(Dix heures)
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir fermer la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission est réunie afin de procéder à l'interpellation de la députée de Rosemont à la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles sur le sujet de la laïcité et l'égalité entre les hommes et les femmes.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Beaudoin (Rosemont) remplace Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci. Je vous rappelle brièvement le déroulement de l'interpellation. Dans un premier temps, la députée de Rosemont aura un temps de parole de 10 minutes pour sa déclaration d'ouverture, suivie ensuite de la ministre, qui disposera d'un temps de parole équivalent. Par la suite, des périodes de cinq minutes seront allouées selon la séquence suivante: un député de l'opposition officielle, Mme la ministre et un député du groupe formant le gouvernement. 20 minutes avant midi, j'accorderai 10 minutes de conclusion à la ministre, suivies d'un temps équivalent à la députée de Rosemont. Je vous rappelle également que, si l'un des intervenants n'utilise pas totalement le temps qui lui est alloué, cela ne réduit pas pour autant la durée de l'interpellation. Enfin, je vous rappelle que le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser midi. Comme je vois qu'on a commencé, disons, à 10 heures, ce sera midi.
Sur ce, Mme la députée de Rosemont vous avez la parole pour 10 minutes.
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci. Merci, M. le Président. Est-ce que je peux me permettre, M. le Président, de présenter les deux personnes qui m'accompagnent?
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Allez-y, Mme la députée, dans votre 10 minutes vous pouvez tout faire.
Exposé du sujet
Mme Louise Beaudoin
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci. Alors, Cyril Malouet, qui est recherchiste à l'aile parlementaire, et Alex Perreault, qui est un stagiaire Jean-Charles-Bonenfant que j'ai le plaisir, comme, d'ailleurs, le député de Charlesbourg aussi, d'avoir, moi, pour la deuxième année, en tout cas, puis j'en suis fort heureuse, un stagiaire Jean-Charles-Bonenfant.
Alors, voilà, M. le Président. J'aimerais expliquer, dans un premier temps, pourquoi on est là ce matin. Je voudrais rappeler que, déjà en 2007, en septembre 2007, le Conseil du statut de la femme a rendu public un premier avis qui concernait justement ces questions-là, ces questions de laïcité, d'égalité hommes-femmes, la laïcité par rapport à l'égalité hommes-femmes. Et, à l'époque, il y avait eu une seule réponse -- que j'ai trouvée, en tout cas, peut-être qu'il y en a eu d'autres -- de la part du gouvernement, mais c'est la ministre de la Condition féminine, en 2007, qui avait répondu ceci, elle avait dit: «Interdire le voile dans les institutions relevant de l'État serait, à ses yeux, faire montre d'intolérance. "On ne peut pas forcer une personne à faire quelque chose qu'elle ne veut pas faire. Je pense que nous vivons dans une société tolérante et c'est ce que l'on veut, nous vivons dans une société ouverte, nous vivons dans une société accueillante, et c'est ça que les Québécois veulent de nous.» Alors, je fais remarquer, cependant, que déjà l'article 6 du projet de loi n° 94 que l'on étudie actuellement contredit les paroles de la ministre de la Condition féminine à l'époque parce que... «On ne peut pas forcer une personne à faire quelque chose qu'elle ne veut pas faire.» C'est déjà une contrainte dans l'article 6 du projet de loi n° 94 qui concerne la burqa puis le niqab. Il y en a une, contrainte, il y en a une. On y reviendra très longuement en commission parlementaire parce qu'on n'a pas terminé, bien évidemment, cette commission parlementaire au moment où l'on se parle.
Donc, le premier questionnement que, moi, en tout cas, là, je reconnais, c'est celui de cet avis du Conseil du statut de la femme en septembre 2007 et cette réponse de la ministre St-Pierre, qui n'a pas été une réponse très longue ni très circonstanciée, puisqu'elle s'en est tenue à cette phrase que j'ai retrouvée dans le journal Le Devoir.
Ensuite, il y a eu, je vous le rappelle... Alors, je dis toujours: Pourquoi on est ici ce matin? Bien, il y a eu la commission Bouchard-Taylor. Là, c'était en 2008, et Bouchard-Taylor, qui a dit beaucoup, beaucoup de choses -- certaines avec lesquelles je suis d'accord, d'autres avec lesquelles je suis en désaccord -- dans ce rapport, a quand même fait une recommandation qui était centrale à son rapport et qui disait: Il faudra un large débat sur la question de la laïcité et un livre blanc que le gouvernement devra produire sur la question de la laïcité, qui couvrait plus que l'égalité, bien sûr, entre les femmes et les hommes dans l'esprit de Bouchard-Taylor, mais sur la question plus large, donc, de la laïcité, disant, dans le fond, eux, ce n'était pas leur mandat, puis, de toute façon, ils n'avaient pas le temps de faire ce travail-là. Bon.
Alors, il y a eu des réponses, quelques réponses du gouvernement, mais bien timides à Bouchard-Taylor. Et, en tout cas, ça fait donc trois ans que le rapport Bouchard-Taylor a été déposé, et il n'y a pas eu de livre blanc sur la laïcité. Donc, il n'y a pas eu de vrai débat sur cette question de la laïcité, le gouvernement s'est contenté de quelques réponses. La première, ça a été un amendement à la charte québécoise des droits et libertés concernant l'égalité hommes-femmes, mais rien sur la laïcité. La laïcité n'a pas été affirmée dans la charte québécoise des droits et libertés. On le sait tous très bien qu'il n'y a pas d'affirmation légale, il n'y a pas d'affirmation, disons, législative de la laïcité et que tout ce qu'on a dans le projet de loi n° 94 qui est devant nous actuellement, c'est la jurisprudence qui découle des décisions des tribunaux sur, donc, des questions de droits individuels. Mais de laïcité, sur la laïcité comme telle, elle n'est affirmée nulle part, dans aucune loi, ce que nous souhaitons, ce que nous demandons par un amendement à la charte québécoise des droits et libertés, nous souhaitons un amendement disant que le Québec est un État laïque. C'est facile à dire, puisqu'on prétend que c'est le cas. Mais c'est le cas que par jurisprudence, et non pas par affirmation, donc, législative de la part du gouvernement. Et ça change beaucoup, beaucoup de choses, puisque, si c'était affirmé, les tribunaux devraient en tenir compte dans leurs jugements.
Ce qui a fait qu'en novembre 2009 le Parti québécois a déposé un projet de loi, le projet de loi n° 391, qui reprenait les trois valeurs essentielles au Québec, des valeurs communes, des valeurs collectives par rapport aux droits individuels qui sont, bien sûr, affirmés dans la charte, en particulier la Charte canadienne et la charte québécoise. Eh bien, le Parti québécois, en déposant ce projet de loi n° 391, disait: Oui, le français doit être prédominant au Québec, oui, l'égalité hommes-femmes est une valeur importante, collective au Québec, ça a des conséquences, mais aussi la séparation de l'Église et de l'État. La laïcité de l'État était affirmée dans ce projet de loi n° 391, et, à notre grand étonnement et à notre grand découragement, M. le Président, jamais le gouvernement a-t-il fait de même, a-t-il voulu rappeler le projet de loi n° 391, qui a été déposé déjà depuis novembre 2009, jamais, et n'a-t-il pris lui-même l'initiative pour faire en sorte que cette notion de laïcité soit inscrite dans notre loi la plus... quasi constitutionnelle, si je puis dire, qu'est la Charte des droits et libertés.
Après ça, on a eu le droit, M. le Président, à l'automne 2009, au projet de loi n° 16. Alors là, c'était sur la diversité dans l'administration publique, comment l'administration publique devait gérer cette diversité québécoise dans l'administration publique. Bon. Eh bien, ce projet de loi là, il est tombé dans les oubliettes, il est tombé au feuilleton, il n'a plus jamais réapparu. Et là nous sommes en train depuis un an... Donc, c'était en mars 2010. Donc, ça fait un an que nous discutons de ce projet de loi n° 94, qui est minuscule, qui ne dit pas grand-chose, qui est très étroit et qui n'est pas à la hauteur, bien évidemment, des attentes des Québécois sur cette question de la laïcité, et particulièrement de la laïcité en relation directe avec l'égalité entre les hommes et les femmes, avec cette notion-là. Et c'est sur les entrefaites que le Conseil du statut de la femme, tout, tout récemment, donc en mars 2011, a soumis un avis qui s'intitule Affirmer la laïcité -- et ça dit tout -- un pas de plus vers l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Comme je n'ai eu, depuis 20 heures en commission parlementaire, M. le Président -- 20 heures, 20 heures de discussion article par article parce qu'on a fait beaucoup d'autres choses avant, des auditions, etc. -- aucune réponse, il y a eu un silence assourdissant de la part du gouvernement lors du dépôt, que tout le monde connaît, de cet avis du Conseil du statut de la femme, alors j'espère tout simplement, en terminant, M. le Président, que, ce matin, j'obtiendrai des réponses, j'obtiendrai des réponses sur ce choix de la laïcité dite ouverte par rapport à la laïcité inclusive, qui est notre choix à nous, de ce côté-ci de la Chambre, et la laïcité ouverte par rapport au multiculturalisme -- on y reviendra -- par rapport à l'égalité entre les hommes et les femmes, etc., ce que je souhaite avoir, comme je n'ai pas eu de réponse en commission parlementaire. C'est pour ça, M. le Président, que nous sommes ici aujourd'hui, souhaitant obtenir des réponses de la part du gouvernement sur cette question essentielle pour notre mieux-vivre ensemble.
**(10 h 10)**Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une période de 10 minutes.
Réponse de la ministre
Mme Kathleen Weil
Mme Weil: Oui. Bonjour, M. le Président. À mon tour de présenter les personnes qui m'accompagnent. Alors, évidemment, vous reconnaissez le député de Charlesbourg et le député de Montmorency, et avec, je pense, un étudiant qui est à sa droite, que...
Une voix: Un stagiaire.
Mme Weil: ...un stagiaire que je n'ai pas rencontré; le chef de cabinet, M. Luc Archambault, à ma gauche; la sous-ministre du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, Mme Marie-Claude Champoux; derrière moi, la sous-ministre adjointe, Mme Claire Deronzier; et les attachés... il y a aussi Mme Marie-Bernarde Pérès ici derrière, oui, et des attachés, M. Renaud Dugas, Daria Hobeika et Yasmine Abdelfadel, qui m'accompagnent aujourd'hui.
Alors, permettez-moi aussi, M. le Président, à mon tour, de souhaiter la bienvenue à tous ceux qui participent à cette interpellation aujourd'hui et tous ceux qui nous écoutent débattre d'un sujet passionnant. Et je pense que, s'il y a quelque chose que je partage tout à fait avec la députée, c'est que c'est un sujet passionnant, et je pense qu'on a beaucoup de plaisir. Même si on ne partage pas le même point de vue, on a quand même beaucoup de plaisir à débattre de ces questions fondamentales qui sont, évidemment, comment faire progresser la société québécoise vers l'égalité des femmes et des hommes et quels sont les meilleurs moyens à notre disposition pour faire en sorte qu'on vive cette pleine égalité.
Alors, d'entrée de jeu, je veux rappeler le contexte de cette interpellation. Comme vous le savez, le 24 mars 2010, j'ai déposé le projet de loi n° 94 -- c'est la Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements -- et nous procédons actuellement à l'étude article par article de ce projet de loi en commission parlementaire. Le 28 mars dernier, le Conseil du statut de la femme, aussi, a rendu public un avis sur la laïcité et l'égalité entre les femmes et les hommes. Par ailleurs, lors des consultations publiques sur le projet de loi n° 94, le conseil était venu se prononcer sur les dispositions du projet de loi n° 94, et j'aurai l'occasion, plus tard dans l'interpellation, de souligner certains éléments de leur présentation lors de la consultation.
Il me fait donc plaisir de prendre part à cet exercice qui nous permettra de clarifier certaines notions que ma collègue la députée de Rosemont a déjà évoquées et, je suis certaine, va évoquer au cours de la matinée, et qui, nous l'espérons, nous permettront d'avancer nos travaux en commission parlementaire, car, je le rappelle, M. le Président, c'est le projet de loi n° 94 qui est actuellement au menu législatif. Donc, le projet de loi reflète une priorité gouvernementale. Évidemment, nous, on a l'oeil sur la balle, et c'est ce projet de loi qui répond, selon nous, à une priorité sociale. En effet, M. le Président, je crois fondamental et essentiel de réitérer ce qui a incité le gouvernement à déposer le projet de loi n° 94 et de revenir sur les principes essentiels, les grands pans de ce projet de loi. Parce qu'il est important d'entendre aussi l'opposition se prononcer sur ce projet de loi, et je les invite à participer au débat sur... Parce qu'on est en commission parlementaire où on fait l'étude article par article, il est important pour le gouvernement d'entendre leur point de vue sur chacun de ces articles.
Alors, le projet de loi n° 94 a fait suite à des débats publics qui ont eu cours ces dernières années sur très précisément les façons dont les demandes d'accommodement -- on est vraiment dans ce domaine-là, les accommodements raisonnables -- étaient accordées ou qu'est-ce qui rend un accommodement raisonnable, remettant parfois en question le principe même de l'accommodement. Afin de répondre à un besoin de clarté exprimé par la population et par les décideurs au sein de l'Administration gouvernementale et ainsi encadrer le traitement de ces demandes d'accommodement, il était devenu plus que souhaitable, il était vraiment devenu une nécessité pour le gouvernement d'incorporer dans notre corpus législatif les balises développées par les tribunaux à ce sujet.
