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Etude du livre blanc sur la consultation populaire au
Québec
(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, messieurs!
Il s'agit d'une nouvelle séance de la commission de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales. Les membres de la commission pour la présente
séance sont: M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M.
Brochu (Richmond), M. Burns (Maisonneuve), M. Gratton (Gatineau), M. Grenier
(Mégantic-Compton), M. Léger (Lafontaine) en remplacement de M.
Johnson (Anjou); M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lamontagne (Roberval)
remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Lavoie (Laval), M.
Lévesque (Taillon) remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M.
Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Martel (Richelieu), M. Morin
(Louis-Hébert), remplacé par M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes);
M. Morin (Sauvé), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson
(Rouyn-Noranda) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).
Le Barreau du Québec: Je cède la parole au
député de Laval.
Barreau du Québec (suite)
M. Lavoie: Merci, M. le Président. Je désirerais,
si c'était possible, obtenir de nos invités un peu
d'éclaircissements sur leur prise de position, au début de leur
mémoire, selon laquelle ils semblent d'accord sur une loi-cadre.
Deuxièmement, un peu plus loin, lorsque vous parlez de la motion
qui déclencherait un certain référendum, là, vous
parlez d'une loi véritable. Si je comprends bien, vous semblez accepter
l'idée d'une loi-cadre sur la consultation populaire, mais lorsqu'on
déciderait de procéder à une consultation sur un sujet
donné, vous aimeriez, en ajout à cette loi-cadre, une loi
spéciale pour un référendum en particulier. Je ne sais pas
si j'ai bien saisi.
M. Langlois (Raynold): Effectivement. Ce que nous
prévoyons par contre, c'est que le contenu ou les sujets que devrait
couvrir la loi spéciale seraient déjà prévus dans
la loi-cadre.
On dirait, par exemple, lorsque, à l'initiative du gouvernement,
on veut tenir un référendum, une loi spéciale devrait
être adoptée et elle devrait obligatoirement couvrir les sujets
suivants: la formulation de la question c'est un sujet qui est
évident et qu'on a identifié le taux de participation et
la majorité requise en est un autre, le délai à
l'intérieur duquel le référendum devrait être tenu,
une fois la loi adoptée et peut-être un certain nombre d'autres
modalités qui devraient être particulières à chaque
type de référendum.
M. Lavoie: Comme une participation qualifiée, une
majorité qualifiée qui pourrait varier dans un cas ou dans un
autre.
M. Langlois: C'est ce que j'ai dit quand j'ai dit le taux de
participation et la majorité requise.
M. Lavoie: Moi qui raisonne un peu en pragmatique, tenant pour
acquis... je ne sais pas si on aura à se prononcer annuellement ou
à tous les deux ans sur des décisions par ce moyen de
démocratie directe. Il ne faut quand même pas se faire
d'illusions, à ma connaissance, je me demande... Depuis dix ou 15 ans et
au-delà de 15 ans d'expérience parlementaire que j'ai eue, ici au
parlement, je me pose des questions ce matin à savoir combien de fois il
aurait été opportun, durant ces dernières années,
de recourir à la démocratie directe ou la Baie James,
peut-être. Mais savez-vous qu'on peut en parler de la
démocratie directe avec l'expérience des constitution-nalistes?
Il y a des exemples dans certains pays où, en apparence, ce moyen
référendaire est ce qui apparaît le système le plus
démocratique, mais il y a plusieurs exemples, on peut en donner en
France, on pourra en donner tout à l'heure, où justement le but
visé était complètement faussé, vous le savez, cela
a été reconnu. On peut donner l'exemple, en France, sous la
présidence d'un certain général, où on soumettait
à la population soit une constitution ou un problème de
régionalisation; il a été prouvé, par la suite, que
les gens qui étaient favorables à la question, lors de
l'opération référendaire, votaient contre, parce qu'ils
étaient contre le chef de l'Etat qui la proposait et vice versa. Des
gens qui étaient contre la question posée, mais, à cause
d'un état de panique et un chantage peut-être, si l'homme d'Etat
disait: Si vous ne l'acceptez pas je m'en vais chez nous à
Colombey-les-deux-Eglises. Tout en étant contre la position, ils
votaient "oui" à la question posée au
référendum.
Vous me donnez l'exemple de la Baie James, ne craignez-vous pas que par
ce moyen de démocratie directe, lorsqu'un sujet, comme la Baie James,
qui aurait pu possiblement dans les 1970 ou 1971, faire l'objet de prises de
position politiques et partisanes et qui auraient été possibles,
dans certains cas...
Prenez l'exemple je ne voudrais pas en faire de la politique
du Parti québécois qui s'opposait farouchement au projet
de la baie James et, à ce moment-là, proposait une autre formule,
de bonne foi; il n'y aurait pas eu de danger par ce moyen de démocratie
directe de fausser la question dans un débat archipartisan et
archipolitique qui aurait peut-être pu nous priver de ce grand projet qui
est aujourd'hui salué et considéré comme une des
réalisations de ces dernières années. Ceci pour vous dire
qu'il ne faut pas se faire d'illusion sur cette démocratie directe.
J'aimerais avoir l'opinion des constitutionnalistes. J'aimerais aussi savoir,
de la part de M. Brun, comment intégrer ce sys-
tème de démocratie directe dans notre tradition
parlementaire, dans notre régime de parlementarisme britannique, dans
notre régime de responsabilité ministérielle; c'est
certain que c'est possible, mais comment voyez-vous l'intégration de ce
système de démocratie directe?
Deuxièmement, est-ce que, d'après vous cela a
été abordé hier soir à un certain moment, je crois
que c'est par M. Langlois le gouvernement de qui vient l'initiative de
la question devrait s'engager à respecter l'opinion de la population,
surtout puisqu'on a établi tout à l'heure que la prise de
position ou la question posée devrait être des plus claires
possible, sans détour et sans équivoque? On va commencer par
cela, si vous voulez bien.
M. Brun: Sur la première question, la question de
l'intégration de la démocratie directe dans notre système
parlementaire de tradition britannique, je pense que cela fait partie aussi des
vérités que l'on perpétue constamment, l'affirmation
voulant qu'il y aurait une sorte d'incompatibilité entre ce
régime parlementaire et certains éléments de
démocratie directe. On invoque, à ce moment-là, la
souveraineté parlementaire et le caractère essentiellement
représentatif du régime. Pourquoi en est-il ainsi? C'est pour des
raisons essentiellement historiques, qui se sont un peu émoussées
avec les années et avec les siècles, je pense. Historiquement, ce
régime c'est ce qui a fait sa force à une certaine
époque et c'est peut-être sa force encore aujourd'hui a su
combiner des forces tout à fait divergentes, dans la mère patrie
anglaise, cela a été...
M. Lavoie: Au point de vue parlementaire, comme mère
patrie.
M. Brun: Oui. Le régime a su concilier les forces
politiques complètement divergentes d'une monarchie, d'un pouvoir
personnel monarchique, d'une part, et du pouvoir grandissant, de
l'autorité grandissante de la collectivité. Ceci s'est fait au
sein des institutions parlementaires, où l'adoption des décisions
les plus importantes, des décisions législatives, où
l'action législative devait se faire avec l'accord unanime et du
monarque et des députés, des gens représentant la
collectivité.
Chez nous, cela s'est fait un peu autrement, mais c'était un peu
le même débat, c'était le même problème; il y
avait un gouverneur avec ses adjoints, qui représentaient un
gouvernement métropolitain et, d'autre part, il y avait des
députés locaux qui représentaient davantage la
collectivité. Ceci a amené une consécration de la
souveraineté parlementaire dans un sens formel du terme: le Parlement,
seul, finalement, exprime la volonté de l'Etat. Mais ceci est une
explication essentiellement et uniquement je pense historique du
parlementarisme. Ce parlementarisme est maintenant devenu un moyen technique de
permettre à la collectivité de s'exprimer le mieux possible.
C'est uniquement cela. Il n'y a uniquement, derrière cela, comme source
de souveraineté, il n'y a plus que la collectivité.
Le régime parlementaire dont les éléments viennent
de ces origines historiques a probablement encore beaucoup de vertu, je suis
d'accord avec cela, personnellement, en ce sens que s'il ne permet
peut-être pas un équilibre parfait, il permet quand même
l'équilibre le moins mauvais entre l'efficacité gouvernementale
et les exigences de la démocratie ou de l'expression indirecte par voie
représentative de la collectivité. Mais, à partir du
moment où on situe ce régime parlementaire dans son contexte
contemporain, où il n'y a plus cette dualité à laquelle je
faisais allusion tout à l'heure, à partir du moment où il
n'y a plus aucunement cette dualité, à partir du moment où
il n'y a plus derrière ces institutions qu'une réalité
politique fondamentale, c'est-à-dire la souveraineté populaire,
la souveraineté de la collectivité, je pense qu'il n'y a plus
à ce moment d'opposition de principe, tout au moins, d'opposition de
principe quant à la philosophie de ce régime entre le jeu
parlementaire habituel, celui auquel on est habitué par l'entremise des
représentants, la représentativité, et certains
éléments de participation directe, certains
éléments de démocratie directe.
Il reste les aménagements concrets, pratiques et je ne pense pas
qu'il y ait de causes insurmontables.
Cela serait ma réponse à la question. Personnellement, je
ne suis pas d'accord qu'il y ait une opposition, une antinomie, une
incompatibilité profonde, entre ces deux éléments de droit
constitutionnel. C'est la première question.
La deuxième, c'est quoi donc? J'ai oublié de noter...
M. Lavoie: Le respect du gouvernement qui a l'initiative de la
question; est-ce qu'il devrait, en toute logique, respecter l'opinion
exprimée par la population?
M. Brun: Hier, dans la partie que j'ai exposée, je me suis
prononcé un peu là-dessus et ce sur quoi le comité s'est
bien montré d'accord, c'est, premièrement, que le
mécanisme référendaire pouvait être contraignant. A
ce moment-là, si on optait pour cela, on opterait pour une
réponse positive à votre question. Et le gouvernement et le
Parlement lui-même seraient obligés, seraient liés par
l'opinion de la majorité. Comme je le disais, ceci pourrait se faire de
deux façons, à un niveau moindre, en faisant de la consultation
une nécessité, avant de pouvoir légiférer sur une
question, peu importe le résultat, et ensuite, à un niveau plus
élevé, le Parlement étant lié par la
négative, en ce sens qu'il ne pourrait pas adopter une loi en sens
contraire de ce qu'aurait dit la collectivité.
C'est une option, c'est une possibilité et, à notre point
de vue, ceci est constitutionnellement possible. La seule chose qui ne serait
pas possible, c'est que le Parlement se décharge complètement de
l'activité législative.
Je ne reprends pas cela davantage, sauf si on me fait signe à ce
sujet. Si on optait, comme la proposition est faite jusqu'ici dans le livre
blanc, pour un référendum seulement consultatif, on se situe,
à ce moment-là, dans un cadre beaucoup
plus essentiellement politique que juridique et ceci peut
suggérer et c'est peut-être pourquoi on a senti le besoin
de parler de cette question qui apparaît théorique comme on
est à un niveau plus politique que juridique, donc moins susceptible de
contrôle, de contrôle exécutoire, on peut facilement passer
à la conséquence ou au corollaire suivant que, comme c'est
purement politique, comme cela n'a aucune force juridique, on peut laisser
faire... Qu'est-ce que c'est?
M. Burns: Elle va sauter.
M. Lavoie: Le gouvernement va sauter, attention. Tenez-vous bien.
Attachez vos ceintures!
M. Roy: Si ça ne saute pas, cela doit être du
sabotage.
M. Lavoie: II y a tellement d'incertitude que même le
gouvernement ne saute pas.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Brun: Dans l'hypothèse où on opte pour un
référendum qui est purement consultatif, on peut être
tenté, bien sûr, et c'est peut-être ce que nous
suggérait une phrase au troisième paragraphe de la page 7 du
livre blanc, de laisser faire ces précisions, des précisions
comme celles que vous venez de mentionner. Est-ce que le gouvernement et le
Parlement seront liés par cette consultation populaire?
A notre point de vue, même si on opte pour le
référendum consultatif, l'engagement devrait être
précisé par les autorités. Ma réponse est oui.
M. Lavoie: Une autre courte question. C'est Me Brun qui a
insisté, ainsi que Me Pinard et Me Langlois, sur la clarté de la
question pour qu'il n'y ait pas d'équivoque. Vous avez souhaité,
je ne sais pas lequel, qu'on déborde même... que la formulation de
l'objet de la question puisse obtenir un consensus qui déborde
même les partis politiques pour atteindre toutes les parties de la
population. Je sais bien que le mécanisme en vue d'obtenir ce consensus
sur une question qui devrait être la plus légitime possible, etc.
n'est pas facile à atteindre. Je pense qu'on a parlé de cela.
Est-ce que la question pourrait être formulée par un panel
ou par un groupe de sages, comme M. Burns l'appelait, ou d'experts en la
matière non issus de groupes politiques ou autres qui pourraient faire
cette consultation, étant un corps neutre, auprès des partis
politiques et de certains segments ou groupes de la population? Est-ce que cela
pourrait être une formule? Comment atteindre justement cette
légitimité de l'objet de la question?
M. Pinard: Je crois que cela recoupe un peu la distinction que
j'ai faite hier. Ma première réaction à cela, c'est en ce
qui concerne le contenu, l'objet même du référendum. En
tout cas, pour ce qui est de l'option vers laquelle on se dirige actuellement,
où il n'y a pas d'initiative populaire, je crois que cette formulation
devrait revenir au gouvernement.
Je verrais ce conseil de sages entrer en opération au moment de
la formulation de la question. Une fois l'option définie de façon
très claire, je le verrais c'est ma première
réaction, en tout cas au niveau de l'énoncé, du
libellé même de la question, de sorte qu'il n'y ait pas de...
Particulièrement, s'il devait y avoir des accords complets sur la
formule qu'il faut employer pour définir l'option retenue par le
gouvernement, cela pourrait être un recours ultime. L'initiative peut
même venir, si je comprends bien, de l'Assemblée nationale. Il
peut y avoir une majorité de l'Assemblée nationale dans un
référendum. Si on ne pouvait pas s'entendre sur le libellé
d'un objet quelconque, on pourrait recourir à un conseil de sages. C'est
ma première réaction.
L'idée fondamentale, c'est d'obtenir... Et plus le
référendum sera important dans ses conséquences, comme les
gens les jugeront, plus il est important qu'il y ait légitimité
du référendum c'est un conseil sage, entre
parenthèses non seulement sur le libellé, mais sur le sens
qu'il aura après coup. C'est très important qu'il y ait une
légitimité à cela. Un conseil de sages pourrait assurer
cela.
M. Lavoie: Oui...
M. Langlois: Si vous me permettez, puisqu'on exprime, en ce
moment, des opinions assez personnelles... Comme j'ai indiqué hier, le
Barreau ne s'est pas penché sur cette possibilité de proposer un
comité de sages. Premièrement, le choix des sages ou la
difficulté de trouver des gens susceptibles de répondre à
cette qualification d'être des sages va varier considérablement
selon la nature du référendum. Si nous sommes en matière
de référendum purement technique, disons que c'est plus ou moins
difficile, mais si vous avez un référendum je m'excuse
d'utiliser l'exemple qui engage l'avenir du Québec, donc, avec un
très fort contenu politique, c'est quant à moi presque impossible
de trouver des sages, à moins de les revêtir d'une immunité
comparable à l'immunité judiciaire. M. Pinard vient d'indiquer
que leur rôle serait, en fait, d'assurer que la justice soit
observée; en d'autres termes, le gouvernement ayant formulé ses
objets, l'Assemblée nationale ayant eu l'occasion de débattre ses
objets, il reste maintenant à trouver des gens qui vont s'assurer que
justice soit faite à la population qui devra se prononcer. Est-ce que ce
serait une Cour d'appel ou une Cour supérieure...
M. Lavoie: Ou un tribunal constitutionnel?
M. Langlois: ... ou un tribunal? Exactement.
M. Lavoie: Un conseil d'Etat ou quelque chose.
M. Langlois: C'est extrêmement complexe. Il faudrait
certainement protéger ces gens de la
même manière, d'une immunité comparable à
l'immunité judiciaire, si on veut s'assurer, d'une part, qu'ils puissent
agir en toute liberté et que non seulement leurs décisions soient
justes, mais qu'elles aient toutes les apparences et les garanties
auprès de la population, de l'indépendance et de la justice.
M. Lavoie: Une autre question, je reviens à ma
première. On voit d'un côté, une certaine loi-cadre qui
donnerait l'autorisation de consulter à l'occasion sur des sujets
techniques ou autres, sur des sujets de moindre ou de plus grande importance.
Par contre, vous rattachez à cela une loi spéciale à
l'occasion d'un référendum à cause des modalités
qui pourraient être différentes, à cause de l'importance de
la question. C'est une question constitutionnelle avec une question strictement
technique.
Prenons comme exemple on en a donné hier
l'euthanasie, ou l'avortement, ou la peine de mort ou quelque chose comme
ça, ne croyez-vous pas c'est mon opinion personnelle
encore une fois, il n'y a pas lieu, dans notre tradition et dans notre
système, d'avoir des référendums tous les ans et
même pas tous les deux ans, à moins que notre système
parlementaire et les traditions de parlementarisme deviennent hybrides ou
perdent la conception ou la tradition qui est établie depuis des
centaines d'années? Ne croyez-vous pas d'ailleurs, c'est la
position que nous prenons étant donné que les
modalités peuvent être différentes, la participation
exigée peut être différente, la majorité
exigée peut être différente, sur une question purement
technique, qu'on puisse se contenter d'une participation de 50%, qu'on puisse
se contenter de la majorité plus un? Disons que, pour d'autres
référendums, de portée constitutionnelle ou qui engagent
l'avenir d'un peuple, etc., on devrait exiger, sans doute, une participation
plus élevée et une majorité plus qualifiée. Ne
croyez-vous pas qu'au lieu d'avoir ces deux types de lois, loi-cadre et loi
spécifique, tout simplement et à cause, justement, de
l'expérience qu'on a connue au Québec... Moi, en quinze ou vingt
ans, je ne sais pas combien de fois on aurait eu l'occasion, à peine
peut-être deux ou trois occasions, au maximum, d'avoir recours à
la démocratie directe et, dans un esprit de pragmatisme, ne trouvez-vous
pas qu'il serait tout simplement... Et surtout qu'on parle actuellement d'un
certain référendum, je pense qu'il n'y a pas d'autre sujet dans
le milieu de la société québécoise. Je ne sais pas
quel autre me viendrait à l'esprit sur lequel on devrait consulter la
population assez dans l'immédiat, sauf la question constitutionnelle.
Moi, je n'en vois pas tellement d'autres.
M. Roy: II y en aurait un: sur l'assurance-automobile.
M. Lavoie: Oui... Encore là, il faut se poser des
questions: Est-ce qu'on peut consulter la population sur une dépense
d'argent si on ne va pas à l'encontre de la responsabilité,
justement, du lieutenant-gouverneur en conseil et des ministres qui, eux
seuls... Même un député n'a pas le droit de proposer une
dépense d'argent. Est-ce que la population aurait le droit... A moins de
changer notre système. Etant donné la complexité de
l'affaire... Hier, on en a parlé une partie de la soirée,
au-delà dune demi-heure, lors des questions de M. Burns. Justement, tout
le monde s'est dit que c'était archicomplexe. Ne serait-il pas plus
simple de procéder à la pièce, à l'occasion, comme
ça s'est fait en Angleterre et comme ça se fera en Angleterre? Je
ne sais pas, en France, il y a peut-être une loi-cadre, mais
procéder chaque fois qu'on a affaire à aller à la
population, ce n'est pas la fin du monde. Le Parlement siège tous les
ans. On adopte deux ou trois cents lois. Même si on adoptait, à
l'occasion, une loi spéciale pour un référendum en
particulier... Moi, justement, dans cet esprit pragmatique, je me demande
pourquoi il faudrait une loi-cadre et des lois spéciales à
l'occasion. Je ne sais pas quelle est votre opinion sur cela; cela me rentre
difficilement dans la tête d'allier les deux formules, loi-cadres et loi
spéciale.
M. Brun (Henri): Là, on s'est situé, nous aussi,
dans...
M. Lavoie: C'est une question d'opinion.
M. Brun: ... un contexte purement pragmatique, et il faut dire,
dès le départ, que, dès le début du mémoire,
on dit notre accord avec l'existence d'une loi-cadre, mais pour des raisons
également pragmatiques. Autant vous vous posez des questions, autant il
nous semblait que ça pouvait peut-être être utile d'avoir le
mécanisme là, prêt, dans son essence, sujet à faire
l'objet de quelques modalités. A savoir si on entendrait s'en servir
plus ou moins souvent...
Somme toute, est-ce que ce travail fait une fois, demeurerait largement
lettre morte? Ce serait ressorti à tous les ans ou à tous les
deux ans? Cela devient une question proprement politique sur laquelle il ne
nous semblait pas qu'on ait à se prononcer. Il nous semblait, en tout
cas, que cela ne pouvait peut-être pas nuire que d'avoir l'essentiel de
la structure, l'essentiel du cadre mis en place et pouvant être
utilisé, même si ce n'est pas tellement souvent.
M. Lavoie: C'est un exercice qui coûte quand même
entre $8 millions et $10 millions, je crois. C'est une élection.
M. Brun: Mais, de recommencer tout à zéro, ce
serait peut-être pire; recommencer comme vous le faites maintenant,
à partir du néant, ce serait peut-être encore infiniment
plus lourd à chaque fois.
M. Pinard: Ce qu'on a dit, dès le début de nos
délibérations, et la question que vous soulevez c'est de savoir
s'il est opportun, dans notre régime, d'avoir des
référendums ou de n'en pas avoir. On a décidé qu'on
ne savait pas s'il y avait,
au sein du Barreau, un consensus sur cette question. Dès le
début de nos délibérations, on a décidé de
ne pas se prononcer sur la question à savoir s'il est bon ou pas bon
d'avoir des référendums fréquents ou non fréquents,
avec droit d'initiative de qui ou de quoi; on a décidé de ne pas
se prononcer là-dessus.
