Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Etude du projet de loi no 2 Loi régissant le
financement
des partis politiques et modifiant la Loi
électorale
(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs!
La commission de la présidence du conseil, de la constitution et
des affaires intergouvernementales est réunie pour poursuivre
l'étude des mémoires qui ont été
présentés concernant le projet de loi no 2, la Loi
régissant le financement des partis politiques et modifiant le Loi
électorale.
Les membres de la commission sont: M. Bertrand (Vanier) remplacé
par M. Gagnon (Champlain); MM. Biron (Lotbinière), Bisaillon
(Sainte-Marie), Burns (Maisonneuve), Fontaine (Nicolet-Yamaska), Forget
(Saint-Laurent), Garneau (Jean-Talon), Johnson (Anjou), Laberge (Jeanne-Mance),
Levesque (Bonaventure); M. Lévesque (Taillon), remplacé par M.
Gendron (Abitibi-Ouest); MM. Martel (Richelieu), Morin (Louis-Hébert);
M. Morin (Sauvé) remplacé par M. Proulx (Saint-Jean); M. Paquette
(Rosemont) remplacé par M. Mercier (Berthier); MM. Raynauld (Outremont),
Roy (Beauce-Sud), Samson (Rouyn-Noranda), Vau-geois (Trois-Rivières); M.
Blank (Saint-Louis) remplace M. Forget (Saint-Laurent); M. Gratton (Gatineau)
remplace M. Garneau (Jean-Talon); M. Lavoie (Laval) remplace M. Raynauld
(Outremont); M. Biron (Lotbinière) remplacé par M. Russell
(Brome-Missisquoi).
Est-ce que le député de Beauce-Sud désire se
remplacer?
M. Roy: Le député de Beauce-Sud se
représente lui-même.
Le Président (M. Marcoux): II se remplace
lui-même.
M. Burns: Le député de Beauce-Sud remplace le
député de Beauce-Sud.
Le Président (M. Marcoux): Avant de céder la parole
à M. le ministre, on m'a demandé de vous faire distribuer un
addendum au texte de la Commission des droits de la personne du Québec
et également un texte qui s'intitule "Réponse de M. Robert Burns,
ministre d'Etat, aux commentaires préliminaires de la Commission des
droits de la personne sur le projet de loi régissant le financement des
partis politiques et modifiant la Loi électorale." On va distribuer cela
immédiatement.
Discussion préliminaire
M. Burns: Je peux vous dire d'avance que je suis d'accord avec
l'addendum de la Commission des droits de la personne.
M. Lavoie: M. le Président, avec votre permission, est-ce
que je pourrais... On a distribué un document de M. Burns.
M. Burns: C'est ma déclaration.
M. Lavoie: C'est votre déclaration. Est-ce que vous avez
l'intention de la lire?
M. Burns: Oui.
M. Lavoie: D'accord, autrement j'aurais demandé de
suspendre cinq minutes, parce que...
M. Burns: Non, je vais vous la lire tout de suite. Et
étant donné...
M. Lavoie: Je sais que vous en avez pris connaissance, on
voudrait bien en prendre connaissance.
M. Burns: J'en ai pris connaissance, oui. Je l'ai surtout
rédigée avec mes collaborateurs.
Comme tout le monde a reçu cette opinion préliminaire de
la Commission des droits de la personne, je présume qu'il était
normal que le ministre responsable du projet de loi commente cette opinion et,
aussi, donne à la commission la direction que le gouvernement entend
suivre relativement au projet de loi no 2.
C'est l'occasion, à mon avis, rêvée de faire cette
déclaration.
M. Lavoie: Si je comprends bien le programme de la commission, ce
matin, il y avait deux buts.
M. Burns: A votre demande non pas en tout respect pour vous, M.
le Président, et par rapport à ce que vous avez dit tout à
l'heure, pour continuer à entendre les mémoires, mais
plutôt une commission de parlementaires avec l'assistance d'une opinion
de la Commission des droits de la personne et l'assistance à
caractère technique du président général des
élections, M. le juge Drouin, qui est ici présent. J'ai
communiqué avec M. Hur-tubise, président de la Commission des
droits de la personne, et il m'a dit qu'il n'avait aucunement l'intention
d'être présent, qu'en ce qui le concernait le boulot de la
Commission des droits de la personne avait été fait,
c'est-à-dire que l'opinion avait été
déposée. Comme il ne veut pas je pense que,
là-dessus, on doit l'appuyer; je ne veux pas être contre ce point
de vue être présent au débat politique comme tel, il
s'est dit absolument en désaccord sur la présence même d'un
membre de la Commission des droits de la personne à cette commission
parlementaire.
Quant au juge Orouin, il y a de nombreux précédents
où le juge Drouin, comme président général des
élections, est venu donner des informations à caractère
technique parce que c'est probable-
ment la personne qui connaît cela le mieux, actuellement au
Québec, à cause de l'expérience qu'il a et à cause
d'un certain nombre de phénomènes dans les faits qui ont
été vécus dans les 33 dernières années
où il était président général des
élections. C'est dans ce sens que le président
général des élections a accepté de venir, non pas
pour se prononcer sur le projet de loi. Ayant parlé au
député de Laval, en privé, je sais que ce n'était
pas du tout son intention, lorsqu'il demandait la présence du juge
Drouin, le président général des élections.
M. Lavoie: En réponse aux propos du ministre d'Etat
responsable de fa réforme électorale réforme
électorale; j'ai bien dit ..
M. Burns: Et parlementaire.
M. Lavoie: ...je confirme que le but de cette rencontre
était de continuer nos explorations, nos travaux préliminaires
dans l'étude de ce projet de loi. Personnellement, je l'ai
exprimé. Lorsque de tels projets de loi ont été
adoptés aux endroits que nous avons visités, Washington,
Sacramento, en Californie, Ottawa et Toronto, cela a été fait, en
général, avec la collaboration de tous les partis politiques qui
siègent dans ces différents Parlements. Ce n'est pas un regret
que j'exprime, mais j'aurais souhaité, pour qu'un tel projet de loi se
réalise et devienne un succès, afin qu'il soit bien
accepté de tous les partis politiques, un peu plus de collaboration et
de consultation des partis politiques.
En général, quant à tous les projets de loi qui
constituent la base de notre démocratie, les projets de loi
électoraux, je souhaiterais que ce soit la formule qu'on puisse
appliquer afin d'en arriver, après une consultation avec les partis
politiques, à aplanir énormément de difficultés.
J'ai l'impression qu'on en arrive, en général, à un
consensus qui est acceptable par tous les partis politiques. C'est la raison
pour laquelle je suis tout à fait favorable à cette séance
de travail de ce matin où il y aura, de la part de tout le monde, une
ouverture d'esprit pour aplanir le plus de difficultés possible et qu'on
puisse s'entendre sur la grande majorité des principes. Je crois que
tout le monde est favorable au principe même du projet de loi, sans aller
dans les détails; c'est une évolution normale de notre
système électoral. Il faut qu'on donne l'impression que non
seulement les élections se fassent dans la plus grande
honnêteté, la plus grande confiance possible des citoyens, mais
qu'il y ait également plus que cette réalité, qu'il y ait
une apparence c'est un mot que j'ai appris du député de
Maisonneuve ...
M. Burns: Je suis d'accord.
M. Lavoie: ...une confiance qu'on puisse transmettre à la
population dans tout ce processus démocratique.
Si nous avons souhaité que le juge Drouin vienne ici, ce n'est
pas pour l'inviter, loin de là, à s'impliquer dans un
débat politique.
Nous avons à peine quelques questions à lui poser sur le
point de vue technique de l'administration de cette nouvelle loi, etc. J'avais
émis l'opinion d'avoir des commentaires, un rapport de la Commission des
droits de la personne, ce que nous avons eu la semaine dernière. Je suis
désireux de connaître la réponse du ministre responsable de
cette loi. Mon voeu était d'avoir le rapport, le commentaire, mais lors
de notre dernière séance, il y a eu un ajout à cela de la
part du député de Beauce-Sud et du représentant de l'Union
Nationale le député de Mégantic-Compton, je crois, voulant
que non seulement on ait ce rapport, mais qu'on ait une personne de la
commission à notre disposition.
Si cette personne ne désire pas venir, c'est vrai qu'il y aurait
toujours des moyens de la forcer à le faire, mais pour le moment ce
n'est pas mon intention de me servir de gros moyens. Si j'ai appuyé la
proposition du député de Beauce-Sud, c'était pour obtenir
peut-être, le long de la discussion, des renseignements
supplémentaires. Pour le moment, je n'insisterai pas davantage pour
qu'on lance toute la grosse artillerie pour avoir les témoins, dans le
respect des institutions parlementaires, parce qu'une commission se transforme
souvent un peu comme un tribunal.
M. Burns: Si vous me le permettez, M. le député de
Laval, j'ai fait part au député de Beauce-Sud, qui
suggérait la présence de quelqu'un du bureau de la Commission des
droits de la personne, de la réponse de M. Hurtubise, le
président. Je ne veux pas précéder ses commentaires, mais
je pense qu'à ce moment-là il acceptait comme valable la
décision du président, au nom de la Commission des droits de la
personne, de ne pas comparaître, me disant tout simplement: Notre opinion
est là, faites-en ce que vous voudrez, on vous la donne.
M. Russell: M. le Président, quelques mots...
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Beauce-Sud avait demandé la parole avant.
M. Roy: M. le Président, merci, je ne veux pas
précéder mon collègue de l'Union Nationale, mais
cependant, ce que vient de dire le leader du gouvernement est tout à
fait exact. C'est que vendredi dernier, il est venu me rencontrer il m'a fait
part de l'opinion de M. Hurtubise, la personne responsable des droits de la
personne, disant qu'il préférait, et de beaucoup, ne pas venir
comparaître devant la commission parlementaire.
Or, si j'avais fait cette proposition, M. le Président, à
l'occasion d'une séance antérieure, je voudrais qu'il soit bien
clairement établi que ce n'était pas dans le but d'amener M.
Hurtubise dans un débat politique.
Je pense qu'il est normal et de tradition que, lorsqu'un organisme
présente un mémoire en commission parlementaire, il vienne
présenter ce mémoire lui-même. Il est normal, à ce
moment, pour les membres de la commission de pouvoir interroger ceux qui ont
fait la lecture de ce mémoire
et l'ont présenté, de façon à avoir plus
d'explications.
Comme l'a dit le député de Laval, il est évident
que nous pourrions le convoquer par une motion de cette commission. Je ne ferai
pas une telle motion parce que je pense qu'il faut admettre que, pour M.
Hurtubise, il y a là des responsabilités assez
particulières, assez délicates parfois. Ce n'était pas mon
idée et ce ne l'est pas encore de lui compliquer la tâche.
M. le Président, j'ai d'autres observations à faire, mais
j'aimerais faire motion quand même, étant donné que le
leader du gouvernement se prépare à répondre au
mémoire de la Commission des droits de la personne, pour que le
mémoire puisse être ajouté de façon intégrale
en annexe au journal des Débats de la présente commission
parlementaire. Je pense que c'est tout à fait normal, étant
donné que l'on va tous faire certains commentaires, chacun de notre
côté, sur ce mémoire, qu'il puisse être ajouté
intégralement au journal des Débats.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que la motion du
député de Beauce-Sud est acceptée?
M. Burns: En ce qui me concerne, M. le Président, c'est
accepté. Je n'ai aucune objection.
M. Lavoie: Si je comprends bien, c'est pour que les commentaires
préliminaires de la Commission des droits de la personne soient
ajoutés au journal des Débats.
M. Burns: L'opinion, je pense, qui vous a été
remise, à tous.
Le Président (M. Marcoux): Y compris l'addendum?
M. Burns: Y compris l'addendum qui vous a été remis
ce matin.
M. Roy: Oui, que ce soit ajouté en annexe au journal des
Débats pour consultation.
M. Burns: Entièrement d'accord.(voir annexe) M. Roy:
Je vous remercie, M. le Président.
M. Lavoie: Ce sont les commentaires préliminaires.
M. Roy: Le document qui nous a été remis, qui est
daté du 31 mai 1977, dont tout le monde a copie.
M. Lavoie: D'accord.
M. Roy: Je remercie le juge Drouin de s'être rendu au
désir de la commission ce matin. Nous allons pouvoir l'interroger, mais,
encore une fois, je veux le rassurer en lui disant que ce n'est pas mon
intention de lui poser des questions qui pourraient le placer dans une
situation délicate. Le but de sa présence parmi nous est
d'être à la disposition de la commission et de pouvoir
répondre le plus objectivement possible. Je suis assuré que,
compte tenu de sa longue expérience, sa présence sera très
bénéfique à tous les membres de cette commission.
Cependant, j'aimerais ajouter ceci, M. le Président, et je suis bien
à mon aise pour le dire: J'ai relu le mémoire, il y a quelques
jours. J'ai pris connaissance des commentaires préliminaires de la
Commission des droits de la personne et j'en suis venu à la conclusion
qu'il faudra être très prudents et prendre notre temps dans
l'élaboration d'une telle loi.
Si je dis que je suis à mon aise, c'est parce que, lorsqu'on
parle du financement des partis politiques, on sait très bien que le
gouvernement a dit à plusieurs occasions qu'il voulait mettre un terme
aux grosses caisses électorales occultes.
N'ayant jamais été soumis à ces grosses caisses
électorales, je suis d'autant plus à mon aise pour dire qu'il n'y
a pas d'urgence, parce que je ne sache pas que notre démocratie soit en
danger au Québec, à l'heure actuelle. Je ne sache pas qu'il soit
impossible, pour une population qui veut s'organiser, de s'exprimer, de
s'organiser à l'intérieur d'un parti politique, de le financer et
d'être en mesure...
M. Burns: Je ne pense pas qu'on soit venu ici pour discuter de
l'opportunité d'adopter ou de ne pas adopter le projet de loi. Je ne
pense pas non plus qu'on soit au niveau du principe du projet de loi. C'est
dans ce cadre, M. le Président, que j'avais compris la séance de
la commission parlementaire. J'avais compris, entre autres, que les membres de
l'Opposition avaient exprimé le désir d'avoir une séance
additionnelle à la suite du dépôt des mémoires pour
que nous discutions ensemble d'un certain nombre de problèmes à
caractère technique sur le projet de loi, dont l'opinion de la
Commission des droits de la personne. Je n'ai pas d'ordre à donner au
député de Beauce-Sud, mais je pense...
M. Roy: J'en profite... je ne veux pas...
M. Burns: ...qu'il est en train de faire son discours de
deuxième lecture.
M. Roy: Non, je ne suis pas en train de faire mon discours de
deuxième lecture puisque je ne connais pas le texte
réimprimé du projet de loi, comme l'a dit l'honorable leader du
gouvernement. Je veux quand même en profiter pour dire, à la suite
des propos qui ont été tenus par le député de Laval
également, qu'il n'y a pas urgence. Nous ne sommes pas à la
veille d'une campagne électorale. J'aimerais, si c'est
nécessaire, à la suite de la séance de la commission
parlementaire de ce matin, qu'il y en ait une autre, deux autres, trois autres,
quatre autres, de façon à trouver une formule pour faire un
consensus unanime entre les différentes formations politiques qui sont
actuellement représentées à l'Assemblée
nationale.
C'est dans ce sens que je fais mon intervention parce que cette loi
comporte, évidemment,
des dispositions, des restrictions, des obligations. Il n'y a pas
urgence puisque c'est ce que je voulais dire au moment où
l'honorable leader du gouvernement a pris la parole cela n'a pas
empêché le Parti québécois de faire souscrire
récemment $1 million. Cela n'a pas empêché la formation
d'autres partis politiques. Actuellement, d'autres partis politiques peuvent
naître au Québec.
Dans notre législation il va falloir être extrêmement
prudents pour ne pas brimer les initiatives, les droits d'expression des gens,
des groupes, des individus et de ceux qui sont Intéressés par la
vie québécoise, mais faire en sorte que la loi sur laquelle nous
pourrons finalement nous entendre afin de faire un consensus puisse
répondre aux besoins actuels sans mettre du sable dans l'engrenage de
notre démocratie, chez nous.
M. Burns: D'accord.
M. Russell: M. le Président, tout simplement quelques
remarques.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Russell: A la suite des propos tenus par le leader
parlementaire du gouvernement, je regrette d'abord l'absence du
président de la Commission des droits de la personne ou d'un de ses
membres. Même s'ils nous ont soumis un mémoire, ils disent
eux-mêmes dans le mémoire que c'est simplement une opinion
préliminaire et partielle. Donc, étant donné que c'est
préliminaire et partiel, je pense qu'il aurait dû au moins
déléguer quelqu'un à qui on pourrait s'adresser pour
obtenir des informations supplémentaires si la commission le
désire.
M. Burns: On peut les comprendre quand même.
M. Russell: Je ne suis pas d'accord lorsqu'on parle d'un
débat politique. Je comprends que c'est fait par des politiciens ce
débat mais c'est une discussion, ce matin, en vue d'éclairer la
commission pour la création d'une loi qui peut affecter la population du
Québec en général.
M. Burns: Si vous me le permettez... M. Russell: Oui.
M. Burns: Si je veux me faire l'interprète de M.
Hurtubise, à qui j'ai parlé vendredi dernier, ce n'est pas par
non-respect de la commission, ce n'est pas non plus dans le but de ne pas
donner des détails additionnels. C'est tout simplement que cette
commission, je pense, à bon droit, se considère au-dessus et en
dehors de toute possibilité de discussion politique. A long terme, ce
serait mauvais. Là-dessus je partage entièrement l'opinion de M.
Hurtubise et des membres de la commission, c'est difficile pour eux de se faire
demander des opinions qui déjà imposent un far- deau assez lourd
à une commission lorsqu'on leur demande des opinions sur des projets de
loi à venir parce que c'est cela, dans le fond, on est au stade
de la première lecture en plus de se faire demander de venir,
à l'occasion de la discussion du projet de loi sous l'une ou l'autre des
ses formes. Là-dessus, je partage entièrement l'opinion de M.
