(Neuf heures cinquante minutes)
Le Président (M. Picard) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle
de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions
publiques sur les documents intitulés Vers une nouvelle politiquequébécoiseen matière d'immigration, de diversité et
d'inclusion.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Lavallée (Repentigny)
est remplacée par M. Jolin-Barrette (Borduas).
Remarques préliminaires
Le
Président (M. Picard) : Merci. Ce matin, nous allons débuter
par les remarques préliminaires et nous recevrons par la suite
Accueil-Parrainage Outaouais, Actions interculturelles de développement et
d'éducation, la Chambre de commerce latino-américaine du Québec et la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Sans plus tarder, j'invite la ministre de
l'Immigration et de la Diversité et de l'Inclusion à faire ses remarques
préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de six minutes.
Mme Kathleen Weil
Mme Weil :
Oui. Bonjour. Alors, bonjour, M. le Président, Mme la secrétaire. Je salue
aussi mes collègues et députés
ministériels, la députée de Jeanne-Mance—Viger, les députés de Sherbrooke et de
D'Arcy-McGee. Je salue aussi le député de l'opposition officielle, député
de Bourget, et le député de la deuxième opposition, le député de Borduas.
Mesdames messieurs, bienvenue à tous et à
toutes. J'aimerais tout d'abord vous présenter les personnes qui m'accompagnent : le sous-ministre Robert
Baril à ma droite; la directrice des politiques et programmes de participation
et d'inclusion, Martine Faille, derrière moi; de mon cabinet, mon attachée
politique, Amanda Bennet.
Depuis près
de 25 ans, le Québec s'appuie sur la politique Au Québec pour bâtir ensemble,
adoptée à l'unanimité par l'Assemblée
nationale en 1990, pour fonder son action en matière d'immigration et
d'intégration. Cette politique aura été
une politique importante, notamment pour la sélection des personnes immigrantes
établie en fonction des besoins réels du
Québec et pour tout ce qui concerne la francisation, l'intégration, le
rapprochement interculturel et l'ouverture à la diversité. Des progrès significatifs ont été réalisés. Cependant, les
changements survenus sur la scène internationale et québécoise depuis 1990 et l'évolution des besoins
du Québec ont rendu nécessaire l'élaboration d'une nouvelle politique.
Le nouveau
nom du ministère, le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de
l'Inclusion, indique clairement notre
volonté de faire grandir ensemble le Québec d'aujourd'hui. Le mandat que nous
avons dans le cadre de cette consultation est de susciter une participation constructive en vue de définir
ensemble une politique-phare en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion, une politique qui
permettra de consolider notre cohésion sociale autour d'un vaste projet
collectif : le renforcement d'une société inclusive qui bénéficie de la
participation de chaque personne et qui conjugue sa diversité à
l'affirmation de son identité distincte en Amérique du Nord.
Depuis
25 ans, la société québécoise s'est transformée, et la mobilité
internationale a pris beaucoup d'ampleur. Il est donc devenu nécessaire de revoir en profondeur nos stratégies et
de redéfinir nos actions en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion. En décembre dernier,
j'ai déposé à l'Assemblée nationale un projet de politique qui s'appuie sur les acquis et l'expérience accumulés par le
Québec depuis 25 ans. Cette consultation nous offre l'occasion d'élaborer
ensemble une vision commune, une vision québécoise qui nous ressemble et qui
nous rassemble.
Le projet de nouvelle politique proposé s'appuie
sur l'interculturalisme, un modèle élaboré depuis 40 ans au Québec, qui exprime
la spécificité de notre société. La révision en profondeur de notre politique
d'immigration, de diversité et d'inclusion
nous offre l'occasion de l'y inscrire, lui donnant ainsi une raison d'être plus
concrète. Le projet préconise la
vision d'un Québec francophone inclusif et fier de sa diversité, un Québec qui
aspire à une plus grande cohésion sociale par la participation de chacune
et chacun à la vie collective et qui conçoit l'immigration comme une richesse essentielle à son développement. Notre démarche
permettra de relever les défis actuels du Québec, notamment en visant la pleine participation et en levant les obstacles
à l'inclusion des personnes immigrantes et de minorités ethnoculturelles,
en mobilisant l'ensemble de la société autour d'un équilibre entre, d'une part,
l'ouverture à la diversité et, d'autre part, l'affirmation
de valeurs et d'une langue commune et en effectuant un meilleur arrimage entre
l'immigration et les besoins économiques
du Québec, entres autres sur le plan de la main-d'oeuvre et du dynamisme
entrepreneurial. Pour que cette vision
et les choix collectifs que nous ferons puissent devenir réalité, la nouvelle
politique qui sera adoptée à la suite des consultations sera accompagnée d'une stratégie d'action. Ainsi, au terme
de cet exercice démocratique, nous pourrons compter sur une politique structurante et
durable, un véritable guide pour nos actions, comme l'énoncé de 1990 l'a été
durant 25 ans.
Les auditions que nous débutons sur la nouvelle
politique sont une étape importante pour le Québec. Une fois adoptée, elle agira sur les orientations de la
prochaine planification pluriannuelle de l'immigration, qui est prévue pour
cet automne. Elle servira aussi d'assise à
une révision en profondeur de la Loi sur l'immigration au Québec, adoptée il y
a plus de 40 ans, pour un système d'immigration moderne,
concurrentiel, dont le Québec a besoin.
Comme vous le
voyez, nous avons une tâche importante à accomplir. Je remercie donc les
personnes qui viendront en commission,
les personnes qui ont déposé des mémoires mais qui ne pourront être entendues
et celles qui participent à la
consultation en ligne. Je les remercie de participer à ces travaux importants.
Je serai évidemment à l'écoute. C'est en
travaillant ensemble et en unissant nos efforts que nous pourrons élaborer et
adopter une politique structurante et durable en matière d'immigration,
de diversité et d'inclusion pour le Québec. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Picard) :
Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle
en matière d'immigration à faire ses remarques préliminaires pour une durée
maximale de 3 min 30 s.
M. Maka Kotto
M. Kotto :
M. le Président, Mme la ministre, chers collègues, salutations à toutes les personnes également et aux
groupes qui participeront aux travaux de
cette commission parlementaire. Je les félicite pour les efforts consentis à
participer à cet exercice malgré le
très court préavis. Je rappelle que le gouvernement a déposé son projet politique
le 5 décembre dernier, soit à la
toute dernière journée de la session parlementaire, et les convocations ont été
quant à elles acheminées le 17 décembre, à une semaine de Noël.
Bref, les accueillir aujourd'hui et les jours qui viennent relève de l'exploit.
Cela dit,
partout à travers le monde, y compris au Québec, l'immigration est l'un
des grands enjeux des 50 prochaines années. Il est donc opportun de se poser une question très simple :
Quel genre de tissu socioculturel voulons-nous pour le Québec et pour Montréal
dans 10 ou 20 ans et bien au-delà?
Je rappelle
que, le 18 février dernier, notre ancienne collègue Diane De Courcy avait
déposé le projet de loi n° 71, qui avait pour objet de contribuer, par
l'immigration, à l'enrichissement du patrimoine socioculturel, à la prospérité économique,
au dynamisme démographique, à l'occupation et à la vitalité des territoires
ainsi qu'à la pérennité du français. Nous
notons que de grands pans du projet ici en question aujourd'hui s'inspirent du projet de loi
n° 71. Toutefois, comme l'a dit Albert Camus, «mal nommer les choses, c'est ajouter au
malheur du monde», et c'est à ce propos que nous avons de grandes
interrogations, dis-je, voire de grandes inquiétudes vis-à-vis de la vision du gouvernement
libéral.
Le Québec est certes une société multiethnique,
mais le Québec n'est pas une société multiculturelle. Le multiculturalisme, tel que pratiqué au Canada
anglais et dans des pays comme l'Angleterre ou l'Allemagne, est de plus en
plus dénoncé comme source de tensions
et qualifié d'échec par les actuels dirigeants anglais et allemands. Ils créent
des ghettos, isolent, intègrent peu. Bref,
c'est une idéologie qui est très loin de remplir les conditions d'une dynamique
d'intégration effective.
Le présent
projet politique parle d'interculturalisme, mais il n'en définit
pas clairement la nature. De plus, nous sommes étonnés,
voire troublés que le présent projet ne fasse aucunement référence à la citoyenneté
comme la pierre d'assise du vivre-ensemble. Par ailleurs, comment concilier une contribution significative au dynamisme des
régions et en même temps
couper les ressources qui y sont consacrées, notamment par la fermeture
annoncée des bureaux régionaux du ministère?
La ministre
veut s'en remettre notamment aux organismes
communautaires, mais ces organismes
sont également dans la mire des austères propagandistes de
l'austérité. Cette semaine, un quotidien nous rapportait les propos de la ministre,
qui disait, et je cite : «Là "où
je veux me rendre, c'est un système d'immigration basé sur le modèle canadien"...» Fin de la
citation. Nous voulons bien savoir ce qu'il y a
derrière cette pensée et également ce qu'il
y a derrière les commentaires du premier ministre du Québec quant à l'intégrisme et le projet
politique qui nous occupe aujourd'hui. Merci.
• (10 heures) •
Le
Président (M. Picard) :
Merci, M. le député. Je
cède maintenant la parole au porte-parole du deuxième groupe
d'opposition en matière d'Immigration à faire ses remarques pour une durée
maximale de 2 min 30 s.
M. Simon Jolin-Barrette
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer, de
saluer Mme la ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, les collègues ministériels, M. le
député de Bourget. C'est un plaisir de vous retrouver tous pour l'étude
de la nouvelle politique en matière d'immigration.
Je tiens tout
d'abord à féliciter l'équipe de la ministre pour la qualité des documents qui
ont été produits au niveau du cahier
de consultation. Je crois que le recueil statistique ainsi que le portrait
global sont une belle représentation de l'état de l'immigration au Québec. Et souvent on ne souligne pas assez
la qualité du travail effectué par la fonction publique, mais je tiens à
lever mon chapeau, parce que c'est d'une très grande qualité.
Donc, pour ma
part, la nouvelle politique qu'on va établir, elle est fondamentale pour
l'avenir du Québec. Elle est fondamentale parce que, vous savez, au
cours des prochaines années, en fait, au cours des dernières années, on a
accueilli en moyenne environ 50 000 immigrants. Il y a des seuils
d'immigration qui ont été établis, qui n'ont pas été respectés. Ce qu'on constate au cours des dernières années, c'est qu'il
y a une difficulté au niveau de l'intégration des immigrants, principalement en matière de
francisation. 40 % des nouveaux arrivants au Québec n'ont pas la
connaissance de
la langue française. Et il y a des lacunes au niveau de la francisation. C'est
important de développer une nouvelle politique en matière d'immigration pour les prochaines années, surtout que la
dernière datait d'il y a 25 ans. Et nous déplorons un peu ce fait-là parce que... Pourquoi avoir attendu
si longtemps? Parce que le constat de la situation difficile éprouvée par
les immigrants n'est pas récent. Donc, on est heureux d'apprendre que cette
politique-là va être mise de l'avant.
Cependant,
comme je le disais, l'immigration en lien avec la francisation, c'est important
d'avoir les ressources nécessaires,
de dire aux gens qui choisissent le Québec, de dire qu'ils vont avoir les
ressources requises pour participer pleinement
à l'essor de la société québécoise. Ça passe notamment par une francisation
accrue, par une intégration, par la
régionalisation de l'immigration. 75 % de l'immigration est basée dans la
grande région de Montréal. Ce n'est pas à l'image de la population, de la répartition de l'image du Québec. Il y a
du travail à faire à ce niveau-là. Également, au niveau de l'accessibilité au marché du travail, le Québec veut aller
chercher les meilleurs éléments un peu partout dans le monde. Mais ce qui est important en contrepartie,
c'est de dire : Bien, nous allons vous permettre d'intégrer pleinement
la société québécoise et le marché du travail. Merci.
Auditions
Le Président (M. Picard) : Merci, M. le député. Nous allons
maintenant débuter nos auditions. Donc, je souhaite la bienvenue à Accueil-Parrainage Outaouais. Je
vous invite à vous présenter et à faire votre exposé. Vous disposez de
10 minutes pour votre présentation. La parole est à vous.
Accueil-Parrainage Outaouais
M. Redzovic (Bato) : Merci beaucoup. M. le Président, Mme la ministre, distingués membres de
la commission, je m'appelle Bato
Redzovic. Je veux m'excuser d'abord pour la qualité de ma langue française. Je
vais essayer d'être précis. La langue
française n'est pas ma première langue. Et d'abord je voulais vous dire que
c'est un grand privilège pour moi d'être ici, avec vous.
Je
suis arrivé au Québec comme réfugié parrainé par le gouvernement. Et d'abord,
sur ça, je voulais bien vous remercier
de m'accepter et de me donner possibilité de partager ma vie avec ma famille
avec les citoyens du Québec ou, plus précis, avec les citoyens de
l'Outaouais. Je suis directeur de l'Accueil-Parrainage Outaouais. D'abord,
j'étais le client d'Accueil-Parrainage
Outaouais, après, le bénévole d'Accueil-Parrainage Outaouais, intervenant qui a
travaillé en accompagnement des
nouveaux arrivants. Et finalement j'ai le privilège aussi d'être directeur de
l'Accueil-Parrainage Outaouais.
C'est
avec un grand plaisir qu'Accueil-Parrainage Outaouais a accepté de participer à
cette consultation particulière portant
sur le document intitulé Vers une nouvelle politique québécoise en matière
d'immigration, de diversité et d'inclusion. Alors, Accueil-Parrainage Outaouais est fondé il y a 35 ans. On parle de
14 200 clients qui sont passés par les services d'Accueil-Parrainage Outaouais. Et d'abord, au
début, c'était juste le programme de parrainage collectif. 35 ans après,
l'Accueil-Parrainage Outaouais donne les services
à toutes les catégories d'immigrants. On parle d'immigrants parrainés par le gouvernement, demandeurs d'asile,
immigrants économiques et tous les autres, une soixantaine de catégories, qui
viennent s'installer et vivre en Outaouais.
Accueil-Parrainage
Outaouais est un organisme à vocation régionale également impliqué au niveau
national et provincial qui accomplit
sa mission avec huit services. D'abord, service d'accueil établissement,
service de jumelage et de bénévolat,
service d'interprétariat, service de médiation interculturelle, intervention
communautaire, scolaire interculturelle, de service de parrainage collectif, de l'hébergement et puis de
différentes activités qu'on organise en intégration des immigrants et la
sensibilisation auprès du public.
Le
document de consultation intitulé Vers
une nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion apporte une vision claire de la volonté québécoise de rester à
l'avant-garde du monde occidental en matière d'immigration. Comme mentionné dans le document, le Québec
doit compter sur des personnes immigrantes bien intégrées dans toutes les facettes de la vie collective, et
ces dernières doivent s'établir de façon durable sur le territoire.
Nous sommes convaincus que l'accueil,
l'établissement et l'intégration est
une étape fondamentale dans son processus d'adaptation. Bien sûr, ici, la majorité des pistes de réflexion
dans le document proposé, c'est l'intégration économique des nouveaux arrivants. Mais, d'abord, on ne doit jamais
oublier que l'intégration est d'abord linguistique, économique, sociale,
culturelle, d'abord politique et
religion, et puis on peut parler des autres dimensions d'intégration aussi.
Dans ce contexte, nous devons donc
demeurer vigilants et nous impliquer afin que nos nouveaux concitoyens puissent
connaître leurs droits et leurs devoirs dans notre société démocratique.
Et
puis nous autres, on voulait toucher juste quatre questions parmi... de
questions sur lesquelles on peut parler. Premières questions qu'on a posées ici, ce sont les questions de
logement et des difficultés de trouver un logement qui réponde bien au besoin familial qui vient
s'installer en Outaouais. En théorie, au Québec et au Canada, un propriétaire
n'a pas le droit de demander une caution, il n'a pas le droit non plus d'exiger
le loyer à l'avance, mais il peut faire une enquête de crédit. Nous
soutenons, pour l'avoir vérifié à plusieurs reprises, que les familles
immigrantes sont les plus vulnérables en ce
qui concerne l'accès au logement. Ce problème se révèle encore plus marqué en
Outaouais que partout ailleurs au Québec. Quelques exemples : les prix du
logement en Outaouais sont plus élevés au Québec avec pour résultat que les familles sont souvent obligées de débourser
jusqu'à 70 %, voire 100 % de leur revenu. Soulignons particulièrement
la difficulté des familles monoparentales
qui dépensent la totalité de leur revenu mensuel en loyer. Une solution
possible : adapter les montants d'aide aux régions.
En Outaouais,
on vit une pénurie constante de logements locatifs abordables, surtout pour les
familles nombreuses, et on est
obligés assez souvent d'installer celles-ci dans un logement qui ne correspond
pas à leurs besoins, trop petit et insalubre. Les grands propriétaires dans
l'Outaouais refusent catégoriquement de louer leurs logements aux nouveaux
arrivants à cause de l'impossibilité de faire une enquête de crédit. Ces gens
viennent d'arriver, comment pourrait-on trouver
des données sur leur crédit? Certains propriétaires utilisent donc l'enquête
financière comme prétexte pour refuser l'accès
à leur logement, mais, en réalité, la cause de ce refus relève de la
discrimination, des préjugés et du racisme. En effet, comment expliquer que certaines familles sont acceptées et
d'autres non? Certains propriétaires exigent des nouveaux locataires qu'ils paient leur loyer trois à six
mois d'avance pour les décourager. Alors, le gouvernement devrait ajuster
l'aide de dernier recours par rapport au
prix des logements, qui ne cesse d'augmenter, prendre les mesures nécessaires
pour que le propriétaire respecte plus le
droit au logement et construire plus de logements sociaux accessibles aux
familles vulnérables.
• (10 h 10) •
La deuxième
question que je voulais toucher, c'est la rétention. Nous constatons, malgré un
programme d'accueil chaleureux et
bien organisé, un faible taux de rétention de certains groupes. Or, le
déplacement des immigrants entraîne souvent
un retard dans le processus d'intégration. C'est bien pensé, dans le document,
de faire une déclaration d'intérêt, mais
une bonne réflexion sur les critères et la sélection des personnes immigrantes
serait nécessaire. Ici, en passant, vous savez, on a accueilli un certain nombre de clients, des immigrants qui
arrivent de, disons... je vais donner un exemple, il s'appelle... un coin du Congo. On a accepté un
certain nombre de familles. C'est le gouvernement qui l'a accepté; c'est
le gouvernement qui a réalisé plein de
choses, qu'il arrive ici, qui l'accueille bien, qui achète toutes les choses
nécessaires, qu'il puisse bien vivre
ici, mais, d'un jour à l'autre, il décide de quitter le Québec pour s'installer
dans une autre province. Il y en
avait pas mal. Je peux vous donner l'exemple de trois, quatre familles les
derniers deux mois, et puis d'un autre coin aussi, je me souviens que je
pense de l'Estrie aussi, de familles qui décident tout à coup de quitter le
Québec et s'installent à quelque part
d'autre. Je pense que, quelque part, on devrait avoir un certain contrat moral
de demander aux gens d'au moins
rester un certain temps, parce que le gouvernement achète tout. Et
imaginez-vous quand on trouve, en avant
d'un édifice, les lits et les commodes nouvellement
achetés jetés... et quitter le logement, de s'installer dans une autre
province. Quelle image on laisse aux citoyens du Québec qui, d'abord, paient
tout ça?
Question de
rétention aussi, là, quand j'ai touché les critères, peut-être
une bonne réflexion sur les critères, aujourd'hui,
après-midi, vous allez rencontrer Robert Mayrand qui est d'abord
directeur de SITO, Service d'intégration au travail Outaouais, un organisme qui s'occupe aussi des immigrants,
des nouveaux arrivants, et puis il a déclaré une fois — il est d'abord ici, dans la salle, SITO,
c'est notre partenaire — que les immigrants qui viennent, qui ne parlent pas la langue française, trouvent plus vite du
travail que les immigrants qui parlent la langue française. Alors, je ne veux
pas embarquer en discussion, mais vous
pouvez garder votre question peut-être pour cet après-midi, pour 17 heures, et
demander à Robert de vous expliquer pourquoi il pense, et ce sont quoi, ses
résultats dans son organisme.
Sensibilisation.
Un sondage fait par la firme Léger Marketing en octobre 2011 nous montre que
les citoyens de l'Outaouais sont plus
nombreux à considérer l'immigration comme une menace plutôt que comme un
enrichissement. Il est important de dire que l'intégration des nouveaux
arrivants ne peut pas se faire si la société d'accueil n'est pas préparée et
réceptive aux défis que pose la diversité culturelle. L'intégration est
bidirectionnelle. Elle nécessite non seulement
l'engagement de la personne réfugiée et immigrante elle-même, mais également
celui de l'ensemble de la société d'accueil.
Cela sous-entend un travail d'information, de sensibilisation et d'éducation de
la communauté d'accueil. On parle
également d'adaptation réciproque et de contrat moral. La personne réfugiée et
immigrante doit trouver sa place, se faire
une place, et une place doit lui être faite par le milieu d'accueil. Il me
semble que la société d'accueil se forme une image des nouveaux arrivants à partir de cas négatifs et isolés qui
paraissent à l'occasion dans les médias. Une campagne nationale et
permanente en sensibilisation est nécessaire.
Et, de
l'autre côté, on a touché activités collectives. Les immigrants récemment
arrivés ont besoin de recevoir de
l'information sur les façons de s'ajuster à la vie quotidienne, à leurs
nouvelles structures sociales, aux nouvelles lois, et ça prend du temps, d'où l'importance des cours de
francisation à l'intérieur desquels on informe les nouveaux arrivants sur les façons de faire au Québec. Le gouvernement
devrait investir davantage, y compris pour des immigrants francophones,
dans des formations sur les valeurs et les règles de la société d'accueil.
Et puis, juste... C'est fini. Très bien.
Le Président (M. Picard) :
Votre temps est écoulé. Vous pourrez préciser...
M. Redzovic (Bato) : Très bien.
C'est ça...
Le Président (M. Picard) :
...lors de l'échange avec les parlementaires.
M. Redzovic (Bato) : Merci beaucoup.
Oui, c'est bien.
Le Président (M. Picard) :
Mme la ministre, la parole est à vous pour une période maximale de
17 min 30 s.
Mme Weil :
Oui. Bonjour, monsieur. Je vous remercie beaucoup, beaucoup de votre présence,
et d'ailleurs on s'est vus lors d'une
consultation que j'ai menée au courant de l'été et on a eu l'occasion de
partager ensemble les genres de
préoccupations que vous soulevez. Et je vais peut-être commencer par ce
phénomène que vous voyez surtout dans votre région, l'attrait, évidemment,
hein, je pense, l'exode que vous voyez... l'exode, je ne sais pas si c'est un
exode, mais les gens qui quittent parce qu'il y a l'attraction, évidemment, d'Ottawa puis des régions autour, et donc tout le monde l'avait soulevé lors de cette
réunion. Donc, comment faire pour mieux intégrer? Finalement,
c'est un peu ça. Alors, je ne vais que retenir «améliorer le taux de rétention», et
je vous dirais qu'un des grands objectifs, un peu, de cette consultation, c'est comment
créer une société où on met l'accent sur le vivre-ensemble ou une société
attrayante, parce qu'on parle de compétition internationale pour
les immigrants.
Mais
je voudrais venir peut-être à votre question sur le logement. C'est une
grande question à Montréal, la question de salubrité, qualité des logements. Et d'ailleurs le ministre des Affaires municipales, ce matin, dans le journal, parle de mieux informer... l'intention, le projet du ministère,
c'est de mieux informer les nouveaux arrivants sur leurs droits, leurs droits en
matière de logement. Mais je voudrais
savoir : Est-ce que vous — parce que vous le soulignez comme une grande préoccupation, il y a
des organismes à Montréal aussi qui travaillent dans ce domaine — avez-vous
vu des meilleures pratiques ailleurs
au Canada ou même au Québec, des meilleures
pratiques qui pourraient alimenter un plan
d'action en la matière? Est-ce
qu'il y a des mesures qui existent au
Québec, au Canada? Sinon, si vous n'en connaissez pas, ce n'est
pas grave, on ira à la prochaine question.
Mais un des objectifs qu'on a, c'est, oui, les constats, qu'on partage
les constats, mais on veut aussi, avec l'expertise des organismes qui
connaissent les enjeux, voir si vous, vous avez eu l'occasion d'examiner ou de
réfléchir à des meilleures pratiques ailleurs.
M. Redzovic (Bato) : C'est toujours possible. Vous savez, dans le document, j'ai
remarqué que vous avez nommé la...
mais là on a parlé de l'intégration économique des gens, que les résultats dans
les différentes provinces sont meilleurs qu'au Québec, alors... qu'Ontario et British Colombie. Alors, je vais vous donner
juste un exemple. C'est toujours possible trouver
le meilleur logement pour moins de l'argent si on pouvait avoir un
cosignataire. Tandis que les gens qui arrivent, ils ne peuvent pas avoir un
cosignataire. Le propriétaire, le grand propriétaire en Outaouais veut
s'assurer qu'un locataire paie bien son logement.
Je vous donne un
exemple d'Ontario. En Ontario, l'aide au premier recours, l'aide sociale, elle
se donne en deux parties : une partie
directement au propriétaire, l'autre partie à la famille quand on parle de
réfugiés parrainés par le gouvernement. Le propriétaire, il exige toujours
un cosignataire, le gouvernement ne veut rien savoir, comment un organisme communautaire peut prendre en charge de cosigner
le bail avec une famille? Impossible. Alors, peut-être à réfléchir sur
la pratique en Ontario.
Je ne veux pas dire que, peut-être, ils devront avoir les communications directes
avec les propriétaires, mais peut-être qu'au niveau du gouvernement on
peut réfléchir sur les solutions.
Mme
Weil : ...l'occupation
du territoire, puis vous avez évidemment parlé du défi de la rétention, et vous avez
parlé de l'importance de l'immigration pour vitaliser les territoires. Est-ce qu'il
y a des stratégies, selon vous, qu'on devrait privilégier pour améliorer
l'attraction des personnes immigrantes? Moi, je vous dirais mon constat suite à
la rencontre qu'on a eue. La ville de
Gatineau, c'est une ville très dynamique en la matière, et je ne sais pas si
vous vous rappelez des constats qui
avaient été faits, c'est que, depuis l'année 2000, la communauté en général,
autour de la ville de Gatineau, est beaucoup
plus ouverte à la diversité. Alors, j'aimerais vous entendre sur vos
impressions. Vous, vous êtes arrivé en quelle année?
M. Redzovic (Bato) : Je suis arrivé en 1994, au mois d'août, 11 août 1994, durant la guerre
en ex-Yougoslavie. Je suis arrivé de
la Bosnie et puis je suis né à Sarajevo. J'aime bien ma ville, mais je ne me
sens plus ni Bosniaque, ni... je me
sens vraiment, là, Québécois. Alors, trois enfants qui sont parfaitement québécois, vous ne pouvez pas les remarquer,
la différence quand ils parlent. Assez souvent, moi aussi, je ne peux pas le
comprendre.
Mme
Weil : Bien, bravo! Bravo, monsieur! Et bravo pour votre
français! Et vraiment vous êtes l'image de la réussite du Québec en matière d'intégration des réfugiés,
et c'est une fierté, beaucoup. Et votre succès est une fierté pour nous.
Et
moi, j'ai vu, donc, une ville dynamique, une certaine mobilisation de la
communauté autour. Vous parlez du centre
culturel qui est en planification. Vous-même, vos constats personnels par
rapport à ce qui va bien dans votre région et qui pourrait inspirer d'autres régions et, encore là, les meilleures
pratiques, qu'est-ce qui a bien marché, c'est sûr qu'on prend note de
vos constats de défis, mais qu'est-ce qui a bien marché pour partager avec
d'autres régions?
M. Redzovic (Bato) : Vous savez, ces quelques dernières années qu'on a, c'est sûr, le
sentiment que les plusieurs ministères
embarquent en intégration. En passant, vous savez, il me semble qu'assez
longtemps la question d'intégration, c'était
juste la question du ministère de l'Immigration et d'Emploi-Québec, les
organismes communautaires. Dernièrement, vraiment, avec tout ce qui se passe, avec l'accompagnement de jeunes
scolaires qu'on a développé, c'est le ministère de l'Éducation, les cliniques pour les immigrants,
les cliniques pour les nouveaux arrivants développées dans quatre régions,
sont développées avec le ministère de la Santé et Services sociaux.
Alors,
vous savez, on sent beaucoup d'appui de gens qui sont dans la ville de
Gatineau. D'abord, la politique de la ville
sur la diversité culturelle et l'appui d'un gouvernement nous donnent vraiment
le souffle qu'on s'en va vers le projet, vers le projet qui nous donne le
meilleur service pour les nouveaux arrivants. On essaie toujours, vous savez,
et ce qu'on va continuer, donner le plus avec la même somme de l'argent.
Vous savez, on avait découvert qu'on manque là, on manque là. On sait bien que la situation dans la société est difficile,
qu'on a moins de l'argent, que tout le monde devrait se serrer la ceinture, et puis on regarde toujours
comment, avec même somme de l'argent,
vraiment donner un peu plus pour nos clients.
• (10 h 20) •
Mme Weil : Merci. Donc, une approche transversale. Si je
résume un peu, vous, ce que vous voyez, c'est que, de plus en plus, le gouvernement
du Québec prend une approche transversale.
J'aimerais aller sur votre chapitre Les bons
coups ces dernières années en Outaouais, puis ce que je trouve personnellement extrêmement important,
et les études le démontrent, c'est le rôle de l'école en matière d'intégration. Et vous parlez justement du
projet intervention scolaire communautaire interculturelle, qui vise à établir
et à consolider le lien entre école,
famille, communauté. Personnellement, je trouve que c'est essentiel, et, dans
les études PISA, les études internationales,
les écoles québécoises et les écoles canadiennes sont reconnues pour leur
approche interculturelle — c'est bien dit comme
ça — parce
qu'elles vont à la rencontre des parents et des enfants. C'est dans les études
PISA. Et j'aimerais vous entendre sur
ce projet, parce que je trouve que c'est peut-être un projet qui pourrait
inspirer aussi d'autres écoles.
M.
Redzovic (Bato) : Voilà.
C'était un projet développé avec un appui des deux commissions scolaires,
commission scolaire des Draveurs et
commission scolaire du portage. C'est ce qu'on a senti en Outaouais, comme
d'abord dans d'autres régions au
Québec, que notre activité avec les enfants, avec jeunes scolaires, se
terminait avec l'inscription à l'école, et on les laisse, abandonnés. Il n'y a pas d'accompagnement, il n'y a pas de
surveillance. On était obligés, assez souvent, vous savez, inscrire les gens qui ne sont même pas alphabétisés
à l'école secondaire régulière parce qu'on n'avait pas de choix, c'est la loi qui dit : Jusqu'à 16 ans,
tu es obligé. On ne pouvait pas inscrire les gens à l'école pour adultes, on
était obligés de les inscrire à
l'école secondaire. Et puis imaginez-vous un enfant qui a 13 ans,
14 ans, 15 ans, qui embarque dans une école secondaire régulière, bien sûr, s'il ne parle pas la langue
française, c'est une classe d'accueil, et ça va un peu mieux, mais, quand même, dans une classe d'accueil où les gens
peuvent lire, peuvent écrire, etc., un enfant qui a de la difficulté, ça commence mal, vous savez. On n'a pas d'autre
choix que décrocher, hein, et attendre peut-être les 16 ans pour embarquer
dans une école pour les adultes.
De l'autre
côté, vous savez, quand on regarde les écoles pour les adultes et les jeunes
scolaires, on avait le sentiment que,
voilà, on finance nos écoles secondaires par le nombre des élèves. On ne
regarde jamais le résultat qui pose, vous savez, le... Et puis on avait le sentiment aussi que, de temps en temps,
l'école garde les immigrants un peu plus qu'il fallait, peut-être, qu'il fallait et qui sont peut-être déjà
préparés pour le marché du travail pour avoir le nombre qui était d'abord
financé. Alors, quelque part, peut-être le
gouvernement devrait réfléchir sur le financement des écoles en regardant le
résultat. Qu'est-ce qu'on a fait avec les gens qui sont embarqués à
l'école?
Quand on
parle, bien sûr, d'écoles régulières, on avait beaucoup de résultats en
intervenant... qui est communication quotidienne avec les nouveaux
arrivants, avec les écoles et avec les familles où on peut voir vraiment où il
manque, qu'est-ce qu'il manque et se jeter
ensemble, avec nos bénévoles, bien sûr, qui peuvent aider à faire les devoirs,
qui peuvent aider à attraper certaines choses qu'il manque pour venir
dans une classe qui répond bien à ses besoins.
Le Président (M. Picard) :
Mme la ministre.
Mme Weil :
Oui. L'autre projet ou l'autre suggestion que vous avez, qui est évidemment
très intéressant, surtout lorsqu'on
parle d'interculturalisme, c'est la médiation interculturelle. Ce n'est pas
beaucoup d'organismes qui en parlent, mais vous semblez avoir une
connaissance...
M.
Redzovic (Bato) : ...j'oublie,
évidemment, dans le titre de notre service, c'est : médiation
interculturelle et intraculturelle.
C'est différent des autres projets en médiation, vous savez? Ça, ce projet, on
l'a développé il y a quatre ans avec
un support financier du ministère de l'Immigration qui nous a d'abord abandonnés
avec le support financier, mais c'est
la ville qui est embarquée avec quelque mille dollars. Et on réussit vraiment à
garder une équipe de 10 bénévoles bien formés. On a un monsieur qui est
bénévole, un retraité professionnel qui a participé, même, en négociations internationales partout dans le monde, qui ait accepté de former nos bénévoles, de réagir au niveau de médiation, de réagir comme médiateur professionnel. Et puis ce
sont des gens qui embarquent vraiment dans les situations difficiles, dans les cas difficiles, lesquels on ne peut pas régler
avec nos interventions régulières avec les agents d'accompagnement. Et puis
là les résultats sont incroyables. Je ne vais pas vous parler vraiment de cas...
ce qu'on a traité les dernières deux, trois années,
mais c'était... vous savez, on avait des cas très difficiles. Bien sûr
que la médiation, vous savez, en général, est nécessaire quand on parle
de questions de logement, questions de locataires.
Les nouveaux arrivants, le comportement, etc.,
ce sont les cas ordinaires, mais je ne vais pas vous parler des cas difficiles
qu'on avait, ce sont les histoires où on peut pleurer, vraiment. Et puis on
avait aussi aidé beaucoup des nouveaux
arrivants, même un
certain nombre de citoyens
de l'Outaouais, avec le projet comme tel. Grâce à la ville de Gatineau
et puis grâce à nos bénévoles qui s'impliquent bien, on réussit toujours
à garder notre projet en médiation comme tel. L'idée, c'était vraiment aussi un trait... en famille. Vous savez, nous
autres, comme les intervenants en terrain, on peut bien remarquer quelle
famille va avoir des problèmes. Vous savez, on a les familles nombreuses où on
a les enfants adultes, les familles qui
viennent... un exemple, ça peut arriver d'Afrique, ça peut arriver d'Asie et
n'importe quel continent, et puis on
remarque que les valeurs culturelles et les bagages avec qui les nouveaux
arrivants arrivent, quelquefois, c'est difficile.
Ils devront accepter les valeurs culturelles de la société
d'accueil, et puis on peut remarquer tout
de suite qu'il y a un chef de famille qui veut gérer tout l'argent
qui vient dans la famille. Et on sent tout
de suite que la famille va avoir
des problèmes, que la famille va se séparer dans quelques mois, vous savez?
Et puis là on
voulait bien entrer un petit peu en famille pour l'approcher plus vite des valeurs
culturelles de la société d'accueil comme telle. Et puis c'est inévitable
que, bien sûr, en choisissant de vivre ici, au Québec,
de rejeter certaines valeurs
culturelles, lesquelles on amène avec notre bagage quand on arrive. Alors,
c'est nécessaire, informer les gens de la situation réelle
ici.
Mme Weil : Si j'ai le temps...
Le Président (M. Picard) : Il
reste encore deux minutes.
Mme
Weil : Juste, rapidement, d'avoir peut-être une idée de la clientèle que vous desservez, parce que,
peut-être, pour les gens qui nous écoutent, il y a l'immigration économique, les travailleurs qualifiés, il y a les
réfugiés, le regroupement familial...
M.
Redzovic (Bato) : ...demandeurs
d'asile, pas beaucoup, parce
qu'avec les dernières lois, vous
savez, ils se sont alignés vers les
grands centres, Montréal et Toronto, parce que les audiences ne se
font plus à Ottawa. Alors, on a moins de demandeurs d'asile. On a à peu près 200... les clients...
200 réfugiés parrainés par le gouvernement, 250, les immigrants économiques. Alors,
on parle de 500 clients, 500 à 600, les dernières années, à cause de la
diminution du nombre de réfugiés parrainés par le gouvernement. On a terminé
notre année avec 481 clients.
Mme Weil : Donc, j'ai du
temps. ...sur les réfugiés, parce que ce n'est pas tous les organismes qui ont
cette expérience. Et ce qu'on connaît de
l'expérience, c'est que les gens qui viennent... les situations
à l'international, de détresse, se
complexifient — et
nous, on a fait une étude lorsque j'étais ministre
de l'Immigration, la dernière fois,
sur ça, sur le terrain — et
qu'il faut répondre à des problèmes de santé, des problèmes
psychologiques aigus. Est-ce que vous, vous avez vu aussi qu'il y a des situations
plus complexes dans le travail que vous avez à faire auprès des réfugiés?
• (10 h 30) •
M. Redzovic (Bato) : La question de
réfugiés parrainés par le gouvernement et les familles, c'est toujours complexe. Ce sont des gens qui pouvaient vivre
dans un camp de réfugiés 15, 18 ans. Les enfants qui sont nés, là, dans un camp de réfugiés, qui n'étaient jamais
scolarisés, ça pouvait être les cas difficiles. De l'autre côté, on a les cas
moins difficiles, mais je vais vous
donner un exemple. La semaine passée, on a accueilli 11 personnes qui arrivent
de Guinée. La Guinée est un des pays
encerclés par Ebola. On avait, dans la famille, des cas de tuberculose
inactive. Mais, grâce à la clinique
pour les immigrants, l'intervention des gens qui travaillent au CSSS, vous savez, ils
sont bien accueillis, bien accompagnés.
Et puis le travail qui s'est fait, c'est extraordinaire, vous savez.
Ils sont sous la surveillance... Les gens vont être... ils sont arrivés mardi passé et ils vont être installés aujourd'hui dans ces appartements, et
puis la vie continue. Les cas de
réfugiés, c'est pas mal toujours difficile et beaucoup plus de travail que...
beaucoup plus de besoins que les familles qui arrivent dans la catégorie
des immigrants indépendants, travailleurs qualifiés, etc.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je dois maintenant céder la parole à M. le député de Bourget.
Mme Weil : Merci, M.
Redzovic. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Picard) : O.K. Je dois céder la parole à M. le
député de Bourget pour une période de 10 min 30 s.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. M. Redzovic, soyez le bienvenu. Je vous réitère mes
salutations et je vous dis bravo pour
votre implication également. Vous êtes en quelque sorte un médiateur pour ceux
qui suivent ou ceux qui ont suivi, et
qui, du haut de son expérience, a probablement joué un rôle déterminant. Il
suffit d'une écoute attentive, sensible, pour rassurer le monde. Déjà, quand on quitte son pays d'origine, on vit
un déracinement qui n'est pas toujours facile. Et embrasser un nouvel espace socioculturel méconnu, c'est un peu comme
quitter la Terre pour aller sur Mars. Vous voyez, quand on a fait ce
trajet-là, comme moi — ça
fait une vingtaine d'années que je suis ici — on le comprend très bien.
Je veux revenir particulièrement sur la question
de la médiation culturelle à proprement parler. Pourquoi pensez-vous... et j'ai bien entendu ce que vous
répondiez à la ministre, vous disiez que c'était une recommandation, certes,
et je vais aller un peu plus loin. Est-ce que de votre point de vue, à partir
du moment où on sélectionne à l'extérieur des frontières
du Québec, en tant que gouvernement, on se doit, à l'instar de tous les autres
critères inscrits sur la fiche de sélection...
est-ce qu'on devrait apporter énormément, investir énormément d'efforts dans le
dessein de dire aux gens qui viennent ici ce qu'est le Québec
précisément, au plan historique, au plan identitaire, identité comprenant la
langue, la culture, etc.? Est-ce qu'on
devrait investir beaucoup plus d'efforts en amont, avant que ces personnes
arrivent au Québec pour ne pas qu'elles se retrouvent perdues?
M.
Redzovic (Bato) : Je dirais
oui, sauf que je me souviens, quand j'ai passé les interviews de présélection,
le gouvernement ne veut jamais
confirmer, vous dire : Voilà, soyez sûrs, vous allez venir au Canada. Il
dit jusqu'au dernier moment : On ne sait pas.
Alors, vous
savez, si vous voulez travailler avec quelqu'un qui est sûr et certain de
l'obligation dans son pays natal... Il
faut vivre, hein, il faut gagner pour nourrir la famille, n'importe où où on se
trouve. Est-ce qu'ils vont avoir du temps de participer? Je dirais : Sûr et certain, oui, si le gouvernement
peut s'investir, de préparer les gens, de préparer... de leur parler de la valeur culturelle de la société
d'accueil. Ça, c'est sûr et certain. Vous le savez, préparer quelqu'un mieux,
de venir le dire... Et puis quelqu'un qui va choisir le Québec, il va
signer, là, qu'il a choisi le Québec. Encore ça, je me demande pourquoi un certain nombre de personnes, après un mois, deux
mois, trois mois, quitte le Québec s'il a choisi, s'il a signé, s'il a accepté les valeurs de la
société d'accueil comme telles, s'il a signé d'abord qu'il accepte les valeurs
comme telles. Je me demande. Alors, quelque
part, vous savez, on peut parler de la liberté de circulation, mais je pense
qu'on devrait avoir un contrat moral avec
les gens qu'on accepte ici, au Québec. Les bien préparer, sûr et certain, M.
Maka Kotto, et puis travailler avec, sûr et certain, leur dire c'est
quoi, le règlement chez nous.
Vous savez,
dans ma maison, j'ai mes règlements. Si j'ai le règlement que personne ne peut
pas fumer dans ma maison, s'il veut
fumer dans la maison, il n'est pas bienvenu. Vous savez, on a nos règlements,
on devra expliquer les gens : Et à ça ces conditions... Alors, si
vous acceptez le pays d'accueil comme tel, vous êtes bienvenu.
M.
Kotto : Je vais aller
un peu plus loin encore. À partir du moment où on fait preuve de carences en
matière de représentation
diplomatique, en quelque sorte... Il y a plusieurs pays qui sont, via
l'immigration, représentés. Il y a 185 pays qui sont source d'immigration au Québec et une centaine d'ethnies
différentes. À partir du moment où nous n'avons pas, en tant qu'État, une représentation diplomatique
pour faire ce travail pédagogique sur place, pensez-vous objectivement — je
ne fais pas de politique,
là, c'est valable pour tous les gouvernements qui se sont succédé, qu'ils
soient du Parti québécois ou du Parti libéral — à partir du moment où il n'y a pas de
représentation diplomatique pour faire un travail de pédagogie sur place...
n'y a-t-il pas là un problème?
M.
Redzovic (Bato) : Mais oui,
évidemment. Si on n'a pas les gens qui vont travailler, on devra bien se
présenter pour l'accueillir ici.
Mais, vous savez, une fois arrivé ici, vous ne pouvez pas mettre toutes les
valeurs de la société dans une tête
dans quelques mois. Le problème arrive, vous savez dans quel sens? Une famille
avec ses valeurs culturelles va envoyer
un enfant à l'école, et puis un prof, il va remarquer certaines choses, qu'il
était battu peut-être, avec ceinture, avec je ne sais pas quoi, là. Sans savoir, les gens, ils vont avoir les
représentants de la DPJ d'un jour à l'autre à la maison qui vont s'occuper des enfants, et les gens, ils vont
se trouver très surpris parce qu'on n'a même pas réussi de leur donner
les valeurs de la société, qu'est-ce qu'ils peuvent faire, qu'est-ce qu'ils ne
peuvent pas faire.
Je donne
assez souvent... En fait, ici, tout est réglementé, vous savez, là. Ils
arrivent d'un pays où il n'y a pas les règlements comme ici. Je donne
assez souvent un exemple pour les Africains et la pêche, vous savez... le
permis de pêche, une canne à pêche... une
canne à pêche, quel poisson en quel mois, quelle grandeur, etc. Quand tu
commences à expliquer ça à un Africain, là, ça devient drôle. Il te regarde
comme que tu es fou, là. Alors, c'est juste un exemple banal.
Vous savez,
là, n'importe quelle question qu'on touche... question d'éducation. Vous savez,
combien de crédits un enfant... C'est
quoi, le cheminement dans une école secondaire, CPC, CPT, régulier, etc? Alors,
même un citoyen de Québec ne peut pas
comprendre comment approcher tout ça dans une période courte à une famille qui
arrive. Et puis, vous savez, les
informations... Première journée, session d'information, Emploi-Québec :
vous allez avoir l'aide sociale, mais vous
allez être obligé de faire ça, ça, ça. Ça rentre ici, ça sort ici, et puis il
n'y a rien qui reste dans la tête après sept jours, un mois.
Pour ne pas
arriver dans le problème, on devrait vraiment travailler un peu plus. Comment,
quelle façon? Je ne sais pas. Les
intervenants sont là. La meilleure solution, possibilité, j'ai vu, dans une
recherche d'un groupe de profs de l'Université
de Sherbrooke... Il y a un document qui s'appelle L'Accompagné : les
nouveaux arrivants avec leurs récits. Et j'ai vu vraiment dans les récits, les visites à domicile, c'est qu'on
essaie... fait tout le temps, mais combien réussissent vraiment ça? Je ne peux pas vous dire. En fait, le
gouvernement accueille les immigrants, mais on n'a pas vraiment un bon papier qui va nous dire ce sont quoi les
résultats après six mois, après une année. On a investi, comme gouvernement,
de l'argent par les organismes
communautaires, mais qui a fait quoi, comment on peut avoir vraiment les
informations vraies? Est-ce qu'on avait vraiment tout ce qu'on a payé
avec de l'argent? Ça, je me questionne aussi, là.
Le Président (M. Picard) : M.
le député, il reste deux minutes.
M. Kotto : Deux minutes. Sur
la question du logement, est-ce que vous pouvez, du haut de votre expérience, nous dire, si c'est possible, bien sûr,
spécifiquement le profil des Québécois d'adoption qui ont de la difficulté...
le profil socioéconomique... qui ont
de la difficulté à trouver un logement ou à y rester? Des histoires d'horreur,
j'en connais, mais je veux vous entendre relativement à votre
expérience.
• (10 h 40) •
M.
Redzovic (Bato) : Mais
chaque famille monoparentale est d'histoire d'horreur. Vous savez, là, une
famille, quand on a un célibataire et
quand on leur donne l'aide sociale, qui est à peu près 600 $, on peut
l'installer dans une chambre, dans
une maison de chambres, trouver une chambre pour 350 $, 375 $. Ça,
c'est le prix, en Outaouais, d'une chambre. Il va partager la cuisine, la toilette, etc. Mais une famille
monoparentale, elle a la même aide sociale, mais une mère avec deux enfants, vous ne pouvez pas l'installer dans une chambre. Vous devrez
aller chercher au moins un appartement avec une chambre à coucher minimum. C'est 600 $ en Outaouais. 600 $. Alors, la famille vit des allocations
familiales. La mère, elle est obligée
d'utiliser de l'argent pour acheter la nourriture. Ça se termine là, si elle
peut arriver jusqu'au dernier jour du mois. Alors, pour moi, ça, c'est
une histoire d'horreur.
Où on peut
peut-être chercher les solutions, les appartements à prix modique, le logement
social, vous savez, la Société
d'habitation... Mais vous savez qu'un des critères principaux, être résident 12
mois. À Gatineau, je ne sais pas, dans
notre coin, si c'est la même chose, mais vous ne pouvez pas, même pas appliquer
pour un appartement à prix modique si vous n'êtes pas résident 12 mois.
Alors, vous savez, première année, une famille monoparentale, c'est une
histoire d'horreur. Assez souvent, on est
obligés de diviser les familles. Si on a une famille de huit, neuf personnes,
on ne peut pas trouver de logement de
quatre chambres à coucher. Il n'y a pas... Taux d'inoccupation, zéro. Alors,
vous savez, on est obligés assez souvent de diviser les familles dans
deux appartements, de diviser une famille.
Le
Président (M. Picard) : Merci, monsieur. Je cède maintenant la
parole à M. le député de Borduas pour une période de sept minutes.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. À mon tour de vous souhaiter
la bienvenue à l'Assemblée nationale. Dans
un premier temps, vous avez parlé beaucoup d'accepter les règles du pays
d'accueil. Vous avez parlé qu'il manquait de formation au niveau de l'enseignement des valeurs de la société
d'accueil et que, parfois, il y avait des situations où les nouveaux
arrivants se retrouvent confrontés à une situation problématique par rapport
aux règles générales qui encadrent la vie collective québécoise. Selon vous, quel devrait être le
type de formation donnée par rapport à ces valeurs-là et le contenu
surtout?
M. Redzovic (Bato) : Merci. D'abord, premièrement, on a un système d'information. On appelle
l'activité quand on accueille les
nouveaux arrivants, comme la première démarche d'installation. C'est un peu un
point développé par le gouvernement,
par le ministère de l'Immigration, et on leur donne vraiment les informations.
C'est la base, vous savez. C'est
quoi, une carte d'assurance sociale, une carte d'assurance maladie, etc.,
comment... de quelle façon on l'accompagne pour arriver jusqu'à un
certain point.
Mais
il y a tellement, tellement de choses à dire à une famille. Vous savez, la...
Dans certains pays, on ne paie pas assez cher de conduire une voiture
avec un taux d'alcool plus élevé que permis par la loi. Ici, les gens, ils
paient vraiment cher de temps en temps parce
qu'ils ne sont même pas informés combien ils vont payer, pourquoi ils ne
peuvent pas conduire leur voiture. Vous savez, les gens qui arrivent,
ils sont... comment je peux vous dire, les formations, lesquelles on devrait faire, moi, je pense que le gouvernement devrait
développer certaines formations obligées pour les nouveaux arrivants, leur dire certaines choses,
vous savez... Les intervenants qui l'accueillent, les intervenants qui parlent,
ça, c'est une chose. Mais moi, je pense, quelques sessions obligatoires pour le
nouveau, pour l'approcher.
Qu'est-ce
qu'on va poser comme le sujet de différentes formations? Là, vous savez, on
peut peut-être sortir la dizaine de questions
principales pour approcher aux gens et puis leur dire : Voilà, ce sont les
choses que vous n'avez pas de choix que de l'accepter comme tel et se
comporter dans ce sens-là.