M. Langlois: J'aimerais ajouter, si vous me le permettez, pour
éviter une ambiguïté... Quand on a choisi l'option de
recommander qu'il y ait une loi spéciale au moment de la formulation ou
de l'initiative, c'était simplement, comme je le disais hier, pour
s'assurer qu'il y ait un maximum de délibérations au niveau de
l'Assemblée nationale sur l'objet et le libellé du
référendum; c'était aussi parce qu'on croyait que, comme
il n'était pas de l'essence d'une résolution qu'elle soit soumise
à une commission parlementaire où des témoins de
l'extérieur de l'Assemblée nationale viennent exprimer leur point
de vue sur des sujets controversés et que dans le cas d'une loi
c'était de l'essence de la procédure qu'une commission
parlementaire puisse être convoquée, on s'est dit à ce
moment, pourquoi pas une loi spéciale?
Mais en ce qui a trait aux modalités, que vous optiez pour une
résolution ou une loi, il y aura toujours des modalités
particulières à un référendum, à partir du
moment où vous avez une loi organique. Pourquoi une loi organique? C'est
qu'on croit sincèrement qu'il y a un ensemble de règles
fondamentales, de mécanismes, de structures à mettre en place, de
fonctionnaires crédibles à avoir, de règles de
financement, etc., qui doivent être décidés en soi, qui
doivent exister comme la loi électorale.
A titre personnel je vous proposerais de vous poser la question
suivante: je le dis à titre personnel Lorsque vient le
temps de débattre, à l'Assemblée nationale, l'objet du
référendum, est-il réellement utile et souhaitable qu'on
ait également à s'interroger et à se préoccuper de
tous les mécanismes? Les mécanismes sont très importants,
mais ils peuvent se décider en soi; la formulation et l'objet sont un
autre problème, tout ce dont on doit s'assurer c'est qu'au moment
où on établit les mécanismes, au moment où on
adopte la loi-cadre, qu'elle puisse rencontrer les scénarios les plus
complexes. C'est dans cette optique qu'on a travaillé et c'est dans
cette optique que notre mémoire est présenté; mais si vous
arrivez avec trop "d'issues" au moment où vous êtes en train de
décider de la grande question du référendum, vous risquez
de vous perdre dans les détails et il peut arriver que, comme quand on
court deux lièvres, on les perde tous les deux, c'est cela qui est
dangereux. Ce que je viens de dire est personnel.
M. Gratton: Avec la permission du député de Laval,
sur le projet spécifique, ce qui m'empêcherait de revenir
après, je voudrais qu'on précise la position du Barreau parce que
Me Langlois est en train...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Brochu: Je m'excuse auprès de mon collègue de
Gatineau mais, habituellement on procède par les oppositions, avec un
premier tour de table et ensuite on peut revenir sur d'autres questions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Effectivement, c'est l'habitude.
M. Brochu: Alors, sans vouloir brimer le droit de parole de mon
collègue de Gatineau, je lui demanderais peut-être de respecter
cette coutume qui veut que l'on passe à des séries de questions,
par parti, quitte ensuite à revenir aux différents
députés qui auront des questions.
M. Gratton: Si c'est le cas, M. le Président, je vous
demanderais de garder mon nom inscrit. Ce sera peut-être plus long.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord.
M. Lavoie: Une dernière question; justement, je me pose
des questions sur ce recours assez fréquent au référendum
et même sur la légitimité, sur les fins qu'on veut
atteindre, l'hypothèse qui pourrait arriver. C'est le doute que
j'entretiens peut-être sur des référendums où il est
tout à fait... A cause de l'expérience qu'on a connue à
l'étranger, il est très aisé de détourner la
question à cause des têtes d'affiche, et on peut avoir
l'hypothèse actuellement qu'à cause de nos deux niveaux de
gouvernement, il pourrait y avoir un référendum tenu au
Québec et que cela se jouerait sur la tête d'une tête
d'affiche, c'est le cas de le dire, le premier ministre du Québec.
Il pourrait être majoritaire, mais au même moment il
pourrait y avoir un autre référendum semblable qui se jouerait
sur une autre tête d'affiche, qui pourrait être le premier ministre
du Canada. A la suite de deux référendums assez
rapprochés, on pourrait avoir des résultats qui s'opposeraient.
C'est le doute que j'entretiens sur la valeur de ce système de
démocratie directe.
Une dernière question, que je vais poser à Me Langlois.
Personne n'a de solution, le ministre n'en a pas, je n'en ai pas, vous n'en
avez pas, sur le contrôle des dépenses ou l'influence de l'argent.
Je sais que mon collègue, le député de
Notre-Dame-de-Grâce, va expliciter un peu plus tard cette question. Si on
attache vraiment une importance énorme à cette influence de
l'argent, je crois que c'est avoir une opinion un peu diminuée de
l'intelligence de la population que de penser qu'elle serait influencée
uniquement par le tapage publicitaire ou par la somme d'argent qu'on y aurait
investie. D'ailleurs, l'Angleterre, qui a une très longue tradition, n'a
pas jugé même à propos de limiter, elle n'a pas
trouvé de formule.
En Angleterre, on a dit: Ce n'est pas applicable, c'est impossible de le
contrôler. C'est bien beau de rechercher la vertu au maximum, mais il ne
faudrait pas que l'Etat devienne le grand pater familias, que s'instaure un
paternalisme qui, en voulant contrôler la vertu, crée davantage de
vices et de défectuosités au système démocratique.
Il
est vrai que, d'un côté, il peut y avoir plus
d'investissement pour une option que pour une autre mais, et vous le
mentionnez, Me Langlois, il y a d'autres influences que l'argent. Il y a la
participation de groupes de militants, la contribution humaine ou autres.
La question que je vous pose, qui n'a pas été
abordée, c'est: Est-ce qu'on peut évaluer, en l'occurrence
je donne comme exemple, M. le Président, un certain
référendum qui peut arriver l'importance et le poids dans
la balance lorsqu'un gouvernement, qui a en main l'appareil de l'Etat et un
budget de $12 milliards... Est-ce que cela n'exerce pas une influence
également lorsque ce gouvernement déclare, justement dans son
administration, et on le ressent d'ailleurs, cela a été
déclaré dans les journaux par le gouvernement actuel
lorsqu'il met en marche tout l'appareil de l'Etat pour défendre et pour
convaincre la population d'une certaine option lors d'un certain
référendum? Est-ce que cela peut être une influence qui,
d'après vous, ne contre-balance pas les sommes d'argent investies par
certains groupes qui défendent une autre option que celle du
gouvernement?
M. Langlois: Vous me permettrez de passer la réponse au
spécialiste, M. Maurice Pinard.
M. Pinard: Je dis que l'importance des ressources, de toutes les
ressources, y inclus les ressources humaines, les ressources financières
de tous ordres, dans un référendum, l'impact de ces ressources
sur le résultat d'un scrutin ou d'un référendum est
inversement proportionnel à l'intensité des sentiments des gens
sur la question.
Pour être plus précis, si l'objet du
référendum est une question sur laquelle les gens
éprouvent des sentiments très intenses et s'il semble, selon eux,
à raison ou à tort, que des intérêts personnels,
politiques, des idéologies très importantes sont
impliquées, plus cela sera prononcé, moins l'argent, moins la
propagande, moins le travail des militants, moins l'organisation n'aura
d'effet.
Un cas concret qui illustre bien, je crois, ce que nous avons dit, c'est
le cas du référendum britannique. La disproportion dans les
sommes, si je suis bien renseigné, dépensées a vraiment
été colossale, dix contre un, dix fois- plus d'argent du
côté des gens qui étaient pour le maintien de l'Angleterre
dans le Marché commun que de l'autre.
Il reste que les sondages, depuis le mois de février, je crois,
jusqu'au jour du scrutin, n'ont, à toutes fins pratiques, pas
varié malgré ces dépenses complètement
disproportionnées. Il y a eu énormément de variations dans
l'opinion publique anglaise au sujet de l'appartenance de l'Angleterre au
Marché commun, jusqu'au moment où le gouvernement britannique a
renégocié une formule de participation au Marché commun;
au moment où cela a été reformulé,
renégocié, au moment où l'objet du
référendum est devenu clair; à ce moment-là, les
opinions ont été figées et n'ont pas bougé dans la
campagne.
Je dis donc, à ce moment-là c'est une opi- nion
personnelle, on n'a pas eu un consensus complet à ce sujet dans notre
comité que les dangers en ce qui concerne le contrôle,
l'égalité dans les ressources et tout ça, doivent
être quand même mesurés de façon très relative
comparativement aux principes de liberté d'association et de
liberté d'expression qui m'apparaissent fondamentaux.
Pour donner un autre exemple, on aime que je donne d'autres exemples, si
c'était un référendum sur la fluoration de l'eau, je crois
qu'on pourrait, avec des ressources colossales, et même là je n'en
suis pas sûr, mais probablement, faire bouger la population, s'il y avait
disproportion totale des ressources. Plus on s'approche de quelque chose... Et
le Marché commun, remarquez bien, d'après les sondages et les
études faits en Angleterre, même dans ce cas-là, ce n'est
pas un sujet où il y avait une intensité de sentiment, et
malgré ça, les sommes n'ont pas fait bouger les gens à
partir du mois de février.
M. Lavoie: Le battage de publicité n'a pas eu d'influence
sur le résultat, d'après vous, en Angleterre?
M. Pinard: Pas à partir du moment où les options
ont été claires, figées, à partir du mois de
février, si ma mémoire est bonne.
M. Lavoie: Une dernière question à Me Langlois, qui
est un avocat de pratique. Il est assez facile, en vertu de la loi 2, de
contrôler les dépenses électorales à l'occasion
d'une élection; un député est limité à une
certaine dépense, doit produire des pièces, etc., et il y a
sanction, le député peut perdre son droit de siéger, il y
a la disqualification et tout, mais comment pouvez-vous, dans une loi
référendaire, établir des sanctions surtout dans notre
monde d'échange de communications, soit par les frontières
américaine, ontarienne, du Nouveau-Brunswick ou une autre, sur une
question idéologique, constitutionnelle, ou une autre? Quelles sont les
sanctions, et comment appliquer une loi qui voudrait mettre des limites
à des dépenses par des groupes qui désirent participer
à l'opération référendaire? S'il n'y a pas de
sanction, un député peut être disqualifié, mais,
dans un cas référendaire, si la publicité vient des canaux
américains ou des autres provinces, comment, au point de vue pratique,
peut-on agir? Vous dites, mutatis mutandis, la loi 2, mais j'aimerais bien que
vous explicitiez l'expression "mutatis mutandis".
M. Langlois: Le problème que vous posez n'est pas exclusif
à une campagne référendaire. Si l'ensemble des postes
émetteurs de télévision dans la région au sud de
Montréal décidait de se joindre à une option politique et
de "beamer", si vous me permettez l'expression, leur programmation sur le
Québec, qu'est-ce que vous voulez y faire? Même là, il y
aurait peut-être, si c'est une loi à caractère
pénal, moyen d'aller les rejoindre aux Etats-Unis, mais j'en douterais
fort. Il y a des problèmes de droit international public qui se
posent,
qui sont assez intéressants, mais le problème que vous
soulevez, j'ai passé brièvement dessus hier, ça
dépend quelle est votre conception du véhicule des options dans
le cadre d'une campagne référendaire.
Dans le cadre d'une élection, les véhicules de
transmission de la pensée politique ou des options politiques, ce sont
fondamentalement les candidats officiels et aussi les partis reconnus
officiellement depuis un certain nombre d'années et qui le sont
maintenant encore de façon plus officielle dans la loi no 2.
Ce que le livre blanc semble proposer, c'est là-dessus qu'on
s'interroge, on ne dit pas non, on ne dit pas oui, mais on exprime de
très sérieuses réserves, on dit que, dans le cadre d'une
campagne référendaire, le député, à un
degré moindre, mais le parti politique n'est plus du tout le
véhicule d'expression des options, ce sont ces nouvelles organisations,
ces nouveaux mécanismes que le livre blanc propose à titre de
suggestion et qui deviennent le véhicule privilégié
collectif, si vous voulez, pour véhiculer des options.
C'est cela que nous remettons grandement en question, surtout dans le
cadre d'un référendum où l'initiative est
réservée au gouvernement. Si vous avez un
référendum populaire, peut-être qu'il faudrait
prévoir une association ou un regroupement des options qui soit
totalement différent, parce que c'est imposé par
l'extérieur. Ce n'est plus imposé par le gouvernement responsable
qui, lui, est issu fondamentalement d'un parti politique.
Je m'excuse de ne pas pouvoir être plus précis que cela
dans ma réponse, parce qu'effectivement, on n'a pas cherché
d'alternative, parce qu'on n'a pas eu le temps de le faire et ensuite, il nous
semble que nous ne sommes peut-être pas les mieux placés, dans le
cadre des expertises, pour vous aviser là-dessus.
Je vous soulignais que, dans la loi no 2, il y avait une commission
consultative qui avait été formée. Je ne sais pas si, dans
le cadre de cette loi, cette commission aurait le pouvoir ou la juridiction de
se pencher là-dessus, mais il me semble que c'est peut-être le
genre de commission qui devrait étudier la question, quitte à
s'adjoindre des spécialistes en matière de consultation
populaire, etc., et, une fois que ces gens auraient arrêté les
différentes techniques possibles pour atteindre l'objectif d'un
référendum, le Barreau pourrait dire: Ecoutez, dans telle ou
telle technique que vous nous proposez, il y a tel ou tel problème, ou
cela entre en conflit avec tel droit fondamental.
Mais, à ce moment-ci, le livre blanc ne propose qu'une formule.
On en connaît une autre qui est celle applicable en matière
électorale et on dit tout simplement qu'on n'est pas convaincus que la
nouvelle formule ou celle proposée dans le livre blanc soit la seule, et
qu'elle fasse le poids contre cette espèce d'empiétement sur des
droits fondamentaux qui sont la liberté d'association et
d'expression.
M. Lavoie: J'ai terminé.
M. Brun: J'aimerais glisser un mot là-dessus.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M.
Brun.
M. Brun: Particulièrement sur la question qui porte sur la
mise en oeuvre de la loi, ou la possibilité qu'elle ne soit pas
applicable dans une certaine mesure. Je pense que c'est dans une certaine
mesure seulement. Elle peut avoir son effet de façon indirecte dans
certains cas, mais d'une façon quand même efficace, par certaines
règles comme celles qui sont proposées.
Il peut arriver, dans le cas de certains référendums,
qu'il y ait, plus que dans d'autres référendums, des
intérêts extérieurs au Québec qui soient
intéressés dans la question. Mais du seul fait que ces
intérêts soient obligés de s'exprimer à partir de
bases extérieures au Québec, déjà, l'objectif est
atteint d'une certaine façon. Les participants, les intervenants, sont
mieux identifiés. Ils sont empêchés d'agir simplement en
subventionnant massivement une option et ceci peut concerner aussi des gens de
l'intérieur du Québec, s'ils sont obligés, pour atteindre
leur but, d'aller s'exprimer par l'entremise de postes de radio situés
en dehors des frontières. D'accord, la loi ne serait peut-être pas
sanctionnable à ce moment-là, mais ils se sont un peu
démasqués eux-mêmes. Ils vont hésiter avant de faire
cela. Peut-être que la loi va avoir son effet d'une façon
indirecte, à ce moment-là.
L'autre question que vous posiez tout à l'heure, vis-à-vis
du gouvernement en place, vis-à-vis d'un référendum, je
sais que cela ne couvre certainement pas tout ce à quoi vous pensez,
avec raison, mais il ne faudrait peut-être pas oublier, dans la loi, de
mentionner que cette loi lie le gouvernement. Cela pourrait être fort
utile, sachant que, normalement, une loi ne lie pas le gouvernement, à
moins que ce ne soit mentionné. Il ne faudrait peut-être pas
oublier de le faire, effectivement. Mais je sais bien que cela ne couvre pas
tout ce à quoi vous faisiez allusion à ce chapitre.
M. Lavoie: II ne faut pas oublier qu'en Angleterre, il y avait
ces deux camps pour le oui et le non. Ces camps étaient admissibles
à une aide minime de l'Etat, mais tous les autres organismes et
même les partis politiques et tous les autres, ou même le Barreau,
qui voudraient participer à une campagne référendaire,
comme vous l'aviez annoncé, Me Filion, vous vouliez vous impliquer dans
une question référendaire, tous les autres groupes, en
Angleterre, avaient une liberté totale d'expression, d'opinion,
d'association, en dehors de ces deux camps. Il ne faut pas oublier qu'il y a
des droits fondamentaux qu'il faut respecter.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Merci, M. le Président. Je veux vous remercier
au nom de l'Union Nationale pour la présentation de votre mémoire
vraiment à point. Je pense qu'on devait s'attendre de votre part
à avoir un mémoire aussi précis et traitant des questions,
en tout cas de la majeure partie des questions importantes qui concernent le
référendum. Je voudrais vous en remercier.
Vous avez manifesté, à la page 1, je crois, dans les
réponses que vous avez fournies à certaines personnes qui vous
ont interrogés, que vous n'aviez pas l'assentiment du Barreau sur le
dernier paragraphe, à savoir sur la question d'une loi-cadre ou d'une
loi spécifique. Est-ce que c'est sur cette question que vous avez
mentionné que vous n'aviez pas consulté largement le Barreau?
M. Burns: C'est sur ce qui fait l'objet du premier paragraphe,
à savoir s'il est souhaitable d'avoir des référendums au
Québec.
M. Grenier: Ah bon!
M. Brun: On a tenu cela pour acquis. On a jugé que la
question était essentiellement politique et que, pour parler au nom du
Barreau, il aurait fallu avoir une vue beaucoup plus claire de l'opinion
dominante dans le Barreau. On a tenu pour acquis, mais sans que ce soit une
prise de position en aucune façon, le oui et, dans un deuxième
temps seulement, partant de là, on dit notre accord pour les raisons
pratiques exprimées tout à l'heure avec l'adoption d'abord d'une
loi-cadre. Il faut distinguer les deux.
M. Grenier: Vous le manifestez à ce paragraphe de la page
1. Vous avez défendu avec passablement d'appoint une loi-cadre. Je ne
vous cache pas que vous rejoignez là la position de l'Union Nationale,
une loi-cadre que devrait se donner la province. Pensez-vous que cette loi
pourrait servir à d'autres fins, à d'autres paliers, par exemple,
je pense à des conseils municipaux, à des conseils de
comté, en tout cas, servir de modèle à des gens qui n'ont
peut-être pas le moyen de s'en payer?
M. Brun: Je vous avoue qu'on n'a pas réfléchi
particulièrement à cette question. Il y a déjà des
mécanismes prévus dans des lois-cadres, les lois municipales, par
exemple. Pourquoi ce cadre-ci devrait-il remplacer d'autres cadres? Je ne sais
pas. Il serait probablement mal adapté dans une assez large mesure
aussi. Il y a peut-être certains éléments, certains grands
principes qui pourraient aussi inspirer des modifications à d'autres
lois, des lois municipales, par exemple.
M. Grenier: C'est parce qu'on a souvent cette demande de la part
de municipalités moins considérables et, comme dans toute autre
chose d'ailleurs, on aimerait se baser souvent sur des directives et des lois
qui sont celles du gouvernement. On voit qu'on les copie, parfois assez
fidèlement. La loi des référendums, au niveau des
municipalités, est loin d'être complète, comme vous le
savez, et loin d'être parfaite. On se heurte à passablement de
difficultés. On me demandait, dans plusieurs municipalités, si
cette loi pourrait rendre service à des municipalités. C'est
comme cela qu'on trouve qu'une loi-cadre est essentielle, qu'il est essentiel
pour le gouvernement de se donner une telle loi-cadre, je pense.
M. Langlois: A première vue, il y aurait peut- être
lieu de souhaiter une uniformisation des lois référendaires,
mais, d'autre part, comme dans la même mesure où la loi
électorale du Québec ne s'applique pas aux élections
municipales, parce que c'est totalement différent, il y aurait
peut-être lieu d'avoir une loi référendaire en
matière municipale, mais, à titre strictement personnel,
j'aimerais bien voir une proposition là-dessus avant d'exprimer quelque
opinion, parce que le type de référendum qui a lieu au niveau
municipal, c'est extrêmement technique, extrêmement limité,
ce peut même être par quartier. Il y a des cas où on juge
qu'il n'est pas à propos de mettre en branle toute la consultation sur
tout le territoire de la communauté. Il y a tout le problème
aussi des regroupements régionaux.
Est-ce qu'une Loi sur les référendums municipaux devrait
couvrir également les supramunicipalités? C'est vraiment un
débat totalement différent. Quant à moi, je ne vous
recommanderais pas de vous embarquer là-dedans, à ce moment-ci.
Cela devrait faire l'objet d'une analyse totalement différente.
M. Grenier: Vous avez eu à répondre à
plusieurs autres questions et plusieurs questions sont déjà
passées. Votre mémoire est tellement clair que les questions
sautent aux yeux de tous les partis qui sont ici. Je ne veux pas revenir avec
les mêmes, bien sûr. J'aurais voulu que vous parliez un peu plus du
conseil que vous avez appelé le conseil des sages, mais que j'aime mieux
appeler le conseil du référendum. Cela fait moins pédant,
si vous voulez. Cela fait plus professionnel quand on parle d'un conseil du
référendum. Est-ce que vous trouvez qu'il est acceptable que ie
gouvernement devienne en cette matière juge et partie? J'aimerais vous
voir davantage parler de la nécessité d'un tel conseil du
référendum.
M. Langlois: On n'a pas du tout proposé un conseil sur le
référendum.
M. Grenier: D'accord. Je vous pose la question. Il en a
été question tout à l'heure, sans que ce soit dans votre
mémoire.
M. Langlois: J'aime autant laisser Me Brun réagir... En
tout cas, le Barreau ne propose pas un conseil sur le
référendum.
