(Neuf heures trente-neuf minutes)
Le Président (M. Picard) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens
ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission est réunie afin de débuter la
consultation générale et les auditions publiques sur le cahier de consultation
intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2017‑2019.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
• (9 h 40) •
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger) est remplacée par M. Hardy
(Saint-François); Mme Lavallée (Repentigny), par Mme Roy (Montarville).
Remarques préliminaires
Le Président (M. Picard) : Ce
matin, nous débuterons par les remarques préliminaires et nous entendrons
ensuite M. Esam Almokhtar, la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante et la Fédération des chambres de commerce du Québec.
Comme la
séance a débuté à 9 h 38, y a-t-il consentement pour poursuivre
au-delà de l'heure prévue, c'est-à-dire jusqu'à 12 h 8?
Consentement?
J'invite maintenant la ministre de
l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion à faire ses remarques
préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de six minutes.
Mme Kathleen Weil
Mme Weil :
Oui. Merci, M. le Président de la commission.
Je salue les membres du parti ministériel, la députée de Richmond, la députée
de Chauveau, le député de D'Arcy-McGee, le député de Saint-François, le député
de Portneuf et la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré. Je salue aussi le député de
Bourget, porte-parole de l'opposition officielle. Je salue de même la députée de Montarville,
porte-parole du deuxième groupe d'opposition. Mesdames messieurs,
bonjour.
Comme vous
savez, le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion a
entrepris une révision en profondeur de l'action du Québec en matière
d'immigration, de participation et d'inclusion avec l'objectif de mieux
sélectionner, mieux intégrer et mieux vivre ensemble. Ces travaux ont mené au
dévoilement, en mars dernier, de la politique Ensemble, nous sommes le
Québec et à sa stratégie d'action 2020-2021 ainsi qu'à une réforme de la
Loi sur l'immigration au Québec, adoptée le
6 avril dernier par l'Assemblée nationale. Nous sommes donc à un moment
charnière en ce début des auditions
publiques sur la planification de l'immigration pour la période 2017‑2019, au
cours de laquelle plusieurs des
mesures importantes de la stratégie d'action de la nouvelle politique seront
mises en oeuvre. Je rappelle que cette politique guidera l'action du
Québec pour les années à venir et que sa stratégie d'action comprend des
mesures innovantes et structurantes pour
assurer la pleine participation en français des personnes immigrantes à la vie
collective.
C'est aussi
au cours de cette période que la nouvelle Loi sur l'immigration au Québec
entrera en vigueur et que nous
pourrons aussi ainsi mettre en oeuvre un nouveau système d'immigration
dynamique et performant basé sur le modèle de la déclaration d'intérêts. Nous avons élaboré une planification
pluriannuelle sur trois ans, période qui en sera une de transition
permettant de mener à terme la transformation de notre système d'immigration.
La mise en place des orientations que nous
proposons permettra au Québec de demeurer une société prospère, francophone,
diversifiée et en mesure de répondre à ses besoins démographiques,
sociaux et économiques, tout en tenant compte de sa capacité d'accueil et
d'intégration et de son engagement humanitaire.
En voici les grandes lignes. Au cours des deux
prochaines années, les niveaux d'immigration seraient stables. Cette stabilisation permettrait au ministère de
compléter sa transition vers le nouveau système d'immigration, mais
surtout laisserait le temps aux mesures
mises en place dans la foulée de la nouvelle politique de prendre effet. La
hausse en fin de période se
traduirait, compte tenu des responsabilités du Québec en matière de sélection,
par l'augmentation des niveaux d'immigration
économique, en particulier des travailleurs qualifiés. J'insiste sur le fait
que l'immigration économique est un véritable levier de développement et
de prospérité pour le Québec. Nous déterminons les facteurs et les critères de
la sélection, ce qui explique que certaines des orientations lui soient
consacrées.
Notre
objectif est de sélectionner des personnes jeunes, qualifiées et qui
connaissent majoritairement le français, ce qui contribue à alimenter la population en âge de travailler et à
répondre aux besoins actuels et futurs du Québec. C'est pourquoi l'une de nos orientations vise à
maintenir annuellement à un minimum de 65 % la part de personnes de
moins de 35 ans dans l'ensemble de nos
admissions. C'est aussi pour cette raison que nous voulons nous assurer que la
proportion des candidates et candidats
sélectionnés dans la sous-catégorie des travailleurs qualifiés détenant une
formation en demande soit d'au moins
70 %. Ce sont les immigrants économiques, en particulier les travailleurs
qualifiés, qui déclarent connaître dans les plus
grandes proportions le français à leur admission. Nous nous appuyons sur ces
acquis pour aller plus loin et proposons de fixer à un minimum de 85 % la
proportion des adultes de la sous-catégorie des travailleurs qualifiés qui
déclarent connaître le français à l'admission.
Par ailleurs, des
mesures innovantes sont prévues dans la stratégie d'action de la politique Ensemble,
nous sommes le Québec pour promouvoir l'apprentissage du français au
Québec et depuis l'étranger et pour bonifier les services de francisation pour qu'ils soient mieux adaptés
aux profils et aux besoins des personnes immigrantes. On le sait,
l'apprentissage de notre langue commune est la clé d'une participation
réussie à la vie collective.
Les
orientations proposées tiennent compte également de la mobilité croissante des
talents sur la scène mondiale et de
la nécessité pour le Québec de s'affirmer en tant que destination de choix.
Nous voulons capitaliser sur l'apport de l'immigration temporaire et faciliter la voie vers l'immigration
permanente pour des travailleurs étrangers temporaires et des étudiants étrangers diplômés. C'est pourquoi
nous leur avons consacré une orientation. Ces personnes sont des
candidats de choix et connaissent bien le Québec. Elles sont formées ici ou
sont en emploi. Elles maîtrisent le français et leur intégration est bien
amorcée.
L'immigration
et l'établissement durable en
région des personnes immigrantes sont des enjeux importants pour le Québec.
Les personnes immigrantes contribuent, par leurs compétences et leur diversité,
à sa vie économique, à la croissance
démographique, au dynamisme des régions et à la vitalité du français. Nous
devons favoriser l'établissement des personnes immigrantes dans les
régions, hors de la métropole, notamment en travaillant de concert avec des
acteurs locaux à l'édification de
collectivités encore plus inclusives. Plusieurs études ont montré le lien
existant entre la diversité en entreprise
et l'innovation. Dans un contexte de mondialisation, une main-d'oeuvre
diversifiée et connaissant plusieurs langues
peut favoriser les économies ouvertes comme celle du Québec. La diversité est
donc une richesse pour la société et les entreprises au Québec.
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
Mme
Weil : La société québécoise a besoin d'attirer et de retenir
des talents stratégiques de toutes origines afin de demeurer prospère.
Cet exercice de planification pluriannuelle est aussi une occasion de
réaffirmer l'engagement du Québec envers
l'immigration humanitaire, un engagement en phase avec nos valeurs de
solidarité, de respect des droits et libertés
de la personne, d'équité et de générosité, et nous aurons l'occasion aussi, par
une orientation dédiée à l'immigration humanitaire, d'entendre les
intervenants au cours des prochaines journées. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant le
porte-parole de l'opposition officielle et député de Bourget à faire ses
remarques préliminaires pour une durée maximale de 3 min 30 s.
M. Maka Kotto
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Je veux à mon tour vous saluer ainsi que la ministre,
et sans oublier mes collègues membres de cette commission.
Le
Québec est une formidable terre d'accueil, de tout temps. Comme plusieurs
autres issus de vagues successives d'immigration,
je suis à même d'en témoigner aussi. Comme plusieurs autres, l'engagement
profond a toujours été de contribuer à notre mesure à l'épanouissement
de la maison qui nous a accueillis, une maison que nous aimons passionnément, le Québec. Nous participons à
l'architecture d'un Québec maître de son destin, tolérant et
participatif, un Québec qui considère chaque citoyenne et chaque citoyen comme
un acteur responsable de son destin, quelles que soient ses origines.
Mais
un constat, cependant, s'impose tous les jours : toutes et tous n'ont pas
eu les mêmes opportunités en ce qui a trait
à leur intégration, particulièrement au chapitre du travail, qui, avec la
connaissance du français, est la clé de voûte d'une intégration réussie.
Des études récentes extrêmement bien documentées concordent toutes dans la même
direction : le taux de chômage au
Québec est deux fois plus élevé chez les minorités visibles immigrées. On les
aurait pourtant sélectionnées selon les besoins présumément réels du marché du
travail. Ce sont des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants qui subissent
les impacts d'une politique d'immigration inadéquate et mal adaptée, nous le constatons encore aujourd'hui avec des politiques
qui ne mesurent pas les impacts réels sur tous ces nouveaux arrivants à qui nous avons promis d'hypothétiques centaines de
milliers d'emplois qui seraient à combler dans les prochaines années,
une nouvelle terre promise, dit-on. Nous les abandonnons plutôt sur la route de
leurs espoirs déçus avec toutes les conséquences prévisibles sur leur
quotidien.
À
l'évidence, M. le Président, l'État québécois n'investit pas assez dans les
services d'intégration et de francisation, et ces services proposés ne sont pas personnalisés pour répondre aux
besoins spécifiques et au cheminement de chaque personne nouvellement arrivée. Et je parle bien ici d'un investissement,
parce que ces personnes contribueront le restant de leurs jours au
développement et à l'évolution de notre nation.
Bref, il devient plus
qu'impératif de mieux s'en occuper, ils n'attendent qu'une occasion de participer
au développement social, culturel et
économique du Québec. Ils sont venus au Québec pour partager cet idéal. À ces
constats, notamment, auquel en arrivent, entre autres chercheurs, M. Brahim
Boudarbat et Gilles Grenier dans leur étude intitulée
L'impact de l'immigration sur la dynamique économique du Québec nous
pourrions également citer le professeur Pierre Fortin et le démographe
Guillaume Marois.
Il
nous appartient, collectivement et sans partisanerie, M. le Président, de
répondre à une simple question, une question qui a du sens :
Combien de personnes immigrantes peut-on raisonnablement espérer intégrer avec
succès chaque année au Québec? Merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci, M. le député. J'invite maintenant la
porte-parole du deuxième groupe d'opposition et députée de Montarville à faire
ses remarques préliminaires pour une période maximale de
2 min 30 s.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, salutations d'usage à la ministre, aux
collègues formant le gouvernement, à mon collègue de l'opposition
officielle également, à mon collègue qui m'accompagne aujourd'hui à la
recherche.
• (9 h 50) •
Naturellement,
la question : Combien d'immigrants pouvons-nous bien intégrer, bien
accueillir? Parce que c'est ce que
nous voulons, faire en sorte que les nouveaux arrivants, ces immigrants qui se
joignent à la population du Québec pour devenir Québécois, Québécoises et Canadiens, puissent justement jouir de notre terre, jouir de tout ce que
le Québec a à offrir. Alors
combien pouvons-nous accueillir? C'est la question qui nous réunit aujourd'hui.
Pour notre
part, M. le Président, il est impératif de bien déterminer cette
capacité d'accueil puisque c'est une forme de respect pour la société d'accueil que nous sommes. Avons-nous toutes
les ressources? Pouvons-nous faire en sorte que ces gens trouvent un emploi, deviennent des citoyens à part entière?
C'est extrêmement important qu'ils le soient. C'est une question de
respect pour la société d'accueil. C'est également, aussi, une question de
respect pour les gens que nous accueillons.
On ne laisse pas les gens au pas de la porte, il faut les accueillir à
l'intérieur de la maison. Alors, avons-nous les moyens? Quels sont ces moyens? Sommes-nous capables de le faire? Alors,
nous allons écouter avec beaucoup
d'intérêt les groupes qui vont venir nous expliquer dans quelle mesure nous
pouvons et nous devrions en accueillir davantage.
Pour ma part,
je parlais de question de respect, pour bien intégrer ces nouveaux
arrivants qui seront citoyens avec nous,
la protection de la langue française, mais surtout l'apprentissage de la langue
française, pour nous, évidemment, extrêmement importante et devrait être
obligatoire. Cet apprentissage l'est déjà pour les enfants qui doivent aller à l'école francophone. Alors, nous soumettons bien
respectueusement que, si les enfants doivent apprendre le français, les
parents doivent l'apprendre également, puisque, les gens qui nous écoutent, eh
bien, je vous informe que les cours de français
ne sont pas obligatoires pour les nouveaux arrivants, ce qui, pour nous, est
une aberration dans la mesure où, si on parle la langue, on sera davantage intégré et mieux intégré. Les cours de français naturellement, mais également les cours de connaissance de nos valeurs.
Quand on parle des valeurs québécoises, qu'est-ce que c'est? Naturellement, ce
sont les valeurs qui sont dans notre charte québécoise.
Donc, nous
sommes ici pour écouter, pour comprendre et pour savoir quel est justement le
nombre d'immigrants que nous pouvons
recevoir. En tout respect pour ces gens que nous accueillons, il faut vraiment
bien les accueillir, bien les intégrer, leur trouver un emploi et leur
apprendre la langue. Pour nous, c'est primordial. Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme la députée. Merci pour les remarques préliminaires.
Auditions
Nous allons maintenant débuter les auditions.
J'invite M. Almokhtar à faire sa présentation. Vous disposez de 10 minutes. Par
la suite vont s'ensuivre les échanges avec les parlementaires. La parole est à
vous.
M. Esam Almokhtar
M.
Almokhtar (Esam) : Mesdames
et messieurs, bonjour. Merci de me donner la possibilité de parler avec
vous aujourd'hui sur la planification de l'immigration du Québec 2017‑2019.
Je me
présente. Je m'appelle Esam Almokhtar et je suis Canadien d'origine yéménite.
Je suis venu à Québec parce que
j'adore la langue française et l'histoire du Québec et des Québécois. Je
travaille en ce moment au Centre multiethnique de Québec comme intervenant à l'accueil des réfugiés pris en charge par
l'État. En fait, je suis aujourd'hui pour partager mon expérience personnellement que j'ai vécue au
Yémen et de témoigner les souffrances du peuple yéménite, que les Yéménites ont vécu et vivent depuis jusqu'à
aujourd'hui, dans le but de faire quelques recommandations d'actions que
l'Assemblée nationale peut entreprendre dans
le cadre de la planification de l'immigration pour la période 2017‑2019,
pour venir en aide à la population du Yémen.
En fait, mon témoignage commence le 12 mars
2015. Je suis allé visiter mes parents. Pendant mon séjour, le 26 mars 2015,
l'Arabie saoudite a attaqué le Yémen avec des bombardements, avec des
bombardements destructifs 24 heures sur 24 heures, à toutes les villes, les
nuits, et le soir, et le jour, en détruisant toutes les infrastructures et le
patrimoine national et mondial.
Ils ont même fermé
les frontières à toutes les frontières. Ils ont bloqué les frontières
aériennes, terrestres et maritimes avec un
embargo incroyable. Il n'y a même pas quatre mois qu'il n'y a même pas une
bouteille d'eau, ni de carburant, ni
d'alimentation qui est entré au Yémen. Donc, on était obligés... même quatre
mois pour moi personnellement, quatre
mois, on était obligés de se déplacer à pied à cause du manque d'essence.
L'électricité, jusqu'à aujourd'hui, ça fait un an et demi que, le Yémen,
ils n'ont même pas une heure d'électricité par jour. C'est un état... elles
vivent de façon incroyable. Même quand vous
voyez l'Arabie saoudite attaquer les usines, les hôpitaux, les infrastructures, l'électricité, les civils
dans leurs maisons... Moi, j'ai mis des photos avec ma diapo... ils ne sont pas
touchants, mais je ne vais pas mettre plus
des photos qu'ils sont très touchants. Imaginez-vous qu'on réfléchit avant de
prendre une douche parce qu'il n'y avait pas de l'eau. Donc, il n'y
avait même pas ni d'eau, ni d'hôpitaux, ni de médicaments, ni d'essence au
Yémen pendant quatre
mois au début des quatre mois de première. Et, quand même, l'Arabie saoudite
a fait le Yémen comme un laboratoire d'expériences avec toutes les
bombes qu'elle achète à tous les pays.
Même
la maison de mes parents, c'était touché. On a essayé de dormir tous les soirs
en espérant que le lendemain va être
sain et sauf. Je sais si je suis là parce que la souffrance du Yémen ne fait
pas le grand titre dans les journaux ni les médias. Un an et demi, il
n'y a rien qui passe à la télé. Même, il y a deux jours, j'étais content que la
Radio-Canada a parlé d'un hôpital appartient
de Médecins sans frontières sur la distraction du bombardement aérien. Il y a
que... qui passent à la télévision,
c'est les Syriens. Ce n'est pas de jalousie de Syrie, mais les Syriens, ils
sont plus chanceux que nous. Au moins,
ils ont les frontières qu'ils peuvent aller, par exemple, au Liban, en
Jordanie, en Turquie. Le Yémen, c'est cerclé. Au nord, il y a l'Arabie saoudite. L'est du pays, ça a été pris par l'État
islamique. Le sud et le nord, on a une frontière maritime avec le
Djibouti, l'Érythrée et la Somalie, où il y a les guerres et il n'y a pas de
droits de l'homme là-bas.
Donc,
le Yémen, les peuples yéménites, ils n'ont même pas le droit de sortir du pays.
Moi, j'ai écrit dans mon mémoire comment j'ai réussi de sortir après
quatre mois d'essayage pour venir ici à Québec et à Montréal.
Donc,
qu'est-ce qui se passe au Yémen? Il y a des villes qu'ils sont des fantômes maintenant,
parce qu'à cause des bombardements il
n'y a rien. Avec des bombes à sous-munitions en terres d'action mondiales
d'utilisées... Mais au moins il n'y a
pas quelqu'un qui part sur qu'est-ce qui se passe au Yémen sur les médias. Je
ne suis pas contre qu'on fait le business avec l'Arabie saoudite, mais
pas de tuer tout le monde.
Moi,
je sais que le Québec, il n'a pas le droit de donner le statut de
réfugié, mais il a d'autres moyens qu'ils peuvent venir pour aider les
Yéménites avec les uns que je montre, le Québec, en faveur des droits de
l'homme et avec la solidarité des Québécois
et Québécoises pour les personnes en détresse. Même, ils ont
fait ça avant l'État fédéral de Canada pour
les Syriens, mais après, c'était le Canada qu'il a pris en charge toutes les démarches pour
venir les Syriens. Et quand même, avec l'orientation n° 9 du plan de l'immigration de 2017-2019... et
j'implore que l'Assemblée nationale, facilitée par tous les moyens à sa disposition, le processus de demande et
d'octroi du certificat de sélection du Québec aux citoyens yéménites en prenant compte de la situation grave en matière du droit des hommes... existe dans ce
pays. Saviez-vous que 18 mois avec 10 bombardements continus 24 heures
sur 24 heures, il n'y a pas dans l'histoire une guerre qu'elle était passée 18 mois juste des bombardements aériens
sans aucun plan qu'est-ce qu'elle veut faire après ça. Je crois que je
suis fini. Merci beaucoup. Merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre
pour une...
M. Almokhtar
(Esam) : ...
Le Président (M.
Picard) : Oui?
M. Almokhtar
(Esam) : Juste pour mon français. Moi, j'adore la langue française,
mais, comme je suis un petit peu stressé et
le Yémen ne parle pas du tout, même un bonjour, bonsoir au Yémen... Donc, j'ai
choisi le Québec juste pour la langue française, rien d'autre et les
valeurs québécoises.
Le Président (M.
Picard) : Il n'y a pas de problème. Votre français est très
bon. Donc, je cède la parole à Mme la ministre pour une période de 17 minutes.
• (10 heures) •
Mme Weil :
Merci. Merci beaucoup, M. Almokhtar et on vous souhaite la bienvenue — bravo
pour votre français — mais je souhaite la bienvenue à vos enfants.
Alors, j'ai eu l'occasion d'apprendre que vous en avez quatre. Ça, c'est trois de vos enfants. Bonjour, les enfants,
bienvenue ici, c'est un exercice démocratique important, puis peut-être
qu'un jour vous allez vous présenter en politique.
Écoutez, c'est très
émouvant. Je vous remercie de vous être déplacé. On parle du Yémen, et c'est
sûr que les reportages qu'on voit, je pense
que les populations commencent à être très sensibilisées par rapport à ce qu'il
se passe. Moi, j'ai eu l'occasion de
rencontrer des demandeurs d'asile qui sont passés par la commission qui fait la
détermination du statut de réfugié.
C'est des demandeurs d'asile et, donc, qui m'ont pu expliquer leur vécu. Mais
vous savez, je pense que vous le savez
parce que vous travaillez dans le milieu de l'immigration, la détermination et
sélection, évidemment, c'est un travail complexe qui est fait entre
chaque pays et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
Le
Québec, notre rôle est de dire au gouvernement fédéral combien de réfugiés on
pourrait en prendre et quels seraient
les bassins d'où seraient issus ces réfugiés qui seraient les plus aptes à
s'intégrer ici, au Québec, soit parce qu'ils ont des connaissances de la langue... et c'est ce qu'on voit beaucoup en
Afrique de l'Ouest, de certains pays, et aussi peut-être parce qu'il y a une population déjà implantée ici,
c'est le cas, évidemment, des Syriens, bon, des facteurs comme ça, ou ça
peut être des pays francotropes. Le Yémen,
pour l'instant, ce n'est pas un des pays désignés, comme vous le savez,
ce n'est pas un des bassins qui ont été désignés.
J'aimerais
vous entendre sur cette question, parce que vous connaissez cette situation, je
comprends bien. Je pense que vous savez que notre capacité d'agir est
limitée... bien, limitée, mais c'est tout le monde, c'est normal que ça soit comme ça. Je veux dire qu'il y a des procédures et
des processus qui se font à l'échelle internationale. Mais notre rôle
est de bien... de jouer notre rôle. On ne
pourrait pas vous proposer d'émettre des certificats de sélection du Québec,
mais... la loi ne fonctionne pas de cette façon.
Mais j'aimerais vous
entendre plus parce que je trouve que c'est important. Vous êtes ici pour
parler d'une situation très difficile que
vivent vos compatriotes. J'aimerais peut-être... si vous pouviez en parler un
peu plus, de l'action humanitaire que
vous souhaiterez voir peut-être à l'échelle internationale. Le Québec fait
partie... donc, on adhère à la Convention de Genève, mais comment vous
voyez l'évolution de votre demande?
M. Almokhtar (Esam) : Je
sais que, comme j'ai dit que le Québec, il n'a pas le droit de donner le statut
de réfugié, mais, quand même, il peut
faciliter de façon... par exemple, moi, j'ai marqué comme le certificat de
sélection pour des droits humanitaires, pour l'endroit où ils peuvent,
les Yéménites, faire leurs demandes. Ça se peut que... parce qu'au Yémen il n'y a aucune ambassade, il n'y a aucun
consulat qui avait été ouvert. Essayer avec les moyens... par exemple,
je sais que, pour le Syrien, le Québec a
déjà, avant que le Canada commence la prise en charge des réfugiés... ouvrir
pour faciliter l'arrivant des Syriens, mais, pour le Yémen, c'est bloqué. Le
problème, au Yémen, c'est tout fermé partout. L'Arabie
saoudite a comme bloqué tous les moyens, même les médias. Donc, bon, le Québec,
moi, je crois avec les valeurs du
Québec qu'elles sont capables au moins de faciliter les choses pour la langue
française pour les gens qui ne parlent pas le français. Elles vont apprendre le français. Elles vont venir ici, elles
vont apprendre. L'endroit où elles peuvent faire leurs demandes, ce
n'est pas nécessaire, peut-être une de ces familles qu'elle peut faire une
demande pour les autres parce qu'elles n'ont
pas de moyens, sauf pour les étudiants qui sont à l'extérieur du Yémen ou les
malades. Parce qu'il y a des gens qui essaient de sortir, c'est
seulement les malades... qu'elles sont des maladies graves, parce qu'il n'y a
pas des hôpitaux au Yémen. C'est tout.
Mme
Weil : Peut-être pour vous expliquer, le CSQ pour motifs
humanitaires que peut accorder le gouvernement du Québec, c'est vraiment des cas d'exception selon la loi. Son
application n'est pas généralisée parce qu'il faut agir, comme vous le
comprenez, dans le cadre de l'Accord Canada-Québec, mais des pouvoirs du Canada
mais aussi du Haut-Commissariat, qui joue un
rôle prépondérant en la matière. Donc, moi, je vois votre intervention ici
comme un élément pour que les gens
prennent conscience de l'importance de ce dossier. Puis je voulais savoir si
vous avez eu l'occasion d'échanger peut-être
avec des acteurs, soit du niveau du gouvernement du Canada ou d'autres acteurs,
si vous êtes impliqué dans des mouvements pour sensibiliser les
Canadiens, les Québécois à ces enjeux.
M.
Almokhtar (Esam) : Comme vous le savez, ici, au Canada, même à Québec,
il y a deux familles seulement du Yémen.
Donc, ça, c'est à Québec. À Montréal, il y a à peu près quatre ou cinq
familles. Il n'y a pas beaucoup de Yéménites qui sont ici, au Canada en général, et au Québec. Mais on a essayé de
mobiliser aux États-Unis, en Europe, en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne. Au Canada, comme il
n'y avait pas d'activité et c'est très vaste, c'est difficile de
montrer, tout le monde, qu'est-ce qu'il se passe au Yémen. Pour cette raison,
moi, j'ai dit : Je vais tenter ma chance de parler avec vous aujourd'hui, au moins pour vous sachiez qu'est-ce qu'il se
passe au Yémen et que c'est honte pour les droits des hommes, même avec les Nations unies et l'Assemblée
nationale, de la situation des droits de l'homme au Yémen... écrivez
toutes les choses en détresse que les Yéménites vivent et vécues dans le passé.
Mme
Weil : Je vais céder la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee,
mais je veux vous dire qu'il y a des choses que le Québec peut faire
pour des cas particuliers, hein, vous le savez. Donc, il y a des familles qui
sont ici.
Pour
ce qui est des demandeurs d'asile, j'en ai rencontré. Je sais que ce n'est pas
ce que vous demandez, vous voulez
quelque chose de plus élargi, mais on travaille dans le cadre et on opère dans
le cadre que je vous ai expliqué. Mais je voulais quand même vous
transmettre notre préoccupation par rapport à ce que vous présentez ici
aujourd'hui, qu'on est à l'écoute. On va
suivre ça de près et on va continuer à jouer le rôle qu'on joue. On vient le
confirmer, donc, quand on parle
d'immigration humanitaire, c'est vraiment de façon globale. Donc, les familles
qui voudraient agir vis-à-vis des membres
de leurs familles ou d'autres personnes au Yémen... et c'est surtout l'appui
qu'on peut donner à ces personnes qui se retrouvent ici.
Alors, M. le
Président, avec votre permission, mon collègue de D'Arcy-McGee. Merci.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee.
M.
Birnbaum : Merci, M. le Président. Bonjour, collègues. Bonjour, M.
Almokhtar. Je veux vous saluer ainsi que vos enfants, et surtout pour
votre courage, votre travail au nom des concitoyens de votre pays natal.
Et
votre présence doit nous rappeler aussi le rôle primordial de ces commissions
parlementaires en termes de notre démocratie.
La plupart des gens qui se présentent devant nous, c'est des regroupements, des
groupes d'intérêt, et tout ça, tout à fait légitimes et normaux, mais
c'est le lieu aussi pour le citoyen de s'impliquer, de mettre de l'avant ses
arguments et de s'assurer que le cheminement
de nos projets de loi, de nos politiques soient assujettis vraiment à la
transparence. Et chapeau pour le fait que vous soyez ici.
Écoutez, j'ai cru
comprendre, en écoutant Mme la ministre, qu'il y a des contraintes qui sont
imposées sur le gouvernement du Québec. Il faut que le Haut-Commissariat des
Nations unies se prononce dans le cas du Yémen. Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas... des délais qui ne sont pas
dans nos mains. Si je peux, je mettrai ça à côté, mais il me semble, avec tout le respect, qu'on vous donne
l'opportunité de faire connaître une situation tellement triste et de
voir comment on peut collectivement mobiliser pour avoir une influence
là-dessus.
Sur
ce sujet-là, je vous ai écouté, j'ai lu le mémoire. Je vous invite de nous
parler de votre connaissance — vous avez de la famille toujours là — de nous parler en détail de la vie
quotidienne des gens qui habitent dans votre pays. Est-ce que les
enfants ont au moins... ont l'opportunité de se trouver à l'école? Est-ce
qu'ils peuvent jouer avec leurs amis? Y
a-t-il de l'électricité? C'est quoi, la vie quotidienne? Comment on vit cette
difficulté? Comment les familles restent intègres? Est-ce qu'on peut
gagner notre vie le moindrement? Il me semble que c'est important qu'on
comprenne comme il faut la situation chez vous.
• (10 h 10) •
M. Almokhtar (Esam) :
Bien, en fait, pour le Yémen et les Yéménites, ils n'ont jamais eu de chance de
vivre d'une vie dans la paix à longue durée.
Il y a toujours des guerres, il y a
toujours des problèmes politiques. Il y a des problèmes pour les enfants, il y a des enfants qui
ne sont pas allés à l'école. Il n'y a pas de droits des femmes. Les
femmes, elles n'ont pas le droit, même, de
travailler et de sortir toutes seules, de vivre normalement. Pas tous les gens
qui vont à l'école, parce qu'il n'y a
pas d'école. Pas de travail. Ils travaillent dans l'agriculture ou ils font des
guerres. Savez-vous que le Yémen, il
y a beaucoup d'armes? Il y a beaucoup de chicanes entre eux et les autres. Les
droits des enfants, qu'ils marient à 10 ans ou à 11 ans, sans aucune
contrainte, sans aucun refus. Elles ne veulent plus se marier à cet âge-là.
Au niveau économique,
le Yémen, c'est le plus pauvre pays au monde et attaqué par le pays le plus
riche au monde. Malheureusement, le Yémen,
il était, à l'époque, parce qu'il était connu, l'histoire, comme... La reine de
Saba, avec le roi Salomon, c'est très connu
dans l'histoire, mais... Il s'appelait l'Arabie heureuse. Mais maintenant c'est
l'inverse. Depuis à peu près 50 ans ou plus qu'ils sont toujours... À chaque
trois, quatre années, il y a des guerres qui passent à l'intérieur. Qualité de vie, il n'y a rien. Il n'y a pas d'école, il n'y
a pas d'hôpitaux. Savez-vous, si je suis malade ou... mon père, il était
malade : on l'a amené en Jordanie pour se soigner. Ils n'ont pas de
chance.
Et malheureusement le
monde ne parle pas du tout du Yémen de façon... Simplement. Pourquoi? On ne
sait pas. C'est à cause de l'Arabie
saoudite, je suis sûr et certain, parce que l'Arabie saoudite, ce n'est pas
seulement le pays qui fait des
problèmes au Yémen. Il fait des problèmes mondialement, même ici, au Canada, à
cause de la baisse du pétrole. Elle
fait de la mauvaise économie au Canada à cause de la baisse du pétrole. Donc,
elle a toujours les mains à tous les problèmes mondiaux, avec leurs
idéologies et leurs croyances.
Bon, les Yéménites se
sont habitués. Ils sont des gens simples, ils ne critiquent pas beaucoup, ils
essaient de vivre simplement avec les moyens
qu'ils ont. Ils essaient de sortir, mais ce n'est pas facile de sortir du
Yémen, parce que c'est assez loin, et
on n'a pas d'autre frontière, par exemple, comme la Syrie. L'Europe, on peut
faire une chance d'aller en Europe. On peut mourir ou on peut arriver,
mais, nous, chez nous... D'arriver jusqu'en Europe, c'est compliqué.
Le Président (M.
Picard) : M. le député.
M. Birnbaum :
Il reste?
Le Président (M.
Picard) : Il reste quatre minutes.
M.
Birnbaum : Merci. Vous parlez assez clairement et de façon poignante
de la situation dans votre pays et, à quelque part, des circonstances
qui font en sorte que c'est comme ça. Est-ce que vous avez à vous préoccuper
des possibles représailles contre votre
parenté, vos amis qui sont toujours au Yémen? Est-ce que c'est une réelle
préoccupation?
M.
Almokhtar (Esam) : Oui, oui, bien sûr. Bien, si vous pouvez répéter la
question, s'il vous plaît. Je n'ai pas bien compris la question.
M. Birnbaum :
Mais je veux m'assurer que vous n'avez pas à avoir peur. Ici, évidemment, c'est
le forum pour vous exprimer comme il faut, mais vous nous dressez un portrait
de ce qu'il se passe au Yémen en parlant de l'Arabie
saoudite, et il y a le gouvernement qui n'est pas en contrôle, est corrompu, et
tout ça. Est-ce que vous avez peur que d'être si public dans vos
déclarations, il y ait un danger pour votre parenté qui est toujours là?
M. Almokhtar
(Esam) : L'année dernière, j'ai vu les morts avec mes yeux.
C'est-à-dire, il y a plus de choses que je
peux craindre à ça. Moi, j'aimerais bien que tout le monde sache où...
Peut-être, moi, que... Je suis capable de dire... parce que je ne crains ni l'Arabie saoudite ni personne. Parce
que c'est la violation des hommes, qu'est-ce qu'il se passe Yémen. Pas
seulement au Yémen : c'est partout dans le monde. Mais le Yémen, personne
n'a... 18 mois de bombardements continus, sans aucun mot.
Moi, je voulais
amener mes parents, mes deux parents, parce que j'ai le droit de faire un
parrainage pour mes parents, mais j'ai deux
soeurs qui ne sont pas mariées. Elles m'ont dit : On ne peut pas laisser
tes soeurs toutes seules. Donc, soit elles meurent, soit elles meurent,
il n'y a pas d'autre choix.
M. Birnbaum :
M. le Président, le...
Le Président (M.
Picard) : Il y avait le député de Saint-François, non? O.K.
M. Birnbaum :
Ah oui? O.K.
Le Président (M.
Picard) : Non, allez-y, M. le député de D'Arcy-McGee. Il reste
deux minutes.
Des voix :
...
Le Président (M.
Picard) : Est-ce qu'il y a d'autres intervenants du...
M. Birnbaum :
Bien, je veux bien. Vous n'avez pas de question?
Une voix :
...
M.
Birnbaum : O.K. Le portrait que vous nous faites nous met devant une
triste réalité mondiale, c'est qu'il y a tellement de conflits et, en quelque part, il y a des ressources collectives
restreintes. Alors, il y a des choix terribles qui sont faits par les Nations unies, par les nations de
s'impliquer où elles peuvent, ce qui m'amène à vous demander si vous
avez le moindre espoir... et c'est là la
question que doivent poser tous les pays du monde qui sont en difficulté,
est-ce que vous avez le moindre espoir que la situation risque de
s'améliorer dans les prochaines années? Chez vous, de façon autonome, est-ce
que le pays a le moindre espoir de voir des jours plus intéressants?
M.
Almokhtar (Esam) : Je ne crois pas. Il n'y a aucun espoir que le
Yémen... être en paix peut-être d'ici 20 ans à cause... C'est que l'Arabie saoudite est juste à côté de nous, il n'y
aura jamais d'histoire, ça va continuer, sauf si le monde entier est mobilisé
pour faire quelque chose, et ils savent, le monde entier, qu'est-ce qu'ils vont
faire s'ils veulent. C'est tout.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Le temps est écoulé. C'est beau.
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget pour une
période de 10 min 30 s.
M. Kotto : Merci, M. le
Président. M. Almokhtar, soyez le bienvenu, et je salue également vos enfants
qui vous accompagnent.
Vous nous
apportez une information en marge du sujet de travail qui nous occupe, mais il
y a un lien. Quand on vit dans un
monde avec peu de crises ou peu de conflits, il y a moins de problématiques
d'ordre humanitaire qui se posent. L'équation
réfugiés-capacité d'accueil dans des pays capables de recevoir du monde se pose
avec moins de... comment dire, moins de pression.
Mais je
profite de votre présence admirable ici — parce que ça prend du courage, comme disait
mon collègue, de venir ici faire le
témoignage que vous nous faites — pour vous poser la question :
Considérant que le gouvernement du Canada
a des relations diplomatiques avec l'Arabie saoudite, quels gestes le
gouvernement du Canada aurait-il dû poser et qu'il n'a pas posés pour, disons, s'interposer entre l'Arabie
saoudite et le Yémen durant ces 18 mois de bombardements?
• (10 h 20) •
M.
Almokhtar (Esam) : Moi, je ne suis pas politicien, mais, avec
l'histoire de Raif Badawi, le Canada a déjà essayé, juste avec des petites paroles, pour l'Arabie saoudite... mais
vous savez l'histoire. Moi, je ne suis pas contre le business, pas du tout, on doit profiter de
l'Arabie saoudite parce qu'il y a beaucoup d'argent. C'est normal. Partout.
Mais ça ne touche pas les hommes, les droits
des hommes. Qu'est-ce que le Canada peut faire pour l'Arabie saoudite? C'est
très compliqué comme question, à répondre
sur ce sujet, parce que, normalement, les choses normales, que, s'il y a
violation des hommes, elle doit s'arrêter
par tous les pays, commençant par les Nations unies. Mais le commerce et l'argent,
c'est la seule chose qui parle à nos jours, malheureusement.
M. Kotto : Je vous pose la
question parce qu'il y a des précédents, parce qu'il y a eu un gouvernement
dirigé par Brian Mulroney qui a pesé de tout son poids, qui s'est dressé contre
Mme Thatcher, notamment, et qui a convaincu — je parle de M. Mulroney — Ronald
Reagan de mettre de la pression sur le gouvernement d'Afrique du Sud afin de mettre fin au régime d'apartheid, et ça a payé. Et le symbole de
libération de l'Afrique du Sud qui faisait consensus chez les Noirs comme chez les Blancs a posé un
geste qui m'a marqué : le premier pays qu'il a visité pour dire
merci, c'est le Canada
et le Québec en
particulier, parce qu'il y a d'autres élus comme René Lévesque, Robert Bourassa ou
l'ancien maire de Montréal,
le maire Doré, qui avaient joué un rôle positif politique là-dessus
aussi. Il y avait des enjeux économiques importants avec l'Afrique du Sud, mais le gouvernement de M. Mulroney a posé ce geste. C'est le lien que je faisais quand je vous tendais la perche relativement à ce que le gouvernement canadien actuel pourrait faire pour,
disons, dénoncer, à la limite, ou...
M.
Almokhtar (Esam) : Bien, au
moins, ne vendez pas des armes à l'Arabie saoudite, au moins. Ce geste
simple, ça peut aider au moins les peuples
yéménites que... bien, des armes canadiennes, qu'elles peuvent détruire leurs
villages et leurs maisons. Ça, c'est une chose.
La deuxième
chose, que le Canada est capable de faire des pressions soit sur
l'Arabie saoudite ou mondialement que
cette guerre doit être cessée. Pour quelle raison? Tous les gens, tous les
enfants morts, il n'y a aucune raison pour ça. Les «Saudis», s'ils
veulent faire la guerre avec l'Iran, l'Iran, c'est juste à côté, s'ils sont
capables de faire une guerre, et ce n'est
pas loin. C'est plus proche que le Yémen, peut-être. Mais le Canada
est capable de faire la pression soit sur l'Arabie saoudite, soit mondialement que cette guerre doit être terminée
et finir. Je ne peux pas dire : Couper la relation avec l'Arabie
saoudite, parce que c'est en politique mondiale, on ne peut pas dire des choses
comme ça. Mais, au moins, je sais que le Canada
et le Québec sont capables de faire des pressions au moins
d'entendre le monde qu'il y a quelque
chose qui passe dans ce pays. Savez-vous qu'il y a 12... le Maroc et le Sénégal
participent à cette guerre? C'est où, le Maroc et le Sénégal, et c'est où, le
Yémen? 177 avions qui attaquent.
M. Kotto : Excusez-moi, juste
une précision. Vous dites : Le Maroc et le Sénégal participent aux côtés
de l'Arabie saoudite...
M. Almokhtar (Esam) : Oui.
M. Kotto : ...pour le
bombardement du Yémen?
M.
Almokhtar (Esam) : Oui. Il y a
12 pays qui attaquent le Yémen en ce moment, là. Il y a l'Arabie
saoudite. Moi, j'ai mis au début tous les
pays... plus le Sénégal, plus le Pakistan, qui attaquent le Yémen. Il y a
100 avions militaires. Il y a en total 660 avions militaires qui
attaquent le Yémen 24 heures sur 24 heures.
M. Kotto : Je profite de votre présence, parce que
vous êtes un témoin engagé, pour nous éclairer ainsi que les personnes
qui nous écoutent. Pourquoi cette crise? Pourquoi le Yémen est-il attaqué?
M. Almokhtar (Esam) : Parce que
l'Arabie saoudite, elle veut toujours prendre en charge le Yémen, et le Yémen, il
y a du pétrole en frontière avec
l'Arabie saoudite qu'elle aimerait bien appartient. Depuis l'existence de
l'Arabie saoudite, 1922 ou 1926, à peu près,
elle a essayé toujours, elle a pris plusieurs territoires du Yémen
par force. Donc, quand il y avait la révolution... le printemps arabe a
été commencé en 2011 et l'ancien président Ali Saleh, qu'il a quitté le pouvoir, ils ont ramené, l'Arabie saoudite, un
nouveau président, Sadr Abd Rado Mansour Hadi. Mais la révolution interne
continue par le peuple qui refuse que l'Arabie saoudite toujours a le droit à l'intérieur du
Yémen. Donc, l'été après, il s'enfuit en
Arabie saoudite, Abd Rado Mansour Hadi, et l'Arabie saoudite a commencé à
attaquer le Yémen avant qu'elle fait
une réunion pour les pays arabes en disant que moi, je vais attaquer le Yémen
pour rendre Abd Rado Mansour Hadi comme président au Yémen. C'est comme le Vietnam d'hier. Le Yémen devient aujourd'hui le Vietnam d'hier. Bon. Le président
est retourné au Yémen juste... Jusqu'à aujourd'hui, il y a 10 000 morts à cause des
bombardements. Peut-être, il y a des conflits, il y a des conflits à l'intérieur, mais les plus destructifs, c'est
les bombardements. Même les ponts, ils ont détruit ça.
Qu'est-ce qu'il faut encore pour l'Arabie saoudite? Je ne sais pas.
M. Kotto :
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. le député de Bourget.
M. Kotto : Merci, monsieur.
Le Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à Mme la députée de
Montarville pour une période de sept minutes.
Mme
Roy : Merci, M. le Président. M. Almokhtar, merci d'être ici.
Bonjour à vos enfants, bonjour à vous. C'est extrêmement
touchant de vous entendre et de vous entendre parler si bien français,
d'ailleurs. Félicitations, vraiment! Vous avez choisi le Québec pour la langue
française, c'est extraordinaire.
Je
vous écoute, et vous nous permettez de saisir un peu une réalité qui est
tellement loin de nous. Ce que votre famille vit là-bas actuellement et ce que d'autres
familles persécutées partout à travers la planète vivent lors de
conflits armés où la population est
littéralement sous les bombes, c'est une horreur, c'est l'enfer sur la terre,
et je pense que tous les peuples de
la terre qui ont les moyens de le faire doivent aider. Alors, comprenez-nous,
là, c'est important, et vraiment on se sent
bien impuissants quand on est ici et on regarde les images que vous nous
amenez, tout comme on se sent impuissants lorsqu'on regarde les images dans les bulletins d'information. Même si
nous sommes dans un parlement actuellement, souvent, on trouve que ça se joue bien au-dessus de nos têtes, toutes
ces décisions. On parle de politique internationale ici, ça se joue très, très loin. Il faut aider. Des
réfugiés, nous en avons, nous sommes heureux d'aider quand il y a des
vraies problématiques humanitaires. Il faut aider, il faut sortir les gens de
la misère.
Maintenant,
il y a plusieurs questions qui me viennent à l'esprit. Vous nous dites, dans
votre mémoire, et je vais lire pour les gens qui nous écoutent, vous faites des recommandations, ici,
au ministère. Vous dites : En raison de ces violences, des... Pardon, je recommence : «En raison de
ces violations des droits de l'homme et en réponse à la situation
politique, économique et humanitaire qui
sévit au pays — le Yémen — nous demandons au MIDI de faciliter, par tous les
moyens à sa disposition, la venue de ressortissants yéménites au Québec à
travers des programmes existants et selon les cibles annoncées dans la planification de l'immigration au Québec pour la
période 2017-2019, ainsi qu'à à travers la délivrance de certificats de sélection humanitaires à l'étranger
et au Québec lorsque ces derniers auront été préalablement approuvés par
Citoyenneté et Immigration Canada.» C'est à la page 5.
Alors, vous comprenez très, très
bien qu'au Québec la particularité, c'est qu'il y a le Canada aussi qui est là,
qu'actuellement, et Mme la ministre pourra me corriger, actuellement, au
Québec, le Québec choisit 70 % de son immigration.
Il y a un 30 %, et vous le savez parce que vous travaillez dans le
domaine, il y a un 30 % qui sont les réfugiés et la réunification familiale, qui est choisie,
d'une certaine façon, par Ottawa. Donc, le Québec coordonne les travaux
avec Ottawa pour ce qui est des réfugiés et de la réunification familiale.
Est-ce
que vous pensez... nous, c'est notre prétention, là, et là je vais à la pêche
parce que j'ignore ce que vous allez me répondre. Mais est-ce que vous pensez que le
Québec devrait avoir tous ses pouvoirs en immigration pour pouvoir décider justement quels sont les réfugiés qu'elle
pourra aller chercher et accueillir? Parce qu'actuellement c'est ce
qu'il nous manque. On décide des immigrants
à travers la planète, mais pas des réfugiés. Est-ce que le Québec, vu sa
particularité, vu sa langue française, vu sa situation géographique, vu sa
situation climatique, nommez-en, pourrait ou aurait avantage à avoir tous les
droits pour aller chercher les réfugiés?
• (10 h 30) •
M. Almokhtar (Esam) :
Bien sûr, le Québec est en partenariat avec le fédéral à toute l'immigration et
les personnes, les réfugiés. Donc, elle est
capable de donner la pression au moins à Ottawa pour... et ce n'est pas quelque chose qu'on va inventer, qu'au
Yémen il n'y a pas de problème, là. Elles meurent à l'intérieur, elles n'ont
pas même le droit de sortir. Et malheureusement même les Nations unies, elles ne donnent pas le
droit... elles ont ouvert pour les personnes du Yémen d'état réfugié partout dans le pays. Il y a
deux, seulement, pays qui acceptent les rentrées du Yémen, c'est
l'Algérie et la Malaisie. Mais rentrer
là-bas, qu'est-ce qu'elles font, qu'est-ce qu'elles vont faire là? S'il n'y a
pas d'aide avec les Nations unies, si
elle a un statut de réfugié, elle ne peut pas vivre, il n'y a pas de travail
pour les Algériens et les Malaisiens,
donc le Québec même... Moi, je dis : Peut-être
le Québec va aider les demandes, c'est-à-dire que les endroits de faire la
demande pour les gens yéménites, assouplir peut-être l'exigence de la
langue française, parce que le Yémen, ce n'est pas des pays qui parlent le français. Donc, quand même,
les papiers originaux, il y a à peu
près 20 personnes yéménites qu'elles n'ont pas un acte de naissance original.
