(Neuf heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Picard) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions
publiques sur les documents intitulés Vers une politiquequébécoiseen matière d'immigration, de diversité et
d'inclusion.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le Président.
M. Fortin (Sherbrooke) est remplacé par M. Polo (Laval-des-Rapides); M. Bergeron (Verchères) est remplacé par Mme
Maltais (Taschereau); Mme Richard (Duplessis), par M. Pagé (Labelle);
Mme Lavallée (Repentigny), par M. Jolin-Barrette (Borduas).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Picard) : Merci. Ce matin, nous recevons le
Conseil interprofessionnel du Québec, la Table ronde du Mois de
l'histoire des Noirs, Pour les droits des femmes du Québec et le Comité
consultatif Jeunes.
J'invite maintenant les représentants du Conseil
interprofessionnel du Québec à se présenter et à faire leur présentation d'une
durée maximale de 10 minutes. Va s'ensuivre un échange avec les
parlementaires. Mme Legault, c'est à vous.
Conseil
interprofessionnel du Québec (CIQ)
Mme Legault (Diane) : Merci, M. le
Président. Alors, Mme la ministre, M. le Président, Mmes, MM. les députés,
Mme la secrétaire, bonjour. J'ai aujourd'hui le privilège de
vous présenter le mémoire de notre organisation, le Conseil
interprofessionnel du Québec, et je
vous présente M. Jean-François Thuot, qui est le directeur général du
Conseil inter, que nous appelons entre nous le CIQ.
Alors, le
CIQ, c'est le regroupement des 45 ordres professionnels qui encadrent la
pratique de 371 000 membres. Le CIQ, c'est aussi un organisme-conseil auprès de la ministre de la
Justice, responsable des lois professionnelles, de même qu'auprès de
l'Office des professions.
• (9 h 40) •
Nous venons vous parler aujourd'hui de
reconnaissance des compétences des personnes immigrantes par les ordres professionnels. C'est un aspect qui est
très important d'une politique d'immigration, puisque, bon an, mal an,
ce sont 5 000 personnes pour qui le
projet d'immigration inclut l'ambition d'exercer au Québec la profession qu'ils
exerçaient dans leur pays d'origine.
Au Québec, la
reconnaissance des compétences professionnelles par les ordres est balisée par
le Code des professions et par des
règlements de chaque ordre, qui sont approuvés par le gouvernement. Le code et
ses règlements existent pour protéger
le public, leur application par les ordres vise à assurer la compétence et
l'intégrité des personnes qui exercent une profession réglementée.
Lorsqu'un
candidat à l'exercice d'une profession ne détient pas le diplôme requis, il
peut se prévaloir du mécanisme de
reconnaissance de ses acquis, c'est ce qu'on appelle l'équivalence de diplôme
ou de formation. À cet égard, les demandes de reconnaissance des compétences ont explosé depuis 15 ans,
augmentant de plus de 500 %. D'ailleurs, je vous invite à regarder
le premier tableau de l'annexe de notre mémoire parce qu'une image vaut mille
mots. Et à la page suivante, à la
page 2 de l'annexe, vous constaterez qu'en 2013 ce sont près de... en
fait, un peu plus de 96 % des demandes qui ont été acceptées. À
noter, en fait, que, pour la moitié des demandes acceptées, une formation
d'appoint est requise. Et cette situation
crée un enjeu important au sujet duquel nous reviendrons, il s'agit de l'accès
aux stages et à la formation d'appoint pour les personnes immigrantes.
Depuis une quinzaine d'années, les efforts
intenses ont été menés par les ordres et leurs partenaires dans le dossier de la
reconnaissance des compétences professionnelles. D'indéniables progrès ont été
accomplis, et je peux personnellement en témoigner, puisqu'il y a près de
10 ans — certains
s'en souviendront — nous
avions produit un plan d'action qui s'appelait Les personnes immigrantes
formées à l'étranger et l'accès aux professions des métiers réglementés,
et vous vous souvenez probablement que cet exercice avait été conduit par un groupe de parlementaires. Et je le relisais en vue de
cette présentation de ce matin et je constatais qu'il y avait, en fait, une
très grande majorité des actions proposées alors qui étaient
accomplies et réalisées aujourd'hui. Alors, manifestement, nous avons
progressé.
Évidemment, cependant,
que les efforts doivent être maintenus et que les actions doivent se raffiner.
D'ailleurs, à ce chapitre, nous vous
proposons cinq actions qui, selon nous, sont porteuses d'une optimisation des
résultats attendus du système d'immigration québécois. Ces actions sont les suivantes : mieux
recruter, mieux évaluer, mieux accompagner, mieux intégrer et enfin
mieux documenter.
La première action, mieux recruter. Un objectif
majeur de la nouvelle politique que propose le gouvernement est de parvenir à
une meilleure adéquation entre notre système d'immigration et les besoins en
emploi de la société québécoise. À cette fin, un nouvel outil est annoncé :
la déclaration d'intérêt. Pour le CIQ, il ne fait aucun doute
que la déclaration d'intérêt offre un potentiel réel d'amélioration de
l'arrimage entre l'immigration et les besoins en emploi.
Pour
optimiser les résultats escomptés, cependant, la déclaration devrait, selon nous, intégrer la
reconnaissance des compétences professionnelles
obtenues d'un ordre professionnel par le demandeur. Ainsi, nous sommes d'avis
que le fait pour une personne d'avoir obtenu
la reconnaissance complète ou partielle de ses compétences par un
ordre doit être inclus parmi les critères d'évaluation de la déclaration
d'intérêt.
La deuxième
action est celle de mieux évaluer. Comment, me direz-vous? En modernisant le
cadre réglementaire des ordres afin
de tenir compte de l'évolution de leurs pratiques. En effet, les règlements
actuels des ordres sont surtout construits
autour de la comparaison des acquis scolaires. Or, les pratiques en
reconnaissance des acquis vont maintenant beaucoup plus loin. On se base de plus en plus sur une approche par
compétences pour évaluer un candidat et on prend davantage compte de son
expérience de travail. C'est pourquoi nous recommandons que le cadre
réglementaire des ordres soit modernisé en y intégrant l'approche par
compétences et l'évaluation des acquis expérientiels afin que ce cadre soit le
reflet actuel des nouvelles pratiques des ordres.
Sur le même sujet — mieux évaluer — je
voudrais ajouter quelques mots sur l'appréciation du niveau de connaissance du français en vue de l'exercice
d'une profession. Nous voulions porter à votre attention que c'est près
de la moitié des demandeurs — environ 2 000 personnes — qui doivent chaque année démontrer cette
compétence linguistique, qui est
indispensable à leur intégration au marché du travail québécois, et, à cette
fin, ces candidats doivent réussir un examen
qui est administré par l'Office québécois de la langue française. Cet examen
fait d'ailleurs l'objet, actuellement, d'une
refonte majeure et bienvenue qui sollicite la collaboration de l'Office des
professions, du CIQ et des ordres, et je peux vous dire que les travaux
vont bon train et que nous nous en réjouissons.
Passons maintenant à une troisième action
suggérée, qui est celle de mieux accompagner. Nous avons sonné l'alarme quant à
l'existence de difficultés majeures d'accès aux stages qui mettent en péril la
réussite du parcours du candidat en vue de
l'obtention de son permis professionnel. Cet accès aux stages est en quelque
sorte notre part de contrat à l'égard de la personne immigrante. En
conséquence, il nous semble qu'à ce chapitre nous avons une obligation de
résultat, et, selon nous et selon l'avis de plusieurs, ce problème complexe
doit être résolu et, j'ajouterais, rapidement.
Une quatrième
action est celle de mieux intégrer. Pour le nouveau membre d'ordre
professionnel issu de l'immigration, le vrai succès de sa démarche sera
celui de l'obtention de son premier emploi dans sa profession. Cet objectif requiert un effort de concertation
additionnel, très certainement, que doivent fournir les donneurs d'ouvrage
et les partenaires. Nous croyons donc qu'il
pourrait être approprié pour le MIDI de considérer la mise en place d'un groupe
de travail portant sur l'accès des professionnels formés à l'étranger à un
emploi dans leur profession.
Enfin, la
dernière action que nous proposons est de mieux documenter. Dans un souci
d'efficience, il est important de
raffiner nos diagnostics pour être en mesure d'investir de façon judicieuse. Le
financement des actions visant à améliorer l'accès aux professions
réglementées aux personnes immigrantes doit être maintenu, il doit l'être
absolument. Et, puisque nous parlons du soutien financier, il en est un, un
aspect encore négligé, c'est les exigences financières pour les personnes qui engagent un processus de
reconnaissance de leurs compétences. On parle ici du coût qui est associé
au traitement d'une demande et celui requis
par une formation d'appoint. Il y a
quelques années, le MIDI avait pris l'initiative d'explorer une formule
d'accès à des prêts pour les personnes engagées dans un processus de reconnaissance
des compétences. Nous croyons qu'il serait
opportun pour le MIDI de réactiver les travaux en vue de trouver une
formule adéquate d'accès à des prêts pour les personnes immigrantes engagées
dans un processus de reconnaissance de leurs compétences professionnelles.
En terminant,
je tiens à vous réaffirmer que les ordres
professionnels partagent cette
conviction que l'immigration est une richesse essentielle au développement
du Québec, et je peux vous affirmer qu'ils y consentent les ressources requises. La reconnaissance des compétences
professionnelles compte parmi les dossiers majeurs du conseil, et nous
serons au rendez-vous lors des prochaines actions.
Je vous remercie tous pour votre attention, et M. Thuot et moi-même sommes prêts
pour engager des échanges avec vous. Merci.
Le
Président (M. Picard) :
Merci, Mme Legault. On reconnaît l'expérience d'une ex-députée, qui est
rentrée dans le temps précis.
Donc, je cède maintenant la parole à Mme la
ministre pour une période de 17 min 30 s.
• (9 h 50) •
Mme Weil : Oui. Bienvenue,
Mme Legault, M. Thuot. Nous sommes très intéressés, évidemment, à
votre présentation, un échange. Je vous dirais, il y a eu des préconsultations
pour préparer le document de consultation, et, vous le savez sans doute, l'enjeu qui revient constamment, c'est
l'intégration en emploi, dans un
premier temps, un taux de chômage
plus élevé, mais, je vous dirais, ex aequo, c'est la question de reconnaissance des acquis. Et le premier
ministre a donné un mandat particulier à mon adjointe parlementaire, la députée de Jeanne-Mance—Viger, et elle aura sûrement des questions.
Mais je veux moi-même peut-être vous poser certaines questions parce que vous
avez une expertise, vous avez un vécu.
Vous avez mentionné d'entrée de jeu... je vous
en remercie, parce qu'en effet il y a beaucoup de travail qui a été fait depuis
10 ans, mais je continue à dire... Et c'est important pour moi surtout
d'écouter sur les obstacles qu'il reste, parce qu'on...
Je pense que nous qui sommes en action depuis plusieurs années, on sait qu'il y
a des progrès, mais l'objectif de l'exercice qu'on fait, c'est d'aller plus
loin, comment on peut bien identifier les obstacles qui demeurent et
trouver des solutions pour que toutes ces personnes talentueuses qui viennent
de partout dans le monde puissent réellement contribuer au développement de la société
québécoise.
J'aimerais
vous amener sur la déclaration d'intérêt parce qu'évidemment vous avez un point de vue qui est très,
comment dire, expert, je dirais, c'est un point de vue d'experts, pour mieux
l'expliquer. Ce que vous dites, dans la déclaration
d'intérêt, vous trouvez que ce système, évidemment, très intéressant qui est
implanté en Australie, Nouvelle-Zélande
et, depuis le 1er janvier, au Canada... On aura l'occasion, d'ailleurs, de bien examiner comment ça se passe
au Canada. Vous recommandez que, d'entrée de
jeu, en amont, donc, lors de cette déclaration d'intérêt, avant de traiter
le dossier ou de l'admettre pour traitement,
qu'on puisse déjà avoir... que la personne puisse avoir la reconnaissance
des acquis avec l'ordre professionnel visé par cette personne. Est-ce que c'est
ça que j'ai compris?
Mme Legault (Diane) : C'est
exactement ça, Mme Weil. Il y a des démarches... Maintenant, vous savez, l'utilisation des communications électroniques est
bien implantée au sein des ordres professionnels et donc la personne immigrante — en tout cas qui considère ou qui élabore son
projet d'immigration au Québec — peut déjà avoir accès à une panoplie d'informations précieuses dans
l'élaboration, justement, de son projet. Et ça va plus loin, il est possible, à
distance, de déposer son dossier et
d'engager le processus de reconnaissance de ses acquis et de ses compétences
professionnelles.
Alors, à partir du moment où un ordre aurait
statué favorablement, complètement ou partiellement, alors que la personne est encore dans son pays, bien, à
partir du moment où l'ordre aurait statué, cette décision, nous semble-t-il,
devrait être prise en... devrait apporter une valeur ajoutée à la candidature
d'une personne et donc être incluse à la déclaration d'intérêt.
Mme Weil : Donc, c'est ça,
alors, même si c'est une reconnaissance partielle, évidemment, où la formation
d'appoint pourrait être quand même très simple et rapide, disons, ça pourrait,
comment dire, avoir un impact sur l'évaluation
de cette déclaration d'intérêt de la part du gouvernement. Évidemment, on aura
beaucoup l'occasion de parler de ces questions, je trouve ça très
intéressant.
Ça m'amène à vous parler du programme SIEL,
Service d'intégration en ligne, qu'on a implanté il y a déjà deux ans quand j'étais ministre de l'Immigration
en 2012, et je voulais savoir si, par ce nouveau service où le candidat
à l'immigration contacte directement soit
l'employeur, soit Emploi-Québec ou soit l'ordre professionnel que le
candidat cible... parce que c'est un
professionnel qui voudrait exercer, hein? Parce qu'il y en a qui disent :
Non, je ne cherche pas à exercer ma
profession. Est-ce que vous voyez que beaucoup de personnes utilisent ce
service? Les candidats vous contactent par
le SIEL? Savez-vous si les ordres professionnels... les ingénieurs, par
exemple, on parle beaucoup des ingénieurs...
M. Thuot (Jean-François) : Alors,
nous n'avons pas de données concernant l'utilisation du SIEL. Ce qu'il faut noter, cependant, c'est que, de façon
complémentaire, beaucoup d'ordres professionnels se sont dotés, ces
dernières années, avec des projets financés par le MIDI, d'outils d'évaluation
en ligne et de portails en ligne. Je
pense, entre autres, l'Ordre des ingénieurs, dont on sait qu'il
accueille le plus grand volume de professionnels étrangers, a sa Boussole, et
c'est le nom de son site Internet, qui permet, donc, cette transaction rapide
et directe entre l'ordre et la personne immigrante.
Mais vous
faites bien de soulever l'existence de l'outil du MIDI parce que
je dirais qu'on a cependant un enjeu ici. La personne immigrante est bombardée de toutes sortes d'informations du MIDI, de commissions
scolaires, de cégeps, d'ordres
professionnels, d'organismes fédéraux également. Et, il y a 10 ans, je me
souviens, lorsqu'on disait : On doit augmenter la qualité de l'information, on se disait aussi : Il faut
s'assurer en quelque sorte que l'information est cohérente, qu'elle est simple, et je pense, en cette matière,
qu'on a encore un peu de travail à faire. Souvent, nous sommes mis au courant d'interventions ou d'actions parallèles à
celles que peuvent faire certains de nos membres, et il y aurait peut-être
un intérêt à peut-être anticiper davantage les choses à venir, et je pense que
la personne immigrante y gagnerait en compréhension de notre système, qui est
passablement compliqué.
Mme Weil :
Un genre de guichet unique informatique, mais avec la capacité, évidemment, de
rentrer directement en contact avec l'ordre professionnel, qui est
autonome.
M. Thuot (Jean-François) : Le plus
rapidement et le plus simplement possible.
Mme Weil :
Le plus rapidement... D'accord, très bien. On travaille beaucoup là-dessus
parce que le phénomène qu'on
remarque, et vous le connaissez, évidemment, c'est la déception, la déception
par rapport aux attentes. Alors, nous, depuis quelques années, il y a
une déclaration que les candidats à l'immigration signent à l'effet qu'ils ont
eu toute l'information quant aux exigences, formation d'appoint, toutes... et
ils ont entrepris ces démarches accompagnés du SIEL. Donc, l'idée de ça, c'est
de voir si la personne accepte, disons, une mobilité transversale.
Et, oui, il y
a des gens que, par ailleurs, des fois, ça fait plusieurs années qu'ils n'ont
pas exercé la profession et ils cherchent
à faire autre chose. Donc, ça, c'est une partie importante, mais je vous dirais
que l'ambition que nous avons, c'est de
faire en sorte que ces professionnels formés ailleurs, qui ont une grande
expertise, puissent pratiquer leur profession parce que la situation
démographique... on le sent déjà dans une certaine pénurie, hein, dans certains
secteurs.
Je
voulais vous amener là-dessus. Moi, ce que j'avais appris à l'époque, quand on
a financé la formation pour les pharmaciens, c'est que la croissance ou
la réponse à la demande vient de l'immigration, maintenant, pour l'Ordre des
pharmaciens, et je me demandais si vous êtes capable de nous identifier les
secteurs. Parce que vous parlez ici de 10 ordres avec le plus de demandes :
ingénieurs, comptables professionnels agréés, infirmières, infirmières
auxiliaires, médecins, pharmaciens, chimistes,
avocats, physiothérapie, psychologues. Les pharmaciens, moi, j'ai compris que
c'est vraiment l'immigration. Est-ce que tous ces ordres sont vraiment en
demande?
M. Thuot
(Jean-François) : Je peux répondre?
Mme Legault
(Diane) : Allez-y.
M. Thuot
(Jean-François) : D'après les données que nous avons, qui sont des
données compilées par l'Office des
professions, traitées par l'office, que nous, nous amalgamons, vous remarquez
que l'essentiel des demandes vient de
ces 10 professions là, et il y a beaucoup de professions de la santé et des relations
humaines, et vous connaissez... nous
connaissons les enjeux de rareté de main-d'oeuvre dans certains de ces domaines, étant donné les départs massifs à la retraite, étant donné la baisse du taux
de natalité. Alors, les besoins, oui, ils sont là.
Il
existe d'ailleurs l'organisme Recrutement Santé Québec, qui se
spécialise... dont le mandat est de faciliter le recrutement de professionnels de la santé. Et il est intéressant de noter que... ce que nous apprenons de la part de certains de nos membres, c'est que, d'une certaine manière,
ces recrutements sont toujours... Santé Québec est toujours
intéressé à recruter à l'étranger. D'un autre côté,
il n'y a pas nécessairement de poste disponible. Donc, le message des agences
de la santé peut ne pas correspondre avec les actions de Recrutement Santé
Québec. Vous avez là un exemple de difficulté d'arrimage.
Et il est évident
qu'en définitive le message qui est lancé à la personne immigrante est un
message confus et incohérent sur les réels besoins, alors nous insistons
beaucoup, beaucoup sur l'importance de tous les intervenants de travailler plus qu'en concertation, en
collaboration. Il est important de trouver une façon d'avoir une circulation
fluide de l'information. Trop souvent, nous
avons l'impression que les acteurs, qui sont de bonne volonté, travaillent
encore par segment et en silo. Ça reste pour nous une préoccupation
importante.
Mme Weil :
Je vous remercie. Maintenant, M. le Président, j'aimerais céder la parole à ma
collègue.
Le Président (M.
Picard) : Mme la députée de Jeanne-Mance—Viger, c'est à vous.
Mme
Rotiroti :
Merci, M. le Président. Bien, bienvenue, merci d'être là. Alors, moi, je vais
aller directement, un peu, à la
question de l'équivalence des compétences, de la reconnaissance des acquis, et
tout. Vous avez parlé beaucoup du fait que,
bon... Et c'est sûr qu'on a... on devrait moderniser, je disais, la façon que
l'évaluation est faite par l'ordre professionnel.
• (10 heures) •
Mme Legault (Diane) : En fait, souvent, là, maintenant, les façons de faire des ordres sont
déjà modernisées, mais elles ne sont
pas reflétées dans la réglementation actuelle qui les concerne. Alors, dans les règlements d'équivalences, actuellement, on
retrouve, par exemple, nombre de crédits : trois crédits en ceci, quatre
crédits en cela; 140 heures de ceci, 280
heures de cela. Les règlements sont calqués sur les profils académiques, nos
profils académiques et alors que l'évaluation, aujourd'hui conduite par
les ordres, des candidats est beaucoup plus globale que ça. Ils sont dans des
référentiels de compétence.
Je
vais donner un exemple que je connais. En dentisterie, le référentiel de
compétence, c'est 48 compétences. Alors, il faut savoir évaluer ceci,
diagnostiquer cela, etc. C'est 48 compétences, et ces 48 compétences, elles
sont enseignées dans les 10 universités
canadiennes. Des couleurs différentes dans chacun des programmes,
mais, au bout du compte, un étudiant qui gradue d'une faculté de
médecine dentaire, au Québec et au pays, maîtrise ces 48 compétences. Il
faudrait que, et en dentisterie et dans
toutes les professions, les règlements puissent permettre à l'ordre de refléter
l'appréciation globale des compétences qu'il effectue déjà auprès des
candidats et qui tienne compte, aussi, de leur expérience de travail. Alors, il y a un décalage, au fond, entre les façons dont
les ordres évaluent maintenant les compétences et les acquis
expérientiels et les règlements qu'ils ont à leur disposition. Alors, ce qu'on
dit, c'est que les règlements devraient évoluer pour mieux refléter les façons
de faire, les bonnes pratiques d'aujourd'hui qui sont conduites par les ordres.
Mme
Rotiroti : Et comment pensez-vous que le gouvernement
pourrait inciter... Parce que je pense que la façon que vous avez
expliquée, c'est assez simple, c'est tout à leur avantage, à l'ordre, de se
mettre à jour.
Mme Legault
(Diane) : En fait, oui, et les ordres sont désireux de voir le
règlement mis à jour.
Mme
Rotiroti :
Alors, qu'est-ce qui empêche cette mise à jour?
M. Thuot
(Jean-François) : Alors, pour répondre à cette question, ce que
souligne Mme la présidente, c'est une recommandation de l'assemblée des membres
du conseil, donc les 45 ordres, qui a été faite en décembre 2013 à l'Office des professions, qui a le mandat,
justement, de voir à cette modernisation-là. Et, à l'heure actuelle, l'office,
et la ministre responsable des lois
professionnelles, réfléchit à des orientations éventuelles pour modifier en
profondeur le Code des professions. Et
nous souhaitons évidemment qu'une réponse positive et rapide soit donnée à
cette recommandation particulière.
Mme
Rotiroti : O.K., parfait. Et, dans un parcours de
l'immigrant, il y a plusieurs... il y a la formation appoint, la
reconnaissance, il y a aussi le stage. Et vous avez mentionné tout à l'heure,
dans votre présentation, que, malgré toute la reconnaissance que l'immigrant peut avoir, bien là, rendu
au stage, bien, c'est là que ça peut bloquer ou c'est là qu'il ne réussit pas à avoir le stage pour avoir son
permis, à la fin. Je pense, c'est une problématique, puis corrigez-moi si je
me trompe, mais c'est une problématique qui
n'est pas juste uniquement à l'immigrant, mais l'ensemble de la
population, on a un problème par rapport aux stages.
Mais moi, je vais me
concentrer sur l'aspect immigration parce que c'est ça, l'objectif de la
commission aujourd'hui. Qu'est-ce qu'on pourrait faire? Comment on pourrait
s'assurer qu'une fois que tout le parcours, tout le cheminement a été fait,
rendu au stage, qu'on pourrait garantir, d'une certaine façon, l'accessibilité
à un stage pour cet immigrant-là? Parce que,
dans le fond, pour ceux qui nous écoutent, là, c'est le permis qui va faire en
sorte... c'est le stage qui va faire
en sorte que cette personne-là va se trouver un emploi par la suite, d'être
capable de s'intégrer, sur le marché du travail, dans leur domaine de
profession. Alors, y a-tu quelque chose que le gouvernement pourrait faire pour
s'assurer qu'il y a cette accessibilité-là au stage?
Mme Legault (Diane) : Le point que vous soulevez est très intéressant, hein? Parce que
vous avez dit, d'entrée de jeu, que l'accès au stage était aussi une difficulté
qui était rencontrée pas seulement par les personnes immigrantes et là vous me donnez l'occasion peut-être d'ajouter que c'est tout à fait vrai. Il y a un exemple, là, que l'on vit actuellement, il y en aurait
d'autres, là, mais, par exemple, l'ordre des techniciens de laboratoire médicaux, qui sont... bon, ils sont
formés, ces étudiants-là, à travers...
c'est-à-dire ces professionnels-là, à travers des programmes que nos
établissements fournissent. Et, dans un cégep québécois... Maisonneuve...
M. Thuot
(Jean-François) : Rosemont.
Mme Legault (Diane) : ...Rosemont, excusez-moi, alors la cohorte de cette année, là, qui va graduer en 2015, au printemps
2015, bien, il y a 40 % des jeunes qui ne pourront pas avoir leurs permis
tout de suite parce qu'ils n'ont pas accès à
un stage. Et donc c'est un retard dans la diplomation, alors ça pose un
problème. Alors, à ça, si vous ajoutez, comme vous le dites très bien, l'accès aux stages pour les personnes
immigrantes, il y a un réel problème avec l'accès aux stages, la disponibilité des stages. Et nous, on
s'est réjouis quand on a appris que vous pilotiez un comité portant sur
cette problématique-là, parce qu'elle est réelle et qu'elle commande, d'abord,
une volonté politique très affirmée de régler le
problème, qu'elle commande aussi de raffiner la nature des obstacles. Parce que
ce n'est pas juste une coordination, là, à optimiser entre par exemple
les agences de santé et les établissements scolaires, c'est plus que ça, là. Et
donc il faut qu'il y ait une concertation,
une collaboration, mais aussi une documentation du processus plus fine, plus
précise, pour être capable d'amener des actions mieux ciblées et puis
qui vont être efficaces.
Puis là on pourrait
prendre différents domaines. Comme disait tantôt M. Thuot, il y a beaucoup les...
il y a beaucoup d'immigrants... ou des stages qui sont requis dans le domaine
de la santé et des relations humaines, là ça interpelle la disponibilité des
stages dans les établissements. Vous savez que, par exemple en médecine, il y a
la planification des effectifs qui statue, qui vient préciser le nombre de
postes ouverts, disponibles sur l'ensemble du territoire québécois.
Le Président (M.
Picard) : ...s'il vous plaît. En terminant, s'il vous plaît.
Mme Legault (Diane) : En terminant. Donc, c'est pour vous dire qu'il y a matière, là, à
creuser, manifestement, pour apporter les solutions concrètes.
Mme
Rotiroti :
Merci.
Mme Legault
(Diane) : Merci.
Le Président (M.
Picard) : Je cède maintenant la parole à M. le député de
Bourget pour une période de 10 min 30 s.
M.
Kotto : Merci, M. le Président. Mme Legault, M. Thuot, soyez
les bienvenus, merci pour votre contribution. Vous avez une bonne
dizaine de recommandations dans votre mémoire. Est-ce que c'est la toute
première fois que vous partagez votre point de vue avec la ministre et le
ministère?
Mme Legault
(Diane) : Est-ce que c'est la toute première fois que nous partageons?
M. Kotto :
Oui, relativement aux travaux qui nous engagent ici, aujourd'hui.
M. Thuot
(Jean-François) : Certains de ces éléments ont déjà été formulés dans
d'autres occasions, parce que vous savez que le conseil et les ordres font
partie de tables de concertation avec le MIDI notamment, donc il y a une continuité. Cependant, nous répondons
aussi à certains des objectifs formulés dans le projet de politique, et, sur la déclaration d'intérêt notamment, c'est quelque chose
qui est nouveau. Voilà.
M. Kotto :
Avez-vous été sollicités pour contribuer à ces travaux?
M. Thuot (Jean-François) : Nous
n'avons pas été sollicités pour le document de consultation.
M.
Kotto : D'accord. Pour les personnes qui nous regardent à la
maison, est-ce que vous pouvez davantage vulgariser
le paradigme qui consiste... ou le procédé qui consiste à reconnaître, à
valider ou à invalider les compétences... la reconnaissance des
compétences des immigrants?
Mme Legault
(Diane) : Alors, voulez-vous y aller ou...
M. Thuot
(Jean-François) : Alors, il faut partir... Oui?
M. Kotto :
Je fais juste une parenthèse, avant de vous laisser répondre. C'est parce que
les ordres ont le dos large, hein, relativement à des blocages au marché de l'emploi pour des gens diplômés, des
ingénieurs, des médecins. Vous en entendez souvent parler, ils sont
médecins, mais ils conduisent des taxis. Au Québec, il y a moins de crises cardiaques dans les taxis parce qu'il y a des médecins qui conduisent des
taxis. Bref, ça va jusque-là. Donc, j'aimerais, par votre réponse, que
vous démystifiiez un peu ce préjugé tenace.
• (10 h 10) •
M. Thuot
(Jean-François) : Alors, souvent, les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Selon les statistiques que nous avons colligées, en 2012-2013, le pourcentage
de refus d'une demande de reconnaissance des compétences professionnelles était
de 3,7 %, je crois, en diminution constante depuis une bonne dizaine
d'années. Cela étant dit, ça ne veut pas
dire qu'il n'y a pas des obstacles et des difficultés; c'est pour ça que nous
travaillons fort depuis une bonne quinzaine d'années.
Il
faut partir du règlement. C'est un règlement d'équivalences, approuvé par le
gouvernement. Ce règlement est assez
complet, unique au Canada, sinon dans le monde, en ce qu'il détermine des normes, un processus et une étape
de révision. Et c'est sur cette base-là que l'ordre analyse une demande. Nous
savons que, pour la moitié des demandeurs dont
la demande est acceptée, cette demande est associée à une prescription de formation
d'appoint, et, encore là, c'est en fonction du règlement. Cette formation
d'appoint, elle consiste en des cours, un stage, un examen, selon le cas. C'est
assez variable. Et je vous dirais que
souvent, les difficultés, c'est là qu'elles s'amorcent. Parce qu'une formation d'appoint ce n'est pas à l'ordre de la donner, l'ordre n'est
pas un établissement d'enseignement, et c'est là qu'il y a un arrimage
avec les établissements d'enseignement.
Quand vous avez une
problématique d'explosion des demandes — 500 % en
10 ans — associée
à un volume important de prescriptions de
formation d'appoint, vous avez beaucoup de personnes qui viennent cogner à la
porte d'un cégep ou d'une université. Et c'est dans ce sens-là qu'une
recommandation importante pour nous, c'est de maintenir le financement de la
formation d'appoint. C'est un financement qui est consenti par le ministère de
l'Enseignement supérieur... le MELS, avec
des transferts de crédits du MIDI. Il est impératif de maintenir le soutien au
développement de la formation d'appoint qui est accordée aux universités et
collèges.
Poursuivons
dans le processus. Au terme de cette étape, il reste l'entrée en emploi.
Supposons que le professionnel a son
permis, il doit obtenir un premier emploi dans sa profession. Ce que nous
savons, et ça, c'est encore malheureusement peu documenté, nous savons
globalement que le taux d'emploi des personnes immigrantes est plus élevé
qu'une personne native. Certains de nos membres nous ont confirmé avoir noté,
lorsqu'ils ont... à tous les ans, ils font une déclaration annuelle, ils ont noté que les membres professionnels issus
de l'immigration avaient tendance à être davantage au chômage que les membres d'ordres professionnels
qui ne l'étaient pas, issus de l'immigration. Alors, il y a des indices
encore préliminaires qui nous donnent à penser que l'entrée dans le marché du
travail, une fois que le permis est obtenu,
pourrait aussi soulever des interrogations, d'où une recommandation importante,
selon nous, vers la fin de notre mémoire, qui est de mettre ensemble les
employeurs, les professionnels formés à l'étranger et le MIDI pour discuter de
cette problématique d'accès à un premier emploi dans sa profession. On est
rendus là, dans les actions, et ça, ça appelle les employeurs autour de la
table, et nous souhaitons que les employeurs soient partie de cette discussion.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de Labelle.
M.
Pagé : Oui. Merci, M. le Président. Peut-être une petite
question complémentaire sur le même sujet. Mme Legault, M. Thuot,
plaisir de vous rencontrer ce matin.
Je pense que mon
collègue et ma collègue d'en face, effectivement, bien humblement, je pense
qu'on est au coeur de la problématique de
l'intégration, qui est celle de l'employabilité. Et, quand je vous entends dire
qu'on souhaite maintenir les budgets
qui nous sont alloués et qu'au même moment je lis, dès votre première phrase,
que vos demandes ont augmenté de 500 %, je me demande si ce que
vous souhaitez — de
maintenir le budget — est
suffisant.
Et, quand je dis
qu'on est au coeur du problème, c'est qu'il faut faire face à cette demande
pour que ces gens qui ont des compétences
puissent intégrer la société le plus rapidement possible : d'une part,
pour leur intégration. Mais, d'autre
part, c'est que nous avons besoin de mettre à profit ces compétences, parce
qu'on sait que, dans plusieurs professions,
on est en manque de ces compétences, que ça soit ces ingénieurs, ces médecins,
ces infirmières ou peu importe. Alors, il me semble que vous demandez
bien peu par rapport à ce que, probablement, vous souhaiteriez.
Alors,
moi, j'aimerais véritablement vous entendre, d'une part, sur la rapidité
d'action par rapport à la législation, parce
que vous dites qu'il y a eu une législation qui a été modifiée, là, c'est écrit
un petit peu plus loin, et, d'autre part, sur les budgets nécessaires pour que vous puissiez faire face à cette
demande, dans les délais les plus courts possible, pour mettre à profit
ces gens.
Mme Legault (Diane) : Vous avez raison, M. le député, de souligner que
l'intégration réussie, là, c'est une intégration bien sûr linguistique,
bien sûr sociale, mais bien sûr économique. Et, de fait, l'emploi est un
élément clé à cet égard.
C'est
certain que, les ressources, on en a toujours besoin, et on en aura toujours
besoin davantage dans un contexte,
justement, d'explosion des demandes. Mais nous semble-t-il qu'il y a peut-être
une étape préalable à compléter, qui
est celle de bien documenter où c'est difficile, où sont les embûches plus exactement, pour que les sommes soient investies non pas pour masquer des
inefficacités, mais, au contraire, qu'elles soient investies au bon endroit. Et
peut-être qu'il y a un exercice aussi en amont qui serait celui de
répertorier où sont les argents actuellement. Ils sont dépensés par qui? Elles font quoi, ces sommes-là? Ramasser ça dans un portrait
global pour voir ensuite comment elles pourraient être allouées de façon plus efficiente. Et peut-être
qu'après cet exercice préalable, peut-être que là l'équation sera vraiment... nous
amènera à conclure qu'il n'y a pas le choix d'investir davantage et peut-être
deux fois, trois fois, je ne sais pas combien, mais, au moins, on aura la
conviction que les sommes allouées vont l'être... qu'elles vont être dépensées de
façon efficace. Alors, c'est la nuance que j'apporterais.
M. Pagé :
O.K. Est-ce que j'ai encore du temps?
Le Président (M.
Picard) : 1 min 30 s.
M.
Pagé :
1 min 30 s. Alors, puis-je inviter le conseil à regrouper les
partenaires pour faire ce travail dont vous nous invitez à faire, où vous pourriez peut-être être au coeur de la
démarche, d'une part? Et là je vous ai entendus sur la notion économique,
alors je vous invite effectivement à lancer ce chantier de travail qui
m'apparaît comme fort important.
Et,
par rapport à la législation, dont vous nous dites que ça a été modernisé,
mais qu'en même temps vous nous dites :
Il faut effectivement que la ministre revoie l'ensemble de l'oeuvre par rapport aux ordres professionnels, est-ce
que vous avez des échéanciers? Nous en sommes où?
Mme Legault
(Diane) : En fait, nous n'avons pas d'échéancier connu. Nous savons cependant
qu'il y a un projet de réforme du Code des professions
qui est annoncé. Vous avez participé, avant Noël, avec les collègues
dans les travaux, là, concernant la
loi n° 17, la loi du Barreau, etc., qui apporte déjà des
éléments nouveaux de gouvernance. Et donc
la refonte du code, ça sera une grosse pièce. Peut-être sera-t-elle
découpée. Peut-être que le bloc gouvernance sera la locomotive de cette refonte-là. Et, dans ce contexte-là,
bien, bien sûr que découleront ensuite des règlements modernisés. Alors,
il appartient bien sûr à la ministre de préciser son échéancier et aussi dans
le contexte de la capacité d'agir de l'Office des professions, bien sûr. Mais
ce que je peux vous dire déjà, c'est que les ordres professionnels sont tout à
fait volontaires, ils l'ont exprimé, ils souhaitent que la réglementation soit
actualisée. Nous sommes prêts.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. À mon tour de vous souhaiter
la bienvenue et de vous saluer, Mme Legault,
M. Thuot. Je vous référerais à la page 11 de votre mémoire
et également à la page 3 du tableau des annexes, au niveau de la reconnaissance totale des acquis et de la reconnaissance partielle. Ce que vous nous disiez tout à l'heure, c'est qu'on n'est pas en mesure de chiffrer le
parcours des individus qui ont une reconnaissance partielle. C'est ça?
Mme Legault (Diane) : En fait, on sait qu'il y a à peu
près la moitié des 5 000 demandeurs qui bénéficient ou qui
jouissent d'une reconnaissance partielle de leurs compétences professionnelles.
M.
Jolin-Barrette : Mais, parmi ceux-ci, on ne peut pas établir le taux
de persévérance ou le taux d'obtention. On sait que l'ordre professionnel dit : Bien, vous devez compléter
votre formation par le biais d'un stage, par le biais d'un cursus
académique défini qui va être établi par l'ordre professionnel à l'évaluation,
j'imagine, qui se fait sur dossier.
• (10 h 20) •
Mme Legault (Diane) : Il y a beaucoup d'évaluations qui se font sur dossier dans certaines
disciplines, absolument, et il y a d'autres évaluations qui tiennent
compte d'un contexte clinique, par exemple. Alors, il y a des évaluations additionnelles qui peuvent se
produire. Mais vous avez raison de dire — et là on est tout à fait sur la même
page : Il faut maintenant mieux documenter. Parce qu'actuellement, en
vertu du règlement, les ordres professionnels produisent,
dans leurs rapports annuels, les statistiques, justement, du nombre de demandes
qu'ils ont reçues, le nombre de demandes
qu'ils ont traitées, les décisions qu'ils ont rendues, etc. On a un portrait
annuel, mais on n'a pas d'information sur les cohortes. Qu'arrive-t-il à M., Mme Unetelle? Il va être là pendant
combien de temps dans le processus? S'il décroche, pourquoi il décroche?
Et là, une fois qu'on aurait tracé, par exemple, un certain portrait, là il
faut voir si ce portrait-là se multiplie. Et
là, si on arrive à identifier des enjeux plus systémiques et dire : Bien là... Alors, il y a
vraiment un enjeu ici ou là, et c'est
là-dessus qu'on va travailler. C'est d'ailleurs
dans cet esprit-là que nous avons entamé un partenariat de recherche, parce
qu'on est sous... on pense que cette information-là, cette qualité d'information
là est maintenant requise pour le raffinement des actions à venir.
Je ne sais pas si, M.
Thuot, vous avez quelque chose à ajouter?
M. Thuot
(Jean-François) : C'est en effet un besoin que nous avions exprimé
très souvent au sein de tables de
concertation. L'insuffisance des données nous empêche d'établir exactement
le diagnostic du parcours, quelles sont les embûches exactement. Si une
personne abandonne, pourquoi le fait-elle et quand le fait-elle? Et, afin de
mieux connaître ce parcours-là, le
partenariat de recherche que nous avons développé avec l'IRIPI, qui est
l'institut de recherche sur l'insertion professionnelle
des personnes immigrantes, du collège de Maisonneuve, vise justement à mener
une enquête assez approfondie pour détailler le parcours des candidats à la
reconnaissance d'une compétence.
C'est un projet de
recherche. C'est vous dire que ça réclame certaines ressources et en temps et
en expertise; puisque les ordres
professionnels ne sont pas des instituts de recherche, ils traitent de façon
très brute certaines données statistiques
qui sont nécessaires à l'exercice de leur mandat. Mais, si on décide :
approfondir l'analyse, ça prend un outil supplémentaire... Et ce projet de recherche là, il a débuté il y a
quelques années. Il doit se poursuivre, espérons-nous, au cours de la prochaine année, à la condition,
évidemment, que la subvention que nous avons demandée auprès de l'Office
des professions, dans le cadre du programme
du FAMO, le fonds d'appui à la main-d'oeuvre... à la condition,
évidemment, que cette demande-là puisse avoir une suite favorable.
M.
Jolin-Barrette : Je comprends. Et puis, selon vos connaissances... Je
comprends qu'il n'y a pas de données sur
la reconnaissance partielle, mais est-ce que vous pouvez nous donner un aperçu
du délai requis ou du cursus requis ou de
la formation du stage... La durée du stage, pour un immigrant qui fait une
demande de reconnaissance, qui obtient une reconnaissance partielle de
ses acquis, on peut s'attendre à combien de temps? Je sais que ça varie selon
les professions, mais ça peut passer de six mois à quatre ans?
M. Thuot
(Jean-François) : C'est variable d'une profession à l'autre, c'est
variable d'un candidat à l'autre. Ça peut
varier de quelques semaines à un an. Ce qui est certain, cependant, en regard
de la responsabilité de l'ordre, l'ordre est tenu de traiter rapidement
la demande qu'il reçoit. Et ça, c'est un engagement, d'ailleurs, qui est en
lien avec le cadre pancanadien d'évaluation
des diplômes, auquel adhèrent toutes les provinces, incluant le Québec, et donc
les ordres professionnels. Et les
ordres s'engagent, les organismes de réglementation, au Canada, s'engagent à
traiter une demande en deçà d'un an. Et ça, nous pouvons vous assurer
que ce délai est respecté.
La dimension aléatoire, inconnue, du
processus, c'est évidemment le temps que prend une personne pour
compléter sa formation d'appoint, dans
l'hypothèse où elle y a accès rapidement. Problème : souvent, les
formations d'appoint sont disponibles
une session sur deux, parfois une année sur deux, alors délai — dans
l'hypothèse où cette personne puisse suivre la formation d'appoint dans
un temps requis et qu'elle n'abandonne pas, en cours de route, pour des raisons
financières, par exemple. Alors, cette portion-là, c'est une zone grise. On
n'a pas de données exactes, de sorte que, de savoir comment de temps dure le parcours, malheureusement
on n'est pas en mesure de vous donner une information précise.
M.
Jolin-Barrette : Je
comprends, là, votre propos, d'où l'importance
d'entamer une reconnaissance, dès que le candidat est à l'étranger, pour
faciliter... Parce qu'il m'apparaît qu'un délai d'un an c'est quand même très
long pour favoriser l'intégration. Quelqu'un
qui arrive ici, qui veut intégrer le marché du travail, si l'ordre
professionnel prend un an pour
statuer sur quelles sont ses compétences à aller acquérir ou sa mise à niveau,
c'est quand même une durée assez longue.
Mme Legault
(Diane) : Oui, puis là je me permettrais d'ajouter que... Puis
j'aimerais avoir le vrai chiffre, là, mais
c'est certain que les ordres, en général, prennent moins d'un an, là. Tu sais,
ça se fait d'une façon diligente. Je pense que la référence que M. Thuot faisait tantôt, c'était une entente que
nous avons, là, mais on peut être plus efficaces, là, que le plafond qui
est précisé dans l'entente.
Ce
qui arrive souvent, c'est que le demandeur doit, de son côté aussi, faire une
recherche documentaire, et ce n'est pas
toujours facile pour le candidat d'aller chercher le détail de ce qu'on lui
demande. Puis on lui demande un certain détail, parce que c'est ça qui est écrit dans le règlement. Si, par
exemple, un comité d'équivalences
d'un ordre doit comparer ce qui est
écrit dans le règlement en
termes de crédits de ci, de ça, bien,
ça veut dire qu'on demande au... c'est-à-dire que ce qui est demandé au candidat, c'est
de présenter une information qui est intelligible et qui permet la comparaison
par les membres du comité de l'ordre, et ça, là, ça peut être un peu...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît. En terminant, s'il
vous plaît.
Mme Legault (Diane) : ...ça peut être un peu compliqué, et ça ajoute au délai, et ça, c'est
malgré la bonne volonté de tous les acteurs.
Alors,
nous vous remercions, encore une fois, de nous avoir entendus, et nous sommes
disposés à poursuivre et à collaborer. Merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci. C'est nous qui vous remercions.
Et je vais suspendre quelques
instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à
10 h 26)
(Reprise à 10 h 28)
Le Président (M.
Picard) : Nous reprenons nos travaux avec la présentation de la
Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs.
Je vous invite à vous présenter et à faire votre présentation pour une période
maximale de 10 minutes, va s'ensuivre une période d'échange avec
les parlementaires. À vous la parole.
Table
ronde du Mois de l'histoire des Noirs
M. Farkas (Michael P.) : Alors,
merci de nous accueillir ce matin. Bonjour. Mon nom, c'est Michael Pierre Farkas, président de la Table ronde du Mois de
l'histoire des Noirs, directeur aussi d'une maison des jeunes dans un
des quartiers les plus... avec une longue histoire qui touche l'inclusion, la
diversité et l'immigration : on parle du quartier de la Petite-Bourgogne. Je suis directeur à la maison des jeunes...
Association des jeunes de la Petite Bourgogne, et aussi je m'occupe des
programmes des arts de la scène dans la Petite-Bourgogne aussi, depuis une
quinzaine d'années, entre autres, au CEDA.
Alors, ça nous fait grand plaisir qu'on ait été
convoqués ici ce matin. Je suis né au Canada, je viens plus précisément du Nouveau-Brunswick, mais ai grandi...
c'est-à-dire, je suis né à Montréal, mais mes parents biologiques
viennent du Nouveau-Brunswick. Alors, ça fait de moi un Québécois depuis ma
tendre enfance sans aucun doute, et Canadien
et aussi de la communauté noire depuis de très... on parle de générations ici
quand on parle des gens qui sont venus,
comme les loyalistes noirs, «black
loyalists». Ça fait partie des générations qui m'ont précédé et alors ça veut
dire que la présence des Noirs au Canada
est ici depuis 300, 400 ans facilement. On parle... si on se réfère à
Mathieu Da Costa, on peut dire depuis 1608.
Là-dessus, aujourd'hui, on est contents aussi
d'être parmi vous pour faire état un peu des préoccupations, des enjeux qui
touchent les communautés, communauté noire surtout. Malgré qu'on s'entend qu'on
fait partie d'une mosaïque... tu sais, je veux dire, on parle de... Moi, c'est beaucoup
le «DI» que j'ai aimé dans le MIDI, dans le sens Diversité et Inclusion. Ça nous touche énormément. On travaille avec ça
à chaque jour, dans la diversité et l'inclusion, pour ce qui est de moi.
Alors, mes
parents sont... J'ai été adopté. Mes parents, c'est des immigrants. Mon nom,
Farkas, c'est quand même un
nom hongrois. Et ils sont arrivés ici en 1952, ils sont issus de cette
immigration des années 50, de l'après-guerre, après
la Deuxième Guerre mondiale. Ma mère est Suisse, mon père est Hongrois, et j'ai
grandi au Mont-Saint-Hilaire comme enfant adopté.
Ceci étant dit... bien, peut-être, ma collègue
va s'introduire aussi.
• (10 h 30) •
Mme Rousseau (Nadia) : Alors, moi,
je suis Nadia Rousseau. Je suis la trésorière de la Table ronde du Mois de
l'histoire des Noirs et, en quelque sorte, je représente un autre pan de
l'histoire des Noirs du Québec. Je suis de la communauté haïtienne de Montréal.
Je me dis québécoise de couche et pas de souche parce que je suis arrivée très jeune. Ça fait 40 ans que je suis au Québec
et j'ai été... Je suis la fille de deux personnes immigrantes qui étaient
médecins à l'étranger avant de venir ici. Ma mère est française et mon père est
haïtien, et, lorsque nous sommes arrivés, donc il y a 40 ans, ils n'ont pas eu droit aux mêmes équivalences bien
qu'ils venaient exactement de la même université et ils avaient fait les mêmes études. Donc, je tiens à
souligner ce point parce que je pense que c'est un parcours qui pourrait
être éclairant.
Cela étant,
j'ai fait toutes mes études ici, je travaille ici. Je ne peux pas dire que,
dans les yeux des autres, très souvent, je fais partie du Québec, et
donc je viens aussi témoigner de cela.