Hurtubise et des membres de la commission, c'est-à-dire que c'est
très difficile pour eux d'arriver, même de façon technique,
dans l'arène politique.
M. Russell: M. le Président, je suis convaincu que le
leader parlementaire va me permettre de respecter son opinion du
président, mais sans la partager. Je pense qu'il s'agit, ce matin, d'une
discussion très technique, et les membres de la commission ont le droit
de demander aux meilleurs éléments de venir nous renseigner,
parce que cette loi peut avoir des conséquences assez importantes. Dans
le contexte actuel, je pense que M. Hurtubise ou la commission aurait
peut-être dû déléguer quelqu'un, mais c'est encore
là leur choix, ce sont eux qui décident, on n'a pas à les
critiquer. Je suis prêt à me rallier au désir qui a
été exprimé par le leader de l'Opposition, ce qui fait
qu'on ne fera pas de motion pour le faire venir pour respecter cette
décision.
On verra plus tard, selon la façon dont les choses de
dérouleront, s'il est nécessaire d'avoir d'autres mesures pour se
renseigner.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
Objectifs politiques du projet de loi
M. Robert Burns
M. Burns: M. le Président, je suis heureux que les
commentaires préliminaires de la Commission des droits de la personne me
donnent aujourd'hui l'occasion de réaffirmer les grands objectifs
politiques poursuivis par le projet de loi no 2 sur le financement des partis
politiques. Je veux d'abord rappeler qu'à titre de ministre d'Etat
à la réforme électorale et parlementaire, n'en
déplaise à mon collègue de Laval, je me suis donné
comme objectif de remettre et de garantir aux citoyens électeurs le
contrôle rigoureux du processus électoral.
Ce contrôle du processus électoral passe
inévitablement par le contrôle rigoureux du financement des partis
politiques. Il m'apparait essentiel que les électeurs retrouvent leur
confiance dans le processus électoral et dans ses acteurs,
c'est-à-dire les partis politiques, les hommes politiques et,
ultimement, le gouvernement. Cette confiance, les électeurs la
retrouveront si les acteurs ne sont plus soumis aux pressions occultes des
forces financières. C'est pourquoi notre gouvernement s'est
engagé, avec l'appui de la population québécoise, je
pense, à abolir les caisses électorales occultes. Aucune
recommandation, d'où qu'elle vienne, ne fera reculer le gouvernement sur
ce sujet.
Quant au premier point, c'est-à-dire celui de la divulgation des
sources de financement des partis politiques, nous considérons qu'il
répond aux droits du citoyen à l'information. Je voudrais
rappeler aux membres de la Commission des droits de la personne le principe du
droit du citoyen à l'information relativement à la divulgation
des sources de financement des partis politiques. Il m'apparait que pour
l'électeur, qui doit choisir entre diverses formations politiques, il
n'est pas indifférent de connaître les appuis financiers de telle
ou telle formation politique, c'est-à-dire de connaître ceux qui
ont intérêt à voir tel ou tel parti prendre en main les
destinées du pays. Ce n'est pas, à mon avis, court-circuiter un
principe fondamental de nos institutions politiques, c'est-à-dire le
secret du vote, que de permettre à un citoyen d'élire en toute
liberté les représentants politiques de son choix en lui
garantissant l'accès à une information pertinente sur les sources
de financement des formations politiques qui sollicitent son appui. Selon la
même logique, nous apporterons une correction à l'actuel projet de
loi qui obligera la divulgation de l'utilisation des fonds souscrits par l'Etat
aux partis politiques. Là-dessus, je me range totalement derrière
l'opinion de la Commission des droits de la personne. Lorsqu'on demande la
divulgation concernant l'utilisation de fonds privés, si je peux les
appeler comme tels, c'est-à-dire des contributions et de leur
utilisation, il me semble tout à fait normal qu'éventuellement
les fonds publics, eux aussi, soient divulgués, non seulement quant
à leur montant, mais quant aussi à leur utilisation.
La Commission des droits de la personne nous dit que la liberté
de former une association politique doit être facilitée à
tous en pleine égalité. Vous ne serez pas étonné de
me voir exprimer, M. le Président, un accord total sur cet
énoncé de la Commission des droits de la personne. C'est
pourquoi, comme je l'ai déjà annoncé lors de la commission
parlementaire ou lors d'une séance précédente, l'article
23-D sera amendé de la façon suivante: Le directeur
général je cite peut accorder une autorisation
à un parti qui, au cours d'un congrès, s'est élu un chef,
qui a des associations de comté dans au moins dix districts
électoraux et qui s'engage à présenter des candidats
officiels dans au moins dix districts lors des plus prochaines élections
générales.
Cet amendement, à notre avis, permettra la naissance de partis
régionaux et même de partis ethniques. Mais vous comprendrez qu'un
Etat doive conserver ce seuil minimal de représentativité, s'il
veut continuer à subventionner les partis politiques.
Je voudrais à ce chapitre, m'élever contre
l'interprétation erronée, à mon avis, de la Commission des
droits de la personne concernant l'article 23c et d). Dès son
autorisation par le directeur général, un nouveau parti
politique, en fait, peut recevoir des contributions et effectuer des
déboursés, à la condition qu'il manifeste son intention de
présenter des candidats dans le nombre de comtés fixé par
la loi. Vous voyez que, par l'an- nonce d'un éventuel amendement, on
réduit cela de 50 districts à 10 districts. Nous ne comprenons
pas que la commission fixe des délais là où le projet de
loi n'en prévoit aucun.
Quant au candidat indépendant, il faut noter que le projet de loi
lui attribue le pouvoir de recevoir des contributions et d'effectuer des
déboursés dans la mesure où il se prévaut de
l'autorisation du directeur général et qu'il désigne son
représentant officiel à cette fin. D'ailleurs, le candidat
indépendant, il ne faudra jamais l'oublier, n'a pas d'existence
légale en dehors de la période électorale, et cela va de
soi, à cause de son statut. Il ne peut réclamer d'appartenance
à un parti politique autorisé ou non; c'est le choix qu'il a fait
lui-même. Je ne vois pas en quoi, par rapport à la situation
passée, le projet de loi actuel constitue, face au candidat
indépendant, une atteinte aux libertés d'opinion, d'expression et
d'association et au droit de se porter candidat. C'est un choix que le candidat
indépendant fait de ne pas se rallier à une formation politique
autorisée.
Quant au droit d'expression des associations autres que les partis
politiques, j'ai déjà mentionné, au cours de la
première semaine de mai, et cela conformément au titre du projet
de loi et aux notes explicatives qui l'accompagnaient il ne faudrait
jamais les oublier que nous ne visions nullement à interdire aux
associations autres que les partis politiques le droit d'intervention dans la
discussion publique des politiques de l'Etat ou des partis politiques. C'est
pourquoi la nouvelle rédaction du projet de loi, par le biais de la
définition des contributions et en conformité de la Loi
électorale, garantira aux associations ce droit que nous n'avons jamais
voulu mettre en cause, d'autant plus que l'exercice de ce droit a
constitué pour notre gouvernement, par exemple, dans le dossier de
l'assurance-automobile, le soutien le plus évident de son action
législative.
Quant au principe de l'inviolabilité de la demeure, à ce
sujet, je voudrais vous informer que je tiendrai compte des remarques de la
Commission des droits de la personne et que la nouvelle rédaction du
projet de loi stipulera que le directeur général doit obtenir,
pour effectuer une perquisition, un mandat émis par un juge de la Cour
supérieure. C'est une des remarques que j'ai trouvées tout
à fait acceptables et je ne vois pas pourquoi un gouvernement se
diminuerait en acceptant une opinion comme celle-là et en
l'intégrant à son projet de loi. Donc, lorsqu'il y aura
réimpression du projet de loi, vous verrez un ajouté qui tient
compte de cette remarque de la Commission des droits de la personne.
Quant aux contributions des personnes morales, vous comprendrez que je
m'attarde plus longuement aux commentaires de la Commission des droits de la
personne relatifs à ces contributions, c'est-à-dire celles des
personnes morales, au financement des partis politiques. Le gouvernement dont
je fais partie a décidé de maintenir l'interdiction faite aux
compagnies de contribuer au financement des partis politiques. Par là,
il réaffirme que seuls les citoyens électeurs peuvent
contrôler
le financement des partis politiques. Les partis politiques
appartiennent aux seuls électeurs.
Vous devez savoir que notre gouvernement légiférera dans
le domaine de la consommation pour réduire l'inégalité de
fait des citoyens consommateurs face aux géants de la consommation en
permettant, par exemple, le recours collectif. Dans l'actuel projet de loi,
l'interdiction qui est faite aux compagnies de contribuer au financement d'une
formation politique particulière relève de la même analyse.
Sur le plan financier, quand vient le temps d'effectuer des contributions
à un parti politique, il y a une inégalité entre le
citoyen électeur et la compagnie multinationale avec son puissant
réservoir de capitaux.
Nous avons décidé, et en cela nous nous sentons
appuyés par l'ensemble des électeurs québécois, de
vaincre le cancer de l'argent qui rongeait nos institutions publiques et
politiques. L'inégalité financière entre les
électeurs et les compagnies ne pourra plus, espérons-le, produire
des gouvernements soumis aux diktats de la minorité des plus riches. Les
compagnies doivent accepter de jouer le jeu démocratique ouvertement,
sans les pressions occultes qui faisaient triompher leurs intérêts
bassement corporatifs aux dépens des intérêts majoritaires
des citoyens. Il faut avoir vécu quelques années en politique
pour se rendre compte que c'est tout à fait exact que le citoyen se sent
constamment frustré par cette possibilité qu'avaient et,
espérons, qu'elles ne l'auront plus certaines corporations de diriger
certaines décisions gouvernementales.
J'ajouterai même que les partis politiques sont exclusivement des
associations de citoyens électeurs. Je ne connais pas de partis
politiques qui ont comme membres telles compagnies. A ce titre, je crois que le
droit des compagnies de contribuer à leur financement n'est ni
souhaitable, ni fondé. A ce chapitre, nul ne nous accusera de tromper
les électeurs. Le chef du gouvernement combat ouvertement, et ceci
depuis son entrée en politique, les forces occultes qui
contrôlaient et contrôlent encore les partis politiques
traditionnels.
Dès son origine, le Parti québécois s'est
prémuni contre le cancer de l'argent en rendant publics annuellement ses
états financiers, en mobilisant annuellement ses militants pour soutenir
financièrement son action politique. Je suis sûr que la confiance
que les Québécois ont accordée au Parti
québécois a été fortement stimulée par le
caractère populaire du financement des partis par ce qu'il a
été convenu d'appeler la caisse propre.
En conclusion, tous auront compris, à travers mes propos de ce
matin, que le projet de loi no 2 ne sera pas modifié pour tenir compte
des commentaires de la Commission des droits de la personne sur le
caractère public de la divulgation des contributions et sur
l'interdiction faite aux personnes morales de contribuer au financement des
partis politiques. Le contraire indiquerait que le gouvernement a
décidé de reculer sur un sujet majeur et qu'il accepte de tromper
les électeurs à qui il a clairement promis et cela, je
pense que cela a été très clair durant la dernière
campagne électorale de remettre de l'ordre dans le financement
des partis politiques en abolissant les caisses électorales occultes, en
interdisant que les pressions financières puissent infléchir le
processus démocratique aux dépens des citoyens.
Quant à l'addendum qui nous a été remis ce matin,
pour les fins du journal des Débats et puisque c'est tellement bref, je
pourrais peut-être le lire; c'est un addendum aux commentaires
préliminaires que je viens de commenter et qui se lit comme suit: "Nous
voulons porter à votre attention que le projet de loi no 2, Loi
régissant le financement des partis politiques et modifiant la Loi
électorale, déposé par M. Burns, prévoit, en
annexe, un serment d'allégeance et d'office. Ce projet devrait
être amendé pour prévoir, pour ceux qui le désirent,
l'affirmation solennelle telle qu'elle est permise aux articles 18 et 300 du
Code de procédure civile.
Ces remarques rejoignent les recommandations faites
précédemment concernant la Loi électorale, SRQ 1964,
chapitre 7. Je dois dire tout de suite, M. le Président, que cette
remarque, je la retiens et que fort probablement, lorsque nous amènerons
une réimpression du projet de loi, cette recommandation sera suivie. Ce
sont les remarques, M. le Président, que j'avais à faire à
ce moment-ci.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Laval.
Commentaires de l'Opposition M. Jean-Noël
Lavoie
M. Lavoie: M. le Président, mon premier commentaire c'est
que les propos du député de Maisonneuve, ministre d'Etat à
la réforme électorale, m'apparaîssent plutôt un genre
de tract politique sur une étude sérieuse qui nous a
été fournie par la Commission des droits de la personne. Tout le
monde est arrivé ici, bien calmement, pour étudier le plus
lucidement possible ce projet de loi. Ce n'est pas notre intention de suivre le
député de Maisonneuve dans ce tract politique.
Je vais m'attacher peut-être à la conclusion. Une chose
qu'il faut remarquer et qu'on regrette, c'est cette improvisation, dès
le mois de mars, qu'a voulue, qu'a exprimée ou démontrée
le député de Maisonneuve. On a voulu faire, on voit la
philosophie qui l'anime un peu, un grand écran de fumée au point
de vue électorale, avant de bien penser sa loi, avant de bien
l'élaborer, avant même de soumettre un livre vert, blanc ou bleu
sur ce projet. Un tel projet de loi est complexe. Je me rappelle qu'on a
appris, lors de notre périple rapide aux Etats-Unis et dans d'autres
provinces canadiennes et dans la capitale canadienne, que souvent la plupart
ont mis cinq ou six ans avant de légiférer sur cette question,
après consultation, étant donné la complexité de la
question. On a la preuve actuellement de cette complexité, on fait des
accrocs des plus sérieux à mon point de vue, même si ce
n'est pas surtout les points soulevés par la Commission des droits et
libertés de la personne.
On joue avec des éléments qui frôlent ou qui sont
sujets à brimer des droits fondamentaux qui s'appellent des droits
d'opinion politique, des droits d'expression, des droits d'association, de
réunion et autres.
On le sait, et je pense bien que c'est normal dans notre vie politique,
le but du gouvernement, exprimé par son leader parlementaire,
était de livrer une marchandise mal préparée, dès
le mois de mars, portant le no 2, réservant plus normalement le no 1
pour la Charte de la langue française. Il a procédé avec
improvisation, suscitant ou tentant de susciter un effet politique foudroyant
auprès de la population du Québec. Je pense qu'il a manqué
un peu son coup malheureusement, parce que cela a été noyé
à ce moment-là par les comptes économiques ou par le
dépôt du livre, je ne sais pas quel couleur, sur
l'assurance-automobile.
La preuve, c'est que cela n'a suscité aucun intérêt
dans la population; on a eu à peine un ou deux mémoires qui ont
été soumis à la commission. De notre côté
nous voulons l'étudier. D'ailleurs, je ne suis pas ici pour
défendre l'ancien gouvernement. Je sais qu'il était rendu
à la 12e édition, justement à cause de la
complexité de la chose.
J'ai dit et je répète, au- nom de l'Opposition officielle,
que sur le caractère de divulgation nous sommes tout à fait
d'accord. Il s'agit de trouver une façon. Nous offrons notre
collaboration pour qu'il y ait le plus de transparence possible sur la question
des contributions, des fonds aux différents partis politiques. Cela
s'est fait à Ottawa, après consultation, cela s'est fait à
Toronto et, tout à fait récemment, en Alberta. Je crois qu'on
peut atteindre les mêmes buts, obtenir une telle divulgation sans porter
atteinte aux droits et libertés des citoyens.
Sur la question des personnes morales, on voit le côté
pamphlet politique de ce document lorsque vous ne mentionnez, aux pages 6, 7 et
8, que le mot "compagnies," que le mot "multinationales". Vous mettez de
côté les termes employés par la Commission des droits de la
personne qui se sert des mots "personne morale". Vous êtes comme
l'opprimé qui poursuit les grandes multinationales; vous avez
glissé "multinationales" dans cela.
C'est peut-être dû à votre manque d'expérience
politique, à votre manque de planification, à votre
réaction de complexés, mais tout le monde dans la vie est
méchant, tout, le monde est voleur et tout le monde est bandit. Vous ne
vous rappelez pas que, lorsqu'on est allés à Sacramento ou
à Washington, on a dit là-bas qu'on n'était pas parti avec
ce principe de persécution, voyant des voleurs partout. On a voulu
former des organismes qui tendraient beaucoup plus à faire un genre
éducation populaire, à faire participer la population, pour qu'il
y ait le moins d'accrocs possible au but recherché par la loi. Je n'aime
pas ce rôle de persécutés; vous voyez des gens
malhonnêtes partout. La preuve et c'est une question que je
poserai au juge Drouin tout à l'heure depuis 1966 il existe une
loi ici stipulant que tous les candidats dans les élections qui font
partie de partis reconnus, et qui obtiennent au moins 20% de confiance
populaire ont droit au remboursement d'environ 50% de leurs dépenses
électorales? C'est une question que je pose d'avance au juge Drouin.
1966, 1970, 1973, 1976, quatre élections: sur les 500 candidats il y en
a certainement environ 200 qui se sont qualifiés, à chaque
occasion, pour le remboursement, grosso modo.
Quatre fois 200, cela fait 800. Je serais curieux de savoir combien il y
a eu d'infractions à cette loi et de poursuites devant les tribunaux. Je
serais curieux de savoir le nom des députés ou des candidats qui
ont enfreint la loi.
J'ai quand même une certaine expérience. Ma dernière
élection, c'était ma treizième: sept provinciales et six
municipales. C'est sûr que j'ai eu l'occasion d'avoir des...
M. Burns: La dernière?
M. Lavoie: Ne vous en faites pas, j'ai la couenne aussi dure que
vous.
