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Etude du livre blanc sur la consultation populaire au
Québec
(Onze heures trente-neuf minutes)
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!
Reprise des travaux de la commission de la présidence du conseil,
de la constitution et des affaires intergouvernementales, pour l'étude
du livre blanc sur la consultation populaire au Québec et
réception des mémoires.
Les membres de cette commission sont M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond), M. Burns (Maisonneuve), M. Gratton
(Gatineau)...
M. Lavoie: Voulez-vous remplacer M. Gratton par M. Giasson? Il
doit arriver à l'instant.
Une Voix: Très bonne nomination.
Le Président (M. Laplante): M. Giasson (Montmagny-L'Islet)
remplace M. Gratton (Gatineau); M. Grenier (Mégantic-Compton), M.
Johnson (Anjou) est remplacé par M. Charbonneau (Verchères); M.
Laberge (Jeanne-Mance), M. Lamontagne (Roberval), M. Lavoie (Laval), M.
Lèves-que (Taillon) est remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M.
Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Martel (Richelieu) est remplacé
par M. Jolivet (Laviolette); M. Morin (Louis-Hébert), M. Morin
(Sauvé) est remplacé par M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes); M.
Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda), M.
Vaugeois (Trois-Rivières).
Comme à chaque séance, je vous lis le mémo suivant:
"La commission, parce que tel n'est pas son mandat, ne doit pas devenir, ni
pour les membres, ni pour les témoins, un forum pour les tenants ou les
opposants de thèses devant éventuellement faire l'objet d'un
référendum au Québec. Nonobstant ce principe fondamental
qui devra être respecté, il est évident qu'il serait
contraire aux règles élémentaires du parlementarisme, de
tenter d'interdire, toute intervention qui s'appuierait sur des exemples
concrets pour illustrer une opinion sur les consultations populaires. "En cas
de doute, comme je l'ai déjà dit, il faut pencher pour une plus
grande liberté plutôt que pour la contrainte. Je me réserve
néanmoins le droit d'interrompre tout opinant cherchant à faire
de la présente commission une tribune pour faire valoir une thèse
plutôt qu'une autre, ayant trait à une question qui ne
relève pas directement du mandat de la commission".
Lorsqu'on a ajourné hier soir, je ne sais pas qui avait la
parole.
M. Bertrand: M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Vanier.
Motion sur la répartition du temps entre les
partis
M. Bertrand: M. le Président, je veux vous faire part de
la rencontre des représentants des quatre partis politiques
représentés à cette commission parlementaire qui se sont
entendus ce matin sur une répartition du temps entre les formations
politiques et entre les différents députés membres de
cette commission parlementaire. L'accord auquel nous sommes arrivés, M.
le Président, je vous le présente sous forme de motion:
Premièrement, aucune limite de temps n'est imposée aux
groupes ou individus dans la présentation de leur mémoire.
Deuxièmement, les porte-parole officiels de chaque parti
s'imposent une limite de temps de trente minutes qu'ils peuvent utiliser en une
seule ou plusieurs interventions.
Troisièmement, les autres représentants des partis
s'imposent collectivement une limite de temps réparti de la façon
suivante:
Parti québécois, 30 minutes.
Parti libéral, 20 minutes.
Union Nationale, 10 minutes.
Je pense que vous avez des copies, M. le Président, qui
pourraient être distribuées à l'ensemble des membres de la
commission.
Le Président (M. Laplante): Si les autres membres de cette
commission et les leaders de chaque parti confirment cette entente, je la juge
recevable tout de suite. Cela évitera de plus longs débats.
M. Burns: Quant à moi, M. le Président, je suis
d'accord, comme il m'apparaît que c'est exact que c'est le reflet d'une
entente entre les partis. J'avais hier, de façon très claire,
mandaté le député de Vanier pour qu'il fasse ces
arrangements avec les partis d'opposition.
En ce qui me concerne, au nom du parti ministériel, je suis
entièrement d'accord avec cette proposition du député de
Vanier.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Laval.
M. Lavoie: Je suis totalement d'accord avec le principe.
J'aimerais apporter une petite modification que vous allez accepter, je pense
bien.
Dans le deuxième paragraphe, au lieu de dire les porte-parole
officiels de chaque parti, je préférerais dire le premier
intervenant de chaque parti, parce que dans certains cas, on peut se
déléguer la première intervention.
M. Burns: Cela marche, il n'y a pas de problème
là.
M. Lavoie: En ce qui me concerne, c'est accepté.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: ... ce consensus qui a eu lieu ce matin, puisque
c'était l'objet de la motion que j'avais mise sur la table hier. Je la
retire ce matin, pour faire place à cette entente qui est intervenue
lors de notre rencontre.
M. Roy: M. le Président, si on me permet. J'ai
participé aux discussions je ne dirai pas aux négociations
qui ont eu lieu ce matin, pour tâcher de trouver une limite dans
le partage du temps.
Je ne ferai pas de débat, je n'opposerai pas mon veto, mais
j'aimerais quand même attirer l'attention des membres de la commission
parlementaire sur le fait que chaque fois que nous avons des commissions
parlementaires importantes, nous avons toujours un problème de partage
du temps.
J'aimerais attirer l'attention de mes collègues, et je suis bien
à l'aise pour le faire, je suis probablement le seul
député qui peut le faire, puisque je ne suis pas en conflit
d'intérêts sur cette question, parce que mon droit de parole n'en
est aucunement limité. A force d'accepter des procédures, on
finit par établir des traditions ou on établit une certaine
jurisprudence qui devient, par la force des choses, des habitudes. Il faut
toujours se méfier, lorsque les décisions que nous prenons
risquent de devenir des habitudes, parce qu'on peut prendre de mauvaises
habitudes.
Je m'explique. Je vous vois très bien et j'accepte le fait qu'on
permette aux représentants, aux premiers intervenants de chaque parti
une limite de temps de trente minutes qu'ils peuvent utiliser en une seule ou
plusieurs interventions, mais nous avons, autour de cette table, des
députés qui sont membres de la commission parlementaire. Nous
pouvons avoir des députés observateurs, mais je vais me limiter
à parler des députés qui sont effectivement membres de la
commission parlementaire. Il y a des députés qui devraient
participer à nos travaux, à nos délibérations; on
devrait faire en sorte de ne pas les limiter ou de ne pas leur imposer des
contraintes qui empêcheraient des députés des deux
côtés de la table de pouvoir intervenir. A partir du moment
où une commission parlementaire a déterminé, à
l'intérieur de chaque parti, en premier lieu, combien de membres doivent
faire partie d'une commission parlementaire et qu'en deuxième lieu, on
établit, au niveau de chacun des partis, le nombre de personnes qui vont
représenter chaque parti sur chaque commission parlementaire, je dis que
le principe qui devrait être retenu, c'est de faire en sorte que, pour
chaque commission parlementaire qui siège sur quelque sujet que ce soit,
on en vienne à utiliser une formule qui permettrait d'accorder du temps
aux membres, plutôt que d'accorder du temps aux partis, pour que chaque
député ait la possibilité de s'exprimer pendant au moins
une période de dix minutes, comme on le fait lors du débat sur le
discours inaugural ou encore lorsque nous procédons au discours du
budget, pour permettre au plus grand nombre de députés de pouvoir
intervenir.
Je sais qu'actuellement, à l'Assemblée nationale, à
cause des contraintes, le nouveau gouvernement est dans la même situation
que celle de l'ancien, puisque, effectivement beaucoup de députés
ne peuvent pas participer et intervenir à l'occasion de débats,
mais, au moins, pendant les commissions parlementaires, qu'on garantisse
à chaque député membre d'une commission parlementaire un
minimum de temps. Je ne plaide pas pour moi-même à ce moment-ci,
mais je pense qu'on parle de réforme parlementaire et je m'y
intéresse particulièrement en faisant partie d'une
sous-commission de la réforme parlementaire.
Si on veut travailler, effectivement, à faire en sorte que cette
réforme parlementaire puisse déboucher sur une plus grande
participation de la part des députés, de la part des élus
du peuple, ne faisons pas en sorte qu'en commission parlementaire on en vienne
à restreindre le droit des députés. Je fais cette
réserve ce matin en espérant précisément que la
motion qui est actuellement déposée devant nous ne sera pas
considérée comme une décision qui pourra faire oeuvre de
jurisprudence et qui établira des précédents dans les
discussions et les méthodes qui seront utilisées pour les droits
de parole au cours des commissions parlementaires à venir. Je tiens
à être très précis sur ce point.
Le Président (M. Laplante): M. le leader du
gouvernement.
M. Burns: M. le Président, je prends très bonne
note et très sérieuse note de la suggestion qui a
été faite par le député de Beauce-Sud, dans le but
de ne pas priver nos invités qui doivent être entendus ce matin,
de se faire entendre. Je vais tout simplement dire que, comme ministre
responsable, entre autres, de la réforme parlementaire, je tiendrai
compte des recommandations du député de Beauce-Sud. Je tiens
à dire également aux membres de la commission que, selon le
rapport qui m'a été fait par le député de Vanier ce
matin, il a semblé, à un moment donné, qu'un consensus
pouvait se faire autour de la suggestion du député de Beauce-Sud.
Malheureusement, il n'a pas eu lieu, mais il y a une solution de compromis,
c'est la motion du député de Vanier actuellement. C'est dans ce
sens uniquement...
M. Roy: D'abord, j'ai énormément de
difficulté à vous comprendre. Je m'excuse, il y a du bruit en
arrière...
M. Burns: Je disais tout simplement... Je vais me rapprocher du
micro. Je comprends qu'il y a des travaux qui se font dans la cour
intérieure du parlement, c'est pourquoi vous m'entendez moins bien. Il y
a, effectivement, de notre côté, une intention de suivre des
orientations comme celles que nous indique le député de
Beauce-Sud. Même ce matin, nous étions prêts, à ce
que je sais des né-
gociations que le député de Vanier a eues avec les
représentants des autres partis, à suivre cette ligne. C'est une
forme de compromis ou de solution, dans l'immédiat, pour empêcher
que nos invités ne se voient retardés inutilement. Nous en sommes
venus à cette formule, qui a été proposée par le
député de Vanier. Dans ce sens, je dis au député de
Beauce-Sud que je retiens sa suggestion pour l'avenir. C'est peut-être
une formule qui sera plus constante qu'un examen, pièce par
pièce, ou de cas d'espèces des commissions parlementaires.
Le Président (M. Laplante): Seulement une petite
rectification. M. Lamontagne (Roberval) est remplacé par M. O'Gallagher
(Robert Baldwin).
Adoption de la motion
Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y a consentement
unanime sur la motion?
M. Grenier: Oui.
Le Président (M. Laplante):... avec seulement un
changement au paragraphe 2: Les premiers intervenants...
M. Burns: Le...
Le Président (M. Laplante): "Le premier intervenant"
à la place de "les porte-parole officiels".
M. Grenier: Oui, M. le Président, simplement une mise au
point. Le journal Le Devoir dit, ce matin, dans un communiqué qu'il
émet ici, que l'Union Nationale se voyait perdante là-dedans et
qu'on a fait une motion. Ce n'est absolument pas ça. La raison pour
laquelle j'ai demandé une motion hier, c'était pour clarifier le
débat, pour qu'on sache fort bien que ce n'est pas le temps du tout qui
est entré en ligne de compte, c'est uniquement pour clarifier le
débat.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur, pour la mise
au point.
M. Burns: II n'y a pas de problème, dans notre esprit en
tout cas.
Le Président (M. Laplante): Motion adoptée.
Messieurs, voulez-vous présenter votre groupe, ainsi que les
personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît?