M. Grenier: Non, je vous demande votre opinion, parce que vous
n'êtes pas sans en avoir une.
M. Brun: C'est cela. On ne l'a pas proposé. Par contre, il
pourrait y avoir place pour une instance de ce genre, à titre
décisionnel. C'est ce qui a été discuté tout
à l'heure. C'est simplement une possibilité, mais on pourrait
aussi penser à une autre possibilité qui serait une instance de
ce genre à titre un peu plus consultatif, avec beaucoup
d'autorité morale, pour aider à parvenir à certaines
solutions permettant de dénouer certains problèmes qui ne sont
pas essentiellement de la nature du financement des partis, où il y a
déjà des autorités en place qui sont celles
prévues
pour les élections, ou qui ne concernent pas la technique
électorale comme telle. Il reste qu'il y aurait un certain nombre de
problèmes politiques plus élevés mis en cause par une
loi-cadre sur les référendums où une espèce de
conseil pourrait jouer un rôle, ne serait-ce qu'à titre
consultatif. Cela pourrait aussi être pour trancher. C'est une autre
possibilité, sauf que je rappelle ce qui a fait l'objet d'un accord
entre nous. Il s'agit de l'initiative de faire d'une question, d'une
matière, une matière référendaire. Il nous semblait
que ce n'était pas possible de retirer cela aux institutions en place et
que c'était difficile de confier le pouvoir décisionnel ab initio
à des tiers en dehors des instances, des autorités venant
directement ou indirectement de la collectivité élue.
M. Grenier: Si ce n'est pas un conseil de décision,
voyez-vous quand même la création d'un conseil du
référendum à titre de suggestions au gouvernement?
M. Brun: Personnellement, je trouverais que ce serait une bonne
idée de la prévoir. Cependant c'est très personnel, comme
les paroles de M. Lang lois tout à l'heure. Il semble y avoir un certain
ordre de problèmes à résoudre à l'occasion de la
mise en oeuvre d'une loi-cadre sur les référendums, un certain
nombre de problèmes qui sont d'une autre nature que les problèmes
pouvant relever, par exemple, du directeur général des
élections ou du directeur général du financement. Il peut
y avoir des problèmes à résoudre qui sont plus
élevés plus globaux, plus directement reliés au processus
référendaire. A ce moment, peut-être que ce tiers, aussi
éclairé que possible qui opinerait avec le plus
d'autorité, de force morale possible, pourrait aider aux forces vives
qui sont déjà engagées dans la bataille. C'est une opinion
personnelle.
M. Grenier: Ce conseil du référendum... Il me
semble qu'on a touché une question hier soir qui était la
question des questions, les référendums.
Comme les référendums sont demandés par le
gouvernement et que le gouvernement généralement se fait une
opinion sur un sujet et, en général, il voudrait voir respecter
son opinion, peu importe le gouvernement qui est en place. Ne pensez-vous pas
que ce conseil du référendum aurait un rôle bien
particulier à jouer au moment de la mise en place des questions de l'un
ou l'autre des référendums?
M. Pinard: Cela rejoint exactement ce qui vient d'être dit.
Je suis d'accord avec l'opinion de Me Brun. C'est une des choses qu'un conseil
comme celui-là pourrait trancher devant la politisation du débat,
devant l'intensité des options et l'émotivité
engagée sur cette question. Cela pourrait être sain politiquement,
un tiers parti, impartial, comme un jury, comme un tribunal, comme un conseil
du droit des référendums, si vous voulez, appelez-le comme vous
voudrez, mais qui serait au-dessus de la partie et qui dirait: Non, ça
va trop loin ou ça ne va pas selon les normes de justice,
d'équité, de liberté, etc. En termes de formulation de la
question, il dirait: non, cette question, après consultation avec
experts, non, cette formulation de la question n'est pas juste, ne
représente pas l'option qu'on veut soumettre à la population,
etc. Moi, je suis d'accord avec Me Brun que ça pourrait être
souhaitable, personnellement, dans une chose comme ça.
M. Grenier: Si j'ai l'air d'insister, c'est que vous
représentez pour moi des gens avec beaucoup de
crédibilité, et ce que vous nous dites, aujourd'hui, pour moi,
c'est plus pesant que les Fils du Québec, qui vont arriver dans quelque
temps, qui sont sur la liste. Les recommandations que vous nous donnez, pour
moi, elles sont judicieuses. Quand je pose la question pour qu'on insiste
devant le gouvernement... Ce conseil du référendum, qui a
été proposé ici, aurait peut-être avantage à
nous trouver la solution qui répondra peut-être aux
problèmes que vous avez posés et on pourra avoir une
réponse beaucoup plus claire. Vous autres, les gens du droit, vous
n'avez pas cette habitude, bien sûr, de poser des questions suggestives;
vous ne connaissez pas ça, mais d'autres pourraient se mêler de
faire ça. Je pense que, farce à part, ce conseil, qui pourrait
être composé d'universitaires, d'anciens journalistes, de gens du
milieu qui connaissent bien les dossiers; ils pourraient facilement, je pense
je nomme certains groupes pour ne pas nommer tous les autres
composer ce conseil du référendum et être d'une
précieuse collaboration aux gouvernements qui seraient mis en place.
Vous répétez et vous nous confirmez qu'une suggestion de ce genre
pourrait être un apport important au gouvernement.
M. Pinard: ... des remarques que faisait Me Langlois tantôt
sur le fait que ces gens-là, après, devaient avoir une certaine
immunité, comme les juges, etc. Ensuite, il ne faudrait pas qu'ils
soient laissés, après le débat, et qu'ils se
défendent eux-mêmes personnellement, sans immunité d'aucune
sorte...
M. Brun: Ceci dans la mesure où ils jouiraient d'un
pouvoir décisionnel. Personnellement, je verrais davantage leur
rôle comme consultatif et, à ce moment-là, ça pose
beaucoup moins de ces problèmes auxquels on fait allusion. Mais
là, c'est une question d'opinion.
M. Grenier: D'accord, merci.
Me pinard, vous avez répondu à certaines questions de mon
collègue de Richmond hier soir, à propos du sondage qui pourrait
être fait en période référendaire. D'abord, je
m'excuse d'avoir manqué les toutes dernières questions d'hier
soir à cause d'un débat que je devais faire en Chambre à
11 heures. Les autres ont été informés; je ne voudrais pas
vous faire répéter les mêmes réponses aux
mêmes questions, mais est-ce que vous jugez que vous êtes au
courant des chicanes de
maisons de sondage? Vous les avez vécues il y a quelques mois. En
tout cas, vous en avez entendu parler, comme moi. Pensez-vous que, dans une
période comme celle-là, on pourrait déterminer certaines
maisons accréditées, par exemple, pour nous donner de
l'information? Parce que, personnellement, pour la période que j'ai
vécue en politique depuis une douzaine d'années, j'ai
trouvé que les sondages, avec tout le respect que je dois,
étaient parfois assez éloignés de la
réalité. Est-ce que vous trouvez qu'ils sont vraiment
nécessaires pour aider l'opinion publique, ces sondages, pendant une
période référendaire ou une période
électorale, par exemple, si on pouvait le prendre comme point de
comparaison?
M. Pinard: Je crois que c'est non seulement nécessaire,
mais que c'est un élément essentiel. Là, je propage sans
doute l'idéologie des sondeurs, mais je pense que ça va beaucoup
plus loin que ça. C'est un élément d'information qui, pour
moi, est idéal dans une campagne électorale. Ce que vous
soulevez, il y a eu des choses assez curieuses je n'emploie pas de mot
plus fort pour le moment qui se sont produites en termes de sondage au
cours des récents mois et des récentes années.
Cela soulève tout le problème de la réglementation
des sondages et de la réglementation du corps des spécialistes en
sondages. Est-ce que cette réglementation doit se faire à
l'intérieur même de l'association? Ils se sont formés
récemment en une association de recherche sociale appliquée qui,
cependant regroupe encore plus que cela, est-ce que cette réglementation
devrait être faite par eux? Est-ce que cette réglementation
devrait venir de l'extérieur? De l'Ordre des professions? D'une loi
quelconque?
Je favorise beaucoup la réglementation par les sondeurs
eux-mêmes et, croyez-moi, ceux qui ont fait des folies je pense
qu'il y en a qui ont fait des folies au cours des récentes années
n'ont pas fini de les payer. Il aurait pu y avoir une récompense
immédiate à faire ce que je crois avoir été
certains jeux, mais il y a eu des coûts énormes, à long
terme, et on a fait montre d'une bien courte vue, je pense je m'avance
peut-être un peu loin dans certains sondages.
Le marché va faire le travail de nettoyer, comme dans toute
profession, de contrôler, de vérifier les gens qui ne respectent
pas les normes professionnelles élémentaires, que ce soit dans le
journalisme, parmi les sondeurs, je ne donne pas l'exemple des avocats ou des
notaires parce que, dans leur cas, ils ont un ordre de réglementation
beaucoup plus rigide, beaucoup plus rigoureux, etc., ce qu'on n'a pas chez les
sociologues, chez les anthropologues, chez les politicologues, chez les
journalistes même chez les journalistes, qui sont des gens plus
avancés, cela soulève toute cette question.
M. Grenier: D'accord. Le dernier paragraphe de la page 7,
j'aurais aimé, je ne vous le cache pas, le voir plus
étoffé. Bien sûr, ce ne sont pas les opinions qui vous
manquent, mais il me semble que j'aurais voulu vous voir élaborer un peu
plus de choses dans ce paragraphe, des points sont peut-être
restés vagues. L'argumentation manque, je pense; j'aurais voulu voir
élaborer un peu plus, au moins verbalement, le contenu de ce dernier
paragraphe.
M. Pinard: Je crois que nous l'avons fait amplement; nous avons
dit que nous ne sommes pas convaincus que le regroupement obligatoire soit
nécessaire pour respecter un principe que nous acceptons, celui de
l'égalité du pouvoir de l'argent dans le
référendum. Nous avons aussi dit que, étant donné
le peu de temps que nous avions, nous ne pouvions pas nous mettre à la
recherche d'une technique alternative qui nous apparaît
compliquée; nous avons aussi dit tantôt que nous pensons que ce
n'est peut-être pas le Barreau ou un comité du Barreau qui devrait
étudier la question des techniques possibles de contrôle et qui,
en même temps, respecteraient les principes fondamentaux de
liberté. Je ne crois pas qu'on puisse aller plus loin que cela.
M. Brun: C'est peut-être moi qui me suis le moins
exprimé là-dessus. Evidemment, c'est une réaction
négative, une crainte de juriste vis-à-vis de l'atteinte
parce qu'il y a atteinte possible à certaines libertés, au
droit d'association en particulier; ce n'est pas une atteinte vaine et creuse,
enfin sans motif, il y a un motif qu'on perçoit très bien. Les
objectifs derrière ce motif, nous les percevons et nous exprimons notre
accord, une limitation des dépenses et un équilibre des
dépenses, autant que possible; en d'autres termes, est-ce qu'une
certaine qualité institutionnelle de la liberté d'expression doit
entraîner une limitation de la liberté d'expression, au plan plus
personnel qu'institutionnel? Sûrement, mais jusqu'où? Il nous a
semblé on est porté à vous relancer plutôt la
balle on a eu le sentiment que, avec le livre blanc qui, lui-même,
n'était pas très développé là-dessus, on
était incapable d'élaborer une solution de rechange pouvant
atteindre de façon satisfaisante les objectifs que je viens de
mentionner, mais on restait quand même avec un doute quant à
savoir si le recours à ce moyen du regroupement et du chapeautage
était absolument nécessaire, si c'était vraiment le seul,
vu qu'on le jugeait contraignant et lourd.
M. Grenier: D'accord. Je pense que vous donnez la réponse
à la question que je me posais. En mon nom et au nom de notre parti, je
vous remercie. Vous avez donné l'éclairage sur la question. Si
l'ensemble des mémoires ressemblait au vôtre, je pense qu'on
pourrait sortir de cette commission très satisfait. J'imagine que ce
sera une bonne proportion des mémoires qui seront bons, mais le
vôtre, je pense, donne un éclairage qui nous est fort utile.
Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avant de
céder la parole au député de Beauce-
Sud, j'aimerais faire remarquer aux membres de la commission que c'est
mercredi, donc, que nous ajournons à midi. J'ai, dans l'ordre,
après le député de Beauce-Sud, les intervenants suivants:
les députés de Vanier, Notre-Dame-de-Grâce, Mont-Royal,
Rosemont et Gatineau. Je demanderais, autant que possible, la collaboration de
tout le monde pour permettre à tous les membres de pouvoir intervenir.
M. le député de Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, je veux
vous remercier bien sincèrement et vous féliciter pour
l'excellent mémoire que vous avez présenté à la
commission et pour votre disponibilité. Je pense que l'éclairage
que vous nous avez apporté hier et que vous nous apportez ce matin est
extrêmement important pour permettre aux membres de la commission
parlementaire d'avoir le maximum d'information sur cette grande question, sur
ce grand principe de la consultation populaire, sur lequel nous sommes
d'accord.
Si j'ai bien compris hier, et je m'adresserai particulièrement
à M. Langlois, vous êtes également revenus sur la question
ce matin, vous favorisez une loi-cadre qui vise à réglementer les
mécanismes généraux qui pourraient se retrouver dans tous
les types de référendum, de consultation populaire. Est-ce qu'on
aurait laissé entendre que vous favoriseriez en plus d'une loi-cadre,
des lois particulières pour chaque référendum visant
à fixer les modalités du référendum, de la
consultation sur un sujet spécifique, un sujet donné? Ai-je bien
compris?
M. Langlois: Pour les raisons que j'ai exposées, s'assurer
d'un maximum de délibérations au niveau de l'Assemblée
nationale, dans le cadre de chaque référendum en
particulier...
M. Roy: Ce qui permettrait...
M. Langlois: S'il est possible d'atteindre cet objectif par le
biais d'une résolution, évidemment, c'est strictement une
question de modalité.
M. Roy: Mais une loi serait préférable, selon vous,
à une simple résolution, compte tenu, évidemment, de
l'importance du référendum et de la consultation
projetée?
M. Langlois: On est obligé de faire l'hypothèse du
plus compliqué, puisque c'est une loi-cadre qui doit être
applicable, donc, en toute circonstance. On pense que, dans le cas d'un
référendum complexe par son contenu politique, par les sentiments
ou l'intérêt que les gens peuvent porter au sujet qui doit
être décidé, il peut arriver qu'à l'Assemblée
nationale il faille un débat complet sur la question et qu'on veuille
convoquer des gens de l'extérieur pour venir éclairer davantage
les élus sur les implications de la proposition gouvernementale.
M. Roy: Deuxième question. Je me réfère
à la page 5 de votre mémoire. Dans le dernier para- graphe, vous
dites: Sans prendre une position ferme sur le sujet, le Barreau incline
à croire qu'une position appelant une réponse par un oui ou par
un non est la meilleure formulation, tant pour la clarté de
l'énoncé que pour le caractère significatif de la
majorité obtenue.
Je pense que Me Pinard nous a dit hier les difficultés
d'interpréter un référendum comportant plusieurs options,
à savoir que la question a, pour ne pas reprendre le débat et
susciter d'autres inquiétudes chez notre président, pourrait ne
pas s'additionner au résultat de la question b, et b avec c, ou c avec
d, ou a avec d.
Est-ce que vous favorisez, à la suite des études que vous
avez faites, la tenue de deux référendums plutôt que d'un
référendum comportant plusieurs options? J'aimerais avoir votre
opinion sur cela. Oublions les implications budgétaires et les
implications financières, mais au strict point de vue de la consultation
populaire et pour les résultats qu'on cherche à atteindre, pour
avoir la meilleure information possible et laisser le moins de place possible
à l'interprétation, est-ce que ce serait préférable
d'avoir deux référendums comportant une réponse par oui ou
non plutôt qu'un référendum comportant plusieurs
options?
M. Pinard: Ma première réaction à ceci,
c'est que c'est un problème difficile, il n'y a pas beaucoup
d'expériences que nous connaissons à ce sujet; ma première
réaction, évidemment, c'est l'exemple de Terre-Neuve où il
y a eu plus de deux options dans la question; on a finalement eu deux
référendums; alors, on aurait pu se contenter de oui ou non
chaque fois. Je pense, à première vue, qu'il serait
préférable d'avoir deux référendums, ou aussi on
pourrait là, je ne sais pas du tout si c'est possible faire ce que
les sondeurs font; ils ont les deux questions au moment du même
questionnaire et disent aux gens: Au cas où mais je ne suis pas
sûr du tout que ça pourrait s'appliquer dans le cas d'un
référendum le résultat serait tel, quel serait
votre deuxième vote, au cas où le résultat serait
l'inverse? Mais je ne suis pas sûr du tout qu'on puisse faire ça
dans le cas d'un référendum.
Mais le oui ou le non nous apparaît assez important. Trois
options, ça s'est fait à Terre-Neuve; le problème avec
trois options, c'est la non-clarté, très souvent, des options et
le problème de la majorité. Là, le problème que
nous soulevons, ce à quoi nous nous opposerions, c'est de vouloir
additionner ces options pour faire comme si cela avait été a ou
b, ou oui ou non. Il faudrait, à mon sens, faire comme à
Terre-Neuve et y retourner si on veut aboutir à une majorité.
M. Roy: Commencer, autrement dit, par faire un grand
déblayage et ensuite, dans une question, on pourrait avoir un choix des
intentions véritables de la population dans les grandes orientations,
quitte à poser une question beaucoup plus particulière et
précise à l'occasion d'un deuxième
référendum.
M. Pinard: II reste qu'idéalement, ça devrait
toujours être comme ça la première fois, oui ou non,
étant donné que les options... le problème avec une
série d'options, c'est que, logiquement, elle peut ne pas comprendre
toutes celles que la population voudrait, alors que, dans oui ou non, si c'est
oui, il y a des gens qui sont pour et non comprend tous ceux qui sont pour
toutes les autres options imaginables. Cette méthode a cet avantage de
donner à tous ceux qui sont pour toutes les autres options imaginables
un vote qui signifie quelque chose: Ce n'est pas celle-là, la mienne. Je
voterai non tant qu'on n'en viendra pas à celle que j'aime. Alors que,
si on met une série d'options, a, b, c, d ou même a et b
seulement, il se peut que beaucoup de gens se disent: Ce n'est pas
celle-là, la mienne. Je n'ai pas la chance de dire non à la fin;
il peut annuler son vote, mais quelle interprétation donnera-t-on
à ça, etc.?
M. Roy: J'aurais une dernière question, M. le
Président; j'en avais plusieurs, mais un certain nombre ont
déjà été posées par mes collègues,
quitte à pouvoir y revenir un peu plus tard. On a parlé tout
à l'heure des sanctions. Est-ce que, selon vous, il devrait y avoir des
sanctions dans une loi référendaire?
M. Langlois: Dans la mesure où cette loi va établir
des règles du jeu, comme dans n'importe quelle loi qui établit
des règles de comportement, ces règles sont illusoires si elles
ne comportent pas de sanctions, surtout si on a des règles de
comportement en ce qui a trait aux dépenses ou aux revenus; sans doute,
il devrait y avoir des sanctions.
Maintenant, de quelle nature, de quel ordre? On a déjà
assez d'exemples dans la Loi électorale. Il semblerait qu'elles se
soient avérées assez efficaces puisqu'il n'y a pas, du moins,
quant à moi, je ne perçois pas d'insatisfaction profonde quant au
degré de respect de la Loi électorale par les gens qui ont
à y participer.
Mais une loi sans sanction, ça mène à des
drôles de résultats, malgré toutes les bonnes intentions
que l'on puisse prêter à la population en
général.
M. Roy: A partir du moment où on obligerait les citoyens
du Québec à se regrouper dans deux grandes tendances vous
avez fait état hier et encore ce matin de la liberté
d'expression, de la liberté d'association à partir du
moment où on voudrait faire en sorte de regrouper les gens à
l'intérieur de deux grandes tendances, n'y a-t-il pas un danger
énorme d'établir des sanctions pour obliger et forcer les gens
à se retrouver à l'intérieur de ces grandes tendances?
Parce que, si ce sont des sanctions sur les modalités, sur les
dépenses, c'est une chose; si ce sont des sanctions contre la tenue
d'assemblées ou de réunions qui pourraient être
considérées comme des assemblées illégales par des
groupes non reconnus, c'est une autre affaire.
M. Brun: Si nous avons bien compris le livre blanc, la contrainte
n'existerait il ne faut pas imaginer que ça pourrait aller plus
loin porterait seulement sur la dépense, finalement. Ce serait le
seul moyen de contrôle.
C'est ce qui forcerait le regroupement. Cela serait la seule
façon, finalement, d'avoir des fonds et de pouvoir dépenser
légalement, de sorte que cela n'aurait pas pour objet la
possibilité de manifester son opinion, soit seul ou en groupe, en tenant
des pancartes dans une rue, je pense bien. Mais cela serait la
possibilité de disposer de fonds pour pouvoir faire une campagne qui
coûte de l'argent. Cela serait à ce niveau seulement. C'est ce
qu'on a compris. C'est à ce niveau seulement qu'il y aurait
possibilité de sanction, possibilité qui nous semble
nécessaire, si on veut que cela rime à quelque chose.
M. Roy: Mais vous admettez quand même...
M. Langlois: Juste pour compléter, si vous le permettez.
Quand on lit le livre blanc, à la page 16, en particulier, on se rend
compte que le regroupement vise deux choses: il vise évidemment, comme
l'a dit Me Brun, les dépenses, mais il vise également la
représentation au niveau des bureaux de votation.
En dehors de cela, il ne semble pas que les organisations qui sont
proposées dans la partie c), à la page 16, aient d'autre
fonction; si l'intention était de limiter l'expression d'individus qui
veulent convaincre des gens ou tenir des assemblées, ou, en somme,
s'exprimer, à ce moment-là, je pense que le Barreau aurait une
objection qui ne serait même pas polie, qui serait violente. Mais on n'a
pas du tout senti ou compris que telle était l'intention.