M. Farkas (Michael P.) : Alors, le
sentiment de se sentir comme citoyen de seconde zone est encore présent chez plusieurs Noirs, dans le sens qu'ils ont de
la misère à s'intégrer, point de vue de l'emploi, le logement. Ils
sentent souvent... les jeunes à l'école ont souvent une mauvaise perception du
Noir ou essaient de se perdre un peu dans la masse
de jeunes pour faire oublier ce point-là quand, dans le fond, c'est quand même
une richesse de l'être, et ça porte un bagage
tout à fait positif. Alors, dans ce sens-là, nous reconnaissons qu'on a du
travail à faire pour changer les perceptions de part et d'autre. Et c'est un des rôles aussi de la Table ronde du
Mois de l'histoire, c'est de faire la promotion positive de modèles chez les Noirs, dans les communautés
noires pour qu'effectivement toute la société puisse en bénéficier, et
nous en sommes très... tu sais, je veux dire, ça nous tient réellement à coeur
d'avoir ce mandat-là, alors...
Mais on
reconnaît qu'il y a des problèmes. La cohésion sociale, pour moi, est
extrêmement importante, et je crois qu'on
a quelque chose de très bon au Québec. Depuis les années 50, 60, depuis le domestic act
to favor Caribbean woman to come here and to work as domestic, there's been, you know... really to
facilitate different groups coming especially from the Caribbeans and to
really bring their families here eventually.
On déplore le temps
encore que ça prend. Ça avait pris du temps à l'époque. On prend le cas
d'Haïti, des fois, ça prend beaucoup de
temps pour la réunification des familles, et puis c'est un problème récurrent,
là. Je pense que ça fait depuis le... Vu qu'il y a l'immigration au
Québec et l'immigration au Canada, ça peut juste comme multiplier les différentes étapes à suivre pour la personne qui
veut se réunir avec sa famille. Alors, ça, c'est souvent très problématique.
Pour revenir
sur la question des jeunes, moi, en tant que directeur de maison
de jeunes, les Noirs, ils veulent réussir, ils ont le talent pour
réussir, mais pas tous réussissent, pour des raisons évidentes, parce que, des
fois, ça prend plus d'efforts, des fois ils sont mal ajustés, ils ont des
problèmes familiaux et autres. Mais reste qu'il y a quand même une
surreprésentation dans les institutions publiques comme nos prisons, comme les services
sociaux, etc. Et ça, il faudra penser à
trouver des façons de répondre à ça pour endiguer ce problème-là, d'après moi, qui est aussi sérieux que
celui qui nous touche un peu tous
aujourd'hui, qui est l'extrémisme de certaines personnes dans nos sociétés.
Moi, je crois qu'on na pas réglé
encore le problème de l'intégration suffisamment, et la participation positive,
et du sentiment d'identité à la société québécoise par les communautés
noires, entre autres.
Bien, je pourrais
m'aventurer même du côté des autochtones, les Inuits, qui est un problème
flagrant, qui est un problème crucial, que
j'espère que des politiciens vont réellement ... parce qu'ils font partie de la
mosaïque culturelle, on les voit tout
partout à Montréal, puis ils ont énormément de difficultés. Je pense, c'est eux
qui ont le plus de difficultés à réellement
s'intégrer, même pas à un marché du travail, mais juste s'intégrer à la vie de
tous les jours. Alors, je pense que, oui,
place à... pour qu'on bâtisse une société ensemble, mais sachons que les plus
démunis sont encore parmi nous. Puis pourtant c'est les groupes qui sont
ici les premiers. Ce n'est pas les Occidentaux qui sont arrivés, ce n'est pas
les Européens. Les autochtones, les Inuits
étaient ici en premier, puis c'est eux les derniers. Alors, je demande
réellement à cette commission de privilégier
des actions positives pour ces gens-là. Je sais que, pour les autochtones, il y
a toutes sortes de négociations avec
eux, mais ils font quand même partie de notre société, et je crois qu'il faut
qu'on bâtisse avec eux.
Pour revenir sur les
Noirs, la jeunesse noire, il y a un manque d'identité flagrant au Québec, qui
n'est pas par tous, mais qui est
suffisamment grave, qui fait qu'il y a un exode, soit parce qu'ils ne trouvent
pas d'emploi, soit que leurs compétences...
le problème de langue est existant, entre autres chez les Noirs anglophones ou
les Noirs qui sont d'immigration
nouvelle, récente. Chez les Noirs anglophones, depuis 1976, depuis 1980, on
sait qu'ils ont beaucoup quitté, ils
ont suivi cet exode vers le reste du Canada, les États-Unis, et c'est
malheureux, parce qu'on perd d'extrêmement... des bonnes compétences.
Et l'enracinement,
depuis 2001, depuis les événements de septembre 2001, je crois qu'il y a eu au
Québec un resserrement ou bien... tu sais,
tout le monde s'est comme réagencé à son propre agenda. Et, avant ça, je me
rappelle, on faisait des célébrations oecuméniques où est-ce qu'il y
avait autant les pères byzantins, que les chrétiens, que les musulmans. Depuis
2001, il n'y a plus de ça.
Le
Président (M. Picard) : Je dois vous interrompre. On va
poursuivre la discussion avec les parlementaires. Donc, je cède
maintenant la parole à Mme la ministre pour une période
17 min 30 s. Mme la ministre.
• (10 h 40) •
Mme
Weil : Oui, merci beaucoup. Alors, je vous remercie beaucoup de
votre présence, M. Farkas, Mme Rousseau.
Évidemment, on va
poursuivre l'échange parce qu'on est surtout là pour vous écouter. Vous
connaissez le problème beaucoup mieux que
les parlementaires peuvent le connaître. C'est une occasion pour vous aussi,
peut-être, de nous éclairer sur des pistes de solution.
C'est
sûr qu'on parle d'immigration, de diversité et d'inclusion. C'est un nouveau
titre qui apporte un nouveau mandat,
et le mandat, c'est vraiment de travailler beaucoup plus fort sur l'aspect
inclusion. Et on ne fait pas de distinction entre les générations, là, on parle de la diversité qu'il y a autour de
nous, quelle que soit l'origine, quel que soit le moment où cette personne est arrivée. C'est des vagues
successives. D'ailleurs, M. Farkas, vous
l'avez vraiment bien expliqué, comment on peut trouver des
gens ici sur notre territoire, des Québécois, qui viennent ici par toutes
sortes de voies, dans un siècle précédent, peut-être,
ou plus récemment, ou il y a 50 ans. Quoi qu'il en soit, il y a
des obstacles, il y a des
préjugés, il y a de la discrimination. La Commission des droits de la personne
est venue hier nous parler beaucoup de ça. Si le nom, la résonance, la
consonation du nom... on comprend que la personne ne vient pas d'ici.
Alors, peut-être sur
la question de solutions ou comment aller plus loin pour... je sais qu'on
en parle depuis longtemps, je suis bien consciente de ça, comment éliminer
ces barrières, alors que la langue est partagée de... Oui, je pense que mon collègue va vous poser plus la
question de la communauté noire anglophone. Là, il y a des problèmes particuliers, et c'est le député de D'Arcy-McGee
qui aura des questions là-dessus. Mais, par ailleurs, la langue est
partagée. C'est le vécu des Haïtiens, évidemment, et de nos jeunes anglophones
de la communauté noire qui sont bilingues.
Est-ce
que vous avez des propositions de solution? Hier, on a beaucoup parlé de
campagnes de sensibilisation, d'éducation aux droits dans nos écoles et
le rôle des écoles.
Mme Rousseau
(Nadia) : Alors, moi, je vais revenir juste un peu en amont pour vous
expliquer d'où on vient. J'ai aussi été la
première conseillère à la diversité à Radio-Canada de... donc, je
conseillais Sylvain Lafrance et je suis la première personne à avoir ce titre-là. Et comme dans
l'actualité, cette semaine, on a... enfin, dans les derniers jours, on a beaucoup parlé de ce dossier-là de la
représentation dans les médias, je suis habilitée à en parler puisque j'ai essayé de porter ma pierre à l'édifice
pour que ça change.
Dans ce contexte-là,
c'est vrai que les communautés noires ne se retrouvent pas dans les médias et
ne s'identifient pas à ce qu'elles voient, et donc elles ont recours à aller
voir ailleurs parce que la proximité culturelle et tout est plus proche. Donc,
elles vont regarder des chaînes américaines, des chaînes de leur pays d'origine
et tout de préférence, surtout que maintenant
l'offre satellitaire fait qu'elles ont accès à beaucoup de... l'Internet et
tout ça. Aussi, comme les médias ne
sont pas le reflet de la réalité des Québécois dans le métro, eh bien, on est à l'écart. Il y a
un travail à faire, c'est certain,
pour que la représentation dans les médias soit plus le reflet de la réalité
des Québécois, que ça soit en région comme dans les
grands centres. Il y a vraiment un effort à faire. Si on est dans des sociétés
qui sont dites de service public, il y a
un mandat et une obligation de leur part de rendre compte de ça, et c'est
des... Pour ce qui est, par
exemple, de Radio-Canada, ce sont des «guidelines» qu'on leur fait, mais il n'y
a pas d'obligation. Donc, je suis de la philosophie des obligations.
Après ça, je suis
rentrée à Radio-Canada à la faveur aussi des plans de minorités visibles, et je
suis fervente défendatrice de ces
politiques-là, parce que je pense qu'à la fin de la journée — puis j'avais encore cette
conversation au téléphone très récemment — si quelqu'un, quelle que soit
son origine, est de minorité visible et qu'il se défend bien sur le marché du travail, on ne pourra jamais lui
dire que c'est parce qu'il est une minorité visible qu'on l'a choisi. On
l'a peut-être choisi à l'entrée, comme
d'autres ont le privilège de connaître quelqu'un qui s'appelle Tremblay, etc.,
ou d'être là et que son papa a déjà
été chef de chantier, mais, si c'est un privilège qu'on peut accorder aux
minorités visibles pour ouvrir les
portes, je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas. À la fin de la journée,
c'est un peu le même débat qu'on a avec les femmes : Est-ce qu'on mettrait des femmes sur les conseils
d'administration? Ah oui! On est un peu frileux et tout ça. Mais, si
quelqu'un ne fait pas l'affaire, homme, femme, noir, jaune, même bleu, il ne
restera pas. Donc, il y a vraiment des politiques un peu plus incisives à
mettre sur pied pour des obligations.
Après
ça, vous avez... Mme la ministre a évoqué l'éducation, et je pense
qu'effectivement il y a là une bonne source d'intégration pour tout immigrant. Il y a des programmes à développer de
conscience civique, d'histoire,
élargir l'histoire à autre chose que peut-être de l'ethnocentrisme ou de
l'ethnocentrisme mais enrichi des nouveaux arrivants. Donc, oui, nous pensons
ça, que l'éducation serait un bon véhicule pour le faire.
Et nous
pensons également qu'il y
a des crédits ou des supports à
prévoir pour des programmes d'intégration au sens strict, c'est-à-dire
on veut des nouveaux arrivants, comment on va les accompagner assez longtemps
pour qu'ils deviennent des Québécois
et comment ces Québécois de partout vont être perçus par tout le monde comme des Québécois. Quand vous avez parlé de campagne de
sensibilisation, oui, il faut que le gouvernement et les preneurs de décisions
posent des gestes qui démontrent de leur inclusion.
Je vais
donner un autre exemple qui nous touche, nous, à la Table ronde du Mois de
l'histoire des Noirs. Nous représentons,
donc, l'histoire des Noirs du Canada depuis ses origines et nous avions fait un lobby,
à un moment donné, auprès d'un
ministre de la Culture pour lui dire que c'était pertinent d'ouvrir... et que
le financement ne pouvait plus être... on va
dire, anciennement MICC, Immigration
et Communautés culturelles, parce qu'après tout, si l'histoire des
Noirs fait partie de l'histoire du Québec,
eh bien, elle devrait être aussi financée par autre chose qu'un ministère qui
s'occupe des communautés culturelles.
Mme Weil : Merci. Je sais
qu'il nous reste quand même du temps, mais j'aimerais... parce que c'est peut-être la seule occasion qu'on aura, pendant toute
cette consultation, de parler de la communauté noire anglophone en
particulier, qui vit des problèmes
d'exclusion encore plus aigus que toute autre communauté, les chiffres le
montrent. Alors, j'aimerais céder la parole à mon collègue et, si on a
du temps après, je pourrai revenir avec d'autres questions. Merci.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président, Mme la ministre. On est ici pour parler d'une politique, comme a dit
élégamment la ministre, de l'inclusion,
d'insertion, d'intégration pour que le Québec dans son entier profite de sa
diversité. Et l'obligation s'impose, avec
une pénurie qui est devant nous, en ce qui a trait à l'emploi dans toutes
sortes de domaines. Alors, on a un
intérêt social, économique, culturel, une exigence de parler des problématiques
dont on parle aujourd'hui.
Et, quand on
parle de mieux-vivre, bon, vous êtes un exemple formidable. Quand on parle du
Mois de l'histoire des Noirs, voilà
un geste concret et clair pour faire mieux comprendre nos racines communes et
notre patrimoine commun.
Et, comme il a été suggéré, sur toutes sortes
d'indices, il y a des problèmes fondamentaux en ce qui a trait aux membres de votre communauté et qui se
démarquent quand on parle des Noirs issus de la communauté anglophone. Moi, j'ai eu à travailler de près avec ces
communautés-là durant 17 ans en éducation du côté anglophone, et, sur
toutes sortes d'indices, il y avait des
problèmes. Et je serais très intéressé d'échanger avec vous sur le fait qu'on
parle d'un taux de décrochage accru,
une grande difficulté collective en ce qui a trait à un souhait qu'on partage,
tout le monde, c'est-à-dire de perfectionner le français.
Sur ces deux questions, dans un premier temps,
pouvez-vous nous élaborer un petit peu sur les défis qui font face à la communauté noire anglophone, surtout en
se francisant? Et deuxièmement, il y a un lien entre les deux, je crois,
mais, le décrochage, qu'est-ce qu'on peut faire de mieux?
• (10 h 50) •
M. Farkas (Michael P.) : Oui, merci.
Bien, effectivement, là, je crois que les en bas de 30 ans, ceux qui restent ici, de la communauté anglophone, sont
bilingues aussi. Ils se sont approprié le français, mais des fois c'est
d'autres embûches aussi qui... c'est la gêne
ou «whatever» que leur français ne soit pas parfait, etc., qui les empêche de
faire le prochain «step». La morosité
qui se passe dans la communauté noire anglophone se traduit souvent par leur
départ. Ça, c'est... je pense que vous le savez aussi, puis c'est une
grosse, grosse perte.
There's a miscomprehension of our place
per se in Québec, I would say, and there's a lack of
appropriation of Québec culture. You know,
to me, it's a... From what I see, because I've been in the middle because I
work with the English very much in Little
Burgundy and so on, and we have contacts, you know, with the whole, you
know, people that you know very well, Côte‑des‑Neiges,
Marvin Rotrand and everyone else in NDG, and what we see, is that...
Obviously, it's an elderly... You know, there is a lot of elders. They've not learned
French. For the longest time, they were told : You
don't need to learn French. When the PQ
finally arrived in 1976, they left. Many of them left. The ones that stayed
started. So we do have with the law...
La loi 101 a permis que les en bas de 30 ans, 35
ans, ils parlent le français, mais ils ne se sentent pas... Il y a un problème d'identité culturelle. Il
y a un problème fondamental aussi de reconnaissance de part et d'autre. Les
médias anglophones, comme elle dit si bien,
ils supportent toutes les communautés culturelles beaucoup mieux, dans le sens
qu'ils couvrent les événements
des communautés noires anglophones, entre autres, tout le temps. Tout
le temps. Ce n'est pas le cas du côté francophone. C'est qu'en même temps,
si on ne sait pas... si le reste du Québec, si les autres, si TVA, tout ça, ne s'ouvrent pas aussi à certaines réalités du bon
travail puis des belles choses qui se passent là, ça crée un vide. Puis, moi,
c'est ce que j'observe.
Another one is the NCC. We know it's down, we know it's gone now. We
need to replace that. So that's a big wish of mine this morning, to tell
you : Let's see how we can reopen a new cultural community center that
would even maybe address all the historical part of the presence of
Blacks through the last 400 years, because there is no historical documentation center/museum. That would be great and it would bring back at least our
elders, if we do it rapidly, that still have a lot of artefacts. So that's something I'm
willing to work 100%.
Whether it still would be based in Little Burgundy or elsewhere, I'm OK, but the rebirth of a new per se
community center would give a lot of hope and... You know. So that's a
big one.
The rest, I think that the
Blacks need to go... and when they see there's a job opening, go and apply for
it and may, you know...
and try to see that the employers... do a campaign with employers so that they
would also get hired at... S'ils sont aussi compétents que les autres, de leur donner la chance s'ils
sont bilingues. Je crois qu'on va s'enrichir, le Québec, si on tient
compte d'une population qui s'en va. Merci.
M.
Birnbaum : Et, si on inclut, pour vous demander, un ou deux gestes
concrets que le gouvernement pourrait poser
au nom du Québec dans son entier... that would answer the questions of too many
young Black Anglophones who are saying : Why should I stay? What would be those gestures?
M.
Farkas (Michael P.) : Because this... I mean,
it's a cliché. This is your home. This belongs to you. So this is where we need to really, how could I say,
just make sure that they feel part of this, that they've built
something. So role models coming from the
Black English community, you know, that have built something here in Québec,
that would be one way.
Mme
Rousseau (Nadia) : C'est difficile d'avoir une identification quand il
y a toute une tranche d'âge qui est absente. Donc, vous avez des personnes d'un
certain âge qui sont anglophones, qui parlent anglais, qui sont en communication...
en conflit générationnel avec les jeunes qui cherchent d'autres repères et qui,
eux, sont dans la francisation, mais qui
s'opposent aussi, parce qu'ils... Bien, c'est de leur âge, hein, de... Ils
n'ont pas la tranche des quadras, qui
seraient là pour leur dire : Bien, moi, je suis propriétaire d'un
dépanneur puis moi je suis... je travaille chez Bell et puis...
Donc, le travail est
en quelque sorte à recommencer pour proposer des personnes des communautés
noires qui sont en position de leadership. C'est un peu ce que fait le
calendrier de la table chaque année pour montrer qu'il y a des gens dans toutes sortes de secteurs d'activité qui le font, qui
sont là et qui ont des rôles de leadership et qui peuvent être des exemples pour cette jeunesse. Donc, il y
a un travail de média, de propagation de cette information pour que ces
jeunes aient des exemples autres que le joueur de basket, le gangsta rap et
j'en passe.
M. Birnbaum :
Merci. Si je peux...
Le Président (M.
Picard) : Il reste 1 min 30 s.
M. Birnbaum :
Une dernière petite question. Comme on a parlé au début, il y a, en quelque
part, un autre pont qui s'offre à toute la communauté,
mais on parle d'une communauté avec une grande représentation francophone. Est-ce
qu'il y a plus, peut-être, à faire pour assurer un arrimage, une collaboration
entre les communautés noires des deux
communautés linguistiques au Québec, pour participer à l'intégration et à une
meilleure connaissance de tout votre apport au Québec?
Mme Rousseau (Nadia) : Est-ce que vous sous-entendez qu'il y a comme une
scission entre le côté anglophone et le côté francophone des communautés
noires?
M.
Birnbaum : Je ne fais aucune présomption, mais je me demande s'il y a
assez qui se fait ou s'il y a plus qui pourrait se faire entre les
communautés noires du Québec.
Mme Rousseau (Nadia) : ...plus qui pourrait se faire. Sans aucun doute,
il y a plus qui pourrait se faire. Nous, nous l'avons vécu au sein de la table. Historiquement, bon, nous... Michael
et moi, nous sommes sur le conseil d'administration depuis cinq ans, et
on n'est pas... oui, toi, beaucoup plus, mais j'ai dit «ensemble».
Historiquement, la
table avait ce bagage anglophone parce que c'est des militants de La Ligue des
Noirs, c'est eux qui l'ont fondée et tout,
et, quand il y a eu plus de francophones, ils se sont sentis orphelins de notre
organisme. Pourtant, nous avons fait beaucoup de travail pour ce rapprochement.
Par exemple, dans les 12 personnes que nous présentons
chaque année comme des «role models», we really make an effort to have 50%
Francophones, 50% Anglophones and to be really inclusive. And we translate all of our material in French and English.
Le Président (M.
Picard) : Mme Rousseau, je dois vous interrompre pour céder la
parole à M. le député de Bourget pour une période de
10 min 30 s.
M. Kotto :
Nous n'aurons pas beaucoup de temps. Merci, M. le Président. D'emblée, je tiens
à déclarer mes intérêts, pas dans le sens de rechercher un emploi, certes, mais
davantage dans le sens d'avoir été honoré par la Table ronde du Mois de l'histoire des Noirs. Mais, cela dit, cet honneur ne va
pas altérer mon objectivité. Et la première question que je poserai serait à l'effet de nous définir,
de votre perspective, ce que vous concevez par une communauté. Qu'est-ce
que ça veut dire pour vous?
M. Farkas (Michael P.) : Une communauté... Souvent, on dit qu'il n'y en a
pas, de communauté noire. Souvent, on dit ça, au Québec, et c'est...
Mme Rousseau
(Nadia) : Nous, on dit des communautés.
M. Farkas (Michael P.) : On dit des
communautés.
Mme Rousseau
(Nadia) : Quand, nous, nous parlons, nous disons des communautés.
M. Farkas (Michael P.) : On parle de
la diaspora, mon cher ami, dans ce sens-là. Alors, je crois que l'erreur, ce serait... tu sais, les Noirs font
partie de la communauté entière. Alors, ça revient un peu à la même
définition.
M. Kotto :
Des deux modèles, là, parce qu'ici on parle davantage de diversité, pas
d'intégration au sens immigration, y a-t-il eu, autour de la table, une
réflexion entourant les deux approches en compétition au Québec en termes
d'intégration, l'approche multiculturaliste et l'approche interculturaliste;
l'approche multiculturaliste nous amenant à un développement séparé des
communautés, sans passerelle ni pont, et l'interculturalisme amenant une
relation entre la maison hôte et le Québécois ou la Québécoise d'adoption?
M. Farkas (Michael P.) : Il n'y a
pas eu cette réflexion telle quelle, mais je me rends compte que... non, il n'y
a pas eu cette réflexion, si je peux...
• (11 heures) •
M. Kotto : Maintenant, vous avez
évoqué un point très, très important, qui est celui de la représentation, et
c'est effectivement un point très important, que nous ne devons pas prendre à
la légère, celui de cette représentation au
plan de l'imagerie populaire. Ça dépasse le cadre du paysage audiovisuel, ça
touche les arts de la scène également — on l'a évoqué ici, il y a eu ce papier spécial sur les minorités
invisibles, qui est très intéressant, pour celles et ceux qui ne l'ont pas lu, ce serait bien de le lire — parce que, quand on ne se voit pas — je
l'avais déjà évoqué avec d'autres personnes qui sont passées avant vous, hier — représenté
en tant que minorités — au
pluriel — dans
ce paysage, le sentiment d'exclusion, il est viscéral.
Et je rejoins ce que vous disiez tout à l'heure
relativement au relais que les médias ne font pas relativement à vos activités. Parce que, quand vous honorez
du monde autour de la table, quand vous en choisissez, ce sont des
modèles de réussite qui peuvent servir de
modèles d'identification auquel les jeunes, les plus jeunes peuvent se référer
pour s'accrocher et pour développer ce sentiment d'appartenance à
l'ensemble de la communauté, mais ils ne sont pas là.
Ce qui est souvent véhiculé, ce sont des modèles de référence
négatifs. Quand il arrive quelque chose de, disons, pas très
potable — je
choisis mes mots...
Une voix : ...
M. Kotto : ...voilà — là ça
fait la une, et ce que ça renvoie comme image dans l'ensemble de la communauté est une image qui vient alimenter le préjugé
négatif intériorisé depuis des générations, et ce qui participe, justement,
à des blocages, par exemple, au niveau de l'emploi, du logement, dont vous
parliez au début de votre exposé. Est-ce que ce que je dis est complètement à
la masse ou dans la vérité?
Mme Rousseau (Nadia) : Moi, je vous
donnerais entièrement raison. Lorsque j'étais première conseillère à la diversité, j'avais eu l'occasion de faire du
démarchage, et là au nom de toutes les communautés culturelles, et puis
je m'étais assise, à un moment donné, avec un directeur de théâtre en lui
disant : Vous savez, dans tous les rôles, vous pourriez mettre un médecin... un médecin pourrait être Chinois, un
avocat pourrait être Noir, etc., il n'y a pas besoin de compartimenter, et il m'avait répondu : Mais,
madame, ce n'est pas ça, le problème, c'est que mon imaginaire est
Blanc.
Donc, la
conclusion de ça, c'est qu'on ne pourra changer que quand on aura des gens qui
auront un imaginaire plus élargi que
juste blanc. Donc, on a besoin d'enfants de la loi 101 qui soient dans...
des directeurs de théâtre, et qui, eux aussi, voient la vie comme une
mosaïque multiculturelle.
M. Farkas (Michael P.) : Puis, si je
peux dire, les jeunes Noirs, ils... La meilleure chose qu'il peut arriver aux
jeunes Noirs dans le moment, c'est l'immigration parce qu'au côtoiement de
toutes ces communautés autres qui rentrent...
et d'autres jeunes, ils veulent la même chose. Et ça a facilité, même, leur
apprentissage du français parce qu'ils veulent être en relation avec
eux.
Et, moi, ce que je vois, c'est qu'il y a une
transition qui est un peu douloureuse dans le moment pour les Noirs anglophones. Il y a une perte de vitesse, il
y a un exode. Mais il y a beaucoup d'espoir parce qu'au bout du tunnel cette jeunesse-là, celle qui va rester avec le
Québec, elle est en train de s'unir, s'harmoniser avec toutes les
communautés culturelles qui sont ici. Est-ce qu'encore plus doit être fait pour
travailler avec les deux autres grosses communautés noires, si on peut dire, la communauté haïtienne et la communauté
africaine, qui est extrêmement... Maka Kotto, vous êtes peut-être
l'exemple numéro un. Les Noirs anglophones, il n'y en aucun qui est
représentant politique, il y a quelques Haïtiens,
puis les Africains, ils y vont, ils y vont, ils se présentent au municipal, au
provincial, au fédéral. Tu sais, je veux dire, alors que... On est d'accord que... Comment ça que la plus
ancienne communauté, elle ne sent pas qu'elle peut elle-même adhérer à
ça? Mais je crois qu'on est dans le creux. Je pense qu'on est tous conscients
qu'on est dans le creux pour cette
communauté-là. Mais «we can look»... on peut regarder vers le haut et qu'elle
va... Parce que, vous le savez aussi, il y a énormément de compétences
qui sortent de... L'élite des Noirs, là, qui sort de McGill, Concordia, il faut
qu'on la garde ici pour qu'à un moment donné, justement, qu'elle postule même
dans les postes... comme vous êtes ici.
Alors, il y a
de l'espoir au bout du tunnel, puis une des meilleures choses, c'est ce
mélange, justement, des... parce qu'avant
ça les Noirs anglophones étaient seuls. Les Haïtiens sont venus, ça a pris du
temps avant que ces deux groupes-là se reconnaissent, mais maintenant,
avec tous les gens qui viennent de partout, du Maghreb, partout, on n'a juste
plus le choix. Puis les jeunes le savent, puis ils carburent tous sur leurs
choses, puis ils ne regardent pas si tu es un Noir anglophone, si je dois te parler, si tu es... Ils
y vont, puis ils leur parlent. Ça fait que moi, j'ai beaucoup d'espoir
quand même, même si on est dans le creux, je l'avoue.
M. Kotto : En parlant de
creux, vous n'êtes sans savoir que des tensions exacerbées aujourd'hui un peu partout en Occident à cause de la montée du
radicalisme d'une partie de notre population — qui est très minime, hein,
disons-le — vient
occulter le côté lumière de cette portion de la population.
Si vous avez
des recommandations, des conseils à nous donner relativement à l'attitude, au
comportement que nous devons avoir, notamment vis-à-vis des intégristes
radicaux, quels seront-ils?
M. Farkas (Michael P.) : Bien, ça
m'amène au point de dire que je souhaite fortement que le ministère du MIDI soit un ministère qui siège au Conseil des
ministres, vu que les temps le demandent, car... Vous êtes quand même
les décideurs pour tout ce qui est plans immigrants et de l'inclusion et de la
diversité, puis de travailler harmonisés avec vos
collègues au Conseil des ministres, d'après moi, pourrait juste enrichir ce
Conseil des ministres et faire en sorte que... tu sais, peut-être qu'on construise peut-être un
petit peu moins de prisons pour peut-être plus travailler puis éduquer les
gens.
Alors, ça,
c'est un des points que je crois que, pour répondre un peu à votre question,
que je souhaite ardemment, mais... Ça fait que... et...
Qu'est-ce
qu'il a dit? J'ai perdu juste le fil de sa question. Rappelle la question,
parce que je voulais tellement le ploguer, je trouve...
M. Kotto :
Oui, oui, non, mais c'est les conseils que vous nous donneriez ou les
recommandations à l'effet d'avoir un... d'adopter tel ou tel
comportement vis-à-vis de la montée des intégristes radicaux.
M. Farkas (Michael P.) : Écoutez,
moi, je peux juste encore... excuse-moi, Nadia, très rapidement. Moi, je travaille en maison de jeunes. J'ai beaucoup de
jeunes que leurs parents viennent du Maroc, Tunisie, etc., qui viennent
à la maison de jeunes. J'entends beaucoup de
commentaires depuis deux, trois semaines, depuis les événements tout à
fait inacceptables qui se sont produits, entre autres, à Charlie Hebdo,
mais aussi avec Boko Haram, etc. Alors, les jeunes, ils carburent, on le sait
tous, ils ont cette information-là, et j'entends beaucoup de commentaires néfastes.
Les jeunes n'acceptent pas la violence, en général, mais les jeunes, je leur
dis : Fais attention à ce que tu dis parce que tu peux te ramasser assez rapidement au bureau du directeur
si tu abondes dans le sens... parce que j'entends des commentaires positifs
sur : Ils ont eu ce qu'ils... You know, they got what
they deserve, and so on.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Merci, monsieur...
M. Farkas
(Michael P.) : Alors, on
travaille avec eux. On ne leur demande pas de ne pas donner leurs
commentaires, ils peuvent donner leurs commentaires, mais fais bien attention
comment tu le dis. Et puis on travaille surtout la non-violence, finalement.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. Farkas, Mme Rousseau, bienvenue à l'Assemblée
nationale.
D'entrée de
jeu, vous avez mentionné l'importance de la cohésion sociale pour la société
québécoise et qu'actuellement l'intégration faisait défaut, notamment au
niveau de la diversité; on avait une problématique. Votre organisme est basé à Montréal, pouvez-vous nous
parler un peu de la périphérie de Montréal — vous avez mentionné avoir grandi à Mont-Saint-Hilaire — et dans les régions également? La perception
de la communauté, comment ça se passe en région? Est-ce que c'est mieux?
C'est moins bien?
M. Farkas (Michael P.) : Ça dépasse...
Une des problématiques, c'est nos tentacules ne nous permettent pas d'aller
aussi loin qu'on le voudrait, mais il y a quand même des efforts, grâce aux
médias sociaux, pour engager tout le monde
au Québec, pour célébrer, finalement, réfléchir sur le Mois de l'histoire des
Noirs. Mais on s'entend que, passé la périphérie, Montréal, tout ça, ça
devient plus compliqué.
Mme Rousseau (Nadia) : Oui, on sait
qu'il y a des gens avec qui on est en dialogue, dont la Gatineau, c'est vrai aussi à Québec, c'est vrai aussi, me
semble-t-il, à Trois-Rivières, donc il y a d'autres pôles avec lesquels on est
en connexion, mais vous n'êtes pas sans
savoir que la représentation de la diversité hors des grands centres n'est pas
importante au Québec.
• (11 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Tout à l'heure,
Mme Rousseau, vous abordiez la question de l'ethnocentrisme, donc, par le biais de l'histoire qui est enseignée. Selon
vous, le cursus académique de l'instruction publique québécoise,
de l'école publique québécoise prône un ethnocentrisme dans
l'enseignement?
Mme Rousseau (Nadia) : Oui, je vous
dirais, mais je vous dirais aussi... Moi, mes enfants, par exemple, ils... On a eu l'occasion de voyager à Puerto Rico
ou à d'autres endroits. Et c'est vrai pour tout pays, hein, c'est vrai
pour tout pays qu'en... son cursus scolaire représente ses valeurs. Donc, si on est au Québec,
le cursus éducatif représente l'histoire du Québec, mais pas dans son entièreté parce qu'on
aurait besoin de renouveler le contenu des cours et de l'enseignement
pour être plus ouverts à la diversité.
M.
Jolin-Barrette : Donc, le tout dans une perspective historique afin de
favoriser, dans le fond, la démonstration que la diversité culturelle du Québec ne date pas, supposons, des
50 dernières années, mais plutôt dès l'origine, de la venue des
colons français.
Mme Rousseau (Nadia) : Exactement.
Exact, exact, exact.
M. Jolin-Barrette : Un autre point
que vous avez abordé, c'est au niveau des mesures d'obligation. Vous avez dit : Moi, je suis davantage la tendance
d'imposer. J'imagine que l'État mettrait en place un cadre législatif qui
vise véritablement à créer un climat ou un environnement qui va forcer les
partenaires de la société à intégrer davantage. Est-ce que c'est dans ce sens-là?
Mme Rousseau (Nadia) : Oui, vous
m'avez très bien comprise, c'est dans ce sens-là.
M. Jolin-Barrette : Donc,
concrètement, vous seriez en faveur de mesures qui visent, supposons, pour les
conseils d'administration ou même pour la représentation politique, à avoir des
paramètres minimaux pour favoriser la représentation?
Mme Rousseau (Nadia) : Oui. Je l'ai
même comparé au cas des femmes. Donc, pour moi, c'est vraiment dans un débat universel, ce n'est pas dans un
débat caricatural de... les Noirs... Là, je parle de la diversité, pas juste
des communautés noires, oui.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Au niveau de... Je reviens à la question de la
diversité, les problématiques éprouvées par les plus jeunes membres de vos communautés. Vous dites : Il n'y a
pas de modèle ou les modèles ne sont pas publicisés, on ne se retrouve pas dans une situation où ils
peuvent s'identifier. Concrètement, vous nous avez mentionné que, bon,
ça peut passer par un modèle au niveau des
médias, au niveau de la télévision. Est-ce qu'il y a d'autres façons de réussir
à briser cet isolement-là et la non-reconnaissance de modèles?
Mme Rousseau (Nadia) : Quand
M. Farkas a évoqué le NCC, qui est un centre communautaire, qui est le témoignage d'une histoire contemporaine et passée
du Québec, c'est un lieu où on pourrait être dans le dialogue, dans le
partage des expériences vécues et du bagage historique auquel les communautés
noires ont participé.
Donc, oui, je pense aussi que, dans le dialogue,
dans des lieux clés où les gens pourraient se rencontrer, on peut le faire. Ce n'est pas juste une question de
médias, c'est aussi une question d'en faire une profession de foi ou des
activités comme on le fait, par exemple,
lors du Mois de l'histoire des Noirs. Le but de la programmation, qui,
finalement, est plus une programmation, on va dire, les journées de la culture
noire, mais ouvertes à tout le monde, bien, c'est exactement ça, c'est de montrer... d'être une vitrine pour que, pendant
un mois dans l'année, au lieu de mettre l'accent sur, comme a dit M. Kotto, des cas caricaturaux de
délinquance, de problèmes, et tout, bien, on met l'accent sur des
réussites, qu'elles soient culturelles,
financières, dans nos communautés, et tous ces lieux de rassemblement où les
gens vont aller, bien, ils vont pouvoir s'enrichir de la présence de
gens qui ont réussi, qui sont... «réussi» n'étant pas forcément une question
financière, étant juste un bien-être de vivre ici, au Québec.
Le Président (M. Picard) : Il
reste une minute, M. le député.
M. Farkas (Michael P.) : Aussi, je
voudrais dire que les modèles noirs, c'est bon pour montrer aux jeunes : Je peux réussir, moi aussi. Mais, à part de ça, je
veux dire, si le... il va y avoir... Le jeune Noir, s'il veut s'identifier à
Gilles St-Pierre parce qu'il aime le... tu sais, le... comment tu appelles ça?
M. Jolin-Barrette : Georges St-Pierre.
M. Farkas (Michael
P.) : Georges St-Pierre. Ça va arriver
aussi, puis il n'y a pas de mal à ça. C'est juste d'en avoir, des modèles noirs, parce que, comme le Québécois, si on
peut dire, «mainstream» blanc, il... sa connaissance du Noir, là, le jeune... quand je vais dans les
écoles, c'est P.K. Subban, c'est P.K. Subban. Quand on parle d'un
Noir, pour eux, la jeune génération...
quand tu penses à un Noir puis, naturellement, qui a réussi, il pense à
P.K. Subban, alors l'inverse est correct
aussi. Que le Noir s'identifie à quelqu'un qui est champion puis qu'il soit
blanc, il n'y a pas de problème, c'est juste aussi qu'on s'organise d'ouvrir les valves, d'ouvrir les portes pour
qu'il y ait des représentants, des modèles noirs positifs qui ont réussi
pour que... en sachant qui c'est qui va pouvoir s'identifier à lui.
Mme Rousseau (Nadia) : Dans
l'universalité, si... même des Blancs pourraient...
Le Président (M. Picard) :
Merci. Merci.
M. Farkas (Michael P.) : Je pense
que le message est bien passé.
Le Président (M.
Picard) : Nous vous remercions pour votre présentation.
Je vais suspendre quelques instants pour permettre
au prochain groupe, qui sera Pour les droits des femmes du Québec, de prendre
place.
(Suspension de la séance à 11 h 16)
(Reprise à 11 h 19)
Le Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en accueillant l'organisme Pour les droits des
femmes du Québec. Je vous invite à vous présenter, et vous disposez de 10
minutes pour faire votre présentation, va s'ensuivre une... des échanges avec
les parlementaires. À vous, mesdames.
Pour les droits des
femmes du Québec (PDF Québec)
Mme Sirois (Michèle) : Bonjour.
Alors, je suis Michèle Sirois, je suis anthropologue et présidente du groupe PDF Québec ou Pour les droits des femmes du Québec. À
ma droite, il y a Salimata Sall, Québécoise d'origine sénégalaise, étudiante en maîtrise au travail social
à l'Université de Montréal, et Mme Nadia El-Mabrouk, Québécoise
d'origine tunisienne, professeur titulaire
en informatique à l'Université de Montréal. Je voudrais aussi mentionner la
participation d'un auteur du mémoire qui ne peut pas être présent actuellement,
il est à l'extérieur du Québec, M. Léon Ouaknine.
• (11 h 20) •
Le groupe
PDF Québec, Pour les droits des femmes du Québec, est un groupe féministe,
citoyen, mixte et non partisan créé en 2013 et ayant à son actif plus de
300 membres d'origines diverses, comme vous pouvez le constater. PDF Québec croit qu'une véritable démocratie
n'est possible qu'à la condition de réaliser l'égalité de fait entre les
femmes et les hommes.
Alors, après
cette brève présentation, je voudrais d'abord remercier la commission de
permettre à PDF Québec de donner le point de vue des femmes sur la
nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et
d'inclusion. Notre objectif aujourd'hui est principalement de fournir des
éléments de réponse à la question suivante : Comment s'assurer d'une compréhension partagée du principe d'égalité
entre les femmes et les hommes dans le contexte interculturel?
Aujourd'hui, notre exposé, rapide, là, va porter
sur deux points. On veut d'abord souligner l'importance de bien définir les valeurs fondamentales du Québec
afin de faciliter l'intégration des immigrants. Et notre deuxième point
sera d'aborder la question de la laïcité de l'État et son importance dans un
contexte interculturel.
Premier point, donc : aborder la question
des valeurs fondamentales du Québec. M. Jean Charest, ex-premier ministre du Québec, en février 2007, a reconnu
trois valeurs prioritaires pour la société québécoise, soit l'égalité
entre les femmes et les hommes, deuxièmement
la primauté du français, et troisièmement la séparation entre l'État et la
religion. À ce propos, il a déclaré que ces trois valeurs ne pouvaient faire
l'objet d'aucun accommodement et ne pouvaient être subordonnées à aucun autre
principe. Voilà, selon nous, ce qui devrait être le fondement de la nouvelle
politique en matière d'immigration, de
diversité et d'inclusion. Cependant, ces valeurs ne sont pas partagées par tous
les pays. Il est donc indispensable de s'assurer que les nouveaux
Québécois développent un fort attachement à ces valeurs et soient ainsi mieux
préparés à participer pleinement à la vie de notre société.
Une société a le droit et le devoir de se
prononcer sur les principes qu'elle entend faire respecter sur son territoire. La mise à jour de la politique en
matière d'immigration est une occasion très importante de spécifier les
droits et les responsabilités liés à la vie citoyenne au Québec. Être citoyen
signifie, dans son sens le plus fondamental, de participer à la vie et au
développement de la collectivité, et la société québécoise a fait le choix,
donc, de la primauté du français, l'égalité
entre les femmes et les hommes et la séparation entre l'Église et l'État. Les
nouveaux immigrants, à titre de nouveaux citoyens du Québec, doivent
être avisés de cet état de fait et ont la responsabilité de respecter ces
valeurs communes.
Voilà pourquoi nous recommandons d'inclure ces
valeurs d'une façon explicite dans les principes directeurs, les assises de l'interculturalisme québécois, et
la vision de la nouvelle politique qui va être mise en place. L'objectif
est de mieux faire connaître les
spécificités de la culture québécoise aux Néo-Québécois et d'en faire la
promotion, facilitant ainsi leur participation et leur intégration à
notre société.
Second point que je veux aborder
aujourd'hui : la question de la laïcité de l'État. Avec la sécularisation
des institutions publiques, notamment avec
la Révolution tranquille, il s'est établi une sorte de contrat social qui
impliquait la neutralité du personnel et des
institutions afin de mieux accueillir la diversité des convictions
spirituelles, que ce soit celles des
natifs ou celles des nouveaux arrivants. En 1997, les Québécois catholiques et
protestants ont même renoncé à leurs privilèges
religieux constitutionnels pour transformer leurs commissions scolaires et les
établir sur une base linguistique, et ainsi d'être plus accueillants à
la diversité des convictions spirituelles.
Auparavant, la neutralité du personnel
enseignant, dans les hôpitaux, l'ensemble des institutions de l'État, c'était
un signe d'ouverture. Cependant, depuis quelques années, on tente d'associer la
neutralité du personnel à une fermeture face à la diversité et on invoque
souvent le besoin d'intégration des personnes immigrantes pour justifier des accommodements. Malheureusement, je crois que
l'équation entre immigration et demande d'accommodement est erronée, car plusieurs personnes nées ici
demandent des accommodements, alors que la grande majorité des
immigrants ne demandent pas d'accommodements.
De
plus, les accommodements religieux peuvent parfois encourager les pratiquants
de la même confession religieuse à vivre en
circuit fermé, ce qui limite leur participation à la société québécoise. Par
opposition, la laïcité permet la création
d'un terrain neutre où les divers groupes de la société, peu importe leur
appartenance religieuse, peuvent interagir de façon égalitaire et
respectueuse des convictions spirituelles de chacun des citoyens de notre
société. Et ça, ça va favoriser la paix sociale et diminuer les risques de
fractures sociales.
Enfin, rappelons que
presque toutes les traditions religieuses ont une vision qui infériorise les
femmes, ce qui se répercute nécessairement
sur l'égalité des droits entre les femmes et les hommes. Notons que ce n'est
pas le rôle du gouvernement de
corriger cette discrimination au sein des institutions religieuses — ça, ça relève de la sphère privée et
de la liberté religieuse — mais l'État a le devoir de s'assurer que les
institutions publiques soient à l'abri de cette influence.
Pour toutes ces
raisons, PDF Québec recommande d'amender la charte québécoise des droits
et libertés de la personne pour y ajouter
deux articles : un premier article qui affirmerait la laïcité de l'État
québécois et un second article qui
assure la primauté du droit à l'égalité pour les femmes sur... primauté sur le
respect des obligations religieuses, et ce, partout, dans les institutions et aussi dans les lieux publics. Bref,
PDF Québec dit non aux accommodements qui briment les droits et la dignité des femmes. Ces amendements à
la Charte des droits et libertés de la personne contribueraient à mieux faire connaître aux nouveaux Québécois en quoi la
culture québécoise est spécifique, facilitant ainsi leur participation
et leur insertion dans la société québécoise.
En
conclusion, PDF Québec salue l'initiative du gouvernement de mettre à jour
sa politique en matière d'immigration
afin de réaffirmer l'importance de la diversité comme source d'enrichissement.
L'immigration apporte une contribution essentielle dans le développement
de notre société. Cette nouvelle politique est aussi une occasion de renforcer
les conditions gagnantes pour une intégration réussie des immigrants à la
société québécoise.
Le
Québec s'enrichit de la diversité sociale apportée par les multiples groupes
d'immigrants dans la mesure où ceux-ci acceptent d'adhérer aux valeurs
non négociables de primauté du français, d'égalité des personnes, hommes et
femmes, donc, de liberté d'expression et de laïcité. Ces valeurs font partie de
l'identité et de l'histoire québécoise et sont le fruit de nombreuses luttes
menées par des citoyennes et des citoyens.
Rappelons, pour
terminer, que les personnes de toutes origines ethniques, religieuses ou
culturelles, qu'elles soient natives ou immigrantes, sont avant tout des
citoyennes et des citoyens du Québec. C'est en raison de cette appartenance
citoyenne qu'elles possèdent des droits et non pas en raison de leurs
spécificités ethnoculturelles ou religieuses. Merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme Sirois. Je cède maintenant la parole
à Mme la ministre.
• (11 h 30) •
Mme
Weil : Oui, bonjour, Mme Sirois, Mme El-Mabrouk et
Mme Salimata Sall. Bienvenue à cette commission, un moment
important où nous avons l'occasion, tous et toutes ensemble, de bâtir,
finalement, ou de continuer à construire et bâtir le Québec avec la diversité
qui vient enrichir notre société. On est bien fiers de notre histoire d'immigration. J'ai bien apprécié votre
commentaire, Mme Sirois, qu'en fait les demandes d'accommodement, c'est
assez historique et ce n'est pas de source immigrante, c'est... vraiment, ça
vient de multiples personnes qui sont ici depuis longtemps. C'est bien de faire
cette distinction.
Je vais aller sur
cette notion de valeurs communes dans notre déclaration, puis ce qu'on fait
pour véhiculer, partager ces valeurs. Alors,
dans la Déclaration sur les valeurs communes et l'information qui est transmise
aux nouveaux arrivants, j'aimerais avoir
votre opinion là-dessus. Donc, ils
sont énoncés dans la déclaration comme ce qui suit : «Au Québec : parler français, une nécessité»; «Le Québec : une société libre et
démocratique»; «Le Québec : un État laïque»; «Le Québec : une société pluraliste»; «Le
Québec : une société reposant sur la primauté du droit»; «Au Québec :
les femmes et les hommes ont les
mêmes droits»; «Au Québec : l'exercice des droits et libertés de la
personne se fait dans le respect de ceux d'autrui et du bien-être
général.»
Donc,
cette information est transmise, dans un premier temps, dans ce
document, un document qui est signé, qui est remis aux personnes
immigrantes par le site Internet. Il y a aussi des cours d'accueil ou des
séances d'accueil. Et j'enchaînerais, mais
surtout je veux vous entendre sur comment... si ce qui est énoncé, vous
partagez l'énoncé qui est là, mais
aussi comment peut-on aller plus loin pour que, dans la vraie vie, ces valeurs
soient bien comprises et assimilées. Puis ça me vient sur ce modèle
d'interculturalisme.
Je
vois que vous êtes critique. Vous faites une... vous dites : Ça ressemble
plus au multiculturalisme. On demande aux gens... parce qu'il y a une
fierté par rapport à notre modèle unique au Canada et en Amérique du Nord,
qu'on appelle interculturalisme, qui est, je
pense, beaucoup dans ce sens d'adhésion à des valeurs démocratiques telles
qu'on les décrit. Mais comment peut-on faire en sorte d'aller toujours à la
recherche de l'autre pour l'intégrer de cette façon, selon ce socle de valeurs
communes dans une langue commune?
