi n° 70 dans une autre salle, la commission sera appelée à jouer un rôle stratégique majeur en
matière d'adéquation formation-compétences-emploi au Québec. Elle élabore actuellement un plan d'action
triennal en la matière en concertation avec ses partenaires, dont fait
partie le MIDI. L'immigration constitue bien évidemment un levier majeur en
matière d'adéquation formation-compétences-emploi
et c'est pourquoi la commission tient à prendre part à la planification de
l'immigration au Québec et les travaux qui en découleront.
La
commission est préoccupée à l'effet que les personnes immigrantes éprouvent
encore des difficultés manifestes d'intégration
en emploi au Québec. Malgré les nombreux efforts déployés ces dernières années
pour améliorer leur sort, leur
situation par rapport au marché du travail est toujours préoccupante. Le taux
de chômage demeure plus important que
dans les principales provinces de destination des personnes immigrantes au Canada
et l'écart par rapport au taux de chômage
des personnes nées au pays demeure aussi plus grand. De plus, le Québec perd
annuellement une part importante des
personnes immigrantes résidant sur son territoire. Pourquoi en est-il ainsi?
Est-ce que le nouveau système de sélection prévu en 2017 et basé sur la déclaration d'intérêts et sur la
priorisation des profils les plus prometteurs au regard du marché du
travail apportera les solutions escomptées? C'est une question que nous nous
posons.
Cela
amène la commission à s'interroger sur les deux programmes de sélection des
personnes immigrantes de la
sous-catégorie des travailleurs qualifiés, qui sous-tend en bonne partie le
système de sélection du Québec et qui permet la sélection de la moitié des personnes immigrantes admises au Québec à
chaque année. Il s'agit du programme régulier de sélection des candidats travailleurs qualifiés, dont est issue la
grille de sélection des travailleurs qualifiés et le Programme de l'expérience québécoise, le PEQ, qui repose sur
une série de conditions à satisfaire au lieu d'une grille. Rappelons que
les candidats et candidates de la sous-catégorie des travailleurs qualifiés
doivent se qualifier à l'un ou l'autre de ces programmes
pour être sélectionnés, qu'il s'agisse du système de sélection actuel ou du
nouveau qui est prévu en 2017. Vu ces
préoccupations, la commission croit qu'un examen plus approfondi de ces deux
programmes s'impose, notamment en ce
qui concerne la grille de sélection puisque celle-ci a fait l'objet de nombreuses
améliorations et remaniements au cours des 20 dernières années.
Ainsi,
pour ce qui est de la grille, la commission croit qu'il faudrait peut-être
envisager un autre modèle de sélection mieux
adapté aux besoins et aux exigences du marché du travail québécois. Peut-être,
par exemple, pourrait-on miser sur des
profils types génériques de personnes immigrantes qui consisteraient, à
l'instar du PEQ, en des conditions à satisfaire fondées sur la capacité réelle à s'intégrer ou à s'adapter au marché du
travail. Chaque profil type pourra avoir ses exigences propres relativement à l'âge, au lieu d'obtention
du diplôme, au domaine professionnel en lien avec les prérequis linguistiques
ou à d'autres facteurs d'employabilité ou
d'intégration significatifs. Dans le cadre du nouveau système de sélection
prévu en 2017, ces profils types pourraient aussi constituer une porte
d'entrée pour le repérage et pour le classement des candidatures selon un ordre
de traitement prioritaire préétabli en fonction des besoins immédiats ou à plus
long terme du Québec.
Ainsi,
comme il est prévu de réexaminer la grille, la commission demande que soient
évalués aussi d'autres modèles de sélection, par exemple, un profil type
générique ou un modèle hybride, profil type et la grille. Dans la foulée, elle
demande aussi que soient mieux prises en compte les professions de niveau de
compétences C, selon la classification nationale
des professions, qui ont de bonnes perspectives d'emploi au Québec. La
commission demande aussi de pouvoir suivre
les travaux sur la grille ou tout autre modèle de sélection qui pourrait être
développé et d'être entendue et consultée par le MIDI avant que tout changement soit apporté sur la façon de
sélectionner les personnes immigrantes de la sous-catégorie des travailleurs
qualifiés.
Pour ce qui
est du Programme de l'expérience québécoise, la commission demande qu'il soit
réexaminé afin de rendre admissibles
certains travailleurs étrangers temporaires qui oeuvrent au Québec depuis
plusieurs années dans des professions
de niveau de compétences C. Ces travailleurs sont déjà en processus
d'intégration au Québec et ils répondent aux besoins exprimés par le marché du travail. Elle souhaite donc être
entendue par le MIDI à cet effet et, le cas échéant, être consultée sur
tout changement qui sera apporté à ce programme.
• (14 h 10) •
Quant aux
orientations de la planification de l'immigration pour la période 2017-2019, vu
le contexte démographique et
des besoins de main-d'oeuvre anticipés au Québec et en tenant compte de la
difficulté persistante d'intégration socioprofessionnelle
des personnes immigrantes, la commission propose de maintenir en proportion le
nombre d'admissions de la catégorie
de l'immigration économique, au cours des années 2017-2019, au même niveau que
celui qui a prévalu au cours de
2011-2015, alors que le MIDI, quant à lui, propose de le diminuer en faveur de
la catégorie des réfugiés et des personnes en situation semblable.
Il va de soi
qu'à la lumière des récents événements internationaux le Québec accueille un
nombre plus important de réfugiés et
personnes en situation semblable au cours des prochaines années. Cependant, la
commission trouve important aussi que
le nombre d'admissions de la catégorie de l'immigration économique soit
maintenu. Ainsi, sur la base d'une baisse
du nombre moyen d'admissions annuelles de la catégorie de l'immigration
économique de quelque 2 800, entre les périodes 2011-2015 et 2017-2018, il faudrait, pour maintenir en
proportion d'un même niveau, augmenter d'environ 8 400 le nombre
d'admissions de cette catégorie pour la période de trois ans.
La commission
propose donc que le MIDI augmente le nombre d'admissions de la catégorie de
l'immigration économique d'environ
8 400 pour la période 2017-2019, tout en maintenant le nombre d'admissions
de la catégorie des réfugiés. Elle
reconnaît que, ce faisant, cela impliquera une hausse en conséquence des
admissions totales projetées pour ladite période, qui passeraient ainsi
que 154 000 à 163 000.
En ce qui concerne les caractéristiques
privilégiées par le MIDI relativement aux personnes immigrantes sélectionnées, dans l'attente d'un réexamen de la
grille de sélection, voire d'une révision complète du modèle de sélection,
la commission est favorable, pour l'instant, aux propositions de miser encore
plus sur les facteurs déterminants dans le processus d'intégration des
personnes immigrantes, à l'exception du français, où elle propose le statu quo.
Bien que la commission reconnaisse l'importance
primordiale de la connaissance de la langue comme facteur d'intégration au marché du travail et à la société
en général, elle croit que rechercher un niveau encore plus élevé que celui
qui existe déjà va à l'encontre de
l'orientation de favoriser la diversité du mouvement migratoire, ce qui risque
de priver le Québec de candidats et
candidates ayant d'autres qualifications ou compétences intéressantes pour le
marché du travail. Merci.
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. Francoeur. Je cède maintenant
la parole à Mme la ministre pour une période de 16 minutes.
Mme Weil : Bonjour, M.
Francoeur. Bienvenue. Merci de participer encore une fois à nos consultations
pour essentiellement une sélection arrimée
sur les besoins du marché du travail et une intégration beaucoup plus rapide au
marché du travail. Donc, c'est sur
mes questions, vous avec votre expérience, mais aussi le rôle qu'on va
vouloir... bien, le rôle qui est
prévu pour vous aussi, dans cette réforme, un rôle fondamental, parce que — pour les dirigeants qui nous écoutent — vous regroupez autant, donc, les
acteurs économiques, les entreprises que les syndicats. Donc, par rapport à
toutes les orientations, je vais vouloir
vous entendre là-dessus. Je comprends bien vos propos. Mais je pense que ce qui
est intéressant, quand même, c'est
que vous avez, autant les syndicats que les entreprises... on va commencer avec
le plus évident, vous demandez une hausse, au cours de la période
prévue, à 60 000.
Vous évoquez
quand même le taux de chômage, donc vous reconnaissez qu'il y a un problème là,
et c'est là que je voudrais vous
amener. Je pense que vous comprenez. Les entreprises ou les regroupements
d'entreprises, essentiellement, oui,
il y en a qui disent, à la fin de la période, de commencer à hausser, tout le
monde souhaiterait... parce qu'ils ont vu les courbes démographiques, notamment les personnes en âge de
travailler. Mais on en a eu plusieurs qui ont reconnu que c'est une période de transition, que c'est une
grosse réforme, qu'il faut mettre la réforme en place avant de créer une
pression additionnelle sur le système
d'immigration et d'augmenter finalement le taux de chômage, hein, parce que
c'est ça qui pourrait en résulter.
Donc, dans
les données qu'on a de 2015, il y a quand même une amélioration au niveau du
taux de chômage, légère diminution,
donc à 10,7 %. Mais, quand on regarde ça de plus près, c'est vraiment...
l'amélioration, c'est ceux qui sont ici
entre cinq et 10 ans ou plus. L'objectif de cette réforme... parce que, pour
les personnes qui sont ici, 0-5 ans, c'est quand même 18 %. Donc, ces chiffres nous montrent qu'on a du travail à
faire, et c'est pour ça qu'on a fait la grande politique, une stratégie d'action qui vise sur une réforme du
système d'immigration, puis cette consultation sur les volumes et la composition tient compte de cette réforme et de
notre capacité à la lumière de cette réforme, mais aussi d'une ouverture
et de stratégies déjà gagnantes, là, mais
qu'on poursuive les stratégies gagnantes : on pense à PRIIME, on pense à Interconnexion de la Chambre de commerce de Montréal,
programmes de stages, de mentorat. Toutes ces initiatives demeurent des recommandations qu'on a mises
en branle ces dernières, je dirais, 10 années, hein; à partir de 2005, on a
commencé à voir ces programmes. Alors, je
vous questionne, c'est-à-dire, vous comprenez dans quoi on est, mais pourquoi vous
recommandez tout de suite une augmentation des seuils ou des niveaux d'immigration face à
cette réforme? Et je vous dirais
qu'on a besoin quand même de deux années pour mettre tout ça en place et de
nous assurer aussi de non seulement l'ouverture...
bien, l'ouverture... l'accompagnement, disons, des employeurs, mais aussi beaucoup
de progrès au chapitre de la reconnaissance des acquis et des compétences de part et d'autre, hein? Ce n'est pas
juste les ordres professionnels, mais,
par rapport aux métiers réglementés, les entreprises qui
puissent reconnaître les compétences. Il y a des choses qui ont été faites ces dernières années. On veut vraiment
miser sur les stratégies gagnantes. Et c'est pour ça qu'on a besoin
d'une fenêtre. J'aimerais vous entendre sur, là, ces deux... comment dire, ces
deux éléments, là.
