(Neuf
heures trente-trois minutes)
Le Président (M.
Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum,
je déclare la séance de la Commission des
relations avec les citoyens ouverte.
Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre
la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission est réunie afin de procéder aux
consultations particulières et auditions publiques sur les documents
intitulés Vers une nouvelle politique québécoise en matière d'immigration,
de diversité et d'inclusion.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Lavallée
(Repentigny) est remplacée par M. Jolin-Barrette (Borduas).
Auditions (suite)
Le Président (M.
Picard) : Merci. Ce matin, nous recevons la Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec, Médecins du Monde Canada, Montréal
International et la ville de Sherbrooke.
J'invite maintenant
les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
à faire leur présentation. Donc, je vous demanderais de vous présenter et faire
votre exposé. Vous disposez de 10 minutes; vont s'ensuivre des échanges
avec les parlementaires. À vous la parole.
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
(FTQ)
M. Boyer (Daniel) : Merci, M. le Président. Merci, Mme
la ministre. Merci, distingués députés. Écoutez, je suis Daniel Boyer, le président de la FTQ, de la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je suis
accompagné de Louise Mercier, qui est vice-présidente à la FTQ et responsable
politique du dossier des personnes immigrantes et de la francisation, et j'ai à ma gauche Rima Chaaban qui travaille au
Service de la francisation et également responsable du dossier des
personnes immigrantes.
C'est avec beaucoup d'intérêt que la FTQ
a pris connaissance du document de consultation devant mener à
des changements majeurs dans le cadre d'une nouvelle politique québécoise en
matière d'immigration, de diversité et d'inclusion.
On se sent très concernés par la démarche, et ce, à plusieurs titres. Ainsi, la
FTQ et ses syndicats affiliés, bien, vous
le savez, on représente 600 000 membres présents dans tous les
secteurs de l'activité économique dans toutes les régions du Québec et dont une proportion
importante sont des personnes issues de l'immigration. La FTQ est membre
de deux organismes gouvernementaux directement concernés par les problématiques
traitées, l'Office québécois de la langue française,
la Commission des partenaires du marché du travail, où nous avons à nous
prononcer et nous impliquer autour des grands enjeux qui concernent les
personnes que nous accueillons au Québec. Je vous avoue qu'on a été un peu surpris, à prime abord, de ne pas avoir été
invités à cette consultation. On a donc pris l'initiative de s'inviter et
de transmettre nos commentaires sur
un sujet qui nous concerne au moins autant que les employeurs, je vous avoue.
On espère que la consultation actuelle, qui se veut une démarche de
questionnement très large, mènera à la définition d'une politique sur laquelle
nous aurons aussi l'occasion de réagir.
La société québécoise
est généralement reconnue comme étant ouverte et accueillante dans la mesure où
les nouveaux arrivants démontrent un intérêt
à la connaître, à partager sa culture et manifestent leur volonté de
s'intégrer. Pour aborder la question des
valeurs québécoises, le document de consultation fait référence à juste titre à nos chartes qui traitent
des droits de la personne et de la langue. Nous pensons qu'il faut aussi
mentionner que notre culture commune s'exprime
aussi dans un ensemble de lois qui gèrent l'organisation de la société,
dont la Loi sur les normes du travail, qui diffèrent très souvent de
celles qui prévalaient dans les pays d'origine de nombreuses communautés
culturelles, d'où l'importance de bien informer les nouveaux arrivants avant
même qu'ils se mettent à la recherche d'un emploi. La connaissance et le respect des
règles qui régissent le marché du
travail sont loin d'être acquis, même
pour les personnes immigrantes qui sont ici depuis plusieurs années. Il
y a donc un important travail de formation et de sensibilisation à poursuivre, tant pour les employeurs immigrants
que pour les travailleuses et travailleurs que nous accueillons au pays.
Si nous sommes
interpellés par les enjeux liés aux nouveaux arrivants, nous sommes aussi
préoccupés par la situation des personnes immigrantes déjà en emploi qui ont
de la difficulté à communiquer en français. C'est pourquoi
nous avons toujours jugé prioritaire la formation en francisation, supportée
par le fonds de formation dont la Commission des partenaires est responsable,
et nous souhaitons d'ailleurs que cette orientation soit maintenue.
La question de la reconnaissance
des acquis et des compétences nous préoccupe aussi. Bien que des avancées
importantes aient été réalisées durant les dernières années, il y a encore énormément
de travail à faire pour que cette reconnaissance devienne une réalité et une
pratique courante.
Par ailleurs, nous avons été pour le moins
surpris en constatant qu'on interpelle les employeurs pour évaluer les compétences acquises par l'expérience. Puisque
la plupart sont des petites et
moyennes entreprises, des PME, peu
d'entre elles
disposent d'un service de ressources
humaines ou même d'une personne dont
c'est la fonction principale. Comment alors s'étonner qu'elles ne
puissent procéder à de telles évaluations?
Nous
réitérons donc l'importance et l'urgence de développer des outils mais aussi de donner l'heure juste aux personnes qui souhaitent immigrer au Québec. On ne
peut continuer à accepter des personnes immigrantes sur la base de leurs diplômes et qualifications dans leur pays
d'origine et refuser de les reconnaître ou les obliger à reprendre à peu
près toute leur formation dès leur arrivée
au pays. Le gouvernement doit donc prendre les moyens nécessaires pour accélérer le développement
des processus permettant la reconnaissance des compétences et des acquis, dont ceux
des personnes immigrantes.
La
francisation est au coeur de nos préoccupations depuis longtemps déjà. La FTQ identifie la connaissance du français, langue commune du Québec,
comme étant l'un des critères majeurs de l'intégration des personnes
immigrantes. Or, la francisation des
nouveaux arrivants n'est pas chose faite, le nombre de personnes immigrantes au
Québec qui n'ont pas de connaissance
du français demeure considérable. On apprenait récemment que près de 40 % des nouveaux arrivants ne parlent
pas le français.
• (9 h 40) •
Pour les
personnes qui arrivent au Québec, une des premières préoccupations est de
trouver rapidement un emploi pour
leur permettre de gagner leur vie. Ceux et celles qui ne parlent pas le
français doivent, dans bien des cas, accepter des emplois pour lesquels ils ou elles sont
surqualifiés. Elles ne sont donc pas disponibles pour suivre des cours de
francisation offerts par le MIDI. Ces
personnes sont cependant facilement joignables dans leurs milieux de travail,
mais encore faut-il que les
ressources nécessaires y soient consacrées et que les employeurs y soient un
peu plus contraints qu'ils ne le sont actuellement.
Certains de nos syndicats dans le secteur du vêtement, de l'hébergement ou de
l'entretien ménager ont tenté de négocier
et ont parfois réussi à implanter des classes de français sur les lieux de
travail, dans quelques cas durant les heures de travail et rémunérées. L'organisation de cours de français pendant les heures de travail nous semble être
une avenue accessible et permettant
de rejoindre un plus grand nombre de personnes immigrantes. Des mesures
incitatives existent déjà, notamment pour financer ces activités, mais
il faut promouvoir davantage l'intérêt de telles initiatives et inciter les employeurs à les utiliser, en collaboration avec
les syndicats. Les employeurs doivent recevoir un message fort
à l'effet de veiller à ce que leur
personnel maîtrise le français dans un délai raisonnable, cela est d'autant plus
important quand l'État accepte d'accueillir des
personnes immigrantes pour répondre à leurs besoins de main-d'oeuvre.
La situation du français au Québec est
intimement liée à la composition linguistique des nouveaux arrivants. Le gouvernement doit donc continuer à privilégier l'immigration
francophone et augmenter le niveau de connaissance du français
des nouveaux arrivants au Québec. Bref, la question de la maîtrise et de
l'apprentissage de la langue française devrait, selon nous, être au
coeur de la nouvelle politique en matière d'immigration.
Comme
plusieurs autres partenaires, nous trouvons important de mettre un accent sur
la catégorie des travailleuses et
travailleurs économiques en favorisant la diversité des immigrants reçus. Nous
insistons toutefois pour maintenir les catégories
de la réunification familiale ainsi que de la solidarité internationale. Il
faut reconnaître que ces deux catégories permettent aussi d'accueillir
des personnes formées et compétentes, même si elles sont entrées au pays sur la
base de conditions différentes.
Lorsqu'on parle
d'immigration économique et de sélection de candidates et de candidats formés,
on a souvent l'impression qu'on recherche uniquement des travailleurs
très qualifiés, pour lesquels il faut trouver des moyens de mieux reconnaître
leurs connaissances et compétences. Les besoins des entreprises sont vastes.
Nous avons besoin de main-d'oeuvre
spécialisée et non spécialisée, disposant d'une formation professionnelle et
technique. Nous avons aussi besoin de
personnel moins scolarisé dans des secteurs très variés, allant de la
manufacture à la restauration et à l'hôtellerie.
À cause de
difficultés linguistiques ou de non-reconnaissance des diplômes acquis dans
leurs pays d'origine, on retrouve
actuellement un pourcentage élevé de personnes immigrantes surqualifiées dans
des emplois qui ne nécessitent aucune
qualification particulière. Plus rapidement nous arriverons à reconnaître les
compétences de ces personnes, plus vite elles pourront occuper des emplois exigeant des qualifications et des
compétences reconnues, mais plus nous retardons le processus, plus ces connaissances et compétences
deviennent désuètes et ne pourront être mises à profit par les
entreprises. Il faut donc s'assurer que la
sélection des nouveaux des nouveaux arrivants tienne compte de ces réalités et
laisse aussi place à des personnes moins qualifiées mais sûrement très
motivées.
Bien que nous
soyons entièrement d'accord avec la réduction des délais de traitement des
demandes d'immigration, nous avons quelques inquiétudes quant au nouveau
système de déclaration d'intérêt. Quelle place le gouvernement entend-il donner aux entreprises quant à la
sélection des personnes immigrantes? Le gouvernement doit travailler
avec les acteurs économiques et sociaux, mais il doit maintenir sa pleine
responsabilité quant à l'intégration économique et sociale des personnes
immigrantes.
Concernant les travailleurs temporaires, on
s'est déjà exprimés dans le cadre des consultations sur le projet de
loi n° 8. Écoutez, je vous dirais simplement qu'on est absolument
contre deux classes de citoyens, deux classes de travailleurs, et qu'on doit avoir les mêmes droits pour l'ensemble des
travailleurs et des travailleuses au Québec, que ce soient des travailleurs
temporaires ou que ce soient des citoyens de plein droit du Québec.
Depuis
plusieurs années, les acteurs régionaux réalisent qu'il faudra de plus en plus
faire appel à une main-d'oeuvre immigrante pour répondre aux besoins du
marché du travail de leur région, sur une base permanente ou temporaire. Nous sommes bien conscients que ce recrutement est
généralement plus difficile dans les régions éloignées. Même si l'on considère que les employeurs et les acteurs
socioéconomiques régionaux ont un rôle important à jouer, il n'en
demeure pas moins que c'est à l'État de
s'assurer que tout est en place dans les régions pour bien accueillir et
intégrer les personnes immigrantes
qui voudront s'y installer. C'est pourquoi nous avons été surpris et déçus,
pour ne pas dire choqués lorsque le
ministère a annoncé la fermeture de nombreux bureaux régionaux. C'est la
crédibilité même de la nouvelle politique qui peut être questionnée alors qu'il y a à peine
trois mois on annonçait des fusions dans la grande région de Montréal ainsi que des fermetures dans des centres aussi
importants que Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières et Gatineau. Rétablir
les bureaux régionaux donnerait aux régions les moyens de soutenir
l'intégration des personnes immigrantes.
Pour terminer, nous ferons un petit arrêt sur la
question de la gouvernance. Ainsi, nous ne pouvons qu'être d'accord avec l'idée de mettre en oeuvre une
stratégie qui permette de mesurer les diverses dimensions de la
participation et accompagner la nouvelle politique d'un cadre de suivi et
d'évaluation de programme. Sur ce point, toutefois, nous espérons que le ministère ira plus loin que la
simple reddition de comptes quantitative et qu'il documentera les
réalisations comme les échecs des mesures qui seront mises en place.
Nous
terminons en espérant que la future politique québécoise comporte les moyens et
des ressources suffisantes pour atteindre ses objectifs. Et nous
rappelons que nous faisons partie de ces acteurs incontournables pour réussir
les changements envisagés. Je vous remercie.
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Boyer. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Weil : Oui. Bienvenue.
Bonjour, M. Boyer, Mme Mercier, Mme Chaaban. Je veux vous
féliciter pour un excellent mémoire, beaucoup de matière ici pour nous, puis je
vais essayer, avec le temps que j'ai, de vous poser plusieurs questions.
Dans un premier temps, je pense que... Puis ça peut, je vais vous dire,
donner un peu une idée des questions que je voudrais
vous poser, puis vous allez voir comment y répondre. Le rôle que peut jouer la
FTQ pour créer, justement,
cette société plus inclusive et comment... On a beaucoup parlé des préjugés,
contrer la discrimination, les préjugés, ces derniers
jours. Votre vision, j'arrive là-dessus parce que... Votre mission d'inclure,
d'inclusion, là, vous partagez tout
à fait cette vision en évoquant l'immigration humanitaire, je vous remercie de
souligner l'importance, et que toutes les personnes,
quelles que soient l'origine de cette personne et la voie d'immigration qu'ils ont empruntée, ont des droits égaux ici. Bon, j'aimerais vous entendre sur cette question.
Comment la FTQ peut jouer un rôle dans les milieux de travail pour
contrer les préjugés? On a parlé aux entreprises, le rôle que les entreprises
ont aussi pour créer des milieux de travail plus ouverts, accueillants et
libres de préjugés. Ça, c'est une des questions.
Le Président (M. Picard) :
M. Boyer.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez,
d'entrée de jeu, vous dites qu'il y a beaucoup
de matière dans notre mémoire. Je
vous avoue qu'on avait plutôt l'intention de faire un document
assez court, mais on s'est enflammés et emportés au fil du temps. Puis
c'est un dossier qui nous tient à coeur, c'est un dossier qui nous tient beaucoup
à coeur.
Quand vous
mentionnez le rôle que peut jouer la FTQ, on peut jouer un grand rôle. Puis,
vous savez, on n'a pas beaucoup de moyens, pour la bonne et simple raison qu'on
n'est pas des employeurs, on n'est pas le gouvernement non plus. On a à s'entendre avec des employeurs, on
a à s'entendre avec le gouvernement pour mettre des programmes en place puis on réussit, on réussit. Il y a de
belles initiatives — Louise
pourrait en parler plus que moi parce
que c'est son syndicat — entre autres dans le secteur du vêtement, de l'hôtellerie, de l'entretien ménager,
qui a réussi à négocier des ententes
avec des employeurs pour, entre
autres, des cours de francisation.
Puis je prends... Ici dans la région de Québec, dans Chaudière-Appalaches, la FTQ a mis sur pied un cours, justement,
parce qu'on peut se parler de préjugés, là, mais ce n'est pas juste les employeurs qui ont des
préjugés, les travailleurs ont des préjugés aussi à l'égard
de leurs confrères et de leurs
consoeurs qui sont d'origine différente, puis on constatait ça dans nos rangs.
Et on a mis sur pied une formation qui a été subventionnée, une subvention de la Commission des partenaires, je
crois. On a mis sur pied une formation dans le but, dans chacun des milieux de travail, d'avoir des leaders qui
assument la responsabilité de convaincre leurs collègues de travail, justement.
Ça fait qu'on a un rôle, on joue un rôle
important, on a un rôle important. On est prêts à en jouer un encore
plus important, mais vous comprendrez qu'on le joue avec les moyens qu'on a,
hein?
Mme Weil : ...je comprends.
Bien, c'est un exemple qui est vraiment intéressant, on en prend bonne note.
Valeurs, les
valeurs communes, on a tendance... Et notre document parle de valeurs communes.
La Commission des droits de la
personne et d'autres recommandent qu'on parle plutôt de valeurs démocratiques,
que «valeurs communes» a moins de sens et que «valeurs démocratiques»...
on peut parler de valeurs démocratiques communes, mais ça rejoint beaucoup plus la Charte des droits et libertés.
Qu'en pensez-vous? Avez-vous une réaction? Avez-vous réfléchi? C'est sûr
que nous aussi, on a utilisé l'expression «valeurs communes», mais ça me
séduit, cette notion de parler de valeurs démocratiques
qui incluent l'égalité entre les hommes et les femmes et de tous, liberté
d'expression, liberté de conscience, tous ces...
• (9 h 50) •
M. Boyer (Daniel) : Bien, moi, je
pense que c'est plus correct de dire «valeurs démocratiques», mais il faut
absolument rajouter «communes», pour la bonne et simple raison qu'il faut que
ces valeurs-là, même si elles sont démocratiques,
elles soient à tout le moins communes. On veut une intégration des personnes
immigrantes à la société québécoise, donc moi, je pense qu'il faut avoir
des valeurs démocratiques communes. Puis, vous savez, on est venus ici déjà, il n'y a pas si longtemps, dans le cadre
de la charte sur la laïcité. Je ne me souviens pas... Ce n'est pas ce
nom-là qu'elle portait, là, elle avait un nom
immensément long, mais c'est des débats houleux qu'on a à faire dans nos
organisations aussi, hein? Ça fait que je
pense que, si on prend... «Valeurs démocratiques communes», je pense que
ça a bien du sens dans une société laïque comme celle du Québec.
Mme Weil :
Très bien. Les cours de francisation, là aussi, je vous dirais, unanimité sur
l'importance de l'immigration, le
rôle que l'immigration peut jouer, doit jouer pour pérenniser, si on veut, le
fait français, l'expression qu'on utilise depuis plus de 25 ans, mais c'est vraiment de permettre aux gens... Et je
comprends ce que vous dites aussi, c'est de permettre aux gens de
participer à la société, donc la langue comme outil de participation, que ce
soit dans les milieux de travail... et
d'être valorisés et de pouvoir travailler au niveau de leurs compétences, et
donc je pense qu'on est tous, comment dire... ça nous affecte quand on voit que des gens par ailleurs très compétents,
on le sait, très scolarisés n'arrivent pas à atteindre le niveau dans un
milieu de travail à cause de ce manque de connaissance.
Donc, il y a
la sélection des personnes francophones dans les travailleurs qualifiés,
évidemment la nouvelle grille qui a
augmenté le niveau de connaissance qui est requis, le niveau 7, mais par
ailleurs, évidemment, il y a le regroupement familial. Donc, il n'y a pas de sélection qui est faite pour le
regroupement familial ni pour les réfugiés, puis il n'y a pas un pays qui fait des sélections de ces groupes-là.
Donc, c'est là qu'il faut... Ils sont présents... bien, regroupement
familial moins, mais les réfugiés, tout de suite. Mais ce que vous recommandez,
donc, c'est que... Avec les entreprises on fait beaucoup la promotion en milieu de travail, et vous voyez là quelque
chose de bien stratégique. Donc, ça peut être à temps partiel, évidemment, ça peut être très flexible.
Nous, on a créé un programme. Je ne sais pas si vous avez vu le
reportage sur les dépanneurs chinois hier
soir à la télévision. C'est d'ailleurs suite à l'intervention de l'association
des dépanneurs du Québec, qui sont
venus me voir pour me dire... Parce qu'il y avait eu des articles là-dessus.
Ils ont dit : Il faut faire quelque chose, il faut permettre à ces gens... Et on a créé le programme en
l'espace de quelques jours, le ministère. Avec le ministère de l'Immigration, ça a été très rapide, donc on
est capables aussi de répondre à des besoins. Mais ça permet à des gens
de continuer à travailler, parce qu'on peut imaginer, des entreprises comme les
dépanneurs, ils ont besoin de travailler, mais
dans les milieux de travail aussi. On le remarque de plus en plus, d'ailleurs.
Donc, ce que vous recommandez, c'est en milieu de travail beaucoup.
Peut-être des formules flexibles, aussi, adaptées.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, je vous
dirais oui. Oui, tout à fait. Écoutez, nous, on souhaite un renforcissement
des règles concernant la francisation, mais on peut comprendre aussi que les
employeurs ont besoin à certains moments d'une
main-d'oeuvre spécialisée puis que de la main-d'oeuvre qui maîtrise le
français, bien c'est peut-être plus rare. Mais il y a une chose importante : il faut à tout prix permettre à ces
nouveaux arrivants là d'être en contact avec le français le plus
rapidement possible et d'apprendre le français le plus rapidement possible.
Puis, vous savez, je dis souvent... pas à la
blague, mais à Montréal on est capable de vivre toute une vie juste en anglais,
hein? Et les nouveaux immigrants, les nouvelles personnes qui arrivent
ici qui ne maîtrisent pas le français, ce n'est pas chez eux, dans leur
famille, ce n'est pas dans leur cercle
d'amis qu'ils vont apprendre à parler français, parce que ça ne se passera pas
en français. Ça fait que le seul moment où ils peuvent apprendre le
français, c'est quand ils sont au travail. Donc, il faut insister.
Puis, oui, on
est prêts, puis Louise pourrait en témoigner davantage que moi, là, mais on est
prêts à toutes sortes de flexibilité.
Et je vous avoue que c'est un dossier qu'on a tellement travaillé fort. On a dû
convaincre des employeurs, on administre nous-mêmes ces cours de
français là à la place des employeurs. Donc, on a fait des efforts immenses
dans le but, justement... On y croit tellement, qu'il faut travailler cet
aspect-là.
Mme Weil : Est-ce que vous
avez remarqué, donc, dans les régions, que cette intégration linguistique se
fait plus rapidement parce que les gens parlent juste français? C'est ce qu'on
me dit, c'est que, dans les régions, ils ont moins cette inquiétude, la
personne qui... Ils disent que c'est une exigence, de parler français, mais
qu'ils semblent l'apprendre rapidement.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, peut-être,
mais, écoutez, il y a tellement peu d'immigrants qui s'installent en
région aussi que l'échantillon n'est pas très grand, hein?
Mme Weil :
O.K. Ce qui nous amène sur la régionalisation. Je veux vous rassurer que les
investissements qu'on a, c'est pour investir dans les acteurs régionaux,
on a tout à fait cette volonté, et que l'argent soit vraiment dans des organismes communautaires, que l'argent puisse
aller directement dans ces organismes, et que, le ministère de
l'Immigration, les gens sont très mobiles, ils vont partout en région.
Je voudrais vous parler de la déclaration
d'intérêt, vous l'avez évoqué, l'intention et la vision derrière ça, évidemment, oui, les entreprises, mais aussi...
Puis on voit déjà le maire Coderre qui évoque le rôle de sa ville en
matière de sélection. Moi, je l'ai évoqué
aussi, de dynamiser le processus en amont, et je verrais... Et puis j'aimerais
vous entendre là-dessus, les acteurs
régionaux par les villes. On voit que les villes vont jouer un rôle, évidemment,
important. Bien, en tout cas, moi, je vois cette vision des villes qui
jouent un rôle important.
Donc, votre préoccupation par rapport à la
déclaration d'intérêt, pouvez-vous l'expliquer puis voir comment vous et d'autres peuvent jouer un rôle dans ce
nouveau système? Parce qu'on peut vraiment construire notre propre
modèle. On va s'inspirer des meilleures pratiques des trois autres systèmes
qu'on connaît, Nouvelle-Zélande, l'Australie et le Canada, mais on peut rajouter des éléments qui sont propres à nous. Et
c'est pour ça que c'est important d'écouter tout le monde. On aura
d'autres occasions au cours de l'année, mais cette consultation est en partie
pour prévoir un peu ce qui s'en vient dans l'année.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez, je
vous répondrais à ça : Ce n'est pas surprenant que le maire Coderre
tente... Il rapatrierait tous les pouvoirs à Montréal, quand même, s'il le
pouvait, là.
Mais
il y a un bout avec lequel on est d'accord, puis ça me fait penser à ce que je
vais mentionner dans une heure et demie
à une autre commission parlementaire qui est le projet de loi n° 28 sur le
développement local et régional. Écoutez, il faut donner à tout prix aux régions les moyens,
et dans le cadre de l'immigration c'est la même chose, à tout prix aux
régions les moyens d'accueillir de nouvelles personnes immigrantes. Et ça, on
n'y arrivera pas si... — puis
là je vais peut-être vous faire plaisir,
là — si on se
concentre juste sur les efforts du gouvernement, on n'y arrivera pas, on doit
mettre la communauté au service de
l'immigration à tout prix. Puis on est des acteurs importants là-dedans, là.
Puis, quand je vous dis ça, dans le
développement économique local et régional on est un acteur important, bien, en
matière d'immigration, on peut être un acteur important aussi. On tente...
On joue déjà un rôle important. Puis moi, je pense que, si on met les acteurs de la société civile, pas juste les élus
mais les acteurs de la société civile, moi, je pense qu'on peut avoir
quelque chose de relativement bon, là.
Mme
Weil : Excellent. C'est très bien. Je veux voir si mes
collègues, peut-être sur la reconnaissance des acquis...
Le Président (M.
Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee?
Mme Weil :
Je pense que c'est...
Le Président (M.
Picard) : O.K. Mme la députée de Jeanne-Mance...
Mme
Rotiroti :
Je pense que c'est Mme Mercier qui voudrait dire quelques mots. Allez-y,
Mme Mercier.
Mme Mercier (Louise) : Bonjour. Moi, je suis dans un syndicat où à peu
près... dans certains secteurs il y a 60 % de la population qui travaille qui est d'origine ethnique, vêtement et
entretien ménager particulièrement, et je dois vous dire que ça fait plus de 15 ans qu'on organise des
classes de français dans ces milieux-là. Et il ne faut pas se le cacher,
notre culture québécoise passe par le
français, effectivement. Donc, dans les milieux de travail, si on veut garder
cette culture vivante, il faut que ça parle français.
C'est extrêmement difficile de travailler...
Daniel le mentionnait, nous gérons à bien des endroits toute l'organisation,
la logistique, et etc., c'est le syndicat
qui l'organise parce que ce sont des entreprises de sous-traitance, par
exemple, en entretien ménager où les gens travaillent de soir, de nuit
et de jour, donc aller à l'école, pour eux, quand tu travailles de nuit puis il faut que tu dormes quelque part,
c'est extrêmement difficile. Donc, il y a une douzaine d'années, on a
fait des démarches auprès des employeurs. Ça
a pris plus d'un an et demi à les convaincre par le comité paritaire en
entretien ménager, à convaincre
l'association des entrepreneurs surtout de Montréal au bien-fondé de cette
façon de faire, de libérer les gens
dans leur temps de travail une fois par semaine, qu'ils viennent à l'école toutes
les semaines le même jour. Ça se fait
depuis 12 ans, donc c'était possible, sauf qu'on comprend très bien que,
si le syndicat ne l'avait pas pris en charge, avec un partenariat
nettement important de la part de l'employeur, ça ne se ferait pas, pour la
simple raison qu'ils ne sont pas chez eux, ils sont chez des clients, donc ils
ne pourraient pas... ils n'ont pas d'espace pour faire ces cours-là.
Le
vêtement, la même chose. Vous disiez tout à l'heure, Mme la ministre, qu'on
peut organiser... essayer de voir dans
les horaires comment on pourrait faire ça. Dans le vêtement, on n'y est pas
encore arrivé, il n'y a aucun employeur qui veut libérer ses gens pendant les heures de travail. Et pourtant on est
là depuis 15 ans, où les salariés viennent après leurs heures de travail, on organise des cours de
français à raison de deux fois par semaine, donc quatre heures par
semaine où ils viennent prendre des cours de
français; où on essaie de convaincre l'employeur en vêtement particulièrement
et en hôtellerie sur le fait qu'il pourrait peut-être assouplir les horaires et
garder sa main-d'oeuvre, parce que souvent, dans le vêtement, il arrive un moment donné durant l'année
où on doit cesser la production par un inventaire qui est trop
important, surtout dans le vêtement pour femmes, qui en arrache un petit peu
plus, là, que les autres manufacturiers, et, à ce moment-là, l'employeur pourrait garder sa main-d'oeuvre qualifiée. Parce
que, contrairement à d'autres endroits, il est extrêmement difficile de garder une main-d'oeuvre qualifiée dans la
couture. Donc, nous, on essaie de le convaincre qu'au lieu de faire des mises à pied il pourrait
peut-être continuer de garder ces personnes, plutôt que de les laisser partir
ailleurs.
Et, pour la régionalisation, je veux juste vous
dire que cette année nous venons de convaincre un employeur de la région
de Québec, syndiqué avec nous, de faire à peu près semblable à ce qu'on fait
dans le vêtement avec un groupe d'entretien
ménager, une compagnie à Québec où il y
a 30 % au moins de la main-d'oeuvre qui est immigrante. Alors,
je suis de Québec, alors je sais que ce n'est pas si commun que ça dans nos
entreprises, mais il y en a. Et on vient de commencer
les cours de français. Et on a eu la chance que ces salariés-là travaillent à
l'Université Laval, et l'employeur... bien,
pas l'employeur mais l'endroit, l'Université Laval, a convenu avec nous de nous
prêter des locaux pour qu'ils puissent venir
aux cours de français avant ou après leurs quarts de travail. Mais tout ça pour
vous dire que ça, ça prend un an et demi, deux ans avant d'y arriver. Ça
fait déjà au moins deux ans qu'on y travaille.
• (10 heures) •
Mme Weil :
Merci beaucoup, madame.
Mme
Rotiroti :
Rapidement, j'imagine?
Le Président (M.
Picard) : Il reste 1 min 30 s.
Mme
Rotiroti :
1 min 30 s. Bien, je vais aller directement à la question. Merci
d'être là.
Vous
avez abordé dans votre mémoire, à la page 8 et 9, la reconnaissance des
compétences, puis vous parlez des outils.
Il y a certains groupes qui sont venus nous dire que, la CSQ, on devrait donner
un statut légal à la CSQ. On devrait aussi commencer le processus de la
reconnaissance des équivalences de diplôme à partir de l'étranger.
Quand vous parlez des outils, vous faites
référence à quoi exactement?
M. Boyer (Daniel) : Écoutez, je pense qu'il y a plusieurs outils qui
sont actuellement disponibles, puis je ne sais pas pourquoi ça prend
autant de temps puis c'est aussi compliqué, la reconnaissance des acquis. Je le
disais à la Commission des partenaires du
marché du travail la semaine dernière parce qu'on discutait de la position de
la Commission des partenaires que la
commission était pour venir défendre ici, puis, moi, il y avait deux éléments
majeurs, c'étaient la francisation et
la reconnaissance des acquis. Je ne sais pas pourquoi c'est si compliqué puis
je ne sais pas pourquoi ça prend autant de temps, mais je pense qu'on
devra, demain matin, mettre toutes les énergies nécessaires dans le but que ça
fonctionne, cette reconnaissance des acquis là.
Quels
outils utiliser? Écoutez, je ne le sais pas, mais une chose est certaine, il y
a déjà des outils qui existent, et il faudrait
avoir la volonté que ça aille plus vite. Puis là je ne vous parle pas du
dentiste ou du docteur qui fait du taxi, là, ça, c'est un peu loufoque, là, mais il y a de la reconnaissance d'acquis qui
peut se faire très facilement, puis on dirait qu'on n'y arrive pas. Je
le sais, que c'est complexe, là, mais en même temps il faudrait mettre les
énergies, les efforts pour qu'on y arrive,
parce qu'on ne dessert pas les personnes immigrantes quand on fait ça. Ils sont
cantonnés dans des emplois où ils sont surqualifiés.
Le Président (M.
Picard) : Merci, M. Boyer. Je cède maintenant la parole à
M. le député de Bourget.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. M. Boyer, madame... Excusez-moi, je n'ai pas les
noms exacts.
Une voix :
...
M.
Kotto : Mme Mercier et Mme Chaaban, c'est ça? Soyez
les bienvenus. Merci pour votre contribution. C'est toujours agréable d'avoir votre son de cloche
relativement à ce débat qui engage l'avenir socioculturel et économique,
évidemment, du Québec pour plusieurs années, parce que le dernier énoncé
politique en matière d'immigration, il remonte
à 25 années. Les temps ont changé. Les enjeux à la fois nationaux et
internationaux sont, sur le thème qui nous engage ici, sur le thème de
l'immigration, très sensibles aussi sous différents angles.
J'étais
surpris moi-même de savoir que plusieurs groupes avaient été consultés préalablement
à l'élaboration du document de
consultation, qui est un canevas d'orientation de ce débat parce que c'est la
base, et je me pose la question : Pourquoi est-ce que vous... De
votre côté, vous savez pourquoi vous n'avez pas été consultés préalablement à
ça?
Le Président (M.
Picard) : M. Boyer.
M. Boyer (Daniel) : Écoutez, je n'en ai aucune idée. Les organisations syndicales, on a été
un peu surpris. C'est à la Commission
des partenaires qu'on a appris que de nombreux organismes patronaux avaient été
convoqués, et d'autres organismes aussi, mais aucune organisation
syndicale, alors qu'on est des acteurs majeurs. Écoutez, je ne le sais pas, pourquoi. Mais, une chose est certaine, on a fait
les démarches pour être entendus parce qu'on a quelque chose à dire, et
je remercie Mme la ministre de nous permettre de se faire entendre, parce que
je pense que c'est important.
Puis
vous avez parlé... Je voudrais insister parce que je pense que c'est
important : Il ne faudrait pas voir l'immigration comme un seul
enjeu économique, c'est beaucoup plus large que ça. Puis je pense que c'est
important. On a tendance, depuis quelques
mois, à réduire ça à l'aspect financier, à l'enjeu économique. Oui, c'est
important, mais il y a aussi bien d'autres enjeux, les enjeux
socioculturels sont également importants. Je pense qu'il faut regarder le
dossier dans son ensemble.
M.
Kotto : Donc, c'est un débat important. Et, à la lumière... de
la façon dont il est amené, parce que c'est une première phase, à ce
moment-ci, que nous abordons, il y a la phase entourant la question des flux ou
des seuils d'immigration qui va suivre par
la suite, considérant que le débat était engagé au moment où on allait en
vacances pour Noël, considérant que
le laps de temps qui avait été dévolu aux personnes invitées à présenter des
mémoires était très court et l'absence de publicité autour de cet
exercice qui nous amène à la monopolisation par un certain nombre de gens seulement des enjeux importants pour le Québec, de
votre point de vue, un tel débat, fondamental pour notre société,
n'est-il pas plus enclin à transiter via des
forums beaucoup plus importants pour impliquer l'ensemble des acteurs
socioéconomiques et culturels?
M. Boyer
(Daniel) : Probablement. Sûrement, même.
M. Kotto :
Et sur une période beaucoup plus longue?
M. Boyer (Daniel) : Oui, oui, oui, je suis d'accord. Écoutez, nous, on a la faculté, étant
une organisation syndicale qui représente 600 000 membres avec...
Bon, on a du personnel, on a des affiliés, on a cette faculté de se retourner rapidement de bord, donc on a réussi en peu de
temps — puis on
le fait souvent, là — on a
réussi en peu de temps à mettre nos
idées ensemble puis de faire les démarches pour qu'on soit convoqués, mais
effectivement moi, je pense que ça va prendre
un débat plus large. Mais on est dans le cadre d'une consultation. Je souhaite
que le débat soit amené à un autre niveau
à un moment donné parce que, si nous, comme organisation syndicale, comme la
plus grande centrale syndicale au Québec,
on a les moyens de se présenter ici dans un court délai, j'imagine que d'autres
organismes n'ont pas les mêmes moyens que nous, et qui ont tout autant
le droit de se faire entendre dans cet exercice démocratique là, là.
M. Kotto : Merci.
M.
Boyer (Daniel) : Mais là je ne veux pas... J'ai assez de ma gang à
défendre qu'à un moment donné, là...
M. Kotto :
Je veux revenir sur la perspective de répartition des responsabilités en
matière d'immigration et d'intégration entre
le gouvernement et les villes, en l'occurrence Montréal, parce que jusqu'à
présent c'est de Montréal dont j'entends
parler relativement à son nouveau statut, en débats en coulisses en ce moment.
Pensez-vous qu'il est important de définir préalablement les
responsabilités que le gouvernement aurait à sa charge versus les
responsabilités qu'il accorderait à une ville telle que Montréal, qui reçoit
80 % de l'immigration au Québec au moment où on se parle?
M. Boyer (Daniel) : C'est primordial que... Puis il ne faut pas interpréter ce que j'ai dit
tantôt en donnant plus de responsabilités au niveau régional et local,
là, il ne faut pas interpréter ça comme le gouvernement se déchargerait de son obligation et de ses responsabilités vers les
régions, vers les localités, bien au contraire. Il faut avoir des
enlignements clairs, des dispositions
claires visant à mettre en jeu ces enjeux-là au niveau local et régional, il
faut que les mandats soient clairs, et il faut que l'État assume
l'entière responsabilité de la politique d'immigration.
M.
Kotto : O.K. Je reviens sur votre mémoire. Il est mentionné que
vous travaillez à sensibiliser vos membres dans les milieux de travail à améliorer la francisation des personnes, à
combattre le racisme et la discrimination, l'exploitation, notamment des
travailleuses et travailleurs migrants.
Parce
qu'on a déjà abordé avec d'autres la question de la discrimination et du
racisme mais... je vais m'attarder sur la
question de l'exploitation des travailleurs et travailleuses. Qu'est-ce qui
vous amène à prendre la peine d'introduire ce vecteur dans votre
mémoire? Est-ce qu'il repose sur des expériences tangibles que vous pouvez nous
rapporter ici?
• (10 h 10) •
M. Boyer
(Daniel) : Tout à fait. Je vous mentionnais tantôt qu'on est
intervenus dans le cadre du projet de loi n° 8 qui visait les travailleurs et les travailleuses du secteur agricole. Pour nous, il
n'est pas question d'avoir deux classes de citoyens, deux classes de travailleurs et de travailleuses. Nos
chartes reconnaissent un droit à la liberté d'association, à la liberté
de négociation, et, à notre avis, qu'on soit un travailleur temporaire, un
travailleur permanent ou un citoyen québécois,
canadien, on doit tous avoir les mêmes droits. Et ces deux droits-là, le droit
de s'associer et le droit de négocier ses conditions de travail, sont
intimement liés, et on ne peut pas faire deux classes de...
Puis les travailleurs
agricoles, je m'excuse, là, mais ils n'ont pas le droit d'association puis ils
n'ont pas le droit de libre négociation, avec le projet de loi n° 8,
et je vous dirais la même chose... Et là on est-u dans le cadre de travailleurs illégaux ou pas? Mais toute la
problématique des agences, c'est un sérieux problème. Des agences qui
envoient des travailleurs, travailleuses
travailler dans nos usines, où on est présents, et à des conditions qui ne sont
pas celles prévues dans les milieux de travail, écoutez, c'est un
problème, c'est un problème. Des gens arrivent là, ne sont pas visés par la convention collective, n'ont pas les mêmes
droits que les autres travailleurs, travailleuses. Pourquoi ils n'ont pas
les mêmes droits? Ce n'est pas parce qu'ils gagnaient 1 $ de l'heure dans
leur pays qu'ils doivent se contenter de moins ici. Ce sont des travailleurs, des travailleuses au même titre que les
autres travailleurs, travailleuses dans une usine, dans une école, dans
un établissement de santé, là.
M. Kotto :
Merci.
Le Président (M.
Picard) : Il vous reste deux minutes, M. le député.
M.
Kotto : Deux minutes? O.K. J'avais plein de questions, mais je
vais m'attarder sur la 14e recommandation dans votre mémoire, qui
est, je vous rappelle : «Que le gouvernement précise davantage le système
de "déclaration d'intérêt" et
qu'il maintienne sa pleine responsabilité quant à l'intégration des personnes
immigrantes tant économiquement que
socialement.» Quand vous dites : «Et qu'il maintienne sa pleine
responsabilité quant à l'intégration», etc., est-ce que vous avez des
craintes relativement à ça?
M. Boyer
(Daniel) : Oui. Oui, on a des craintes. Quand je mentionnais tantôt
que je souhaite qu'il y ait une espèce de
décentralisation, c'est non pas des responsabilités, hein, mais c'est la possibilité d'accueillir, parce que je
pense que le milieu est plus propice pour accueillir les immigrants, mais en
même temps c'est à l'État d'assumer l'entière responsabilité.
Et là on voit une tendance à donner à
des employeurs et, dans le cas de
Montréal, à la municipalité certains pouvoirs qui devraient relever de
l'État, relever du gouvernement québécois. Encore là, il y a possibilité, là,
de bien faire les choses, en autant qu'on
encadre et qu'on donne des mandats précis, puis je pense que c'est sain, là,
que ce ne soit pas l'État, le
gouvernement qui décide, parce que les employeurs ont besoin d'une
main-d'oeuvre qualifiée, pas qualifiée, professionnelle, technique, non
professionnelle, mais en même temps c'est à l'État de décider qui va immigrer
ici, au Québec. Puis je pense que les
mandats doivent être clairs, les lignes directrices doivent être claires, et
ça, ce n'est personne d'autre que le
gouvernement qui peut les édicter, et on sent un flou artistique un peu, là,
dans cette consultation-là. Il ne faudrait pas donner pleins pouvoirs à
des employeurs, à des maires sur l'immigration.