M.
Jolin-Barrette : Donc, pour vous, la sensibilisation aux valeurs
québécoises passerait nécessairement par des activités de formation
obligatoires.
M. Redzovic (Bato) : ...québécoise? Excusez-moi, là, j'ai pensé les immigrants. Je n'ai pas
compris que vous avez demandé la sensibilisation des citoyens du Québec.
M.
Jolin-Barrette : Non, la sensibilisation aux valeurs du Québec pour la...
M. Redzovic
(Bato) : Aux valeurs de la société d'accueil.
M.
Jolin-Barrette : ...pour la population qui est issue de l'immigration.
Mais ça m'amène à vous poser la question suivante : Trouvez-vous que le réseau de partenaires, les
organismes communautaires sont suffisamment supportés par le ministère de l'Immigration? Trouvez-vous que
vous avez les ressources requises pour réussir à offrir tous les services
que requièrent les néo-Québécois, les nouveaux arrivants, pour pouvoir
s'intégrer pleinement?
M. Redzovic
(Bato) : Mais je ne veux pas revendiquer, vous savez, la... Je ne suis
pas arrivé ici vraiment revendiquer,
dire : On est sous-financés à gauche, à droite. Je veux dire que le ministère
paie certaines sommes d'argent par
tête et puis les résultats sont là. Je voulais juste proposer qu'on peut faire
plus. Je ne sais pas, est-ce qu'on peut faire ça avec la même somme d'argent? C'est possible, vous savez, c'est possible
toujours d'évaluer les choses, voir qu'est-ce qu'on a fait et comment, de
quelle façon on peut s'organiser.
Vous
savez, la majorité des gens, ils vont venir et dire : Voilà, on est
sous-financés, on n'a pas d'argent. On peut faire ça à gauche, à droite,
c'est le gouvernement qui devrait choisir. Sûr et certain, certaines choses,
dans la vie, si tu paies, tu vas l'avoir; si
tu ne paies pas, tu ne vas pas l'avoir, et puis ça se termine là, mais peut-être
évaluer la situation et voir qu'est-ce
qu'on peut faire de plus pour...
M.
Jolin-Barrette : Et puis tout à l'heure, en réponse à une des questions
de mon collègue, vous disiez qu'il n'y avait
pas véritablement d'indicateur au niveau de la reddition de comptes. Vous
disiez : Bien, on ne peut pas mesurer l'intégration. Est-ce que vous
avez des pistes de solution pour développer ces indicateurs-là, pour savoir
est-ce qu'on accomplit de façon appropriée la mission, est-ce qu'on réussit
véritablement?
M. Redzovic (Bato) : Vous savez, quand on parle de reddition de comptes, la reddition est
là. On est obligés, vous savez. On
est attachés avec le ministère, avec un programme, et puis on est obligés de mettre toutes les
interventions qu'on donne aux
nouveaux arrivants. Ça peut aller, vous savez... On est obligés d'accompagner
les gens jusqu'à 60 mois, jusqu'à cinq
ans, et puis la reddition de comptes est là. Mais je voulais plutôt toucher la
qualité, qualité des services qu'on donne.
Bien sûr,
dernièrement... vous pouvez remarquer dans le document aussi que le ministère
a décidé de certifier tous les organismes
qui sont financés en mesure de plus que 50 000 $ et plus, et puis je pense que ça va porter les fruits.
Mais, de l'autre côté, peut-être que le
ministère devrait voir certaines pistes d'évaluer les clients directs, vous
savez, parce que, quand ça se fait
par les organismes, on peut vous sortir toujours les sondages pour chaque
service qu'on donne aux nouveaux
arrivants, au moins à l'Accueil-Parrainage Outaouais. Vous savez, si vous me demandez
le sondage en accueil et le sondage
en activités collectives, sondage en hébergement, sondage de notre interprète
qui sont engagés dans notre banque
d'interprètes... Là, on a trois clients, vous savez... et puis elle est là.
Elle est là. On peut toujours prouver que voilà quels services on donne. Mais de temps en temps, vous savez, quand vous
sondez les clients directs qui dépendent de vos interventions, je me pose la question : Est-ce qu'il est prêt à
donner la vérité, qu'il n'a pas peur qu'il va peut-être rester sans les
services, vous savez, le logement? Je me demande.
M. Jolin-Barrette : O.K. À la page 4
de votre mémoire, vous dites...
Le Président (M.
Picard) : M. le député, il vous reste 15 secondes.
M. Jolin-Barrette : Bien, je tiens à
vous remercier pour la présentation de votre mémoire.
M. Redzovic (Bato) : Merci beaucoup.
Le Président (M. Picard) : Je
tiens à vous remercier pour votre présentation.
Je vais suspendre quelques instants afin de
permettre au prochain groupe, qui est Actions interculturelles de développement
et d'éducation, de prendre place.
(Suspension de la séance à 10 h 49)
(Reprise à 10 h 50)
Le
Président (M. Picard) :
Nous allons reprendre avec le groupe Actions interculturelles de développement et d'éducation. Je vous invite à vous présenter. Vous disposez
de 10 minutes pour votre présentation.
Actions interculturelles
de développement
et d'éducation inc. (AIDE)
M.
Vidal (Jacques) : Bonjour.
Jacques Vidal, je suis président du conseil
d'administration d'Actions
interculturelles.
M. Soulami (Mohamed) : Bonjour.
Mohamed Soulami, directeur général.
M. Vidal (Jacques) : Donc, M. le
Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, Actions interculturelles est un organisme à but
non lucratif qui contribue depuis 25 ans au rapprochement interculturel grâce à plusieurs projets, recherches et
activités. Nous avons des actions à travers le Canada et à l'international.
Notre mission est de valoriser la
richesse d'une société pluraliste et à contribuer à son ouverture sur le monde,
faciliter l'intégration socioprofessionnelle
des personnes issues de l'immigration, et nous travaillons, jour après jour, à
une société riche de sa diversité.
Tout d'abord,
nous tenons à féliciter le gouvernement pour l'initiative en cours par rapport
à la nouvelle politique. Nous pensons
que cette politique peut être un socle pour l'avenir du Québec. Nous faisons le
constat que les résultats des politiques
passées ne sont pas à la hauteur des attentes. L'analyse des données
statistiques souligne, par exemple, que la région métropolitaine de
Montréal est celle où le rapport entre le taux de chômage des non-immigrants et
le taux de chômage des immigrants est le
plus défavorable au Canada. Le Québec accuse la plus grande perte d'immigrants
de toutes provinces ou tous
territoires découlant de la migration interprovinciale. D'un point de vue
national, la presse québécoise publie plus d'articles controversés ou
conflictuels concernant les minorités ethnoculturelles que toute autre
province.
Pour tenter
d'aider à rétablir la situation, nous vous présentons trois propositions que
nous considérons pertinentes pour que
cette nouvelle politique soit plus complète et adéquate que l'ancienne dans le
contexte social et économique actuel du Québec.
M. Soulami (Mohamed) : Nous
souhaitons mettre l'accent particulièrement sur trois propositions.
La
première : un continuum de services cohérent et soutenu. Le taux de
rétention du Québec est très inférieur à la moyenne canadienne. Plusieurs données statistiques
officielles donnent à peu près 71 %
pour le Québec, alors que dans d'autres
provinces le taux de rétention est plus élevé. Maintenant, la réalité terrain
nous montre qu'il y a un taux de rétention encore plus faible, et, quand on regarde la migration interprovinciale,
ce taux de rétention du Québec tombe à 50,7 %. Et malheureusement c'est encore plus important pour
certaines régions. On peut parler de la région d'où on vient, la région de l'Estrie, où le taux de rétention est
21,6 %. Nous considérons que cette tendance est la conséquence
d'investissements financiers
insuffisants, lesquels ne permettent pas de soutenir les services pour les
immigrants au Québec, de maximiser le
pouvoir d'agir des institutions et des organismes oeuvrant pour l'intégration
et la rétention à long terme des personnes immigrantes.
Notre recommandation. Nous recommandons donc que
le continuum, qui est déjà amorcé parce qu'il y a un dispositif de services intégrés qui a été lancé en 2014 par le ministère...
nous recommandons que ce continuum s'étende aux régions et prévoie des partenariats soutenus avec les acteurs
impliqués en milieux de l'immigration, tous les acteurs, et que ce
service s'adresse à toutes les catégories d'immigrants, y compris les
immigrants temporaires.
Notre
deuxième proposition : associer les médias en vue d'encourager une
représentativité équitable et responsable de la diversité. Le Conseil des relations interculturelles, qui n'existe
plus, avait fait une étude sur les
médias, justement, puis les constats sont très inquiétants. On vous
les a écrits. Donc, nous, ce qu'on recommande, c'est que les médias soient
des partenaires aussi pour la diversité
culturelle, et, dans ce contexte, nous considérons que la nouvelle politique
québécoise en matière d'immigration, de diversité et
d'inclusion devrait encourager et favoriser davantage la collaboration avec les
médias dans les efforts et les projets qui
sont développés par différents organismes et différents acteurs du milieu. Et
nous avons des exemples qu'on
pourrait d'ailleurs en discuter dans la période de questions et qui sont dans
la pochette qu'on vous a donnée.
Notre
troisième proposition, c'est valoriser l'innovation et soutenir les efforts des
différents acteurs qui soutiennent
l'intégration des immigrants. L'interculturalisme est basé sur la nécessité
d'un rapprochement conjoint entre tous les groupes ethnoculturels qui
forment le Québec d'aujourd'hui. Ces communautés dynamiques sont des acteurs importants, et il est essentiel de les impliquer
positivement. Pour réaliser le tout adéquatement, le gouvernement doit donc
valoriser les efforts des partenaires, des Québécois et des différents acteurs
impliqués en immigration.
Notre
recommandation. Nous recommandons au gouvernement de confirmer des partenariats
collaboratifs avec des acteurs du
milieu, des partenariats à long terme aussi des organismes, des villes et
différents autres acteurs qui sont intéressés
par être impliqué dans l'immigration pour ainsi concrétiser les actions
inscrites de cette présente politique et aider à résorber les lacunes
des anciennes politiques d'une façon durable et efficace.
M. Vidal (Jacques) : Tout comme vous, nous avons à coeur la réussite du modèle
d'interculturalisme québécois. Nous
croyons en ces valeurs et en cette nouvelle approche de la diversité. Nous
espérons grandement que la mise sur pied de cette nouvelle ligne directrice permettra de faire du Québec une
province forte de sa diversité, investie auprès de sa population et prête à soulever les enjeux qui
l'attendent dans les prochaines décennies pour une société riche de sa
diversité culturelle. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Picard) : Merci, messieurs. Je cède maintenant la
parole à Mme la ministre, pour une période de
17 min 30 s.
Mme
Weil : Merci beaucoup, M. Vidal. Merci beaucoup, M. Soulami.
Très heureuse que vous ayez fait trois recommandations, et on aura
l'occasion ou j'aurai l'occasion de vous poser des questions pointues
là-dessus.
Juste
sur une question de chiffres — et je ne veux vraiment pas qu'on s'engage
dans un échange de chiffres, mais on pourra
échanger après, les chiffres qu'on a pour la rétention — parce qu'on était curieux à savoir d'où
venaient vos chiffres, est-ce que
vous, c'est toutes catégories confondues en matière d'immigration? Est-ce que
c'est pour les travailleurs qualifiés, lorsque vous parlez de taux de
rétention?
M. Soulami
(Mohamed) : Ça concerne toutes les catégories d'immigrants, sauf les
temporaires, bien sûr.
Mme
Weil : O.K. Alors, le chiffre que nous avons, au ministère,
c'est que, pour les travailleurs qualifiés, c'est au Québec que le taux de rétention est le plus
élevé pour la période de mai 2006, se situant à 90 %, alors qu'il est de
87,5 % en Ontario, 84,7 %
en Alberta, 79,6 % en Colombie-Britannique. Il se pourrait que peut-être
le regroupement familial... En tout
cas, on regardera ça. On a vu quand même, c'est sûr, un taux de rétention plus
bas en 2012, mais pas juste pour les
nouveaux arrivants et les immigrants, mais tous les Québécois en général, et on
dit souvent : C'est plus à cause de l'activité économique qu'autre
chose.
Donc,
vous, ce que vous dites, c'est : Par un service, un continuum de services,
on réussirait mieux à intégrer. C'est
un peu votre propos. Mais, dans le troisième, vous parlez d'innovation. Je
trouve ça intéressant, parce que l'intérêt, évidemment, c'est de
stimuler l'activité économique, et les régions où il y a une activité
économique vont être plus attrayantes pour
les nouveaux arrivants, les travailleurs qualifiés. Et, dans la réforme qu'on
voudra, évidemment, éventuellement implanter,
si vous voulez, c'est une sélection plus dynamique, en temps réel, pour une
meilleure intégration rapide selon les
besoins des régions, donc un nouveau mode de sélection. Alors, c'est important
que je vous pose des questions pour voir, parce que vous allez peut-être
pouvoir nous donner des pistes de réflexion.
J'aimerais
vous entendre sur cette question d'innovation. Tout le monde en parle, et on
dit souvent que les personnes immigrantes,
beaucoup d'études le confirment, toutes les études américaines, canadiennes,
que c'est beaucoup dans les milieux
de diversité qu'on voit l'innovation. On pense aux lettres de toutes les
créations, les nouvelles compagnies, etc., c'est une réussite partout
dans le monde. J'aimerais vous entendre, peut-être, creuser un peu plus cette
proposition, je trouve ça intéressant, qui
pourrait être aussi... parce que la régionalisation va être une orientation
importante pour notre politique, la régionalisation de l'immigration,
mais évidemment il faut stimuler l'activité économique.
• (11 heures) •
M. Vidal (Jacques) : Pour appuyer votre point, dans mes occupations professionnelles, je
suis très impliqué en tout ce qui est
développement économique et innovation, puis, en effet, tout prouve que plus un
milieu est diversifié, plus le niveau d'innovation organisationnelle est
élevé. Donc, cette logique-là, elle s'applique facilement.
Si
vous voulez aller vers une immigration qui est plus choisie en fonction des besoins d'emploi, a priori, si on s'en va, à ce
moment-là, vers davantage d'immigration via des permis de travail ou des
travailleurs temporaires, à ce moment-là, on arrive au premier point, qui est celui du continuum de services, qui
devrait aussi être adapté à cette clientèle-là. Actuellement, il y a beaucoup de services qui ne sont pas ouverts aux
travailleurs temporaires. Alors, finalement, on se place un peu dans une position d'échec, parce que
les gens sont là avec un permis de deux ou trois ans qui, a priori, est le
meilleur gage de réussite pour leur
intégration future si, ensuite, ils font les démarches pour devenir résident
permanent, mais encore faut-il s'assurer qu'on puisse leur donner les
services pendant ces deux ou trois années-là.
Mme Weil :
Merci pour ça, c'est très intéressant. Est-ce que vous connaissez le Programme
de l'expérience québécoise? C'est-à-dire,
après un an, un travailleur temporaire qualifié peut devenir résident
permanent, avoir un certificat de
sélection du Québec. Et donc est-ce que vos conseils aussi vont dans le sens de
faire connaître ce programme et de les préparer aussi pour le Programme
de l'expérience québécoise?
M.
Soulami (Mohamed) : Oui,
tout à fait. Puis cependant il y a beaucoup de... ça s'adresse aux diplômés qui
sont ici plus particulièrement, mais il y a
beaucoup d'immigrants temporaires qui, malheureusement, parfois, sont laissés
à eux-mêmes, et ils n'ont pas accès à des services qui les aideraient à mieux
s'intégrer. Et il faut saluer la décision des gouvernements
autant du Québec que fédéral, depuis déjà plusieurs années, d'ouvrir la voie à
l'immigration permanente à des
immigrants temporaires, qu'ils soient des immigrants temporaires ou des
étudiants, qui peuvent devenir permanents. Donc, ça, il faut le saluer.
Maintenant,
il y aurait lieu d'avoir accès aussi à des services pour aider à l'installation
des personnes immigrantes et pour les
aider dans leur intégration de façon durable. Je voudrais revenir... Peut-être,
effectivement, on ne devrait pas faire
un débat de chiffres ici, mais les taux de rétention, à contrecoeur, on doit
les sortir. Pourquoi? Parce que c'est un indicateur. C'est un indicateur assez important de voir réellement
est-ce que les personnes immigrantes viennent s'installer ici puis restent d'une façon durable ici ou ils
viennent s'installer ici puis, comme ils rencontrent beaucoup d'obstacles, ils
décident de partir ailleurs. Et, la région
de l'Estrie, je peux donner un exemple. L'accroissement entre les deux
recensements de 2006 et 2011, en cinq
ans, il y a eu 1 225 personnes de plus au niveau du recensement alors que,
chaque année, normalement, la région
en accueille à peu près 1 000 à 1 200 par année. Alors, ça, c'est
important. Il faut voir ce côté-là pour voir l'importance d'assurer des
services qui vont permettre de garder les personnes immigrantes, que ce soit,
d'un côté, la rétention, mais, de l'autre
côté, on sait très bien — et je pense que le document de la politique fait le constat aussi — qu'en termes de taux de chômage... il est pas mal plus élevé chez les
personnes immigrantes, et, pour certaines catégories, c'est encore plus élevé. Donc, c'est l'investissement
là-dedans qui va donner des résultats, à notre avis, qui, maintenant, ici,
au Québec, sont un peu moindres que dans d'autres provinces.
Maintenant,
le continuum de services. Le continuum de services, c'est excellent. Bravo pour
le gouvernement d'avoir lancé ça.
C'est en 2014 que ça a été lancé. C'est lancé en Ontario il y a deux ans. Il y
a des pratiques similaires qui sont
faites dans différentes provinces où il y a des continuums de services aussi
dans des organismes sous forme de guichet unique ou des partenariats
structurés entre différents acteurs pour offrir des services. Et ça, c'est une
voie de l'avenir pour assurer un soutien à
la personne immigrante pour qu'une fois arrivée ici qu'elle obtienne un premier
service, mais aussi qu'elle passe aux
deuxième et troisième services pour assurer son intégration durable. C'est là le
problème majeur. Je suis content de
voir dans la politique qu'on insiste beaucoup sur l'intégration durable, parce
que c'est ça, la clé.
Quand il y a
une faille entre deux services, quand il n'y a pas de communication, il y a un
manque d'information qui est
transmise à la personne immigrante pour aller utiliser un autre service, même
s'il existe, ou qu'il y ait un manque de
service — parfois,
il y a des services qui manquent dans certaines régions, dans certaines
places — qu'est-ce
que ça fait? Ça fait une
interruption, puis la personne
immigrante est laissée à elle-même et
elle n'arrive pas à trouver la solution pour s'intégrer. Souvent, c'est par des contacts réseau directs qu'ils
utilisent, et souvent il y a des contacts dans les autres provinces. On dit : La ville de Sherbrooke
peuple certaines régions en Ontario, puis en Alberta, puis en
Colombie-Britannique. Il y a le village Brooks qui a beaucoup
d'immigrants de Sherbrooke.
Je voudrais
juste ajouter une chose. Et l'innovation, effectivement, c'est majeur.
L'innovation, il y a beaucoup d'organismes communautaires qui offrent
des services aux personnes immigrantes, qui innovent dans les pratiques. Il y a des municipalités qui ont innové dans les
pratiques. Et ça, il lui faut un soutien continu pour assurer justement que ça
donne des résultats.
Mme Weil :
Oui. J'ai deux petites questions, mais je voudrais aussi céder la parole à mon
collègue. La Nouvelle-Zélande... parce que, pour parler des travailleurs
temporaires, c'est important et c'est intéressant pour nous, savez-vous qu'en Nouvelle-Zélande 85 % des
travailleurs qualifiés temporaires deviennent des immigrants permanents?
C'est quand même impressionnant. Et,
lorsqu'on va penser à notre nouveau mode de sélection éventuellement inspiré
de l'Australie, Nouvelle-Zélande, mais aussi
beaucoup inspiré de ce qu'on va entendre lors de cette consultation, on va
prendre le meilleur de tout, pensez-vous que
ça serait une orientation intéressante en amont, en amont, c'est-à-dire même
de privilégier cette voie? Parce qu'ils sont
déjà intégrés, hein? C'est ça, l'avantage, c'est des personnes déjà intégrées,
les employeurs les veulent. Et verrez-vous un rôle aussi pour les employeurs
dans ce cheminement de l'immigration vers l'immigration permanente?
M. Vidal
(Jacques) : Je fais partie
de cette catégorie-là. Je suis rentré avec un permis de travail il y a 25 ans.
Donc, oui, il y a beaucoup de
missions aussi, depuis plusieurs années, avec les missions au Québec, donc de
recrutement dans les pays
francophones avec un accompagnement d'entreprise. Donc, les gens sont recrutés
directement par rapport à un besoin
concret. Donc, c'est des gens qui arrivent directement sur le marché du
travail. Donc, évidemment, d'une part, leur
capacité d'intégration est bien supérieure parce que c'est par le travail qu'on
s'intègre, hein, le fait qu'on est dans un milieu de travail et puis qu'on a un salaire, et aussi, du côté de
l'employeur, c'est une réponse à des besoins. Parce qu'il ne faut pas se cacher non plus tous les
besoins de main-d'oeuvre qu'ont les PME à travers le Québec actuellement. Donc, le fait de qualifier des travailleurs, des
immigrants, évidemment, on est doublement gagnants à court terme par rapport
aux besoins d'emploi et à long terme sur la capacité d'intégration de ces
personnes.
M. Soulami
(Mohamed) : Et effectivement
nous sommes totalement en accord que c'est une voie extrêmement intéressante, de s'assurer que des travailleurs
temporaires deviennent des résidents permanents. C'est une voie intéressante
à plusieurs niveaux et surtout parce que les personnes arrivées ici, ils ont
déjà un emploi et ils peuvent s'épanouir professionnellement.
Et ce qui va manquer, c'est justement cette résidence permanente pour eux pour
rester d'une façon durable ici. Maintenant, cette voie, comme n'importe
quelle voie, elle est intéressante, mais il faudrait s'assurer de la
réglementer pour aider à éviter certains problèmes que peuvent rencontrer les
personnes immigrantes.
Mme
Weil : Merci beaucoup. M. le Président, j'aimerais céder la
parole au député de Sherbrooke.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de Sherbrooke, il reste cinq minutes.
• (11 h 10) •
M.
Fortin (Sherbrooke) : Merci beaucoup, M. le Président. M. Vidal, M.
Soulami, bienvenue à l'Assemblée nationale.
Je suis très heureux qu'on puisse vous accueillir aujourd'hui, parce que,
souvent, Sherbrooke est citée en exemple comme ville régionale pour l'accueil, l'intégration des immigrants, puis
ça, je pense, c'est... Et puis on doit le dire : C'est parce qu'on a de nombreux organismes, à
Sherbrooke, comme le vôtre, qui se dévouent à chaque jour. Et je suis un témoin
privilégié pour voir tout ce que vous faites
pour notre collectivité, pour valoriser le pluralisme, et je pense que vous
jouez un grand rôle, justement, dans ce succès-là.
Malgré tout, on a nos
défis. Vous en avez abordé un qui est important. Comme la ministre l'a dit, je
n'ai pas l'intention, moi, d'entrer dans les
chiffres, mais le fait est qu'on a un problème de rétention qui est, selon moi,
assez évident, on m'en parle
régulièrement. En même temps, toute la question de la rétention, selon moi et
de ce qu'on me dit aussi, est très liée à l'emploi, hein, la capacité de
s'intégrer en emploi, d'obtenir un emploi, d'obtenir un emploi de qualité. Or, souvent, les gens d'affaires nous disent... à
Sherbrooke, mais un peu partout ailleurs
au Québec, sont les principaux... je dirais les principaux partisans, hein, qu'on
accueille un plus grand nombre d'immigrants possible, parce qu'ils voient la pénurie de main-d'oeuvre arriver, qui nous guette d'ici 2020. Alors, ça inquiète beaucoup
les entrepreneurs, ça inquiète
beaucoup les dirigeants d'entreprise, mais,
en même temps, il y a comme une difficulté à embaucher les gens qui sont
issus de l'immigration, et on le voit. À Sherbrooke, il y a des emplois de
disponibles pour lesquels les gens issus de l'immigration
ne trouvent pas nécessairement leur place. Et donc il y a un paradoxe là, moi,
pour lequel je me questionne beaucoup.
Je voudrais vous entendre là-dessus, surtout que vous dites que les entreprises
doivent faire davantage, hein, pour mieux intégrer, laisser une plus
grande place aux nouveaux arrivants en emploi.
Alors,
comment vous expliquez ce paradoxe-là, et qu'est-ce que les entreprises doivent
faire de plus, et comment, par une
nouvelle politique, on pourrait aussi venir aider ces entreprises-là à faire en
sorte que nos nouveaux arrivants soient mieux intégrés en emploi,
notamment les nouveaux arrivants en région comme chez nous, à Sherbrooke?
M. Soulami (Mohamed) : Oui. Merci pour la question. Effectivement, c'est
un paradoxe apparent. Cependant, je
pense que la clé, elle est dans la politique, c'est l'intégration durable, et
l'intégration durable passe par une préoccupation de tous les moyens nécessaires pour assurer
l'intégration de la personne, outiller la personne et outiller le milieu pour
faire en sorte que cette intégration soit durable.
L'adéquation
entre les profils des personnes immigrantes et les besoins de la région est une
voie qu'il faudrait regarder
adéquatement, parce que c'est sûr que, lorsque, parfois, on a, dans une région
comme Sherbrooke, un ingénieur maritime,
il va avoir beaucoup de difficultés à s'intégrer réellement. Donc,
premièrement, il y a une adéquation. Autant pour la région de l'Estrie
que pour tout le Québec, il faut qu'il y ait une adéquation, puis le
gouvernement travaille maintenant très fort là-dessus.
Deuxièmement,
les employeurs sont très intéressés. On travaille avec les employeurs, et
parfois la méconnaissance de la réalité des personnes immigrantes, la
méconnaissance des cultures fait en sorte que l'employeur a une première
réticence d'embaucher une personne immigrante. Donc, un soutien, d'un côté, à
la personne immigrante pour qu'elle connaisse
les lois de notre pays, connaisse la culture du travail ici, au Québec, est un
point important, mais aussi le soutien à l'employeur pour qu'il ait des
formations en diversité culturelle, chose qu'on fait, et qu'il puisse mieux
assurer l'intégration de la personne
immigrante, ça, c'est une voie aussi qui aide énormément. Et beaucoup
d'employeurs, quand ils expérimentent
ça puis qu'ils ont des formations, s'ouvrent énormément et commencent à
utiliser les employés immigrants qui sont chez eux comme des recruteurs
dans leur communauté.
Donc, une fois qu'on
investit dans un employeur, on investit dans une personne. Pour moi, j'utilise
le terme «investissement» parce que c'est
réellement un investissement de formation, d'éducation, de préparation pour une
intégration durable, ça a un impact
par la suite pas juste sur la personne, mais sur aussi tout le milieu au sein
de l'entreprise, à mon point de vue.
M. Vidal
(Jacques) : Si je peux rajouter...
Le Président (M.
Picard) : M. Vidal.
M. Vidal (Jacques) : ...la politique se nomme immigration, diversité, inclusion. Le volet
inclusion devrait avoir des aspects,
justement, du côté employeur, parce qu'on ne peut pas mettre tout le poids de
l'intégration sur l'immigrant, et, en travaillant du côté des employeurs,
il y a beaucoup de gains à faire.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de Sherbrooke, il reste
30 secondes.
M.
Fortin (Sherbrooke) : Bien, très bien. En terminant, bien, je voulais
tout simplement vous remercier pour les
commentaires que vous nous avez transmis aujourd'hui. Et ce que vous dites,
que, dans le fond, la responsabilité de l'intégration, c'est une responsabilité partagée, moi, c'est un principe
avec lequel je suis entièrement d'accord, que notre gouvernement est d'accord. Et, de plus, que vous
dites qu'une nécessité d'améliorer l'adéquation entre notre recrutement
de nouveaux arrivants et nos emplois qui sont disponibles, je pense que c'est
aussi un objectif qui est poursuivi par la ministre
dans le cadre des présentes consultations, dans le cadre de la nouvelle
politique québécoise. Alors, en ce sens-là, je pense que vous partagez
la vision du gouvernement, je vous en remercie.
Le Président (M. Picard) :
Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget pour une période de
10 min 30 s.
M.
Kotto : Merci, M. le Président. M. Vidal, M. Soulami, soyez les
bienvenus. Heureux de vous avoir parmi nous, et, à l'instar de ce que j'ai dit de votre prédécesseur ici ce matin, je
vous félicite pour votre implication, votre engagement. Vous êtes en
quelque sorte des architectes de référence de ce Québec divers de demain que
nous souhaitons durable, effectivement, considérant la place que l'immigration occupe et
occupera d'ici les 50 prochaines années. Ce n'est pas seulement
au Québec que c'est un enjeu important, c'est un peu
partout en Occident et même dans les régions de l'Afrique, par exemple,
ou en Amérique latine.
Je
veux revenir sur le soutien à vos activités spécifiques. Vous l'avez dit avec beaucoup
de subtilité, si je vous ai bien
compris, il y a une carence en matière de soutien en ce
qui concerne vos activités. Et, quand vous dites qu'il y a une
carence, vous comparez à quoi, à qui? Est-ce
que vous pouvez donner un exemple
comparatif, soit au Québec soit à l'extérieur
du Québec, en Ontario, par exemple,
ou en Colombie-Britannique? Je ne sais pas. Ce que je veux savoir à terme,
c'est : Comparativement aux autres, où est-ce que nous nous situons?
Le Président (M.
Picard) : M. Soulami.
M. Soulami (Mohamed) : Oui. Merci, M. Kotto, pour la question. Les
carences qui existent, c'est en termes de soutien continu à des initiatives qui sont développées pas juste par
notre organisation, par différents acteurs de la société. Différents organismes, souvent, se heurtent à des
difficultés d'avoir des soutiens et des soutiens continus pour assurer les services. Des expertises qui se développent,
malheureusement, se perdent avec le temps parce qu'il y a un manque de soutien pour les acteurs. Alors, en ce qui nous
concerne — on peut
donner quelques exemples — c'est qu'on a développé plusieurs
initiatives très intéressantes qui ont eu des appuis assez importants, mais par
la suite on ne trouve pas de financement qui permet de les réaliser.
Et
nous travaillons toujours avec une philosophie, c'est de travailler avec des
partenaires. Nous avons décidé depuis très
longtemps que c'est la voie, d'avoir une efficacité puis des bons résultats,
c'est de travailler avec différents acteurs. On travaille avec beaucoup de partenaires, puis je pourrais donner
peut-être un petit exemple, c'est un document qu'on vous a présenté, La Tribune de la diversité.
C'est une belle collaboration qu'on a développée avec un média, le média
régional de la région de l'Estrie, et ça a
été, pendant trois ans, toujours extrêmement difficile d'arrimer le financement
pour ça, pour pouvoir le continuer. Ça fait
maintenant deux ans que c'est complété. Ça a été élargi autant par La
Tribune, avec un souhait de ce
média et avec d'autres médias, Radio-Canada, Matv, etc., et avec des soutiens
de plusieurs acteurs de la région. Mais ça fait deux ans qu'on a un
projet, Les Voix-es de la diversité, puis on n'arrive pas à le financer, Les Voix-es de la diversité, pour faire en sorte
de faire parler de la diversité et des avantages de la diversité par les
acteurs des médias et par les différents... dans la société pour que les
gens... qu'on puisse faire plus de sensibilisation.
Alors, c'est sûr
qu'en rencontrant des difficultés comme ça... et on n'est pas les seuls,
sincèrement, là, il y a beaucoup d'acteurs
qui développent des initiatives et qui ont de la difficulté à les soutenir.
C'est des initiatives porteuses même
qui ont prouvé des résultats. On donne un exemple, La Tribune de la diversité,
vous avez ici... on vous l'a distribuée,
et c'est ça qu'il faudrait soutenir, à notre avis, parce que la base, c'est
d'avoir le terrain. Dans la société, cette sensibilisation est importante. Beaucoup d'employeurs nous ont dit,
après avoir lu des articles comme ça : Wow! Ça, c'est des exemples qu'on aime. Là, on vient de
comprendre que, oui, il faut faire le pas, il faut engager une première
personne, il faut assurer un
dialogue, il faut créer des comités à l'intérieur de l'entreprise pour créer un
échange entre les employés pour assurer l'intégration durable.
Alors, ça aide
beaucoup, mais il faut qu'il y ait des soutiens pour pouvoir assurer que ces
initiatives puissent continuer et puissent donner encore plus de résultats.
• (11 h 20) •
M.
Kotto : O.K. Quand
des initiatives constructives, à l'instar de celles que vous avez sommairement
évoquées, n'aboutissent pas, quels
sont les impacts potentiels au niveau
de la communauté, au niveau, même, de nos ambitions du
vivre-ensemble à votre niveau et dans l'ensemble du Québec?
M. Soulami (Mohamed) : Bien, les impacts, obligatoirement, c'est un...
finalement, il y a des acteurs qui laissent tomber puis qui ne travaillent plus à soutenir la diversité puis
l'intégration des personnes immigrantes. Pour une organisation comme la nôtre, c'est notre mission, donc ce qui
fait qu'on continue tout le temps à travailler et à faire tous les efforts
pour faire en sorte que ça continue à
fonctionner. Mais, pour d'autres acteurs qui sont sensibilisés, exemple, La
Tribune, hein, qui est un journal
régional, exemple, d'autres acteurs, on pourrait en citer plusieurs, quand ils
n'ont pas de soutien, ils vont faire
un essai pendant une année, deux ans, puis après ils vont laisser tomber. Alors,
autant dans les écoles que dans les
chambres de commerce que dans les organismes communautaires, il y a des
initiatives excellentes des meilleures pratiques...
La ville de Sherbrooke, c'est un bon exemple, hein, la première ville fusionnée
à avoir développé une politique de
l'immigration. Il faut qu'il y ait un soutien continu pour assurer que ce qui a
été implanté par la ville de Sherbrooke ou par d'autres acteurs puisse
continuer à donner des résultats.
M. Vidal (Jacques) : Je voulais juste compléter. D'un côté, on a des employeurs qui sont en
recherche permanente d'emploi, de
l'autre côté, on a des immigrants qui, pour la plupart, sont à la recherche
permanente d'emploi aussi, puis malheureusement
la rencontre entre ces deux solitudes-là ne se fera pas automatiquement. Donc,
si on ne se donne pas les moyens pour faire les ponts, ça va être très
long avant que les ponts se fassent naturellement.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de Bourget, il vous reste un petit peu moins de trois minutes.
M.
Kotto : O.K. Je vais poser une question en lien avec le taux de
rétention que vous avez évoqué tout à l'heure. Du haut de votre connaissance, est-ce que c'est exclusivement pour des
raisons de chômage que les gens quittent soit votre région soit le
Québec pour aller ailleurs?
M. Soulami (Mohamed) :
Exclusivement, je dirais non, majoritairement, oui.
M. Kotto : Y a-t-il d'autres
raisons?
M. Soulami
(Mohamed) : Bien, il
pourrait y avoir d'autres raisons. La circulation est libre, bien sûr, au
Canada, puis ça, c'est un élément
important. Parfois, c'est pour des raisons familiales, parfois pour des raisons
de choix, pour des études, mais
majoritairement, on peut dire, c'est pour le manque, parce qu'il y a eu des
difficultés d'intégration professionnelle, que les gens finissent par quitter, et ça, c'est dans différentes... À
Sherbrooke, il y a beaucoup de familles qu'on a connues, qui étaient à
Sherbrooke puis qui ont essayé, de différentes façons, de s'intégrer
professionnellement, ils ne sons pas arrivés
à s'intégrer professionnellement et par la suite, suite à un contact d'un
membre de leur communauté qui est déjà rendu
à Kitchener, en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique, bien, ils
décident finalement de quitter. L'Office national du film, d'ailleurs, il a fait un film, Les Élias et les
Petrov, là, donc, il y a quelques années, qui était un suivi de deux familles, une latino-américaine, une
ex-Yougoslavie, et qui présente bien ça. Puis la communauté d'ex-Yougoslavie,
qui était pas mal installée à Sherbrooke, il
y en a beaucoup qui ont quitté. On peut citer beaucoup de communautés. Et de
là l'importance de l'investissement pour
assurer... On souhaite qu'ils restent en Estrie, on souhaite qu'ils restent au
Québec. C'est ça, notre objectif, et,
pour le faire, bien, il faut qu'on s'assure que les gens puissent s'épanouir
professionnellement, donc qu'ils puissent intégrer un emploi.
M. Kotto :
Dernière question. Avez-vous été consultés préalablement à l'élaboration de ce
projet de politique d'immigration, en fait, le dossier pour lequel vous
êtes ici aujourd'hui?
M. Soulami (Mohamed) : Pardon?
M. Kotto : Avez-vous été
consultés par le ministère relativement à la préparation de ce projet?
M. Soulami (Mohamed) : Non.
M. Kotto : Non?
M.
Soulami (Mohamed) : Non,
mais on est vraiment très contents de voir cette politique, parce que ça va
exactement dans notre mission, là, c'est une très belle politique.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à
M. le député de Borduas pour une période de sept minutes.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Vidal, bonjour,
M. Soulami. Ça me fait plaisir de vous souhaiter
la bienvenue à l'Assemblée nationale.
Tout à l'heure, la discussion portait sur le permis de travail
temporaire qui pourrait être une
avenue, tel que proposé par la ministre, pour assurer une plus grande
intégration, donc de débuter par un
permis de travail temporaire et, par la suite, que ça résulte en immigration
permanente. Mais, je voulais savoir, dans
votre perspective, l'immigrant qui décide de venir travailler de façon
temporaire ne quitte-t-il pas son pays d'origine avec cet esprit-là, de venir travailler temporairement, en ce sens où
est-ce qu'à la base il y a une distinction entre les deux? Parce que le projet d'immigration ne sera pas le
même pour la personne qui décide de déposer une demande d'immigration de
façon permanente versus quelqu'un qui décide de venir travailler temporairement
au pays.
M. Vidal
(Jacques) : C'est vraiment
une bonne question. De mon expérience — les
dernières années, j'ai participé à plusieurs missions de recrutement,
les Journées Québec — je
vous dirais que — les
missions en question, c'étaient plutôt dans
la francophonie, essentiellement en Europe — les taux de chômage... et la situation économique
étant ce qu'elle est là-bas, avec des
taux de chômage qui sont de plus de 30 % pour les moins de 30 ans, les
gens qui veulent immigrer, ils veulent immigrer. Donc, les gens qui sont
dans la situation, depuis des années, de chercher un emploi dans leur pays d'origine, et qui ne trouvent pas, puis qui font
la démarche d'immigration, la plupart du temps, c'est avec une perspective
long terme, de mon expérience.
M.
Jolin-Barrette : Donc, si on
dit aux gens... bien, si on modifie le système puis on dit : Bien, vous
allez passer par un processus d'immigration temporaire, et par la suite
on va tenter de favoriser la transformation de votre permis temporaire en... de façon permanente, bien, ça ne
crée pas un peu d'instabilité, supposons, pour les familles, les gens qui ont des familles, qui veulent immigrer? Si
uniquement le permis de travail est temporaire, on ne risque pas, à ce
moment-là, de créer une instabilité chez les gens qui souhaitent venir
au Québec?
M. Soulami
(Mohamed) : Ce que je
pourrais vous dire, c'est qu'il y a... dans tout, il y a toujours
des cas, hein? Donc, on ne peut pas
avoir l'ensemble de tous les immigrants temporaires qui vont souhaiter rester
ici. Je peux témoigner. Moi, je suis venu comme immigrant temporaire, j'étais venu comme
étudiant ici puis je devais rester pas très longtemps, mais j'ai eu
la piqûre du Québec, et j'ai décidé de m'installer ici, au Québec, et j'ai fait
ce choix-là, puis j'ai eu la possibilité de le faire. Alors, il y a beaucoup
d'étudiants étrangers, des chercheurs qui viennent. Il y a des travailleurs temporaires, lorsqu'ils viennent, ils souhaitent,
par la suite, de s'installer, ils aiment le Québec et ils souhaitent
rester. Donc, soutenir cette démarche puis assurer des services pour
assurer leur intégration, c'est très bien.
Il y a d'autres
immigrants temporaires, par contre, qui vont venir, mais ils vont vouloir venir
pour vivre une expérience strictement temporaire puis retourner chez eux, beaucoup
de diplômés. D'ailleurs, c'est une source de relations
importante pour le Québec au niveau international, parce qu'il y a
beaucoup de diplômés des universités du Québec qui
retournent dans leur pays puis qui occupent des postes hautement importants
dans des grandes entreprises, dans des gouvernements, et on ne garde pas des liens avec ces
personnes. Donc, le fait de soutenir même cette période d'immigration temporaire, qu'elle soit vécue d'une façon harmonieuse,
va permettre à ces personnes de garder des liens, de tisser des réseaux de contacts ici puis de faire des bonnes
collaborations. Et il y a vraiment, même dans beaucoup de gouvernements... Le président de l'OPEP, il est diplômé du Québec, de l'Université
McGill.
Donc,
c'est des exemples importants, mais c'est l'investissement qu'on va faire
pendant la période de l'immigration ici, de la personne, qui va porter
des fruits pour la personne et pour le Québec.
M. Vidal (Jacques) : Le risque est moins grand pour quelqu'un qui va rentrer avec un permis de travail, que ce
soit pour une durée pour deux ou
trois ans, mais au moins il a un emploi et puis il peut bâtir quelque chose, que quelqu'un qui va faire les démarches d'immigration, qui va
attendre pendant des mois ou des années à avoir des papiers puis finalement qui a des papiers plusieurs années après, qui arrive ici, qui n'a pas
d'emploi ni rien. Donc, risque pour risque, il est moindre avec un
permis de travail.
M.
Jolin-Barrette : Vous avez
parlé de la question de l'investissement, vous en parlez notamment
à la page 9 et à la page 14 de votre
mémoire en invoquant les transferts fédéraux et puis l'argent qui est utilisé
pour l'intégration et la francisation.
Je paraphrase un peu votre mémoire, mais, dans le fond, vous dites que l'argent
devrait davantage être dirigé vers
les partenaires qui visent une intégration dynamique. Est-ce que vous trouvez qu'il y a
les ressources suffisantes pour l'intégration?
• (11 h 30) •
M. Soulami (Mohamed) :
Bien, le transfert fédéral-provincial est un transfert qui est dédié
spécifiquement à l'intégration des personnes
immigrantes. Et pourquoi on l'amène ici? Parce qu'on considère que ces moyens
doivent... on doit s'assurer que ces
moyens sont réellement investis pour l'intégration des personnes immigrantes et
de s'assurer d'une reddition de
comptes de tous les acteurs pour faire en sorte que ça puisse être utilisé
spécifiquement pour l'intégration des
personnes immigrantes. Ce transfert, qui était d'à peu près d'une centaine de
millions en 1999, il est rendu maintenant
à 320 millions par année qui est transféré
du fédéral au provincial. Et le fait de s'assurer que cet argent-là puisse
être, je veux dire, utilisé par le ministère de l'Immigration puis qu'il y ait une
reddition de comptes de tous les acteurs vers lesquels ce serait parti,
je pense, c'est important.
Dans
tout ce montant-là, il y a à peine 20 millions qui est investi dans les
acteurs, organismes communautaires, municipalités
et CRE, etc. Donc, il y a moyen de s'assurer encore d'une meilleure utilisation
de cet argent-là pour assurer l'intégration des personnes immigrantes.
M.
Jolin-Barrette : Donc, actuellement, ce que vous constatez, selon
votre expérience, c'est que, parmi les 320 millions
qui devraient être consacrés à l'intégration et à la francisation des
immigrants, le réseau de partenaires ne reçoit, selon vous, pas sa juste
part pour réaliser cette mission-là à laquelle l'argent est destiné.
M. Soulami (Mohamed) : Le réseau des partenaires, qui sont les
organismes communautaires et les municipalités, à notre connaissance, c'est à peu près 20 millions qui sont investis
là-dedans. Il y a une partie qui est pour la francisation. Donc, je ne voudrais pas rentrer dans tous les
détails, mais ce qui est le plus important là-dedans, je pense que le ministère
de l'Immigration doit avoir un leadership
beaucoup plus fort pour s'assurer que cet argent soit investi pour
l'intégration des personnes
immigrantes. Et, tant qu'il n'y a pas un investissement adéquat, d'ailleurs
dans les différents milieux, bien, on
va avoir, malheureusement, des difficultés au niveau de l'intégration puis au
niveau des taux de chômage qui sont élevés.
Le Président (M.
Picard) : Merci, M. Soulami. Ça termine votre présentation. Je
tiens à remercier M. Vidal, M. Soulami.
Et
je suspends quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre
place, le prochain groupe qui sera la Chambre de commerce
latino-américaine du Québec.
(Suspension de la séance à
11 h 33)
(Reprise à 11 h 35)
Le
Président (M. Picard) :
Nous allons reprendre avec la Chambre de commerce latino-américaine du Québec. J'invite les
intervenants à se présenter et à faire leur exposé. Vous disposez de 10
minutes.
Chambre de commerce
latino-américaine du Québec (CCLAQ)
M. Ramirez
(Oscar) : Bonjour. Mon nom, c'est Oscar Ramirez, président du conseil
d'administration de la Chambre de commerce
latino-américaine. Je vous présente aussi Ivan Leal, que c'est le président
exécutif de la chambre de commerce. Avant tout, j'aimerais remercier Mme la ministre, les membres du comité. Mesdames messieurs, merci beaucoup pour nous avoir invités à
nous présenter.
La
Chambre de commerce latino-américaine a été formée il y a
quelques années pour favoriser l'intégration, entre autres, des professionnels et des entrepreneurs au
milieu québécois. Notre exposé, en vérité, c'est sur quatre
points. Je veux commencer avec trois
mots qui, pour nous autres, c'est important. Les trois mots, c'est :
intégration, intégration, intégration. C'est très important pour nous
autres, ça, extrêmement important.
Aussi, les points
qu'on aimerait discuter avec vous autres, numéro un, c'est la francisation. Je
pense que la francisation, pour nous autres,
étant professionnels, étant hommes d'affaires, c'est très important, il ne faut
pas oublier ça pour nous autres. Je
pense que les nouveaux immigrants qui arrivent ici, professionnels ou des
hommes d'affaires qui veulent partir des affaires ici, la francisation,
c'est très important. Nous autres, on travaille en fonction d'essayer le
maximum de franciser nos compagnies, nos sociétés qui arrivent ici. C'est
extrêmement important.
La
deuxième chose, c'est de développer
beaucoup le côté professionnel, informer le monde, et c'est là où est-ce
qu'une intervention qu'on veut faire ici,
c'est qu'actuellement il y a beaucoup de professionnels qui arrivent au Québec,
des médecins qualifiés ou des architectes,
des ingénieurs qui sont qualifiés, mais ne sont pas au courant des
réglementations et qu'est-ce qui se
passe au Québec. Ça, c'est très important parce qu'ils arrivent ici, ils ne
sont pas informés, déménagent au
Québec... Moi, je suis ingénieur. Quelqu'un arrive : je suis ingénieur,
arrive au Québec, dis : Moi, je veux exercer ma profession. Il ne peut pas l'exercer, parce qu'il
y a des règlements, il y a des lois au Québec pour pouvoir arriver à être ingénieur. Ça, c'est très important
chez vous.
Dans
mon cas, moi — moi, je dis ça beaucoup à mes membres — je suis architecte diplômé de l'École
d'architecture de l'Université de
Montréal et moi, je ne peux pas travailler en Ontario ou en
Colombie-Britannique. C'est déjà quelque chose d'énorme, et les immigrants qui arrivent ici, arrivent au
Canada... bien, les professionnels arrivés au Canada, ils pensent qu'en ayant un diplôme de l'université
d'Uruguay ils sont déjà aptes à travailler au Québec. Et ça, moi... pour
nous autres, c'est important. Il faudrait
avoir un guichet unique pour ces personnes-là, un guichet unique, qu'elles
soient informées avant même de venir
ici et qu'elles sachent qu'est-ce qui se passe, c'est quoi le système, c'est
quoi, nos règlements et c'est quoi,
nos lois. Et c'est pour ça qu'il y en a beaucoup, des ingénieurs, des médecins,
qui se ramassent dans des places où
est-ce qu'ils ne devraient pas être. C'est la matière grise qu'on est en train
de gaspiller quand même ici, au Québec. Ça, c'est une chose qui est,
pour nous autres, importante.
Ça, c'est la même
chose pour les entrepreneurs qui essaient d'ouvrir des nouvelles business ici,
qui essaient d'ouvrir des choses, qui ne
sont pas informés avec toute la réglementation, les taxes, les lois. Combien de personnes qui
arrivent ici en pensant que ça marche comme dans leur pays? Bien, ici, ils
veulent faire la même chose ici, mais là la taxation
est différente, il faut avoir des comptables ici. Je pense que c'est bien beau,
avoir des immigrants qui viennent investir,
mais il faut les informer. Je répète encore : C'est important, avoir une
seule et unique porte d'entrée, qu'elles soient informées, ces personnes-là. Actuellement, plusieurs
professionnels et hommes d'affaires qui arrivent ici, on a au Québec beaucoup, beaucoup des associations, mais, des fois, ces personnes-là, elles se
contredisent entre elles-mêmes, parce
que ça... Ils disent quelque chose ici pour un professionnel, mais ailleurs ils disent une autre
chose, après ça ils disent une autre chose. Je pense qu'un guichet
unique, c'est extrêmement important pour nous autres.
• (11 h 40) •
J'ai
parlé de la francisation, et, en même
temps, il y a une chose qui peut
inspirer aussi les hommes d'affaires : avoir une participation en politique aussi, les inspirer pour aller en politique.
Moi, je sais qu'ici, au Québec, depuis que je suis là, je pense qu'il y a juste deux personnes latino-américaines que
c'était d'origine latino-américaine, c'était Joseph Facal — je pense qu'il y a... 90 % des
immigrants latino-américains, ils ne savent pas qu'il est
Latino-Américain — et
M. Saul Polo, qui vient de rentrer ici, qui,
vraiment, c'est quelqu'un qui est extrêmement, extrêmement intégré, autant
dans la société québécoise que dans la communauté latino-américaine.
Comme
professionnel aussi, pour finaliser, qu'est-ce que j'ai à vous dire, c'est que,
comme professionnels, pour nous
autres, c'est important qu'on est acceptés au Québec pas à cause qu'on est des
immigrants. Pour nous autres, c'est important
qu'on est acceptés à la société québécoise parce qu'on est compétents à
qu'est-ce qu'on fait et qu'on fait les affaires
bien. Si on est acceptés parce qu'on est des immigrants et qu'on va nous mettre
quelque part parce qu'on est des immigrants,
je pense que, pour nous autres, ça ne marche pas. Si on veut apporter quelque
chose à la société québécoise, et je
pense que tous les Latino-Américains professionnels et hommes d'affaires
sont aussi intéressés à apporter quelque chose à la société et je ne pense pas qu'on s'attend beaucoup à recevoir
beaucoup de la société. C'est le contraire. On veut être des hommes d'affaires ici, on veut réussir au
Québec et on veut mettre au Québec plus haut qu'aujourd'hui. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une
période de 17 min 30 s.
