(Quinze
heures quarante-neuf minutes)
Le
Président (M. Picard) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de procéder à
l'étude détaillée de projet de loi n° 77, Loi sur l'immigration au Québec.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Birnbaum (D'Arcy-McGee) sera remplacé par M. Simard
(Dubuc); Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), par M. Drolet (Jean-Lesage); et Mme
Lavallée (Repentigny), par M. Jolin-Barrette (Borduas).
Étude détaillée (suite)
Le
Président (M. Picard) : Merci. Lors de nos travaux du
23 février dernier, nous étions à l'étude de l'article 1. Sur cet article, Mme la ministre avait déposé un
amendement. Nous avions ensuite suspendu nos travaux afin de permettre au député de Bourget de préparer un
sous-amendement. M. le député, souhaitez-vous nous présenter votre
sous-amendement?
M.
Kotto : M. le Président, je présenterai un amendement. Par la
suite, après discussion, je préfère suspendre... mon sous-amendement,
dis-je, à l'amendement de la ministre.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Donc, je reviens à l'amendement
qui avait été proposé par Mme la ministre. Mme la ministre, la parole
est à vous.
Mme Weil :
Je veux retirer l'amendement, M. le Président, et je vais proposer, donc, un
nouvel amendement à l'article 1.
• (15 h 50) •
Le Président (M.
Picard) : ...consentement pour retirer l'amendement? Ça va pour
tout le monde?
Des voix :
...
Le Président (M.
Picard) : Ça va. Mme la ministre, vous voulez déposer un nouvel
amendement?
Mme Weil :
C'est bien ça.
Le Président (M.
Picard) : Allez-y.
Mme
Weil : Donc : Remplacer le deuxième alinéa par les
suivants :
«Elle
a également pour but de favoriser, par
un engagement partagé entre la société québécoise et les personnes immigrantes, la pleine participation, en français,
à la vie collective, en toute égalité et dans le respect des valeurs
démocratiques en plus de concourir,
par l'établissement de relations interculturelles harmonieuses, à son
enrichissement culturel.
«Enfin,
cette loi vise à ce que les personnes immigrantes contribuent notamment à la
prospérité du Québec, à la pérennité et à la vitalité du français,
langue commune dont la connaissance est la clé d'une participation réussie, au
dynamisme des régions ainsi qu'à son rayonnement international.»
Donc :
Commentaires. Cet amendement reformule les objets de la loi relatifs à la
pleine participation, en français, de
la personne immigrante à la société québécoise afin d'affirmer l'engagement du
Québec à l'égard du respect du droit à l'égalité
et des valeurs démocratiques, de l'établissement de relations interculturelles
harmonieuses qui contribuent à son enrichissement
culturel, de la contribution de l'immigration au dynamisme des régions, de la
connaissance du français qui est la clé d'une participation réussie.
(Consultation)
Le Président (M.
Picard) : Ça va, Mme la ministre?
Mme Weil :
Oui. Oui, excusez-moi, M. le Président.
Le Président (M.
Picard) : Terminé?
Mme Weil :
Oui, c'est tout.
Le
Président (M. Picard) : Commentaires sur l'amendement? M. le
député de Bourget.
M.
Kotto : Oui, M. le Président. J'ai juste une petite réserve sur
le «enfin» au second paragraphe, car je voulais apporter un amendement à
cet article. Parce que, si on spécifie «enfin», on clôt, on ferme la porte.
Donc, c'est juste ma petite réserve.
Mme Weil :
Est-ce qu'on demande le dépôt de l'amendement?
Le
Président (M. Picard) : M. le député, est-ce que vous êtes prêt
à déposer votre amendement ou vous avez besoin de quelques minutes pour
le rédiger?
M. Kotto : Non, il est quasiment rédigé. Je pourrais cependant le
lire, dans la perspective d'un accueil favorable.
Le Président (M.
Picard) : On aurait besoin d'un consentement...
M. Kotto :
...d'un consentement.
Le
Président (M. Picard) : ...pour suspendre l'étude de
l'amendement de la ministre afin de permettre de déposer le
sous-amendement.
M. Kotto :
O.K. Consentement.
Le Président (M.
Picard) : Ça va? Ça va.
Mme Weil :
Oui.
Le Président (M.
Picard) : M. le député.
M.
Kotto : Alors :
«La présente loi vise également à favoriser l'action de l'Administration et de la société pour faire
en sorte que la culture québécoise
de tradition française constitue la culture commune et le foyer de convergence
des traditions culturelles des minorités ethniques présentes au Québec et, pour ce faire, qu'elle s'enrichisse
d'apports provenant de ces traditions.»
C'est à titre
indicatif.
Le Président (M.
Picard) : M. le député, c'est un amendement ou...
M. Kotto :
C'est un amendement.
Le Président (M.
Picard) : O.K. Je vous remercie. J'avais mal compris.
M.
Kotto : C'est la
raison pour laquelle j'avais des réserves relativement au mot «enfin» au
dernier paragraphe du sous-amendement de la ministre, parce que je
voulais amener, à l'article en tant que tel... Enfin, si je dois plaider, je
vais y aller pour rappeler...
Mme Weil :
...
Le Président (M.
Picard) : O.K. Ah oui! Il faudrait déposer des copies, M. le
député.
M. Kotto :
Oui, bien sûr.
Le Président (M.
Picard) : Je vais suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à
15 h 54)
(Reprise à 16 h 35)
Le
Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux. Je rappelle, pour les gens qui nous
écoutent, que nous sommes toujours
à l'article 1. L'article 1, Mme
la ministre a déposé un amendement,
nous l'avons suspendu. Maintenant, M. le député de Bourget va présenter
un amendement. Je vous demanderais d'en faire la lecture, merci, M. le député
de Bourget.
M. Kotto :
O.K. Voilà, M. le Président. L'amendement se lit comme suit :
Insérer, à la
fin de l'article 1 — l'amendement aurait évidemment bien fait
l'affaire si c'était le premier article, bref, c'est une autre question :
«La
présente loi vise également à favoriser l'action de l'administration et de la
société pour faire en sorte que la culture québécoise de tradition
française constitue la culture commune et le foyer de convergence des
traditions culturelles des minorités ethniques présentes au Québec et, pour ce
faire, qu'elle s'enrichisse d'apports provenant [de toutes] — pardon — de
ces traditions.»
Le Président (M. Picard) :
Merci. Commentaires?
M. Kotto : Oui, j'ai un
commentaire, M. le Président. Ce qui m'inspire cet amendement, c'est notamment
le témoignage de M. Bouchard et
M. Taylor ici lors des audiences que nous tenions relativement aux
documents de consultation sur la nouvelle politique. Et je vais vous
dire un extrait de l'échange qu'on a eu :
«Maintenant — et je cite M. Bouchard — le rapport majorité-minorité, pourquoi c'est
important, dans cet esprit-là, de le
rendre visible? Je crois que vous y avez fait allusion vous-même.» C'était un
échange avec Mme la ministre. «Une des
choses qui nous a beaucoup frappés, Charles [...] et moi, au moment de la
commission [dite des accommodements], c'est
qu'à un moment donné, au Québec, et c'était le cas au moment où nous avons
exécuté notre mandat, on avait une réalité
assez étonnante d'une majorité qui s'inquiétait de ses minorités. Et une
majorité qui s'inquiète de ses minorités, ce n'est pas bon pour les minorités, ça ne fait pas un bon partenaire pour
les minorités. C'est pour ça qu'on trouve important de rassurer la
majorité, il faut que la majorité soit rassurée.
«Et ça, ce
n'est pas dire du mal de la majorité que de dire ça. On est une minorité
culturelle dans le continent le plus
puissant au monde. Ça fait trois siècles que c'est comme ça, c'est un paramètre
structurel de ce que c'est que d'être Québécois[...], alors c'est normal
qu'il y ait ce coefficient d'inquiétude. Il y a trois ans, il y a un sondage
qui a été fait à Montréal auprès des
francophones, et on leur a demandé ce qu'ils pensaient de l'avenir du
français : il y en a 90 % qui ont dit qu'ils étaient très
inquiets de l'avenir du français. On ne peut pas ne pas tenir compte de ces
choses-là.
«Donc, il faut essayer de rassurer la majorité,
et ensuite vous pourrez penser à la responsabilité, là, de la responsabiliser,
et ce sera beaucoup plus facile. Une majorité qui craint la minorité n'est pas
très bien disposée à être responsable pour respecter les droits et les
aspirations... ou, en tout cas, pour développer une grande sensibilité aux
minorités et aux immigrants.
«Mais, pour ce faire, il faut reconnaître
d'abord qu'il y a une majorité et une minorité, qu'il y a un rapport
majorité-minorité. Puis, encore une fois, ce n'est pas gênant, c'est une
réalité universelle.»
Et
j'ajouterais à ce propos celui de Naïm Kattan, qui est un écrivain québécois et
franco-ontarien, d'origine juive irakienne, né à Bagdad le
26 août 1928, qui disait :
«La culture
québécoise n'est pas un lieu de passage où chacun entonne sa chanson. C'est un
édifice, perpétuellement en
construction, jamais terminé. Pour ajouter ma pierre — dit-il — il importe que j'en explore d'abord les
fondements. Ouvert à tout vent, il n'y a pas assez de bras, d'ici et
d'ailleurs, pour l'élever.»
• (16 h 40) •
Voilà, en gros, M. le Président, deux
citations qui m'amènent à proposer cet amendement, qui est une contribution constructive, qui, par extension même, nous
distingue de l'approche de la politique canadienne du multiculturalisme adoptée en 1971 par le gouvernement fédéral et qui,
depuis que cette approche est consacrée, d'une part en 1982, par l'enchâssement
dans la charte canadienne et, par la suite,
par une loi en 1988... Nous ne l'avons pas fait, à la décharge de l'ensemble
de la population du Québec; c'était la responsabilité du politique
de travailler dans ce sens-là. Nous n'avons pas apporté une réponse
structurée, encadrée par la loi, face à cette approche multiculturaliste
décriée à la fois par René Lévesque, par
Robert Bourassa et par, disons... écartée par l'ensemble des gouvernements qui se sont succédé ici, au Québec,
toujours, parce que nous sommes
collectivement motivés par ce souci du vivre-ensemble, par ce souci de la
convergence culturelle dans la
reconnaissance d'un foyer commun qui est celui de la société
d'accueil. Et c'est en référence à ce foyer commun que la diversité peut
être validée. Sinon, c'est beaucoup de résistance, pour ne pas dire de murs
invisibles qui se dressent.
Et c'est un facteur qui joue un rôle,
consciemment ou inconsciemment, chez plusieurs membres dirigeants de plusieurs
secteurs de notre société et qui génère, à l'aune des résultats qu'on a d'une
analyse à l'autre, des rejets, des abandons
d'une frange importante de notre
diversité. Je parle ici du domaine de la santé, la médecine, je parle du
domaine de la culture, je parle du domaine
de l'éducation, et j'en passe. Si nous faisons l'effort de valider notre
réalité en termes de majorité-minorité, ce sera déjà faire un grand pas
vers cette reconnaissance qu'on n'a pas toujours eu le courage de nommer, la
reconnaissance de la diversité. Voilà.
Le Président (M. Picard) :
Merci. D'autres commentaires? Mme la ministre.
Mme Weil :
Oui. Alors, il y a beaucoup de problèmes, parce qu'on est loin des règles de
législation où les objets de la loi
ont pour but d'annoncer la structure et les enjeux du texte normatif. On n'est
pas dans une loi telle une loi sur le multiculturalisme
ou autre, on est sur une loi sur l'immigration. Donc, ce que les objets doivent
faire, c'est d'annoncer. Donc, ici,
déjà, vous voyez, dans les paragraphes qu'on a déjà discutés, ça touche
l'accueil, l'intégration, la francisation. C'est ça, le rôle d'un ministre de l'Immigration. Ce n'est pas le rôle
d'un ministre de l'Immigration de faire ce qui est proposé dans l'amendement, pas de tout.
D'ailleurs, il y a même des règles d'acceptation de sous-amendements. Il
faut que ça touche la portée même de l'amendement.
Alors donc, on ne peut pas accepter parce que ça
ne touche pas du tout le rôle de ministre de l'Immigration d'aller dans ce
sens-là. On a trouvé le projet de loi où cet article... Et, d'ailleurs, dans un
article, on l'a trouvée, là, exactement, cette disposition qui est — non,
pardon, je n'ai pas le bon document, là... — Vers une politique de la
convergence culturelle, qui ne touche pas du tout l'immigration. Je veux
dire, il n'y a aucune référence au pouvoir de sélection,
immigration humanitaire, le regroupement familial. C'est vraiment une question
de comment on... La convergence culturelle,
c'est une théorie, là, qui n'est pas la même que l'interculturalisme, qui n'est
évidemment pas le multiculturalisme.
Il y a une loi sur le multiculturalisme, il y a une charte des droits et
libertés, mais ça ne touche pas la Loi sur
l'immigration. Alors, pour toutes ces
raisons, on ne peut pas accepter cet amendement. Avec les autres amendements, on était vraiment
sur des enjeux très pertinents au rôle et aux fonctions d'un ministre de
l'Immigration. Mais là on est très loin de ça.
Le Président (M. Picard) :
M. le député de Bourget.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Pour ma part, je considère qu'à partir du moment où on
aborde la question des relations
interculturelles, qui plus est, est reprise en termes d'interculturalisme par
la table de concertation des réfugiés et des immigrants, TCRI, le débat
est pertinent. N'eût été de l'usage du terme «relations interculturelles», ma
foi, j'aurais été plutôt rassuré et je ne me
serais pas engagé dans cet échange-là. Mais force est de constater, à la
lumière même des critiques que
formulait M. Bouchard ici, qui notait que, dans le document de
consultation qui avait été déposé, pour la première fois — ils l'ont félicité... la ministre, d'ailleurs — on évoquait l'interculturalisme comme cadre
de référence d'intégration.
Mais, dans la
politique, et c'est l'une des raisons qui m'a amené à demander à la ministre de
déposer la nouvelle politique, il n'y
a aucun cadre de référence qui indique au nouvel arrivant dans quoi il
embarque au Québec. C'est un projet de loi
de loi sur l'immigration, mais la moindre des choses, fondamentalement parlant,
serait de signifier dans quel espace
de vie et dans quel modèle d'intégration celle-ci ou celui-ci, venant de
dizaines ou de milliers de kilomètres d'ici, va s'inscrire pour un projet
de vie.
C'est une
société qui a une histoire, un patrimoine qu'il convient d'explorer, de
comprendre, de maîtriser pour pouvoir
s'y inscrire harmonieusement, c'est-à-dire s'y intégrer. Si on évacue du revers
de la main l'idée de reconnaître la spécificité
de l'espace vivant dans lequel on s'inscrit en tant qu'immigrant, M. le
Président, je vous le dis à coeur ouvert, on n'avance pas beaucoup en
termes d'efforts pour favoriser, faciliter l'intégration et la rencontre de la
diversité, à la fois les membres de la société d'accueil, les natifs, et la
diversité qui y est inscrite. Et vice versa.
Le Président (M. Picard) :
Merci.
• (16 h 50) •
Mme Weil : Je réitère,
ce n'est pas dans une loi sur l'immigration qui touche l'accueil,
l'intégration... avec une vision qui est proposée ici. Évidemment, quand on
parle de la pérennité et de la vitalité du français — parce
que l'immigration contribue et doit contribuer à la pérennité et la vitalité du
français, qui est la langue commune — alors les valeurs démocratiques... Et le modèle d'interculturalisme qui est
nommé dans une politique, il y a des programmes pour promouvoir ces
relations interculturelles. Mais la loi, dans ses objets, doit directement se
référer aux pouvoirs et aux fonctions d'un
ministre de l'Immigration. Et donc cet amendement ne touche pas les pouvoirs
qui doivent être inscrits et éventuellement la réglementation qui va en
découler.
Maintenant,
c'est vraiment l'argument le plus important. Par ailleurs, le langage n'est pas
du tout concordant avec le langage moderne d'interculturalisme. On ne
parle pas de... Mais je n'ai même pas envie d'aller là, parce que c'est tellement loin des objets et des fonctions d'un
ministre de l'Immigration du ministère de l'Immigration que je ne pense
pas qu'on soit obligés de rentrer dans la
problématique avec le lexique qui est utilisé, qui n'est pas du tout concordant
avec ce qu'on a entendu en commission
parlementaire. Au contraire, le modèle d'interculturalisme reconnaît le
pluralisme de la société québécoise,
qui partage une langue commune. Donc, c'est une question de partage. On n'est pas du tout dans la convergence culturelle, qui est un autre concept tout à fait... Et le Québec, depuis
25 ans, on avait déjà, dans la première politique d'immigration il y a 25 ans, le concept, déjà, qui
émergeait, de l'interculturalisme. Au fil des années, ça se précise, il
est bien inscrit dans la politique, qui reconnaît notamment le pluralisme de la
société québécoise.
Mais on a fait une recherche pour voir où est-ce
qu'on trouve «tradition». Savez-vous les lois où on parle de tradition? C'est la Loi sur les autochtones cris,
inuit et naskapis, où on parle de tradition autochtone, les nations
autochtones. On le trouve dans la Loi pour
assurer l'occupation et la vitalité des territoires, là encore, on parle des
traditions des nations autochtones;
la Loi sur la Société de développement des Naskapis, qui parle aussi des
traditions de ces communautés. Mais on
ne trouve pas, dans nulle autre loi, cette notion de — je regarde le texte — traditions françaises. Non, on ne le
trouve dans aucune loi, dans tout le corpus
législatif du gouvernement du Québec, depuis toujours, on ne trouve pas ce
concept-là. Mais, par ailleurs, ça n'a pas sa place dans une loi sur
l'immigration.
Ce débat peut
se tenir sur une autre loi, si jamais ça vient, mais pas dans un contexte... Ce
n'est pas du tout pertinent au pouvoir d'immigration, de parler de
tradition française, «culture québécoise de tradition française», ce n'est pas
le rôle d'un ministre de l'Immigration de
faire la promotion de ça. On ne parle pas de convergence de traditions
culturelles, des minorités ethniques, on ne
parle plus de minorités ethniques, ce n'est plus dans notre langage, on parle
de diversité ethnoculturelle, donc...
Mais, comme je vous dis, le plus important,
c'est de rester vraiment collé, si vous voulez, sur les objets de la loi. Et
d'ailleurs, on a été félicités par le Barreau du Québec — justement
par la pureté, la simplicité, la structure de ce projet de loi n° 77 — qui
trouvait que, bon, on avait bien visé les objets et que ça reflétait exactement
ce que les consultations, les experts en
immigration souhaitaient qu'on fasse avec le projet de loi. Et là, avec cette
demande-là, on est ailleurs, on est vraiment ailleurs, M. le Président.
Le Président (M. Picard) :
D'autres commentaires?
M. Kotto : M. le
Président, quand on parle d'intégration, on ne peut pas faire l'économie du
débat. Et là je ne reste pas sur la
sémantique, on trouve peut-être la formulation un peu vieillotte en termes de
français, mais je peux faire l'effort d'adapter cela en français
contemporain. Quand on parle d'intégration, on ne peut pas faire l'économie du
modèle de référence.