M. Kotto :
Merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Borduas.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Mesdames monsieur, bonjour. Je vais vous référer à la page 19 de votre mémoire, la recommandation 17 :
«Que les travailleuses et les travailleurs étrangers temporaires aient le
droit de changer
d'employeur.» Pouvez-vous aborder cette question-là? Parce qu'on comprend que
généralement le régime fait en sorte
qu'un travailleur temporaire vient pour une certaine période de temps, dans
certains cas, supposons, les travailleurs saisonniers qui viennent en raison d'un besoin de main-d'oeuvre
particulier, qui vont chez l'employeur et qui ont une sorte de contrat
avec eux. Donc, quelle est votre position à cet égard-là?
M. Boyer (Daniel) : Bien, une plus
grande flexibilité, hein? Là, ils sont cantonnés pour un temps donné chez un employeur donné, alors qu'ils pourraient avoir
peut-être du travail chez un... puis là on peut se parler du secteur
agricole mais bien d'autres secteurs aussi
qui pourraient avoir le lendemain matin de la fin du travail qui est fait chez
un employeur donné... avoir accès à
du travail chez un autre employeur, ce qui n'est pas le cas, ce qui n'est pas
le cas. Donc, c'est très limité,
limité dans le temps, limité chez un seul et même employeur. On pense que ça
devrait être un peu plus flexible. Puis ça revient à ce que je disais tantôt, hein, accorder les mêmes droits
aux travailleurs temporaires, aux travailleurs immigrants qu'aux autres travailleurs québécois, c'est-à-dire
la possibilité, quand tu n'as plus de travail, la possibilité que tu
ailles ailleurs travailler, là.
M.
Jolin-Barrette : Mais, sur ce point-là, vous abordez la question du
projet de loi n° 8. Dans le fond, ça faisait suite, je pense,
à un jugement de la Cour supérieure qui donnait un an à l'État québécois pour
revoir une disposition du Code du travail.
Cette disposition-là s'appliquait à l'ensemble des travailleurs agricoles et
non pas uniquement à des travailleurs migrants temporaires ou étrangers.
M. Boyer (Daniel) : Non, vous avez
raison.
M. Jolin-Barrette : Par contre,
historiquement, au Québec, dans le cas des petites exploitations agricoles qui sont exploitées par le propriétaire et moins de
trois salariés, bien, en raison de la difficulté économique et de la
compétitivité et aussi en raison du climat,
tout ça, il y a toujours eu une exception historique. C'est la même chose,
exemple, dans les lois du travail qui visent la construction, au niveau
de la Régie du bâtiment : pas besoin d'avoir de licence pour un
agriculteur qui bâtit un bâtiment sur sa ferme, même chose au niveau des cartes
de compétence.
Vous pensez
que... — bien,
deux questions, en fait — que
cette disposition-là... Parce
que, là, on a conféré un droit
associatif mais pas un droit à la négociation collective. Première question :
Pensez-vous qu'on devrait le faire? Et, deuxième élément, est-ce que votre
organisation compte contester la constitutionnalité de cette loi-là?
M. Boyer
(Daniel) : Écoutez, compte contester la constitutionnalité... On est
après analyser ça. Mais je vous dirais que
les travailleurs agricoles, qu'ils soient des travailleurs temporaires ou
qu'ils soient des travailleurs permanents, des citoyens permanents du Québec,
ont des droits différents, puis on n'est pas d'accord avec ça.
Puis on est
vus — je
le sais pour avoir participé puis avoir écouté ce qui s'est dit à cette commission parlementaire — comme
si on n'était pas responsables, comme organisation syndicale, quand on négocie des conditions
de travail. Écoutez, on négocie des conditions de travail dans des milieux où est-ce que
la job est saisonnière, on est conscients de ça. On inscrit des choses dans une convention collective, dans un
contrat de travail qui tient compte de ça, que des fraises poussent... elles poussent dans une période de plus en plus longue, en passant, là, mais qu'on ait un moment pour les
cueillir, que ce ne soit pas au mois de
janvier. On est bien d'accord avec ça puis on est prêts à assouplir nos dispositions dans nos conventions collectives.
Je vous dirais qu'il y a plusieurs fermes, au
moment où on se parle, qui sont syndiquées puis qui ont des conventions
collectives, puis moi, je pense qu'on est capables de le faire pour tout le
monde. Qu'on leur permette de négocier, de s'associer, de véritablement
s'associer et de véritablement négocier leurs conditions de travail.
Puis là, écoutez, c'est sûr que, dans le secteur
agricole, ça touche beaucoup de personnes... de travailleurs temporaires, mais en même temps il y a
une majorité de travailleurs québécois dans ce secteur-là. Mais c'est les mêmes
droits pour tout le monde, à mon avis, là.
M. Jolin-Barrette : Dans votre mémoire,
vous faites également l'adéquation entre l'immigration qu'on reçoit — présentement c'est une immigration très qualifiée, très scolarisée — et les besoins du marché du travail,
dans le fond ça ne prend pas toujours un diplôme universitaire pour remplir les
emplois qui sont disponibles. Pouvez-vous développer la position de votre
organisation là-dessus et ce que vous voudriez?
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez,
bien évidemment, les gens qui... les personnes immigrantes qui viennent
au Québec, elles viennent parce qu'elles ont
une opportunité de travailler, puis il faudrait... Puis là il y a toute la
problématique qu'on a parlé tantôt, la reconnaissance des acquis puis des
compétences. Il faudrait que le plus possible les personnes qui immigrent au Québec se trouvent un emploi,
puisque c'est pour ça qu'on les fait immigrer, en plus de ça. Donc, il
faudrait qu'elles se trouvent un emploi qui réponde à leurs acquis puis leurs
compétences.
Et vous me
parlez de main-d'oeuvre qualifiée. Oui, de la main-d'oeuvre qualifiée, c'est
peut-être un moins grand problème,
mais, à partir du moment où les qualifications sont moins élevées, il y a toute
la problématique de reconnaissance des
acquis. Puis je le disais tantôt, là, le docteur et le chauffeur de taxi, là,
ça n'a comme rien à voir. Des fois, il manque un peu de formation. Pour être électricien au Québec, il y a des normes.
Bien, s'il y a un électricien qui immigre au Québec, ce n'est pas
compliqué, la reconnaissance des acquis et des compétences, ça demande une mise
à jour en fonction des normes, électricien
ici, on ne lui fait pas suivre un cours de médecine au complet, là. Et on
dirait qu'on a de la difficulté avec
ça. Puis effectivement il faut qu'il y ait absolument un appariement entre les
emplois disponibles et l'immigration, mais les
emplois... Je l'ai dit tantôt, ce n'est pas rien qu'un enjeu économique,
l'immigration, mais il faut qu'ils aient la possibilité, ces gens-là, de
travailler.
Mais, vous
savez, le problème est beaucoup plus complexe. Il y a des immigrants de la
communauté maghrébine qui parlent très bien français, qui sont
scolarisés puis qui ne travaillent pas, qui ne travaillent pas. Donc, on a un problème de sensibilisation auprès des employeurs,
auprès de nos membres aussi, là. Il y a des préjugés, et il va falloir
passer outre, il va falloir aller travailler là-dessus, là.
M. Jolin-Barrette : Vous abordez la
question de la formation puis vous donnez l'exemple de l'électricien. Est-ce que les partenaires syndicaux seraient
ouverts, supposons, dans l'industrie de la construction, à avoir une plus
grande flexibilité au niveau de l'accès aux corps de métier, au niveau du
marché du travail, notamment par l'ouverture des bassins? Parce qu'on sait que,
supposons, dans cette industrie-là c'est extrêmement rigide.
• (10 h 20) •
M. Boyer (Daniel) : Oui, mais on le
fait déjà. Même si on entend toujours que c'est rigide, là, la minute qu'il y a
trop de rigidité puis qu'il y a un problème, on est prêts à s'asseoir puis à
regarder c'est quoi, les solutions.
Moi, écoutez, c'est sûr que, s'il y a
des électriciens québécois qui attendent de l'emploi puis qu'on amène
des électriciens étrangers ici, il y a
un problème. Mais, à partir du moment où on a besoin de main-d'oeuvre puis qu'il leur manque un petit bout de formation, un petit bout
de compétence, un petit bout d'acquis pour répondre aux exigences normales de l'emploi qu'on leur demande, écoutez,
faisons-le. Aidons-nous un peu puis aidons-les en même temps, là.
Le
Président (M. Picard) :
Merci, M. Boyer. Ça met fin à nos interventions. Donc, je vous remercie pour votre présentation.
Et je vais suspendre quelques instants pour
permettre au prochain groupe, qui est Médecins du Monde Canada, de prendre
place.
(Suspension de la séance à 10 h 21)
(Reprise à 10 h 23)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en recevant Médecins du Monde Canada.
Je vois que Dr Nicolas Bergeron a pris place. Je lui demande de
présenter la personne qui l'accompagne et...
Médecins du Monde
Canada
M.
Bergeron (Nicolas) : Oui. En
fait, il s'agit de...
Je pense qu'elle n'était pas inscrite. C'est Nadja Pollaert, qui est
notre directrice générale, Médecins du Monde Canada.
Le
Président (M. Picard) : O.K. Et vous disposez de
10 minutes pour faire votre présentation, et va s'ensuivre un
échange avec les parlementaires. Allez-y.
M.
Bergeron (Nicolas) : Merci.
Alors, Mme la ministre, MM. les députés, bon matin à vous tous. Écoutez,
pour être bref, je commencerai d'abord par
présenter nos recommandations, et je pourrai ensuite discuter un peu de
l'argumentaire qui soutient ces
recommandations. La première chose et qui implique directement le gouvernement
est celui de l'abolition du délai de carence. La seconde est celle d'une
obtention d'une couverture médicale de base minimalement pour les personnes en attente d'une décision suite à une
demande humanitaire ou un parrainage, l'accès à une couverture intégrale
pour les soins périnataux des femmes enceintes en démarche de régularisation de
leur statut migratoire, l'accès à une couverture
médicale pour les enfants nés au Canada sans égard au statut migratoire de
leurs parents et également l'accès aux
soins complémentaires tels que la
dentisterie et la psychothérapie pour les personnes éligibles au Programme
fédéral de santé intérimaire, dont on pourra discuter un peu tout à l'heure.
Alors, pourquoi
améliorer l'accès aux soins à des personnes en processus d'immigration? C'est
un sujet d'actualité, vous en convenez, l'accès aux soins, aux médecins
de famille au Québec. J'ai vu que Dr Barrette était séance tenante à
discourir de la loi n° 20. D'abord et avant tout, je pense, le
premier argument, c'est que, d'une perspective de droit, il apparaît que nous devons honorer les engagements
des pactes, des conventions, qui sont multiples, que le Canada a
ratifiés et qui essentiellement... En tout cas, certainement un principal, c'est le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui, dans
le fond, va préciser un peu davantage
la Déclaration universelle des droits de l'homme et qui s'intéresse évidemment au droit à la santé. Le
droit à la santé, ce n'est pas le droit d'être en bonne santé mais
plutôt, évidemment, que tout être humain a droit au meilleur état de
santé qu'il est capable d'atteindre, et donc que les gouvernements, les autorités doivent mettre en place des plans d'action et
des politiques pour permettre, justement, la réalisation de ce droit à la
santé.
Le deuxième
point, je pense, c'est la perspective de santé publique. La crise d'Ebola, je
pense, nous a démontré l'importance
que pouvait avoir une perspective de santé publique. Donc, l'identification, bien sûr,
d'infections comme la tuberculose, le VIH ou encore d'autres pandémies
permet évidemment de protéger la population et de freiner la propagation. Également, dans les soins, le
dépistage, la prévention et la promotion de la santé va effectivement prévenir des problèmes plus
importants, c'est certainement une perspective de santé publique qui doit être
soutenue de l'avant. On ne remet pas en question la
vaccination des enfants, mais plusieurs personnes en situation d'immigration
voient leurs enfants qu'ils n'ont pas vaccinés ici même, au Québec.
Troisième chose, c'est les perspectives de coût.
C'est souvent abordé. Alors, c'est bien beau, la santé, l'accès à la santé, mais ça a des coûts. Par ailleurs, un suivi précoce de femmes enceintes ou de prévenir la dégradation de
maladies chroniques va permettre d'appréhender des catastrophes médicales, une
femme en prééclampsie ou en éclampsie qui arrive
à l'hôpital, parce
qu'évidemment notre système de santé va honorer les urgences médicales, mais,
bien sûr, on pouvait prévenir la
chose. Donc, petite infection deviendra grande. Un séjour aux soins intensifs
pour une endocardite, évidemment, a des coûts énormes, donc c'est dans
une perspective aussi de coût. En fait, c'est un investissement.
Question de valeurs, le gouvernement, avec une
petite enveloppe budgétaire du ministère des Relations internationales, le
ministère canadien, donc le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et
Développement, feu ACDI, évidemment, offre des sous pour des programmes d'accès
aux soins de santé dans les pays en voie de développement.
Il serait tout à fait cohérent aussi sur notre territoire d'être capables
d'offrir minimalement aussi ce type de soins qu'on offre et qu'on met
beaucoup d'argent à aider les systèmes ailleurs à faire ce genre de mise en
oeuvre. D'ailleurs, de travailler sur les déterminants
sociaux de la santé, qui incluent évidemment l'accès à un revenu,
logement, alimentation, évidemment, dans
l'ensemble des programmes, vise au bien-être de la population ailleurs, alors
pourquoi ne pas le faire, certainement, ici?
Vous avez certainement des interlocuteurs qui ont bien appuyé leurs opinions
là-dessus.
Une autre valeur, et le premier ministre en a
parlé à l'occasion : celle de l'égalité de traitement, donc que les citoyens doivent... sans discrimination puissent
recevoir des services de santé ou d'autres services, peu importe leur
âge, leur religion, leur origine ethnique, à
situation égale, certainement, prestation égale. Mais il existe aussi un autre
concept qui est extrêmement important
en santé, celui de l'équité. Donc, on parle plus de l'égalité de chances à des
personnes plus défavorisées, des
personnes en situation de vulnérabilité comme les personnes en processus de
migration. On doit davantage leur
offrir de services ou être traité un peu différemment, donc un traitement inégal
pour des gens qui sont inégaux. Et c'est une valeur, je pense, qui est
utile par rapport à ce dont on parle.
• (10 h 30) •
Alors,
puisqu'on parle d'exclusion, de discrimination, en 2001 le gouvernement avait
instauré le délai de carence, donc un trois mois où les futurs
concitoyens n'auraient pas accès à des soins de santé. On annonçait une
économie de 2 millions de dollars,
surtout pour s'opposer au tourisme médical, mais la démonstration de cette
mesure restrictive qui aurait diminué des potentiels d'abus n'a jamais
été appuyée, n'a jamais été démontrée, n'a jamais été chiffrée, et, au
contraire, plusieurs rapports démontrent au contraire que le retard de prise en
charge d'un problème de santé petit, évidemment,
occasionne des coûts globaux supérieurs. Donc, ces économies de trois mois où à
des concitoyens on n'aurait pas
offert des soins s'avèrent plutôt catastrophiques, plusieurs d'entre eux. Et le tourisme médical n'est pas démontré.
Le réseau de Médecins du Monde, qui compte 15 délégations,
parfois les gens nous identifient beaucoup à l'action humanitaire internationale, mais chacune des
15 délégations a des activités nationales dans les pays où sont nos
sièges, et on s'intéresse à la santé
des populations vulnérables, marginalisées, mais aussi aux populations
migrantes, et, depuis plusieurs années, des enquêtes sont faites pour appuyer, de témoigner avec des chiffres à
l'appui quelle est la condition de santé des personnes migrantes, et notamment en Europe. Le
dernier rapport, en fait, de 2014, qui avait étudié près de
17 000 patients qui avaient été
reçus dans 25 villes de huit pays européens, s'était informé des raisons
de migration de ces populations : la moitié pour des raisons économiques,
le quart pour des raisons politiques, religieuses ou ethniques, 6 % pour
fuir la guerre mais seulement 2,3 % pour des raisons personnelles de
santé. Donc, le tourisme médical demeure un mythe qui n'a pas été démontré. Et
les personnes migrent pour trouver du travail et fuir la violence mais pas pour
obtenir des soins. Donc, cette recherche est extrêmement marginale.
Finalement,
pour le Programme fédéral de santé intérimaire, donc, qui sont des soins
médicaux pour les réfugiés et
demandeurs d'asile, qui date depuis plusieurs années, comme vous le savez,
l'abolition de ce programme a été présentée en juin 2012. D'ailleurs, j'en profite pour remercier le gouvernement. À
l'époque, à ce moment-là, c'est le Dr Bolduc qui avait mis en place une couverture d'exception et
temporaire. Le 4 juillet 2014, donc c'est tout récent, la Cour
fédérale a statué que cette réforme allait à l'encontre des droits protégés par
la Charte canadienne des droits et libertés, et le 5 novembre, donc, des
changements ont été apportés. Et elle est actuellement en appel, et tout
récemment, donc, les structures de santé, on
voyait, le 14 janvier, des ajustements. Et Médecins du Monde recommande
aussi de poursuivre des soins
complémentaires aux gens qui sont éligibles au PFSI, notamment pour la
dentisterie et les soins psychologiques. Les soins psychologiques, peu dispendieux, mais la grande majorité des
demandeurs d'asile réfugiés ont subi des violences, et certainement c'est, sans jeu de mots, de bonne
guerre de pouvoir leur offrir les soins dont ils ont besoin. Je pense
qu'il y a certainement aussi une
recommandation implicite, celle de peaufiner les informations, que ce soit
clair pour les immigrants mais aussi
pour le personnel médical, parce qu'il y a beaucoup de confusion, qui a droit à
quoi. Et certainement déjà, pour les
personnes migrantes, il y a de multiples barrières — qui vous ont sûrement été exposées ici — pour leur intégration, mais, pour connaître, comprendre le système de
santé et faire reconnaître leurs droits aussi, c'est excessivement
compliqué, alors certainement il y a une clarification d'information à ce
sujet.
Donc,
certainement, je nous invite à dissocier le plus possible la santé et les
politiques d'immigration, processus administratifs,
et puis de voir l'accès aux soins de santé non pas en termes de coût, mais en
termes d'investissement. Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Weil :
Merci beaucoup, Dr Bergeron et Dre... Mme Pollaert, c'est bien ça? Je
vous remercie d'être ici avec nous.
Vous touchez un vaste sujet. Je vous félicite aussi beaucoup pour le travail
que vous faites. Je pense que toute la société est en admiration pour
votre engagement envers l'égalité puis les soins pour les plus vulnérables.
Personnellement,
j'ai été très touchée dans ce... J'étais ministre de l'Immigration à l'époque,
lorsque le gouvernement fédéral avait annoncé, annoncé parce qu'on le voyait
venir, la fin de ce programme, et, oui, avec Dr Bolduc on a réagi
rapidement parce qu'on était en lien avec des médecins à Montréal qui
traitaient justement ces populations, les demandeurs d'asile, qui, vous savez,
sont un peu dans un no man's land, hein, pas juridiquement au Québec, je veux dire, tout le monde sur le
territoire a accès à l'aide sociale et des soins de santé, mais parce que
depuis des années, 40 ans, il y avait
ce programme, bon, le Québec était surtout en demande auprès du gouvernement
fédéral, pendant des années, pour pouvoir traiter ces demandeurs d'asile, parce
qu'il avait un volume important, hein, depuis plusieurs
années. Quoi qu'il en soit, je vous remercie du remerciement, parce que, c'est
vrai, on a agi vite. Et ce que j'ai compris, c'est que par la suite
d'autres provinces ont suivi le «lead» du gouvernement du Québec.
Maintenant,
si je comprends bien, là, le programme est rétabli mais pas à 100 % de ce
qu'il était avant. Mais est-ce qu'il est comblé par le Québec? Juste
pour bien comprendre, parce que j'ai connu ce dossier. Comment vous voyez la situation? Au-delà des traumatismes et des problèmes de santé graves qu'on peut
voir... J'y reviendrai, parce que je veux bien comprendre la situation des réfugiés aussi, mais on va parler des
demandeurs d'asile dans un premier temps. Est-ce que vous voyez que
c'est rétabli mais pas à votre satisfaction, c'est un peu ça?
M. Bergeron (Nicolas) : En fait, je pense que vous le dites très bien,
c'est un dossier extrêmement
compliqué à comprendre parce qu'il y a
de nombreux statuts. Déjà, de discriminer dans les différents statuts sur les
personnes migrantes, ça devient un
peu compliqué, mais donc, pour les demandeurs d'asile, par rapport aussi à leur
origine, donc, ce sont des pays d'origine sécuritaires versus non
sécuritaires, on en perd beaucoup son latin. Je pense qu'on l'a mis un peu en
détail dans le mémoire.
Mais grosso modo ce
que j'ai compris, et puis Mme Pollaert pourra combler s'il manque de
l'information, le Programme fédéral de santé
intérimaire n'est pas revenu à ce qu'il était avant, il y a effectivement... À cause un peu de la gêne,
que la Cour fédérale aura dit : Écoutez, vous n'honorez pas les droits, les droits
internationaux et puis minimalement, je
pense, des valeurs et des dignités qui sont bien enchâssées dans la charte
canadienne, donc, ils ont un peu rebroussé chemin. Et donc les réfugiés, donc, reçoivent des services. Les
demandeurs d'asile, dépendamment de leur origine, vont recevoir
qu'est-ce qui était minimal.
Peut-être
pour le bénéfice des députés, avant, les seuls soins, c'est si la santé des
Canadiens était menacée. Donc, si la
personne avait une tuberculose active ou était psychotique et allait non pas se
suicider mais tuer quelqu'un
d'autre, là, à ce moment-là, on pouvait lui offrir des soins.
Mme
Weil : Mais, juste
pour que les gens comprennent, ça, c'était la solution après l'abolition du
programme, mais le programme avant était plus large, juste pour que les gens
comprennent.
M. Bergeron (Nicolas) : Exactement. Alors, avant, on offrait minimalement ce que la
population canadienne... ce qu'ils reçoivent de protection sociale, là,
de base reçoivent. Il y avait certains soins complémentaires de dentisterie et
soins psychologiques, je vous en ai parlé un peu tout à l'heure, mais effectivement
qui ne sont pas revenus. Donc, actuellement, il y a des soins de base qui sont offerts, des suivis de
grossesse pour les femmes enceintes, pour les enfants. Là, on parle de
cette petite portion de gens qui sont des demandeurs d'asile et des réfugiés
reçus.
Mme Pollaert (Nadja) : Si vous permettez, Mme la ministre, peut-être
juste une petite explication, parce que je crois qu'il y a quand même un enjeu au niveau des différents
statuts. Si vous permettez, je vais juste clarifier rapidement.
Quand
on parle du délai de carence, on parle des immigrants reçus. Donc, c'est des
personnes qui ont été sélectionnées à
l'étranger, qui arrivent ici, qui vont rester au Québec, qui ont payé leurs
frais, qui ont été sélectionnées. Bon. Ça, c'est une chose.
Pour
les réfugiés, il y a les demandeurs d'asile, donc, qui sont en attente
de statut. Nous, ce qu'on voit beaucoup, par contre, dans la clinique
migrants à Montréal, c'est des personnes, comme Dr Bergeron expliquait,
qui... Et c'est pour ça qu'ils rencontrent toujours
d'abord une travailleuse sociale, parce que vous avez vu l'annexe à notre
rapport, c'est un casse-tête très, très difficile à chaque fois, de
déterminer qui a accès aux soins de santé et qui qui n'en a pas. Et, même si on le détermine, ça prend un
accompagnement, et d'où l'importance d'une présence de Médecins du Monde
et aussi de sensibiliser le milieu
hospitalier, parce que ce n'est pas parce qu'un droit existe que les gens ont vraiment accès à ce droit-là. Et vous
connaissez bien ce dossier, Mme la ministre. Donc, peut-être juste ça pour
compléter.
Mme Weil :
J'aimerais vous amener sur les réfugiés, donc, qui ont un statut permanent
parce qu'ils sont soit parrainés par un groupe de parrainage ou sélectionnés
par le gouvernement fédéral mais suite à un accord avec le gouvernement du Québec, donc pris en charge vraiment
par l'État. Mais ce qu'on apprend, c'est que les situations... leur santé est de plus en plus fragile à cause de ce
qu'ils ont vécu, les traumatismes des enfants qui ont grandi dans des
camps.
Évidemment,
l'information, le ministère de
l'Immigration travaille de façon
transversale, donc, toute l'information que vous nous donnez, on la partage avec d'autres acteurs du gouvernement qui devraient... qui l'ont vu, sûrement, mais vous le présentez de façon structurée, avec beaucoup
d'information, j'en profite pour vous poser des questions là-dessus. Et
c'est des informations qu'on peut partager, évidemment, avec le ministère de la
Santé surtout mais le ministère de l'Éducation. Et j'aimerais voir si vous avez aussi... par
rapport aux enfants, parce que j'entends certaines choses. Qu'est-ce que vous voyez au point de vue problèmes
psychologiques, psychiatriques pour les jeunes enfants? Je vous laisse
aller pour qu'on puisse mieux connaître l'état de santé psychologique et
physique de certains réfugiés. Je pense qu'il faut faire attention, il y en a beaucoup
qui sont très bien, très en santé et capables de contribuer rapidement mais d'autres
qui ont besoin de soins plus particuliers.
M.
Bergeron (Nicolas) : J'en profite pour dire... Nadja Pollaert a été
directrice du bureau du droit international des enfants pendant quelques
années, donc elle maîtrise assez bien... Et puis je dirais que Médecins du
Monde travaille main dans la main avec des
perspectives, bien sûr, de l'accès aux soins mais avec une perspective
de santé publique et de droit de la santé, donc, effectivement, c'est quelque
chose d'excessivement important pour nous.
• (10 h 40) •
Mme
Pollaert (Nadja) : Peut-être... Je vous remercie de tenir compte de la particularité des enfants, parce que cette année, malheureusement c'est passé un petit peu en douce, mais on
a quand même fêté le 25e anniversaire de la
ratification de la Convention relative aux
droits de l'enfant, et il y a plusieurs articles, donc, qui se concentrent directement sur les enfants réfugiés.
Je pense que la première chose — mais
ça, je suis certaine que mes collègues de la table de concertation hier aussi l'ont fait valoir — il y a vraiment l'enjeu des demandes de regroupement familial qui
sont extrêmement longues, des délais de regroupement familial. Et ça, ça
fait en sorte que soit les enfants qui sont ici et séparés d'un de leurs
parents ou de leurs parents, c'est extrêmement long, ça peut aller jusqu'à plusieurs années... Évidemment, pour tous ceux
d'entre vous qui ont des enfants, vous
pouvez vous imaginer qu'un enfant qui sort d'une situation de conflit, de
guerre, et qui se retrouve dans un pays sans soutien familial, ce n'est pas
vraiment évident.
Ensuite, il y a les enfants qui se trouvent
encore dans le pays et parce que souvent c'est un des parents qui vient ici
pour revendiquer le statut de réfugié, qui est accepté, et, là aussi, le
parrainage est extrêmement long. Donc, quand
l'enfant arrive, au bout de plusieurs années... On a eu des cas d'enfants où la
mère ou le père ont quitté, l'enfant avait six mois, un an, un an et
demi, et le regroupement prend cinq, six, des fois sept, huit ans, j'ai vu des
cas comme ça. Évidemment, les enfants
arrivent ici, au Québec, ils ont énormément de lacunes d'abord, souvent, au
niveau scolaire, parce qu'il y a tout
un travail de mise à jour à faire. Il y a le sentiment d'abandon aussi par
rapport à un des parents qui les a laissés pour venir ici et souvent
aussi qu'il ne comprend pas pourquoi ça a été si long, parce que c'est très
difficile à expliquer parce
qu'effectivement, quand on regarde d'autres pays comme notamment les
États-Unis, les cas de parrainage et
de regroupement, plutôt de regroupement familial, c'est extrêmement rapide.
Donc, les délais sont très différents. C'est rare qu'on cite les États-Unis en exemple par rapport aux réfugiés, aux
immigrants, mais c'est assez rapide, hein? Donc, je pense, ça, c'est
quelque chose qui nous préoccupe et... Oui, c'est ça, en gros ce serait ça.
Donc, nous, à
la clinique, oui, on en voit aussi, des enfants, mais c'est sûr que... Oui,
l'aspect psychologique est pris en
compte, mais, comme c'est un travail de plus longue haleine et que nous, on offre
surtout des services de premiers soins, on va les voir, on va essayer de les référer dans le système. Mais vous
savez aussi, Mme la ministre, qu'avant on avait le RIVO, on avait
plusieurs organisations à Montréal et aussi des milieux comme la clinique
interculturelle de l'Hôpital Jean-Talon, le Jewish General où on pouvait
référer des clients qui avaient des besoins particuliers. Aujourd'hui, le RIVO
n'existe plus, les services ont été considérablement réduits, et c'est sûr
qu'on voit les effets par rapport aux enfants mais aux adultes aussi.
M. Bergeron (Nicolas) : Si je peux
rajouter, en fait, dans notre clinique migrants, depuis 2011, qui existe essentiellement pour offrir des services de soin
vraiment de base, soins de première ligne qui sont faits par des
médecins bénévoles qui sont dans le système
public, par ailleurs, et qui font ça en dehors de leurs heures, je peux vous
rassurer, et qui voient... en fait on voit
très peu d'illégaux, par ailleurs, on pourrait dire que c'est peut-être le quart,
mais les réfugiés et demandeurs
d'asile, ça correspondait à moins de 10 % des personnes qu'on accueillait
parce qu'il y avait une certaine prise en charge via le Programme
fédéral santé intérimaire, donc, des cliniques avoisinantes. Et souvent ce sont
les mêmes médecins qui sont bénévoles chez
nous mais qui vont s'occuper des réfugiés ailleurs. Donc, on a une énorme
crainte des besoins immenses avec
l'abolition du Programme fédéral de santé intérimaire. Heureusement, ça ne
s'est pas traduit encore avec une augmentation, mais on craint
énormément. Donc, des soins de base.
Et, par
rapport aux soins psychologiques... Parce qu'effectivement les réfugiés sont
une classe de migrants qui, contrairement
aux autres migrants, qui sont souvent un peu plus en santé pour passer à
travers la migration, ce sont des gens qui ont essuyé des violences
extrêmement physiques et psychologiques. D'ailleurs, dans le rapport du réseau international de Médecins du Monde, c'est à peu
près le trois quarts des personnes qui avaient subi au moins une
violence. Donc, ce sont des gens, si vous
permettez, poqués par les violences qu'ils ont subies de leur pays d'origine, et ce pourquoi ils demandent l'asile ou ont été réfugiés, et actuellement il n'y a pas de service, de soins pour les sévices
psychologiques. Donc, c'est certainement un manque à gagner. Et c'est pour ça
que l'on suggère... Et d'ailleurs c'est peu coûteux non plus, ce genre de
service, on n'a pas besoin de «scan» et on n'a pas besoin de prise de sang
compliquée, ce sont des psychothérapeutes qui s'y connaissent en trauma et puis évidemment sur les dimensions
culturelles qui peuvent accompagner
ces personnes-là. Et je pense que, certainement, d'être en mesure d'offrir une certaine
couverture sera bon pour les parents, les enfants et puis les futurs
concitoyens, donc, qui ont reçu le statut de réfugié.
Mme Weil : ...combien de
temps?
Le Président (M. Picard) :
Cinq minutes, Mme la ministre.
Mme Weil : J'ai pu rencontrer
le haut-commissaire des réfugiés des Nations unies, qui est venu me rencontrer
pour féliciter et remercier le Québec pour le rôle qu'on joue et notamment au
chapitre de la santé. Puis, vous savez, on
avait même réfléchi tout haut à peut-être faire une conférence internationale pour partager
les meilleures pratiques en la
matière. Même si nous, on constate des lacunes, puis les problématiques sont
sévères, il a quand même
reconnu que le Québec jouait un rôle important d'ouverture.
D'ailleurs,
ça fait partie des orientations, vous le voyez dans le document, bâtir une société
plus inclusive. On ne vise rien de moins que
la pleine participation, on ne fait pas de distinction entre les catégories de
personnes qui se retrouvent sur notre territoire. Et donc ce que vous
apportez, évidemment, c'est ce message, je le vois, évidemment, par des soins
de santé, des soins psychologiques.
Mais
j'ai deux questions. Peut-être les meilleures pratiques que vous avez vues
ailleurs, dans d'autres pays, qui pourraient
nous inspirer. L'autre question : Est-ce que vous avez des liens
particuliers avec le milieu scolaire, justement, parce que... ou les CSSS qui
ont des relations... ça, je sais qu'il
y a le CSSS de la Montagne, par exemple, qui a des liens avec tous
les milieux, mais le milieu scolaire, pour aussi bien informer les milieux
scolaires des problématiques que vous voyez, de santé, puis d'être
sensible à ça? Bon.
Et
finalement, troisième question, dans le temps qu'il nous
reste, si vous avez d'autres points
de vue sur cette grande vision qu'on a, l'objectif de bâtir une société
plus inclusive qui, évidemment, ne fait pas de distinction entre les
personnes, quelles que soient les
catégories, mais qui valorise leur capacité de contribuer à la société. Vous
les aidez en amenant ces soins
essentiels, mais, dans votre pratique, peut-être des histoires intéressantes où vous avez vu, justement,
que le travail que vous faites permet à cette personne d'avancer dans sa
vie.
• (10 h 50) •
M. Bergeron (Nicolas) : Bien, écoutez, d'abord — je passerai la parole peut-être à Nadja
ensuite — d'abord, en termes de capacitation,
l'expression d'autonomisation, d'«empowerment», certainement ça a toujours été
le fer de lance de Médecins du Monde, et ça
suppose évidemment, pour que le citoyen puisse être en pleine capacité, qu'il
ait accès à la santé, qu'il soit en
santé. Donc, toute mesure qui est discriminante ou qui rend les choses
complexes pour la personne pour avoir accès à la santé même lorsqu'il a
droit... Donc, comment on peut l'accompagner, lui faciliter la chose va être bienvenu pour lui permettre une pleine...
être capable de se mettre en mouvement comme futur citoyen ou citoyen,
déjà, du monde. Alors, un délai de carence n'a pas raison d'être.
Des messages clés
d'information, de liaison, effectivement, interministérielle, quand vous parlez
de parler de l'éducation, de la santé, déjà
sur le terrain, je pense, les gens déjà ont des rapports extrêmement généreux
et tissés. Donc, l'enfant à l'école,
l'éducation à la santé, de comprendre... ou, les professeurs, d'être capable
d'appréhender, on l'a vu un peu après
le séisme : Comment est-ce qu'on accueille les nouveaux Haïtiens qui
viennent chez nous, notamment les enfants? Je pense qu'il y a un travail
qui se fait.
Mais
je pense qu'il y a déjà une sensibilité qui est présente auprès de nos organes,
je dirais, de proximité. Médecins du Monde va aller dans une tranche qui
est mal desservie, donc c'est les gens qui ne sont pas déjà dans ces eaux-là, mais, bien sûr, va interpeller... Nos acteurs sont des gens qui connaissent un peu
le système. Et de promouvoir la santé aux différents
paliers, de donner l'information juste m'apparaît excessivement porteur et va
permettre donc de meilleurs citoyens et en santé.
Concernant
les meilleures pratiques, il y a énormément de tension, en ce moment, sur les
politiques migratoires en Europe.
L'Espagne, la Grèce ont des politiques migratoires régressives et qui ont des
impacts sur la santé avec... qui ont été condamnées. Évidemment, il y a
des tensions xénophobes majeures qui occasionnent des violences et donc aussi
sur des personnes, qui conduit à des impacts
sur leur santé, psychologiques mais aussi physiques. Donc, c'est
extrêmement difficile, il y a des tensions
dans le système. Mais il y a des pays, en tout cas, notamment en Scandinavie
encore peut-être, mais je sais que la Suède a annoncé, il y a deux ans
environ, des mesures plutôt progressistes en termes d'accueil, de façon plus
généreuse sur la santé de la population en général. Donc, j'inviterais vos
conseillers à aller scruter un peu qu'est-ce qui a été fait là-dessus.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Bourget.
M. Kotto :
Alors, M. Bergeron, Mme Pollaert, merci d'être là, merci pour la
contribution. Une question en liminaire : Comment vous est venue l'idée de
venir contribuer à ce débat important?
M. Bergeron (Nicolas) : Bien, j'ai envie de vous dire, aider, soigner,
témoigner font partie de notre mission, donc certainement de présenter la perspective de santé, droit à la santé pour
les populations migrantes était tout à fait naturel. Et le réseau de
Médecins du Monde est le porte-parole ou l'organisme pour... lequel la Commission
européenne interpelle sur la question de la
santé et des migrants. Donc, en Europe, Médecins du Monde, les personnes sont
capables de prendre la parole. Et certainement nous, donc, depuis, on a
suivi notre réseau, et depuis 2011 on s'intéresse à la chose et on veut
certainement avoir une veille épidémiologique là-dessus pour vous aider à
prendre des meilleures décisions, mais aussi de venir témoigner ici fait partie
certainement de notre mission.
M. Kotto :
Et comment avez-vous eu vent de la tenue de cette commission?
Mme Pollaert (Nadja) : Donc, on a été invités à comparaître à la
commission. Et d'ailleurs on vous en remercie, d'avoir tenu compte de
l'aspect de la santé.
M. Kotto : Maintenant... Alors, merci d'être là. Je vais aller dans
vos recommandations. La troisième recommandation dans le mémoire nous parle de la prise en charge médicale des femmes
enceintes en démarche de régularisation de leur statut migratoire. Des cas de femmes enceintes qui se retrouvent ou qui
se sont retrouvées en marge du système de santé faute de statut, est-ce
que vous en avez compilé un certain nombre?
M. Bergeron
(Nicolas) : On en a beaucoup et de plus en plus. C'est probablement
les bénéficiaires, les personnes qui viennent
le plus souvent à notre clinique migrants. Nos rapports annuels donnent les
détails, je peux vous donner des chiffres absolus, là, je vais les
regarder, mais c'est un problème extrêmement important.
Et aussi il faut dire qu'il y a des tensions
budgétaires dans les établissements de santé au Québec, qui fait qu'effectivement elles ne sont pas nécessairement
les bienvenues. Et on a fait des démarches qui vont un peu dans la
phase, là, d'éducation et d'information avec
les établissements de santé pour parler des problématiques des femmes
enceintes, donc, avec des statuts
migratoires divers — souvent,
à cause du délai de carence, c'est une question de temps — et puis pour voir de quelle façon on peut collaborer, parce que Médecins du
Monde n'a pas de plateau technique, évidemment, pour faire les accouchements, pour faire les
césariennes ou en cas de problème majeur, mais certainement on est capables
de faire le suivi minimal de... les
prénataux pour évidemment freiner ou appréhender des catastrophes médicales
qui, elles, seraient très onéreuses pour notre système.
Mais, si tu
veux répondre... Moi, je peux regarder, vous donner les chiffres, mais c'est
extrêmement impressionnant sur le nombre de personnes que nous avons
accueillies à notre clinique.
M. Kotto : Allez-y, madame,
oui.
Mme
Pollaert (Nadja) : Oui. Je veux juste peut-être compléter ce que Dr
Bergeron a dit. Il faut savoir... C'est que, nous, notre philosophie, au
niveau du travail, c'est que l'idée, c'est de référer les personnes dans le
système, là où la responsabilité de l'État
doit être là. Nous, on réfère. Donc, c'est pour ça que c'est vraiment... la
clinique migrants, c'est les premiers soins, c'est la base, si vous
voulez, et ensuite on a comme une toile d'araignée, tant au niveau du système hospitalier qu'au niveau des organismes
communautaires. Donc, quand vous posiez la question par rapport aux
écoles, par exemple, on va référer à des
partenaires qui travaillent directement dans ce domaine-là. Donc, on ne le fait
pas à la place d'eux, on essaie
vraiment de travailler en collaboration et de sensibiliser les milieux de la
santé aux enjeux des migrants.
M. Kotto :
O.K. Je pose la question parce que j'en ai eu, des cas, et un récemment, il y a
quelques mois. C'est un jeune couple
d'origine africaine qui terminait ses études, sa formation universitaire ici,
au Québec. Le conjoint venait de trouver
un emploi, mais il ne travaillait pas encore, donc il n'avait pas encore de
revenus, et sa conjointe, elle attendait un bébé et attendait également le traitement de son... parce qu'elle avait
son CSQ déjà à la base, mais elle attendait le traitement de son dossier au niveau fédéral, traitement qui
mettait un temps fou à être traité. Mais force est de constater
l'impuissance du gouvernement du Québec
quand vient le moment de faire des interventions à l'effet de prioriser le
traitement de ce genre de dossier
pour permettre à cette personne, à cette jeune personne qui correspond au
profil d'immigrant qu'on veut, instruite,
qualifiée, parlant couramment le français, un français impeccable, profil que
nous voulons retenir au Québec... Mais
paradoxalement il n'y a rien de concret qui est fait pour aider cette personne,
ce couple, donc, par extension, à vivre une grossesse de façon décente,
parce que pendant des mois elle n'a pas pu consulter.