M.
Francoeur (Florent) : Alors,
ici, on est effectivement à deux niveaux. En fait, ce qu'on a voulu, dans
notre mémoire, c'était souligner le fait que, lorsqu'on regarde
en termes, je dirais, d'attraction et de rétention des personnes immigrantes au Québec, quand on se compare,
on peut, je pense, tous reconnaître qu'il y a encore certains
problèmes à corriger. On peut effectivement mentionner que le taux de chômage, mettons, au niveau des personnes
immigrantes, a légèrement baissé,
mais, si on se compare, par exemple, je dirais, en 2015, le taux de chômage au Québec,
je dirais, chez les natifs, était de
7 %. Il était de 10,7 % pour les immigrants. Si on fait un parallèle,
en Ontario, le taux de chômage, en Ontario,
des natifs, il est de 6,8 % et, pour... pour les natifs, il est de
6,7 %. Autrement dit, l'Ontario, la province voisine, je dirais, il n'y a pas d'écart significatif entre
un natif et un immigrant en termes, je dirais, de perspectives de travail alors
que nous, on parle quand même
d'un écart... je dirais, un taux de chômage de 7 % versus
10,7 %. On se dit, je dirais : On ne peut pas oublier cette, je
dirais, en quelque sorte, cette
question-là. Ça nous amène à dire : Il y a des sérieux problèmes, je
dirais, probablement de sélection, et d'attraction de sélection, et aussi des
problèmes de rétention.
D'un
autre côté, lorsqu'on parle de notre recommandation de 8 400, vous le savez aussi bien que moi,
on parle de 1 million, de 1,4 million
de postes à combler au Québec. Je dirais, on est dans une situation
actuellement... au Québec,
actuellement, il y a plus de gens qui quittent le marché du travail que de gens
qui arrivent sur le marché du travail. En termes de population de travailleurs nets, on est à peu près
à moins 20 000 par rapport à l'année précédente. Et tous les signes disent que ces résultats-là vont continuer
au cours des prochaines années, ce qui veut dire qu'une des... Forcément,
alors, on se dit : Moins de
travailleurs. Et, on peut le voir actuellement, on crée, bon an, mal an, actuellement 20 000 emplois, et le
taux de chômage continue à baisser essentiellement parce qu'il y a plus de gens qui quittent le
marché du travail que des gens, je dirais, qui arrivent.
Alors,
se dit : On ne peut pas, en quelque sorte, continuer comme ça, parce qu'il
y a déjà actuellement trois régions du Québec qui sont en situation de plein emploi, je dirais,
la région de la Capitale-Nationale en est un bel exemple. On dit toujours : Le plein emploi, c'est à peu près
5 % de taux de chômage. Je dirais, la région de la Capitale-Nationale est
à 4 %, ce qui veut dire qu'on parle de
surchauffe, on parle de difficultés pour les entreprises de, je dirais,
continuer à non seulement
à croître, mais, en quelque sorte, je
dirais, à maintenir les activités. On
l'a vu cet été dans la région de Québec,
où, je
dirais, les hôteliers avaient de la
difficulté à trouver de la main-d'oeuvre. Et se s'est dit, en quelque sorte : Il faut faire quelque chose à ce niveau-là.
Et nous, on dit : Bien, là, je dirais, on a un rôle à jouer au niveau de
l'immigration économique et, si on fait une bonne sélection de ces
travailleurs-là, on est, je dirais... Le marché
du travail québécois
est capable facilement d'absorber, je dirais,
cette arrivée d'immigrants là dans la mesure où ils arrivent avec certaines
compétences et qualifications.
Alors,
c'est pour ça qu'on dit : D'un côté, il faut tenir compte de cette
réalité-là où les entreprises, je
dirais, tous les milieux reconnaissent que, dans notre capacité
d'accueil des immigrants, on a collectivement, comme société québécoise,
beaucoup de... encore du travail à faire. D'un autre côté, je dirais,
il y a, actuellement, au Québec, des postes qui sont à combler, et des entreprises nous disent : On
ne trouve pas la main-d'oeuvre suffisante. Et cette main-d'oeuvre-là suffisante, je dirais, ne
viendra pas de nos écoles. Actuellement, vous le savez très bien, la Commission
des partenaires, on a identifié 24 métiers pour lesquels il y avait des problèmes
majeurs qui mettaient, en quelque sorte, en péril la survie des organisations. Sur ces 24 métiers là, il y
en a 19 où on a un problème
d'inscription dans les écoles, alors c'est ce qui veut dire qu'on ne peut pas en diplômer plus que ce
qu'on inscrit. Une des solutions va forcément venir — et c'est un élément majeur — de notre capacité, en quelque sorte, à mieux
arrimer, je dirais, nos travailleurs immigrants au marché du travail
québécois.
• (14 h 20) •
Mme
Weil : M. Francoeur, on est très d'accord avec vous,
évidemment, on a fait l'analyse, on a vu les études de l'Institut de la statistique du Québec,
d'Emploi-Québec, mais vous comprendrez qu'on ne veut pas continuer à faire
la sélection de la même façon parce que
c'est... et vous le mentionnez dans votre mémoire : manque de rapidité, de
flexibilité, de réponses aux besoins
des entreprises, ça prend un meilleur arrimage. Et nous, on ne pourra pas
livrer la marchandise d'intégration rapide si on continue de la même
façon, parce que ça va prendre un certain temps pour mettre ça en branle. Et il y a trop de risques d'avoir encore des
gens qui attendent des emplois. Bon, c'est le 0-5 ans, là, c'est ça, notre
préoccupation. Et je pense qu'on est d'accord avec vous; à terme, on va dans le
sens que vous dites pour répondre à ce besoin.
Mais
vous savez qu'il y a à peu près 30 000 travailleurs temporaires qui sont
sur le territoire en tout temps. Ça a toujours été un peu le cas. Et
c'est pour ça qu'il y a la réforme du PTET. On travaille très fort là-dessus
pour avoir un déblocage au niveau du
gouvernement fédéral. On a des échos positifs, quand même. Il y a de tout
là-dedans, mais il y a des
spécialisés et aussi ceux qui sont peut-être du niveau C — on y reviendra — qui comblent quand même les besoins du marché du travail, qui m'amène à l'orientation de cibler
40 % de nos travailleurs qualifiés qui seraient issus de la catégorie
économique, qui seraient issus du temporaire.
Peut-être
nous partager votre vision avec nous par rapport à cette orientation-là,
comment vous le voyez, de votre point
de vue, et rajouter à ça votre demande sur le niveau C, qu'on puisse inclure
par rapport à ce que vous voyez dans cette cohorte de travailleurs
temporaires.
M.
Francoeur (Florent) : D'abord, je dirais, deux choses. La première,
c'est qu'on a beaucoup insisté, dans notre mémoire, sur... en fait, on a beaucoup questionné, je dirais, en quelque
sorte, la performance de la grille de sélection, parce qu'on se dit : En fait, est-ce que cette
grille-là... est-ce qu'elle continue encore à bien faire le travail au niveau
de la sélection de nos futurs travailleurs?
Quand on
regarde, je dirais, le système de pointage, on se dit que, je dirais, quelqu'un
qui aurait un postdoctorat en
biologie, qui a 35 ans, qui a quatre ans d'années d'expérience va chercher pas
mal de points. Maintenant, est-ce que cette
personne-là a plus de chance, d'une part, je dirais, d'obtenir un emploi au
Québec? On le questionne par rapport à une autre, où on se dit, je
dirais... on va prendre un jeune diplômé d'un autre pays qui aurait une
formation collégiale reconnue et qui serait,
à peu près, je dirais, dans les mêmes niveaux d'âge... a beaucoup moins de
chance. Et on se dit : Pourtant,
là, je dirais, ce que le marché du travail a besoin, c'est de la flexibilité.
Oui, c'est bien sûr que je dirais qu'on ne peut pas... Je dirais, la candidature d'un postdoc en biologie
moléculaire peut être intéressante, mais, si, à l'autre bout, ça ne correspond pas, je dirais qu'il n'y a pas
d'emploi pour ces personnes-là, d'une part. Alors, on se dit : Dans le
profil générique, sur lequel on a
insisté, on se dit : Si on est capables d'aller chercher plutôt des
profils où on se dit... Par exemple, on
en a mentionné quelques-uns dans le mémoire, là, mais j'en cite deux. On
dit : Une personne possédant «moins de 45 ans, exerçant une profession ayant de bonnes
perspectives d'emploi au Québec, et dont les compétences acquises à l'étranger
sont assimilables ou transférables, et qui
possède les connaissances linguistiques requises pour accéder à la profession»,
ou un autre, un «jeune de moins de 25 ans,
diplômé d'un programme d'études terminales menant au marché du travail
et possédant de bonnes connaissances linguistiques».
On se pose la question, si ça, des profils
génériques comme ça, ce ne serait pas assez. Parce que, si je reviens encore avec mon postdoc, lorsqu'il arrive ici,
qu'il se rend compte qu'il faut peut-être refaire un cheminement... Alors,
il arrive ici avec un statut social, et là,
je dirais, la difficulté d'intégration est plus grande. On se dit : Le
jeune de moins de 25 ans qui arrive
sur le marché du travail, qui veut, qui a démontré les bonnes aptitudes, qui a
déjà un diplôme terminal dans son pays, on pense que, si on n'a pas un
emploi, je dirais, qui correspond parfaitement à, je dirais, ses études aujourd'hui, on pense que cette personne-là, je
dirais, assez rapidement, pourrait se déplacer vers un secteur d'activité
où on a des besoins, alors d'où cette question, je dirais, d'inquiétude par
rapport, je dirais, à la grille, d'une part.