On a beaucoup parlé
de l'éducation comme étant l'endroit le plus important où ça peut se faire. Et
un groupe qui nous a dit, hier : On
peut y arriver par les parents et les enfants... Donc, les parents qui viennent
lors des rencontres avec les
professeurs, les parents qui viennent chercher les enfants, l'échange, le
dialogue peut se faire à plusieurs niveaux, lors de sorties. Mais je vous dirais qu'il y avait
vraiment un consensus parmi... il y avait les organismes communautaires,
qui font beaucoup l'accueil, l'intégration, mais il y avait aussi les experts,
qui sont venus hier, qui privilégient beaucoup cet espace important pour
véhiculer, partager et nous assurer de cette cohésion sociale.
J'aimerais
peut-être avoir vos réactions, recommandations sur tout ça. Et, s'il faut
renforcer le modèle d'interculturalisme, comment le renforcer, comment
l'officialiser, si vous voulez, pour aller plus loin?
Mme Sirois (Michèle) : Merci de votre question. Oui, je pense qu'il doit être renforcé. J'ai
consulté en profondeur le document
d'orientation et j'avais déjà fait beaucoup de recherche sur
l'interculturalisme qu'on dit spécifique au Québec. Alors, qu'est-il, cet
interculturalisme? Il me semble que ça ressemble énormément au multiculturalisme,
plus une spécificité, qui est la langue
française. À part ça, l'évocation des valeurs communes... sont très, très
vagues et peu répétées, à part le français.
Donc, le français,
oui, c'est une des trois valeurs que j'ai énumérées, qui a été énumérée par M.
Jean Charest, auxquelles on adhère. Ces trois valeurs-là, je vous rappelle
qu'elles sont là, dans l'histoire du Québec... Elles ont été mises d'abord, en 1991, dans le rapport
Bélanger-Campeau comme quoi c'était le socle qui nous venait de l'histoire
du Québec moderne. Alors donc, c'est des
valeurs essentielles pour nous, ces valeurs communes. Mais on a remarqué
que, dans le document d'orientation et également dans la définition des
caractéristiques de l'interculturalisme, que les deux parents pauvres qu'on ne retrouve pas spécifiés et qui, on demande,
nous, de le faire, c'est la question de l'égalité hommes-femmes, qui
n'est pas spécifique, associée à l'interculturalisme, mais, deuxièmement, cette
valeur de la séparation des églises et de l'État, parce qu'on constate un
retour du religieux dans... pas juste au Québec, mais dans beaucoup de sociétés. C'est d'autant plus
important de le faire, et on voit actuellement, de ne pas faire ça, ça nous
amène dans des dérives, entre autres par rapport à l'école.
Vous avez posé, Mme
Weil, la question de l'école. Oui, c'est un terrain important. C'est là que se
fait la socialisation, l'apprentissage,
l'identification à un groupe. Donc, c'est très important pour nous, entre
autres par rapport aux femmes puisqu'on
est un groupe qui représente les femmes. Vous le savez, hein, je ne vous
apprends rien, qu'on s'est battu et on se bat encore, au Québec, pour
enlever les stéréotypes sexistes à l'intérieur des manuels scolaires. C'est
continuellement regardé, vérifié, est-ce que c'est bien fait.
Alors,
oui, ça, pour nous, c'est important, mais on est perplexes quand on constate que les signes religieux... on a
enlevé les crucifix des écoles pour accepter tout le monde, respecter la
clientèle, respecter le citoyen, qu'il soit enfant ou qu'il soit adulte. Eh bien, on s'aperçoit qu'il y a des professeurs, des
éducatrices, des intervenants qui sont des figures d'autorité et qui
portent des signes religieux. Comment un enfant qui ne regardait jamais le
crucifix et qui regarde, à la journée
longue, son professeur... On lui a enlevé le crucifix, on surveille les
stéréotypes et on laisse à des professeurs le port de signes qui peuvent
amener des stéréotypes.
Donc,
nous, l'école, on veut enlever ces stéréotypes, donc on veut un terrain neutre
dans lequel tous les enfants vont être
accueillis à partir de ce qu'ils sont comme enfants et non pas à partir de leur
communauté, leur identification, peu importent quelles sont leurs
convictions religieuses, familiales et autres.
Mme Weil :
Oui. Je vous amènerais sur le... parce qu'évidemment la politique... Il y aura
un plan d'action éventuellement, des actions à venir sur le modèle
d'intégration, d'autres actions à venir aussi au cours de l'année,
éventuellement une nouvelle loi sur l'immigration. Ça, c'est des aspects
plus techniques qu'on va regarder, bon : le volume, la composition de
l'immigration pour l'intégration rapide en emploi.
Mais la question de
l'égalité hommes-femmes et comment ça se vit dans la vraie vie — on
pense aux jeunes femmes en particulier, aux
jeunes filles en particulier — donc, là aussi, évidemment, c'est par
l'échange, le dialogue, mais un rapprochement où on est capables de nous
assurer que la jeune génération, toujours, puisse vivre pleinement. On parle beaucoup de participation pleine et entière
dans notre document, c'est une vision de société. On a beaucoup parlé de
préjugés — le dernier groupe, là, juste avant
vous — de la
discrimination, l'exclusion. Les gens qui quittent parce qu'ils se sentent rejetés, bon, c'est un phénomène. On a parlé de reconnaissance des acquis, un
autre problème, des professionnels qui
ont beaucoup de compétences, notamment les femmes, d'ailleurs,
je vous dirais. Il y a beaucoup de femmes extrêmement qualifiées, qu'on
rencontre, que nous, on sélectionne — moi, je les rencontre — qui
viennent d'un peu partout dans le monde. Les défis qu'ils ont, donc c'est
important de pouvoir éliminer ces obstacles.
Mais, plus proche de
chez nous, ça peut être des personnes de la deuxième génération, des enfants de
la deuxième ou troisième génération, où on doit être préoccupé par la
participation de la jeune fille, qu'elle ne soit pas coupée, si vous voulez, à
un moment de sa vie, d'activités scolaires. C'est là aussi que les écoles
jouent un rôle. Les organismes
communautaires, lorsqu'on échange avec eux, le perçoivent. Ils ont des projets
pilotes et ils ont des projets qu'ils
font pour s'assurer toujours de garder cette jeune fille impliquée, engagée,
que ce soit dans les sports, notamment.
Je me demandais si
vous aviez une expérience, un vécu, une connaissance de cette chose, parce que
l'égalité hommes-femmes doit se vivre pour permettre cet épanouissement de la
jeune fille.
• (11 h 40) •
Mme Sall
(Salimata) : ...répondre à votre question, qu'on entend bien. Alors,
pour répondre, je vais prendre l'exemple de
la famille Shafia pour l'illustrer. Au sein d'une famille, on a vu des jeunes
filles qui vivaient beaucoup
de difficultés avec un modèle conservateur traditionnel et qui ont pris la
parole, allant vers les services sociaux, vers les intervenants pour avoir
accès à ces droits d'égalité, pour avoir accès à la protection, à la sécurité,
mais on ne les a pas vraiment écoutées.
On
a eu des modèles teintés de multiculturalisme, teintés d'accommodements. Parce que c'est des gens venant d'ailleurs, on met des gants, on fait attention. Mais je
pense que... PDF Québec, nous pensons que les valeurs que nous partageons, qui sont des valeurs communes qu'on a
énumérées tout à l'heure — je vais mettre l'accent sur
l'égalité — ces
valeurs-là, on n'a pas vraiment besoin de mettre des gants pour intervenir. Peut-être
qu'on va essayer de prendre un vocabulaire adapté pour essayer de chercher le
groupe concerné, mais la finalité demeure le respect de ces valeurs-là. Et, quand on prend l'histoire de la famille
Shafia, ça a été triste. On a perdu ces femmes, ces filles à travers notre
système de protection qui a manqué de répondre à ses obligations à leur égard.
Donc, je pense que
l'écoute de ces jeunes filles qui demandent de l'aide est importante. Même si
ces filles sont issues de familles québécoises d'origine ou de familles issues
de l'immigration, dès que le signal est lancé, il est important, je pense, de prendre ça avec beaucoup de sérieux, et de
leur accorder un espace, et de
normaliser ce besoin d'être encadrées et d'exprimer leurs droits. Donc,
juste ça que je voulais ajouter là-dessus.
Mme Weil :
Je comprends ce que vous dites, et d'ailleurs, dans ce cas précis, les
pratiques ont changé, hein, depuis, au
centre Batshaw, là, si je comprends bien, parce que c'est des meilleures
pratiques en la matière. Il y a aussi cette recherche de meilleures pratiques
souvent pour comprendre les phénomènes. Il y a le Conseil du statut de la femme
aussi qui a fait un rapport, excellent rapport, sur ce cas particulier, les
crimes d'honneur.
Des fois, ce
n'est pas nécessairement des actes criminels, par exemple. Ça, c'est un cas
flagrant. Mais je comprends ce que
vous dites. C'est les indicateurs ou d'être bien à l'écoute de signaux de
danger d'exclusion, mais parfois c'est moins facile. Et donc c'est plus
la pleine participation qu'on recherche. Mais je vous remercie. Je vous
remercie. Là, je laisse à mon collègue...
Le Président (M. Picard) : M.
le député de D'Arcy-McGee.
M.
Birnbaum : Merci, M. le Président. Bonjour, et je vous souhaite la
bienvenue, Mme Sirois, Mme El-Mabrouk et Mme Sall.
Nous sommes ici évidemment pour parler d'une
refonte d'une politique d'immigration qui répondrait à plusieurs enjeux. On a parlé surtout d'un des enjeux, le respect,
l'accueil dans l'esprit des valeurs démocratiques partagées par le Québec. Il y a évidemment d'autres enjeux.
Comme chaque juridiction occidentale, on est devant, et surtout ici, au
Québec, devant un enjeu, un défi démographique énorme. Notre taux de natalité,
comme vous le savez, est plus bas que
presque chaque juridiction en monde occidental. On parle de quelque 725
emplois, dans les prochains 10, 15 ans, qui vont s'ouvrir. Et, de mise, il faudrait qu'une des sources pour combler
cette brèche-là va être l'immigration. Alors, on parle aussi de voir comment tout le monde peuvent se
sentir chez nous au Québec et peuvent se sentir les bienvenus avec, des fois, le défi de se maîtriser dans notre langue
commune, avec le défi de s'intégrer dans un monde du travail qui n'est
pas toujours si accueillant, il faut le dire. Et voilà les enjeux très sérieux.
J'ajouterai
un autre... On parle d'un monde concurrentiel où le Québec doit comprendre que
ce n'est pas juste le fardeau des immigrants de décider comment ils
peuvent s'intégrer davantage au Québec. C'est notre devoir de nous assurer que les immigrants motivés, aptes à se
perfectionner en français, si ce n'est pas le cas déjà, qui... C'est notre
devoir de les inviter à venir ici, au
Québec, quand ils vont avoir plusieurs choix à faire, dont un autre, qui est un
grand problème, c'est la rétention
des immigrants qui arrivent. On voit qu'il y a un grand pourcentage des
immigrants qui arrivent ici et qui décident, après un court temps, un
investissement fait par la société québécoise envers leur avenir, d'aller
ailleurs en Amérique du Nord. Avec tout respect, je trouve votre présentation
assez muette sur toutes ces questions. Alors, je vous invite d'en élaborer
là-dessus.
Mme Sirois (Michèle) : Merci. Vous
avez parlé du taux de natalité tout à l'heure, hein, qu'il était faible. Eh bien, nous, on demande... Il y a un point,
d'ailleurs, à l'intérieur du document de consultation qui parle de la
cohérence, une politique qui est cohérente.
Eh bien, ça, c'est une des choses qui nous importe, la cohérence.
Effectivement, les taux de natalité,
qui étaient beaucoup plus bas, ont remonté, entre autres avec toute la question...
avec un système de garderies, de service
de garde qui s'était réduit... à taux réduit universel pour tout le monde. On a
vu le taux de natalité qui a remonté, et il y a des études de MM.
Fortin, Godbout, qui ont démontré que ça amenait beaucoup de femmes,
70 000 femmes de plus, sur le marché du
travail grâce à un programme comme ça. Alors donc, ce n'est pas un service
comme ça à enlever. Justement, les femmes immigrantes ont besoin
particulièrement de services de garde. Alors donc, c'est important que le
gouvernement mette les points... les éléments en place.
Les accueillir, c'est aussi prévenir en amont,
qu'ils puissent s'adapter, s'adapter au niveau... Vous avez fait beaucoup référence à la question économique. Je
voudrais ici aussi apporter des éléments sur le message clair qu'il faut
envoyer aux immigrants aussi pour qu'ils
s'adaptent aussi au niveau social. Et
c'est ça, cet aspect-là, qui, dans la politique, la nouvelle politique, le
document, en tout cas, que j'ai consulté, là, 89 pages, qui est un peu
plus faible, cet aspect d'adaptabilité
sociale. La famille Shafia, elle l'était, adaptée, dans un certain sens, hein?
Ils gagnaient des sous, il n'y avait
pas de problème économique, ils parlaient anglais, etc. Mais est-ce que,
socialement, ils étaient adaptés? On peut se poser... Je pense que non.
Les résultats ont montré qu'ils n'étaient pas adaptés socialement.
Donc, c'était important d'envoyer un message
clair aux nouveaux immigrants, aux futurs, que... quelles sont nos valeurs. Comment on fonctionne au Québec? À
quelle société ils doivent s'attendre? Donc, ce n'est pas juste ici pour
gagner des sous, mais on a une identité, et puis on les convoque, et on est
très accueillants, au Québec, pour cette identité.
Alors, une des choses importantes, je pense, qu'il faut préserver, c'est la
mixité, parce qu'on voit qu'avec le retour du religieux, la mixité est
remise en question et même, au niveau... et ça, c'est banalisé, cette
tendance-là, et je vois qu'il y a eu des graves erreurs, entre autres, commises
par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui a accepté comme un accommodement
raisonnable un juif hassidique qui ne voulait pas avoir une examinatrice
pour un permis de conduire, qui était une
femme, et jamais on n'aurait accepté que ces... Si le citoyen était venu
demander : Je ne veux pas qu'il y ait
un Noir, il n'y aurait personne qui aurait accepté, et heureusement qu'on ne
l'aurait pas accepté.
Le Président (M. Picard) :
Mme Sirois, je dois vous interrompre. Nous sommes rendus maintenant à M. le
député de Bourget.
M. Kotto : Merci. Mme Sirois,
vous pouvez compléter ce que vous étiez en train de dire.
Mme Sirois
(Michèle) : Alors, ce que je
veux dire, c'est qu'ici une des choses importantes que j'aimerais qui
apparaisse dans la prochaine politique, c'est de dire que la ségrégation
sexuelle n'est pas acceptable et que les messages... et qu'on en fasse la promotion, et pas
juste faire quelque chose... parce que j'ai consulté le site du
ministère de l'Immigration. Qu'est-ce qu'un
étranger peut voir? Eh bien, on voit des petites icônes, un petit dessin animé
de 30 secondes. Ça ne dit rien sur la question de l'égalité des hommes et
des femmes. Il faut en faire la promotion et, pour ça, il faut la laïcité. La laïcité n'est pas suffisante pour
assurer l'égalité des citoyens immigrants, femmes et autres, mais elle est
la condition essentielle qui permet d'avoir ce terrain qui facilite le
vivre-ensemble.
M. Kotto :
Merci, Mme Sirois. Je lisais, hier, Albert Camus, qui disait : Ne pas
nommer les choses, c'est ajouter au malheur
du monde et c'est bien de nommer les choses. Merci d'être ici présente pour
contribuer à cet exercice architectural, je dirais, parce que c'est un projet. Et, en passant, est-ce que vous
avez été sollicitée en amont pour donner votre touche, relativement à
l'élaboration de ce document ici en question, ce projet politique?
Mme Sirois (Michèle) : Nous n'avons pas
été sollicitées, mais nous avons fait la demande, parce qu'on constatait qu'il n'y avait à peu près pas de
groupes de femmes. Il y avait un seul groupe de femmes dans la liste
originelle, l'Association des femmes
roumaines. Alors, nous, nous représentons l'association des femmes de toute la
province et pas juste roumaines, mais d'origines diverses. Alors, on
trouvait que ça manquait, alors on a fait la demande, et puis la commission a
jugé bon de nous accueillir, et nous l'en remercions.
• (11 h 50) •
M. Kotto : D'accord. Je veux
aller un peu plus loin, relativement à ce que vous disiez quant à l'information
véhiculant nos valeurs démocratiques, on
peut dire, nos valeurs communes, nos valeurs historiques, valeurs
fondamentales, leur diffusion auprès des
populations nouvelles qui arrivent. Quand on considère qu'il y a, à la
frontière, un double visage qui se présente à l'immigrant, quand ce
dernier choisit de venir au Québec, et, entre les deux visages, il y en a un
qui domine, c'est celui du Canada... Et le
Canada a adopté et enchâssé, dans sa loi suprême, le multiculturalisme, avec
son chapelet de droits, peu de devoirs. Et de l'autre côté on a le
Québec, qui a adopté de
façon, je dirais, unanime, à
l'époque, l'interculturalisme.
Et vous avez raison de dire que
l'interculturalisme se délestant de ses valeurs ressemble au multiculturalisme et, qui plus est, quand ce concept, cette notion
s'inscrit dans un espace législatif qui ne lui donne aucun sens pour
l'instant... Il n'y a aucune assise juridique, constitutionnelle pour encadrer
l'interculturalisme, d'où peut-être sa non-définition tangible, qui nous amène à ne pas toujours se tourner vers les tribunaux
quand les principes qui devraient s'y inscrire sont bafoués. Et je suis tout à fait d'accord que ces
valeurs fondamentales, ces valeurs démocratiques du Québec devraient s'y
inscrire, et l'exercice ici engagé devrait nous y mener.
En
conclusion, j'espère que la ministre aura une oreille sensible, attentive à
toutes les propositions que vous avez avancées
ici aujourd'hui. Cela dit, j'ai une seule question à vous poser. Est-ce que
l'immigration est une réponse adéquate au vieillissement de la
population au Québec?
Mme Sirois (Michèle) : O.K. Alors,
je pense que... Oui, vas-y.
Mme Sall (Salimata) : En me fiant
sur la littérature et surtout sur l'oeuvre de Dubreuil et Marois, 2011, si je ne me trompe pas, bien, l'immigration ne peut pas contrer le vieillissement. Les raisons qui étaient
invoquées lors des politiques de l'époque, j'imagine qu'encore c'est en
vigueur, c'était pour contrer le déclin de la population et aussi
assurer une réponse aux employeurs en ce qui a trait à la main-d'oeuvre, puis la
littérature a démontré que l'effet est marginal. Maintenant, reste à
voir ce que la littérature dit, qu'est-ce que le gouvernement en fait. Ça,
c'est une autre question.
Alors, c'est
pour dire que l'effet est marginal, mais il y a aussi d'autres bonnes raisons
d'encourager l'immigration, notamment
sur la solidarité à travers les différents pays, sur son aspect humanitaire,
sur des besoins purement humains. On peut
aller dans ce sens-là, mais l'effet de contrer le vieillissement est marginal
selon l'étude que je viens de mentionner.
M. Kotto : O.K. Une
sous-question à celle-là. L'impact qu'une immigration francophone ou
francophile, francotrope par extension, pourrait avoir comme impact positif au
Québec, quel est-il ou quels sont-ils?
Mme Sall
(Salimata) : C'est sûr que
ça va avoir un impact positif parce qu'on parle maintenant de la langue,
on ne parle plus d'économie ni de
démographie. C'est sûr qu'avoir des immigrants déjà francophones va renforcer
une des valeurs fondamentales
énumérées tout à l'heure, qui est la primauté du français. Donc, ça facilite
aussi, en quelque part, ça peut
sauver de l'argent du gouvernement. Si je veux parler en termes économiques, il
y aura peu, peut-être, d'investissement à faire pour franciser. Cela ne
veut pas dire de ne prendre que des francophones, mais je veux juste souligner
l'écart d'investissement entre un groupe d'immigrants francophones et un groupe
d'immigrants venant d'un pays qui ne parle ni français ni l'anglais. Voilà.
Mme Sirois
(Michèle) : J'aimerais
ajouter quelque chose. Des amis de la communauté maghrébine, d'origine algérienne entre autres, hier soir, me disaient
qu'il y a quelques années les immigrants qui venaient du Maghreb étaient
francophones, apprenaient le français, étaient pratiquement bilingues, alors
que maintenant, depuis quelques années, il y
a une politique d'arabisation, de sorte qu'ils sont beaucoup moins... ceux qui
viennent sont moins... les plus jeunes sont
moins à l'aise avec le français. Et malheureusement le Québec les considère
déjà comme avec un français, alors que non, ils ont des défaillances.
Alors, ça, c'est juste une petite remarque pour
voir quelle est l'évolution d'une population qui était réputée francophone et
qui peut-être ne l'est moins à ce niveau-là.
M. Kotto : O.K. Je
terminerai par une simple question. Il me reste combien de temps, M. le
Président? Trois minutes. Parfait. Vous aurez le temps d'élaborer
éventuellement.
Je reviens sur les
valeurs. Est-ce qu'il serait, disons, loufoque d'imaginer l'introduction sur,
disons, dans les vecteurs qu'on utilise encore jusqu'à présent pour la
sélection des immigrants à l'étranger, d'introduire les valeurs fondamentales québécoises
comme pierres d'assise incontournables pour être admis? Et à quel niveau de
pointage, de 1 à 10, verriez-vous cette inscription?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) : Alors, nous pensons que oui, nous pensons que ces valeurs
devraient faire partie des critères de
sélection, oui, en effet. Il faudrait... Ça serait, en tout cas, une bonne façon de promouvoir les valeurs, c'est déjà de les indiquer clairement comme des points
qui sont à évaluer. Pour l'intégration, il faut s'assurer de structures d'accueil qui encouragent, qui donnent envie
d'adhérer à la société québécoise, et donc des structures d'accueil qui sont exemptes de référentiels culturels. Et puis, bien,
c'est... oui, il faudrait, c'est ça, encourager la convergence vers les
valeurs québécoises plutôt que d'encourager le communautarisme.
Moi, je suis
Tunisienne. On ne m'a jamais dit que je faisais partie d'une communauté
musulmane quand j'étais en Tunisie. Quand on
est Tunisien, on ne se sent pas nécessairement proche des Libyens, on ne se sent pas
proche des Pakistanais qui sont musulmans, qui sont beaucoup plus loin, on ne
se sent pas non plus proches des Algériens, et je constate que les Maghrébins qui viennent ici, eh bien, ils embarquent
ensuite dans cette vision de communauté, mais ce n'est pas naturel. Les gens ne se mettent pas naturellement dans des... C'est encouragé par cette politique. Voilà. Et
donc ça n'encourage pas la convergence, le brassage parce qu'on est pleins
d'influences différentes. On pourrait aussi bien regrouper les gens, peut-être, en groupes linguistiques. Peut-être que
ça aurait plus de sens de regrouper les gens en groupes linguistiques, mais regroupés par groupes
religieux, je sais que ce n'est pas... mais c'est encouragé. Les gens se
sentent encouragés à s'identifier en
fonction de la religion. Eh bien, c'est insister... c'est, en tout cas, ne pas
mettre l'accent sur la laïcité du Québec de faire ça. Il faudrait
vraiment que ça soit...
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je dois maintenant céder la parole à M. le
député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. À la
lecture de votre mémoire et de vos commentaires,
on constate que vous souhaitez que le gouvernement légifère en matière de
laïcité pour inclure cette valeur de
la société québécoise à même la législation québécoise en l'intégrant à la
Charte des droits et libertés de la personne.
On constate aussi, à
la lecture de votre mémoire, que vous souhaitez que, dans l'espace public, les
services soient donnés à visage découvert et
soient également reçus à visage découvert. À la 39e législature, Mme la
ministre avait proposé le projet de
loi n° 94, qui n'a pas été adopté et qui prévoyait l'offre de services et
la réception des services donnés par l'État à visage découvert.
J'aimerais
vous entendre sur la nécessité du gouvernement de légiférer sur ce point-là et
également aussi sur le fait que les enseignants, au primaire et au
secondaire, ne devraient pas porter de signes religieux convictionnels.
• (12 heures) •
Mme Sirois
(Michèle) : Oui. Alors donc, la question du voile intégral,
premièrement, que vous avez posée, soit la
burqa, le niqab — c'est ce
qu'on voit le plus fréquemment ici — ça, c'est une question qui nous importe
beaucoup et pour une raison qui est la
défense de la dignité des femmes. On n'accepterait pas de faire porter à des
gens d'une autre culture, des gens
âgés, des gens handicapés... Cachez votre visage. Ce serait intolérable ici, au
Québec. Eh bien, c'est la même chose pour les femmes. C'est quelque
chose qui freine leur participation et qui est une atteinte à la dignité des
femmes, hein? Elles sont pratiquement avec un linceul ambulant. Alors donc, on
est totalement opposées.
Non seulement le
projet de loi n° 94 prévoyait, dans les institutions publiques... et nous,
nous demandons... la dignité des femmes ne
s'arrête pas... n'a pas à être respectée uniquement dans les institutions
publiques mais partout sur la rue,
par mesure de sécurité, communication, identification. C'est le simple bon
sens. On retrouve ça d'ailleurs dans le rapport Bouchard-Taylor.
Mais
ce que tout le monde oublie, c'est de défendre la dignité des femmes, et ça, ça
nous importe. C'est le sens premier
pourquoi on défend, nous, à PDF Québec, les femmes — on a senti le besoin de venir ici — c'est de dire : La dignité des
femmes est très importante.
Un
autre point qu'on oublie souvent et
qui est en train de nous rebondir, malheureusement, dans notre société, c'est les dérives des
replis identitaires, ces dérives qui nous amènent vers de l'intégrisme, de la
radicalisation, et ça, ce n'est pas lié nécessairement à la communauté
immigrante. C'est pour ça qu'on est surprises que la lutte à l'intégrisme
revienne. Alors, on s'est posé la question. Vous me faites signe que non, Mme
Weil, donc vous me rassurez, tant mieux, parce que l'intégrisme est une affaire
sociale collective et non simplement... surtout pas une chose qu'il faut identifier à la communauté des groupes des nouveaux
arrivants. Donc, pour nous, ça, c'est très important. Alors, c'était insatisfaisant aussi, le projet de loi n° 94, parce
que... je ne voudrais pas y revenir,
mais parce qu'au niveau de la laïcité ce n'était pas une laïcité qui
faisait que et le personnel était neutre et les institutions étaient neutres.
Alors, pour nous, ça nous importe. Comme j'ai mentionné tout à l'heure, comment
on peut justifier d'enlever des signes religieux
dans une classe parce qu'on disait que ça influençait l'enfant, que ça ne
respectait pas la liberté de conscience et des parents et de l'enfant, et tout à coup on lui met devant et... On a
changé le contrat social. Avant, c'était le personnel qui devait enlever
ces signes religieux pour accueillir les autres, et maintenant on a tout
changé, on dit que c'est les citoyens qui
doivent accueillir le personnel. On a changé quelque chose, et ça, au niveau de
la paix sociale, du tissu social, on
est bien mal partis avec ça. C'est là qu'on s'en va, dans un multiculturalisme,
et il faut mettre un stop à ça. Parce que ça nous conduit vers
l'intégrisme. La France et d'autres pays, l'Angleterre, actuellement
l'Australie, commencent à voir... et nous ici maintenant au Québec, à Ottawa,
on a commencé à voir toutes ces dérives de l'intégrisme.
Alors,
dans notre mémoire, il y a des éléments... on demande, entre autres, un
observatoire pour... un centre où on va
étudier ces éléments-là, et ça, ça va libérer beaucoup d'immigrants qui, pour
l'instant, sont regardés de façon un peu suspecte. Quand on va pouvoir identifier quels sont les groupes qui
peuvent être dangereux, qui peuvent dériver vers une radicalisation, eh
bien, c'est ça qui va améliorer la sécurité de chacun et améliorer le
vivre-ensemble et l'intégration de tout le monde.
M.
Jolin-Barrette : Vous abordez aussi, à la page 9 et 10 de votre
mémoire, la question du relativisme culturel. Notamment, vous donnez
l'exemple d'un mémoire qui avait été déposé, là, par le Dr Barrette, lorsque
des soins sont offerts en milieu hospitalier à des gens ici de certaines
communautés culturelles. Pouvez-vous nous en dire plus?
Mme Sirois
(Michèle) : Bien, M. Gaétan
Barrette, à ce moment-là, était président de la Fédération des médecins spécialistes. En 2008, il a présenté un mémoire
qui disait justement toute la crainte, tout ce qui se vit dans les
hôpitaux actuellement et les droits à la santé
étaient brimés. Pourquoi? Parce que — c'est une des choses qu'on demande — mixité,
ça veut dire quoi, la mixité, la
non-ségrégation sexuelle? Ça veut dire que le client ne peut pas exiger que ce
ne soit pas une femme. Mais le client aussi, on demande qu'il ne puisse
pas exiger que ce soit une femme et non pas un homme. Pourquoi? Parce que... en mesure de contrôle, entre autres, qui est dit
dans le mémoire du Dr Barrette, c'était qu'il y a des maris, qui étaient
en colère et qui pouvaient même être dangereux pour la santé physique et
le stress que ça faisait aux équipes, qui exigeaient que ce soient des
femmes qui traitent.
Alors, on ne
peut pas, dans une société qui est mixte... et, cette mixité, on s'est battu
longtemps et on l'a obtenue, on ne veut pas régresser. Alors, la
ségrégation sexuelle est inacceptable, et ça, il faut que les messages soient
envoyés clairement et que, dans
l'interculturalisme... c'est pour ça que nous, on voulait qu'on rajoute...
qu'on interdise les replis identitaires
qui favorisent l'intégrisme et la radicalisation. Il faut que les messages
soient clairs, que ceux qui sont trop conservateurs
et intégristes... quand les balises vont être clairement édictées, eh bien, ils
vont dire : Bien, je pense que je suis mieux d'aller ailleurs. À ce moment-là, ils ne viendront pas, hein...
monsieur a mentionné tout à l'heure qu'ils viennent ici puis qu'ils repartent. Eh bien, si on fait
vraiment notre travail de bien annoncer quelles sont nos couleurs, eh bien,
ceux pour qui ça ne convient pas vont aller
ailleurs. Et ici, au Québec, on est reconnus comme une société qui est très
avancée au niveau des droits d'égalité hommes-femmes et la laïcité. En
Amérique du Nord, je pense que, oui, on est particuliers. Alors, tout ce qu'on
demande, nous, c'est de l'inscrire et d'en faire la promotion.
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Sirois. Ça met fin à nos échanges.
Je vais suspendre quelques instants pour
permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 5)
(Reprise à 12 h 10)
Le
Président (M. Picard) :
Nous allons reprendre nos consultations en recevant le Comité consultatif Jeunes.
Mme Lazarova, je vous invite à faire votre
présentation d'une durée maximale de 10 minutes. Après ça, il va y avoir
un échange avec les parlementaires. La parole est à vous.
Comité consultatif
Jeunes (CCJ)
Mme
Lazarova (Christina) :
Parfait. Merci beaucoup. Donc, Mme la
ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, merci d'avoir accepté d'entendre le Comité consultatif
Jeunes. Donc, à titre de rappel, le Comité consultatif Jeunes a pour mandat de définir les problématiques
vécues par les jeunes dans leurs démarches d'intégration, de
réintégration et de maintien en emploi. Son action vise à renforcer les interventions
d'Emploi-Québec ainsi que d'informer la
Commission des partenaires du marché du travail et le ministère de l'Emploi et
de la Solidarité sociale des diverses
problématiques d'emploi vécues par les jeunes du Québec. Il est composé de
17 organismes jeunesse nationaux représentatifs et reconnus ayant
comme mission commune la promotion et l'appui au développement des jeunes de 18
à 35 ans.
Donc, à l'été
2012, le Comité consultatif Jeunes a sillonné le Québec pour documenter, par le
biais de groupes de discussion, les
obstacles d'insertion en emploi des jeunes immigrants de première génération.
Les discussions réalisées dans sept régions administratives ont permis
de rencontrer 140 jeunes immigrants âgés de 18 à 35 ans qui étaient
arrivés au pays depuis de deux à huit ans.
La démarche a mené à la publication d'une recherche en décembre 2012 puis d'un
avis au mois de mars 2013, qui ont été soumis à Emploi-Québec et à la
Commission des partenaires du marché du travail, et dont j'ai transmis une
copie à la commission.
Et, en fait,
aujourd'hui, je vais vous partager, là, certains des constats principaux. On
s'est penchés principalement sur les
obstacles que rencontraient les jeunes immigrants dans leur insertion en
emploi, et ça rejoint tout à fait les éléments qui sont identifiés dans
le cahier de consultation de la commission, à la page 17, donc dans
l'encadré que vous avez.
Le premier élément,
évidemment, c'est la non-reconnaissance des diplômes et des titres de
compétence, qui a été vraiment le facteur,
là, qui a été d'abord identifié par les jeunes consultés. Donc, sans entrer
dans les mécanismes de la reconnaissance des diplômes, peut-être que
d'autres intervenants auront l'occasion de le faire au cours des prochains jours, les jeunes immigrants trouvent
contradictoire d'être admis sur la base de leurs qualifications puisque la
majorité de l'immigration est économique, là, au Québec,
la part du regroupement familial puis de l'immigration humanitaire est somme
toute assez minime, donc d'être admis sur la base de leurs compétences,
mais de ne pas les voir reconnues. Et
eux-mêmes, en fait, ont constaté qu'ils avaient des attentes élevées à leur
arrivée au Québec. Donc, ils comparent souvent leur situation à leur
arrivée à ce qu'ils avaient dans leur pays d'origine, qui était parfois une
très bonne situation, puis là ils se retrouvent à partir un peu à neuf, là, en
arrivant au Québec. Donc, avec une telle non-reconnaissance de leurs diplômes, bien, ça vient ajouter un peu aux
frustrations à leur arrivée au Québec. Et tout ça, c'est lié en grande partie
au manque d'information qu'ils ont sur le marché du travail, principalement,
parce qu'en préparant l'immigration ça, c'est
certain qu'ils ont de l'information sur le pays, sur le Québec, où ils viennent
s'installer, mais ils n'ont pas nécessairement l'information sur le
marché du travail tel qu'on l'a au Québec, accessible, et qui est consultée par
une certaine partie de la population.
Le
deuxième obstacle, c'était le manque d'expérience canadienne ou québécoise,
là, c'est selon, qui est quand même connexe à la non-reconnaissance
des diplômes puisque, si les diplômes étaient davantage reconnus, bien,
peut-être que l'expérience canadienne ne revêtirait pas une importance aussi
grande et... C'est ça.
Donc,
il y a une perception... Souvent, quand on parle, par exemple, de
discrimination à l'emploi, qui est un des obstacles qui étaient identifiés, souvent, ce qui était constaté, en
fait, c'est qu'ils n'ont pas senti de discrimination directe, mais il y en avait un peu. Il y avait certains
doutes en lien avec l'expérience, parce que... pour des postes, par
exemple, qui sont non qualifiés, en fait,
donc des postes dans le secteur des services, d'entretien ménager, ce type
d'emploi là, bien, parfois,
l'expérience canadienne était utilisée pour... le manque d'expérience, en fait,
était utilisé pour justifier l'absence d'embauche,
alors que... bien, pourquoi est-ce qu'on aurait besoin de cette expérience
locale si on a de l'expérience dans notre pays d'origine? Donc, ça, ça
pouvait semer un petit... des doutes, là, par rapport à la... Ça envoyait, en
fait, un message qui pouvait être discriminatoire.
Donc,
actuellement, c'est ça, les principaux mécanismes qui sont utilisés pour
pallier au manque d'expérience locale.
Il y a des programmes de stages, en fait. Donc, à travers des stages,
bien, les jeunes immigrants vont pouvoir avoir cette première expérience de travail. Donc, il y a
des programmes comme le PRIIME, le Programme
d'aide à l'intégration des immigrants
et des minorités visibles en emploi, Connexion compétences également, qui
subventionnent une partie du salaire. Donc, c'est un incitatif
supplémentaire de donner cette première expérience là.
Donc,
c'est des programmes qui sont appréciés, qui permettent véritablement une
première entrée en emploi, une première
expérience, mais ce qui était constaté, c'est que, parfois, c'est des
programmes qui sont peu connus des employeurs,
notamment des PME. Il y aurait intérêt peut-être à davantage les publiciser,
les faire connaître parce que ça permettrait
de les utiliser davantage puis de faciliter le recours, c'est ça, à ces
programmes-là pour les jeunes immigrants.
Un
autre élément peut-être dont il faut tenir compte par rapport aux stages
également, c'est le fait que, parfois, à la fin de la période subventionnée... C'est sûr que, dans l'idéal, ce
serait que l'emploi se poursuive, en fait. Le stage est une première
porte d'entrée pour permettre d'avoir un emploi par la suite, mais il y a des
participants à nos groupes de discussion qui
avaient l'impression qu'une fois la subvention terminée, bien, il y avait
beaucoup moins d'intérêt de l'employeur de les conserver. Donc, je pense
qu'il faut demeurer vigilants, en fait, pour ne pas qu'il y ait peut-être un cercle vicieux qui s'installe où on aurait
recours uniquement à des employés immigrants qui sont subventionnés,
puis, une fois qu'on n'a plus la subvention,
bien, l'emploi est terminé, puis on a recours à quelqu'un d'autre qui va être
subventionné. Donc, peut-être quelque chose dont il faut continuer de tenir
compte.
Sinon,
parmi les autres éléments, bon, ce qui est important, c'est ça, il y avait les
éléments de coordination entre les
différents services disponibles, les services d'accueil et d'intégration. Donc,
il y a beaucoup de services disponibles, mais ça varie beaucoup d'une région à l'autre, et l'accès à
l'information aussi peut être difficile parfois. Et c'est vraiment de
savoir vers qui se tourner qui est la clé parce que... En fait, c'est ça, il y
a beaucoup d'information, mais c'est la diffusion
puis l'organisation, en fait, de l'information qui est importante. Donc, ce
qu'on constatait, c'est qu'au moment où les participants se trouvent au bon endroit les ressources nécessaires
sont généralement mobilisées assez rapidement et efficacement, puis ça
permet justement d'aider ces personnes-là dans leurs démarches d'emploi.
Sinon,
bon, dans les autres éléments, il y a aussi l'importance de la communauté
d'attache, en fait, de la communauté
d'origine de ces jeunes immigrants là, parce que, souvent, ça va être leur
premier point de contact quand ils arrivent
ici. Donc, c'est une source d'information qui est importante, donc des
immigrants qui sont là depuis plus longtemps, qui peuvent les diriger. Mais ce que les jeunes participants à nos
discussions disaient, en fait, c'est que, oui, ils reconnaissent que ça peut être une source intéressante
d'information, mais ils avaient l'impression qu'il ne fallait pas
nécessairement suivre leurs traces, que ce n'était pas toujours des conseils
qui étaient si bien avisés, en fait.
Donc,
c'est pour ça que ça peut être intéressant de doser puis d'avoir recours
davantage également aux services d'employabilité qui sont offerts par le
gouvernement, par différents groupes communautaires pour compléter un peu tout ça, surtout que, souvent, le recours à la
communauté d'origine va peut-être permettre des contacts informels, en
fait, parce que, bon, il y a une transmission d'informations, mais ce ne sera
pas nécessairement toujours pour des postes qualifiés
dans le domaine de l'immigrant, en fait, dans le domaine d'emploi recherché.
Donc, ce sera peut-être davantage des
postes d'emplois alimentaires, là, comme on dit, donc plus pour subvenir à ses
besoins en attendant de trouver un poste dans son domaine.
Mais, somme toute,
c'est ça, le capital social reste quand même très important parce qu'un des
éléments, en fait, qui a été partagé par
plusieurs des participants, c'est qu'ils ont l'impression qu'il y a un grand
secteur d'emplois cachés, si je peux dire, donc beaucoup d'emplois qui
ne sont pas nécessairement diffusés, qui ne sont pas nécessairement rendus publics, mais pour lesquels l'embauche se
fait davantage par contacts, de bouche à oreille, ou bien ils vont être
affichés, mais on sait déjà un peu qui va être embauché et tout ça.
Donc, les immigrants qui ont participé à nos
groupes de discussion, en fait, avaient l'impression que c'était un grand
secteur de l'emploi. C'est sûr que c'est difficile à chiffrer, mais, dans tous
les cas, c'était un élément, c'est ça, qui était revenu puis qui était lié, encore
une fois, au capital social, à l'importance des réseaux, de connaître des
gens, de rencontrer, c'est ça, des gens
autant de notre communauté d'origine, mais diversifier avec des gens de la
communauté d'accueil également.
Sinon, dans les autres difficultés, c'est certain
qu'il y a les difficultés liées à la maîtrise de la langue. Donc, souvent, on disait que les cours de français, oui, ils sont suffisants pour la
communication de tous les jours, mais, pour l'emploi, c'était parfois pas tout à fait suffisant. Il y aurait lieu
d'avoir des cours un peu plus approfondis puis davantage développer une
connaissance plus approfondie liée au domaine d'emploi.
L'autre élément qui revenait beaucoup...
• (12 h 20) •
Le
Président (M. Picard) : Excusez, je dois vous interrompre. Vous
allez pouvoir poursuivre votre point de vue lors des échanges avec les
parlementaires. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Weil :
Oui. Merci beaucoup, Mme Lazarova. Vous avez une... Est-ce qu'on m'entend bien?
Ah! bien, il n'y a pas personne... On
m'a dit que nos micros... ils ont de la misère à nous entendre, alors, je veux
m'assurer... Vous, vous m'entendez bien?
Vous avez
beaucoup d'expérience. On le voit dans votre rapport tellement étoffé, vous...
Vraiment, c'est une mine d'information. Alors, dans le peu de temps
qu'on a... mais je veux simplement vous assurer qu'on va vraiment le... le comité, lorsqu'on va préparer la politique, plan
d'action, bien tenir compte de tout ce que vous avez... mais peut-être,
pour tout le monde ici... vous parlez, par
exemple... bien, vous êtes financés surtout par le ministère de l'Emploi, hein,
donc vous accompagnez...
Mme Lazarova (Christina) : C'est la
Commission des partenaires du marché du travail.
Mme Weil : Oui. C'est
vraiment là votre... l'accompagnement à l'emploi, l'intégration en emploi. Et
vous avez fait ce projet de recherche pour
faire des constats par rapport aux obstacles et vous êtes... sur tous les types
d'obstacles. On a eu des recommandations,
hier, sur un accompagnement plus serré. Là, depuis... vous félicitez, en fait,
le fait qu'il y a maintenant cette
entente entre le ministère de l'Immigration et le ministère de l'Emploi sur le
continuum de services, mais est-ce
que vous, vous pourriez expliquer comment ça pourrait être amélioré,
c'est-à-dire dans la vraie vie, dans le quotidien, par votre expérience,
vos constats, votre vécu?
Mme Lazarova (Christina) : Je dirais
que l'élément...
Le
Président (M. Picard) : Excusez. Avant de répondre, j'ai besoin
d'un consentement parce qu'on va outrepasser l'horaire qui avait été établi. Consentement des parlementaires? Ça va?
Allez-y, madame. C'est de la mécanique, mais c'est important de le faire
pour nous.
Mme Lazarova (Christina) : Tout à
fait. Je dirais que l'élément principal, c'est vraiment l'universalité des services, en fait, parce que ce qu'on constate,
c'est qu'il y a beaucoup de jeunes... En fait, il y a différents degrés
d'éloignement du marché du travail.
Il y a des gens qui sont... des jeunes qui sont très éloignés du marché du
travail, donc qui ne savent même pas
que ces services existent, qui ne penseraient pas à avoir recours à des
services offerts par Emploi-Québec, par les différents organismes
communautaires qui les offrent. Il y a des jeunes qui sont un peu plus proches,
qui savent que des services existent, mais,
bon, qui sont peut-être en démarche d'orientation, tout ça. Il y a les jeunes
qui sont bénéficiaires de l'assurance chômage, de l'aide sociale également.
Puis, nous,
c'est ça, ce qu'on constate, en fait, c'est que la clé, c'est vraiment
l'universalité des services dans le sens qu'il ne faut pas limiter nos services d'emploi uniquement aux jeunes
les plus éloignés du marché du travail, ceux qui sont bénéficiaires de
l'assurance chômage et de l'aide sociale, parce qu'il y a beaucoup de
prévention qui est faite, en fait. Tous les
services qui sont offerts aux jeunes qui sont quand même bien placés, mais qui
sont un peu incertains, qui vivent certaines problématiques, mais qui,
avec un petit coup de pouce, vont pouvoir se rétablir, vont pouvoir regagner le
marché du travail, c'est des services qui
sont très importants également. Donc, je dirais que ce serait l'élément
principal, là, à retenir.
Mme Weil :
Le profil d'immigrant ou de nouvel arrivant, votre clientèle, est-ce que vous
pourriez nous décrire... Est-ce que c'est des nouveaux arrivants ou
est-ce que c'est... c'est peut-être des immigrants de plus longue date?
Mme Lazarova (Christina) : Bien, en
fait, dans l'étude qu'on avait faite, ces groupes de discussion là qu'on avait
menés, donc les 140 jeunes participants étaient... ça variait, en fait,
mais c'était entre deux et huit ans depuis leur arrivée au Québec. Donc, c'est
sûr que la réalité n'est pas la même quand ça fait deux ans versus huit ans,
mais également leurs profils
sociodémographiques, si je peux dire, c'étaient des jeunes qui étaient
particulièrement éduqués. Souvent,
avec l'immigration économique, c'est le cas par rapport à la population en
général. Donc, c'est ça, on a essayé d'aller
dans différentes régions également, vu que la réalité varie à Montréal versus
d'autres régions. Ce n'est pas les mêmes enjeux nécessairement.
Mme Weil :
Vous faites des recommandations quant au programme PRIIME. Est-ce que vous
pourriez peut-être partager ces recommandations avec nous pour améliorer
ce programme s'il y a lieu?
Mme Lazarova
(Christina) : Oui. Bien, en fait, la recommandation qu'on avait faite
à ce moment-là, quand l'avis avait été déposé, c'était principalement que le
programme PRIIME fixe une limite de cinq ans, en fait. Donc, il s'adresse aux jeunes immigrants qui sont arrivés
depuis cinq ans et moins. Puis ce qu'on constatait... en fait, il y a des problématiques qui subsistent, il y a des besoins qui
subsistent au-delà de ces cinq années-là. Donc, parfois, ne
serait-ce qu'avec le délai, le temps que ça
prend pour apprendre la langue, pour s'installer, pour se situer et trouver des
repères dans cette nouvelle société,
des fois il y a des situations, des enjeux familiaux également,
différentes circonstances, un retour
aux études, qui font que, bien, au bout de cinq ans, le jeune immigrant ne va peut-être
pas nécessairement être là où on voudrait qu'il soit. Mais ça ne veut pas dire qu'il faut le couper de
ces services-là. Au contraire, il faut continuer à offrir ces services-là au-delà des cinq années. Mais il y a
d'autres programmes. Il y
a un programme de subvention
salariale qui s'adresse aussi aux immigrants.
Mme Weil : Le PRIIME, c'est
ça. Le programme PRIIME, c'est une subvention salariale, oui.
Mme Lazarova (Christina) : Exactement.
C'est ça.
Mme Weil : Maintenant, le taux de rétention est quand même
bon, mais c'est après six mois... des études qui disent ce serait peut-être
bon que le programme soit plus long que juste six mois.
Vous faites
des commentaires aussi, puis on n'aura pas beaucoup
de gens qui ont des connaissances
nécessairement très pointues sur l'enjeu
très complexe de la reconnaissance des acquis, des diplômes, de l'expérience et
tout. Vous, vous en avez et vous
l'avez... Dans ce projet de recherche, ça revenait souvent. Vous avez
dit : Ça revient souvent. Peut-être
vous entendre aussi sur ce que vous voyez ou
ce que vous avez entendu comme les obstacles majeurs dans ce parcours de
reconnaissance. Est-ce que c'est en amont par l'ordre professionnel dans la reconnaissance,
ou non-reconnaissance, ou reconnaissance partielle? Est-ce que c'est au niveau
des stages, de la formation? Comment vous voyez ça?
Mme
Lazarova (Christina) : C'est
sûr que ça varie beaucoup. Il y a une partie du problème qui est le
manque d'information. Donc, le fait que, justement, les attentes sont si
élevées en arrivant ici, les immigrants ne réalisent pas nécessairement tout le processus que ça prend pour que leur diplôme soit reconnu
quand il peut être reconnu. Donc, ça, c'est
un élément qui pourrait être amélioré, c'est certain. Puis c'est sûr que la
réalité varie selon, bon, quand il y
a des ordres professionnels versus quand il n'y en a pas.
