(Neuf heures trente-cinq minutes)
Le
Président (M. Picard) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission des relations
avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La
commission est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur les documents intitulés Vers
une nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et
d'inclusion.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Richard (Duplessis) est remplacée par Mme Maltais (Taschereau);
M. Traversy (Terrebonne) est remplacé par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve);
et Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par M. Jolin-Barrette (Borduas).
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Ce matin, nous recevons le Centre multiethnique de Québec,
les Manufacturiers et exportateurs du Québec, le groupe Place aux jeunes
en région et finalement Mme Valérie Amireault, professeure à l'Université
du Québec à Montréal et spécialiste en intégration linguistique au Centre de
recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté.
Oui, M. le député de Bourget?
M.
Kotto : Puis-je me
permettre? Avant d'aller plus loin, je souhaiterais, compte tenu du nombre de
personnes et groupes qui sont passés
et affirmé qu'ils n'avaient pas été consultés préalablement à l'élaboration de
ce projet politique,
demander à la ministre de déposer, pour des
besoins de transparence, la liste des personnes qu'elle a consultées
préalablement à ça. Et, s'il y en a une deuxième, on aimerait l'avoir également. Et, par souci de transparence toujours, je souhaiterais que soit déposée
l'entente de confidentialité dont elle a parlé relativement à ces consultations
préalables.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Mme la ministre.
Mme Weil :
...on va en parler avec le leader, il y a toute... J'aimerais faire un commentaire.
Le Président (M.
Picard) : Oui, allez-y, Mme la ministre.
Mme
Weil : Honnêtement, de traiter nos invités comme il traite les invités, comme s'il y a
quelque chose d'opaque ou d'occulte, je trouve ça absolument
aberrant, aberrant.
Alors,
pour ma part, la consultation, oui, savez-vous que les ministres
parlent avec beaucoup de personnes pour préparer un document
comme ça, mais c'est surtout...
Une voix :
...
Mme
Weil : Non,
laissez-moi finir, laissez-moi finir. Le ministère de l'Immigration a
fait un travail sérieux. On a transmis
la liste et on va en parler avec les leaders. De toute façon, ils signent. Lorsque
les ministères... Il
y a d'ailleurs deux ex-ministres
ici. Lorsque les ministères préparent des documents de consultation, ils signent un document de... une
attestation de confidentialité. Mais tout ce
document, tout ce document est en consultation publique justement pour que
les gens puissent s'exprimer, c'est tout à
fait ouvert et transparent. Alors, le mot «transparent», la transparence, elle
est ici, dans une consultation
publique, c'est là. Alors, le travail que le ministère fait, justement, c'est
de préparer des orientations pour la
consultation, et c'est le résultat d'une réflexion réalisée par le personnel.
C'est des professionnels, hein, c'est des professionnels du ministère.
Mme
Maltais : ...réponse à notre question. Elle n'est pas une
question de leader, je suis leader moi-même ici. Les commissions parlementaires et les députés sont autonomes dans une
commission. La question posée par mon collègue, je crois, mérite une
réponse.
Ceci
dit, parlant de respect des gens qui viennent ici, hier le député de
Laval-des-Rapides, pendant qu'un groupe était ici, faisait des tweets où il commentait ce qui se passait de
façon plutôt désagréable pour les groupes. Ce qu'on fait, on doit le faire à visière levée, de façon
respectueuse. Alors, puisque la ministre parle de respect... Et les réseaux
sociaux sont un prolongement de nos travaux, je suis d'accord. Il faut
respecter tout le monde.
Maintenant, la
question est posée par mon collègue, elle demeure.
Le
Président (M. Picard) : ...comptez déposer les documents
demandés par le député de Bourget, oui ou non?
Mme Weil : ...c'est-à-dire
la liste des personnes qui ont été consultées ou ceux qui sont sous le sceau de
la confidentialité?
M. Kotto :
Les deux listes, M. le Président.
Le Président (M.
Picard) : Est-ce qu'il y a une liste?
Mme Weil :
Bien, il y a des gens, oui, que j'ai consultés, accompagnée par le ministère,
c'est sûr, mais moi, je n'ai pas la liste avec moi actuellement. Mais je n'ai
aucun problème à partager cette liste. C'est des gens que vous connaissez, c'est la société civile, c'est des
experts, c'est toutes sortes de personnes. Il n'y a personne là qui aurait
honte de dire qu'ils ont parlé avec la ministre, bien au contraire. Et,
l'autre liste, on l'a partagée avec vous.
Alors,
je ne comprends pas, vraiment pas le problème ici. Ce qui me dérange, c'est les
sous-entendus du député de l'opposition. Je ne comprends pas sa ligne de
pensée, sa réflexion.
Le
Président (M. Picard) : Mme la ministre, il faut faire
attention pour ne pas prêter d'intentions, s'il vous plaît.
Mme
Weil : Non, mais... Oui, mais, écoutez, tout le monde me pose
la question : Qu'est-ce que le député est en train d'insinuer? C'est tellement public et
ouvert, le processus, c'est tellement transparent! Moi, je n'ai aucun problème
à partager, c'est des gens extrêmement crédibles.
Une voix :
...
Mme Weil :
Bien, on l'a fait.
Mme
Maltais : Publiquement ici, en commission parlementaire,
déposé deux listes? Vous avez dit qu'il y avait deux listes.
Mme Weil :
Oui, tout à fait. Ça ne me dérange pas du tout...
Mme
Maltais :
Et déposer l'entente de confidentialité.
Mme
Weil : Bien, l'autre liste, on... Non, pas les personnes qui
étaient consultées, le contenu de... mais pas le... Ce n'est pas
confidentiel, les personnes, on a vous a donné la liste hier ou avant-hier.
M. Kotto :
M. le Président.
• (9 h 40) •
Le Président (M.
Picard) : M. le député de Bourget.
M. Kotto :
Je demande une chose simple. S'il n'y a aucun problème à l'effet de connaître
publiquement les personnes qui ont été
consultées préalablement à l'élaboration de ce document de consultation, la
ministre n'a aucune difficulté à nous
déposer les deux listes. Et nous aimerions, pour un souci de transparence,
avoir le dépôt de l'entente de confidentialité
dont elle a parlé parce que tout ceci, tous ces éléments nous permettront
d'avoir une vision holistique sur la démarche
du gouvernement relativement à ce projet politique, parce que, voyez-vous, dans
la mesure où nous pourrions voir clairement le profil...
Le
Président (M. Picard) : M. le député, vous avez fait la demande
d'avoir dépôt des listes. On ne peut pas obliger Mme la ministre à
déposer. Je lui demande si elle veut déposer.
Mme
Maltais : Oui, mais, M. le Président, la ministre vient de
dire : On agit en toute transparence. Nous savons qu'il y a eu des ententes de confidentialité
signées, ce que moi, à titre de ministre, je n'ai jamais vu, puis mon collègue
probablement non plus.
M. Kotto :
Jamais.
Mme
Maltais : Jamais. Jamais je n'ai fait signer des ententes de
confidentialité pour des rencontres. Alors, on demande de voir quel est
le modèle de l'entente de confidentialité. Qu'elle en dépose, c'est réglé.
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme la députée de Taschereau.
Je vais suspendre
pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à
9 h 42)
(Reprise à 9 h 43)
Le Président (M. Picard) : Mme
la ministre, je vous cède la parole.
Mme
Weil : Oui. Alors, on
va déposer la première liste. La deuxième,
on pourra... elle sera transmise, elle sera transmise, l'autre liste, parce que je ne l'ai pas en papier avec moi
actuellement. On va aussi transmettre, déposer l'entente, le modèle d'entente de confidentialité qui est signée
dans des cas comme ça, c'est-à-dire on prépare une politique puis on
consulte des experts, des chercheurs.
Document déposé
Le Président (M. Picard) :
Donc, ça va pour tous? Merci.
Auditions (suite)
Nous allons entreprendre nos travaux sur la
consultation en recevant le Centre multiethnique de Québec. J'invite les deux personnes à se présenter et à
faire votre exposé. Vous disposez de 10 minutes, et après ça il va y avoir
un échange avec les parlementaires. Allez-y.
Centre multiethnique de
Québec inc. (CMQ)
Mme
Béguerie (Corinne) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, M. le
Président, Mmes et MM. les députés, bonjour.
J'ai le privilège de vous présenter le mémoire du Centre multiethnique de
Québec aujourd'hui. Je suis Corinne
Béguerie, vice-présidente du conseil d'administration. Je remplace la
présidente, Marie-Claude Gilles, qui est souffrante et qui s'excuse de ne pouvoir venir. M'accompagne Dominique
Lachance, la directrice du Centre multiethnique.
Le centre a étudié avec intérêt les documents
pour les consultations particulières et auditions publiques de la Commission des relations avec les citoyens pour
une nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité
et d'inclusion, et nous vous remercions de
l'opportunité qui nous est offerte de vous communiquer nos commentaires.
Nos propos s'inscrivent aujourd'hui dans une
perspective dictée par notre mission, nous nous concentrerons ce matin sur
des problématiques et des thèmes en lien
avec notre expertise et notre expérience d'organisme oeuvrant dans l'accueil et l'installation des
réfugiés pris en charge par l'État notamment.
Historiquement, l'immigration de Québec est
intrinsèquement liée à une tradition
humanitaire qui fait écho aux valeurs
sociales de la population québécoise,
et il nous apparaît important de le rappeler ce matin. Le Centre multiethnique
oeuvre depuis 55 ans et a reçu du MIDI
le mandat exclusif d'accueillir, dans la région de Québec, les réfugiés pris en
charge par l'État.
Aujourd'hui,
la mission du centre est d'accueillir les immigrantes et les immigrants de
toutes catégories afin de faciliter
leur établissement, de soutenir leur adaptation et leur intégration à la
société québécoise afin de favoriser leur accès à de meilleures conditions socioéconomiques. Cette mission
s'accomplit par le biais d'interventions individuelles et en groupe et par la participation active à
différents comités. Le dynamisme du centre se reflète par les nombreux projets
qui ont vu le jour au fil des années, et
notamment la Clinique de santé des réfugiés et le projet d'hébergement
temporaire des Habitations du Centre
multiethnique. Le centre a développé une expertise reconnue par le milieu, et
ces 10 dernières années ont vu
les mandats confiés au centre augmenter et se bonifier grâce aux partenariats
et à l'effort d'arrimage des services aux besoins de la clientèle sans
cesse grandissante.
Nous avons
préparé plusieurs recommandations suite à l'étude des documents de la
consultation. Nous vous en présentons sept ce matin, pas parce que les autres
ne sont pas importantes mais parce qu'il faut faire des choix dans la
limite de temps imparti.
Un, construire sur ce que nous avons en commun
plutôt que mettre en relief nos différences. Pour répondre à l'enjeu d'une diversité inclusive permettant la
pleine participation par un engagement collectif et individuel, nous sommes
convaincus qu'il faut commencer par
valoriser les expériences positives et construire sur ce que nous savons en
commun plutôt que mettre en relief
nos différences. Comment? Par la création de lieux d'échange et d'espaces
communs pour des expériences
communes, par des initiatives comme le jumelage interculturel ou encore par la
médiation interculturelle. On parvient, avec ce type de projet, à
renforcer les liens sociaux, briser l'isolement et réduire les inégalités
vécues.
Deux,
préparer les milieux d'accueil en les informant et en les formant adéquatement.
Nous pensons qu'il faudrait mieux préparer les milieux d'accueil à
l'arrivée des personnes immigrantes avec une culture différente et des besoins variés, parfois inconnus ou mal connus au Québec.
Les intervenants de première ligne sont très démunis dans leurs interventions auprès des personnes immigrantes,
notamment auprès des réfugiés. Par exemple, ils ne sont pas suffisamment
informés des différences culturelles, des
nouveaux bassins de réfugiés, et sont confrontés à des réalités qui les
dépassent parfois en termes de
culture, de savoir-être et de problèmes de santé. De plus, ils se questionnent
sur l'efficacité de leurs interventions. Beaucoup de travail est fait
pour informer les immigrants sur leur nouvelle vie, mais on ne se place pas suffisamment
du côté des intervenants pour les outiller. Nous pensons qu'il faudrait leur
offrir des formations sur les enjeux de la
diversité culturelle, les informer des ressources à leur disposition et les outiller pour intervenir efficacement et adapter leurs pratiques. Ils devraient également
avoir accès à de l'information sur les différents réfugiés qui arrivent et
avec lesquels ils seront amenés à interagir.
Trois,
définir et formaliser le modèle interculturel et l'approche interculturelle. Il
serait intéressant d'avoir une définition
claire de ce que l'on entend par interculturalisme ou approche interculturelle
au Québec. Sur quoi se base-t-on? De quoi parle-t-on? Qu'est-ce qui en fait une
spécificité québécoise? Quels sont les principes reliés à
l'interculturalisme ou à l'approche
interculturelle, si ce sont deux choses différentes? Avec une définition
claire, il est plus facile de bâtir une
offre de formation et d'en évaluer les résultats. Cette approche et/ou ce
modèle devrait être enseigné non
seulement aux intervenants de première ligne, mais également
dans les entreprises et auprès des jeunes, à l'école, au cégep, à l'université. On dénombre actuellement trop peu de cours offerts à la relève
pour les préparer à cette réalité.
Quatre, consolider et
pérenniser la concertation et la collaboration intersectorielles. Dans la
région de la Capitale-Nationale, nous avons développé un modèle de concertation
et de collaboration multisectoriel qui rallie les différents acteurs socioéconomiques du milieu au-delà de leurs enjeux,
de leurs mandats et de leurs missions respectifs. Cela répond à des besoins spécifiques régionaux
autour de quatre pôles d'intervention que sont la mobilisation et la
concertation, la sensibilisation,
l'intégration sociale et économique, l'attraction et la promotion. Cette concertation
est organisée aujourd'hui par la
table de concertation en immigration
de la Capitale-Nationale de la CRE, et nous nous demandons qui va prendre
le relais avec la fermeture annoncée de la CRE au 31 mars.
• (9 h 50) •
Cinq,
reconnaître l'intervention et l'engagement communautaires. Également, avec la
fermeture annoncée des directions
régionales du MIDI, nous craignons le manque de reconnaissance de la
spécificité régionale par une direction centralisée à Montréal. Les organismes sont pleinement capables
d'assumer les plus grandes responsabilités qui leur sont confiées; cependant,
ils doivent pouvoir également récupérer la marge de manoeuvre nécessaire
à la réalisation de leurs mandats, notamment auprès de
certains partenaires ministériels, dans la considération du rôle qu'ils jouent
désormais auprès de ces instances. Nous
devons toutefois faire remarquer que, si les organismes assument des responsabilités de plus en plus importantes,
elles s'accompagnent d'une augmentation significative et chronophage de justification des
dépenses et de reddition de comptes.
Six,
évaluer les compétences des réfugiés et documenter leur intégration. La région
de la Capitale-Nationale est une des
destinations qui reçoit le plus de personnes réfugiées en première
installation, qui désirent se construire une stabilité tant sociale qu'économique. L'obtention d'un premier emploi s'avère un parcours
difficile. Nous proposons de documenter le parcours d'intégration des
réfugiés afin de mieux répondre à leurs besoins et de procéder à une évaluation
de leurs compétences pour leur offrir pendant la francisation la formation
technique nécessaire et les services adéquats à leur intégration en emploi. Nous devons prendre conscience que la
francisation actuelle n'est pas suffisante pour accéder à un emploi ou
s'y maintenir, elle doit être bonifiée et combinée à des expériences
d'insertion en entreprise.
Finalement, la
nécessité d'une masse critique de réfugiés pour répondre adéquatement et
efficacement à leurs besoins. Québec est la
plus importante destination des réfugiés pris en charge par l'État en termes de
nombre de personnes. Le Centre
multiethnique, oeuvrant auprès des personnes réfugiées depuis 55 ans, a
acquis une expertise dans leur accueil et
dans leur intégration. Si au cours des 10 dernières années la région
accueillait autour de 400 à 450 réfugiés par an, ces deux dernières années ont vu une baisse drastique
du nombre de réfugiés pris en charge par l'État, accueillis au Québec et donc à Québec. Nous souhaitons continuer à
recevoir un nombre suffisant de réfugiés pris en charge par l'État et mettre
à leur disposition notre expertise. La
diminution de ce nombre nous inquiète pour deux raisons, la première parce
qu'elle s'attaque à nos valeurs
d'accueil et de préoccupation de la situation dramatique de millions de
personnes expatriées dans des pays
moins nantis que le nôtre, en accueillir un certain nombre nous paraît répondre
à un devoir humanitaire auquel la population tient; la deuxième parce
qu'elle risque à moyen terme d'influer sur notre capacité de répondre aux besoins de cette clientèle. En effet, pour mettre
en place ou maintenir des programmes, il est indispensable d'avoir une masse critique les justifiant. Deux projets
majeurs ont été développés à Québec pour l'accueil et l'installation des
réfugiés au niveau de la santé et du logement : la Clinique de
santé des réfugiés et Les Habitations du Centre multiethnique.
Je vous remercie.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Alors, nous allons débuter la
période d'échange. Mme la ministre pour une période de
17 min 30 s.
Mme
Weil : Bonjour, Mme Lachance, Mme Béguerie. Bienvenue
à cette commission parlementaire, merci beaucoup d'être là. Vous avez beaucoup
d'expérience et vous êtes un partenaire de longue date du MIDI, évidemment, un partenaire incontournable, et j'ai beaucoup de questions,
mais je vais essayer de laisser aussi un peu de temps parce que j'ai un collègue qui voudrait aussi poser des questions,
parce que l'objectif de cette consultation, c'est, oui, regarder
comme vous l'avez fait exactement,
oui, des bonnes choses mais des problèmes, parce
qu'on ne peut pas avancer si on ne peut
pas bien analyser les... faire un diagnostic, si on veut, ce qui va bien, ce
qui ne va pas bien, comment moderniser nos façons de faire en matière d'intégration en emploi. Depuis deux jours,
on entend beaucoup de ces choses-là puis on essaie vraiment de demander aux gens qui ont des
expertises comme vous, qui êtes sur le terrain, des pistes d'action qui
pourraient être intéressantes, qui pourraient être gagnantes.
Et vous avez aussi
une expérience — et
on va commencer avec ça — avec
les trois catégories d'immigration, réfugiés,
regroupement familial et les travailleurs qualifiés, et, pour avoir des
solutions adaptées... Puis, comme vous le savez, c'est vraiment transversal, le ministère de l'Immigration. Nous,
on sélectionne, on a une bonne analyse, une bonne compréhension. On peut
amener une bonne compréhension à nos deux grands partenaires qui sont
Emploi-Québec, évidemment, le ministère de
l'Emploi et Éducation, je pense, c'est vraiment... c'est tout le monde qui a la
responsabilité de l'intégration mais dans les premiers pas, les
premières cinq années.
Commençons
par les réfugiés, je veux bien comprendre. Donc, oui, première destination.
Est-ce que, le volume, vous avez une
inquiétude par rapport au volume qui vous est destiné? Est-ce que vous aimeriez
mieux que le volume soit peut-être... qu'on oriente plus de volume
ailleurs ou...
Mme Lachance
(Dominique) : C'est-à-dire, si vous me permettez, depuis...
Mme Weil : De personnes, je
devrais dire. Excusez-moi, c'est terrible.
Mme
Lachance (Dominique) : De personnes, voilà. En fait, Québec a été
depuis longtemps la plus grosse destination,
et, bon an, mal an, annuellement on recevait, jusqu'à il y a quelques années,
entre 400 et 450 réfugiés. Ce n'étaient pas nécessairement les
prévisions, mais on dépassait toujours un petit peu les prévisions.
Depuis,
je dirais, deux ou trois ans, on remarque une diminution. Bon, c'est sûr qu'en
même temps on comprend que la diminution est provinciale, on l'a vu, et
on connaît aussi un petit peu les raisons. Cependant, on a développé, à travers...
grâce à l'accueil des réfugiés, je dirais, parce que l'accueil des réfugiés fait
en sorte... Souvent, c'est des populations
qui sont beaucoup plus éloignées de notre culture de base, alors il y a des
réactions, de la concertation et des actions
qui viennent par la suite. Donc, on a eu l'occasion et la chance, je dirais, de
créer des structures qui bénéficient à
l'ensemble des immigrants de la ville de Québec, grâce à la venue des réfugiés.
Donc, on a parlé tantôt... on a cité la Clinique de santé des réfugiés,
on a parlé... Vous aurez très certainement, on l'espère, l'occasion de venir
visiter nos nouveaux locaux où maintenant on
fait de l'hébergement, on a de l'intervention de proximité mais pour l'ensemble
de la communauté qu'on accueille.
Donc, notre crainte, c'est qu'on ait une
diminution de plus en plus importante des réfugiés. Et nous croyons à la
voie humanitaire, nous croyons à l'action
humanitaire du Centre multiethnique mais aussi du gouvernement du Québec par rapport à ses engagements internationaux, et ça
nous inquiète de voir que, depuis quelques années, effectivement, il y a une
baisse. On comprend que la responsabilité de la baisse n'est pas reliée nécessairement
au gouvernement du Québec, mais en même temps on aimerait bien que vous
puissiez être un levier pour porter les intentions des organisations
comme la nôtre auprès des partenaires fédéraux notamment.
Mme Weil : Oui, et je
comprends très bien ce que vous dites. Et d'ailleurs je l'ai remarqué moi-même,
l'expertise que vous avez et la fierté, je dirais, la région de Québec,
par rapport à l'approche, l'accueil, l'aide qu'on amène aux personnes réfugiées, et on est très ouverts à en
discuter avec vous. Comme vous le savez, le volume, sélection des réfugiés
pris en charge par l'État relève beaucoup
du gouvernement fédéral. On réitère toujours
notre volonté de faire notre part. On
a fait une annonce tout récemment concernant les réfugiés syriens, le gouvernement fédéral a déclaré, donc, que ce seraient 10 000 réfugiés syriens au cours des
10 prochaines années, dont 60 %... Il y a eu une erreur dans la
communication dans les médias, mais,
pour que vous le sachiez, si vous ne le savez pas, c'est 60 % qui seront
sélectionnés par l'État, et, nous,
c'est toujours... on prend notre part. Alors, on va en discuter
avec vous parce qu'il faut, oui, je suis d'accord, comment dire, prendre
avantage ou bénéficier de votre expertise.
Mais
j'aimerais vous amener, avant d'aller sur les travailleurs qualifiés... Les
parcours d'intégration en emploi, vous avez une expérience. Il y a la
francisation et l'intégration en emploi. Si on faisait les deux en même temps,
si on trouvait une façon... Pourriez-vous nous en parler pour alimenter notre
réflexion sur les pistes d'action gagnantes?
• (10 heures) •
Mme
Lachance (Dominique) : C'est-à-dire, c'est sûr que la francisation est importante, est nécessaire. Par
contre, ce qu'on s'aperçoit, notamment
pour les réfugiés, encore une fois, c'est qu'à la fin de la francisation il
manque souvent un levier pour que les
gens puissent avoir un accès à un emploi. Il y a eu des tentatives. Il y a
une méconnaissance, je pense, de
certains programmes, notamment de la francisation en entreprise, qui nous, nous
apparaîtrait tout à fait pertinente et intéressante pour l'ensemble
des catégories mais...
Je
vous cite une expérience qu'il y a eu l'année dernière avec un groupe de gens du
Bhoutan, où, les gens, il y a une entreprise
de Québec qui avait accueilli plusieurs personnes, même un
bon nombre de réfugiés bhoutanais avec l'intention d'offrir du support pour l'intégration, etc. Cependant,
la francisation en entreprise n'a pas été faite suffisamment rapidement
ou n'a pas été mise en place suffisamment rapidement, et les gens ont laissé leur emploi, sont
retournés sur l'aide sociale
et ont préféré retourner à la francisation de base, normale. On trouvait que
c'était dommage, parce que la francisation combinée
avec l'expérience en milieu de travail nous semble une voie gagnante pour les
réfugiés mais également pour d'autres catégories de personnes
immigrantes.