D'autre part,
quand on parle, par exemple, je dirais, de la catégorie C, en fait, c'est, encore une fois, reconnaître
un peu les besoins du marché du travail. Si on va même plus loin que la catégorie C, quand on regarde
un peu en termes de création d'emplois au Québec, il y a à peu
près encore, quand on regarde les
prévisions, là, on se dit : À
peu près 40 % des
emplois qu'on va créer au Québec ne nécessitent à peu près aucune formation,
et, je dirais, c'est encore vrai. Alors, on dit : On ne veut pas aller jusque-là, mais on dit : Est-ce
qu'on a vraiment besoin de toujours avoir, je dirais, des personnes qui
sont, en quelque sorte, surqualifiées? On se pose cette question-là.
Alors, c'est
pour ça qu'on dit, je dirais : Il faut faire quelque chose au niveau des
personnes de catégorie C, parce que le marché du travail a besoin, je dirais...
c'est probablement les gens qui sont capables le plus rapidement d'intégrer
le marché du travail.
Mme Weil : Bon. C'est
intéressant parce que vous n'êtes pas les seuls à proposer et, je vous dirais,
on a plus d'intervenants qui le proposent
cette fois-ci qu'on a entendus en 2011, ce qui veut dire que la problématique
devient de plus en plus aiguë. Est-ce
que vous le remarquez surtout dans les régions, plus qu'à Montréal ou Québec?
Mais, à Québec, dans la restauration, on le voit.
M. Francoeur (Florent) : Oui, je
dirais, on le remarque partout, là, hein?
Mme Weil : Partout.
M.
Francoeur (Florent) : Je dirais, le cas des soudeurs québécois, je
dirais, est célèbre. Alors, si vous vous promenez dans toutes les régions du Québec, je dirais, tous
les entrepreneurs, je dirais, qui oeuvrent, je dirais, un tant soit peu, je
dirais, dans ce type de métier là, je
dirais, il y a des pénuries, il y a des raretés importantes. Alors, ce qu'on
voit... en fait, ce qui a évolué,
parce qu'il faut quand même le rappeler, ce qui a évolué entre 2011, je dirais,
et aujourd'hui, c'est, encore une
fois, je dirais, le facteur démographique. En 2011, on avait plus, je dirais,
plus de main-d'oeuvre qui arrivait sur le marché du travail que des gens qui quittaient. Là, je dirais, on a
inversé, je dirais, cette proportion-là, ce qui fait que, là, les entreprises,
ils ne le font pas par bonne, je dirais... ils le font parce qu'ils n'ont pas
le choix, là, c'est-à-dire que là j'ai épuisé tous les bassins
potentiels et il faut que j'aille plus loin.
Alors, je
dirais, on en parle là, et je pense que, dans cinq ans, on va en reparler de
plus en plus parce que, je dirais, c'est un élément qui est, je dirais,
assez stratégique pour, je dirais, en quelque sorte, le futur de la société
québécoise.
Mme Weil : Mais je vais
continuer à vous poser...
Le Président (M. Picard) : Il
vous reste une minute, Mme la ministre.
Mme
Weil : ...je vais continuer peut-être à poser des questions
parce que justement vous dites : C'est stratégique, c'est extrêmement
important, ce serait un virage au ministère de l'Immigration, mais nous, on est
là pour supporter le développement
économique du Québec et de l'emploi. Donc, c'est des natifs, ce qu'on appelle
les natifs, il n'y a soit pas assez
d'intérêt ou pas assez de natifs qui seraient intéressés à ces emplois, d'où
l'importance de votre recommandation qu'on jette un regard très, très
attentif à ça et une étude sérieuse là-dessus.
Alors, on va
le faire, c'est sûr, et je pense qu'il y aura des contacts certainement avec
votre organisation. Alors, merci beaucoup, M. Francoeur.
Le Président
(M. Picard) : Merci, Mme la ministre. Je cède la parole à M. le
député de Bourget, une période de 9 min 30 s.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. M. Francoeur, soyez le bienvenu. Merci pour vos
lumières, on va explorer davantage le
filon développé avec Mme la ministre pour la bonne compréhension des personnes
qui nous écoutent en ce moment. Je
reviens au tout début. Les seuils, 60 000 par année, pourquoi 60 000,
pourquoi pas 50 000, pourquoi pas 40 000, pourquoi pas
30 000?
M.
Francoeur (Florent) : En fait, je dirais, on est allés un peu, je
dirais, linéaire, on se dit : Notre objectif initial, c'est, à tout le moins, de dire : On est,
évidemment... Actuellement, la méthode qu'on utilise, c'est de dire : On
va établir un seuil, disons, par exemple, qui serait 50 000, et là
on va d'abord accueillir en priorité, disons, par exemple, les immigrants de la catégorie des réfugiés, ce avec
quoi on est parfaitement d'accord. Et, en quelque sorte, on dit : Ce qu'il
reste, ce sera pour l'immigration
économique. Et on dit : Ce qu'il reste pour l'immigration économique, ce
n'est pas assez, il faut qu'on aille plus loin parce que le marché du
travail a de plus en plus besoin de cette clientèle-là.
Alors, je
dirais, dans une première étape, on dit : À tout le moins, en quelque
sorte, maintenir ce qui se faisait dans les dernières années au niveau de
l'immigration économique. Sur le long terme, on va même beaucoup plus loin, on
dit : Il faudrait, en quelque sorte, un peu respecter, je dirais,
la proportion du poids démographique du Québec au Canada. L'année dernière, on a 23 % de la population
et on a accueilli 18 % de l'immigration économique. Alors, notre objectif
serait de dire : Bien, si on veut, on
peut, en quelque sorte... on a un problème de démographie, si on veut être
capables de rattraper nos retards là-dessus, on compte sur l'immigration
et on pense que, je dirais, à plus long terme, d'aller chercher, disons, 23 % de la proportion d'immigrants, 23 % qui
viendraient de l'immigration économique, ce serait déjà... ça, je
dirais, ce serait probablement plus idéal.
• (14 h 30) •
M. Kotto :
O.K. Toujours pour la bonne compréhension des personnes qui nous écoutent, que
représente l'enjeu du poids démographique du Québec à l'intérieur du
Canada?
M. Francoeur (Florent) : Bien,
l'enjeu...
M. Kotto : Pourquoi, comment
dire, cette obsession à se rattacher, à s'accrocher à ce 23 % absolument?
M.
Francoeur (Florent) : Non, je dirais, ce n'est pas une obsession, je
dirais, c'est, en fait, un constat que le Québec est une société vieillissante. C'est une société qui est plus
vieillissante que, je dirais, la moyenne canadienne et donc je dirais que les
besoins de remplacement sont plus grands. Et on prend, je dirais, on prend ce
parallèle-là en disant : Dans une
société, quand on regarde la société canadienne, où on dit : On a
23 % de la population, on devrait être capables de remplacer notre population. On est allés chercher,
je dirais, ce 23 % là en disant : Ça serait probablement un barème
qui nous permettrait un peu de respecter notre poids démographique en
matière d'immigration économique. Je dirais, probablement,
il pourrait y avoir d'autres sources. Ce qu'on dit : Si on allait jusqu'à
23 %, je dirais, l'économie québécoise est capable d'absorber, et, par absorber, je veux dire, pouvoir accueillir,
intégrer les immigrants et leur offrir un emploi assez rapidement.
M. Kotto :
Accueillir et intégrer, ça m'amène à la capacité d'accueil. Cette capacité
d'accueil, selon les données dont
nous disposons, est difficile à déterminer, parce que le coût, notamment, de la
francisation d'un nouvel arrivant, de son intégration, on n'a aucune donnée tangible pour l'évaluer. Ce qui amène
le commentaire suivant : Est-ce qu'on établit ces seuils sur une base
imaginaire, intuitive ou rationnelle? C'est ça, l'enjeu.
M.
Francoeur (Florent) : Oui, mais, en même temps, vous avez tout à fait
raison, mais, en même temps, je vous dirais
qu'on connaît quand même assez, je dirais, parfaitement les besoins en main-d'oeuvre
au Québec pour, disons, un horizon de
cinq ans, 10 ans. Et, je dirais, les chiffres qui ont été publiés au cours des
cinq, 10, 15 dernières années étaient assez précis sur, je dirais... Je
dirais, ce qu'on avait prévu versus ce qu'on a observé, ça c'est concrétisé.
Alors, on est
capables de dire aujourd'hui : La société québécoise a besoin... quand je
vous parle, par exemple, de 1,4 million de postes à combler, alors,
quand je vous dis, mettons, par exemple, qu'on va avoir besoin de x pour cent d'immigrants pour nous aider à, je dirais,
combler ces besoins-là, ça ne sort pas de... je dirais, tu sais, ce n'est pas
le lapin qui sort du chapeau, là. C'est vraiment sur des données
économiques, où on se dit : Pour pouvoir combler les 1,4 million de postes
à combler, ça va venir des jeunes, ça va venir des immigrants, ça venir des
gens qui sont un peu plus éloignés sur le
marché du travail... Je dirais, peut-être, nos travailleurs plus âgés, les
retenir plus longtemps. Ce sont toutes des stratégies, mais l'immigration,
il ne faut pas l'oublier. Il ne faut surtout pas faire en sorte qu'elle soit,
en quelque sorte,
diminuée par rapport aux besoins, parce que, si les entreprises aujourd'hui ont
des besoins de main-d'oeuvre, demain, ça va être encore pire.
M.
Kotto : On parle de 1,4 million dans la perspective de 2019,
mais, on le disait, en 2011, dans la perspective de 2014, qu'on aurait
740 000 à combler.
M. Francoeur
(Florent) : Absolument.
M.
Kotto : Au moment où on se parle aujourd'hui, on a, quoi, à peu
près, depuis les six premiers mois de l'année, 53 000 postes à
combler, avec autour de 400 000 chômeurs.