Parti communiste du Québec
M. Fuyet (Hervé): Le Parti communiste du Québec. A
ma droite, Jeannette Walsh, à ma gauche, Julien Bilodeau, et
moi-même, Hervé Fuyet.
M. Lavoie: Hervé? M. Fuyet: Fuyet.
M. Grenier: Quel est le nom de Madame?
M. Lavoie: Walsh.
M. Fuyet: Jeannette Walsh.
M. Burns: Je m'excuse. Est-ce que vous pourriez nous
épeler votre nom? M. Fuyet?
M. Fuyet: Fuyet: F-U-Y-E-T.
M. Burns: C'est ce que je croyais, mais je n'étais pas
sûr.
Une Voix: Tu n'es pas pire, Robert...
Le Président (M. Laplante): Allez, monsieur.
M. Fuyet: Notre mémoire porte sur la question des
consultations populaires par voie de référendum dans son
ensemble. Toutefois, nous nous sommes particulièrement penchés
sur les mécanismes de la consultation populaire sur la question
nationale pour deux raisons: d'abord, parce que les difficultés
soulevées sont communes à d'autres référendums
éventuels, mais aussi parce que, évidemment, ce
référendum aurait une nature exceptionnelle et une importance
capitale.
Le Parti communiste du Québec est en faveur de
l'autodétermination de la nation canadienne-française et du
peuple du Québec et, par conséquent, d'une consultation populaire
sur l'avenir économique, social et politique du Québec.
Toutefois, le Parti communiste du Québec s'oppose au mode de
consultation populaire proposé par le livre blanc du gouvernement sur
cette question tel qu'il est présentement formulé.
Il nous apparaît, en effet, que le gouvernement conçoit les
référendums d'une façon qui lui permettrait d'imposer son
option souverainiste.
Le livre blanc dit, et je cite: "... ce caractère consultatif des
référendums fait qu'il serait inutile d'inclure dans la loi des
dispositions spéciales à l'égard de la majorité
requise ou du taux nécessaire de participation". Ainsi, le gouvernement
peut interpréter un vote en faveur de l'indépendance de 51% des
votants, peu importe le pourcentage de participation, et ceci même si la
majorité des électeurs ne s'est pas prononcée du tout dans
ce sens.
Toujours selon le livre blanc, dans plusieurs pays comme la France et la
Grande-Bretagne, le référendum ne peut être
déclenché qu'à l'initiative des organes traditionnels du
pouvoir politique, c'est-à-dire le gouvernement ou le Parlement. Dans
d'autres pays, et en particulier en Suisse et aux Etats-Unis, des dispositions
assez complexes prévoient la tenue de référendums à
l'initiative directe de la population.
Je cite: "Le gouvernement envisage favorablement que la consultation
populaire s'étende progressivement pour englober l'initiative populaire.
Par contre, il est clair qu'instaurer ce mécanisme immédiatement
équivaudrait à ne pas tenir compte de plusieurs facteurs
importants. Ainsi, les
Suisses et les Américains recourent à l'initiative
populaire à la suite d'une tradition séculaire qui n'a pas sa
contrepartie au Québec." Dans l'appendice au livre blanc, on trouve:
"Aux Etats-Unis, les référendums se tiennent seulement au niveau
des Etats et des municipalités."
Pourtant, les Québécois, depuis longtemps, participent
à des référendums au niveau des municipalités et
même au niveau des quartiers. Selon le gouvernement péquiste,
nous, les Québécois, devrions, semble-t-il, faire notre
apprentissage de la démocratie "progressivement".
Le gouvernement du PQ a "choisi, à l'exemple de la
Grande-Bretagne, l'initiative gouvernementale au sens large,
c'est-à-dire dans l'action concertée de l'Exécutif et du
Parlement."
Les Communistes pensent que les Québécois sont
présentement parfaitement capables "d'initiative populaire" au sens du
livre blanc. De plus, je cite encore: "La question soumise au
référendum serait... présentée à
l'Assemblée nationale sous la forme d'une motion du gouvernement qui...
ferait l'objet d'un débat privilégié d'une durée
maximale de 25 heures."
Tout le monde sait que les résultats d'un
référendum dépendent surtout de la façon de poser
la question. Pour le référendum sur l'indépendance, le
gouvernement, qui jouit d'une majorité absolue, n'accorderait que 25
heures de débat, y compris aux ministériels, avant de faire
adopter sa formulation sur une question aussi fondamentale que la
destinée de notre pays et cela, sans possibilité pour le public
d'intervenir dans le débat.
Ceci nous semble être une grave entorse à la
démocratie. Nous ne sommes pas seuls à noter que le gouvernement
peut très bien ne proposer comme options que sa
souveraineté-association ou le statu quo peut-être
légèrement amendé. Quel atout!
Mais comment le gouvernement peut-il être sûr que la
population n'opterait pas pour une tout autre solution souverainiste si on lui
posait la question suivante, par exemple: Etes-vous pour un Québec et un
Canada anglais égaux et unis dans un Canada démocratique?
C'est-à-dire, par exemple, que le Parlement déclare
l'abolition de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui ne
reconnaît pas que les Canadiens français constituent une nation.
Qu'une assemblée constituante soit convoquée où le
Québec et le Canada anglais auront une représentation
d'égale importance. Que cette assemblée constituante
élabore une nouvelle constitution pour une république canadienne
acceptable aux deux nations du Canada. Que cette constitution reconnaisse
l'existence de deux nations au Canada et qu'elle garantisse
l'égalité économique, sociale, politique et culturelle de
chacune d'elles. Que les droits linguistiques et culturels des minorités
nationales de chacune de ces deux nations soient protégés, ainsi
que les droits des Indiens et des Inuit à décider de toutes les
questions concernant leur développement distinct. Que le droit à
l'autodétermination soit garanti pour chacune des deux nations
jusqu'à, et y compris, le droit de sécession, si la
majorité de la nation impliquée le désire.
Pourquoi ne pas permettre à, disons, 5000 électeurs
québécois qui signeraient une pétition demandant que telle
ou telle option soit incluse dans le référendum, de faire valoir
leur point de vue et de faire inclure leur option? Sinon, il y aura
certainement des citoyens frustrés de se trouver devant un choix
d'options toutes inacceptables. Si, par exemple, dans un
référendum sur l'indépendance, on exclut une option telle
que mentionnée ci-dessus, on risque de fausser les résultats du
référendum et d'imposer, au Québec, une option qui n'est
pas nécessairement celle de la majorité. En ce sens, le Parti
communiste du Québec ne croit pas que les propositions du livre blanc
constituent: "Un pas de plus dans le sens de la démocratisation de nos
institutions politiques", contrairement aux assertions contenues dans le livre
blanc lui-même.
En ce qui concerne la campagne référendaire, le livre
blanc nous dit: "Une fois la résolution adoptée par
l'Assemblée nationale, il reviendrait au gouvernement de
déclencher le processus de la consultation et d'en fixer la date. A
cette fin, le gouvernement émettrait, à l'intention du directeur
général des élections, un bref indiquant la date du
référendum, qui ne pourrait avoir lieu plus tôt que 35
jours, ni plus tard que 60 jours après l'émission du bref". Ce
délai est d'autant plus injuste et irréaliste que le directeur
général des élections, sur réception d'un bref lui
enjoignant d'organiser un référendum, déterminerait le
nombre d'organisations pouvant participer à la campagne
référendaire, en fonction du nombre d'options offertes à
la population. Si la question posée aux électeurs offrait deux
choix: oui ou non, par exemple, à l'indépendance; il n'y aurait
que deux organisations. Si trois options étaient offertes, le directeur
général des élections déterminerait que trois
organisations peuvent être mises sur pied. Ces organisations ad hoc
seraient les seules reconnues pour recevoir les contributions
financières et procéder à des dépenses relatives au
référendum.
On procéderait ensuite à la formation, pour chaque
organisation, d'un comité provisoire ayant pour triple fonction de
déterminer les structures et la composition du comité national
qui dirigera cette organisation pendant la campagne référendaire,
d'en nommer le président et d'en désigner l'agent officiel. Ce
comité provisoire serait formé des membres de l'Assemblée
nationale qui s'y seraient inscrits dans les trois jours de l'émission
du bref référendaire. Dans le cas exceptionnel selon le
livre blanc où aucun député ne s'inscrirait dans un
comité provisoire, le directeur général des
élections devrait en assurer la formation en choisissant, parmi les
groupes ou mouvements identifiés à cette position, des citoyens
désireux de conduire la campagne référendaire en faveur de
cette option."
Imaginez la situation qui prévaudrait immédiatement
après que le gouvernement péquiste ait présenté
à l'Assemblée nationale sa formulation pour un
référendum sur l'indépendance, dite
souveraineté-association. Vingt-cinq heures de débat, y
compris pour les amendements proposés. Adoption par la majorité
péquiste de la motion. Bref envoyé au directeur
général des élections. Les députés
péquistes n'ont aucun problème pour s'inscrire au comité
provisoire qui soutient l'option péquiste dans le délai de trois
jours, mais les députés des divers partis de l'Opposition ne
répondent pas à leur choix.
Et si aucun député ne s'inscrit pour une troisième
option possible, (disons pour la nôtre, que le gouvernement
déciderait de soumettre) le directeur général des
élections doit alors assurer la formation d'un comité provisoire
en choisissant, parmi les groupes ou mouvements identifiés à
cette position, des citoyens...
Croyez-vous que, dans le cas mentionné, il irait chercher son
comité provisoire parmi les membres du Parti communiste du
Québec? Rappelons que seules les organisations ad hoc une pour
chaque option ont le droit de recevoir des dons et de dépenser de
l'argent pour la campagne référendaire.
D'ailleurs, au cas d'un référendum à plus de deux
options, il n'y a aucune provision pour un deuxième tour de scrutin si
aucune option ne recueille la majorité absolue au premier tour.
Selon nous, ce référendum n'aura de valeur que si les
divers courants de pensée sont représentés et les
principales options offertes au choix des électeurs, soit au moins le
fédéralisme actuel, l'autonomie du Québec dans la
confédération, la décentralisation du pouvoir
fédéral au profit des provinces, la cessation ou
souveraineté-association et un Québec et un Canada anglais
égaux unis dans un Canada démocratique.
Toute option qui recueillera au strict minimum, un soutien majoritaire
absolu, et bien au-delà, de préférence, serait une claire
indication de la façon dont la nation canadienne-française et le
peuple québécois, dans leur ensemble, veulent exercer leur
souveraineté.
Si, à un premier tour de scrutin, aucune option n'obtient la
majorité absolue, un deuxième tour de scrutin pour
départager les options qui auraient recueilli le plus de voix au premier
tour sera nécessaire, sinon dans le cas d'un premier tour de scrutin
à quatre options, par exemple, l'option gagnante pourrait bien avoir que
le soutien de 26% des votants. Cela créerait une situation politique
complexe et dangereuse pour la démocratie.
Après leur formation, les comités provisoires
formés exclusivement des membres de l'Assemblée nationale, en
règle générale, doivent s'entendre sur les structures et
la composition du comité national qui dirigera cette organisation, en
nommer le président et en désigner l'agent officiel.
Après, il faudrait s'entendre sur les arguments en faveur de
l'option, sur les tactiques, et sur une foule d'autres questions, pour ne pas
parler des façons dont on rejoindra la population et, tout cela, dans un
délai de 35 à 60 jours à partir de l'émission du
bref. Ces modalités, selon nous, nuisent profondément au
caractère de cette consultation qui se veut populaire.