M. Roy: On n'a peut-être pas senti que c'était
là l'intention, personnellement, je ne l'ai pas senti, ce n'était
pas là l'intention non plus. Il y a une possibilité effectivement
que si on arrive avec un cadre extrêmement rigide, et qu'un groupe de
citoyens désire organiser un genre d'assemblée contradictoire,
avec un panel, avec des invités qui sont pour ou contre, des
modérateurs, un genre d'assemblée contradictoire comme nous en
avons eu pendant les campagnes électorales et comme nous en voyons un
peu partout, mais qui comporterait quand même certaines dépenses,
du fait qu'il faut payer la salle, entre autres, et que l'organisme central
et c'est là le point supposons que ce sont les tenants de
l'Opposition au référendum, refuserait de permettre ou
d'autoriser telle réunion ou telle autre, n'y a-t-il pas un danger
énorme à ce moment-là?
J'insiste un peu, parce que, si on permet à des clubs sociaux,
par exemple, d'inviter un conférencier qui n'a rien à voir
à aucune des formations politiques en place, qui ne veut s'impliquer
dans aucune des formations politiques, et que les clubs sociaux
décident, par exemple, d'inviter un conférencier pour parler de
la question du référendum, une question qui concerne la chose
constitutionnelle entre autres, puisque c'est celle qui nous concerne le plus
particulièrement, car si on ou-
vrait la porte à des interventions de ce genre et si, d'un autre
côté, on ne permettait pas à des gens ou à d'autres
associations de faire le contrepoids ou de s'exprimer librement
là-dessus, effectivement, ils se retrouveraient dans
l'illégalité. J'aimerais bien avoir un peu plus d'explications,
un peu plus de détails de la part du Barreau de ce
côté-là, à savoir quels sont les dangers qui nous
guettent.
M. Brun: Personnellement, je n'aurais qu'une réponse de
nature globale à apporter à ce problème. Il nous semble
que, comme il y a contrainte là-dedans, une contrainte pour certaines
fins, il devrait y avoir interprétation de ce genre de
législation, une interprétation la plus libérale possible;
par conséquent, la contrainte ne devrait avoir pour objet que la
contrainte qui est suggérée dans le livre blanc. Je serais
porté tout simplement à me limiter à cela, la contrainte
portant sur ce qui implique des dépenses pour réaliser l'objectif
de contrôle d'égalité entre les dépenses, on
contrôle les dépenses, mais rien d'autre. L'expression d'opinion,
d'une façon n'impliquant pas de dépense, ne devrait pas
être visée, suivant une interprétation libérale de
la loi qui découlerait de ce livre blanc.
M. Pinard: Si je peux ajouter à cela... Je pense que c'est
une des raisons pour lesquelles on s'inquiète de ce problème de
regroupement. C'est précisément parce qu'on ne peut pas
s'exprimer librement. Comme vous le dites, a moins de se mettre sur le coin
d'une rue et de parler, cela ne coûte pas tellement d'argent, mais
dès que des gens veulent se regrouper, comme l'exemple que vous donnez,
il faut peut-être louer une salle et cela implique des dépenses.
Ces dépenses ne pourraient-elles venir de chacun des deux comités
organisateurs ou pourraient-elles venir d'ailleurs? Il y a toutes sortes de
dépenses. J'ai pensé à une grosse compagnie qui
déciderait de donner une grosse somme d'argent à un des groupes;
c'est une chose, mais il reste que les dépenses sont implicites à
toute liberté d'association et d'expression, quelle qu'elle soit. C'est
là la source, je pense, de notre objection à ce regroupement
obligatoire.
On se dit: II doit y avoir moyen de contrôler ces dépenses.
Personnellement, j'irais plus loin, il y a moyen de se permettre un
contrôle moins rigide qui impliquerait peut-être un certain
déséquilibre d'un côté ou de l'autre pour permettre
au moins cette liberté d'association à tous les groupes qui
refusent de suivre la ligne d'un des deux groupes pour qu'ils puissent
s'exprimer et qu'ils fassent les dépenses que cela implique de pouvoir
s'exprimer et, même à la limite, de pouvoir mettre des
annonces.
Une chose à laquelle j'ai pensé, c'est qu'il pourrait y
avoir des limites sur la quantité d'argent que des groupes, en dehors
des deux groupes, peuvent mettre. Ils ne pourraient pas mettre des millions,
parce que, curieusement, ils soutiennent une option que des milliardaires sont
prêts à financer.
M. Roy: Je pense...
M. Langlois: Pour conclure là-dessus, j'aimerais
peut-être indiquer ceci: Au tout début de nos remarques, lorsque
Me Filion nous a présentés, elle a exprimé un voeu qu'il y
a peut-être lieu de répéter ici, parce qu'il prend toute
son importance sur cette question. C'est que, malgré le fait que le
gouvernement ait choisi de tenir une commission parlementaire sur un livre
blanc, nous souhaitons qu'il y ait une commission parlementaire, lorsque la loi
sera connue. Parce que quels que soient les voeux qu'on puisse exprimer et
souvent aussi de façon très accidenteile, dans la
réalité, lorsque le texte de loi est présenté, on
peut arriver à des conséquences très malheureuses. C'est
un aspect sur lequel le Barreau va sans doute se pencher, une fois que le
projet de loi sera connu, lorsqu'on arrivera dans la partie de la loi ou dans
la section qui viendra justement affecter les libertés d'expression, ies
libertés d'association et les différents contrôles qu'on
voudra mettre en place. Le Barreau voudra sans doute se faire entendre pour
dire: Ecoutez, vous êtes allés trop loin ou, encore, il y a
certaines erreurs qui doivent être corrigées.
D'ailleurs, cela a été le cas, si ma mémoire me
sert bien, pour la loi no 2 qui a été réimprimée,
si je me souviens bien également, justement pour corriger certaines
erreurs qui étaient parfaitement de bonne foi. Mais, en le voyant comme
avocats, détachés du débat politique, on peut
peut-être vous être utiles à ce moment-là.
Aujourd'hui, qu'est-ce que vous voulez? On ne défend pas le livre blanc,
mais quand on a exprimé notre point de vue sur la dernière partie
du livre blanc, on ne pouvait pas ignorer l'introduction qui semblait nous
indiquer que les contrôles et les moyens proposés l'étaient
dans le cadre de la réforme électorale qui avait
été amorcée avec des premières lois pour le
contrôle des dépenses électorales et qu'on n'introduisait
aucune nouvelle notion, sauf le regroupement et on le justifiait encore
là simplement dans la mesure requise pour atteindre les objectifs
déjà acceptés par l'Assemblée nationale en
matière électorale.
Si vous dites que ce n'est plus le cas, comme je vous le dis, notre
attitude va changer.
M. Roy: J'espère que M. le ministre a pris bonne
note...
M. Burns: J'ai bien écouté.
M. Roy: ... de vos demandes. Je vous remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Beauce-Sud. M. le député de
Vanier.
M. Bertrand: Merci, M. le Président. Je vais essayer
d'être le plus rapide possible, étant donné que des membres
qui se sont inscrits aussi voudraient prendre la parole. Je vais vous poser
des
questions, le plus brièvement possible. Espérons qu'on
pourra avoir aussi des réponses brèves.
Sur la loi-cadre; M. Langlois, c'est à vous que j'adresse la
question; vous avez fait mention tantôt que, dans la loi spéciale
qui pourrait être déposée devant le Parlement chaque fois
qu'on tiendrait un référendum, cette loi spéciale pourrait
faire mention de la question du taux de participation requis, du type de
majorité requise, des délais quant aux discussions devant avoir
lieu, quant à l'émission des brefs, etc.
A un autre moment, vous avez plaidé avec beaucoup plus de vigueur
sur la loi-cadre disant qu'il faut quand même tenter de mettre dans la
loi-cadre le maximum d'éléments qu'on n'aurait pas à
discuter au moment de l'étude de la loi du référendum
comme tel, à savoir un référendum spécifique, et
que, donc, il fallait tenter de libérer la discussion sur un
référendum spécifique, de libérer de cette
discussion tous les éléments qu'on pouvait faire inclure dans la
loi. Est-ce que je vous comprends bien, pour davantage préciser le sens
des questions qui avaient été posées par le
député de Laval, si, dans le fond, vous souhaiteriez qu'au
maximum, on puisse mettre dans la loi-cadre tous les renseignements, tous les
éléments ou toutes les règles de procédure, de
telle sorte qu'au moment où il y aurait ou une motion ou une loi
je vous avoue que, personnellement, je ne suis pas encore fixé sur l'une
ou sur l'autre il y ait le minimum d'éléments
là-dedans pour vraiment avoir le sentiment que le Parlement s'est
donné une loi-cadre qui s'inspire de principes qui pourraient être
valables pour tout type de consultation populaire, et qu'en d'autres mots,
quand vient le temps de la loi spéciale, au moment d'un
référendum spécifique, il s'agit vraiment de ne
s'intéresser qu'aux éléments, mais alors très
pertinents, pour ce référendum particulier? Est-ce que je vous
comprends bien dans ce sens?
M. Langlois: Réponse brève, oui.
M. Bertrand: C'est parce qu'on a besoin quand même de bien
connaître le fond de la pensée du Barreau là-dessus. Je
pense que c'est très important. Sur le conseil du
référendum, et là, je m'adresse à quiconque voudra
bien répondre au nom du Barreau, tel qu'avancé par l'Union
Nationale, d'abord, simplement un petit élément d'information. Je
n'en veux pas à l'Union Nationale pour autant, mais dans son texte
d'hier, elle prétendait qu'à un moment donné, Me Lesage,
qui agissait comme chef de l'Opposition, à l'automne 1969, était
plutôt favorable à la création d'un conseil constitutionnel
et que le premier ministre de l'époque s'était montré
très sympathique à cette proposition. Or, ma lecture personnelle
des déclarations faites par le premier ministre de l'époque tend
à démontrer le contraire. Le premier ministre, le chef du
gouvernement l'avait clairement affirmé au mois de juin 1969: "Le chef
du gouvernement a apporté en fin de semaine une précision
importante sur le projet de loi. Ce n'est pas le gouvernement seul, mais
l'Assemblée na- tionale, c'est-à-dire tous les
députés, qui serait appelée a donner sa rédaction
finale à la question ultérieurement soumise à la
population par voie de référendum."
Je pense qu'il est quand même important de rapporter que le
premier ministre de l'époque avait fait son lit de façon assez
claire là-dessus. Il avait émis le voeu que ce soit
l'Assemblée nationale qui soit maître d'oeuvre de la
rédaction finale de la question à poser à la population.
Là-dessus justement, vous avez fait un certain nombre de commentaires
tantôt. Je me pose des questions, parce que, dans le fond, je suis bien
prêt à discuter de cette possibilité d'un conseil du
référendum, mais est-ce qu'en termes pratico-pratiques, il n'y a
pas des difficultés quelque peu insurmontables qui pourraient se dresser
devant la création d'un tel conseil du référendum? Et
est-ce qu'il n'y a pas jusqu'à un certain point, pour reprendre le
langage de l'Opposition officielle, une espèce d'entrave au processus
régulier, par exemple, d'un gouvernement qui propose un sujet, qui a
l'initiative de proposer un sujet pour la consultation populaire d'une
Assemblée nationale qui a la responsabilité de trancher la
question à être soumise pour consultation d'une population qui a
sa place dans le processus, c'est-à-dire qui est consultée, qui,
effectivement rend une décision, et d'une Assemblée nationale
qui, par la suite, doit voir de quelle façon elle va donner suite
à cette consultation populaire? Est-ce qu'il n'y a pas là-dedans
une espèce d'élément qui a l'air de s'accrocher à
rien, en d'autres mots, et qui est là un petit peu en train de flotter
en l'air et qui peut davantage causer des problèmes qu'apporter des
éléments de contribution positive?
M. Brun: II nous semblait, et on était d'accord
là-dessus, que, finalement, la décision ne pouvait pas
échapper au Parlement. On ajoute à cela qu'avoir un tiers que se
donnerait ce même Parlement pour le conseiller, un tiers prestigieux,
au-dessus des débats un tiers, ce n'est pas nécessairement
une seule personne pourrait ne pas nuire vis-à-vis de certaines
questions pour dénouer certains problèmes, certaines amorces de
crise. C'est dans cet esprit que nous nous exprimons.
M. Langlois: Est-ce que je peux ajouter...
M. Bertrand: Oui.
M. Langlois: Excusez-moi...
M. Bertrand: D'accord.
M. Langlois: ... quant à moi, je ne vais même pas
aussi loin que mes deux autres collègues là-dessus. J'exprime
énormément de réserves, précisément pour les
raisons que vous donnez et, s'il devenait nécessaire ou si on jugeait
utile la formation d'un tel conseil, Dieu sait que sa juridiction devrait
être extrêmement limitée et, quant à moi
j'exprime une opinion bien particu-
lière très technique, en somme, un peu comme une
espèce de contrôle judiciaire, mais il ne faudrait pas qu'on lui
passe le panier, pour ainsi dire.
M. Bertrand: Je vais vous préciser ma question, Me
Langlois. S'il arrivait qu'au moment où on dépose une loi sur un
référendum particulier, on vienne en commission parlementaire par
la suite et qu'on invite des groupes à venir nous dire ce qu'ils pensent
de la formulation de la question, des procédures précises et
détaillées pour ce référendum, etc., ne pensez-vous
pas que ça peut tenir lieu d'appareil consultatif, c'est-à-dire
faire intervenir des gens en dehors des partis politiques? Est-ce que ça
ne peut pas tenir lieu de consultation pour tenter d'améliorer la
question si elle doit être améliorée?
M. Langlois: Quant à moi, c'est la raison principale pour
laquelle je trouvais la formule de la loi spécifique, en plus de la
loi-cadre, tellement intéressante. C'est que la commission parlementaire
peut devenir le véhicule de décompression, si, évidemment,
des organismes indépendants ont le courage de venir donner leur opinion,
le Barreau, par exemple, et encore que des commissions je ne voudrais
pas m'impliquer dans un débat qui a eu lieu précédemment
devant cette commission-ci l'Assemblée nationale s'est
déjà dotée de certains outils qui pourraient être
mis à contribution dans un cadre comme celui-là, comme la
Commission des droits de la personne sous certains aspects et d'autres auxquels
on peut songer, et j'avais même à l'esprit, ce matin, en
écoutant certaines discussions, le Protecteur du citoyen. Je ne sais pas
dans quelle mesure il pourrait être mis à contribution, à
un moment donné. Mais peut-être que la commission parlementaire
est un moyen de décompression. On l'a vu dans d'autres grands
débats au Québec, en matière de relations de travail par
exemple, où on a réussi, tant bien que mal, à
décompresser les débats par le biais d'une commission
parlementaire.
M. Pinard: Si je peux ajouter un mot là-dessus...
M. Bertrand: Oui, M. Pinard.
M. Pinard: Si les débats d'une commission parlementaire
et, finalement, de l'Assemblée nationale devaient mener à une
adoption unanime de la loi du référendum et de la question, je
dirais: Un conseil de sages n'est pas nécessaire. Mais s'ils devaient
mener à une adoption majoritaire avec une opposition farouche des autres
partis sur des principes fondamentaux de légitimité de la
question, etc., que j'ai soulevée hier, le conseil des sages pourrait
désamorcer des conflits potentiellement dangereux.
M. Langlois: Je me demande cependant quel serait le gouvernement
qui aurait intérêt à forcer une consultation alors que la
question serait si controversée et que l'opposition serait presque aussi
forte que les autres. C'est un cas de suicide politique.
M. Bertrand: M. le Président, l'Union Nationale a fait une
suggestion que je trouve tout à fait positive et qui contribuerait sans
doute à répondre à une atteinte de plusieurs personnes,
à savoir le respect que le gouvernement doit avoir, ou que
l'Assemblée nationale doit avoir de la décision rendue par la
population.
Je pense que, là-dessus, il est important, M. le
Président, qu'on établisse clairement immédiatement que
c'est, bien sûr, l'intention du gouvernement d'accepter... De toute
façon, il n'aurait pas le choix. En démocratie, je pense bien
que, quand la population a rendu une décision par un pourcentage de 50%
plus 1%, le gouvernement ou l'Assemblée nationale qui voudrait se placer
contre cette population pour dire: Même si vous vous êtes
prononcés, nous, on pense que c'est le contraire que vous devez penser,
il serait très mal venu et, pour emprunter les mots de M. Langlois, je
pense que ce serait le suicide pour ce gouvernement. Il est bien clair qu'il
faut respecter la décision prise par la population, sauf que, et je
pense que c'est toujours ce que les gens ont à l'esprit quand ils posent
cette question: Est-ce que ça veut dire qu'un gouvernement serait mal
venu, un jour, de représenter, de faire un nouveau
référendum sur une question à peu près identique,
étant donné que la population continue d'évoluer et que la
dynamique politique ne s'arrête pas dès lors que les gens ont
rendu une décision à une date qui pourrait s'appeler le 14 avril
1980? Il peut arriver qu'en 1985, les gens aient évolué et,
là-dessus, l'Union Nationale faisait une suggestion fort
intéressante hier à la page 16 de son texte. On disait: Nous
croyons que le gouvernement ne devrait pas être autorisé par la
loi sur la consultation populaire à tenir plus d'un
référendum sur une même question au cours d'un même
mandat.
J'aimerais connaître votre point de vue sur cette suggestion
formulée par l'Union Nationale.
M. Grenier: ... peut-être à la fin de l'intervention
du député de Vanier parce qu'il vient de quitter le sujet sur
lequel on discutait tout à l'heure... Si vous permettez, à la fin
de l'intervention.
M. Bertrand: Alors, avez-vous une opinion sur cette suggestion
qu'il ne devrait y avoir qu'un seul référendum sur une même
question, au cours d'un même mandat?
M. Langlois: Cela nous semble tellement politique comme choix ou
comme décision qu'on se sent très mal placé pour vous
répondre, malheureusement.
M. Bertrand: Est-ce que le Barreau a un avis sur là-propos
de ne pas tenir de référendums sur une même question, une
fois que la population aura tranché, ou d'en tenir, même si la
population a tranché dans un sens ou dans un autre?
M. Langiois: On n'en a pas là-dessus.
M. Bertrand: Non, bon! Dernière question concernant le
problème des comités dont on a tellement parlé, et Dieu
sait que vous vous êtes un peu sentis placés dans la même
situation que nous, à savoir qu'on cherche, mais finalement est-ce qu'on
n'essaie pas, Me Langlois et c'est la question que je voudrais vous
poser de trouver le juste équilibre entre une volonté
d'établir un certain plafond pour ce qui est des dépenses d'une
option ou d'une autre s'il y en a deux, il y en a deux; s'il y en a
trois, il y en a trois et une volonté de ne pas empêcher la
liberté d'association, la liberté d'expression que tout le monde,
au fond, recherche?
Là-dessus, d'ailleurs, à un moment donné, quelqu'un
a dit: II faut poser les problèmes pratiques. Comment se fait la
répartition des dépenses s'il y a plus qu'une organisation et
qu'on laisse, par exemple, à quinze interlocuteurs, sous une même
option, le soin de décider qu'ils vont chacun de leur côté,
même s'ils sont tous derrière la même option? Qu'est-ce
qu'on fait, dans un bureau de scrutin, s'il s'agit de nommer des
représentants et qu'à un moment donné il y en a 15, 16, 20
ou 25 qui veulent tous être dans le bureau de scrutin? En d'autres mots,
pour être pragmatique, comme le disait le député de Laval,
il y a des problèmes pratico-pratiques qui se posent. Est-ce que, dans
le fond, ce n'est pas un peu le problème que vous sentez? En d'autres
mots, l'équilibre entre la limitation du pouvoir d'argent, dont vous
avez parlé dans votre texte, et la nécessité de respecter
la liberté d'expression. Là-dessus, je dois vous dire
qu'effectivement la formule que nous avons trouvée... Bien sûr
que, quant à moi, je serais bien prêt à trouver quelque
chose qui pourrait être meilleur, mais dans la mesure où cela
respecterait cet équilibre.
M. Langlois: Quand vous parlez de quatorze ou quinze
organisations, c'est que vous avez un postulat de base qui, en tout cas, moi,
ne me convainc pas. C'est d'abandonner les partis politiques comme étant
les véhicules privilégiés du transport ou de la
communication des options politiques en matière
référendaire, comme c'est le cas en matière
électorale.
M. Bertrand: II ne faut pas se limiter à eux.
M. Langlois: II ne faut pas se limiter à eux, mais,
personnellement, j'ai beaucoup de difficulté à comprendre que ce
soit nécessaire, surtout tant et aussi longtemps que le
référendum peut être déclenché exclusivement
à l'initiative du gouvernement. Je comprends très bien la
difficulté que pose un référendum populaire parce qu'il
peut presque être déclenché contre ie voeu de l'ensemble de
l'Assemblée nationale, si vous voulez, si on fait un scénario
extrême de consultation populaire et d'initiative populaire. Mais, dans
ie cas d'un référendum strictement réservé à
l'initiative gouvernementale, même pas à l'initiative de
l'Opposition, je me dis: Pourquoi faire le postulat au départ que les
partis politiques ne seraient pas les véhicules de communication des
options politiques? Dans ce cas, si vous acceptez et là j'exprime
un voeu personnel si vous retenez le parti politique comme étant
le véhicule privilégié, il me semble que les
mécanismes existants en matière de contrôle des
dépenses électorales pourraient être utilisés en
matière de dépenses référendaires.
M. Bertrand: Mais vous admettez tout de même, Me Langlois,
que le choix qu'on offre à la population au moment d'un
référendum est très différent du choix qu'on offre
à la population au moment d'une élection. Au moment d'une
élection, les gens ont à choisir entre quatre ou cinq partis
politiques, entre quatre ou cinq candidats. Au moment d'un
référendum, ils ont à choisir entre deux, trois, quatre ou
cinq options qui ne sont pas nécessairement l'apanage d'un seul parti
politique chaque fois.