Mme
Weil : Et, juste pour
rester sur les réfugiés, dans le profil des réfugiés... Parce qu'on nous parle beaucoup de ça avec des gens qui ont vécu toute leur vie
dans des camps de réfugiés. D'ailleurs,
j'avais organisé, si vous voulez,
une consultation du ministère partout au Québec pour nous assurer qu'on
fournissait des services de santé, services sociaux adéquats. Est-ce
que vous le remarquez aussi dans les
réfugiés? Ou quel est le profil? Certains qui seraient formés, scolarisés,
d'autres non, et donc une nécessité d'adapter vos services vous-mêmes?
Mme
Lachance (Dominique) : Vous
savez, Mme Weil, la difficulté, c'est qu'on a peu d'information. Ce n'est
pas documenté, le profil des réfugiés. On
considère... D'ailleurs, c'est une
des recommandations qu'on fait, il faudrait davantage aller chercher l'information par des bases de données pour que
justement on puisse adapter les services. Il faut commencer par le
début, donc aller chercher l'information, parce que ces personnes-là sont
sélectionnées, bon, sont choisies... C'est
de l'aide humanitaire, on en convient, mais, au-delà de ça, c'est des gens qui
avaient de l'expérience de travail,
qui avaient des acquis, qui avaient des expériences d'études, etc., des
universitaires, des techniciens, bon, mais on n'a pas de documentation. Donc, il faut trouver des outils pour aller
chercher cette information-là, la transmettre par des organismes comme le nôtre qui vont être en...
parce qu'on est à l'accueil, on est... Dès l'arrivée, on peut aller chercher
de l'information et la retransmettre aux ressources comme Emploi-Québec ou
autres qui vont pouvoir adapter leurs programmes aux fins d'intégration en
emploi de ces personnes-là.
Mme Weil :
...excellente suggestion, très, très, très aidante.
Maintenant, les travailleurs qualifiés — parce
que vous en avez aussi qui sont sélectionnés — des parcours à l'emploi, qu'est-ce
que vous recommandez? Francisation,
bon, comme vous le savez, le niveau de français est quand même élevé, maintenant, pour la sélection, mais francisation en milieu de
travail peut-être pour aller chercher le dernier bout qui manque, toutes vos idées là-dessus,
mais... Emploi, francisation, parcours d'emploi et francisation en même temps, quelles sont vos réflexions,
des pistes stratégiques, là, d'une intégration plus rapide?
Mme
Béguerie (Corinne) : C'est
sûr que nous, en termes de connaissance et d'expertise, on est plus sur les réfugiés
que sur les travailleurs qualifiés, puisqu'au centre multiethnique, même si on
les reçoit pour les premières démarches d'installation
depuis l'externalisation des services, ce sont des gens qu'on aide dans
l'accueil et l'installation, on ne les prépare pas pour l'intégration
économique.
Il
n'en reste pas moins que certains ont des niveaux de français qui ne sont pas
suffisants pour être embauchés par
les employeurs. Puis, je vous dirais, les employeurs sont assez frileux par
rapport à ça. Ici, à Québec, bon, moi, j'ai eu l'occasion de travailler sur d'autres projets. La première question des
employeurs, quand il s'agit de proposer des candidatures de travailleurs qualifiés, c'est : Est-ce qu'il parle
français? Ça fait que c'est une préoccupation des employeurs ici à
Québec. Et certaines des personnes immigrantes qui arrivent ici, bien, auraient
peut-être besoin d'avoir une francisation
plus adaptée à leur vocabulaire de travail, donc peut-être mieux faire
connaître le programme de francisation en
entreprise, parce que les entreprises ne sont pas tellement, tellement
informées de ce programme-là qui pourtant est vraiment très intéressant. Faire de la formation en entreprise en
français sur la langue du travail, sur le langage qui est utilisé dans
son travail, dans son métier, dans sa profession nous semble quelque chose de
fondamental...
Mme Weil :
Très bien, merci.
Mme
Béguerie (Corinne) : ...parce qu'on ne va pas travailler sur les
compétences de ces personnes-là, elles ont été sélectionnées parce qu'elles avaient l'expérience professionnelle.
Maintenant, c'est de travailler sur l'acquisition de la langue.
Mme
Weil : Oui. Et le niveau de français, donc, il y a plusieurs
mesures qui ont été prises ces dernières années pour rehausser le niveau
de français, mais c'est sûr que ça prend trois ans parfois avant que les gens
rentrent. Mais évidemment on a le souci de
tous ceux qui sont arrivés au Québec au fil des dernières années, donc, qui
auraient besoin de ce support, comme
vous dites, mais normalement, les prochaines années, on devrait voir parmi la
catégorie des travailleurs qualifiés des améliorations à l'entrée à ce niveau-là.
Mais ce que vous dites est quand même très, très, très pertinent.
Maintenant, j'aimerais aller sur... Rapidement, parce que j'ai un collègue qui a une question, l'interculturalisme,
j'ai trouvé ça vraiment
intéressant. Vous dites : Il y a lieu de mieux le définir et de le formaliser. Est-ce que
je pourrais vous entendre sur cette question? C'est...
Mme
Béguerie (Corinne) : C'est parce qu'on entend... on oppose l'interculturalisme québécois au multiculturalisme
canadien qui est une politique, qui est quelque
chose de formalisé. Est-ce que, l'interculturalisme, on pourrait le définir une bonne fois pour toutes pour que tout le monde parle de la même chose? C'est parce
qu'on peut enseigner
l'interculturalisme, on peut en
parler, on peut dire qu'on est dans une approche interculturelle, mais de ce
qu'on entend, nous, c'est que les gens ne
sont pas au fait de ce que c'est vraiment, l'interculturalisme, et définir une approche
interculturelle spécifiquement
québécoise, me semble-t-il.
Puis
on trouve intéressant aussi de sensibiliser les jeunes, les employeurs. À
l'école, là, il n'y a pas tellement de sensibilisation à la diversité culturelle. On fait évidemment
de l'information à l'école primaire, dans le cours d'éthique,
mais je vois... au cégep ou à l'université il y a très peu de programmes, de
cours qui, justement, forment à la diversité culturelle,
à l'interculturalisme. Les jeunes qui sont à l'école aujourd'hui, c'est ceux qui vont être sur le marché du travail bientôt, ce sont les futurs employeurs, ce sont
les futurs collègues des personnes immigrantes, ça fait que
ce serait bien de les former et de les informer sur ces réalités-là.
Mme
Weil : Très bien.
Je pense qu'avec le temps qu'il reste je céderais la parole à mon collègue
de D'Arcy-McGee.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Picard) : Il reste quatre minutes.
M.
Birnbaum : Quatre minutes.
Bon, merci, Mme Lachance, Mme Béguerie, pour votre présentation à la
fois très intéressante et stimulante.
Je retiens avec intérêt vos commentaires sur le perfectionnement du français
en milieu de travail. Pour avoir
travaillé il y a longtemps et pour longtemps à la restauration, ça m'a toujours
encouragé à... et ça m'a fasciné de
voir souvent mes collègues nouveaux arrivants maîtriser le français
de façon impressionnante et vite en milieu de
travail, alors... et je crois qu'il faut retenir cette idée-là.
Je
veux revenir à un autre thème de votre exposé. Quand vous parlez de
l'importance de sensibiliser les intervenants et intervenantes à mieux accueillir et aider à adapter les nouveaux
arrivants, je vous invite peut-être de nous parler de la problématique à cet
égard-là. Est-ce qu'on parle de faire comprendre aux nouveaux arrivants nos
enjeux, nos valeurs partagées démocratiques? Est-ce qu'on parle d'un accueil où
on peut les aider à comprendre qu'il y a de l'entraide autour d'eux pour les aider à s'intégrer? Je trouve ça
important de comprendre les genres de problématique que vous aurez vus
jusqu'à date et peut-être quelques solutions à cet égard.
Mme
Béguerie (Corinne) : Je vous dirais, on parle plutôt, là, des
intervenants plutôt que des personnes immigrantes. Les personnes immigrantes, dans les organismes qui
les accueillent, sont soutenues dans leur intégration, il y a certaines formations pour leur expliquer comment on va
chercher un emploi, comment on fait une entrevue, etc. Nous, on parlait plutôt des intervenants de première ligne,
l'infirmier, les psychoéducateurs, les gens qui sont dans les services de la
santé et des services sociaux qui
sont en interaction avec les personnes immigrantes et notamment avec les
réfugiés. Ces dernières années, ça a
été plutôt compliqué, pour ces gens-là, de s'adapter et d'adapter leurs outils
d'intervention parce que l'information
n'arrivait pas toujours jusqu'à eux en termes de, bien, qui sont les réfugiés
qui arrivent, d'où ils viennent, quels
sont leurs parcours, quelle est leur histoire. Je pense que, Dominique, tu es
d'accord avec ça, c'est bon de savoir d'où
viennent les personnes réfugiées avec lesquelles on doit intervenir, parce que
l'intervention ne sera pas la même avec un réfugié qui a passé 20 ans dans les camps puis un réfugié qui
fuit une capitale. Donc, c'est à ça qu'on dit : Il faudrait
peut-être mieux outiller les intervenants de première ligne, les policiers
aussi.
• (10 h 10) •
Mme
Lachance (Dominique) : J'irais jusqu'à dire que M. et Mme
Tout-le-monde également. C'est que, dans les organismes qui travaillent auprès des immigrants de façon générale,
souvent c'est des grosses bulles, les gens sont très sensibilisés, puis, moi, souvent, je fais des blagues, aussitôt
qu'on sort de la bulle, bien là on a un fossé qui se creuse. Et c'est dans la vraie vie que ça se passe et
c'est là où il faut travailler, je dirais, en amont, anticiper les
problématiques, agir avant que ça
devienne des réactions. Et je pense que la première ligne est effectivement la base même, dans les écoles, bon,
les milieux sociaux, etc., mais aussi on a parlé de création de lieux d'échange
et de prétextes pour former, sensibiliser la population à l'apport et l'enrichissement qu'apportent les
nouveaux arrivants à la société québécoise.
On n'en entend pas assez parler, sauf
des fois, là, il y a des petites campagnes. Il devrait y avoir des campagnes de
fond, il devrait y avoir un travail
qui se fait pour qu'on constate, qu'on comprenne que c'est important, que la
venue de ces gens-là est importante, on
en a besoin, et qu'ils apportent quelque chose de constructif à la société
québécoise. On n'en entend pas parler, jamais, jamais. On pourrait travailler de la même façon qu'il y a eu des
campagnes sur la violence ou sur l'alcool au volant, mais qu'il y ait quelque chose qui se fasse pour
convaincre M. et Mme Tout-le-monde que le voisin à côté, il a quelque chose
à lui apporter et en même temps, bien, valoriser les expériences communes.
C'est le b.
a.-ba, en fait, on revient toujours là-dessus. Je me revois en 2008, et on
répète toujours la même chose. Il faudrait peut-être les mener à terme
ou aller au-delà.
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Lachance. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Bourget.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Mme Lachance, Mme Béguerie, merci d'être là
et merci pour la contribution.
Votre
expertise a été louangée. Quelle est votre contribution tangible à l'élaboration
du document de consultation ici présent?
Mme Lachance (Dominique) : Notre...
Vous voulez dire...
M. Kotto : Avez-vous
contribué à l'élaboration du document de consultation sur la nouvelle
politique?
Mme Lachance (Dominique) : Notre
organisation, non.
M. Kotto : Non?
Mme
Lachance (Dominique) : Ce que j'ignore, par contre, c'est si notre
regroupement, la TCRI, a été, par ses membres,
impliqué là-dedans. Ça, je l'ignore. Si la TCRI a été impliquée, bien,
effectivement, par la force des choses, c'est notre regroupement, il
nous représente. Mais je ne peux pas vous répondre à ça, je ne le sais pas.
M. Kotto :
O.K. Pensez-vous que la spécificité du travail, l'originalité du travail que
vous faites dans la région de Québec
peut être traduite fidèlement dans le cadre d'une consultation préliminaire et
l'élaboration d'un tel document?
Mme Lachance (Dominique) : Bien,
écoutez, on se retrouve dans les termes parce qu'il y a certaines choses avec
lesquelles on est en accord, évidemment. C'est à nous, par le biais du mémoire
actuel, de préciser... Ce n'est pas nécessairement
une lecture régionale qu'on a dans le document. Par contre, à certains égards,
on est en accord avec les principes qui sont véhiculés. C'est dans
l'application qu'il va falloir voir si on va plus loin que des documents.
M. Kotto :
O.K. Vous parliez du concept d'interculturalisme et de la carence de contenu en
la matière pour bien partager, le
partager, le concept, avec les personnes que vous accompagnez. Vous devez avoir
un discours alternatif, dans ce
cas-là, depuis le nombre d'années que vous travaillez avec eux. Quel est...
Donnez-nous une idée de ce que vous leur dites pour les aiguiller, pour les aider à avancer dans la société
québécoise, à avancer et à grandir dans la société québécoise.
Mme
Lachance (Dominique) : Vous voulez dire les personnes qu'on rencontre
quotidiennement, comment on intervient, comment on interagit avec eux
pour les...
M. Kotto :
Quand vient le temps de leur faire comprendre que, voici, nous, au Québec, ça
fonctionne comme ça. Ailleurs, dans
le cas du multiculturalisme, par exemple, ça fonctionne différemment. En termes
de contenu, quels sont les éléments que vous leur exposez pour qu'ils saisissent bien
l'environnement dans lequel ils se trouvent, en l'occurrence le Québec?
Mme
Lachance (Dominique) : C'est-à-dire que nous travaillons avec des
êtres humains et on leur parle de valeurs humaines. On leur parle évidemment de la société dans laquelle ils sont
et vont s'inscrire, parce que c'est important qu'ils puissent être en accord avec les principes de
cette société-là s'ils veulent être parfaitement à l'aise, autonomes et être en
harmonie avec cette société-là.
D'emblée,
les gens qui arrivent, notamment les réfugiés, parce que c'est d'eux qu'on
parle aussi, quittent pour des
raisons, je vous dirais, très dramatiques la plupart du temps, hein? Les gens
ne choisissent pas nécessairement de venir s'installer, ils ont... Donc,
ils sont très reconnaissants, très heureux de vivre en sécurité et ils sont
très à l'écoute de ce qu'on a à leur
proposer, de ce qu'on a à leur définir. C'est à nous autres, par exemple, de leur présenter nos principes puis de leur présenter qui nous sommes. Ce n'est pas toujours
évident, dans les débats, d'avoir une image solide de qui nous sommes, je pense que c'est à définir aussi, mais, dans les
principes, dans les valeurs démocratiques, dans les valeurs de base, on
retrouve les gens et on a toujours un très grand plaisir d'échanger avec eux là-dessus.
M. Kotto :
O.K. Vous parliez tout à l'heure de la francisation et des dysfonctionnements
en milieu de travail, enfin, de
l'apprentissage en milieu de travail. Est-ce
que ce sont des dysfonctionnements
qui sont documentés? Vous les avez documentés?
Mme Lachance
(Dominique) : Non.
M. Kotto :
Non? Est-ce que vous avez fait des représentations auprès du bureau régional du
ministère ou au ministère directement de ces dysfonctionnements?
Mme
Lachance (Dominique) : C'est sûr que nous sommes maintenant... la
francisation, depuis quelques années, est
aussi centralisée à Montréal, ce qui fait que... Avant on avait nos bureaux.
C'est plus difficile de faire des doléances.
Il
y a quand même... On n'est pas prêts à dire qu'il y a une défaillance totale du
système de francisation. Ce qu'on dit, c'est qu'on aurait avantage à
bonifier la francisation pour qu'elle soit encore plus accessible, plus
efficace, parce qu'on se rend compte des
écueils que... Puis c'est relié aussi à certains bassins d'immigration.
Certaines personnes ont peut-être
plus de difficultés à apprendre le français que d'autres, ça dépend des
conditions dans lesquelles on arrive ici, etc.
Ce qui fait que, oui,
quand on constate les choses, on va en parler avec nos interfaces, mais, ne
faisant pas, nous-mêmes, de francisation, on n'a pas eu à documenter de façon
systématique les difficultés.
M.
Kotto : Est-ce que vous pouvez nous entretenir sur les impacts
de votre perspective des choses, des impacts anticipés relativement à la
fermeture du bureau régional du MIDI?
Mme Béguerie
(Corinne) : Pardon? De la fermeture de?
M. Kotto :
Du bureau régional.
Mme
Lachance (Dominique) : Depuis déjà deux ans, il y a quand même eu
l'externalisation des services qui nous
a confortés dans certains rôles, des responsabilités qu'on assume et qu'on
assume pleinement. C'est sûr qu'on aimerait avoir, à certains égards, la marge de manoeuvre nécessaire qui va avec
ces responsabilités-là. Cela dit, ce qu'on déplore dans la fermeture de
la direction régionale, c'est les pertes d'expertise, pertes de partenaires,
parce que c'étaient des partenaires. On
craint aussi la perte de spécificité, on l'a nommée tantôt, spécificité
régionale, parce que notre direction régionale était quand même porteuse
de nos particularités comme organisation, comme région, c'est clair.
Cela
dit, on va quand même fonctionner parce qu'on a toujours été assez
responsables, puis, vous l'avez dit, ça fait déjà 55 ans, on était là même avant les directions régionales,
mais notre crainte, c'est de voir un peu s'effriter... Bon, il y a les
directions régionales, mais il y a d'autres instances, on a parlé des CRE, les
agences, etc., ce qui fait qu'on a beaucoup
de partenaires qui vivent actuellement la même chose, et on se retrouve à
craindre que la concertation régionale soit
diluée, parce qu'on avait une concertation régionale intéressante, et
importante, et active, à Québec, qui regroupait plusieurs acteurs
socioéconomiques et qui étaient des... en tout cas la concertation était
porteuse de projets novateurs importants qui
ont donné des résultats. Je pense au Réseau des agents en milieu interculturel,
le RAMI. Je parle... Vous avez sans
doute entendu parler de la campagne de sensibilisation Du monde à connaître,
etc., plein de choses qui étaient nécessaires.
Donc,
la perte de la direction régionale, la crainte d'avoir une interface
montréalaise, là, qui connaît peu les réalités, on ne le sait pas encore exactement, on est là-dedans, là. Donc, on
anticipe des problématiques, mais en même temps on est là-dedans, là, ça ne fait pas assez longtemps
encore pour voir, mais c'est sûr qu'on craint la perte de la reconnaissance
régionale, je pense, c'est ça, même au
niveau des... Si vous me permettez, les cliniques de santé des réfugiés qui...
Québec a eu la première en 2007, et
j'exclus le PRAIDA, à Montréal, qui était différent, mais les nouvelles
cliniques de santé, les bilans de
santé des réfugiés où on avait développé des centres d'expertise. Québec était
un centre d'expertise, et on vient à
peine d'apprendre que le centre d'expertise, en fait, qui servait à aider les
autres régions à se structurer est recentré à Montréal. Donc, on voit beaucoup de choses se recadrer vers Montréal
et on se dit : Est-ce qu'on va nous imposer un modèle de clinique
de santé montréalais aussi? C'est ce qu'on attend; on ne le souhaite pas.
• (10 h 20) •
M.
Kotto : O.K. Dans vos recommandations, si je vous tendais la
perche à l'effet d'insister sur trois fondamentales, quelles
seraient-elles, relativement à tout le bilan que vous êtes en train de faire,
là?
Mme
Lachance (Dominique) : La reconnaissance régionale, donc d'abord, je dirais, un leadership, un comité national
ou provincial incluant les ressources communautaires
comme la nôtre qui va être en mesure
de consulter et de travailler aux
orientations, notamment de définir les bassins de réfugiés, les destinations,
tout ça; qu'on soit consultés, inclus
comme des partenaires à part entière au sein d'un comité provincial qui va
avoir un leadership mais qui va être viable et qui ne sera pas démantelé au bout de deux ans. Ça, c'est une première
recommandation. On a besoin d'être fixés sur des orientations et de
pouvoir y travailler, d'être consultés.
L'autre
chose : la concertation, la reconnaissance régionale est nécessaire, la
particularité régionale, et d'animer cette
concertation-là, de la maintenir pour qu'elle serve aussi de veille afin que
les sous retombent aussi dans la région.
Et je dirais
aussi, les réfugiés, les réfugiés pris en charge par l'État, le maintien, voire
le développement des cibles, des
niveaux et afin qu'on puisse, encore une fois, maintenir les services qui
servent à l'ensemble de la population immigrante.
M. Kotto : Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Lachance. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, je suis très content de vous voir. Dans un souci de transparence, j'aimerais informer mon collègue le député de Bourget
que j'ai rencontré le centre au mois de septembre.
Donc, je
souhaitais savoir, pour vous, avec la clientèle que vous traitez, combien de
temps ça prend pour que... Parce que
vous traitez... la majorité de votre clientèle, ce sont des réfugiés. La
personne immigrante réfugiée que vous
accueillez au jour 1, combien de temps
ça prend pour qu'elle se sente pleinement intégrée, pleinement accueillie? C'est
quoi, son processus?
Mme
Lachance (Dominique) : Ce
serait important de définir ce qu'est l'intégration, ça, c'est une
autre chose, premièrement, parce que... Est-ce qu'on parle
d'autonomie, d'adapter ou bien d'intégrer, de participer pleinement à la
société québécoise? Donc, c'est sûr que,
dépendant de la définition qu'on pourrait en faire, le temps varie, évidemment.
Ce que je
dirais, c'est que les gens sont rapidement, enfin, fonctionnels dans la société
québécoise, société de Québec particulièrement.
Par contre... Et c'est encore une fois la question de la francisation. La
langue est tellement importante. Elle
est porteuse de la culture, d'une part, mais porteuse des savoir-faire, donc
c'est sûr que... Puis à Québec la problématique de vendre la francisation ne se pose pas parce que les gens veulent
apprendre le français, parce qu'ils savent qu'ils doivent se débrouiller. C'est en même temps la beauté de
la chose et la complexité, c'est que c'est nécessaire de vivre en... d'avoir
le français. Donc, dépendant de la rapidité
à laquelle ils vont apprendre le français, bien l'autonomie et tout ce qui
s'ensuit, la recherche d'emploi, va suivre aussi. Mais, mon Dieu, il y a...
Une voix : ...
Mme Lachance (Dominique) : Non,
c'est ça.
M. Jolin-Barrette : Excusez-moi?
Mme
Béguerie (Corinne) : Il n'y a pas de parcours type ou de durée type
pour dire : Bien, les réfugiés vont mettre un an, deux ans, trois ans à s'installer dans la société, puis ça dépend
aussi d'où ils viennent. Vous savez, quelqu'un qui a passé 20 ans dans un camp de réfugiés
s'adaptera, s'installera et atterrira certainement moins rapidement qu'un
réfugié qui est hautement scolarisé puis qui vient d'une grande ville, donc qui
a déjà des repères et qui va s'adapter peut-être plus rapidement, où,
là, lui, il aura peut-être plus à se concentrer sur l'apprentissage de la
langue.
M.
Jolin-Barrette : À la
page 2 de votre mémoire, vous traitez de la question
de l'utilisation des personnes-relais. Est-ce que
c'est en lien avec l'intégration? Comment définissez-vous les personnes-relais?
Puis c'est quoi, l'apport de ces personnes-là?
Mme
Lachance (Dominique) : Les
personnes-relais, ça, c'est un projet qui avait eu lieu en Europe il y a quelques
années et que nous, on a essayé de
reproduire en 1998, je crois. En fait, c'est d'avoir des leaders naturels dans
les communautés qui
vont être des pivots au niveau de la transmission d'information, des connaissances, voire des principes d'intégration. Donc, ça peut être des interprètes, mais ça peut être tout simplement des leaders — évidemment des leaders positifs — qui
sont reconnus de la communauté mais aussi reconnus par les intervenants.
Donc, c'est
ça, les personnes-relais. Donc, ce sont des gens à qui on relaie l'information et certaines responsabilités, même.
M. Jolin-Barrette : Et ces
personnes-là sont en charge de la médiation interculturelle parfois?
Mme
Lachance (Dominique) : Bien,
sont en charge... Elles peuvent travailler à certains aspects de la médiation
interculturelle, effectivement.
M.
Jolin-Barrette : Également, à la page 6 de votre mémoire, vous traitez
de la question de la reddition de comptes, que vous qualifiez d'imposante pour le réseau communautaire. Comment ça se traduit dans votre
quotidien?
Mme Lachance
(Dominique) : Bien, c'est sûr qu'on comprend très bien que de plus en
plus il y a un apport important, il y a une vérification nécessaire qui doit
être faite. C'est des argents publics, les subventions.