Donc, je ne
sais pas si on a des recommandations précises à faire. Il y a une question de... Bon, ce n'est pas lié directement à la reconnaissance, mais ça en fait
partie quand même, l'évaluation comparative des études qui est faite par
le ministère de l'Immigration. On avait eu des commentaires à l'effet que les
délais étaient très longs pour avoir... Puis moi-même,
je suis passée par là parce qu'en fait l'évaluation comparative s'applique à
toute étude hors Québec. Donc, quand
on fait sa maîtrise en Ontario, bien, pour avoir la reconnaissance,
l'équivalence... ce n'est pas une équivalence en fait, c'est l'évaluation comparée, il faut passer par là aussi, et ça
m'avait pris sept, huit mois à avoir ce document-là. Les coûts sont également élevés, c'est au-delà de
100 $ pour passer à travers ce processus, mais qui est jugé très, très
valable et utile par les jeunes immigrants.
Donc, les participants à notre groupe de
discussion trouvaient que ça... Bien, sans officialiser un peu, c'était comme une forme de... une façon, c'est ça, pour au
moins se faire reconnaître, valoriser, c'est ça, leur formation qu'ils avaient. Donc, ça, certainement, c'est une chose
qui est très utile. Mais sinon, c'est ça, au niveau de la reconnaissance
plus spécifique, on n'est pas entrés dans les détails, là, vraiment, des
modalités puis comment ça pourrait être amélioré.
• (12 h 30) •
Mme Weil :
Il faut dire que, peut-être, depuis ce projet de recherche, il y a eu des
améliorations. Les délais sont maintenant
éliminés pour ce qui est de... et ça n'existe... Pour la reconnaissance des
diplômes canadiens aussi, on l'a corrigé, ce problème. Il n'existe plus.
Mais aussi,
pour ce qui est de l'information, et le Conseil interprofessionnel est venu le
confirmer, l'information... Vous
connaissez moins le programme, mais il y a un programme qui s'appelle le SIEL,
Service d'intégration en ligne. On met en lien directement le candidat à
l'immigration à l'ordre professionnel que la personne vise. Mais il y a aussi
de l'information sur... On s'assure, parce
que vous avez parlé un peu de cette déception, on s'assure que la personne a
bien compris les exigences. Ça ne veut pas
dire qu'on s'arrête là, mais on a vu que beaucoup du problème, c'est après.
Peut-être qu'on reconnaît à quelque part ou partiellement, mais c'est dans la
formation, les stages, etc.
Je vous amènerais sur... Moi, je crois beaucoup
aux stages, mentorat. Tout ce que j'ai vu, le travail qu'on a fait, surtout à
Montréal, du financement à des stages, etc., par la CRE de Montréal, qui donne
de bons résultats, le mentorat. Est-ce que
vous, ça, c'est un de vos constats, si on pouvait encore avoir plus de programmes
de ce genre? La personne a toutes les
compétences, la formation, mais a besoin... c'est un peu les codes
culturels, c'est un peu de bien comprendre le milieu de travail.
J'aimerais vous entendre sur cet aspect-là, si vous êtes... si vous connaissez
bien... les commentaires que vous avez eus...
Mme Lazarova
(Christina) : Oui, oui, tout à fait. Bien, la réception était très
positive. C'est certain que les stages
étaient vus véritablement comme une façon concrète d'avoir cette première
expérience de travail là. Il avait été question un peu du bénévolat, mais le bénévolat, ce n'est
pas... c'est important aussi, c'est une façon d'entrer en contact
également avec, comme vous dites, les codes, les façons de faire puis d'avoir
une expérience reconnue, parce que je crois
que le bénévolat, l'implication communautaire
est de plus en plus reconnue comme une expérience valable, à juste titre, là, comme les autres, mais ça reste que ce
n'est pas un emploi, non plus. Donc, le fait d'avoir des stages
rémunérés également est important parce que, bien, il
faut quand même que ces immigrants-là puissent avoir des revenus aussi. Donc,
tout à fait, les stages étaient très bien vus.
Les préoccupations,
bien, je vous les ai partagées, là, c'était vraiment ce qui vient après les
stages, à s'assurer qu'il y a un continuum,
qu'il y a une suite, que ce soit au sein de l'employeur où le stage est fait ou
que le stage mène à autre chose par la suite, donc tout à fait. Puis vu
que les participants, les employeurs qui participent à ces programmes-là sont sensibilisés à l'importance de l'intégration
des immigrants en emploi puis de ce que ça peut leur apporter aussi,
parce que je pense que ça va dans les deux sens, en fait, là, c'est bénéfique
pour les immigrants en emploi, mais également pour les employeurs... donc, oui.
Mme
Weil : Est-ce que vous avez eu l'occasion de travailler avec
les diplômés, des étudiants étrangers diplômés qui choisissent d'appliquer dans le programme PEQ, le Programme de
l'expérience québécoise, qui reçoivent un certificat de sélection du
Québec?
Mme Lazarova (Christina) : Malheureusement, non. Dans les groupes de
discussion, là, qu'on avait faits, je n'ai pas l'impression qu'il y en
avait.
Mme
Weil : Je vous dirais que c'est... on va voir cette voie-là en
croissance. Nous, on le remarque depuis... On a créé le programme en
2010, et je vous dirais qu'il y a vraiment beaucoup, beaucoup d'intérêt pour ce
programme. Ça revient à cette notion d'expérience québécoise des travailleurs
temporaires aussi.
Mais je serais
curieuse de savoir, entre le moment où ils reçoivent le certificat de
sélection, évidemment, l'importance
d'accompagner à l'emploi rapidement aussi, parce qu'il y en a peut-être, l'été,
qui ont réussi... je sais que c'est
un enjeu de discussion, des programmes d'entreprises aussi qui veulent
s'assurer de capter, si on veut, ces étudiants étrangers qui ont une
expérience internationale, qui sont des têtes de pont, qui parlent plusieurs
langues, etc.
Est-ce
que vous connaissez le système déclaration d'intérêt, qui est le... qui va
certainement, selon les témoignages qu'on a entendus hier et
aujourd'hui, et c'est notre propre constat... C'est le nouveau système
d'immigration qu'on souhaiterait implanter à la fin de cette année.
L'implantation va se faire sur quelques mois, mais l'expérience, c'est que l'intégration se fait beaucoup plus rapidement
parce qu'on est capables rapidement de voir si le profil professionnel correspond aux besoins du marché. Et, pour revenir
à cette question de reconnaissance des acquis, justement, le Conseil
interprofessionnel disait que, là, on devrait s'assurer que la reconnaissance,
partielle ou entière, déjà, le candidat ait cette
reconnaissance avant qu'on décide de traiter son dossier, alors que ça... Je
vous dis ça comme ça, là, parce que c'est quelque chose à suivre.
Éventuellement, quand on reviendra avec ces nouvelles propositions, ce serait
intéressant de vous entendre sur cette question.
On va aller sur la
langue. Vous avez fait des commentaires importants sur des cours de... ou une
francisation adaptée, si je comprends bien,
adaptée à la situation du jeune dans son milieu de travail ou la profession ou
le métier que la personne vise. Est-ce que vous pourriez nous en parler?
Mme Lazarova
(Christina) : Oui, tout à fait. En fait, il y avait, c'est certain,
les enjeux liés au français, mais également...
puis c'est là que j'en étais, en fait, dans ma présentation, mais les enjeux
liés à la langue seconde aussi qui étaient revenus à plusieurs reprises,
particulièrement à Montréal, évidemment. Mais en fait, c'est ça, c'est que
c'est encore une fois une question
d'information puis d'attente, en fait. C'est que les immigrants n'ont pas
nécessairement... ne réalisent pas, en fait, qu'en arrivant ici, bien, dans beaucoup
de secteurs d'emploi, l'anglais est exigé également ou, parfois, sans être exigé, est un atout important pour beaucoup de
postes. Et puis ce qui était constaté aussi, c'est que, bon, il y avait des immigrants qui avaient l'impression
que parfois l'anglais était exigé, mais est-ce qu'il est vraiment
nécessaire? Donc, c'est de mieux cibler les postes, puis ça, je pense que c'est
des constats qui ont été faits par d'autres, l'Office québécois de la langue
française, notamment. Donc, ça, c'est un enjeu qui pourrait être une piste de
solution, en fait, là, de justement mieux cibler les exigences linguistiques
pour les postes.
Mme Weil :
Mieux clarifier. Moi, je n'ai pas d'autre question, mais je veux surtout vous
remercier pour le travail que vous faites.
C'est tellement important. Et je vois, dans votre document... Votre
document, c'est tellement
fouillé, c'est notre avenir, et ces jeunes
sont notre avenir, et que vous travailliez avec autant d'attention, de passion,
d'organisation, votre succès, c'est notre
succès, c'est notre succès collectif. Alors, je voulais vraiment
prendre le temps de vous remercier pour ce que vous faites et de vous
souhaiter bonne continuation dans votre travail. Merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Bourget.
M.
Kotto : Ah! merci, M. le Président. Mme Lazarova, soyez la
bienvenue, et merci pour la contribution à cet exercice. Dans la douzaine de recommandations dans votre mémoire — il y en a 13, en fait — je m'arrête sur la première des recommandations. En fait, vous dites, en gros,
que, si on reconnaissait l'expérience à l'extérieur du pays,
l'expérience du marché du travail canadien
aurait une moindre importance dans les critères d'embauche de l'employeur. Sur
papier, oui, ça se conçoit, mais,
concrètement, quel serait le mécanisme de cette reconnaissance-là? Comment, de
votre perspective, cela pourrait-il se faire? Comment on peut mesurer
cela concrètement?
Mme Lazarova
(Christina) : L'expérience de l'étranger, c'est ça?
M. Kotto : Oui, oui, oui.
Mme Lazarova
(Christina) : Grosse question! C'est sûr qu'il n'y a pas
nécessairement de moyen simple de mesurer
l'expérience gagnée à l'extérieur, en fait, puis souvent c'est à l'emploi qu'on va
voir si la personne a réellement les compétences,
l'expérience pour l'emploi. Donc, j'ai l'impression... c'est peut-être
audacieux comme réponse, mais, dans un monde idéal, je pense que les
employeurs devraient prendre davantage de risques puis avoir moins peur d'engager,
d'embaucher des immigrants, parce que,
c'est certain, on ne peut pas vérifier toutes ces expériences-là d'emploi,
mais je pense qu'assez rapidement,
en intégrant ces gens-là, on... ils s'adaptent à leur nouveau milieu de
travail, à leurs nouvelles fonctions, aux façons de faire, aux codes
ici, et tout ça. Donc, moi, c'est comme ça que je le verrais. C'est peut-être
un peu idéaliste, mais...
• (12 h 40) •
M. Kotto : O.K. Quand on parcourt les 13 recommandations, un fait s'impose : l'argent. Ça demande des sous, alors comment concilier
cela avec la saison de l'austérité dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui?
Mme
Lazarova (Christina) : C'est
certain que, si on voit ça uniquement comme des dépenses, on n'en sort pas, là. Mais il faut voir les services publics d'emploi, particulièrement pour les immigrants et les jeunes immigrants, là — comme ça a été le cas de notre étude — comme
des investissements, en fait, là. Il y aura des retombées
réelles et à pas très long terme parce que
ces gens-là qu'on intègre mieux à l'emploi vont faire qu'on va avoir une économie
plus saine parce qu'il y a énormément de pénuries d'emploi. C'est un peu ça, en fait,
le paradoxe de notre économie, c'est qu'on a beaucoup de jeunes qui sont
au chômage ou qui ne trouvent pas nécessairement leur voie, qui ne trouvent pas
d'emploi, mais on a également beaucoup de pénuries de main-d'oeuvre dans différents
secteurs. Donc, je pense que ça permettrait d'avoir à la fois, c'est ça,
une économie plus dynamique, mais également
retenir davantage les immigrants, puis il en a été question, là, avec la
présentation précédente également. C'est vrai qu'il y a beaucoup d'immigrants
qui quittent au bout d'un certain nombre de
mois, d'années, et c'est souvent lié à l'emploi, en fait, parce que
l'intégration passe directement puis principalement
par l'emploi. À moins d'être
entièrement indépendants de fortune, ce qui est le cas de presque
personne, c'est vraiment par ça que ça passe. Donc, il ne faut pas les voir
comme des dépenses, mais vraiment...
M. Kotto : À part les
immigrants investisseurs, évidemment. Mais ça, c'est une autre affaire.
Mme Lazarova (Christina) : Oui, à
part les immigrants investisseurs, mais c'est une petite catégorie.
M. Kotto :
Tout à fait. Est-ce qu'avant ce jour vous avez eu l'opportunité de faire des
représentations pour exposer ces suggestions constructives?
Mme
Lazarova (Christina) : Bien,
nous, c'est sûr que la façon dont on travaille, nos avis, nos recherches
qu'on fait s'adressent à Emploi-Québec et à
la CPMT. Donc, on identifie des problématiques sur lesquelles on veut se
pencher. Donc, ça, c'est un avis qui date d'il y a deux ans déjà, là.
Dernièrement, on a présenté un avis sur les transitions entre l'école et le marché
du travail, donc voir un peu les enjeux qui se présentent dans ces
transitions-là, comment on peut y pallier. Donc, les représentations qu'on
fait, c'est auprès de la CPMT et d'Emploi-Québec.
Mais c'est
certain qu'il y a beaucoup de constats et de pistes de solution qu'on identifie
qui s'appliquent à d'autres ministères,
parfois à d'autres acteurs. Donc, c'est certain qu'on essaie de les diffuser.
On travaille en collaboration avec les
comités sectoriels de main-d'oeuvre, par exemple, qui, eux, font un travail
spécifique, là, pour des secteurs de main-d'oeuvre. Mais on essaie de
diffuser également de façon plus large, donc, à travers nos membres. Donc, le
Comité consultatif Jeunes, en fait, c'est un
regroupement d'associations. Donc, à travers eux, bien, on essaie de diffuser
également le fruit de nos travaux puis de s'alimenter de ce que d'autres font
également.
M. Kotto :
Vous avez dit il y a deux ans que vous avez tablé là-dessus. Donc, avec un peu
de recul, quel est le parcours que vos idées ont fait? Jusqu'où ces
idées ont... Est-ce qu'elles ont atteint la cible?
Mme
Lazarova (Christina) : Oui.
C'est sûr que les processus au gouvernement peuvent être un peu plus
lents, donc les résultats ne sont pas
toujours immédiatement visibles. Mais on a quand même... Ce qui est
intéressant, en fait, dans le
processus d'action qu'on a, c'est qu'on reçoit une réponse écrite
d'Emploi-Québec et de la CPMT à tous nos avis, où ils reprennent,
recommandation par recommandation, un peu ce qu'on constate, puis ce qu'eux
soit constatent de leur côté ou bien ce qui s'en vient, en fait. Parce qu'eux,
parfois, ont de l'information qu'on n'a pas nécessairement. On essaie quand même de travailler de concert, là,
dans la préparation aussi des avis pour s'assurer que l'information soit
quand même à jour et pertinente. Mais là, c'est ça, on en est à faire le suivi
des recommandations qu'on a faites pour voir, bien, où sont les avancées qu'il
y a eu, qu'est-ce qu'il reste à faire encore.
M. Kotto : Merci.
Le Président (M. Picard) : Je
cède maintenant la parole à M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Lazarova.
Votre mémoire est très intéressant. Tout à l'heure, vous avez mentionné que le manque d'expérience canadienne, ça
pouvait amener une difficulté à l'embauche et donc un peu une
discrimination indirecte, si je peux dire. Puis là vous parliez également des
réseaux pour accéder à un emploi.
Dans le fond, ce qu'on
constate, c'est que les offres d'emploi qui sont affichées, il y en a
certaines, mais les immigrants, les nouveaux arrivants n'ont pas accès à un
certain nombre d'emplois qui se retrouvent par le biais des contacts, c'est ça?
Mme
Lazarova (Christina) : Bien,
ça, c'est ce que les participants aux groupes de discussion, en fait, ont
constaté. Donc, eux, c'est un peu la perception qu'ils avaient. Donc, c'est
sûr, c'est de voir un peu à quel point la perception est fidèle à la réalité parce que ce n'est peut-être pas un enjeu qui
s'applique uniquement aux jeunes immigrants non plus. Il y a des jeunes Québécois de souche qui ont
peut-être cette impression-là aussi, qui viennent de milieux peut-être
un peu plus défavorisés ou qui ont moins un réseau de contacts qui peuvent se
dire : Bien, peut-être que ça m'aiderait de le développer. Donc, c'est
difficile à évaluer, mais c'est certain que ça ne peut qu'aider, d'avoir un
réseau social plus développé parce que, bien, on a plus d'informations, on peut
être un peu plus proche du marché du travail aussi puis de différentes
possibilités, donc...
M.
Jolin-Barrette : À cet égard-là, la place du mentorat, que ça soit en
entreprise ou que ça soit par la communauté d'accueil, est-ce que vous pensez que ça peut avoir un impact concret?
Et est-ce qu'on devrait institutionnaliser, dans le fond, une approche vers le mentorat? Parce que,
exemple, dans le domaine économique, ça se fait beaucoup, où quelqu'un
qui souhaite devenir entrepreneur, qui démarre son projet, bien là, à ce
moment-là, il est jumelé avec quelqu'un avec davantage
d'expérience. Cette possibilité-là... Puis surtout est-ce que vous verriez
davantage un mentorat qui est axé avec une personne native ou avec
quelqu'un qui a déjà vécu les étapes qu'un Néo-Québécois doit vivre?
Mme Lazarova (Christina) : Bien, il
y a des programmes de mentorat qui existent, puis une des choses qui étaient ressorties, en fait, c'est le programme
Québec pluriel, qui est un programme de mentorat de ce type-là, mais qui
n'est pas très répandu. En fait, il existe seulement
dans quelques régions. Donc, c'est certain que ça peut être bénéfique de
le développer, mais il y a
du mentorat, je dirais, officiel, donc, dans ce type de cadre là, mais il y a beaucoup
de mentorat qui peut être fait de
façon plus informelle également, donc, développer des relations, tu sais, que ça
soit en milieu de travail, à travers
le bénévolat, dans notre réseau, soit notre communauté d'origine ou la communauté
d'accueil. Donc, je pense que c'est
important de miser sur les deux, d'avoir des vecteurs de mentorat plus
institutionnalisés, mais également
d'encourager le mentorat plus informel aussi.
M.
Jolin-Barrette : L'une de
vos recommandations à la fin du document, la neuvième recommandation, en fait, recommande de
former le personnel des centres locaux d'emploi en matière... sur le sujet de
l'immigration spécifiquement, sur les ressources qui sont disponibles,
tout ça. Pouvez-vous nous en parler?
Mme
Lazarova (Christina) : Oui.
En fait, ça, ce qu'on constatait, c'est qu'il y a certaines formations, en
fait, qui existent. Il y a de plus en plus de sensibilisation à l'importance, justement, de tout ce qui est communication interculturelle, gestion
interculturelle, mais ce qui était ressorti, en fait, c'est que, parfois, la
formation est davantage sur comment parler
aux immigrants ou comment interagir avec eux plutôt que d'être davantage
conscients de leur réalité, puis de ce qu'ils vivent, puis d'être davantage
sensibilisés, c'est ça, de manière un peu plus personnelle à la réalité de
l'immigration. Donc, ça, c'était un aspect,
mais il y a quand
même des démarches qui se font, justement,
pour mieux sensibiliser tous ces intervenants-là qui sont en contact,
là, qui travaillent avec les immigrants.
M.
Jolin-Barrette : Depuis le
début de la commission, il y a plusieurs intervenants qui sont venus
nous mentionner qu'on devrait mettre l'accent davantage sur la
reconnaissance des compétences plutôt que des connaissances. Est-ce que, dans
le cadre de votre étude, c'est ce que vous avez constaté avec les groupes
consultés, avec les participants aux tables rondes?
Mme Lazarova (Christina) : Non, en
fait, on n'a pas tellement abordé cet aspect-là. Une chose qui était ressortie, c'est que, par rapport aux différences dans le marché du travail, il y a
des participants qui ont fait la remarque qu'ils avaient l'impression que le marché de l'emploi ici, en fait, il y
avait des domaines qui étaient beaucoup plus... où les gens étaient plus spécialisés, il y avait des surspécialisations qu'eux,
dans leur pays d'origine, ils avaient l'impression qu'ils étaient davantage
polyvalents ou un peu plus généralistes dans certains domaines, puis c'était vu
comme pouvant être à la fois un avantage et un désavantage. Donc, ça, c'était
un élément qui avait été abordé, mais, au niveau des connaissances versus les
compétences, pas tellement, non.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous
abordiez aussi la question des enjeux liés à la langue seconde, donc, de la
clarification des exigences. Comment ça se traduit, concrètement?
Mme Lazarova (Christina) : Bien, je
pense qu'il y a une grande partie du travail qui doit être faite avant même
l'arrivée, avant même l'immigration parce
que c'est sûr que plus il y a
de préparation en amont, plus on sait dans quoi on s'embarque en immigrant, bien, plus on peut être préparé à y faire
face puis à bien surmonter ce genre de défi là, je dirais. Donc, ça,
c'en est une part.
Mais
il y a tout l'aspect de l'immigration régionale aussi. Puis je sais que vous allez
entendre Place aux jeunes en région,
qui est un de nos membres, en fait, un des 17 membres du Comité consultatif
Jeunes, qui, eux, font beaucoup
de travail, justement, pour favoriser l'établissement de jeunes en région, donc une plus grande variété pour pas que
toute l'immigration se concentre à Montréal. Donc, ça, c'est un
aspect important de faire valoir que, bien, ce n'est pas partout
au Québec où il faut être bilingue, où il faut maîtriser l'anglais.
Donc,
ça, je pense que ça, c'est une voie qui est peut-être intéressante à explorer
puis où il y a du travail qui se fait, là, déjà. Mais, c'est ça, comme
j'ai mentionné plus tôt aussi, tout ce qui a trait à cibler davantage les
postes puis les exigences pour que ce soit vraiment uniquement quand c'est
nécessaire de connaître l'anglais, là, que ce sera le cas...
Le Président (M.
Picard) : Ceci met fin à nos travaux.
Donc, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
12 h 50)
(Reprise à 14 h
5
)
Le
Président (M. Picard) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
Nous
allons poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques
sur les documents intitulés Vers une nouvelle
politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et
d'inclusion. Avant de débuter nos travaux, je vais demander le consentement des parlementaires pour qu'on puisse excéder 18 heures. Ce sera fait
pour tout à l'heure, parce
qu'on a... Donc, j'ai le consentement de tout le monde? Ça va?
Donc,
nous allons débuter par entendre les représentants du Conseil du patronat. M.
Dorval, ainsi que la personne qui vous accompagne, vous avez
10 minutes pour faire votre présentation. Après ça, il va y avoir un
échange avec les parlementaires. Allez-y.
Conseil du patronat du Québec (CPQ)
M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci, M. le Président. Alors, mon nom est
Yves-Thomas Dorval. Je suis président et directeur général du Conseil du patronat du Québec et je suis
accompagné, à ma gauche, de Mme Norma Kozhaya, qui est vice-présidente à
la recherche et chef économiste au Conseil du patronat.
Je
voudrais, d'entrée de jeu, vous dire merci de nous inviter pour échanger avec
vous. Nous vous avons fait parvenir un
mémoire. Vous comprendrez qu'il y en a plusieurs, de ce temps-ci, des sujets en
commission parlementaire, alors on a essayé
de faire de notre mieux. Ça arrive un petit peu à la dernière minute, mais
l'important, c'est que ça puisse se rendre et surtout qu'on puisse en
discuter.
Petit
rappel : le Conseil du patronat est une confédération d'associations
sectorielles d'employeurs au Québec qui touche tous les domaines : ressources naturelles, manufacturier,
services, des employeurs qu'on retrouve dans tous les tissus de la société, des employeurs qui sont de nature
privée ou publique, coopératifs et autres. Et, grosso modo, à travers
son membership corporatif et associatif, le Conseil du patronat représente plus
de 75 000 employeurs de toutes tailles au Québec, toutes tailles parce que les membres corporatifs sont
principalement des grands employeurs, mais les membres associatifs
regroupent des petites entreprises, des moyennes entreprises de toutes natures.
Alors,
on s'intéresse particulièrement à l'immigration. Vous comprendrez que, par son
essence, par son histoire et par sa
provenance, le Conseil du patronat est une confédération, je le disais
tout à l'heure, d'employeurs. Donc, c'est la notion d'employeurs évidemment qui anime notre
point de vue en cette matière, et le conseil s'intéresse à
l'immigration, donc, en particulier sous l'angle économique, même s'il
reconnaît que cette question est beaucoup plus large. La disponibilité d'une main-d'oeuvre qualifiée
représente l'un des principaux enjeux préoccupant les employeurs du
Québec que nous représentons, et
l'immigration constitue sans contredit une des réponses à cette
préoccupation, pas la seule mais une.
En effet, nous estimons que l'immigration peut avoir des effets économiques,
sociaux et culturels très enrichissants pour notre société et sa
prospérité.
Dans
l'ensemble, nous accueillons favorablement la vision et les principes
directeurs que la nouvelle politique propose, tout en invitant les élus
et le gouvernement à se doter d'une politique ambitieuse à long terme, axée
vers les besoins du marché du travail et la création de la richesse.
Le Québec a encore
beaucoup à faire, beaucoup de travail à faire pour mieux intégrer ses
immigrants, et le document qui est sujet de la consultation présente des
enjeux, des choix stratégiques ainsi que des pistes de réflexion cruciaux sur les conditions devant être réunies
afin que l'expérience de l'immigration soit un succès, tant pour
l'immigrant lui-même, donc la personne, que pour sa société d'accueil et les
employeurs.
Pour
le Conseil du patronat, l'immigration s'avère donc l'un des moyens qui peuvent
contribuer à notre prospérité, et,
dans cette optique, je vais utiliser un gros mot, le capital humain que
représentent les personnes immigrées qualifiées doit donc être pleinement mis à contribution. À titre d'exemple, une
étude basée sur un échantillon de 7 100 entreprises en
Grande-Bretagne réalisée en 2013 établit trois constats. Premièrement, les
entreprises qui comptent dans leurs rangs des
gestionnaires d'origines ethnoculturelles différentes sont plus susceptibles
d'introduire de nouveaux produits, donc un facteur de prospérité.
Deuxièmement, la diversité au sein d'une entreprise permet d'atteindre plus
efficacement les marchés internationaux et de desservir des clientèles
cosmopolites; un autre facteur. Troisièmement, les personnes immigrantes ont davantage
un esprit entrepreneurial, et l'étude conclut que non seulement la diversité
représente un apport économique marqué, mais aussi un capital social important.
Donc,
à l'instar de plusieurs sociétés contemporaines, le Québec, qui connaît un
vieillissement de sa population accéléré... Vous
savez, actuellement, on dit qu'il y a quatre personnes en âge de travailler
pour une personne de 65 ans et plus au Québec et, dans 15 ans, il n'y aurait
plus que deux personnes en âge de travailler pour une personne de
65 ans et plus. On peut comprendre
qu'il ne peut pas y avoir de croissance économique dans un contexte semblable
si on ne trouve pas des solutions
pour à la fois améliorer la productivité, mais également de faire en sorte
d'apporter une contribution plus grande avec l'immigration quant à la
main-d'oeuvre pour occuper les postes qui vont se libérer par nos gens qui
prennent leur retraite.
• (14 h 10) •
Donc,
la composition de la pyramide des âges des immigrants par rapport à celle de
l'ensemble de la population montre clairement que la population issue de
l'immigration contribue à ralentir le vieillissement démographique du Québec ou d'une société. Et la principale
contribution de l'immigration à la démographie se situe surtout dans le maintien du nombre des personnes en âge de travailler,
comme je le disais il y a quelques minutes. Toutefois, plusieurs
raisons font que le Québec
ne profite pas pleinement de l'immigration pour prospérer, et c'est ça, je crois, auquel il
faut s'attarder.
Tout d'abord, il y a
un taux de chômage élevé chez les immigrants, élément sur lequel nous
reviendrons... que nous revenons dans notre document
et que nous avons quelques pistes à explorer. Ensuite vient la faiblesse du
taux de rétention des immigrants. Ainsi, parmi les personnes immigrantes
admises au Québec de 2003 à 2012, seulement 75 % étaient encore établis au Québec en 2014.
En outre, ce taux atteint 30 % dans la catégorie des gens d'affaires.
C'est énorme. Un autre problème est celui
des complications liées à la reconnaissance des compétences. Et ça, je pense
qu'on n'en parlera jamais suffisamment, et
surtout il faut faire davantage et ainsi qu'à l'équivalence des diplômes des
immigrants ainsi qu'à leur intégration aux ordres professionnels.
C'est alors que le
capital humain que représentent les personnes immigrées qualifiées doit être
entièrement mis à contribution. Et, malgré
les efforts déployés, particulièrement dans les dernières années, d'autres
initiatives sont encore nécessaires
afin que le Québec tire pleinement avantage de l'immigration. Le CPQ croit
aussi que les personnes issues de
l'immigration peuvent mettre à profit un potentiel entrepreneurial important.
On le voit, dans l'immigration, on retrouve
un pourcentage de valeurs et d'approches entrepreneuriales extrêmement
important pour la prospérité du Québec.
Donc, le CPQ
considère que le gouvernement devrait répondre à trois grandes priorités à
travers sa stratégie. Au-delà de ce qu'on
connaît et des efforts, comment faire pour améliorer la rétention des
ressortissants étrangers venus au Québec
pour y étudier, pour y travailler ou pour y investir? Premier enjeu :
l'intégration sur le marché du travail et dans le milieu de
l'entreprise, enjeu fondamental, et ça, ça part de la sélection, de la préparation,
de la reconnaissance des compétences, de, je
dirais, la... de compléter le chemin lorsqu'il manque des compétences requises
pour avoir pleinement la reconnaissance des compétences dans un délai et
dans une forme adaptée aux besoins et, finalement, en allant jusqu'à
l'embauche.
Enfin,
troisième grande priorité : Comment améliorer, comment favoriser
l'installation, dans les régions qui en ont bien besoin, de cet apport de main-d'oeuvre, avec un accompagnement
adéquat? Et là je pense qu'il y a un chantier à faire pour examiner
davantage ce qui peut se faire, parce qu'on le fait depuis plusieurs années. Il
y a certains mérites. Je crois qu'on a
maintenant presque 22 %, là, de succès de ce côté-là, mais ce n'est pas
suffisamment quand on regarde les besoins et le taux de chômage dans la
région de Montréal au niveau des personnes immigrantes versus les besoins dans
certaines régions. Donc, il faut trouver une façon d'améliorer cette
question-là.
Pour pouvoir
améliorer ces aspects sur le terrain, le CPQ encourage vivement le gouvernement
à mettre en place des outils qui permettront une sélection plus poussée et plus
efficace sur la base de la déclaration d'intérêt des candidats à l'immigration, proposition que nous appuyons totalement, et
les modèles, que ce soit canadien, mais aussi australien et Nouvelle-Zélande, sont une source d'inspiration à ce
sujet-là. On voit qu'il y a eu des succès quand même assez phénoménaux. L'organisme considère... Le conseil
considère à ce titre qu'il reste encore grandement place à
l'amélioration sur le plan de la
reconnaissance des compétences — j'en ai parlé — ainsi que la flexibilité de l'offre de
services visant à faciliter et accélérer leur intégration et leur
perfectionnement professionnel lorsqu'il est nécessaire de compléter leur
diplomation.
Dans
la même veine, le CPQ veut mettre en garde le gouvernement en ce qui concerne
les exigences relatives à la maîtrise du français des nouveaux
arrivants. Je sais que c'est un sujet extrêmement délicat, mais on a choisi de
le traiter parce que nous considérons que
c'est important. Si le CPQ adhère pleinement aux objectifs de francisation, il
ne faudrait pas que les exigences relatives
à la maîtrise du français soient exagérément élevées, par exemple une
maîtrise trop poussée, au détriment de la
qualification professionnelle, dans une approche mur à mur qui limiterait le
bassin de recrutement des entreprises. On a parlé tout à l'heure que la
diversité est source, je dirais, de prospérité pour un employeur ou pour une
société. Il ne faudrait pas faire en sorte de limiter nos bassins d'immigration
pour des raisons qui pourraient... Mais ça,
c'est à une condition. C'est évidemment qu'on consacre une priorité très forte
à la francisation des gens lorsqu'ils ne possèdent pas la maîtrise totale
du français, parce qu'on croit que les choses doivent se faire en français au
Québec.
De surcroît, il faut
aussi rappeler que de nombreux secteurs d'activité exigent également une
connaissance de l'anglais fonctionnel, et ce
n'est pas typique au Québec. Ce n'est pas parce qu'on est au Québec, en
Amérique du Nord; c'est une réalité
mondiale. Je peux parler de mon propre exemple. J'ai travaillé à l'échelle
internationale et j'ai eu des équipes dans tous les pays d'Europe, et la
seule façon de pouvoir travailler avec les équipes en Europe de l'Est et en Europe de l'Ouest, à la grandeur... à l'échelle
mondiale, c'était que les gens avaient une langue de communication à la
fin, et c'était l'anglais. Qu'on soit russe, qu'on soit ukrainien, qu'on soit
italien, qu'on soit français, suédois, etc., à la fin, il fallait être en
mesure de communiquer avec une langue, et c'était l'anglais. Qu'on le veuille
ou non, c'est une réalité.
Alors, si on veut que
nos personnes, nos Québécois, nos Québécoises puissent avoir un potentiel de
carrière, un potentiel d'avenir avec toutes
les possibilités, il
faut ne pas nier le fait que
l'anglais... pas seulement une deuxième langue,
mais l'anglais est une priorité aussi, toujours dans un contexte où c'est le
français qui est la langue de travail principale au Québec, et ça, on souscrit tout
à fait à ça.
Dans la dernière seconde, ou on a déjà terminé, M.
le Président?
Le Président (M. Picard) :
C'est terminé, malheureusement. Je vous remercie...
M. Dorval (Yves-Thomas) : C'est
terminé. Alors, je pourrai compléter dans mes...
Le Président (M. Picard) :
Vous pourrez compléter lors des échanges avec les parlementaires.
Puisque le
député de Mercier est ici cet après-midi, nous devons déterminer le temps
qu'il... si un groupe veut lui permettre de prendre la parole. Donc, un,
j'aurais besoin d'un consentement pour savoir si on permet au député de Mercier
de parler. Deuxièmement, on va déterminer le temps et qui le donne. Je suis
ouvert aux commentaires.
Mme Weil : ...partager, notre
générosité?
Le Président (M. Picard) : On
peut partager.
M.
Jolin-Barrette : ...consentement pour que le député de Mercier prenne
la parole, mais, considérant que notre temps
de parole est court à la deuxième opposition et que le temps de Mme la ministre
est important, on considère que peut-être que ça pourrait venir de la
partie gouvernementale.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de Laval-des-Rapides, non? Mme la ministre.
Mme Weil : ...oui, on va
donner du temps. Le député de la deuxième opposition, vous, vous avez combien
de temps?
M. Jolin-Barrette : Généralement,
sept minutes.
Mme Weil : Ah! sept.
M. Jolin-Barrette : Sept, sept.
Le
Président (M. Picard) :
Actuellement, là, c'est 17 min 30 s, la partie
ministérielle; 10 min 30 s, opposition officielle; et
sept minutes à la deuxième opposition.
Mme Weil : ...trois minutes?
Le Président (M. Picard) :
Vous seriez prêts à accorder trois minutes de votre temps si...
Mme Weil : Oui, oui, tout à
fait. Ça va?
Le
Président (M. Picard) : O.K. Donc, Mme
la ministre, la parole est à vous
pour une période de 14 min 30 s.
Mme Weil : Merci, M.
le Président. Bienvenue au Conseil du patronat. Bienvenue à M. Dorval, Mme
Kozhaya. Évidemment, toujours, toujours un
plaisir d'échanger avec vous sur ces questions importantes, et, comme vous
dites, c'est une façon de contribuer
au développement économique, c'est l'immigration. On parle de capital humain,
en effet. C'est des êtres humains, mais c'est du capital important aussi
pour nous.
Et donc votre
point de vue... Puis j'ai quelques questions, mais le temps est un peu
raccourci, alors je vais aller quand même assez vite. Mais hier la
Commission des droits de la personne a parlé de discrimination systémique des
employeurs. Je sais que vous avez déjà fait des sondages par rapport aux
employés... des employeurs par rapport à la diversité. J'aimerais vous entendre
sur cette question. On en parle beaucoup aussi, hier, le... des préjugés.
Parfois, il y en a qui disent : Ce
n'est pas nécessairement de la discrimination, des préjugés, mais un inconfort,
un malaise, de la méconnaissance, et ils ont besoin d'aide en gestion de
diversité.
J'aimerais
vous entendre sur cette question-là parce qu'on parle de créer une société
inclusive, où tout le monde puisse
participer, mais ce n'est pas le gouvernement qui engage tout ce monde-là. On
peut mobiliser; c'est des entreprises, des employeurs, c'est la société
en général. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Merci. M.
le Président, je dirais que, la première des choses, il y a des réalités, et souvent c'est relié à l'inconnu, à... Vous
savez, dans n'importe quoi, la prévisibilité rassure toujours dans le milieu
des affaires. Alors, quand on est habitué
avec un environnement qu'on connaît, qu'on maîtrise, évidemment, on n'est pas
portés nécessairement aux changements. C'est vrai dans la nature humaine, c'est
vrai dans n'importe quel cas, et souvent, dans
certains milieux, la présence de nouveaux arrivants qui arrivent avec leur
bagage, leur culture, etc., bien, ça représente un changement. Ça peut être pour l'employeur et ça peut être pour
l'environnement de travail aussi, les employés autour.
• (14 h 20) •
Alors,
la première question, on a fait un sondage, effectivement, auprès de
350 dirigeants d'entreprises au Québec il y a quelques années. Je dois dire, ça fait quand même déjà cinq ans,
là, on l'a fait en décembre 2010, ça fait quatre ans et demi, mais ce sondage-là, il avait, dans ce
domaine-là, quand même, des informations importantes. 65 % des
dirigeants d'entreprise étaient... ils
voyaient tout à fait l'apport bénéfique des personnes, des nouveaux arrivants,
des immigrants au sein de leurs entreprises. Ça, on pourrait dire :
Hein? Wow! C'est plus que 50 %. Mais le problème, c'est que 35 % n'y voyaient pas le même intérêt. Et ce n'est pas
une question de sélection, ou de discrimination, ou de racisme, etc. On
relie ça davantage au manque d'expérience
avec ces questions-là parce qu'on s'aperçoit, dans les consultations qui ne
sont pas quantitatives en termes de
consultations, mais en termes d'échanges, de «focus groups» et de réunions, de colloques, on s'aperçoit que les gens qui ont eu la chance
d'avoir l'expérience, évidemment, ils en retirent beaucoup, donc on y
voit l'avantage. Donc, c'est une question
d'expérience, d'où, derrière cela, quelques-unes des recommandations que l'on fait d'ailleurs, notamment
la question des programmes de stages pour les nouveaux arrivants, parce que
nous croyons que, pour le nouvel
arrivant, c'est une extraordinaire occasion d'avoir l'expérience Québec
de travail, mais, pour aussi les entreprises, d'avoir la possibilité de développer
cette expérience-là et de voir que, finalement, l'inconnu a aussi ses avantages.
Alors, ça,
c'est des éléments qui sont importants, mais, au-delà de ça, et nous le disons
dans le mémoire, c'est important d'avoir de l'information, de la sensibilisation,
de la promotion, d'une part, et de l'accompagnement d'autre part.
Donc, ça prend, dans la boîte à outils, ces différents outils là. Il faut qu'il y ait
de l'effort de sensibilisation au Québec, non pas parce que... Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas une question de racisme ou de discrimination
volontaire. Souvent, c'est la peur du
changement, et souvent c'est la peur du changement aussi en termes d'environnement. Il y a des expériences, qui nous ont été racontées, que
l'effort du gestionnaire pour gérer l'entourage de l'employé était quand
même sensiblement important. Donc, ce n'était pas une question que le
gestionnaire qui... Il voulait faire l'expérience, mais il se voyait confronté aux gestions particulières des enjeux de
l'entourage. Alors, tout ça, ça nécessite de l'accompagnement, ça
nécessite de la sensibilisation, de la promotion et ainsi de suite, et, à notre
avis...
Et là j'en
parle, on dirait, des fois, comme représentant, mais on est même passés par là
au Conseil du patronat. On avait une personne seulement, qui est à ma
gauche, qui était une personne d'origine... qui est un nouvel arrivant au Québec, qui est arrivé, et c'était la seule
personne dans notre groupe. Aujourd'hui, 35 % de la main-d'oeuvre du
groupe, du personnel du Conseil du patronat
sont des nouveaux arrivants, sont des immigrants. À travers... On a eu la
chance... On a eu une personne extraordinaire pour nous aider à voir toute la
contribution positive, mais, à travers ça, voyez-vous, c'est l'expérience qui fait en sorte qu'aujourd'hui c'est plus
facile pour et l'entourage et les gestionnaires à travailler avec ça. Alors, ce sont des éléments, mais il n'y a
pas une seule façon d'y avoir, et ça prend une boîte à outils,
l'accompagnement, la promotion et la sensibilisation publique, l'expérimentation
avec des stages et ainsi de suite. Ça fait partie des outils, je crois, qui
sont importants, mais on en a besoin.
Mme Weil : Oui, très bien.
Le Président (M. Picard) : Mme
la ministre.
Mme Weil : On a annoncé d'ailleurs la certification
Employeur remarquable. Je ne sais pas si vous l'avez vue. Ce serait
intéressant si vous pouviez le mettre sur votre site Web. C'est une façon... En
Europe, en France, on parle d'un label
Diversité, mais ce serait... Donc, c'est Employeur remarquable-Diversité
ethnoculturelle. Donc, c'est une façon aussi de reconnaître ces entreprises qui s'ouvrent à la diversité parce qu'en effet les études montrent que ça crée
des environnements innovateurs et que c'est bon pour les affaires. Je
vais vous amener sur le... parce que mes collègues ont d'autres questions sur
cette question bien importante, puis je rajouterai aussi ce qu'on a entendu ce
matin sur la communauté noire, l'exclusion
particulièrement de la communauté noire bilingue ou francophone très qualifiée,
scolarisée et qui quitte le Québec parce
qu'ils ne trouvent pas leur place. Alors, c'était très, très, très inquiétant
d'entendre ces constats.
J'aimerais vous amener sur le programme des travailleurs
temporaires, qualifiés temporaires et des étudiants étrangers. Est-ce que vous considérez que c'est des voies intéressantes
pour l'immigration? Évidemment, nous, on fait beaucoup la promotion de ce
programme, parce que c'est des gens qui sont déjà intégrés dans une entreprise,
l'employeur apprécie le travail, donc l'intégration se fait
bien. Donc, vos idées là-dessus, comment encore le promouvoir davantage? Et
la diversité vient, hein, dans ces... Les travailleurs temporaires, il y a beaucoup
de diversité dans ces travailleurs temporaires, mais les étudiants étrangers
aussi. Est-ce que vous avez une expérience avec ces étudiants étrangers qui reçoivent
un certificat de sélection du Québec? Comment est-ce qu'ils s'intègrent? Est-ce
qu'il y a des stratégies à développer pour cibler ces étudiants étrangers pour
qu'ils puissent, premièrement, choisir de rester, mais s'intégrer rapidement
aussi au marché du travail?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : C'est clair
que... J'ai dit tout à l'heure : Il y a une notion, c'est l'expérience.
Alors, quand on peut faire développer
l'expérience, et pour l'individu, à travers l'expérience soit d'étude, soit de
travail temporaire, ça lui permet d'acquérir ce qu'on utilise... pas
nous, mais on entend souvent l'utilisation du mot «l'expérience Québec». C'est
la possibilité d'avoir expérimenté le travail au Québec
ou les études. C'est un élément qui est très important, et on croit qu'effectivement plus on est
exposé et plus on expose la personne immigrante, évidemment, on a plus de
chances à la fois que la personne ait intégré,
dans son appréciation, dans son analyse, en termes de comportement
sociétal, en termes de participation à la vie économique et sociale, une meilleure compréhension de la société
dans laquelle il peut s'insérer, il a appris à goûter à ça. Puis même
si, par exemple, un étudiant retournait dans sa région, en termes...
Vous savez,
le Québec, c'est juste 8,3 millions de population, puis on a vu le
vieillissement démographique. On n'a
pas le choix, en croissance économique, de baser une partie de notre économie
sur l'exportation parce qu'on n'a pas... la demande
interne n'est pas suffisante, surtout dans un contexte de vieillissement
démographique. Or, le fait d'avoir la chance
d'avoir des personnes qui sont des possibles ambassadeurs ou des gens de réseau
lorsqu'ils retournent dans leur pays ou qu'ils vont dans d'autres pays,
ça demeure aussi un apport économique, soit dit en passant.
Mais, pour la
question de l'immigration, c'est clair qu'il y a une opportunité qu'il faut
saisir. Il y a différentes stratégies
pour le faire, mais là, encore faut-il que... Vous savez, nous constatons que
le ministère de l'Immigration et le gouvernement
a mis en place une boîte à outils, et
il y a plusieurs autres organismes. Je
pense à Montréal International, je pense, etc. Le problème, c'est que les outils sont
peu connus. Je vais être très franc avec vous, je vous ai dit où est-ce
qu'on en est rendus en termes de composition,
chez nous, on a embauché des nouveaux arrivants, puis on travaille à la Commission des partenaires du marché du travail,
puis on est partenaires de comités d'intervenants économiques auprès du
sous-ministre, on n'a jamais pensé à utiliser le programme PRIIME ou le
programme de stage ou de...
Alors, c'est
juste pour vous dire à quel point une organisation comme nous, si proche de
tous ces outils-là, à quel point...
peut-être, dans notre réflexe, on essaie toujours d'être autonome puis de
demander le moins possible d'intervention, d'aide, etc., mais la réalité, c'est... Imaginez-vous pour les employeurs,
sur le territoire, ils ne connaissent pas tous les outils qu'ils ont. Donc, le coffre à outils, des fois, il
faut faire attention pour ne pas en créer de nouveaux, puis en rajouter,
puis en rajouter. Il y en a beaucoup. Ce qu'il faut, c'est que les gens les
connaissent et puissent avoir la chance d'avoir des accompagnateurs avec eux
pour être en mesure de les utiliser pleinement.
Mme Weil :
Oui. J'aurais beaucoup d'autres questions, mais je cède la parole à mon
collègue parce qu'on aura l'occasion de creuser des choses au fil des
mois.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de Laval-des-Rapides.
M.
Polo : Merci beaucoup, M. le Président. Je vais enchaîner sur ce que
M. Dorval vient de mentionner puis, tout d'abord, je vous souhaite la
bienvenue puis je vous remercie pour votre contribution.
Effectivement,
bon, vous venez de, vous-même, concéder candidement qu'il y a certains
programmes ou certaines initiatives du gouvernement qui sont peut-être
méconnus, mais, de façon plus globale, au niveau des employeurs, j'aimerais savoir un peu quel genre d'initiative,
quel genre de message, quel genre de communication que vous faites
auprès de vos membres. Et je retourne peut-être
deux ans et demi, trois ans en arrière, lorsque la Commission des droits de
la personne avait annoncé publiquement
qu'elle avait fait notamment une étude québécoise dans laquelle elle
démontrait que, malgré les compétences, les
candidatures où une personne, à égale compétence mais avec un nom de famille
étranger, avait, tout dépendamment des
communautés ciblées, parce qu'il y avait trois communautés, communauté noire,
communauté arabophone et communauté
hispanique également... Puis on notait, à ce moment-là, à travers cette
étude-là, qu'il y avait, des fois,
deux à trois fois le taux de chômage ou le taux de refus ou de non-invitation à
des entrevues de ces candidatures-là.
Quand vous
regardez des études de cette façon-là, vous, comme fédération ou organisme qui
réunit des employeurs, comment vous interprétez ça? Et, par la suite,
comment vous diffusez ou vous essayez de sensibiliser vos membres au rôle... parce que, vous savez, l'immigration et
l'intégration en emploi, c'est un double compromis. Il y a un travail
qui doit être fait par l'immigrant et
l'employé, mais il y a aussi un travail qui doit être fait par la société
d'accueil et, dans votre cas, les employeurs. Pourriez-vous élaborer sur
ça, M. Dorval?
Le Président (M. Picard) : En
deux minutes, s'il vous plaît.