Quand on vient de
l'étranger, et je suis l'incarnation d'un exemple en ces matières, on vient
dans un pays où deux modes d'intégration
sont en compétition perpétuelle. Parce que, d'un côté, on nous reçoit avec un
fascicule nous parlant du
multiculturalisme canadien en en faisant une référence monumentale. Une fois au
Québec, avec tout ce qu'on peut
ignorer, parce qu'il n'y a rien pour faire face au modèle, à l'approche de la
politique multiculturelle, multiculturaliste du Canada... On a privilégié cette approche virtuelle, je dirais, de
l'interculturalisme. Je dis «virtuelle» parce que l'approche ne
s'inscrit dans aucun énoncé politique et aucune loi. Et je suis très déçu de ne
voir, d'une part, du côté de la politique qui a été révélée hier par la
ministre, que... pas un mot d'inscrit là-dessus, nonobstant les commentaires à
la fois de M. Bouchard et
M. Taylor et, de l'autre côté, de Mme Aïda Kamar, de Vision
Diversité, qui plaidaient pour qu'un cadre de référence comme celui-là,
pour proposer une alternative au multiculturalisme canadien, soit présenté.
Donc,
on parle d'immigration, on parle d'intégration, on parle d'interculturalisme.
Je ne vois pas la raison pour laquelle la notion de reconnaissance de la
société d'accueil ayant en son sein une majorité, celle qui accueille, et des
minorités, celles et ceux qui sont venus par la suite, s'inscrivent...
Le Président
(M. Picard) : D'autres commentaires? Ça va?
Mme Weil :
Pas d'autre commentaire, M. le Président.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette :
Merci, M. le Président. Je comprends ce que mon collègue de Bourget veut faire,
M. le Président, par le dépôt de son sous-amendement...
Le Président
(M. Picard) : Un amendement.
M. Jolin-Barrette : Un amendement,
pardon. De l'amendement. Et, sur la question du vocabulaire utilisé, bien, on peut échanger, dire : On actualise le vocabulaire
ou maintenant on utilise d'autres termes. Ceci étant dit, où c'est intéressant, lorsque j'entends la ministre nous dire : L'interculturalisme, ça se
définit dans le cadre d'une politique...
nous, on aurait préféré l'avoir dans le cadre d'une loi pour vraiment nommer
qu'est-ce que l'interculturalisme. Et j'entends la ministre nous dire :
Pas dans cette loi-là. Est-ce qu'on a une annonce à nous faire? Est-ce qu'on va
avoir une loi sur l'interculturalisme?
Mme Weil :
Là, là, je pense que ce n'est pas pertinent, la question, honnêtement, M. le
Président.
Le Président
(M. Picard) : Donc, vous ne répondez pas, tout simplement.
M. le député de Borduas...
Mme Weil : On est vraiment sur une loi sur l'immigration. La politique
fait état... Il y a beaucoup de mesures, d'ailleurs, je tiens à le
souligner, beaucoup de mesures dans la politique qui renforcent cette
notion d'interculturalisme et qu'est-ce que ce modèle de
vivre-ensemble... entraîne beaucoup de mesures. Et c'est beaucoup dans l'action
qu'on développe l'interculturalisme, ce n'est pas quelque chose d'abstrait et
ça ne doit pas être un modèle d'accueil et d'intégration.
Et d'ailleurs, l'interculturalisme va beaucoup plus loin que juste l'accueil de
nouveaux arrivants. C'est les relations
en temps continu entre... bien, et résidents ou citoyens, si vous voulez, du
Québec venant de partout, mais de tout temps aussi. Alors, c'est ça. Il
ne faut pas faire de confusion avec une loi sur l'immigration qui touche
réellement les nouveaux arrivants.
En
vertu de l'Accord Canada-Québec, notamment les montants qu'on reçoit du
ministère du gouvernement du Canada,
ça couvre les cinq premières années. On n'a pas un financement pour toucher
tout notre modèle, comment dire, de
vivre-ensemble. C'est autre chose. C'est pour ça que ça prenait une politique
avec des mesures très structurantes pour toucher cette question de
vivre-ensemble.
Et
là je voudrais vraiment qu'on s'en tienne à la Loi sur l'immigration pour qu'on
reste collés à ça. Puis on est obligés. Honnêtement, on est obligés, on
ne peut pas recevoir des amendements qui nous amènent ailleurs et qui ne sont pas pertinents aux pouvoirs que le
gouvernement du Québec a, se donne de nouveaux pouvoirs que le ministère de l'Immigration veut se donner, que le
ministre de l'Immigration se donne pour être capable de bien
sélectionner, accueillir et franciser.
Si
on revient aux deux paragraphes et suite aux amendements qu'on semble
accepter... D'ailleurs, le ministère de l'Immigration a formulé des
amendements qui reflètent exactement la discussion qu'on a eue il y a deux
semaines. Tout est là, tout est là. Et le
langage est clair, il est simple, il couvre tout, et, si on analyse bien tout
le langage qui est là, on touche
exactement les questions que le député de Bourget a bien soulignées, donc le
partage de valeurs démocratiques, que c'est
un engagement partagé, toute cette question d'engagement partagé, de langue
commune, le français comme langue commune. Et d'ailleurs, c'est
peut-être l'élément qui a été répété le plus souvent en commission
parlementaire. Ces deux paragraphes reflètent tout à fait la consultation qu'on
a eue sur le projet de loi n° 77.
Personne, dans la
consultation sur le projet de loi n° 77, n'a parlé d'interculturalisme.
Ils l'ont fait dans la consultation sur la politique, car les experts qui sont
venus ont bien fait la distinction. Pensez-vous qu'on avait des avocats en immigration qui sont venus nous parler
d'interculturalisme? Non. C'est un modèle de vivre-ensemble qui ne touche pas
l'Accord Canada-Québec, qui ne touche pas les pouvoirs concernant l'immigration
humanitaire, le regroupement familial, la francisation. Pas du tout.
Alors, je pense qu'il
faut faire les choses au bon endroit.
Le Président
(M. Picard) : M. le député de Borduas.
• (17 heures) •
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, M. le Président, je vais être un peu
en désaccord avec Mme la ministre parce que je pense que, lorsqu'on
parle d'immigration... Je comprends très bien l'habilitation législative, le
cadre à définir pour le nouveau modèle d'immigration qui va être choisi par le
gouvernement. Ça se retrouve dans la Loi sur l'immigration.
Ceci
étant dit, lorsqu'on dit : L'interculturalisme, ça se passe dans l'action,
je suis d'accord avec elle. Mais où j'ai un bémol, c'est que c'est important d'avoir un cadre. Puis nous, on
croit que le cadre doit se faire par le biais d'un cadre légal, notamment par une loi. Et les dispositions
d'une loi sur l'interculturalisme pourraient être intégrées à même la
Loi sur l'immigration dans une section. Et le fait de venir souligner c'est quoi,
l'interculturalisme, ça serait pertinent aussi.
Et
puis, si on se ramène à janvier 2015, l'an passé, de mon souvenir,
certains groupes nous disaient : Au Québec, ce n'est pas spécifié
clairement. La définition d'interculturalisme, la perception que les gens en
ont, elle ne fait pas nécessairement consensus. Donc, je pense,
ça serait très important de venir nommer et de venir codifier qu'est-ce qu'on entend, en tant que société,
pour l'interculturalisme.
Et
je pense que la prémisse de base de mon collègue
avec son amendement, bien, ça permet de faire référence aussi à l'historique, aux traditions. Donc, l'important
aussi, c'est la question de la culture commune. Et on utilise beaucoup
le terme «valeurs démocratiques». Et,
auparavant, le gouvernement utilisait «valeurs communes». Et je sais que
c'est à la suite du témoignage, je pense,
de Me Frémont, de la Commission des
droits de la personne, qui disait : Non, on parle davantage de
valeurs démocratiques.
Ceci
étant dit, les valeurs communes, c'est les valeurs inscrites dans la charte des
droits et libertés québécoise... dans
la charte québécoise qui doivent être là. Puis il faut que ça soit entendu
comme ça aussi, parce que, lorsqu'on parle de valeurs démocratiques... Et puis, à la page 36, là, de la politique
qui a été déposée, la conception des valeurs démocratiques n'est pas nécessairement celle que les Québécois
avaient eue au niveau des valeurs communes, notamment, supposons, l'égalité entre les hommes et les femmes, les
traditions culturelles, ce qui est le ciment de notre nation, la seule
nation francophone en Amérique du Nord.
Donc, je pense que c'est important aussi de faire le lien avec cette question
de valeurs démocratiques et de valeurs communes. Parce que, dans les
documents, là, du gouvernement sur la déclaration que les nouveaux arrivants
signent, on parle de déclaration sur les valeurs communes à la société
québécoise.
Donc,
je comprends que le vocabulaire a migré aussi vers «valeurs démocratiques», mais
ce qui est bien important de se
rappeler, je pense, c'est d'indiquer, dans le cadre dont on va se doter, que ce
soit dans la Loi sur l'immigration et... nous souhaiterions également
avoir une loi sur l'interculturalisme, qui s'y retrouve... Parce que je pense,
moi, que c'est le bon forum de venir
nommer... vous pouvez avoir des pouvoirs habilitants dans la Loi sur
l'immigration, venir définir le
cadre, mais, par ailleurs, venir indiquer c'est quoi, le terrain de jeu,
comment ça s'applique au Québec dans le même outil législatif. Puis il
n'y a rien qui nous empêche de faire ça et de venir vraiment nommer les choses
comme les gens le comprennent.
Le Président (M.
Picard) : D'autres commentaires?
Mme Weil :
Bien, si je réitère : au Canada, le principe de multiculturalisme ne se
trouve pas dans la Loi sur l'immigration et
la protection des réfugiés. Pour ce qui est de cette notion de valeurs
communes, juste parce que je pense que
c'est intéressant pour tous les parlementaires, ici, de comprendre l'évolution
du langage à l'échelle internationale, c'est vrai qu'on a bien utilisé le concept de valeurs
communes, à une certaine époque et très récemment, très présente dans
l'espace européen depuis le milieu des
années 2000, maintenant fortement critiquées, car elles alimentent les discours
qui présument que les personnes immigrantes auraient des valeurs
différentes, voire seraient réticentes à respecter les valeurs de la société. Donc, c'est une expression maintenant qui
ne fait pas du tout consensus, et, même en Europe, que les gens
rejettent. C'est pour ça que la Commission
des droits de la personne nous a dit : Il ne faut pas parler de
«communes», c'est comme si les gens qui viennent ici ne partagent pas
nos valeurs.
D'ailleurs,
la première des choses qu'ils vont nous dire, c'est qu'ils choisissent le
Québec justement à cause de notre
charte des droits et libertés, les notions d'égalité. Moi, souvent, c'est ce
que les gens me disent, la liberté d'expression, etc. Donc, on voit très
bien que les gens qui décident d'immigrer au Québec partagent nos valeurs.
Alors, on a modernisé notre langage, qui va nécessairement nécessiter un
ajustement de nos documents, même, les documents qui ont été créés, à certaines
années, la déclaration des valeurs communes, notamment, que signent les
personnes immigrantes.
Alors, ce nouveau
lexique, parce que ça évolue... on évolue dans un contexte international aussi,
où les gens choisissent, hein, les sociétés où ils veulent s'installer; donc,
c'est important qu'on ait aussi un lexique qui reflète la modernité aussi de ces sociétés. Alors, si, en
Europe... et nous aussi... Moi, je dois dire que la première fois que
j'avais entendu cette expression, j'avais eu
le même réflexe, que ça semblait
indiquer que les gens qui immigrent ici ne partagent pas nos valeurs, et moi, je trouvais que
l'expression... ça me dérangeait. J'étais beaucoup dans le sens de la
commission des droits de la personne. Mais
tout ça pour dire, je réitère, je n'ai pas d'autre commentaire à faire qu'il faut rester vraiment sur les objets de la Loi sur l'immigration.
Le modèle de vivre-ensemble, c'est
dans la politique, mais n'a pas sa place dans une loi sur l'immigration.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de Borduas.
M. Kotto :
M. le Président...
Le Président (M. Picard) :
Oh!
M. Kotto : ...je prends le propos de la ministre
au bond : le modèle du vivre-ensemble, c'est dans la politique,
mais malheureusement ce modèle n'y est pas non plus développé. C'est une grande
frustration.
Ce que je
considère pour l'instant, c'est, disons, le manque d'intérêt
de la ministre de considérer que des nouveaux arrivants, quand ils prennent la décision de
s'inscrire dans le réel du Québec, n'ont pas à se soucier de l'espace dans lequel
ils s'inscrivent au plan historique, au plan
culturel, au plan des valeurs, qu'elles soient démocratiques ou
fondamentales. Je crois que nous ferions des gains intellectuels en nous basant
sur les politiques en immigration, notamment des pays comme la France, comme
l'Allemagne. On y parle évidemment de la société d'accueil, c'est un vecteur
qui occupe une place importante dans leurs politiques d'immigration et leurs
lois.
Ici, j'ai la
forte impression que nous nous enferrons, consciemment ou inconsciemment, dans
le multiculturalisme canadien quant au
cadre de référence en matière d'intégration. La ministre a dit que, dans la loi
canadienne sur l'immigration, il n'est pas fait mention de multiculturalisme. Si, il est fait
mention du caractère multiculturel du Canada, et le lien peut s'établir avec la charte canadienne, article 27 qui, justement,
appelle à protéger, à valoriser — en mes termes, je le dis — le
multiculturalisme. On ne parle peut-être pas de multiculturalisme, mais on fait
allusion au caractère multiculturel du Canada où toutes les cultures sont
égales, sans aucune considération historique.
Et, comme
vous le savez, M. le Président, lorsqu'il a été donné mandat à la commission
Laurendeau-Dunton, en 1964, de mémoire, d'enquêter sur les tenants et
aboutissants de l'identité canadienne, recommandation a été faite à l'effet qu'on reconnaisse le biculturalisme et le
bilinguisme des deux nations fondatrices. Mais par la suite, pour des
raisons qui le regardent, en 1971, feu
Pierre Elliot Trudeau a transformé ces recommandations en bilinguisme pour la
reconnaissance des deux langues officielles, et, en multiculturalisme,
ceux en référence à la montée du nationalisme au Québec, ramenant ainsi le
Québec à une dimension simplement ethnique comme les autres.
Le Québec,
aujourd'hui, de la perspective canadienne, est une région du Canada, et j'en
sais quelque chose, j'ai eu la chance
de siéger au Parlement canadien, j'en connais la perception. Et à titre
d'immigrant, parce que j'ai fait ce parcours, je pense que je suis le seul à l'avoir fait ici, autour de la table,
quand j'arrive de l'extérieur, quand on me parle des valeurs québécoises, je ne suis point offusqué, M. le
Président. Les valeurs québécoises, en termes d'égalité hommes-femmes, quand on en parle, c'est une référence qui fait
école. Quand on parle de la démocratie québécoise, c'est une référence
qui fait école. Parlez-en à l'Écosse,
parlez-en à la Catalogne. C'est un laboratoire en soi, un modèle qui est en
construction, comme le dit M. Naïm Kattan, il est en construction, et
chacun d'entre nous, quelles que soient ses origines, y est invité pour
contribuer de façon structurante, et c'est ce que j'essaie de faire.
Je le fais à
coeur ouvert. Je n'ai aucune arrière-pensée quant à la proposition d'amendement que je faisais; il y a lieu, et ce débat est
pertinent, on parle d'immigration, on parle d'intégration, on parle
d'interculturalisme, il est absolument absurde
de penser qu'il n'y a pas lieu de penser à une forme adéquate de cadre de
référence d'intégration pour les immigrants,
pour les nouveaux arrivants. On va s'enfermer dans un dialogue de sourds et les
problèmes qu'on vit aujourd'hui avec les exclusions multiples, bien, on
va les vivre encore pour longtemps.
• (17 h 10) •
Le
Président (M. Picard) :
Merci, M. le député de Bourget. D'autres interventions? M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Bien, M. le Président, le député de Bourget a souligné, à juste titre, l'article 27 de
la Constitution canadienne, Loi
constitutionnelle de 1982; on fait référence au patrimoine multiculturel des
Canadiens. Et, bon, dans la Loi sur
l'immigration canadienne, il n'est peut-être pas mentionné, mais, au Québec,
on n'a pas de constitution, et je
pense que la loi... Bien, on n'a pas de constitution formelle pour les
juristes, on a une constitution informelle, mais le Parlement du Québec n'a jamais
adopté, n'a jamais codifié l'ensemble des lois, notamment
la Loi sur l'Assemblée nationale,
la Charte de la langue française, qui pourraient constituer la constitution
informelle du Québec, ceci étant dit, pour
qu'on s'entende bien. Par contre, si on prend exemple sur notre partenaire fédéral
et qu'eux, dans leur loi constitutionnelle, viennent dire : Nous,
l'approche multiculturelle doit être incluse dans nos lois, il n'y a pas de
nécessité de l'indiquer dans la loi fédérale sur l'immigration...
Nous, on se retrouve avec une loi québécoise sur
l'immigration, un outil de référence, un outil de sélection qui va servir de base au processus d'immigration,
puis je trouve ça tout à fait approprié d'indiquer quelles sont les
valeurs communes et d'indiquer, dans la Loi sur l'immigration, qu'est-ce qu'on
entend par l'interculturalisme, et de venir mettre un cadre, et de venir
définir aussi ce que constitue l'interculturalisme.
Et tout à l'heure, M. le Président, j'entendais Mme la ministre nous
dire : Les immigrants qui décident de venir au Québec
nous choisissent en fonction notamment de la charte québécoise qui est présente,
les droits et libertés qui sont garantis.
Oui, avant, ça s'appelait «valeurs communes». Moi, je suis très à l'aise avec
«valeurs communes», c'est les valeurs inscrites
dans la charte québécoise de droits et libertés, mais là on tente, avec
«valeurs démocratiques», d'éloigner un
petit peu, et je pense qu'il ne faut pas avoir peur de nommer les choses telles
qu'elles le sont et de venir dire : Dans le fond, ça n'a pas
empêché les immigrants de venir au Québec et de dire : À cause que c'étaient des
valeurs communes, c'est les valeurs
qui sont partagées par tous les Québécois. Et d'ailleurs, le document qui était signé à l'entrée fait
référence aux valeurs communes qui sont présentes. Donc, il y a toute
une question aussi de bien identifier les choses puis de ne pas avoir peur de
le dire.
Au fédéral,
ils ont choisi le multiculturalisme. Au Québec, on a un modèle
distinct, l'interculturalisme, un modèle inclusif, un modèle où est-ce
qu'on veut que les immigrants
s'intègrent, mais où est-ce qu'on leur donne des ressources aussi pour le faire. Puis
je pense que ça fait partie de la spécificité du Québec, puis on l'entend
souvent, maintenant, dans les
causes à la Cour suprême, le caractère distinct du Québec,
les valeurs sociales distinctes du Québec.
Puis je pense que, dans les pièces
législatives qu'on adopte ici, surtout en matière d'immigration... Parce que
Mme la ministre le disait : C'est un phénomène mondial, l'immigration. Puis ça va en s'accentuant, les populations bougent de plus en plus, d'État
en État, et donc je pense que c'est important qu'on se dote d'un cadre vraiment
qui vienne nommer très, très clairement ce que l'on souhaite avoir dans la loi
qui est à la base même de l'immigration.
Parce que, M. le Président, ce qu'il faut dire,
c'est qu'on n'a aucune garantie que le gouvernement va adopter une loi sur l'immigration
dans les prochains mois, dans les prochaines années, le processus est assez...
une loi sur l'interculturalisme, pardon, parce que
le processus est assez fastidieux. On a pu le voir, là, l'an passé, on a
commencé, en janvier 2015, avec les premières consultations. La loi a été
déposée. Bon. Bon, bien, enfin, on étudie la Loi sur l'immigration, maintenant,
en mars 2016. Le temps que ça soit adopté, ça peut prendre du temps. On ne
connaît pas les autres chantiers de Mme la ministre. Donc, peut-être
sont-ils nombreux, mais on n'a pas de garantie; donc, faisons l'exercice
présentement.