M. Burns: Si cela avait été la dernière,
j'aurais voté pour vous.
M. Lavoie: C'est votre argument le plus fort actuellement.
Revenez donc un peu au sérieux et agissez en législateur au lieu
d'agir en petit politicien.
Les corporations, les petites et moyennes entreprises, certaines
sociétés ou des syndicats, ou des groupes de citoyens et
même les compagnies ne font pas toujours cela par intérêt
lorsqu'ils fournissent $1000 ou $2000. Comme je vous l'ai dit à la
dernière réunion, qu'on les limite à $1000 ou à
$2000 et qu'on les rende publiques, les contributions des compagnies, je suis
d'accord avec cela. Le premier qui donnerait des sommes exorbitantes se
disqualifierait. Ce n'est pas le montant qui est important dans toute cette
loi. Ce sont les propos q'ue les Américains nous ont tenus, de
même que d'autres Parlements canadiens qui l'ont exercé: La grande
arme dans cela n'est pas la limite des contributions, mais la divulgation.
Que vous le permettiez aux petites ou aux moyennes industries ou aux
compagnies, avec une limite de $2000 ou de $3000, comme vous le voudrez, on va
s'entendre sur cela. Défendez les contributions où il pourrait y
avoir une certaine influence sur les administrés.
Le premier cave qui irait donner des sommes exorbitantes de $15 000 ou
$20 000, que ce'soit un ingénieur, un entrepreneur ou un autre, lorsque
cela deviendrait public, serait le premier à se disqualifier pour
obtenir des prétendus avantages, une fois que les personnes à qui
il a donné de l'argent seraient au pouvoir.
Avez-vous également conçu l'idée que souvent les
citoyens des corporations, des syndicats également, ne contribuent pas
toujours par intérêt? Ils sont souvent là pour
défendre un certain type de société. Ils le font
également par convic-
tion. Si vous avez un gouvernement qui a plutôt une tendance
socialiste ou assez forte de social-démocratie, il y en a d'autres qui
peuvent différer d'opinion et qui aiment mieux l'entreprise libre. Comme
ils veulent garder un système de société de la sorte, ils
peuvent fournir $500 ou $1000 justement pour combattre un parti politique qui
défend une cause qui ne fait pas leur affaire. Ce n'est pas
toujours...
M. Burns: Cela ne me fait rien, M. le député de
Laval, mais j'ai l'impression qu'on est dans le débat de deuxième
lecture.
M. Lavoie: Je réponds à votre mémoire. Que
voulez-vous que je fasse?
M. Burns: Je vous dis tout simplement dans mon mémoire que
le gouvernement n'a pas l'intention de suivre l'opinion de la Commission des
droits de la personne sur deux points particuliers: la divulgation et la
prohibition à l'endroit des compagnies.
M. Lavoie: Je réponds à votre pamphlet politique.
D'accord? Je suis tout à fait dans l'ordre.
M. Burns: Si vous qualifiez cela, ah oui!
M. Lavoie: Ce n'est pas moi qui ai ouvert la porte.
M. Burns: Cela ne me fait rien, mais je vous souligne que vous
allez vous répéter en deuxième lecture.
M. Lavoie: Certainement, comme vous l'avez fait. Vous direz dans
votre discours de deuxième lecture, que vous n'acceptez pas les
conclusions de la commission.
M. Burns: Cela va aller bien plus loin que cela.
M. Lavoie: Vous dites, à une autre place dans votre
pamphlet politique: "A ce chapitre, nul ne nous accusera de tromper les
électeurs. Le chef du gouvernement c'est le député
de Taillon combat ouvertement depuis son entrée en politique les
forces occultes qui contrôlaient ou contrôlent encore les partis
politiques traditionnels". Votre chef de gouvernement a été
élu en 1962 et en 1966 par des prétendues forces ou fonds
occultes. M. Lévesque, le premier ministre, était en position de
force à ce moment pour changer cela.
M. Burns: Vous n'alliez pas aux congrès du Parti
libéral, parce qu'il se battait au coton dans le parti pour que ces
choses arrivent.
M. Lavoie: Laissez-moi donc terminer! Ce n'est pas un dialogue,
ici.
M. Burns: Non, mais imaginez-vous donc! Ne dites pas de
faussetés.
M. Lavoie: Je vous ai enduré tout à l'heure. Vous
vous attendez que je ne sois pas d'accord avec vous.
M. Burns: Là, vous dites des faussetés.
M. Lavoie: En 1962, j'étais "back-bencher ". Je n'avais
pas le poids de M. René Lévesque.
M. Burns: Vous n'aviez pas le temps d'aller aux congrès,
vous.
M. Gratton: M. le Président, y aurait-il
possibilité qu'on laisse au député de Laval son droit de
parole?
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Laval.
M. Lavoie: En 1962, pourtant, M. Lévesque avait un certain
rôle de vedette dans le Parti libéral. Il a même eu la force
de déclencher une élection, où nous étions
d'accord; sur la nationalisation de l'électricité. S'il s'est
battu pour cela, comme vous le dites dans votre pamphlet politique, depuis son
origine en politique, quand même il a été élu deux
ou trois fois avec des prétendus fonds occultes. Je vais vous dire cela
en passant pour défaire un peu votre petit document, pamphlet
politique.
Maintenant, je termine car je veux donner la parole à d'autres.
Nous n'irons pas dans les détails. Nous n'accepterons pas soyez-en
assurés, des pouvoirs exorbitants et excessifs. Vous n'avez pas
répondu dans votre document sur les pouvoirs exorbitants, excessifs du
directeur général. Il est au-dessus du Parlement, au-dessus du
gouvernement et des tribunaux. Encore un accroc en passant, si vous voulez le
comparer à d'autres qui sont nommés par l'Assemblée
nationale. Alors que le Vérificateur général des comptes
et l'ombudsman au moins sont payés par une résolution de
l'Assemblée nationale, le vôtre est payé par le
gouvernement. On sait, à certains moments, quelles pressions cela peut
représenter pour des augmentations ou des diminutions de salaire.
Ce sont des détails, si on a le temps, à discuter à
d'autres étapes du projet de loi.
Vous me surprenez énormément, et je termine sur cela,
vous, le grand défenseur, dans l'Opposition, de la Commission des droits
de la personne. Je voudrais vous rappeler peut-être rapidement certains
propos que vous avez tenus le 21 janvier 1975 où vous disiez: "Vous ne
croyez pas que, lorsqu'une loi est adoptée et qu'elle contrevient aux
dispositions de la loi concernant les libertés des personnes, cette loi
doit, pour être adoptée, subir un peu plus de difficultés
avant de recevoir sa sanction, pour souligner justement de façon
concrète le fait qu'on contrevient à un des principes
énrjncés dans cette loi. Je parle de la Charte des droits et
libertés de la personne". Un peu plus loin, vous dites: "Je pense, par
exemple, aux deux tiers ou aux trois quarts, ou à une autre
formalité qui souligne qu'il s'agit d'un cas véritablement
exceptionnel pour amender la charte".
M. Burns: Pour amender la charte.
M. Lavoie: Oui, mais vous allez me répondre, tout à
l'heure, à certaines questions que je vais vous poser. C'est encore M.
Burns qui disait: "Je me déclare favorable, en particulier, à
celle qui veut que la Charte des droits, un peu comme le Barreau est venu nous
le dire, la Chambre des notaires, la Ligue des droits de l'homme... Soit dit en
passant, cela me plaît beaucoup de voir cette attitude des groupements
intéressés qui viennent tenir cette attitude que la loi doit
être fondamentale, transcendante". Quel beau vocabulaire! J'espère
ce sont mes propos que le ministre de la Justice tiendra compte,
éventuellement, en particulier, de votre recommandation sur le fait,
qu'on doit rendre plus difficile l'amendement de droits et la disparition de
droits qui se trouvent consacrés dans cette charte par un vote des deux
tiers.
A la question que je vous pose, vous allez me dire, une fois pour
toutes, ce qu'il y a de bon dans la charte, ce qu'on doit appliquer,
l'interprétation, ce qui est vrai et ce qui n'est pas vrai. Vous allez
me donner des balises ou, comme vous l'avez dit l'autre fois, des
"guide-lines". Nous allons prendre votre opinion pour dire: Telle chose qu'on
fait, cela ne touche pas aux droits fondamentaux, mais telle autre chose, on a
le droit. Dans vos deux premières pièces de législation
que vous avez, la loi no 1 et la loi no 2, on embarque avec de gros sabots dans
la commission et dans les droits et libertés de la personne. Je me
rappelle que quand vous étiez dans l'Opposition, vous étiez le
plus grand défenseur, vous étiez l'allié des ligues, des
commissions où il ne fallait pas toucher à un cheveu d'une
personne, et rendu au pouvoir il ne nous en reste plus, dé cheveux, ni
l'un ni l'autre.
En tout cas, vous êtes d'une voracité, on dirait que vous
n'avez pas l'ossature du Dr JeKyll and Mr Hyde. Il y a une'différence
entre le M. Burns que j'ai connu dans l'Opposition et le M. Burns que je
connais au pouvoir. Je vous dis que c'est vraiment un cas...
M. Burns: La différence c'est que, dans le passé,
je n'étais pas capable de décider de rien.
M. Lavoie: Et là, vous décidez trop. Je pense que
vous avez une ossature trop forte.
M. Burns: C'est la différence.
M. Lavoie: Laissez donc un peu les gens respirer. Je vais vous
laisser aller, si vous ne voulez pas respecter les opinions de cette
commission. Et je ne pense pas que les membres de la commission soient des
membres du Parti libéral ni des membres de l'Union Nationale ni du Parti
crédi-tiste.
M. Burns: Ni du Parti québécois.
M. Lavoie: Je ne sais pas, mais ce n'est pas moi qui les ai
nommés. Le seul honneur que j'ai eu, c'était de les assermenter
une fois qu'ils ont été nommés, lorsque j'étais
président. Mais si vous ouvrez la porte à, entre autres je
ne sais pas si la séparation est arrivée au Québec mais il
y a eu un jugement des plus sérieux de la Cour suprême qui est
rapporté ici, en 1962, SCR, je crois que c'est Supreme Court
Reports...
M. Burns: Est-ce que je pourrais vous dire que même la
commission a mal cité ce jugement. D'accord? Je ne veux pas en discuter
aujourd'hui, je ne veux pas non plus être méchant, mais ce n'est
même pas rapporté en 1962, SCR, c'est rapporté en 1963, et
ce n'est pas rapporté à la page 798, c'est rapporté
à la page 784.
M. Lavoie: Ah bon! On va laisser faire les
références, mais je vais vous lire le fond.
M. Burns: Entre vous et moi, vous allez voir à peu
près comment je réagis à leur opinion
là-dessus.
M. Lavoie: Les références, je pense bien que ce
sont des détails, mais je vais vous lire la citation.
M. Burns: Si vous le voulez, on va en discuter sur le fond, cela
ne me fait rien.
M. Lavoie: C'est daris l'arrêt Oil Chemicals and Atomic
Workers International Union versus Imperial Oil. L'honorable juge Martland,
parlant pour la majorité, affirmait: "A trade union is entitled to
engage in political activities as a free association of individuals and,
therefore, within the limits previously mentioned, could disburse its fund for
such purposes and any attempt, interference with such powers by a Provincial
Legislature would be an interference with the democratic process in Canada and,
therefore, beyond his power".
M. Burns: Est-ce que je peux poser une question au
député de Laval. Est-ce qu'il a lu le jugement?
M. Lavoie: Ecoutez!
M. Burns: Non. Vous prenez l'extrait qui nous est cité
carrément comme cela et vous le prenez comme cela.
M. Lavoie: Les membres de la commission sont des fous, non?
M. Burns: Là-dessus, ils se sont trompés. C'est une
erreur totale. Savez-vous que ce que vous venez de citer et que la commission
prétend être l'opinion du juge Martland, c'est l'argument du
syndicat requérant. Correct? C'est cela.
M. Lavoie: Changez les membres de la commission.
M. Burns: On verra, mais je veux dire ce n'est pas mon rôle
à moi, c'est l'Assemblée nationale cela.
M. Blank: Qu'y a-t-il dans le jugement?
M. Burns: Ce qui est dans le jugement est bien différent.
Voici ce que la commission cite, et je ne voulais pas embarquer
là-dedans parce que ce n'est pas mon rôle de descendre la
commission, ici, ce matin. C'est la base de mon argumentation, je ne voulais
pas entrer là-dedans, mais le député de Laval vient de
m'ouvrir une porte là-dessus. Je vous dis simplement qu'à la
lecture, et je prie le député, vous qui êtes un juriste, je
ne sais pas si je devrais dire la même chose du député de
Laval, je pense que cela fait longtemps, il ne sait même pas que SCR veut
dire Supreme Court Reports...
M. Lavoie: En tout cas.
M. Burns: En tout cas. Je vous suggère simplement, je
n'irai pas plus loin que cela, de lire l'arrêt Imperial Oil, 1963 SCR, et
non pas 1962, correct? Je vous suggère également d'écouter
de la bouche du juge Martland, parlant pour la majorité, un argument
qu'il cite du syndicat requérant, Oil and Chemical Workers. Je vous
suggère de voir que l'opinion qui nous est donnée prend des
paroles qui sont dans la bouche, d'accord, du juge Martland, mais il cite le
syndicat requérant et ce n'est pas son opinion. Si on veut être
technique, je suis bien prêt à être technique, j'ai pris le
temps de le lire ce jugement.
M. Blank: Est-ce que le jugement a suivi cette argumentation?
M. Burns: Pas du tout
M. Blank: Quel était le sens du jugement?
M. Burns: Le sens du jugement, voulez-vous que je vous le donne?
C'est bien simple. Le juge parlant au nom de la majorité répond,
à la page 595, ceci: A trade union, when it becomes certified as a
bargaining agent, becomes a legal entity, "International Brotherhood of
Teasmters" etc., local 213 vs Therrien. When the Legislature clothes the entity
with wide powers for the exaction of membership fees by methods which
previously it did not in law possess, it can set limits je m'excuse,
mais il y a des virgules ici qu'il faut respecter by methods which
previously it did not in law possess, it can set limits to the objects for
which funds so obtained may be applied. Legislation of this kind is not
c'est le juge Martland qui parle in my view, a substantial interference
with the working of parliamantary institutions. Correct? Il dit exactement le
contraire. Vous le lirez.
M. Blank: Ce n'est pas ça.
M. Lavoie: Les anglophones, réglez vos
problèmes!
M. Blank: Même là, votre interprétation n'est
pas bonne.
M. Burns: Vous le lirez et vous me direz ce que vous en
pensez.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Burns: C'est l'opinion du juge Martland. Ce qui est
cité dans l'opinion de la commission, c'est l'opinion et c'est la
demande tout à fait justifiée, selon la possibilité de
litige qui peut exister devant les tribunaux, mais c'est l'opinion qui est
citée par le syndicat requérant.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: Merci, M. le Président. Je veux apporter quelques
commentaires, suite aux propos et à la déclaration que vient de
nous faire l'honorable ministre d'Etat à la réforme
électorale et parlementaire, ce matin. Je suis déçu par
son attitude et c'est avec regret que je le dis. Et, si j'étais malin,
je demanderais à quelle date on va abolir la Commission des droits de la
personne. Je vais m'expliquer: Nous avons deux lois: la loi 1 et la loi 2. Les
deux premières lois qui sont déposés devant
l'Assemblée nationale, et je fais un parallèle pour soutenir mon
argumentation. Depuis que cela a été étatisé...
Nous avons la loi 1 et la loi 2.
Les deux premiers projets de loi auxquels le gouvernement accorde la
plus haute importance et qui, justement ce matin, font l'objet de discussions
en commission parlementaire, soit la Charte de la langue française et le
projet de loi no 2, la loi concernant le financement des partis politiques, et
déjà on se fout de l'opinion et de la Charte des droits et
libertés de la personne. Je suis réellement inquiet, je le dis
à mon grand regret. Si c'est l'attitude, le nouveau style que le nouveau
gouvernement, entend adopter dans l'avenir, je dirai simplement qu'on dise tout
de suite à la population que la Commission des droits de la personne,
c'est une image, c'est une façade, c'est une belle peinture, c'est un
beau tableau qu'on offre à la population du Québec pour lui,
donner l'impression que les droits de la personne s'ont sauvegardés.
M. le Président, je pense que le gouvernement est imbu
d'idéaux et je vais employer un grand mot
sophistiqués dans son projet de loi et amplifiés par les abus de
certains partis politiques qui ont été jugés. Cela on
l'oublie. On manque de confiance à l'intelligence et au sens des
responsabilités de la population du Québec. Je ne sache pas
je reprends les propos que j'ai tenus ce matin que notre
démocratie soit en danger à ce point qu'on accepte de se mettre
un carcan pour être capable de travailler sur le plan politique et
d'exprimer certaines opinions, comme celui que nous propose le
gouvernement.
Je serais tenté de dire que le gouvernement veut légaliser
son mode de financement et l'imposer aux autres partis. J'aimerais rappeler au
leader du gouvernement un bref historique et je dirais
même les origines du Parti québécois. Si cette loi
avait existé, le Rassemblement pour l'indépendance nationale et
le Ralliement national, auquel j'ai été intimement
mêlé au moment de sa fondation, n'auraient pu exister. En tout cas
pour ce qui concerne le Ralliement national, parce que lorsque nous avons mis
les structures sur pied, il n'y avait personne qui était capable de nous
dire et nous garantir qu'on réussirait peut-être à
présenter dix candidats dans dix comtés de la province.
Qu'on regarde notre histoire politique au Québec et que le Parti
québécois examine ses origines. Il a fait confiance, il a fait
appel à l'intelligence, à l'intégrité et au sens
des responsabilités des Québécois et il a
été porté au pouvoir. La population a parlé,
puisque le Parti québécois est au pouvoir. Le Parti
québécois a un mode de financement que tout le monde
connaît et sur lequel, je pense, la population du Québec n'a pas
un mot à dire, un mode de financement populaire. Il faut l'en
féliciter. Mais le Parti québécois a eu des débuts
et il a dû recevoir certaines souscriptions. Je n'entrerai pas dans les
détails, le Parti québécois les connaît.