Il serait aventureux de procéder à l'indépendance
du Québec sans l'appui de la majorité décisive de la
population, exprimée face aux autres options qui seraient inscrites sur
le bulletin de scrutin et non pas camouflée, et sans une campagne
référendaire vraiment populaire. Car cela conduirait
inévitablement le Québec vers une crise encore plus profonde que
la crise actuelle de la confédération au Canada.
En conclusion, M. le Président, le Parti communiste du
Québec souhaite que votre commission parlementaire recommande à
l'Assemblée nationale des amendements allant dans le sens de nos
propositions afin de faire, entre autres, du futur référendum sur
la question nationale un véritable instrument d'autodétermination
pour le Québec.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le leader
du gouvernement.
M. Burns: Je suis avisé par le député de
Laval qu'il doit prendre un avion dans quelques minutes. Alors, à sa
demande, je céderai la priorité normale qui est accordée
au ministre pour permettre au député de Laval de nous quitter par
la suite.
M. Lavoie: J'aurai une couple de questions seulement. Je
m'excuse, j'avais pris un engagement antérieurement. D'ailleurs, on
avait eu une fausse nouvelle selon laquelle la commission ne devrait pas
siéger ce matin. J'ai donc pris un engagement à Montréal.
Je ne voudrais pas manquer l'avion. Mes collègues pourront continuer, au
cours de la séance, à vous poser différentes
questions.
Dans le premier paragraphe de votre mémoire, vous dites: "Le
Parti communiste du Québec est en faveur de l'autodétermination
de la nation canadienne-française et du peuple du Québec et, par
conséquent, d'une consultation populaire sur l'avenir économique,
social et politique du Québec. Toutefois, le Parti communiste du
Québec s'oppose au mode de consultation populaire proposé par le
livre blanc du gouvernement sur cette question. Il nous apparaît, en
effet, que le gouvernement conçoit les référendums d'une
façon qui lui permettrait d'imposer son option souverainiste".
J'aimerais que vous expliquiez ce postulat. Est-ce que, selon vous,
après avoir étudié le livre blanc, surtout sur un certain
référendum qui est devenu synonyme du référendum en
général au Québec, il y en a un qui sensibilise surtout la
population, comme en fait foi votre mémoire, du fait que vous ne traitez
pas tellement d'une loi-cadre sur quelque sujet que ce soit, mais surtour sur
l'avenir constitutionnel du Québec? Est-ce que vous prétendez
qu'avec ce livre blanc, en vue de ce référendum, au
départ, les dés seraient pipés?
M. Fuyet: J'aimerais répondre d'abord sur la
première partie de votre question à savoir, en effet, que les
communistes du Canada et du Québec, non pas depuis quelques
années, mais depuis plus
de cinquante ans, luttent pour que la nation canadienne-française
ait la possibilité de décider, en toute démocratie, de son
avenir économique, politique et social.
J'ajouterais, d'ailleurs, que les communistes, quelle que soit la
nationalité à laquelle ils appartiennent, sont toujours, par
principe, en faveur de l'autodétermination des nations et des peuples,
et que ce principe est aujourd'hui reconnu en droit international et aux
Nations Unies.
Pour que ce principe devienne une réalité, il est
évident qu'il faut que la nation impliquée et le peuple
impliqué puissent s'exprimer de la façon la plus claire et la
plus démocratique possible.
J'ai lu avec un profond intérêt la déclaration de M.
le ministre Burns disant justement qu'il voulait que les groupes, les partis et
la population lui fassent des recommandations pour rendre cet instrument le
plus démocratique possible.
Par conséquent, il faut comprendre que notre mémoire doit
s'interpréter dans le sens que tel que présentement conçu
et formulé; à cause de la technique, à cause des
mécanismes proposés, il ne s'agirait plus vraiment d'un moyen
pour le peuple du Québec et la nation canadienne-française de
s'autodéterminer, parce que ce dernier ne pourrait pas s'exprimer
clairement.
Nous sommes toutefois confiants que la majorité gouvernementale
prendra nos recommandations en considération et, en particulier,
permettra à la population d'ajouter des questions si elle le
désire, de façon à ne pas bloquer les
Québécois entre une ou deux questions qui auraient
été, en dernière analyse, décidées par,
disons, 40% des électeurs qui auraient donné au gouvernement une
majorité des deux tiers des députés.
Il est clair qu'une minorité des Québécois ne doit
pas, par l'intermédiaire du gouvernement qu'ils se sont choisi,
décider d'une question qui serait contraignante pour la majorité.
La façon de sortir de ce dilemme me paraît être de donner la
possibilité aux citoyens ordinaires, par voie de pétition, de
faire inclure une question de leur choix dans le référendum.
Ceci nous force, par conséquent, à envisager la question
d'un deuxième tour de scrutin, évidemment, parce que, s'il y a
plus de deux questions, il est possible, sinon vraisemblable, qu'une
majorité absolue ne se dégagera pas au premier tour.
M. Lavoie: A cause de l'importance que vous apportez à ce
droit d'autodétermination, comme vous le dites, des Canadiens
français et du peuple du Québec, du fait que votre mémoire
ne traite spécifiquement que d'un seul référendum,
seriez-vous d'opinion qu'au lieu d'avoir, au départ, une loi-cadre, une
loi omnibus sur une quantité de consultations possibles, soit sur
l'euthanasie, soit sur l'avortement, soit sur l'énergie nucléaire
ou quoi que ce soit, à cause de l'acuité du problème au
Québec, est-ce que vous préféreriez, au départ, une
loi spéciale, un référendum spécial sur l'avenir
constitutionnel du Québec, et l'autodétermination du peuple du
Québec?
M. Fuyet: Notre parti ne s'est pas prononcé sur cette
question, comme notre mémoire en fait foi. Toutefois, comme je l'ai
indiqué moi-même en guise d'introduction, il nous semble que les
recommandations que nous faisons à propos du référendum
sur la question nationale ont une valeur plus générale, car il y
aurait évidemment des éléments communs entre un
référendum sur la question nationale et des
référendums disons sur la question de l'avortement ou de
l'énergie nucléaire qui, entre parenthèses, nous
paraissent également très importants.
Mais nous avons insisté, comme nous le disions, sur le
référendum sur la question nationale, parce qu'en plus des
éléments communs que ce référendum peut avoir avec
d'autres, il a aussi une importance particulière. Mais, sur cette
question qui semble vous préoccuper, nous n'avons pas de position
précise. Nous avons une position de principe, à savoir que nous
voulons absolument que la consultation populaire, en général et
en particulier, surtout celle sur l'avenir national, soit la plus
démocratique et la plus claire possible.
M. Lavoie: J'aurais une dernière question, avant de
remettre la parole aux représentants du gouvernement. Auriez-vous un
mécanisme... Vous attachez une importance très grande,
d'ailleurs, dans... Au tout début de votre mémoire, tout à
l'heure, vous n'aimiez pas la manière dont le livre blanc était
conçu en vue du référendum sur l'avenir constitutionnel.
Vous avez des doutes sur la légitimité de la formulation de la
question entre autres, du fait que vous proposiez qu'il y ait d'autres
questions d'ajoutées. Vous avez des doutes sur le pouvoir d'un
gouvernement, du gouvernement actuel et du Parlement actuel, où la
majorité est entre les mains, autant au gouvernement que dans la
majorité parlementaire, d'un parti qui n'a obtenu que 40% d'un mandat
populaire pour la formulation de la question c'est très important
qui pourrait influer d'une manière énorme sur l'avenir
constitutionnel d'un peuple. Auriez-vous un autre mécanisme ou quel
mécanisme proposeriez-vous pour la formulation ou la confection de la
question?
M. Fuyet: Le principe de l'autodétermination est pour nous
d'une importance capitale. Evidemment, les mécanismes peuvent être
très variés. Nous avons entendu hier, au cours du débat,
qu'il peut s'agir, par exemple, d'élections anticipées sur une
question donnée. Il peut s'agir d'un référendum. Il nous
paraît particulièrement important à nous, qui sommes pour
l'unité des deux nations du Canada sur une base d'égalité,
dans un Canada démocratique, que l'autodétermination se fasse
d'une façon démocratique et pacifique, car, malheureusement,
comme nous le savons, que ce soit au Liban, en Irlande ou ailleurs, lorsque la
voie démocratique n'est pas pratiquée, cela peut mener à
des conséquences extrêmement graves. C'est la raison pour laquelle
nous présentons ici une position de principe. Il ne nous appartient pas
à nous, qui ne sommes ni au gouvernement, ni
même l'Opposition officielle, d'élaborer des
mécanismes concrets, ce n'est pas notre tâche. Notre tâche
est, en tant que parti représentant des travailleurs et la classe
ouvrière en particulier, de s'assurer que les principes fondamentaux de
la démocratie, pour ce qui concerne la question nationale, soient
observés. Il me semble qu'il n'est pas de notre rôle de venir ici
avec un mécanisme concret. Vous êtes certainement mieux à
même que nous de le faire.
M. Lavoie: Oui, mais, par contre, le rôle de ces
commissions parlementaires, c'est de puiser dans les éléments de
la population des formules de solution. Différents groupes, le Barreau,
le Mouvement national des Québécois, les Jeunes libéraux
de la région de Québec ont tenté de nous suggérer
des formules pour la formulation.
D'ailleurs, c'est un voeu assez unanime d'une question claire,
précise, qui aurait toute la crédibilité voulue, qui ne
serait pas possiblement imposée uniquement par un parti. Auriez-vous un
mécanisme à nous proposer? Il y en a qui ont lancé
l'idée d'unanimité sur la question, d'autres, des deux tiers de
l'Assemblée, ce que nous proposons. Il y a d'autres formules. Est-ce
que...
M. Fuyet: II me semble, M. le député de Laval, que
si cette commission puise, comme vous le dites, dans notre mémoire, ce
que nous y mettons, cela permettrait d'améliorer le caractère
démocratique du référendum, et permettrait d'éviter
une situation très ambiguë, très confuse, qui pourrait
dégénérer, comme je l'ai dit tout à l'heure.
Maintenant, il y a un élément de mécanisme concret que
nous avons suggéré, qui a peut-être échappé
à votre attention, à savoir la possibilité pour la
population, par voie de pétitions, de faire inclure une question dans le
référendum. Je crois que c'est un élément concret,
si vous voulez, en plus, des questions de principe.
M. Lavoie: Je vais vous poser une question immédiate.
J'espère que vous la prendrez de bonne grâce. On connaît le
caractère international de la philosophie que vous défendez. Je
ne voudrais pas entrer dans le débat soit du communisme
soviétique, ou de l'eurocommunisme, qui fait un débat
actuellement dans certains pays de l'Europe, soit l'Italie, la France ou autre.
Pourriez-vous me donner un exemple ou, dans les pays sous administration
communiste, est-ce que c'est un tel moyen de démocratie directe, moyen
d'initiative de la part de la population? Est-ce que cela existe dans d'autres
pays sous administration communiste?
M. Fuyet: J'aimerais d'abord préciser que notre parti, le
Parti communiste du Québec, est un parti national du Québec
où nous prenons nos décisions, naturellement, en toute
indépendance. Nous évoquons nos politiques. Ceci dit, il est
naturellement connu que nous avons des liens fraternels avec d'autres partis
communistes qui sont parfois au pouvoir. Je crois qu'un débat sur ces
questions serait certainement le bienvenu et nouveau à
l'Assemblée nationale. Il me paraît, toutefois peut-être
prématuré de prendre l'avion pour Moscou ou ailleurs, mais enfin,
puisque vous me demandez un exemple concret...