• (14 h 30) •
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Donc,
rapidement, la première des choses, il faut faire de la promotion, il faut
que tous les acteurs soient utilisés. J'ai
eu l'occasion, moi, au nom du Conseil du patronat, de m'impliquer dans
différentes de ces choses-là. Je pense à Leaders Diversité, qui a été créé
suite à une initiative du ministère et pour faire, justement, la promotion auprès des chefs d'entreprise de
l'importance de compter sur la diversité et d'en faire la promotion. Donc, on le fait de différentes façons, on est en partenariat avec le ministère
et on diffuse beaucoup d'information qui nous vient du ministère dans notre bulletin d'information auprès des membres, et ainsi de suite. On a organisé des sessions
d'information, de colloques — on en fait un au printemps, Norma? — un
colloque sur cette question-là, comment faire en sorte de favoriser une
meilleure, je dirais, une plus grande efficacité ou une plus grande façon
d'intégrer, de façon de pouvoir amener le
potentiel des immigrants à un plus grand succès au niveau de la prospérité du Québec.
Donc, il n'y a pas de... Il n'y a aucune... La conclusion, on la partage
en partie sur les raisons de... je vous l'ai dit tout à l'heure.
Est-ce qu'il
y a des personnes... Il y a sûrement des personnes qui ont des préjugés. Ça, ça
existe, des préjugés, mais est-ce
qu'on en retrouve plus dans le milieu des employeurs que dans la société
en général? Non, je ne crois pas. Je pense que c'est une question
d'inconnu, je vous l'ai dit tout à l'heure, et, encore une fois, plus on
développe l'expérience au niveau de
l'immigration, moins on est inquiets. Mais, quand on n'a jamais eu l'occasion
d'avoir des employés avec un nom
arabe, avec une personne de couleur noire, ou quoi que ce soit, il y a une
crainte, c'est un inconfort. Comment on va gérer et comment on va gérer l'entourage? Ce n'est pas juste une
question de l'employeur comme corporation, c'est aussi le milieu de
travail dans lequel on entre. Alors, c'est toutes des choses sur lesquelles il
faut travailler.
J'ai eu la chance, dans une multinationale,
d'aller travailler à l'extérieur. Il y avait tout un programme d'accompagnement pour l'employé, pour faire en
sorte de mieux comprendre la société dans laquelle j'allais m'intégrer
avec ma famille. Alors, ça, c'est un... mais il y a des gens qui ont... il y a
des organisations qui ont les moyens.
Il y a des
moyens qui sont offerts par les organisations. Je pense à... Montréal
International, entre autres, a une boîte à outils spécifiquement pour
ça. Je veux juste vous dire : Il y a des outils, il y a une crainte, c'est
la réalité. Il faut combattre cette réalité-là, il faut améliorer la promotion,
parler davantage des avantages. Vous savez, dans le monde économique, là, souvent, quand on parle
d'avantages, en termes de croissance, d'innovation, etc., ça résonne plus
que juste une question... qui est tout aussi
importante que la question sociale et sociétale, mais on va chercher où est-ce
qu'on peut aller chercher les meilleurs arguments pour convaincre les gens.
Le Président (M. Picard) :
Merci. M. le député.
M. Polo : Non, c'est juste un petit
commentaire pour dire qu'un des points que vous mentionnez dans votre mémoire est très intéressant, pour lequel j'adhère
beaucoup. Effectivement, la primauté du français doit être promue, doit être vendue, doit être, je veux dire, présentée
aux immigrants avant qu'ils arrivent, mais également il ne faut pas non
plus qu'on créé un déséquilibre dans les
bassins de candidatures qu'on va chercher à l'étranger. Moi-même issu d'un pays
où la culture et la langue est d'origine latine, on est considérés comme des
francotropes, comme a dit mon collègue, là, du comté de Bourget.
Le Président (M. Picard) : En
terminant, s'il vous plaît.
M.
Polo : Oui, le député,
effectivement... Donc, j'aimerais vous féliciter pour cette mention-là parce
qu'effectivement ça ouvre d'autres potentiels pour nos employeurs et nos
candidats ici, au Québec. Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci. M. le député de Bourget.
M. Kotto : Merci, M. le Président.
M. Dorval, Mme Kozhaya, soyez les bienvenus et merci pour votre
contribution.
À la lumière de l'orientation économique du
document de consultation ici présent, je présume que vous avez été rencontrés
et entendus, vous avez eu une oreille attentive de la part du ministère et de
la ministre dans la préparation de ce document.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Non.
M. Kotto : Non? Vous n'avez
pas été rencontrés? Non.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Non, en
fait, comme plusieurs... Vous me permettez, M. le Président?
Le Président (M. Picard) :
Oui, oui, allez-y, M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Je l'ai
dit tout à l'heure, il existe, au sein du ministère de l'Immigration, un
comité-conseil, au sous-ministre, des intervenants économiques, mais ce n'est
pas le ministère qui nous demande de faire de quoi.
M. Kotto : Spécifiquement.
O.K.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : C'est de la
consultation pour obtenir, de la part des employeurs, quelles sont les
choses qu'on pourrait faire pour améliorer les... Mais il n'y a pas eu, non, de...
On est non partisans et on a...
M. Kotto : Non, non, ce n'est
pas par partisanerie. La question se pose pour savoir si, oui ou non, vous avez
contribué, sans aucune partisanerie. Ce n'est pas...
M. Dorval
(Yves-Thomas) : À
l'intérieur du Comité des intervenants économiques, M. le Président,
certainement, j'imagine que le ministère a recueilli des commentaires qui lui
ont été fournis, qu'il y en a, ils l'ont utilisé dans la préparation. Mais
l'objectif de la consultation, je pense que c'est d'entendre tous les groupes
de la société.
M. Kotto :
D'accord. Dans votre mémoire, dans votre position générale, il apparaît que
vous appuyez l'idée que l'immigration peut avoir des effets sociaux et
culturels positifs. Oui, on en convient. Il y a une littérature abondante en la matière, mais, pour ce qui touche des effets
économiques, là il y a plusieurs écoles. Mais, dans la mesure où vous
appuyez l'idée que c'est positif, vous avez sans doute des références à cet
effet.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Oui. Dans
les faits, ce qu'on dit dans notre mémoire, on dit : Il faut faire attention. À court terme, on n'a pas nécessairement des impacts économiques visibles, c'est plus dans le temps qu'on va voir
ces choses-là, et c'est un peu normal
si on constate que le fait d'intégrer un emploi est plus lent. Les gens qui
arrivent de l'immigration, il y a un taux de chômage plus élevé pendant
un certain nombre d'années. Après un certain nombre d'années, ils rattrapent la moyenne, mais, au début, les
premières années, les nouveaux arrivants ont plus de misère, on retrouve
un plus grand taux de chômage. Donc, si on
regardait juste le court terme, on pourrait dire : Oups! Ça coûte cher à
la société parce que les
gens ne sont pas nécessairement productifs. Là-dessus, on a un problème parce que
le taux effectif, là, d'intégration, dans les premières années au
Québec, est moins bon que, même, le reste du Canada. Alors, on a un travail à
faire de ce côté-là. Et, en partie, c'est une question reliée aussi à la
reconnaissance des compétences pas seulement, là, aux questions de l'employeur,
etc.
Et
donc je reviens à votre question. Un, on a cité, dans les propos de départ, des
études qui démontrent à quel point la
diversité... et le Conference Board a
sorti une étude exactement dans le même sens, où on s'aperçoit que la
diversité au sein d'une entreprise, parmi...
quand on regarde les entreprises qui performent le mieux, ce sont les
entreprises qui utilisent la diversité comme un levier. Donc, il y a un
élément extrêmement important là-dedans.
Mais le plus important,
au-delà de tout ça, c'est la démographie du Québec — je
l'ai mentionné tout à l'heure — les
chiffres sont effarants. On ne pourra pas, comme société, croître... à
maintenir ou accroître notre qualité de vie, notre niveau de vie si on ne trouve pas des moyens, et il y en a
plusieurs. Au plan de l'économie, il y a
la productivité, etc., mais, au plan
de la démographie, une des sources — pas
la seule parce que ce n'est quand
même pas si grand que ça — c'est
d'aller chercher des nouveaux arrivants intéressés à s'intégrer, avec des
qualifications adéquates pour le marché de l'emploi, ça va procurer un certain
niveau. Mais je pense qu'il faut faire attention — c'est là les enjeux
qu'on a au Québec — c'est
que, si on en fait venir, il faut être en mesure de les retenir puis de leur
fournir un travail.
Et, ma foi,
un autre problème qu'on a mentionné, c'est que beaucoup des emplois qui sont
disponibles sont en région, puis
c'est plus difficile d'amener des immigrants en région, et ça, c'est un défi.
Parce que je peux vous dire que, cette semaine,
moi, j'ai rencontré des employeurs dans le cadre de mes rencontres usuelles, et
il y en a à Québec, il y en a dans la Beauce,
il y en a ailleurs en Abitibi, qui ont dit : Nous, on en a besoin; vous
vous trouvez un truc, n'importe quoi, mais amenez-nous-les. Puis, en
passant, là, l'intégration sociale, quand ils s'en vont en région, là, elle se
fait comme ça.
M. Kotto :
O.K. Vous comprenez que je fais l'avocat du diable quand je vous pose ces
questions, ce n'est pas des questions qui illustrent un parti pris. Mais,
comme nous sommes en réflexion, ça exige une rigueur intellectuelle dans la
démarche, et c'est la raison pour laquelle je vous pose des questions de façon
objective.
Quand vous dites que l'immigration peut influer
positivement sur la courbe démographique vieillissante, avons-nous des études
tangibles sur cette question-là?
• (14 h 40) •
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Le nombre
d'immigrants n'est pas suffisant, mais c'est parce que les immigrants, lorsqu'ils arrivent, lorsqu'on les sélectionne,
sont dans l'âge pour travailler, avec des qualifications. C'est ce qu'on
veut, d'ailleurs, que, dans la déclaration
d'intérêts, on soit en mesure de, justement, démontrer que les qualifications
répondent aux besoins du marché du travail.
Donc, c'est une population, les immigrants qui arrivent, qui sont généralement
des gens qui peuvent intégrer... je
dirais, là, il n'y a pas 15 ans, 18 ans de formation scolaire, ils
sont déjà formés, ils arrivent, donc ils peuvent intégrer le marché du travail. Donc, ce n'est pas tellement en
termes de population parce qu'il faudrait aller chercher beaucoup plus
d'immigrants que ça pour, je dirais, équivaloir le besoin en immigration, mais,
à tout le moins, ce sont ceux qui arrivent dans la strate des gens en âge de
travailler.
Comme je vous
ai dit tout à l'heure, si on a, actuellement, quatre personnes en âge de
travailler pour une personne de
65 ans et plus puis que, dans 15 ans, on n'aura que deux personnes au
Québec en âge de travailler pour une personne de 65 ans et plus, il faut trouver des gens pour occuper les postes,
surtout qu'on a une génération qui part à la retraite. On a nos jeunes qui arrivent, on a des clientèles... Parce
qu'il y a plusieurs stratégies : il y a ceux des jeunes en termes
d'éducation, de formation, etc., d'adéquation,
il y a les clientèles qui ne sont pas... qui ne participent pas, actuellement,
de façon optimale, on pense aux
personnes handicapées, qui ont de la misère à... Donc, il faut trouver des
façons de les... l'employabilité des personnes handicapées, des
personnes qu'on appelle souvent, dans le jargon, les clientèles éloignées du
marché du travail, qu'on retrouve en
minorité, on parle des personnes handicapées, ou on parle des personnes plus
âgées, on parle des immigrants — tu sais, à quelque part, ça en fait
partie — j'ai des
autochtones, par exemple, et ainsi de suite. Donc, ce n'est pas juste
les immigrants qui peuvent contribuer à la situation, mais les immigrants font
partie de cette catégorie où il y a déjà,
probablement — parce
que c'est la sélection qui doit le faire — une adéquation entre la formation et le
besoin.
Il faut
s'assurer qu'on puisse reconnaître leurs compétences, un gros défi au Québec.
Il faut s'assurer aussi qu'on ne va
pas chercher des immigrants juste en fonction... et là peut-être qu'on a des
divergences, parfois, avec certains groupes, pas seulement des gens qui sont diplômés universitaires, parce que c'est
bien beau, là, mais on en fait aussi beaucoup, des gens qui sont formés à l'université, ici. Mais les
besoins du marché du travail sont dans différentes strates :
professionnels, techniques, métiers, même
manoeuvres. Donc, c'est tout ça qui doit être pris en considération. Et les
études économiques démontrent qu'à court terme on ne peut pas voir si
c'est positif ou négatif, mais, sur une durée, c'est positif parce que ce sont
des travailleurs qui arrivent dans un marché qu'on a besoin de travailleurs.
M. Kotto :
O.K. Sur la question de la maîtrise du français, vous disiez tout à l'heure
qu'il ne fallait pas tomber dans l'exagération. Est-ce qu'on peut avoir
une idée des limites qu'il ne faut pas franchir, de votre perspective des
choses? Et, dans ce cas-là, quelles sont les
autres alternatives pour, justement, amener ces immigrants, ceux qui, dans le
lot, ne maîtrisant pas le français, à le maîtriser une fois sur le
territoire québécois? Je souligne, en passant, qu'il y a entre 40 % et 43 % d'entre eux qui ne parlent
pas un seul mot de français quand ils viennent au Québec. Et, vu la tangente
que prend la position de la langue française, à Montréal notamment, il y a des
inquiétudes à ce niveau-là.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Alors, il
y a plusieurs moyens d'essayer de trouver des solutions à ça, mais la première
des choses, on a dit : Ça prend des critères. Puis, c'est ça, le ministère
travaille sur des critères de sélection et
il a... récemment, on a changé ces critères-là pour aller un petit peu plus
loin au niveau de la maîtrise du français. Tu sais, il y a une
différence entre la maîtrise du français et la connaissance de base du
français.
Quant à nous, on
s'aperçoit qu'il y a plusieurs critères. Le français en est un, et très
important, parce qu'une façon de s'intégrer
au travail ou dans la société, c'est de posséder la langue de la société.
Alors, le français, c'est d'abord et avant
tout la langue ici. Alors, il n'y a pas de doute, puis on ne remet pas ça en
question. La seule chose qu'il y a, c'est que, dans l'ensemble des critères, il faut avoir
des pondérations pour répondre aux besoins du marché du travail aussi. Quand je dis «besoins du marché du travail», ce
n'est pas une question mercantile; ce que je dis, c'est que c'est plus
facile de se trouver un emploi s'il y a des besoins dans ce domaine-là. Tout ça
pour dire qu'il y a donc une pondération qui doit être quand même un petit peu
plus ouverte, avec une participation plus diversifiée.
Et deuxièmement,
lorsqu'on a cette déclaration d'intérêt puis que la personne est prête à venir,
il faut commencer immédiatement, avant même que la personne arrive, à lui
fournir les outils et... ce que le gouvernement a fait, d'ailleurs. Je pense que le ministère a créé un excellent outil de
formation en ligne à distance, qui permet aux gens de le faire. Mais ça, c'est des choses qui sont
importantes à faire, de commencer rapidement. Parce que, malgré ce que je
vous dis, en termes de langue, et même de
l'anglais, il faut absolument faire en sorte de franciser, de faire en sorte
que les immigrants puissent obtenir le niveau de français nécessaire
pour s'intégrer dans la société et dans les emplois.
Donc, ce n'est pas
une question de mettre en cause cet objectif-là, mais, dans la sélection, il
faut, après ça, l'accompagner. Il faut
s'assurer, par exemple, que les programmes de formation en francisation pour
les nouveaux arrivants qui n'ont pas
la maîtrise du français, on puisse leur offrir, que ce soit disponible. Il faut
s'assurer que l'offre, également, tienne compte de...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
M. Dorval
(Yves-Thomas) : ...certaines modalités, par exemple à temps partiel, à
des heures qui ne sont pas toujours nécessairement... qui soient plus
accessibles. Donc, tout cet élément-là, il n'y a pas de... c'est très
important.
Le Président (M.
Picard) : Merci, M. Dorval. Je cède maintenant la parole à
M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Dorval,
Mme Kozhaya. Vous mentionnez que ça prenait une disponibilité des
cours de français. Actuellement, est-ce que les membres de votre organisation
trouvent que la disponibilité des cours de
français est faite assez rapidement pour permettre de franciser pour favoriser
l'intégration du marché du travail
rapidement? Et une sous-question à ça : Est-ce que vous avez des
commentaires sur le contenu des cours de
français? Est-ce que c'est approprié aux besoins du marché du travail, dans une
approche utilitariste, si je peux dire?
M. Dorval (Yves-Thomas) : Honnêtement, je n'ai pas... à moins qu'on me
corrige, on n'a pas de consultation spécifique là-dessus au niveau des
employeurs. Ce que l'on voit davantage, c'est les clientèles en termes
d'individus. Par exemple, vous savez que ça
prend un certain nombre de personnes pour faire un cours, ça prend... à un
moment donné, bien, il faut que tu
aies atteint le quota. Alors, si on n'a pas atteint le nombre de personnes
nécessaires pour constituer un corpus,
bien, il y en a qui sont obligés d'attendre parce qu'on n'a pas le nombre
suffisant. Il y a des choses comme ça.
Les programmes sont
offerts, souvent, en fonction de la disponibilité des ressources qui font la formation,
et ainsi de suite. Parfois, cette disponibilité-là n'est pas nécessairement
en ligne avec la disponibilité des personnes elles-mêmes.
Si on a commencé déjà un travail, il faut être en mesure de pouvoir
aller chercher cette formation-là soit sur les heures de travail, donc ça prend une organisation du travail qui le
permet, soit les soirs ou la fin de
semaine, donc ça prend une offre de services qui le permet, mais malheureusement je n'ai pas de... je ne voudrais pas vous induire en erreur dans
un débat sans avoir cette connaissance plus fine là.
Quant à la question
du français, en termes de qualité, là je vais regarder l'ensemble de la population.
Ce n'est pas un problème seulement
des immigrants, on a un problème d'alphabétisation, on a un problème de français fonctionnel dans plusieurs milieux — ça,
c'est vrai pour toutes les clientèles, pas seulement les immigrants — et
on a un problème de littéracie. On a
un problème de littéracie financière, mais on a un problème de littéracie tout
court. On a des problèmes comme ça, mais ça, encore une fois, ce n'est
pas ici, nécessairement, qu'on va régler ce problème-là, mais...
Imaginez-vous,
un des problèmes qu'on a... puis je le vois parce qu'il y a des personnes,
pour obtenir leur certificat pour
leur ordre professionnel, il faut qu'ils aillent passer un test de français.
Avez-vous déjà été passé ces tests-là? Parfois, ces tests-là sont extrêmement compliqués, et
parfois on fait appel à des connaissances verbales de la langue parlée ou de la langue écrite qui ne sont pas tout à fait la même chose. Je peux vous dire qu'il y a des communautés
étrangères, immigrantes, mettons... je ne veux pas faire, excusez-moi,
de «stigma» ou quoi que ce soit, mais je veux parler d'une façon claire et transparente, alors... Mettons, les communautés
asiatiques, ils peuvent avoir un français écrit extraordinaire puis un français parlé très difficile. Il
y en a d'autres, c'est l'inverse. Alors, on peut passer les aspects français
parlé, français oral difficilement, alors
qu'on peut passer le français écrit plus facilement, alors... Ce n'est
pas qu'ils ne possèdent pas le français, mais il
y a un élément du français
qu'ils possèdent moins bien que d'autres. Alors, ce que je suis en train de
vous dire... puis là je ne veux pas
généraliser à toutes les communautés asiatiques, mais on retrouve ça, mettons,
en pourcentage un petit peu plus fréquemment dans les communautés asiatiques.
Je ne ferai pas du pointage, là.
Alors, ce que je suis
en train de vous dire, c'est : Il y a des besoins, mais, pour en arriver à
une réponse vraiment éclairée — et c'est anecdotique ce que je vous ai
donné, ce n'est pas, malheureusement, documenté, je n'aime pas ça
induire les gens sous base d'anecdotes seulement — j'aimerais mieux avoir
une évaluation plus rigoureuse.
M.
Jolin-Barrette : Vous proposez, à la page 13 de votre mémoire, au
dernier paragraphe, en lien avec la régionalisation,
la possibilité d'établir un contrat entre le nouvel arrivant et le
gouvernement, le ministère de l'Immigration pour l'établissement en région, un peu à l'image peut-être, il y a
quelques années, des médecins qui avaient des places, un PREM en région
ou quelque chose comme ça. Est-ce que vous pouvez définir votre idée?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Je suis content que vous souleviez la question. En
fait, c'est un inconfort, pour nous, d'écrire ça, mais ce qu'on essaie de dire,
c'est qu'il faut trouver un moyen. Et l'état des efforts qui ont été faits jusqu'ici ont obtenu certains résultats, on l'a
dit tantôt, il y a des statistiques d'amélioration, mais malheureusement
ce n'est pas suffisant. Et je ne possède pas
et on ne possède pas, au Conseil du patronat, là, la science infuse pour
dire : Voici la meilleure
situation, parce qu'on a fait plusieurs... quand je dis «on», étant la société,
hein, le gouvernement, les groupes, etc., on fait des efforts. Moi, je l'ai fait au plan personnel, au niveau
Leaders Diversité, par exemple, mais on a un problème.
Alors, ce qu'on se pose comme question, sans
dire que c'est la solution... parce que peut-être qu'au niveau des droits de la personne ça ne peut pas se faire,
peut-être qu'au niveau juridique il y a toutes sortes de raisons, peut-être
que ça va devenir un repoussoir pour... Si
on veut attirer de l'immigration, il faut avoir aussi des choses à offrir. Je
n'ai pas la réponse. La seule question que je me dis — puis
là ça n'a rien à voir avec le droit ou quoi que ce soit, c'est le gros bon
sens — je
me dis : À un moment donné, s'il y a des gens... Parce que les gens nous
placent toujours l'immigrant comme... il
abandonne sa patrie pour venir s'établir ici, c'est tout un choc, c'est tout un
effort, etc., mais la société d'accueil investit aussi, fait des efforts aussi. Est-ce qu'on a moyen de trouver
une façon gagnant-gagnant sans clouer quelqu'un dans une position où il
ne peut plus bouger par la suite?
Mais, je veux
dire, les médecins, quand ils font leur formation, de toute façon il faut
qu'ils trouvent un hôpital, des fois
ce n'est pas chez eux, ils sont obligés d'aller ailleurs pour aller faire leur
formation parce qu'ils ne peuvent pas faire la formation tous dans l'hôpital dans le centre urbain, ils sont obligés
d'aller ailleurs, là. Est-ce qu'il y a moyen de trouver les formes, que ce soit contractuel ou autre, tu sais?
Dans l'armée, par exemple, quand quelqu'un va dans l'armée puis qu'il va faire un cours d'officier, il va avoir une
formation universitaire payée par l'armée, etc., il reçoit un avantage, il
s'engage par signature à dire : Je vais
m'engager à travailler quatre ans ou six ans en mission, etc. Alors, ici, c'est
sûr que l'avantage n'est pas aussi évident parce que, là, on n'est pas
en train de dire : On va te former à nos frais, on va tout faire à nos
frais; il y a un investissement de la part de l'immigrant puis il y a un
investissement de la part de la société d'accueil.
Comment arriver au juste milieu là-dedans? C'est
un débat social, puis ça prend toutes les parties prenantes de la société pour
arriver à...
• (14 h 50) •
M.
Jolin-Barrette : Pensez-vous
que l'attractivité du Québec, à ce
moment-là, au niveau
de l'immigration, si on fonctionnait
d'une telle façon, ça aurait pour effet de rendre le Québec
moins attractif en disant : Bien, vous ne pouvez pas vous établir
dans la grande région métropolitaine de Montréal, vous devez aller dans une
région du Québec?
M. Dorval
(Yves-Thomas) : Premièrement, je ne sais pas, parce que je vais vous avouer
sincèrement que nous, on est au Québec,
on se regarde, le Québec, puis on pense aux régions, on pense à Montréal,
etc. Vous savez, la personne immigrante,
là, qui part de son pays, là, Canada, c'est déjà la destination, ou Québec, c'est déjà peut-être
la destination. Montréal, ça demeure... le reste, il ne connaît pas ça. Ce
que je veux dire... il ne connaît pas Trois-Rivières, Rimouski ou quoi que ce soit. La majorité des personnes qui viennent n'ont pas toute
cette connaissance, etc. Alors, ça devient difficile pour moi de vous
dire : Pensez-vous que ça va être un désincitatif ou un incitatif?
Je pense
que ce qu'il recherche, c'est une société d'accueil qui est ouverte, une société
d'accueil dans laquelle il va pouvoir
se réaliser et qui lui fournit des opportunités de grandir, de réussir,
d'élever sa famille, d'avoir une éducation, d'avoir accès à une qualité
de vie, à une sécurité, etc. Là, je ne parle pas des réfugiés, qui est une
autre considération, mais je parle du citoyen immigrant basé sur la capacité de
travail, donc pour ça...
Le Président (M. Picard) :
Alors, merci. Je dois céder la parole à M. le député de Mercier.
M. Khadir : Merci, M. le
Président. Je tiens à remercier mes collègues pour le temps qui m'est accordé, notamment
Mme la ministre et sa générosité.
M. Dorval,
Mme Kozhaya, dans son ensemble, pour moi qui a fait l'expérience moi-même
de l'immigration — et
on est quelques-uns alentour de la table à l'avoir fait — il
est évident que le Québec, quand même, dans l'ensemble, quand on se compare à
certains pays européens où les immigrants rencontrent d'importantes difficultés
en matière d'emploi, en matière
d'immigration, on fait quand même bien, relativement. Mais ce n'est pas à la
hauteur de nos attentes, puis c'est
bien que ça soit ainsi, qu'on ait des attentes plus élevées envers nous-mêmes
puis qu'on veuille l'améliorer, et on est ici, on se penche sérieusement
sur ces dimensions-là.
Alors, je pense, vous avez reconnu l'importance
de la francisation, en tout cas on ne peut pas le négliger, et l'impression qui
m'est laissée dans l'échange que vous avez eu avec mon collègue de Bourget,
c'est que, dans le fond, si on veut prévenir
les exagérations du côté des exigences inappropriées en termes de niveau de
français, c'est peut-être en corrigeant, je dirais, les manques actuels
qui font que, parfois, ça suscite des réactions d'indignation quand on comprend qu'on laisse beaucoup d'immigrants sans
aucun appui, sans aucune... d'abord, sans aucune exigence au départ puis ensuite, une fois qu'ils sont rendus
ici, sans aucun appui réel pour une meilleure appropriation d'un français
fonctionnel capable de leur permettre de mieux s'intégrer au Québec.
Ceci étant dit, dans ma perspective à moi, pour
la plupart des immigrants, les deux, trois éléments essentiels qui déterminent leur choix, c'est d'abord s'ils
ont une connaissance dans un pays quelconque, des liens qui leur
permettent de mieux s'arrimer, mais ensuite
il vient la question de l'emploi, essentiellement, puis aussi des
considérations sur le climat. Et le climat, ce n'est pas que le climat
frigorifique qu'on connaît ces dernières semaines, mais aussi le climat social.
Or, un des éléments qu'on entend pour quiconque
a fait soi-même cette expérience — je vous mets au défi de relever le
contraire parce que des études aussi le montrent — c'est que beaucoup
d'immigrants vont dire que j'ai fait un
choix ici — pour
ceux qui ont des qualifications, qui peuvent facilement trouver de
l'emploi — de me
priver de 20 % d'un revenu plus élevé parce qu'au Canada et au Québec il y a de
meilleures mesures de protection sociale et une qualité de vie qui tient
à ces équilibres sociologiques, à sa qualité de vie, à son climat social.
Est-ce que vous constatez la même chose dans
ceux que vous embauchez?
Le Président (M. Picard) : En
conclusion, M. Dorval.
M. Dorval (Yves-Thomas) : Moi, je
réponds, mais j'aimerais ça que Mme Kozhaya, qui a aussi eu cette
expérience-là, puisse se prononcer.
Le Président (M. Picard) : Madame.
Mme
Kozhaya (Norma) : En fait,
effectivement, c'est un tout. Le choix... les services que nous avons au
Québec sont un facteur d'attrait.
Évidemment, il faut s'assurer qu'on puisse continuer de les financer
adéquatement par une bonne croissance économique et donc par une bonne
intégration en emploi également.
M. Khadir : ...Conseil du patronat insiste
auprès des grands patrons de payer leur part d'impôt pour qu'on puisse
financer ces services pour attirer les immigrants.
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. le député.
Donc, je vous
remercie pour votre présentation et je suspends quelques instants pour
permettre à la Confédération des syndicats nationaux de prendre place.
(Suspension de la séance à 14 h 55)
(Reprise à 14 h 56)
Le Président (M. Picard) :
Nous reprenons et nous recevons la Confédération des syndicats nationaux. Donc,
je vous invite à vous présenter et à faire votre exposé de 10 minutes. Par
la suite, il y aura un échange avec les parlementaires. Allez-y.
Confédération des
syndicats nationaux (CSN)
M. Lortie
(Jean) : Alors, bon
après-midi, M. le Président. Alors, mon nom est Jean Lortie, je suis le
secrétaire général de la Confédération des syndicats nationaux, responsable
des questions d'immigration à la CSN. À ma gauche, je suis accompagné de Me Anne Pineau, adjointe
au comité exécutif de la CSN, et, à ma droite, M. Claude Bégin,
conseiller au service de recherche de la CSN.
Alors,
d'entrée de jeu, comme secrétaire général, il me fait plaisir de partager, cet
après-midi, les préoccupations de la
CSN. Sans doute, mes collègues des autres organisations syndicales souligneront
que, lors de la première invitation, aucune
organisation syndicale québécoise n'avait été invitée à participer à ces
consultations. Alors, il me fait plaisir... je suis content que la
commission a changé d'opinion et a invité les organisations syndicales à
participer à ce débat sur la politique de
l'immigration au Québec, et d'autant plus que nous représentons près de quatre
travailleurs sur 10 au Québec et notamment,
nous, à la CSN, plus de 325 000 membres, dont certainement
40 000 à 50 000 de nos membres proviennent des différentes,
disons, couches d'immigration qu'a connues le Québec.
D'entrée de
jeu, je vous dirais que, pour nous, les éléments qui avaient été mis sur pied
en 1990 par le gouvernement du Québec
de l'époque — basés
sur quatre éléments qui étaient la situation démographique du Québec, la
prospérité, la pérennité du français
et l'ouverture sur le monde — à notre avis, sont toujours d'actualité, ces
éléments-là. Et moi-même provenant
d'un milieu de travail, qui s'appelle l'hôtellerie, où 90 % de mon milieu
de travail est composé de gens provenant de différentes communautés ethnoculturelles, toute ma vie professionnelle,
je l'ai vécue dans un milieu de diversité. Et mon expérience syndicale, soit dans l'industrie
agroalimentaire, dans le tourisme ou dans d'autres secteurs, j'ai été
confronté à des défis importants par rapport à ces questions-là. Et ces quatre
éléments-là de la politique de 1990 sont toujours aussi pertinents.
D'abord, la
situation démographique du Québec, on en parle beaucoup. Pour la CSN,
effectivement, l'immigration enrichit cette démographie québécoise
compte tenu du vieillissement de la population et notamment de la population
des travailleurs.
La question
de la prospérité, parce que l'immigration est riche, elle apporte beaucoup au
Québec, une diversité culturelle, politique, économique; elle permet au
Québec de s'ouvrir, hein, sur des nouvelles réalités à tous égards.
La question de la pérennité du français. Pour
nous, à la CSN, particulièrement dans la région de Montréal, la question du français est primordiale. Notamment,
lorsque les personnes immigrantes arrivent ici, au Québec, et elles
avaient été choisies sur des critères de connaissances importantes du français,
et, dans 60 % des entreprises, on n'affiche que des postes bilingues, bien, ça cause des obstacles. Le français recule à
Montréal, et tous les rapports le démontrent. Notre expérience... à
toutes les années, nous rencontrons nos responsables des comités de
francisation à travers le Québec, et ceux de
Montréal nous le disent, que ce soient des outils technologiques, que ce soient
des postes affichés... Alors, c'est un enjeu de taille.
Et la question de l'ouverture sur le
monde. À notre avis, l'immigration ne peut pas être seulement... faire
venir des travailleurs parce que les
industries ont des besoins spécifiques. C'est davantage que ça, c'est l'accueil
des réfugiés, c'est la question des femmes, importante pour l'emploi,
pour l'intégration socioéconomique, pour l'émancipation et l'égalité des
chances et des droits.
• (15 heures) •
Alors,
on a ces éléments-là de 1990 qui sont aujourd'hui, en 2015, à débat. Alors, on
salue l'initiative de la ministre Weil d'ouvrir cette réflexion-là pour éventuellement
doter le Québec d'une politique sur l'immigration, revoir la Planification pluriannuelle d'immigration et éventuellement la Loi sur l'immigration. Et, étant moi-même membre de la Commission des partenaires du marché du travail,
j'ai rencontré Mme Weil au mois de septembre, et la préoccupation de l'emploi, c'est la nôtre, à la CSN évidemment,
bien sûr. Et je vous dirais qu'il y a quelques enjeux
importants, à travers ces éléments-là de politique, que nous souhaitons
souligner, notamment la question des travailleurs temporaires, travailleurs immigrants temporaires. Nous le vivons dans nos milieux de travail, que ce soit dans l'hôtellerie, que ce
soit dans l'agroalimentaire, de plus en plus de ces gens-là arrivent, on les voit, vulnérables, n'ayant pas la possibilité de rester et de demeurer au Québec, de faire venir leurs
familles; au contraire, ils sont une main-d'oeuvre, et tous les acteurs socioéconomiques reconnaissent leur grande vulnérabilité. Il faut donc travailler sur
cette politique-là de doter le Québec de mesures qui
favorisent que ces gens-là puissent demeurer et qu'on les protège davantage
qu'il se fait actuellement.
La
question des agences de placement. Ils sont souvent la
porte d'entrée pour des emplois, particulièrement
souvent pour les gens surqualifiés :
ils rentrent par des agences, parce
que venir au Québec,
c'est d'abord se trouver un emploi. C'est un facteur d'intégration socioéconomique important. Les travailleurs des agences sont vulnérables. Moi, je l'ai
vécu particulièrement dans mon secteur : je coordonnais les négociations dans les grands hôtels du Québec pendant plusieurs années et je constatais la présence de plus en plus grande de ces
agences-là qui apparaissent le soir et qui disparaissent à l'aube. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de travailleurs migrants, immigrants de fraîche date, beaucoup
de femmes, des gens démunis... alors, moi, je pense que cette politique
d'immigration devrait avoir une sensibilité sur ces questions-là.
La
place des femmes. Dans notre analyse, on pense qu'on doit aussi avoir une
sensibilité sur cette question-là pour notamment l'intégration socioéconomique
au Québec. Et je vous dirais que la question de l'intégration des personnes immigrantes vers les régions du Québec...
Parce qu'évidemment le fait français
recule. Le fait français dans les milieux de travail : de plus en plus, on constate qu'on demande des postes
bilingues, on demande, des gens, la maîtrise de la langue anglaise, même
si ce n'est pas nécessaire à court, moyen ou long terme. Alors, on pense que,
nous, l'immigration en région va bonifier la
richesse socioéconomique des régions du Québec et, en même temps, offrir à ces
gens-là des opportunités, évidemment, si les emplois y existent et si
les capacités... Et ça va permettre au Québec encore de s'ouvrir davantage sur
le monde.
Alors, nous avons ces
préoccupations-là, comme CSN. Nous venons, il y a à peine un an, de produire
notre politique CSN sur l'immigration, une richesse à partager, ce qui veut
tout dire. Et, ayant des dizaines et des dizaines de milliers de membres qui
proviennent... nous partagent leurs préoccupations au niveau du quotidien,
bien, c'est les éléments sur lesquels on souhaite, cet après-midi, partager
avec les membres de la commission et élargir davantage que seulement une préoccupation d'ordre économique. L'immigration, c'est
aussi intégrer des hommes et des femmes dans une société d'accueil, et
on pense que c'est important.
La question du
français, je me répète, il faut y réfléchir plus profondément pour faire en
sorte que les gens qui arrivent ici... et,
en blague, je dirais, ceux et celles qui on vu le film Mambo Italiano,
les gens qui arrivent ici, ils pensent qu'ils
arrivent en Amérique, ils arrivent au Canada. Ils pensent qu'ils arrivent au
Canada et en fait ils arrivent au Québec, et ça, souvent, il y a confusion sur cette société d'accueil là. Vers quel
pôle culturel va-t-on les identifier? Alors, j'invite donc cette
commission à réfléchir, pour les prochains mois, sur la question de la
politique d'immigration.
Alors, voilà, je
termine ma présentation, et évidemment nous pourrons échanger avec les membres
de la commission.
Le Président (M.
Picard) : Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme
Weil : Oui. Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M.
Lortie, M. Pineau, M. Bégin. Dans un premier temps, je voudrais vous
remercier pour le sérieux de votre travail. Je pense qu'on a déjà eu
l'occasion, dans plusieurs commissions
parlementaires qui touchent à l'immigration... la dernière fois, c'était la
Planification pluriannuelle de 2011. C'est très intéressant de voir la profondeur de vos analyses, de votre
préoccupation pour le bien-être global des personnes qui viennent ici, comme vous le soulignez, parfois
avec un statut temporaire qui les fragilise en effet, et peut-être qu'on
pourra en parler un peu plus, mais aussi de
vous intéresser généralement, donc, l'immigration en région,
l'importance de la francisation, que ces personnes puissent intégrer le marché
du travail à la hauteur de leurs compétences et participer à la société. Donc,
on est absolument... je pense que, généralement, tous les Québécois, on partage
cette vision d'une société inclusive.
J'aimerais
peut-être vous entendre... Je ne sais pas si vous avez réfléchi à ce modèle
d'accueil et d'intégration, parce que
vous le vivez sûrement dans vos milieux de travail, qui est l'interculturalisme. Chacun a sa façon de
comprendre ce modèle. Nous, on cherche les opinions de tous et chacun, surtout
ceux qui sont en contact avec la diversité en tant qu'employeurs, dans votre cas syndicat, les écoles, les milieux de la santé. Tout le monde a une vision de comment on approche...
comment on intègre le rapport avec l'autre, le rapport avec le nouvel arrivant
en immigration. On souhaiterait voir
l'opinion des personnes, des intervenants qui vont venir ici, sur notre modèle,
qui est unique. Comment le renforcer, comment vous le voyez, comment
vous pourriez l'exprimer, ce modèle d'accueil et d'intégration.
M.
Lortie (Jean) : Bien, je
vous dirais, Mme la ministre, si la personne immigrante se trouve un emploi au
Québec, la première question
d'intégration, c'est la langue évidemment, hein? Être accueilli dans la langue française, être intégré à cette
société complexe, avoir accès à l'école et, bien sûr, pour les enfants qui les
accompagnent, le logement, etc., la langue est un obstacle.
Moi, j'ai
vécu dans des situations où... particulièrement quand ils sont fragilisés. Les
travailleurs temporaires sont beaucoup
plus fragiles parce qu'ils arrivent ici sachant qu'ils ont une espérance de
séjour de courte durée, ils aimeraient pouvoir
rester au Québec. Alors, on les voyait dans nos milieux de travail, l'hôtellerie,
les abattoirs de transformation de viande, et ces gens-là souhaitaient
rester.
Je vais vous
donner une anecdote dans une usine du Bas-Saint-Laurent où j'ai rencontré des
travailleurs d'origine arménienne,
des chrétiens orthodoxes qui avaient fui les persécutions, là, parce qu'il y
avait une guerre avec l'Azerbaïdjan, et
ils étaient spécialisés en diamants. Alors, ils travaillaient à Matane, il y
avait un centre de diamants. Et, quand tout ça s'est effondré, ils ont fini dans un abattoir à scier
des porcs. Et ils me disaient : Ça, on ne m'a pas donné l'heure juste,
quand je suis arrivé au Québec. Ce qui me sauve de rester au Québec, c'est que
ma femme et mes enfants sont avec moi ici, à Rivière-du-Loup,
et ils vont à l'école. Ils travaillent, mais le contrat ou le contrat social
que... Moi, je travaillais dans le diamant
et je scie des porcs, 800, 900 porcs par heure, tous les jours, ici, dans une
usine. La question de... Ce qu'on promet aux gens quand ils viennent au
Québec, il faut, je pense, livrer marchandise.
Le milieu de
travail est un milieu intégrateur important. D'abord, ça permet de diversifier
mon propre milieu de travail
d'origine, où 90 % des gens... vous ne vous posez pas une question quand
vous voyez arriver un travailleur congolais ou un travailler d'Amérique latine. On est tous minoritaires,
finalement, dans ce milieu de travail là. Donc, le milieu de travail est
intégrateur et important et fait en sorte que les gens ont une très grande
fierté. Et évidemment le travail, la pénibilité du travail, ou son absence,
permet aussi d'avoir des conditions, de ne pas se sentir comme un prolétariat surexploité ou sous-utilisé. Les locations des
agences nous préoccupent beaucoup comme CSN, parce que les travailleurs sont dans une impasse, dans un cul-de-sac à ce
niveau-là parce qu'ils n'ont pas d'autre espoir que de rester à
travailler dans une agence, les femmes qui travaillent aussi comme
travailleuses domestiques.
Alors, moi,
je pense que le travail est au coeur des préoccupations de ces gens-là, et il
faut mesurer notre politique d'immigration en fonction de comment le
milieu de travail — employeurs,
syndicats et autres collègues — puisse bien accueillir ces gens-là et qu'il
fasse en sorte qu'ils s'intègrent facilement et qu'ils élèvent leur famille au
Québec, intégrer... et qu'ils demeurent au Québec bien sûr, avec accès à
l'éducation, aux soins de santé, etc.
Mme Weil :
Oui. Monsieur, par curiosité, est-ce que vous, vous êtes plus en lien avec les
travailleurs qualifiés sélectionnés ou les travailleurs... ou un peu de
tout?
M. Lortie (Jean) : Un peu de tout,
hein?
Mme Weil : Un peu de tout?
M. Lortie (Jean) : Oui. Parce que...
Mme Weil : Certains qui
pourraient venir du regroupement familial, même, peut-être?
M. Lortie (Jean) : Oui, absolument.
Mme Weil : Et les réfugiés?
M. Lortie
(Jean) : On a des travailleurs de toutes origines. On a des réfugiés,
des travailleurs temporaires dans nos milieux de travail, mais
évidemment qui ne sont pas syndiqués.
Mme Weil : Peu qualifiés?
Qualifiés?
M. Lortie (Jean) : Oui, absolument,
absolument.
Mme Weil : O.K. Donc, vous
avez une perspective sur tout ça.
M. Lortie
(Jean) : Des travailleurs qui sont surqualifiés, mais sous... des
emplois... sous-employés. Alors, on a, dans notre milieu... dans nos
325 000 membres, on a de tout, tout, tout, dans cette diversité-là.
Mme Weil :
Alors, peut-être mes questions vont plus aller sur les travailleurs qualifiés,
parce que je comprends tout ce que
vous dites pour les réfugiés. Regroupement familial, évidemment, c'est aussi
leur donner les outils de s'intégrer, notamment la francisation, mais
parce qu'ils ne sont pas sélectionnés par le Québec. Et, comme dans tous les
pays, regroupement familial et réfugiés, c'est humanitaire, alors ce n'est pas
un processus de sélection, hein, on comprend bien,
et on a signé... le Canada a signé des conventions internationales. Donc, on va
rester sur les travailleurs qualifiés, mais les peu qualifiés aussi,
c'est intéressant d'avoir votre point de vue.
Il y a un comité interministériel qui a été créé
justement suite à des règlements adoptés par le ministère de l'Immigration;
donc, un comité de travail, piloté par le ministère du Travail, pour assurer de
meilleures protections pour
les travailleurs peu qualifiés. Mais, si je comprends bien ce que vous dites,
vous continuez à voir évidemment qu'il faudrait renforcer ces mesures
pour protéger ces personnes qui sont ici.
• (15 h 10) •
M. Lortie (Jean) : ...ministre, je
vous dirais que, plus le signal, il va être fort, de la société d'accueil pour dire : Quand vous êtes un travailleur immigrant, vous êtes égal à un Québécois ou à une Québécoise... Ça, c'est le signal le plus fort qu'on peut
envoyer, que ce soit dans les agences... Si on réglemente les agences...
D'ailleurs,
il y a des conventions internationales qui protègent les travailleuses domestiques, depuis quelques
années seulement, que le Canada ne ratifie pas. Alors, il faut envoyer des
signaux forts sur l'encadrement des travailleurs temporaires qui travaillent
sur les fermes, qui travaillent dans les abattoirs, qui sont en région, qu'on a
des histoires à raconter. On n'a pas le
temps, malheureusement, cet après-midi, mais le signal de la société québécoise
aux travailleurs qualifiés qui sont ici, qu'on ne peut pas reconnaître
leur diplomation, alors ça crée des gens dans une impasse.
Alors, on les
voit dans l'hôtellerie, on les voit dans l'abattoir et dans le travail dans le
secteur de la santé et des services sociaux, ces gens-là sont qualifiés,
mais ils ne peuvent pas... Alors, moi, de mon milieu de travail, je ne vous parlerai pas du nombre de docteurs en littérature,
en histoire, et des médecins qui ne pouvaient pas travailler au Québec
et qui étaient dans l'hôtellerie, dans la
restauration parce que c'était un emploi, et, pour eux, leur vie
avait... alors, ils ont trouvé une autre façon de s'intégrer. Mais, à
travers toutes ces réalités-là, si la société québécoise envoie un signal fort
que, quand vous travaillerez, vous serez
considérés comme égaux, bien, je pense qu'on aura réussi une bonne partie de
notre travail d'intégration, et le reste, bien, on aura à mettre des mesures en
place à ce niveau-là.
Mme Weil : Très
bien. Merci pour ces commentaires. Je
vais vous amener peut-être sur la déclaration
d'intérêt, le nouveau système qu'on vise à implanter par une nouvelle loi pour
remplacer la loi actuelle qui est désuète, donc, en s'inspirant d'autres modèles et qui fait en sorte que l'intégration
devrait se faire plus rapidement. Et
aussi moi, j'y vois aussi un
potentiel peut-être d'amener les gens en région; en mettant les régions plus en
amont, même, lors de la sélection, on pourrait trouver des façons. Je ne
sais pas si vous vous êtes penchés sur ce nouveau système, si vous en
connaissez un peu la mouture.
M. Lortie (Jean) : La seule remarque
que je ferais — je
veux être prudent parce qu'on n'est pas très... évidemment, on n'a pas creusé beaucoup
cette question-là — c'est la surspécialisation, cette
demande-là, c'est-à-dire la personne
qui déclare son intérêt veut travailler dans tel domaine, est prête à être, en telle région, dans telle
spécialisation. La crainte qu'on a, c'est
qu'on surspécialise, et c'est une mesure moins généraliste. C'est la seule
remarque que je ferais à ce moment-ci, à moins qu'Anne souhaite
rajouter, ou Claude.
Mme Pineau (Anne) : Bien, en fait,
une des craintes que nous avons, c'est qu'on développe un système à deux vitesses, finalement : un pour les
travailleurs peu spécialisés qu'on utilise comme travailleurs temporaires au
besoin, quand on n'en a plus besoin, on les renvoie à la maison, et finalement
on les utilise de façon à servir nos intérêts économiques
et non de sorte à les intégrer. Or, la déclaration d'intérêt est basée sur
l'idée qu'on va choisir, hein, qui on veut
avoir ici et qui va répondre à nos besoins, et on va laisser les autres, O.K.,
dans un régime différent qui offre moins de possibilités. C'est déjà le cas, il y a déjà une espèce de système qui
fait que les travailleurs spécialisés dans les programmes temporaires
ont plus accès à la résidence permanente. Donc, ce qu'on veut éviter, c'est
l'idée qu'on ait des systèmes d'immigration à deux vitesses, dépendamment si on
est spécialisé ou si on n'est pas spécialisé. Or, ça, c'est un enjeu important
pour nous.
Mme Weil :
Les travailleurs temporaires peu qualifiés... La sélection, c'est juste les
spécialisés, le Québec, juste pour
bien comprendre. Donc, la proposition, éventuellement, là, avec la déclaration
d'intérêt, ça viendrait remplacer le système actuel qui crée des délais
d'attente très, très, très longs. Alors, la sélection se ferait plus
rapidement, c'est surtout ça. Mais ça permet
aussi aux personnes de tout simplement dire : J'ai un intérêt. On voit un
peu le profil, mais, avant de traiter le dossier, on est capables
d'apercevoir si la personne est apte.