Et surtout
lorsqu'on invoque l'Accord Canada-Québec de 1991, c'est un bon accord pour le Québec, mais
il faut toujours garder à l'esprit aussi que l'accord a été
développé aussi parce que l'accord du lac Meech a échoué, puis c'était une des conditions du lac Meech. Et on se
retrouve dans une situation où on a un accord administratif, mais au niveau de sa valeur probante, malgré les
clauses qu'il y a dans l'accord, du fait de dire : Bien, on donne un
préavis de six mois à l'autre partie pour
dire : Je veux résilier l'entente puis, à défaut, l'accord est maintenu.
Constitutionnellement, il n'y a pas de garantie,
au niveau de cet accord-là, qu'il ne pourrait pas être
résilié. Les tribunaux seraient saisis d'un différend entre le Québec
et le Canada sur cette question-là, et c'est un accord administratif. Donc, la force de cet accord-là est
quand même... tant que les parties
sont de bonne foi et tant que les parties sont d'accord, donc il y a vraiment
une question, dans la pièce législative
qui est proposée par la ministre de l'Immigration, de défense des intérêts de
la nation québécoise, puis c'est pour ça que je pense que la loi sur
l'interculturalisme s'inscrirait très bien dans ce qu'on fait aujourd'hui, puis
de vraiment nommer. Puis l'idée du député de
Bourget de faire référence aux traditions culturelles, aux traditions
historiques, ce n'est pas fou puis ça
nous permet d'y réfléchir, et surtout la société québécoise, avec son caractère
distinct, bien, les garanties qu'on a présentement, il faut toujours les
préserver sur tous les volets.
L'aspect
national du Québec, c'est vraiment important, puis on ne doit pas uniquement
prendre exemple sur le gouvernement
fédéral, sur la loi canadienne, parce que les réalités ne sont pas les mêmes
pour le gouvernement fédéral, qui gère
un État-nation beaucoup plus large, et la spécificité, la particularité du
Québec, avec les individus qui s'intègrent à la société québécoise,
c'est vraiment différent.
Et ça m'amène à vous parler, M. le Président, de
la question du regroupement familial. Parce qu'on le vise à l'article 1, et on a suggéré à la ministre, l'an
passé, de s'adresser au gouvernement fédéral pour rapatrier également la
question du regroupement familial. Et je pense que ça pourrait être une
occasion aussi, ça pourrait être un cheval de bataille du Parti libéral, du
gouvernement libéral, d'avoir cette compétence-là aussi.
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. le député de Borduas. M. le
député de Bourget, il vous reste 1 min 20 s.
M. Kotto : Une minute. Oui,
M. le Président. Juste pour questionner la commission. Si la ministre évacue
l'idée de la pertinence de l'amendement, notamment dans la perspective de la
convergence culturelle, considérant majorité-minorité,
et exclut également la pertinence de débattre de ces sujets, y compris la
question de l'interculturalisme, pourquoi
est-il inscrit, à la page 35 du plan d'action, à la page 35... a affirmé
l'interculturalisme québécois pour rallier la population autour d'une vision pluraliste du vivre-ensemble,
notamment en publiant un texte de référence sur l'interculturalisme afin de
clarifier la vision pluraliste qui favorise la cohésion sociale et la pleine
participation? Le débat, elle l'a déjà engagé. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. le député de Bourget. Pas
d'autre commentaire? Donc, nous allons procéder au vote. S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la
mise aux voix. Est-ce que l'amendement du député de Bourget à l'article
1 est adopté?
Des voix : Adopté.
Mme Weil : Non. Non.
M. Kotto : On demande le
vote.
Mme Weil : C'est non. Rejeté.
M. Kotto : Vote nominal, M.
le Président.
Le Président (M. Picard) :
Vote nominal est demandé.
La Secrétaire : Oui.
Monsieur... Oui?
Le Président (M. Picard) :
Allez-y.
La Secrétaire :
M. Kotto (Bourget)?
M. Kotto : Oui.
La Secrétaire : M.
Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Pour.
La Secrétaire : Mme Weil
(Notre-Dame-de-Grâce)?
Mme Weil : Contre.
La Secrétaire : Mme Simard
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Simard : Contre.
La Secrétaire : Mme Tremblay
(Chauveau)?
Mme Tremblay : Contre.
La Secrétaire : M. Drolet
(Jean-Lesage)?
M. Drolet : Contre.
La Secrétaire : M. Plante
(Maskinongé)?
M. Plante : Contre.
La Secrétaire : M. Simard
(Dubuc)?
M. Simard : Contre.
La Secrétaire : Deux pour,
six contre.M. Simard (Dubuc).
1239 M. Simard :
Contre.
La Secrétaire :
Dex pour, six contre
Le
Président (M. Picard) : Merci. Donc, Je propose de revenir à
l'amendement qui a été suspendu, l'amendement qui avait été présenté par
Mme la ministre. Commentaires?
Mme Weil : Moi, j'avais fait
mes commentaires dans un premier temps.
Le Président (M. Picard) :
O.K.
• (17 h 20) •
Mme Weil : Donc, c'était
suite aux discussions que nous avons eues il y a quelques semaines, et on avait
vraiment — c'était
à micro fermé — donc,
un consensus sur la formulation, «un engagement partagé entre la société
québécoise et les personnes immigrantes»; évoqué la «pleine participation, en
français, à la vie collective, en toute égalité
et dans le respect des valeurs démocratiques»; on évoquait donc des «relations
interculturelles harmonieuses».
Et on avait, dans le deuxième paragraphe, toutes
ces notions de contribution à la prospérité du Québec. La pérennité du français : ça, c'est le rôle de l'immigration, notamment. Et on parlait de l'Accord Canada-Québec. On a,
ici, exactement tous les éléments de la vision que le Québec a,
les pouvoirs que le Québec a en immigration, que le Québec exerce depuis de nombreuses années, le contrôle de l'immigration économique presque entièrement, sauf pour l'admission; le rôle
de l'immigration par rapport à sa contribution à la vitalité de la langue
française. Mais on avait rajouté cette dimension
des régions, parce que c'était sorti de façon importante en consultation. Je pense qu'il y a lieu de rappeler, M. le premier ministre... M. le premier ministre, M. le Président...
un jour peut-être, hein?
Le Président (M. Picard) :
Non, ce n'est pas dans mes plans.
Mme Weil : L'importance des
régions, hein, et que le langage qui est ici et les amendements qu'on apporte reflètent beaucoup la consultation. Je pense qu'il faut qu'on se rende compte qu'on
fait des consultations, pourquoi? Pour améliorer le projet de
loi, et ce projet de loi était déjà le reflet d'une consultation qu'on avait
faite en 2015 — début
2015 — sur
la nouvelle politique.
Il y avait
deux grands enjeux, il y avait : moderniser le système d'immigration pour
rendre le système d'immigration beaucoup plus performant, flexible et
rapide. Pourquoi? Pour qu'on fasse un arrimage avec les besoins du marché du travail. On est très loin d'un discours économique
de l'autre côté de cette table. C'est ça, l'immigration, et c'est ça,
les pouvoirs dont on a besoin, en
immigration. C'est vital, pour le gouvernement du Québec, d'avoir ces pouvoirs
et d'être compétitif avec les autres sociétés d'immigration.
Aussi, évidemment, le deuxième enjeu,
c'était cette notion... il y avait aussi cette notion des régions, que
l'immigration doit contribuer aussi au dynamisme des région, et le commentaire
des acteurs régionaux qui voulaient aussi se voir bien reflétés dans ce projet
de loi. Et donc c'est à partir de cette vision et des commentaires qu'on a eus qu'on a amélioré le projet de loi. Et
ces deux paragraphes qui viennent refléter, mais qui reflétaient aussi
une discussion et des échanges qu'on a eus,
il y a deux semaines, avec les deux partis d'opposition et nous-mêmes...
Alors, les légistes ont fait leur devoir et voici les amendements qui sont
proposés. On a retiré l'autre amendement puis c'est le nouveau texte qu'on
propose.
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme la ministre. Des commentaires? M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : J'ai peut-être mal saisi ce que la ministre a dit au niveau du discours
économique au niveau de l'immigration. Ce n'est pas juste un discours
économique, l'immigration n'est pas uniquement qu'économique. Parce que j'ai
perçu...
Mme
Weil : Au deuxième paragraphe, on parle de prospérité, donc,
notamment la prospérité, hein, prospérité dans son sens très, très large de développement social et culturel.
Évidemment, l'immigration humanitaire est là aussi puis ça comprend... Quand on parle d'intégrer les
réfugiés, par exemple, de les aider à trouver un emploi, c'est sûr qu'on
s'inquiète, on se préoccupe, on accompagne. Il faut qu'on accompagne tous ceux
qui viennent ici, qu'ils soient du regroupement familial, qu'ils soient des
réfugiés ou des travailleurs qualifiés qu'on sélectionne, c'est de nous assurer
la peine participation de tous et chacun.
C'est ça, la vision qu'il y a dans la politique, mais c'est ça qui est le
mandat d'un ministre et d'autres
ministres qui vont me succéder de l'Immigration, et c'est de s'assurer que le
Québec ait justement cette vision qui
va nous amener bien loin dans l'avenir avec une vision cohérente du rôle du
gouvernement en matière d'immigration, d'accueil, d'intégration, de
francisation, tous les éléments qui sont essentiels dans un système moderne d'immigration. Mais on le met au goût du
jour pour qu'il reflète... que le vocabulaire et les pouvoirs qu'on se
donne... Là, c'est une parenthèse, là, parce qu'on va toucher ces pouvoirs plus
loin, mais, dans les objets, on doit être capable, de façon très
succincte, dans ces deux paragraphes, de retrouver tous ces fils conducteurs.
Et,
moi, j'admire beaucoup la synthèse, et je trouvais qu'on avait fait un bon
travail il y a quelques semaines. Je trouve
que les légistes ont fait un bon travail pour résumer les discussions qu'on a eues et que tout est là. Et de
s'éloigner de ça, je trouve que c'est un
exercice très dangereux parce que... bien, dangereux... périlleux, dans le sens
que, comment dire, on se trouve à s'éloigner, finalement, des objets de
la loi.
Le Président (M.
Picard) : Merci. M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette :
Oui. Bien, M. le Président, simplement pour mentionner que je comprends la
prospérité économique du Québec puis de faire participer les immigrants à la vie
commune québécoise, mais on ne doit pas l'entendre uniquement
dans une perception économique, dans une prospérité économique, mais dans un engagement
social et culturel et aussi des valeurs communes du Québec. Je pense que c'est...
Mme Weil :
...
M. Jolin-Barrette : Mais la conception aussi, dans l'intention du législateur, aujourd'hui, doit aller en ce
sens-là aussi pour dire, dans le fond :
Le modèle qu'on développe, c'est vraiment un modèle global, puis c'est
important de pouvoir sélectionner les immigrants en fonction des besoins
du marché du travail, mais il ne faut pas négliger l'aspect social aussi qui
sous-tend, dans le fond, la question de l'immigration.
Et
je pense qu'il faut que ça soit très clair aussi que l'aspect des droits
collectifs de la nation québécoise aussi doit toujours être gardé à l'esprit aussi, à cause... bien, pour plusieurs
raisons, on pourrait faire une revue historique, l'aspect historique du Canada, du Québec, mais je pense que
la majorité française, la nation québécoise, dont la langue commune est l'usage du français, ça ne doit pas être perdu de
vue. Il y a des raisons pour lesquelles c'est important de nommer les
choses puis d'assurer la protection de la
langue française, d'assurer la protection de la nation québécoise, qui, par
ailleurs, est ouverte sur le monde.
Mais je pense qu'on ne doit pas diluer le concept et dupliquer ce qui est fait
au niveau fédéral parce que les objectifs ne sont pas les mêmes. Et
c'est le rôle du gouvernement du Québec, c'est le rôle de la ministre de
l'Immigration de s'assurer que cet objectif-là va être rempli dans le futur.
Donc, cet aspect-là
de la Loi sur l'immigration, c'est vraiment une question de conception, de
perception de comment est-ce qu'on se
positionne par rapport à la venue des nouveaux arrivants, puis c'est quoi, le
cadre qu'on décide de se donner, un à
la fois, pour les accueillir, mais, aussi, pour les attirer au Québec. Donc,
quand les choses sont claires à l'avance,
c'est beaucoup plus simple. Donc, on parle souvent de la question de
consentement quand vous signez un contrat, on pourrait le voir comme le fait d'immigrer dans un pays comme le
Canada, comme le Québec, on passe un contrat. On passe un contrat avec
la société d'accueil, on dit : Moi, je décide de venir au Québec, je
m'attends à ce que la société m'accueille, je m'attends à avoir des ressources
pour bien m'intégrer, puis je m'engage à travailler fort pour réussir cet objectif-là. Mais il faut que, ce à quoi on
s'entend, ça soit clairement défini puis il y ait un cadre pour dire :
Voici ce que c'est, la société
québécoise, voici ce à quoi vous devez vous attendre. Voici nos paramètres, les
acceptez-vous? On va être très
heureux de travailler avec vous, que vous veniez nous aider à contribuer à la
société, qu'on va l'enrichir ensemble, mais il faut que les paramètres
soient très bien définis à l'avance.
Donc,
je pense qu'on devrait faire cet exercice-là dans le cadre de l'étude de la Loi
sur l'immigration. Ça n'arrive pas souvent non plus qu'on a la chance de le
faire, mais, je pense, de venir vraiment nommer les choses, on serait sur la bonne
voie de le faire.
Le Président (M.
Picard) : Merci. D'autres interventions?
M. Kotto :
Oui, M. le Président.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de Bourget.
• (17 h 30) •
M.
Kotto : Oui. Merci, M. le Président. Quelques commentaires.
J'entends bien le commentaire de la ministre relativement à son
amendement, mais souvenez-vous, au début des audiences sur cette nouvelle
politique, l'année dernière, en janvier,
février, en 2015, j'anticipais les orientations qu'on nous impose ici
aujourd'hui, notamment l'accent mis
sur l'aspect économique, économicoéconomique de ce projet de loi. Et je disais
alors qu'il y eut des personnes qui avaient été conviées à huis clos à
contribuer dans une réflexion dont on ne connaît pas les détails encore
aujourd'hui, et exercice qui a contribué à
élaborer le document de consultation que nous avons eu à lire et à compulser au
fil du temps. Le résultat, il n'est pas étonnant. Si on exclut d'emblée
le volet social, le volet historique dans lequel les nouveaux arrivants
viennent s'inscrire, ce n'est qu'un aveu patent qui vient confirmer mes
craintes d'il y a un an.
Je
réitère ici, M. le Président, qu'une intégration réussie nécessite la
reconnaissance des fondements de la société dans laquelle on choisit
d'évoluer, la nouvelle société dans laquelle on choisit de construire un
projet, un nouveau projet de vie.
Quand
le législateur, soit par négligence soit par stratégie, oublie ou néglige de
travailler dans le sens de sensibiliser ce nouvel arrivant aux réalités fondamentales de sa nouvelle nation, il
y a une faute, mais une faute que l'histoire jugera. Il ne nous
appartient pas ici aujourd'hui de le faire, mais je nous mets en garde
relativement à ces errances, car le Québec,
M. le Président, n'est pas un port de plaisance, et celles et ceux qui pensent
que le Québec est un port de plaisance sont les semeurs de divisions à
venir.
Ne
pas reconnaître d'entrée de jeu que la société d'accueil... On ne parle pas de
terre d'accueil. Dans une terre d'accueil, sur une terre d'accueil,
n'importe qui peut venir de n'importe où et chanter son credo sans considérer
qu'il y avait déjà un chant entamé à la
base. Mais ce qui s'inscrit dans nos travaux ici depuis un moment, c'est soit
le mépris de ce chant déjà inscrit
dans l'inconscient collectif, chant dans lequel je me suis joint, chant dans
lequel j'ai apporté ma note personnelle,
et d'autres comme moi venus de Chine, venus d'Amérique latine, venus d'Afrique
du Nord, d'un peu partout à travers le monde ont contribué
positivement...
Mais ce n'est pas
tout le monde qui fait l'effort de reconnaître la valeur ou les valeurs
fondamentales de la société d'accueil. Parce qu'en face il y a un compétiteur
armé de moyens beaucoup plus importants que le Québec, c'est lui qui donne le visa au-delà des
frontières, c'est lui qui donne le statut de résident permanent, c'est lui qui,
trois ans... bientôt... En fait, M. Harper avait imposé quatre années de
résidence avant d'obtenir la citoyenneté, mais le nouveau gouvernement veut ramener ça à trois ans. Donc, c'est lui qui donne, ce gouvernement qui donne la citoyenneté, c'est lui qui donne le passeport. La société
d'accueil, la maison qui nous accueille ou qui nous a accueillis, en parlant de
mon expérience, c'est le Québec.
Et,
si d'aventure on reste sur la piste
que nous propose la ministre, il faudrait envisager le changement de
titre de ce projet de loi. Ce serait — et je le propose en boutade — un projet de loi sur la main-d'oeuvre étrangère.
Ce n'est pas un projet de loi sur
l'immigration, parce que l'immigration, M. le Président, ne se dissocie pas, à
mes yeux, des questions relatives à l'intégration et notamment une
intégration réussie.
Le
Président (M. Picard) : Merci. D'autres commentaires?
Donc, je serais prêt à mettre aux voix l'amendement proposé par Mme la
ministre à l'article 1. Est-ce qu'il est adopté?
Des voix :
Adopté.
M. Kotto :
Sur division.
Le Président
(M. Picard) : Sur division. Nous revenons à l'article 1
amendé. Est-ce qu'on en fait la lecture? Est-ce
qu'on doit en faire la lecture? Non,
ça va? Donc, à l'article 1, tel qu'amendé, est-ce qu'il y a des
commentaires?
M. Kotto :
Je pense que la messe est dite, M. le Président.
Le Président (M. Picard) :
Donc, je mets l'article 1, tel qu'amendé, aux voix. Est-ce qu'il est
adopté?
Des voix :
Adopté.
M. Kotto :
Sur division.
Le Président
(M. Picard) : Sur division. Article 2. Mme la
ministre.
Mme Weil : «Dans la présente loi, un ressortissant étranger
est une personne qui n'est ni un citoyen canadien ni un résident
permanent au sens de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.»
La
définition a été modifiée par rapport à celle qui se trouve à l'article 2 de la
loi actuelle. En effet, cette définition comporte une erreur, puisqu'elle ne vise que les personnes qui
s'établissent temporairement. De plus, la nouvelle définition ne
comprend pas le représentant d'un gouvernement étranger ou le fonctionnaire international.
Selon la définition proposée, ces derniers
sont des ressortissants étrangers au sens de la loi, cependant
des exemptions prévues par règlement pourraient leur être applicables en
vertu du premier alinéa de l'article 10 du projet de loi.
Alors,
peut-être... Je ne sais pas si tout le monde a accès à l'actuel article 2 de la Loi sur l'immigration. Est-ce que ça a été distribué? Je pourrais
vous la lire, M. le Président.
Le Président
(M. Picard) : Allez-y, Mme la ministre.
Mme Weil : Donc, c'est l'erreur qui est corrigée, qui existe
depuis de nombreuses années. Combien d'années, cette erreur? Une
trentaine d'années. Imaginez-vous!