Évidemment, notre gouvernement a voulu offrir aux Québécois une réponse respectueuse. Et c'est bien fondamental, ce que je dis là, des droits et libertés de la personne dont tous les Québécois bénéficient, et en conformité avec la règle de droit qui prévaut au Québec. Alors, le projet de loi n° 94 propose d'abord de définir clairement dès le premier article la notion même d'accommodement, qui est au coeur des dispositions proposées. Alors, qu'est-ce que qu'un accommodement, M. le Président? C'est l'aménagement dicté par le droit à l'égalité d'une norme ou d'une pratique d'application générale faite en vue d'accorder un traitement différent à une personne qui, autrement, subirait des effets préjudiciables en raison de l'application de cette norme ou de cette pratique. L'obligation d'accommodement raisonnable est un corollaire du droit à l'égalité. Dans les faits, c'est le handicap qui est le motif qui donne le plus souvent lieu à l'obligation d'accommodement, et le sexe, la grossesse, évidemment, la religion comptent parmi les autres motifs souvent évoqués. Et le projet de loi traite des circonstances et des balises encadrant l'accommodement pour toutes ces raisons, c'est des règles pareilles pour toute demande d'accommodement.
L'obligation d'accommodement se pose le plus souvent dans le cadre, évidemment, d'une prestation de service et des relations entre employeurs et employés, que ce soit dans un cadre public ou privé. Évidemment, le projet de loi vient encadrer les demandes d'accommodement dans la sphère gouvernementale. Il peut consister à adapter le poste de travail d'un de ses employés ou installer une rampe d'accès à son immeuble pour ses employés à mobilité réduite. En somme, l'obligation d'accommodement concourt à ce que les personnes plus vulnérables puissent véritablement participer à la vie en société, notamment au monde du travail, en toute égalité, en permettant de moduler certaines règles en fonction de la situation et des besoins de ces personnes.
Le projet de loi n° 94 vient ensuite établir les conditions dans lesquelles un accommodement est accordé. Et il est important de souligner qu'il doit, tout d'abord, respecter la Charte des droits et libertés, notamment le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes. Cette notion, elle est centrale et fondamentale dans ce projet de loi et dans la vision et l'action de notre gouvernement. Je reviendrai plus en profondeur sur ces questions d'égalité hommes-femmes et l'action du gouvernement pour respecter et encourager, promouvoir l'égalité hommes-femmes dans la vie de société au Québec.
L'accommodement doit aussi respecter le principe de neutralité religieuse de l'État selon lequel l'État ne favorise ni ne défavorise une religion ou une croyance particulière. Évidemment, c'est aussi un point central évoqué, en quelque sorte, par la députée de Rosemont parce que, lorsqu'on parle de laïcité, c'est des notions de neutralité. Mais il va falloir que j'y revienne parce que c'est une notion autant historique qu'une notion juridique, et je voudrais le traiter plus en profondeur et les signes religieux, comment ils s'inscrivent dans cette vision de neutralité et de la Charte des droits et libertés.
Par ailleurs, le projet de loi clarifie qu'un accommodement ne peut être accordé que si l'aménagement qui le sous-tend est raisonnable, c'est-à-dire s'il n'impose pas de contrainte excessive au ministère ou à l'organisme de l'Administration gouvernementale ou à l'établissement public en cause. Le projet de loi propose d'ailleurs de préciser le caractère excessif de cette contrainte qui s'évalue en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, notamment des coûts qui se rattachent à l'aménagement, de ses effets sur le bon fonctionnement du ministère, de l'organisme ou de l'établissement ou encore de ses effets sur les droits d'autrui.
Et je veux souligner, parce que la députée a mentionné l'article 6, l'article 6 s'inscrit tout à fait dans ce continuum, c'est-à-dire... Et là on l'amène sur une base très pragmatique de communication, d'identification et de sécurité, et non sur une base d'exclure une religion et d'exclure la liberté de religion. C'est qu'on l'amène sur cette base de vouloir communiquer.
**(10 h 20)** M. le Président, le projet de loi n° 94 est significatif pour les citoyennes et les citoyens du Québec. En le déposant, nous avons posé un geste déterminant pour clarifier la notion d'accommodement raisonnable et affirmer sa légitimité et l'importance... Dans une société libre et démocratique, où l'on reconnaît l'égalité de tous et chacun, il était important d'inclure, je le répète, ces règles parce qu'il y avait un certain questionnement et une mauvaise compréhension de ce qu'est l'accommodement, et plusieurs groupes, dont le Barreau du Québec, sont venus dire que c'est très important et qu'ils trouvaient que le geste de proposer ce projet de loi n° 94 était important afin de faire valoir l'égalité des droits et une meilleure compréhension de tous les citoyens à cet exercice fondamental d'une société libre et démocratique.
Alors, j'invite, dans les 13 secondes... les 12 secondes qui me restent, les députés de l'opposition d'embarquer avec nous, d'embarquer. J'ai hâte de connaître leurs points de vue sur tous les articles du projet de loi n° 94.
Argumentation
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme la ministre. Nous allons maintenant entamer la période d'échange, et, Mme la députée de Rosemont, vous avez la parole pour un maximum de cinq minutes.
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Alors, deux, trois commentaires. D'abord, je constate que le dialogue de sourds risque de continuer encore pendant deux heures, ce même dialogue de sourds qu'on entretient depuis 20 heures en commission parlementaire. Et je constate aussi que le gouvernement a fait le choix d'ignorer l'avis du Conseil du statut de la femme. Je vais y revenir longuement, M. le Président, parce que je pourrais, là... des heures et des heures d'une magnifique et instructive lecture, puisqu'il n'y a pas eu de livre blanc, contrairement à ce que le gouvernement... qui aurait pu, au moins, me répondre sur cette question-là, pourquoi ne pas avoir accepté cette recommandation du rapport Bouchard-Taylor qui était, donc, de produire, de demander au gouvernement de produire un livre blanc sur la laïcité? Donc, je n'ai même pas eu de réponse là-dessus, M. le Président, pourquoi, depuis trois ans, n'avons-nous pas eu le livre blanc sur la laïcité recommandé par la commission Bouchard-Taylor, ce qui nous fait dire, à nous, et ce qui fait dire à Mme Pelchat, la présidente du Conseil du statut de la femme, que son avis au conseil, déposé il y a quelques semaines, constitue dans les faits... Sans que ce soit le gouvernement qui l'ait demandé, je pense que c'est la moindre des choses qu'on puisse dire à ce moment-ci... donc, de sa propre initiative a fait le choix, le Conseil du statut de la femme, de déposer un avis qui peut être considéré, en effet, comme le livre blanc.
Maintenant qu'on en a un, livre blanc, peut-on, au moins, en discuter? C'est un organisme-conseil du gouvernement, le Conseil du statut de la femme, qui existe depuis 40 ans. Il me semble que la moindre des choses, c'est, quand il produit un avis, c'est qu'on ait un avis sur l'avis. Nous autres, on en a un, et puis qu'on trouve que c'est une excellente contribution de la part du Conseil du statut de la femme au débat au Québec sur l'actualité.
Quant au projet de loi n° 94, la ministre sait très bien ce que l'opposition en pense. La ministre le sait très bien parce que, s'il n'y a pas d'amendements significatifs à ce projet de loi n° 94, bien, notre réponse, elle l'a déjà en l'état. Et je vais lui dire pourquoi -- et ça vient aussi, cette réponse-là, de Mme Pelchat -- c'est discriminatoire pour les femmes, l'article 6. Ça vient dire que les messieurs auront le droit de porter les signes qu'ils veulent, mais pas les femmes. Et elle a donc dit: «...j'aimerais d'abord dire que je ressens -- elle l'a dit en commission parlementaire -- un profond malaise face aux propos qu'on a entendus hier et aujourd'hui...» C'était au moment du point de presse fait par Mme la ministre et M. le premier ministre. Donc, Mme Pelchat disait, en ce qui a trait au projet de loi n° 94, profond malaise. «Nous avons l'impression -- j'aimerais ça que les députés ministériels écoutent ça -- que nous assistons à un détournement de l'objet et de l'effet du projet de loi n° 94 et nous en sommes profondément choqués.» Et je termine en disant: «De toute façon, le conseil ne donnerait pas son aval à un projet de loi qui aurait pour effet d'interdire un seul signe religieux, c'est-à-dire le niqab, celui porté par les femmes, et permettre tous les autres portés par ces messieurs. Cela discriminerait doublement les femmes. Au contraire, disait-elle -- ça, c'est de l'article 6, bien sûr, du projet de loi n° 94 que Mme Pelchat parle -- l'article 4 du projet de loi n° 94 pourra signifier, par exemple, que ne doit pas faire l'objet d'un accommodement le port vestimentaire de l'agent de l'État qui suggère que la femme est inférieure à l'homme ou qui, dans les circonstances, donne à penser que l'État favorise une religion. Cette demande devrait être refusée.» L'article 4, en soi, en lui-même, pourrait être intéressant si, par ailleurs, la laïcité était vraiment affirmée dans une autre loi. Mais l'article 6 vient complètement discriminer... est discriminatoire, dixit, donc, le Conseil du statut de la femme, et nous partageons cet avis-là. Alors, par conséquent, la ministre sait très bien ce que nous pensons du projet de loi n° 94. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme la députée. Mme la ministre, pour cinq minutes également.
Mme Weil: Oui. Merci, M. le Président. Alors, le Conseil du statut de la femme, je l'ai mentionné d'entrée de jeu, est venu en commission parlementaire lors des consultations générales sur le projet de loi n° 94 et il a déclaré que le projet de loi n° 94 était approprié, justifié et souhaitable. Il a noté que c'était la première fois que l'accommodement raisonnable était défini dans une loi qui servirait d'éclairage aux tribunaux.
Je vous cite un extrait du mémoire: «En encadrant les demandes d'accommodement, on fournit des indications aux gestionnaires [...] sur la marche à suivre, sur les droits de chacune et de chacun, sur les valeurs fondamentales à respecter. Au sein des ministères, des établissements visés par le projet de loi n° 94, des politiques internes cohérentes, conformes aux prescriptions législatives et particularisées à chaque milieu seront adoptées. Elles contribueront à une meilleure connaissance des droits et des devoirs de chacun, dans le respect des valeurs québécoises fondamentales.» Quant à l'article 4, qui stipule que tout accommodement doit respecter l'égalité entre les femmes et les hommes, le Conseil du statut de la femme l'a appuyé sans réserve. Laissez-moi d'abord vous lire l'article 4: «Tout accommodement doit respecter la Charte des droits et libertés de la personne, notamment le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et le principe de la neutralité religieuse de l'État selon lequel l'État ne favorise ni de défavorise une religion ou une croyance particulière.» La mention expresse qu'un accommodement envisagé doive notamment respecter le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes fait référence à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne, lequel prévoit que «toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur [...] le sexe...» Cette mention fait aussi référence au préambule et à l'article 50.1 de cette charte qui prévoit que les droits et libertés qui sont énoncés sont garantis également entre les femmes et les hommes. Cette mention expresse signifie donc en termes plus simples qu'un accommodement devra respecter le droit d'une personne d'être traitée en toute égalité, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur le sexe.
À cet égard, le Conseil du statut de la femme a dit: «Le conseil se réjouit de voir que le projet de loi n° 94 prévoit que tout accommodement doit respecter le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et le principe de la neutralité religieuse de l'État. Il note que l'article 4 s'inscrit dans la foulée des modifications apportées à la charte en 2008 en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, comme le recommandait le conseil dans son avis en 2007.» En effet, en 2008, notre gouvernement a amendé la charte québécoise pour y renforcer expressément l'égalité entre les femmes et les hommes, et je pense important de le citer parce qu'on est ici en interpellation pour parler justement de cette valeur égalité hommes-femmes et de la volonté du gouvernement de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes. Il y a une série d'actions qui ont été entreprises par le gouvernement, des actions législatives, c'est ce que je souligne ce matin.
«Considérant -- donc, dans le préambule -- que le respect de la dignité de l'être humain, l'égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix.» Et l'article 50.1, qui stipule que les droits et libertés énoncés dans la charte sont garantis également aux femmes et aux hommes, a été ajouté. C'est un geste important que notre gouvernement a posé en effectuant ces amendements. C'est aussi un geste important pour l'égalité entre les femmes et les hommes que nous avons posé en déposant le projet de loi n° 94. En effet, ce projet de loi est salué par le Conseil du statut de la femme, qui en a recommandé l'adoption. «Le conseil -- et je cite encore -- salue l'action du gouvernement qui, avec le projet de loi n° 94, prend les moyens pour gérer les demandes d'accommodement dans le respect des valeurs d'égalité entre les sexes et de neutralité de l'État. Il trace la voie à suivre et est avant-gardiste.» Je répète, la priorité gouvernementale, c'est le projet de loi n° 94, qui a été proposé pour répondre à un besoin qu'on sentait pressant dans la communauté, et, évidemment, c'est la prérogative du gouvernement de proposer le menu législatif en fonction de ses priorités. Et c'est ça qui est sur la table, et j'invite, encore une fois, la députée de Rosemont, si elle a des commentaires sur les articles, qu'elle amène ses propositions article par article. On est en commission parlementaire pour étudier le projet de loi n° 94, et non pour étudier la Charte des droits et libertés. On a amené les modifications à la Charte des droits et libertés, actuellement c'est le projet de loi n° 94. Donc, ce n'est pas un dialogue de sourds, M. le Président. Bien au contraire, on discute des aspects fondamentaux de ce projet de loi.