Cependant,
puis c'est vraiment majeur, on voit un alourdissement des procédures
administratives, notamment de la
reddition de comptes, on est ensevelis sous la masse de papier. On doit
justifier tout, ce qui est normal en soi, mais ça devient de plus en plus lourd et complexifié, ce qui fait que, le
temps qu'on prend à faire ça, bien on a l'impression qu'on ne le met pas sur nos priorités qui sont
travailler avec les personnes, même si on comprend très bien qu'il faut le
faire. Mais, depuis quelques années, on voit
vraiment un alourdissement des demandes de justification et de tout ce qui
est... de formulaires, puis c'est tous ministères, je dirais, confondus, là,
c'est vraiment...
M.
Jolin-Barrette : Donc, ça, ce sont des exigences du ministère de
l'Immigration pour la reddition de comptes?
Mme
Lachance (Dominique) : Bien, je dirais que c'est tout le monde, là, je
ne pense pas que ce soit uniquement au niveau du ministère de
l'Immigration, mais c'est de plus en plus lourd, les papiers pour faire des
demandes de subvention, bon, pour justifier,
puis on a de moins en moins de récurrence. On demande aussi beaucoup, beaucoup
de concertation, ce qui est normal, mais ça demande encore beaucoup plus
d'exercices de voltige pour arriver à avoir le financement nécessaire à donner
nos services, finalement.
M.
Jolin-Barrette : Donc, durant ce temps-là, vous ne priorisez pas les
services à votre population réfugiée. Mais, en termes de ressources humaines, pour vous, là, la question
administrative, combien de ressources devez-vous dégager pour remplir
tout l'aspect administratif?
Mme
Lachance (Dominique) : Bien, on est au moins... je vais dire au moins
quatre, quatre pas à temps plein, là, mais
quatre qui travaillons sur la reddition de comptes, sur la gestion de la base
de données, tout ce qui est nécessaire. On a une base de données avec le
ministère, depuis quelques années, qui nous en a fait voir de toutes les
couleurs.
Mais
on comprend qu'en même temps c'est pour optimiser les services, mais en même
temps ça fait beaucoup de choses, là, c'est lourd.
M. Jolin-Barrette :
Au Centre multiethnique, vous avez... dans votre mémoire vous indiquez
25 employés permanents. Donc, c'est environ le 1/5 de vos ressources qui
est destiné à des tâches administratives?
Mme Lachance
(Dominique) : C'est pas mal ça, oui.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Vous avez abordé la question de la...
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette : ... — rapidement — la
baisse drastique des volumes d'immigration au niveau des réfugiés.
Pouvez-vous élaborer? C'est en raison de la compétence fédérale dans ce
domaine?
Mme
Lachance (Dominique) : Bien,
en fait, c'est sûr qu'on n'est pas les seuls à avoir été touchés depuis deux
ans. Nous autres, on a reçu... puis l'ensemble
des organismes aussi ont reçu la moitié moins de réfugiés. C'étaient des choses
attendues, qui nous avaient été expliquées,
considérations internationales, notamment ce qui se passe en Syrie fait en sorte que... le ministère pourrait probablement
l'expliquer mieux que moi, mais le pourquoi les bassins ont été atteints.
On
espère que ça soit redressé. Déjà cet automne, on voyait quand même une
progression, mais on a toujours une crainte qu'on...
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme Lachance. Merci
beaucoup. Je vous remercie pour votre présentation.
Je vais suspendre quelques instants pour permettre
au prochain groupe de prendre place, le prochain groupe qui sera
Manufacturiers et exportateurs du Québec.
(Suspension de la séance à 10
h 30)
(Reprise à 10 h 33)
Le
Président (M. Picard) :
Nous allons reprendre. Donc, nous recevons le groupe Manufacturiers et
exportateurs du Québec.
Je vais vous demander de vous présenter et de faire votre présentation, d'une
durée maximale de 10 minutes. La parole est à vous.
Manufacturiers
et exportateurs du Québec (MEQ)
M. Tétrault
(Éric) : Merci beaucoup. Bonjour à tous. Mon nom est Éric Tétrault, je
suis le président des Manufacturiers et
exportateurs du Québec. À ma gauche, Mme Audrey Azoulay, qui est
directrice des affaires gouvernementales et des affaires corporatives
avec nous à l'association.
Manufacturiers et
exportateurs du Québec, nous sommes l'organisme, l'association d'affaires qui
représente directement l'industrie et plus particulièrement le secteur manufacturier. Vous comprendrez que
c'est dans cette optique, c'est dans ce contexte que nous allons nous
exprimer aujourd'hui sur le sujet.
Vous verrez d'entrée
de jeu que le titre qu'on a donné à notre présentation n'est pas anodin. Nous
disons que l'adéquation formation-emploi
doit être au coeur de l'intégration économique,
donc évidemment au coeur des politiques d'immigration et des choix que
le gouvernement du Québec s'apprête à faire en la matière.
Permettez-moi,
M. le Président, de dire d'entrée de jeu que nous considérons que le Québec est
sur la bonne voie. Ce que nous disons
simplement aujourd'hui, c'est que le Québec doit aller un peu plus loin et un
peu plus vite. À la lumière des
résultats, des chiffres, des sondages que nous faisons auprès de nos membres,
auprès de l'entreprise, et à la lecture que nous faisons des indicateurs économiques, principaux indicateurs
économiques du secteur manufacturier, il est clair que nous manquons d'employés qualifiés dans le
secteur manufacturier et que cette question-là de la main-d'oeuvre, de la
qualification de la main-d'oeuvre est
directement liée à la performance économique du Québec, surtout à un moment où
la carte géopolitique canadienne va
être sensiblement modifiée, au moins cette année et au moins pour l'an
prochain, pour s'aligner peut-être
davantage sur des politiques économiques canadiennes qui seront davantage dans
les intérêts du Québec et de
l'Ontario. Ce que je veux dire par là, c'est que le secteur manufacturier aura
un rôle à jouer dans la productivité, l'innovation, ce qui fera la force
économique du Québec dans les prochaines années.
Nous représentons donc, je le disais, les
industriels, les exportateurs québécois. Nous avons à l'heure actuelle près de 400
membres, c'est une augmentation de près de 80 dans les derniers mois, et nous
sommes un groupe en pleine expansion. Vous
comprendrez que les prochaines années s'avèrent... enfin, les perspectives sont
bonnes en raison de la chute du
dollar canadien, de la reprise plus vigoureuse aux États-Unis
qu'on attendait et également de la chute des prix du pétrole, qui fait chuter les coûts de
production, les coûts de transport, les coûts de livraison de nos entreprises.
Tout ça fait en sorte que le Québec
devrait connaître de bonnes années en matière d'exportation dans les prochaines
années.
Mais,
dans le contexte d'un vieillissement de la main-d'oeuvre et dans la
situation actuelle des finances publiques, l'enjeu de l'immigration est directement dans celui du dynamisme du
marché du travail, et cette politique-là doit, pour nous, permettre la croissance des taux d'activité,
s'assurer du maintien ou de la progression du taux d'emploi. Il faut donc, pour
nous, comme je le disais d'entrée de jeu, augmenter le bassin de travailleurs
qualifiés, s'assurer de la meilleure adéquation possible entre les
qualifications et les besoins des employeurs.
J'attire
votre attention sur le fait que la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée
n'épargne aucun secteur, bien sûr, mais que
ce sont les entreprises manufacturières qui sont celles qui éprouvent le plus
de difficultés. Et ça, c'est dû au fait de la spécificité, bien sûr, et
de la technicité des compétences, des qualifications recherchées, le
recrutement qui est plus difficile, qui est
contraint par une localisation en région pour les entreprises, une attractivité
activité de moins en moins évidente du côté des étudiants et des jeunes
travailleurs, malheureusement.
Et
donc la première recommandation qu'on fait, elle est très générale, elle est
très vaste, et je suppose qu'elle va aller chercher l'unanimité, c'est
que la politique d'immigration accorde au secteur manufacturier et à
l'industrie une attention particulière. Nos recommandations se concentreront
donc sur les questions relatives à cette sélection des immigrants économiques et à l'adéquation de leurs qualifications aux
besoins des entreprises manufacturières et exportatrices.
Nous
sommes, M. le Président, membres du comité des intervenants économiques
du MIDI, nous sommes bien placés pour mesurer les efforts, la qualité
des dispositifs mis en place par le ministère. La réussite économique des immigrants, c'est une priorité qui ressort
clairement des différentes initiatives auxquelles nous prenons part et que nous
discutons autour de la table. Ces
dispositifs-là peuvent néanmoins être renforcés, doivent être approfondis, pour
nous, et nous apparaissent
relativement complets, malgré tout. De la sélection des candidats à
l'immigration à leur pleine intégration, les mesures s'appliquent à offrir, donc, l'ensemble des services
nécessaires, ça va bien de ce côté-là, mais je vous rappelle notre titre. Ça va bien, mais nous devons aller
plus loin et plus vite maintenant, nous avons une fenêtre d'opportunité et nous
avons même une obligation de renforcer notre secteur manufacturier.
Donc,
le Québec est dans la bonne direction, est en bonne
disposition pour prendre en main ces nouveaux enjeux là et les nouvelles réalités de l'immigration, voilà,
mais, si ces orientations-là vont dans le bon sens, nous considérons que
l'ampleur des enjeux démographiques, la particularité francophone du Québec
dans un contexte nord-américain, les nouvelles
réalités des entreprises et leur besoin de s'adapter à un environnement qui
demeure instable nous obligent donc à
vous dire que, dans l'application de cette politique sur l'immigration, nous
voulons émettre un ensemble d'avis et de recommandations qui concernent d'abord le volume d'immigration; deuxièmement, les qualifications; troisièmement,
les exigences linguistiques; et, quatrièmement, les gens d'affaires et les étudiants étrangers. Ce qui nous donne à
penser, M. le Président, que l'augmentation du volume d'immigration nous
apparaît comme une nécessité, nous apparaît comme une évidence et une
nécessité, de notre point de vue à nous.
L'enjeu,
comme je le disais d'entrée de jeu, l'enjeu, ça concerne directement notre
potentiel économique, et notre productivité,
et l'innovation qui sera au coeur de cette productivité-là dans les prochaines
années. Nous avons une moyenne annuelle
de 50 000 immigrants. C'est un apport qui est suffisant, mais tout
juste suffisant pour éviter le déclin démographique. Notre capacité à accueillir davantage d'immigrants
dépendra, bien sûr, de nos ressources et des possibilités d'emploi.
La politique sera donc liée à la
dynamique de création de richesse, et il faut convenir que cette politique-là
devra être la plus conforme possible aux priorités de développement
économique du Québec.
Le
document de consultation que nous avons lu rappelle les perspectives
démographiques du Québec. Même dans un scénario d'un volume plus élevé d'immigration, l'indice de
remplacement de la main-d'oeuvre va atteindre un creux historique en 2023. Les statistiques montrent
également qu'il faut dépasser un volume d'immigration de
70 000 personnes par année
pour limiter la baisse projetée de la population en âge de travailler. Alors
que le Québec accueille chaque année, comme
on le sait, une moyenne de 50 000 immigrants par année, cette capacité à intégrer
20 000 immigrants supplémentaires doit, bien
sûr, être vérifiée et doit être
organisée. Nous sommes très conscients qu'une accélération de l'immigration
est peut-être plus opportune à court, moyen terme qu'à moyen, long
terme.
• (10 h 40) •
Mme Azoulay (Audrey) : Alors, écoutez,
effectivement, pour faire une transition avec ce que vient de dire M. Tétrault, il y a véritablement un enjeu, là, de réduction de la population
active qui est imminent, et il ne faut pas négliger cet enjeu-là parce que c'est le potentiel
de notre économie qui... c'est la réduction même de notre potentiel
économique qui est en jeu. Alors, on est assez préoccupés de
cette question, étant donné, évidemment, le fait que notre association
est pleinement dédiée au développement économique.
J'aimerais quand même dire que, si le Québec
n'est pas capable d'accueillir davantage d'immigrants, il va évidemment falloir travailler sur la
qualification, sur l'adéquation avec les qualifications des immigrants. On sait
que le ministère de l'Immigration
travaille énormément là-dessus, mais je pense qu'il faut aller plus loin, et
c'est l'objet de certaines de nos recommandations.
Il convient
de préciser que la nécessité des entreprises québécoises d'aller chercher les
qualifications dont elles ont besoin
à l'étranger n'est pas indépendante d'une adéquation formation-emploi qui est
fort probablement insuffisante au
Québec. On a, comme le précisait M. Tétrault, une moyenne de
50 000 immigrants par année sur une population active de 5 millions d'habitants environ, et il
apparaît évident que les enjeux d'adéquation formation-emploi ne seront pas
simplement relevés par la seule sélection des immigrants. L'arrimage du
système d'éducation et de formation professionnelle et technique avec les besoins changeants et les nouvelles réalités des
entreprises est un enjeu qui est situé exactement sur la même ligne. Pour nous, l'adéquation des
qualifications des immigrants et le problème d'adéquation formation-emploi
ici, au Québec, qui est, en tout cas dans le
secteur manufacturier, très marqué, eh bien, ce sont des enjeux qui sont exactement sur la même ligne, parce que c'est bien
là notre capacité à intégrer une main-d'oeuvre dans une dynamique de
formation du capital humain dont il est question ici.
Pourquoi nous vous disons ça? Parce que, malgré
le fait que le ministère de l'Immigration fait énormément d'efforts pour
s'assurer de la bonne adéquation des immigrants, eh bien, il faut constater que
la diplomation en soi... Même s'il est
préférable de privilégier des immigrants diplômés, bien les entreprises
constatent que, malgré cette apparente bonne
adéquation sur la base de la formation, il est assez courant, même très
courant, d'après les petits sondages que nous avons faits, qu'il y a des
décalages au niveau des compétences comparativement aux promesses du diplôme.
Il y a un phénomène de surdiplomation
parfois qui peut paraître frustrant et pénaliser le succès de la politique sur
l'immigration.
On nous a fait
une recommandation, parmi nos membres, que nous trouvons très intéressante.
Nous recommandons que le système de
formation professionnelle et technique... Malheureusement, ce n'est pas la
seule recommandation qu'on aura à
faire pour aller vers une adéquation parfaite, mais ça nous semble une
possibilité assez réaliste et qui peut être très utile pour les entreprises. Notre association recommande donc que nous
développions un pôle de perfectionnement qui permettrait de mettre à
niveau les compétences, les habilités ou les savoir-faire qui sont nécessaires
à une meilleure intégration professionnelle des immigrants. Il y a toutes
sortes de compétences de base qui...
Le
Président (M. Picard) : Je dois vous interrompre parce que nous
sommes rendus à la période d'échange avec les parlementaires. Vous pourrez probablement rajouter ou clarifier
qu'est-ce qu'il vous restait à dire, tout simplement. Je cède la parole
à Mme la ministre.
Mme Weil :
Oui. Merci beaucoup, M. Tétrault, Mme Azoulay. Puis en effet vous
aurez l'occasion d'enrichir notre réflexion,
parce que vous avez beaucoup d'expérience. Et vous avez une expérience, un vécu
dans un domaine, dans un créneau absolument névralgique pour le
développement économique du Québec, ça, c'est évident, et vous avez des suggestions pour améliorer l'intégration en
emploi, l'adéquation, donc on va écouter vos propositions, vos recommandations
avec beaucoup d'attention, parce que
l'objectif de cette consultation, c'est d'aller plus loin et de faire mieux, de
réfléchir à ce qui... oui,
évidemment, ce qui va bien mais qu'est-ce qui ne va pas si bien, parce que
sinon ce ne serait pas si utile que ça, si on ne regarde pas les
meilleures façons de faire.
Je vais aller
sur, bon, l'importance de l'adéquation entre la sélection des travailleurs
qualifiés — on va
commencer évidemment à la sélection
des travailleurs qualifiés et le marché de l'emploi — et le nouveau système qu'on envisage à la
fin de cette année, qui va s'inspirer des meilleures pratiques qu'on voit dans
des systèmes comparables où ils sont allés
vers la déclaration d'intérêt, l'Australie, Nouvelle-Zélande et le Canada. Le Canada, c'est juste depuis le 1er janvier, mais, parce
que c'est quand même
des marchés de travail qui se ressemblent beaucoup, je pense
qu'on pourra beaucoup
apprendre. Et on veut aussi l'enrichir avec tout ce qu'on va dire et apprendre
ici, en commission parlementaire.
J'aimerais
savoir comment vous verrez le rôle, justement, des entreprises en amont, dynamiser le processus
de sélection, dynamiser l'adéquation.
D'ailleurs, on travaille beaucoup, c'est vrai, le dispositif. Et là on va encore plus loin, vous demandez d'aller encore plus loin pour intégrer nos façons de faire
et notre vision commune avec Emploi-Québec et ce qu'on fait. Et d'ailleurs la liste des domaines de formation avec les
bonnes perspectives vient d'être modifiée, justement, pour... qui tient compte de nouveaux facteurs.
Mais, pour revenir sur la déclaration d'intérêt, comment vous verriez ça,
que vous pourriez jouer un rôle pour nous
permettre de bien voir la réalité du marché puis des besoins en temps réel,
hein? C'est ça, la question, c'est de
rendre plus rapide le processus d'entrée au marché du travail des personnes
qu'on sélectionne.
M. Tétrault (Éric) :
D'abord, répondre de façon générale, nous, comme association d'affaires,
d'abord, nous sommes en contact
constant avec nos entreprises, nous les visitons souvent. D'ailleurs, hier,
j'ai eu l'occasion de visiter l'entreprise
Mega Brands, dans l'ouest de Montréal, qui est une entreprise, d'ailleurs, qui
est une des premières au Québec et
une des seules, au moment où on se parle, à ramener la production
manufacturière, d'ailleurs, ici au Québec, au Canada mais particulièrement au Québec, ils ont des
employés qui proviennent de 40 pays différents, 40 nationalités
différentes qui sont représentées au
sein de l'entreprise. Et ça devient un avantage concurrentiel très important
pour l'entreprise, qui exporte
98 % de sa production et qui s'apprête, dans le cadre du traité de
libre-échange entre le Canada et l'Europe, à envahir davantage le marché
européen contre son grand concurrent qui est LEGO, pour ne pas le nommer.
Tout
ça pour dire que nous avons l'intention, dans les prochains mois, de produire
ce qu'on appelle en bon français un
«position paper» mais... une position éditoriale assez ferme sur les besoins
spécifiques des entreprises pour chacun des secteurs d'emploi, pour
aider à la réflexion du gouvernement. On pense que l'un des rôles que doivent
jouer les associations d'affaires
aujourd'hui, outre de réagir publiquement aux politiques, c'est de nourrir le
discours pour alimenter et enrichir
la réflexion sur ces sujets-là. Nous aurons l'occasion d'en reparler, mais nous
avons l'intention, d'ici le mois d'avril, de publier une étude très concrète
sur les entreprises manufacturières du Québec et leurs besoins en adéquation
formation-emploi mais dans un contexte du
relèvement des seuils d'immigration au Québec. Il y en aura pour chacun,
évidemment, on n'est pas obligé d'être
d'accord avec nous sur la question du relèvement des seuils. Tout ce qu'on
souhaite, avec cette proposition-là,
c'est d'enrichir le débat d'ailleurs dès ce matin, mais il y aura quelque chose
de plus concret qui viendra.
Je ne sais pas si
Mme Azoulay veut ajouter des choses là-dessus.
Mme Azoulay (Audrey) : Simplement vous mentionner que nous avons
organisé très récemment un forum sur l'adéquation
formation-emploi et l'importance d'approches qui sont très terrain et d'une
relation constante avec le milieu de
l'éducation et de la formation, et la formation est ressortie du début jusqu'à
la fin de la journée. Alors, c'est à peu près la même approche que nous vous
proposons ici dans le cadre de l'adéquation d'une main-d'oeuvre
immigrante — ça reste
une main-d'oeuvre — et donc l'idée que, par exemple, les
entreprises avec des travailleurs temporaires qui ont déjà une première expérience... Et on sait qu'il y a des
facilités ici pour leur proposer une immigration... Alors, toutes ces mesures
qui passent déjà par une première expérience... ou alors vous organisez
également des Journées Québec, qui sont vraisemblablement
un succès. Est-ce qu'on pourrait avoir quelque chose particulier pour le
secteur manufacturier, dont les
compétences sont... oui, effectivement, les compétences, les technicités, la
particularité de ces métiers qui sont très réglementés parfois aussi, il y a des questions de sécurité. Nous, on a
un problème de pénurie de main-d'oeuvre qui est autre que celui des services, alors vraiment on a besoin de quelque
chose de très spécifique. Les entreprises ont besoin de vérifier l'expérience aussi. Un soudeur, je ne
sais pas si c'est les mêmes pratiques ici que dans l'aérospatiale, par exemple.
Alors, tout ça fait une grande différence sur la qualité de l'adéquation. Donc,
vraiment une approche terrain.
• (10 h 50) •
M.
Tétrault (Éric) : J'ajoute, Mme la ministre, pour revenir sur le cas
de Mega Brands, qu'ils n'ont pas beaucoup de problèmes de productivité parce que la plupart de leurs employés qui
sont des employés manuels sont des gens qui sont des infirmières, des avocats ou des médecins dans leur pays
d'origine et qui attendent une reconnaissance de leurs diplômes. C'est quand même assez unique de voir
ça. J'ai trouvé ça inventif, mais je n'ai pas trouvé ça tout à fait normal.
Et,
pour revenir sur la question de l'adéquation, on est ici pour se parler et pour
avoir une réflexion commune, pour ne rien vous cacher, dans le milieu on
appelle souvent ça aussi l'inadéquation formation-emploi, parce qu'on sait
qu'il y a beaucoup, beaucoup de ministères qui portent le dossier de l'emploi,
il y a énormément d'organismes, probablement
trop, qui distribuent les services de formation, etc. Et donc ce ne sera pas
une surprise, dans les prochains mois,
d'entendre les Manufacturiers et exportateurs du Québec appeler, je dirais, à
mettre un peu d'ordre dans la cabane, parce
que ça nous apparaît évident sur le terrain que beaucoup, beaucoup d'acteurs...
Et ça semble être un problème. Je ne veux
pas sortir du sujet, mais je pense que, lorsqu'on discute de la loi sur la
formation de la main-d'oeuvre, on n'est pas en mesure de savoir si les résultats qui ne sont pas satisfaisants à
notre égard à nous, là, le monde patronal... on n'est pas en mesure de savoir si c'est le bien-fondé de la loi
ou c'est son application qui fait problème. Alors, on a des vrais problèmes.
Mme
Weil : Et peut-être pour revenir sur les besoins en région,
parce que moi, quand je fais mes tournées ou je rencontre des
entreprises en région, la pénurie est vraiment aiguë, on le sent dans certains
secteurs, dans le secteur manufacturier en
particulier, mais évidemment il y a des Québécois, des Québécois de deuxième,
troisième génération aussi qui... Et
je sais que vous traitez de tout ce groupe-là, mais Emploi-Québec prévoit que
ce serait à peu près 16 % du besoin qui serait rempli par
l'immigration. Donc, c'est pour ça qu'on parle de ça, parce que l'immigration a
une contribution évidente pour répondre à ces besoins.
Maintenant, vous,
j'imaginais, vous regardez la même courbe que nous, on regarde. Les personnes
en âge de travailler, comparé à l'Ontario, comparé au Canada, comparé aux
États-Unis, on est les seuls à voir une chute, là, progressive, mais on s'en va
vers une chute au fil des prochaines années. Et ça vous inquiète, visiblement,
mais, si je comprends bien, vous le voyez, vous le vivez maintenant, vous le
remarquez déjà maintenant.
M. Tétrault
(Éric) : Je vais vous donner des exemples avec des chiffres. Il y a
une PME assez extraordinaire à Valleyfield
qui s'appelle le Groupe Meloche, qui font des composantes en aéronautique pour
des clients un peu partout dans le
monde, pour des gens en Arabie saoudite, d'ailleurs, soit dit en passant, et
ils ont récemment engagé six machinistes à Paris, ils sont allés dans un salon de l'emploi. Et j'ai trouvé ça
très inventif, mais je n'ai pas trouvé ça normal, hein, dans le Québec d'aujourd'hui, de forcer nos PME parmi les
plus productives à aller chercher de la main-d'oeuvre à l'étranger comme
ça, notamment à Paris, en France, six machinistes qui n'étaient pas disponibles
dans sa région.