M.
Francoeur (Florent) : Il y a un petit peu moins de chômeurs que ça,
c'est vrai, mais, en même temps, je dirais, le taux de chômage est actuellement à 7 %. C'est à peu près ce qui
avait été prévu. Encore une fois, étant donné que la donnée démographique est tellement précise et
importante, alors on avait prévu, en quelque sorte, un taux de chômage, à peu
de choses près, autour de 7 % pour, je dirais, dans un horizon 2015‑2016.
On y est, mais on s'en va aussi, ces mêmes
prévisions là, puis, encore une fois, comme je disais, l'historique nous montre
qu'on avait raison, l'historique nous dit qu'on s'en... quand on regarde
un peu le futur, on se dit qu'on s'en va tranquillement vers un taux de chômage
québécois de, je dirais... entre 5 % et 6 %.
Alors,
ce que ça veut dire, c'est qu'encore une fois ça exprime bien. Il y a plus de
gens qui quittent le marché du travail
que des gens qui arrivent. Alors, ça veut dire que, je dirais... c'est pour ça
que je dis que, si les entreprises ont des besoins de main-d'oeuvre actuellement, le problème va aller en empirant,
et la région de Québec, qui est en situation de plein... en plein emploi, de surchauffe, si on ne fait rien, la
situation ne s'améliorera pas, là, et ce qui veut dire que ces
entreprises-là cessent de grandir parce qu'elles n'ont pas la main-d'oeuvre.
M. Kotto :
Vous disiez : 40 % d'emplois au Québec ne nécessitent aucune
formation dans l'absolu. Si cette assertion
se vérifie concrètement, pourquoi, dans le bassin des 400 000 chômeurs, on
ne peut pas aller chercher du monde
là?
M.
Francoeur (Florent) : Parce que, vous voyez... C'est une très bonne question. En fait, c'est que,
je dirais, assez souvent, et c'est là
qu'on parle d'adéquation en formation
emploi, c'est que, souvent, parce que, ces gens-là, il va leur manquer... je dirais, ils ont un diplôme,
mais ils n'ont pas le diplôme qui, je dirais, qui serait requis, je dirais,
pour cet appareil-là. Il manque
toujours quelque chose, je dirais, dans la chaîne. Et c'est un peu, nous, notre
métier, là, c'est de dire : Il y
a en quelque sorte... il y a des gens qui sont... il y a des chômeurs, il y a
des gens qui veulent travailler, et il y a des entreprises qui nous
disent : Si j'avais une personne qui aurait ces compétences-là, je la
prendrais.
Alors,
nous, on a un travail à faire là-dessus, c'est pour ça, par exemple, que, dans
les actions, on va parler... bien, on
est, je dirais... la commission elle-même est préoccupée par ça, et c'est pour
ça que l'on dit : Bien, là, il faut être capables, par exemple, de... je dirais, l'immigrant qui va
arriver ici, il va peut-être faire peur au sens où il n'a pas nécessairement
le diplôme que... je dirais, la corrélation
n'est pas parfaite entre son diplôme et le besoin de l'entreprise. Mais on lui
dit : Si on est capables de l'accueillir, par exemple, via un stage, si on
est capables d'avoir un programme d'intégration de, je dirais, cet immigrant-là, nous, on est
convaincus que rapidement le même immigrant a des capacités, a des
connaissances, a ce qu'il faut pour
faire sa place dans l'entreprise et de grandir par la suite. Et, je vous
dirais, actuellement, c'est un peu ce
qu'il se passe dans les organisations, là. Si les organisations ont été parfois
réticentes à accueillir, là, aujourd'hui, je vous dirais, de plus en
plus, ceux qui accueillent sont plutôt satisfaits, je dirais, des résultats.
M.
Kotto : M. le Président, il me reste combien? Une minute. Dans
l'absolu, dernière question, dans l'absolu, l'idéal ne serait-il pas de venir avec un contrat sous le bras au lieu
de venir à la pêche aux contrats? J'en parle parce que moi, je suis arrivé avec un contrat sous le bras
il y a bientôt un quart de siècle, et ça a été beaucoup plus facile pour moi
de m'intégrer en emploi ici.
M.
Francoeur (Florent) : Vous avez raison, mais le contrat sous le bras,
il est... je dirais, le contrat, il est accordé souvent, je dirais, par l'entreprise, et ça fait en sorte que souvent
l'entreprise peut, pour différentes raisons, changer un peu ses priorités, ce qui fait que, tout à coup, vous
arrivez avec un contrat sous le bras, mais l'entreprise vous dit : Je vis
une situation particulière et je n'ai
plus besoin de vous. Alors, je me retrouve souvent avec une personne qui est
qualifiée, diplômée, dans certains
cas, même surqualifiée et qui, là, se retrouve, je dirais, sans contrat parce
que l'entreprise a changé ses
priorités. Vous le savez comme moi, quand vous regardez les journaux, vous le
voyez, là, il y a des entreprises qui tantôt
embauchent, tantôt procèdent à des mises à pied. C'est la vie normale d'une
entreprise. Et ce qui fait que le contrat, en quelque sorte, garanti, il
est de moins en moins vrai.
M. Kotto :
Merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède la parole à Mme la députée de
Montarville, 6 min 30 s.
Mme
Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci,
M. Francoeur, pour votre mémoire, que je suis en train de décortiquer. Vous nous dites... vous avez dit...
j'ai pris des notes également, vous avez dit : On connaît les besoins du
marché du travail depuis 15 ans.
Donc, ce n'est pas d'hier, on sait où sont les pénuries éventuelles qui s'en
viennent. Vous nous dites : Il
faut être capable — et nous
sommes capables — de
pouvoir accueillir et intégrer. On le sait, depuis 15 ans, on est capables de pouvoir
accueillir et intégrer, mais force est de constater qu'il y a encore des
manquements, des problématiques à
l'intégration. On n'a qu'à penser au taux de chômage qui est de 18 % chez
les immigrants de cinq ans et moins. Il est où, le problème, si on le
savait depuis 15 ans, puis on a des capacités, selon vous?
M.
Francoeur (Florent) : On ne peut pas pointer directement un problème,
mais ce qu'on a questionné dans le mémoire,
c'est qu'on disait : Peut-être que la grille ne fait pas parfaitement le
travail. On ne dit pas que... je dirais, elle en fait quand même un bon bout, mais on questionnait en disant, par
exemple : Est-ce que ça correspond encore aux besoins du marché du travail d'aujourd'hui? Je vous
prenais un peu... je parle quand même... c'est une caricature que j'utilise,
là, mais, je vous dis, la personne qui a un
postdoctorat en biologie moléculaire de 35 ans, qui a quatre ans d'expérience,
il va chercher beaucoup de points dans la
grille. Est-ce que ça correspond aux besoins du marché du travail québécois?
Pas sûr. Peut-être que oui, mais pas sûr.
Alors, c'est pour ça qu'on vous dit, à ce moment-là : Il faut coller un
peu, en quelque sorte, la grille sur
les besoins du marché du travail. Et, en quelque sorte, on propose, en quelque
sorte, une... je dirais, on lance une
redéfinition, en disant : Peut-être que le générique pourrait être utile,
en fait, en... et on mentionnait, par exemple, là, quand on dit : Un «jeune de moins de 25 ans, diplômé d'un
programme d'études terminal menant au marché du travail et possédant de
bonnes connaissances linguistiques», on dit : Ça, cette personne-là, il
est capable d'arriver avec des chances... je
dirais, des bonnes perspectives d'emploi. Si jamais il y avait, je dirais, une
turbulence dans, je dirais, le marché du
travail, il est capable probablement de se relocaliser facilement, je dirais, à
cause, je dirais, de son profil, et alors que la personne qui a un
postdoc en biologie moléculaire, il est plus difficile à relocaliser si jamais
il y a un problème.
• (14 h 40) •
Mme
Roy : Je vous suis, là, je vous écoute parfaitement. Cependant, depuis le début de cette commission,
on entend des groupes qui nous
disent : Il faut être encore plus ouvert ou plus avenant pour les
candidats qui sont très spécialisés, surspécialisés, et d'autres nous
disent : Non, il faut être plus ouvert ou plus avenant pour ceux qui sont
moins spécialisés. Alors, vous comprenez que
c'est un petit peu... Dépendamment
des interlocuteurs à qui on parle, c'est difficile de... où devrait-on trancher la ligne, là. Je crois comprendre que ce que vous dites, c'est
que ce n'est pas nécessairement la surscolarisation
qu'il faudrait privilégier. Il faudrait modifier la grille pour faire en sorte
que ce n'est pas nécessairement plus de points qui seraient accordés à
ça.
M.
Francoeur (Florent) : En
fait, ce qu'on dit, c'est que la grille fait, en partie, le travail, mais la grille
amène des candidats qui sont un peu,
je dirais, dans le même moule. Et ce qu'on dit, c'est que le besoin du marché du travail québécois, il est plus large que ça. Tantôt, quand on
parlait, je dirais, mettons, par
exemple, les travailleurs de catégorie...
les immigrants de niveau C, le marché du travail en a besoin. Alors, je dirais, on doit accueillir... quand je parle de
mon exemple, bon, je dirais, on a
besoin, peut-être, je dirais, de chercheurs de pointe, mais, en
termes de nombre, en termes de capacité, le marché du travail a besoin
aussi d'autres choses.
Mme
Roy : Comme j'ai très
peu de temps, je vous amène à la page 11, on parle de francisation. Vous nous
dites : «En revanche, la commission
propose de maintenir — à la fin de la page — la proportion des personnes immigrantes de
la sous-catégorie des travailleurs
qualifiés qui connaissent le français au même niveau que celui de la période
2011‑2015, soit à 76 % — au lieu de [l'augmentation] à au moins
85 %, comme indiqué dans l'orientation 4.» Pouvez-vous élaborer, s'il vous
plaît?
M.
Francoeur (Florent) : En fait, c'est que là on se dit : Plus
on... je dirais, en quelque sorte, plus on augmente cette condition-là, plus le bassin de candidats
intéressants pour venir travailler ici est restreint. Et nous, on dit : On
est capables de fonctionner, en fait.