M. Lavoie: Je m'en vais à Montréal.
M. Fuyet:... vous n'êtes pas sans savoir, M. le
député de Laval, que dans la nouvelle constitution de l'Union
soviétique qui vient d'être votée, la consultation
populaire, qui a duré quatre mois et qui s'est faite au niveau des
usines et des quartiers, permettait à tout groupe de citoyens de l'Union
soviétique, de soumettre des recommandations et des amendements. Cette
constitution a eu une clause assez intéressante, c'est qu'elle garantit
l'emploi dans le domaine pour lequel les gens sont préparés et
sont désireux de travailler. J'avoue que j'aimerais beaucoup voir un tel
objectif, pas simplement parler de garantie, mais même un tel objectif
dans le programme de divers partis politiques que j'ai le plaisir de rencontrer
ici.
Le Président (M. Laplante): M. le leader
parlementaire.
M. Burns: M. Fuyet, je vous remercie pour la présentation
de votre mémoire. Je n'aurai que quelques brèves remarques et
quelques brèves questions à vous poser. Je vous prie de croire
qu'il ne s'agit pas là du manque d'intérêt que j'adresse
à votre mémoire, loin de là. Je trouve, au contraire, et
j'ai sorti de votre mémoire peut-être quatre ou cinq points qui
sont des points majeurs que vous semblez vouloir nous faire passer comme
message.
Le premier point est beaucoup plus un commentaire qu'une question.
Relativement à l'initiative populaire, je tiens à vous dire que
le gouvernement actuel s'est penché sur la question, lorsque j'ai
présenté mon mémoire au Conseil des ministres, comme
ministre responsable de cette question de la consultation populaire. J'avais
posé l'hypothèse, à savoir que nous puissions avoir non
seulement des référendums à l'initiative gouvernementale,
mais avoir un référendum à l'initiative populaire
également. C'est pour cela que vous retrouvez dans le texte le fait que
ce n'est pas exclu dans les années à venir, que le gouvernement
se rende à cela.
L'opinion très clairement exprimée par le Conseil des
ministres à mon endroit sur cette suggestion a été la
suivante: Nous sommes actuellement très peu familiers avec les
méthodes référendaires. A ce moment-là, nous
préférons, selon cette prudence que, normalement, le
système parlementaire britannique indique à tous les
gouvernements, commencer par mettre en application et, si possible, roder la
situation en ce qui concerne l'initiative gouvernementale, le
référendum, à initiative gouvernementale, sans exclure, et
loin de là, en espérant que, le plus tôt possible, nous
pourrons en arriver à l'initiative populaire. Comme ministre responsable
de la réforme électo-
rale et parlementaire, je puis vous dire que cela fait partie de nos
intentions, le plus rapidement possible, d'en arriver à cette
modification, mais sans précipiter les choses. Je retiens vos
recommandations. Je partage entièrement vos vues là-dessus, sauf
que c'est une question d'ordre pratique qui va nous empêcher, fort
probablement, d'introduire dans la loi, dès sa première
présentation, une formule d'initiative populaire.
J'ai été à même de voir sur les lieux, en
Californie en particulier, ce qu'on peut arriver à faire avec cette
participation populaire par le biais de l'initiative populaire. Je trouve
très intéressante cette expérience, en fait, qui n'est
plus une expérience en ce qui concerne la Californie, parce qu'on y a
recours de façon assez régulière. D'ailleurs, la Loi
concernant le financement des partis politiques aux Etats-Unis, en particulier
en Californie, a été mise à jour grâce à une
initiative populaire. C'est peut-être un exemple, justement, de la grande
valeur de cet instrument.
Le débat de 25 heures, nous dites-vous, sur la question, devrait
être prolongé. C'est une question que je vous adresse, à
moins que vous n'ayez une remarque à me faire sur l'initiative
populaire, mais c'est beaucoup plus un commentaire qu'une question.
M. Fuyet: Si vous le permettez, oui, je suis heureux de voir que
vous partagez l'intérêt de notre parti pour cette
possibilité que la population formule des questions et prenne
l'initiative d'un référendum. Il me semble que le Parti
québécois est prudent sans doute, mais ne craint pas non plus
d'innover, et je pense que c'est une excellente chose, bien entendu.
En ce qui concerne la prudence, il me semble qu'au-delà
d'innovation de forme la véritable prudence est d'être sûr
qu'on a sondé, je pourrais presque dire, le coeur et les reins, pour
prendre une comparaison... Il faut être sûr d'avoir vraiment
sondé les aspirations profondes des Québécois sur la
question nationale. Sinon, le message du référendum ne sera pas
clair. S'il est ambigu, si un groupe peut dire: C'est nous qui avons
gagné, et l'autre groupe: Non, c'est nous... Ou bien si la
véritable question n'a pas été posée, à ce
moment-là, vous avez, M. le ministre, entre les mains les
éléments d'une situation explosive. Quelle que soit la valeur
qu'on accorde à des sondages d'opinion je ne veux certainement
pas entrer dans des débats là-dessus, la valeur de
différents... etc. néanmoins, à la question de
savoir combien de Canadiens seraient prêts à utiliser la violence
pour défendre leur option souverainiste, ce sont des réponses qui
doivent nous faire réfléchir. Il faut que le processus
d'autodétermination se passe de la façon la plus
démocratique possible. Pour nous, c'est une question de principe
fondamentale.
M. Burns: Là-dessus, M. Fuyet, je pense que nous ne sommes
pas éloignés l'un de l'autre. Nous partageons entièrement
vos vues là-dessus. C'est l'intention répétée, et
je ne crains pas de le répéter non plus à chaque occasion
que nous avons d'entendre un mémoire, qu'il est de l'intention bien
arrêtée du gouvernement d'avoir un sondage qui se traduise par un
référendum et qui nous apporte des résultats clairs, qu'on
puisse savoir exactement ce que pense la population.
Autrement, le recours au référendum est une chose sur
quelque sujet que ce soit, que cela soit sur le sujet de l'indépendance
du Québec ou de la souveraineté du Québec ou quelque autre
sujet, à ce moment, c'est quelque chose de complètement inutile
et, à ce moment aussi, on perdrait notre temps à laisser croire
à la population parce que, tôt ou tard, cela nous
reviendrait en pleine face, si on peut dire de laisser croire à
la population, dis-je, que c'est effectivement son opinion que nous
recherchons, si nous essayons de triturer l'opération elle-même.
Je peux vous assurer et je prends cet engagement au nom du gouvernement,
parce que je connais l'opinion de mes collègues au Conseil des ministres
là-dessus que nous n'avons pas du tout l'intention de faire
indirectement ce que normalement, nous ne devrions pas faire directement.
Quant au débat de 25 heures c'est la deuxième
question que je voulais vous poser vous semblez trouver que ce
débat est très court, je vous signale et je ne vous en
blâme pas, que le fait que vous n'ayez pas, à ma connaissance,
siégé à l'Assemblée nationale peut sans doute vous
inciter à voir de façon différente, en tout cas, avec une
lunette différente, un débat de 25 heures.
Le débat de 25 heures à l'Assemblée nationale est
déjà établi pour le discours inaugural qui, comme vous le
savez, est l'expression par le gouvernement de sa politique pour la session
à venir; sur ce sujet, déjà, il y a un débat qui
dure 25 heures, avec possibilité pour chaque député
d'intervenir, à raison de 30 minutes chacun.
Le même débat limité à 25 heures s'applique
au discours sur le budget qui, encore une fois, est l'expression, en termes
administratifs, de la politique gouvernementale, et nous avions pensé
que cette durée de 25 heures pouvait également s'appliquer au
niveau du débat sur la question à soumettre éventuellement
à la population.
En termes parlementaires, 25 heures, c'est très long, et c'est
dans ce sens que je disais que votre attitude tient peut-être au fait que
vous n'avez pas siégé à l'Assemblée nationale; je
ne vous en fais pas de reproche; je ne fais pas de souhait non plus dans le
sens contraire!
M. Fuyet: II est de fait que notre parti, moi-même en tout
cas, pour l'instant, n'avons pas siégé à
l'Assemblée nationale. Néanmoins, je crois que ce n'est pas
à l'origine de notre recommandation, qui n'est pas la mienne, à
proprement parler, mais qui est celle de notre parti, car le paragraphe auquel
vous vous référez à la page 2 de notre mémoire dit
que, pour le référendum, le gouvernement qui jouit d'une
majorité absolue n'accorderait que 25 heures de débat, y compris
aux ministériels, et cela sans possibilité, pour le public
d'intervenir dans le débat ou de poser des questions d'initiative
à être débattues.
C'est l'ensemble de ces conditions qui constitue une grave entorse
à la démocratie et non pas uniquement l'élément du
paragraphe que vous avez bien voulu relever, M. le ministre.
M. Burns: D'accord. Remarquez que, là-dessus, j'avais
souligné, dans votre mémoire les mots "... et cela sans
possibilité...", dans le premier tiers de la page 2, "... pour le public
d'intervenir dans le débat".
Remarquez qu'on pourrait se faire querelle là-dessus et se dire:
Ecoutez, un référendum, c'est justement l'intervention directe du
public dans le débat. Je comprends que vous motivez cette phrase, et
sans la possibilité du public d'intervenir dans le débat, par
votre autre suggestion, et je viens à ce troisième sujet vous
suggérer que 5000 électeurs puissent ajouter une option à
ce qui est déjà proposé par le biais du débat
à l'Assemblée nationale.
Tout en trouvant intéressante votre suggestion, qui est tout
à fait nouvelle, soit dit en passant c'est la première
fois que je l'entends, remarquez qu'elle est complémentaire à
votre suggestion sur l'initiative populaire, ne trouvez-vous pas que c'est
très peu d'électeurs, 5000 électeurs. Ceci donne un peu
moins d'un dixième pour cent de l'électorat
québécois qui puisse, au-dessus, au-delà et par-dessus
l'opinion de l'Assemblée nationale, qui est quand même il
ne faut pas négliger cet aspect formée de gens qui ont
été élus, légalement, normalement, par l'ensemble
de la population du Québec.
Que ces gens se disent majoritairement ou de façon unanime que
les ou la question doit être formulée de telle ou telle
façon et que, tout à coup, 5000 électeurs puissent arriver
et dire à ces gens élus par l'ensemble du Québec: Vous
allez ajouter cette question-ci à votre référendum, ne
trouvez-vous pas que c'est un peu abusif, M. Fuyet? On risquerait comme
me le signale le député de Vanier alors que le
Québec... On a discuté de cela depuis le début même
si on évite d'entrer dans la substance du débat, il est bien
sûr que l'exemple du référendum sur l'indépendance
du Québec nous revient constamment à l'esprit et c'est normal,
cela ne me surprend pas du tout. Mais, par exemple, je donne un cas: Si nous
avions décidé, à l'Assemblée nationale, de poser la
question: Etes-vous pour ou contre la souveraineté-association
Souveraineté-association étant déterminée au cours
du débat de 25 heures et que quelqu'un nous arrive et nous dise:
II faudrait aussi ajouter: Etes-vous pour ou contre...
M. Fuyet: J'ai compris la question.
M. Burns: Vous comprenez? Je me demande si cela ne serait pas
abusif, à un moment donné, de permettre à seulement 5000
électeurs de venir ajouter des options au sein d'un débat.
M. Fuyet: Si vous me permettez, évidemment
l'arithmétique, ici, est intéressante, mais je crains qu'elle ne
nous induise en erreur parce que, vous le conviendrez avec moi, le nombre
d'options possibles est relativement limité. Nous ne parlons pas ici
d'un infini quelconque, nous parlons d'une situation concrète où
un certain nombre d'options peut être envisagé. Or, il se trouve
si nous regardons la situation d'une façon concrète
que l'Opposition officielle semble favoriser que l'on pose la question
essentiellement en ces termes: statu quo ou sécession
séparation et il semble que la majorité gouvernementale ne
se soit pas encore prononcée à ce sujet. Le député
Godin a indiqué, semble-t-il, qu'il n'y avait pas unanimité sur
la question, mais qu'une partie considérable de la majorité
gouvernementale...