Actuellement, il manque 11 électromécaniciens
en Beauce, il manque quatre soudeurs dans Kamouraska. Si on n'est pas capable de répondre à des questions
simples comme ça, c'est parce que le système ne fonctionne pas bien. Alors,
on ne fera pas que le questionner, on va
essayer d'enrichir le débat, mais, les chiffres, on les connaît, la situation,
on la connaît, et la réponse à votre question, Mme la ministre, c'est
oui, on le connaît dès maintenant, ce problème.
Mme
Weil : Je sais que mes collègues ont des questions, alors je
vais poser une autre... Les travailleurs qualifiés temporaires, personnellement, je trouve que c'est
une excellente, excellente voie pour l'immigration, autant les étudiants
étrangers. Et je ne pense pas qu'il faudrait
qu'on oublie les étudiants étrangers dans nos universités, parce qu'ils
viennent de partout, et ça vient
vraiment enrichir beaucoup, beaucoup, évidemment qui sont... il y a beaucoup de
Français, évidemment, de pays
francophones et qui ont cette fameuse expérience québécoise soit par
l'université soit par le travail. Et j'ai appris... Honnêtement, c'est mon sous-ministre qui m'a donné
un chiffre. En Nouvelle-Zélande, 85 % des travailleurs qualifiés viennent,
en Nouvelle-Zélande, de la voie temporaire, c'est-à-dire leur immigration
permanente est issue de la voie temporaire. C'est intéressant. Et nous, on voit
une croissance.
Vous,
juste vous entendre là-dessus, donc, pour vous, parce qu'on regarde les
orientations qu'on pourrait avoir plus
prochainement, là, peut-être au printemps, sur les orientations en immigration
pour la sélection, si vous voulez. Vous voyez ça comme une voie intéressante aussi, les travailleurs qualifiés?
On parle des qualifiés parce que, les non-qualifiés, comme vous le
savez, il y a des changements à venir. Mais vous le privilégiez aussi?
Mme Azoulay (Audrey) : Ou. Non, effectivement, c'est... D'abord,
lorsqu'ils sont embauchés par une entreprise, c'est nécessairement... ou en tout cas ce n'est pas toujours l'idéal en
termes de qualifications, mais c'est probablement parce que l'entreprise y trouve son compte. Donc,
c'est un modèle qui est évidemment flexible et pour l'entreprise et pour
l'immigrant qui n'est pas certain de...
enfin, le travailleur temporaire qui n'est pas nécessairement certain de
vouloir vivre ici. Souvent, c'est des expériences qui sont très
enrichissantes et pour eux et pour l'entreprise.
Donc, oui,
effectivement, on y voit, dans le modèle des travailleurs temporaires... Et je
crois que ça s'inscrit également dans une
tendance très mondiale d'une immigration qui n'est pas permanente, ça s'inscrit
dans le contexte de mondialisation. Et, quand on regarde les chiffres, on est très
timides au niveau des travailleurs temporaires au Québec. Alors, oui, je
crois qu'il faudrait aller plus loin là-dedans, surtout dans le secteur
manufacturier.
Le Président (M.
Picard) : Mme la ministre.
Mme Weil :
Combien il reste de minutes?
Le Président (M. Picard) :
Six minutes.
Mme
Weil : Ah! O.K. Donc,
j'ai le temps pour une autre question, parce
que... Nous, on a des sondages qui
nous indiquent, oui, l'intérêt des étudiants étrangers. Lorsqu'on leur
pose la question combien seraient intéressés à avoir la résidence permanente, un certificat de sélection du Québec,
c'est quand même très fort. Les derniers sondages que j'ai
vus, c'était à peu près 30 %.
Si
vous n'avez pas d'idée aujourd'hui, je vous demanderais de réfléchir à ça parce
que, pour nous, pour avoir des objectifs,
c'est important d'avoir une idée de l'intérêt des travailleurs qualifiés
temporaires qui pourraient être intéressés à la voie permanente, parce qu'il y aurait des actions à prendre pour le
faire connaître, le programme, parce qu'on nous dit que le programme PEQ n'est pas très connu puis qu'il y
aurait lieu, avec les entreprises, les employeurs, de mieux le faire
connaître. Je ne sais pas si vous avez une information à cet égard.
Mme Azoulay (Audrey) : À cet égard, ce que j'ai entendu au travers de la
petite consultation que j'ai faite auprès de nos membres avant de venir vous
rencontrer, c'est que beaucoup de programmes gouvernementaux sont mal connus en
général.
Mme Weil :
Je cède la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee, c'est à vous.
M.
Birnbaum : Merci, M. le Président. À mon tour de vous souhaiter la
bienvenue, M. Tétrault, Mme Azoulay. Dans le même souci de
transparence exprimé par mon collègue de Borduas, je tiens à admettre que j'ai
eu le plaisir d'assister au colloque dont on a parlé et même de prononcer un
discours devant ses membres.
Évidemment, on est
devant une politique qui se donne comme tâches plusieurs priorités, la
francisation, l'intégration, l'inclusion, et
aussi une exigence de répondre aux défis démographiques, ainsi que le défi
d'adéquation ou mésadéquation dont vous parlez, c'est une priorité pour
le gouvernement, ainsi que c'est une priorité d'apporter une plus grande
cohérence en ce qui a trait à l'offre de services en ce domaine-là, et vous
avez fait allusion à ça aussi.
Je
trouve très intéressant votre propos, et vous en avez parlé un petit peu, mais
je vous invite d'élaborer davantage sur
la page 3, où on parle de la suggestion de développer un pôle de
perfectionnement qui permettrait de mettre à niveau des compétences au sein du système québécois de la
formation professionnelle et technique. Je trouve cette suggestion très
intéressante parce qu'on parle de l'implication du monde de l'éducation ainsi
que le monde des entreprises pour apporter
son aide dans nos efforts d'une plus grande intégration des immigrants, et
surtout qu'on parle de la chose clé, c'est-à-dire l'emploi. Alors, je
vous invite d'en élaborer.
• (11 heures) •
Mme
Azoulay (Audrey) : Bien sûr.
Alors, écoutez, effectivement c'est une recommandation que nous a faite une entreprise en particulier mais qui répond à
des enjeux qui nous ont été partagés de manière assez générale. Comme on
le mentionnait, il y a un problème entre,
effectivement, les promesses du diplôme et les qualifications effectives.
Alors, je n'ai pas de chiffres, mais on nous le rappelle assez souvent
pour le reconnaître comme un enjeu.
Petite
expérience personnelle, d'ailleurs, si vous le permettez. Moi, j'ai étudié ici,
je viens de France, et je pense que,
si je n'avais pas étudié ici, ma conception de l'économie n'aurait pas du tout
correspondu à ce que je fais aujourd'hui pour le Québec, et je trouve ça assez intéressant, même pour quelque
chose d'assez général qu'est l'économie et assez universel dans la conception de le voir. C'est juste un exemple, mais je
l'ai vécue moi-même, cette réalité-là, alors je voulais le mentionner.
Mais donc c'est ça.
Et l'idée, ce
serait que ce serait un pôle, un pôle de formation qui permettrait de parler de
CSST, qui permettrait de parler de
machinerie de manière générale, de mettre à niveau des compétences techniques,
parfois peut-être même, pourquoi pas, au niveau des ingénieurs, parce que là
aussi il y a un enjeu, c'est à tous les niveaux de qualification qu'on le constate, et donc un pôle de mise à niveau qui
permettrait aux entreprises de faire beaucoup moins de travail personnel
alors qu'il pourrait être mutualisé dans un
exercice commun, là, des différentes entreprises. On nous a mentionné l'idée
que ces pôles pourraient être sectoriels, quelque chose de particulier à
l'aérospatiale, quelque chose de particulier à l'agroalimentaire. Mais ce n'est pas un détour inutile, ça nous ferait gagner énormément
de temps, y compris dans l'intégration économique des gens, qui sont
parfois qualifiés au niveau technique, professionnel, et qui finalement
finissent par faire quelque chose d'autre parce que certaines entreprises n'ont
pas le temps de faire cet exercice de mise à niveau général. Donc, il nous
semble que ça pourrait être une mesure assez productive.
Le Président (M. Picard) :
Merci.
M. Tétrault (Éric) : Si vous me
permettez, M. le Président...
Le Président (M. Picard) :
Oui, M. Tétrault.
M.
Tétrault (Éric) : En
complément de réponse, nous sommes conscients, comme association d'affaires, qu'il y a probablement un réflexe à casser chez les entreprises de toujours tout attendre du gouvernement. Il y a certainement une volonté chez elles de
prendre certaines choses en main, il se fait de plus en plus de formation
maison.
Évidemment,
il y a seulement les grandes entreprises qui peuvent le
faire à l'heure actuelle. Un de nos défis, c'est de rendre ces exercices-là de formation
à l'interne disponibles et le partage d'expertise au sein des PME et des
petites entreprises. Nous avons créé un réseau d'échange en octobre
dernier qui est extrêmement populaire, il y a près de 1 000 participants qui se sont inscrits, parce que les entrepreneurs
font d'abord confiance aux autres entrepreneurs, avant quiconque, pour
avoir une connaissance de ce qui se passe. Donc, il y a certainement beaucoup
de travail à faire avec les entreprises de
ce côté-là. Et on considère que ça fait partie du rôle et de la pédagogie qu'il
faut faire, comme association d'affaires, de parler aussi à nos entreprises et
de les inciter à partager les meilleures pratiques. Donc, il y a un terrain
fertile.
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. Tétrault. Je dois maintenant
céder la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto : Merci, M. le
Président. Madame monsieur, soyez les bienvenus et merci pour votre
contribution.
Je n'arrivais pas à identifier sur la liste des
personnes qui ont été consultées préalablement à l'élaboration du document en
consultation. Est-ce que quelqu'un de votre organisation y a contribué?
Mme Azoulay (Audrey) : Le document
de consultation?
M. Kotto :
Oui, le projet. Personne de votre organisation n'y a contribué au plan des
idées, des échanges? Non? O.K. C'est juste une question d'information.
Vous
dites... enfin, vous souhaitez voir les seuils augmentés de 60 000 à
70 000. Ça me fait un peu tiquer considérant déjà la difficulté que
nous avons à intégrer, disons, les seuils actuels, qui oscillent depuis
quelques années entre 45 000 et
55 000. Comment vous voyez ça? Parce que vous avez sans doute pris
connaissance du haut taux de chômage chez
les Québécois d'adoption à Montréal comparativement à Toronto, par exemple. Et,
quand bien même ceux-ci sont francophones,
à Toronto ils chôment moins qu'à Montréal. N'est-ce pas là une indication à
l'effet que, parce que l'économie est
à la base plus vigoureuse, en l'occurrence, à Toronto et qu'au Québec on traîne
de la patte, il y a des impacts de cet ordre-là? Mais passer de
50 000 à 60 000, voire 70 000, n'est-ce pas exagéré?
M.
Tétrault (Éric) : Nous avons simplement souhaité soulever une
réflexion là-dessus et nous admettons d'entrée de jeu que nous ne sommes
pas les spécialistes de la question. Il y a du quantitatif, il y a du
qualitatif là-dedans, et ça déborde
largement les cadres du secteur manufacturier. Lorsqu'on fait une proposition
comme celle-là, nous la faisons en
étant pleinement conscients que ça peut soulever un débat, mais nous le faisons
parce que nous regardons quels sont les résultats atteints de notre côté
du secteur manufacturier.
Or, de deux
choses l'une : ou on relève les
seuils à 70 000 et on s'assure de respecter les critères et les quotas
actuels de sélection des immigrants du Québec, ou alors on garde le chiffre
actuel de 50 000, mais on est
obligés de faire des choix et d'aller
chercher des immigrants, je dirais,
davantage de nature économique pour remplir les exigences du marché du travail au détriment d'autres critères, comme par
exemple la connaissance du français ou autre critère. Encore une fois, nous ne sommes pas des
spécialistes. Nous savons très bien par contre, même si nous oeuvrons dans le
secteur manufacturier, que le
développement économique et le développement social vont de pair, et donc, pour
nous, ça nous apparaissait plus logique d'augmenter les seuils et de
continuer, dans le cas du gouvernement du Québec, à accueillir autant d'immigrants de souche francophone qu'il le
peut pour faire une intégration harmonieuse dans la société québécoise. Ça nous apparaît moins discriminant à la longue
que d'abaisser les seuils pour aller chercher davantage d'immigrants de nature
économique.
Évidemment,
ça va de pair avec la capacité d'accueil des Québécois, cette capacité à
intégrer harmonieusement, inclure
dans sa société tous ces nouveaux arrivants. Là, encore une fois, c'est un
débat de spécialistes dont nous ne sommes pas. Nous avons simplement
voulu soulever une réflexion.
M.
Kotto : Mais que
faisons-nous alors, c'est une question que je pose, que faisons-nous
alors de celles et ceux qui, issus de
l'immigration récente, sont, comment dire, en marge du marché du travail actuellement? Ne
devrions-nous pas nous en occuper préalablement, avant de... Parce que
ça fait près de 500 000 immigrants qui sont entrés en une dizaine d'années au Québec, voyez-vous, et le taux
d'immigration relatif à... Certaines communautés spécifiques, que je ne
nommerai pas pour ne pas pousser dans la stigmatisation, souffrent de chômage
chronique. Pourquoi ne pas investir, développer des plans d'action, des plans
stratégiques pour les amener... pour les faire entrer afin d'occuper les postes
projetés, vacants?
M.
Tétrault (Éric) : Je suis
bien d'accord avec vous. Si on peut contribuer d'une façon ou
d'une autre à les intégrer davantage
au marché du travail, nous travaillerons de concert avec nos membres
pour le faire. Vous avez parfaitement raison.
Je
reprends mon exemple d'hier. Chez Mega Brands, il y a 3 000 emplois, 40 nationalités
différentes. Il y en a qui sont hyperqualifiés, mais il y en a qui ne le sont pas du tout, et on offre la chance à tous de travailler. S'il y a
moyen de travailler à des programmes économiques pour mieux intégrer
ceux qui sont déjà là, bien, tant mieux. Pourquoi pas?
M. Kotto :
O.K. Vous avez avancé l'idée que la réduction de la population active est
imminente. S'il y a des références d'études
sur la question, nous aimerions les avoir, parce qu'en 2007 on évoquait déjà cette possibilité, avec des emplois à combler à l'horizon 2014 qui étaient
évalués à 700 000, mais ce n'est jamais arrivé. C'est d'ailleurs à partir
de 2007 qu'on a augmenté les seuils
d'immigration, mais, au bout du compte, le bilan est plutôt... disons, inspire
le doute quant aux projections de cet
ordre-là. Est-ce que vous vous appuyez sur de nouvelles études pour défendre
cette assertion?
Mme Azoulay (Audrey) : Oui. Écoutez, les études dont on se base, c'est
celles de l'Institut de la
statistique du Québec et des prévisions qui sont faites en fonction des différents niveaux d'immigration. Alors, pourquoi nous avons soulevé cette question? Parce
que, même avec des seuils élevés à 70 000 immigrants par année, le taux
d'activité, selon les prévisions de
l'institut du Québec — peut-être qu'elles ne sont pas crédibles, mais il me semble que
c'est... enfin, en tout cas, nous, on
se fie à leurs prévisions — ils mentionnent que le taux d'activité est tout juste stable. Et
voilà. Et donc à 50 000 on baisse le taux... pardon, la population
en âge de travailler. Alors, pour nous, c'est évidemment un enjeu.
M.
Kotto : O.K. Et, dans d'autres représentations, il y a un
élément, je ne sais pas si c'est volontaire ou si vous y aviez pensé en
marge de l'élaboration de votre mémoire, nous avons une jeunesse, au Québec,
qui est... La semaine dernière encore, on en
évoquait la situation, ceux qui sont en train d'aller faire la file pour le bien-être
social. Nous avons une politique
familiale qui est en train de prendre le bord à cause de la saison d'austérité
que nous traversons.
Est-ce qu'il n'y a pas là d'autres pistes pour le long terme afin de ne pas toujours
focaliser sur les difficultés qui sont
les nôtres aujourd'hui en Occident en général? Parce qu'il y a une compétition en cours. Tout
le monde court après des
immigrants qualifiés, tout le monde court après des immigrants qui ont été
formés dans d'autres pays, donc des immigrants
sur qui on n'a pas investi grand-chose, en fait, en somme, c'est de l'exode de
cerveaux aussi qu'on voit de ce côté-là. Alors, pourquoi ne pas trouver un équilibre entre une politique
d'immigration, disons, équitable et une politique familiale, voire de natalité, au Québec, dans une
perspective de long terme, pas de court terme?
• (11 h 10) •
M.
Tétrault (Éric) : Je ne sais
pas si j'ai bien saisi votre question, mais, enfin, nous avons fait part de
notre position davantage lors des
discussions qu'on a avec le gouvernement sur la question de l'adéquation formation et emploi, sur ces questions-là. Sur le fond,
vous avez parfaitement raison, puis je pense que tout le monde peut s'entendre
là-dessus.
Et d'ailleurs, pour ce qui est d'intégrer les gens qui sont au
chômage actuellement, nous considérons que le Québec n'en
fait pas davantage. Quand on voyage à travers le Canada
ou à travers le monde, on se rend compte qu'ils sont bien plus avancés que nous. Pour ce qui est des
usines-écoles, par exemple, à Hamilton il y a le collège Mohawk que
j'ai visité, qui est probablement la référence en la matière. Il en faut
davantage au Québec.
Bien sûr que ça va de
pair avec un investissement massif pour intégrer davantage la main-d'oeuvre
actuelle. Nous avons choisi de concentrer
nos propos sur la question de l'immigration ce matin, mais nous sommes très
heureux de venir participer à toute discussion sur ce sujet-là, comptez
sur notre participation, c'est évident. Et d'ailleurs les entreprises elles-mêmes
en sont fort conscientes, soit dit en passant.
Le Président (M.
Picard) : M. le député, il reste une minute.
M. Kotto : Une minute pour
vous remercier pour votre contribution, parce que ce que vous apportez comme arguments vient en opposition avec d'autres
thèses d'autres personnes qui vont ont précédés ou qui viendront par la suite,
mais il nous appartient de trouver un équilibre dans tout ça.
M.
Tétrault (Éric) : ...présenter le portrait le plus juste possible du
secteur manufacturier et de ses besoins.
M. Kotto :
Merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Madame monsieur, bonjour. Je comprends très bien
votre position au niveau des besoins du marché, de votre clientèle, de vos
membres, en fait. Et, avec les besoins, vous voyez une ressource
possible en matière... pour les nouveaux arrivants qui souhaitent intégrer le
marché du travail.
Au niveau des volumes
suggérés, vous disiez, bon : On est en faveur d'une hausse, mais cette
hausse-là serait bénéfique pour l'économie
du Québec si on prend pour acquis que les immigrants qui arrivent s'intègrent
dès le jour 1 de leur arrivée, c'est un peu dans cette
perspective-là.
Mme Azoulay (Audrey) : Je ne crois pas que le jour 1 ils seront...
enfin, je veux dire, il faut voir le système de l'immigration, le système de formation, le modèle social dans une
approche dynamique. On a besoin d'immigrants au Québec parce que sinon notre population diminue et on a besoin
d'immigrants au Québec pour intégrer le Québec dans une dynamique
internationale.
M.
Jolin-Barrette : Mais, à titre d'exemple, tout à l'heure vous
mentionniez, en nommant certaines régions, qu'il manquait des soudeurs à Kamouraska ou tout ça. Mais est-ce qu'on... Je
comprends que vous souhaitez faire le lien entre l'immigrant et le marché du travail, mais ça ne veut pas dire, parce
qu'il manque quatre soudeurs à Kamouraska, qu'automatiquement
l'immigration... les nouveaux arrivants vont pouvoir directement occuper cet
emploi.
M.
Tétrault (Éric) : Non, effectivement. Et c'était un exemple parmi tant d'autres. Dans le cas de Kamouraska,
d'ailleurs, ce serait probablement plus intelligent de compter sur la commission
scolaire locale puis d'inciter les entrepreneurs
à faire partie du cursus et à être là au début, lorsque les choix se font. Parce que
le problème qu'on vit dans le milieu
des affaires, c'est que, lorsqu'on a besoin de ces quatre soudeurs-là, c'est maintenant.
Alors, si on n'était pas autour de la
table deux ans avant pour faire part des besoins, et il y a
de la pénurie à venir, c'est sûr que c'est un problème. Là-dessus, les entreprises
vont faire leur bout de chemin.
C'est
évident qu'on ne suggère pas d'aller chercher quatre soudeurs à l'étranger pour
pallier à cette lacune-là, à cette
pénurie-là de soudeurs dans Kamouraska, pour reprendre notre exemple.
Néanmoins, dans la plupart des secteurs, on voit qu'au Québec il n'y
aura pas suffisamment... Si on suit la courbe, actuellement, des inscriptions à l'école, le ratio de
ceux qui s'inscrivent à l'université et ceux qui décident sciemment de ne pas
choisir des carrières dans le secteur manufacturier,
on voit bien que, si on n'a pas d'immigrants qualifiés, on ne réussira pas à
combler nos lacunes, nos pénuries de main-d'oeuvre dans le secteur
manufacturier.
Il y a
une réalité au Québec qu'on essaie d'exprimer, nous, dans nos positions
publiques, qui est que, depuis les années 60,
depuis que le Québec s'est doté d'un système d'éducation moderne, on a bien voulu dire à tout le monde que la seule façon d'assurer de gagner sa vie honorablement
était d'avoir un diplôme, puis deux diplômes, puis trois diplômes. Ce n'est plus vrai maintenant, on peut faire une
très belle vie avec un excellent emploi dans le secteur manufacturier. Moi,
je viens du secteur minier; il y a
des emplois qui commencent à 100 000 $
dans le Nord-du-Québec, c'est des gens qui vivent assez bien, merci. Il faut réhabituer les jeunes à penser en
fonction d'une carrière, d'un secteur... c'est-à-dire je pense qu'il faut réhabiliter un peu le langage
qu'on a toujours eu sur les perspectives de carrière et faire en sorte que le
secteur manufacturier, le secteur de la
production et l'économie en général attirent davantage les jeunes dans leurs
choix. Encore une fois, on dépasse
largement les cadres du secteur manufacturier puis de notre réflexion ce matin,
mais, enfin, je voulais vous en faire
part pour vous dire que c'est une réalité dont on est conscients, et on essaie
de faire un peu ce qu'on appelle de la pédagogie dans le public pour
inciter davantage de jeunes à choisir le secteur manufacturier. Pour les jeunes
Québécois de souche, c'est évident que l'avenir est là pour remplir ces
emplois-là chez nous, entre guillemets.
M.
Jolin-Barrette : À la
page 5 de votre mémoire, vous traitez de la question de la francisation
des immigrants, donc de le voir dans
une perspective davantage d'intégration plutôt qu'au niveau de la sélection.
Dans le même paragraphe, vous
abordez la question de l'obligation linguistique. Le Québec a
fait des choix dans le passé sous Robert Bourassa, sous René Lévesque,
qui ont adopté chacun une législation en matière linguistique. Je comprends que
vous, vous voulez davantage miser sur les compétences des gens, puis qu'ensuite
on aille chercher les gens pour leur expérience, leurs qualités, leurs qualifications, et qu'on fasse le pont rendu ici, au Québec,
et que, là, on débloque les ressources pour les franciser. Donc, ça ne
doit pas être uniquement une question de connaissance du français.
M.
Tétrault (Éric) : La réponse
courte à votre question, c'est oui. Je vais laisser Mme Azoulay épiloguer,
mais la réponse courte à votre question, c'est oui pas seulement parce
que nous pensons que les programmes au Québec sont adéquats, il s'agit d'en profiter, mais parce que les entreprises
elles-mêmes sont davantage prêtes à participer à ça. Je vais laisser
Mme Azoulay...
Mme
Azoulay (Audrey) : Oui.