Alors :
«Dans la présente loi, on entend par "ressortissant étranger" une
personne qui n'est ni citoyen canadien, ni résident permanent au sens de la Loi sur l'immigration et la protection
des réfugiés et des règlements adoptés sous son autorité et qui s'établit temporairement au Québec à
un titre autre que celui de représentant d'un gouvernement
étranger ou de fonctionnaire international.»
Le Président
(M. Picard) : D'autres commentaires, Mme la ministre?
Commentaires?
M. Jolin-Barrette :
Oui. Peut-être une question, M. le Président.
Le Président
(M. Picard) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Donc, je comprends, avec l'introduction de
l'article 2, on fait toujours référence à la Loi sur l'immigration et la
protection des réfugiés. Donc, c'est une formule de pont, on se réfère à la loi
fédérale. Donc, si jamais la loi fédérale change, nous, notre définition change
aussi?
(Consultation)
Le Président
(M. Picard) : Mme la ministre.
Mme Weil :
Écoutez, vous dites, donc... Si je comprends bien la question, c'est si le
fédéral change le sens de «ressortissant étranger»?
M. Jolin-Barrette :
Non. Mais, dans le fond, la formule, là, qu'on a à l'article 2 qui...
Mme Weil :
De résident permanent?
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, on dit : «[Le] ressortissant
étranger est une personne qui n'est ni un citoyen canadien ni un
résident permanent au sens de la Loi sur l'immigration et la protection des
réfugiés.» Donc, c'est une formule de passeport, on se réfère au fédéral?
Mme Weil :
Oui. Mais un citoyen canadien, bon, on sait ce que c'est, hein? Un résident
permanent, on sait ce que c'est, c'est quelqu'un qui est admis, qui a
tous les droits de tous les Québécois ou Canadiens, mais qui ne peut pas voter,
hein? C'est à peu près la seule différence, je pense, entre un citoyen et un
résident permanent. Un ressortissant étranger,
juste pour rendre ça très clair, c'est un étudiant étranger, c'est un
travailleur temporaire, c'est quelqu'un qui est ici de façon temporaire,
un touriste.
Alors,
c'est ça, la confusion dans la formulation de la loi à ce moment-là. Et on ne
sait pas pourquoi cette erreur, on ne sait pas qui est responsable de
cette erreur, c'est ce que les juristes me disent, mais c'est une correction.
• (17 h 40) •
M. Jolin-Barrette :
Donc, c'est vraiment sur la question de «temporaire».
Mme Weil :
Oui.
M. Jolin-Barrette :
Et puis, pour les catégories, là, à 6, 7, c'est quoi, l'impact?
Mme Weil :
6, 7?
M. Jolin-Barrette : De la nouvelle loi, du projet de loi n° 77 : «Un ressortissant étranger appartenant à
l'une des catégories prévues aux
articles 6 et 7 doit, pour séjourner ou s'établir au Québec, présenter une
demande au ministre...» Les catégories auxquelles on fait référence,
donc, ça va être les programmes d'immigration?
Mme Weil : Oui. Bien, la question, c'est... Ça, c'est
les catégories d'immigration,
de ressortissants étrangers
qui souhaitent séjourner à titre temporaire, donc justement : les
travailleurs temporaires, les étudiants étrangers, bon, les personnes en séjour temporaire pour traitement
médical. Et l'article 7, oui, c'est justement les catégories de
ressortissants étrangers qui souhaitent s'établir à titre permanent. Ça, c'est
les catégories d'immigration qu'on connaît bien, hein : regroupement
familial, immigration humanitaire, immigration économique.
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme la ministre. D'autres commentaires? Si je n'ai pas d'autre commentaire, je
vais mettre aux voix l'article 2. Est-ce que l'article 2 est adopté?
Des voix :
Adopté.
M. Kotto :
Sur division.
Le Président
(M. Picard) : Sur division. L'article 3.
Mme Weil : Là, M.
le Président, je voudrais retirer... Il y avait
un amendement qu'on avait déposé, alors c'est de retirer
cet amendement. Il y a un nouvel amendement.
Le
Président (M. Picard) : Mme la ministre, votre amendement avait été seulement... vous l'aviez
distribué. Donc, vous n'avez pas besoin de les retirer, ils n'ont pas
été officiellement déposés.
Mme Weil :
O.K., d'accord.
Le Président
(M. Picard) : Merci. Vous pouvez y aller, Mme la ministre.
Mme
Weil : Donc,
article 3 : Remplacer — ça, c'est l'amendement — remplacer «de la demande
d'immigration au Québec ainsi que de ses besoins et de sa capacité d'accueil et
d'intégration,» par «de la demande d'immigration, des besoins du Québec, dont
ceux de ses régions, ainsi que de sa capacité d'accueil et d'intégration,».
Alors :
«Afin d'élaborer une planification pluriannuelle de l'immigration, le ministre,
en tenant compte — ça, c'est
le texte actuel — notamment
de la politique québécoise en matière d'immigration, de la demande
d'immigration au Québec ainsi que de ses
besoins et de sa capacité d'accueil et d'intégration, propose des orientations
pluriannuelles au gouvernement pour leur approbation.»
Le
texte modifié se lirait : «Afin d'élaborer une planification pluriannuelle
de l'immigration, le ministre, en tenant compte notamment de la politique québécoise en matière d'immigration, de
la demande d'immigration, des besoins du Québec, dont ceux de ses régions, ainsi que de sa capacité d'accueil et
d'intégration, propose des orientations pluriannuelles au gouvernement
pour leur approbation.»
Cet amendement vise à
préciser que les besoins du Québec dont le ministre tient compte pour proposer
des orientations pluriannuelles au gouvernement sont les besoins du Québec et
de ses régions.
Donc,
c'est vraiment, suite aux consultations, l'importance de souligner les besoins
des régions et que les régions se sentent bien reflétées dans la Loi sur
l'immigration.
Moi,
je vous dirais que, dans la consultation et par ailleurs, tous les commentaires
qu'on a eus, évidemment la vision était là, mais qu'il fallait le
renforcer.
Le Président
(M. Picard) : Merci. Commentaires? M. le député de
Borduas.
M. Jolin-Barrette :
Oui. Pour ma compréhension, M. le Président, dans le fond, c'est là qu'on va
fixer la planification pluriannuelle, c'est là qu'on va fixer notamment les
seuils d'immigration.
Mme Weil :
Et la composition de l'immigration.
M. Jolin-Barrette :
Et la composition. Donc, la région de provenance des...
Mme Weil :
Région de provenance, non.
M. Jolin-Barrette :
Dans l'ancienne loi, c'était prévu qu'il pouvait y avoir des bassins.
Mme Weil :
Qui n'est pas dans ce projet de loi, les bassins.
M. Jolin-Barrette :
O.K.
Mme Weil :
Et, dans la dernière planification pluriannuelle, on a enlevé le concept de
bassin, qui ne faisait vraiment pas
consensus. Et c'est là qu'on avait remplacé cette orientation par une
orientation d'aller chercher des gens de partout dans le monde. La pression... on mettait plus sur les épaules du
gouvernement du Québec de faire l'attraction, le recrutement, la promotion partout dans le monde, et c'est ce qui a
reflété aussi... bien, dans la nouvelle politique, mais aussi dans cette
loi, ce projet de loi.
M. Jolin-Barrette : Donc, je comprends que concrètement le gouvernement,
malgré le fait qu'il avait la possibilité d'utiliser les bassins dans l'ancienne loi, ce n'était pas utilisé par
le gouvernement. Il n'utilisait pas les dispositions de l'ancienne Loi
sur l'immigration avec ces outils-là.
Mme Weil : Non, pas vraiment. Mais ce concept était plus
pour assurer... Honnêtement, je me rappelle très, très bien du débat,
j'étais là-dedans. C'est que ça permettait au gouvernement du Québec de s'assurer quand même qu'on avait
une bonne représentation par continent. Mais ça a suscité un débat dans la société
à l'époque. Certains trouvaient qu'il y avait une portée ou pouvait avoir une
portée discriminatoire.
Alors, moi, j'étais
mal à l'aise beaucoup, très mal à l'aise avec le fait que des gens sentaient
qu'il y avait une discrimination. Ce n'était
pas l'intention du gouvernement, ce n'était pas l'intention du ministère de l'Immigration. Alors, j'ai
cru bon, à ce moment-là, de changer les orientations. Et, lors de la consultation, en 2011, il y avait un fort consensus qu'il fallait changer
les orientations de la planification pluriannuelle pour ne plus parler de
bassins.
Ça
avait été vraiment très bien reçu. Et il nous restait à amener cet amendement
dans le projet de loi. Et, lors de la consultation, évidemment,
il y avait un consensus. Ils ont compris que l'amendement qu'on amenait ici
au projet de loi venait
refléter le débat qu'on a eu il y a quelques années.
Le Président
(M. Picard) : M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et, sur la question des orientations
pluriannuelles, le plan est présenté au gouvernement puis il est adopté par décret? Bien, en
fait, la planification pluriannuelle... Donc on dit, là : «...le ministre,
en tenant compte notamment de la politique québécoise en matière d'immigration — donc
celle qui a été déposée, là, aujourd'hui ou hier — de la demande d'immigration
au Québec ainsi que de ses besoins et de sa capacité d'accueil et
d'intégration, propose des orientations pluriannuelles au gouvernement pour
leur approbation.»
Donc,
concrètement, M. le Président, la ministre, elle, à chaque année... bien, en
fait, à chaque cinq ans peut-être...
Mme Weil :
C'est un décret, hein? Et d'ailleurs c'est important de voir la suite des
articles, hein, l'article 4 aussi, qui décrit le processus. Donc,
les orientations, c'est par décret, c'est ça?
Une voix :
...
Mme Weil :
Les orientations, c'est par décret. Ensuite, il y a la consultation qu'on fait,
la consultation publique, ensuite le plan qu'on dépose à l'Assemblée nationale,
hein, toujours le 1er novembre.
M. Jolin-Barrette :
Mais l'étude est faite en commission parlementaire?
Mme Weil :
Oui.
M. Jolin-Barrette :
L'étude du plan?
Mme Weil :
Pas du plan, de la planification pluriannuelle.
M. Jolin-Barrette :
De la planification pluriannuelle.
Mme Weil :
C'est ça. Donc, sur les volumes et sur la composition.
M. Jolin-Barrette :
Oui. Mais, concrètement, dans un sujet comme celui de l'immigration, la
planification pluriannuelle, ce qu'on cherche, comme société, c'est d'avoir un
consensus par rapport à la venue, si possible.
Mme Weil :
Oui, le plus possible.
M. Jolin-Barrette : Et les outils que l'on constate dans la loi, oui,
il y a un mécanisme de consultation, mais, au bout de la ligne, malgré
le fait qu'il y ait une commission parlementaire, suite à la consultation
parlementaire, la planification pluriannuelle est déposée à l'Assemblée
nationale?
Mme Weil :
Oui.
M. Jolin-Barrette :
Et puis il n'y a pas de vote à l'Assemblée nationale sur ça?
Mme Weil :
Non.
M. Jolin-Barrette : Moi, je me dis : L'immigration, c'est un
sujet vraiment important pour la nation québécoise. Pourquoi, dans la recherche du consensus, est-ce
qu'on n'en ferait pas un dossier national à l'Assemblée et que ce soit
approuvé par l'ensemble des parlementaires?
Le Président (M. Picard) :
Mme la ministre.
Mme Weil :
Bien, comme toutes les sociétés, le gouvernement fédéral a aussi son plan, il
annonce ses orientations. La raison
pour laquelle on pourrait ne pas avoir de consultation — on est vraiment une des seules sociétés qui
fait une consultation : le
gouvernement doit être capable d'agir rapidement en immigration. Et de penser
qu'on soumettrait ces décisions importantes
d'un gouvernement à un vote et un consensus viendrait vraiment sévèrement
limiter la capacité du gouvernement d'agir comme il doit agir.
Alors,
l'imputabilité du gouvernement, évidemment, c'est que tout ça est transparent,
basé sur des études de l'ISQ notamment
et sur des recommandations d'autres membres d'autres ministères. Il y a le
ministère de l'Emploi qui joue un rôle
important. Et c'est pour ça que tout ça est transparent dans le document de
consultation. Et ensuite le gouvernement prend une décision par rapport
à la consultation qui est tenue. Le gouvernement
sera imputable. Évidemment, c'est bien important pour le gouvernement
d'entendre les voix.
• (17 h 50) •
Mon expérience — j'ai eu seulement une
expérience avec une consultation — c'est qu'on a vraiment dégagé des consensus et qu'on a agi sur ces consensus. Et
c'est pour ça qu'on fait cet exercice. Moi, je ne pourrais pas vous
dire... et ça ne serait certainement pas dans notre volonté de soumettre une
décision importante comme ça à quelque chose de
plus rigoureux qu'une consultation. Déjà, c'est un exercice très transparent
qui permet à tous... Et même le document, tout le processus qu'on a
utilisé jusqu'à date, tout ça est fait de façon transparente : nos études
sont sur notre site Internet, les gens
peuvent en débattre, peuvent voir nos orientations. Ensuite, on a soumis nos
orientations à une deuxième consultation.
Personnellement,
vraiment, c'est ce que je voulais avoir, qui va beaucoup, beaucoup dans le sens
de la question et, je dirais, de
l'intérêt du député de Borduas, c'est-à-dire de nous assurer que, le plus
possible, on ait l'adhésion de la population québécoise avec nous. Je
pense qu'il a raison, c'est important, mais l'exercice qu'on fait vient faire
ça. Je suis très confiante de ça. Je suis
très confiante aussi que tout l'exercice qu'on a fait avec la politique, de
soumettre ça, il n'y a pas beaucoup de sociétés qui auraient fait autant
de consultations qu'on a faites sur un enjeu justement qui est parfois sensible, mais en même temps qui nécessite
qu'on y adhère, et, afin d'y adhérer, qu'il y ait beaucoup de
transparence dans l'exercice. Mais je vous
dirais que ce serait la limite de ce qu'un gouvernement devrait faire. Moi, je
n'irais jamais recommander qu'on soumette ça. On n'a pas besoin de le
faire, les gouvernements vont agir de façon responsable.
Et savez-vous que, depuis le temps qu'on soumet
ces orientations — et
c'est différents gouvernements, hein, qui
ont eu cet exercice à mener — ça a toujours bien fonctionné? C'est ça qui
est assez intéressant, ça a bien fonctionné. Donc, il n'y a pas de
problème à régler par rapport au processus, quant à moi.
M. Jolin-Barrette : O.K., peut-être une question complémentaire
là-dessus, si vous me permettez, M. le Président.
Le Président (M. Picard) :
Oui, oui.
M. Jolin-Barrette : On n'est pas à la période des questions, mais on
peut prendre une question complémentaire quand même.
Vous avez
dit, Mme la ministre : J'ai participé à une seule reprise à cet exercice-là.
Je sais que vous avez les gens de votre
ministère avec vous, qui vous accompagnent, peut-être qu'il y a un historique
au niveau du ministère. Est-ce que c'est déjà arrivé, dans le cadre des
consultations publiques au niveau de la planification pluriannuelle, que ce qui
était proposé par le gouvernement au niveau des seuils, suite à la
consultation, il y ait eu des modifications qui ont été apportées à ce qui a
été approuvé par le gouvernement au niveau de la planification pluriannuelle?
Mme Weil : Moi, mon
expérience, il y en a eu. Par rapport au seuil, non, mais la composition.
M. Jolin-Barrette : Donc, quand
on parle de composition, on parle de la provenance des individus ou...
Mme Weil :
Oui, par exemple, la question des bassins. Suite à la consultation, le débat
public qui a été suscité, c'est là que j'ai amené une modification aux
orientations. Je vous dirais que ça a beaucoup été validé. Je ne me rappelle plus exactement, mais il y avait quelque chose
aussi sur la question de la langue. On est venu rehausser, il me semble,
le langage, mais, à l'époque, on parlait d'un minimum de 60...
M. Jolin-Barrette : ...6 à
niveau 7?
Mme Weil : Pardon?
M. Jolin-Barrette : De
niveau 6 à niveau 7 pour la langue?
Mme Weil : Non, on n'était pas là-dedans,
non, à ce moment-là, non. Ça, c'est venu avec l'ancien gouvernement,
le gouvernement précédent, le rehaussement du niveau.
Mais, écoutez, moi, je ne peux pas répondre à la
question, je ne sais pas s'il y a assez d'histoire ici, mais les orientations,
moi, mon expérience que j'avais prise, ont vraiment fait consensus par rapport
au volume.
Apparemment, j'ai été encore plus transparente
que les gouvernements qui m'ont précédée, parce que, dans les gouvernements précédents, ils mettaient trois
scénarios sur la table et ensuite ils prenaient une décision. Moi, ce
que j'ai fait, j'ai mis...
M. Jolin-Barrette :
Donc, M. le Président, lorsque la ministre mentionne «le précédent
gouvernement» : le gouvernement du Parti québécois?
Mme Weil :
Non, «des gouvernements précédents», «des» gouvernements précédents. Donc, de
toutes couleurs... des deux couleurs.
M. Jolin-Barrette : Donc,
libéraux et péquistes.
Mme Weil :
Essentiellement, ils mettaient trois scénarios. Mais là où j'aurais innové,
semblerait-il, c'est que j'ai mis un
scénario sur la table pour voir si on avait
l'adhésion de la population à ça. On était venus stabiliser le volume
à 50 000, et ça a fait vraiment consensus à ce moment-là. Il y en avait
qui demandaient plus, c'est sûr, mais on est venus stabiliser à 50 000.
M. Jolin-Barrette : Et ça,
c'était en 2011?
Mme Weil : 2011.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais, sur cette question-là des seuils
d'immigration, il y a un fort débat relativement à la capacité d'accueil
de la société québécoise. Certains groupes souhaitent avoir davantage...
Mme Weil : C'est pour ça
qu'on fait cette consultation, et c'est là qu'on aura le débat.
M. Jolin-Barrette : Mais, nonobstant ce fait-là au niveau du
processus de consultation dans la mécanique actuelle que nous avons, à
partir du moment où la décision du gouvernement est prise, tant que le
titulaire du poste en matière d'immigration
est ouvert, ça fonctionne bien, comme vous l'êtes présentement. Mais, à partir
du moment où le titulaire change, et
il a une plus grande fermeture, et décide de fixer un seuil, fait les
consultations, mais où l'idée ne change pas, on se retrouve dans une
situation où peut-être qu'il y aurait lieu que ça soit l'Assemblée qui décide
d'approuver le niveau des seuils. Mais peut-être dans un souci de cohésion...
Mme Weil :
Bien, ce serait de dire que toutes les décisions d'un gouvernement, il faudrait
soumettre ça à un vote de l'Assemblée nationale. Il y a beaucoup de
décisions importantes que les gouvernements prennent. Ils prennent la responsabilité, ils sont imputables. La
transparence est importante. Les gens jugeront et les gens jugeront aux
prochaines élections. Parce qu'on ne pourrait pas avoir un gouvernement qui
aurait les mains liées de cette façon-là.
Je comprends
que l'immigration est un sujet important, mais l'important, c'est d'avoir de la
transparence, mais de limiter les
capacités d'un gouvernement qui est élu. Le gouvernement en question, là, c'est
un parti politique qui est élu basé
sur sa plateforme. Donc, dans sa plateforme, le parti politique peut proposer,
par exemple, sa vision en immigration, sera élu selon les orientations
de ce parti politique.