M. Burns: Excusez-moi, M. Fuyet. Non seulement il n'y a pas
unanimité, mais il n'y a même pas de décision sur cela, de
sorte qu'actuellement nous sommes en train de nous poser la question, non pas
à être posée, mais comment aborder cette question.
M. Fuyet: C'est cela. Il y a donc une forte possibilité
que, de ce bâtiment-ci, sortent une ou deux options, peut-être
trois au maximum, alors que nous savons très bien, et vous savez
très bien, que, non pas 5000 personnes dans la population, mais dans le
mouvement syndical, par exemple...
M. Burns: Non, ce n'est pas ce que je veux dire.
M. Fuyet: ... car il y a déjà eu des congrès
syndicaux qui se sont prononcés en faveur du droit à
l'autodétermination jusque y compris, la sécession, si
nécessaire, mais pour un nouveau Canada uni et démocratique, par
exemple, cette option est une option qui est profonde chez les ouvriers, chez
les travailleurs. Maintenant, le fait que la pétition elle-même
soit signée par 5000 noms, vous en conviendrez, est une question tout
à fait secondaire. Je pense que vous conviendrez avec moi, comme l'ont
indiqué les différents sondages je dis bien les
différents sondages, aussi contradictoires puissent-ils être
qu'un fédéralisme renouvelé pas au sens d'un
cataplasme sur une jambe de bois, mais profondément renouvelé
d'un nouveau Canada où les deux nations pourraient être
égales économiquement, socialement, politiquement et
culturellement, cela est profondément enraciné au Québec
et il faut que cette question soit posée.
M. Burns: D'accord, M. Fuyet. Je veux simplement relever le fait
pour vous mentionner que j'en prends bonne note que, dans votre
mémoire, vous soulignez que le délai pour la mise sur pied des
comités nationaux si l'on peut dire n'est pas assez long.
J'en prends bonne note. Vous n'êtes pas le premier groupe à nous
faire cette suggestion et vous ne serez sûrement pas le dernier, de sorte
que je veux vous assurer qu'on va tenir compte de votre...
En tout cas, on va examiner, sinon accepter carrément votre
recommandation. Egalement, je trouve nouveau, dans ce débat, le fait que
vous nous suggériez un deuxième tour de scrutin lors-
qu'il y a plus d'une question et je tiens à vous assurer que
cette suggestion de votre part sera examinée, à savoir si elle
est applicable, à savoir si on peut arriver à la mettre en
application. Tout ceci pour vous dire, M. Fuyet, Mme Walsh, M. Bilodeau, que je
vous remercie pour votre dépôt de mémoire et nous
apprécions le fait que vous ayez pris le temps et surtout que vous ayez
eu la patience de revenir ce matin alors que vous auriez dû normalement
être entendus hier.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, je veux remercier, d'abord,
les représentants qui sont ici ce matin de nous donner ce courant de
pensée à travers le Québec qui mérite, bien
sûr, d'être canalisé dans une option ou des options qui
viendront lors d'un prochain référendum et vous faites allusion,
à peu près tout au long de votre mémoire, à un
référendum particulier qui viendrait incessamment. Là,
peut-être plus qu'ailleurs, dans ce prochain référendum,
votre option prend de l'importance puisque vous le mentionnez d'une
façon plus évidente à la fin de votre mémoire,
à la page 4, où on doit sentir que tous les courants sont
représentés, et vous préparez déjà, je
pense, l'après-référendum en parlant ainsi.
Pour entendre Mme Walsh, si c'est possible... Vous parlez
français, Mme Walsh?
Mme Walsh (Jeannette): Oui, je suis Canadienne française,
Québécoise.
M. Grenier: Je m'excuse, le nom...
Mme Walsh: Même si je porte un nom anglais.
M. Grenier: Vous parlez, à la fin de la première
page, au début de la page 2, de ce courant d'initiative populaire qu'on
sent ailleurs et qui se vit au Québec depuis quelques années,
peut-être plus d'une décennie. On sent ce courant d'initiative
populaire. J'aimerais connaître de vous comment vous ajustez un courant
populaire qui pourrait être représenté, par exemple, par
tout regroupement possible, qui rassemble pas mal de membres au Québec,
un groupement, par exemple, comme la force syndicale au Québec, qui
pourrait être un courant populaire et qui a droit, je ne le nie pas, bien
sûr, à son désir, à sa volonté dans un tel
référendum ou dans de tels référendums. Comment
ralliez-vous cette opinion d'un groupe syndical, par exemple, avec les
questions qui pourraient être posées par la partie
gouvernementale? On a analysé hier soir le fait qu'on demandait de faire
participer les partis de l'Opposition et on se demandait à quel niveau
et comment. Ce matin, je pose de nouveau la question puisque les partis
d'Opposition ne sont plus pour vous des partis d'Opposition, mais ils peuvent
bien se voir dans ces courants populaires. Comment pouvez-vous concilier une
opinion qui pourrait venir d'un courant populaire avec l'opinion du
gouvernement?
Mme Walsh: Pour commencer, notre travail, en particulier, se
fait, en tout cas en ce qui me concerne personnellement, autour de beaucoup de
courants ouvriers syndiqués et d'ouvriers non syndiqués. Il y a
beaucoup de travailleurs qui s'inquiètent beaucoup de la façon
qu'on va procéder, pour commencer avec le référendum et
quelle sorte de référendum nous aurons. Deuxièmement, on
s'inquiète beaucoup de la séparation avec le reste du Canada
à cause des questions économiques, toutes les questions que peut
comporter la séparation. Alors, le mouvement ouvrier, dans les
manifestations, par exemple celle du 14 octobre, on a vu une unité
syndicale du Canada anglais, du Canada français, contre des bills qui
n'étaient pas tout à fait en faveur des ouvriers. Alors, on a vu
une unité et cela nous donne déjà une occasion de discuter
avec ces gens pendant qu'on manifestait. Evidemment, on sait que l'unité
est absolument importante pour tous les travailleurs, qu'ils soient Canadiens
anglais ou Canadiens français.
M. Grenier: Je précise ma question, si vous voulez; je
m'excuse, on est entouré de bruit et personne n'est sourd dans cette
salle, sauf qu'on a tellement de bruit autour de la bâtisse. Heureusement
que c'est pour l'amélioration du système. Est-ce que vous pouvez
donner un chiffre pour qu'une proposition soit acceptée par le
gouvernement? Vous dites qu'un regroupement aurait droit d'exprimer une opinion
sur un référendum, est-ce que vous pourriez donner un chiffre
d'un groupe qui serait un courant assez populaire pour avoir le droit de faire
inscrire une option lors d'un référendum?
M. Fuyet: Si vous me permettez d'apporter un complément
d'information; justement sur la base de ce que Jeannette Walsh disait et les
sentiments qui sont quand même assez évidents dans le mouvement
ouvrier, nos centrales syndicales vont être appelées à se
prononcer à un moment ou l'autre sans doute sur la question nationale.
Ainsi, au dernier congrès de la CSN, il a été prévu
que des groupes de travail soient formés à cette fin, que les
syndicats de la base soient consultés pour possiblement arriver à
une position de cette centrale au prochain congrès, au printemps.
Alors, voilà un exemple indiquant que si l'opinion émise
par cette centrale ne correspond pas à l'une ou l'autre des formulations
envisagées par la Chambre, voilà un exemple
particulièrement concret et évident du fait que la classe
ouvrière, par l'intermédiaire de ses organisations syndicales,
voudrait pouvoir se faire entendre. Je pense qu'il n'est pas tellement
pertinent de se pencher sur une stricte question d'arithmétique. Comme
je me permettais tout à l'heure de le dire à M. le ministre
Burns, le fait que 5000 personnes signent une pétition ne veut
absolument pas dire que c'est une option souverainiste qui est partagée
par 5000 personnes.
C'est évident, il suffit d'y réfléchir. Il n'y a
pas tellement d'options souverainistes qui soient possibles. Il appartiendra
sans doute à ce moment-là
au gouvernement ou à l'Assemblée de mettre ces questions
soumises par les gouvernements ou regroupements dans une forme qui permette la
consultation, sans en déformer le sens. C'est de la technique,
ça. Ce qui est fondamental, comme le disait Jeannette Walsh, c'est
justement que ce fort sentiment ouvrier pour l'unité des deux nations du
Canada dans l'égalité, comme cela s'est manifesté le 14
octobre contre la loi antisalaire du gouvernement fédéral, puisse
se refléter dans une consultation populaire. Sinon, la consultation
n'est plus populaire. C'est aussi simple que ça.
M. Grenier: Vous avez, à la fin de la page 4, un excellent
paragraphe, je pense, qui rappelle l'équilibre qui a été
apporté au Québec lors de la dernière élection.
C'est toujours discutable, selon le côté de la Chambre où
on est, on peut toujours tenter de justifier qu'on est trop ou pas assez...
Mais vous nous dites bien qu'on pourrait se ramasser avec un
référendum où on aurait 26% des gens qui voteraient pour
une option. Cela pourrait être la majorité, à cause de
questions mal engagées. 26% des gens devraient voter pour une option
qu'ils veulent avoir et l'autre partie des gens pourrait voter pour une
question qu'on pourrait qualifier de moins pire simplement, mais une question
qui ne serait pas dans l'esprit du courant populaire dont vous parlez.
Alors, on pourrait arriver avec un pourcentage de 26% de la population,
alors que les autres se sont rangés, poignés et pris dans une
espèce de guêpier où ce n'étaient que des questions
moins mauvaises, mais pas la sorte de questions qu'on voulait avoir. On
sentait, lors du dernier gouvernement, pas celui-ci, mais l'autre,
représenté par 102 députés six de l'autre
côté, et deux autres, que les options des Québécois
n'étaient pas suffisamment représentées en Chambre. C'est
là qu'on a connu au Québec les plus grandes activités
inattendues de bien du monde.
C'est cela que vous ne voulez pas répéter dans les
questions qu'on pose. L'après-référendum dont vous nous
parlez déjà ce matin, à ce que vous entendez, est
peut-être bien plus important, le référendum que tout le
monde a à l'idée. C'est peut-être pour cela, j'imagine, que
vous aussi, vous voulez avoir une question très claire et précise
et que, à côté des gens qui pourront voter par oui à
une question, on ne fasse pas des gens qui sont obligés de voter non une
série de gens mécontents et qu'on se ramasse avec 26% des gens
qui ont voté par oui et que les autres soient répartis avec des
gens qui ne veulent pas voter, par exemple. On a même eu des remarques
qui nous ont été faites, à savoir qu'il y aurait
possibilité d'émettre un bulletin blanc qui serait significatif,
en voulant dire: On est contre la question posée ou on ne peut pas voter
ni oui ni non; ceci pourrait devenir le feuillet majoritaire.
J'aime bien votre dernier paragraphe, il nous convainc davantage, comme
les autres mémoires qu'on a entendus, de permettre que cette question
je ne dis pas ces questions, mais cette question soit si
précise et si claire qu'on n'en arrive pas à un équilibre
de ce genre.
M. Bilodeau, qui êtes là également,
auriez-vous...
M. Bilodeau (Julien): II s'agit ici d'une majorité obtenue
dans le cadre d'un référendum où il y aurait plusieurs
questions, c'est-à-dire que...