Simplement préciser que, quand on a lu le document de consultation, effectivement, l'augmentation des exigences du français,
là, apparaissent carrément à toutes
les pages. Et on ne dit pas que... enfin, je veux dire, on défend le français comme tout
le monde ici, on ne remet pas du tout
en cause le fait français au Québec, mais on ne pense pas que ce doit être une
priorité aussi marquée dans le cadre d'une politique d'immigration.
Nous
ne pensons pas non plus que la défense du français va dépendre de la venue
de nouveaux arrivants francophones.
Même si 100 % des immigrants étaient francophones, la défense du fait français
resterait une réalité dans un contexte nord-américain.
Alors, on ne
s'est pas privés, dans le cadre de ces consultations, de marquer aussi le fait
qu'on ne croit pas qu'il faut défendre le français en en faisant une
obligation. C'est pour ça que c'est indiqué de cette manière-là.
Nous pensons également, et c'est de plus en plus
reconnu au travers du monde, dans toutes les entreprises, multinationales ou petites entreprises... L'idée
d'avoir quelqu'un qui parle, par exemple, espagnol est très
bon pour leur entreprise aujourd'hui et évidemment, comme vous pouvez le
comprendre et imaginer, encore mieux pour un secteur comme le nôtre. C'est devenu indispensable, la mondialisation s'est
franchement accélérée au cours des 10 dernières années. C'est une réalité qu'on ne reconnaissait peut-être
pas il y a 15 ans mais qui est très forte aujourd'hui. Donc, on a besoin... Il nous semble que ce serait beaucoup plus
enrichissant pour le Québec d'avoir des gens qui viennent de partout et qu'effectivement, s'ils viennent ici, ils savent qu'ils doivent
apprendre le français et ils le font; peut-être pas aussi vite
qu'ils le souhaiteraient, peut-être
pas aussi vite qu'on le souhaiterait, mais on pense que c'est une approche beaucoup
plus dynamique du français.
Et je crois
aussi que la défense du français doit se faire davantage dans le contenu, dans le
succès économique, dans le succès scientifique, dans le succès en français,
dans la défense du français aussi dans l'ensemble du Canada. C'est comme ça qu'on va défendre le français au
Québec, pas nécessairement en empêchant à un hispanophone d'avoir accès
à une immigration au Québec par le simple fait qu'il n'a absolument aucune
connaissance en français.
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Azoulay et M. Thériault, pour votre participation à la
commission.
Je vais suspendre quelques instants pour
permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 18)
(Reprise à 11 h 23)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en accueillant le groupe Place aux jeunes, nous
rencontrons M. Thisdel et
M. Vigneault. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre
présentation, vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. À
vous la parole.
Place aux jeunes en
région
M. Thisdel
(Michel) : Très bien.
M. le Président, Mme la
ministre, membres de la commission, bonjour et merci d'accueillir aujourd'hui
Place aux jeunes en région. Je me présente, Michel Thisdel, je suis président
du conseil d'administration de Place aux jeunes en région. Et je suis
accompagné aujourd'hui de M. Mathieu Vigneault, notre directeur général, donc, qui va... et pour
vous parler en fait du mémoire qu'on a déposé au sein de la commission.
En fait, ce
qu'il faut savoir, c'est que, Place aux jeunes, ça fait 25 ans qu'on est
un pont efficace entre les régions et les grands centres urbains. En fait, on
est présents dans 15 régions, dans 63 MRC au Québec avec des points
de service à Québec, à Montréal
et à Gatineau pour recruter des jeunes et promouvoir des services. Notre
mission, en fait, c'est simple, c'est
de favoriser la mobilité interrégionale des jeunes diplômés de 18 à 35 ans
et donc leur établissement en région. Nos services qu'on offre, c'est le soutien individuel avec le service de nos
agents de migration Place aux jeunes-Desjardins. On a les séjours exploratoires qu'on offre également
pour ces jeunes-là et aussi la plateforme électronique, qui est suivie à
l'heure actuelle par plus de 50 000 jeunes qui sont actifs sur cette plateforme-là, qui
permet de consulter les différentes opportunités
d'emploi ainsi que les différentes valeurs de nos régions. On
compte sur la collaboration très étroite avec le secteur municipal, notamment notre partenariat avec la Fédération
québécoise des municipalités; avec des entreprises, dont Desjardins. Et je tiens à souligner tout
particulièrement le soutien depuis les débuts de Place aux jeunes du gouvernement du Québec via le Secrétariat à la
jeunesse, donc, qui contribue à l'exercice de notre mission, et tout partenaire, en fait tout le milieu
d'affaires local dans les régions dans lesquelles nous sommes déployés.
Évidemment,
notre souhait, aujourd'hui, c'est de vous exposer ce qu'on désire. En fait,
c'est vraiment... Ce qu'on vous propose, c'est un
continuum intégré de mobilité interrégionale partout et pour tous.
Donc, vous
savez, M. le Président, je ne vous apprendrai rien que le Québec
fait partie des sociétés où le choc démographique est des plus difficiles,
donc, est des plus violents. Les effets de ce débalancement démographique là
seront importants pour l'ensemble du Québec mais particulièrement pour les
régions à caractère rural, qui vivent un vieillissement
accéléré, et donc ils vont être vraiment touchés par ça. Et donc ce
vieillissement accéléré là, ça révèle les besoins de nos communautés. Donc, évidemment, il y a la rareté de
main-d'oeuvre en région aussi qui reflète bien ce que sont les besoins des entreprises, on a les coûts
d'opportunité, la difficulté de l'intégration des immigrants qu'il y a un
besoin pour l'État, et aussi on a la
nécessité de revoir l'action en matière de déploiement de l'immigration, donc,
des besoins de l'individu.
Pour Place
aux jeunes en région, l'immigration internationale représente un bassin de
capital humain de grande valeur. Donc, cela dit, nous ne pouvons nous
contenter de capter cette manne internationale, car la compétition pour l'attraction des talents s'accentue constamment.
Nous devons soutenir l'essor personnel et professionnel de ces individus
au bénéfice de l'immigrant lui-même mais
aussi et surtout pour le bénéfice durable de l'ensemble de notre société. C'est
pourquoi la volonté du gouvernement
d'actualiser la stratégie et l'action du Québec dans le secteur de
l'immigration nous apparaît hautement pertinente
et plus que légitime. Pour Place aux jeunes, c'est précisément le déploiement
de ces nouvelles populations sur l'ensemble
des territoires afin de participer activement à l'occupation et la vitalité de
ces derniers qui nous apparaît le plus important, donc, soit la
régionalisation de l'immigration.
Sans plus tarder, je céderais la parole à notre
directeur général.
Le Président (M. Picard) :
M. Vigneault.
M.
Vigneault (R. Mathieu) : M. le Président, depuis 2006‑2007, la
clientèle des néo-Québécois ou des immigrants a quadruplé chez Place aux jeunes en région, pour atteindre 43 % au
cours de l'année 2013‑2014, et on prévoit que c'est cette clientèle-là, ce segment de clientèle là qui
va être en croissance pour les prochaines années. Ça se traduit dans nos
différentes activités par des présences
accrues, par exemple dans nos 5 à 7 découverte des régions qu'on organise à
Montréal, par exemple, ou à Québec,
ou dans toute autre activité, comme la Semaine des régions qui aura lieu la
semaine prochaine à Montréal et à Québec d'ailleurs aussi, où on attend
beaucoup d'immigrants.
Toutefois,
Place aux jeunes demeure malgré tout relativement prudent quant à la promotion
active, disons ça comme ça, des
milieux ruraux auprès de cette clientèle-là, parce qu'on a observé au cours des
dernières années, disons, le déploiement de deux réseaux ou de deux stratégies de régionalisation qui se
dédoublent d'une certaine façon et où les ressources financières et les
ressources matérielles ne nous apparaissent pas canalisées de façon optimale.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on
a déposé un mémoire qui le reprend dans les grandes lignes, là, à la commission
Robillard. Ce que nous observons sur
le terrain, c'est que Montréal est le bassin, évidemment, où se rejoignent une
très, très grande majorité d'immigrants, et ces immigrants-là ont un rôle à jouer dans le développement et dans
l'expansion de la métropole, c'est bien entendu, mais, dans beaucoup de cas, ces néo-Québécois-là vont avoir de la
difficulté à trouver un emploi, je ne vous apprends rien, on parle de 11,7 % par rapport à
7 %. À ce moment-là, pour beaucoup d'immigrants, trouver un emploi devient
une obsession, et peu importe où ce
sera, parce qu'il y a une volonté réelle et positive de s'intégrer dans la
société québécoise. C'est à ce
moment-là que souvent les immigrants vont découvrir Place aux jeunes en région,
qu'ils vont découvrir nos services,
et c'est particulièrement aussi à ce moment-là que le défi du déploiement de
ces nouvelles populations là se présente pour nous comme pour l'ensemble
des acteurs.
Il faut
savoir que migrer en région, comme immigrer au Québec, c'est un projet de vie.
Ce n'est pas une adéquation entre un
diplôme et un emploi, c'est un projet de vie. C'est comme démarrer une
entreprise, il y a une notion de risque liée à ça. Cette clientèle-là a d'ailleurs des besoins spécifiques sur
une plus longue durée. Et, pour nous, Place aux jeunes, ce n'est pas une
clientèle qui est véritablement différente des gens qu'on sert à tous les
jours, mais il y a une chose qui est claire, c'est qu'elle nécessite une
offre de services équitable.
• (11 h 30) •
À la lumière de ces observations-là, M. le
Président, les recommandations que nous souhaitons déposer à la commission
visent la mise en place ou la définition d'un véritable continuum de mobilité
interrégionale qui s'appuie d'abord sur les besoins des communautés au sens populationnel
et au sens de la main-d'oeuvre, sur aussi la capacité d'attraction, la capacité d'accueil et d'enracinement que peuvent
générer ces territoires-là et en même temps sur les besoins de ces mêmes immigrants là, donc de prendre en
considération les besoins de tout le
monde. Le fameux continuum, nous
le voyons en amont, à partir d'un recadrage,
disons ça, des ressources déjà existantes dans la métropole, qui ont un rôle
extrêmement important à jouer dans
l'accueil de cette immigration internationale là. On le voit aussi dans la
consolidation du rôle d'un réseau
vaste comme celui de Place aux jeunes à titre de pivot de toute cette stratégie de mobilité interrégionale là, ce qu'on fait depuis déjà
longtemps, mais la consolidation et, en aval, la reconnaissance et la
consolidation aussi du travail et des
ressources, des acteurs spécialisés en médiation interculturelle, qui jouent
aussi un rôle extrêmement important.
Que, ce continuum-là, nous le souhaitons évidemment intégré, accessible et
efficace. Quand on dit «intégré», c'est-à-dire
qu'il n'y ait pas 12 façons, pour un immigrant, d'envisager un projet de
vie en région, qu'il n'y en ait qu'une seule
qui soit identifiable, qui soit accessible par une offre équitable qui tient
compte de la réalité des immigrants, mais qu'il n'y ait pas
12 continuums, qu'il y en ait un seul mais qu'il prenne en considération
cette réalité-là et qu'il soit efficace,
donc qu'on puisse le trouver facilement au moment où on en a besoin. Que ce
continuum aussi, évidemment, contribue
à réaliser ou à combler les problématiques de rareté de main-d'oeuvre qu'on
peut avoir en région et particulièrement aussi les problématiques de rareté
d'entrepreneurs potentiels ou de releveurs potentiels pour le développement
socioéconomique de nos communautés et de l'ensemble du Québec. Et en
définitive, je dirais, que ce continuum-là fasse preuve d'une gouvernance et
d'une reddition de comptes partagées avec les principaux acteurs impliqués.
En fin de
compte, ce qu'on souhaite aussi recommander à la commission, c'est que ce
continuum-là soit le témoin... ou
qu'il incarne une vision interministérielle axée sur la fonction économique de
l'immigration mais qui vise, en définitive, l'occupation et la vitalisation de l'ensemble des territoires québécois, incluant les grands centres; que ce soit fait
dans la complémentarité.
M.
Thisdel (Michel) : Selon
nous, M. le Président, les ressources financières,
matérielles et humaines sont présentes, il suffit de bien les canaliser pour être efficace. Les immigrants viennent
naturellement chez Place aux jeunes, donc il serait justifié d'améliorer la prestation de services. Ça
fait 25 ans qu'on est au service des régions et des jeunes Québécois de
toutes origines, et on désire poursuivre
dans cette direction-là, et c'est pour ça qu'on offre la collaboration au gouvernement
pour poursuivre dans ce sens-là.
En définitive,
selon le réseau Place aux jeunes en région, la prochaine politique québécoise
en matière d'immigration, de
diversité et d'inclusion doit s'appuyer sur des initiatives concrètes et axées
sur des véritables résultats. Dans une vision plus large du
développement du Québec, cette politique-là ne doit être élaborée exclusivement
et étroitement en fonction des besoins des immigrants
mais doit être partie prenante d'une vision plus large de mobilité interrégionale pour l'ensemble des Québécois, avec
une sensibilité particulière aux besoins des immigrants. De même, bien que Place aux jeunes milite en faveur du
développement des régions, elle considère que cette prochaine politique doit
être nécessairement écrite dans une perspective d'occupation et de vitalité de
l'ensemble des territoires québécois, incluant nos grands pôles urbains
que sont Québec, Montréal et Gatineau.
Depuis sa création, avec l'aide de l'État et des
régions partenaires...
Le Président (M. Picard) : En
terminant.
M. Thisdel
(Michel) : ...on a évolué donc pour devenir une chaîne intelligente
territoriale qui contribue au développement
socioéconomique de l'ensemble du Québec et plus concrètement au développement
des régions partenaires. Forts de
notre réseau de plus de 60 agents de migration et de liaison qui sont bien
implantés en région et dans les trois grands pôles, on a su créer un continuum de services qui sert annuellement plus
de 6 000 jeunes Québécois dont le projet de migration
nécessite une forme ou une autre de soutien et d'accompagnement. Ainsi...
Le Président (M. Picard) :
Merci. Merci, M. Thisdel.
M. Thisdel (Michel) : Parfait. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Vous allez pouvoir poursuivre avec les échanges avec les parlementaires.
Puisque M. le
député de Mercier est ici, nous devons décider si M. le député de Mercier va
pouvoir prendre la parole. Dans un
premier temps, est-ce que j'ai le consentement de tout le monde? Et la durée
qu'il va pouvoir bénéficier? Et qui donne le...
Mme Weil : Comme hier.
Le
Président (M. Picard) : Comme hier? Comme hier, O.K., donc la
partie ministérielle donne trois minutes à M. le député de Mercier. Et
nous débutons tout de suite...
M. Kotto : M. le Président.
Le Président (M. Picard) :
Oui?
M. Kotto : Puis-je donner une
minute au député de Mercier également?
Le Président (M. Picard) :
Est-ce que c'est trois plus un, quatre? C'est bien ça?
M. Kotto : Oui.
Le Président (M. Picard) :
Quatre minutes, M. le député de Mercier!
M. Khadir : J'en suis ravi...
en fait renversé.
Le Président (M. Picard) :
Mme la ministre, c'est à vous pour 14 min 30 s.
Mme Weil :
Oui. Bonjour, M. Thisdel,
M. Vigneault. Merci beaucoup de votre participation. J'ai eu l'occasion, le grand bonheur de
vous rencontrer pas pour la préparation de ce document, mais pour connaître ce
que vous faites. Alors, je peux éviter la
question qui va venir, évidemment, du député de l'opposition, qui va vous
demander cette question, mais moi, je
vous ai rencontrés pour mieux connaître ce que vous faites. Je vous félicite beaucoup
d'entrée de jeu, parce que
souvent je n'ai pas le temps à la fin parce
qu'on passe la question à l'autre, mais vraiment vous féliciter pour ce que
vous faites. Et c'est très dynamique, et
votre document est dynamique, vos paroles sont dynamiques, et, je pense, c'est
important, parce qu'il faut entendre... On entend beaucoup les
organismes qui sont sur le terrain, qui ont beaucoup de connaissances, mais vous êtes vraiment en action, on le voit. Cette
question de mobilité interrégionale, c'est vraiment intéressant, parce qu'en effet je sais qu'il y a
certaines entreprises, CGI notamment, parce qu'on parle beaucoup de ses
missions à l'international... La première fois que j'ai entendu qu'ils
faisaient des missions à Montréal, j'ai trouvé ça intéressant, mais ils
disaient : Oui, justement, on a des problèmes, des pénuries en région,
alors on fait des missions à Montréal et on
trouve des gens très qualifiés, et ils sont tout à fait heureux d'aller
s'installer... dans ce cas-là c'était à Québec. Alors, c'est le travail
que vous faites.
Je vais
commencer justement avec ce trait positif parce que je pense qu'il faut
connaître les atouts avant de parler des
défis, parce qu'il y a toujours des défis. Vous dites que les jeunes Québécois
issus de l'immigration ont un intérêt pour les régions du Québec, c'est à la
page 6 de votre mémoire, et donc... et qu'ils s'intègrent bien, ça, c'est
l'autre chose que vous dites, ils
s'intègrent bien, que vous avez perçu des milieux en région accueillants. Donc,
peut-être avant toute chose, il faut
bien comprendre comment vous fonctionnez. Parlez-nous de ça, cet accueil en
région, parce que par ailleurs j'ai vu d'autres commentaires où vous
dites que, oui, parfois l'attitude des employeurs peut poser problème.
J'aimerais vous entendre
là-dessus, les milieux accueillants, parce que, quand on... Nous, notre
politique, c'est l'immigration, la diversité et l'inclusion. L'idée, et on a beaucoup parlé de ça hier, c'est
justement des problèmes au niveau de... on va parler de la méconnaissance des employeurs vis-à-vis la
diversité, un certain inconfort et, la présence de la diversité dans toutes les
sphères de la société civile et économique,
que ça, ça peut représenter des obstacles, évidemment, dans l'attraction. Parce
que vous, vous êtes beaucoup dans l'attraction. Donc, par l'intégration rapide
ou trouver des... vous faites le pont, mais l'attraction, c'est ça que
vous faites. Vous devez vendre, j'imagine, un peu certaines régions.
Expliquez-nous tout ça.
M.
Vigneault (R. Mathieu) : Bien, je dirais d'entrée de jeu qu'on
n'essaie pas de vendre des régions, évidemment, parce qu'on se le ferait
reprocher, mais on va présenter ce que...
Mme Weil :
Promouvoir.
M. Vigneault (R.
Mathieu) : Promouvoir, oui, voilà.
Mme Weil :
Mais on est dans ça, on est dans ça parce que pour la première fois, dans la
politique, juste pour vous dire, pour la
première fois on veut vraiment mettre l'accent, éventuellement, dans nos
orientations pour la prochaine planification
pluriannuelle, de l'importance des régions, de dynamiser les régions par des
personnes qui vont s'installer en région.
• (11 h 40) •
M.
Vigneault (R. Mathieu) : Tout à fait. Écoutez, la référence à laquelle
vous faisiez référence tantôt, à la page 6, c'est l'étude de Statistique Canada qui démontrait, là, par les calculs
qu'ils ont faits, que les immigrants, effectivement, s'intègrent économiquement mieux dans les petites
régions que dans les grands centres urbains. Donc, ça, ça ne vient pas
nécessairement de Place aux jeunes et de nos statistiques internes, mais on
s'appuie sur une étude, une vaste étude de M. Bernard de Statistique
Canada.
Maintenant,
pour ce qu'il en est, de ce qu'on vit sur le terrain, vous avez raison de
signifier le travail qu'on fait d'attraction. Effectivement, on va faire
la promotion des régions, on va attirer les gens en région.
Évidemment,
on aura toujours un discours le plus honnête possible, il y a des régions qui...
et on ne peut pas s'en cacher, il y a
des régions qui sont plus avancées que d'autres quant à leur capacité
d'accueil, on y faisait référence tantôt, il faut encourager ces
régions-là. Et ils ont de beaux succès. Je n'ai pas d'exemple concret à vous
présenter parce qu'on n'a pas documenté ça avant d'arriver ici, des cas très
précis, mais il y a effectivement des cas de succès au Saguenay—Lac-Saint-Jean,
par exemple, au Bas-Saint-Laurent, et j'en passe.
Maintenant, il y a
quand même un défi. Bien qu'il y ait des régions qui veulent déjà, c'est
intéressant et c'est important, il y a déjà
des gens qui veulent attirer des immigrants, il y a d'autres régions, par
exemple, qui voudraient mais qui se
sentent impuissantes devant la différence, devant comment gérer la diversité.
Et, à ce compte-là, quand on parle d'un
continuum... Vous savez, Place aux
jeunes, ce qu'il y a dans notre ADN fondamental, c'est que c'est une initiative... à défaut de trouver la bonne expression
francophone je vais dire «bottom-up», là, ça vient vraiment des milieux, et on
se préoccupe d'abord des besoins des intéressés et non pas de la volonté
de la structure de déployer une infrastructure. Donc, ce qu'on pense, c'est que le fameux continuum dont on vous parle
devrait s'intéresser beaucoup à la volonté de l'immigrant — ça, on
l'a démontré par les chiffres puis on pourra y revenir, si vous le
souhaitez — mais
aussi où en sont les régions intéressées par l'immigration. Celles qui
ont déjà développé des bons outils ont de l'avance sur les autres, et il y a effectivement plusieurs cas de succès,
mais il y a beaucoup d'autres régions qui nécessiteront de se laisser séduire
ou de se laisser... tenter, effectivement,
merci, par les meilleures pratiques d'affaires d'autres communautés au Québec
ou ailleurs dans le monde. Et, à ce
compte-là, un continuum devrait prendre, dans cette perspective, l'ensemble du
projet de vie de migration, et c'est
là qu'on va maximiser les succès d'un sain déploiement ou d'une saine
régionalisation. Parce qu'il y a des
succès, il faut bâtir sur ces succès-là, mais, à vouloir aller trop vite, on
finit par desservir la cause. Donc, c'est une des volontés, je pense, de beaucoup de monde, dont Place aux jeunes,
de bâtir pas à pas, de construire sur les succès, d'y aller avec des communautés qui sont déjà
avancées puis d'attirer, d'intéresser les autres à embarquer, embarquer dans la
danse. Et ils vont venir.
Mme Weil :
Je ne veux pas trop segmenter les différents profils d'immigration, mais
évidemment, pour la plupart des gens, c'est
l'immigration, c'est l'immigrant, mais il y en a quand même certains qui sont
travailleurs qualifiés, d'autres, ce
sont des réfugiés, mais parfois c'est des réfugiés qui ont des jeunes qui ont
grandi littéralement dans les camps de
réfugiés depuis la naissance, donc c'est un certain profil, d'autres non, c'est
des réfugiés, par exemple, syriens, qu'on accueille actuellement, très scolarisés, le niveau de français, c'est là
qu'il faut travailler ça. Donc, on voit qu'il y a des profils
différents.
Le
regroupement familial, là aussi c'est intéressant. Le Québec ne sélectionne pas,
évidemment, c'est des voies humanitaires.
Tous les pays reçoivent... Donc, ça ne changerait rien. On parle de
juridiction. Que ce soit le Canada, le Québec,
essentiellement, quand on rentre dans un pays, la frontière, c'est le pays qui
contrôle ça, mais on est responsables de
la francisation, de l'accueil, l'intégration de toutes ces personnes. Et chaque
être humain a un potentiel de contribution, et c'est vraiment notre
vision de société, c'est vraiment la vision de ce document qu'on prépare, de ne
pas...
Mais
en même temps, pour être capable d'identifier le potentiel, chacun son
potentiel, on mise évidemment sur l'immigration
économique. Vous aussi, je crois bien, c'est bien ces gens-là. Dans les profils
de jeunes que vous rencontrez, pour les aider, est-ce que vous avez une
approche adaptée ou est-ce que vous êtes beaucoup plus dans l'immigration économique, ceux qui sont venus ici avec un projet
en tête par rapport à ce qu'ils voulaient accomplir, ou la formation que
cette personne a?
M. Vigneault (R. Mathieu) :
Je dirais que d'abord, Place aux jeunes,
comme on a tenté de le faire valoir dans le mémoire, nous, on s'adresse à tous les Québécois
de 18-35 ans diplômés, sans distinction d'origine, d'aucune... de langue,
de quoi que ce soit.