**(10 h 30)**Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme la ministre, Je cède maintenant la parole au député de Charlesbourg.
M. Pigeon: Merci, M. le Président. Je suis, moi aussi, heureux d'être ici ce matin pour discuter d'un sujet important qui est l'égalité hommes-femmes et je salue la députée de Rosemont, mes collègues et les personnes qui accompagnent la ministre. Je ne suis pas convaincu, M. le Président, que le lien entre la laïcité, qui est un concept sur lequel j'aurai l'occasion de revenir dans d'autres interventions... que la laïcité, donc, soit si liée à l'égalité hommes-femmes. Et, donc, on parle des deux sujets ce matin, et je vais en parler peut-être un peu séparément.
Tout d'abord, l'égalité hommes-femmes. L'égalité hommes-femmes, je pense que, dans la société québécoise, on n'a pas besoin de faire bien des sondages et de faire bien des études pour comprendre que c'est un principe fondamental, et le gouvernement du Québec... je dirais même les gouvernements du Québec, mais le gouvernement du Québec, dans les années récentes, a posé de nombreux gestes dans ce sens-là. Il y a eu des gestes symboliques, évidemment. Il y a eu des gestes aussi beaucoup plus forts en droit, on pourra y revenir. Et il y a eu aussi des gestes concernant, par exemple, un des éléments d'égalité qui nous touche le plus qui est la lutte contre la violence faite aux femmes.
Alors, je me permets de dire deux, trois petits mots de ce qui a été fait dans ce sens-là, et, par exemple, le 1er avril 2006, l'entrée en vigueur de l'article 1974.1 du Code civil du Québec permettant la résiliation du bail résidentiel pour motif de violence conjugale ou d'agression à caractère sexuel, donc voilà une mesure importante. On pourrait aussi, M. le Président, parler du plan d'action gouvernemental 2004-2009 en matière de violence conjugale. Il y avait 72 engagements qui, à ce que je sache, ont, grosso modo, tous été tenus. Il y a eu des campagnes de sensibilisation à la violence conjugale et il y a eu beaucoup d'argent d'investi dans ça, et la dernière phase, d'ailleurs, est diffusée en ce moment, soit du 25 mars au 1er mai 2011. Le lancement en avril du Plan d'action gouvernemental 2008-2013 en matière d'agression sexuelle, qui regroupe une centaine d'engagements. Et je note une dernière chose, les investissements du gouvernement du Québec, par maison d'hébergement, pour les femmes victimes de violence conjugale sont passés de plus de 350 000 $ à près de 644 000 $. Donc, le gouvernement, dans cette question-là, a posé de nombreux gestes.
Un autre élément important dans le débat de ce matin, M. le Président, c'est une autre valeur importante pour la société québécoise. Et la députée de Rosemont y a fait allusion, c'est l'ouverture et l'accueil. Et on ne peut, je pense, parler de laïcité si on ne parle pas aussi d'ouverture et d'accueil. Il faut rappeler que la société québécoise est une des sociétés qui, per capita, reçoit le plus de personnes venues d'ailleurs, on reçoit 50 000 immigrants pas année.
Et, donc, le lien, pour moi, le lien entre la laïcité et l'égalité hommes-femmes, ce n'est pas si clair que ça, et j'aimerais dire qu'en fait il y a beaucoup des problèmes d'égalité hommes-femmes -- parce que, malgré tous les efforts, ce n'est pas atteint parfaitement -- c'est plus culturel que religieux. Et des discussions récentes m'ont rappelé que, dans ce qui touche, par exemple, la publicité, les stéréotypes, donc tout le marché qui est mis en place pour vendre des produits, etc., dans tout ce qui a trait aussi à l'hypersexualisation des jeunes filles, etc., donc il y a énormément de choses qui ne sont pas liées au religieux.
Un autre phénomène, un autre aspect important, c'est le partage des tâches domestiques. C'est culturel et ce n'est pas encore égal, que je sache, dans tous les foyers québécois, bien que des progrès aient été faits.
Et je rappelle... Je sais que mon cinq minutes se réduit, mais je voudrais dire que la discrimination que l'on voit chez certains groupes, encore une fois, est beaucoup plus d'origine culturelle. La burqa, par exemple, est, je dirais, un attribut culturel, là, des tribus pachtounes en Afghanistan. Et, donc, souvent, je pense qu'on tente de justifier une certaine domination des hommes dans certains groupes par la religion, mais, en fait, c'est largement culturel. Et, dans une prochaine intervention, M. le Président, j'aurai l'occasion de revenir sur l'historique de la laïcité, qui, je pense, est intéressant pour notre débat.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Rosemont.
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Le député de Charlesbourg m'a fait sursauter quand il a dit: Bien, voilà deux thèmes différents, celui de la laïcité et celui de l'égalité hommes-femmes. Je pense sincèrement que, là-dessus, il a tort, il y a une relation entre laïcité et égalité hommes-femmes. Je ne suis pas la seule à le dire, je pense que pas mal tous les groupes féministes, et je dirais même féminins, diraient qu'il y a une relation historique. Il voudra parler d'histoire, ça me fera plaisir, mais qu'il y a une relation entre la laïcité et puis l'égalité hommes-femmes. Il y en a une historique au Québec, on pourra, en effet, y revenir, mais qu'il me suffise de dire que le Québec s'est modernisé en se laïcisant et que l'égalité hommes-femmes est venue avec la laïcisation. Est-ce que je dois vous refaire l'histoire du Québec avant 1960, avant la Révolution tranquille, pour savoir quel était le statut des femmes... Et je suis étonnée que le député de Charlesbourg, connaissant son environnement, sachant qu'il a été le recteur de l'université qui est mon alma mater... que ces débats-là, on les as faits quand j'étais, moi, à l'université, il y a déjà longtemps, là, très, très, très longtemps, mais que c'était relié, la laïcisation et l'égalité entre les hommes et les femmes.
Et, par conséquent, je veux seulement lui citer justement... J'espère qu'il l'a lu, l'avis du Conseil du statut de la femme, c'est écrit en toutes lettres, la laïcité ouverte, qui est le choix du gouvernement... Nous, ce n'est pas notre choix que cette laïcité ouverte. Pourquoi ce n'est pas notre choix, M. le Président? Parce que, justement, comme l'écrit si bien le conseil, «la laïcité ouverte, c'est la laïcité ouverte aux atteintes à l'égalité des femmes». Écrit noir sur blanc. Ça fait que j'aimerais bien qu'on me réfute cet avis du Conseil du statut de la femme qui va exactement dans ce sens-là.
Un Québec respectueux de l'égalité entre les sexes ne peut continuer à s'avancer sur la voie de la laïcité ouverte, qui est, je vous le répète, M. le Président, le choix fait par le gouvernement. Pour le Conseil du statut de la femme, «la laïcité ouverte, c'est la laïcité ouverte aux atteintes à l'égalité des femmes», c'est écrit noir sur blanc. Et puis là je pourrai vous en lire tout à l'heure si on a le temps, là, sur cette question-là. Mais c'est fondamental, et je voudrais seulement dire à la ministre qu'il y a eu le dépôt du projet de loi, et puis il y a eu la conférence de presse qui a interprété le projet de loi. Et ce que plusieurs ont dit à ce moment-là, dont le Conseil du statut de la femme: Le projet de loi, il aurait peut-être pu être interprété autrement, mais le gouvernement, tout de suite, a dit: Eh bien, c'est la laïcité ouverte, c'est le choix de la laïcité ouverte. Et, dans le fond, ce que le Conseil du statut de la femme, mais plusieurs groupes aussi qui sont venus en commission parlementaire... Et la ministre le reconnaît qu'ils ont remis en cause ce choix de laïcité ouverte. La ministre me disait hier que c'était 50-50, non. J'aimerais ça qu'on fasse le calcul tranquillement ensemble en commission parlementaire, et vous verrez qu'il y a une majorité qui réfute et qui ne souhaite pas ce choix de la laïcité ouverte.
Alors, Mme Pelchat a dit à ce moment-là, mais elle l'a dit au nom de beaucoup, beaucoup de femmes et de moi-même, entre autres: La laïcité ouverte, c'est parce que le gouvernement a inféré de son projet de loi, il en a déduit que c'était ça, la laïcité ouverte. Et c'est ça aussi que l'on conteste, que le gouvernement prétend que c'est la laïcité ouverte. Mais, l'article 4, si le gouvernement ne l'avait pas interprété immédiatement, son projet de loi, comme étant de la laïcité ouverte, ne disait pas ça nécessairement. Alors, Mme Pelchat, ce qu'elle dit: «Selon elle, la laïcité ouverte, ce n'est ni plus ni moins que la dictature du multiculturalisme.» M. le Président, c'est un gros mot, ça, la «dictature du multiculturalisme», sur lequel je reviendrai, c'est un de mes sujets favoris.
Et elle ajoutait -- je termine là-dessus: «...la doctrine du multiculturalisme, on l'a rejetée au Québec parce que cela signifie que toutes les cultures se valent. On a dit non et on a choisi plutôt l'interculturalisme, qui précise que l'État a des valeurs communes», dont la laïcité de l'État, qui vient mettre des limites au multiculturalisme. Mais, l'interculturalisme, le problème, M. le Président, c'est qu'on ne l'a jamais vraiment défini. Voilà.
**(10 h 40)**Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Weil: Oui. Merci, M. le Président. Comme je l'ai dit précédemment, le projet de loi n° 94 vient expliciter qu'un accommodement doit respecter... Pardon, excusez-moi. Je perds quelques secondes, mais ça vaut la peine. Woups! excusez-moi. Bon, doit respecter l'égalité entre les femmes et les hommes, une valeur fondamentale au Québec. Parce qu'on est ici, en interpellation, pour parler de laïcité, de l'égalité entre les hommes et les femmes, je voudrais, dans les quelques minutes qu'il me reste, parler très précisément des actions pour promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes. Je pense que d'autres députés voudront se prononcer là-dessus, mais je pense qu'il est important de dire haut et fort à tous ceux qui nous écoutent la volonté du gouvernement.
J'ai eu l'occasion de parler des modifications qui ont été apportées à la Charte des droits et libertés en 2008. Je veux aussi souligner l'article 4, qui vient dire qu'aucun accommodement ne peut brimer l'égalité entre les hommes et les femmes. Là, je voudrais parler, en tant que ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, à quel point mon ministère et moi personnellement, c'est un sujet qui m'interpelle au plus haut point. Et j'ai eu l'occasion de rencontrer, depuis que je suis en fonction à titre de ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, de rencontrer des organismes qui représentent les femmes immigrantes en particulier qui peuvent être dans des situations de vulnérabilité parce que, pour moi, en tant que ministre, en tant que... Et je pense que, pour tout le gouvernement, il s'agit de trouver des actions, des mesures qui, très concrètement, vont faire une différence dans la vie d'une femme. Le choix que les femmes ont, c'est une chose. Et de porter les vêtements qu'ils choisissent de porter, d'exprimer leur religion, c'est une chose, mais je voulais vraiment, dans les minutes qu'il me reste, parler de certaines actions.
Alors, évidemment, c'est un combat de tous les instants d'assurer que l'égalité de droit soit une égalité de fait pour toutes ces femmes. Alors, l'automne dernier, nous avons réalisé une étude substantielle qui compare la situation des femmes immigrantes au Québec à partir des recensements de 2006 et 2001 en s'appuyant sur plusieurs indicateurs comme l'emploi, la scolarité et la connaissance linguistique. L'étude démontre que, si la participation des femmes immigrantes au marché du travail s'est améliorée, des défis restent à relever. Fait encourageant, après quelques années, soit entre six et 10 ans, les femmes immigrantes ont une participation équivalente, voire supérieure à celle de l'ensemble des femmes. C'est dans ce contexte que mon ministère a mis en oeuvre des actions pour soutenir les femmes immigrantes, en particulier dans les premières années suivant leur arrivée au Québec.
En matière de francisation... C'est très important, la question de la francisation parce que c'est vraiment non seulement le ciment de la société québécoise, mais c'est la clé d'intégration, c'est de parler la langue. Donc, on veut donner accès à des cours de francisation aux femmes. Souvent, elles vivent des situations d'isolement, et j'ai rencontré beaucoup d'organismes communautaires qui, justement, font tout pour s'assurer que ces femmes puissent apprendre la langue. Parce que leurs enfants sont à l'école française, ces femmes se sentent démunies par rapport, parfois, aux devoirs qu'ont leurs enfants, de ne pas être capables d'échanger avec le prof d'école, pas être capables d'aider avec les devoirs. Donc, on considère que c'est un outil d'intégration et d'émancipation, finalement, très, très fondamental.