M. Langlois: Vous me permettrez de vous proposer que ce n'est
peut-être pas totalement différent. Le référendum se
distingue de l'élection en ce qu'il demande aux gens de se prononcer sur
un aspect d'une question politique. Comme le souligne le livre blanc, la
difficulté de l'élection, c'est qu'on cumule des choix, on cumule
des choix politiques et des choix d'individus ou de partis. C'est là
qu'il peut y avoir de graves malentendus, à un moment donné, dans
les résultats. L'avantage du référendum est qu'on dit:
Oubliez les gens, du moins en théorie, et concentrons-nous sur les
"issues". Mais j'ai dit en théorie. On ne peut pas divorcer, si vous me
le permettez, les personnalités ou les partis politiques des options qui
sont proposées dans le référendum. Encore et surtout,
quant à moi, c'est ce qui me frappe, certainement dans le cas des
référendums qui sont limités à l'initiative
gouvernementaie. Personne ne va me faire croire que le référendum
tenu sur l'initiative gouvernementale n'est pas le référendum du
gouvernement, donc que ce n'est pas le référendum du parti
politique qui a mis le gouvernement au pouvoir et qui le maintient en Chambre.
C'est pour cela que je dis: Quand vous faites le postulat au départ que
les partis politiques ne sont plus les véhicules
privilégiés de communication des options politiques, je vous dis
que c'est un postulat drôlement important à faire et le fardeau de
la preuve, je pense, je vous le dis bien humblement, vous appartient et cela ne
m'a pas convaincu, mes collègues non plus ne sont pas convaincus,
semble-t-il.
M. Burns: Avec la permission du député de Vanier,
je veux simplement vous citer le cas du référendum britannique;
vous aviez un référendum d'initiative gouvernementale et 50% du
Parti travailliste, qui était au pouvoir à ce moment-là,
était contre l'option présentée. De cela aussi il faut
tenir compte. Ces choses-là arrivent parfois.
M. Langlois: Mais, encore là, M. le ministre, vous me
permettrez de vous dire que votre exemple est dangereux, parce que les
règles qui ont
présidé à ce référendum ont sans
doute tenu compte de cette réalité qui était connue au
moment où le référendum a été
décidé, et c'est précisément pour cela qu'il l'a
été. C'est que les "party lines" ne fonctionnaient plus. Il y
avait un problème de confiance. Si vous nous demandez une loi organique,
on ne peut plus postuler que ce sera le cas, parce qu'on ne le sait pas. Cela
peut être le cas. Cela peut ne pas l'être. Mais si vous nous dites
que c'est un référendum à initiative gouvernementale, je
vous soumets respectueusement qu'on doit faire le postulat, que les chances
sont que, généralement parlant, les "party lines " existeront,
parce que ce n'est pas une initiative de l'Assemblée nationale.
M. Bertrand: M. le Président...
Le Président (M. Vailiancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Je pense que c'est l'un des problèmes
que l'on a de ne pas avoir fixé de temps... Quinze secondes, oui, pas
plus, parce que j'ai encore...
M. Bertrand: M. le Président, simplement pour terminer sur
la loi-cadre dont parlait tantôt Me Langlois, le député de
Laval s'interrogeait sur les lois-cadres pour les signaler. Je voudrais
simplement lui dire qu'en Australie, en France, au Danemark, en Italie, en
Irlande, en Suisse, en Nouvelle-Zélande, et dans plusieurs Etats
américains, une telle loi-cadre existe.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Grenier: M. le Président, si vous permettez...
M. Mackasey: Je m'excuse.
M. Grenier: Je soulèverai une question de règlement
d'abord, parce que...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Question
de règlement sur quoi, M. le député de
Mégantic-Compton?
M. Grenier: Quand il a parlé de l'Union Nationale; c'est
pour faire une mise au point. C'est une question que je veux poser au
député de Vanier, à savoir quand il a mentionné
tout à l'heure qu'en 1969, lors du dépôt de ce projet de
loi de référendum je pense qu'il est en mesure de juger de
la véracité c'est que ce premier ministre qui était
vraiment démocratique savait fort bien que la question devait être
tranchée par l'Assemblée nationale. Mais il avait accepté
de bon gré, trouvant fort à propos la suggestion de M. Lesage,
à ce moment-là, pour un conseil du référendum,
sachant même que ce conseil ne devait pas être
dé-libératif.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mégantic-Compton, vous venez d'élargir
l'interprétation de l'article 96 du règlement.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: M. le Président, ça me tente de parler
sur un point d'ordre, parce qu'il me reste dix minutes. Au lieu de poser les
questions que je voulais poser, je vais les faire en discours, à
Montréal, mardi, et j'aurai l'avantage de prendre position, d'avoir la
sagesse du Barreau, parce que je veux être franchement objectif sur le
référendum qui décidera probablement de l'avenir du
Canada, de l'avenir du Québec.
Dans la question de financement, je pense que le Barreau rend service
à tout le monde, à la page 8, où il y a une observation
qui dit que: "le regroupement obligatoire d'associations diverses et de
tendances par ailleurs variées, peut mettre gravement en péril la
liberté d'association. Il y a là un sérieux danger sur
lequel le Barreau ne peut se dérober à attirer l'attention ".
Je porte l'attention de la commission... Peut-être que M. Pinard
ou Me Langlois pourra répondre. Par exemple, si, au
référendum, on posait quatre ou cinq questions, vous m'excuserez,
peut-être que j'ai mal interprété en français, mais
je vais essayer...
Par exemple, la première question, êtes-vous pour ou contre
la réforme électorale? Deuxièmement, le statu quo;
troisièmement, la décentralisation du gouvernement
fédéral; quatrièmement, centralisation et
cinquièmement, indépendance. Selon le livre blanc, 1, 2, 3, 4
options sur une variation du système fédéral
déjà en existence et il y a sûrement une question sur
l'indépendance du Québec. Selon le livre blanc, les organisations
en faveur de la réforme électorale, ce ne sont certainement pas
les organisations qui seront en faveur du statu quo. Même si tous les
deux ne veulent pas l'indépendance. Alors, ça veut dire que
l'Etat ou la Bourse, ceux qui sont indirectement pour le système
fédéral, auront quatre fois le montant mis à la
disposition du groupement ou de l'organisation qui cherche
l'indépendance.
Est-ce que mon interprétation est bonne?
M. Pinard: Si je comprends bien votre question, la réponse
est oui. La loi donnerait les montants égaux à chacune de ces
cinq options.
M. Mackasey: D'accord, je vous remercie. M. Pinard, tout à
l'heure, vous avez dit... il ne dit pas: II faut se séparer... Perdre
votre réputation, votre compétence dans les sondages. Un
référendum, c'est un sondage. You spoke before, about the
psychological effect of a. b, c, d, e et je pense qu'à la page 5, si je
me rappelle bien, ou à la page 7, vous parlez d'une question claire et
précise.
Pensez-vous que c'est aussi important qu'on décrive d'abord ce
qu'on va dire, par exemple: la réforme électorale, ou
l'association économique, ou I indépendance, ou la
différence entre l'indépendance et la séparation, ou la
différence entre le statu quo et la décentralisation de la
constitution? Est-ce que toutes ces questions ne peuvent pas
avoir un effet sur le référendum, sur la décision
de la population?
M. Pinard: Le nombre d'options, sans doute, affectera les
pourcentages que chacune recevra, pas simplement parce que plus il y en a,
moins il y... Les options fournies, a, b, c, d, selon leur nature, feront
varier les pourcentages pour chacune d'entre elles. Cela m'apparaît
obvie. C'est pourquoi nous croyons qu'une question appelant une réponse
par un oui ou par un non, ce que j'ai explicité hier soir, est
préférable à ce niveau. Elle a l'avantage de pouvoir
inclure tout le monde, que personne ne se sente exclu. Même s'il y en a
six, il pourrait y avoir beaucoup de gens qui se sentiraient exclus. Je
maintiens ce que je disais hier à ce sujet.
M. Mackasey: Pour ma part, je ne pose aucune question au Barreau
sur la question d'un référendum-cadre ou un
référendum... Pour ma part, je voudrais un
référendum demain, aussitôt que cela serait possible, cet
après-midi, pour qu'on sache où on va avec le Canada, où
on va avec le Québec.
Avez-vous un exemple d'une question qu'on peut décrire, tel que
vous le décrivez à la page 5, pour qu'elle soit claire et sans
équivoque? Avez-vous un exemple d'une telle question, avec votre
expérience?
M. Pinard: Je vous répondrai ce que je réponds
à tous les gens qui viennent me demander de faire un sondage pour eux:
Dites-moi d'abord ce que vous voulez demander. Définissez-moi le
contenu, l'objet, ce sur quoi vous voulez de l'information. Ensuite, je ferai
un libellé, je m'efforcerai de faire le libellé le plus objectif,
le plus clair, le plus simple possible. Je n'ai pas d'exemple, tant qu'une
option ne m'est pas offerte.
M. Mackasey: Selon votre expérience, M. Pinard, un sondage
qui demande si vous êtes pour ou contre la séparation et un
sondage qui demande si vous êtes pour ou contre l'indépendance,
est-ce que le résultat est le même?
M. Pinard: Dans les sondages, les résultats ne sont pas
les mêmes. Ce que j'ai dit hier soir, c'est qu'au moment du
référendum, en prenant cet exemple-là, je crois que
l'effet de dire: Etes-vous pour ou contre la séparation ou
êtes-vous pour ou contre l'indépendance, cela ne ferait pas de
différence.
M. Mackasey: Excusez-moi, parce que nous devons vous laisser
bientôt, est-ce parce que, dans l'esprit des gens, l'indépendance
et la séparation ne sont pas nécessairement la même
chose?
M. Pinard: Actuellement, dans l'esprit des gens les moins
scolarisés, l'indépendance n'est pas la même chose que la
séparation.
M. Mackasey: N'est-il pas nécessaire... Oui.
M. Pinard: Mais un pays indépendant est, en gros, la
même chose dans l'esprit des gens.
M. Mackasey: N'est-il pas important de renseigner, autant que
possible, la population, à savoir si, vraiment, il y a une
différence ou s'il n'y a pas de différence?
M. Pinard: Le principe général que
j'énoncerais là-dessus, c'est qu'une fois le contenu
explicité du référendum, l'objet, une des choses qui
devraient être faites, il devrait y avoir... L'exemple britannique est
excellent à ce niveau; on a remis aux électeurs une
définition de ce qu'on entend par chacune des options qui sont
proposées à l'électorat. Sans doute que le débat de
la campagne référendaire précisera exactement ce qu'il y a
derrière les options proposées dans le
référendum.
M. Mackasey: Ma dernière question, parce que mon
collègue a une petite question à vous poser. Par exemple, si on
posait la question, au référendum: Etes-vous pour ou contre
l'indépendance? Etes-vous pour ou contre la souveraineté? Le
premier ministre, ici à l'Assemblée nationale, a
déclaré que l'indépendance et la souveraineté sont
exactement la même chose. Est-ce que cela serait logique de poser les
deux options sur le même "ballot ", quand le premier ministre
lui-même a décidé que c'est exactement la même
chose?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, je pense que j'ai des doutes
sur...
M. Mackasey: Non, je n'ai...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai dit
hier qu'en cas de doute, j'interviendrais. Je pense que vous demandez une
sorte...
M. Mackasey: Non, excusez-moi, M. le Président, sur un
point de règlement. Je n'ai pas demandé à M. Pinard ce
qu'il peut faire, ce qui est mieux pour la province, ce qui est mieux pour le
Canada, ce qui est mieux pour la population; il va décider
lui-même. D'ailleurs, je peux lui poser la question, si cela vous
plaît: "Are you for a United Canada? Are you for a United Canada made up
in ten provinces? There are options, but they are identical. I am thinking in
relationship to the financing ". Chaque groupe aurait le financement.
Alors, on peut poser quatre sur cinq questions qui sont
fédéralistes, les fédéralistes auraient quatre fois
l'argent disponible pour le gouvernement, ou quatre questions
séparatistes contre une question fédéraliste, et
là, nous aurons quatre fois le montant pour l'autre organisation. Cela
n'a pas d'allure. Je m'excuse.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une
dernière question très rapide. Le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Une question très rapide, M. le
Président.
M. Burns: M. le Président, je m'excuse auprès du
député de Mont-Royal, on avait dit qu'on finissait normalement
à midi, mais je sais que le député de Rosemont a aussi
quelques questions à poser. Est-ce qu'on pourrait s'entendre
immédiatement pour dépasser l'heure, après que le
député de Mont-Royal aura posé ses questions?
M. Brochu: Très brièvement.
M. Ciaccia: Brièvement. M. le Président, j'aurais
voulu poser quelques questions sur la conciliation entre la loi-cadre, notre
régime et notre droit constitutionnel, parce qu'il n'y a pas seulement
la question de la souveraineté du Parlement, la souveraineté du
public, du peuple, mais il y aurait aussi les us et coutumes de la
responsabilité ministérielle et de la responsabilité d'un
gouvernement. Puisqu'il est un peu tardif, qu'on n'a pas beaucoup de temps pour
nos questions, je veux poser la question suivante: Supposons qu'il y ait une
loi sur le référendum, sur la question de l'indépendance,
je ne demande pas si la loi sur le référendum touche aux
ceintures de sauvetage, mais supposons que la loi touche à la
séparation du Québec, est-ce qu'une telle loi peut être
élaborée sans la participation du gouvernement central?
Peut-être pourriez-vous nous répondre au point de vue juridique et
au point de vue pratique, parce que, dans votre exposé, vous avez
souligné certaines conséquences sociales de certains gestes que
le gouvernement pourrait poser. D'un point de vue juridique, vous avez aussi
exposé la possibilité que la loi pourrait être
délibérative et non seulement consultative. Pour que la loi soit
délibérative, il faudrait que la juridiction du gouvernement qui
la pose, le gouvernement puisse la mettre en vigueur. Ces deux points de vue,
est-ce que vous pourriez les élaborer un peu, et nous répondre si
une telle loi peut être élaborée sans la participation du
gouvernement central?
M. Brun: Sur un référendum qui aurait pour objet...
Je vais m'en tenir au point de vue rigoureusement juridique. Au sujet d'un
référendum qui aurait pour objet l'avenir du Québec, avec
des possibilités, des options qui signifieraient, d'une façon ou
d'une autre, la sécession, je pense que, effectivement, en droit
positif, en droit constitutionnel positif, ceci n'est pas une question, une
matière qui relève de la compétence du Québec. Le
droit de sécession n'est pas exprimé dans la constitution. C'est
le principe contraire de l'intan-gibilité des règles de partage,
à moins d'avoir recours à l'amendement, au sens formel du terme,
qui est aujourd'hui l'accord des onze, plus la bénédiction
formelle d'une loi du Parlement de Westminster. Ce qui veut donc dire, par
rapport à ce dont j'ai parlé au tout début hier, et ce
à quoi vous faites allusion, que, sur cette question précise, sur
ce référendum ceci, même si nos remarques sont
placées dans le cadre d'une loi-cadre sur les référendums
dans le cas de ce référendum-ci, effectivement, )e
processus ne pourrait être, à mes yeux, pour cette raison
juridique, que consultatif.
M. Ciaccia: Mais, est-ce que vous pouvez répondre... Il
peut être consultatif, mais, du point de vue pratique, est-ce qu'une
telle loi peut être élaborée seulement par le Québec
sans... Je ne connais pas la forme de participation, une forme ou une autre, je
ne dis pas un droit de véto, mais un genre de participation entre les
deux gouvernements, du point de vue pratique aussi...
M. Brun: Pour qu'il en soit autrement sur cette question, pour
que le processus ne soit pas que consultatif, mais soit liant juridiquement,
soit déli-bératif, je pense qu'un processus conjoint,
Québec-Ottawa, ne suffirait pas. On a plutôt reconnu, en droit
constitutionnel, que des délégations de compétences
proprement législatives ne pouvaient pas se faire. C'est reconnu en
jurisprudence que le partage des compétences, étant
lui-même intangible, à moins d'avoir recours au processus
très formel d'amendements constitutionnels auxquels j'ai fait
allusion... De sorte que je ne vois pas là d'avenues pouvant changer la
nature des choses, la nature du processus sur le plan du droit constitutionnel
positif.
M. Ciaccia: Mais, hier, n'y en a-t-il pas un parmi vous, je ne
sais pas si c'est...
M. Pinard: Oui, je pense que vous faites allusion...
M. Ciaccia: ... qui a dit...
M. Pinard: ... à ce que j'ai dit, ce que vous appelez
l'aspect pratique, ce que j'appelle, moi, l'aspect politique du
référendum. Idéalement, il devrait y avoir le consensus le
plus large sur le sens de la question, sur la portée de la question et
sur les conséquences des résultats d'un tel sondage ou d'un tel
référendum.
Ce qui ne veut pas nécessairement dire que la question doit
être élaborée par les deux niveaux de gouvernement ou par
les partis. Tout ce que je souhaite, comme idéal, c'est que la question
qui sera définie par le parti au pouvoir, dans ce cas-ci, soit une
question dont les gens disent: Parfait, cela dit vraiment ce que cela veut
dire. C'est vraiment cela qu'on veut mesurer et nous nous engageons à
respecter l'opinion qui sortira d'un référendum sur cette
question. Autrement, je dis qu'il y a des dangers de perturbations sociales
s'il n'y a pas d'accord au départ, avant même le vote, sur ce que
signifiera tel ou tel vote.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Mont-Royal. Très rapidement, M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je vais devoir être
très bref. J'aimerais d'abord souligner que, globalement, ce
mémoire nous éclaire énorme-
ment parce qu'il a un caractère d'objectivité très
grand qui dépasse les différentes options particulières
qu'on peut avoir face au référendum que tout le monde a à
l'esprit. D'autre part, sur les principes, je pense que le Barreau est
largement d'accord avec les principes du livre blanc, quant à la
nécessité d'une légitimité de la question et d'un
contrôle des revenus et dépenses des organisations. C'est sur ces
deux points que je veux vous poser quelques questions.
Vous nous proposez une question appelant une réponse par oui ou
non. Est-ce que c'est une recommandation que vous faites du genre "autant que
possible les questions devraient appeler les réponses par oui ou non" ou
est-ce que vous voulez que cela soit inscrit dans la loi-cadre et que cela
s'applique à tous les référendums?
M. Pinard: Non, nous pensons qu'une question par oui ou non
renferme plusieurs principes: la clarté, la simplicité, sera
facilement comprise par les gens et mènera facilement à une
majorité. Je ne crois pas qu'il faille nécessairement dire que la
question devra toujours être posée ainsi. Nous
énonçons des problèmes de référendums qui ne
suivraient pas cette formule. Disons que cela pourrait poser des
problèmes.
M. Paquette: J'imagine que cela dépend de l'état de
l'opinion publique. Si, en Grande-Bretagne, par exemple, l'état de
l'opinion publique avait été tel qu'il y aurait eu trois options
qui auraient rallié beaucoup de suffrages, par exemple, le maintien dans
le Marché commun, le retrait du Marché commun ou une certaine
forme d'association ou de statut spécial par rapport au Marché
commun, et que ces trois options avaient été très
largement partagées par les citoyens, à ce moment,
peut-être aurait-il été indiqué que le
référendum comporte trois options. Si je vous comprends bien,
vous seriez d'accord pour qu'on laisse la possibilité ouverte dans la
loi-cadre, quitte à la préciser dans la loi spéciale que
vous proposez.
M. Pinard: D'accord. Tout ce que nous avons dit à ce
sujet, toute option autre que le oui ou non, pose des problèmes
particuliers que nous avons soulignés.
M. Paquette: D'accord. Concernant le contrôle des revenus
et des dépenses, vous nous soulignez avec justesse certains dangers de
la modalité que nous avons retenue qui force les gens d'opinions
différentes à se regrouper au sein de comités, avec la
possible restriction d'une certaines liberté d'expression. Evidemment,
on favorise également une égalité dans la liberté
d'expression en contrôlant les revenus et dépenses de façon
qu'il y ait une certaine justice et que chacun puisse s'exprimer avec les
mêmes instruments, avec le même support financier. Je pense qu'il
faut essayer d'améliorer le mécanisme qui est proposé dans
le livre b'anc. Je suis d'accord avec vous là-dessus. Supposons qu'on
découvre que toute au- tre formule que le regroupement en comité
soit inapplicable, est-ce que vous maintenez quand même ce principe de
contrôle des revenus et dépenses? Autrement dit, est-ce que vous
privilégiez le principe, même si la modalité
proposée dans le livre blanc était inévitable?
M. Pinard: Là, cela devient une opinion personnelle. Je
pense... Est-ce que tu veux t'exprimer là-dessus?
M. Brun: C'est cela. Je pense que ce n'est pas pour rien que
notre mémoire arrête au moment précis où on
s'interroge sur le mécanisme prévu. Personnellement, je pense
qu'on peut aller au-delà.
M. Pinard: Personnellement, je privilégie la
liberté d'association et d'opinion sur le contrôle. Elle doit
passer avant le contrôle. Je suis convaincu qu'il y a moyen d'avoir une
forme de contrôle qui n'est pas la plus rigoureuse, la plus parfaite, la
plus égalitaire, mais qui, quand même, n'affecterait pas la
démocratie et le contrôle de l'argent et qui en même temps
respecterait la liberté d'association. Je penche du côté de
la liberté d'association et de la liberté d'expression.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une
dernière brève question et une dernière très
brève réponse.
M. Langlois: Vu qu'on demande l'opinion personnelle, je partage
celle de Me Pinard.
M. Brun: Je ne la partage pas pleinement dans notre processus qui
nous a amené à arrêter nos débats sur un point
d'interrogation, à savoir si le moyen proposé était
conforme aux objectifs. J'avoue que, raisonnant d'une certaine façon,
dans la mesure où je n'étais pas capable de prévoir,
d'imaginer d'autres mécanismes, il faudrait peut-être supporter ce
mécanisme parce que, peut-être contrairement à ce que
disait sur une base personnelle mon confrère Langlois, pour moi. c'est
quand même essentiellement différent d'une élection dans le
sens très concret.
