To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Citizen Relations

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Citizen Relations

Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, February 16, 2016 - Vol. 44 N° 45

Special consultations and public hearings on Bill 77, Québec Immigration Act


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec (RJCCQ)

Place aux jeunes en région

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

Table de concertation des organismes au service des personnes
réfugiées et immigrantes (TCRI)

Association canadienne des conseillers professionnels en immigration (ACCPI)

Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs

Mémoires déposés

Intervenants

M. Marc Picard, président

M. Michel Matte, vice-président

Mme Kathleen Weil

M. Maka Kotto

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Nathalie Roy

Mme Véronyque Tremblay

M. Benoit Charette

M. Amir Khadir

Mme Caroline Simard

*          M. Yves-Thomas Dorval, CPQ

*          Mme Norma Kozhaya, idem

*          Mme Martine Hébert, FCEI

*          M. Monsef Derraji, RJCCQ

*          M. Sergio Escobar, idem

*          M. Mathieu Vigneault, Place aux jeunes en région

*          M. Stéphane Forget, FCCQ

*          M. Michel Cournoyer, idem

*          M. Yann Hairaud, TCRI

*          Mme Eva Lopez, idem

*          Mme Dominique Lachance, idem

*          M. Dory Jade, ACCPI

*          Mme Christine Poulin, idem

*          M. Louis-René Gagnon, idem

*          M. Samuel Erve Mandeng, Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs

*          M. Lawrence Kitoko-Lubula, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures cinquante-trois minutes)

Le Président (M. Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je vous demande de bien vouloir éteindre la sonnerie de votre téléphone cellulaire.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 77, Loi sur l'immigration au Québec.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par M. Jolin-Barrette (Borduas).

Le Président (M. Picard) : Merci. Ce matin, nous recevons le Conseil du patronat du Québec et, par la suite, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Comme nous avons débuté avec quelques minutes de retard, j'ai besoin d'un consentement pour qu'on puisse poursuivre au-delà de l'horaire prévu. Consentement? Merci.

Auditions (suite)

Je souhaite la bienvenue au Conseil du patronat. M. Yves-Thomas Dorval, je vous invite à présenter la personne qui vous accompagne. Vous disposez de 10 minutes, vont s'ensuivre des échanges. Vous êtes un habitué. Allez-y.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci, M. le Président. Merci aux membres de la commission de nous accueillir ce matin. Alors, pour fins d'identification, mon nom est Yves-Thomas Dorval, et je suis président-directeur général du CPQ, Conseil du patronat du Québec. Et je suis accompagné, à ma gauche, de Mme Norma Kozhaya, qui est vice-présidente à la recherche et économiste en chef au sein du CPQ.

Alors, mesdames messieurs, merci de nous accueillir ce matin. Nous avons eu l'occasion de vous faire parvenir un bref mémoire sur nos commentaires par rapport au projet de loi n° 77, alors je vais entrer tout de suite dans le coeur du sujet.

Comme acteur économique et social soucieux d'optimiser l'apport de l'immigration au développement de notre société, le CPQ considère que cet exercice revêt une grande importance, étant donné notamment le contexte démographique et économique actuel au Québec.

Alors, petite précision. Même si on nous connaît bien, je rappelle que le CPQ, le Conseil du patronat du Québec, est une confédération d'associations d'employeurs et regroupe aussi les principaux employeurs au Québec. On représente soit directement ou indirectement plus de 70 000 employeurs, soit au sein des associations qui sont membres soit des corporations enregistrées directement, et ce, des employeurs qui sont dans tous les domaines — transformation, ressources naturelles, services — et autant dans le secteur privé, coopératif, même économie sociale et secteur public. Alors, on s'intéresse à l'immigration en particulier sous l'angle économique — vous comprendrez que c'est l'objectif, et c'est ce que nos membres nous demandent de faire en termes de représentation — même si on reconnaît que cette question est beaucoup plus large. D'ailleurs, en pourcentage, quand on regarde : plus de 50 000 immigrants en moyenne au Québec depuis quelques années, dont les deux tiers sont constitués de l'immigration économique, mais il y a quand même un tiers que ce sont pour des raisons plus humanitaires. Et, même dans l'immigration économique, le pourcentage des applicants, premiers applicants, c'est quand même un petit nombre, parce qu'on inclut dans les applicants, bien sûr, toute la famille.

Donc, lorsqu'on parle au nom des employeurs, vous comprendrez qu'un de nos sujets d'intérêt, bien sûr, c'est au sujet de la main d'oeuvre, ce qui ne nie pas tout l'intérêt et toute l'importance de l'ensemble du dossier de l'immigration, et ça, vous le comprendrez bien. La disponibilité d'une main-d'oeuvre qualifiée représente l'un des principaux enjeux préoccupant les employeurs du Québec que nous représentons, et l'immigration constitue sans contredit une, pas la réponse la plus importante, mais une des réponses pour solutionner les préoccupations d'avoir accès à une main-d'oeuvre de qualité et disponible. Mais c'est une composition quand même... une composante importante.

D'emblée, nous accueillons favorablement — on va le dire d'entrée de jeu — la vision et les principes directeurs du nouveau projet de loi, d'autant plus qu'il s'agit d'un renouvellement de fond d'une loi qui date quand même de 1968 et qui a été modifiée à plusieurs reprises depuis. En même temps, nous rappelons que le projet de loi n° 77 constitue également un premier jalon dans la réforme du système d'immigration au Québec. Nous avons déjà participé à une consultation pour une politique en matière d'immigration ici — et évidemment ce que nous avons dit à ce moment-là vaut toujours — on est cohérents — et peut être utilisé dans les remarques pour les membres de l'Assemblée ici, de la commission — une nouvelle politique d'immigration qui devrait être présentée en principe par le gouvernement, et également une consultation à venir sur les nouveaux seuils d'immigration qui aura lieu prochainement, et nous invitons le gouvernement, évidemment, à se doter d'une politique ambitieuse à long terme. Ce n'est pas pour rien que le CPQ a amorcé, en 2015, une vaste campagne pour la prospérité au Québec. Nous croyons qu'il faut avoir de l'ambition si on veut être en mesure de générer le développement économique nécessaire pour avoir une qualité de vie et un niveau de vie satisfaisants pour l'ensemble des Québécois.

Alors, le CPQ a toujours contribué au débat sur l'immigration au Québec au moyen de mémoires et de prises de position mais aussi de conférences, et on s'est impliqués aussi au niveau de la promotion et du dialogue. Il ne se passe pas une période, un trimestre sans que j'aie à participer à des rencontres avec différents groupes, différents organismes, différents secteurs. Pas plus tard qu'il y a quelques semaines, j'étais avec le regroupement des entrepreneurs et professionnels d'origine africaine au Québec, le REPAF, et c'est comme ça à tous les trimestres au moins, j'ai des interventions avec soit des groupes communautaires, des institutions, le gouvernement ou des groupes provenant de l'immigration eux-mêmes.

Alors, en plus du mémoire que nous avons déposé, nous vous invitons également à parcourir, bien sûr, une étude importante que nous avons publiée en décembre 2015, donc c'est tout récent, M. le Président, une étude qui s'est faite dans la campagne de prospérité que j'ai mentionnée tout à l'heure. C'est pour témoigner de l'importance que nous accordons à la question de l'immigration économique, puisque c'est la troisième d'une série de 10 études que nous allons publier sur la prospérité, et dont le titre est L'immigration économique, un riche potentiel de prospérité pour le Québec. C'est donc dire que nous accordons une grande importance à cela. Et à l'intérieur de cette étude, d'ailleurs, on a conduit plusieurs recherches. Donc, je vous invite également à parcourir cette étude et à regarder également la liste des recommandations que nous avons mise en annexe du mémoire que nous vous avons déposé et qui sont tirées de cette étude.

• (10 heures) •

Nous avons noté que plusieurs recherches ont démontré les répercussions positives de l'immigration de travailleurs qualifiés et à plusieurs égards, notamment sur les activités d'innovation. On sait qu'au Québec c'est un enjeu majeur en termes de développement économique, puis c'est vrai aussi pour le Canada. Et, sur l'entrepreneuriat, c'est aussi un élément majeur. Lorsqu'on parle d'immigration économique, bien sûr, on va parler beaucoup ici des travailleurs qualifiés qu'on veut aller chercher pour rencontrer les besoins des employeurs, mais c'est beaucoup plus vaste que ça, puisque l'immigration économique peut également nous amener des entrepreneurs immigrants, des investisseurs immigrants également. Et, plus encore, le comportement même de plusieurs de ces immigrants-là peut contribuer à l'entrepreneuriat, au développement économique, à l'esprit d'innovation, à la diversité dans les entreprises.

En revanche, un mauvais appariement des besoins économiques avec les types d'immigrants reçus peut être néfaste aussi bien pour ces immigrants, donc c'est dans leur intérêt, que pour le pays qui les reçoit. Une politique novatrice en matière d'immigration devrait être combinée à des politiques visant l'intégration socioéconomique des immigrants afin qu'ils puissent contribuer à l'économie à leur plein potentiel et que leurs qualifications soient reconnues à leur juste valeur.

D'ailleurs, dans l'étude que j'ai mentionnée, M. le Président, on a fait trois exercices de recherche, de sondage auprès de clientèles différentes et, dans le cadre de cette étude, on a pu circonscrire un ensemble d'opinions qui touchent les questions reliées à l'immigration économique, alors je vous invite à les parcourir, mais, dans notre mémoire, on parle notamment du sondage qu'on a fait auprès des membres du CPQ, dont les résultats ont été publiés, et la majorité des entreprises a jugé les initiatives suivantes comme les plus avantageuses pour leur organisation en matière d'immigration économique : premièrement, améliorer l'arrimage entre les compétences des nouveaux arrivants et les besoins du marché du travail; deuxièmement, faciliter l'intégration des nouveaux arrivants au marché du travail au Québec; et, troisièmement, accélérer les procédures d'obtention des statuts d'immigrant — on parle notamment de résidence permanente et de la citoyenneté. Donc, on a déjà... Et vous avez des sous-recommandations sur ces aspects-là de façon plus spécifique, mais ce sont des choses, évidemment, qu'on doit mettre en place. On a fait plusieurs, donc, recommandations générales et spécifiques, et vous les retrouvez de façon, je dirais... en file les unes après les autres à la fin de notre mémoire.

Alors, pour revenir au projet de loi, rappelons qu'au Québec, malheureusement, le taux de chômage des immigrants arrivés depuis moins de cinq ans est trois fois plus élevé par rapport à celui des personnes nées au Québec... au Canada, alors que le ratio est moins de deux fois et demie en moyenne au Canada. Et rappelez-vous que le ratio canadien inclut le Québec. Donc, si on est déjà dans une situation où on n'a pas un très bon score, excusez-moi l'expression, vous comprendrez qu'on affecte aussi le score canadien, donc, dans le fond, l'écart est encore plus grand.

Nous appuyons donc la volonté du gouvernement exprimée dans le projet de loi de mettre en place un nouveau système d'immigration basé sur la déclaration d'intérêt. En plus de permettre d'identifier les candidats qui répondent le mieux aux besoins du marché du travail, ce système a le potentiel d'être plus transparent au regard des candidats, de réduire les délais de traitement des demandes d'immigration — un des éléments que nous avions mentionnés, d'ailleurs, et qui sont, en ce moment, un important irritant — et d'éviter la constitution d'inventaires de dossiers, ainsi que de favoriser une intégration en emploi plus rapide des travailleurs qualifiés sélectionnés.

Le CPQ souligne aussi que les besoins de main-d'oeuvre reflètent la réalité économique en constante évolution dans laquelle les entreprises évoluent. Il est donc important de se doter de stratégies plus flexibles afin de mieux répondre à ces besoins qui peuvent concerner aussi parfois les entreprises, les secteurs spécifiques.

Et d'ailleurs, le projet de loi, et je vais conclure là-dessus, M. le Président, en donnant au ministre le pouvoir d'élaborer de nouveaux programmes d'immigration économique à partir de la mise en oeuvre de programmes... de projets pilotes d'immigration temporaire et permanente, on appuie ça. Toutefois, une question se pose quant à la raison pour laquelle les quotas sont fixés par la loi et non par règlement, ce qui est plus facile à amender lorsque c'est par règlement. Et, de plus, le nombre maximal de ressortissants étrangers pouvant être sélectionnés dans le cadre de programmes pilotes risque d'être probablement insuffisant.

Vous comprendrez, M. le Président, que ce n'est que quelques éléments dans le mémoire que nous avons abordés ici, et de toute façon la prochaine période de questions et réponses pourra permettre soit d'aller plus en détail ou de répondre à vos questions plus précises. Et vous avez devant vous l'ensemble des recommandations que nous faisons. Merci.

Et un petit mot pour terminer, et j'ai déjà eu l'occasion de le dire lors d'une occasion récente, au niveau des réfugiés. Vous savez, l'immigration économique et l'ensemble de l'immigration, c'est gagnant, gagnant, gagnant, au Québec. C'est gagnant pour l'individu qui fait le choix du Québec, pour poursuivre sa vie et réussir sa vie, c'est gagnant pour les employeurs, qui peuvent avoir accès à une main-d'oeuvre de qualité selon les critères qui seront évoqués, et c'est gagnant pour la société ensemble, parce que la richesse d'une société, c'est aussi d'avoir une société qui compte sur la diversité de ses citoyens et qui compte surtout sur l'intégration optimale de toutes ses forces ensemble pour réussir la prospérité qu'on recherche tous. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Merci, M. Dorval. Nous allons débuter la période d'échange avec la partie ministérielle. Mme la ministre, pour un maximum de 17 min 30 s.

Mme Weil : Oui. Bienvenue, M. Dorval, Mme Kozhaya. Grand plaisir de vous avoir ici avec nous pour parler d'un enjeu bien important.

On va commencer peut-être par... Améliorer l'arrimage, évidemment, c'est l'objectif de ce projet de loi, qui reprend le projet de loi de notre ancienne collègue Diane De Courcy par rapport à cette méthode de sélection, la déclaration d'intérêt, mais ce qu'on a rajouté, c'est tout ce qu'il y a alentour, c'est-à-dire des projets pilotes, faire la transition plus rapidement des travailleurs temporaires aux travailleurs permanents, et la politique qui vient combler avec la vision derrière ce nouveau système de déclaration d'intérêt; c'est tout le travail qu'il faut faire en amont pour avoir un consensus des acteurs principaux, incluant la Commission des partenaires du marché du travail, avec des portraits régionalisés. Ça, c'était vraiment une faiblesse du système avant, on n'était pas capable d'avoir un portrait régionalisé. Donc, le projet de loi n° 70, il faut le voir dans cet aspect-là, comme complémentaire au projet de loi n° 77. Et évidemment, dans la politique, toutes les mesures d'inclusion, vous avez évoqué notamment les réfugiés, le programme PRIIME, et on était ensemble pour faire l'annonce de ça, puis la réponse, elle a été très, très bonne, des entreprises, qui veulent jouer un rôle. Évidemment, ça cible tous les réfugiés et tous ceux qui sont sous-représentés sur le marché du travail et qui ont des problèmes d'intégration. Donc, c'est tous les immigrants.

Alors, je veux vous amener sur ces différentes façons, parce qu'«arrimage», c'est un mot peut-être technique, mais, pour faire l'arrimage, ça prend beaucoup d'éléments, selon moi, pour que ça réussisse. Alors, le portrait régionalisé, ça commence avec ça, pour qu'on puisse amener les gens directement dans les régions qui ont besoin de main-d'oeuvre, alors, ça, je voulais voir... Bon, pour vous, ce projet de loi répond à ce besoin non seulement par la déclaration d'intérêt, mais, j'imagine, aussi par le fait qu'on aura des portraits régionalisés, mais il y a aussi... nous, on a l'intention aussi de mettre les acteurs économiques en amont, pour qu'ils soient consultés, et les élus. Pour qu'eux puissent faire partie de la solution, il faut qu'ils fassent partie de la solution en amont, avant même la sélection, donc que tout le monde se sente interpellé puis qu'on travaille tous ensemble. Donc, la Commission des partenaires du marché du travail, la plupart des acteurs sont là, alors je voulais voir, vous, comment vous voyez votre rôle à cet égard. Parce que moi, comme vous, je trouve que c'est absolument essentiel, c'est fondamental pour que ce système fonctionne et que les délais... Comme vous le savez, les gens seront choisis selon leur profil, on les invite à déposer leur candidature. Juste un mot là-dessus, sur cette façon de fonctionner, c'est-à-dire par la consultation en amont, et ensuite on a le portrait des besoins régionalisés et on sélectionne à partir de ça... pas uniquement à partir de ça, la grille de sélection va toujours s'appliquer pour les autres, comment dire, qualités de la personne, là, si on veut, du candidat.

• (10 h 10) •

M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci, M. le Président. Je dirai d'entrée de jeu qu'évidemment on était ici aussi pour discuter, récemment, du projet de loi n° 70, qu'on a appuyé dans ses grands principes et dans plusieurs des recommandations, et notamment le fait de constituer des plans de besoins de main-d'oeuvre régionaux. Alors, la jonction entre le projet de loi n° 77 et 70 se fait très bien dans ce sens-là.

Je vous informe également que je siège à la Commission des partenaires du marché du travail, donc je suis impliqué également dans les démarches de discussion d'adéquation formation et main-d'oeuvre, qui comprend différents éléments mais y compris la question des immigrants au niveau de la main-d'oeuvre et la nécessité de mettre... d'intégrer le plus rapidement sur le marché du travail les immigrants, les nouveaux arrivants.

Il y a plusieurs façons. Il y a des données techniques que le gouvernement travaille avec la Commission des partenaires, avec Emploi-Québec, avec les différentes autres institutions. Il y a ces portraits régionaux qui sont très importants également. Et ça, c'est très important. Un des points, dans tout ça, c'est que, si on veut prendre de bonnes décisions, ça prend de la bonne information. Et on a encore du millage à faire au niveau de l'information, et c'est vrai pas juste au Québec, hein, c'est vrai au plan canadien. Il y a peu, actuellement, d'intégration d'information à la grandeur du Canada, donc on n'est pas tout seuls de ce côté-là, mais c'est un enjeu important.

Mais ce n'est pas tout que d'avoir de l'information, c'est comment on l'utilise par la suite. Et c'est toute, là, la pertinence de la discussion, c'est qu'on peut avoir cette information-là; si on ne réussit pas à l'utiliser adéquatement, bien on ne s'aide pas beaucoup.

Un des enjeux qu'on a, c'est que ça prend du temps avant de collecter de l'information, et souvent le portrait qu'on peut retirer d'une recherche en matière de besoins de main-d'oeuvre, alors que les besoins de main-d'oeuvre peuvent être très volatils... Vous savez, par exemple, on pourrait avoir un grand, grand besoin de main-d'oeuvre dans l'aéronautique parce qu'on est en carnet de commandes, et deux, trois ans, quatre ans plus tard il y a un ralentissement du carnet de commandes, puis on a trop de gens dans le secteur de l'aéronautique. Puis là, en même temps, dans le secteur de l'aéronautique, on peut avoir 400 mises à pied puis 400 postes qui ne sont pas comblés.

Donc, toute cette question-là de besoins de main-d'oeuvre, ce n'est pas facile, c'est complexe, c'est volatil, des fois c'est dans une très courte durée de temps, alors l'un des enjeux qu'on a avec les systèmes d'information, c'est d'aller chercher rapidement, collecter une information, mais qu'elle soit à jour, parce qu'entre le moment où on la collecte, le moment de la digérer, de l'amener dans un portrait puis après ça de déclencher des processus de sélection, notamment au niveau de l'immigration, vous comprendrez qu'il se passe déjà un délai et que parfois on est déjà en dehors de la période des besoins.

Donc, il ne faut pas, quand même, penser qu'on va répondre à toutes les questions là-dessus, c'est un enjeu important, mais on a besoin de ça parce qu'il y a quand même des tendances lourdes. On sait, par exemple, que l'économie se tertifie, hein, on s'en va de plus en plus dans le domaine des services, dans le domaine des postes à haut savoir, et ainsi de suite. Donc, il y a des tendances, quand même, qu'on peut obtenir avec ça. Mais ce n'est pas vrai dans toutes les régions du Québec, et il y a des besoins très spécifiques non pas pour des universitaires de haut savoir, dans certaines régions, mais pour des gens qui ont des professions de métier, de technicien ou même de manoeuvre ou d'opérateur. Donc, ce n'est pas nécessairement une qualification qui est la même pour l'ensemble du Québec. Et Montréal a un taux de chômage quand même assez élevé, on parle de plus de 10 %, mais, dans certaines régions du Québec, on pense à Québec, ici, ou dans la Beauce-Appalaches, on a pratiquement le plein emploi, donc on a d'autres besoins de main-d'oeuvre.

Donc, la collecte, c'est important, il y a des enjeux par rapport à ça. Et, pour faire cette collecte-là, évidemment, il faut qu'au premier chef... non pas parce qu'on veut avoir un traitement particulier, mais c'est les employeurs qui doivent, dans le fond, fournir les détails sur les besoins de main-d'oeuvre.

Donc, toute cette question d'employeur, vous savez, encore là il y a différents niveaux d'employeur. Vous avez des employeurs avec une masse critique suffisante pour avoir des ressources humaines... des ressources spécialisées pour faire, par exemple, des projections en matière de besoins de main-d'oeuvre, ce qui n'est pas le cas de tous les employeurs du Québec. Et, comme on sait, la majorité des employeurs, c'est quand même de la PME, au Québec, et ils ont besoin d'aide, ces employeurs-là, pour être en mesure de contribuer de façon efficace à ça. Elles ont des associations, on en est une, on est une association spécifiquement d'employeurs, d'autres se sont présentées ici ou se présenteront juste après nous pour parler des besoins des employeurs, mais une des choses qui est très importante, c'est que, sans mécanisme d'aide pour les aider à identifier correctement leurs besoins... Parce qu'en partant, juste un petit exemple, M. le Président, un employeur peut très bien identifier des qualifications beaucoup trop importantes que la réalité de ce qu'il peut retrouver sur le marché du travail, et il n'y aura pas d'adéquation entre les qualifications recherchées puis la main-d'oeuvre disponible. Donc, ça prend de l'aide un peu pour ajuster ça, pour dire : Écoutez, il ne faut pas non plus que vous rêviez en couleurs, parce que vous n'obtiendrez jamais votre résultat non plus. Donc, ça prend de l'aide, de l'appui pour ça.

Cela dit, j'arrive au terme de mon point là-dessus, c'est que, les employeurs possédant cette information-là, c'est nécessaire, c'est même primordial que l'État, et pas nécessairement seulement le ministère de l'Immigration, puisqu'il y a la Commission des partenaires pour le faire, etc., puisse être en mesure de mettre à contribution les employeurs et les associations qui les représentent, dont nous, pour faire la communication. Et la communication, c'est dans les deux sens, c'est-à-dire : Voici les enjeux, les besoins, les priorités mais, au niveau du gouvernement, des possibilités sur le marché international au niveau de l'immigration, parce qu'on est en concurrence, et, d'un autre côté, collecter les besoins, les commentaires des employeurs pour les acheminer au gouvernement. Et on est très bien placés pour faire ça. Encore faut-il qu'on ait aussi les moyens pour le faire.

Mme Weil : Vous avez parlé, dans votre sondage, donc, qu'il faut... Le sondage, les résultats de vos membres, de l'opinion de vos membres, c'est améliorer l'arrimage, donc, on a parlé de ça, faciliter l'intégration, faciliter l'obtention de la permanence. Donc, je vais vous amener sur ces deux autres enjeux. Faciliter l'intégration, on le fera en dernier lieu.

Donc, faciliter l'obtention de la permanence, nous, on voit la voie temporaire vers la permanence comme nettement une des voies les plus intéressantes, ça donne de l'expérience. Tout le monde, d'ailleurs, lors de la consultation sur la politique, était d'accord avec ça. Plus ça va, plus tout le monde est d'accord avec ça, c'est une bonne façon. Québec International nous a fait vraiment un bon portrait de comment ils font pour bien préparer la personne pour la permanence. Alors, c'est souvent des gens qui avaient déjà en vue d'immigrer au Québec, et là, donc, ils prennent des cours de français en milieu de travail même pour qu'ils puissent passer le test après les quatre ans. Il y a évidemment des changements au niveau fédéral, on aura des discussions avec le gouvernement fédéral à cet égard, donc c'est important qu'on en discute, mais essentiellement, cette voie-là, on la voit comme une façon d'améliorer l'arrimage, justement, parce que l'employeur aura pu choisir la personne requise.

Ce qui nous amène un peu au français en milieu de travail et faciliter l'intégration. Donc, faciliter l'intégration, surtout l'implication, je vous dirais, des acteurs économiques en amont, quant à nous, ça va faciliter aussi l'intégration, parce que, je pense bien, il y a des études qui le montrent, plus les employeurs et le secteur économique est un acteur dans le débat, la discussion puis la vision, ils vont se sentir interpellés aussi pour l'intégration. Mais, je voulais signaler, je ne sais pas si vous avez les chiffres, suite à l'appel concernant le PRIIME, le programme PRIIME, il y a eu 179 entreprises qui ont répondu à l'appel du gouvernement, pour 869 emplois. Donc, ça montre à quel point, avec des programmes comme PRIIME et autres programmes, on serait capables, tous ensemble, de faire en sorte qu'on trouve des emplois pour ces gens-là. D'ailleurs, j'ai les nouveaux chiffres de 2015 concernant les immigrants, les nouveaux immigrants de moins de cinq ans. En fait, c'est 7,6 % pour les natifs et 18 % pour les moins de cinq ans, donc un peu plus du double, pas tout à fait le tiers. Mais il y a quelques années c'était le tiers, là, ça s'améliore petit à petit. Et, pour tous les immigrants, c'est 10,7 %. On le sait, les études montrent qu'au cours de 10 ans... Mais ce n'est pas satisfaisant, et c'est pour ça qu'on change le système, vous le comprenez, là, mais quand même il ne faut pas arrêter de faire des efforts comme avec le PRIIME.

Donc, je voulais voir avec vous, en parlant de comment améliorer l'intégration en emploi, les stratégies que vous trouvez gagnantes, au-delà du PRIIME, là. Et peut-être nous parler du français en milieu du travail. Quelles seraient les possibilités pour les entreprises et la volonté des entreprises d'offrir le français en milieu de travail, qui permet à la personne... qui est soit là de façon temporaire mais qui voudrait la permanence ou qui a besoin de monter les échelons, si on veut, au sein de l'entreprise?

M. Dorval (Yves-Thomas) : Je vais demander d'abord à Mme Kozhaya peut-être de répondre à quelques-uns des éléments de votre question et je terminerai, puisqu'elle est celle qui a coordonné la recherche et la rédaction de notre étude. Alors, Mme Kozhaya.

Le Président (M. Picard) : Allez-y.

Mme Kozhaya (Norma) : Merci. Oui, tout d'abord, donc, comme vous l'avez mentionné, PRIIME, rappelons juste que c'est financé par le programme Immigrants investisseurs, donc c'est une raison de plus que c'est de l'argent des immigrants eux-mêmes qui sert à financer d'autres types d'immigrants pour assurer une meilleure... Et je crois que c'est effectivement une voie à privilégier. C'est des stages, ça établit un premier contact, donc ça permet à l'employeur de prendre contact avec la personne, et vice versa, et souvent ça aboutit à une embauche, dans plusieurs cas, donc c'est intéressant. Malheureusement, le seul désavantage, c'est que ce n'est pas très connu, et donc des initiatives comme les conférences de presse qui ont eu lieu récemment, ça fait connaître davantage ces programmes-là.

Pour les autres programmes, effectivement, je parlais avec des entreprises la semaine passée, un peu en préparation de cette commission, et effectivement, les programmes de francisation en milieu de travail, que c'est quand même... c'est en général l'entreprise qui... même si la formation en tant que telle est assumée, par exemple, par la commission scolaire ou autres, c'est l'entreprise qui libère aussi l'employé pour suivre cette formation, donc elle assume les coûts. Mais elles reconnaissent en même temps que c'est important pour elles, et donc c'est pour ça qu'elles le font. Et c'est quelque chose qu'elles vont continuer à faire en général.

Sur les autres points, oui, effectivement, on observe une certaine amélioration au niveau des taux de chômage récemment, c'est une bonne nouvelle. Donc, on s'en va un peu dans la bonne direction.

C'est sûr qu'il reste beaucoup de chemin à faire dans ce sens-là, et on espère... on pense que ce projet de loi, c'est quelque chose... Parce qu'il y a l'intégration après l'arrivée, mais aussi il y a la sélection en amont. Et ce projet de loi travaille en partie sur la sélection en amont, et c'est quelque chose qu'on a toujours dit qu'il serait important de réaliser.

• (10 h 20) •

M. Dorval (Yves-Thomas) : M. le Président, deux réponses à votre question. La première des choses, il existe déjà des programmes d'aide pour la francisation en milieu de travail. Il y a eu des... il y a des enjeux quand même par rapport au retour, l'évaluation des résultats, et ainsi de suite, parce qu'on peut financer des programmes... Et je pense que la commission Robillard a fait état de plusieurs des problématiques ici à ce niveau-là dans le sens où on a des programmes, on ne mesure pas l'efficacité, le rendement. Alors, il ne s'agit pas ici d'avoir des programmes pour avoir des programmes, il s'agit de regarder quelle est la performance de ces programmes-là et voir les résultats, et ça, c'est un manque, actuellement.

On finance beaucoup plusieurs programmes partout, et, en parlant de la francisation, il y en a qui viennent de différentes sources, soit dit en passant. Il y a la CPMT, il y a Emploi-Québec, il y en a qui sont... la commission scolaire; d'autres, c'est l'Office de la langue française, et ainsi de suite. Alors, juste en partant, vous avez une dispersion de programmes, et, dans la majorité des cas, il y a peu d'évaluation de résultat réelle. Donc, avant de dire comment on peut appuyer davantage ou faire davantage, il faut d'abord savoir quels sont ceux qui fonctionnent le mieux, comment ça peut être fait, et ainsi de suite.

On a toujours un problème avec la question des programmes, non pas parce qu'il n'en faut pas, des programmes. On a dit que les employeurs avaient besoin d'aide. Ce qu'on a comme problème, c'est que vous avez déjà au gouvernement un coffre à outils extraordinaire, il y en a, des outils, et le principal problème qu'on a : les gens ne les connaissent pas bien et les utilisent donc peu. Encore là, c'était une remarque que la commission Robillard a faite à ce sujet-là.

Pour la francisation, moi, je vous ramènerai sur la séance de la commission du jeudi 29 janvier 2015 où nous avons témoigné ici. En réponse notamment à des membres de la commission ici, on avait fait état de la position très claire et cohérente du CPQ à l'effet que le français, c'est une priorité au Québec, que la langue de travail, c'est le français, et qu'une façon d'intégrer, évidemment, le mieux, c'est que les gens puissent parler le français. Et il y a beaucoup d'employeurs qui ne choisiront pas un candidat s'il ne possède pas le français, mais ne nous méprenons pas sur le propos, c'est aussi vrai pour d'autres types de langage, par exemple les besoins, dans certains cas, de l'anglais ou de d'autres langues. Alors, de ce côté-là, c'est clair. Mais ce qu'on dit, c'est qu'il faut pondérer les critères. Le français, c'en est un, mais les qualifications aussi. Si on a quelqu'un qui possède la maîtrise du français puis qui ne possède pas les qualifications recherchées par les besoins du marché du travail, on n'est pas avancé, la personne ne se trouvera pas un emploi, alors... Et donc c'est pour ça qu'il faut avoir une certaine pondération, un certain équilibre entre ces critères-là. Et, lorsque la personne ne possède pas suffisamment le français, ça ne veut pas dire qu'elle ne peut pas être intéressante pour l'immigration économique...

Le Président (M. Picard) : En conclusion, s'il vous plaît.

M. Dorval (Yves-Thomas) : ...mais il faut, à ce moment-là, l'accompagner pour améliorer son français, pour que son français devienne fonctionnel et pour qu'elle puisse opérer au Québec et s'intégrer. Et, ces programmes-là, comme je l'ai dit tout à l'heure, M. le Président, bien, il faut faire une étude sur la rentabilité de ces programmes-là, et viser ceux qui font le mieux, et surtout faire la promotion des programmes qui existent.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget pour une période de 10 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Dorval, Mme Kozhaya, soyez les bienvenus. Merci pour votre contribution à cet exercice.

Je reste un peu sur le sujet du français. Pensez-vous, dans l'absolu, que les entreprises, notamment dans la perspective de la francisation en milieu de travail, devraient, disons, assumer plus de responsabilités quant au suivi de la formation des immigrants ne maîtrisant pas le français? Je pose la question parce que certaines personnes qui vous ont précédés ici souhaitaient voir assouplir les exigences en matière de français en mettant l'emphase sur les compétences, et ce, dans la mesure où la personne, une fois dans l'entreprise, sur le plancher du travail, apprendrait le français. Est-ce que vous pensez que les entreprises devraient, de façon tangible, jouer un rôle plus engagé, disons?

M. Dorval (Yves-Thomas) : En fait, M. le Président, en réponse à la question, il faut comprendre qu'il y a eu un changement à la loi qui amenait une question reliée à la maîtrise du français dans l'ordre des critères, en termes de pourcentage, et, les gens d'affaires, les employeurs, leur préoccupation... Oublions le mot «gens d'affaires», parce que les employeurs, ça peut se retrouver dans tous les domaines, y compris le secteur public. Les employeurs, ce qu'ils disent, c'est essentiellement : Moi, si j'ai besoin d'une ressource humaine avec telles qualifications, préférablement le français, mais pas nécessairement la maîtrise du français, parce que ça dépend de mon besoin. Il n'y a pas de réponse uniforme. Ce que les employeurs veulent, c'est de la flexibilité, dans la vie. Pourquoi? Parce que chaque besoin est différent. Et des employeurs me diront, par exemple, que, si vous m'amenez une personne immigrante qui ne possède pas le français pour aller travailler à, je ne sais pas, moi, Saint-Pacôme, par exemple, au Québec, il y a de fortes chances que, la personne, inquiétez-vous pas qu'elle va apprendre le français très rapidement parce qu'elle va être plongée dans une immersion francophone, alors ce n'est pas le rôle seulement de l'employeur, c'est aussi la société d'accueil, alors que la même personne immigrante, par exemple, si elle demeure à Montréal, au sein d'une communauté culturelle d'origine similaire, et qui ne parle pas suffisamment en étant immergée dans le français, bien elle n'apprendra pas nécessairement le français aussi rapidement.

De la même façon, un employeur peut avoir des exigences parce qu'il faut que la personne puisse, par exemple, comprendre les consignes, et les consignes doivent être en français. Donc, à quelque part, il faut que... ça dépend du contexte de l'employeur en question. Bien, il y aura un plus grand besoin ou moins grand besoin de la maîtrise du français selon le type de travail que la personne va faire dans son contexte.

Alors, il y a plusieurs éléments. Ce que le milieu, les employeurs veulent, c'est de la flexibilité, ce qui n'est pas en contradiction avec ce que des collègues ont dit précédemment, tout en reconnaissant que, la langue du travail, il y a une loi au Québec qui fait que la langue du travail, c'est en français, et c'est une bonne chose qu'on ait la possibilité de travailler en français. Mais en même temps quel est le rôle de l'employeur? Il est partagé avec la société, il n'est pas le seul responsable de ça, surtout qu'au Québec on s'est donné un système d'éducation centralisé public. À partir du moment où vous avez un environnement de formation professionnelle et technique de base, et ainsi de suite, qui est dispensée par beaucoup, pas seulement, parce qu'il y a du secteur privé, mais beaucoup par le secteur public, il faut comprendre que les employeurs vont souvent, à ce moment-là, se référer au secteur public pour être un partenaire important dans la responsabilité, etc.

Et, en même temps, l'employeur, dans son contexte à lui, surtout les petites et moyennes entreprises n'ont peut-être pas les ressources financières pour encadrer ça, donc, la responsabilité, vient aussi l'obligation d'avoir... Quand vous parliez tantôt de mesurer, ainsi de suite, ce n'est pas vrai que tous les employeurs peuvent faire ça, d'où l'importance d'avoir différents mécanismes qui interpellent à la fois le secteur public, des institutions, comme le secteur de l'éducation, également le gouvernement à travers ses différents groupes, comme la Commission des partenaires ou autres, mais c'est un ensemble. L'employeur ne peut pas avoir plus de responsabilités que ce qu'il peut faire lui-même avec les ressources qu'il a dans un système qu'on a basé, au Québec, comme étant un système centralisé public.

• (10 h 30) •

M. Kotto : O.K., je vous entends bien, je comprends très bien ce que vous exprimez ici, mais vous n'êtes pas sans savoir... Et là je me mets dans la perspective de ce qui a motivé le gouvernement du Québec d'aller négocier une partie des pouvoirs en matière d'immigration au fédéral. Initialement, c'était pour justement renforcer le filet linguistique, en l'occurrence le français, au Québec. Or, le projet de loi que nous avons sur la table, ce n'est pas une critique en soi, a une orientation économique très prononcée, certains parlent même d'utilitarisme quant à l'approche que suggère le projet de loi. En somme, c'est un projet de loi taillé sur mesure pour le patronat.

Ce n'est pas un procès d'intention. Il y a d'énormes avantages que d'arrimer l'immigration aux besoins en emploi, considérant les réalités que nous connaissons en termes de chômage. Vous en avez parlé, quand on ne cible pas les personnes en fonction des besoins, la plupart se retrouvent sur le carreau une fois ici. Montréal recèle, la grande région, 80 % de cette immigration, tournant autour de 50 000 par année, et il y a malheureusement plusieurs... un pourcentage substantiel de ces immigrants qui sont au chômage. C'est des drames familiaux, c'est des ruptures, des décrochages, même, avec la société, relativement aux secondes générations, le sentiment de non-acceptation par rapport à la société francophone, francophone.

Et c'est ce qui m'amène à vous poser cette question. Vous parlez de responsabilité collective, pas seulement une responsabilité des entreprises. Or, jusqu'à date, et on l'a vu avec certaines entreprises que je ne nommerai pas, une fois que l'immigrant qui ne maîtrise pas le français rentre dans le circuit, une fois qu'il est dans la machine, il n'a aucune obligation d'apprendre le français, de toute façon, de par la loi, contrairement à certains pays comme l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Autriche, la France, l'Italie, la Flandre et pleins d'autres où il y a une obligation, au risque même de perdre le statut qui lui est dévolu quand il intègre le pays.

Les entreprises, qui vont être, disons, les premières bénéficiaires de ce projet de loi, pour ma part, devraient jouer un rôle plus actif dans le suivi de la formation ou de l'apprentissage de la langue de leurs nouveaux employés, nouvellement arrivés. C'est ça, ma lecture.

Maintenant, je vous entends, j'entends un discours affaires, pour ne pas dire business, j'entends un discours économique, mais notre préoccupation, c'est aussi cet équilibre qu'il faut créer entre les compétences et la maîtrise... et la connaissance de la langue, pour ne pas utiliser un terme qui vous semble a priori trop exigeant.

Le Président (M. Picard) : Il reste deux minutes.

M. Dorval (Yves-Thomas) : M. le Président, les compétences, il y a des compétences de base puis il y a des compétences spécialisées, il faut avoir un bon équilibre entre les deux. Dans les compétences de base, il y a des compétences très simples, la possibilité de communiquer, et dans plusieurs endroits le français est donc une priorité, et dans d'autres ce l'est moins, parce que les besoins sont peut-être moins là.

La même chose, dans les compétences de base, on doit être en mesure aussi de répondre à la résolution de problème. Ça, ça fait partie des compétences de base.

Donc, la communication, c'est important, et le français peut être important, mais toujours dans le contexte d'une entreprise, d'un employeur et dans le fonctionnement, et je pense que...

M. Kotto : ...juste une parenthèse. Vous parlez de domaines dans lesquels la maîtrise du français ou la connaissance du français n'est pas nécessaire versus les compétences, mais l'entreprise s'inscrit dans la société québécoise, l'entreprise emploie cet individu qui participe à la société d'aujourd'hui et celle de demain. Donc, à partir du moment où il gonfle le chiffre de celles et ceux qui ne la maîtrisent pas, cette langue, au bout du compte, dans la perspective de l'histoire, et tous les indicateurs, toutes les études nous montrent cela, c'est le français qui, à terme, recule.

Le Président (M. Picard) : ...

M. Dorval (Yves-Thomas) : Oui, M. le Président. Deux choses. La première, c'est que les employeurs sont pragmatiques, et c'est clair que, s'ils ont besoin d'avoir une amélioration du français, ils vont le faire avec leurs employés, ils vont le faire, ils vont le suivre, parce que ce sont des gens très pragmatiques et ils ont une raison d'être, c'est qu'il faut que les choses fonctionnent dans l'établissement. Et je répète que la communication fait partie d'une des compétences de base essentielles dans l'organisation. Donc, je n'ai pas de crainte de ce côté-là.

Si l'employeur ne décide pas qui vient comme immigrant, on ne peut pas non plus le rendre responsable, après ça, de l'obligation de faire des choses. Il y a un système public aussi pour faire certaines responsabilités.

Puis le troisième élément, et je vais terminer là-dessus, les employeurs ont aussi la responsabilité sociale à coeur, il n'y a aucun doute là-dessus. Moi, j'en rencontre quotidiennement, des gens qui... des entrepreneurs, des chefs d'entreprise, des membres de direction qui font leur travail de façon extrêmement responsable et professionnelle.

Mais, je vous l'ai dit aussi, si on pouvait amener, par exemple, les immigrants nouvellement arrivés vers les emplois en région, par exemple, où est-ce qu'on en a besoin, je vous le dis, le problème ne serait plus là. Alors, on ne peut pas rendre responsables tous les employeurs du Québec par rapport à une situation...

Puis ce qui est intéressant là-dedans, c'est qu'on parle beaucoup de mesures puis on dit : On pourrait peut-être forcer ou quoi, ça n'a pas été énoncé ici, là, mais moyens coercitifs, là, et, de mon côté, je vous dirai simplement que c'est un langage qu'on dirait qu'il est toujours à double sens, parce que j'ai assisté à une conférence... pas une conférence, une commission parlementaire ici même où le gouvernement voudrait arriver avec certaines mesures de coercition, puis on dit : Non, non, non, c'est volontaire, c'est volontaire, puis là, quand c'est l'employeur, bien peut-être que l'employeur devrait avoir, lui, de la coercition. Alors, c'est comme s'il y a un déséquilibre total.

En fait, il y a une responsabilité de tous les individus, il y a une responsabilité des individus, des employeurs et de la société en général. Moi, ce que j'entends de la part des employeurs, c'est que c'est des gens pragmatiques, puis les gens veulent faire une bonne job, puis ils veulent être responsables...

Le Président (M. Picard) : ...s'il vous plaît.

M. Dorval (Yves-Thomas) : ...et ils veulent faire en sorte que ça fonctionne dans leurs établissements. Et le français fait partie des compétences de base pour lesquelles, dans plusieurs cas, c'est essentiel.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède la parole à M. le député de Borduas pour une période de sept minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Kozhaya, M. Dorval, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour votre participation à la commission.

J'aimerais qu'on aborde la page 10 de votre mémoire au niveau des immigrants investisseurs. Peut-être pour les gens qui nous écoutent, là, l'ancien Programme d'immigrants investisseurs, de la façon dont il était conçu, c'était un investissement de 800 000 $ de l'immigrant investisseur, il devait avoir 1,6 million de dollars dans ses capitaux propres, et il y avait une obligation de maintenir l'investissement de 800 000 $ pendant cinq ans.