Pour encourager davantage la participation des femmes immigrantes à la société québécoise et leur insertion en emploi, plusieurs des mesures que nous réalisons leur sont destinées. On a un programme qui s'appelle Défi Montréal et le programme Action Diversité qui visent l'insertion professionnelle des personnes issues de l'immigration et favoriser leur pleine participation. Les organismes financés par le Programme d'accompagnement des nouveaux arrivants -- le programme s'appelle PANA -- ont réalisé, entre le 1er avril et le 31 décembre, 33 331 accompagnements dont 17 732 auprès des femmes immigrantes, soit 53 % de la clientèle. Donc, on cible vraiment ces femmes immigrantes.
Aussi, un autre programme, le Programme d'aide à l'intégration des immigrants et des minorités visibles en emploi, ça, c'est le programme PRIIME, un programme très intéressant que le gouvernement souhaite bonifier pour assurer l'intégration des immigrants en emploi et qui cible les femmes immigrantes, qui a un taux de succès important. Alors, dans les minutes qu'il me reste, je voulais tout simplement souligner l'importance de ces actions pour réellement aller rejoindre ces femmes vulnérables.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Montmorency.
M. Bernier: Merci...
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): En n'insistant peut-être pas trop sur le partage des tâches domestiques, peut-être.
M. Bernier: Je ne comprends pas, M. le Président. Je ne comprends pas votre élément. Écoutez, ça me fait plaisir d'être ici ce matin. Je veux saluer la députée de Rosemont, saluer les collègues qui sont ici, les gens du ministère et les recherchistes de l'opposition. Et, comme vous savez, M. le Président, dans mes responsabilités au niveau de l'Assemblée nationale, j'assume également une présidence qui est fort importante au niveau des relations avec les citoyens. C'est son nom, cette commission parlementaire que je préside.
Mais, ce matin, je suis ici comme député pour souligner également une importance en ce qui regarde l'adoption du projet de loi n° 94. La députée de Rosemont a participé à de nombreuses heures de travail en commission parlementaire sur Pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait -- Vers un deuxième plan d'action gouvernemental pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Donc, c'est un plan d'action qui sera mis de l'avant au cours des prochains mois, un important plan d'action pour la société québécoise.
Vous avez mentionné, d'ailleurs, tout à l'heure, dans les années soixante, avec la Révolution tranquille, avec le gouvernement libéral de M. Lesage, ça a été important dans le cheminement des femmes du Québec. Bien sûr, à ce moment-là, j'étais jeune enfant, mais j'ai quand même pu témoigner et voir à quel point la société québécoise a changé, à quel point la société québécoise a évolué dans ses pratiques et dans l'importance donnée au niveau du travail et dans cette égalité qui, aujourd'hui, nous semble avoir fait de grands pas, et qui a fait de grands pas, et auquel nous devons encore poursuivre et nous devons encore travailler.
Moi, je dois vous dire que l'importance du projet de loi n° 94, c'est que ça permettrait de complémenter, si on veut, l'ensemble des actions. Donc, ce que je souhaite, c'est que ce projet de loi que la ministre a déposé... Je veux la féliciter parce que, pour un ministre, de parrainer un projet de loi aussi qui semble, dans un premier temps, peut-être facile d'expression dans nos pensées, mais, quand on y va dans une application, c'est très différent, il y a beaucoup de divergences d'opinions... Et je comprends la députée de Rosemont, mais je sollicite sa participation, la députée de Rosemont, dans ce projet de loi là. Je pense que c'est une personne qui apporte une connaissance, et une expérience ministérielle, et une expérience également de parlementaire fort importante tant au niveau du Québec qu'à l'extérieur du Québec, auquel elle a eu l'occasion de vivre. Donc, elle peut certainement apporter un éclairage et une information très, très importante.
Quand on procède à l'étude d'un projet de loi article par article, c'est à ce moment-là, c'est à ce moment-là qu'on doit être capable, s'il y a lieu, d'amener des amendements ou des modifications qui vont bonifier celui-ci, qui vont bonifier celui-ci pour permettre à la société québécoise d'en bénéficier le plus rapidement possible, et ce sont les parlementaires, en commission, qui font ce travail tant du côté gouvernemental que du côté de l'opposition. Et, d'ailleurs, M. le Président, vous avez eu l'occasion de participer à plusieurs commissions parlementaires auxquelles vous avez apporté votre éclairage et qui a permis d'apporter des modifications.
Parce que le projet de loi n° 94 en tant que tel, moi, ce que j'ai comme information, le Barreau du Québec nous dit: «Le Barreau appuie toute initiative qui vise à mettre en oeuvre le droit à l'égalité dans la société québécoise et qui, à l'instar du projet de loi n° 94, intitulé Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements, reconnaît de manière explicite l'obligation de prévoir des accommodements sans contraintes excessives dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements. "Un accommodement raisonnable constitue un moyen de mise en oeuvre du droit à l'égalité et non une atteinte à la primauté du droit", a déclaré le bâtonnier du Québec[...].
«Dans ses représentations, le bâtonnier a également rappelé que le Québec constitue un État démocratique gouverné par le droit et que les principes juridiques applicables ici garantissent les droits et libertés de toutes les personnes se trouvant au Québec, qu'elles soient citoyennes ou étrangères. De ce fait, ces principes protègent également les minorités.
«Le Barreau rappelle donc que les accommodements raisonnables ne doivent pas être perçus comme une menace pour la société québécoise ou pour les personnes, mais plutôt comme l'incarnation de la primauté du droit parce qu'ils constituent, justement, un outil de protection et d'intégration pour tous les citoyens sans égard, notamment, à leur langue, leur sexe, leur handicap, leur race, leur religion, leur origine nationale ou ethnique, leur orientation sexuelle, leur conviction politique ou leur âge», d'où l'importance de se doter d'une loi qui va permettre de mettre les assises au niveau du Québec et poursuivre le travail qui a été amorcé, et cette loi permet de le faire. Donc, moi, j'invite la députée de Rosemont à contribuer positivement à ce projet de loi.
**(10 h 50)**Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci. Merci, M. le député de Montmorency. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Rosemont pour la troisième séquence.
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Je voudrais, tout simplement, dire à nos amis d'en face, là, que ma première expérience, ce n'est pas d'être une parlementaire, ce n'est pas, je veux dire, d'avoir une expérience professionnelle, c'est d'abord d'être une femme. Et je suis née femme. Et peut-être qu'on le devient, mais je suis née femme et j'ai été très marquée, bien évidemment, par mon éducation ici, à Québec, et puis ici, au Collège Jésus-Marie, puis ensuite à l'Université Laval, marquée beaucoup par Simone De Beauvoir, qui m'a appris un certain nombre de choses fondamentales que je n'ai pas oubliées 50 ans plus tard -- j'avais 15 ans, mais je n'ai pas oublié ça 50 ans plus tard -- et par Thérèse Casgrain, par les grandes féministes québécoises qui nous ont montré la voie.
Et c'est vrai qu'il y a eu -- et je suis la première, bien évidemment, à le reconnaître -- un chemin considérable qui a été fait par les femmes québécoises depuis la Révolution tranquille, en effet. Je ne suis pas nécessairement de celles qui croient que, du jour au lendemain, on a passé de la «grande noirceur» à la grande lumière, mais il y a quand même eu, à ce moment-là, une vraie rupture, au moment de la Révolution tranquille. Mais, je vous le répète, cette rupture-là, elle s'est faite en laïcisant le Québec, ce qui a permis aux femmes d'abord d'avoir le droit, tu sais, de vote. Ça, c'était un peu avant, mais mettons que ça a été long. On a été la dernière province canadienne, on n'a pas fait preuve, à ce moment-là, d'un grand avant-gardisme. Mais, à partir de 1960... Je vous ferai remarquer que la première femme élue ici, dans le salon bleu, c'était en 1961, c'était Mme Claire Kirkland. Aïe! les amis, ce n'est pas si extraordinaire que ça, là. Il a fallu quand même beaucoup de batailles pour les femmes, et ça s'est fait en parallèle avec la laïcisation du système éducatif qui s'est terminée par la déconfessionnalisation du système éducatif public il n'y a pas trois ans, il n'y a pas quatre ans, ça a pris 20 ans pour déconfessionnaliser notre système d'éducation public.
Moi, ce que je ne veux pas, c'est le retour par la porte d'en arrière de la religion dans notre système, par exemple, d'éducation public, que, pendant 20 ans, un gouvernement après l'autre, on a réussi à déconfessionnaliser. On a de tout ce que vous venez de me dire, c'est-à-dire de l'ouverture aux autres. Parce qu'auparavant les commissions scolaires étaient protestantes ou catholiques, et puis, tous ces nouveaux arrivants dont on parlait tantôt, eh bien, qu'est-ce qui arrivait? Ils s'en allaient au secteur protestant francophone, puisque le secteur protestant francophone était plus ouvert à l'autre. C'est donc au nom de l'ouverture qu'on a laïcisé.
Alors, qu'on ne vienne pas me dire: La laïcité, c'est la fermeture. Au contraire, la preuve historique est faite qu'on a déconfessionnalisé notre système public parce qu'on voulait accueillir les autres chez nous en français pour que tous ces Québécois de toutes origines, dont on parlait tout à l'heure, et de toutes religions se retrouvent ensemble via la laïcité. Parce que, sinon, chacun va avoir ses écoles confessionnelles. Il peut bien y avoir des écoles privées confessionnelles, moi, je n'ai pas d'objection à ça. Mais il faut un système public qui, lui, soit laïque, puis je ne peux pas croire qu'il y a quelqu'un en face qui n'est pas d'accord avec ça. Mais c'est la preuve vivante, finalement, que le Québec a eu raison de laïciser son...
Alors, est-ce qu'on va le reconfessionnaliser en réintroduisant le religieux dans cet espace que j'appelle civique? Pas dans l'espace public, bien sûr. Moi, je suis très d'accord avec le fait que, qu'on soit au parc, ou qu'on soit au marché, ou qu'on soit chez soi ou dans quelque circonstance... Mais, quand on est dans l'espace civique, dans nos écoles, dans nos ministères comme fonctionnaires, etc., eh bien on a le même devoir de réserve que l'on doit avoir par rapport à la politique. C'est inscrit dans la Loi de la fonction publique, c'est l'article 10, devoir de réserve par rapport à ses opinions politiques. Donc, de la même façon, ce n'est pas parce qu'on laisse tomber ses opinions politiques de 9 à 5 que ces opinions politiques n'existent plus. Bien, c'est la même chose pour l'affichage, afficher, en quelque sorte, ses croyances religieuses. Alors, par conséquent, M. le Président, c'est ma conclusion à ce moment-ci.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci. Merci, Mme la députée. Mme la ministre, à vous la parole.
Mme Weil: Oui. Peut-être aussi sur une note très personnelle, M. le Président, ma mère, qui était féministe, qui a eu cinq filles et deux garçons, elle disait que c'était impossible qu'une femme ne soit pas féministe, que c'était dans la nature des choses qu'une femme voulait l'émancipation. Je pense qu'on a tous grandi avec ça. Mes trois filles, mon garçon aussi, je l'espère bien, se considèrent aussi féministes dans un sens parce que ça veut dire, tout simplement, de reconnaître le droit à tout le monde, hommes ou femmes, de vivre le plein épanouissement et l'intégration dans la société dans toutes ses facettes. Alors, je concours tout à fait avec la passion de la députée de Rosemont sur cette question. Et on est, je suis convaincue, sur la même longueur d'onde, c'est comment y arriver. J'espère, avec ce que je vais dire ici... Tantôt, j'ai parlé des mesures très concrètes parce que je suis vraiment dans ces mesures très concrètes, comment aller chercher des femmes... s'assurer que les nouveaux arrivants puissent s'intégrer puis comprennent les valeurs québécoises.
La députée de Rosemont a évoqué ces valeurs. Lorsqu'on parle d'égalité hommes-femmes, c'est une valeur fondamentale. Donc, comment, par des mesures très concrètes, sommes-nous en mesure de transmettre ces valeurs? Alors, je voudrais mentionner... Puis on a eu l'occasion, en commission parlementaire, d'évoquer cette déclaration sur les valeurs communes de la société québécoise qui fait partie... On demande aux nouveaux arrivants, lorsqu'ils reçoivent leur certificat de sélection, de signer cette déclaration qui fait mention de l'égalité entre les femmes et les hommes. Donc, c'est une mesure qui vise à promouvoir les valeurs communes de la société québécoise et maintenir sa cohésion et l'une des actions qui découlent de la publication du rapport de la commission Bouchard-Taylor. On a mentionné le rapport ce matin et les actions recommandées par la commission pour donner corps et âme, finalement, à ce désir de partager les valeurs communes. Donc, les valeurs communes, dont nous intensifions la promotion, réaffirment que le Québec est une société pluraliste, libre et démocratique, basée sur la primauté du droit -- très important, cette notion de primauté du droit, et j'y reviendrai -- où l'exercice des droits et libertés de la personne se fait dans le respect de ceux d'autrui et du bien-être général -- et là pour rassurer la députée de Rosemont -- où les pouvoirs politique et religieux sont séparés. On le répète, on le dit, c'est une réalité qui est bien ancrée dans notre histoire et qui est réaffirmée de différentes façons, mais qui suit certainement une évolution.