Pour ce que
vous parlez, donc tout ce qui est le régime des travailleurs temporaires,
évidemment, nous, on a le programme
des travailleurs qualifiés temporaires qui sont sur la voie... ils peuvent être
sur la voie de la résidence permanente, et
on le privilégie beaucoup, ils sont déjà intégrés en emploi. On fait la
promotion de ce programme-là, ça donne des très bons résultats. Après un
an, ces personnes deviennent des résidents permanents, puis c'est des bons... les étudiants étrangers, aussi. Il peut
qualifier... Comme vous le savez, c'est vraiment une compétence partagée
avec le gouvernement fédéral : M. Kenney, qui a mené une réforme qui n'est pas
encore implantée au Québec, mais qui
semble répondre à certains de vos soucis, si
je comprends bien, à quelques... Il y avait quand même, bon, une certaine
réaction positive de la population générale
par rapport à... Nous, on continue à regarder tout ça pour être sûrs que ça
répond à nos besoins au Québec. Donc, je comprends bien ce que vous
dites par rapport à la vulnérabilité puis d'assurer qu'on n'a pas un traitement à deux vitesses. C'est peut-être
comme ça que je le dirais plus. Il y a
des gens qui sont sur notre territoire, il faut les traiter tous de
façon égale. Évidemment, la sélection, c'est autre chose.
Moi, je pense que j'ai... j'ai bien compris ce
que vous dites sur la francisation, mais je ne sais pas si j'ai des collègues
qui ont d'autres questions.
Une voix : ...
Mme Weil : Bien, est-ce qu'il
reste du temps?
Le Président (M.
Picard) : Trois minutes.
Mme Weil : Je pense que, sur la question de la langue... Parce qu'on a déjà eu l'occasion... je pense que
j'ai eu l'occasion de vous poser même cette question, sur la question de
francisation. On a eu des discussions, des gens qui disent : Faites attention, on peut avoir des gens intéressants,
aptes à combler des emplois, qui n'ont peut-être pas le niveau 7, mais, si on accompagne ces personnes par du
français intensif, même en milieu de travail, ça peut faire l'affaire.
Alors, on aimerait entendre votre point de vue, c'est-à-dire il demande une
certaine adaptabilité du système, en autant que la francisation soit au
rendez-vous. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Lortie
(Jean) : Bien, je dirais qu'en 1989-1990, avec le ministre Ryan, on
avait travaillé sur un projet formidable
de francisation en milieu de travail. En collaboration avec plusieurs
employeurs, on avait réussi à donner des cours sur les heures de travail. C'était assez impressionnant, comme
système. Ça avait permis d'avoir une acquisition du français pour des
postes de service à la clientèle : parce que, dans beaucoup de milieux de
travail, vous êtes dans le «back office» ou
vous êtes devant et la rémunération, évidemment, est plus intéressante quand
vous êtes devant la clientèle que
dans le «back office» — dans tous les secteurs, d'ailleurs — et ça, ça avait été un... et tout ça a été
coupé. Alors, tous ces programmes-là
ont été coupés. Alors, si on souhaitait accompagner des gens qui, même s'ils ne
maîtrisent pas le français...
1989-1990.
Alors, c'était un projet très innovateur dans des grands hôtels du centre-ville
de Montréal, et ça avait marché, là,
vraiment, là. Même trop, on avait... la CECM était désemparée, elle n'avait pas
assez de formateurs pour nous accompagner
parce qu'il y avait un besoin, et ce qu'on avait fait, on avait découvert que
même les gens qui seraient reçus comme immigrants ne maîtrisant pas le
français, si on les accompagne bien sur cette question-là, en disant :
Voici la feuille de route sur laquelle, pour
bien maîtriser, pour avoir accès à... mon exemple de Mambo Italiano, là,
les gens n'aient pas une fausse
illusion d'arriver au Québec puis en disant : Non, bien, finalement, ce
n'est pas ça, il faut que tu parles anglais. Et là ils se font
dire : Bien, ce n'est pas ça qu'on m'a dit, moi. Je parle très bien
français, même, je suis... écrit et parlé.
Alors, il
faut véritablement que les programmes de francisation soient restaurés. Le
financement, permettre aux entreprises, parce qu'elles en ont besoin,
aussi, de travailleurs... pour des raisons de santé et sécurité élémentaires, comprendre l'opérationnalisation des machines, des
processus, etc. On peut prendre plein de moyens, mais, si on peut le
faire par le milieu de travail, moi, je pense que c'était un autre facteur
d'intégration.
D'abord, une très grande fierté. Hein, vous
apprenez le français, vous travaillez, vous avez des collègues qui... Il y a beaucoup, beaucoup d'émulation par
rapport à ça — ce que
j'avais constaté, moi, à la mise sur pied de ces programmes-là — et, devant la famille, devant le milieu, vous apprenez la langue
du pays et vous êtes donc plus... vous pouvez
aller travailler en région, parce qu'évidemment cet accès-là... Il y a beaucoup
d'exemples actuellement où des travailleurs
temporaires sont ici, au Québec, ne maîtrisant ni le français ni l'anglais et
qui dépendent du presbytère du coin, du petit groupe local, parce qu'il
y a un latino qui parle... qui est capable de les dépanner pour aller à la
caisse populaire. C'est beaucoup de débrouillardise, mais, en même temps,
souvent, c'est des gens tellement démunis, et ça, on le constate dans nos
milieux de travail. Il faut qu'on fasse un effort à cet égard-là, puis on va
vous accompagner si le signal vient aussi du ministère.
Mme Weil : Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Lortie. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto : Merci, M. le
Président. M. Lortie, Mme Pineau, M. Bégin, soyez les bienvenus.
Une voix : Merci.
M. Kotto : Merci pour la
contribution, un mémoire bien étoffé. Est-ce que vous connaissez les raisons
pour lesquelles vous n'avez pas été
sollicités en amont de l'élaboration du projet de politique québécoise en
matière d'immigration, de diversité et d'inclusion?
M. Lortie (Jean) : Peut-être que
c'était le temps des fêtes et on avait l'esprit ailleurs. Je ne prête pas de mauvaises intentions à... Mais, dès le
6 janvier, lorsqu'on a vu l'annonce de la commission, on a écrit, on a
demandé à la commission d'être entendus et ça s'est fait. Alors, je
pense que l'essentiel a été atteint.
M. Kotto : Mme Pineau.
• (15 h 20) •
Mme Pineau (Anne) : Bien, en fait,
ce qu'on remarquait, ce n'est pas tant qu'on n'a pas été consultés au niveau, là, de l'élaboration du document de
consultation, c'est plus le fait qu'on s'est aperçus qu'il y avait une
consultation et, souvent, on était invités à
y participer d'avance, alors que là, bien, on a dû s'inviter, en quelque sorte.
Et c'est important, parce qu'on pense
qu'on n'utilise pas assez les représentants des travailleurs et les
organisations syndicales dans la mise en oeuvre des programmes
d'immigration, et c'est un des éléments qu'on soulève dans ce mémoire-là.
Par exemple, le
document de consultation signale les lacunes en matière de gouvernance qu'il
faudrait régler dans la Loi sur
l'immigration en préparant une place plus grande pour les entreprises, mais il
n'y a pas un mot là pour les représentants soit syndicaux ou soit des
groupes de travailleurs. On pense que l'apport des organisations syndicales et des groupes de représentants de travailleurs est
essentiel pour la mise en oeuvre de programmes d'immigration, particulièrement
quand on axe sur toute la question de l'intégration à l'emploi, simplement.
Le Président (M.
Picard) : M. le député.
M. Kotto :
Bien, je vois... dans le mémoire, ce qu'on relève de façon générale, c'est que
vous êtes pour une politique d'immigration respectueuse des droits. Est-ce
qu'il n'est pas de bon aloi de ramener les devoirs aussi des immigrants, droits et devoirs? Parce que, très
souvent, on parle de droits en ces matières, mais on n'évoque pas
souvent les devoirs. Et les natifs et
l'ensemble des Québécois d'adoption, qui sont déjà intégrés, installés, on
observe systématiquement des droits
et des devoirs. Est-ce que c'est un oubli involontaire ou vous avez un message
clair à envoyer dans ce sens-là, en ne spécifiant que les droits?
M.
Lortie (Jean) : Le message
qu'on voulait marteler, c'était véritablement la question des droits, c'était notre préoccupation première, M. le député, de le marquer, dans notre mémoire, de façon
qui traverse toutes nos préoccupations. Que ce soient les femmes, les
travailleurs, les agences, etc., on avait vraiment... pour encore envoyer un
signal très clair que c'est une société d'accueil
qui est respectueuse des gens et dans une société aussi où il fait bon
vivre. Alors, c'est pour ça qu'on a martelé ce message-là des droits.
M.
Kotto : O.K.
Vous avez également, dans le mémoire, mentionné des principes sur
lesquels la société est fondée, notamment le «respect des
règles démocratiques, du droit international, des droits et de l'égalité des
personnes; l'ouverture à la diversité et la
reconnaissance de l'apport de l'immigration et des nouveaux arrivants à la
société d'accueil; la reconnaissance par les gouvernements de
l'importance d'une politique d'immigration et de leur rôle de modèle, de leader, de coordonnateur et de rassembleur des
acteurs impliqués»; puis des valeurs démocratiques du Québec,
historiques ou fondamentales, appelons ça
comme on veut, en l'occurrence le français comme langue publique commune,
l'égalité hommes-femmes, la séparation du religieux de l'État.
M. Lortie
(Jean) : Oui, bien, effectivement.
Mme Pineau
(Anne) : ...
M. Lortie
(Jean) : Oui.
Mme Pineau
(Anne) : Bien, écoutez, ça, c'est les grands principes directeurs. On
a tout ça, la pérennité de la langue, le
respect de l'égalité hommes-femmes, tout ça est dans notre plateforme, là, à
divers niveaux. Mais peut-être pour revenir
sur votre question concernant pourquoi les droits, pas les obligations :
on pense que les gens qui arrivent ici, on leur a promis des choses, on leur a fait valoir qu'ils seraient accueillis...
ils ont rempli une part de leurs obligations. Et ce qu'on réalise, il nous semble, depuis peut-être 2008, où
on voit la politique qui devait assurer l'intégration, qui devait
assurer que les gens seraient... finalement, vivraient en harmonie avec cette
société-là, on se rend compte que c'est un échec.
L'intégration
ne se fait pas, et elle ne se fait pas seulement à l'égard des immigrants, mais
aussi des immigrants de longue date
ou encore des natifs, ici, mais qui font partie de la diversité culturelle. Et
je pense qu'ici c'est l'occasion de s'attaquer
vraiment, enfin, à cette question-là. On l'a vu tantôt, M. Dorval disait :
Ce n'est pas de mauvaise foi; bon, il y a de la... ce n'est pas vraiment de la discrimination, mais il y a un état
de fait, que vous avez noté, notamment, M. le député, ici, qui est le testing, qui est une preuve
irréfragable. Vous envoyez des C.V., tous les gens avec les mêmes
compétences et, si vous êtes un Tremblay,
bien, vous allez être reçu en entrevue, mais, si vous êtes un Traoré, bien,
vous ne serez même pas demandé en entrevue.
C'est clair qu'il
faut dépasser ce stade-là, et je pense que notamment la commission des droits a
bien mis en lumière la discrimination
systémique qui existe et à laquelle il faut s'attaquer. Il faut trouver des
façons... Et on a mis aussi en lumière
que les programmes d'accès à l'égalité ne fonctionnent pas bien. Il faut revoir
cette question-là, il faut s'y
attaquer. C'est pour ça qu'on a beaucoup axé sur nos obligations; nous avons,
comme société d'accueil, des obligations pour faire que ça marche.
M. Kotto :
Êtes-vous d'avis qu'avant de procéder à l'exercice qu'on fait ici,
présentement, il aurait fallu faire un état
des lieux, documenté, savoir le chemin parcouru, d'où partions-nous, où en
sommes-nous? Parce que ce que vous évoquez, là, en ce moment, à part la
commission des droits de la personne et de la jeunesse, il n'y a pas grand
monde qui documente, de façon rigoureuse, ces éléments, là. Donc, si on évacue
cela du domaine public...
Quand
je parle, domaine public, je parle de la cité en général, de nos concitoyens,
de nos concitoyennes, de leur connaissance
fine de ce qui se passe dans les efforts investis depuis toujours en matière
d'immigration et d'intégration, ce sera en perpétuel recommencement.
Donc, n'aurait-il pas fallu faire le point clair, vulgariser, médiatiser, ce
qui aurait d'ailleurs participé, contribué à cet effort de sensibilisation à la
diversité, en passant?
M.
Lortie (Jean) : Bien, c'est un exercice pédagogique, cette commission
parlementaire, de pouvoir entendre les acteurs
de toute la société. On regarde la liste des gens qui sont invités, c'est assez
étonnant, hein, dans le sens que c'est riche, c'est riche, cette
diversité-là. Alors, ça, il faut saluer ça.
J'étais étonné ce matin,
au lever, d'entendre aux nouvelles qu'on parlait de ça, de la politique
d'immigration du Québec. Moi, je salue qu'on
fasse ce travail-là. C'est un travail pédagogique dans nos propres rangs, parce
qu'il faut le faire, là. Alors, les gens disent : De quoi
parlez-vous? Ah! il se passe quelque chose. Ça va susciter...
Puis vous allez tous les travailler, tous les
partis d'opposition ou le parti gouvernemental, les prochains mois, ces
questions-là, la question de la planification pluriannuelle, la question de la
Loi sur l'immigration. C'est un grand exercice,
un grand rendez-vous de travail qu'on se donne au Québec, et ça va permettre de
creuser des questions, parce qu'effectivement,
au jour le jour, que ce soient les travailleurs temporaires, immigrants
temporaires qui... la commission des droits a fait une analyse, ça a
provoqué quelques réactions.
Moi, je pense qu'à ce moment-ci le fait de
travailler sur une politique... on consulte, on n'a pas tout de suite à décider c'est quoi, la politique. Au contraire, on
entend très bien la ministre écouter les commentaires de tous les
acteurs de la société civile. Bien, je
trouve, ça va nous permettre de faire le travail que vous dites, que la cité se
préoccupe de ces questions-là et que
ça conscientise les Québécois à cette réalité-là de l'immigration et comment
doit-on la traiter, aussi.
M. Bégin
(Claude) : Peut-être aussi,
M. le député, il y a peut-être des éléments qu'on pourrait creuser un
peu plus, là, prendre le temps de bien analyser. Il y a, par contre, des
situations actuelles qui ont été bien identifiées avec les différents intervenants qui sont venus depuis
aujourd'hui. Il y a des problématiques bien identifiées et je pense qu'il
faut réfléchir et agir assez rapidement là-dessus.
Au niveau de
la régionalisation, il y a tout un réseau d'organismes qui font un excellent
travail. Il est malheureux qu'actuellement
on est en train de couper leurs budgets. Ils font des actions intéressantes, de
l'intégration intéressante, mais on
est en train de couper les moyens. Il y a des choses actuellement qui marchent
et il faut les maintenir, il faut augmenter l'aide, mais aussi — et je suis d'accord avec vous — il y aurait peut-être des choses... à
prendre le temps de réfléchir pour le moyen et le long terme.
Le Président (M. Picard) :
Merci.
M. Kotto : Merci.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci. Madame, messieurs, bonjour. À la page 16 de
votre mémoire, au troisième paragraphe, vous abordez la question de la capacité de la société à accueillir et à intégrer
d'autres personnes issues de l'immigration. Donc, vous abordez le thème
de la capacité.
Selon vous, est-ce que la société québécoise
dispose d'une capacité déterminée ou non? Selon l'expérience des dernières années, selon le taux de
francisation, selon le taux de chômage, est-ce que tous les efforts sont
concentrés, sont faits?
• (15 h 30) •
M. Lortie (Jean) : Bien, je vous
répondrais, M. le député de Borduas, qu'il faut... on va accueillir autant
d'immigrés qu'on va être capables d'intégrer. C'est-à-dire qu'on se donnera,
comme société, des moyens, soit par la fiscalité,
soit par des programmes, soit par les entreprises qui investissent ou les
organisations de travailleurs ou de d'autres groupes, autant de travailleurs immigrants ou d'immigrants, immigrantes
que la société va vouloir investir à accueillir. Bien, on pourra en accueillir 40 000, 50 000 ou 80 000,
c'est à nous de décider comment allons-nous le faire. Et ça, il
faut éviter le piège d'accueillir, sans
mesurer les conséquences, d'accueillir 50 000 personnes par année ou
53 000 et juste dire : On a fait un chiffre, 53 000,
bravo pour le Québec. C'est plus que ça, parce que, s'ils s'en vont en Ontario
ou dans l'Ouest canadien, bien, on n'a rien
gagné. S'ils sont sous-employés ou concentrés à Montréal, dans des ghettos
d'emploi, on n'a rien gagné. Il faut,
au-delà de l'accueil, mesurer comment sont-ils intégrés dans la société
québécoise. Alors donc, pour nous, ce n'est pas un chiffre,
c'est comment allons-nous intégrer ces gens-là ici, à la société
québécoise, qui est, pour nous, notre préoccupation.
M. Jolin-Barrette : Et là, en
fonction des dernières données historiques, avec le portrait de l'immigration qu'on a au Québec, est-ce que votre organisation
considère que la société d'accueil a répondu aux attentes des immigrants
et a rempli son devoir de société d'accueil d'offrir un cadre respectueux aux
Néo-Québécois?
M. Lortie (Jean) : On est critiques.
On est critiques sur l'intégration en emploi surqualifié ou à des emplois sous-qualifiés, la question du type d'emplois qui
sont offerts, l'accueil à la langue française, l'accès à des programmes,
la capacité d'aller en région. On est
critiques sur la façon que ça se fait parce que... Comment se fait-il que la
plupart des immigrants demeurent à Montréal? Pourquoi ne vont-ils pas en
région? Même s'il y aurait des emplois en région, ils n'y vont pas, donc ils sentent que ce n'est pas... il y a un problème de
pouvoir aller en région. Le type d'emploi, si on est coincés dans une
agence de placement pour cinq ans, bien, écoutez, vous allez tenter d'améliorer
votre sort. Donc, ils venaient au Québec et ils s'aperçoivent que, bien, ce
n'est pas ce qu'on leur avait promis ou ils sentaient qu'on leur avait promis
et... ou qu'on leur demande de maîtriser la langue anglaise et ce n'est pas ça
qu'on pensait faire.
Alors, moi, je pense qu'on est... soyons
critiques pour avoir une meilleure politique sur l'immigration. Moi, je suis... de la ligne de front de mon milieu de
travail, ce que je vois, la nouvelle immigration qui arrive maintenant
est très différente de celle qui est arrivée
au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ou par un grand-parent qui est
arrivé au Québec, et les enfants,
bon, étaient nés au Québec. Là, ce qu'on voit, c'est que, quand les gens
arrivent d'une première génération, c'est difficile, l'intégration. Il y a des lacunes
importantes à tous égards, sur l'éducation, sur la langue, etc., et sur le travail. Moi, c'est le meilleur
intégrateur, le travail. Alors, je pense qu'on doit être critique pour être
ambitieux dans la politique qu'on va se donner comme société.
M. Jolin-Barrette : Et est-ce que,
selon votre organisation, la problématique actuellement... vous dites vous êtes
sévère avec le constat. Est-ce que... vous êtes critique, pardon. Est-ce que la
problématique est au niveau de la disponibilité des ressources ou de
l'utilisation des ressources disponibles?
M. Lortie (Jean) : D'abord, la
disponibilité des ressources, notamment les cours de français, ça demande d'énormes moyens pour offrir des programmes de
francisation, soit en milieu de travail ou comme citoyens qui arrivent
au Québec. Donc, restaurer les budgets à ça,
malheureusement, dans la conjoncture actuelle, ce n'est pas le cas, au
contraire. Alors donc, nous, on souhaite
qu'on finance les programmes de francisation... les programmes d'accueil à la
culture et à la société québécoise, quels sont les troncs communs sur lesquels
on vit comme société, toutes ces mesures-là; et aussi, aux Québécois d'origine, comment intégrer employeurs et travailleurs,
comment intégrer de nouveaux immigrants qui arrivent au Québec, quelle
réaction doit-on avoir, que doit-on faire. Bien, je pense, c'est tout ça qu'il
faut faire.
M.
Jolin-Barrette : Vous avez abordé rapidement la question de la
régionalisation de l'immigration et l'ensemble du réseau de partenaires. Vous avez mentionné qu'il y a eu des coupes
qui se sont faites au niveau de la régionalisation, du réseau de
partenaires, également la fermeture des bureaux régionaux du MIDI. Comment
pensez-vous que, dans la politique où on
prône la régionalisation de l'immigration, on peut concilier les agissements
des dernières semaines avec la prochaine politique... les propositions
de la politique?
M. Lortie (Jean) : Bien, nous, on
souhaiterait qu'effectivement on revoie ces mesures afin d'envoyer ce signal-là que l'immigration en région, on y met
des efforts et on y consacre des énergies. Alors, le signal... Ce qu'on
a souligné dans notre mémoire, c'est un
message qu'on a envoyé au gouvernement de restaurer ces budgets-là pour
permettre effectivement qu'on envoie le signal d'intégration dans les régions
du Québec. C'est un signal fort, ça, qu'on fait.
M. Jolin-Barrette : Au niveau de la
diversité, à la page 13 dans le mémoire, vous parlez de la diversité dans la fonction publique. Vous proposez d'augmenter la
diversité. Croyez-vous que, bien, en fait, le gouvernement devrait favoriser
une stratégie d'imposition aussi dans le domaine privé en ce sens-là?
M. Lortie
(Jean) : On a tenté, dans les années 90, des PAE... Moi, je vous
dirais que, d'expérience, ça peut être artificiel en disant : On va
créer des quotas, de forcer... Je ne suis pas sûr que c'est la bonne solution.
Je ne suis pas sûr que c'est la bonne
solution. Au contraire, c'est la maîtrise de la langue, le travail, le français
est bien fait. S'il y a une ouverture,
c'est-à-dire que les gens sentent qu'ils vont être bien accueillis dans un
milieu de travail, c'est déjà une recette de succès. Si on donne des mesures d'intégration à des gens qui proviennent
des communautés ethnoculturelles pour dire : Ils sont bienvenus ici, ça va donner des
résultats. Et qu'on ait une sensibilité, comme nous qui les accueillons, de
recruter des gens qualifiés, et de les former, et de les intégrer, faire cet effort
supplémentaire là, moi, je pense qu'il y a une recette de succès de ce côté-là.
M.
Jolin-Barrette : À la permanence de votre organisation, est-ce que
vous avez un portrait de la diversité?
M. Lortie (Jean) : Oui.
M.
Jolin-Barrette : Quel est-il?
M. Lortie (Jean) : Bien, écoutez, on a travaillé très fort, dans les années 1990,
2000, à mettre sur pied un programme d'accès à l'égalité pour les
communautés et si... je n'ai pas avec moi le bottin du mouvement de la CSN, mais ça donne des résultats. Bon, à part les
prénoms en double, maintenant, qu'on retrouve partout au Québec,
je dirais qu'on retrouve de plus en
plus de gens de communautés, des femmes et des hommes de communautés
ethnoculturelles, et nous en sommes très
fiers. Et ça, on a fait des efforts, mais ça demande des efforts considérables,
comme je dis. Il faut avoir cette volonté-là de le faire, d'intégrer à
la culture québécoise.
Et moi,
comme secrétaire général, je suis responsable du personnel de la CSN. On a
650 employés dans notre organisation,
et c'est... les sauts qualitatifs et quantitatifs qu'on a faits depuis
10 ans, c'est quand même un effort depuis 10 ans, et c'est en progression. Constamment, on embauche des
personnes provenant de première génération d'immigrants...
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup. Alors, désolée, le
temps est écoulé. On va passer la parole au député de Mercier pour une
période de trois minutes.
M. Khadir :
Alors, M. Lortie, Mme Pineau et M. Bégin, merci, en fait, de la, vraiment,
contribution remarquable que vous
faites avec votre présentation et votre mémoire. Donc, vous parlez de mieux
reconnaître les droits, de mieux franciser, mieux accompagner en milieu
de travail, le cas échéant, comme le modèle a été relativement... a connu du succès lorsque ça a été appliqué il y a plus de
25 ans maintenant. Vous parlez de mieux aussi s'assurer que les
travailleurs temporaires soient protégés et reconnus dans leur droit, par
exemple, à la syndicalisation. Vous en faites mention, mais vous avez insisté à plus d'une reprise sur le
rôle que peuvent jouer, de manière centrale, les agences, soit
favorablement soit défavorablement suivant qu'on les encadre.
J'aimerais
vous entendre plus là-dessus, donner plus d'explications. Ensuite, après, si
vous avez encore du temps, en... je
m'excuse, je vais essayer de le retracer... En 2007, le Conseil des relations
interculturelles, qui se penche sur ces enjeux-là depuis à peu près 30 ans maintenant, qui fait des
constats époque après époque, disait que, depuis le début des années
2000, les changements survenus dans l'intégration des immigrants ne se sont pas
accompagnés de promotion particulière pour faire connaître au grand public les
avantages des transformations et des programmes. Dans certains milieux, c'est
mieux fait. Incidemment, dans le milieu privé, ça se fait davantage, suivant le
Conseil des relations interculturelles, que
dans... auprès du grand public et même des institutions publiques, l'État.
L'État ne fait pas autant d'efforts, par exemple, que certains secteurs
du secteur privé. Alors, j'aimerais vous entendre aussi là-dessus, mais d'abord
les agences.
M.
Lortie (Jean) : Alors, rapidement, les agences de placement, le Québec
est la seule législation canadienne qui n'encadre pas du tout les
agences de placement. D'ailleurs, le Conseil consultatif sur le travail et la
main-d'oeuvre a creusé cette question-là.
Nous, on souhaite que ça le fasse parce que c'est souvent par là la porte
d'entrée pour un premier emploi au Québec.
C'est
un très mauvais signal quand vous travaillez pour une agence et que, le
lendemain matin... elle ferme ses portes
dans la nuit, hein, on les voit, «fly-in/fly-out», on les appelle, et j'en ai
vu beaucoup, moi, dans l'hôtellerie, de ces agences-là. Les conditions de travail sont sous la Loi des normes du
travail, mais évidemment vous êtes un travailleur qui arrivez au Québec, vous n'avez aucune connaissance
de vos droits, donc littéralement, vous êtes pieds et poings liés à une agence et vous n'avez aucun droit. Alors, ça, moi,
je pense que cette préoccupation-là du signal fort qu'on veut intégrer
les nouvelles et les nouveaux arrivants au Québec, je pense que, sur la
question des agences, il faut l'encadrer.
Sur la question du
privé, effectivement, quand nécessité fait loi, quand l'entreprise est mal
prise et a besoin de travailleurs dans un abattoir, dans un hôtel, dans une
usine de métallurgie fine, bien, ils vont faire des efforts, des fois, extraordinaires pour essayer de recruter une
main-d'oeuvre qualifiée ou peu qualifiée, mais ils vont faire des
efforts. Alors donc, on voit souvent cette...
le signal est très... parce que c'est une urgence, on a besoin immédiatement
d'une main-d'oeuvre, mais la question des agences, pour nous, de notre
expérience quotidienne, c'est véritablement... c'est un trou noir qu'il faut absolument travailler. Et le signal que j'envoie à
Mme la ministre, c'est celui-là : il faut creuser cette question-là
pour protéger ces gens-là.
La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. Lortie, M. Bégin, Mme
Pineau. Merci beaucoup pour votre présentation.
Alors, j'inviterais
au prochain groupe de prendre place et merci beaucoup. On suspend quelques
instants.
(Suspension de la séance à 15 h 39)
(Reprise à 15 h 45)
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, bonjour. On va continuer. Je vous invite à vous présenter et
faire votre exposé. Vous disposez
d'une dizaine de minutes, et, par la suite, on passera à la période d'échange
des groupes parlementaires. Alors, la parole est à vous.
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Mme Chabot (Louise) : Merci. Merci, Mme la
Présidente. Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, bien, merci de l'invitation. Louise Chabot, présidente de la Centrale des syndicats du Québec; Gabriel Danis, conseiller à la CSQ. Merci
de l'invitation. Moi, je pense que c'est une consultation qui a le mérite de
nous amener en amont d'une nouvelle politique,
donc on apprécie. Une invitation un peu tardive pour les groupes syndicaux;
j'imagine que c'est un oubli. Ça fait qu'on souhaite vous exposer, dans le cadre
de notre mémoire, divers commentaires et recommandations sur les
fondements puis les politiques et les enjeux qui sont présentés au sein du
cahier de consultation.
Vous savez, la CSQ,
depuis 25 ans maintenant, partage une majorité de constats puis de
principes que vous présentez comme les fondements d'une nouvelle politique
d'immigration. On a toutefois certains commentaires sur plusieurs aspects. D'entrée de jeu, on voudrait vous souligner que... en
tout cas, ça a attiré notre attention, on a remarqué que la question de l'égalité entre les hommes et les
femmes ne fait pas partie, là, des fondements et des principes.
Pourtant, bon, on le sait, ça fait partie maintenant du préambule de notre charte
depuis 2008, et on pense que, dans une nouvelle politique sur l'inclusion et
l'immigration, la question des femmes, particulièrement des femmes immigrantes,
devait être prise en compte.
Donc, une première
recommandation, c'est de porter une attention particulière à la situation des
femmes immigrantes, et ça, sous l'angle de
l'analyse différenciée selon les sexes, là. On sait que c'est une politique qui
devrait s'appliquer à tous les ministères. Et j'attire l'attention que c'est
basé aussi sur des statistiques, que, pour les femmes immigrantes, en termes de
taux d'emploi et taux de chômage, c'est beaucoup plus élevé que chez les
hommes.
Société
distincte, à la page 9 de votre cahier, vous écrivez que «le Québec se
perçoit comme une société distincte». Bien,
selon nous, ce n'est pas une perception, c'est un fait, c'est une réalité. Et
c'est pour défendre le caractère distinct et francophone que le Québec a cru en la nécessité de rapatrier beaucoup de
pouvoirs en cette matière depuis maintenant 25 ans.
Au niveau du
vieillissement de la population, le cahier évoque aussi qu'il y a des études
qui démontrent que l'immigration n'aura un
impact que marginal sur le vieillissement. On partage ces analyses. Je pense
que c'est certain que les politiques
familiales sur la démographie, sur les questions de fécondité, sur les
questions du travail sont largement... ça augmente le taux de fécondité
et ça contribue de façon plus majeure que la question de l'immigration. Et, sur
cette question-là, même si ça détourne le
sujet, on pense que les reculs qui risquent d'être enregistrés au chapitre des
politiques familiales avec les différentes
politiques nous feraient aussi reculer sur une question majeure. Et donc notre
recommandation principale, vous allez voir tout le long, c'est que le
français soit au coeur de la stratégie d'immigration et qui... pour moderniser
la loi pour que ça prenne en compte la pérennité du français.
Le document parle de la faible représentation de
la diversité ethnoculturelle au sein de différentes sphères de la société. Dans ce sens-là, oui, c'est vrai, puis
on pourrait dire qu'on pourrait donner l'exemple, le gouvernement et ses
divers systèmes publics, comme nos hôpitaux,
nos écoles... On sait qu'il y a un programme d'accès à l'emploi au
Québec, déjà les statistiques souhaitées, puis, par rapport aux statistiques
obtenues, il y a encore de la place, ce n'est pas... On vous demande
d'améliorer l'accès à l'égalité en emploi dans les services publics en termes
plus rigoureux dans ces programmes-là.
• (15 h 50) •
Aussi, les fondements de la politique, qui se
veut une politique de vivre-ensemble, d'inclusion, là, ça nous apparaît majeur de réitérer que... En toute
cohérence, comment on peut parler d'intégration de nos enfants, des
personnes, parler du vivre-ensemble puis de continuer à subventionner les
écoles privées confessionnelles au sein de la société québécoise? Ça, ça nous apparaît contradictoire avec les valeurs
communes qu'on veut partager, et on demande
d'abolir ces subventions. Puis il y a
un nombre d'écoles qui sont confessionnelles, privées, et on pense que l'État
ne doit pas subventionner.
Le droit à l'éducation aussi. On porte à votre connaissance — bien,
vous le savez certainement — qu'actuellement,
au Québec, quel que soit le statut migratoire, si, pour une période x,
pour le dire comme ça, tu es sans papier ou sans statut, les enfants n'ont pas le droit à l'école, alors
que, pour nous, le droit à l'éducation, indépendamment du statut, est un droit fondamental. On voit même que même aux États-Unis
ou dans d'autres pays en Amérique du
Nord puis en Europe, que ces
situations-là qui peuvent perdurer ne doivent pas priver les enfants d'avoir
accès à l'éducation. C'est notre cinquième recommandation.
Au niveau de la reconnaissance des acquis et des
compétences, afin de leur assurer une égalité réelle sur le marché du travail, bien, on a une grande expertise
dans ce sens-là puis d'ailleurs on travaille très fort, même... sans
parler des questions d'immigration. Je pense
qu'on a développé, tant dans les centres de formation professionnelle que dans
les cégeps... Et, pour nous, c'est clair
qu'au niveau du réseau de l'éducation, ça fait partie des enjeux qu'il faut
renforcer et donc d'avoir les budgets nécessaires pour atteindre ces
questions-là.
Au niveau des compétences linguistiques
nécessaires en français, le Conseil supérieur de la langue française l'avait déjà évoqué — c'est de la langue française? Oui — au niveau des compétences plus avancées...
parce qu'on sait, même dans des
emplois universitaires ou qui demandent des compétences plus spécifiques, il y
a une faiblesse là, donc il faudrait organiser des cours de francisation
qualifiante à des niveaux de compétence avancés.
Français, langue au travail, ça nous apparaît
majeur. Dans ce sens-là, bien, déjà sur l'île de Montréal, au niveau des entreprises privées qui travaillent
uniquement en français, vous connaissez la situation. Au niveau
statistique, ça diminue, et, pour nous,
c'est clair qu'il faut étendre la Charte de la langue française aux
entreprises, élargir sa portée aux entreprises de 10 salariés et plus et
prévoir des comités locaux de francisation. Je pense que ça fait une différence
dans un milieu qu'on puisse travailler, salariés, travailleurs et employeurs,
dans le sens d'augmenter la francisation.
Au niveau des
pouvoirs du Québec, bien, on le sait, je le disais d'entrée de jeu, ça fait
25 ans maintenant, en 1990, que
le Québec, sous le format particulièrement du fait français, a rapatrié
beaucoup de pouvoirs. Et il reste encore des pouvoirs qui sont partagés comme la question des réunifications
familiales ou de l'accueil des réfugiés. Notre recommandation disait de négocier, avec le gouvernement fédéral,
le transfert de l'ensemble. Peut-être que, dans le cadre d'une nouvelle politique, c'est le temps de regarder ces
questions-là. Est-ce que ça nous donnerait des atouts de plus? Parce qu'on
sait qu'il y a une partie de l'immigration
qui vient... ce n'est pas juste le Québec qui peut décider tant du niveau que
du lieu d'origine. Finalement, on
vous dirait : profitez de l'occasion de la politique pour au moins étudier
la question. Est-ce qu'il y aurait
des avantages à rapatrier d'autres pouvoirs? Est-ce qu'il y aurait des
inconvénients? Est-ce que ces questions-là peuvent être étudiées? Je
pense que c'est une consultation, on vous le présente comme ça, qui pourrait le
permettre.
Droit de scolarité des étudiants français. On
comprend que l'entente qui est intervenue n'est plus le statu quo. Il y a une demi-mesure avec d'autres étudiants qui
viennent d'ailleurs. Nous, ce qu'on vous propose, bien, on pense que
c'est une erreur, parce que c'est un atout, c'est un apport pour notre société,
cette entente avec les étudiants français qui sont inscrits au Québec. Ça va
tripler, en termes de coût. Et, dans ce sens-là, on recommanderait que les
étudiants français qui sont inscrits au sein
d'une université ou d'un... francophone pourraient avoir les mêmes droits de
scolarité que les étudiants québécois. Donc,
oui, on peut comprendre que, dans une entente, si on profite de l'entente pour
venir étudier dans une université
anglophone, mais si, en cohérence avec notre politique d'être inclusif dans
notre langue au Québec, on pense qu'on doit maintenir et encourager les
études avec les étudiants français.
Aussi, dans la même veine, ça pourrait accélérer
les choses, est une reconnaissance un signal qu'on envoie en termes d'immigration qui pourrait aider les
institutions d'enseignement supérieur. C'est une proposition qui est
simple, c'est de rendre automatique l'octroi de certificats de sélection aux
étudiants étrangers qui sont diplômés de nos cégeps ou de nos universités
francophones. On sait que cette certification-là enverrait un message important
en termes aussi d'acquisition de la résidence permanente.
Au niveau
de la régionalisation, bien là, on est très, très inquiets, là. On est très
inquiets tout court de ce qui se passe.
J'oserais même vous dire : Des fois, on ne reconnaît plus le même Parti libéral. En tout cas, l'offensive qui est en région, les CRE, les CLD, les bureaux du MIDI...
On sait que les directions régionales, même au niveau du MELS, sont
disparues. Comment avoir le souci, dans une politique,
de vouloir... On sait que Montréal accueille une grande partie de l'immigration. Comment vouloir prendre en compte la situation
des régions puis faire en sorte que nos nouveaux arrivants, que les
régions puissent être aussi une terre d'accueil? Là, ça nous semblait
incontournable, dans le contexte actuel, d'accorder les crédits nécessaires,
mais aussi peut-être de réviser l'importance des bureaux régionaux ou de
créneaux régionaux dans ce sens-là.
En
terminant, je le réitère, c'est une bonne initiative, cette consultation. On est convaincus que nous allons être invités dans la deuxième phase, mais que la politique
soit... Et vous aurez compris que nos recommandations s'articulent autour d'un axe fondamental qu'est l'importance de la pérennité du fait français.
Ça nous distingue. On est uniques. Il faut
garder ce caractère d'unicité au sein... On est une minorité en Amérique du Nord. Mais vous dire aussi qu'on a une grande inquiétude liée à ce
qu'on peut entendre depuis de début des consultations et...
Le Président (M.
Picard) : ...Mme Chabot, nous allons poursuivre les travaux.
Donc, Mme la ministre.
Mme
Weil : Oui. Bienvenue, Mme Chabot, M. Danis. Évidemment, vos
réflexions, vous avez toute la liberté de poursuivre dans vos
réflexions, parce qu'on est vraiment dans un sujet qui est un peu comme ça,
construire, bâtir et continuer à bâtir une société québécoise ouverte,
inclusive, francophone. Et donc tous les enjeux que vous soulevez, évidemment, c'est des préoccupations pour tout le
monde. Je vous dirais que, sur la question de la langue, ça jaillit
comme à chaque fois qu'on fait une
consultation. J'ai fait la dernière consultation sur la planification
pluriannuelle, je pense que vous étiez présents à ce moment-là, et vous
l'avez remarqué, il y avait, encore là, vraiment un consensus. On le remarque
d'ailleurs depuis deux jours.
Il
y a une question quand même qui est soulevée, puis ça serait intéressant de...
On va commencer peut-être sur cette
question de la langue comme un pilier et qu'on va trouver dans l'énoncé de
politique de 1990 en fait. C'était vraiment déjà là et ça a vraiment guidé les politiques d'immigration ces
dernières années. Il y en a, puis honnêtement, c'est... On dirait que c'est presque partagé. Vous savez, il y a des
niveaux de français qu'on exige, 6, 7, bon, c'est très technique tout
ça, puis il y a une grille de sélection puis il y a des points qui sont donnés.
Puis on fait du recrutement, mais on cherche des personnes qui parlent français. On les prépare avant de venir pour ceux
qui n'auraient peut-être pas encore le niveau. Bon.
Mais il y a un test,
là, test standardisé depuis 2011, qui vraiment fait l'évaluation, une bonne
évaluation du niveau pour donner les points
concordants. Il y a le niveau de français qui a été élevé à 7, mais il y a
certains qui nous disent :
Attention! Il y a des gens qui sont de pays francotropes, qui parlent bien le
français, mais ils ne vont peut-être pas réussir le niveau 7. Mais, s'ils sont bien encadrés dans un milieu de
travail, peut-être des travailleurs temporaires qui sont déjà à
l'emploi, l'employeur les veut, il y a possibilité, et certaines entreprises
l'offrent, des sessions... la francisation en
marché du travail. Il y a beaucoup de gens qui sont prêts pour ça. Le syndicat
avant vous, CSN, était pour ça. Donc, c'est
que, par des stratégies, une certaine flexibilité pour assurer... mais on
travaille en amont, en aval, un peu ça. J'aimerais vous entendre sur ces
différentes stratégies.
Mme Chabot
(Louise) : Bien, merci de la question. Ça va me permettre de finir mon
bout de phrase. Là, je vous disais où on
était inquiets. C'est parce qu'on a aussi entendu une volonté, dans cette
politique-là, que ça soit une politique
qui réponde au marché de l'emploi. Ça fait que, sous l'angle de répondre aux
besoins du marché de l'emploi, même
si on ne peut pas être contre qu'il faut répondre, on pense que c'est un
critère qui ne doit pas avoir la prépondérance sur le français en termes de politique d'inclusion puis d'immigration.
Ça fait que notre inquiétude... parce que, tu sais, on a entendu beaucoup de se coller sur les politiques
canadiennes. Ça fait que l'harperisme, dans ce domaine-là, on n'y tient
pas. Donc, on va être clairs.
• (16 heures) •
Mme
Weil : Bien, juste peut-être
pour corriger, ce n'est pas des... D'ailleurs, le Canada exige la connaissance soit de l'anglais et le français. D'ailleurs,
c'est le contraire, l'Australie, Nouvelle-Zélande, Canada vont dans le même sens que le Québec, mais sauf en anglais ou en français au
Canada. Dans les autres pays, c'est l'anglais qui est exigé. Ici, c'est
le français. Non, ce n'est pas du tout... au
contraire, je vous dirais, ceux qui parlent d'intégration en emploi ont tous
souligné que la langue, c'est peut-être l'outil le plus important pour intégrer
l'emploi.
Mme Chabot
(Louise) : ...ça fait qu'à votre question, est-ce que je pourrais
laisser Gabriel...
Mme Weil :
...bien, avec un... on peut les aider, peut-être, à avoir un niveau plus...
Mme Chabot (Louise) : Je ne serais pas d'accord à dire : Bon, est-ce qu'il faut diminuer le
niveau de pondération? C'est parce qu'on a eu un débat en un autre lieu, je pense que ça ne serait pas
ça. Si vous nous dites que, dans la grille, on pourrait, mais... Tu
sais, on est prudents. On est prudents en se disant : Est-ce que déjà
c'est assez... c'est concluant? Est-ce que ça pourrait être plus faible? Est-ce
qu'il y a là un danger?
Mme Weil :
Maintenant, peut-être pour aller sur l'interculturalisme, comme... Je ne sais
pas si vous avez un point de vue sur le mode d'accueil ou notre modèle d'accueil
et d'intégration, qui s'appelle l'interculturalisme. Là aussi, beaucoup
d'adhésion à ce modèle, mais on demande : Est-ce que le modèle a besoin...
ou si vous, vous pensez s'il a besoin d'être mieux défini, renforcé,
officialisé, formalisé, comme mode, justement...
La langue joue un
rôle important, c'est sûr. La langue française joue un rôle important dans ce
modèle et qui a peut-être
été au coeur du développement du modèle, mais il y a plus que ça. Il y a
le partage de valeurs démocratiques, nous dit évidemment le... beaucoup de questions
sur qu'est-ce qu'on entend par valeurs communes, mais c'est des valeurs
basées sur une valeur démocratique d'égalité hommes-femmes et comme on l'énonce
dans la déclaration des valeurs communes que les gens signent.
Avez-vous réfléchi à
cette question de l'interculturalisme comme modèle unique québécois qu'il y
aurait lieu de renforcer?
Mme Chabot (Louise) : Pas dans le cadre de cette consultation. C'est sûr que la seule chose
qu'on... on pourrait y réfléchir dans un autre cadre, mais, dans le
cadre de cette... non, sinon que vous allez voir dans notre mémoire, par contre, quand j'ai parlé de valeurs communes, on a
fait une distinction entre l'ethnoculturel et le multiculturalisme, à
notre avis, qui a une grande différence, mais ça ne répond pas vraiment à votre
question, mais, pour nous...
Mme
Weil : ...vous amener sur comment bâtir une société plus
ouverte, plus... pas ouverte nécessairement, mais... ouverte, oui, à la
diversité, mais là beaucoup de commentaires qu'on a eus au cours des deux
dernières journées sur des préjugés, peut-être, comme dans d'autres sociétés,
des obstacles à l'intégration, comment valoriser la diversité. Beaucoup,
beaucoup ont recommandé des campagnes de sensibilisation.
Comment vous pensez, vous, les stratégies de
mobilisation de l'ensemble de la société civile? Parce qu'évidemment le gouvernement peut... ce n'est pas le
gouvernement qui engage tout le monde, ce n'est pas le gouvernement qui...
mais le gouvernement peut mobiliser, peut
avoir, dans un plan d'action, des initiatives. Mais comment vous voyez ça?
Avez-vous réfléchi à cette question-là?
Parce que l'avenir du Québec va se bâtir en partie par l'immigration, c'est
sûr. C'est l'histoire du Québec, les vagues successives. Et, avec une
mobilité internationale croissante, les gens bougent un peu partout, et le
Québec est un endroit qui est très attrayant pour beaucoup de gens. On le voit
beaucoup... bien, oui, les Français, évidemment,
on le voit beaucoup, beaucoup, l'immigration française, qui a toujours été
présente, mais en augmentation, on le
voit. Les étudiants étrangers dans nos universités, beaucoup qui viennent de
l'Afrique francophone aussi, il ne faut pas oublier l'Afrique francophone, mais de d'autres pays, beaucoup de
diversité, et ils veulent rester, ils ont la piqûre du Québec, comme
certains l'ont dit.
Avez-vous
réfléchi à ça? Pensez-vous que ça pourrait être intéressant, une grande
campagne? Y voyez-vous un problème d'attitude envers la diversité?
Voyez-vous les mêmes obstacles que d'autres ont soulignés?
Mme Chabot
(Louise) : Bien, la diversité n'est pas un obstacle.
Mme Weil :
Non, l'obstacle à l'intégration.
Mme Chabot
(Louise) : Bien, je pense que ce que le Québec a à faire valoir, c'est
ce qu'il est, puis dans les grandes
campagnes... Je pense que les gens qui choisissent ou qu'on choisit en termes
d'immigration puis d'inclusion, je pense
qu'ils doivent bien connaître, vous en avez parlé vous-même, les valeurs
communes. Puis je pense qu'au Québec c'est
ce qui nous distingue aussi, qu'on est une société ouverte, puis les valeurs
d'égalité sont des valeurs fortes, puis je pense qu'il y a un grand chantier à mettre en oeuvre sur cette question-là,
qui s'appelle la laïcité. Je pense que, pour bâtir une société ouverte,
une société laïque puis de bâtir sur cette question-là pourrait être très
porteuse en termes d'inclusion de l'ensemble
et du vivre-ensemble. Ça, pour nous, c'est une valeur forte. Déjà, c'est
amorcé. C'est un secteur, dans nos sociétés et, à notre avis, ça doit se
continuer.
Mme Weil :
Juste avant de céder la parole, Mme Chabot, je voulais juste tout simplement
vous rassurer qu'on trouvera moyen... C'est
vrai, on parle beaucoup de l'égalité hommes-femmes à travers le document, mais,
dans les principes fondamentaux, là, c'est
sûr que c'est important. On va le mettre en valeur. Je voulais tout simplement
vous dire que ça a été au coeur... Le
fait français, l'égalité hommes-femmes, c'est deux éléments qui ressortent
très, très, très fort dans toutes les
discussions, très... les discussions avant, maintenant et après. Je pense que
ça va se poursuivre, mais je retiens bien votre recommandation à ce
chapitre. Merci.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Merci, M. le Président. Mme Chabot, M. Danis, à mon tour, je vous souhaite la
bienvenue. D'ailleurs, j'ai eu, durant mes
10 ans comme directeur général de l'Association des commissions scolaires
anglophones du Québec, les opportunités
d'échanger avec vous, Mme Chabot, et c'était toujours des échanges très
intéressants et stimulants.
On n'a pas grand
temps, et là je note la grande emphase sur la préoccupation sur la
francisation. J'aurais eu peut-être d'autres questions, mais je veux m'assurer
qu'on ne laisse pas à côté toutes sortes d'autres observations très
intéressantes et très pertinentes dans votre mémoire.
Ce qui faisait
consensus presque total des groupes avec qui on a eu des échanges jusqu'à date,
et c'est d'une évidence dans la politique proposée aussi, c'est que l'accès à
l'emploi est au coeur d'une réussite pour un immigrant prospectif et sur la question très préoccupante de la rétention des
immigrants aussi parce qu'on est net perdant, comme société, à ce sujet
aussi. Et un des facteurs, c'est sûr que c'est une ouverture auprès des
employeurs et notre société d'accueil, mais l'autre obstacle, souvent, c'est la
reconnaissance des acquis et des compétences. Et je trouve bien intéressante votre proposition, votre
recommandation n° 6, où on parle de confier au réseau de l'éducation les
budgets nécessaires et les moyens de trancher là-dessus. J'aimerais vous
inviter d'élaborer là-dessus.