Mme
Weil : Oui. Bonjour
et bienvenue. Merci, M. Ramirez, M. Leal, d'être ici pour participer à cette
consultation publique importante
qui va guider nos actions, à l'avenir, pour... Vous l'avez bien souligné, il y a
des obstacles, et on veut parler
ouvertement. Moi, je vais être à l'écoute par rapport aux obstacles qui
sont observés par des groupes comme le vôtre, et vous, vous avez une expérience avec la communauté latino-américaine,
qui est une, comment dire, une source d'immigration
importante pour le Québec.
Je vais vous
poser une question peut-être qui touche plus l'immigration dans un premier
temps, avant d'aller sur les questions
d'intégration. On essaie, depuis ces dernières années, de recruter. On fait de
la promotion de l'immigration en Amérique latine, au Mexique, au Brésil, dans
d'autres pays, Colombie, mais on a remarqué, ces dernières années, plus de difficultés. On parle de pays francotropes, donc on l'entend par
votre excellent français, on acquiert plus facilement la langue
française quand on parle espagnol. Et on a plus de difficultés, plus
récemment, à recruter. Est-ce que vous connaissez
ces facteurs? Est-ce qu'il y a des
choses qu'on pourrait faire pour augmenter, si vous voulez, le nombre de
demandeurs venant de l'Amérique latine?
Je vous le
dis, quand je parle à des Québécois, c'est comme un constat partagé, un désir
partagé : l'expérience, malgré
des obstacles, avec des communautés hispanophones, elle est bonne, je pense,
beaucoup à cause de la langue, la culture,
toutes sortes de raisons, et c'est une immigration qui est souhaitée. Comme
vous le savez peut-être, le gouvernement du Québec, nous, on a un désir, et ce qu'on fait dans nos actions, on
fait la promotion, la prospection partout dans le monde pour nous assurer d'une diversité de notre...
assurer la diversité de l'immigration au Québec. J'aimerais vous entendre
là-dessus, peut-être, dans un premier temps.
M. Ramirez
(Oscar) : Je pense qu'il y a
plus qu'un facteur. Disons que c'est mon opinion, là, la façon que je vois,
pour avoir entendu beaucoup de monde, pour
être ici depuis 36 ans. Je pense qu'un des problèmes, c'est que, pour
plusieurs personnes
latino-américaines, à cause de problèmes sociaux et politiques, le gouvernement
est mal vu à certains moments. Ça
fait que, quand le gouvernement, il arrive, il pense que c'est comme le
gouvernement. Moi, je suis clair avec ça, O.K., c'est... certains gouvernements là-bas, ils ont opprimé les pays,
certains pays, et ces personnes-là, elles se sentent mal à l'aise avec
ça. Ça, c'est un facteur, à mon avis.
Le deuxième
facteur, c'est aussi la langue, le français. Un immigrant qui vient d'Amérique
du Sud ou qui... dans l'immigration,
il vient au Canada. Ils ne sont pas si renseignés de qu'est-ce qui se passe au
Québec. Il vient au Canada avant
tout. Et, même aujourd'hui, beaucoup de partenaires qu'on a à la chambre de
commerce ou des professionnels, ils viennent
au Canada et, même aujourd'hui, ils viennent au Canada. Ça fait une différence.
C'est sûr qu'il vient au Canada, mais il vient au Québec aussi, et ça,
c'est un facteur que, pour moi, c'est important. Je pense qu'il parlait aussi
de la francisation, le français, parce que lui vient en pensant qu'ici on parle
anglais, mais on vient et on parle français.
Et l'autre
chose aussi, c'est le climat, pour certains.
Le climat, c'est vraiment, pour certains pays, c'est... Pour un Brésilien, là, ce n'est pas facile. Ce n'est
pas facile. Ça fait que c'est... s'ils ont le choix de s'en aller en
Floride, bien, ils vont aller en
Floride plus que venir ici, dans le froid. Je parle d'une façon très, très
légère, O.K., il n'y
a pas d'étude là-dedans, là,
mais c'est qu'est-ce que j'entends parler.
Mme Weil : Oui, merci. Oui.
M. Leal
(Ivan) : Bonjour. Je
voudrais ajouter tout simplement qu'il faut tenir compte que, pour l'Amérique
latine, le principal partenaire
commercial dans l'historique de l'Amérique latine, en fait, c'est les États-Unis,
puis la langue, c'est l'anglais, la deuxième langue qui prédomine par la
région.
Alors, il faudra faire plus pour la promotion de
la culture québécoise française. Je sais que vous avez déjà des ententes avec l'alliance française, mais même
l'alliance française n'a pas une clientèle... un marché trop bas chez nous.
Alors, il faut mettre des efforts dans la
promotion encore pour faire ça, parce que je sais qu'après que nous arrivons
ici, nous nous adaptons tellement
bien, parce que la culture d'ici se
rapproche plus à la nôtre que l'américaine. Mais, c'est ça, il faut
connaître d'avance.
Mme Weil : Merci. Là, j'aimerais aller sur les mesures
d'accompagnement à l'entrepreneuriat, parce
que moi, j'ai eu l'occasion souvent de parler avec les
différentes chambres de commerce latino-américaines, et on parle beaucoup de l'entrepreneuriat. Il y a vraiment
cet intérêt des gens d'affaires qui ont le désir de lancer en affaires.
Donc, peut-être,
quels seraient, selon vous, le ou les ministères qui auraient un rôle à jouer? Parce que,
je l'ai dit d'entrée de jeu, le ministère
de l'Immigration, c'est vraiment
un ministère qui joue un rôle transversal. Souvent, l'information que nous, on a, on est capables d'inviter d'autres ministères,
on leur donne l'information. Et, évidemment, l'intégration des immigrants, c'est l'affaire de toute la société québécoise.
Nous, c'est l'accueil, c'est la francisation, les cinq premières années, mais globalement... On a eu un exemple
parfait du rôle des écoles, les écoles qui jouent un rôle peut-être
de premier plan au chapitre de l'intégration. Elles le font très bien.
Et, juste pour la petite histoire, l'argent qui est transmis par le gouvernement fédéral au gouvernement du Québec est ensuite transmis à d'autres ministères
pour faire ce genre de travail. Donc,
il y a peut-être d'autres... des ministères que vous auriez en
vue qui pourraient jouer un rôle. J'aimerais vous entendre sur ces questions-là,
l'entrepreneurship, l'entrepreneuriat.
M. Ramirez
(Oscar) : Le ministère de l'Économie. Je pense qu'il y a le ministère
des... Puis je comprends votre ministère, mais, quand
même, le ministère de l'Immigration, il a un rôle quand même à jouer très
important, parce que, dans la tête
d'un immigrant qui rentre ici, c'est le ministère de l'Immigration qui
leur donne le droit de rentrer. Je pense qu'il a un rôle important.
C'est sûr et certain que le ministère de l'Éducation a
un rôle important, mais le ministère de l'Éducation, c'est pour des personnes qui sont plus jeunes. Au niveau
des centres universitaires, je pense que les personnes qui sont là, c'est
un autre type de... ils ont un autre profil.
Mais c'est sûr et certain que... même nous autres, à la chambre de commerce,
actuellement, on travaille beaucoup pour les
nouvelles générations, parce que c'est l'amélioration que l'on suspecte le
plus, la génération qui est plus
professionnelle, qui essaie d'aller plus à l'université et qui sont plus
intégrés à la société québécoise. Mais, à part... Quel autre ministère,
je ne peux pas vous répondre vraiment plus que ça.
• (11 h 50) •
Mme
Weil : C'est très bien. M. le Président, avant de céder la
parole à ma collègue, je voudrais juste corriger quelque chose que j'ai dit avec le dernier groupe, juste parce que je
l'ai mal dit. Pour la Nouvelle-Zélande, on parlait... ça ne vous concerne pas directement, mais vous avez
peut-être des connaissances dans la matière, les travailleurs temporaires. C'est qu'en Nouvelle-Zélande 85 %
des immigrants permanents sont issus de la voie temporaire. Il semblerait
que, dans la façon de l'exprimer, ce qui est
intéressant, on parlait d'immigration temporaire, mais c'est vraiment
intéressant.
Je ne sais
pas si vous... Vous n'avez pas besoin de faire un commentaire là-dessus, mais
je connais par ailleurs, je connais...
en fait, une des façons d'aller chercher très précisément des travailleurs
partout dans le monde. Et on a des partenariats
avec Montréal International, avec
Québec International, qui font du recrutement, recrutement aussi dans le
bassin latino-américain, et c'est souvent
comme ça que la personne arrive. Et soit qu'il a la piqûre du Québec ou bien le
froid le refroidit. Alors, je ne sais pas si peut-être
vous avez des commentaires sur les travailleuses temporaires aussi qui
pourraient être intéressés.
M. Ramirez
(Oscar) : ...commentaires, ils sont que... c'est une
expérience plus personnelle, je peux parler de ça. C'est comme homme
d'affaires, comment avoir ma boîte d'architecture à Montréal. Ces politiques
existent déjà au Québec avec beaucoup les...
avec les Français, si je ne me trompe pas. Les Français, ils arrivent avec un
permis temporaire de travail, et je pense aussi que, pour eux, c'est
plus facile aussi vis-à-vis les ordres professionnels et les associations professionnelles pour pouvoir travailler au
Québec. Ça fait que, ces personnes-là, c'est sûr et certain qu'ils arrivent
plus jeunes, c'est des diplômés qui
viennent, dans les cas que je vois, moi. Après, ce que je vous dis, c'est
facilement deux à trois par mois, des
personnes qui arrivent, des Français surtout, qui arrivent avec des diplômes
français, qui arrivent avec un permis de travail temporaire.
C'est sûr et
certain que, pour nous autres, c'est une assurance. Ça reste que c'est
temporaire. Ça fait qu'on n'est pas, comment
je peux dire ça... on peut travailler avec ces personnes-là, sauf qu'il
faut prendre en considération quelque chose,
que c'est des personnes qui n'ont pas d'expérience québécoise. Et moi, je peux
parler que la plupart des hommes d'affaires
que je connais qui vont accepter des immigrants dans leurs boîtes, c'est clair
on est là pour faire l'argent. Les hommes
d'affaires, on est là avec des boîtes pour faire de la business, si on peut
dire comme ça. On est dans une chambre de
commerce latino-américaine, mais nos partenaires, c'est pour faire l'argent. Ça
fait que, quand on intègre des immigrants, vous voulez, vous ne voulez
pas, ça nous coûte de l'argent, aux hommes d'affaires.
Ça fait que moi, je rappelle qu'il y a quelques
années, il y avait des Français qui arrivaient... ou des autres immigrants qui arrivaient avec un certain montant
dans leur salaire qui venait avec ça. Et c'était eux qui venaient avec l'argent. Ces personnes-là gagnaient 20 $ de
l'heure, mais le gouvernement, il payait 10 $ de l'heure. C'est sûr et
certain que, pour les hommes
d'affaires, c'est quelque chose que c'est intéressant. C'est très intéressant
parce qu'on peut les absorber. Ça ne
coûte pas trop cher, mais eux vont gagner une expérience québécoise, et, dans
un curriculum vitae, c'est bien beau écrire
qu'on a travaillé en Uruguay, il y en a... au Brésil, au Mexique, mais
l'expérience que nous autres, on cherche, les hommes d'affaires, souvent :
Quelle expérience tu as au Québec? Ça fait que, pour ces personnes-là, ça les
aide beaucoup, avoir une subvention. Je ne sais pas si je réponds à
votre question d'une façon... Je suis passé un petit peu...
Mme Weil : C'est intéressant...
peut-être parce qu'on parle de ce programme, de programme d'expérience québécoise, vous l'avez évoqué. Il y a quand même
beaucoup d'étudiants étrangers qui viennent des pays de l'Amérique du Sud, du Mexique, etc. Est-ce que vous avez une
expérience à cet égard aussi? Et, après qu'ils reçoivent leurs diplômes,
en 20 jours, ils reçoivent leur certificat de sélection.
M. Ramirez
(Oscar) : Mais, concernant
les Latino-Américains, je n'ai pas beaucoup qui viennent me voir. Je ne
sais pas pourquoi, là. Mais il y a beaucoup de Français. Et qu'est-ce que je
vous dis, là, c'est que... parce qu'eux, ils arrivent vraiment avec des
subventions. Je pense que nous autres, comme hommes d'affaires, on ne cherche
pas les subventions. La personne, il faut
qu'elle arrive avec la subvention. Il nous dit : Regardez, j'ai une
subvention, j'ai un permis de
travail, ta, ta, ta... arrivent avec ça. Ça fait que, pour nous autres, c'est
plus facile de dire : Ah! mais, regardez, on peut l'intégrer dans le milieu de travail. Et souvent,
de mémoire, moi, dans mon bureau, on a engagé déjà deux Français qui ont resté plus que deux, trois ans dans ma boîte,
qui sont partis tout de suite après. Je ne sais pas si Ivan, il a une opinion
là-dedans, peut-être...
M. Leal
(Ivan) : Mais, retournant
aux étudiants qui viennent d'être mentionnés, je dois dire qu'on travaille dans
la main avec les associations étudiantes,
mais de... et Concordia. Parce que les étudiants qui proviennent de l'Amérique
latine vont faire ses études en anglais.
Alors, ils vont finir ces études et, à la fin, ils vont trouver plus
d'opportunités de travail dans une
autre province. Alors, c'est ça, on constate ça à chaque réunion de travail,
là, avec eux. Puis c'est une réalité,
parce que les Français avaient la place en Amérique latine, mais il faut,
encore une fois, la promotion. Tout simplement ça.
Le Président (M. Picard) :
Merci.
Mme Weil : Alors, M. le
Président, j'aimerais céder la parole à ma collègue.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de Jeanne-Mance—Viger,
il reste cinq minutes.
Mme
Rotiroti :
Merci, M. le Président. Merci d'être là, messieurs. Moi, je vais vous parler un
petit peu... Vous avez abordé
brièvement, dans votre présentation, au niveau de l'intégration professionnelle...
Vous avez fait allusion à la reconnaissance des compétences et la
non-reconnaissance des études hors Québec. Alors, vous savez évidemment que
la reconnaissance des études hors Québec, on
parle d'un diplôme, que ce soit collégial ou universitaire. Et, quand on parle
de la reconnaissance des compétences ou des
acquis, c'est comme l'exemple que vous avez donné brièvement, de l'ingénieur qui arrive ici et il se rend compte qu'évidemment il fait face à un
ordre professionnel et il doit faire certaines démarches
pour obtenir cette reconnaissance pour être capable de pratiquer son métier, si
je peux dire ça comme ça.
Alors, vous,
dans votre organisme, pouvez-vous me dire c'est quoi, les obstacles? Est-ce que
vous avez plus de gens qui demandent la
reconnaissance d'évaluation des diplômes ou c'est plus par rapport à la reconnaissance des acquis? Et quelle sorte d'obstacles? Est-ce
que c'est en arrivant ici, parce qu'ils n'ont pas les informations à
partir de l'étranger et ils ne peuvent pas commencer les démarches?
Alors, ils arrivent ici, puis c'est là qu'ils apprennent que, bien là, c'est
malheureux, mais ils ne peuvent pas
pratiquer, ils ne peuvent pas être ingénieur ici comme ils sont dans leur pays
d'origine. Pouvez-vous élaborer un petit peu là-dessus, s'il vous plaît?
M. Ramirez
(Oscar) : Oui. Je ne dis pas
que je ne suis pas d'accord avec... En arrivant au Québec,
bien, c'est comme à Rome... À Rome
comme les Romains, au Québec comme les Québécois. Je pense que n'importe quel professionnel
qui vient au Québec, il faut qu'il suive la réglementation et les normes que tous les professionnels suivent ici. Cette reconnaissance-là, si quelqu'un arrive... Disons que j'ai rencontré un architecte
qui avait venu dans mon bureau, il m'a dit : Bien, moi, je suis diplômé,
j'ai 20 ans d'expérience, j'arrive ici, et mon diplôme n'est pas reconnu. Bien,
je lui ai dit : Bien, je te comprends.
Moi, je
comprends très bien ça, parce
que, moi-même, pour avoir fait tout
le processus, moi, pour être architecte ici, au Québec, ça prend cinq, six, sept, huit, neuf ans à peu près
pour être architecte. Quelqu'un qui est avec un équivalent bac, qui est cinq ans, il a quand même
un chemin à faire avant. Il y a les examens à faire, il y a
un processus à faire, mais ces personnes-là ne sont pas...
Il ne sait pas que c'est ça qu'il faut faire. Vous savez qu'il arrive ici, et
c'est un choc complètement, et c'est un choc qu'ils disent : Mais, mon
Dieu, que... je ne savais pas. Ça
fait qu'ils se disent : Bien, la première
chose qu'il faut que tu fasses, aller faire tes équivalences. Les équivalences,
c'est le fédéral qui les donne, je pense. Il faut faire une... les
fédéraux. Le fédéral, il envoie ça au Québec. Le Québec, il donne le statut.
Bien là, tu as l'équivalence des trois ans
d'école, bien, il faut que tu étudies. Ça fait que c'est un petit peu
décourageant pour certains. Je ne sais pas si je réponds à votre
question, là.
Mme
Rotiroti :
Juste bien comprendre votre intervention, vous êtes en train de me dire ceci :
On informe les gens à partir de
l'extérieur en disant : Écoutez... Puis d'ailleurs c'est quelque chose
qu'on regarde au niveau de la déclaration d'intérêt. Si la personne, à partir de l'étranger, pourrait être
informée du processus et le fait qu'il y a des ordres professionnels qui existent ici, au Québec, il pourrait entamer
au niveau de la... Il pourrait avoir une évaluation, de voir qu'est-ce qu'il
manque, comment qu'il peut obtenir ses
équivalences, et il pourrait commencer, à partir de son pays d'origine, de
faire des démarches dans ce sens-là
pour... Est-ce que ça, ça pourrait être un facteur qui pourrait faciliter
l'arrivée de cet immigrant-là?
M. Ramirez
(Oscar) : Bien, oui. Je
pense que oui, mais c'est sûr et certain que c'est... Je trouve que c'est très,
très compliqué, parce que déjà on part du
fédéral, et les ordres professionnels, c'est dans la loi québécoise. Ça fait
que déjà, je ne sais pas, mais on
parle du Canada aussi. Je ne sais pas si... Ça fait que, moi, qu'est-ce que
j'ai essayé de dire seulement, c'est
que, si l'immigrant est avisé que, quand il arrive au Québec, il ne peut pas
exercer sa profession telle que lui
le fait, il va pouvoir... C'est juste l'aviser que ça va prendre... Ton
diplôme, ce n'est pas bon là-bas. Il va falloir que tu étudies probablement. Ça fait que lui, il va
pouvoir réfléchir pour savoir si vraiment il vient au Québec ou non. C'est
plutôt ça.
Mme
Rotiroti : Mais je
voulais vous rassurer...
Le Président (M. Picard) :
Mme la députée, il vous reste 30 secondes.
Mme
Rotiroti : Ah!
bien, merci beaucoup pour votre intervention.
Le
Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à M. le
député de Bourget pour une période de 10 min 30 s.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. M. Ramirez, M. Leal, soyez les bienvenus. Heureux de
vous recevoir ici ce matin. Avez-vous
été consultés préalablement à l'élaboration du document ici, en question, par
le ministère avant aujourd'hui?
Une voix : Non.
• (12 heures) •
M.
Kotto : Non. O.K. Parce que vos origines, entre guillemets,
sont devenues référence. On en parle dans les couloirs un peu partout. Déjà, quand on parle
d'intégration, quand on parle de Québécois d'adoption, très souvent, il revient
que des personnes qui arrivent
d'Amérique latine ont beaucoup plus de facilité à s'intégrer au Québec versus
d'autres. Mais, parallèlement à cela, comme le soulignait indirectement
la ministre, il y a comme de la difficulté à aller chercher, à attirer du monde de là-bas à cause des États-Unis.
Notamment, vous évoquez le fait que
la langue anglaise est une langue très
courante en Amérique latine en général, et ceci peut expliquer cela.
M. Leal évoquait le fait que nous devrions, en tant qu'État, en tant que nation, faire une
meilleure promotion du Québec dans l'ensemble de ces pays, mais force est de
constater que nous n'avons pas de
représentation diplomatique, parce
que c'est par ces canaux-là que ce
genre de travail peut
se faire. Et ma question est la suivante : Est-ce que,
dans le meilleur des mondes, le numérique peut faire ce travail à distance? Est-ce que l'Internet peut
remplacer ces entités physiques sur place pour faire la promotion, pour
expliquer le Québec, pour dire ce qu'est le Québec?
M. Ramirez
(Oscar) : Moi, je crois que
oui, je crois que oui parce qu'avant de venir dans un pays aujourd'hui, là, on se renseigne où est-ce qu'on s'en va. Et je parle d'un point
de vue professionnel, O.K., je ne parle pas de toute l'immigration. Un professionnel, avant de venir ici, si, à quelque part dans le Net, dans le cloud, l'information nécessaire, en disant : Bien, les architectes ou les ingénieurs, pour
travailler ici, ont besoin de ça, ça, et ça, au moins, ça va aider. Oui,
je crois que oui.
M. Kotto : Excusez-moi,
M. Leal.
M. Leal
(Ivan) : Simplement pour
ajouter que la promotion ne se fait pas seulement à travers des
délégations diplomatiques, les
échanges culturels aussi. Si le Québec commence à cibler, mettre l'accent d'avance en
Amérique latine pour faire des
affaires avec ses PME, écoute... De plus, on s'appuie sur les réseaux que nous
avons. D'ailleurs, comme hommes
d'affaires, partout en Amérique latine, ça va bouger. Il ne faut pas chercher
des solutions coûteuses pour l'État,
non, pas du tout. Mais, si on oriente bien
la politique puis on commence à développer, on fait des
missions commerciales, on augmente
les échanges, on fait grandir les échanges, on pousse, c'est comme ça que ça va
commencer à marcher. Parce
qu'à la fin on peut décréter sur papier une chose, mais, si personne ne fait
rien, ça va être impossible de construire, et y arriver, puis...
Alors, il
faut faire... Et, pour moi, je dirais, dans les relations humaines, les
relations humaines, elles sont très importantes pour les Latino-Américains. Internet, oui, ça va aider beaucoup parce
que de plus en plus tous les pays ont monté dans la vague du numérique, mais c'est l'expérience, c'est l'échange humain
qui va donner des... Oui, le Québec, c'est bon, ça fonctionne, tu dois venir ici et faire des affaires ou tu dois venir
ici pour prospérer, et travailler, et tout ça. Alors, je crois que c'est le témoignage qu'on pourra, comme
citoyens, comme Québécois, comme «Montrealers» — on met le côté anglais parce que ça fonctionne comme ça, là-bas...
Puis c'est notre expérience, c'est notre raison qui va faire que ça bouge
encore plus.
M. Kotto :
O.K. De votre perspective, de votre expérience, qu'est-ce que vous pouvez nous
dire sur le sentiment d'acceptation
qui habite des personnes que vous connaissez venant d'Amérique latine en
général par rapport au Québec? Le sentiment d'acceptation, quel est-il?
Et aussi on peut donner une échelle de 1 à 9, quel est-il, ce sentiment-là?
M. Ramirez
(Oscar) : Bien, si je
comprends la question, je pense que les Latino-Américains qui décident de
rester au Québec, ils restent au
Québec, ils adorent le Québec, ils vont travailler pour le Québec. Je pense
que, vraiment, si on parle de la
première génération qui est venue, que c'est les Chiliens, aujourd'hui ils sont
très intégrés au niveau universitaire, ils sont un petit peu partout.
Et
actuellement la nouvelle génération qui s'en vient, que c'est des enfants, ces
enfants-là sont encore plus intégrés dans
la société québécoise. Je pense que ce sont des Québécois avec des racines
latino-américaines, parce que, même pour nous autres, de plus en plus, les pays, disons... Moi, je suis Guatémaltèque,
les Chiliens, ça disparaît un petit peu, c'est plutôt... on est des néo-Québécois, plusieurs nés au Québec, mais des
racines qui viennent d'ailleurs, et ça, en tout cas, moi, mon expérience, et qu'est-ce que je vois dans
la Chambre de commerce, c'est que c'est des personnes qui veulent entrer au Québec, ils veulent entrer ici et faire
leurs affaires ici parce qu'ils adorent le Québec, parce que... Ivan, il a dit,
tout à l'heure, quelque chose que les
Latino-Américains... la culture québécoise est plus proche de notre culture que
la culture nord-américaine ou
anglo-saxonne. C'est que le Québec, pour nous autres, c'est vraiment très
important, c'est vraiment... on entre facilement ici, on aime le Québec, même
s'il fait froid, des fois, mais on fait du ski, après ça... C'est une blague à part! On aime beaucoup le
Québec, et ça, je peux témoigner de ça de la communauté latino-américaine,
qui travaille beaucoup pour le Québec et
essaie de se franciser de plus en plus. Et, pour nous autres, la francisation, c'est
très important.
Le Président (M. Picard) : M.
le député, il reste quatre minutes.
M. Kotto : Quatre minutes.
J'aurai deux questions. La première, vous n'êtes pas sans savoir qu'en termes d'intégration — je sais combien c'est important à vos yeux,
l'intégration — il y a
deux approches en compétition dans ce
domaine : il y a l'approche canadienne-anglaise, qui est le
multiculturalisme, et l'approche québécoise, qui est
l'interculturalisme, dont les contours restent à définir, qui est évoqué dans
le document.
Dans
l'interculturalisme, il y a deux cultures en interaction : il y a la
culture de la maison d'accueil et la culture de l'immigrant, et ce qui fait la différence avec le multiculturalisme,
c'est que, là, il y a interaction. Dans le multiculturalisme, théoriquement, il n'y a pas d'interaction, il y a
un développement séparé, en silo. Dans quelle configuration les Québécois
d'adoption d'origine latino-américaine s'identifient-ils le plus facilement?
M. Ramirez
(Oscar) : Moi, je pense que
c'est plutôt une intégration presque totale au Québec, parce que souvent
je vois — et on voit ça dans plusieurs événements
qu'on fait à la Chambre de commerce — plusieurs Latino-Américains sont même mariés beaucoup avec des Québécoises.
Par contre, dans les autres sociétés, dans ces autres communautés, je sais qu'on se marie entre nous-mêmes seulement.
Ça, on le voit, nous autres. Je pense que les Latino-Américains, ils restent Latino-Américains
dans une société québécoise. Si je comprends bien, c'était ça, votre question,
je pense qu'on n'est pas...
Quand on
décide de rester ici, c'est parce qu'on veut rester ici. C'est sûr et certain
qu'on garde certaines choses, comme,
regardez, manger, un petit peu, de la façon qu'on mange, mais ce n'est pas tous
les jours qu'on va manger dans un
restaurant latino-américain, on va manger aussi dans des restaurants
québécois — peut-être
c'est une figure de style, O.K.? — et plusieurs des partenaires qu'on a
actuellement, latino-américains, de restaurants, là, c'est vraiment... c'est
plus axé pour les Québécois que pour les Latino-Américains, plusieurs
restaurants.
Le Président (M. Picard) : Un
petit mot... deux minutes.
M. Kotto : Deux minutes.
Parfait. Alors, je vais revenir sur une question qui vous concerne en tant
qu'entité, directement. Vous parliez des
ressources d'accompagnement entrepreneurial. Quels sont les impacts des
décisions récentes du gouvernement de faire sauter les CLD et les CRE,
relativement au milieu des... les ambitions en affaires?
M. Leal
(Ivan) : En fait, je voudrais
dire qu'on travaille, ça fait plus d'un an, avec plus d'une trentaine d'organisations, dont les CLD. Mais je dois dire, ici, que, même si
on a fait des références, parce qu'on offre de la formation aux entrepreneurs,
chez nous, même si le CLD donne du soutien technique, on n'a pas beaucoup
remarqué de l'appui pour le financement. Alors, ça, ils ont coopéré, oui, dans d'autres domaines, mais pas pour
le financement. Alors, je ne sais pas quel sera l'impact, je ne suis pas en mesure de mesurer ça, mais nos
entrepreneurs n'ont pas reçu assez de financement
des CLD. Je dois dire ça. Par contre,
l'accompagnement technique, oui, ils ont reçu, tous, O.K.?
Alors, c'est difficile à mesurer.
M. Ramirez
(Oscar) : Je suis dans le conseil d'administration, aussi, de la Chambre de commerce du Québec,
je pense que vous pourrez poser la question
à eux. Ils en discutaient... on a eu beaucoup de discussions par rapport à ça. Je pense que, ces questions-là, vous
pourrez les poser à eux, je pense qu'ils sont plus aptes à vous répondre.
M. Kotto : Merci.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à
M. le député de Borduas pour une période de sept minutes.
• (12 h 10) •
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Ramirez,
bonjour, M. Leal. Ça me fait plaisir de vous entendre par rapport à la nouvelle politique. Vous
avez débuté, M. Ramirez, votre propos en disant trois mots :
intégration, intégration,
intégration. Donc, pour vous, c'est le coeur de la politique, c'est ce qui doit
être mis de l'avant, principalement. Parallèlement
à ça, vous avez abordé la question de la représentation politique. Vous avez
fait référence à M. Facal, vous dites : Mais on n'a pas
souvent de représentation politique. Qu'est-ce qui, selon vous, explique cette
situation?
M. Ramirez
(Oscar) : Je pense qu'ils
ont un petit peu la peur de s'impliquer en politique au Québec. C'est que
je pense que, si je peux me permettre, ils
ont une sensibilisation à faire chez les Latino-Américains par rapport à ça, de
s'impliquer. Je ne dis pas au niveau député
ou... c'est quand même... il y a des choses à faire, mais au niveau d'être dans
un parti politique ou aller voter,
s'impliquer dans la société politique, c'est important. Il y a beaucoup de
Latino-Américains qui sont plus
branchés pour savoir qu'est-ce qui se passe au Chili que ce qui se passe ici, à
la télévision. C'est que je pense qu'il y a quelque chose à faire
là-dedans.
Je vais dire,
peut-être, quelque chose de bizarre, mais comme Saul Polo, c'est quelqu'un que,
pour nous autres, on va le vendre pas
mal, O.K., à la chambre de commerce. C'est quelqu'un qui, pour nous autres, il
peut ouvrir les portes à bien du monde pour pouvoir s'impliquer en
politique, et déjà on commence à sentir qu'il y a du monde qui veut s'impliquer
doucement là-dedans.
Je me
rappelle de ça, il y a plusieurs années, je pense qu'il y a eu un slogan, je
l'ai entendu parler beaucoup, c'est qu'on
disait : Le Québec pour les Québécois il y a plusieurs années, et
ça, ça fait peur à bien du monde, ce slogan-là. Mais je ne veux pas non plus qu'on mentionne : Le Québec
pour les immigrants non plus, je ne suis pas d'accord avec ça non plus, O.K.? Je pense qu'il y a une façon
d'intégrer la communauté latino-américaine à s'impliquer doucement dans la politique, soit municipale soit provinciale,
fédérale. Je pense qu'il y a des choses qu'on peut apporter à la société de la
bonne façon.
M. Jolin-Barrette : J'encourage la
communauté latino-américaine à s'investir dans tous les partis politiques
représentés à l'Assemblée nationale!
Vous avez
parlé tout à l'heure... il y a un point que j'ai noté, de votre désir de voir
un guichet unique pour avoir de
l'information pour savoir, bon, quelles sont les exigences pour les ordres
professionnels, pour pouvoir travailler, pour les entrepreneurs, au niveau de la taxation, les règles à respecter.
Vous considérez que ce guichet unique là devrait être présenté dès les
premières démarches d'immigration. De quelle façon?
M. Ramirez
(Oscar) : Bien, je ne peux
pas vous dire parce que c'est vraiment... c'est une discussion qu'on a eue
il n'y a pas longtemps avec mon conseil
d'administration et certaines personnes latino-américaines. C'est que,
qu'est-ce qu'on trouve, nous autres,
c'est qu'on veut... quand on veut quelques... quand on essaie de renseigner, il
y a trop d'informations et trop des associations, on s'en va partout.
Vous savez... à qui, quoi... Disons qu'il y a une association d'aide aux immigrants, une autre est
aide pour les gens immigrants, l'autre, c'est aide aux femmes immigrantes, mais
chacun, il peut avoir un discours complètement différent. Et ça, c'est
un petit peu mêlant pour le monde.
Vous
savez qu'on essaie d'aller là, ils nous disent quelque chose... Mais non,
allez-y, au fédéral; non, non, c'est au provincial; non, non, il faut qu'il soit avec les ordres professionnels.
Ça fait que, si tout ce monde-là, il peut envoyer... un professionnel — je parle pour des buts professionnels — si on a quelqu'un qui a besoin de l'aide,
bien, on va l'envoyer dans un guichet
unique, on dit : Ce n'est pas grave, tu as besoin de ça, ça et ça, c'est
ça, ça et ça, au lieu que lui, il se promène pendant un an, parce que ça dure, c'est... ils font un cours ici, un
stage ici, on fait ça ici. Je pense que c'est la perte d'argent pour ces
personnes-là.
M.
Jolin-Barrette : Donc, vous trouvez qu'il devrait y avoir un plus
grand leadership effectué par le ministère dans la recherche et la
cueillette d'information.
Vous venez de parler
un peu du réseau de partenaires au niveau des différentes associations qui
offrent des services. Est-ce que vos membres
vous disent que cette façon de procéder là est optimale, est efficiente ou ça
devrait être sous le régime du ministère davantage qu'il y ait une
implication gouvernementale accrue?
M. Ramirez (Oscar) : On n'est pas arrivés à parler... on n'est pas allés à la technique
aussi loin que ça, mais moi, je pense
que ça reste... Il y a une personne qui a discuté de ça dans le comité qu'on a
formé. C'est vraiment... point de vue ministériel, c'est du ministère
que devrait venir un petit peu...
M. Leal (Ivan) : Il y a des opportunités d'amélioration quand même, O.K., ce n'est pas
optimal, alors il faut faire plus, encadrer, en fait.
M. Ramirez (Oscar) : Puis, si je peux me permettre, je pense qu'il faudrait avoir un lien
aussi avec des chambres de commerce,
pas uniquement latino-américaine, mais toutes les chambres de commerce pour
pouvoir... que nous autres, on peut
informer à ces professionnels d'où aller comme il faut, aller chercher
l'information, parce qu'actuellement on fait beaucoup de bénévolat pour
expliquer à des personnes... on essaie de chercher un ingénieur, un architecte
ou un avocat pour qu'il informe à la
personne qu'est-ce qu'il faut qu'il fasse, puis des fois peut-être on les mêle
plus. Ça fait que, si c'est un
guichet unique, c'est vraiment... on va là, on a l'information, là, ça serait
l'idéal pour moi... pour nous autres.
M.
Jolin-Barrette : Vous disiez tout à l'heure, M. Leal, que
beaucoup de personnes issues de la
communauté latino-américaine
préféraient fréquenter les institutions d'enseignement supérieur de langue
anglaise. Selon vous, de quelle façon
on pourrait développer des mécanismes pour favoriser l'inscription à des
établissements francophones pour, en fait, permettre une meilleure
adéquation entre le marché du travail et la formation?
M. Leal (Ivan) : Je vais relancer l'idée que j'avais déjà développée, on a mentionné un
peu, c'est à travers les échanges, O.K.? Il
faut faire les échanges culturels, les échanges éducatifs, les échanges
commerciaux. Alors, il faut vraiment
chercher les moins jeunes pour pouvoir avoir
généré une expérience avec les Québécois et les gens de l'Amérique latine, c'est comme ça qu'on va se connaître. Alors, on
dit : Oh non, il y a une expérience magnifique au Québec, en étudiant
dans l'UdeM, en étudiant à la HEC puis tu
dois y aller. C'est ça, la façon de faire, parce qu'à la fin on va faire la
pub, mais la pub, sans quelqu'un qui peut témoigner, ça ne fonctionne
pas, pas chez nous.
Oscar
avait mentionné aussi, par rapport à l'implication politique — je
m'excuse de revenir à cela — il
avait dit, tout en commençant, qu'à l'occasion nous avons des gouvernements
qui utilisent la politique pour se rendre service à eux-mêmes, pas à la
société, et c'est pour ça qu'on manque encore de l'implication parce qu'on a
l'impression que la politique n'aide pas à
bâtir un meilleur avenir pour la société. Mais les gens commencent à changer sa
vision parce qu'ils disent :
Oui, mais, écoute, c'est comme... on
s'implique, on est arrivés à faire quelque chose ensemble, ça commence à
changer. Mais c'est comme ça, c'est un pas à la fois, hein, c'est...
Le Président (M.
Picard) : Merci, M. Leal. Le temps est écoulé. Je vous
remercie pour votre présentation, MM. Ramirez et Leal, et je vais
suspendre quelques minutes pour permettre au prochain groupe de prendre place,
le prochain groupe qui sera la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse.
(Suspension de la séance à
12 h 17)
(Reprise à 12 h 19)
Le
Président (M. Picard) :
Nous allons reprendre. Donc, nous recevons la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je reconnais M. Frémont, donc je vais
vous demander de présenter les gens qui vous accompagnent et de faire
votre présentation, d'une durée maximale de 10 minutes.
Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse (CDPDJ)
M.
Frémont (Jacques) : Merci,
M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je suis Jacques
Frémont, président de la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je suis accompagné de
Me Renée Dupuis, qui est vice-présidente à la même commission; de Me Daniel Carpentier, qui est directeur de la recherche à la commission; ainsi que de Mme Amina Triki et de
M. Jean-Sébastien Imbeault, qui sont chercheurs à la commission.
• (12 h 20) •
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour
l'invitation faite à la commission de participer aux consultations particulières sur le cahier de consultation Vers
une nouvelle politique en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion.
Je tiens à vous
rappeler que la Commission des droits a pour mission d'assurer le respect et la
promotion des principes énoncés dans la
Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Elle assure aussi la
protection de l'intérêt de l'enfant
ainsi que le respect de la promotion des droits qui lui sont reconnus par la Loi
sur la protection de la jeunesse. Elle veille à l'application de la loi sur
l'égalité en emploi dans des organismes publics. La commission oeuvre également
à promouvoir les droits et libertés énoncés
dans la charte et à lutter contre toute forme de discrimination par ses travaux
de recherche, d'éducation, de
sensibilisation et de recommandation aux institutions de la société civile et
gouvernementale.
Dans
un premier temps, je tiens à souligner que la commission accueille très
favorablement la démarche entreprise par
le gouvernement vers l'adoption d'une politique qui aborde non seulement
l'immigration, mais aussi la diversité et l'inclusion. Étant donné l'expertise de la commission en matière
d'inclusion et de lutte à la discrimination, nous considérons que
certains commentaires méritent d'être soulevés ce matin en vue de l'adoption de
la nouvelle politique.
Tout d'abord, au
sujet du travail. Pour la commission, la prise en compte de la diversité et de
l'inclusion des personnes immigrantes et
natives appartenant à une minorité racisée... doivent être analysées dans une
perspective de lutte contre le
racisme et la discrimination. En ce sens, le gouvernement devra mieux
reconnaître sa part de responsabilité dans l'intégration socioéconomique des membres des minorités racisées. Il
s'agit là d'un des véritables enjeux de la nouvelle politique. À lui seul, le taux de représentation
des personnes racisées dans la fonction publique illustre l'ampleur du défi à
relever par l'État, qui doit servir de
modèle pour les autres secteurs d'emploi. Des efforts supplémentaires devront
ainsi être consentis, notamment, pour
redresser la situation de ces personnes, et ce, dans tous les secteurs de
l'emploi et à tous les niveaux du
système d'emploi. Des objectifs de représentation en emploi doivent être
établis spécifiquement à l'endroit de chaque groupe visé, notamment des
minorités racisées, dites visibles.
Même
si les personnes appartenant à ces minorités sont souvent hautement qualifiées
et ont une maîtrise suffisante du
français, elles rencontrent diverses barrières discriminatoires, tant en amont
qu'au sein du marché du travail, en témoignent les résultats de deux
études menées par la commission. Je réfère ici à l'étude sur la discrimination
dans l'accès à des programmes de résidence en
médecine à l'endroit des médecins formés à l'étranger. La seconde étude porte
sur la discrimination subie à
l'embauche par les membres des minorités racisées ayant acquis un diplôme et
une expérience de travail au Québec et parlant aussi bien le français
que l'anglais.
Les
résultats de ces deux études démontrent que l'application de critères de
sélection ont pour effet d'exclure de façon
disproportionnée aussi bien les immigrants formés à l'étranger que les
candidats des minorités racisées formés au Québec. De l'avis de la commission, la lutte contre la discrimination
systémique en emploi ne se fera qu'en appliquant plus systématiquement les programmes d'accès à l'égalité en emploi et en
élargissant ces programmes au secteur privé.
La
commission note par ailleurs que le gouvernement semble afficher une certaine
ambiguïté par rapport à la prise en compte des inquiétudes à l'égard de
l'immigration par la population en général. Ces inquiétudes sont qualifiées de légitimes dans le cahier de consultation. On y
précise qu'elles porteraient plus spécifiquement sur l'adhésion des immigrants
aux «valeurs communes». La commission craint
qu'une prise en compte de ce malaise sous l'angle des «valeurs communes» — je mets
toujours des guillemets — risque de renforcer plutôt que de le combattre. En effet, ces
«valeurs communes» ne sont pas suffisamment bien définies. Les
implications ne sont pas les mêmes si elles sont comprises comme les valeurs démocratiques ou encore comme les valeurs du
groupe majoritaire, car leur contenu peut différer largement. Mal définir
la nature de ces «valeurs communes» risque d'instiller une incompréhension dans
la population au sujet du modèle d'aménagement
de la diversité réellement mis de l'avant par le gouvernement. Cela pourrait
créer des attentes déraisonnables à
l'égard du processus d'intégration des immigrants. Mal définir les «valeurs
communes» pourrait entretenir certaines aspirations envers un modèle assimilationniste refusant et niant les différences. Cela entrerait en contradiction avec
les objectifs mêmes de la politique,
dont ceux de reconnaissance de la diversité, de pluralisme et de participation
des immigrants.
Ainsi, la commission
recommande, dans son mémoire, que la nouvelle politique réfère plutôt au
respect des valeurs démocratiques plutôt que
les «valeurs communes», telles qu'énoncées dans la Charte des droits et libertés de la personne
du Québec. Nous tenons ainsi à rappeler le caractère
inclusif de ces valeurs démocratiques qui comprennent, comme le rappelle le préambule de la charte,
l'égalité de tous les êtres humains en valeur et en dignité, le droit pour tous
à une égale protection de la loi,
l'égalité entre les hommes et les femmes, de même que la reconnaissance des
droits et libertés comme fondement de la justice, de la liberté et de la
paix. Ces valeurs comprennent aussi — et c'est important de l'ajouter — la
promotion de la justice et de l'égalité sociale, l'acceptation d'une grande
diversité de croyances, le respect de
chaque culture et de chaque groupe et la foi dans les institutions sociales et politiques qui favorisent la participation des particuliers et des groupes dans la société.
Référer à ces valeurs démocratiques permettrait de lever en bonne partie,
croyons-nous, l'ambiguïté sur la prise en
compte par le gouvernement du malaise de la population à l'égard de
l'immigration.
De
l'avis de la commission, d'autres moyens pourraient concourir à atténuer
ce malaise, et il est important que le gouvernement agisse de manière cohérente avec les observations qu'il dresse. À cet
égard, le document de consultation
fait état d'un certain nombre de constats et parle d'apparitions périodiques de
questionnements et de tensions portant sur
les relations interculturelles. Le même document parle de préoccupations de la population attribuables au port des signes visibles et à certaines demandes d'accommodement
sur une base de motifs religieux. Le document parle aussi de discours hostiles et de tensions sur la base de différences
culturelles particulièrement à l'endroit des personnes appartenant à des
minorités ethnoculturelles natives ou immigrantes.
Si le gouvernement reconnaît véritablement les effets de ces manifestations sur le lien de
confiance et de solidarité entre les Québécois
et les personnes d'origines ethnoculturelles différentes, il doit en tirer les
conséquences complètes et concrètes. Or, le document sous examen semble banaliser ce malaise
lorsqu'il affirme, et je cite, que «les préoccupations exprimées à l'égard de l'immigration et de la
diversité ne sont pas propres au Québec et les débats sur ces sujets y demeurent généralement plus pacifiques et moins virulents qu'ailleurs». La commission
tient à le souligner, il ne faut pas donner aux divers malaises exprimés
par la population à l'égard de l'immigration un caractère normal, voire mineur.
Pour
véritablement rétablir les liens de confiance et la solidarité entre la société
d'accueil et les personnes issues de
l'immigration, le gouvernement doit chercher à tout prix à mieux comprendre les
origines de ce malaise, en identifier les
principaux mécanismes sociaux qui participent à sa reproduction et agir
concrètement sur ceux-ci afin d'atténuer les effets possiblement
discriminatoires de ces craintes vis-à-vis des personnes immigrantes, ou perçus
comme tels. Le chantier est vaste, certes, et les défis, considérables.
Quelques
mots sur l'éducation aux droits — aux droits avec un x et un s, vous aurez compris.
Selon la commission, l'éducation
aux droits et libertés est un outil à privilégier dans la lutte contre les
préjugés et la discrimination. Des campagnes
publiques de sensibilisation devraient notamment être entreprises
pour déconstruire certains mythes tenaces dans la population ainsi que certains préjugés à l'égard de
l'immigration. De même, au moment où l'État envisage d'élargir à un public plus grand l'offre de formation
interculturelle, antiraciste et à la diversité ethnoculturelle, l'éducation aux droits et libertés doit
être mise de l'avant. L'ensemble du personnel de l'État québécois
devrait y être formé, et ce, afin que les services disponibles au public soient véritablement accessibles à tous.
Outre les personnes en situation d'autorité, une formation aux droits de la
personne devrait être donnée en priorité aux hauts fonctionnaires de l'État
ainsi qu'aux gestionnaires dont les décisions influencent la teneur des normes
et des pratiques institutionnelles.
L'enseignement
primaire et secondaire représente un secteur clé de la société où l'éducation
aux droits et libertés aura aussi un impact très significatif. De l'avis de la commission,
un espace plus grand devrait être accordé à l'éducation aux droits, tant dans
les programmes d'enseignement qu'à travers les pratiques de l'école.
Enfin,
selon la commission, l'éducation aux droits et libertés dans la formation
collégiale et universitaire constitue
un moyen supplémentaire à mettre de l'avant dans l'ensemble des disciplines et
des programmes.
Je vous remercie de
votre attention, et nous sommes évidemment très disposés à répondre à toutes
vos questions.
• (12 h 30) •
Le Président (M.
Picard) : Merci, M. Frémont. Avant de débuter la période
d'échange, j'aurais besoin d'un consentement pour qu'on puisse excéder
13 heures pour nos travaux. Ça va pour tout le monde?
Des voix :
Consentement.
Le Président (M.
Picard) : Consentement. Mme la ministre, ça va?
Mme Weil :
Absolument.
Le Président (M.
Picard) : Donc, je vous cède la parole, pour une période de
17 min 30 s.
Mme
Weil : Merci beaucoup. Alors, merci beaucoup à la Commission des droits de la personne d'être
ici avec nous, Me Frémont, Me Dupuis, Me Carpentier et Mme Triki-Yamani.
Évidemment,
on aurait besoin de vous entendre encore plus, mais... alors, je vais essayer
de vous donner beaucoup de temps pour développer ces idées, parce que vous
touchez à des éléments importants, votre analyse est précieuse. Je pense que votre rôle dans ce grand défi est
important, ça prend la profondeur que vous avez, les recherches que vous
faites.
On
va peut-être commencer par cette question de valeurs communes.
Et je comprends tout à fait ce que vous dites, honnêtement, mais c'est une
façon... Et je vais aller sur les valeurs communes que nous, on énumère dans le
document que signent les nouveaux
arrivants. J'ai participé aussi — juste
pour vous dire, là — participé,
comme ministre de l'Immigration, à
aller aux séances de francisation, les premières séances avec les nouveaux
arrivants, et je peux vous dire que
la discussion est vraiment intéressante, parce qu'on va sur l'égalité
hommes-femmes, toutes sortes de choses, et les nouveaux arrivants sont très... ils sentent beaucoup,
comment dire, d'ouverture de la société québécoise de partager leurs
opinions ensemble. C'est une expérience intéressante... en tout cas, la
séance à laquelle j'ai assisté.
Alors,
les valeurs qu'on énonce, puis j'aimerais vous entendre parce que je trouve
intéressante votre proposition : donc,
parler français évidemment, c'est ce que j'appelle le ciment qui nous tient
unis; une société libre et démocratique, un État laïc, une société pluraliste; une société reposant sur la
primauté du droit : les femmes et les hommes ont les mêmes droits, et l'exercice des droits et libertés de la
personne se fait dans le respect de ceux d'autrui et du bien-être
général. Il n'y a peut-être
pas celui sur la liberté d'expression, liberté aussi de conscience et de
religion.
Donc,
pour revenir à votre proposition, peut-être je vous permets d'aller un peu
plus loin sur ça, l'importance que vous
y voyez, mais est-ce qu'en énonçant que c'est de ça qu'on parle, les
valeurs communes, mais qu'il faudrait peut-être changer
l'expression... Mais vous comprenez l'intention lorsqu'on parle de valeurs
communes. Mais j'aimerais vous entendre encore un peu plus sur ces faits.
M. Frémont (Jacques) : Écoutez, c'est une question délicate. Ce qui est
clair, c'est que la charte québécoise — c'est le message, finalement, qu'on veut passer — contient l'essentiel. On ne parle pas de
français dans la charte québécoise... dans
la Charte des droits et libertés de la personne, mais, pour le reste,
l'essentiel des valeurs démocratiques qu'on s'est données il y a bientôt 40 ans ces mois-ci, au
Québec, sont contenues, et des valeurs comme l'égalité de l'homme et de la
femme, le respect de la primauté du droit,
etc., et aussi certaines valeurs relatives à la liberté d'expression ou aux
grandes libertés, aux grands droits.