Je pense qu'il faut faire attention de ne pas
empêcher... Donc là, vous posez des questions pour comprendre comment ça
fonctionne, mais moi, je pense que plusieurs gouvernements ont fonctionné avec
cette vision. Là, on vient clarifier. Ça n'a
jamais créé de problème. On n'a jamais eu de débat là-dessus. Entre les deux
partis politiques, là, sur cette question-là, on n'a jamais eu de
contentieux. Je pense que les gens apprécient beaucoup le fait qu'on est vraiment... j'hésite à dire le seul État, là,
parce que peut-être qu'il y a un autre État qui fait une consultation aussi
vaste que nous, mais on dirait qu'on semblerait le seul. Et je pense qu'on est
très fiers de ça et que ça fonctionne bien. Il y a beaucoup de bonne volonté dans cet exercice, c'est important de le
maintenir. De venir ensuite à rajouter des contraintes, je ne vois pas
l'utilité de ça.
Mais là je pense qu'il faut revenir peut-être à
l'article, M. le Président.
Le
Président (M. Picard) : À l'amendement, Mme la ministre?
Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, je pense qu'on est plein
dedans, sur la discussion, puis on est en plein sur l'article. Parce que la planification
pluriannuelle, M. le Président, la ministre nous dit : On fait preuve de
transparence. Tant mieux, qu'on fasse preuve
de transparence, mais le fait de susciter la cohésion puis de l'ensemble de la
population sur cette question si
importante... J'entends très bien la ministre nous dire : Écoutez, on est
un gouvernement, on est élus, ce
n'est pas toutes les décisions. Nous, notre pouvoir exécutif, on doit pouvoir
l'exercer. Soit, je suis d'accord avec ça. Mais, par contre, pour des sujets d'intérêt national comme celui de
fixer les seuils au niveau de l'immigration, là, à ce moment-là, je me questionne à l'effet de :
peut-être l'Assemblée nationale devrait pouvoir approuver ce plan-là,
surtout que, depuis les dernières années, et
on l'a constaté, et en consultation les gens le disent aussi, puis je salue
l'effort du gouvernement d'adopter
une nouvelle loi, de moderniser tout le processus d'immigration... mais on a
quand même des difficultés au niveau de l'intégration.
Puis je pense
qu'il n'y a personne ici autour de la table qui peut le nier. On est face à une
situation où on change notre modèle d'immigration parce qu'il n'était
plus adapté à la réalité d'aujourd'hui, et là on se retrouve dans une situation
où on a des défis à combler. Et il y a beaucoup de gens qui ont immigré qui se
sont retrouvés sans emploi, aujourd'hui encore.
Le
Président (M. Picard) : M. le député, je dois vous
interrompre.
Compte
tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 19 h 30, où vous pourrez reprendre. Merci.
(Suspension de la séance
à 18 heures)
(Reprise à 19 h 38)
Le Président (M. Matte) : À
l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend
ses travaux. Je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires, je vais faire de même.
Nous poursuivons
l'étude détaillée du projet de loi n° 77, Loi sur l'immigration au Québec.
Il y a eu l'adoption
de l'article 1 et 2 qui a été faite, nous sommes rendus à
l'article 3, donc un texte qui a été modifié de la part de la ministre.
C'est bien ça?
Mme Weil :
Oui. On était rendus...
Le Président
(M. Matte) : Alors, le député de Borduas, vous aviez la parole
sur le texte modifié.
M. Jolin-Barrette : Oui, bien, sur la question du texte modifié, M.
le Président, ce que je disais à la ministre, dans le fond, c'est que, malgré le souci de
transparence dont elle fait preuve, en fait, on aurait peut-être intérêt à ce
que les seuils d'immigration
soient... bien, en fait, l'approbation des seuils d'immigration, l'approbation
de la planification pluriannuelle de
l'immigration soit approuvée non pas par le gouvernement mais par l'Assemblée
nationale. Donc, on a expliqué un peu, là,
avant la suspension des travaux pour le souper, le processus par lequel ça
passait, donc c'était l'initiative du gouvernement et par la suite c'était déposé en commission
parlementaire pour consultation. Mais ultimement ce qu'on disait,
c'était : Bon, bien, au bout de la ligne, c'est le gouvernement qui
choisit et il peut ou ne peut pas changer sa position.
On
se retrouve dans une situation où... et je n'ai pas eu réponse à cette
question-là, à savoir : Est-ce que c'était déjà arrivé dans l'histoire, depuis qu'on procède de cette
façon-là, est-ce qu'il y a eu un changement au niveau du seuil de la
quantité d'immigrants qu'on accueille annuellement? La ministre nous a dit tout
à l'heure : Bon, on a déjà fait des changements
sur la question du français, sur la question des bassins régionaux... Mais
vraiment, sur la question, là, des seuils d'immigration, est-ce que c'est déjà arrivé qu'on établisse, du côté
gouvernemental, un seuil d'accueil des immigrants sur la planification
pluriannuelle et que par la suite on dise : Suite aux consultations, bon,
bien, on va réviser notre seuil, on va le diminuer, on va l'augmenter, tout ça?
Ça serait pertinent de le savoir pour les travaux de la commission.
• (19 h 40) •
Le Président
(M. Matte) : Merci. Mme la ministre, est-ce que vous êtes en
mesure de pouvoir répondre à la question du député de Borduas?
Mme Weil :
Bien, on a eu l'occasion d'en discuter longuement, que finalement la procédure
de consultation qu'on fait, la planification
pluriannuelle répond vraiment à tous ces besoins de consulter le public et que
le gouvernement doit avoir la marge
de manoeuvre pour prendre des décisions sur un enjeu de la sorte. C'est un
enjeu qui est important. Il y a beaucoup d'enjeux qui sont importants
pour un gouvernement... d'être capable rapidement d'agir. Ce n'est pas le genre de dossiers qu'il faut mettre... Ce n'est
pas comme un projet de loi qu'on adopte. On adopte le projet de loi ici,
mais on parle de la planification, hein?
M. Jolin-Barrette : Peut-être pour spécifier, M. le Président, pour
Mme la ministre, la question, c'était vraiment juste sur les seuils d'immigration, sur la planification. Est-ce que
c'est déjà arrivé que le ministère de l'Immigration ait été en
consultation avec une idée qu'on va accueillir x nombres d'individus et que,
suite à la consultation, on ait modifié le seuil du côté gouvernemental?
Le Président
(M. Matte) : Mme la ministre.
Mme Weil :
Oui, on en avait discuté précédemment, et ce que j'avais dit, c'est qu'il y
avait déjà trois scénarios.
M. Jolin-Barrette :
Oui, bien, c'est ça. Bien, j'ai repris vos propos tout à l'heure en
introduction.
Mme Weil :
O.K. d'accord. Donc, ce qu'on...
M. Jolin-Barrette :
Mais, en fait, c'était vraiment sur cette question-là précise.
Mme Weil :
Oui. Non. Alors, ce qu'on m'explique, c'est qu'il y a eu trois scénarios. Il y
avait précédemment trois scénarios
qui avaient été présentés, et ensuite le gouvernement prenait sa décision sur
le scénario que le gouvernement choisissait.
Donc, dans le cas où moi, je l'ai fait, j'ai présenté un scénario. C'est tout
ce qu'on peut vous dire là-dessus. Donc,
ce n'était pas comme s'il y avait un scénario présenté, un scénario, puis,
suite à la consultation, le gouvernement aurait choisi un autre
scénario, suite à la consultation, modifié le scénario à cause de la
consultation. Il faut dire que, mon expérience, c'est qu'il y avait déjà
beaucoup, beaucoup d'adhésion au scénario que j'avais présenté.
Ça
aussi, ce n'est pas... Comment vous dire? Je pense que c'est important de
l'expliquer. C'est parce que le scénario est basé sur des documents
comme le document de l'Institut de la statistique du Québec et ses prévisions
démographiques notamment, aussi sur les prévisions d'Emploi-Québec sur le nombre
d'emplois à pourvoir sur une période
d'années. Donc, on touche au vieillissement de la population, mais pas pour
rajeunir la population, l'immigration
n'a pas vraiment beaucoup d'effet là-dessus, c'est beaucoup sur les personnes
en âge de travailler. Alors, c'est vraiment, je vous dirais, parmi les
plus importantes, c'est vraiment ces deux orientations.
Donc, une
fois qu'on se base sur les données de cette nature, ensuite il reste à évaluer
la capacité d'accueil, et c'est là où
il y a des discussions, et c'est là où les organismes communautaires vont
souvent venir et présenter leurs points de vue sur leur réussite à ce niveau. Mais, en tout cas, moi, mon
expérience, ça a été qu'il y avait beaucoup de consensus sur le volume
que j'avais présenté. Je ne sais pas, on verra au printemps, on aura l'occasion
d'en parler puis de vivre cette expérience.
Le Président (M. Matte) : M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien,
peut-être sur ce point-là, je me demandais... la ministre disait : Moi,
quand j'ai fait l'exercice de la
planification pluriannuelle, j'y ai été de façon plus ouverte et je n'ai déposé
qu'un seul scénario. Auparavant, les
anciens gouvernements, c'étaient trois scénarios. Dans la réforme ou dans la
nouvelle loi sur l'immigration, est-ce
que c'est prévu que la ministre ne va déposer qu'un seul scénario? Est-ce que
ça va toujours être la base de travail envisagée ou on laisse une
certaine latitude à revenir à l'ancienne façon de procéder?
Le Président (M. Matte) : Mme
la ministre.
Mme Weil :
Écoutez, je pense que c'est le choix du ministre. Et je parle pour des
ministres qui vont me succéder, hein?
Je pense que c'est important de garder cette marge de manoeuvre pour les
ministres qui vont me succéder, pour les gouvernements. Franchement, c'est les gouvernements qui présentent ça.
Donc, je ne sais pas encore, là, si on va présenter 1, 2 ou 3. On n'est
pas rendus là.
Le Président (M. Matte) : M. le
député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Mais, M.
le Président, on comprend la
difficulté, parce que, dans le
fond, on dit : Il faut
que ça fasse consensus, il faut que ça fasse
cohésion. On a déjà vu certains gouvernements faire fi du consensus social puis prendre une direction. Puis je pense qu'en matière
d'immigration, au niveau des seuils d'immigration — puis
on le voit, là, au cours des dernières années — on
peut avoir certaines difficultés. On peut dire : On accueille un certain
nombre d'immigrants puis ne pas donner les ressources appropriées pour bien
intégrer les immigrants.
Donc, mon souci était en ce sens-là, pour
dire : Est-ce que, en tant que... Et puis on est dans un Parlement où l'Exécutif a beaucoup de pouvoir. Est-ce qu'on ne
devrait pas assujettir le contrôle des seuils, la planification
pluriannuelle à l'approbation de l'Assemblée
nationale? Il me semble que ça m'apparaîtrait comme étant une mesure permettant
d'assurer une cohésion et où est-ce que tous les groupes parlementaires
pourraient travailler ensemble dans l'atteinte et dans la recherche de cette cohésion-là pour s'assurer qu'à
partir du moment où on dit qu'on accueille, supposons, 60 000 immigrants...
Est-ce que les budgets vont suivre? Est-ce que les organismes communautaires
qui sont chargés de la francisation vont
avoir les moyens pour le faire? Est-ce qu'on va faire des suivis en emploi?
Est-ce qu'on va supporter les entreprises qui, eux, offrent des programmes
en francisation? Est-ce qu'on va avoir des indicateurs de performance?
Donc, c'est
toute cette question-là qu'il faut avoir. Puis tout à l'heure, on parlait de
l'aspect économique dans le dossier, et là ça nous permettrait peut-être
de s'assurer que les bottines suivent les babines et de s'assurer de créer un
lien entre les deux.
Le Président (M. Matte) : Mme
la ministre.
Mme Weil : Oui. Il n'y a
pas de décisions de gouvernement qui sont soumises à un vote à l'Assemblée nationale, c'est la responsabilité du gouvernement
d'agir de façon responsable, de s'assurer que les ressources sont là. L'Accord Canada-Québec, justement la formule qui
regarde le nombre de personnes qui ne parlent pas français et le nombre d'admissions... donc, la formule s'ajuste au
volume. Donc, de dire que les ressources ne seront pas là, ce n'est pas
vrai. La francisation, dépendant du nombre
de personnes qui ne parlent pas français, l'Accord Canada-Québec, bon,
340 millions l'année dernière, augmente
selon le volume, et c'est la responsabilité du gouvernement justement d'évaluer
le nombre d'admissions basé sur ce que vous dites : Est-ce qu'on a
la capacité d'accueil, d'intégration? C'est tout ça, l'exercice que le
gouvernement fait.
Mais le
gouvernement a l'information pour prendre cette décision, les élus ne
l'auraient pas. Donc, c'est-à-dire, le gouvernement,
donc, c'est le ministère des Finances, c'est le ministère de l'Emploi, c'est le
ministère de l'Immigration. C'est tout un travail gouvernemental. Ce
n'est pas le ministre tout seul qui sort avec un chiffre de son chapeau, c'est
vraiment un exercice qui est très rigoureux et qui est soumis, donc, à cette
consultation pour que les gens puissent bien
voir l'exercice, et ensuite se prononcent. Parce qu'il y a des économistes qui
viennent, il y a d'autres personnes qui ont des points de vue sur ces choses-là, il y a la chambre de commerce, les
chambres de commerce qui vont venir, les acteurs économiques, les acteurs qui représentent aussi les organismes qui
s'occupent d'accueil, d'intégration, francisation. Et c'est à partir de
ça que le gouvernement prend sa décision par rapport au seuil.
Le
Président (M. Matte) : M. le député de Borduas?
M. Jolin-Barrette :
Oui, merci, M. le Président. Vous me permettrez de déposer un sous-amendement
relativement à l'amendement de la ministre.
Le Président (M. Matte) : Donc, même, il y a déjà un texte modifié. On veut
un sous-amendement pour ce texte-là?
M. Jolin-Barrette :
Oui.
Le Président
(M. Matte) : On peut-u l'avoir?
M. Jolin-Barrette :
Donc, ça se lirait ainsi, M. le Président :
Remplacer «au
gouvernement» par «à l'Assemblée nationale».
Le Président (M. Matte) : Oui. Alors, vous faites la distribution. Je vais
demander au député de Borduas de nous expliquer votre sous-amendement.
• (19 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, dans le fond, ce qu'on
vient changer là, on vient changer, remplacer «au gouvernement» par «à
l'Assemblée nationale».
Ce
que ça fait, c'est que, lorsqu'on lirait l'article, là, 77, on viendrait dire,
bon, sans prendre en compte, supposons, l'amendement de la
ministre :
«Afin
d'élaborer une planification pluriannuelle de l'immigration, le ministre, en
tenant compte notamment de la politique
québécoise en matière d'immigration, de la demande d'immigration au Québec
ainsi que de ses besoins et de sa capacité
d'accueil et d'intégration, propose des orientations pluriannuelles à
l'Assemblée nationale pour leur approbation.»
Donc, concrètement,
on vient substituer l'Assemblée nationale au gouvernement pour l'approbation de
la planification pluriannuelle. Puis ça
s'inscrivait dans la discussion que nous avions avec la ministre sur cet aspect
important de consensus social, de cohésion.
J'entends
bien la ministre, qui nous
disait : C'est le travail du gouvernement, de faire la planification pluriannuelle, c'est
le gouvernement qui dispose des informations au ministère des Finances, au ministère
du Travail, probablement, de
l'Emploi et de la Sécurité sociale. Mais ça n'empêche pas, dans un souci de transparence,
de communiquer ces informations-là à l'opposition et de travailler tous ensemble
à véritablement s'assurer que la politique que l'on choisit, la planification pluriannuelle que l'on choisit, bien, elle va être approuvée par l'Assemblée nationale. Et ça n'empêcherait pas d'entendre tous
les acteurs économiques, d'entendre les économistes, d'entendre les groupes de
francisation.
Mais
ce que je vous dis, M. le Président, c'est que je ne suis pas nécessairement
prêt à faire un chèque en blanc au gouvernement sur la fixation des
seuils en matière d'immigration, les seuils d'accueil, parce qu'on a constaté,
depuis plusieurs années, que les ressources et l'organisation de l'intégration des immigrants avaient des lacunes. Donc, ça
serait un moyen pour les Québécois d'assurer un contrôle sur l'action gouvernementale
si on procédait de cette façon-là, pour s'assurer
que, lorsqu'on décide de fixer un seuil, bien, on attache le grelot avec la situation.
Et la ministre nous soulignait très
bien, bon, l'Accord Canada-Québec est
modulé en fonction du nombre d'immigrants et de la connaissance de la langue française, donc les sommes varient annuellement en
vertu de l'accord sur une période de plusieurs années.
Ceci étant dit, vous le savez, M. le Président, je
pense, lors de l'étude des crédits, il y a des choix gouvernementaux qui sont faits en fonction de l'enveloppe
Canada-Québec, donc le gouvernement distribue l'argent en conséquence,
mais le gouvernement du Québec aussi peut mettre de l'argent dans ses
programmes d'accueil et d'intégration. Donc, à ce moment-là, si le gouvernement du Québec décide d'accueillir davantage
d'immigrants, il dit : Pour nous, c'est important en fonction des
objectifs du marché du travail, des emplois, tout ça, mais qu'il ne s'occupe
pas du volet social pour bien intégrer les
immigrants et que l'argent qui est disponible pour l'entente Canada-Québec
n'est peut-être pas suffisant ou n'est
peut-être pas distribué adéquatement... Le fait de pouvoir contrôler les seuils
à l'Assemblée nationale, on va pouvoir s'assurer,
en tant que société, d'avoir un cadre respectueux pour accueillir les
immigrants et pour leur offrir les ressources pour s'intégrer.
Dans le fond, M. le
Président, c'est la logique d'une chose. Lorsqu'on vise un objectif, on
s'assure qu'il y a un contrôle puis on
s'assure d'un suivi. Et ma crainte... Vous savez, la planification
pluriannuelle, là, elle est prévue pour cinq années; un gouvernement, c'est quatre ans. Donc, durant ces cinq
années-là, s'il n'y a pas de contrôle de l'Assemblée nationale, on se retrouve dans une situation, M.
le Président, où, bien, il y a des dommages collatéraux qui peuvent être
créés, puis on n'aura pas réussi à bien
intégrer les immigrants à la société québécoise. Puis il ne faudrait pas se
retrouver dans une situation comme on l'est actuellement, où on a des taux de
chômage qui avoisinent les 20 % chez les immigrants issus de l'étranger
depuis moins de cinq ans.
Le Président
(M. Matte) : Merci. Et, Mme la ministre, est-ce que vous voulez
intervenir?
Mme Weil :
Non, je n'ai pas d'autre commentaire, M. le Président.
Le Président
(M. Matte) : O.K. Alors donc, moi, je vais suspendre quelques
instants parce que j'ai besoin d'éclaircissement par rapport à ça. Donc, on
suspend, hein, les délibérations.
(Suspension de la séance à 19 h 54)
(Reprise à 19 h 56)
Le
Président (M. Matte) :
Donc, on reprend nos délibérations. Est-ce
que, Mme la ministre, vous avez
d'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention...
M. Kotto : ...M. le
Président, je voudrais bien.
Le Président (M. Matte) : M. le
député de Bourget.
M. Kotto : Merci, M. le
Président. Très brièvement, je pense objectivement que la suggestion du collègue
de Borduas en est une qui fait sens considérant l'enjeu, parce que
la question des seuils en a toujours été une qui, ma
foi, a interpellé et l'opinion publique, et
les médias, et l'ensemble des élus à l'Assemblée nationale.