M. Grenier: Oui, c'est cela.
M. Bilodeau: ... si vous avez cinq questions, avec 26%, on peut
passer. Il ne s'agit pas d'un référendum à question
unique.
M. Grenier: Une question simple, d'accord. J'ai saisi que
c'était cela.
M. Bilodeau: D'accord.
M. Grenier: Auriez-vous idée qu'il pourrait y avoir des
référendums avec plusieurs questions, parce que c'est quand
même une loi de référendum dont on parle?
M. Bilodeau: Absolument. Je doute fort que, dans le contexte
d'une loi-cadre, on puisse prédire à l'avance, pour tous les
référendums à venir, que toujours, à la question,
on pourrait répondre par un oui ou par un non, lorsqu'on sait que, dans
la réalité politique, les choses ne sont pas si simples.
Prenons par exemple les élections. Aux élections
provinciales, il n'y a pas que deux partis qui se présentent. Il y en a
quatre, cinq, six ou sept qui peuvent se présenter. Dans le contexte
d'une loi-cadre, je me répète peut-être, mais il me semble
qu'on devrait toujours laisser la possibilité qu'il y ait de nombreuses
questions, parce que c'est beaucoup trop simplifier que de dire qu'on pourra
toujours répondre par un oui ou par un non.
M. Grenier: Vous êtes d'accord pour qu'on n'ait pas la
question formulée dans la loi que nous préparons dans le moment.
Vous êtes d'accord, vous aussi, surtout dans une loi-cadre qu'il n'est
pas question qu'on puisse formuler la question au niveau de la loi. Cela fera
l'objet d'une étude à part.
M. Bilodeau: Vous parlez de la question, moi, je parle des
nombreuses questions. Je propose qu'il y ait la possibilité, dans cette
loi-cadre, d'inclure d'autres questions. Je trouve qu'il y a une comparaison un
peu abusive avec l'adhésion de la Grande-Bretagne au Marché
commun. Il s'agit d'un pays qui doit adhérer à une organisation
internationale. On adhère ou on n'adhère pas, la question est
très simple. Dans ce cas-là, cela allait bien. Mais, dans
d'autres questions, comme celle dont on parle actuellement, la question n'est
pas si simple.
M. Grenier: Si le gouvernement ne retenait pas la formule
d'initiative populaire, par exemple l'opinion qui est assez couramment
émise d'un conseil de référendum, formé de
personnes dépolitisées, si vous voulez, qu'est-ce que vous pensez
d'un conseil du référendum, M. Fuyet?
M. Fuyet: Si vous me le permettez, je pense en effet, à
propos de vos commentaires précédents, que vous et moi voulons
que ce soit clair et que les mécanismes ne soient pas contraignants au
point de déformer le sentiment populaire.
Mais nous pensions que plusieurs questions, comme l'a très bien
dit Julien, n'étaient pas un obstacle, mais, au contraire, devaient
permettre aux différentes tendances de s'exprimer et cela nous force
nécessairement à un second tour. Car, si vous avez quatre
questions posées et qu'aucune n'ait une majorité de 51%, à
ce moment-là, vous êtes obligés de prendre les deux
meilleures et de repartir toute l'affaire, le dimanche d'après, pour
être certains de qui a vraiment le soutien de la vraie
majorité.
A l'idée d'un conseil des sages apolitiques, je ne vois pas
pourquoi les sages seraient apolitiques. Il me semble qu'aujourd'hui il est
bien difficile d'être neutre dans la lutte sociale que nous vivons. Par
conséquent, je trouve que c'est un peu illusoire. Au lieu d'imaginer un
conseil, utopique, illusoire de sages, il nous paraît
préférable que ceux qui sont impliqués dans la lutte pour
le progrès et pour la démocratie, mais qui n'ont pas
nécessairement la même approche puissent chacun soumettre leur
approche différente, leurs questions différentes à la
population.
Comme je le disais tout à l'heure, on ne va pas se trouver avec
des millions d'options, parce que, sur la question nationale, il n'y en a pas
des millions.
M. Grenier: Je vous remercie. J'ai terminé.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci. Sur la question que vient de poser mon
collègue de Mégantic-Compton, favorisez-vous un premier
référendum uniquement sur une question bien précise avec
possibilité d'un deuxième référendum et d'un
troisième pour expliciter l'option qui doit être retenue, pour
assurer une plus grande clarté à la population ou favorisez-vous,
dans un premier référendum, plusieurs questions?
M. Fuyet: Je crois, là encore, que nous entrons dans le
détail des suggestions techniques. Ce qui est important, comme je vous
l'ai dit, c'est que les diversers tendances sur la question nationale puissent
s'exprimer, être exposées au public et que le public, la
population puisse se prononcer.
Vous me demandez s'il serait avantageux d'avoir un premier tour avec
plusieurs options et un deuxième tour pour départager les deux
options gagnantes ou s'il faudrait concevoir une série de consultations
populaires sur différents choix. Il me semblerait, à
première vue, bien que notre parti ne se soit pas prononcé sur
cette question, que plusieurs options au premier tour et le fait d'avoir
uniquement à départager les deux options gagnantes au
deuxième tour est ce qui répond le plus au sens commun, au
réalisme politique.
Je ne pense pas que nous soyons, par principe, opposés à
la recherche d'une autre solution technique, mais elle devrait satisfaire les
principes de la démocratie.
M. Roy: Par l'étude très sérieuse que vous
avez faite dans votre mémoire de cette question sur le
référendum j'aimerais peut-être aborder un autre point
souligné à la page 2, à savoir que, lorsqu'on parle, par
exemple, d'une limite de débat de 25 heures, y compris les
ministériels, vous déplorez le fait que cela vous semble une
grave entorse à la démocratie. Avez-vous voulu dire par là
qu'on devrait étendre la consultation en dehors même de
l'Assemblée nationale, par un genre de consultation en commission
parlementaire avant d'en venir à l'adoption définitive de la loi
et avant que le référendum soit décrété et
les brefs émis?
Pourriez-vous me donner un peu plus d'explications sur les
réserves que vous avez, puisque à la dernière phrase de ce
paragraphe vous dites que cela vous semble une grave entorse à la
démocratie.
M. Fuyet: Oui. Il nous apparaît qu'un gouvernement qui
jouit de l'appui de la majorité relative de la population, environ 40%,
ne devrait pas pouvoir imposer, grâce à sa majorité
gouvernementale et parlementaire, une question qui serait de nature
contraignante pour 100% de la population et qui pourrait être
déformée. Je ne dis pas que telle est l'intention du
gouvernement. Je dis simplement qu'il faut éviter cela. Par
conséquent, pour éviter cela, il me semble, en effet, que tout
mécanisme qui permettrait à la population de s'exprimer sur le
libellé, sur la nature des questions, serait infiniment
préférable à ce que la majorité parlementaire et
gouvernementale impose une question. Cela, certainement.
M. Roy: Est-ce que vous accepteriez l'idée, puisque cette
idée a déjà été soumise ici en commission
parlementaire, que le vote soit pris sur la formulation de la question comme
telle, à la suite d'une motion annoncée et débattue
pendant 25 heures, le but étant de requérir un plus haut
pourcentage de la députation, plutôt qu'une majorité simple
comme cela se fait dans notre processus parlementaire traditionnel? Je
m'excuse, mais je voudrais le préciser davantage. Est-ce que vous seriez
d'accord sur une formule qui dirait, par exemple, que la formulation de la
question devra être prise et approuvée au moins par les deux tiers
des votes à l'Assemblée nationale, ce qui suppose
nécessairement des appuis au parti ministériel, au parti de la
majorité, qui lui viennent de l'Opposition?
M. Fuyet: Vous savez, vous posez une question extrêmement
complexe, parce que la question que vous me posez est la suivante: Vous
voudriez
qu'une majorité gouvernementale ou parlementaire impose ou
décide d'un niveau de votes qui seraient acceptables pour que le
référendum soit contraignant ou moralement contraignant. Il est
évident que cela pose un problème technique. Dans la
réalité des faits, il est essentiel qu'il y ait une option qui,
finalement, rallie la majorité de la population, la vraie
majorité, pas seulement la majorité des votants, mais la
majorité la plus large de la population. Comme, par exemple, dans les
syndicats, on se trouve pris avec un vote de grève de 51% pour sortir,
et avec une participation faible nous sommes, évidemment, très
ennuyés, parce que nous avons un mandat contraignant mais en même
temps nous savons que ce sera difficile, puisque les gens sont divisés.
C'est cette situation qu'il faut éviter sur la question nationale.
Maintenant, ce n'est pas, me sernble-t-il, en fixant d'une façon,
finalement, elle aussi arbitraire un pourcentage de votes pour une question ou
pour une autre que cela va résoudre d'une façon magique une
situation qui est elle-même extrêmement complexe et ambiguë,
en fait. Si vous me permettez, je crois que Jeannette Walsh voulait apporter un
complément d'information à une question que vous avez
soulevée il y a une minute.
Mme Walsh: Ce n'est pas un complément, mais c'est
peut-être un ajout. Sur la question des 25 heures: Je peux comprendre
l'explication de M. Burns, c'est-à-dire que c'est un débat qui
comprend, pour les ministériels, 25 heures, mais, si on demande
ça au peuple, à la population, ou si on fait une telle
proposition, ça va créer une situation très ambiguë.
On ne comprendra pas qu'on a élu un gouvernement et, sans plus de 25
heures de consultation sur un référendum... Après tout,
c'est une option dont dépend l'avenir des Québécois et du
Canada anglais. Pour moi, cette question de 25 heures de débat, je peux
comprendre ça ici, pour les ministériels, comme M. Burns l'a
expliqué. Mais le public ne comprendra pas ça.
M. Charbonneau: Ce n'est pas ça la question. Le
Président (M. Laplante): A l'ordre! Mme Walsh: Pardon?
M. Charbonneau: Ce n'est pas ça. Vous vous trompez.
M. Roy: Je m'excuse.
M. Charbonneau: Je pense que le témoin...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Verchères, s'il vous plaît!
Mme Walsh: C'est important, parce que le public vote, chacun vote
pour élire un gouvernement, que ce soit minoritaire ou majoritaire.
Alors, le public a le droit de s'exprimer et de savoir ce que le gouvernement
veut faire; il veut comprendre quelles options on offre, s'il y a une option,
deux options ou trois options dans le premier tour. On veut savoir de quoi il
s'agit et il faut une consultation populaire partout pour que le public puisse
savoir où il va; sinon, ce n'est plus la démocratie, pour
moi.
M. Roy: Je comprends très bien vos inquiétudes et
c'est la raison pour laquelle je suis revenu sur une question de ce
genre-là. Il y a toute la question de la formulation de la question
comme telle et, dans notre processus parlementaire, il faut quand même
qu'il y ait une décision de prise quelque part. Dans notre processus
parlementaire, selon nos traditions, évidemment, ce sont les
députés de l'Assemblée nationale qui se prononcent en
définitive. Un débat de 25 heures a lieu à la Chambre,
c'est à peu près le même nombre d'heures que ce qui est
prévu lorsque le budget annuel est présenté devant
l'Assemblée nationale, comme lorsque, par exemple, il s'agit du discours
inaugural. Ce sont des nombres d'heures qui sont déterminés.
Mais vous insistez énormément, si j'ai bien compris, sur
le fait que cela devrait déborder le cadre de la députation
je ne sais pas si j'ai bien compris en ce sens qu'on puisse
permettre à la population de s'exprimer à la suite de ce
débat de 25 heures avant que la formulation ne soit définitive.
Je ne sais pas si j'ai bien compris vos craintes.