Donc, ce que nous proposons, c'est pour
éviter des... comment dire, certaines dérives dans les débats ou certaines
choses. On s'est déjà donné ces valeurs
démocratiques communes, qui sont certainement communes et qui font certainement
très large consensus. Et la question, c'est
peut-être de réfléchir sur ce qui existe déjà et qui sont des normes non
seulement enchâssées comme des
valeurs, mais qui sont des principes de droit puisqu'on s'est donné ça, et que,
vous le savez, la charte québécoise a une valeur supraconstitutionnelle,
ça a été reconnu par les tribunaux, donc on a déjà un bassin de «valeurs communes» — j'utilise votre expression — de valeurs communes démocratiques ou de
valeurs démocratiques communes qui,
pour l'essentiel, nous pensons, sont suffisantes pour répondre... comment dire,
à certains soucis des uns et des
autres à l'égard des valeurs qui doivent guider notre société, qui doivent les
orienter. Et, croyez-moi, lorsqu'on parle, par exemple, de droits économiques
et sociaux dans la charte, on n'a pas du tout extrait, comme société, tout le
potentiel des droits et libertés qui sont contenus dans la charte.
Mme
Weil : Merci. Je trouve ça vraiment intéressant, ce que vous
dites. Et peut-être un petit commentaire : C'est très rassurant aussi, quand on parle de valeurs
démocratiques, je l'ai vécu. Quand on parle de valeurs démocratiques et d'égalité, de liberté, évidemment, c'est ce que
tout le monde recherche dans toute société, et c'est sûr que les personnes immigrantes, que ce soient des réfugiés, regroupement familial ou les travailleurs qualifiés, c'est des valeurs universelles. Alors, j'apprécie beaucoup
votre point de vue.
J'aimerais
aller aussi... votre suggestion de campagne de sensibilisation, d'éducation, dans les milieux scolaires. Moi,
je suis partie prenante beaucoup de ça. Je remarque souvent que, lorsque
je suis avec les jeunes, ils comprennent presque de façon innée l'importance de l'inclusion, et je dis souvent : C'est
notre espoir. Et nos jeunes ont grandi dans des milieux de diversité, et on hésite à utiliser le mot «tolérance»,
mais on comprend ce qu'on veut dire, c'est quand même un mot avec une
belle résonance. Mais ce n'est pas juste tolérer, ils acceptent — c'est
l'acceptation — et,
très jeunes, ils ne voient pas la
couleur, ils n'entendent pas l'accent, ils ne vont pas poser toujours
des questions : D'où tu viens, toi? Tu es mon ami et on va partager
mon carré de chocolat ou...
Alors,
j'aimerais vous entendre sur comment on pourrait... Parce que
ça, quand on imagine éventuellement un plan
d'action, je cherche... on cherche, comme gouvernement, des suggestions
pour justement sensibiliser la population, et, avec cette préoccupation de la génération
qui va nous porter plus loin dans une société égalitaire et inclusive, votre notion de campagne, comment on pourrait faire, les types
de messages, qui pourrait embarquer là-dedans, et j'aimerais que vous enchaîniez peut-être
avec ce qu'on peut faire dans les écoles, l'éducation par rapport... Vous
l'avez évoqué, mais, peut-être, je vous donne le temps d'aller plus
profondément dans cette question.
M. Frémont (Jacques) : Je pense que c'est une question qui est très
importante. Vous avez tellement raison de mentionner que, quelque part, les enfants, spontanément, sont daltoniens, ils
ne distinguent pas les couleurs, et ceux qui ont la chance d'être dans des milieux où, justement... parce que ce
n'est pas tout le monde, au Québec, qui a ce privilège, sont... comment dire... sont beaucoup plus ouverts et
n'ont pas de problème avec ça, finalement. Ce qui est intéressant un peu
partout au Québec — et
je vais un peu sortir de notre propos — il y a toute la question de
l'intégration des enfants en difficulté d'apprentissage dans les écoles et
aussi dans les classes. Là aussi, les enfants apprennent à vivre dans la
diversité partout au Québec, et, je pense, pédagogiquement, que c'est
extrêmement important.
Ce
qui est clair, c'est qu'on... comment dire... on n'enseigne pas, dans
les écoles, les droits et libertés, la sensibilité aux droits et libertés de la même façon qu'on
donne un cours de droit à la faculté de droit, ce n'est pas du tout ce dont
il s'agit. Il y a toute une série notamment
d'ONG qui font un travail remarquable sur l'éducation aux droits et qui est
adapté, si on est au cours primaire, au cours secondaire, qui est adapté
aux enfants où ils en sont rendus dans leur niveau de développement, et il y a des projets remarquables aussi à
l'international, il y a tout un corpus, là, d'expérience. Alors, je pense que ce qu'on voudrait, c'est que ça soit
plus systématisé dans les écoles au Québec, que ça fasse résolument partie
du curriculum pour que les enfants puissent éventuellement structurer leur
compréhension, finalement, de l'égalité et peut-être
prendre un peu de distance vis-à-vis certains discours, lorsqu'ils seront un
petit peu plus âgés, lorsqu'ils sont confrontés
à d'autres types d'attitudes peut-être déjà un petit peu moins ouverts, qu'ils
puissent comprendre pourquoi leur... comment dire, leur daltonisme
est de bon aloi et doit être maintenu.
Je ne sais pas si
j'ai des collègues qui veulent ajouter quelque chose.
• (12 h 40) •
Mme Dupuis (Renée) : Si vous me permettez, j'aimerais aussi souligner un élément qu'on fait
ressortir dans notre mémoire,
c'est-à-dire que les enfants d'aujourd'hui sont les décideurs de demain et,
dans ce sens-là, on doit s'assurer... Et c'est pour ça qu'on insiste sur le fait qu'en matière de discrimination
comme dans d'autres domaines, si on ne commence pas et si l'État ne commence pas par donner l'exemple en sensibilisant
ses propres hauts dirigeants, ses propres gestionnaires de ressources humaines, il y a peu de chances que les processus de décision fassent autre chose que
reproduire des systèmes qui
sont discriminatoires. Alors, dans ce
sens-là, que ça se passe à l'école...
Et l'expérience des plaintes qu'on reçoit à tous les jours — on en a quand même un certain nombre chaque
année — nous
enseigne qu'il y a un élément de sensibilisation qui doit s'adresser à tout le monde, qui doit partir du haut de la
hiérarchie et qui doit faire en sorte que, quand elle rejoint les enfants, on les sensibilise, eux aussi, non
seulement au respect de la différence, que ça soit sur le plan du handicap, ou
de la couleur, ou de la race, ou de
l'origine ethnique, mais aussi sur les protections que la charte accorde à
chaque enfant qui est dans cette école. Donc, c'est la raison pour laquelle
on essaie de vous suggérer de sortir de concepts comme l'équité, qui sont flous, qui entretiennent le flou, et de
resserrer les références à ce qui est inscrit clairement dans la charte
comme étant des valeurs qu'on a choisi de consacrer de façon
particulière.
Mme Weil : Merci. J'aimerais revenir sur le point que vous
avez souligné, puis j'en prends bonne note et on va faire attention. Vous dites : Faites
attention quand vous comparez à d'autres provinces, notamment.
Parce qu'il y a un sondage qui montre quand même qu'on voit des
ressemblances, hein, par rapport à ce malaise, par rapport à la diversité.
Ce n'était pas dans l'intention de
banaliser, c'était beaucoup dans l'intention... Parce qu'un gouvernement a la responsabilité
de prendre note de ça puis de regarder les
meilleures pratiques, aussi, évidemment des meilleures pratiques dans d'autres
provinces, qui m'amèneraient, puis... Parce
que je voudrais céder la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee, qui voudrait
vous poser des questions.
Par rapport
au Programme d'accès à l'égalité, par exemple, est-ce que vous avez des modèles
ou vous connaissez des modèles au
Canada qui pourraient être inspirants? On me dit qu'il y a des villes comme
Toronto, qui a des modèles intéressants,
parce que les villes jouent des rôles importants. Si ce n'est pas pour
aujourd'hui, on pourra s'informer plus tard,
parce qu'on cherche... Ça, c'est un domaine très technique, et il y a
certainement des modèles ailleurs, je ne sais pas si vous, vous avez
cette information.
M. Frémont
(Jacques) : Il y a un modèle
qui n'est pas inintéressant, c'est le modèle québécois, c'est la loi sur
les programmes d'accès à l'égalité dans les organismes publics. Nous venons de
déposer notre rapport triennal sur l'application,
donc 2010‑2013, et nous allons, sous peu, dans les prochaines semaines, les
prochains mois, publier des rapports
sectoriels sur l'accès à l'égalité dans les commissions scolaires, à la Sûreté
du Québec, à Hydro-Québec, dans les
cégeps, les universités, etc. — donc, ça s'en vient — et dans lequel on montre qu'il y a un lien
de causalité. Lorsqu'on investit dans les programmes d'accès à
l'égalité, on arrive à plus de diversité, donc on fait la démonstration des programmes. Si vous voulez, et n'allons pas très
loin, regardez la STM à Montréal, la Société de transport de Montréal, qui a atteint des... sans que... rien n'étant
parfait en ce monde, mais qui a atteint des modèles de diversité et d'inclusion
avec une main-d'oeuvre qui est remarquablement diversifiée, et ça s'est fait,
ma foi, relativement sereinement.
Alors, je
vous dirais, on peut peut-être aller voir Toronto et ailleurs, mais, même chez
nous, il y a des choses très intéressantes qui se font. Mais ce qu'on
suggère dans notre mémoire, Mme Dupuis vient de le rappeler, c'est que la diversité... l'État québécois devrait être modèle
et, comme actuellement, il impose des obligations en matière d'accès à
l'égalité à des organismes publics qu'il ne s'impose pas nécessairement de
façon aussi rigoureuse à lui-même...
Mme Weil :
Alors, avant de céder la parole, M. le Président, à mon collègue, je voudrais juste
vous remercier beaucoup de votre
présence, votre mémoire, évidemment très, très riche, avec beaucoup de
recommandations, on va étudier ça avec beaucoup d'intérêt. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de D'Arcy-McGee.
M.
Birnbaum : Merci, M. le Président. Je vais vous souhaiter... Me
Frémont et l'équipe de la commission, vos interventions à la fois
toujours rigoureuses et pertinentes sont très appréciées; en voilà un autre
exemple.
Je vais
poursuivre davantage la discussion sur l'accès au travail. Évidemment, on est
devant une politique qui vise à privilégier
l'inclusion, mais aussi avec un impératif qui nous touche tous, c'est une
adéquation main-d'oeuvre-emploi qui s'impose
de plus en plus. Alors, c'est par le bilan de l'immigration qu'on va combler ce
grand problème là d'une adéquation qui s'annonce dans les années à
venir.
Là, vous
parlez d'une discrimination quasi systémique qui est présente et à adresser.
C'est une chose très sérieuse si on
veut parler davantage d'adéquation et de l'accès à l'emploi pour les nouveaux
arrivants. Je vous invite d'élaborer un
petit peu sur cette discrimination et de nous parler d'autres facteurs
peut-être qui empêchent une embauche plus... une ouverture plus claire pour les nouveaux arrivants. Et, sur tous ces
facteurs-là, quoi faire? Vous avez fait allusion à plusieurs stratégies,
mais c'est un enjeu primordial, j'aimerais vous entendre davantage là-dessus.
M. Frémont
(Jacques) : Merci. Merci
pour votre question. Je pense que vous avez compris, pour les gens qui
sont moins familiers avec le discours, la
discrimination systémique, c'est la discrimination qu'on ne voit pas,
c'est-à-dire que la règle semble neutre, mais, dans son application,
parce que les gens sont différents, on se trouve à écarter ou à discriminer à l'égard des membres de certains
groupes. Donc, il est clair qu'il y a de nombreuses pratiques de discrimination
systémique dans la société. Les deux études
auxquelles je faisais référence l'ont bien indiqué. Il y a plusieurs études de
Commission canadienne des droits de la personne qui ont démontré que, par
exemple, l'expérience canadienne était un grand motif d'écarter les
nouveaux arrivants, les nouveaux venus : l'étude qu'on a faite, qui dit
qu'on envoie un C.V. avec un nom à
consonance étrangère, on a 60 % de moins de chances d'être reçu en
entrevue, voilà des exemples... Et les gens
ne sont pas nécessairement mauvais, ce n'est pas nécessairement à dessein, ça
arrive comme ça. C'est donc, comment dire, imbriqué dans nos façons de faire. Il est clair que le rôle
de la commission est de les identifier, de les dénoncer, de le rappeler
aux gens que ça existe.
Dans certains
cas, lorsqu'il le faut, nous avons des pouvoirs pour intervenir, pour traîner
les choses devant les tribunaux pour
forcer les... ça peut être le secteur privé, notamment, à changer leurs
pratiques. Mais, avant tout, je pense que
c'est une question de sensibilisation, de travailler avec les employeurs, de
développer cette sensibilité à la diversité et de tous les avantages qui peuvent venir avec le respect de l'égalité.
Vous pouvez être sûr que, si la STM, qui a une politique énergique en matière de diversité... je suis sûr,
je suis convaincu qu'ils ne reculeraient pas. Ils ont une main-d'oeuvre qui
est remarquable, qui est très fidèle et qui travaille extrêmement bien. Alors,
finalement, les dialogues comme on a aujourd'hui,
mais après, de parler avec les employeurs, d'avoir des programmes d'accès à
l'égalité, d'identifier... Vous verrez dans les rapports sectoriels, nous
identifions les pratiques qui, par rapport aux différents secteurs, favorisent
la diversité et a contrario les pratiques
d'embauche, par exemple, ou de promotion qui défavorisent l'accès de personnes
autres qui ne sont pas des personnes du groupe majoritaire.
Alors,
nous... comment dire, nous poursuivons cette réflexion, à la commission, depuis
longtemps. Nous partageons... nous
allons la partager et nous commençons à la partager, nous allons la partager
dans différents secteurs. Mais finalement,
le message, c'est d'en faire un projet de société. C'est ce que nous aimons
dans ce que nous lisons par rapport
au document. On dit : On va en faire un projet de société, on va avancer
là-dedans. Et l'inclusion, ça se joue des deux côtés, et ça se joue notamment au niveau, dans le domaine du
travail, de tous les employeurs. Et ce que nous disons : L'État
doit être modèle, mais le secteur privé doit faire partie aussi de la donne.
Et, si tout le monde, on veut en sortir gagnant
et on va avoir une politique d'immigration beaucoup plus riche et des
immigrants beaucoup plus... mieux intégrés, donc, comment dire, c'est du
«win-win», comme on dit, un peu partout. Mais il faut en faire un projet de
société.
Le
Président (M. Picard) :
Me Frémont, merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget pour une période de
10 min 30 s.
M. Kotto : Merci,
M. le Président. Mesdames, messieurs,
soyez les bienvenus et merci pour cette contribution. Je pose la question de façon, disons, informelle.
Avez-vous été consultés préalablement à l'élaboration du document qui
nous... pose ici aujourd'hui... par le ministère?
M. Frémont (Jacques) : Nous avons
participé à... oui, à deux... deux?
Une voix : À trois ateliers.
M. Frémont
(Jacques) : ...à trois
ateliers qui ont été des ateliers, oui. Au début septembre, c'est ça, à
l'automne?
M.
Carpentier (Daniel) : Oui.
Il y a donc eu des consultations, par le ministère de l'Immigration, Diversité et l'Inclusion, en septembre et octobre derniers, et
on était invités à y participer et à émettre des commentaires sur certaines
thématiques autour de questions qui sont incluses maintenant dans le document
de consultation.
• (12 h 50) •
M. Kotto :
Juste pour l'information de nos collègues, je pose la question pour savoir ce
qui habite l'esprit de cet exercice,
et je suis bien content d'avoir entendu... de propos que vous avez tenus
relativement aux enjeux soulevés et aux réponses en guise de
recommandations à y apporter.
Je veux
laisser passer parce que je veux occuper mes 10 minutes, malgré tout. Vous parlez... Vous posez, disons, l'évidence que les enfants sont daltoniens, ils ne
voient pas la couleur et... Mais, dans la mesure où ils sont comme des éponges, les enfants, parce que
certains psychanalystes nous disent, nous enseignent que les enfants, de la
naissance et même à partir du ventre de la mère, certains vont plus loin, jusqu'à
l'âge de 18, 20 ans, sont en phase de construction de leur personnalité
psychique et qu'ils sont dans un mimétisme spontané, souvent les modèles
d'identification ou des modèles de
référence, ce sont les parents. Alors, quand ils ont, dans cette première
phase, des parents qui ont un comportement xénophobe, voire raciste, et qu'à l'école on ne les reprenne pas ou, à
la limite même, quand à l'école on les reprend et que le poids de la famille pèse plus lourd, ce sont
les modèles parentaux qui gagnent à ce
moment-là. Et l'enfant, progressivement dans sa croissance, est habité
involontairement par des comportements, des habitudes qui, à terme, quand
celui-ci devient chef d'entreprise
ou dirigeant d'un parti politique, manifeste ce que vous et moi, en tant
qu'humanistes, ne souhaitons pas voir.
Et, dans la
même perspective, quand on se réfère à l'imagerie populaire véhiculée à travers la télévision, le
cinéma, le théâtre, la littérature et autre moyen de communication très
puissant aujourd'hui, c'est indubitable, il y a lieu de considérer que, quand on exclut des pans pléthoriques de la composition
des gens de la cité, on contribue justement à renforcer ce sentiment de «vous» et «nous» chez ceux qui ne
se voient pas représentés en tant que tels. Et leurs enfants, dans leur propre développement, se sentant inexistants dans
ce paysage numérique ou médiatique, développent des complexes qui peuvent, à terme, les amener, une fois le
sentiment de l'exclusion... comment dire, incarné en gangrène, les amener à se
braquer contre cette même société. J'évoque
ça pour compléter, en fait. Je ne suis pas en désaccord avec tout ce que vous
avez dit, mais je voulais amener ces éléments pour compléter vos arguments.
M. Frémont
(Jacques) : C'est très
intéressant que vous les ameniez. Et je vous avoue que ça sort, je pense, du
domaine de juridiction de la commission
que les aspects plus psychanalytiques, éducation des enfants... Une chose est claire... et je pense que vous avez tout à fait raison, mais ce n'est pas mauvais que l'enfant soit confronté à des
visions différentes, que l'enfant
reçoive certains messages à la maison et reçoive des messages qui ne sont pas nécessairement parfaitement convergents au niveau
de l'école. On peut penser qu'en
matière de tolérance, d'acceptation
de la diversité, on voudrait que ça soit les mêmes messages qui passent,
mais, si, d'aventure, ce ne sont pas les mêmes messages qui passent... enfin, ce qui est important, c'est
d'outiller l'enfant pour être capable éventuellement d'avoir ce qu'on
appellerait son sens critique. Et c'est de développer ses...
Et c'est,
comment dire, l'éducation au droit, c'est aussi ça, c'est de permettre aux
enfants de raisonner. Et, croyez-moi, j'ai
assisté à de la formation dans certaines écoles primaires, ce sont des
exercices tout simples dans lesquels on amène les enfants à réfléchir
sur ce qu'ils sont, sur la différence, sur l'acceptation de la différence, etc.
Donc, pour moi, ce... comment dire, les... tout n'a pas nécessairement à être
convergeant, mais il est sûr que c'est...
Là, je prends
la deuxième partie de votre intervention : il est sûr que... On ne peut
pas forcer personne, mais, dans les
médias, la représentation de la diversité devrait faire partie, comment dire,
d'une façon de faire, parce que c'est une façon correcte tout simplement, pas nécessairement une obligation. On a
eu un débat récemment au sujet du «blackface» dans
un milieu. En soi, ce n'est pas un mauvais débat. Moi, je le vois de façon très
positive. Il y a eu des positions tranchées,
il y a eu des... mais les gens en ont parlé, et, comment dire, la prochaine
fois, le milieu va peut-être s'interroger, à savoir : S'il y a un sketch avec une personne noire, est-ce qu'on
ne devrait pas prendre un acteur de race noire plutôt que de faire un «blackface»? Alors, tout ça, ça
fait évoluer une société. La culture des droits, la compréhension qu'on a de
la diversité et de la culture des droits, c'est appelé à évoluer et ça évolue
en temps réel.
Moi, ça me
fascine, au Québec, quand on parle du mariage homosexuel aujourd'hui et que
c'est... il n'y a plus grand monde qui sourcille là-dessus, mais, si on
en avait parlé il y a 15 ans puis il y a 20 ans, ayoye! Et même les États-Unis sont en train de flipper là-dessus.
Alors, qu'est-ce qui fait... Notre relation aux droits et libertés évolue en
temps réel. Les tueries de Charlie
Hebdo ont fait évoluer les Québécois, je dirais, globalement dans leur
sensibilité à l'égard des droits et
libertés. Donc, le rôle de l'État et des politiques d'inclusion et de
diversité, c'est peut-être de mieux comprendre, je dirais, la carte sociologique des relations, des perceptions que les
Québécois ont avec leurs droits et libertés et de bâtir là-dessus. Et je pense que c'est un formidable
projet, c'est un des projets sur lequel la commission travaille
actuellement : mieux comprendre pour être capables de mieux travailler.
M. Kotto : Et...
Mme Dupuis (Renée) : Et, si vous me
permettez, rapidement...
M. Kotto : Oui, je vous en
prie.
Mme Dupuis
(Renée) : Je voudrais aller dans le même sens que ce que vous disiez,
à savoir... et c'est une des raisons pour
lesquelles on insiste tant sur l'éducation à partir de la petite
enfance : c'est que le contexte qu'on a créé sur le plan des normes avec la Charte des droits et
libertés fait en sorte qu'on doit cesser de prendre les choses pour acquises, celles
qu'on connaît bien, celles qu'on connaît moins bien, et qu'on doit se poser la
question, qu'on soit un enseignant, qu'on soit un agent correctionnel, qu'on
soit un sous-ministre, qu'on soit un directeur d'entreprise, un président d'entreprise, ça nous oblige à revoir
les façons de faire, et on veut outiller les gens, à commencer par les enfants,
non seulement sur les obligations en vertu
de la charte, mais sur le fait que la charte est censée les protéger aussi,
quel que soit l'enfant.
M. Kotto :
O.K. Et vous conviendrez — et je veux juste avoir votre confirmation là-dessus parce que vous
l'avez, la réponse — que
la loi seule ne suffit pas pour changer des comportements.
M. Frémont
(Jacques) : C'est
intéressant. Lorsque j'enseignais le droit, je disais toujours aux
étudiants : La partie la plus facile de la réforme du droit, c'est
l'adoption de la loi. La partie la plus difficile, c'est sa mise en oeuvre. Et
la partie plus difficile encore, lorsqu'on a besoin, c'est le changement
des mentalités.
Le Président (M. Picard) : ...une
minute.
M. Kotto :
Bien, je vous remercie dans cette minute restante, et c'est très inspirant de
vous entendre, ici, ce matin. Merci.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de Borduas, pour une période de sept minutes.
M. Jolin-Barrette : M. le Président,
mesdames messieurs, bonjour. Tout d'abord, je vais vous référer à la page 4, et
5, et 17 de votre mémoire, là, la première partie relativement au Commissaire
aux plaintes concernant les mécanismes de reconnaissance des compétences
professionnelles.
Vous allez retrouver, à la page...
M. Frémont (Jacques) : Du résumé, c'est
bien ça? 4 et 5?
M. Jolin-Barrette : 4 et 5 du
résumé, 17 du document.
M. Frémont (Jacques) : Oui, O.K.
M. Jolin-Barrette : J'aimerais vous
entendre sur ce point parce que, concrètement, je constate qu'il y a une
absence de juridiction, de la part du commissaire, pour faire le lien entre les
ordres professionnels et les institutions d'enseignement pour la
reconnaissance.
• (13 heures) •
Mme
Triki-Yamani (Amina) : Oui.
La loi, telle qu'elle a été adoptée en 2009, permet au commissaire aux
plaintes, pour faire le lien entre
les établissements d'enseignement et les ordres professionnels, il lui permet
de vérifier que ces établissements
d'enseignement collaborent bien avec les ordres professionnels et rendent
accessible la formation requise pour
l'obtention d'un permis d'exercer ou de pratique, mais il n'a pas le pouvoir
d'enquêter auprès des établissements scolaires,
notamment quant à l'accessibilité, à la formation d'appoint. On pense aux
médecins formés à l'étranger, qui ont du
mal à accéder à la résidence en médecine dans les facultés québécoises,
qu'elles soient francophones ou anglophones. La
commission a entrepris à ce sujet une vaste enquête systémique, de sa propre
initiative, pour déceler tous les biais discriminatoires
qui excluaient les médecins formés à l'étranger de l'accès à la formation
postdoctorale. Donc, c'est ici une forme de discrimination en amont du marché
du travail. Je ne sais pas si ça répond à votre question.
M.
Jolin-Barrette : En fait, je
voulais faire le lien avec le potentiel des droits économiques et sociaux que
vous avez invoqués tout à l'heure. Est-ce que ce genre de sujet pourrait être lié à
l'invocation des droits prévus dans la charte ou on s'éloigne?
M. Frémont (Jacques) : Écoutez, je ne suis pas certain. Ce qui arrive,
c'est que le problème des reconnaissances professionnelles et l'illustration des stages doctoraux en médecine en
est un bon exemple, c'est véritablement basé sur les droits à l'égalité dans la charte, donc l'article 10 de la charte,
c'est un motif, et on peut penser qu'il y a discrimination. Et ce que nous constatons, c'est qu'il y a une
zone — ce
n'est pas un droit économique et social, c'est véritablement en vertu de l'article 10 — où,
actuellement, le bât blesse, et le commissaire, lui, n'est pas
capable, il n'a pas les pouvoirs de
se rendre jusqu'aux établissements d'enseignement.
Alors, comment dire, c'est complexe, parce que le ministère qui est
là-dedans, il y a des programmes spéciaux, il y a des ci, des ça. Mais le
noeud, là, ce n'est pas au niveau de la corporation
professionnelle — lui, il
a juridiction sur la corporation professionnelle, il donne les permis — c'est au bout. Et le problème qu'on a
identifié, c'est au niveau des facultés. Et là le commissaire aux plaintes n'a
pas juridiction, carrément pas juridiction.
Donc,
les droits économiques et sociaux, c'est un chapitre de la charte, qui est un
chapitre autre, qui reconnaît certains
droits économiques et sociaux, ne reconnaît pas des droits plus classiques.
Certains droits à la santé, vous ne les trouverez pas là-dedans, même si on pourrait penser qu'ils pourraient y
être. Mais donc je ne pense pas qu'il y ait de lien formel à établir
entre cette situation de reconnaissance des acquis et les droits économiques et
sociaux.
M.
Jolin-Barrette : Merci. Au début de la présentation, vous avez fait un
lien entre les valeurs communes, qui sont
plus ou moins définies, et les valeurs démocratiques, qui, elles, le sont plus
clairement. Par ailleurs, à la page 7 du mémoire aussi : «...la commission [met] en garde le législateur
contre une approche [où] les signes religieux devraient être exclus en raison du caractère neutre d'une
institution.» Est-ce que vous pouvez aborder un peu la question de la
neutralité de l'État dans le concept
du développement, peut-être de la codification des principes des accommodements
raisonnables tel qu'il avait été proposé par une loi sur la laïcité?
M. Frémont
(Jacques) : Vous nous ramenez un an en arrière. On a fait un...
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, c'est un sujet qui est tout à fait
connexe, parce que, lorsque le gouvernement parle de valeurs communes à la société québécoise, bien,
il y a un consensus social au Québec pour la codification de la jurisprudence qui a
été développée par les tribunaux supérieurs relativement à certains aspects.
Donc, je veux savoir la position de la commission lorsqu'elle met en garde le législateur à cet effet-là. Est-ce que
c'est simplement sur une partie ou c'est sur la totalité?
M. Frémont (Jacques) : Écoutez, la position de la commission, là-dessus,
on est sur le mode passif, nous. C'est au gouvernement en place à faire
des propositions. Ils font des propositions, et nous les commentons. C'est le
rôle de la commission. Le rôle de la
commission, ce n'est pas de s'avancer et de dire au gouvernement quel qu'il
soit : Faites ci, faites ça. Ce
qui est clair, c'est qu'on entend comme tout le monde qu'il y aurait un
avantage à codifier les principes d'accommodement raisonnable. On a déjà dit, dans nos mémoires, il
y a un an, deux fois plutôt qu'une, que, techniquement, on n'en voyait pas
l'utilité, mais, si c'était pour des motifs
pédagogiques et de meilleure compréhension, bien là on regarde qu'est-ce qui
est codifié, et, la dernière fois, si
je me souviens bien, on n'avait pas de grande difficulté, sauf peut-être à
certains égards, avec le type de codification qui était proposé.
M. Carpentier (Daniel) : Si vous permettez. Ce qu'on avait dit, quand on a
eu une proposition d'aménagement ou,
en tout cas, de reprendre les critères de la jurisprudence en matière
d'accommodements raisonnables dans une loi, on a dit : Bien, appliquez les critères reconnus. Ce qu'on avait comme
proposition en ajoutait d'autres qui venaient modifier la règle de l'accommodement dans certains domaines.
Pour certaines questions, dont les questions religieuses, nous, on a dit :
Bien, la règle, la norme, elle existe, elle est connue, elle est
reconnue depuis plus de 20 ans. Si on veut la codifier, codifions-la telle
qu'elle existe. Ça a été ça, notre position.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie.
Le Président (M.
Picard) : ...met fin à nos... Donc, je vous remercie,
Me Frémont, ainsi que toute votre équipe et je suspends les travaux
jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à
13 h 5)
(Reprise à 14 h 6)
Le
Président (M. Picard) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
Nous
allons poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur
les documents intitulés Vers une politique québécoise en
matière d'immigration, de diversité et d'inclusion.
Nous
allons débuter cet après-midi avec le groupe communication pour l'ouverture et
le rapprochement interculturel. Je
vous invite, mesdames, à vous présenter et à faire votre exposé. Vous disposez
de 10 minutes. La parole est à vous.
Organisme de
communication pour l'ouverture
et le rapprochement interculturel (COR)
Mme Laouni (Samira) : Bonjour, M. le
Président, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, bonjour. Samira Laouni, fondatrice et présidente du COR,
communication pour l'ouverture et le rapprochement interculturel. Notre organisme a été fondé afin de construire des ponts
d'échange entre tous les Québécois
pour atteindre un véritable vivre-ensemble.
Pour accéder aussi à une vie harmonieuse, les nouveaux et anciens Québécois
doivent s'engager dans un réel
dialogue serein, d'abord, ensuite, pour s'entreconnaître et enfin pour établir
des relations fructueuses afin de prévenir aussi bien la discrimination
que le communautarisme.
La vision du
COR exige donc le rapprochement dans toutes ces dimensions interculturelles et
intergénérationnelles, que ce soit en
termes d'origines ethniques, de sexe, d'orientation sexuelle, de religion ou
non-religion. Notre but ici, à nous
tous, je pense, est de contribuer à édifier un Québec interculturel, pluriel et
inclusif. Je pense que c'est notre objectif à tous aujourd'hui ici.
Mais comment
parvenir à faire accepter le pluralisme à tous les Québécois? C'est la première
question qui nous est venue à
l'esprit, la deuxième question étant : Comment peut-on espérer que les
descendants des minorités ethnoculturelles se fondront dans le grand
nous avec un grand N-O-U-S tout en majuscules? Comment est-ce qu'on peut sans
faire de distinction aucune? Ces descendants
des minorités ethnoculturelles, puisqu'ils conserveront toujours leur nom de
famille... celui qui s'appellera
Laouni — moi, je
m'appelle Laouni, mais mon enfant continuera à s'appeler Laouni aussi — comment lui, qui est né ici, est-ce qu'il peut se considérer dans ce grand nous
vraiment immense, québécois? Il faut travailler aussi bien auprès des
accueillants que des accueillis pour que la deuxième génération ne subisse
aucune discrimination.
Commençons par des solutions à mettre en place
auprès de la majorité, d'abord — parce qu'on aura comme deux phases, deux
propositions à vous faire — d'abord
pour prendre en compte l'insécurité identitaire des Québécois canadiens-français. Il faut absolument travailler
sur cette première chose de prime abord. Pour cela, il faut, d'une part,
établir des lois pour le vivre ensemble,
notamment en déclarant la laïcité de l'État. Deuxièmement, il faut connaître
les balises déjà en vigueur pour les
accommodements religieux. Et encore une fois j'insiste sur le religieux et pas
les accommodements raisonnables; il
faut faire la distinction et il suffit de regarder le site Internet de la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
• (14 h 10) •
Comment
pourrait-on collectivement influencer les journalistes tout en préservant la
liberté d'expression, qui est vraiment
d'actualité, pour qu'ils diffusent une information objective en évitant le
sensationnalisme? Parce que c'est ça où le bât blesse. Pour enrayer la banalisation
de certains propos discriminatoires, le gouvernement doit mettre en oeuvre une
grande campagne de sensibilisation du genre
de celle pour l'acceptation de la maladie mentale, qu'on voit tout récemment
sur nos télés, ou celle contre l'homophobie,
par exemple, qui s'étendrait sur une longue période — ça ne serait pas quelque chose de vraiment... de six mois ou un an, ça doit
être une longue période — et qui serait réévaluée, réajustée, si besoin est, en
fonction de la perception du public, en fait.
Je voudrais
insister sur le rôle de l'école comme un point privilégié de rencontre entre
enfants, parents, enseignants de
toutes origines. En particulier, les directions, conseils d'établissement et
comités devraient se faire une obligation sociale de rendre invitante aux parents des minorités
ethnoculturelles et même d'inciter ceux-ci à participer à la vie de l'école.
Ils en auront, du travail, ça, je peux le concevoir.
En ce qui
concerne les nouveaux arrivants maintenant, de l'autre bord, surtout ceux de minorités
ethnoculturelles, parce que le
problème ne se présente pas de la même manière aux Européens, par exemple, aux
immigrants européens, ce n'est pas la
même chose, donc nous nous contenterons de rappeler qu'il faut surtout
faciliter leur accès à l'emploi, parce que
c'est par là que passe toute l'inclusion, elle passe par l'emploi. Donc, d'une
part, avec une reconnaissance, dans le pays
d'origine, de leur diplôme et expérience acquise, ensuite en leur donnant, en
leur fournissant le portrait réaliste de la situation locale dans leur domaine d'activité et en leur offrant des
stages de travail dans leur domaine professionnel, pas des stages juste pour avoir la première expérience
canadienne, québécoise, faire caissière alors qu'on est médecin, ce n'est
pas du tout la même chose.
Il faut, si
cela est approprié, leur offrir... dès leur arrivée — parce qu'à ce moment-là ils sont vraiment
comme des éponges, ces personnes-là
absorbent tout ce qui passe sous leur main — il faut leur offrir une francisation conforme
à leurs besoins professionnels, pas
n'importe quelle francisation, en fonction de leurs besoins professionnels. Il
faut, à certains francophones, si leur domaine d'activité l'exige, il faut leur
donner aussi accès aux cours d'anglais nécessaires pour leur fonction. Parce qu'on le voit très, très
bien, quand on demande de l'emploi, ce n'est pas seulement le fait d'être
francophone qui va nous permettre d'accéder à cet emploi-là, on est beaucoup
dans le bilinguisme au Québec.
Aussi, tous
doivent avoir l'occasion d'acquérir minimalement les codes sociaux québécois,
c'est une condition évidente pour se
faire accepter par un employeur québécois. Je donnerai ici l'exemple de la
bulle québécoise, il ne faut pas
rentrer dans la bulle de la personne quand on lui parle. C'est quelque chose de
méditerranéen. Non, c'est... on se touche, on est proche, etc. Donc, un
exemple.
Mais comment
peut-on se résigner à ce que les Québécois nés ici soient encore l'objet de
discrimination? Pourtant, l'étude de Paul Eid prouvant que les
chercheurs d'emploi qui portent un nom africain ou latino-américain, qu'ils soient nés ici ou non,
subissent une forte discrimination pour obtenir une entrevue d'embauche... Mais
cette étude démontre aussi, pour ceux
qui sont parvenus à décrocher un emploi, qu'ils encourent une disparité
salariale semblable à celle de leurs
parents. Consultez les tableaux de notre mémoire, pages 9 et 10, tous les
chiffres y sont. Cette découverte, sincèrement, a été un choc vraiment
dur pour nous parce qu'on ne s'y attendait pas.
Pour surmonter
ces obstacles, il faudrait comme deux voies possibles. D'abord, travailler en
amont sur la sensibilisation des
employeurs, par exemple, en mettant en place des lieux d'échange, des filières
d'information ou autre, où les entreprises ayant réussi l'inclusion
d'employés de minorités ethnoculturelles, comme, par exemple, la CGI, Pharmascience, des banques, pourraient faire part
de leur expérience de réussite d'inclusion ou d'acceptation de l'autre. Deuxièmement, faire en sorte qu'Emploi-Québec et
le MIDI — ça doit
être un travail de collaboration entre les deux — diffusent l'information et
coordonnent les actions concernant les bassins et les pénuries de main-d'oeuvre
existant dans la métropole et les régions
pour que ça devienne des vases communicants
et que ça doit devenir fluide pour la répartition de la main-d'oeuvre
partout.
En guise de
conclusion, pour corriger cette injustice qui risque de s'étendre aux
prochaines générations, il est non seulement
nécessaire d'appliquer de façon rigoureuse la Loi sur
l'accès à l'égalité en emploi dans les organismes publics, mais de l'amender pour inclure les disparités
salariales aussi. Il faudrait alors obtenir que les compagnies qui font affaire
avec le gouvernement y soient également soumises, parce que c'est la seule
façon de les obliger.
Et un
critère, à notre avis, un critère d'ethnoculturalité devra être ajouté au système
qualité, nommément système de management de la qualité, comme, par exemple, ISO. Pour obtenir ISO, la certification ISO, il faudrait avoir un
critère qui répondrait à
l'ethnoculturalité dans l'entreprise, et ça, ça va faire augmenter, je dirais,
même la publicité de l'entreprise, ça
va faire augmenter son acceptation, sa réussite, etc. Et il faut espérer que
cette obligation dans la fonction
publique et parapublique constituera
un exemple à suivre pour de nombreuses entreprises privées. Mais ce qui est
certain, c'est qu'il faudrait que les
enfants nés ici avec des noms qui ne ressemblent pas aux Bélanger et aux
Tremblay puissent réellement se
sentir chez eux à part entière pour qu'ils ne se sentent pas repoussés et
qu'ils aillent se réfugier dans un communautarisme qu'on ne saurait pas
régler plus tard. Merci.
Le
Président (M. Picard) :
Merci, Mme Laouni. Je cède maintenant
la parole à Mme la ministre pour une période de
17 min 30 s.
Mme Weil :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je souhaite la bienvenue à Mme Laouni
et Mme Provencher. Plaisir de vous
revoir. On a eu l'occasion de se voir à plusieurs reprises. Moi, je pense que
c'est la troisième fois qu'on se voit...
Mme Laouni (Samira) : Quatrième.
Mme Weil : ...quatrième en
commission parlementaire.
Mme Laouni (Samira) : Des habituées.
Mme Weil : Et, honnêtement, je vous remercie beaucoup
pour votre participation et votre passion pour un Québec inclusif.
Je vous remercie de nous donner des pistes de réflexion, des pistes très
sérieuses, des suggestions. Et, je
l'ai dit d'entrée de jeu, c'est une occasion
unique que nous avons d'écouter, écouter les critiques, d'écouter... Oui, il y
a des choses qui vont bien, mais
comment peut-on faire mieux? Le vivre-ensemble, un peu, c'est la façon de
résumer. Donc, l'idée, c'est d'adopter une nouvelle politique, donc
toutes vos suggestions sont intéressantes.
M. le
Président, peut-être, avant d'aller plus loin, le député de l'opposition pose
souvent la question : Avez-vous été
consultés? Moi, ce que je propose, parce qu'on pensait... On pourrait déposer
la liste d'organismes. Je pensais peut-être que le représentant, le député de la deuxième opposition serait
intéressé aussi. Le ministère a consulté beaucoup, beaucoup de chercheurs, de groupes, d'organismes, un
processus très, très sérieux parce que, pour écrire un texte comme ça, et je
pense que le député de Borduas l'a souligné...
c'est un travail très sérieux. Et là, pour produire un document comme ça, ça
prend des consultations. Moi, j'ai participé à beaucoup de ces consultations.
Donc, c'est ce que je propose. Comme ça, le député ne sera pas en
position de toujours demander aux groupes s'ils ont été consultés.
Maintenant,
le contenu, ils signent un engagement de confidentialité. Mais je pense que
c'est important que le public sache que la partie consultation, c'est la partie
publique. C'est ça qui est important. Ça, c'est un document pour réfléchir, donner de la matière, des pistes de
solution, etc., mais c'est vraiment cette consultation qui est importante pour
nous. C'est les gens qui vont venir se
prononcer en ligne, ou qui déposent des mémoires, ou qui viennent être écoutés,
et ça permet à tous et chacun de
participer — je parle
aux deux oppositions ici — participer à cet exercice. Parce qu'évidemment, en bout de ligne, on souhaiterait avoir une
politique qui cherche l'adhésion de tous les parlementaires. Alors, je voulais
offrir, dans un premier temps, si les oppositions sont intéressées...
Le Président (M. Picard) : Est-ce
que...
M.
Jolin-Barrette : J'aurais
une question pour Mme
la ministre, très courte. Vous dites
qu'il y a un engagement
de confidentialité des groupes consultés. À ce moment-là, je...
Mme Weil : Sur le contenu.
M.
Jolin-Barrette : Sur le contenu, mais, de toute façon, en commission
parlementaire, ils sont...
Mme
Weil : Mais il y en a beaucoup qui ne viennent pas ici,
mais la question que le député de Bourget posait, c'est : Avez-vous
été consultés? à chacun, mais là il ne serait pas obligé de poser la question à
chaque groupe.
M.
Jolin-Barrette : Mais les groupes parlementaires qui auraient été
consultés, qui viendraient en commission parlementaire, répondraient
quand même aux questions...
Mme Weil :
Mais tout est dans la liste.
• (14 h 20) •
M.
Jolin-Barrette : ...des parlementaires sur le...
Mme Weil :
Mais tout est dans la liste.
M.
Jolin-Barrette : Non, mais sur le contenu de la consultation aussi,
là.
Mme
Weil : Mais, sur le contenu de la consultation avec le
ministère, non, ils ne se prononceraient pas, mais, s'ils sont ici,
évidemment, ils peuvent se prononcer. Ils sont ici pour se prononcer sur tout,
oui, absolument.
M.
Jolin-Barrette : O.K., merci.
Mme
Weil : Mais ce n'est pas nécessairement les mêmes groupes, là,
mais, tout à fait, c'est logique. Alors, j'offre le dépôt de cette
liste.
Le
Président (M. Picard) : Mme la ministre, on ne procédera pas
par dépôt, ça va être une distribution, parce que, si vous déposez le
document, il devient public, donc...
Mme Weil :
D'accord, on va distribuer, donc.
Le Président (M.
Picard) : Est-ce que ça va pour M. le député de Bourget?
M. Kotto :
Oui, merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Mme la ministre, c'est à vous.
Mme
Weil : Oui. Sur la question, parce qu'il y a un groupe qui l'a
proposé aussi ce matin, le rôle des médias... Et on n'a pas eu le temps de poser la question... je n'ai pas eu le temps
de poser la question, alors je ne voudrais pas manquer cette fois-ci. Alors, quel rôle les médias
pourraient jouer pour diffuser des représentations et des informations justes
sur l'immigration? Peut-être aller un peu plus là-dessus, expliquer
votre vision des choses. Moi, ce que je remarque, et je ne sais pas si vous le voyez : en région, je trouve intéressant, il
y a beaucoup de médias qui vont faire des reportages sur des succès. Ils
vont faire le profil très humain d'un organisme communautaire ou d'une famille,
etc., et ça me touche beaucoup quand je vois
ces reportages, mais je les vois beaucoup plus en région. Je ne sais pas si
vous avez remarqué. Ce n'est pas les
médias nationaux nécessairement qui le font. Alors, j'aimerais vous entendre
généralement sur cette question.
Mme Laouni (Samira) : Tout à fait. Nous savons toutes et tous que les médias sont dans un
timing très court, l'information, le... comment dirais-je, l'arrivée de
l'information, elle doit être à telle heure, et puis la tombée, etc. On comprend tout cet aspect-là de la chose, du
travail des journalistes, mais il y a certains journalistes qui s'en vont dans
le sensationnalisme. Et c'est ça que nous déplorons. Est-ce qu'ils y
vont par souci économique, ou par souci de cotes d'écoute, ou est-ce qu'ils y vont parce qu'ils n'ont pas de contact
interculturel, de contact à l'autre pour mieux le connaître? Comme vous le dites, Mme la ministre, comme vous
le soulignez, c'est surtout en région où il y a des reportages de la sorte, mais on ne peut pas dire que c'est
seulement dans les régions où il y a des réussites. Il y a bien des réussites
aussi à Montréal, aussi à Québec,
partout sur le Québec, il y a des réussites, comme il y a aussi des échecs, on
ne va pas se le cacher. Mais est-ce
qu'on souligne toutes ces réussites-là, petites ou grandes soient-elles? Non.
Ce n'est pas ce qu'on fait.
Et
il y a aussi, quand je parle de journalisme ou quand nous parlons, quand nous
discutons, dans notre organisme, du
journalisme, c'est surtout les amalgames qui se font. Il y a beaucoup aussi...
ça se joue beaucoup sur la sémantique, sur les terminologies, sur... Et
tout ça fait en sorte que ça n'aide pas à la... — comment on appelle
ça? — l'éducation
populaire. Parce que, si on veut jouer un rôle réel de leader pour un réel
vivre-ensemble, bien, ça y va par l'éducation populaire.
Et l'éducation populaire, son nom l'indique, elle est populaire. Et donc on ne
peut pas faire des classes, on ne peut
pas... Même le cours ECR, il existe, il est très bon. Il est bon pour les
enfants, c'est excellent, mais qu'est-ce qu'on aurait comme équivalent pour les adultes, pour les parents qui ne savent
pas... dont les enfants sont vraiment habitués à l'interculturalisme, à la diversité, au pluralisme? Mon copain, il est
blanc, il est noir, il est peut-être homosexuel, il ne l'est pas, il est religieux, il ne l'est pas. Mais,
les parents, comment est-ce qu'on peut les toucher par ces aspects-là si ce
n'est par les médias, si ce n'est par la
télévision? Et c'est là où moi, j'insiste personnellement, j'insiste sur ce
point-là que les médias ont un rôle extrêmement important à jouer dans
l'éducation populaire et qu'ils doivent prendre leurs responsabilités. Si jamais le vivre-ensemble échoue, bien, ils auront
une grande part de responsabilité de cet échec-là.
Mme
Weil : Je vous amènerais, parce que je pense que c'est un sujet
important, sur deux aspects : un, la représentation de la diversité chez nos médias — on dit souvent que le Québec a du retard à
cet égard par rapport au reste du
Canada, on ne voit pas le visage de la diversité, on n'entend pas les voix de
la diversité, ça, c'est une chose — et les écoles de journalisme, la formation pour avoir une meilleure connaissance, parce que c'est des enjeux
complexes. Est-ce qu'il y aurait lieu, j'ai déjà entendu ça aussi... Il faut dire qu'il
y a des écoles de journalisme, maintenant, avec beaucoup plus de diversité au sein même du corps étudiant.
Mais ce que j'entends beaucoup, c'est que, dans les sociétés occidentales,
à cause de ce défi de la transmission
d'informations exactes et recherchées et une bonne compréhension des enjeux,
parce que c'est des enjeux nouveaux
pour tout le monde... que les écoles de journalisme se penchent sur ces
questions-là. Je ne sais pas si vous avez une réflexion là-dessus.
Mme Laouni
(Samira) : Pour répondre
brièvement à cette question, c'est dans le sens où peut-être les élèves ne choisissent pas ces formations-là, justement,
n'y vont pas, dans les écoles de journalisme, sachant qu'ils ne pourront
pas être réellement représentatifs. Je
m'explique. Si on voit, par exemple, à la télé que... Radio-Canada, une
télévision publique, d'accord? Il n'y a pas de représentativité de la
diversité. Oui, il y a une Céline Galipeau, dont le nom n'est pas vraiment
canadien-français, tout ce qu'on veut, mais elle n'est pas vraiment
représentative de la diversité. Il y a Nadia
Zouaoui, qu'on a vue pour certains
reportages, mais qui n'est plus dans le champ journalistique. Il y a aussi
Akli Aït Abdallah, le nom, mais aussi qu'on
ne voit pas tout le temps, qu'on n'entend pas tout le temps. On ne l'a jamais
vu à la télé, de toute manière. On
l'entendait à la radio parce qu'il faisait des reportages dans les pays
arabo-musulmans, surtout. Mais c'est
ça que ça prendrait. Ça prendrait de la représentation aussi bien pour les
embaucher, mais, si on embauche le
premier et le deuxième, les autres générations qui s'en viennent vont être
encouragées d'aller pendre les cours. Mais, si on sait que c'est des études au bout desquelles on ne peut pas être embauché ou, même si on est embauché, on
va rester en arrière-ban, ça ne nous intéresse pas. Ça ne les
intéresserait pas. Donc, il faudrait peut-être penser à cet aspect-là.
Mme Weil :
Merci beaucoup. Je vais aller sur une question, vous l'avez évoquée, peut-être
parce qu'on va parler de barrière à la participation, essentiellement, parce
que l'objectif de cet exercice, c'est de nous amener avec des stratégies
pour une pleine participation, hein? C'est
la vision : pleine participation des Québécois de toutes origines. C'est
l'objectif. Alors, on voit qu'il y a
des obstacles, des barrières pour l'intégration professionnelle, on pourra y
revenir, mais vous avez évoqué la
deuxième génération. J'entends beaucoup ça, une préoccupation pour la deuxième
génération qui sont venus avec leurs
parents, parents très qualifiés, très compétents, avec une contribution
importante à la société, mais qui n'ont pas pu réaliser leurs rêves — la deuxième génération, je l'entends même
dans mes discussions avec ces jeunes, et ils sont tristes pour leurs parents, ils sont tristes — et qu'il faut se préoccuper. Est-ce que vous
avez... Et dans les écoles... j'aimerais vous amener sur les écoles, parce que vous avez parlé du rôle des
écoles. Je pense que c'est fondamental. Donc, peut-être sur cet enjeu, on en a parlé avec la Commission
des droits de la personne, qui priorise beaucoup les écoles aussi, donc
cette deuxième génération et le rôle des écoles.
• (14 h 30) •
Mme Laouni
(Samira) : Alors, la
deuxième génération, je vais en parler. Le côté de l'école, je vais le laisser
à ma collègue, Mme Provencher. Donc,
pour ce qui est de la deuxième génération, pour le vivre à tous les jours avec
des parents qui nous font part de
leur désarroi vis-à-vis à cette problématique-là... Parce que la plupart, comme
vous le savez, c'est des gens
diplômés qu'on a choisis, qu'on a sélectionnés du Québec, le Québec les a sélectionnés
pour les amener ici, puis, une fois
ici avec de grands diplômes d'ingénieur, de médecin, de pharmacien, de plein de
choses, enseignants universitaires, et j'en passe, se retrouvent sans
emploi.