Mme Chabot (Louise) : Merci. Bien, pour nous, c'est sûr que
l'éducation, c'est une autre valeur qui fait partie de cette inclusion-là puis... bien, c'est une
observation qui est faite. Vous savez, dans des domaines plus spécialisés,
souvent, ces compétences-là en français sont
plus difficiles, puis il faut renforcer, donc, les moyens qui sont donnés à
l'éducation pour le faire. Je ne sais pas s'il y a des exemples, comment ça
pourrait se faire par rapport à maintenant. Gabriel, je pourrais le laisser...
M. Danis (Gabriel) : Bien, entre autres choses, le réseau collégial est un réseau qui est
vraiment sous-exploité. Il y a un potentiel énorme en termes de
reconnaissance des acquis, des compétences et aussi de formation continue. Les travaux de M. Bélanger de l'Observatoire
compétences-emplois sont très éclairants à ce sujet-là. Le Québec fait
vraiment bande à part en sous-utilisant son réseau collégial à ce chapitre-là.
Il y a beaucoup d'initiatives intéressantes qui se font. Il y a quatre nouveaux centres d'expertise en reconnaissance des
acquis, quatre centres régionaux. On pense qu'on devrait multiplier ces initiatives-là, puis le réseau collégial en
particulier est un terreau très fertile à une amélioration, une
bonification de nos mécanismes de reconnaissance des acquis des compétences et
de formation continue.
Le Président (M.
Picard) : Ça va? Il reste une minute.
M. Polo :
Une minute.
Le Président (M.
Picard) : Une vraie minute, là.
• (16 h 10) •
M. Polo :
Bon. Je vais faire une question très courte. J'aimerais vous entendre sur
comment comparez-vous, par exemple, des...
vous avez fait beaucoup d'emphase sur la connaissance du français avant de
venir, l'importance de ne pas baisser les standards à ce niveau-là, les
critères, mais des candidats immigrants provenant de pays francotropes, comment
les qualifiez-vous? Comment les comparez-vous face à des candidats immigrants
de pays francophones?
Mme Chabot (Louise) : Bien, écoutez, est-ce
qu'il y a un réel problème
de les accueillir? Est-ce que la barrière est la langue? Et s'il fallait, sur cette question-là, dire : Il y a
de l'ouverture, bien, il faudrait renforcer, à ce moment-là, renforcer au Québec même cette... On ne peut pas jouer sur les deux
tableaux, dire : On diminue un peu la barre, mais peut-être que ça va nous priver d'un
certain bassin. Par contre, c'est ce que je disais un petit peu avant vous,
on...
M. Polo :
...madame, vous venez de vous contredire dans votre phrase.
Mme Chabot
(Louise) : Ça se peut.
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme Chabot, le temps est écoulé. Donc, je vais
passer la parole à M. le député de Bourget.
M.
Kotto : Merci, M. le Président. Mme Chabot, M. Danis, merci
d'être là et merci pour votre contribution. Je vous entendais, en début de votre intervention,
souligner avec beaucoup de respect que vous n'avez pas été sollicités en
amont de la consultation amenant la
conception de ce document ici, aujourd'hui, en discussion, en débat. Est-ce que
vous avez une idée pour laquelle vous n'avez pas été consultés?
Le Président (M.
Picard) : Mme Chabot.
Mme Chabot
(Louise) : On n'attribuera pas de raison, sinon que d'avoir constaté
que, dans la liste initiale, il n'y avait aucune organisation syndicale.
M.
Kotto : O.K. Dans les grands débats engageant de grands
chantiers sociopolitiques, culturels, économiques, au Québec,
historiquement, est-ce que vous vous êtes déjà retrouvés dans une telle
situation par le passé?
Mme Chabot
(Louise) : Bien, écoutez, à ma connaissance, là, je ne pourrais pas
évoquer, depuis mon jeune âge, s'il y a eu
d'autres exemples, là, sur cette question-là, mais je peux vous dire que la CSQ
a toujours été présente, depuis 25 ans,
sur à peu près toutes les... tant au niveau de la langue française qu'au niveau
de l'inclusion ou de l'immigration, a fait partie prenante des
discussions.
M.
Kotto : O.K. Quand vous dites que le temps qui vous a été...
enfin, qui vous était imparti pour l'élaboration de votre mémoire était
court, qu'est-ce que vous pouvez, comment dire, illustrer pour en faire la
démonstration avec le mémoire que vous avez déposé?
Mme Chabot (Louise) : Bien, on a travaillé... C'est sûr qu'on a travaillé sur des bases,
déjà, qu'on avait. On a étudié le
cahier de consultation, on a fait une demande d'être entendus, on l'a obtenue,
mais le délai qu'on nous a donné pour
l'audience, entre le moment où on l'a demandé puis le moment de l'audience, a
été court. Ça arrive, ça, par contre, M. Maka Kotto, qu'on se
retrouve dans des consultations plus rapides.
M. Kotto : D'accord. Le
Québec est une société distincte, dites-vous. Et distincte de quoi?
Mme
Chabot (Louise) : Elle est distincte de par sa culture,
particulièrement de par sa langue française. Et sa diversité, dans ce sens-là,
c'est majeur.
M.
Kotto : Mais est-ce que — je fais l'avocat du diable, là — est-ce que, de votre perception, cette
notion habite, est incarnée par la population québécoise dans sa
généralité?
Mme Chabot (Louise) : La population québécoise, à mon avis, est attachée à ce caractère
distinctif de la société, a une
valeur forte sur ces questions-là de la culture. On le voit dans les grands
débats. Vous avez vous-même récemment, je
pense, à juste titre, voulu modifier la question de... moderniser la question
de la Charte de la langue française. On l'a vu dans tout le débat qui a
eu lieu sur la charte de la laïcité, quelque chose qui va revenir. On pense que
notre société est attachée... est fière
d'être francophone, est fière de sa culture, puis je pense que, là-dessus, on a
une bonne assise pour bâtir puis continuer une politique d'inclusion.
M.
Kotto : O.K. Alors, le lapsus conscient ou inconscient que vous
avez relevé, à l'effet que le Québec se... je reprends le terme, là, se
perçoit comme une société distincte, comment est-ce que vous l'évaluez?
Mme Chabot (Louise) : On a été surpris que ça soit présenté comme une perception parce que
c'est... Comme on dit, c'est... Qu'est-ce qu'on veut dire par «se perçoit»? Tu sais, on peut l'interpréter de toutes sortes de manières. C'est pour ça qu'on a voulu, d'entrée de jeu, affirmer
que ce n'était pas une perception, que c'était un fait et, de plus, qu'il
ne fallait pas, par ces termes-là, venir
minimiser la portée puis les fondements de notre politique d'immigration et
d'inclusion. C'est ça qu'on voulait
rappeler. Pourquoi, en 2015, ça changerait? Pourquoi, en 2015, on pourrait voir
les choses autrement? Il n'y a aucune raison.
M. Kotto :
O.K. J'avais une dernière question, c'est celle en lien avec la courbe
démographique vieillissante, évoquée par
vous et par des personnes qui vous ont précédés, à l'effet que l'immigration
aurait un impact positif en la matière. Avez-vous des références
bibliographiques à nous référer à cet effet pour notre réflexion?
Mme Chabot
(Louise) : Gabriel.
M. Danis (Gabriel) : Oui. Bien, ce qu'on dit, c'est que, contrairement... C'est un peu
contre-intuitif, là. Contrairement à
ce qu'on peut penser, l'immigration a un impact très marginal sur le
vieillissement de la population. Ça, les études sont assez limpides
là-dessus, les expériences étrangères aussi.
C'est
plutôt les politiques familiales, les politiques de natalité, c'est la hausse
du nombre de naissances qui a un véritable
impact sur la démographie, sur la courbe démographique. Et c'est là-dessus
qu'il faut agir puisque l'immigration a un impact, somme toute, assez
limité. Elle a un impact important sur l'accroissement de la population, sur le
poids relatif du Québec dans le Canada,
mais, sur le vieillissement de la population, l'immigration a un impact assez
limité. Puis on a une notice bibliographique
dans notre mémoire à ce sujet-là, un ouvrage aussi de M. Marois, M. Dubreuil,
publié l'année dernière à ce sujet-là, qui est assez limpide.
M.
Kotto : Donc, si je vais dans votre sens, les assauts
répétitifs et austères à l'endroit de la politique familiale et plus
spécifiquement aux garderies et toute la réforme en cours sont
contreproductifs.
Mme Chabot (Louise) : C'est clair pour moi, puis je n'ai pas assez de temps pour vous dire à
quel point c'est une erreur majeure
comme société. Quand vous parliez de... Ça aussi, les services éducatifs à la
petite enfance puis les... C'est en amont de l'éducation, c'est
l'avenir, puis je pense que nos politiques familiales ont contribué de façon...
On parle des services éducatifs, on parle de notre régime québécois d'assurance
parentale. Nos politiques familiales, on devrait
aussi continuer avec la conciliation famille-travail. Je pense que ça fait une
différence majeure. Puis s'attaquer à ça, bien, on va reculer de
beaucoup d'années en arrière.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Je n'ai pas d'autre question.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Chabot. Bonjour,
M. Danis. J'ai trouvé intéressante votre proposition à la page 15 de
votre mémoire sur le rapatriement des pleins pouvoirs en matière d'immigration,
de sélection des immigrants. Nous, on s'est
déjà prononcés en ce sens-là parce qu'on considère qu'une nation doit
détenir les pleins pouvoirs sur la sélection
de son immigration et notamment sur le regroupement familial. Il n'y a pas de
raisons pour lesquelles le Québec, dans... pour que le Québec n'exerce pas la
plénitude sur la sélection de son immigration et le plein contrôle.
Je
voudrais vous entendre sur ce point-là spécifique. C'est une démarche
historique, vous le citez. Vous dites : Ça fait 40 ans que le
Québec a entamé cette démarche-là de prendre sa place dans cette compétence
constitutionnelle partagée qui avait été laissée au fédéral. Pouvez-vous nous
en dire plus?
Mme Chabot
(Louise) : Bien, écoutez, comme je le disais d'entrée de jeu, notre
recommandation est... Bien, on pense que ça donnerait plus d'outils et de
leviers au Québec dans sa politique, bon, après 25 ans, parce que, oui, ça fait 40 ans, mais
c'est en 1990 qu'il y a eu une majeure partie, en tout cas, à notre lecture
historique, de rapatriement d'une
bonne majorité des pouvoirs. Il en reste. C'est sûr que l'exemple récent du
cafouillage qu'il y a eu avec le séisme en Haïti puis l'accueil des réfugiés, qui est de compétence partagée,
est-ce que, si on avait pleins pouvoirs sur des questions et dans des
situations comme ça, on ferait mieux? C'est pour ça que je disais : On
demande le rapatriement, mais, en même
temps, on se dit, vu que vous êtes actuellement, comme parlementaires, à
l'étude, en consultation, en tout cas, ça mérite au moins qu'il y ait une analyse d'impact. Les pouvoirs qui sont
encore partagés, à notre avis, ça serait un plus de les rapatrier, on aurait un plein levier parce que,
déjà, il y a une partie, là, de l'immigration, un 30 % qui vient du
Canada.
Donc,
est-ce que, si on avait un vrai levier sur l'accueil des nouveaux arrivants
totalement, est-ce qu'on pourrait faire mieux? Est-ce qu'on pourrait
répondre mieux à nos objectifs? Mais ça mérite vraiment... En tout cas, ça ne
peut pas ne pas être étudié.
• (16 h 20) •
M.
Jolin-Barrette : Vous avez abordé la question du nouveau programme
fédéral qui a été mis en place. Je voulais connaître votre opinion sur le fait que... Est-ce que le Québec devrait
se doter lui-même de son propre modèle associé aux particularités de sa société? Parce que tout à
l'heure vous avez abondé dans le sens où le Québec est une société
distincte. Donc, quelle est l'importance d'avoir un modèle québécois
d'immigration?
Mme Chabot (Louise) : Bien, déjà, on en voit l'importance parce qu'on a... il est en bonne
partie de caractère québécois. Puis
l'importance, s'il avait fallu qu'on n'ait pas ça... C'est comme ça qu'on a
réussi finalement à maintenir, dans
nos politiques d'immigration puis d'inclusion, les valeurs qui sont fortes puis
les principes qui sont forts, comme la question de la langue. Ça, je
pense que... Sans ça, bien, on serait... Ça a été un levier. Ça a été un
levier, ça, pour nous, c'est... Puis je pense qu'on a réussi.
Il
y a des difficultés dans l'accueil, dans l'inclusion, puis je pense qu'on les
a, à maintes reprises, identifiées. C'est au niveau de l'emploi, au
niveau de la reconnaissance des compétences. On parlait de la situation des
hommes et des femmes, au niveau de la
francisation. On a déjà évoqué des situations aussi : on accueille puis on
les forme juste pour les former pour
être prêts au marché du travail sans leur donner les outils, par des
accueils... On se prive, là, au Québec, des gens qu'on recrute. Je pense qu'on a tous les leviers. Il s'agit de les
renforcer, puis nos recommandations visent à les renforcer.
M.
Jolin-Barrette : Vous parlez des leviers. Vous avez abordé également
la question de la régionalisation de l'immigration. Vous le mentionnez à la
page 19 de votre mémoire, notamment avec les plus récentes restrictions budgétaires. Quelle est votre vision par rapport à
la régionalisation de l'immigration et aux ressources qu'on doit
déployer pour réussir à ce que notre
immigration, nos Québécois ne s'installent pas uniquement à Montréal, mais sur
l'ensemble du territoire québécois?
Mme Chabot
(Louise) : Il me semble que les acteurs régionaux sont au premier chef
en termes de besoins, en termes d'accueil,
les conditions à mettre en place, comment on peut... Là, on va le faire d'où? À
partir d'une façon centralisée? C'est
beau affirmer le principe qu'on veut régionaliser, qu'on veut que les
régions... que ce ne soit pas juste une question métropolitaine, mais
comment on le fait, si on se prive des principaux leviers en région? C'est ça,
notre inquiétude. Ça fait qu'on dit : À ce moment-là, il va falloir
renforcer les mécanismes, accorder plus de crédit à ces questions-là. Mais notre inquiétude, c'est que tout ça va venir d'en
haut. C'est la centralisation qui nous inquiète... en même temps qu'on parle d'importance de régionalisation
dans une politique comme ça, à notre avis, avec les annonces qui se font
depuis le début, au même titre que les
politiques familiales, on va se priver là d'un levier. Ça fait qu'on dénonce,
mais on demande qu'il y ait plus d'investissements. Ça va pendre plus
d'investissements.
Le Président (M.
Picard) : M. le député, c'est à vous.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Vous avez mentionné que vous souhaitez que la
Charte de la langue française s'applique à des entreprises de 10
employés et moins. Pour plusieurs entreprises...
Mme Chabot
(Louise) : Et plus.
M.
Jolin-Barrette : Et plus. Pour plusieurs entreprises, ça peut
constituer un fardeau supplémentaire pour la gestion. Quelle est votre vision
par rapport à cette position-là?
Mme Chabot (Louise) : En tout cas, bien, sans mépris, je pense qu'on est gagnant, mais c'est
souvent l'argument qu'on peut retrouver au niveau de l'entreprise ou du
patronat, que ça va faire plus de paperasse, ça va faire plus de bureaucratie. Puis, à notre avis, nous, ça va
juste mieux aider aux problématiques qui sont rencontrées. Puis ça...
parce qu'on a des points de vue différents. On ne pense pas que ça va venir
alourdir, au contraire. On a vu que, dans d'autres lois proactives, comme la Loi de l'équité salariale, 10 salariés et plus...
je pense que d'avoir des comités de francisation, souvent, c'est gagnant,
parce qu'on peut voir ça comme perdant de se dire :
C'est l'employeur, alors que ça peut être gagnant, les syndicats, puis, même dans un milieu non syndiqué,
les travailleurs peuvent jouer un rôle. Ça fait
que d'avoir des comités dans chacun des milieux, je pense que ça peut
être un plus. Mais, oui, on est conscients qu'à chaque fois...
M. Jolin-Barrette :
Mais considérez-vous qu'on devrait mettre...
Mme
Chabot (Louise) : ...c'est
ce qui est plaidé, puis, pour nous, on n'a pas vraiment de preuve que ça
pourrait être un fardeau additionnel.
M. Jolin-Barrette : Considérez-vous
qu'en matière d'immigration, au niveau de la francisation, on devrait plutôt mettre les ressources dès le départ, dès
l'arrivée des Néo-Québécois en sol québécois ou d'investir les ressources davantage au
niveau des entreprises?
Mme Chabot (Louise) : Les deux.
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Chabot. Je cède maintenant la parole à M. le député de Mercier.
M. Khadir : Bonjour. Merci d'être là. Je saisis très bien l'importance que vous accordez à la francisation comme élément central mais pas unique de vos recommandations. Je voudrais simplement quand
même attirer votre attention qu'on ne peut pas nécessairement, disons,
centraliser uniquement le débat alentour de ça, bien que le titre puisse
peut-être porter à penser que votre rapport dit ça, notamment si on tient
compte que, par exemple, la France, qui n'a pas ce problème de doubles langues,
et qui intègre ses immigrants en français, et où l'école publique joue aussi un
rôle très important, rencontre d'importantes
difficultés en
matière d'intégration, de cohésion sociale, liées à d'autres facteurs
qui sont des problèmes d'accessibilité, que l'équité et l'égalité ne soient pas
que des slogans creux, mais qui se matérialisent.
Ensuite, il y a le fait qu'au Québec l'expérience
du Québec montre que ceux et celles qui rencontrent les plus grandes difficultés actuellement, les femmes comme
les hommes, à trouver des emplois à la hauteur de leurs compétences, c'est les immigrants de première et parfois même
de deuxième génération d'origine haïtienne, qui sont francophones, ou d'origine maghrébine, qui sont francophones pour
la plupart. Donc, il faut qu'on trouve aussi les autres éléments qui vont avec.
Mais vous
avez parlé des écoles privées subventionnées qui viennent... en fait, des
écoles privées, c'est souvent un
premier lieu de ghettoïsation, parfois. Pas toutes, c'est certain, mais un
grand nombre d'entre elles finissent par créer les conditions d'une certaine ghettoïsation physique
et culturelle. Moi, je relève ça et je pense que c'est important. Si
vous voulez y revenir, j'aimerais vous entendre.
Il y a le
blocage des reconnaissances des compétences que vous mentionnez à la page 5
aussi. J'aimerais vous entendre plus
spécifiquement parler du Collège des médecins, on pourrait parler de... dans
les institutions d'enseignement.
Ensuite, vous avez parlé que le gouvernement
doit fournir plus d'efforts pour montrer l'exemple. On devait viser 9 %, on est juste à 6 %, alors
qu'il y a 20 ans on était à 3 %. Donc, en 20 ans, on n'a progressé que de
3 %. Donc, qu'est-ce qu'on peut faire à ce chapitre?
Le Président (M. Picard) : En
30 secondes, Mme Chabot.
M. Khadir : Non, mais là...
Mme Chabot
(Louise) : Wow! Vous avez
raison, on n'a peut-être pas assez... mais l'intégration et la
rétention des personnes qu'on accueille, en termes de marché d'emploi et des emplois qualifiants, c'est tout aussi majeur,
puis actuellement il y a un problème sérieux, et on parle de rareté de main-d'oeuvre.
Mais on a parlé un peu de ça, que ce qui
est... pour intégrer puis pour aussi maintenir, il faut aussi avoir des bonnes
conditions d'exercice de travail, hein? Oui, il y a la reconnaissance
des compétences, oui, il y a la question de francisation, d'être capable aussi
de leur donner les outils, mais des
conditions de travail décentes. Les travailleurs migrants, là, on leur a
enlevé, il y a quelques mois, là, le droit
à la syndicalisation, le droit d'avoir un minimum, puis ça, je pense qu'il faut
lier les deux. L'immigration ne réglera pas tout, mais, vous avez raison, il faut être capable... Ce n'est pas juste
de les accueillir, il faut être capable aussi qu'ils se sentent à part
entière dans notre société, puis ça, c'est majeur.
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Chabot. Je suspends les travaux pour un court moment.
(Suspension de la séance à 16 h 29)
(Reprise à 16 h 35)
Le Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en recevant l'Institut de recherche en politiques
publiques. Je demanderais à M. Seidle de faire sa présentation, d'une
durée maximale de 10 minutes. Après ça, il va y avoir un échange avec les
parlementaires.
Institut de recherche en politiques publiques (IRPP)
M. Seidle (F.
Leslie) : Merci, M. le Président, Mme la ministre. Je ne suis pas
l'institut lui-même, mais je suis tout de
même un des directeurs de recherche.
Nous avons un programme de recherche sur la diversité, l'immigration et
l'intégration depuis 2001, et je dirige le programme depuis 2010. Nous avons évidemment,
comme la consultation, couvert un éventail
de sujets dans nos travaux. Aujourd'hui, j'aimerais aborder trois sujets
précis : la représentation de la diversité ethnoculturelle au sein
des institutions publiques au Québec; deuxièmement, le besoin d'une responsabilité
partagée; et troisièmement, un sujet sur lequel, je
pense, vous avez entendu un peu moins : le rôle des municipalités dans ce
domaine.
D'abord,
la représentation. Comme vous le savez, l'immigration récente au Québec est
composée en grande partie de personnes qui appartiennent à des minorités
visibles. De fait, en 2011, c'était le cas de 20 % de la population de la
région métropolitaine de recensement de Montréal. Cependant, cette
diversification de la population n'est pas bien reflétée au sein des institutions politiques, qu'elles soient composées
d'élus ou de nature administrative. Une étude effectuée en 2011‑2012 a trouvé que 29 % des députés
fédéraux de la région montréalaise appartenaient à des minorités
visibles, comparativement à 16 % des
députés à l'Assemblée nationale et seulement 3 %, je répète, 3 % des
conseillers municipaux.
Le
faible niveau de représentation des minorités visibles au sein des conseils
municipaux de la région montréalaise est, à mon avis, particulièrement
préoccupant. Quand on regarde la démographie, quand on regarde la composition de certains arrondissements comme Côte-des-Neiges,
Notre-Dame-de-Grâce, etc., c'est étonnant. Le gouvernement a fait un certain nombre de tentatives, aux dernières
élections municipales, d'accroître le nombre de candidats issus des
minorités ethnoculturelles. Bien que les initiatives de ce genre puissent être
utiles, il semble néanmoins que les institutions publiques et les formations politiques ne déploient pas suffisamment
d'efforts de recrutement en ce sens. Évidemment, le recrutement n'est
pas le seul facteur, mais c'est clé, c'est très important.
Je tourne maintenant
à la fonction publique québécoise. Elle non plus ne fait pas très bonne figure.
Je suis désolé de le dire, mais les chiffres
parlent. Le Conseil du trésor a la responsabilité d'établir des programmes
d'accès à l'égalité en emploi en vue
de corriger certains déséquilibres entre les groupes, y compris les communautés
culturelles. En mars 2012, 6,5 % de
l'effectif régulier de la fonction publique appartenait à une communauté
culturelle, et ce panier est plus
large que les immigrants et plus large que les minorités ethnoculturelles. Elle
comprend aussi ceux qu'on appelle couramment les allophones, les gens
dont un parent parle une autre langue d'origine. Donc, on ne peut pas comparer le 6,5 % à un pourcentage de la population
parce que cette mesure n'est pas utilisée dans des recensements, mais
c'est bas, je pense que je n'ai pas besoin
de le dire. Par contre, en 2003, ce même pourcentage était seulement de
2 %. Alors, il y a du progrès au niveau de la fonction publique
québécoise.
• (16 h 40) •
En ce qui concerne
les municipalités, encore une fois, la note est basse. Il y a une autre loi qui
s'applique, qui est moins exigeante, et, en
partie en raison de cela, nous n'avons même pas de chiffres analogues que je
peux présenter. Par contre, une étude menée par la faculté Desautels à
l'Université McGill a trouvé que, dans la région montréalaise, qui comprend, pour cette étude, la Rive-Sud, Laval...
dont la couronne de Montréal, 82 % des municipalités n'avaient
aucun membre des minorités visibles à un
échelon supérieur d'administration. L'échantillon était de 84 postes, ils
ont trouvé trois personnes des minorités visibles dans ces postes de
gestion supérieure au sein de ces municipalités. C'est la même étude que j'ai mentionnée tout à l'heure,
effectuée en 2011‑2012. C'est assez choquant, je dois dire — je parle... je dévie de mon texte ici — surtout que les municipalités ont plus de
flexibilité en ce qui concerne l'embauche. La fonction publique du Québec doit vivre dans un cadre, avec
des formulaires, des processus, des évaluations, et tout ça. Je ne veux
pas suggérer que les municipalités peuvent
engager n'importe qui, mais elles ont plus de flexibilité. Et c'est assez
étonnant que, sur presque 100 postes administratifs, l'étude a trouvé trois
gens des minorités visibles. Ce n'est pas un reflet de la population montréalaise,
c'est le moins qu'on puisse dire.
Je
termine cette partie de la présentation en mentionnant que les outils
juridiques ne manquent pas. Il y a tout de même un éparpillement de lois, de mandats de surveillance, de
règlements. Ça, c'est quelque chose qu'il faudrait peut-être regarder à
un moment donné. Mais, à mon avis, ce n'est pas d'autres lois, d'autres
règlements qu'il faut; ce qu'il faut, c'est
un leadership politique accru, que ce soit un ministre ou une ministre avec un
mandat particulier. Il y a d'autres options.
Il y a aussi du leadership qui devrait venir des échelons supérieurs des
administrations publiques et pas seulement dans cette ville, à Montréal aussi. Si les niveaux supérieurs des
municipalités à Montréal ne font rien, rien ne sera fait.
Je tourne maintenant
au besoin d'une responsabilité partagée. Ici, je parle surtout de l'appareil
public du gouvernement du Québec ou de
l'État québécois. En raison des différentes dimensions de l'intégration des
immigrants et de leurs descendants, une politique en matière de diversité
culturelle et de l'inclusion ne peut être le fait d'un seul ministère ou d'un seul palier de gouvernement.
Elle requiert plutôt une concertation entre différents ministères,
organismes publics et administrations.
Il importe donc de
reconnaître le principe de la responsabilité partagée selon lequel tous les
ministères et les organismes
pertinents — par
exemple, les sociétés d'État — doivent se doter d'outils afin de favoriser
la participation et l'inclusion. Je
ne veux pas suggérer qu'il n'y en a pas maintenant, il y en a. Il y a même des
politiques d'interculturalisme au
sein de plusieurs ministères. Il y en a une qui date, je pense, de 1998 au
ministère de l'Éducation. Donc, ce n'est pas un tableau blanc, loin de
ça.
Le
besoin de concertation transversale est alimenté par le fait que la diversité
est gérée dans des sphères d'activité variées :
santé, éducation, emploi, et ainsi de suite. Ces responsabilités relèvent de
différents ministères et organismes publics.
Tous les organismes fournissant des services publics doivent mettre en oeuvre
des mesures en vue de prendre en considération la diversité et
d'encourager l'inclusion.
Je tourne
maintenant — et
je termine avec cela — au
rôle des municipalités. Cette responsabilité partagée dont j'ai parlé doit s'étendre aux administrations municipales,
lesquelles, surtout dans la région montréalaise, disposent de nombreux programmes et politiques qui répondent
à la diversité croissante de la population. Encore une fois, ce n'est
pas un tableau blanc. Il y a des programmes
intéressants dans la ville de Montréal, il y a des programmes et d'autres
activités au sein des arrondissements. C'est
bien, parce que les interactions et les échanges entre les personnes
appartenant à divers groupes ethnoculturels sont généralement des
processus qui ont cours à l'échelle locale.
Les villes ont la
capacité de mettre en place des espaces communs de rencontres interculturelles
grâce aux infrastructures récréatives,
sportives ou culturelles et elles le font déjà, bien entendu. Vous allez
entendre, un peu plus tard dans le processus, Bob White et François Rocher, qui ont écrit récemment
une étude assez importante sur l'interculturalisme, et ils vont parler plus en profondeur du rôle des
gouvernements locaux dans la mise en oeuvre des principes de
l'interculturalisme.
Dans
certains cas, quand on parle de ces programmes, comme l'appui aux festivals
interculturels, les objectifs sont
explicites; dans d'autres cas, ils sont implicites, mais toutes ces activités
peuvent évidemment contribuer à des progrès dans ce domaine. Évidemment, il y a souvent des recoupements avec
certains programmes du gouvernement du Québec, dont cette concertation, ce partage... responsabilité
partagée, elle est horizontale, mais elle est aussi verticale entre le gouvernement
du Québec et les responsabilités.
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Nous allons débuter la période d'échange avec les parlementaires. Mme la ministre.
Mme
Weil : Oui. Merci beaucoup, M. Seidle, merci
beaucoup de venir ici, puis on va
nous assurer que le train, vous n'allez pas le manquer. Si je comprends
bien, vous avez des contraintes de temps.
Je vais vous amener
sur l'interculturalisme parce que, tout récemment, vous avez publié un rapport
sur l'interculturalisme que j'ai trouvé fort
intéressant. Nous voulons réfléchir à cette question, on va saisir l'occasion
de cette consultation publique pour voir s'il y a lieu de renforcer le
modèle, mieux le comprendre, le formaliser peut-être aussi, et j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus. Vous avez aussi une
expérience canadienne, vous avez un point de vue pancanadien. Est-ce qu'il...
sur les différences, oui ou non, certains... bon, comment vous voyez ça, mais
j'aimerais plus qu'on se concentre sur le modèle québécois.
M. Seidle (F.
Leslie) : Oui, bien, évidemment, vous allez entendre des gens qui ont
une connaissance plus profonde que moi sur
ce sujet, mais l'interculturalisme est, dans un sens, quelque
chose d'extrêmement simple. C'est la première partie de ce mot qui est la plus importante, «inter» :
«inter», entre les gens de différentes origines, de différentes
expériences, même de différentes parties de la même ville ou même entre les
villes et les régions ex-urbaines.
Mais
ce n'est pas simplement de créer des points de contact entre les gens, il
faut que ces contacts et ces échanges soient
structurés, ça doit se passer dans un cadre. Alors, il y a
des programmes qui peuvent encourager cela. Par exemple, en Europe, il y a
un programme assez bien établi du Conseil de l'Europe qui s'appelle villes
interculturelles, et l'objectif du programme,
c'est surtout d'encourager les échanges entre les villes qui ont des
populations diverses — ce
qui veut dire presque toutes les
villes en Europe, comme presque toutes les grandes villes en Amérique du Nord — et
d'encourager les gens à adapter leurs programmes et les politiques aux leçons
qu'on peut tirer d'ailleurs.
Au Québec, et je
termine là-dessus, il y a un contexte qui est un peu différent, mais des fois
on exagère la différence. On dit qu'au Québec il y a
la langue française, qui est elle-même une langue minoritaire, alors
l'interculturalisme devrait se passer dans un contexte de français
langue commune. Oui, J'accepte tout ça, mais ce n'est pas très, très différent
ailleurs.
Au Canada anglais, ça
se passe dans un contexte de l'anglais langue commune, sauf que cette
prédominance de l'anglais n'est pas
légiférée comme elle l'est, à certains égards, au Québec
pour, en grande partie, des raisons qui se défendent. Vous allez entendre peut-être des gens qui disent que, oh!,
l'interculturalisme, c'est simplement le multiculturalisme par un autre nom. Il y a des similitudes. Il y a
d'autres gens qui vont dire : Mais ne touchez pas à l'interculturalisme
parce que c'est l'assimilation. Oubliez le vocabulaire, pensez au bon sens,
pensez à ce côté pratique, ces interactions, le contact entre les gens
des différents milieux et comment ceci peut valoriser et faire avancer les politiques
que vous êtes en train de revoir.
Le Président (M.
Picard) : Mme la ministre.
• (16 h 50) •
Mme
Weil : Oui, merci.
Vous parlez beaucoup des villes, et c'est vrai, il y a
peu de gens qui ont... d'intervenants qui ont parlé du rôle des villes.
Je pense que les villes ont un rôle important à jouer en matière de diversité,
inclusion, attraction de l'immigration
aussi, qui nous amènera peut-être sur la régionalisation. Vous avez parlé de la
faible, très faible visibilité de la diversité au sein même des conseils
municipaux, évidemment, mais, au-delà de ça — et c'est une question importante — le rôle que peuvent jouer les villes... et
si vous avez des exemples ailleurs dans le monde sur les villes qui s'affichent et qui sont proactives en matière d'inclusion et de
célébration de la diversité, où ces rapports sont encouragés. J'imagine... En tout cas, moi, dans la
réforme qu'on veut faire et les plans d'action, je vois les villes comme
jouant un rôle important dans un plan d'action.
M. Seidle (F.
Leslie) : Mais il y a tellement d'exemples que, là, je raterais mon
train, c'est certain. Dans le rapport de
MM. White et Rocher, il y a des références, il y a une discussion, des villes
interculturelles, il y a une belle initiative
qui a été établie à la fondation Maytree, et qui continue, qui s'appelle Cities
of Migration. Et, encore une fois, c'est surtout de viser des échanges
entre des villes qui ont expérimenté...
Mais ça, c'est
l'approche un peu molle. Elle a des qualités, mais, à mon avis, le rôle des
municipalités, c'est un nouveau chantier pour le Québec. Et, dans une nouvelle
politique d'immigration et diversité, à mon avis, c'est entièrement approprié, pour le gouvernement du Québec, au moment de la
publication d'un nouvel énoncé des politiques, de dire un certain nombre de choses assez claires, clairement, en
respectant, évidemment, les juridictions des municipalités, mais en démontrant du leadership et en mettant la
table pour un grand débat de société qui peut mener à une approche peut-être un peu plus musclée, une approche,
vraiment, de concertation. Ce n'est pas quelque chose qui va arriver
dans 24 heures, mais, à mon avis, c'est un nouveau chapitre qui devrait
être regardé très attentivement.
Mme
Weil : Et est-ce que ces actions iraient aussi, jusqu'à,
évidemment, l'intégration? Et on parle beaucoup d'intégration en emploi, aux obstacles, et on pose des questions sur qui
a ce... comment mobiliser le mieux. Le gouvernement peut avoir des politiques, financer des
organismes, etc., et ce n'est pas le gouvernement seul qui peut assurer qu'on
ait une société plus inclusive. Voyez-vous
les villes jouer ce rôle de mobilisation, même des entreprises, évidemment, où
il y a des barrières, on le voit? Dans
quel sens vous voyez ce rôle des villes pour construire des sociétés, des
villes plus accueillantes, ouvertes?
M. Seidle (F. Leslie) : Tout le monde doit s'atteler à cet objectif. Et
j'aimerais offrir une observation pointue à cet égard. Les témoins précédents ont parlé à plusieurs reprises de ce
que j'appelle... pas la reconnaissance des diplômes étrangers, mais la non-reconnaissance. Ceci est un
grand, grand, grand problème économique, social, c'est un problème de société. Et ça ne bouge pas au Québec, ça ne
bouge pas dans le reste du Canada. Oui, il y a certaines professions qui
font des petites choses, et tout ça, mais, en réalité, ça ne bouge pas. Et ce
n'est pas étonnant que les gens qui viennent ici
sont déçus parce qu'après cinq ans, sept ans, ils n'ont pas encore trouvé un
emploi dans leur domaine, c'est... Et ce que le gouvernement canadien
est en train de faire est en partie une réponse à ce manque de cohérence entre
les capacités et les emplois. Peut-être que
ceci va aider — on ne
peut pas voir, je n'ai pas une boule de cristal — mais, entre-temps, on laisse... les ordres professionnels font leur
travail comme ils veulent. Ces ordres-là aussi devraient faire partie de
cette concertation et devraient commencer à regarder plus loin que leur
lorgnette professionnelle.
Mme Weil :
Très bien. J'aimerais céder la parole au député de D'Arcy-McGee.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee,
2 min 30 s.
M.
Birnbaum : Merci, M. le Président. Je trouve vos derniers commentaires
troublants, mais il est très important qu'on parle d'une reconnaissance
des acquis et de comprendre comme... qu'il faut trouver l'équilibre entre le
rôle de protéger le public et l'intégrité
des professions, mais aussi de donner accès, à l'intérêt de tous les Québécois
et Québécoises, aux nouveaux arrivants qualifiés.
Je veux revenir à un
de vos trois volets sur la sous-représentation. Pour avoir suivi de très près
ce dossier depuis 30 ans — et, j'en conviens, vos chiffres en
témoignent — le
progrès est assez modeste, il faut dire. Dans un premier temps, je vous inviterais — peut-être c'est d'une évidence, mais je
trouve ça important — de nous
parler un tout petit peu de qu'est-ce
que le Québec perd en ne faisant pas
de progrès sur ce dossier-là parce
que ce n'est pas nécessairement évident à tout
le monde. Qu'est-ce qu'on perd comme société? Et, dans un deuxième temps, quoi faire, finalement, pour redresser ce manque de représentation de notre diversité?
M. Seidle (F. Leslie) : Rapidement, au moins deux choses. D'abord,
la nature des décisions, la recherche démontre, la recherche surtout en ce qui concerne la participation des femmes,
secteur public, secteur privé, quand les femmes sont plus présentes,
surtout au-dessus de 30 %, la nature des processus de décision change et
les décisions elles-mêmes changent, c'est
normal. Si, au sein d'un conseil municipal, il n'y a qu'une personne parmi 30
ou 35 qui vient des minorités, c'est une voix. Peut-être que la personne
serait éloquente et active, mais ce n'est qu'une voix.
Plus théorique, mais
réel aussi, il y a des incidences sur la légitimité des institutions publiques,
que ça soit les institutions élues ou les
institutions administratives. Les gens qui viennent ici deviennent, en grande
partie, des citoyens. On espère qu'ils vont participer. Ils vont
peut-être voter, peut-être se présenter. Mais, si les institutions ne
paraissent pas comme la société et s'il n'y
a pas de geste d'accueil, comme par exemple dans le recrutement, ça ne changera
pas, et, à long terme, le niveau de
confiance de ces gens-là et peut-être de la population plus large... Moi, comme
citoyen qui a un visage blanc, je suis inquiété par ces chiffres aussi.
Le Président (M.
Picard) : Je vais céder maintenant la parole à M. le député de
Bourget.
M.
Kotto : Merci, M. le Président. M. Seidle, soyez le
bienvenu, heureux de vous avoir parmi nous. Juste quelques petites
remarques. La langue française au Québec, si elle est légiférée, du moins, de
ce que j'ai observé — ça
n'est pas ma première langue, c'est ma
troisième langue — c'est
probablement parce que le Québec ne veut pas se retrouver dans la
position de la Louisiane, par exemple, d'ici quelques générations. Considérant
que la langue anglaise n'est pas légiférée
au Canada, il est évident que le poids démographique aide, quelque part, et
puis la grosse machine de production culturelle
états-unienne aide aussi pour beaucoup. Ce qui fait que, quand on est 2 %
de parlants anglais en Amérique du Nord, il y a de quoi prendre des
mesures, les précautions pour sauvegarder sa durabilité.
Une
question de sémantique aussi. Quand on parle en ethnique, on parle ethnies, on
parle communauté culturelle en politique — du moins, quand on tombe dans l'ethnisation
des gens en politique — on évacue spontanément, consciemment ou inconsciemment, la
notion de citoyenneté. Et ça, ça me ramène à un autre débat, mais j'y
reviendrai une autre fois avant la fin de
ces travaux. Les mots peuvent avoir une portée que vous ne pouvez pas imaginer.
Moi, je n'aime pas qu'on me traite de
communauté ethnique. Vous voyez ce que je veux dire? Je suis un citoyen et je
me suis intégré au Québec en tant que tel. Je n'appartiens pas... Quand
je vivais au Cameroun jusqu'à l'âge de 17 ans, je n'appartenais pas à une communauté, j'étais un citoyen du Cameroun. Et par
la suite, en France, c'était pareil. Alors, le fait d'étiqueter vient
réduire en moi le citoyen que je prétends être. Il faut prendre cela en
considération.
Quand
vous appuyez l'idée de délester des responsabilités gouvernementales aux
municipalités, est-ce que vous envisagez aussi que des enveloppes, en
l'occurrence les transferts en matière d'intégration venant du fédéral, suivent
le même chemin? Ça, c'est une question.
L'autre
question, vous y répondrez en rafale, vous disiez qu'après quatre ou cinq ans,
les gens qui n'ont pas trouvé un emploi alors qu'ils... les gens n'ont
pas trouvé un emploi, vivent des frustrations. Mais je vous dirais que, s'ils n'ont pas trouvé un emploi au bout de quatre, cinq
ans, c'est parce qu'il y a eu un problème quelque part, quelqu'un leur a
raconté des conneries, au départ, avant qu'ils ne traversent la frontière. Et
des histoires d'horreur, j'en connais, des gens
à qui on a fait miroiter plein d'affaires et qui sont arrivés ici, qui se sont
retrouvés seuls, abandonnés, sans réseau, sans soutien, sans support. Certains autres ont eu ce réflexe de se
replier dans des milieux qui sont des milieux organisés, culturellement parlant, mais ça n'aide pas à
l'intégration non plus. Voilà, en gros. Mais j'aimerais que vous me
répondiez à savoir si, dans la mesure où le gouvernement déleste certaines responsabilités en termes d'intégration aux municipalités,
les transferts fédéraux en matière d'intégration vont suivre également.
• (17 heures) •
M. Seidle
(F. Leslie) : Je n'ai
aucunement suggéré que le gouvernement du Québec déleste ses responsabilités. J'ai recommandé un leadership accru et de la
concertation au sein de l'État québécois, y compris les sociétés d'État et autres organismes,
et j'ai recommandé un leadership accru au
niveau municipal. Peut-être
qu'il faudrait envisager une certaine... des ressources supplémentaires;
le temps n'est pas propice à cela. Mais l'objectif de mon accent sur les municipalités, c'est de ne rien enlever du gouvernement
du Québec. Tout à fait le contraire, le gouvernement
du Québec devrait probablement faire plus; certainement les ministères qui sont un peu moins actifs et les municipalités devraient en faire plus : pas seulement dans le domaine de
l'embauche, dans le domaine des programmes aussi.
M. Kotto : Je vais également aller dans votre sens quand vous parlez de
l'importance de la diversité dans l'institutionnel. Je vous suis jusqu'à la limite du
culturel intégré dans sa diversité. La diversité culturelle dans
l'institutionnel est source de chaos. Ça a
été observé un peu partout. Et je ne connais aucune institution, à travers le
monde, qui fasse en dehors du monoculturel. C'est un peu comme la
question de la séparation du religieux de l'État.
À partir qu'il y a une diversité dite d'entité
culturelle intégrée dans l'institutionnel, il y a fort à parier qu'on va au-devant d'un désordre annoncé. À moins que
vous ayez des exemples, est-ce qu'il y a un pays dans le monde qui ne
donne... qui ne verse dans le monoculturel en termes de culture
institutionnelle?
M. Seidle
(F. Leslie) : Je n'ai pas
tout à fait suivi, mais je vais simplement observer qu'un pays qui ne
s'appelle pas monoculturel, mais qui s'appelle républicain et laïque, la
France, souvent utilisée comme un exemple ici, au Québec, ne fait pas très bien actuellement. Et pas
seulement en raison de l'intégrisme religieux, elle ne fait pas très bien non
plus parce qu'officiellement on oublie que
la différence et la division sont des fois causées par les écarts
socioéconomiques et par l'isolement. Et
l'isolement n'est pas seulement quelque chose que les gens font eux-mêmes; on
peut s'isoler des autres ou on peut
être repoussés par la société elle-même. Et j'ose dire, en France, que ces deux
phénomènes existent actuellement.
Des décisions
ont été prises, il y a longtemps, d'encourager les immigrants d'être logés dans
des tours à l'extérieur des
centres-villes et malheureusement la France vit les conséquences de cette
décision. Elle n'était probablement pas prise pour des mauvaises raisons, mais la France essaie d'attiser... diminuer
la différence et elle n'est pas en meilleure position que le Canada, le Royaume-Uni, les États-Unis ou
d'autres pays où on accepte une composition plus variée de la société.
M. Kotto : Attention... Oui.
En fait, j'aurais rappelé que Mme Merkel et monsieur... le premier ministre britannique, à l'instar de M. Sarkozy, avaient
dénoncé l'échec du multiculturalisme, aussi. Donc, tous les systèmes
sont à remettre en question, si je vous entends bien.
M. Seidle (F. Leslie) : Ce sont des
débats qui vont continuer partout.
M. Kotto : O.K.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de Borduas, c'est à vous.
M. Jolin-Barrette : J'aimerais continuer
la discussion que vous aviez avec mon collègue de Bourget, précédemment, au niveau de l'identification
à la citoyenneté. Mon collègue disait : On ne doit pas nécessairement
s'afficher en fonction du groupe ethnique ou
du groupe culturel d'où on provient, mais plutôt de prendre part à... de
s'identifier au niveau de la citoyenneté.
Dans votre mémoire,
vous mentionnez... vous faites une distinction entre le fédéral, les représentants fédéraux, les représentants provinciaux et, au niveau municipal,
au niveau des représentants politiques. Est-ce que vous considérez que les partis politiques devraient faire un
effort supplémentaire pour présenter des gens issus de communautés
culturelles dans des comtés où il y a une forte densité de personnes issues de
minorités visibles?
M. Seidle (F. Leslie) : Oui.
M. Jolin-Barrette : Et est-ce que
vous croyez que cette pratique-là devrait être institutionnalisée par le biais
de lois, de réglementations?
M. Seidle (F. Leslie) : Non. Cela devait être la responsabilité des
dirigeants politiques, comme c'est le cas, par exemple, le parti nouveau
démocrate qui a des processus internes en ce qui concerne les nominations et
qui ont porté des fruits. Une des raisons
que le pourcentage de députés de minorités visibles est aussi élevé à Ottawa,
c'est que le parti néo-démocrate a une politique
dans ce sens, et le parti néo-démocrate a fait très bien dans les dernières
élections, surtout au Québec. Ce pourcentage
risque de baisser un peu aux prochaines élections. Je ne le souhaiterais pas,
mais c'est probable que ça va se passer.
M.
Jolin-Barrette : Et, si votre étude s'était penchée sur les élections
fédérales de 2008 et de 2006, le portrait aurait été différent de... est-ce que le portrait, selon votre
connaissance, aurait été semblable à celui qu'on a au provincial?
M. Seidle (F. Leslie) : Si je me rappelle bien, il y avait une
augmentation d'à peu près 2 %. Le Parti libéral, qui avait traditionnellement pas mal de députés de
minorités visibles, des collectivités immigrantes, a perdu un certain
nombre de sièges dans la région de Toronto, Vancouver, et cela a été compensé
et plus par les gens qui ont gagné au Québec.
M.
Jolin-Barrette : Outre les règles internes d'un parti qui favorisent
l'implication de membres de minorités visibles,
est-ce qu'il y aurait une façon d'attirer ces membres des minorités visibles là
vers les partis ou vers l'engagement public, vers la vie publique?
M. Seidle (F. Leslie) : Bien, il y a bien des moyens : l'éducation
publique, la sensibilisation. Une des raisons que je voulais parler du
municipal dans le sens politique, programmes, représentation, c'est parce qu'à
mon avis c'est un chapitre qui n'a pas été
aussi bien étudié et que, quand le Québec... quand le gouvernement regarde
l'avenir, ce n'est pas une carence, mais cet oubli ou... devrait
recevoir une attention.
M.
Jolin-Barrette : Et, en l'absence de législation, vous pensez que les
partis politiques vont inclure, dans leurs
statuts, des règles en ce sens-là? Parce que certains partis politiques qui
possèdent, pourrait-on dire, des châteaux forts, vont favoriser certaines vedettes francophones à titre de candidats.
Vous ne pensez pas que l'objectif ne sera pas atteint?
M. Seidle (F. Leslie) : Dans un premier temps, je pense qu'on devrait,
dans un contexte de leadership et sensibilisation,
demander aux partis politiques, que ça soit fédéral, municipal, autres, d'en
faire plus, et, si ça ne fonctionne pas, la représentation des femmes
s'est améliorée. Elle n'est pas toujours aussi bonne, surtout à Ottawa, elle
stagne autour de 24 %, mais les choses
ont changé. Pourquoi elles ont changé? Parce que les partis politiques étaient
sensibles aux courants de la société. S'il y
a un débat plus visible au sein de la société québécoise, les formations
politiques vont être obligées de réagir, elles ne vivent pas dans un
vase clos.