Par contre,
évidemment, on a très clairement identifié des cas
types, hein? On a les Québécois d'origine des régions, on a les Québécois d'origine québécoise, donc, mais de
milieu urbain, mais les Québécois issus de l'immigration, c'est la
clientèle que je faisais référence tantôt qui est en croissance. Et, à l'intérieur de cette clientèle-là, il y a effectivement
différentes catégories.
Maintenant, comme
Place aux jeunes n'intervient pas... n'a pas de mandat, à ce moment-ci, spécifique
versus l'immigration, on n'a pas déployé une
approche particulière pour les différents types. Dans un éventuel continuum
intégré, mieux canalisé, dont les ressources seraient mieux canalisées,
c'est le genre de chose qu'il pourrait être intéressant d'étudier et de développer. Déjà, par ailleurs, Place aux jeunes a
malgré tout, parce qu'on s'adresse à tout le monde, ajusté ses opérations et un certain nombre de choses pour
mieux servir, autant que faire se peut, la clientèle immigrante, mais on n'a pas pu aller aussi loin. On sait par ailleurs
qu'il y a des catégories
d'immigration qui vont s'intégrer plus facilement.
Celles qui répondent aux besoins de main-d'oeuvre en région sont clairement
favorisées au départ, effectivement.
Mme
Weil : Oui. Hier, on
a parlé avec quelques représentants qui sont des organismes communautaires en
région. On a parlé du problème de
rétention, donc qu'ils peuvent vivre une expérience mais ensuite ils quittent,
ils quittent la région. Évidemment, l'Outaouais, ils vont en Ontario ou ailleurs
au Canada.
Est-ce que,
selon vous, je vous pose la question, les facteurs de
réussite en matière de rétention, est-ce qu'en partie... Oui, l'accompagnement, la gestion de la
diversité, j'imagine, au sein de l'entreprise mais aussi des organismes
qui travaillent en marge pour s'assurer que
l'intégration sociale, l'intégration de la famille, s'il y a famille, se fait
bien, est-ce que vous avez une expérience à cet égard, de rétention, les
facteurs de succès?
M.
Vigneault (R. Mathieu) : Bien, les facteurs de succès pour les
immigrants, et la plupart des études le démontrent assez bien, les immigrants recherchent en région
la même chose que les Québécois d'origine. Et ce qui va faire qu'une migration va être une réussite, j'aurais tendance
à penser — et il
n'y a pas nécessairement d'étude là-dessus, mais ce qu'on observe sur le
terrain — va
être à peu près les mêmes choses que les Québécois d'origine.
Maintenant,
est-ce que la chimie va prendre aussi facilement pour un Algérien, par exemple,
que ça fait trois ans qu'il est
arrivé au Québec qu'un Québécois d'origine? C'est là que le défi devient de
plus en plus grand. Et on le disait tantôt,
les Québécois d'origine ou issus de l'immigration nécessitent un accompagnement
spécifique. Ce n'est pas une clientèle
qui est différente pour Place aux jeunes, parce qu'on s'adresse à un individu,
un Québécois, mais c'est clair que ça prend
plus de temps de préparation, plus de temps pour déterminer la bonne communauté
vers laquelle l'immigrant va augmenter
ses chances de réussite, mais surtout ça va nécessiter un atterrissage en
région mieux planifié et un suivi plus long. Et c'est là qu'après un
certain temps...
Place
aux jeunes, nous, avec les ressources qu'on a, on va assurer un suivi pendant
un six mois, par exemple, mais un immigrant va nécessairement avoir
besoin d'un accompagnement un peu plus... voire plus long pour qu'il puisse plonger ses racines dans la région, se faire
connaître, se faire apprécier des gens. Et c'est son rôle aussi d'y investir,
mais souvent ils auront besoin de certaines personnes pour leur ouvrir
les portes, d'où l'importance du travail fait par les organisations spécialisées ou des ressources, plutôt, spécialisées en
médiation culturelle. En Outaouais, on travaille assez fréquemment avec le SITO, par exemple, qui fait un
bon travail au niveau de la formation, s'assurer que ces gens-là ont un bon bagage pour bien intégrer économiquement la
communauté. Donc, quand on parle de continuum, on parle vraiment d'un fil continu qui porte le regard sur la réalité
de l'immigrant tout en ayant en considération la réalité du terrain où il va
atterrir puis de faire en suivi le travail auprès de la personne.
Mme
Weil : Merci. Parce que vous accompagnez les jeunes, c'est
votre préoccupation, votre expertise, hier on a parlé de la deuxième génération, je ne sais pas si vous avez beaucoup
entendu parler, les jeunes issus de l'immigration, les parents, mais deuxième génération. Moi, ce
n'est pas la première fois que j'entends ça, il y a une préoccupation par
rapport à cette deuxième génération. Elle se
situe au niveau identitaire, mais évidemment l'accompagnement, l'intégration
en emploi, évidemment, les écoles ont un
rôle important à jouer, mais on pourrait imaginer aussi un accompagnement
dès que cette personne quitte ou a fini ses
études scolaires, universitaires, que cette préoccupation d'intégration doit
bien se faire.
En
tout cas, je ne sais pas si c'est quelque chose à laquelle vous avez réfléchi,
si vous l'avez rencontré. Si vous avez des commentaires, ce serait
bienvenu. Sinon, je vous demanderais de regarder ça, parce que nous, on a été
très frappés par les interventions,
préoccupés. Je pense que l'État, le gouvernement et tous les acteurs de la
société civile, toutes les institutions de la société doivent porter
attention à ça. Toutes les sociétés occidentales font face à ça, donc, cette personne
qui ne se retrouve pas, manque de fierté par rapport à une, ou deux, ou trois
identités, donc, il y a beaucoup là-dessus. Je ne sais pas si vous avez des
commentaires.
• (11 h 50) •
M.
Vigneault (R. Mathieu) : Le patrimoine, c'est clair qu'il vient avec
cette réalité d'immigrant de deuxième génération. Ceci dit, pour nous,
Place aux jeunes, c'est un client, c'est un candidat comme n'importe quel
autre.
Évidemment,
on aurait tort de nier qu'il y a un défi qui n'est pas celui de l'immigrant
récent mais qui n'est pas la facilité
du Québécois d'origine. Mais, ceci
étant, je pense que, comme on le mentionnait un petit peu dans notre
mémoire, il y a un travail de pédagogie à faire assurément auprès
de l'ensemble du Québec mais particulièrement aussi du Québec
rural quant à l'importance que doit jouer l'immigration pour la pérennité des communautés rurales et le développement socioéconomique du Québec
rural mais de l'ensemble du Québec dans son ensemble. Donc, je pense qu'on est du
côté des communications, de ce côté-là, et on serait très heureux, je
pense, de pouvoir contribuer à la pédagogie collective.
Mme Weil :
D'accord. Merci beaucoup.
Le Président (M. Picard) : ...je
cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto : Merci, M. le
Président. Messieurs, soyez les bienvenus. Et bravo pour le travail que vous
faites!
J'ai noté
dans votre mémoire qu'il est important de comprendre que, pour l'immigrant, il
ne s'agit... vous l'avez réitéré ici,
qu'il ne s'agit pas seulement de trouver un emploi, dans les faits la migration
est un projet de vie qui, dans le cas
des Québécois issus de l'immigration, doit être accompagné sur une plus longue
période. Vous avez tout dit, là. Là, vous
touchez à l'humain, et parce que très souvent le regard qu'on y pose en est un
de la perspective des statistiques mais pas de l'humain.
Donc, partant
de votre expérience, quel est le diagnostic que vous faites, parlant de cet
accompagnement, quel est le diagnostic que vous faites? Est-ce que
l'accompagnement est fait, réalisé de façon optimale ou pas? Y a-t-il des
problèmes? Quels sont les défis qui s'offrent à vous relativement à cette
démarche-là?
M.
Vigneault (R. Mathieu) : Bien, si vous permettez, je mentionnerais
d'entrée de jeu que tous les gens, tous les acteurs qui sont impliqués
actuellement dans cette volonté collective d'amener les immigrants à
s'émanciper au Québec, à trouver leur place
sont de bonne foi. Tout le monde, je pense, y met du coeur, et on souhaite les
résultats les plus positifs possible pour le Québec.
Ceci étant,
force est de constater que l'essentiel des immigrants s'installent à Montréal,
dans la grande région de Montréal, et y restent. On déploie des
ressources quand même importantes, des ressources humaines, des ressources
matérielles mais surtout des ressources financières pour essayer de soutenir la
régionalisation de l'immigration, et les résultats sont ce qu'ils sont, c'est
relativement décevant.
C'est la
raison pour laquelle on est ici aujourd'hui, pour dire : Les ressources
sont là, les ressources humaines sont là, les ressources financières
sont là. Je pense qu'il y a un exercice pour mieux canaliser tout ça, ramener
ça dans un continuum intelligible pour l'immigrant et avec des résultats qui
vont venir nécessairement. Et c'est clair, on est très heureux, je pense, que vous l'ayez souligné, oui, on se veut être le
plus cérébral, le plus concret dans nos analyses, mais au quotidien le
travail qu'on fait avec les gens, que ce soient les Québécois d'origine ou les
immigrants, est un travail de coeur. Les agents de migration de Place aux
jeunes qui sont sur le terrain, c'est des gens qui sont particulièrement amoureux
de leur communauté puis qui veulent la faire grandir, et ils savent très bien
qu'ils vont devoir, ces gens-là, travailler
avec tous ceux qui veulent aller vivre dans ces communautés-là. Donc, les défis
qu'on a — et je
parlerais plutôt en termes de défis
qu'en termes de problèmes — les défis qu'on a, c'est de prendre toutes ces bonnes intentions
là et ces ressources limitées qu'on a
au Québec puis de les canaliser dans un continuum, c'est le terme que nous, on
utilise, dans un continuum, dans une stratégie,
appelez ça comme on voudra, qui va bien servir le projet de vie de l'individu
et qui va bien servir les défis de pérennité de la communauté et des
entreprises par le fait même.
M.
Kotto : O.K. Vous parlez de ces ressources et de l'impératif de
les canaliser. Est-ce que vous pouvez en identifier quelques-unes sous
forme de programme ou d'opération spécifiquement?
M.
Vigneault (R. Mathieu) : Il existe d'un point de vue très, très
précis, là, à Montréal une formation dont on dit le plus grand bien qui est le programme d'intégration, donc, qui est
offert par différentes organisations à Montréal mais qui est piloté par le MIDI. Donc, ça, je ne peux
pas en parler en termes d'expérience personnelle, mais ce qu'on me rapporte,
c'est que ce programme-là est extrêmement
positif. Il faut absolument continuer, voire le déployer plus largement dans
les différentes régions où le besoin se ferait sentir.
Au-delà de
ça, il existe un nombre... une kyrielle d'organisations communautaires à
Montréal qui ont pour mandat d'accueillir
les immigrants, et à ces gens-là on dit : Bravo! On dit : Quel bon
travail! On dit : Vous devez
être là, vous devez être consolidés
dans votre action mais dans votre action d'accueil de l'immigration
internationale, dans votre action de
rendre cet atterrissage-là le plus confortable, le plus doux possible pour que
l'immigrant puisse faire un choix éclairé dans son projet de vie : Est-ce que je veux vivre à Montréal
ou dans un grand centre urbain, est-ce que je veux vivre en banlieue ou est-ce que je veux explorer
l'hypothèse du Québec des régions? Il y a un travail extraordinaire à faire par les gens là-bas.
Maintenant, il y a beaucoup d'organisations. Est-ce que tout le monde sent qu'il est bien encadré, bien appuyé dans sa gestion au quotidien, dans son développement annuel? Ça, il
faudrait peut-être leur poser la question, mais on a
l'impression, nous, que l'immigrant, quand il arrive chez nous, bien des fois il
a cogné à quatre ou cinq autres portes avant.
Et des fois on est plusieurs à travailler sur le même dossier pendant un
certain temps pour se rendre compte que beaucoup d'énergies ont été investies, alors que, si on avait été mieux
canalisés, chacun aurait pu faire un travail efficace au bon moment. Ensuite de ça, bien il y a
tout le travail qui peut être fait par Place aux jeunes, mais, en aval, il y a
aussi plusieurs organisations qui
sont un peu éparses sur le territoire québécois, qui offrent ou n'offrent pas
les mêmes services, donc les
immigrants, qui se promènent, qui rentrent par une porte, suivent un corridor
puis arrivent dans une pièce, pour prendre une analogie, n'ont pas les
mêmes services partout, ne peuvent pas compter sur un accompagnement et un
appui de l'État québécois, de l'État d'accueil du même calibre, peu importe la
région qu'ils voudraient découvrir et embrasser.
Donc, nous, on pense qu'il y a certainement un pas de recul à faire de ce
côté-là, un regard à porter à l'écosystème, et recanaliser tout ça très
clairement.
Le Président (M. Picard) :
Trois minutes.
M.
Kotto : O.K. J'aimerais vous entendre sur l'aptitude de la
jeune immigration, en fait les jeunes immigrants à contribuer à la
prospérité des régions, d'une part, et, d'autre part, à la vitalité du
français.
M. Thisdel
(Michel) : Bien, écoutez, M. le député de Bourget, la question est
intéressante parce qu'évidemment il faut amener les jeunes qui vont
vivre en région... En région, évidemment, le fait français est très présent. Je
pense qu'il faut regarder aussi au niveau du
programme d'expérience Québec qui permet d'accompagner les étudiants qui ont
fait leurs études ici, au Québec, donc qui ont un français de niveau
intermédiaire et avancé, voir comment on peut les soutenir en cette matière-là. Donc, il faudrait qu'on s'intéresse au
taux de succès de ce programme-là, voir comment ça, ça pourrait, au niveau de Place aux jeunes, nous,
nous aider donc à garder ces jeunes-là, évidemment, si leur communauté d'origine... si vraiment ils souhaitent rester ici
et non pas retourner dans leur pays, parce qu'ils sont aussi appréciés dans
leur pays pour les compétences et les connaissances qu'ils viennent se former
ici, au Québec. Mais je pense qu'il faut vraiment
miser sur l'accompagnement qu'on fait avec ces jeunes-là. Donc, on le fait déjà
avec Place aux jeunes, on leur dit :
Écoutez, oui, dans les régions, ça parle majoritairement français. Donc, il
faut avoir cette préoccupation-là, il faut avoir cette sensibilité-là.
• (12 heures) •
M.
Vigneault (R. Mathieu) : C'est clair qu'il faut être honnêtes avec les
jeunes, il faut qu'ils soient conscients qu'en milieu rural, au Québec, il faut avoir un français fonctionnel,
fonctionnel très correct, là, pour pouvoir favoriser d'ailleurs le défi de l'intégration dont on
parlait tantôt. Donc, la question de la langue est la première interface entre
le Québécois issu de l'immigration et
sa communauté d'accueil, donc c'est clair qu'il doit pouvoir venir démontrer
comment il peut enrichir et assurer la pérennité de la communauté
francophone.
Mais vous
avez parlé de prospérité, j'aimerais peut-être ajouter un point au-delà de la
question du français. Bon, on avait
des gens qui présentaient juste avant nous. On partage un certain nombre de
leurs préoccupations, dont la capacité de renouveler la main-d'oeuvre
qualifiée en région. Écoutez, l'essentiel de notre immigration au Québec vient
de l'immigration économique, ce sont des
gens qui sont hautement qualifiés. Je lisais encore hier une étude sur les
travailleurs qualifiés, c'est une
mine d'or, c'est un coffre-fort. Ces gens-là veulent... Les immigrants qu'on
rencontre, là, ils sont très clairs,
ils veulent contribuer au développement du Québec parce qu'ils ont compris que,
s'ils contribuent au développement du
Québec et de la communauté d'accueil, ils contribuent à leurs propres
émancipation et sort socioéconomique. Et ces gens-là disposent d'un bagage culturel extraordinaire. À une période où on souhaite l'internationalisation
du plus grand nombre de nos PME
possible, quelqu'un qui a un bagage culturel ou un bagage quelconque au niveau de la langue, au
niveau des référents culturels ou des référents idéologiques va donner une
portée à une politique d'exportation d'une entreprise,
on peut nommer des Bombardier, mais on peut nommer des toutes petites
entreprises comme Denis CIMAF en Montérégie,
quelques employés, mais qui sont portées à l'exportation, et le fait de pouvoir
embaucher de la main-d'oeuvre qualifiée
mais, qui plus est, avec un bagage à valeur ajoutée va venir propulser le
développement de cette entreprise-là. Et
ça, c'est sans parler de la capacité d'innovation, de la capacité de
créativité, parce que, vous savez, quand on part d'un autre pays puis qu'on arrive dans un univers comme
le nôtre, on arrive avec un oeil neuf. Souvent, on peut critiquer et...
Le Président (M. Picard) :
M. Vigneault, je dois céder la parole à M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci.
Bonjour, M. Thisdel. Bonjour, M. Vigneault. Ça me fait plaisir de
pouvoir vous entendre aujourd'hui.
Je trouve que
votre mémoire est très construit, à la fois celui de janvier 2015 et celui que
vous avez déposé à la commission de
révision des programmes. À la page 12 de votre mémoire de janvier 2015,
vous proposez la mise en place d'une
instance de coordination pour coordonner les différents acteurs. Vous avez été
très, très lucides, tout à l'heure, dans l'explication des différents chevauchements, il y a plusieurs organismes
du réseau partenaire que parfois ils se chevauchent. Puis vous donnez également un exemple, en annexe
de votre second mémoire pour la révision des programmes, sur un exemple
concret avec un regroupement régional.
J'aimerais
savoir : Pour vous, est-ce que l'instance de coordination que vous
proposez, elle doit venir de la part du
ministère, elle doit venir des membres du réseau partenaire? Puis quelle forme
doit-elle prendre pour coordonner tout ça? Puis je crois que vous avez
un souci aussi d'efficacité là-dedans.
M. Vigneault (R. Mathieu) :
Clairement. Je pense qu'on ne peut plus se permettre, au Québec, d'avoir des structures, ou des stratégies, ou quoi que ce soit
sans penser efficacité et rentabilité sociale dans la mise en place de tout ça.
Ce à quoi on réfléchit puis on s'entend, là, c'est une proposition qui n'est
pas terminée ou, enfin, qui demande à être discutée,
mais ce qu'on se dit, c'est que le leadership du ministère devrait se traduire
à travers, justement, une instance de coordination où le rôle du
ministère est d'alimenter en information et d'assurer d'asseoir les partenaires
mais surtout d'aligner les fonctions,
d'aligner les rôles. Et ce fameux continuum dont on parle depuis tantôt, c'est
justement de s'assurer qu'il n'y a
pas de dédoublement, qu'il n'y a pas de personnes qui font une tâche à peu près
chevauchée sur l'autre puis de... mais,
pour y arriver, de un, rassembler les gens qui ont les compétences pour
s'aligner sur le continuum, donc, pour le mettre en place d'abord, et ensuite en assurer une gestion au quotidien,
disons ça comme ça. Bien, pas au quotidien au sens où... Une instance de ce genre-là pourrait se réunir quelques fois
par année pour voir les résultats, voir les avancées, les bons coups,
les mauvais coups.
Moi, ce qui se passe en termes de mobilité
interrégionale est impacté par les stratégies de recrutement international. Je pense que c'est assez... Votre
collègue sous l'ancien gouvernement et dans les propositions qui sont faites
par ce gouvernement-ci parlait de
déclaration d'intérêt. Nous, on trouvait ça extraordinaire comme projet. Imaginez
si au niveau du
recrutement international on amenait un immigrant à faire une déclaration
d'intérêt pour pas juste un travail mais aussi pour un lieu de résidence
ou une forme d'environnement de vie, puis que ça s'avérait être un milieu
rural. Bien, une instance comme celle-là
pourrait s'assurer de rapidement mettre dans la loupe, permettez-moi
l'expression, ceux qui vont avoir à
assurer la mobilité de cette personne-là, qui va arriver au Québec soit par la
porte de Montréal ou par la porte d'un autre grand centre.
Donc, il y a la
coordination de la structure et les ressources qui y sont consacrées, là,
financières, matérielles, mais aussi de s'assurer qu'il n'y ait pas
d'entre-chaises pour les projets de vie qu'on doit servir.
M.
Thisdel (Michel) : Si vous permettez, M. le député de Borduas, je
rajouterais aussi que ce qui est important, c'est de voir aussi la provenance
de ces nouveaux arrivants là. Si, par exemple, la personne provient d'une
grande ville ou encore d'un milieu
dit rural, évidemment il va y avoir des affinités, donc, dans son projet de
vie. Donc, ça, il faut être très sensible
à ça. Et, dans le fond, ça permettrait, comme disait notre directeur général, d'adapter l'offre, donc, en fonction de vraiment
le niveau d'intérêt et les objectifs que l'immigrant poursuit ici, donc, de par ses
études mais aussi de par son milieu de vie, son environnement.
M.
Vigneault (R. Mathieu) : À
notre échelle de connaissance, l'exemple qu'on donnait dans le mémoire
de la Commission des partenaires du
marché du travail pourrait être un modèle, on s'entend, là, où tous les acteurs
qui ont un rôle à jouer et qui ont un
impact sur le continuum sont assis autour de la table, se réunissent
occasionnellement, conseillent le ministère qui a le leadership, donc.
M.
Jolin-Barrette : Hier, dans
les consultations, on a eu une proposition de lier
l'engagement de l'immigration avec une forme de contrat pour l'établissement en région, une forme d'obligation. Quelle est votre opinion d'une telle
proposition? C'est que manifestement il y a des difficultés à la
régionalisation de l'immigration, mais il y a plusieurs organismes qui font un travail extraordinaire, et il
y a un leadership... bien je suis
d'avis qu'il y a un leadership qui doit être exercé aussi par l'État,
qui a une responsabilité en ce
sens-là. Mais comment ça se traduit?
Puis les acteurs, tout le monde
pousse dans la même direction, mais on ne sait pas trop comment agir. Cette proposition-là est venue sur la table, puis peut-être pouvez-vous la
commenter.
M.
Vigneault (R. Mathieu) : Je
trouve ça un peu lourd, l'idée d'obliger. On est revenus assez fréquemment sur
l'idée que la migration est un projet de vie. Si on veut que ce projet de vie
là se réalise positivement pour l'individu comme
pour le Québec, et particulièrement pour la communauté d'accueil, si on parle de régions, l'idée
d'obliger me paraît aller à contresens.
Je ne dis pas que l'idée n'est complètement pas bonne, là, j'essaie d'aller au deuxième niveau de cette proposition-là, si je peux me permettre,
en disant... L'idée d'un contrat, d'une promesse psychologique ou l'idée d'un
engagement sur la base de : Je
vais au Québec avec l'idée que je vais m'établir en région parce que
c'est ce que je veux, a priori, puis de dire qu'il y a une espèce de plan de migration ou une espèce de
parcours migratoire préétabli sur lequel on va sélectionner un pourcentage d'immigrants, ça, je pense que ça
peut nous parler, mais de là à dire qu'on les prend à Dorval puis qu'on les fait signer un contrat où on en prend 20 %, on en compte 10, puis il y en a 20 qu'on
leur fait signer un contrat pour aller
en région, je ne suis pas sûr que nous comme nos partenaires en région
trouveraient là une avenue très positive. Mais l'idée d'un contrat moral, l'idée d'une déclaration d'intérêt sur
laquelle on peut s'entendre, je pense qu'il y a quelque chose à creuser
là, définitivement.
M.
Thisdel (Michel) : Sachez aussi que, nous, comme institution, bien,
dans notre prestation de services, il y a des engagements qui se font,
donc, aux jeunes qu'on dessert. Donc, il y a un engagement, par exemple, de
participer, d'accepter l'offre de service
qu'on leur fait, donc ça s'inscrit aussi... On fait une bonne évaluation, il y
a un bon profil qui sort des jeunes
qu'on accompagne, et, dans le fond, dans cet engagement-là qu'ils prennent avec
nous, bien il y a déjà là un désir, un souhait de venir s'engager en
région.
Donc, je pense qu'il
faut prendre ça aussi pour les accompagner dans leurs projets de migration pour
qu'elle devienne aussi durable, parce que nous, on parle beaucoup de migration
durable, c'est-à-dire...
Le Président (M.
Picard) : ...M. Thisdel, merci.
M. Thisdel
(Michel) : Oui, merci.
Le
Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à M. le
député de Mercier pour une période quatre minutes.
M.