Alors, ils
font tout pour diriger leurs enfants vers les études, mais, généralement, les
enfants, qu'est-ce qu'ils disent? La réponse qu'ils donnent à leurs
parents : Qu'est-ce que tu as fait, toi, avec ton diplôme? Tu as un
Ph. D., tu es médecin, tu es
pharmacien. Qu'est-ce que tu fais? Tu
es vendeur de pizza, livreur de
pizza, tu es chauffeur de taxi. Et ça, ça fait même... d'un
point de vue, même, je dirais, même culturel, en tout cas, pour les Arabes,
c'est très difficile quand le parent
reçoit... C'est comme une insulte, pour lui, de recevoir ça de son enfant, qui
lui dit : Qu'est-ce que tu as fait, toi, avec ton diplôme? Donc, il
y a ce clash-là, déjà, maintenant, intergénérationnel, qui se produit à cause de ça, à cause du fait du manque de travail, mais il y a
aussi le fait de la perte d'espoir. Il
n'y a plus d'espoir : de toute
manière, on n'arrivera à rien du
tout, donc ce n'est pas la peine de faire des études, il vaut mieux décrocher.
Et on sait très, très bien, tous et toutes ici, on sait très bien que ça commence par le décrochage, ça finit par
des choses très graves dans la vie d'un adolescent, je ne dirai pas ni jeune ni vieil adolescent, mais
d'un adolescent.
Donc, il
faudrait prendre tout ça en considération pour pouvoir réellement travailler
sur l'intégration par l'emploi, l'inclusion
par l'emploi pour donner l'exemple à la deuxième génération, mais en plus
travailler sur les entreprises pour qu'elles
ne continuent pas à discriminer juste sur la base du nom. Parce que, quand ce
n'est, politiquement, pas Bélanger et Tremblay,
bien, c'est Traoré, et puis c'est Laouni, et puis ça ne veut pas dire la même
chose. Et pourtant ils sont nés au Sacré-Coeur, ici, et puis ils
viennent de la même manière.
Pour l'école, je vais laisser...
Mme Weil :
Peut-être juste sur cette question,
parce que c'est en lien, puis ensuite on pourra parler des
écoles. Mais c'est que ces dernières
années, donc, on a vraiment implanté beaucoup de programmes intéressants, de mentorat, un programme
de projet de stage professionnel, meilleure reconnaissance par les ordres professionnels,
bon, meilleure intégration, le programme
PRIIME, une subvention salariale. Parmi ces stratégies, avez-vous une
opinion sur les meilleures de ces stratégies?
Et les résultats en 2013, c'est qu'il
y a quand même une baisse du taux
de chômage. Maintenant, on sait qu'il faut faire plus et mieux,
mais, parmi les stratégies, en avez-vous que vous privilégiez?
Mme Laouni (Samira) : Certainement. On en a parlé dans notre mémoire,
d'ailleurs, du programme PRIIME, et
on a dit qu'il fallait l'étendre un
petit peu. Parce qu'il
y aurait un obstacle à ce niveau-là, pour ce programme-là très spécifiquement, c'est qu'il est accessible par les personnes qui viennent ici de zéro
à cinq ans. Donc, une fois cinq années dépassées, la personne ne peut
plus y accéder, au programme. Et des fois les cinq premières années, c'est
juste pour vraiment se stabiliser, se trouver un réseau social,
pouvoir déposer son enfant chez la voisine ou chez une amie. Et donc tout ça est à prendre en compte. Donc, il faudrait
peut-être l'étendre à plus de cinq ans d'accessibilité pour
qu'il devienne plus accessible, en fait.
Et
puis aussi les stages... on avait dit que, pour les stages, il faut absolument
que ce soient des stages dans le domaine professionnel
pour que ça aide la personne à non seulement acquérir l'expérience tellement nécessaire
au Québec, l'expérience canadienne
québécoise, mais en
même temps d'acquérir l'expérience
dans son domaine d'activité, et comme ça la rétention serait encore meilleure. Parce que, vous le savez, vous
avez des chiffres, la rétention n'est pas vraiment, vraiment
bonne dans les stages qui n'ont pas de rapport avec la profession.
Mme Weil :
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Picard) : Mme Provencher, il reste une minute.
Mme Provencher (Marie-Andrée) : Alors, Marie-Andrée Provencher, je travaille en
francisation d'adultes. Mes étudiants
ne sont pas les enfants, ils sont les parents des enfants. D'accord?
Bon. Et moi, je trouve que, surtout dans la grande région de Montréal, bien
sûr, on n'utilise pas assez l'école
comme lieu interculturel. Il est naturel. Les enfants, entre eux, oui, ils sont amis, et ça fonctionne
bien, normalement, etc., mais c'est le lieu par excellence où
attirer... que la deuxième génération
attire la première, c'est-à-dire leurs parents. Et je trouve que, à toute mon
expérience, il manque des caractéristiques
pour... Bon, on va dire : Les portes de l'école sont ouvertes. Oui, bien,
elles sont ouvertes. Ce n'est pas suffisant
pour des nouveaux arrivants des minorités ethnoculturelles plus spécifiquement pour... Vous savez, ça prend un
certain courage, hein, pour se présenter à l'école, pour offrir des services
d'accompagnement aux enfants pour les sorties ou rencontrer les
enseignants en dehors de la grande rencontre, souvent unique, de l'année.
Le
Président (M. Picard) :
Mme Provencher, s'il vous plaît, le temps est écoulé, mais vous auriez pu prendre
quelques secondes pour terminer aussi, là,
mais... C'est beau? Malheureusement, je dois céder la parole... Malheureusement, je vous coupe la parole. Ce n'est pas malheureusement pour vous, M. le député de Bourget, là, mais allez-y pour
10 min 30 s.
M.
Kotto : O.K.
Non, mais je vais être, comment dire,
généreux en proposant à madame de terminer sa phrase.
Mme Provencher (Marie-Andrée) : Merci. Alors, je pense que, par exemple, ce serait par là qu'il pourrait y avoir, par des jumelages linguistiques entre parents, d'accord,
le pivot étant l'école, d'accord, le moyen d'avoir réellement une adaptation interculturelle dans les deux
directions, c'est-à-dire le parent nouvel arrivant qui parle la langue que
l'autre veut apprendre, vice et versa, avec... bon, alors que, grâce à
l'école, il y ait des contacts et naturels et organisés entre les parents de toutes les origines, et c'est
essentiel que, dans l'école, la diversité, toutes les diversités soient
présentes et visibles et que les
enfants de toutes les origines, de la majorité, d'abord, bien entendu, mais
des différentes minorités se sentent
reconnus comme tels. Bien sûr que les enfants, ils sont à l'école pour devenir
des Québécois, des Québécois qui vont
fonctionner dans notre société, mais il faut qu'ils se sentent acceptés dans
toutes leurs dimensions et pas seulement
en tant qu'élèves.
Alors, merci,
monsieur, de m'avoir donné la chance de terminer.
M.
Kotto : Je vous en
prie. Mme Provencher, Mme Alaoui, soyez les bienvenues. Je voudrais, M. le Président, juste remercier la ministre
de nous communiquer la liste des personnes qui ont été consultées préalablement
à l'élaboration du dossier en question ici aujourd'hui. Mais je voudrais néanmoins savoir si c'est vous qui avez sollicité — parce que vous êtes sur la
liste — manifesté
l'intérêt à être consultées relativement à cet enjeu-là.
Mme Laouni
(Samira) : Mais bien entendu.
M. Kotto :
Oui? O.K. Parfait. Alors, je voudrais revenir sur la question de... enfin, le
sujet que Mme Alaoui évoquait tout à l'heure relativement au nom. C'est venu me chercher quand vous
disiez : Mon enfant va porter mon nom, et l'enfant de son enfant, etc., ça suivra. Ça
m'amène sur un terrain de réflexion qui m'a occupé quelquefois ces derniers temps. Quel est
le poids de notre propre héritage en tant que, disons, nouveau... puisque
moi, je ne suis pas né ici, mais mes
enfants, une partie d'entre eux sont nés ici, quel est le poids de notre
héritage culturel initial que nous devons poser sur ces enfants-là, qui, eux, sont nés dans un nouvel environnement qui n'a rien à voir avec notre propre environnement de naissance?
Mme Laouni (Samira) : La question est très profonde, M. Maka Kotto, mais je vais essayer
d'y répondre très brièvement. D'abord, même s'ils sont dans un environnement nouveau par rapport au nôtre, on ne peut pas leur changer de nom, ils doivent garder... En tout cas, il y en a qui changent de nom. Personnellement, je ne suis pas, mais chacun est libre de faire ce qu'il veut.
Maintenant,
quel est le poids qu'on leur donne ou qu'on leur impose? Je ne pense pas qu'on
leur impose de poids, je ne le pense
pas. On leur impose une éducation, c'est sûr, jusqu'à un certain âge, comme
tout parent de toute culture, de
toute origine, de toute orientation religieuse, non religieuse, sexuelle, pas sexuelle. En tout cas, n'importe quel être humain, il essaie d'éduquer ses enfants, de leur
apporter ses connaissances à lui, bien entendu en fonction de ce que lui, il a porté aussi. Mais on le voit très, très bien...
M. Kotto : ...dans un environnement
spécifique.
• (14 h 40) •
Mme Laouni (Samira) : Oui, je suis tout
à fait d'accord.
M. Kotto : Parce
que, là où je veux aller, et j'irai
un peu plus loin dans la confidence, cette discussion, je l'ai eue avec ma fille aînée et qui me posait la question
de savoir si, en allant vivre au Cameroun, par exemple, elle serait
acceptée. Je lui ai dit : Ça va
être difficile. Il faudrait qu'elle s'intègre, parce que les codes culturels
qu'elle véhicule sont les codes d'ici
et qui ne sont pas validés là-bas. Et donc il y a, dans l'hypothèse où
elle rejette son patrimoine, le patrimoine qui l'habite relativement à l'espace, au domaine dans lequel elle a vu le
jour, si elle ne l'assume pas, elle est partiellement... elle n'est pas entière, disons, c'est ce que je
lui disais, elle n'est pas entière. Pour qu'elle soit entière, il faut qu'elle
soit en phase avec l'environnement dans lequel elle fonctionne.
Mais, de la
perspective de certaines personnes qui, comme certains parents, hein, sont
arrivés et qui ont fait des enfants
ici, c'est mal vu que de ne pas transmettre une part de cet héritage issu dans
notre territoire, en l'occurrence le Cameroun, par
exemple, c'est souvent mal vu. Sauf
qu'en le faisant on handicape l'enfant quelque
part. On en fait une personne partielle à la fois ici et là où elle
irait peut-être passer des vacances à un moment donné, c'est-à-dire dans le pays d'origine de ses propres
parents.
Mme Laouni
(Samira) : Mais je pense que
nos façons de voir sont complètement opposées, M. Maka Kotto, je suis désolée, parce que vous, vous voyez le
verre à moitié vide, moi, je le vois à moitié plein, et donc je suis très
optimiste par rapport à ça et je suis très positive. Au contraire, moi,
je dis qu'aux enfants à qui on donne plus accès à plusieurs choses à la fois, il n'a que la richesse du choix
et la richesse de la diversité. Au contraire, moi, je trouve que mes enfants
sont très chanceux d'avoir aussi bien la
culture marocaine en tant que culture, et là ça n'a rien à voir avec la
religion, parce que je suis
très, très minutieuse là-dessus, la culture...
M. Kotto : Mais dans une
approche théorique, elle n'est pas incarnée dans un vécu.
Mme Laouni (Samira) : Pardon?
M. Kotto : Dans une approche théorique, parce que
l'enfant n'est pas dans un environnement concret, tangible pour vivre cet
héritage-là.
Mme Laouni
(Samira) : Oui, mais il
voyage, il voyage et il peut accéder à cette culture-là. Et justement c'est
pour qu'il se sente... Et, au contraire,
moi, je trouve qu'il se sent très épanoui d'avoir et à la fois la culture des
parents et à la fois leur culture de
leur pays où ils sont nés. Donc, moi, je le vois plutôt une richesse qu'un
handicap pour les enfants.
M. Kotto : Je n'ai pas parlé de handicap. Je pourrais taxer
l'enfant d'être un enfant hybride, quelque
part, et qui ne se reconnaîtrait ni dans son pays de naissance, en
l'occurrence le Québec, ni dans le pays de naissance de ses parents, en
l'occurrence le Cameroun ou le Maroc.
Mme Laouni (Samira) : Tu aimerais
répondre?
Mme
Provencher (Marie-Andrée) :
Oui, j'aurais quelque chose, moi, à dire là-dessus, même si je n'ai pas les
mêmes... O.K.? Bon, moi, je pense que
la famille transmet des valeurs, transmet une culture, mais l'enfant qui vit au
Québec, il acquiert les codes
sociaux de communication du Québec, puis, s'il va au Cameroun, bien, pourquoi il
n'apprendrait pas rapidement les codes sociaux de mise au Cameroun?
M. Kotto : C'est plus complexe que cela parce que...
pour l'avoir vécu moi-même parce que j'ai quitté le Cameroun à l'âge de
17 ans pour continuer mes études universitaires en France, j'avais du mal
à être accepté. Je ne dirai pas les qualificatifs
qu'on m'affublait. J'avais du mal à être accepté parce que je n'étais plus
l'enfant du lieu, voyez-vous? Il y a là un
rejet, je le sentais viscéralement. Et c'est la raison pour laquelle je
posais... Ce n'était pas pour juger ou entrer en conflit avec d'autres
choix, c'est parce que je l'ai vécu.
Alors, quand
on est, disons, pointé, stigmatisé dans deux espaces parce qu'on n'est pas entièrement une entité du lieu, il y a quelque
chose qui vient nous chercher
profondément et qui peut nous conduire à des désespoirs quand on n'est
pas solide.
Mme Laouni
(Samira) : Je pense que
nous, en tant que parents, nous qui arrivons d'ailleurs, je pense que c'est
nous qui sommes ce trait d'union là et qui,
souffrant de cette comme double culture ou double, je dirais, identité, c'est
plus nous que nos enfants... parce que, nos
enfants, je pense qu'ils sont très... en
tout cas, ils prouvent leur identité,
au contraire, et ils sont fiers d'être ce qu'ils
sont, peut-être à la fois avec un bagage culturel d'ailleurs, mais tout en
étant identitairement complètement Québécois francophones.
Donc,
je pense que, là, c'est une richesse extraordinaire que nous avons, une chance inouïe que nous avons
au Québec, et c'est nous qui, les
parents... je sais, comme je le dis toujours, moi, je dis : Nous sommes la génération
sacrifiée, en ce sens où c'est nous
qui ne trouvons pas de travail, c'est nous qui faisons le déménagement, c'est
nous qui subissons toutes les choses et...
Le
Président (M. Picard) :
Mme Laouni, merci. Je dois maintenant céder la parole à M. le député de Borduas pour une période de sept minutes.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Laouni, bonjour, Mme
Provencher. Je vais vous référer à votre mémoire, à la page 4, au
niveau des compétences linguistiques. Vous mentionnez, au départ, qu'on devrait
peut-être envisager d'allouer une allocation de survie dès le départ pour avoir
des cours de francisation dès l'arrivée des nouveaux arrivants pour qu'il
n'y ait pas de délai d'attente entre le moment où la personne arrive au Québec
et le moment où elle peut suivre son cours.
Parce qu'on sait que la façon que le ministère fonctionne, bien, ça prend un
certificat d'accréditation,
d'acceptation à la poursuite d'un cours de français qui peut être délivré
dans les 20 jours ouvrables. Et, par
la suite, à partir du moment où le ministère
de l'Immigration accorde ce
certificat d'acceptation là, bien, la norme que le ministère s'est
fixée, c'est 60 jours ouvrables pour offrir des cours de français.
Donc, lorsqu'on parle
de 60 jours ouvrables, on se rend bien... si on utilise la limite, on peut
se ramasser à 90 jours, en termes... trois mois. Donc, pour quelqu'un qui
arrive au Québec, qui n'a pas la connaissance de la langue française,
il se retrouve dans une situation où, pendant trois mois, il vit au Québec,
mais il n'a pas de possibilité d'accéder à un cours de langue
française, et, par le fait même, bien, à réussir à se
trouver un emploi rapidement, à intégrer la société québécoise.
Dans
certains paramètres, dans certaines régions, on réussit plus rapidement à
offrir ce cours-là, c'est la limite maximale
pour l'offre du cours de français. Et je voulais savoir : De quelle façon
voyez-vous la proposition que vous faites sur l'allocation de survie? Parce qu'actuellement il y a
déjà une allocation qui est versée aux gens qui suivent un cours de français
à temps plein.
Mme Laouni
(Samira) : Je laisserais Mme Provencher parce que c'est sa
spécialité.
Mme Provencher (Marie-Andrée) : Je travaille là-dedans. Bon. D'abord, à mon
expérience — peut-être que ce n'est pas fondé de
façon générale — il
arrive que des gens attendent beaucoup plus longtemps que le trois mois pour réellement intégrer un cours. Est-ce parce qu'ils
préfèrent tel cours plutôt que tel autre, qu'il soit à proximité de la... Je
ne sais pas pourquoi, mais, de mes étudiants
que je connais, ça a pris beaucoup plus de temps que ça. Et c'est pour ça qu'on
dit, nous : Le plus vite possible.
Bien, le plus vite possible, trois mois, c'est raisonnable comme maximum,
d'accord? Bon.
C'est
que, quand ils arrivent, ils sont désireux de s'adapter. En même temps, ils ont
besoin de manger, en général. Alors,
d'une part, s'ils trouvent un petit boulot gagne-pain en attendant d'obtenir
l'accès au cours, au cours où ils auront une allocation, d'accord, bon, eh bien, on échappe des nouveaux arrivants,
comme ça, qui ne se franciseront pas, malheureusement.
M.
Jolin-Barrette : ...travail en raison du fait qu'ils n'ont pas avoir
accédé assez rapidement à un cours? Est-ce que...
• (14 h 50) •
Mme Provencher (Marie-Andrée) : Parce qu'ils n'auront pas eu accès au cours
pendant la période de sensibilité, pendant la période où ils sont très,
très disposés à faire un grand, grand effort d'adaptation.
Tout le monde connaît les différentes étapes pour la majorité des nouveaux arrivants.
Ils arrivent... bon, il y a une période
comme d'euphorie — en tout cas, moi, je l'appelle comme ça — à
l'arrivée, ils vivent une aventure, ils sont prêts à tout prendre, ils
sont pleins de... bon...
Une voix :
...
Mme Provencher (Marie-Andrée) : Oui, oui, oui. Bon, suit une période de
désenchantement, généralement, une période de deuil, alors il faut que
le français arrive pendant qu'ils sont pleins de pep.
M.
Jolin-Barrette : Le plus rapidement possible. Ça m'amène à la page
suivante de votre mémoire. Vous indiquez
que, dans certaines circonstances, par exemple, l'épreuve uniforme de français
au niveau du D.E.C. ne devrait pas
être requise pour certaines professions. Donc, vous faites le lien entre un
français... On devrait exiger un français de la vie courante ou un français, si je peux le dire ainsi, pratique pour
occuper un emploi et ne pas avoir la même standardisation.
Mme Provencher (Marie-Andrée) : Je vais bien expliquer ça. Je donne cet
exemple-là, mais ce n'est pas le seul, mais
c'est celui que je peux le mieux documenter. Alors, il existe, dans
quelques-uns des cégeps, un cours accéléré en soins infirmiers. Quand ce cours fut mis sur pied au départ, c'étaient
généralement des gens qui avaient déjà un diplôme de cégep, qui avaient
déjà, donc, réussi la fameuse épreuve uniforme de français et qui, bon,
voulaient se trouver un gagne-pain rapidement ou changer d'orientation. On voit
beaucoup de jeunes, au cégep, changer d'orientation, O.K.?
Mais, depuis
quelques années, une grande partie des étudiants qui s'adressent pour recevoir
ce cours... Le cours accéléré en soins infirmiers, c'est deux ans au
lieu de trois ans. Une bonne partie des nouveaux arrivants qui désirent suivre ce cours, ce sont
des adultes, parfois — parfois, parfois, là, comme exemple et pas
comme généralisation — qui sont déjà des
médecins ou qui... une profession dans ces domaines-là. Ils ont eu une
formation générale dans une autre langue.
Donc, la
formation littéraire dont un être humain bénéficie pour devenir ce qu'on
appelait autrefois un honnête homme,
ils l'ont eue dans une langue. Alors, au cégep, on devrait exiger d'eux d'abord
un examen d'entrée pour s'assurer qu'ils
maîtrisent le français à l'oral, à l'écrit pour et bien profiter du cours,
réussir le cours, et être capables de pratiquer cette profession-là ensuite. Et qu'on exige un cours de sortie, si je
peux dire... un examen, plutôt, de sortie, de français un peu plus élevé, mais pour les mêmes buts,
c'est-à-dire qu'ils pratiquent leur profession de façon absolument impeccable
en français, c'est absolument nécessaire.
Mais l'épreuve uniforme de français, c'est une dissertation de 900 mots,
où, très souvent, on leur demande de comparer deux textes littéraires en
français, qu'il soit du français du Québec, ou d'un autre pays, ou même
une traduction en français.
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme Provencher. Je tiens à
vous remercier pour vos... Oui, Mme Provencher?
Mme
Provencher (Marie-Andrée) :
C'est impossible à réussir, cette épreuve uniforme de français, si on n'a
pas suivi les cours.
Le
Président (M. Picard) : O.K. Je vous remercie pour votre
présentation. Je vais suspendre quelques minutes pour permettre à la
Dre Cécile Rousseau de prendre place.
(Suspension de la séance à 14
h 54)
(Reprise à 14 h 55)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons. Donc, nous accueillons la Dre Cécile Rousseau. Vous
disposez de 10 minutes, veuillez présenter les personnes qui vous
accompagnent. Merci.
Mme Cécile Rousseau
Mme
Rousseau (Cécile) : Très bien.
Donc, je suis accompagnée de Spyridoula Xenocostas et de Ghayda Hassan, qui est, donc, professeure en psychologie à l'Université du Québec à Montréal. Nous
représentons, ensemble, un regroupement de recherche appelé Sherpa, qui est le centre de recherche du CSSS de la
Montagne, dont le créneau est la diversité et la pluriethnicité. Ce centre de recherche regroupe 43 chercheurs de
presque toutes les universités au Québec, et nous travaillons sur cette
question, qui est bien représentée dans la politique.
Alors,
aujourd'hui, nous voulions d'abord saluer l'apport de cette politique. Je pense
que l'esprit de la politique représente
un texte qui est nécessaire dans ce moment. Donc, le fait, pour nous, de la
mention de l'inclusion... alors, j'avais présenté un PowerPoint, mais ça fait partie de la culture universitaire,
qui n'est pas exactement la culture parlementaire, je m'en excuse, mais
on pourra le rendre disponible après.
Donc, mettre
l'accent sur l'inclusion nous paraît bienvenu, c'est aussi, malheureusement,
nécessaire. Et je pense que, si on
compare à la politique précédente, le contexte local et international n'était
pas le même. C'est une prise de position qui souligne une volonté de mieux comprendre les enjeux et de réunir
tous les acteurs dans le développement et l'évaluation de solutions, un long travail. Donc, nous pensons
que ce qui se noue autour de cette politique est le début d'une conversation,
mais que les travaux qui vont la suivre vont
être le coeur de l'action et le coeur des liens sociaux dans notre société dans
les prochaines années, une politique qui se situe en continuité aussi avec les
valeurs de démocratie, d'équité et de respect des droits humains que
notre société québécoise a toujours mis de l'avant.
Alors, nous allons vous adresser très rapidement
à trois points de la politique : les défis du vivre-ensemble, la question
de la formation interculturelle et, si nous avons le temps, la question de
l'accueil des réfugiés.
D'abord,
donc, le vivre-ensemble. Comment peut-on, en ce moment, relever le défi de la
complexité? Alors, je pense que, si
on regarde les débats qui traversent notre espace social, il y a urgence de
clarifier et de distinguer les concepts que nous utilisons. Pour ne citer que les concepts de l'ordre du
politique, laïcité, relation majorité-minorité, radicalisation et
radicalisation violente doivent être distinguées.
Comme le fait
remarquer le Pew Institute, dans les six dernières années, partout dans le
monde, l'hostilité sociale autour de la religion, mais aussi autour des
relations nationales et ethniques est en augmentation. Actuellement, la radicalisation xénophobique... Et, si vous avez
regardé ce matin dans le New York Times, un très bel article
montrait — c'est
très inquiétant — la montée d'une radicalisation xénophobique
en Europe, à plusieurs endroits. Donc, la radicalisation xénophobique monte et apparaît en contrepartie des
radicalisations nationales ethniques ou religieuses. Donc, la radicalisation
est un problème.
Maintenant,
ne pas distinguer radicalisation et radicalisation violente est dangereux.
Rappelez-vous — pour
ceux qui ont des cheveux blancs — comment le Québec a souffert de l'amalgame
entre radicalisation violente au moment des événements d'octobre 70
et la montée d'un mouvement nationaliste qui était nécessaire et qui répondait
à un vécu d'humiliation et d'oppression du
peuple québécois. Donc, je pense que repenser comment nous avons souffert de
ces amalgames est important au moment
où il faut distinguer, dans notre espace public, ces concepts de façon à ne pas
blesser des pans entiers de notre société.
• (15 heures) •
Alors,
quels sont les liens? Et je pense que nous n'aurons pas le temps d'en parler
cet après-midi, mais quels sont les
liens — Ghayda
Hassan travaille avec moi avec tout un regroupement de chercheurs — qui existent entre exclusion,
aliénation, radicalisation et radicalisation violente au sein et de la majorité
et des minorités? Ce sont des questions difficiles,
on va pouvoir en discuter avec vous, mais je pense que c'est des questions
absolument cruciales de ne pas céder à
la panique et de penser ces concepts-là. Comment pouvons-nous réfléchir? Il ne
faut pas uniquement les penser, il faut agir.
Alors, agir
de façon systémique, et je mentionnerais trois points dans ce domaine-là :
susciter une réflexion éthique autour
des débats dans l'espace public et médiatique. Je donnerais un exemple... Bon,
je suis psychiatre, donc dans le champ de
la santé et santé mentale, vous savez qu'on a arrêté de médiatiser les
événements suicide dans les médias. Pourquoi? Parce que le suicide, c'est terriblement contagieux, hein? Est-ce que ça
veut dire qu'on censure le discours sur le suicide? Non. On parle de suicide, il est important d'en
parler, mais pas n'importe quand, pas n'importe comment, parce que c'est
dangereux de le faire. La même chose au
moment des épidémies comme H1N1. Donc, il faut que nous ayons, communément,
politiciens, chercheurs, universitaires et
médias, une éthique de ce qui va dans l'espace public et médiatique. En ce
moment, si quelqu'un est en train de
gagner la bataille médiatique, c'est le groupe État islamique. Ne leur laissons
pas ce privilège. Nous devons adopter
des stratégies médiatiques non seulement dans les médias officiels, mais dans
les médias sociaux, qui sont
absolument essentiels pour gagner cette bataille-là. Donc, vous voyez cette importance,
mais, pour ça, nous devons nous
concerter, nous devons nous concerter, nous devons avoir un plan, pas un plan
de désinformation. La population doit être informée, mais attention!
pensons aux instances où la panique est mauvaise conseillère.
Deuxième
point — on
n'aura pas le temps d'en parler beaucoup : diminuer l'exclusion, renforcer
les solidarités, réduire évidemment
la discrimination structurelle, ce que d'autres personnes de notre regroupement
viendront vous dire dans les
prochains jours. Se concerter aussi, alors, avec des instances cliniques et
d'intervention pour soutenir les personnes, familles et communautés qui se trouvent en situation beaucoup plus
vulnérable, soit à cause de la discrimination, soit à cause de la radicalisation en ce moment. La
police, les centres jeunesse, on est en train de constituer des groupes de
soutien et de conseil pour s'adresser
à cette question-là, mais il faut penser que ça ne remplace pas un travail de
prévention dans l'espace public.
L'adaptation
des institutions à la diversité, Spyridoula s'y connaît beaucoup, c'est
toute la question de la formation. Si
nous voulons relever le défi qui est contenu dans la politique, il faut
effectivement une formation intersectorielle aux enjeux de la diversité. Des modèles existent; l'Institut national de
santé publique du Québec vient de faire une revue de tous ces modèles, des modèles de formation
générale et spécifique. Il faut les évaluer et les généraliser. C'est-à-dire
que, si notre société veut relever le
défi de la diversité, il faut que, nous tous, nous ayons un certain nombre
d'outils et de capacités de penser
ces questions-là et de capacités de penser notre position par rapport à cette
diversité de façon à ce que ça se passe le mieux possible.
J'aurai le
temps, quand même, d'aborder la question des réfugiés et des politiques
d'immigration. Alors, même si un
certain nombre de choses ne sont pas du ressort provincial, le Québec a joué...
dans les dernières années, avec un resserrement
des politiques fédérales par rapport aux réfugiés et une tendance à associer
réfugié et criminalité, réfugié et
terrorisme, le Québec a joué un rôle qu'il faut souligner, un rôle d'avant-plan
qui a mis de l'avant nos valeurs. Le Québec, rappelons-le, a été la première... de loin la première province
canadienne à dire au niveau fédéral : Nous ne couperons pas les soins de santé aux réfugiés, nous allons
maintenir ces soins de santé. Le Québec a également donné un accès à
l'éducation pour des enfants à statut précaire. Bon, je pourrais multiplier les
exemples.
Ce que nous
tenons à vous dire, c'est que, même dans des domaines qui sont de juridiction
fédérale, le Québec a un rôle-phare,
un rôle clé pour faire valoir ces valeurs-là auprès du fédéral et pour que nos
politiques canadiennes et fédérales
reflètent le type de société, le type d'humanité que nous voulons proposer, et
aussi pour s'adresser aux perceptions plus
négatives face aux migrants à statut précaire, et en particulier à la
séparation entre l'éducation, la santé, la police et l'immigration.
Donc, c'était
peut-être pour souligner... Et je pense qu'il y a un certain nombre de choses,
de pratiques au niveau des pratiques
auprès des réfugiés qui sont
prometteuses et dans lesquelles nous sommes particulièrement investis et
que le Québec ait un rôle, donc, gouvernemental de représentation à ce
niveau-là.
Pour terminer
avec un dernier point : le soutien à la recherche — alors, on va prêcher pour notre paroisse.
Mais je pense que c'est important de
promouvoir la prise en compte de la diversité de la population du Québec. Comme
les instituts de recherche en santé
du Canada disent : Il faut toujours tenir compte du genre, hein? Je pense
qu'il faut toujours tenir compte de
la diversité de notre population dans nos recherches et proposer des actions
concertées sur des thématiques ciblées de façon à mieux comprendre ce
qui se passe en ce moment dans notre société. Je vous remercie.
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme Rousseau. Je cède maintenant
la parole à Mme la ministre pour une période de
17 min 30 s.
Mme Weil :
Oui. Alors, bonjour, Dre Rousseau. Et je n'ai pas le nom de vos deux collègues
avec moi, mais, en tout cas, merci.
Merci beaucoup de votre participation. Vous avez un point de vue, mais vous
avez surtout une expérience professionnelle
tout à fait unique, très au coeur de Montréal et la réalité de diversité à
Montréal, mais d'un point de vue du vécu, peut-être, de certains
traumatismes, beaucoup de traumatismes surtout.
Je vais
peut-être commencer avec les réfugiés parce qu'on n'a pas beaucoup l'occasion
de parler des réfugiés. Je vous remercie d'avoir souligné ce que vous
avez souligné, parce qu'à l'époque c'était moi qui étais ministre de l'Immigration et il y avait Yves Bolduc comme
ministre de la Santé, on voyait ce dossier monter, de coupures qui s'annonçaient pour le programme PFSI, hein, le
programme... et j'étais en lien évidemment avec beaucoup de médecins qui étaient très préoccupés. Et, c'est vrai, le
Québec a joué un rôle, et il n'y a jamais eu de questionnement, au niveau du
gouvernement, à cet
égard. Le gouvernement avait dit à l'époque : Non, pas question de laisser
ces familles, ces enfants seuls sans
l'appui qu'on puisse leur donner. Et j'ai appris par la suite que d'autres
provinces ont emboîté le pas essentiellement.
Alors, j'ai commencé
cette année, parce que je voulais vraiment mettre en relief... On ne parle pas
beaucoup d'immigration... des réfugiés
humanitaires, mais je pense que le Québec et les Québécois sont fiers de ce
qu'on fait en matière d'immigration
humanitaire. Alors, on a annoncé, vous l'avez peut-être vu, on a remercié les
groupes de parrainage humanitaire
pour les réfugiés syriens, et on va être capables d'augmenter le nombre de
Syriens. Et d'ailleurs le Canada et le gouvernement
fédéral nous remercient, mais le Haut-commissaire des Nations unies nous
remercie aussi, parce qu'il dit :
Vous allez être un des endroits où... proportionnellement, qui va recevoir le
plus de réfugiés syriens. Donc, je vous remercie pour ça.
Et
j'aimerais quand même, peut-être parce qu'on a, comme je vous dis, peu
d'experts qui peuvent nous en parler... parce que c'est une obligation, mais un mandat que nous avons... c'est
l'accueil, l'intégration des personnes réfugiées au niveau de la langue, et tout le reste. Il y a des problèmes de
santé : on apprend que les problèmes de santé sont plus aigus à cause des traumatismes. J'aimerais vous
entendre là-dessus. Et comment est-ce que... Comment vous jugez un peu le travail qu'il reste à faire pour une meilleure
intégration, un meilleur accompagnement, par rapport aux réfugiés, pour
qu'ils puissent aussi participer pleinement au développement économique et
social et culturel du Québec?
• (15 h 10) •
Mme Rousseau (Cécile) : Peut-être souligner... Et Ghayda Hassan, donc,
Université du Québec, voudra peut-être ajouter
un mot là-dessus. Ghayda a été chargée par le Haut Commissariat aux
réfugiés — donc, au
niveau inter-national — d'élaborer un document sur la question de la
santé mentale des réfugiés syriens. Et Ghayda est personnellement impliquée,
donc, dans un consortium qui donne des soins directement aux réfugiés en Syrie
et ici. Or, je pense que la question que
vous soulevez au niveau des traumatismes et de la santé des réfugiés est
importante parce qu'on peut faire une différence.
Alors, on peut toujours faire une différence en
santé mentale, mais je dirais que tous les désordres associés au stress et les traumatismes, particulièrement chez les
personnes jeunes et chez les enfants, sont parmi les désordres pour lesquels on
peut espérer un très bon pronostic. Alors, ça, c'est toujours important, parce
que, vous savez, au-delà de l'humanitaire, une société tient toujours à avoir des gens qui s'adaptent le mieux
possible. Et, quand on intervient précocement, encore une fois de façon concertée, entre la santé des
écoles, avec lesquelles il faut beaucoup travailler quand il s'agit d'enfants,
et la capacité d'une insertion au travail, les résultats sont
habituellement excellents, c'est-à-dire qu'on a quand
même une très, très belle
évolution.
On
se retrouve dans des dilemmes, parce
que vous savez que nos services de
santé sont en soi débordés et donc toute
la question — et
c'est souvent quelque chose qui arrive comme question — surgit au niveau de l'équité, de dire :
Est-ce qu'il faut faire des services spécialisés pour les réfugiés ou pour ces
gens-là? Et notre position, je dirais, comme CSSS, c'est plutôt de dire : Au-delà de l'accueil qui est bien
fait, il faut mieux équiper nos services de santé en général, et je
pense que ça peut se faire et ça peut se faire très bien.
Un certain nombre de
réfugiés se retrouvent en région, à Saint-Jérôme, à Joliette, à Gatineau, à Sherbrooke
éventuellement, il s'agit donc de transférer les expertises et l'expertise en santé
mentale dans ces régions, de façon à ce que ces gens-là acceptent d'accueillir et de soigner sans paniquer des situations
qui leur sont très... non familières, et je pense que ça, ça marche
bien.
Je ne sais pas si tu
veux rajouter quelque chose sur les réfugiés syriens.
Mme
Hassan (Ghayda) : Je
pourrais rajouter, mais, au fait, je pense qu'il y a aussi, en plus des soins
en santé mentale, fournir un soutien à l'intégration, je pense aussi
qu'il y a toute une question de sensibilisation par rapport à l'impact des enjeux des rapports internationaux et intercommunautaires. Donc, c'est
des personnes qui arrivent de situations conflictuelles. Le rapport du
Haut Commissariat est en production, il sera disponible. C'est un rapport qui
est public, donc je pourrais également vous
le rendre disponible lorsqu'il sera sorti. C'est un rapport qui explique
vraiment en détail tout le contexte
syrien, le contexte conflictuel, le contexte de phénomène de refuge, de
déplacement, les impacts sur la santé
mentale, et les pistes possibles d'intervention. On pourra peut-être en parler
si jamais on reparle de la question de la radicalisation, mais je pense
qu'il y a aussi une sensibilisation importante qui doit se faire sur l'enjeu
des relations intercommunautaires et
l'impact des conflits internationaux, leur impact, l'impact sur les familles
que nous accueillons.
Mme Weil :
...
Le
Président (M. Picard) : Excusez, Mme la ministre. Mme Hassan,
votre rapport, lorsqu'il sera prêt, pourriez-vous le transmettre à la
commission, pour qu'on puisse le transmettre à tous les membres de la
commission?
Mme Hassan
(Ghayda) : Absolument! Tout à fait.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Mme la ministre.
Mme Weil :
Oui. Alors, vous avez parlé de la prise en compte des inquiétudes exprimées par
une partie de la population à l'égard de la diversité, des préoccupations des
personnes immigrantes et que ça nécessite un dialogue constructif et ouvert.
Selon vous, quels sont les rôles des divers acteurs dans ce dialogue?
Mme
Rousseau (Cécile) : Alors,
ce qui nous paraît important, c'est de voir que, face au phénomène de
mondialisation qui provoque des
tensions intercommunautaires importantes au Québec mais aussi ailleurs, pour
l'instant, personne n'a de solution magique, et c'est pour ça que j'insiste tellement sur une
concertation intersectorielle, mais aussi de tous les secteurs de la
société, hein? Nous faisons face à des défis qui n'ont pas existé dans les
dernières décades. Les phénomènes de polarisation actuels sont difficiles à
contrecarrer, ils sont délicats.
Maintenant,
il existe, au sein de la société québécoise, de très beaux exemples de belles
pratiques. Donc, je pense qu'il faut arrêter de penser que l'Europe, les
États-Unis ou ailleurs ont une solution magique. Nous avons fait, nous continuons à faire une revue des meilleures
pratiques ailleurs; les résultats ne sont pas convaincants. Donc, ce que ça
nous invite, la société québécoise a
des acquis en termes de relations intercommunautaires, il y a des choses dont
nous pouvons être fiers; ça ne veut
pas dire qu'il faut s'endormir sur ses lauriers. Je pense que nous pouvons
regarder dans nos institutions, quelles sont nos institutions, nos
villages, nos quartiers, les réseaux familiaux, quels sont les endroits où ça
va bien et pourquoi ça va bien et évaluer
ces interventions-là. Évidemment, il faut aussi s'inspirer de l'international
et des expériences de succès à
l'international, mais il ne faut pas minimiser nos acquis, il faut évaluer ça
pour pouvoir le disséminer. Donc, il ne
faut pas trouver les bonnes pratiques
uniquement pour se dire : Finalement, nous sommes très bons. Nous sommes
très bons, mais nous sommes aussi,
comme le reste du monde, sur une pente glissante, en termes de relations intercommunautaires.
Donc, l'idée,
c'est de trouver les bonnes pratiques pour les disséminer, dire comment est-ce que,
si ça se passe bien dans tel
quartier, dans telle école, dans telle école secondaire, dans tel cégep — on
a des très beaux exemples — comment
est-ce que ça peut se passer bien dans d'autres cégeps, dans d'autres écoles
secondaires, dans d'autres milieux. Donc, cette idée d'apprendre de nos pratiques, d'aller au-delà des perceptions et de
généraliser les expériences de création de microsolidarité qui vont, à ce
moment-là, nous protéger contre les
tempêtes médiatiques qui, forcément, traversent le monde et nous
atteignent.
Mme Weil : J'aurais une question peut-être
sur le rôle. On est revenus beaucoup là-dessus, je pense que... je sens
une tendance forte d'un consensus sur le
rôle des écoles. Je pense que vous avez évoqué un peu le rôle des écoles.
De votre expérience des enfants que vous
voyez, que vous traitez, les parents que vous rencontrez, premièrement, comment
va l'intégration? Comment va cette — ce qu'on pourrait peut-être appeler
généralement — médiation
culturelle dans nos écoles? Qu'est-ce qu'on peut faire pour aller plus
loin? Parce que, dans ce plan d'action... Évidemment, c'est un plan d'action, la politique et plan d'action qui va
interpeller beaucoup d'acteurs gouvernementaux, mais je pense que l'école
est perçue peut-être un des endroits
névralgiques importants au sein du gouvernement. Le ministère de l'Immigration,
évidemment, c'est sûr, mais ensuite c'est
toute la société qui intègre. Alors, j'aimerais vous entendre sur cette
question.
Mme
Rousseau (Cécile) : Bien,
alors, l'école, évidemment, là, vous allez dans des choses qui me tiennent
beaucoup à coeur, mais je pense que
l'école est le lieu du rêve partagé entre les communautés. C'est l'endroit sur
lequel... Bon, alors, on a des
disputes, et on les connaît bien, sur l'école francophone, école anglophone, et
tout ça, mais, au-delà de ça, donc dans cette idée de l'école comme porte d'entrée et d'appartenance à notre
société, je pense qu'il y a un rêve commun. Toutes les communautés immigrantes et réfugiées veulent que
leurs enfants soient à l'école et réussissent, et nous voulons la même chose.
Ce rêve
partagé porte beaucoup, beaucoup de possibles. Donc, toutes nos écoles ne vont
pas bien, mais je pense que c'est un
lieu de vivre-ensemble potentiellement réussi qui est extrêmement important et
sur lequel il faut investir. Et, là
encore, il y a des connaissances qui se sont développées — je pense aux travaux de Françoise
Armand — l'éveil
aux langues d'origine et tous les travaux
des directions des services aux communautés culturelles du MELS, je pense qu'il
y a des très, très belles avancées. Il faut
juste les prolonger et les pousser plus loin, de façon à ce que l'école
devienne un lieu où les communautés
et les familles à la fois se reconnaissent et apprennent à comprendre et à
connaître, à apprécier la richesse de la société québécoise, donc
vraiment un lieu de rencontre.
Et ça m'amène
au débat — j'avais
du mal à... qui se passait dans l'audition avant la nôtre : je pense que,
quand on est porteur de plusieurs
cultures... Je dis toujours aux enfants immigrants : Vous pouvez être
100 % beaucoup de choses. Donc,
les enfants immigrants peuvent être 300 % quelque chose, c'est-à-dire être
pleinement de la société hôte, pleinement québécois, pleinement
canadiens si ça leur chante, pleinement nord-américains, mais aussi pleinement
de leur culture d'origine et de d'autres,
s'ils le souhaitent. Et l'école est vraiment le creuset où c'est possible, dans
un endroit où les désirs de leur famille et de leur communauté
coïncident avec ceux de la société hôte.
Mme Weil :
C'est vraiment intéressant. Donc, les programmes ou... moi, ce que j'entends
beaucoup, puis les études le
montrent, que les écoles québécoises sont bien positionnées. Quand vous parlez
de miser sur nos atouts, l'école québécoise réussit bien à ce chapitre.
Maintenant, je vois que, dans les études, ils ne font pas vraiment de
distinction entre les écoles québécoises et canadiennes, et on parle de
l'approche, dans les études PISA, interculturelle. Donc, c'est la rencontre des
parents et des professeurs, la rencontre de l'école et la famille.
Je vais vous
amener sur l'interculturalisme et je ne sais pas si c'est un concept que vous
travaillez beaucoup, mais c'est
évident... Dans vos paroles, dans tout ce que vous dites, je reconnais
l'interculturalisme, et on veut aussi fouiller cette question, mieux comprendre le concept, voir comment il est vécu dans le quotidien pour éventuellement
renforcer ce modèle d'accueil,
d'intégration. Est-ce que vous avez un point
de vue sur l'interculturalisme qui
est pratiqué dans nos écoles ou ailleurs?
• (15 h 20) •
Mme
Xenocostas (Spyridoula) :
Oui. En effet, les formations en interculturel que notre CSSS donne, en
partenariat avec le domaine de la
recherche, s'appuient sur une approche qui est une approche en interculturel.
Ça veut dire que ce n'est pas juste
d'essayer de comprendre l'autre, mais aussi de comprendre soi-même. Parce que
la rencontre clinique, c'est une
dynamique entre au moins deux personnes. Souvent, c'est une clinicienne, la
famille, un enfant, les voisins qui sont là pour servir comme interprètes, donc c'est une approche où on prend
l'espace clinique, où... dans les écoles, ce n'est pas un espace neutre, mais
c'est un espace où ça se situe dans un espace social plus large, qui est marqué
par les tensions dans notre société.
Et ce n'est pas neutre dans le sens où, oui, le clinicien, l'enseignante, elles
portent leur chapeau professionnel, puis
ils ont des connaissances formelles et professionnelles, mais, en même temps, il y a
des perceptions des deux côtés par rapport à l'altérité, par rapport à
l'autre.
Et, dans nos
formations, ce qu'on vise, c'est de répondre à la fois aux besoins crédibles,
légitimes des intervenants, pour
dire : Je ne sais pas, j'aimerais mieux comprendre quelque chose pour mieux intervenir, mais aussi on essaie aussi de baliser ces perceptions en donnant des données
issues de la recherche, mais aussi on essaie de le recentrer quand ça arrive,
des petits chocs culturels, pour lui
dire : Enfin, c'est avec votre chapeau clinicien qu'il faut répondre.
Puis, oui, c'est normal, des fois,
qu'on peut voir des malentendus et des chocs culturels ou même... Mais il faut
aussi se centrer sur ce qui est le professionnel et aussi qu'il faut que
la démarche clinique est toujours balisée par les lois et les codes
déontologiques professionnels.
Mme Weil : Il reste...
Le Président (M. Picard) : 45
secondes.
Mme Weil : Ah bon! D'accord. Alors, je vous remercie beaucoup,
chaleureusement, d'être venues partager vos expériences. Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget pour
10 min 30 s.
M. Kotto : Merci, M.
le Président. Mesdames, soyez les
bienvenues. C'est très intéressant, ce que je viens d'entendre, et vous
êtes les mieux placées pour nous amener un peu de lumière sur le territoire où
je vous conduis.
Maintenant,
dans l'interculturel, qui nous reste à définir de fond en comble — parce
qu'on l'a évoqué pour signifier le Québec
distinct du reste du Canada, qui, lui, a adopté, enchâssé dans sa loi suprême,
en l'occurrence sa Constitution, le multiculturalisme — l'interculturel,
donc — et
on y revenait tantôt — nécessite
une relation entre deux entités, en l'occurrence
la maison d'accueil, la maison hôte, comme vous disiez, et l'immigrant qui
arrive avec son bagage culturel. Ça nécessite une interaction, ce qui
n'est pas le cas dans l'exemple du multiculturalisme.
Mais, quand
la maison hôte a des assises fragiles au plan identitaire, c'est le cas du Québec,
quand cette maison hôte n'arrive pas
à s'affirmer culturellement, au bout du compte, de cette relation, je dirais,
factice, considérant que nous sommes
dans un environnement dominé par l'autre idéologie, quels seraient les
résultats? C'est un modèle que je vous donne. Je ne vous demande même
pas de vous référer à la réalité québécoise, mais, dans l'absolu, ça donne
quoi?
Mme
Rousseau (Cécile) : C'est
une question intéressante mais délicate que vous posez. Je pense que la
question de la fragilité identitaire,
que vous posez, pour la majorité se pose aussi pour chacune des minorités. Et,
si elle se pose historiquement pour
le Québec parce
que le Québec a été une minorité dans
une majorité pendant longtemps, je dirais qu'en ce moment ça pourrait éventuellement
être une force parce que beaucoup de majorités ailleurs — je
parle aux États-Unis et en Europe — se sentent fragilisées et se sentent menacées,
mais ne sont pas habituées à être en position de minoritaires, et vous voyez comment le Québec a éventuellement une
longueur d'avance à ce niveau-là pour avoir été dans cette position-là
pendant plusieurs siècles.
Les
changements au niveau mondial, alors, je pense qu'il faut parler politiques et
économiques. Les changements au
niveau de la dominance mondiale, les changements vont amener des changements en
termes de privilèges d'un certain nombre
de nations, dont les nations qui reçoivent des immigrants, comme l'Europe et l'Amérique du Nord. Cette
analyse est absolument essentielle pour comprendre la peur des
majorités. Donc, avant de condamner l'émergence des mouvements néonazis en Allemagne ou les partis d'extrême droite qui
fleurissent en Europe, il faut comprendre la peur, comprendre d'où vient le mouvement de repli, le
mouvement défensif, et je suis totalement d'accord avec vous qu'il vient d'une position de fragilité. Et donc, dans cette
position de fragilité alors que les minorités sont aussi en position de
fragilité, comment peut-on construire des ponts dans un modèle...
Je trouve que
le modèle interculturel est intéressant parce que, contrairement au modèle de la mosaïque canadienne
ou du multiculturel — et
on pense à Bissoondath — qui
peut supposer une juxtaposition des peuples sans qu'il y ait nécessairement interaction, on peut rester ce
qu'on est. À quel moment devient-on enfermé dans ce qu'on est? On n'est pas non plus dans un modèle républicain où
l'assimilation, le rouleau compresseur de la république fait qu'on est tous
des citoyens, sauf qu'on sait bien qu'on
n'est pas tous égaux, hein, et que la discrimination existe, sauf qu'on ne peut
même pas en parler. Or, je pense que, l'interculturel, il y a cette
notion qu'à partir de positions...
Et je pense que ce que vous dites est vrai,
qu'il faut tenir compte des vulnérabilités ou forces relatives des communautés
et écouter les peurs qui se manifestent, et entre autres les peurs des
majorités, pour être capables de se métisser.
Ça ne veut pas dire devenir l'autre, mais c'est prendre conscience que ce
que nous sommes se transforme de façon accélérée avec la mondialisation, avec les
médias — je
veux dire, on n'est pas du tout dans des cultures closes — se
transforme et que ça suppose des deuils et aussi des gains. Alors, comment
est-ce qu'on peut évoluer pour avoir une conversation autour de cet échange-là?
J'espère que nous pourrons le faire.
Mme Hassan (Ghayda) : Je pourrais
ajouter quelque chose.