Dans le cas d'une élection, si on contrôle les partis
politiques, on a tout contrôlé ce qu'il fallait contrôler,
très concrètement, alors que, dans le cas d'un
référendum, je ne suis absolument pas convaincu de ça. Je
tends à penser que les dépenses vont venir de mille autres
endroits, alors que, dans le cas d'une élection, les dépenses de
campagne viennent essentiellement des partis qui sont financés.
M. Paquette: Une dernière brève question, M. le
Président, à M. Pinard. Je pense que l'opinion que vous venez
d'émettre tient au fait que vous dites et vous avez donné
l'exemple du référendum britannique; dans le fond, les
dépenses électorales devraient être contrôlées
de façon minimale, mais très souples, finalement, ça n'a
pas tellement d'importance.
II y a quand même le problème suivant qui a
été soulevé en Grande-Bretagne, même une fois le
référendum passé, parce que les gens qui ont perdu avaient
l'impression qu'en face, on avait mis dix fois plus d'argent pour les battre;
ils n'ont pas accepté la décision populaire et il continue d'y
avoir des divergences d'opinions importantes dans la population. Il y a ce
danger. Même si c'était vrai, ce dont je doute, que les
dépenses n'ont pas une influence déterminante sur le
résultat, elles en ont une dans l'esprit des gens qui disent: On s'est
fait avoir.
Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est dangereux sur le plan de la
légitimité, cette fois, qui est un autre principe que tout le
monde accepte?
M. Pinard: Vous avez raison; mon opinion est basée sur le
fait qu'il n'y a pas seulement des ressources financières, qu'il y a
d'autres ressources, d'une part, et aussi, d'autre part, sur le fait que je
pense qu'en gros, les dépenses ont beaucoup moins d'impact qu'on ne le
croit. Troisièmement aussi, c'est basé sur le fait que j'ai
énoncé; ce sur quoi nous sommes d'accord comme comité,
c'est que nous devons viser à l'égalité la plus parfaite
possible. Je ne vois pas qu'on ne puisse pas contrôler quelque chose tout
en respectant complètement la liberté d'expression et d'opinion;
en même temps, pour faire ça, on n'est pas obligé de se
laisser aller à du dix contre un.
Il y a moyen de dire que toute organisation n'aura pas le droit de
dépenser plus de $3000 ou des chiffres comme ça. Même s'il
y a 1000 organisations, ça ne fait pas de gros chiffres.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Me
Filion, Me Langlois, Me Brun, M. Pinard, au nom des membres de la commission,
je vous remercie pour votre collaboration et, avant d'ajourner les travaux,
j'inviterais le Mouvement national des Québécois à se
présenter vers 4 heures, après la période des questions.
M. le ministre.
M. Burns: Je veux simplement dire à nouveau, comme je l'ai
dit hier, un grand merci au Barreau pour ce document qu'il nous a soumis, qui
va nous être très utile dans l'élaboration
éventuelle du projet de loi qu'on espère pouvoir déposer
au cours du mois de décembre qui vient. Mais je pense que votre
contribution est très positive, elle va nous être utile à
tout le monde, tant du côté de l'Opposition que du
côté ministériel. Et je vous en remercie.
M. Lavoie: Nous abondons, pour une fois, tout à fait dans
le même sens, et exceptionnellement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de la commission sont ajournés jusqu'au prochain ordre de la
Chambre. Merci.
(Fin de la séance à 12 h 14)
Reprise de la séance à 16 h 51
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, messieurs!
Il s'agit d'une séance de la commission parlementaire de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales. Les membres de la commission, pour la présente
séance, seront: M. Bertrand (Vanier); M. Bisaillon (Sainte-Marie); M.
Brochu (Richmond); M. Burns (Maisonneuve); M. Gratton (Gatineau); M. Grenier
(Mégantic-Compton); M. Johnson (Anjou) remplacé par M.
Charbonneau (Verchères); M. La-berge (Jeanne-Mance); M. Lamontagne
(Roberval) remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Lavoie (Laval); M.
Lévesque (Taillon) remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M. Martel
(Richelieu); M. Morin (Louis-Hébert) remplacé par M. Laplante
(Bourassa); M. Morin (Sauvé) remplacé par M. de Belle-feuille
(Deux-Montagnes); M. Paquette (Rosemont); M. Roy (Beauce-Sud); M. Samson
(Rouyn-Noranda); M. Vaugeois (Trois-Rivières).
Sans que je veuille que ce soit considéré comme un
précédent, je veux tout simplement souhaiter la bienvenue
à des gens qui représentent les cinq comtés du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Aux gens qui sont devant nous aujourd'hui, bienvenue
au nom des membres de la commission et surtout au nom des cinq
députés du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
J'inviterais maintenant le Mouvement national des
Québécois et ses représentants à venir nous
présenter leur mémoire, s'il vous plaît.
Je demanderais au porte-parole du groupe de bien vouloir se
présenter et de présenter ceux qui l'accompagnent.
Mouvement national des Québécois
M. Généreux (Alain): M. le Président, MM.
les membres de la commission, c'est avec plaisir que le Mouvement national des
Québécois se présente devant vous aujourd'hui pour vous
faire part de ses vues, à la suite de l'analyse que nous avons faite du
livre blanc présenté et qui devrait éventuellement donner
naissance à un projet de loi sur lequel nous espérons bien
pouvoir également être entendus, à la suite des travaux qui
vous auront amenés à la rédaction de ce projet de loi.
Je voudrais d'abord vous présenter les personnes qui
m'accompagnent aujourd'hui. M. André Côté, qui est
vice-président du Mouvement national des Québécois et
président de la SNQ de l'Outaouais; M. Réginald Lavertu qui est
secrétaire du Mouvement national des Québécois et
président de la SNQ de l'Est du Québec; Mlle Jocelyne Michaud de
la SNQ de l'Est du Québec et membre du Conseil national du MNQ; M. Guy
Gagnon qui nous a quittés il était ici ce matin, il a
dû retourner étant donné que les horaires de l'avion ne lui
permettaient pas de rester Mlle Louise Langlois de la SNQ du centre du
Québec et M. Lionel Du-guay, également de la SNQ, centre du
Québec; M. Evangéliste Saint-George de la SNQ de
Lanau-dière; M. André Auclair, directeur général du
Mou-
vement national des Québécois, à ma gauche; Monique
Richer-Gasse, recherchiste au MNQ, à ma droite; M. Gérard Claveau
de la SNQ, Saguenay-Lac-Saint-Jean; M. André Brochu, de la SNQ de la
capitale et M. Jean-Louis Carufel de la SNQ, Richelieu-Yamaska.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Généreux, avant que vous ne commenciez la lecture de votre
mémoire, j'aimerais vous lire une directive que j'ai l'intention
d'ailleurs de lire à tous les intervenants futurs à la
commission, parce que ce mandat ne doit pas devenir, ni pour les membres, ni
pour les témoins, un forum pour les tenants ou les opposants de
thèses devant éventuellement faire l'objet d'un
référendum au Québec.
Nonobstant ce principe fondamental qui devra être respecté,
il est évident qu'il serait contraire aux règles
élémentaires du parlementarisme de tenter d'interdire toute
intervention qui s'appuierait sur les exemples concrets pour illustrer une
opinion sur les consultations populaires. En cas de doute, comme je l'ai
déjà dit, il faut pencher vers une plus grande liberté,
plutôt que vers la contrainte.
Je me réserve néanmoins le droit d'interrompre tout
opinant cherchant à faire de la présente commission une tribune
pour faire valoir une thèse plutôt qu'une autre ayant trait
à une question qui ne relève pas directement du mandat de cette
commission. Merci.
M. Généreux: M. le Président, face à
cette communication, je dois vous dire que nous voulons intervenir vraiment sur
le projet de loi et, si je m'en écartais, je vous demande de me le
souligner.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord, merci.
M. Généreux: Si vous le voulez bien, je vais
d'abord vous donner lecture du mémoire que vous avez actuellement en
votre possession. Je vous souligne un aspect technique. Dans un certain nombre
de copies, pour la pagination du mémoire, il y a eu une erreur. Les
pages 10 et 11 ont été inversées. Je ne sais pas si les
copies qui vous ont été remises sont exactes ou pas.
J'espère que ce n'est pas un mauvais présage.
Le Mouvement national des Québécois, fondé en 1947,
sous le nom de Fédération des Sociétés
Saint-Jean-Baptiste du Québec, regroupe quinze sociétés
nationales ou Sociétés Saint-Jean-Baptiste. L'effectif de notre
mouvement s'élève à près de 130 000 membres,
répartis sur l'ensemble du territoire québécois.
En 1969, le Mouvement national des Québécois opta, au
cours d'une assemblée générale spéciale, pour un
Québec souverain.
Il publia alors un manifeste dans lequel il est fait mention que le
peuple québécois doit être consulté par voie de
référendum ou plébiscite pour choisir librement et
démocratiquement la constitution et les institutions politiques dont il
veut doter son Etat, le Québec. Bien que le livre blanc ne porte pas
spécifiquement sur un référendum concernant la
constitution d'un Québec souverain, cette loi ébauchée par
le livre blanc sur la consultation populaire au Québec est donc attendue
par notre mouvement depuis huit ans. Nous ne pouvons que féliciter le
gouvernement actuel pour cette volonté qu'il manifeste d'écouter
la volonté populaire s'exprimer au moyen de
référendums.
Que le Mouvement national des Québécois juge opportun de
faire entendre sa voix est donc légitime. Au cours de son dernier
congrès, tenu à Chicoutimi les 3, 4 et 5 juin derniers, nos
militants ont préparé et adopté quelques
résolutions portant sur le référendum, ce terme devant
être pris dans le sens le plus strict, c'est-à-dire sur le
référendum décidant de l'avenir du Québec.
D'aucuns n'ont vu dans ce livre blanc sur la consultation populaire
qu'un aspect bien spécifique, l'avenir constitutionnel du Québec.
Cependant, nos recommandations tiennent compte de la volonté
exprimée par le gouvernement, c'est-à-dire de doter le
Québec d'une loi sur les référendums. Pour cela, nous nous
sommes basés sur les résolutions adoptées lors de notre
dernier congrès. Nous donnons donc un appui de principe aux
thèses proposées par le gouvernement dans son livre blanc, bien
que nous nous réservions le droit d'émettre au passage certaines
restrictions. Nous nous permettrons également de vous faire quelques
suggestions qui, nous le croyons, vous aideront à écrire une loi
claire et facilement applicable dans ce Québec toujours régi par
une constitution plus que centenaire.
En premier lieu, nous ne pouvons que souscrire au caractère
consultatif des référendums puisque, s'ils revêtaient un
caractère délibératif, la Cour suprême du Canada
s'empresserait de les juger anticonstitutionnels, se basant en cela sur
l'article 92, paragraphe 1, de la constitution.
D'autre part, vous n'ignorez pas qu'un référendum,
même consultatif, reste contraignant pour un gouvernement. Si la
volonté populaire s'exprime majoritairement pour ou contre une
proposition gouvernementale, vous seriez malvenus d'aller à ('encontre
de cette volonté d'où, selon nous, l'importance à accorder
à la période d'information dans tout référendum.
Quant au droit d'initiative, nous sommes d'accord pour que ce droit, comme le
prévoit le livre bianc, appartienne au gouvernement. Les exemples de
référendums n'ayant pas foisonné au Québec, la
tradition n'est pas encore implantée dans nos moeurs.
Il faudra cependant pousser plus loin, plus avant vos études et
trouver une façon de diversifier les formules afin que l'initiative
soit, tantôt gouvernementale, tantôt populaire. Mais nous sommes
conscients qu'avant d'en arriver à une telle diversité, il nous
faut acquérir une tradition référendaire. C'est la raison
pour laquelle nous approuvons, pour le moment, le mécanisme prévu
par le livre blanc.
Sous un autre aspect, nous croyons que la formulation de la question,
lors d'un référendum,
revêt une importance capitale. Puisque l'initiative du
référendum revient au gouvernement, il est logique qu'il
décide également de la formulation de la question. Que la
question soit étudiée à l'Assemblée nationale,
qu'elle subisse, si nécessaire, des modifications, tout cela s'inscrit
dans un processus démocratique que nous ne pouvons qu'approuver. Nous
espérons que dans le projet de loi qui suivra le livre blanc, vous
n'accroîtrez pas la durée du débat. Nous estimons que les
25 heures prévues sont suffisantes. De plus, cette façon de
procéder permettra à la population de connaître, à
l'avance, la question qui sera posée lors du référendum
qui suivra, d'en connaître et surtout d'en bien saisir le sens, et ceci
est important dans le contexte actuel. Par ailleurs, nous ne vous apprenons
rien en affirmant qu'une partie de la population québécoise est
anglophone, que le projet de loi no 101 a fait du français la langue
officielle du Québec et que le Mouvement national des
Québécois s'est porté, depuis longtemps, à la
défense de ce bien culturel qui nous appartient.
C'est pourquoi nous recommandons au gouvernement, que lors d'un
référendum, la question soit posée en français
seulement. Cette question devra être courte, précise et positive.
Si nous insistons pour que la question soit posée en français
seulement, c'est que le sens des termes employés en français peut
différer lorsque les mots sont traduits. C'est au moment du débat
à l'Assemblée nationale que le gouvernement doit vérifier
si la traduction de la question proposée est juste et rend exactement la
pensée du gouvernement.
Nous présumons évidemment que les media couvriront le
débat et que, par conséquent, les journalistes anglophones
donneront la traduction de la question que le gouvernement lui-même aura
faite. J'ouvre une parenthèse pour vous dire que même avec une
question uilingue française, il est possible d'imaginer un
mécanisme d'information adéquat pour permettre aux
Québécois anglophones de ne pas être brimés dans
leur droit à l'information.
De plus, nous insistons pour que la question soit courte, précise
et positive, afin d'éviter toute ambiguïté.
Une question longue, tortueuse, comportant des négations,
déroute l'électeur, d'autant plus que les explications
nécessaires pour bien comprendre la question auront été
fournies durant le débat à l'Assemblée nationale et
surtout durant la campagne référendaire proprement dite.
En ce qui concerne les préalables au scrutin, soulignons d'abord
que le processus de votation et l'organisation du référendum,
tels que proposés dans le livre blanc, nous conviennent. Même s'il
existe une différence fondamentale entre les élections et les
référendums, il n'y a pas lieu de changer quoi que ce soit dans
les procédures à suivre dans l'organisation d'un
référendum. Nous émettons cependant quelques
réserves quant au droit de vote. Le livre blanc suggère de se
fonder sur l'article 48 de la Loi électorale pour déterminer les
personnes habilitées à voter. Il propose, entre autres, une
extension possible, au moment des réfé- rendums seulement, pour
certaines catégories de personnes. Nous souhaitons, au contraire, que
l'article 48 continue à s'appliquer pour les référendums
tout comme pour les élections. En effet, pourquoi les juges, par
exemple, seraient-ils plus aptes à voter lors de
référendums? Ne s'immisceraient-ils pas autant dans les affaires
politiques lors d'une campagne référendaire, alors qu'en
principe, ils doivent se tenir éloignés de tout débat
politique? Nous proposons plutôt que l'article 47 de la Loi
électorale du Québec soit modifié de la façon
suivante, c'est-à-dire modifier le paragraphe 1 de l'article 47 de
façon qu'il se lise comme suit: "Etre domicilié dans la province
depuis au moins trois ans", et le paragraphe 3 "Avoir 16 ans accomplis". Que
l'on nous comprenne bien: nous ne demandons pas d'abaisser l'âge de vote
uniquement pour les référendums, mais de modifier la Loi
électorale qui serait aussi applicable pour les
référendums. Dans notre esprit, il ne s'agit pas d'accorder un
droit de vote au moment du référendum, si on ne reconnaît
pas que ces personnes doivent avoir le droit de vote au moment de
l'élection, les deux gestes d'électeur et de citoyen responsable
étant tout aussi importants l'un que l'autre.
Nous trouvons illogique que les jeunes qui sont aptes à quitter
l'école, qui sont également aptes à entrer
légalement sur le marché du travail, qui sont aptes à
payer des impôts, soient déclarés inaptes à porter
un jugement politique.
Nous jugeons également très important que seules les
personnes ayant résidé au Québec depuis au moins trois ans
puissent voter. Un référendum, quel qu'il soit, comme une
élection d'ailleurs, doit être le reflet de ce que pensent les
citoyens du Québec, de ceux qui y ont des racines. Pourquoi un Canadien,
de passage au Québec, déciderait-il de ce qui est bon pour nous?
Le peuple du Québec est suffisamment adulte et il l'a d'ailleurs
démontré pour ne pas avoir à se faire dicter ce
qu'il doit penser par d'autres.
Il est évident que, d'un côté, nous restreignons le
droit de vote et que, de l'autre, nous l'élargissons. Mais nous croyons
que c'est préserver notre identité nationale que d'accorder le
droit de vote à ceux qui ont des intérêts certains et la
connaissance du milieu au moment des consultations.
Quant à la campagne référendaire elle-même,
nous avons deux recommandations à faire au sujet de l'émission du
bref.
D'abord, que le référendum soit toujours tenu en juin ou
en octobre, de préférence un dimanche. Je veux bien
spécifier ici que nous n'espérons pas avoir dans la loi un
article qui oblige le gouvernement à tenir ces référendums
en juin ou en octobre, la rédaction laisserait peut-être entendre
cette chose-là, mais, nous voulons beaucoup plus qu'on tienne compte des
conditions climatiques, qu'on ne les tienne pas, par exemple, en
été ou au mois de janvier. Les conditions climatiques pourraient
affecter le taux de participation. Dans la mesure où nous voulons
consulter les Québécois, nous devons le faire dans une
période où il est le plus
facile possible de susciter une participation réelle des
Québécois.
Deuxièmement, que le gouvernement émette une carte
d'électeur obligatoire pour tous ceux qui ont le droit de vote. Cela
vaut également pour les élections.
Si l'on veut créer une habitude référendaire, il
serait préférable que les référendums se tiennent
un dimanche, journée de la semaine facilitant la participation des
électeurs, selon nous, les périodes suggérées,
comme je le disais tantôt, cadrant avec le climat que le Québec
connaît.
Quant à notre deuxième recommandation, nous croyons que la
carte d'électeur devrait être obligatoire tant pour les
référendums que pour les élections, facilitant ainsi le
contrôle de la campagne référendaire, ce qui constituerait
un mécanisme additionnel permettant de limiter la durée de la
campagne référendaire laquelle ne devrait, en aucun cas,
dépasser 60 jours, selon nous. Nous croyons qu'un
référendum se prépare longtemps à l'avance. La
population a le temps, pendant la campagne
préréférendaire, de se faire une opinion. Point n'est
besoin de maximiser les délais qui, de plus, lorsqu'ils sont trop longs,
ont pour effet de désintéresser la population. L'objectif serait
donc raté.
Au sujet de ce que vous appelez ou définissez comme les
participants dans le livre blanc, nous sommes d'accord pour que les tenants
d'une même option se regroupent à l'intérieur
d'organisations distinctes d'un parti politique, laissant ainsi aux
députés le choix de leur option. Nous irions même
jusqu'à dire que c'est essentiel.
Hélas, il y a quelques points que vous n'avez pas abordés
et qui auraient mérité que vous vous y arrêtiez.
Permettez-nous d'en soulever quelques-uns.
D'abord, le livre blanc ne précise pas qui pourra intervenir lors
de ces campagnes. Si un organisme ou un individu ont été
refusés dans des organisations ad hoc et décident de parler, de
convoquer des conférences de presse, quel contrôle entendez-vous
avoir sur eux? C'est pour nous une interrogation.
Sous un autre aspect, avez-vous prévu d'inviter les journalistes
à se doter d'un code d'éthique pour les campagnes
référendaires et de le rendre public avant le prochain
référendum? Que les journalistes se rassurent: nous en
connaissons suffisamment pour savoir reconnaître leur valeur
intrinsèque et leur professionnalisme. Mais ils savent comme nous que
certains de leurs patrons ne sauront pas toujours distinguer entre leurs
convictions personnelles et les aspirations du Québec.
Nous recommandons donc que le gouvernement invite, puisqu'il ne peut
l'imposer, les journalistes à se doter d'un code d'éthique pour
les campagnes référendaires et que celui-ci soit rendu public
dans les plus brefs délais.
Au sujet de la mise sur pied des organisations, nous n'aurons que deux
brèves remarques à faire; d'abord, il semble que plusieurs
options pourront être faites pour une même question, comme lors du
premier référendum à Terre-Neuve, par exem- ple, ce qui
occasionnerait la mise sur pied de plus de deux organisations. Ne croyez-vous
pas que cela ressemble à une politique de diviser pour régner et
que c'est donner double poids à l'adversaire, quel qu'il soit?
Il nous apparaît plus efficace et plus simple, en même
temps, de ne poser qu'une question à laquelle la population peut
répondre par un oui ou par un non. C'est une réponse claire, sans
bavure que le gouvernement n'aura pas à étudier longtemps pour
savoir ce que la population a voulu dire.
Une deuxième remarque: aucun délai n'a été
prévu dans le livre blanc pour la formation du comité national
par le comité provisoire. Advenant le cas où un
député, peu importe les questions de procédure, a
l'intention de s'inscrire dans un comité provisoire, même si ce
n'est pas son option, il pourrait s'arranger pour que ce comité
provisoire perde deux semaines avant de pouvoir entrer en fonction, ou tout
autre problème de procédure pourrait avoir la même
conséquence.
Deux semaines, dans une campagne référendaire qui peut en
compter cinq, c'est beaucoup. C'est pourquoi nous vous recommandons que le
délai fixé pour former le comité national soit de sept
jours, à compter de la formation du comité provisoire, de
façon que le comité national soit vraiment en mesure de
fonctionner, pour l'une ou l'autre des thèses, dès la
septième journée ou la huitième journée.