Bon, tout à l'heure, on a entendu Mme la ministre nous informer que le 800 000 $ de l'immigrant investisseur était prêté au gouvernement du Québec et, par le biais de cet investissement-là, il est envoyé, dans le fond, dans le programme PRIIME et dans d'autres investissements pour soutenir des projets d'entrepreneuriat d'immigrants investisseurs et autres programmes. Cependant, ce qu'on a observé, c'est que, supposons, entre 2003 et 2012, il y a seulement 22,8 % des immigrants investisseurs qui sont demeurés au Québec. Dans le fond, concrètement, c'est de l'achat de citoyenneté, ce programme-là. L'argent qui est prêté au gouvernement du Québec, bien, il ne demeure pas au Québec, les immigrants quittent par la suite, donc on se retrouve dans une situation où, la clientèle que l'on va rechercher, où l'on souhaite aller chercher ces gens-là pour qu'ils démarrent des entreprises, pour qu'ils investissent dans l'économie du Québec, bien, on les perd au bout d'un certain nombre de temps, à partir du moment où le contrat est terminé.

Et là je constate dans votre mémoire qu'on devrait mettre des mesures en place pour assurer la rétention de ces immigrants investisseurs là. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Alors, M. le Président, justement, dans notre mémoire... pas dans notre mémoire mais dans notre étude, on fait état de plusieurs des recommandations dans ce sens-là. Je vais laisser Mme Kozhaya, qui a préparé...

Le Président (M. Picard) : Allez-y, madame.

Mme Kozhaya (Norma) : Merci. Il faut dire que, même si l'immigrant quitte, l'argent reste pendant la période et il est utilisé au Québec, donc pendant cinq ans, effectivement. Donc, déjà, je veux dire, déjà il y a des gains pour le Québec avec ce qu'on utilise, comme ça a été mentionné, que ce soit pour PRIIME ou pour d'autres aides à des PME qui sont des fois aussi en région, donc il y a un gain.

Et, nous, ce que nous préconisons, c'est essayer de retenir davantage ces immigrants investisseurs, parce qu'effectivement on aurait encore plus de gains. Si ces gens-là restent, achètent, par exemple, une propriété au Québec, envoient leurs enfants à l'université, à l'école au Québec, c'est sûr qu'il y aurait encore plus de gains.

Comment faire pour les retenir? Dans différents pays, il faut dire que ces immigrants-là, ils ont quand même le choix, et c'est plusieurs pays, que ce soit les États-Unis ou d'autres, qui ont des programmes pour attirer ces gens-là, parce que c'est des gens qui ont des fonds et que... Donc, aux États-Unis, par exemple, il y a d'autres critères pour l'acceptation. Dans d'autres pays, l'argent n'est pas remboursable. Donc, il faut mesurer un peu les mesures qu'on peut faire pour retenir ces gens-là sans pour autant les décourager, parce que, si on a des exigences aussi trop hautes, bon, ces gens-là vont s'en aller ailleurs aussi, mais peut-être par des mesures d'accompagnement, plus de réseautage avec les gens d'affaires ici, peut-être les encourager davantage à s'acheter une maison, il y a différentes mesures. Mais, en partant, il y a des gains pour le Québec, mais regarder comment on peut augmenter encore ces gains-là.

M. Dorval (Yves-Thomas) : M. le Président, en fait, la somme n'est pas nulle ni négative, elle est positive, quand on regarde aussi la consommation, les achats qui sont faits par les immigrants investisseurs ici, que ce soit dans des immeubles, dans des dépenses de consommation ou autres. Donc, il y a quand même un impact positif, alors on n'est pas à perte, là. Tout ce qui est un gain, normalement, devrait être accueilli.

Il y a des endroits, par exemple, aux États-Unis, pas loin de nous, les États de la Nouvelle-Angleterre ont réussi à attirer des immigrants investisseurs qui ont financé des investissements de remise à jour, de modernisation de tous les équipements de station touristique, notamment dans le domaine du ski, etc. Ils sont en train de nous dépasser. Ils ont réussi à attirer les immigrants investisseurs pour faire des investissements du côté d'infrastructures qui en nécessitaient et pour lesquelles l'État n'avait pas nécessairement la possibilité d'aider, ni les investisseurs locaux.

Alors, il y a un potentiel plus grand que ce qu'on a. On a déjà une contribution positive. Et là ce qu'on dit, c'est de travailler à faire en sorte que ce potentiel-là soit augmenté davantage pour le réaliser pleinement.

M. Jolin-Barrette : En mars 2015, nous avons proposé une réforme du processus d'immigration notamment au niveau des immigrants investisseurs. On proposait, dans le fond, que les montants soient décaissés en fonction du nombre d'années de présence de la personne. Qu'est-ce que vous en pensez, de ça?

Mme Kozhaya (Norma) : Bien, comme j'ai dit, c'est qu'en même temps il faut voir est-ce que... il faut mesurer un peu. Comme je l'ai dit, ailleurs l'argent n'est pas remboursé, mais c'est un choix. Et il faut voir aussi à l'origine pourquoi ces gens-là choisissent d'immigrer, pourquoi ils choisissent le Québec, par exemple. En général, ces gens-là vont rechercher une bonne qualité de vie, une certaine sécurité pour leurs enfants, un meilleur avenir pour leurs enfants. Donc, il faut voir, un peu faire la part des choses entre l'attrait du Québec en général, qui a quand même un bon attrait, et le Canada en général, et les conditions, comparé à d'autres pays et d'autres endroits qui peuvent aussi être intéressants pour ces mêmes personnes.

• (10 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Mais, juste pour les gens qui nous écoutent, c'est vraiment clair que ce n'est pas un investissement net. Dans le fond, c'est un prêt qui est fait au gouvernement du Québec, donc le prêt est remboursable. Donc, ultimement, je comprends ce que vous nous dites, les gens vont consommer, vont s'établir, vont peut-être acheter des propriétés, mais ultimement, au bout de cinq ans, l'investissement est remboursé. Donc, ça ne veut pas dire que l'individu va continuer à participer à l'économie du Québec parce qu'il y aura rétention, dans le fond, de son capital investi, il y aura remboursement. Donc, de ce côté-là, pour s'assurer vraiment, là, que le capital soit investi... Et surtout ce qu'on disait tout à l'heure avec le programme PRIIME, supposons, et le programme d'entrepreneurs immigrants, ça sert à financer, mais la partie de l'État québécois aussi pour démarrer au niveau de l'entrepreneuriat avec les immigrants, elle est absente, elle manque cruellement pour donner un coup de pouce aux immigrants.

Mme Kozhaya (Norma) : Effectivement, l'argent est remboursé, mais tous les rendements qui ont été faits pendant ces cinq ans, c'est ce qui est utilisé. Et puis on a certains chiffres, dans notre étude, sur le nombre d'emplois qui ont été créés ou maintenus grâce à ce programme-là, le nombre d'utilisations, les fonds utilisés pour le programme PRIIME. Donc, c'est quand même plusieurs dizaines de millions de dollars qui ont été investis, quand même. Même si l'argent a été remboursé, mais le rendement sur cet argent-là reste dans l'économie.

Et, bien sûr, il faut voir... C'est sûr que, si on arrivait à garder davantage ces gens-là, il y aurait encore plus de gains. En termes d'importance, le programme entrepreneurs, c'est aussi un programme sur lequel il faut travailler. Ce n'est pas les mêmes critères, évidemment, dans les deux cas. Dans un cas, c'est plus avoir un projet d'affaires, dans le cas de l'immigrant entrepreneur; dans le cas de l'immigrant investisseur, c'est plus apporter des fonds, comme c'est le cas dans d'autres pays.

M. Dorval (Yves-Thomas) : Mais, peut-être pour compléter, finalement, c'est une étude de sensibilité. C'est-à-dire est-ce qu'en modifiant le programme tel qu'il est proposé ici on réussit à attirer encore les immigrants investisseurs de la même façon? C'est tout ça qu'il faut qui soit étudié de façon plus approfondie, puis c'est une étude de sensibilité.

Et là-dessus, à notre avis, tout ce qu'on peut faire pour bonifier, il faudrait le faire, parce que c'est un ajout extrêmement intéressant, c'est un potentiel intéressant, mais, encore là, on ne peut pas présumer, on ne peut pas faire un changement... Le Canada fait des changements, on a fait des moratoires, à un moment donné, sur d'autres programmes, ce qui fait en sorte que l'un des enjeux majeurs qu'on a maintenant, c'est plutôt la non-prévisibilité des programmes, plutôt que... Alors, ce qui nous inquiète, puis on le dit dans notre mémoire, c'est qu'il faut arrêter de jouer avec ça. Puis là-dessus le Canada lui-même, là, a joué, malheureusement, avec ça puis sous un constat qui était particulier, qui disait : Bien, ça ne contribue pas nécessairement aux revenus d'imposition...

Le Président (M. Picard) : En conclusion, s'il vous plaît.

M. Dorval (Yves-Thomas) : ...à l'imposition sur le revenu, parce qu'il y a des revenus qui sont à l'extérieur du pays. Oui, mais, c'est la réalité d'un immigrant investisseur, là. Il faut regarder la somme nette, et la somme nette, elle est positive, puis le potentiel est plus grand.

Et, pour faire davantage, il faut savoir est-ce qu'on est capable de modifier le programme pour avoir plus de retombées tout en ayant l'attractivité pour l'avoir. Et ça, là-dessus, inquiétez-vous pas, on va être en appui à toute mesure qui vise, justement, à essayer de trouver des façons de livrer le potentiel qu'on a là-dedans.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et je suspends quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 43)

(Reprise à 10 h 45)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons en recevant la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Mme Martine Hébert est la représentante. Je vous invite... Vous disposez de 10 minutes, tout simplement, va s'ensuivre une période d'échange. Comme M. Dorval, vous êtes une habituée, donc allez-y.

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Mme Hébert (Martine) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, M. le Président, distingués membres de la commission, je tiens d'abord à vous remercier de nous donner l'opportunité de discuter avec vous du projet de loi n° 77, Loi sur l'immigration, dont évidemment nous appuyons les objectifs.

Comme vous le savez, la FCEI, on regroupe 109 000 PME au Canada, dont 24 000 sont au Québec. Nos membres sont dans toutes les régions et dans tous les secteurs économiques sur le territoire québécois.

Vous vous en doutez bien, M. le Président, les enjeux liés à la main-d'oeuvre sont très présents dans les PME. Je vous dirais que l'évolution démographique et économique fait en sorte que plusieurs entreprises se retrouvent avec des difficultés à trouver la main-d'oeuvre dont elles ont besoin. En fait, selon nos dernières estimations, en fait les dernières données qui ont été fournies par nos membres à l'échelle du Québec, il y aurait, à ce moment-ci, là, environ 66 000 postes qui sont à pourvoir dans les PME québécoises. Et je vous dirais que les difficultés de recrutement des PME ne se trouvent pas nécessairement dans un seul secteur mais se retrouvent dans plusieurs secteurs d'activité et dans plusieurs régions. À titre d'exemple, par exemple, les restaurateurs du Bas-Saint-Laurent et de la Côte-Nord, les employeurs de l'industrie du camionnage ou encore les PME de la Beauce en quête de machinistes et de soudeurs rapportent tous avoir à affronter de grands défis pour pourvoir les postes nécessaires à leurs opérations.

Quand on regarde le problème de façon plus globale, et qu'on regarde en 2016, là, ce qui va se passer, et qu'on demande aux employeurs : Est-ce que vous avez l'intention d'embaucher au cours de la prochaine année?, près de trois PME sur quatre du Québec nous ont dit qu'elles prévoyaient embaucher des travailleurs. Environ le tiers vont chercher du personnel de production ou de corps de métier, le quart des PME vont avoir besoin de professionnels de la vente, 20 % veulent avoir du personnel administratif ou technique, et seulement environ 8 % vont rechercher des cadres ou des gestionnaires.

Il apparaît donc clairement, M. le Président, de ces données-là, premièrement, qu'évidemment l'immigration représente une des réponses aux besoins de main-d'oeuvre criants de nos PME — mais ce n'est pas la panacée, évidemment — mais, deuxièmement, que les besoins en main-d'oeuvre de nos PME ne sont pas uniquement pour des emplois qualifiés, et en ce sens je pense qu'il faut que nos politiques en matière d'immigration tiennent compte de cette réalité-là. Autrement dit, M. le Président, le Québec n'a pas juste besoin de diplômés universitaires, mais on a aussi besoin de manoeuvres, de main-d'oeuvre moins qualifiée, et malheureusement, quand on regarde les statistiques, ce n'est pas ça qu'on semble avoir accueilli en majorité, au Québec, au cours des 12 dernières années. En effet, entre 2004 et 2013, à 45 % le niveau de compétence des personnes immigrantes était des compétences de gestion et professionnelles. Alors, je vous l'ai dit tantôt, là, ce n'est pas ce que nos PME, qui représentent, soit dit en passant, 99 % des entreprises du Québec, ont besoin comme main-d'oeuvre. Seulement 20 % des personnes qu'on a accueillies étaient des techniciens ou encore, 0,2 %, des manoeuvres. À cet effet, M. le Président, on pense que la nouvelle Loi sur l'immigration devrait faire explicitement référence à la volonté de remédier à cette situation-là, et cela rejoindrait d'ailleurs les propos qu'a tenus la ministre de l'Immigration, disant souhaiter, par cette loi, cibler, parmi les personnes qui déposent une déclaration d'intérêt, celles dont le profil répond le mieux aux besoins de notre marché du travail partout sur le territoire québécois.

Dans le même ordre d'idées, M. le Président, je pense qu'il faudrait que, dans la planification pluriannuelle de l'immigration, la ministre tienne compte des besoins du marché du travail. Cela s'inscrirait d'ailleurs en cohérence avec les dispositions du projet de loi n° 70, qui prévoit que dorénavant la Commission des partenaires du marché du travail, à laquelle on siège, je siège, à la FCEI, aura un pouvoir de recommandation aux divers ministères, dont le MIDI, en vue de répondre aux besoins du marché du travail. Et j'étais contente d'entendre tantôt la ministre dire qu'effectivement le projet de loi n° 77 s'inscrivait dans la continuité du projet de loi n° 70. Je pense que ça devrait peut-être être inscrit de façon plus explicite, peut-être, dans le projet de loi, de façon à ce que, dans quelques années, si jamais on change de ministre ou si jamais il y a d'autres orientations qui sont prises, ce soit clairement enchâssé dans la loi que cette planification-là devra tenir compte des recommandations, là, qui seront présentées par la Commission des partenaires du marché du travail.

• (10 h 50) •

Maintenant, parlons de l'immigration temporaire, qui est aussi importante au Québec comme ailleurs au Canada. Et je profite de l'occasion, M. le Président, pour remercier vivement la ministre pour tout le soutien, au cours des dernières années, là, dans notre combat à l'égard du Programme des travailleurs étrangers temporaires, pour essayer de renverser la décision, là, du fédéral, qui a fait mal à plusieurs PME à l'échelle canadienne, dont au Québec. On a été à même de constater les dommages causés par les changements qui ont été apportés au Programme des travailleurs étrangers temporaires du gouvernement fédéral. Pour nous, il s'agissait clairement là d'une réaction hypocondriaque à une maladie imaginaire puisque les changements, qui ont été apportés à la suite d'allégations parues dans les médias et qui portaient sur des cas très spécifiques, n'ont pas été constatés, d'une part, au Québec, et même ailleurs au Canada la très, très grande majorité des PME qui utilisaient ce programme-là l'utilisaient à bon escient. Alors, c'est un fait quand même, il y a eu ces changements-là, ça a fait mal, mais il n'en demeure pas moins que les PME ont et continueront d'avoir besoin de travailleurs pour occuper des emplois moins qualifiés dans des secteurs comme la restauration, l'hébergement, le commerce de détail, la transformation alimentaire, le manufacturier. En fait, même, je vous dirais même que la diversité économique de plusieurs des régions dépend de cette possibilité, pour les employeurs, d'accéder à la main-d'oeuvre dont ils ont besoin pour exploiter leurs entreprises, que ce soit sur une base permanente ou temporaire.

On a d'ailleurs noté avec satisfaction, M. le Président, qu'à l'article 16 le ministre pourra dorénavant mettre en place des programmes pilotes d'immigration temporaire. C'est sûr qu'on aurait aimé qu'ils soient plus longs, que la durée soit plus longue, et que les quotas aussi, là... Je pense, c'est 400 par année. On trouve que ce n'est pas suffisant. Peut-être que ce n'est pas nécessaire non plus de mettre ça dans la loi, on pourrait peut-être fixer ça par règlement pour plus facilement, là, pouvoir les augmenter.

Je vous dirais aussi que... On parlait tantôt d'ouverture à l'immigration permanente. On pense, d'ailleurs, c'est d'ailleurs une proposition qu'on a faite, à la FCEI — vous savez, on est un organisme pancanadien — donc qu'on a faite au gouvernement fédéral, d'avoir une espèce de visa d'introduction au Canada, et ça peut être la même chose au Québec, parce qu'on estime que la participation à un programme comme ça, temporaire, devrait permettre d'ouvrir la voie à l'immigration permanente, et ce, de façon accélérée. Je pense que la ministre a exprimé ça tantôt, avec les interlocuteurs précédents, et on est tout à fait d'accord avec ça. C'est d'ailleurs une des propositions que nous avons faites au fédéral, où on parlait du visa d'introduction au Canada, donc, qui permettrait à une personne, un travailleur étranger temporaire, de pouvoir accéder à l'immigration permanente. Donc, on invite donc les membres de la commission à évaluer la possibilité de rendre cette proposition possible en intégrant, là, des dispositions à cet effet dans le projet de loi.

M. le Président, un petit sujet qu'on aime beaucoup, beaucoup, à la FCEI : la paperasse. Donc, maintenant, l'article 15 prévoit que les employeurs, là, devront répondre à des conditions établies par le ministère et obtenir une évaluation positive du ministère concernant leur offre d'emploi, là, pour les postes temporaires. On se questionne à savoir, premièrement, ça va être quoi, ces conditions-là, et quelles seront les formalités administratives à remplir à cet effet-là. On recommande fortement d'apporter des précisions à cet égard-là dans le projet de loi et de porter une attention particulière aux formalités qui seront exigées afin que ça ne prenne pas un doctorat en paperasserie gouvernementale pour avoir droit au programme.

Enfin, M. le Président, juste un petit mot en conclusion sur la déclaration d'intérêt. On était contents de voir ça. C'est un système qui est similaire au fédéral aussi, que nous avons appuyé à la FCEI. Il faut cependant être bien conscient que ce n'est pas la panacée, parce que, même si les critères appliqués à la déclaration d'intérêt permettraient d'inclure, par exemple, la main-d'oeuvre moins qualifiée, dont on a aussi grandement besoin dans nos PME québécoises, il demeure une réalité que, ces candidats-là, il est moins probable qu'ils s'inscrivent à ce système de déclaration d'intérêt là, pour moult raisons, parce qu'ils n'ont pas nécessairement la capacité au niveau de l'écriture ou encore des connaissances, là, suffisantes pour pouvoir s'inscrire. Donc, je pense qu'il va être important de porter une attention particulière à cette possibilité-là dans le suivi qui sera effectué dans la mise en place du nouveau système.

En conclusion, M. le Président, je pense que l'immigration, pour une société, est synonyme d'enrichissement collectif, culturel et économique, mais, de façon à bien intégrer les personnes issues de l'immigration et pour leur permettre de contribuer à l'épanouissement de la société à la hauteur de leur potentiel, il est névralgique d'assurer le meilleur arrimage possible entre les caractéristiques recherchées par les employeurs et le profil des personnes que nous accueillons, et on encourage donc les parlementaires à considérer nos recommandations dans ce sens-là, de façon à assurer que notre système d'immigration puisse permettre d'accueillir aussi des travailleurs qui sont moins qualifiés mais dont nous avons grandement besoin au Québec. On partage tous le même objectif d'un Québec plus ouvert et plus prospère. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme Hébert. Je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Merci. Bonjour, Mme Hébert. Merci beaucoup de votre participation aujourd'hui. C'est l'occasion de vous poser des questions pour bien comprendre votre vision mais surtout votre expérience sur le terrain.

D'abord, je voudrais vous dire, c'est 400 par projet, et il n'y a pas de limite de projets. Non, mais c'est intéressant pour les régions, je pense que c'est intéressant pour tout le monde. Alors, l'idée, c'est que ça nous permet de tester des idées, parce que le marché de l'emploi, c'est quelque chose d'important, de fragile, il faut préserver, donc, l'intégrité du marché du travail, l'emploi, évidemment, des Québécois, des natifs, donc c'est toujours... Évidemment, ça, ce n'est pas ma responsabilité, c'est la responsabilité du ministère de l'Emploi, du Travail aussi, et, nous, c'est l'apport des immigrants, donc 16 %, 16 % du marché, donc l'immigration contribue à peu près à la hauteur de 16 % nos besoins.

Donc, le souci de protéger, justement, alors on a vécu ensemble les réformes du programme des travailleurs temporaires. Il y a eu une motion, à l'Assemblée nationale, unanime. Ça, évidemment, c'était vraiment intéressant. Tous les élus étaient d'accord pour dire qu'il faut amener des changements. Les discussions démarrent actuellement sur comment ajuster ce programme-là, alors c'est bien, ça. Donc, juste vous dire que ça permettrait...

Donc, peut-être vous amener sur ce sujet, avant de vous parler généralement de vos constats par rapport aux pénuries que vous voyez venir ou qui existent actuellement, qui ne peuvent être comblées par des natifs québécois puis nos programmes de formation chez nous, pour que les Québécois puissent combler ces... Parce que cet enjeu va quand même rester un enjeu pour tout le monde. Alors, commençons par ces projets, ce que vous pouvez entrevoir, parce qu'il n'y a pas de... on parle tout simplement de personnes, là, qui viendraient, d'immigrants, de nouveaux arrivants sans qualificatif, donc on pourrait voir là des gens qui ne seraient peut-être pas nécessairement le profil qu'on sélectionne actuellement, évidemment, ce seraient des gens qui, comme vous le dites, répondent aux besoins du marché du travail. Comment vous verriez, vous, votre... Comment ça pourrait fonctionner dans différentes régions, selon vos constats? Et comment ça pourrait aider à combler ces besoins-là?

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, c'est sûr qu'il y a un besoin criant pour ce type de travailleurs là. On l'a vu, d'ailleurs. Pourquoi le Programme des travailleurs étrangers temporaires était aussi populaire dans plusieurs secteurs d'activité, c'est parce qu'il permettait de répondre à un besoin criant de main-d'oeuvre des PME. Puis il y a une réalité, il y a une réalité démographique, au Québec. Si vous êtes sur la Côte-Nord, bien, je m'excuse, mais, vous avez beau chercher des travailleurs, dans certains secteurs il n'y en a pas, je veux dire, il n'y en a pas. Alors, c'est sûr qu'il y avait, si vous voulez... ça permettait vraiment à plusieurs employeurs... Puis même dans la région ici, là, rappelez-vous, on a vu des cas médiatisés, Vegpro, hein, l'entreprise, là, Rotobec qui disait : Je vais être obligée de refuser des contrats parce que je n'ai pas la main-d'oeuvre, à laquelle j'ai accès. Il y a des limites, il y a des limites à la fluidité du marché du travail. Puis ce n'est pas vrai, parce que dans une région il y a 10 % ou 12 % de chômage, que nécessairement les personnes qui sont en chômage peuvent occuper les emplois disponibles. Je donne toujours l'exemple à la blague, mais c'est une réalité : Il y a des limites à convertir un bûcheron en femme de chambre. Si tu es dans un établissement d'hébergement, puis que c'est de personnel pour faire les chambres et pour travailler dans l'hôtel que tu as besoin, puis que, dans la région, bien, c'est les travailleurs de la forêt qui sont en chômage, bien, comprenez-vous qu'il y a une limite à cette fluidité-là du marché du travail?

Je pense qu'on peut espérer, sur le marché du travail... Il y a des choses qu'on a pu faire pour améliorer, justement, et inciter davantage les personnes qui sont sans emploi à occuper les emplois qui sont disponibles lorsque les qualifications vont ensemble. Et, comme société, aussi, on a beaucoup, beaucoup misé hein, sur l'éducation, tout ça, puis il n'en demeure pas moins, quand même, qu'il y a des emplois non qualifiés et qui ne sont pas moins nobles, M. le Président, je tiens à le préciser, là. Une personne qui nous sert dans un restaurant, ce n'est pas moins noble qu'une personne qui est architecte ou qui offre des services professionnels. Je pense qu'on aura toujours besoin de ces travailleurs-là, et il faut que les mécanismes...

Et en ce sens-là, Mme la ministre, je suis contente de voir dans votre projet de loi la question... ces projets pilotes là, je suis contente de vous entendre dire que c'est 400 par projet et non pas que c'est limité à 400, là, par année pour tout le Québec. J'espère que ces programmes-là aussi seront rattachés, là, aux plans régionaux de besoins de main-d'oeuvre, là, qui seront dessinés par la Commission des partenaires du marché du travail, ça va être important de faire l'arrimage entre les deux. Mais il y a un besoin criant, c'est clair.

Mme Weil : Donc, pour revenir à cette question de l'équilibre du marché du travail, votre expérience, donc là on voit, dans des régions éloignées... Honnêtement, nous aussi, on a des appels, justement, de gens qui... c'est vraiment des besoins criants, et soit l'entreprise ou... devra fermer parce qu'ils ne trouvent pas ces personnes, donc on est dans le PTET, on est dans la réforme, on est dans la sélection, on est dans tout ça pour essayer de trouver des solutions. On est vraiment rendus là, avec une pénurie qui va s'aggraver au fil des années, donc là on cherche toutes les solutions, mais il y a cette flexibilité aussi — c'est ça, ces projets pilotes — pour ne pas déséquilibrer non plus le marché du travail.

Alors, c'est de voir, parce qu'évidemment, les gens qui sont peu qualifiés, le souci a toujours été la vulnérabilité de la personne, d'une part, hein, de s'assurer que, si jamais la personne perd son emploi, cette personne pourra se replacer rapidement. Ça, c'est fondamental dans le système d'immigration, c'est comme dans d'autres pays qui font la sélection. Aussi, il y a la question des natifs. Donc, dans certains cas, comme une grande ville comme Montréal, il semblerait que la main-d'oeuvre devrait être là, normalement, puis on devrait former des gens pour combler ces besoins.

Alors, dans votre cas, à quelles conditions est-ce que vous encouragez la sélection permanente de travailleurs peu qualifiés? Comme l'exemple que vous avez donné peut-être des régions éloignées où c'est impensable de trouver la main-d'oeuvre localement, hein, parce que c'est localement, je pense que c'est ça qui est l'enjeu, pas quelqu'un qui viendrait de Montréal pour combler le besoin, c'est ce qu'on a vu avec les soudeurs en Beauce, là. Donc, juste si vous êtes capable de voir quelles seraient les conditions. Mais aussi comment ça se fait qu'on n'est pas capable, dans certains cas, là, dans des grandes villes comme Montréal ou d'autres grandes... des métropoles, de trouver localement des candidats pour ces postes-là? C'est quoi, votre vécu, vos constats?

• (11 heures) •

Mme Hébert (Martine) : Bien, écoutez, comme je disais tantôt, c'est parce que la main-d'oeuvre, par exemple, qui est en chômage ne correspond peut-être pas nécessairement aux besoins des employeurs. Si vous êtes en chômage, vous avez un baccalauréat en sociologie, puis que, dans votre région, bien, c'est les restaurateurs puis les hôteliers qui cherchent de la main-d'oeuvre, bien c'est sûr que ça ne fera pas l'affaire. Mon exemple de convertir le bûcheron en femme de chambre, je veux dire, c'est... Il y a des limites, puis les limites ne sont pas juste à ces égards-là mais à plusieurs égards.

Donc, vous avez parlé de la vulnérabilité de la personne. Je veux dire, moi, j'entends et je comprends bien la préoccupation, puis je pense qu'on doit l'avoir, cette préoccupation-là, mais il ne faut pas, au nom de ça, surtout dans une société comme le Québec, où nous avons un paquet de lois du travail, là, qui donnent des droits aux travailleurs, nous avons un paquet de groupes, aussi, communautaires très engagés auprès de ces personnes-là qui font un excellent travail... Donc, il ne faut pas, au nom de ça, là, avoir une réaction, excusez-moi, mais hypocondriaque, là, et donc refuser l'accès à des personnes, qui sont dans une situation de vulnérabilité souvent beaucoup plus grande dans leur pays d'origine que... il ne faut pas éviter de les accueillir au Québec, là, pour ces raisons-là alors que notre système comporte déjà les paramètres et les balises qui font en sorte que ces personnes-là, en arrivant ici, ont des droits, sont protégées au même titre que les autres, et d'autant plus qu'elles peuvent avoir aussi du soutien, comme je vous dis, là, de nombreux intervenants sur le terrain. Alors, moi...

Par contre, on a déjà, Mme la ministre... bon, et je serai très ouverte à discuter de tout ça au comité de votre ministère, là, sur lequel on siège, on a déjà proposé, même, à la FCEI, d'avoir un code d'éthique pour les employeurs qui ont recours, par exemple, à la main-d'oeuvre étrangère temporaire, auquel ils pourraient s'engager, par exemple, et, si jamais ils enfreignaient ce code d'éthique là, d'avoir des sanctions, par exemple de ne plus pouvoir accéder aux programmes ou à la main-d'oeuvre temporaire pendant un certain nombre d'années. Donc, je pense qu'il y a moyen d'en rajouter. Mais je vous dirais qu'avant d'en rajouter, là, disons-nous qu'au Québec, là, on a les balises nécessaires pour protéger ces travailleurs-là, nous avons les outils, les intervenants en place aussi, les lois, les règlements. Donc, je pense qu'il faut arrêter, là, de s'en faire avec tout ça et de se dire... de faire confiance.

Puis, vous savez, Mme la ministre, là, moi, je représente 24 000 PME au Québec, 109 000 au Canada, là, puis je me promène à travers le Canada au complet, j'en rencontre, des chefs d'entreprise, puis je n'en connais pas un, pas un qui se lève le matin, là, puis qui se dit : Aïe! aujourd'hui, là, comment est-ce que je ferais bien, donc, pour exploiter mes travailleurs ou mes travailleurs étrangers temporaires? Ce n'est pas ça qu'il se dit, le chef d'entreprise, quand il se lève le matin. Il se dit : Comment est-ce que je fais pour faire croître mon entreprise, offrir des meilleures conditions à mes travailleurs pour pouvoir les garder puis continuer à faire prospérer à la fois mon entreprise puis mes employés? C'est ça qu'il se pose comme question.

Mme Weil : Donc, Mme Hébert, on aura l'occasion, une fois que la loi est adoptée, le projet de loi est adopté, de regarder cette question des projets pilotes, on aura l'occasion d'en parler aussi en commission parlementaire quand on va faire l'article par article. Donc, ça pourrait être une voie pour tester des idées mais de façon, comment dire, judicieuse et prudente.

Il y a aussi le passage — et ça peut se lier — le passage du temporaire au permanent. Donc, ces personnes pourraient arriver, dans un projet pilote, temporaires, mais on favorise le passage au permanent, hein, à l'immigration permanente. Ça aussi, c'est un facteur de protection, on l'a bien dit.

Alors, ce qui m'amène à la question de la langue française ou l'apprentissage de la langue en milieu de travail. Évidemment, ça prendrait le concours et la collaboration des employeurs pour permettre à cette personne... Le ministère aussi, par ses différents cours, l'offre de francisation, on va annoncer, dans la politique, des voies d'avenir, là, pour tout ça, mais, pour que tout ça fonctionne, il faut vraiment appuyer le candidat ou la personne qui est ici avec un statut temporaire ou permanent pour que la... Permanence, ça veut dire qu'il aurait déjà acquis les connaissances en français, mais, temporaire, il va falloir s'adresser à cette question-là.

Est-ce que vous vous êtes penchés sur cette question-là pour voir comment on pourrait appuyer en milieu de travail ces personnes? Ça se fait, ça se fait déjà pour des gens qui sont peu qualifiés, parce qu'ils sont déjà... c'est des Québécois, c'est des nouveaux Québécois qui sont soit de la filière regroupement familial ou des réfugiés, il y a beaucoup de gens qui ne sont pas qualifiés qui sont ici, qui prennent des cours. Mais j'aimerais bien vous entendre là-dessus.

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, je vais vous répéter la même chose que M. Dorval vous a dite tantôt, je pense que les employeurs, oui, jusqu'à un certain point, ont une responsabilisation par rapport à la francisation. Je pense que les programmes de francisation en entreprise sont intéressants, sont importants.

Maintenant, ce n'est pas la responsabilité seule des employeurs de voir à la francisation, et c'est sûr que l'immersion... Je vais reprendre mon exemple de la Côte-Nord. Si vous êtes sur la Côte-Nord, dans un village de la Côte-Nord, et que vous travaillez dans un établissement d'hébergement, par exemple, puis que vous êtes issu de l'immigration, c'est clair que votre immersion en français, là, elle va se faire, en tout cas, de façon assez rapide. Je pense que le défi, c'est de s'assurer d'avoir sur l'ensemble du territoire, là, accès aux ressources, que ce soit via Internet... Maintenant, on a la technologie, on a un paquet de technologies, vidéoconférence, peu importe, des didacticiels de formation, etc., puis je ne suis pas spécialiste en francisation, là, mais on a tellement d'outils technologiques, maintenant, qu'on peut utiliser, s'assurer de déployer les ressources à la grandeur du Québec.

Quand on parle de la responsabilité des employeurs, maintenant, ramenons-nous aussi à c'est quoi, l'économie du Québec, puis c'est qui, nos entreprises au Québec. Il faut cesser de penser, là, que nos entreprises, au Québec, c'est juste des Bombardier puis c'est juste des Rio Tinto Alcan puis des grandes entreprises comme ça. 95 % de nos entreprises, au Québec, ont moins de 50 employés, le trois quarts en ont moins de 10, et la moitié en ont moins de cinq. Ça fait que ce n'est pas des entreprises qui ont un gros département de ressources humaines, qui sont capables de mettre en place des programmes de francisation dans l'entreprise puis de donner de la formation à leurs employés, là. Donc, je pense qu'il faut se ramener à notre réalité économique au Québec puis à la réalité de ce que c'est, la composition de notre économie québécoise, lorsqu'on aborde cette question-là de la francisation.

Et malheureusement on a accordé... et «malheureusement» dans le sens de, oui, on a accordé beaucoup de pointage, parce que, oui, le fait français est important au Québec, je pense que ça demeurera... Tout le monde s'entend là-dessus, c'est unanime, le fait français est important, mais le problème, avec nos politiques passées, c'est qu'on accordait une importance très, très grande dans le pointage pour l'accueil des personnes, et ça ne permettait pas nécessairement d'accueillir d'autres personnes qui auraient pu très, très bien faire l'apprentissage du français, de façon assez rapide, et devenir... et intégrer, finalement, les emplois qui étaient disponibles.

Alors, nous, ce qu'on prône, c'est que, pour qu'il y ait... On pense qu'il y a des technologies qui existent, on pense qu'il y a des mesures qui existent. Les employeurs sont prêts à collaborer dans la mesure où on respecte aussi leur réalité, là, hein? Avec le trois quarts des entreprises qui ont moins de 10 employés, il faut quand même être réaliste dans les attentes qu'on a.

Mme Weil : Donc, ce serait une offre adaptée, et évidemment le gouvernement serait un partenaire là-dedans, parce que nous, on a beaucoup de cours, hein, on a le français en ligne qui est disponible, donc c'est beaucoup une question de promotion, d'adaptation. Donc, moi, je pose des questions pour voir la volonté, puis évidemment ça va être en partenariat qu'il va falloir offrir un peu ces possibilités.

Je n'ai pas d'autre question, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Président (M. Picard) : Ça va? M. le député de Bourget.

• (11 h 10) •

M. Kotto : Merci, M. le Président. Alors, Mme Hébert, bonjour. Merci d'être là et toujours aussi dynamique, merci pour la contribution à ces travaux.

Sur la question du français, je rebondis là-dessus, certaines personnes qui vous ont précédée, j'en parlais avec vos prédécesseurs ici ce matin, souhaitent assouplir pour certains profils de métier le niveau de maîtrise du français dans la grille de sélection que vous évoquiez, et plus spécifiquement ils souhaiteraient revenir au niveau 6 qu'on avait instauré dans les années 2010‑2011. C'est en 2012 qu'il est passé au niveau 7.

Dans l'hypothèse où il y aurait une ouverture à cette demande de la part du ministère, est-ce que vous conviendrez d'accorder, à ce moment-là, considérant l'urgence de cette main-d'oeuvre, l'urgence d'intégrer cette main-d'oeuvre dans le milieu du travail... est-ce que vous conviendrez que l'on attribue un statut provisoire à ces nouveaux arrivants là jusqu'à ce qu'ils atteignent le niveau requis initialement — c'était le niveau 7 — et, une fois validé, à ce moment-là, on leur accorde un CSQ permanent?

Mme Hébert (Martine) : Écoutez, votre question est intéressante, M. le député. Je vous dirais cependant que, 5, 6, 7, 8, là, je ne suis pas spécialiste de ces chiffres-là dans le système de pointage qui est utilisé.

Je pense que ce qu'il est important de se dire, c'est que, quand on regarde les chiffres, regardons : Ça a-tu marché, ce système-là, ou ça n'a pas marché? En termes de dire, ces personnes-là, au niveau de l'intégration, de l'arrimage entre les personnes qu'on accueille et les besoins du marché du travail, est-ce que c'était bien arrimé ensemble, la réponse est clairement non. Ça fait que ça veut dire que le système, il n'était peut-être pas tout à fait au point et que c'est le temps, là, là, maintenant, de le modifier pour faire en sorte que les personnes que nous allons accueillir puissent s'intégrer à la société québécoise et puissent pleinement participer à la société québécoise.

Et comment on fait? Par quoi ça passe? Ça passe par un emploi d'abord et avant tout. Et l'apprentissage de la langue, je ne dis pas qu'il n'est pas nécessaire, il est... on doit le faire, mais est-ce qu'on doit lui accorder autant d'importance en amont ou est-ce qu'on ne devrait pas réviser ça et profiter de l'occasion que nous avons tous pour réviser ça et faire en sorte qu'on accueille les personnes, mais qu'on leur fournisse les outils pour pouvoir faire l'apprentissage de la langue une fois qu'elles sont ici et une fois qu'elles ont intégré un emploi? Qui, soit dit en passant, est une excellente façon d'apprendre la langue, hein? Moi, je me souviens, j'avais pris des cours d'anglais au secondaire, puis tout ça, puis j'étais dans une très bonne école, j'avais un anglais pas pire, mais ce qui m'a permis de devenir presque parfaitement bilingue, en fait, ça a été mes études universitaires, où je n'avais pas le choix, les livres étaient tous en anglais. Donc, quand tu es plongé dans un milieu ou quand tu es plongé dans une réalité qui fait en sorte que tu dois faire l'apprentissage de la langue, bien cet apprentissage-là se fait, et je pense qu'on peut miser là-dessus aussi au Québec.

M. Kotto : Sur un autre ordre d'idées, celui de la pénurie de la main-d'oeuvre, M. Boyer, le président de la FTQ, nous a servi une bonne mise en garde ici relativement à la pénurie des travailleurs moins qualifiés. Il prenait l'exemple des soudeurs. Il dit, et je le cite : «Un cours de soudure[...], ça ne demande pas une technique, puis ça ne demande pas un bac, puis ça ne demande pas une maîtrise...» «Il y a 41 000 emplois à combler au Québec — vos chiffres divergent relativement à ça, ils sont plus importants — il y a 340 000 chômeurs au Québec. [...]J'entends parler, à la Commission des partenaires du marché du travail[...], qu'il manque de soudeurs depuis [tout] près [de] 100 ans au Québec.» C'est une image. «La problématique des soudeurs[...], c'est rendu quasiment une caricature, on en entend parler. Mais pourquoi on n'inscrit pas des gens, des jeunes dans des cours de soudure?»

Pourquoi n'inscrit-on pas des jeunes dans des cours de soudure? Et quelle réponse pouvez-vous apporter à cette interrogation?

Mme Hébert (Martine) : C'est une question intéressante et très importante. Pourquoi est-ce qu'on n'inscrit pas des jeunes au cours de soudure? Je n'ai pas la réponse.

M. Kotto : Ils parlent de susciter de l'intérêt pour eux, parce que la masse de chômeurs est quand même conséquente.

Mme Hébert (Martine) : Je pense qu'il y a deux choses. Quand j'ai dit, au début, là : On a des problèmes, on a besoin de main-d'oeuvre et de main-d'oeuvre avec des compétences, là, soit de manoeuvre ou encore, là, de type secondaire, professionnel ou quelque chose comme ça, au Québec on en a beaucoup besoin. Et je pense que malheureusement on a très, très, très peu valorisé aussi ces métiers-là. Je suis venue le dire, d'ailleurs, avec l'étude du projet de loi n° 70, qu'on a valorisé beaucoup, beaucoup les études supérieures, l'université, tout ça, et c'est bien, dans une société, je ne dis pas que ce n'est pas bon, sauf qu'il y a quand même une réalité... Puis d'ailleurs les chiffres qu'on a vus hier, là, nous le démontrent. Ce n'est peut-être pas fait pour tout le monde, l'université, puis ce n'est peut-être pas tout le monde qui a ni envie puis qui... ou même qui est capable ou qui veut aller à l'université, donc, et on n'a peut-être pas assez valorisé, justement, ces postes-là.

Maintenant, cela étant dit, il reste quand même qu'il y a une réalité démographique, au Québec, où dans certaines régions, même si on avait des programmes où on rentrait à la pochetée, là, à la tonne des étudiants dans les programmes de soudure au niveau professionnel, il y a peut-être... il y a certaines régions où il va demeurer quand même des pénuries, parce qu'il y a une réalité démographique, il y a un exode des jeunes, la population est vieillissante, etc. Et vous donnez l'exemple des soudeurs, mais c'est comme ça dans plusieurs secteurs d'activité, c'est comme ça dans le manufacturier, c'est comme ça dans l'agriculture. On l'a vu, à quel point l'agriculture a un besoin criant aussi des travailleurs étrangers. Bon, heureusement, ils n'ont pas été touchés par les modifications au Programme de travailleurs étrangers temporaires, mais c'est comme ça dans l'hébergement, dans la restauration, dans le commerce de gros, dans le commerce de détail, donc dans une foule de secteurs d'activité où on a besoin, et le fait est que le Québec n'a peut-être pas la démographie, la réalité démographique, là, pour combler ces postes-là.

M. Kotto : O.K. Je reviens sur la question de la langue et de la francisation en milieu de travail. Pensez-vous que, dans la perspective de cette nouvelle loi, dans la mesure où l'assouplissement demandé par certains de vos collègues et d'autres pour faciliter l'intégration en milieu de travail de nouveaux arrivants qui ont des compétences pour les métiers à combler... pensez-vous qu'il y a lieu d'envisager un partenariat plus structuré entre l'État et les entreprises dans la perspective du suivi de l'apprentissage du français en entreprise? Pensez-vous... Parce que, pour l'instant, il n'y a aucune reddition de comptes, il n'y a aucun indicateur tangible pour suivre l'apprentissage de ces personnes, de ces nouvelles personnes en entreprise, contrairement à certains pays européens où c'est vraiment très structuré. Je citais tout à l'heure l'Allemagne, la France, l'Autriche et d'autres, c'est très rigoureux. Il y a chez nous comme un laisser-aller de ce côté-là. Quand la personne est plongée dans le milieu du travail, c'est terminé, on l'oublie, elle est abandonnée à elle-même très souvent, très souvent.