Khadir : Merci. Et je remercie encore mes collègues de ce temps
généreux qui m'est accordé, qui est rare. Merci, messieurs, de votre
présentation.
Donc, juste pour
éclaircir, parce qu'il y a eu cette intervention que vous avez faite au début
pour parler des chevauchements possibles et
dédoublements, est-ce que vous seriez prêts jusqu'à aller qu'il y a peut-être
trop d'organismes, peut-être trop d'argent en région actuellement pour
l'adaptation et l'intégration des immigrants?
M. Vigneault (R.
Mathieu) : Spécifiquement en région ou...
M. Khadir : ...en région.
M. Vigneault (R.
Mathieu) : En région? Plus maintenant.
M. Khadir : O.K., plus
maintenant. Parce qu'il y a eu des coupures?
M.
Vigneault (R. Mathieu) : Si c'était présumé qu'il y en avait trop
avant, maintenant je ne crois pas qu'on puisse dire ça.
M. Khadir :
Est-ce qu'on peut dire que, dans un moment où on cherche des politiques pour
favoriser l'établissement des nouveaux venus et surtout des jeunes en
région, couper dans certaines structures régionales qui faisaient beaucoup de concertation pour favoriser leur intégration comme
les centres... les CRE, les conseils régionaux des élus, et tout ça,
avec des partenaires locaux... Est-ce que c'est une bonne idée d'avoir coupé
leurs budgets?
• (12 h 10) •
M.
Vigneault (R. Mathieu) : Je pense qu'on peut difficilement juger
l'idée, mais je vais vous parler de l'impact que ça a sur nous, O.K.?
Les conférences
régionales des élus avaient un mandat de concertation régionale. Donc, elles
n'avaient pas un mandat de travailler
sur l'attractivité nécessairement des communautés, elles n'avaient pas un
mandat de travailler sur la mobilité interrégionale. Ça, c'est le mandat
de Place aux jeunes, par ailleurs.
Par contre, étant très, très convaincus de
l'importance de, plusieurs CRE — et je nommerais, par exemple, en Gaspésie, au Bas-Saint-Laurent, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, en Abitibi-Témiscamingue — étaient
des partenaires très engagés auprès
des ressources et des projets Place aux jeunes en région, et
leur disparition, qui ne signifie pas nécessairement la
disparition de leurs ressources financières,
va complexifier certainement le financement de nos partenaires locaux, qui,
je dois le préciser, doivent trouver dans la
communauté 20 % du financement... ou 20 % du financement que nous, on
leur donne. Donc, déjà, le financement, il y a une mobilisation locale...
M. Khadir : ...qui n'est plus
là ou qui est moins là.
M. Vigneault (R. Mathieu) : Bien,
qui n'est plus là ou, enfin, qui va être certainement plus compliqué à...
M. Khadir : Déstructuré, déstructuré.
M. Vigneault (R. Mathieu) : Oui,
voilà.
M. Khadir : Vous avez parlé
que vous desservez à peu près 6 000 jeunes, j'imagine, on peut dire
«jeunes», 18 à 35 ans; que près de
40 %, maintenant, de ces jeunes-là, dans le processus d'intégration en
région, ou plus de 40 %, même, c'est des jeunes issus de
l'immigration.
M. Vigneault (R. Mathieu) :
43 %.
M. Khadir : 43 % par
année, ça en fait beaucoup.
M. Vigneault (R. Mathieu) :
43 % en 2013‑2014, mais c'est un chiffre qui est passé de 12 %, en
2006, pour 114, à 43 %, en 2013‑2014, pour 466.
M. Khadir : 466. C'est quand
même beaucoup.
Bon, une
famille immigrante jeune qui s'établit en région, les chances de francisation...
Est-ce que la francisation s'est effectuée habituellement avant ou vous
observez qu'on a plus de facilité à les franciser en région?
M.
Vigneault (R. Mathieu) : Je vais vous dire que, pour envisager un
projet de migration en région, et en toute transparence et en toute
honnêteté, nous, on aurait beaucoup de difficultés à parler d'un projet mature
de migration s'il n'y avait pas d'abord et avant tout un niveau de
francisation, disons, correct.
M. Khadir : Parce qu'il n'y a
pas les ressources en région?
M.
Vigneault (R. Mathieu) : J'aurais tendance à penser qu'un réalignement
des ressources... Quand je parlais tantôt
des organismes de Montréal qui pourraient voir leurs mandats recanalisés,
recentrés, l'idée de la francisation, de la reconnaissance des acquis,
de l'expérience québécoise, de certains trucs qui sont comme pratiquement
préalables à la mobilité en région devrait être dans la cour et bien financé de
ces organisations-là.
M. Khadir : Et donc, si vous le jugez
maintenant préalable, c'est parce que vous n'avez pas ces facilités-là déjà.
Donc, ça veut dire que c'est un obstacle
qu'une politique d'immigration future qui voudrait favoriser à la fois la
francisation et l'établissement en région devra tenir compte, n'est-ce
pas?
M.
Vigneault (R. Mathieu) : Sincèrement, il faudrait se poser la question
d'une meilleure francisation en amont, c'est clair.
M. Khadir :
Parfait, parfait.
Le Président (M. Picard) :
C'est terminé. Merci, M. Thisdel, M. Vigneault.
Je vais suspendre quelques instants pour
permettre à Mme Valérie Amireault de prendre place.
(Suspension de la séance à 12 h 13)
(Reprise à 12 h 17)
Le Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en recevant Mme Valérie Amireault, professeure
à l'Université du Québec à Montréal et spécialiste en intégration linguistique
au Centre de recherche en immigration, ethnicité
et citoyenneté. Mme Amireault, vous disposez de 10 minutes pour faire
votre présentation, et après ça il va y avoir un échange avec les
parlementaires.
Dans un
premier temps, je dois demander un consentement pour excéder l'horaire de
12 h 30. Ça va pour tout le
monde? Donc, on continue avec la même durée d'intervention avec les
parlementaires. Allez-y, Mme Amireault, la parole est à vous.
Mme Valérie Amireault
Mme
Amireault (Valérie) : Alors, M. le Président, chers parlementaires,
c'est un plaisir, un honneur pour moi d'être
ici aujourd'hui pour vous parler de l'intégration linguistique des immigrants.
L'objectif de mon intervention sera donc
de, dans un premier temps, dresser un portrait synthèse de l'intégration
linguistique des immigrants au Québec, plus spécifiquement de leur francisation. Je vais tenter aussi de faire des
liens tout au long de mon intervention entre l'intégration linguistique
et l'intégration professionnelle et je vais proposer quelques pistes d'action
efficaces qui pourront être développées lors de la période de questions ou les
échanges qui suivront.
Je veux
d'abord revenir sur qu'est-ce que c'est que s'intégrer à une nouvelle société.
Donc, l'intégration, c'est vraiment
le fait de devenir partie prenante d'une collectivité, d'une société, et c'est
un processus bidirectionnel, qui va relever
autant de la société d'accueil que des nouveaux arrivants, c'est un processus à
long terme et c'est un mouvement transitoire vers l'inclusion.
L'intégration
linguistique, par ailleurs, c'est un facteur qui est extrêmement important du
processus d'intégration global, et, dans la perspective d'un Québec
interculturel, pluriel, inclusif, l'intégration linguistique est absolument nécessaire à prendre en compte pour réaliser ce
projet-là, pour faciliter leur insertion dans la société québécoise. Selon moi,
ça peut prendre trois dimensions
principales, donc d'abord faire la promotion du français, la langue commune, la
langue de cohésion, faire un meilleur
arrimage entre l'intégration linguistique et l'intégration professionnelle, et
par la promotion d'un rapprochement interculturel.
Alors, je
vais y aller d'abord par vous parler du français, langue commune et langue de
cohésion sociale. Donc, entre 2004 et
2014, ce sont 60 % des immigrants admis qui connaissent ou qui
connaissaient le français. Pour les autres, il y a des mesures qui sont proposées par le gouvernement du Québec, qui se
doit donc d'offrir des mesures variées. Mais il en existe en ce moment, et ce que je me propose de faire, donc, c'est
de faire peut-être un retour rapide sur ces mesures-là, celles qui
fonctionnent, celles qui pourraient être améliorées.
Donc,
d'abord, l'élaboration du référentiel commun en francisation des adultes qui
est vraiment un outil essentiel pour
les gens des milieux parce que ça permet d'harmoniser les programmes, peu
importe où les immigrants suivent leurs cours de français. Donc, ça,
c'est absolument nécessaire, et c'est mis en place, et ça fonctionne
relativement bien.
• (12 h 20) •
En ce qui concerne les cours en présentiel
offerts en ce moment par les différents partenaires du MIDI sous différentes formules, donc temps complet, temps
partiel, oral, écrit, cours de français spécialisés, etc., c'est important
de diversifier, je crois, les lieux, les structures de formation, donner
plus de flexibilité à ces cours-là pour permettre, par exemple, d'avoir plus d'offre
de cours à temps partiel, permettre aux gens de travailler en même temps, parce que c'est un
facteur souvent d'abandon des cours de français, les gens qui n'arrivent pas à subvenir aux besoins
de leur famille, qui doivent quitter
les cours. Donc, c'est vraiment une structure qu'il faudrait lui rendre plus de flexibilité pour permettre à plus de gens de suivre les cours de
francisation.
Également,
la possibilité de réduire les délais d'attente. Ce qu'on voit beaucoup
dans les milieux, c'est que les délais
d'attente pour les cours de français peuvent parfois être longs. Certains immigrants
vont se tourner, pendant cette période-là, vers l'anglais, c'est donc
des immigrants qui ont une connaissance peut-être meilleure de l'anglais, qui
se trouvent un emploi précaire en anglais en
attendant d'avoir accès à des cours de français, et ça a un effet domino pour le reste, donc création de liens avec la communauté
anglophone, et, ces personnes-là, leur francisation va être
soit retardée ou soit c'est un échec,
et il va falloir qu'ils y reviennent lorsqu'on va leur demander le bilinguisme pour un emploi.
Donc, c'est souvent un effet domino, là, d'aller vers l'anglais au
départ.
Un très bon coup au niveau de la francisation
qui va demander à être bonifié, c'est la francisation en ligne, la FEL, qui est un outil créé, bon, par le ministère
qui permet à des futurs immigrants d'abord de se franciser dès l'étranger, donc dès
leur pays d'origine, et ça fonctionne extrêmement bien. Ça permet d'élargir la
clientèle, donc, qui va prendre des cours de
français, beaucoup plus de flexibilité. Les gens doivent avoir accès à Internet, doivent
avoir leur certificat de sélection du Québec pour avoir accès à ces
cours-là, mais c'est des cours qui sont très appréciés.
Cependant,
en ce moment on a le cours du stade intermédiaire et du stade
avancé, donc une possibilité de penser à des cours de stade débutant pour aller rejoindre des gens qui commencent
leur francisation mais pour leur permettre d'avoir des outils à un niveau minimal, pour que, quand ils
arrivent au Québec, ils soient davantage outillés pour
prendre part dès le départ, en fait,
pour continuer leur francisation au Québec ou pour commencer à chercher un emploi. Plus de...
On a très peu de recherches, de données scientifiques sur cette formule
de francisation, la francisation en ligne. Plusieurs choses qui se sont faites avec les cours en présentiel, mais très peu
avec la francisation en ligne. Nous, c'est ce qu'on cherche à faire parce
que c'est la voie de l'avenir, avec un virage virtuel.
Les cours en
milieu de travail, donc, j'entendais l'intervention tout à l'heure, donc tout ce qui concerne les liens entre le milieu de travail et l'intégration linguistique, sont vraiment nécessaires à prendre en compte. Donc, aller rejoindre
les immigrants là où ils sont, sur leurs milieux de travail, c'est essentiel,
donc, par des incitatifs plus grands pour les employeurs,
la promotion de ces cours-là auprès des employeurs. Ça doit demeurer une
priorité, je crois, de cette nouvelle politique là.
Donc, en
résumé, des points saillants qui peuvent être retenus de cette partie-là et
dont certains reprennent d'ailleurs
les principes évoqués dans les mesures du
plan Franciser plus, intégrer mieux : d'abord, conserver le Programme
d'aide financière pour l'intégration linguistique des immigrants, c'est absolument primordial; proposer une grande diversité de cours en lien... au niveau de la structure, plus de flexibilité pour les cours, davantage
de cours à temps partiel peut-être; et franciser
plus de personnes immigrantes en allant rejoindre les nouveaux arrivants là où
ils sont, c'est-à-dire dès l'étranger, par
la francisation en ligne, mais même ici par les organismes communautaires, les
commissions scolaires, en milieu de travail, donc aller les chercher
vraiment là où ils sont, franciser plus tôt de l'étranger et continuer d'offrir
des cours spécialisés liés à l'emploi : le génie, l'administration, la
santé.
Donc,
apprendre le français dans une perspective professionnelle, c'est ce qui va
être gagnant pour ces gens-là, qui va leur permettre de s'intégrer plus
rapidement sur le marché de l'emploi. Et, en lien avec le travail, donc, on
sait, les recherches le prouvent, que le monde du travail constitue un
environnement qui est privilégié pour l'intégration des nouveaux arrivants, possiblement le meilleur facteur d'intégration
linguistique et sociale également, donc c'est nécessaire que la nouvelle politique en prenne compte. C'est
souvent la porte d'entrée vers la langue de la société d'accueil, notamment
parce que le travail, c'est un lieu de
contact avec les francophones aussi, donc on voit se développer des liens à l'extérieur
autres que professionnels, et ça permet
d'avoir un réseau de contacts plus grand, ce qui manque à plusieurs immigrants
qui disent qu'ils n'ont pas assez de
contacts, justement, avec la société francophone lorsqu'ils s'établissent au
Québec. Et c'est souvent un cercle
vicieux, c'est-à-dire que les immigrants doivent parler français pour
s'intégrer au marché du travail,
mais cette intégration aussi professionnelle leur permettra à son tour
d'utiliser et de maîtriser encore mieux le français.
Donc, le
travail, c'est un vecteur important pour la francisation des immigrants, et le
problème ici, c'est qu'il y a souvent
un manque d'adéquation entre le message que le gouvernement leur propose, c'est-à-dire que le français, c'est la langue de communication officielle qui
leur permettra de s'intégrer sur le marché du travail, et les besoins réels du milieu, surtout à Montréal, dans une métropole
urbaine où, là, on leur dit que le français, ce n'est pas suffisant et qu'ils
doivent maîtriser également
l'anglais. Donc, il y a cette dualité-là qui est ressentie très fortement
à Montréal. Donc, les nouveaux arrivants réalisent qu'ils doivent maîtriser dans plusieurs
emplois l'anglais en plus du français pour se tailler une place sur le marché
du travail.
Dans une
étude que j'ai réalisée en 2007 avec des nouveaux arrivants qui étaient en situation
de préemploi, les personnes
interviewées ont mentionné certaines possibilités ou certaines implications, et
je veux vous en faire part parce
que
ce sont des préoccupations, pour moi, qui sont importantes.
Donc, ils auraient aimé être mieux informés dès le départ, avant leur arrivée au Québec,
des possibilités d'emploi, les réalités du marché du travail, de l'importance du bilinguisme, surtout à Montréal.
Ils ont beaucoup de difficultés à faire reconnaître, bon, leurs
diplômes, leurs acquis mais également
à faire des stages en milieu de travail,
même des activités de bénévolat en milieu de travail. Donc, ce sont
des gens souvent extrêmement motivés,
qui veulent prendre leur place, mais à certains égards ils se rendent compte
qu'il y a une certaine fermeture
parfois des milieux professionnels. Donc, ils aimeraient avoir droit à plus de
flexibilité quant à ces différentes activités là qu'ils sont prêts à faire, par ailleurs. Et ils ont mentionné l'idée d'un programme de mentorat,
d'accompagnement dans les entreprises par des employés francophones,
donc, pour vraiment leur permettre, au niveau professionnel et linguistique, de
se développer en tant qu'employés. Et, bien sûr, les cours de français en
milieu de travail, on en parle beaucoup,
mais ce ne sont pas toutes les entreprises qui en offrent, et plusieurs
immigrants interviewés n'avaient pas eu accès à ces cours-là, n'en avaient jamais entendu parler. Donc, ce sont
des choses, je pense... La promotion de ces cours-là auprès des
employeurs doit être faite de façon plus importante.
Le Président (M. Picard) :
Mme Amireault, ça met un terme à votre exposé. Nous allons entreprendre
les discussions avec la ministre.
• (12 h 30) •
Mme Weil :
Oui, merci beaucoup, Mme Amireault. Et vous êtes la première spécialiste
en matière de francisation, alors
c'est vraiment intéressant de vous entendre et de porter un regard sur l'offre,
qui est quand même, d'après ce que vous
dites, d'après ce que j'observe, une offre quand même très diversifiée depuis
plusieurs années, avec différentes stratégies en amont, en aval, dans différents milieux. Et ça va être intéressant
parce que je vous dirais que le consensus, honnêtement, c'est depuis
longtemps, ce consensus, le premier énoncé de politique en 1990. À l'époque, on
parlait beaucoup de la pérennité du fait français, je pense qu'on parlait
beaucoup de l'importance de la langue et de préserver une société francophone en Amérique du Nord, mais il y a
beaucoup aussi maintenant cette sensibilité d'intégration en emploi. À l'époque,
on parlait beaucoup d'une société
francophone, oui, mais c'est plus personnalisé maintenant parce qu'on entend
beaucoup de ces histoires,
évidemment, on échange beaucoup sur cette question d'outiller la personne pour
qu'elle puisse réaliser son rêve, hein, le rêve. La
déception, ce que vous décrivez, là, je le ressens tellement, parce
qu'évidemment moi, je suis Montréalaise,
je rencontre beaucoup de personnes, je leur pose toujours des tas de questions
sur leur parcours, etc. Il y a des
histoires magnifiques de réussite. Et il y a beaucoup, beaucoup de Français, de
plus en plus de Français qui viennent ici
puis s'intègrent rapidement, aussi des personnes de l'Afrique francophones,
aussi, en tout cas. Mais je suis tellement d'accord avec vous qu'il faut
les accompagner en aval.
Je suis
vraiment contente de vous entendre avec une évaluation. Je comprends que le
ministère participe ou vous fournit
des données pour vos projets de recherche, surtout pour le FEL, peut-être aussi
les programmes de francisation en différents milieux, là. Donc, c'est
intéressant d'avoir votre... que vous disiez que c'est un très bon coup.
Et je voulais
voir aussi, donc... Donc, vous parlez que ce serait important de développer un
cours pour les débutants, les
débutants, hein, le FEL débutants. C'est sûr que la sélection des travailleurs
qualifiés se fait sur la base de la connaissance de la langue, mais il y a d'autres personnes qui arrivent ici, le
regroupement familial, il n'y a pas de critère linguistique, comme dans tous les pays qui... c'est une voie
humanitaire, le regroupement familial, mais qui seraient intéressées. Puis, dès qu'ils ont un CSQ, tout le monde, ça, c'est
quelque chose qu'il serait important, pour le gouvernement, de diffuser,
évidemment, le fait... Tous ceux qui ont reçu un certificat de sélection
du Québec peuvent se prévaloir du cours de francisation en ligne pour toujours, pour toujours, alors c'est
intéressant. Donc, il y a peut-être des gens qui sont ici depuis longtemps, ne savent pas, alors il faut les rejoindre pour leur dire ça. Ceci étant
dit, donc, je trouve ça intéressant, ce que vous dites, de développer, donc, ce cours de débutant. Ce serait
moins, évidemment, pour les personnes qu'on a sélectionnées mais
pour tous les autres qui sont aptes aussi à contribuer au marché du
travail.
Alors,
j'aimerais vous entendre sur peut-être d'autres commentaires, si vous en avez, sur le
FEL, les Alliances françaises et ces
125 ententes qu'on a développées à l'étranger. Et je pense qu'on est rendu
peut-être à trois ou cinq centres même en Chine, il y a un engouement pour ces
cours de français en Chine. C'est un bassin important. Pour
l'immigration au Canada, c'est le numéro un, mais, même pour le Québec,
numéro un, deux ou trois, c'est vraiment dans les trois, quatre premiers pays. Est-ce que vous avez pu
regarder l'impact ou l'évaluation de ceux qui ont suivi ces cours dans les
Alliances françaises?
Mme
Amireault (Valérie) : Bien,
c'est une réalité quand même que je connais bien, et je vous dirais que, oui,
ce sont des partenaires absolument...
il faut prendre appui sur ce réseau-là qui est immense. Et l'important, par
contre, c'est d'outiller les
enseignants de ces alliances-là aux réalités québécoises, parce que la plupart
du... pas la plupart du temps mais
souvent, dans les Alliances françaises, ce sont des enseignants français
qui enseignent un cours aux futurs immigrants du Québec, et toute la réalité culturelle n'est pas nécessairement prise en compte, donc, on utilise du matériel français, fait
en France, et je crois que ce serait pertinent d'avoir des enseignants québécois,
dans les Alliances françaises, ou à tout le moins un programme, un cours Québec qui permettrait d'aller chercher
des réalités... un peu comme le cours de francisation en ligne, là, vraiment un cours qui
permettrait d'aller chercher les réalités québécoises, parce que c'est une
autre barrière. Les gens qui se sont
francisés ailleurs avant d'arriver, ça leur prend un certain temps souvent,
même s'ils ont un niveau intermédiaire,
de comprendre la langue parlée au Québec,
ce n'est pas nécessairement la même chose que celle qu'ils ont apprise lors de leurs études dans leur pays d'origine. Donc, cette
réalité-là, les liens entre la langue et la culture doivent être
vraiment pris en compte dans les cours donnés par les Alliances françaises.
Donc, oui,
faire la promotion via les alliances, parce que ce sont vraiment des pôles, des
pôles d'enseignement qui... on ne
peut pas passer à côté, là, mais en même temps il faut faire attention à ce
qu'on véhicule dans les alliances et aux professionnels qui sont chargés
de ces cours-là.
Mme Weil : Oui. Est-ce que
vous avez des suggestions sur comment on pourrait faire ça? Je sais qu'il y a
un document qui est envoyé à ces alliances, mais est-ce que... Vous avez
peut-être des recommandations.
Mme
Amireault (Valérie) : D'abord, de la formation, hein, de la formation
à ces enseignants-là qui ne connaissent pas nécessairement la réalité du Québec, ou la production de matériel
didactique, d'un cours axé sur le Québec ou de... sans que ce soit...
Moi, je prendrais vraiment appui sur le cours qui est développé pour la
francisation en ligne, il y a quelque chose
là qui est vraiment une mine d'or, d'aller chercher quelque chose pour le
sortir de son aspect en ligne et pour
le diffuser peut-être en alliance d'une autre façon, mais il y a vraiment une
réalité québécoise à prendre en compte pour de futurs immigrants au
Québec. Mais les alliances, c'est décidément une porte de promotion du Québec,
mais il faut bien la faire, cette promotion-là, donc, il faut la faire avec
efficacité et professionnalisme, je crois.
Mme Weil :
Merci. Vous avez évoqué les relations interculturelles. Un des objectifs de
cette consultation, c'est de regarder
notre modèle d'accueil, d'intégration, l'interculturalisme, de renforcer,
peut-être mieux définir, de formaliser et puis d'assurer ce rapprochement par ces relations interculturelles. J'aimerais vous entendre sur cette question, parce que vous avez un point de vue.
Mme
Amireault (Valérie) : Oui,
bien je pense que la politique doit absolument prendre en compte le fait que l'intégration, c'est un engagement
partagé, donc, de la société d'accueil et de l'immigrant, alors les deux
doivent faire leur part. Et, oui, la société
doit reconnaître, valoriser la diversité, mais les immigrants doivent prendre
part à la société dans laquelle ils vivent. Il faut leur donner les
outils pour faire ça, et il y a des pistes d'action concrètes qui peuvent être
mises de l'avant, je crois, surtout en lien avec la francisation. Les budgets
alloués aux initiatives de rapprochement interculturel
dans le cadre des cours de francisation doivent, selon moi, être maintenus parce que
les liens entre la langue et la
culture doivent être faits tout au long de l'apprentissage de la langue, et la
découverte de la culture francophone fait vraiment
partie prenante d'une francisation de qualité, selon moi, donc, que ce soient
des activités ponctuelles ou des jumelages,
qui ne coûtent vraiment pas très cher à réaliser, mais de faire des
jumelages entre les nouveaux arrivants qui sont en francisation avec des familles québécoises francophones, avec
des locuteurs du français, peut-être des familles immigrantes donc qui sont passées par là mais qui peuvent les
accompagner. J'ai vu dans certains cours de francisation des jumelages qui sont faits avec des maisons pour
personnes âgées. Donc, ce sont des gens qui apprennent le français, qui veulent échanger avec des francophones et qui
sont jumelés avec des personnes âgées d'une maison avoisinante qui
veulent aussi, eux, parler, donc ça fait des jumelages vraiment de qualité.