J'aimerais demander, ce matin, au gouvernement s'il a bien mesuré
la portée de sa loi et la portée de l'attitude rigide qu'il
entend adopter. Je pense qu'on tente de modeler une loi à la
lumière des besoins et de la situation du Montréal
métropolitain et qu'on oublie les comtés ruraux du Québec.
Je donne un exemple. Puisque les individus auront le droit de souscrire $3000,
je veux demander au leader du gouvernement de m'expliquer ce matin la
différence qu'il peut y avoir entre dix professionnels ou cadres bien
payés, dans un comté rural du Québec, qui peuvent
souscrire $3000 chacun, donc $30 000, pour faire élire un candidat, et
une personne, propriétaire d'une petite entreprise enregistrée
qui porte le nom d'une compagnie, pour satisfaire les lois gouvernementales et
qui, elle, en souscrirait $300. Ce sont des problèmes, M. le
Président. Je veux attirer là-dessus l'attention du leader du
gouvernement, je lui donne le bénéfice du doute, peut-être
que cet aspect n'a pas été examiné. Mais lorsqu'on dit
$3000 pour les mieux nantis et qu'on va refuser à des petites
entreprises familiales des milieux ruraux de souscrire $300, $400 ou $500 dans
une formation politique à l'occasion d'une campagne électorale,
je dis...
M. Burns: M. le député de Beauce...
M. Roy: Je m'excuse, je ne permets pas au leader du gouvernement,
à ce moment-ci...
M. Burns: Je ne veux pas entrer... D'ailleurs, vous discutez en
deuxième lecture.
M. Roy: Je dis ceci: Qu'on limite à $3000 les entreprises,
comme on le permet aux individus, et on aura réglé le
problème. Je ne sache pas que les grandes multinationales vont pouvoir
contrôler les partis politiques en souscrivant $3000. Mais si on ne
permet pas à des corporations, à des person- nes morales de
souscrire à des formations politiques, on met en danger la base
même de l'existence des partis politiques dans les milieux ruraux.
M. Burns: Me permettez-vous une question, M. le
député?
M. Roy: Oui.
M. Burns: Avez-vous pensé entre autres que moi, Robert
Burns, individu, je pourrais former 18 compagnies en ligne et fournir 18 fois
$3000, selon votre suggestion?
M. Roy: Qu'est-ce qui empêche un professionnel qui est
ingénieur de souscrire quatre fois $3000 parce qu'il fait des affaires
dans quatre comtés?
M. Burns: La loi. M. Johnson: La loi.
M. Roy: Si la loi l'interdit à un professionnel, que la
loi l'interdise quand même aux compagnies.
M. Burns: Elle interdit surtout aux compagnies toute
contribution, c'est bien plus sûr, cela.
M. Roy: M. le Président, justement, le gouvernement
généralise trop. C'est ce qui fait que cela va créer
des...
M. Burns: Est-ce que vous avez pensé à ce que je
viens de vous dire?
M. Roy: Le gouvernement généralise trop. Il n'y a
pas de distinction, actuellement, dans la loi entre la petite entreprise
indépendante, l'entreprise multinationale et la grande entreprise
intégrée.
M. Burns: M. le député de Beauce-Sud, je vous ai
posé une question, car vous m'avez permis de vous la poser. Je dois dire
que j'ai beaucoup de respect pour votre argumentation, mais j'ai l'impression
que vous argumentez exactement dans le même sens que le projet de loi qui
veut faire valoir un certain nombre de valeurs. Je vous pose la question
suivante: Si Robert Burns, demain, forme 18 compagnies, personne ne va
l'empêcher de faire cela, mais, si vous permettez aux compagnies de
fournir, Robert Burns pourra donner 18 fois, via ses compagnies, $3000.
M. Blank: Et qu'est-ce qui arrive?
M. Roy: M. le Président, l'honorable leader...
M. Burns: C'est exactement ce que vous voulez éviter.
M. Blank: Et qu'est-ce qu'il arrive si 18 administrateurs d'une
compagnie donnent personnellement?
M. Roy: ...pose une question hypothétique.
M. Burns: Peut-être, mais il va le donner une fois si on
fait cela.
M. Roy: Je ne connais pas un homme d'affaires assez
imbécile pour former 18 compagnies pour souscrire 18 fois dans des
formations politiques.
M. Burns: Moi, j'en connais.
M. Lavoie: C'est la réponse que vous méritez.
M. Burns: Moi, j'en connais.
M. Roy: S'il y en a un et même s'il y en avait dix, est-ce
une raison pour mettre la hache dans tout le système dans toute la
province?
M. Burns: Oui.
M. Roy: Cela va empêcher 5000 petites entreprises, dans les
milieux ruraux, de participer à la vie politique de leur milieu.
M. Burns: Mais les petites entreprises, c'est du monde qu'il y a
derrière cela.
M. Roy: L'honorable leader du gouvernement...
M. Burns: II y a du monde derrière cela.
M. Roy: Oui, mais...
M. Burns: Pourquoi ne fournissenf-ils pas, ces gens-là? Ce
sont eux qui votent.
M. Roy: ...l'honorable leader du gouvernement ignore totalement
la réalité de ce côté-là. Il vient de m'en
donner une preuve évidente. Dans la petite entreprise en milieu
rural...
M. Burns: Bien oui, qu'ils fournissent directement, c'est
tout.
M. Roy: ...les gens ne se paient pas de salaires, comme on s'en
paie et comme c'est prévu dans l'administration des grandes entreprises.
Qu'on aille voir la structure administrative de la petite entreprise rurale et
l'honorable leader du gouvernement va avoir la réponse à la
question qu'il vient de me poser. Il n'a qu'à aller là; c'est
là qu'on va trouver la réponse.
En ce qui me concerne, je ne défendrai pas les grosses caisses
électorales occultes, je les ai toujours combattues. Je n'ai jamais
été élu par les grosses caisses électorales
occultes; j'ai été élu par de petites souscriptions
populaires. Le projet de loi que le gouvernement nous présente, avec
toutes les structures qu'il nous propose, nous empêche d'agir, nous
empêche de participer à une campagne électorale. J'aimerais
que l'honorable leader du gouvernement soit bien conscient de la
réalité de ce côté.
Le problème des petites entreprises familiales dans les
comtés ruraux il y en a beaucoup de comtés ruraux
et le problème qu'on retrouve dans les grands centres sont
différents. A l'intérieur des comtés ruraux, si on permet
seulement aux professionnels, qui ont plus d'argent que certaines petites
entreprises, que les gagne-petit ou les petites entreprises familiales
artisanales, de souscrire dans des formations politiques alors qu'on
l'interdirait aux autres, je dis qu'on fait un accroc grave je
pèse mes mots, je pèse mes paroles à la
démocratie.
Il n'y a pas de loi au Québec je suis d'accord avec
l'honorable leader du gouvernement qui régit, qui statue sur les
entreprises indépendantes. C'est une loi que nous devrions avoir.
L'actuel gouvernement devrait adopter une loi qui statue et qui
légifère pour reconnaître un type d'entreprise qu'on
appelle l'entreprise indépendante, qui n'est pas l'entreprise
intégrée, la grande entreprise nationale, la grande entreprise
multinationale.
M. Burns: II y a un bon élément de cela qui s'en
vient.
M. Roy: Si nous avions cette loi...
M. Burns: Vous avez un bon élément de cela qui s'en
vient, la Société de développement coopératif.
M. Roy: La Société de développement
coopératif, c'est une coopérative.
M. Burns: Oui, c'est un bon élément. Je ne vous dis
pas que c'est le seul, mais c'est un très bon élément.
M. Roy: C'est un maillon de la chaîne.
M. Burns: C'est cela.
M. Roy: C'est un maillon...
M. Burns: On va y aller morceau par morceau.
M. Roy: ...mais ce n'est pas la chaîne, c'est la maille.
Puisqu'on parle de chaîne, vous pouvez être sûr que je vais
surveiller le crochet.
M. Burns: On compte sur vous.
M. Roy: II y a un crochet au bout d'une chaîne.
M. Burns: On compte sur vous pour nous surveiller, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Roy: C'est ce que je .fais ce matin. M. Burns: On a
besoin de vous.
M. Roy: Et si le leader du gouvernement ne m'avait pas tant
interrompu...
M. Russell: Ce n'est pas facile!
M. Roy: Ce n'est pas tellement facile. Je livre ces
réflexions, ces observations en toute bonne foi et en toute
sincérité à l'attention du leader du gouvernement.
J'aimerais lui dire ceci, afin qu'on sache très bien à quoi s'en
tenir: Je ne patinerai pas là-dessus. Si la loi demeure telle quelle et
qu'on ferme la porte d'une façon aussi rigide que l'a fait le leader du
gouvernement ce matin à l'endroit des personnes morales, je vais lutter
contre cette loi et je vais lutter farouchement, parce que j'estime qu'on
attaque la base même de la démocratie des comtés ruraux
qui, eux, ne sont pas financés, ne sont pas organisés par les
grandes compagnies multinationales, comme ce peut être le cas dans des
comtés ubains.
J'aimerais dire ceci, en plus, à l'honorable leader du
gouvernement. Le gouvernement a parlé des appuis financiers, ce matin.
Il n'est pas indifférent de connaître les appuis financiers. Il
n'y a pas que les appuis financiers qui jouent durant les campagnes
électorales, mais on n'en parle pas. Cela m'inquiète un peu.
M. Burns: On en parle dans la loi.
M. Roy: Quand on parle de divulguer l'utilisation des fonds
souscrits par l'Etat aux partis politiques, je pense que soumettre les partis
politiques à l'obligation de rendre publics leurs états
finan-ciers m'apparaît une chose tout à fait normale.
J'aimerais parler cependant un peu des députés
indépendants, des députés qui peuvent se présenter
indépendants. M. le Président.
M. Burns: II n'y a pas un conflit d'intérêts,
là?
M. Roy: ... Non, M. le Président, je ne suis pas en
conflit d'intérêts là-dedans, parce que si j'avais voulu me
présenter député indépendant je me serais
présenté député indépendant. J'ai choisi de
me présenter sous une étiquette politique, c'était mon
choix, M. le Président, je l'ai fait, et si c'était à
recommencer je ferais exactement la même chose. Il y a eu des
députés indépendants à l'Assemblée nationale
du Québec, il y en a eu à Ottawa qui ont représenté
la population du Québec. Il y a des comtés qui ont toujours
été plus, je ne dirai pas indépendantistes, je ne veux pas
qu'on charrie sur les termes, mais des comtés...
M. Burns: Moi, j'ai toujours pensé que vous étiez
un député indépendantiste.
M. Roy: M. le Président, que le leader du gouvernement ne
me fasse pas dire ce que je ne veux pas dire ce matin...
M. Johnson: Pas ce matin.
M. Roy: ... et que je ne dirai pas...
M. Bisaillon: ... il ne dira pas qu'il n'a pas dit qu'il
veut...
M. Roy: ... et que je ne dirai pas, si on m'avait laissé
terminer ma phrase, M. le Président, mais je ne voudrais pas me laisser
distraire. Une personne qui songe à se présenter
indépendant dans un comté ne doit pas attendre le
déclenchement d'une campagne électorale pour agir, surtout depuis
que la loi a été amendée à deux reprises et qui
fait en sorte que les campagnes électorales sont extrêmement
courtes. La personne doit préparer sa candidature, si elle a
réellement l'intention de participer à un prochain scrutin.
Cela veut dire que, parfois, il peut être nécessaire
d'avoir un an, deux ans de préparation. Je pense que les exigences que
je vois dans la loi et dans la réglementation devraient être
revues pour être examinées à nouveau de façon qu'on
ne ferme pas la porte à cette possibilité. Il y a des
députés qui ont été indépendants à
l'Assemblée nationale du Québec, qu'il suffise de nous rappeler
René Chalout, qui ont joué de très grands rôles. Il
y en a eu ailleurs...
M. Blank: Frank Hanley, 25 ans.
M. Roy:... il en a qui ont siégé pendant 25 ans et
qui ont joué quand même un grand rôle dans la politique
québécoise. Il pourrait y en avoir d'autres dans l'avenir, M. le
Président, et je vous dis tout simplement que c'est absolument
indispensable qu'on prenne les mesures qui s'imposent de façon à
ne pas fermer la porte.
M. le Président, je termine mon observation sur ce point pour
dire tout simplement que lorsqu'on parle du cancer de l'argent qui rongeait nos
institutions politiques et nos institutions publiques, la population a agi sans
qu'il y ait de loi. Je pense qu'il y a une énorme différence pour
une entreprise entre souscrire $3000 et en souscrire $300 000. C'est la raison
pour laquelle je dis encore une fois, en terminant, au leader du gouvernement
et aux membres du gouvernement du Parti québécois, ainsi
qu'à mes collègues de l'Opposition ici, qu'il est absolument
indispensable qu'on fasse en sorte de ne pas fermer la porte aux personnes
morales dans le financement des partis politiques, sans distinction, j'ai bien
dit sans distinction.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, sur la question des
personnes morales, je pense qu'évidemment l'expression personnes morales
couvre des syndicats, des coopératives, des mouvements populaires. Mais
au-delà de cela, si on ne veut pas se cacher ce pourquoi le projet de
loi est fait, ce qu'on vise, finalement, dans le projet de loi, quand on parle
de personnes morales, ce sont les compagnies. Si on vise les compagnies, que ce
soit pour l'instant multinationales ou PME ou PPE, c'est-à-dire petites,
petites entreprises, au-delà de cela, si on vise les compagnies, c'est
parce que, dans le passé, il y a eu des abus.
Alors, il faudrait au départ, se rappeler les deux objectifs de
la loi, c'est-à-dire et cela a été
exprimé à plusieurs reprises par le leader du gouvernement
remettre à l'électeur le processus électoral,
remettre dans ses mains le contrôle des partis politiques et,
éventuellement, des partis politiques qui deviendront les gouvernements
et, en plus de cela, faire en sorte que les partis politiques qui vont devenir
les gouvernements, n'aient pas les mains liées, à partir du vieux
principe qui dit: Dis-moi qui te paye et je vais te dire qui te
contrôle.
Et si on en est arrivé là, c'est parce qu'il y a une
situation passée et présente qu'il faut analyser. La
première question qu'il faut se poser c'est: Pourquoi tous les hommes
politiques et à peu près tous les partis ont-ils, dans le
passé, pris des engagements vis-à-vis de la population en disant
qu'ils feraient éventuellement disparaître les caisses occultes et
le financement non populaire?
Pourquoi les hommes politiques, à un moment donné, dans
leur carrière ont-ils senti le besoin de prendre ces engagements
vis-à-vis de la population? C'est sûrement parce qu'ils se
rendaient compte que la population avait de moins en moins confiance dans les
partis politiques, dans les gouvernements et dans les hommes qui les
dirigeaient.
Je ne voudrais rappeler les déclarations de l'ex-premier ministre
du Québec, M. Bourassa, qui à la veille de l'élection de
1970 avait pris l'engagement formel, face à la population, de faire
disparaître les caisses électorales occultes. Dans le terme
"caisse électorale occulte" je suis d'accord pour dire qu'il y a deux
aspects. Le député de Laval voudrait se contenter d'un seul,
c'est-à-dire faire disparaître la partie occulte en se disant que
le fait que ce soit publicisé c'est suffisant. Il y avait un autre
aspect à cela.
M. Lavoie: Avec une limite. M. Bisaillon: Avec une limite.
M. Lavoie: Ce n'est pas $3000 qui vont m'acheter. Je ne sais pas
si vous allez vous vendre pour $3000, mais ce n'est pas mon cas.
M. Bisaillon: II y en a d'autres qui se sont laissé
acheter. Il y a la partie divulgation des sources de revenus, la partie limite
des sources de revenus, mais il y a aussi tout le contexte qui entoure les dons
qui étaient faits par des compagnies autrefois. Je reviendrai
ultérieurement sur les propos du député de Beauce-Sud
quant aux petites et moyennes entreprises et aux dons qu'elles voudraient
pouvoir faire.
Il y avait un manque de confiance à l'intérieur de la
population. Quand le député de Laval se réfère au
chef du gouvernement actuel, au député de Taillon, et qu'il
souligne le fait qu'en 1960 ou 1962, il a été élu par des
caisses occultes...
M. Lavoie: Et en 1966 également.
M. Bisaillon: En 1966, mettez toutes les années que vous
désirez, c'est là que la volonté politique arrive, au
moment où on se rend compte qu'on n'est pas capable de voter les lois
qu'on veut, quand on se rend compte qu'on est bloqué quand on veut agir
au plan du gouvernement, c'est là qu'on commence à vouloir
changer le système et le processus de financement des partis politiques.
C'est ce qui nous a amené à agir dans ce sens. C'est ce qui a
amené, entre autres choses, un parti politique précis qui
s'appelle le Parti québécois, et il y en a eu d 'autres qui se
sont financés par un financement populaire, c'est ce qui a amené
le Parti québécois à changer les méthodes de
financement des partis politiques. Lorsque le député de
Beauce-Sud souligne que la population a agi face au financement occulte le 15
novembre, il faudrait se rendre compte aussi que la population, lorsqu'elle a
voté le 15 novembre, a voté sur des engagements fermes du parti
qui voulait arriver au pouvoir.
M. Roy: Est-ce que le député me permet une
question?
M. Bisaillon: Si vous voulez me permettre de terminer cette
phrase. Un des engagements fermes était le même qui avait
été fourni par M. Bourassa en 1970, c'est-à-dire faire
disparaître le financement occulte, faire en sorte que ce soit les
électeurs qui contrôlent les partis politiques et
éventuellement, lorsque les électeurs contrôleront les
partis politiques, ils contrôleront aussi les gouvernements.