Mme Hébert (Martine) : Je vous dirais que, dans le commerce de détail, dans la restauration, dans l'hébergement, c'est assez difficile de ne pas en venir, à un moment donné, à parler français, parce que l'emploi le nécessite...

M. Kotto : ...pas de suivi, il n'y a pas de reddition.

Mme Hébert (Martine) : Oui, mais est-ce que ça prend une reddition de comptes pour chaque, chaque, chaque chose? Moi, en tout cas, je ne pense pas. Je pense... Et, quand on parle de structure, là, justement, on parle souvent de règlements, de paperasse, de ceci, de cela. Et, comme je vous dis, ramenons-nous à la réalité de c'est quoi, nos entreprises au Québec, là? Comme je disais tantôt, la ministre m'a donné l'occasion de bien le spécifier, la réalité de l'économie québécoise, là, c'est que les employeurs sont de petite taille, ils n'ont pas le département de ressources humaines, là, pour remplir les papiers, puis la reddition de comptes, puis tout ce à quoi vous... Ça va-tu aider quelqu'un, ça?

Moi, je pense que ce qu'on est mieux de faire... Parce que le défi, M. le député, vous avez raison, on a des défis par rapport à nos programmes, la ministre l'a dit aussi tantôt, on a des défis en matière d'information. Est-ce que les employeurs connaissent les programmes qui existent? Est-ce que c'est facile de les connaître aussi, d'accéder à l'information alors qu'ils sont éparpillés partout? Des programmes de francisation, là, il y en a dans tous les ministères et organismes. Nous-mêmes qui pataugeons dans les structures gouvernementales à longueur d'année, on a de la misère à s'y retrouver. Imaginez, là, le petit garagiste à Saint-Pie-de-Bagot, là, qui se dit : Moi, je veux bien embaucher un travailleur étranger temporaire, mais là... ou une personne immigrante, mais les programmes de francisation, c'est quoi?, puis qui commence à essayer de se démêler dans tout ça. Alors, je pense qu'il faut mieux outiller, centraliser l'information, s'assurer que... Nous, on s'engage, d'ailleurs, comme groupe. On s'est engagés, avec l'accueil des réfugiés syriens, aussi à divulguer, à donner de l'information à nos membres, à mieux les informer, à les informer sur les programmes qui existent, le programme PRIIME, par exemple, qui était très, très peu connu, qui l'est encore, qui l'est un petit peu moins, mais quand même qui est un bon programme. Donc, je pense, le premier défi qu'on a, en matière de programmes, là, c'est ça.

Le deuxième défi que nous avons, M. le député, puis ça vaut pour les programmes de francisation, c'est l'accès à ces programmes-là. Comme j'ai dit tantôt, si ça prend un doctorat en paperasserie gouvernementale pour avoir accès à l'aide, c'est sûr que ça ne marchera pas. Donc, les défis qu'on a, là...

Le Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît.

Mme Hébert (Martine) : ...c'est de s'assurer que c'est accessible, que les gens les connaissent et qu'ils sont accessibles.

• (11 h 20) •

M. Kotto : Donc, il faut...

Le Président (M. Picard) : M. le député, c'est terminé.

M. Kotto : Oh! Pardon.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Hébert, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale.

Dans votre mémoire, vous évoquez la notion de prospérité. Dans vos recommandations, à l'article 8, vous dites : On ne veut pas être exclus, on ne veut pas qu'il y ait des domaines de travail, d'entrepreneuriat qui soient exclus. Pouvez-vous nous en parler davantage?

Mme Hébert (Martine) : Bien, parce que, quand on dit, dans le projet de loi, je pense, que ça devra contribuer à prospérité du Québec, là, moi, je dis : Il faut faire attention de ne pas devenir élitiste dans la définition que nous avons de la prospérité du Québec ou de contribuer à la prospérité, parce que ce n'est pas parce qu'on n'est pas dans un secteur de haute technologie, par exemple, qu'on ne contribue pas à la prospérité du Québec. Je pense qu'il faut se rappeler que le Québec, ce sont nos petites entreprises, que le petit restaurateur ou le petit garagiste de Saint-Pie-de-Bagot contribue à la prospérité du Québec et à la prospérité de sa collectivité tout autant que n'importe quelle autre entreprise, là, de haute technologie.

Donc, c'est à ça qu'on faisait allusion et qu'on voulait... Dans le fond, on ne voulait pas avoir de discrimination ou de ségrégation au niveau des secteurs d'activité économique, parce qu'il y a des secteurs d'activité économique qui ont grandement besoin de main-d'oeuvre et qui participent, comme j'ai dit, à la diversité économique de chacune des régions du Québec.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous proposez, dans le fond, qu'on prenne en compte les besoins du marché du travail avec les immigrants qu'on souhaite accueillir au Québec, en fait qu'il y ait une adéquation, puis le projet de loi va en ce sens réellement, mais vraiment qu'au moment où on va sélectionner les immigrants on regarde c'est quoi, les besoins du marché du travail concrètement. On parle d'emplois moins qualifiés, où on n'a pas besoin de Ph. D. en philosophie.

Et d'ailleurs, cette approche-là, on constate qu'elle n'est pas nécessairement gagnante, en fonction de la grille de sélection, en fonction des immigrants qu'on a accueillis au cours des années. Tout à l'heure, Mme la ministre l'a souligné, 18 % de taux de chômage chez les immigrants de moins de cinq ans, ensuite 10 % pour plus de cinq ans, et ensuite 7 % pour les natifs.

Avant même de s'adresser sur le plan de l'immigration, il n'y aurait peut-être pas lieu, pour les membres de votre fédération, de regarder parmi le bassin de gens disponibles qui se retrouvent sur le chômage et d'avoir des programmes de formation pour accrocher ces gens-là qui ont de la difficulté à trouver un emploi?

Mme Hébert (Martine) : Le problème, c'est que souvent, dans la majorité des cas, et c'est pour ça que le Programme de travailleurs étrangers temporaires, d'ailleurs, était si populaire, c'est qu'ils avaient essayé, dans 80 % des cas, de trouver de la main-d'oeuvre au niveau local puis ils n'avaient pas été capables de la trouver. Je pense qu'il y a des mesures qui ont été mises en place par le gouvernement, le projet de loi n° 70 en est une, de ces mesures-là pour s'assurer que les personnes qui sont disponibles à l'emploi et qui correspondent aux qualifications qui sont réclamées de la part des employeurs puissent intégrer ces emplois-là, je pense que les nouveaux pouvoirs de la Commission des partenaires aussi vont nous permettre de répondre en partie à certains des défis que nous avons par rapport aux travailleurs locaux, là, qui pourraient occuper des emplois locaux, mais il faut bien se dire que, comme je disais tantôt, ce n'est pas vrai que les travailleurs locaux vont tous pouvoir occuper les emplois qui sont disponibles, hein? Dans certaines régions, comme j'ai dit tantôt, puis je reviens toujours à mon exemple, bien, il y a des limites à convertir un bûcheron en femme de chambre. On aura beau mettre n'importe quel programme qu'on veut sur pied, de formation ou peu importe, pour essayer de faire en sorte, mais il y a une limite à la fluidité, si vous voulez, là, sur le marché du travail. Il y en aura toujours.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question de la francisation en entreprise, tout à l'heure, mon collègue de Bourget a abordé la question du certificat d'accompagnement transitoire sur le fait, dans le fond, de lier la connaissance du français au statut permanent de l'immigrant, au niveau du travailleur temporaire, supposons. Est-ce que vous avez l'impression que, pour vos membres, lorsqu'on parle de francisation en entreprise, tout ça, le gouvernement ne joue pas son rôle d'accompagnement dans la mise en place de programmes? Parce que, réellement, ce qui est arrivé, au cours des dernières années, c'est que l'État québécois n'a pas assumé ses responsabilités en matière de francisation. On a délégué ce pouvoir-là, on s'est désinvesti puis on a dumpé ça dans la cour de plusieurs partenaires. Donc, pour vous, qu'est-ce que ça prendrait pour assurer une francisation?

Mme Hébert (Martine) : Moi, je pense que c'est sûr que nos politiques... Comme les exigences en matière de connaissance du français étaient quand même relativement assez élevées, je pense que, comme je disais tantôt, on a un défi de s'assurer que les ressources en matière de francisation sont disponibles sur l'ensemble du territoire. Heureusement, aujourd'hui, nous avons les nouvelles technologies qui nous permettent de faire ça. Comme je disais tantôt, deux défis : l'information, donc de s'assurer que ces ressources-là sont connues de la part des principaux intéressés, à la fois des personnes qui immigrent au Québec et à la fois aussi des employeurs qui vont accueillir ces personnes-là au sein des postes dans les entreprises, et, deuxièmement, au niveau de l'accès. Donc, quand je parlais de l'accès, c'est non seulement l'accès au niveau du territoire, mais l'accès aussi au programme sans que ce soit, là, trop complexe en matière de paperasse à remplir et de conditions, là, à remplir pour pouvoir accéder au programme, parce que c'est sûr que, si vous avez un programme avec un formulaire à remplir de 35 pages, puis 350 conditions qui sont rattachées à ça, puis 18 rapports qu'il faut produire, les petits employeurs, là, ils n'iront pas vers le programme, ils ne seront pas intéressés à ce programme-là. Alors, je pense qu'on a un défi de continuer à travailler dans ce sens-là.

Mais moi, je suis convaincue, je suis convaincue que le meilleur moyen de s'intégrer dans une société, à la fois au niveau culturel et linguistique, ça demeure de par un emploi. Et je pense qu'il faut faire confiance que, si on assure une meilleure adéquation, justement, entre les personnes qui sont issues de l'immigration avec les besoins des employeurs dans toutes les régions du Québec... je pense qu'on va être surpris des résultats, et agréablement surpris.

M. Jolin-Barrette : Et concrètement, pour vos entrepreneurs, pour vos membres... Vous parlez beaucoup de la question de la paperasse, formulaire en 35...

Le Président (M. Picard) : ...une minute, M. le député.

M. Jolin-Barrette : ...en 35 copies, tout ça. C'est quoi, la réalité véritable de ça? Est-ce que... La lourdeur, pouvez-vous nous donner un aperçu de la lourdeur, concrètement?

Mme Hébert (Martine) : 8 milliards par année, c'est le coût que les PME du Québec, là, paient pour se conformer à l'ensemble de la réglementation qui est en vigueur. 35 millions de formulaires par année qui sont envoyés juste au gouvernement du Québec par les PME québécoises. 8 milliards, 35 millions.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie.

Le Président (M. Picard) : Merci. On vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et je suspends les travaux jusqu'après les affaires courantes, soit vers 15 h 30, où la commission poursuivra son mandat.

(Suspension de la séance à 11 h 27)

(Reprise à 15 h 23)

Le Président (M. Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

J'aurais besoin d'un consentement pour permettre à la députée de Montarville de remplacer la députée de Repentigny de 15 heures à 17 heures et de permettre au député de Deux-Montagnes d'effectuer le remplacement de 17 heures à la fin de la séance de cet après-midi. Consentement? Merci.

Cet après-midi, nous entendrons le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec, Place aux jeunes en région et la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Je débute en souhaitant la bienvenue au Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec. Je vous invite à vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne et à faire votre exposé. Vous disposez de 10 minutes, vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec (RJCCQ)

M. Derraji (Monsef) : Merci, M. le Président. Donc, je me présente : Je m'appelle Monsef Derraji, je suis le président-directeur général du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec. Et je suis accompagné aujourd'hui par M. Sergio Escobar, qui est membre du bureau de direction et entrepreneur.

Je tiens en premier lieu à féliciter le gouvernement par rapport à ce projet de loi, et on donne notre appui au projet de loi, surtout qu'il privilégie une immigration qui correspond aux besoins du marché du travail. Nous soulignons aussi le modèle de la déclaration d'intérêt, donc, surtout qu'il souligne le fait que l'immigrant doit faire un effort, avant de venir, de répondre à la question : Qu'est-ce que je peux faire et qu'est-ce que je veux venir faire au Québec?

Notre exposé, aujourd'hui, se résume en six points : le premier point, c'est l'encadrement structurel des jeunes gens d'affaires immigrants et leurs investissements; le deuxième point, c'est la cartographie des besoins et les opportunités d'affaires en région; troisième point, faciliter l'installation permanente avec le programme Visa Start-Up; quatrièmement, emploi en région et arrimage formation-emploi; francisation et la déclaration d'intérêt.

Avant de commencer, je veux juste prendre un 30 secondes pour présenter le regroupement. Le Regroupement des jeunes chambres de commerce, c'est un réseau de 37 jeunes chambres, 10 000 membres répartis à travers toute la province, et au sein du regroupement nous avons 11 jeunes chambres de commerce culturelles. Nos partenaires, le regroupement siège au niveau de la Commission des partenaires du marché du travail et peut compter sur plusieurs partenaires, notamment les carrefours jeunesse-emploi ainsi que Startup Canada.

Par rapport au projet de loi, au premier point, par rapport à l'encadrement structurel des gens d'affaires immigrants et leurs investissements, dans le cadre de la mise en oeuvre d'un projet pilote, le regroupement recommande au gouvernement de consulter le milieu des affaires pour établir ensemble les critères de sélection des investisseurs et des modalités de leur accompagnement sur le sol québécois. Ce qu'on souhaite, c'est rendre les critères de sélection à l'immigration clairs et accessibles tant en ce qui concerne les secteurs d'activité que les conditions pour investir du capital de manière sûre et rentable pour les immigrants. Le choix pour investir ou démarrer une nouvelle entreprise au Québec ou le repreneuriat, il s'agit là de choix et de démarches différentes, qui font appel à des parcours différents. L'accompagnement de l'une ou de l'autre des démarches appelle à un encadrement et à un processus d'immigration qui doit être soigneusement documenté, accompagné et préparé.

Au niveau du deuxième point, la cartographie des besoins et les opportunités d'affaires en région, nous, ce qu'on dit, c'est que, oui, on va commencer à sélectionner selon une base bien établie et des critères bien établis, mais ce qu'on... pour maximiser le succès, c'est avoir une cartographie réelle des régions, de leurs secteurs économiques en expansion ainsi que des opportunités d'affaires à y saisir. Une telle cartographie permettra de faire une adéquation entre les besoins, la présence de gens d'affaires pour les régions, les opportunités d'investissement ainsi que l'immigration économique. Ce qu'on recommande dans ce sens, c'est que le MIDI s'adjoigne les efforts d'acteurs communautaires et privés à l'effet de mettre en place une cartographie d'opportunités d'affaires en région avec des données accessibles et claires à l'appui. Celles-ci seront mises à la disposition des immigrants pour permettre le choix en connaissance de cause, notamment dans le cadre de la déclaration d'intérêt.

Le troisième point, c'est au niveau de Visa Start-Up. On sait que ce programme a été déjà testé au niveau canadien. Je pense que le Québec a la chance de voir pourquoi le programme n'a pas marché ailleurs et comment on peut utiliser ce programme pour soit le bonifier ou saisir l'opportunité d'une nouvelle vague d'immigration qu'on voit présentement et l'adapter au contexte québécois. Donc, nous sommes conscients que le programme a été essayé et testé ailleurs, mais ce qu'on dit, c'est que... donnons-nous les moyens d'avoir cette catégorie d'entrepreneur.

Le quatrième point : emplois en région et arrimage formation-emploi. Encadrer l'accueil des immigrants par le biais de programmes de jumelage et de mentorat dans un cadre structuré. Nous avons eu l'occasion de voir et d'entendre plusieurs groupes qui ont vanté le mérite de plusieurs programmes qui poussent... ou qui aident, plutôt, à avoir un arrimage entre les milieux de travail et les nouveaux arrivants.

Sensibiliser les employeurs en région à la nécessité de s'ouvrir à cette manne ouvrière. Une formation interculturelle des employeurs doit être envisagée pour permettre une telle ouverture. Il faut considérer l'opportunité de faire la promotion, pour les régions, des atouts et des services socioéconomiques et culturels qu'ils offrent.

S'ouvrir à une main-d'oeuvre professionnelle et technique moins qualifiée, veiller à mieux cibler les immigrants. Donc, il serait plus envisageable de proposer des formations d'appoint qui permettront aux travailleurs qualifiés d'avancer au sein de ces organismes.

Au niveau de la francisation, nous sommes tous conscients de l'importance de la langue française pour le Québec. Ce qu'on souhaite, c'est que le MIDI commence à réfléchir sur une stratégie qui permettrait aux immigrants d'acquérir la langue française, que ce soit en milieu de travail ou par d'autres moyens.

• (15 h 30) •

Dernier point, au niveau de la déclaration d'intérêt. Avoir de l'intérêt, le déclarer manque de la notion de décision prise en connaissance de cause. On entend par «cause» environnement social, culturel, économique et même... et même économique. Il faut que l'immigrant soit mis au courant de manière réelle des défis liés à son intérêt, notamment une connaissance claire de ce que cela implique de ne pas pouvoir travailler dans son domaine d'activité — je fais allusion aux médecins, juristes et autres ordres professionnels — identifier les métiers qui requièrent un retour aux études, d'expliquer la durée, d'expliquer les coûts, et ainsi l'immigrant va être mis au courant de toutes ces déclarations avant de prendre la décision d'accepter de venir et de vivre avec nous. Le RJCCQ recommande au ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion de développer en amont un véritable contrat de confiance en mettant à la disposition du candidat à l'immigration, dans le cadre de la déclaration d'intérêt, l'ensemble des éléments qui lui permettront de décider en connaissance de cause de l'intérêt réel d'immigrer. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Nous débutons notre période d'échange par Mme la ministre.

Mme Weil : Oui, bonjour. Alors, bienvenue, M. Derraji et M. Escobar, M. Latreille n'est pas là avec vous. Alors, merci beaucoup pour votre présentation. Toujours intéressant d'avoir la voix des jeunes, qui sont notre avenir, et des jeunes qui sont intéressés au développement des régions aussi; des villes, évidemment, des grandes villes aussi, la capitale et la métropole, mais aussi des régions.

Et on parle beaucoup maintenant d'immigration en région et ce nouveau système de déclaration d'intérêt qui nous permettrait d'identifier les besoins régionalisés, je ne sais pas si vous êtes au courant du projet de loi n° 70, qui est connexe par rapport au rôle de la Commission des partenaires du marché du travail, qui pourra identifier des besoins régionalisés, donc ça va être une première, qui va être un guide pour nous. Mais on parle aussi, dans ce nouveau système de déclaration d'intérêt, de faire en sorte de consulter les acteurs du milieu pour valider, si on veut, les choix. D'ailleurs, ce matin aussi, les groupes qui sont venus ont parlé de l'importance de cette consultation.

Alors, vous, dans votre cas, quel rôle vous voyez jouer en amont dans la sélection? Puis après ça je vous poserai une question sur la reconnaissance des acquis, parce que je sais que c'est un dossier que vous connaissez bien, mais juste comment consulter le milieu pour nous assurer qu'on sélectionne vraiment des gens qui vont être capables de répondre à ces besoins mais aussi vouloir, comme vous le dites, vivre dans les régions qui sont désignées, là où il y a les besoins.

M. Derraji (Monsef) : Bien, en fait, le regroupement siège au niveau de la Commission des partenaires du marché du travail. Et sérieusement je vois un lien très logique entre la politique que nous sommes en train de discuter et celle envisagée au niveau de la Commission des partenaires du marché du travail, et, je dirais, c'est encore mieux si on va avoir un pont, un pont entre les deux. C'est très important qu'on écoute ce que notre marché a besoin en termes de main-d'oeuvre, en termes d'immigration qualifiée et aussi par rapport au bassin ou par rapport aux immigrants qu'on veut ramener.

Ce qu'on veut ramener aujourd'hui sur la table, et c'est pour cela, je suis accompagné par mon collègue Sergio Escobar, qui est un entrepreneur et aussi très impliqué au milieu des start-up, c'est que donnons-nous le moyen de voir... Parce que je sais qu'au niveau des visas start-up ça n'a pas marché, au niveau Canada, mais donnons-nous le moyen, parce qu'on veut se doter d'une politique de l'innovation, on veut avoir les meilleurs talents. Et, je dis, au lieu qu'on cible juste une immigration par rapport à ramener juste des employés, mais est-ce qu'on ne peut pas élargir le bassin et dire : Écoutez, il y a quelque chose qui se passe au niveau mondial avec un phénomène de plus en plus présent, que ce soit en Europe ou même chez nous, et on peut avoir une adaptation québécoise à ces gens qu'on veut ramener ici?

Et là je fais allusion directement au programme Visa Start-Up, et on a des cas concrets, des cas concrets que mon collègue peut expliquer, que, faute de statut, on les a perdus. Et c'est des gens qui créent de l'emploi, c'est des gens qui nous aident au niveau de l'innovation et c'est des gens qui peuvent enrichir notre savoir, au Québec. Et c'est pour cela qu'aujourd'hui, nous, ce qu'on propose, c'est qu'au lieu d'avoir juste un focus qu'on ramène juste des employés ou de l'immigration qualifiée, qu'on s'ouvre aussi, dans notre façon de voir et de sélectionner, à des entrepreneurs, qu'on peut aider à avoir une installation chez nous.

Mme Weil : Bien, il y a le programme Immigrants entrepreneurs qui est en révision actuellement, donc ce serait le temps peut-être de vous entendre, M. Escobar, pour voir les types de recommandation que vous feriez. Au-delà de la reprise de certaines entreprises où il n'y a pas de succession, si je comprends bien, ça, c'est un enjeu, un vrai enjeu dans les régions, mais, par ailleurs, qu'est-ce qui vous a inspirés? Il faut dire que, oui, en effet, le programme Start-Up Visa ou Visa Start-Up n'a pas donné les résultats souhaités par le gouvernement fédéral, donc on regarde bien ça pour nous assurer de ne pas avoir un programme qui va reprendre les mêmes éléments. Alors, peut-être nous...

M. Escobar (Sergio) : Merci, Mme la ministre, M. le Président. Moi-même, je gère un accélérateur de start-up. C'est un programme qui vient de Silicon Valley qui s'appelle le Founder Institute, on est présents dans 50 villes dans le monde... 100 villes actuellement. Et, comme le leitmotiv de l'accélérateur technologie, c'est globaliser Silicon Valley, donc, on démarre, on fait des écosystèmes de société technologique un peu partout dans le monde.

Moi-même, j'ai décidé de démarrer ce programme-là ici, à Montréal, au Québec, c'était la première ville canadienne, on a aussi Toronto et Waterloo, justement parce que j'ai décidé de vivre au Québec à cause du français. Tout comme moi, il y en a plein, de francophones et francophiles qui souhaitent bâtir des sociétés technologiques ici, au Québec. De mon expérience qu'on a passé déjà... plus de 24 start-up qu'on a démarrées ici, au Québec, plus de la moitié, c'est des entrepreneurs qui ne sont pas Canadiens, en fait, qui viennent ici juste parce qu'ils sont attirés par le fait de démarrer une entreprise en français en Amérique du Nord, sans perdre leurs racines culturelles ou leurs racines linguistiques, mais tout en ayant la proximité d'être à une heure en avion des principaux marchés tels que New York, Boston, Toronto. Un accès incroyable des fonds de capital de risque, ça, c'est notre richesse.

Malheureusement... Et je dis ça, «malheureusement», parce que le programme de Start-Up Visa n'a pas axé aux réalités actuelles du marché. Je veux dire, malgré que dans le reste du Canada le programme Start-Up Visa fonctionne, cela prend plus de six mois, donner les papiers à un entrepreneur pour qu'il rentre au pays. Moi, comme investisseur que je suis en train de donner 1 million, 10 millions de dollars à une start-up pour qu'elle grossisse, moi, j'ai besoin de prendre une décision dans des semaines, deux semaines, trois semaines. Pourquoi? Parce que nous sommes dans une compétition internationale. Si moi, je n'attire pas cet investisseur pour le faire venir ici, à Montréal, j'ai 10 individus, 10 fonds d'investissement de Silicon Valley, à New York, qui sont intéressés pour les faire déménager là-bas.

Et c'est le cas d'une société... en fait d'un Suisse qui a démarré une compagnie avec moi, Logger, système intelligent biométrique de remplacement de mot de passe avec des empreintes digitales à biométrie, qui a démarré la compagnie ici, à Montréal, entrepreneur suisse francophone qu'on a présenté à tous les fonds d'investissement d'ici, incluant des fonds de fonds tels que M. Jacques Bernier, de fonds de fonds Teralys, qui s'époustouflaient parce qu'on ne pouvait rien faire pour le retenir parce qu'on n'était pas capable de trouver une façon de lui donner un visa pour qu'il puisse démarrer sa compagnie ici, alors qu'il y avait des fonds à New York, à Boulder, Colorado, à Silicon Valley qui lui offraient tout pour qu'il déménage et crée des emplois payés... bien rémunérés et dans la haute technologie dans leurs respectifs États américains, du fait que...

Moi, je crois que, oui, il faut aller de l'avant dans le cadre d'un projet pilote bien réfléchi; non seulement inclure les fonds de capital de risque, mais également le réseau d'incubateurs et d'accélérateurs de technologie, qu'eux autres font leur travail de dénicher les meilleures opportunités dans le monde.

• (15 h 40) •

Mme Weil : On a eu quelques cas comme ça, justement, où il y avait un start-up, puis la personne clé pour faire avancer le dossier se retrouvait en Suisse, par exemple, et il fallait que la personne arrive rapidement, donc avec un visa temporaire, essentiellement, c'est ça que vous dites. Moi, ce qu'on m'a expliqué, souvent, le blocage, c'est à ce niveau-là, c'est des gens qui doivent venir pour renforcer le start-up et qui ne sont peut-être pas toujours destinés à une immigration permanente, mais il y aurait quand même l'entreprise qui resterait au Québec. Donc, c'est ce mélange de visa temporaire que... sélection de personnes à titre permanent, donc on a besoin de beaucoup plus de flexibilité dans nos façons de voir. C'est des consultations qu'on a menées, justement, avec des gens du milieu comme vous. En tout cas, ça fait partie d'une autre discussion, mais c'est intéressant, c'est important. Les consultations se poursuivent, là, pour la refonte de ce programme.

J'aimerais vous amener sur les projets pilotes, d'ailleurs, peut-être c'est une façon de... aussi. On parle beaucoup de projets pilotes parce que, dans les régions, cette idée de projet pilote, évidemment il y a une application très variée qu'on pourrait imaginer, dans toutes sortes de domaines, mais aussi dans le domaine, justement, des start-up et en région. Je ne sais pas si vous avez regardé cet aspect du projet de loi n° 77 sur les projets pilotes. Des fois, donc, il pourrait y avoir une combinaison, soit ce serait un projet pilote simplement avec des travailleurs temporaires, ou permanents, ou une combinaison des deux. Le plafond, c'est par projet, ce n'est pas au total. Donc, quand on parle d'un plafond de 500, je pense que c'est bien 500 ou 400, 400 pour le temporaire, 500 pour le permanent... c'est par projet, mais on peut faire une combinaison des deux. Est-ce que vous avez eu l'occasion de peut-être regarder cet aspect des projets pilotes? Sinon, si vous avez des idées là-dessus...

M. Derraji (Monsef) : Bien, en fait, je pense que c'est une excellente idée. La question qu'on se pose, c'est juste... On va imaginer un projet pilote réel. On est devant une concurrence internationale. Si on veut mobiliser 400 ou 500, il faut avoir des machines, et c'est des machines pas juste de recherche des talents, de détecter les talents, mais aussi, à l'intérieur, qu'on répond rapidement aux besoins.

Mais l'idée, elle est très bonne. Et, si ça répond à un besoin dans une région, et que la région sera sauvée parce que, le besoin en main-d'oeuvre, on va répondre très rapidement à ce besoin, l'entrepreneur, il est très content, la région, elle est contente parce qu'on va ramener la main-d'oeuvre qualifiée pour répondre à ce besoin. Je pense que l'idée, elle est excellente.

Et, comme je vous l'ai dit au début, le regroupement siège au niveau de la Commission des partenaires du marché du travail, et c'est un bon pas, encore une fois je le dis, que de travailler ensemble, parce que, là, là ce n'est plus une vision qu'on ramène de l'immigration et qu'on ne répond pas à un besoin, c'est plutôt un travail en groupe, un travail d'équipe et qu'on regarde les besoins, la cartographie, c'est ce qu'on a dit dans un de nos points, la cartographie des opportunités en région, parce que même les gens qui vont venir, et avant de venir, ils vont avoir une idée des opportunités de travail en région, et ça va les aider plus à voir, à gérer la décision de s'implanter dans une région et non pas dans une autre.

M. Escobar (Sergio) : Pour le cadre des projets pilotes, Mme la ministre, M. le Président, la grande force du regroupement des chambres de commerce, c'est notre membership de chambres culturelles. C'est plus facile pour nous faire l'intégration soit d'un immigrant entrepreneur dans la catégorie technologie soit un immigrant même investisseur qu'on est capable de faire, dans un bon français, un «matching» ou un parrainage entre nos chambres culturelles, qui connaissent le milieu, connaissent la langue, connaissent les savoir-faire, pour que cette intégration de cet entrepreneur ou cet investisseur se fasse de la façon la plus adéquate et facilement possible. Parce que ce qu'on veut, justement, dans le cadre d'un employeur ou dans le cadre d'un investisseur, c'est que l'intégration se fasse adéquatement.

Mme Weil : Je pense que ce qui est intéressant... Parce que c'est très complexe, c'est très nouveau, c'est très innovateur, et je pense que ce qu'on amènerait, c'est de l'innovation en immigration, et justement le projet pilote serait plus pour tester notre système qu'autre chose. La complexité de ce que vous proposez, qui fait en sorte qu'il faut travailler autant avec le gouvernement fédéral puis... il n'y aurait pas d'obstacle à ce niveau-là vraiment parce qu'on a la capacité, le gouvernement fédéral a regardé notre proposition et, notre proposition par rapport aux projets pilotes, ils sont en accord, mais c'est la rapidité du système qu'il faudrait tester et de voir comment tout le monde devrait travailler ensemble dans ce créneau particulier, qui représente l'avenir, en effet.

J'aimerais vous parler de la reconnaissance des acquis. Il y a plusieurs façons de procéder parce que la sélection va se faire en temps réel, hein, donc, le choix, la personne arriverait et s'intégrerait rapidement dans le marché du travail. L'obstacle, c'est la reconnaissance des acquis, auquel cas, la personne, s'il n'y a pas une reconnaissance totale ou une voie de passage pour cette personne, il y a de fortes chances que la personne ne serait pas sélectionnée, justement. Alors, on travaille avec les ordres professionnels pour voir qu'est-ce qu'on peut faire pour justement... Alors là, ça va être beaucoup à la lumière des besoins qui sont identifiés par soit la Commission des partenaires du marché du travail, ou, pour les ordres professionnels, c'est beaucoup Emploi-Québec qui détermine les besoins. Mais, si, les personnes, leurs acquis ne sont pas reconnus, etc., si on n'avance pas, on ne pourra pas sélectionner ces personnes-là, à moins que les personnes veuillent faire une transition latérale. Ça, il y a des projets qui vont dans ce sens-là, beaucoup de gens disent oui. Ils ont des compétences, ils ont une formation; ils seraient prêts à faire ce transfert latéral.

Alors, je voulais voir si vous, à la lumière de ce nouveau système... Et tout le monde le connaît, en commission parlementaire on en a beaucoup parlé, le problème de l'obstacle à la reconnaissance des acquis, qui fait en sorte que les gens sont très, très désillusionnés par rapport à leurs rêves. Là, on ne veut plus ce scénario-là. Donc, les gens qui viendraient auraient la certitude de pouvoir avoir cette reconnaissance et là où les obstacles se situent, au niveau de la formation et des stages. Alors, avant... Donc, nous, l'idée c'est de sélectionner des gens qui peuvent s'intégrer rapidement.

Dans le secteur de la santé, comme vous le savez, ils font beaucoup de recrutement, le secteur public de la santé, ils vont recruter des infirmières, les gens dont ils ont besoin, il ne semble pas y avoir de problème à ce niveau-là. Je ne sais pas, dans le secteur privé, par exemple, là... Bien, secteur privé, là, où il y a certaines, comment dire, capacités professionnelles très, très de pointe, surtout quand on parle de l'entrepreneurship, etc., il y aurait peut-être des façons d'accélérer le processus de reconnaissance. Alors, je voulais savoir si vous avez un vécu avec ça, dans le domaine dont vous parlez, pour voir comment on peut accélérer ces reconnaissances.

M. Derraji (Monsef) : Bien, en fait, c'est pour cela, et je l'ai dit au début, c'est que c'est un projet qui est très innovateur, le fait de faire un arrimage entre le marché de l'emploi et la sélection de nos immigrants, mais, à notre point de vue, on a plusieurs variables inconnues. Je dirais que... Je pense qu'on va tous se lancer et tester par un projet pilote, et après c'est comme une équation, tu as plusieurs variables, tu essaies de minimiser ton risque d'erreur pour pouvoir réussir à avoir un excellent résultat à la fin.

Une des variables, c'est la flexibilité des ordres. Parce que, là, on a la première variable, c'est le marché de l'emploi. Ça, je pense que ça va être réglé par le projet de loi. Donc, on règle la première variable qui est le besoin dans une région X et on a besoin de quoi, donc déjà on a identifié le besoin. Donc, on a identifié le besoin, déjà on maximise le fait de savoir qu'est-ce qu'on veut chercher, nous, par rapport à ce bassin d'immigrants qu'on va aller chercher à l'extérieur.

La deuxième barrière, c'est que, si, ton besoin identifié dans une région X, tu as besoin de 100 ingénieurs en génie électrique, 100 ingénieurs en génie électrique au nord pour répondre à un besoin d'une entreprise, donc, c'est là où la question se pose : Est-ce que nos ordres professionnels vont avoir la flexibilité et la rapidité d'exécuter cette demande qui nous vient d'un entrepreneur au nord? Et comment eux, ils vont s'adapter avec ce système? Que le ministère de l'Immigration s'adapte, les partenaires du marché du travail s'adaptent, mais est-ce que nos ordres professionnels vont s'adapter?

Et c'est là où ça nous pose un gros défi, à nous tous, en tant que société. Est-ce que nos universités sont capables d'entrer en mode solution et dire : Écoutez, on a de la main-d'oeuvre qualifiée qui répond à un besoin, mais ils n'ont pas, je dirais, les mêmes qualificatifs ou la même qualification que nos ingénieurs au Québec, mais on a besoin de cette main-d'oeuvre? Et c'est là la plus grande question, c'est... Je le dis encore une fois, c'est très beau, un projet pilote, mais ça prend plus qu'une volonté juste du ministère, du MIDI, ou bien des partenaires du marché du travail parce qu'on a un paramètre qu'on ne contrôle pas, c'est tous les intrants, à savoir les ordres professionnels, c'est eux qui vont dire : Tu as le droit de signer en tant qu'ingénieur ou pas.

Mme Weil : Ce qui nous amène au PEQ, honnêtement.

Le Président (M. Picard) : Merci, Mme la ministre. C'est terminé.

Mme Weil : Excusez-moi. Ah bon!

Le Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

• (15 h 50) •

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Derraji, M. Escobar, soyez les bienvenus et merci de contribuer à cette réflexion autour du projet de loi n° 77.

J'aimerais vous faire part du témoignage du président de la FTQ lors de son passage ici, en commission parlementaire, au premier jour, premier matin de nos travaux, parce qu'on le sait tous, il y a un fort taux de chômage qui frappe beaucoup de nos concitoyens originaires d'Afrique du Nord, d'Afrique subsaharienne notamment, on trouve également une portion non négligeable de nos concitoyens originaires d'Amérique latine, et à cet effet il disait : «Il y a un problème de reconnaissance d'acquis et de compétences, mais ce qui...» Et là il laisse une suspension et il ouvre son coeur, il dit : «Écoutez, il y a de la discrimination, du racisme, autant de la part des employeurs, autant dans nos rangs. Ce n'est pas simple, cette problématique-là. Les Maghrébins, ils sont scolarisés, ils sont bien souvent francophones, [...]donc pourquoi ils ne se trouvent pas d'emploi? Parce qu'il y a une situation discriminatoire à leur égard.» C'est une réalité inévitable. Ça, c'est la réalité d'aujourd'hui, avec le système d'immigration dans lequel nous nous inscrivons au moment où on se parle. Mais viendra alors ce modèle, qui a ses côtés positifs, mais l'inattendu potentiel pourrait être très surprenant considérant notamment la demande de certains milieux de participer à l'élaboration des critères de sélection.

Ce système, ce nouveau système, avec les pouvoirs que donne le projet de loi à la ministre ou au ministre de sélectionner les profils dont on a besoin sur le marché du travail, de sélectionner les bassins, etc., est-ce que vous l'avez anticipé, ce problème potentiel, à savoir le profilage racial, le profilage culturel, le profilage ethnique et éventuellement le profilage religieux?

M. Derraji (Monsef) : C'est une très longue question. Moi, je pense le contraire, à mon avis. Je pense que, si mon point de départ est un besoin exprimé dans une région, et qu'on veut répondre au besoin de cette région... D'un point de vue économique, je ne pense pas qu'aujourd'hui, au Québec, un entrepreneur, quelqu'un qui veut créer de la richesse, va refuser de la main-d'oeuvre qualifiée qu'on lui ramène chez lui, là, c'est un besoin économique.

Là, maintenant, une fois... Et là c'est là où je suis d'accord avec vous, et ça, je reviens à la déclaration d'intérêt, c'est que, ces gens qu'on va ramener, il y a plusieurs paramètres, une fois sur place, qui rentrent en jeu, notamment le culturel, le vivre-ensemble, la question du français, l'adaptation au milieu, partir de plus 20°, plus 30° et vivre à moins 30°, moins 45°, c'est plusieurs paramètres qu'il faut qu'on y pense. Pourquoi? Parce qu'on ne peut pas juste ramener les gens, répondre à un besoin dans une région, et après on ne les retient pas, ils partent ailleurs. Ça aussi, il faut le prendre en considération.

Par rapport aux points que vous avez mentionnés, que ce soit le profilage, le racisme, je pense que toutes les sociétés, au niveau mondial, elles ont leur lot. Est-ce qu'on est plus racistes que les autres? Est-ce qu'on n'est plus pas accueillants que les autres? À mon avis, non. Je n'ai pas les exemples personnels, mais je ne pense pas qu'on peut ne pas répondre à un besoin économique et que derrière la tête j'ai le racisme qui me motive. Il y a un besoin d'adaptation en région, il y a un besoin réel. Et là on l'a entendu par M. Eric Tetrault, qui exprimait un besoin réel dans certaines régions, qui disait qu'il y a plusieurs entrepreneurs et plusieurs entreprises qui veulent avoir de la main-d'oeuvre qualifiée. Je ne pense pas que ces gens sont motivés par autre chose qu'un gain économique et assurer la pérennité de leurs entreprises.

M. Kotto : J'entends bien, mais c'est néanmoins un chef syndical expérimenté et témoin de ce qui se passe sur le terrain qui nous rapporte ce qui se passe aujourd'hui même, sans que le système de déclaration d'intérêt soit en action. Parce que le système de déclaration d'intérêt, pour celles et ceux qui nous écoutent, c'est comme une banque de données dans laquelle les gens vont s'inscrire ou manifester leur intérêt de venir travailleur ou vivre au Québec, et il appartiendra — et c'est un pouvoir discrétionnaire — au ministère, à la ministre, en l'occurrence, de choisir les personnes en fonction des besoins tangibles du marché, mais ces besoins tangibles du marché seront énoncés dans, je dirais, un rapport exprimé que le milieu va alimenter. Ce ne sera pas de l'improvisation, c'est vraiment très précis.

Considérant la difficulté que beaucoup de minorités ont aujourd'hui... Le programme PRIIME était une magnifique avenue pour stimuler, pour sensibiliser relativement à ça, mais je pense qu'il faut aller plus loin, on y reviendra. Ne pensez-vous pas que, quand ce chef d'entreprise ou cette chef d'entreprise voudra spécifiquement un profil, considérant ce que nous savons aujourd'hui, ce système n'empire pas potentiellement la marginalisation ou le rejet de personnes qui aujourd'hui, à Montréal même... Vous l'avez évoqué dans votre mémoire, c'est 85 % de la population immigrante qui est en rétention à Montréal, et le taux de chômage, chez les concitoyens originaires d'Afrique du Nord, il est à peu près à 24 % aujourd'hui, versus un taux de chômage chez les natifs qui est de moitié.

M. Derraji (Monsef) : En fait, c'est pour cela que je l'ai dit, que nous aussi, au niveau du regroupement, ce qu'on a proposé, c'est avoir des missions commerciales en région, je pense qu'on doit commencer à agir en amont. Et, je dirais, un des points qu'on a proposés, c'est le mentorat. Le mentorat, ça va dans les deux sens. Les gens qui cherchent de l'emploi cherchent... ont besoin du mentorat. Même nos entreprises, elles ont besoin du mentorat, comme les syndicats, ils ont besoin du mentorat, parce que, la diversité culturelle et les gens qui viennent de l'extérieur, je pense, le maillage, il est très important.

Je suis tout à fait d'accord avec vous, on risque d'avoir des dérapages. Donnons-nous les moyens, avec ces projets pilotes, d'encadrer. En cas de dérapage, qu'on se donne, nous... Vous êtes les meilleures personnes pour juger et faire des lois, que ça ne dérape pas. Mais, si vous me posez la question : Est-ce que le projet de loi, ce qu'on a aujourd'hui, versus ce qu'on avait dans le passé, est une meilleure option?, je vais vous dire oui, on avance. Mais je suis tout à fait d'accord. Pour éviter les dérapages, donnons-nous les moyens pour qu'on contrôle ces dérapages. Et, quand on dit c'est quoi, les besoins en région, mais qu'on ne fait pas de la discrimination. Et si ça existe et qu'on pense qu'il y a de la discrimination, donnons-nous les moyens pour agir et contrer cette discrimination.

M. Kotto : Combien de temps?

Le Président (M. Picard) : Il reste 1 min 30 s.

M. Kotto : 1 min 30 s. Et c'est là où je voulais vous amener, parce que le terrain sur lequel nous nous inscrivons tous, comme diversité, en est un qui n'est pas fondamentalement préparé. L'autre, on le perçoit encore sur la base de nos préjugés parce que c'est une minorité, parce que n'étant pas, entre guillemets, la norme qu'on voit véhiculée à travers l'imagerie populaire, à la télévision, au cinéma, dans la publicité, etc., le vivre-ensemble n'existe pas encore dans l'imaginaire collectif. Et, si ce travail est fait parallèlement à tout ce qui est entrepris aujourd'hui en termes de politique d'immigration, je pense qu'on va aller dans le sens d'un vivre-ensemble tangible, et c'est pourquoi ce travail dépasse le cadre du ministère de l'Immigration. C'est l'ensemble des ministères qui devraient s'impliquer, et notamment le ministère de la Culture.