Et, je dirais, c'était même un consensus autour de la table de la commission,
en se donnant, je dirais, la règle
actuelle, en fait, la règle qui est simplement basée sur les résultats des dernières
années, qui était à 76 %. On se
dit : ça fonctionne. Là, je dirais, le marché du travail, à la fois est
capable d'absorber, je dirais, mais les entreprises sont capables aussi
d'aller chercher des gens qui sont relativement qualifiés dans des marchés
spécialisés si on le fixe à 76 %. Si on
l'augmente à 85 %, là, je dirais, c'est encore plus difficile d'aller
chercher, dans certains cas, des individus qui ont, je dirais, des expertises précises, et c'est ce qu'on souhaite.
On dit : Actuellement, on a une certaine forme d'équilibre. On ne voit pas vraiment le besoin, je dirais,
d'augmenter ce chiffre-là, qui compliquerait en quelque sorte notre
capacité d'attraction des personnes.
Mme Roy :
Je vous remercie beaucoup, M. Francoeur.
M. Francoeur
(Florent) : Ça me fait plaisir.
Le Président (M.
Picard) : Merci, M. Francoeur, pour votre contribution aux
travaux de la commission.
Et je suspends quelques
instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à
14 h 43)
(Reprise à 14 h 45)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en recevant les représentantes de Portes
ouvertes sur le lac. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour
faire votre exposé, va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. Dans un premier
temps, je vous demanderais de vous présenter. Donc, la parole est à vous.
Portes
ouvertes sur le lac
Mme
Bedjbedj (Nabila) : Alors, M. le Président, Mme la ministre, distingués membres de la commission,
alors je me présente, Nabila
Bedjbedj, présidente du conseil d'administration de Portes ouvertes sur le lac.
Je suis accompagnée de Martine Boivin, la directrice générale de
l'organisation.
Alors, premièrement, nous vous remercions pour cet espace de discussion concernant la planification pluriannuelle de l'immigration au Québec. Nous sommes heureuses d'être ici pour faire un
portrait actuel de l'immigration en milieu rural et de la place qu'elle peut prendre dans cette planification. La mission de notre organisme est d'accroître le nombre de personnes immigrantes au Lac-Saint-Jean en assurant l'accueil, l'accompagnement et l'intégration socioprofessionnelle personnalisés. Nous visons également
l'engagement et l'ouverture de la communauté,
notamment des entreprises, par des actions qui favorisent la
rétention et une meilleure compréhension des apports liés à l'immigration. En
opération depuis 2006, nous avons accueilli jusqu'à maintenant plus de 300
foyers pour plus de 500 personnes environ.
Dans cet
exposé, nous nous attarderons sur les réalités au Lac-Saint-Jean concernant la prestation de services en francisation, sur l'immigration temporaire, sur les défis et les actions qui
doivent être posés pour favoriser l'accès à des emplois de qualité et
sur l'importance de la régionalisation de l'immigration.
Tout au long
du cahier de consultation, nous pouvons constater l'importance accordée par le gouvernement à la vitalité
du français. En région, une chose est claire : pour les
personnes immigrantes qui arrivent sur le territoire, c'est
qu'elles doivent parler le français, et, si ce n'est pas le cas, elles doivent
l'apprendre rapidement.
Les problèmes rencontrés actuellement pour
accéder aux cours de francisation sont de plusieurs ordres. Tout d'abord,
on a du mal à combler le nombre minimum de personnes immigrantes pour pouvoir
avoir accès aux services de francisation
de proximité et les cours sont aléatoires d'une année à l'autre. Les personnes
immigrantes doivent parfois se rendre
dans des MRC voisines. Quand on parle de MRC voisines, ça peut aller jusqu'à
1 h 30 min, sans les embouteillages et à l'aller, pour pouvoir, donc, bénéficier des
cours de francisation à temps plein. Le système de transport en commun
est inexistant au Lac-Saint-Jean, malheureusement. On n'a toujours pas de métro
ni de bus, malheureusement. Donc, les personnes doivent avoir accès à un
véhicule ou faire du covoiturage.
Ensuite, le
faible nombre d'inscriptions amène la création d'un seul niveau. Alors là, la
problématique, c'est souvent une
personne débutante dans un groupe de niveau intermédiaire... aura de la difficulté
à évoluer, et, inversement, une personne
avec un niveau intermédiaire qui souhaiterait parfaire son niveau de français
va avoir de la difficulté si elle tombe avec un groupe de personnes
débutantes.
Ensuite, l'accessibilité à des cours de perfectionnement pour le français écrit est quasiment
inexistante. Alors là, la problématique,
c'est au niveau de l'insertion professionnelle. Quand on veut un
poste au niveau de ses compétences, c'est compliqué quand on n'a pas un niveau de français
adéquat, et les personnes ont de la difficulté justement à accéder à ce perfectionnement-là au Lac-Saint-Jean.
Ainsi, nous
recommandons que le gouvernement assure des services de francisation de proximité
à tous les niveaux, et ce, dans les régions du Québec, et en facilite
l'accès.
Ensuite, concernant l'orientation n° 3 du
cahier de consultation, par rapport à l'augmentation du nombre de personnes qui ont un statut temporaire vers un
statut permanent, même si nous sommes d'accord, nous nous questionnons sur le réalisme de cette proposition. En région, c'est un grand défi de garder les personnes avec nous une
fois les études terminées. Même si
nous comprenons qu'au niveau légal Québec ne peut pas intervenir, le vide de services
actuels rend l'atteinte de ces objectifs
difficile. Nous croyons qu'il y a lieu de prendre le temps de se questionner
sur des stratégies possibles
pour garder ces personnes avec nous en région comme l'accompagnement au niveau des papiers pour accéder à la résidence permanente, le droit au régime d'assurance maladie du Québec,
l'accompagnement au niveau de l'employabilité pour faire son C.V., pour la recherche d'emplois. Toutes ces personnes
tombent dans un trou de services et ne bénéficient d'aucun
accompagnement au Lac-Saint-Jean, et donc quittent le lac.
C'est pourquoi
nous recommandons la mise en place de mesures pour faciliter l'accès aux
services des organismes d'accueil et
d'intégration, notamment en employabilité, afin de favoriser l'établissement
durable en région des travailleurs temporaires
et des étudiants étrangers qui engagent une main-d'oeuvre de... qui engagent,
pardon, une demande de résidence permanente.
• (14 h 50) •
Mme Boivin
(Martine) : Alors, le cahier
de consultation fait mention de l'importance pour le gouvernement de s'assurer de l'adéquation optimale entre la
formation des candidats et des candidates et les besoins du marché du travail.
Même si nous convenons que cette adéquation
peut jouer un rôle important dans l'intégration des personnes immigrantes
sur le marché de l'emploi, pour Portes ouvertes sur le lac, il ne s'agit pas
d'une finalité en soi. Selon nous, le défi que représente l'embauche des personnes immigrantes dépasse parfois les
compétences, dépasse également les diplômes et l'expérience de travail
acquise à l'étranger.
Dans une étude
que nous avons effectuée en 2015 auprès de femmes immigrantes du Saguenay—Lac-Saint-Jean, elles nous ont mentionné être fortement préoccupées, en fait, par la
méfiance qu'elles ressentent, de la part des employeurs, à les embaucher. Selon elles, cette méfiance-là est
due, d'une part, par les préjugés, la peur et la méconnaissance également des personnes immigrantes. D'autre part, cette
méfiance pourrait être causée principalement par l'absence d'expérience de
travail au Québec, et de références aussi en
sol québécois, et par les difficultés qu'ont les employeurs à comprendre et à
bien évaluer les diplômes et les expériences qui sont acquises à
l'étranger.
L'une des
pistes de solution que nous constatons sur le terrain, en fait, c'est une
sensibilisation directe auprès de l'employeur, c'est du un-à-un. Premièrement,
l'employeur, il doit croire que la personne immigrante, c'est un plus dans
son équipe puis dans son entreprise. Nous
devons faire tomber les barrières avant toute chose. Il faut travailler les filtres
culturels, et ça part
même à partir de la sélection des curriculum vitae, si on veut amener les
personnes jusqu'en entrevue. Il faut
accompagner les employeurs à comment sélectionner, comment comprendre un
curriculum vitae d'une personne immigrante.
L'accompagnement est également important lors de l'intégration en emploi. Ça
prend du temps. Il faut être patient,
autant de la part de l'employeur que de la part de la personne immigrante. Et
également c'est un suivi qui doit durer longtemps pour assurer la
rétention en entreprise également.
Donc, ces interventions auprès des employeurs
demandent du temps, et ça demande également des services personnalisés. Il faut s'adapter aux personnes.
D'autres mesures, telles que des stages rémunérés, pourraient faciliter aussi
l'obtention de la fameuse première expérience de travail en sol québécois.
Donc, nous
sommes d'accord qu'il faut travailler de pair avec les différents acteurs
économiques pour faire avancer les
choses. Les chambres de commerce en région sont une porte d'entrée pour toucher
les entrepreneurs et les employeurs. Nous travaillons de pair avec eux
au Lac-Saint-Jean, et ça permet, en fait, de bons résultats. Tout dernièrement,
on a travaillé à organiser un déjeuner avec la chambre de commerce pour faire
de la sensibilisation auprès des employeurs d'une
MRC. Et, suite à cela, nous avons eu la proposition de la chambre de commerce
d'inclure dans leur gala une nouvelle catégorie, qui était la diversité
en entreprise, qui est une nouveauté au niveau du Lac-Saint-Jean.
Mais tous ces
services-là ont un coût, alors c'est pourquoi nous recommandons que la
sensibilisation à la diversité culturelle
auprès des employeurs soit une priorité gouvernementale, afin d'augmenter
considérablement l'engagement et la
présence des personnes immigrantes sur le marché du travail en région. Et
également nous recommandons l'accès à un
financement pour développer des outils adaptés aux réalités régionales afin de
permettre l'accroissement des compétences interculturelles dans les
entreprises, les organisations et les institutions.