M. Roy: Est-ce que le député me permet une
question? Est-ce qu'il a bien réalisé qu'il n'a pas fait partie
de la première vague de députés qui ont été
élus sans la puissance de la caisse électorale occulte, qu'il y
en a d'autres qui ont siégé à l'Assemblée nationale
bien avant lui et bien avant que le Parti québécois s'engage
là-dessus? Le député est-il conscient de cela?
M. Bisaillon: Cette question mène où?
M. Roy: Cela m'amène à dire ceci: Ce n'est pas un
problème qui est né le 15 novembre avec l'élection du
Parti québécois.
M. Bisaillon: Je suis parfaitement d'accord. Ce qui est né
le 15 novembre c'est la volonté ferme de le régler de
façon définitive.
M. Roy: De régler ce problème et d'autres. Vous
n'avez pas eu de mandats pour aller aussi loin.
M. Bisaillon: Cela fait partie d'une conviction profonde que la
population quand le leader du gouvernement dit que la population est
derrière nous...
M. Blank: 40% M. Lavoie: 41%
M. Bisaillon: Je ne parle pas des votes, mais sur le
financement... Allez voir vos partisans.
Une Voix: J'aurais une question.
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Situez-vous au-delà des partis,
au-delà des intérêts partisans et allez dans la population
et vous allez voir qu'elle est d'accord avec un financement populaire qui remet
le financement dans les mains des électeurs. En vous opposant
actuellement sur des choses qui sont à côté du fond du
problème, vous luttez contre une loi qui est populaire, une loi à
laquelle vos partisans adhèrent, sauf que vous prenez des moyens
détournés pour le faire. Il faudrait aussi voir ce que le fait de
se financer par la population, par les électeurs va permettre à
un gouvernement. Ne me répondez pas aujourd'hui, mais pensez-y
sérieusement. Est-ce que le présent gouvernement pourrait se
permettre dans les semaines qui viennent de voter une loi sur le recours
collectif ou le "class action" s'il était financé par des
compagnies?
Peu importe le montant des subventions et du financement. Pourrait-il se
permettre d'adopter une telle législation?
M. Blank: Cette loi n'était pas...
M. Bisaillon: Pourrait-on se permettre d'adopter une
législation pour réformer toute la loi des consommateurs?
Pourrait-on même adopter la loi 2, actuellement? Pourrait-on se permettre
de légiférer sur la sécurité et la santé au
travail? Ce sont toutes ces questions qu'il faut se poser. Il y a eu devant
cette commission des gens qui sont venus nous dire qu'il fallait permettre aux
compagnies de financer les partis politiques pour défendre leurs
intérêts particuliers. Vous me permettrez de m'inscrire en faux
contre cet argument. Les syndicats ont effectivement la possibilité de
dépenser des sommes d'argent pour lutter contre une politique
gouvernementale ou pour appuyer une politique gouvernementale, c'est dans leurs
statuts, leu rs règles, c'est accepté par leurs congrès,
de la même façon que les compagnies pourront continuer à le
faire, mais en dehors du financement des partis politiques. Ils pourront
continuer à défendre leurs intérêts privés,
particuliers, sans lier les partis politiques à leurs
intérêts particuliers et privés. C'est un coup de barre
qu'il faut donner maintenant. Chacun on a...
M. Lavoie: On est d'accord sur les mêmes objectifs, mais on
veut une bonne loi.
M. Bisaillon: M. le député de Laval, on a chacun
nos éditorialistes. Je vais vous lire deux extraits d'un
éditorial de ce matin. Evidemment, ce n'est pas Claude Ryan, mais on a
chacun nos éditorialistes.
M. Blank: C'est un membre du Parti québécois qui a
écrit cela.
M. Bisaillon: C'est un éditorial du Montréal-
Matin, de Daniel Latouche. Je vous lis deux passages de cet
éditorial. "Il aura fallu une fois de plus que les jeunes
libéraux se mettent de la partie pour que le chef intérimaire, M.
Gérard-D. Levesque, se rende compte que son parti sombrera lentement
dans le néant politique si rien n'est fait pour combler le vide
intellectuel dans lequel les libéraux semblent s'être
confortablement installés depuis le 15 novembre"...) "Sur
l'assurance-automobile, la Charte du français, le projet de loi sur le
financement des partis politiques, le Parti libéral s'évertue
à vouloir mener des combats d'arrière-garde au nom de la
préservation de privilèges. Les droits individuels, la
liberté de choix, l'entreprise privée sont devenus les obsessions
du parti. Chaque initiative péquiste est irrémédiablement
critiquée au nom de l'une ou l'autre de ces vaches sacrées, quand
ce n'est pas les trois à la fois".
M. Blank: ...contre les droits de la personne.
M. Bisaillon: Sauf que les jeunes libéraux, eux, en fin de
semaine, se sont prononcés sur le principe du bill 2 et, en accord avec
le principe du bill 2, ont déclaré qu'ils voulaient une ouverture
et quelque chose... Je sais que la volonté politique peut exister
à l'intérieur de tous les partis d'Opposition d'apporter une
amélioration au financement public; je le sais pour en avoir jasé
avec plusieurs des gens qui sont ici à la commission parlementaire, mais
je sais aussi qu'on ne veut pas le faire complètement. On prend des
prétextes pour ne pas le faire complètement, alors qu'on devrait
savoir et que l'expérience aurait dû nous apprendre que c'est
justement le financement des compagnies qui a vicié toute la
procédure du financement des partis politiques et ce que les partis
politiques ont pu faire par la suite.
Pour ce qui est des arguments invoqués par le
député de Beauce-Sud, il y aurait intérêt et
avantage à lire complètement le projet de loi et aller
au-delà des mots, aller à l'esprit qu'il y a dans cette loi.
Quand il nous réfère à sa petite et à sa moyenne
entreprise qui ne pourrait pas faire un don de $300, je regrette, mais des dons
de $300, les individus sont capables de faire cela. Cela ne met nullement en
cause le processus électoral des milieux ruraux, le fait qu'on interdise
aux compagnies... Justement les grosses multinationales n'existent pas dans les
milieux ruraux. Les petites et moyennes entreprises, de toute façon, on
peut se poser la question à savoir jusqu'à quel point on ne leur
rend pas service par cette loi. Elles étaient souvent obligées
à contribuer à deux ou trois candidats à la fois. Cela va
au moins disparaître. L'individu qui voudra verser une somme d'argent
à un parti politique ou à un candidat indépendant pourra
le faire dans les limites de ce qui est prévu dans la loi,
c'est-à-dire la limite de $3000. Si une petite et une moyenne
entreprise, selon les déclarations du député de
Beauce-Sud, étaient prêtes à donner $300, l'individu,
l'électeur qui dirige l'entreprise les donnera, les $300. Cela fera un
nom connu qui donnera une souscription connue de
$300. Cela n'enlèvera rien au financement des partis politiques
dans les régions rurales, non plus qu'au candidat
indépendant.
M. le Président, dans ce projet de loi il va falloir se placer
au-dessus des intérêts particuliers, partisans et faire en sorte
que ce projet de loi réponde véritablement aux attentes de la
population, qui voudrait une fois pour toutes, qu'on règle ce
problème. Non seulement pour le gouvernement actuel, mais dans
l'intérêt de tous les partis politiques qui, un jour, pourraient
accéder au pouvoir.
M. Roy: M. le Président, je veux me prévaloir des
dispositions de l'article 96 pour tout simplement rectifier un fait parce que
j'ai cru comprendre, par les propos du député qui vient de
prendre la parole, que je m'opposais au principe du projet de loi.
Je tiens bien à dire et à être très clair
là-dessus: Je ne m'oppose pas au principe du projet de loi. Je ne suis
pas en faveur du maintien des caisses électorales occultes. Je ne
m'oppose pas à la divulgation des sommes. J'ai tout simplement dit que
le projet de loi allait trop loin et je veux que ce soit bien compris. Quant
à la forme de contrôle qu'on imposait, le député ne
m'a pas répondu. Quelle différence y a-t-il entre un
professionnel ou un salarié-cadre qui gagne $30 000 par année et
qui souscrit $3000 et une petite entreprise qui en souscrirait $3000? C'est
tout simplement le parallèle que j'ai voulu faire, M. le
Président, et c'est pourquoi je tenais à faire cette mise au
point.
Le Président (M. Marcoux): Une autre mise au point de la
part du député de Laval. Ensuite, ce sera le député
d'Anjou, le député de Brome-Missisquoi et le député
de Gatineau.
M. Lavoie: En vertu du même article cité par le
député de Beauce-Sud, je l'ai répété et je
le répète encore pour la dixième ou quinzième fois;
Sur les objectifs, nous sommes tous d'accord. On veut qu'il y ait des limites
autant pour les personnes morales que pour les associations. On est d'accord
sur les objectifs...
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Laval, il faudrait être bref.
M. Lavoie: ... mais on n'est pas prêt à travailler
sur une loi qui donne des pouvoirs vraiment excessifs à un personnage
qui s'appelle le directeur général. Il a des pouvoirs...
M. Burns: Est-ce que vous avez des amendements?
M. Lavoie: ... qu'aucun fonctionnaire ou qu'aucun directeur
général n'a, ni même le président
général des élections, ni même l'ombudsman, ni
même le Vérificateur des comptes. Nous voulons, je termine,
travailler sur une bonne loi et nous suggérons une certaine
consultation. A la suite de vos propos, j'aurais une question à vous
poser. Lorsque vous mentionnez qu'en 1966 le premier ministre actuel ne pouvait
pas faire adopter sa législation à propos des caisses occultes ou
de quoi que ce soit je ne pense pas qu'il soit parti librement du Parti
libéral, il a été aidé dans cela est-ce que
cela a empêché, à l'époque, de faire adopter des
lois, entre autres, sur la réforme de l'éducation, sur
l'assurance-hospitalisation? Est-ce qu'on l'a empêché de
nationaliser l'électricité? Est-ce qu'on l'a empêché
de collaborer au Régime de rentes, à l'assurance-maladie, aux
petites créances, à l'aide juridique? Pour la première
partie, il était là.
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lavoie: Pour toutes les politiques qu'il a voulu proposer, il
n'y a jamais eu d'enfarges.
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, le
député de Laval!
M. Bisaillon: C'est une question qui a été
posée, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Ce ne sont plus des
rectifications, ce sont des discours. M. le député d'Anjou.
M. Johnson: M. le Président, évidemment, on ne peut
pas s'en tirer, dans ce débat, sans parler de l'éternel
problème des personnes morales. Tout d'abord, en citant un auteur
qu'aime bien le député de Laval, Montesquieu.
M. Lavoie: Ne me citez pas Karl Marx.
M. Johnson: Non, absolument pas. D'ailleurs, cela
m'étonnerait qu'il soit un auteur qui vous intéresse. Mais j'ai
l'intention de citer Montesquieu auquel vous avez référé
à plusieurs reprises, alors que vous siégiez comme
président de cette Assemblée. "Quoique dans la démocratie
l'égalité réelle soit l'âme de l'Etat, cependant
elle est si difficile à établir qu'une exactitude extrême
à cet égard ne conviendrait pas toujours". Je pense que
Montesquieu nous dit là-dedans que, fondamentalement, la
démocratie, c'est le centre de ce qui se passe dans un Etat.
M. Lavoie: II n'y avait même pas le droit de vote dans le
temps de Montesquieu; personne n'avait le droit de vote en France. Ne me faites
pas croire cela; c'était sous l'ancien régime.
M. Johnson: C'est ce que j'allais dire. M. Lavoie:
Bon!
M. Johnson: II demeure quand même que Montesquieu...
M. Burns: C'est votre auteur préféré?
M. Lavoie: Avec Robert Burns, l'Ecossais, pas l'Irlandais, celui
que j'ai cité l'autre fois.
M. Johnson: Je pense que, fondamentalement, ce que Montesquieu
nous dit là-dedans, c'est qu'au coeur de l'activité de l'Etat il
y a la notion de démocratie et, dans le fond, c'est ce que ce projet de
loi veut. Quand on parle de démocratie, on parle d'un équilibre
entre la liberté et l'égalité des gens. Je voudrais tout
de suite, ici, m'inscrire en faux contre l'attitude du député de
Laval qui dit qu'on voit des méchants partout. Il y a quand même
des faits qui existent. Il ne faut pas oublier que cette loi, quand elle parle
des personnes morales, parle de toutes les personnes morales. Je vais tout
simplement peut-être faire un petit rappel de ce que le financement a
signifié par des intérêts particuliers dans l'histoire
relativement récente des Etats-Unis et même du Japon qui est une
grande démocratie, on le sait. Le secrétaire d'Etat Seward, au
siècle dernier, aux Etats-Unis, disait qu'un parti politique constituait
en essence une compagnie à capital-actions au sein de laquelle ceux qui
contribuent le plus dirigent les opérations et prennent les
décisions. Je pense que c'est assez significatif du genre de
mentalité qui a permis un laisser-faire dans une très grande
démocratie qui est la démocratie américaine. On sait que
les intérêts corporatifs ont amené des décisions qui
n'allaient pas nécessairement dans le sens du bien commun.
En Union Soviétique, Kerenski a pris le pouvoir grâce
à des mécènes de Moscou. Le nazisme est né en 1932,
entre autres, grâce à des contributions de quelques millions de
marks qui étaient donnés par des corporations de la
Rhénanie et du Palatinat en échange de concessions à ces
corporations que le chef du parti nazi, en 1932, leur permettait. Aux
Etats-Unis, on sait, dans une histoire plus récente, que seize
ambassadeurs américains ont été nommés en 1968 et,
comme par hasard, ces ambassadeurs, ces gens qui ont été
nommés ambassadeurs, étaient des gens qui avaient
contribué fortement à la caisse du président Nixon. Une
grande corporation multinationale, que je ne mentionnerai pas, a fourni en
1972, $400 000 et, à l'occasion du Watergate, on l'a vu, cela a
été dévoilé à l'époque, à un
parti pour faire en sorte que la loi anti-trust ne soit pas appliquée
à cette corporation.
Au Japon, on s'amuse à affubler les cabinets en se disant:
"Est-ce que c'est un cabinet Mitsubishi ou Mitsui?" C'est $433 452 dans le cas
de cette corporation, je m'excuse. Au Japon, on s'amuse à affubler les
cabinets qui sont successivement formés du cabinet Mitsubishi ou Mitsui,
en se référant à ces grandes corporations.
M. Blank: On est d'accord avec cela. M. Johnson: On parle d'une
attitude.
M. Blank: C'est une double question qui couvre tout cela. Si M.
B. donne $3 000, c'est une grosse affaire.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que le
député de Saint-Louis pourrait demander la parole, de temps en
temps? Depuis le matin, vous intervenez, vous interrompez tous les
intervenants, alors, demandez la parole. Le député d'Anjou.
M. Burns: Je vais vous dire quelque chose qui va vous
éclairer.
M. Lavoie: Voulez-vous dire les mêmes paroles au
député de Maisonneuve, si vous êtes vraiment neutre.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Maisonneuve a interrompu des députés, mais après
l'acceptation de ces députés.
M. Blank: Voilà, est-ce qu'il demande la parole,
maintenant?
Une Voix: Non.
M. Blank: Lui est aussi coupable que moi, pourquoi ne lui
reproche-t-on pas? Est-ce qu'il y a une justice seulement de ce
côté-ci?
M. Bums: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Marcoux): Le sujet est clos. M. le
député d'Anjou.
M. Burns: Je suggère simplement qu'on écoute
sagement, tout le monde, les sages paroles du député d'Anjou.
M. Johnson: M. le Président, je voulais, en fait, ouvrir
une parenthèse au sujet de ces intérêts particuliers, et je
voudrais m'adresser beaucoup plus à votre esprit positif et, en
particulier, à l'esprit positif du député de Laval, qui,
on le sait, est en ce moment dans une grande campagne de financement sur
l'île de Laval dans laquelle il essaie d'impliquer des milliers de
personnes. C'est un effort admirable et on lui souhaite tous les succès
nécessaires.
M. Lavoie: J'espère que vous m'enverrez votre
contribution.
M. Johnson: Quant aux syndicats, ici, je voudrais peut-être
un peu répondre à ce qui me semblait être une
inquiétude du député de Beauce-Sud, lors d'une des
premières réunions de cette commission, il y a trois semaines. Si
on regarde l'histoire, en Grande-Bretagne, des Trade Unions, en ce moment, les
grandes centrales syndicales contribuent pour à peu près la
moitié du financement du Parti travailliste. Or, en 1909, la Chambre des
Lords, qui est le tribunal d'instance suprême en Grande-Bretagne, dans la
cause de Osborne, avait donné droit à un cheminot qui contestait
le droit de son syndicat de fournir à la caisse électorale d'un
parti politique. La Chambre des Lords lui donna raison, ce qui,
évidemment, mettait les travaillistes de l'époque dans une
situation difficile, ils n'étaient pas au gouvernement, ils
étaient, à
toutes fins pratiques, un tiers parti puisque c'était le Parti
libéral de Winston Churchill, à l'époque qui était
au pouvoir, Winston Churchill étant libéral, ministre de
l'Intérieur en 1913, parce qu'il a changé de parti, ce qui
prouve... oui en effet, on en a plusieurs, d'ailleurs, dans notre parti.
Winston Churchill, en grand démocrate qu'il était, en
1913, décida donc d'adopter une loi qui permettait aux syndicats
et ce n'était pas son parti politique qui permettait aux
syndicats, effectivement, de contribuer aux partis politiques, mais à
deux conditions: la première, c'était que la majorité des
syndiqués soient d'accord, et la deuxième, c'était que
ceux qui, de toute façon, ne voulaient pas, avaient le droit, en vertu
d'une procédure, d'une formule, de faire ce qu'on appelait un
"contracting out" autorisant le syndiqué à ne pas contribuer,
à ne pas faire en sorte qu'une partie de sa perception syndicale aille
à un parti politique.