Et j'évoque cet exemple parce que je fais la
part des choses entre le discours et la réalité. Il y a de bonnes volontés exprimées ici et là par le discours, mais,
dans le concret, quand on ambitionne de retenir une jeune immigration formée au Québec, bien intégrée, et que vient le
temps de donner un coup de pouce juste pour accélérer, prioriser un
dossier en traitement à Ottawa, il n'y a rien qui se fait. Comment est-ce que
vous voyez ça?
M. Bergeron (Nicolas) : L'action de
Médecins du Monde prend ses racines dans cette indignation que vous partagez avec nous, de dire : Ça n'a pas de
bon sens que les femmes enceintes, que les enfants n'aient pas
minimalement les soins de santé minimaux
partout un peu dans le monde! Mais évidemment il y a une organisation de la
chose. La clinique migrants est née de cette urgence et de cette
indignation pour offrir à cette personne un suivi minimal, pour pouvoir être capable de s'assurer une bonne santé. Ce
qu'on demande aujourd'hui au Québec, c'est, finalement, de dire :
Bien, pour les femmes enceintes, peu importe
leur statut, toute femme enceinte sur son territoire devrait recevoir des soins
de santé, parce que cela est juste et digne. Et c'est aussi moins
coûteux globalement et c'est aussi, d'une perspective de santé publique, la meilleure chose à faire, c'est ce
qu'il y a de plus sensé et c'est exactement ce qu'on appuie. Médecins du
Monde souhaite ne plus exister parce que le
système d'État public va être capable de prendre en charge minimalement la
santé de ces personnes sur son territoire.
Alors, c'est un peu l'esprit de la clinique migrants. Nous, on espère,
évidemment, que... On travaille
toujours de façon complémentaire avec le système de santé, mais on est là dans
les zones où effectivement il n'y a pas
de prise en charge pour ce que l'on croit être juste et les personnes qui
auraient droit à ce droit à la santé minimal.
M. Kotto : O.K. Je n'ai pas
d'autre question. Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.
• (11 heures) •
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Madame monsieur, bonjour. Dans votre mémoire, vous abordez la question des barrières linguistiques et des barrières
culturelles au niveau de
l'accessibilité aux soins de santé, au niveau... lorsque le réfugié est
en contact. Comment est-ce qu'on pourrait mettre en place des mesures qui
simplifieraient ce contact-là?
M. Bergeron (Nicolas) : Question très sensible. La réponse de Médecins du
Monde et celle qui devrait être faite un peu dans le système de santé,
c'est un accompagnement, évidemment, un peu personnalisé, que ce soit au niveau
du service social, que ce soit au niveau d'une infirmière ou encore de
techniciens, je pense, donner de l'information sur les parcours possibles, les dédales de services de
santé, mais aussi par rapport à certains aspects administratifs,
juridiques de leur statut.
Donc,
Médecins du Monde, sa clinique, elle se veut interdisciplinaire. On a des
travailleurs sociaux, des infirmières, des médecins et puis accès à des
gens qui peuvent donner... d'autres organismes qui sont intéressés sur les questions
juridiques notamment, qui sont bénévoles
et puis qui donnent un peu cet accompagnement-là pour essayer de
comprendre, avec aussi l'accès à des
interprètes, donc, vous parliez de la barrière linguistique. Et je pense
qu'au sein du système de santé,
de travailler en donnant un peu plus pour
ces personnes-là, donc, une perspective d'équité, on pourrait dire : Nous
vous offrons davantage de services parce que
c'est plus compliqué pour vous et on pense que c'est payant en bout de
compte pour le faire. Et donc ça suppose, je pense,
le plus simple, un accompagnement personnalisé et d'être... Je dirais qu'il y a un travail aussi de Médecins de Monde, celle un peu... une perspective de
changement social, c'est-à-dire que les médecins, les infirmières qui
oeuvrent à Médecins du Monde, qui participent bénévolement à la clinique
travaillent aussi dans les hôpitaux, travaillent aussi dans les CLSC et donc
reconnaissent un peu les difficultés que rencontrent autant l'itinérant
dans la rue que la personne immigrante, que
les Premières Nations qui reviennent à Montréal, qu'il y ait une acculturation aussi complète
pour eux dans certains cas. Donc, sensibiliser l'ensemble des soignants à
cette dimension-là fait partie aussi, je dirais, de notre mission,
donc, d'information, mais ça appartient aussi, je pense,
aux ministères, les différents ministères, d'encourager
cette compréhension et cette connaissance-là pour faciliter les parcours.
M.
Jolin-Barrette : Dans ce cas-ci, la clinique est située à Montréal,
mais on sait qu'il y a une partie des demandeurs
d'asile et des réfugiés qui sont dirigés vers certaines régions d'accueil, je
vous donne l'exemple de Sherbrooke.
Est-ce
que les régions désignées pour accueillir des réfugiés sont outillées, dans
l'état actuel, pour répondre à ces besoins-là?
Et, d'une façon sous-jacente, est-ce que ce que vous disiez, l'accompagnement,
la formation, est dispensé au niveau
du personnel de la santé? Puis, en sous-question également, est-ce qu'on permet
aux réfugiés, aux demandeurs d'asile de vraiment avoir l'éventail des
possibilités au niveau des soins de santé, pour y avoir accès?
M. Bergeron
(Nicolas) : Alors, les réfugiés et les demandeurs d'asile normalement,
donc, via le Programme fédéral de santé intérimaire, ont accès aux mêmes soins.
Maintenant,
l'accompagnement, je ne peux vous certifier s'il existe, s'il est bien soutenu
dans les autres régions que Montréal, mais je sais qu'il y a une
sensibilité à la chose. Mais certainement il y aura davantage à poser... C'est
un peu l'esprit d'aller visiter... On est à Montréal, mais on est Médecins du
Monde Canada, donc il y a tout un travail, il y
a d'autres groupes, évidemment, qui sont... Et le travail de Médecins du Monde,
c'est de travailler aussi avec d'autres organismes qui sont dans les différentes régions, qui ont déjà... — vous avez reçu la table de concertation
hier — donc qui
sont capables. Donc, ils connaissent Médecins de Monde. Donc, s'il y a des
dimensions de santé, bien évidemment on est là pour partager l'information et la donner, donc, pour que les demandeurs
d'asile ou toute personne migrante en dehors de Montréal puissent avoir
aussi... c'est-à-dire que les gens autour puissent être outillés pour pouvoir
les accompagner.
M.
Jolin-Barrette : Vous vouliez peut-être ajouter.
Mme Pollaert
(Nadja) : Juste pour ajouter, je pense que, bon, Sherbrooke, c'est
quand même proche de Montréal, mais la
réalité, c'est aussi que, dans d'autres régions, pour certaines interventions,
il y a moins accès, par exemple, par rapport aux interprètes, il y a
moins d'expérience aussi parce que le bassin de personnes qui ont vécu la
violence politique ou les tortures... Je veux dire, ça existe encore dans plus
que 130 pays de manière régulière, la torture, donc il y a beaucoup de gens qui arrivent très
hypothéqués à ce niveau-là, et il n'y a pas les ressources. Donc, la table,
avec le volet formation, ils ont déjà commencé, je suis sûre qu'ils vous en ont
parlé hier, vous savez le travail substantiel qui est fait à ce niveau-là, mais
ça, c'est un des moyens, je pense, pour pallier, pour équilibrer un petit peu
le niveau de connaissance et de compétence.
M.
Jolin-Barrette : À l'annexe III de votre mémoire, vous établissez l'accès à la Régie d'assurance maladie du Québec
pour un nouveau-né. Dans le fond, les critères, il y a une série de critères.
Ce qu'on constate, c'est que parfois il va y avoir des enfants qui vont se retrouver sans possibilité d'accès aux soins de santé. J'imagine que vous militez pour le
fait que, lorsqu'un enfant naît sur le territoire québécois, il puisse avoir
accès aux soins de santé.
M. Bergeron (Nicolas) : Oui. Écoutez, l'ensemble du réseau de Médecins du Monde prône dans tous
les pays du monde que les femmes
enceintes et les enfants de moins de
cinq ans spécifiquement puissent avoir accès gratuitement à des soins de
santé, c'est un dénominateur de bien-être commun, je pense, un standard
international qui fait honneur à l'ensemble
des pactes et des conventions qui régissent ou bien qui tournent autour de ces
questions-là, alors, absolument, un nouveau-né, donc, peu importe le
statut des parents, puisse recevoir les soins nécessaires.
M.
Jolin-Barrette : Parmi les pays qui reçoivent une part importante de
l'immigration mondiale, comment ça fonctionne?
Est-ce qu'il y a un standard international pour dire : Bien, les soins de
santé sont offerts aux enfants de moins de cinq ans? Ou quelle est la
tendance, un portrait global?
Mme Pollaert
(Nadja) : Bien, le portrait global, c'est que toutes les normes
internationales déterminent très clairement
que c'est jusqu'à 18 ans. Donc, il y a vraiment, normalement, quand l'État
a ratifié les instruments internationaux, un engagement pour respecter
l'enfance — mais
pas juste la petite enfance, parce que c'est vraiment les zéro à
18 ans — et
de donner accès aux soins de santé.
Mais,
comme Dr Bergeron a expliqué, si ça vous intéresse, ce sujet-là, on pourra
vous revenir avec plus de détails à
ce niveau-là, au niveau des différents modèles, mais ce qu'on voit de la
tendance générale, effectivement, c'est de moins en moins accès. Donc, ça dépend aussi des pays, vous avez le droit du
sang, le droit du sol, tous ces aspects-là, mais par contre tous les... Médecins du Monde milite pour
dire que, finalement, l'enfant, il est né au Québec, il est né au
Canada, il est Canadien. Donc, comment ça se
fait qu'il est discriminé par rapport à d'autres Canadiens et qu'il n'a pas
accès aux mêmes soins? Et parce qu'il
y a tout l'enjeu aussi du statut des parents, et les parents, aussi,
évidemment, quand vous n'avez pas vraiment un statut légal, vous avez
moins tendance à vous présenter aux autorités pour revendiquer des droits,
l'accès aux soins de santé pour vos enfants. Il y a cet enjeu-là aussi.
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme Pollaert, ça met fin à
la présentation. Merci, Mme Pollaert, Dr Bergeron, pour votre
présentation.
Je suspends
quelques instants pour permettre au prochain groupe, qui est Montréal
International, de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 8)
(Reprise à 11 h 11)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en accueillant Montréal International. Nous
accueillons Mme Dominique Anglade, présidente-directrice générale. Vous
avez 10 minutes pour faire votre présentation. Dans un premier temps,
j'aimerais connaître les gens qui vous accompagnent.
Montréal International
(MI)
Mme Anglade (Dominique) : Parfait,
merci beaucoup. Alors, un plaisir pour nous d'être avec vous aujourd'hui.
Je suis accompagnée de Martin Goulet, qui est directeur de la mobilité
internationale chez Montréal International, et de Christian Bernard, qui
est notre économiste en chef.
Je pense
qu'on vous a remis copie de notre mémoire, donc vous l'avez sous la main. Dans
un premier temps, ce que j'aimerais
faire, c'est peut-être une mise en contexte, pourquoi est-ce que cette
question-là est au coeur des stratégies de Montréal International, et vous dire qu'on va se concentrer
essentiellement sur des recommandations qui vont viser les travailleurs temporaires et les étudiants
internationaux, c'est vraiment le volet que nous allons particulièrement
aborder.
Dans le
document qui vous a été remis, en première partie, il y a une section qui
résume les recommandations. Je pense qu'on va y revenir plus tard, je
préférerais commencer tout de suite dans la mise en contexte et vous amener à la page 7 du document. En page 7 du
document, ça décrit la mission de Montréal International, et il me semble
important de la mentionner parce qu'elle va vraiment déterminer pourquoi est-ce
que nous abordons le sujet de l'immigration.
Alors, il y a
trois piliers importants de création de richesse, pour Montréal International,
que sont les investissements directs étrangers, les talents stratégiques
et les organisations internationales.
En matière d'investissements directs étrangers,
on couvre également l'ensemble de la métropole, donc les 82 municipalités qui constituent le
territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal. Et il existe sur le
territoire de la métropole 2 000 filiales étrangères, et l'objectif
de Montréal International, son but premier, c'est de s'assurer que ces
organisations grandissent ou d'en attirer davantage. Et donc chaque fois qu'on
amène une entreprise étrangère il y a des
gens qui viennent s'établir à travers cette entreprise étrangère là de manière
régulière, et donc nous avons un service d'accompagnement au sein de
Montréal International qui nous permet de faciliter le travail de l'immigration
au niveau temporaire de ces travailleurs-là.
Dans un
second temps, il y a les talents stratégiques, l'attraction des talents
stratégiques. Bon an, mal an, il y a des centaines de postes qui ne sont pas comblés avec l'immigration pour la
région métropolitaine. Il y a des missions qui sont organisées avec le
ministère et auxquelles nous prenons part, et nous accompagnons donc les
entreprises à l'étranger pour aller recruter
ces postes dont il n'y a pas la main-d'oeuvre nécessaire ou les
qualifications nécessaires, je devrais dire, pour combler ces
postes-là. Donc, on fait également partie de cette attraction au niveau des
talents stratégiques.
Troisième
volet qui est important et troisième pilier de Montréal International, c'est le
volet des organisations internationales.
La métropole compte 62 organisations internationales, et évidemment ces
organisations internationales sont en
grande majorité avec originellement des travailleurs temporaires qui viennent
de l'étranger, qui viennent s'établir avec ces organisations
internationales là.
Donc, toute la trame de fond de Montréal
International, c'est réellement le soutien que l'on amène auprès de ces
organismes, de ces organisations qui viennent s'établir sur le territoire
métropolitain. Puis je vous dirais que de manière
systématique... Depuis la dernière année, tous les jours nous sommes en contact
avec des travailleurs qui sont étrangers
et des compagnies étrangères. Je vous dirais que systématiquement, de la part
des compagnies qui veulent venir ici ou des organisations
internationales, la première question qui est posée maintenant, au-delà même
des coûts, c'est la question du talent. Est-ce que la région métropolitaine a
le talent nécessaire à fournir pour pouvoir s'assurer qu'une entreprise vienne s'établir ici et qu'on ait le
talent pour suffire à la demande? Donc, ce sont des enjeux qui sont
extrêmement importants pour la suite des choses.
J'aimerais maintenant
vous amener au principe directeur de ce que l'on vous présente aujourd'hui, en page 11. À l'intérieur de l'ensemble de
l'immigration qui existe au Québec, il y a
une immigration qui est temporaire. Elle est composée de deux groupes spécifiques : l'immigration des
travailleurs spécialisés et puis les étudiants internationaux. Nous pensons que ces deux groupes-là constituent un bassin
qui est vraiment sous-utilisé en termes d'immigration permanente. Ce sont des gens qui viennent ici, qui travaillent ici de
manière temporaire, ce sont des gens qui viennent étudier, mais par la suite bon nombre de ces
personnes-là quittent et ne restent pas ici, alors qu'il y a un intérêt de
leur part à rester, à rester au Québec, et donc on pense qu'il y a un bassin
sur lequel on devra miser de manière beaucoup plus systématique que l'on a fait
par le passé pour le volet de l'immigration.
Si je vous amène, en
termes de chiffres, à la page 13, vous verrez qu'à la page 13 on a
tâché de montrer la croissance qu'il y a eu au niveau des étudiants
internationaux, incluant les cégeps et les universités, et les travailleurs temporaires spécialisés, et vous voyez qu'il y a
une croissance, il y a une croissance quand même importante.
J'aimerais par contre mentionner, quand on parle de croissance
importante dans ces domaines, qu'au niveau des étudiants internationaux notre croissance est bien inférieure à celle
qu'elle pourrait être quand on la compare à nos voisins des autres
provinces canadiennes. Vous voyez donc une
croissance des étudiants internationaux, on parle de... 2012 on est à 34 000, 2013 on est à 36 000, mais nos voisins croissent beaucoup
plus rapidement que nous, et, là aussi, il y a un enjeu. Donc, on pense
que non seulement ce bassin, il croît, mais il pourrait croître de manière
beaucoup plus importante.
Ce que l'on constate,
si on prend les chiffres de 2013 et qu'on regarde juste la portion qui touche
Montréal, vous avez 36 000 étudiants internationaux, au niveau de
2013, qui étaient sur le territoire du Québec, ça représente
25 000 étudiants internationaux pour la région métropolitaine. Et
là-dessus il n'y avait que 1 000 personnes, 1 000 personnes sur ces 25 000 là qui recevaient de
l'information sur la résidence permanente, donc très peu d'information
qui circule pour aller accueillir ces personnes.
Il
y a une étude qui a été faite par le Conseil emploi métropole et Montréal
International dont les résultats sont sortis dernièrement et qui est à la page suivante, page 14, qui démontre
la chose suivante, c'est que, dans le bassin de travailleurs temporaires, et d'immigrants, et des étudiants, il
y a plus de 50 % des gens qui aimeraient venir s'établir ici à plus
long terme. Pourtant, lorsqu'on regarde ceux
qui réellement s'établissent ici, on constate que c'est bien inférieur au
50 %, on parle de 10 %,
12 %, dépendant de la manière dont on regarde les chiffres. Donc, il y a
une réelle volonté de la part des gens, mais, d'un autre côté, ça ne se traduit pas par une augmentation au
niveau de leurs demandes de résidence permanente.
Ce qu'on a tâché de
faire à la page suivante, à la page 15, c'est vraiment d'estimer le bassin
potentiel de travailleurs temporaires spécialisés qui seraient éligibles au
programme du PEQ. Et ce qu'on a fait, c'est qu'on a pris le nombre d'étudiants internationaux qui graduent
en une année avec les travailleurs étrangers qui se constituent dans
cette année-là, et nous avons estimé que, lorsqu'on va arriver en 2018, il y
aura environ un bassin de 25 000 personnes qui seraient intéressées à venir ici, qui pourraient
immigrer, mais sur lesquelles, encore une fois, on ne mise pas
suffisamment.
Dernière
page avant de rentrer spécifiquement dans les recommandations. La proportion de
travailleurs temporaires spécialisés et étudiants internationaux qui ont
déposé une demande, on voit qu'en 2014 elle est de 30 %. On pense qu'elle devrait être d'environ 60 % en 2018.
Si vous regardez l'objectif que l'on s'est mis en bas de la page 16, vous
verrez que ce que l'on dit, c'est qu'il y a un bassin potentiel d'environ
25 000 personnes. On pense qu'il pourrait facilement y avoir 15 000 personnes, bon an, mal
an, qui fassent partie de l'immigration permanente et que l'on cible de
manière systématique. Encore une fois, on pense que cibler ces personnes... On
est rendus seulement, en 2014, à 5 000. On pense qu'on est capables de tripler
ce chiffre, en autant qu'on se donne les moyens et les ressources pour le
faire.
Pour
faire cet effort-là, bien il s'agit d'avoir deux axes importants de travail. Et
là je vais céder la parole à mes collègues. Alors, je cède d'abord la
parole à M. Martin Goulet au niveau de la mobilité.
• (11 h 20) •
M. Goulet (Martin) : Alors, comme notre mémoire le mentionne, on s'attaque aux étudiants
étrangers et aux travailleurs temporaires. Le premier axe s'attaque à
l'attraction et l'admission des travailleurs temporaires.
Plusieurs employeurs
se plaignent d'avoir de la difficulté à recruter des travailleurs temporaires. En
2012, il y avait une étude, on le cite, une étude d'Emploi-Québec qui mentionnait qu'un employeur sur cinq avait des difficultés à
recruter des travailleurs spécialisés. 67 % des postes à pourvoir sont des postes
spécialisés, donc des postes de gestion, des postes professionnels et techniques. Il y a plus d'une dizaine de
professions en lien avec la haute technologie qui offrent des perspectives favorables d'ici 2017, vous avez en
annexe ces professions, on parle de professions de haute technologie
dans le Grand Montréal. Les besoins de
main-d'oeuvre se font ressentir au niveau des travailleurs spécialisés, des
gens qui ont vraiment des connaissances pointues, une expérience qui
peut apporter énormément aux entreprises de la région.
Aussi,
on le mentionnait tout à l'heure, plusieurs entreprises participent aux
Journées Québec, Journées Québec qui sont organisées par le ministère en
collaboration avec Montréal International. Bon an, mal an, c'est deux missions.
C'est près d'une quinzaine d'entreprises de
la région qui participent à chacune de ces missions-là, et la qualité des
offres d'emploi est exceptionnelle. On parle d'aéronautique, de jeu vidéo, tout
le volet consultants au niveau informatique. C'est vraiment la clientèle, là,
qui se présente aux Journées Québec.
Le Président (M.
Picard) : M. Goulet, je dois vous interrompre. Et vous
pourrez...
M. Goulet
(Martin) : Ajouter.
Le Président (M.
Picard) : ...en ajouter avec les interventions des
parlementaires. Merci.
M. Goulet
(Martin) : D'accord.
Le Président (M.
Picard) : Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Weil :
Oui, merci, M. le Président. Alors, Mme Anglade, M. Goulet et
M. Bernard, merci beaucoup de votre présence ici, parce que vous frappez,
vous touchez un enjeu qui est tellement important pour nous. Et je l'ai mentionné il y a quelques jours, qu'en
Nouvelle-Zélande 85 %, je crois bien, 85 % de leur immigration
permanente découle de l'immigration
temporaire, donc on peut être très ambitieux. Et je vais vraiment vous poser
des questions sur comment on peut faire mieux, comment on peut aller
plus loin.
Vous avez beaucoup de bonnes idées par rapport aux
étudiants étrangers. Je trouve très intéressant le chiffre de 30 % parce
qu'on avait fait un sondage, il y a quelques années, avec des étudiants
étrangers, combien d'entre eux pourraient
être intéressés à immigrer, et c'était 30 % à l'époque. Mais j'aime bien
vos ambitions de doubler ce chiffre-là en l'espace de quelques années parce que c'est des gens qui sont déjà
intégrés, ils ont cette fameuse expérience québécoise, ne pas dire... Et notre volonté, ce n'est pas
d'exclure tous les autres. La reconnaissance des acquis, on travaille fort là-dessus.
C'est des compétences des gens qui sont ici,
scolarisés et tout. Mais, pour l'avenir, c'est vraiment intéressant, couplé
avec la déclaration d'intérêt, ce nouveau système d'immigration auquel on
réfléchit.
Alors, vous
aviez une page avec des stratégies. On va... À moins que vous vouliez finir
peut-être l'intervention, monsieur, que vous aviez...
M. Goulet
(Martin) : Bien, rapidement,
sur le premier axe — merci de
me donner la possibilité de terminer — sur le
premier axe d'intervention, d'attraction des travailleurs étrangers, d'abord on
a un avantage concurrentiel, au Québec, qui est le processus simplifié dans le cadre des demandes de permis de
travail, des demandes de certificat d'acceptation. C'est un avantage
concurrentiel par rapport aux autres provinces, et on devrait maintenir ce
processus-là.
Aussi,
intégrer tout le volet universitaire à ce processus simplifié là — Montréal a vraiment avantage à
accueillir encore plus de professeurs et de
chercheurs — et
toujours poursuivre la recherche au niveau, je dirais, de l'analyse des
demandes de ces CAQ.
Là,
actuellement, le ministère traite les demandes avec des statistiques
d'Emploi-Québec. Il faut être capable d'offrir aux travailleurs étrangers un bon salaire puis il faut le faire aussi en
respect des travailleurs québécois qui sont déjà en place.
Finalement,
au niveau de la promotion, si je puis dire, du Québec, de la région de
Montréal, je pense qu'il faut être plus actifs au niveau des médias
sociaux pour promouvoir, je dirais, les industries fortes de la région
métropolitaine. Et il faut viser une certaine tranche d'âge, hein, les 25-40
sont très actifs sur les médias sociaux.
Et,
naturellement, poursuivre les missions de recrutement et en ajouter, si
possible, avec des missions sectorielles. Plusieurs entreprises font cette demande-là, notamment au niveau de
l'aérospatiale, des jeux vidéo. On aimerait pouvoir mener ces
missions-là sectorielles en Californie, par exemple, au niveau des jeux vidéo,
avoir une force de frappe pour attirer les talents.
Mme Weil : C'est intéressant.
Les Manufacturiers et exportateurs du Québec nous ont fait exactement cette recommandation. Donc, c'est des missions
spécialisées par secteurs, c'est vraiment intéressant. Toutes ces recommandations sont intéressantes,
et on va les analyser. Évidemment, le C est un peu plus technique, évidemment,
les technicalités, mais, bon, on va regarder tout ça.
Maintenant, pour peut-être nous amener en amont,
le recrutement, ces missions de recrutement, comment renforcer peut-être... Bon, il
y a le sectoriel, on pourrait
renforcer avec une approche sectorielle. Donc, par rapport aux pays où on
pourrait aller aussi, hein, on a fait donc des missions... on fait des missions
en France, maintenant on a rajouté la Belgique. Avez-vous d'autres idées, peut-être, d'autres pays qui
pourraient être intéressants pour ces missions? En tout cas, toutes vos idées sur ces questions
de recrutement sur le terrain, de missions.
Mme Anglade (Dominique) : On a
réfléchi à la question des pays pour finalement se dire que ce qui serait beaucoup
plus porteur, c'est l'aspect sectoriel. L'aspect sectoriel nous force à être
géographique par la suite. Recruter aujourd'hui en Angleterre, ça
pourrait être intéressant, il y a des vecteurs qui sont intéressants en
Grande-Bretagne, il y a des vecteurs qui sont intéressants au niveau de la
Californie, donc, mais c'est le sectoriel qui définit davantage le
géographique, selon nous.
Et on a fait des tentatives au niveau médias,
Web, étant donné les restrictions budgétaires, de voir comment est-ce qu'on est capables de faire des missions sectorielles mais à distance, et ça
a donné des résultats assez probants. Donc, je pense qu'il y a des investissements peu... plus faibles qui peuvent être faits mais
avec des résultats vraiment importants,
au niveau du Web, et tout se fait maintenant par réseau, par LinkedIn,
etc., donc c'est vraiment l'approche qu'il faut maximiser. Il ne se passe pas de journée chez nous sans qu'on reçoive un
tas de C.V. de personnes qui sont intéressées à immigrer, qui ont des profils extraordinaires, qui pourraient faire...
On pourrait faire des liens, mais on n'est pas en mesure d'assurer ce
lien-là direct. Donc, on pense qu'il y a du potentiel là-dedans.
Mme Weil :
Puis quel rôle vous pourriez jouer? Ça m'amène peut-être avec ce nouveau
système de déclaration d'intérêt,
parce que vous voyez tellement de C.V. puis de gens intéressants, s'il n'y a
pas un poste temporaire, bien, qui pourraient peut-être rentrer aussi
par ce nouveau système. Comme vous savez, on ne serait pas pris avec les délais
de traitement qui actuellement encombrent le système. Alors, il y a des volumes
importants de personnes, mais là ce serait vraiment un profil intéressant puis
de faire un genre de «matchmaking» avec quelqu'un qui serait intéressé.
Mme
Anglade (Dominique) : Ce
n'est pas hyperdifficile à coordonner. Montréal International joue toujours
un rôle de «catalyst», hein, parce
qu'évidemment, si vous regardez, notre conseil d'administration est composé de
plusieurs recteurs des universités, le milieu des affaires est là, le milieu
politique est là, donc c'est vraiment un «catalyst» qui nous permet de jouer un rôle intéressant. Et, par
le passé — peut-être
que tu pourras commenter là-dessus — au niveau de la résidence permanente, on a été impliqués, au niveau de l'immigration
temporaire. Donc, je pense que c'est plus d'être collés avec les
entreprises et faire ce lien-là de manière beaucoup plus systématique.
On a
différents projets sur la table aujourd'hui. Évidemment, comme je vous dis,
contexte budgétaire oblige, on ne peut
pas présenter des projets qui sortent au-delà des enveloppes budgétaires, mais
on serait tout à fait prêts à s'asseoir avec vous pour regarder de
quelle manière on peut le faire de manière beaucoup plus proactive et, encore
une fois, à des coûts qui ne sont pas si élevés que ça, parce que c'est très
«Web-based», maintenant, tout ce processus-là. Donc, un rôle de «catalyst».
Mme Weil : Là, j'aimerais
parler des étudiants étrangers, hein? On est tous intéressés, évidemment, à les
intéresser, à avoir la piqûre du Québec,
puis on remarque qu'il y en a beaucoup qui l'ont. On a quand même atteint,
après quatre années,
20 000 étudiants étrangers, travailleurs temporaires qui ont fait une
demande et qui ont obtenu un CSQ, qui est
quand même... il y a eu une croissance importante. Puis je suis d'accord avec
vous que, juste en quatre ans, si on a eu ce résultat, on peut aller
plus loin.
Qu'est-ce que vous recommandez? Moi, je le vois... Bon, premièrement, qu'ils connaissent le programme, parce que
moi, je fais des visites sur les campus, je rencontre des étudiants étrangers,
puis très peu connaissent le programme, mais le ministère fait quand
même des présentations, donc, à ce niveau-là. Mais aussi qu'est-ce qu'on peut faire aussi pour les accompagner, tout en privilégiant, évidemment, les étudiants québécois aussi, aux
possibilités d'emploi et de carrière dans
le milieu, de faire un lien avec les entreprises, les... Certainement, les
grandes entreprises me disent qu'elles sont intéressées par cette main-d'oeuvre et d'avoir des étudiants étrangers
qui parlent plusieurs langues, qui sont des têtes de pont avec d'autres marchés, d'autres pays, bon, tout
l'avantage de la diversité dans un milieu de travail. Je vous laisse
aller.
• (11 h 30) •
Mme
Anglade (Dominique) : Je
vais répondre au début de votre réponse et après je vais céder la parole à
mon économiste en chef parce que c'est son sujet de prédilection.
Sur la
première partie, laissez-moi juste répondre au niveau des étudiants
internationaux, je veux quand même attirer votre attention sur une chose.
Le Québec, auparavant, attirait 33 % des étudiants étrangers au niveau
canadien; aujourd'hui, on est environ à
23 %. On est sans cesse en recul. Même si on a une progression qui est
similaire à ce qu'on a comme poids de
la population, on est en recul. Et ça, c'est vraiment... je ne veux pas dire
«dangereux» pour être alarmiste, mais, d'un autre côté, toutes les
universités montréalaises se disent : On a vraiment un enjeu pour aller
recruter des étudiants internationaux. Donc, je pense qu'il y a un volet qui
est : Comment est-ce qu'on donne des incitatifs à nos universités pour
aller chercher des étudiants étrangers? Parce qu'aujourd'hui nos universités
montréalaises n'ont pas suffisamment
d'incitatifs pour aller chercher des étudiants étrangers. Donc, sur le volet
attraction, il y a un travail à faire en amont qui est important. Sur
l'autre volet...
M. Bernard (Christian) : Oui.
J'aimerais ça vous amener, messieurs dames, à la page 22 de notre mémoire
pour vous dévoiler en primeur les résultats d'une étude qu'on a réalisée avec
le Conseil emploi métropole, qui sera dévoilée
à la fin du mois de février et qui portait spécifiquement sur la rétention des
travailleurs temporaires spécialisés et aussi des étudiants internationaux. Et donc on leur a demandé, à ces
deux groupes qui nous apparaissent stratégiques, sur lesquels on doit miser : Quels sont les
irritants? Qu'est-ce qui freine vos intentions de rester ici au terme de vos
études et de votre permis de travail? Il y a trois grands irritants majeurs qui
sont ressortis de notre sondage et des groupes de discussion qu'on a menés.
Le premier,
c'est l'accès à l'emploi. Vous le disiez tout à l'heure, Mme la ministre, c'est
particulièrement le cas des étudiants
internationaux, qui sont ici avec un statut temporaire, donc il y a une
certaine incertitude, pour les employeurs, de leur donner une chance. Pour les conjoints et conjointes aussi des
travailleurs temporaires, il y a un enjeu au niveau de l'accès à
l'emploi.
Le deuxième irritant majeur, c'est le processus
d'immigration. C'est une grosse boîte noire complexe pour la grande majorité d'entre eux. Ma collègue
Dominique, tout à l'heure, disait que, sur les 28 000 étudiants
internationaux du Grand Montréal, du système
d'enseignement supérieur du Grand Montréal, il y en a seulement 1 000 qui
sont accompagnés, qui sont informés des démarches à faire, où est-ce
qu'il faut commencer, là, pour obtenir la résidence permanente.
Et le
troisième enjeu, il est linguistique, donc c'est la maîtrise du français pour
les non-francophones, qui sont ici, bien souvent, sur des permis de
travail, qui sont dans des programmes d'études qui sont d'une durée de deux,
trois ou quatre ans et donc doivent, en parallèle à ça, développer un niveau de
français suffisamment élevé pour se qualifier au niveau du PEQ.
Et donc je
voudrais vous amener sur le programme d'expérience Québec, parce qu'on a une
voie rapide qui été mise en place en
2010 qui a un potentiel extraordinaire, qui est bien faite, mais, comme ma
collègue le disait tout à l'heure, il y
a juste, selon nos estimations, en 2014, seulement 30 % des candidats qui
seraient éligibles qui sont passés par le PEQ. Alors, pourquoi ne pas... On a une autoroute. Pourquoi la majorité des
candidats potentiels prendraient la voie de campagne, la voie de
service? Pourquoi ne pas s'assurer que ce programme-là ait la note de passage,
c'est-à-dire que 60 % des candidats qui sont potentiellement éligibles
passent par le PEQ?
Et donc essentiellement, nous, comment ça se
traduit au niveau des recommandations de l'axe 2, je ne les lirai pas toutes parce que vous les avez sous les
yeux, mais, essentiellement, comment on peut faire en sorte d'informer davantage de travailleurs et d'étudiants
internationaux par rapport à l'existence de cette voie rapide et des exigences
de ce programme et de les tenir par la main?
Parce que, pour plusieurs d'entre eux, ils ne savent pas par où commencer, ils
ne savent pas comment s'y prendre. Ils ne connaissent même pas, bien souvent,
l'existence de cette voie rapide.
Et, deuxièmement, au
niveau de l'exigence linguistique, on recommande de retourner au seuil de
français qui était exigé, c'est-à-dire
intermédiaire débutant, lors de la mise en place du programme en 2010, parce
que ce qu'on s'est fait dire, c'est
qu'en particulier pour les étudiants qui sont ici ils étudient à temps plein,
on leur demande en l'espace de trois,
quatre ans, d'acquérir une maîtrise du français qui est intermédiaire avancé.
Comme c'est des candidats à l'immigration qui présentent une probabilité d'intégration extraordinaire, on suggère,
pour le programme PEQ uniquement, de revenir à l'ancienne exigence
linguistique qui était en place lors de la mise en place de ce programme-là.
Mme Weil :
Je vous remercie. Mes collègues ont aussi des questions, donc je vais céder mon
temps, évidemment, partager avec mes collègues. Merci.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président. Mme Anglade, M. Goulet, M. Bernard, bienvenue. Merci
pour votre exposé, intéressant et essentiel à nos réflexions.
Si on est ici
pour discuter de refondre de la politique sur l'immigration, c'est parce qu'il
y a plein d'enjeux dont vous avez
mentionné quelques-uns qui nous interpellent, bon, défi démographique énorme,
une pénurie de main-d'oeuvre, un
monde concurrentiel, et tout ça dans un incontournable qui est l'importance
d'intégrer et de franciser nos immigrants.
Vous venez de
parler un petit peu et vous avez... Dans votre conclusion, vous parlez du volet
économique de la nouvelle politique
d'immigration qui doit s'appuyer sur un arrimage plus direct avec les besoins
du marché du travail, et en plus vous
avez parlé de revenir à la grille de sélection, même, pour les immigrants
qualifiés, qui a été révisée à la hausse. Je veux vous inviter à vous prononcer sur comment se rendre au juste
équilibre entre les exigences qui sont devant nous en ce qui a trait à l'immigration. On parle de
francisation comme incontournable, on parle de cette pénurie, la
concurrence avec le reste du monde, les
immigrants très intéressants peuvent choisir d'aller ailleurs. C'est où, cet
équilibre entre ces exigences? Et comment s'y rendre?
Mme Anglade (Dominique) : Est-ce que
je peux y aller? Oui? Eh bien, écoutez, on s'est également posé cette question-là, et c'est pour ça qu'on s'est
dit que, par rapport aux exigences du français, si l'on prend les gens qui
sont déjà ici, qui travaillent ici et qui
étudient ici, réduire les exigences ou bien revenir à ce qui était la situation
en 2010 pour faciliter leur intégration nous paraît être une bonne
décision, équilibrée, parce que, dans ce cas-ci, on parle de gens qui sont déjà
sur notre territoire, qui sont bien... qui ont commencé leur intégration dans
la communauté québécoise.
On s'est également
posé la question au niveau des autres types d'immigration, est-ce qu'on devrait
également revoir l'aspect du français — Martin, je ne sais pas si tu veux intervenir
là-dessus — et là,
on s'est dit, on n'y toucherait pas. Par contre, on reverrait la grille
de manière plus large.
M. Goulet
(Martin) : En fait, pour
préciser, c'est le Programme de l'expérience québécoise, ce dont on
parle. La grille de sélection actuelle ne
serait pas touchée, il n'y aurait pas de retour, en fait, au niveau du niveau
de français. On croit que les
immigrants qui à partir de leur pays d'origine décident spontanément de venir
s'établir au Québec doivent avoir un niveau de français relativement
élevé, pour toutes sortes de raisons, mais entre autres pour être employables lors
de l'arrivée au Québec. Ça, c'est, je pense, la première raison.
Cependant, à
l'intérieur de la grille, s'il y avait des changements, ce seraient des
changements pour valoriser les travailleurs temporaires et les étudiants
étrangers, c'est-à-dire augmenter peut-être les points au niveau du séjour au Québec, peut-être augmenter, encore une fois, les
points accordés au niveau de la validation d'emploi permanent, accorder aussi 10 points pour les gens qui sont dans
la région de Montréal notamment. Mais on ne croit pas que c'est
nécessaire d'aller modifier la grille de sélection au niveau du français.
Mme Anglade (Dominique) : Et, pour
finir, pour être compétitifs, là... Vous parlez de la concurrence. La concurrence, elle est partout, elle est féroce. Elle
est féroce à l'intérieur du Canada, elle est féroce à l'extérieur du
Canada. Il faut qu'on soit beaucoup plus agressifs.
Si on regarde
ce que l'on fait aujourd'hui, les 25 000 étudiants étrangers qui sont
sur le territoire, honnêtement je trouve
qu'il n'est pas normal qu'on ait 1 000 personnes qu'on rejoigne.
Pourquoi est-ce qu'on ne dédie pas deux, trois, quatre ressources dont le seul mandat, c'est d'aller rencontrer ces
étudiants-là puis d'aller leur expliquer tout le processus
d'immigration? Ce n'est pas complexe à organiser, mais il faut qu'on soit plus
agressifs dans notre manière de voir les
choses parce que les autres pays le sont passablement plus que nous
aujourd'hui. Donc, sur ces volets-là, je pense qu'il y a des éléments
sur lesquels il faut être plus systématiques et plus agressifs.
M. Bernard
(Christian) : Si je peux me permettre de compléter ce que vient de
dire ma collègue, ça s'applique également
au niveau des travailleurs temporaires spécialisés. Ils occupent des emplois
hautement rémunérés, des emplois qui
sont stratégiques dans des secteurs de pointe, et notre sondage qu'on a réalisé
récemment nous indique qu'il y a plus de la moitié, il y a près de 60 % d'entre eux qui ont l'intention de
rester ici au terme de leur permis de travail temporaire. Alors, il faut être beaucoup plus proactifs pour
aller à la rencontre de ces gens-là, et les intéresser, et leur expliquer
les démarches à suivre pour obtenir leur
résidence permanente, et leur expliquer aussi l'existence d'une voie rapide qui
est le programme expérience Québec.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto : Merci, M.
le Président. Mme Anglade, M. Goulet, M. Bernard, merci d'être
là, merci pour la contribution.
En
tant qu'immigrant, je suis passé par là. J'avais un permis de travail
temporaire, et ce sont mes employeurs qui m'ont proposé de déposer une
demande pour un statut de permanent. J'ai hésité quelque temps, considérant les
aléas climatiques notamment, mais par la suite, au bout de six années
d'hésitation, j'ai décidé d'aller de l'avant. Mais ça prend ça. Il est fort probable qu'en les impliquant davantage,
les employeurs, dans ce processus, on ait des résultats probants qui nous ramèneraient probablement... On évoque, pour les étudiants, une
baisse de 33 % à 26 %, que vous évoquiez tantôt.