Avec ce processus, ça se peut que ce n'est pas tout le monde qui va
gagner l'opportunité de venir au Canada, mais, au moins, il y aura des
chanceux. C'est tout.
Mme Roy : Oui. Je vais vous poser une autre question
parce que j'ai très peu de temps. Vous travaillez justement avec les
nouveaux arrivants et également ici, à Québec, avec les réfugiés syriens. On
est ici pour se pencher sur la question : Combien devrions-nous recevoir d'immigrants au Québec
pour les prochaines années? On se demande aussi : Est-ce qu'on a tous les moyens, est-ce qu'on a
tout ce qu'il faut pour bien les intégrer? Vous travaillez avec les
réfugiés syriens. D'un, quelles sont leurs
principales demandes, de quoi ont-ils besoin et est-ce qu'on a tout ce qu'il
faut pour bien les intégrer, pour leur donner du travail, pour leur
apprendre le français?
M.
Almokhtar (Esam) : Le Québec a
tous les moyens. Il y a peut-être une chose que moi, j'ai vécue avec mes enfants, c'est la façon qu'on veut juste annoncer
avant... la façon d'apprendre la langue française. Malheureusement, moi, je suis venu ici, à Québec,
pour la langue française, mais, à l'école il n'y a pas de méthode pour les gens
qui sont à 14 ans ou à 11 ans pour faire... pour apprendre les gens...
le français. Je travaille avec mes enfants très fort à la maison avec les connaissances que j'ai. Moi, je ne suis pas un
francophone d'origine, mais le français doit être bien à l'école,
enseigné pour les gens qui viennent, sinon, ça, c'est une perte pour le Québec.
D'autres
choses, pour les autres moyens, le Québec a besoin de beaucoup de main-d'oeuvre, beaucoup
de travail, beaucoup d'espace qui doit être habité. Pourquoi pas? Il y a
la paix ici, au Canada, au Québec, ça suffit pour nous.
Le Président
(M. Picard) : Merci, Mme la députée, c'est terminé. Merci, M. Almokhtar, et je vous remercie pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Et je suspends les travaux quelques minutes afin
de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 10 h 34)
(Reprise à 10 h 37)
Le Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en recevant la Fédération canadienne de l'entreprise
indépendante. Nous reconnaissons Mme Martine Hébert, vice-présidente. Vous êtes
une habituée, donc vous savez comment ça se
passe. Vous disposez de 10 minutes; vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous, Mme Hébert.
Fédération canadienne
de l'entreprise indépendante (FCEI)
Mme Hébert
(Martine) : Merci beaucoup, M. le Président. C'est sur un fond de marteaux-piqueurs que je
suis devant vous aujourd'hui. Mais, M. le Président, distingués membres de la commission,
je tiens d'abord à vous remercier vivement de nous
permettre de présenter le point de vue des PME sur la planification
pluriannuelle de l'immigration. Comme vous
le savez, à la FCEI, on regroupe 24 000
PME au Québec, et ces derniers sont présents dans tous les secteurs
économiques et dans toutes les régions.
Je vous
dirais, M. le Président, que c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on a pris
connaissance du cahier de consultation qui a été publié, là, sur les
orientations de la planification pluriannuelle de l'immigration. On pense que
l'immigration est au coeur de nos préoccupations parce que les enjeux liés à la
main-d'oeuvre sont très, très, très présents dans les PME.
Alors, il
faut savoir que l'évolution démographique et économique fait en sorte que
plusieurs entreprises au Québec se
retrouvent avec des difficultés à trouver de la main-d'oeuvre dont elles ont
besoin. On note d'ailleurs que le Québec est en proie non pas à une pénurie de main-d'oeuvre, mais à des pénuries de
main-d'oeuvre, c'est-à-dire que les besoins se font importants et se font critiques dans plusieurs
secteurs d'activité et dans plusieurs régions. Dans un contexte
démographique vieillissant et dans une
économie où les jeunes quittent les régions, les nouveaux arrivants
représentent donc un bassin de main-d'oeuvre potentiel très important
pour les petites et moyennes entreprises québécoises.
D'entrée de jeu, M. le Président, je tiens à
saluer aussi la qualité du document qui a été publié aux fins de la présente consultation et à vous dire qu'on est
accord avec les principes sous-jacents à plusieurs des orientations qui y
sont définies, moins en accord avec certaines autres puis on va vous expliquer
pourquoi. Et on tient à souligner les efforts entrepris
par le gouvernement jusqu'à maintenant afin de moderniser, M. le Président, le
système québécois d'immigration et
d'en assurer un meilleur arrimage avec les besoins du marché du travail. Comme
plusieurs acteurs, on est d'avis que l'immigration, dans une société,
est synonyme d'enrichissement collectif, culturel et économique.
Par
contre, pour pouvoir bien intégrer les personnes qui sont issues de
l'immigration et pour leur permettre de contribuer à l'épanouissement de la société à la hauteur de leur
potentiel, il est névralgique de bien planifier l'immigration pour assurer le meilleur maillage possible entre
les caractéristiques qui sont recherchées par les employeurs pour
combler les postes qu'ils ont à combler puis les caractéristiques des personnes
qu'on accueille. C'est pourquoi on pense qu'il y a peut-être des améliorations à apporter à cet effet-là. Je vous
dirais qu'il faut quand même rappeler que les changements qui ont été proposés par le gouvernement tant dans
la nouvelle politique sur l'immigration que dans la Loi sur
l'immigration représentent un beau pas en
avant et je tiens à le souligner. Et c'est important, M. le Président, parce
qu'avec le vieillissement de la
population les emplois qui sont disponibles vont être de plus en plus nombreux
et la difficulté des PME, là, pour combler ces postes-là va être de plus
en plus importante.
• (10 h 40) •
Alors, il
faut dire qu'au moment où on se parle il y a 66 200 postes à pourvoir dans
les PME du Québec et que ce que les PME recherchent comme main-d'oeuvre,
là, il y en a deux sur cinq qui veulent embaucher du personnel de production ou
des corps de métier, donc c'est la principale catégorie qui est recherchée;
près du quart auront besoin de professionnels
de la vente; puis une sur cinq de personnel administratif ou technique. M. le
Président, ça veut donc dire qu'il y
a seulement 8 % des PME qui recherchent des travailleurs plus qualifiés
pour occuper des postes de cadres ou de gestionnaires, et c'est important à se rendre compte parce que tantôt on
va en parler, des critères, puis ce qu'on va voir, c'est que les programmes puis les critères actuels nous
permettent d'accueillir des travailleurs qualifiés, mais ne nous
permettent pas d'accueillir des manoeuvres puis du personnel de production
comme on a besoin.
Il apparaît donc clairement que les besoins en
main-d'oeuvre ne sont pas uniquement pour des travailleurs qualifiés, M. le
Président, bien au contraire. Or, la question que je me pose, c'est :
Pourquoi, quand on regarde les statistiques
d'immigration — qui ont
été d'ailleurs produites en appui au document de consultation, là, sur les 10
dernières années — on
voit une contradiction importante entre les besoins des entreprises, de nos
PME, pour du personnel non qualifié puis les candidats qu'on a admis? Depuis 10
ans, alors que les postes à pourvoir dans nos PME étaient principalement pour des emplois dans la production
ou des corps de métier, le Québec a accueilli davantage de gestionnaires
puis de professionnels.
Alors, même
si on pense que les changements récents qui ont été apportés par le
gouvernement, que ce soit dans le cadre,
comme j'ai dit tantôt, de la nouvelle politique et de la nouvelle loi, là, vont
dans le bon sens pour atténuer ce fossé-là qui existe entre les
candidats qu'on admet puis les postes qu'on a à pourvoir, on pense qu'il y a
encore du chemin à faire. C'est sûr qu'on
salue également la volonté, là, de rapprocher ou de collaborer davantage ou de
refaire la collaboration entre le
MIDI et la Commission des partenaires du marché du travail pour permettre une
meilleure identification des besoins du
marché du travail, mais on pense que ce n'est pas suffisant et on pense que les
critères de sélection qui sont appliqués pour accueillir les immigrants devraient prendre en compte les besoins
que les entreprises ont pour de la main-d'oeuvre non qualifiée.
Alors,
maintenant, M. le Président, sur l'orientation qui traite des niveaux
d'immigration, on appuie la proposition de la faire passer, là, de 51 000 à 52 500 en 2019. On se
questionne cependant lorsqu'on regarde d'ailleurs les données qui sont même présentées dans le document de
consultation, là, sur les besoins de renouvellement de la population au
Québec. On se demande si le seuil de
52 900 en 2019, là, va être suffisant. Et je pense que... en tout cas, on
soumet ça à la judicieuse considération
des membres de la commission, mais on n'est pas sûrs, quand on regarde les
données qui ont été publiées, là, dans le document de consultation, que
ça va être suffisant.
Alors,
quelques mots maintenant sur la main-d'oeuvre temporaire. Évidemment, on est
d'accord avec l'orientation d'augmenter à 40 %, là, la proportion
de personnes de la sous-catégorie des travailleurs ayant un statut temporaire
ou encore étudiant. Mais, encore une fois,
ici, M. le Président, ce qu'on note, c'est qu'on parle de travailleurs
qualifiés, et, je viens de vous le
dire, les PME, ce n'est pas des travailleurs qualifiés dont ils ont besoin,
c'est des travailleurs avec des compétences
de base, peu spécialisés ou encore des manoeuvres, donc c'est ce qu'on cherche,
et malheureusement ce qu'on voit, là,
en tout cas ce qu'on comprend de ce qu'on lit dans ce qui est présenté là, va
permettre de dire : Bien, oui, on va utiliser l'immigration temporaire comme levier vers l'immigration
permanente, puis ça, on appuie ce principe-là à 100 %, mais malheureusement c'est encore une fois limité
aux travailleurs qualifiés puis on aimerait ça que ce soit ouvert aussi
aux travailleurs non qualifiés.
Un petit mot
maintenant, M. le Président, sur la question de la langue. La question de la
langue, évidemment je pense que tout
le monde est d'accord pour dire qu'on ne peut pas occulter l'importance de la
langue française au Québec, et je vous
dirais que, même si on est en faveur du fait français et que nous reconnaissons
l'importance de la francisation, on est
d'avis que les critères liés à la langue entraînent une certaine forme de
discrimination systémique en fonction du pays d'origine, d'une part, et ça fait aussi en sorte que de nombreux
candidats potentiels qui pourraient occuper des emplois qui sont vacants
tout en intégrant des programmes de francisation, par exemple, sont
actuellement éliminés en raison des critères liés à la connaissance du
français. À notre avis, M. le Président, là, une langue, ça s'apprend. Sans
compter que, dans les faits, très souvent,
le travail représente une excellente voie pour parfaire l'apprentissage d'une
langue et que, dans le document de
consultation, le gouvernement admet lui-même qu'on a d'excellentes mesures de
francisation au Québec. Alors, je
pense qu'on ne peut pas se payer le luxe de bouder certains bassins
d'immigration dont on a grandement besoin
et qui pourraient avoir un apport important à la société en raison strictement
du fait français dans un contexte où on sait qu'on peut franciser cette main-d'oeuvre-là. Alors, M. le
Président, c'est dans ce sens-là d'ailleurs
qu'on a recommandé, dans notre
mémoire, qu'on revoie, là, le 85 %, là, qui a été fixé, dans le fond, le pourcentage, là, qu'on augmenté par rapport à cette catégorie, là, à ce
critère de sélection là au niveau de l'immigration.
En terminant, M. le Président, je pense qu'on
est tous d'accord pour dire que l'immigration, dans une société, c'est synonyme d'enrichissement collectif,
culturel et économique, et on est
tout à fait d'accord avec ça. Toutefois, il faut rappeler qu'au fil des décennies et des politiques
qui se sont succédé il semble que l'arrimage entre les profils
recherchés dans les postes à pourvoir au
sein de nos entreprises et celui des personnes immigrantes n'a pas toujours été
au rendez-vous. Alors, même si on reconnaît les efforts récemment
entrepris par le gouvernement pour nous rapprocher de l'objectif d'assurer un
meilleur arrimage à cet égard-là, on invite quand même, M. le Président, les
membres de la commission à considérer nos
recommandations et à considérer d'apporter des modifications qui permettraient
d'accueillir davantage de travailleurs
non qualifiés ou moins qualifiés pour occuper les postes à pourvoir que nous
avons au Québec et dont nous avons un criant besoin dans plusieurs PME
et dans plusieurs régions. Je vous remercie.
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Hébert. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une
période de 17 min 30 s.
Mme Weil :
Merci, Mme Hébert, merci de votre présentation. On a eu l'occasion d'échanger
sur ces enjeux-là en 2011 pour la
dernière planification. J'aimerais vous entendre... et je pense que ce qu'on
entend, le problème devient plus aigu
avec le temps. J'aimerais, parce qu'on va parler de cette question, non
qualifiés, qualifiés, la réforme qu'on amène pour arrimer justement la sélection en temps réel,
hein, au lieu de premier arrivé, premier servi, donc la rapidité du
système qui va... un système plus efficace et possibilité aussi de faire des
projets pilotes pour tester des idées.
Donc,
j'aimerais peut-être, dans un premier temps, parce que j'ai d'autres questions
aussi, vous entendre sur ce que vous
voyez, vos constats. Vous avez peut-être des chiffres, mais aussi vos constats
sur peut-être... la dernière fois qu'on a eu l'occasion d'échanger
publiquement sur cette question, votre préoccupation, la préoccupation de votre
organisme quant à cette pénurie qui frappe et pourquoi on n'arrive pas à
trouver sur le marché québécois de souche — parce que c'est toujours la préoccupation — soit par la formation, l'intérêt... vous
entendre là-dessus. Parce que vous dites... j'ai l'impression, votre
message, c'est : On va frapper un mur, on le frappe peut-être déjà... le
pourquoi de tout ça.
Avant que l'immigration soit nécessairement la
solution, qu'est-ce que vous avez regardé puis pourquoi c'est tellement un
obstacle de trouver ces personnes?
Mme Hébert
(Martine) : C'est une
excellente question, Mme la ministre, puis je vous remercie de me la
poser, parce que ça va me donner une
opportunité de répondre, justement à dire... parce qu'on entend souvent des
gens dire : Bien là, il y a des
chômeurs au Québec, comment ça se fait qu'on n'est pas capables, d'abord, de
trouver? C'est comme je dis toujours,
le marché du travail, il n'y a pas une fluidité parfaite sur le marché du
travail, d'abord et avant tout, il faut préciser ça. C'est-à-dire que ce
n'est pas parce qu'il y a des gens qui sont en chômage dans une région donnée,
par exemple, que forcément ils ont les
compétences ou les capacités d'occuper les emplois qui sont disponibles dans
cette région-là. Je fais toujours la blague,
mais l'image, elle parle d'elle-même : il y a quand même bien des limites,
si on est la Côte-Nord, à transformer un bûcheron en femme de chambre,
hein, je veux dire, il y a beau y avoir des postes dans l'hôtel pour occuper... des postes de femmes de chambre ou d'entretien
ménager, je veux dire, c'est peu probable qu'un travailleur de la forêt
va aller appliquer sur ce poste-là. Alors, ça, c'est un exemple qui illustre
que la fluidité, elle n'est pas parfaite.
On s'est rapprochés, si vous voulez, de cette
main-d'oeuvre disponible là, notamment à travers la réforme de l'assurance-emploi, hein, qui avait été entamée
par le fédéral. Ça a permis justement d'aller chercher la main-d'oeuvre qui était disponible et qui aurait pu occuper les postes,
de faire en sorte que ça s'est passé. Maintenant, on a atteint le
plafond par rapport aux effets de cette
réforme-là, et force est de constater que, dans plusieurs régions... et même
dans Chaudière-Appalaches ou dans des régions, on le voit, là, même le
maire de Québec s'en va courtiser des travailleurs parce que le taux de chômage est autour de, quoi, 4 %,
là, dans la région. Donc, il manque de travailleurs, et ce n'est pas parce
qu'il y a 4 %, ou 5 %, ou 7 % de chômeurs, comme je disais
tantôt, que ces gens-là peuvent occuper les postes qui sont disponibles. Donc,
oui, il y a un problème, là.
Et, le
Québec, on a un problème au Québec. C'est-à-dire que c'est un beau problème,
hein, on a longtemps favorisé la
scolarisation, etc. Donc, oui, on a une population qui est de plus en plus
scolarisée et nos jeunes quittent les régions, on a une réalité démographique, nos jeunes quittent les
régions, vont étudier, vont s'installer dans les villes, donc les postes
qui autrefois étaient occupés, par exemple, par des jeunes, beaucoup dans la
restauration rapide, justement, dans certains services comme ça, ces postes-là
ne sont plus occupés par ces jeunes-là. Et c'est une question de démographie
aussi.
Donc, pour
répondre à votre question, au niveau des chômeurs, ce n'est pas parce que
tu es en chômage que tu peux nécessairement occuper... Il y a un match entre le poste qui est
disponible... Souvent, il y a des personnes en chômage aussi qui le sont
de façon transitoire, c'est-à-dire qu'ils le sont entre deux emplois, etc.
Donc, la fluidité sur le marché du travail n'est pas parfaite à cet égard-là.
Puis deuxièmement, il y a une réalité démographique qui fait en sorte... et démographique, et aussi sociétale qui fait en sorte qu'effectivement on n'a plus la population ou en tout cas la population suffisante dans les régions pour combler ces
postes-là. Puis le meilleur exemple, là, c'est l'agriculture. Puis il n'y a pas
juste l'agriculture.
• (10 h 50) •
Mme Weil : Bien, ça m'amène plusieurs questions. Dans notre document
de consultation, page 17, on parle du taux d'emploi qui est plus élevé maintenant,
hein, c'est ce qu'on a remarqué ces dernières années, le taux d'emploi a
augmenté chez les immigrants comparé à la population
dans son ensemble, ce qui est une très bonne nouvelle. Et on le
remarque autant chez le groupe du
regroupement familial... ils ne sont pas nécessairement destinés, ils
ne sont pas sélectionnés comme les travailleurs qualifiés... que chez
les réfugiés. Est-ce que vous, vous avez des constats, est-ce que vous le
voyez? C'est-à-dire que finalement
ces gens-là, c'est des Québécois, là, c'est des
résidents permanents qui sont ici, qui cherchent de l'emploi. C'est ce que ces chiffres nous disent.
Est-ce que vous avez des expériences ou vous avez pu faire de la
formation, de les
intéresser aux, justement, domaines
de travail où vous voyez des pénuries ou est-ce que c'est trop tôt pour
vous attarder à cette question-là? Parce qu'on a quand même des milliers de
personnes qu'on admet, hein, les travailleurs qualifiés,
c'est à peu près 60 %. Et, dans ça, il y a les enfants, il y a l'époux,
l'épouse, mais il y a encore d'autres personnes qui souhaitent
travailler. C'est un bassin intéressant, possiblement. Est-ce que vous avez
réfléchi à cette question, des constats à faire par rapport à ces gens-là?
Mme Hébert
(Martine) : Oui, Mme la ministre. D'ailleurs, on a eu l'occasion, je me souviens, avec un de
vos collègues, de faire une annonce, là, sur
les programmes qui sont disponibles pour les entreprises, entre autres, qui peuvent accueillir des
réfugiés. On l'a vu dans des articles, là, des réfugiés recrutés par des fermes
laitières. Donc, oui, c'est un bassin potentiel, mais on parle ici évidemment,
là, d'une minorité de personnes dans le bassin comparativement aux postes qu'on a à pourvoir. Quand je vous dis qu'on
a 66 000 postes à pourvoir dans les PME du Québec au moment où on se parle puis que, lorsque les postes sont à
pourvoir, bien, que ce qu'on recherche principalement, là, c'est du
personnel de production, des professionnels
de la vente puis du personnel administratif ou technique, mais que ce qu'on a
admis au Québec, au cours des 10
dernières années, c'est principalement des gestionnaires puis des professionnels,
là, il y a une dichotomie. Puis je ne
pense pas que le bassin des personnes réfugiées va être suffisamment pour
pouvoir répondre à ça. Et ça ne veut
pas dire non plus que les personnes réfugiées ne sont pas des personnes qui
sont qualifiées et qui n'ont pas un niveau de scolarité, là. Je veux
dire, il ne faut pas penser que, parce que les personnes vivent un drame
humain, elles n'étaient pas scolarisées auparavant et qu'elles n'ont pas des
compétences, là, pour occuper des postes qui sont plus qualifiés.
Mme Weil :
Moi, ce que j'ai, là, ceux en gestion, entre 2011‑2015, 4,4 %;
professionnels, 46,4 %; techniciens, 19,5 %; manoeuvres, 8 %. En tout cas, c'est les chiffres que
j'ai pour constituer à peu près 50 % des travailleurs qualifiés
durant ces quatre années.
Moi,
j'aimerais vous amener sur votre graphique, c'est dans votre mémoire, page 4,
les besoins des PME. Et ce que vous
avez fait... on arrive sur la transition, je pense, c'est le temporaire ou
permanent, prévisions d'embauche... non, c'est vos précisions, là, ici : «...sur cinq [...] à la recherche
de personnel de production ou de corps de métier.» Donc, vous
dites : Dans certains cas, il y en a, là-dedans, qui sont qualifiés, là,
qui rentrent...
Mme Hébert
(Martine) : Il y en a qui
sont... oui, mais qualifiés... pas très spécialisés, là. On n'est pas dans
un très haut niveau de spécialisation.
Mme Weil : Non, mais qui seraient admissibles en vertu de
nos critères. Maintenant, il y en a d'autres qui sont touchés... bien, tous sont touchés par le PTET et
la réforme, la réforme du PTET et du Programme des travailleurs
étrangers temporaires. Vous savez, on attend tous le rapport.
Vous avez
fait des représentations. Est-ce qu'on pourrait vous entendre là-dessus,
peut-être l'écho que vous avez, vos points
essentiels par rapport... C'est important d'en parler parce qu'il faut que les
gens... une prise de conscience générale.
Nous, on fait notre travail aussi. Il
y a une préoccupation qui est la nôtre au Québec. On a des échos, puis vous, vous êtes vraiment à l'échelle du Canada en entier. Je pense
qu'il y a des parallèles un peu partout, hein, au Canada par rapport au domaine, mais
j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Hébert (Martine) : Effectivement,
Mme la ministre, vous faites bien de le mentionner parce que le programme...
les changements qui avaient été apportés par le gouvernement précédent au
fédéral... du Programme travailleurs étrangers temporaires ont causé des gros
problèmes dans plusieurs secteurs d'activité. Puis, quand on pense aux travailleurs étrangers temporaires, là, c'est sûr qu'on pense
à l'agriculture d'abord et avant tout, hein, mais il y a beaucoup
d'autres secteurs, hein? On pense, par
exemple, à... bon, ça, c'est
l'exemple de Bonduelle, les légumes congelés, là; on pense à la transformation alimentaire aussi, Vegpro, hein, qui dit qu'il en
a besoin; fabrication métallique. J'en ai, des exemples, là, des
fleurons de l'économie québécoise qui sont attirés par les États-Unis parce
qu'ils n'ont pas accès à la main-d'oeuvre qu'ils ont besoin en période de
pointe.
Donc, oui, ça fait très mal, et on souhaite
vivement... On effectue des représentations pour que le nouveau gouvernement
ramène ce programme-là, mais peut-être, Mme la ministre, qu'il y aurait des
possibilités pour que le Québec... Est-ce qu'il existe des moyens qu'on
pourrait prendre au Québec pour pallier, Mme la ministre, à cette
problématique-là, que ce soit par l'expérience de projets pilotes ou autres qui
pourraient...
Et je pose la
question parce qu'effectivement ce serait quelque chose de bénéfique et ce
serait quelque chose qu'on pourrait inscrire aussi, dans certains cas,
lorsque les postes sont comblés par une main-d'oeuvre temporaire, mais, si vous voulez, pour lesquels les besoins sont permanents,
dans la même logique, là, que le programme expérience Québec, je pense, aussi, qu'on pourrait intégrer. Mais, à
tout le moins, si on ne veut pas ouvrir complètement, au moins, qu'on
essaie avec des projets pilotes. Parce qu'on
sait que... et on parle de régionalisation de l'immigration, et quel meilleur
moyen que de régionaliser l'immigration que
de dire : On va prendre des individus, on vous amène dans cette région-là
pour occuper les postes, là, qui sont
disponibles. On va vous franciser. On va aussi vous former, donc vous donner
accès à une formation pour éventuellement... Mais vous allez rester, par
exemple, sur une base temporaire dans la région pendant deux ans. Vous allez occuper cet emploi-là, comme ça, bien,
on... Et, une fois qu'ils sont installés, bien, c'est fort probable
qu'ils vont rester dans la région. Ils ne s'en retourneront pas nécessairement
ailleurs.
Donc, je
pense que... il y a-tu moyen de penser, à tout le moins, à faire des projets
pilotes pour qu'on puisse regarder est-ce
que ça pourrait régler une partie de nos problèmes sans être obligés
d'attendre, là, pour que... le rétablissement du PTET?
Mme Weil :
C'est intéressant, ce que vous dites, parce qu'on attend tous l'issue
évidemment des travaux du gouvernement
fédéral. On fait nos représentations. C'est sûr que, dans le domaine des
travailleurs qualifiés dans des secteurs de pointe, il y a une pénurie très, très, très importante. Vous, vous
parlez d'autres secteurs connexes, bon, la transformation alimentaire,
qui touche le secteur agricole, ou autres. Lorsque je fais mes tournées dans
les régions, je remarque... honnêtement, ce
que vous dites, là, c'est répété beaucoup dans les entreprises, c'est répété
beaucoup. Ils ont un problème. Et ils ont des travailleurs temporaires
qui sont là, qui souhaiteraient rester.
Maintenant,
toute cette question, je pense, pour les gens qui nous écoutent, la
préoccupation de tout État, c'est toujours la vulnérabilité de la
personne qu'on sélectionne et l'équilibre du marché du travail. Donc, vous avez
répondu à la... C'est-à-dire, l'équilibre de
s'assurer qu'on aille recruter ceux qui sont au chômage ou souhaiteraient
travailler dans la population générale,
qu'on fasse tout ce qu'on peut pour aller les rechercher dans un premier temps;
vous avez répondu à cette question.
Mais l'autre
partie, sur cette question de vulnérabilité si la personne n'a pas notamment
son secondaire V, l'idée... Puis
j'aimerais vous entendre un peu plus si j'ai le temps, là, je pense que oui,
cette question de vulnérabilité, de tester, donc, à petite échelle par
un projet pilote dans un créneau en particulier et dans une région en
particulier qui vit cette pénurie de façon
aiguë... C'est un peu dans ce sens-là. Parce que, pour notre gouvernement et
tous les gouvernements qui ont des
systèmes d'immigration basés sur la sélection de travailleurs qualifiés, la
raison est que, bon, c'est évidemment des sociétés qui se cherchent des gens qui vont contribuer au développement
économique et tout ça, ça a toujours été... et, en même temps, que des gens ne soient pas vulnérables
dans leur... parce qu'ils ont une formation qui est souhaitée, voulue. Donc, si jamais ils perdent leur emploi, ils
peuvent réintégrer le marché du travail facilement. Et donc ça, c'est
toujours évidemment la préoccupation du gouvernement.
Donc, est-ce que vous voyez le projet pilote
comme une façon de tester cette idée? Parce que vous, sûrement, vous n'êtes pas d'accord avec... Vous ne pensez
pas que ces gens seraient plus vulnérables? J'aimerais vous entendre sur
cette question, mais je trouve intéressant
que vous proposiez peut-être qu'on puisse le tester à petite échelle. Parce
que c'est quand même 500... ce n'est pas 500
maximum par projet pilote pour tout
le Québec, c'est par projet pilote. Alors, c'est quand même
intéressant comme initiative. Donc, peut-être
pour expliquer aussi aux gens qui nous écoutent : Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ces
projets pilotes pour vous, comment ça pourrait vous aider?
• (11 heures) •
Mme Hébert (Martine) : Bien, c'est
sûr que, dans le contexte actuel, c'est un premier pas en avant. C'est un
premier pas très important, puis j'encourage Mme la ministre à les multiplier,
à aller de l'avant avec ça, puis à les multiplier.
Sur la question de la vulnérabilité, là, je rappellerais d'abord
et avant tout, là, que ce n'est pas parce
qu'on est pauvres qu'on n'est pas
intelligents, hein, je veux dire, je m'excuse, là, mais il y a une espèce de
préjugé en dessous de ça, là, que, parce que
tu es pauvre, tu es... Je comprends qu'il y a une vulnérabilité au niveau économique parce que l'argent, il
n'est pas disponible, mais, justement, le
fait d'intégrer un emploi... Est-ce qu'on est plus vulnérables quand on
intègre un emploi ou on est plus vulnérables
quand on est ici puis on est en chômage malgré les diplômes qu'on a? Je veux
dire, à un moment donné, je pense que...
Deuxièmement, moi, j'ai bien de la misère avec
le préjugé de la vulnérabilité, là, puis c'est parce que c'est comme si on était en train de dire que tous les
chefs de PME du Québec, là, tout ce à quoi ils pensent le matin, quand
ils se lèvent, là, c'est : Comment je
pourrais faire pour exploiter des travailleurs dans mon entreprise aujourd'hui?
Ce n'est pas ça. Moi, je pense que
nos chefs d'entreprises au Québec sont des gens qui ont des bonnes valeurs,
sont des gens qui ont un très haut
sens de l'éthique et qui sont très préoccupés par leur main-d'oeuvre.
D'ailleurs, il faut bien le dire, l'atout le plus précieux pour une petite entreprise, là, c'est ses
travailleurs parce que ce sont des entreprises qui sont très, très
intensives en main-d'oeuvre, Mme la
ministre. Alors, j'ai beaucoup de difficulté avec ça parce que c'est comme s'il
y avait... le contraire veut dire que
nos chefs de la PME, là, c'est des exploiteurs, alors que ce n'est pas le cas,
puis on le sait. Et je ne pense pas que c'est l'opinion de personne, là,
autour de la table, ici. En tout cas, je l'espère.
Mme Weil :
Je partage tout à fait. Moi, vulnérable, ce n'était pas par rapport à
l'employeur, c'était plus, disons, que l'entreprise
ferme ou, pour des raisons, c'est plus l'État, la situation de la personne qui
doit se replacer. Mais je suis tout à fait
d'accord avec vous là-dessus, on est sur la même longueur d'onde. Bon. Vous avez
un autre point que vouliez faire?
Mme Hébert
(Martine) : Oui, peut-être
en complément, Mme la ministre, parce que vous m'avez posé la question. Les projets pilotes par rapport à ça, la
vulnérabilité, dans ce sens-là, ça va. O.K., je comprends. Mais ça m'a permis
de faire un petit point parce qu'on entend
quand même, sur la place publique, certains commentaires. Je vous dirais que
oui. Puis profitons donc, justement, de l'occasion qu'on a aussi de ce
maillage du MIDI avec la Commission des partenaires du marché du travail, où les groupes en employabilité, par exemple,
sont, et tout ça, pour essayer de justement d'avoir dans les projets
pilotes, là, des mécanismes ou des pare-feu qui permettraient justement de
pouvoir soutenir les personnes dans les cas
et dans les situations où, par exemple, l'entreprise ferme puis là le
travailleur est là, puis, comme il est peu qualifié... mais, au moins, où il y aurait de l'accompagnement par les
groupes en employabilité qui font un excellent travail, encore une fois,
dans toutes les régions du Québec. Donc, pourquoi est-ce qu'on ne profiterait
pas de ça pour établir justement et de miser sur cette nouvelle collaboration
là et cette nouvelle approche là pour, dans le cadre des projets pilotes, là,
s'adresser aux situations que vous décrivez?
Mme Weil : Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.
M.
Kotto : Merci, monsieur...
Le Président (M.
Picard) : Pour une période de 10 min 30 s.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Hébert.
Mme Hébert
(Martine) : Bonjour.
M.
Kotto : J'aimerais vous entendre sur un certain nombre de
questions. Tout d'abord, pour nous éclairer, et aussi les personnes qui nous écoutent, vous êtes un silo
de 109 000 petites et moyennes entreprises au Québec. Est-ce que le
chiffre est exact?
Mme Hébert
(Martine) : Au Canada. Au Québec, c'est 24 000 membres qu'on
regroupe.
M.
Kotto : 24 000 membres au Québec et 109 000 au
Canada. Et vos membres, au Québec, sont à la tête de quel pourcentage
d'entreprises relativement à la sphère entrepreneuriale au Québec?
Mme Hébert (Martine) : Il y a à peu près, je vous dirais, 240 000
établissements employeurs au Québec. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que, lorsque vous effectuez, par exemple, des
sondages puis que vous avez un bassin de 24 000 membres qui vous... un bassin de 24 000 chefs d'entreprises
que vous sondez et que vous avez un sondage avec des répondants, mettons, 1 000 répondants, bien, c'est la marge
d'erreur qui compte. Et c'est dans ce sens-là que la plupart des opinions qu'on va chercher, les marges
d'erreur sont très, très, très faibles dans nos sondages, et donc c'est ce
qui nous permet d'affirmer que ce que nos
membres disent est probablement le reflet, là, à plus ou moins 2 % ou
3 % selon la marge d'erreur, 19 fois sur 20, ce que l'ensemble des
chefs de PME du Québec peuvent penser.
M.
Kotto : Et est-ce que je suis dans le champ en considérant que
les PME composent entre 90 % et 95 % des entreprises au
Québec?
Mme Hébert (Martine) : Vous n'êtes pas du tout dans le champ, M. le
député. Effectivement, les PME, si on prend
la définition d'Industrie Canada, qui est 500 employés ou moins, indépendantes,
là, 500 employés ou moins, c'est 99,2 % des entreprises du Québec. Donc, vous n'êtes pas loin. Puis votre
95 %, là, c'est 95 % des établissements, des entreprises au
Québec. Si on prend les 240 000 total établissements-employeurs, 95 %
de ça ont moins de 50 employés.
M. Kotto :
50 employés.
Mme Hébert
(Martine) : Oui.
M.
Kotto : Est-ce que l'on dispose de données probantes qui
pourraient nous amener à voir les besoins réels, tangibles en termes de
main-d'oeuvre relativement à ces entreprises-là?
Mme Hébert (Martine) : Absolument. Pages 2 et 3 de notre mémoire, on
décrit, en fait... Régulièrement, on fait ce qu'on appelle l'enquête postes à pourvoir. Donc, à tous les trimestres,
on sort le nombre de postes, là, qui sont vacants. Puis par poste vacant, ce n'est pas : il est
vacant aujourd'hui puis depuis une semaine, là. Quand on demande postes
vacants, là, c'est depuis plusieurs mois et
qu'ils n'ont pas réussi à combler nécessairement dans l'intérieur d'un
trimestre. Donc, on fait ça de façon régulière. Et, de façon régulière,
là, on sonde nos membres sur c'est quel type, c'est quoi vos prévisions d'embauche des 12 prochains mois. C'est quel type
de travailleurs que vous recherchez, avec quel type de qualifications...
comme le graphique, là, qu'on vous... la
figure, c'est-à-dire, qu'on vous présente à la page 3 de notre mémoire, où on
voit très clairement que personnel de
production et corps de métiers, là, professionnels de la vente et personnel
administratif ou technique...
M.
Kotto : O.K. Toujours pour éclairer les personnes qui nous
écoutent, parce qu'elles n'ont pas accès au mémoire spontanément,
aujourd'hui, au Québec, vous évoquiez cet aspect de l'enjeu tout à l'heure dans
votre propos. Il y a autour de 400 000
chômeurs et, depuis les six premiers mois de l'année, il y a à peu près
53 000 postes vacants au Québec. Et,
dans les 400 000, il y a énormément d'immigrants et notamment des
minorités visibles sujettes à la discrimination en emploi.
Est-ce
que vous avez, en tant qu'entité, essayé d'aller voir, dans ce bassin de
chômeurs, bassin de chômeurs recelant d'autochtones et de nouveaux
arrivants, s'il y avait des profils ou des caractéristiques, pour prendre le
concept que vous évoquiez tout à l'heure, qui pourraient correspondre aux
besoins des personnes que vous représentez?
Mme Hébert
(Martine) : Je pense, M. le député, qu'une des grosses parties de la
problématique, justement, la première
partie, c'est qu'on... les personnes qu'on a accueillies, les caractéristiques
des personnes qu'on a accueillies ne correspondaient pas nécessairement
aux besoins du marché du travail, et ça, depuis 10 ans, comme je l'ai dit
tantôt, en raison, notamment, de critères de
sélection, là, qui font en sorte que certains candidats sont admis, par
exemple, beaucoup plus de diplômés
universitaires, alors que, dans le fond, ce n'est pas nécessairement ce que les
entreprises recherchent, là, comme je l'ai dit tantôt.
Je
pense qu'un autre volet de la réponse à la question que vous soulevez, M. le
député, et qui est juste, c'est de dire :
Le problème que nous avons — et je ne suis pas la seule à l'avoir
dit — c'est un
problème de régionalisation, hein, de l'immigration. Je pense qu'il y a
un problème qui fait en sorte aussi que beaucoup de main-d'oeuvre potentielle
et de personnes immigrantes qui pourraient
occuper des postes demain matin dans des entreprises pourraient le faire, mais
pas nécessairement dans les grands centres
urbains, là, comme Montréal. Donc, c'est sûr qu'un des défis que nous avons
c'est justement d'essayer d'amener les
personnes qu'on accueille dans les régions pour aller occuper ces postes-là,
parce que les pénuries pour les
travailleurs, là, ne sont pas uniquement, je vous dirais, là, au niveau de
Montréal. Et il y a une grande, grande
concentration de la population, évidemment, dans les grands centres urbains,
hein, ça va de soi. Donc, je pense que le
défi que vous soulevez en est un de régionalisation. Et, en ce sens-là, une
partie de la réponse passerait peut-être, là, par ce que la ministre
décrivait tantôt, là, au niveau des projets pilotes.
• (11 h 10) •
M. Kotto :
O.K. Alors, je veux revenir sur... le coeur de l'enjeu, c'est les seuils. Vous
dites que 52 000, a priori, ce n'est pas suffisant. À la lumière
des données dont nous disposons, et les chercheurs confirment cela, à
50 000, on est incapables, compte tenu
du fait que... incapables, disons,
d'intégrer et de franciser adéquatement, compte
tenu du fait que les moyens
financiers ne sont pas toujours là. Est-ce que le fait d'évoquer un chiffre
plus important que 52 000 doit être considéré
comme tel dans l'absolu? Ou affecter des moyens financiers et des ressources
humaines pour accompagner les nouveaux arrivants dans leur intégration,
avec leurs problèmes spécifiques — parce que tous n'ont pas les mêmes profils — pour leur faciliter une intégration et une
francisation qui leur permettent d'être des citoyens à part entière et
non pas des citoyens entièrement à part?
Mme Hébert (Martine) : Écoutez,
c'est sûr que les questions d'allocation des ressources et tout ça, j'aurais quasiment le goût de vous dire : Il faudrait
reposer la question à l'étude des
crédits, là, tu sais, non pas ici.
Mais je vous dirais que c'est sûr qu'il y a
beaucoup de mesures de francisation et d'organismes au Québec,
là, qui s'occupent des personnes immigrantes.
Je pense qu'il y a déjà beaucoup de ressources. Est-ce qu'il n'y a pas moyen
de faire mieux avec ce qu'on a? Je
pense qu'on peut toujours s'améliorer, comme dans n'importe quel domaine.
Je pense que... À la FCEI, vous savez, on a toujours prôné pour avoir une révision, là, périodique des
programmes, s'assurer que les indicateurs de performance sont bien fixés, qu'on les rencontre, qu'on est sur la
bonne voie, que les programmes qu'on a sont bien adaptés aux besoins.
Moi, je pense que le gouvernement... il y a des ressources qui existent et qu'on doit peut-être
faire cet exercice-là pour essayer de bonifier
nos programmes, comme dans n'importe quel autre domaine. Mais je vous dirais qu'il y a
quand même beaucoup de ressources à l'heure actuelle qui font un
excellent travail sur le terrain, et je pense qu'on est capables avec les
ressources actuelles et que, si ce n'est pas
le cas, bien, à ce moment-là, le gouvernement avisera, et on verra. Mais, pour
l'instant, je vous dirais que... Puis je ne
suis pas spécialiste non plus de la planification, là, des services gouvernementaux. Ce
n'est pas moi, la sous-ministre ou la ministre au MIDI.
M. Kotto : Merci.
Mme Hébert
(Martine) : Mais je
comprends votre préoccupation de dire : Si on accueille, il faut s'assurer
que les services soient là, puis je pense
que c'est en tout cas l'objectif ici si on veut assurer effectivement une intégration réussie.
M. Kotto : Vous évoquez un
autre enjeu...
Le Président (M. Picard) : Il
reste une minute.
M. Kotto : ... — une
minute — qui
est celui de la discrimination par bassins, parce qu'on insiste trop sur la maîtrise, la connaissance du français. On est dans
la discrimination. Si on a été chercher des pouvoirs à Ottawa en matière
d'immigration, c'est fondamentalement pour justement assurer le filet
francophone du Québec, le visage français du Québec. Est-ce qu'il n'y a pas une
contradiction, alors?
Mme Hébert
(Martine) : Moi, ma préoccupation, vous savez, M. le député, est de dire : S'il y a
des candidats qui ont les qualifications
pour occuper les postes qu'on a de disponibles au Québec
puis qu'on a à pourvoir, puis qu'on a la chance d'accéder à ce bassin-là, à ces candidats-là, je ne voudrais
pas... en tout cas, je trouverais ça dommage... puis je ne pense pas que notre économie puisse se permettre
de se passer de ces candidats-là simplement en raison du fait français, et c'est
ça qu'on dit. On ne dit pas de ne
plus accueillir de francophones, au contraire, ou de gens qui parlent
français, mais ce qu'on dit, c'est qu'on ne
peut plus se permettre de bouder un bassin de travailleurs potentiels, là,
qui correspondent aux
caractéristiques qu'on cherche en raison simplement du fait français, compte tenu d'ailleurs, comme vous l'avez décrit, que nous avons d'excellentes ressources
communautaires, là, en matière de francisation et autres sur le terrain au Québec.
Donc, je pense que c'est ma réponse. Et c'est ça
que je trouve dommage à l'heure
actuelle, parce qu'on se prive d'une main-d'oeuvre
dont on a grandement besoin.
M. Kotto : Merci.
Le
Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à Mme la
députée de Montarville pour sept minutes. Je vous demanderais, Mme la
députée, de parler plus fort, parce que tantôt il y a des collègues qui, vous
entendant, qui malheureusement n'entendaient pas vos propos.
Mme
Roy : Avec plaisir, M. le Président, je vais parler plus fort.
Bonjour, Mme Hébert. Merci, merci pour votre mémoire. D'entrée de jeu, je vais poursuivre sur les propos de mon
collègue de Bourget, parce que c'était effectivement... c'est à la page 9, et moi, je veux vous entendre
là-dessus, sur cette discrimination que vous dites, pour le bénéfice des
gens qui nous écoutent. Vous nous
dites : «...nous sommes d'avis que les critères actuels liés à la langue
entraînent une certaine forme de "discrimination" systémique
en fonction du pays d'origine. De nombreux candidats potentiels qui pourraient
occuper des emplois vacants tout en intégrant des programmes de francisation
sont actuellement éliminés en raison des
critères liés à la connaissance du français. À notre avis, une langue peut
aussi s'apprendre, et, à une époque où la francisation peut se faire de
moult façons, le Québec ne peut pas se payer le luxe de bouder certains bassins
[d'immigrants] dont il a grandement besoin...»
Alors,
parlons-en, de la langue française, Mme Hébert. Je comprends ce que vous dites,
et moi, je vous poserais le problème
d'une autre façon. D'ailleurs, on a vu dans le sondage que vous avez fait
auprès de vos membres que certains de
vos membres... à la page 8, entre autres : Quelles sont les mesures que
vous avez prises pour améliorer l'intégration? 21 personnes nous disent : «J'ai offert une formation
linguistique.» 13 personnes nous disent : «J'ai fourni une
formation de sensibilisation culturelle.»
Donc, on sent que les entrepreneurs sont ouverts à aider à la francisation dans
une certaine mesure. Ça, nous allons y revenir.
Cependant,
j'aimerais vous entendre sur les critères, les critères liés au français
actuellement. Comme vous le savez, l'apprentissage du français n'est pas
obligatoire pour les adultes au Québec pour les nouveaux arrivants, pour les immigrants, ce que nous trouvons qui est une
aberration. L'apprentissage du français et la connaissance du français
va aider tous les travailleurs au Québec et les employés de vos PME. Et les
patrons de vos PME vous le diront : Si l'employé comprend le français, ça
va mieux.
Alors, ma
question est la suivante. Vous nous dites : Les critères sont trop élevés
et font en sorte qu'on se prive d'une
main-d'oeuvre que nous pourrions utiliser parce qu'ils viennent de bassins où
le français est plus difficile, ou n'est pas parlé, ou n'est pas compris. Ce que je vous soumets, c'est qu'en
contrepartie est-ce que vous considériez qu'une certaine atténuation ou
modulation des critères liés à la connaissance du français pourrait être
acceptable si, en contrepartie, il y aurait une obligation d'apprentissage du
français chez le nouvel arrivant, chez l'immigrant?
Mme Hébert
(Martine) : On est toujours
bien allergiques, à la FCEI, à tout ce qui est loi puis règlement, hein,
donc, je ne peux pas... Moi, vous savez, Mme
la députée, je pense qu'il y a une réalité. À un moment donné, là, on
est dans une société, puis, dans le
quotidien puis dans la réalité, là, bien, souvent, on pense qu'une loi ou un
règlement, ça va régler le problème,
là. Mais, dans la réalité, le problème, là, souvent, il se règle de lui-même.