En 1927, le Parti conservateur décida de changer la formule du
"contracting out " par le "contracting in" et la différence était
assez importante puisqu'on disait: dorénavant, les centrales syndicales
pourront contribuer aux partis politiques, mais à condition que le
syndiqué, individuellement, soit d'accord qu'une partie des fonds
prélevés sur sa cotisation syndicale aille à un parti
politique.
Ce qui a eu pour effet de faire passer le nombre de cotisants au Parti
travailliste de 3,2 millions à 2 millions d'individus.
En 1945, les Travaillistes ayant pris le pouvoir, ils ont rétabli
les choses et ils ont décidé que c'était encore la formule
du "contracting out" qui s'appliquerait, ce qui fait qu'aujourd'hui, au moment
où l'on se parle, environ 5,5 millions de syndiqués de
Grande-Bretagne donnent un shilling par année au Parti travailliste. Si
je vous ai donné cet historique, c'est pour vous expliquer que
même cela est visé par le projet de loi. Je pense qu'on peut
trouver là-dedans, à travers le type de syndicalisme qu'on vit au
Québec, un fondement, à mon avis, qui, toutes réserves
faites, met sur un pied d'égalité l'actionnaire minoritaire et le
syndiqué, si on parle de corporations et de syndicats.
Oh sait qu'avec l'application de la formule Rand dans certaines
entreprises, le type de problème qui peut se poser dans certaines
grandes entreprises, avec le maraudage, etc., l'adhésion à un
syndicat n'est pas nécessairement voulue par tous les syndiqués,
mais elle est voulue par une majorité. L'ensemble, à ce moment,
est sujet à l'activité de ce syndicat. On sait, d'autre part, que
les syndicats occupent une place importante dans notre vie politique, et c'est,
à mon avis, d'ailleurs souhaitable. Mais l'individu dans un syndicat
risque d'être en total désaccord dans certains cas avec ceux, au
niveau de son syndicat local ou au niveau de son syndicat national, qui
prennent les décisions, entre autres celle qui pourrait être la
contribution aux partis politiques. Cela est fondamentalement différent
de ce qu'on retrouve en France où, finalement, les centrales syndicales
sont effectivement très politisées, mais l'adhésion
à la centrale syndicale est basée sur l'adhésion des
individus et non pas en vertu d'une formule du type Rand.
En ce sens, je pense que cette loi protège tout le monde. Elle
protège l'actionnaire minoritaire qui n'est pas d'accord, elle
protège également le syndiqué qui n'est pas d'accord. Je
pense qu'il faut retenir qu'elle met tout le monde sur un pied
d'égalité. De façon beaucoup plus positive, je pense que
rien n'empêchera quelque corporation que ce soit, y compris la petite et
la moyenne entreprise du comté de Beauce-Sud ou d'ailleurs. Le
député de Beauce-Sud sait combien, de ce côté-ci de
la Chambre, nous savons que les partis dans lesquels il a milité et les
campagnes auxquelles il s'est livré depuis qu'il est en politique, on
peut le présumer d'ailleurs fort sérieusement, ont
été financés à même de petits dons. On sait
que c'est possible de réussir à même des petits dons. On
voudrait que tout le monde soit sur un pied d'égalité. Je vois
cela comme une perspective d'une société moderne,
civilisée qui accepte que, finalement, cela appartienne aux citoyens le
financement des partis politiques. Finalement, ce sont eux, d'abord et avant
tout, que cela touche. Je ne mets pas en doute l'existence ou la
validité de l'existence des personnes morales, qu'elles soient
corporatives ou syndicales, mais je dis, fondamentalement que les syndicats,
pas plus que les corporations n'ont un droit de vote, lors des élections
provinciales ou fédérales. De la même façon qu'on
considère que ce sont les individus qui ont le droit de vote, on
considère que ce sont les individus qui devraient être garants de
la démocratie dans notre société, par le financement
démocratique des partis politiques qu'ils appuient.
En terminant, je voudrais tout simplement vous souligner un fait en date
du 25 août 1976 on peut retrouver la citation dans le Federal
Register, volume 41, no 166, aux Etats-Unis. En vertu de la partie II du
Federal Election Commission Establishment of Chapter, Rules and Regulations,
article 114.2: Prohibitions on contributions and expenditures, national banks
and corporations organized by authority of any law of Congress are prohibited
from making a contribution or expenditure as defined in section 114.1. Cela est
très clair. La plus grande démocratie, la plus puissante
démocratie en Occident, également par sa commission
fédérale des affaires électorales, dans un
règlement d'août 1976, interdit les dons corporatifs. Je
pense...
M. Roy: Mais limiter à un...
M. Lavoie: Ils permettent par contre soit pour les syndicats ou
pour les sociétés d'offrir des services, mettre du personnel et
former des comités de pression de citoyens, dites toute la chose.
M. Johnson: Rien n'empêche actuellement un citoyen, qu'il
soit membre d'un syndicat ou actionnaire d'une corporation, directeur
général d'une corporation ou permanent syndical, d'offrir ses
services personnels aux partis politiques et de travailler pour des partis
politiques.
M. Lavoie: Avec votre permission... Même les syndicats, aux
Etats-Unis, les corporations et les sociétés, ou les groupes de
pression, s'i Is n'ont pas le droit, au niveau fédéral, de
contribuer directement, comme société ou comme syndicat, ils ont
le droit, autant pour les syndicats que pour les corporations, d'organiser,
soit au sein d'une corporation ou des syndicats, des groupes de pression, avec
des services, des "mailing lists", des groupes actifs. Les gens sortent de la
société normale du travail pour s'occuper uniquement des
élections ou des syndicats...
M. Johnson: Mais l'argent...
M. Lavoie: ...payés par la compagnie.
M. Johnson: ...que recueillent ces groupes, qui sont
définis à l'article 114.1, que j'ai relu ce matin encore, c'est
l'argent d'individus. Les corporations ne peuvent financer ces comités.
C'est la seule différence qui existe entre notre projet de loi et ces
prohibitions des articles 114.1 et 114.2 des Rules and Regulations de la
commission fédérale américaine qui disent qu'il ne serait
pas possible de donner indirectement, qu'il y ait effectivement formation d'un
comité spécial à l'intérieur d'une centrale
syndicale ou d'une corporation. Cependant, cela n'empêche en aucune
façon les individus de convoquer une assemblée d'actionnaires
pour les inciter, chacun, à donner $3000 et à aller voter pour un
parti, pas plus que cela n'empêche une centrale syndicale de le
faire.
Je pense qu'il faut remettre un peu les choses dans leur perspective. Il
ne faut quand même pas s'imaginer qu'on est en train d'instaurer la
planète Mars dans le financement électoral. On s'inspire
largement de ce qui se passe dans un pays où l'entreprise privée
et la personnalité corporative est tellement importante qu'à un
moment donné on se demandait, à certaines époques, aux
Etats-Unis, qui menait. Quand je vous citais Seward, tout à l'heure, je
pense que c'était assez significatif d'une mentalité de
l'époque. Je pense que cette loi est innovatrice non seulement parce
qu'enfin elle établit clairement qu'un gouvernement a
décidé de prendre le taureau par les cornes, dans ce domaine, et
d'affirmer, une fois pour toutes, la nécessité du contrôle
démocratique par les citoyens électeurs, mais également
cette loi ouvre une perspective sur une conception, qui ne manque pas
d'imagination, de ce qu'est la démocratie. La démocratie, c'est
vous et moi, c'est le secrétaire de comté, comme c'est le chef de
cabinet du député de Laval, comme ce sont également toutes
les personnes dans cette salle. Ce que ce projet affirme, c'est cela. C'est le
contrôle, par les citoyens électeurs, des partis politiques. Je
pense que c'est sain pour la démocratie.
M. Roy: Est-ce que le député d'Anjou fait une
distinction quand il parle du contrôle? L'honorable député
de Sainte-Marie, qui a parlé tout à l'heure aussi, a dit la
même chose. On parle du contrôle des partis par les
électeurs. Je regrette, mais je pense que c'est un peu le contrôle
des par- tis par l'Etat. Regardez ce qu'il y a dans la loi. Je ne sache pas que
ce soit l'électeur qui va pouvoir contrôler bien fort
là-dedans, c'est l'Etat qui va contrôler. Il y a une distinction
qu'il est important de faire.
M. Johnson: On reviendra là-dessus en deuxième
lecture.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Russell: J'ai été un peu surpris ce matin
d'entendre dire que le président de la Commission des droits de la
personne ne voulait pas venir se présenter devant la commission, de peur
que ce soit une discussion politique. Je pense qu'il aurait été
servi à souhait. Il y a eu une bonne discussion politique,
amorcée, d'abord, par le leader parlementaire du gouvernement, par
l'exposé qu'il a fait de façon très sommaire. J'ai
été un peu surpris. Je ne croyais pas que c'était le but
de la réunion ce matin. On a fait venir des gens qu'on voulait
questionner. Je ne voudrais pas non plus m'étendre sur le sujet comme
l'ont fait ceux qui m'ont précédé, c'était leur
droit s'ils voulaient le faire, mais je crois qu'on devrait peut-être, M.
le Président, avec la permission de la commission, essayer de revenir au
but poursuivi dès le début et ne pas s'embarquer dans des
discussions sur les campagnes électorales et essayer de faire l'histoire
du Québec, presque l'histoire du monde entier.
On pourrait même commencer en faisant une courte histoire des
gouvernements précédents et des campagnes électorales,
j'en ai vécu quelques-unes. On pourrait relever une multiplication de
cas pour tâcher de se justifier. Pas plus que je voudrais que mon presque
silence sur cette loi soit interprété du fait que je suis
d'accord avec cette loi que je juge complètement inutile. On aurait pu
c'est là que je voudrais questionner en amendant la Loi
électorale, obtenir le même but et rejoindre les points qui ont
été partiellement couverts ce matin, limiter les contributions
aux partis politiques.
Il y a un paquet d'autres amendements qui auraient pu être
apportés à la loi pour obtenir ce qu'on prétend qu'on veut
obtenir, si on veut se limiter à démocratiser.
M. Burns: II y a toujours la possibilité, lorsqu'on
l'étudiera article par article, de soumettre des amendements.
M. Russell: Oui, c'est à cela que je voulais en venir. Ce
matin, on veut s'alimenter d'informations pour, demain, être capables de
discuter de cette loi. Mais, si on continue dans le chemin qu'on suit
actuellement, on aura passé la matinée a écouter des gens
fort savants qui nous auront fait l'histoire politique de l'Angleterre et
d'autres pays, mais on ne sera pas tellement informé sur les buts qu'on
poursuit à cette commission.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, très
brièvement. Le député de Sainte-Marie tantôt faisait
allusion à un éditorial de M. Latouche. Il a omis de nous lire le
paragraphe qui suivait la partie qu'il nous a citée et qui se lit comme
suit: "Pourtant ce ne sont pas les points faibles qui manquent dans la
législation péquiste". C'est un peu, M. le Président, ce
que j'aimerais faire ressortir très brièvement; je n'ai pas
l'habitude d'abuser du temps de l'Assemblée nationale et des
commissions. Depuis le dépôt de ce projet de loi no 2, en mars
dernier, on s'est rendu compte et je félicite le ministre de son
ouverture d'esprit partielle lorsqu'il reconnaît...
M. Burns: II me semblait qu'il y avait un pot avec ces
fleurs-là.
M. Gratton: II y a toujours un "partiel" quelque part... lorsque
par exemple, il donne raison à la Commission des droits de la personne,
en disant qu'on doit faciliter la liberté de former une association
politique. On note que, dans le texte original...
M. Burns: Je m'excuse, je m'excuse, mais avant de...
NI. Gratton: Vous allez recommencer.
M. Burns: Non, non, avec votre permission, je voudrais juste vous
préciser que, même avant la réception de l'opinion,
à la suite de la réception du mémoire de la chambre de
commerce, on a...
M. Lavoie: Mais...
M. Burns: A moins que vous ne me permettiez pas de faire cette
intervention-là.
M. Gratton: Non, non, allez-y.
M. Burns: Le député de Laval a l'air de ne pas
être content que j'intervienne. Je veux tout simplement dire que,
dès la réception de l'intervention de la Chambre de commerce, on
s'est dit: Oui, le projet de loi tel que rédigé ne précise
pas suffisamment notre opinion et il faudra le modifier. On a donné tout
à fait droit à la suggestion de la Chambre de commerce de
Québec, à la suite de cette demande-là, puis bien avant
que la commission nous envoie son avis.
M. Gratton: J'en conviens, M. le Président. Ce que je veux
faire ressortir principalement, c'est le fait que, dans le texte original du
projet de loi no 2, on retrouvait des anicroches très importantes que le
ministre, la semaine dernière, a qualifiées de
"technicalités", mais qui, dans le fond, nous menaient très loin,
cela le ministre doit le reconnaître. Par exemple, le droit d'expression
des associations autres que les partis politiques; cela a fait l'objet, bien
entendu, de représentations de la chambre de commerce entre autres; la
Commission des droits de la personne l'a repris et le ministre nous dit ce
matin il nous l'avait dit la semaine dernière qu'il y
souscrit. Le ministre nous a dit dans ses remarques ce matin, également,
qu'il reconnaît le droit de l'inviolabilité de la demeure et j'en
suis fort aise.
Essentiellement, M. le Président, là où le ministre
rejette l'avis de la Commission des droits de la personne du revers de la main,
c'est surtout dans le cas des contributions des personnes morales. Il s'inspire
pour refuser le principe, sur le fait qu'on veut remettre le contrôle des
partis politiques aux citoyens. Il nous dit, entre autres, qu'il veut
éliminer deux sources de... Est-ce que je parle tout seul?
Le Président (M. Marcoux): Non, non, c'est dans le journal
des Débats.
Une Voix: C'est enregistré.
M. Lavoie: On voudrait que ce soit enregistré dans la
tête du ministre, pas au journal des Débats.
M. Gratton: C'est justement ce que je vise, M. le
Président, par mes propos, soit de faire appel à cette ouverture
d'esprit proverbiale du député de Maisonneuve et lui demander de
reconsidérer cette prise de position de ce matin quant aux contributions
des personnes morales. Il nous dit que, pour remettre le contrôle des
partis politiques aux citoyens, il nous faut éliminer deux choses:
d'abord, ce qu'il appelle l'inégalité de fait entre le citoyen
électeur et la compagnie multinationale c'est lui qui y fait
référence ensuite, l'aspect occulte du financement des
partis politiques.
Or, M. le Président, il y a des façons de contrevenir
à ces deux objections sans, pour cela, éliminer
complètement la possibilité pour une personne morale de faire une
contribution à un parti politique.
Il y a la divulgation, bien entendu, qui est un moyen dont se sert la
grande majorité des gouvernements ou des Etats qui ont
légiféré dans le domaine, divulgation du montant des
contributions. Ensuite, bien entendu, une limite sur les contributions que
peuvent faire les personnes morales. Où on risque des
inégalités encore plus graves que celles que veut prévenir
le ministre, c'est lorsqu'on élimine toute possibilité, pour
toute personne morale, de faire une contribution quelconque, sauf par le biais
de je ne sais trop quel article qui prévoit qu'une personne morale peut
fournir des services quelconques mais à condition quelle le fasse de
façon neutre, c'est-à-dire, à tous les partis politiques
en cause, ce que j'ai qualifié de non-sens, la semaine dernière,
et que je maintiens. Si la raison d'être d'une contribution, soit de
service ou d'argent, à un parti politique est de promouvoir une
idée ou un intérêt quelconque c'est, bien entendu, aller
contre ce principe que de forcer cette personne morale à fournir le
même service à tous les partis politiques. Le député
de Saint-Louis,
d'ailleurs, a fait état d'une situation de fait la semaine
dernière.
M. Burns: On a réglé le cas de sa femme, dans la
nouvelle rédaction.
M. Gratton: Oui. Comment?
M. Burns: Elle va venir travailler pour nous.
M. Blank: L'intelligence et la beauté manquent, chez
vous.
M. Lavoie: Vous serez obligés d'amender la loi parce
qu'elle coûte cher.
M. Gratton: Vous portez là un jugement très
sévère envers la performance du député de
Saint-Louis. Toujours est-il, M. le Président, que si nous voulons
réellement éliminer la possibilité, pour les
multinationales, d'influencer indûment un parti politique, pourquoi ne le
dit-on pas dans la loi? Pourquoi n'élimine-t-on pas les personnes
morales qui sont inscrites à la Bourse, par exemple, les empêchant
de souscrire financièrement à un parti politique, et permettant
aux syndicats, à des associations, à des personnes morales, qui
sont des individus, mais qui n'ont pas le statut d'électeurs, de pouvoir
contribuer de l'argent et des services à un parti politique de leur
choix?
Il y a sûrement des formules qu'il serait possible au gouvernement
d'adopter et qui ne brimeraient pas le droit d'une personne morale d'appuyer le
parti politique de son choix. Si c'est réellement là la
préoccupation principale du gouvernement et c'est ce qui ressort
de tout le charriage auquel j'ai été exposé depuis
quelques mois pourquoi ne pas le dire? Pourquoi ne pas
légiférer dans ce sens plutôt que, du revers de la main,
éliminer toutes les personnes morales, de quelque façon que ce
soit?
On sait fort bien, M. le Président, que, indépendamment
des dispositions...
M. Bisaillon: Juste une petite question.
M. Gratton: Oui, tantôt. Indépendamment des
dispositions qu'on pourrait inscrire dans cette loi, il y aura sûrement
toutes sortes de façons possibles d'y échapper. Une compagnie,
par exemple, pourrait demander à plusieurs de ses administrateurs de
faire des contributions à titre personnel. Elle pourrait demander
à des gens qui lui fournissent des services professionnels de le faire
en leur nom en fournissant une facture pour services professionnels à la
corporation à ce titre.