Nous désirons réitérer également notre
engagement à travailler de concert avec tous les acteurs, qu'ils soient économiques ou territoriaux, pour contribuer à la
régionalisation de l'immigration. Nous sommes la preuve vivante que
l'immigration en milieu rural est possible, mais, pour ce faire, Québec doit
reconnaître l'expertise des organismes d'accueil et d'intégration et
reconnaître que ceux-ci jouent un rôle central dans la mise en place de la stratégie
de régionalisation. La réalisation d'un tel
projet est possible grâce à tous les partenaires, mais l'organisme doit quand
même être l'organisme pivot entre les différents acteurs.
Dans sa
stratégie de régionalisation de l'immigration, le gouvernement doit également
prendre en compte tout le travail qui
doit être effectué à long terme par les organismes pour assurer la rétention
des personnes immigrantes en région.
Il ne s'agit pas seulement de les attirer, mais il faut également qu'elles se
sentent suffisamment incluses pour en faire
un projet de vie. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un deuxième
déracinement quand il s'agit de régionalisation. Elles sont souvent passées par Montréal avant. Donc, il faut y mettre du
temps et des ressources pour bien faire les choses. Ainsi, nous recommandons que les organismes
d'accueil et d'intégration en région soient reconnus comme des leaders dans la régionalisation de l'immigration, qu'ils
soient au centre de toutes les actions et qu'ils puissent mettre à profit leur
expertise en immigration par le biais d'un financement accru pour la mise en
oeuvre de leur activité.
Et nous
concluons sur l'importance pour le gouvernement d'avoir une vision globale en
matière d'immigration des personnes
immigrantes. Il faut à la fois travailler sur l'employabilité, mais également
sur l'intégration sociale, sur le réseautage,
qui permet l'obtention d'un emploi en région. Il faut s'assurer que les enfants
vont bien, également, à l'école, qu'il
y ait des services qui leur soient offerts en francisation dans les écoles.
S'occuper également de la conjointe, qui parfois ne travaille pas. Si elle est bien en région, son mari travaille, ils
ont des chances de demeurer avec nous. Il faut également bien préparer la population, il faut la
sensibiliser pour qu'elle puisse avancer au même rythme que l'arrivée de
l'immigration en région.
Je vous remercie.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à
Mme la ministre pour une période de 16 minutes.
Mme Weil :
Oui. Bonjour, bienvenue, Mme Bedjbedj et Mme Boivin. Alors, c'est avec vous
qu'on finit la consultation, et c'est
très bien comme ça parce qu'on pourra avoir un portrait des défis que vous avez
en matière de, bon, d'amener les
immigrants en région et la rétention. Puis la rétention, comme vous le dites — on
va peut-être commencer par vos derniers commentaires — ça prend toute une collectivité pour que ça
marche bien, avec un pilier comme votre organisme, qui était... Vous rappelez-vous, vous étiez le coup de coeur
du ministre des Affaires municipales?
C'était en quelle année? J'étais ministre de l'Immigration à cette
époque.
Mme Boivin (Martine) : Je n'étais
pas directrice à cette époque, mais il y a eu en 2008...
Mme Weil : Mais c'était tout
nouveau, vous étiez quand même assez jeune...
Mme Boivin (Martine) : Je pense,
c'est en 2008?
Mme Weil : Oui, c'est ça...
Mme Boivin (Martine) : C'est
possible, oui.
Mme Weil : ...2008... Non,
2009.
Mme Boivin (Martine) : 2009.
Mme
Weil : Vous étiez le
coup de coeur, donc, du ministère des
Affaires municipales, là, je m'en
souviendrai toujours, et j'ai visité votre organisme, je pense,
c'était peut-être en 2010. Vous faites un excellent travail, je
tiens à le souligner.
Mais vous
avez des défis, et vous décrivez un peu les défis puis comment les programmes
ne sont peut-être pas toujours ajustés aux défis que vous avez. Donc,
l'important, c'est dans l'objectif de régionalisation. On parle maintenant d'immigration en région, là, voulant dire qu'on veut amener les
immigrants directement en région selon des besoins... D'ailleurs,
M. Francoeur, qui vous a précédées, le président de la Commission des partenaires du marché du travail... Eux, ils travaillent sur un projet très
important, c'est d'avoir des portraits régionalisés des besoins du marché du
travail. Imaginez-vous, c'est un outil qu'on
ne possède pas actuellement. Ça surprend les gens quand je le mentionne, mais,
nous, on a toujours
travaillé avec des portraits... ce qu'on appelle nationaux, donc du Québec,
mais ça n'amène pas la personne directement pour répondre à un emploi
qui est disponible dans la région.
Pouvez-vous
me donner un portrait, si vous êtes capables, des besoins que vous voyez en
région, peut-être tant dans
le domaine des travailleurs qualifiés que peut-être moins qualifiés? Est-ce que
les gens parlent de pénurie? Est-ce
qu'il y a des raretés? Comment vous voyez ça? Parce que tout part de là pour
ensuite bâtir un système d'administration, si vous voulez, qui vous accompagne pour
attirer les personnes et les retenir.
Mme Boivin
(Martine) : Je vous dirais
que, même pour nous, c'est difficile d'avoir ces informations-là, dans
le sens où souvent ça va être au niveau régional, donc, que les données vont
être données, alors que nous, on travaille principalement au Lac-Saint-Jean.
Donc, c'est pourquoi nous avons embauché tout dernièrement une personne qui travaille comme agente de liaison aux entreprises,
et c'est justement son rôle d'essayer le plus possible d'aller dans les événements en emploi, d'aller rencontrer
directement les entrepreneurs, les employeurs pour voir c'est quoi, les besoins,
parce que c'est le marché caché de l'emploi
qu'il faut faire sortir, justement. Parce que, oui, il y a des chiffres au
niveau... Souvent, hein, il va y
avoir 22 000 emplois de disponibles, là, dans... d'ici 10 ans. Moi, je suis à Portes ouvertes sur le lac
depuis sept ans déjà, et souvent c'est
difficile de savoir exactement quel est cet emploi-là. Donc, nous travaillons à
avoir un portrait plus réaliste, et,
pour pouvoir, nous avons... la façon dont on fonctionne, c'est que nous avons
une personne à Montréal qui est agent de promotion, donc qui travaille
pour Portes ouvertes à Montréal, et, lui, ce qu'on veut faire, c'est de lui envoyer les offres d'emploi pour que lui
puisse vendre la région avec l'emploi, parce
que les personnes immigrantes,
souvent, ne déménageront pas sans emploi, ou
elles vont déménager parce qu'elles savent qu'il
y a des emplois disponibles.
Mme Weil : Des stratégies
d'attraction que vous avez mises en branle, lesquelles fonctionnent le mieux?
Et peut-être aussi nous donner un peu le portrait du profil d'immigrant entre travailleurs qualifiés, peut-être certains réfugiés et regroupement
familial. Est-ce que vous, vous avez une idée du profil des...
• (15 heures) •
Mme Boivin
(Martine) : Bien, en fait, à
Portes ouvertes sur le lac, au Lac-Saint-Jean, on accueille majoritairement,
comme au Québec, des travailleurs qualifiés, sauf que notre taux est un peu plus bas. Nous avons
davantage de... C'est le taux le plus
haut, mais après c'est les personnes du regroupement familial en deuxième,
autour de 32 %. Donc, c'est
plus élevé qu'au Québec en général. Alors,
c'est à peu près comme ça que ça... Puis des personnes réfugiées, nous en avons
très peu. Nous avons accueilli, là,
une famille cette année qui était parrainée au privé. Donc, on a travaillé...
C'était une première expérience. Puis nous devrions en accueillir une
bientôt.
Des
meilleures stratégies, vraiment, pour nous, c'est d'avoir quelqu'un à Montréal,
d'avoir quelqu'un qui représente le Lac-Saint-Jean, qui connaît la
région, qui connaît nos besoins, qui est directement à Montréal et qui peut
faire un contact direct avec les personnes
immigrantes à Montréal. Parce que ce qu'on constate, c'est que ça prend un
lien. Il faut que les gens... il faut
qu'il y ait un lien de confiance qui s'établisse dès le départ. Donc, lui, il
fait les rencontres, il vend les
régions et ensuite il nous les réfère, et c'est les agents d'intégration sur le
terrain qui complètent le travail par la suite. On peut faire des visites exploratoires aussi, les faire venir. Parce
que, vous savez, traverser le parc des Laurentides, pour des personnes
immigrantes, parfois, ils ne savent pas où ils vont arriver après. Donc, une
visite exploratoire leur permet souvent de venir voir avant et de venir constater que, même en région, on a tous
les services, et c'est même souvent plus rapide en région. Donc, il faut qu'ils viennent voir à quoi ressemble la
région, et elles doivent en entendre
parler à Montréal aussi.
Mme Weil : Et donc vous avez aussi parlé de — et d'autres l'ont évoqué aussi aujourd'hui — comment travailler, comment dire, l'ouverture à la diversité, le vivre-ensemble. Vous en parlez. Puis
d'ailleurs on a commencé la journée avec le Centre multiethnique du Québec, qui a parlé de l'importance d'une
campagne de sensibilisation, vous allez dans le même sens. Donc, les organismes communautaires, vous
voyez des choses, vous entendez des choses. Alors, est-ce que vous pourriez en parler un peu plus par rapport à ce
que vous voyez peut-être comme un frein possiblement ou la méconnaissance?
On a parlé de méconnaissance aujourd'hui,
qui constitue un frein pour certaines entreprises qui n'osent pas tenter leur
chance avec l'inconnu, hein, c'est comme ça
qu'on pourrait le dire. Et vous, donc, par rapport à cet enjeu, est-ce que vous
pourriez nous en parler, ce que vous
observez, puis des stratégies que vous, vous employez peut-être aussi pour
ouvrir la société autour de vous à ces diversités.
Mme Boivin
(Martine) : En fait, pour
nous, la sensibilisation, elle est de deux ordres : il y a la
sensibilisation de façon générale
auprès de la population et il y a celle auprès des entreprises. Donc, on ne va
pas nécessairement avoir la même approche avec les deux.