Parlant des
étudiants — et
je parle notamment des étudiants qui viennent du Sud — quelle
est votre position relativement au procès
d'intention que vous anticipez peut-être à l'effet qu'on encourage l'exode des
cerveaux du Sud, donc qu'on dépouille
le Sud de leurs cerveaux, ce qui contribue au ralentissement de leur propre
développement à l'avantage du Nord? Quelle est votre position
relativement à ça?
• (11 h 40) •
Mme Anglade (Dominique) : Qui suis-je pour juger, hein, dans ce domaine-là?
Les étudiants du Sud, écoutez, la réalité
aujourd'hui, c'est que, qu'on ait une stratégie agressive et proactive ou qu'on
ne l'ait pas, ça n'a pas d'incidence sur le bassin, parce qu'eux, ils vont partir, et eux, ils vont avoir des
offres ailleurs. La question qu'il faut se poser, c'est : Est-ce que nous, on a envie d'aller chercher les
meilleurs à travers le monde puis de les former ici? Et je crois que, comme
pays, bien là c'est une question qui est
beaucoup plus large, parce que je crois que, comme pays, on a une
responsabilité, en tant que pays,
d'aider les autres pays à avoir les infrastructures nécessaires pour les
accueillir à nouveau dans leur pays par la suite. On peut prendre le cas d'Haïti, c'est un très bon exemple.
80 % des gens qui sont des universitaires ont quitté le pays, c'est un bon exemple. Mais il reste que les
étudiants qui sont capables de partir à l'étranger et d'étudier vont le faire,
et moi, je pense qu'on doit se positionner
de manière plus systématique par rapport à ça. Moi, je suis en faveur d'aller
donner les formations et, un autre volet, à voir les pays qui les soutiennent
par la suite à l'intérieur de leur pays.
M.
Kotto : O.K. Comme vous le savez, gouverner, c'est prévoir,
c'est anticiper. Jusqu'à présent, les mémoires qui nous sont présentés
font fi d'un autre volet qui devrait, à mon sens, être mis sous les feux de la
rampe également, c'est-à-dire une
planification stratégique en termes de formation professionnelle et technique
relativement aux besoins à court, moyen et long terme du marché. Il n'y
a pas beaucoup d'efforts qui soient investis dans cette perspective-là. Comment
expliquez-vous ça?
Mme Anglade (Dominique) : Est-ce que vous dites... J'essaie de comprendre
votre question. Est-ce que votre question,
c'est de dire : On n'a pas l'impression de comprendre quels vont être les
besoins du marché à moyen terme ou à long terme, et donc il y a un
manque d'arrimage avec l'immigration, puis vous...
M. Kotto :
Non, non, ce n'est pas relativement au manque d'arrimage avec l'immigration,
c'est au manque d'arrimage avec la réalité, la donne locale, c'est-à-dire les
Québécois, quelles que soient leurs origines, vivant déjà sur le territoire, faisant des enfants aujourd'hui
et demain. Comment est-ce qu'il se fait qu'on ne s'attarde pas là-dessus?
Je parle de la formation professionnelle et
technique dans des écoles, des cégeps, des universités. Pourquoi? Parce que,
pour le long terme, on peut anticiper, ne
pas tout miser systématiquement sur l'immigration massive, notamment. On n'a
rien contre l'immigration, mais, quand elle est massive, ça devient inquiétant,
notamment pour des raisons que je vais évoquer par la suite.
M.
Bernard (Christian) : Je vais répondre. Je pense qu'il faut attaquer
les deux volets en parallèle. C'est-à-dire qu'à l'heure actuelle il y a des entreprises montréalaises qui
n'arrivent pas à trouver chaussure à leur pied sur le marché local de l'emploi, et le phénomène est encore plus
exacerbé ici, dans la région de la Capitale-Nationale. Alors, il faut
absolument cibler à l'international des
travailleurs spécialisés pour ne pas freiner la croissance économique, pour ne
pas freiner le développement des entreprises.
En parallèle à ça,
effectivement, il faut absolument... Puis il y a beaucoup d'initiatives,
notamment au niveau des grappes, dans la région métropolitaine de Montréal, qui
visent à faire la promotion des carrières scientifiques et techniques, qui visent à assurer une meilleure
adéquation entre les besoins du marché du travail et l'offre de
formation, et ça, c'est un travail qui est
fondamental pour s'assurer... Puis on le voit. La réalité, c'est que les entreprises peinent à trouver chaussure à leur pied,
mais en même temps les nouveaux arrivants dans la région de Montréal se
caractérisent par un taux de chômage qui est hallucinamment élevé. Alors, il y a beaucoup
d'enjeux, notamment la reconnaissance des acquis, des diplômes, mais il y a
aussi, pour les gens qui sont à la recherche d'emplois, hein... Le taux de
chômage est assez élevé dans la région métropolitaine de Montréal, ça dépasse
la barre des 8 %. Alors, il y a vraiment un travail à faire. Il y a beaucoup d'intervenants qui sont impliqués,
notamment avec Emploi-Québec, le Conseil emploi métropole, pour
s'assurer qu'il y ait une meilleure adéquation, là, entre l'offre et la demande
de travail.
M.
Kotto : O.K. Donc, vous conviendrez que, pour le second volet,
il n'y a pas encore, disons... la preuve n'est pas encore faite à
l'effet que les investissements adéquats sont opérés.
Mme Anglade
(Dominique) : Bien, d'un point de vue immigration, il reste quand même
qu'il y a un déclin démographique, peu
importe la situation, peu importe la manière dont on voit les choses, il y a un
déclin démographique auquel on fait
face. Et, la croissance économique, si on prend la croissance économique de la
grande région métropolitaine entre 2008 puis 2013, essentiellement cette
croissance économique là est liée au fait qu'on a une immigration qui vient,
environ de 1 %, et qui nous permet d'avoir une croissance économique.
Donc, les chiffres vont être têtus,
hein, dans les prochaines années, ils vont être assez têtus, ils vont nous
rappeler qu'on ne peut pas simplement faire une adéquation et penser que ça va
fonctionner, l'immigration et le niveau d'immigration
que nous allons avoir va être fondamental pour garantir la croissance
économique du Québec à terme, et que
tous les efforts que nous allons mettre au niveau local vont certainement aider
mais ne seront jamais suffisants pour juguler cet état de fait.
M. Kotto :
Avez-vous des études qui démontrent cela, cette perspective-là? Parce qu'on en
dispose qui nous démontrent le contraire, à l'effet que l'immigration n'a qu'un
effet, disons, négligeable relativement à la croissance économique, au
ralentissement de la courbe, de la courbe du vieillissement de la population.
Mme Anglade
(Dominique) : ...on a des études. Ça, on va pouvoir...
M.
Kotto : On aimerait en avoir. Parce qu'on est en réflexion,
hein? Ce n'est pas que je veux remettre en question ce que vous dites, mais on a besoin de ces
éléments de réflexion pour, disons, les mettre en balance avec les thèses
contraires.
Je reviens sur le
français. Vous n'êtes pas sans savoir que le...
M.
Bernard (Christian) : Bien, je veux juste réagir rapidement à ce que
vous venez de dire parce qu'on a les statistiques, puis je pourrai vous
les faire parvenir, si vous le souhaitez.
Bon an, mal an, la
région de Montréal augmente sur le plan démographique à un rythme de 1 %
par année. Donc, il y a 4 millions
d'habitants dans le Grand Montréal. La croissance nette de la population
annuelle, c'est environ 40 000.
Et on sait que le principal vecteur de croissance économique, c'est la
croissance démographique. C'est un des deux
grands moteurs de croissance économique. Et, lorsqu'on l'on compare la
croissance démographique montréalaise avec
celle de Toronto, de Calgary, d'Edmonton, d'Ottawa, on est à la traîne de ces
grandes métropoles. Et donc, si on veut être en mesure de rivaliser sur
le plan économique, il faut absolument que notre croissance démographique soit plus soutenue. Et, sur le 1 % de croissance
démographique annuel, l'immigration est responsable de plus de la moitié
de ce 1 %. Alors, si demain matin, cas
de figure extrême, on ferme les robinets, ce n'est pas 1 % de croissance
démographique sur une base annuelle qu'on va
avoir dans le Grand Montréal, c'est 0,4 %, et donc là on va être encore
plus à la traîne des autres métropoles en ce qui concerne la croissance
démographique et, de facto, la croissance économique.
Mme Anglade (Dominique) : Il y a deux éléments importants pour croissance
économique : productivité accrue ou démographie. C'est ces deux
éléments-là sur lesquels on peut jouer. Au niveau démographique, c'est elle qui
tire vers le haut, et, au niveau
productivité, c'est l'autre élément dont vous parlez, tous les autres aspects
que l'on devrait faire d'arrimage, etc., sont des éléments qui vont
avoir un impact au niveau de la productivité, mais il reste que ce sont ces deux vecteurs, deux piliers sans lesquels on
n'aura pas de croissance économique à terme. Mais on peut vous envoyer
des études là-dessus.
M. Kotto :
O.K. Merci d'avance.
Le Président (M.
Picard) : Il vous reste 30 secondes, M. le député.
M. Kotto :
30 secondes, bon, bien, pour vous remercier. Je vous enverrai des questions.
Merci.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de Borduas, c'est à vous.
• (11 h 50) •
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Anglade,
c'est un plaisir. M. Goulet, M. Bernard.
Vous avez abordé la question
de diminuer, dans la grille de sélection, la connaissance du français, donc de
passer du niveau 7 au niveau 6, de retourner comme c'était avant en
lien avec les étudiants étrangers qui viennent étudier ici. Je voudrais savoir : Parmi les étudiants que vous
visez, est-ce que vous visez les étudiants qui étudient dans
des établissements d'enseignement supérieur anglophones principalement? Et la
sous-question à ça, c'est parce que dans les universités francophones, bien, il
y a déjà des standards à respecter au niveau de la connaissance du français.
M. Goulet
(Martin) : Oui. Écoutez, juste pour préciser, il n'y a pas de modification
proposée à la grille de sélection, c'est une
modification qui est au Programme de l'expérience québécoise,
donc ce qui n'implique, naturellement, que les étudiants étrangers et
les travailleurs temporaires sur le territoire du Québec.
Maintenant,
écoutez, lorsqu'on rencontre des travailleurs, on le voit, les
efforts qui sont mis au niveau de l'apprentissage
du français. Ça, il n'y
a pas de problème. Les entreprises
s'investissent aussi, il y a des cours de français qui sont donnés au sein des entreprises,
on veut que les employés apprennent le français.
Ça, il n'y a pas un employeur
qui est contre la vertu.
Cependant,
il arrive que, sur deux, trois ans, c'est difficile d'obtenir un niveau de français
aussi élevé. Alors, nous, on dit : Prenons ce bassin-là, le bassin des
travailleurs étrangers, des étudiants étrangers, et on va ouvrir un peu
l'éventail des candidats potentiels. Certains vont redoubler d'ardeur pour
apprendre le niveau intermédiaire débutant. D'autres vont décider de rester sur la touche et de ne rien faire, donc
ces gens-là ne seront pas susceptibles d'appliquer dans cette demande-là.
Donc, il est clair
que l'avantage va être au niveau des étudiants étrangers non francophones,
c'est eux qui vont y gagner, parce qu'il
faut voir que, des études à temps plein avec des cours de français,
pour arriver à ce niveau-là, c'est plus de quatre ans, c'est plus de
quatre ans. On a eu des rencontres avec des entreprises et les universités et
on a essayé de voir un
peu le cheminement normal d'un étudiant et d'un travailleur et combien de temps
il devrait... en combien de temps pourrait-il obtenir ce niveau-là.
C'est ardu.
En
parallèle, il faut comprendre, pour les travailleurs étrangers aussi, que le gouvernement canadien, Citoyenneté et Immigration Canada, a limité certains
permis de travail à quatre ans. Ça s'est fait en avril 2011. Donc, pour des emplois techniques, tout ce qui touche les
animateurs 2D et 3D dans les jeux vidéo, les effets spéciaux, ces permis de
travail là sont limités à quatre années. Si
vous n'avez pas obtenu un certificat de sélection au Québec
ou une autre sélection dans une autre
province, vous devez quitter le Canada, et ce, pour quatre ans, sans pouvoir y revenir,
de là l'urgence pour les travailleurs étrangers de ce niveau-là
d'obtenir rapidement un certificat de sélection. Parce que comprenez un peu la logique derrière ça. Vous avez un employeur qui a
fait des recherches sur le territoire québécois pendant deux, trois mois, n'a pas trouvé,
est allé sélectionner quelqu'un à l'étranger, a payé des frais de déménagement,
et peut-être que dans quatre ans la personne
devra quitter. Donc, il faut aider à la fluidité, si je peux dire, du passage
temporaire vers le permanent. Ça, je pense que c'est notre responsabilité. Il y a une responsabilité qui appartient aux entreprises, puis ils la
prennent, croyez-moi.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Vous proposez, à la page 23 de votre
mémoire, d'accorder 10 points pour une offre d'emploi permanente validée
pour un employeur de la région métropolitaine de Montréal, au même titre que
les OEPV d'un employeur hors région de Montréal.
Il y a une certaine problématique de régionalisation de l'immigration
où la majorité de l'immigration est
concentrée dans la région métropolitaine de Montréal. Vous ne pensez pas
qu'avec une telle mesure ça va favoriser encore plus l'établissement et
la concentration des immigrants, des néo-Québécois dans la région de Montréal?
M. Bernard
(Christian) : Oui. En fait, la réponse, ce n'est pas oui, mais, oui,
je vais y aller.
En
fait, on y a réfléchi ce matin dans le train, à cette question-là,
on l'attendait effectivement, puis c'est un objectif qui est tout
à fait louable, qui est tout à fait légitime, de vouloir régionaliser l'immigration sur le territoire
du Québec.
Maintenant,
est-ce qu'il faut que ça se fasse au détriment de Montréal?
Est-ce qu'il faut absolument qu'il y
ait
un facteur dans la grille de sélection qui discrimine de façon négative la
région de Montréal dans un contexte où les secteurs de haute technologie, que ce soit l'aérospatiale, le
jeu vidéo, que ce soient les technologies de l'information, ont des
besoins criants en matière de main-d'oeuvre? Et la réponse à laquelle on est arrivés, c'est non. Il y a certainement d'autres mesures qui peuvent
être mises en place pour favoriser la régionalisation de l'immigration mais que
ça ne se fasse pas... que ça ne pénalise pas en bout de piste la région
métropolitaine de Montréal.
M. Jolin-Barrette : Au niveau du bilan de la migration
interprovinciale, on a une difficulté au niveau de la rétention des immigrants
au Québec et à Montréal. Quelle est votre position ou des possibles pistes de
solution à cet effet-là?
Mme Anglade (Dominique) : Bien,
je ne suis pas sûre que les pistes de solution soient très différentes de ce
que l'on a mis de l'avant de manière
générale. On est conscients du fait que les gens... le solde migratoire
interprovincial n'est pas à la faveur
du Québec, et c'est d'autant plus important de se dire que, par exemple, pour
les travailleurs temporaires, ça vient
en fait soutenir tout ce que l'on vient de dire auparavant au niveau des employeurs,
des gens qui ont des postes non permanents
ici, temporaires, pour les garder. Quand je parlais, tout à l'heure, d'être
plus agressif, d'être plus systématique, je fais entre autres référence
aux autres provinces, parfois, dans lesquelles il est plus facile de trouver un
emploi plus rapidement. Donc, comment est-ce
que nous, comme Québécois, on va compenser l'offre qui est faite des autres
provinces, ça vient compenser, justement, ce problème-là.
Même
chose au niveau des étudiants internationaux. Les étudiants qui graduent ici,
une fois que tu as gradué d'une université canadienne, ce n'est pas
difficile d'aller trouver un emploi ailleurs à travers le Canada. Donc, si
nous, on n'est pas proactifs avec ces éléments-là, bien c'est sûr qu'on perd du
terrain.
Donc, votre prémisse
est celle qu'on a utilisée pour arriver à ces recommandations-là également.
M.
Jolin-Barrette : Au niveau...
Le Président (M.
Picard) : 30 secondes, M. le député.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Bien, je vais en profiter également pour vous
remercier pour la qualité de votre mémoire et puis pour votre apport à
cette commission.
Le Président (M.
Picard) : Je vous remercie pour votre présentation.
Je
vais suspendre quelques instants afin de permettre aux représentants de la
ville de Sherbrooke de prendre place.
(Suspension de la séance à
11 h 56)
(Reprise à 11 h 59)
Le Président (M.
Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant les représentants
de la ville de Sherbrooke. Vous disposez d'une période de 10 minutes
pour faire votre présentation, et
après ça il va y avoir un échange avec les parlementaires. Donc... Et je
vous demanderais aussi de vous présenter. Merci.
Ville
de Sherbrooke
Mme
Godbout (Annie) : D'accord.
Bonjour. Alors, je suis Annie Godbout. Je suis conseillère municipale à la ville de Sherbrooke et présidente du
Comité des relations interculturelles et de la diversité.
M.
Castilla (Alain) : Bonjour.
Alain Castilla, agent professionnel de développement à la vie communautaire
et secrétaire du Comité des relations interculturelles et de la diversité de la
ville de Sherbrooke.
• (12 heures) •
Mme Godbout (Annie) : Alors, nous
travaillons en complicité.
Alors, en
premier lieu, je souhaite remercier les leaders parlementaires de nous
permettre d'exprimer notre point de vue
à l'égard de la nouvelle politique en matière d'immigration. Merci tout
particulièrement à notre député de Sherbrooke, Luc Fortin.
À la lecture de la vision, des enjeux et des
choix stratégiques que nous retrouvons dans la nouvelle politique proposée, je
vous ferai part de trois préoccupations.
Sherbrooke
est un pôle d'attraction des immigrants au Québec et est reconnue comme une
ville accueillante qui a su mettre en
place le vivre-ensemble. Effectivement, nous cohabitons en harmonie avec plus
d'une centaine de communautés culturelles différentes. Nous sommes la
première ville fusionnée au Québec à avoir adopté une politique d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes. Notre marque de commerce est l'implication de nos citoyens,
la mobilisation de nos milieux de vie
et le travail rigoureux et proactif de notre Comité des relations
interculturelles et de la diversité. Nous sommes convaincus que le socle commun d'une société
pluraliste sont les valeurs démocratiques et le libre choix d'établissement
des personnes immigrantes.
La politique gouvernementale proposée met en
lumière plusieurs enjeux majeurs. Le document de consultation explore plusieurs pistes d'action et est, en ce
sens, un pas évident dans la bonne direction. Le défi majeur pour
Sherbrooke reste sans contredit la capacité
du gouvernement à travailler en toute complicité avec les milieux et sa
capacité à investir les sommes nécessaires pour mettre en place de façon
durable les actions structurantes pour favoriser l'intégration des personnes
immigrantes.
Le travail de concertation doit évidemment se
faire entre le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, le MIDI, et ses différents partenaires
régionaux et locaux, mais il serait d'autant plus intéressant que ce
travail de concertation dépasse le rôle et
les responsabilités du MIDI pour englober également l'ensemble des autres
ministères avec une stratégie
interministérielle. Les enjeux liés à l'immigration touchent tous les secteurs,
allant de l'éducation à l'économie, jusqu'à
la santé. À notre sens, une telle stratégie est la clé à une appropriation plus
large des enjeux, à des actions plus cohérentes et à des résultats
durables.
Trois préoccupations retiennent notre
attention : la gouvernance et le financement des actions locales, les
spécificités locales de nos milieux de vie, l'intégration à l'emploi des
personnes immigrantes.
Bien que le rôle des municipalités ne soit pas
clairement défini dans le cahier de consultation de la politique, deux ministères, le MIDI et le MAMOT,
reconnaissent aux municipalités le rôle de gestionnaire du milieu de vie,
comme décrit dans la trousse d'information à
l'intention des municipalités au Québec sur les enjeux de l'immigration et de
la diversité ethnoculturelle publiée l'an dernier. En effet, la notion
de gouvernance nous interpelle particulièrement, car présentement les défis en matière d'immigration sont de taille. Dans un
contexte où les directions régionales du MIDI sont maintenant chose du passé et que la politique ne précise pas le
rôle et les responsabilités des municipalités dans le continuum de
services, Sherbrooke doit pouvoir compter sur une entente bilatérale avec le
MIDI. Les municipalités connaissent les
besoins de leur milieu et les actions à mettre en oeuvre pour atteindre des
résultats probants. Évidemment, nous
souhaitons partager avec nos élus et nos partenaires une vision commune et des
objectifs précis en matière d'intégration
des immigrants, mais nous souhaitons surtout être mieux outillés et avoir les
moyens pour être en mesure de jouer
pleinement notre rôle. Pour ce faire, deux aspects sont essentiels : un
cadre d'intervention bien défini avec le MIDI, un financement adéquat en
regard des responsabilités qui incombent à une municipalité.
Nous souhaitons également vous faire part de
notre questionnement quant à la mise en place d'une structure de coordination, qu'on peut voir à la page 55
de votre document. Évidemment, nous partageons le constat de
l'importance d'avoir une approche
transversale. L'élimination du travail en silo peut se faire de multiples
façons. À Sherbrooke, un travail de
concertation est déjà bien amorcé. Des lieux de concertation existent déjà, et
les intervenants qui y participent connaissent les réalités terrain et
les besoins du milieu. Il faut faire confiance aux différents partenaires qui
sont déjà en mode action et concertation.
Comme mentionné, des liens de confiance et une
complicité doivent s'instaurer entre les différents paliers de gouvernement,
ayant comme résultat une concertation accrue. Cette concertation se traduit par
des mécanismes de consultation, d'échange et
de partage d'avis en amont du processus de décision. Je prendrai simplement
l'exemple des programmes qui
découleront de la politique d'immigration. Est-ce possible qu'ils s'arriment
avec ceux des municipalités? Est-ce
possible que l'on puisse impliquer les acteurs locaux dans le choix des projets
à mettre de l'avant? Peut-on envisager une
cogestion avec le milieu pour investir dans les actions les plus appropriées à
l'intégration des personnes immigrantes? Qui d'autre que les acteurs du milieu sont les mieux placés pour
identifier les actions à mettre en place afin de résoudre une
problématique ou répondre à un besoin?
Dans
l'approche du développement de nos communautés, Sherbrooke mise sur
l'innovation sociale, la participation citoyenne et la vie
communautaire. Le mieux-vivre ensemble est notre défi, mais nous avons le
devoir de montrer l'exemple en travaillant
mieux ensemble dans une perspective de réussir ensemble. Pour y arriver,
quelques pistes sont à explorer :
un réseau des grandes villes en collaboration avec le MIDI pour le partage des
bonnes pratiques, un observatoire sous la gouverne du MIDI nous permettant d'obtenir
des données chiffrées et de mesurer l'impact des actions mises en place
dans un souci d'efficience et d'efficacité.
Au niveau des spécificités locales de nos
milieux, je souhaite attirer votre attention sur la particularité de Sherbrooke
en ce qui concerne le nombre d'immigrants dans la catégorie de réfugié et de
parrainé par rapport au nombre total
d'immigrants. Annuellement, les immigrants de cette catégorie représentent
environ 53 % de nos nouveaux arrivants, tandis que la proportion dans les autres municipalités est de 10 %
en moyenne. Cette spécificité sherbrookoise caractérise les défis auxquels nous sommes confrontés. Bien entendu, cela a un impact direct sur l'offre de
services à la population, exerçant ainsi une pression sur nos
partenaires communautaires, institutionnels et paramunicipaux dont les budgets
sont limités, même très limités.
La pleine
participation des citoyens de toutes origines à la vie collective et leur
capacité d'agir sont essentielles,
certes. Cependant, nous constatons que cette participation et cette capacité
d'agir sont fortement associées à leur statut d'immigration. Une
personne réfugiée, dont le parcours est atypique, nécessitera des conditions
préalables à son intégration linguistique,
économique et sociale, c'est-à-dire une période d'adaptation pour comprendre et
se préparer à sa nouvelle réalité, un
accompagnement multidisciplinaire en fonction de ses besoins spécifiques — soutien psychosocial, médical — et
une période de francisation adaptée et même voire d'alphabétisation.
Lorsque
collectivement nous faisons le choix de répondre à des situations humanitaires,
il faut être conséquent et assurer le financement adéquat. La ville de
Sherbrooke est soucieuse de l'appauvrissement de ses communautés, et nos personnes réfugiées sont vulnérables et à
risque. Dans ce contexte, une stratégie interministérielle prendrait tout
son sens en considérant la personne
immigrante dans sa globalité, sans segmenter les différents pans de sa vie et
des défis.
Chez nous, c'est unanime, les acteurs du milieu
et les personnes immigrantes elles-mêmes clament qu'il y a urgence d'agir pour l'intégration en emploi chez
les personnes immigrantes. Des pistes à explorer : la volonté d'agir
à l'égard de la reconnaissance des diplômes
doit se traduire par des actions concrètes, une meilleure adéquation entre
les qualifications des immigrants et les
besoins de nos entreprises dans nos milieux, la mise en place de cibles
d'embauche à atteindre par nos institutions publiques afin de montrer
l'exemple.
Alors que la
représentativité des minorités visibles et ethniques au sein de notre ville
s'établissait, en 2004, à 0,8 %, nous nous sommes engagés à
accroître ce chiffre. La commission des droits de la personne et de la jeunesse
établissait en 2006 une cible de
3,22 %, que nous avons surpassée en 2011. Nous avons réussi le défi, mais
le travail n'est pas terminé, puisque
notre objectif est maintenant d'augmenter nos ratios de représentativité en ce
qui concerne les postes de professionnel et de cadre intermédiaire.
Nous saluons votre volonté de mettre en lumière
l'apport des entrepreneurs immigrants au développement économique et de vouloir
stimuler l'entrepreneuriat chez les immigrants. Oui, entrepreneuriat et emploi
doivent être juxtaposés.
En conclusion, force est de constater que
Sherbrooke est prête à passer à la l'action. Toutefois, sans entente bilatérale et sans soutien financier, il est
impossible de faire davantage. D'ailleurs, depuis 2012, depuis près de trois
ans, aucune aide financière n'a été accordée
par le MIDI à la ville de Sherbrooke.
La mobilisation est toujours présente, mais elle montre des signes de découragement. La fermeture du bureau régional du
MIDI et la fermeture de la CRE ont pour effet de mettre fin à une
entente spécifique annoncée en grande pompe et qui n'aura jamais vu le jour.
Disons que nous avons une fois de plus refroidi les ardeurs de nos acteurs
locaux.
Nous vous confirmons que nous sommes prêts à
travailler comme partenaires et qu'ensemble nous puissions faire de Sherbrooke une ville interculturelle. Pour y arriver, une
réelle complicité entre nos instances où règnent les notions de
confiance et de collaboration est indispensable.
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Godbout. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
• (12 h 10) •
Mme Weil : Oui. Bonjour et
bienvenue. Merci beaucoup pour votre présence. Je suis très contente que vous ayez
pu venir, Mme Godbout, M. Castilla, parce qu'en effet la ville de
Sherbrooke est bien reconnue comme un pôle important
d'immigration. Et vous l'avez bien soulignée, votre expertise. La collectivité
de Sherbrooke est beaucoup, par la ville,
la collectivité qui a réussi vraiment très bien l'accueil, l'intégration des
personnes réfugiées, avec tous les défis que ça peut représenter mais une volonté et une expérience importantes. Et,
oui, je vous dirais que je reçois bien vos commentaires sur comment va-t-on appuyer la ville, et il y a eu
beaucoup de changements, mais l'intention, c'est que les villes jouent
un rôle important. C'est des acteurs... Et
d'ailleurs, même lors de cette commission, il y a quelques... beaucoup de
représentants, d'ailleurs, qui mettent l'accent sur le rôle des villes,
comment les villes peuvent jouer un rôle important parce qu'elles sont... c'est
le palier gouvernemental le plus proche du citoyen, elles sont capables de
faire la concertation rapidement, elles sont
capables de mobiliser les partenaires, vous l'avez souligné, puis on le voit,
que Sherbrooke a vraiment une expérience. Donc, je reçois bien vos
commentaires pour l'avenir.
Alors,
puisque vous représentez vraiment la ville type de ce qu'on a un peu en tête
lorsque je parle de faire en sorte que les villes puissent jouer un rôle
accru encore, reconnu, puis comment développer ce partenariat avec les villes
en matière d'immigration, donc, on pourra parler de l'aspect accueil,
intégration, mais j'aimerais vous amener un peu plus en amont aussi parce qu'on
l'évoque, la FTQ a bien souligné qu'il faudrait que ça soit fait dans un esprit
pas de délaisser les pouvoirs, évidemment,
en immigration, ce n'était pas l'intention alors je le dis plus clairement,
c'est plus comment bien prendre en compte la vision de la ville pour son
avenir, ses espoirs, ses ambitions pour l'avenir et ses constats et son expertise des besoins de la ville. Le nouveau système
qu'on regarde pour modifier la loi, on veut s'inspirer des meilleures pratiques. Les trois systèmes
connus, c'est le Canada, qui vient de l'implanter — déclaration d'intérêt, ça s'appelle — donc on ne traite pas les dossiers en termes
de date, qui crée des délais importants, trois ans de traitement, donc souvent le marché du
travail a changé le temps que la personne rentre — j'exagère un peu, mais c'est un peu ça — donc
un système plus rapide, qui répond aux
besoins du marché du travail plus rapidement; l'Australie et la
Nouvelle-Zélande. Mais ce qu'on dit
bien ou ce que je dis bien, c'est de s'inspirer de ces consultations, il y aura
plusieurs consultations au fil de l'année sur l'immigration, mais en
profiter... Vous êtes là, représentants de la ville de Sherbrooke. Je ne sais
pas si vous avez eu l'occasion de réfléchir
à ça, comment vous pourriez... votre volonté, votre intérêt à jouer un rôle en
amont alors qu'on bâtit une société basée sur l'immigration, on bâtit notre
avenir, notre avenir collectif.
D'ailleurs,
la conférence de... pas la conférence de Montréal, Montréal International
soulignait à quel point, au point de vue démographique, l'immigration va
jouer un rôle de plus en plus important. Le Québec perd du terrain par rapport au reste du Canada, par rapport aux
États-Unis, l'Ontario, nos voisins, tous nos voisins, et c'est surtout par
rapport aux personnes en âge de travailler. Ça, je ne sais pas, je n'ai pas les
chiffres pour Sherbrooke, mais donc est-ce que vous remarquez ce problème-là? Et le rôle que vous voudriez jouer en
amont. Et peut-être vous entendre sur, en aval, votre expertise en
matière d'accueil et d'intégration. Donc, il y a comme trois questions, là, et
ensuite je céderai la parole à mon collègue de Sherbrooke, qui veut absolument
vous poser des questions.
Mme
Godbout (Annie) : Oui. Bien,
c'est sûr qu'on voit effectivement un rôle en amont. Nous, c'est
important, en fait, cette diversité-là, tant d'un point de vue de richesse de
la collectivité mais au point de vue du développement économique. Vous avez
souligné effectivement qu'on... Bien, en faisant référence à Montréal
International, aussi, à Sherbrooke, nous
avons beaucoup d'étudiants, nous avons beaucoup d'étudiants étrangers. Parce
que cet enjeu-là, tu sais, nous
appartient aussi. Quand on regarde qu'il y a... J'ai fait des recherches, et
c'est plus de 2 000 étudiants, quand même, spécifiquement sur
le territoire de Sherbrooke, d'étudiants étrangers. Et là je parle juste au
niveau universitaire, parce qu'avec le cégep aussi on reçoit... Puis je n'ai
pas eu les données.
Mais cette
attractivité-là pour stimuler le développement économique est aussi importante,
effectivement, mais c'est sûr que de
jouer un rôle en amont, d'être... On veut pouvoir répondre aux besoins des
entreprises. Quand on parle, entre autres,
de l'enjeu de la rétention, c'est sûr que la rétention passe par l'intégration
en emploi, et beaucoup, et c'est pour ça qu'on sent qu'il y a urgence d'agir à cet égard-là. Donc, il faut vraiment, dans le fond, travailler avec vous, s'assurer cette adéquation sur le territoire,
mais, pour nous, c'est important, comme municipalité... Parce qu'effectivement
on a des compétences municipales, puis on ne souhaite pas transgresser ces
compétences-là, mais l'immigration, comme on disait
tout à l'heure, ça touche tellement... c'est transversal, autant dans le
secteur de l'éducation, dans le domaine de la santé. Dans la dernière
année, on l'a entendu plusieurs fois, à quel point la pression était importante
sur les autres services également, là, au niveau de la communauté.
Je ne sais pas s'il y a quelque chose que tu
veux rajouter à cet égard.
M.
Castilla (Alain) : C'est sûr
que, comme dit Mme Godbout, on dit que l'emploi attire, mais c'est le
milieu qui retient. Donc, dans ce
sens-là, le rôle des municipalités serait beaucoup plus dans tout le volet
animation du milieu de vie, donc, à l'égard de pouvoir retenir ces
familles, mais c'est sûr que ça va de la main, l'emploi et le milieu de vie qui
va accueillir ces personnes immigrantes.
Mme Weil :
Et juste avant de passer aux autres questions, donc, pour les... C'est vrai,
les étudiants étrangers, donc, le
programme, vous étiez ici, je pense, lorsque Montréal International faisait sa
présentation, donc il y a ce programme de...
le PEQ, le Programme d'expérience québécoise. En 20 jours après avoir
obtenu son diplôme universitaire, un étudiant peut obtenir un CSQ, un
certificat de sélection du Québec, c'est vraiment très, très rapide. Et c'est
un programme qui fonctionne très bien, qu'on veut évidemment maximiser.
Donc, par exemple... Bien, premièrement, est-ce
que vous avez des chiffres sur la rétention des étudiants, qui étudient là et qui restent dans la région? Et
est-ce que vous verriez peut-être un rôle pour la ville de Sherbrooke pour
mieux faire connaître ce programme chez les
étudiants étrangers puis de travailler avec le gouvernement pour en faire la
promotion?
Mme
Godbout (Annie) : En fait,
on n'a pas traité cet enjeu-là dans la dernière année, au niveau des
étudiants étrangers, parce qu'on en avait
déjà, je dirais, beaucoup d'autres, beaucoup d'autres, enjeux. Mais, quand on
regarde en région, quand on parle de
régionalisation, là, il y a quand même beaucoup... Les jeunes, de manière
générale, quittent les régions. Il
faut tout faire pour les garder, puis les immigrants aussi. Vous l'avez dit,
c'est une force vive du développement, là. Donc, c'est de travailler un
peu les deux ensemble, là, quant à moi, là. Ça, c'est ma vision très
personnelle.
Mais on n'a pas... Pour les étudiants étrangers,
bien que tantôt je me suis un peu avancée de vous dire qu'il n'y a pas juste à Montréal qu'il y a des étudiants
étrangers, c'était plus pour lever le «flag» en regard de ça, mais ce
n'est pas un enjeu qu'on a traité à ce stade-ci, là.
Mme Weil : Et c'est un peu...
on en discutait un peu avec Montréal International, c'est la poule et l'oeuf, hein, donc développement économique qui va attirer
du capital humain, le capital humain va créer de la richesse par sa
présence et sa créativité, son innovation. Donc, c'est tout ça qu'il faut... En
tant qu'acteurs, je dirais, acteurs publics, gouvernementaux, il faut jouer sur
tout ça.
Pour créer... Combien de temps il reste? Parce
qu'on va se partager...
Le Président (M. Picard) :
Neuf minutes.
Mme Weil : Combien?
Une voix :
Neuf.
Mme Weil : Neuf, O.K.
Mme Godbout (Annie) : Mon collègue
voulait peut-être juste ajouter un truc.
M.
Castilla (Alain) : Juste au
niveau des étudiants internationaux et des étudiants en général, à Sherbrooke,
notre comité de développement social et
communautaire avait mis sur pied un groupe de travail justement pour se
pencher... dans le sens comment, comme
municipalité, on pourrait faire connaître davantage notre milieu de vie. Donc,
on a commencé, on a amorcé un travail
dans ce sens-là pour rapprocher les étudiants, qui souvent vont être sur les campus
universitaires mais ne vont pas oser
peut-être connaître ou découvrir les attractions de notre ville. Donc, ça, dans
ce sens-là, on a commencé à travailler et on a un groupe de travail qui
est là-dessus, mais, comme dit Mme Godbout, c'est sûr qu'il y a d'autres
préoccupations aussi. Donc, on commence cette réflexion-là d'arrimer.
Mme Weil :
Je vous remercie beaucoup parce que je cède la parole au député de Sherbrooke.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de Sherbrooke, c'est à vous.
• (12 h 20) •
M. Fortin
(Sherbrooke) : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Godbout,
M. Castilla, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je salue également vos familles respectives. Aujourd'hui,
vous faites de la conciliation politique-travail-famille, alors comme quoi Sherbrooke est un milieu familial
accueillant. Et je suis très heureux de voir ça, moi-même, comme père de
deux jeunes enfants, bientôt trois. Alors, on voit que Sherbrooke a la famille
à coeur, au coeur de ses actions.
Alors, on a
beaucoup parlé, depuis le début de nos consultations, de la capacité ou de la
volonté des employeurs d'embaucher
une main-d'oeuvre immigrante, notamment en région. On sent souvent la volonté
de vouloir le faire, mais, quand ça arrive, il y a peut-être des fois
certaines réticences.
Or, à la ville de Sherbrooke, il ne semble pas y
avoir ces réticences-là. La ville est souvent citée comme un employeur exemplaire quant à la diversité de la
main-d'oeuvre, vous l'avez abordé dans vos remarques d'introduction. Je
voulais voir un petit peu comment ça se passait à Sherbrooke, d'une part, dans
les services municipaux, comment se passait
l'intégration en milieu de travail de ces nouveaux arrivants là, puis quelles
sont peut-être les bonnes pratiques qui sont faites à la
ville de Sherbrooke que, oui, on peut exporter dans les autres institutions
publiques mais même auprès des employeurs privés.
Mme
Godbout (Annie) : Là, la
preuve vivante, hein, c'est Alain. Alain, qui est un citoyen du monde, est un
bel exemple, justement, d'intégration en emploi, qui est originaire... bien qui
a plein d'origines, tu n'as pas à conter ton parcours, mais Alain pourrait vraiment
parler de l'ensemble des bons coups de la ville à cet égard.
M.
Castilla (Alain) : Oui. Et,
dans le document qu'on vous a présenté, le mémoire, à la page 10, justement, on faisait un survol rapide de quelques bons coups qu'on voulait partager,
justement. Puis, dans ce volet-là, il
y a une approche qui a été implantée à la ville, l'approche de la
gestion de la diversité ethnoculturelle, en 2007. Donc, c'était une
approche d'intervention qui a voulu mettre l'accent sur trois axes. Donc, tout
le volet organisationnel, donc, c'est l'adéquation, justement, de comment faire
les sélections de personnes immigrantes, parce qu'on sait que, si on demande
une ou deux années d'expérience, quelqu'un qui vient de débarquer, même s'il
connaît le français, donc, ça, il va y avoir des situations un peu complexes. Donc, il y a tout un volet de
normalisation de grilles de présélection et d'entrevue. On voit ici, dans le volet intégration en emploi, tout ce qui a
été fait, des guides, on fait des rencontres d'accueil avec les
personnes nouvellement embauchées issues de
l'immigration. Il y a aussi des outils pour les gestionnaires, pour
encadrer, et avec les collègues de
travail aussi, donc tout un volet en intégration en emploi, en formation, en
gestion de la diversité; au niveau des employés
de première ligne aussi, donc, aussi, pour accueillir nos citoyens, donc d'avoir
ces outils-là, puis tout le volet aussi au niveau de la formation, de
l'intégration.
Alors, ça,
c'est notre expertise qui a été développée depuis 2007 grâce, justement,
à des ententes bilatérales avec le ministère,
qui nous a permis d'aller plus loin. Donc, cette expérience-là, c'est celle
qu'on voudrait transférer, justement, à d'autres municipalités.
M. Fortin
(Sherbrooke) : Vous avez
parlé tantôt que la ville souhaitait jouer un plus grand rôle, justement,
dans toutes les politiques d'immigration, ce que je salue bien évidemment. Évidemment,
bon, il y a toute la question de la rétention en emploi, et évidemment le
secteur privé aura à jouer un rôle de ce côté-là.
Vous avez
parlé beaucoup de l'animation. J'aimerais vous entendre sur la
façon dont vous concevez votre rôle ou le rôle futur que pourrait avoir
la ville de Sherbrooke, par exemple, dans la lutte contre le racisme, dans la
lutte à la discrimination raciale. Alors, comment la ville de Sherbrooke anticipe
son rôle de ce côté-là?
Mme Godbout (Annie) : En fait, c'est
une très bonne question. Nous, ça nous préoccupe beaucoup, en fait, ces
questions-là.