Considérant par ailleurs le fait que la perception qu'on en a eue par le passé
quant à leur fixation était à l'effet que ça se faisait un peu à
l'intuition, parce que des indicateurs
objectifs... Et, en 2010, de mémoire, le Vérificateur général avait
fait part de critiques relativement au
fait que le ministère n'avait pas d'indicateur socioéconomique pour
bien mesurer la capacité réelle du Québec à accueillir et à intégrer les nouveaux arrivants. Et, malgré ce constat, aucune recommandation concrète n'a été faite au ministère. Et il nous faisait comprendre que, sans ces indicateurs,
le ministère pouvait difficilement s'assurer que le Québec
est capable de supporter les hausses progressives et mesurer les
retombées de l'immigration sur son développement.
Alors, si
cette tâche, disons, est dévolue au seul gouvernement, il y a
lieu à penser que les choses vont se passer comme elles se sont passées par le passé. Or, si, à l'aune de la proposition du collègue de Borduas, on inscrit les élus de l'Assemblée
nationale, en l'occurrence dans le cas d'une commission comme celle-ci,
préalablement à un vote au salon bleu, à
débattre de ces seuils et à entendre les arguments les justifiant, on serait
dans un exercice davantage
plus transparent que par le passé. Et ça, je
ne fais pas le procès du gouvernement actuel, mais force est de constater que
ces seuils relevés depuis 2007, de mémoire, font débat dans la société. Et,
très souvent, nous sommes, en tant qu'élus, interpellés là-dessus, parce que
nous engageons, année après année, un nombre considérable de nouveaux arrivants
sans toujours répondre adéquatement à leurs besoins.
Plusieurs
d'entre eux, on l'a évoqué ici l'année dernière, au moment des auditions sur le
document de consultation relatif à la nouvelle politique,
plusieurs sont restés sur le carreau, notamment nos concitoyens originaires
d'Afrique, du Nord et du Sud, affichant des
taux de chômage deux, voire trois fois plus importants que ceux constatés
chez les natifs. Donc, il y a à
l'évidence lieu d'avoir, disons, une approche exigeant une reddition de comptes de la part du gouvernement, et
celle-ci ne peut se faire que dans le
cadre d'une commission comme celle-ci et, par extension, à l'Assemblée
nationale. Et je considère que la proposition du collègue de Borduas en est une
qui fait sens dans ce cas-ci. Je pourrais élaborer davantage, mais je sais qu'il est toujours difficile de se faire
iconoclaste quand on est, disons, conditionné par des façons de faire. C'est toujours difficile de sortir de ses
repères. Mais je pense que c'est une bonne idée, il faut la prendre
comme ça.
• (20 heures) •
Le Président (M. Matte) : Mme
la ministre, vous voulez intervenir par rapport...
Mme Weil : Ça va, M. le
Président.
Le Président (M. Matte) : Donc,
si je comprends, il y a eu un sous-amendement qui a été proposé par le député
de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Le
Président (M. Matte) : Donc, s'il n'y a pas d'autre intervention, nous
allons procéder à la mise aux voix...
M. Jolin-Barrette : ...
Le Président (M. Matte) : Un
autre sous-amendement?
M. Jolin-Barrette : Non, une
autre intervention.
Le Président (M. Matte) : Ah!
excusez. Allez-y, M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Malheureusement, je ne peux pas me sous-amender
moi-même, donc... Bien, M. le Président, je pense que ce qu'on propose au gouvernement, il ne s'agit peut-être
pas d'une façon de faire habituelle, mais je pense que, puisqu'on
modifie la Loi sur l'immigration une fois à chaque...
M. Kotto : Quart de siècle.
M. Jolin-Barrette : ...à chaque
quart de siècle, à chaque 25 ans, on a une occasion de faire les choses
différemment. Puis ce n'est pas parce que ça s'est toujours fait de cette
façon-là qu'on ne devrait pas le faire d'une autre
façon et surtout que... Et j'ai bien entendu l'objectif de la ministre,
d'assurer le plus de transparence possible. Donc, je salue l'ouverture
au niveau de la transparence, mais la meilleure façon d'assurer la
transparence, ça serait que ça soit voté par l'ensemble des députés de l'Assemblée
nationale, ça serait l'ouverture du gouvernement envers la population
pour dire : Écoutez, voici les chiffres
que nous avons, voici les problématiques que nous avons, la difficulté
d'intégration ou les défis auxquels on a à faire face collectivement.
Parce que l'immigration,
c'est le dossier de tous les Québécois, dans le fond. Parce que, quand on
dit : Ça prend un partage de
responsabilités entre les immigrants et la société d'accueil, ça veut dire que
tout le monde au Québec, là, doit
participer à l'intégration des immigrants. Parce que, lorsque les gens arrivent
au Québec, il faut que les communautés s'investissent,
parce que tout le monde va être gagnant si on met tous l'épaule à la roue.
Mais, pour ce faire, je pense que la voix des gens au Québec, c'est
l'Assemblée nationale, sur un enjeu qui va toucher aussi la pérennité de la
nation québécoise. Parce que, Mme la
ministre le soulignait tout à l'heure, au niveau de la démographie québécoise,
il y a une question également au niveau du marché du travail. Donc, pour
ce qui est de la question de la démographie, on sait que, nécessairement, la
population est vieillissante, Mme la ministre l'a souligné tout à l'heure
aussi, on n'assure pas nécessairement un renouvellement de la population par le
biais de l'immigration, puis il y a des études à ce niveau-là, mais on assure
qu'il y ait une contribution au marché du travail, à l'essor de la société
québécoise.
Donc, sachant
ça, sachant aussi qu'il y a des défis en région... On l'a vu à
l'article 1, on a modifié le projet de loi pour également inclure l'aspect régional. Bien, dans un gouvernement,
parfois, ça peut arriver qu'on ait moins d'oreille et d'écoute pour les
régions ou moins de députation en région. Prenons le cas du gouvernement
libéral actuellement. Plus de la moitié du
cabinet se retrouve sur l'île de Montréal. Il y a des gens qui se retrouvent en
région, de la députation, certains
ministres régionaux aussi. Ceci étant dit — peut-être que la ministre pourra nous le
confirmer — autour
de la table du Conseil des ministres,
il y a des discussions, mais, ceci étant dit, lorsque vient le temps de prendre
une question pour l'ensemble du
territoire québécois, si vous avez des représentants de l'ensemble des régions,
à ce moment-là, le droit de parole,
la force de persuasion peut être plus grande. Donc, quand on a des réalités
régionales, le fait d'avoir l'ensemble de la députation qui est élue
partout à travers le Québec, sur tout le territoire québécois, bien là ça
permettrait peut-être d'orienter
différemment puis de répondre aux besoins des régions aussi, puis de les
écouter. Puis on parle beaucoup,
en matière d'immigration, que c'est
centralisé à Montréal, 80 %, 78, environ, pour cent des gens vont
s'établir dans la région...
Le Président (M. Matte) : Un
instant. M. Plante, député de Maskinongé.
M. Plante :
Question de règlement, M. le Président. Écoutez, j'écoute attentivement mon
collègue de Borduas depuis quelque
temps. Je comprends bien où il veut en venir, mais il faudrait faire attention
dans ses propos. Bon, il insinue plein
de choses à mots dits, à mots couverts, à mots cachés. Je voudrais juste lui
rappeler que nous sommes tous des députés élus ici et que le parti gouvernemental, le parti ministériel représente
toutes les régions du Québec avec fierté, et on fait tout notre travail
avec diligence, M. le Président.
Le
Président (M. Matte) :
Merci, M. le député de Maskinongé. Donc, j'invite le député de Borduas à la
prudence et à poursuivre.
M. Jolin-Barrette : Bien, peut-être sur la question de règlement
soulevée par le député de Maskinongé, M. le Président, c'est justement ce que je fais, je souhaite que les députés
des régions, les ministres en région aient leur mot à dire dans la politique en matière d'immigration. Puis,
ce que je lui dis, dans le fond, c'est vraiment que ça soit pris en
compte, et vraiment qu'on assure, par le
biais de l'Assemblée nationale, que la question régionale, la régionalisation
de l'immigration, bien, elle soit prise en compte de façon importante,
puis que les gens qui sont élus dans des comtés à l'extérieur de Montréal aient leur mot à dire puis puissent soulever
concrètement c'est quoi, les problématiques, supposons, d'intégration, d'accueil et même de rétention, et
même aussi au niveau du démarchage. Donc, c'est pour ça que je propose
entre autres que l'Assemblée nationale puisse approuver le plan du
gouvernement. Ça m'apparaît être une façon de susciter un consensus, d'avoir de
la cohésion.
Le Président (M. Matte) : Vous
avez terminé, M. le député de Borduas?
M. Jolin-Barrette : Bien,
peut-être que la ministre veut...
Le Président (M. Matte) :
J'invite la ministre.
Mme Weil : J'ai juste un
commentaire, parce que je suis de Montréal, mais, je dois vous dire, je suis
très régionaliste. Je le dis parce que
l'expérience qu'on a eue tous ensemble en commission parlementaire, à quel
point le projet de loi, la politique
aussi et les éléments qu'on a mis dans ce projet de loi, qui ont vraiment
suscité beaucoup d'enthousiasme parce
que... et c'est vraiment beaucoup ma volonté, honnêtement, parce que j'ai fait
le tour des régions et je comprends à quel
point les gens, que ce soit la ville de Québec, le Québec, la région de Québec,
que ce soit à Montréal... Mais c'est vrai qu'il y a plus d'immigrants à Montréal; c'est bien connu que, Montréal,
c'est une ville de diversité. Mais, partout en région, les gens qui
veulent de l'immigration, qui veulent avoir un rôle à jouer... C'est ce qu'on a
fait dans ce projet de loi.
Donc, c'est
le processus et la commission parlementaire en soi qui font que tout le monde
partage ensemble les mêmes points de
vue. Et c'est pour ça qu'on a eu beaucoup de plaisir, je pense, en commission
parlementaire, ici, lorsqu'on a
écouté les voix des intervenants, des élus en région qui nous ont dit le rôle
qu'ils voulaient jouer. Donc, qu'on soit de Montréal ou ailleurs, on est tous sensibilisés à ce qu'on entend puis,
en tant que gouvernement, évidemment, il faut répondre à ça, d'où les
modifications qu'on a apportées sur la question des régions.
Donc, pour moi, l'exercice
parlementaire fait exactement ce que le député de Borduas demande; c'est ce
qu'on fait. Et je pense que les
propositions, les modifications qu'on a faites, elles vont dans ce sens-là,
aussi, la politique, mais aussi le projet
de loi en soi qui est le résultat d'une consultation qu'on a menée en janvier,
février 2015. Donc, l'exercice démocratique, c'est ces
consultations qui font en sorte que c'est reflété dans nos projets de loi qui
sont adoptés par l'Assemblée nationale.
Le Président
(M. Matte) : Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants? M. le député de Borduas.
• (20 h 10) •
M. Jolin-Barrette :
Oui. Bien, je comprends bien ce que la ministre nous dit, qu'il y a un
processus de consultation, mais,
janvier 2015, j'y étais, et on a offert une main tendue au gouvernement de
participer au processus, et finalement notre téléphone n'a pas sonné.
Donc, en commission parlementaire, on était là, mais nous, ce qu'on a fait, on
a présenté un plan aussi pour réformer le modèle d'immigration.
Donc,
ce que la ministre nous dit, dans le fond, c'est : Le processus de
consultation a cours, on utilise ce forum-là pour arriver à une réforme puis pour faire la planification, tout ça.
Mais, concrètement, oui, le projet de loi est adopté, oui, les lois sont votées, mais, dans ce cas-ci, pour
la planification pluriannuelle, elle ne passera pas par l'Assemblée
nationale, elle ne passera pas par un vote à l'Assemblée nationale. Ça va être
le gouvernement qui va l'approuver par décret probablement au Conseil
des ministres. Donc là, il y a une
différence. Lorsqu'on adopte la loi à l'Assemblée, l'ensemble
de la députation se prononce sur cette
question-là, et là, dans le cadre de la planification pluriannuelle,
ce n'est pas l'ensemble de la députation.
Donc,
je pense qu'il y aurait une opportunité pour le gouvernement, le ministère de l'Immigration, de s'assurer, sur un enjeu aussi important que celui de fixer les seuils... Puis je le
répète, M. le Président, c'est vraiment une question de dire : Même s'il y a des ressources qui sont attribuées, il y a
des choix gouvernementaux qui sont faits, puis le volume d'immigration va façonner aussi le Québec
de demain. Et ma crainte, c'est qu'on se retrouve encore dans une situation
dans laquelle on a été, où les ressources ne
suivent pas les seuils d'immigration. Donc, si on n'a pas ce mécanisme de
contrôle là, on va se retrouver encore dans une situation dans laquelle on est
présentement aujourd'hui, où les taux de chômage sont encore très élevés. Donc,
ça m'apparaît une proposition raisonnable.
Le Président (M.
Matte) : Mme la ministre.
Mme Weil :
Oui. Non, pour bien expliquer, je pense que le député n'a peut-être pas compris
mes propos. L'obligation comme gouvernement — on
fait des consultations — c'est
d'amener les modifications qui nous viennent par la voix des
participants. Et d'aucune façon les orientations du parti du député n'étaient
reflétées, mais vraiment aucunement, dans les interventions qu'on a entendues.
Les propositions de la CAQ ne sont pas du tout reflétées dans ce qu'on a entendu,
non. Il n'y a personne qui demande le rapatriement du renouement familial,
parce que les gens comprennent que c'est un
dossier quand même qui... Il y a une obligation en vertu des ententes internationales, auxquelles le Québec adhère. C'est très important, c'est dans la
catégorie générale d'immigration humanitaire. Ça touche le développement de l'enfant, l'importance que
les familles soient réunies, qu'on ne peut pas freiner le bonheur et le
bien-être d'une famille.
Alors,
c'est sûr que les experts qui sont venus en consultation, il n'y aurait
personne qui aurait proposé ça et d'autres orientations, c'est-à-dire d'être ici pendant une période de temps puis,
si la personne ne trouve pas un emploi, bon, bien, ils doivent quitter le Québec. C'est des choses que jamais on
n'aurait, des avocats qui pourraient proposer des choses comme ça en immigration. Ça n'existe pas dans le monde,
où les gens auraient un statut précaire comme ça. C'est le contraire. En immigration, il faut toujours...
D'ailleurs, les interventions vont dans l'autre sens. On a eu des
représentations qui disaient que les gens qui ont un statut temporaire, il faut
rendre leur statut permanent. Et on va dans ce sens-là avec le projet de loi.
Moi, mon propos,
c'était de justement... c'est de dire, en tenant des consultations, comment on
fait pour la planification pluriannuelle.
C'est le gouvernement qui a la responsabilité de refléter ses interventions si
les interventions et les
modifications qui sont demandées respectent les chartes de droits et libertés,
la cohérence législative du gouvernement, etc. Et un gouvernement, c'est beaucoup, beaucoup d'experts qui sont derrière
les ministres, évidemment, hein? C'est des experts qui sont là depuis longtemps, qui ont une expertise par rapport
à la cohérence de l'action gouvernementale, et que les lois et les
règlements qui sont adoptés puissent être, comment dire, respectueux,
finalement, de nos autres loi. Donc, le gouvernement a cette responsabilité.
Ensuite, évidemment
que, si c'est des projets de loi, oui, c'est adopté par l'Assemblée nationale,
mais on ne s'entend pas tous du tout sur
tous les aspects des projets de loi, donc c'est pour ça qu'il y a des votes.
Mais, pour une action comme une
consultation pluriannuelle, on va très, très loin, de soumettre ça à une
planification pluriannuelle, parce qu'on est vraiment le seul
gouvernement qui semble le faire, parce qu'on pourrait faire comme les autres
gouvernements. D'ailleurs, il n'y a pas une
disposition semblable pour le gouvernement fédéral. Il n'y a pas de disposition
dans la loi sur l'immigration
fédérale qui dit qu'ils doivent soumettre leurs objectifs de planification sur
le volume et composition à une consultation.
Donc, on pourrait facilement tout simplement adopter les orientations de la
planification, de la composition et les seuils sans passer par une
consultation.
Alors,
je pense que j'ai dit tout ce que j'avais à dire, M. le Président, sur le fait
que c'est très bien comme ça, et je souhaite
qu'on maintienne cette ouverture, et on va le faire. D'ailleurs, c'est inscrit
maintenant dans la loi. C'était
une pratique, mais c'est inscrit dans la
loi, on va poursuivre dans ce sens-là. Mais le gouvernement est capable
d'agir de façon très responsable à la lumière de ces consultations, comme
vous allez le voir lorsqu'on fera la consultation plus tard cette année, au
printemps.
Le
Président (M. Matte) : D'autres intervenants? M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Oui. La ministre nous dit : Le gouvernement est capable de
faire le travail. Il y a un politicien, un jour, qui a déjà
dit : «Trust but verify», j'aimerais ça qu'on...
Des voix :
...
M. Jolin-Barrette :
«Trust but verify.» Mais j'aimerais ça qu'on applique ce principe-là à la
planification pluriannuelle. Puis je pense
que ça permettrait d'assurer le même objectif que la ministre souhaite dans son amendement et dans son
article. La proposition que nous faisons, c'est simplement l'approbation de la
planification pluriannuelle par l'Assemblée nationale.
Donc, tout ce que la ministre
nous a dit relativement à l'expertise des gens au ministère de l'Immigration, à
l'expertise des gens au ministère des Finances, à l'Emploi, au Travail, elle
demeure, M. le Président. Dans le fond, la ministre
de l'Immigration se retrouve à être
le porteur de ballon de son équipe gouvernementale
en matière de planification pluriannuelle,
et l'idée, c'est de vraiment dire qu'elle va venir défendre ça à l'Assemblée
nationale. Donc, elle va pouvoir bénéficier de toute l'expertise de
l'État, de l'expertise de son gouvernement, mais, ultimement, elle serait
soumise à l'approbation de sa politique par
l'Assemblée nationale... la planification pluriannuelle, pardon. Et ça n'enlève
rien au gouvernement. La politique
serait d'autant plus renforcée parce que le résultat ultime, c'est qu'elle
aurait l'assentiment et l'approbation de l'Assemblée.
Donc, pour avoir une
légitimité, une transparence — les objectifs recherchés par la
ministre — il
n'y a pas mieux que d'amener ça sur le
parquet de la Chambre, à l'Assemblée nationale, et ça laisse à la ministre
toute la latitude pour le faire. Mais
ça permet de travailler en collaboration avec le législatif à ce niveau-là, au
niveau du rôle qu'on exerce tous, au niveau
du contrôle de l'action gouvernementale, puis je pense que c'est vraiment une
avenue qui pourrait être intéressante, surtout dans un souci de
transparence.
Et,
M. le Président, vous savez, ce gouvernement nous a dit : On est les plus
transparents qui soient. Je veux bien, mais il faudrait le démontrer de
temps en temps.
Le Président
(M. Matte) : Mme la ministre, souhaitez-vous intervenir?
Mme Weil :
Non, merci, M. le Président.
Le Président
(M. Matte) : Non? S'il n'y a pas d'autre... Oui, M. le député de
Bourget.
• (20 h 20) •
M. Kotto :
J'en ai une, intervention, M. le Président. M. le Président, après une
augmentation de 73 % de l'immigration entre les années 1990 à 2009,
comparativement à la période allant de 1970 à 1990, les seuils ont été
augmentés en 2009 sous le gouvernement libéral et aussi aujourd'hui entre
53 000 et 54 000. Ça fait, grosso modo, entre 34 % et 40 %
de plus d'augmentation.