M. Derraji (Monsef) : Je suis tout à fait... Et je pense même que ça dépasse plus les ministères, même la société civile. On est tous responsables, c'est notre avenir. On a besoin de l'immigration, c'est un choix que le Québec a fait, nous avons besoin des francophones parce que le français est très important pour nous, mais là c'est à nous tous, que ce soit ministère ou société civile, qu'on se donne les moyens pour préserver ce modèle du dérapage. Je pense, c'est plus ça qui va aider à éviter certains dérapages qu'on peut observer.

Et, comme je l'ai dit, nous avons un bassin très fort de plus de 13 jeunes chambres de commerce qui nous disent : Écoutez, on est prêts à collaborer, on est prêts à aller en région, à expliquer à nos homologues en région qu'est-ce qu'on peut ramener et de quoi nos réseaux à l'extérieur peuvent aider les entreprises en région. Ça, c'est la deuxième, troisième génération peut-être mais aussi les jeunes en bas de 40 ans qui sont membres du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec.

• (16 heures) •

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Merci, messieurs. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire, que j'ai lu, j'ai pris plusieurs notes, et il y a plusieurs des recommandations que vous faites avec lesquelles je suis tout à fait d'accord.

Vous nous dites que vous recommandez... le regroupement recommande au MIDI de s'adjoindre «les efforts d'acteurs communautaires et privés à l'effet de mettre en place une cartographie des opportunités d'affaires en région avec des données accessibles et claires à l'appui. Celles-ci seront mises à la disposition des immigrants pour permettre le choix en connaissance de cause, notamment dans le cadre de la déclaration d'intérêt.» Je pense qu'il y a quelque chose d'intéressant là-dedans, je suis très d'accord avec vous à cet égard-là.

Plus loin, vous nous parlez d'une autre particularité, vous dites que le regroupement recommande au ministère «de favoriser la venue d'immigrants aux profils techniques et professionnels plus en adéquation avec les besoins du marché du travail». Je pense tout comme vous qu'on n'a pas juste besoin de diplômés universitaires avec des maîtrises, des baccalauréats, mais on a aussi besoin de gens avec de bonnes techniques, tout à fait d'accord.

Cependant, on arrive à la francisation, et vous nous soulevez un point qui a été soulevé, effectivement — vous parliez de M. Tetrault tout à l'heure — par différents groupes qui sont venus nous voir. Vous nous dites que le regroupement «appelle le gouvernement à consentir à une évaluation plus souple et à des exigences moins importantes de la langue afin de permettre au marché du travail québécois de pouvoir bénéficier de qualifications qui lui sont nécessaires». Donc, vous nous demandez en quelque sorte de diminuer le niveau de français pour certains travailleurs. Pourriez-vous élaborer? Pourquoi ce serait important de le faire? Puis après j'aurai d'autres questions.

M. Derraji (Monsef) : Oui. Je vous remercie par rapport aux points que vous avez soulevés de très positifs. Aussi, le dernier point, je le pense positif et je vais vous dire pourquoi : Nous avons les meilleurs programmes de francisation au monde. Je pense que la machine, elle est très bien faite, qu'on peut franciser au Québec.

Notre point de départ, c'est quoi? La compétence. Vous l'avez dit, on veut être innovants, on veut de l'innovation au Québec et on cherche de la compétence. La seule chose que nous... le petit lapsus qu'on ramène, c'est que cherchons la compétence comme premier point, comme premier critère; après, on a les moyens de franciser. Nous avons des agents de francisation, nous avons une politique de francisation, au Québec, qui date depuis plusieurs années. Est-ce qu'il faut la renforcer? Est-ce qu'il faut ajouter du budget? Ça, c'est une autre question, mais je pense qu'on a les moyens de dire aux gens : Écoutez, on vous a acceptés parce que vous êtes compétents, vous avez de la plus-value à ramener au Québec, et on a des programmes qui vont vous aider à être meilleurs en français, pas juste parler ou maîtriser le français, c'est ça.

Mme Roy (Montarville) : Oui?

M. Escobar (Sergio) : Mme la députée, M. le ministre, M. le Président, dans certaines rubriques, surtout au niveau de la technologie, les besoins sont criants. Pour vous donner une idée, d'ici 2020, les États-Unis et le Canada ont besoin de 10 millions de développeurs informatiques, 10 millions. La juste part du Québec, c'est environ 1 million de développeurs. Vous pouvez parler à Ubisoft, société française qui est ici, elle engage n'importe qui, n'importe quelle langue que vous parlez, tant que vous sachiez programmer, à des salaires de 140 000 $, 150 000 $, peu importe la couleur, religion, race, quoi qu'il en soit. Nos compagnies, nos sociétés technologiques sont en train de souffrir. On ne peut pas produire, on ne peut pas ramener la valeur ajoutée tant et aussi longtemps qu'on n'a pas des gens assez compétents pour faire fonctionner la machine.

Moi, étant francophone, le français n'est pas ma langue maternelle, c'est l'espagnol, mais, tout comme tous les immigrants qui sont arrivés ici, la machine de francisation fonctionne très bien. Et je crois qu'il y a des efforts à faire là-dedans pour l'améliorer, bien entendu, mais j'ai été témoin de gens qui sont arrivés avec des visas de travail du Brésil, qui sont venus ici avec des notions de base de français et là sont parfaitement francophones. Mais on a besoin, justement, peut-être d'assouplir un peu, surtout dans le secteur des technologies de pointe, où justement, si on n'est pas capables... Même si on les ramène avec des visas de démarrage d'entreprise ici, avec des investissements, on ne sera pas capables de les garder ici, au Québec, parce qu'ils vont être obligés de déménager à Waterloo, capitale de l'ingénierie au Canada, ou aux États-Unis.

Mme Roy (Montarville) : Je comprends très bien votre point, je vous suis. Et vous nous dites, plus bas, que vous appelez le ministère à réfléchir sur une stratégie qui permettrait aux immigrants d'acquérir la langue française, vous dites qu'on a le meilleur cours, on fait la meilleure francisation. Je veux bien, tout comme vous, qu'il y ait cette francisation. Le problème, c'est que le cours n'est pas obligatoire. Alors, auriez-vous des suggestions à nous faire pour nous assurer, si on diminue ce critère-là de francisation... qu'on s'assure que tout le monde prenne un cours de français, apprenne le français?

M. Derraji (Monsef) : Bien, en fait, ce qu'on a vu récemment, plusieurs groupes, surtout des groupes économiques, ils disent : Écoutez, si on peut s'adapter même à ce qu'on donne des cours en milieu de travail et que... Par la force des choses, et je peux vous témoigner de plusieurs cas que nous, nous avons en tant que membres, au sein du regroupement, des gens qui viennent de plusieurs pays, et qui n'ont jamais parlé la langue française, et que, par la force des choses... soit son amoureux, il parle français, bien, lui aussi, il va parler français. Le contexte, la culture, l'immersion te poussent à adopter la culture et à commencer à parler français. Ce qu'on suggère dans ce sens, c'est qu'on vise plusieurs avenues pour aider ces gens à parler français. On ne dit pas qu'on doit la mettre de côté, c'est très important, la langue française, pour nous, et on insiste. La seule chose, c'est que commençons par la compétence, donnons-nous les moyens d'avoir des gens compétents, mais aussi donnons-nous les moyens d'aider ces gens à parler et à fonctionner en français, que ce soit à l'intérieur des entreprises ou même ailleurs.

Le Président (M. Picard) : Il reste une minute, question et réponse.

Mme Roy (Montarville) : Une minute, parfait. Je vous suis. Alors, moi, j'aimerais... Vous dites : Donnons-nous des moyens. Je veux bien, je voudrais des suggestions. Dans la mesure où je comprends que les gens qui prendront le cours vont devenir francophones, ou francophiles, ou vont très bien se débrouiller, ils vont être capables de parler français, mais que fait-on avec le 40 % qui ne prend pas le cours? Le 40 % des immigrants qui ne prend pas le cours, il faut aller le chercher.

M. Derraji (Monsef) : Oui, il faut penser à des mesures incitatives.

Mme Roy (Montarville) : Avez-vous des idées?

M. Derraji (Monsef) : Là, on parle d'en milieu de travail?

Mme Roy (Montarville) : Tous azimuts.

M. Derraji (Monsef) : En milieu de travail...

Mme Roy (Montarville) : Bien, demeurons en milieu de travail, c'est votre domaine.

M. Derraji (Monsef) : Oui. En milieu de travail, ce que j'ai vu, au contraire, c'est vraiment une réelle volonté à ce que les gens apprennent le français. Là où je pense qu'on doit tous penser, c'est avoir des mesures incitatives pour les entreprises à ce que leurs employés parlent et agissent en français, et ça, il faut leur donner les moyens pour que la langue française soit la langue d'usage à l'intérieur des entreprises. Mais je ne pense pas que les employés n'ont pas la volonté de parler français.

Le Président (M. Picard) : Merci.

M. Escobar (Sergio) : Moi-même, auprès de la Chambre de commerce latino-américaine, on est un organisme interface de l'OQLF. Je peux vous dire, dans une année, nous avons francisé en moyenne 150 microentreprises latino-américaines; il n'y a jamais eu une friction pour franciser, les compagnies.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et je suspends quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 8)

(Reprise à 16 h 10)

Le Président (M. Picard) : Nous reprenons. Je souhaite la bienvenue à Place aux jeunes en région. Je vous invite à vous présenter. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé, vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.

Place aux jeunes en région

M. Vigneault (Mathieu) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, messieurs dames les députés, merci de nous offrir le privilège de venir vous rencontrer aujourd'hui. Mon nom est Mathieu Vigneault, je suis directeur général de Place aux jeunes en région. Je suis accompagné de Véronique Proulx, qui est directrice générale adjointe, en l'absence de Mme Cynthia Rivard, notre présidente.

Donc, pour faire un petit portrait de Place aux jeunes rapidement, parce que plusieurs d'entre vous, je pense, nous connaissez, Place aux jeunes en région, chez nous, on peut dire que nous sommes des opérateurs, nous sommes des gens de terrain. Depuis 25 ans, on est près des jeunes adultes, on est près des communautés en région. Et on a aussi le privilège d'être soutenus par le Secrétariat à la jeunesse au niveau de notre financement. Nous sommes déployés dans l'ensemble des régions du Québec à partir d'un réseau de 58 partenaires, donc nous sommes présents dans 58 MRC déployées sur l'ensemble du territoire québécois. Nous évoluons en étroite collaboration avec le milieu municipal et aussi, évidemment, avec d'autres groupes jeunesse comme ceux qu'on a entendus précédemment. Nous intervenons auprès des jeunes adultes de 18 à 35 ans, diplômés ou en voie d'être diplômés, mais je tiens à mentionner que ces usagers sont quand même très différents dans leur façon d'être, dans leurs besoins. Donc, on a, évidemment, des jeunes ruraux, originaires de nos milieux... de nos régions, on a des jeunes urbains qui viennent vers Place aux jeunes de plus en plus, mais on a aussi une clientèle qui est en explosion depuis 2008 : les jeunes immigrants.

Donc, pour vous donner une petite idée, depuis l'année 2008‑2009, à notre point de service de Montréal, le nombre de référencements que... ou le nombre de jeunes adultes que nous avons référencés vers les régions était de 37 %, donc, du pourcentage de référencement, mais aujourd'hui on est à 63 %. Donc, c'est dire l'intérêt marqué qu'ont les jeunes immigrants pour les régions à caractère rural du Québec. Nous avons répondu... Évidemment, ce n'est pas la mission première, de travailler avec les jeunes immigrants, chez Place aux jeunes nous travaillons avec tous les jeunes Québécois, comme je disais, mais nous avons quand même tenté de répondre au mieux de nos moyens et de notre créativité pour aider ces jeunes à trouver leur place en région.

Je vous disais merci de nous écouter, de nous accueillir ici aujourd'hui. On était avec vous en janvier 2015, lors des consultations sur la politique, et à ce moment-là on vous disait que le Québec a besoin de s'ouvrir davantage à l'immigration internationale, davantage ou plutôt de s'ouvrir mieux à l'immigration internationale. Notre propos, notre position n'a certainement pas changé quelque 13 mois plus tard, on est encore exactement à la même place, et la réalité n'a pas beaucoup changé, elle-même. Donc, évidemment, on ne reviendra pas sur ce que d'autres présentateurs ont évoqué, mais l'essentiel de l'immigration, au Québec, finit par se fixer à Montréal. Donc, voici la toile de fond dans laquelle on intervient.

Notre principale recommandation à l'époque était très simplement de recadrer les ressources qui existent déjà sur le terrain, de les recadrer à l'intérieur d'un continuum intégré d'assistance ou de soutien à la mobilité interrégionale. Vous allez voir qu'aujourd'hui, on ne répétera pas, évidemment, ce qu'on a dit il y a 13 mois, mais on a de la suite dans les idées, et c'est quand même une recommandation qui est le fil d'Ariane des autres recommandations qu'on va faire dans le cadre du p.l. n° 77.

Notre point de vue sur le projet de loi, maintenant, précisément à l'étude. De façon très synthétique, la planification de l'immigration, eh bien, nous saluons évidemment l'intention du gouvernement d'impliquer l'ensemble des ministères concernés dans cette planification et suggérons d'élargir la consultation à d'autres partenaires, car, si le déploiement de l'immigration en région doit assurément s'appuyer sur les besoins clairement identifiés des employeurs afin de rendre l'immigration ou l'immigrant le plus autonome possible, il s'avère que, pour Place aux jeunes, il faut assurer une intégration optimale, et, pour assurer une intégration optimale et la pleine participation à l'essor du Québec, il faut impliquer plus largement les autres parties prenantes des régions et des communautés, car en définitive les immigrants, clairement, ne vont pas habiter une entreprise, mais plus largement ils vont habiter un milieu de vie. Et j'en veux pour preuve un bel exemple qui a été mis de l'avant, entre autres, par des composantes ou des partenaires du réseau Place aux jeunes, le réseau Matanie, au Bas-Saint-Laurent—Gaspésie, qui, avec des partenaires comme le SANA de la place, ont mis en place des comités d'accueil où on valorise beaucoup la découverte de l'autre, pour assurer ultimement une meilleure découverte, faire tomber les barrières et assurer une durabilité du projet d'immigration.

Autre élément important du projet de loi, c'est la déclaration d'intérêt, évidemment. Pour que l'immigration internationale contribue au développement socioéconomique d'une communauté, elle doit évidemment être en phase avec les besoins de celle-ci. Dans cet esprit, la mise en valeur et la promotion des opportunités socioprofessionnelles qu'offrent les régions revêt un caractère incontournable en amont du processus en ce qui a trait aux candidats, qui de toute façon ne profiteront pas d'un assez grand bassin d'occasions d'emploi ou d'occasions d'affaires dans la métropole. On a entendu les gens du réseau des jeunes chambres parler tantôt, vous avez entendu ce genre de discours là à plusieurs reprises depuis le début des auditions. Dans les circonstances, nous encourageons vivement le ministère à envisager la mise en place d'une stratégie favorisant l'établissement des immigrants dans toutes les régions du Québec, comme l'article 81 de la loi le permettrait, et que cette stratégie-là mène notamment à une plus grande flexibilité, une plus grande fluidité pour l'application en ligne, par exemple, au niveau d'emplois.

Toutefois, petit bémol, nous souhaitons attirer l'attention des autorités sur le danger d'une utilisation étroite de ce nouvel outil. Bien que les besoins en main-d'oeuvre et aussi de relève d'entreprise soient devenus un enjeu de société, il faut garder en tête qu'une communauté forte se bâtit dans l'équilibre. Pour nous, la déclaration d'intérêt est et doit demeurer un outil favorisant l'intégration plus rapide et harmonieuse des immigrants eux-mêmes d'abord et, par voie de conséquence, devenir un outil de développement économique ou socioéconomique de nos communautés. Évidemment, ce qu'on ne souhaite pas, c'est que ça devienne plutôt un plat de bonbons pour de la main-d'oeuvre accessible. L'emploi, pour nous, c'est le point de départ, ce n'est pas le point d'arrivée.

Au niveau de la participation à la citoyenneté, pour notre organisation, il est évident que cette intégration interpelle plusieurs aspects de la vie d'une personne. Cependant, plusieurs des éléments fondamentaux ont pour dénominateur commun l'intégration économique. Or, il s'avère que l'intégration économique est plus facile et plus rapide dans les petits milieux. Et ça, ce n'est pas Place aux jeunes en région qui le dit. Nous, on le constate sur le terrain au quotidien, mais plusieurs études l'ont mentionné, dont des études de Statistique Canada sur les revenus très précisément des immigrants.

Cependant, en région comme en ville, les immigrants rencontrent des embûches — ce n'est pas rose, ce n'est pas parfait en région — dans leur volonté d'intégration, notamment pour la question de l'expérience québécoise. C'est pourquoi nous encourageons la ministre à poursuivre le développement et la promotion du Programme de l'expérience québécoise.

Pour notre part, chez Place aux jeunes, au quotidien ou, enfin, suite aux demandes qu'on avait, et qui étaient répétées, par les immigrants, on a fait preuve de créativité et on a mis en place, il n'y a pas tellement longtemps, ce qu'on appelle le Place aux jeunes Stages, donc, qui vise à offrir un coup de pouce aux jeunes immigrants pour se dénicher un stage quand ils en ont besoin à la fin de leurs études. Et on a plusieurs témoignages qui démontrent beaucoup d'intérêt en ce sens-là.

Dernier point que je voulais apporter en introduction, c'est le rôle des municipalités, donc du milieu municipal particulièrement. Pour assurer une pleine participation de l'immigration à la société québécoise, nous considérons que le milieu municipal est la pierre angulaire sur laquelle le gouvernement devrait s'appuyer pour s'assurer que chaque projet d'immigration aboutit et se concrétise avantageusement pour les deux parties dans un milieu volontaire et préparé en ce sens. Ainsi, nous croyons fermement qu'il n'existe aucune autre échelle plus apte que celle du milieu de vie immédiat pour assurer la réussite d'un projet d'immigration. Avec le bon leadership, et c'est ce que l'État québécois a reconnu dans la nouvelle gouvernance territoriale, la mobilisation des forces vives de la communauté pourra prendre différentes formes dans chacune des municipalités ou MRC. À cette échelle, le rôle des élus est de bien préparer la communauté à l'accueil de la diversité, notamment, par exemple, en ayant elles-mêmes ou eux-mêmes un discours positif, et aussi en développant des outils efficaces. Pour notre part, chez Place aux jeunes, à titre de pont — parce que c'est notre mission à la base — entre les individus et les territoires, on voit notre rôle comme étant celui d'offrir un visage humain et familier à l'immigrant, qui demeure malgré tout autonome dans sa démarche, permettant un atterrissage en douceur dans sa communauté d'accueil, et assurer un suivi sur au moins une période d'une année, tel que nous le recommandent les études qu'on a fait faire notamment à l'Université Laval. Donc, voilà.

• (16 h 20) •

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Merci, M. Vigneault et Mme Proulx, merci beaucoup, beaucoup de votre participation. Encore une fois, la voix des jeunes, notre avenir, c'est très... Je vous félicite de participer à ces consultations.

Peut-être juste dans un premier temps, concernant la consultation sur la planification — et, oui, en effet, ça s'en vient ce printemps, je crois bien — vous dites d'élargir. Il faut dire que c'est des consultations déjà générales, donc tout le monde est invité, mais ce que vous dites : Soyez plus proactifs pour essayer d'aller chercher peut-être des voix qu'on n'entend pas normalement, hein, c'est un peu ça.

M. Vigneault (Mathieu) : Tout à fait.

Mme Weil : Alors, je pense que c'est une bonne idée. Est-ce que vous avez en tête un peu... Parce qu'on a les élus, on a les organismes communautaires qui travaillent sur le terrain, les organismes qui sont venus ici, en commission parlementaire. Est-ce que vous avez en tête des milieux en particulier qui ne sont pas généralement entendus?

M. Vigneault (Mathieu) : Pas à titre corporatif mais à titre peut-être plus territorial. C'est-à-dire, ce que permet la loi ou, enfin, ce que permettra la loi et ce que semble nous indiquer l'enlignement que prend le gouvernement, c'est qu'on pourrait avoir une petite réflexion quant aux besoins des territoires, et on se le souhaite. À ce compte-là, on a entendu certaines personnes passées en commission parlementaire parler de planification territorialisée. Donc, nous, notre opinion là-dessus, c'est qu'effectivement il faudrait qu'on prenne en considération qu'au Québec il n'y a qu'un seul Québec, qu'on veut bâtir tout le monde ensemble, mais il y a des réalités différentes, il y a les réalités des grands centres urbains et il y a la réalité des milieux ruraux, et donc, pour notre part, on pense que d'avoir une attention particulière à comment les milieux ruraux perçoivent, attendent l'arrivée d'immigrants... c'est plus à cette enseigne-là qu'on aimerait qu'il y ait une sensibilité mais sur l'ensemble des milieux ruraux et non pas par région administrative, hein, pour assurer un maximum de mobilité interrégionale, parce que les besoins des entreprises, si on ne s'en tient qu'à ça, souvent sont sur une base trimestrielle, alors que les besoins pour bâtir un Québec rural fort et vivant, c'est sur un axe de temps beaucoup plus important.

Mme Weil : Je trouve ça vraiment intéressant, c'est la première intervention dans ce sens, c'est-à-dire qu'on puisse jumeler la vision qu'on propose ici... — toutes les discussions vont dans ce sens, d'ailleurs, dans le cadre de cette consultation sur le projet de loi n° 77 — qu'on ramènerait donc ces notions d'engagement et d'implication, si on veut, du milieu, des régions, qu'on entende leur voix, mais qu'on l'insère dans nos orientations, parce qu'on a toujours des orientations quand on fait la planification, et donc, par le fait même, les acteurs régionaux qui pourraient venir dans le cadre de cette planification. C'est intéressant.

Évidemment, dans un tout premier temps, ça prend de l'activité économique, hein? Tout le monde le sait, on n'aura pas d'immigrants dans les régions s'il n'y a pas d'activité économique, donc c'est tout aussi important, évidemment, de faire en sorte qu'il y ait du développement économique dans les régions. Mais c'est vrai que moi, j'ai rencontré beaucoup d'entreprises qui, face à la pénurie, ont beaucoup, beaucoup de difficultés. Donc, il faut faire les deux en même temps, promouvoir mais les aider aussi à trouver la main-d'oeuvre dont ils ont besoin soit par la formation dans nos cégeps et nos universités, pour nous assurer qu'on a la main-d'oeuvre québécoise dans un premier temps, mais aussi en trouvant les compétences précises dont on a besoin pour les différentes régions. Alors, on va retenir cette idée, on va voir ce qu'on peut faire dans le cadre de la consultation et les orientations qu'on va mettre sur la table.

Le PEQ, le Programme d'expérience québécoise, contrairement au gouvernement fédéral, notre souhait, ce n'est pas... on ne veut pas intégrer le Programme d'expérience québécoise dans la déclaration d'intérêt, on va garder le programme à part. Ils ont eu des problèmes, au niveau fédéral. La recommandation de tout le monde, c'est de maintenir notre orientation.

On a beaucoup entendu aussi que le programme n'est pas assez connu. Malgré une certaine promotion, évidemment, qu'on fait, malgré une croissance du programme de 30 %, il y a encore trop d'étudiants et de travailleurs qualifiés temporaires qui nous disent qu'ils ne connaissent pas le programme. Quel rôle vous, vous pourriez jouer pour mieux faire connaître ce programme? Parce que, là, on a des jeunes qui sont un peu partout dans nos régions, dans nos différentes universités.

M. Vigneault (Mathieu) : Tout à fait. Bien, comme je disais tantôt, déjà on est présents sur l'ensemble du territoire québécois, donc de pouvoir porter... Et c'est tout à fait à propos, d'embarquer sur ce terrain-là, parce que c'est effectivement une des recommandations qu'on fait, de promouvoir davantage le PEQ. Comme on est déjà déployés sur l'ensemble du territoire québécois, on est proches des jeunes qui sont soit dans les universités du Québec en région déjà ou dans les cégeps en région, c'est une chose... Et d'ailleurs il y a beaucoup d'immigrants ou, enfin, un certain nombre d'immigrants qui vont faire des A.S.P., des attestations d'études professionnelles ou ce genre de chose là en région. Donc, on pourrait effectivement contribuer à faire connaître le PEQ.

Mais la question est d'autant plus à propos qu'on sort à l'instant de la Semaine des régions, où on a rencontré plus de 2 500 jeunes qualifiés à Québec et à Montréal. Alors, l'ensemble du réseau Place aux jeunes était sur le terrain pendant une semaine, on a rencontré énormément de monde et beaucoup d'immigrants qui auraient avantage à être sensibilisés, être mis au fait de cet outil-là, qui est extrêmement intéressant. Et on se porte volontaires, effectivement, pour porter le message dans le futur, évidemment avec l'appui du ministère, parce que c'est notre pain et notre beurre au quotidien. Nos gens sont auprès des étudiants, qui vont être diplômés et donc qui vont vouloir trouver à s'intégrer.

Mme Weil : Parce que vous avez beaucoup d'expérience en la matière, quelle est la volonté? Qu'est-ce que vous trouvez comme profils de jeunes par rapport à ceux qui souhaiteraient peut-être ou qui ont le goût de vivre en région? Est-ce qu'il y a un profil quelconque? Est-ce qu'il y a des stratégies à développer à cet égard pour les attirer dans les régions?

M. Vigneault (Mathieu) : Définitivement, première des choses, ça peut paraître un peu simpliste, mais, même si aujourd'hui on a un discours collectif un peu plus positif par rapport aux régions, si je fais référence par rapport à 10, 15 ans passé, il n'en demeure pas moins que les régions sont encore très mal connues, le potentiel socioéconomique des régions est encore très mal connu d'une majorité de jeunes en milieu urbain, et même de jeunes qui sont originaires des régions, parce que, quand ça fait 10 ans qu'ils sont à Montréal ou à Québec, ils ont peut-être oublié, ils n'ont peut-être pas vu à l'époque ou ils ont peut-être été, disons, contaminés par les mythes tenaces sur les régions, et donc il faut continuer à promouvoir, à en parler.

Ce que les jeunes immigrants, pour parler de cette clientèle-là en particulier, recherchent n'est pas tellement, tellement différent de ce que les Québécois d'origine rurale, par exemple, vont rechercher. Le besoin qui se fait de plus en plus sentir ou, enfin, qui est persistant chez les jeunes immigrants, c'est le délai, c'est le temps pour expliquer les choses, parce que migrer en région, qu'on parte d'un pays autre que le Canada ou qu'on parte de la métropole, évidemment, ce n'est pas tout à fait la même chose, mais la difficulté se ressemble. Ce n'est pas comme aller acheter une pinte de lait au dépanneur, il faut quand même soupeser un paquet de choses, il faut évaluer les différents types de région et les différents types de milieu pour trouver celui qui est le plus susceptible de lui convenir.

En ce sens, ce qui existe au Québec aujourd'hui, c'est un peu éparpillé, comme ressources. C'est ce qu'on a dit d'ailleurs dans un mémoire qu'on a déposé à la commission d'évaluation des programmes de Mme Robillard, c'est ce qu'on a dit la dernière fois qu'on est passés en commission parlementaire. On pense qu'un premier geste ou un geste stratégique, ce serait de regrouper les ressources qui existent déjà sur le terrain pour assurer la mise en place d'un continuum intégré d'accompagnement à la mobilité interrégionale et, dans la logique du projet de loi qui est à l'étude, de l'attacher en amont aux immigrants qui sont en processus à l'extérieur du Canada. Et donc ça, je pense qu'effectivement Place aux jeunes pourrait jouer un rôle important du fait qu'on a déjà une plateforme électronique qui présente les régions, qu'on pourrait bonifier, on pourrait aller plus loin avec ça, mais c'est déjà un rôle qu'on joue avec l'ensemble des jeunes Québécois. Mais je pense qu'on aurait tout avantage à recentrer les ressources, à établir des cibles et à aller de l'avant avec l'expertise qui est déjà présente sur le terrain.

Mme Weil : Je vais vous amener sur votre deuxième recommandation pour vous permettre d'en parler, mais c'est l'évidence même, je pense, de rajouter cette modification au deuxième objet. Mais si vous pourriez en parler, donc, «que le second objet de la loi fasse référence à la pleine participation des personnes immigrantes à l'ensemble des communautés québécoises, urbaines et rurales», essentiellement de vraiment mettre l'accent sur... partout, c'est ça, dans toutes les régions du Québec.

• (16 h 30) •

M. Vigneault (Mathieu) : Oui. Bien, évidemment, on a visionné quelques présentations avant la nôtre, donc on n'a pas voulu en rajouter sur le fait que... C'est comme l'éléphant dans la pièce. Je pense que, dans la loi, ce qu'on souhaite tous voir être ajouté, c'est la fonction de déploiement en région de l'immigration, donc d'amener les candidats à l'immigration au Québec à considérer peut-être Montréal, peut-être Québec, mais assurément de les exposer à un troisième choix qui est le Québec rural, un Québec qui est riche d'opportunités d'emploi, qui est riche d'opportunités d'affaires, et il faut assurément l'envisager et structurer la prochaine stratégie en ce sens, et c'est en ce sens aussi qu'on offre notre pleine collaboration au ministère. Mais, pour nous, ça ne fait aucun doute qu'il faut faire cet ajout-là dans la politique.

Mme Weil : Oui, donc, très bien. En effet, c'est la vision, justement. Et la politique qui l'accompagne, là, qui sortira bientôt, met beaucoup l'accent là-dessus, puis tout le système de déclaration d'intérêt va aller dans ce sens-là. C'est-à-dire comment on fait pour connaître les besoins, c'est sûr que c'est les besoins de toutes les régions.

Alors, ça m'amène à vous poser la question sur le rôle... vous avez mentionné, je pense que je l'ai lu, c'est-à-dire que c'est les élus municipaux, hein, le rôle des municipalités, des élus régionaux, qui ont un rôle primordial dans ce nouveau système. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Vigneault (Mathieu) : Tout d'abord, j'ai envie de dire que cet élément-là ne vient pas seul, c'est-à-dire le rôle des élus municipaux... En fait, l'échelle municipale, le milieu de vie dans lequel va s'intégrer l'immigrant, c'est la destination, il faut se préoccuper de l'ensemble du processus, selon notre point de vue. C'est pour ça qu'on parle d'un continuum intégré puis de mobilité. Donc, ce qu'on dit, essentiellement trois choses, à Place aux jeunes, c'est : Il faut sensibiliser les candidats à l'immigration au potentiel des régions, on le disait il y a une seconde, il faut s'assurer de leur offrir un chemin balisé vers les régions, donc c'est le fameux continuum, mais tout ça doit être fait en prenant appui sur un milieu qui est volontaire, un milieu où les leaders sont sensibilisés et qu'ils sont les premiers à porter la bonne nouvelle.

Vous savez, les gens comme Place aux jeunes en région, c'est notre quotidien, on se désâme à essayer de présenter les régions sous leur plus beau jour pour les jeunes, pour les immigrants, mais il faut que les communautés aient le goût de cette diversité-là. Nous, on travaille quotidiennement, avec notre réseau, à pétrir ces communautés-là, mais ces communautés-là ont des leaders que sont les élus municipaux, d'abord et avant tout, et il faut que les élus municipaux mettent à profit leurs structures, donc, par leur discours, je le disais tantôt, mais aussi par tous les outils qu'ils ont.

Et quelque chose de très, très de base, mais ça nous est dit quotidiennement par les immigrants, la question du transport, c'est bête, mais la question du transport est fondamentale pour favoriser l'intégration d'un immigrant, et le secteur municipal a des outils, par exemple avec le transport collectif, pour favoriser une mobilité de proximité, par exemple, des immigrants et éviter que les immigrants aient l'impression aussi d'être coupés des communautés culturelles qui peuvent être, elles, dans les grands centres. Donc, il faut éviter qu'entre les milieux ruraux et les milieux urbains ou les milieux métropolitains on donne l'impression qu'il y a une coupure, et l'exemple du transport collectif, qui est dans les mains... qui est dans les outils, dans la boîte à outils des élus municipaux, doit être mis à profit. Ça, c'est un exemple parmi tant d'autres. Et je suis convaincu, pour avoir entendu certains témoignages de gens du milieu municipal, qu'ils sont tout à fait volontaires pour jouer un rôle accru de ce côté-là, et nous, Place aux jeunes, on dit : Nous serons à vos côtés pour opérationnaliser tout ça, si c'est la volonté des communautés et du gouvernement.

Mme Weil : C'est tout à fait la vision, honnêtement, qu'on a, la vision qu'on entend un peu de tout le monde, et c'est vraiment intéressant de voir cette concordance, c'est-à-dire que... Et ça touche exactement la question de la rétention, vous connaissez bien cette problématique, mais le milieu accueillant, hein, le milieu accueillant qui travaille fort pour s'assurer que le milieu s'adapte à cette nouvelle immigration, que la nouvelle immigration s'adapte au milieu, hein, c'est le dialogue, c'est ce qu'on... on parle souvent d'interculturalisme, mais ce modèle d'interculturalisme qui appelle tous les acteurs régionaux, tous les acteurs de toute façon, les élus, oui, mais aussi la société civile, mais les institutions aussi, donc les écoles. Les écoles jouent ce rôle tout naturellement, mais il faut que ce soit élargi. Les enfants réussissent bien, là, parce qu'ils sont bien intégrés par leurs écoles, mais il faut que les parents aussi...

M. Vigneault (Mathieu) : ...constance. Les écoles font partie de la vie d'un individu pendant une période, et ensuite il y a quand même la constance du milieu de vie qui est représentée par l'élu municipal, donc, je pense, qui est un fil qui peut s'étendre dans le temps, donc.

Mme Weil : Merci beaucoup, je vous remercie pour votre présentation. Et c'est ma collègue la députée de Charlevoix qui...

Le Président (M. Picard) : Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré. Non? Mme la députée de Chauveau?

Mme Weil : Chauveau, oui, excusez-moi.

Mme Tremblay : Alors, M. Vigneault, c'est ça, je voulais savoir, par rapport au fait français, est-ce que l'intégration se fait très bien? Est-ce que... Bon, au niveau des régions, comment vous évaluez ça? Est-ce que vous sentez que c'est plus facile, même, que peut-être dans les grands centres?

M. Vigneault (Mathieu) : Vous... La francisation ou l'intégration de populations déjà francophones?

Mme Tremblay : La francisation.

M. Vigneault (Mathieu) : O.K. C'est clair que, pour nous, dans notre expérience du quotidien, hein, ce que nos gens nous ramènent à tous les jours, c'est qu'une personne qui n'a pas déjà un bon niveau de français va avoir peut-être plus de difficultés à abattre les premières barrières, parce qu'il y a la diversité qu'on voit, il y a la diversité qu'on entend. Je pense que les ruraux sont capables de passer par-dessus toutes ces diversités-là, mais le chemin est parsemé d'embûches, donc celui qui arrive avec un niveau de français plus développé va certainement pouvoir passer plus rapidement aux étapes subséquentes puis à la réussite. Donc, c'est un lieu commun de dire que plus ils sont francisés avant d'arriver en région, mieux c'est.

Maintenant, est-ce qu'on ne peut pas faire une partie du travail en chemin, voire même en région? La réponse est oui. J'ai moi-même personnellement été témoin, dans ma municipalité d'origine, d'une expérience extraordinaire avec une petite famille tunisienne puis une bonne amie qui avait un tiers de tâche de la commission scolaire pour franciser une petite fille qui aujourd'hui ne jure plus que par ma communauté d'origine, qui est La Guadeloupe, et cette interrelation-là est allée bien au-delà d'apprendre le français, ça a permis à la famille au complet de développer son sentiment d'appartenance à la communauté, et aujourd'hui je pense que c'est en partie une victoire.

Donc, il y a des embûches, il y aura certainement des choses à développer, mais on peut faire une bonne partie en région. Évidemment, comme d'autres l'ont dit avant nous, ça prendra les ressources pour le faire, mais on a des gens compétents, et engagés, et volontaires, en région, pour accompagner. Donnons-nous une chance, par contre, essayons d'avoir des gens qui ont déjà une bonne base.

Mme Tremblay : Vous venez de quelle région?

M. Vigneault (Mathieu) : De la Beauce, du sud de la Beauce.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Vigneault, Mme Proulx, merci pour la contribution.

J'ai quelques questions exploratoires. Vous avez parlé de l'impératif d'inscrire les ressources dans un continuum intégré à la mobilité interrégionale. Est-ce que vous pouvez élaborer? Qu'est-ce qui est bien fait jusqu'à date et qu'est-ce qu'il reste à faire en ces matières?

• (16 h 40) •

M. Vigneault (Mathieu) : Ce qui est bien fait, c'est clairement l'intérêt... puis toutes organisations confondues, ce qui est bien fait, je pense que c'est l'intérêt des gens. Les gens qui interviennent dans l'accompagnement des immigrants en marche vers les régions ou en marche vers leur intégration au Québec sont clairement animés des bonnes intentions. Ce qui est moins bien fait, selon notre perspective, c'est le fait qu'il existe une multitude d'organisations bien organisées, bien structurées, bien équipées ou pas, et qui fait qu'au bout du compte c'est l'immigrant qui est desservi.

Depuis qu'on s'intéresse davantage à la question des immigrants, on a demandé... on a trois études qu'on a fait faire par le Département de sociologie de l'Université Laval, dont une nous disait, un des constats, là : «Selon les immigrants rencontrés — et je vous cite la note — le caractère pléthorique des institutions d'aide aux immigrants ou d'aide en région est souvent perturbant. Il y a de nombreux organismes dont les buts et les services peuvent sembler de prime abord analogues, aux yeux des nouveaux arrivants, tant et si bien que devant l'offre, jugée immense par des participants à notre étude, certains finissent sans doute par ne pas contacter aucun organisme.»

Donc, ce qui fonctionne bien, c'est qu'il y a beaucoup de monde bien intentionné qui veulent aider les immigrants à atterrir en région, par exemple, parce qu'on sait qu'il y a un potentiel incroyable pour eux là-bas, mais la structure, les chemins sont mal balisés; certainement pas trop de ressources mais trop de structures, et pas des structures intégrées. Donc, finalement, on travaille dans une réalité où il y a un peu de corporatisme, pas mal intentionné j'en suis convaincu, mais il y a un peu de corporatisme à gauche et à droite, qui fait qu'au bout du compte on ne travaille pas en approche client. Qui paie, en définitive? L'État, et l'immigrant, et les organisations elles-mêmes, parce qu'au bout du compte leur volonté de bien servir l'immigrant n'est pas rencontrée, donc ces gens-là sont nécessairement déçus, nous les premiers.

Comme je vous disais tantôt, depuis 2008, c'est un développement exponentiel d'immigration qui vient nous voir. On ne va pas vers les immigrants, les immigrants viennent vers nous parce qu'ils veulent entendre parler des régions, ils ont entendu parler de nos services, ils ont entendu parler des réussites qu'on a, ils viennent nous voir. Et nous, comme d'autres, on est, disons, mal structurés pour bien servir et on veut bien les servir. Donc, qu'est-ce qui ne va pas? Bien, peut-être qu'on devrait prendre le peu de ressources qu'on a dans ce domaine-là et baliser le chemin pour mieux servir l'immigrant.

M. Kotto : O.K. Il y a un défi qui s'est imposé à tous les gouvernements contemporains au Québec, celui de contrer l'exode des jeunes des régions vers les grands centres. Ils y sont arrivés avec beaucoup de peine... ou ils y arrivent avec beaucoup de peine, ce n'est pas des équations faciles à gérer.

Considérant notamment le fait que les nouveaux arrivants, quand ils arrivent, ils sont plus enclins, disons, à se rapprocher des personnes, entre guillemets, de leur communauté d'origine, et la plus grande concentration de ces communautés, entre guillemets, se trouve à Montréal, essentiellement on parlait tout à l'heure de près de 85 % des nouveaux arrivants qui s'y établissent parce qu'ils anticipent la peur de la solitude si d'aventure ils se retrouvaient dans des régions où ils n'ont pas de repère, pas de réseau, rien, donc, est-ce que l'idée, disons, de tabler ou de miser sur l'implantation des nouveaux arrivants en région n'est pas plus difficile encore que l'équation préalable qui était de retenir les jeunes en région?

M. Vigneault (Mathieu) : C'est un excellent point. Je vous dirais que le défi de sensibiliser les jeunes au potentiel qu'offrent les régions ou de contrer l'exode... Qui est une expression, chez nous, qu'on n'utilise plus vraiment parce que, que les jeunes des régions viennent en ville ou aillent dans le monde pour se développer, découvrir un peu tout ce qui se passe ailleurs, c'est aujourd'hui considéré comme quelque chose de très positif. Le défi, on a voulu voir les choses par la positive, c'est de présenter la mariée sous son plus beau jour. Donc, il y aura toujours des ruraux qui vont vouloir rester en ville après leurs études et il y aura toujours des ruraux qui vont vouloir y revenir, il faut juste leur présenter les choses comme il faut.

Là où vous parlez... là où je saisis la balle au bond, au niveau des immigrants, c'est que le défi, le défi, il n'est pas tellement sur le caractère immigrant mais sur le fait que ce sont des jeunes. Et au Québec, règle générale, les immigrants qui sont accueillis ont tous, pour l'essentiel, moins de 40 ans, et ces jeunes-là veulent vivre des expériences, veulent développer des compétences et souvent vont aller vers les grands centres. Et les grands centres... Et Montréal, on en est très contents, a amélioré son bilan de rétention au cours des dernières années, mais le fait est que, les jeunes, un coup qu'ils se sont agglutinés autour de Montréal, il y a une force statique qui les maintient à Montréal, et il faut... et que ce soit pour les immigrants ou pour les jeunes originaires... Québécois d'origine, le défi, c'est de briser cette force statique là en aménageant, en balisant, encore là, la voie vers les opportunités des régions. Et, encore là, notre plus grande préoccupation face à ce phénomène-là de concentration à Montréal, c'est une question d'équité sociale... de cohésion sociale, plutôt, parce qu'avoir cette concentration d'immigrants à Montréal avec des taux de chômage... Vous les citiez tantôt, là, je ne reviens pas là-dessus. C'est une question de cohésion. Alors qu'on a des besoins en région et du chômage en ville, il y a quelque chose qui ne marche clairement pas.

Mais ce n'est pas parce que les immigrants ne veulent pas aller dans les régions, au contraire, et on peut vous le confirmer, c'est avéré, c'est avéré. Donc, le défi, il n'est pas tellement de renverser une perspective négative des régions, pour les jeunes originaires comme pour les immigrants, mais c'est de briser l'élément statique de Montréal. Et le fait de promouvoir les régions en amont du processus d'immigration est une avenue extrêmement intéressante que permet le nouveau projet de loi et sur laquelle on invite la ministre à réfléchir et on se propose pour contribuer.

M. Kotto : O.K. Combien de temps il me reste?

Le Président (M. Picard) : Trois minutes.