M.
Jolin-Barrette : Est-ce que certains pays...
Le Président (M.
Picard) : ...M. le député, je cède maintenant la parole à M. le
député de Mercier.
M. Khadir :
Débat excessivement intéressant, mais je n'ai que deux minutes, monsieur,
alors, je vais essayer... même, j'aurai une discussion avec mes
collègues sur ce sujet-là...
M. Seidle (F.
Leslie) : ...les deux.
• (17 h 10) •
M. Khadir :
Oui. Alors, je vais essayer de l'être.
Vous
avez parlé de la nécessité, pour les administrations municipales entre autres, à tous les échelons de responsabilité, d'inclure, d'être plus inclusives... en fait, d'être aveugles aux
différences... être aveugles au fait que nous sommes ethniques, et, si les institutions le sont véritablement, ne racialisent pas le regard qu'elles portent
sur nous, tout naturellement, après 40 ans d'existence de 15 % à 20 % de minorités visibles,
naturellement il devrait y en avoir 10 %, 15 % dans
l'administration publique, ce qui n'est pas le cas.
Mais parlez-moi un
peu... Est-ce que l'État peut demander ça aux entreprises privées, peut
demander ça aux administrations municipales,
alors que la SAAQ, la SAQ, Loto-Québec, Hydro-Québec, les différentes régies,
la Caisse de dépôt par exemple, et
les propres fonctionnaires du gouvernement sont à 5 %, 6 %? Et,
encore, ça inclut tout le monde, comme vous dites, et non pas les
échelons de responsabilité parce que, là, c'est en dessous de 1 %.
M. Seidle (F. Leslie) : Je suis entièrement d'accord avec vous, et les
grandes sociétés d'État comme la SAQ, en vertu de la loi, une de ces multiples lois dans ce domaine, devaient
avoir des programmes d'équité en matière d'emploi. Je ne peux pas dire si la SAQ en a un, et je
n'aurais pas pu trouver des chiffres non plus, parce qu'on n'a même pas
des chiffres pour les municipalités. Le
chiffre que je vous ai donné vient d'une étude effectuée par des institutions
universitaires. Alors, pour amorcer ce débat
de société, on est loin, on n'est même pas à une base d'information, une base
de chiffres.
Vous
allez entendre bientôt Mme Chicha. C'est probablement la personne la plus
experte, au Québec, en ce qui concerne
les programmes d'équité en matière d'emploi. Vous devrez lui poser les
questions précises à ce sujet-là. Mais on est loin d'être bien équipés,
même pour ce débat de société.
Le Président (M.
Picard) : Donc, je vous remercie, mon cher.
Et je vais suspendre les travaux quelques instants
afin de permettre au Regroupement des organismes communautaires
autonomes jeunesse du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 12)
(Reprise à 17 h 16)
Le Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en accueillant le Regroupement des organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec.
J'inviterais Mme Norris à présenter les gens qui l'accompagnent. Et vous
avez 10 minutes pour faire votre présentation, s'ensuivront des échanges avec
les parlementaires.
Regroupement des organismes
communautaires
autonomes jeunesse du Québec (ROCAJQ)
Mme Norris (Sylvie) : Merci, M. le
Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je me présente : Sylvie Norris, directrice du Regroupement des
organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec. J'ai avec moi
Mme Odette Gagnon, coordonnatrice du TRAIC Jeunesse; Noël Nakhoul — il
faut que je le regarde, quand même — coordonnateur du centre... non, intervenant
social au Centre Multi-Services Le Complice —parce qu'on a eu un changement de dernière minute; M. Koffi Gamedy, qui est travailleur de
rue à TRAIC Jeunesse; et Abdellah Jaafria, qui est du Carrefour d'action
interculturelle.
Le ROCAJQ est
un regroupement de 50 organismes, qui couvre l'ensemble du territoire
québécois, qui rejoint plus de
300 000 jeunes, à chaque année, par ses interventions individuelles ou de
groupe. Les membres du ROCAJQ pensent tous
à utiliser l'approche globale communautaire comme philosophie d'intervention.
Ils ont un rayonnement local, parfois provincial ou national et, dans
certains cas, une reconnaissance internationale. Les directions et les
coordinations des organismes membres du
ROCAJQ sont reconnues pour leur expertise et leur savoir-faire. Les organismes
communautaires autonomes jeunesse du Québec sont reconnus pour leur capacité de
prendre le pouls de leurs communautés locales, à travailler avec leur milieu, dans une dynamique de coconstruction, en
plus d'identifier, d'innover et d'adapter leurs pratiques aux réalités
multiples des jeunes de 0 à 35 ans.
Le ROCAJQ est désireux de faire connaître ses
pratiques auprès des élus, des réseaux publics, des médias et du grand public, tout en encourageant le
développement d'une expertise jeunesse diversifiée et forte de ses membres.
Il est important de vous informer que le
ROCAJQ, dès qu'il a été informé de la tenue de cette commission, s'est chargé
de rencontrer ses membres qui interviennent auprès des communautés culturelles,
et que nos commentaires porteront essentiellement
sur les enjeux qui touchent la jeunesse, même si plusieurs autres sujets
abordés par la commission ont des impacts sur les jeunes, mais touchent
davantage leurs parents, la famille ou les membres de leur environnement.
Nos membres ont relevé certains sujets qui
seront abordés par plusieurs autres groupes, nous apporterons donc le point de vue. Toutefois, permettez-moi de
prendre davantage de temps pour aborder une réalité qui touche les jeunes, mais qui semble ne pas avoir retenu
l'attention du gouvernement, c'est-à-dire les jeunes de deuxième
génération.
Donc, on y
va. Là, je vais être un peu plus à l'aise, je n'aime pas la lecture, je m'en
excuse. Donc, on parle de l'importance
de l'accueil et de l'inclusion, de la société d'accueil, justement les jeunes
de deuxième génération, et bâtir une société exempte de préjugés,
discrimination et d'intimidation, de racisme. Pour nous, ce qu'on constate,
c'est lorsque l'accueil des nouveaux
arrivants est déficiente ou corrobore certaines lacunes, assez rapidement ça a
des impacts sur la société d'accueil.
Et il y a vraiment des manques, au niveau de notre politique actuelle, qu'on a
pu relever, tant au niveau de la connaissance du milieu avant
l'immigration, mais aussi dans l'adaptation des connaissances, tant des
politiques familiales en ce qui a trait à l'éducation des enfants,
l'encadrement des enfants dans le milieu scolaire et compagnie, qui semblent
être un peu encore déficientes au niveau de notre société d'accueil.
On constate
aussi que les Québécois, qui est un peuple quand même très ouvert, semblent
avoir de plus en plus de difficultés
à garder cet esprit d'ouverture, surtout par tout ce qui se passe à
l'international. Les médias viennent teinter l'esprit d'ouverture des
Québécois, et c'est des choses qui nous préoccupent particulièrement.
• (17 h 20) •
Étant donné qu'on dispose de 10 minutes, par
contre je vais apporter votre attention vraiment sur les sujets qui nous ont
préoccupés davantage, c'est-à-dire les jeunes de deuxième génération. Les
groupes travaillent avec ces jeunes-là, et
ces jeunes-là, ce qu'on constate, c'est un problème sérieux au niveau de l'identité.
Le jeune qui vient d'une deuxième
génération, un, n'a souvent pas fait le choix d'immigrer et a souvent soit
suivi ses parents ou est né ici, mais a de la difficulté à s'identifier tant dans sa société
d'accueil, qui est le Québec, ou de naissance, mais aussi dans la société de ses parents, parce que lui ne
l'a pas connu, son pays d'origine. Donc, ce qu'on constate, c'est que ces
jeunes-là vivent des... excusez-moi le terme
anglais, mais là il ne me vient rien d'autre à l'esprit, mais des clashs entre
les cultures et doivent faire des
choix. Mais ces choix-là ne plaisent pas toujours au milieu familial,
et, quand on commence à avoir un processus... surtout, on voit ça surtout dans la préadolescence et l'adolescence, quand il y a
un processus d'affirmation qui commence à se faire, ce qu'on constate,
c'est qu'il y a des conflits, entre les cultures, qui se passent au sein même
de la famille.
Nous, on
pense que les organismes communautaires, oui, sont habilités à répondre à ça, mais pas
entièrement. Ça doit se faire en
intersectorialité avec les ministères, les différents ministères qui
interviennent, tant auprès des enfants, des adolescents, des familles, tant au
niveau de l'éducation, santé et services sociaux, tout ce qui intervient auprès du jeune,
en fait. Et ce qu'on remarque, c'est que ces
jeunes-là, quand ils n'arrivent pas à s'identifier de par leur origine
ethnique, tentent de le faire par des
attraits émotionnels, par des intérêts communs, par toutes sortes d'activités
qui, des fois, les amènent à faire de drôles de choix ou des choix qui
ne les amènent pas toujours dans un cursus sécuritaire pour eux, tu sais.
Donc, à ce moment-là, ce que nous, on veut voir,
c'est comment, dans notre prochaine politique, on va porter une attention
particulière à cet élément-là. Je vous avoue, j'ai lu tous les documents et
j'ai l'impression que ça a été bien évité
ou, en tout cas, peu abordé. Alors, c'est pour ça que je veux vraiment
prendre notre 10 minutes pour parler de cet enjeu-là et aussi du
profilage racial que les jeunes vivent beaucoup suite à ça. Bon.
Si on le prend dans une famille
commune, régulière, normale, arrivée de l'immigration, ce qu'on va voir
souvent, c'est qu'il va y avoir une réalité d'éducation à la maison et une réalité différente d'éducation en dehors de la
maison. Ce que ça amène, c'est le jeune soit à mal comprendre les
schémas externes, c'est-à-dire mal s'intégrer dans la communauté externe ou mal
s'intégrer dans la communauté familiale, tu sais, si on le prend en deux
termes, là. Donc, ce que ça va amener, c'est
soit des comportements inadéquats en classe, en dehors de la classe, dans les
milieux et compagnie, bon, on s'entend, et la recherche de la société...
d'une autre allégeance quelconque.
Ce
qu'on voit aussi de plus en plus, c'est le phénomène des parents qui ont été bien
accueillis, qui ont intégré la culture,
mais qui ne l'ont pas fait tout au long du processus, c'est-à-dire que l'enfant, très petit, s'adapte quand même bien à cette double
réalité là, mais, plus il vieillit, plus c'est difficile de s'adapter à cette
double réalité là, et les parents ne sont plus accompagnés, rendus là.
Ils sont très rarement encore soutenus dans leurs démarches d'intégration, parce
que ça s'est fait au début. Alors, ce qu'on
dit, c'est : Dans notre continuité des liens, hein — le
ROCAJQ, c'est quand même un peu notre
adage, la continuité des liens — dans la continuité des liens de l'accueil,
il faut aussi qu'il y ait une continuité des liens jusqu'au passage
pratiquement de l'âge adulte du jeune qui s'intègre dans sa communauté, même
pour les jeunes de deuxième génération, et c'est là qu'on met des bémols.
Donc,
si vous me permettez, dans ce processus-là nous croyons qu'on doit vraiment
mettre l'accent sur plusieurs éléments, surtout que, dans le rapport, on
nous parle que 29,4 % des nouveau-nés, en 2013, sont issus d'un ou de deux... d'un parent, au moins, issu de
l'immigration. Donc, on parle quand même d'une large société... d'un large
bassin de jeunes qui vont être... qui vont évoluer avec cette réalité-là.
Donc,
nous, ce qu'on parle, c'est que, vraiment, pour nous, il devient vraiment
important de soutenir les organismes communautaires
qui interviennent auprès de ces communautés culturelles et soutenir les
approches innovantes, tant par le financement,
mais aussi les interrelations entre les organismes publics, parapublics et
gouvernementaux, et les organismes communautaires, et les familles. Il
faut développer des canaux de communication entre tous ces gens-là.
Il
existe plein d'initiatives. On a parlé des médiateurs culturels, on a parlé des
agents de liaison, c'est toujours des postes qui sont peu garantis, peu
soutenus, peu reconnus dans leurs pratiques et qui sont toujours fragilisés.
Donc, il y a toujours un renouvellement de ces gens-là et ça ne permet pas
nécessairement un bon ancrage et une bonne collaboration, parce que, d'un mois
à l'autre, on ne sait pas si c'est l'agent... encore le même qui sera là ou ce
sera un nouveau, parce que ces programmes-là
ne sont pas reconnus et soutenus en tant que tels. Ils sont soutenus sur une
base temporaire de mois en mois, ou de six mois en six mois, ou d'année en
année. Donc, on parle de ça.
Ce que nous, on vous
recommande aussi, c'est de s'assurer que, dans cet esprit de médiation
culturelle là, de toujours garder à l'esprit... puis de former les gens pour
que les gens comprennent bien l'accueil... la réalité de la société d'origine. Donc, ce qu'on propose, évidemment,
comme on croit que les experts d'une situation, c'est ceux qui la vivent, bien, ce qu'on propose, c'est que ce soient des
gens qui sont issus de ces communautés-là qui agissent comme agents de liaison
ou qui agissent comme agents d'interrelation ou de médiateurs culturels, que ce
soient des gens choisis par la communauté — parce qu'on a déjà des communautés qui existent
ici, au Québec — qui
soient formés, qui soient amenés à travailler
avec les organismes communautaires et que ce soient eux qui soient les experts
pour aussi permettre aux familles...
Il faut amener nos
Québécois de souche à ouvrir l'esprit puis à se rendre compte que ce n'est pas
parce qu'il y a un regroupement, je vais
dire, de n'importe quoi, mais de Maghrébins — c'est le premier qui me vient à
l'esprit — que
c'est un danger public; ça peut être très
positif. Ça fait qu'il faut aussi changer ces esprits-là, et ça, vous le verrez
dans le rapport. Je ne vais pas rentrer dans
ces détails-là parce que, dans notre mémoire, on en parle longuement, dans la
société d'accueil, et tout ça. Je ne vais
pas entrer là-dedans, je veux vraiment vous ramener vraiment à l'élément qu'on
a choisi de parler, c'est-à-dire les jeunes de deuxième génération.
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme Norris. Je cède maintenant la parole
à Mme la ministre.
Mme
Weil : Oui. Merci, Mme Norris, Mme Gagnon, Mme Bozza,
M. Jaafria et M. Gamedy. Merci beaucoup de votre présence.
On va arriver sur
cette... en fait, j'ai beaucoup entendu parler des jeunes de la deuxième
génération dans mes conversations pour
préparer tout ce travail. Il est évoqué un peu, mais vous avez raison, ça ne
sort pas fort, mais je l'ai beaucoup entendu, et que c'est une grande préoccupation.
Vous l'expliquez bien.
J'essaie
d'abord de comprendre comment vous, vous le repérez. Quelles sont les
expertises? Est-ce que c'est juste l'expérience
qui fait que vous le repérez? Parce que vous utilisez le mot «problème grave».
Je veux bien comprendre ce que vous voulez dire par «problème grave».
Comme société, qu'est-ce que ça nous dit, ça... comme gouvernement?
Mme Norris (Sylvie) : Écoutez, je vais répondre, au début, à la question et, après, je vais
donner la parole à Koffi.
Là où nous, on voit
un problème grave, c'est le jeune qui ne s'identifie à aucune société
d'accueil, il va rechercher une
identification. Et il va la rechercher... il peut la rechercher dans la
criminalité, il peut la rechercher dans les arts, il peut... Ça peut être très positif, qu'on se comprenne, mais
c'est juste que les petits nombres qui vont les rechercher dans les
endroits où leur sécurité pourra même être mise en danger, bien, ce petit
nombre là, en soi il va accentuer les préjugés aussi envers cette communauté-là,
on s'entend.
Donc,
pour nous, il est important d'amener ça de façon positive. Ce jeune-là qui est
en recherche identitaire, il a plein de moyens qu'il trouve des lieux
positifs dans sa recherche. Les organismes en sont, mais il y a plein d'autres lieux. Il y a des organismes... Il y a des
municipalités qui offrent des activités et compagnie, mais c'est important
d'agir rapidement, avant que la crise
identitaire devienne trop importante. Et là la raison pour laquelle je vais
passer la parole à Koffi, c'est que
Koffi, il est travailleur de rue puis il serait plus en mesure de vous
expliquer un peu ce qui peut se passer, en fait, dans une réalité d'un
jeune.
M. Gamedy (Koffi) : Oui. Bien, pour moi, je vous dirais que, par
rapport à ces jeunes-là, c'est que, lorsqu'ils n'ont pas d'identité, ils ne savent pas où se situer, ils se cherchent
une vie, ils cherchent à être reconnus dans la société. Lorsqu'ils n'ont pas ce lieu-là, cette chance,
bien, ils finissent par, comme tu dis, tomber dans la criminalité puis de
se laisser aller puis, en même temps,
d'encourager leur petit frère à suivre cette voie-là parce qu'ils ont comme
cette éducation qui dit : Bien,
écoute, plus tard, c'est clair, tu ne pourras pas avoir de chance pour évoluer
parce que, de toute façon, dans la job, tu n'en auras pas parce que papa
n'a pas eu une bonne job et moi, je n'ai pas eu une bonne job, toi, tu n'auras
pas une bonne job. Ça fait qu'ils vont
s'encourager dans le négatif. Ça fait que c'est là où est-ce qu'on dit que ça
peut être grave parce que, bien, la stigmatisation va continuer, puis on
essaie de réduire ce risque-là.
• (17 h 30) •
Mme
Weil : Donc, vous... j'imagine, beaucoup à Montréal, c'est...
ou vous le voyez un peu partout, mais c'est surtout à Montréal, la
diversité puis la deuxième génération. C'est là, j'imagine, que vous voyez le
phénomène ou est-ce que vous l'avez vu dans d'autres régions?
Mme Norris
(Sylvie) : Bien, en fait, Koffi n'est pas de Montréal.
Mme
Weil : Parce qu'on... J'entends ce que vous dites, puis on me dit que, oui, ce phénomène,
on peut le voir...
Mme Norris (Sylvie) : Ce phénomène, on peut le voir, mais c'est que le rapport
identitaire, tous les adolescents le vivent,
en fait. On va se dire les vraies choses aussi, là, tous les adolescents le
vivent. Par contre, les adolescents qui viennent de
l'immigration, là où on voit que c'est davantage accentué, c'est qu'ils n'ont
pas de référence non plus de leur pays d'origine. C'est les parents qui les
ont. Souvent, ils vont y être allés, mais en voyage. Ils ne sont pas imprégnés
de cette culture-là, donc ils ne se reconnaissent pas non plus.
Je
vous donne un exemple simple. Quand qu'on a fait nos «focus groups», on avait
peut-être 35 personnes autour de nous,
et, bon, vous voyez, là, j'ai une grande diversité culturelle dans mes
organismes. Sur les 35, on était deux Caucasiens, tu sais. Bon, ça va quand même assez bien. Et là
j'ai dit aux gens : Toi, tu sais, c'est quoi, ton origine? Tu viens
d'où? Il dit : Bien, moi, je suis tanné
qu'on me pose cette question-là : Je viens d'où? Je viens du Québec. Quand
je réponds que je viens de Montréal
ou de Québec, les gens disent : Bien non, tu viens d'où? Mais là je suis
obligé de parler des origines de mes parents, mais moi, je suis né ici.
Donc, on ne me reconnaît pas le droit d'être un Québécois, O.K.? On ne me le reconnaît pas. Et moi, en plus, je n'ai même pas
le prétexte d'avoir le courage d'avoir immigré, hein? Ça va jusque-là
pour les jeunes. Donc, les jeunes
disent : Bien, moi, je ne me reconnais pas comme Québécois, mais je ne me
reconnais pas non plus comme
l'origine de mes parents parce que je ne le connais pas, ce pays-là dont on me
parle depuis que je suis tout petit. Je n'y ai pas vécu.
Donc,
là où ça devient plus problématique, c'est que le Caucasien normal québécois,
là, d'origine, de sixième génération,
lui, il ne se pose pas ces questions-là, tu sais. Il se pose : Qu'est-ce
que j'aime dans la vie? Où est-ce que je m'en vais? Qu'est-ce que je
veux faire comme métier? Tu sais, on est à peu près là, ce qui n'est pas le cas
du jeune. On parle d'une réalité identitaire
qui est un peu plus profonde. Et là, si cette personne-là n'arrive pas, de par
ses talents, à s'associer, bien, à ce
moment-là, elle peut tomber vite dans le négativisme, puis c'est ça qui nous
inquiète. En fait, si on repart de la base, si on repart du début, si
cette personne-là est bien entourée...
Moi, je vais vous
nommer des cas types, là. Les jeunes décident qu'ils vont au centre de jeunes à
proximité, ils se font des amis, deviennent...
ils tripent sur les arts, commencent à peindre ensemble ou peu importe, faire
de l'art, et là les parents débarquent, ils disent : Bien, oui,
mais ce n'est pas un milieu que nous, on juge suffisamment correct. On n'est pas capables de parler avec les parents.
Vous voyez, là, il arrive toute une dynamique où là, le parent, bien, vu
qu'il voit que le milieu est comme un peu...
tu sais, les jeunes sont d'un peu toutes les origines, les parents deviennent
un peu inquiets puis ils disent : Bien, moi, je vais t'interdire
d'y aller. Donc, le jeune ne peut plus appartenir à ce groupe-là. Ça fait que... Puis il faut aussi ajouter que le
parent, souvent, n'a pas toujours une bonne maîtrise de la langue
française. Ça fait que, quand l'intervenant du milieu veut intervenir avec le
parent, ça complexifie les choses encore.
Donc,
je ne veux pas exagérer le problème, mais, quand on voit même la fratrie, puis
c'est ce que Koffi a amené tantôt, on se rend compte que, même dans
cette crise identitaire là, les plus vieux qui ont passé par là vont souvent dire :
Bien, au moins, rallie-toi au groupe d'origine parce qu'au moins, là, on va
être une gang ensemble, à vivre ça ensemble,
tu sais. Mais, en même temps, si le jeune, il veut adopter la culture
québécoise, disons, à plus grande échelle que les autres frères et soeurs, bien, il va se faire ramener à l'ordre. Et
ça, ça nous inquiète un peu. Ce qu'on veut voir, ce qu'on aimerait voir dans une prochaine politique, c'est
vraiment des actions qui permettent de suivre la famille sur plus d'une génération, d'accompagner la famille dans plus
d'une génération et de soutenir ces jeunes-là par toutes sortes de
mesures et de moyens pour leur assurer de s'associer positivement par leurs
champs d'intérêts, de compétence ou de talents.
Mme Weil :
On a beaucoup parlé de... Oui, combien de temps?
Le Président (M.
Picard) : Sept.
Mme
Weil : Sept. Parce que j'ai un de mes collègues qui voudrait
aussi poser des questions. C'est une question bien importante. On a parlé de cette question un peu hier. Est-ce que...
Bon, et certains, dans les écoles... évidemment, la célébration de la diversité et de ses origines et
la fierté de ses origines. Parce que beaucoup d'experts disent : C'est
bien important que les enfants sentent une fierté. Ils peuvent avoir deux,
trois identités, c'est correct, les Québécois, mais d'être fier qu'on est aussi peut-être haïtien ou d'un autre pays. Et les
écoles ont beaucoup tenté de faire ça. On constate que les écoles ont
bien réussi, les écoles québécoises, en la matière.
Est-ce
que vous voyez un rôle, dans nos écoles, par rapport... très, très jeune, que
chacun puisse célébrer et ne pas se
moquer de quelqu'un qui a d'autres origines, mais célébrer... c'est un peu ça,
célébrer cette diversité qui nous enrichit. Évidemment, le discours du gouvernement a toujours été ça, la diversité.
La richesse de la diversité, c'est une expression qu'on entend beaucoup ici, au Québec, qu'on
n'entend pas beaucoup ailleurs, en Europe. D'ailleurs, il y a des
Européens, quand ils viennent ici, ils sont surpris d'entendre le nombre de
fois que nos élus ici vont dire... parler de la richesse de la diversité.
Mais ce que
vous dites, c'est : Dans les faits, là, il faut vraiment
avoir des gestes, des actions. Donc, les écoles, peut-être, si
vous avez un point de vue sur le rôle des écoles pour valoriser cette
diversité, mais ce qui veut vraiment dire que la personne puisse sentir une
identité puis en être fier...
Mme Norris (Sylvie) : Je vais
inviter Abdellah un bout.
M. Jaafria
(Abdellah) : Oui, c'est sûr,
on en a parlé nous autres mêmes. Encore tantôt, on parlait de l'importance
de l'école parce que le... je veux dire, comme on parle des jeunes, puis c'est les jeunes qui sont l'avenir,
c'est eux qui vont construire la société de demain, donc... Puis je
prenais l'exemple que, dans l'école, ici, à Sainte-Foy, où vont mes enfants au
primaire, j'ai été invité à présenter... Donc, chaque enfant invitait son père,
d'une diversité différente, de présenter le pays d'origine. Puis moi, quand je
le présentais, bien, moi, j'avais un peu... Je suis Belgo-Marocain et maintenant
citoyen canadien et puis québécois, donc je suis moi-même une diversité. Mais
c'était important de présenter ça à
l'école parce que je
trouve que ça permettait l'ouverture des jeunes par rapport à cette diversité, mais, en même temps, de retracer toujours
l'histoire de l'immigration.
C'est
important parce que, quand on parle de l'histoire du Québec,
on parle de l'immigration, on remonte à Jacques Cartier puis etc., puis, un moment, l'histoire du Québec
et de l'immigration arrête à
un moment donné. C'est comme si la construction du Québec avec
l'immigration ne se fait plus. Et c'est important de continuer à toujours
enseigner, à travers différentes activités,
que ce soit en éthique ou en histoire. Même en histoire... je veux dire, je
prends l'exemple que je connais plus
au niveau de la Belgique : à un moment donné, on a rentré dans les cours
d'histoire parce que l'histoire s'arrêtait
à la guerre 1940-1945, quand on l'étudiait à l'époque, puis on a introduit des
cours d'histoire où on prolongeait l'apport de l'immigration dans la
société, et ça, c'était important. Donc, à ce moment-là, les gens comprennent
que l'immigrant n'est pas juste un atout
économique, mais qu'il a amené un apport à la société québécoise. Et on
l'enseigne tout petit, donc les jeunes sont
forgés et savent que, quand ils côtoient des personnes de différentes origines,
à ce moment-là, ils voient que c'est
quelqu'un qui est venu, qui a contribué à construire une route, ou un édifice,
ou l'amphithéâtre, ou etc.
Donc, c'est
sûr qu'il faut continuer à encourager et même de voir si ça ne peut pas être
introduit même dans des cours au niveau du ministère de l'Éducation, si
c'est quelque chose qui peut être envisagé aussi.
Mme Weil : Merci beaucoup.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de Laval-des-Rapides, trois minutes.
M. Polo : Merci beaucoup, M. le
Président et Mme la ministre. Écoutez, je suis 100 % d'accord à ce que Mme
la ministre a mentionné au niveau du rôle de l'éducation et des écoles à ce
niveau-là. Moi-même, je m'identifie beaucoup
à toute votre présentation parce que je suis arrivé au Québec j'avais six ans.
Et malgré que je ne suis pas né au Québec,
mais, à six ans, on ne se rappelle pas beaucoup, là, de souvenirs de son pays
d'origine, et aujourd'hui je maîtrise mieux
le français que l'espagnol, qui est ma langue maternelle, mais effectivement, à
l'adolescence, on se pose beaucoup, beaucoup de questions.
Puis moi,
j'ai peut-être une suggestion et je ne sais pas si vous le faites parmi
vos recommandations... il y a un livre
qui a vraiment changé ma perception sur la question de l'identité, à ne pas,
justement, avoir à choisir — parce que vous avez quand même utilisé ce terme-là — c'est le livre de Amin Maalouf, Les
identités meurtrières, qui justement fait le lien ou qui explique
très clairement le fait qu'on peut vivre correctement sans avoir à faire un
choix au niveau de nos identités, et ça, c'est très important, de par le fait
aussi que je suis marié avec une Québécoise d'origine syrienne et donc... et ma filleule est d'origine haïtienne,
donc, moi, les identités, dans mon quotidien, ça m'entoure constamment,
effectivement.
Et d'ailleurs
je me fais un cas aussi, dans mon comté, de visiter régulièrement les écoles et
les différents organismes qui travaillent avec la jeunesse pour leur
montrer que, qu'on soit un député de Mercier, ou un député de Bourget, ou une
députée de Jeanne-Mance—Viger,
ou de D'Arcy-McGee, ou de Laval-des-Rapides, qu'on soit des Québécois de souche
ou d'origines diverses, on peut aspirer et on a ce potentiel-là d'arriver où on
le souhaite.
• (17 h 40) •
Et c'est la
que je fais un peu le lien avec la présentation de ce matin de la table de
l'histoire du mois des Noirs, qui faisait notamment mention, le fait
qu'il faut présenter un plus grand nombre de modèles de réussite de différentes
origines, bien sûr noire, mais de
différentes origines pour justement donner cette motivation-là et ce désir à
notre future génération d'être
capable de bâtir, justement, ce Québec de demain et de se retrouver dans cette
identité commune à travers le modèle
d'intégration, d'interculturalisme, qui ne nous oblige pas à rejeter ou à
renier l'identité de nos parents d'origine, tout en s'embrassant et en
s'intégrant à l'identité québécoise avec notre différence et avec notre
richesse également. Donc, merci pour votre présentation. Et je ne sais pas si
vous vouliez élaborer, là, sur les quelques...
Le Président (M. Picard) : Il
reste une minute...
M. Polo : Une
minute.
Le Président (M. Picard) :
...si vous voulez réagir aux propos du député de Laval-des-Rapides.
M. Jaafria
(Abdellah) : Juste sur la question
des jeunes de la deuxième génération... parce qu'il ne faut pas
tout mettre dans... englober tout ça, parce que
nous autres, quand on parle, souvent, on focalise sur l'immigration et les
jeunes de la deuxième génération, mais il y a aussi des distinctions à travers
ça. Ceux qui vont avoir plus de difficultés dans l'avenir et être plus stigmatisés et encore plus avec l'effet
d'actualité récent, c'est ceux dits de minorités visibles, dans le fond,
donc... parce que les jeunes issus de l'immigration, il y en a qui viennent, je veux dire, d'Europe, qui sont de
couleur blanche, donc ils vont se confondre
à la société, mais ceux qui vont vraiment
avoir plus de difficultés, c'est la deuxième génération issue de l'immigration,
minorités visibles. Et, comme on disait tantôt, les médias puis l'effet
d'actualité, bien, vont venir faire des apports.
Donc, on voit
un peu ce qu'il y a eu après le... 2001, les attentats, on voyait un
peu les Arabes. On a vu un peu à Québec, après l'histoire de la prostitution juvénile,
les Noirs ont été un peu stigmatisés. Là, aujourd'hui, avec les
médias, bien là, c'est les Arabo-musulmans,
et, avec l'attentat avec... ça a été aussi quelqu'un... dans la boutique
casher, c'était un Noir. Donc, ce n'est plus que les Arabes, c'est les
Arabes puis les Noirs qui rentrent et qui... et donc tous des... des préjugés vont être créés à travers ça dès... Et il y a
une attention particulière sur laquelle il faut porter, c'est ceux de la
minorité visible, déjà qu'ils souffrent aujourd'hui, parce qu'on voit, par
rapport à l'emploi, la minorité
visible a plus de difficulté, il y a de la discrimination à l'emploi,
que ce soit ici, à Québec ou à Montréal. Donc, c'était juste une petite chose
que je voulais souligner. Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, merci d'être là et d'apporter
votre contribution à cette réflexion
qui nous engage jusqu'à la fin de l'année, quasiment. Le ROCAJQ, je connais; le
regroupement, je connais, un des organismes sied dans ma
circonscription, et le travail de terrain qu'ils font est exceptionnel. J'en
suis témoin, j'ai vu aller, et l'angle que
vous avez choisi d'aborder est magnifique parce qu'il illustre clairement et de
façon tangible ce qui est vécu sur le
terrain. C'est du vécu, c'est du réel. Ce n'est pas de la fiction, ce n'est pas
du théorique. Si ces cas existent, ils ne sont pas inventés, ils sont réellement vécus. Heureusement que vous êtes
là pour en ramasser quelques-uns qui iraient facilement gonfler les
rangs de la délinquance, les rangs de la marginalisation, voire de la
stigmatisation et contribuer à enfler dans
l'inconscient collectif les préjugés, je disais hier, intériorisés depuis
plusieurs générations. Vous faites un travail
formidable. Et d'ailleurs mon ancien collègue Alain Paquet, alors député de
Laval-des-Rapides, avait été convié par votre regroupement pour une
remise de prix à une soirée en dehors de Montréal, et les discussions que nous
avions à part portaient là-dessus.
Il ne faut pas prendre à la légère le travail
qui est fait par ce regroupement et les organismes qui sont dans ce cercle-là. C'est fondamental. Sauver une âme,
c'est sauver une communauté. Il est juste dommage que l'on ne mesure
pas, de façon fine, la portée, l'impact du
travail que vous faites dans la cité. On le mesurerait si l'histoire devenait
dramatique. Imaginez que vous échappiez un
enfant. Là, ça ferait la une des médias. Vous en avez sauvé plusieurs, vous en
avez épaulé, vous en avez accompagné plusieurs, mais personne, au plan
médiatique, n'est venu souligner le magnifique travail que vous faites.
Alors, moi,
je prends sans aucun questionnement tout ce que vous avez exposé ici
aujourd'hui, parce que c'est le travail que vous faites. Merci d'être là.
Le Président (M. Picard) :
C'est tout? Merci. M. le député de Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer. Je
voudrais savoir, avec votre
expérience, est-ce que vous voyez une
distinction entre la réalité qui est vécue par les jeunes de deuxième génération entre Montréal et les
régions?
Mme Norris
(Sylvie) : Bien, en fait, on
voit la différence dans le sens où Montréal, bon, accueille des
immigrants depuis plus longtemps. Donc,
évidemment, des fois, à Montréal, on est même rendus à la troisième génération
et, des fois, même à la quatrième
génération. Donc, évidemment que la réalité, elle n'est pas tout à fait la même
qu'en région. Des fois, la région a
commencé à accueillir beaucoup plus tard dans notre processus d'immigration. Ça
fait qu'évidemment on n'est pas
rendus à la deuxième génération, on est encore à la première génération, tout
dépendant des régions. Ça fait que, oui, il y a une différence entre les
régions.
Il y a une différence entre les régions à
plusieurs niveaux. Par contre, dans ce processus identitaire là, ça reste
uniforme. Que tu sois à Montréal ou, je ne sais pas, moi, au Saguenay, ou à
Chibougamau, ou où tu veux, le jeune a quand
même de la difficulté. Parce que je veux revenir quand même sur certains
propos. J'ai parlé de choix, tout à l'heure, entre la communauté d'origine et la communauté d'accueil. C'est un choix
qui n'est pas un choix. En fait, il est souvent imposé par l'extérieur aussi, hein? Il faut aussi que... bon, vous
l'avez nommé tantôt, il faut aussi que le jeune apprenne à se détacher
du regard extérieur parce qu'il va se faire aussi identifier par l'extérieur.
Ce n'est pas que lui, là, c'est aussi une histoire de société.
Dans
notre mémoire qu'on va déposer, il y a 52 recommandations, plus ou moins.
Ça fait que vous allez avoir du plaisir,
là, il y en a beaucoup qui traitent sur plusieurs autres sujets. Mais oui,
effectivement que c'est nommé qu'il y a une différence entre les régions, mais on ne croit pas
que, la différence, elle est due à un meilleur accueil régional, on
croit qu'elle est actuellement juste due à la durée de l'immigration ou depuis
quand on en fait. Parce qu'en réalité l'être humain
est l'être humain, on veut s'associer avec des êtres qui nous ressemblent. Peu
importe d'où on vient, ça reste vrai. Alors,
évidemment que, dans une petite communauté, les gens d'une communauté ethnique
vont se rassembler ensemble. C'est
juste normal, et ça, c'est souvent perçu comme négatif. En fait, ça peut être
très positif parce que ça peut aider la personne à mieux s'intégrer si,
d'une génération à l'autre, on s'entraide à travailler avec la communauté. Mais
il faut aussi préparer notre communauté d'accueil, ce qu'on trouve qui manque aussi.
On n'a pas fait tout le rapport tantôt, mais ce qu'on trouve qui manque aussi.
La question «tu viens
d'où?», si je réponds : Je viens de Montréal, j'aimerais ça que ça arrête
là. Demande le quartier, si tu veux aller plus loin, mais ce n'est pas parce
qu'il est Noir qu'il ne vient pas de Montréal. Il peut venir de Montréal, il est né à Montréal, tu sais. Il
faut éduquer aussi les gens dans l'environnement que, la réponse, elle est
peut-être bonne, à la première question. Tu comprends ce que je veux dire? Je
suis très, très... C'est très simple, en fait, mais il faut apprendre à le faire, ne serait-ce... Je vais prendre un
autre exemple bien niaiseux, mais, à une époque, on ne posait pas la question, on demandait à toi :
Aïe! Comment ça va, ta femme? Parce qu'on parlait à un homme. Bien,
c'est parce qu'on ne sait pas l'orientation
sexuelle du monsieur, tu sais. Ça fait qu'on a appris, avec le temps, à
dire : Comment ça va tes amours, hein? On a varié la patente un
peu. Bon, j'exagère, mais vous comprenez ce que je veux dire. C'est qu'à partir du moment où je demande, peu importe à
qui : Tu viens d'où?, puis qu'il me donne une réponse, ça devrait
me satisfaire. Il faut que j'éduque aussi ma communauté d'accueil.
Ça fait qu'on va très
loin dans nos recommandations, mais je vous donne des exemples très concrets de
ce qu'on veut dire. Il faut, oui, que les médias soient mêlés à ça, il faut que
les médias dépeignent une image positive du multiculturalisme.
Ça apporte plein de choses positives à la communauté. Mais, souvent, on va
juste focusser sur des petits irritants,
sur l'odeur de la nourriture. Oui, mais tu lui as-tu goûté à la nourriture? Tu
sais-tu ce que ça goûte vraiment? Peut-être
que tu vas vraiment aimer ça, tu sais. On peut-u aller un peu plus loin, là?
Mais ça, les médias peuvent travailler ça. Nous, on peut le travailler.
M.
Jolin-Barrette : Au niveau des médias, vous abordez la question des
médias, pensez-vous que l'État a un rôle à
jouer, outre les campagnes publicitaires qu'elle peut mettre en branle, mettre
en place pour sensibiliser la population à la diversité culturelle et à
l'inclusion? Est-ce que l'État doit légiférer à ce niveau-là?
• (17 h 50) •
Mme Norris (Sylvie) : Je suis embêtée à vous dire si l'État doit aller jusqu'à légiférer,
mais l'État doit en faire la promotion,
à tout le moins. Vous suivez ce que je veux dire? Entre la légifération puis en
faire la promotion ou tenter de faire... de mettre en valeur, pour moi,
il y a des différences.
Je vais vous ramener
à quelque chose de très simple. Le ROCAJQ a tenu, à la Bibliothèque de
l'Assemblée nationale, en octobre dernier, un gala des prix Leviers pour
honorer des jeunes avec des parcours de vie différenciés. O.K.? Le premier ministre était présent, il a fait
un laïus pour les jeunes, et les jeunes ont fait : Ah mon Dieu! Je me
sens comme un citoyen. C'était la première fois que certains jeunes se
sentaient comme un citoyen. C'est des jeunes... la majorité était Caucasiens,
la majorité était juste des jeunes ayant eu des difficultés. Si on fait juste
la promotion, on reconnaît... Vous
participez, comme élus, à des activités où on fait la promotion de gens qui ont réussi, qui se sont identifiés, qui sont heureux de leur culturel, du
multiculturalisme, qui... si vous soutenez les initiatives d'innovation dans le
travail multiculturel, ça va
aider. Mais c'est sûr qu'il n'y a rien qui est négatif. Vous voulez légiférer? Si
ça aide, tant mieux. Si c'est ça la
seule option d'amener les médias à parler positivement des immigrants puis du
multiculturalisme, bien, tant mieux, tant... regarde, on légiférera,
mais ce n'est pas ce qu'on prône.
M.
Jolin-Barrette : Est-ce que votre regroupement prône une approche
multiculturaliste?
Mme Norris
(Sylvie) : Nous, on prône l'égalité des gens, l'équité entre les gens.
Le jeune qui est parti avec un parcours difficile puis qui s'en sort, il est
aussi valeureux que le jeune qui s'en sort tout court, mais il est d'autant plus courageux, par contre, puis il faut le
reconnaître. Il a des acquis. Les acquis, on les voit partout, on ne les voit
pas juste à l'école. Ça fait que c'est très diversifié.
Ce que vous me posez
comme question, en fait, c'est : Le ROCAJQ, est-ce qu'il prône que toutes
les cultures se valent? Bien oui, c'est
clair. Toutes les cultures se valent, c'est clair. Mais jusqu'où on est
capables d'accueillir, jusqu'où on est capables d'entendre, jusqu'où on
est capables d'ouvrir les dialogues? C'est là qu'il faut se poser des
questions, c'est ces méthodes-là qu'il faut développer. C'est ça qu'on ne
développe pas. Puis, avec les jeunes de deuxième génération, c'est encore plus
important, à notre avis, parce que, s'ils n'arrivent pas à s'identifier à la
communauté québécoise, nés ici ou arrivés en très bas âge, ça va finir par être
un problème, sérieusement, oui.
M.
Jolin-Barrette : En début de présentation, vous avez parlé du
profilage racial.
Mme Norris
(Sylvie) : Oui, j'en ai peu parlé, en fait, oui.
M.
Jolin-Barrette : J'aimerais entendre peut-être un point de vue
pratique, au niveau du travailleur, la réalité que les gens qui font
appel à vous, que les jeunes qui font appel à vous vivent.
M. Gamedy (Koffi) : Bien, moi, j'ai
comme divisé ça un peu en trois volets, parce que, quand je parle de profilage, ça peut être autant côté autorité,
genre, la police, au travail, dans le public, tout simplement, les gens. Si on
y va par rapport à la
police, bien, souvent, ils vont reconnaître le black, le Noir, comme criminel,
déjà, de base, juste parce qu'il est habillé de même. Ils vont
l'interpeller de la façon comme : O.K., toi, tu es criminel, c'est sûr.
Ils sont... Pardon?
Une voix : ...
M. Gamedy
(Koffi) : Voilà, voilà. Ça
fait que, ça, souvent, ça amène toujours que le jeune en question va se
dire : Bien, c'est clair, dès qu'il m'interpelle, c'est sûr que c'est pour
me reprocher de quoi, puis déjà il n'a même pas le tempérament de se dire : O.K., je prends la peine d'écouter ce
qu'il a à dire parce que, de toute façon, je le sais qu'il m'a déjà stigmatisé, il m'a déjà vu comme criminel, ça fait
que ça ne sert à rien que j'essaie d'argumenter. Ça fait qu'il se
frustre, puis ça se passe toujours mal.
Sinon, bien,
c'est là où est-ce que, nous, on se dit : Bien, écoute, il faudrait que
les policiers aient une différente technique d'approche pour... bien,
intercepter...
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je dois céder maintenant la...
M. Khadir : ...
Le Président (M. Picard) :
O.K. On continue? O.K., c'est parce que...
M. Khadir : ...complément
d'information.
Le Président (M. Picard) :
O.K. On va continuer sur le temps de monsieur...
M. Gamedy (Koffi) : ...c'est ça,
pour recevoir ces jeunes-là. Ça fait que, souvent, c'est ça qui fait qu'il y a
un clash.
Sinon, au
travail, bien, c'est souvent, bien, le Noir ou le... il est plus bon pour faire
la vaisselle ou il est meilleur pour
des petites jobs simplistes. Mais il pourrait avoir la chance d'essayer autre
chose, d'essayer de monter de grade, mais on ne lui donnera pas cette
chance-là parce qu'on est sûr que c'est comme ça, ils sont meilleurs dans ce
rôle-là. Ça fait qu'eux-mêmes font
comme : c'est clair que c'est ça qu'ils voient de moi. Ça fait qu'ils le
gardent en tête, ça fait que c'est là où
ce qu'il y a comme une stigmatisation qui se fait automatiquement. Il se dit...
Bien, c'est sûr que c'est ça qui va se dire, parce que ça a toujours été ça qui a été dit, ça a toujours été ça qui a
été véhiculé dans la société. Ça fait que pourquoi m'acharner à essayer
de monter d'échelle parce que, de toute façon, on ne me la donnera pas, cette
chance-là?
Et côté public, bien, comme on disait, la
bouffe, l'odeur que ça a, bien, je ne veux pas y goûter, sûrement que c'est dégueulasse, écoute, c'est sûr, là... Ça
fait que, tu sais, il y a plein de petits trucs comme ça qui fait que, bien, ça
ne laisse pas ouverture à connaître la culture de chacun.
Le Président (M. Picard) :
Merci. On continue?
M. Khadir : Bien, peut-être juste en attendant que vous preniez connaissance de ce que vous pourriez éventuellement nous informer... Donc, vous avez parlé des problèmes
rencontrés avec la police, des problèmes rencontrés dans le milieu de l'emploi, dans la discrimination et la
stigmatisation à l'emploi. On en a parlé aussi, des problèmes
dans les médias, comment les médias parfois contribuent, par leur
sensationnalisme, certains secteurs médiatiques bien connus. Puis le gouvernement,
nous, l'Assemblée nationale... C'est quoi, les manquements? Mettons, est-ce que...
Oublions le gouvernement. C'est parce que
ça pourrait nous impliquer et nous embarrasser. D'accord? La ville de Montréal,
la ville de Québec, les grandes villes, est-ce qu'ils font bien leur job? Avez-vous des positifs et des négatifs à
distribuer?
Mme Norris
(Sylvie) : En fait, ce qu'on
constate, c'est une difficulté de partage de l'espace public. Les villes vont créer des lieux d'espace, des espaces que les
gens peuvent partager, par exemple vont construire un superbe terrain de soccer en se disant les jeunes vont aimer jouer au
soccer. Le multiculturalisme, on joue au soccer, bon, tu sais, des
préjugés, mais bon, ce n'est pas grave. On
construit un terrain de soccer, et ils vont mettre le cadenas sur le terrain.
Donc, ce que les jeunes vont faire, bien, ils vont passer par-dessus la
clôture et ils vont aller jouer au soccer. Et là les jeunes vont se faire
arrêter parce qu'ils violent un terrain privé qui avait été fermé, donc n'ont
pas d'affaire d'être là. Il y a vraiment une difficulté dans le partage de
l'espace public.
Il y a
des choses qui sont créées, qui sont installées, puis, après un certain temps,
vu l'inquiétude des voisins dans ce partage d'espace public là, bien, il
va y avoir des restrictions qui vont être mises. Tu dois faire partie d'un club
pour y aller. Bon, il y a
des choses qui vont être imposées lentement, pas vite. Ce qu'on voit puis ce
qu'on constate, il en a parlé un peu, les gens... Le contrôle de
sécurité, les Caucasiens comme nous, là, des contrôles de sécurité, d'identité,
là, moi, je n'ai jamais
vécu ça de ma vie. Par contre, mon beau-frère qui est Noir, oui, il en a vécu plusieurs.
C'est des choses qui se passent davantage avec les communautés
culturelles. On va voir un rassemblement de Blancs jouer au soccer sur un terrain, les gens ne s'inquiètent pas généralement. Les voisines, les gens d'autres générations et autres, il n'y aura pas d'inquiétude. On va voir ce
même rassemblement avec des gens de communautés culturelles, il peut y avoir
des plaintes pour le bruit, pour... ah, puis il y a trop de monde. Il y a une
moins grande tolérance.
Le Président (M. Picard) : ...Mme
Norris, s'il vous plaît, en terminant.
Mme
Norris (Sylvie) : Bien, en
terminant, écoutez, comme je vous ai dit, le document va vous être envoyé.
Dans ça, il y a beaucoup de recommandations.
C'est sûr que, pour nous, les deuxième génération, le profilage racial, c'est
des priorités. On appuie quand même les
démarches qui avaient été faites avec la commission permanente... la
Commission des droits de la personne et de
la jeunesse en lien avec le profilage racial. Il y a eu plusieurs
recommandations qui ont été faites. Toutes ces recommandations-là, on
les appuie.
Et on voulait
aussi dire que, pour nous, c'est très important de se préoccuper de la deuxième
génération parce qu'on n'aura pas une deuxième chance de le faire.
Le Président (M. Picard) :
Merci beaucoup. Je vous remercie pour votre témoignage.
Et la commission ajourne ses travaux au vendredi
30 janvier 2015, à 9 h 30, afin de poursuivre son mandat. Bonne
soirée à tous.
(Fin de la séance à 17 h 59)