**(11 heures)** Et la création des commissions linguistiques, absolument, s'inscrit dans cette mouvance, et le rapport Proulx, qui a été à l'origine de ces recommandations, où les femmes et les hommes ont les mêmes droits -- alors, ça, c'est bien écrit dans cette déclaration, c'est important de transmettre cette valeur -- et où le français est la langue publique commune. Donc, je pense que, ce geste-là, il y avait eu beaucoup de débats. Moi, je n'étais pas élue à ce moment-là. J'ai suivi ça un peu de l'extérieur comme citoyenne, j'avais trouvé ce geste intéressant. Intéressant, je n'étais pas prise dans les grands débats, et tout ça. Mais, comme vous savez, quand on est à l'extérieur de la politique, on voit les choses passer, et il y a certaines choses qui attirent l'attention. Ça, ça avait attiré mon attention parce que je voyais là un geste...
On parle beaucoup d'interculturalisme, et ce n'est pas... Même en commission parlementaire, il y a un député de l'opposition qui a mentionné: Bon, ce n'est pas toujours évident pour les gens de comprendre la différence, des fois, entre multiculturalisme et interculturalisme. C'est des gestes, c'est des gestes qui viennent rajouter un peu de tonus, si vous voulez, à cette volonté et cette approche interculturaliste. J'y reviendrai plus tard, mais on demande à la personne qui rentre ici, au Québec... On parle d'immigration comme un privilège. Ma collègue la ministre de la Culture a mentionné ça hier en période de questions, c'est un privilège de rentrer dans un pays, dans une juridiction, dans une société, et là on demande aux gens de partager des valeurs communes avec nous.
Alors, je pense, c'est important parce que l'égalité hommes-femmes est au coeur de nos discussions. La députée le soulève souvent, ça a été soulevé en commission parlementaire comme une grande préoccupation. C'est vrai, il faut trouver justement l'équilibre entre l'expression religieuse, la pratique religieuse, les accommodements autour de la religion et toujours s'assurer que l'égalité hommes-femmes soit respectée, et le projet de loi n° 94 vient aider, aider les décideurs dans cet exercice fondamental pour s'assurer qu'on ne brime pas l'égalité entre les hommes et les femmes.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Charlesbourg.
M. Pigeon: Merci, M. le Président. Alors, je veux rassurer tout de suite la députée de Rosemont et, tout comme la ministre l'a fait remarquer, je pense que la valeur de l'égalité hommes-femmes est partagée ici, en cette Chambre, et par la société québécoise, ça ne peut pas, je pense, être remis en doute. Mais, toutes les questions de laïcité, on peut en avoir des visions, je dirais, variées. La société québécoise, pour employer cette expression, s'est laïcisée dans les années soixante et soixante-dix, mais ça ne veut pas dire que c'est la laïcisation qui est la cause de l'émancipation des femmes. Et on pourrait discuter longuement, et on aura peut-être l'occasion d'en discuter. Mais la laïcité, c'est un phénomène historique, et l'histoire ici est différente de l'histoire en France.
Et, parce que la conception de la laïcité vient beaucoup de la France, je vais me permettre, M. le Président, de citer un livre qui a paru en 2005 et qui s'intitule Dieu en France et aux États-Unis -- Quand les mythes font la loi. Et ce qu'on voit dans ce livre-là, un des éléments que j'ai retenus, c'est à quel point, quand la laïcité est arrivée en France, comment ça s'est fait durement. Et je cite l'auteur ici: «Comme l'a observé [le sociologue] Émile Poulat, penser la laïcité comme un pacte fondateur entre les Français, c'est "oublier et occulter la violence fondatrice qui a imposé la séparation, après un siècle de concordat, qui, lui-même, n'était pas une lune de miel".» Et il termine en disant: «Il nous faut constater que c'est contraints et forcés que les catholiques français ont accepté les termes du pacte.» Et je poursuis rapidement: «La vision négative que la laïcité à la française donne des religions résulte de la volonté de contrecarrer le large pouvoir de la religion catholique sous l'Ancien Régime comme elle résulte de la perception dépréciative qu'avait le Siècle des lumières du fait religieux.» Donc, la laïcité, en France, s'est véritablement construite un peu contre le pouvoir du clergé, mais les textes ne disent pas nécessairement des choses aussi dures que ce qui est véhiculé par le mythe de la laïcité en France.
J'ai une autre brève citation parce que le Conseil d'État, en France, en 1989, a émis un avis sur le port du foulard à l'école avant qu'on ait la fameuse controverse. Et cet avis-là est intéressant, alors je vous le cite brièvement: «Le principe de laïcité, dans l'avis du Conseil d'État, selon les textes constitutionnels et législatifs, requérait des enseignants et des programmes le respect du principe de neutralité d'un côté, et de l'autre le respect de la liberté de conscience des élèves. De sorte que le fait de porter des insignes par lesquels un élève exprime son appartenance religieuse n'est pas en soi incompatible avec le principe de laïcité. Il le devient seulement s'il s'accompagne d'une attitude prosélyte.» Alors, je pense que ça, c'est intéressant. On nous parle beaucoup de vision de la laïcité, nous avons la nôtre. Le mot de laïcité dite ouverte, on peut l'utiliser ou ne pas l'utiliser. Personnellement, j'aime beaucoup parler de neutralité de l'État. Je pense que ça, c'est extrêmement fondamental. Et c'est clair pour moi que la laïcité... Et je n'aurai peut-être pas le temps, mais j'aimerais citer un autre auteur que je citerai tout à l'heure. Mais Mme la députée de Rosemont connaît sûrement le livre de Maclure et Taylor, Laïcité et liberté de conscience, ce qui ressort de ça, c'est le concept d'intégrité morale des individus et, donc, le respect de ce qu'ils doivent penser pour vivre correctement leur vie personnelle. Et, pour moi, c'est un concept important. Et donc, malgré la laïcité et la neutralité que doit avoir l'État, je pense que le respect de ce que peut être une personne, de ses croyances, c'est fondamental, et c'est pourquoi, pour moi, il est important, je pense, de dissocier un peu les questions religieuses des questions égalité hommes-femmes, bien que je puisse reconnaître que, parfois, il y a des choses qu'on peut ne pas, je dirais, apprécier. Et, d'ailleurs, le projet de loi n° 94 que la ministre a présenté dit clairement certaines choses à ce sujet-là.
Donc, pour moi, la question de la laïcité, je la prends avec un peu de recul. Je pense plutôt à la neutralité de l'État, au respect que l'État doit avoir de chaque personne, et ça, pour moi, c'est le fondement -- et j'y reviendrai tout à l'heure -- c'est le fondement aussi de l'accueil de l'autre, de l'ouverture et de la tolérance qui est aussi...
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. le député de Charlesbourg. Pour la quatrième séquence, maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Rosemont.
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci. Merci, M. le Président. En fait, ce que je crois fondamentalement, c'est que la liberté de religion ne doit pas entraver ce principe de l'égalité hommes-femmes. Vous savez très bien, M. le député de Charlesbourg, qu'à certains moments -- et les tribunaux, d'ailleurs, ont eu à trancher sur ces questions-là -- il y a comme deux droits qui sont présents: l'égalité hommes-femmes et puis la liberté de religion. Bon. Et il est arrivé que les tribunaux... D'ailleurs, je ferai remarquer, parce que c'est intéressant de constater ça, que la Cour d'appel du Québec... Et ça, c'est Me Julie Latour qui est venue nous dire ça en commission parlementaire. Ça vaut la peine de relire ce que Me Latour, qui a déjà été bâtonnière à Montréal, est venue nous dire à ce sujet-là parce que, moi, je n'avais pas été très attentive, n'étant pas juriste de formation, mais que la Cour d'appel du Québec a eu souvent des jugements différents de ceux de la Cour suprême sur cette question-là, et elle disait: C'est comme un peu la preuve qu'il peut y avoir entre le Canada et le Québec... puis il y avait même des juges dissidents à la Cour suprême quand il y avait de questions de ce type-là qui se posaient, mais que la Cour d'appel du Québec, souvent, donc, jugeait une chose différemment de celle de la Cour suprême sur ces questions-là de liberté de religion versus, souvent, donc, l'égalité hommes-femmes. C'est parce que les deux droits...
Et, moi, ma position est très claire là-dessus. Quand je dis que la liberté de religion ne doit pas entraver l'égalité hommes-femmes, c'est parce qu'à un moment donné, par définition, les cours prennent position par rapport à tous ces droits qui se retrouvent dans la charte de droits. Et c'est pour ça que l'on croit, nous, qu'il faut avoir des règles claires et que, si on affirmait -- ce qui n'est pas fait -- la laïcité dans la charte québécoise des droits et libertés, bien, que, déjà, c'est comme une liberté, je dirais, collective, ça, c'est comme un principe, c'est-à-dire, collectif, c'est comme un droit collectif qui vient faire contrepoids aux libertés individuelles et qui constitue comme une contrainte excessive, effectivement. Donc, la laïcité affirmée aurait cet effet-là.
**(11 h 10)** Il faut des règles claires et communes. Parce qu'une des autres choses qui nous distingue du parti ministériel, c'est de dire: Il ne faut pas qu'il n'y ait que du cas par cas déterminé par les tribunaux au gré de leurs humeurs, mettons. Un jour, le Tribunal des droits de la personne dit au maire de Saguenay d'arrêter de dire la prière à la ville de Saguenay et d'enlever, donc, des signes religieux et, la veille ou l'avant-veille, le tribunal a dit: Bien, le kirpan, qui est un signe religieux important -- on a même voté une motion ici, à l'Assemblée nationale, à l'unanimité que j'ai présentée pour dire non au kirpan à l'Assemblée nationale -- est permis dans nos écoles.
Est-ce que vous pensez que les citoyens comprennent cette logique-là facilement -- les citoyens dans leur ensemble -- qu'un jour la Cour suprême dit oui au kirpan dans les écoles et que le Tribunal des droits de la personne, le lendemain, dit non à la prière à Saguenay? Ce que je dis, c'est qu'il faut des règles claires et communes qu'ensuite les tribunaux, bien sûr, pourront interpréter, mais que, si la laïcité était inscrite dans la charte québécoise des droits et libertés, eh bien ça en ferait un, ça, droit collectif, et qu'il y a d'autres droits collectifs, par exemple la charte québécoise de la langue française, qui est un droit collectif que l'on s'est donné. Et il y a, bien sûr, aussi des interprétations des cours à partir de la Charte de la langue française, peut-être trop à mon goût d'ailleurs, mais, enfin, c'est là et c'est ça. Mais il faut des droits collectifs qui viennent, en vertu du bien commun, de l'atteinte du bien commun général, faire contrepoids aux droits individuels.
Il me semble que c'est extrêmement important, et c'est pour ça, quand on parle de valeurs collectives et des trois valeurs collectives que sont l'égalité hommes-femmes, la laïcité et puis la prédominance du français, bien ce sont des valeurs collectives qui viennent faire contrepoids à tous ces droits individuels et qui constituent justement ce qu'on pourrait appeler des contraintes excessives, de telle sorte que les droits individuels sont limités par la Charte de la langue française et ils seraient limités par une charte de la laïcité, bien évidemment, mais ils seraient interprétés par les tribunaux.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme la députée. Mme la ministre, à vous la parole.
Mme Weil: Oui, M. le Président. J'aimerais peut-être juste m'adresser à cette préoccupation qui est soulevée par la députée de Rosemont pour revenir au projet de loi n° 94, justement. Et ça a été soulevé par, premièrement, le Barreau, qui a salué l'initiative d'inclure les règles d'accommodement dans notre corpus législatif, et le Conseil du statut de la femme qui a dit: Évidemment, ce projet de loi sera regardé, sera regardé par les tribunaux, sera regardé par la Cour du Québec, la Cour supérieure, la Cour d'appel et, éventuellement, peut-être la Cour suprême, et, donc, ça va venir, c'est-à-dire, éclairer les demandes d'accommodement.
Et, certainement, ça a été souligné qu'il y aurait une certaine... pourrait y avoir une certaine influence. Évidemment, l'évolution d'une société de droit, c'est beaucoup par ses lois, l'interprétation de ses chartes, par des réalités sociales. C'est des réalités sociales, et les juges en prennent compte. Ce n'est pas vrai que le droit est gelé dans le temps, il évolue. Et je pense que c'est un peu... on est actuellement dans cette mouvance. Mais les chartes de droits et libertés... une société de droit qui vit avec la primauté du droit, les chartes sont là pour protéger justement l'exercice des libertés, dont la liberté de religion et le droit à l'égalité. Et les chartes sont là comme un frein, si vous voulez, elles sont là pour protéger, évidemment, les minorités. C'est des droits qui sont portés par des individus, par des individus, et c'est important de le souligner.
Et je pense qu'il y a lieu... Je vais revenir encore une fois sur cette notion d'interculturalisme parce que qu'est-ce qu'on veut s'assurer, qu'est-ce que tout gouvernement souhaite lorsqu'il amène des projets de loi, c'est d'assurer le bien commun, c'est d'assurer une cohésion sociale, c'est d'assurer que les personnes puissent participer pleinement à la société au niveau du travail, de l'école, etc. C'est le plein épanouissement de l'individu, c'est la raison d'être d'un gouvernement, et il le fait de différentes façons.