Au niveau
des entreprises, effectivement, il y a la méfiance, et, comme je mentionnais
tantôt, beaucoup l'incompréhension, des
fois, au niveau des diplômes, le questionnement que les gens peuvent avoir,
également au niveau du curriculum vitae, si le
curriculum vitae n'est pas fait de la même façon. En entrevue aussi, hein, on a
des filtres culturels, ce qui fait que parfois on a des attentes, hein, on veut
quelqu'un qui a de l'initiative, on s'attend à des gestes précis. Et parfois,
avec des gens qui proviennent, là, d'autres
cultures, ils n'auront pas nécessairement ces mêmes gestes-là. Donc, nos
filtres culturels nous amènent parfois à
faire des mauvais choix. Donc, il y a cet accompagnement-là qui doit être fait
auprès des employeurs aussi.
Donc, nous, on fonctionne beaucoup avec des
formations. On a l'accompagnent en entreprise avec des agents d'intégration qui vont faire l'intégration en entreprise,
faire le suivi, mais on offre également le service de formation aux entreprises, donc de former les gens sur la
diversité en entreprise pour que les employeurs, oui, les employeurs soient
ouverts, sensibilisés, mais également
des gens sur le terrain. Parce qu'une fois que l'employeur a embauché, c'est
souvent... il peut avoir ensuite,
comme nous, dans les usines, des contremaîtres, il y a d'autres personnes...
Donc, on favorise beaucoup des formations à plus large échelle, donc à
plusieurs employés en même temps.
Puis, au
niveau de la population, ce qui fonctionne énormément aussi, pour nous, c'est
d'aller que ce soit dans les
festivals, d'aller dans les écoles, d'aller dans les universités, faire des
présentations. Les gens ont peu... il
n'y a pas beaucoup d'immigration encore au Lac-Saint-Jean, on en a plus
qu'avant, mais il n'y en a pas encore autant qu'à Montréal, on s'entend. Donc, les gens ne sont pas toujours
habitués, donc. Ils sont très ouverts, puis c'est à nous de les informer et de venir aussi un peu contrer ce
qu'on entend beaucoup à la télévision, à la radio également, donc de venir
avec des personnes immigrantes, venir contrer un peu tous ces discours-là.
Mme Weil :
Vous aviez des difficultés d'accès à la francisation, il y a beaucoup de choses
qui ont été faites au MIDI pour
simplifier, rendre plus flexible, créer des plus petits groupes, des
partenariats avec les commissions scolaires. Pourriez-vous nous décrire... je comprends, c'est une question de
nombre, hein, de masse critique, donc c'est comment l'offre peut être ajustée à la demande. Peut-être
nous expliquer un peu les défis que vous avez au chapitre de la francisation.
Mme Boivin
(Martine) : Bien, en fait,
c'est très différent. Ce qui se passe, c'est différent d'une MRC à l'autre,
hein? Nous, on intervient dans trois MRC
différentes, donc on peut être dans une MRC où il n'y a pas du tout de cours
de francisation, aucun, comme la MRC dans
Maria-Chapdeleine, aucun ne sont offerts. On en a dans une autre MRC, donc
les gens doivent se déplacer pour y aller.
Et, cette année, on a réussi à avoir de la francisation à temps plein dans une
des MRC, ce qui est nouveau. Mais,
par contre, pour quelqu'un d'Alma, d'aller là-bas, c'est une heure de route.
Donc, une heure de route pour
quelqu'un qui vient de s'établir au Lac-Saint-Jean, ça peut être un peu
complexe, là, s'il n'a pas de voiture,
ce n'est pas simple, là, de se rendre aux cours. On a le Centre linguistique à
Jonquière, mais Jonquière, c'est aussi loin de quelqu'un qui habite à
Dolbeau.
Donc, c'est
pourquoi on fait la demande d'avoir des services de proximité. Quand même,
c'est une seule personne qui arrive,
si on ne lui offre pas de cours de francisation lorsqu'elle ne le parle pas,
soit elle ne va pas rester soit elle ne va jamais l'apprendre, et ça va avoir des impacts sur son intégration sur
le marché du travail. Donc, nous, on considère qu'il faut que les cours soient accessibles à tout le
monde : peu importe le nombre de personnes, elles doivent pouvoir
apprendre le français dans la première année où elles s'établissent, là,
en région.
Mme Weil : Je vais vous
amener... Il me reste du temps, M. le Président?
Le Président (M. Picard) :
Six minutes.
Mme Weil :
Les personnes en séjour temporaire. Donc, vous avez des gens qui sont des
travailleurs temporaires ou des étudiants, hein, au cégep de Jonquière.
Mme Boivin
(Martine) : En fait, c'est
le cégep d'Alma. Le collège d'Alma puis le cégep de Saint-Félicien, il y a
des étudiants internationaux.
Mme Weil :
D'accord. Et vous, vous y voyez un potentiel de rétention, chez ces personnes
en séjour temporaire?
Mme Boivin
(Martine) : Bien, en fait,
c'est clair qu'il y a des personnes, des étudiants, mais c'est tout un défi actuellement. Souvent, ils terminent leurs cours, parce que le défi de
l'employabilité, c'est pour eux aussi, même s'ils ont un diplôme québécois.
Donc, pour se trouver même un emploi pendant leurs études, c'est tout un
problème. Donc, de les garder avec
nous, ils n'ont pas droit à nos services. Donc, souvent, nous, on va quand même
les aider parce qu'ils viennent nous voir, ils n'arrivent pas à se trouver d'emploi, mais le fait qu'on
ne peut pas leur offrir des services complets, souvent ils vont
repartir.
J'ai un étudiant,
tout dernièrement, qui est venu me voir, qui me disait que souvent les
étudiants terminent leur cours et les
valises sont déjà faites pour repartir. Donc, nous, on recommande vraiment
qu'il y ait... je ne sais pas, mais qu'on réfléchisse à une stratégie
possible pour comment on peut intervenir pour les garder, parce que, oui, c'est
des candidats potentiels qui sont déjà ici,
qui ont déjà une compréhension de la culture, qui ont fait des stages en entreprise. Donc, oui, ça vaut la peine de
prendre le temps d'y réfléchir.
Mme Weil : Est-ce
que vous avez eu l'occasion
de dialoguer avec les autres partenaires dans le milieu, les élus, le maire, bon, les membres de la MRC, tous ces
acteurs qui peuvent jouer un rôle justement pour la rétention, l'attraction
et rétention? Est-ce que vous avez un genre de mobilisation ou est-ce que vous
vous apprêtez à avoir des actions de mobilisation autour
de cette question? Parce que j'y vois un potentiel, c'est sûr. Comme vous
dites, ils sont là, mais s'il n'y a pas
d'action pour les attirer puis dialoguer avec eux, puis les intéresser à la
région, s'il n'y a pas d'emploi... Il y a une chambre de commerce, j'imagine,
aussi.
Mme Boivin
(Martine) : Bien, en fait,
c'est que le problème, c'est le financement. Nous, le temps qu'on passe à travailler avec ces étudiants-là, on ne reçoit
pas de financement pour ça. Donc, c'est pour ça qu'on appelle ça un vide
de services. Parce qu'une mobilisation avec les MRC et les chambres de commerce, nous en avons une. Les MRC,
c'est nos partenaires. Nous sommes
localisés dans les bureaux des MRC. Donc, on a les MRC comme partenaires. Les
élus, je les ai tous rencontrés tout
dernièrement. Donc, on travaille de concert avec eux. Par contre,
lorsque ça concerne les étudiants internationaux,
comme ils ne sont pas... Nous, on travaille avec les résidents permanents, mais
on leur offre des services, comme je vous disais, un peu à côté, parce
qu'ils en ont besoin, mais nous n'avons pas de service officiel lorsqu'ils terminent leurs études. On a un service offert
avec des ententes avec les CFP pour aider les étudiants à leur arrivée, mais
on n'a pas d'entente à la fin.
Mme Weil :
Je ne sais pas si vous avez eu des enjeux concernant la reconnaissance des
acquis. Oui? Vous avez touché à ce gros
dossier-là? Donc, cette problématique, est-ce que ça a été un obstacle dans
votre région ou est-ce que c'est...
Mme Boivin
(Martine) : Bien, en fait,
on parle de la reconnaissance des acquis et des compétences dans le cadre
des études postsecondaires, c'est de ça qu'on parle?
Mme Weil :
Oui, ou tout simplement un travail, un emploi que la personne aurait eu dans un
autre pays et que l'employeur se trouve incapable de l'engager parce
qu'il ne reconnaît pas les compétences de la personne.
Mme Boivin
(Martine) : Oui. Bien, en
fait, si on parle vraiment de la reconnaissance institutionnelle, dans un
cadre, là, des cégeps, des universités,
c'est sûr que, pour les personnes immigrantes, c'est davantage au niveau
postsecondaire, donc au niveau professionnel,
mais de refaire tout ce processus-là, c'est souvent long pour eux et ils ne
peuvent parfois pas travailler en même temps. Donc, c'est quand même...
Je sais qu'il
y a eu beaucoup d'avancées, puis on a travaillé aussi, nous, avec les
conseillers en reconnaissance des acquis
et des compétences dernièrement, quand on a fait l'étude. Donc, on travaille de
concert avec eux. Mais ce n'est pas facile
pour les personnes immigrantes de s'engager dans un tel processus en région.
Puis, pour les employeurs, effectivement,
la reconnaissance, c'est que souvent, quand la personne arrive, elle peut avoir
des façons différentes de travailler.
Donc, ça peut venir jouer sur... l'employeur ne va pas nécessairement
reconnaître ses compétences. Donc, c'est pour ça. Moi, je trouve que ça, ça fait partie de la sensibilisation
auprès des employeurs. Ça doit être travaillé en même temps auprès d'eux, comment la reconnaître, cette
compétence-là, comment y voir les différences, comment faire ce transfert
de compétences là également entre un pays et un autre.
Mme Weil :
Bien, je n'ai pas d'autre question. Je vous remercie énormément de finir
essentiellement la consultation avec nous. C'était un grand plaisir de
vous recevoir.
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme la ministre. Je cède la
parole à M. le député de Bourget pour une période de
9 min 30 s.
• (15 h 10) •
M.
Kotto : Merci, M. le Président. Mme Boivin, Mme Bedjbedj, soyez
les bienvenues et merci pour votre contribution.