Bien,
d'abord, sur le terrain, on a vu, l'année passée, il y a
eu des actes de vandalisme auprès d'épiceries halal, donc on a vécu des situations, des faits. Et nous avons
à la ville un comité vigilance, qu'on appelle, qui, dans le fond, a
comme mention... bien comme mandat d'avoir une lecture du terrain sur, justement,
s'il y a des actes de discrimination, des paroles, s'il
y a eu une montée, et tout ça. On a
ce comité vigilance là et on se rencontre. Et d'ailleurs moi, j'ai
demandé récemment d'avoir une rencontre,
parce qu'avec les événements de l'après-Charlie... donc la prévention de la
radicalisation, parce qu'il y a
des jeunes aussi présumés, là, qui sont partis en Syrie, à Sherbrooke, peut-être que vous avez vu aussi dans les médias, à
l'université ça se jase. Et donc la prévention de la radicalisation, la
prévention de la discrimination envers les communautés, c'est un enjeu qui nous
préoccupe.
Donc, avec ce comité-là, que nous avons relancé vraiment
même récemment, même on a fait venir des universitaires, parce que c'est des enjeux qui sont extrêmement complexes, ce n'est pas simple, puis c'est facile d'aller dans la
dérive intellectuelle, là, dans ces contextes-là, donc d'avoir des gens
rationnels autour de la table qui peuvent amener toutes leurs connaissances, leur expertise. On les voit souvent dans les
médias, ces personnes-là. Donc, on a décidé, nous, de les mettre à
contribution dans nos comités pour avoir une meilleure lecture, donc, d'avoir
une meilleure lecture.
Maintenant, nous, on
a commencé à élaborer même des pistes d'action qui sont extrêmement
intéressantes. Donc, je m'en tiendrai là
pour le moment, mais on va vous revenir assurément avec des idées plus claires,
là, au cours des prochaines semaines. Mais je suis bien contente que
vous ayez ouvert la porte, M. Fortin.
M. Castilla (Alain) : Au niveau de l'animation des milieux, c'est sûr qu'au niveau des
municipalités, nous, ce qu'on veut,
c'est que le milieu se prenne en main. On ne veut pas le faire pour eux mais
les accompagner et animer le milieu.
Donc,
il y a plusieurs expériences. En ce moment, on est en train de travailler avec nos organismes
communautaires interculturels à voir si on peut créer un réseau entre ces sept
organismes, on appelle ça notre G7. Donc, on essaie de voir comment on peut
mettre en place des choses avec ces organismes-là qui ont déjà l'expertise.
Dans l'animation du
milieu, récemment, l'année passée, on a eu une expérience, justement, avec la
Semaine québécoise des rencontres
interculturelles, on voulait essayer d'animer le milieu dans ce sens. Alors,
c'est sûr qu'au niveau local, comme
ça se passe local, le rapprochement interculturel, on s'est approprié ce
concept de semaine québécoise et on a appelé
ça notre Semaine sherbrookoise des rencontres interculturelles, et puis on a
pu, de cette manière-là, développer un sentiment
d'appartenance de beaucoup de ces organismes-là qui auparavant travaillaient
beaucoup avec le ministère et étaient financés pour ces activités-là,
malheureusement on n'a plus de financement. Donc, changer de «québécoise» à «sherbrookoise», ça a développé ce sentiment
d'appartenance, et on a pu avoir une programmation globale et intégrée
du milieu communautaire, culturel et sportif. Voilà.
Le Président (M.
Picard) : M. le député.
M. Fortin
(Sherbrooke) : Oui. Bien, on me dit qu'il me reste...
Le Président (M.
Picard) : Une minute.
M. Fortin (Sherbrooke) : Une minute. Alors, je vais en profiter pour vous remercier.
Puis, Mme Godbout, vous avez
piqué ma curiosité, alors j'espère qu'on va avoir l'occasion de s'en reparler
très prochainement. Et il y a des gestes à poser, parce
qu'effectivement, moi, comme député, on m'interpelle régulièrement suite aux
événements de Saint-Jean-sur-Richelieu, d'Ottawa et, plus récemment, de Paris.
Ça a des conséquences sur nos communautés, notamment les communautés musulmanes, à Sherbrooke, alors c'est important de
poursuivre le dialogue avec ces communautés-là. Alors, merci pour votre
témoignage.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Avant de céder la parole à M. le député de
Bourget, j'aurais besoin d'un consentement pour poursuivre après
12 h 30. Ça va pour tout le monde? M. le député de Bourget, c'est à
vous.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Alors, Mme Godbout, M. Castilla, soyez les
bienvenus. Merci pour votre contribution. Bravo pour ce que vous faites déjà
chacun dans son espace respectif!
Sherbrooke
est un laboratoire de l'intégration, de la diversité, l'expérience humaine est
magnifique. J'en parle parce que j'y vais souvent et je connais du monde
là-bas.
Cependant,
j'aimerais savoir si l'usage... l'utilisation du terme «communauté culturelle»
en est une qui est convenue ou qui vous habite parce que c'est une
réalité immuable. Je m'explique.
Quand
on étiquette «communauté», on marginalise, on balkanise. Je pars du principe
que tous, quelles que soient nos origines...
Moi, je viens d'Afrique, du Cameroun plus spécifiquement. Quand je choisis de
venir vivre au Québec, je m'y intègre
comme citoyen, pas comme un élément, un vecteur appartenant à un groupe
spécifique, et je m'y intègre en adoptant
les valeurs que j'y ai trouvées comme étant les valeurs consensuelles
fondamentales, démocratiques pour certains. Et m'enfermer dans une logique communautariste, ça vient limiter la
reconnaissance, la validation de mon intégration à cette société
nouvelle en tant que citoyen. Qu'en pensez-vous?
Mme Godbout (Annie) : Oui, bien, tout à fait. En fait, nous sommes très sensibles à ce que
vous dites. D'ailleurs, je dirais
qu'on est en train, même, de changer notre vocabulaire. On ne l'a peut-être pas
fait là, là, mais de plus en plus on parle, nous, de néo-Sherbrookois,
on parle... c'est vraiment le terme de la dernière année qui nous habite
davantage, puis on tend vers justement une réelle intégration en appelant les
communautés plus des néo-Sherbrookois, on est vraiment
plus dans cette dynamique-là que de les segmenter peut-être par communautés. Je
ne sais pas si ça répond ou...
• (12 h 30) •
M. Castilla (Alain) : Puis, dans nos
actions, ce que l'on privilégie, c'est vraiment le mélange des cultures. Peut-être vous avez eu l'occasion d'assister à
certaines activités à Sherbrooke comme le Buffet des nations, madame...
Je sais qu'elle est
souvent chez nous. Alors, vous voyez que... Et, à l'intérieur des organisations
aussi, des organismes, même, culturels,
sur les C.A., vous voyez des gens qui viennent de tous les horizons. Donc,
nous, c'est vraiment dans ce sens-là. On favorise le mélange des
cultures pour qu'il y ait un frottement et un rapprochement, alors, entre
communautés culturelles et société d'accueil
mais aussi entre communautés culturelles qui sont présentes, parce que nous
cohabitons avec plus d'une centaine de
communautés culturelles, de personnes de toutes origines. Donc, il faut savoir vivre ensemble dans ce
sens, donc se mélanger et se connaître.
M. Kotto : J'entends bien,
mais...
Mme
Godbout (Annie) : ...je
dirais qu'on a quand même un grand défi. Quand on regarde, en tout cas
pour mon expérience de la dernière
année, là, c'est un constat très personnel, c'est que, tu sais, on voit
souvent que, les activités qu'on
fait, c'est souvent des gens qui sont déjà un peu vendus à l'interculturel, des
gens qui aiment l'international. Donc là,
notre défi, hein, qu'on a, c'est d'aller rejoindre tranquillement pas vite...
d'étendre, en fait, ce réseau-là de Québécois de souche pour faire connaissance,
entamer le dialogue, comme vous dites, davantage avec... pour étendre, là, la
toile d'araignée, si je peux dire, là, pour faciliter ce climat interculturel
là.
M. Kotto : J'avais,
je vous suggère ça au passage, moi, pensé à «Québécois d'adoption», en parlant
de moi en tant que nouveau... Je vous suggère juste l'appellation pour
votre réflexion là-bas, à Sherbrooke.
Autre
question. C'est une centaine de Québécois d'adoption venus de tous les coins du
monde. Est-ce que ce sont... Vous
disiez que 53 % d'entre eux sont des réfugiés. Quelles sont les
difficultés d'intégration auxquelles ces personnes fragilisées sont
exposées?
Mme
Godbout (Annie) : Bien, ce
qu'on a senti sur le terrain, pour avoir discuté avec les gens, c'est que
souvent, quand les gens arrivent, on essaie
rapidement de les mettre dans un moule, de les cadrer soit pour apprendre le
français, entre autres, beaucoup, parce
qu'ils viennent de pays où ils ne sont pas... le français n'est pas la langue
principale, et ce qu'on entend, c'est
qu'on essaie de les mettre rapidement dans un cadre, mais souvent les gens ne sont pas prêts
nécessairement à ça, il y en a qui arrivent avec des conditions où, par exemple,
ils peuvent souffrir de dépression, ils ont
des problèmes psychologiques quand
même importants. Donc, rapidement,
premièrement, on essaie de les mettre dans ce moule-là,
et donc ils ne sont pas nécessairement prêts.
Là, il y a
des normes, hein, des périodes de temps où on veut faire un peu de
francisation, et là, quand le terme est terminé, ces gens-là sont
souvent laissés à eux-mêmes. Puis en plus, le français, ces cours-là, c'est un
bon moyen de sociabiliser, pour eux, puis il y en a
qui se retrouvent dans une espèce de vide, il y a certaines tranches de
gens réfugiés qui se retrouvent dans un vide où il y a peu de moyens
pour les rejoindre, les amener à sociabiliser, éviter l'isolement, particulièrement aussi pour les personnes qui n'ont pas d'enfant, hein, parce que,
les enfants, c'est sûr que c'est facilitant pour sociabiliser, avec les écoles. Mais, encore là, ce qui est extrêmement difficile, ce qu'on voit sur le terrain, c'est que, les familles, les enfants qui vont dans les écoles,
les parents, ils ne parlent pas français. Donc, pour l'aide aux devoirs,
ils n'ont pas de moyen, ils ne sont pas
outillés. Donc, on a des organismes qui vont dans les maisons. Et là, quand on
débarque dans les maisons, ce qu'on entend,
c'est qu'ils se rendent compte qu'il
y a des problèmes familiaux
importants, là, où la culture n'est
pas encore complètement intégrée, donc là ils ont besoin d'avoir... ces
gens-là qui font de l'aide aux devoirs théoriquement ont besoin d'être
outillés aussi pour, dans le fond, être de premier plan, là, avec ces gens
réfugiés qui ont différents autres problèmes, là, importants, là.
Donc, tout
ça, toutes ces pressions-là, donc, dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de la santé, tu sais, on sent, les gens, qu'ils ont besoin, là, beaucoup d'aide et de
ressources, ça, c'est criant, en fait, par chez nous, là, à cet égard-là,
puis, comme je vous dis, des gens qui
sont laissés plus à eux-mêmes, qui ne tombent pas dans les cadres dans
lesquels on veut les mettre, parce que c'est vraiment ça, hein, c'est qu'on les
met dans... Je ne me répéterai pas.
M.
Castilla (Alain) : Il faut
voir que les dernières vagues d'immigration de personnes réfugiées parrainées
viennent de pays comme Bhoutan, Népal,
Afghanistan. Donc, c'est des gens qui, bien
sûr, ont vécu dans des camps de
réfugiés, les enfants ne sont pas allés à
l'école. Donc, quand ils arrivent ici, de s'intégrer, comme dit
Mme Godbout, dans ce moule de notre
société, c'est là où il y a des difficultés, c'est très complexe, et nos intervenants,
souvent, ne sont pas outillés. Alors, ça prend du temps jusqu'à ce
qu'ils puissent comprendre cette réalité-là.
Mme
Godbout (Annie) : Oui. Puis,
pour sortir de cet état de pauvreté, l'éducation, là, c'est essentiel, là, c'est essentiel
pour ces jeunes-là. La réussite scolaire, là, c'est très, très important.
M. Kotto : Considérez-vous, à l'aune de ces défis de part et
d'autre, que le soutien de l'État québécois est adéquat?
Mme
Godbout (Annie) : En fait,
c'est justement pour ça qu'on demande plus une stratégie interministérielle, pour être
sûrs que tout arrive à bien s'arrimer ensemble, parce que c'est arrivé, nous,
quand on a des rencontres du Comité des
relations interculturelles, que ces problématiques-là nous sont amenées, et, dans le fond, on tombe nous-mêmes
dans le vide parce que ça ne relève pas de
nos compétences. Donc, on n'est pas outillés, nous, comme ville, pour faire
face à ces défis-là, pour aider nos
organismes à le faire. On a besoin... Là, c'est sûr qu'on essaie, justement,
de s'adjoindre des gens de notre milieu dans le domaine de la santé, sur
le CRID, dans le domaine de l'éducation, des gens qui ont des lectures terrain, des gens qui ont des pouvoirs. Encore là,
eux sont tout de même limités. Mais c'est important, c'est très important,
en fait, très, très
important d'avoir des canaux, justement,
avec le gouvernement plus importants. C'est un des messages qu'on vous lance aujourd'hui, là, qu'on
souhaite qu'on améliore, en fait, ce... C'est de pouvoir mieux communiquer
ces enjeux-là et de trouver des solutions ensemble.
M. Kotto : Vous disiez... Dans les recommandations, vous proposiez, en fait, la mise en place d'un observatoire
sous la gouverne du MIDI. Un observatoire proche du pouvoir, lié au pouvoir
m'apparaît un peu risqué, hein? Risqué pourquoi? Parce qu'on voit ce qui arrive
aux bureaux régionaux d'immigration aujourd'hui avec les décisions.
J'irai
davantage plus loin. C'est une bonne idée à la base. Ça pourrait
être un observatoire qui aurait le même profil que celui du Vérificateur
général ou de la Protectrice du citoyen et ayant des comptes à rendre uniquement
à l'Assemblée nationale...
Le Président (M. Picard) : ...30 secondes,
M. le député.
M. Kotto :
...parce que c'est l'Assemblée nationale qui nommerait cette entité-là et la personne qui
serait à sa tête. Qu'est-ce que vous en pensez?
Le Président (M. Picard) :
Rapidement, s'il vous plaît.
Mme
Godbout (Annie) : Ça prend
plus que ça, qu'un vérificateur
général. C'est difficile de
quantifier le terrain, en fait, là,
en termes... Ça a été difficile pour nous. On a vu, avec
l'entente spécifique régionale, qu'on a essayé d'avoir des chiffres sur, justement, quelle est notre
immigration, d'avoir un portrait clair, donc c'est là qu'il faut tendre pour
appuyer. Si on a les meilleures données
terrain, nous serons en mesure de prendre les meilleures décisions sur quelles
actions on doit agir en priorité, là. Nous, c'est ce genre de tableau de
bord là plus que peut-être un vérificateur... Bien, à moins que j'aie mal
compris.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole...
Mme
Godbout (Annie) : Mais on
pourra en reparler, là. On peut revenir à Québec, à Montréal.
Nous, on aime ça échanger avec vous, là.
Le Président (M. Picard) :
Pas de problème. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette :
Mme Godbout, M. Castilla, bonjour. Bien, en fait, je vais vous
laisser la possibilité de répondre à la question du député de
Bourget, parce que c'était une question qui m'interpellait aussi. Il y a
plusieurs groupes qui sont venus nous
voir, depuis le début de la consultation, qui parlaient davantage d'un
organisme de coordination. Donc, peut-être vous pouvez terminer sur la
question du député de Bourget et aussi donner votre avis sur : Est-ce que
ça prend un organisme de coordination pour synchroniser l'ensemble des
ressources pour les services aux immigrants?
Mme
Godbout (Annie) : Nous
sommes plus, nous, dans l'optique de dire : Travaillons avec les
structures déjà en place, parce qu'à
multiplier les structures on perd de l'efficacité. On l'a vécu, nous, spécifiquement
avec l'entente spécifique régionale
qu'on voulait mettre en place au niveau de la région. Là, on se disait au
niveau de la région... Nous, à Sherbrooke, on avait déjà des structures
en place, la région, maintenant, voulait mettre des structures en place, et là
on voyait un dédoublement, en fait, d'efforts, de tables de discussion.
Donc, nous, ça nous préoccupe, de multiplier les
structures de coordination. Donc, est-ce que c'est à l'échelle juste de la ville, l'échelle régionale, ville? Les
enjeux, en tout cas, pour l'Estrie, c'est très différent à Sherbrooke
versus l'ensemble de l'Estrie, donc... Et je trouve, là, dans l'expérience de
ma dernière année... C'est qu'on perd tellement de temps à penser à des structures qu'on perd l'essentiel sur le terrain
puis les besoins du terrain. Moi, je suis rendue là, là, tu sais, de se dire : O.K., là, on peut-u
vraiment, là, travailler sur le terrain avec les structures en place, mettre
les bonnes personnes aux bonnes places? Tu sais, moi, je ne dis pas que
c'est à la ville à tout ramasser puis d'être tout le coordonnateur, là, ce
n'est pas nécessairement ça que je vous dis aujourd'hui, mais il y a des
structures en place puis il y a moyen, je pense, de faire ça simple et
efficace, sans multiplier les tables. Il y en a déjà trop.
• (12 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Parmi les
structures qu'il y a actuellement en place, le ministère fonctionne par le
biais d'un réseau de partenaires,
d'organismes communautaires. Est-ce que, pour Sherbrooke, pour la région de
l'Estrie, c'est une façon optimale et appropriée?
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : De travailler
avec le réseau de partenaires plutôt qu'avec des organismes étatiques.
M. Castilla
(Alain) : Une des propositions, en fait, dans le document, c'est qu'on
voudrait poursuivre les travaux du réseau
des grandes villes en immigration. Donc, au niveau des municipalités, il y a
quelque chose qui avait été amorcé
mais que, bon, ça a tombé un petit peu à l'eau, mais on voudrait remettre en
place ce réseau pour être branchés, justement,
et que le ministère soit collaborateur là-dessus; de la même manière qu'il le
fait avec le réseau des organismes communautaires, bien, qu'on soit aussi branchés,
au niveau des grandes villes, pour le partage des bonnes pratiques, pour
l'échange d'information mais aussi pour pouvoir coconstruire des programmes,
des projets, etc., ensemble.
Mme Godbout (Annie) : Bien, pour répondre, au niveau local, là, le réseau des partenaires,
moi, je crois, oui, qu'on peut travailler ensemble sans créer de
structure.
M.
Jolin-Barrette : À la page 7 de votre mémoire, vous recommandez
de «dresser un portrait des municipalités en ce qui concerne leur réelle capacité d'accueil et d'intégration,
notamment en termes d'emplois, de services, d'infrastructures, de logement et de transport». Exemple, pour
Sherbrooke, est-ce que la capacité d'accueil, elle est respectée en termes
de nombre d'immigrants que vous recevez
annuellement versus les ressources qui sont mises actuellement à la
disponibilité, que ce soit par le ministère ou par la municipalité?
M. Castilla
(Alain) : Justement, on disait que ce bassin qu'on a en ce moment,
surtout de personnes avec des besoins beaucoup plus importants qu'un immigrant
économique, fait en sorte que ça exerce une pression beaucoup sur tous nos partenaires, que ce soit au niveau
communautaire, au niveau des institutions publiques, l'OMH, etc. On sait
qu'il y a des initiatives à Sherbrooke
importantes qui sont des modèles pour le Québec, comme notre clinique des
réfugiés. Donc, étant donné, justement, ce bassin qu'on avait, l'offre de
services qui était normale n'était pas suffisante. Donc, on a dû mettre en
place une clinique des réfugiés parce que l'offre et la demande n'étaient pas
égales.
M.
Jolin-Barrette : Un des groupes vous précédant, Médecins du Monde,
disait justement : C'est un des défis, exemple, d'identifier, pour les réfugiés qui arrivent au Québec, bien,
les ressources disponibles. Donc, je comprends que ça prend une
coordination des acteurs qui offrent des services. Et aussi peut-être ce qu'ils
proposaient, eux, c'était véritablement de l'accompagnement.
M. Castilla (Alain) : Exact. Et même, dans les organismes, on a un organisme
d'alphabétisation chez nous qui était à la base un organisme
d'alphabétisation pour les Québécois; maintenant, je dirais que 90 % de sa
clientèle, c'est des personnes immigrantes
réfugiées. Donc, ils ont vu la composition de leur clientèle changer avec les
vagues d'immigration qu'on a reçues à
Sherbrooke et ils n'ont plus de locaux, il n'y a plus... ils ne fournissent
plus parce que les besoins, comme vous dites, ça exerce une pression sur
tous nos partenaires, la santé, le communautaire, l'éducation, etc.
M.
Jolin-Barrette : Généralement, lorsque vous accueillez une clientèle
réfugiée, combien de temps ça prend, tout en étant conscient que le parcours de chacun est unique, mais combien de
temps ça prend pour que les gens se sentent à l'aise dans leur milieu
d'accueil?
M. Castilla
(Alain) : C'est sûr que ce volet-là, c'est plus le Service d'aide aux
néo-Canadiens, qui est notre organisme mandaté par le ministère pour tout ce
volet accueil de personnes réfugiées. C'est sûr que, comme on dit ici, c'est un parcours qui est très atypique,
hein, ça va dépendre d'où provient cette personne-là, qu'est-ce qu'elle a
vécu, les enfants, etc., mais je vous dirais
que c'est un parcours qui est beaucoup plus long qu'une personne immigrante
économique. Donc, c'est très complexe.
M.
Jolin-Barrette : Puis au niveau des... Il y a un point sur les
administrations publiques, dans votre mémoire, sur la représentativité
des gens issus de l'immigration. Comment ça se traduit à la ville de
Sherbrooke?
Mme Godbout (Annie) : Bien, moi, ce que j'ai entendu... À la ville, nous, c'est ça, donc, on
s'était donné des cibles, tout ça,
puis on y tient, mais ce que j'entends sur le terrain, notamment, entre autres,
le service... certains segments de...
il y a certains étudiants qui sortent de l'université qui ont vraiment de la
difficulté à trouver même un emploi dans des organismes institutionnels.
Ils sentent... Bien, leur lecture du terrain, c'est que les immigrants, bien,
ceux qui portent un nom peut-être plus étranger, là, se rendent dans les
entrevues, mais ils arrivent souvent bons deuxièmes.
Donc,
il y a comme peut-être un effort qui pourrait être fait, avec des cibles
peut-être plus précises, sur l'intégration en emploi même en région dans les institutions. Il faut travailler ça,
travailler de manière concertée, donner l'exemple de travailler
ensemble, là. Je pense qu'on a un bon défi à cet égard-là aussi, là.
M.
Jolin-Barrette : Puis, au niveau des employeurs non institutionnels, au niveau du marché du travail, par
le biais d'employeurs privés, par le biais des PME, quel est le portrait à Sherbrooke?
M. Castilla
(Alain) : C'est sûr que les grandes entreprises, les multinationales
sont beaucoup plus ouvertes, et c'est beaucoup plus facile qu'une personne
immigrante puisse intégrer ce genre d'entreprise. Dans nos régions, on sait que c'est principalement des PME, et c'est
ces gens-là, ces chefs d'entreprise qu'il faudrait sensibiliser
davantage, informer davantage sur tout le volet... Justement, quand on parlait
que les employeurs ne savaient pas trop comment une personne peut devenir de
temporaire à résident permanent, tout ce volet-là est très important, de
sensibilisation et d'information de ces entreprises, des PME.
Mme Godbout
(Annie) : Oui. Moi, je pense qu'il faut...
Le Président (M. Picard) :
Merci... Oh!
Mme Godbout (Annie) : Juste... Dernière petite chose. Il faut trouver
des zones d'expérimentation, idéalement, de part et d'autre, parce que, tu sais, il y en a beaucoup qui
disent : Bien, tu sais, on est comme bloqués, mais, si on peut trouver des zones d'expérimentation où les gens
apprennent à se connaître... Les stages, c'est sûr que c'est une bonne
façon, mais en même temps c'est très
exigeant au niveau des employeurs. Mais il y a lieu, moi, je crois, par des
projets peut-être, sans que ce soient des stages, de mixer étudiants,
jeunes, immigrants... jeunes, immigrants, employeurs, pardon, pour justement se
connaître puis de voir la richesse que tout le monde peut en tirer, de ça.
Le Président (M.
Picard) : Merci beaucoup. Ça met fin à nos travaux pour cet
avant-midi.
La commission suspend
ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci pour votre présentation.
(Suspension de la séance à
12 h 47)
(Reprise à 14 h 2)
Le
Président (M. Picard) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
Nous
allons poursuivre les consultations particulières
et auditions publiques sur les documents intitulés Vers une
nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et
d'inclusion.
Cet après-midi, nous
commençons nos travaux en recevant le représentant de la Fédération des
communautés culturelles de l'Estrie. Je vous
inviterais à vous présenter. Et vous disposez de 10 minutes pour faire
votre présentation, vont s'ensuivre des échanges avec les
parlementaires. À vous la parole.
Fédération des communautés culturelles de l'Estrie (FCCE)
M. M'Batika (Henri) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, honorables députés. Je suis
Henri M'Batika, je viens de
Sherbrooke, j'ai été pendant longtemps président du conseil d'administration de
la fédération, et c'est un honneur que
vous me faites, à travers les membres des communautés culturelles, de nous
accueillir dans votre auguste assemblée. J'en profite aussi pour
témoigner de notre gratitude pour tout ce que vous faites, surtout en matière
d'immigration.
Donc,
aujourd'hui, nous présentons notre mémo parce que c'est une question qui nous
intéresse au plus haut chef, et nous pensons que notre contribution sera
majeure pour répondre aux besoins et aux préoccupations et de l'État et des
citoyens et des citoyennes.
La Fédération des
communautés culturelles de l'Estrie est un organisme communautaire fondé en
1994. Elle existe par la volonté de ses
pairs de promouvoir la solidarité entre membres. Elle sert d'interface entre
les décideurs du milieu, les milieux
économiques et culturels dans la région de l'Estrie, et ceci, depuis
21 ans. Dans sa mission, la Fédération des communautés culturelles de l'Estrie vise le regroupement des
associations monoethniques et les accompagne dans le processus d'intégration dans la nouvelle société.
La fédération s'est fixé comme principaux objectifs promouvoir et
défendre les droits de ses membres, promouvoir et consolider la vie associative
de ses membres, susciter l'émergence d'autres organismes monoethniques,
favoriser la rétention et l'intégration des immigrants dans la région de
l'Estrie, assurer la représentativité des
communautés culturelles en partenariat avec les institutions du milieu,
favoriser le développement de relations harmonieuses et durables.
Nonobstant la modicité de ses moyens d'action,
l'ancrage de la fédération dans la collectivité a permis l'émergence de projets structurants favorisant l'intégration
et l'insertion socioprofessionnelle. À son actif, la fédération a réalisé
des projets qui sont aujourd'hui le champ de la réflexion de l'État québécois sur les conditions
gagnantes dans le processus d'accueil
et d'intégration des immigrants. À travers le mémo que la fédé dépose à la commission,
l'organisme apporte sa modeste contribution par ses propres réalisations
pour mieux répondre à la fois aux besoins de la société d'accueil et aux
besoins des personnes immigrantes.
Des projets de la
fédération qui répondent aux questions soulevées par le ministère sont les
suivants.
Le
premier, c'est la politique d'accueil et d'intégration des personnes
immigrantes. Cette politique initiée par la fédération et adoptée par la
ville de Sherbrooke demeure un outil d'insertion professionnelle en faveur des
personnes immigrantes. Dans la vision des
initiateurs, cette politique devrait permettre de résorber le déficit de la
main-d'oeuvre, consolider un partenariat gagnant-gagnant entre la
fédération, d'une part, et la ville de Sherbrooke et les entreprises locales de
l'autre, reconnaître et promouvoir les expériences professionnelles des
personnes immigrantes.
Deux,
l'Espace de la diversité, qui est un lieu rassembleur propice aux échanges
interculturels, à la découverte de nouvelles
richesses dans l'interaction entre le patrimoine identitaire estrien et
l'apport de la collectivité. Objectifs recherchés à travers tous ces projets : d'abord, offrir
l'opportunité aux immigrants de découvrir et de mieux connaître les
municipalités régionales afin qu'ils
puissent évaluer les possibilités de s'y établir; B, permettre aux citoyens des
municipalités ciblées de mieux
connaître la diversité ethnoculturelle de l'Estrie et l'apport de l'immigration
au développement de notre région; C, contribuer aux efforts de
décentralisation de l'immigration vers d'autres municipalités de l'Estrie;
établir un meilleur arrimage entre le
potentiel que représentent les néo-Estriens et les défis auxquels notre région
doit faire face; établir un maillage
entre la Fédération des communautés culturelles et les organismes d'aide à la
collectivité tout en promouvant un partage mutuel des expertises afin de
bâtir un pôle interculturel qui favorise l'attraction, l'intégration et la
rétention des immigrants en Estrie.
Trois, projet néo-Sherbrookois. Ce site
interactif questions-réponses permet de centraliser les informations que la ville de Sherbrooke, les ministères, les
institutions mettent à la disposition des usagers de tous les services et
les ressources disponibles. Ce site est axé sur l'idée
que les immigrants posent des questions et que ce soient d'autres immigrants ou des intervenants travaillant dans le
domaine qui leur fournissent des réponses. À travers cette expertise acquise depuis novembre 2014, la Fédération des
communautés culturelles a entamé une étude pour évaluer les possibilités
d'implantation d'une plateforme
internationale appelée Néo-Québécois qui vise à fournir aussi aux futurs immigrants, à partir de leur pays
d'origine, des informations sur le Québec en général, le marché de l'emploi en
fonction de leur destination prévue et de
leur secteur professionnel, les organismes communautaires présents dans leur
milieu. Ainsi, ceux et celles qui
veulent s'établir au Québec pourront trouver plus facilement avant leur arrivée
les informations pertinentes sur le Québec. Le soutien en ligne aussi
aux bénéficiaires sous différentes formes est à considérer.
Quatre, projet «speed meeting». Ce projet vise à
former et préparer les immigrants pour occuper des postes décisionnels et à s'y maintenir et aussi de
permettre aux organismes du milieu de mieux reconnaître l'expertise de
ces derniers et de faciliter leur accessibilité au sein des instances
décisionnelles.
Cinq,
violence familiale. Des initiatives de sensibilisation et de prévention
initiées par la fédération, avec le soutien de ses partenaires, donnent des résultats probants pour enrayer ce
phénomène, que ce soit au niveau des jeunes filles, des femmes ou aînés.
• (14 h 10) •
Les perspectives d'avenir pour la fédération. La
fédération, fière de ses réalisations, continuera de jouer son rôle d'interface entre les acteurs
socioéconomiques, culturels, politiques et la communauté immigrante afin
d'assurer une réelle intégration dans
la région de l'Estrie. Le plan stratégique de la fédération a inscrit des
objectifs d'actions qui vont concourir
à la consolidation d'une solidarité agissante entre ses membres, à la poursuite
du travail en partenariat avec les différents paliers gouvernementaux,
les organismes, les institutions. La fédération instruit ses membres à
participer à l'animation de la vie
associative, de participer aux différentes tables décisionnelles et à
promouvoir l'égalité et l'excellence.
De tout ce
qui précède, la fédé formule les recommandations suivantes : Que le ministère de l'Immigration favorise les
partenariats entre les organismes qui offrent déjà des divers services
d'accueil, de soutien, d'accompagnement et d'insertion aux personnes
immigrantes. Que le ministère de l'Immigration permette à la fédération de
développer son site Néo-Québécois
afin d'offrir aux candidats à l'immigration québécoise d'obtenir de ce site l'information qui guidera son choix — reconnaissance des acquis,
les normes du travail, la francisation, la démocratie, la culture, la durée des
études, etc. Que le ministère de
l'Immigration soutienne le développement de la plateforme actuelle de la
fédération afin d'adopter des ressources nécessaires à son
fonctionnement. Que le ministère de l'Immigration privilégie le travail en
partenariat avec les organismes voués aux besoins des personnes immigrantes
afin de mieux évaluer les besoins, les problématiques
et les outils de leur intégration ou les outils de leur insertion
socioprofessionnelle. Que le ministère de l'Immigration travaille en
partenariat avec les organismes communautaires pour obtenir du gouvernement
fédéral le financement adéquat aux
politiques et programmes en immigration. Que le ministère de l'Immigration
agisse et obtienne du gouvernement
fédéral la réduction des coûts du processus de demande de citoyenneté. Que le
ministère de l'Immigration se concentre
aussi sur la question de la pauvreté afin d'enrayer ses conséquences — violence, décrochage scolaire — dans
les familles immigrantes. Que le ministère
de l'Immigration sensibilise les employeurs sur les gains qu'ils tirent en
développant l'employabilité auprès des
personnes immigrantes. Que le ministère prenne en son compte les retombées
positives de la convention de Genève sur la protection accordée aux
réfugiés victimes de violence dans leur pays d'origine. Que le ministère de
l'Immigration s'engage à promouvoir la diversité, l'interculturalité, la
multiculturalité et à développer l'employabilité des personnes immigrantes. Que
le ministère de l'Immigration opère des choix en tenant compte des recommandations des professionnels des questions
liées à l'immigration et des organismes qui dans le passé ont exercé un
leadership dans la mise en oeuvre des politiques d'accueil et d'intégration des
personnes immigrantes.
En
conclusion, à travers ce mémorandum, la Fédération des communautés culturelles
et tous ses membres viennent apporter
leur contribution dans la recherche de pistes d'amélioration d'accueil et
d'intégration d'immigrants dans leur nouvelle collectivité. La
fédération a déjà prouvé son efficacité à répondre à la fois aux besoins de ses
membres, de l'autorité politique et des
acteurs des différents secteurs de la vie en Estrie. Comme organisme
communautaire, notre rôle va au-delà du regroupement, notre contribution
à travers des projets structurants dans la région nous a valu plusieurs reconnaissances. Notre mémorandum vient rejoindre
la préoccupation du ministère de l'Immigration. Nos recommandations qui s'articulent autour des relations, si elles
sont appliquées par l'autorité compétente, donneront des résultats
escomptés. La fédération est disposée à non seulement approfondir la réflexion,
mais aussi à offrir au ministère les outils de sa politique et aux personnes
immigrantes les outils de leur intégration dans leur nouvelle société. Je vous
remercie.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Merci pour votre présentation.
Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Weil : Oui. Alors,
bonjour, M. M'Batika. Merci beaucoup de votre présentation, d'avoir pris
le temps de nous faire cette présentation,
nous expliquer tout le travail que vous faites. Et, si je comprends bien... Et
d'ailleurs la ville de Sherbrooke
vous a précédé, et ils ont parlé du travail que vous faites ensemble. Et la
terminologie «néo-Sherbrookois», on a découvert ça ce matin. C'est une
belle expression qui montre l'importance du rôle que joue la région en matière
d'attraction, d'accueil, d'intégration des néo-Québécois dans la région, alors
c'est très bien.
J'ai quelques
questions sur la terminologie, parce qu'il y a quelques mots que vous utilisez
qui sont différents. Vous parliez de regroupement d'associations
monoethniques. Qu'est-ce que ça représente comme approche envers les
différentes communautés?
M.
M'Batika (Henri) : Bien,
c'est plus facile. Nous, on considère, par exemple, que... On a des
Camerounais, on a des Congolais. Bien, ils
représentent une organisation culturelle qui est unique à eux, mais nous nous
mettons ensemble comme organisation monoethnique,
c'est comme ça que nous appelons. Donc, nous considérons les Colombiens, les
Congolais, les Péruviens, les Algériens, les Tunisiens comme étant une entité
culturelle, et c'est comme ça que nous les appelons.
Mme Weil : Ça ne change pas l'approche. Parce qu'il
y en a qui diraient «multiethnique», mais ça ne change pas l'approche
que vous utilisez. C'est juste une façon... c'est juste la terminologie, oui.
M. M'Batika (Henri) : C'est une
façon de présenter, mais la réalité, elle est la même, oui.
Mme Weil : Est-ce
que vous vous penchez... Bien, je
vois beaucoup... Vous parlez de relations
interculturelles, vous parlez de multi...
M. M'Batika (Henri) :
Multiculturalité, interculturalité.
Mme Weil : Oui, c'est ça, multiculturalité et
interculturalité mais dans la même phrase. Comment vous faites cette
distinction... ou quelle est la distinction que vous faites dans l'approche?
M.
M'Batika (Henri) : Bien,
l'interculturalité, c'est notre choix au Québec; la multiculturalité,
c'est le choix du Canada. Nous faisons partie du Canada, on doit
reconnaître aussi ce que le Canada apporte dans notre nation. Donc, il y a
aussi ces deux réalités qui sont attachées au choix que nous avons fait, nous
comme interculturel, le fédéral comme multiculturel, mais c'est un peu
lié, c'est un peu la démarche qui est un peu différente. Mais nous, nous
acceptons les gens tels qu'ils sont et pour
qu'ils puissent s'intégrer dans notre société,
c'est un peu ces deux réalités-là. On ne vit pas en vase clos, donc il y a une réalité du Canada qui
nous rattrape, mais nous avons notre propre réalité aussi comme une
société distincte à l'intérieur du Canada. Donc, il faut tenir compte aussi de
ces deux réalités.
Mme Weil : Une des questions
que je pose aux gens, c'est justement de voir qu'est-ce que le Québec, le
gouvernement pourrait faire pour aller plus loin dans la définition de notre
modèle d'accueil et d'intégration qui est l'interculturalisme
et devrait-on le formaliser par une action quelconque. On a eu beaucoup,
beaucoup de commentaires là-dessus, d'ailleurs Alain Gagnon, un
chercheur, hier, qui nous en a parlé en long et en large et d'autres qui vont
le faire d'ici la fin de la semaine.
Vous, par
rapport à ce que vous vivez sur le terrain et votre approche, justement, de
rapprochement interculturel, que
pensez-vous? Pensez-vous qu'on devrait aller plus loin pour le définir, mieux
le faire comprendre, formaliser cette approche d'intégration?
M.
M'Batika (Henri) : Je pense
qu'il y a des choses qui sont faites, votre propre réflexion nous rejoint, en
ce sens que... Est-ce que nous avons les
moyens de notre politique? Peu importe le choix qu'on fait, si on n'a pas les
moyens pour y arriver, on n'y arrivera jamais. Et c'est pour ça que,
nous, notre contribution, comme fédération, ça part déjà de notre vécu. Si vous prenez l'exemple de la
politique d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes, c'est nous
qui avons sensibilisé la ville. Et c'est
très important que le gouvernement sache qu'il y a une politique de
régionalisation de l'immigration, il
y a des villes qui sont choisies pour cette politique-là. Donc, c'est déjà
quelque chose, si le gouvernement provincial
peut obtenir suffisamment d'argent pour que cette politique... qu'il y ait des
réalisations sur le terrain, parce qu'au bout de la ligne on veut vivre comme des citoyens à part entière. Et,
que ce soit la question de la pauvreté ou que ce soit la question de l'exclusion sociale ou de la violence,
bien, si on n'a pas des moyens pour enrayer cela, on peut avoir même la
très belle définition des termes qu'on veut, le contenu est là, mais la
réalisation sur le terrain peut poser problème.
Donc, nous, notre réflexion, c'est... on vous
apporte à travers nos propres réalisations comment on a réussi, dans la ville de Sherbrooke, à adopter une
politique d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes qui est
aussi en lien avec la politique de
régionalisation de l'immigration. Mais, au-delà de tout, les immigrants, au
fait, quand ils viennent ici, ce
n'est pas nécessaire qu'on leur dise : Allez là-bas, dès lors qu'ils
savent qu'il y a du travail à Sherbrooke. Donc, la politique de
régionalisation doit être un plus, en ce sens que, la mobilité, on l'a déjà.
Mais, s'ils viennent et qu'ils trouvent...
il y a une politique, il y a des moyens qui vont avec cette politique-là, je
pense qu'on fera oeuvre utile. Et, nous, ce que nous voulons, c'est vous apporter des éléments pour que, lorsque
vous allez formuler même les demandes au niveau du gouvernement fédéral,
vous puissiez vous appuyer sur des exemples concrets de ce qui se fait sur le
terrain, et ça, ça prendra tout le sens.
• (14 h 20) •
Mme Weil :
Et, si je regarde votre vision, les différentes initiatives, donc, il y a la
politique d'accueil et d'intégration, vous mentionnez l'Espace de la
diversité, c'est un espace d'échange interculturel, social pour bâtir ce vivre-ensemble, se connaître, démystifier la
différence, bon, c'est tout ça, le projet, un site interactif questions-réponses
où les gens peuvent poser des questions,
j'imagine, sur une foule de questions comme le logement, comment ça se passe
et toutes sortes de choses qu'on a besoin de savoir.
Mais j'arrive au 1.4, le projet «speed meeting»
que la ville de Sherbrooke a mentionné. On trouve ça intéressant,
j'aimerais en savoir un peu plus.
Et peut-être nous
dire ce que vous percevez, comme organisme, comme les grands défis, les...