M. Kotto : Très bien. J'avais une dernière question. Dans votre mémoire, à la recommandation n° 3, vous invitez la ministre à initier un débat public portant sur la valeur ajoutée de l'immigration et de la diversité. C'est une magnifique invitation, et je valide la chose, parce que l'immigration et la diversité sont, disons, deux enjeux qui vont nous occuper durant, minimalement parlant, les 50 prochaines années, pas nous ici seulement, c'est partout en Occident, avec les mouvements de populations et autres, et les difficultés quant au vivre-ensemble, quand les terrains ne sont pas préparés, les territoires ne sont pas préparés, seront à gérer. Donc, c'est une initiative qui devrait être répétée à plusieurs reprises. Un peu comme on répète l'exercice aux trois ans pour fixer les seuils d'immigration, on devrait se revoir, de façon non partisane, d'ailleurs, parce qu'il en va de la cohésion sociale, il en va de la réussite, même, collective en tant que société, tous domaines confondus. Si nous négligeons cet aspect-là des défis de la diversité, que la diversité nous pose, on n'est pas sortis du bois.

Le Président (M. Picard) : Il vous reste une minute, M. le député.

M. Kotto : Les problèmes de racisme, les problèmes de discrimination, les problèmes de stigmatisation parce qu'on ignore l'autre, on vit sur la perception de l'autre sur la base de ce que nous avons intégré comme préjugés, on ne vivra jamais ensemble. Donc, c'est une invitation que j'applaudis. Si d'aventure la ministre embarque là-dedans, bien je suis...

M. Vigneault (Mathieu) : Si je peux me permettre de répondre, M. le Président, ça peut paraître une évidence parce qu'on en parle ici aujourd'hui entre nous, mais, j'ai envie de dire, comme je disais d'entrée de jeu, nous, on est... tout le monde, à Place aux jeunes, est sur le terrain, moi, en fin de semaine, je m'en vais dans ma cabane à sucre, les autres s'en vont dans leur coin de pays, on habite le terrain, nos agents habitent le terrain, en région, j'entends, et ce qu'on sent, c'est qu'il faut encore, il faut toujours vendre cette idée-là, expliquer cette idée-là que le Québec peut être mieux avec l'autre en accueillant plus la diversité. Ça peut paraître évident, mais, pour nous, quand on faisait l'exercice, on se disait : On veut passer à l'action, et c'est parfait, mais il me semble qu'il manque encore peut-être quelque chose qui ressemble à : On s'en parle puis on se l'explique entre nous, que c'est de la valeur ajoutée pure puis le Québec ne sera pas moins le Québec... le Québec rural ne sera pas moins le Québec, dans 25 ans, avec plus d'immigrants.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville.

• (16 h 50) •

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Madame monsieur, merci. Merci pour votre mémoire.

Et je vais poursuivre dans la même veine parce que j'ai raturé, j'ai souligné, j'ai trouvé que la conclusion que vous avez faite est tellement belle, et c'est tellement ça... Alors, je vais en lire un bout pour les gens qui nous écoutent puis j'ai une question à vous poser. Alors, vous nous dites : «Ainsi, on ne peut demander à un individu ou à une communauté plutôt homogène depuis 400 ans d'adopter une attitude complètement ouverte du jour au lendemain. De même, on ne peut lui demander de renoncer à ses repères socioculturels sur l'autel de l'humanisme au risque d'accélérer un mouvement d'homogénéisation lui-même en conflit direct avec l'idée d'ouverture, voire d'authenticité proposée par Charles Taylor.

«Certes, le devoir de chacun est de participer et de contribuer, à sa façon et selon ses possibilités.» Et là vous poursuivez, c'est très, très beau, mais c'est effectivement ça.

Ce que je comprends, comme j'ai peu de temps à ma disposition, ce que vous nous dites, c'est que, de un, l'immigration en région, c'est très bon. De deux... Et j'y crois, moi aussi, hein, j'y crois, parce que c'est une façon, entre autres, de protéger la langue française mais d'échanger culturellement et d'apprendre l'un de l'autre. Et vous nous dites : Il y a des efforts à faire des deux côtés, c'est ça que je comprends de votre conclusion. Tant la communauté qui accueille a des efforts à faire, mais tant la personne qui arrive, qui arrive ici et qui veut s'intégrer.

Et à cet égard, et comme, dans votre texte de conclusion, on parle de repères socioculturels, communauté homogène depuis plus de 400 ans, dans cette foulée-là, j'aimerais que vous me disiez ce que vous pensez de la pertinence, de la pertinence d'avoir le cours qui s'appelle actuellement Intégration à la société ou quelque chose comme ça, là, si je ne m'abuse, mais, enfin, un cours sur les valeurs, la culture québécoises. Est-ce que ça pourrait nous aider à atteindre cet objectif de faire en sorte que le nouvel arrivant puisse s'intégrer, puisqu'il pourrait comprendre ainsi la société dans laquelle il arrive?

M. Vigneault (Mathieu) : Bien, la réponse simple, c'est oui, on peut arrêter là.

Mme Roy (Montarville) : ...je vous laisse du temps.

M. Vigneault (Mathieu) : Mais apprendre, ça se fait, oui, dans des salles de classe, ça, c'est clair, mais, comme je disais à mes enfants, moi, je n'ai pas appris mon anglais sur les bancs d'école, il a fallu que j'aille vivre dans les communautés anglaises, puis c'est le cas pour ma collègue, puis c'est le cas pour beaucoup d'entre nous. Apprendre à comprendre, à apprécier la société québécoise, ça va se faire au contact de la société québécoise. Et d'ailleurs, quand je parlais, un peu plus tôt, de l'intégration plus rapide des immigrants en région, la démonstration de M. Bernard, elle est très économique, on ne peut pas en douter, mais ce que M. Bernard a aussi fait valoir, c'est que l'intégration, au-delà d'économique, va se faire beaucoup plus, en région, parce qu'elle oblige un contact entre l'immigrant et la communauté.

Et les cours doivent être maintenus, c'est comme l'introduction, mais on ne pourrait pas se contenter de ça parce que ce serait un travail inachevé. Oui, les cours, financés, avec les bons outils, allons-y, mais encore ça prend des gens qui sont intéressés sur les bancs d'école. Et donc, ça, je pense que, dans la déclaration d'intérêt, excusez-moi de la tautologie, là, mais il y aurait lieu de s'intéresser à l'intérêt véritable des candidats à la culture québécoise. Ça fera d'autant de personnes intéressées sur les bancs des cours et ultimement ça fera des gens qui vont aller à la rencontre des Québécois pour enrichir notre culture, ça, c'est clair.

Mme Roy (Montarville) : Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites, effectivement. Il faut avertir les gens, leur dire : Bien, si ça vous intéresse, voici comment ça se passe chez nous. Est-ce que vous venez vous embarquer avec nous? Comme ça, il y aurait une meilleure intégration.

M. Vigneault (Mathieu) : Un «nous» qui est en évolution, évidemment, là.

Mme Roy (Montarville) : «Nous», toute la gang, là, tout le monde, oui, oui, tout à fait.

M. Vigneault (Mathieu) : Un «nous» qui vous inclut déjà comme candidat, à la limite.

Mme Roy (Montarville) : Oui, oui, oui. Je vais vous poser une autre question. Si on revient à la grille de sélection, pour valoriser, pour... pas valoriser mais pour encourager l'immigration en région et dans un souci d'intégration, que diriez-vous, sur cette grille de sélection, l'idée, par exemple, d'augmenter les points pour une offre d'emploi validée mais en région? Parce qu'offre d'emploi validée, bien, on sait que c'est à Montréal, mais mettre des points lorsqu'on aurait une offre d'emploi validée en région, selon vous, est-ce que ça a du bon sens ou...

M. Vigneault (Mathieu) : Bien, non seulement ça a du bon sens, mais tantôt, quand je faisais référence à la question de la ministre à savoir comment on pourrait innover sur la planification de l'immigration, je me dis que, bon, l'article 81 permet ce genre de chose là, jusqu'à un certain point, et ce que nous, on aimerait voir, c'est qu'une partie de l'immigration et des bassins qu'on veut aller chercher soient déjà préorientés vers le Québec rural, pas des régions administratives nécessairement déjà identifiées ou taguées, excusez-moi l'expression, mais vers le Québec rural, donc, que ce soit en lien avec une volonté profonde d'un immigrant qui vient déjà d'un milieu rural dans son pays, une volonté de vouloir demeurer dans ce genre d'environnement là parce que le métier qu'il exerce et les compétences dont il dispose sont favorables aux besoins des régions du Québec. Clairement, il pourrait y avoir comme deux bassins ou, enfin, une teinte de bassin qui est prédestinée aux régions, définitivement.

Mme Roy (Montarville) : Ma question, c'était : Seriez-vous en faveur de l'idée d'augmenter les points pour une offre en région?

M. Vigneault (Mathieu) : Nécessairement, oui, nécessairement.

Mme Roy (Montarville) : Je vous remercie beaucoup pour ce qu'il y a dans ce mémoire. Merci.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et je suspends quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 55)

(Reprise à 16 h 57)

Le Président (M. Picard) : Je souhaite la bienvenue à la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je vous invite à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation, va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. Allez-y.

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

M. Forget (Stéphane) : Bonjour. Merci beaucoup, M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, le personnel. Alors, merci de nous recevoir. Stéphane Forget, je suis vice-président, Stratégie et affaires économiques, à la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je suis accompagné d'Alexandre Gagnon, directeur, Formation... Santé et sécurité au travail, à la fédération, et de M. Michel Cournoyer, qui est économiste-conseil à la fédération, spécialisé dans ces questions.

Peut-être brièvement vous rappeler qui nous sommes, en quelques mots. La fédération porte deux chapeaux. Le premier, fédération, donc, on regroupe les 143 chambres de commerce établies sur l'ensemble du territoire québécois, et nous sommes aussi, deuxième chapeau, la chambre provinciale, et à ce titre nous avons 1 100 membres corporatifs à la fédération. Donc, la force de la fédération vient de l'engagement de ses membres, qui y adhèrent, évidemment, sur une base purement volontaire, ainsi que de la mobilisation des chambres de commerce, comme je viens de le mentionner, en vue de défendre les intérêts du milieu des affaires.

La fédération et ses membres sont depuis longtemps très actifs sur les questions relatives à l'immigration et à la gestion de la diversité dans les milieux de travail. Chaque année, dans le cadre du concours Les Mercuriades de la fédération, le Mérite Maurice-Pollack souligne les actions exceptionnelles d'une entreprise en matière de gestion de la diversité ethnoculturelle. De plus, la fédération a participé aux consultations tenues en février dernier, février 2015, sur cette question. Elle participe également au comité des intervenants économiques du ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion. Par ailleurs, partout à travers le Québec, des chambres de commerce fournissent de nombreuses occasions à des entreprises de se réseauter avec des représentants d'organismes voués à l'intégration des personnes immigrantes et organisent des conférences pour leurs membres avec des experts sur le sujet.

En raison des enjeux économiques importants que soulève l'immigration, la fédération se sent fortement sollicitée par la consultation que vous menez présentement sur ce projet de loi. La FCCQ applaudit la volonté gouvernementale de faire en sorte que l'immigration contribue à la prospérité du Québec et de toutes ses régions, car celles-ci sont affectées très inégalement par le choc démographique que nous connaissons.

• (17 heures) •

L'abondance de la main-d'oeuvre a servi d'assise à l'élan de prospérité qu'a vécu le Québec depuis plusieurs décennies, mais cela, malheureusement, ne pourra plus être le cas. Même si la finalité de l'immigration n'est pas qu'économique, cette contribution dite économique est importante mais n'est toutefois possible que dans la mesure où l'immigration répond aux besoins des employeurs et que les nouveaux arrivants sont prêts à participer rapidement et activement au marché du travail là où sont les besoins.

Pour la fédération, la mise en oeuvre d'un nouveau système basé sur une déclaration d'intérêt, comme le prévoit le projet de loi, pointe, pour nous, dans la bonne direction. À nos yeux, il est urgent de moderniser les procédures de sélection et d'admission afin de réduire les délais de traitement et de mieux aligner l'immigration sur les besoins du marché du travail. Cela permettrait de mieux faire face à la concurrence que nous livrent d'autres juridictions qui ont récemment adopté un système de déclaration d'intérêt, cette procédure pourrait permettre le recrutement direct par les employeurs en plus d'accélérer le traitement des dossiers en levant l'obligation de traiter toutes les demandes d'immigration déposées selon un critère de premier arrivé, premier servi. Toutefois, des éléments clés qui conditionnent l'arrimage entre le profil de l'immigration et le besoin du marché du travail restent à préciser, notamment les critères de sélection.

La fédération considère que les résultats décevants en matière d'insertion professionnelle des personnes immigrantes s'expliquent largement par une création d'emplois globalement insuffisante et qu'à cet égard il importe de favoriser davantage la croissance économique et la prospérité du Québec à long terme à l'aide de tous les moyens dont le Québec dispose. À titre d'exemple, sur l'île de Montréal, où, comme on le sait, les immigrants sont beaucoup concentrés, environ la moitié des prestataires aptes au travail de l'aide sociale sont nés hors Canada. Cette situation est tout à fait déplorable.

Pour la fédération, le Québec a trop compté sur l'immigration économique fortement scolarisée, alors que les besoins du marché du travail pour lesquels les problèmes de recrutement se font sentir par les employeurs se situent surtout au niveau professionnel et technique, voire même au niveau des travailleurs peu qualifiés, dans certains secteurs d'activité où les conditions de travail sont difficiles. Toutefois, le profil de l'immigration et son établissement sur le territoire sont aussi largement en cause, car les difficultés d'insertion témoignent d'un arrimage déficient avec les besoins du marché du travail, notamment avec ceux des régions. Ainsi, il est aussi urgent de revoir les critères qui président à la sélection des personnes immigrantes, car la déclaration d'intérêt ne dispense pas de tels critères. Les critères qui sont retenus pour déterminer quelles candidatures seront déposées à la banque de candidats et qui sera invité par la suite ne sont pas encore connus. Il faudra s'assurer en amont que les candidats potentiels dont le profil répond aux exigences des postes offerts par les employeurs soient informés des occasions d'emploi, encouragés à déclarer leur intérêt et puissent être recrutés directement. Ainsi, des éléments clés qui conditionnent l'arrimage entre le profil de l'immigration et les besoins du marché du travail restent à préciser.

Les exigences en matière de connaissance du français ont été rehaussées en août 2013. La fédération comprend que cette mesure semble éliminer un certain nombre de candidats de qualité et souhaite que la refonte de la grille de sélection qui sera faite dans le cadre de l'application de la déclaration d'intérêt remédie à ce problème.

Nous considérons également que les conditions qui s'appliqueront au recrutement direct par des employeurs devraient faire l'objet de discussions et être souples, car il serait contre-productif si cette source de main-d'oeuvre devenait trop onéreuse à cause du fardeau administratif ou des droits qui seront imposés. L'implantation de la déclaration d'intérêt nécessitera le déploiement rapide d'un nouveau système informatique. Un des moyens de faire rapidement et à moindres coûts serait peut-être d'arrimer les systèmes du Québec avec ceux du Canada.

Par ailleurs, le projet de loi introduit un recours pour les personnes sélectionnées et clarifie la période de transition, mais il demeure muet sur le traitement des dossiers en attente, qui sont fort nombreux et qui pourraient retarder d'autant la mise en oeuvre de la déclaration d'intérêt.

Autre enjeu pour nous, le taux de rétention pour la catégorie des gens d'affaires a atteint le plancher historique de 17,5 % en 2012. Le réseautage dans la communauté d'accueil constitue, aux yeux de la fédération, l'un des moyens efficaces de favoriser l'établissement permanent au Québec et dans les régions aussi des immigrants entrepreneurs. Les chambres de commerce du Québec contribuent déjà à ce réseautage et pourraient, le cas échéant, bonifier leur offre de services à ces derniers dans le cadre d'un programme d'intégration à la communauté d'affaires locale.

De même, la FCCQ croit que le projet de loi va dans la bonne direction en favorisant plus largement le passage des immigrants temporaires au statut de résidents permanents. Une partie des besoins de main-d'oeuvre pour lesquels les entreprises connaissent de sérieuses difficultés de recrutement est comblée par l'immigration temporaire, car les besoins de main-d'oeuvre sont souvent récurrents, revenant année après année. On compte également parmi les immigrants temporaires les étudiants étrangers, que le Québec a tout intérêt à retenir, ce qui semble difficile parfois.

En outre, malgré que le Programme des travailleurs étrangers temporaires relève du gouvernement fédéral, le Québec joue un rôle crucial dans son application, notamment en produisant la liste des professions admissibles au traitement dit simplifié. Or, la confection de cette liste pose problème, car elle apparaît indûment restrictive.

Il reste toujours un besoin criant de créer un lien entre les personnes immigrantes et leur premier emploi en sol québécois. La fédération croit que la politique d'immigration peut fournir des outils indispensables pour permettre aux entreprises québécoises de tirer leur épingle du jeu dans la guerre des talents qui se livre à l'échelle mondiale. Nous sommes en compétition, à ce chapitre, avec le reste du monde, que nous le voulions ou pas.

Parallèlement, un nombre sans précédent de personnes souhaitent acquérir des expériences de travail à l'étranger. Il faut aussi saisir cette opportunité.

Ce projet de loi fait écho aux préoccupations des employeurs québécois quant à une nécessaire meilleure adéquation entre la qualification de la main-d'oeuvre et les emplois disponibles, actuels et futurs. Pour ce projet de loi, également par le projet de loi n° 70 et, nous le souhaitons et nous le verrons dans les prochaines semaines, par le projet de loi n° 86, le gouvernement envoie un message que les besoins des employeurs québécois seront plus que jamais pris en compte dans l'élaboration des politiques gouvernementales. Nous souhaitons, comme entrepreneurs, faire notre contribution. Maintenant que l'objectif et les moyens sont établis, nous invitons les membres de la commission à travailler de concert sur leur mise en oeuvre, et ce, dans les meilleurs délais. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Weil : Oui, merci, M. Forget, M. Gagnon, M. Cournoyer, merci beaucoup de votre participation, puis on a l'occasion d'échanger avec vous sur votre vision de tous ces éléments.

Merci aussi pour votre appui. Je dois vous dire qu'il y a un fort consensus parmi tout le monde, honnêtement, à peu près tout le monde sur cette orientation, qui avait déjà été évoquée avec l'ancien gouvernement, la déclaration d'intérêt, mais là on rajoute d'autres éléments. On rajoute le PEQ, qui serait à l'écart, hein, je ne sais pas si vous l'avez bien saisi, on garde le PEQ intact, contrairement au gouvernement fédéral qui a intégré le PEQ, ils n'ont plus le programme de l'expérience canadienne en tant que tel, et il y a beaucoup de commentaires dans le sens de préserver le Programme d'expérience québécoise séparé pour que ce soit fluide et rapide, etc. Et les autres éléments, c'est les projets pilotes, qui est nouveau, en tout cas d'autres éléments aussi qui touchent le Tribunal administratif du Québec. Donc, c'est tout ce qu'on fait avec ce système de déclaration d'intérêt qui est important, comment on met les acteurs en action avec nous, c'est comme ça qu'on le dit, c'est-à-dire des acteurs qui sont sur le terrain, qui sont bien branchés par rapport aux besoins.

Il y a aussi — ah oui! — le fait que... le projet de loi n° 70, avec la Commission des partenaires du marché du travail, qui pour la première fois pourra nous donner un portrait régionalisé des besoins. Ça, c'était vraiment une difficulté lors des discussions concernant la réforme du PTET avec le gouvernement fédéral, et c'était vraiment ça qui nous a motivés à travailler très fort pour avoir des portraits régionalisés, pour contrer les arguments qu'on avait de la part du gouvernement fédéral. Alors, on va être bien équipés aussi pour ce nouveau système.

• (17 h 10) •

Et, beaucoup d'acteurs, nous, on pose souvent la question aux acteurs quel serait leur rôle, comment voient-ils leur rôle dans la détermination des besoins en amont, et donc, je pense, c'est très pertinent de vous poser la question, parce que vous êtes très branchés avec les chambres de commerce et les entreprises, les employeurs partout sur le territoire. Quel rôle vous pourriez jouer pour nous permettre de bien déterminer... Parce qu'un intervenant nous a dit : Faites attention — c'est le Conseil du patronat — oui, il y a la Commission des partenaires du marché du travail, mais il faut rajouter quelques couches pour être sûrs que la liste qu'on conçoit, en fait, est vraiment la bonne liste une fois qu'on va dans les localités, et c'est là qu'il faut écouter la voix des entreprises. Alors, ça, c'est la première fois qu'on entend ça, et, parce que vous êtes là-dedans, je voulais voir votre vision des choses par rapport au rôle que vous pourriez jouer. Et là je parle juste d'en amont, on pourra parler du reste après.

M. Forget (Stéphane) : Quelques éléments. Tout d'abord, quand vous parlez du portrait régionalisé, on vient de terminer une tournée, là, de l'ensemble du Québec dans l'élaboration d'un plan d'action de développement régional, et ce qu'on s'est fait dire souvent, et je pense que c'est une réalité, l'Institut de la statistique, par exemple, fait un travail remarquable pour nous donner les données, mais derrière les données il y a des réalités, il y a des gens, il y a des histoires à raconter, et ça, c'est statistiquement difficile à voir. Donc, je pense que, dans un premier temps, une des forces des régions, c'est d'être capable d'humaniser les statistiques et d'être capable de régionaliser davantage ce qu'on a comme données, premier élément.

Deuxième élément, évidemment, vous parliez de la Commission des partenaires, une des choses qu'on a évoquées, c'est de donner davantage de responsabilités et de mieux organiser les conseils régionaux des partenaires du marché du travail. Je pense qu'il y a un meilleur équilibre à faire entre les représentants du milieu scolaire, les représentants du milieu communautaire, le milieu des affaires, qui pourraient contribuer davantage, parce que ce qu'on apprend aussi en région, c'est qu'il y a beaucoup d'entrepreneurs qui sont gênés de dire, un, qu'ils ont des enjeux de main-d'oeuvre, et, deuxièmement, ils ne veulent pas le dire parce qu'ils ne veulent pas aller voler chez son voisin, son copain qui a l'entreprise à côté ses employés, alors donc il y a un peu de gêne. Alors, il y a un travail à faire de ce côté-là.

Ce qu'on nous a aussi dit beaucoup, c'est le défi, pour les entrepreneurs, de comprendre et de voir comment ils peuvent avoir dans leurs entreprises des immigrants. Alors, le rôle, je pense, des chambres de commerce, ça va être d'accompagner davantage les entreprises et les entrepreneurs dans comment je le fais, à qui je m'adresse, quels sont les moyens; après ça, une fois que tu es intégré, comment je fonctionne. Donc, il y a un travail à faire assurément à ce titre-là.

L'autre élément, c'est par rapport aux immigrants entrepreneurs. Je vous en ai parlé brièvement tantôt, le taux de rétention est assez inquiétant. Donc, on pense que le rôle des chambres pourrait être, assurément, d'accompagner les immigrants entrepreneurs qui décident de s'établir en région avec un programme particulier, leur permettre de réseauter, de connaître le milieu, de faire des liens, de connaître des fournisseurs, de connaître les gens à la ville, etc. Donc, je pense que les chambres peuvent jouer un rôle aussi d'accompagnateur à cet égard-là.

Et l'autre élément, c'est ce qu'on a mentionné un peu plus tôt — je vais laisser peut-être Michel en dire davantage — sur la capacité des entreprises d'aller faire du recrutement plus direct dans le bassin d'immigration. Et, si on y arrive, on va permettre à des immigrants d'arriver ici avec des emplois garantis et d'être accueillis et de s'intégrer beaucoup plus rapidement à la communauté. Puis je vais laisser peut-être Michel, si vous permettez, ajouter un peu à cet égard-là.

M. Cournoyer (Michel) : Oui. Pour l'expression du besoin de main-d'oeuvre des entreprises, il n'y a rien de plus direct que de faciliter le recrutement dans la banque même des candidats. C'est la meilleure méthode pour répondre aux besoins et c'est surtout aussi la meilleure méthode pour faire que le besoin régional, le besoin en région, soit exprimé directement, parce qu'au-delà des listes qui conditionnent des poids dans une grille il n'y a rien de plus direct que de laisser l'expression des besoins... D'ailleurs, les Américains, en anglais, on appelle ça «demand-driven system», là, on pourrait traduire ça à peu près comme un système qui est axé vers la demande. Donc, le meilleur moyen de répondre aux besoins, c'est d'axer le système vers la demande et donc de permettre aux entreprises d'aller directement dans le bassin des personnes qui ont déclaré leur intérêt, et même d'aller en amont pour pouvoir encourager ces personnes-là qui répondent à des exigences d'emploi dans les régions de pouvoir déclarer leur intérêt, et d'avoir un mécanisme rapide et un mécanisme qui n'est pas non plus alourdi par des fardeaux administratifs comme on a pu le voir, par exemple, dans le Programme des travailleurs étrangers temporaires au fédéral, où des coûts de recrutement... À chaque poste, l'entreprise doit défrayer un coût de 1 000 $, par exemple, pour chaque poste, c'est sûr que ça va mettre les candidats hors de portée de la PME dans les régions. Mais il y a certainement moyen de faciliter le recrutement direct dans la banque de déclarations d'intérêt, et c'est ce qu'on préconise dans le mémoire.

Mme Weil : Vous avez parlé d'accompagnement, je pense, c'est ça que vous évoquiez, c'est que... oui, de bien connaître les besoins, les besoins très terre à terre et ciblés, avec la collaboration des entreprises, mais aussi l'accompagnement, donc un peu, genre, clés en main. Ce n'est pas juste de savoir qu'est-ce qu'on a de besoin mais ensuite l'accompagnement pour l'entreprise, ce qu'on appelle froidement gestion de la diversité, c'est un peu ça, mais aussi d'accompagner donc l'entreprise mais aussi le nouvel immigrant, là, qui arrive, un genre de... des programmes de mentorat, des programmes de ce genre pour les personnes qui arrivent dans les régions, que vous pourriez jouer un rôle dans ce sens-là. Donc, est-ce que vous trouvez que ça manque, actuellement, ces genres de programme, en région?

M. Forget (Stéphane) : Absolument, absolument. On se l'est fait dire, on a posé la question, c'était une des questions, dans les 16 régions qu'on a faites au cours des derniers mois, là, de novembre à janvier, on a posé des questions précises sur l'immigration. Je vous dirais que les chambres de commerce, sur aider l'immigrant employé directement, là, ça, ils nous disent tous : Il y a des organismes qui s'occupent de ça, ce n'est pas notre rôle à nous de faire ça. Mais, quand on parle soit de l'immigrant entrepreneur, là il semble qu'elles ont un rôle à jouer, et après ils nous disent : Oui, mais nos entreprises membres ou nos entreprises qu'on connaît ont besoin d'accompagnement, comme je le mentionnais plus tôt, puis ça va aussi loin que de dire... L'entrepreneur va dire : Qu'est-ce que je fais? Est-ce qu'il faut que je l'aide à se trouver un logement? Qu'est-ce que je fais si sa famille arrive? Alors, ils sont dépassés par moments. Donc, quand ils se sentent dépassés, bien ils préfèrent souvent faire un pas de recul puis en disant : Je vais passer mon tour puis j'attendrai une prochaine occasion.

Alors, si on est en mesure de les aider, de les accompagner, de leur construire des guides, de leur donner de l'expertise, au besoin, je pense que, là, on va contribuer à rassurer les entrepreneurs qui pourraient avoir un intérêt à accueillir chez eux des immigrants. Et surtout une réalité, c'est les besoins de main-d'oeuvre, là. Ils sont criants, là, en région, là.

Mme Weil : Bien, d'ailleurs, quand je suis allée en Beauce, qui a des besoins criants, justement, les employeurs, ils ont pris ça à leur charge, justement, parce qu'ils ne veulent pas perdre cette personne qui arrive avec un statut temporaire, hein, ils veulent les garder. Donc, il y a des histoires vraiment intéressantes de l'entrepreneur ou... c'est souvent des entrepreneurs, en fait, et ils font tout pour garder cette personne, et surtout, si c'est dans le temps de Noël, bon, d'inviter la personne chez eux, alors... Mais on voit à quel point ils ont besoin d'appui, parce que, oui, il y a des organismes, comme vous dites, mais ils ont besoin d'être guidés. Parfois, ils ont des bonnes idées, mais ils veulent juste valider que c'est la bonne approche — est-ce que ça se fait, est-ce que mes idées sont bonnes? — et les tester.

Quand j'ai parlé de tout ce qui entoure déclaration d'intérêt puis ce qui est nouveau dans ce projet de loi, il y a aussi, donc, ce transfert de... la voie rapide de l'immigration temporaire au permanent. Pour ce qui est des étudiants étrangers, des travailleurs temporaires, là aussi, quel type de rôle vous pourriez jouer à cet égard? Parce qu'il y a des étudiants étrangers un peu partout sur le territoire, et ce n'est pas que le programme ne fonctionne pas. Dans les statistiques, parmi ceux qui connaissent le programme, 30 %, c'est quand même un chiffre élevé, année après année c'est 30 %, une fois qu'ils connaissent le programme, mais c'est juste 60 % qui le connaissent, qui se disent intéressés à appliquer. Donc, on a beaucoup de travail à faire, nous, on le sait. On a Québec International, Montréal International qui nous aident. Nous, on fait la promotion, mais évidemment tout le monde pourrait faire la promotion un peu partout sur le territoire. Mais, vous, comment vous voyez ça... et les travailleurs temporaires aussi?

M. Cournoyer (Michel) : Il y a certainement... Ce qu'on nous fait valoir, il y a des employeurs qui d'eux-mêmes voudraient aller faire la promotion, et en particulier en milieu universitaire, et c'est là qu'il semble y avoir des difficultés. Est-ce que... Il y a comme une froideur ou des obstacles administratifs, on ne s'explique pas les raisons parce qu'on ne les comprend pas, ce n'est pas dit, mais il y a certainement une volonté d'investir les lieux et d'aller à la rencontre de ces étudiants-là pour les intéresser à l'emploi au Québec puis à rester au Québec.

M. Forget (Stéphane) : Et la capacité de leur parler tôt dans le processus, dès qu'ils arrivent, et de commencer à les intéresser à la suite des choses, il y a comme une zone où il semble y avoir un interdit, avant qu'ils aient terminé leur formation, de pouvoir les intéresser à une résidence permanente.

• (17 h 20) •

Mme Weil : Bien, ce qu'on me dit, puis je l'ai vécu, j'ai été invitée par des universités à faire la promotion du programme, je sais de quoi vous parlez... Par exemple, il y a quelques années, oui, en effet, c'était délicat. Ce qu'on m'expliquait, c'est que les universités ont un intérêt en soi de partage de connaissances, alors de tout ce qui gravite dans un milieu universitaire et de recherche, on cherche des étudiants étrangers tout simplement pour enrichir les connaissances. Donc, maintenant, il y a d'autres universités ailleurs dans le monde qui ont des programmes PEQ qui font la promotion même avant que les étudiants arrivent, donc là on trouve qu'il y a de l'ouverture. Et donc les universités qui permettent, les organismes, de faire la promotion du PEQ, je pense qu'on est rendus là maintenant, nous, on trouve qu'il y a de l'ouverture, mais il faudrait aussi, oui, qu'on puisse avoir cette ouverture partout.

Ce qui m'amène à la question de reconnaissance des acquis. Je ne sais pas si vous, vous avez, donc, un vécu là-dessus, mais c'est vraiment un problème, hein? Donc, c'est des gens... on n'arrive pas à avancer rapidement sur cette problématique. Et il y a certains... il y a d'autres pays qui ont fait en sorte que ça prend la reconnaissance totale des acquis avant d'être sélectionné... ou bien ils passent par le temporaire, et la personne fait ses études ici, ils ont un diplôme au Québec, donc un diplôme québécois professionnel et qui leur permet d'intégrer... Le problème des stages, ça s'applique à tout le monde, apparemment, autant les Québécois qui ont des difficultés à trouver des stages, dans certaines professions, que la personne immigrante.

Je ne sais pas si vous, vous avez un point de vue là-dessus, si vous avez vécu cet enjeu, mais il y a plusieurs façons d'y aller, là. Donc, le problème, c'est la formation et les stages, c'est là, il semblerait, que sont les obstacles. Certains ordres professionnels sont allés quand même assez loin, maintenant, et il y a des progrès, je dirais, peut-être plus dans le secteur privé que ceux qui sont attachés au régime public.

M. Forget (Stéphane) : Oui, nous avons réfléchi à cette question. Juste rapidement, avant de répondre à celle-ci, revenir à ce que nous parlions plus tôt sur les universités notamment. Ce qui m'a frappé, dans la réflexion que nous avons faite autour du projet de loi, c'est la concurrence importante entre les pays, la chasse aux talents. Donc, on est dans un univers, maintenant, où la concurrence est féroce pour attirer les talents chez nous, donc, et dans le milieu entrepreneur c'est la même chose, alors il faut être prêts à attirer ces gens-là. Donc, ça, je pense que la concurrence est un facteur qu'il ne faut surtout pas négliger.

Sur la reconnaissance, Michel...

M. Cournoyer (Michel) : Oui. Certainement, des consultations et puis des discussions qu'on a avec les membres, il y a la question de la juste mesure du phénomène de la surqualification qui fait toujours surface. Par exemple, contrairement à un mythe populaire, les employeurs ont un intérêt à faire reconnaître les compétences des immigrants, ce n'est pas le contraire. Pourquoi? Parce que ça permet d'accroître le bassin des talents disponibles, et on sait que les talents sont rares et procurent un avantage stratégique. Ça permet aussi de tirer le plein potentiel des talents à leur emploi et ça permet aussi de mettre à profit les talents qui sont à l'emploi lorsque l'entreprise exécute des contrats à l'étranger, et donc ce n'est pas pour rien que les entreprises ont toujours insisté pour, par exemple, que les ententes de commerce international aient des dispositions à l'égard de la reconnaissance mutuelle des compétences. Donc, il y a un mythe qui circule comme si les entreprises n'avaient pas un intérêt positif à l'égard de la reconnaissance des compétences, mais ce mythe-là n'est pas fondé.

En fait, il y a de nombreuses personnes, de nombreux jeunes qui sont nés, formés au Québec, qui considèrent elles-mêmes qu'elles sont surscolarisées pour l'emploi qu'elles détiennent. Un exemple, une étude récente de l'Institut de la statistique du Québec révélait qu'il y a environ 30 % de la main-d'oeuvre québécoise qui a un niveau d'éducation qui dépasse largement le niveau des exigences de l'emploi qu'ils détiennent. Cela démontre une chose importante, c'est à quel point l'adéquation formation-emploi fait défaut et qu'il s'agit bien là d'une priorité sur laquelle tous les partenaires du marché du travail sont appelés à collaborer.

Un système basé sur une déclaration d'intérêt, en favorisant le recrutement direct par les employeurs, peut permettre une meilleure adéquation entre la formation et le besoin du marché du travail. Il peut éviter l'effet néfaste de la surscolarisation.

Le Président (M. Matte) : Merci. Il ne reste seulement que 10 secondes, alors, Mme la ministre...

Mme Weil : Les projets pilotes, bien, on en reparlera une autre fois.

Le Président (M. Matte) : C'est bien. Je cède la parole au député de Bourget pour 10 min 30 s.

M. Kotto : Merci, M. le Président. M. Forget, M. Gagnon, M. Cournoyer, soyez les bienvenus, et merci pour la contribution que vous apportez à cet exercice.

Stendhal l'a bien dit, le premier génie d'un peuple, c'est sa langue. Et ça a toujours été une préoccupation sous M. Robert Bourassa, sous M. René Lévesque, et ces deux premiers ministres ont travaillé ardemment pour préserver le visage français du Québec. Nous comptons pour à peine 2 % de parlant français en Amérique du Nord aujourd'hui. Et, comme je le disais à des personnes qui vous ont précédés ici, si le Québec a été négocier les pouvoirs en matière d'immigration, c'était relativement à ce souci-là.

L'approche que nous avons aujourd'hui sur la table, sans faire de procès d'intention, en est une qui met beaucoup d'accent sur l'économique. Et je sais que la ministre est ouverte à cette question, est sensible au risque potentiel de tout circonscrire à l'économisme, parce que, si d'aventure le projet de loi était adopté comme tel, des Dany Laferrière de ce monde, on n'en aurait pas, on n'en aurait plus, au Québec, voyez-vous. C'est du talent, ça aussi, mais il n'y a pas d'employeur qui cherche, dans une approche de déclaration d'intérêt, ce genre de profil, si d'aventure le système que nous voulons mettre en place était adopté comme tel. Et ce sont ces personnes, quelque part, veux veux pas, les faits sont là pour le démontrer, qui ont été un plus pour la promotion et la défense du français au Québec.

Cela dit, jusqu'où les entrepreneurs sont-ils prêts à aller pour apporter leur contribution à la pérennité du français au Québec? On parlait de francisation dans les entreprises, mais c'est un volet qui est négligé, voire négligeable, à la lumière des résultats. On a vu ce qui s'est passé avec l'entreprise Peerless, par exemple, récemment, c'est Le Devoirqui nous rapportait l'échec dans ce sens-là. Montréal est un laboratoire bilinguisant, pardonnez-moi du néologisme. Difficile de trouver un emploi... Et hier encore, dans mon bureau de circonscription, j'ai reçu des citoyens qui avaient de la difficulté à trouver un emploi parce qu'ils ne parlaient pas anglais, pour des métiers qui n'exigeaient pas nécessairement la connaissance de l'anglais, et c'est récurrent, je pourrais donner plein d'exemples comme ça. Donc, je suis sûr que vous êtes sensibles à l'enjeu de la pérennité de la langue, mais jusqu'où les entrepreneurs, selon vos connaissances, vos données, sont-ils prêts à aller pour préserver le visage français du Québec?

• (17 h 30) •

M. Forget (Stéphane) : Bien, tout d'abord, comme vous venez de le mentionner, je veux vous rassurer, sur toutes les discussions que nous avons eues, que nous avons, que ce soit en comité, à la fédération, avec les entreprises, en région, d'où je viens de faire la tournée, en colloque, il n'y a pas d'entreprise qui remette en question l'importance que l'immigration qu'on reçoit ici puisse bien parler le français et vivre en français, je n'ai pas entendu ça dans les discussions que j'ai eues.

Cela dit, il y a une réalité sur le terrain où les entreprises qui existent, qui fonctionnent, qui veulent se développer, qui veulent contribuer au développement économique doivent avoir la main-d'oeuvre nécessaire pour être capables de bien fonctionner, et il y a un enjeu réel actuellement, avec la baisse de la démographie, où on a besoin d'aller chercher des gens pour travailler.

Alors, on est très sensibles à cette question-là et on pense que c'est important. D'ailleurs, l'une des raisons pour laquelle on suggère, dans la déclaration d'intérêt, le fait de pouvoir aller recueillir directement des gens et de leur garantir un emploi, je peux vous garantir que, si je suis un entrepreneur à Saint-Hyacinthe, et que je vais recueillir quelqu'un dans le bassin d'emploi disponible, et que je lui garantis un travail qui va respecter un certain nombre de critères, dont ceux liés à la langue, si son français n'est pas parfait, après six mois à Saint-Hyacinthe dans un emploi garanti je suis à peu près convaincu que son français va être de loin supérieur à un immigrant qui arrive ici et qui aurait le défi de débarquer à Montréal et de se trouver un emploi. Alors, je pense que, là, il y a un plus pour l'employeur et un plus, je pense, pour la société québécoise au sens large.

Autre élément, puis je laisserai Michel le donner plus en détail, mais on a regardé les statistiques et on constate que, les enjeux de francisation, chez les immigrants, quand on regarde les catégories, la sous-catégorie des travailleurs spécialisés, ceux que les employeurs ont davantage besoin pour être capables de fonctionner en entreprise, cette catégorie-là a un français très convenable à plus de 78 %. Le défi, c'est essentiellement chez les immigrants entrepreneurs, où, là, on a un déficit très important sur lequel il faut travailler, et tantôt, quand on parlait de contribuer, comme chambres de commerce, à les intégrer dans le milieu, je pense que, là, on vient de passer à une autre étape. Et évidemment il y a la catégorie des réfugiés qui aussi vient effectivement jouer, actuellement, sur les statistiques.

Donc, je pense que, quand on décortique les statistiques, on sait sur quoi il faut travailler pour répondre, justement, à ce que vous venez de mentionner, pour, évidemment, assurer le développement francophone de la société québécoise. Évidemment, là, je parle du point de vue des entrepreneurs. Vous avez raison, Dany Laferrière est extrêmement important puis... sauf que, là, moi, je vous parle des enjeux qui sont liés aux entrepreneurs. Mais, quand on regarde les catégories, on voit sur quoi il faut vraiment travailler, et on pense que ce qu'on vous propose peut certainement être un plus à ce niveau-là.

Est-ce que j'ai donné les éléments essentiels?

M. Cournoyer (Michel) : J'irais même jusqu'à dire que les données démontrent clairement qu'il n'y a pas de contradiction entre répondre aux besoins du marché du travail et favoriser la francisation, puisque les travailleurs qualifiés sont ceux qui ont le plus haut taux de francisation parmi les groupes d'immigrants. Donc, on ne la voit pas, la contradiction.

D'ailleurs, quand on fait la tournée des employeurs, la première chose qu'ils nous disent, c'est que la francisation, en particulier en région, c'est le premier facteur d'intégration. Donc, cette contradiction-là, dans les faits, on ne la voit pas, on ne l'entend pas, elle ne se vit pas.

M. Kotto : O.K. Je vais vous amener sur le territoire de l'éthique. Vous avez exprimé l'idée ou proposé l'idée d'être partie prenante de la pêche aux talents directement dans les bassins qui vous intéressent. Dans les bassins, disons, européens, par exemple, ça ne pose pas problème, mais, dans les bassins des pays en voie de développement, il y a un problème d'exode potentiel de cerveaux. Quand on va puiser dedans ou quand on fait dans la rétention d'étudiants venant de ces pays-là ici, on les prive, on prive ces pays-là de cerveaux potentiels qui peuvent contribuer à leur développement économique et social.

La France, par exemple, qui a copié sur la politique d'immigration du Québec notamment il n'y a pas si longtemps, signe des ententes avec les bassins d'immigration, et, dans ces ententes, il est concevable qu'on prenne des gens mais que la France, d'une manière autre, contribue à aider au développement de ces bassins aux plans économique et social. Est-ce qu'il n'y a pas là — là, je demande avis — un exemple à suivre comme modèle pour nous au Québec? C'est-à-dire qu'on a des bassins. Pourquoi ne nous engagerions-nous pas dans des ententes bilatérales avec les bassins... les pays, disons-le plus simplement, pour justement enrayer le sentiment d'inéquité qu'on peut créer pour ces pays-là?

Le Président (M. Matte) : Vous avez 50 secondes pour répondre à la question du député de Bourget.

M. Forget (Stéphane) : Alors, je suis très sensible à ce que vous dites. Je pense que l'enjeu principal que nous avons, c'est la concurrence et la chasse aux talents, actuellement, à travers le monde. Jusqu'où on est capables de faire des ententes bilatérales? Peut-être, mais qui d'autre qui n'aura pas signé cette entente-là va aller chercher ces spécialistes-là, ces travailleurs spécialisés là, et qui va faire en sorte qu'on va être moins concurrents? Et ça, je pense que c'est un défi, c'est un enjeu extrêmement important, c'est la capacité de le faire, mais, si on est juste deux ou trois à le faire, les autres vont continuer de faire la chasse aux talents. Tu sais, si je peux faire une analogie, qui est peut-être boiteuse, mais je vais la faire quand même, c'est l'enjeu des investissements directs étrangers où tout le monde se fait la compétition, tout le monde accorde des subventions, tout le monde fait davantage pour attirer chez soi, mais, tant qu'on ne s'assoira pas tout le monde ensemble pour dire : On arrête cette partie-là, bien il y a toujours quelqu'un qui va l'offrir. Alors, je pense que c'est un peu, malheureusement, la même réalité.