Martin Luther King disait : «I have
a dream that[, one day,] my four little children will one day live in a nation where they will not be judged by
the color of their skin but by the content of their character.» Je crois que, d'ailleurs, ces mots, il y a, au niveau de ce que vous investissez
comme énergie sur le terrain, ce même rêve. Ce qui m'amène à ma première
question. Quand vous parlez de la sensibilisation auprès des employeurs, la
sensibilisation pour la diversité, est-ce que les problèmes qu'on rencontre chez les employeurs de l'autre génération
sont les mêmes qu'on rencontre chez les jeunes générations, chez les
employeurs, disons, de votre génération, disons?
Mme Boivin (Martine) : Veux-tu
répondre?
Mme Bedjbedj (Nabila) : Oui, puis tu
peux me reprendre si...
Mme Boivin (Martine) : Oui.
Mme
Bedjbedj (Nabila) : Moi, je
pense qu'il n'y a relativement pas de différence entre la nouvelle génération
d'employeurs et l'ancienne génération. C'est juste de la méconnaissance en
général, et ils n'ont pas eu accès à cette sensibilisation,
justement. Ça fait que c'est vraiment notre rôle à nous de
les accompagner dans tout ça et de les sensibiliser aux difficultés que
peuvent rencontrer les personnes immigrantes au Lac-Saint-Jean.
M. Kotto : O.K. Je vous pose la question,
parce que ce que vous me donnez comme réponse diffère de ce que certaines personnes qui vous ont précédées ici
nous donnent comme réponse relativement à ce qui se passe à Montréal.
On voit une différence entre l'autre génération, qui n'a pas eu de contacts
réels tangibles avec la diversité, et la jeune génération, qui, elle, a baigné là-dedans
depuis la maternelle jusque... Donc, c'est ce qui amène également
cette même citation de Martin Luther
King, parce qu'il y a un espoir. Les jeunes générations sont plus curieuses.
Les jeunes générations trempent dans
le numérique. C'est une seconde nature. Ils dorment là-dedans
et ils se lèvent là-dedans, ils sont dans le monde. Ils sont dans la
diversité.
Je pourrais même prendre l'exemple de mon
beau-père, qui n'avait jamais, avant de me rencontrer, rencontré quelqu'un issu de la diversité. Et c'était toute
une aventure dans les deux sens, parce que moi, j'étais surpris qu'il ne fût
point quelqu'un d'ouvert au monde. Il s'est
ouvert au monde à travers moi. Au départ, il y avait beaucoup
de méfiance, parce qu'habité par des préjugés. Et il a fallu briser ces
préjugés. Au bout du cheminement, il a réalisé qu'il n'y avait fondamentalement pas de différence. Et, à partir
de ce moment-là, il ne fallait pas dire un mot négatif sur moi dans la rue,
parce que ça le fâchait, contrairement à ce
qu'il pouvait avoir comme attitude préalablement, c'est-à-dire l'indifférence.
Et ça prend
ces rencontres-là, ça prend, disons, une constance aussi dans le travail de
rapprochement qu'on peut faire, parce
que ça ne peut pas se limiter seulement à des programmes. Il faut une approche holistique
qui engage... vous sur le terrain, qui engage les profs, qui engage les
parents dans les familles. Ça prend une volonté collective, en fait, parce que, si on n'arrive pas à se bâtir des
références communes, c'est sûr que ça va être difficile, plus difficile qu'aux
États-Unis, là, où l'autre s'est battu pour que ça change.
Et, en cela,
moi, je vois beaucoup d'espoir dans ce que vous faites dans votre région. Je
connais les difficultés et les défis
financiers auxquels vous êtes souvent confrontés relativement aux ambitions qui
sont les vôtres. Vous contribuez à
l'architecture d'un Québec moderne. Je vous applaudis dans ce sens et je n'ai
pas d'autres questions à vous poser. Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville.
Mme Roy :
Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour. Merci. Vous avez fait la route
jusqu'ici. Merci d'être ici.
Nous avons
adopté le projet de loi n° 77, donc la loi 77 au printemps dernier, la loi
justement sur toute l'immigration.
Et, à l'intérieur de cette loi-là, il y a effectivement des mesures pour avoir
plus d'immigrants en région. J'ai voté pour. C'est extrêmement important
de faire en sorte qu'il y ait des immigrants partout au Québec, pas juste à Montréal, d'où l'importance de ce que vous
faites. C'est extrêmement important. Vous les aidez, vous les guidez, vous
les orientez, hyper important.
Donc, à la
page 10 de votre mémoire, on parle justement de cette intégration en région, et
vous nous dites : «Bien que nous
[souscrivons] entièrement à cette vision — cette immigration en région — les nombreux changements et les pertes significatives qu'ont connus les régions au
cours des dernières années augmentent considérablement le niveau de difficulté quant à l'atteinte de cette visée.»
Alors, concrètement, j'aimerais savoir : À l'intérieur de vos organismes,
de votre organisme, est-ce qu'il y a
des services qui ont dû être amputés? Avez-vous eu des problématiques
particulières? Concrètement, ça ressemble à quoi sur le terrain pour les
jeunes que vous aidez?
Mme Boivin
(Martine) : C'est sûr qu'avec l'abolition des CRE... nous, on
fonctionnait avec une entente spécifique à l'époque, donc, il y avait plusieurs partenaires assis autour d'une même table en
régionalisation de l'immigration. On travaillait
ensemble de concert régionalement. Donc, c'est certain qu'avec l'abolition des
CRE ça a fragilisé plusieurs
partenariats. Il y a eu une diminution aussi du financement. Donc, ça a
fragilisé beaucoup de choses suite à ça.
Nous sommes
en train de reconstruire... nous avions des bonnes bases, donc de
reconstruire... Donc, les services qui ont disparu, on est en train de
les remettre en place, particulièrement avec une personne à Montréal. Tantôt,
quand j'expliquais que c'était essentiel
pour nous d'avoir un agent ou une agente de promotion à Montréal,
donc c'est un service qui avait
diminué en termes d'heures au cours
de l'année 2015 et qu'on a remis, là, à temps plein, là, depuis, là, quelques
mois.
Mme Bedjbedj (Nabila) : Et qu'on va
essayer de garder.
Mme Boivin (Martine) : Qu'on va
essayer de garder fort, oui.
Mme Roy :
Oui. Quand vous parliez de francisation dans votre mémoire, entre autres, quand
vous nous avez dit : On n'arrive
pas à atteindre le nombre suffisant de personnes pour avoir un cours et puis...
donc, c'est des délais d'attente, ça peut ressembler à quoi pour les
personnes?
Mme Boivin
(Martine) : Ce n'est pas des
délais d'attente, c'est qu'il n'y en a pas du tout. Donc, s'il n'y en a pas,
il n'y en a pas. Si c'est une ou deux
personnes, parce que ça arrive, donc, si c'est une ou deux personnes puis qu'il
n'y a pas de cours à temps plein, on
va les diriger vers Jonquière. Donc, ce n'est pas une question d'attente parce
que le nombre est trop petit, mais ça
peut démarrer l'année d'après, ce n'est pas... C'est pour ça qu'on dit que les
cours sont aléatoires. Une année, on
peut avoir un temps plein, et l'année d'après on n'en a plus. On offre
seulement sept heures de francisation par
semaine, et sept heures de francisation par semaine pour quelqu'un qui ne le
parle pas, c'est très peu. Par chance, ils sont dans un endroit où ça ne
parle que français. C'est ce qui les aide, là, à apprendre.
Mme Roy : ...une immersion,
là, veux veux pas, une immersion sociale.
Mme Boivin
(Martine) : On la voit, la
différence. On a des cours, là, à 21 heures semaine actuellement dans la
MRC Domaine-du-Roy, des personnes, des Syriens qui y participent. On la voit,
la différence, ils le parlent déjà, en six mois, il y a eu énormément
d'amélioration. Donc, c'est vraiment important qu'ils aient accès à ces
cours-là.
Mme
Roy : Tout à fait. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Personnellement, nous aimerions que les cours soient obligatoires pour tout le monde parce que ça passe
par la langue, l'intégration, aussi. Oui, l'intégration économique, le travail, mais c'est plus facile travailler quand
on comprend la langue. Et faut-il faire les deux en même temps? Probablement
aussi, apprendre en même temps qu'on commence à travailler, là, pour accélérer
le processus.
Donc, le rôle
que vous devrez jouer, que les organismes en région devront jouer... parce
qu'ici il y a effectivement une
immigration en région qui est plus grande au fil des années, c'est ce qu'on
espère, il y a un rôle plus grand que vous devrez jouer. La ministre, d'entrée de jeu, en a parlé en disant que
vous serez sollicités. Ma question, c'est : Effectivement, concrètement, est-ce que le ministère vous a
contactés plus en détail pour avoir ce partenariat plus grand ou pour vous
dire dans quelle mesure l'ampleur du rôle
que vous devrez jouer, surtout pour savoir quels sont vos besoins? Mais, quand
on parle de besoins, on s'entend qu'on parle
de besoins financiers pour offrir ces services. Est-ce qu'il y a déjà un
contact qui est fait à cet égard-là?
Mme Boivin
(Martine) : Nous, on a un
conseiller en immigration avec qui on est en contact régulièrement pour
les programmes d'immigration, donc qui fait le suivi avec nous par rapport aux
différents programmes, à la reddition de
comptes, tout ça. Mais ce qu'on ne sait pas, c'est ce qui va se passer à partir
de 2017, hein, mars 2017, là, c'est un peu flou. Est-ce qu'il y aura une poursuite des programmes? Est-ce que les
programmes vont s'arrêter? Donc, actuellement, on est un peu, là, dans le
néant à ce sujet-là.
Mme Roy : Bien, je vous
remercie infiniment, en espérant que tout ça s'éclaircisse au fil des prochains
mois. Merci beaucoup pour votre participation.
Le Président (M. Picard) :
Merci, mesdames, pour votre contribution aux travaux de la commission.
Mémoires déposés
Et, avant de
terminer les travaux, je dépose les mémoires des personnes et des organismes
qui n'ont pas été entendus lors des auditions.
Et la commission, ayant accompli son mandat,
ajourne ses travaux sine die. Merci et bonne fin de journée!
(Fin de la séance à 15 h 19)