Donc, lorsqu'on parle d'interculturalisme... Et la députée de Rosemont et moi, on a eu l'occasion de dire qu'il y a... oui, on constate qu'il y aura un colloque bientôt, au mois de mai, qui va aller encore plus loin parce que je pense qu'il y a le désir au Québec d'aller un peu plus loin pour réfléchir à ce concept et en quoi ce concept peut contribuer, si on est capables de l'expliciter... en quoi ce concept va nous aider à avoir une meilleure cohésion et de s'assurer que nos valeurs soient protégées et puissent avoir une expression. Alors, ce modèle est un modèle qui s'appelle l'interculturalisme, qui évolue avec le temps, mais le projet de loi n° 94 s'inscrit beaucoup dans cette vision de l'intégration au Québec.
Donc, je le répète encore, je souhaite entendre la députée, lors de l'étude article par article, se prononcer carrément sur chacun des articles pour voir en quoi le projet de loi peut être bonifié pour s'assurer qu'on puisse assurer cette cohésion à un exercice... Je ne dirais pas que c'est un exercice quotidien, mais c'est un exercice qui est très fréquent dans notre société, c'est la demande d'accommodement raisonnable.
Alors, on utilise le terme, au Québec, «interculturalisme» depuis plus de 20 ans. On a commencé à l'utiliser dans les années quatre-vingt, et il a connu une plus large diffusion lors du dépôt, en 1990, de l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration Au Québec pour bâtir ensemble. Les orientations de cet énoncé sont toujours d'actualité et ont façonné l'évolution de différentes politiques. L'interculturalisme insiste sur la nécessité d'un rapprochement, d'une convergence culturelle en vue de construire une société moderne, pluraliste, de culture d'expression française et d'une identité commune. L'interculturalisme, c'est un vivre-ensemble où les nouveaux arrivants -- je parle en tant que ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles -- avec leurs propres identités, participent pleinement à l'essor du Québec sur la base de la langue française et des valeurs communes, et je le répète, dont l'égalité hommes-femmes ou femmes-hommes. Et j'insiste sur l'importance de la notion de réciprocité dans le modèle d'interculturalisme québécois.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Montmorency.
M. Bernier: Merci, M. le Président. Je veux poursuivre sur l'importance de l'égalité hommes-femmes. D'ailleurs, la députée de Rosemont l'a mentionné tout à l'heure dans son cheminement, c'est très important au niveau de notre société québécoise, et je veux revenir, bien sûr, sur les éléments qui nous ont été soulevés lors de cette commission qui s'est tenue sur le, si on veut, le futur plan d'action en ce qui regarde l'égalité hommes-femmes.
Un des éléments importants qui ressort de cette commission ou des mémoires qui nous ont été présentés, c'est la promotion au niveau... l'égalité au niveau économique et l'aspect des différences qui existent encore malgré les législations qui ont été votées. Je vais mentionner tout à l'heure ces législations, mais il est quand même important de mentionner que, dans les responsabilités ou dans le choix des femmes au niveau des emplois, les emplois des femmes sont particulièrement... Encore une fois, on dit peu diversifiés et consacrés dans des domaines de services, de soins aux personnes et de l'éducation, tandis que les hommes sont largement absents dans ces deux derniers secteurs. Bon.
Ça, ça nous amène à évaluer les revenus d'une femme par rapport à un homme dans la société au niveau de l'emploi. Ce qu'on a pu constater, comme données que j'ai ici, c'est qu'en 2007 le revenu total des femmes bénéficiaires d'un revenu était de 28 299 $ et un revenu disponible de 24 244 $, ce qui représente respectivement 73,8 % et 78,4 % des revenus correspondant aux hommes. Donc, l'un des éléments égalité hommes-femmes qui est très important, c'est l'aspect de l'économie.
Sur ça, le gouvernement a quand même voté des lois et pris des mesures pour être capable de venir apporter des corrections. Pensons au niveau de l'équité salariale, l'équité salariale est quand même un point important. D'ailleurs, sur ça, l'opposition a grandement contribué et a voté favorablement avec nous, et ce qui permet... L'adoption de cette loi-là permet à des milliers de femmes de... d'apporter les correctifs nécessaires au point de vue économique pour assurer cette justice. Moi, j'appelais ça cette justice sociale envers les hommes et les femmes, et ça a été un élément important auquel on doit poursuivre. On doit poursuivre parce que, même si on pense qu'on vote une loi ou qu'on vote un règlement, ce n'est pas automatique, ça, il faut poursuivre notre travail pour être capables de voir à sa mise en application et l'adoption également de stratégies d'intervention au niveau de l'emploi dans différents domaines par Emploi-Québec.
**(11 h 20)** Je voulais en venir aux métiers non traditionnels parce qu'on sait que, dans plusieurs cas, ces métiers-là apportent des revenus substantiels au niveau des hommes par rapport à ceux des femmes. O.K.? Exemple, pensons dans l'industrie de la construction, hein? Pensons dans des secteurs d'activité tels que les ingénieurs, tiens. Moi, je peux en témoigner, ma fille la plus vieille est ingénieure, ingénieure mécanique. Bon, imaginez la journée où elle se présente sur un chantier de construction et qu'elle va faire affaire avec les entrepreneurs -- malgré qu'aujourd'hui on a plusieurs entrepreneurs qui sont des femmes, qui sont extrêmement compétentes -- et qu'elle apporte ses commentaires, ses critiques par rapport au travail réalisé par l'entrepreneur. Écoutez, c'est quand même... Même si, aujourd'hui, c'est en place, il y a quand même une culture à changer, O.K., et ça, même à l'intérieur de nos universités, parce que, dans ces sections-là de formation, peu de femmes -- je peux en prendre en témoin mon collègue de Charlesbourg -- sont en formation dans ces domaines d'activité. Pourquoi? Parce que c'étaient des secteurs d'activité réservés presque exclusivement au niveau des hommes. Mais, aujourd'hui, les femmes y participent. Mais, encore là, on a encore des pas à faire parce qu'une fois qu'elles sont formées il faut qu'elles soient acceptées, acceptées dans notre société, acceptées dans l'accomplissement de leur travail.
Donc, un élément important sur lequel on doit poursuivre nos efforts au niveau du Québec, c'est de permettre cette égalité hommes-femmes sur le plan économique parce que ça permet à celle-ci d'avoir toute l'autonomie qu'elle a besoin. Et ça, c'est extrêmement important parce que, dans combien de cas, nous, dans nos bureaux de comté, on rencontre des femmes qui sont en difficulté, principalement en difficultés financières, dû, justement, à cette situation? Donc, on doit poursuivre notre travail, on doit mettre en place les mécanismes nécessaires pour être capables de supporter ces gens-là et d'avoir des stratégies.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. le député. Maintenant, pour la cinquième et dernière séquence, je cède la parole à Mme la députée de Rosemont.
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Alors, bien évidemment, je suis en accord avec ce que le député de Montmorency vient d'exprimer en ce qui concerne l'équité salariale, etc. On a, en effet, siégé ensemble assez longuement sur une commission parlementaire où on espère que le nouveau plan d'action, second plan d'action, donc, pour l'égalité hommes-femmes sera à la hauteur des attentes des groupes qu'on a entendus dans cette commission parlementaire.
Pour revenir à toute cette question de la laïcité, je voudrais bien exprimer mon point de vue, que la ministre connaît très bien, mais je tiens à le redire. C'est que la laïcité, telle qu'on la conçoit de ce côté-ci de la Chambre, c'est de la laïcité inclusive, donc c'est de respecter... c'est la meilleure façon de respecter le pluralisme de la société québécoise. Parce que, sinon, ça mène très carrément au multiculturalisme, chacun... et au relativisme culturel aussi, d'ailleurs, mais au multiculturalisme. Chacun cohabite dans son coin. Peut-être pas ici, à Québec, là. Ici, à Québec, c'était plutôt la haute-ville, dans le temps, et la basse-ville où ça ne cohabitait pas beaucoup. J'espère que c'est beaucoup mieux maintenant depuis que c'est revitalisé, cette ville, grâce, d'ailleurs, à Jean-Paul L'Allier, que je salue et qu'on remercie. Mais, à Montréal, où là, très naturellement, la plupart des nouveaux arrivants viennent, donc le multiculturalisme, ça veut dire on ne vit pas... Moi, je suis pour le métissage, je suis pour la mixité, je suis pour le mélange, et, pour ça, il faut vivre ensemble, et non pas chacun dans son coin en cohabitant sans se connaître, et sans se parler, et puis sans vraiment avoir cette, je dirais, citoyenneté, dans le fond -- c'est le mot important -- cette citoyenneté commune que l'on partage à l'intérieur de la nation.
Donc, la laïcité inclusive, pour moi, c'est le respect du pluralisme de la société québécoise, et c'est au nom de l'inclusion et de l'intégration, au nom de l'inclusion et de l'intégration. Et, quand la ministre parle d'emploi, bien évidemment nous voudrions qu'encore davantage, beaucoup, beaucoup plus, le gouvernement fasse des efforts en ce sens-là par la reconnaissance des diplômes non seulement avec la France... Je comprends que la France, souvent, est devenue le contre-exemple, mais on a quand même signé cette entente avec la France. Nous avons voté en faveur, d'ailleurs, mais il faut l'étendre aux pays qui, comme l'Algérie, la Tunisie, le Maroc, d'où originent... Parce que, moi, quand ils viennent dans mon bureau, très franchement, c'est de me dire: Bien, mon diplôme n'est pas reconnu, puis je n'arrive pas, avec l'ordre professionnel XYZ, à faire en sorte que... Et puis cette mobilité professionnelle, c'est là, ce n'est pas... Les Français, c'est relativement facile. Dans un sens, c'était bien de commencer avec le plus facile, mais, maintenant, il faut aller dans le plus difficile pour faire en sorte que ces nouveaux arrivants aient, en effet, cette reconnaissance des diplômes qui va faire qu'après un an, deux ans, après une certaine mise à niveau, mais qu'ils vont connaître à l'avance, pas une fois sur place où ils se heurtent à cette course à obstacles que l'on connaît... Bon. Alors, ça, pour moi, c'est là qu'il faut agir.
Et j'ajouterai que toute cette dimension-là, la laïcité, ce n'est pas relié -- et on l'a dit et redit -- à l'immigration, aux nouveaux arrivants, que la laïcité, c'est un processus, en effet, graduel. Au Québec, je ne crains pas trop les révolutions, mettons, sauf tranquilles, justement. Donc, en évoluant, en cheminant, c'est comme ça que la laïcité s'est organisée chez nous depuis 50 ans et c'est comme ça qu'elle doit continuer à le faire pour qu'en effet on bâtisse, je le souhaite, un consensus. On n'aura jamais l'unanimité, bien évidemment, mais un consensus citoyen parce qu'un des défis du XXIe siècle -- puis je pense que tout le monde le sait -- c'est justement de trouver le bon équilibre pour vivre ensemble dans l'harmonie, la cohésion sociale et nos valeurs communes.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme la députée. Maintenant, pour votre dernier cinq minutes d'échange, Mme la ministre, à vous la parole.
Mme Weil: Oui. Juste, M. le Président, pour enchaîner un peu parce qu'on a parlé de multiculturalisme, mais, en particulier, la députée de Rosemont a parlé d'intégration en emploi. Je sais que c'est une préoccupation de la députée parce qu'on a fait ensemble le projet de loi n° 3, qui était l'Entente France-Québec, et on a eu l'occasion d'échanger sur cette question. Il y a beaucoup de mesures qui ont été mises en branle ces dernières années, évidemment, avec les ordres professionnels. Le ministère de l'Immigration aussi et des Communautés culturelles a développé un programme qui s'appelle IPOP, intégration en emploi des professionnels formés à l'étranger reconnus par un ordre professionnel. C'est des mesures concrètes qui visent à permettre aux ordres professionnels de pouvoir apprécier la formation professionnelle de personnes qui viennent de l'étranger afin qu'ils puissent intégrer le marché de l'emploi. Évidemment, il y a eu cette grande rencontre en 2006 où je pense que la société québécoise en général s'est élevée pour dire: Comment fait-on pour intégrer ces personnes? Parce que ça brise le coeur, finalement, de voir des gens très éduqués qui n'ont pas un emploi à la hauteur de leur formation. C'est une question d'équité. On a le sens que c'est un capital humain qui est gaspillé, et il n'y a personne qui est capable de voir ça. Je pense qu'on a tous eu des échanges avec des gens qui sont venus nous voir, moi, dans une vie antérieure, médecins formés à l'étranger que je voyais comme extrêmement compétents, d'Algérie et d'ailleurs. Et j'ai essayé d'amener l'aide que je pouvais à l'époque avec le réseau que j'avais, et donc, là, je vois toutes les mesures que le gouvernement a mises en branle pour vraiment s'adresser à cette question.