Mais, si on peut trouver une solution à cela, assurément qu'on va tous être ouverts à le faire.

Le Président (M. Matte) : Alors, je vous arrête et je cède la parole au député de Deux-Montagnes pour sept minutes.

M. Charette : C'est gentil. Merci, M. le Président. Vous comprendrez que tout est question de temps, hein, on n'a pas beaucoup de temps, malgré le caractère très intéressant de vos propos.

D'abord, merci de vous être présentés cet après-midi avec une vision, là, qui est très éclairante.

Mon collègue de Bourget a à juste titre exprimé une préoccupation réelle au niveau de la question linguistique. Au niveau des chambres de commerce, on comprend tout à fait qu'il y a aussi une préoccupation, de votre côté, entre l'adéquation entre les besoins du marché et la sélection des immigrants, donc deux défis qui sont importants. Reste à savoir comment les positionner les uns face aux autres, l'un face à l'autre.

Et, au niveau linguistique, il y a quand même des données qui sont importantes. On parle de 42 % des immigrants qui au départ ne connaissent pas ou ne maîtrisent pas le français, ce qui laisse entendre que l'autre pourcentage, 58 %, peut aussi avoir une connaissance bien, bien minimale du français. Donc, c'est une préoccupation qui est réelle, de notre côté, au niveau de la Coalition avenir Québec.

Mon collègue a fait part d'articles qui ont paru il y a quelques jours à peine dans les journaux au niveau de la francisation qui se fait en entreprise directement, et, à ce niveau-là, je serais curieux de vous entendre. Quels sont les échos que vous avez de vos membres par rapport à l'offre de services de francisation en entreprise? Est-ce que ça répond à leurs besoins? Est-ce qu'il y a des préoccupations particulières, là, qui vous sont partagées à ce niveau-là?

M. Cournoyer (Michel) : Oui. Plus particulièrement, je dirais, les gens connaissent bien l'expérience à partir du fonds du 1 % de la Commission des partenaires du marché du travail, et l'expérience est toujours très positive pour l'entreprise comme elle l'est pour les participants.

Règle générale, quelle forme ça prend? Les personnes libèrent une partie de leur temps personnel, vont demeurer sur les lieux de travail un peu plus longtemps. L'employeur libère aussi du temps de travail, les personnes sont rémunérées, et on combine ces heures-là pour des séances intensives d'apprentissage du français.

La seule contrainte, c'est que ça prend une masse assez critique à l'intérieur de l'entreprise, c'est ce qui rend l'organisation de telles sessions de formation difficile, et, s'il y avait des moyens organisationnels de faire autrement, ce serait très bien. Mais, la plupart du temps, disons qu'on n'entend que des louanges de la part autant des employés que des employeurs.

M. Charette : Vous me dites donc que l'essentiel de l'effort de francisation se fait à travers la fameuse règle du 1 % de formation, il n'y a pas d'appui ou de support qui...

M. Cournoyer (Michel) : Ce n'est pas tout à fait ça. Les programmes du fonds sont financés par les entreprises cotisantes, au fond. Donc, il y a certainement un effort de francisation qui se fait dans le 1 %, mais il n'est pas comptabilisé, en tant que tel, je ne pourrais pas vous donner les chiffres, là, mais moi, je parle plutôt, là, de programmes que la commission met de l'avant et qui visent à subventionner des entreprises pour offrir des formations à leurs employés et certains programmes qui bonifient l'aide à la formation quand il s'agit de francisation.

M. Charette : Et, lorsqu'un besoin se fait sentir, quelle est la ligne de communication ou quel est l'appui qui est assuré par le ministère? Vous parlez de la commission, c'est une chose, mais quel...

M. Cournoyer (Michel) : Oui, c'est généralement les conseillers qui sont dans les centres locaux d'emploi, dans les directions régionales d'Emploi-Québec, là, qui voient à la mise en oeuvre de ces programmes-là.

M. Charette : Et vous n'avez pas eu écho de doléances particulières suite à des coupures ou des besoins plus grands qui ne se verraient pas satisfaits avec la pratique actuelle ou comme elle se fait présentement?

M. Cournoyer (Michel) : Je vous dirais qu'en ce qui concerne la loi du 1 % la doléance est plus la loi du 1 % elle-même que les programmes qui se font.

M. Forget (Stéphane) : ...c'est ça, que les programmes qui la constituent. Mais, pour votre question spécifique, pour ma part, là, je n'ai rien entendu, là, de particulier à cet égard-là.

• (17 h 40) •

M. Charette : D'accord. C'est gentil.

Un autre défi. Au niveau des immigrants investisseurs, c'est des données qui vous sont certainement très sensibles, on a un taux de rétention, malheureusement, qui, au fil des ans, ne va pas véritablement en s'améliorant. On parle de montants très, très appréciables sur la table.

Avec l'expérience des années, quelle est l'évaluation du programme que vous en faites? Et quelle est la façon de le bonifier? Parce que, si on perd des talents, et j'aime bien l'expression que retenait mon collègue de Bourget, il y a beaucoup, beaucoup de ces immigrants qui, au fil du temps, vont retenir ou adopter une autre province que le Québec, donc le Québec devient en quelque sorte un pouvoir ou... devient la terre d'accueil dans un premier temps, mais souvent ça vient profiter aux autres provinces. Quelle est l'évaluation que vous faites du programme avec ces constats et surtout ces chiffres, qui sont tout de même fort inquiétants?

M. Forget (Stéphane) : Je vous dirais, d'abord on fait une distinction entre l'immigrant investisseur et l'immigrant entrepreneur. Bon, l'immigrant investisseur a peut-être un intérêt différent de l'immigrant entrepreneur. Nous, on constate que, pour ce qui est de l'immigrant entrepreneur, on aurait certainement des moyens, des mesures à mettre en place pour les attirer et les garder chez nous.

Cela dit, une réalité que mon collègue Alexandre nous rappelait récemment : Quel est le pourcentage des entreprises qui se créent au Québec... vivent plus de cinq ans? Lorsqu'on regarde les statistiques, on peut se demander si l'immigrant entrepreneur qui vient s'installer ici... Son taux de réussite ne sera certainement pas plus élevé, à tout le moins on peut penser qu'il ne sera pas plus élevé qu'un entrepreneur qui décide de partir en affaires ici. Donc, je pense qu'il faut, dans l'évaluation de ça, constater qu'il y a le risque, la capacité de s'installer, de bâtir une entreprise et de la faire vivre.

Alors, ça, je pense que c'est un élément qu'il faut considérer. Je ne sais pas s'il y a d'autres éléments à ajouter à cet égard-là, mais nous, on fait la distinction entre l'immigrant investisseur, qui évidemment paie un montant pour avoir accès au pays, et l'immigrant entrepreneur qui vient s'installer.

L'autre chose qu'on voit, et c'est un modèle qui nous semble intéressant à regarder, c'est celui de l'Irlande, où on a décidé de regarder nos stratégies économiques puis de dire : Nous... Je donne un exemple qui n'est pas précis, là, mais disons qu'on souhaite que... un des éléments du développement économique, chez nous, c'est le numérique, bien, quand on va faire la sélection des immigrants investisseurs ou entrepreneurs, on va avoir une attention particulière aux immigrants qui vont pouvoir arriver et se développer dans des créneaux qui sont les nôtres. Alors, ça, c'est une réflexion qui semble donner des résultats positifs en Irlande puis qui pourrait être...

Le Président (M. Matte) : Je vous invite à terminer, monsieur. Ça va? Alors, je voudrais vous remercier pour votre contribution à nos travaux.

Je suspends les travaux jusqu'à 19 h 30. Et je vous invite aussi à ramasser vos affaires personnelles parce que la salle est utilisée, ici. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 43)

(Reprise à 19 h 36)

Le Président (M. Matte) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Ce soir, nous entendons les représentants de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, par la suite l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration, et en dernier les représentants de la Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs.

Compte tenu... Est-ce qu'on va dépasser? O.K. Comme la séance a commencé un peu en retard, est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Matte) : Merci. Alors, je vous souhaite la bienvenue, aux représentants de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. Je vous invite à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Et vous avez 10 minutes pour faire un exposé, et par la suite nous allons procéder à des échanges.

Table de concertation des organismes au service des
personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)

M. Hairaud (Yann) : D'accord. Merci, M. le Président, et merci de nous accueillir au sein de cette commission. Je me présente : Yann Hairaud, donc, membre du conseil de la TCRI mais également directeur d'un organisme basé à Montréal qui s'appelle la CITIM, Clef pour l'intégration au travail des immigrants, et donc nous intervenons, comme le nom le dit très bien, au niveau de l'intégration professionnelle. Je vous présente, à ma gauche, Eva Lopez.

Mme Lopez (Eva) : Bon, Eva Lopez, directrice de l'organisme Intégration communautaire des immigrants en Chaudière-Appalaches et membre du conseil d'administration de la TCRI.

Mme Lachance (Dominique) : Dominique Lachance, directrice du Centre multiethnique de Québec et organisme membre de la TCRI.

Le Président (M. Matte) : Alors, on vous écoute.

• (19 h 40) •

M. Hairaud (Yann) : Très bien. Alors, mesdames messieurs, donc, d'entrée de jeu, la TCRI adhère à l'objectif du projet de loi n° 77. Pourquoi? Parce qu'après 30 ans il est clair qu'une modernisation de la loi s'imposait, et je pense qu'effectivement ce projet a le mérite de doter le Québec d'un cadre juridique mieux adapté à la réalité actuelle de l'immigration.

Nous accueillons également avec grande satisfaction l'inscription dans la loi de certains principes et objectifs, notamment le principe de partage de la responsabilité de l'intégration entre le nouvel arrivant mais également la société d'accueil, hein, qui faisait partie de l'énoncé politique toujours en vigueur, de 1991, et également l'objectif poursuivi de la pleine participation des personnes venues d'ailleurs à la société québécoise. En effet, pour nous, ces principes sont essentiels, car ils sont porteurs d'inclusion et de cohésion sociale pour tous les citoyens québécois, qu'ils soient nés ici ou ailleurs.

Concernant la nécessité d'un nouveau mode de sélection, tel que stipulé dans le projet de loi, on va voir à l'usage, hein? C'est sûr qu'on peut s'interroger, sachant qu'on considère, à la lumière de l'expérience, que la sélection n'est pas nécessairement une science exacte. L'approche actuelle qui repose et favorise principalement les immigrants qualifiés, de toute évidence, n'est pas nécessairement synonyme ou garante d'une intégration réussie, notamment au niveau économique et professionnel. Les taux d'activité plus faibles, chez les nouveaux arrivants, et les taux de chômage, qui peuvent être trois plus élevés que parmi les natifs, démontrent qu'effectivement ce type de modèle a certaines limites.

En matière d'immigration, un des irritants qu'on constate, c'est les délais de traitement des demandes. C'est clair que, s'il y a un aspect à régler de manière urgente, c'est toute la question des demandes, qui prennent malheureusement parfois plusieurs années avant d'obtenir une réponse, ce dans l'intérêt et le respect des personnes immigrantes, des futures personnes immigrantes, mais également je pense que ça permettrait au Québec d'avoir une force attractive beaucoup plus importante.

Nous saluons également, au fil du temps, la volonté du Québec de faciliter l'accès à la résidence permanente pour les résidents temporaires. Par contre, nous sommes d'avis que cet accès devrait être élargi au-delà des immigrants spécialisés et donc à d'autres catégories d'immigrant temporaire.

Dans cette perspective, il nous paraît également essentiel de revoir la question de l'accès aux services pour les résidents temporaires en passe de devenir résidents permanents, puisqu'actuellement les résidents temporaires n'ont accès à absolument aucun service en matière d'accueil et d'intégration. Donc, dans cette même logique, ce serait important de pouvoir leur donner l'accès à ces services.

Au-delà des considérations reliées à la sélection et à l'immigration, c'est sûr que la clé de voûte de la politique d'immigration du Québec demeure principalement en aval du processus d'immigration et donc se situe essentiellement au niveau de l'accueil et du soutien offert pour favoriser une intégration harmonieuse à la société québécoise. Or, force est de constater que globalement les résultats ne sont pas au rendez-vous et que le Québec, d'ailleurs, performe moins bien que les deux autres provinces canadiennes qui accueillent le plus d'immigrants, en l'occurrence l'Ontario et la Colombie-Britannique. Selon nous, il y a donc lieu, d'une part, dans un premier temps, de réviser le cadre financier afin de s'assurer que l'objectif poursuivi à travers les investissements consentis dans les différents programmes d'accueil et d'intégration en vertu d'un financement garanti du gouvernement fédéral, en lien avec le transfert, l'objectif de ces investissements demeure en priorité l'accueil, la francisation et l'intégration des nouveaux arrivants.

L'autre élément également qui nous apparaît essentiel, c'est de pouvoir assurer une plus grande cohérence dans les stratégies et les actions gouvernementales. En effet, dans le modèle québécois d'intégration, l'offre de services spécifiques aux personnes réfugiées et immigrantes est assez éparpillée au niveau de l'appareil gouvernemental, ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose en soi, mais par contre ça pose un certain nombre de défis. Malheureusement, parfois, il y a un manque de cohésion et de cohérence, il y a un manque de vision et, dans certains cas, une mauvaise lecture des besoins. L'absence de réel mécanisme de coordination, d'évaluation des résultats et d'imputabilité... font cruellement défaut, de telle sorte que la portée des actions demeure souvent, malheureusement, incertaine.

Et, pour terminer, de manière générale, nous considérons que le Québec aurait avantage à mieux reconnaître et soutenir les organismes communautaires d'accueil et d'intégration des nouveaux arrivants dans leur rôle de première ligne et d'accompagnement au quotidien. En effet, de plus en plus ces organismes représentent la porte d'entrée, au Québec, pour tous les nouveaux arrivants. C'est eux, effectivement, qui accompagnent le plus grand nombre de personnes réfugiées et immigrantes par année, on situe le volume annuellement à peu près à 50 000 personnes. Ce chiffre connaît d'année en année une croissance de l'ordre de 5 % à 10 %, et, malgré tout, le réseau des organismes communautaires ne reçoit qu'un maigre 8 % de l'enveloppe émanant du transfert fédéral, qui représente à l'heure actuelle 340 millions. Donc, ça, c'est un petit peu les constats globaux que l'on souhaitait faire.

Alors, dans le rapport qui a été déposé à la commission, hein, en fait, vous verrez qu'on a repris essentiellement les constats et les recommandations que nous avions déjà eu l'occasion de vous présenter l'année dernière, hein, à peu près à la même époque, c'était en février 2015. Alors, nous les avons repris, tout simplement parce que nous considérons qu'ils n'ont pas été nécessairement entendus, hein, et donc nous considérons que... et nous voulons profiter de cette tribune qui nous est à nouveau offerte pour pouvoir les ramener.

Alors, écoutez, dans le temps imparti, c'est sûr qu'on ne pourra pas passer de nouveau à travers, hein, ces différentes recommandations, mais elles sont clairement stipulées dans notre mémoire. Aujourd'hui, nous allons peut-être mettre l'accent plus spécifiquement sur toute la question de l'intégration au marché du travail, parce que c'est un élément important, l'intégration, on le sait, même si ce n'est pas le seul. Et puis également on souhaiterait aborder la question de la régionalisation, hein, de l'immigration, qui actuellement fait face à d'énormes défis.

Mme Lopez (Eva) : Et, à ce sujet-là, c'est important pour nous de vous mentionner que le ministère de l'Immigration s'est doté d'un réseau d'organismes spécialisés en régionalisation de l'immigration, et ce, depuis 18 ans. Alors, c'est un réseau d'organismes qui compte 24 organisations, quatre à Montréal comme porte d'entrée vers les régions et 20 autres organismes qui sont distribués un peu partout sur le territoire québécois. Et c'est un constat, c'est une réalité, pour nous, que de plus en plus de personnes immigrantes désirent s'informer davantage sur la régionalisation et s'installer en région, mais à condition de trouver un emploi, et on sait très bien que l'emploi est disponible partout au Québec, qu'il y a beaucoup, beaucoup de pénurie de main-d'oeuvre un peu partout et dans différents domaines et que la réponse pourrait se trouver relativement facilement à Montréal, dans des bassins qui sont méconnus mais qui sont là et avec lesquels le réseau d'organismes de régionalisation de l'immigration du Québec issu de la TCRI travaille.

Le Président (M. Matte) : C'est bien, mais... Vous avez terminé? Il vous reste quelques secondes encore.

M. Hairaud (Yann) : Quelques secondes?

Le Président (M. Matte) : 30 secondes.

M. Hairaud (Yann) : 30 secondes. Bon, ça va être extrêmement difficile de couvrir l'aspect de l'intégration au marché du travail.

Simplement, en quelques mots, c'est évident que, là encore, malgré tous les efforts consentis, les résultats ne sont malheureusement pas au rendez-vous. Et ce n'est pas faute d'avoir identifié les difficultés et même les pistes de solution, mais je pense qu'il faut effectivement avoir une approche globale qui permet d'établir un continuum de services qui va permettre effectivement aux nouveaux arrivants, finalement, de pouvoir enfin intégrer le marché du travail. Mais on pourra éventuellement rentrer dans... revenir dans le détail à travers les questions un peu plus tard. Merci.

• (19 h 50) •

Le Président (M. Matte) : Alors, je vous remercie. Nous allons débuter notre période d'échange. Mme la ministre, vous avez 16 minutes.

Mme Weil : Oui, bonjour. Alors, bienvenue, Mme Lopez, M. Hairaud, Mme Lachance. Très, très contente de vous avoir ici avec nous. Vous êtes nos grands partenaires et vous allez être nos grands partenaires dans ce grand virage.

Et donc peut-être, dans un premier temps, j'aimerais corriger des chiffres que vous avez dans votre tableau, parce que c'est aussi pour l'opposition, c'est important que les gens aient les bons chiffres concernant l'accord Canada-Québec. Alors, c'est les corrections du ministère. À votre page 43, bon, en 2012‑2013, en effet, dépenses annuelles, programme Réussir l'intégration, c'est bien 12,8; 2013‑2014, c'est 14,4, dans la colonne Dépenses annuelles; en 2014‑2015, c'est 15,3; en 2015‑2016, c'est 19,7. Et, dans votre chiffre, 320 millions, pour 2014‑2015, le total dépensé, c'est 344 millions. Les gens oublient toujours tous les ministères qui sont impliqués dans le transfert de fonds. Donc, il y a le MIDI, le ministère de l'Emploi, le ministère de l'Éducation et le ministère de la Santé. Jusqu'à présent, ça a toujours été plus, que le gouvernement du Québec dépense, le gouvernement globalement, que ce qui est transféré.

Pour ce qui est de votre rôle et comment vous concevez votre rôle dans un nouveau système de sélection et... Parce qu'on a beaucoup parlé, même les groupes juste avant vous, de l'importance de l'accompagnement. C'est sûr qu'on veut une expression un peu plus dynamique que «régionalisation de l'immigration», c'est vraiment l'immigration en région, hein? On veut amener les gens en région directement, on ne veut pas qu'ils passent nécessairement par Montréal, parce que la tâche est peut-être plus difficile, de les amener, donc les pénuries qui sont remarquées et identifiées avec la Commission des partenaires du marché du travail et d'autres acteurs du milieu, donc pour répondre à ces pénuries, mais... et qu'on amènerait les gens directement en région, mais à peu près tous les groupes ont dit : Ça prend plus que ça, ça prend vraiment un accompagnement pour que les gens restent en région. Donc, l'entreprise peut faire un petit bout, là, les élus peuvent faire un petit bout, mais les organismes communautaires peuvent faire un gros bout. Donc, c'est comment mobiliser le milieu. Et c'est sûr que la politique, oui, la politique sera rendue publique très, très bientôt, on cherche la date. Et tout ça vient compléter le grand portrait d'une immigration... une sélection plus dynamique en temps réel avec... plus de temps d'attente, les gens arriveraient rapidement, intégreraient le marché du travail rapidement.

On parle des travailleurs qualifiés. Tous les défis que vous avez pour tout ce qui est réfugiés, évidemment, ça demeure. La francisation, pour ceux qui font la francisation, évidemment, tout ça, ça demeure pour les réfugiés, le regroupement familial. Mais, pour les travailleurs qualifiés, il y a un autre parcours qu'on dessine, hein? Alors, c'est de voir le rôle, si vous avez pensé à ce nouveau système de sélection où les gens sont invités à déposer leur candidature, sont sélectionnés sur la base de leur profil, le rôle que vous pouvez jouer avec justement cette notion d'immigration en région, de les retenir en région, de les attirer en région, les accompagner en région.

Mme Lopez (Eva) : Moi, je dirais que c'est de toute évidence une réalité actuellement au Québec, la régionalisation de l'immigration. Et effectivement, le rôle des organismes spécialisés en régionalisation de l'immigration, on est incontournables, parce que c'est bien que la classe municipale décide de gérer son immigration locale, mais ce n'est pas suffisant. Et, oui, rien n'interdit ou n'empêche que différents acteurs participent au dossier, mais sans négliger l'apport des organismes communautaires qui sont sur le terrain à l'accueil, à l'accompagnement et à l'intégration socioéconomique des personnes immigrantes, parce que ce n'est pas le rôle d'une MRC ou d'une municipalité de s'occuper de ces aspects-là et ce n'est pas non plus le rôle des employeurs à le faire. Les employeurs créent des emplois, créent de l'économie, de la richesse, dans les régions et localités, mais ce n'est pas leur rôle de chercher un logement pour leurs employés. Le rôle, ça vient aux organismes, qui le font depuis plusieurs années, qui sont spécialisés dans le domaine et qui ont développé une approche particulière pour les différentes cultures qu'on côtoie. Et ça, c'est un aspect primordial.

Mme Weil : Est-ce que je pourrais vous demander, d'ailleurs... Parce qu'on n'a pas eu l'occasion d'avoir un groupe qui viendrait expliquer, justement, ce que vous faites. Dans ce détail, ce serait intéressant, là, parce qu'on a parlé d'accompagnement. Même les employeurs, bon, que ce soit par du réseautage ou du mentorat, des fois ils n'ont pas la capacité, même, de faire ça, des fois il y a des organismes communautaires qui peuvent aider aussi dans ce sens-là. On a parlé aussi de comment on crée des milieux plus accueillants, il y a des organismes communautaires qui font ça, des événements de rencontre, comme on fait la semaine des rencontres interculturelles. Mais peut-être vous pourriez décrire ce que vous faites, justement, pour accompagner les nouveaux arrivants qui arrivent dans une région.

Mme Lopez (Eva) : La première étape : sensibiliser le milieu. Sensibiliser le milieu, ça ne veut pas dire faire des fêtes et des carnavals ethniques, parce que ce n'est pas comme ça qu'on sensibilise le milieu. Il faut frapper aux portes des employeurs, leur expliquer c'est quoi, la différence entre un employé québécois et un employé issu de l'immigration, les aspects à considérer pour que ça marche, pour retenir cette main-d'oeuvre. C'est essentiel, préparer les employeurs. Ce n'est pas en créant de l'aide et en répondant avec un employé qu'on va solutionner le problème, il faut accompagner les employeurs. Et ça prend des employeurs réceptifs à cet accompagnement, c'est un incontournable si on veut maintenir la main-d'oeuvre qu'on a déplacée difficilement dans les régions, et encore plus celle qui va se déplacer par elle-même en arrivant directement de son pays.

Il y a aussi l'aspect communauté d'accueil. Il faut sensibiliser le milieu, les services de la santé, de l'éducation, de tous les réseaux qui sont possibles, dans les différentes régions, pour que tout le monde comprenne que l'arrivée de l'immigration, ça veut dire changer la couleur du visage de la région, ça veut dire accepter qu'il y a différentes façons de voir la vie, le monde, et ça, c'est un travail que les organismes de régionalisation font déjà. Par la suite, c'est accompagner l'immigrant lui-même et démystifier la communauté québécoise auprès de ces personnes-là, qui ont aussi beaucoup de préjugés par rapport à la communauté qui les accueille, et c'est naturel, c'est humain.

Alors, le danger, dans tout ça, ce n'est pas les préjugés mutuels mais ne pas savoir les gérer, et je pense que c'est important de profiter de l'expertise développée par les organismes que vous-mêmes, vous avez développés pour que le processus de régionalisation de l'immigration soit un gage de succès pour tout le monde.

Mme Weil : Et souvent c'est des gens qui seraient à Montréal, c'est ça, vous...

Mme Lopez (Eva) : Absolument, parce que, dans le réseau, la TCRI, elle regroupe 24 organismes spécialisés en régionalisation, et le travail le plus... l'essentiel du travail qu'on fait actuellement se fait avec Montréal. Il y a quatre organismes financés pour les dossiers de régionalisation avec qui nous travaillons en étroite collaboration, on est un réseau qui s'appelle le RORIQ, et c'est en provenance de Montréal, la majorité des gens régionalisés viennent de bassins de Montréal. Et toutes ces personnes-là, elles n'avaient jamais entendu de la régionalisation de l'immigration, sauf au moment où on a ouvert un dossier dans ces quatre organismes-là.

Alors, c'est très intéressant, voir qu'il faut continuer à faire la promotion de la régionalisation, parce que les employeurs sont désespérés, littéralement désespérés. Et, pour éviter les dérapages... Parce qu'on est conscients qu'il y a eu des dérapages. En réponse à un besoin de main-d'oeuvre immigrante, on s'est garroché vers Montréal, on a ramassé n'importe quoi, on les a parachutés en région, on les a fait travailler, et tout le monde est parti... ou ça a créé des problèmes qui sont très difficiles à comprendre pour la communauté locale. Dans un réseau comme le RORIQ, qui est spécialisé en régionalisation, on travaille avec coordination, on coordonne les activités autant à partir de Montréal que dans les régions, et ça marche.

Mme Weil : Et c'est de tous les profils, j'imagine, hein, c'est...

Mme Lopez (Eva) : Tous les profils, parce que...

Mme Weil : Tous les profils, c'est-à-dire le travailleur qualifié sélectionné, ça pourrait être un réfugié, ça pourrait être toutes sortes de monde, regroupement...

Mme Lopez (Eva) : Ça peut être n'importe qui en deuxième destination. Si on parle de réfugiés qui se trouvent à Montréal et qui souhaitent sortir... Parce que, contrairement à la pensée générale, beaucoup d'immigrants souhaiteraient quitter la ville de Montréal pour s'installer en région dans un milieu qui convient mieux à l'intégration familiale, et tout ça, et qui en plus a un emploi intéressant à offrir. Alors, oui, on touche toutes les clientèles, résidents permanents depuis cinq ans et moins, parce que le cadre du programme est celui-là, et ces personnes-là sont incitées à venir.

Et la plus belle des choses, c'est qu'on comprend très bien maintenant que la réponse à la régionalisation, elle est à moyen et long terme. Elle n'est pas systématique ou instantanée, elle prend un temps, mais ça nous permet de faciliter une meilleure compréhension des régions, de trouver un meilleur emploi pour les familles et de faciliter une intégration durable sur les différents territoires.

Mme Weil : Mais, dans le nouveau système... Parce que je pense que vous avez un rôle là aussi, pas juste deuxième destination mais dans le nouveau système, qui ferait en sorte que l'intégration se ferait beaucoup plus rapidement. Donc, on aurait, la vision, là, de perfection, là, c'est vraiment ce qu'on vise, c'est sûr que ce n'est pas tout le monde qui va s'intégrer bien facilement comme ça... L'idée, c'est que la personne serait sélectionnée sur la base d'un emploi qui l'attend, hein, si on veut décrire ce qu'est l'objectif, donc, comme les autres systèmes de déclaration d'intérêt. Et, dans d'autres systèmes, trois quarts de l'immigration vient de l'immigration temporaire, des étudiants étrangers, des travailleurs temporaires qui intègrent rapidement le marché du travail, mais ce que les groupes nous disaient aujourd'hui, même les employeurs, c'est que ça prend aussi l'accompagnement pour la rétention, la rétention dans les régions. Donc, la vision, c'est que les gens iraient directement en région, parce que, les régions, tous les acteurs des régions, tous les acteurs, les organismes communautaires, les élus, la Commission des partenaires du marché du travail, tout le monde, les chambres de commerce, feraient un portrait de ce dont ils ont besoin ou de ce dont la région a besoin, et le recrutement, si vous voulez, par ce nouveau système de déclaration d'intérêt, ferait en sorte qu'ils iraient chercher les gens dont ils ont besoin, basé sur des profils professionnels en demande.

Mais le commentaire qui est fait souvent : Attention, ça ne suffit pas. Ce n'est pas juste un emploi, un immigrant, ça prend un milieu accueillant, ça prend l'accompagnement en intégration, et tout ça. Alors, c'est de... Moi, je vois, là, un rôle pour les organismes communautaires. C'est des partenaires dans la réussite de l'intégration de A à Z, ce qui veut dire une rétention à long terme.

• (20 heures) •

Mme Lopez (Eva) : Je dirais qu'il faut faire très attention et être extrêmement prudent quand on parle juste des besoins des employeurs et qu'on ignore les besoins des personnes immigrantes, parce que, peu importe le document qu'on va signer, les ententes qu'on aurait avec le ministère, peu importe l'intention de la personne immigrante, ce n'est pas garanti que cette personne-là va vouloir rester dans une région X si les éléments autres que l'emploi ne sont pas au rendez-vous. Et un employeur bien préparé aussi, parce que l'employeur, il est bien content d'avoir la main-d'oeuvre pour son entreprise, mais, s'il ne comprend pas comment faire avec cet immigrant pour le retenir dans son entreprise, s'il n'est pas capable de sensibiliser son équipe, son chef syndical, s'il n'est pas capable de sensibiliser l'ensemble des employés de son entreprise, c'est sûr qu'on va avoir un échec, parce que ce n'est pas juste les besoins de l'employeur, c'est aussi les besoins et la nécessité de la personne qui arrive de socialiser et de s'intégrer convenablement à son nouveau milieu de vie.

Ça fait qu'il ne faut pas sous-estimer le fait que c'est un besoin bidirectionnel. Est-ce que je te désire, et tu as besoin de moi, et nous pouvons arrimer ça... ou c'est juste l'employeur qui est celui qui me désire mais sans m'offrir les conditions pour me garder?

M. Hairaud (Yann) : Si je peux me permettre de compléter et d'aller dans le même sens que ma collègue, effectivement, on entend la logique d'assurer au maximum l'adéquation entre des profils de compétence et des besoins dans des entreprises, c'est probablement une des clés pour faciliter l'intégration professionnelle, mais je pense que, de notre point de vue, en tout cas, réduire la politique d'immigration à une dimension de capital humain, principalement en lien avec les besoins des entreprises... je ne sais pas si c'est la voie que devrait prendre le Québec, je pense que l'immigration répond aussi à d'autres considérations beaucoup plus larges et beaucoup plus sociétales. Et donc, ce faisant, on va limiter en tout cas une bonne partie de l'immigration à la réponse à des besoins dans les entreprises, qui ne sont pas nécessairement des besoins, je veux dire, permanents. Je veux dire, on peut faire venir un immigrant parce qu'il y a un emploi dans une entreprise, et puis, au bout de six mois, un an, pour x raisons, l'emploi est aboli, et finalement on revient à la case départ.

Et ce genre d'expérience, il y en a déjà eu, hein? Ça s'est fait surtout dans le cadre, jusqu'à présent, de l'immigration temporaire, parce que c'est beaucoup plus facile à gérer, notamment d'un point de vue des processus d'immigration et des délais, mais, à notre connaissance, effectivement, les différentes expériences qui ont pu avoir lieu se sont malheureusement souvent soldées par une situation d'échec. Je me souviens, là, pour la petite anecdote, un employeur dans la région de Lanaudière qui avait besoin d'une dizaine ou d'une quinzaine de soudeurs et qui est allé les chercher directement en Amérique du Sud. Effectivement, la première phase s'est passée très rondement et avec succès. Les problèmes ont commencé à surgir quand les personnes sont arrivées au Québec, je ne me souviens plus dans quel coin de Lanaudière, parce que tous les défis de l'installation et de l'intégration se sont posés, et l'employeur, très rapidement, s'est compris débordé face à cette situation. Et donc, finalement, malheureusement je ne me souviens plus du fin mot de l'histoire, mais je pense que la plupart d'entre eux ont fini par repartir dans leur pays d'origine.

Donc, vous voyez, je pense qu'effectivement, la question du lien avec des possibilités d'emploi, il faut la considérer, mais elle ne doit pas être centrale et l'objectif principal. Je pense qu'il faut intégrer les autres aspects, parce que c'est sur les autres aspects qu'on va pouvoir, j'allais dire, permettez-moi l'expression, mais enraciner ces nouveaux citoyens québécois dans leur nouvelle société d'accueil.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Maintenant, je cède la parole au député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Alors, Mme Lopez, M. Hairaud, Mme Lachance, merci d'être là, merci pour votre contribution.

Je rebondis sur l'une de vos assertions. Mieux reconnaître les organismes qui accompagnent les nouveaux arrivants, l'exprimer tel que vous l'avez exprimé trahit sans le dire qu'il y a des problèmes. Sur quoi est basé, disons, ce commentaire ou cette assertion?

M. Hairaud (Yann) : Écoutez, depuis 1992, si ma mémoire est exacte, le ministère de l'Immigration, d'ailleurs en concertation avec le réseau des organismes, a décidé de confier les services de première ligne dans leur intégralité aux organismes, donc, autrement dit, le ministère s'est retiré des services directs pour se positionner à un niveau plus stratégique. Donc, depuis ce temps-là, si vous voulez, les organismes ont effectivement ce rôle, hein, de premier accueil. Quand on mentionnait que maintenant ils constituent la porte d'accueil, donc, c'est effectivement ce rôle qui leur est dévolu.

Bon, écoutez, je pense qu'on relève relativement bien le défi, hein, l'expertise est là depuis de nombreuses années. Maintenant, ce n'est pas sans poser de défis, notamment au niveau des ressources. Écoutez, on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a, mais c'est sûr que, si on avait un peu plus, ça permettrait probablement de pouvoir travailler dans des conditions plus idéales et plus sereines.

Je vous dirais qu'aussi, au-delà de la question des ressources, il y a, je pense, quelque chose à faire, et on a peut-être une part de responsabilité, mais je pense qu'on a besoin d'être appuyés, accompagnés là-dedans, notamment par le gouvernement, en termes de reconnaissance, parce qu'on est là, mais finalement on est un petit peu marginalisés, enfin, on n'a pas forcément... on n'est pas reconnus. Je veux dire, souvent... Ah bon? Vous faites ça? Bien, dis donc, c'est impressionnant, ce que vous faites. On ne sait pas, enfin, vous voyez, il y a quelque chose qui manque à ce niveau-là également, donc, en termes de reconnaissance.

Mme Lopez (Eva) : Et je voudrais aborder un sujet très important par rapport à la régionalisation, parce qu'on entend des rumeurs par rapport au fait que des nouveaux acteurs se réveillent, veulent faire l'immigration, et tout, et on prend des risques quand on essaie de saupoudrer des subventions, qui devraient être dirigées vers l'expertise pour la maintenir, la bonifier, permettre d'agrandir, au lieu de saupoudrer pour tenir tout le monde content ou d'essayer d'improviser la régionalisation, là, à travers différents acteurs et en coupant la tarte de telle manière et tellement mince qu'on arrive à ne pas fournir les services nécessaires et on se trouve vraiment dans des difficultés financières importantes. On souhaiterait beaucoup le continuum de services, le maintien de nos subventions et le respect des ententes d'une durée au moins d'un an, de trois ans, parce qu'actuellement on fait des ententes à neuf mois, à 12 mois, avec des difficultés, et ça, ça nous crée beaucoup de problèmes, parce que la gestion de tout ça nous empêche d'être ailleurs pour faire des choses beaucoup plus importantes. Et ça, ça serait intéressant, avoir cette certaine reconnaissance qui nous permet d'avoir une subvention qui est reconduite, qui est triennale, qui... de toute manière, le ministère connaît bien tous ces organismes, ils savent qu'ils peuvent nous confier des ententes triennales, et qu'on va pouvoir les honorer avec des actions plus concrètes et qui ne nous empêchent... qui ne nous tiennent pas prisonniers d'une gestion à chaque neuf mois mais qui nous permettent de nous épanouir dans la job qu'on doit faire en tant que partenaires directs à la mission du ministère.

M. Kotto : Parlant de maintien de subvention ou de budget, est-ce que les organismes suivants qui sont de la Capitale-Nationale, le Service d'orientation et d'intégration des immigrants, Accès Travail Portneuf et Les services de main-d'oeuvre L'Appui, font partie de votre réseau?

Mme Lopez (Eva) : Oui, absolument, ils font partie de...

M. Kotto : Oui? Est-ce que vous savez qu'ils sont sortis en conférence de presse lundi...

Mme Lopez (Eva) : Absolument, on est au courant.

M. Kotto : ...pour dénoncer la coupe de 367 000 $, budget dont ils bénéficiaient depuis 2010‑2011? Et en 2016‑2017, apparemment, ce budget est réduit à zéro. Et pourtant, de ce que je sais, c'est qu'ils travaillent en recrutement, en accompagnement pour une intégration réussie et en rétention de la population migrante, notamment celle venant de Montréal. C'est bien ça?

• (20 h 10) •

Mme Lopez (Eva) : Oui, absolument. J'ai été, là aussi, informée, on est très heureux de savoir que deux de nos partenaires, de nos membres, ils viennent de se faire annoncer par le ministère qu'il y aurait une reconduction de leur entente, qui va être négociée directement avec leur MRC, parce que les CRE ne sont plus au rendez-vous. Notamment, L'Appui de Charlevoix et Accès Travail de Portneuf, ce sont deux organismes... le ministère de l'Immigration nous a avisés aujourd'hui, cet après-midi, avant l'arrivée à notre Assemblée, que ces deux organismes-là seront reconduits via leur MRC, parce qu'il n'y a pas d'entente directe avec les CRE actuellement, et ils vont faire les ententes direct avec eux, et c'est comme un dossier réglé pour ces deux-là. Mais le SOIT de la ville de Québec n'est pas encore réglé, il est encore sur la table.

M. Kotto : Qui est un gros morceau, un grand acteur, oui.

Mme Lopez (Eva) : Un grand acteur de régionalisation de l'immigration, un grand acteur. Et, sans vouloir personnaliser la chose, mon organisme, Intégration communautaire des immigrants, en Chaudière-Appalaches, a été aussi coupé lourdement, les deux dernières années, un retrait total d'Emploi-Québec pour les services d'employabilité spécifiques aux immigrants et une coupure importante par rapport à l'accueil, l'intégration et la promotion régionale de la part du ministère.

M. Kotto : Vous ne trouvez pas ça paradoxal que, d'une part, on exprime l'idée que c'est impératif, une intégration réussie, c'est impératif, l'immigration en région, et que par la suite les premières lignes soient maintenues dans des situations de fragilité comme celles-là?

Mme Lopez (Eva) : C'est très préoccupant quand on sait qu'il y a 340 millions de dollars qui arrivent à chaque année dans des ententes triennales indexées et qui sont en provenance de l'accord Canada-Québec pour l'immigration. Ça, ça nous inquiète, parce que le réseau communautaire ne reçoit que 5 % à 8 % de cette somme, et on considère que c'est inapproprié, c'est inacceptable aussi, quand on sait que les acteurs terrain, ce sont les portes d'entrée pour les familles immigrantes qui arrivent au Québec, n'importe où au Québec. Alors, oui, c'est inquiétant, on est préoccupés. Et on souhaite qu'avec la nouvelle politique le gouvernement se penche vers la question et donne l'importance nécessaire au financement, nécessaire et incontournable, pour les organismes partenaires.

Le Président (M. Matte) : Il vous reste 1 min 15 s.

M. Kotto : Une minute. Les impacts, très rapidement, de façon sommaire, les impacts dus à, disons, cette réalité fragile à laquelle est connecté l'ensemble de ces acteurs de première ligne avec...

Mme Lopez (Eva) : L'impact direct affecte directement la personne immigrante parce que, sans les ressources nécessaires, les services, nécessairement, sont pénalisés. Ce n'est pas l'objectif qu'on a, et on essaie de ne jamais permettre que la personne immigrante soit victime de tout ça, mais, quand une équipe de travail est perturbée parce qu'ils ne savent pas s'il va pouvoir préserver la job, s'il va devoir annuler son bail, s'il a des difficultés de tout genre qui viennent avec les sources de financement qu'on a... C'est toujours précaire, c'est toujours inquiétant. Malgré le fait qu'il y a un réseau, et en étant conscients du besoin des personnes immigrantes, on essaie le plus possible de ne pas les laisser sentir cet impact.

M. Kotto : Merci.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Alors, je laisserais la parole au député de Borduas pour six minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Lopez, M. Hairaud, Mme Lachance, bonjour. Merci d'être présents à l'Assemblée nationale pour nos travaux.

D'entrée de jeu, vous avez mentionné, tout à l'heure, bon, il ne faut pas saupoudrer l'argent, il ne faut pas maintenir un réseau puis il faut faire des choix pour le gouvernement. Et, vous disiez, bon, un des rôles des employeurs, ce n'est pas dans l'intégration, eux, c'est d'offrir du travail, d'offrir des opportunités d'emploi, et on doit donner une certaine responsabilité aux MRC, aux municipalités ainsi qu'aux organismes communautaires.

Est-ce que vous trouvez que les programmes puis les ressources qui sont mises auprès des employeurs pour l'intégration devraient être supprimés?

Mme Lopez (Eva) : Non, non, non, impossible. S'il y a des services pour les employeurs, dans le cas de subventions salariales comme les PRIIME, dans le cas de subventions salariales régulières, ça ne dit pas de couper les services ou les subventions pour les employeurs. Mais il ne faut pas que les employeurs prennent à charge l'accueil et l'intégration sociale de leurs employés. L'employeur a offert un emploi, doit... il est obligé à s'organiser pour que, dans son entreprise, son entreprise elle-même soit accueillante, soit inclusive, mais, à l'extérieur des murs de l'entreprise, il y a toute une société qu'il faut accompagner, et ce n'est pas à l'employeur à faire le rôle des organismes communautaires, c'est à nous de faire, parce que nous avons développé cette expertise et nous sommes en mesure d'accompagner l'immigrant après son travail, sa famille et ses enfants.

Tout ce qui comporte la vie en région ou la vie au Québec, à Montréal ou n'importe où on soit, on a toujours besoin d'un accompagnement, un encadrement, de par les différences ethnoculturelles, de par les besoins, le manque de repères quand on arrive dans un pays, et c'est via les organismes spécialisés en immigration qu'on va pouvoir offrir un service efficace, sans pour autant couper des services pour les entreprises ou pour les municipalités et autres organisations, sans nous mettre en concurrence. Parce que le problème, actuellement, c'est qu'on est tous en concurrence. Et on coupe la tarte tellement mince, les tranches sont quasiment transparentes. Quand on saupoudre comme ça, on fait des dégâts au lieu de faire un apport positif aux régions et à l'immigration elle-même.