Parce que, dans ces cas-là, vous
savez, lorsque vous intégrez un emploi dans une entreprise, si vous êtes à
Chibougamau, vous êtes un travailleur immigrant qui ne parlez pas le français, je vais vous dire une affaire, si vous
vivez à Chibougamau, là, c'est pas mal sûr qu'en dedans de six mois vous allez le parler, le français,
vous allez l'avoir appris, le français. Ça fait qu'on a-tu besoin d'obliger,
de forcer? Je pense qu'il y a des mécanismes
qui existent. Est-ce qu'on peut commencer par une voie où on dirait :
Bien, est-ce qu'on peut encourager, est-ce qu'on peut encourager davantage,
est-ce qu'on peut promouvoir, est-ce qu'on peut,
etc.? Mais est-ce qu'on a vraiment besoin de passer par une loi, un règlement?
Je le soumets à votre considération parce que je ne suis pas convaincue
parce que, dans la réalité, là, comme je vous disais tantôt, si tu as une job à
Chibougamau, c'est fort probable que tu vas apprendre le français assez vite.
Mme Roy :
Je poursuis. Je suis tout à fait d'accord avec vous, si tu as une job à
Chibougamau... On encourage les gens
à aller à Chibougamau, en région, et ça, on est d'accord avec vous. D'ailleurs,
au début de votre mémoire, vous nous dites :
«C'est pourquoi la sélection des candidats en fonction des besoins du marché du
travail doit demeurer au centre des
orientations et des actions gouvernementales en matière d'immigration.» Sachez
qu'on est sur la même longueur d'onde ici. Et je suis tout à fait
d'accord avec vous : si on va à Chibougamau, on va parler français.
Mon problème,
c'est que la grande majorité des immigrants vont se ramasser à Montréal dans
des entreprises où il sera plus facile de ghettoïser ou parler anglais.
Alors, c'est la raison pour laquelle l'apprentissage du français est
obligatoire pour les enfants des immigrants, mais ne l'est pas pour les parents
des immigrants. Alors, pour notre part, on y voit une aberration, et nous
pensons que le fait de rendre obligatoires les cours de français pour ceux qui
ne le comprennent pas pourrait faire en
sorte qu'on reçoive des gens qui ne le comprennent pas, mais qui vont
l'apprendre, et elle est là, et ce
n'est pas une obligation à l'égard de l'entrepreneur, mais c'est une obligation
à l'égard de l'État. Moi, je pense que l'État a l'obligation de
franciser ses immigrants. C'est une forme de respect que de leur apprendre la
langue.
D'ailleurs, on leur apprend actuellement, et
c'est tout à fait gratuit, mais ce n'est pas obligatoire. Alors, c'est justement pour faire en sorte que tous ces
nouveaux arrivants, ces immigrants, ces travailleurs puissent mieux
s'intégrer, et je pense que la problématique
est effectivement lorsqu'on n'est pas dans une région francophone. Alors,
c'était la raison pour laquelle je
vous soumettais l'idée de peut-être être moins sévères sur le critère à
l'admission, mais être sévères sur le critère de l'apprentissage par la
suite. Je me demandais si ça séduirait vos gens.
• (11 h 20) •
Mme Hébert
(Martine) : Et comme je vous ai dit tantôt, souvent, on est peu
séduits par la réglementation. Mais je vous soumettrais, Mme la députée, que, d'abord, il y a, au Québec, la Charte de la langue française, qui
oblige tous les employeurs à offrir un
milieu de travail en français. Ça fait que, qu'on soit à Montréal
ou à Chibougamau, là, c'est une obligation que l'ensemble des employeurs ont, et ça va même,
là, jusqu'aux pitons sur le micro-ondes, là, qu'on est obligés de mettre des petits autocollants en français, là,
sur le bouton on/off, pour dire ouvert/fermé. Alors donc, ça veut dire
qu'il existe déjà de la réglementation qui permet de garantir, en
tout cas, dans les milieux de
travail, que ça se passe en français. Et
donc, ça veut dire qu'il y a déjà, même si tu es à Montréal, il y a déjà des
incitatifs, il y a déjà de la législation qui existe pour inciter justement à l'apprentissage du
français dans le milieu de travail. Même chose si on travaille dans un
commerce de détail ou dans un établissement d'hôtellerie, par exemple. Bien, si on est en relation avec la clientèle, il y a quand même toujours bien une grande
partie de la clientèle encore à Montréal qui parle français — vous
le savez, vous n'êtes pas très loin de Montréal — donc,
c'est sûr qu'il y a déjà des choses qui existent par rapport à ça.
L'autre
partie, moi, je pense qu'on va la régler d'elle-même si justement
on s'assure d'assurer... Si on fait une meilleure adéquation entre les
besoins en main-d'oeuvre des entreprises puis les caractéristiques des
personnes qu'on accueille, ça va forcément
conduire à une certaine régionalisation de l'immigration. C'est pour ça que
moi, je me dis : Essayons donc
l'idée des projets pilotes, là, comme la ministre, je lui ai mentionné
tantôt, testons donc ça puis testons-en donc, justement, des idées pour
voir et des situations pour voir comment ça se passe dans les faits. Puis moi,
je suis convaincue que le meilleur moyen
d'apprendre une langue, là, c'est en ayant du travail, c'est en intégrant un
emploi. Puis, comme les employeurs au
Québec sont tenus, sont obligés, sont obligés par la charte d'offrir un milieu
de travail en français, bien, laissons la chance justement aux lois
existantes de faire leur oeuvre.
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme Hébert, pour votre contribution aux
travaux de la commission.
Je vais suspendre quelques
instants afin de permettre aux représentants de la Fédération des chambres de
commerce du Québec de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
11 h 22)
(Reprise à 11 h 26)
Le Président (M.
Picard) : Nous reprenons nos travaux.
Des voix :
...
Le
Président (M. Picard) :
S'il vous plaît! Donc, nous reprenons nos travaux en recevant les
représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je
vous demanderais de vous présenter. Et vous disposez de 10 minutes pour
faire votre présentation. Vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires.
La parole est à vous.
Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)
M. Forget (Stéphane) : Merci beaucoup. Alors, M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mmes les
parlementaires, merci beaucoup de nous
accueillir. Alors, Stéphane Forget, je suis président-directeur général intérimaire
et vice-président, Stratégies et affaires économiques, à la fédération. Je suis
accompagné de Michel Cournoyer, qui est expert-conseil à la fédération dans
toutes nos questions de main-d'oeuvre et d'immigration.
La fédération tient
d'abord à remercier le gouvernement pour la tenue des présentes audiences. Une
telle consultation nous apparaît souhaitable
en regard de la cohésion nécessaire des acteurs économiques, politiques et
sociaux pour atteindre des objectifs ambitieux en matière d'immigration.
Brièvement, vous
connaissez déjà la fédération, mais je vous rappelle les deux chapeaux que nous
portons. Tout d'abord, nous avons un réseau
de plus de 140 chambres de commerce, que nous fédérons, et nous avons aussi le
statut de chambre provinciale, donc Chambre
de commerce du Québec, avec plus de 1 100 membres corporatifs. À titre du
plus important réseau de gens d'affaires et
d'entreprises du Québec, la fédération, comme je vous le disais, est à la fois
une fédération et une chambre provinciale.
La fédération et ses membres sont depuis longtemps très actifs sur les questions
relatives à l'immigration et la gestion de la diversité dans les milieux de
travail.
En
raison des défis démographiques auxquels le Québec est confronté aujourd'hui,
notamment par l'éventuelle diminution de notre population active et le
vieillissement de la population, nous devons, comme société, s'assurer d'intégrer le plus efficacement une main-d'oeuvre
qualifiée et compétente là où nous en avons le plus besoin. De nombreux employeurs de partout au Québec nous demandent
d'intervenir constamment auprès de vous afin de trouver des solutions à
ces problèmes grandissants.
Par ailleurs, partout
à travers la province, les chambres de commerce fournissent de nombreuses
occasions à des entreprises de se réseauter
avec des représentants d'organismes voués à l'intégration des personnes
immigrantes et organisent notamment des conférences pour leurs membres
avec des experts sur le sujet. Nous voulons continuer d'agir en ce sens et
davantage avec les immigrants entrepreneurs.
Donc,
tout d'abord, la fédération accueille positivement les orientations
gouvernementales sur la planification de l'immigration 2017-2019. À nos yeux, celles-ci s'inscrivent dans une
démarche conséquente et responsable d'adéquation entre les besoins et
les responsabilités internationales du Québec en matière d'immigration.
Toutefois, nous devons souligner que la FCCQ
aurait souhaité une augmentation plus rapide de l'immigration économique, mais
nous comprenons la nécessité de
laisser le temps aux récentes mesures de soutien aux immigrants de s'implanter.
Même s'il s'agit d'une période
charnière et d'un plan transitoire, nous croyons que des éléments de la
planification devraient être renforcés afin de mieux arrimer l'immigration aux besoins de main-d'oeuvre des entreprises
et ainsi favoriser l'insertion professionnelle rapide des personnes
immigrantes. Combler les besoins de main-d'oeuvre des employeurs québécois,
c'est assurer la croissance de nos entreprises et de notre économie.
La
déclaration d'intérêt est l'innovation la plus récente dans la gestion des
demandes de l'immigration qualifiée, et
la fédération salue haut et fort l'annonce de sa mise en oeuvre en 2017. Elle
est d'ailleurs en vigueur depuis janvier 2015 dans le reste du Canada sous le titre
d'Entrée express. L'Union européenne examine attentivement ce modèle,
alors que d'autres pays, comme la
Nouvelle-Zélande et l'Australie, jouissent de retombées positives d'avoir
rapidement mis de l'avant un système
tout en l'ayant axé davantage sur la demande de main-d'oeuvre, et, pour nous,
cela est fondamental.
Ainsi,
en adoptant la déclaration d'intérêt, le Québec s'inscrit dans un mouvement
plus large à l'échelle mondiale, alors
que l'on observe des révisions importantes au système de points traditionnel,
basé exclusivement sur une grille, pour prioriser les candidatures bénéficiant d'une offre d'emploi validée.
Soulignons toutefois que, malgré que la planification confirme que le nouveau système sera mis en oeuvre
en 2017, l'échéancier reste à préciser en ce qui a trait au recrutement
direct par les entreprises.
• (11 h 30) •
Autre
élément : il est paradoxal que
de nombreux nouveaux arrivants connaissent le chômage prolongé alors que
les besoins en main-d'oeuvre sont en croissance à mesure que se resserre le marché du travail sous l'effet du vieillissement de la population. Sur l'île de
Montréal, environ la moitié des prestataires aptes au travail de l'aide sociale
sont nés hors Canada. Cette situation est tout à fait déplorable.
Des chiffres qui
portent à réflexion : il est surprenant de constater que, selon une
récente étude de la Banque Nationale, les
immigrants parlant seulement le français connaissent un chômage de près de 25 % à Montréal, soit près du double de celui à Toronto, et plus de 7 %
supérieur aux immigrants allophones ne parlant ni le français ni l'anglais,
alors qu'il s'agit d'un critère de sélection dominant dans la grille utilisée
par le Québec.
Rappelons
que les exigences en matière de connaissance du français ont été rehaussées en
2013. La fédération considère donc
toujours que cette mesure élimine des candidats de qualité et souhaite que la
refonte de la grille de sélection qui
sera faite dans le cadre de l'application de la déclaration d'intérêt remédie à
ce problème. Ainsi, nous croyons que l'orientation
4 de la planification visant à augmenter la proportion des immigrants
économiques connaissant le français à leur
arrivée devrait être repensée. Les immigrants francophones devraient évidemment
toujours être favorisés, notamment en
raison de leur intégration plus rapide, mais nous croyons que nous ne devrions
pas éliminer des candidatures intéressantes
sur la seule base de leur compréhension initiale du français. Pour notre part,
nous croyons qu'il est urgent de mettre
en oeuvre la déclaration d'intérêt afin d'assurer la compétitivité du Québec
face à la concurrence des principaux pays d'immigration qui ont déjà agi et de celle en provenance des autres
provinces du Canada qui participent à l'Entrée express. Je pense entre
autres à notre enjeu d'immigration de solde migratoire interprovincial. Cela
nécessiterait évidemment le déploiement rapide d'un nouveau système
informatique, un des moyens de faire rapidement et à moindres coûts, mais
peut-être de s'arrimer avec le système ailleurs au Canada.
Cela
dit, il est important de rappeler que le nombre de travailleurs qualifiés admis
est en baisse constante depuis 2010. Alors que les travailleurs
qualifiés comptaient pour près des deux tiers de l'immigration, ils n'en
représentent dorénavant qu'environ la moitié
aujourd'hui. De surcroît, le redressement amorcé par la planification apparaît
somme toute timide. D'abord, une hausse en
2017 demeure tout à fait incertaine. Ensuite, on constate qu'à la fin de la
période de la planification, hormis
de 2015 à 2019, le poids des travailleurs qualifiés n'aura jamais été aussi bas
depuis 15 ans, cela malgré
l'orientation 2 de la planification visant à accroître progressivement la part
de l'immigration économique qui comprend les travailleurs qualifiés et
les gens d'affaires. Le redressement prévu à la faveur de la catégorie des
travailleurs qualifiés doit être accentué
dès la mise en oeuvre du recrutement direct afin que la composition planifiée
d'immigration prenne davantage en
considération la réponse aux besoins des entreprises. De plus, il nous apparaît
important qu'une nouvelle cible portant sur la proportion des
travailleurs qualifiés sélectionnés sur la base d'une offre d'emploi soit
ajoutée à la planification afin de
concrétiser le virage vers un système axé sur la demande. Une cible d'au moins
40 % valide pour la dernière
année de la planification nous apparaît raisonnable en regard des résultats
obtenus ailleurs au Canada dans le cadre de l'Entrée express.
Avant de conclure, je
me permets d'ouvrir une courte parenthèse pour se rappeler l'importance de
continuer nos représentations communes
envers le gouvernement fédéral afin de faire valoir la nécessité pour nos
entreprises d'avoir un accès plus rapide et facilité au programme des
travailleurs étrangers temporaires. Je sais que vous y travaillez et que nous y
travaillons collectivement, mais je pense que ça demeure une priorité sur
laquelle il faut travailler.
Enfin
et pour conclure, M. le Président, la qualité de la main-d'oeuvre, ses
compétences et ses talents est l'une des clés de la prospérité, et cela est encore plus vrai pour le Québec,
compte tenu de la rareté grandissante de la main-d'oeuvre sous l'effet du vieillissement de la population.
Il est temps de se doter de moyens performants afin que les entreprises
québécoises puissent attirer les meilleurs talents. Je vous remercie.
Le Président (M.
Picard) : Merci, M. Forget. Je cède maintenant la parole à la
partie gouvernementale pour une durée de 17 min 30 s.
Mme Weil :
Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue, M. Forget, M.
Cournoyer. Merci beaucoup, beaucoup de votre
présentation. Vous jouez un rôle crucial évidemment dans la contribution à la
prospérité du Québec. Mais aussi j'aimerais
beaucoup qu'on puisse s'engager dans une discussion par rapport à cette
transformation et le rôle, le nouveau rôle que les gens pourront jouer, puis on
va arriver sur les deux projets dont vous parlez puis mieux comprendre ces
projets-là.
Sur cette question de
réforme, déclaration d'intérêt, oui, c'est un modèle intéressant, et c'est pour
ça qu'on l'implante, justement pour être
capables de se départir de ce système premier arrivé, premier servi, alors que
ça peut prendre quatre ans avant que la personne arrive et que le marché
du travail a eu le temps de bien changer entre-temps. Là, on pourrait... un
délai de traitement de six mois. Mais c'est tout ce qu'il y a autour aussi, ça,
c'est un système.
Mais on nous a fait
des compliments à la conférence de Montréal, deux organismes qui suivent les
réformes partout dans le monde, ils ont
dit : Ce qui est unique, au Québec, dans ce qu'on propose, c'est que vous
vous attardez, oui, à l'arrimage entre la
sélection et le besoin du marché du travail, vous mettez l'employeur en action
avec vous en amont — et là je vais vous poser des questions sur
votre vision de cet élément-là pour qu'on puisse aller plus loin — mais
aussi on a été les premiers à regarder la
question du vivre-ensemble... vous accompagnez tout ça avec votre politique
du vivre-ensemble. Ils nous ont dit : Ça, c'est la première fois qu'on
voit un système... c'est-à-dire des législateurs, des élus qui se penchent sur l'importance de l'inclusion. Alors, je vous dis
ça parce que c'est vraiment les piliers de l'avenir pour nous, et le
succès de l'intégration optimale de tout le monde qu'on sélectionne.
Alors, j'aimerais vous entendre parce que c'est
très important, je sais qu'il y a d'autres modèles, notamment l'Australie. Quand vous parlez de l'entreprise,
l'employeur qui fait ou qui participe à la sélection... parce que nous
aussi, on a cette vision, par le rôle de la
Commission des partenaires du marché du travail puis, bon, vous êtes
représentés là, d'avoir des portraits
régionalisés et que le milieu se mobilise autour des besoins, puis ensuite la
sélection serait arrimée là-dessus, il y
aurait le guichet emplois. Et j'aimerais vous entendre sur comment vous voyez
ça, parce que c'est vrai que c'est considéré comme un facteur de succès
dans les systèmes modernes d'immigration. Mais comment ça serait
opérationnalisé?
Le Président (M. Picard) :
Oui?
M. Forget (Stéphane) : Je vais
laisser mon collègue débuter, j'ajouterai...
M.
Cournoyer (Michel) : Oui, on
peut... il y a deux aspects. Disons que nous comprenons comment le
système va être déployé. Nous comprenons
qu'il y aura la grille et il y aura une bonification dans la grille pour faire
davantage de place, en termes de poids,
là... de points accordés pour les personnes qui auront reçu une offre d'emploi.
Et ces personnes, avec l'ensemble des
candidats qui seront admissibles dans la déclaration d'intérêt, vont être
versées dans une banque de candidats.
Or, la problématique, pour les employeurs, c'est d'avoir un accès aux candidats
eux-mêmes. Et donc, s'ils ne connaissent
pas les candidats, ils peuvent difficilement leur offrir un emploi. Donc, une
des méthodes les plus efficaces pour accroître la proportion de
personnes qui sont dans la liste des candidats et qui ont déclaré leur intérêt,
c'est de rendre accessible cette banque de
candidatures et de faire en sorte que les employeurs puissent recruter
directement à partir de cette
banque-là. C'est ce qu'on comprend que le système fédéral Entrée express fait
avec la banque d'emplois du Canada depuis 2015. D'ailleurs, je citerais
quelques exemples, là, de résultats à l'appui. Dans le premier appel de
candidats à partir de la banque d'Entrée
express, pas moins de 65 % des candidats sélectionnés possédaient une
offre d'emploi. Donc, c'est des
statistiques assez impressionnantes, quand on dit, là, que 65 % des
personnes sélectionnées dans le premier appel au Canada d'Entrée express
en 2015 avaient donc en main une offre d'emploi.
Mme Weil :
Savez-vous si l'offre d'emploi est venue après la rencontre grâce à Entrée express
ou justement c'est parce que leur
politique, comme nous, donnait des points supplémentaires à ceux qui avaient
déjà une offre d'emploi?
M. Cournoyer (Michel) : Dans ce
cas-là précis, il y a certainement l'apport de travailleurs temporaires, qui
avaient déjà été à l'embauche d'entreprises, et donc on peut penser que les
résultats ont été amenés à la hausse par ce fait-là.
Mais ce qu'on observe dans les systèmes semblables, c'est qu'effectivement la capacité de pouvoir recruter dans la banque de candidats fait
toute la différence.
• (11 h 40) •
Mme Weil : Et d'ailleurs le ministère
va regarder ça attentivement, va échanger, parce que c'est un élément très important. C'est ce qu'on voit dans les recherches. Ce
qu'on comprend, c'est que ça donne confiance aussi. C'est très terre à terre, hein? On fait un genre
«matchmaking», là, puis, bon, c'est parfait, des fois par Skype aussi. Moi,
j'ai vu ça concrètement, j'ai vu cette expérience, j'ai vu les entreprises
qui ont fait des entrevues par Skype souvent pour un travailleur temporaire. Mais
je suis contente d'entendre que vous reconnaissez...
même si vous souhaitez en fin de période une croissance plus importante — et on est d'accord avec vous — qu'il va falloir qu'on revienne à notre
objectif, 70 % de notre immigration qui soit économique. Mais vous
comprendrez que c'est des vases communicants, l'immigration humanitaire qui nous a interpelés tous, je pense,
au Canada, et les Québécois aussi... mais fait en sorte que c'est quand
même beaucoup de personnes qu'il faut intégrer puis qu'il y a un potentiel
d'intégration important là aussi. Mais j'apprécie que vous ayez reconnu que,
pour mettre ce système en place et pour vraiment sélectionner des gens, avec tous nos partenaires, qui vont intégrer le marché
rapidement... vous reconnaissez l'importance de ça, le rôle, maintenant,
de l'employeur, c'est important.
Ce qui nous
amène sur les travailleurs temporaires, les étudiants étrangers. Vous savez
que, dans le système fédéral, le
ministre fédéral nous l'a dit, le système Entrée express a exclu les étudiants
étrangers, et là ils se rendent compte que c'est un problème. Nous, on ne met pas les étudiants étrangers, les
travailleurs temporaires en compétition avec Entrée express. On va
traiter le programme d'expérience québécoise comme on l'a toujours fait, mais
on se donne, pour la première fois, une cible de 40 %.
J'aimerais
savoir, vous, parce que vous le recevez très favorablement, ça, ça fait
vraiment consensus, le rôle que vous
pourriez jouer aussi pour faire la promotion de ce programme. Parce qu'il y a
toujours ce moment, quand je parle avec des travailleurs temporaires
souvent qui sont très spécialisés : Est-ce que ça vous intéresse de rester
ici, au Québec? Hein, c'est toute cette
question d'intégration. Est-ce que vous, vous avez eu l'occasion de jouer un
rôle dans ça avec les travailleurs
temporaires que vous connaissez et peut-être aussi évidemment avec les
étudiants étrangers qui pourraient avoir des stages en milieu de travail pour leur donner cette expérience de
travail puis les aider dans leur choix de rester au Québec?
M. Forget (Stéphane) : Bien,
quelques éléments de réponse.
Tout d'abord, je pense qu'on a un défi
de rejoindre les entrepreneurs, les employeurs pour qu'ils comprennent
les programmes, comprennent les opportunités
qui se créent. Ils sont tellement dans leur quotidien souvent que c'est un
défi de les rejoindre, et je pense qu'à cet
égard-là, je le disais dans la présentation, on essaie, les chambres, d'inviter
les experts, de favoriser des
rencontres pour que les employeurs puissent mieux comprendre les opportunités
qui s'offrent à eux et les programmes, les outils pour les appuyer.
Premier élément.
Deuxième élément, on
a constaté une autre chose, c'est la capacité et la compréhension des
employeurs, des entrepreneurs à accueillir
des immigrants dans leurs entreprises. À cet égard-là, on pense qu'on peut
jouer un rôle plus grand pour que les entreprises, les employeurs,
évidemment, de ces entreprises-là soient mieux outillés pour accueillir des immigrants dans leurs usines ou dans leurs
organisations, et je pense que là il y a peut-être une barrière, j'oserais
dire, ou il y a une inquiétude de comment je
vais le faire, et, dans le doute, souvent, on s'abstient et on se retrouve un peu
dans cette situation-là. Ça, c'est le deuxième élément où on pense qu'on a un
rôle plus grand qu'on pourrait jouer.
Troisième
élément, compte tenu de la force du réseau et de la capacité du réseau des
chambres d'aider justement les gens à
réseauter, on pense qu'on pourrait jouer un rôle un peu plus grand auprès des
immigrants entrepreneurs pour les attirer
ailleurs que dans les grands centres, pour les attirer en région. Si on avait
des moyens qu'un immigrant entrepreneur se retrouve en région et rapidement
puisse s'intégrer à un réseau, avoir accès aux ressources, mieux comprendre les
enjeux régionaux et autres, je pense que ce
serait une autre contribution qu'on pourrait faire pour améliorer, dans le
fond, l'intégration et le déploiement sur l'ensemble du territoire québécois.
Michel, je ne sais
pas si tu veux ajouter à ça.
M. Cournoyer
(Michel) : Oui. J'ajouterais peut-être aussi... On a eu des échanges
vraiment préliminaires, toutefois, là, avec
la Chambre de commerce du Montréal métropolitain concernant leur projet pour
l'organisation, là, de missions de
recrutement dans les universités et les cégeps, et donc une des difficultés
qu'a la chambre dans son projet et à
laquelle le projet s'adresse, c'est d'intéresser aussi des entreprises à faire
de la représentation dans les maisons d'enseignement.
On comprend mal quels sont les obstacles et pourquoi ça ne s'organise pas plus,
mais on a offert notre pleine et entière collaboration, là, dans le
cadre de ce projet-là aussi.
Mme
Weil : Mais vous pourriez
peut-être, d'après ce que je comprends aussi, jouer un rôle
pour les travailleurs temporaires.
Vous dites : C'est une question de rejoindre les entreprises pour qu'ils
connaissent le programme. Évidemment,
on est là pour ça. Mais on a besoin de relayeurs
comme vous, de gens qui sont sur le terrain, par les chambres de commerce, faire connaître... Et aussi, donc, je pense qu'on
a un travail à faire ensemble pour leur expliquer les exigences, si on
veut, pour la sélection. Et je voulais vous
informer que nous, on a l'intention de rendre accessible, pour la première fois — parce
que c'est des gens avec un statut temporaire, donc ce n'est pas des immigrants
reçus, ils n'ont pas la résidence permanente — notre
cours de francisation en ligne. Ça, c'est vraiment quelque chose de très
intéressant, donc il faut déjà rejoindre
ces travailleurs temporaires tôt, dès leur arrivée, pour les aider pour ceux
qui n'auraient pas toute la compétence voulue,
là. Parce qu'il y en a beaucoup qui sont engagés à cause de leur expertise. Ils
ont des notions, mais peut-être
ne maîtrisent pas la langue. Donc, c'est une réponse aussi à votre préoccupation
par rapport à la langue et nos exigences élevées.
On veut préparer ces gens comme on le fait avec les cours de français avant
l'arrivée des personnes. Donc, c'est ça.
M. Forget (Stéphane) : Si vous me permettez, probablement qu'une fois que le travailleur étranger temporaire est en entreprise, la façon la plus facile de le
rejoindre, c'est via son emploi, via son employeur, via l'endroit où il
travaille. Donc, il aura certainement moyen de les rejoindre de cette façon-là.
Mme
Weil : Vous parlez,
donc, à la page 13 de votre mémoire,
de projets porteurs. Et il y a le premier projet, qui s'appelle Un premier emploi en sol québécois, et
l'autre, Accueillir les immigrants-entrepreneurs. Vous l'aviez évoqué.
Est-ce que vous pourriez parler de ce premier projet que vous évoquez, qui
semble très, très intéressant?
M. Cournoyer
(Michel) : Oui. Lorsqu'on parle aux entreprises en particulier, ce
projet s'adresse aux régions à l'extérieur
de la région métropolitaine, et puis une des problématiques, c'est qu'ils ont
peu de connaissances des bassins de main-d'oeuvre immigrante. Et
donc c'est l'établissement de ce premier lien-là entre un emploi et la
personne immigrante qui est la
problématique. L'objectif du projet, c'est d'établir ce lien-là en faisant
mieux connaître les possibilités et les potentiels qu'offrent les bassins de personnes immigrantes aux
entreprises en particulier, là, aux régions. Ça se fait de manière simple. Il y a une aide-conseil qui est
offerte aux entreprises participantes. Cette aide-conseil là est
coordonnée par la fédération
et les chambres locales. On fait un appel de projets pour les régions les plus
intéressées. On pense tout de
suite à la région de l'Estrie, la région de Chaudière-Appalaches. Il y a des
régions tout de suite qui nous ont même manifesté déjà leur intérêt de
participer, là, à un tel projet. Et donc une aide-conseil qui est offerte par
des personnes qui sont des spécialistes en
recrutement et qui vont aussi connaître les bassins de main-d'oeuvre immigrante dans la région ou les bassins potentiels pour chacun
des employeurs et vont aider les employeurs à mieux utiliser les outils pour
recruter directement dans ces bassins, donc offrir un accès à ces emplois-là
aux personnes immigrantes... C'est un des premiers volets.
Par ailleurs, il y a plusieurs des employeurs en région qui n'ont pas dans leurs effectifs, au sein de leurs effectifs, des personnes immigrantes. Et ça, ça cause un
problème ou un défi supplémentaire pour le recrutement, parce que, vous
le savez, une PME, ça recrute avant tout par
le contact personnel. Et, si, dans ton effectif, il n'y a personne qui est
d'origine autre que la région, évidemment,
ça rend le recrutement des personnes immigrantes plus difficile. Et donc il y a
une aide supplémentaire dans le cadre du projet qui est offerte pour
permettre aux employeurs d'avoir des services spécialisés lorsqu'il s'agit de
l'embauche d'une première personne issue de l'immigration dans leurs effectifs.
Mme Weil : Oui, j'ai une collègue qui a une question,
la députée de Chauveau. Et, si, à la fin, il reste un peu de temps, j'aimerais revenir sur cette question
de... Surtout quand on parle de régionalisation de l'immigration, la création de milieux accueillants, l'ouverture des
entreprises à la diversité, c'est un enjeu important. Je pense que vous le
constatez — tout
le monde le constate quand on fait du terrain — il faut travailler là-dessus.
Merci.
• (11 h 50) •
Le Président (M.
Picard) : Mme la députée de Chauveau, il reste deux minutes.
Mme Tremblay : Merci beaucoup. Bonjour, M. Forget, M. Cournoyer. Dans votre
mémoire, vous émettez une réserve par rapport à l'orientation qui vise à fixer un minimum de 85 % la proportion des travailleurs qualifiés
qui déclarent connaître le français à
l'admission. Bon, on sait que la maîtrise du français, c'est quand même
important au Québec, c'est un facteur
majeur pour l'obtention d'un emploi, les possibilités d'avancement
professionnel aussi, mais aussi pour l'intégration sociale.
Comment vous voyez ça
précisément? Vous voudriez qu'il n'y ait plus de minimum ou qu'on abaisse le
minimum? Puis qu'est-ce que vous suggérez pour... parce que, pour nous, au
gouvernement, c'est important, le fait français,
de défendre notre langue française puis que les gens qui immigrent ici
apprennent le français. Comment vous voyez ça précisément?
M. Forget (Stéphane) : Bien, pour nous aussi, le fait français est une
chose importante. Il ne faut pas voir dans notre mémoire le fait qu'on veule ramener les seuils à ceux de 2013
qu'on considère que le français n'est pas important, bien au contraire,
puis je l'ai mentionné plus tôt.
Cela
étant dit, je pense que, dans le contexte démographique du Québec actuel et des
besoins de main-d'oeuvre, on ne
devrait pas se priver de main-d'oeuvre qualifiée sur la seule base que
l'apprentissage ou la compréhension du français n'est pas suffisante ou
que le pointage n'est pas assez élevé.
Et,
vous savez, il n'y a pas de contradiction entre ce qu'on dit et ce qui est sur
la table. Plus de 75 % des travailleurs qualifiés qu'on recrute de l'étranger parlent français. Alors, l'enjeu
n'est pas à ce niveau-là, il n'y a pas de contradiction entre les deux.
On n'est pas en train de dire qu'il faut négliger cela. On dit : Un,
ils s'intègrent rapidement parce que, souvent,
ils le parlent et, deux, la meilleure façon de s'intégrer, c'est d'être en
entreprise. Ça, je pense que c'est une réalité. Alors, il n'y a pas de contradiction à cet égard-là. On n'est pas en
train de dire que ce n'est important, on dit qu'il ne faut pas se priver d'une main-d'oeuvre qualifiée alors
que le français n'est peut-être pas au niveau souhaité. Je ne sais pas
si ça répond à votre question.
Mme Tremblay : Tout à fait. Oui, oui, ça répond bien à ma question
là-dessus. Donc, vous enlèveriez le seuil minimum, en prenant pour acquis
que, de toute façon, 75 % des immigrants ici connaissent déjà le français.
M. Cournoyer (Michel) : Disons que les résultats au niveau des
travailleurs qualifiés, en termes de connaissance du français, sont déjà impressionnants. C'est la
catégorie, là, où la connaissance du français est au maximum parmi les personnes immigrantes et donc, oui, effectivement,
on remet en question la nécessité d'augmenter les exigences à cet égard.
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. Cournoyer. Avant de céder la
parole à M. le député de Bourget, je vous avise qu'à midi il va y avoir un dynamitage. Donc, on demande à tous les
gens de rester ici, c'est plus... C'est très intéressant ici. Mais ça
dure quelques minutes, mais, surtout, ne pas circuler dans les corridors.
Donc, M. le député de
Bourget, pour une période de 10 min 30 s.
M. Kotto :
Merci, M. le Président, et merci pour l'avertissement.
M. Forget et M.
Cournoyer, merci d'être là. Je rebondis sur la question de ma collègue,
relativement à la recommandation que vous faites sur l'orientation 4 de la
planification, visant l'augmentation de la proportion des immigrants adultes
qualifiés déclarant connaître le français. Vous souhaiteriez que cette
orientation soit retirée.
M. Forget (Stéphane) : Retirée dans sa forme actuelle et reformulée
d'une façon qui permettrait d'atteindre nos objectifs d'adéquation et de besoins pour combler la main-d'oeuvre. Mais
retirée dans le sens d'une reformulation, là, qu'on se comprenne bien
sur ce qu'on voulait exprimer.
M. Kotto :
O.K. On s'entend bien.
Là,
j'entends le chiffre de 75 % de personnes que vous ciblez qui maîtrisent
déjà le français. Il y en a cependant 25 %
qui nous échappent dans la maîtrise du français. 25 %, c'est beaucoup,
considérant notre poids démographique en tant que francophones en
Amérique du Nord; nous, on compte pour 2 % de la population.
Cela
dit, ce n'est pas, disons, le volet le plus inquiétant. Le plus inquiétant,
c'est le regroupement familial, où on n'a aucun contrôle et on en voit
les résultats dans différentes études qui convergent dans le même sens,
notamment relativement à ce qu'il se passe à Montréal.
Mais
notre préoccupation à tous ici, sans aucune forme de partisanerie, est à
l'effet de soutenir ce filet francophone, et je pense que c'est la vôtre aussi, au-delà de vos intérêts
économiques ou des intérêts économiques des gens que vous représentez. Pour être plus précis, le français
est ce qui nous distingue comme nation en Amérique, et, quand on choisit
de venir au Québec, on a espoir d'y vivre et d'y travailler en français.
On a, et vous
l'avez ramené à quelques reprises, parce
que ce n'est pas la première fois que
vous vous présentez devant cette commission,
on a des personnes maîtrisant la langue française venant de bassins multiples,
sans les nommer, et qui subissent le chômage et la
marginalisation. Je ne veux pas parler de discrimination, mais certains parlent
de discrimination en emploi. Est-ce que vous avez écho, est-ce que vous avez
une idée qui pourrait nous éclairer sur les fondements de cette discrimination
en emploi?
M. Forget
(Stéphane) : Oui. Tout
d'abord, peut-être juste dire une chose : Je pense que nous
avons, et c'est ce que nous
mentionnons ici, un défi collectif eu égard à la langue évidemment,
protection de notre langue et avec tout ce que vous venez de mentionner
dans lequel on abonde, mais le besoin aussi de combler, combler nos besoins de main-d'oeuvre
au Québec, parce que tantôt vous parliez de l'intérêt économique des gens qu'on
représente, mais on parle davantage de l'intérêt économique du Québec
en général. Parce que c'est un défi collectif : comment on fait
pour bien protéger notre langue et accueillir des gens qui vont
s'intégrer dans notre culture, mais on a aussi des défis d'emploi extrêmement importants. Vous le savez probablement, mais le nombre d'entreprises qui nous interpellent partout au Québec en disant : ça ne marche pas, là. Je n'y arrive plus, là. Je dois
refuser des contrats, je vais devoir mettre des gens à pied, là, des gens dans nos régions parce que
je n'arrive pas à combler mes besoins de main-d'oeuvre, je n'arrive pas
à répondre à la demande. Donc, on a un défi collectif de répondre aux
besoins de l'adéquation tout en protégeant notre langue, et ça, c'est un défi
quotidien, puis on est d'accord avec vous à cet égard-là.
L'autre élément que je veux mentionner, et je
pense que la nouvelle politique va dans ce sens-là, c'est notre capacité
d'élargir notre bassin de recrutement de main-d'oeuvre, et ça, ça nous apparaît
un élément extrêmement important. Il y a plusieurs endroits dans le monde où on peut aller
rechercher des immigrants qui ont une compréhension du français, qui sont en voie d'apprendre, qui le
comprennent et qui le parlent déjà très
bien. Donc, l'idée d'élargir le
bassin est, pour nous, quelque chose d'extrêmement positif à cet égard-là. Pour
la discrimination, peut-être Michel peut ajouter quelque chose.
Le Président (M. Picard) : M.
Cournoyer.
M.
Cournoyer (Michel) : Je
dirais, avant tout, lorsqu'on regarde les résultats en termes d'intégration, et
je parle en particulier du tableau
qu'on présente dans le mémoire qui traite du taux de chômage chez les personnes
qui parlent français seulement, d'abord, la première chose qui nous
vient à l'esprit, c'est que ça témoigne avant tout d'une inadéquation, une inadéquation entre le profil des
personnes et le besoin des entreprises,
et c'est pour ça qu'on fait de la première
orientation... on dit : C'est mettre davantage l'accent sur la demande des
entreprises qui va nous permettre de mieux
faire cette adéquation. On ne pourra pas réduire davantage le taux de chômage
chez les personnes aussi qui parlent français
seulement si on n'a pas une meilleure adéquation avec le besoin des entreprises,
parce que, définitivement, c'est les entreprises qui engagent et puis
qui génèrent ces emplois-là, et ça prend une réponse adéquate aux besoins des entreprises. Et donc ce que nous dit aussi ce
tableau-là, c'est qu'on a peut-être beaucoup trop compté sur la
connaissance du français comme facteur exclusif, là, d'intégration. Il y a
d'autres choses en jeu de manière évidente, les statistiques le démontrent. Et donc c'est dans ce sens-là qu'on
dit : Laissons la demande des entreprises s'exprimer librement,
permettons aux employeurs de recruter directement dans la banque de candidats,
et on aura de meilleurs résultats, probablement, parce que l'adéquation va être
meilleure.
• (12 heures) •
M. Kotto :
O.K. Bon, je suis ouvert à toute approche constructive et c'en est une, mais je
ne suis cependant pas rassuré sur le
comment vous pourriez, dans l'hypothèse où une telle ouverture vous serait
faite par le gouvernement, aller directement
piger dans la banque de données, comment vous pourriez vous assurer que les
personnes ne maîtrisant pas la langue
et ne maîtrisant pas nos valeurs démocratiques (Interruption) — merci — et que ces personnes soient
encadrées, accompagnées soit de façon
concomitante avec l'entreprise et le gouvernement soit avec des programmes
dédiés dans ce sens? Je donne
peut-être l'air de trop insister. Je pense que, si la question de la langue et
de l'intégration ne se posait pas, on ne
serait pas en train de discuter ici. On serait peut-être même en train d'ouvrir
les bras à plus de 100 000 nouveaux arrivants par année qui s'intégreraient sur un claquement du
doigt. Mais ce n'est pas ça, la réalité. On a cette préoccupation-là.
Dans l'hypothèse où vous auriez, en tant
qu'entité soucieuse du développement économique du Québec, la possibilité
d'aller piger directement dans la banque de
données, est-ce que vous seriez enclin à vous assurer que ces personnes
s'intègrent, se francisent main dans la main avec le gouvernement et ses
programmes?
M. Forget (Stéphane) : Tout d'abord,
nous faisons le pari, puis les statistiques semblent le démontrer, que l'intégration en emploi est souvent une excellente
façon de s'intégrer davantage à la communauté québécoise. Premier élément. Deuxième élément, d'ailleurs je l'ai
mentionné plus tôt, je pense que, si on accompagne mieux les employeurs dans leur façon d'intégrer un immigrant dans une
entreprise, je pense que c'est une deuxième façon d'aider à
l'intégration d'un nouvel immigrant. Ça, pour nous, c'est fondamental.
Et ce que je
veux ajouter au-delà de ça, c'est que nous ne sommes pas les seuls à recruter
des immigrants pour combler les besoins de main-d'oeuvre. Il y a une
féroce compétition à l'échelle internationale, et je pense que de sélectionner,
de bien sélectionner nos immigrants pour combler nos besoins de main-d'oeuvre,
donc via la demande, comme on l'a mentionné
plus tôt, ça va assurer aussi sur le plan économique — parce que c'est de ce point de vue là
que nous avons analysé — assurer
une meilleure compétitivité des entreprises et du Québec sur la scène
internationale. Et ça je pense qu'il ne faut jamais oublier cette grande
compétition à l'échelle internationale, et ça, je pense que c'est fondamental
de le mentionner.
Le Président (M. Picard) : Il
reste une minute.
M.
Kotto : Une minute. Je vais vous poser la question qui tue.
Selon vous, du haut de vos connaissances, et je la pose, la question, de façon très objective,
combien de personnes immigrantes peut-on raisonnablement espérer
intégrer avec succès chaque année au Québec?
M.
Cournoyer (Michel) : La
meilleure réponse, c'est : Ça dépend de leur profil. Si on accentue, par
exemple, l'immigration pour les personnes
dans les domaines professionnels et techniques, la demande est forte, et
l'intégration va être plus rapide que si on
accentue l'immigration dans des domaines peu en demande avec des personnes
surscolarisées qui vont s'établir dans des
milieux urbains. Donc, c'est toute une question de profil et d'adéquation.
L'intégration va réussir dans la mesure où on a une meilleure adéquation
entre le profil des personnes et les besoins des employeurs.
Le Président (M. Picard) : Je
cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville.
Mme Roy :
Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci pour votre mémoire. D'entrée
de jeu, je vous dis tout de suite que mieux arrimer l'immigration aux
besoins de la main-d'oeuvre des entreprises et favoriser l'insertion
professionnelle rapide des personnes immigrantes, là, on est tout à fait
d'accord avec vous, hein, ça, on s'entend.
Cependant,
tout comme mon collègue de Bourget, le fameux tableau de la page 9 me
dérange. Vous nous dites que vous êtes d'avis...
Une voix : ...
Mme Roy :
Vous aussi, mais pas pour les mêmes raisons. Vous nous dites que vous êtes
d'avis que l'orientation 4 de la
planification visant l'augmentation de la proportion des immigrants adultes
qualifiés déclarant connaître le français soit retirée. Retirée? Oui?
M. Forget
(Stéphane) : ...je disais
tantôt, retirée dans sa forme actuelle pour qu'elle soit reformulée.
Reformulée, ça, c'est bien important, là, d'ajouter ce qui n'est pas écrit là,
là.
Mme Roy : Oui. C'est pour ça
que je voulais vous l'entendre dire à nouveau.
M. Forget (Stéphane) : Voilà.
Mme Roy :
Donc, le français, c'est important. Mais revenons à la page 9. Moi, il y a
quelque chose qui me dérange profondément
là-dedans. On parle du besoin de main-d'oeuvre, on dit que les entreprises ont
des défis majeurs : manque de travailleurs,
besoin de main-d'oeuvre. Et j'ai pris des notes pendant que vous parliez. On a
des immigrants francophones, unilingues
francophones, actuellement, entre 25 et 54 ans à Montréal, et leur taux de
chômage est de 24 %. Pourquoi? Il y a du monde, là, qui est prêt à
travailler, là. Pourquoi?
M. Cournoyer (Michel) : La seule
conclusion qu'on peut en tirer, c'est qu'ils n'ont soit pas les bonnes compétences en général, soit qu'ils ne sont pas au
bon endroit. S'ils avaient davantage les compétences que les employeurs recherchent et s'ils étaient plus répartis sur le
territoire, on n'obtiendrait pas nécessairement le plein emploi en
quelques mois, mais on obtiendrait de
meilleurs résultats. C'est dans ce sens-là. On dit qu'on observe ou on conclut,
plutôt, que la cause principale, c'est une inadéquation entre les
profils des personnes et les besoins du marché du travail.
Mme Roy :
Donc, je vous comprends bien : s'ils sont au chômage, c'est une question
de compétences, ce n'est pas une question de langue.
M. Forget
(Stéphane) : Ah! c'est sûr
que, dans ce cas-là, ce sont des gens qui parlent français seulement,
c'est un enjeu d'adéquation entre leur
profil et les besoins de main-d'oeuvre que nous avons. Et où ils se trouvent
sur le territoire, c'est l'autre élément, comme le mentionnait mon
collègue.
Mme Roy :
Si je vous soumets que ce n'est pas la langue de l'immigrant qui pose problème,
ici, mais peut-être la langue du
milieu de travail, compte tenu du fait que des immigrants unilingues
francophones ont un taux de chômage de 14 %
en Ontario, alors que c'est beaucoup plus anglophone que Montréal, là, et c'est
beaucoup moins francophone que le Québec...
Alors, les francophones unilingues ont un taux de chômage de 14 % à
Toronto, mais les francophones unilingues ont un taux de chômage de 24 % au Québec. Là-dedans, moi, il y a
quelque chose qui m'agace profondément, et je ne suis pas certaine que c'est la langue qui soit un
problème ici puisque des unilingues francophones ont un taux de chômage
de 14 % à Toronto.
M. Forget
(Stéphane) : C'est
l'adéquation. De notre point de vue, c'est vraiment l'adéquation entre les
besoins... C'est pour ça que, nous le
mentionnons clairement dans le mémoire, de favoriser la demande de
main-d'oeuvre versus l'offre de main-d'oeuvre pourrait modifier les
données que nous avons sous nos yeux aujourd'hui.
Mme Roy : Donc, c'est
l'adéquation et c'est la compétence que vous me disiez. Alors, pourquoi toucher
au critère de la langue?
M.
Forget (Stéphane) : Parce que... bien, toucher au critère de la
langue... Ce qu'on dit, c'est revenir tout d'abord à ce qui était en place en 2013. Pourquoi toucher à cela? Pour ne pas,
seulement sur ce critère-là, se priver d'une main-d'oeuvre qualifiée qui
pourrait répondre à des besoins ici, au Québec.
Mme
Roy : Alors, je vais faire comme j'ai fait avec vos collègues,
tantôt, de la fédération canadienne. Vous étiez là, vous m'avez
entendue.