Et c'est vrai que la question de laïcité, accommodement, ça va beaucoup plus largement parce qu'on a eu en commission parlementaire, justement, les Juifs orthodoxes qui sont venus nous voir. Je pense qu'on était tous vraiment ravis de les voir se prononcer. Pour la première fois, ils venaient en commission parlementaire, je pense qu'on a tous été touchés par ça. Peut-être pas d'accord, évidemment, avec tous les points de vue qu'ils avaient, mais c'est normal dans une société démocratique. Mais l'important, c'est qu'ils sont venus, ils sont venus s'exprimer. Donc, pour nous, je pense qu'on a tous vu ça comme un geste de participation. C'est ça qu'on veut, on veut que les gens puissent s'exprimer et venir dans nos instances démocratiques et ne vivent pas leur bulle, et c'est ce qui arrive parfois.
**(11 h 30)** Alors, évidemment, j'ai parlé de certaines mesures sur l'interculturalisme, bon, multiculturalisme. Évidemment, notre vision, c'est justement de nous assurer de pouvoir inviter de façon -- comment dire -- avec insistance, je crois bien... que tout le monde, tous les groupes, incluant les femmes -- et ça, c'est très important -- incluant les femmes... Lorsqu'on regarde dans la Charte des droits et libertés, c'est un peu partout dans la charte, oui, que les gens ont des droits, mais on veut s'assurer que les gens participent. Alors, comment fait-on pour aller les inciter à participer dans la société et qu'on préserve la cohésion sociale?
Et la diversité... et gérer la diversité... Puis, au ministère de l'Immigration, je ne vais pas tous les nommer... On aura l'occasion lorsqu'on sera en étude des crédits. Je pense que ce sera l'occasion, peut-être, de mentionner tous ces outils qui ont été développés. Mais réellement, moi, je suis impressionnée par les outils que le gouvernement, mon ministère, a développés pour nous assurer que tous les acteurs de la société soient partie prenante de la diversité et qu'on puisse faire en sorte que ces gens puissent intégrer le marché de l'emploi. Et, s'ils décident de ne pas intégrer le marché de l'emploi parce que c'est une mère, et qu'elle a des enfants, puis qu'elle n'est pas en mesure d'assumer un emploi, qu'elle puisse intégrer à l'école, par exemple. Alors, que ce soient des femmes musulmanes qui, par ailleurs, peut-être, n'étaient pas intégrées dans leur société, le signal qu'on leur donne... Et le système d'éducation, d'ailleurs, dans des études que j'ai vues... Et c'est quelque chose d'intéressant à voir, c'est l'école qui est le moteur d'intégration. On l'oublie des fois, mais c'est cette deuxième génération... Cette deuxième génération, il faut vraiment mettre l'accent là-dessus -- et c'est pour ça que les enfants vont à l'école publique francophone -- mais joue un rôle important d'intégration. Mais il ne faut pas oublier les parents qui sont derrière ces enfants.
Alors, j'ai mentionné certaines mesures qu'on a adoptées pour aller rejoindre... Et c'est beaucoup en appuyant les organismes communautaires qui sont sur le terrain, et c'est ces organismes communautaires qui sont directement en lien avec ces communautés, et le gouvernement les appuie. Évidemment, il y a des fondations qui les appuient, mais, pour nous, c'est des partenaires incontournables pour nous assurer de cette cohésion. Donc, on a tous un rôle à jouer. On parle d'interculturalisme, de multiculturalisme, mais, à quelque part, ça touche la question qui est posée aujourd'hui.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme la ministre. Je reconnais maintenant M. le député de Charlesbourg.
M. Pigeon: Merci, M. le Président. Je vais prendre ce dernier bloc de cinq minutes, M. le Président, pour dire que le projet de loi n° 94 que la ministre a présenté est un projet de loi important et expliquer comment je vois, brièvement, ce projet de loi là, comment, peut-être, il peut être bonifié, mais comment il est en accord avec nos valeurs.
Évidemment, nous sommes une société francophone, nous souhaitons le demeurer. Nous croyons profondément à l'égalité hommes-femmes, c'est clair. Et je pense que nous croyons aussi, comme l'a mentionné la députée de Rosemont, que notre société s'enrichit par l'apport de l'autre et que le métissage et la mixité, ça ne nous fait pas peur ici, au Québec. Et j'ai aimé aussi que la députée de Rosemont dise qu'il fallait rechercher le bon équilibre. Je pense que ça, c'est un mot important, le bon équilibre. Parce que je l'ai dit tout à l'heure, je le répète, la laïcité, c'est un moyen, et non une fin en soi. C'est un moyen que l'État se donne pour respecter tout le monde, et il faut donc respecter, M. le Président, l'intégrité morale des individus. Et qu'est-ce que c'est, respecter l'intégrité morale des individus? C'est s'assurer que chaque individu puisse vivre correctement, en accord avec ce qu'il croit être ses devoirs, qu'il y ait une adéquation entre ses actions et ce qu'il perçoit comme étant ses devoirs. Et, donc, ce concept d'intégrité morale doit recevoir une protection juridique, et c'est pour ça que l'État ne fait pas de distinction, permet à tout le monde de vivre selon ses croyances.
Mais, bien sûr, M. le Président, ce n'est pas un absolu et c'est clair que l'État peut et même doit contraindre dans certaines circonstances et, je dirais, faire passer l'intérêt de la population en général, l'intérêt de la société avant l'intérêt des individus. Et, bien sûr, dans le projet de loi n° 94, qui tente de rechercher cet équilibre, on a donné l'exemple bien connu du visage caché. Et, pour ma part, je pense qu'il est tout à fait raisonnable que l'on transige avec l'État à visage découvert parce que -- et là je le dis avec la plus profonde conviction -- je pense que d'avoir le visage caché, c'est un peu refuser le lien social, et je pense qu'on peut difficilement accepter une telle chose. Et, donc, on se retrouve, dans le projet de loi n° 94, à rechercher cet équilibre entre le respect de l'intégrité morale des individus, le respect qu'on doit accorder à leur religion, mais les valeurs qui nous sont chères, les principes qui fondent notre société même. Et je pense que, si la députée de Rosemont veut travailler, comme le disait la ministre, avec nous pour développer au mieux ce concept et que, donc, le projet de loi n° 94 soit bonifié, je pense que nous serions tous gagnants.
Et ce que nous recherchons, en fait, nous recherchons, donc, la protection de nos valeurs, mais l'accueil de l'autre, et ça, je pense que c'est une notion importante. Et j'ai eu l'occasion -- je me permets de le dire brièvement -- d'aller dans un débat sur le cours d'éthique et de culture religieuse, et je n'ai pas le temps d'en parler longuement, mais disons que la représentante du Parti québécois et moi, on avait pas mal le même avis sur le cours d'éthique et de culture religieuse, qui tente justement un équilibre entre apprendre aux nouveaux arrivants qu'est-ce que nous sommes, quelle est notre culture, notre tradition, d'où nous venons, etc., et, d'autre part, de mieux comprendre... que les Québécois dits de souche puissent mieux comprendre ceux qui arrivent et qui ont d'autres concepts de la vie.
Alors, pour moi, donc -- et je vais terminer là-dessus, M. le Président -- nous avons une loi devant nous, nous avons des décisions importantes à prendre pour s'assurer que toutes nos valeurs sont respectées. Je pense que toutes les personnes qui siègent à l'Assemblée nationale partagent un lot de valeurs communes, dont l'égalité hommes-femmes, c'est sûr, mais je pense qu'il ne faut pas oublier cette protection importante à tous les individus dans une société pluraliste, société plurielle, donc. Nous devons, je pense, nous assurer que chacun se sente bien, se sent accepté et qu'il respecte nos valeurs. C'est ce que je pense que le projet de loi n° 94 veut faire, et il me semble qu'on peut, ensemble, le bonifier. Je vous remercie, M. le Président.
Conclusions
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, M. le député. Et merci beaucoup pour ces échanges relevés et très disciplinés. Puis, pour ça, bien je vous laisse un petit bonus de temps pour terminer. Alors, Mme la ministre, je vous cède la parole pour votre conclusion, pour 10 min 30 s.
Mme Kathleen Weil
Mme Weil: Merci, M. le Président. Alors, je disais en introduction que, dans le projet de loi n° 94 qui est sur la table et qu'on souhaite adopter, l'on stipule qu'un accommodement doit respecter, outre l'égalité entre les femmes et les hommes, le principe de neutralité religieuse de l'État, et je veux maintenant revenir sur cette notion assez fondamentale et centrale dans nos débats, dans nos discussions.
Alors, le terme «laïcité» désigne le principe de la séparation de la société civile et de la société religieuse. La société québécoise, dont les dirigeants sont élus démocratiquement et qui est basée sur la suprématie du droit, est donc laïque. Comme le définit la professeure Micheline Milot -- qui a écrit abondamment sur la laïcité -- dans une entrevue accordée à La Presse le 12 mars 2011 -- je la cite -- «la laïcité [...] signifie que l'État ne doit pas définir ses lois en fonction d'une religion et qu'il doit protéger la liberté de conscience [...] des citoyens, peu importe leur appartenance religieuse. Elle concerne donc le politique, et non les moeurs ou la façon de vivre en société. Ces droits sont déjà garantis par les lois ainsi que par les chartes québécoise et canadienne.» La laïcité indique que l'État et les Églises sont séparés et implique que l'État ne gère pas ses affaires en fonction de la religion. Dans le contexte des accommodements raisonnables et des principes qui sous-tendent ces demandes et en matière de respect de la liberté religieuse des citoyens, il est plus pertinent de parler de neutralité religieuse de l'État, et non de sa laïcité, face précisément à l'exercice individuel de la liberté de religion et du droit de chacun à l'égalité sans discrimination. L'État doit, en tout instant, se montrer et agir de façon neutre face à la liberté de religion, qui inclut son expression.
**(11 h 40)** En effet, au Québec et au Canada, le rapport entre l'État et les religions repose sur une obligation juridique de notre neutralité religieuse qui découle directement de la liberté de conscience et de religion et, à certains égards, du droit à l'égalité protégé par la Charte canadienne des droits et libertés et de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Ainsi, la Cour suprême a déjà affirmé que le principe de la séparation de l'Église et de l'État fait partie de la liberté de religion, du droit constitutionnel canadien et que, «malgré les fondements religieux du droit romain et du droit civil français, dont est issu le droit civil québécois, que l'État québécois soit neutre du point de vue religieux ne devrait faire, aujourd'hui, aucun doute». Je cite de l'arrêt Bruker contre Marcovitz. En d'autres mots, le principe de la neutralité religieuse de l'État suppose que l'État ne doit favoriser ni défavoriser une religion ou une croyance particulière.
Alors, il faut distinguer ici, M. le Président, faire la distinction entre l'institution et l'individu. La neutralité religieuse s'applique à l'institution, non pas aux personnes qui la composent. En d'autres mots, que l'État doit demeurer neutre ne signifie pas que le citoyen ou les employés de l'État perdent leur droit constitutionnel de se conformer à leurs croyances dans la mesure où ces derniers exercent leurs fonctions de manière neutre et impartiale.
D'ailleurs, l'obligation d'accommodement, l'objet du projet de loi n° 94, que l'on espère adopter, je le rappelle, permet que les membres des minorités aient accès aux services et aux emplois de la fonction publique en toute égalité, quelle que soit leur religion. C'est cette conception de la laïcité que l'on appelle la laïcité ouverte. Et ce n'est pas nous qui avons trouvé cette expression, ce terme a été évoqué pour la première fois dans le rapport Proulx -- d'ailleurs, on en parlait tantôt -- le rapport Proulx qui s'est préoccupé de la question de la place de la religion au sein des écoles en 1999.
Depuis, plusieurs acteurs ont réfléchi sur le sujet. Dans leur rapport, MM. Bouchard et Taylor écrivaient, et je les cite: «Il est possible, nous semble-t-il, de dégager un consensus assez large parmi les organismes qui ont réfléchi à la laïcité québécoise dans la dernière décennie. Il s'agit d'un accord sur ce qui fut appelé, dans le rapport Proulx, une laïcité "ouverte". Une laïcité ouverte reconnaît la nécessité que l'État soit neutre -- les lois et les institutions publiques ne doivent favoriser aucune religion ni conception séculière -- mais elle reconnaît aussi l'importance pour plusieurs de la dimension spirituelle de l'existence et, partant, de la protection de la liberté de conscience et de religion.» Ils écrivaient aussi: «Un régime de laïcité ouverte favorise pour sa part un accès égal aux institutions publiques, tant par les usagers que par les employés, en recentrant l'analyse de la neutralité de l'État sur les actes que fait ce dernier plutôt que sur l'apparence des employés et des usagers. Une laïcité ouverte réalise ainsi mieux le principe selon lequel une valeur égale doit être accordée à tous, indépendamment de leurs convictions philosophiques ou religieuses. Cette caractéristique de la laïcité nous semble d'une importance fondamentale dans le contexte des sociétés qui ne cessent de se diversifier sur les plans culturel et religieux. La participation aux institutions déterminantes que sont l'école publique et le marché du travail -- en particulier la fonction publique -- est l'un des facteurs les plus susceptibles de diminuer les risques de conflits et de fragmentation sociale.» Je termine la citation.
Cette conception de la laïcité est celle de notre gouvernement, celle dans laquelle s'inscrivent nos actions administratives et législatives, dont le projet de loi n° 94, qui, je le rappelle, fait actuellement l'objet d'une étude détaillée en commission parlementaire, et il ne pourrait en être autrement. C'est une laïcité inclusive qui permet l'expression de la croyance et de la foi. On ne remet pas en question la liberté de religion des individus qui voudraient, par exemple, porter une croix au cou, une kippa ou le hidjab, entre autres. On ne peut porter de jugement sur leur religion. On ne s'attarde ni à la présence ni à la grandeur d'un signe religieux ou d'un vêtement que porte un employé de l'État.