M. Jolin-Barrette : Donc, ce que vous nous dites, en gros, c'est que le gouvernement doit faire son lit, il doit choisir : Est-ce que je concentre mes ressources dans les organismes communautaires qui donnent des services, supposons, en région, pour les immigrants, ou je vais vers les municipalités, puis ça va être eux, nos partenaires? C'est un peu ça. Puis là vous, vous souhaitez que ce soient les organismes communautaires.

Mme Lopez (Eva) : Nous préférons que ce soient les organismes communautaires qui soient privilégiés dans l'apport économique qui doit être versé pour le maintien des services spécifiques à l'immigration. Et on considère qu'il n'y a rien qui empêche le ministère d'offrir aussi des subventions à une municipalité, pour n'importe quelle raison, via le pacte fiscal, via n'importe qui, mais l'important, c'est que le ministère prend sous son aile, si on peut dire... nous représente en tant que partenaires directs à sa mission, parce que c'est ça qu'on est, on est ses partenaires directs à la mission du ministère de l'Immigration qui est celle d'accompagner, d'accueillir, de bien intégrer et faciliter la vie des personnes immigrantes au Québec.

M. Jolin-Barrette : M. Hairaud.

M. Hairaud (Yann) : Au-delà des rôles de chacun, je pense que, comme je le mentionnais tout à l'heure, ce qui est important aussi, dans le contexte ou en tout cas dans le modèle d'intégration du Québec, compte tenu du fait qu'effectivement beaucoup d'acteurs sont sollicités, hein, on parle d'éparpillement, mais effectivement, au sein de l'appareil gouvernemental et puis également dans la société civile... Regardez, ce qu'il manque, dans ce type d'approche, à ce moment-là, et ce qui fait plutôt défaut, c'est l'absence de gestion transversale, parce que c'est sûr que, quand on agit à différents niveaux, à différents endroits et parfois de manière très limitée, hein, c'est des petits projets, des choses comme ça, ça fait en sorte qu'on y perd, en quelque sorte, en termes de cohérence. Donc, à ce moment-là, il faut effectivement avoir... il faut avoir la vision, les orientations nationales et puis effectivement s'assurer que le tout est cohérent. Et ça, actuellement, on ne le perçoit pas réellement, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup, beaucoup de choses qui se font, mais ce n'est pas forcément... On a du mal à voir l'impact, finalement, en bout de ligne.

M. Jolin-Barrette : Sur la question de la pénurie de main-d'oeuvre et des bassins de population disponibles à occuper un emploi, tout à l'heure, je pense que c'est Mme Lopez, vous avez dit : On pourrait trouver les gens à Montréal, mais ils n'ont pas entendu parler nécessairement de régionalisation, il n'y a pas nécessairement l'information, les services, pour les gens qui sont à Montréal, pour aller en région, pour faire le pont. Peut-être pas au début, vous disiez, peut-être pas à l'arrivée, mais après quelques années ce serait possible de le faire.

Je comprends par votre propos que vous voudriez qu'on mette des ressources pour dire aux immigrants qui se retrouvent à Montréal depuis quelques années, qui n'occupent pas un emploi... pour dire : Écoutez, les régions sont prêtes à vous accueillir, il y a de la disponibilité d'emploi, on va vous accompagner. C'est vers là que vous voulez qu'on se dirige.

• (20 h 20) •

Mme Lopez (Eva) : Absolument. Et au lieu de faire des missions à l'étranger et... bon, c'est très bien, les faire, on ne peut pas les couper, on peut continuer à les faire, c'est la représentation provinciale, mais je pense que c'est très important, organiser des missions de recrutement à Montréal. Notre réseau, le RORIQ, on le fait, on fait des missions de recrutement à Montréal, on regroupe des familles, des personnes. Après avoir fait la présélection, pour les candidats présélectionnés pour les entreprises, on va les amener en région, on va faire un tour des régions, on va inciter les familles à réfléchir à un projet de vie en région. C'est comme ça qu'on l'appelle, un projet de vie en région.

Alors, c'est très important qu'on soit capable de mobiliser davantage le réseau d'organismes de Montréal, par exemple, qu'ils seraient sensibilisés au fait qu'il y a un programme de régionalisation qui serait capable de faciliter l'intégration socioéconomique des immigrants dans les régions du Québec.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Je céderais la parole au député de Mercier pour trois minutes.

M. Khadir : M. le Président, je vais essayer d'en prendre juste deux, c'est-à-dire une petite question, laisser suffisamment de temps à nos invités pour répondre à ma question, pour dégager une minute, parce que je pense qu'il s'en est un peu manqué pour ma collègue de Chauveau, voilà.

Alors, vous avez spécifié que c'était nécessaire de changer un peu le cadre financier, la manière dont le 340 millions est dépensé. Combien estimez-vous, compte tenu que, je vois, depuis deux, trois ans il y a eu une augmentation de près de 30 % du nombre de personnes uniques servies par les organismes... Les budgets ont stagné, malgré les corrections que la ministre a apportées. Pourtant, la ministre a dit encore ce soir qu'elle pense que le rôle des organismes communautaires est très important, surtout en régionalisation de l'immigration. Combien est-ce qu'on a besoin? On parle de combien de millions ou de dizaines de millions supplémentaires? Soyez généreux avec ce vous pensez utile. Mettez un chiffre, parce que, là, on est là.

Mme Lopez (Eva) : Nous parlons actuellement d'entre 5 % et 8 % de cet argent qui arrive qui est dirigé vers les organismes communautaires. On pense que ce n'est pas suffisant, on pourrait...

M. Khadir : ...

Mme Lopez (Eva) : Un 10 %, un 15 %, ce serait très représentatif de l'intérêt réel de vouloir intégrer les immigrants convenablement, parce que... et surtout, surtout de garantir des ententes triennales pour tous ces organismes spécialisés en immigration. C'est des ententes triennales qui nous permettent d'aboutir à quelque chose de concret, au lieu de nous arrêter à chaque neuf mois pour repartir avec des subventions qui ne compensent pas l'effort qui est mis.

M. Khadir : Donc, je retiens deux choses : augmenter le pourcentage et, les ententes, pour plus qu'un an, quand même, parce que c'est vraiment... c'est déstructurant pour les organismes. C'est ce que je retiens.

Le Président (M. Matte) : Merci. Le temps est alloué à vous, M. le député de Mercier, vous ne pouvez pas le transférer.

M. Khadir : Je ne veux pas le transférer mais... Sur consentement, je pense que tout le monde peut le faire...

Le Président (M. Matte) : Ah! Bien là...

M. Khadir : ...parce que c'est déjà arrivé qu'on m'accorde ce privilège, alors...

Le Président (M. Matte) : Ah oui? Moi, ce qu'on me dit...

M. Khadir : Moi, je demande le consentement pour l'offrir.

Le Président (M. Matte) : Je vais me référer. Est-ce qu'on peut... Mme la députée de Chauveau, est-ce que... Il vous reste 40 secondes.

Mme Tremblay : Oh là là! O.K. Bien, on va rester sur la régionalisation. En sélectionnant selon les besoins du marché de l'emploi, je comprends que ce n'est pas la solution à tous les maux, ce que vous disiez tout à l'heure, il faut quand même de l'encadrement, tout ça, mais est-ce qu'on règle quand même une partie d'un problème? Parce qu'en ayant automatiquement un emploi j'imagine que ça aide quand même à l'insertion puis à rencontrer des gens, tout ça. Vous trouvez que c'est une bonne idée?

Mme Lopez (Eva) : Absolument. On ne peut pas le nier, l'emploi est la carotte au bout du bâton pour se régionaliser, et, si, en arrivant de son pays, il a déjà un emploi, c'est gagnant-gagnant.

Mais il ne faut pas qu'on mise seulement sur la responsabilité de l'employeur à accueillir et intégrer son immigrant mais sur la responsabilité sociale globale de s'occuper de la globalité de cette personne et de sa famille, et c'est via les organismes communautaires, en collaboration étroite avec les employeurs et le milieu, c'est une formule gagnante et c'est applicable, parce que, dans toutes les régions, on travaille quasi tout le temps en coordination, en concertation. Alors, c'est des choses qui sont faisables, on pourrait les travailler dans ce sens-là, mais ne pas dire que la personne immigrante, elle est juste...

Le Président (M. Matte) : Et je vous invite à conclure à ce moment-là.

Mme Lopez (Eva) : ...elle est strictement un employé.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Alors, je vous remercie.

Je suspends les travaux afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 20 h 24)

(Reprise à 20 h 29)

Le Président (M. Matte) : Je souhaite la bienvenue à l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration. Je vous invite à vous présenter et je vous informe que vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Alors, si vous voulez vous présenter ainsi que ceux qui vous accompagnent.

Association canadienne des conseillers
professionnels en immigration (ACCPI)

M. Jade (Dory) : Merci. Bonsoir, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. Mon nom est Dory Jade, je suis le président de l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration, et je vous remercie de nous avoir invités pour déposer un mémoire sur le projet de loi n° 77. Sont présents avec moi ce soir Mme Christine Poulin, consultante en immigration et membre du registre des consultants du Québec; à ma gauche, M. Louis-René Gagnon, professeur de droit de l'immigration au collège Saint-Laurent et qui a participé à ce mémoire comme personne-ressource. De plus, nous avons aussi d'autres membres, qui sont tous membres du registre des consultants du Québec, du comité du Québec, du chapitre du Québec, qui sont avec nous aussi ce soir.

• (20 h 30) •

L'ACCPI, c'est l'association professionnelle pancanadienne qui représente les consultants en immigration. Elle fournit des services d'information et de perfectionnement. Elle agit distinctement mais de concert avec le CRCIC, qui est l'ordre professionnel ou l'organisme de réglementation. Notre section du Québec compte la majorité des consultants réglementés et membres du registre du Québec des consultants en immigration. En annexe de notre mémoire, vous trouvez aussi des précisions concernant notre mission, la vision et les valeurs de l'association. De plus, nous avons aussi inclus dans notre mémoire, en annexe, ce que ça prend pour devenir consultant en immigration, et ce, à l'effet que n'importe qui ne peut pas s'improviser comme consultant en immigration, comme ça a été mentionné devant cette commission auparavant.

Le sujet qui préoccupe le plus nos membres, c'est le dédoublement de la réglementation de nos activités de consultant en immigration par le fédéral et le provincial. Nous sommes d'accord avec le fait d'être encadrés, le principe d'encadrement, et nous voulons nous assurer de la protection du public ainsi que de l'intégrité du système, et nous acceptons l'existence de normes d'admission à la profession, plus particulièrement, au Québec, pour la connaissance du français, ainsi qu'un examen sur la Loi de l'immigration au Québec. Toutefois, nous craignons un usage trop large du pouvoir qui est donné sous ce projet de loi, et ceci sous le chapitre VII qui... notamment sur la définition de la notion de consultant en immigration. Cette notion pourrait faire naître des conflits inutiles entre le gouvernement fédéral et la province. Nous voulons éviter d'avoir deux administrations de surveillance, cela est complexe et coûteux pour nous, pour le gouvernement et pour les contribuables. Pourquoi ne pas faire comme l'Ontario, qui a convenu une entente de délégation pour le CRCIC, pour continuer la surveillance des consultants en immigration?

Par contre, si le Québec veut absolument contrôler lui-même l'activité des consultants en immigration, il serait très pertinent de créer sous le Code des professions une 43e profession, et ce seraient les consultants en immigration. Après tout, les ingénieurs ne sont pas réglementés par le ministère des Transports, les comptables ne sont pas réglementés par le ministère des Finances, les avocats ne sont pas réglementés par le ministère de la Justice, alors pourquoi le MIDI se réserverait-il les consultants en immigration?

Nous sommes d'accord que dorénavant on puisse en appeler des décisions de refus devant le TAQ. Cependant, ce n'est pas suffisant pour trois raisons.

Premièrement, le droit d'appel devrait aussi inclure les rejets pour documents manquants ainsi que les rejets pour les documents frauduleux et falsifiés, qui incluent aussi une sanction administrative de cinq ans. Permettez-moi de vous rappeler que l'accord Canada-Québec qui a été signé en 1991 stipule que le Québec s'engage à créer des mécanismes pour pouvoir appeler de ces décisions négatives. Il ne s'agit pas juste du refus, toutes les décisions négatives.

Deuxièmement, on devrait pouvoir en appeler d'une dérogation négative. Si la ministre a des motifs raisonnables pour croire qu'une personne ne peut pas intégrer le Québec pour des raisons d'ordre public, alors je ne pense pas qu'il ne serait pas possible de mettre cette décision sous l'appréciation du tribunal.

Et, troisièmement, on s'objecte à l'impossibilité, pour un consultant, d'en appeler d'un rejet de sa demande au registre des consultants en immigration devant le TAQ. En effet, ceci ne s'applique pas quand il est en moment de suspension ou de révocation. Il peut, dans ces cas-là, aller devant le TAQ pour en appeler de la décision.

Par ailleurs, nous voudrions voir ajouté au projet de loi un article qui nous permettrait, comme consultants en immigration, pour nos clients, de se présenter devant le TAQ. Le fédéral nous permet de représenter les réfugiés devant la CISR, le plus grand tribunal au Canada... administratif au Canada.

Afin d'assurer le maintien des règles de consultation démocratiques générales, l'ACCPI croit nécessaire de conserver l'obligation de la publication préalable de tous les projets de règlement. Il faut, selon nous, retirer du projet de loi l'article 99, qui inclut plusieurs ou un nombre important de ces règlements qui ne seront pas assujettis à l'effet de prépublication.

Nous cherchons aussi une garantie de traitement équitable. De ce fait, nous voudrions vous sensibiliser au besoin de renforcement des garanties de traitement équitable de nos clients, en particulier des modifications des critères de sélection.

D'abord, la question de l'application immédiate aux demandes déjà déposées des modifications dans les règles de sélection, nous pouvons en comprendre parfois la nécessité, vu qu'il y avait des délais qui se comptaient en années. Par contre, dans un nouveau système de déclaration d'intérêt, et, nous assure-t-on, que ça va être traité dans six mois ou moins, et que tous les inventaires monstrueux n'existeraient plus, alors on se demande pourquoi maintenir cette...

Le Président (M. Matte) : Je vous invite à conclure.

M. Jade (Dory) : ... — oui — pourquoi maintenir cette clause d'application immédiate. Et, dans le même ordre d'idées, je voudrais juste aller un peu plus loin en disant : Pourquoi aussi avoir une clause de trois mois de rétroactivité qui pourrait s'appliquer aux demandes qui étaient déjà invitées par le système?

Alors, M. le Président, Mme ministre, mesdames messieurs, merci pour votre attention, et je suis prêt à prendre vos questions.

Le Président (M. Matte) : Merci. Je cède la parole à Mme la ministre pour 16 minutes.

• (20 h 40) •

Mme Weil : Oui, bonjour. Alors, merci, M. Jade, et Mme Poulin, et M. Gagnon, merci beaucoup de votre présence ici aujourd'hui. Évidemment, c'est très technique, alors on va y aller tranquillement, parce que vous avez beaucoup, beaucoup de commentaires assez techniques qui vont peut-être nous aider lorsqu'on fera l'étude article par article.

Donc, j'ai évidemment des commentaires du ministère de l'Immigration, qui a bien analysé vos recommandations. Donc, vous dites dans un premier temps, dans la page de recommandations, le dédoublement de la réglementation, qu'il y a lieu de s'inspirer de ce que s'apprête à faire le gouvernement de l'Ontario et convenir d'une délégation au CRCIC des responsabilités de surveillance de l'activité professionnelle des consultants. Bon, évidemment, c'est une question de compétence pour le Québec en vertu de l'accord Canada-Québec dans le domaine de l'immigration. Et donc il n'y a pas de réel dédoublement, les consultants sont reconnus ici s'ils appartiennent à l'organisme fédéral, le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada, et s'ils parlent français. Donc, le fédéral ne vérifie pas ces éléments-là, alors... et, s'ils connaissent l'immigration au Québec, le fédéral ne vérifie pas cela non plus. Donc, il n'y a pas de dédoublement en tant que tel, c'est juste de s'assurer qu'on respecte l'accord Canada-Québec et nos compétences par rapport... Oui?

M. Jade (Dory) : Non, mais je vous... j'attends que vous terminiez.

Mme Weil : Donc, c'est la réponse qu'on donne, il n'y a pas de dédoublement, c'est vraiment l'organisme fédéral en vertu duquel vous êtes reconnus, mais le Québec demande essentiellement la question de la langue et votre connaissance de l'immigration ici, au Québec, parce qu'on a notre propre système de sélection.

M. Jade (Dory) : Ceci est présentement...

Mme Weil : ...pas se comparer à l'Ontario dans ce sens-là.

M. Jade (Dory) : Pardon?

Mme Weil : On ne peut pas se comparer à l'Ontario, où vous dites de faire comme l'Ontario, dans ce sens-là.

M. Jade (Dory) : D'accord. Ceci se fait présentement, mais, nous, ce que nous discutons, c'est le projet de loi, qui, une fois adopté, les choses vont changer, parce qu'il y a des notions dans le projet de loi qui n'existent pas présentement dans la loi et qui ne sont pas dans les règlements. Vous avez parfaitement raison, Mme la ministre, concernant ce qui se passe maintenant, c'est juste deux autres éléments, si on veut les nommer, ou facteurs, qui est le français et la Loi de l'immigration au Québec, qu'on est tout à fait d'accord. Par contre, si on regarde le projet de loi, il inclut beaucoup plus de pouvoir au ministère pour réglementer et surveiller les consultants en immigration, et c'est ça où on propose de garder une surveillance avec un seul organisme, pour ne pas avoir un dédoublement. Ce qui est... Je suis d'accord avec les recommandations que je viens de voir, mais elles s'appliquent présentement, pas après l'adoption du présent projet de loi, si adopté tel qu'il est présenté.

Mme Weil : Dans ce cas-là, la réponse, c'est qu'il n'y a pas de nouveau pouvoir de surveillance.

M. Jade (Dory) : Pardon?

Mme Weil : Dans le projet de loi, il n'y a pas de nouveau pouvoir de surveillance, il n'y aura pas de nouveau pouvoir de surveillance. C'est les mêmes pouvoirs qui existent actuellement... prévus dans le règlement, qui étaient prévus dans le règlement.

Mme Poulin (Christine) : Si je peux me permettre, je crois qu'au niveau des libellés de certains articles il est inscrit que vous pourriez faire enquête directement chez les consultants, sans mandat, et c'est là notre inquiétude. Alors, nous avons déjà un conseil de réglementation fédéral qui nous font passer précédemment, pour être membres, un examen de français ou un examen d'anglais, étant diplômée d'université j'ai dû passer l'examen de français, mais tout ça pour vous dire qu'ils nous surveillent également. On a un code d'éthique, on vous a également... on a demandé au président de vous distribuer le document. On a de la formation en continu, que nous devons faire continuellement, à chaque année, comme tout membre du Barreau.

Alors, pour éviter le dédoublement d'une nouvelle créature provinciale qui ferait des inspections ou quoi que ce soit chez les consultants, peut-être que ce serait bon... Qu'est-ce que nous suggérons, c'est de s'assurer que le conseil de réglementation fédéral... qu'il y ait une entente avec le ministère, ou qu'on délègue au niveau provincial, là, au fédéral, pour les consultants, ou sinon de créer carrément un ordre professionnel qui est régi par la loi des professions.

Mme Weil : Bon, ce qu'on me confirme, puis je pense que vous pouvez contacter le ministère de l'Immigration, il n'y aura pas de nouveaux pouvoirs de réglementation... de nouveaux pouvoirs qui ne sont pas déjà prévus dans la réglementation. Il le confirme, mais je pense que vous pouvez avoir des échanges, parce que c'est très technique, tout ça, mais c'est pour vous rassurer. Il n'y a pas de nouveaux pouvoirs qu'ils n'ont pas déjà, surtout par rapport aux tiers.

Alors, il y a peut-être une mécompréhension, mais je ne sais pas si on veut passer tout le temps à parler de ça alors que vous pouvez facilement appeler le ministère, ils peuvent vous contacter, et vous pouvez régler tout ça.

M. Jade (Dory) : Oui, c'est correct, mais, si vous permettez de clarifier que... Le fait de faire inclure dans le projet de loi les consultants en immigration avec les catégories de consultant en immigration, ça, c'est directement... s'en va vers une réglementation professionnelle équivalente à un ordre professionnel ou à l'organisme. La façon dont le projet de loi est présenté laisse à croire que ce n'est pas ce que nous vivons maintenant en termes de réglementation qu'on va avoir après ce projet de loi, juste pour clarifier.

Mme Weil : Ce que je vais demander, je vais demander au ministère de vous contacter pour vous rassurer, puis vous allez pouvoir avoir l'échange, pour être sûrs que, l'intention, le ministère reflète bien, c'est-à-dire, votre souhait, là, qu'il n'y ait pas une double réglementation, pour que ce ne soit pas trop lourd, et donc de clarifier tout ça. Je pense, c'est la meilleure façon de régler tout ça.

M. Jade (Dory) : D'accord. Merci.

Mme Weil : Ensuite... Oui, il reste combien de temps, là, c'est ça? Parce que ça va prendre...

Le Président (M. Matte) : Vous avez du temps, Mme la ministre.

Mme Weil : D'accord. Pour ce qui est de permettre, bon, le droit d'appel au TAQ, vous dites de permettre l'appel au TAQ des décisions de refus d'examen, de rejet et de refus, y compris pour motif d'intérêt public, et ce, tant pour les demandes d'immigration que pour celles relatives aux activités des consultants; d'ajouter au projet de loi un article qui prévoit une modification aux règles du TAQ pour permettre aux consultants en immigration dûment enregistrés de comparaître pour leurs clients devant le TAQ. Ça, vous comprenez que ça relève de la ministre de la Justice et du Barreau, hein, c'est au-delà de nos compétences ici, à l'Immigration, pour représenter le client.

M. Jade (Dory) : Par contre, vous pouvez l'inclure dans la loi, et ça va devenir... Comme la loi fédérale le permet, la Loi de l'immigration au Québec peut le permettre, si vous l'ajoutez dans la loi.

Mme Weil : Donc, la loi fédérale permet donc à un consultant de représenter son client devant le Tribunal administratif.

M. Jade (Dory) : Absolument. Exactement.

Mme Weil : Très bien. Alors...

M. Jade (Dory) : Et la loi au Québec, si elle l'inclut dans cette loi-là, ceci pourrait être possible, parce que ça, ça va être dans le meilleur intérêt du public et des candidats, vu que, si un candidat est refusé ou, ce qu'on demande, s'il soit rejeté aussi, un consultant peut le représenter. En fait, devant le TAQ, je suis conscient que la majorité le savent, des organismes à but non lucratif ou d'autres personnes, d'une façon... sans avoir une rémunération, peuvent représenter quelqu'un en immigration au TAQ.

M. Gagnon (Louis-René) : Vous avez déjà dans le projet de loi actuellement une disposition qui modifie la Loi sur la justice administrative. Donc, il est possible, via la Loi sur l'immigration, de modifier la Loi sur la justice administrative, vous le faites dans ce projet de loi là. On vous demande simplement d'ajouter un autre article ou un autre alinéa aux dispositions modificatrices.

Mme Weil : On va regarder ça.

Maintenant, pour la publication, je vais vous expliquer aussi, parce qu'il a été question de ça la semaine dernière, je pense que c'était avec le Barreau canadien aussi. Donc, il est important de préciser que le nouveau règlement sur l'immigration sera prépublié à la Gazette officielle du Québec pour consultation préalable. Des exemptions de l'application des articles 8 et 17 de la Loi sur les règlements existent actuellement dans la loi, c'est les articles 3.3, alinéa deux, et 3.4, alinéa deux. Ces exemptions ont pour but de permettre un arrimage rapide aux modifications apportées par le fédéral afin d'assurer l'harmonisation des normes. Ça, vous le savez parce que vous travaillez aux deux niveaux, à quel point ça, c'est une complexité de l'immigration. Moi, j'ai été prise là-dedans, ça fait déjà quatre ans, là, que je suis en immigration, et il faut être capable d'agir vite, rapidement, sinon ça crée des torts, en fait, pour tout le monde. La plupart des règlements du gouvernement ou de ministres visés par une exemption le sont déjà dans la loi actuelle. Il y a beaucoup de gens qui ne l'ont pas vu, là, mais c'est la façon que c'est libellé, la plupart...

M. Jade (Dory) : ...pas tous.

• (20 h 50) •

Mme Weil : Donc, pour la plupart, le projet de loi n° 77 maintient le statu quo. Les nouvelles exemptions ont été ajoutées dans un souci de cohérence. Les exemptions sont les mêmes que celles prévues dans le projet de loi n° 71 qui avait été présenté par Mme De Courcy, à part celles relatives aux engagements qui étaient dans ce dernier, c'est-à-dire le projet de loi n° 71, et qui ne le sont pas dans le projet de loi n° 77.

Alors, ça, c'est pour la réglementation, vous pouvez revenir sur des questions, mais j'ai une collègue qui a une question, puis après ça, si j'ai le temps, je poserai d'autres questions.

Le Président (M. Matte) : J'inviterais la députée de Chauveau—Côte-de-Beaupré...

Une voix : Charlevoix.

Le Président (M. Matte) : Charlevoix, excuse. Je m'excuse de ce lapsus-là.

Mme Simard : Merci, M. le Président. Alors, bonsoir, messieurs. Bonsoir, madame. Je serai très brève pour permettre à ma collègue la ministre de continuer la discussion avec vous. Vous parlez être en faveur des efforts en matière de régionalisation, je suis une députée qui représente une région. Alors, vous recommandez au ministère d'identifier des avantages qui pourraient être destinés aux candidats allant en région. À quels avantages faites-vous référence?

M. Jade (Dory) : En fait, si je ne me trompe pas, c'est concernant le...

M. Gagnon (Louis-René) : C'est qu'actuellement il n'y a que deux points de différence. Pour un client qui demande à un consultant : Quels sont les avantages en matière... pour planifier, quand il faut répondre à la question 19 de la demande de certificat de sélection, à quelle région vous vous destinez, on n'a pas de motif de lui dire : C'est plus intéressant de vous destiner en région plutôt qu'à Montréal, sauf dans le cas d'offres d'emploi validées. Et, il y a quelques mois, il y avait un différentiel de quatre points entre la région de Montréal et l'extérieur, et le ministère a ramené ça à deux points.

Nous, ce qu'on suggère, c'est que dans soit les critères de sélection soit éventuellement les critères d'invitation on donne des avantages réels en termes de pointage pour inciter les gens à s'établir en région, ça, le ministère est le mieux placé pour décider, mais qu'il y ait quelque chose de concret, que dans son principal instrument pour recruter des gens il inscrive des avantages pour aller en région. Ça va permettre aux consultants de vendre... qui veulent vendre les régions à leurs clients au départ, en amont, de leur suggérer des avantages de nos régions. Voilà.

Mme Poulin (Christine) : Également, je pourrais ajouter, je travaille avec des entreprises de chez vous, et souvent c'est des multinationales qui font venir des gens de l'extérieur. Et, vu que c'est des multinationales, ça rentre sous des ententes du GATT, et, vu que les gens vont rentrer sans permis, sans... ils ne peuvent pas appliquer au PEQ après un an de travail, et ça, ça les bloque de façon... Selon leur âge, ils ne pourront pas appliquer pour obtenir...

Alors, il faudrait s'assurer que tout travailleur temporaire qui a fait au moins un an de travail, qui est un cadre, ou un spécialiste, ou un scientifique, bien, puisse déposer sa demande. C'est des gens qui veulent, ils sont déjà là, ils ont déjà un emploi.

Et souvent les entreprises multinationales, bon, elles vont avoir un permis trois ans, quatre ans, et la famille aimerait ça aussi accompagner le travailleur. Alors, si on veut s'assurer de donner une qualité de vie, bien c'est s'assurer qu'ils puissent déposer au PEQ. Ça va être majeur. Il y en a plusieurs, candidats de cette façon dans votre région aussi.

Le Président (M. Matte) : Merci. Mme la ministre, il vous reste 2 min 50 s.

Mme Weil : Il reste 2 min 50 s. Bon, c'est beaucoup d'éléments. Bon, vous parlez... L'article 54, le libellé draconien de l'article 54, je cherche mon projet de loi, là, je me demande si quelqu'un a le projet de loi, mais c'est le libellé... Non, excusez-moi, la loi actuelle. Est-ce que... L'article 54, donc, c'est la même disposition.

M. Jade (Dory) : Oui, mais, si on améliore, ça...

Mme Weil : Mais vous nous trouvez actuellement draconiens. C'est ça?

M. Jade (Dory) : Non, mais, pour l'instant, peut-être les pouvoirs ne sont pas utilisés à fond sous cet article-là, mais, si on crée des balises pour la façon dont on demande à un consultant de déposer des demandes, ce serait beaucoup mieux. Pourquoi on ne l'améliore pas? Pourquoi on devrait le laisser comme ça, aussi...

Mme Weil : Mais qu'est-ce que vous nous proposez, alors?

M. Jade (Dory) : Bien, on propose de donner dans la loi des délais raisonnables, les demandes raisonnables, parce que présentement, selon l'article, je ne l'ai pas devant moi — si vous pouvez me le lire — mais il est comme ouvert, le ministre ou la ministre peut demander toutes sortes... Pouvez-vous le lire, s'il vous plaît?

M. Gagnon (Louis-René) : Bien oui : «La personne visée à l'article 53 doit [...] fournir au ministre, au moment, dans le délai et de la façon qu'il indique, tout renseignement ou document qu'il juge pertinent.» Et le défaut de faire ça peut entraîner un rejet qui n'est pas appelable au TAQ. Alors, c'est le jeu de toutes ces affaires-là qui peut rendre ça un peu draconien.

M. Jade (Dory) : C'est tout fermé, ce... On ne peut pas aller appeler de ça. La ministre, les pouvoirs donnés à la ministre ou le ministre sont amplement ouverts, il n'y a aucune balise, et on ne peut pas aller en appeler au TAQ, c'est un rejet, selon le projet de loi qui est présentement...

Mme Poulin (Christine) : Et souvent ça peut être des gens qui ont appliqué voilà deux, trois ans ou précédemment. Alors, c'est vraiment incroyable qu'on puisse rejeter d'un coup de main comme ça, il faut s'assurer qu'au moins la personne puisse être entendue.

M. Jade (Dory) : Et ça peut être 10 ans de pratique, puis tout d'un coup quelque chose tombe, et on n'a aucun droit.

Mme Weil : Avec le nouveau système, comment vous voyez ça? Parce que, là, dans le nouveau système, par Internet, on demande à la personne : Vous pouvez envoyer votre document, il y a comme un dialogue. Là, avec le système qui est très lourd...

M. Jade (Dory) : Mais ça, ça s'applique aux consultants en immigration, ce n'est pas aux candidats.

M. Gagnon (Louis-René) : Et ça s'applique aussi aux autres catégories d'immigration, pas... Par exemple, surtout chez les gens d'affaires, ça veut dire qu'on pourrait demander à un candidat, gens d'affaires, 1 000 pages de documentation financière dans trois jours en 50 copies, et vous ne les fournissez pas, donc on vous rejette...

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie, je vous remercie. Je cède la parole au député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Mme Jade, M. Poulin, M. Gagnon, soyez les bienvenus. Heureux de vous avoir dans le cadre de cet exercice.

Je voudrais revenir sur le scénario de surveillance par le ministère des activités des consultants. Si je vous entends bien, si Québec veut s'investir là-dedans, il faut inévitablement mettre sur pied un ordre professionnel. Est-ce que vous êtes ouverts à cette idée-là?

M. Jade (Dory) : Absolument.

M. Kotto : Et, si l'idée de la surveillance s'inscrit, dans ce projet de loi, au-delà de ce qui se fait au niveau fédéral, c'est probablement parce qu'il y a des problèmes. Selon vous, y a-t-il lieu de s'inquiéter relativement aux activités de votre profession?

M. Jade (Dory) : O.K. C'est ça, la question?

M. Kotto : Oui.

• (21 heures) •

M. Jade (Dory) : Parfait. Juste peut-être donner un petit historique. Ce que vous dites pouvait être correct avant l'année 2003, O.K.? Après ça, la différence est majeure à deux niveaux.

Le premier, c'est que le gouvernement du Québec réglemente directement, via le ministère, des individus qui pratiquent une profession, alors qu'au fédéral on parle d'un organisme et d'une autoréglementation comme tous les autres ordres professionnels au pays, soit, au fédéral, comme les pilotes ou d'autres ou, au provincial, comme les avocats, les... Donc, ce n'est pas le même type de réglementation, aucunement.

De plus, le fédéral, la façon dont c'est géré maintenant par l'organisme, il y a opportunité, et présentement nous travaillons sur ça, je ne peux pas m'avancer plus en public, mais d'aller sous ce qu'on appelle... sous une loi exactement comme la loi qui a créé les barreaux à travers les provinces, comme la loi qui a créé les collèges de médecins à travers les provinces.

Donc, là où le fédéral est complètement différent d'où est-ce qu'est le Québec, en termes de réglementation. On parle d'autoréglementation. Ces gens-là paient les frais, se voient responsables, sont redevables et vont payer des amendes, et ainsi peuvent être révoqués et/ou suspendus, mais c'est autoréglementé, c'est un organisme séparé du gouvernement. Ce n'est pas Immigration Canada et Citoyenneté... maintenant c'est... et Réfugiés qui réglemente ces individus-là comme dans le cas où le Québec, le ministère de l'Immigration, réglemente les consultants en immigration.

Ça peut aussi soulever des points en disant : Oh! il y a un conflit d'intérêts. À titre d'exemple, si je suis avocat, je représente un même client, en termes... en langage facile, je peux aller au fond pour le défendre. Le consultant en immigration doit penser deux fois, parce que c'est la même entité qui le réglemente. Oui, on peut nous dire : Ah! à l'interne c'est séparé, mais ça soulève des questions. Est-ce qu'on peut aller au fond des choses quand nous sommes réglementés de cette façon?

M. Kotto : O.K., mais, pour être constructifs, si vous aviez, de votre perspective des choses, un choix à faire, l'occasion est belle. Nous sommes en train de réviser une loi qui date de 1968, il faut la moderniser parce qu'on a le souci d'amener... de la mettre en phase avec le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui et les enjeux liés à l'immigration, la gestion de la diversité, le vivre-ensemble qui pose problème, les préoccupations qu'on aura avec le nouveau système de la déclaration d'intérêt vu que le ministère se réserve un droit discrétionnaire pour cibler des bassins, cibler des individus, etc. Votre rôle va être à l'avant-plan, parce que je suis persuadé, je l'anticipe, qu'il y aura beaucoup de frustrations. L'idée, la démarche n'est pas mauvaise en soi, mais, comme tout projet de loi, il y a toujours espace à perfectionnement.

Dans le meilleur des scénarios, compte tenu de la place que vous allez occuper sur l'échiquier de cette loi, si adoptée, est-ce que la mise sur pied de l'ordre professionnel de consultants est le meilleur scénario possible pour à la fois... disons, être davantage redevables au Québec sur une base légale? La reddition, s'il y a lieu, évidemment, ça se ferait à l'intérieur de l'ordre, mais l'ordre aurait des comptes à rendre à la population.

M. Jade (Dory) : Absolument. Et pourquoi d'autres professionnels qui... Quelques-uns, on entend parler ou on voit à la télévision, peuvent ternir d'une façon ou d'une autre une réputation, c'est la même chose dans tous les ordres. L'ordre professionnel a des lois à suivre. Il y a des individus qui font partie de l'ordre qui, oui, peuvent ne pas être conformes ou créer des situations inconfortables, mais c'est un ou des individus, mais c'est une petite minorité, alors que l'ordre, en soi, c'est un ordre professionnel, il est régi par des lois, il est redevable à la société et il est redevable au Québec en entier.

Si vraiment le Québec tient à réglementer ces gens-là, il faut les réglementer comme il faut, leur donner ce choix d'ordre professionnel.

M. Kotto : Merci. Merci beaucoup.

M. Jade (Dory) : Merci.

Le Président (M. Matte) : M. le député de Bourget, il vous reste deux minutes.

M. Kotto : Non, c'est bon, j'avais terminé. Merci.

Le Président (M. Matte) : C'est bien? Merci. J'invite le député de Borduas à prendre la parole pour six minutes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. Jade, Mme Poulin, M. Gagnon, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale.

D'entrée de jeu, je voudrais savoir... Ma compréhension, pour être membre... en fait pour être consultant en immigration, donc, vous devez devenir membre du Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada. Il s'agit d'un organisme à but non lucratif, mandaté par une loi du gouvernement fédéral, qui dit : Pour être consultant en immigration, vous devez être, un, soit avocat; b, soit notaire; trois, soit membre du Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada. C'est ça?

M. Jade (Dory) : Exactement.

M. Jolin-Barrette : O.K. Ensuite, pour devenir consultant, si vous n'êtes pas avocat ou notaire, vous devez passer un examen ou un programme de formation.

M. Jade (Dory) : Programme de formation, examen, langue, comme un ordre professionnel.

M. Jolin-Barrette : O.K. Ce programme...

M. Jade (Dory) : Et payer les cotisations annuelles.

M. Jolin-Barrette : Oui, ça, on ne s'en sauve pas.

M. Jade (Dory) : Non, mais juste pour donner que c'est autofinancé.

M. Jolin-Barrette : O.K. Le programme d'études pour devenir consultant en immigration, en quoi consiste-t-il?

M. Jade (Dory) : O.K., bien, moi, ce que je vais faire, c'est qu'à part que j'ai monté un programme et j'ai contribué à un programme au complet, je suis aussi enseignant au collège Saint-Laurent avec M. Louis-René Gagnon, qui donne d'autres cours, mais il consiste à donner un cours complet de 500 et quelques heures pour avoir une A.E.C. et il contient toutes les lois en immigration, au fédéral, Québec ainsi que les autres provinces.

M. Jolin-Barrette : Donc, 500 heures, et par la suite il y a un examen sur la connaissance de la législation.

M. Jade (Dory) : Exactement.

M. Gagnon (Louis-René) : Puis il y a un autre examen. Pour les gens qui veulent pratiquer au Québec, il y a un second examen qui est administré par le ministère, qui porte sur les lois québécoises, l'accord Canada-Québec, les questions constitutionnelles. Donc, les gens qui exercent au Québec ont deux examens à passer, en plus des examens que l'on donne dans nos cours.

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis, parmi les consultants en immigration, c'est quoi, le ratio des gens qui ont une A.E.C. versus ceux qui sont membres du Barreau ou membres de la Chambre des notaires?

M. Gagnon (Louis-René) : Les membres du Barreau et de la Chambre des notaires ne sont pas des consultants, ils sont exemptés de... Donc, ils ne sont pas membres, là, ils ne sont pas consultants.

M. Jolin-Barrette : Mais dans l'industrie, dans l'industrie. Qui exercent les fonctions de...

M. Jade (Dory) : Pouvez-vous répéter la question?

M. Jolin-Barrette : En fait, je voudrais savoir, les membres du Barreau, les membres de la Chambre des notaires versus les gens qui sont membres du Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada, comment ça se répartit, pour les gens qui exercent dans ce domaine-là. Est-ce que vous avez un aperçu quantitatif du nombre de personnes? Exemple, est-ce que vous avez... Supposons qu'il y a 2 000 personnes qui pratiquent dans ce domaine-là. Est-ce que c'est 1 500 avocats, 500 consultants?

M. Jade (Dory) : Vous parlez du nombre.

M. Jolin-Barrette : Du nombre, oui.

M. Jade (Dory) : Bon, le nombre que...

M. Jolin-Barrette : Pour le Québec, pour le Québec.

M. Jade (Dory) : Au Québec?

M. Jolin-Barrette : Pour le Québec. Bien, pour...

M. Jade (Dory) : Au Québec, c'est difficile, mais je sais qu'au Québec...

M. Jolin-Barrette : Mais peut-être... Je vais juste préciser ma question : Pour les gens qui sollicitent des... ou qui offrent des services à des gens qui veulent immigrer au Québec, que ce soit à l'étranger ou que ce soit sur le territoire québécois.

M. Jade (Dory) : Bon, on va aller avec les chiffres qui sont avancés par le ministère. Si je ne me trompe pas, la semaine passée, le ministère a avancé 391 consultants qui sont enregistrés au Québec. Donc, c'est ça, le chiffre.

Pour les avocats, nous, on ne peut pas le savoir, c'est le ministère qui va vous donner l'information, parce qu'eux, ils savent combien d'avocats représentent à l'interne.

M. Jolin-Barrette : Et le membership, dans votre association, comment il est réparti entre avocats versus consultants en immigration?

M. Jade (Dory) : Il y en a... Oui, oui, c'est ouvert.

Mme Poulin (Christine) : ...seulement des...

M. Jade (Dory) : Nous, notre association est en grande majorité... Parce que les membres qui votent sont des membres qui sont juste des consultants, O.K.? Par contre, les avocats qui sont membres avec nous, qui ne sont pas nombreux au Québec, ne peuvent pas voter, donc c'est juste, qu'on appelle, des membres associés.

M. Jolin-Barrette : O.K. Et là vous voulez conférer, dans le fond, le pouvoir aux consultants en immigration qui sont non membres du Barreau de faire de la représentation devant le TAQ, devant le Tribunal administratif du Québec.

M. Jade (Dory) : Exact. Pour l'immigration.

M. Jolin-Barrette : O.K. Et vous dites : On devrait créer un ordre professionnel pour les consultants en immigration.

M. Jade (Dory) : Si le Québec tient à les réglementer selon le projet de loi, c'est la meilleure façon, comme ça on leur donne un ordre professionnel.

M. Jolin-Barrette : O.K., mais l'objectif derrière un ordre professionnel, généralement, c'est la protection du public.

M. Jade (Dory) : Absolument.

M. Jolin-Barrette : Donc, vous, vous dites : Pour les immigrants, pour les gens qui veulent immigrer au Québec, ils seraient davantage protégés en ayant un ordre professionnel.

M. Jade (Dory) : Je ne dis pas qu'ils seraient ou ne seraient pas. Moi, ce que je dis, c'est que, si vous voulez réglementer une profession, il faut que ce soit un ordre professionnel, comme toutes les autres professions. Il n'y en a pas une autre, profession, qui est réglementée par le même ministère avec qui ils travaillent. Et j'ai donné trois exemples simples : les avocats, ce n'est pas le ministère de la Justice, les ingénieurs, ce n'est pas le ministère du Transport, ainsi que les autres professionnels, comme les comptables, ce n'est pas le ministère des Finances qui les réglemente. Ils ont un ordre professionnel qui protège le public selon des lois qui ont été votées et approuvées par l'Assemblée nationale, et ces ordres professionnels fonctionnent de cette façon.

• (21 h 10) •

Mme Poulin (Christine) : Si je peux ajouter que nous sommes une association... Nous sommes des partenaires du ministère. Par contre, il y a des représentants non autorisés un peu partout, et c'est ça qui, quand même, peut donner une mauvaise image. Nous, au niveau fédéral, au niveau provincial, on est bien encadrés, mais partout qu'est-ce qui se passe... Même je pourrais donner des exemples tragiques, même sur la rue Jarry on peut retrouver des faux consultants. Et c'est là qu'il faut se réveiller, on se comprend

Les avocats en immigration, c'est des gens qui ont fait leur Barreau, mais ils n'ont pas fait 500 heures sur la Loi de l'immigration non plus. Nous, on a une spécialité vraiment, on a étudié, le programme a été inventé et il est donné au collège Vanier, au collège Saint-Laurent, au collège LaSalle. Ça nous donne vraiment une... pas une perfection, mais on a vraiment une connaissance poussée. Et c'est pour ça qu'on veut s'assurer que les gens qui exercent donnent un bon service à la population...