Ne serait-il pas
pertinent, si on veut jouer, diminuer ou réduire les critères linguistiques de
connaissance du français, de faire qu'en
contrepartie on obligerait les immigrants à l'apprendre? Parce que, si on leur
dit : Venez ici, ce n'est pas si
important que ça, le français — alors que, pour nous, ça l'est terriblement,
on est quand même ce petit îlot francophone
en Amérique du Nord qu'il faut protéger — en contrepartie, ne devrions-nous pas, en
tant que société, et là je vous pose
la question en tant que gens d'affaires, leur imposer cette obligation d'apprendre
la langue française, comme nous le faisons déjà avec leurs enfants?
M. Forget
(Stéphane) : J'ai peut-être juste une petite clarification, pour être
certain que c'est clair, ce qu'on exprime.
L'idée, ce n'est pas de diminuer l'importance, pour quelqu'un qui vient
s'installer au Québec, d'apprendre le français
et de s'intégrer. L'idée, c'est le moment où il doit l'apprendre. Est-ce qu'il
est absolument nécessaire qu'avant de mettre les pieds au Québec il ait
un niveau tellement élevé qu'on peut se priver d'un bassin d'employés
compétents important? Il pourrait combler
les besoins de main-d'oeuvre et aider au développement économique du Québec.
Est-ce que c'est à ce moment-là que
c'est si important ou c'est une fois rendu ici qu'on peut mettre en place des
moyens pour qu'il puisse... On va arriver au même objectif, c'est juste
le moment où on décide de le faire. Première chose.
Deuxième chose, comme je le disais précédemment,
on pense que l'intégration en emploi, meilleur accompagnement des employeurs... Je vais répéter ce que ma
collègue disait précédemment sur les obligations par la Charte de la
langue française : Je pense qu'il y a un certain nombre de moyens qui vont
nous permettre d'atteindre les mêmes objectifs. C'est juste à quelle étape du processus
on décide de prendre la mesure de l'apprentissage du français.
• (12 h 10) •
Mme
Roy : Vous parlez de la Charte de langue française. Je n'ai pas
eu le temps de répondre à votre collègue, Mme Hébert, tout à l'heure. On sait que les entreprises de moins de 50
employés ne sont pas soumises, hein, alors c'est peut-être la raison
pour laquelle on se force moins à apprendre le français dans certaines
entreprises puis on priorise l'anglais. Et donc vous dites : Le moment.
Moi, je n'ai rien contre le moment. Je préfère peut-être avoir un citoyen européen qui ne parle pas le français mais à qui
on va lui imposer une obligation de l'apprendre. Et le moment, ça peut être
chez lui comme ça peut être ici. Moi, j'en
ai sur l'obligation. Alors, je veux avoir votre idée sur l'obligation. Seriez-vous en faveur ou pas
du tout? Pour la personne immigrante, là, ce n'est pas une obligation
qui incomberait à un employeur ou...
M. Forget (Stéphane) : Écoutez, franchement,
c'est une excellente question. Ce à quoi je réfléchis, je pense aux nombreux employeurs qui nous ont parlé
d'intégration d'immigrants qui sont arrivés avec leurs familles, qui
rapidement se sont mis au travail, qui
essaient d'intégrer leurs familles à la communauté, qui s'implantent, etc., et
je ne sais pas jusqu'à quel point
l'obligation au départ de l'apprendre va aider, va contribuer, alors que c'est
déjà tout un défi. Imaginez une famille
immigrante qui débarque ici, je pense que l'intégration à l'emploi est la
meilleure façon de faire en sorte qu'ils comprennent ou qu'ils
s'expriment clairement en français plutôt que de les obliger à passer je ne
sais pas combien de temps le soir ou les
week-ends, alors qu'ils essaient de s'intégrer, à s'asseoir dans une classe et
d'apprendre le français.
Alors,
je pense qu'il faut tenir compte de la réalité des familles immigrantes qu'on
accueille aussi au Québec. Je pense
qu'avant de dire «on oblige», faisons cet exercice de réflexion là, mais
toujours en ayant l'objectif qu'ils doivent s'intégrer correctement au
Québec.
Le Président (M.
Picard) : Merci, MM. Forget et Cournoyer, pour votre
contribution à nos travaux.
La commission suspend
ses travaux jusqu'à 14 heures. Bon appétit.
(Suspension de la séance à
12 h 12)
(Reprise à 14 h 5)
Le
Président (M. Picard) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission
des relations avec les citoyens
reprend ses travaux. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous
poursuivons la consultation générale et les auditions publiques sur le cahier de consultation intitulé Laplanification de l'immigration
au Québec pour la période 2017-2019.
Nous
entendrons cet après-midi les organismes suivants : la Centrale des syndicats du Québec, ABL Immigration, la ville de Laval, le Conseil
du patronat du Québec, le Service d'aide aux néo-Canadiens de Sherbrooke.
Comme
la séance a commencé avec cinq minutes de retard, j'ai besoin d'un consentement
pour terminer un peu plus
tard. Donc, j'ai le consentement, personne ne dit non.
Nous
allons débuter avec la Centrale des
syndicats du Québec. Nous recevons
Mme Louise Chabot, présidente, et vous
disposez d'une période de 10 minutes. Vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. Vous êtes une habituée. Je vous demanderais de présenter la
personne qui vous accompagne. La parole est à vous, Mme Chabot.
Centrale
des syndicats du Québec (CSQ)
Mme Chabot (Louise) : Merci.
Jean-François Piché, conseiller syndical aux dossiers sociopolitiques.
Bon, bien,
d'abord, merci à nouveau pour l'invitation. Je pense que, dans le vaste dossier
qui touche l'immigration, c'est la
troisième reprise que nous sommes devant vous. On apprécie — ça fait partie des salutations qu'on
souhaite faire à la ministre
et au gouvernement — les consultations qui ont eu cours pour en
arriver... il y a eu le projet de loi, mais pour en arriver maintenant à la politique stratégique d'immigration pour les
deux prochaines années. Puis vous
dire, d'entrée de jeu, pour ne pas s'y perdre durant les 10
minutes : Sur les neuf orientations qui ont cours dans le cadre de la politique,
la CSQ n'est pas en désaccord avec aucu ne
d'elles. Les recommandations que nous formulons visent plus à renforcer
certaines questions — vous
ne serez pas surprise — sur
la question du français particulièrement, ou, pour d'autres, on va questionner,
mais je pense qu'on peut saluer ce qui a été fait.
Ça fait que je commence tout de suite. Au niveau
de la première orientation, en ce qui concerne les seuils d'immigration, nous sommes en accord. Nous sommes
aussi en accord avec l'orientation 6, qui vise à maintenir annuellement un
minimum de 65 % de la part des personnes de moins de 35 ans dans
l'ensemble des admissions. Pour nous,
ça semble être une bonne règle dans le maintien et l'amélioration du poids
démographique. On fait juste souligner que ça ne peut pas reposer juste sur l'immigration; nos politiques familiales au Québec contribuent aussi à la situation
démographique. Sur la composition
versus les niveaux d'accueil des réfugiés, bon, la composition de
l'immigration... à 63 %
d'immigration économique, et nous savons que le seuil fixé pour l'accueil de réfugiés est
de 36,9 %, ça fait qu'une simple
règle mathématique nous permet de voir qu'il n'y a pas beaucoup de marge
de manoeuvre si on calcule le 100 %. Et donc, dans ce sens-là, ça nous
questionne à savoir quelle marge de manoeuvre le gouvernement du Québec, en
lien avec l'orientation 9, va se donner dans
l'accueil des nouveaux réfugiés. On sait qu'au niveau du gouvernement fédéral
il y a comme objectif d'accueillir 80 000
personnes en lien avec le programme de réunification familiale. Donc, quelle
marge de manoeuvre le Québec va se donner dans ce sens-là?
Vous suggérez
aussi que 70 % des personnes issues de l'immigration économique doivent
appartenir à la sous-catégorie des
travailleuses qualifiées. Bien. Mais ça pose des défis. Ça pose le défi des
compétences. Bon. Un, ça pose le défi
des emplois de qualité. Ce n'est pas tout de viser un pourcentage de personnes
qualifiées, encore faut-il des emplois, des emplois où on peut reconnaître les acquis et les compétences, des
emplois où on offre des conditions de travail décentes et des mesures
d'accompagnement dans l'intégration du marché du travail. Pour la
reconnaissance des compétences des personnes immigrantes, on rappelle qu'on est
toujours en attente des recommandations des travaux du comité interministériel qui a été mis en place en 2014.
Ça, ça va être important, parce qu'il y a encore un effort à faire de ce
côté-là. On sait qu'on accueille parfois des
personnes qualifiées mais qui se retrouvent dans des emplois peu qualifiés
entre autres pour une question de reconnaissance de compétences.
• (14 h 10) •
Vous avez
aussi un tableau dans le document de référence qui fait part de la croissance
des femmes en termes d'immigration,
mais, en même temps, soulignez que, du côté des femmes issues de l'immigration,
le taux de chômage est supérieur de
17 % à celui des hommes. Ça fait que, à notre avis, il y a une analyse
différenciée selon les sexes qui devrait être faite pour corriger et comprendre cet écart-là. On pourrait avoir
notre propre avis sur ce qui en dispose, la situation de l'employeur,
certainement un, mais...
Aussi, on
tient à souligner que les agences privées de recrutement souvent constituent la
porte d'entrée en termes de marché du
travail, particulièrement pour les premières expériences de travail, soit pour
les travailleurs agricoles ou les aides familiales. Outre de questionner les conditions offertes par ces
agences-là pour ces personnes immigrantes qui passent par elles,
souvent, les agences sont tenues dans l'ignorance de leurs droits aussi... les
personnes.
Ça fait qu'on a trois recommandations qui vont
dans le sens que je viens de vous souligner... quatre, pardon.
La vitalité
et la pérennité du français, Mme la ministre et Mmes, MM. les parlementaires,
vous allez retrouver, dans ce
chapitre-là de notre mémoire, essentiellement des choses que nous avons déjà
dites lors des deux précédentes consultations.
La baisse de la vitalité du français au Québec, là, qu'on veuille l'admettre ou
non, les chiffres, les statistiques sont têtus. Tant dans la langue
maternelle que dans la langue d'usage, il y a une baisse, particulièrement sur
l'île de Montréal. Et, si on regarde à la
page 7 de notre mémoire, si vous avez la même page 7 que moi... que les
prévisions de l'OQLF, là, c'est sûr
que c'est des prévisions à long terme, en termes de langue d'usage, mais ça ne
sera pas pour s'améliorer.
Donc, on
observe aussi, dans les statistiques, quand on parle de personnes immigrantes
qui déclarent connaître le français,
que, là aussi, il y a une baisse quand même énorme : entre 2009 puis 2014,
on est passés de 64 % à 58 %, quand même une baisse de six points. Dans ce contexte, Mme la ministre, on
salue la volonté de fixer à un minimum de 85 % la proportion des adultes de la sous-catégorie des
travailleuses qui déclarent connaître le français. On pense que c'est
une avancée, c'est une évolution dans le cadre des discussions qu'on a eues
ici, et c'est l'orientation 4.
À la page 9,
on venait souligner que le Conseil supérieur de la langue française... dans
l'ensemble du Québec, la proportion
de la main-d'oeuvre des entreprises privées qui travaille uniquement en
français a diminué de 11 points entre 1997 et 2010. Là aussi, c'est
important. C'est pour ça qu'on va soutenir deux propositions du conseil, que
vous allez retrouver sur la recommandation 7
de notre mémoire, de donner suite à des recommandations de démarches de
francisation obligatoires pour les 25-49...
personnes issues de l'immigration... non, pardon, des personnes en emploi et de
maintenir les processus de certification prévus pour les entreprises de 50 et
plus. On pense que c'est des mesures fortes en termes de francisation dans les
entreprises... et d'organiser des cours de francisation qualifiants à tous les
niveaux.
On a peut-être une nouvelle recommandation qui
est la recommandation 8 de notre mémoire, de faire une étude qui permettrait de dresser un portrait de l'exigence du
bilinguisme sur le plan des emplois au Québec. Bon, de plus en plus, on exige les deux langues, alors qu'au
Québec, là, je n'ai pas besoin de vous le rappeler, puis on est fiers de ça,
on est une province
unilingue francophone. Ça fait que la question de la bilinguisation nous
questionne, et on aimerait qu'une étude
soit réalisée dans ce sens-là. Parce qu'on observe... Les statistiques sont
quand même parlantes. Pour les immigrants qui connaissent le français à leur arrivée, ils demeurent plus au Québec
que celles et ceux qui le connaissent moins. Ça fait que je pense que,
quand on parle de rétention, c'est important.
Pour les
travailleurs temporaires et les étudiants étrangers, là, on parle beaucoup de
la question de la prospérité. On peut
comprendre cet objectif-là, mais la prospérité, elle ne peut pas juste reposer
sur la situation des entreprises ou les besoins des entreprises. La
prospérité doit reposer aussi sur la question des emplois des personnes
immigrantes qu'on accueille, puis, en termes
d'emplois, de conditions de travail, au Québec, on voit que les lois du travail
s'effritent plutôt que de se
renforcer, puis les conditions de travail, en général, se dégradent. Ça fait
qu'on ne peut pas en même temps compter sur une immigration économique en termes de prospérité puis juste penser
en termes d'adéquation avec les besoins de l'entreprise sans prendre en
compte les besoins des personnes qu'on accueille, et donc des conditions
d'exercice dans lesquelles on va leur demander de travailler.
Le Front de défense des non-syndiqué-e-s, auquel
nous sommes membres en solidarité, d'ailleurs, a sorti des statistiques assez importantes et des
recommandations intéressantes qu'on reprend à notre compte à la
recommandation 10. Vous allez les retrouver à la page 14.
Donc, il y a
un programme d'intégration pour les travailleuses qui relèverait du MIDI... et
qu'il y ait un financement adéquat pour les organismes. Donc, l'accueil,
l'information, des cours de français de base puis un soutien en cas de violation des droits, il me semble que ça serait
un minimum. Ça, on l'avait déjà présentée, notre recommandation 11, qui vise à octroyer un certificat de sélection du
Québec de façon automatique aux étudiantes et étudiants étrangers qui
viennent étudier dans un cégep ou une université francophone. Il me semble que
ça serait une occasion...
Le Président (M. Matte) : Je vous
invite à conclure, Mme Chabot.
Mme Chabot
(Louise) : Oui, j'en arrive
en une minute. Ce serait une belle façon de reconnaître ce travail-là de
nos jeunes, le côté français,
puis, en plus, d'avoir de la rétention. Ça pourrait être juste bon pour nos
cégeps et nos universités en région.
La
régionalisation de l'immigration — je termine avec ça — oui, nous en sommes, c'est important. On
sait que vous voulez compter sur les
conseils régionaux de la CPMT pour ce faire. Oui, on peut y contribuer, ce
n'est pas seulement le rôle de la
CPMT, mais on peut y contribuer, mais, en même temps, au niveau de la
régionalisation, il faut savoir compter aussi sur une politique de régionalisation durable, une politique des
localités. L'immigration est une partie de ça, mais, oui, il faut le
favoriser...
Le Président (M. Matte) : Alors, je
vous remercie, Mme Chabot, de votre exposé.
Mme Chabot (Louise) : Ça nous a fait
un grand plaisir.
Le Président (M. Matte) : Et nous
allons poursuivre avec Mme la ministre pour une période de
17 min 30 s. La parole est à vous, Mme la ministre.
Mme Weil :
Oui. Alors, Mme Chabot — vous dites... oui, vous prononcez le t — et M. Piché, merci, merci encore
d'être présents. C'est vrai, vous venez à chaque consultation et, même quand
j'étais ministre de l'Immigration entre 2010
et 2012, c'est vraiment intéressant. Et c'est excellent parce que c'est
vraiment tout le monde ensemble qu'on va réussir cette grande, comment
dire, mission d'accueillir et d'intégrer des personnes immigrantes au sein de
la société, et tout le monde a un rôle à jouer.
J'essaie de
sortir la définition de prospérité, mais je peux vous dire que la définition de
prospérité, je la vois et je pense que nous, on la voit très largement.
C'est vraiment le bien-être de la société collectivement, tant au niveau de
l'éducation, de la santé, etc. C'est sûr que le développement économique en
fait partie. Donc, quand nous, on utilise l'expression «prospérité», c'est dans
ce sens très large.
On va
commencer, peut-être... j'essaie d'avoir une clarification sur des chiffres que
vous avez mis de l'avant sur les réfugiés syriens parce que ce n'est pas
les chiffres que nous, on a. La CSQ — à ne pas confondre avec un
CSQ, un certificat de sélection du Québec, parce qu'on va revenir
là-dessus — part
de la prémisse que les réfugiés syriens ont constitué 36,9 % de
l'immigration au Québec, laissant peu de place aux réfugiés en provenance
d'autres pays ou du regroupement familial.
Mais, en fait, le chiffre des réfugiés syriens, c'est 28 % du total des
réfugiés et 4,5 % des admissions totales.
Donc, juste vous dire : Il y a de la place pour d'autres réfugiés. Donc,
c'est 4,5 % et non 36,9 % de l'immigration au Québec.
Donc, globalement, généralement, l'immigration
économique, c'est à peu près 70 % de notre... c'est ce qu'on vise en général, là, on est plus dans les
60 % parce qu'on a accepté plus de réfugiés. Et, comme vous le savez, ces
dernières années, il y a eu quand même peu
de réfugiés qui sont rentrés, très peu, sinon presque pas de réfugiés pris en
charge par l'État. Grand changement à
partir du mois de novembre. Et là on maintient notre engagement, notre
engagement envers les réfugiés et
tous les réfugiés, les réfugiés syriens, oui, parce que c'est une situation
particulière et particulièrement horrible et destructrice, et le
Haut-Commissariat évidemment invite le Canada et le Québec, qui y participent
beaucoup, à nos événements, et nous remercie. Ils sont déjà venus me rencontrer
comme ministre de l'Immigration du Québec pour remercier le Québec, pour ce que le Québec fait en matière... Alors, je
pense que tous les Québécois devraient en être fiers, qu'on joue notre
rôle à l'international à cet égard.
Donc,
vous, cette vision de ce partage dans
les volumes, répartition entre immigration humanitaire, immigration économique, évidemment, regroupement familial,
vous êtes d'accord. Vous avez dit d'entrée de jeu, vous êtes d'accord
avec nos orientations, donc vous trouvez important cet enjeu.
Est-ce que vous avez eu l'occasion... Parce
qu'on n'a pas l'occasion beaucoup de parler d'immigration humanitaire. C'est la première fois, finalement,
dans le cadre d'une consultation. On est généralement sur la sélection
économique. Avez-vous eu l'occasion de vous pencher sur cette question? C'est
sûr qu'on est à la première étape. C'est
l'installation, c'est l'accueil, l'installation de la francisation des
réfugiés. On vient de compléter deux journées de bilan. La prochaine étape, c'est l'intégration en emploi, évidemment,
toujours avec l'accompagnement en francisation. Est-ce que vous avez eu l'occasion de réfléchir à cette
question? Ou est-ce que c'est des travaux qui vous intéressent peut-être
éventuellement? Parce que, si les gens
regardent les nombres, ils vont voir qu'il y a, comment dire, un objectif
important pour toute la société québécoise
et tous les acteurs de la société québécoise. J'étais curieuse de savoir si
vous êtes interpelés, à quelque part, par cet enjeu-là.
• (14 h 20) •
Mme Chabot
(Louise) : Bien, je peux
répondre. D'abord, c'est probablement moi qui a porté à confusion quand j'ai parlé des réfugiés syriens. Le 36,9 %
est bien le seuil des réfugiés au total. Donc, tout ce qu'on voulait illustrer,
c'est qu'avec 63 % d'immigration sur
une base économique et le 36,3 % pour l'accueil des réfugiés en général,
c'est que la marge de manoeuvre était mince ou fragile.
Sur la
question... Écoutez, on a salué que le Québec soit une terre d'accueil, entre
autres, pour les réfugiés syriens. Si
on regarde dans le monde, les cas de conflits, les cas de guerres, les
personnes qui doivent fuir leur pays, malheureusement, c'est en croissance. Donc, le Québec, au sein du
Canada, contribue à cet accueil-là sur une base humanitaire, puis nous savons que nous accueillons des personnes
vulnérables. D'ailleurs, sans avoir eu toutes les statistiques, j'ai apprécié
de voir déjà, dans l'accueil, si on parle
juste des Syriens... de voir qu'en majorité c'est des hommes peu scolarisés qui
connaissent très peu le français. Ça fait qu'en plus de ce rôle humanitaire là
on sait qu'on a un supergrand défi quand vous parlez d'intégration dans une
province comme le Québec, où les gens ont l'air heureux aussi d'y être
accueillis. Puis ça, c'est dans les régions.
Nous, on l'a
regardé d'un point de vue éducation, la pression... ça, ça peut être un beau
défi, là... la pression que ça peut créer sur les classes d'accueil,
surtout quand on veut contribuer aux réunifications familiales — ce
qu'on vous encourage à faire — bien, c'est aussi la francisation de nos
tout-petits, l'accompagnement des parents. Ça, le rôle de l'éducation joue un grand rôle dans ça. Puis on
sait que, dans certaines régions, là, il y a tout un défi parce qu'il y a
de ces enfants-là qui peuvent être
accueillis dans des classes régulières, puis ça, ce n'est pas ce qui est le
plus heureux, puis, ça, on a été
capables de le démontrer. Puis, en termes d'intégration au travail, bien, la
question du niveau d'emploi, de la francisation va être un enjeu. Mais
on salue cette ouverture-là du Québec, là.
Mme Weil :
Et c'est important parce que vous jouez un rôle important, puis l'adhésion
collective à cette mission importante est fondamentale.
J'aimerais
vous entendre... bien, qu'on puisse échanger sur la francisation en milieu de
travail. Nous, on a lancé une campagne
de promotion du français, donc, de la francisation. Il y aura deux étapes, une
autre étape qui vient, justement, pour
nous assurer que des groupes qu'on ne rejoint pas nécessairement... On ne parle
pas des travailleurs qualifiés parce que, généralement, ils sont
sélectionnés parce qu'ils parlent français. Mais c'est peut-être plus le
regroupement familial. Les réfugiés aussi
s'inscrivent assez automatiquement. Une fois qu'ils sont installés, qu'ils ont
un logement, les premières étapes d'installation, ils suivent la
francisation. Donc, on veut rejoindre d'autres groupes.
Mais vous
mentionnez des choses importantes. C'est la francisation qualifiante, une offre
de service diversifiée. Quel pourrait
être le rôle autant des syndicats que des entreprises par rapport à cet effort
de francisation en milieu de travail? Pas les rudimentaires de la
langue, là, parce qu'on est dans autre chose. Il y a une tendance. Le taux
d'emploi est en croissance, donc il y a plus d'immigrants qui intègrent le
marché du travail. Il faut le regarder attentivement, à terme, sur de cinq à 10 ans. On le voit, il y a une
croissance. Donc, c'est des gens qui sont francophones, qui persistent et qui décrochent un emploi mais qui ont souvent besoin d'un appui... d'être
en milieu de travail, mais d'un appui en francisation pour aller plus
loin dans leur domaine.
Est-ce que
vous avez réfléchi à cette question ou quel est le rôle que vous pourriez jouer à cet
égard? Vous exprimer là-dessus aussi publiquement, peut-être des recommandations
concrètes aussi...
Mme Chabot
(Louise) : Je vais laisser
Jean-François... sur certaines statistiques, pour être sûrs de se comprendre, puis je
vais compléter.
M. Piché
(Jean-François) : Alors,
oui. Bien, nous, ce qui nous questionne, c'est qu'en janvier dernier il y a des données qui ont été rendues publiques à l'effet qu'il y a des... malheureusement, il y a 60 % d'immigrants qui déclarent ne pas connaître le français quand ils arrivent et
qui boudent les cours de français. Ça, ça nous a questionnés, alors. Et là
je pense que là c'est le ministère qui a un rôle, ici, à jouer là-dedans,
c'est-à-dire encourager les immigrants qui déclarent ne
pas connaître le français
à suivre des cours de français, et d'où notre recommandation qui est
nouvelle dans ce mémoire-ci, on émet une hypothèse, on pense que... Est-ce
que c'est lié au fait que les entreprises ne sont justement pas friandes de... bien, pas friandes, mais qui vont
dire : Bon, le français, ce n'est pas si important, on est à Montréal,
et, si tu parles anglais, bien, tu vas pouvoir avoir un emploi, il n'y
aura pas de problème, ça fait que les cours de français, ce n'est peut-être
pas si important? Alors, c'est pour ça qu'on aimerait qu'il y ait une étude pour documenter ça, parce
qu'on pense qu'une des hypothèses pourquoi ils boudent les cours de français,
c'est qu'ils n'en ont pas besoin, et ils n'en ont pas besoin
parce qu'on est en train de bilinguiser nos milieux de travail. Donc, est-ce
que les entreprises et les syndicats ont un rôle à jouer dans la francisation?
Certainement, mais surtout le ministère aussi, surtout pour essayer d'inverser
cette tendance-là.
Mme Weil :
Moi, je vous dirais, d'après ce qu'on... nous, on voit, c'est peut-être la
portion de l'immigration qui n'est pas nécessairement destinée au marché
du travail, donc regroupement familial, notamment. Et nous, on dit : La francisation, c'est important pour participer à la
société québécoise sous toutes ses formes, là. Ça peut être des parents,
du regroupement familial, par exemple, la mère qui reste à la maison puis elle
a besoin de s'impliquer à l'école avec ses enfants, bon. C'est cet effort plus
global.
Pour ce qui
est en milieu de travail, bon, comme vous le savez, les travailleurs qualifiés
ont ce critère de connaître la langue.
On commence la francisation avant qu'ils arrivent, mais on considère que c'est
important d'avoir une offre plus intéressante,
diversifiée. On le voit aussi... la recommandation suite au bilan de deux jours
qu'on a fait au ministère de l'Immigration
pour les réfugiés, notamment, qui eux ne parlent pas... les réfugiés, comme
vous le savez, il n'y a pas de critère
linguistique, qui ne parlent ni anglais ni français, mais il y a certains qui
seraient prêts... voudraient travailler. Une des recommandations fortes qui est sortie hier, en fait, en colloque, c'est
qu'on puisse avoir des stages pour ces personnes-là et le français pour accompagner. Mais, nous, dans
notre politique, notre orientation et le constat qu'on avait, c'est
certains, je vous dirais, très qualifiés,
des travailleurs plus qualifiés qui ont des compétences linguistiques assez
pour venir ici, au Québec, mais qui
ont des visées professionnelles intéressantes ou des... ça pourrait être des
métiers réglementés. C'est des gens qui ont une formation, mais qui
voudraient graviter...
Alors, de
plus en plus, la recommandation nous vient, comme vous, d'avoir une offre en
milieu de travail, que c'est là que
ça se passe beaucoup et que les gens ont besoin d'intégrer plus rapidement le
marché du travail. S'ils font un an en francisation
avant de toucher le marché du travail, on ralentit... Ça aussi, c'est un
constat de certains qui sont venus en commission
parlementaire. Je voulais voir comment vous voyez généralement... Il y a une
possibilité, on nous le dit aussi, de
nous assurer que peut-être l'offre soit plus organisée, c'est-à-dire, parce
qu'il y a plusieurs ministères qui l'offrent... mais que les personnes puissent être mieux guidées par
rapport à ces services puis qu'il y ait une certaine coordination entre
les différents ministères, mais axée sur le marché du travail.
• (14 h 30) •
Mme Chabot (Louise) : Écoutez, je
réponds. C'est une longue question qui mérite un développement, puis je sais que le président de la commission ne me
permettra pas ça. Mais une des affaires qui était essentielle dans votre
projet, c'est le niveau minimal de
francisation, du 85 %, puis vous n'avez pas baissé le critère aussi en
termes de connaissance du français, le
fameux sept... Ça, on salue ça. Je pense que c'est un minimum. On a pu aussi
lire, du côté de certaines entreprises
qui l'ont dit comme ça : le français, ça s'apprend. Puis, pour nous, ça
envoie comme un message de... c'est une formalité, je l'avais dit dans
une autre commission parlementaire que ça peut sembler juste un «nice to have»,
venez-vous-en, même si vous ne connaissez
pas ça, puis on va vous organiser, puis on va l'apprendre. Bien, pour nous,
c'est insuffisant, ce genre de mesure là, parce que, bien, accueillir quelqu'un
au Québec, c'est l'accueillir en français puis c'est donner, par tous les outils que nous pouvons, des cours de base,
et même des cours plus avancés de formation. Tout ne peut pas reposer sur les besoins
des entreprises. Il faut organiser l'offre de formation qualifiante, et ça, ça
passe par le ministère.
Nous sommes interpelés — je
suis membre de la Commission des partenaires du marché du travail — dans
ces politiques-là, parce qu'il y a des sommes d'argent qui sont dédiées, mais, en
même temps, chacun son rôle dans tout ça.
Oui, les entreprises peuvent être d'appoint, mais, en même temps, ce n'est pas vrai qu'on peut juste compter sur les entreprises pour dire : on va vous donner une
formation, b.a.-b.a., puis que ça va donner à ces nouvelles personnes là,
tant en termes d'usage de langue parlée, de langue écrite et de communications,
les bases nécessaires. Ça fait qu'il faut absolument... d'où l'importance aussi
des deux recommandations du Conseil supérieur de la langue française.
Puis ce n'est
pas rien, ce que Jean-François vous disait, comme nouvelle
recommandation : étudions, étudions la question, parce qu'il y a
peut-être plusieurs causes au fait qu'il y en a qui ne s'inscrivent pas à des
cours de français, mais étudions les questions puis peut-être qu'on pourra
avoir les bonnes cibles.
Mme Weil :
...questions, mais on a peu de temps. L'immigration en région, je trouve ça
intéressant. Quelque part, on regarde
tout ça, le rôle que les acteurs régionaux peuvent jouer pour amener les
immigrants directement en région et s'attarder
à la rétention de l'immigration, d'où le rôle de la Commission des partenaires
du marché du travail régionalisé et des
portraits régionalisés des besoins. Est-ce que vous pourriez m'en parler un peu
plus sur le rôle que pourrait jouer votre syndicat dans cette politique
d'implication régionale des acteurs régionaux?
Mme Chabot (Louise) : Bien, d'abord,
vous dire que les partenaires syndicaux sont membres des conseils régionaux de la CPMT au niveau régional. Ça fait
qu'on entend jouer un rôle actif dans ce qui nous sera demandé, même si
ce n'est pas ça, le rôle des partenaires au niveau régional, parce que déjà on
a un défi qui nous est demandé par le gouvernement,
c'est toute la question de l'adéquation formation-emploi où on sait que ça
aussi, ça fait partie. Ça fait que là
on est dans l'adéquation formation-emploi, dans l'adéquation emploi-immigration,
puis sans compter, avec respect, qu'au
niveau régional, avec les CLE et avec les centres régionaux de développement
qui ont été affaiblis, puis le MIDI qui a eu des fusions ou des fermetures de directions régionales, il va falloir
mettre d'autres acteurs à l'ouvrage en termes de besoins. Puis ça, c'est absolument essentiel. C'est comment, au niveau
des entreprises aussi, on peut avoir un visage pluriel, au niveau régional, des besoins. Ça fait que tout
ne peut pas reposer... Mais, comme syndicat, c'est important, puis on trouve importante aussi la question de la
régionalisation de l'immigration. Quand on parle de la vitalité des régions,
ça y contribue grandement, puis je pense qu'il y a des
exemples frappants au Québec de cet apport-là de l'immigration dans certaines
régions, en termes de taux d'emploi.
Mme Weil : Merci. Je ne sais
pas s'il reste...
Le Président (M. Picard) : Il
reste une minute.
M. Birnbaum : M. le Président...
Le Président (M. Picard) :
Question et réponse.
M.
Birnbaum : Oui, et je vais... Je suis prêt. Je trouve très
intéressante votre recommandation n° 11, de rendre automatique l'octroi d'un certificat de sélection
au Québec aux étudiantes et étudiants étrangers diplômés d'un cégep ou d'une université francophone. Ça présume, avec
respect, que McGill, Concordia et Bishop's ne sont pas des partenaires
dans la francisation de Québec, que, de mon avis, n'est pas nécessairement...
En plus, ça présume qu'il n'y pas des francophiles,
des francophones de l'extérieur qui vont venir à McGill étudier. Alors,
pourquoi vous les écarteriez de cette mesure intéressante que vous
proposez?
Mme Chabot
(Louise) : Bien, pour nous,
c'est sûr qu'on accorde... quand on parle d'octroyer un certificat de sélection au Québec automatique, ça n'exclut pas
qu'on peut avoir un certificat de sélection, mais l'automatisme, on le favorise pour nos institutions francophones parce
qu'on va favoriser... on pense que c'est une mesure qui va favoriser
d'autres étudiants à venir au Québec étudier en français, rester au Québec et
en plus peut-être aller en région.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député...
Une voix : ...
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Je cède la parole à M. le député de Bourget pour une période de
10 min 30 s.
M. Kotto : Merci, M. le
Président. Mme Chabot, M. Piché, merci pour la contribution que vous apportez
à...
Mme Chabot (Louise) : Ça prend beaucoup
de...
M. Kotto : Oui, hein? Alors,
je vais essayer de porter...
Une voix : C'est tout un
chantier.
M. Kotto : C'est tout un
chantier, effectivement.
Deux grandes préoccupations. L'intégration en emploi, la francisation. Ce sont les deux lumières
qui m'orientent personnellement et le groupe que je représente ici autour de la
table relativement à l'enjeu ici en question, c'est-à-dire la
fixation des seuils d'immigration. On est en moyenne autour de 50 000 par année en ce moment. Et il nous a été rapporté, notamment dans le cadre des études de crédit, la difficulté
pour certains organismes, pour certains acteurs socioéconomiques
de terrain... Il nous a été rapporté le fait
que les moyens ne sont pas à la hauteur de nos ambitions relativement à l'intégration et à la
francisation. On est à 50 000 par année. Alors, la perspective d'y aller
dans l'optique 2019 à 52 000 et des poussières, sans préalablement régler les problèmes ou les
obstacles auxquels on est confrontés pour une meilleure intégration et
une francisation de qualité, me préoccupe. On parle de... vous l'avez dit,
24 % de chômeurs dans la région de Montréal et il faut compter 17 points au-dessus relativement au niveau auquel se situent les femmes
immigrantes, nonobstant la maîtrise de la langue française. Ça, c'est un
autre enjeu. On a des francophones nouvellement arrivés. Mme la ministre
parlait de 5 à 10 ans, disons, la traversée
du désert que certains subissent afin de trouver un emploi. Donc, avec ce
volume actuel, pour faire le point,
il y a des défis. L'idée d'augmenter ce volume sans relever préalablement ces
défis, est-ce une bonne approche? Est-ce une approche responsable?
Mme Chabot (Louise) : Bien, au
niveau des seuils, autour du 50 000, ça nous apparaît un seuil minimum
incontournable si on fait le lien avec le poids démographique.
M. Kotto : Je souhaiterais
que vous précisiez ce à quoi vous rattachez ce souci du poids démographique.
M. Piché
(Jean-François) : En fait, nous, on trouve important... les études
démographiques, ce qu'elles démontrent,
compte tenu du taux de fécondité qui a été assez élevé en 2009, mais qui a malheureusement recommencé à descendre... On trouve que notre poids
démographique au Canada est important. Alors, présentement, il est à 23, il a déjà été à 25, il se
maintient, mais il est légèrement à la baisse. Et, dans les études
démographiques, le seuil de 50 000 nous apparaît
un minimum pour maintenir notre poids démographique et donc maintenir notre
poids et maintenir notre pouvoir au sein de la Confédération canadienne.
Et ça, pour nous, c'est un enjeu, parce que plus on a ce poids-là, plus on peut
défendre notre culture et notre langue.
Alors, pour nous, ce sont des enjeux majeurs. Donc, le 50 000, selon les
études qu'on a pu consulter là-dessus, c'est un minimum.
Cela étant, c'est la raison pour laquelle, oui, on est... C'est un seuil élevé,
ça pose des défis de francisation et d'intégration, puis c'est tout à fait, tout
à fait, effectivement... c'est ce que ça pose comme défi, d'où nos positions de
rehausser les budgets en francisation et de rehausser les ressources en
francisation. Donc, les deux, pour nous, vont de pair.
M. Kotto :
O.K. Donc, l'un ne va pas sans l'autre. Vous le confirmez, là?
Mme Chabot (Louise) : Mais ça ne devient pas un préalable. On pense qu'il faut faire les
choses en même temps.
M. Kotto :
En même temps, quel que soit le volume, à partir du moment où on a une approche
cohérente en termes de francisation et d'accompagnement...
Mme Chabot
(Louise) : Tout à fait.
• (14 h 40) •
M. Kotto :
...en emploi ou d'intégration en emploi. Ça va. On s'entend. C'est le bon sens là-dessus.
Maintenant,
l'autre problème qui est préoccupant, je le disais dans le préambule, c'est la
discrimination en emploi. Vous en
avez sans doute entendu parler. Moi, je reçois des commettantes et des
commettants issus de la diversité qui sont au Québec depuis cinq à 10 ans et qui viennent faire des représentations
relativement au fait que, malgré les compétences qu'ils ont, que, soit dans la sphère universitaire, ils voient passer
des gens, disons, qui n'avaient pas le même niveau plus rapidement qu'eux cheminer, gravir les échelons
beaucoup plus rapidement qu'eux ou elles et se posent des questions. Leurs compétences sont reconnues par leurs pairs,
mais, quand vient le temps de gravir les échelons, de passer d'un niveau
à un autre, ces compétences ne sont pas validées.
C'est,
selon ces personnes... encore une fois, je m'en fais la caisse de résonance...
qui disent qu'il y a un problème de discrimination. Ils ne parlent pas
de racisme, mais ils parlent de discrimination. Est-ce que vous êtes au fait de
ce phénomène? Parce que c'en est un qui
décourage un certain nombre d'entre eux, qui déménagent à Toronto ou dans
l'ouest du Canada ou qui retournent
carrément chez eux. Il y a une résistance, qui se remarque d'ailleurs plus dans
certains milieux, que je ne nommerai
pas, parce que je ne veux pas faire de procès à personne, mais je pointerai,
par exemple, le milieu universitaire.
Dans ce milieu-là, plusieurs cas avérés relativement à un sentiment ou à une
perception de discrimination nous ont
été présentés. Et je ne suis pas le seul député ici, il y en a probablement
autour de la table. Est-ce que vous êtes au fait de ce phénomène?
Mme Chabot (Louise) : Bien, de façon très honnête, à part que d'observer ou d'avoir des
perceptions, on n'a pas documenté ou
on n'a pas de statistique sur ces questions-là. Mais il y a quelque chose qui
nous interpelle toujours. Ça ne répond
pas totalement à votre question, mais on le voit dans certains milieux de
travail, où on voit que l'immigration est fortement en emploi là, alors qu'il y a des gens qui ont des
compétences. Sur la reconnaissance de ces compétences-là, on a tout un
défi au Québec à travailler. On disait : On n'a pas encore les conclusions
du rapport interministériel...
M. Kotto :
Oui, mais madame...
Mme Chabot (Louise) : ...mais je comprends, vous ne me parlez pas de cette question-là, mais,
à compétences égales, qu'il y ait une
certaine discrimination, bien, je pense qu'au niveau des minorités, ou de
certaines minorités, c'est possible, mais je vous réponds très
honnêtement qu'on n'a pas documenté la question.
M.
Kotto : Documenté, O.K. La Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse a fait un travail dans ce sens-là et je
pense qu'au niveau de vos partenaires de la FTQ il y a également eu un travail
de fait là-dessus.
Nous
ne sommes pas dans un environnement réputé raciste, mais il est possible qu'il
y ait des crispations, au-delà de la
compétence des gens qui sont formés ici, parce que les cas que je cite sont des
cas de femmes et d'hommes diplômés ici, au Québec.
Mme Chabot
(Louise) : Je pense que nos collègues syndicaux, qui sont majoritairement
en entreprise, contrairement à la CSQ, sont
peut-être plus à même de voir ces difficultés. Par contre, on parle ici
d'immigration, mais on sait qu'au
Québec, puis dans les municipalités ou même dans les universités, dans nos
grands services publics, on s'est dotés d'un programme d'accès à
l'égalité en emploi. Mais un programme d'accès à l'égalité en emploi devrait
permettre de réduire les discriminations
dont vous nous parlez. Que ça existe, on n'en est pas étonnés, mais comment on
corrige la situation, bien, ça veut dire que
ça fait partie des... Si on a des responsabilités, comme citoyens québécois,
d'accueillir des personnes, on a des devoirs
qui vont avec de faire en sorte que ces questions-là ne fassent plus partie du
décor, je vous dirais.
M. Kotto :
O.K. Vous m'amenez...
Le Président (M.
Picard) : Il vous reste 10 secondes, M. le député.
M.
Kotto : 10 secondes. Est-ce que les lois, les politiques
peuvent y changer quelque chose? Et est-ce qu'il n'y a pas lieu ici de
donner plus de place à l'éducation et plus spécifiquement à l'éducation de
masse?
Le Président (M. Picard) :
Merci. Rapidement, Mme Chabot.
Mme Chabot
(Louise) : On est tout à fait d'accord pour dire qu'il faut donner une
plus grande, large place à l'éducation publique au Québec, puis l'éducation à
la culture religieuse, à la culture en général en fait partie.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Mme la députée de Montarville, pour une période de sept minutes.
Mme Roy :
Merci beaucoup, M. le Président. Mme Chabot, monsieur, merci. Merci d'être
là. Je vais vous amener tout de suite
à la page 19 de votre mémoire, à la conclusion, parce que je voudrais vous
faire élaborer. Pour le bénéfice des gens
qui nous écoutent, vous dites... Et je vais parler plus fort parce que mes
collègues entendent du dynamitage à l'arrière, et ça résonne. Vous nous
écrivez...
Une voix : ...
Mme Roy : Il y a beaucoup de
bruit.
Mme Chabot (Louise) : ...quand il
fait beau, là.
Mme Roy :
On n'a pas ça ici. Alors, vous nous dites — blague à part : «Faire reposer la
prospérité du Québec en bonne partie
sur la hausse du nombre [d'immigrants] et [d'immigrantes] de la catégorie
économique est un leurre.» Alors, pouvez-vous, s'il vous plaît, élaborer
au sujet de ce leurre?
Mme Chabot
(Louise) : Bien, c'est toute
la définition qu'on a donnée au terme «prospérité économique». On a senti, à la lecture, malgré que nous sommes en
accord avec les orientations, qu'il y avait beaucoup de poids accordé à
la prospérité économique dans le cadre de la
politique d'immigration, puis, pour nous, on l'a dit d'entrée de jeu, si on
fait reposer notre politique d'immigration
juste là-dessus, bien, on se trompe de cible parce que c'est comme miser
uniquement sur les entreprises et les
besoins des entreprises et les besoins en emploi d'avoir un genre de poste
dédié avec un profil où... et c'est
nier, c'est nier les personnes qui occupent ces emplois. Ça fait que, si on
parle de prospérité économique, il faut tenir compte, oui, des besoins des entreprises, mais aussi des besoins des
personnes qui occupent des emplois, donc d'avoir des conditions
d'accueil, des conditions salariales puis des conditions d'emploi de qualité.
Comment qu'on peut faire? S'il y a des
emplois qui ne sont pas occupés puis qui ne sont même pas occupés ici au Québec
par nos propres salariés, bien, il
faut peut-être se poser la question des conditions de travail de ces emplois-là. Et plus que les conditions de travail vont être intéressantes, plus que ça va contribuer aussi à la
prospérité économique. C'est ça qu'on
veut dire. Et c'est le sentiment que
nous a laissé transpirer, peut-être à tort, le document qu'on avait devant nous. C'est qu'on était comme
centrés sur dire : L'immigration, ça sert d'abord et avant
tout l'emploi, les besoins d'emploi puis les besoins des entreprises, alors que
nous, on dit que ça prend des emplois de qualité, ça va
prendre des emplois avec une bonne connaissance du français. Puis, tu sais, c'est comme ça
qu'on voulait...
Mme Roy : Parfait.
M. Piché (Jean-François) : Peut-être
pour compléter.
Mme Roy : Oui, allez-y.
M. Piché (Jean-François) : À la planification
pluriannuelle de 2011, on avait beaucoup mis l'accent sur l'immigration pour régler nos problèmes démographiques. Alors, on est un peu surpris,
puis effectivement ça a été... ça n'a pas été corrigé, mais ça a été dit, dans le document
de consultation présent, que, bon, il y avait un peu, là-dedans,
pas un rêve, là, mais en fait qu'on
avait peut-être un peu exagéré, que ça ne peut pas reposer entièrement là-dessus. On a senti que, cette fois-ci, là,
c'était l'emploi et c'était la prospérité qui était toute la question. Alors,
c'est un peu ça qui nous a, peut-être à tort, comme le disait Louise, là,
Mme Chabot... mais on a senti que c'était un peu la même
répétition sur un autre enjeu du document de consultation précédent sur
la planification pluriannuelle. Voilà.
Mme Roy : Ma seconde question va reposer sur le
seuil d'immigration. On est ici justement pour les
prévisions pluriannuelles. Le gouvernement, pour sa part, a élaboré une suggestion
qui est sur la table. Qu'est-ce que vous en pensez? Pensez-vous qu'on devrait augmenter
le nombre d'immigrants de la façon demandée par le gouvernement? Qu'est-ce que
vous pensez à l'égard de ce seuil?
Mme Chabot (Louise) : Pour nous, le
seuil qui est présenté par le gouvernement est tout à fait convenable. On pense qu'il y a des conditions à réunir en
termes d'intégration, puis le seuil, en même temps, nous apparaît
adéquat si on considère l'ensemble de la question, à la fois la question du
poids démocratique... démographique, pardon, que des conditions à mettre en
place pour une intégration réussie des personnes immigrantes.
• (14 h 50) •
Mme Roy :
Je vais poursuivre sur la langue. Je sais que c'est une grande préoccupation,
et pour nous également. Je ne sais
pas si vous avez vu les présentations qui ont été faites juste avant, mais on
nous disait, entre autres, avec chiffres à l'appui, qu'on ne devait pas mettre autant l'emphase sur le critère de
la langue française pour nos demandeurs, dans la mesure où l'immigration francophone, chez les immigrants francophones,
il y a un taux de chômage de 24 % à Montréal, alors qu'il est de 14 % à Toronto pour les
mêmes immigrants francophones. Qu'est-ce que vous en pensez, de ce si
haut taux de chômage chez nos immigrants unilingues francophones?