En
2009, on nous disait qu'on aurait 1 400 000 emplois à combler à
l'horizon 2014... non, 2019, dont 700 000 à l'horizon de 2014. Ce n'est pas arrivé. Je ne sais
pas sur quels indicateurs on s'était basé pour établir ces chiffres-là,
mais ce n'est pas arrivé, et il n'y a eu
personne pour rendre des comptes relativement à cette projection-là. Je ne sais
pas sur quoi on s'est basé. Et je
pense qu'avec la proposition de mon collègue de Borduas ce genre d'errance,
entre guillemets, aurait du mal à
trouver sa place ici, à l'Assemblée nationale. Ces mêmes projections sont
aujourd'hui évoquées, on entend notamment des gens avancer les chiffres
d'une augmentation de 60 000 nouveaux arrivants à venir. Mais sur
quoi on se base? On n'a pas d'indicateur, je vous le réitère.
Dans son rapport de
2010, le Vérificateur général avait constaté que le ministère de l'Immigration
n'avait pas d'indicateur socioéconomique pour bien mesurer la capacité réelle
du Québec à accueillir et à intégrer en emploi. Et, depuis lors, il n'y a pas
eu de recommandation concrète faite au ministère pour changer cette lacune-là.
Alors, sans ces indicateurs, sur quoi se base-t-on? Une fois qu'on a posé la
question, au terme de potentielles audiences, lors des travaux entourant les
seuils d'immigration, ici, on n'aura plus d'autre recours que les périodes de
crédits, par exemple, l'étude de crédits.
Je
ne sais pas ce qui fait peur, je ne sais pas si la ministre a une méfiance
relativement à la proposition du collègue de Borduas, mais je pense que c'est une frontière de plus en termes de
transparence. Et c'est une idée que moi, j'accueille très, très
favorablement. Et comme je vous le disais dans ma précédente intervention, la
question des seuils est une question sensible au Québec, déjà qu'on ne prépare
pas le territoire humain — je
parle bien du territoire humain — à accueillir massivement, d'une année à
l'autre, le monde, déjà qu'on contribue, par cette carence, à rendre difficile l'intégration de la diversité si d'aventure on
persiste dans un exercice qui, ma foi, serait confisqué par le
gouvernement et incitant au passage des
scénarios les plus absurdes. Parce que tout est question de perception aussi.
On augmente, mais on se base sur quoi pour augmenter? On ne sait pas.
Mais,
si on invite l'ensemble de nos collègues de l'Assemblée nationale à
s'intéresser, à se pencher pour valider ou invalider, je pense que ça légitimise l'exercice et ça donne plus de
poids aux orientations que la ministre, en l'occurrence, pourrait
suggérer au Conseil des ministres pour l'année ou les années à venir. Je ne
vois pas ce qui fait peur à la ministre au
moment où on se parle, monsieur... C'est pourtant simple comme exercice. On le
fait pour ce projet de loi. On a
entendu des gens, nous sommes en train de débattre des articulations de ce
projet de loi et nous allons retourner au salon bleu pour faire valider ce projet de loi. Nous l'avons fait à d'autres moments.
On peut s'obstiner sur des détails parfois, mais c'est toujours dans une
perspective constructive; je pense que c'en est une, de proposition
constructive.
Alors, si la ministre considère qu'il
n'est pas du ressort de l'Assemblée nationale de jeter un regard
constructif en ces matières, donc grand bien
lui en fasse, mais on ne peut pas, nous, de ce côté-ci, avec la lecture que
nous faisons de l'enjeu, avoir la
même attitude. Ce n'est pas une question de posture, là, on est en train
d'essayer de bonifier un projet de loi, on le disait tout à l'heure, qui est revu depuis plus de 25 ans
déjà. On essaie de le dépoussiérer. Si la transparence est un élément,
une notion qui a de la résonance dans l'esprit du gouvernement, bien, je pense
qu'il ne sera pas difficile de dire oui à la proposition du collègue de
Borduas.
Le Président
(M. Matte) : Merci, M. le député de Bourget. Est-ce que, la
ministre, vous voulez intervenir?
Mme Weil :
Non merci, M. le Président.
Le Président
(M. Matte) : Oui, M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette :
Merci, M. le Président. Mais peut-être un autre point pour convaincre la
ministre de se rallier à notre
argument : il n'y a pas beaucoup d'États dans le monde qui accueillent
autant d'immigrants annuellement que le
Québec, on est vraiment une terre d'accueil. Puis je reviens avec l'argument
d'assurer qu'on accueille selon notre capacité d'intégration, mais surtout de donner les ressources aussi. Et, vous
savez, c'est l'Assemblée nationale
qui vote les crédits lors de l'étude
des crédits. Et on se retrouve dans une situation où les deux
exercices vont se faire de façon distincte. Donc, lors de l'exercice des
crédits, bien, on est en votre présence et puis on peut questionner les
orientations du ministère. Mais la planification pluriannuelle se fait à un
moment où... On n'a pas de budget pour cinq ans. À chaque année, l'exercice, c'est un exercice annuel pour l'étude
des crédits budgétaires. Donc, au
niveau de la planification
pluriannuelle, bien, ça serait tout à fait logique qu'on puisse voir en
fonction notamment du bilan du gouvernement, des actions du gouvernement, pour
voir dans le futur comment on va réussir à arrimer tout ça.
Je pense
que le fait de souligner l'importance pour le Québec d'accueillir des gens
puis de leur offrir un cadre respectueux, c'est un souci que tous les parlementaires
ont, puis je pense qu'ils devraient pouvoir y participer. Et, sur cet aspect, la démarche proposée, c'est un
mécanisme qui s'inscrirait... oui, s'inscrirait très bien dans ce qu'on fait
dans d'autres dossiers. Donc, ça ne serait
pas quelque chose d'inusité par rapport à notre régime. Et
je comprends, la ministre nous disait tout à
l'heure : C'est le gouvernement qui décide. Mais le gouvernement va quand
même décider, mais avec l'approbation de la
Chambre de l'Assemblée. Je
pense que c'est un principe qui
devrait s'appliquer, un principe qui ferait en sorte qu'on pourrait
soulever des questionnements que parfois on ne peut pas soulever.
Et la ministre me
disait : Écoutez, nous, on ne peut pas, supposons, comme le proposait le
deuxième groupe d'opposition, ma formation politique, rapatrier la juridiction
en matière de regroupement familial. Moi, je vous dis, M. le Président, en tant que ministre de l'Immigration du Québec, en
tant que ministre d'une nation, pourquoi est-ce que le ministre de l'Immigration ou la ministre de
l'Immigration d'un gouvernement, de quelconques gouvernements soit-il,
ne souhaiterait pas avoir la majorité des pouvoirs en matière d'immigration et
d'étendre sur l'ensemble des gens qu'on accueille cette prérogative-là?
Donc,
actuellement, on sélectionne environ 70 % des individus. Bien sûr, il y a
des ententes internationales, le Québec
a toujours respecté les ententes internationales. Mais, moi, ce que je
souhaite, M. le Président, c'est que le ministre de l'Immigration du Québec, mon ministre de l'Immigration du Québec
puisse avoir le contrôle sur sa juridiction, dans le fond. Le budget est là. Pourquoi? C'est un geste
national fort, M. le Président, puis il n'y aurait pas de raison
pourquoi la ministre ne souhaiterait pas
aller dans ce sens-là. Je pense que ça fait partie de son rôle, puis surtout du
rôle de ministre de l'Immigration. Il
y a un rôle de protection, de promotion de la nation québécoise qui s'inscrit
dans ces fonctions. Donc, pourquoi ne pas accueillir cette proposition
de l'opposition?
Et
ça va également dans le sens de notre sous-amendement, M. le Président, de
remplacer le gouvernement par l'Assemblée nationale. Je pense qu'au
Québec, quand on parle d'une seule voix, on est beaucoup plus forts, on est beaucoup plus forts dans nos programmes, dans nos
démarches. Vous savez, la division, ça ne donne pas grand-chose, et là
on a une belle opportunité de démontrer qu'on pourrait travailler tous ensemble
pour vraiment avoir une politique, une planification pluriannuelle qui serait
durable puis qui permettrait qu'on travaille tous ensemble pour l'atteindre.
Le Président
(M. Matte) : Mme la ministre, souhaitez-vous intervenir?
Mme Weil :
Non merci, M. le Président.
Le Président (M. Matte) : S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons
procéder à la mise aux voix. Est-ce que le sous-amendement de
l'amendement de l'article 3...
Des voix :
...
Le Président (M. Matte) :
Oui, l'article 3 est adopté. C'est-u un vote nominal?
La Secrétaire :
Alors, M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Pour.
La Secrétaire : M. Kotto
(Bourget)?
M. Kotto :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Kathleen Weil (Notre-Dame-de-Grâce)?
Mme Weil :
Contre. C'est le «au gouvernement»? Non.
La Secrétaire :
Le sous-amendement.
Le Président
(M. Matte) : Le sous-amendement.
Mme Weil :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Simard :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Tremblay (Chauveau)?
Mme Tremblay :
Contre.
La Secrétaire :
M. Plante (Maskinongé)?
M. Plante :
Contre.
La Secrétaire :
M. Matte (Portneuf)?
Le Président (M. Matte) :
Je m'abstiens.
La Secrétaire :
Alors, le sous-amendement est rejeté.
• (20 h 30) •
Le Président (M. Matte) : Donc, c'est rejeté. Nous allons procéder, à ce
moment-là, à l'amendement. S'il n'y a pas d'autre intervention, nous
allons procéder à la mise aux voix...
M. Kotto :
Non, non! M. le Président?
Le Président (M.
Matte) : Oui?
M. Kotto :
J'ai un sous-amendement.
Le Président (M.
Matte) : Un sous-amendement?
M. Kotto :
Deux sous-amendements, même, je dirais.
Le Président (M.
Matte) : Deux sous-amendements.
M. Kotto :
Oui.
Le Président (M.
Matte) : Oui. Est-ce qu'on va suspendre pour faire des copies?
M. Kotto :
Je peux lire et suspendre.
Le Président (M.
Matte) : Vous allez les lire? O.K.
M. Kotto :
Oui. Alors, je commence par le premier?
Le Président (M.
Matte) : Oui.
M. Kotto :
O.K. Alors, après le mot «besoins»... Donc :
«Afin
d'élaborer une planification pluriannuelle de l'immigration, le ministre, en
tenant compte notamment de la politique québécoise en matière
d'immigration, de la demande d'immigration, des besoins du Québec...»
Donc,
après «besoins», insérer les mots «mesurés et tangibles»... du Québec. C'est le
premier sous-amendement.
Le Président (M. Matte) :
Puis ça se lit par la suite : et de «sa capacité d'accueil»?
M.
Kotto : «Dont ceux [des] régions, ainsi que [de] sa capacité
d'accueil», blablabla.
Le Président (M.
Matte) : O.K. Bon! On peut en avoir une copie, dans le sens qu'on va
les...
On va suspendre pour
pouvoir faire la production de la copie.
(Suspension de la séance à
20 h 31)
(Reprise à 20 h 36)
Le Président (M.
Matte) : On reprend. M. le député de Bourget.
M. Kotto :
M. le Président, donc, je relis le sous-amendement :
Insérer, à l'amendement
de la ministre, pour que les personnes qui nous suivent à l'heure
actuelle — j'espère
qu'elles sont nombreuses — puissent
comprendre de quoi on parle :
«Afin
d'élaborer une planification pluriannuelle de l'immigration, le ministre,
en tenant compte notamment de
la politique québécoise en matière d'immigration, de la demande d'immigration, des besoins mesurés et tangibles du Québec, dont ceux [des]
régions, ainsi que sa capacité d'accueil et d'intégration, propose des orientations
pluriannuelles au gouvernement pour leur approbation.»
M. le Président, c'est une proposition qui va dans le sens de ce désir de transparence
et de l'exigence de la rigueur quand
vient le moment d'établir les seuils, notamment parce
que, jusqu'à preuve du contraire, le ministère
ne dispose pas d'indicateur socioéconomique... je le disais en
référence aux critiques du Vérificateur général en 2010, il ne dispose pas
d'indicateur socioéconomique pour bien mesurer la capacité réelle du Québec à
accueillir et à intégrer en emploi les nouveaux arrivants.
Si
ces indicateurs existent, on aimerait bien les avoir, M. le Président. Et, quand bien même on aurait ces nouveaux vecteurs pour mesurer ces besoins de façon
tangible, il nous sera beaucoup plus facile, en tant que législateurs,
d'apprécier les orientations que le gouvernement, la ministre, en l'occurrence,
irait présenter, devant son Conseil des ministres, à l'effet d'accueillir x ou
y nombre de nouveaux arrivants au Québec.
J'aurais
pu poser la question à la ministre directement, mais j'espère qu'elle apportera une réponse
relativement à cette proposition. Si les indicateurs existent, tant mieux; si,
malgré les critiques du Vérificateur général en 2010, ces indicateurs ne sont toujours pas en place, nous
serions déterminés à défendre une telle proposition qui, disons-le
carrément, donnerait plus d'allure aux
projections que le ministère pourra mettre en forme pour convaincre le Conseil des ministres d'adopter tel ou tel
volume de nouveaux arrivants par année.
Le Président (M.
Matte) : Merci. Mme la ministre, souhaitez-vous intervenir?
• (20 h 40) •
Mme Weil :
Oui. Écoutez, j'ai demandé à mon ministère de faire une recherche de mots, du
mot «besoins» dans la Loi sur les services
de santé et services sociaux. En une fraction de seconde, 50 fois; 50 fois,
juste comme ça, sans jamais être
qualifié. Si vous commencez à qualifier un mot comme «besoins» dans une loi,
imaginez le nombre de fois qu'on voit
le mot «besoins» dans tous nos projets de loi. Ça voudrait dire que, lorsqu'on
parle de besoins dans les autres projets de loi ou dans les autres lois,
ce mot n'aurait aucun sens. C'est une règle fondamentale de la
législation : le législateur ne parle pas pour ne rien dire et, quand on
commence à spécifier un mot, par processus d'élimination, ça veut dire que le
mot, sans sa qualification, a moins de sens.
Alors,
je le sais que, pour des raisons de législation, et les légistes me le
confirment, on ne peut pas ajouter des qualifiants
à un mot comme «besoins». Si le législateur met le mot «besoins», et surtout
quand on parle de la planification pluriannuelle,
c'est basé justement sur des données de l'Institut de statistique du Québec,
des données démographiques, Emploi-Québec,
et on en discute en commission parlementaire. Donc, moi, je ne consentirais pas
à des qualifiants pour le mot «besoins».
Le Président (M.
Matte) : Merci, Mme la ministre. D'autres intervenants?
M. Kotto :
Oui, M. le Président. Il eût été facile, pour le Vérificateur général, de
prendre en considération les éléments de
référence que vient de citer la ministre — statistique Québec, Emploi-Québec — et de s'en contenter, mais ce ne fut point le cas. Le VG a émis une critique
sans équivoque à l'effet que les indicateurs n'étaient pas là pour établir
des données factuelles, tangibles, des
données socioéconomiques afin de mesurer la capacité réelle du Québec à
accueillir et à intégrer. Ce n'est pas moi qui ai inventé cela.
Si, d'aventure, la
ministre s'obstine à l'effet que qualifier, dans ce cadre spécifique, le mot
«besoins» fait entorse à la législation,
j'aimerais avoir les avis juridiques écrits là-dessus. Sinon, bien, je
persisterai à défendre ce point et je le
défendrai même, par la suite, que ce soit dans le cadre de l'étude des crédits
ou le rappeler, quand, le moment venu, le moment de la reddition des comptes se présentera, parce que c'est un
enjeu important, on ne peut pas lésiner là-dessus.
Jusqu'à
présent, j'irai plus loin que le commentaire du VG, et je dirais : On l'a
fait à l'intuition. Parce que, je vous le disais tout à l'heure, les
projections qu'on nous projetait, en 2009, à l'effet qu'il y aurait
700 000 emplois à pourvoir en 2014, ce n'est jamais arrivé, et on
nous fait une projection, en 2019, avec des chiffres allant jusqu'à
1,4 million d'emplois à pourvoir. Ça
repose sur quoi? Je ne sais pas. Donc, si la ministre a une contreproposition,
je suis bien ouvert à l'accueillir, mais il lui appartient de nous
rassurer, de ce côté-ci de l'opposition.
Le
Président (M. Matte) : Mme la ministre.
Mme
Weil : Oui. Par rapport au rapport du VG, le ministère a
répondu, alors j'inviterais le député à aller voir sur le site Web. Je vais vous donner la référence. Si
vous regardez dans la stratégie d'action, on en parle. Donc, on a
répondu à toutes les préoccupations du Vérificateur général. Mais on est sur
autre chose, là, on est sur une planification pluriannuelle.
C'est sûr que le ministère, dans ses programmes, se donne des objectifs et a
une responsabilité d'imputabilité et de rendre compte de ses objectifs.
Là,
ce qu'on fait, c'est une consultation sur les besoins démographiques — et c'est Emploi-Québec qui donne les chiffres. Alors, c'est Emploi-Québec qui donne ses
prévisions, et donc le gouvernement se fie à ces données d'Emploi-Québec. Alors, je n'ai aucune raison de mettre en
doute les chiffres d'Emploi-Québec, et je ne sais pas sur quelle base le
député met en doute le travail d'Emploi-Québec.
M. Kotto :
Alors, sur quelle...
Mme Weil :
Je n'ai aucune idée.
M. Kotto :
M. le Président?
Le Président (M.
Matte) : Oui.
M.
Kotto : Sur quelle base le Vérificateur général a-t-il formulé
ses critiques? Il disait, en 2010, dans son rapport... La ministre évoque une réponse inscrite dans le
rapport qu'elle a déposé hier, qu'elle a rendu public hier, mais là je
vous parle d'une critique qui date de 2010.
Il n'y a rien qui a été fait pour mettre de l'avant des indicateurs
socioéconomiques démontrant, de façon objective, la capacité du Québec
d'accueillir et d'intégrer. Alors, si ces indicateurs existent...
Mme
Weil : Je vous invite à regarder le document du ministère de
l'Immigration, qui s'appelle la Stratégie de mesure de la participation 2015. On pourra le déposer. Mais c'est sur l'Internet...
qui répond. Mais là on n'est vraiment pas sur le sujet, hein?
M. Kotto :
On est, on est, on est.
Mme Weil :
On n'est vraiment pas sur le sujet du...
Le Président (M.
Matte) : Mais là je vais vous inviter à vous adresser au président,
là.
Mme Weil :
Oui, M. le Président.
Le Président (M.
Matte) : Mme la ministre.
Mme Weil :
On n'est vraiment pas sur le sujet. La modification qui est demandée, c'est de
rajouter le mot «besoins» dans l'article 3,
et d'ajouter des qualificatifs que je n'ai jamais vus dans une loi.
Honnêtement, je n'ai jamais vu cette expression, «besoins», dans une
loi. Il faudrait me montrer d'autres exemples, que le député montre d'autres exemples où on aurait dit «besoins tangibles». Si
on commence à parler de besoins tangibles, imaginez-vous, je donne l'exemple de la Loi sur les services de santé et
les services sociaux, alors, c'est quoi, un... Si on est obligés de parler
de «besoins tangibles», est-ce que ça veut dire qu'il y a différentes classes
de besoins? Il y a des besoins qui sont plus importants
que d'autres besoins? Donc, il y a des besoins tangibles puis des besoins
intangibles? Ça n'a pas de sens; en tout cas, pour moi. Alors, le
besoin, c'est-à-dire, qui...