Quant au scrutin, vous laissez une porte ouverte pour le décompte
des suffrages, attendant, semble-t-il, que la population vous fasse des
suggestions. Pour notre part, nous préférerions que le
décompte se fasse comté par comté. Si nous
préférons cette façon de procéder, c'est afin de
bien identifier le vote.
Il est évident que l'on songe le plus souvent au
référendum sur l'avenir politique du Québec. Certains
prétendent alors que cette méthode de décompter fournirait
une arme à ceux qui se retrouveraient concentrés dans le secteur
du West Island, par exemple.
Mais ce serait, croyons-nous, jouer à l'autruche et ne pas
vouloir identifier alors ceux que, de toute façon, nous pourrions
identifier dès aujourd'hui.
En conclusion, malgré quelques points que nous vous avons
soulignés au passage, nous nous déclarons donc globalement
satisfaits par ce livre blanc. Par ailleurs, nous espérons que vous nous
permettrez, après la publication du projet de loi, de vous faire nos
commentaires. La Loi sur les référendums est importante en soi et
aura de telles répercussions sur toute la population
québécoise, qu'il nous semble inadmissible que les personnes
intéressées à la commenter ne soient pas entendues.
Sur un autre plan, bien que cette question ne découle pas
directement du livre blanc, il nous apparaît essentiel que le
gouvernement entreprenne une révision en profondeur des
mécanismes régissant actuellement les référendums
municipaux, notamment en ce qui concerne le fait
qu'actuellement on tienne compte, dans certains cas, de
l'évaluation des propriétés de l'électeur pour
déterminer la valeur de son opinion. Ceci nous apparaît, pour le
moins, dépassé et injustifié dans la société
québécoise actuelle.
Nous espérons, MM. les membres de la commission, que nos
recommandations recevront un accueil favorable et qu'elles vous
éclaireront dans l'élaboration de votre projet de loi. Je vous
remercie et je pense que, lors de la période des questions, il sera
sûrement possible d'expliciter davantage nos positions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. Généreux. M. le ministre.
M. Burns: M. Généreux, je veux d'abord vous
remercier pour l'allure que vous avez donnée à ce mémoire.
Elle m'apparaît très positive et exactement dans le ton qui est
recherché, je pense, par la commission parlementaire dans cette
consultation que nous faisons sur le livre blanc.
Je pense bien que, dans la plupart des cas où vous nous faites
des recommandations, ce sont des recommandations que déjà nous
suggérons dans le livre blanc, de sorte qu'on ne se fera pas une chicane
là-dessus, on va être d'accord sur beaucoup de points.
Certains de mes collègues c'est d'ailleurs dans ce
but-là que je vais restreindre mes questions, pas à cause du peu
d'importance que j'accorde à votre mémoire, bien au contraire
je vais restreindre mes questions à quelques points très
précis pour permettre aux autres collègues de la commission de
discuter davantage avec vous.
J'aimerais tout simplement que vous me donniez un petit peu plus de
précisions sur... J'ai sorti un certain nombre de points de votre
mémoire. Je pourrais peut-être énumérer les points
forts de votre mémoire qui ressortent, par exemple, le fait que la
question soit posée en français seulement, qu'elle soit courte,
précise et positive. Je pense que là-dessus il n'y aura pas de
difficulté. On a déjà clairement dit qu'il faudrait qu'il
n'y ait pas d'ambiguïté de ce côté-là, parce
que cela serait dommageable à quelque parti que ce soit, le
comité du oui ou le comité du non. Je ne disserterai pas
là-dessus.
Vous suggérez également qu'aient droit de vote les
personnes domiciliées dans la province depuis au moins trois ans et
ayant seize ans accomplis. C'est un point sur lequel je voudrais
m'arrêter.
J'aimerais que vous me disiez de façon plus claire comment un
gouvernement, avec toute l'émotivité qui tourne autour d'un
certain référendum, pourrait véritablement changer les
règles du jeu je comprends votre suggestion, elle n'est pas de
mauvaise foi, loin de là de la Loi électorale pour les
appliquer au référendum et garder en même temps une
certaine crédibilité. Comme tout le monde le sait, la loi
actuelle exige une résidence d'un an et les personnes qui ont 18 ans et
plus ont droit de vote.
Si un gouvernement qui s'apprête à avoir un
référendum particulier c'est un engagement
électoral arrive et dit, juste avant l'élection, juste
avant la consultation référendaire: On change ces règles,
ne croyez-vous pas que ce serait dommageable à cet esprit
d'impartialité que nous essayons de mettre sur pied en vue de ce
référendum auquel tout le monde pense ou de tout autre
référendum? C'est cela que je vous demande, M.
Généreux, c'est ma première question.
M. Généreux: M. le ministre, c'est d'ailleurs un
aspect sur lequel nous nous sommes longuement attardés, que nous avons
étudié longuement. Je pense qu'au départ nous ne pouvons
qu'être d'accord avec vous pour dire qu'il ne faut pas changer les
règles du jeu en fonction du référendum sur l'avenir
constitutionnel politique du Québec. Cela, je pense que,
fondamentalement, en termes de crédibilité du mécanisme du
référendum, du gouvernement qui propose une question, ce principe
de base, nous le reconnaissons.
Par ailleurs, nous disons que nous sommes ici devant un projet de loi
qui concerne l'ensemble des référendums. C'est dans cette
situation que nous nous présentons devant la commission parlementaire. A
cette occasion, on se réfère à la Loi électorale
comme critère de base pour déterminer qui aura ou n'aura pas
droit de vote lors d'une élection et, partant de là, lors d'un
référendum.
Devant cela, nous nous disions: Les jeunes de 16 et 17 ans,
actuellement, la Loi électorale ne leur accorde pas le droit de vote.
C'est peut-être l'occasion privilégiée de
reconsidérer cette évaluation le plus objectivement possible et
en gardant toute la crédibilité possible face à la
population, de voir s'il n'y a pas lieu de mofidier la Loi électorale
dans ce sens, mais nous serions, par exemple, carrément en
désaccord avec un gouvernement qui modifierait cette règle
seulement pour le référendum. Nous voulons que ce soit vraiment
au niveau de la Loi électorale et que cette condition soit
modifiée dans le même sens.
Il Y a actuellement au Québec une foule de lois. Nous en citons
quelques-unes, dans le mémoire, qui reconnaissent aux jeunes de 16 et 17
ans des droits auxquels correspondent des obligations aussi, et nous pensons
que le droit de vote accordé, comme on l'a fait il y a quelques
années aux citoyens de 18, 19 et 20 ans qui n'avaient
antérieurement pas droit de vote, a entraîné pour ces
jeunes une obligation plus grande de s'informer, de se politiser, de
s'intégrer à une société. Est-ce que
l'évolution ne permet pas aujourd'hui de dire que ceux de 16 et 17 ans,
devant une même obligation, devant un même droit, ne pourraient pas
réaliser qu'ils ont une même obligation de s'intégrer
à la société?
Je ne veux pas m'éterniser sur ce point en spécifiant un
certain nombre de lois. Actuellement, par exemple, on reconnaît dans nos
droits civils le mineur émancipé qui, en matière de
commerce, entre 16 et 18 ans, va agir exactement comme un majeur. C'est reconnu
dans nos lois. Par contre, on ne lui reconnaît pas le droit de voter au
moment d'une élection.
On reconnaît dans nos lois, la Loi sur l'adoption. Un jeune de 16
ans peut adopter un enfant. Il le peut en vertu de l'article 19 de la Loi sur
l'adoption. On ne lui reconnaît pas le droit de voter. Je pourrais vous
en citer d'autres, la Loi sur la santé publique, à l'article 36,
qui parle de l'hospitalisation à partir de 14 ans; un jeune peut signer
pour une hospitalisation de courte durée sans le consentement des
parents. Nous pourrions vous en donner une liste.
M. Burns: Comme je pourrais vous donner le cas d'une fille de 12
ans qui peut se marier avec un garçon de 14 ans, en vertu de notre Code
civil.
M. Généreux: On pourrait justement donner une foule
de points sur lesquels... Est-ce que l'évolution actuelle de la
société québécoise avec un degré de
scolarisation plus grand que ce que nous avons connu dans le passé, ne
justifie pas que le gouvernement du Québec s'y arrête? Si on met
un obstacle simplement en se disant, à l'approche du
référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec... A ce
moment, aucun parti ne pourrait régler, modifier les règles du
jeu au niveau de la Loi électorale, parce que, dans un an, deux ans ou
trois ans, il ira devant l'électorat. Je pense que c'est un aspect que
je comprends en termes de crédibilité, mais que le gouvernement
ne doit pas éluder comme cela et dire: Ecoutez, il faut garder la
crédibilité et ne rien changer. Il ne faut pas pécher non
plus par naïveté, par excès de pureté. C'est mon
point de vue et c'est le point de vue du mouvement.
M. Burns: Je comprends très bien le motif qui vous anime,
M. Généreux, et je pense que justement ce motif est très
clair. Je ne vois pas de "serpentage" et de choses faites par en-dessous dans
votre suggestion. Je pense, d'autre part, que lorsque vous dites que ce serait
l'occasion privilégiée, j'ai plutôt l'impression que ce ne
serait pas l'occasion privilégiée de faire ce changement, parce
que, disons-le ouvertement, tout le monde sait que les gens qui sont les plus
jeunes dans la société ont tendance à favoriser, dans le
cas de l'avenir constitutionnel du Québec et je pense qu'il ne
faut pas être naïf, il faut l'admettre ils ont
peut-être tendance à favoriser davantage une certaine position
plus qu'une autre. Je me demande si votre suggestion, tout en étant
valable, et je reconnais les arguments que vous nous donnez, ne serait pas une
suggestion à examiner de nouveau, une fois qu'un certain
référendum, disons, sur l'avenir constitutionnel du
Québec, aurait été adopté. Jusqu'à
maintenant, je vous dis que c'est la position du gouvernement du Québec
de ne pas cnanger ces règles. Je reconnais, d'autre part, la justesse de
l'argumentation que vous nous donnez, à savoir que ces jeunes dans la
société, entre autres, de 16 à 18 ans, on leur impose un
certain nombre d'obligations, on leur donne un grand nombre de droits. Il n'y a
pas de doute que cela pourrait, dans un cas idéal... C'est-à-dire
si demain, tout ce débat se faisait autour d'un pro- blème
beaucoup moins émotif que celui que tout le monde envisage
éventuellement, dans un référendum sur l'avenir du
Québec, par exemple, il n'y a pas de doute qu'à ce moment, ce
serait peut-être beaucoup plus facile. Je vous parle bien ouvertement sur
le plan politique.
M. Généreux: Nous sommes ici pour cela.
M. Burns: Je pense que c'est quelque chose que le gouvernement
actuel va être obligé de s'abstenir de faire dans ce cas. En tout
cas, la décision n'est pas finale. Evidemment, on a encore beaucoup
d'autres mémoires à entendre, mais à première vue,
je pense que tout en tenant compte de la justesse de vos remarques
là-dessus, le gouvernement devra se restreindre aux règles
actuelles.
M. Généreux: M. le ministre, tout comme vous le
faites, je reconnais votre point de vue sans y souscrire, pour le moment,
puisque nous sommes devant les règles du jeu d'une commission
parlementaire qui touche à l'ensemble des référendums. Je
pense qu'il faut avoir le courage, si l'on pense collectivement... Si le
gouvernement nous dit qu'il ne croit pas que les jeunes de 16 ou 17 ans soient
suffisamment matures, s'il n'admet pas l'argumentation indiquant qu'on peut
leur donner droit de vote, à ce niveau, je pense que cela va qu'on nous
dise non; je pense que c'est une décision à prendre. Maintenant,
la question purement stratégique face à ce
référendum; on nous a demandé de s'en tenir à
l'ensemble des référendums. Je ne voudrais pas aller plus loin.
Je reconnais votre point de vue sans y souscrire, tout comme vous reconnaissez
la valeur de nos arguments.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Continuez comme cela, je suis heureux.
M. Burns: Très bien. On a réussi jusqu'à
maintenant à se tenir dans cette norme que nous avait indiquée le
président de la commission.
Ecoutez! Ce n'est pas une fin de non-recevoir que d'opposer à
votre suggestion, et surtout si jamais l'Opposition nous disait qu'elle
était d'accord avec ça, je n'aurais aucune difficulté
à me ranger à votre position. Mais je dis tout simplement
qu'actuellement, c'est le genre de question qu'on se pose du côté
gouvernemental et c'est le genre de restriction que nous nous imposons
nous-mêmes. Remarquez que ça peut peut-être passer pour du
purisme, mais je pense qu'il y a un élément qui ressort de la
volonté du gouvernement de faire adopter cette loi, de la rendre non
seulement acceptable à tout le monde, que non seulement les
règles soient honnêtes, mais que ces règles apparaissent
comme n'étant pas truquées d'avance, et moi, j'ai l'impression
que si on changeait, avant un certain nombre de référendums, les
règles en matière électorale quant au cens
électoral lui-même, à ce moment-là, il y a
peut-être des gens qui verraient dans ça des intentions
malveillantes...
M. Généreux: Oui, mais, écoutez! Il faut
peut-être... Au Québec, on commence à cesser d'avoir peur.
Il faut peut-être continuer à diminuer.
M. Burns: Ce n'est pas une question d'avoir peur, M.
Généreux; c'est une question de...
M. Généreux: Je vous rappelle aussi que ces jeunes
de seize ou de dix-sept ans représentent quand même un nombre
important de personnes et de Québécois. A partir du moment
où nous les jugeons aptes à prendre position sur une
décision politique et ce sont eux qui auront à vivre le
plus longtemps, parmi ceux qui auront le droit de vote, avec ce Québec
que nous nous donnerons, nous l'espérons bien nous croyons et
nous continuons à maintenir que ces gens-là devraient avoir le
droit de vote.
M. Burns: J'imagine que nos amis de l'Opposition vous poseront
des questions là-dessus et peut-être qu'à ce
moment-là il serait intéressant de voir exactement quelle est
leur attitude là-dessus et comment ils réagiraient si nous
je ne leur pose pas la question je suis sûr qu'ils vont vous
répondre automatiquement par la question...
M. Généreux: Là, il vous appartient de
convaincre l'Opposition, monsieur.
M. Burns: Oui, bien c'est ça. Dans le fond, il vous
appartient à vous de convaincre l'Opposition.
M. Généreux: Je l'espère bien aussi.
M. Burns: Parce que je disais tout à l'heure que votre
argument me paraît difficile à détruire sur le plan de sa
valeur objective. Maintenant, il y a une valeur subjective également
à votre argument, c'est-à-dire que, vu dans les lunettes d'un
gouvernement, à ce moment-là, on est obligé de tenir
compte d'un certain nombre de choses. Comme on veut avoir le plus grand
consensus possible autour de cette loi et comme aussi, avec toute
l'émotivité qui tourne autour de ce problème, n'importe
quelle suggestion qui viendrait changer un tant soit peu les règles du
jeu là-dedans serait considérée comme une façon,
pour le gouvernement actuel, d'essayer de gagner à tout prix, ou de
piper les dés, comme je le disais hier, dans le cas d'un
référendum en particulier, il faut être très prudent
dans notre approche d'une modification de cette importance.
M. Généreux: Si vous me le permettez...
M. Burns: Ecoutez! Je ne veux pas prendre le temps des autres
collègues qui ont...
M. Généreux: Suite à ce que vous venez de
dire, si vous me le permettez, dans ces modifications à l'article 47, il
y a deux aspects pour nous, et ça rejoint les mêmes observations
que vous venez de faire, soit qu'il ne faut pas changer les règles du
jeu. Nous recommandons aussi que le cri- tère de résidence soit
porté d'un à trois ans. Encore là, je pense que, tout en
tenant compte des réserves dont vous faisiez mention tantôt, si
une décision... Je me réfère au référendum
prochain, mais il va y en avoir d'autres aussi qui seront d'importance capitale
pour la nation québécoise et ce sont des Québécois
qui doivent en décider. Lorsqu'on parle du critère de
résidence, même dans l'ensemble canadien, la reconnaissance de
citoyenneté est passée, bien sûr, de cinq à trois
ans, c'est pourquoi nous avons établi trois ans dans nos
recommandations; pour être reconnu citoyen canadien, il faut trois ans de
domicile au Canada. Or, si on applique la même logique au niveau du
Québec, si on reconnaît l'identité nationale du
Québec, est-ce que la citoyenneté canadienne, avec une
année de résidence au Québec, devrait permettre à
des gens de participer à un référendum? Nous n'exigeons
pas cinq, dix ans. Nous disons: Au moins, accordons-nous, à nous,la
même logique que nous reconnaissons au niveau de l'ensemble canadien, qui
dit que pour être citoyen canadien, il faut trois ans de
résidence. Et ça, je ne pense pas que ce soit, dans l'opinion
publique, un changement qui puisse réduire la crédibilité
d'une démarche référendaire?
M. Burns: Non, ce que je veux vous dire, M.
Généreux, encore une fois, tout en reconnaissant le fait que je
suis sûr que votre argument part d'un très bon motif, c'est que ce
genre de modification est peut-être une des modifications les plus
délicates à apporter.
C'est-à-dire qu'il ne faut pas que ces changements soient
considérés comme des façons détournées de
faire un certain nombre de choses. Habituellement, ce que nous recherchons,
surtout en matière électorale, dans des modifications, c'est le
plus grand consensus possible. Evidemment, si jamais on avait un consensus
autour de cela, je pense bien que le gouvernement ne s'y opposerait pas, mais,
comme je vous le dis, j'ai nettement l'impression qu'il y aura un certain
nombre de difficultés, surtout des mauvaises interprétations de
notre façon de procéder à ces changements. C'est
uniquement cela que je voulais vous dire.
M. Généreux: Notre évaluation de la
situation et de la perception qu'en aurait la population n'est pas la
même que la vôtre. Nous, nous disons, particulièrement en ce
qui concerne les trois ans, que les Québécois,
indépendamment de leur option politique, lors du prochain
référendum, de leur option fondamentalement je ne parle
pas de parti-sanerie politique constitutionnelle, tous les
Québécois, je pense bien, le moindrement politisés ou
informés dans le domaine de la politique, seront d'accord pour admettre
que, pour une décision aussi fondamentale, en faveur de l'appartenance
au Canada ou d'une souveraineté-association, il faut un minimum de
racines au Québec et qu'une année de résidence n'est pas
suffisante...
M. Burns: D'accord, je...
M. Généreux: Je pense qu'à ce moment, au
point de vue de l'opinion publique, il serait admissible, pour un gouvernement
au pouvoir comme le vôtre, d'apporter un changement comme celui-ci, sans
réduire la crédibilité de votre mécanisme.
M. Burns: D'accord, je prends bonne note de votre suggestion,
mais, comme je vous le dis, ce n'est pas une fin de non-recevoir que je vous
fais, je vous dis qu'au moment où on se parle on a des tendances
à mettre un peu les freins sur une modification comme
celle-là.
Une suggestion que vous nous faites, qui concerne probablement
l'ensemble de la réforme électorale, c'est la carte
d'électeur. Je tiens à vous dire que je tiens comme très
importante cette recommandation. D'ailleurs, actuellement, à
l'intérieur du secteur d'activités qui m'a été
confié par le Conseil des ministres, des études se font en ce
sens. Effectivement, j'espère pouvoir les soumettre à l'ensemble
de l'Assemblée nationale, peut-être dès le printemps
prochain, pour justement tenter de régler les problèmes que
sous-tendent les recommandations que vous nous faites. Je pense que c'est
très important, non seulement qu'un référendum soit tenu
de façon impartiale, honnête, par ceux qui l'organisent,
c'est-à-dire de l'administration ou de l'autorité publique, mais
que ce référendum, pour être crédible, ait toutes
les garanties d'efficacité et d'honnêteté, de l'autre
côté, c'est-à-dire de la part de ceux qui y participent et
de ceux qui donnent leur opinion. Là-dessus je partage
entièrement votre avis...
M. Généreux: II y a, comme vous le dites, la
nécessité de garantir l'honnêteté,
l'intégrité du référendum. Il y a aussi une
dimension très pratique pour les gens qui auront à intervenir. Il
devra être facile pour eux de contrôler, même s'ils n'ont pas
à leur disposition tout l'appareil étatique. Je pense que c'est
une question de respect des... Cela devient une modalité en vue
d'assurer le respect des libertés d'expression, le contrôle par
les différents groupes qui interviendront lors d'un
référendum ou d'élections.
Ce que nous souhaitons, c'est que vous arriviez à le faire avant
la tenue du prochain référendum.
M. Burns: Exact, je pense qu'on n'est pas très loin...
M. Généreux: Je ne pense pas.
M. Burns: ... sur ce point, bien au contraire, et je voulais vous
assurer que c'est une recommandation que nous allons essayer, en dehors du
cadre référendaire d'ailleurs, de régler le plus
rapidement possible et, si possible, avant quelque référendum que
ce soit.
Un autre point qui m'intéresse beaucoup, et je ne vous pose
même pas de question, votre recommandation est tellement claire. Je
retiens, entre autres, votre suggestion sur le fait que le délai devant
être fixé pour la formation du comité na- tional devrait
être d'à peu près sept jours. Je pense que c'est une bonne
suggestion. Je ne vous dis pas que c'est cela qui va être dans la loi,
mais je vous dis qu'en tout cas on va s'arrêter sérieusement
à cette question.
Je suis content, entre autres, que vous vous soyez penchés sur la
recommandation du décompte, comté par comté, parce que
c'est une question qu'on se posait. De plus en plus, je commence à me
ranger à cette opinion, bien que mon opinion ne soit pas
définitivement faite.
L'origine de la question que nous nous posions était pour savoir:
Est-ce que ce n'est pas difficile de dire à toute une région du
Québec que, lors d'un référendum, elle a perdu? C'est pour
cela qu'on se demandait... D'ailleurs, la question s'est posée en
Grande-Bretagne également et, finalement, on a opté pour la
solution régionale, mais, déjà, au niveau régional,
cela pouvait pointer un certain nombre de régions. On aura des remarques
là-dessus au fur et à mesure que nos travaux avanceront, mais je
suis content de votre recommandation là-dessus; au moins, vous vous
prononcez pour une formule particulière.