L'intégration en emploi, j'imagine, c'en est
un, mais qu'est-ce que vous voyez comme les deux, trois grands défis quand vous
dites : Le gouvernement doit investir là-dedans? Évidemment, je vous
répondrais que ça prend toute une société pour réussir l'immigration, plusieurs acteurs, mais c'est sûr
que le gouvernement a beaucoup de moyens à sa disposition, puis c'est
plusieurs ministères.
Mais
donc si vous pourriez juste nous parler de ce projet de «speed meeting». Est-ce
que c'est votre expression? «Speed meeting» au lieu de «dating»?
M. M'Batika (Henri) : Bien, c'est des mots anglais. Je pense qu'on vient enrichir aussi... Oui,
c'est nous qui avons inventé le terme, oui.
Mme
Weil : Non, mais c'est une variation, hein, c'est une variation
qui rend ça un peu plus sérieux que «speed dating», hein, O.K., si je
comprends bien.
M. M'Batika (Henri) : «Speed
dating», «speed meeting».
Mme Weil :
D'accord. Alors...
M. M'Batika (Henri) : Bien, en tout cas, je pense
qu'on doit prendre conscience aussi que le Québec enrichit la
francophonie, même s'il y a des néologismes et que nous-mêmes, on sait comment
utiliser tous ces termes-là. On l'a utilisé,
justement, parce qu'il y a des immigrants qui arrivent ici comme professionnels
mais qui ne trouvent pas l'espace pour s'intégrer. Et, nous pensons, le
fait de pouvoir être en contact avec les personnes qui en haut lieu prennent
des décisions, ils comprendront comment ça
fonctionne et quelles sont les exigences à l'intérieur du fonctionnement
d'un service ministériel ou d'un organisme,
d'une institution. Donc, on les met en contact avec la réalité de ceux et
celles qui font ce travail-là pour qu'ils apprennent sur le tas et qu'ils
soient fonctionnels.
Donc, ils viennent
avec l'expérience, ils viennent avec l'expertise, et souvent ils ne trouvent
pas d'espace d'expression pour qu'ils
puissent mettre à contribution l'expérience, l'expertise et tout ce qu'ils ont
comme connaissances. Et on peut
échanger aussi à travers ce contact, à travers cet espace, acquérir de l'autre
ce qu'on connaît, ce qu'on fait et apprendre aussi de l'autre ce qu'il
sait faire. Donc, c'est un peu dans cette optique-là.
Et
il faut aller chercher ces gens-là. Souvent, ils sont à la maison et ils ne
savent pas qu'il y a cette possibilité de rencontrer des personnes qui en haut lieu prennent des décisions et
d'être en contact avec ces gens-là pour comprendre comment ça fonctionne à l'intérieur, qu'est-ce qu'ils
peuvent tirer comme bénéfice de cette expérience-là, de cet espace-là.
Mme Weil :
Est-ce que vous avez des relations avec les employeurs, avec des entreprises?
M. M'Batika (Henri) : La politique d'accueil et d'intégration visait cela. Je pense que nous
l'avons souligné, on veut aller
au-delà. Dans la ville de Sherbrooke, on a eu le maire Perrault qui est parti,
ensuite le maire Sévigny qui est là, et ils n'ont pas la même vision des
choses. Parce qu'avec le maire Perrault c'est qu'il voulait qu'au moins
10 % des emplois dans la ville de
Sherbrooke soient occupés par des personnes issues de l'immigration. Alors,
nous lui avons dit que seul il n'y
arrivera jamais, donc il faut que lui-même vende cette politique auprès des
entreprises avec lesquelles il signe des contrats dans la ville de
Sherbrooke. Donc, ça, c'est ce qu'on lui avait demandé. Et, cette politique, la
ville de Sherbrooke prend aussi le temps de promouvoir les grandes articulations
de cette politique en France et dans d'autres régions chez nous ici, au Québec,
que ce soit à Gatineau, que ce soit à Rimouski et dans d'autres villes encore.
Donc,
nous, c'était un objectif affiché, et nous voulons effectivement résorber le
déficit de main-d'oeuvre, parce que
la main-d'oeuvre, elle est là. Alors, nous demandons à la ville de Sherbrooke
de nous accompagner dans ce processus-là.
Ce n'est pas facile, mais c'est là où on voudrait arriver. Et nous voudrions
aussi que le ministère nous soutienne dans ce processus-là, parce que
c'est une politique qui a été adoptée par la ville de Sherbrooke, et la
promotion de cette politique-là va jusqu'en France. Alors, nous aimerions qu'il
y ait vraiment des résultats palpables ici dans la ville de Sherbrooke ou à
travers le Québec aussi.
Mme
Weil : O.K. J'ai deux autres questions rapides, puis ensuite je
vais demander à mon collègue de Sherbrooke... Est-ce que vous avez des
relations avec Emploi-Québec?
M. M'Batika (Henri) : On a des relations avec Emploi-Québec, justement, lorsqu'il y a un
projet. Vous savez, souvent on écrit des projets. Et aussi le
gouvernement, à travers le ministère de la Solidarité, il a une politique qui permet à un immigrant de faire un stage de six
mois en lien avec son domaine de formation. Alors là, la fédération peut
demander au ministère de l'Emploi et Solidarité d'accompagner, par exemple, un
immigrant qui veut une expérience professionnelle
dans son domaine de formation pendant six mois, pour qu'après six mois il puisse
obtenir du travail. Donc, nous avons ce genre de relation avec Emploi-Québec.
Mais,
là aussi, on ne l'a pas mentionné dans le mémo qu'on vous a donné, on aura
aussi le projet Oméga. Le projet Oméga, c'est recruter les immigrants
pour leur donner la formation sur tout le français québécois, parce que, quand on dit «slaquer quelqu'un», quelqu'un qui vient
d'Algérie, ou du Congo, ou du Cameroun ne sait pas ce que ça signifie...
ou bumper quelqu'un, ils ne comprennent pas
ce que ça signifie. Donc, ça prend quelqu'un pour leur expliquer, voici ce
que cela signifie, pour qu'ils ne se sentent
pas étrangers lorsqu'ils sont dans leur milieu de travail. Donc, ça, c'est un
projet que nous sommes en train de travailler avec Emploi-Québec, et ils ont
accepté de nous accompagner dans ce projet-là.
Mme Weil : Et le profil des personnes avec qui vous êtes en
relation, qui sont des nouveaux arrivants, j'imagine, ou de plus longue date, beaucoup de réfugiés ou un peu de
tout? Est-ce qu'il y a des travailleurs qualifiés, regroupement
familial?
M.
M'Batika (Henri) : Tout le monde est regroupé là, Mme la ministre.
Mme Weil :
C'est tout le monde, oui. Puis...
M. M'Batika
(Henri) : C'est tout le monde. On reçoit tout le monde, les jeunes
comme les aînés, oui.
Mme Weil :
Oui. Vous parlez de violence familiale comme... Un de vos objectifs recherchés,
c'est de réussir à prévenir la violence
conjugale, enrayer le phénomène, que ce soit au niveau des jeunes filles, des
femmes et des aînés. Est-ce que vous pourriez nous en parler, de ce
projet?
M. M'Batika
(Henri) : On avait regroupé des jeunes filles et des jeunes garçons.
On leur a demandé quelles étaient les
difficultés qu'ils rencontraient ou qu'elles rencontraient à l'école, et il y
en a qui étaient effectivement victimes de violence. C'est à travers leurs propres expériences, leurs propres
situations que nous avons développé des stratégies pour pouvoir faire face à cette réalité-là. On avait vraiment
réuni les jeunes comme on est là, et chacun a apporté son expérience d'intégration, ceux qui avaient des problèmes ou
qui ont été victimes de violence, on a recensé toutes ces
informations-là. C'est sur base de toutes
ces informations que nous avons travaillé pour pouvoir les aider à s'intégrer,
que ça soit à l'école, que ça soit dans les centres de formation.
Donc,
vraiment, avec le vécu des jeunes eux-mêmes et même les aînés et les parents,
dans des forums, dans des rencontres,
on les invite pour partager comment ils sont arrivés, quelles étaient les
difficultés, quels sont les problèmes. C'est sur base de tous ces
éléments-là que nous travaillons.
Mme Weil :
Très bien. Merci.
Le Président (M.
Picard) : Je cède la parole à M. le député de Sherbrooke pour
3 min 30 s.
M.
Fortin (Sherbrooke) : Merci beaucoup, M. le Président.
M. M'Batika, bienvenue à l'Assemblée nationale.
Un
des objectifs de la fédération, c'est de favoriser la rétention et
l'intégration des immigrants dans la région de l'Estrie. Évidemment,
cette rétention et cette intégration passent beaucoup par l'emploi.
Dans
votre mémoire, vous faites une recommandation qui est la suivante : «Que
le ministère de l'Immigration sensibilise les employeurs sur le gain qu'ils tirent
en développant l'employabilité auprès des personnes immigrantes.» Alors,
la question que j'ai pour vous est la suivante : Est-ce que vous pensez
réellement que c'est au ministère de faire ça ou le rôle du ministère ne serait pas
plutôt d'encadrer des organisations locales peut-être comme la vôtre ou des instances de développement économique
local dans cette mission-là, plutôt que, le ministère, le faire directement?
Et, si vous pensez
que le MIDI devrait le faire directement, qu'est-ce qu'on doit faire de mieux
auprès des employeurs? Qu'est-ce qu'on doit
leur dire? Comment on peut davantage... mieux les accompagner pour favoriser
une meilleure intégration en milieu de travail?
• (14 h 30) •
M. M'Batika
(Henri) : Souvent, nous disons que le Québec, il sélectionne ses
immigrants, mais le Québec fait le tri, il
ne sélectionne pas, il fait le tri, il choisit parmi les meilleurs. Donc, ça,
c'est déjà une preuve qu'on a sur notre territoire les gens, les
personnes que nous voulons parce qu'ils répondent au profil et ils répondent
aux besoins. Et, lorsqu'on arrive, c'est
souvent des gens qui ne travaillent pas. Et nous, au niveau de la fédération,
nous avons réfléchi là-dessus et nous avons dit à la ville de
Sherbrooke : Vous signez des contrats avec des entreprises ici, dans la
ville de Sherbrooke. Est-ce que vous pouvez
leur parler de cette politique-là et réfléchir avec eux? Parce que nous avons
déjà réfléchi avec eux.
Donc, le ministère,
c'est que nous demandons au ministère d'élargir aussi cette réflexion non
seulement à Sherbrooke, même dans d'autres villes, parce qu'on a des immigrants
qui arrivent, qui sont déjà formés mais qui sont obligés, même pour deux matières qu'il n'a pas étudiées dans son pays
d'origine, de retourner à l'université pour reprendre encore. Et il y en a qui arrivent ici, c'est des
pères de famille, des mères de famille. Ça prend encore plus du temps à
s'intégrer.
Et ce que nous
voulons... Les instruments du ministère, par exemple Pro-Gestion ou la
politique même de régionalisation de
l'immigration, ça profite à qui? Donc, à partir de là, le ministère peut savoir
est-ce que l'argent que j'affecte
pour la régionalisation de l'immigration... ça répond à quel besoin et jusqu'à
quel niveau les montants que je donne sont
suffisants pour aider les villes à intégrer, à accueillir les personnes
immigrantes dans leur ville. Et ce que nous voulons, c'est véritablement
que le ministère ait les instruments de sa politique. Les outils, nous les
apportons, mais aussi la décision reviendra
au ministère par rapport au vécu. Et nous, nous croyons qu'à la ville de
Sherbrooke... Nous avons déjà pensé qu'en sensibilisant les entreprises
sur les gains qu'elles tirent des personnes qui arrivent déjà... qui sont déjà professionnelles, ça permettra à la politique de
régionalisation d'être efficace, et on aura des effets visibles sur le
terrain, et on aura de l'emploi. Si c'est de
l'emploi de qualité, bien les gens y resteront, ils n'iront pas ailleurs. Et,
n'oubliez pas, souvent on vient pour
vivre au Québec et pas aller ailleurs. Donc, le Québec investit déjà pour que
les gens arrivent ici, donc il faut qu'il y ait un suivi de cet accueil
et de l'intégration. Et nous pensons que le choix revient au ministère, en
tenant compte des recommandations que nous faisons, mais au-delà c'est le
ministère qui prendra la décision.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Bourget.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Je vous salue à mon tour, je vous souhaite la
bienvenue. Nous nous sommes croisés dans le couloir très furtivement tout à
l'heure.
Je vais mettre en évidence
une contradiction d'apparence. Vous parliez de déficit de la main-d'oeuvre, arrimé à cela le chômage remarquable, accentué
chez les Québécois d'adoption — que vous appelez néo-Québécois, moi,
je préfère Québécois d'adoption. Comment expliquez-vous cette contradiction?
M.
M'Batika (Henri) : Bien là,
c'est au niveau du ministère lui-même. Nous, nous pensons que
l'immigration, chez nous, elle répond
notamment à cet objectif-là, c'est-à-dire résorber le déficit de natalité,
aussi la question d'emploi. Et ceux
qui viennent, ils viennent pour travailler, ceux qui viennent, ils viennent
pour s'intégrer dans la société, et la meilleure des intégrations, c'est
celle qui passe par le travail.
Et la
réalité, c'est que les gens qui arrivent, avec les informations qu'on nous
donne au départ, lorsqu'on arrive ici, il
y a le problème de la reconnaissance des acquis et il y a aussi l'expérience
qu'on n'a pas, il y a des connaissances qu'on n'a pas, donc on a encore
plus de travail à faire pour s'intégrer. Et, nous, ce que nous voulons, c'est
que, les immigrants qui arrivent, ceux qui
peuvent travailler, qu'ils puissent trouver un espace pour travailler; ceux qui
peuvent retourner à l'école, qu'ils retournent à l'école pour avoir ce
qu'il faut et s'intégrer dans la communauté.
Donc, le
travail, c'est pour ça qu'on est là, et ceux qui ne pourraient pas travailler
retournent à l'université, au cégep, au
centre de formation, mais, nous, avec la politique d'intégration, un des
objectifs, c'est permettre à la ville de disposer de la main-d'oeuvre dans la ville et que les entreprises
ne puissent plus se poser la question : Est-ce qu'on a de la main-d'oeuvre
pour ceci, pour cela?, dès lors qu'on a un
bassin assez important de personnes qui sont arrivées pour travailler. Ça
prend donc la sensibilisation, ça prend
aussi la volonté. Quelle est cette volonté politique qui va permettre à la
ville d'accueillir ces immigrants et aussi de leur donner du travail?
Donc, c'est un peu ça.
M. Kotto :
Et je reviens... Contrairement à des pays comme la France ou d'autres pays en
Europe où on ne pratique pas... ils
sont en train de prendre ce chemin, là, progressivement, nous, on a une
immigration choisie. Donc, quand on sélectionne nos immigrants au-delà
de nos frontières, normalement nous nous devons, en toute transparence, de leur
transmettre une information claire, précise,
qui soit fidèle à notre réalité socioéconomique, culturelle également,
parce que les valeurs qui sous-tendent
l'identité de cette société sont très claires, elles sont consensuelles,
démocratiques ou fondamentales, comme
diraient d'autres. Ce travail devrait être fait en amont, parce que, si ce
travail n'est pas fait en amont, cela
provoque des situations de déchéance qu'on a pu observer notamment chez
certaines communautés plus touchées que d'autres, plus stigmatisées même
encore que d'autres et souffrant de multiples problèmes dans la société.
Cela dit, de
votre point de vue... Nous sommes ici en train de débattre sur les
avenues d'une nouvelle politique en immigration, en intégration. Est-ce
que ce n'est pas le temps de revoir ces paradigmes-là? Est-ce que ce n'est pas
le temps de dire : En amont, il y a
un travail à faire rigoureusement, sérieusement pour ne pas être pris à gérer des dossiers
inextricables une fois au Québec,
pour ne pas attirer du monde dans des pièges? Parce que ce sont de vrais
pièges. Ce ne sont pas des
statistiques qu'on invite ici, ce sont des êtres humains, alors nous devons, en
tant qu'État, en tant que nation, leur dire :
Voici ce que nous sommes, voici la réalité, voici ce à quoi vous vous engagez
une fois que vous faites le choix de venir au Québec. Est-ce que nous ne
nous devons pas cet exercice de probité?
M.
M'Batika (Henri) : Je suis
d'accord avec vous, M. le député. Je pense que nous l'avons mentionné dans
les mémos qui sont devant vous, il faut que
ceux qui sont que ça soit au Cameroun, que ça soit au Congo, que ça soit en
France, ils aient l'information exacte.
Quand ils
viennent ici, par exemple, les ordres, ça existe. Quelquefois, on ne leur
donne pas cette information-là. Donc, à partir du pays d'origine, qu'ils
aient l'information nécessaire pour pouvoir une décision éclairée parce que, quand tu prends une décision, tu sais que, bon, tu
es ingénieur, tu arrives ici, tu dois faire face à l'Ordre des
ingénieurs, mais, quand tu arrives ici, si tu n'es pas reconnu, dès le départ
tu savais ce qui t'attendait.
Donc, nous demandons au ministère de nous aider
à développer cet outil-là qui sera en ligne, qu'on peut consulter à travers le monde, pour que tous ceux, tous ceux qui veulent
venir chez nous, ils aient l'information exacte, et pouvoir prendre la
décision en fonction de l'information qui est réelle, qui n'est pas uniquement
les statistiques mais vous dirait : Dans telle ville, voici les réalités,
dans la ville de Sherbrooke. Vous irez à Gatineau, voici les réalités de
Gatineau. Et, à partir de là, ils auront l'information nécessaire pour pouvoir
décider de manière éclairée.
M. Kotto :
O.K. Vous êtes, bien sûr, au courant du niveau de chômage dans certains
milieux. Est-ce que, disons, par souci
de cohérence, nous ne devons pas davantage investir temps, énergie et
ressources sur ceux qui sont aujourd'hui sur le trottoir, plutôt que de
mettre toutes nos énergies relativement à ceux qui vont venir?
• (14 h 40) •
M.
M'Batika (Henri) : Je suis
d'accord avec vous. Moi, ma vision personnelle part du fait que
l'immigration, c'est une des solutions, ce
n'est pas la seule solution. Donc, on devra aussi sensibiliser les Québécoises
et les Québécois d'avoir des enfants,
par exemple, on doit avoir une politique familiale cohérente et qui répond aux
besoins et à la réalité ici. Et nous
avons mentionné ici aussi que la pauvreté, elle est trop présente dans les
familles immigrantes, mais, si vous regardez les pays émergents, on réussit à sortir les pauvres de leur pauvreté, et
ces pays-là sont devenus émergents, mais nous, les pays industrialisés, on n'est pas capables de
sortir les pauvres de chez nous de la pauvreté. Ça aussi, c'est quelque
chose qui nécessite une profonde réflexion, et nous avons mentionné aussi
quelque chose dans ce sens-là. Le ministère doit savoir que, les gens qu'ils accueillent, quelquefois la situation qu'ils
vivent les rend encore plus vulnérables qu'avant. Et jusqu'à quel niveau le ministère peut agir, je
pense, il y a d'autres ministères, Emploi et Solidarité et d'autres
ministères; qu'ils soient en relation par rapport à cette réalité-là. Et je
suis parfaitement d'accord avec vous qu'on doit faire l'effort nécessaire ici.
Et
j'étais candidat aux dernières élections municipales. Ce que je disais :
Si vous prenez la province d'Alberta, tous
les vendredis l'école finit à midi, et tous les jeunes vont au travail, et la
société est sensibilisée en ce sens que les jeunes ne peuvent pas
travailler pendant la semaine, ils travaillent juste pendant les week-ends pour
acquérir une autonomie financière, une
expérience de travail, une expertise. Ils investissent déjà dans les jeunes, ce
que nous ne faisons pas ici. Donc, ça aussi, c'est une des avenues que
le ministère peut explorer pour éloigner un peu les jeunes de la pauvreté de
leurs parents.
Et l'autre
chose aussi, c'est le ministère de l'Éducation. Dans certains pays, le stage,
il est rémunéré. Chez nous, certaines
facultés, ils rémunèrent les stages, mais d'autres non. Mais, si on pouvait
étendre cette rémunération, je pense, ça va réduire aussi l'endettement
des étudiants, et ce sont des pistes aussi pour enrayer la pauvreté.
M. Kotto : O.K. C'est des
bonnes suggestions, tout ça.
En
1 min 30 s, j'aurais aimé revenir sur le croisement
interculturalisme et multiculturalisme. Ça peut créer de la confusion
parce qu'au Québec, depuis M. Bourassa, d'ailleurs, premier ministre
libéral du Québec, nous avons prôné et
étendu la notion d'interculturalisme pour faire différence avec le reste du
Canada, parce que société distincte oblige.
Je vous suggérerais le terme «réunion éclair» à
la place de «speed meeting», en terminant.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. M'Batika.
Lors de la présentation, lors de l'échange
questions-réponses, un peu plus tôt, vous avez mentionné que, sous
l'administration du maire Perrault, à Sherbrooke, il y avait un objectif de
doter la municipalité de 10 % du personnel des gens qui sont issus de l'immigration. Vous avez suggéré par la suite
de dire : Bien, ce ne sera pas possible d'atteindre ce 10 % là à l'intérieur même des employés de la
fonction publique sherbrookoise, mais plutôt que les sous-traitants qui
font affaire avec la ville de Sherbrooke eux-mêmes, à l'intérieur de leurs
organisations, aient des cibles prévues au niveau de la diversité.
Par votre propos, est-ce que je dois comprendre
que vous souhaiteriez qu'on en fasse un critère, supposons, d'appel d'offres
pour les contrats publics?
M. M'Batika (Henri) : Oui, vous avez
lu dans notre pensée, c'était vraiment un des objectifs parce que nous pensons
qu'effectivement le Québec gagnerait. L'exemple peut partir de Sherbrooke.
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est
une politique que nous avons initiée. Et nous avons sensibilisé la ville de
Sherbrooke, et la ville de Sherbrooke l'a
adopté, on a une politique d'accueil et d'intégration des personnes
immigrantes. La ville de Gatineau est venue s'inspirer, et ça fonctionne à Gatineau; Trois-Rivières, la
même chose, et la France aussi. Donc, il y a des retombées positives de cette politique-là. Et nous voulons
qu'effectivement les entreprises à Sherbrooke, au lieu d'aller chercher la
main-d'oeuvre à l'extérieur de
Sherbrooke... de regarder si effectivement on n'a pas la main-d'oeuvre sur
place, et nous avons demandé à la
ville de faire cet exercice-là. Et, comme je vous l'ai dit, les champs
d'intérêt, chaque maire ou chaque ministre n'a pas toujours les mêmes
champs d'intérêt, mais nous insistons pour que ça soit fait comme ça.
M. Jolin-Barrette : Parce qu'il
existe déjà des programmes d'insertion à l'emploi, mais est-ce que...
M.
M'Batika (Henri) : Ils ne
répondent pas vraiment à cette demande-là. Et je peux vous dire que, si vous
allez dans certaines villes, même ici au
Canada, la ville elle-même s'occupe de la question de l'emploi. Mais avec les
maires actuels ils disent non, la ville n'a pas à s'occuper de l'emploi.
Mais, avec la
réalité, il y a des maires qui comprennent quand même qu'il faut faire quelque
chose dans ce sens. Le maire Labeaume le fait, Coderre le fait aussi à
Montréal, et avant lui aussi le maire Tremblay. Si vous allez dans Bordeaux-Cartierville ou le quartier Saint-Michel,
ils ont des politiques avec le ministère de l'Immigration, avec Emploi-Québec et le CSSS pour soutenir les organismes en
ce qui concerne la question de l'emploi. Et je pense que le ministère
peut sensibiliser les maires dans toutes les villes de notre province pour
aller dans cette direction-là.
M.
Jolin-Barrette : Outre la question de personnalité, là, au niveau des
gens qui sont en place dans les différentes municipalités, ce que vous souhaitez véritablement, c'est une directive
du ministère qui oriente vers le palier municipal pour dire : Bien, écoutez, vous devriez
favoriser la diversité. Notamment lorsque vous donnez des contrats publics,
bien on souhaiterait qu'il y ait des seuils minimaux au niveau de la diversité
dans ces organisations-là.
M. M'Batika (Henri) : C'est ça,
l'objectif. Vous avez touché le bobo.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Vous avez abordé la question
de la congestion, notamment au
niveau de la régionalisation. Pouvez-vous définir un peu le concept de
cogestion? Est-ce que vous le voyez par rapport aux organismes communautaires qui ont déjà la charge et le mandat au niveau de donner des services aux néo-Québécois? Est-ce que c'est dans ce
sens-là, avec les municipalités, ou c'est versus le ministère?
M.
M'Batika (Henri) : Bien, la
fédé travaille en partenariat avec la ville de Sherbrooke, avec d'autres
organismes communautaires, avec les ministères aussi à travers d'autres
projets, et il faut étendre cela, il
faut que ça soit consolidé. Ce partenariat, il est gagnant-gagnant, donc, si
on travaille ensemble, je
pense... Nous avons à coeur la
préoccupation de la collectivité, de l'ensemble de la collectivité. Même si c'est l'immigration...
Moi, ça fait 15 ans que je suis là. Mais est-ce que je suis encore
immigrant? Je suis citoyen d'ici, mais il y a encore des immigrants qui
viennent qui ont encore plus de problèmes pour pouvoir s'intégrer. Et la
régionalisation de l'immigration, c'est quelques villes qui ont été choisies justement
pour aider à ce que les villes accueillent de manière digne les immigrants qui
arrivent et qu'elles leur offrent la possibilité de s'intégrer dans la société,
donc c'est déjà un outil, mais comment on fait pour que cet outil-là soit plus
efficace aujourd'hui et demain? Et c'est là où se trouve le questionnement.
Mais nous, nous apportons déjà la politique
d'accueil et d'intégration : la première phase, c'est l'accueil; la deuxième, c'est les emplois de qualité pour qu'il y ait une rétention. Mais jusque-là on n'est qu'au niveau de la
première étape qui est l'accueil et
l'intégration. La rétention, c'est encore un sérieux problème.
La régionalisation pourra permettre à ce qu'il y ait rétention de ces
gens-là et si ce sont des emplois de qualité surtout.
M. Jolin-Barrette : Toujours sur le
sujet de la régionalisation, vous marquez un point, dans votre mémoire, sur la distinction entre Sherbrooke
en tant que lieu d'accueil versus les municipalités environnantes. Pouvez-vous
nous expliquer ce que vous voulez dire par
là? Dans le fond, est-ce
que la ville régionale, supposons, le
pôle régional Sherbrooke a un impact
pour les autres municipalités? Comment est-ce
qu'on travaille avec les immigrants
qui souhaitent s'établir, supposons, une ville... à Windsor, supposons,
en lien avec Sherbrooke?
M.
M'Batika (Henri) : Bien,
l'exemple de la politique d'accueil et d'intégration, c'est un exemple où
les villes sont venues s'informer auprès de la ville, c'est l'un des
forums, et nous avons expliqué comment nous avons initié cette politique-là pour qu'elle soit connue à
travers tout le Québec. Et, nous, l'objectif, c'est celui-là.
Comme j'ai dit tout à l'heure, la ville est allée jusqu'en France pour leur
parler de cette politique, parce
qu'ils ont appris que la ville a
adopté une politique d'accueil et
d'intégration des personnes immigrantes, et quelles sont les avancées, quels
sont les bénéfices qu'on peut en tirer.
Et donc nous, nous avons dit à la ville :
C'est une politique... Bien qu'initié par les Sherbrookois et les Sherbrookoises que nous sommes, bien ça doit
rayonner à travers. Vous avez des villes telles que Magog. À un moment,
les employés dans les usines à Magog
venaient de Sherbrooke. Donc, on dit aux maires : Il faut
travailler aussi avec les autres maires
pour la question d'emploi. Nous avons de la main-d'oeuvre ici, ils peuvent
venir travailler. Il y avait même des autobus qui permettaient à ceux
qui n'avaient pas de voiture d'embarquer le matin, on les dépose à midi et puis
la nuit, la Société de transport de Sherbrooke était mise à contribution.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Ça met fin à nos discussions.
Je vais suspendre quelques instants afin de
permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension à 14 h 49)
(Reprise à 14 h 51)
Le Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en
recevant M. Paul Eid, du Département de sociologie de l'Université
du Québec à Montréal. Je vais vous demander de présenter la personne qui vous
accompagne. Et vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation,
vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires.
M. Paul Eid
M. Eid (Paul) : Parfait. Bonjour. Bien, merci beaucoup pour
l'invitation, je suis très honoré. Je suis accompagné de Jill Hanley, qui est professeure au département de
travail social de McGill, et puis je lui ai demandé de venir avec moi
parce qu'on travaille ensemble sur les mêmes questions sur l'immigration en
lien avec l'intégration au travail. Donc, voilà.
Et alors en
gros... Alors, on n'a pas présenté de mémoire, mais peut-être qu'on pourra vous
fournir un document a posteriori. On va essayer d'être brefs. Notre
présentation, on veut insister dans notre présentation sur l'importance, dans une politique... D'abord, la politique, je
veux féliciter... Je ne sais pas qui l'a rédigée, mais elle est très
intéressante, elle jette des pistes très
prometteuses, très constructrices. Et on apprécie aussi que l'accent soit mis
sur la question de l'intégration par
le travail, et c'est là-dessus qu'on va insister. Donc, souvent, dans les
politiques antérieures, on entend beaucoup
parler... on met beaucoup l'accent sur la gestion de la diversité, l'importance
de l'éducation interculturelle. Donc, c'est des objectifs tout à fait
importants, mais, nous, ce qu'on pense, c'est qu'une politique d'intégration,
pour être vraiment efficace, le travail, c'est ce qui permet aux immigrants de
vraiment... qui est un tremplin vers l'intégration citoyenne. On va mettre
l'accent sur l'importance, pour les immigrants, de ne pas se voir entraver par
des obstacles systémiques de racisme ou de discrimination; sur la question des
statuts d'immigration précaires, qui peut être aussi un frein à l'intégration.
Et donc il faut une pleine participation, créer les conditions pour une pleine
participation à la société québécoise et à l'exercice des droits économiques et
sociaux.
Alors, rapidement quelques statistiques. Alors,
juste pour dire — vous
le savez sans doute, donc je vais aller plus
rapidement là-dessus — toutes les statistiques le montrent, les
taux de chômage et les revenus, les taux de chômage des immigrants sont
supérieurs à la moyenne à niveau de scolarité égal. Et ce qui est troublant,
c'est qu'aussi, quand on regarde parmi les
immigrants toujours ceux qui appartiennent aux minorités visibles ou, moi, je
dis, racisées, celles qui sont
sujettes au racisme, les taux de chômage sont à peu près deux fois supérieurs à
ceux des natifs, à taux de scolarité égal. Et, juste pour prouver, pour se rappeler que
la question du racisme ne touche pas que les immigrants mais aussi
toutes les personnes issues des minorités visibles, on voit que le taux de chômage
des personnes nées au Québec, donc plus seulement
les immigrants, mais appartenant aux minorités racisées est aussi presque deux
fois... est deux fois supérieur en moyenne à celui des natifs
n'appartenant pas aux minorités visibles.
Finalement,
je veux juste rappeler les résultats d'une étude que j'ai effectuée pour le
compte de la Commission des droits de
la personne. Je sais qu'ils en ont fait mention dans leur rapport, que j'ai lu
dans le mémoire. Alors, rapidement se rappeler
ce que cette étude a montré : quand on envoie des C.V. fictifs qui sont
semblables sous tous les rapports sauf le nom de famille, on se rend
compte que, pour les postes de travailleur qualifié et non qualifié, les C.V.
avec un nom à consonance québécoise, disons,
Tremblay, Bélanger, ont 60 %
plus de chances d'être convoqués à une entrevue d'emploi que pour les
personnes avec un nom à consonance latino, arabe ou africaine.
Alors, une
chose que ça nous inspire, c'est que
le marché du travail, quand il est laissé à lui-même, ce n'est pas vrai
qu'il crée... il permet aux individus de
maximiser leur capital humain et d'avoir une job à la hauteur... une
intégration à la hauteur de leur
capital humain. Donc, ce qu'il faut, et vous en parlez dans le document
de consultation, les programmes d'accès
à l'égalité doivent, d'une part, être renforcés, les mécanismes de surveillance
des programmes d'accès à l'égalité doivent être renforcés pour être sûrs qu'ils
soient bien appliqués, et ça, ça comprend les ministères qui à l'heure
actuelle ne sont pas soumis à une instance de surveillance externe, donc ce qui
fait que les résultats stagnent, on le sait, depuis à 6 % pour Montréal,
ce qui n'est pas normal étant donné la proportion d'immigrants.
Et autre
chose. Les organismes et la Commission des droits de la personne, où je
travaillais dans une autre vie, le recommandent
aussi, d'élargir le bassin des entreprises, donc, assujetties au programme
d'accès à l'égalité, et ça comprend donc
les entreprises privées, notamment pour Montréal, avec des programmes
d'obligation contractuelle qui ne sont pas appliqués par la ville de Montréal à l'heure actuelle, seulement...
c'est les ministères qui ont ce programme-là, et puis d'appliquer des
sanctions aussi contre les entreprises contrevenantes.
Alors, je vais passer la parole à Jill.
Mme Hanley (Jill) : Alors, moi,
j'aimerais passer quelques minutes à parler du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Nous avons plusieurs
critiques sur la façon que ce programme, comme tel, marche, mais aujourd'hui
ce qu'on veut discuter, c'est comment ce programme intersecte avec
l'immigration permanente.
Alors, premièrement, on était contents de voir
que le Québec priorise ces travailleurs pour devenir résidents permanents, mais
justement à cause de ça et à cause de la présence dans nos communautés on
considère que c'est essentiel que les
travailleurs étrangers temporaires aient accès aux services d'accueil dès leur
présence au Québec, de ne pas attendre
les deux ans ou même un an avant de leur donner accès aux services d'accueil,
aux cours de francisation parce que, si
on veut qu'ils deviennent résidents permanents, on veut les accueillir comme
membres de notre communauté dès qu'ils sont ici au Québec. Alors, les
services d'accueil, les cours de francisation.
Et aussi,
selon nous, ce serait important d'élargir le Programme de l'expérience
québécoise pour donner la chance à tous
les travailleurs, même dans toutes les catégories d'occupation professionnelle.
Je fais référence aux peu spécialisés, que présentement ils sont exclus, mais on voit qu'au Québec il y a une
demande continue pour cette catégorie de travailleurs et on ne voit pas
de raison pour justifier leur exclusion de la possibilité de devenir
permanents.
• (15 heures) •
M. Eid (Paul) : Moi, je voulais...
Un autre point, c'est la sélection des immigrants, qui est abordée dans le document. Dans le document, à la page 41 du
document de consultation, il y a une nouveauté quand même qui est que le
gouvernement propose de faire participer
beaucoup plus les entreprises à la sélection des immigrants dans la
catégorie des travailleurs qualifiés, comme
en Australie ou en Nouvelle-Zélande. Donc, on pense que c'est une initiative
qui peut être intéressante à certains égards, mais il faut être très
prudent. On pense que l'État doit quand même demeurer le maître d'oeuvre de la sélection en dernière instance. Il
n'est pas non plus souhaitable que les entreprises deviennent des agents
de sélection de ces immigrants, qui ne sont
pas seulement une force de travail mais des futurs citoyens, il ne faut pas
l'oublier. Les besoins des entreprises sont
très ponctuels, circonstanciels et ne répondent pas nécessairement...
n'obéissent pas à des besoins sociaux plus larges qui ne sont pas tout
le temps économiques, comme la maîtrise du français notamment.
Et aussi, donc, les critères de sélection, donc,
nécessitent une vision assez globale des besoins sociaux, et je pense qu'il ne faut pas seulement avoir... En
arrimant la sélection aux besoins immédiats du marché, on se trouve à
évacuer les catégories d'immigrant qui ont
mal réussi dans le passé à cause d'obstacles systémiques souvent liés à la
discrimination. Donc, par exemple, je donne
l'exemple des médecins étrangers. Vous savez qu'il y a, tous, une pénurie de
médecins ici, les médecins étrangers ont de la difficulté à faire
reconnaître leurs diplômes. La Commission des droits de la personne, après une enquête très longue, a montré qu'il y a
des mécanismes... de la discrimination systémique indirecte qui se fait
par les facultés au moment d'accorder les stages en hôpitaux.
Et, dans la grille de sélection, pour revenir à
la grille de sélection, bien, ce qu'on a remarqué ces dernières années, elle a
été modifiée pour enlever les points, il y a zéro point pour la plupart des professionnels,
les immigrants professionnels qui veulent
accéder à une profession réglementée. Et
donc c'est un bon exemple pour montrer qu'au lieu de dire : Bien, on n'en veut plus parce qu'ils
ne réussissent pas, essayons donc de... Le gouvernement a la responsabilité — et
je pense que c'est dans l'intérêt de la société
québécoise — d'accompagner
les ordres professionnels dans la reconnaissance des diplômes, on peut faire beaucoup mieux, je sais qu'il y a beaucoup
de choses qui ont été faites, mais aussi de s'assurer, donc, qu'il n'y a pas de biais discriminatoire
dans les normes pratiques de reconnaissance. Et ça, je pense qu'une politique
ne doit pas simplement être dans le... énoncer des principes qui supposent,
donc, un accompagnement des ordres, mais aussi de s'immiscer dans leurs
pratiques de reconnaissance au moins pour s'assurer qu'il n'y a pas de biais
discriminatoire systémique.
Mme Hanley (Jill) : Alors, juste pour terminer, nous avons deux
points qui touchent à l'accès aux droits sociaux pour les immigrants et particulièrement
les gens qui arrivent avec des statuts précaires.
La
première chose, c'est la question de droit à la réunification familiale. On
aimerait que ce soit un droit reconnu, et que ce soit réouvert pour les
grands-parents, et que ça continue pour les conjoints et les enfants, mais le
Québec, généralement, traite assez
rapidement ces dossiers-là, mais ils
sont bloqués souvent au fédéral, puis la longue attente cause beaucoup
de problèmes. On aimerait demander au Québec de mettre la pression sur le
fédéral de traiter plus vite ces cas-là mais
aussi, le Québec, d'offrir l'accès aux services aussitôt qu'il
donne le CSQ pour ces membres de la famille là.
L'autre
chose, c'est qu'on aimerait voir abolir le parrainage financier qui fait partie
de la réunification familiale. Il n'y
a aucune recherche qui suggère que les familles qui sont réunies par ce
programme utilisent plus nos programmes de sécurité de revenu, mais il y
a beaucoup de recherches qui démontrent que le fait d'avoir ce lien de
dépendance cause des problèmes d'inégalité
et de pouvoir à l'intérieur des familles et rend vulnérables les gens qui sont
parrainés. Alors, pourquoi ne pas les accepter comme tout autre membre
de la famille qui immigrent tous ensemble, alors d'abolir le parrainage
financier?
M. Eid
(Paul) : Peut-être mentionner qu'il rend vulnérables les femmes en
particulier.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Nous allons entreprendre les échanges avec Mme
la ministre.
Mme
Weil : Alors,
bienvenue, M. Eid et Mme Hanley. Merci beaucoup de votre
présence. Vous touchez au coeur d'un
problème, évidemment, que vous avez identifié il y a un certain temps, puis je
vous dirais que votre étude a été citée souvent en commission parlementaire,
je ne sais pas si vous êtes au courant, parce que, lorsqu'on arrive sur la
pleine participation... En effet, on avait
eu beaucoup de discussions avec des chercheurs, moi-même
rencontré beaucoup de gens, mais
j'étais ministre de l'Immigration de 2010 à 2012, et c'était toujours l'intégration
en emploi qui était le premier facteur d'exclusion et cette frustration
par rapport à la reconnaissance ou le manque de reconnaissance non seulement
des diplômes, non seulement des acquis, mais
des compétences, de la formation, des expériences de travail qu'ils ont
eues ailleurs. Alors, comme vous le savez...
Et ma collègue la députée de Jeanne-Mance—Viger
aura des questions, parce qu'elle a un mandat spécial du premier
ministre de s'adresser à cette question, et elle pourra poser des questions sur
ça.
Alors,
j'apprécie beaucoup que vous fassiez le commentaire que vous faites,
c'est-à-dire que vous êtes heureux de voir qu'on a mis l'intégration en emploi comme
essentielle, parce que le reste doit suivre. Et, moi, la manière que je
le vois beaucoup, c'est qu'on le met
dans un contexte de compétition, hein, l'immigration. On parle de talents
stratégiques, les sociétés occidentales, il y a des milliers de personnes
qui bougent. Et tout le monde a une valeur, tout le monde, tout le monde a une valeur, et les sociétés
les plus accueillantes, les plus ouvertes seront les sociétés
gagnantes. Donc, le défi, c'est justement d'éliminer ces barrières dans
ce genre de contexte.
Mais
il y a des gens qui sont ici, soit des réfugiés, vous parliez du regroupement
familial, et eux aussi ont leur place et eux aussi peuvent contribuer.