M. Kotto : Je vous en prie.
Mme Hassan (Ghayda) : Bien, je vais reprendre votre exemple
d'hybridisation et prendre le 100 %
toutes sortes de choses. Donc, je
pense qu'à travers ces multiples fragilités, si on les additionne, si on réussit... je pense qu'un des
défis principaux à réussir en ce moment, en tenant compte du contexte politique national et international, c'est de réussir cette
hybridisation-là pour qu'aucun des pans de
l'identité ne sente qu'il y a un qui ostracise l'autre. En fait, je pense que
le problème ne vient pas tant du fait
que nous sommes des Québécois hybrides, et des Québécois et des Québécoises
hybrides historiquement, tous ici et
toutes, je pense que la problématique majeure vient du fait qu'il y a
un ensemble de deuils, et de griefs,
et d'expériences d'exclusion, et de menaces à l'identité, qui, au lieu de
réussir cette hybridisation-là, la fragilisent. Et c'est pour ça... Je ne veux pas systématiquement vous ramener
à l'idée du débat autour de la radicalisation, mais c'est pour ça qu'on voit, en ce moment, dans la société québécoise, que ce n'est pas uniquement les jeunes issus de l'immigration ou des minorités soi-disant ethniques ou
religieuses qui sont à risque de la radicalisation, mais on a aussi des jeunes
de la majorité qui sont à risque parce qu'ils vivent cette même crise d'hybridation identitaire. Et je pense qu'une
loi autour de l'immigration, qui est
une loi en réalité autour de l'interculturalité, doit à tout prix prendre cet
aspect-là en considération et travailler, de manière économique,
sociale, politique et judiciaire, concertée, pour réussir ce défi-là.
• (15 h 30) •
M.
Kotto : Je veux
revenir sur la question de l'information, et l'exemple du suicide est un très bon exemple.
Nous allons nous fier à votre expertise. Alors, comment, de façon
optimale, informer, dans les circonstances, sans désinformer ou sans occulter?
Mme Rousseau (Cécile) : Laissez-moi vous donner un autre exemple qui...
Je pense, il faut qu'on étudie plus la
question en ce moment. Ce que je vois, c'est que la façon dont l'information
sur les situations de radicalisation circule, même après Charlie
Hebdo, en ce moment, a un effet de contagion, et ça, ça m'inquiète beaucoup.
Une
analyse des tueurs en série aux États-Unis avait montré qu'aux États-Unis
ces phénomènes-là étaient très contagieux,
alors qu'ils ne l'étaient pas ou très peu en Europe. Donc, on avait regardé ça
de façon comparative, et ce qu'on s'était
aperçu, c'est qu'aux États-Unis les tueurs en série sont présentés comme des
monstres. Or, vous savez, du monstre au
héros, il n'y a qu'un pas. C'est l'envers de la médaille et c'est
très, très, très attirant pour des jeunes qui sont en révolte ou qui
sont en détresse, alors qu'en Europe on avait tendance à présenter ces mêmes
personnes comme des personnes souffrantes, des pauvres types. Il n'y a personne
qui veut être un pauvre type.
Donc,
ce que je veux dire, c'est que, dans les événements, il faut condamner ce qui
est criminel sans concession. Ce
n'est absolument pas justifiable. Mais, dans la présentation de
ces choses-là, il ne faut pas créer des martyrs en polarisant les représentations. Créer des monstres, c'est
créer des héros et des martyrs. Humaniser les choses, essayer de comprendre
la souffrance des personnes, c'est tout d'un
coup en faire des personnes avec qui on ne veut plus s'identifier parce que
c'est des personnes souffrantes, et petites, et mal prises comme nous.
Donc,
vous voyez comment le traitement d'une même information peut devenir soit très
séduisante pour des jeunes, soit, au contraire, quelque chose qui
suscite une grande ambivalence et beaucoup moins d'attrait. Donc, le traitement
médiatique, tout en donnant une bonne
information, doit devenir plus complexe. On ne doit pas céder à l'hyperbole et
à la création de polarités encore plus grandes. C'est ce genre de choses, mais,
en fait, c'est un long débat.
Le Président (M.
Picard) : ...une minute.
M.
Kotto : Une minute?
Juste pour vous demander : Avez-vous sollicité d'être consultée dans le
cadre de ce projet de politique en matière d'immigration?
Mme Rousseau (Cécile) : Oui, et j'étais d'ailleurs... On avait reçu une
lettre pour... dans une semaine, en fait, le moment où on était sollicitées ne nous convenait pas, et on a fait
des pieds et des mains, donc je remercie la commission d'avoir accepté qu'on change de moment.
M. Kotto :
O.K. Bien, merci. Merci pour votre contribution.
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Borduas
pour une période de sept minutes.
M.
Jolin-Barrette : Bonjour,
mesdames. Bien, en fait, je voudrais reprendre votre dernier propos, au niveau
du fait que vous disiez qu'il ne fallait
pas humaniser... bien, en fait, si on humanisait la situation de la personne
qui commettait des gestes déplorables
par une radicalisation ou un intégrisme, vous disiez, bien, les gens vont
pouvoir se détacher, et le modèle ne se répétera pas. Donc, on ne va pas
constituer les gens en héros ou, de l'autre côté, en monstre.
Mais
le fait d'humaniser la situation, quelqu'un — puis je voudrais avoir votre opinion, là,
sur ça — qui se
retrouve dans la même situation que
la situation vécue par la personne qui aurait commis des actes, tout ça, vous
ne pensez pas aussi que, là, il peut
y avoir un lien pour dire : Bien, écoutez, moi, je vais prendre la même direction parce
qu'elle était comme moi, elle souffrait de la même exclusion ou des
mêmes sévices?
Mme Rousseau (Cécile) : ...en fait, en santé mentale, c'est rarement...
les gens s'identifient rarement avec des modèles souffrants, qui leur
ressemblent. Ils cherchent plutôt quelque chose d'autre, et je pense que c'est
ça qui est contagieux. Mais vous amenez, je pense, en filigrane, un autre point
qui est important et qui est souvent présent, ces temps-ci, dans les débats, c'est-à-dire : Est-ce qu'essayer de comprendre, c'est
justifier? Alors, je pense que c'est très, très important de faire la différence entre comprendre, et amener, sur
la place publique, une compréhension, et justifier un acte. Bon.
Le 11 septembre ou le massacre de Charlie
Hebdo sont absolument injustifiables. C'est condamnable à tous les
points de vue. Attention! Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas essayer de les
comprendre. Reprenons l'exemple au Québec, ce que le FLQ avait fait était injustifiable et criminel, mais c'est
important, comme société, d'essayer de le comprendre. Donc, vous voyez la distinction. Il faut
amener, dans notre espace public, une compréhension, dire : D'où vient
cette colère? Qu'est-ce qui fait que
des jeunes peuvent être attirés par des choses aussi horribles que ce qu'on
voit actuellement dans les médias?
Qu'est-ce qui fait que, tout d'un coup, ils ont l'impression que leur colère
n'est tellement pas entendue que ça peut prendre cette forme-là? Ou
qu'est-ce qui fait que cette forme-là devient tout d'un coup séduisante?
Donc,
comprendre n'est pas justifier, et ce que j'entends dans les médias ces
temps-ci, c'est que, si on essaie de comprendre,
ça veut dire qu'on excuse et qu'on justifie, et je pense que c'est très
important de faire la distinction entre les deux. Encore une fois, c'est une discussion qu'il faut continuer
parce que c'est des choses très délicates, et, comme vous voyez, la
nuance, la ligne peut être mince entre comprendre et justifier.
M.
Jolin-Barrette : Donc, à partir du moment où vous avez cette
compréhension-là, si je vais plus loin dans la réflexion, j'imagine que vous diriez : Bien, à ce moment-là, ça
nous permet d'agir en amont, et par de la prévention, et pour corriger
ces comportements-là pour éviter que ça se produise.
Mme Rousseau (Cécile) : C'est exactement ça, et ça, c'est très important.
Nous n'avons pas encore, mais nous souhaitons
le faire au Québec, le profil des jeunes qui peuvent être attirés par une
radicalisation violente. Je ne dis pas : Qui se radicalisent, mais : Qui peuvent être attirés par cette
radicalisation violente. Nous nous attendons à trouver un profil un peu similaire à ce qu'ils ont trouvé très
dernièrement en Angleterre, c'est-à-dire que, pour des jeunes des minorités,
c'est probablement des jeunes qui vont bien,
qui sont deuxième génération, qui n'ont pas de problème à l'école, qui sont
bien intégrés et qui sont dans une situation
socioéconomique satisfaisante, qui se radicalisent parce qu'ils ont un
sentiment d'injustice. Si c'est le
cas, si on essaie de dépister, on va profiler et augmenter énormément la colère
parce que c'est indétectable, ce n'est pas des jeunes problématiques.
Alors, vous voyez comment c'est important.
Maintenant,
pour ce qui est des jeunes de la majorité qui se radicalisent, je pense qu'on a
un profil complètement différent.
Alors, ce que vous dites est très, très important parce qu'il faut être sûr,
dans nos solutions, qu'on va améliorer les choses et ne pas les empirer,
et agir en amont, ce que vous nommez, est absolument essentiel.
Regardez,
pensez à ce qui s'est passé après le 11 septembre. Quand George Bush a dit que
le terrorisme était un problème et un
problème qui était dangereux, il avait raison. Donc, pour prendre une métaphore
médicale, le diagnostic était exact.
Le traitement, 15 années après, était désastreux. On est en cancer généralisé,
d'accord? Donc, le traitement n'était pas bon.
Alors,
on a exactement la même chose à faire au Québec. Quand on dit : Les
relations intercommunautaires, ces temps-ci,
nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers, il faut les réexaminer, je
pense que c'est vrai. Est-ce que c'est potentiellement dangereux? Oui,
on risque des problèmes dans les prochaines années. Ce serait très, très peu probable qu'on n'en ait pas. Maintenant, comment
agir? Bien, la première chose, de ne pas faire de tort, que ça ne s'étende
pas. Et la deuxième chose, bon, évidemment,
les renseignements et tout ça vont faire leur travail, mais agir en amont, je
pense que c'est notre priorité numéro un, en ce moment, par rapport à ce
problème-là.
M.
Jolin-Barrette : Merci.
Le Président (M.
Picard) : Il vous reste 1 min 30 s.
M.
Jolin-Barrette : Rapidement, vous disiez qu'on doit adapter l'appareil
public à la réalité des relations interculturelles. Pouvez-vous un peu
développer, rapidement?
Mme Rousseau (Cécile) : Oui, c'est... alors, en une minute, c'est extrêmement difficile, mais ce que je
pense, c'est que, pour beaucoup de gens encore, dans nos services publics, que ce soit la police, les services de santé, surtout en dehors de la région montréalaise, mais même
dans la région montréalaise, c'est déstabilisant de recevoir des gens qui
viennent d'ailleurs et qui ont des valeurs
différentes. Et ça les amène à se positionner, à se dire : Est-ce que
j'ai tort ou j'ai raison? Et je pense que ces gens-là ont besoin d'être
outillés pour se dire : Ils n'ont ni tort ni raison, ils ont besoin quelquefois d'agir autrement tout en gardant leurs valeurs. Et je pense
que c'est des habiletés qui s'apprennent et que nos institutions... on a
quand même eu un changement populationnel au Québec qui a été très rapide dans
les dernières décennies. Je pense
que nos institutions ont besoin de rattraper le temps perdu pour
s'adapter. Ce sont de bonnes institutions, ce sont de bons professionnels. Ils
n'ont pas tort ou raison, ils ont juste besoin de nouvelles habiletés.
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Je vous remercie pour votre présentation et je suspends les
travaux quelques instants afin de permettre au Regroupement
interculturel de Drummondville de prendre place.
(Suspension de la séance à
15 h 40)
(Reprise à 15 h 44)
Le
Président (M. Picard) :
Nous poursuivons nos travaux avec le Regroupement interculturel de
Drummondville. Je vous demande de vous présenter et de faire votre
présentation pour une période maximale de 10 minutes.
Regroupement interculturel de
Drummondville (RID)
M. Poirier (Daniel) : Merci, M. le Président, Mme
la ministre, MM. les députés, mesdames et messieurs. Je suis Daniel Poirier, président du conseil
d'administration du Regroupement interculturel de Drummondville, qu'on appelle
plus familièrement chez nous le RID, et c'est un organisme qui a plus de 20 ans
d'existence et qui a comme mandat d'accueillir les immigrants dans notre
communauté.
Quand on parle
d'immigrants, il y a d'abord les immigrants économiques, là, qui arrivent avec,
souvent, des qualifications importantes. Ils
sont à peu près une centaine par année actuellement qui arrivent, et le taux de
placement de ces gens-là est assez
important, là. On a 80 %, actuellement, là, des immigrants qui arrivent et
qui sont en emploi assez rapidement, et une vingtaine de pour cent
d'autres, là, qui sont en formation avant d'accéder à un emploi.
On
reçoit aussi, selon un quota, les réfugiés qui sont pris en charge par l'État,
qui arrivent, là, à certains moments, là,
lors des crises internationales. Et, dans ces personnes-là, il y en a une
centaine, habituellement, qu'on reçoit par année, et 50 % trouvent un emploi et un autre
50 % est en formation, arrivant peut-être avec moins de bagages que les
immigrants, là, qui arrivent, là, pour le marché de l'emploi
directement. Ce groupe-là, les réfugiés, arrive aussi souvent avec des familles nombreuses, qui ont des problèmes
importants au niveau de la santé, de l'éducation, etc., et qui ont vécu, là,
souvent des traumatismes importants dans leur pays d'origine.
Le
RID, là, comme tel mise aussi beaucoup sur la régionalisation de l'immigration,
parce que le Centre-du-Québec est un
endroit qui a développé ce volet-là particulièrement parce que c'est un endroit
où il y a beaucoup d'industries ou d'établissements
qui cherchent des gens pour remplir les postes. Et, dans les années qui
viennent, leur nombre est assez important pour avoir besoin, là, de
faire du recrutement constamment. Donc, c'est une région économique qui est en croissance, la région Centre-du-Québec. Et nous
sommes aussi membres du TCRI, là, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et
immigrantes, que vous connaissez sans doute aussi. Nous faisons aussi partie... Nous sommes un des partenaires
importants, donc, du ministère pour lequel nous sommes redevables aussi, là,
des activités que nous faisons.
Je
peux, d'entrée de jeu, dire que nous appuyons et souscrivons assez bien et très
fortement aussi aux enjeux énoncés dans
la politique qui est présentée actuellement, là, pour étude. Et je laisserais
mon directeur général, M. Barnabo, continuer la présentation.
Le Président (M.
Picard) : M. Barnabo.
M. Barnabo (Darryl) : Merci bien. Darryl Barnabo, je suis le directeur général du
Regroupement interculturel de
Drummondville et également coprésident de la table, la TCRI, qui vient ici le
2. Je ne serai donc pas avec mes collègues le 2, étant donné que je
viens représenter le Centre-du-Québec, Drummondville.
Nous
amenons une particularité, celle des régions en fait, et, au Centre-du-Québec,
nous accueillons certes avec beaucoup
d'enthousiasme cette nouvelle politique québécoise en matière d'immigration
pour des raisons suivantes. La relation
entre les Québécois et les immigrants, nous pensons qu'elle doit être
développée sous plusieurs angles, Donc, on parle de la participation citoyenne, de la participation collective au
développement économique du Québec et de ses régions.
Pour
nous, je vous dirai qu'au-delà du nombre d'immigrants accueillis par année, du
mode de sélection, les pays privilégiés et autres critères qui sont mis
en place, qui demandent effectivement de s'y pencher, nous nous sommes principalement intéressés à la mise en oeuvre des
initiatives et stratégies collectives qui se définissent par la création de
synergie entre une pluralité d'acteurs tels
que le secteur commercial privé, l'éducation, la commission scolaire, le communautaire, le développement économique, donc
notre société de développement économique chez nous, et Emploi-Québec. Par nos démarches inclusives, notre initiative est
devenue une plateforme de partenariat fort improbable au départ. Ce n'est certes pas une stratégie de peuplement qui
doit être privilégiée, mais plutôt des efforts pour l'intégration des
immigrants en emploi et le partage de
valeurs, la mise en commun et l'engagement collectif et individuel pour un
Québec florissant.
En
mettant l'accent sur l'économie, la cible est parfaite, mais nous pensons
qu'elle doit être une finalité en soi, c'est-à-dire
le Québec a besoin de main-d'oeuvre pour nos entreprises, pour que nos
entreprises produisent et génèrent plusieurs
richesses. Donc, les personnes choisies doivent soit posséder des compétences
ou être en mesure de les acquérir afin
de les mettre à contribution. C'est de cette manière que nous construirons un
Québec inclusif, où tout le monde est appelé
à participer à l'essor économique. C'est de cette manière que nous souhaitons
ou que nous avons... où nous réussissons d'ailleurs à prévenir les
débordements qui sont dus à l'exclusion ou encore à certaines formes de
radicalisation.
Nous
souhaitons vous interpeller sur les nombreuses personnes immigrantes déjà sur
le territoire, qui possèdent des
compétences et dont le fort taux de chômage frappe tout le monde, je pense.
Nous pourrions développer et inciter les nouveaux à prendre le train en marche une fois que ces personnes-là sont
aussi... on les aide aussi à trouver un emploi convenable.
• (15 h 50) •
Puisque chaque région
a sa particularité, voilà comment nous recommandons d'aller plus loin avec
nous. Deux points. Au Centre-du-Québec, nous misons particulièrement sur un
programme de diversité axé sur les jeunes. J'entendais les questions tantôt qui
étaient soulevées. Nous avons mis en place une campagne de sensibilisation à la
diversité dans l'ensemble des écoles à
Drummondville. Et je pourrais transmettre, s'il faut d'ailleurs, les résultats
de cette campagne-là. Toutes les
écoles souscrivent à cette campagne. Cette campagne nous a permis de rejoindre non seulement l'ensemble des écoles, de sensibiliser les jeunes à la différence et
d'amener les jeunes à différentes activités avec, donc, des immigrants
qui arrivent, donc chaque année, autour d'activités, que ce soient sportives ou
culturelles.
Autre
chose, le deuxième point, nous
parlions tantôt de diverses synergies, nous avons mis en place une structure,
et cette structure-là, on ne parle que de
ça, au Centre-du-Québec, à Drummondville, notre coopérative de développement,
donc, de solidarité Goûts du monde. Cette coopérative
nous a permis, donc, de favoriser l'intégration des personnes immigrantes du
Centre-du-Québec, particulièrement les femmes et les jeunes, en les faisant
participer à l'économie locale et en les
initiant à la rencontre des communautés immigrantes et de souche via un vecteur
commercial et économique. Avec une
formation complémentaire et une diplomation semi-spécialisée, c'est 40
personnes qui, après 20 semaines, donc, de formation, sont intégrées au marché du travail. Donc, on parle de
deux cohortes par année. Finalement, c'est un pont que nous avons réussi à établir entre la
communauté immigrante et la communauté d'accueil afin de mettre fin à
l'isolement et à l'exclusion sociale par cette vitrine commerciale.
Alors,
je me suis permis, pour terminer notre bref exposé, de vous citer une lettre
qui nous a été adressée par la Chambre
de commerce et d'industrie de Drummondville, qui nous disait : «Lors de la
réunion du 18 décembre dernier, les
administrateurs de la chambre de commerce ont appuyé, par résolution, votre
stratégie qui s'inscrit dans une démarche d'inclusion, d'une pluralité de partenaires des milieux industriel,
commercial, communautaire et social et confère aussi à l'économie sociale un rôle de développement
économique et commercial important dans la dynamisation du centre-ville de Drummondville.» Finalement, il souligne
l'ouverture et la vitrine que Drummondville entend offrir aux nouveaux arrivants.
Donc,
ceci pour vous dire que ces initiatives-là... nous prenons, en fait, ces
initiatives pour permettre la synergie qui
peut se développer autour, donc, des nouveaux arrivants qui pourraient arriver
à Drummondville par le biais, donc, de
la régionalisation et par le biais, donc, du programme Réussir l'intégration,
qui nous permet d'accueillir, donc, nos réfugiés également. Je vous
remercie.
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. Barnabo. Je cède maintenant
la parole à Mme la ministre pour une période de
17 min 30 s.
Mme Weil :
Oui. Merci beaucoup, monsieur, de votre présentation et de votre participation.
Nous étions ensemble, M. Barnabo, à
Drummondville pour une table ronde, et il y avait des... Je ne sais pas si
vous... sûrement que vous vous
rappelez, parce que vous connaissez bien le milieu. J'aimerais que vous nous
transportiez un peu dans votre milieu,
parce que, pour moi, c'est intéressant, chaque milieu est un peu différent.
Mais on a eu une longue discussion sur les
entreprises et... les entreprises accueillantes ou les entreprises frileuses
par rapport à la diversité, parfois des expériences difficiles par
rapport à la diversité, donc qui ne voulaient pas reprendre l'expérience.
Et,
dans les notes que j'ai de cette rencontre, on disait : Ce n'est pas
nécessairement du racisme, c'est plutôt des mauvaises expériences. Et on avait parlé de l'importance de mieux
préparer les milieux. Vous vous rappelez de ça? Vous avez une expérience dans la région. Mais, par
ailleurs, ce que j'ai remarqué, évidemment, c'est une région où... de plus en plus de diversité, et il y a beaucoup de
partenaires qui veulent mobiliser la région pour que la région accueille plus
d'immigration et puisse réussir l'immigration.
Mais,
sur cette question plus précise d'intégration d'emploi, les entreprises,
comment les accompagner dans la gestion de la diversité, hein — c'est ce qu'on appelle la gestion de la
diversité — pourriez-vous
peut-être partager votre expérience en la matière?
M. Barnabo (Darryl) : Certainement. Je suis très heureux, d'ailleurs, qu'on en parle parce
que, d'entrée de jeu, nous parlions
du Centre-du-Québec et Drummondville comme un développement économique
important, et j'oserais même dire — je prêche pour ma paroisse — supérieur, même, à certaines régions, je
dirais. Et les entreprises ont fait ce... on a fait ce constat. Les entreprises ont parlé de ces
points-là parce qu'il y a un besoin en termes de main-d'oeuvre, dans un premier
temps. Et, dans cette région, pour attirer les travailleurs, ce n'est pas si
facile. On parle de travailleurs autant des Québécois
ou autres. L'important, c'est la compétence. Les employeurs sont définitivement
ouverts à avoir des personnes... et
je dirais, dans ce cas-ci, des personnes immigrantes chez elles. Maintenant,
c'est l'accompagnement qui fait défaut.
Alors,
pour nous, dans le cadre de notre régionalisation, nous avons d'excellents
chiffres, nous avons d'excellents taux
de placement, où les immigrants qui arrivent, travailleurs qualifiés, de hauts
diplômes, très qualifiés, diplômés, se trouvent
un emploi. Mais, vous le mentionnez, oui, des fois, il y a des échecs, des
échecs où les employeurs, souvent, sont
frileux, par... il y a des expériences qui, malheureusement, ont amené certains
freins.
Notre
expérience a été laquelle? L'accompagnement, oui, il faut le mener. Donc, quand
on parle de gestion de la diversité, nous
l'avons plutôt nommée, nous autres, gestion de la diversité en entreprise. C'est
accompagner ces entreprises-là avant
même que les personnes immigrantes soient en emploi. Et quand... vous me permettrez le parallèle, je
parlais tantôt de notre initiative de la coopérative, c'est aussi de travailler
avec les immigrants, dans un premier temps. On ne parle pas uniquement des normes du travail, on
parle aussi des habitudes. Donc, on parle d'une hiérarchie, on parle de... on
peut avoir une femme comme employeur. Donc,
c'est tous ces concepts-là que nous travaillons avec les immigrants avant
qu'ils intègrent, donc, l'entreprise.
Avec
l'entreprise, nous les accompagnons donc lors de, comment dirais-je, de... même
la description d'emploi, la sélection
des personnes. Nous accompagnons les personnes en entrevue, nous préparons les
gestionnaires, des responsables des
ressources humaines, nous préparons également les employés qui sont déjà en
poste, permettant justement que les nouvelles personnes qui arrivent
puissent s'intégrer plus facilement.
Par
la suite, ce qui nous a surpris cette année, c'est que les employeurs nous
demandent d'organiser avec eux des activités
interculturelles qui leur permettraient de mieux socialiser. Au Québec, nous
avons des clubs sociaux, dans tous lesquels les employés, souvent, font
des activités. Mais ce qu'ils remarquent, c'est que les personnes immigrantes
ne participent pas aussi facilement. Donc,
cet accompagnement-là nous permet d'accroître le taux de succès finalement des
personnes immigrantes en emploi. Et je vous
dirais : Dans tous les secteurs que nous avons actuellement au
Centre-du-Québec, à Drummondville,
c'est un besoin que nous avons, c'est une demande qui nous est faite, un
accompagnement en gestion de la diversité en entreprise qui s'adresse
tant à l'employeur qu'aux employés.
Mme Weil :
J'aimerais revenir, parce que c'est très intéressant ce que vous dites... Je
vous dirais que, ce constat-là, on le
voit beaucoup dans la littérature de gestion de diversité, beaucoup de la
littérature qui émane beaucoup, je vous dirais, du Conference Board, bon, tous ceux partout au Canada qui explorent ces
questions-là, mais c'est sorti très fort dans votre région. Et, oui, le constat a été : ce n'est
pas juste l'entreprise ou l'employeur qui a besoin, ce n'est pas juste le
nouvel arrivant ou l'immigrant, c'est le milieu de travail, c'est les
collègues et tout ça.
Donc,
ce que vous nous dites, c'est que vous, vous agissez vraiment sur les trois
acteurs, si on veut, les trois... donc,
l'employé pour l'accompagner pour trouver l'emploi, l'employeur évidemment pour
qu'il puisse reconnaître les compétences et accueillir la personne, mais
le milieu de travail aussi.
M. Barnabo (Darryl) : Tout à fait, et j'irais même plus loin. C'est que, pendant que nous
travaillons avec messieurs dames en emploi, la campagne de la diversité
dans les écoles fait son travail aussi.
Les
questions que nous avons eues, si vous me permettez le parallèle, avec les
jeunes, c'est : Ah! bien, au primaire, ce que je sais des personnes immigrantes, ce sont — permettez l'expression, je ne fais que la
rapporter — des
voleurs de job, mon père m'a dit de
ne pas m'impliquer dans telle activité parce qu'il y avait un Noir ou... Ça
vient de là. Mais, quand on travaille
avec les jeunes qui ramènent ça à la maison, que, d'autre part, on travaille
avec monsieur ou madame en emploi, à la maison, ça se parle.
Donc,
je ne vous dis pas... je serais peut-être prétentieux de vous dire qu'on a
trouvé le modèle parfait, mais, jusqu'à présent, nous arrivons à cibler chacun des secteurs pour s'assurer
justement qu'à la maison, bien, il y ait une discussion qui soit faite. Ce ne sont peut-être pas des
voleurs de job comme tu le disais, papa, parce que j'ai un collègue qui vient
de la Russie, qui vient de l'Afrique,
qui vient de la Syrie, qui a vécu telle chose et a telle compétence, et on fait
un devoir, et, ensemble, nous avons
réussi à concrétiser ceci. Ou quelqu'un en emploi qui peut très bien parler de
son homologue qui vient du Maroc ou
d'un autre pays avec lequel... je découvre ses compétences, ça va très bien.
Ah! bien, tiens, on l'invite à souper
chez nous. Donc, bref, je vais un peu loin, mais, pour nous, c'est amener ces
milieux-là à se développer pour faciliter, justement, l'intégration des
nouveaux arrivants en tant que telle.
Mme
Weil : Donc, en fait, c'est la méconnaissance de l'autre, parce
que le constat, c'est... comme je vous ai dit, les gens hésitaient à dire que c'est du racisme, mais c'était plus une
méconnaissance, mais... et qu'on pouvait y remédier en organisant la rencontre des uns et des autres
et l'éducation. Donc, vous, vous agissez beaucoup dans les milieux scolaires.
On a beaucoup parlé des milieux scolaires aujourd'hui.
On
a parlé de campagnes aussi, de campagnes de sensibilisation. La Commission des
droits de la personne dit que ce
serait important d'avoir des programmes d'éducation, des campagnes, plusieurs
l'ont répété, pour agir de façon... plus largement et vraiment toucher
le coeur, le cerveau des gens. Qu'en pensez-vous, des campagnes d'éducation?
• (16 heures) •
M. Barnabo
(Darryl) : Je vous dirais que je suis totalement pour ce que
j'appellerais, oui, une campagne... j'appellerais, moi, une campagne plutôt de
sensibilisation ou d'éducation auprès de la jeunesse.
Ce matin, j'étais
encore avec un de nos administrateurs avec ce document que nous appelons Slash
Diversité. Au-delà des ateliers de
présentation qui sont faites avec les jeunes, des activités qui sont
organisées, la Fête de la diversité, où on organise... Cette année, on organise un «flash mob», par exemple, où
l'ensemble des écoles de Drummondville qui ont suivi la campagne, donc, s'improvise, donc, dans le parc, donc, lors
de la Fête de la diversité. J'oserais dire que nous mettons en place un Facebook
de la diversité, si vous voulez. Donc, c'est une plateforme — je ne
l'appelle pas un site Web — c'est une plateforme où nous avons, autant
les parents, la zone pour les professeurs, le jeune qui se retrouve et nos différents ICSI, donc les intervenants scolaires,
où ils retrouvent un ensemble de concepts. Les profs, par exemple, retrouvent des ateliers, retrouvent un vidéo ou
des collègues, comment ils ont mené des difficultés qu'ils ont eues, comment
ils ont réussi à les résoudre. Les jeunes
s'identifient à travers une implication sociale qu'ils ont faite avec d'autres
personnes immigrantes ou québécoises
et deviennent l'ado du mois, par exemple. Donc, et on permet aussi aux jeunes
de s'exprimer. Donc, ils vivent un isolement, ils vivent une frustration
par rapport à telle activité ou tout...
Donc,
nous avons mis ça en place pour s'assurer que ce ne soit pas juste des
ateliers, dans un sens, que c'est livré et qu'il y ait une continuité
qui se fasse. Je vous parlais tantôt, quand on parle d'éducation, des jeunes
qui reçoivent cet atelier-là retournent à la
maison et sont capables de faire un lien aussi avec leurs parents. J'ai eu cet
atelier-là, cette information-là,
voilà comment ça se traduit finalement sur un site. Les jeunes, ils sont où
aujourd'hui, au primaire, au secondaire?
Bien, ils sont sur les iPhone, et tout ça. Alors, ce que nous avons voulu,
c'est de transmettre... de transférer plutôt cela sur une plateforme où
ces jeunes se retrouvent.
Donc, pour nous, il
est définitivement... il est pertinent, en fait, de maintenir des campagnes
d'éducation. La commission scolaire chez
nous nous a donné ce mandat-là, de couvrir l'ensemble des écoles et de
s'assurer effectivement qu'il y ait des résultats quantifiables par
rapport à ça.
Mme Weil :
Merci beaucoup, M. Barnabo. Est-ce qu'il reste...
Le Président (M.
Picard) : ...
Mme Weil :
Je cède la parole à mon collègue de Sherbrooke.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de Sherbrooke.
M. Fortin (Sherbrooke) :
Bonjour à vous. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Comme vous venez aussi,
comme moi, des régions du Québec, je
vais en profiter pour vous poser quelques questions. Évidemment, je suis bien
intéressé par tous les sujets
d'attraction, rétention, intégration de nos immigrants en région, et ça m'a
fait sourire parce que, dans votre
intervention, vous avez un peu abordé le paradoxe que j'ai soulevé ce matin
avec un groupe de Sherbrooke, et vous l'avez
dit vous-même : Les employeurs sont très ouverts à avoir une main-d'oeuvre
immigrante, mais, en même temps, vous
avez dit un petit peu plus loin, dans votre intervention, qu'ils étaient
frileux à le faire. Alors, on dirait que, quand on a des besoins en main-d'oeuvre ou qu'on anticipe une pénurie de
main-d'oeuvre, on est très ouverts à ça, mais, quand se présente vraiment l'opportunité de le faire,
là, peut-être qu'il y a eu des expériences, vous parliez d'expériences des
fois malheureuses qui se sont produites, et
là on est un petit peu plus réticents à embaucher une main-d'oeuvre immigrante.
Je voulais voir un petit peu avec vous si vous aviez des explications à ça.
Et
vous avez parlé beaucoup de la gestion de la diversité en entreprise,
d'intervenir autant au niveau de l'employeur que de l'employé, et, concrètement, comme mesure gouvernementale...
parce que c'est ça, le but de l'exercice qu'on fait ici, c'est d'établir une politique, hein, qui va
faire en sorte que, chez vous, vous puissiez avoir une meilleure intégration
en emploi, comme chez nous, à Sherbrooke.
Alors, si je vous demandais, vous, là, comme mesure concrète de la part du
gouvernement, qu'est-ce que vous souhaitez
voir dans cette nouvelle politique là qui va vous permettre une meilleure
intégration en emploi au Centre-du-Québec...
M. Barnabo (Darryl) :
Les initiatives dont nous vous faisons part depuis tantôt, la campagne de la
diversité auprès des jeunes, auprès des
entreprises, si on reste dans ce cas-là, sont une initiative du regroupement en
tant que tel. Nous, nous avons la
régionalisation, donc, qui, pour nous, est d'aller chercher, donc, des
travailleurs qualifiés à Montréal, amenez-les
en région. C'est le mandat en tant que tel. La difficulté que nous avons
concrètement, c'est celle dont nous parlons.
Nous les amenons, mais nous avons des difficultés à ce que les personnes
rentrent en entreprise. C'est de là que nous avons mis en place cette
initiative-là. Ça veut dire qu'il y a quelqu'un qui a besoin d'être accompagné.
Au-delà de l'immigrant, l'employeur a
besoin d'être accompagné. Oui, l'employeur est frileux, mais l'employeur, une
fois accompagné, ne l'est plus.
Je
vous dirais que ça fait déjà trois ans que le vent a tourné. Ce sont les
employeurs qui nous appellent, en
fait. Ils nous appellent et nous
demandent : Nous avons deux, trois, quatre, cinq postes à combler,
pouvez-vous nous accompagner dans les démarches? Lesquelles? C'est de
préparer le milieu dans un premier temps. Ce n'est pas tout de suite d'aller chercher les candidats, c'est de préparer le
milieu dans un premier temps et, une fois le candidat arrivé, s'assurer
qu'avant que le candidat arrive... l'avoir préparé et s'assurer qu'il
s'intègre le plus possible.
La
question de la compétence n'est pas à remettre en question. Quand ils parlent
leur jargon, si vous me permettez l'expression,
on ne les comprend pas, mais ils se comprennent. Mais, au niveau
de l'attitude, et autre, ça, c'est de notre ressort. Mais, jusqu'à présent, ça a été une initiative que nous avons
mise en place. Alors, qu'est-ce que ça nous prendrait dans cette politique-là? C'est qu'il soit défini, qu'il soit mis en
place, qu'il y ait une mesure, justement, qui permette que nous puissions accompagner adéquatement les entreprises.
Nous avons mis en place, de par nos propres initiatives, des outils,
pouvons-nous avoir l'opportunité, bien, de décupler cela, si on veut?
Donc,
une mesure serait de permettre effectivement que cette campagne-là soit dans une région comme
la nôtre, où on parle d'un grand parc
industriel en besoin, bien qu'on puisse rencontrer les employeurs et les
accompagner tout de suite
dans ce sens-là. Le besoin est différent d'une région à une autre, mais il faut
mettre l'emphase sur l'employeur, il faut mettre l'emphase sur le
milieu. Une fois l'immigrant arrivé, il y a une préparation à faire, mais
l'emphase doit définitivement être mise... si on veut s'assurer que nous
puissions accompagner ces personnes-là.
Et
je terminerais en vous disant, encore
une fois : La coopérative, pourquoi
prendre 40 personnes par année et travailler
avec eux autres pendant 20 semaines avant de les intégrer en emploi? Nous
avons des employeurs, nous avons les
commerces IGA, Olymel et plusieurs entreprises qu'Emploi-Québec cible qui sont déjà attachés au bout de ce
projet-là, qui disent : Puisque
vous les préparez, puisque vous leur donnez cette formation-là
et qu'il y a une diplomation... Pour eux,
c'est un gage, finalement, qu'il
y a moins de risques, finalement,
qu'il y ait un échec au bout. Alors, si cela n'est pas fait, ils vont
définitivement y avoir un taux d'échec plus élevé. Dans la mesure, c'est ce que
nous souhaiterions.
M. Poirier (Daniel) : Moi, j'ajouterais peut-être, comme président du conseil d'administration, que c'est un peu frustrant de voir qu'on
doit, à l'occasion, arrêter des projets du type qu'on vient de décrire parce
que, finalement, le financement n'existe plus. Dans ce sens-là, je pense qu'il y
aurait intérêt et avantage que le MIDI soit ouvert aux
initiatives qui sont prises puis que
ça soit supporté. Parce que, localement, il y a beaucoup
de choses qui sont faites, sauf qu'à
un moment donné ça prend de l'eau au moulin, puis les gens ne
travaillent pas pour rien. Ce n'est pas des bénévoles, chez nous, là, loin de là. Ça fait que ça prend des experts puis une continuité aussi à travers ces
démarches-là. Dans ce sens-là, quand je vois partir quelqu'un parce que
le budget est terminé ou que le programme n'est pas reconduit et qu'on doit reprendre avec une autre personne quelques
mois plus tard parce que, là, on redémarre quelque chose d'autre, comme
administrateur d'un centre comme le nôtre,
ça peut être difficile, là, de toujours être à point, là, comme tel. Mais je pense que,
quand je parlais de support et d'innovations, je pense que c'est ça, il y a
des organismes qui développent des choses intéressantes et pertinentes
qui devraient amener le ministère à appuyer, là, fortement, là, ces
démarches-là qui sont intégrantes et dynamiques comme telles.
Le Président (M.
Picard) : Une minute.
M. Fortin (Sherbrooke) : Une minute? Alors, si je comprends bien, messieurs, vous, vous
êtes un petit peu dans la même dynamique qu'on a en Estrie,
donc vous souhaitez davantage des mesures orientées vers la rétention que
l'attraction. Je vous comprends bien?
M. Barnabo (Darryl) :
Tout à fait.
M. Fortin
(Sherbrooke) : Et dans
quelle mesure... Est-ce que vous êtes capable de nous donner rapidement
des mesures pour un petit peu
chiffrer, justement, cette problématique-là
que vous vivez? Est-ce que vous êtes capable de nous donner des chiffres
sur le taux de rétention que vous avez, dans votre région, des nouveaux
arrivants?
M. Barnabo
(Darryl) : Alors, aussi
étonnant que cela paraisse, on a quand même... prenons le cas des travailleurs
qualifiés dans la régionalisation, on parle
quand même de 90 % de... — comment dire? — de rétention au Centre-du-Québec.
Une voix : ...
M. Barnabo (Darryl) : Oui,
définitivement. Ce qui est très bon par rapport... Et ça, c'est dû, justement,
à ces initiatives-là qui ont mises en place.
Je vous le disais, ce sont les employeurs qui nous appellent, maintenant. Mais,
en parlant de mesures, qu'est-ce que ça prend? Bien, c'est de pérenniser
ce genre d'initiatives, oui, de s'assurer que ces personnes-là restent dans ces
entreprises et que le milieu soit favorable aux nouvelles personnes qui vont y
adhérer.
M. Fortin (Sherbrooke) : Merci
beaucoup, messieurs... plaisir.
Le Président (M. Picard) :
Merci. M. le député de Bourget, pour 10 min 30 s.
• (16 h 10) •
M. Kotto : Merci, M.
le Président. Messieurs, soyez les
bienvenus, et merci pour votre contribution. Je rebondis sur les programmes qui
arrivent à échéance et qui sont abandonnés en cours de chemin. Quand vous les
initiez, ces projets-là, vous aviez dit tout à l'heure que le ministère était
un partenaire. Avant la fin de l'échéance, est-ce que le ministère vous interpelle ou alors est-ce que
vous, de votre côté, vous faites des représentations auprès du ministère à
l'effet qu'il est impératif, parce que pertinent, de continuer un tel
programme?
M. Barnabo
(Darryl) : Alors, pour le
cas, bien, qui nous occupe — on parle de régionalisation — actuellement, oui. Je vous dirais qu'en tant que partenaires il y a ces échanges-là
qui sont mis en place. Bon, le hasard fait que je suis aussi le coprésident de la TCRI, donc il y a
effectivement différentes discussions qui sont faites là qui permettent
effectivement de ramener ces discussions à la table sur un programme qui
se termine.
Maintenant,
voyez-vous, récemment, le constat que nous faisons, c'est qu'il fallait revoir
aussi la régionalisation, c'est-à-dire
à quoi est-ce que nous voulons tendre. Le programme était défini. Nous avons
mis en place des mesures, des initiatives
que nous décrivions tantôt. Est-ce que ces initiatives-là devraient être
comprises dans l'ensemble du programme? C'est à ça que nous tendons, là, dans nos discussions pour s'assurer,
effectivement, qu'il y ait une pérennité qui soit faite, mais aussi une
prise en compte du besoin des régions. Le programme ne peut pas répondre à
l'ensemble des régions compte tenu de la particularité de chacun, en fait, donc...
Mais, pour répondre à la question, oui, ce sont
des discussions qui sont mises à l'avant-plan avec le ministère fréquemment, je vous dirais, pour s'assurer que,
un, le programme réponde effectivement aux besoins et qu'il y ait une
reconduction qui nous permette d'aller plus loin dans ce sens-là.
M. Kotto : Est-ce que vous
pouvez spécifier quel est votre interlocuteur immédiat au niveau du ministère?
Est-ce que c'est une antenne locale, régionale ou Québec directement?
M. Barnabo (Darryl) : Actuellement,
c'est une direction régionale que nous avons.
M. Kotto :
Direction régionale. Est-ce qu'à votre connaissance cette direction régionale
est appelée à disparaître?
M. Barnabo
(Darryl) : Actuellement,
oui. Notre direction régionale, bien, au 31 mars, ne sera plus en fonction.
M. Kotto : C'est quoi, les
impacts?
M. Barnabo
(Darryl) : Chez nous, je
vous dirais que la discussion se fait actuellement avec le ministère,
justement, pour définir, au 31 mars,
quels seraient nos interlocuteurs. Nous sommes, jusqu'au 30 juin, en fait,
reconduits, donc, dans le programme
tel quel. Et la discussion qui s'instaure actuellement, c'est celle que je
viens, donc, de mentionner pour savoir : Est-ce que le programme
correspond, dans un premier temps? Est-ce que ces initiatives-là peuvent être
incluses pour s'assurer qu'il y ait une
pérennité dans le programme et, pour une région comme la nôtre, dans le fond,
s'assurer qu'on réponde, oui, à ces entreprises-là?
Donc,
jusqu'au 30 juin, c'est ce que nous avons comme confirmation, et nous
continuons la démarche avec le ministère pour s'assurer qu'il y ait une
suite à partir du 1er juillet.
M. Kotto : D'accord. Je vais
vous poser une question en tant que spécialiste de terrain. Et ça, c'est dans
la perspective du prochain exercice, mais,
comme vous êtes là, je profite de votre présence. Est-ce qu'on doit d'abord se
préoccuper d'accueillir de nouveaux arrivants, au Québec, plutôt que ceux qui
sont déjà ici, de votre perspective des choses, au regard du taux de chômage
qui affecte une portion importante des Québécois d'adoption?
M.
Barnabo (Darryl) : Je le
mentionnais tantôt, nous sommes fort préoccupés par, oui, le taux de chômage de
ceux qui sont déjà là. Et ce que je mentionnais dans la présentation, c'est
qu'il faut effectivement mettre en place des mesures
pour que ces personnes-là soient des gens en emploi, pour que les autres
prennent le train, en fait. Pour nous, dans
le fond, si on prend le cas du Centre-du-Québec, Drummondville, au niveau de la
régionalisation, nous avons un mandat
spécifique. Donc, quand on parle de travailleur qualifié, on parle des postes
spécialisés, et autres. C'est un besoin qui est énorme. Donc, lorsque nous faisons nos démarches, que ce soit à
Montréal, pour les amener, une demande spécifique est faite. Donc, à ce
point de vue là, le taux de chômage de ces personnes-là est beaucoup moindre
chez nous.
Maintenant,
si on prend le conjoint, la conjointe, les personnes réfugiées, par exemple,
qui arrivent, oui, de cette catégorie-là,
on a un taux, comme on dirait, de chômage plus élevé. C'est avec ces
personnes-là qu'il faut travailler. C'est encore là la raison pour laquelle nous avons mis une autre initiative.
C'est de dire : Créons une structure, demandons au milieu qu'est-ce qu'ils ont besoin, créons une
structure puis formons-les, donnons-leur le savoir-être et ce savoir-faire-là
qui pourrait répondre à la question.
Donc, pour
nous, nous sommes déjà dans une démarche de s'assurer qu'il y ait une activité, de quoi qui soit fait pour les personnes qui attendent un emploi de
manière à ce que, les prochaines années... la prochaine année, soyons dans
le moyen terme, les personnes qui viennent, bien, suivent, prennent ce
train-là, comme je me répète, enfin, à le dire.
Donc, la
coopérative, 20 semaines, 40 personnes, une cohorte, des entreprises déjà
attachées, les prochaines qui vont
arriver, si les conjoints ou conjointes ne trouvent pas d'emploi, pourraient
passer par là justement pour effectivement
trouver un emploi aussi. Mais, pour revenir
à la question, c'est un point qui nous interpelle parce qu'aujourd'hui on parle d'exclusion, on va jusqu'à parler de
radicalisation. Pour nous, c'est de mettre les gens en... comment je vais... en
action, voilà. Et ça, ça évite
justement de mettre en place des mesures pour rattraper du monde parce qu'ils
ne l'étaient pas. Donc, c'est des
choses, pour nous, qui doivent être faites de pair, en ce qui nous concerne,
dans notre région chez nous, parce qu'il y a des initiatives qui sont
déjà mises en place dans ce sens-là.
M. Kotto :
O.K. Et, de votre perspective, des choses... On parlait des employeurs frileux,
tantôt, et ceux qui sont ouverts. Ceux qui sont ouverts, ils sont
ouverts à quel profil de Québécois d'adoption, pour ne pas dire immigrants?
M. Barnabo (Darryl) : Alors, l'ouverture...
M. Kotto :
Et je vous poserai la question dans l'autre sens. Ceux qui sont frileux, ils le
sont par rapport à quel profil d'immigrants?
M. Barnabo
(Darryl) : Alors, je vous
dirais, la réponse aurait été différente il y a deux ans. Actuellement, le
frileux, en fait, s'applique à tout
employeur lorsqu'on parle d'immigrants tout court. Je m'explique. Est-ce qu'il
parle français? Est-ce qu'il possède
réellement les compétences? Est-ce qu'il connaît... Est-ce qu'on va devoir
faire des accommodements raisonnables,
ou religieux, ou... Donc, ce sont ce genre de questions là qui se posent tout
de suite. Donc, on parle, encore là, de méconnaissance.
Alors, pour
nous, c'est amener les gens, comme j'appelais tantôt, les accompagner à
comprendre, oui, l'immigration. Pourquoi
l'immigration? La question de la compétence n'est pas nécessairement, je le
disais tantôt, mise en questions, remise
en question ou mise en cause, parce qu'une fois qu'ils ont l'immigrant en face
d'eux après les étapes que nous aurons
faites, si c'est un ingénieur, si c'est... Bien, il parle un jargon que moi, je
ne comprends pas, et après, bien, nous rentrons,
donc, aussi... nous sommes à contribution. Alors, le frileux vient de la
méconnaissance. C'est pour ça, une campagne de sensibilisation à la diversité, même au niveau des entreprises qui,
elles, se demandent aussi pourquoi l'immigration, pourquoi l'immigration
vient répondre à un besoin de main-d'oeuvre.
Pour ce qui
est de la région, pourquoi ne sommes-nous pas capables de trouver des personnes...
des personnes... — comment dirais-je? — bien, québécoises ou autres, bref, qui
peuvent remplir ce poste-là chez nous? C'est comme toutes les régions qui sont soit en rareté de main-d'oeuvre, ou
qui n'ont pas de personnes spécialisées, ou... voilà, où il y a des exodes vers des grands centres en
tant que tels. Par contre, les personnes immigrantes qui arrivent dans un
petit milieu, ce qui ressemble, pour la
plupart, à des petits milieux dans lesquels ils vivaient, se retrouvent bien
plus à l'aise dans ces contextes-là. Ça, c'est le côté immigrant.
Mais, pour revenir au niveau de l'employeur, c'est
définitivement une question de : Si nous faisions la démarche,
aurions-nous quelqu'un, c'est drôle à dire, qui nous prendrait par la main, qui
nous amènerait à comprendre le phénomène et à mieux intégrer ces personnes
immigrantes là? Parce qu'après on a un réseau des RH chez nous, ils se parlent. Il y a une intégration réussie avec une
entreprise X ou Y, ils se parlent. Alors, pourquoi ça réussit avec l'une et
pourquoi pas avec un autre? Qu'est-ce qui
est un frein chez nous? C'est pour ça que la question que vous posiez tantôt,
Mme Weil, je l'ai prise en note
tantôt : Quel est le rôle des différents milieux? Chez nous, on attend que...
bon, nous sommes très entreprenants
chez nous, je dois dire, on attend que nous prenions un certain leadership.
Nous avons réussi à travailler certains projets, à ramener autant, je le
disais tantôt, l'industriel, le commercial, la SDED, Emploi-Québec, le... bref.
• (16 h 20) •
Alors, on attend qu'on prenne le «lead» et qu'on accompagne
ces entreprises-là dans chacune de ces démarches-là. Le Mondial des cultures a permis quand même à ce
qu'il y ait une ouverture certaine au niveau de la population en général.
La Fête de la diversité que nous organisons,
la même chose. Nous sommes passés d'une première... Je vais long pour ramener
à votre question, mais la Fête de la diversité, par exemple, est partie d'une
première année de 3 000 personnes à une quatrième
édition de 8 000 personnes. C'est pour dire qu'il y a une ouverture
certaine qui est là. Alors, moi, pour moi, une personne qui participe à
une activité, c'est un employeur, c'est un responsable de ressources humaines,
c'est une personne en
emploi qui va côtoyer une personne immigrante, qui va embaucher une personne
immigrante aussi. Donc, pour nous, le travail commence par là.
Alors,
pour nous, c'est définitivement ce que j'ai ramené tantôt,
c'est l'accompagnement de ces entreprises-là, c'est
l'accompagnement... pas l'accompagnement, mais dynamiser leur milieu aussi. Parce qu'accompagner le responsable des ressources humaines, c'est une chose, mais la
crainte des ressources humaines, c'est comment la personne s'intègre dans mon milieu par la suite. Et est-ce que nous
avons les ressources pour faire ça? Les entreprises ne l'ont pas. Ce qu'elles
veulent en bout de ligne, c'est le chiffre au bout, donc, de l'année, et, nous,
dans le fond, c'est de nous assurer que ce soit un milieu propice, finalement, à l'intégration des
personnes. Alors, c'est là que nous travaillons beaucoup dans le frileux
qui... — comment
dire? — interpelle
nos employeurs.