M. Fuyet: C'est cela.
M. Roy: La tenue d'une commission parlementaire spéciale
pour permettre aux groupes de se faire entendre, comme nous le faisons ce
matin, serait une formule que vous suggéreriez au gouvernement?
M. Fuyet: II est évident qu'ici nous débattons en
fait d'une loi-cadre sur l'ensemble des référendums, en pouvant
utiliser un exemple précis de référendum sur la question
nationale.
La commission parlementaire a lieu maintenant, mais il est certain que
lorsque le gouvernement aura des propositions de questions précises
à formuler ou l'Assemblée nationale et que peut-être
d'autres groupements tels que des groupements syndicaux, populaires ou des
partis politiques qui ne sont pas représentés à
l'Assemblée nationale voudraient eux aussi soumettre des formes de
consultation, des questions à suggérer... Il nous semble, en
effet, tout à fait opportun, à ce niveau-là, de consulter
la population parce que sinon, la population n'aura jamais été
consultée sur l'aspect spécifique du référendum sur
l'avenir politique, économique et social du Québec.
Donc, votre question, en effet, est extrêmement pertinente en ce
qui nous concerne et va dans le sens de ce que nous souhaitons. Evidemment, il
n'y aura jamais de solution miracle. Si notre Québec est divisé
profondément sur la question nationale, si aucune option n'arrive
à rallier le soutien d'une large majorité, le soutien
réel, il y a une situation dangereuse. Nous en sommes par-
faitement conscients, mais notre but est qu'au moins tous les
mécanismes, au moins tous les efforts, y compris de l'Opposition, y
compris des non-parlementaires, soient unis pour que cela se fasse de la
façon la plus démocratique possible.
Le Président (M. Laplante): Monsieur, je m'excuse, avant
de proposer l'ajournement des travaux, êtes-vous prêt à
revenir mardi pour continuer le débat?
M. le député de Vanier.
M. Roy: M. le Président, sur le point que vous soulevez,
en ce qui me concerne, je vais accepter de ne pas poser d'autres questions
parce que, quand même, s'il y en avait que pour cinq ou dix minutes...
Déplacer des gens, les faire venir devant la commission parlementaire;
je comprends que les gens peuvent démontrer une grande
disponibilité, mais il ne faudrait quand même pas en abuser. Je
n'ai pas d'objection que la commission parlementaire poursuive pendant cinq ou
dix minutes, s'il y avait quelques questions additionnelles à poser
là-dessus.
Le Président (M. Laplante): Je pose cette question parce
que je sais qu'auparavant, le consensus a été refusé pour
un temps additionnel. Je ne sais pas si les membres de cette commission veulent
se raviser aujourd'hui pour poser des questions additionnelles.
M. Bertrand: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Vanier.
M. Bertrand: ... je veux simplement vous dire que nous sommes
totalement d'accord, à condition que, si quelques-unes des personnes qui
ont des engagements à 13 heures doivent partir, on n'invoque pas un
problème de quorum, même s'il y a d'autres questions à
poser. D'accord?
M. Roy: D'accord. J'ai terminé, merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Montmagny-L' Islet.
M. Giasson: M. le Président, au nom de l'Opposition
officielle, je suis entièrement d'accord avec la proposition du
député de Beauce-Sud et je souscris également au
commentaire du député de Vanier. Si les gens doivent se retirer,
suite à des engagements antérieurs, nous pourrions continuer sans
faire appel au quorum.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Mégantic-Compton?
M. Grenier: Aucun problème, M. le Président, mes
questions sont également terminées et je pense que c'est un
élément de solution très valable que de permettre à
ces gens de terminer aujourd'hui leur exposé.
Le Président (M. Laplante): Merci à tous les
membres de leur coopération.
M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: M. Fuyet, je m'excuse, je ne suis pas certain d'avoir
compris le point de vue que vous avez formulé sur une question demandant
votre avis. Serait-il préférable, pour la tenue d'un
référendum sur la question constitutionnelle ou nationale,
d'avoir une loi spécifique que pourrait compléter une loi-cadre,
en vue d'autres genres de référendums qui pourraient faire
l'objet de différentes consultations, ou croyez-vous que les
Québécois, par le gouvernement, pourraient se permettre d'aller
à un référendum sur la question nationale, une loi-cadre
dès le départ?
M. Fuyet: Je n'ai peut-être pas été
suffisamment clair la première fois, mais je pense que ce qui est le
plus clair dans la question, c'est que notre parti ne s'est pas prononcé
sur cette question précise; en conséquence, au fond, vous me
demandez mon opinion personnelle, ce qui a une valeur assez relative. Mais, de
plus, la question elle-même n'est pas "répondable" si je
puis m'exprimer ainsi parce qu'il faudrait voir la nature de cette
loi-cadre. Dans quelle mesure cette loi-cadre permettrait-elle, par exemple,
des consultations populaires sur le libellé des questions? Quel
degré de spécificité la loi-cadre laisserait-elle à
chaque référendum particulier, par exemple? D'ailleurs, la
question que vous posez est abstraite et, en tant que tel, non seulement notre
parti ne s'est pas prononcé, mais il ne lui a pas paru opportun de se
prononcer à ce niveau des débats. Vous comprenez?
M. Giasson: Quelque part, dans votre mémoire vous indiquez
un désir de voir inclure ou ajouter à l'intérieur de la
loi la possibilité de permettre à un groupe de
pétitionnaires, un groupe d'électeurs, vous signalez le nombre de
5000, qui, ayant signé une pétition, pourrait se voir
accordé le droit d'inclure une question particulière dans le sens
de leurs désirs à l'intérieur d'un
référendum. Vous imaginez les conséquences, sur le plan
technique, que cela pourrait avoir sur la tenue d'un référendum,
surtout s'il s'agit d'une loi-cadre en vertu de laquelle on pourrait permettre
à des pétitionnaires de consulter la population sur une foule de
sujets! Vous allez même plus loin que cela. Vous dites par la suite: En
ce sens, le Parti communiste du Québec ne croit pas que les propositions
du livre blanc constituent un pas de plus dans le sens de la
démocratisation de nos institutions politiques. C'est là une
affirmation qui m'a surpris quelque peu et j'aimerais que vous précisiez
davantage cette déclaration en vertu de laquelle vous portez un jugement
sur la démocratisation des institutions politiques et le jugement semble
assez sévère. Est-ce que, pour vous, c'est un recul, le statu quo
de la démocratisation des institutions politiques que de ne pas
permettre une place très grande à des groupes de
pétitionnaires?
M. Fuyet: En ce qui concerne la première partie de la
question, M. le ministre Burns avait indiqué l'intérêt
qu'il avait lui-même porté à l'expérience
californienne où justement il est relativement facile aux populations de
prendre l'initiative d'un processus référendaire, y compris le
libellé des questions. Vous n'êtes pas sans savoir non plus qu'en
Suisse, par exemple, dans les cantons suisses, il est relativement facile
à la population de mettre en branle le processus
référendaire. Alors, si le chiffre de 5000 vous paraît
exagérément bas, là encore, je ne pense pas que le
débat soit sur des questions d'arithmétique, quoique, comme je
l'ai précisé tout à l'heure, il est illusoire de penser
que chaque individu a des opinions tellement farfelues. Une fois que vous
analysez un peu les choses, il y a des positions de classe qui émergent,
et elles ne seront pas si nombreuses que cela. Nous n'avons pas dit, à
proprement parler, que l'entreprise amorcée par le gouvernement
était un recul pour la démocratie. Ce que nous avons dit, c'est
que, tel que le livre blanc est constitué actuellement, il nous
apparaît en particulier pour un référendum qui, comme vous
le soulignez tout le temps, mais à juste titre, n'est pas n'importe
lequel, un référendum particulièrement important, celui
sur notre avenir, sur l'avenir de notre nation.
Il permettrait, tel qu'il est conçu actuellement, la
représentation gouvernementale d'une majorité relative de la
population, donc d'une minorité de la population, d'imposer une question
ou un jeu de questions qui déformeraient le sens même de la
consultation populaire et, par conséquent, ce ne serait plus une
façon, pour la nation canadienne-française et le peuple
québécois, d'exercer son droit fondamental à
l'autodétermination, y compris la sécession d'ailleurs, si
nécessaire.
C'est en ce sens que, loin de prendre une attitude fondamentalement
hostile et contradictoire, ce que nous voulons, ce sont des
améliorations des mécanismes, de façon que nous puissions
dire: Oui, ce référendum, ce mécanisme, c'est vraiment un
moyen pour le Québec de déterminer, en toute démocratie,
son avenir politique, économique et social.
M. Giasson: Dans l'hypothèse toujours de la tenue d'un
référendum sur la question nationale, avec un mécanisme
qui ferait que seulement deux groupes pourraient intervenir, auraient droit de
parole pour appuyer ou soutenir des thèses qui pourraient s'opposer,
est-ce que vous verriez là une violation des droits d'association, des
droits d'expression?
M. Fuyet: Très certainement.
M. Giasson: Cela vous apparaît nettement
évident.
M. Fuyet: Parce que deux groupes, dans le cadre de la Loi
électorale et du projet de loi sur le référendum,
ça veut dire deux options. Or, vous et moi savons très bien qu'il
y a, partagées non pas par 5000 personnes, mais par la population en
gé- néral, beaucoup plus de deux options. Par conséquent,
si vous les consultez sur deux questions seulement, alors qu'il y en a quatre
ou cinq qu'elles veulent poser, là, c'est clair, c'est
évident.
M. Giasson: M. le Président, j'ai terminé. Je
désire également remercier les intervenants que nous avons devant
nous. Il m'apparaît qu'ils apportent des opinions des plus valables dans
l'étude que nous faisons présentement et qui devra
déboucher sur une loi qui va prendre un caractère d'importance
primordiale pour les prochaines années au Québec.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Jeanne-Mance.
M. Laberge: Merci, M. le Président. M. Fuyet, en lisant
votre mémoire, il y a plusieurs questions que je me suis posé,
comme il semblait y avoir des contradictions à certains endroits ou des
inquiétudes de votre part que j'ai de la difficulté à
m'expliquer.
Par exemple, au tout début de votre mémoire, vous dites:
"II nous apparaît, en effet, que le gouvernement probablement
l'actuel conçoit les référendums d'une façon
qui lui permettrait d'imposer son option souverainiste". Je pense que vous avez
suffisamment élaboré là-dessus par la suite quand vous
avez dit que, si le gouvernement est responsable de la formulation de la
question et que lui seul en décide, à ce moment-là, cela
pourrait être une entorse à la démocratie.
D'autre part, les mémoires que nous avons entendus cette semaine,
spécialement le Barreau du Québec, insistaient pour que la
question ne soit pas décidée unilatéralement par le
gouvernement, c'est-à-dire par le parti au pouvoir, mais aussi, par la
Chambre, par l'Assemblée nationale. Ils insistaient avec assez de
persistance, si je peux dire, sur le fait qu'il n'y ait pas multiplicité
de questions pour ne pas embrouiller la population.
Entre votre position, soit que des groupes de 5000 personnes signent une
pétition et demandent qu'une formulation de la question de leur choix
soit incluse au référendum, et la position de plusieurs groupes
qui ne veulent qu'une question demandant une réponse par oui ou par non,
je vois une forte contradiction. Evidemment, ce n'est pas facile et cela
dépend du genre de référendum qu'il faut tenir. Ce sont
des choses qu'on doit débattre, puisqu'on débat du principe de la
loi-cadre sur les référendums.