Je préférerais c'est défendu par la loi,
bien entendu de beaucoup que le taux soit fait ouvertement et qu'il y
ait une limite, quelle que soit cette limite, sur la contribution qu'une
corporation peut faire, et que le taux soit divulgué publiquement, ce
qui répondrait aux deux préoccupations du gouvernement, soit que
tous soient égaux, c'est-à-dire le citoyen électeur et la
compagnie multinationale, et que le public ait droit à cette information
par le biais de la divulgation.
M. le Président, il me semble que, partout ailleurs on a
des cas et on pourrait en citer une cinquantaine on n'est pas
allé aussi loin. La Commission des droits de la personne, ce n'est pas
le Parti libéral qui parle, n'en déplaise à M. Latouche,
il l'a dit lui-même que ce ne sont pas les points faibles qui manquent
dans la loi péquiste. Je pense que c'est un point faible évident
et flagrant dans cette loi et je fais appel à cette ouverture d'esprit
proverbiale du député de Maisonneuve. Après tout, ce n'est
pas un crime que de s'être trompé, que d'être allé
trop vite, d'avoir improvisé en fonction d'un engagement qu'on avait
fait en campagne électorale.
J'en conviens et c'est tout à fait normal. Mais, lorsqu'on se
rend compte qu'on s'est trompé, qu'on est en train de se fourvoyer de
façon magistrale, il y a lieu d'y penser sérieusement, d'essayer
d'explorer les possibilités afin de faire en sorte qu'on atteigne
réellement l'objectif qu'on vise et de ne pas, du revers de la main,
brimer les droits de plusieurs personnes morales au Québec qui ont droit
comme n'importe qui d'autres à faire valoir leurs intérêts
et à souscrire au parti politique de leur choix.
M. Bisaillon: Je dois dire, M. le Président, que je suis
très heureux de l'intervention du député parce qu'on voit
qu'il progresse tranquillement. Il commence déjà à
reconnaître qu'il y a un certain nombre de compagnies qui ne devraient
pas être couvertes par la loi. Ma question c'est au sujet des mouvements.
Si on laissait, je vous donne deux exemples, le Mouvement national des
Québécois financer le Parti québécois et le
Mouvement Québec-Canada financer le Parti libéral. Ces deux
mouvements, en finançant les partis politiques, on ne contrôlerait
pas les sources de financement des mouvements. Autrement dit si, par exemple,
je reçois $10 000 du Mouvement national des
Québécois...
M. Lavoie: C'est limité à $3000.
M. Gratton: C'est parce qu'on ne veut pas...
M. Lavoie: C'est dans les limites de la loi.
M. Bisaillon: II n'a pas fait cela. Il a dit: Laissez les
mouvements...
M. Gratton: Le député de Sainte-Marie conviendra
si je me suis mal exprimé je m'en excuse. J'ai parlé de
deux aspects fondamentaux, soit la divulgation publique et une limite.
M. Burns: Vous êtes d'accord avec la divulgation?
M. Gratton: Absolument.
M. Burns: Cela veut dire que vous n'êtes pas d'accord avec
la Commission des droits de la personne?
M. Gratton: Je parle de la divulgation des contributions des
personnes morales...
M. Burns: Avez-vous lu l'opinion de la commission?
M. Gratton: Oui, justement je...
M. Burns: La commission dit que la divulgation, entre autres, est
une atteinte...
M. Gratton: Oui, mais ce n'est pas de cela que je vous parle. M.
le Président...
M. Burns: ... au secret du vote.
M. Gratton: ... est-ce que j'ai la parole?
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: On peut bien se poser des questions toute la
journée. Que je sois d'accord avec la commission sur ce point ou non, ce
n'est pas là le but de mon propos. Je vous parle des contributions des
personnes morales. De toute évidence, je l'ai dit, je le
répète, je suis d'accord que ce soit divulgué. Je suis
d'accord qu'il y ait une limite. A ce moment, cela rejoint les objectifs que
vous semblez poursuivre, que tout le monde soit égal devant la loi, le
citoyen électeur aussi bien que la multinationale. Si les
multinationales, vous ne voulez pas les avoir, dites-le dans la loi qu'elles
n'ont pas le droit.
M. Lavoie: Les compagnies cotées à la Bourse,
excluez-les. Les multinationales, les banques, laissez les entreprises moyennes
avec des limites de $3000 et divulguez. Si vous avez de la consultation...
M. Burns: Vous êtes rendu à mi-chemin. On est
à la veille de vous convaincre. Cela va bien aller.
M. Lavoie: Ce projet était au Conseil exécutif
à la douzième édition avant que vous n'arriviez.
M. Gratton: M. le Président, puis-je terminer?
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Louis.
M. Burns: Ce n'est pas pire. Nous ça nous a pris deux
éditions. Ce n'est pas si mal.
M. Lavoie: C'est assez mal fait votre affaire aussi. Question
d'ordre.
M. Burns: C'est cela. Vous nous le direz.
M. Lavoie: Je vois le ministre des Affaires
intergouvernementales. Il est à la table. Je ne sais pas si son silence
est une négation ou un appui.
Le Président (M. Marcoux): Ce n'est pas une question
d'ordre.
M. Lavoie: Oui, parce qu'il a les jambes sur la chaise. Lui qui,
comme grand conseiller de l'Etat, a servi de mauvais gouvernements...
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît! Le député de Gatineau.
M. Lavoie: ... Johnson, Bertrand, Lesage, Bourassa, ces
gouvernements...
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît, le député de Laval! Le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, j'ai l'impression...
M. Lavoie: ... élus par des caisses occultes. Il a
conseillé ces gouvernements, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, j'ai l'impression que je vais
être interrompu par une question de privilège du
député de Louis-Hébert.
M. Morin (Louis-Hébert): Pas du tout.
M. Gratton: Alors, M. le Président, j'avais
terminé.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Je veux seulement...
M. Burns: II me semble qu'il y a une question qui est
posée au ministre.
Le Président (M. Marcoux): Le ministre n'a pas
demandé la parole.
M. Lavoie: Je n'ai pas posé de questions. Une question de
décorum et d'ordre.
M. Burns: II me semble qu'on devrait au moins donner la chance au
ministre de répondre.
Le Président (M. Marcoux): II n'a pas demandé le
droit de parole. S'il l'avait demandé, je l'aurais reconnu. Le
député de Saint-Louis.
M. Blank: M. le Président...
M. Gratton: II est très discret, lui.
M. Morin (Louis-Hébert): Je crois que vous aimeriez mieux
que je n'intervienne pas, avec la question que j'ai à vous poser.
M. Lavoie: La moutarde vous monte au nez.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Saint-Louis.
M. Blank: M. le Président, le député de
Maisonneuve a fait allusion au fait qu'une personne peut arranger une
corporation de 18 ou 20
compagnies pour contourner la loi; comme l'a dit le député
de Beauce-Sud, c'est un peu illogique. Même si cela peut arriver, la plus
nouvelle des lois semblables était votée par l'Alberta
récemment. Dans cette loi, il y a un paragraphe, le paragraphe 30, qui
couvre ce qu'on appelle les demi-corporations. Cela peut être
réglé facilement. Comme le député de Gatineau l'a
dit, si on veut contourner la loi on peut le faire facilement.
Pourquoi ne pas faire une loi qu'on peut appliquer, pas une loi qu'on
trouve facile de contourner? C'est plus logique d'adopter une loi pratique
qu'on peut appliquer.
M. Burns: C'est parce que, M. le député de
Saint-Louis, on part avec l'idée de base et je pense que cela se
vérifie; comme avocat, je pense que vous êtes en mesure de me dire
que c'est exact ce que je vais dire que la majorité des citoyens
a plutôt tendance à suivre une loi qu'à tenter de
l'éviter.
M. Blank: Exactement comme le député...
M. Burns: Cela veut dire qu'on légifère, dans le
fond, pour une minorité, ceux qui veulent contourner la loi.
M. Blank: Mais cela veut dire que vous empêchez les droits
de la majorité, comme le député de Beauce-Sud l'a dit,
pour essayer de couvrir un nombre très minime, ou que vous mettrez de
côté les droits et les libertés de tout le monde pour
couvrir les cas où vous pensez que vous avez des soupçons.
M. Burns: Non, c'est simplement pour reconnaître le fait
qu'actuellement, au Québec, il y a des électeurs, et ces
électeurs ne sont pas des compagnies; que, deuxièmement, il y a
déjà de la discrimination à l'endroit des compagnies, n'en
déplaise à la Commission des droits de la personne, même
dans des domaines où la Charte des droits et libertés de la
personne accorde une liberté de sexe. Je ne connais pas de compagnies
qui se marient, je ne connais pas de compagnies qui font des enfants, je ne
connais pas de compagnies...
M. Lavoie: Est-ce que vous connaissez des compagnies qui paient
des impôts?
M. Burns: Oui, je connais des compagnies qui paient des
impôts, mais elles ne votent pas. Je ne connais pas de compagnies qui
votent au niveau provincial ou au niveau fédéral. Je ne connais
pas de compagnies qui ont une religion à part des corporations
religieuses.
M. Lavoie: Pour défendre un ordre social, c'est aussi
simple que cela.
M. Burns: Pourquoi ne donnent-elles pas cela aux musées?
Vous avez des musées qui sont en train de péricliter au
Québec. Si elles ont de l'argent...
M. Lavoie: Si vous regardez de votre côté.
M. Burns: Non, je pointais en haut. Vous avez des musées,
dans le domaine social...
M. Lavoie: Les compagnies donnent aux musées de
Montréal.
M. Burns: L'argent qu'elles ont de disponible, qu'elles donnent
donc là. Ce serait parfait.
M. Blank: Mais elles veulent avoir cet argent avec un
gouvernement qui ne fait pas leur affaire; elles ne peuvent pas perdre tout cet
argent, elles ne peuvent pas donner cela à la Croix-Rouge et aux
musées. Elles veulent protéger ce droit fondamental de faire un
dollar et le donner à qui elles veulent.
M. Burns: C'est très important.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Laval. Non? M. le député de Jeanne-Mance.
M. Burns: On pourrait peut-être passer le juge Drouin. Je
m'excuse, M. le député de Saint-Louis. Je fais une suggestion
à la commission. Le juge Drouin est avec nous depuis 10 heures ce matin,
et c'est à notre demande, c'est-à-dire à la demande de la
commission qu'il est venu ici. Il me semble qu'on pourrait peut-être
tenter de le libérer avant notre ajournement d'une heure. Je n'ai qu'une
seule question, avec votre permission, M. le Président, à poser
au juge Drouin. Il a été question, au cours de la discussion, du
candidat indépendant. Là, je m'adresse justement au technicien
que vous êtes en matière électorale. Un candidat à
une élection qui est un indépendant, est-ce que cela peut
physiquement, légalement, exister avant que les brefs d'élection
ne soient émis? C'est ma question, la seule.
M. François Drouin
M. Drouin (François): Non seulement avant que les brefs
d'élection ne soient émis, mais avant qu'il ait
déposé son bulletin de présentation. Il n'est candidat que
lorsqu'il a déposé son bulletin de présentation et que ce
bulletin de présentation a été accepté par le
président des élections.
M. Lavoie: Je ne m'adresserai pas au juge... Continuez M. le
juge.
M. Drouin: Mais, évidemment, on dit souvent, dans le
langage populaire: M. Untel, parce qu'on a eu une convention, est candidat dans
le district électoral de... mais c'est péjoratif.
M. Lavoie: Une question. Pour ne pas permettre, justement,
l'introduction que je ne désire pas, du juge Drouin dans le débat
politique, je vais l'adresser au leader parlementaire du gouvernement. Qu'on
permette à un député indépendant, en vertu de cette
loi, de recueillir des fonds pour favoriser son élection dans un
délai d'à peu près un mois ou quinze jours seulement
parce que c'est lors de la mise en nomination qu'il devient un
candidat accessible à une élection cela veut dire
qu'on lui donne uniquement un délai d'une quinzaine de jours pour
recueillir quelques fonds pour promouvoir son élection. En plus de cela,
une fois élu, s'il désire garder son statut d'indépendant
et qu'il veut propager la politique qu'il défend ou les gestes qu'il
pose ou qu'il entend poser à l'Assemblée nationale, vous
l'empêchez, pendant qu'il est élu, de ramasser des fonds, en
entrant en contact avec ses électeurs, pour solliciter un
deuxième mandat. Egalement, une fois élu, il est
empêché ce bonhomme qui ne pourrait pas ramasser $1000 pour faire
un envoi postal à ses électeurs, ou quelque chose comme
ça, de peut-être passer à la télévision.
M. Burns: L'envoi postal, peut-être
qu'éventuellement cela pourrait être réglé via
la...
M. Lavoie: En tout cas, c'est un point d'interrogation. Je pense
que vous brimez certains droits de ce bonhomme de se faire élire.
M. Burns: Quand on en discutera, je suis prêt à
l'examiner, si vous m'amenez un cas comme celui-là. Le but de cette loi
n'est pas de brimer quelqu'un, mais de remettre le financement entre les mains
de ceux qui, normalement, devraient l'avoir, c'est-à-dire les
électeurs. Ensuite, pour l'ensemble de la loi, je suis absolument
certain que tout dépendra de celui qui aura à administrer la loi
par la suite, c'est-à-dire le directeur général du
financement. Je pense que le député de Laval est prêt
à reconnaître cela. Dans notre petit voyage éclair à
Sacramento, Washington, Toronto et Ottawa, on s'est rendu compte d'une chose,
c'est que, à chacun des endroits, que ce soit une commission ou que ce
soit un individu qui l'administre, que ce soit partisan ou que ce soit non
partisan l'information de cette commission, l'approche constante a
été de dire: II faut qu'il y ait compréhension entre les
partis politiques.
M. Lavoie: Consultation, éducation populaire et tout et
non pas persécution.
M. Burns: Non, mais cette loi, il ne faut pas la prendre comme
coercitive non plus. Elle est faite tout simplement pour mettre des balises,
pour mettre des "guide-lines", comme je le disais l'autre jour, ce que vous
n'aimez pas comme expression.
M. Blank: Des chaînes, des menottes.
M. Burns: Non, mais c'est beaucoup plus un financement
désordonné des partis politiques qui peut mettre des
chaînes aux poings des partis politiques.
M. Gratton: II commence à y en avoir moins de
chaînes.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Présidenjt, je voudrais poser une question
qui s'adresse au président général des élections.
Je veux qu'il soit bien à son aise pour me répondre. J'aimerais
reprendre la question du député de Laval quand il a parlé
de députés indépendants, de candidats indépendants.
En vertu de la loi actuelle je parle toujours en vertu de la loi
actuelle, même si on me fait signe qu'il y aura une autre loi une
personne qui désire se présenter dans un comté, selon la
tradition politique, un an avant la date des élections, peut commencer
à former un comité et recueillir des fonds. Est-ce qu'en vertu de
la loi actuelle il pourrait agir?
M. Burns: Vous voulez dire la Loi électorale? M.
Drouin: En vertu de la Loi électorale. M. Roy: Du projet de
loi 2.
M. Drouin: C'est en dehors de ma juridiction, ce que vous me
demandez.
M. Burns: Je pense que vous lui demandez une opinion juridique
sur le projet de loi no 2.
M. Lavoie: Le leader du gouvernement pourrait
répondre.
M. Burns: Selon le texte de l'actuel projet de loi 2, non.
M. Roy: C'est cela que je voulais savoir. J'aurais une
deuxième question, si on me le permet, à poser au
président général des élections, une question de
portée générale. Le personnel, actuellement, qui est au
service du président général des élections, est-ce
qu'il doit subir les concours de la fonction publique? Est-il soumis à
la fonction publique et tout cela?
M. Drouin: Oui.
M. Roy: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Laval et après celui de Brome-Missisquoi.
M. Lavoie: Vous connaissez les pouvoirs que vous avez en vertu de
la Loi électorale. Répondez donc à la première
question que j'ai posée lorsque vous n'étiez pas encore
invité à la table. Le remboursement des dépenses
électorales des candidats, à certaines conditions, existe je
crois, depuis l'élection de 1966, si je me rappelle bien.
M. Drouin: Sauf les élections partielles qui ont eu lieu
avant 1966.
M. Lavoie: D'accord. Qui sont admissibles à peu
près dans une proportion de 40% à 50%, suivant certaines
conditions, grosso modo.
M. Drouin: Si nous prenons, par exemple, n'est-ce pas, un
district électoral comprenant
30 000 électeurs, justement, ils ont droit à $15 000 de
dépenses. Et s'ils dépensent leurs $15 000, je rembourse
$9000.
M. Lavoie: Par contre, dans mon cas, j'en avais 46 000 ou 47 000;
je pense que cela allait à peu près à 40% ou 45% des
remboursements parce qu'après un certain nombre de votants le nombre
permissible est diminué.
M. Drouin: C'est décroissant.
M. Lavoie: Depuis 1966, cela fait 1966, 1970, 1973, 1976, quatre
élections, et je n'ai pas le nombre de candidats élus ou
défaits à qui vous avez remboursé des sommes. J'ai
lancé un chiffre tout à l'heure peut-être 800, soit 200 par
élection; c'est peut-être trop, je ne le sais pas.
M. Drouin: 267 cette année qui ont droit à un
remboursement sur 500.
M. Lavoie: J'ai fait une moyenne de 200 par quatre
élections, cela fait 800. Combien y a-t-il eu de cas qui ont
été devant les tribunaux pour délit ou infraction à
la loi?
M. Drouin: Un.
M. Lavoie: Un sur 800.
M. Drouin: Un cas, puis cela n'a pas été contre le
candidat ni contre le député élu, cela a été
contre un agent officiel qui a falsifié des reçus. Il a
été condamné à $500 d'amende puis il a perdu sa
fonction là où il travaillait.
M. Lavoie: C'est un peu, pour confirmer les propos de M. Blank ou
de M. Gratton, c'est la petite exception. Il ne faut pas prendre un "bulldozer"
pour tuer une mouche.