Le Président (M.
Picard) : Merci, M. Barnabo.
M. Kotto :
Merci. Merci bien.
Le
Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à M. le
député de Borduas pour une période de sept minutes.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Poirier. Bonjour,
M. Barnabo. M. Barnabo, lors de votre présentation,
vous disiez, puis ça a soulevé mon intérêt : On ne souhaite pas de
stratégie de peuplement, mais plutôt une stratégie d'intégration.
Pouvez-vous un peu définir votre pensée sur cet élément-là?
M. Barnabo (Darryl) : Alors, je m'emploie à dire : Il faut que l'immigration et le développement
économique aillent de pair. Je
m'emploie à dire que l'immigration doit contribuer, donc, au développement économique. Et l'initiative que nous avons mise en place, vous me trouverez redondant avec notre
Coopérative de solidarité Goûts du monde, mais c'est pour nous aujourd'hui un gage de succès. Alors, ce n'est pas... Et je
ne pense pas que, quand on parle de régionalisation... ou, oui, je vous dirai plutôt à l'inverse :
Il serait difficile de convaincre nos milieux, notre région, d'accepter tout le monde à bras ouverts sans qu'il n'y
ait aucune contribution à rien du
tout. Je pense que c'est plutôt la meilleure façon de... — comment
dirais-je? — de
favoriser tout ce qu'on appellerait du racisme, du... Bref, nommons-les. Alors,
c'est de là que nous disons : Les personnes qui sont là,
mettons-les en action, faisons-les participer à un développement économique,
donc la coopérative, mettons-les en action, une vitrine commerciale.
Donc, si la personne
arrive parce qu'il y a un besoin de main-d'oeuvre, on répond à un besoin, les
personnes arrivent parce qu'il y a un regroupement familial ou peu importe la raison et qu'ils
rentrent, je le dis encore, qu'ils prennent
le train en marche, on les met en action, c'est dans ce sens-là que je parle,
ce n'est pas une stratégie de peuplement à amener des personnes qui vont rester sur l'aide sociale à ne pas trouver un emploi ou... Il faut définir, convenir de stratégies,
d'initiatives porteuses comme celle-là, qui rallient tout Drummondville, toutes
les couches socioéconomiques de Drummondville,
à ce que toute personne qui arrive, bien, passe par... je ne dirai pas un
tuyau, là, mais, bref, passe par une trajectoire
qui lui permet au moins, bien, d'avoir une première expérience d'emploi. Après,
s'il, écoutez, comme toute personne, Québécois, décide... — comment dirais-je? — de déménager, d'aller dans une autre région ou
autre, libre à elle en tant que tel.
M.
Jolin-Barrette : Quelles
sont les principales problématiques auxquelles font face les Néo-Québécois qui
arrivent chez vous? Cet automne, à l'Assemblée nationale, on a tenu un événement
avec les gens du Centre-du-Québec, puis il y
a une personne qui me disait : Moi, je voulais travailler, mais j'avais une
difficulté en matière de transport pour me véhiculer. Donc, ça, c'était un grand problème. La personne devait même
assumer les frais de taxi pour aller travailler parce qu'elle voulait détenir une expérience, une première expérience
québécoise, et elle avait énormément de difficulté à trouver en région un emploi. Est-ce qu'il y a
des obstacles comme ça qui sont vécus dans la région de Drummondville?
M. Barnabo
(Darryl) : Bien, vous le nommez, le transport en est un,
définitivement. Nous ne faisons pas de cachotteries
aux personnes qui arrivent en région. Il est clair que, chez nous, si vous
arrivez là, il faut définitivement et rapidement
trouver une option de transport si vous voulez travailler, dépendamment où vous
travaillez aussi, si c'est la zone industrielle
ou tout ça. Plusieurs exemples qu'on a eus, en fait, ont été assez bien résolus
quand même. Je vous donne un exemple.
Nous avons eu un Brésilien, qui est arrivé avec sa conjointe, qui travaille
chez Soucy International, qui n'avait pas
de moyen de transport. Encore là, dans l'accompagnement du milieu, nous avons
jumelé cette personne-là à une autre personne en emploi qui,
effectivement, donc, faisait la navette le temps que monsieur et sa conjointe
s'installent convenablement et, plus tard, acquièrent, donc, une auto. Bon.
Mais, je vous dirais, c'est le point majeur, ce que les personnes vont avoir comme difficulté, là, chez nous. L'intérêt, la
volonté, celle d'acquérir une expérience, celle de trouver la région
propice à leur épanouissement, elle est là, c'est indiscutable. Mais le
transport en est un. Nous avons vu des transports
collectifs qui ne se rendent pas nécessairement partout. La ville est en
éclosion, je vous dirais. Donc, les choses se définissent au fur et à mesure. Mais ce n'est pas impossible. Ce
n'est pas impossible. Il y a des gens qui arrivent chez nous et qui vont travailler dans le village voisin, et, encore là, ça a été de jumeler
avec un de ses collègues dans la même
entreprise le temps qu'il y ait... ou même des employeurs qui y ont participé aussi, donc du
covoiturage, du jumelage en auto avec
des employeurs et des employés qui, par la suite, ont permis à des gens de se
rendre plus, par la suite, autonomes. Pour
nous, il y a un effet positif, c'est que, quand on côtoie un Québécois
ou des personnes immigrantes, bien, il
y a une suite logique et une
suite sociale aussi qui découle de cela.
M. Jolin-Barrette : Parmi les gens que vous accueillez, est-ce que...
Il y a le processus à travers la coopérative dont vous discutiez tout à l'heure. Est-ce que,
parmi ces gens-là qui se trouvent un emploi, il y a une véritable
corrélation entre leurs
qualifications et l'emploi qu'ils trouvent dans le pôle économique de Drummondville? Est-ce que la
corrélation, elle est directe ou ce sont davantage des emplois connexes?
M. Barnabo (Darryl) : Alors, dans le cas de la régionalisation, le requérant principal, on
appelle ça le conjoint ou la
conjointe, dont le profil correspond à l'emploi, donc, demandé se place. La
deuxième personne peut ne pas se placer dans un emploi qui correspond directement à ses compétences. Vous le savez certainement qu'il y en a qui font le deuil de
leur profil, de leurs compétences, et autres, prennent d'autres emplois avant
d'accéder à... — comment
dirais-je? — à quelque
chose qu'ils chercheraient ou qui
aurait été... qui leur correspond le mieux. Et ils sont prêts à prendre peu
importe l'emploi, souvent, pour avoir
au moins une première expérience, pour se faire un réseau, comme on dirait, de connaissances sur le terrain. Et c'est là aussi que nous intervenons et c'est là aussi
que... c'est le genre d'initiative que je mentionnais tantôt, qui
devrait être mise, comme on en parlait, dans la question de la régionalisation
pour s'assurer qu'il y ait une... — comment dirais-je? — une...
il n'y ait pas d'interruption finalement dans les étapes qui sont mises en
place.
Mais,
oui, il y en a qui arrivent et qui... Et je parlais à ce moment-là plutôt du
conjoint ou de la conjointe, habituellement, parce que les personnes qui arrivent, je vous parlais du taux tantôt, on
parle de 80 % qui sont en emploi, c'est des gens qui arrivent parce qu'il y a un emploi qui est
déjà là. Et, je vous dirais, le frein se ferait assez naturellement puisque les
personnes à Montréal, avant d'arriver là,
bien, elles ont un bail, elles ont, bref, des obligations qu'elles ne peuvent
pas, du jour au lendemain, commencer...
être coupées puis arriver en région. Donc, pour eux, il faut qu'il y ait un
emploi qui corresponde à leurs
besoins avant de s'installer chez nous. Par la suite, bien, les choses se font...
ou le second doit trouver quelque chose avant de s'installer.
M.
Jolin-Barrette : Puis, parmi les gens que vous recevez...
Le Président (M.
Picard) : 15 secondes.
M.
Jolin-Barrette : ...je comprends que la destination de Drummondville
n'est pas nécessairement toujours la première
destination, les gens posent leurs valises d'abord à Montréal. Et ensuite dans
quel continuum de temps les gens font le transfert entre Montréal et
Drummondville?
M. Barnabo (Darryl) : Je vous dirais, ça varie entre deux jours et un an en tant que tel.
Cependant, pour répondre très
rapidement, plus nos initiatives sont mises de l'avant, plus les personnes qui
s'intègrent, qui sont chez nous, qui sont des exemples de succès en parlent à l'extérieur. Et, quand on en parle à
l'extérieur, ce qu'ils choisissent finalement, c'est : J'ai entendu
parler de Drummondville, j'arrive à Drummondville. Cependant, quand ils
arrivent à Montréal, bien, ils s'installent puis ils font...
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. Barnabo et M. Poirier, pour
votre présentation. Je suspends les travaux quelques instants afin de
permettre au Service d'aide aux néo-Canadiens de prendre place.
(Suspension de la séance à 16
h 29)
(Reprise à 16 h 31)
Le
Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en
accueillant le Service d'aide aux néo-Canadiens. Je vais demander aux
deux personnes de se présenter et de faire votre exposé. Vous disposez de 10
minutes.
Service d'aide aux néo-Canadiens (Sherbrooke) inc.
M.
Marceau (Denis) : Merci, M. le Président. Je suis Denis Marceau, le
président du conseil d'administration du
Service d'aide aux néo-Canadiens, et je suis accompagné de Mme la directrice
générale du Service d'aide aux néo-Canadiens, Mme Orellana.
Mme Orellana
(Mercedes) : Bonjour.
M.
Marceau (Denis) : Alors, nous disposons d'un peu de temps. Merci de
nous recevoir. C'est un grand honneur pour nous de venir vous rencontrer
pour partager nos réflexions par rapport à ce grand dossier et cette grande
cause.
On
veut exprimer notre accord en partant avec la démarche entreprise par le
gouvernement du Québec, qui est une
démarche éducative. Et c'est très important, cette démarche-là, parce que la
population québécoise a besoin de cette démarche-là pour s'apprivoiser de ce dossier de l'immigration, de la
diversité, de l'inclusion, surtout dans un contexte actuel où les fragilités et méfiances sont bien
présentes. Finalement, cette démarche ne doit pas être escamotée. C'est
important qu'on prenne le temps de bien la faire, parce que c'est une
occasion d'éducation en soi, la démarche comme telle.
Alors, on
voulait mettre ça en évidence. L'important, c'est vous remercier d'avoir entamé
cette démarche-là, et elle est très
importante. Et, n'oubliez pas, on est dans un processus éducatif, et, comme
l'éducation, ça prend du temps, il ne faut pas se décourager. Ce n'est
pas une intervention qui règle le problème, c'est une intervention continue.
Deuxième élément que je
voudrais mettre en évidence, c'est que le projet de politique québécoise en
matière d'immigration, de diversité et
d'inclusion, c'est un bon projet, qui repose sur une bonne lecture du passé, du
présent et une belle anticipation du
futur. Il y a une proposition d'une très belle vision, et je veux la souligner,
cette vision-là. Elle est
d'envergure, elle est claire, elle positionne bien ce vers quoi nous devons
aller. Le dossier qui accompagne la politique est très généreux, fait le
tour d'une façon sans complaisance, fait un bon regard et met en évidence,
entre autres, les difficultés. Et j'aimerais
prendre le temps, même, de les nommer avec vous, ces difficultés-là. On les
voit aux pages 15 à 20 du dossier d'accompagnement.
Donc, les
principales difficultés, on dit : «L'accès insuffisant à de l'information
pertinente et en temps opportun sur
les exigences du marché du travail québécois et les perspectives
professionnelles; deuxième — les difficultés liées à la reconnaissance des compétences, que ce soit par
les employeurs, les établissements d'enseignement ou par les ordres professionnels et les autres organismes de
réglementation; les compétences linguistiques et socioprofessionnelles insuffisantes ou inadaptées aux exigences de
l'emploi; des réseaux sociaux en construction et donc moins développés;
et la discrimination à l'embauche.»
Et on ajoute
aussi quelque chose qui très important dans le contexte actuel : Est-ce
que la population québécoise connaît
le coût social engendré par ces difficultés? À ces obstacles il faut ajouter
les inquiétudes de la population, basées sur ces perceptions qui ne correspondent pas toujours à la réalité, les préoccupations concernant la
pérennité du français,
l'intégration et le respect des valeurs québécoises, l'occupation et la
vitalité des territoires.
Donc, on a de
beaux grands défis nommés, ils sont bien nommés. Il s'agit de s'atteler pour
résoudre ces obstacles-là, les abaisser. Donc, le défi sera de lever les
obstacles et d'actualiser la vision proposée, très belle vision : une société
francophone, inclusive et fière de sa diversité,
qui aspire à une grande cohésion sociale par la participation de chacun et de chacune
et qui conçoit l'immigration comme une richesse essentielle à son
développement. Donc, moi, je trouve extraordinaire cette vision-là, elle
est sans nuance, mais elle est visionnaire, et c'est ce vers quoi nous devons
aller.
Nous avons
une suggestion à vous faire. Il y a trois enjeux qui sont nommés, mais on
aimerait bien en nommer un quatrième,
qui est l'intégration réussie. On parle de l'immigration, mais on n'a pas fait
un enjeu sur l'intégration en soi, et
je trouve que là où le bât blesse souvent, au Québec, c'est dans ce processus
d'intégration réussie, et ça vaudrait la peine, je pense, d'y mettre
tout... de l'attacher à un enjeu proprement dit.
Et la TCRI,
la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et
immigrantes, a défini, a fait une réflexion sur cette intégration-là, et
je me permets de vous indiquer que c'est dans le dossier, vous l'avez à la page 14, l'intégration étant un processus complexe
puisqu'il est multidimensionnel, bidirectionnel, graduel et continu, individuel, encadré par le réseau familial et
sociétal et complexe. Donc, l'intégration est vraiment quelque chose de
difficile à cerner comme il faut et
l'intégration des personnes immigrantes dans une société québécoise, je pense
qu'il y a matière à réfléchir et de camper ça dans un enjeu qui est
particulier.
Pour
progresser vers la vision, il faut une campagne d'information. J'entendais ça
tantôt, la discussion, et on est pleinement
d'accord avec une campagne d'information nationale qui vise à donner l'heure
juste aux Québécois, à contrer les stéréotypes, à définir des concepts
souvent, qu'on dit, en passant, sans trop savoir exactement la teneur de ces concepts-là. Et un de ceux-là, de ces concepts-là,
c'est le concept de l'interculturel, qui doit être bien cerné, bien compris.
Moi, ce concept-là, je l'aime bien, beaucoup
mieux que celui du multiculturalisme. C'est un concept qui veut dire qu'on
met les gens en interaction, les cultures
ensemble pour réaliser un développement, un objectif qui nous est commun et
qu'on partage.
Je veux également vous dire que nous avons... là
où souvent, dans le processus de l'intégration, les personnes nous arrivent ici et, qu'ils soient des
indépendants ou des réfugiés, arrivent en terre méconnue, dans une terre
nouvelle, et ils n'ont pas de réseau,
ils n'ont pas... Ils ne peuvent pas se jumeler facilement. Donc, nous, on a un
projet, au Service d'aide aux
néo-Canadiens, où on veut développer le réseautage, jumelage interculturel dès
les premiers instants de l'arrivée pour
éviter que les gens s'isolent, se découragent et finalement perdent leur
enthousiasme. Parce que les gens qui arrivent ici, que ce soit les réfugiés ou les indépendants, arrivent avec
beaucoup d'enthousiasme, et c'est souvent la façon dont on les
accueille... mais après, dans le processus d'intégration, c'est là que souvent
ils vont se river aux obstacles, aux difficultés, et, s'ils sont laissés tout
seuls, bien, ça peut être assez difficile pour eux, alors qu'un bon projet où
on développe le réseautage, le jumelage,
nous, on croit que c'est une piste d'avenir pour ce processus d'intégration
réussie.
Finalement,
je dois souligner que le Service d'aide aux néo-Canadiens, on vient de fêter
notre 60e anniversaire, nos 60 ans
d'existence. À travers ces 60 ans-là, on a développé de l'expertise, on a
développé des compétences. On est bien
placés pour faire de l'accueil et de l'accompagnement des personnes immigrantes
dans leur intégration socioéconomique et on tend la main au
gouvernement, on tend la main aux villes, aux régions pour qu'on se partage
notre... et qu'on s'épaule pour réaliser ce
grand objectif. Je voudrais souligner que le Service d'aide aux néo-Canadiens
est bien en selle aussi pour être en
contact avec les employeurs. On a reçu un prix d'excellence lors du gala de La
Chambre de commerce de Fleurimont, ce qui signifie qu'ils nous
reconnaissent comme étant un agent, un organisme au coeur de la vie de Sherbrooke et de l'Estrie.
Je passerais la parole à Mme la directrice pour
compléter et rendre peut-être encore plus percutant...
• (16 h 40) •
Le
Président (M. Picard) :
En 30 secondes. Il reste 30 secondes, tout
simplement, ou tout à l'heure, lorsque vous allez échanger avec les parlementaires,
vous pourrez...
Mme
Orellana (Mercedes) : En
fait, je voulais simplement vous dire qu'il
y a... nous, de la façon qu'on a
construit le mémoire — puis
que c'est le document que vous venez de recevoir — il est accompagné d'un dépliant qui explique
nos services, dont vous pouvez en prendre connaissance plus tard. Je voudrais juste attirer votre attention sur la mission
du Service d'aide aux
néo-Canadiens, qui est justement dans la première partie de notre dépliant et qui
dit que c'est un organisme qui
accueille les personnes immigrantes en Estrie, pas juste à Sherbrooke,
et qu'il les accompagne dans leur intégration
socioéconomique et contribue au rapprochement interculturel.
C'est une mission qui est très large, mais qu'on accomplit très bien
depuis 60 ans.
Le dernier
élément que je voulais vous dire, c'est que le document qu'on a construit comme
mémoire reprend les enjeux, reprend
les orientations stratégiques, les questions que vous aviez dans
le cahier de consultation, et, à chaque question... pardon, à chaque bloc de questions, il y a
des éléments de réponse, il y a des propositions qu'on fait, il y a des pistes de solution qu'on vous mentionne puis aussi
des exemples aussi sur des choses qui ont déjà très bien réussi dans notre région aussi. Pour éviter de commencer puis
refaire la rue quand il y a des belles choses, bien, il faut plutôt peut-être les faire connaître puis les
partager pour qu'il y en ait d'autres qui en bénéficient aussi. Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Weil : Alors, oui. Merci beaucoup, M. Marceau, Mme Orellana, et bienvenue à cette
commission pour parler et échanger
avec nous sur cette importante politique, et je vous remercie pour vos
commentaires. D'ailleurs, je vous dirais qu'il y a vraiment un consensus. Les gens sont heureux de pouvoir parler
de cette nouvelle politique
et de pouvoir contribuer à bâtir les prochaines, peut-être, 25 années
sur l'immigration, aller plus loin, faire mieux.
Mais
vous, vous avez une longue expérience et vous êtes un partenaire de longue date
du ministère de l'Immigration. Alors,
vous avez 60 ans d'expérience. Alors, je trouve ça intéressant, parce que
vous avez été, comment dire, sur tous
les plans par rapport à l'immigration,
l'intégration, bon, les réfugiés, les travailleurs qualifiés, évidemment
certainement des personnes du
regroupement familial, la francisation. Vous avez une perspective du passé et
vous avez peut-être compris qu'on veut aller vers l'avenir parce qu'on
voit que le Québec a changé, les enjeux ont changé.
La question
démographique se présente différemment : c'est des pénuries de
main-d'oeuvre aiguës dans certaines régions; les personnes en âge de travailler qui sont maintenant
en chute, contrairement à l'Ontario, le Canada, les États-Unis, qui,
eux, voient les personnes en âge de travailler en croissance. Donc, il faut
être, comment
dire, compétitif à cet égard, répondre rapidement à ces besoins
pour le développement économique et social ou culturel du Québec.
J'aimerais peut-être
vous permettre de parler un peu de vos perspectives, et
c'est un peu peut-être... je ne vous donne pas beaucoup de temps pour faire juste un petit résumé de ce que vous
voyez dans les changements, vous-mêmes, dans l'organisation, et comment vous voyez les défis des prochaines
années. Et vous avez souligné l'importance de la vision,
une vision qui est d'inclusion, mais qu'il faut travailler l'inclusion. Donc,
j'aimerais vous amener sur vos constats par rapport à l'importance de
moderniser, peut-être, et d'aller plus loin sur nos façons de faire en matière
d'accueil et d'intégration.
Mme
Orellana (Mercedes) : Bien,
en fait, effectivement, je suis près de l'équipe de travail, de l'équipe
terrain. Quand je dis «l'équipe
terrain», c'est le personnel salarié, mais c'est aussi les bénévoles, parce
qu'il faut souligner aussi qu'on
travaille en complicité avec une centaine de bénévoles qui nous accompagnent
dans toutes les démarches d'installation qu'on fait auprès des familles,
et cet exercice de complicité, bien, ça nous aide à être à l'affût aussi puis à
l'écoute de commentaires de personnes qu'on aide à installer.
C'est
clair que, dans l'histoire du Service
d'aide aux néo-Canadiens, on est présents depuis les premiers ressortissants
aussi après la Deuxième Guerre mondiale. Il
y a eu différentes vagues aussi d'immigrants qui ont coloré le paysage de
Sherbrooke et de ses environs. On a aussi des personnes très entreprenantes. On a, dans le document on le
mentionne à un moment donné,
l'exposition Sherbrooke, terre d'accueil, que La Société d'histoire de
Sherbrooke a présentée de 2009 jusqu'à
2016, où on voit justement des exemples de l'apport de l'immigration dans notre
territoire. C'est clair que la vision qui
est prônée par le gouvernement par rapport à la nouvelle politique amène un
défi au niveau d'être compétitif pour le recrutement, pour la sélection de personnes et les inviter à venir s'établir
pour continuer à construire le Québec dans un environnement mondial où est-ce qu'il y a d'autres pays qui sont aussi à
l'affût de, justement, les mêmes personnes, des mêmes profils aussi au
niveau des candidats à l'immigration.
Je pense que
la technologie peut nous aider aussi, justement, dans les... Je voulais
simplement vous mentionner que, pour
chacun des enjeux, on a donné des pistes de solution et, en lien avec la
sélection, on dit : Il pourrait y avoir... parce qu'on souhaite... On voit que le Québec veut s'aligner un peu de
la même façon que le Canada le fait aussi avec la déclaration d'intérêt. Il serait intéressant, par
exemple, de proposer à des personnes qu'ils fassent des tests en ligne sur
la connaissance des régions du Québec parce que, si on voit la région de
l'Abitibi-Témiscamingue qui peut être... ses propres
atouts, mais des atouts qui sont différents de si on va vers l'Outaouais, par
exemple, ou si on reste à Montréal ou en Estrie.
Donc, déjà,
d'avoir des informations, des petits quiz, des questions que la personne, elle
peut répondre en ligne parce qu'on sait bien qu'on s'adresse à des
personnes plus qui répondent à la catégorie travailleurs qualifiés, déjà, la personne, elle va être intéressée par qu'est-ce
que les différentes régions ont à offrir, et c'est là qu'il peut y avoir les
premiers atomes crochus aussi qui se
développent, mais il y a une connaissance obligatoire, je dirais, pour que la
personne puisse déjà imaginer le pays ou la région où est-ce qu'il va aller
s'installer. Ça, c'est clair qu'il faut se moderniser peut-être au niveau de la technologie en utilisant tous les
outils qu'on peut avoir à l'accès, comme Skype ou des entrevues en ligne.
M. Marceau
(Denis) : J'aimerais revenir sur, évidemment, les obstacles. Il faut
les lever, ces obstacles-là, mais le
grand défi pour moi est peut-être moins dans l'accueil — on fera nos choix, là, pour accueillir qui
on veut — mais,
pour moi, demeure toujours, quels que soient
les choix qu'on va faire, c'est dans le processus d'intégration. Donc, le grand
défi, pour moi, c'est
l'intégration. On a fait des efforts dans le passé et on a des gens qui se sont
bien intégrés, mais le bât blesse
beaucoup. Il y a des gens, si on faisait des relances auprès des personnes qui
ont été accueillies, ils disent : L'accueil, ça va bien, là, mais on attend. Sur l'intégration,
vraiment, le bât blesse, là, et je pense que le futur doit vraiment... on doit
pousser vraiment sur l'amélioration de tout ce qui est comme embûche dans ce
processus d'intégration.
• (16 h 50) •
Mme
Orellana (Mercedes) : Et, si
vous permettez... Et, dans l'intégration, en fait, dans nos constats, on a
constaté qu'il y a eu une énorme
amélioration au niveau de la francisation pour les personnes qui sont
allophones ou qui nécessitent encore un petit peu de soutien par rapport
à la francisation.
Par contre,
là où on pense qu'il peut y avoir de l'amélioration, c'est : Est-ce qu'on
peut penser à un modèle où la francisation pourrait se faire de façon
concomitante? Au Québec, on a un style d'intégration qui est linéaire. Tu finis
d'abord tes 900 heures de francisation,
ensuite on passe à la prochaine étape. On peut-u penser qu'on s'adresse à des
adultes qui ont une capacité
d'apprendre, et qui sont capables de faire deux choses en même temps, et qui
pourraient... d'une part, un certain
nombre d'heures passées dans les bancs d'école, mais ensuite aller dans un
milieu de stage, dans un milieu de pratique
où est-ce qu'ils pourraient déjà... ou même en emploi et qu'ils pourraient déjà
travailler? On peut s'inspirer des autres modèles comme ça existe en Allemagne,
où les étudiants, bien, ils étudient les cours de théorie et, en même temps,
ils ont l'occasion de pratiquer pour mettre en pratique leurs connaissances.
Moi, je peux
avoir eu le bagage d'avoir appris 10 nouveaux mots dans une journée, mais, si
je n'ai pas l'occasion de pratiquer
ces nouveaux mots dans un contexte où est-ce qu'on l'utilise correctement, ils
vont rester dans mon cerveau jusqu'à tant que je sois capable de
l'apprendre, mais je peux les perdre aussi parce que je n'ai pas eu l'occasion
de pratiquer. Donc, ça, à mon avis, c'est un
virage qui serait peut-être intéressant à regarder pour dire comment on peut
faire, de façon à ce que les
personnes accentuent les occasions de pouvoir pratiquer le français tout en
continuant son apprentissage théorique.
L'autre élément où est-ce qu'on a vu aussi... on a constaté
une amélioration, c'est au niveau de la réceptivité des entreprises. Nous, en Estrie, on est situés au
Québec, dans une région où est-ce qu'on est proches de la frontière avec les
États-Unis, où est-ce que les anglophones
ont vécu avec les francophones pendant longtemps. On a une longue tradition
d'immigration dans notre région, et les
entreprises vivent, oui, des raretés d'emploi dans certains domaines, dans
certains postes aussi, dans certaines régions, mais la réceptivité des
entreprises, une fois qu'on a cogné à la porte puis qu'on est capables de leur dire : Connaissez-vous les
profils de candidats immigrants... Savez-vous qu'il peut y avoir une personne qui est déjà ici, en Estrie? Pas besoin d'aller en
Europe, pas besoin d'aller à Montréal, cherchons dans le bassin qui est
plus près de chez nous, puis peut-être que vous allez dénicher la perle rare
que vous cherchez, à compétences égales, évidemment, parce qu'on ne parle pas
de donner un passe-droit ou d'enfreindre les règles qui existent au niveau de
la sélection ou de recrutement. On parle de compétences égales.
Donc, c'est
une grande amélioration, mais il reste encore qu'il reste du travail à faire
parce que, M. Fortin l'a mentionné tantôt,
il se peut que... on n'est pas à l'abri d'avoir une mauvaise expérience, puis
une mauvaise expérience pour une
entreprise, c'est assez, parfois, pour pouvoir comme se mettre à la défensive,
pour ne plus avoir le goût d'essayer, pour garder la distance un certain
temps avant de recommencer. Donc, la sensibilisation, l'information, le
soutien, l'accompagnement des entreprises, c'est important de ne pas lâcher le
morceau pour justement garder cet intérêt des entreprises.
Dans le projet de mémoire, on suggère, par exemple, que le
comité interministériel qui vient d'être formé, qui est mentionné dans le cahier de consultation, qui
était formé en 2014, ait le mandat de... ait peut-être la possibilité de créer
une trousse d'information pour les
entreprises, surtout pour les PME, pour les petites entreprises qui n'ont pas
une grosse machine en ressources
humaines, et pouvoir les accompagner au niveau de la sélection, au niveau des
personnes immigrantes dans leur
milieu, un peu à l'instar de la trousse d'information qui était faite, le guide
dediversité plus, plus, qui était fait par le comité aussi
quelques années auparavant, les quatre ministères, donc... Je vais m'arrêter
là.
Mme Weil : Oui. Bien, on va revenir sur certains éléments. Vous avez mentionné que
l'intégration... vous mettez beaucoup l'accent sur l'intégration. J'imagine,
vous parlez d'intégration sociale, intégration en emploi sûrement, mais
vous mettez beaucoup l'accent là-dessus. Qu'est-ce qui vous préoccupe ou
quelles sont les barrières que vous voyez? Certainement,
vous en voyez. Est-ce que c'est par rapport à la méconnaissance, les attitudes
ou l'accompagnement, la préparation de l'immigrant? Quels sont les défis
que vous voyez? Et je vous amènerais aussi sur, peut-être, le modèle d'intégration
qu'est l'interculturalisme. Vous l'avez évoqué, les rapports interculturels.
Est-ce que c'est un modèle à formaliser ou à mieux définir, élargir?
M. Marceau (Denis) : Je peux commencer. En tout cas, je le prends par...
le modèle interculturel, moi, c'est un modèle
que je trouve très parlant pour moi, qui, à l'opposé d'accueillir des gens puis
de les encourager à s'organiser comme ils veulent, l'interculturel a
comme exigence d'être en situation toujours inter de dialogue et d'entraide.
Que ce soit l'employeur, que ce soit la personne immigrante, c'est qu'ils
soient toujours en situation interactive pour s'enrichir mutuellement. Alors, moi, pour moi, ça, c'est un
concept très, très important, dans le modèle à venir, par rapport à tout ce processus d'intégration là.
Et c'est là que je joins le projet qui nous sied beaucoup,
qu'on caresse beaucoup, là, au
niveau du Service d'aide aux néo-Canadiens, sur le réseautage, jumelage
interculturel, pas juste à des fins d'intégration sociale, mais d'intégration
socioéconomique aussi, c'est-à-dire cette question d'être immédiatement mis en
réseau avec soit une famille, soit des employeurs, soit des organisations, pour
que la personne soit tout de suite en mouvement par rapport à... D'abord, les personnes ont des aspirations. Les personnes qui
nous arrivent ici ne sont pas
démunies. Ils ont des aspirations. Si tu les mets assez rapidement en réseau, ces gens-là vont
pouvoir, à travers le réseau, actualiser
et voir comment ils pourraient actualiser leurs rêves.
Mme
Orellana (Mercedes) : Si je
peux enchaîner, dans la préoccupation par rapport à l'intégration, chez nous,
autre que la question de se mettre en
réseau, de créer un réseau, c'est aussi la question de l'emploi parce qu'on
reçoit des personnes de tout statut
d'immigrant. Donc, on a les personnes réfugiées, les personnes parrainées par
un conjoint ou par un groupe, parrainées, on a aussi les travailleurs
qualifiés, et chaque groupe a commencé ses embauches au niveau de pouvoir en arriver avant de dénicher un emploi. Il
y a, par exemple, les personnes pour qui la connaissance de l'anglais, c'est une difficulté parce que, s'ils viennent d'un
pays francophone, mais qu'il ne connaît pas l'anglais, mais, pour le type
d'emploi qu'ils recherchent, les entreprises
demandent une connaissance de l'anglais parce qu'ils font l'exportation avec
des entreprises de l'extérieur, donc c'est
déjà un blocage pour la personne. Mais il n'y a pas de mesure pour former des
groupes pour acheter des cours, disons,
d'anglais pour des personnes qui peuvent... C'est à la charge ou c'est aux
frais de la personne.
Il y a aussi
la catégorie des personnes qui sont moins scolarisées, qui, pour des raisons
humanitaires, le Canada les
accueille, mais qui ont droit aussi à pouvoir se trouver un emploi. C'est des
personnes qui veulent aussi contribuer à l'économie, mais il y a un problème au niveau de la scolarité, donc l'intégration,
elle va prendre plus de temps aussi. Et là les mesures d'Emploi-Québec, parfois, comment je dirais, établissent des
critères qui font en sorte que ces personnes-là ne rentrent pas nécessairement dans aucune des
mesures. Donc, on tourne en rond parce qu'ils doivent continuer encore à
apprendre le français, ils doivent se scolariser, mais c'est plus long.
Mme Weil : M. le Président,
j'aimerais céder la parole à mon collègue de Sherbrooke.
M. Fortin (Sherbrooke) : Il me reste
combien de temps?
Le Président (M. Picard) :
Deux minutes.
M. Fortin
(Sherbrooke) : Deux minutes, alors on va y aller rapidement. Alors,
bien, bienvenue à l'Assemblée nationale.
Je suis très content qu'on puisse vous recevoir ici parce que vous êtes un
partenaire de choix, pour la région de
l'Estrie, en matière d'immigration. Je pense que vos 60 ans d'existence en
témoignent que vous avez l'appui de notre collectivité. Vous êtes aussi
un partenaire important du ministère.
Alors, on a
souvent l'occasion de discuter ensemble, je connais vos positions, alors, quand
j'ai lu votre mémoire, il n'y avait
pas de surprise pour moi, mais il y avait un élément qui m'apparaissait
nouveau, pour lequel j'ai eu une certaine curiosité. C'est à la fin de la page 16, début de la page 17 de votre
mémoire. Vous dites : «Le Québec pourrait mieux se positionner en faisant la promotion auprès des
candidats francophiles dans les territoires non francophones ainsi que les
pays réunissant un nombre significatif des
personnes francotropes», donc des gens qui ont des aptitudes ou un intérêt
pour la langue française. Et, ensuite
de ça, vous dites : «Il est louable de porter une attention particulière à
la sélection basée sur [les] besoins économiques, mais il faut s'assurer
que l'arrimage entre les besoins économiques et les candidats sélectionnés se
fasse en temps réel.»
Mais la dimension de la langue, je voudrais
savoir pourquoi vous prenez cette position-là, telle qu'elle était suggérée, hein? C'est une piste de réflexion suggérée
dans le cahier de consultation. Est-ce que vous, par votre expérience au quotidien, vous en venez à la conclusion que,
pour avoir une bonne intégration, il faut sélectionner des candidats qui
n'ont peut-être pas les connaissances en
matière de français dans leur pays d'origine, mais qui ont des aptitudes pour
les développer et l'intérêt pour le
développer, et que, par votre expérience, en fait, les connaissances en matière
de français, dès l'arrivée, ne sont
pas nécessairement un gage d'intégration et même d'intégration réussie pour
prendre le volet que vous souhaitez développer?
• (17 heures) •
Mme
Orellana (Mercedes) : ...effectivement,
quand on a lu les cahiers de consultation... puis on a vu que c'est une piste que le gouvernement veut... en tout cas,
mentionne dans son document. Nous, de notre observation à travers les années, on a reçu des personnes de tous les
horizons, allophones, ou francophones, ou mi-francisés, on dirait, mais avec les... lorsque le gouvernement a fait des
missions à l'étranger, dans des pays comme en Amérique du Sud, que ce soit l'Argentine notamment... et les personnes qui
viennent comme indépendantes de leur propre choix, mais qui viennent de pays comme le Brésil, le Mexique, le Venezuela,
le Chili, ce sont des personnes qui ont, de leur propre gré, avec le soutien ou non du gouvernement du Québec, appris
le français avant de venir ici. Donc,
c'est des personnes qui, effectivement, comportent
des atouts aussi parce qu'ils vont peut-être choisir Sherbrooke pour s'enraciner davantage que s'ils iraient
du côté anglophone, disons, ailleurs au Canada...
Le Président (M. Picard) : ...s'il
vous plaît.
Mme Orellana (Mercedes) : Pardon?
Le Président (M. Picard) : En
terminant, s'il vous plaît. Parce que M. le député de Sherbrooke vous a laissé
15 secondes.
Mme Orellana (Mercedes) : Mais je
voulais simplement... O.K. Simplement pour dire que c'est...
Le
Président (M. Picard) : Non, non, mais il vous a laissé...
Mme
Orellana (Mercedes) : On voulait dire qu'on allait dans le sens de la
proposition du cahier de consultation, dans ce sens-là.
Le Président (M.
Picard) : Merci. M. le député de Sherbrooke, il vous restait 15
secondes.
M. Fortin
(Sherbrooke) : Ah! Merci de votre générosité, M. le Président.
Le Président (M.
Picard) : Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.
M.
Kotto : Merci, M. le Président. M. Marceau, Mme Orellana, soyez les bienvenus et
merci de contribuer du haut de votre
longue expérience de terrain. C'est la deuxième fois que j'entends, aujourd'hui, dire que, très souvent, des immigrants en recherche d'emploi, on exige la
maîtrise de l'anglais. On sait, vous et moi... et ça part d'il y a une
quarantaine d'années : le mois
d'août dernier soulignait les 40 années de l'institution de la langue française
comme langue publique, langue de
travail, comme une langue de communication, sous M. Robert Bourassa, et, par la
suite, la loi 101 est venue consolider cet acquis, en tout respect pour
la minorité historique anglophone du Québec, qui a accès à des services en anglais. Mais, pour le travail en tant que tel, à
l'extérieur, quand des immigrants, notamment francophones, viennent au Québec, c'est pour travailler en français. Alors,
si l'exigence de l'anglais devient un obstacle relativement à leur embauche,
est-ce que vous seriez d'avis que la loi
s'applique encore plus vigoureusement qu'elle ne le fait en ce moment? Je parle
ici de la loi 101.
Mme Orellana (Mercedes) : Moi, je vais commencer, si vous voulez, M. Kotto.
Moi, je suis d'accord, effectivement, à
ce que la loi s'applique, ça continue à s'appliquer. La loi 101, elle a sa
place. Là, on parle de la pérennité du français, c'est une valeur commune aussi au Québec, qui est le pays... qui est
l'espace francophone en Amérique du Nord, jamais qu'on va être en
désaccord avec ça.
Ce qu'on dit, c'est
que les entreprises, dans leurs opérations, dans leurs marchés, dans le
développement des produits et des services,
certaines entreprises exigent une connaissance, pas une maîtrise
nécessairement, mais une connaissance
de l'anglais pour être capable d'être fonctionnel dans un emploi quelconque.
Et, si on veut que la personne, dans
un espace où est-ce qu'il y a plusieurs chercheurs d'emploi, les personnes
immigrantes aient une chance aussi d'être capables de compétitionner pour obtenir un emploi en quelque part, mais,
s'ils n'ont pas une connaissance minimale du français, parce que c'est exigé par rapport à la tâche à faire, bien,
ils vont toujours être en deuxième rang, si vous voulez, puis il va toujours y
avoir des candidats qui vont pouvoir répondre à ces critères. Je ne sais pas si
je suis claire dans ma réponse.
M. Kotto :
Tout à fait.
Mme Orellana (Mercedes) : Mais, pour répondre à la vôtre : Oui, on est
tout à fait d'accord à ce que la loi 101 continue à
s'appliquer au Québec.
M. Kotto : O.K. M.
Marceau, dans votre exposé, vous avez évoqué le fait que le document donnait
une bonne lecture du passé, du présent
et une bonne anticipation du futur, en gros. Vous faites référence ici à une
perspective historique ou... Vous
vous appuyez sur quoi pour dire ça? Est-ce que vous pouvez élaborer, notamment
relativement au passé? La bonne lecture du passé, vous vouliez dire
quoi, par rapport à ça?
M. Marceau
(Denis) : C'est-à-dire, le document de consultation, y compris toutes
les statistiques qu'il y a... Il y a un
document sur les statistiques, sur le rôle du ministère, qu'est-ce que le
ministère a fait depuis des années et des années. Je trouve que tout est
bien relevé, ce qui s'est passé dans le passé, et avec un regard critique, qui
n'est pas complaisant, vu uniquement
complaisant — c'est
dans ce sens-là que je le dis — tient
compte de notre histoire, dans le... Parce que l'immigration, au Québec, c'est...
Moi, j'en suis un aussi, un fruit, hein, on est tous des fruits de
l'immigration, un jour ou l'autre, et
l'Estrie, entre autres, est construite par les personnes immigrantes,
hein? Je le dis et je le redis encore : Il n'y aurait pas d'Université de Sherbrooke sans des personnes immigrantes. Donc, les
personnes immigrantes ont apporté une
très grande contribution au développement du Québec. De reconnaître cela, c'est dans ce sens-là que
je dis : Le document rend bien le passé et l'actuel, avec un certain
regard critique, puis on s'en va vers où, et là la vision nous trace ce vers
quoi on devrait aller. Évidemment,
il reste à définir toutes les conditions de succès pour qu'on s'approche de
cette belle vision.
M.
Kotto : Moi, ce qui
me titillait, c'était la référence au passé, parce qu'à ma lecture il manquait une dimension historique, qui
est celle de la conquête, qui ne figure pas dans le document, qui est un
document public.
Bref,
je vous rejoins, là, relativement aux moyens pour soutenir... vous, comme
entité et d'autres, qui faites un travail
structurant, déterminant sur le terrain, les moyens manquent, évidemment. Et,
dans ce cas-là, pourquoi faire venir tant
de gens si c'est pour les abandonner et les laisser à eux-mêmes sans référence
et sans réseau? C'est un paradoxe. Et c'est
bien d'avoir amené cela en surface. Vous n'êtes pas les seuls, aujourd'hui, à
l'avoir fait. Vous l'avez fait avec beaucoup de subtilité, on vous
comprend très bien. D'autres l'ont également évoqué, ce problème-là.
M. Marceau (Denis) : Bien
que je me mets en garde moi-même sur le repli, c'est-à-dire, puisque nous
n'avons pas les moyens à la hauteur
pour faire une belle intégration réussie, diminuons, ne faisons rien,
accueillons moins... Et, pour moi, la position de repli n'est pas une
solution.
M.
Kotto : Mais, accueillir moins, est-ce une position de repli?
N'est-ce pas une position réaliste? Parce que, quand on s'embarque dans un projet, on s'y embarque en
connaissance de cause, notamment en ayant conscience de ses limites financières pour aller là-dedans. Parce que ce ne
sont pas des statistiques, là, ce sont des humains, donc... Vous connaissez
la référence au miroir des alouettes : quand on fait miroiter des tas de
belles choses... Et il y a beaucoup de gens qui évoquent cela, ceux qui ont
fait le trajet migratoire, quand on leur fait miroiter des tas de belles choses
par rapport au Québec et qu'ils arrivent
enthousiastes et qu'ils frappent le mur de la réalité, il y a des drames, là,
il y a des... quand ce n'est pas des drames individuels, c'est des
drames familiaux, collectifs. C'est pourquoi il ne faut pas, disons, de notre perspective des choses, prendre cela à la légère.
Ambitionnons, mais ambitionnons réalistiquement, entre guillemets, à la
hauteur de nos moyens, de notre capacité financière d'encadrer, d'accompagner
des gens.
Le
ratio d'immigration que nous présentons en tant que nation, il est beaucoup
plus élevé que celui des États-Unis ou
de la France, par exemple. C'est aussi là une réflexion à avoir. Ce n'est pas
être xénophobes ou racistes que de dire : Soyons réalistes, faisons, à l'aune de nos capacités financières, ce que
doit en matière d'immigration et d'intégration. C'est le bon sens, tout
simplement, non?
• (17 h 10) •
M. Marceau
(Denis) : Moi, je vous suis, mais, en même temps, je veux être prudent
là-dessus parce que... Évidemment, ça dépend
quelle sorte d'analyse qu'on fait de notre société, de ses besoins. Ici, on a
besoin d'accueillir un plus grand
nombre de personnes... Bien, ça devient un choix de société, là. Et, quand on
fait un choix de société, il faut aussi accompagner des moyens qu'il
faut. Ça, c'est d'une part.
D'autre part, dans
les moyens que nous avons actuellement, est-ce qu'on les utilise bien? Ça,
c'est une autre question. Par exemple, on
parlait tantôt de la francisation. Il se dépense beaucoup d'argent dans la
francisation au Québec, mais est-ce
qu'on a fait un bon regard critique sur ce qui se passe avec nos mesures de francisation,
ainsi de suite? Je ne veux pas
engager de débat là-dessus nécessairement, mais je veux juste poser la
question. C'est qu'une fois que j'ai fait mon choix de société... moi, je pense que c'est un bon choix de société,
qui est d'accueillir le plus de personnes possible ici, au Québec;
on a besoin de personnes pour se développer et faire un peu, à l'instar du Québec
d'hier... Le Québec d'hier s'est
construit avec des personnes immigrantes, on a besoin aussi de personnes
immigrantes pour construire notre futur. C'est un choix de société, et là ça veut dire, ça, qu'il faut mettre les
moyens qu'il faut, mais, en même
temps, il faut avoir un regard critique sur les moyens qu'on a mis à venir
jusqu'à date, puis est-ce qu'on a mis les bons moyens, est-ce qu'on a bien utilisé nos moyens, nos
deniers publics, finalement, pour réaliser nos ambitions.
Mme Orellana (Mercedes) : Et, si vous permettez, j'aimerais juste donner un
complément, aussi, important à cette question.
Je pense que le Québec, il a un poids relatif dans la Confédération canadienne
aussi, et il a encore la capacité d'accueillir,
à mon avis, des nouveaux citoyens qui vont continuer à aider à construire le
Québec dans un Canada qui est très vaste. Je pense que ce poids que
représente l'immigration a diminué dans les dernières années et, si on le
laisse continuer à diminuer, à diminuer,
bien, quelle sera la place du Québec à l'intérieur du Canada? Je pense que, ne
serait-ce que pour contrer au
vieillissement de la population, pour continuer à contribuer à la pérennité du
français, et parce que le Québec
choisit aussi les différentes catégories, l'immigration humanitaire ne
représente pas le plus grand pourcentage, on vise beaucoup les
travailleurs qualifiés, qu'ils puissent continuer à contribuer...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
Mme Orellana (Mercedes) : ...contribuent déjà, en partant, à partir de
l'étranger, ne serait-ce que pour payer toutes les dépenses qu'ils font
pour venir.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous. À mon
tour de vous souhaiter la bienvenue. Dans
votre mémoire, à la page 10, vous abordez la question des demandes
d'équivalence pour les immigrants qui travaillent ici, qui occupent des emplois qui ne sont pas dans
le cadre de leurs compétences professionnelles ou de leurs qualifications
qu'ils ont eues à l'étranger, puis là vous
abordez la question de, en raison du coût de l'accréditation du diplôme...
enfin, de la qualification, les gens renoncent à obtenir ces papiers-là.
Est-ce que je peux vous entendre là-dessus? Est-ce que le gouvernement devrait
subventionner ou faciliter la reconnaissance?
Mme Orellana (Mercedes) : Bien, en fait, on parle de la démarche pour
obtenir l'équivalence des diplômes acquis à l'étranger. Il y a un coût pour pouvoir faire la demande. Quand la
personne, après avoir fini la francisation ou une fois qu'elle est déjà prête à faire la recherche de
travail, elle se rend compte que ça serait plus facile d'utiliser ses documents
pour les présenter à un employeur qui
pourrait lui demander : Ça équivaut à quoi, vos études, ici, au Québec?,
bien, il y a des personnes qui ne
sont pas en mesure de pouvoir payer ces montants. Donc, soit qu'ils retardent
le moment pour pouvoir le présenter,
soit qu'ils décident tout simplement de ne pas faire la démarche, donc,
entraînant, comme ça aussi, un retard, si
on veut, dans l'intégration, ou les obligeant peut-être à regarder d'autres
options et pas leur objectif principal de recherche d'emploi, mais un deuxième objectif qui va leur
fournir ne serait-ce qu'un emploi alimentaire. Nous, on utilise beaucoup
le terme d'«emploi alimentaire» parce qu'il faut subvenir à ses besoins.
Pour
un travailleur qualifié, on sait qu'il ne peut pas faire une demande de dernier
recours pendant les premiers mois parce qu'on pense qu'il va être en
mesure de pouvoir se trouver un emploi. Souvent, c'est possible, mais, dans d'autres cas, ce n'est pas nécessairement possible
pour différentes sortes de situations aussi. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il
faudrait peut-être apporter une situation
particulière puis pas... surtout pas, peut-être, laisser de soutenir cette
mesure aussi. Parce qu'actuellement,
si la personne va se présenter devant son agent au centre local d'emploi, c'est
l'agent du centre local d'emploi qui
détermine, qui autorise ou non que la personne puisse avoir un remboursement
des frais occasionnés par cette demande.
M.
Jolin-Barrette : Et, selon
votre expérience, est-ce que les Néo-Québécois, lorsqu'ils arrivent au Québec,
ont déjà la connaissance des
exigences au niveau des qualifications ou pour la reconnaissance des diplômes
ou c'est rendus sur place qu'ils réalisent qu'il y a certaines exigences
à remplir ou certaines équivalences à aller chercher?
Mme
Orellana (Mercedes) : Il y
en a des deux. Je vous dirais, il y en a des deux : autant il y a des
personnes qui sont très bien
informées, qui ont passé par les services du ministère, qui s'appellent le
Service intégration en ligne, le
SIEL, où la personne, de l'étranger, elle fait déjà comme un premier plan puis qu'il reçoit déjà de l'information qu'il peut consulter en ligne
aussi; le guide Apprendre le Québec, où il y a de l'explication sur
les démarches à faire. Il y en a
qui entament déjà les démarches avant de
venir. Pour d'autres, c'est une fois qu'ils sont rendus sur place que... soit à
travers les services
d'accompagnement, parce qu'on les aide aussi au niveau de la recherche
d'emploi. C'est une des questions qu'on
va vérifier aussi puis qu'on va voir
si la personne... à quel moment qu'elle est prête pour entamer ses démarches.
M. Marceau
(Denis) : Moi, j'oserais ajouter que, pour avoir travaillé un peu
beaucoup dans toute cette question de
la reconnaissance des acquis, on est encore à l'orée du bois, on n'est pas
rentrés dans le bois, au Québec, là-dessus. Et il y a tellement d'enjeux là-dedans, il y a tellement de composantes,
il y a tellement... il y a les ordres professionnels et les maisons d'enseignement, les employeurs,
etc., puis c'est comme si on n'a pas encore trouvé le moment de rentrer dans
la forêt et de franchir cette étape qu'on arrive finalement à donner à César ce
qui appartient à César.
M.
Jolin-Barrette : À la page 12 du mémoire, relativement au Programme
d'aide à l'intégration des immigrants et des minorités visibles en
emploi, vous suggérez que cette subvention-là soit élargie, soit assouplie.