Mme Chabot (Louise) : Bien, c'est un
taux de chômage qui est à dénoncer, mais, en même temps, ce qui est surtout à dénoncer, c'est particulièrement sur
l'île de Montréal, c'est qu'on peut le faire en anglais alors qu'on est
dans une province francophone. Ça fait que
nous, notre réponse à ça, à ce qui nous a été présenté ce matin qu'on n'a pas
entendu, c'est non, puis ne baissons pas la garde sur la question du minimum
exigé sur la question du français, sans ça, on...
Mme Roy : D'ailleurs... oui?
Mme Chabot (Louise) : Puis je sais
qu'il y a d'autres choses à regarder. Il y a le renforcement de la Charte de la langue française. Là, on est ici, mais, s'il
vous plaît, ne faisons pas l'autruche sur les statistiques, qui sont
importantes. Puis diminuer encore
l'importance du français, c'est comme faire en sorte que, bon, ce n'est pas si
grave que ça si, dans la région de Montréal, on est aux prises avec ces
questions-là.
Mme Roy :
D'ailleurs, pour poursuivre dans cette veine, à la page 9 du mémoire, vous nous
dites : «Ce que nos membres nous
disent, c'est qu'il y a un grand mensonge qui est véhiculé auprès des personnes
immigrantes au sujet du caractère
français du Québec. En effet, un grand nombre [d'immigrants] et [d'immigrantes]
doivent apprendre l'anglais s'ils veulent s'intégrer au marché du
travail.» C'est plus particulièrement pour une région, pour Montréal,
peut-être?
Mme Chabot (Louise) : L'île de
Montréal, clairement, clairement, ou... puis ça, c'est les groupes qu'on a syndiqués particulièrement dans les milieux
communautaires qui travaillent avec ces gens-là, c'est de leur dire
finalement que ce n'est pas si grave, parce
qu'ils vont avoir besoin de l'anglais dans la région de Montréal. Pour
certaines grandes entreprises, ils
vont nous dire : C'est l'effet de la mondialisation, il faut pouvoir
échanger. Mais le fait français au Québec, là, c'est unique puis ce
caractère unique là, il faut le préserver. On n'est pas une province bilingue.
On ne veut pas le devenir, ça fait qu'on n'est pas d'accord avec ce type de
représentation.
Le Président (M. Picard) : Il
vous reste 20 secondes.
Mme Roy :
20 secondes. Alors, pour poursuivre dans la même veine, est-ce que vous verriez
d'un bon oeil le fait de rendre les cours de français obligatoires pour
nos nouveaux arrivants qui ne leur parlent pas?
Mme Chabot
(Louise) : Non. On ne mise
pas sur le caractère obligatoire, mais on vise sur... Ce qu'on veut
rendre obligatoire, c'est qu'ils aient accès
à des cours de formation de base, puis ça, c'est une responsabilité
gouvernementale.
Mme Roy : Merci beaucoup.
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme Chabot, M. Piché, pour votre
contribution aux travaux de la commission. Pour les membres de la
commission, dans sept minutes, il va y avoir du dynamitage, donc ne faites pas
le saut.
Je vais suspendre quelques instants pour
permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 14 h 53)
(Reprise à 14 h 56)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en recevant le groupe ABL Immigration. Vous disposez d'une période
de 10 minutes. Je vous demanderais de vous présenter dans un premier temps et
par la suite vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires, tout
simplement. Donc, la parole est à vous, pour 10 minutes.
ABL Immigration
M. Marginean (Alain) : D'entrée de
jeu, je vais dire que nos élus sont bien courageux de travailler avec un bruit
semblable, puis on va tenter notre grand défi, ça va être de tenter de vous
intéresser pendant 10 minutes, là. On va y mettre toute l'énergie.
Je vous
présente M. Jim Colmer, qui est membre d'ABL Immigration. M. Colmer est
retraité, est un ancien cadre à GM à Sainte-Thérèse et M. Colmer
intervient auprès de notre organisme au niveau du conseil d'administration et a
oeuvré aussi dans un organisme à Montréal
qui s'appelle L'Hirondelle en faisant du mentorat. M. Colmer travaille
aussi avec l'Ordre des ingénieurs au niveau,
entre autres, des Syriens, là, qui sont arrivés, puis on pourra peut-être vous
en reparler.
Me concernant, je suis retraité aussi du cégep
Lionel-Groulx, j'ai été directeur de la formation continue, de l'éducation des adultes, des services à la communauté
au niveau des Basses-Laurentides et je suis présentement président de
ABL Immigration. Donc, on tient à remercier Mme la ministre, M. le Président,
les députés de nous accueillir.
Notre
discours est au ras des pâquerettes, donc on est un organisme terrain qui
s'occupe de terrain. On n'oeuvre pas au
niveau macroéconomique, mais bien au niveau espace et on voulait profiter de
cette consultation pour mettre en évidence un certain nombre d'éléments qu'on a déjà faits
par le passé à deux commissions parlementaires et qu'on veut réitérer
aujourd'hui.
ABL
est un tout petit organisme qui est dans les Basses-Laurentides. Les
Basses-Laurentides, c'est trois MRC, c'est
Thérèse-De Blainville, c'est Mirabel et c'est Deux-Montagnes, mais c'est les
trois MRC qui connaissent la poussée de croissance la plus importante au
Québec. C'est plus de 300 000 de population et ça croît à un rythme
exponentiel. Coincé dans la région des
Laurentides, d'ailleurs, ABL a été créé il y a quelques années parce que les
différents intervenants au niveau des
Basses-Laurentides ne se retrouvaient pas dans la situation de description
autant de la CMM, autant de la région
des Laurentides. On n'est pas une région bucolique où les gens viennent pêcher,
avec des lacs. On fait partie de la CMM,
on est reliés par deux métros de surface ou deux trains, deux autoroutes, et la
croissance fait qu'on a à la fois un pied dans les Laurentides et un
pied dans la CMM.
Dans
les années passées, on est venus faire des représentations auprès de la commission
et auprès du ministère pour qu'on
considère la couronne nord de Montréal comme étant une... je ne dirai pas une
région, une région spécifique, pas une région
administrative, mais une région spécifique qui demandait à une intervention
particulière. On avait été, je pense, largement entendus, ce qui a amené
à la fois l'incorporation de notre organisme... On est issu des trois CLD, des deux CLSC, cégeps, commissions scolaires. Donc, ça
a été une table de concertation parce que les Basses-Laurentides représentent sans doute le milieu le plus homogène
au Québec au niveau de la population. Et il faut traverser le pont à
Laval pour, je disais, pratiquement avoir l'impression qu'on change de pays et,
si on va à Montréal, c'est encore différent.
• (15 heures) •
Donc,
notre objectif était de centrer sur des interventions particulières,
d'intéresser le ministère de l'Immigration à cette approche qui... (Interruption) On est toujours là? Qui avait été
reconnue et qui a amené, donc, la certification de notre organisme. Je dois vous dire qu'on a été financés
pendant un certain nombre d'années dans le cadre du programme PMD, qui visait à faire la promotion des
Basses-Laurentides au niveau principalement
des gens de Montréal puis de Laval, au niveau de l'établissement puis au
niveau de l'emploi, parce que c'est une région — j'ai sorti un certain
nombre de statistiques dans le rapport — qui est active et qui est en besoin de
main-d'oeuvre. Mais ce n'est pas une région qui est reconnue comme
telle, parce que, statistiquement, on s'y perd dans les régions
administratives.
Il y a un an et demi,
le ministère faisait la suggestion de fermer les directions régionales et de
confier à des organismes, comme le nôtre,
finalement, les services de première ligne au niveau de l'accueil des nouveaux
arrivants, ce qu'on avait applaudi, nous amenant à prendre pignon sur rue et
finalement à offrir des services de première ligne aux nouveaux arrivants dans les Basses-Laurentides. Je vous rappellerais
juste que la couronne nord de Montréal, si j'inclus la MRC Les Moulins puis L'Assomption, la
couronne nord de Montréal a une densité de population plus élevée qu'à
Laval sur un territoire probablement, au
kilomètre carré, moins important, hein? On est en pleine zone urbaine, mais, en
dehors, coincée dans des régions
administratives différentes. Donc, on nous a offert la possibilité de faire une
entente d'accueil de services de première ligne.
Et,
concernant la promotion de la région, il y avait une orientation qui se faisait
avec les CRE pour que ça soit les CRE qui puissent gérer les projets au
niveau du développement régional, sauf que, pour la région des Laurentides, il n'y a pas eu d'entente avec les CRE, et la
conséquence, c'est qu'il n'y a pas eu d'entente avec la région des
Laurentides, et la conséquence a été que le volet promotion de la région a été
de facto aboli. Vous comprenez finalement qu'on s'est retrouvé, comme petit organisme, coincé dans une préoccupation où il n'y
avait plus de CRE et il n'y avait pas d'entente dans le cadre du PMD,
donc ce qui a grandement limité nos activités. En même temps, sur d'autres
volets, les CLD intégraient les MRC. Donc, vous êtes plus au courant que nous,
sans doute, de toutes les modifications régionales qu'ils ont eues.
Je
peux vous dire que, pour les MRC de Thérèse-De Blainville, de Mirabel et
de Deux-Montagnes, la question de l'immigration n'était peut-être pas la
question qui était au-dessus des dossiers de développement. Sauf que, le temps passant, l'organisation des CLD se concluant dans
les MRC, les préfets se rencontrant, notre dossier a pris une certaine importance, et on a eu l'occasion... ça ne fait
pas partie du mémoire, mais on a eu l'occasion de rencontrer les trois
préfets et tous les maires des
municipalités, les quatre députés provinciaux, les trois députés fédéraux, et
là on fait unanimité au niveau d'une approche Basses-Laurentides en ce
qui concerne l'immigration, puis je vous dirais même une approche qui serait
peut-être à voir Basses-Laurentides et sud-ouest de Lanaudière, donc couronne
nord. Dans la couronne nord, il y a des
points de convergence qui doivent appeler à des stratégies particulières.
Terrebonne ressemble beaucoup plus à Sainte-Thérèse,
à Deux-Montagnes que Joliette, et la même chose de nous par rapport à
Saint-Jérôme. Je dois vous dire que, sur les 300 000...
300 000 de population, c'est important, hein, ça équivaut à plusieurs
régions administratives du Québec... les
300 000 de population des Basses-Laurentides ne prennent pas leurs
services dans la capitale dite régionale, à Saint-Jérôme, mais on va vers Laval puis vers Montréal, ce qui fait un
déficit de services au niveau des Basses-Laurentides, et le travail se
poursuit à ce niveau-là.
Donc,
on a sorti, dans le mémoire, un certain nombre de données statistiques, parce
qu'on n'arrive pas à avoir des données statistiques qui sont propres, on
est noyés dans la région des Laurentides, et les statistiques de la région des Laurentides, de la région administrative ne
tiennent pas la route, hein, donc, et l'ensemble des actions du
gouvernement concernant la couronne nord
sont par le... faussées. Et je vous donne juste un exemple qu'on a
souligné : on dit que la région des Laurentides est la région au
Québec où le taux de scolarisation est inférieur à la moyenne du Québec, hein? Statistiquement, si vous regardez les statistiques
soit de l'IMT, d'Emploi-Québec, ou du côté du ministère de
l'Immigration, la région des Laurentides a
un taux de scolarisation plus faible que la moyenne du Québec. Par contre, si
on regarde les trois MRC qu'on
représente, au niveau des Basses-Laurentides, c'est exactement l'inverse :
le taux de scolarité est plus élevé. On a sorti un certain nombre de
statistiques, en page 5 de notre document, qui démontrent très bien que les statistiques sur lesquelles les ministères
s'appuient au niveau des actions ne correspondent pas du tout à la réalité de
la couronne nord de Montréal.
Et ce qu'on demande
principalement, c'est, malgré que... Au niveau du conseil d'administration, on
a étudié l'ensemble des propositions qui ont
été faites par le ministère, dans lesquelles on est d'accord, puis on y
reviendra, au niveau des niveaux, au
niveau des pourcentages, et autres. Nous, on se dit : La problématique,
elle ne se situe pas à ce niveau-là
concernant la couronne nord. Elle se situe à une reconnaissance ou à une
stratégie particulière au niveau de la couronne nord. Et il en va dans
tous les secteurs. Au niveau de l'emploi, j'écoutais le groupe précédent,
avant. Au niveau de l'emploi, je vous dirais
que le taux de chômage des gens des communautés équivaut à celui du taux de
chômage des Québécois...
Le Président (M. Picard) : En
conclusion, monsieur.
M. Marginean (Alain) : ...et un des
rares endroits au Québec où c'est le cas. Il y a une question de mobilité. Un
grand nombre de personnes qui... Oui?
Le Président (M. Picard) : En
conclusion, s'il vous plaît. Après ça, il va y avoir des échanges.
M.
Marginean (Alain) : Hé que ça va vite, hein? Ça m'aurait pris trois,
quatre heures. Écoutez, ce qu'on tient à vous sensibiliser, c'est qu'en termes de stratégie, si on est d'accord
avec les éléments qui sont signifiés, c'est très clair qu'on doit paramétrer. Le gouvernement doit se donner
une stratégie d'action au niveau du Montréal métropolitain. Quand vous
nous direz si la couronne nord fait partie des régions ou de Montréal
métropolitain, on aura déjà fait un grand pas. Est-ce que la régionalisation nous concerne ou non? C'est la question,
et de ça découle l'ensemble des éléments. On l'a vu au niveau des réfugiés aussi. Est-ce qu'on fait
partie du Montréal métropolitain ou est-ce qu'on fait partie de la
région des Laurentides?
Je vais
terminer sur la question de francisation des gens. Il n'y a aucun cours de
francisation qui se donne dans les Basses-Laurentides. Pour ceux qui
connaissent la région, si on habite à Saint-Eustache, ou à Sainte-Thérèse, ou à
Pointe-Calumet, on ne peut pas, en transport en commun, prendre une heure et
demie pour se rendre à un cours de francisation à Saint-Jérôme. Donc, on
conseille les gens d'aller à Laval. Et donc ça soustrait nos actions.
Et j'ai terminé, je vous remercie. Le reste est
dans le document.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Nous allons entreprendre...
M. Marginean (Alain) : J'espère
qu'on a été assez intéressants.
Le Président (M. Picard) :
Ah! on vous entend bien, on vous entend bien.
M. Marginean (Alain) : Oui? C'est
bon, c'est bon.
Le Président (M. Picard) : Je
cède maintenant la parole à la partie gouvernementale pour une période de
17 min 30 s. Mme la ministre.
Mme Weil :
Oui, merci, M. le Président. M. Marginean et M. Colmer, bienvenue. Merci
beaucoup de participer.
(Interruption)
Mme Weil :
On ne va pas trop se préoccuper des bruits, puis vous allez pouvoir continuer à
expliquer les défis que vous avez
dans votre région puis votre vision. J'ai un collègue... puis je veux donner
assez de temps à mon collègue, qui va vouloir vous parler, vous poser
une question aussi.
Si vous
pourriez résumer les défis que vous voyez en matière d'immigration en regardant
ces dernières années, les tendances
lourdes que vous voyez, par rapport, d'une part, aux emplois qui sont
disponibles, le vieillissement de la population, le besoin de
travailleurs qualifiés... Avant qu'on regarde les stratégies, décrivez-nous un
peu les défis, les réalités de votre région et les tendances que vous voyez par
rapport au développement économique.
• (15 h 10) •
M.
Marginean (Alain) : Si on parle de la région des Basses-Laurentides et
de la couronne nord, c'est sans doute la
région au Québec où la croissance économique est la plus importante, la
croissance démographique, la croissance des services aussi, des services publics. Vous savez, au cégep, on est
passés de 2 000 à 6 000 étudiants. Il en va de même au niveau
des services de santé, et autres. Donc, le défi, c'est de faire un recrutement
et donc de répondre à l'emploi.
Et ce qu'on
s'est rendu compte, c'est que, si on a peu de gens de 0-5 ans au niveau de
l'immigration, on a beaucoup plus de
gens de cinq ans et plus qui suivent la même progression que les Québécois
d'origine, qui vont s'établir, pour eux, en banlieue et, finalement, vont finir par y travailler, parce qu'il y a
de l'emploi. Vous savez, on est la région économique qui a subi des torts importants. La fermeture de
GM, ce n'est pas 200, 300 employés, là, c'est 5 000, 6 000 employés.
La fermeture de l'aéroport de Mirabel, ce n'est pas rien. Et, malgré ça, malgré
ces fermetures-là, la région a un taux de chômage... un des plus faibles au
Québec et continue à être en pleine croissance.
Donc,
on a l'impression que ça se passe chez nous, sauf que le chez-nous n'existe
pas. Entre Montréal,
Laval puis Saint-Jérôme, la constellation de petites villes qui sont là,
bien, c'est 300 000 de population
et c'est des gens finalement qui ne font pas partie d'aucune stratégie
particulière, puis, même au niveau des statistiques, ça faisait partie de nos recommandations. Est-ce que c'est possible... je ne veux pas
changer le monde, mais au moins de fonctionner par regroupements de MRC pour
aller dans ce sens-là?
Ce
que je peux vous dire présentement, on vient de finir une tournée des trois
MRC, les trois MRC, là, ont voté une
proposition d'appui à ABL. On devrait reprendre contact avec le ministère pour
une cohérence au niveau de l'action parce
que la population est jeune, c'est dynamique, mais il y a un certain nombre de
services et d'appuis qui doivent être faits,
surtout au niveau des gens que ça fait plus de cinq ans qu'ils sont... cinq ans
ou 10 ans, parce que les statistiques sont claires à ce niveau-là.
Au
niveau des nouveaux arrivants, pour s'établir à Saint-Eustache ou à
Sainte-Thérèse, il faut avoir un membre de la famille qui y habite déjà, un ami, mais on ne vient pas s'établir.
Et ce qu'on a remarqué, pour la plupart des nouveaux arrivants, ils ne
font pas nécessairement la distinction qu'ils viennent à Sainte-Thérèse ou à
Saint-Eustache. On leur demande, leur
famille, où vous êtes? On est à Montréal. Donc, ces gens-là, ils viennent de grandes
villes, ils sont déjà dans un élément de banlieue.
Je ne sais pas si je
réponds bien à votre question.
Mme
Weil : Oui, mais c'est ça, je pense, c'est très important, ce
que vous expliquez, parce que chaque région, chaque... Vous êtes, bon, dans la grande région métropolitaine, mais
vous êtes un organisme qui a une mission, qui a une mission d'intégration, d'accompagnement. Donc,
vous voulez, comment dire, enligner votre mission avec une réalité, mais la réalité change, et on dirait que c'est plus
une immigration secondaire que vous avez, un peu comme les natifs aussi
qui vont vers la couronne nord.
Et
je voulais voir, par rapport à faire un jumelage entre le besoin des
entreprises et les travailleurs qualifiés qui pourraient s'installer
directement dans votre région, puis là on parle des 0-5 ans, est-ce que vous
avez réfléchi à des stratégies, justement?
Parce que, dans le cadre de la réforme, c'est beaucoup ce qu'on recherche.
Donc, c'est le contact plus direct.
Je ne sais pas si vous avez entendu la Fédération des chambres de commerce,
mais beaucoup vont faire cette recommandation
que les entreprises, les employeurs puissent jouer un rôle plus important en
amont. Ça va dans le sens de notre réforme. Mais ces entreprises se
trouvent dans une région.
Alors,
il y a différents organismes qui peuvent les représenter, la Fédération des
chambres de commerce, le Conseil du
patronat, mais aussi les organismes qui sont sur le terrain, qui accompagnent
ces personnes pour une bonne intégration et une bonne rétention dans la
région, parce que c'est beaucoup votre objectif, de... Peut-être me dire vos
réflexions sur cette... Est-ce que vous
cherchez l'immigration primaire, là? Donc, c'est des gens qui arrivent chez
vous et que vous, votre organisme
s'occupe justement de l'accompagnement, un accompagnement à l'emploi et un
accompagnement d'intégration à la
société, à votre communauté, parce que vous parlez aussi de francisation qui a
besoin d'être rehaussée ou améliorée. Donc, vous entendre sur cet
élément-là, et j'ai un collègue qui voudrait aller sur le vivre-ensemble après.
M. Marginean
(Alain) : Bien, écoutez, cet été, avec étudiants Canada, on a pu
embaucher des étudiantes en marketing du
cégep Lionel-Groulx, qui sont en train de faire un travail auprès des
entreprises. Ce que je vous dirais, au niveau
de la grande entreprise, Bell Helicopter, Dowty, ces grandes entreprises-là
sont déjà centrées sur des processus de diversité, et même ont compris
l'enrichissement qui est avec ces clientèles-là, et ça fonctionne assez bien.
Au
niveau de la petite entreprise, c'est la nécessité, c'est la nécessité qui fait
que le bassin de recrutement va vers Laval
et va vers Montréal. On a même mis dans des journaux hispanophones et arabes à
Montréal... on a traduit des offres d'emplois pour venir dans les
Basses-Laurentides. Donc, la nécessité de l'emploi est là.
Au niveau du
parapublic, là, la question, elle est autre. Au niveau du cégep, de la
commission scolaire, des municipalités et du
CSS, maintenant le CSSS, c'est environ 18 000 emplois, et, au niveau du
18 000 emplois, les cibles au niveau des minorités visibles et
ethniques ne sont pas atteintes, loin de là. Tu sais, on est à un siècle, mais
vraiment un siècle...
On
a fait des efforts. Entre autres, je peux parler du cégep, là, j'y étais pour
faire du recrutement sur Laval, sur Montréal
en disant aux gens : Écoutez, dans un premier temps, là, ne venez pas vous
établir, le train, ça prend 20 minutes, ça prend moins de temps se rendre à Sainte-Thérèse que de partir de ville
d'Anjou pour aller au centre-ville. Donc, on disait : Écoutez,
faites-vous-en pas. Venez puis vous allez voir, dans trois, quatre ans, dans
cinq ans, vous allez venir vous établir.
Encore que ces gens-là ne se calculent pas dans les statistiques. On a toujours
le même problème de statistique, ce n'est
pas des gens qui habitent dans les Basses-Laurentides, même s'ils travaillent
dans les Basse-Laurentides, puis on a le phénomène inverse. Mais c'est
évident que, que ce soit le cégep, la commission scolaire, les villes,
maintenant... D'ailleurs, c'était le point de discussion d'une stratégie au
niveau de l'embauche, au niveau des minorités visibles et ethniques, mais on ne
parle pas nécessairement, là, d'immigrants.
On
fait attention parce qu'une personne qui est née ici ou une personne que ça
fait 15 ans, 20 ans, et qui est née ici,
on ne peut pas lui accoler la problématique. D'ailleurs, dans les statistiques,
on parle d'immigrants : personnes non nées au Canada. Mais, personnes non nées au Canada, il y a beaucoup de
gens qui sont non nés au Canada qui n'aiment pas tellement l'épithète «immigrant», parce que ça fait beaucoup de temps.
Mais, au niveau des minorités visibles et ethniques, il y a vraiment là
un effort... Bon, il y a des obligations de moyens qui sont faites par la
Commission des droits de la personne, mais on est très loin de la coupe aux
lèvres, là. Le défi est là, tout à fait. Je ne sais pas si je réponds bien à
votre question.
Mme Weil :
Très bien. Oui, mais je pense que ça enchaîne bien avec les questions que mon
collègue de D'Arcy-McGee voulait poser.
M. Birnbaum :
Merci, M. le Président. Je peux m'inviter à prendre la parole? Merci beaucoup.
Merci
beaucoup pour votre exposé. J'ai le sens qu'on a un portrait très détaillé, et
intéressant, et révélateur d'une région
qu'on connaît tous. Moi, j'ai ma belle-mère qui habite dans la région, et tout
ça, mais j'ai trouvé ça très intéressant. Et c'est comme un microcosme,
je trouve, des grands défis devant nous tous.
Vous parlez,
dans un premier temps, d'une population qui est assez homogène. Alors, il y a
tous les défis qui vont avec ça quand
on parle de l'intégration, l'accueil des nouveaux arrivants, des immigrants, et
tout ça. Vous parlez d'une région qui a dû être assez résiliente. On
parle, comme vous avez dit, des fermetures qui ne sont pas anodines, là, des
changements qui vous ont été imposés sur le plan économique, social, pas
faciles. Je trouve ça très intéressant que vous
parlez d'une chose qui est clé pour nous tous, c'est-à-dire les partenariats.
Vous avez mentionné à plusieurs reprises des commissions scolaires, dont j'ai été très impliqué, le monde des
affaires, et tout ça. Si on est pour prendre les gestes ensemble pour faire en sorte qu'on va, dans un
premier temps, assurer la pérennité d'un certain niveau de population au
Québec, si on veut assurer une relève sur le
plan adéquation formation-emploi, tout ça va passer par l'immigration.
Alors, je ne vous apprends rien, mais je
trouve ça très intéressant, de toute évidence, de comprendre le genre de
travail que vous faites, et félicitations!
Je vous
invite, vous avez parlé un petit peu des enjeux, des défis, et tout ça, et
aussi quelques changements qu'on a tous
subis sur le plan structures qui ont... le fait de vous imposer quelques
difficultés. Mais j'aimerais vous inviter de parler tout spécifiquement
d'un de nos axes qui est le vivre-ensemble et comment on peut privilégier le
partenariat avec des MRC, des instances de
la communauté, pour faire en sorte que les immigrants vont trouver l'appui
qu'ils ont besoin, le monde des
affaires va trouver l'appui qu'ils ont besoin pour bien combler leurs besoins
sur le plan économique et leurs plans
d'emplois, comment tout le monde peut travailler ensemble, et c'est quoi, notre
rôle, comme gouvernement, pour vous épauler dans vos efforts pour
maximiser l'intégration réussie pour tous les partenaires en question.
• (15 h 20) •
M.
Marginean (Alain) : Je dois vous dire que, jusqu'à présent, on a
relativement applaudi les changements qu'il y a eu au MIDI; que ce soit au niveau de confier à des organismes locaux
l'accueil, l'intégration des nouveaux arrivants, la fermeture des directions régionales, on y était.
Je dois vous dire que, d'opinion d'organismes, la CRE des Laurentides,
sa disparition a amené une nouvelle
dynamique au niveau des préfets des MRC de la couronne nord. Et il faut penser
que les trois MRC sont accolées aussi à des Moulins et à L'Assomption. Donc,
c'est les cinq MRC de la couronne nord de Montréal. Les cinq MRC de la couronne nord de Montréal font partie de la CMM. Donc, si les débats historiques... c'est
un changement de paradigme. Les discussions
historiques ont toujours été : on est au sud, on regarde vers le
nord, donc les huit MRC des
Laurentides, de plus en plus, la discussion est au niveau des cinq MRC de la
couronne nord. On sait que le dossier, par exemple, du transport, il y a
le dossier de l'aménagement, mais on peut penser peut-être que le dossier de l'immigration va faire surface à un moment
donné. Et ce n'est pas juste Montréal
puis ce n'est pas juste Laval, c'est la couronne nord... a aussi son
existence, et ses qualités, et autres.
On va laisser le choix aux politiciens de voir
ce qui en est là, mais effectivement je pense que le MIDI a tout avantage à... au-delà des régions administratives
qu'il faut respecter, là, puis on sait ce que ça implique, d'avoir ce
nouveau regard, ce paradigme qui est couronne nord du Montréal métropolitain.
Puis un autre
dossier qui ne vous interpelle peut-être pas, mais qui est très actif chez nous, le fameux
train entre Dorval, Brossard et Deux-Montagnes. Imaginez-vous les
discussions qu'il y a présentement à Deux-Montagnes, à Saint-Eustache et à Mirabel sur ce développement économique
là des 10 prochaines années qui lie ce triangle-là. Ça, ça fait partie, maintenant,
là, de nos éléments de quotidienneté de développement économique.
Donc, c'est
ces éléments-là... Si, au niveau national, les plateformes sont faites qui peuvent
nous permettre d'agir au niveau local, bien, c'est ce qu'on souhaite. Il
n'y a aucun cours de francisation qui se donne dans les Basses-Laurentides. On est obligés de demander aux gens
d'aller à Saint-Jérôme. Ça prend 1 h 30 min s'y rendre, c'est trois
heures par jour, les gens n'y vont pas.
Qu'est-ce qu'on fait? On conseille aux gens d'aller à Laval. Ça prend une demi-heure,
mais, en allant à Laval... Vous savez que les cours de francisation, ce n'est
pas seulement d'apprendre le français, c'est de connaître la région.
Donc, finalement,
on amène des gens qui viennent s'établir à connaître Laval puis, éventuellement, se déplacent à Laval, qui
viennent retravailler dans... Donc, il
y a une dynamique, là, stratégique au niveau
des plans d'action. Je ne sais pas si je réponds bien à votre question.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de D'Arcy-McGee.
M.
Birnbaum : C'est
intéressant. Je veux juste aborder la question très spécifique. Quand vous
dites que c'est une fin de non-recevoir d'instaurer des programmes de
francisation en Basses-Laurentides, qu'est-ce que vous recevez comme réponse? Il me semble que c'est d'une
évidence. On peut parler d'une clientèle qui va aider les établissements
d'éducation à se renflouer. Comment ça se fait que ça ne s'installe pas, ces
services nécessaires?
M.
Marginean (Alain) : Écoutez,
là, vous me corrigerez. On a l'impression que l'appareil d'État est en
fonction des régions administratives. Donc, on perçoit la région de
Lanaudière avec une capitale régionale, qui est Joliette; on perçoit la région administrative des Laurentides avec une
capitale régionale, qui est Saint-Jérôme; Bas-du-Fleuve avec Rimouski,
et autres, en ne prenant pas pour acquis qu'il n'y a pas personne des
Basses-Laurentides, ou à peu près personne, qui va chercher ses services au nord, tu sais. C'est comme les gens qui
habitent Brossard, j'imagine qu'ils ne vont pas à Granby chercher des services, hein? L'attraction se fait
vers les grandes villes, donc il y a une question qui se pose, en termes
de stratégie d'action au niveau du
ministère : Est-ce qu'on a une stratégie d'action Montréal métropolitain
ou une stratégie d'action
et/ou régionale? Et comment on situe les Basses-Laurentides, là? Est-ce qu'on
dans l'étalement urbain? Est-ce qu'on
a avantage à déconcentrer, hein? Est-ce qu'on veut considérer ça? Ça ne nous
appartient pas, là, ça appartient aux décideurs.
Mais il y a une chose : ça appelle à une réponse. On n'a pas l'impression qu'on habite dans une
région, mais, en même temps, on a
l'impression qu'on habite dans une région. Il y a certains fonctionnaires
qui traitent le truc d'une façon : Ah! dans la région des Laurentides, il y a des cours de francisation
qui se donnent à Saint-Jérôme, donc la question est réglée. Que ça
prenne 1 h 30 min pour s'y rendre en transport en commun, ça ne compte pas.
Est-ce que je réponds bien à votre question?
Le Président (M. Picard) : Il
vous reste une minute, M. le député.
M.
Birnbaum : Écoutez,
comme je dis, je trouve ça important quand vous notez que tous vos efforts sont
dans une région où la population
est assez homogène. Et vous avez l'air d'avoir réussi à sensibiliser vos
partenaires à l'importance d'être au rendez-vous pour franciser les
nouveaux arrivants, pour les attirer, et tout ça.
Auriez-vous
des conseils pour les gens qui font le même genre de travail dans les autres
régions du Québec, sur l'approche? Les structures, on en a parlé, mais,
sur le plan humain, de chercher une implication, une volonté collective
pour aborder ce geste important, l'intégration des immigrants... Est-ce que
vous pouvez nous identifier un... ou deux à vos efforts réussis?
M.
Marginean (Alain) : Les
actions qu'on a menées auprès d'ABL vont au niveau d'une meilleure
connaissance mutuelle. Je vais vous dire
qu'on n'a pas vraiment de — tu
me corrigeras — problèmes sociaux ou d'intégration, et
autres, hein? La communauté, elle est en
croissance. Le défi des villes présentement est plus de faire des nouveaux
arrivants... qu'ils soient Québécois ou
issus de l'immigration, d'en faire des citoyens, hein? Il y a un phénomène de
banlieutisation qui existe aussi où les
repères sont perdus au niveau de la population. Il y a une trame communautaire
à créer. Les villes sont très actives à ce niveau-là. À chaque année,
pour les nouveaux citoyens, la construction est là, le développement domiciliaire est là. Donc, il faut que les gens
apprennent que Saint-Eustache, ça existe depuis 400 ans, puis Oka, puis...
Donc, il y a un souci d'intégration des nouvelles populations et auxquelles
s'ajoutent les gens qui sont issus des communautés.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de Bourget, la parole est à vous.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Messieurs, merci pour votre contribution. J'ai bien
entendu. Et désolé, hein? Habituellement,
nous savons recevoir, ici, mais les circonstances étant ce qu'elles sont, au
change, nous allons gagner un magnifique édifice parlementaire qui fera
la joie de tout le monde.
J'avais juste
un point sur lequel je voulais avoir plus d'éclaircissements. Au sixième point
de vos recommandations, dans votre
mémoire, vous souhaiteriez qu'on résolve «sans délai la problématique de
l'offre en matière de francisation, qui demeure entière». Est-ce que
vous pourriez élaborer là-dessus? L'offre, en matière de francisation, la
problématique demeure entière. Pourquoi?
M.
Marginean (Alain) : Parce qu'il y a comme des ententes qui sont faites
entre le ministère avec les cégeps et, pour
la région des Laurentides, c'est le cégep de Saint-Jérôme qui a été mandaté
pour donner les cours de francisation. On sait que les gens des MRC du
sud n'y vont pas parce que c'est compliqué en transport en commun. Ils vont
plutôt du côté de Laval, ce qui fait que le cégep Montmorency reçoit des
clientèles importantes en francisation qui habitent les Basses-Laurentides et
qui ne vont pas à Saint-Jérôme.
Nous, comme
organisme, on sait que les nouveaux arrivants obéissent, hein, aux règles, et
tout ça. Donc, il y a un nouvel
arrivant, qu'on lui dit : Prends ton cours de francisation à Saint-Jérôme,
bien, il y va, sauf qu'on se rend compte que ça crée un 3 h 30
min par jour de transport en commun. Ça ne fonctionne pas. Donc, on a été un
peu délinquants en disant aux gens :
Non, non, allez à Laval. Mais on sait très bien qu'en disant aux gens :
Allez à Laval... Vous savez que, dans
les cours de francisation, il y en a une partie où on apprend le français, mais
il y a une autre partie qui concerne les organismes, la police communautaire, et tout ça. Donc, ces gens-là, on
ne les socialise pas à notre milieu. On tient juste en considération le
fait que le transport a plus d'allure du côté de Laval. Donc, on a cet élément
problématique là.
Et il en va
pour plusieurs organismes. La couronne nord, c'est environ 500 000 de
population. C'est plus important que
Laval. Les services ne se comparent pas dans tous les domaines. Les services ne
se comparent pas. Donc, en matière de francisation,
on dit que c'est à ce point urgent. Et les dynamiques qu'il y a entre les
établissements d'enseignement, on ne veut
pas aller jouer là, au point où, même, on s'est dit : Si les municipalités
donnent des cours d'espagnol dans leurs services de loisir, bien, du côté de Deux-Montagnes, Sainte-Thérèse, on va
maintenant offrir des cours de francisation dans les cours de loisirs des municipalités, dans les activités
pour loisirs, parce que l'offre n'est pas là dans cette dynamique. On
espère qu'avec la nouvelle dynamique qui est en train de s'instaurer avec les
MRC, les préfets, avec une discussion avec le ministère
de l'Immigration, que ça débloque une entente spécifique un peu comme c'est
débloqué du côté des Moulins.
• (15 h 30) •
M. Kotto : Et avez-vous
suggéré un plan bien précis au ministère à cet effet?
M.
Marginean (Alain) : Si on a suggéré un plan bien précis au ministère
de l'Immigration? Oui, on a déjà fait des éléments de proposition il y a quelques années, mais c'est toujours
la question entre les structures régionales, les budgets
régionaux... Vous savez, on était prêts à
accueillir des clientèles de Laval puis de Montréal pour qu'elles
prennent des cours de francisation à
Sainte-Thérèse. Ça se fait bien en transport
en commun. Comme je l'ai expliqué tantôt,
en train, ça prend
moins de temps de se rendre à Sainte-Thérèse que de parcourir la ville, mais là on se bute à les clientèles
habitent à Montréal ou habitent à Laval...
ça rentre dans les statistiques d'Emploi-Québec, donc les clientèles sont dans
une autre région. C'est compliqué référer des clientèles d'une région à
une autre. Donc, les établissements veulent garder leurs clientèles, et ainsi de suite, comme ça. On
commence à peine. Emploi-Québec région des Laurentides a fait une étude,
l'an dernier, au niveau des employeurs qu'on
est en train de compléter cet été, et on pense que c'est possible, mais il y a
une problématique de structures.
M. Kotto :
Auriez-vous, par hasard, le volume que représente cette clientèle-là? C'est
combien de personnes qui...
M.
Marginean (Alain) : Je dois
vous dire que j'aimerais le savoir. On avait demandé au cégep Montmorency
combien d'étudiants à Laval habitent les Basses-Laurentides, mais on n'a pas
ces chiffres-là. Les avoir, on émet l'hypothèse qu'on pourrait organiser des formations
dans les Basses-Laurentides. On émet cette hypothèse-là, mais
c'est par ouï-dire. Mais c'est sûr que, si,
au cégep de Saint-Jérôme, ils ont peine à organiser un groupe ou deux de francisation par année, du côté de Laval — je pense qu'ils viennent après nous,
là — c'est
plusieurs programmes qui sont offerts et probablement avec pas mal de
population qui provient des Basses-Laurentides.
M. Kotto :
O.K. Dans d'autres... cinquième point, toujours dans les recommandations du
mémoire, vous proposez d'appuyer les actions du vivre-ensemble des
municipalités par rapport à la part des activités, dis-je, et des services de
proximité où les MRC auront un pouvoir de mise en oeuvre. Est-ce que vous
pouvez élaborer?
M.
Marginean (Alain) : On a entrepris avec... mais on est allés laisser
tomber la poussière, je vais le dire comme ça, au niveau des CLD, ce qui allait devenir au niveau de la CRE.
Maintenant que ça a été fait, on a entamé une rencontre avec les trois MRC, on a rencontré les préfets, on
a rencontré les maires et on arrive à une entente entre les trois MRC et
ABL. On n'a pas pu le communiquer parce que,
la dernière ville, c'est hier que j'ai eu l'information de Mirabel,
Mirabel étant une MRC-ville, là, et au
niveau des députés provinciaux. Donc, on devrait sous peu, sous peu, d'ici
trois semaines, un mois, arriver à une entente au niveau de l'ensemble
des partenaires politiques au niveau des trois MRC. Donc, les villes, les
préfets, la députation québécoise et la députation canadienne.
M. Kotto : Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci.
M. Kotto : Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Picard) :
Mme la députée de Montarville.
Mme Roy :
Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, vous êtes bien patients avec tout
ce bruit. Moi, je vais vous poser
quelques questions qui ne figurent pas nécessairement à votre mémoire puisque
nous sommes ici justement pour tenter
d'éclairer le gouvernement dans ses décisions pour les années ultérieures dans
le nombre d'immigrants que nous devrons recevoir. La ministre a fait des propositions. Moi, je veux savoir, au
niveau du seuil d'immigration, les propositions qui sont sur la table par la ministre, est-ce qu'elles vous
conviennent? Est-ce que vous pensez que c'est raisonnable? Est-ce que
vous pensez, puisque vous travaillez avec
les immigrants, est-ce que vous pensez que c'est réalisable, dans l'état des
choses actuellement, avec les services que
dont nous disposons, est-ce que vous croyez qu'il est possible de franciser
tout ces gens? Est-ce qu'on a les moyens de le faire? Alors, je veux
vous entendre à cet égard-là sur le seuil qui est proposé par Mme la ministre.
M.
Marginean (Alain) : Écoutez, on a eu à répondre au niveau des seuils
dans le document. Nous, on disait que, globalement,
on était en accord avec à la fois le nombre et, après ça, les pourcentages
appliqués. On était dans l'ensemble d'accord.
La condition était : Est-ce qu'on a les moyens effectivement de le faire?
Nous, on pense qu'on a les moyens de le faire, mais on pense aussi que c'est bien beau la régionalisation, puis
on y est, sauf que ça prend une stratégie du Montréal métropolitain. Ça prend une stratégie au niveau de
la CMM, on ne s'en sort pas. Il y a Québec, il y a Trois-Rivières, il y
a Rimouski, il y a Jonquière, bon, etc.,
c'est merveilleux, mais il y a aussi la réalité de Montréal. Et la réalité de
Montréal, ce n'est pas seulement la ville de
Montréal, ce n'est pas seulement le maire de Montréal, et tout ça, c'est la
communauté. Et la communauté, c'est bien sûr
Montréal, c'est bien sûr Laval, mais c'est aussi la Rive-Nord et la Rive-Sud,
et la Rive-Nord d'une façon plus particulière, parce que le découpage
fait que la région autant de Lanaudière puis la région des Laurentides ont environ, quoi, 800 kilomètres de
long, hein? S'asseoir avec des gens de Mont-Laurier, là, c'est compliqué
pour faire des stratégies, et pourtant tous
les chiffres, toutes les statistiques, tout découle de cette question-là. Donc,
nous, on dit : Oui, c'est possible.
Oui, c'est possible de le faire, soyons réalistes, par contre, il faut se
donner les moyens et les moyens
doivent passer par une approche du Montréal métropolitain. Pour nous, c'est
comme incontournable, ça concerne la Rive-Sud, mais ça concerne bien sûr
la Rive-Nord puis peut-être d'une façon différente, mais qu'il faut paramétrer
d'une façon spécifique.
Mme Roy :
Alors, va pour les seuils. Maintenant, pour les moyens. J'ai pris des notes
lorsque vous parliez, vous nous avez
dit, et je l'ai écrit parce que ça m'a surprise : Il n'y a aucun cours de
francisation dans les Basses-Laurentides, on doit aller à Laval. Je vois le maire de Laval,
que je salue en passant. Ça prend une heure de déplacement. Vous êtes sérieux? Aucun cours de francisation dans les
Basses-Laurentides? Pourtant, c'est un vaste territoire, nous le savons,
mais il y a du monde, là.
M. Marginean (Alain) : 300 000
de population.
Mme Roy : Depuis quand il n'y
a aucun cours de francisation dans les Basses-Laurentides?
M. Marginean (Alain) : 10 ans? 15
ans? Je ne sais pas là...
Mme Roy : D'années?
M.
Marginean (Alain) : 10 ans? Les COFI ont arrêté en 1998, 1999. En
2000, voilà, donc. Il y a eu des essais de programmes de francisation qui sont donnés avant que les COFI
disparaissent parce qu'il y avait une expérimentation, et le collège Lionel-Groulx avait été choisi comme un
des collèges d'expérimentation. Et nous, on disait : Comme on est
le collège le plus homogène au Québec, le
plus homogène de tous les cégeps au Québec... donc, c'est sûr que la
francisation, on était capables de la garantir.
Mais les gens
ne provenaient pas des Basses-Laurentides. Il faut comprendre que les gens
provenaient de Laval puis de
Montréal. Donc, le ministère de l'Immigration, dans ses projets, a même
financé, bon, le transport en commun des gens. Sauf que la personne habite à Laval ou habite à Montréal. Pour les
clientèles de CLE, et tout ça, ça ne marche plus dans les statistiques. Donc, quelqu'un qui habite à
Montréal, il n'est pas référé dans un établissement à Sainte-Thérèse. Il
va être référé dans un établissement à
Montréal. Donc, on augmente l'élément concentration. Et, nous, c'est sûr qu'on
aurait pu dire : Bien, écoutez, que les
gens aillent suivre les formations... On n'est pas tellement aimés, là. Il faut
voir la table de concertation au niveau de l'éducation. Quand on dit aux
gens : Écoutez, ne prenez pas une heure et demie... C'est trois heures par jour, hein, de Saint-Eustache à
Saint-Jérôme. C'est une demi-heure de la gare de Saint-Eustache pour se rendre au cégep Montmorency. Donc, on est obligés
de dire aux gens : Écoutez, là, allez à Laval suivre des
formations. Puis c'est comme ça. C'est sûr
que c'est la demande. Si on avait les données statistiques du cégep
Montmorency, si on avait une
approche, ça va peut-être se faire avec les MRC au niveau de la couronne nord,
mais là il y aurait peut-être une réponse plus intéressante et peut-être
que le développement stratégique pourrait faire l'objet d'une approche plus
intégrée du Montréal métropolitain ou, du moins, Montréal, Laval, Rive-Nord, et
ainsi de suite, comme ça.
Mme Roy : Je vous remercie
beaucoup pour les précisions. Merci beaucoup. Il y a du travail à faire, là, je
comprends la dynamique, là. On est écartelés puis on va plus près du centre
pour les services.
M.
Marginean (Alain) : Mais à ce moment-là on est loin des gens pour qui
on veut rendre service en première ligne.
Je vous rappelle qu'on est un groupe de bénévoles impliqués dans leur
communauté, qui aiment leur communauté, et on travaille finalement à
être en harmonie et à travailler sur la diversité de notre milieu aussi. On est
assez fiers.
Mme Roy : Bien, merci pour le
travail que vous faites. Merci d'être ici.
Le Président (M. Picard) :
Merci, messieurs, pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je vais suspendre quelques instants afin de
permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 40)
(Reprise à 15 h 42)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en recevant les représentants de la ville de
Montréal, M. le maire, M. Marc Demers, et je
vous demanderais de présenter les gens qui vous accompagnent, M. Demers, et
vous disposez d'une période de 10 minutes pour
faire votre présentation. Vont s'ensuivre des discussions avec les parlementaires.
La parole est à vous, M. Demers. Allez-y.
Ville de Laval
M. Demers
(Marc) : Alors, merci de
nous accueillir, Mme la ministre Weil, M.
le Président, distingués députés
et membres de la commission. Mon nom est
Marc Demers, maire de ville de Laval. Je suis accompagné de Mme Dominique
Fortier, de la Direction générale adjointe
des services de proximité, et de Mme Claudie Pronovost, conseillère en
mobilité internationale, aussi à notre Direction générale adjointe au
développement économique.