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie.

Mme Poulin (Christine) : ...mais que la population sache aussi que c'est garanti.

Le Président (M. Matte) : Merci. Maintenant, j'invite le député de Mercier pour les trois prochaines minutes.

M. Khadir : J'aimerais vous entendre un peu, justement, sur les problèmes qui surviennent et les moyens qu'il y a de prévenir les dommages ou réduire l'impact, justement, de tous ces consultants qui se disent consultants sans les compétences et qui s'improvisent consultants sur le territoire du Québec. C'est sûr qu'on peut rarement y faire quelque chose à l'extérieur, si c'est en Iran, en Afrique du nord ou à Singapour, mais au moins au Québec, un.

De deux, vous avez déploré un certain arbitraire dans l'imprécision qui est dans la loi sur les documents que le ministère peut vous demander à vous de fournir pour vos clients ou directement aux clients, ce qui viendrait alourdir en fait la charge et rendre, disons, le traitement des dossiers simplement impossible. Puis il me semble que vous avez aussi ajouté que le ministère se donne le droit de vous demander, disons, en appui à vos qualifications, les mêmes choses que... Enfin, il y a un arbitraire dans ce qu'il peut vous réclamer.

J'aimerais que vous donniez un peu plus d'information et comment vous verriez, disons, à mieux encadrer ça. Ce serait quoi, par exemple, les balises que vous recommanderiez?

M. Jade (Dory) : Bon, ça prend plus que trois minutes, mais on va faire vite.

La première chose, le gouvernement fédéral a déjà passé un amendement sur la loi de l'immigration et a rendu la pratique de représentants non autorisés, qu'on appelle — ce n'est pas un consultant en soi, c'est un représentant non autorisé — criminelle. O.K.? Donc, en partant, ces gens-là peuvent être sous le Code criminel. Donc, ça, ce n'est pas à nous, comme membres, d'aller les poursuivre, mais que c'est dans la loi. C'est les corps... soit l'Agence de services frontaliers ou d'autres qui sont responsables, quand c'est une loi, ce n'est pas à nous.

La deuxième chose : Pour le Québec, le Québec certainement a fait du progrès en disant : Bon, les gens qui communiquent avec moi sont juste les représentants autorisés. Donc, si vous êtes sur ses listes de représentants autorisés, vous pouvez représenter devant moi, je ne prendrai pas d'autre service.

Par contre, dans la pratique, je suis obligé de donner un exemple qui arrive maintenant... Vous avez tous certainement entendu parler de Mon projet Québec. Ce système-là qui a été créé n'a pas prévu au début... après ça, ça a été... on tente de le corriger, mais n'a pas prévu une représentation...

Le Président (M. Matte) : Je vous invite à conclure.

M. Jade (Dory) : Oh mon Dieu! Ça va vite! Donc, ça a laissé tout ça ouvert au public, tout le monde peut déposer des demandes. À ce moment-là, les représentants non autorisés sont là de partout, parce qu'il n'y a pas un filtre que les représentants autorisés peuvent offrir.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie.

M. Jade (Dory) : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Matte) : Je suspends les travaux afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 21 h 14)

(Reprise à 21 h 17)

Le Président (M. Matte) : Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs. Je vous invite à vous présenter et je vous informe que vous avez 10 minutes pour pouvoir procéder à un exposé.

Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs

M. Mandeng (Samuel Erve) : Je vous remercie, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. Je m'appelle Samuel Erve Mandeng, je suis le secrétaire de la table ronde de l'histoire des Noirs. Je suis accompagné de M. Lawrence Kitoko, membre du C.A.

La Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs est une organisation sans but lucratif créée afin de promouvoir les activités relatives aux différents aspects de l'histoire des communautés noires.

Nous sommes très heureux de savoir que le projet de loi vise, je cite, «à favoriser, par un engagement collectif et individuel, la pleine participation des personnes immigrantes à la société québécoise afin qu'elles contribuent, notamment, à la prospérité du Québec, à son rayonnement international et à la vitalité du français». Nous pouvons croire que ceci augure peut-être et enfin un espoir pour les communautés issues de l'immigration en général et des communautés noires en particulier.

• (21 h 20) •

Il est important de faire un état des lieux. Les communautés noires sont celles qui demeurent et qui détiennent le record des diplômes élevés et malheureusement celles qui sont frappées par le plus grand taux de chômage. Le profilage racial, la discrimination et le décrochage scolaire, chez nos jeunes, sont légion, ainsi les chiffres et la réalité parlent d'eux-mêmes.

Pourtant, nous serions tentés de demander à qui la faute et de vouloir pointer le doigt accusateur sur peut-être la précédente Loi de l'immigration, vieille de plus de 47 ans et qui n'avait peut-être pas associé les acteurs comme nous; peut-être les programmes inadéquats ou le système pas suffisamment mature pour accepter les immigrants issus des communautés noires; peut-être le concept Expérience québécoise, même si c'est dans un domaine contraire à nos compétences, sans oublier les longues procédures des ordres professionnels; peut-être et enfin à notre éducation et héritage colonialiste, qui nous a formatés à chercher les diplômes à tout prix, et l'État se chargera de nous trouver un emploi, créant ainsi une dépendance et des attentes démesurées vis-à-vis de notre société d'accueil. Néanmoins, je pourrais répondre par un proverbe de Confucius, qui disait, je cite : «À chaque fois que vous pointez du doigt la responsabilité sur un autre, vous êtes trois fois responsable de ce qui vous arrive.» Au vu de ce qui précède, soyez rassurés que la faute ne revient à personne ou, si vous voulez, à nous tous.

Le comité, nos recommandations vont sur la création du CIDI, ce comité des immigrants et de la diversité inclusive qui aura pour mandat d'accompagner les immigrants vers le processus général de leur intégration, de son intégration professionnelle, académique et sociale. Il sera, bien sûr, en collaboration avec une autre structure, le PIPIEQ, le programme d'intégration professionnelle des immigrants de l'Expérience québécoise, et le PIPOI, le programme d'insertion professionnelle des ouvriers immigrants. Quand vous allez dans le schéma à la page 9, vous voyez clairement que le CIDI et le PIPIEQ sont des organisations qui réduisent de manière considérable le nombre de mois d'intégration au Québec. Vous avez la réalité qui est de 64 mois au maximum et de 39 mois au minimum, figure 1, et la figure 2 vous présente qu'avec ces deux organisations nous pouvons réduire de manière considérable et de moitié, de 22 et de 14 mois maximum.

Nous nous penchons sur six points pour avoir une approche... sur six points : comme forme de recommandation, avoir une approche pour encourager et orienter les entrepreneurs et les travailleurs immigrants vers les opportunités recensées dans les autres régions du Québec; uniformiser, réduire de six à 12 mois maximum les délais de traitement des dossiers pour tous les pays demandeurs; analyser dans la niche des personnes en situation irrégulière — et je parle des réfugiés comme les précédents qui étaient là — pour détecter et recenser certainement les compétences et expériences de ceux-ci; proposer l'ajout de deux autres catégories de travailleurs immigrants qui sont les ouvriers certifiés ou qualifiés et les simples ouvriers, pour satisfaire le besoin des entreprises en manufacture; redynamiser en nombre et en qualité le programme entrepreneurs immigrants pour le programme entrepreneurs émergents afin d'intéresser les personnes qui ont soit un projet innovateur soit une réalisation innovante; faire une proposition plus concrète sur la stratégie de la francisation, qui, selon nous, selon la réalité, devrait s'orienter vers les acquis comme ceux des pays qui parlent en majorité le français.

En conclusion, cette présentation n'a pas pour objectif d'indexer qui que ce soit mais vient juste présenter les faits et les réalités sous un autre angle — figure 1. Notre présence parmi vous est un témoignage que les communautés noires veulent faire partie intégrante des solutions. Les communautés noires sont parmi celles qui subissent plusieurs conjugaisons de discriminations au quotidien, dont le dénominateur commun est la couleur de leur peau, c'est-à-dire noire. Nous croyons que le Québec demeure la meilleure destination pour tout travailleur immigrant compétent dans le monde et continuera à se hisser au haut du tableau par des réformes SMART pour cette loi. Un célèbre proverbe bantou dit : «Un doigt ne lave pas tout un visage.» À travers cette invitation, la table ronde reconnaît une opportunité de faire partie de la main, car nous sommes tous égaux par nos différences; tous égaux selon la charte sur les droits de liberté du Québec, bien que différents par le langage et la culture; tous égaux par la loi, bien que différents par les principes et les règles individuels; tous égaux, mesdames messieurs, par notre terre d'accueil, le Québec, bien que différents par nos terres de provenance. Je vous remercie.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Alors, maintenant, je céderais la parole à Mme la ministre pour 16 minutes.

Mme Weil : Oui. Bienvenue, M. Mandeng et M. Kitoko. Ce que je vais essayer de faire, on va essayer de retrouver les éléments dans le trajet que vous prévoyez pour une meilleure sélection de ce que vous appelez les ouvriers qualifiés ou des travailleurs... donc, vous voyez, un peu des deux catégories. Vous allez un peu sur le parcours, reconnaissance des diplômes, admission à l'ordre professionnel, etc., donc on peut regarder ça, mais je veux aussi qu'on parle beaucoup de cet aspect de l'intégration. On en a beaucoup parlé lors de la consultation sur la politique, on va avoir des stratégies d'action qu'on va annoncer sous peu, puis c'est là tout le travail qu'on a à faire. Et je suis très intéressée à vous parler de ça parce que tout ce que vous dites est vrai, dans le sens qu'on le remarque, je rencontre beaucoup, beaucoup les communautés africaines, et, comme vous dites, ils sont très qualifiés, ils parlent un français impeccable, tout ce qu'on veut, tout ce qu'on veut. Et donc comment fait-on pour mieux accompagner à l'emploi?

Donc, le nouveau système, c'est pour l'avenir, mais il y a tellement de personnes qu'on a sélectionnées ces dernières années, qui sont tellement compétentes, qu'il faut trouver une voie de passage. Et vous faites bien de souligner, dans le projet de loi n° 77, le vocabulaire, les expressions qui parlent de cette pleine participation, mais ça va être beaucoup plus dans les actions qu'on va prendre et la stratégie d'action qu'on va adopter, et c'est là qu'on aura beaucoup besoin de votre contribution. Et ça, ça va se faire sur plusieurs années.

Mais la communauté noire... les communautés noires, parce qu'il y en a plusieurs, c'est une préoccupation, je vous dirais, de premier ordre pour nous tous. On en a beaucoup parlé lors de... Vous étiez présents, vous étiez représentés, la Table du Mois de l'histoire des Noirs. On a parlé de ces problèmes même de deuxième, troisième génération aussi, donc qu'il faut s'adresser à ça, mais, parlant de l'immigration et des nouveaux arrivants, tous ces gens bourrés de talent qu'on voudrait retrouver au sein de notre marché du travail, il faut faire quelque chose.

Alors, commençons par les deux trajets, là, pour mieux expliquer, parce que j'essaie de trouver des filons que je pourrais reconnaître en vertu de ce qu'on a dans notre projet de loi, c'est-à-dire le passage de l'Expérience québécoise à l'immigration permanente, donc des travailleurs qualifiés temporaires et des étudiants. Comment vous voyez ça?

Puis, moi, ce que je vois dans vos diagrammes, c'est beaucoup d'accompagnement aussi pour leur permettre de suivre ce cheminement. On peut commencer par votre processus... bon, le processus actuel et ensuite le processus amélioré, peut-être m'expliquer un peu les deux voies pour les ouvriers qualifiés, certifiés et les travailleurs qualifiés. On commencerait peut-être avec les travailleurs qualifiés, m'expliquer un peu ce que vous voyez ici qui serait différent de ce qu'on fait actuellement ou de ce qu'on propose.

• (21 h 30) •

M. Mandeng (Samuel Erve) : O.K., merci. Je vais commencer.

D'abord, nous avons fait une analyse dans notre communauté, et on s'est rendu compte qu'il y avait un cancer qui risque de se développer parce que, lorsqu'on recense un médecin et un infirmier, on les met tous dans une même catégorie, ou un maçon ou un ingénieur, on les met tous dans une même catégorie de travailleurs. Ils n'ont pas les mêmes objectifs. Quittant de leur pays d'origine, c'est des gens qui avaient déjà en majorité, je parle des ingénieurs ou des médecins... qui avaient déjà une situation et des charges. Alors, lorsqu'ils reviennent ici, il est facile pour une infirmière ou un maçon de recommencer, parce qu'on sait que dans certains pays ce ne sont pas des travaux qui sont suffisamment bien rémunérés, or ce sont des travaux qui sont suffisamment valorisés de ce côté. Donc, pour eux, il est très facile de pouvoir s'intégrer.

Alors, lorsqu'on parle au niveau du schéma, le schéma du processus actuel, permettez-moi de vous dire que nous avons réduit suffisamment, de 18 mois, de 18 mois le processus d'immigration. Or, il va souvent à plus de cinq... trois ans, quatre ans. Ça veut dire qu'on peut ajouter... on a au moins... Si on ajoute 24 mois au-dessus, donc, ça veut dire que ça va...

Alors, si on prend le 18 mois, qui est la réalité dans le site d'Emploi-Québec... dans le site d'Immigration Québec, on se rend compte que l'immigrant fait 18 mois, et puis il a un mois dans les formalités administratives et toute séance d'information, et il a six mois de période de recherche d'emploi au maximum, il a six mois de période, alors... Et, lorsqu'il se rend compte, dans les six mois, qu'il faudrait plutôt déposer ses diplômes, il les dépose et un maximum il va dans la gauche, vers la gauche, emploi, au niveau 16. Vous trouvez qu'il trouve un emploi tout simplement pour trouver, parce qu'il se dit : Il faudrait avoir une expérience québécoise. Et généralement, pourquoi on a dit : Il y a une durée de 16 mois, parce que généralement la plupart de ces emplois, comme expérience québécoise, finissent par mettre l'immigrant dans un engrenage où il ne peut plus s'en sortir, et c'est la raison pour laquelle il préfère rester 16 mois, le temps d'être qualifié pour le chômage. Et puis, créer une situation pour ressortir, vous voyez la flèche qui dit «contraintes des ordres professionnels», il se rend compte que maintenant il a un problème d'ordre professionnel. Il va revenir vers la flèche pour faire maintenant une formation de 18 mois, et puis il va faire trois mois de recherche d'emploi, puis il viendra vers l'emploi. On va retrouver que ça fera 48 mois.

Or, quand vous prenez l'autre côté, l'autre côté qui est le côté d'ordre professionnel, où quelqu'un se rend compte qu'il faudrait aller dans les ordres professionnels, la demande des ordres professionnels, c'est pratiquement six mois. Et vous redescendez, il doit faire des examens, il doit revenir faire l'école, vous vous retrouvez pratiquement à 51 mois. Et, s'il faudrait ajouter les autres 24 mois que je n'ai pas considérés au niveau du processus, ça fait un peu lourd.

Et, lorsqu'on considère cette nouvelle procédure, on s'est rendu compte que... Je peux vous dire que moi, j'ai testé ce programme. Moi, j'ai deux ans au Canada, depuis le 22 janvier 2014, je suis coordonnateur du programme Intégration Jeunesse avec La Ligue des Noirs. En neuf mois, j'ai pu m'intégrer mais parce que, le système, j'ai pu créer un système pour ne pas écouter tout le monde, pour dire : O.K., qui je suis? Où je vais? Où j'étais? Alors, qu'est-ce que je veux? Est-ce que c'est l'argent qui m'intéresse? Est-ce que c'est les conditions de travail qui m'intéressent? Et je l'ai fait, aujourd'hui je suis là-bas.

Alors, j'ai réfléchi, je me suis dit : Mais il y a plusieurs d'entre nous, plusieurs immigrants qui arrivent mais qui sont influencés par leurs familles, qui sont influencés par des personnes qui les accueillent. Alors, il est très démesuré... Moi, j'ai rencontré certaines gens de la communauté. Quand j'ai dit : Moi, je vais dans la communauté, je le faisais déjà dans mon pays d'origine, je vais travailler dans la communauté, on dit : Mais toi, tu ne peux pas faire le travail d'entrepôt comme nous tous, tout le monde le fait? Et c'est très démesuré et ça crée des conflits.

Or, s'il y avait quelqu'un qui m'accueillait, et avec qui j'étais responsable déjà du début du processus, et qui me demandait : Mais, Samuel, où es-tu?, ça pourrait contribuer à me permettre de pouvoir mieux m'intégrer.

C'est la raison pour laquelle nous avons divisé les ouvriers qualifiés. Ce sont ceux qu'on va appeler, les infirmiers ou peut-être les maçons... ceux qui ont une qualification par rapport à un marché de production, de production. N'oublions pas, nous le savons tous, que le Québec a un problème de production. Les Noirs ou les immigrants vont vers ces entreprises justement pour chercher l'expérience québécoise, et, dès qu'ils ont fait six mois... Et tout le monde le sait, ça se dit tout haut dans ces entrepôts, on le sait tout de suite, que les Africains, là, ils ne vont pas durer, parce qu'ils sont très intelligents, ils sont très... ils sont surqualifiés. Et on est parfois obligés de faire semblant comme si c'est ça qu'on veut, mais ça, c'est mentir à la société, c'est mentir à la société.

Et autre chose, c'est qu'il ne faudrait pas qu'on croie que c'est une faveur qu'on donne à l'immigrant, de venir au Québec. Non, c'est une relation gagnant-gagnant.

Je laisse la parole à mon collaborateur, M. Kitoko, qui va aussi enrichir, madame, dans ce sens, si vous permettez.

M. Kitoko-Lubula (Lawrence) : Je vais rebondir à ce que mon collègue vient de dire ici, c'est un rapport gagnant-gagnant, dans le sens... La plupart des immigrants, quand ils viennent ici, immigrants noirs, la majorité sont des immigrants qualifiés, ils viennent avec un bagage assez conséquent pour enrichir le Québec. Moi, je parle du cas que j'ai vécu moi-même. Je viens de la Belgique. En 2009... non, 2007‑2008, il y avait encore la délégation à Bruxelles, où Mme Bourgeois, elle me disait : Lorsque vous allez au Québec, venez enrichir le Québec, pas être un numéro en plus. J'ai un bac en physiothérapie et j'ai une maîtrise en santé publique. En venant ici, tous mes diplômes n'ont pas été reconnus à leur juste valeur. J'ai dû me retrouver du jour au lendemain, après six mois au Canada, au bien-être social. C'était un choc pour moi et ma famille et parce que ma femme était enceinte, nous avons deux enfants.

Avec le programme que nous proposons ici, on pourrait aider les immigrants. Lorsqu'ils arrivent, même avant qu'ils arrivent ici, ils savent à quoi s'en tenir pour le Québec. Parce que souvent on nous vend le Québec, on nous vend le Canada, dans nos pays d'origine, comme si c'était l'eldorado, on va ramasser tout en arrivant. Ce n'est pas le cas. Il y a beaucoup, beaucoup de gens qui se raccrochent au bien-être social, ils ne veulent pas quitter le bien-être social parce que les diplômes ne sont pas reconnus, ils n'ont pas les qualifications, ils n'ont pas le temps, parce que la famille étant, pour aller de l'avant.

Donc, nous, nous pensons, en mettant ce comité de CIDI en place, ça pourrait aider les immigrants, en arrivant ici, à intégrer vite le marché de l'emploi, parce qu'un immigrant qui ne travaille pas coûte à la société. Lorsqu'on regarde un peu le rapport... le taux de chômage, aujourd'hui, le taux de chômage de la communauté immigrante noire est supérieur à la moyenne. Je ne pense pas que vous faites venir des immigrants qualifiés pour leur faire... payer le chômage ou le bien-être social. Nous pensons qu'aujourd'hui un immigrant qualifié pourrait contribuer à l'économie sociale, il pourrait contribuer à la nation québécoise.

Mme Weil : Donc, ce comité d'accompagnement dont vous parlez... Parce que la réalité que vous décrivez, je la rencontre souvent et j'en parle beaucoup avec la communauté, toutes les communautés africaines, et puis ils sont tous très qualifiés, puis c'est crève-coeur, et, comme vous, des diplômes et tellement d'attentes. Alors, c'est tout ça qu'on veut changer. Puis c'est pour ça qu'on a commencé avec une commission parlementaire où on s'est parlé très ouvertement, les échanges entre tous les élus, tous les parlementaires, on s'est dit les vraies choses, et les témoins sont venus dire les vraies choses. Donc, on veut faire en sorte que les gens n'aient pas... On a parlé du rêve brisé, là, mais vous l'avez vécu, ça, justement, vous et votre famille. On fait en sorte que, non, les gens sachent d'avance à quoi s'en tenir.

Donc, pour la reconnaissance, premièrement, reconnaissance des acquis et des diplômes, tout ça se ferait avant même que la personne arrive. S'il y a impossibilité de reconnaître — ça, c'est une possibilité — donc soit une reconnaissance totale ou partielle, mais le partiel exigerait aussi qu'on puisse dire exactement le parcours que la personne doit suivre, et c'est l'ordre professionnel ou le métier réglementé qui devrait donner exactement le chemin que la personne devrait suivre, avant que la personne arrive, et que la personne verrait si, oui ou non, c'est possible.

Ensuite, qu'il y ait un parcours déterminé, disons, que... Parce qu'on l'a entendu, certains organismes qui sont venus nous dire : Des fois, ça prend juste une formation d'appoint, mais au Québec, actuellement, il y a un problème de formation d'appoint et de stage, problème de formation d'appoint dans les universités, il n'y a pas de disponibilité, problème de stage. Même les Québécois d'origine ont des problèmes actuellement. Donc, il y a beaucoup de travail à faire à cet égard.

Alors là, il y a aussi cette option d'un transfert latéral. Il y a des projets, d'ailleurs, je pense, c'est Québec International qui nous en a parlé, c'est que vous pouvez opter... Donc, on voit votre formation, c'est une formation qui est très, très intéressante pour nous, vous n'êtes pas encore ici, mais vous êtes possiblement un candidat. Êtes-vous prêt à faire une formation qui ferait en sorte que... Par exemple, un médecin, il y avait un projet pilote avec l'agence, et là le projet continue, qui permet à un médecin de choisir peut-être d'aller en administration parce qu'il n'y a pas, par exemple, d'ouverture ou il ne pourra pas être reconnu.

Est-ce que c'est un peu ce genre d'accompagnement dont vous parlez mais avec des gens qui connaîtraient bien le genre d'expériences que vous avez eues et un comité, donc, que vous appelez un comité des immigrants de la diversité inclusive, qui pourrait vraiment accompagner pour donner un peu l'expérience que vous avez vécue, des conseils et un accompagnement à tous égards?

• (21 h 40) •

M. Mandeng (Samuel Erve) : Oui, je pourrais me permettre, oui, c'est presque ça, parce que, je vous le dis, si quelqu'un... Je n'ai pas reçu un coup de fil, depuis que je suis venu au Québec, quelqu'un me demande... le MIDI me demande ou les responsables d'immigration me demandent : Mais comment ça va, Samuel? Est-ce que ça va? Est-ce que la famille est intégrée? Ça pourrait me faire chaud au coeur, vous voyez. Mais c'est ça, justement. Il faudrait, ce système, qu'il prend en compte en avant et qu'il prend... qu'il peut donner des consultations en avant, d'orientation, mais, lorsque la personne entre à l'aéroport, à Trudeau, il est pris en charge partiellement, il est pris moralement en charge, ce n'est pas une charge financière, mais moralement en charge, il y a quelqu'un qui est là pour lui dire : O.K., voilà... Même si c'est que sa famille est là, peut-être une connaissance est là, mais qu'il sache qu'il n'est pas sous la responsabilité de la famille, c'est enlever cette responsabilité-là à des connaissances.

Plusieurs personnes sont désorientées par les personnes qui les accueillent. Il y a un proverbe qui dit que vous êtes l'image de la personne qui vous informe, et c'est ça, le problème. Il faudrait que les gens aillent faire des formations. Par exemple, nous demandons qu'il faudrait l'information, nous devons imposer les informations... les formalités administratives... non, les séances d'information obligatoires. Pourquoi? Il y a plusieurs immigrants qui ne suivent pas ça...

Le Président (M. Matte) : Je vous invite à conclure.

M. Mandeng (Samuel Erve) : ...parce que la personne leur dit : O.K., bien, ce n'est pas important, c'est l'emploi qui est important. Non. Moi, je le dis, ça, aux immigrants, c'est l'information extraordinaire qui vous permet de pouvoir réussir.

Le Président (M. Matte) : Je vous remercie. Je cède la parole au député de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Je laisse monsieur terminer sa phrase. Allez-y.

M. Mandeng (Samuel Erve) : Oui. Je dirais, c'est l'information extraordinaire qui vous permet de réussir. C'est-à-dire que le système me donne une information ordinaire, et la personne qui m'a reçu me donne l'extra, et c'est les deux qui me font réussir. Mais les gens se cramponnent sur l'extra, et d'autres se cramponnent sur l'ordinaire, et ça ne fait pas un succès. Alors, il faut matcher les deux. Avec ce programme, on matche les deux pour que, même si tu reçois quelqu'un, ça puisse aider.

M. Kotto : Merci, M. Mandeng, M. Kitoko. Merci d'être là et de témoigner même sur la base d'histoires de cheminement, de parcours personnel.

Ce qui est intrigant, c'est de vous voir mettre sur la table une proposition d'un organisme qui pourrait spécifiquement encadrer les immigrants de la minorité visible à laquelle nous appartenons. Je ne peux pas m'en cacher, je suis en conflit d'intérêts, M. le Président.

Le Président (M. Matte) : On le constate aussi, hein?

M. Kotto : Est-ce que vous avez eu connaissance de l'existence d'organismes d'accompagnement à Montréal, dans la région de Montréal, ou ailleurs au Québec qui travaillent pour l'intégration ou pour faciliter l'intégration aux immigrants venus de partout à travers le monde?

M. Kitoko-Lubula (Lawrence) : Oui, ça existe, ces organismes-là. Je pourrais citer Hirondelle, il y a le ROMEL, il y en a plusieurs qui existent pour encadrer les immigrants.

Mais, quand on regarde les chiffres, après avoir constaté que ça existe, on constate qu'il y a quelque chose qui ne marche pas. On ne peut pas avoir autant d'organismes qui encadrent les immigrants d'une manière générale qu'à la fin la communauté noire a un taux de chômage aussi élevé mais ayant des personnes qualifiées. Pour nous, on pense qu'il y a quelque chose qui manque à ce niveau-là, d'où nous proposons un comité qui pourrait encadrer toute la communauté immigrante mais plus spécifiquement notre communauté, parce que nous souffrons de cela encore.

M. Mandeng (Samuel Erve) : Aussi, je peux compléter pour dire : Le but n'est pas d'arracher, comme quelqu'un disait, la tarte aux autres, non, il s'agit de coordonner les informations, il s'agit de coordonner les informations, il s'agit de coordonner les efforts tous ensemble. Ils font déjà un travail remarquable, pour certains, oui, mais, il ne faut pas s'en cacher, les chiffres parlent d'eux-mêmes, il y a... Einstein disait qu'il n'y a que les personnes insensées qui font les mêmes choses tout le temps et espèrent un résultat différent. Ne soyons pas ceux-là. J'espère que... Je ne tire pas sur quelqu'un, mais je dis : Ne soyons pas ceux-là.

Il y a la réalité qui est là, et cette réalité, c'est tout simplement une coordination d'information. Lorsque les gens arrivent à une coordination, une contextualisation, je peux me permettre ce mot parce que... Lorsqu'à la séance d'information... si c'était un Africain de l'Afrique centrale qui me donnait l'information, qui m'accueillait ou bien qui me donnait l'information, me dit, O.K... il devait me parler à mon langage. Il y a un problème de langage. Un Français ou un Québécois ne peut pas me donner les informations du Québec à mon langage. Il faut qu'il me donne ça dans mon langage pour que je puisse comprendre mieux, il faut contextualiser tout ça dans mon langage. C'est ça, c'est tout simplement ça qu'il y a comme hic.

M. Kitoko-Lubula (Lawrence) : Oui. Et je voudrais ajouter des chiffres qui sont sortis du ministère de l'Immigration du Québec. La majorité de la communauté noire, 87 % parlent bien français, 50 % sont bilingues. Or, on parle souvent que le Québec s'anglicise, mais on a une communauté qui est majoritairement... à moitié bilingue, 87 % qui sont francophones. Et, un taux de chômage aussi élevé, avec les diplômes aussi, entre guillemets, bien bacheliers, je pense qu'il y a un problème, on ne va pas se le cacher. C'est comme si, pour faire une analogie boiteuse, vous aurez des P.K. Subban, plusieurs P.K. Subban dans un... au CH, là, mais que vous les laisseriez au banc de touche. Ça n'a pas de sens.

Et ces gens-là qui ont quitté leur pays d'origine pour venir enrichir, pas pour profiter... Parce que, quand ils font le processus, là, on dit que vous y allez pour travailler, vous êtes des immigrants qualifiés. On est reconnus comme des immigrants qualifiés, pas comme des... C'est vrai que, dans ce groupe d'immigrants là, il y a des regroupements familiaux, il y a des réfugiés, mais la majorité sont des immigrants qualifiés. On arrive ici, on est mis sur le banc de touche, on ne contribue pas. On devient plus une source de... on consomme plus qu'on produit.

M. Kotto : C'est l'ancien ministre du Travail, récemment nommé président du Conseil du trésor, qui nous disait, l'année dernière, que, dans la cohorte des personnes vivant sur l'aide sociale, il y a 42 % d'immigrants. Il y a un réel problème.

Et là je reviens sur ce que vous disiez relativement au fait qu'en arrivant vous auriez apprécié un appel du ministère à l'effet de savoir comment ça va ce matin, comment est-ce que vous cheminez. Ça vous aurait rassuré, ça vous aurait fait chaud au coeur, pour reprendre votre expression.

Est-ce que vous pensez... Et ça, c'est une question exploratoire. Est-ce que vous pensez que le fait que le ministère ait délégué ses pouvoirs d'accompagnement ou sa mission d'accompagnement à des organismes dans la société civile est pour quelque chose?

M. Mandeng (Samuel Erve) : Bon, je ne pourrais pas dire que...

M. Kotto : Parce que normalement c'est une mission qui est dévolue à ces organismes-là, mais ces organismes, de leur côté, vous les avez entendus ici si vous étiez là, comment dire, déplorent le fait de ne pas être reconnus à leur juste valeur, déplorent le fait qu'ils ne sont pas financés à la hauteur de leur mission.

• (21 h 50) •

M. Mandeng (Samuel Erve) : Oui. Je vais répondre par un proverbe qui dit qu'on ne se moque pas de la personne qui se noie, parce qu'on va certainement traverser l'eau en nageant. Je ne peux pas dire que, les missions, en déléguant des missions ils n'ont pas compris peut-être leurs objectifs, mais je pense qu'il y a autre chose à faire qui est... on n'a pas associé les communautés immigrantes, parce qu'on connaît mieux nos réalités, on connaît mieux nos réalités. Je sais comment parler à quelqu'un de l'Afrique de l'Ouest. Moi, je gère un programme et je suis à la tête d'un programme. Quand je parle à un immigrant, par exemple, de l'Asie, je sais comment lui parler, comment parler à un immigrant de l'Afrique de l'Ouest ou à un Haïtien, je sais comment lui parler. Donc, il s'agit tout simplement de comprendre les gens en fonction de leur milieu et de trouver des stratégies pour pouvoir mieux avoir des résultats.

J'ai l'impression que la plupart des structures ont un schéma, et ils veulent juste remplir des quotas et atteindre ce nombre d'objectif, c'est tout, mais il est important de pouvoir réviser ça. Il y a un problème d'évaluation. Il faut évaluer et il faut redistribuer les rôles pour que ça puisse atteindre les objectifs. Les rôles, c'est avec nous, pour que nous puissions aider à la réalisation de cette mission.

M. Kotto : O.K. Merci.

Le Président (M. Matte) : M. le député de Bourget, il vous reste 40 secondes, si...

M. Kotto : Non, c'est bon. Je vous remercie.

Le Président (M. Matte) : Merci. Je cède la parole au député de Borduas pour les 6 min 30 s qu'il vous reste.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. Merci de contribuer à nos travaux.

Donc, je vous écoute depuis tantôt, puis manifestement on a un problème, parce que les minorités racisées ont de la difficulté à trouver un emploi, elles sont victimes de discrimination, puis je pense que les chiffres le démontrent, pour plusieurs raisons.

Partant de là, considérant que la majorité des gens sont qualifiés, donc qu'ils sont sélectionnés en fonction de leurs compétences, qu'est-ce que la société d'accueil peut faire, qu'est-ce que la société québécoise peut faire pour travailler sur cette difficulté-là d'intégrer les immigrants provenant de minorités racisées? Comment est-ce qu'on peut dialoguer puis comment est-ce qu'on peut mettre en action un plan qui va faire en sorte, là, selon votre expérience, selon votre expertise, qu'on va réussir à intégrer les gens?

M. Mandeng (Samuel Erve) : Je vais laisser la parole à... puis je vais compléter.

M. Kitoko-Lubula (Lawrence) : Je prends un exemple. Je siège aussi au niveau des vigiles des communautés noires au niveau de la SPVM. Hier, j'en ai parlé avec M. Bernard Lamothe, je lui ai posé une question : C'est quoi, le ratio de la communauté noire au sein de la police, SPVM? Il y en a moins de 150 sur les 4 000, ce qui est très peu. On se posait la question comment entraîner les communautés noires à être de la police, parce que c'est un métier valorisant.

Tout à l'heure, il y avait des gens devant nous, ici, qui parlaient des régions. Je pense que le comité... le pays d'accueil pourrait mieux nous faire connaître les régions. Moi, c'est la deuxième fois que je viens à Québec en huit ans, en huit ans, puis pourtant j'aime. J'ai découvert le Château Frontenac l'été passé; je suis tombé en amour, comme on dit ici.

Je pense qu'on doit nous présenter les autres aspects des régions où on peut trouver du travail. Il y a du travail dans les régions, mais la majorité des immigrants, quand ils arrivent, ils sont cloîtrés dans les grandes villes, ils sont à Montréal, et on se berce d'illusions, de petits boulots, comme mon camarade disait, alors que dans les régions on pourrait vivre mieux et prospérer.

M. Mandeng (Samuel Erve) : Moi, en complément, je pourrais dire qu'il faudrait d'abord éduquer l'environnement. Il est vrai que, lorsque vous avez une semence, la semence ne peut que grandir dans une terre, ça, c'est clair, une terre fertile, mais, pour que la semence grandisse, il faut un environnement qui est propice à sa germination. Alors, il faut que l'environnement du Québec soit propice à cela, et, pour cela, il faut éduquer.

Je pense... J'ai toujours dit que le racisme n'existe pas, c'est tout simplement les incompréhensions qui existent. Donc, ça veut dire que nous pouvons, nous pouvons accompagner les gens à pouvoir... dans le vivre-ensemble. Le vivre-ensemble ne s'arrête pas, c'est quelque chose qui est continu, ce sont des stratégies évolutives.

Aussi en termes de stratégie, aussi en termes de proposition, je pense qu'il faudrait moins... il faudrait sensibiliser les... il faudrait regarder beaucoup plus les consultants en immigration qui vendent une mauvaise... une autre image à l'extérieur. Et ça, il faudrait que l'immigrant qui arrive ici soit conscient que je viens, et ça me prendra tel nombre de temps pour m'intégrer, alors je prends ou je laisse, pas venir ici et avoir un problème. Je pense qu'à ce niveau il peut y avoir des changements.

Et je tiens aussi à vous rappeler que le Québec est formidable. Ça, c'est la raison pour laquelle nous sommes venus aujourd'hui. Il y a une mentalité qui se dit que nous, les Noirs, lorsqu'on vient quelque part, on veut toujours critiquer. Non. L'heure n'est plus à la critique, l'heure est à la contribution. C'est la raison pour laquelle nous venons enrichir le débat, pour dire : Il y a quelque chose à faire. Nous avons tous peut-être commis des erreurs. Nous aussi, nous avons commis un certain nombre d'erreurs. Essayons de voir ce qu'on peut faire mais ensemble.

M. Jolin-Barrette : Donc, vous parlez du délai d'intégration, vous dites : Il faut qu'on soit conscient du délai d'intégration lorsqu'on arrive au Québec. Mais il ne devrait pas y avoir de délai d'intégration, ça devrait être plutôt un accompagnement qui soit...

Tout à l'heure, vous avez utilisé le terme : Qu'on puisse me parler dans mon langage, que je puisse, dans le fond, comprendre, et là vous proposez, dans le fond, de rendre obligatoires les cours d'accompagnement. Nous, on a proposé, en mars 2015, de rendre obligatoire le cours Objectif Intégration pour vraiment donner les outils pour comprendre les mécanismes de la société québécoise. Donc, je comprends que, dès l'accueil des nouveaux arrivants, vous souhaiteriez qu'il y ait une prise en charge de l'État vraiment pour orienter les immigrants, pour dire : Écoutez, telle, telle ressource est à la disposition, les codes culturels sont les suivants. C'est un peu ça que vous proposez.

M. Mandeng (Samuel Erve) : Oui, c'est un peu ça, mais... Oui. Ajoutez à ça qu'il faut tenir compte que nous sommes dans un pays froid, donc il ne faudrait pas que, lorsqu'on arrive au Québec et puis on se rend compte qu'avec le froid... On a ce changement climatique là, mais il faut quand même un peu de chaleur, il faut de la chaleur humaine, au-delà d'avoir un schéma qui nous présente que voilà ce qu'il faut faire comme on a l'habitude de nous donner, un certain nombre de documents, lorsqu'on va à ces séances. Non. Il faut avoir la chaleur, un contact avec l'immigrant, contact avec l'immigrant. Ça va plus vers le processus de développement.

M. Kitoko-Lubula (Lawrence) : Puis, au-delà de ça, il faudrait aussi que, le pays qui nous accueille, il y ait un processus d'évaluation pour réorienter la personne. Moi, quand je suis arrivé ici, je ne sais pas, moi, je ne vais pas prendre mon cas pour une généralité, j'ai passé par L'Hirondelle, par plusieurs organismes; à un moment donné, j'étais perdu, dans tous ces organismes-là. N'eût été le REPAF, je serais encore aujourd'hui au bien-être social.

Donc, je pense qu'à un moment donné ces structures qui existent, avec le gouvernement, doivent accompagner l'immigrant, évaluer son processus pour que l'immigrant ne soit pas une charge pour la communauté, parce que, si on le perd, là, il devient une charge. Moi, je vous assure, je connais des gens qui sont arrivés, même mon oncle, au Canada, ici, ils sont encore sur le bien-être social

M. Jolin-Barrette : Donc, ce que vous nous dites, dans le fond, c'est que, l'immigrant qui arrive au Québec, son processus d'accompagnement n'est pas clair, le chemin n'est pas défini, puis il peut se perdre dans une kyrielle de ressources. Puis il n'y a pas de chemin tracé... vous m'excuserez, il n'y a pas de «mainstream», il n'y a pas de chemin qui pave la voie pour dire : Écoutez, on vous offre telle, telle, telle option, c'est clair, c'est défini. Il manque un petit peu de dirigisme.

Le Président (M. Matte) : Votre temps est terminé, M. le député. J'invite le député de Mercier pour les trois prochaines minutes.

• (22 heures) •

M. Khadir : Alors, MM. Mandeng et Kitoko, bienvenue. Donc, on a parlé de la nécessaire, je dirais, intégration, qui nécessite un accompagnement, hein? Dans le fond, les schémas que vous présentez, à la fois le processus actuel et l'autre, je dois vous avouer, sont trop compliqués pour qu'on puisse les décortiquer ici en détail, mais ce que j'en retiens, c'est qu'il y a besoin d'un accompagnement, vous y êtes revenus souvent. Cet accompagnement n'est pas juste une formalité administrative ou quelque chose la société assène aux immigrants mais sur le modèle de ce coup de téléphone pour savoir : Comment ça va, Erve? C'est une chaleur humaine, hein, pour contrer aussi le froid.

Mais je pense qu'il y a une volonté... Donc, pour que tout cet exercice soit utile, je pense qu'il y a matière à peut-être permettre un contact plus soutenu entre ceux qui proposent ça, le ministère... Tout ça ne sera peut-être pas praticable, mais il y a une idée là d'un projet pilote qui soit destiné spécifiquement aux immigrants qui font l'expérience de la plus grande difficulté de trouver, disons, des emplois adéquats, qui sont adéquats à leurs compétences.

C'est sûr qu'il y a des réalités, il ne faut pas les nier, de résistance de la part de certaines chasses gardées qui font partie... bon, je ne rentrerai pas ici... parce que c'est très long, mais, pour les contrer, il ne faut pas donner des prétextes budgétaires. Ça a été le cas avec les médecins lorsque je me suis battu dans ce dossier-là, en 2007. Il n'y avait pas de stage pourquoi? Parce que les facultés disaient : On n'a pas les budgets, parce qu'il faut qu'on accorde six mois de plus pour les stages en médecine. Et on a laissé en ban plus de 300 médecins qui avaient passé tous les examens, qui avaient passé toutes les qualifications, et il restait juste à obtenir un stage dans les facultés. Puis on leur barrait le chemin, puis il y avait 65 places d'admission libres dans des stages laissés vacants.

Bon, on ne reviendra pas là-dessus, mais, au-delà de ça, il y a peut-être autre chose que le ministère peut faire pour que dans l'espace public on contre le racisme ordinaire, à travers la représentation dans les ministères, dans les emplois, dans l'espace public. Qu'est-ce que le MIDI peut faire, par exemple, pour ce qui est de la présence des gens de minorités visibles dans l'espace médiatique? Est-ce que vous pensez que le MIDI peut accorder un budget de promotion?

Le Président (M. Matte) : Il vous reste 14 secondes pour pouvoir réagir à la question du député de Mercier.

M. Kitoko-Lubula (Lawrence) : Certainement, je pense que le MIDI peut faire beaucoup en injectant du budget par rapport à la visibilité de nos semblables, parce que, quand on regarde la télévision québécoise, on ne s'identifie pas; moi, mes enfants cherchent souvent à aller regarder les chaînes américaines pour avoir un identifiant. Je pense que le MIDI peut injecter pour qu'on puisse se reconnaître, avoir des modèles.

Je suis très content que Mme Anglade ait été promue ministre, mais je pense qu'on peut faire plus, il y a beaucoup de gens qui peuvent aller siéger aux ministères... ou des députés. Je pense que le MIDI peut aller chercher l'essence même de la communauté noire pour faire valoir son ministère.

Le Président (M. Matte) : Alors, je vous remercie de votre participation et de votre contribution aux travaux.

Mémoires déposés

Alors, avant de conclure, avant de conclure, Mme la ministre, je voudrais déposer les mémoires des organismes qui n'ont pas pu venir nous présenter... Alors, je les dépose à la secrétaire.

Et la commission a accompli son mandat, donc j'ajourne ses travaux sine die. Bien, bravo, Mme la ministre, pour cette consultation, et tous les collègues qui ont contribué à cette consultation! Merci.

(Fin de la séance à 22 h 2)

Document(s) related to the sitting