Ce
sont des initiatives comme ça qu'il faut, je crois, promouvoir, développer. Il y a beaucoup
de terrain, de choses qui sont faites
sur le terrain qui ne sont pas nécessairement diffusées, valorisées, et c'est chaque directeur
de centre ou chaque personne qui
s'occupe d'un organisme de francisation qui va un peu à la pêche en cherchant
des personnes pour faire le jumelage avec ses apprenants, mais c'est quelque
chose qui, je crois, dans une politique, doit être énoncé, l'importance du rapprochement entre les
différentes cultures, dans une société qui se veut inclusive. Donc, il faut en parler
et pas nécessairement de façon
abstraite, donc y aller dans le concret avec certaines initiatives
qui sont réalisées dans les milieux.
Mme
Weil : Très
intéressant. Donc, un peu mobiliser le milieu des institutions publiques, la société
civile dans cet engagement. Donc, c'est l'affaire de tout
le monde, cette langue de partage, et
c'est le rapprochement par la langue, et
je trouve ça formidable comme idée. C'est des projets comme ça que certains ont
initiés, mais, dans la politique, on verrait
cet appel, si on veut, à l'engagement de tous et chacun envers l'autre, hein, l'immigrant,
le nouvel arrivant, c'est très intéressant.
Vous avez évoqué, puis ensuite je vais céder
la parole à ma collègue... vous l'avez dit en passant, la fermeture de certains milieux de travail. Ça, c'est lorsque
vous avez fait votre étude. Pourriez-vous nous en parler? On a beaucoup parlé de ça puis l'importance de
travailler tout le monde ensemble. Cette question de fermeture, certains
parlent de méconnaissance. La Commission des droits de la personne, évidemment, selon leur étude, c'est carrément
de la discrimination, mieux vaut s'appeler Bélanger que Traoré, une
étude que tout le monde connaît. Est-ce
que je pourrais vous entendre là-dessus,
ce que vous avez entendu des personnes que...
• (12 h 40) •
Mme
Amireault (Valérie) : Dans
le milieu, ce qu'on entend, c'est qu'il
y a plusieurs entreprises
qui, pour eux, c'est vraiment une problématique. Au lieu de voir les populations,
les personnes nouvellement arrivées comme des richesses
pour une entreprise, on les voit tout de suite comme une
problématique, donc plusieurs entreprises vont peut-être
choisir d'avoir dans leurs rangs plus de gens qui ne sont pas nécessairement
issus de l'immigration, qui sont déjà des locuteurs
du français. C'est sûr que mon expertise est en langue, donc, au niveau
socioéconomique, je laisserai peut-être la parole à d'autres intervenants à ce niveau-là, mais en langue ils
trouvent que c'est compliqué donc pourquoi, finalement? Quand j'ai le
choix, bien quelqu'un qui parle déjà français, ça m'arrangerait davantage, à
compétences égales. Donc, il y a tout ce travail-là à faire.
Il
y a certaines entreprises qui ne savent pas non plus qu'il y a des cours de
français en entreprise, qui ne sont pas au fait de ça, il y a des
nouveaux arrivants qui l'apprennent à leurs employeurs. Donc, je pense qu'il
faut que ce soit diffusé, que la promotion de ces cours-là en entreprise, en
milieu de travail soit faite vraiment de façon très large, à Montréal comme à l'extérieur, pour les
sensibiliser, les employeurs, au fait que ce sont des cours qui sont offerts
gratuitement. Et ça, plusieurs
employeurs ne veulent pas débourser pour ces cours-là et se disent : Non,
je ne veux pas... Il y a vraiment une
réticence dans les milieux en lien avec ces cours-là, je dirais. Donc, il faut
faire un travail, il faut qu'il y ait des agents qui aillent parler à
ces employeurs-là pour...
Les
personnes immigrantes qui arrivent ont un bagage et linguistique mais et
culturel immense, des diplômes, un
potentiel économique, professionnel, social qui ne demande qu'à être exploité,
et souvent ils se heurtent à des obstacles, que ce soient linguistiques, professionnels, mais c'est une série
d'obstacles, en fait, qu'ils doivent surmonter. Et ça, c'en est un majeur, je dirais, mais c'est absolument
nécessaire que l'intégration linguistique passe par le travail. Et, si on est
capable d'aller rejoindre ces gens-là directement dans leur milieu pour
leur aider...
Il
y a des gens aussi qui ont un français intermédiaire mais que des cours de
français leur permettraient d'avoir un
niveau plus avancé pour accéder à des fonctions plus importantes. Donc,
l'avancement aussi professionnel des gens qui ont déjà un emploi mais qui
veulent avoir un meilleur emploi, ça, ce serait quelque chose à prendre en
compte aussi dans les cours de français par les employeurs.
Mme Weil :
Il reste peu de temps, alors je vous remercie beaucoup, beaucoup. Très
intéressant, un sujet bien important. Merci beaucoup, Mme Amireault.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Bourget.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Merci d'être là. Bonjour, madame.
Mme Amireault
(Valérie) : Bonjour.
M. Kotto :
Vous dites : La francisation en ligne fonctionne bien. Quels sont les
indicateurs de performance auxquels vous vous référez pour le dire?
Mme
Amireault (Valérie) : D'abord, il y a 19 000 personnes qui
ont suivi... ont participé à un cours de francisation en ligne, donc c'est un nombre appréciable de
personnes qui se francisent. Et je crois que c'est un bon rapport qualité-prix
au niveau de... C'est un programme qui est
bien ficelé et qui est déjà fait, qui demande peu d'investissement, par
ailleurs, parce qu'ensuite on a
l'utilisation ou l'implication de tuteurs qui vont suivre ces apprenants-là
dans leur apprentissage en ligne,
donc ça demande moins de ressources humaines que si on francisait toutes ces
personnes-là par le biais de cours en
présentiel, par exemple. Donc, ce sont des cours qui fonctionnent bien parce
qu'ils permettent à ces immigrants-là ou ces futurs immigrants là d'avoir une connaissance de la langue, de la
culture au préalable et, même quand ils sont arrivés ici, de continuer
leur apprentissage de façon flexible et sans la rigidité de certains horaires
de cours.
Ceci dit,
j'ai dit aussi qu'on avait besoin de plus de données scientifiques, de plus de
recherches sur la francisation en
ligne. Je suis en train de travailler là-dessus, parce qu'effectivement, au
niveau des indicateurs, on sait que c'est, au niveau de la satisfaction, un programme qui est très apprécié, par
contre on a la satisfaction des gens qui ont suivi plusieurs blocs.
Donc, nous, ce qu'on veut aller chercher aussi, c'est les gens qui abandonnent
un bloc de francisation en ligne. Pourquoi? Quelles sont les raisons? Comment
on peut promouvoir ou apporter des modifications à ce programme-là pour les gens qui vont abandonner après un bloc ou
deux blocs de francisation? Donc, c'est exactement dans l'esprit où la
recherche se fait en ce moment, mais ce que ça permet de faire, c'est de
rejoindre une clientèle beaucoup plus large, beaucoup
plus vaste et de franciser au niveau linguistique et culturel dès le départ, ce
qu'on ne peut pas faire avec d'autres programmes,
à part peut-être, comme on l'a évoqué, à l'aide des Alliances françaises, mais
de cours sur le Québec il en existe
très peu. Et ce cours-là se doit d'être diffusé et, je crois, doit avoir
l'attention qu'il mérite, mais doit aussi apporter des données scientifiques pour justement arriver à
mettre des chiffres et peut-être apporter des améliorations si on voit que
c'est ce qu'il est important de faire. Mais, oui, c'est important d'aller
creuser davantage à ce niveau-là.
M. Kotto :
O.K. D'abord, j'apprécie votre exposé, votre mémoire aussi, c'est une source
d'éléments de réflexion structurants.
Je veux revenir sur l'Afrique, notamment le Maghreb et l'Afrique subsaharienne.
Toujours avec l'enjeu de
l'immigration, c'est le bassin, l'Afrique du
Nord, c'est un des bassins les plus importants, disons, d'immigration francophone au Québec. Quelqu'un
nous disait hier que, depuis un certain temps maintenant, loin dans le
passé, ceux qui venaient de ce bassin
maîtrisaient parfaitement le français, mais que la langue arabe a pris le
dessus depuis peu de temps, mais que
nous continuons, nous, au Québec, à cibler ce bassin comme bassin principal
francophone. Avez-vous des éléments,
avez-vous fait des recherches relativement à ce phénomène de transition entre
la prédominance de la maîtrise du français versus l'arabe des nouveaux
arrivants de ce coin du monde là?
Mme
Amireault (Valérie) : Je
n'ai pas fait de recherche spécifiquement sur ce sujet-là. Par ailleurs, je
peux vous dire que ce qu'on voit beaucoup
dans les cours de francisation de cette population-là, parce qu'on sait que...
Bon, j'ai les chiffres devant moi.
2004 à 2013, l'Algérie et le Maroc, c'est le premier et le troisième pays de
provenance des immigrants. Ce sont des
gens dont la langue orale, donc le français parlé, ça va relativement bien, on
voit beaucoup de cette clientèle-là dans les cours de français écrit.
Donc, ce sont des gens qui, pour, justement, se trouver un travail, vont
parfaire leur français écrit dans les cours
qui sont spécialisés en français écrit. Donc, l'oral, souvent, ça va, ils
peuvent se débrouiller de façon
fonctionnelle, là, dans la vie de tous les jours. Par contre, pour le travail,
on leur demande souvent d'améliorer leurs
capacités à l'écrit, et c'est pour ça que, dans les cours de français écrit,
c'est une population qu'on retrouve en grand nombre.
M. Kotto :
O.K. Maintenant, je profite de votre présence parce que vous êtes une exégète
de la question. De la perspective de l'énoncé politique en immigration
de 1990, partant de l'objectif qui est fondamental, c'est-à-dire la pérennité de la langue française, est-ce que vous
pensez que c'est un objectif atteint, aujourd'hui, à la lumière des données
dont vous disposez?
• (12 h 50) •
Mme Amireault
(Valérie) : Ça dépend quels sont les indicateurs de pérennité. On sait
que donc il y a 60 % des gens
qui sont arrivés dans les dernières années qui maîtrisent, là, qui ont une
connaissance du français. Une autre question, c'est : Qu'est-ce que c'est qu'avoir une connaissance du français?
Est-ce que j'ai une connaissance fonctionnelle, j'ai une connaissance
pour travailler? C'est deux choses qui peuvent être différentes dans certains
cas.
Beaucoup
d'avancées qui ont été faites dans les dernières décennies. Je pense que les
immigrants réalisent que leur projet, quand ils viennent au Québec, va
se faire en français, mais ils se heurtent à un nombre d'obstacles. Je ne pourrais pas calculer la qualité de ces
obstacles-là de 1990 à maintenant, mais en ce moment il y a des obstacles au
niveau de l'apprentissage de la
langue, il y a des obstacles au niveau des relations interculturelles avec les
gens de la communauté d'accueil
aussi. Donc, ils vont se sentir, au niveau identitaire, toujours... souvent
entre deux chaises et ils vont se dire : Bien, c'est souvent par l'emploi que je vais, finalement, me sentir
Québécois. Donc, toute la francisation, elle est faite dans le but de participer à un projet
professionnel qui va leur permettre... Selon eux, selon les recherches, c'est
vraiment le facteur emploi qui va faire que, oui, je suis maintenant en
bonne voie d'être bien intégré.
Mais la
pérennité de la langue française, je crois qu'elle ne sera jamais... C'est
difficile de mentionner que c'est un succès
total en ce moment avec les immigrants qu'on voit dans nos classes, dans les
classes de français sur le terrain, qui vont abandonner, qui vont se trouver un boulot en anglais, qui vont se
créer des liens en anglais par la suite. C'est sûr que la francisation...
Et je n'en ai
pas parlé plus tôt, mais la langue de scolarisation des enfants est un élément
extrêmement important. Donc, le fait
que leurs enfants soient scolarisés en français, c'est un vecteur
d'intégration, ça, qui va pousser les parents à prendre des cours de
français dans les écoles, même, il y a plusieurs écoles qui offrent des cours
de français aux parents,
dans les organismes communautaires. Donc,
ça, c'est un élément qui est nécessaire. Donc, je veux parler français pour aider mon enfant dans son
parcours scolaire, c'est une motivation qui est intrinsèque, je dirais, aux
parents. Et, en ce sens-là, ces politiques-là
ont probablement amené plusieurs parents à se franciser pour suivre les enfants
dans leur francisation. Donc, ça, je pense que c'est un indicateur
positif.
M. Kotto :
O.K. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Maintenant, je cède la parole à M. le député
de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Amireault. Vous venez de parler de l'importance du vecteur de l'école, la scolarité des enfants en français, et par la
suite ça découle vers les parents, qui décident de s'intégrer. Est-ce
que la base de la stratégie de francisation ne devrait pas passer par l'école?
Mme
Amireault (Valérie) : C'est sûr que l'école est souvent le premier
lieu de contact avec la culture pour les immigrants qui ont des enfants, bien sûr, le premier lieu de contact
avec la culture québécoise, la classe d'accueil plus particulièrement l'est aussi. Je crois que, dans
une perspective d'amener les ressources là où sont... ou de rejoindre les
immigrants là où ils sont, l'école devient
un lieu tout à fait important et un centre névralgique, là, pour la
francisation. Donc, oui, il y a des projets
de cours de français offerts aux parents dans les écoles qui vont, là,
rejoindre plusieurs objectifs, dont
celui de faire un contact entre la collaboration école-famille, par exemple,
franciser les parents du même coup, donc impliquer les parents dans le parcours scolaire de leurs enfants. C'est
faire d'une pierre deux coups, je crois, que de cibler les écoles pour
en faire des lieux d'intégration des parents comme des enfants, oui.
M.
Jolin-Barrette : Lorsque les nouveaux arrivants immigrent au Québec,
les statistiques du ministère indiquent qu'environ 40 % des néo-Québécois n'ont pas la connaissance de la
langue française, mais c'est basé sur une déclaration du nouvel arrivant. Est-ce que, selon votre
expérience, selon vos recherches, ce pourcentage-là est exact ou il est plus
bas, il est plus haut? Est-ce que c'est un reflet adéquat, dans le fond,
la déclaration?
Mme
Amireault (Valérie) : Le problème avec la déclaration, c'est que la
connaissance, comme je disais tout à l'heure,
peut se mesurer de différentes façons, et plusieurs pensent qu'ils ont une
connaissance... Et je crois que le chiffre, le 40 % qui n'a pas la connaissance du français peut être exact
dans le sens où ceux qui déclarent connaître le français peuvent avoir une maîtrise fonctionnelle dans la
vie de tous les jours, mais, quand ils arrivent au Québec, ils réalisent que
parfois, la langue parlée, ils ne la comprennent pas tout de suite. Donc, c'est
une adaptation en lien avec la langue peut-être
qu'ils ont apprise dans leur pays d'origine et au niveau de l'emploi; que ce
n'est pas suffisant, ce qu'ils ont, pour... Peut-être que dans la vie quotidienne ça fonctionne, mais, au niveau de
l'emploi, on leur demande plus, et de là l'importance de les suivre dans
leur parcours d'intégration et de leur faire réaliser que c'est un processus à
long terme.
Donc, oui,
l'importance de faire venir au Québec des gens qui ont une connaissance du
français ou qui sont intéressés par... vraiment des francotropes, mais de les
outiller tout au long de leur parcours ici parce que, quand ils arrivent ici, ce n'est pas terminé, leur
francisation. Même pour ceux qui ont un niveau intermédiaire, on réalise qu'ils
ont besoin de plus et que c'est le
levier vers leur intégration économique, sociale, professionnelle, etc. Donc,
pour moi, c'est vraiment... le coeur de l'intégration passe par
l'apprentissage de la langue et de la culture.
Mais, ceci dit, c'est
très difficile à répondre, cette question-là, parce que vraiment ça demande une
meilleure opérationnalisation du terme «connaissance du français». Donc,
qu'est-ce que ça veut dire exactement? Pour une connaissance fonctionnelle, je
crois que, oui, c'est un bon reflet, oui.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Vous avez parlé de la flexibilité des cours de
français qui sont offerts, donc l'importance de développer une gamme de services, une offre de services pour répondre
aux besoins des immigrants qui parfois doivent travailler et retournent sur le marché du travail, ont commencé des
cours de français et retournent sur le marché du travail. Généralement, le ministère offre des cours à...
les programmes prévoient un délai de cinq ans de francisation. Pensez-vous
que ce délai-là devrait être allongé, en fonction de ce que vous nous avez dit
précédemment?
Mme
Amireault (Valérie) : Ça
dépend qu'est-ce que l'immigrant
a fait pendant ces cinq années-là. On se rend compte que c'est davantage au début de l'intégration que davantage de cours vont être... où la francisation, la
formation va être effectuée. Par contre, quelques années après... Et ça,
ça va arriver vers la troisième, quatrième, ça va toucher la cinquième année
peut-être où, là, l'immigrant qui s'est peut-être trouvé un travail veut
revenir en cours pour parfaire certaines
choses, certaines connaissances linguistiques. Donc, en ce sens-là, le délai de
cinq ans, je crois, est encore pertinent en ce moment, oui.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Et puis vous avez abordé la question du
bilinguisme qui était requis souvent dans bien des emplois à Montréal. Quelle stratégie peut-on adopter pour favoriser
l'apprentissage du français mais également pour favoriser un
apprentissage... une intégration économique sur le marché du travail lorsque
l'immigrant est confronté à deux réalités?
Mme
Amireault (Valérie) : Oui, bien je pense que l'idée, ce n'est pas de
mettre les deux langues en concurrence. Et c'est la même chose pour l'ensemble des Québécois, là, c'est une
réalité du marché de travail, surtout à Montréal, et c'est d'abord de
les informer à l'avance de cette réalité-là.
Donc,
moi, dans les recherches que j'ai faites, la plupart des immigrants n'avaient
aucune idée que l'anglais était à ce
point nécessaire pour avoir des avancements dans leur travail. Donc, d'abord, de les informer. Ensuite, de les outiller en français pour leur dire : Oui, ici on
travaille en français, mais de ne pas leur fermer la porte, en fait, de dire
que l'anglais peut aussi leur ouvrir
certaines possibilités et peut leur permettre d'avoir des emplois qui vont leur
permettre de meilleures promotions.
Donc, la
maîtrise du français, pour moi, va rester primordiale dans le contexte québécois,
mais c'est de ne pas non plus freiner
leur apprentissage de l'anglais, de dire que ce sont deux réalités, mais,
dépendamment de votre champ de
travail, ça se peut qu'on vous demande d'être compétent en anglais aussi. Donc,
c'est de les informer d'abord, je dirais.
Le Président (M. Picard) : ...secondes.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
Bien, je vais en profiter pour vous remercier pour votre présentation à la commission. Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Mercier.
M. Khadir : Merci, M. le Président.
Mme Amireault, bienvenue. J'ai l'impression que votre présentation
intéresse particulièrement la ministre, parce que vous pensez à des
suggestions et des pistes très intéressantes. Mais j'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez dit,
d'abord pour souligner le fait que vous avez dit : Il s'agit d'un
mouvement, l'inclusion...
L'intégration, vous l'avez définie comme un mouvement transitoire vers
l'inclusion. On comprend par là que,
si, dans ce processus d'inclusion, la
société d'accueil montre parfois par la manière dont on mène certains débats,
par exemple sur la laïcité, par exemple sur l'histoire de l'imam dont on a
parlé ces derniers jours... qu'on mène certains débats d'une manière qui projette l'image que nous, comme société
d'accueil, on n'accueille pas, on veut exclure, on se sent dérangés,
c'est sûr que c'est mal parti.
Mais, au-delà
de ça, sur l'aspect pratique, vous avez dit qu'il y a des cours actuellement que vous jugez qu'on réussirait mieux à franciser les immigrants
s'il y avait plus de flexibilité sur les horaires. Moi, depuis que je connais cette réalité, c'est-à-dire depuis mon
enfance, ce que je retiens le plus régulièrement, c'est que les soutiens financiers pour les cours à temps plein de francisation sont si
faibles que l'immigrant qui arrive, souvent qui n'est pas venu avec un gros
bagage financier, à la première occasion va se chercher un emploi. D'accord?
Donc, on crée des conditions, en fait, matérielles
pour qu'ils abandonnent plus rapidement, par le maigre soutien financier. Donc, il faut
trouver des moyens soit d'augmenter le soutien, soit de flexibiliser le
suivi de ces cours pour ne pas les...
Puis l'autre
chose, la question que je me posais : Pourquoi est-ce que
les cours de français en ligne doivent être limités à ceux qui ont un certificat de sélection? Si on a la
possibilité d'offrir des cours même pour débutants, pourquoi ne pas les offrir au départ pour tous ceux qui ont
envie peut-être d'immigrer, pour différentes raisons, au Québec,
qui sont appelés par ça, sont tentés,
pour leur permettre de se qualifier pour le certificat de... Est-ce qu'il y a un problème technique pour le rendre disponible? Bon, peut-être
la partie ministérielle pourrait répondre à ça.
Et, comme
vous avez plus de liberté que la plupart des groupes, qui ont des cadres
institutionnels pour répondre, bien,
sur la question, justement, de la manière dont on mène certains
débats sur les questions d'intégrisme, sur les questions de
laïcité, et tout ça, j'aimerais vous entendre, parce que vous êtes la plus
libre, je pense, d'entre tous ceux qui sont venus.
• (13 heures) •
Mme
Amireault (Valérie) : Bien,
c'est sûr que, dans une perspective d'intégration linguistique, on ne peut pas passer à côté de
tous ces éléments-là. Et intégration linguistique, oui, mais rapprochement interculturel et relation interculturelle. Et je pense que c'est vraiment une
réalité partagée, mais les personnes immigrantes qui reçoivent ce signal-là qu'ils ne font pas partie de la société
dès le départ et que c'est vraiment à eux de se démarcher parce qu'au niveau du gouvernement, par exemple, ou de certaines institutions on ne leur
laisse pas la place, c'est un message qui est très difficile à encaisser, pour ces gens-là, qui
n'auront pas, par ailleurs, le goût et la motivation de se franciser davantage
et de faire partie prenante de cette société-là.
Toute la
question identitaire aussi qui vient avec ça. Donc, je traîne mon identité ici.
Souvent, on voit qu'il y a un mélange
qui s'opère entre identité d'origine et identité d'accueil, donc je me fais une
identité hybride. Mais l'identité qui est projetée dans ma société d'accueil, en ce moment, est-ce que je veux y
adhérer? Il y a plusieurs nouveaux arrivants qui ne sont pas nécessairement d'accord avec certains
éléments politiques et sociétaux que l'on retrouve en ce moment et qui vont peut-être se refermer sur leur propre
identité, en disant : Ce n'est pas la société vraiment que j'ai choisie.
Ce sont des débats qui doivent être menés, je crois.
Et en
francisation aussi, même, les cours de français, les cours de langue, ce sont
des lieux, je crois, privilégiés pour
discuter de ces éléments-là interculturels, pour aller au-delà des stéréotypes,
pour faire en sorte que les gens qui se francisent n'aient pas seulement une connaissance de la langue, mais de
la société dans laquelle ils vont évoluer. Donc, je vois beaucoup, justement, les cours de français et les enseignants
comme des passeurs culturels ou des facilitateurs, en fait, de ces
débats de société au niveau de tout ce qui concerne l'intégration, l'inclusion,
la francisation, etc.
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme Amireault, le temps est
écoulé. Donc, ça met fin à nos travaux pour cette semaine.
Et la commission ajourne ses travaux au lundi
2 février 2015, à 14 heures, où elle poursuivra son mandat.
(Fin de la séance à 13 h 2)