Mme Orellana (Mercedes) : Le
programme PRIIME?
M. Jolin-Barrette : Oui, exactement.
Mme
Orellana (Mercedes) : Oui,
effectivement. Je m'excuse, mais je n'ai pas mes lunettes. C'est difficile à
lire.
M. Jolin-Barrette :
Mais en fait ce que je souhaite savoir : Quels sont les paramètres dans
lesquels vous souhaiteriez que ça soit
assoupli? Parce que, présentement, c'est selon une certaine période de temps
fixe que ce programme-là s'applique. Est-ce que vous voudriez déborder
de plusieurs années?
Mme
Orellana (Mercedes) : Non,
non, ce n'est pas à ce niveau-là, c'est plutôt parce qu'on fait un lien avec la
francisation. On s'est dit : La
francisation... Nous, on pense que, si la personne pourrait faire de la
francisation dans les milieux de
travail, ça serait beaucoup plus facile parce que ça accélérerait
l'apprentissage, la consolidation de la francisation de base qu'il a déjà eue soit à l'étranger soit
ici. Mais, à ce niveau-là, c'est comme... Les problèmes, c'est plus des
quotas : parce que, pour former
un groupe, ça prend un enseignant, ça prend un espace, un local, et il faut
avoir comme un noyau avant de pouvoir
le faire, ce qui est difficile parfois : parce que, si l'entreprise
embauchait juste une seule personne, bien, ça coûte trop cher, avec une seule personne, avoir des cours de français
en milieu de travail. Est-ce qu'on peut penser à explorer d'autres solutions comme faire des arrimages avec des
entreprises du même secteur ou dans la même région ou dans la même MRC, et qu'il pourrait y avoir trois,
quatre, cinq personnes? Avec déjà cinq participants, ça coûte moins cher
que juste avec deux. C'est plus à ce niveau-là qu'on pense que ça pourrait
être...
M. Jolin-Barrette : ...partage une
flexibilité au niveau du programme.
Mme Orellana (Mercedes) : Oui.
M.
Jolin-Barrette : Mais je constate aussi, à la lecture de votre
mémoire, que, pour vous, la francisation, c'est extrêmement important,
puis c'est fondamental de débloquer des ressources, aussi.
M. Marceau (Denis) : Essentiel.
Mme
Orellana (Mercedes) : Mais
je pense que, des ressources, il y en a. Comme M. Marceau disait, on investit
beaucoup... le ministère investit beaucoup
en francisation. C'est plutôt de trouver d'autres solutions pour dire :
Est-ce qu'on peut appliquer l'argent qu'on a déjà, mais le mettre dans
d'autres solutions? Exemple, francisation de façon concomitante à une période de stage en période de travail pour que ça se
fasse, l'apprentissage, que les personnes aient l'occasion de pratiquer
ce qu'ils ont appris à l'école mais en même temps.
M.
Jolin-Barrette : D'où votre proposition avec les stages, jumeler les
stages pour avoir l'occasion de pratiquer et de mettre en application les
connaissances apprises.
Mme Orellana (Mercedes) : Exact.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je vous remercie pour votre présentation.
Je suspends
les travaux quelques instants afin de permettre au Service Intégration Travail
Outaouais de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 19)
(Reprise à 17 h 22)
Le
Président (M. Picard) : S'il vous plaît, nous allons reprendre. J'invite les représentants
de Service Intégration Travail Outaouais à faire leur exposé et de se
présenter dans un premier temps. Vous disposez de 10 minutes.
Service Intégration
Travail Outaouais (SITO)
M. Mayrand (Robert) : Merci.
Bonsoir, j'espère que vous avez encore la patience de nous écouter. Alors, M.
le Président, Mme la ministre, MM. les députés, distingués invités, ça nous
fait un grand plaisir d'être ici. Je vous souligne
que M. Antoine Normand, qui est président de la Chambre de commerce de
Gatineau, est avec moi. Ce n'est pas anodin. Vous allez sans doute
comprendre pourquoi à la suite de ce qu'on va vous dire.
Alors, très
rapidement, je vais vous raconter un peu l'historique du SITO pour dire comment
on a évolué. Parce que, dans le fond, quand on dit : 20 ans
d'amélioration continue, c'est qu'on a beaucoup évolué, au cours des 15 dernières années.
Le SITO a été
créé en 1995 et s'est donné comme mission l'insertion en emploi des personnes
immigrantes. Moi, quand je suis
arrivé au SITO, je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup
de questions qui se posaient. La première question, c'est : L'immigration, ça sert à quoi? Et là, pour
certains, c'était la langue; d'autres, c'est la culture, l'identité, le repeuplement, l'occupation du territoire; puis,
pour certains curés, c'était remplir les églises vidées par les Québécois. Donc, on a réfléchi à cette question-là et nous, on a dit : Bien,
les employeurs ont besoin de main-d'oeuvre puis les personnes immigrantes veulent travailler. Donc, on a adopté
ce qu'on a appelé la fonction économique de l'immigration. Ça, ça a
entraîné une autre question. Si on travaille pour les employeurs... C'est-à-dire,
on s'est demandé : Qui est le client de notre
travail? Et la réponse, ça a été : L'employeur. Et ça, ça a été tout un
scandale. On s'est fait dire qu'on ne comprenait rien. Et on a décidé de
dire oui, on va travailler avec l'employeur. À partir du moment où on a décidé
ça, il y a eu deux autres questions qui se
sont posées : Si l'employeur est le client principal, quels sont ses
besoins, quelles sont ses attentes?
Et là on s'est mis à travailler avec les employeurs. On a participé aux
associations, on a été très présents chez les employeurs. On a décidé de faire des employeurs des partenaires, des
collaborateurs, des alliés, et ça a donné d'excellents résultats.
L'autre
question qui s'est, par la suite, posée, c'est : Comment faut-il préparer
les personnes immigrantes pour répondre aux attentes des employeurs? Et
la réponse, ça a été : Par des programmes de préparation à l'emploi, avec deux volets : un volet formation puis un
volet stages. O.K.? À ce moment-là, en 2000, il n'y avait pas de stage, ou sauf
des stages d'observation, et on n'était pas
en mesure d'avoir des stages. On a donc fait une entente avec la commission
scolaire des Portages-de-l'Outaouais, et ça,
ça nous a donné accès à des stages. L'année passée, nous avons placé 195 personnes en stages. En 2000, on en
plaçait à peu près 20 dans des stages d'observation. Et ce qui est intéressant,
c'est qu'on s'est amusés à faire des
expériences avec la commission scolaire, le nombre de semaines de formation, le
nombre de stages, et ainsi de suite,
et finalement on est arrivés à ce qu'on appelle la formule
optimale : six semaines de formation, cinq semaines de stages. Au début, quand je suis arrivé, il y avait
12 semaines de formation, sauf qu'on ne pouvait pas recevoir beaucoup de personnes par année. Parce que,
dans une année, il y a 52 semaines; si vous prenez 12 semaines, vous êtes limités. Donc, en réduisant ça à 11
semaines, ça nous a permis d'accueillir cinq cohortes par année, donc, d'à peu près 100 personnes.
Et ce qui est
intéressant, c'est que maintenant, à la fin de la
formation, les 20 participants ont tous un stage le lundi suivant, et ce n'est pas n'importe quel stage, c'est des stages avec forte probabilité d'emploi, O.K., et,
à la fin du stage, il y a 80 % des personnes qui restent en emploi
après le stage.
Maintenant,
on a augmenté — et
encore une fois avec la commission scolaire — là, maintenant, on a deux programmes :
un qui est de six semaines de formation,
cinq semaines de stage; l'autre, c'est quatre semaines de formation et cinq
semaines de stage, et, là aussi, on a atteint un résultat qui dépasse
les 80 % de maintien en emploi après le stage.
Donc, c'est
la formule qu'on a utilisée et qui donne d'excellents résultats. On s'est rendu
compte que la meilleure façon de
sensibiliser un employeur, ce n'est pas en lui faisant des discours. La
meilleure façon de sensibiliser un employeur, c'est d'amener une personne immigrante qui répond à ses besoins et à ses
attentes. Quand un employeur dit que le SITO prépare les personnes immigrantes comme on veut qu'elles soient
préparées... Quand une personne immigrante se prépare dans une résidence pour personnes âgées, elle est
embauchée et elle demande : Est-ce que vous voulez des recommandations?,
et que la personne lui dit : Pas nécessaire, tu viens du SITO, pour nous,
c'est une belle reconnaissance, O.K.?
Donc, ça
fonctionne super bien. Je dois dire, on ne va pas... on a d'excellents résultats,
on est très contents. Et ce qui est
intéressant, on a pu accroître de beaucoup le nombre de placements en emploi et
le maintien, parce que je vous rappellerai qu'en Outaouais le taux de rétention
est très élevé par rapport à d'autres régions du Québec. Les personnes immigrantes ne veulent pas partir de l'Outaouais,
surtout quand elles ont un emploi, O.K., donc aussitôt qu'elles ont un emploi. Là où on a certaines difficultés, c'est
quand on est confrontés aux obstacles posés par les ordres professionnels,
les métiers réglementés, bien là, c'est sûr
qu'il y a des personnes qui veulent traverser la rivière pour aller de l'autre
côté. Par exemple, dans le domaine de
la construction, parfois ils ne peuvent pas travailler au Québec, mais ils
peuvent travailler en Ontario. Donc, on est confrontés à ces
questions-là, c'est la question frontalière, que vous connaissez bien.
Donc,
ça, c'est les programmes. On a un service d'aide à l'emploi, mais je ne voulais
pas m'éterniser là-dessus. On
travaille... On a aussi la régionalisation. La régionalisation, ça fonctionne
super bien. On dépasse notre cible, chaque année, depuis plusieurs années. On a un programme d'entrepreneuriat. Au
cours des deux dernières années, on a placé... on a aidé au démarrage de
48 microentreprises de personnes immigrantes, O.K.?
Et
on a un programme de communication interculturelle. La communication
interculturelle : pour nous, c'est la base de notre intervention, O.K., la communication interculturelle. On a
même une définition, c'est la capacité d'interagir avec une autre personne, peu importent sa langue,
sa culture, sa religion, son origine ethnique, son orientation sexuelle,
son genre et son âge, O.K.? Et, quand on
travaille avec les personnes immigrantes, ça, c'est la base, vraiment, de notre
intervention : comment amener les
personnes à interagir ensemble. Dans nos programmes de formation, quand je suis
arrivé au SITO, il y avait deux ou trois
personnes qui faisaient la formation. Aujourd'hui, on a plus de 20 personnes
qui font la formation pendant six
semaines. On a des personnes de la commission scolaire, on a des employeurs qui
viennent. Lorsqu'on parle des
attentes des employeurs, ce n'est pas nous qui parlons de ça, ce sont des
employeurs qui viennent, O.K.?
Quand
on parle des rapports avec la police, c'était amusant parce que c'est un
constable de la ville de Gatineau, du
service de police, le constable Durand, c'est une femme qui se présente
habillée en policière avec son «gun» sur la fesse. Devant elle, il y a des Maghrébins puis il y a des Subsahariens,
puis elle vient leur dire c'est quoi, les rapports avec la police ici.
Croyez-moi, c'est superefficace, O.K.?
• (17 h 30) •
Parce
que nous, on n'est pas dans la pédagogie de l'information, puis ça, j'insiste.
Souvent, on pense que, quand on donne
de l'information aux personnes immigrantes, on leur parle des valeurs du
Québec, on fait des sites Internet avec 200 pages, ils vont arriver au Québec et ils vont tout comprendre, O.K.,
puis ils vont s'adapter au Québec. Non, il faut pratiquer ce qu'on appelle une pédagogie de la transformation. C'est
comme vous, si vous voulez apprendre à nager, vous pouvez lire autant de livres que vous voulez sur
la natation, mais, si je vous amène au milieu du lac, vous allez vous noyer.
C'est quand on est... Si on veut apprendre à
nager, il faut se jeter à l'eau, il faut être là. Moi, je suis allé plusieurs fois au Brésil,
j'avais lu beaucoup de livres sur le Brésil. J'ai compris ce que
c'était, le Brésil, quand je suis allé, pas quand j'ai lu les livres.
Donc, ça, on appelle ça la pédagogie de la transformation, par rapport à une
pédagogie de l'information. Et souvent on donne un paquet d'information puis on
pense qu'on a tout réglé. Donc, il faut faire attention à ça.
Dans les ateliers
qu'on donne, nous, c'est des ateliers, justement, qui permettent l'intégration
des personnes immigrantes, l'autonomie
surtout, la confiance en soi et la capacité de s'intégrer en milieu de travail.
Puis le maintien et la rétention en
emploi est très, très, très élevée. Il
y a très peu de personnes qui
reviennent chez nous pour avoir de l'aide, c'est presque... Une fois
qu'ils sont en emploi, ils sont capables de voler de leurs propres ailes.
Et,
pendant qu'ils font la formation chez nous, oui, on touche la langue, oui, on
touche la culture, oui, on touche l'histoire
du Québec, on touche beaucoup de choses parce qu'ils nous posent beaucoup de questions, puis on doit leur répondre, O.K., ils
veulent savoir où ils sont tombés.
Alors,
il y a d'autres enjeux dont je ne parlerai pas parce que j'imagine que mon
temps commence à s'écouler, O.K? Je peux vous dire que, moi, ce que je
voudrais juste dire, en terminant, c'est qu'on a beaucoup rationalisé notre approche. Nos budgets n'ont pas augmenté de façon
extraordinaire dans les 10 dernières années, ça a été pas
mal similaire. Nos résultats, par
contre, ont profondément augmenté. C'est pour ça que je dis dans le
rapport : C'est important d'investir dans ce qui fonctionne plutôt
que de dépenser dans quelque chose qui ne donne pas de bons résultats.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Donc, nous allons débuter par l'intervention
de Mme la ministre, mais auparavant je vais demander le consentement des parlementaires,
parce qu'on va peut-être excéder d'une minute ou deux l'heure normale, c'est-à-dire
18 heures. Ça va pour tout le monde? Mme la ministre, c'est à vous.
Mme
Weil : Oui, merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Mayrand, bienvenue, M. Normand. D'entrée de jeu, j'aimerais accueillir
notre collègue le député de Chapleau, qui est ici précisément parce qu'il
tenait absolument à entendre votre
présentation. Et la dernière fois que je vous ai vus et la première fois que je
vous ai rencontrés, d'ailleurs, c'était lors d'une consultation dans
votre région avec le député de Chapleau. Alors, merci d'être présent avec nous.
Je
dois vous dire quelque chose, mais j'ai des questions, mais un commentaire général. Toute la journée aujourd'hui, on a
entendu des groupes, comme vous, qui travaillent avec passion, intelligence,
expérience et vision pour nous assurer de
bien réussir l'immigration, et vous avez tous des commentaires... du début de la journée, et des organismes en région, et vous avez des très bonnes idées pour nous
amener plus loin. Vous avez des expériences parfois adaptées à vos propres
régions, vos expertises. Et j'écoute tout ça
puis déjà je peux imaginer qu'on va avoir des filons bien intéressants pour, éventuellement, une nouvelle politique et un plan d'action. Je voulais vous remercier — je
n'aurai peut-être pas le temps à la fin — du
travail que vous faites et de nous enrichir, de nous nourrir de votre
expérience pour nous amener plus loin.
Alors,
je vais vous amener peut-être sur la régionalisation. Deux questions :
Concrètement, quelles seraient les
différences entre une politique de régionalisation axée sur l'insertion en
emploi — parce
que c'est beaucoup votre expertise — plutôt que sur l'établissement? Et aussi
vous proposez, en matière de régionalisation de l'immigration, d'établir
un partenariat avec l'organisme Place aux jeunes en région, que je connais.
Pouvez-vous nous décrire la forme que pourrait prendre le partenariat que vous
proposez?
Donc,
ces deux questions... juste vous dire que la régionalisation, pour la première
fois, on va mettre ça de l'avant dans notre politique et éventuellement
dans nos orientations pour la planification pluriannuelle.
M. Mayrand (Robert) : Bien, vous
savez, Place aux jeunes s'occupe de la migration, là, interrégionale. La régionalisation, pour nous, ça se fait surtout à
partir de Montréal, O.K.? Donc, Place aux jeunes rencontre des personnes
à Montréal aussi, les amène... On travaille
déjà avec Place aux jeunes. Donc, si une personne vient de Montréal et elle
n'est pas prête à s'insérer au
travail, elle peut passer par les programmes de formation que nous avons, O.K.,
et là c'est... Parce que le danger,
c'est toujours d'envoyer quelqu'un en emploi qui n'est pas préparé, parce que,
là, on lui fait vivre une mauvaise expérience
puis on fait vivre une mauvaise expérience à l'employeur. Et ça, nous, on ne
veut pas ça parce que, si on n'a pas des histoires à succès, on n'aura
pas le support des employeurs dont on a besoin, O.K.?
Donc, Place
aux jeunes, j'ai parlé avec M. Vigneault, puis on est tout à fait d'accord
sur cette espèce de continuum qu'on
pourrait mettre en place pour favoriser, à partir de Montréal... si la régionalisation se continue toujours
à partir de Montréal, lui pourrait inciter les gens, ou, quand il y a
des jeunes qui viennent en région, ou peu importe, bien, nous, on
pourrait s'en occuper pour leur insertion au marché du travail.
Mme Weil : Et, sur la question de cette différente vision
par rapport à la régionalisation axée surtout sur l'insertion en emploi et pas l'établissement... Parce que,
pendant des années, ça a beaucoup été l'établissement et, ensuite, le défi
de l'intégration en emploi. Là, c'est par l'intégration en emploi dans un
premier temps.
M. Mayrand
(Robert) : C'est que
l'établissement, quand on... puis il
y a... Vous avez vu Bato Redzovic, ce matin, qui s'occupe de
l'établissement, puis on travaille beaucoup ensemble, c'est un de nos
partenaires, mais l'établissement sans emploi,
O.K., ça ne va pas loin. Comme quelqu'un me disait, à Montréal, il y a quelques
années : Si tu prends quelqu'un qui
est sur le bien-être social à Montréal puis tu l'amènes sur le bien-être social
à Campbell's Bay, tu es mieux de le laisser à Montréal, O.K.?
Donc, la condition première d'intégration de...
Puis, en passant, ce n'est pas nous qui intégrons les personnes immigrantes. Les personnes immigrantes s'intègrent
elles-mêmes à partir du moment où elles sont capables de subvenir à leurs propres besoins, et ça, c'est extrêmement
important. Pour subvenir à ses propres besoins, bien, ça prend un emploi.
Mme Weil :
J'ai une question aussi qui touche encore la régionalisation, mais aussi
beaucoup votre vision des choses.
Vous avez mentionné que l'implication... une plus grande implication des
milieux économiques dans l'immigration est une tendance observée à
l'échelle mondiale. Selon vous, quelle place pourrait être faite aux acteurs
économiques régionaux dans la sélection et
l'intégration de personnes immigrantes? Donc là, je vous amène beaucoup plus en
amont dans la sélection.
J'évoque
souvent aussi le rôle des villes dans cette action, des villes partout au
Québec, les villes, les maires, là, qui
connaissent bien les besoins des chambres de commerce, qui connaissent bien les
besoins de leurs régions en termes d'emploi,
des entreprises qui ont des pénuries, hein, on entend beaucoup ça, il y a des
pénuries aiguës dans certains secteurs. Donc, on voulait voir comment vous voyez ça, donc, une implication de
ces milieux-là, plus économiques, dans... jusqu'à la sélection, même, et
l'intégration.
M. Normand
(Antoine) : Bien, Mme la
ministre, si je peux me permettre un commentaire là-dessus, je crois qu'il
doit y avoir un certain niveau d'implication. Ça se passe déjà dans le contexte
du SITO, mais la région de Gatineau, la région de l'Outaouais en entier, de par
sa position frontalière, et sa démographie, et tout ça, est dans une situation particulière, qui est en constante croissance, et
donc les entreprises doivent compétitionner pour de la main-d'oeuvre qui
est de plus en plus rare, spécialement de la
main-d'oeuvre qui est très qualifiée, et donc ça cause une pression économique
importante sur des entreprises, qui doivent
réduire leur croissance faute d'avoir les bonnes personnes dans les bons
postes.
Donc, d'avoir
une certaine influence sur le type de qualification des personnes qui sont
recherchées et accueillies, notamment par le genre de travail que le
SITO fait, c'est très important, à mon avis.
Mme Weil :
Et j'irais aussi sur la francisation, parce que l'idée, quand on parle de
milieux qui sont mobilisés pour réussir
l'immigration, donc définition... qui puissent participer à bien reconnaître et
définir les besoins du marché du travail dans ces régions, donc qui puissent jouer un rôle en amont dans le
processus de sélection... Mais aussi ce qui est devenu ou devient de plus en plus populaire lorsque la
personne trouve un emploi, mais n'a peut-être pas le niveau de français requis, la francisation en milieu de travail,
l'importance de ça, mais les milieux économiques et les entreprises qui veulent
aussi faire la promotion, on le voit, hein,
on le voit, on rencontre des entreprises qui le font... J'aimerais vous
entendre là-dessus. Et évidemment, donc, qui... l'insertion, l'insertion
au marché du travail aussi, donc, des entreprises...
Ce matin, cet
après-midi, on a parlé du défi de la gestion de la diversité. On a parlé de...
Ce n'est pas nécessairement du
racisme, c'est souvent la méconnaissance, donc une certaine inquiétude de la
diversité. Mais comment peut-on amener les acteurs économiques à jouer
un rôle? Parce que ce n'est pas le gouvernement, en bout de ligne, qui emploie.
Le gouvernement a des programmes, des
politiques, peut faire de la mobilisation, mais, en bout de ligne, c'est des
entreprises qui vont être les
employeurs. Donc, comment les engager? Comment vous voyez ce rôle-là et le rôle
de mobilisation que les acteurs économiques peuvent jouer?
• (17 h 40) •
M. Mayrand
(Robert) : Bien, nous, c'est
ce qu'on fait déjà, là, on rencontre
plus de 200 employeurs chaque mois. On a une personne qui, à temps plein, travaille avec les employeurs,
fait du démarchage. Les employeurs, quand ils veulent embaucher quelqu'un, viennent faire des entrevues
chez nous, participent à la formation. Donc, ça les met... c'est une
très bonne façon de les sensibiliser à la main-d'oeuvre immigrante.
Il
faut dire, quand les personnes arrivent au SITO, elles sont fonctionnelles en
français, elles ont une connaissance fonctionnelle,
mais, pendant les six semaines qu'elles sont chez nous, on voit, des fois, le
français s'améliorer de façon extraordinaire
parce que tout se passe en français, ils sont en contact
avec d'autres personnes, là, de la société d'accueil, et ça se continue sur le marché du travail parce que
le milieu, l'environnement de travail, c'est aussi un endroit où on parle
le français, où on est en train de s'intégrer.
Je vais vous donner
un exemple. Au SITO, 80 % de mes employés sont des personnes immigrantes,
O.K., on travaille avec des personnes
immigrantes. Si j'avais imposé des règles d'embauche fondées sur une
connaissance x, y, z du français, je n'en aurais pas embauché une.
Vous comprenez? Sauf que je ne les ai pas embauchées simplement parce qu'elles parlaient français ou qu'elles le
parlaient à un certain niveau, j'ai embauché des personnes qui étaient très
fortes en communication, qui sont
crédibles, qui sont orientées vers les résultats, qui sont orientées vers la
recherche de solutions, et ça a donné
d'excellents résultats. Et j'ai des employés qui, au début, avaient un français
un petit peu plus difficile, qui aujourd'hui ont un français
complètement impeccable.
Donc,
moi, je pense qu'encore une fois, si on veut apprendre à parler français, ce
n'est pas dans les livres, c'est comme
apprendre à nager, il faut se jeter à l'eau, il faut être dans le milieu parce
qu'encore une fois c'est une question de communication. Puis je sais qu'on a discuté de la question de la langue
aujourd'hui, puis ça a été dit tout à l'heure, ce n'est pas parce qu'une personne arrive ici puis qu'elle
parle un français impeccable qu'on va réussir à l'insérer en emploi, O.K.?
Je
donne toujours comme exemple un Congolais qui arrive ici, qui parle français
comme Charles de Gaulle, il vient chez
nous, puis là il faut le mettre en contact avec un employeur, ce n'est pas
évident. Quelqu'un qui vient du Chili, du
Brésil, de la Colombie, qui passe par la francisation, qui vient chez nous,
c'est très facile de lui trouver un emploi parce que, pendant la francisation, il a été en contact avec les codes
culturels du Québec et là il apprend à communiquer en fonction de l'auditoire québécois. Et ça, c'est très
important, parce que la maîtrise d'une langue théorique, ou la manière de
parler, ou peu importe, et la
communication en fonction d'une société, ce n'est pas la même chose. Et ce dont
on a besoin, ce sont des personnes
qui sont capables de communiquer avec les Québécois, O.K., ce n'est pas
nécessairement des personnes qui font des belles phrases.
M. Normand (Antoine) : Et, si je peux me permettre, qui ont l'aptitude à
apprendre la langue, mais, surtout, les connaissances et les compétences techniques que les employeurs
recherchent, là, et c'est ce qui fait qu'un employeur va embaucher quelqu'un, c'est bien avant son aptitude
et ses capacités et ses compétences que la langue qu'il maîtrise au
départ. Ça s'acquiert par la suite, là.
Mme Weil :
Merci beaucoup.
M. Mayrand (Robert) : Il y a des groupes, par exemple, on reconnaît, qui ont une très grande
facilité à apprendre les langues. Il
y a une personne qu'on connaît, Bato et moi, qui est arrivée ici, en une
année — elle
avait 20 ans — elle a
appris le français et l'anglais et elle
parle les deux langues de façon impeccable — elle en parlait déjà cinq à l'arrivée — O.K.?
Donc,
si vous avez quelqu'un qui vient du Brésil, en général, les Brésiliens, ils
apprennent les langues sans problème.
Les personnes d'origine slave, c'est la même chose, une très grande facilité à
apprendre les langues. Par contre, ce
n'est pas la même chose avec des personnes... même les Français ont plus de
difficultés à apprendre des langues, puis il y a des vraies, vraies
raisons scientifiques, là, pour expliquer la différence, mais on n'entrera pas
là-dedans.
Mme
Weil : Merci beaucoup. M. le Président, j'aimerais céder la
parole à ma collègue de Jeanne-Mance—Viger.
Le Président (M.
Picard) : Mme la députée de Jeanne-Mance—Viger.
Mme
Rotiroti : Oui, merci, bienvenue. C'est très intéressant,
qu'est-ce que vous dites. Je vais rester un petit peu sur le même sujet. Vous avez parlé beaucoup de
votre modèle de programme formation. Vous avez expliqué que vous avez deux... c'est-à-dire cinq, six semaines de
formation pour un cinq semaines de stages et un autre où est-ce que vous
avez, je crois, quatre semaines et cinq
semaines de stages, quatre semaines de formation. Comment vous décidez, vous...
Comment vous évaluez la personne ou
l'immigrant devant vous et décidez que cette personne-là, bien, ça prend six
semaines de formation, cinq semaines
de stages? Est-ce que c'est par métier? Est-ce que c'est par leur niveau
d'études? Comment vous faites pour évaluer ça?
M. Mayrand
(Robert) : Non, c'est un processus d'évaluation qui est très, très
structuré. On a un processus d'évaluation
avec une série de questions puis on les évalue par rapport à ce qu'on appelle,
nous, les aptitudes génériques.
Il
y a une autre raison aussi. Dans un des programmes qu'on a, qu'on appelle
programme de formation préparatoire à l'emploi, celui de six semaines, 70 %
des personnes qui sont dans ce programme-là sont des prestataires de l'aide sociale parce qu'on travaille avec Emploi-Québec
puis on a une cible de prestataires, donc on pourrait penser qu'ils sont
plus éloignés du marché du travail. Par
contre, on se retrouve avec 150 personnes qu'on ne pouvait pas desservir parce
que ce sont des sans-chèques, parce qu'on ne
pouvait pas les mettre dans nos programmes. Et là on fait quoi avec ça? Et là
c'est là qu'on est allés à la commission scolaire et qu'on a élaboré un
deuxième programme. Et, dans ce deuxième programme-là,
ce sont des personnes qui ne reçoivent pas de prestation, O.K.? On s'est
dit : Ils sont plus proches du marché du travail, O.K., ce qui n'est pas vrai. En fait, là, je vous le dis
tout de suite, on s'est rendu compte que c'était une utopie de penser
comme ça.
Donc, on avait commencé avec trois
semaines de formation, puis là on s'est rendu compte que le taux de placement
en emploi, même si ces personnes, en
théorie, étaient plus près du marché du travail, notre taux de placement en
emploi était de 70 %, était
inférieur à l'autre groupe qui était formé surtout de prestataires. Donc, on a
décidé d'ajouter une semaine pour
voir si ça allait faire une différence. Et effectivement maintenant on est en
haut de 80 %. O.K.? Donc, on a fait ces expériences-là avec la commission scolaire, ça a été très intéressant.
On a fait varier le nombre de semaines de stages puis on fait varier le nombre de semaines de formation
pour essayer de trouver, encore une fois, le modèle optimal puis qui nous permettait, dans une année, d'accueillir le
plus grand nombre possible de personnes sans dépense additionnelle, parce
qu'on n'a pas augmenté vraiment nos budgets
en faisant ça, puis cette année, là, on va dépasser le 200 placements en
stages.
M. Normand (Antoine) : M. Mayrand n'a pas abordé non plus toute la
question du... ou il a passé très rapidement sur le programme d'entrepreneuriat, mais j'aimerais souligner les
bénéfices de ce programme-là, qui sont absolument
extraordinaires, avec un budget miniature, là, qui provient du CLD Gatineau. Le
taux de personnes qui ont créé leurs propres
entreprises après être passées par ce programme-là dépasse ou avoisine les
50 %. Donc, vous trouverez un organisme de démarrage d'entreprises
au Québec qui a un taux de succès de 50 % et puis vous m'en reparlerez.
Mme
Rotiroti :
Parfait. Deux minutes? Mon Dieu! Je vais laisser la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee. J'avais une autre question,
mais le temps passe trop vite.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de D'Arcy-McGee, deux minutes.
M.
Birnbaum : Merci, M. le Président. Dans le temps qui reste... Bon, MM. Mayrand
et Normand, félicitations pour votre
approche à la fois très pragmatique et audacieuse! Les résultats parlent de
façon élégante de tout ce que vous faites.
Je
suis curieux, j'ai deux petites questions. C'est un virage quand même
qui, de toute évidence, a l'air intéressant, mais c'est un virage de viser le client comme l'entreprise. Je serais
curieux de savoir comment vos communautés immigrantes réagissent à ça.
Les résultats devraient en parler, mais est-ce qu'ils sont... ils appuient
cette approche-là, oui?
M. Mayrand (Robert) : ...et ils sont... On blague souvent puis... Non, non, ils sont tout à fait d'accord, parce que ce qui
est intéressant... Ils viennent, des fois, de Montréal, de Québec,
ils viennent chez nous parce qu'ils savent qu'on a des programmes avec stages, puis il y a 80 %
des chances qu'ils restent en emploi, et, pour eux, c'est formidable. Le taux
de persévérance dans nos programmes de
formation — et
ça, c'est Emploi-Québec qui a fait l'étude — est de 100 %, 100 %. Pourquoi? Parce que ce qu'on fait avec eux pendant
ces six semaines-là, il y a un sens, parce qu'il y a un point d'arrivée,
c'est l'emploi.
Souvent, je sais
qu'on a donné de la formation sur les valeurs du Québec, des trucs comme ça,
mais, si ce n'est pas rattaché à un objectif
précis, à quelque chose de concret, on se demande ce qu'on fait là. Moi, j'ai
posé, souvent, des questions à des
personnes immigrantes qui viennent chez moi, puis dire : Tu as fait telle
formation sur les valeurs québécoises. Puis comment ça s'est passé? Bof,
bof, comme ça. Sauf que, chez nous, il y a un résultat.
Et
souvent on travaille beaucoup sur l'attitude, hein, on travaille beaucoup,
beaucoup sur l'attitude. Puis ce n'est pas compliqué, on leur dit : Bien, une mauvaise
attitude, c'est comme un pneu crevé, si tu ne changes pas ça, tu ne vas
pas aller loin, O.K.? Et donc, oui, des fois ça ne marche pas, il y en a qui
sont plus réticents, mais, en général, ils comprennent
parce que c'est la différence entre un emploi et pas d'emploi. Donc, il y a un
sens à ce qu'on fait, c'est comme ça qu'ils l'interprètent.
Le Président (M.
Picard) : Merci, M. Mayrand. Je cède maintenant la parole
à M. le député de Bourget.
• (17 h 50) •
M.
Kotto : Merci, M. le Président. M. Mayrand, M. Normand, soyez les
bienvenus, et merci de votre contribution. Je veux revenir à l'exemple
comparatif entre le Congolais et le Chilien, le Chilien, qui, dans sa phase
initiatique du français, est en contact avec l'autochtone et, par le même biais,
apprend à cerner les codes et les valeurs québécoises. Est-ce à dire que, pour le
Congolais, qui maîtrise la langue et qui n'est pas engagé tout de suite, c'est parce qu'il ne
maîtrise pas les codes ni les valeurs québécoises?
M. Mayrand (Robert) : Oui. C'est parce que sa manière de communiquer, sa façon de communiquer
n'est pas nécessairement adéquate
quand il est en contact avec un employeur, on ne négocie pas ou on ne
communique pas au même niveau. Moi,
j'ai suggéré il y a déjà longtemps, pour les personnes qui arrivent ici et qui
parlent le français, et ça peut être les
Maghrébins puis ça peut être les Subsahariens, les Français — les Français, oui, je pourrais vous donner
des exemples très concrets à partir
des Français — c'est
que c'est... j'ai suggéré qu'on ait un programme particulier pour ces
personnes-là pour, justement, leur apprendre comment communiquer en
fonction des Québécois.
On
donne actuellement de la formation, à la ville de Gatineau, aux fonctionnaires,
et c'est très intéressant parce que...
et on le fait en formation professionnelle, on le fait en santé, on le fait un
peu partout, et, de plus en plus, les gens veulent qu'on mélange, dans nos ateliers, les Québécois et les personnes
immigrantes, ils veulent que l'atelier soit donné à des groupes. On l'a fait
dans des résidences pour personnes âgées, et là on a la moitié du groupe, c'est
des Québécois, et la moitié, c'est
des personnes immigrantes. Il y a une dynamique extraordinaire, et vous ne
pouvez pas imaginer le changement que
ça induit chez ces personnes-là. Dans une résidence pour personnes âgées à
Aylmer, là, il y avait six griefs qui avaient été déposés pour des questions de problématiques de communication, et, à
la fin de la formation, les six griefs ont été retirés. Ça, c'est une bonne nouvelle pour les employeurs,
vous voyez? Parce que, dans le fond, l'être humain, là, l'intégration,
tout ce qu'on fait, ça se joue par la communication, c'est notre outil
relationnel, là.
M.
Kotto : Quel est votre budget annuel?
M. Mayrand (Robert) : Notre budget annuel global, là, nous, parce qu'on a plusieurs... on
fait surtout affaire avec Emploi-Québec, Service Canada, on a un budget
d'à peu près 800 000 $ par année.
M. Kotto :
Et le nombre de personnes qui travaillent dans votre cadre, c'est...
M. Mayrand (Robert) : On a
11 postes.
M.
Kotto : 11 personnes. Et vous arrivez à accompagner
annuellement, en moyenne, dans le marché du travail...
M. Mayrand (Robert) : On a eu, l'an passé, 200 placements en emploi, plus
l'entrepreneuriat, 24 entreprises.
M.
Kotto : O.K., O.K. Est-ce que vous trouvez que les moyens dont
vous disposez sont adéquats relativement aux défis que vous avez à
relever?
M. Mayrand (Robert) : Je vais vous le dire d'une façon très simple : Actuellement — on sait combien ça coûte de façon
unitaire, là, un placement d'emploi, et ainsi de suite — si on
augmentait mon budget, je n'aurais aucune difficulté
à placer 300 personnes en emploi parce qu'il y a 35 000 postes à
combler en Outaouais dans les prochaines années. Les employeurs, maintenant, nous courent après. Avant, on courait après
les employeurs, maintenant ce sont eux qui nous appellent. Oui, si on
avait un budget, ça serait un bon investissement.
La
même chose en entrepreneuriat. Écoutez, en entrepreneuriat, les gens, on reçoit
des groupes pour des séances d'information, ils sont 30, puis on en
prend 10 par...
M. Normand (Antoine) : Et une petite augmentation du budget en matière
d'entrepreneuriat pourrait facilement doubler le nombre d'entreprises
qui sont créées à toutes les années.
M. Mayrand (Robert) : Et le placement en emploi, je vous le dis, en
Outaouais, là, on aurait... Mais on a développé, au SITO — parce
que, oui, on a besoin de plus de financement — une branche qu'on appelle
SITO Affaires, SITO Affaires, et on a
commencé à aller chercher des sous dans les entreprises privées un peu partout.
Donc, on est en train de développer cette... On va faire de la formation
sur mesure.
Je vais vous donner
un exemple pas compliqué : quelqu'un arrive ici, il a une formation en
comptabilité, il ne connaît pas Simple
Comptable. Il ne peut pas aller dans un cégep puis prendre trois heures de
cours sur Simple Comptable, il est obligé de s'inscrire à tout un
programme. Nous, on va lui faire de la formation sur mesure.
M.
Kotto : Est-ce que ce sont des éléments que vous avez
communiqués au ministère relativement à la ronde de consultation
préalable à l'élaboration de ce document en question?
M. Mayrand (Robert) : Oui. On a eu l'occasion de discuter souvent, on est très, très en
contact. Je dois vous le dire, on
travaille beaucoup avec les députés de l'Outaouais, les quatre députés de l'Outaouais sont en constante
interaction avec nous. Quand on fait,
par exemple, des... Je dis toujours : Nous, on fait
la reconnaissance de l'insertion en emploi, de l'intégration économique, de l'entrepreneuriat. Nous, on ne fait pas des
célébrations des cultures des pays d'origine, on fait les célébrations de l'intégration en emploi. Les élus sont toujours
là, les députés sont là, les employeurs sont là, les représentants d'Emploi-Québec, les
représentants du MIDI... C'est une façon de reconnaître l'intégration
socioéconomique des personnes
immigrantes. Puis, pour les personnes immigrantes, c'est fantastique, hein,
pour eux, là, c'est une vraie reconnaissance.
Vous savez, il y a des personnes immigrantes qui m'arrivent, qui me
montrent leur carte de crédit, ils me disent : Ça, ça prouve que je
suis intégré, c'est plus important que mon papier de citoyenneté.
M.
Kotto : Est-ce que
vous pouvez nous donner une idée des secteurs d'activité dans lesquels ils sont
orientés une fois sortis de chez vous?
M. Mayrand (Robert) : C'est très varié en Outaouais, c'est très, très varié. On est dans
le domaine, surtout, des services, des petites et moyennes entreprises,
donc c'est extrêmement varié, beaucoup en informatique, beaucoup en comptabilité, dans le domaine financier, il y en a beaucoup. Encore une fois, là où on
a un obstacle, c'est là où il y a des ordres professionnels et les
métiers réglementés.
M. Normand
(Antoine) : Et les reconnaissances de diplômes.
M. Mayrand (Robert) : Et la reconnaissance des diplômes, parce que ça, c'est... La
reconnaissance des diplômes, c'est
difficile, au Québec, parce que, vous savez, l'employeur, quand il cherche
quelqu'un, il établit une liste de compétences. Nous, on fait faire des CV par compétence. Quand la personne immigrante
arrive puis qu'elle a étudié dans une université avec une approche fondée sur des connaissances, comment vous faites pour
extraire de ses connaissances les compétences qu'elle a? Si on avait...
Ça, c'est compliqué.
M. Kotto : Donc, il y a un
travail à faire.
M. Mayrand (Robert) : Il y a un travail à faire de ce côté-là. L'idéal,
dans le meilleur des mondes, on aurait un profil d'emploi par compétences, un CV par compétences et une formation
par compétences. Et là ça prend trois minutes pour être capable de dire... Et c'est l'employeur qui pourrait le
dire... c'est l'employeur qui dirait, hein : Moi, là, ça, hop! Ça
marche.
M. Normand (Antoine) : Mais c'est beaucoup moins compliqué, ce type de
reconnaissance là, en Ontario. Et donc,
le fait qu'on est à 400 mètres fait que c'est beaucoup plus... on perd ces
gens-là, on perd ces compétences-là, qu'on a besoin pour faire croître nos entreprises, vers l'Ontario parce que la
reconnaissance des diplômes et des compétences est plus facile de ce
côté-là.
M. Mayrand (Robert) : Et Antoine a raison. Moi, j'ai travaillé au
collège algonquin en Ontario, collège communautaire, pendant longtemps.
Et puis, je veux dire, c'était ça qu'on avait là. C'est une formation par
compétences, des CV par compétences, puis un
profil par compétences. C'est-à-dire, l'employeur, il regarde ça, en deux
minutes il sait si la personne a le profil.
M. Normand (Antoine) : Et un financement du programme aux résultats et non en fonction du
nombre de personnes qui rentrent dans la porte.
M. Mayrand (Robert) : Bon, ça, c'est peut-être un autre point qui est intéressant. C'est
qu'en Ontario, dans le réseau des
collèges, il y a ce qu'on appelle du «phasing in», «phasing out», O.K.? La Cité
collégiale, l'année passée, elle a éliminé
huit programmes puis elle en a introduit sept nouveaux. Si un programme ne
répond plus aux besoins du marché du
travail, c'est fini. Puis qui définit les compétences du programme? Pour chaque
programme, il y a un comité consultatif d'employeurs pour chaque programme, O.K.? Donc, les employeurs se
réunissent puis ils disent : Ça, c'est ça, ça, ça qu'on recherche comme compétences, O.K.? Donc, il y a un
arrimage entre le marché du travail et la formation qui fait que ça... C'est pour ça qu'au collège algonquin, chaque
année, trois mois après la formation, après l'obtention du diplôme, il y a
au moins 95 % des gens qui travaillent.
M. Kotto :
...c'est un modèle dont on peut s'inspirer facilement au Québec?
M. Mayrand (Robert) : Je pense qu'il y a beaucoup à faire. Je dois dire
qu'au Québec, en formation professionnelle, on a beaucoup évolué de ce côté-là. Moi, je travaille beaucoup avec la
formation professionnelle. C'est très bien aligné, mais ça pourrait être
fait à d'autres niveaux aussi.
M. Kotto :
Merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Borduas.
M.
Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Vous avez
mentionné tout à l'heure que la région subissait
une perte d'immigrants en raison... parfois, dans les métiers qui sont
réglementés. Vous avez mentionné tout à l'heure l'industrie de la
construction. On sait que, bon, il y a des bassins de main-d'oeuvre, ça prend
des cartes de compétence quand c'est
assujetti au décret de la loi R-20. Même chose pour les ordres professionnels,
ça semble être plus facile en
Ontario, dans les autres provinces canadiennes. Est-ce que vous pouvez
chiffrer, un peu, pour vous, pour votre organisation, le nombre de
personnes qui quittent...
• (18 heures) •
M. Mayrand (Robert) : Je n'ai pas de données... Je sais que le taux de rétention, du côté de
l'Outaouais, est très bon, est un des meilleurs du Québec, mais il
arrive souvent qu'on a quelqu'un qui arrive qui était, par exemple, peintre
dans son pays, O.K., ou il est plombier, ou il est électricien, on ne
peut pas lui trouver un emploi du côté québécois, O.K., mais on peut lui trouver un emploi de
l'autre côté parce que là-bas on n'exige pas la carte de compétence, O.K.?
La
différence, par contre, au niveau de l'inspection des bâtiments, O.K...
Moi, j'ai un voisin qui est électricien, il travaille au Québec, il
travaille en Ontario. Il me dit : Quand je travaille au Québec, les
inspecteurs viennent, tout ce qu'ils
vérifient, c'est si j'ai ma carte de compétence, ils ne vérifient pas mes
travaux; en Ontario, quand l'inspecteur vient, il vérifie mon travail puis
il ne me demande pas si j'ai une carte de compétence.
M.
Jolin-Barrette : Oui, bien, ça... On rentre dans un autre débat qui
n'est pas le forum d'ici, mais...
M. Mayrand
(Robert) : ...
M.
Jolin-Barrette : Non, mais effectivement, et puis c'est une problématique pour le Québec. Je vais juste faire
un aparté, mais c'est vrai qu'au niveau de
la construction, supposons, des bâtiments résidentiels... Puis on le voit avec
ce qui est arrivé dans la région de Trois-Rivières aussi avec la pyritite, et puis parfois il y a plusieurs
Québécois qui se font construire une maison, puis
l'autorité compétente, la municipalité ou la Régie du bâtiment délivre un
permis, et il n'y a aucune vérification qui est faite. Donc, la carte de
compétence ici, c'est l'inspecteur de la Commission de la construction du Québec
qui la vérifie.
Mais je trouve ça un peu malheureux,
ce que vous me dites, de dire qu'on ne puisse pas, en raison de la protection
de métiers, favoriser l'intégration à l'emploi de quelqu'un qui a les
compétences pour le faire.
M. Normand
(Antoine) : Et c'est dans
plein de domaines : des ambulanciers, des policiers... J'ai un gendarme
avec qui je travaille qui était gendarme en France avec la formation complète,
et tout, travaillait dans le secteur du renseignement,
et l'équivalence du diplôme, qui est reconnue du côté ontarien parce que c'est
un cours de deux ans, là, dans un
collège, la technique policière n'est pas reconnue du côté québécois, et donc
l'équivalence de diplôme qu'il a eue, c'est animateur communautaire,
donc il va travailler en Ontario.
M.
Mayrand (Robert) : Vous
savez, en 2010, la ville d'Ottawa a fait un rapport, il y a 6 000
personnes immigrantes qui parlent le français, qui sont parties de
Montréal, qui sont à Ottawa — des personnes qui ne parlent pas anglais,
O.K. — parce qu'elles n'ont pas d'emploi à
Montréal. Elles sont de l'autre côté de la rivière, mais nous, on ne peut pas
leur donner de services puis les
attirer chez nous parce que la frontière représente une frontière
infranchissable. Donc, on vient les chercher à Montréal, mais il y en a
6 000 de l'autre côté de la rivière, puis on ne peut pas leur toucher.
M. Normand
(Antoine) : Et Gatineau est
la deuxième ville d'accueil de l'immigration au Québec, après Montréal.
M. Jolin-Barrette : Donc, on a une
difficulté en raison du mur de Chine entre le Québec et l'Ontario.
M. Mayrand (Robert) : C'est ça.
M.
Jolin-Barrette : Donc, selon vous, qu'est-ce qu'il faudrait faire pour
réussir à assouplir cette situation-là?
M. Mayrand
(Robert) : Bien, moi, ce que
j'espérerais depuis très longtemps, c'est qu'on ait des ententes des deux côtés de la rivière pour favoriser le
déplacement de la main-d'oeuvre des deux côtés de la rivière, personnes immigrantes, évidemment, on travaille avec les
personnes immigrantes. Il y a une entente sur la mobilité de la main-d'oeuvre
qui fonctionne, je pense qu'il faudrait
faire quelque chose, une entente sur la mobilité de la main-d'oeuvre immigrante
des deux côtés de la rivière, et on pourrait avoir des partenariats des deux
côtés de la rivière pour travailler ensemble pour favoriser l'emploi.
M. Normand
(Antoine) : Moi,
j'ajouterais à ça un assouplissement au niveau des règles ou des politiques
pour l'équivalence des diplômes et un
assouplissement au niveau de la question de la francisation, là, pour les
entreprises. C'est un obstacle
important de se concentrer seulement sur la question de la langue plutôt que
sur les compétences elles-mêmes, là, des candidats qu'ils veulent aller
chercher, compte tenu de la problématique de recrutement qu'on a.
M.
Jolin-Barrette : Vous disiez tout à l'heure qu'on devrait axer sur le
volet compétences plutôt que sur le volet connaissances, au niveau des
programmes de formation. Même au niveau québécois? Dans le sens où, lorsque la personne suit un cours, ça faciliterait son
intégration uniquement en fonction de la compétence? Jusqu'à quel point vous
diminueriez la connaissance dans le cadre du programme?
M. Mayrand
(Robert) : Oui, moi, je
pense qu'on doit aller se... Vous savez, en éducation, on est passés par une
approche par objectifs... On vient d'un
modèle scolastique avec beaucoup de compétences, après ça on est allés vers les
objectifs, puis aujourd'hui, bien, je pense
que, partout... en tout cas, dans tous les pays anglo-saxons, c'est l'approche
par compétences. Et pourquoi? Parce qu'aujourd'hui... Vous savez, avant le
ministère de l'Éducation au Québec, hein, avant la création du ministère de l'Éducation, le client de l'éducation au
Québec, c'était l'Église catholique, O.K.? Aujourd'hui, le client de
l'éducation, c'est beaucoup plus l'employeur. Donc, il faut aussi changer notre
façon dont on prépare les personnes.
M. Jolin-Barrette : Par rapport au
financement à coût forfaitaire au niveau des mesures de service d'aide à l'emploi, vous établissez que c'est forfaitaire.
Vous vous questionnez à savoir... puis le libellé est le suivant :
«Pourquoi faut-il "dépenser ou investir" davantage pour une Québécoise en
recherche d'emploi que pour une personne immigrante?»
M. Mayrand
(Robert) : Bien, parce qu'il y a des organismes qui ont des services d'aide pour aider les femmes québécoises.
Et je connais un organisme qui aide les femmes québécoises dans le cas du
service d'aide à l'emploi, et leur coût
forfaitaire est autour de 1 900 $, alors que le nôtre est à
1 391 $. Je pense qu'il y
a une question d'équité. Est-ce que les personnes immigrantes
méritent moins que les femmes québécoises? C'est ma question.
M. Jolin-Barrette : Puis le financement
est établi en fonction d'enveloppes globales?
M. Mayrand (Robert) : On nous a dit
que c'était l'historique puis on nous a dit que les femmes québécoises étaient...
quelqu'un nous a dit que les femmes québécoises étaient plus poquées que les
personnes immigrantes. Moi, je pense... Quand une personne a passé 10 ans
de sa vie dans un camp de réfugiés et qui débarque chez nous — ça arrive — ou
qui a été violée par les FARC en Colombie, je pense que de dire que les Québécoises
ont plus de besoins en matière d'intégration que ces personnes-là, j'ai
un petit point d'interrogation.
M.
Jolin-Barrette : Je comprends. Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci, MM. Mayrand et Normand pour votre présentation.
La commission ajourne donc ses travaux au jeudi
29 janvier 2015, à 9 h 30, afin de poursuivre son mandat.
(Fin de la séance à 18 h 6)