Je vous remercie de nous donner l'occasion
d'échanger avec vous. Laval se situe au deuxième rang des villes québécoises ayant la plus grande présence
immigrante. Chez nous, une personne sur quatre est issue de
l'immigration. Laval a une économie prospère
et une main-d'oeuvre compétente et diversifiée, mais Laval est aussi en pleine
transformation. Notre administration
a amorcé, en 2014, une grande démarche de planification stratégique. Notre
objectif était de mettre en place les
conditions pour devenir une ville solidaire, accueillante et innovatrice, ce
qui reflète les valeurs de nos citoyens. On a donc revu en profondeur nos structures pour que
Laval devienne un leader tant au niveau du développement économique
qu'en développement social, tout ça en collaboration avec nos grands
partenaires.
Laval a
récemment procédé sans interruption de services à l'intégration des activités
de la CRE, du CLD et de Laval
Technopole. Regrouper nos forces est important pour relever les défis
économiques actuels, dont le recrutement et la rétention de la main-d'oeuvre par les entreprises, l'adéquation entre
les besoins du marché du travail et la formation, mais aussi l'intégration des personnes immigrantes au
marché du travail, particulièrement au niveau des nouveaux arrivants. Et
pour regrouper nos forces de manière
efficace, nous avons mis en place une direction du développement
économique. Cette entité administrative municipale offre des services-conseils,
de l'accompagnement aux entreprises et du soutien au recrutement des
travailleurs étrangers spécialisés par l'entremise d'une conseillère en
mobilité internationale, Mme Pronovost, qui m'accompagne.
Le
développement économique de Laval propose aussi des activités de réseautage, de
formation et de mentorat. Nous
travaillons en collaboration avec les CISSS
de Laval pour produire une politique régionale de développement social qui implique tous les acteurs du milieu parce
que nous pensons que, pour améliorer la qualité de vie des citoyens, il est important
d'avoir des orientations communes, des priorités d'intervention conjointes et
des actions coordonnées avec nos partenaires.
Mais notre
prospérité nous fait trop souvent oublier qu'on a aussi des secteurs très
fragilisés à Laval, et souvent ces secteurs sont des quartiers d'accueil
pour les nouveaux arrivants. Notre population est grandement touchée par ce phénomène
en partie alimenté par l'immigration récente. Il faut savoir cependant
que les personnes immigrantes de Laval sont très scolarisées : 30 %
d'entre elles détiennent un diplôme universitaire versus 23 % pour les
non-immigrants, et, chez les nouveaux
arrivants, le pourcentage est encore plus élevé, plus de 40 %. Et pourtant
leur taux de chômage est plus de
17 %, ce qui est trois fois plus élevé que les non-immigrants et deux fois
plus que l'ensemble des immigrants. C'est un phénomène qui s'observe dans l'ensemble du Québec, mais, à l'heure où
les entreprises ont besoin de main-d'oeuvre, Laval s'inquiète de ces
difficultés d'immigration... d'intégration, dis-je, au travail.
Depuis 2001,
le nombre d'emplois à Laval a augmenté en moyenne de 2 % par année.
Emploi-Québec prévoit d'ailleurs que,
pour répondre aux besoins des entreprises, 36 900 emplois seront à combler
d'ici 2019. Les secteurs pour lesquels
il y aura une forte création d'emplois sont très diversifiés : soins de
santé, services professionnels, commerces de détail, finances, machinerie et beaucoup d'autres. Malgré la création
d'emplois, les entreprises lavalloises ont des difficultés à recruter dans les secteurs de services
professionnels, scientifiques et techniques, surtout pour les postes qui
demandent plus de trois ans d'expérience. Quand on demande aux entreprises
qu'est-ce qui explique leur difficulté à recruter, ils identifient les compétences requises, l'expérience, le diplôme et les
qualités personnelles qui sont recherchés, ce qui nous amène à vous
parler des orientations de la planification de l'immigration.
Tout d'abord, la ville de Laval est d'accord
avec les volumes d'immigration qui sont proposés pour les trois prochaines années. Avant de poursuivre vers une
augmentation des seuils, il est toutefois important de, premièrement,
concentrer les efforts sur l'amélioration de l'intégration au marché du
travail, et surtout pour les nouveaux arrivants, qui présentent des taux de
chômage inquiétants, et d'évaluer les résultats du nouveau système qui est basé
sur la déclaration d'intérêts.
Pour les neuf
orientations, je désire faire ressortir certaines recommandations de notre
mémoire, qui s'appuient sur notre expérience.
Pour attirer
et surtout retenir les talents qui viennent d'ailleurs, il faut que le processus
administratif soit plus souple et
efficace et que ça prenne moins de temps. Les travailleurs qualifiés
temporaires et les étudiants étrangers qui sont déjà au Québec constituent de bons candidats à
l'immigration permanente, mais il est important de considérer aussi
l'immigration des conjoints au marché
du travail et à la société québécoise; leur offrir un accès aux ressources en
employabilité et en francisation aurait un impact positif sur la
rétention.
Troisièmement,
nous sommes d'accord avec l'orientation d'augmenter la proportion de personnes
qui connaissent le français à
l'admission, mais il faut augmenter et diversifier les ressources en
francisation. En 2012, Emploi-Québec démontrait
que 63 % des entreprises avaient rencontré des difficultés à embaucher les
personnes immigrantes pour des raisons linguistiques. Il faut consacrer
des ressources importantes à la francisation en milieu de travail. Les nouveaux
arrivants sont trop souvent pénalisés par
des cours de français à temps plein alors que leur principale préoccupation
est d'assurer rapidement leur subsistance et celle de leur famille. Il faut
encourager les employeurs à mettre en place des programmes efficaces de
francisation en milieu de travail et assurer leur accompagnement.
• (15 h 50) •
J'ajouterais
que chaque consultation nous rappelle l'enjeu de la non-reconnaissance des
diplômes et des expériences. Le
Québec se prive d'un capital humain exceptionnel, sans compter tous les drames
humains vécus par ceux et celles qui ont été choisis à cause de leurs compétences et qui vivent cette
non-reconnaissance. Il est temps que
les efforts investis pour retenir les immigrants soient à la hauteur de
ceux investis pour les attirer.
Cinquièmement, enfin, nous saluons l'intention
du gouvernement de réaffirmer son engagement humanitaire en accueillant des personnes réfugiées. Les municipalités jouent un rôle de premier plan, parce que les défis de l'intégration se vivent dans nos quartiers. C'est aussi dans nos quartiers que les
sentiments d'appartenance se développent et que la solidarité des citoyens s'exprime. Ville de Laval
a reçu depuis décembre dernier plus de 1 000 réfugiés syriens, soit
le double de ce que nous attendions.
Évidemment, pour bien les accueillir, nous avons mis en place deux tables de
concertation avec nos partenaires, qui
oeuvrent d'arrache-pied sur le terrain. Mais, contrairement aux autres
immigrants, qui ont mûrement réfléchi leur projet, ces réfugiés arrivent
dans des conditions difficiles. Nous vous demandons ainsi d'assurer un
accompagnement étroit avec nous et avec nos partenaires pour relever le défi de
l'accueil des réfugiés syriens, aussi d'assurer
les ressources financières nécessaires pour soutenir les actions sur le
terrain. Il faut tout mettre en oeuvre pour aider ces nouveaux citoyens fragilisés et nous
préparer à recevoir les prochains arrivants, comme c'est prévu dans la
planification. Je me réjouis que le
gouvernement souhaite mettre en place une nouvelle approche partenariale avec
les municipalités. Évidemment, nous comptons, grâce à nos efforts
communs, revenir à des ententes pluriannuelles dès l'an prochain.
Finalement,
je terminerais en rappelant que, pour devenir une ville accueillante et
inclusive, nous avons besoin de ressources financières et de votre
collaboration. Merci beaucoup.
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Demers. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Weil : Oui. Bonjour, M.
le maire, M. Demers. Très contente de vous accueillir ici avec vos collègues,
Mme Dominique Fortier, Mme Claudie Pronovost.
Peut-être qu'on va commencer par l'immigration
humanitaire, parce que Laval était bien représentée à une consultation. On
faisait le bilan de l'accueil des réfugiés syriens hier au ministère, et c'est
une très grande opération, et Montréal,
Laval, Sherbrooke, je vous dirais, c'est les trois villes qui ont joué vraiment
un rôle très, très important, et les villes d'accueil dans les régions
pour les prises en charge par l'État. Mais je tiens à souligner ici, en
présence de mes collègues, que Laval a été très présente. Vous êtes très
sollicités, mais vous faites un excellent travail à cet égard.
Et vous faites des recommandations. On pourrait
peut-être creuser la chose un peu. C'est sûr que ce que vous dites, une
meilleure coordination...
Mais, dans un
premier temps, le commentaire de tout le monde, ça a été à quel point ça a été
un succès. Quand on pense — on s'est vus à l'aéroport aussi lors de
l'accueil — cette
opération massive, c'était sans précédent. Je pense qu'il y a lieu de féliciter tout le monde. J'aimerais
saisir l'occasion pour vous féliciter aussi, féliciter vous et les
organismes avec qui vous travaillez pour le
travail que vous avez fait. Et évidemment j'ai rencontré l'organisme
communautaire qui travaille dans
votre ville, mais aussi des réfugiés. Par ailleurs, je rencontre, sur le
terrain, des réfugiés qui sont installés à Laval, et ça va bien, hein?
Globalement, ça va bien, les gens sont heureux, ils sont contents. Mais on
sait, je pense, comme élus, et les fonctionnaires le savent, il y a tout un
travail pour la prochaine étape.
Peut-être
vous entendre là-dessus, parce qu'on veut bien faire les choses, on veut être
bien coordonnés. Vous avez évoqué les
difficultés qu'ils peuvent avoir. Ça peut aller de traumatismes qui ne se
dévoilent pas nécessairement tout de suite, mais peut-être un peu plus
tard; problèmes de langue, linguistiques; problèmes de reconnaissance des
acquis et des compétences; un désir d'intégrer le marché du travail... je le
vois beaucoup chez les hommes, hein, vous le voyez certainement chez les hommes qui sont les pères de famille, qui veulent
intégrer... Des fois, j'ai vu les femmes trouver l'emploi avant l'homme,
le mari. Quoi qu'il en soit, les enfants, ça semble bien aller.
Mais c'est à
votre tour peut-être de prendre la parole pour nous dire... juste pour qu'on
puisse connaître votre point de vue
sur cette expérience. Parce qu'on maintient l'engagement. Donc, ce que vous
allez dire ici est important, on pourra l'intégrer aussi dans nos commentaires par rapport au bilan. Le rapport
sera rendu public au mois d'octobre, et ça va être nos... des consignes
seront inscrites là-dedans sur les améliorations à apporter pour les prochaines
étapes.
M. Demers (Marc) : D'accord. Alors,
je ne suis pas sûr si j'ai tout bien compris, mais on va s'aventurer...
Mme Weil :
Votre expérience avec l'arrivée des réfugiés. Votre expérience comme élu qui
fait du terrain, vos observations.
Vous n'avez peut-être pas pu parler avec vos représentants qui étaient présents
à la consultation. C'est de voir comment
vous, vous percevez cette opération, et les défis... mais les défis tout à
fait, comment dire, attendus d'une opération comme ça pour les
prochaines étapes, pour vous, comme maire de la ville, et comme ville,
l'intégration de ces réfugiés dans la communauté.
M. Demers
(Marc) : Alors, j'aimerais commencer par dire : Je partage votre
vision que, dans l'ensemble, ce fut un succès,
l'accueil des réfugiés syriens. Mais, ceci étant dit, il y a plusieurs défis
qui demeurent. Et, si ça a été un succès, c'est à cause que plusieurs
intervenants ont été alertes et proactifs, et il faut le demeurer pour la suite
des choses.
Puis j'aimerais peut-être vous imager une
situation qui relate bien des faits. J'ai comme habitude, à toutes les deux semaines, de rencontrer une entreprise
lavalloise, d'aller les visiter pour connaître les besoins des entreprises.
Et je suis allé rencontrer une entreprise
qui fait le recyclage de palettes de bois. À ma grande surprise, le
propriétaire de l'entreprise est biochimiste — ça
n'a rien à voir — d'origine
libanaise et qui est au Québec depuis un certain nombre d'années, peut-être une
dizaine d'années. Il a su faire un succès de son entreprise.
Et, lors de
la visite de l'entreprise, je parle avec une personne qui parle quelques mots
d'anglais, qui enlève des clous sur
des palettes de bois pour gagner sa vie, et il est ingénieur. Et il attend
évidemment... Parce qu'il a le défi de nourrir sa famille, d'avoir une fierté de faire vivre sa
famille et, en même temps, le défi de s'intégrer. Alors, l'image résume
bien la situation qui se vit. La
reconnaissance des diplômes, la reconnaissance de l'expérience, ce qui n'est
pas fait. Et entre-temps il faut manger, il faut se loger et il faut,
pour eux, relever le défi d'être autonomes.
Alors, une des choses que l'entreprise a faites,
ils ont eu l'initiative de donner des cours de français. Tous les matins — parce qu'ils ont regroupé, ils ont recueilli
plusieurs personnes issues de l'immigration — il y a une demi-heure ou une heure de cours de français avant de débuter,
et évidemment ça permet au moins une communication minimale sur les
lieux de travail, puis tout ça. Et j'ai trouvé l'idée originale, et d'ailleurs
on vous le propose.
L'autre
aspect. Au Québec, une de nos marques de commerce, c'est l'égalité entre les
sexes, l'implication des dames au
milieu du travail, à l'essor de la communauté, de notre société. Et, pour les
gens issus de l'immigration, ils ne sont pas tous rendus à la même réflexion que nous. Mais il faut les intégrer,
il faut offrir aux conjointes les mêmes possibilités d'intégrer le
marché du travail, d'apprendre le français. Et, sur cet aspect-là, il y a un
effort à être fait.
Maintenant, en ce qui a trait à la
mécanique de ce qui se passe sur le terrain, je demanderais à mes deux
expertes si elles ont des commentaires, peut-être.
• (16 heures) •
Mme Fortier
(Dominique)
: Peut-être ajouter, pour la question de
l'intégration à l'emploi... M. le maire l'a mentionné,
on a reçu plus de 1 000 personnes. Les gens qui sont arrivés sont arrivés
dans des conditions difficiles. Tout le monde en est conscient. La question de trouver un travail rapidement est
extrêmement importante pour eux. En même temps, ils ne possèdent pas nécessairement le français. Ils ne possèdent
pas nécessairement encore les codes. Ils sortent de situations
extrêmement traumatisantes. Et un des questionnements que l'on a, puisque vous
savez qu'on a un secteur agricole très fort
à Laval... On a des entreprises qui
ont besoin de travailleurs saisonniers, de travailleurs plus permanents.
Ça serait intéressant de pouvoir systématiquement avoir les profils des gens, des
réfugiés qui arrivent : Dans quel secteur ils ont travaillé? Est-ce qu'ils étaient
entrepreneurs? Est-ce qu'ils étaient commerçants? Dans quel domaine ils étaient
dans leur pays d'origine, en Syrie?, de manière à pouvoir essayer de faire
des maillages dans les entreprises où la connaissance du français ne doit pas être maximale, où leur
expertise peut être transférée, où ils peuvent comprendre comment
démarrer une entreprise aussi, parce que c'est des sociétés aussi qui sont très
commerçantes, très entrepreneuriales. Alors, ce serait important pour nous de comprendre dans quel secteur les réfugiés qui
arrivent ont travaillé, quelles sont leurs formations, de manière à pouvoir, peut-être, sur une base
temporaire, partielle, les aider à intégrer le marché du travail. Parce que
vous l'avez dit, Mme la ministre : C'est important que les chefs de
famille puissent travailler rapidement. Ils sont dans une situation
qui n'a pas été facile. Les exigences sont encore plus grandes pour eux. Ils
doivent tout apprendre en même
temps et nourrir leur famille. Plusieurs
sont parrainés, bien entendu, mais ce n'est pas la situation
idéale non plus pour eux. On a aussi
les intervenants sur le terrain, les partenaires, qui nous indiquent qu'il y a
aussi de la détresse psychologique. Et c'est quelque chose qui est
compréhensible puisqu'ils arrivent de zones en guerre, et on n'est pas toujours
outillés comme intervenants pour comprendre ces dynamiques-là et comprendre ce
qu'ils vivent. Donc, je pense que c'est important aussi de recevoir des
ressources et des conseils, que ça puisse être mis à la disposition de nos
intervenants pour pouvoir fonctionner.
Mme
Weil : ...très, très
valides, très important, très pertinentes, parce que c'est un tout, hein,
l'immigration, et il faut s'attarder et se préoccuper de tous ces
immigrants avec des profils différents, et c'est ce qu'on a entendu ces
derniers jours. Et je voulais prendre
l'occasion, parce que c'est rare qu'on puisse prendre le temps en commission parlementaire, ici, au parlement, de parler d'immigration humanitaire.
Et, quand on a des intervenants qui connaissent plus finement
l'expérience terrain, et surtout si vous avez participé à ces deux jours de
bilan... bien, vous avez entendu, donc, un peu les mêmes commentaires que moi, j'ai entendus. Je trouve que
c'est important d'inclure ces commentaires dans les témoignages
qu'on aura parce que ça fait partie de la planification pour la suite des
choses.
Alors,
on va arriver sur les travailleurs qualifiés. Globalement, je suis très
contente de voir, vous êtes en accord avec les orientations. Je vous
dirais que, jusqu'à date, et tous les mémoires que j'ai lus, les gens sont en
accord avec des orientations. Ils ont certains questionnements, mais ils sont
très contents, satisfaits de la réforme. Pour les volumes aussi, qu'on donne le temps de mettre les mesures
en place pour la réforme, mais je voulais que vous sachiez que les
acteurs régionaux, globalement, auront un
rôle aussi à jouer dans cette réforme. On en a beaucoup parlé lorsqu'on a
fait l'étude du projet de loi
n° 77; pour que ça fonctionne,
ce nouveau système de déclaration d'intérêt, pour que ça soit rapide et efficace, il
faut qu'on puisse répondre aux besoins de toutes les régions, donc quels sont
les besoins au niveau du marché du travail avec la Commission des partenaires
du marché du travail, et tout.
Vous
parlez, dans votre région, de certains besoins très pointus, notamment
en haute technologie. Pourriez-vous me dire
un peu le profil du marché du travail dans votre région? Actuellement, comment ces besoins sont comblés, si vous avez connaissance de ça, parce que vous parlez aussi des travailleurs temporaires, vous
êtes d'accord avec l'orientation.
Mais, pour comprendre un peu les pénuries...
beaucoup de gens parlent de pénurie, que les pénuries sont
avérées, qu'ils vivent les pénuries
dans leur région. Mais vous êtes dans la grande région de Montréal,
la situation est un peu différente d'autres régions. Pouvez-vous nous décrire un peu les
besoins tels que vous les voyez, tels que vous entendez de vos
entreprises, quels sont les types de
travailleurs et quelle est la situation du marché
du travail dans votre région? Le taux
de chômage, d'ailleurs, rappelez-moi le taux de chômage ou... le taux de
chômage est plus bas, je pense, que Montréal.
Je ne sais pas si
vous m'entendez, avec le bruit, hein, c'est dur.
M. Demers
(Marc) : Malheureusement, on ne vous entend pas beaucoup, Mme la
ministre.
Mme Weil :
Ah bon!
M.
Demers (Marc) : Mais ce que
j'ai capté, puis corrigez-moi si je me trompe, vous voulez nous entendre
sur les besoins sur le terrain, dans notre région, concernant l'accueil des...
Mme Weil :
Des travailleurs qualifiés, c'est surtout ça.
M. Demers
(Marc) : Des travailleurs qualifiés.
Mme
Weil : Parce que la
réforme, elle vise vraiment à répondre de façon pointue aux besoins des
entreprises, mais des régions aussi, hein,
parce que les entreprises sont dans des régions, on veut amener les
immigrants dans les régions directement, sans passer par Montréal. Dans votre cas, c'est peut-être un peu différent parce que, de
toute façon, vous êtes dans la grande région. Et comment vous voyez la
situation du marché du travail dans votre région?
Mme Pronovost (Claudie) : Au niveau des technologies de l'information, ce
que je peux dire, c'est qu'évidemment il
y a beaucoup de besoins, et, étant tout près de Montréal, justement, la
compétition est assez féroce, donc les entreprises s'arrachent vraiment les talents. Et on le voit
également au niveau des travailleurs étrangers temporaires puisque, bon,
les entreprises vont beaucoup chercher en
Europe les talents dont ils ont besoin. Et, une fois sur le territoire, eh
bien, ça va arriver régulièrement que
les gens qui viennent travailler à Laval vont finir par être attirés par des
entreprises de Montréal vu justement la teneur stratégique de ces
talents-là. Donc, Laval se retrouve à, encore une fois, rechercher des talents
stratégiques. Encore une fois, on essaie toujours localement. Évidemment,
l'embauche locale est toujours ce qui est priorisé,
là, sur le terrain, mais on se ramasse à perdre des emplois pour Montréal ou
d'autres entreprises sur le territoire puisque
la compétition est assez féroce, le besoin est assez présent. Donc, ça, c'est
au niveau évidemment des technologies de l'information. Au niveau de
l'aéronautique aussi, il y a beaucoup de besoins. Il y a beaucoup d'entreprises
en aéronautique à Laval, donc on s'arrache aussi beaucoup ces talents-là, qui
viennent souvent, encore une fois, de l'Europe, de la Roumanie, du Brésil.
Mme Weil :
Est-ce que ces personnes s'installent à Laval? Est-ce qu'ils vont vivre à
Laval?
Mme
Pronovost (Claudie) : Oui, beaucoup vont vivre à Laval, et
dépendamment évidemment de l'âge des gens, avec famille, sans famille,
souvent on va remarquer que les jeunes adultes vont plus souvent s'installer
tout d'abord à Montréal, venir travailler à
Laval, mais s'installer tout d'abord à Montréal, tandis que les familles vont
plus directement venir s'installer à Laval, mais on a les deux, des gens
qui habitent Laval aussi.
Mme Weil :
Vous avez aussi une recommandation, vous êtes d'accord avec notre objectif que
40 % des travailleurs qualifiés soient
issus justement de la voie temporaire et que vous avez des recommandations à
cet égard par rapport aux conjoints,
conjointes. Est-ce qu'on pourrait vous entendre là-dessus? Il y a la
francisation, l'accompagnement à l'emploi.
C'est très important, vous êtes, je pense, les premiers à évoquer la conjointe
ou conjoint. Je trouve ça intéressant.
Mme
Pronovost (Claudie) : Donc, dans le fond, au niveau de la rétention
des travailleurs étrangers temporaires qu'on
a sur le territoire, ça a été reconnu dans les études aussi que l'intégration
du conjoint, conjointe dans le milieu de vie autant au niveau du travail qu'au niveau de la communauté est très important
pour la rétention de ces gens-là. Parce qu'un conjoint, conjointe qui n'est pas heureux, qui n'est pas bien, qui a de
la difficulté à s'intégrer, ça va peut-être se terminer, dans le fond, par un retour au pays d'origine.
Donc, pour faire la rétention des conjoints, conjointes qui n'ont pas
accès en ce moment aux ressources en employabilité... par exemple, moi, je ne
peux pas référer une conjointe d'un travailleur étranger temporaire à un partenaire en employabilité sur le territoire
de façon gratuite. Donc, ils doivent débourser. Ils n'ont pas accès comme les nouveaux arrivants 0-5 ans aux
programmes qui sont mis en place par les différents ministères, donc ils doivent débourser pour des services en
employabilité, débourser pour des services en francisation puisqu'ils n'ont
pas encore le CSQ, et tout ça. On leur demande de fournir une lettre d'un
employeur pour pouvoir avoir accès de façon gratuite aux cours de français.
Ils
veulent des cours en présence, ils ne veulent pas des cours en ligne
nécessairement. Ça, c'est un autre volet au niveau de la francisation. Les cours en ligne, c'est le fun, c'est
bienvenu, mais, au niveau de la sociabilité, de rencontrer les gens, de s'intégrer au milieu, autant le
travailleur étranger que sa conjointe privilégieraient des cours en présence au
niveau de la francisation et idéalement en milieu de travail si possible.
Donc,
à ce niveau-là, le 40 % est très bienvenu. Nous, à Laval, on est très
proactifs au niveau de la rétention des travailleurs étrangers, donc, on voyait ça comme une très bonne nouvelle
et ça fait partie de mon travail d'être proactive à ce niveau-là et d'aider les entreprises à garder ces
talents stratégiques là dans leurs entreprises puisqu'ils ont pris le
temps et l'énergie et l'argent de les former et de les intégrer.
Mme Weil :
Donc, vous, vous...
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme Pronovost. C'est terminé,
malheureusement. M. le député de Bourget.
M.
Kotto : Merci, M. le Président. Mais, en toute élégance, je
souhaiterais donner une minute à la ministre pour qu'elle pose sa question parce qu'elle a... Elle
ne m'entend pas, la ministre. Mme la ministre, je vous donnerai une
minute de mon temps pour que vous posiez la question que vous alliez poser.
• (16 h 10) •
Mme
Weil : Oui, bien, c'est surtout, j'allais dire que, bon, dans
ce cas-là, je vois que c'est vous qui accompagnez puis je trouve ça intéressant. Des fois, c'est Montréal
International qui le fait, Québec International qui le fait à Québec. Mais,
je pense que vous le savez, nous, on compte offrir — c'est la première fois
qu'on fait cette offre — le
cours de francisation en ligne aux personnes
qui n'ont pas un statut permanent. Parce que, vous savez, il y a un financement
qui est attaché à l'immigration, qui vient
du gouvernement du Canada, il faut que ça soit un résident permanent. Vous
comprenez le défi. Donc, pour accompagner
ces personnes qui ont un statut temporaire, ça prend toute la communauté. C'est
pour ça que je vous pose la question. Vous
jouez un rôle, on va jouer un rôle, les autres, tout le monde devrait jouer un
rôle. Donc, comment mobiliser la communauté, les chambres de commerce
autour de ce couple et cette famille? Je pense, c'est important quand on veut
séduire ces travailleurs temporaires, étudiants étrangers pour qu'ils restent
ici. C'était ce commentaire. Merci beaucoup, M. le député de Bourget.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de Bourget.
M. Kotto : Je vous
en prie, Mme la ministre. Merci, M. le Président. M. Demers, mesdames, soyez
les bienvenus. Et, comme je l'ai fait
précédemment relativement aux personnes qui vous ont précédés ici, je m'excuse
au nom de tous les membres de la commission, parce qu'habituellement on
reçoit des gens dans de meilleures conditions que celles qui s'imposent à nous
aujourd'hui. Nous nous trouvons en terrain de guerre quasiment.
J'avais
quelques questions à poser à M. le maire, qui évoquait tout à l'heure, dans sa
présentation, le haut taux de chômage
constaté chez les nouveaux arrivants, et les représentants de la CSN, qui sont
passés... c'est la CSQ, je crois... qui sont passés, nous parlaient d'un
taux de chômage de 24 % dans la grande région de Montréal et ajouté un 14 points
au-dessus de ce 24 % relativement aux femmes immigrantes ou nouvellement
arrivées. Certains évoquent, dans les entreprises,
je ne sais pas si c'est le cas du côté de Laval, une problématique de
discrimination à l'emploi relativement à des populations qui ne sont
pas, disons, dans la norme majoritaire. Quelles sont vos observations à ce
sujet?
M. Demers
(Marc) : Alors, j'aimerais peut-être rappeler qu'à Laval une personne
sur quatre est issue de l'immigration dans notre population, et une bonne partie
de... Pardon?
Une voix :
...
M. Demers
(Marc) : 13 % de nouveaux arrivants. Alors, une bonne partie
aussi de notre population est anglophone, je
vous dirais, peut-être 20 %. Il y a toujours une certaine discrimination
qui existe. Je crois que le niveau zéro n'existe pas là-dedans, mais je ne suis pas en mesure de vous donner une
appréciation, la hauteur de cette discrimination-là et son poids. Je ne
sais pas si on a des...
Une voix :
...
M.
Demers (Marc) : Mais je peux vous dire qu'à Laval je n'ai pas vu de
signe évident de discrimination. Et on est très présents avec la chambre de commerce, comme je vous l'ai mentionné
plus tôt. À toutes les deux semaines, je visite une entreprise, depuis
un an et demi, et il y a énormément d'entrepreneurs qui sont issus de
l'immigration, énormément, à Laval. Alors,
je ne suis pas convaincu que ça soit un problème énorme, mais, aussi minime
soit-il, on doit s'en occuper parce que c'est une injustice profonde.
M.
Kotto : Je vais essayer de parler un peu plus fort pour que
vous m'entendiez. Les statistiques nous disent que 80 % à 83 % des nouveaux arrivants
s'établissent dans la grande région de Montréal, 74 % à Montréal
intramuros. C'est une grande concentration d'individus et il y a une
étude de l'IREQ, au mois de février, de mémoire, qui nous parlait de 60 %
de ces nouveaux arrivants qui boudaient les cours de français.
(Interruption)
M. Kotto :
J'attends que ça passe. J'espère que le chronomètre est suspendu.
Une voix :
Non...
M.
Kotto : Non, même pas? O.K. Alors, considérant cette réalité
qui nous amène à penser que c'est un facteur qui procède ou qui contribue à l'anglicisation de la grande région de
Montréal et, plus spécifiquement, Montréal, pensez-vous qu'il y a... Parce qu'on n'est pas fermés, on est
ouverts à l'immigration. Le Québec est une terre d'immigration, je le
disais ce matin, et une terre ouverte, tolérante. Ayant vécu ailleurs sur
d'autres continents, je suis bien placé pour en parler. Ayant moi-même suivi le
cheminement de l'immigration il y a un peu plus d'une vingtaine d'années, j'en
parle avec, comment dire, conviction.
Mais,
considérant ce glissement — perceptible pour certains, imperceptible pour d'autres — vers la bilinguisation, pensez-vous qu'en augmentant les seuils
d'immigration, qui amène son lot de défis... Parce que l'immigration
économique, certes, elle est là. Québec
choisit, mais il y a le regroupement familial, qui relève d'Ottawa, qu'on ne
contrôle pas. Et nous avons, par-dessus
le marché, la difficulté à imposer aux adultes l'obligation d'apprendre le
français. Les chartes sont là pour
nous encadrer relativement à ça. Bref, c'est deux, trois défis. Comment faire
pour d'autres perspectives des choses à la fois se garder ouverts à l'immigration, mais, en même temps, protéger,
promouvoir et favoriser l'apprentissage du français, notamment dans
cette population qui correspond au regroupement familial?
M. Demers
(Marc) : Bien, personnellement... C'est une opinion bien personnelle
que je vous transmets. La plupart des gens
vont s'orienter vers la direction dans laquelle ils ont un intérêt. Alors, si
les gens peuvent travailler en français,
leur famille peut travailler en français, bien gagner leur vie, ils opteront
possiblement pour le français, avec les incitatifs que les gouvernements voudront mettre de l'avant. Toutefois,
si l'offre d'emploi exige de parler l'anglais, est plus favorable en
anglais, évidemment, je pense que plusieurs personnes vont aller vers la
communauté anglophone.
Ceci
étant dit, le Québec, on est quand même une petite population dans une mer
anglophone, qui est les États-Unis, le
Canada. Et, sur le plan économique, si j'étais immigrant puis que j'avais le
choix, bien évidemment, l'anglais serait mon premier choix pour l'intérêt de ma famille. Ils ont toutefois opté
pour immigrer au Canada, dans la province de Québec, qui est une
province francophone, et, à ce moment-là, il est de la responsabilité de
l'ensemble des gouvernements de s'assurer
qu'ils s'intègrent bien à la communauté francophone au Québec, et c'est à nous
de mettre les moyens de l'avant pour les intéresser.
M. Kotto : Nous
avons deux systèmes en compétition. Et, parlant de deux systèmes, compte tenu
du fait qu'on a été négocier des
pouvoirs en matière d'immigration, en partie, la très grande majorité des gens,
quand ils viennent, ils viennent au
Canada, et, pour eux, et même des Français, qui, logiquement, devraient savoir
qu'au Québec ça se passe en français... donc, la très grande majorité
sont convaincus que ça se passe en anglais.
Le
côté francophone du Québec, aux yeux de certains, paraît folklorique. C'est ce
que j'entends dans la grande région
de Montréal surtout où, de plus en plus, dans le milieu des affaires plus
spécifiquement, il devient impératif de maîtriser les deux langues pour pouvoir trouver un emploi. Et c'est ça,
mon principal souci relativement à l'ouverture à l'augmentation des seuils, compte tenu du fait que ce phénomène, nous ne
le contrôlons pas de façon rigoureuse, à la base.
Donc,
on compte sur vous, éventuellement, au-delà même de cette commission, de nous suggérer des solutions, des pistes
de solution pour préserver le visage français du Québec, de Laval et de Montréal
en passant. Merci.
• (16 h 20) •
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée
de Montarville.
Mme Roy :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. le maire. Mesdames, vous êtes bien
patientes. C'est très bruyant. Désolée.
J'aimerais
vous amener tout de suite à votre mémoire, à la page 15. Les questions de francisation nous
préoccupent particulièrement, et vous aussi, je crois le comprendre. Vous
dites, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, en haut de la page 15 : «La ville de Laval souhaite, toutefois,
rappeler l'importance de diversifier et d'augmenter l'offre de francisation sur son territoire et d'assurer une
meilleure coordination des ressources.» Vous ajoutez : «Certains
secteurs lavallois, notamment
l'ouest de l'île, ne proposent pas de cours de français.» Alors, on parle ici
d'augmenter l'offre de francisation.
Dans quelle mesure il y a un manque? Est-ce qu'il y a des listes d'attente?
Est-ce qu'on doit regrouper des classes?
Est-ce que des personnes doivent attendre? Si on veut augmenter l'offre, est-ce
que c'est parce que l'offre est insuffisante ou n'est pas suffisamment
diversifiée?
M.
Demers (Marc) : Alors, on
pourra peut-être, par la suite, vous fournir des chiffres. Je ne
sais pas si on les a. Mais, je vous
dirais, l'ouest de ville de Laval, le
secteur de Chomedey, entre autres, est très anglophone. Et on revient à la problématique qui a été soulevée tantôt, c'est
qu'une partie des gens issus de l'immigration... la personne qui est sur
le marché du travail, bien souvent, on lui a
fait suivre des cours de français, à ses enfants. Et la conjointe, les parents
n'ont pas eu l'occasion. Alors, on a des communautés entières, soit la
communauté italienne, la communauté grecque, que leur principale langue, c'est
l'anglais.
Alors,
il y a une explication, il y a une analyse que nous, en tant que société, au
Québec, on doit en faire l'analyse. Et
une des choses, c'est évidemment d'offrir à ces personnes-là une possibilité
d'apprendre le français. Et il y a l'autre aspect, le marché du travail, la langue anglophone, dû à notre situation
géographique, au Québec, est très présent. Si vous voulez faire du commerce, là... Moi, toute ma
famille, bon, travaille dans le commerce, et autre, et ils ont besoin de
l'anglais pour travailler même s'ils sont
francophones. Alors, c'est une réalité avec laquelle on doit travailler. Et,
dans ce sens-là, ça exige un effort
supplémentaire, une prise de conscience supplémentaire aux différents niveaux
de gouvernement pour dire : Écoutez, si on veut préserver notre
culture à long terme et préserver l'aspect culturel francophone au Québec, il
va falloir y mettre l'effort. Et il y a des
avantages aussi à ça. Je ne sais pas si au niveau des chiffres ou au niveau...
Vous avez des commentaires?
Mme Fortier
(Dominique)
: Peut-être ajouter, comme le mentionnait M. le
maire au tout début, c'est que la francisation
en milieu de travail est importante. On sait que c'est complexe, mais, quand les gens
qui arrivent ne possèdent pas suffisamment le français et doivent être à temps plein dans une formule temps plein
dans des cours de français, alors qu'ils n'ont pas de revenu qui entre, il
faut qu'on trouve un moyen de leur permettre à la fois de travailler et de
faire l'apprentissage du français, parce
qu'ils vont rapidement abandonner leurs cours pour prendre un travail
souvent dans un milieu anglophone qui
va leur offrir. Et là ils vont amorcer leur intégration au milieu du travail en
anglais. Et, si on était capables de
bien équilibrer ces deux aspects-là, de leur permettre de fonctionner dans le
milieu de travail avec des cours en français...
Et je sais que c'est complexe, je sais que ce n'est pas évident, mais c'est une
des solutions. Parce qu'on peut très bien
comprendre quelqu'un qui doit assurer la survie de sa famille, et les cours de
français vont passer en second plan, et ils risquent de s'intégrer dans une autre langue s'ils commencent à
travailler avec un employeur qui va être plus anglophone, par exemple.
Mme Roy :
Alors, je vais reposer ma question d'une autre façon. Je comprends ce que vous
me dites, là. Augmenter l'offre, est-ce
qu'actuellement, là, on parle de gens qui sont quand même ici depuis un petit
bout de temps? Vous nous parlez des
Italiens, des Grecs, même. C'est une immigration qui est constante, là. Est-ce
qu'actuellement, si on prend des nouveaux arrivants qui décident de
s'installer à Laval, est-ce qu'il y a des listes d'attente? Est-ce que les
services sont là et comment de temps ça
prend avant que ces gens puissent avoir accès à des cours de français si on
n'en a pas en entreprise, par exemple?
Mme
Fortier (Dominique)
:
En fait, on pourrait vous revenir avec des chiffres. Nos partenaires nous
disent que les ressources ne sont pas
suffisantes, que parfois on aurait besoin d'ouvrir plus de classes et que les
temps d'attente sont longs, qu'une couverture géographique aussi... il y
a des secteurs qui sont moins bien couverts. On a entendu aussi précédemment les gens de la couronne nord, qui
disaient qu'on envoie des gens à Laval, donc il y a... pour les
ressources qui sont présentes à Laval, nos partenaires nous disent qu'on aurait
besoin de les augmenter et d'avoir une meilleure couverture, que ce soit plus
diversifié. On pourrait vous revenir avec des chiffres, éventuellement, là.
Mme
Roy : Donc, si je
comprends bien, vous êtes pour les seuils qui sont proposés par la partie
gouvernementale, mais on est vraiment,
au niveau des moyens, des ressources... et là je crois
comprendre qu'on en a besoin davantage, on devrait
donner davantage de cours ou, enfin, il y a
une demande qui fait en sorte qu'on n'a pas suffisamment d'offres de
services. C'est ce que je comprends.
Par ailleurs, vous voulez également nous dire que c'est important,
l'offre de service avec l'entreprise, parce que les gens doivent faire vivre la famille. Et ça, on l'avait compris
d'ailleurs dans les mois précédant le projet de loi n° 77; c'est
important aussi que l'entreprise s'investisse, parce que c'est vital de faire
vivre sa famille et de prendre racine, justement, dans une ville, dans une
société, en travaillant.
Je vais vous soumettre une question, je pense
que je sais la réponse, mais vous nous parlez, entre autres, des conjointes,
qui n'ont pas nécessairement accès.
Ne
pensez-vous pas que le fait de rendre obligatoire la francisation de tous
nouveaux arrivants ferait en sorte que les conjointes, à qui on parle
moins, qui ont moins l'information, devraient apprendre le français, puis ça
pourrait être une solution pour les franciser?
Mme
Pronovost (Claudie) : Bien,
j'aimerais, tout d'abord, juste apporter une précision, hein? Au niveau des conjoints, conjointes, il y a les travailleurs étrangers temporaires, donc les gens qui
arrivent ici avec des permis de travail, ce n'est pas la même chose que les nouveaux arrivants. Donc, je veux seulement départager cette nuance-là. À ce stade-ci, c'était beaucoup au
niveau des travailleurs étrangers temporaires et des conjoints, conjointes, que la difficulté...
qu'ils n'étaient pas admissibles nécessairement au cours de français avec des
permis de travail ouverts, donc, qui est une dynamique,
là, différente, là, des nouveaux arrivants. Donc, c'est seulement
la nuance que je voulais apporter à ce niveau-là.
M. Demers (Marc) : En ce qui a trait
aux cours de français obligatoires, évidemment, il faut augmenter l'offre, et
c'est une de nos demandes. Et il faut regarder à quel prix humain, parce que
ces personnes-là, elles ont des obligations familiales, et il faut être capable de conjuguer
les deux. Et c'est là aussi qu'est le défi qu'on doit se donner
collectivement.
Mais il faut
se rappeler que tous ces cours de français là, ces cours d'intégration, si on
réussit à les retenir dans notre société, c'est un investissement. L'exemple que
je donnais tantôt, le biochimiste qui a parti une compagnie, qui gagne
des prix, qui est une histoire de succès...
Le recyclage de palettes de bois, ce n'est pas du tout son domaine, et évidemment
c'est une belle histoire à succès, et le
hasard voulait qu'à la chambre de
commerce je lui donnais un prix, il y a quelques mois, comme une entreprise respectueuse de
l'environnement. Mais il intègre plusieurs travailleurs issus de sa
communauté libanaise, il y a peut-être une
quinzaine de personnes qu'il engage et il a une facilité de traduire à même,
mais il y a des cours qui se donnent,
il est en train de structurer. Alors, c'est un beau modèle à suivre. Et il faut
comprendre que, pour nous, en tant que société, c'est un investissement.
Et il faut leur donner aussi un certain temps pour s'intégrer. On a changé
notre société, nos habitudes de société et ça nous a pris des années, et les
exemples sont nombreux, alors il faut être patient avec eux aussi.
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. Demers. Merci, Mme Fortier,
Mme Pronovost, pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends quelques instants pour permettre au
prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 30)
(Reprise à 16 h 32)
Le Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en recevant le Conseil du patronat du Québec. Je vois M. Jean-Thomas Dorval qui est présent pour
livrer la position du Conseil du
patronat. M. Dorval, vous êtes un habitué. Vous avez droit à 10 minutes.
Je vous demanderais de présenter les gens qui vous accompagnent. La parole est
vous, tout simplement.
Conseil du patronat du
Québec (CPQ)
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Merci, M. le
Président. Alors, mon nom est Yves-Thomas Dorval. Je suis le président et directeur général du CPQ, le Conseil du patronat du Québec,
et je suis accompagné, à ma droite, de M. Guy-François Lamy, qui est
notre vice-président travail et affaires juridiques, et, à ma gauche, M.
Benjamin Laplatte, qui est notre directeur des affaires publiques et développement
corporatif.
Alors, merci aux membres de la commission de
nous accueillir. Si vous voulez, on peut poursuivre ça avec un petit café à l'extérieur pour éviter le
bruit. Moi, je suis préoccupé par les enjeux de santé et sécurité au travail,
et le bruit est rendu l'un des
éléments très importants dans nos préoccupations à la santé et
sécurité au travail. Alors, j'espère que vous ne souffrirez pas de l'effet de ce bruit, et surtout vous serez capables
de nous entendre. Et vous m'excuserez, j'ai des petits problèmes de
surdité personnelle, alors je vais vous demander d'utiliser votre micro. Je ne
vous entendrai pas si vous me posez des questions.
Alors, M. le Président, évidemment, le CPQ est heureux de participer à cette consultation sur la planification
de l'immigration au Québec pour la période 2017‑2019. On vous remercie de nous
entendre. On vient vous rencontrer à chaque fois que nous pouvons le faire sur ces
sujets que nous croyons très importants et stratégiques
pour le développement non seulement
de la société, non seulement le développement humain, mais le développement
économique du Québec et sa prospérité.
Donc, c'est
sous cet angle en particulier qu'on aborde nos propos en général, même si on
reconnaît que la question est
beaucoup plus large, parce que la disponibilité d'une main-d'oeuvre qualifiée
représente l'un des principaux enjeux pour
les employeurs du Québec que nous représentons. L'immigration constitue l'une
des réponses et non pas l'unique ni la plus importante, mais une réponse
quand même significative pour les besoins de main-d'oeuvre au Québec.
Et
d'ailleurs, là-dessus, j'attire votre attention sur le fait qu'au mois de
décembre 2015 on avait publié, dans le cadre
de notre initiative sur la prospérité du Québec, une étude qui parle de
l'immigration économique, un riche potentiel de prospérité pour le Québec, et pour lequel, je pense, notre prise de
position en faveur d'une immigration économique réussie était
extrêmement importante.
Alors, dans
l'ensemble, je dirais que nous accueillons favorablement la vision et les
grandes orientations présentées dans le cahier de consultation. Alors,
ça va aller assez vite, puisqu'on partage beaucoup des points qui sont énoncés.
Pour ce qui
est de la première orientation, de stabiliser les niveaux d'immigration à
51 000 personnes immigrantes admises dans les deux premières années
puis les augmenter légèrement au cours de la troisième année pour atteindre 52 500 en 2019, il faut rappeler que le
nombre d'immigrants admis a diminué depuis 2013. Les gens pensent que ça
a augmenté, mais ça a diminué depuis 2013, passant de 55 000 à 49 000
de 2012 à 2015. Une stabilisation des niveaux d'immigration
à 51 000 immigrants signifierait donc une hausse du nombre d'immigrants
admis, comparativement à 2015. Toutefois,
vu les besoins de main-d'oeuvre du Québec, il serait important de voir une
hausse d'immigration admise dès 2016. La cible de 52 500 personnes
en 2019 pourrait être plus élevée, à notre point de vue.
Évidemment, il est difficile de discuter des
niveaux d'immigration sans parler d'intégration sur le marché du travail, parce que l'objectif est, bien sûr, dans
notre prise de position, évidemment... c'est procurer une main-d'oeuvre disponible et qualifiée pour les besoins des
employeurs. Le Québec a donc beaucoup de travail à accomplir pour mieux intégrer ces immigrants afin que l'expérience de
l'immigration soit un succès tant pour la personne que pour la société
et les employeurs que nous représentons. Pour
ce qui est d'accroître progressivement la part de l'immigration économique
pour atteindre 63 % en fin de période,
il faut noter que la part de l'immigration économique était de 66,6 % en
2014 et de 67 % en 2013. La cible de 63 % représente donc une
diminution qui nous semble préoccupante.
(Interruption)
M. Dorval (Yves-Thomas) : Je pense
qu'il y en a qui sont très préoccupés à l'extérieur, M. le Président.
Alors, il faut souligner cependant que 2015
était une année hors du commun.
Dans un autre
ordre d'idées, il serait intéressant que le nombre d'immigrants investisseurs
admis chaque année augmente, vu leur impact positif sur l'économie
québécoise. De plus, des mesures devraient être mises en place pour augmenter le seuil de rétention de ces immigrants,
qui est actuellement seulement sous le seuil de 30 %. Et pour
augmenter davantage l'impact de cette
catégorie d'immigrants, nous encourageons fortement l'orientation d'augmenter à
au moins 40 % en 2019 la
proportion de personnes immigrantes de 18 ans et plus sélectionnées en
sous-catégorie des travailleurs qualifiés
ayant un statut de travailleur temporaire au Québec au moment de leur sélection
ou d'étudiants étrangers. Ces immigrants
possèdent, à notre avis, déjà une bonne connaissance de la société québécoise
et s'y intégreront donc plus facilement. Comme le gouvernement le fait
depuis des années, il est important de continuer de regarder du côté des travailleurs temporaires, et les étudiants
étrangers constituent un bassin de travailleurs intéressants qui peuvent
s'adapter plus facilement au marché du travail.