M. Généreux: J'aimerais, si vous le permettez,
parler un peu davantage sur cette question puisque pour nous, le
référendum devant être facultatif, il est important, pour
le gouvernement et pour la population, de posséder toutes les
données d'analyse et de savoir quelle partie du Québec s'est
prononcée pour telle ou telle option, même dans le prochain
référendum. Nous devrons pouvoir l'analyser. Dans d'autres
référendums aussi. Songez, par exemple, à un
référendum sur le zonage des terres agricoles. Je donne cela
comme hypothèse. Si on ne sait pas si ce sont les Montréalais qui
ont voté pour ou contre, alors que tous les agriculteurs du
Québec auraient voté de l'autre côté, c'est
facultatif, comment le gouvernement, dans une analyse globale des
résultats, pourrait-il décider d'une attitude à prendre?
On peut l'appliquer dans une foule d'exemples comme ceux-là. C'est
facultatif, cela ne lie pas les régions ni le gouvernement. Si on veut
être en mesure de l'analyser pour déterminer une attitude, une
politique ultérieure, il faut avoir toutes les données qu'il nous
est possible d'obtenir pour l'analyser et, pour l'une de ces données,
nous avons déjà une structure d'organisation au niveau des
comtés. Il est très simple de l'obtenir en disant: Le
décompte sera au niveau des comtés. Je pense que c'est une
logique qui nous amènerait à faire du référendum un
instrument beaucoup plus complet d'analyse de la volonté politique des
Québécois.
M. Burns: M. Généreux, j'aurais encore, pendant au
moins deux heures, des questions à vous poser, parce que je trouve votre
mémoire très intéressant, mais je pense qu'en toute
justice pour nos autres collègues de la commission, à cause aussi
du temps restreint dont vous disposez pour être avec nous, je devrai
passer la parole à quelqu'un d'autre et je vous remercie infiniment pour
votre mémoire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Laval.
M. Lavoie: C'est le député de Gatineau.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Gatineau, avec plaisir.
M. Gratton: M. Généreux, dans les quelque 25
mémoires dont la commission est saisie au cours de ses travaux, je pense
que, s'il y a un point que tous ces organismes ont en commun, c'est le
désir, qui est clairement exprimé par tous et chacun, que la
législation qu'on se donnera, l'outil qu'on se donnera pour faire la
consultation populaire, quel que soit le sujet... il est nécessaire que
cet outil soit aussi transparent, aussi inattaquable sur le plan de
l'intégrité... Enfin, vous voyez ce à quoi je veux en
venir.
M. Généreux: ...
M. Gratton: Vous me permettrez de ne pas être tout à
fait d'accord avec cette partie de l'affirmation...
M. Généreux: Permettre et interdire aussi. M.
Burns: Le contraire nous surprendrait.
M. Gratton: Dans ce désir, il y en a qui
préconisent une loi-cadre avec comme mode de définition de la
question une résolution présentée à
l'Assemblée nationale, alors que d'autres préféreraient
une loi spécifique pour chacun des référendums, au moment
où un sujet est jugé assez important, par le gouvernement, pour
consulter la population directement. On a vu, ce matin, le Barreau nous dire
qu'effectivement, si nous, les politiciens ou le Parlement, décidons
qu'il y a lieu de nous doter d'une loi-cadre pour la consultation populaire, il
voit la nécessité, en plus, que ce soit une loi spécifique
qui soit déposée à l'Assemblée nationale pour
chacun des référendums sur une question donnée, loi dans
laquelle on inscrirait la question, d'autres considérations comme, par
exemple, les montants à être versés par l'Etat aux
différentes options.
C'est d'ailleurs le livre blanc qui y fait allusion, sauf que dans le
livre blanc, on dit: au moment du débat sur la question, on pourrait
aussi trancher la contribution de l'Etat aux diverses options.
La chambre de commerce nous disait aussi ce matin qu'on pourrait
peut-être rendre... je m'excuse, le Barreau nous disait... Il
prétend que les référendums devraient avoir un
caractère plus dé-libératif que consultatif et qu'à
ce moment-là, cette loi spécifique pourrait également
inclure les dispositions quant au taux de participation et quant à
l'interprétation des résultats.
J'aimerais que vous nous livriez le fond de votre pensée surtout
sur l'aspect loi spécifique, dans le désir qu'on a tous de faire
en sorte que tout soit tout à fait ouvert...
M. Généreux: Si vous le permettez, en
commençant, bien qu'étant membre du Barreau, je n'en partage pas
l'avis et ce n'est pas non plus l'avis du Mouvement national des
Québécois. Nous sommes non seulement plutôt d'accord, mais
fermement d'accord avec la position du gouvernement à l'effet d'avoir
une loi-cadre qui régit l'ensemble des référendums. Et
ça, quel que soit le gouvernement au pouvoir, je pense que c'est la
façon la plus souple d'avoir une loi applicable et efficace.
Si nous avions une loi-cadre avec des lois spécifiques, à
l'occasion de chacun des référendums donnés, ou si on se
disait: Nous allons adopter immédiatement une loi spécifique pour
le référendum et éventuellement, s'il y a un autre
référendum, on fera une autre loi; ça deviendrait une
espèce de jargon dans lequel la population serait perdue.
Je pense que la population serait perdue, devant chacune des questions
qu'un gouvernement donné déciderait de soumettre à la
consultation populaire, s'il est obligé de déposer à
l'Assemblée nationale un projet de loi spécifique, dans le
processus habituel de l'Assemblée nationale qui risque, bien sûr,
de s'éterniser. On connaît les règles de procédure,
les filibusters, ainsi de suite. Je pense qu'on ne peut que démobiliser
l'intérêt de la population pour les questions qu'on a l'intention
de lui soumettre. Alors qu'un mécanisme comme une loi-cadre telle que
proposée permet assez rapidement de déclencher le
mécanisme de mise en marche d'un processus référendaire,
tout en respectant quand même le pouvoir de l'Assemblée nationale
dans les 25 heures de débat dont on parle, de se prononcer sur la
formulation de la question, sur les budgets à allouer à chacun
des tenants ou des participants, ainsi de suite.
Sinon, nous risquons, par exemple... qu'est-ce que vous feriez avec une
loi spécifique dans le cas d'un gouvernement minoritaire qui soumettrait
à l'Assemblée nationale un projet de loi de
référendum sur l'énergie nucléaire, sur le zonage
agricole, peu importe la question, la constitution canadienne ou l'appartenance
à la communauté canadienne et qui arriverait devant
l'Assemblée nationale qui pourrait très bien triturer la
question? Il serait obligé de faire un référendum
complètement contraire à ce qu'il avait l'intention de soumettre
à la population, alors que le mécanisme actuel garantit quand
même le respect des pouvoirs de l'Assemblée nationale, laquelle
aura à étudier la proposition gouvernementale pour un
référendum à l'intérieur d'un mécanisme
pré-établi qui ne variera pas d'une question à l'autre,
d'un référendum à l'autre, qui sera toujours la
même, à l'intérieur de laquelle la population se
reconnaîtra.
M. Gratton: M. Généreux, on peut prendre l'exemple
d'un gouvernement minoritaire, si vous le voulez, mais je pense que tous, on
est d'accord, que si on veut réellement consulter la population et
savoir ce que la population veut, ce qu'elle désire, quel que soit le
sujet, il y a lieu d'espérer qu'on doive pouvoir faire le plus grand
consensus
possible autour de la façon d'obtenir réellement ce que la
population pense, et forcément la formulation de la question, vous le
dites vous-même, est excessivement importante.
Je suis un de ceux qui pensent que l'Assemblée nationale est
assez représentative de la population, quels que soient les
gouvernements. Les députés à l'Assemblée nationale,
règle générale, c'est vrai du caucus du Parti
québécois, c'est vrai des caucus assez considérables,
relativement considérables, des autres partis, représentent quand
même pas mal tous les éléments de la population.
Ce que je crains et je vous demande si vous ne le craignez pas
aussi c'est que, si on n'est pas capable d'atteindre un consensus le
plus large possible à l'Assemblée nationale, que le gouvernement
soit minoritaire ou majoritaire, je pense que cela importe peu, est-ce qu'il
n'y a pas lieu de craindre que la population aussi ne soit pas d'accord avec la
formation de la question et qu'effectivement, le résultat qu'on cherche,
soit de savoir ce que la population en pense, ne soit pas atteint.
M. Généreux: Ce que vous soumettez actuellement
n'exige pas que l'on se rapporte à des projets de lois
spécifiques pour chacun des référendums. Comme vous le
dites, l'Assemblée nationale est représentative de la population,
je suis parfaitement d'accord avec vous. L'Assemblée nationale doit
s'entendre sur un mécanisme qu'elle juge apte à vraiment
tâter le pouls de la population de façon objective.
Mais est-ce que l'Assemblée nationale doit remettre en question,
à chacun des référendums, ce
mécanisme-là?
M. Gratton: II faut qu'elle le fasse sur la question alors?
M. Généreux: Sur la question, bien sûr. Et ce
qui est proposé permet, lorsque le gouvernement soumettra, par exemple,
une question référendaire à l'Assemblée nationale,
à l'Opposition de faire valoir son accord ou son désaccord avec
cette question, de proposer des motions, des amendements et, à travers
ce débat, d'informer la population sur ce qu'elle voit de bien ou de mal
dans cette question.
Mais à travers une loi spéciale, tout ce qu'on ferait,
c'est qu'on permettrait un débat plus long, finalement, à mon
sens, à l'Assemblée nationale, sans ajouter aucune garantie
additionnelle pour l'électeur québécois qui, lui, de toute
façon, devra, un certain matin, se présenter à un bureau
de scrutin.
M. Gratton: M. Généreux, je pense que vous
conviendrez avec moi qu'à un moment donné, il va falloir au moins
décider de la question, quel que soit le référendum. Il y
aura un débat. Si on est d'accord, vous et moi, qu'il faut avoir le
consensus le plus large possible, je me demande pourquoi, à ce
moment-là, on devrait, que ce soit par une loi spéciale ou une
résolution déposée à l'Assemblée nationale,
fixer un maximum sur la durée du débat? Un maximum de 25 heures,
par exemple, ce n'est qu'un maximum. Cela ne veut pas dire que, si la question
est tellement claire et limpide qu'elle est acceptable par tous les partis
d'Opposition, nous soyons obligés de nous rendre à 25 heures. On
peut l'adopter au bout de trois heures.
Pourquoi s'encarcaner dans un... C'est peut-être parce qu'on dit,
comme vous le dites vous-même dans votre mémoire, que d'aucuns
n'ont vu, dans ce livre blanc sur la consultation populaire, qu'un aspect bien
spécifique, l'avenir constitutionnel du Québec. Est-ce que ce
n'est pas en fonction de cela, bien plus que n'importe quelle autre
considération, qu'on parle de limiter le débat à 25
heures?
M. Généreux: Je pense que le consensus le plus
large n'égale pas l'unanimité non plus. Dans le processus
parlementaire que nous connaissons, je pense que c'est clair. Vous connaissez
mieux que moi ce système, d'une part.
D'autre part, je pense qu'il faut limiter le débat, à
cause d'une intervention que j'ai faite aussi tantôt, cela se relie
à ce que j'ai dit tantôt. Un long débat sur la formulation
d'une question ne peut que démobiliser la population. Nous voulons une
politique ou un mécanisme de référendum qui soit vraiment
le sentiment, il faudrait sentir la volonté de la population. Si,
à travers un débat de quelques semaines ou même des mois,
on désabuse, on démobilise la population face à cette
question, je pense qu'on ne peut que limiter la participation des gens lors de
la tenue effective du référendum. A ce moment-là, il est
important que ce soit assez limité, mais qu'on permette quand même
un débat d'un certain nombre d'heures. On suggère 25 heures et
cela nous semble acceptable.
M. Gratton: Une dernière question. Moi aussi, j'aurais
voulu vous en poser plusieurs, mais le temps nous limite. On est limité
ici aussi, comme on le sera au moment de l'adoption de la question,
j'imagine.
En me référant à votre mémoire, on pense
tous à un référendum, surtout vous et moi et tous les
autres, tous les Québécois, à votre désir que la
loi soit claire et facilement applicable, comme vous le dites vous-même;
la formulation de la question revêt une importance capitale et nous
sommes pleinement d'accord pour qu'elle soit claire. Je pense que vous faites
le point aussi et que vous pensez qu'il devrait y avoir une question et non pas
une série de questions.
M. Généreux: Oui, c'est notre avis.
M. Gratton: Compte tenu de tout cela, seriez-vous à
même de nous faire une suggestion quant à la formulation d'une
question qui pourrait vous être acceptable?
M. Généreux: Non, je pense que ce n'est pas le but
de notre mémoire. On nous a demandé de nous en tenir à la
loi-cadre pour l'ensemble des
référendums. Nous ne pensons qu'à l'ensemble des
référendums. Par exemple comme on dit, on peut le faire
pour les prochains référendums ou celui qui normalement
devrait être le premier, cette question se doit d'être
précise et le citoyen doit être devant une alternative très
claire. Nous croyons que le citoyen doit pouvoir répondre par oui ou par
non, aussi simplement que cela. La volonté du gouvernement actuel,
à laquelle nous souscrivons, est de faire du Québec un Etat
souverain, associé économiquement avec le Canada. La question
devrait être axée là-dessus, selon nous, pour qu'il n'y ait
pas de confusion pour les citoyens, pour qu'il n'y ait pas confusion dans
l'esprit des citoyens qui vont se présenter et qui auront à se
prononcer.
Je ne peux pas vous dire: Est-ce qu'on devra poser comme question: Le
Québec doit-il opter pour la souveraineté-association, oui ou
non? Je n'irais pas jusque-là. Il y a peut-être plusieurs
formulations. Le mouvement n'a pas rédigé de textes de
propositions. Si nous avons l'idée géniale de la question miracle
la plus objective possible, nous la ferons parvenir au gouvernement.
M. Gratton: Je pense que le gouvernement cherche aussi cette
question si géniale.
M. Généreux: Je pense que, honnêtement, cette
démarche doit être effectuée par tous les membres de
l'Assemblée nationale et tous les organismes du Québec.
M. Gratton: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richmond.
M. de Bellefeuille: Question, non pas de règlement,
mais...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une
directive.
M. de Bellefeuille: ... une directive, M. le Président.
Nous sommes au moins deux de ce côté-ci de la table..
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, et
un de l'autre côté également.
M. de Bellefeuille: ... et il y en a sûrement quelques-uns
autour de la table qui souhaitent encore converser avec nos amis du Mouvement
national. Serait-il possible de continuer demain matin?
M. Burns: J'oserais, M. le député de
Deux-Montagnes, faire peut-être, à ce moment-ci, la suggestion que
j'ai adressée de façon informelle à mon vis-à-vis,
le leader de l'Opposition.
Personnellement, je devrai m'absenter à compter de 18 heures,
parce que je dois assister au comité de législation que je
préside, mais si la commission n'avait pas d'objection à
poursuivre ses travaux jusqu'à environ 18 h 30, on pourrait
peut-être libérer nos amis du Mouvement national des
Québécois. Cela permettrait à tout le monde de poser des
questions, sans être bousculé et sans forcer les gens du MNQ
à revenir demain matin. Cela me paraîtrait une solution logique.
En tout cas, je l'offre à la commission si jamais elle était
acceptable pour tout le monde.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Etant
donné que cela prend un consentement unanime pour dépasser
l'heure prévue au règlement, je vais demander aux deux autres
leaders parlementaires ou aux représentants des deux autres partis
politiques... M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Si vous permettez, quant à moi, c'est
impossible, mais si mes collègues veulent rester... Je pense que le
député de Mont-Royal doit s'absenter, et je ne parlerai pas au
nom du député de... A condition qu'il y ait quorum, je ne suis
pas...
M. Brochu: En ce qui me concerne, j'avais déjà un
engagement de pris, parce que je tenais pour acquis que la commission
siégeait aux heures fixées. Si on doit travailler avec la
commission atrophiée... Pardon?
M. Burns: Je trouverais un peu malheureux qu'on demande aux gens
du MNQ de revenir demain matin pour une demi-heure et qu'on les garde avec nous
une journée de plus, alors qu'on pourrait peut-être très
facilement disposer de l'affaire d'ici 18 h 30.
M. Grenier: M. le Président, si vous le permettez...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
le permets.
M. Grenier: ... j'aimerais qu'on règle la question une
fois pour toutes. Vous le savez, cela fait deux fois qu'on siège
à cette commission et on est toujours pris à 17 h 50 ou 17 h 55..
C'est toujours notre tour, on est toujours pris dans la "track"...
M. Burns: Ce n'est pas notre faute.
M. Grenier: Je le sais que ce n'est pas votre faute, M. le
ministre, et ce n'est pas la faute du Parti libéral, mais si on
établit cela au départ... Les questions commencent à 17 h
15, et le ministre en pose jusqu'à 17 h 45, le Parti libéral se
dépêche pour passer cela en dix minutes, et il ne reste que cinq
minutes pour l'Union Nationale, et on voudrait qu'interviennent encore trois ou
quatre autres députés. Quand on commence à 17 h 15, on
devrait s'entendre pour dire... Je sais bien qu'il y a énormément
de questions à poser. C'est incroyable le nombre de questions qu'a tout
le monde. Le ministre a dit qu'il en aurait pour deux heures. Il me semble
qu'à ce moment le ministre aurait dû dire: D'accord, je vais
prendre dix minutes et le Parti libéral va en prendre 10, nous autres,
quatre ou cinq, et là, on revient aux autres députés.
M. Burns: C'est une suggestion que je faisais. Si elle n'est pas
acceptée à l'unanimité, je m'excuse, M.
Généreux, mais on va être obligé de vous inviter
à revenir demain matin pour poursuivre la discussion là-dessus.
C'est bien "plate", mais qu'est-ce que vous voulez, c'est cela.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce que
je pourrais dire également, c'est qu'étant donné que nous
ne sommes liés par aucune motion quant à la limite de temps,
à ce moment, on suit la procédure habituelle. Le hasard a voulu
qu'on commence nos travaux assez tard aujourd'hui. C'est malheureux, mais,
évidemment, M. le député de Mégantic-Compton, vous
avez toujours le droit, à titre de membre de cette commission, de dire:
J'ai des questions à poser et demain matin, j'aimerais rencontrer les
représentants du Mouvement national des Québécois et
à ce moment-là, je vais ajourner les travaux à 6 heures.
C'est le droit le plus strict que vous possédez.
J'aimerais quand même, étant donné qu'il est 5 h 57,
savoir si ce consentement unanime existe ou n'existe pas.
M. Lavoie: De dépasser 6 heures?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De
dépasser 6 heures.
M. Lavoie: Demain matin.
M. Brochu: C'est parce que là, on va juste commencer; on
n'aura pas le temps de... Il y a des questions importantes, je pense,
auxquelles ils aimeraient répondre. Je comprends que ça met ces
gens-là un peu dans une situation fâcheuse. Mais ça va
être comme ça à chaque mémoire. On arrive toujours
dans ce cul-de-sac...
M. Généreux: Est-ce que je peux intervenir, s'il
vous plaît?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M.
Généreux.
M. Généreux: Je comprends. Je ne veux pas, non
plus, insister davantage. Si vous décidez qu'on doit continuer demain
matin, ce n'était malheureusement pas prévu. Plusieurs devront
s'absenter parce qu'ils ont...Il y a des gens qui sont...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'il y en a plusieurs de votre groupe qui pourraient être
présents demain matin à 10 heures?
M. Généreux: Si vous en décidez ainsi, nous
nous organiserons en conséquence. Nous préférerions que
vous acceptiez d'aller jusqu'à 6 h 30, si vous croyez que jusqu'à
6 h 30, on a le temps de vider la question, quitte à ce qu'à 6 h
30, vous nous disiez: Revenez demain matin...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord.
M. Généreux: ... si vous estimez que vous n'avez
pas suffisamment élucidé les points...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Moi, je
dois me contenter de regarder, de constater s'il y a consentement unanime.
M. Bertrand: Consentement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est la
seule fonction de la présidence à ce stade-ci.
M. Bertrand: Consentement.
M. Grenier: On ne commence pas ça; ça va durer
trois mois.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'il y a consentement unanime?
M. Bertrand: Consentement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non? Je
cède la parole, pour quelques minutes au...
M. Grenier: D'ailleurs on a un vote en Chambre. Il y a un vote
dans deux minutes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
cède la parole pour quelques minutes au député de
Richmond.
M. Brochu: On avait laissé la possibilité de...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richmond, est-ce que vous préféreriez
commencer vos questions demain matin?
M. Brochu: Ecoutez! Il reste une minute et demie. Je pense qu'on
peut peut-être attendre à demain matin.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Bon! Les
travaux de la commission...
M. Lavoie: II y a un autre groupe qui était invité,
la North American Labour Party...
M. Burns: II a été avisé, je crois, M. le
Président, sauf erreur, par le secrétariat des commissions que
les chances étaient très minimes qu'il puisse être entendu
cet après-midi...
M. Lavoie: Vous aviez raison.
M. Burns: ... et je pense qu'ils ont quitté, parce qu'ils
ne pouvaient pas être ici demain. Ils nous ont demandé de fixer
une nouvelle date pour leur convocation.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Là-dessus, les travaux de la commission...
M. Lavoie: Demain, quels sont les... Pouvez-vous, rapidement,
nous donner...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, je
peux vous donner la liste pour demain. A 10 heures, nous continuerons
d'entendre le Mouvement national des Québécois. Par la suite, les
organismes convoqués sont, dans l'ordre: Les Jeunes libéraux de
la région de Québec; le Parti communiste du Québec, les
Fils du Québec et le Magazine Ici-Québec.
Là-dessus, je déclare ajournés les travaux de la
commission jusqu'à demain matin, 10 heures.
M. Burns: C'est le comité du non, demain, quoi?
(Fin de la séance à 17 h 58)