Alors, je vais vous amener peut-être sur ces questions de lutte au racisme, de
lutte à la discrimination. Plusieurs
suggestions. Premièrement, la Commission
des droits de la personne nous recommande de ne pas parler de valeurs communes mais de valeurs démocratiques communes ou
de valeurs communes démocratiques — et j'aimerais vous entendre là-dessus — qui met plus l'accent sur la Charte des
droits et libertés qu'une notion un peu vague de valeurs qui pourrait
être interprétée différemment par les uns et les autres. Avez-vous une
réaction? Parce que vous êtes beaucoup dans ces...
M. Eid
(Paul) : Bien, je pense que le danger... Quand on identifie des
valeurs communes comme creuset à l'intégration, c'est très bien, mais souvent
c'est des valeurs qui correspondent à des besoins identifiés par la société majoritaire, des besoins en termes de démographie, en termes de
maîtrise du français, respect de la laïcité. Mais, quand on parle de valeurs démocratiques, je pense qu'on
touche aussi à la question... on regarde le même problème sous l'angle
des droits. Et je pense que c'est une
question, donc, de droits, de s'assurer que les mesures d'intégration
respectent le droit des immigrants à l'égalité pour faciliter, donc,
l'insertion au travail, et donc je pense qu'on a intérêt à repositionner ou à recadrer le problème pas seulement pour respecter
les chartes, mais je pense que c'est dans l'intérêt, justement, de la
société, de s'assurer, dans la sphère du
travail, que les droits sont respectés, les droits à une intégration citoyenne,
qu'on leur donne les moyens
nécessaires pour pouvoir s'intégrer sans rencontrer d'obstacle systémique, et
puis je pense que ces valeurs communes
là sont en effet beaucoup plus rassembleuses, voilà. Donc, des valeurs
démocratiques, ça suppose la possibilité pour la majorité de dire qu'est-ce qu'on veut des immigrants mais aussi
de s'assurer que leur droit à une intégration juste et équitable est
respecté.
Mme Hanley
(Jill) : Peut-être juste quelques mots de plus sur ça. Nous avons fait
le choix d'axer notre présentation sur les
droits sociaux, et présentement nous avons un système de santé et d'éducation
pleins de droits sociaux qui sont
compliqués en termes de statut d'immigration, et quelque chose qu'on voulait
souligner, c'est que, si on garantit l'accès équitable à tous nos droits
sociaux ici, au Québec, ça va très loin vers le sens d'appartenance, le sens
d'être respecté, le sens de faire partie et
de vouloir contribuer à la société. Alors, c'est quelque chose qu'il ne faut
pas perdre de vue non plus, pas juste
de demander aux nouveaux arrivants de s'inscrire aux valeurs générales mais
d'offrir vraiment la vraie égalité.
Mme
Weil : C'est bidirectionnel un peu, c'est l'obligation de la
société d'accueil envers... de respecter l'égalité. On parle beaucoup,
en France, d'égalité et diversité, ils ont un nouveau programme depuis 2012.
Égalité et diversité, j'aime bien cette juxtaposition entre ces deux concepts.
Et
donc, avant d'arriver peut-être sur les mesures plus, comment dire,
contraignantes — et
j'aimerais beaucoup entendre parler
d'obligation contractuelle — on a parlé de... Bon, évidemment, ce n'est
pas le gouvernement qui peut nécessairement
forcer les entreprises à s'ouvrir à ces personnes, mais on a parlé de campagne
surtout pour contrer et une meilleure...
bien, premièrement, meilleure éducation dans nos écoles sur la Charte des
droits et libertés et, deuxièmement, campagne
de sensibilisation pour contrer les préjugés, et je vous dirais qu'il y a eu
beaucoup, beaucoup d'appuis à ces deux
notions-là. Vous avez travaillé à la Commission des droits de la personne, vous
êtes très sensibles à ces questions. Qu'est-ce que vous en pensez, comme
je vous dis, avant d'arriver à des mesures peut-être plus musclées?
• (15 h 10) •
M. Eid (Paul) : D'accord. Bien, je
pense que l'éducation est fondamentale. L'idée, c'est aussi de montrer, d'expliquer aux gens que les problèmes
d'intégration ne sont pas liés seulement... Parce que, ces dernières années,
avec tout le débat sur la charte de la laïcité, avec le débat sur les
accommodements religieux, ça a fait beaucoup de tort aux immigrants, dans la mesure où on a réduit la
question de l'intégration à un choc, un clash de valeurs, un clash de
cultures, et on avait l'impression, pour schématiser,
que, si beaucoup d'immigrants, de minorités religieuses... s'ils
n'arrivaient pas à s'intégrer, c'est parce
que finalement ils ne partageaient pas nos valeurs communes, alors qu'en fait,
quand on a une optique qui est axée
sur le racisme et la discrimination, on voit que la plupart, la grande majorité
des immigrants veulent s'intégrer si
on leur en donne la chance. Et je pense qu'il faut réussir, par des programmes
d'éducation, que ce soit dans les écoles, que ce soit en milieu de
travail, de sensibiliser les gens pas seulement à l'apport de la diversité, qui
a été une approche beaucoup utilisée par les
différents gouvernements, mais une approche centrée sur les droits, de
démystifier aussi certains préjugés, certaines idées préconçues qui sont
très réductrices et qui font que l'individu, quand il arrive en emploi, il
n'est pas jugé pour ce qu'il est ou pour ses compétences mais pour son
appartenance à un groupe, et avec tous les stéréotypes qu'on accole à ce groupe. Donc, oui, l'éducation est fondamentale, et il faut... Mais elle n'est pas
suffisante.
Mme Weil : La préoccupation aussi a été soulevée, préoccupation par rapport à ce qu'on appelle la deuxième génération, et, là encore, en discussion ici avant
et depuis plusieurs années, il
y a une préoccupation grandissante, chez la deuxième génération, qu'ayant vu leurs
parents exclus du marché de l'emploi, des parents par ailleurs très scolarisés,
très compétents, bon, formés, et qui eux-mêmes
font face à des obstacles... On sent chez certains qui travaillent
auprès des jeunes qu'il y a
quelque chose à surveiller à cet égard. Est-ce que
vous avez des expériences, une perspective sur cette problématique?
M. Eid
(Paul) : Oui, c'est ça, parce qu'on entend... Je trouve que c'est tout
à fait... c'est fondamental, la deuxième génération, en effet, parce que souvent les
immigrants, ils vont projeter leurs rêves déçus, parfois, sur leurs enfants, il
y a
beaucoup de pression sur... et eux-mêmes,
étant donné qu'ils sont nés ici, qu'ils connaissent la langue, les codes,
ont beaucoup d'attentes, et puis, quand ils arrivent sur le marché du travail, ils
se rendent compte qu'il y a des obstacles à leur insertion, à une
insertion citoyenne fondée sur l'égalité.
Et encore une fois je pense qu'il faut toujours distinguer entre les
minorités racisées et non racisées. Et, que ce soit chez les immigrants ou chez les natifs, c'est toujours
ceux qui appartiennent, donc, à des minorités issues de sociétés non
occidentales qui rencontrent certains obstacles à l'emploi à cause de certaines
barrières liées, donc, aux préjugés, à la discrimination à caractère raciste.
Je veux juste vous donner des chiffres que je
n'ai pas eu le temps de vous donner, qui sont préoccupants, concernant la deuxième génération. Quand on
compare les revenus, les revenus des immigrants avec les non-immigrants,
pendant les cinq premières années, évidemment,
il y a un grand écart, les revenus moyens. Là, je regarde les
universitaires seulement, O.K., juste les universitaires. Pour faire le point que je veux faire, c'est important
de dire... Alors, quand on regarde
ensuite les enfants d'immigrants, on se rend compte que les enfants
d'immigrants dans la deuxième génération, quand il s'agit de non-visibles, pour faire court, ils arrivent à un
revenu moyen qui est à peu près le même que celui des natifs, alors que, quand on regarde le revenu
moyen des enfants d'immigrants appartenant à une minorité visible, donc
immigration non européenne, mais nés ici, avec un diplôme universitaire, donc à
qualifications égales, le revenu moyen de
ces jeunes-là est à peu près le même que celui de leurs parents issus des... il
n'y a pas eu de progrès ou presque. J'ai
les chiffres, je pourrais vous l'envoyer après. Et ça, c'est préoccupant, et
c'est ce qui montre que, dans une politique d'immigration qui veut s'attaquer au racisme et à la discrimination...
Ça montre l'importance de s'attaquer au racisme et pas seulement de voir les problèmes d'intégration en
termes de déficience de capital humain chez les individus. Et la société doit
se remettre en question et adopter certaines
mesures de lutte antiracisme, que ce soit par éducation ou mesures coercitives.
Mme Hanley
(Jill) : Je voulais juste
dire... Sur ce point-là, je pense qu'évidemment c'est très important de
faire de l'éducation, de promouvoir les
droits, mais il faut aussi avoir des vrais recours s'il y a des problèmes avec
ces droits-là, alors des recours
effectifs, la Commission des normes du travail, la CSST, que les groupes comme
les travailleuses domestiques ou les
travailleurs agricoles ne soient pas exclus de certaines parties de ces
protections-là, que la Commission des droits de la personne ait le
personnel nécessaire pour faire les enquêtes puis faire valoir les droits.
Alors, éducation, c'est une chose, mais
s'assurer que les gens peuvent faire respecter ces droits-là, c'est essentiel,
parce que c'est quand les gens sentent qu'il n'y a personne qui est
concerné par la violation de leurs droits qu'ils se sentent vraiment exclus de
la société.
Mme Weil : J'aimerais vous
demander deux questions. Qu'est-ce que vous pensez de stratégies telles le
programme PRIIME, où on donne une subvention...
M. Eid (Paul) : Le programme quoi?
Mme
Weil : Le programme PRIIME, où on donne une subvention
salariale et on identifie... J'ai compris ou j'ai appris que le Québec
est la seule province à avoir un programme où on nomme... et d'ailleurs quand
on échange avec d'autres provinces ils sont
surpris de voir, mais c'est-à-dire, bon, les personnes racisées, les femmes,
les Maghrébins sont nommés, tout le
monde est nommé, ceux qui sont sous-représentés. Le taux de rétention est à peu
près à 83 %, donc ça donne des bons résultats, après six mois.
Qu'est-ce que vous pensez de ça?
Et si vous pourriez expliquer ce programme
d'obligation contractuelle, comment ça fonctionne, pour qu'on puisse avoir des pistes. Là, je vous amènerais... je vous
demanderais de nous donner peut-être ces suggestions plus... peut-être
les meilleures pratiques que vous voyez ailleurs qui pourraient être implantées
ici.
M. Eid (Paul) : O.K. Je vais laisser
Jill parler de PRIIME. Moi, je vais parler de programme d'obligation
contractuelle.
Mme Hanley
(Jill) : Oui. Juste pour
dire, je pense que c'est un excellent programme, je pense que ça donne
une opportunité d'ouvrir les portes à
l'expérience, c'est ça, je pense que
c'est très bien, mais il ne faut pas... je pense que ça ne répond pas au fait que quand même il y a très peu
de gens qui peuvent participer à ce programme-là. Et il faut avoir quand
même les portes ouvertes dans le marché du travail en général, et, je pense,
c'est là que ça revient.
M. Eid
(Paul) : Oui, bien... Puis,
juste sur PRIIME, je pense que, tu sais, vous mentionniez ma recherche sur
la discrimination, qui montre que vraiment, quand le marché est laissé à
lui-même, bien les immigrants n'arrivent pas... Bon. Ça fait que c'est un peu déprimant, mais, justement,
s'il faut réussir à en tirer des enseignements, je pense que l'idée, c'est qu'il faut forcer la diversité, soit
l'inciter, comme dans le cas de PRIIME, ou carrément la forcer avec des
programmes d'accès à l'égalité, parce que
ce que ma recherche montre, c'est que c'est au niveau de l'entretien, ils
n'arrivent même pas à se faire
convoquer à un entretien. Comment tu veux réussir à te mettre en valeur si tu
es déjà exclu du jeu dès le départ?
Donc, PRIIME,
oui, moi aussi, je dis... à 100 %.
Même élargissez-le, augmentez les primes, bon, ça, c'est la partie incitative, parce que ce que les recherches
montrent, c'est qu'en effet une fois en emploi, vous l'avez mentionné, il y
a un taux de rétention qui est intéressant,
une fois que les... Il n'y a rien comme le contact avec la diversité direct, la
diversification des milieux de
travail. Et là ça crée un effet
d'entraînement, un effet boule de neige, puisque la différence est
démystifiée.
Et, pour les programmes d'obligation
contractuelle, bien, en fait, bien, comme vous le savez, c'est en gros l'obligation qu'ont la plupart des... en fait les entreprises de 100 employés et
plus qui ont un contrat de 100 000 $
et plus avec des ministères du
gouvernement du Québec ou organismes gouvernementaux mais au niveau provincial
d'instaurer, d'implanter un programme d'accès à l'égalité dans leur entreprise.
D'abord, il y
a des recherches — je ne
sais pas si Éric Charest va venir parler ou Marie-Thérèse Chicha — qui
montrent que ça ne marche pas. Les programmes d'obligation contractuelle, en
cas de violation des obligations, il n'y a absolument rien qui se passe, il n'y a pas de suivi
suffisant, il y a très peu, déjà, d'entreprises qui sont
soumises à ce programme. Donc, il faut renforcer le programme. Et moi,
j'irais jusqu'à dire : Rendons-le obligatoire à toutes les grandes entreprises, je ne sais pas si c'est... vous allez trouver que
ce n'est peut-être pas réaliste, mais avec ou sans contrat avec
le gouvernement. Les grandes entreprises, pour pouvoir avoir pied sur rue,
pignon sur rue dans notre province, on leur dit : Bien, écoutez, vous devez simplement avoir dans votre
personnel une représentation proportionnelle à la... qui soit en
proportion avec le poids de chaque groupe dans la société, surtout les groupes
minorisés, les groupes à risque.
Et je finis là-dessus. Une proposition qui est
très... qui est plus réaliste, c'est juste d'élargir le programme d'obligation contractuelle pour que les organismes
qui ont des contrats avec la ville de Montréal soient assujettis. Mon étude a été faite à Montréal. La plupart des
immigrants sont à Montréal, les taux de discrimination sont assez
alarmants, donc ce serait bien si les programmes d'obligation contractuelle
touchaient aussi toutes les grandes entreprises qui font affaire avec la ville. Donc, ce
serait une possibilité.
Mme Weil : Je cède pour...
Le Président (M. Picard) :
Pour une minute.
Mme
Rotiroti : Bon,
bien, je vais aborder le sujet rapidement. C'est sur la reconnaissance des
compétences. Vous avez fait référence...
Dans votre exposé, tout à l'heure, vous avez dit qu'il y a des éléments
discriminatoires dans le processus même d'obtenir la reconnaissance des
compétences. Il y a plusieurs groupes qui ont parlé aussi que, même une fois qu'ils obtiennent la reconnaissance, bien il y a un problème après pour avoir le stage. J'aimerais
ça si vous avez des idées ou des outils que je pourrais m'inspirer avec
mon comité qui se penche là-dessus, justement, pour faire des suggestions à
propos... comment qu'on pourrait faire mieux.
• (15 h 20) •
M. Eid
(Paul) : Bien, le stage, il y a
des secteurs d'emploi où le stage est obligatoire, pour devenir avocat ou
pour devenir médecin. Bien, je pense qu'en effet il ne faut pas que reconnaître
les compétences, il faut s'assurer qu'après que leur compétence est reconnue...
qu'ils aient accès aux stages. Mais, bon, là, après, il y a les mêmes
mécanismes discriminatoires que pour avoir un emploi.
Mais, dans le cas des
stages, si on prend le cas des médecins que... Je ne connais pas bien toutes
les sphères professionnelles, mais, dans le
cas des médecins, le stage, c'est la résidence, et puis, dans ce cas-ci, les
établissements d'enseignement sont concernés, les facultés sont concernées.
Donc, il faut coordonner, je pense qu'il faut que le gouvernement travaille davantage aussi avec les établissements
d'enseignement dans les domaines où l'exercice de l'emploi suppose un stage avec... ou des formations d'appoint. Dans
ce cas-là, les établissements d'enseignement doivent être surveillés. On l'a vu dans le cas des médecins,
qu'il y avait plusieurs critères qui n'étaient pas nécessairement... il y
avait des critères qui étaient appliqués avec un deux poids, deux mesures selon
que tu es formé à l'étranger ou non...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
M. Eid (Paul) : ...et ça n'avait pas toujours un lien rationnel avec la capacité
d'exercer correctement l'emploi dans l'intérêt du public.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Avant de céder la parole à M. le
député de Bourget, c'est pour vous informer que Mme Marie-Thérèse Chicha s'est désistée. Donc, à moins de
prolongation de nos travaux, elle ne témoignera pas.
Donc, je cède la
parole à M. le député de Bourget.
M.
Kotto : Merci, M. le Président. M. Eid, Mme Hanley,
merci d'être là et merci pour la contribution, une lecture très
cartésienne de l'enjeu.
De
votre perspective des choses, considérant l'expérience qui vous habite, est-ce
qu'il ne serait pas, disons, plus cohérent, au moment où on se parle...
Vous évoquiez tout à l'heure même la situation des immigrants en situation de chômage,
le taux élevé. Considérant qu'on n'a pas fait le ménage, qu'on n'a pas fait le
point avant même d'engager l'exercice qui
nous pose ici aujourd'hui, considérez-vous qu'il soit sage de s'occuper, dans
un premier temps, de ceux qui sont
délaissés aujourd'hui — et ils sont légion — avant de se lancer à la pêche à de nouveaux
immigrants qu'on enfermerait dans de nouveaux pièges?
Mme Hanley (Jill) : Moi, je pense qu'ici, au Québec puis au Canada, l'immigration va
continuer. Et puis il y a des problèmes avec notre système d'immigration, je
pense qu'il faut faire... comme le revisiter de temps en temps, l'ajuster. Ceci dit, pour moi, ça n'enlève pas du
tout la priorité puis la nécessité de regarder la situation des gens qui
sont déjà ici. Je pense que mon collègue a
soulevé le fait que des gens nés ici mais membres de minorités visibles font
face à plein de problèmes de discrimination.
Ça, ce n'est pas quelque chose qu'on peut laisser de côté. Alors, pour moi, si
on veut travailler sur l'immigration,
ça, c'est une chose, mais ça ne veut pas dire qu'on peut négliger les
dynamiques d'inégalité qui existent déjà dans notre société, j'aimerais
voir les deux choses se faire en même temps.
M. Eid
(Paul) : J'aimerais juste rajouter une chose. C'est que, oui, en
effet, c'est une chose, de diminuer les volumes d'immigration de travailleurs
qualifiés ou... parce qu'on a de la difficulté à les insérer, mais ce qu'il
faut comprendre, c'est qu'on continue à
chercher à répondre aux besoins de main-d'oeuvre par les temporaires et, depuis
2006, on fait venir plus de temporaires que d'immigrants à vocation permanente,
parce que l'économie capitaliste étant ce qu'elle
est, elle a pris un tournant très néolibéral, les entrepreneurs, les
entreprises ont besoin de main-d'oeuvre, je dirais, exploitable et
jetable, pour être franc, et ce qui fait que ces gens-là, souvent, viennent et
reviennent plusieurs années. Donc, on a un
besoin permanent de temporaires, et leur statut temporaire... Donc, on retire
quelque chose, ils apportent quelque
chose à l'économie, sauf qu'après on les jette. Et, pendant leur séjour ici, il
y a des violations de droits — que vous
connaissez sans doute — dues
à des conditions structurelles dans le programme, qui relève du fédéral, je le
sais bien.
Mais
je crois donc que, diminuer le nombre de qualifiés parce qu'on n'arrive pas à
les intégrer, bon, d'une part, il faudrait
peut-être s'assurer de créer les conditions pour qu'ils soient intégrés dans
des conditions justes et équitables, parce qu'eux vont en bénéficier, mais aussi nous, on en a besoin. Ce n'est pas
comme s'il n'y avait pas de besoin d'immigration au niveau économique,
démographique, pour la maîtrise, la survie du français. Alors, on a besoin des
immigrants, mais il faut juste les faire venir dans des conditions justes et
équitables.
M.
Kotto : Et vous seriez d'avis, dans la même foulée, que nous
devons la vérité, la transparence aux immigrants quand on va les chercher au-delà de nos frontières? Parce que plusieurs...
j'en reçois, moi, à mon bureau, j'en ai reçu quand j'étais au fédéral, très souvent, qui tombaient
des nues parce qu'on leur avait raconté des histoires, pour parler carré,
et ils se réveillaient brutalement une fois
arrivés ici, faisant face à des défis qu'ils n'avaient pas anticipés en
quittant leur pays.
M. Eid
(Paul) : Ça, c'est courant.
Mme Hanley (Jill) : Ça, c'est quelque chose que récemment j'ai vu beaucoup. Je suis en
train de faire des séries d'entrevues avec des travailleurs... des
résidents permanents surtout mais qui se retrouvent ici à travailler pour des agences de placement, des gens avec toutes sortes
de formations différentes, puis il y en a beaucoup, des francophones de
l'Afrique, différents pays, qui ont passé par la France, qui avaient un statut
là-bas mais qui ont été dans les salons d'immigration,
et ils sont amers du fait que c'était présenté comme si leur formation allait
être reconnue, puis en fait ils disent
que c'était plus facilement reconnu en France. Ils ont des difficultés à se
loger, à avoir des emplois convenables.
Alors,
je pense qu'il faut qu'on regarde aussi qu'est-ce qu'on vend comme situation
pour les immigrants. Et, si on veut continuer à pouvoir vanter les
opportunités ici, il faut vraiment travailler sur la réalité rendu ici.
M. Kotto :
J'ai une question plus de stratégie, en termes de gouvernance : Est-ce que
vous considérez que le ministère de l'Immigration du Québec est considéré comme
un ministère stratégique au moment où on se parle?
M. Eid (Paul) : Par qui?
M. Kotto :
Peu importent les gouvernements. Vous voyez le budget qui est alloué à ce
ministère, vous voyez la place qu'on lui réserve dans...
M. Eid
(Paul) : Oui, bien je vois
où vous voulez en venir, mais je pense... Je suis d'accord avec vous, je
veux dire, je le sais, vous le savez mieux
que moi, je pense, tous ici, moi, j'ai entendu dire que c'est un ministère qui
n'a pas les moyens de ses ambitions,
c'est vrai. Si on veut vraiment... Et ce n'est pas seulement le ministère, je
vous dirais que c'est les groupes communautaires qui sont beaucoup,
beaucoup impliqués. Et d'ailleurs dans votre document vous en parlez, vous
voulez mettre à profit les entreprises, les groupes communautaires. Eh bien, je
ne sais pas, il y a peut-être une enveloppe
aussi à gérer qui pourrait être plus grande pour outiller par des subventions
les entreprises, par exemple par le programme
de PRIIME, ou des groupes communautaires qui sont impliqués de près dans la
francisation, qui n'ont pas nécessairement les moyens. Et donc je pense...
Et je pense
aussi que ça prend une coordination. Le ministère de l'Immigration ne peut pas
agir en vase clos pour permettre...
pour produire l'intégration, il faut agir avec le ministère du Travail, le
ministère de la Sécurité et... je ne sais plus le nom, Sécurité et
Services... pas sécurité...
Mme Hanley (Jill) : MESS.
M. Eid
(Paul) : Oui, ministère de
l'Emploi et Services sociaux. Donc, je pense, ça prend une coordination.
Ce n'est pas juste une question d'argent,
c'est aussi une coordination des différents ministères pour s'assurer qu'il y
ait une action unifiée et cohérente.
Mme Hanley
(Jill) : Et puis quelque
chose qui est vraiment criant comme besoin, c'est l'accueil des
travailleurs étrangers temporaires, parce qu'il y en a autant ici chaque année
que les résidents permanents, ils sont dans nos communautés, et il n'y a aucun groupe, à part d'un petit financement
pour les aides familiales, aucun groupe qui est financé pour leur offrir de l'information, l'orientation.
Et puis je pense qu'on ne peut pas mettre cette responsabilité-là dans
les mains des employeurs parce que c'est un conflit d'intérêts.
Alors, les
groupes communautaires qui font déjà l'accueil des immigrants, ils finissent
par les accueillir, mais ils sont
débordés, ils n'ont pas les ressources pour le faire, ça fait que vraiment
c'est un besoin actuel très important. Et, si on veut voir vers le
futur, qu'on voie ces gens-là comme des immigrants potentiels de haute qualité.
Et ils le sont, ils ont l'expérience
québécoise. Il faut leur tendre la main dès leur présence ici, au Québec, pour
dire : On va vous aider à apprendre comment ça marche ici et vous
appuyer dans le respect de vos droits.
• (15 h 30) •
M. Kotto :
Je présume que vous avez, dans vos
recherches, dans vos travaux, également réfléchi au sentiment d'acceptation de l'immigrant par rapport à la société d'accueil. Quel est-il au Québec
versus les autres parties du Canada?
M. Eid
(Paul) : Je pense qu'en fait...
La plupart des recherches, souvent, qui s'intéressent à essayer de
sonder le sentiment d'appartenance, les
définitions identitaires de ces immigrants montrent que malheureusement il y a un faible sentiment d'appartenance sur le plan identitaire à la société québécoise.
Moi, c'est ce que mes recherches montrent, ce que d'autres ont montré,
surtout chez les immigrants racisés, en particulier, que ce soit Haïtiens ou
Arabes...
Une voix : Ou Africains.
M. Eid (Paul) : ...ou Africains. On
n'est pas au bord de la guerre civile, on n'est pas comme en France où il y a
des voitures qui crament dans les banlieues, des révoltes périodiques, parce
que le racisme ici est peut-être moins virulent
dans ses manifestations verbales ou ostentatoires, mais c'est la discrimination
avec le sourire, comme un auteur a dit,
c'est-à-dire on vous tend la main, on vous dit : Merci beaucoup, ça ne va pas être possible, et puis on jette le C.V., bon, tu
sais.
Alors, il y a une intégration fonctionnelle,
mais, si on veut des citoyens qui s'identifient, qui vont vouloir participer, qui ne vont pas vouloir s'enclaver, se
ségréguer et se mêler à la société sans égard à l'appartenance, pour créer une vraie communauté civique, bien je pense qu'il va falloir
s'attaquer, donc, à ces questions de racisme et montrer... La société
doit montrer qu'elle le prend au sérieux et prendre les mesures nécessaires
pour lever les obstacles à cette émergence d'une volonté d'intégration
citoyenne.
M. Kotto : Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Bonjour. Vous
avez abordé votre intervention en lien... en disant : Il faut avoir de
l'immigration pas nécessairement pour combler les besoins économiques, pas dans
une logique uniquement de disponibilité de main-d'oeuvre sur le marché du
travail mais plutôt aussi au niveau des besoins sociaux de la société.
Pouvez-vous définir cette affirmation?
M. Eid (Paul) : C'est-à-dire que je voulais dire... j'ai juste dit ça parce qu'on
parlait de faire... Enfin, en lisant le document, il y avait peu de détails, mais on avait l'impression
que les entreprises allaient devenir des agents de recrutement ou de sélection non plus
juste de travailleurs mais de citoyens, quoi. Parce qu'il faut voir comment
ça va se faire. C'est correct de
dire : Bon, bien... Par exemple, si un employeur réussit à trouver quelqu'un dans
la banque qui correspond à ses besoins
immédiats, oui, mais après il faut voir qu'est-ce qui va arriver. Une fois
qu'il perd cet emploi, il se retrouve sur le marché du travail, et ses enfants vont aller dans nos écoles, tu sais, il y a
d'autres besoins que... Je trouve ça dangereux de définir les besoins ou
les critères de sélection à partir des besoins d'un particulier qui, lui,
cherche simplement à s'enrichir ou à faire fonctionner son...
Alors,
les besoins sociaux, il y a des besoins économiques qui ne se réduisent pas
aux besoins d'une entreprise, qui
sont beaucoup plus larges. J'ai donné l'exemple des médecins dont on a besoin mais que personne
ne va aller chercher parce qu'ils ne
s'intègrent pas ou ils ne réussissent pas. C'est comme ça pour plein d'autres
professions réglementées, que ce soit
architecte ou autres. Et il y a les besoins culturels. On le sait, qu'au Québec
on accorde une grande importance à la protection du français, au
maintien, à la survie du français, on veut des immigrants francophones. Et puis
je crois que, voilà, les besoins de
l'entrepreneur ne sont pas nécessairement en concordance avec les besoins plus
d'ordre culturel et linguistique notamment.
M.
Jolin-Barrette : Pensez-vous que cette approche... Parce que ce qu'on
évoque beaucoup dans le cadre de cette commission et dans le cadre des
documents de consultation, c'est un peu de s'inspirer du modèle canadien et du
modèle australien, néo-zélandais pour réussir à intégrer davantage les
immigrants en lien avec le taux de chômage plus
élevé dans la région de Montréal. Vous avez parlé... bon, il y a toute la
question de la discrimination à l'embauche qui sous-tend la question, puis je vous pose la question : Est-ce
que la société québécoise fait preuve de racisme envers les nouveaux
arrivants?
M. Eid
(Paul) : Le racisme, pour moi, c'est une question... c'est systémique,
c'est des rapports de pouvoir. Il y a du
racisme, il y a du racisme, mais ce n'est pas... Et je pense qu'il ne faut pas se cacher les yeux ou se fermer les
yeux en pensant qu'il s'agit de cas isolés,
limités à des groupes d'extrême droite néonazis, là, pour le dire très
schématiquement. Le racisme, ça se manifeste aussi par une volonté d'exclusion,
de subordination.
Alors,
les immigrants, il n'y a pas de problème avec eux tant qu'ils restent à leur
place, mais, quand ils essaient d'accéder
aux bons postes, aux postes de cadre notamment, vous en avez peut-être
parlé, je pense, dans le document
aussi, il faut aussi... L'accès à l'égalité,
ce n'est pas juste dans les sphères inférieures du... les emplois à faible
statut, c'est aussi les postes de cadre, permettre la promotion,
l'ascension, la mobilité sociale.
Donc,
je pense qu'il y a des questions... des obstacles d'ordre systémique qui
relèvent ultimement du racisme, parce que
ce n'est pas un hasard de voir que c'est toujours les mêmes groupes qui
subissent les frais de la discrimination. Ce n'est pas les groupes d'origine européenne qui après une
génération connaissent une intégration assez réussie, c'est toujours
ceux qui appartiennent à des groupes racisés qui sont vulnérables dans tout
l'Occident, les mêmes groupes, ceux qui sont issus
de sociétés anciennement colonisées, qui portent le poids du stigmate, qui
assument le poids du stigmate du racisé. Donc, oui, il y a du racisme.
Mme Hanley (Jill) : Je trouve qu'il y a quelque chose d'autre à dire sur la question de
l'implication des entreprises dans la
sélection des immigrants, c'est que, si on procède vers ça sans régler la
question de reconnaissance des compétences, des formations, et tout ça,
on va peut-être voir la même dynamique qu'on voit avec le Programme des
travailleurs étrangers temporaires, où les
entreprises peuvent choisir quelqu'un qui a une grande expertise et formation
et peuvent bénéficier de ça comme à l'intérieur de leur entreprise sans
que leurs compétences soient reconnues formellement par la société en général. Alors, on risque de reproduire les mêmes
dynamiques. Quelqu'un vient, ils sont parrainés par l'employeur, ça crée une dynamique de dépendance
sur l'employeur et ça ne règle pas la question : Est-ce que la
personne est réellement reconnue pour leurs compétences? Si les personnes
décident qu'elles n'aiment plus cet emploi ou elles pensent qu'elles peuvent avoir des meilleures conditions ailleurs,
est-ce qu'elles vont être reconnues comme une personne formée, avec une expérience convenable, si elles
essaient de bouger à l'intérieur de notre marché du travail? Ça fait
partie... C'est comme la liberté de mobilité
d'emploi qui est à la base de notre possibilité de faire respecter nos droits
du travail. Mais cette façon de
procéder risque de reproduire un peu ce qu'on voit avec le Programme des
travailleurs étrangers temporaires.
M. Eid (Paul) : Juste rajouter. Il y a déjà, dans la grille d'immigration... Alors,
l'idée est bonne derrière, mais déjà dans la grille d'immigration il y a
des points donnés pour le fait d'avoir un emploi qui nous attend. Augmentons
les points en faisant... On peut en faire un critère encore plus important,
donner une pondération encore plus forte.
Moi,
tout ce que j'ai dit, en lisant le document, tout ce qu'on a eu, on a eu un
petit peu peur, on s'est dit : Bien, comme a bien dit Jill, une
fois que la personne a fini son contrat avec son parrain, là, qu'est-ce qu'elle
fait? Je veux dire, ce n'est pas...
l'entrepreneur, lui, n'a pas évalué les besoins dans une perspective plus
globale de la société, comment s'assurer qu'on a des gens dont les
compétences sont reconnaissables dans la société. Donc, c'est juste ça, en
gros.
Le Président (M.
Picard) : En 20 secondes.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Bien, je vais en profiter pour vous remercier chaleureusement
pour la contribution, votre mémoire, c'était vraiment très intéressant.
M. Eid
(Paul) : Merci de nous avoir reçus.
Le
Président (M. Picard) : Je vous remercie pour votre
présentation.
Je
vais suspendre quelques instants afin de permettre à la Commission des
partenaires du marché du travail de prendre place.
(Suspension de la séance à
15 h 39)
(Reprise à 15 h 41)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en recevant la Commission des partenaires du marché du travail. Je souhaite la bienvenue à M. Jean-Luc Trahan,
président. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, et
par la suite il va y avoir un échange avec les parlementaires. La parole est à
vous.
Commission des partenaires du marché du travail (CPMT)
M. Trahan (Jean-Luc)
:
Merci. Appréciant l'invitation à être entendus par les autorités
gouvernementales dans le cadre de sa
consultation publique visant l'instauration d'une nouvelle politique québécoise
en matière d'immigration, de diversité
et d'inclusion, les membres de la Commission des partenaires du marché du
travail sont heureux de s'inscrire dans ce processus qui, comme
l'annonce le document de consultation, préconise une vision porteuse d'un
projet collectif rassembleur pour l'ensemble
de la société québécoise. Ainsi, tout en s'inscrivant généralement en accord
avec les principes directeurs, les
enjeux et les choix des stratégies contenues dans le document d'orientation, la
Commission des partenaires du marché du travail souhaite contribuer à
l'évolution du processus en vous déposant aujourd'hui ce mémoire.
Dans un premier
temps, il est important de situer la Commission des partenaires du marché du
travail à l'intérieur de la Loi sur le
ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Le chapitre II de
ladite loi instaure la commission et
lui confère comme fonctions de «participer à l'élaboration des politiques et
mesures gouvernementales dans les domaines de la main-d'oeuvre et de l'emploi, ainsi qu'à la prise de décisions
relatives à la mise en oeuvre et à la gestion des mesures et [des] programmes». Comme principaux mandats
confiés à la commission dans le cadre de cette loi, nous retrouvons dans
un premier temps la définition des besoins
en développement de la main-d'oeuvre en regard des réalités du marché du
travail, un rôle conseil auprès du ministre
de l'Emploi sur les orientations générales de la politique du marché du
travail, troisièmement, la participation à l'élaboration de stratégies et
d'objectifs en matière de main-d'oeuvre et d'emploi, quatrièmement, l'identification de cibles d'intervention des services
publics d'emploi, d'Emploi-Québec, et finalement l'approbation des plans
d'action régionaux à travers le Québec en matière de main-d'oeuvre et d'emploi.
La
Commission des partenaires du marché du travail est donc une instance nationale
de concertation qui réunit des représentants
des employeurs, de la main-d'oeuvre, du milieu de l'enseignement, des
organismes communautaires ayant tous
droit de vote. Elle réunit également des représentants ministériels, sans droit
de vote cependant, à savoir le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de la Science, le
ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire, le ministère de l'Éducation, du Loisir
et du Sport, le ministère de l'Économie, de l'Innovation et des
Exportations, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, et enfin le
milieu universitaire y est également représenté. Ces personnes et les organisations qu'elles représentent sont donc animées
par un souci constant d'améliorer le fonctionnement du marché du travail en mettant ainsi en commun
toute l'expertise en présence dans un objectif d'accroître l'efficacité
des services publics d'emploi et pour
favoriser le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d'oeuvre
québécoise. Le projet de la nouvelle politique en matière d'immigration, de
diversité et d'inclusion interpelle donc la commission, comme vous l'aurez
constaté à la lecture du mémoire que nous avons déposé.
Le premier constat
important à mentionner est que la commission souscrit aux valeurs sur
lesquelles repose l'énoncé de politique du
MIDI. Les partenaires réunis au sein de la commission sont conscients de
l'important défi pour le Québec
d'attirer des travailleuses et des travailleurs étrangers mais aussi et surtout
d'assurer qu'ils occupent un emploi après leur arrivée au Québec et
qu'ils y demeurent.
Les nombreux enjeux
dont le Québec devra tenir compte sur la scène internationale, tel qu'il est
d'ailleurs reconnu et énoncé dans le
document de consultation, nous font aussi reconnaître l'importance d'un
engagement collectif visant à favoriser l'accès à l'emploi des personnes
immigrantes. Réunis en séance la semaine dernière, les membres, d'ailleurs, ont pu s'exprimer sur la légitimité de
la démarche et ainsi corroborer les éléments contenus dans le mémoire. Le choix stratégique d'instaurer un système
d'immigration compétitif permettant d'attirer des talents répondants aux
besoins des entreprises, contribuant ainsi à la prospérité, est un élément clé
de la politique que la commission approuve.
Les
membres de la commission ont aussi examiné en profondeur la question
du système de gestion des demandes d'immigration
appelée la déclaration d'intérêt. J'aurai l'occasion de revenir plus en détail
sur ce point, soit un peu plus tard, car
elle comporte des éléments déterminants, tant au niveau de l'identification des
candidatures à l'immigration qu'au niveau de la réponse rapide et
efficace aux besoins.
Ainsi,
les principaux éléments de la nouvelle politique, ses fondements, ses enjeux,
ses choix stratégiques et sa vision
interpellent la commission à plusieurs égards. En matière d'accès et de
maintien en emploi, la commission considère qu'il s'agit d'éléments clés qui favoriseront une intégration réussie et
appréciée. Un accès de qualité à l'emploi pour les personnes immigrantes s'avère l'une des meilleures
façons d'assurer leur intégration sociale et leur réalisation
personnelle, contribuant par conséquent à
favoriser la prospérité au Québec. Ainsi, une pleine utilisation des ressources
disponibles, emplois, travailleurs,
compétences, rencontrera les meilleures conditions et procurera les retombées
positives à tous égards, rehaussant
par le fait même les notions de valorisation et de reconnaissance personnelle.
Pour les membres de la commission,
ces éléments représentent des points de convergence en lien avec son propre
plan stratégique d'intervention.
La
commission reconnaît également que le projet de politique soumis tient comme
assises de fond certains principes
incontournables à ses propres composantes. Citons notamment la nécessaire
sensibilisation des employeurs à la question
de l'immigration, la question du français, l'importance de la reconnaissance
des compétences, la formation des candidates et candidats à
l'immigration, le phénomène de l'emploi en région et son importance relative
dans tout le développement du processus d'accueil et d'information.
Sixièmement,
l'apport important des travailleurs temporaires, l'entrepreneuriat et la
gouvernance. Ces points ont notamment retenu l'attention de la
commission et de ses membres. La commission juge qu'un travail important est à poursuivre en regard de la sensibilisation des
employeurs et des milieux de travail à l'embauche de personnes
immigrantes. L'immigration constitue une
richesse incontournable pour le développement économique du Québec et offre de
grandes opportunités aux employeurs,
l'ouverture de ceux-ci et l'approfondissement de leurs connaissances en matière
de diversité culturelle constituent un atout en ce sens. Une meilleure
sensibilisation sera le signe d'une meilleure compréhension réciproque et donc
d'une meilleure intégration.
La
participation économique des personnes immigrantes doit se concrétiser par des
emplois à la hauteur de leurs compétences. Compte tenu du défi que
représente l'évaluation équitable de celles-ci, notamment celles acquises par l'expérience, la commission exprime le souhait que
la démarche de consultation sur les besoins du marché du travail soit
dûment faite avant l'arrivée au pays des personnes. Les membres de la
commission ont d'ailleurs clairement énoncé l'importance
de cette démarche de reconnaissance des compétences comme élément clé à une
bonne adéquation. Meilleure sera la
concordance des compétences avec les besoins à combler, meilleure sera la
réponse aux aspirations réciproques. Par ailleurs, la possibilité de réaliser des formations d'appoint et des
expériences de travail en entreprise pour les travailleuses et les travailleurs issus de l'immigration apportera
une contribution certaine au maintien en emploi en lien direct avec les
besoins des entreprises.