D'ailleurs, plusieurs ont souligné la confusion qui existe entre le débat sur la laïcité et celui sur le port de certains signes religieux, et je cite encore Micheline Milot, à ce sujet, qui disait dans La Presse: «Dans le débat sur le kirpan ou le voile, on confond les concepts. On utilise le mot laïcité pour parler d'un autre sujet: la visibilité des signes religieux dans l'espace public.» La laïcité n'exige pas la conformité visible, la laïcité n'exige pas l'uniformité visuelle, la laïcité n'exige pas que les employés de l'État renoncent à leur droit constitutionnel d'exprimer leur liberté de religion par le port d'un vêtement ou d'un signe religieux. Ce que l'on exige de chacun est qu'il exerce ses fonctions de manière neutre et impartiale, sans prosélytisme, sans transmission de valeurs religieuses. Notre vision diffère fondamentalement de celle de certains groupes qui proposent une autre forme de laïcité où il serait interdit à un employé de l'État d'exprimer sa croyance par le port d'un signe religieux. En effet, en empêchant une femme qui porte le voile, par exemple, d'accéder à un emploi dans la fonction publique, on met un frein important à l'intégration de cette femme dans la société québécoise. Or, au Québec, nous voulons respecter les choix des citoyens et citoyennes. Nous respectons le choix d'une femme qui porte le voile ou d'un homme qui porte la croix, la kippa d'intégrer la fonction publique. Cette vision dissocierait cette autre vision, dissocierait le Québec des 400 ans d'histoire et des instruments juridiques dont il s'est doté pour assurer l'égalité et le respect des droits fondamentaux de tous.
Je termine, M. le Président, en citant le premier ministre lors du dépôt du projet de loi n° 94. Il disait alors: «Avec ce projet de loi, nous établissons des balises pour mieux vivre ensemble au Québec. Nous affirmons avec fierté les valeurs qui nous rassemblent. Nous le faisons dans le respect des droits humains fondamentaux et nous le faisons aussi avec la conviction que la diversité est pour le Québec une source de richesse.» En conclusion, M. le Président, je voudrais remercier très chaleureusement mes collègues députés qui se sont joints à moi aujourd'hui pour parler d'un enjeu, d'un sujet très important, ce débat. Je remercie aussi, évidemment, ma collègue de l'opposition et je l'invite, encore une fois, à participer de façon à amener un débat, des commentaires sur tous les articles du projet de loi n° 94. Le gouvernement répète que c'est un projet de loi important qui va amener clarté dans un débat qui a suscité beaucoup de préoccupations dans la population québécoise, qui amène aussi... qui trace une ligne entre ce qui est raisonnable et pas raisonnable lorsqu'on fait une demande d'accommodement basée sur, entre autres, la liberté de religion et le droit à l'égalité en matière de religion.
Ce débat va se poursuivre, mais je souhaite, encore une fois... Le débat sur la laïcité va se poursuivre, c'est évident, ça fait plusieurs années que ça se poursuit, mais je réitère l'importance que l'opposition nous facilite la tâche pour qu'on puisse procéder avec l'adoption du projet de loi n° 94. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme la ministre. Maintenant, pour vos conclusions finales, Mme la députée de Rosemont, vous avez jusqu'à midi.
Mme Louise Beaudoin
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Merci beaucoup. En ce qui concerne le projet de loi n° 94, la ministre sait très bien qu'on a présenté un certain nombre d'amendements, dont un est fondamental -- et je n'ai toujours pas compris, et je ne l'ai pas su aujourd'hui non plus, pourquoi la ministre le refusait -- et c'était d'assujettir les municipalités, ce qui est tellement une évidence. J'en discutais avec le maire de mon arrondissement, Rosemont--La Petite-Patrie, et je lui disais, et ça, il ne le savait pas. Ah bon? me dit-il. Mais, enfin, il a eu la réaction qui a été la mienne devant le projet de loi, qui n'assujettit pas les municipalités: Mais qu'est-ce que c'est ça? Les municipalités sont des créatures du gouvernement. On assujettit, M. le Président, les garderies en milieu familial, mais pas les municipalités. Or, quel signal on envoie quand on n'assujettit pas les municipalités? Et la ministre a refusé notre amendement, c'est un amendement qui était extraordinairement important.
Alors, elle ne peut pas nous demander, de ce côté-ci de la Chambre... On lui a dit maintes et maintes fois, il n'y a pas eu l'ombre du début, en commission parlementaire, d'une ouverture de la part de la ministre concernant un certain nombre d'amendements, par exemple celui-ci, concernant -- qui est facile -- les municipalités. Et, par conséquent, il n'est pas question pour nous, s'il n'y a pas d'ouverture significative... Le droit à l'égalité hommes et femmes prépondérant, statut particulier, enfin ce qu'on voudra imaginer par rapport à la liberté de religion, ça, pour nous, c'est... Ce projet de loi là doit en passer par cet amendement-là, un amendement sur les municipalités, assujettissant les municipalités, et d'autres amendements aussi significatifs qu'on a déposés puis qui ont été refusés.
Alors, non, moi, je demande, au contraire, à la ministre de suspendre l'étude du projet de loi jusqu'à temps qu'on ait un vrai débat sur la vraie question, qui est celle de la laïcité. La ministre n'a montré aucune ouverture, il n'y a pas... Je pense que le député de Vimont, à un moment donné, a accepté une virgule et puis un point-virgule dans le premier paragraphe de l'article 1. C'est un petit projet de loi, il y a 10 articles. Eh bien, des amendements comme ceux que je viens de vous décrire ont été refusés par le gouvernement. Alors, pour nous, il n'est évidemment pas question d'accepter ce projet de loi en l'état, je pense qu'on a été assez clairs.
**(11 h 50)** Alors, moi, je crois que le vrai débat, là, on commence à l'avoir -- malheureusement, il est 11 h 50 -- mais que, quand on parle de laïcité ouverte et de ce que ça veut dire par rapport au port de signes religieux ostentatoires dans la fonction publique, là on a une vraie divergence, on a un vrai désaccord. On peut s'entendre sur beaucoup de choses, dire: Oui, il faut, en matière d'intégration en emploi... Je pense qu'on devrait ouvrir un très gros et immense chantier sur cette question-là en ce qui concerne les nouveaux arrivants. Je pense qu'on peut s'entendre sur le chemin parcouru... Peut-être pas sur le chemin qu'il reste à parcourir pour vraiment obtenir et acquérir cette égalité entre les hommes et les femmes, mais, sur le chemin parcouru depuis 50 ans, ça me semble une évidence, même si je ferai remarquer à tous les membres ici que le nombre de femmes à l'Assemblée nationale diminue au lieu d'augmenter, M. le Président, ce n'est pas rassurant, diminue au lieu d'augmenter.
On est en bas de 30 %, je ne crois pas qu'il y ait matière à se vanter sur la scène internationale, même si c'est mieux, 30... moins de 30... enfin, 28 %, 29 %, que c'est mieux qu'à Ottawa. Mais on sait qui est au pouvoir à Ottawa, justement, ce parti conservateur qui laisse une place à la droite religieuse qui, pour moi, est inadmissible, et puis qui, donc -- ça va ensemble justement, M. le Président -- fait en sorte qu'à la Chambre des communes il y a encore moins de femmes élues qu'à l'Assemblée nationale du Québec, qui n'est déjà pas dans le peloton de tête. Ce sont les pays scandinaves qui sont dans le peloton de tête à cet égard. Alors là, sur les questions de femmes et pouvoir, on pourrait en parler longtemps, du droit à l'égalité puis du chemin qui n'a pas été... Et puis, à ce rythme-là, peut-être que dans 50 ans... mais on ne sera plus là, ni la ministre ni moi, pour constater cette égalité.
Alors, M. le Président, je voudrais terminer en disant... pendant les cinq dernières minutes, poser un certain nombre de questions auxquelles je n'ai pas eu de réponse, mais pour dire que, pour le Conseil du statut de la femme, pour Les Intellectuels pour la laïcité, dont Guy Rocher... Alors, on peut citer Micheline Milot puis un certain nombre d'universitaires, comme le député de Charlesbourg l'a très bien fait, Jocelyn Maclure, Charles Taylor, moi, je vais vous citer Guy Rocher et les 2 000 intellectuels pour la laïcité qui ont dit, comme le Conseil du statut de la femme, que ce n'est pas restreindre l'accès des membres des minorités religieuses à la fonction publique que de leur demander de ne pas manifester, de ne pas afficher leurs croyances religieuses, qu'au contraire -- et là c'est là que ça nous démarque -- l'État, ce faisant, en imposant l'interdiction des signes religieux ostentatoires dans la fonction publique, crée un espace où chacune et chacun peut se soustraire aux pressions sociales, culturelles et religieuses qui pourraient être exercées. «En offrant aux femmes et aux hommes la possibilité réelle de ne pas porter de signes religieux visibles pour travailler à son service, l'État leur donne un choix véritable.» Et c'est ce que pensent les Intellectuels pour la laïcité, et c'est ce que pense le Conseil du statut de la femme, et c'est ce que je pense aussi.
Alors, mes questions... Je vais terminer avec les questions auxquelles je n'ai pas eu de réponse, M. le Président. La ministre entend-elle -- c'est clair, c'est facile -- donner suite à l'avis du Conseil du statut de la femme sur la laïcité qui lui recommande de rejeter carrément -- c'est une des recommandations -- la laïcité ouverte et de tenir une commission parlementaire qui serait paritaire -- même si on est moins de 30 %, on pourra trouver suffisamment de femmes pour une commission parlementaire paritaire -- pour mener le débat sur la forme de laïcité que nous voulons au Québec, puisqu'il y a deux, justement, visions -- et ça, on l'a dit et redit -- il y a deux visions qui s'affrontent pacifiquement, démocratiquement? Et là, moi, je souhaiterais que l'on puisse tenter de bâtir un consensus parce que c'est tellement important pour l'avenir du Québec.
Pour le conseil, la laïcité ouverte -- le Conseil du statut de la femme -- signifie laïcité ouverte aux atteintes à l'égalité des femmes. J'aimerais savoir ce que pense la ministre de cette déclaration, de cette assertion du Conseil du statut de la femme. Au regard des valeurs québécoises, le conseil croit que l'affirmation de la laïcité est un geste qui s'impose et qui permettra de préserver les droits des femmes et de poursuivre la voie vers l'atteinte de l'égalité réelle et que, pour cela, il faut adopter des règles claires pour tous que je crois que les Québécois et les Québécoises attendent. Pourquoi le gouvernement, donc, s'entête-t-il à ne pas tenir un véritable débat sur cette question?
Le Conseil du statut de la femme affirme aussi que «la laïcité qui prévaut actuellement au Québec est une laïcité par défaut. Elle découle de l'interprétation judiciaire d'un droit individuel. [Et] le conseil estime qu'il est temps [...] d'affirmer la laïcité de l'État dans la charte québécoise des droits et libertés afin que le principe de la séparation de l'État et de la religion constitue une valeur collective fondamentale.» Je voudrais savoir si la ministre partage cette opinion et, si elle ne la partage pas, pourquoi.
Le conseil affirme également qu'au regard -- c'est important -- de l'identité québécoise l'affirmation de la laïcité est un exercice nécessaire et urgent parce qu'il s'agit d'un projet rassembleur qui permet d'unir chaque citoyenne et citoyen au projet identitaire québécois, au contraire de la laïcité ouverte, qui est marquée au coin du multiculturalisme et qui néglige le projet citoyen, entraînant tensions et fragmentation au sein de la population. Et on l'a vu en Europe -- je ne parlerai même pas de la France, elle est devenue l'exemple repoussoir -- la Grande-Bretagne, l'Allemagne, les Pays-Bas, tous ces pays remettent en question le multiculturalisme. M. Cameron l'a dit, Mme Merkel l'a dit aussi.
Alors, moi, je crois qu'avec le projet de loi n° 94 le gouvernement Charest a clairement fait le choix de la laïcité ouverte et du statu quo, puisque les dispositions législatives proposées pour répondre au débat sur les accommodements raisonnables pour motif religieux ne font que codifier dans une loi l'ensemble de la jurisprudence actuelle. Alors, pourquoi le gouvernement refuse-t-il obstinément de tenir le véritable débat?
Et, moi, à mon tour, je demande une chose à la ministre, de suspendre l'étude du projet de loi n° 94, le temps que le débat sur la forme de laïcité, qui est préalable au projet de loi n° 94, la forme de laïcité que nous souhaitons au Québec se fasse. Et pourquoi la ministre refuse-t-elle ce véritable débat sur la laïcité demandé depuis trois ans par Bouchard-Taylor, par le Conseil du statut de la femme et par tant d'intervenants, ainsi que par l'opposition officielle? Merci, M. le Président.
Le Président (M. Pelletier, Rimouski): Merci, Mme la députée de Rosemont. Merci beaucoup de votre participation.
Et puis je lève la séance, puis la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 11 h 58)