L'attraction et la rétention des étudiants
étrangers constituent un autre volet à considérer pour l'établissement durable des talents stratégiques qui contribuent à
la prospérité et à la diversité. Les étudiants étrangers qui ont une
bonne connaissance de la société québécoise sont plus susceptibles de s'y
intégrer. Dans le même ordre d'idées, une façon d'encourager les universités à attirer davantage des étudiants étrangers
serait de leur permettre de garder une plus grande partie des droits de
scolarité qui y sont rattachés et d'étendre le déplafonnement des droits de
scolarité des étudiants étrangers à
l'ensemble des disciplines. Il serait important que le passage au statut de
résident permanent à des travailleurs étrangers temporaires et étudiants
étrangers demeure facilité, comme c'est actuellement le cas avec le Programme
de l'expérience québécoise, PEQ, lequel,
rappelons-nous, est très apprécié et fonctionne bien, cependant, comme la
majorité des programmes au Québec qui sont offerts, pas assez connu et utilisé.
Pour ce qui
est de fixer un minimum de 85 % la proportion des adultes de la
sous-catégorie des travailleurs qualifiés qui déclarent connaître le français à l'admission, le CPQ considère
comme prioritaire la connaissance du français pour les immigrants dans la catégorie des travailleurs
qualifiés. Les employeurs voient d'ailleurs la non-connaissance de la
langue comme un obstacle à l'embauche de
travailleurs immigrants. Un discernement est cependant toujours de rigueur. Il
est important que la connaissance du français ne devienne pas non plus un
obstacle à l'attraction d'immigrants ayant des compétences dont le Québec a
besoin, mais, si un candidat possède toutes les compétences requises, le fait
qu'il ne connaisse pas le français ne
devrait pas l'exclure. Cependant, dans ces circonstances, nous encourageons le
gouvernement à appuyer les initiatives de francisation des employeurs au sein
de leur entreprise en s'assurant, comme le recommande d'ailleurs la commission Robillard, de bien évaluer les objectifs et
l'atteinte des résultats mesurables. Donc, il ne s'agit pas ici de
dépenser sans évaluer les résultats de ces dépenses.
M. le Président, je sais que j'ai juste
10 minutes. Si vous voulez, je peux continuer. Il en reste trois, quatre.
S'assurer que
la proportion des candidats et des candidates sélectionnés dans la
sous-catégorie des travailleurs qualifiés détenant une formation en
demande soit d'au moins 70 %, alors nous souscrivons à cette orientation,
et il est important de
lier l'immigration aux besoins du marché du travail. Il faut donc être assez
souple pour s'assurer que la sélection
des candidats s'ajuste à la réalité des entreprises québécoises. Alors,
conséquemment, le CPQ encourage très fortement la simplification et
l'accélération des procédures de reconnaissance de compétences et
d'équivalences de diplômes délivrés à
l'étranger. Ainsi, les immigrants pourront contribuer pleinement à l'activité
économique du Québec.
• (16 h 40) •
Maintenir annuellement à un minimum de 65 %
la part des personnes de moins de 35 ans dans l'ensemble des admissions en sachant que les immigrants plus
jeunes ont plus de chance de s'intégrer, nous sommes d'accord avec cette orientation, mais, cependant, il faut savoir
que, pour certaines catégories d'immigrants, l'âge est un critère moins important. Pensons notamment aux immigrants
investisseurs, aux immigrants entrepreneurs et aux travailleurs
temporaires.
Enfin, contribuer, de concert avec les acteurs
économiques territoriaux, à l'essor des régions du Québec par l'immigration
permanente et temporaire, le CPQ encourage le ministère de l'Immigration, de la
Diversité et de l'Inclusion à aider les entreprises de toutes les régions du
Québec à combler leurs besoins de main-d'oeuvre à l'aide de l'immigration.
C'est
cocasse, puis je vais... il y a d'autres points, vous les avez dans notre
mémoire, mais je vais juste terminer avec
une anecdote qui m'est arrivée ce matin même. Je rencontrais un employeur qui
est dans le domaine du commerce de détail,
qui possède quand même des magasins à la grandeur du Québec et en Ontario, et
je lui ai posé la question. Je savais que je m'en venais ici. Je lui ai
dit : Avez-vous des problèmes de recrutement? Alors, il a des magasins à
Montréal, ailleurs, à Québec, à Sherbrooke,
à Toronto. Il dit : C'est curieux, mais, en Ontario, je n'ai aucun
problème, ça fait la file quand j'ai
un besoin. À Montréal, il dit, le «fit» est bien. Mais, il dit, je dois dire,
parce qu'on veut lutter contre des préjugés aussi, que j'ai une très grande proportion de ma main-d'oeuvre qui vient
d'Afrique du Nord et que c'est une main-d'oeuvre que j'apprécie
énormément, ce sont des gens qui ont une belle qualification, qui ont une bonne
éducation, qui sont capables de communiquer,
puis, dans la vente au détail, ils sont capables de vendre. Donc, cet
entrepreneur-là, hein, qui emploie
160 personnes au Québec, voit une caractéristique distinctive additionnelle
dans sa main-d'oeuvre à Montréal, qui vient du bassin de l'Afrique du
Nord. Alors, c'est quand même intéressant parce qu'on n'entend pas toujours ces
commentaires-là, mais moi, je trouvais ça
intéressant de le signaler. Et il m'a dit en terminant : M. Dorval, savez-vous,
mon plus gros problème, c'est mes magasins de Québec. Il dit : J'ai des
problèmes de recrutement importants dans mes magasins
de Québec. Si je pouvais attirer davantage de cette main-d'oeuvre-là à Québec,
ça m'aiderait, puis ce sont des gens qui se réaliseraient dans un emploi,
puis ils seraient heureux également.
Alors, je
veux juste vous dire, en passant, c'est des petites anecdotes comme ça, quand
on va sur le marché, dans la réalité,
rencontrer des entrepreneurs, qu'on s'aperçoit qu'il y a quand même des besoins
importants puis que l'immigration peut rencontrer ces besoins-là
également. Alors, je voulais partager ça avec vous ce matin.
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Dorval. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Weil : Oui. Alors,
bienvenue, M. Dorval, M. Lamy, M. Laplante. Merci beaucoup. Merci pour cette anecdote. C'est vrai que ça fait du bien
d'entendre ça. Moi aussi, j'ai des conversations dans ce sens-là, mais de
cibler, notamment... Moi, je vous dirais
aussi, souvent, le commentaire est l'excellent français qu'ils parlent. Ça, je
l'entends souvent aussi. Mais ça, c'est pour
tous ceux de l'Afrique. Le français est vraiment impeccable, au-delà des
Français, et ça, c'est apprécié par
les employeurs aussi. Pour finir, je ne sais pas si vous avez posé la question,
est-ce que... les difficultés de recrutement pour la région de Québec,
c'était dû à quoi exactement, la non-disponibilité de la main-d'oeuvre?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Oui, étant
donné, vous savez, qu'en termes de statistiques, c'est le plein emploi à
Québec, alors c'est sûr qu'à ce moment-là la
capacité pour un employeur, dans certains types d'emplois qui ne sont
pas nécessairement des emplois qui nécessitent un diplôme ou quoi que ce soit,
ça fait en sorte que plus on est dans les emplois
de, je dirais, à revenus plus faibles, plus c'est difficile lorsque vous êtes
dans un marché de plein emploi. L'exemple spécifique, prenez l'exemple de l'Alberta, lorsqu'ils ont connu l'essor
des sables bitumineux, vous savez qu'ils avaient des gros problèmes
d'attirer des employés pour des commerces de détail, de la restauration rapide,
et ainsi de suite, parce qu'évidemment les salaires, dans ce secteur-là, les
marges n'étant pas suffisantes, bien, les salaires ne sont pas nécessairement à
la hauteur. Alors, comme il y a une grande demande, bien, les employés, les
candidats peuvent aller ailleurs.
Alors, ce
qu'on a, à Québec, dans la région de Québec, dans certains de ces milieux-là,
là, ce n'est pas une question de
qualifications seulement, c'est une question de : il n'y a pas de
candidats qui sont intéressés à des postes comme ceux-là parce qu'il y a trop de besoins de main-d'oeuvre,
et donc il y a plus de possibilités pour eux de se trouver d'autres
types d'emplois. Là mais ce n'est donc pas
une question d'immigration, mais par contre l'immigration pourrait
représenter, pour ces employeurs-là, une solution. C'est pour ça que je l'ai
mentionné ici aujourd'hui.
Mme Weil :
Très bien. Donc, globalement, vous êtes d'accord avec les orientations. Vous
êtes déjà venus pour parler des
orientations lors de la politique, quand on a discuté de la politique, puis là
tout se retrouve... Ça, c'est vraiment le troisième pilier de cette
grande réforme en immigration.
Je pense que vous avez bien compris qu'on parle
d'une période de transition. C'est pour ça qu'on commence à modifier la
composition à partir de la dernière année. Mais je voulais juste vous expliquer
que c'est des vases communicants,
l'immigration humanitaire, l'immigration économique. Donc, on a des milliers de
dossiers, honnêtement, tant au niveau fédéral que provincial, qui sont
en attente, des réfugiés syriens — je vais parler ici, hein, ça va être plus
facile — des
réfugiés syriens.
Une
voix : ...
Mme Weil :
Non, mais tout le monde a eu de la difficulté, puis le micro est un peu loin.
Des réfugiés syriens.
Il y a quand même des attentes, vous le voyez dans les chiffres, on parle de
milliers de personnes et d'autres réfugiés.
Il y a aussi des demandeurs d'asile, donc, entre 6 000 et 7 000.
Donc, ce qu'on projette de faire — et puis on ne peut jamais faire les choses
rapidement en immigration — c'est de commencer à renverser, donc, la tendance, pour le ramener... Notre objectif,
éventuellement, c'est 70 %, ça a toujours été l'objectif idéal. Il n'y a
pas une province qui a réussi jusqu'à date. Je vous dirais, on est
exactement où sont les autres provinces. C'est un débat à l'échelle nationale aussi, c'est un débat avec le
ministre fédéral, parce que c'est un engagement qu'on a tous pris, mais
on voit que les ministres de
l'Immigration — parce
que je participe à ces rencontres — ils comprennent. On est là, on joue notre rôle et on veut s'assurer que les
réfugiés... il y a une prise de conscience, j'aimerais vous entendre là-dessus,
parce qu'avec quelques intervenants
économiques qui sont ici on a commencé avec cette question humanitaire. Parce
que c'est des personnes, certaines
avec certaines compétences, on a peut-être de la difficulté à les reconnaître,
mais ils n'ont pas été sélectionnés pour leurs compétences linguistiques
ou autres, mais ils sont ici, ils veulent travailler.
Donc,
peut-être, je vais commencer avec cette question-là. On a eu l'occasion de
faire une annonce tous ensemble pour le programme PRIIME, le programme
de subvention salariale pour encourager les entreprises à se prévaloir des immigrants, de tous les immigrants, et la réponse
a été extraordinaire. On se posait la question, il semblait que peut-être
le programme n'est pas si connu, et que ça
nous a beaucoup aidés parce que, depuis ce temps-là, les entreprises sont
plus sensibles à ça.
Vos
membres, est-ce qu'ils connaissent bien ces genres de programmes, le programme
PRIIME? Est-ce qu'ils sont conscients de ça, est-ce que vous faites de la
promotion? Parce qu'il semblerait qu'il y ait une capacité encore plus
importante de ces subventions salariales pour aider les entreprises à engager
les immigrants... ça inclut les réfugiés, évidemment, les minorités visibles
sont incluses là-dedans aussi.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci, c'est une question très pertinente parce
que, justement, dans le cadre de nos études,
on a posé la question : Est-ce qu'ils connaissaient, les employeurs,
est-ce qu'ils connaissent les programmes, et ainsi de suite. Et on s'aperçoit... je m'excuse, il faut
que je retrouve la... ah! je l'ai ici, mais ce n'est pas PRIIME comme
tel, là, mais «un sondage effectué dans le cadre de notre étude sur
l'immigration [relève] que les dirigeants d'entreprise participent peu aux différents programmes d'intégration, comme, entre
autres, ceux offerts par Emploi-Québec, avec un taux de participation ne
dépassant pas 5 %. Le programme Interconnexion de la Chambre de commerce
du Montréal [...] fait un peu mieux avec
20 %. La raison principale citée [par] la non-participation est le manque
d'information sur l'existence ou le fonctionnement de ces programmes...»
En fait, entre 70 % et 75 % mentionnent que le manque d'information
sur l'existence ou le fonctionnement de ces programmes est le problème.
Là, il faut faire
attention quand on dit ça, parce que ce n'est pas nécessairement qu'il n'y a
pas d'effort de communication, mais il y a effectivement mieux à faire de ce
côté-là, il y a davantage d'efforts de communication à faire. Et je le dis souvent sur plusieurs tribunes : Le
gouvernement et tous partis confondus efforcent de faire les meilleures boîtes à outils possible pour les employeurs, et
ainsi de suite. Le problème, ce n'est pas toujours d'en rajouter, le
problème, c'est qu'elles sont peu connues,
et, quand on veut les utiliser, parfois elles sont complexes à utiliser. Je ne
dis pas que c'est nécessairement le cas de tous les outils, mais
parfois. Mais ils sont peu connus, et, s'ils sont peu connus, ce n'est pas
toujours parce que les gens n'ont pas fait de la communication. Il faut se
mettre dans l'esprit qu'un employeur, un entrepreneur
en particulier, s'il n'a pas une grande organisation avec du personnel
permanent qui s'occupe entre autres des questions de ressources humaines, bien, lui, ses opérations
quotidiennes, là, c'est qu'il travaille à faire en sorte de faire vivre et survivre son entreprise, à la faire croître, si
possible, puis il est vraiment aligné sur ses opérations, puis c'est une
question qui l'occupe à temps plein. Les
ressources humaines, si tu n'as pas de l'expertise à l'interne pour l'aider,
bien, oui, c'est important, on va
faire ce qu'on a à faire, mais commencer à fouiller dans les programmes
gouvernementaux pour savoir qu'est-ce
qui existe ou pas, ce n'est pas comme la première priorité, dans bien des cas.
Alors, ceux qui vont utiliser ces programmes-là, c'est ceux qui ont des
ressources, qui ont de l'expertise pour pouvoir aller les chercher. C'est pour
ça que... vous savez que la grande majorité
des entreprises au Québec, c'est quand même de la PME, donc il faut
comprendre qu'ils ne sont pas nécessairement toutes les ressources, etc.
• (16 h 50) •
Donc, ce n'est pas
parce qu'il n'y a pas d'effort de fait, mais ce n'est pas nécessairement qu'ils
ont le temps disponible. Puis, quand ils
arrivent à un besoin particulier, c'est comme s'ils n'ont pas été exposés au
message parce qu'ils ne l'ont pas vu, même s'il existait, le message, ou
bien c'est parce qu'ils n'ont pas été exposés.
Et c'est pour ça
qu'on voit d'ailleurs que le programme, avec la chambre de commerce, fonctionne
mieux. Même si c'est juste 20 %, c'est beaucoup plus que 5 %.
Pourquoi? Parce qu'à quelque part, quand on a justement des intermédiaires... Nous, on en fait, de la promotion, à la mesure de nos
moyens. On n'est pas une organisation de services, on est une confédération d'associations sectorielles. C'est nos membres qui offrent ces
services-là. Nous, mais, quand
même, on fait la promotion de l'importance de ces choses-là, on le met dans tous nos outils, on fait des colloques
sur l'immigration. Mais qui vient à
des colloques sur l'immigration? Ce sont des gens qui, en partant, ont un intérêt particulier, ils connaissent probablement
plusieurs des programmes qui existent. Et ce qui est difficile, c'est rejoindre
ceux pour qui ils n'ont pas nécessairement
eu un enjeu particulier en matière d'immigration à suivre. C'est eux autres
qu'il faut aller rejoindre. Alors, il y a donc beaucoup de beaux outils
au Québec, vous en avez plusieurs, ils ne sont pas nécessairement bien connus,
et c'est un gros travail qu'on a à faire.
Je terminerai
en disant : Vous savez, dans les responsabilités gouvernementales, quand
on a à gérer des ressources, il faut
gérer les ressources au meilleur de notre capacité, et l'État doit faire
attention à ses ressources. Moi, ce que je vous dis, c'est... et on applaudit les efforts que le
gouvernement a faits dans une bonne rigueur de gestion budgétaire.
Cependant, la communication n'est pas une dépense, dans ce cas-là, c'est un investissement
aussi. Alors, quand on a des bons programmes,
il faut les faire connaître, il faut travailler avec les partenaires aussi pour
les faire connaître. Ça ne veut pas dire que vos partenaires ont
toujours les moyens financiers non plus de le faire.
Mme Weil :
Là, je vais vous amener, donc, à votre recommandation poursuivez avec ces
programmes de stages, de mentorat, de
subventions salariales, de réseautage. D'ailleurs, je vous dirais, lors de la
consultation sur la politique, c'était vraiment la recommandation. Tout
le monde disait : C'est des bons programmes, pas bien connus
nécessairement, et que les PME ont besoin de plus de soutien parce qu'ils n'ont
pas la ressource interne pour gérer ça, bon, alors.
Mais, pour
vous amener en amont parce que, dans ce nouveau système... et la raison pour
laquelle il faut qu'on se donne deux ans pour implanter le système,
c'est qu'il y a une réglementation à adopter, et ce n'est pas du jour au
lendemain qu'on peut le faire. Alors, on veut juste être capables de transiter,
se donner le temps de transiter avant d'augmenter
les volumes. La pire chose, pour nous, ça serait de rajouter de la pression,
surtout que le dossier humanitaire est
quand même un dossier extrêmement complexe à plusieurs niveaux, donc, comme
société, et ça mobilise plusieurs ministères
et ça mobilise beaucoup d'acteurs dans la société civile, on veut juste bien
faire les choses, c'est plus important que
le reste. Mais on comprend votre message, on le voit dans les données, on le
voit dans les courbes, les personnes en âge de travailler qui sont en baisse de façon importante. Et, si on se
compare à l'Ontario, le Canada dans son ensemble, les États-Unis, il y a
vraiment un problème qui nous guette. On est sensibles à ça.
La Fédération des chambres de commerce nous a
proposé... on a cette vision de mettre les entreprises et l'employeur en amont
du processus de sélection. Il y a plusieurs façons de faire un guichet emploi.
Le gouvernement canadien... il y a un contact plus direct en Australie aussi.
Donc, on veut regarder cet élément-là parce que les études montrent que, plus l'employeur se sent investi
dans la sélection... ce n'est pas qu'il fait les choix de critères, mais
que la personne qu'il a devant lui, c'est la
personne qui répond à ses besoins puis il peut faire des entrevues par Skype,
et tout ça. Avez-vous un point de vue
sur cette question, un vécu, une expérience? C'est un peu comme le travailleur
temporaire que l'employeur va le chercher puis veut le garder. C'est un peu
cette... c'est la même chose, dans un sens, c'est une connaissance l'un de
l'autre, et le choix de l'employeur par rapport à cette personne.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Alors,
c'est sûr que le succès de l'intégration par l'emploi, quand on a déjà un quasi-contrat
avec un employeur où on a fait une sélection pour répondre à ses besoins, ça
accélère les choses parce qu'il y a déjà eu
une étape de faite, donc il y a déjà eu, je dirais, un agrément, une entente,
quasi une entente par rapport à ça. Mais
la question aussi demeure non seulement l'attirer, mais le retenir aussi, parce
que c'est plus facile à attirer quelqu'un. Puis, d'ailleurs, ceux qui nous ont précédés ont dit : Même si on
attire des gens, parfois, c'est plus difficile de les retenir. Mais nous,
on croit beaucoup à ça.
Et, si vous
me permettez, je vais utiliser ce contexte-là aussi pour lancer, et là je ne
vise pas personne en particulier, mais
à lancer l'invitation aux parlementaires de régler le projet de loi n° 70
le plus vite possible parce que le projet de loi n° 70 va donner un outil aussi pour faire de la
planification et exprimer sur le plan régional les besoins de main-d'oeuvre. Alors, si on peut accélérer l'adoption
du projet de loi n° 70, on pourrait favoriser plus rapidement
la réalisation de ce côté-là.
Mais, pour
répondre à votre question, plus vite, en amont, de la même façon pour la connaissance du français, la même façon
pour la connaissance de la culture québécoise, des valeurs pour
s'intégrer, plus vite on le fait en amont, avant même que la personne arrive ici physiquement, que ce soit par des outils
de télécommunication ou autre... ce que vous avez mis, par
exemple, au programme de formation en
ligne sur le français, et ainsi de
suite... plus vite on le fait, plus
vite va être l'intégration. On vient de sauter des étapes. Et c'est sûr
qu'à ce moment-là la connexion se fait entre le besoin de l'employeur et des
candidats potentiels. L'enjeu que nous avons toujours par rapport à ça, c'est
d'accompagner des employeurs aussi, parce
que, vous savez, les employeurs... puis ce n'est pas seulement
pour les immigrants, c'est vrai pour toute clientèle éloignée, que ce
soient les personnes handicapées ou autres, les attentes en matière de répondre
à des caractéristiques, des besoins du marché sont toujours très élevées de la
part des employeurs.
Alors, il faut
être capable aussi de, je dirais, adapter ses attentes à la capacité du marché de
l'offrir. Mais ça, si on peut faire
un exercice en amont, bien, c'est plus facile. Alors, nous, on est tout à fait favorables à ça et il y a, à mon avis, plusieurs partenaires qui
peuvent travailler. Vous avez parlé d'un... tout à l'heure, la Chambre de
commerce du Montréal, Montréal International, et ainsi de suite, peut aider à
faire de la connexion entre les employeurs. Il y a des groupes sectoriels aussi
qui peuvent le faire.
Mme Weil :
Donc, de mettre les étudiants
étrangers, les travailleurs temporaires, vous le dites, vous êtes tout à fait d'accord avec ça. Nous, c'est une nouveauté. On va donner accès aux
cours de français en ligne. C'est une première, parce que ce ne sont pas des résidents permanents. Donc,
le financement de ça n'est pas couvert par l'entente Canada-Québec,
mais c'est quand même simple pour nous,
comme gouvernement, de donner accès. Par la suite, on va travailler
ensemble pour que vous puissiez, vous aussi,
diffuser ce genre d'information, parce que, juste avant vous, on a dit : Le
problème, c'est que les employeurs — c'est
un peu la même chose — ne
connaissent pas les programmes. Ça, c'est bien simple, mais, pour le recrutement de ces travailleurs
temporaires, on a quand même Québec International, Montréal International qui travaillent
là-dedans, mais il y a beaucoup d'organismes communautaires... excusez-moi,
organismes qui sont sur le terrain,
internationaux, et tout, les entreprises, mais, toute cette information et les
nouvelles façons de faire, on a un travail de communication et de
diffusion qui nous guette, mais c'est juste des bonnes nouvelles, de toute
façon.
On a parlé du
chômage. On a parlé du chômage, des difficultés d'intégration, des études qui
montrent la fameuse étude de la
Commission des droits de la personne, qui dit Mieux vaut s'appeler Bélanger
que Traoré. Il y a cette demande qui est sur la table, une pétition pour faire une
commission d'enquête sur la discrimination et le racisme systémique.
C'est un peu dans l'air et ça revient, hein?
Ça revient, parce que ce problème, il y a beaucoup d'actions qui ont été prises
au fil des années, il y a des améliorations aussi qui ont été prises. Les gens
le constatent. On a eu quelques-uns qui ont fait le commentaire par rapport à des améliorations, mais qu'il faut
périodiquement refaire ces campagnes de sensibilisation pour changer les
attitudes. Les gens me parlent franchement aussi. Quand je vais sur le terrain,
des entreprises qui disent : Oui, des fois, il y a des obstacles à cet
égard.
C'est
délicat, hein, parce qu'on ne le sait jamais très concrètement, c'est les
chiffres qui nous disent quelque chose. Il y a des données, il y a des recherches, il y a des statistiques.
Est-ce que vous avez un point de vue, des recommandations? À date, l'approche du gouvernement a toujours été
une approche proactive. Par exemple, des programmes comme PRIIME, des incitatifs, parce qu'en bout de ligne c'est de
se connaître l'un et l'autre. Une fois que le contact est fait et qu'on
n'est plus dans la méconnaissance de la diversité, mais plus d'apprivoiser la
diversité, généralement, le succès est là, le programme PRIIME connaît un taux
de succès de... c'est entre 83 % et 86 %.
Le Président (M. Picard) : En
terminant, Mme la ministre.
Mme Weil : Avez-vous un point
de vue là-dessus?
• (17 heures) •
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Ah! mais
c'est délicat. Je dirais, la première des choses, c'est sûr que tout ce
qui est un inconnu, toutes les expériences avec lesquelles un employeur... ou ça
peut être une personne dans sa vie personnelle ou un employeur dans ce cas-ci, lorsqu'on fait
affaire avec un environnement avec lequel on n'est pas familier, avec,
donc, des personnes qui n'ont pas
nécessairement les mêmes valeurs, qui n'ont pas nécessairement les mêmes
façons, ça représente toujours un
risque pour un employeur, parce qu'il n'a pas eu cette expérience-là. C'est
pour ça qu'on appuie beaucoup tous les
programmes qui traitent de la première expérience. Ça aide l'employeur à se
familiariser, à comprendre, etc., mais ça nécessite aussi de l'accompagnement parce qu'on fait face à des défis
d'intégration. Et je dis : Ce n'est pas juste pour les personnes
immigrantes. Vous pensez que c'est pour toute personne, ça peut être une
personne handicapée, ça peut être un
autochtone, ça peut être... il y a les clientèles qui ne sont pas dans le cursus
habituel d'un employeur. Il y a un enjeu et il y a un apprentissage à
faire.
Juste une
question que j'ai oublié de vous mentionner, Mme la ministre, parce que vous
avez parlé d'outils, etc., je voulais
quand même ne pas oublier que, dans notre sondage, il y a un élément qu'on
retrouve dans le mémoire, il dit que «les
entreprises ont souhaité un accompagnement aussi et pour évaluer les
compétences, une grille [complémentaire] des diplômes obtenus à l'étranger et un site Web de services-conseils
thématiques dédié aux employeurs» seraient aussi utiles. Je m'excuse de
faire cet aparté-là, mais je trouvais ça important par rapport aux outils qu'on
a parlé tout à l'heure.
Mais, en
terminant, je vous dirais : Bien sûr, la différence, ça fait toujours...
Mais savez-vous ce qui me rassure? C'est
que la nouvelle génération d'entrepreneurs, ils n'ont plus ces problèmes-là.
Mais on vit quand même avec une société qui a connu... qui a une
histoire, qui a un «track record», etc., et ça fait partie de ça. Les jeunes,
je pense que, ces frontières-là... Alors, pour moi, là, je suis rassuré sur le
futur.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto : Merci, M. le
Président. M. Dorval, M. Lamy, M. Laplatte, soyez les bienvenus. Je vous
réitère mes salutations.
C'est très
intéressant, votre dernière phrase. Les jeunes générations ne sont plus là.
Donc, les jeunes générations regardent
le monde avec un nouvel oeil. Les préjugés ne sont pas les mêmes et les
crispations observées chez l'ancienne génération,
sans faire de procès d'intentions à qui que ce soit, les crispations qui se
nourrissent justement de ces préjugés observés chez certaines personnes
de l'autre génération ne sont plus chez ces jeunes-là.
Alors, quand cette
génération-là parle de la nécessité de la réévaluation des compétences
relativement aux individus ayant
obtenu leurs diplômes à l'extérieur, ça sonne une cloche chez moi, parce que
ces personnes sont sélectionnées sur la base de leurs compétences, de
leurs diplômes. Alors, soit le ministère de l'Immigration fait mal son
boulot — oui,
considérons qu'une fois ici ces diplômes
sont remis en question — soit le ministère devrait revoir ses paradigmes d'analyse
ou d'évaluation de ces diplômes.
Vous parlez
de travailler en amont, voir en amont à ce que les gens maîtrisent le français,
qu'ils connaissent nos valeurs
démocratiques, etc. Je suis d'accord avec tout ça. Ce n'est pas fait. C'est
tout le contraire qu'on fait. On séduit du monde puisqu'on est en compétition avec la France, la Belgique,
l'Allemagne et les États-Unis, et j'en passe, relativement à la chasse aux talents. On séduit, on se limite à
séduire en nature les gens dans une sorte de piège — je dis «piège» pour 24 % de chômeurs dans la grande région de
Montréal — qui
arrivent avec des illusions et, face à la réalité de terrain, face à la réalité de terrain, ils se posent des questions
de savoir pourquoi ai-je abandonné ma pharmacie pour venir ici, pourquoi
ai-je abandonné mon poste à tel hôpital ou à
telle clinique pour venir ici, on m'avait promis monts et merveilles... Je
vous rapporte ce que des commettantes et commettants viennent nous dire à mon
bureau. C'est ça, la réalité.
Alors, dans
la perspective des résultats que nous attendons de l'ensemble des travaux que
nous avons amorcés depuis le mois de février, parce que c'est en trois
temps que ce travail s'est établi entre la politique d'immigration et aujourd'hui les seuils, est-ce qu'il n'y a pas
lieu, justement, de revoir les paradigmes de façon à ce que l'approche en
matière d'immigration soit plus transparente
et respectueuse de ces gens-là? Parce que ce ne sont pas des marchandises, ce
sont des êtres humains, ce n'est pas des
biens meubles. Ils viennent parce qu'on leur a promis des choses, mais, sur le
terrain, 24 % d'entre eux
aujourd'hui... Parce que ça prend cinq à 10 ans pour pouvoir s'intégrer en
emploi. Dans l'autre génération, chez leurs enfants, la situation est différente.
Est-ce qu'il n'y a pas lieu d'avoir une approche beaucoup plus
transparente et plus structurée allant dans
le sens de ce que vous proposez : maîtriser avant d'arriver, contrôler les
diplômes ou évaluer les diplômes avant d'arriver?
Parce que
certains me disent, à titre de député : Vous savez, M. Kotto, j'ai l'impression
qu'ils se servent de cette idée ou de
cette histoire d'évaluation des compétences parce qu'ils ont peur de me
rejeter, parce que je suis différent, ou d'une autre culture, ou parce
que je ne parle pas assez bien leur langue. Vous voyez, on lit la perception
des gens qui reçoivent, mais je pense qu'il faut également s'attarder sur la
perception des gens qui sont reçus. C'est des drames personnels, individuels et
familiaux que ces gens vivent.
Je réitère ce
que je disais : Ce ne sont pas des biens meubles, ce sont des individus,
qu'il faut approcher comme tel. Partant
en amont, respectons-les, soyons transparents, rigoureux. Pour y aller, il est
mieux de maîtriser la langue, il est mieux
de connaître les valeurs démocratiques de ce pays. Pour y aller, il est mieux
de faire évaluer son diplôme pour ne pas avoir des problèmes de
marginalisation qui, à terme, pourraient vous mettre en situation de rejet de
la société d'accueil.
Vous savez ce
que le sentiment de non-appartenance peut susciter pour les générations qui
suivent après. On voit ce qu'il se
passe en Europe aujourd'hui. Tout cela est lié. C'est pourquoi j'en parle avec
un peu d'émotion. Mais c'est des paradigmes
qu'il faut revoir, partant du concept simple de revoir, de réévaluer,
d'analyser en amont, pas une fois que les gens sont rentrés ici. Une
fois qu'ils sont rentrés ici, il est trop tard : ils ont tout abandonné
chez eux.
C'est le commentaire que je voulais faire, oui.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Est-ce
qu'il me reste du temps ou...
Le Président (M. Picard) : Il
reste quatre minutes.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Ah! O.K.
Alors, écoutez... et c'est tout à
votre honneur... M. le Président, c'est tout à l'honneur du député de
faire vibrer aussi ces cordes humaines, ces impacts humains, etc. Parce
qu'effectivement l'immigration, c'est d'abord des humains, alors c'est tout à
fait correct.
Donc, moi, je
vous dirais, en partant, peu importent les parties et peu importent les
interlocuteurs, moi, je crois vraiment
dans la bonne foi et dans le désir des gens de trouver des solutions, avec les
moyens qui sont à leur disposition. Le Québec,
un État avec une population quand même petite quand on se compare à d'autres
concurrents, a les moyens, selon sa capacité
financière, pour mettre en oeuvre des ressources à l'extérieur, etc. Vous
savez, dans la vie, quand tu essaies de vendre, d'attirer des gens, tu leur vends d'abord les côtés positifs. Et
l'interlocuteur qui veut venir, lui, il écoute davantage aussi les côtés positifs. Il n'écoute pas toujours
les enjeux, les considérations qui sont aussi communiquées à ce moment-là.
Et évidemment
il y a de la part de responsabilité des deux parties, il faut faire
attention : la partie qui attire, puis la partie qui écoute le message et qui s'engage aussi. Donc, ce n'est pas
de dire qu'ils sont déçus ou pas déçus. Oui, ils peuvent être déçus parce qu'on leur a promis des choses,
mais, je veux dire, ils ont une responsabilité mutuelle. Ça, il faut
faire bien attention à ça. À mon avis, dans toute la vie, chacun a ses
responsabilités.
L'autre affaire, c'est qu'un gouvernement n'est
pas tout seul. Il y a d'autres personnes. Il y a des organismes d'aide, il y a des ci, il y a des ça, il y a des
organismes d'employabilité, il y a des employeurs. Et particulièrement, si
on parlait de reconnaissance des diplômes,
il y a des ordres professionnels, dans certains cas, ou d'autres types
d'organismes, qui certifient ou non les
compétences en fonction de leurs propres évaluations. Je vous dirais que, là,
on a un problème. Même s'il y a beaucoup d'efforts qui sont faits, ça ne
va pas vite, alors, ça, c'est un enjeu.
Et d'ailleurs
à ce niveau-là... puis là je ne m'adresse pas directement à votre commentaire,
mais je veux rajouter un autre point,
qui est dans notre mémoire, mais qui touche un peu à ça. Le CPQ, dans notre
mémoire, on dit encourager «très
fortement la simplification et l'accélération des procédures de reconnaissance
de compétences et d'équivalence de diplômes
délivrés à l'étranger. Ainsi, les immigrants pourraient contribuer pleinement à
l'activité économique du Québec.» Et
ça, c'est important parce que, même quand on réussit à les faire venir, si,
après ça, on ne leur donne pas leur évaluation ou... pas leur évaluation, leur reconnaissance de compétences en
fonction de nos réglementations professionnelles, bien là la personne attend longtemps aussi pendant ce temps-là puis elle ne peut pas
avoir un emploi en fonction de ses compétences et ses qualités. Mais,
même quand elle a son emploi... un employeur, à la fin, là, ce n'est pas juste
une question de reconnaissance des compétences, c'est aussi maintenant : Est-ce
que la personne va, je dirais, avoir un... excusez-moi l'anglicisme, M. le Président, mais un «fit» avec l'organisation aussi.
Et là ce n'est pas une question de couleur, ce n'est pas une question de... tu sais, c'est vrai pour
n'importe quelle personne, on va chercher toujours à avoir des gens soit qui
vont représenter une diversité positive pour
l'organisation et constructive ou soit qu'ils vont également s'imbriquer
davantage dans les valeurs d'une
organisation. La force, souvent, d'une organisation, hein, c'est les valeurs
qu'on retrouve dans une organisation. Et voilà ce que j'avais à dire
là-dessus.
• (17 h 10) •
Le Président (M. Picard) :
Merci.
M. Kotto : Je voulais, M. le
Président... Combien de temps il me reste?
Le Président (M. Picard) : Il
vous reste une minute, et là je vais être très sévère.
M. Kotto :
Une minute. Là, revenir sur... Vous faisiez allusion au projet de loi
n° 70 tout à l'heure. Ce qui bogue, pour utiliser un terme jeune,
c'est la coupure de chèque, parce que, pour plusieurs dans l'opposition, ça
n'est pas une solution, et une telle mesure
pourrait même affecter beaucoup plus des travailleurs issus de la diversité que
d'autres. Et, dans
Le Devoir du 28 janvier 2016, un article de Mme Porter porte...
l'article portait le titre Même les patrons doutent des
sanctions proposées. Donc, c'est là où on en est, ça n'a pas bougé.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Alors, M. le
Président, j'ai déjà mentionné cette question-là. Il faut savoir que le gouvernement a apporté aussi beaucoup de
bonifications dans ça, et même les organismes d'employabilité, qui étaient
plutôt froids, maintenant regardent ça avec
beaucoup plus de compréhension sur l'enjeu. Je vous avouerais qu'à la
fin c'est toujours une question de verre à
moitié vide, verre à moitié plein. Est-ce que, dans le fond, ce qui est
proposé, ce n'est pas une
bonification pour ceux qui y participent plutôt que de voir ça comme étant une
perte à la fin? Alors, je veux juste
vous dire : Je pense que les gens ont évolué et je pense que tous les
députés aussi, mais ce que je veux juste vous dire, c'est qu'à la fin, là, il y a un impact aussi sur d'autres
éléments, dont celui de la planification des... de l'évaluation des
besoins des régions, etc., en matière... et ça, pour nous, là, c'est important,
c'est essentiel. Alors, je voulais juste passer ce message-là.
Mais tout à
fait, M. le Président, je pense qu'il peut y avoir... Évidemment, c'est le rôle
des députés de faire leur travail, et
d'évaluer les conséquences, et de débattre de ces choses-là. Nous, de notre
côté, on peut juste vous dire : Plus vite ça va être réglé, plus
vite on va pouvoir passer à l'action.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Mme la députée de Montarville, c'est à votre tour.
Mme Roy : Merci beaucoup, M.
le Président. M. Dorval, bonjour. On se connaît bien, M. Dorval. Me Lamy, M.
Laplante, merci d'être ici, merci du mémoire.
J'aimerais
vous amener tout de suite à la page 5. Naturellement, le but de l'exercice, une
des premières questions, c'est
d'avoir votre opinion sur les niveaux d'immigration. Vous nous dites, et je
vais lire pour le bénéfice des gens qui nous écoutent : «Toutefois, vu les besoins de main-d'oeuvre au
Québec, il serait important de voir une hausse d'immigrants admis dès 2016. La cible de 52 500 personnes
en 2019 pourrait être plus élevée.» Alors, la question : Plus élevée,
vous la voyez à combien? Quelle serait,
selon vous, une cible acceptable qui répondrait aux besoins? Naturellement,
c'est le Conseil du patronat, mais c'est les entreprises que les patrons
gèrent. Quelle serait une cible qui serait bonne pour vous?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Alors, M. le
Président, j'ai de la misère à vous donner un chiffre, si ce n'est que
de dire : Il pourrait y avoir encore
plus d'apports positifs avec un plus grand nombre, mais ça va dépendre de la
façon dont on va réussir à les
intégrer puis les retenir. Alors, il n'y a pas une réponse, je dirais, aussi
précise là-dedans. Puis je ne joue pas au
politicien quand je dis ça, je m'excuse de dire ça, je veux vraiment vous dire
qu'à mon sens je pense que ce n'est pas tout de fixer un objectif, il faut être capable de les intégrer. Mais, si on
est capables de mieux les sélectionner, de mieux les arrimer aux besoins du besoin du marché du
travail, si on est capables de mieux les amener en région, capables
d'améliorer nos façons de faire — je pense que la volonté de toutes les
parties est là — je pense
que la cible pourrait être plus grande.
Maintenant,
est-ce que c'est 55 000, est-ce que c'est 60 000? J'ai de la misère à
l'évaluer spécifiquement. La seule chose
qu'on sait, c'est que les besoins sont beaucoup plus grands que ça en fonction
de la démographie du Québec. Et l'immigration, en passant, c'est juste
une petite partie de la solution, là, mais c'est une partie de la solution.
Chaque pourcentage de la solution qu'on manque, c'est moins de prospérité pour
le Québec.
Mme Roy : Donc, je vous suis, là, je vous comprends très, très bien, c'est effectivement un exercice difficile, parce qu'il faut
démontrer qu'à x nombre on peut intégrer, on peut recevoir puis on peut aussi
trouver du travail pour ces gens-là. Tout est là.
Ça m'amène donc au second paragraphe, parce que
vous dites : Tout est dans l'intégration. Vous nous dites... attendez un petit peu, non, pas au second paragraphe,
pardon, à la page 7, parce qu'on y vient ici à la francisation. Vous
nous dites : «Le Conseil du patronat considère comme prioritaire la
connaissance du français pour les immigrants dans la catégorie des travailleurs
qualifiés. Les employeurs voient d'ailleurs la non-connaissance de la langue
comme un obstacle à l'embauche de travailleurs immigrants.» Donc, c'est, bon, le français. «Un discernement est cependant toujours de rigueur. Il est important que la connaissance du français ne devienne pas
un obstacle à l'attraction d'immigrants ayant des compétences dont le Québec a besoin. Si un
candidat possède toutes les compétences requises, le fait qu'il ne
connaisse pas le français ne devrait pas l'exclure.»
Alors, à ce niveau-ci, est-ce que vous proposez
de modifier la grille de sélection eu égard des connaissances du français?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Oui, avec un
bémol. C'est-à-dire qu'à notre point de vue, quand on fait un
sondage auprès des employeurs du Québec, plusieurs
nous disent qu'une des problématiques, c'est que, parmi les candidats
arrivés... parce que là on inclut tous les immigrants, pas seulement ceux qui
sont sélectionnés avec des compétences, etc. Pour l'employeur, lui, ce n'est pas juste l'immigration économique, c'est l'ensemble des immigrants. Il y
en a qui viennent comme réfugiés, qui n'ont pas nécessairement la
langue, et ainsi de suite. Donc, pour eux autres, c'est l'ensemble des immigrants, là, hein, ce n'est pas juste
l'immigration économique. Alors, pour eux autres, pour certains, ils
disent qu'un des problèmes dans le
recrutement de certaines personnes, c'est qu'elles ne possèdent pas le
français. Alors, c'est important, c'est la langue du travail au Québec,
etc., donc c'est important. Mais, pour d'autres employeurs, ils sont capables
de travailler dans ce contexte-là
pareil : pour eux autres, c'est des personnes ayant des qualifications
spécifiques, qu'elles ont besoin. Et,
pour ces travailleurs-là, si on exige que la maîtrise du français soit sine qua
non, bien, ils n'auront peut-être pas accès aux personnes avec les
qualités, les compétences, les qualifications qu'ils recherchent.
Alors,
ici, là, c'est un amalgame entre plusieurs clientèles d'employeurs, alors c'est
sûr que, quand on généralise, on voit
ça de cette façon-là, mais la réalité, quand on pose la question aux
employeurs, la question du français est importante pour plusieurs d'entre elles, et, pour certains,
ils seraient prêts à s'accommoder avec ça en se disant : De toute façon,
je vais réussir, à travers l'emploi puis le
milieu du travail, à l'aider à se franciser. Et d'ailleurs c'est la meilleure
façon de se franciser, c'est d'être immergé dans un milieu de français,
c'est beaucoup plus facile comme ça. Alors, pour certains employeurs, la qualité... la qualité, je m'excuse,
ce n'est pas le bon terme... les qualifications, les compétences
recherchées demeurent quand même un élément
important, surtout quand on ne peut pas le retrouver au Québec. Parce que ça
peut être dans cette catégorie d'employeurs là.
Le Président (M. Picard) :
...
Mme Roy :
Merci, M. le Président. Alors, pour revenir, donc, ce que vous nous dites,
c'est qu'il faudrait justement ou apporter une modification à la grille
de sélection eu égard au français ou peut-être une exception pour permettre
l'embauche de candidats qui n'auraient pas les connaissances suffisantes en
français.
Advenant que ce soit une possibilité, à qui
incomberait alors la francisation de ces immigrants?
• (17 h 20) •
M. Dorval
(Yves-Thomas) : En fait, M.
le Président, vous autres, comme personnes chargées de la réglementation,
d'arriver avec une législation, etc., vous
regardez l'ensemble, c'est normal. Mais nous, quand on travaille sur le
terrain, on regarde la réalité pratique. La
réalité pratique n'est pas pareille d'un à l'autre. C'est ça, notre enjeu,
c'est pour ça qu'on l'a formulé de
cette façon-là dans notre mémoire. On l'a formulé pas en disant : C'est un
pourcentage de x ou un pourcentage de
ça. C'est qu'il ne faudrait pas que la maîtrise du français préalable exclue
des candidats qui, par ailleurs, auraient toutes les compétences pour répondre à un besoin, parce que, dans certains cas,
ils ont besoin de ces gens-là. Et c'est pour ça qu'on fait référence à ça. Et la réalité, pratico-pratique, je l'ai dit
tantôt... il est possible aussi d'aider les gens à se franciser par la
suite, il est possible.
Là, l'enjeu,
maintenant, c'est les ressources. Comment les employeurs peuvent-ils travailler
à ça? Parce que ce n'est pas facile
quand l'employé travaille, qu'elle s'en va chez elle après, qu'elle retourne
dans un bain de langue maternelle ou dans un milieu de langue autre que
le français. Alors, milieu du travail, si on est capables d'utiliser cette
occasion-là également pour faire de la
francisation... Il y a des employeurs qui sont prêts à le faire, qui n'ont pas
nécessairement les ressources pour le
faire parce que... Puis il y a des accommodements avec les employés aussi,
parce que rester plus d'heures au
travail pour aller chercher de la formation en français, bien, c'est moins
d'heures qu'on peut passer pour s'occuper de ses enfants, ses
responsabilités familiales, etc. C'est un enjeu important, mais c'est pour ça
qu'il faut trouver...
Et donc cette aide financière, pas seulement
pour l'employeur mais aussi pour le travailleur, à quelque
part, c'est trouver un juste milieu. Donc, pour nous, ce qui
est important là-dedans, c'est qu'on ne peut pas le regarder seulement
comme un tout rigide : ça dépend de la
réalité, et la réalité fait en sorte
qu'on a besoin de gens avec des qualifications qu'on ne peut pas retrouver nécessairement. On ne
voudrait pas que la maîtrise du français soit une exclusion pour ces
gens-là, toujours en considérant que la
connaissance du français devra être par contre aidée, et c'est pour ça qu'on
propose, dans notre mémoire, d'aider davantage les entreprises dans ce
sens-là.