La question du
français, langue d'intégration est un sujet qui a particulièrement interpellé
les membres de la commission. Tous, de façon
unanime, reconnaissent l'importance d'une bonne connaissance de la langue
française chez les personnes
immigrantes afin de favoriser leur pleine intégration à la fois au marché du
travail et à la société québécoise. Ce critère
de sélection des candidats, bien qu'essentiel, devrait cependant être appliqué
avec souplesse afin de permettre la constitution
de bassin d'individus immigrants pouvant correspondre de façon plus précise aux
besoins du marché du travail, et ce,
en plus grand nombre. Les membres de la commission souscrivent au concept du
français, langue d'intégration et souhaitent
de plus que l'offre de formation adaptée en français permette aux personnes
immigrantes d'avoir suffisamment d'opportunités pour parfaire rapidement
leur apprentissage de celle-ci une fois reçues au Québec.
• (15 h 50) •
La
question des formations des individus a retenu l'attention des membres de la
commission. Ceux-ci, toutefois, ont tenu à rappeler que les besoins des
entreprises ne se situent pas uniquement à l'égard d'une main-d'oeuvre
possédant une formation universitaire et que plusieurs entreprises ont des
besoins de main-d'oeuvre non spécialisée ou encore formée à un niveau professionnel ou technique. L'adéquation de la
formation et des emplois est donc considérée comme étant importante afin
d'assurer la meilleure réponse possible aux besoins exprimés.
Les
membres de la commission comprennent par ailleurs très bien le rôle qu'auront à
jouer les entreprises et les organisations
à l'égard du processus d'identification des profils professionnels nécessaires
à la sélection des candidates et candidats,
et ce, en amont de la sélection des immigrants. Considérant tout aussi importante la catégorie de travailleurs qui ne détient pas de diplôme comparable à un
cinquième secondaire, la commission souhaite qu'un mécanisme adéquat visant à favoriser l'admissibilité de ceux-ci,
considérant que ces types d'emploi ont souvent un caractère permanent,
soit prévu à l'intérieur de la nouvelle politique. Par la suite, et en support
à cette ouverture, la formation d'appoint devrait pouvoir combler les déficits
de compétence de cette catégorie de travailleurs et ainsi augmenter leurs
qualifications.
Considérant qu'il est
plus difficile de régionaliser l'immigration, notamment en raison de l'attrait
des grands centres, la commission
considère par ailleurs important de faire valoir les secteurs d'emploi et demandes
dans les régions. La volonté exprimée
par l'énoncé de politique de favoriser une plus grande contribution à
l'occupation et à la vitalité des territoires rencontre les souhaits des
membres de la commission. Tous s'entendent pour dire qu'il serait intéressant qu'il se fasse des actions en amont de l'arrivée
au Québec des personnes immigrantes en misant sur une
promotion des régions, des marchés du
travail des régions, des emplois disponibles, des services offerts; des actions
concrètes démontrant la volonté
d'accueil dans les communautés. Les expériences pilotes pourraient servir
d'éléments attractifs, comme par exemple le développement de projets
intégrateurs en français propres aux régions, le jumelage et l'accompagnement.
La migration
temporaire représente une belle avenue pour contribuer à répondre aux besoins
de main-d'oeuvre pressants et ponctuels des entreprises et est
considérée comme telle dans l'énoncé de la nouvelle politique.
Cette question a soulevé beaucoup d'intérêt chez les membres de la commission,
qui souhaitent notamment un certain assouplissement des barèmes au
chapitre des niveaux de qualification des travailleurs immigrants, contribuant
ainsi à leur établissement au Québec
dans des secteurs d'activité économique présentant des aspects plus particuliers, par exemple le secteur manufacturier...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît. Vous allez pouvoir
poursuivre lors des échanges avec les parlementaires.
M. Trahan (Jean-Luc)
:
Oui, d'accord. En ce qui a trait à la gouvernance, de par son
rôle la commission privilégie une vérification régulière des effets de la politique
et des plans d'action s'y rattachant au moyen d'indicateurs
d'intégration socioéconomique nécessaires et par la consultation et des avis
partagés. J'aurai l'occasion de conclure tout à l'heure.
Le
Président (M. Picard) :
Merci, M. Trahan. Nous allons débuter la période d'échange avec Mme la ministre.
Mme Weil : Oui. Bonjour,
M. Trahan. Merci beaucoup de votre participation ici à cette commission.
Nous sommes ravis vraiment
des présentations qui touchent à tous ces enjeux, l'intégration en emploi,
l'adéquation entre la formation et les besoins du marché et le nouveau
système d'immigration qu'on vise.
Alors, j'ai
deux collègues qui ont aussi des questions. Alors, moi, je vais
prendre juste quelques minutes pour aller sur qu'est-ce qui est à
proprement parler immigration, et d'autres collègues iront sur la
reconnaissance des acquis et formation, adéquation.
Vous parlez, donc, dans ce nouveau... Vous êtes
très en accord avec le nouveau système qu'on envisage, déclaration d'intérêt, et de voir vraiment une collaboration avec votre
organisme, le MESS, MIDI dans tout ce qu'on va faire en amont, hein, si je comprends bien. Peut-être vous pourriez
expliquer, parce qu'on a aussi parlé des entreprises, des villes, des régions; un peu pour bien avoir le
portrait de ce qu'on veut et aussi éviter ce qu'on a entendu avec les deux personnes qui sont venues avant, de trop
attacher la personne à l'employeur, parce que ça pourrait la rendre
vulnérable aussi. C'est d'avoir une approche
cohérente, logique et soutenable à long terme pour que les perspectives
d'emploi de la personne ne soient pas juste cet emploi-là mais de façon
plus large. Alors, j'aimerais vous entendre sur votre vision du rôle que vous
pourriez jouer dans ce nouveau système.
M. Trahan
(Jean-Luc)
: Il faut comprendre que le rôle de la Commission
des partenaires du marché du travail est directement relié au bon
fonctionnement du marché du travail. Donc, sa première préoccupation, c'est de
développer quelque stratégie que ce soit ou
politique qui va permettre une meilleure adéquation avec le marché du travail
et les besoins. Alors, pour les
membres de la commission, quand ils ont mentionné cette préoccupation-là, il
est évident que, pour nous, le fait
de pouvoir offrir à un immigrant qui arrive ici tout de suite un emploi, ce
n'est pas une contrainte, c'est beaucoup plus un élément qui va lui permettre une meilleure intégration. Alors, pour
nous, c'est vraiment de faire du travail en amont et de participer pour pouvoir mettre toutes les
chances du côté aussi bien de l'individu, de l'immigrant, de sa famille
que des entreprises et des besoins du marché du travail et des employeurs.
Vous comprendrez que les défis auxquels le
Québec va faire face au cours des prochaines années... Avec une demande d'emploi
de plus en plus importante et un vieillissement de la population, il est
évident que le secteur de l'immigration va
jouer un rôle prépondérant dans les pistes de solution, d'où l'intérêt de la
commission à participer et à travailler
de concert avec votre ministère et le ministère de l'Emploi aussi bien que
celui de... aussi bien que les services publics d'emploi
d'Emploi-Québec.
Mme Weil :
À la page 7, vous parlez des travailleurs temporaires et travailleuses
temporaires et le programme PEQ, mais
vous parlez aussi de niveau d'éducation. C'est une question très sensible,
cette question-là, pour l'immigration permanente, justement par souci de
protéger les perspectives d'emploi à long terme des travailleurs.
Donc, souvent on nous revient avec cette
recommandation, justement, lorsqu'on fait la consultation sur les volumes et la composition de l'immigration,
certains secteurs du marché qui auraient besoin de ces travailleurs-là. Ils
sont bien formés, puis ils voudraient les
mettre aussi sur la voie de la permanence. Pourriez-vous m'expliquer votre
vision des... pour bien comprendre,
si j'ai bien compris ce que vous voyez par rapport à ces travailleurs
temporaires qui seraient entre non
qualifiés et qualifiés, si je comprends bien, pas nécessairement avec
secondaire V, et, si vous voyez ça comme un besoin croissant à la lumière du taux de chômage, et nos jeunes qui
aussi doivent être formés pour le marché de l'emploi, et aussi la vision
de Jason Kenney qui voulait répondre justement à l'inverse, c'est-à-dire :
Pourquoi aller chercher des travailleurs
temporaires peu qualifiés alors que le marché canadien devrait pouvoir y
répondre? Donc, j'aimerais juste voir comment vous vous situez dans ce
grand débat.
M. Trahan
(Jean-Luc)
: Effectivement, c'est un grand débat, parce que ce
n'est pas une science exacte, hein? C'est une dynamique où est-ce
qu'auparavant les travailleurs qui entraient sur le marché du travail pouvaient
penser d'avoir un travail pendant
x nombre de temps sans nécessairement améliorer ses compétences.
Aujourd'hui, la dynamique est tout à fait autre, les entreprises que
j'ai l'occasion de visiter sont dans une dynamique où est-ce qu'elles doivent
absolument s'assurer de créer les conditions pour que les travailleurs
développent leurs compétences. Donc, on est dans
cet ordre de pensée là. Et, quand on parle avec nos membres qui sont, par
exemple, dans le secteur agricole ou dans le secteur... où il y a de la restauration, on se retrouve dans une
dynamique où est-ce qu'ils ont des besoins de travailleurs, et c'est de
les trouver et, par la suite, de pouvoir les faire progresser.
Il n'y a pas
un seul intervenant qui va arriver avec toutes les réponses, il y a plusieurs
intervenants qui doivent y
travailler, c'est dans ce cadre-là qu'on fait les propositions qui sont là.
C'est-à-dire qu'il n'y a pas de formule magique. En tout cas, ce n'est
pas de la façon dont les membres de la commission fonctionnent. On fonctionne
toujours sur un processus de consensus, donc
les préoccupations, que ce soit du côté des syndicats, des employeurs ou du
communautaire, aussi bien que de
l'enseignement, nous demandent beaucoup de travaux. Et, ces travaux-là, puis je
n'ai pas eu l'occasion d'en parler tout à l'heure, mais c'est basé sur
l'information sur le marché du travail. À partir du moment où on a une information sur le marché du travail adéquate, on
est capables de pouvoir bien aider les entreprises, que ce soit au
niveau des travailleurs temporaires ou autres. Alors, c'est pour ça qu'Emploi-Québec
joue un rôle très, très important dans tous les travaux que l'on peut...
Mme Weil :
Donc, dans un système de déclaration d'intérêt, vous voyez déjà comment on
pourrait essayer de répondre à ces
besoins mais de façon très chirurgicale, presque, sans créer de problématique
au niveau des personnes, par l'accompagnement,
peut-être des formations additionnelles, pour ne pas les rendre vulnérables.
C'est un peu ça, la préoccupation.
M. Trahan
(Jean-Luc)
: Tout à fait. Mais, comme vous le voyez dans le
mémoire, nous, ce qu'on nous dit, c'est qu'on n'a pas l'impression que c'est nécessairement une réussite du
premier coup, il va falloir regarder et améliorer un petit peu comme
dans les meilleures pratiques pour pouvoir déterminer : Ah! bien, de ce
côté-là, ça fonctionne bien; de tel autre côté, on pourrait avoir une zone
d'amélioration. Mais c'est l'approche que la commission a toujours eue.
Mme Weil :
Mais les partenaires de la commission sont tous d'accord pour cette vision,
puis vous avez tout le monde autour de la table, là, les syndicats
aussi, il y a les syndicats aussi.
M. Trahan (Jean-Luc)
: Oui,
mais c'est des discussions intéressantes.
Mme Weil : O.K. Très bien.
Alors, je cède la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee. Merci beaucoup.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de D'Arcy-McGee.
• (16 heures) •
M.
Birnbaum : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Trahan. Les
interventions et les contributions de la CPMT sont toujours appréciées,
surtout quand ça touche à un sujet qui nous interpelle tous.
Vous avez touché quelques-uns des sentiers qui
nous préoccupent et qui vous préoccupent, bon, adéquation formation-emploi qui s'impose, dont j'ai le mandat
du premier ministre, on parle de la pénurie de main-d'oeuvre dans la
situation actuelle, l'obligation incontournable de franciser les nouveaux
arrivants, la concurrence mondiale, on a eu beaucoup
de témoignages qui parlent... qui confirment les problèmes de la discrimination
systémique, quand même, qui touche à
l'accueil des immigrants surtout dans l'essentiel, c'est-à-dire l'accès à
l'emploi. Vous avez touché plusieurs de ces sentiers. J'aimerais juste vous inviter à revenir, bon, surtout à la
francisation, mais aussi, quand vous
parlez, à la page 5, de la formation sous tous les angles, vous nous
rappelez l'importance de ne pas oublier des cibles très importantes dans l'adéquation dont on parle, c'est-à-dire pour nos besoins de main-d'oeuvre non spécialisée ou formée au niveau
professionnel et technique,
on a toutes ces considérations à équilibrer, et les unes aussi incontournables
des autres. Et, comme je dis, je fais référence
à la francisation, vous avez parlé d'assouplir peut-être les critères. Est-ce que
vous pouvez élaborer comment on peut trouver l'équilibre entre tous ces
besoins-là, d'assurer une plus grande adéquation, plus grande implication des immigrants dans la main-d'oeuvre tout en
respectant les besoins, de les aider, de les accompagner dans leurs obligations,
ce qu'ils souhaitent, et de se franciser en même temps?
M. Trahan
(Jean-Luc)
: Bien, comme je l'ai mentionné dans le mémoire,
que les membres ont approuvé, c'est que l'intégration, pour le rôle du français,
est primordiale en ce qui concerne...
Maintenant,
le côté qui touche plus le marché du travail est l'inquiétude de certains
membres que des emplois intéressants
ne soient pas comblés à cause de certains critères. Maintenant,
ça ne veut pas dire que les critères doivent être abolis, ça veut seulement dire qu'il faut une
certaine souplesse dans son application pour s'assurer que, dans une
phase subséquente, l'intégration, la
francisation va se faire. D'ailleurs, la commission joue un rôle à tous les ans de ce côté-là,
on investit presque 9 millions de dollars pour s'assurer que les
employeurs réalisent qu'ils ont des responsabilités de ce côté-là, alors
il y a une liste d'entreprises
que l'on aide à faire des opérations de francisation. Alors, c'est l'équilibre entre les deux, de s'assurer qu'il
n'y a pas de perte d'emploi, il n'y a
pas de postes qui ne sont pas comblés tout en réalisant... Et chacun des
membres de la commission nous l'a répété la semaine dernière, lors de notre
réunion régulière, qu'il était très, très important, quant à la francisation, de trouver
les mécanismes nécessaires pour que cette francisation-là ait lieu,
il n'y a pas de doute de ce côté-là.
Au niveau
de la reconnaissance des travaux... des travailleurs qui n'ont pas nécessairement toutes les compétences, encore
là, l'utilisation du mot «souplesse», ce n'est pas une dynamique où est-ce qu'on veut abolir ces choses-là. Ce
que l'on remarque, c'est que le défi de la
société québécoise, c'est d'avoir une culture de formation. Un des succès que...
une des raisons pour lesquelles l'Allemagne a un succès dans son
fonctionnement, c'est effectivement l'utilisation de stages, mais c'est vraiment l'utilisation d'une valeur
ajoutée de chacun des travailleurs quant à son développement. Et donc on
peut penser que l'Allemagne sont les champions au niveau des voitures, mais ils
sont également les leaders dans des trucs aussi
simples que les laisses de chien rétractables. Alors, ce n'est pas
nécessairement strictement des «top talents». Il en reste tout de même que leur objectif, c'est de
développer des compétences chez leurs travailleurs et que cette
compétence-là suive la progression des entreprises.
M.
Birnbaum : Si je peux ajouter une petite complémentaire, alors, vous
touchez à deux choses très importantes dans ma lecture de l'affaire, on
parle d'une francisation continue en milieu de travail ainsi que des stages. De
votre expérience et selon la lecture de vos membres, est-ce que les entreprises
et surtout les PME sont prêts, ils sont au rendez-vous avec ces deux exigences-là?
M. Trahan
(Jean-Luc)
: Ça dépend de la taille des entreprises.
Évidemment, vous comprendrez qu'une entreprise avec cinq travailleurs n'a pas les mêmes moyens, solutions qu'une
entreprise qui a 500 travailleurs. Donc, le défi, puis ça l'est de façon quotidienne pour les gens d'Emploi-Québec
qui accompagnent ces entreprises-là, c'est, dépendant de la taille de
l'entreprise, le secteur dans lequel elle se trouve, de pouvoir développer et
les aider à faire des projets qui peuvent les aider.
Alors, de ce côté-là, si
je prends juste un exemple, les membres de la commission ont lancé une
initiative qui s'appelle Investissement-compétences, où on demande aux
entreprises, si elles croient dans le développement des compétences, de signer un certificat, signé par le ministre et par le
président de la commission. L'avantage de ça, c'est qu'on sait tout de
suite que ces entreprises-là veulent aider au développement des compétences.
Donc, on essaie de moduler quant à la taille.
Quand on
parle de stages, la préoccupation de la plupart des membres de la commission,
c'est... on s'entend tous qu'il ne faut pas que ce soient des stages qui
ne donnent pas de solution ou de résultat, il faut que ce soient des stages qualifiants qui permettent à ce travailleur-là de
pouvoir intégrer l'entreprise et de se développer. Donc, il
y a beaucoup de travail à faire au niveau de ce développement, et c'est
un peu pour ça que le ministre a mandaté les membres de la commission, pour voir comment est-ce
qu'on pouvait développer une approche plus... basée sur les stages.
Maintenant, les entreprises vont devoir être accompagnées et vont devoir être
sensibilisées à ça pour pouvoir le faire. Et il y en a qui réussissent très,
très bien, il y a des exemples dans toutes les régions du Québec.
Le Président (M. Picard) :
D'autres questions? Ça va? Il vous reste quatre minutes.
Une voix : ...
Le Président (M. Picard) :
Mme la députée de Jeanne-Mance—Viger.
Mme
Rotiroti :
Alors, merci d'être là, M. Trahan. Vous avez mentionné dans votre mémoire...
À la page 4, vous parlez de la
reconnaissance des compétences, vous dites que vous souhaitez que la nouvelle
politique prenne en considération que
le processus de reconnaissance des acquis se fait en amont, même avant que
l'immigrant arrive ici. Je voulais vous rassurer qu'on travaille
là-dessus, évidemment.
Et je
voudrais savoir, la Commission des partenaires, si vous avez identifié des
stratégies qu'on pourrait mettre ou des
outils qui pourraient nous aider à travailler en collaboration avec les ordres,
justement, pour être capables de faire cette
reconnaissance plus rapidement et s'assurer effectivement qu'on va garder
l'aspect de le faire en amont, même avant que l'immigrant arrive ici, si
vous avez des idées que vous pouvez partager avec nous.
M. Trahan
(Jean-Luc)
: L'élément important pour la commission, c'est la
traçabilité des compétences. Donc, on a
eu une expérience intéressante il y a quelques années avec la France quant à la
reconnaissance des acquis, il y a beaucoup de choses qu'on a découvertes
dans le processus, et je vous indiquerais... Je vous inciterais à peut-être
retourner à ces éléments-là ou, de notre
côté, à retourner dans nos dossiers pour vous faire des propositions plus
particulières, mais il est certain
que toutes les missions qui ont été faites avec le gouvernement français et le
gouvernement du Québec ont donné des résultats pour s'assurer qu'en
amont les reconnaissances... les acquis étaient bien identifiées et qu'on
faisait des équivalences correctes. Alors, je vous...
Mme
Rotiroti : Ça,
vous faites référence toujours à l'entente qu'on a signée avec la France, c'est
ça?
M. Trahan (Jean-Luc)
: Oui.
Mme
Rotiroti : O.K.,
parfait. Merci.
Le Président (M. Picard) :
Donc, je cède... Oui? Il reste encore deux minutes.
Mme Weil : Deux minutes, oui.
Le Président (M. Picard) :
Allez-y, Mme la ministre.
Mme Weil : La
régionalisation, peut-être vous l'avez noté, c'est une orientation, une
nouvelle orientation, la première fois qu'on
le nomme comme ça, comme l'occupation des territoires, la vitalité des
territoires, mais on veut avoir une
approche dynamique par rapport à ça, et honnêtement moi, je pense que, quand on
parle de régionaliser l'immigration, ça
fait un peu déconnecté d'être humains, là, qui vont pour travailler et intégrer
un milieu. Comment vous voyez cette vision? Puis ça passe beaucoup par
l'emploi, encore une fois. Est-ce que vous pourriez peut-être nous en parler un
peu, votre vision de la chose?
M. Trahan
(Jean-Luc)
: Bien, de la façon dont elle est formée, la
commission, il y a une commission nationale qui touche tout le Québec, mais dans chacune des régions administratives il
y a 17 conseils régionaux. Donc, je vous inciterais à utiliser ces
conseils régionaux pour pouvoir identifier des champions, parce que la
solution, pour les régions, c'est qu'à
partir du moment où il y a un exemple cet exemple-là, en général, est copié,
parce que... surtout s'il fonctionne, puis, s'il ne fonctionne pas, quelles modifications on peut apporter, mais il
y a des histoires extraordinaires à travers toutes les régions du Québec. Et c'est certain qu'à partir du
moment où l'intégration se fait bien en région les gens vont avoir moins
de soucis ou moins de préoccupations de s'en aller vers les grands centres.
C'est ce que je pense qu'il va arriver si on parle
avec les conseils régionaux, qui, eux, avec les comités sectoriels, sont bien
au fait des préoccupations des régions et des entreprises qui s'y
trouvent.
Mme Weil :
Combien de...
Le Président (M. Picard) :
Allez-y.
Mme Weil :
O.K. L'ouverture des entreprises et des milieux, on a beaucoup parlé... Vous
êtes quand même en lien avec tous ces
gens-là autour de la table, tout le monde est là. C'est ça, l'avantage de
parler avec la Commission des partenaires. Là encore, on a parlé de
comment faire en sorte d'ouvrir les entreprises, et les commentaires viennent
souvent des gens en région, mais on sait que le problème est aussi ici, à
Montréal, ici ou dans les grandes... Québec, Montréal.
Mais comment vous voyez le rôle des entreprises? Parce que ce n'est pas juste
le gouvernement qui peut... ce n'est
pas le gouvernement qui emploie tout le monde, là, c'est... Le gouvernement
peut avoir des incitatifs, d'autres mesures peut-être plus
contraignantes, mais, les entreprises, voyez-vous une évolution dans l'attitude
envers la diversité?
• (16 h 10) •
M. Trahan
(Jean-Luc)
: Bien, je pense que oui, mais ça passe par de
l'échange d'information. Au même titre que, quand la stratégie des
grappes industrielles a été lancée, les entreprises avaient une certaine
réticence à partager de l'information, c'est
sans doute la même chose en ce qui concerne cette dynamique-là. Alors, les
régions, il faut absolument que les entrepreneurs partagent.
Mais il faut comprendre qu'un employeur, par
définition, sa raison d'être, c'est
de développer son entreprise, alors souvent
il n'a pas nécessairement
le souci de faire la promotion... Et encore
une fois il y a
des très, très belles histoires qui existent. Et je pense
que le plus grand défi ou l'enjeu, c'est de s'assurer que l'information... — puis
je parlais tout à l'heure de l'information sur le marché du travail d'Emploi-Québec — que
cette information-là soit vulgarisée et que les entreprises puissent y avoir
accès. Aujourd'hui, avec toutes les nouvelles technologies de l'information, il est difficile de comprendre qu'une entreprise
qui a une question ne puisse pas la poser et avoir une réponse assez rapidement,
sans que ce soit compliqué et complexe.
Mme Weil : Merci,
M. Trahan.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto : M. Trahan, bonjour. Merci d'être là. Si je n'avais pas eu la liste des
personnes qui avaient été consultées relativement à l'élaboration de ce projet de politique, du moins ce
document de consultation, j'aurais dit que vous avez nourri, inspiré son canevas et son contenu. Ce
n'est pas une critique. La seule chose qui me perturbe relativement à cet exercice, c'est l'accent mis azimuts sur... les énergies
mises azimuts sur l'objet immigration, demandes du marché en termes d'emploi.
On a tendance — et ça, c'est une partie des personnes que
nous avons entendues ici — à négliger ou à prendre à la légère les impacts de la... je
ne dirais pas du manque d'intérêt mais de la négligence du vecteur de la
langue. Or, pour moi, le critère de qualité
en termes de qualification professionnelle ou technique va de pair avec le
critère de la maîtrise de la langue.
Je ne vois pas comment, dans un souci de préservation d'un Québec durable,
considérant que la fibre première de son identité est sa langue, on
négligerait cet aspect-là.
Vous êtes un
certain nombre à avoir exprimé ce désir de voir abaisser les exigences en
termes de maîtrise de la langue
française, et c'est ça qui me trouble un peu. Je suis, comme tout le monde ici,
conscient des besoins du marché en termes
d'emploi, mais encore il nous manque des éléments tangibles, des études fines
pour nous désigner spécifiquement dans
quelle sphère d'activité professionnelle, dans quelle région telle ou telle
demande est indispensable. Ce travail, il reste à faire. Je posais la question hier à certaines
personnes qui sont passées, considérant l'importance qu'ils accordent à
leurs propres services de recherche, si
depuis des années déjà, à l'aune des demandes qu'ils ont formulées par rapport
au flux migratoire, par rapport au
seuil migratoire, ils avaient fait faire des études pour savoir spécifiquement
et de façon tangible les besoins du
marché en termes d'emploi, mais la réponse fut non. D'un autre côté, nous avons
une littérature abondante qui nous démontre qu'il n'y a pas adéquation
entre les seuils migratoires élevés et les besoins du marché en termes
d'emploi. Avez-vous réfléchi à ces deux perspectives-là?
M. Trahan
(Jean-Luc)
: D'entrée de jeu, je dois vous dire qu'on n'a pas
la prétention de traiter d'autres sujets que le marché du travail. Alors, on n'aura pas de point de vue à savoir si
c'est telle chose ou telle autre chose. Nous, ce que l'on fait,
strictement, c'est de regarder quels sont les besoins du marché du travail,
parce que c'est le job, finalement, de la commission.
Ce qui est difficile
pour nous, c'est de dissocier ce que vous mentionnez quant aux besoins du
marché du travail et le fait français. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut
trouver des mécanismes, des façons de faire qui vont permettre les deux.
Ce que l'on
prétend, cependant, c'est qu'il ne faut pas se pénaliser d'entrée de jeu, que
ce soit dans les jeux vidéo ou les
secteurs d'activité où la priorité, c'est la compétence, peu importe la langue.
Ce qu'on dit, cependant,
c'est qu'à partir du moment où on attire cet individu-là ou cette
personne il faut absolument que cette personne-là soit intégrée et il faut que ça se fasse en français, d'où les programmes
que l'on a mis en place, que ce soit sur Electronic Arts ou quoi que ce
soit. Alors, les deux doivent être combinés.
Alors, il n'y a pas une seule solution qui est basée sur : On prend toute
personne, et l'intégration dans le fait français ne se fait pas.
Donc, pour
nous, on n'a pas la prétention de traiter de tous les sujets, que ce soit...
J'écoutais les personnes qui passaient
avant nous. Je n'ai pas la prétention de dire qu'il n'y a que le marché du
travail, mais notre responsabilité, en ce qui concerne la commission, ce
n'est que le marché du travail.
M. Kotto :
Donc, si je vous entends bien, vous êtes pour l'abaissement des critères en
termes d'exigence pour le français.
M. Trahan (Jean-Luc)
: Je
parle de souplesse quant à la façon de traiter ces critères-là.
M. Kotto : O.K. Alors, la
souplesse, c'est quoi? Est-ce que vous pouvez nous illustrer en fait sur une
base pédagogique ce que vous comprenez par «souplesse»?
M. Trahan
(Jean-Luc)
: Si je reviens aux jeux électroniques, si on a
besoin de... Je vais illustrer mon propos. Quand la compagnie Ubisoft est venue s'installer ici, il y a des
programmes qui ont été développés dans les cégeps pour répondre aux besoins du marché du travail, ça
s'est fait. Par la suite, on avait une surabondance de personnes
qualifiées qui étaient dans ces cégeps.
L'industrie est venue nous voir et a dit : On a besoin maintenant de cours
magistraux avec des experts
internationaux, donc c'est ce qu'on a financé comme projet pilote. À partir du
moment où on a attiré ces gens-là, la plupart de ces cours étaient
donnés en anglais, mais il était certain que, si on attirait un maître ici, il
devait s'intégrer en français, de ce côté-là.
Alors, quand
vous me posez la question précise quant à la souplesse que... il va être très
difficile pour moi de vous répondre à ça de façon très, très pointue, et
je m'en excuse, mais...
M. Kotto : ...je vous en
prie.
Dans votre
mémoire, il apparaît, dit-on, «important de situer la Commission des
partenaires du marché du travail à l'intérieur de la Loi sur le
ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale étant donné que celle-ci sera
appelée à agir concrètement sur plusieurs
aspects pouvant avoir une incidence directe avec le développement de la
nouvelle politique québécoise en
matière d'immigration, de diversité et d'inclusion». Seriez-vous d'avis, dans
les circonstances, considérant l'aveu
que vous-même avez exprimé à l'instant, que d'autres entités, notamment celles
oeuvrant au front de la surveillance de
la langue, pas pour brimer les aspirations de... des demandes en termes
d'emploi pour le marché, mais que des entités oeuvrant sur le front de
la langue et des valeurs fondamentales soient également incluses dans la loi?
M. Trahan (Jean-Luc)
:
J'aimerais bien pouvoir répondre à votre question, mais je pense que ce n'est
pas à moi de répondre à cette question-là.
Je peux parler du marché du travail, mais je ne peux pas parler de d'autres
instances, comme je ne voudrais pas
nécessairement que d'autres personnes parlent des instances que je dirige.
Alors, je vais être obligé de vous mentionner, en tout respect, que je
vais laisser à d'autres la possibilité de répondre à cette question.
M. Kotto :
D'accord. On parlait des syndicats, autour de la table tout à l'heure,
relativement aux exigences du français.
Est-ce qu'on peut, selon vous, considérer que ces syndicats, en l'occurrence la
CSN, la FTQ, vont dans le même sens que l'ensemble des membres autour de
la table de la commission?
M. Trahan (Jean-Luc)
: Le
mémoire que vous avez en main est un mémoire qui a été approuvé par tous les
membres de la commission, alors les...
M. Kotto :
Mais, sur ce point spécifique, est-ce qu'ils se sont exprimés? Est-ce qu'ils
ont exprimé leur désir de voir assouplir, pour reprendre votre terme,
les critères?
M. Trahan
(Jean-Luc)
: Ce que vous... Ce qui est dans le mémoire — je pense que c'est ce qui est mentionné
quant à la souplesse — c'est un mémoire qui a été approuvé en
séance régulière de la commission la semaine dernière. Donc, tous les
membres ont signé.
M. Kotto : À l'unanimité,
donc, si j'entends bien.
M. Trahan (Jean-Luc)
: Oui.
M. Kotto : O.K. Et qui c'est
qui étaient autour de la table? Est-ce que c'est M. Boyer?
M. Trahan
(Jean-Luc)
: Il y avait M. Daniel Boyer, il y avait
M. Jean Lortie de la CSN, François Vaudreuil, Mme Chabot. Mais comprenez-moi bien, là, les
gens ont réitéré l'importance de l'intégration et de l'utilisation... Et il
ne faut pas minimiser, là, l'importance que les membres... peu importe leur
affiliation, que ce soient les syndicats, les employeurs, les groupes
communautaires ou l'éducation.
• (16 h 20) •
M. Kotto :
O.K. Je reprends un passage de vos recommandations, le français, langue d'intégration : «Toutefois, en regard de la maîtrise de la langue française, la commission
juge que le critère de sélection des candidats potentiels relié à un niveau de maîtrise de la langue française doit
être appliqué avec souplesse, via un pointage moins élevé dans la grille
de sélection pour la maîtrise du français selon le domaine de formation par
exemple...» Est-ce que cela sous-entend que ceux des bassins francophones ou
francophiles sont moins performants relativement aux besoins du marché?
M. Trahan (Jean-Luc)
: Aucunement.
M.
Kotto : Aucunement.
M. Trahan (Jean-Luc)
:
S'ils sont compétents, ils sont compétents, peu importe... Ce n'est pas un
critère, là.
M.
Kotto : Oui. Non,
mais ce que je ne comprends pas... Parce que, s'ils sont compétents, pourquoi
on va chercher ailleurs ce qu'on peut trouver là en adéquation avec la
maîtrise du français?
M. Trahan (Jean-Luc)
:
Mais, s'ils sont là, et compétents, et parlent le français, ils vont
travailler, ils vont... Je ne
comprends pas la... À partir du moment où les critères sont établis... Ça sera,
j'imagine, au ministère ou à l'employeur de décider ce qu'il en est,
mais, pour moi, à qualité équivalente... J'ai de la difficulté à saisir ce à
quoi vous voulez en venir. Si un...
M. Kotto :
Non, mais... Oui, je vais être plus précis.
Le Président (M.
Picard) : 15 secondes.
M. Kotto : Oui,
15 secondes. On dit que les bassins actuels... Prenons par exemple le
Maghreb, on a beaucoup de
francophones qui nous viennent de là. Est-ce parce qu'ils sont moins compétents
que ceux qu'on veut aller chercher ailleurs, qui ne maîtrisent pas le français?
C'est ça qui nous pose là?
M. Trahan (Jean-Luc)
:
Non, je pense que les gens qui viennent, qui sont au Québec
ou qui viennent, s'ils ont les
compétences nécessaires, vont répondre aux besoins du marché du travail.
Il n'y a pas de... Les gens du Maghreb sont compétents quant à ce qu'ils
ont appris, et il faut reconnaître leurs compétences...
M. Kotto :
...merci beaucoup.
Le Président (M.
Picard) : Merci, M. Trahan. Je cède maintenant la parole à
M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Trahan. Peut-être
je vais vous laisser répondre à la question du collègue de Bourget, si vous
voulez.
M. Trahan (Jean-Luc)
:
Oui. La question qui est posée, et c'est là où j'ai une certaine difficulté à...
c'est qu'on parle, si je comprends
bien, d'immigrants futurs. Alors, à partir du moment où la personne a les
critères nécessaires pour
venir, cette personne-là va trouver un emploi.
Ce
que l'on fait strictement mentionner, c'est que, s'il y a une impossibilité de
pourvoir à cet emploi-là avec les compétences
du français... on dit : Appliquons une certaine souplesse tout en
s'assurant que par la suite cette personne-là va pouvoir s'intégrer en
français.
M.
Jolin-Barrette : Donc, de
développer les ressources une fois que la personne est arrivée ici
véritablement pour la franciser. C'est ça?
M. Trahan
(Jean-Luc)
: Oui.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Pour
une question d'intendance, je voulais savoir, sur... Au conseil d'administration
de la commission, le sous-ministre adjoint à la Francisation et à
l'Intégration du ministère de l'Immigration siège. Est-ce que la
présente politique a été expliquée ou exposée à la commission préalablement...
ou de quelle façon que ça se passe?
M. Trahan
(Jean-Luc)
: Il y a eu des rencontres qui ont... Je
mentionnais, dans le document que j'ai soumis, qu'il y a des gens qui ont le droit de vote puis il y a des gens qui
n'en ont pas. Donc, les gens qui prennent la décision, c'est les membres votants, qui sont six représentants
des employeurs, six représentants des syndicats, trois du communautaire et deux de l'éducation. Les sous-ministres qui
assistent à ces réunions-là, sauf le sous-ministre en titre au ministère
de l'Emploi, n'ont pas le droit de vote.
Donc, les gens ont
été informés, le travail a été fait par le secrétariat de la commission en
collaboration pour déposer... pour bien analyser la politique qui a été
soumise, et ça a produit le mémoire qu'on vous a soumis.
M.
Jolin-Barrette : L'une des
responsabilités de la commission est de définir les besoins en développement
de la main-d'oeuvre au regard des réalités
du marché du travail. Donc, vous avez une expertise pour savoir combien
d'emplois sont disponibles en fonction des régions, quels corps de métier vont nécessiter
davantage de formation pour le futur.
Selon
la connaissance de la commission, combien d'emplois sont disponibles? Et est-ce
qu'on doit faire... Dans le fond,
est-ce que les seuils d'immigration doivent avoir un lien avec les emplois qui
vont être disponibles? Parce que sous l'ancienne
planification pluriannuelle on avait établi à 700 000 emplois le
besoin de main-d'oeuvre pour les prochaines années, pour les employeurs,
pour combler les besoins de main-d'oeuvre, et puis on a vu en mars dernier
qu'il allait y avoir création de
250 000 emplois d'ici les cinq prochaines années, puis ce qu'on
constate, c'est que peut-être qu'en fait il y a 18 000 emplois
qui ont été perdus depuis avril. Donc, j'aimerais juste avoir le son de cloche
de la commission sur l'état du marché de l'emploi et les besoins régionaux.
M.
Trahan (Jean-Luc)
: L'information
sur le marché du travail se trouve sur le site d'Emploi-Québec. Il y a un document
qui est produit, qui détermine par régions mais également par métiers les
débouchés qui peuvent être rattachés avec
ce secteur. Donc, c'est basé sur ça que le document est produit, et c'est ce
sur quoi les employeurs ou les syndicats s'inspirent pour pouvoir
développer avec nous des programmes.
Maintenant,
quant à la question qui est posée quant à la création d'emplois, les
projections qui sont faites sont sur une
tendance qui va se passer au cours des prochaines années. Alors, comme vous
avez pu le voir au cours de cette année, on arrive dans ce qu'on appelle le point de bascule, où il va y avoir
moins de création d'emplois parce qu'il va y avoir un vieillissement de
la population. Le défi auquel on fait face, c'est, oui, d'avoir création
d'emplois par les jeunes qui vont sortir de
nos écoles, mais il y a également des gens qui vont partir à la retraite qui
vont devoir être remplacés. Alors, il
y a deux, trois solutions. C'est les gens qui sont déjà dans l'entreprise qui
vont développer de nouvelles connaissances et qui vont développer des
nouveaux marchés.
Mais une
chose qu'on constate, c'est qu'il y a une mutation du secteur de la
main-d'oeuvre qui ne s'arrêtera pas et
qui est en... pas en mutation mais qui est en perpétuelle dynamique. Ce que je veux
dire par là, c'est que les choses sont en train de changer, et on
s'adapte de ce côté-là, mais les besoins primaires, que ce soit au niveau de la
soudure... Par exemple, il y a une pénurie
de main-d'oeuvre dans la soudure, et donc il faut trouver des solutions pour
pouvoir attirer des jeunes. Une des
préoccupations qui existent, pour devenir soudeur, c'est la qualité de vie,
c'est également l'organisation du travail.
Donc, c'est plus large que strictement les compétences, c'est également relié à
l'organisation du travail et de voir comment est-ce qu'on peut combler
les départs à la retraite ou les gens qui vont... par les nouveaux
développements qui se font.
Puis j'ai en
tête... Je visitais la semaine dernière une entreprise dans l'aérospatiale. La
concurrence exige que les employés
soient dans un programme de formation continue. Donc, ils vont toujours
progresser dans leurs compétences, et c'est le défi auquel on fait face.
M.
Jolin-Barrette : Vous proposez, dans votre mémoire, de revoir la gouvernance
et notamment que la commission puisse
donner son avis sur la façon de gérer, la gouvernance, et le programme, et la
politique d'immigration. Pouvez-vous définir ce que vous entendez par
revoir la gouvernance?
M. Trahan (Jean-Luc)
: Bien,
je pense que dans le dépôt de cette politique-là il y a un besoin d'arrimage et
d'adéquation entre les besoins du marché du
travail... Et donc ce que l'on demande, c'est de pouvoir travailler,
continuer à travailler tel qu'on le fait en
ce moment, dans une dynamique où on a des objectifs précis d'adéquation. Et
est-ce que, de ce côté-là, on peut
s'assurer que les pénuries ou... — parce que nous, on ne parle pas
nécessairement de pénurie, on parle de rareté
de main-d'oeuvre — qu'on
puisse s'assurer que, dans les secteurs où il y a rareté de main-d'oeuvre, on
soit plus attentif à nos critères ou à nos préoccupations de ce côté-là?
Le Président (M. Picard) : En
20 secondes, M. le député.
M.
Jolin-Barrette : Bien, je tiens à vous remercier de votre présence à
la commission, c'est grandement apprécié. Merci.
Le Président (M. Picard) : Je
vous remercie pour votre exposé.
Et je vais suspendre quelques instants afin de
permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 29)
(Reprise à 16 h 34)
Le
Président (M. Picard) :
Nous allons reprendre nos travaux. Compte
tenu que le prochain témoin ne s'est
pas présenté, nous allons passer au dernier... qui s'est désisté ce matin. Et
nous avons fait des recherches pour avoir un autre témoin, puis ça n'a pas
fonctionné.
Donc, je me dois d'ajourner les travaux au jeudi
5 février 2015, à 9 h 30, afin de poursuivre notre mandat. Bonne
soirée à tous.
(Fin de la séance à 16 h 35)