L'idée du gouvernement actuellement, est loin d'être celle
que vous mentionniez, soit d'imposer son option souverainiste dans un
référendum. La preuve que nous la faisons, je crois... Au dernier
paragraphe de votre mémoire, vous dites: Le Parti communiste du
Québec souhaite que votre commission parlementaire recommande à
l'Assemblée nationale des amendements allant dans le sens de nos
propositions, etc. C'est justement ce que l'Assemblée nationale actuelle
et le gouvernement actuel font. Au-delà d'écouter la population
sur des amendements à apporter à la loi, ils
précèdent cette loi qui n'est pas encore écrite.
II y a des brouillons qui sont en cours de rédaction, mais on a
préféré faire appel à la population et à
tous ceux qui voulaient se faire entendre pour qu'ils nous fassent des
suggestions sur le genre de référendum qu'on devrait tenir au
Québec, non pas seulement sur une question (évidemment, tout le
monde envisage une question particulière qui fera l'objet d'un
référendum un jour ou l'autre) mais sur les différents
référendums qui pourraient être tenus pour justement
agrandir la démocratie au Québec. On n'a pas attendu d'avoir une
loi et de dire: Etes-vous d'accord ou non avec cette loi? Loin de nous aussi de
dire: Même si vous n'étiez pas tout à fait d'accord, comme
on a la majorité en Chambre, on l'adoptera quand même. C'est sur
cela que je veux insister surtout. On a tenu à entendre tous les groupes
et ensuite faire le partage, le départage de toutes ces positions, si
vous voulez.
Votre mémoire a été rédigé avec
beaucoup de sérieux, je vous en félicite. Evidemment, il met
certaines choses en contradiction comme une chose sur laquelle je vais vous
poser à nouveau une question. La question unique, avec un oui ou un non,
et un ensemble de questions qui risqueraient, à mon point de vue
personnel, d'embrouiller la population et d'obliger à déclencher
deux ou trois référendums. Où voyez-vous la ligne de
partage?
M. Fuyet: II est évident que lorsque nous disions que le
gouvernement conçoit, etc., cela veut dire, au stade actuel des choses,
tel que nous pouvons en prendre connaissance par le livre blanc. Cela ne
préjuge pas et nous souhaitons, en effet, vivement, que cette ouverture
d'esprit que vous démontrez en écoutant les groupes les plus
divers, y compris un parti de la classe ouvrière comme le nôtre,
ne soit pas sans conséquences.
Je dois dire que les avocats qui se soucient de clarté de
questions n'ont pas toujours eux-mêmes le même souci de
clarté dans leurs discussions juridiques. Cette remarque ici n'est pas
un hasard. Le Barreau n'est pas l'endroit du monde le plus démocratique
et il me semble qu'il y a une certaine arrogance à penser que le peuple
du Québec et les travailleurs du Québec ne seront pas capables de
comprendre une question qui correspond à leurs propres aspirations. Ici,
la clarté, ce n'est pas de faire du simplisme avec des questions
extrêmement simples, la clarté, c'est de refléter
correctement les différents courants de pensée qui existent dans
notre peuple et dans notre nation. Voilà la clarté.
Le Président (M. Laplante): Eh bien! Excusez-moi.
M. Laberge: Me laissez-vous le temps de poser une autre
question?
Le Président (M. Laplante): D'accord, monsieur.
M. Laberge: Je vais essayer d'être très court.
Evidemment, nous aurons à peser tous ces points. Un petit détail,
en passant, quand vous parliez des 25 heures de débat, je voudrais vous
faire remarquer que cela représente quand même, même si la
population ne s'exprimait pas en Chambre, en général, quatre
semaines de débats, pour les députés. Ce n'est pas 25
heures ou 24 heures d'une journée, plus une heure le lendemain matin.
Généralement...
M. Fuyet: Permettez-moi de vous poser une question. Comme vous le
savez, le mouvement syndical, entres autres la CSN, ne s'est prononcé
pour aucun parti politique existant. Si vous aviez même 50 heures de
débats en Chambre, comment cela permettra-t-il au mouvement syndical de
s'exprimer sur le libellé de la question?
M. Laberge: Les députés en Chambre sont très
sensibilisés aux journaux, les lisent tous les jours et veulent
tâter le pouls de la population au fur et à mesure. Je pense
qu'à ce point de vue, ils essaient le mieux possible de
représenter leur milieu. Je vois un mois de débats en Chambre sur
la formulation d'une ou des questions. Cela représente
déjà un certain temps. On nous a dit dans un autre
mémoire: Si vous prenez trop de temps pendant que dure le débat,
admettons qu'il est déjà en cours depuis 1969 ou peut-être
même avant, il est déjà vaguement en cours dans la
population, si on prenait des mois et des mois à discuter de la
formulation d'une question, on risque fort de démobiliser la population
et de se retrouver à un référendum en particulier, avec un
taux d'absentéisme qui pourrait être désastreux. C'est ce
que vous nous reprochez de dire, que le gouvernement pourrait se contenter,
selon votre mémoire ce n'est pas encore déterminé
de 51% des voix exprimées. Si le pourcentage des voix
exprimées était faible, cela ne représenterait pas le
sentiment de la population. C'est là que ce serait contradictoire
d'éterniser un débat sur huit ou dix mois et, après cela,
de demander aux gens d'aller voter alors qu'ils seraient complètement
démobilisés. C'est un commentaire que je vous ai fait. Vous avez
aussi parlé des comités, mais il est de tradition que vous
êtes un peu contre les puissances d'argent qui peuvent contrôler ou
manipuler l'opinion publique. Etes-vous d'accord quand même sur le
contrôle des dépenses, soit électorales ou dans un
référendum? Et comment, autrement que par des comités
précis pour contrôler les dépenses voyez-vous qu'on
pourrait y arriver?
Mme Walsh: A la première question: celle des 25 heures.
Pour vous, vous trouvez que c'est beaucoup, 25 heures, pour décider de
l'avenir du Canada, ou 25 heures de débat sur des options.
M. Laberge: Non, je voudrais bien préciser. Mme Walsh:
Bon!
M. Laberge: 25 heures de débat, c'est sur une
question.
Mme Walsh: Sur une question.
M. Laberge: Ce sera peut-être 45, 50 ou 60 jours plus tard,
au moment où il y aura campagne référendaire, quand la
question sera décidée, que l'information continuera d'être
lancée à flot sur la population, que là, un jour X ou le
jour J, si vous voulez, les gens se prononceront et toute la population aura
à se prononcer à ce moment-là. Donc, les 25 heures de
débat, ce n'est que pour déterminer un élément du
référendum; la campagne référendaire, avec les
cadres les plus précis possible, se déroule peut-être
pendant 60 jours ensuite et il y a une journée où les gens
prennent une décision; là, ils sont absolument libres. S'ils ne
sont pas satisfaits ou de la formulation de la question ou des explications qui
leur ont été données au cours de la campagne
référendaire, il nous le font savoir par l'indication de leur
vote.
Mme Walsh: La deuxième question: la question
financière. Premièrement, il faudrait que vous vous adressiez aux
grands monopoles, aux grandes compagnies de finance pour aider à
financer ce référendum. Je pense que c'est la première
chose que vous devez faire, parce que vous avez parlé de questions de
finances, à savoir comment on va financer le référendum.
Alors, les compagnies qui font des millions et des millions de profit doivent
être appelées à contribuer beaucoup plus que les
travailleurs.
M. Vaugeois: Ce n'est pas possible.
M. Laberge: Non, mais c'est justement par la Loi 2 qu'on a
adoptée, sur le contrôle des finances des partis politiques et du
processus électoral; on interdit aux compagnies, c'est-à-dire aux
personnes morales, de contribuer, de façon que ce soient les individus
ayant droit de vote et étant appelés à se prononcer qui,
seuls, aient le droit de contribuer.
M. Fuyet: Oui, mais si vous me permettez...
M. Laberge: Est-ce que vous êtes pour ou contre le
contrôle des dépenses électorales?
M. Fuyet: J'y viens, si vous me le permettez. Ce que Jeannette
Walsh disait me paraît extrêmement pertinent. Notre parti, comme le
mouvement syndical d'ailleurs, a fortement déploré que la loi 2
mette sur le même pied les organisations patronales et les monopoles et
nos organisations syndicales, et ne fasse pas allusion à un individu
on croirait entendre Jean-Jacques-Rousseau, au XVIIIe siècle
un individu sans pensée, une sorte de petit bourgeois
attaché, non organisé en groupe.
Ce que Jeannette Walsh disait, à mon avis, et d'une façon
extrêmement pertinente, c'est qu'on taxe plus, tout simplement, et rien
d'autre, qu'on taxe plus les profits des gros monopoles. Qu'on n'aille pas leur
demander, à New York, d'investir encore plus au Québec qu'ils ne
le font maintenant. J'ai eu le plaisir d'entendre en Chambre, ce matin, des
ministériels se vanter du fait que General Motor et Alcan continuent
à investir encore et encore plus pour créer encore plus de
chômage chez nous, sans doute; comprenez-vous? C'est cela que je voulais
dire. Faisons une lutte. Prenons l'argent là où il est; gardons
le contrôle de cet ar- gent; ce n'est pas à eux à acheter
le truc. C'est ça que nous disions.
Alors, le contrôle de la façon dont les gros monopoles et
les gros capitalistes utilisent leur argent dans les campagnes
électorales, certain! D'ailleurs qu'on leur prenne plus d'argent pour
l'utiliser, nous, certain! Mais, imposer des limites telles que, par exemple:
Un travailleur ne pourra pas contribuer plus de tant de centaines de dollars
par an et en plus, la liste sera accessible au patron!
Imaginez les ouvriers qui contribuent à notre parti comme ils
seront contents de voir que leur patron peut aller regarder les listes du
directeur général des élections. Savez-vous que c'est une
source de chasse aux sorcières, Monsieur?
Le Président (M. Laplante): Madame, messieurs, avez-vous
une question additionnelle? Très courte. Le temps de 22 minutes est
écoulé actuellement.
M. Vaugeois: C'est une question qui paraîtra
peut-être un peu malicieuse, mais elle est quand même
intéressée. Vous avez fait allusion, dans certains de vos propos,
à des formes de consultations populaires qui peuvent se tenir en
régime communiste. Vous faites un bon plaidoyer au nom du principe de
l'autodétermination des peuples, en tout cas du nôtre, et vous
faites, également constamment référence à des
principes démocratiques, ce que j'apprécie beaucoup.
J'aimerais que vous puissiez nous fournir comme documentation et
si vous voulez me l'adresser, je serai très heureux d'en prendre
connaissance des expériences d'initiatives populaires ou de
consultations populaires qui pourraient nous inspirer et qui pourraient venir
de pays en régime communiste.
Toute expérience du genre vous en avez souligné
trop rapidement tout à l'heure m'intéresse vivement.
M. Fuyet: Bien que nous ne soyons pas particulièrement
habilités à cela, mais cela sera avec grand plaisir que nous
essaierons de vous fournir la communication sur des expériences des
consultations populaires, tant dans des pays capitalistes que des pays
socialistes.
M. Vaugeois: Si vous me permettez, M. le Président, dans
votre mémoire, vous avez fait référence à plusieurs
pays, mais aucun où ne prévaut un pays communiste. J'aimerais
cela, vous êtes quand même le Parti communiste du Québec,
que vous puissiez nous servir des exemples de pays qui vivent en régime
communiste.
Mme Walsh: Aucune objection. M. Vaugeois: Merci.
Le Président (M. Laplante): Madame et messieurs, au nom
des membres de cette commission, je vous remercie.
Pour mardi, l'organisme convoqué pour 10 h 30, à la salle
91-A, Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.
Les travaux sont ajournés jusqu'à mardi. 10 h 30.
(Fin de la séance à 13 h 26)