Le Président (M. Picard) :
Merci, MM. Dorval, Lamy et Laplatte, pour votre contribution aux travaux de la
commission.
Et je vais suspendre quelques instants afin de
permettre au dernier groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 21)
(Reprise à 17 h 24)
Le Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en recevant le Service d'aide aux néo-Canadiens de Sherbrooke. M. Marceau, Mme Orellana, vous
disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la
suite vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. Donc, la parole est
à vous.
Service d'aide aux
néo-Canadiens (Sherbrooke) inc. (SANC)
M. Marceau
(Denis) : Merci beaucoup, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et
MM. les députés, bonjour et merci de
nous recevoir. J'aimerais vous entretenir un petit peu comme président du C.A. du centre, du Service d'aide aux néo-Canadiens. Je suis fier, comme président, de
vous présenter le Service d'aide aux néo-Canadiens. C'est une très bonne
organisation, dont les débuts datent de 62 ans — ce n'est pas d'hier — avec
une capacité d'accueil que nous avons montrée,
au cours de l'année, de 1 199 personnes en 2015‑2016 par rapport à 645 en 2012‑2013. Donc, c'est presque du simple au double en l'espace de deux ans, trois
ans, et ceci est une démonstration de notre capacité d'accueil et de nos
compétences dans ce sens-là.
Je suis fier
de vous dire évidemment qu'il y a une équipe de travail qui est très
dynamique, qui a 20... hein, on a une vingtaine d'employés venant de 12
pays différents, et ça, c'est notable parce que c'est, à mon point de vue, un
reflet de ce qui devrait se passer dans
notre société de plus en plus, c'est-à-dire ce mélange de personnes venant d'ailleurs,
parce qu'on vient tous un peu d'ailleurs, donc ce mélange de personnes pour faire une
force pour réaliser un objectif qui est notre mission. Donc, c'est notable. Évidemment, ces 12
venant de 12 pays différents, ils parlent le français, ils parlent aussi
beaucoup d'autres langues. On compte aussi sur une centaine de bénévoles qui
sont principalement d'origine québécoise. Donc, ça fait un très beau
mélange pour pouvoir travailler et réaliser notre mission.
Je dois mentionner évidemment que nous avons la
fierté d'avoir un laboratoire par excellence finalement d'insertion socioprofessionnelle. C'est que déjà notre personnel, la
façon dont on travaille, les valeurs que nous mettons de l'avant sont un beau reflet de ce qu'on pourrait
espérer dans notre société québécoise. C'est donc un modèle. Évidemment, nous avons, au Service d'aide aux néo-Canadiens,
une superbe belle banque d'interprètes dans plus de 30 langues et, au cours des dernières années, on a développé cette
banque avec une très belle compétence, finalement, et nous desservons non seulement l'Estrie,
mais aussi le Centre-du-Québec et la région de Trois-Rivières.
On peut se
vanter d'avoir développé des bons liens avec le service de santé et des services sociaux de l'Estrie, c'est-à-dire le CIUSSS de
l'Estrie-CHUS. Nous avons développé, au cours des années, un modèle
d'intervention unifié et bien
structuré, unifié et dynamique parce
que tout est sous le même toit, et on
s'occupe de l'accueil, de l'accompagnement jusqu'à une bonne intégration sur le plan socioéconomique, mais aussi au
rapprochement interculturel. Donc, on a tout sous le même toit, ce qui fait qu'on a pu développer,
au cours des années, un beau modèle, finalement, d'actions intégrées, et c'est très important pour les personnes
que nous accueillons qui arrivent d'ailleurs, qui n'ont pas de réseau, qui sont
souvent isolées, et de sentir qu'ils peuvent
être accueillis dans la même maison pour avoir tous les services espérés au
cours des premières années d'insertion socioprofessionnelle.
Depuis un an
et demi, nous avons débuté un projet de réseautage-jumelage interculturel.
Donc, ça fait un an et demi. On l'a
parti un peu avec nos propres sous qu'on a avec certaines activités
d'autofinancement... on a pu partir ce projet-là. C'est un projet
fantastique pour moi, pour briser l'isolement et faire en sorte qu'à travers
les jumeaux qu'on peut développer et à travers surtout le réseautage, parce que
c'est un concept de réseautage-jumelage... ces deux forces-là ensemble devraient nous permettre de faire en
sorte que les personnes que nous accueillons et que nous accompagnons puissent intégrer la société non seulement sur le plan social, mais aussi sur le plan économique, sur le plan du
marché du travail.
Évidemment, ce projet a besoin d'une pérennité.
Donc, on souligne que c'est un beau projet que nous soutenons depuis un an et
demi, et c'est un projet de trois ans que nous allons évaluer après la
troisième année, mais déjà on peut deviner que ce projet-là porte ses fruits et
qu'on va devoir le pérenniser.
Je passerais la parole à la directrice générale,
finalement, qui est Mme Orellana.
• (17 h 30) •
Mme Orellana (Mercedes) : Oui, bien,
merci, mesdames messieurs, Mme la ministre, MM. les députés, mesdames.
En fait,
simplement pour expliquer — vous avez eu le temps de prendre connaissance de notre mémoire et
ainsi que le résumé — je
mettrais l'accent seulement sur deux choses, ce qui me permettra de faire le
lien d'abord avec le mémoire du Conseil du patronat du Québec qui nous a
précédés.
Nous disions,
à l'orientation n° 4, que nous proposons au gouvernement de revoir ses
outils de francisation surtout en ce
qui a trait à la francisation, qui peut se faire de façon concomitante ou
juxtaposée, etc., en lien avec le marché de l'emploi. Parce que les personnes... on peut penser à un modèle
différent où est-ce qu'on fait l'intégration de façon linéaire, mais plutôt de dire : On peut essayer
d'autres possibilités pour regarder comment la personne... si elle a les
compétences de base pour occuper un emploi
et s'il y a la volonté de l'entreprise de pouvoir s'investir avec la personne
parce qu'elle a les exigences du
travail, mais, son français, il manque encore au niveau de la maîtrise.
Pourquoi ne pas pouvoir développer des outils, les adapter, les ajuster
pour que la personne puisse, tout en travaillant puis en ayant un revenu
d'emploi, s'améliorer au niveau du français?
La personne
qui nous a précédés, M. Dorval, disait qu'effectivement il y a des
entreprises au Québec qui sont prêtes à
travailler dans ce sens-là. Il y a déjà des outils qui existent au niveau
gouvernemental avec Emploi-Québec. Mme la ministre a mentionné le programme PRIIME, qui connaît un succès. Et
est-ce que la francisation en milieu de travail peut se faire par le
biais de ce programme ou en adaptant les mesures qui existent déjà avec
Emploi-Québec?
Nous, je peux vous dire, on peut témoigner d'un
groupe d'employés que M. Marceau a mentionné, on vit la diversité culturelle à tous les jours comme
entreprise parce que, même si on est à but non lucratif, même si on est
financés en grande partie par le
gouvernement, on a des obligations d'employeur. Donc, on a offert des cours de
français pendant les heures de travail assumées par l'entreprise à un
groupe de personnes qui en avaient besoin, que ce soit d'améliorer la phonétique, d'améliorer le français écrit,
d'améliorer la compréhension, tout en exerçant leur travail. Et quoi de
mieux? Effectivement, on a constaté la
fierté des personnes à s'investir aussi pour justement faire mieux leur
travail. Je pense que, si c'est possible chez nous, c'est possible
ailleurs. J'en suis convaincue. Donc, je pense qu'il y a une piste qu'on peut
explorer de ce côté-là pour accélérer l'intégration.
Et ce soutien
au niveau de la francisation peut se faire aussi quand la personne explore la
possibilité de revenir aux études,
mais qu'il y a peut-être un obstacle parce que les institutions de formation
considèrent qu'il faut avoir un certain niveau de français à l'entrée parce qu'on craint que la personne ne se
rendra pas jusqu'au bout de son diplôme. Et je pense que les personnes peuvent quand même aussi
peut-être commencer la formation tout en ayant un soutien supplémentaire
en francisation pendant les études pour y
arriver, à la ligne d'arrivée, comme avec les autres candidats aussi à la
formation, puis avoir son diplôme, puis pouvoir peut-être aussi après
travailler.
Le
deuxième élément, puis je termine avec cette proposition aussi, ça concerne
l'orientation 2 où est-ce qu'on parle
qu'il y a... on souhaite avoir des personnes travailleurs qualifiés. Nous, ce
qu'on dit au gouvernement, c'est aussi... bien, si on peut maintenir la cible de 2015 au lieu de la diminuer un
peu, mais maintenir la cible, mais au profit d'autres catégories de
personnes immigrantes, et pas nécessairement toujours des travailleurs
qualifiés, on peut penser au regroupement familial, puis
on peut penser aussi aux réfugiés. Le regroupement familial, on l'a vu avec
l'accueil de familles syriennes
dernièrement, on l'a vu avec d'autres personnes, d'autres réfugiés d'autres
origines aussi, mais l'exemple de la
Syrie est très récent et très frais dans nos mémoires. On le sait, nous, on vit
de familles qui vivent le déchirement parce que, dans la vague de sorties de la Syrie, il y a des personnes
peut-être que les parents se retrouvent à Sherbrooke, puis l'enfant se retrouve dans un autre pays. Est-ce
qu'on peut favoriser à ce que ces personnes puissent un jour se réunir?
Le jeune, l'enfant est encore plus jeune, il
peut encore contribuer beaucoup plus à l'économie du Québec. Il peut
s'épanouir puis il peut aussi développer sur
le plan démographique. Donc, je pense que, dans le regroupement familial, ça
aide aussi à la rétention des personnes au Québec. Je pense qu'il y a
une avenue à explorer.
La sélection pour
favoriser le regroupement familial n'est probablement pas de compétence
provinciale, mais il y a un exercice à faire
avec le gouvernement fédéral aussi qui a l'intention probablement aussi de regarder de plus près la question
du regroupement familial. Voilà, merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme
Weil : Mais le député de
Saint-François, parce
que l'organisme est dans son comté,
souhaiterait entamer une discussion sur le sujet, et je prendrai une question
après.
Le Président (M.
Picard) : Pas de problème.
M.
Hardy : Merci, M. le Président. M. Marceau, Mme Orellana, je vous salue. Je vous
connais. Vous êtes dans la région de
Sherbrooke, vu que le comté de Saint-François a une partie de Sherbrooke, de l'est de
Sherbrooke, et nous avons souvent des contacts assez réguliers au niveau
du bureau de comté avec votre organisation.
Vous êtes, dans notre
région, la liaison entre les réfugiés qui rentrent, on en a eu beaucoup dernièrement,
des émigrés qui sont là aussi, et puis vous
êtes la liaison entre beaucoup d'organismes en Estrie, puis ça, je vous
félicite puis je n'ai que des beaux mots à dire là-dessus.
Maintenant,
moi, j'aimerais que vous élaboriez un petit peu, m'expliquer votre vision,
votre mission et puis votre mandat que vous vous êtes donné pour les
années à venir.
Mme Orellana
(Mercedes) : En fait, notre mission est très large parce qu'on dit que
le Service d'aide aux néo-Canadiens accueille les personnes immigrantes qui
viennent s'établir en Estrie, pas juste Sherbrooke, et les accompagne dans leur intégration socioéconomique,
et contribue aux rapprochements interculturels. On dirait que je l'ai appris par mémoire, mais je comprends le sens de
chacun de ces mots-là, et on les met en pratique à tous les jours, je
vous dirais, M. Hardy, parce qu'accueillir ces...
On
a la chance d'être aidés financièrement par le ministère de l'Immigration, de
la Diversité et de l'Inclusion depuis des
années. Je pense que c'est une preuve de confiance aussi de la part du
gouvernement. Et il y a les programmes pour réussir l'intégration qui détaillent exactement chacune des étapes qu'on
doit faire au niveau de l'accueil, l'installation physique, l'accompagnement dans l'intégration sociale
dans les premières années, les cinq années premières années de vie des personnes aussi qu'on accueille. On accueille
toutes les catégories de personnes immigrantes aussi, qu'ils soient des
réfugiés pris en charge par l'État, des réfugiés parrainés. On les voit aussi
parce qu'on a un lien très étroit avec les deux
organisations qui parrainent les familles, que ce soit l'Association éducative
transculturelle de l'Estrie ou l'église syriaque St-Ephrem, et aussi on reçoit des travailleurs qualifiés ou des
personnes qui sont... des parrainages familiaux parce qu'un conjoint les
aide.
Quand on dit
«l'intégration socioéconomique», qui dit économique dit aussi recherche de
travail, dit aussi retour aux études, dit
aussi entrepreneurship. Nous, on a un grand collaborateur au niveau de
l'entrepreneurship, c'est Pro-gestion
Estrie, qui est sa mission principale. Donc, on va travailler beaucoup en
orientation et en référence si on sait que la personne, elle prend contact avec nous puis qu'elle veut explorer
cette alternative, mais on va faire le pont tout de suite avec l'organisme dont la mission, c'est
l'entrepreneurship. C'est aussi l'organisme responsable de la régionalisation
de l'immigration. Donc, on a des liens très étroits aussi avec eux. Mais on est
mandatés par Emploi-Québec aussi depuis plusieurs
années, notamment depuis l'année 2000, je dirais, mais avant aussi, c'était par
le ministère de l'Immigration, de la Diversité
et de l'Inclusion, en ce qui touche la préparation à l'emploi. Donc, on a des
ententes avec Emploi-Québec aussi pour
accompagner les personnes immigrantes qui sont dans notre territoire dans la
recherche d'emploi, dans la préparation, dans l'orientation, le... de
recherche d'emploi, le placement en emploi, puis, pour ce faire, on doit faire
le lien avec les entreprises.
M.
Dorval nous expliquait aussi dernièrement la réalité des entreprises. Nous, on
a un territoire aussi qui est... dans
certaines régions, les besoins des entreprises aussi sont très variables, mais
on a d'autres MRC que Sherbrooke qui sont intéressées aussi par la main-d'oeuvre immigrante. Vous avez été
témoins... avec la tournée à Coaticook. On est avec un projet pilote avec la région de Lac-Mégantic
aussi, avec le projet Défi Carrière Mégantic, avec un paquet de personnes,
des acteurs économiques comme les CLD, la
MRC... et que les entreprises sont prêtes à cheminer, à faire des
opportunités, à créer un milieu de vie qui soit accueillant aussi pour pouvoir
aider.
Maintenant,
c'est tout l'exercice de faire ces rapprochements-là entre les candidats
immigrants et les entreprises et pouvoir
offrir le soutien par rapport à la gestion de la diversité aussi culturelle,
qui... C'est un élément clé pour pouvoir favoriser la rétention à l'emploi des personnes immigrantes. Il faut préparer
les personnes qui sont déjà dans l'entreprise. Il faut les rassurer, il faut les accompagner aussi.
Il faut leur donner des formations très courtes, très pratiques, hein?
On ne parle pas de cours d'université, on
parle vraiment des choses qui sont très simples dans la vie au quotidien. C'est
au travail qu'on passe la plupart de notre temps, donc, des fois, c'est
sur le plan beaucoup humain que ça se passe.
Je ne sais pas si j'ai répondu, mais,
si vous permettez, M. Marceau, il manque les rapprochements
interculturels. Donc, on travaille aussi à ce terrain-là, à ce niveau-là,
beaucoup. Merci.
• (17 h 40) •
M.
Marceau (Denis) : Je voudrais
peut-être redire vision, quelle est notre vision. C'est une
vision que nous avons qui est très
dynamique et non pas ce qu'on appelle du linéaire. C'est-à-dire une chose doit
précéder avant d'arriver à une autre chose. Nous, toute notre approche
d'aide à l'immigration, c'est quelque chose qui doit bouger tout ensemble. C'est-à-dire que l'accueil... Mais dans l'accueil,
déjà, le processus d'intégration socioéconomique doit être amorcé.
Tout ça doit bouger ensemble,
l'apprentissage de la langue. On a parlé beaucoup de l'apprentissage de
la langue. Il y a peut-être
des éléments de base à donner, mais, après
ça, ça s'apprend dans la vie et d'une façon très dynamique. Donc, la vision
qu'on a depuis quelques années, c'est une vision très dynamique qui est à
l'opposé d'une vision linéaire.
M. Hardy :
Merci. Et puis je tiens à vous féliciter, parce que vous avez une activité que
vous faites depuis... C'est-u 19 ans?
Mme Orellana
(Mercedes) : 45 ans. Le buffet?
Une voix :
45 ans.
M. Hardy :
Le buffet, là, des nations...
Mme Orellana
(Mercedes) : Le Buffet interculturel?
M.
Hardy : ...ou le Buffet
interculturel. Et qu'on a eu la chance d'avoir Mme la ministre avec nous. Et
puis c'est très bien parce que tous
les gens de chaque nationalité se côtoient et s'entendent, et puis on a la
chance de festoyer avec vous. Voilà. Je laisserais la parole à Mme la
ministre.
Le Président (M.
Picard) : Mme la ministre.
Mme
Weil : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Marceau, Mme Orellana. C'est vrai, vous avez tout un vécu, toute une expérience. On pourrait apprendre
en lisant votre mémoire, qui est vraiment intéressant. J'invite tout le monde à le lire attentivement. Vous dressez le
portrait de toutes les actions qui ont été prises au fil du temps. Puis
j'aimerais revenir sur un passage, parce
qu'on parle beaucoup d'intégration, et vous résumez bien les efforts du
gouvernement, mais le moment charnière, c'est vraiment l'accord
Canada-Québec, parce que le Québec, à qui, donc, ces compétences, en matière d'accueil, d'intégration, de
francisation... Donc, il y a plus de 25 ans qu'on a développé ce réseau, et
vous étiez à la consultation hier et avant-hier au MIDI pour faire le
portrait, le bilan de l'accueil des réfugiés syriens.
Et
en regardant tout ça puis en écoutant vos commentaires, on se rend compte
qu'une des raisons pour laquelle ce bilan
est si positif, c'est parce qu'on a un réseau très connecté et expérimenté.
Évidemment, l'objectif de l'exercice, c'était de voir... parce qu'on sait qu'il y a des complexités là-dedans, c'est
des profils de personnes qui évidemment ont vécu beaucoup de
traumatismes, ne parlent pas français. Les compétences, dans le cas où ils en
ont, puis ils ont exercé une profession en
Syrie... Comment faire en sorte que ces gens puissent s'intégrer? Donc, on
voulait préparer notre deuxième phase.
Mais je pense qu'il faut reconnaître le travail extraordinaire de ce réseau
d'organismes communautaires et publics, hein, les ministères qui étaient là. Et de plus en plus le gouvernement
travaille de façon horizontale. Ça aussi, c'est un progrès. Ce n'était
pas toujours vrai, pas il y a 20 ans ou 30 ans.
J'aimerais
lire votre passage, parce que je trouve que c'est important, parce que c'est à
partir de là... Bon, on parle beaucoup
d'intégration, votre vécu, comment on va plus loin. Vous avez de très bonnes
suggestions, puis j'aimerais vous entendre
là-dessus. Bon, vous citez tous les efforts que le gouvernement a déployés au
fil des dernières années pour mieux informer certains partenaires sur
l'arrivée des nouveaux arrivants ou pour sensibiliser la population à la
présence et à l'apport des immigrants. Vous citez la Semaine interculturelle
nationale, débutée en 1991; la Semaine québécoise des rencontres interculturelles, à partir de 2003; la
campagne de sensibilisation grand public intitulée Le Coeur
québécois, 1995; la Semaine d'actions
contre le racisme, créée en 2000; la loi adoptée en 2006 proclamant février le
Mois de l'histoire des Noirs; la
campagne, sous la forme d'une websérie, présentée en 2011 et 2012, intitulée Toutes
nos origines enrichissent le Québec. Et vous dites que ces
initiatives devraient être répétées, répétées parce qu'il faut toujours
sensibiliser.
Et je pensais à ça
parce que les jeunes, tout récemment... plusieurs jeunes, des signataires d'un
document qui demande une commission
d'enquête sur la discrimination, le racisme systémique... Aussi, il y a eu les
jeunes du Parti libéral du Québec. Et
c'est vrai que les jeunes, cette histoire, il faut le répéter, hein? Il faut le
répéter sous différentes formes, mais les gouvernements successifs ont
posé des gestes pour créer une société plus inclusive. Et il y a un sondage ou
une étude, qui a été faite par la Commission
des droits de la personne au printemps dernier, qui montre des progrès
notables au point de vue de l'attitude. On entendait aussi certains
intervenants dire que les jeunes, nos jeunes, face à la diversité, il y en a certains qui ne le voient pas... ils ne
voient pas la différence, donc je pense qu'il faut se féliciter, tout le
monde, là, pour le travail. Ce n'est pas dire que... Il reste encore du travail
à faire.
Vous,
vous accompagnez beaucoup et vous recommandez des jumelages pour aller plus
loin, là, parce que je pense que vous
êtes rendus là, vous, parce que vous voyez qu'on sélectionne des gens très
compétents, vous êtes d'accord aussi avec
toutes les orientations qu'on propose. Ça, c'est très important pour nous, de
savoir que vous êtes d'accord avec toutes nos orientations, stabiliser, faire cette réforme. Mais, quoi qu'il en
soit, ça va prendre des stratégies pour accompagner, hein, cette grande
réforme.
Donc, est-ce qu'on
pourrait vous entendre sur votre expérience? On l'a entendu aussi hier, le
bilan de ces deux jours, et que plusieurs d'entre vous, dans les régions, vous
recommandez plus de jumelages entre ces familles immigrantes, que ça soit un travailleur qualifié ou des réfugiés, ou
regroupement familial avec une famille québécoise.
Mme
Orellana (Mercedes) : En
fait, je vais probablement revenir sur le passage où est-ce que le ministère
de l'Immigration nous a financés déjà
pendant 10 ans. De 1990 à 2000, il y avait ce qu'on appelait le jumelage
interculturel. Puis on n'était pas les
seuls, il y avait plusieurs organismes à travers le Québec qui... on s'est
donné un objectif de pouvoir faire des jumelages entre familles, un
jumelage amitié, où on faisait l'exercice de recruter les familles en essayant d'identifier des atomes crochus pour pouvoir
servir de base à l'établissement d'une relation. Et on a fonctionné, cinq
ans plus tard, avec... quand le ministère a
arrêté le financement, on a fait le choix de continuer pendant cinq ans,
jusqu'à ce que le conseil
d'administration dise : On ne peut plus aller de l'avant. Puis on a arrêté
en 2005. Par contre, on voyait très bien que les familles manquaient d'opportunités de faire des contacts,
manquaient de réseaux. Certains disaient : Mais on voudrait bien,
on parle français, mais on ne connaît personne, on voudrait bien être en mesure
de pouvoir comme jaser de la culture, ou
etc., apprendre d'autres choses, que nos enfants puissent établir des liens
avec d'autres enfants, pas juste ceux qui sont des copains à l'école. Et les familles réfugiées, bien, c'était
encore plus difficile aussi parce que, pour eux autres, c'était une
occasion de pouvoir pratiquer le français, le français qu'ils apprenaient à
l'école. Mais, s'ils avaient l'occasion d'avoir
des contacts avec d'autres familles, bien, c'est une opportunité de pouvoir
encore parler français, faire des erreurs, se faire corriger, mais c'est comme ça qu'on apprend aussi. Donc, le
conseil d'administration a décidé, à partir du Buffet interculturel de
2014, de dire : Les argents qu'on peut amasser comme profits lors de cette
activité de rapprochement interculturel, on va
les réinvestir en faisant un projet pilote pendant trois ans pour voir si
effectivement... documenter puis effectivement se rendre compte, est-ce
que c'est vraiment un outil qui favorise l'intégration des personnes. Et on a
procédé à faire les premiers jumelages avec des personnes.
La nuance, la nouveauté, ce que M. Marceau a
mentionné tantôt, c'est qu'au lieu de faire juste jumelage interculturel on a
jumelé deux dimensions, qui est le réseautage et le jumelage interculturel.
Pourquoi? Parce que le réseautage peut répondre aussi à un certain nombre de
besoins des personnes, qui est de connaître différents types de réseaux, que ce soit sportif, culturel, politique,
économique, etc. Pensons à quelqu'un qui dit : Moi, je viens,
supposons, du Sénégal, puis le sport
national, c'est le soccer, au Sénégal, mais je ne connais pas ici aucun club ou
aucun joueur. Bien, on va le mettre
en contact avec une personne d'un club de soccer puis on va favoriser à ce que
cette personne-là puisse peut-être
justement avoir le goût de pouvoir s'inscrire au soccer pour adultes, soccer
pour enfants, etc. Mais le jumelage, c'est la dimension qui permet d'établir une relation d'amitié entre deux
familles, avec ou sans enfants, pour aller plus loin en termes de... comment qu'on dit ça... d'apprivoiser la
culture québécoise, de pouvoir pratiquer le français, de pouvoir
comprendre la relation homme-femme, comment
ça se passe aussi à l'extérieur des cours qu'on peut avoir dans une conférence
x. Dans la vraie vie, comment ça se
passe, la relation parent-enfant, par exemple, ici, au Québec? C'est toutes des
choses... dans le fond, les
opportunités de discussion sont à l'infini, les activités sont vraiment de
façon spontanée puis les gens s'organisent aussi pour pouvoir faire des
choses ensemble.
Puis nous, on
assure un encadrement minimal — qui est à travers une personne qui coordonne
les projets — de faire
le suivi, premièrement, faire la sélection pour pouvoir mettre ensemble des
personnes qui peuvent développer des atomes crochus, mettre en contact
avec des personnes pivots dans différents réseaux aussi existants, leur donner
des formations aussi de courte durée, des
formations, que ce soit sur la communication interculturelle ou des formations
aux personnes québécoises sur différents types... donner de l'information sur les profils culturels aussi des jumeaux immigrants et faire de la médiation interculturelle dans les
cas où il y a peut-être des incompréhensions, des irritants. On le sait
bien, entre des personnes d'une même
origine, on peut peut-être aussi avoir, des fois, des incompréhensions,
hein, puis on peut peut-être avoir un conflit, mais, quand on se parle, on se
comprend, on s'explique. Par contre, quand on met la dimension interculturelle, deux cultures, deux personnes qui
portent chacune sa culture, parfois les sources de conflit ou les
sources d'incompréhension peuvent être très
anodines, mais ça peut bloquer à l'avancement de la relation. Donc, on offre ce
soutien aussi pour pouvoir comme favoriser. Et c'est sûr c'est une relation
volontaire. Il n'y a rien d'obligatoire là-dedans non plus. Si la relation, ça
ne peut pas continuer, bien, on met fin à la relation puis personne ne reste
ennemi dans ça.
• (17 h 50) •
M. Marceau
(Denis) : Je voudrais souligner
que ce projet, pour moi, après mes réflexions puis ce qu'on a pu lire,
c'est un moyen par excellence pour éviter la ghettoïsation, ce qui... en
France, par exemple, on a de bons exemples là-dessus.
Pour moi, ce projet-là devrait contrer toute tentative de ghettoïsation parce qu'en plus on mélange des personnes, mais on mélange des personnes avec des compétences
pour les aider dans leur processus d'intégration socioéconomique. Donc,
c'est un outil très puissant.
Mme Weil :
Mais je tiens quand même à souligner, dans toutes les études qu'on a lues, même
Montréal, qui a la plus grande partie
des immigrants, Montréal est citée comme la ville internationale où on voit le
moins ce phénomène, c'est-à-dire que
ça n'existe carrément pas, en partie à cause du développement du logement
toujours mixte, qui est très important dans
les politiques de développement, mais nulle part ailleurs au Québec, le Québec
est reconnu comme... Alors, je pense qu'on fait bien les choses
néanmoins.
Je n'ai pas
le temps de vous poser une question sur le projet pilote en francisation, mais
vous avez mis beaucoup d'efforts sur
la francisation. On va bien le lire, porter attention à ce que vous proposez.
Comme d'autres, vous recommandez la
francisation en milieu de travail comme un appui à l'intégration, mais aussi
j'aimerais vous dire que j'ai bien lu tout ce que vous avez dit. C'est bien de préparer l'immigrant, mais il faut
aussi préparer le milieu, que ce soit l'école, l'employeur, l'entreprise, accompagner l'entreprise pour
reconnaître des compétences de cette personne et sa meilleure
intégration. Alors, je
voulais juste vous dire... On n'a pas le temps, mais j'ai bien lu et je vous
remercie, parce que c'était vraiment... J'ai pu voir toute votre
expertise et le vécu de vos... combien d'années? 60 ans?
M. Marceau (Denis) : 62.
Mme Weil : 62 ans. Bravo!
Bravo! Bravo pour ce que vous faites!
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto : Merci, M. le
Président. Mme Orellana, M. Marceau, soyez les bienvenus. Merci pour votre contribution, et je fais dans la surenchère des
remerciements après la ministre également puisque ce n'est pas la
première fois qu'on se voit ici. Même si je
n'ai pas l'opportunité, comme la ministre, de vous rencontrer souvent, je vous
suis à distance. Vous êtes une école,
une école de référence. Je ne sais pas si vous donnez des conférences en dehors
du Québec ou même en dehors de l'Amérique, parce que c'est une expérience qui
vaut la peine d'être partagée. Est-ce que vous le faites?
Mme Orellana (Mercedes) : Non. En
fait, non, pas de façon régulière, non, non.
M. Kotto :
O.K. Moi, j'aurais, considérant que, depuis toujours, vous avez eu à coeur la
réussite de votre projet, qui relève
d'un sacerdoce... en fait, je ne connais pas votre passé individuel, les
carrières que vous avez bercées dans votre adolescence. Moi, je voulais être curé au départ, voyez-vous, et
j'étais, dans mon adolescence, et ça n'a pas échappé... c'est chez les curés que j'ai appris les valeurs
humanistes qui m'habitent aujourd'hui, qui me guident en quelque sorte.
Donc, je me reconnais dans ce que vous faites.
Cela dit, il y a lieu de vous poser une question
qui peut alimenter notre imaginaire et nos réflexions. On rêve tous d'avoir une société harmonieuse où un
vivre-ensemble idéal domine et nous fait rayonner collectivement. Ce
n'est pas toujours simple. Si on est en commission depuis quelques
années pour parler d'immigration, et passer du temps, autant de temps, c'est parce qu'il y a parfois des
irritants, des irritants qui sont le produit des crispations. Parce que
la diversité, ce n'est pas toujours
quelque chose d'évident pour tout le monde, et il faut
trouver ici et là des chemins qui nous mènent à l'harmonie puisque c'est
le but. Martin Luther King disait que, si nous n'apprenons pas à vivre comme
des frères et des soeurs, bien, nous
mourrons comme des idiots. Et je pense que vous contribuez, à votre manière, à
la hauteur de vos moyens, à ce vivre-ensemble harmonieux.
Maintenant,
vous avez beaucoup d'expérience terrain, ce qui compte plus que des
expériences théoriques. Qu'est-ce qui
pourrait, de votre point de vue, nuire à une bonne intégration, à une bonne
francisation au Québec aujourd'hui et demain?
Mme
Orellana (Mercedes) :
Qu'est-ce qui pourrait nuire à l'intégration, une bonne intégration? Je pense
que, justement, le fait de ne pas se donner
les outils, de ne pas être capable d'ajuster ceux que nous avons déjà... Si on
fait preuve de souplesse dans nos
réponses, si on fait agir rapidement aussi plus en mode prévention qu'en mode
réaction, on va voir les problèmes
venir aussi. Et je pense que M. Marceau a fait allusion à d'autres expériences
ailleurs où est-ce que, peut-être parce
que, justement, on n'a pas préparé le terrain, ça nous frappe en pleine face à
un moment donné. Donc, je pense que de
travailler au niveau de... continuer à favoriser cette harmonie aussi... M. Marceau l'a mentionné aussi, on vient
tous d'ailleurs, à quelque part, ici, au Québec.
Donc, c'est juste de savoir : Moi, je suis arrivée à quelle année? Mais peut-être que
mes prédécesseurs, ils sont arrivés deux, trois, quatre, cinq, 10
générations... Donc, de ne pas oublier qu'on est tous venus à
un moment donné ici pour pouvoir
peupler cette terre aussi puis de la rendre... la fierté, probablement, pour qu'elle puisse rayonner dans le monde. C'est ça qui peut
nuire à l'intégration, le fait de ne pas avoir une ouverture aussi face à
l'autre qui vient d'arriver puis qu'ensemble on puisse continuer à construire.
M. Marceau
(Denis) : J'ajouterais la
méfiance. Pour moi, ça, c'est le plus grand handicap entre nous. Ne nous
connaissant pas plus que ça quand on est sur
des rues... même la même rue dans nos villes, on ne se connaît pas toujours,
et c'est toujours la méfiance. On a une
peur, une crainte qu'on va poser un mauvais geste, que ça va
être mauvais, ce qu'on va faire. Par exemple, moi, quand je rencontre mes frères, qui demeurent à Québec,
c'est clair qu'ils me renvoient toujours l'idée : Oui, mais tu n'es pas en train de faire fausse route, là?
C'est qu'il y a une méfiance qu'ils me traduisent, un manque
de confiance qu'on peut réussir et qu'il y a de la place pour une belle place
au soleil pour tout le monde.
• (18 heures) •
M. Kotto : Je vous entends, je vous entends bien, et ça me
ramène à mes propres expériences, parce
que ça n'a pas toujours
été facile. Quand il y a méfiance, il
n'y a pas convergence, et des gens s'emmurent et vivent sur la base de
leurs préjugés les uns par rapport aux
autres. Mais, dans la société d'aujourd'hui, il y a des machines à fabriquer
les préjugés négatifs, en l'occurrence, et, quand ces machines ne
fabriquent pas des préjugés, elles fabriquent l'indifférence ou l'ignorance de
l'autre.
Vous savez pourquoi on fait de la
publicité : pour vendre du savon, des iPad, des iPod, etc. C'est pour que
les gens les achètent. Et l'approche en est
une de séduction, toujours, montrer les meilleurs aspects du produit pour
convaincre. On ne fait pas ça avec l'humain,
on ne fait pas ça avec la diversité. Dans le paysage audiovisuel, l'impact
d'une imagerie ou d'une manchette de
presse dans l'inconscient collectif peut faire plus de dégâts que la moyenne
des gens peut l'imaginer. La façon de
montrer l'autre à l'ensemble de la population, quand on l'approche toujours
sous un angle négatif, il est sûr
et certain qu'on grandit avec cette approche jusqu'à l'âge adulte et puis on se
sent ferme dans les préjugés par rapport à l'altérité, par rapport à l'autre.
Ça, on ne l'a jamais regardé. J'aime la culture française parce que j'ai été la
voir au cinéma, parce que j'ai été la voir au théâtre.
J'aime la culture américaine pour les mêmes raisons. Mais, si on m'avait présenté ces deux cultures de façon négative, je
les aurais rejetées. Pensez-vous que contribuer positivement, sans être fleur bleue, là, ou porter des lunettes roses,
contribuer positivement dans le paysage audiovisuel au Québec
aujourd'hui peut amener à l'objectif que vous poursuivez, contribuer à cela, à
tout le moins?
Mme
Orellana (Mercedes) : Moi,
je pense qu'on le voit de plus en plus. Moi, je suis attentive, étant moi-même
immigrante aussi, quand on voit des émissions, on voit de plus en plus de
journalistes aussi qui travaillent dans les différents
médias, que ce soit Radio-Canada ou ailleurs, dans les médias écrits, quand on
voit une émission, on voit aussi à la fin qui défile, puis on est
capables de voir tous les artistes, toutes les personnes qui ont pris part,
puis on voit qu'il n'y a pas juste des noms
des Tremblay, des noms des personnes avec des noms, ah, c'est un nom latino,
ah, c'est nom qui est roumain, ah,
c'est un nom d'une autre connotation que... Mais c'est peut-être une personne
qui est née ici, c'est peut-être une
personne qui a grandi puis qu'elle est un Québécois, à toutes fins pratiques,
d'origine. Donc, je pense que c'est à chacun d'entre nous aussi de nous donner des yeux pour nous permettre
d'observer les changements, d'observer cette diversité qui est riche
aussi, qui nous fait... La diversité, elle comporte beaucoup d'aspects
positifs, mais il faut avoir le goût, la volonté
de la découvrir. Vous, vous êtes allé vers une culture x, y parce que vous avez
eu une attirance, mais il y avait déjà en vous un intérêt à l'intérieur
pour aller vers.
Et je pense
que, dans la société québécoise... Mme la ministre faisait référence à
quelqu'un qui a dit : La jeune génération ne voit pas la
différence. Pourquoi? Parce que les enfants... il y a beaucoup plus d'enfants
dans les écoles, dans nos écoles, ils vont
depuis la maternelle ensemble et ils font pour eux... Pour ma nièce, par
exemple, pour ma petite-fille qui est
Québécoise d'origine, mais qui est de mélange mixte de mon fils puis une autre
personne, bien, elle, sa copine, elle
ne voit pas la différence, même si elle a la couleur de peau différente ou peu
importe qu'elle vienne juste depuis un an ici puis... Je pense qu'ils ne
la voient pas parce que justement ils sont capables de passer au-delà des
images, au-delà des préjugés, au-delà des idées préconçues aussi puis il y a
juste l'intérêt de jouer ensemble puis de s'amuser.
Je pense que, comme adultes aussi, on peut faire
sortir notre enfant qui... comme un autre enfant naturel, qui contrairement à
un adulte peut être plus méfiant puis faire preuve d'ouverture... puis aller
découvrir ce que l'autre personne a à offrir en termes de qualités humaines
tout simplement.
M. Kotto : Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville.
Mme Roy :
Oui, bonjour, Mme — je veux bien
le prononcer — Orellana,
M. Marceau, bienvenue. Merci pour le mémoire.
Vous parlez de Sherbrooke. Ça me touche beaucoup, Sherbrooke, j'y ai grandi,
l'université, c'est mon alma mater.
Et je sais qu'il se fait des choses extraordinaires à Sherbrooke, alors c'est
pour ça que je vous disais : Chanceux, cher collègue, quelle belle
région!
Vous êtes là
depuis 62 ans, l'organisme est là depuis 62 ans, donc le Service d'aide aux
néo-Canadiens. Vous avez dit quelque
chose, puis j'ai pris des notes d'entrée de jeu, vous dites : On a un
modèle d'actions intégrées. Ça, je trouve ça génial, là, le guichet
unique, tout à la même place, la personne n'a pas besoin... n'est pas
éparpillée, n'est pas aux quatre coins de la ville, il y a une ressource où
elle peut tout trouver la formation qu'elle a besoin. Bravo! Merci pour le travail que vous faites, c'est extrêmement
important. Ça participe à la vitalité de Sherbrooke. Je suis nostalgique,
hein, j'aime beaucoup, beaucoup, beaucoup l'Estrie et Sherbrooke en particulier.
Cela dit,
j'aimerais qu'on parle de francisation. Vous avez dit, je suis tout à fait
d'accord avec vous : La francisation, on doit, entre autres, la
juxtaposer avec le marché de l'emploi. On semble comprendre que c'est une
évidence, les immigrants veulent travailler
rapidement pour s'intégrer, et le cours de français, bien, s'il est sur les
lieux du travail ou avec l'emploi,
c'est beaucoup plus facile que d'avoir à d'abord prendre le français et ensuite
travailler. Il y a une grosse logique derrière ça, je suis tout à fait
d'accord avec vous, il faut trouver des façons de faire qui vont aider à cette
intégration plus rapide.
Cependant, ma question, au niveau des seuils... Vous nous dites qu'on
devrait augmenter un petit peu plus que ce qui est là. Parfait. Ma question va se situer au niveau des ressources. Sur le
terrain, actuellement, à Sherbrooke, avec tous les gens que vous avez, les gens dont vous vous occupez, est-ce que
les ressources sont suffisantes pour bien intégrer et pour bien franciser
les nouveaux arrivants? Est-ce qu'il y a des listes d'attente? Est-ce que les
gens attendent avant d'avoir des cours? Ça ressemble à quoi, au niveau des
ressources, à Sherbrooke?
Mme
Orellana (Mercedes) : Bien,
je peux vous dire, à date d'aujourd'hui, avec l'information que je
possède, je pense que l'Estrie a les
ressources appropriées pour pouvoir bien intégrer. Je m'explique. Ce n'est pas
juste, parfois, juste du Service
d'aide aux néo-Canadiens, je pense aussi des partenaires au niveau de la santé,
par exemple, ou au niveau de la francisation.
On a une région qui est riche en termes de ressources de francisation. Les
personnes peuvent aller selon la classification
qui est faite de leur niveau de connaissances à l'entrée; il y a le cégep de
Sherbrooke aussi; il y a le Carrefour Accès loisirs, qui donne des cours
de francisation à temps partiel; il y a le Centre d'éducation populaire, qui
est plus pour les personnes un peu moins
scolarisées. Et il y a suffisamment de classes. À ma connaissance, il n'y a pas
de liste d'attente. Alors,
l'inscription à des cours de français se fait de façon centralisée, ici, à
Montréal... pardon, pas ici, mais à Montréal, au ministère de
l'Immigration.
Et c'est sûr
qu'il y a un processus. Il faut comprendre aussi qu'il n'y a pas une liste
d'attente, mais il y a un délai d'attente aussi parce qu'il y a l'étape
de l'inscription, il faut s'inscrire et il y a des vérifications. Il faut que
la famille aussi, une
fois qu'elle a reçu la réponse, puisse inscrire les enfants à la garderie pour
que l'adulte, le papa ou la maman, puisse
venir au cours de français. Si l'inscription à la garderie ne s'est pas faite,
bien là, il y a un petit problème parce que ça va retarder le délai. Si
les enfants ne sont pas rentrés à l'école encore, ce qui arrive rarement parce
que souvent la commission scolaire travaille
avec nous en très grand partenariat je vous dirais... Aussi, même l'inscription
des enfants se fait dans nos locaux.
C'est le personnel de la commission scolaire qui vient rencontrer la famille,
question de ne pas la dépayser trop
aussi, au départ, parce qu'ils n'ont pas de moyen de transport puis ils ne
connaissent pas nécessairement le local
de la commission scolaire. Donc, on essaie de faciliter le travail de tout le
monde. Et le personnel de la commission scolaire rencontre la famille, voit un petit peu le parcours scolaire
des enfants. Donc, ça, ça se fait rapidement, dans la première semaine
après que les familles arrivent.
Côté santé,
on a la chance d'avoir un CIUSSS aussi, une institution universitaire... et qui
est bien rodée. Il y a une clinique
qu'on appelle la Clinique des réfugiés, pour faire le bilan, le bilan santé
pour les personnes qui nous arrivent. Quand il y a des problématiques de
santé, souvent la personne est très rapidement prise en charge. L'histoire avec
les familles qu'on a reçues dernièrement,
certaines familles avaient besoin de suivis très rapides, question de santé,
puis ils ont été pris en charge.
Donc, je pense qu'on a des éléments pour, oui, que l'intégration se fasse avec
la contribution... Le terreau est fertile puis la population en Estrie
est comme, je dirais... elle veut travailler pour bien intégrer les personnes,
bien accueillir les personnes qui nous arrivent.
Le Président (M. Picard) : Il
vous reste deux minutes, Mme la députée.
Mme Roy : Donc, un exemple à
prendre et à suivre, ce qui se fait justement à Sherbrooke, en Estrie.
Par ailleurs,
vous parliez d'une problématique, c'est toujours une problématique chez vous,
et on l'a constaté dans les auditions précédentes, il y a quelques mois,
la reconnaissance des acquis pour les immigrants, la reconnaissance.
Pourriez-vous nous en parler un petit peu? Qu'est-ce qu'il faudrait à cet
égard-là? Qu'est-ce qu'il manque?
• (18 h 10) •
Mme
Orellana (Mercedes) : Bien,
on le dit dans notre mémoire, je pense. C'est que le défi, ça va être de
continuer à travailler avec les ordres professionnels. Le ministère, je sais
qu'il y a déjà un chantier aussi au niveau des ordres professionnels dont, le rapport, il va peut-être être publié bientôt.
C'est sûr que c'est un défi parce que... mais il y a des ordres professionnels qui ont fait des gros
progrès, je dirais. Si on pense, par exemple, à l'Ordre des infirmières, ça
en est un qu'on pourrait citer de belles histoires de réussites aussi; l'Ordre
des ingénieurs aussi, ils ont fait des grands progrès. Qu'est-ce qu'il faudrait faire, c'est de continuer à travailler pour
assouplir probablement certains processus pour regarder peut-être la question des coûts aussi, des fois,
si c'est la reconnaissance des diplômes, mais il y a des étapes puis il y
a des coûts aussi.
Des fois, les
familles, bien, ont de la difficulté peut-être à faire avancer leurs dossiers parce
qu'il faut payer tant d'argent pour l'ouverture de dossier, mais si la
personne, elle ne travaille pas, bien, c'est déjà un obstacle pour elle.
La reconnaissance des acquis au niveau
d'Emploi-Québec, il y a des outils aussi. Il y a ce qu'on appelle justement la reconnaissance des acquis et des
compétences. Nous, on a référé, on en réfère plusieurs, personnes, par
année, où ils vont passer par justement le
processus qui existe déjà à Emploi-Québec pour dire : O.K. Bon, bien, si
la personne, elle a déjà telle et
telle et telle compétence acquise, mais il manque probablement... on va lui
faire un processus qui va faire en sorte
que la personne soit qu'elle décide
de suivre des cours à temps partiel pour acquérir les compétences
manquantes, soit qu'elle va décider de faire
un choix puis de faire un retour aux études, mais dans un programme
x, y complet, que ce soit un
D.E.P., un A.E.C., un D.E.C. dans un domaine particulier qui est connexe à qu'est-ce
qu'elle connaît.
Mais les
défis sont encore au niveau, je
pense, de l'accessibilité au niveau des coûts. Et là je sais que le
ministère, il y a quand même déjà un
chantier parce que c'est quelque chose qui préoccupe puis que, quand on fait
des consultations, souvent les
personnes nous disent : Mes connaissances ne sont pas... mes compétences
ou mon profil n'est pas reconnu nécessairement toujours à la même
hauteur que dans notre pays, mais...
Mme Roy : Il faut y
travailler.
Mme Orellana (Mercedes) : Il faut
continuer à travailler, oui.
Mme Roy : Merci beaucoup.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Merci pour votre contribution à nos travaux.
Et la commission ajourne ses travaux au jeudi 18
août 2016, à 9 h 30, où elle poursuivra son mandat. Bonne soirée à
tous.
(Fin de la séance à 18 h 11)