Ce
qu'on fera, c'est qu'on fera la démonstration des besoins. Ça va être des
besoins démographiques, remplacer des personnes en âge de travailler, et
d'autres types de besoins de ce genre, et c'est cet exercice qui est la
planification pluriannuelle. C'est de se
fier à ces études-là, croissance de la population, etc., décroissance de la
population en âge de travailler. Alors,
on parle des besoins du marché du travail, par exemple. Alors, les besoins
tangibles du marché du travail? C'est
la même chose. Les besoins du marché du travail, ce n'est pas quelque chose
d'illusoire, c'est des économistes, mais notamment les économistes
d'Emploi-Québec qui disent : On peut vous dire que, dans trois ans, cette
année... il y a une liste qui est préparée des besoins du marché du travail et
on aura bientôt des portraits régionalisés des besoins du marché du travail.
Donc,
ce n'est pas un qualificatif qui va aider dans cet exercice-là. C'est les
besoins de quoi? C'est les besoins d'un malade, c'est les besoins du système de santé, c'est les besoins du
marché du travail, c'est dans ce sens-là. Alors, quand on parle, ici, des besoins du Québec, là... du
Québec, c'est dans ce sens-là, et de ses régions, est-ce qu'on dirait des
«besoins tangibles des régions»? Les besoins
des régions, je ne pense pas que les élus des régions voudraient qu'on aille
là-dedans, nécessairement,
c'est-à-dire on serait en train de leur dire que, quand vous dites que vous
avez des besoins, on exige que vous nous expliquiez exactement. On va le
faire dans le cadre des...
D'ailleurs, la
Commission des partenaires du marché du travail va travailler avec les milieux
pour justement dire : Voici vos besoins
régionalisés, même. On va être capables de dire : Chez vous, vous avez
besoin de soudeurs, vous avez besoin
de mécaniciens, d'assembleurs, vous avez besoin d'infirmières, etc.; c'est très
tangible. En fait, c'est tangible, dans sa nature même, c'est tangible.
Mais le mot «besoins» en soi incorpore toutes ces notions.
Donc,
je ne suis pas en train de contredire le député. Je comprends ce qu'il veut
dire, mais l'exercice fait en sorte que
c'est des besoins très concrets, et on a l'obligation de faire ça. Et, quand on
amène la planification pluriannuelle, on a des discussions qui sont très tangibles. Justement, je me rappelle bien
des groupes qui sont venus pour expliquer quels étaient leurs besoins, que ce soit le marché du travail ou que ce soient
les organismes communautaires qui ont des besoins pour accompagner les personnes, donc quand on
parle de besoins de ces organismes en francisation, par exemple, etc.
Donc, je pense que, lorsqu'on amènera les
orientations, c'est là que le concret, ce sera pleinement évident. Nous, on ne pourrait pas avec des orientations qui
seraient en l'air, et le mot «besoins» est quand même un mot très
complet en soi, mais qui a besoin d'être contextualisé lorsqu'on amènera les
orientations.
Le Président (M. Matte) : M. le
député de Borduas, vous avez demandé la parole.
• (20 h 50) •
M.
Jolin-Barrette : Oui. En
fait, sur la question des données statistiques, M. le Président, que ça soit
d'Emploi-Québec pour établir les besoins,
c'est des données brutes, M. le Président, et il y a un choix gouvernemental
qui est fait. C'est ce qu'il faut comprendre, aussi. On ne fait pas
appliquer uniquement les chiffres et dire : Ah! on va se fonder uniquement sur cette question-là. Il y a une
partie, oui, de données brutes, mais il y a une partie aussi de
connaissance du milieu qui est importante.
On ne peut pas complètement se fermer les yeux sur ce que les interlocuteurs
nous disent, sur les données
régionales, les témoignages régionaux. Je pense que c'est important d'avoir ça
en tête, d'avoir cette perspective-là lorsqu'on parle des besoins du
Québec.
Puis le
sous-amendement de mon collègue de Bourget va dans ce sens-là, «mesurés et tangibles».
Il faut savoir de quoi on parle, puis
ce n'est pas uniquement que des données brutes. Et on peut en parler, des
données, M. le Président, mais, au
bout de la ligne, il y a un choix qui est fait. Et ce choix-là mériterait d'être contrôlé par l'Assemblée nationale parce qu'on ne parle
pas de n'importe quelle politique, on ne parle pas de n'importe quelle planification
pluriannuelle, on parle, là, des gens qui
partent de leur pays, qui s'en viennent au Québec, O.K.? Ce
n'est pas des melons, là, ce n'est pas des bananes qu'on planifie, on
parle de la vie des individus. Donc, est-ce qu'on peut, collectivement, tous
participer puis s'assurer que le travail qui
est fait du côté gouvernemental, bien, c'est le travail qui mérite d'être fait
et d'être étudié par l'ensemble de la population? C'est déjà difficile,
pour les immigrants, de quitter leur milieu. À partir du moment où ils arrivent au Québec, il faut que la société
d'accueil leur offre un cadre d'accueil respectueux. Et je vous le
répète : Depuis de nombreuses années, au Québec, ce n'est pas ça
qu'on fait. On a fixé des seuils d'immigration où on n'était pas capables d'offrir, collectivement, une performance
pour accueillir respectueusement ces gens-là qui se retrouvent sans
ressource, bien souvent, qui se retrouvent isolés, qui se retrouvent sans
emploi, qui se retrouvent marginalisés dans la population québécoise.
Est-ce que
c'est ça qu'on veut? Moi, je ne pense pas, je ne pense pas que, du côté, ici,
de la table, c'est ce qu'on veut. Je
ne pense pas que, du côté de la table gouvernementale, c'est ce qu'on veut.
Mais ce que je vous dis... Et nonobstant n'importe quel gouvernement, M.
le Président, parce qu'il y en a eu plusieurs, je pense qu'on s'est retrouvés
dans des situations où la capacité d'accueil
du Québec, où les choix gouvernementaux qui ont été faits... Parce que ça, il
ne faut pas oublier ça, M. le Président, aussi, là, les choix gouvernementaux
pour l'accueil et l'intégration, on retrouve une part de responsabilité dans la
situation actuelle aussi, là-dessus.
Donc, dans un
souci prospectif pour le futur, je pense que d'assurer un mécanisme de contrôle
en fonction des besoins du Québec, en
fonction des différentes régions du Québec, en fonction de ce que les membres
de l'Assemblée vont pouvoir dire, bien, ça va assurer, à ces gens-là qui
viennent au Québec, qui viennent bâtir le Québec, de leur dire : Bien, écoutez, nous, de notre côté,
là, on a fait notre job, on s'est assurés qu'il y a de la place pour vous, que
vous soyez accueillis de la bonne façon pour que vous puissiez venir nous aider
à bâtir le Québec.
Donc, le
sous-amendement du député de Bourget, je trouve qu'il est tout à fait
pertinent. Puis, quand on parle des données, bien, il faut prendre en
compte aussi les données de l'opinion, puis de l'avis des gens, puis de la
réalité des gens sur le terrain. Puis je pense que ça, ça passe entre autres
par leurs représentants à l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Matte) : Merci. Mme
la ministre, souhaitez-vous intervenir?
Mme Weil :
Oui, j'ai un point très important, et je pense que ça va rassurer le député de
Bourget, et je le savais, mais je
l'avais oublié. Le Vérificateur général s'est dit entièrement satisfait par
toutes les mesures correctives qui ont été amenées; entièrement satisfait. Et donc c'est un exercice très
rigoureux, il y a un rapport, encore là, sur le site Internet du
ministère. Et donc le vérificateur regarde chacune des mesures. On était rendus
à 86 %. Ça, c'était en 2014?
Une voix : Oui.
Mme Weil :
Et là une dernière visite du vérificateur : est maintenant satisfait, à
100 %, par rapport à la reddition de comptes, si vous voulez. Je pensais que c'était vraiment important de le
dire, parce que les gens qui nous écoutent pouvaient avoir l'impression que le ministère de
l'Immigration n'avait rien fait, mais au contraire. Et on ne pourrait pas avoir
un ministère qui ignore les recommandations du Vérificateur général. Donc, je
pense, c'est important de dire que le ministère a fait ses travaux, et rempli
ses obligations, et a répondu à toutes les demandes du Vérificateur général.
Le Président (M. Matte) : Merci.
Oui, le député de Bourget.
M. Kotto : J'entends bien la ministre. Est-ce
qu'elle est ouverte à l'idée de déposer les indicateurs socioéconomiques?
Le
Président (M. Matte) : Mme la ministre.
Mme Weil :
Oui. Ah! bien, c'est sur le site Internet. Il s'agit de l'imprimer.
Le Président (M.
Matte) : Ils sont déjà connus, ce que je comprends?
Mme Weil :
Oui.
M. Kotto :
Non, mais je demande le dépôt, M. le Président, ici, en commission.
Mme Weil :
Oui, oui, oui! On pourra l'imprimer.
Le Président (M.
Matte) : Ils seront déposés, à ce moment-là, au cours des travaux?
Mme Weil :
C'est ça.
M. Kotto :
O.K.
Le Président (M.
Matte) : Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? D'autres
interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la
mise aux voix. Est-ce que le sous-amendement à l'amendement de l'article 3 est adopté?
M. Kotto :
Oui.
Mme Weil :
Non.
Le Président (M.
Matte) : Non?
Une voix :
...le vote.
Le Président (M.
Matte) : Non? Est-ce que vous demandez le vote nominal?
M. Kotto :
Un vote nominal, oui.
La Secrétaire :
M. Kotto (Bourget)?
M. Kotto :
Oui.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M.
Jolin-Barrette : Pour.
La Secrétaire :
Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)?
Mme Weil :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Simard :
Contre.
La Secrétaire :
Mme Tremblay (Chauveau)?
Mme
Tremblay : Contre.
La Secrétaire :
M. H. Plante (Maskinongé)?
M. Plante :
Contre.
La Secrétaire :
M. Matte (Portneuf)?
Le Président (M.
Matte) : Je m'abstiens.
La Secrétaire :
Alors, le sous-amendement est rejeté.
Le
Président (M. Matte) : Le sous-amendement, rejeté. J'ai compris, M. le
député de Bourget,
que vous aviez un deuxième sous-amendement?
M. Kotto : Oui, j'avais un
deuxième sous-amendement, M. le Président.
Le Président (M. Matte) : Vous en
faites la lecture, s'il vous plaît?
M. Kotto : Je suis prêt à la
lecture :
«Afin
d'élaborer une planification pluriannuelle de l'immigration, le ministre,
en tenant compte notamment de
la politique québécoise en
matière d'immigration, de la demande
d'immigration, des besoins du Québec, dont ceux [des] régions, ainsi que sa
capacité d'accueil et d'intégration...»
Insérer, après «capacité», le mot «objective».
Ce qui donnerait : «...ainsi que sa capacité objective d'accueil et
d'intégration...»
Le Président (M. Matte) : À ce
moment-là, je suspends les travaux afin de permettre la reproduction du
sous-amendement.
(Suspension de la séance à 20 h 56)
(Reprise à 21 h 19)
Le Président (M. Matte) : On
reprend nos travaux. Je vous rappelle aussi, là, d'éteindre la sonnerie de
votre cellulaire, si ce n'est pas déjà fait.
Et il y avait
un deuxième sous-amendement qui a été déposé par le député
de Bourget. Vous en avez tous reçu une copie. Puis
j'aimerais à ce que, le député de Bourget, que vous puissiez nous en faire la
lecture à nouveau.
M. Kotto : Oui. Alors,
M. le Président, l'idée est d'insérer, après «capacité», le mot «objective
d'accueil et d'intégration». L'amendement se lirait ainsi : «Afin
d'élaborer une planification pluriannuelle de l'immigration, [la ministre,]le
ministre, en tenant compte notamment de la politique québécoise en matière
d'immigration, de la demande d'immigration, des besoins du Québec, dont ceux
[des] régions, ainsi que sa capacité objective d'accueil et d'intégration,
propose des orientations pluriannuelles au gouvernement pour leur approbation.»
Voilà.
Le Président (M. Matte) : Bon.
C'est bien.
M. Kotto : Donc, si je
puis expliquer la démarche...
Le Président (M. Matte) : C'est
votre privilège, monsieur.
• (21 h 20) •
M. Kotto :
Merci, M. le Président. C'est dans la même logique que le sous-amendement
précédent qui invitait à qualifier
les besoins, et je persiste là-dessus
jusqu'à ce que j'obtienne des avis juridiques. J'y reviendrai en temps et
lieu. Ici, j'ai le souci, M. le Président, de toujours pousser dans la rigueur
de l'exercice, de l'appréciation, notamment de la capacité réelle, si je puis
dire, d'accueil et d'intégration, que ce soit dans les grands centres ou en
région.
Je faisais
allusion tout à l'heure aux projections de 2009, et je le dis pour les
personnes qui nous écoutent à une heure si tardive — j'espère
qu'elles sont nombreuses. En 2009, on a gonflé les seuils relativement à des
projections qu'on faisait pour l'emploi au Québec, des emplois à combler,
disait-on alors, qui étaient évalués à 1,4 million pour
l'horizon 2019; 2014, c'était 700 000. Ça n'est jamais arrivé, M. le
Président, je le redis pour la troisième fois. Alors, je ne sais pas sur quoi
on s'était basé pour donner une telle projection.
Et ma
conception, disons, de la chose, avec un peu de recul aujourd'hui, c'est qu'on
s'y est peut-être pris avec des paramètres
qui n'avaient rien de rationnel, on était sur l'intuition. Et, quand par
ailleurs, on nous indique qu'ici — les
représentants de la FTQ sont venus le dire — il y a actuellement
320 000 chômeurs au Québec et 41 000 emplois à pourvoir, les chiffres astronomiques qu'on nous
avance, parfois pour peut-être nous convaincre d'appuyer les
orientations du gouvernement ou du ministère, ne sont pas comparables.
Vous voyez,
je fais davantage confiance aux mesures que nous amène la FTQ, parce qu'ils
sont sur le terrain, ils travaillent assez rigoureusement. Mais je doute
fort des projections du gouvernement, notamment relativement aux indications
qui ont été données dans les emplois à combler pour 2014 et aujourd'hui. Je
doute encore davantage pour ce qui est de 2019.
Alors, c'est
pourquoi je parle d'objectivité. L'objectivité appelle, disons, une approche
rationnelle et responsable dans la
détermination de ces capacités-là. Et, quand on parle capacité, M. le
Président, vous l'avez sans doute vu comme moi, il y a trois semaines à peu près, l'étude de l'IREC qui est sortie
et qui nous indiquait que Québec manquait ses cibles en francisation.
Or, on nous a
souvent, de façon peut-être convaincue, au niveau de ma collègue ministre, que
tout allait bien, mais non, ce n'est
pas la réalité, ça ne va pas bien en francisation. Et, qui plus est, il
s'avère — et ce
n'est pas la faute directe de la
ministre, compte tenu du fait que la Commission des partenaires du marché du
travail a une responsabilité là-dedans — il s'avère qu'il y a des besoins en francisation, en
milieu de travail, en entreprise. Et n'eût été des auditions que nous
avons tenues ici dans le cadre de ce projet de loi, c'est une information qui
nous aurait passé sous le nez.
Voilà, en gros, quelques exemples qui m'amènent
à pousser vers la rigueur, la transparence et l'objectivité, pour terminer à ce
moment-ci.
Le Président (M. Matte) :
Merci, M. le député. Mme la ministre, souhaitez-vous intervenir?
Mme Weil : Bien, le
qualificatif «objective», «capacité objective»... J'essaie de comprendre
qu'est-ce que ça voudrait dire, une capacité subjective. Et est-ce que
«capacité», en soi, n'est pas le bon mot? Et j'étais en train de lire justement un texte d'un juriste — je
pense que c'est dans le Barreau du
Québec — qui y parlait justement de l'importance d'avoir un langage simple, compréhensible
lorsqu'on fait des textes de loi. Et, depuis déjà quelques années, le
législateur essaie d'écrire de façon claire,
limpide et simple et que les mots aient un sens en soi. Plus on rajoute de
qualificatifs, plus on rencontre des problèmes d'interprétation. Alors,
si un autre texte de loi parle tout simplement de capacité, là... Et on dit que le législateur ne parle pas pour ne rien
dire, vous connaissez bien l'expression. C'est justement dans ce sens-là.
Alors,
«capacité», en soi, est un mot qui a un sens, et «capacité d'accueil». Et c'est
ensuite évidemment par les circonstances,
les données, la reddition de comptes — on
en parlait tantôt — les
sommes d'argent qui sont attribuées, etc., qu'on évalue éventuellement
quelle était la capacité. Donc, on présume que l'exercice est évidemment
objectif. C'est sûr que ça doit être un
exercice objectif. Le gouvernement a cette obligation de faire des exercices qui
sont rigoureux. C'est pour ça qu'on a
le Vérificateur général justement qui vérifie pour être sûr que les
exercices sont faits de façon sérieuse. Alors, non, je ne suis pas
d'accord avec cet amendement, M. le Président.
Le Président (M. Matte) : C'est
bien. Est-ce que, le député de Bourget, vous voulez réagir à...
M. Kotto : Oui, M.
le Président. La ministre
parle de simplicité. La langue française a ça de magnifique, de beau, parce que
c'est une langue qui nous permet d'imager et qui nous permet de préciser.
Rester dans l'abstrait peut ouvrir à toute forme d'interprétation, mais,
quand on cerne un mot, une idée, on vient de la préciser et même d'en
simplifier la compréhension.
C'est là où
je m'inscris, M. le Président. Je ne suis absolument pas d'accord avec
la ministre quand elle considère qu'ajouter un
qualificatif à un mot, initialement le sous-amendement qualifiant le terme
«besoin», et là maintenant la notion de
capacité... Considérant ces critiques, je réitère ma demande d'un dépôt d'avis juridique encore, M. le Président,
qui vienne contredire, disons, la recevabilité de ces qualificatifs-là.
Mais mon but
n'est pas de faire entorse à ce projet de loi, M. le Président. Je suis assis
ici, vous voyez, je n'ai même pas de
collègues à mes côtés, je ne suis pas venu pour faire de l'obstruction, je suis
venu contribuer de façon constructive. Et je n'ai pas voulu avoir à
m'ingérer dans cet exercice pour empêcher, comment dire, son déroulement
fluide.
Je constate, au bilan des refus qui me sont ici
exprimés depuis le début de mes propositions d'amendement, qu'il y a une fermeture, il y a une posture en
face. Moi, je ne suis pas un être de posture, je suis un être de dialogue et
j'aurais bien aimé que la bonne
collaboration que nous avons eue pendant les audiences encadrant ces travaux se
poursuive. Mais je pense que l'effort a été dans un seul sens. Et
maintenant la ministre, partie comme elle est partie... j'anticipe le fait qu'il y aurait des blocages pour plusieurs autres
articles à venir. Et, à ce moment-là, bien, elle portera le fardeau de
sa loi, et l'histoire dira ce que celle-ci,
une fois adoptée comme telle, inspirera à la population et notamment aux autres
collègues.
Le Président
(M. Matte) : Merci, M.
le député de Bourget. Malheureusement, je dois mettre fin à vos interventions.
Compte tenu de l'heure, la commission ajourne
ses travaux sine die, et je vous invite à réfléchir sur capacité subjective ou
objective, Mme la ministre.
(Fin de la séance à 21 h 30)