M. Burns: Ce que je disais tout à l'heure, cela confirme
exactement mes dires, c'est que la majorité des gens a tendance à
suivre une loi plutôt que de passer à côté.
M. Bisaillon: II faut qu'elle soit adoptée. M. Burns:
II faut qu'elle soit là.
M. Lavoie: Par contre, il ne faut pas une loi excessive,
draconienne comme la vôtre et qui a suscité justement 23 pages de
propos préliminaires de la Commission des droits de la personne.
M. Burns: C'est votre opinion. Sur laquelle on reviendra.
M. Lavoie: On parlera, à la fin, des pouvoirs du directeur
général. Je pense bien que vous connaissez les pouvoirs que vous
avez comme président d'élection. Je n'ai pas fait le
parallèle entre les pouvoirs qu'on accorde, dans ce projet de loi, au
directeur général de l'application de cette loi. Il est au-dessus
du Parlement, au-dessus du gouvernement, au-dessus des tribunaux, parce que
tout le système judiciaire, la surveillance du tribunal comme la Cour
supérieure, il est libéré de cette surveillance...
M. Burns: Comme dans toute loi administrative.
M. Lavoie: Pas toutes les lois. M. Burns: Voyons donc!
M. Lavoie: Attention!
M. Burns: Lisez donc n'importe quelle disposition que vous avez
des pouvoirs quasi judiciaires, vous avez une exemption d'injonction...
M. Lavoie: Laissez-moi donc finir. Est-ce qu'il a demandé
la permission? Je n'ai pas accordé la permission.
M. Burns: Vous dites des faussetés.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Laval.
M. Burns: Vous dites toutes sortes de sottises.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Laval.
M. Lavoie: La preuve, c'est que vous avez déjà
enlevé le droit de perquisition sans mandat puis vous allez le
rétablir, le mandat.
M. Burns: Oui.
M. Lavoie: C'est la raison pour laquelle on a soulevé des
craintes et des appréhensions...
M. Bisaillon: Vous ne parliez pas de cela, là.
M. Lavoie: C'est dans le pouvoir du directeur
général qui avait le droit de faire des perquisitions sans
mandat. On a ouvert vos lumières puis vous revenez sur cela.
M. Burns: Je suis d'accord sur cela.
M. Lavoie: Je continue. Tous les hauts fonctionnaires, en
général, ont la surveillance de la Cour supérieure,
à ma connaissance.
M. Burns: Pas dans l'exercice de leur mandat, en vertu...
M. Lavoie: Mais il y a des recours.
M. Burns: Que ce soit en vertu de la Loi des commissions
d'enquête, que ce soit n'importe quel tribunal administratif, n'importe
quel fonctionnaire qui exerce une fonction judiciaire ou quasi judiciaire est
exempt de tout appel dans l'exercice de ses fonctions...
M. Lavoie: Pas tous.
M. Burns: Je vais vous en citer à peu près 60 de
nos lois. C'est une disposition qui existe dans chacune de nos lois.
M. Blank: Oui, mais dans cette affaire, c'est un peu
différent. Le président des élections a cette protection,
parce qu'on ne peut pas arrêter une élection. Il a 28 jours. Mais
le financement, cela ne presse pas. Si on pense que le directeur a fait quelque
chose de mal, on doit avoir le droit d'aller au tribunal, parce qu'on
n'arrête pas une élection. Ce n'est pas le même cas.
M. Burns: Le député de Saint-Louis va comprendre
ceci. Est-ce que le député de Saint-Louis peut m'écouter
là-dessus? Si jamais vous avez véritablement, en vertu de quelque
loi que ce soit, que ce soit le Tribunal du travail, que ce soit le
commissaire-enquêteur, que ce soit n'importe qui, s'il y a excès
de juridiction, la jurisprudence est constante et claire à l'effet que,
même si cette disposition existe dans la loi, les tribunaux vont en
prendre connaissance. Vous allez admettre cela.
M. Blank: Sur excès de juridiction. M. Burns: Oui.
M. Blank: Oui.
M. Burns: C'est cela. C'est pour cela que je dis que, dans
l'exercice de ses fonctions, comme n'importe quel de ces hauts fonctionnaires
ou même un commissaire-enquêteur, par exemple, en vertu du Code du
travail, on dit dans la loi, dans le Code du travail qu'il n'est pas sujet
à évocation devant les tribunaux, il n'est pas sujet à des
injonctions, etc. C'est exactement tout ce qu'on utilise dans le droit
administratif, sauf que les tribunaux vont s'en mêler s'il excède
sa juridiction. C'est la jurisprudence constante. On n'a pas besoin de mettre
la jurisprudence dans la loi.
M. Lavoie: J'ai une autre question à poser. Je souligne
les pouvoirs exorbitants du directeur général. Ma dernière
question au juge Drouin. Vous avez établi, dans votre service, dans
votre organisme qui s'appelle la Présidence des élections, depuis
au-delà de dix ans, certains mécanismes d'administration, vous
avez du personnel qui vérifie, qui épluche toutes les
dépenses électorales des candidats élus ou défaits.
Je sais toutes les exigences que vous avez. Lorsqu'il s'agit d'obtenir notre
remboursement, on doit fournir toutes les pièces justificatives et tout.
Vous avez tout cela et je pense que c'est très bien fait, je dois vous
en féliciter. Je sais bien qu'on est obligé, dans certains cas,
de fournir 500 ou 600 pièces, ce n'est pas rare, un reçu de
chaque personne qui distribue quoi que ce soit.
Ma question est bien simple: Est-ce que votre bureau serait en mesure,
à cause des mécanismes que vous avez mis en place, que vous avez
rodés depuis dix ans, de surveillance, de comptabilité, etc., de
voir à l'application de la présente loi au point de vue des
dépenses des partis politiques et de la divulgation durant les
périodes entre les élections?
M. Burns: Je m'excuse, M. le Président, j'in- voque le
règlement. Je ne veux pas bâillonner le juge, loin de là,
je veux tout simplement qu'il se sente tout à fait à l'aise de
répondre à cette question, mais j'y décèle...
M. Lavoie: C'est une question technique.
M. Burns: Je m'excuse, mais c'est justement dans le but de
protéger l'indépendance du président général
des élections. J'y décèle une opinion relative à la
loi. Je ne sais pas, je le dis en toute liberté. Si le juge se sent en
position de répondre à cette question, qu'il le fasse; par
contre, moi, je ne le critiquerai pas si jamais il trouve qu'il se prononce sur
une décision politique. C'est une décision politique qui a
été prise dans la loi, de créer le poste de directeur
général du financement.
M. Lavoie: Et de créer un autre organisme avec encore du
fonctionnarisme et une autre commission.
M. Burns: Bien oui, c'est cela. En tout cas, c'est une
décision politique. Vous avez le droit de m'engueuler là-dessus,
mais je pense que vous n'avez pas le droit, et ce serait injuste, d'engueuler
le juge Drouin ou même de lui demander d'être votre avocat sur
cette position. Maintenant que cela est dit, dans les limites où le juge
je me fie à son jugement là-dessus décidera
de répondre, je n'ai aucune espèce d'objection, mais je voulais
aussi qu'on ne critique pas sa réponse.
M. Lavoie: Ne vous inquiétez pas, je ne lancerai pas de
débat.
M. Drouin: Je n'ai jamais refusé, dans le passé,
les responsabilités que les gouvernements ont voulu me donner. Cela a
fait 32 ans, ta semaine dernière, que je suis président
général des élections. La décision de donner cela
au président général ou à une tierce personne ou
à une tierce organisation, c'est une décision politique qui
relève du gouvernement. Une fois qu'elle est prise, ce n'est pas
à moi de dire si elle est bonne ou mauvaise.
M. Lavoie: Combien avez-vous de personnes à votre emploi?
Je ne parle pas en période électorale, vous pouvez avoir du
personnel supplémentaire.
M. Drouin: Avec la Commission permanente de la réforme des
districts électoraux, on doit être une trentaine de
personnes...
M. Lavoie: Une trentaine de personnes.
M. Drouin: ... parmi lesquelles j'ai cinq ou six personnes
à Montréal. J'ai un adjoint à Montréal et un
adjoint à Québec. Il est d'ailleurs ici, avec moi.
M. Lavoie: Je n'ai plus de question à poser au juge. Un
seul commentaire: C'est une suggestion que je ferais s'il y avait consultation
entre les partis. Pourquoi ne pas centraliser tout ce qui regarde
les élections c'est une suggestion que je fais dans un
esprit de collaboration tout ce qui regarde la présidence des
élections, le remboursement des dépenses aux candidats, qui a une
affinité très proche avec le contrôle des dépenses
des partis politiques en dehors des périodes électorales,
l'administration de cette loi et même, j'irais plus loin, une autre
commission, la Commission permanente de la réforme des districts
électoraux?
M. Burns: Qui est présidée par la même
personne.
M. Lavoie: Par la même personne.
M. Burns: En l'occurrence, mais ce sont deux organismes
différents.
M. Lavoie: Pourquoi avoir quatre ou cinq organismes? Vous avez
encore une loi du référendum qui va couvrir d'autres choses. Je
verrais comme prétendu ministre de la démocratie, mais...
M. Burns: Oui, oui.
M. Lavoie: ... en second, parce que je considère que le
premier est le président de l'Assemblée nationale, je verrais
qu'au lieu d'organiser une multitude de branches et de diviser les forces on
crée un organisme qui s'appellerait les surveillants de la
démocratie au Québec.
M. Burns: Est-ce que le député de Laval veut se
revaloriser rétroactivement?
M. Lavoie: Non, je l'ai fait à ce moment-là.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Russell: Si j'ai bien compris les propos tenus par l'honorable
juge, du fait qu'il n'est pas au courant de cette loi, dois-je tenir pour
acquis qu'il n'a pas été consulté, ni lui ni aucun de ses
officiers, avant la confection de cette loi?
M. Drouin: Non. J'ai rencontré privément M. Burns.
Evidemment, cela a été des consultations privées. De ces
consultations privées, depuis 30 ans, j'en ai eu avec d'autres
gouvernements et j'ai toujours jugé qu'elles avaient un caractère
confidentiel.
M. Burns: Effectivement... M. Russell: Donc, vous
êtes...
M. Burns: ... je peux confirmer que le juge Drouin et moi nous
nous sommes rencontrés durant une assez longue période et je l'ai
consulté sur les grands objectifs du projet de loi. Je dois dire qu'il
m'a fait comme il le mentionne lui-même, de façon
privée, c'est une consultation privée, je me
référais, à ce moment-là, à
l'expérience du juge
Drouin un certain nombre de recommandations et, dans plusieurs
cas, nous en avons tenu compte.
M. Russell: C'est simplement pour rétablir les faits parce
que vous êtes partiellement conscient de ce qui est contenu dans le
projet de loi actuellement.
M. Drouin: Je n'ai pas pris part à la
rédaction.
M. Russell: Non, non, mais est-ce que vous avez pris connaissance
du projet de loi?
M. Drouin: Une fois qu'il a été
déposé, j'en ai pris connaissance, pas avant.
M. Russell: Vous contrôlez actuellement les dépenses
des candidats en campagne électorale. La Loi électorale vous
permet de contrôler les dépenses des candidats en campagne
électorale. Est-ce qu'il aurait été facile, parce que vous
connaissez les buts poursuivis par cette loi, d'incorporer ce projet à
la Loi électorale actuelle, avec certains amendements?
M. Burns: Je m'excuse, mais je fais la même remarque que je
viens de faire à propos de la question du député de
Laval.
M. Drouin: C'est encore une question politique. Si la commission
avait demandé au président général de venir la
rencontrer pour donner son opinion à savoir est-ce que cela peut
s'incorporer ou non, avant que le choix soit fait par le cabinet, là
j'aurais pu donner mon opinion, mais une fois que le choix est fait, je ne peux
pas ni approuver, ni désapprouver le cabinet, ce n'est pas de mon
ressort.
M. Russell: Si je comprends bien, vous avez dit tout à
l'heure, et le leader parlementaire l'a admis, qu'il y avait eu une rencontre
en privé avec vous. Je ne veux pas que vous dévoiliez votre
conversation privée, mais est-ce que je dois tenir pour acquis que c'est
concernant le projet de loi que vous avez discuté?
M. Drouin: Entre autres.
M. Russell: Entre autres. Est-ce qu'à ce moment-là
cela a été vu, d'une façon globale, presque impossible
à incorporer à la Loi électorale?
M. Johnson: M. le Président, est-ce que vous permettez? Je
voudrais intervenir là-dedans. Je comprends la situation du leader et du
juge Drouin. Il me semble qu'il a été établi clairement
que le contenu des conversations entre le leader du gouvernement, à
titre de ministre d'Etat à la réforme parlementaire et
électorale, et le juge Drouin est privé. On peut toujours poser
42 questions en faisant précéder cela de: Je sais que
c'était une conversation privée... Mais puisque
c'était une conversation privée, et le juge Drouin le dit,
cela fait 32 ans qu'il le fait et cela fait 32 ans qu'il confère avec
les premiers ministres, les présidents de l'Assemblée nationale
et des ministres responsables, que ce soit de la Justice, je présume, ou
d'autre ministres qui sont responsables des modifications de la Loi
électorale, etc., il me semble qu'on doit respecter sa décision
quand il dit qu'il s'agit d'une entrevue privée sur laquelle on ne
pourrait pas revenir.
M. Burns: Si vous permettez, M. le Président, sur ce
point, je voudrais simplement ajouter quelque chose. C'est que c'est
évident que pour n'importe quel gouvernement, que ce soit le nôtre
ou les gouvernements qui nous ont précédés, quand il
s'agit de toucher à la Loi de la Législature, quand il s'agit de
toucher à la Loi électorale, quand il s'agit de toucher à
tout ce domaine qui tourne autour des institutions parlementaires, politiques
et autres, une de nos personnes-ressources les plus normalement consultables,
c'est le président général des élections,
justement, comme le disait le juge tout à l'heure, qui a 32 ans
d'expérience dans ce domaine. Je veux dire qu'un gouvernement qui ne
consulte pas, via le ministre responsable des amendements, par exemple,
à la Loi de la Législature ou à la Loi électorale
ou à des lois connexes, ce serait un gouvernement irresponsable de ne
pas consulter une telle personne-ressources qui est là à notre
disposition et qui veut nous aider à ne pas commettre d'erreurs dans
toute éventuelle législation. Cela, je pense que c'est tout
à fait normal.
M. Russell: Pour faire suite aux remarques du
député d'Anjou, j'ai beaucoup de respect pour le juge responsable
des élections, que je connais depuis plusieurs années pour avoir
siégé ici. J'ai eu l'occasion d'entrer en communication avec lui
pour certaines informations, mais je croyais qu'il était venu en
commission pour essayer de nous renseigner techniquement. Actuellement je crois
qu'il est partiellement au courant de la loi seulement depuis le
dépôt.
Si on conteste la Loi électorale actuelle, cela va probablement
être un jugement qu'on va lui demander, donc cela restreint pas mal les
questions qu'on peut lui poser. Si c'est une loi qui est en rédaction et
qui, à mon sens, pourrait créer des difficultés
d'administration ou devenir en conflit avec la Loi électorale actuelle,
naturellement on ne peut pas poser de questions là-dessus, il ne peut
pas se prononcer, cela va être une opinion. C'est une question qu'on
pourrait lui poser et beaucoup d'autres questions quand...
M. Burns: Si vous demandez au juge: Est-ce que vous pensez que la
loi 2 entre en conflit avec la Loi électorale? Qu'est-ce que vous
voulez, il n'est pas capable de vous répondre là-dessus...
M. Bisaillon: C'est votre travail.
M. Burns: Si vous arrivez à cette conclusion, il s'agit de
me bûcher sur le dos, à moi qui présente ce projet de loi,
lorsque je le présenterai en deuxième lecture.
M. Lavoie: Je vais prendre une note.
M. Burns: Ne vous gênez pas. C'est mon rôle de
recevoir des coups relativement à cette loi et pas celui d'un haut
fonctionnaire de l'Etat.
M. Russell: Je croyais que cette loi avait une importance
fondamentale sur le jeu électoral du contribuable du Québec. On
veut avoir une loi aussi bien forgée que possible et qui ne viendra pas
en conflit avec la Loi électorale actuelle. C'est ce qu'on tente
d'établir. Les membres de la commission ont ce rôle, cette
responsabilité. On doit faire appel aux meilleurs éléments
qu'on connaît, pour qu'ils puissent nous renseigner.
On les a devant nous actuellement et je reconnais en la personne du juge
Drouin l'homme compétent en cette matière. Il semble que le
leader parlementaire veut éviter que l'on ne pose des questions au
juge.
M. Burns: Je pense que c'est un minimum d'éthique à
l'endroit du juge, une question d'éthique pure et simple. Vous ne pouvez
pas lui demander cela, pas plus que vous ne pourriez demander à mon
sous-ministre ce qu'il pense du projet de loi. Il va vous dire qu'il est bien
bon, c'est bien sûr. Si vous dites: Vous ne pensez pas telle chose ou
telle chose, il va dire: Ecoutez, je fonctionne à l'intérieur
d'un cadre qu'on m'a établi. Je pense qu'il y a un minimum
d'éthique là-dedans que l'on doit respecter. C'est uniquement
dans ce sens que je le dis.
M. Russell: II y a aussi, M. le Président, un minimum de
respect que l'on doit avoir pour le contribuable du Québec quand on veut
rédiger des lois qui vont les enfarger ou les aider.
M. Burns: Vous êtes là pour cela, pour m'en-gueuler
là-dessus, si vous voulez.
M. Russell: C'est cela. On va le faire tout à l'heure,
soyez-en certain. On pourrait peut-être commencer immédiatement.
Ce matin, j'avais l'idée qu'on s'en venait en commission parlementaire
pour essayer de regarder les points techniques de cette loi. On a
convoqué le président des élections pour essayer de nous
renseigner, lui qui a une expérience d'environ 30 ans dans ce domaine.
On semble vouloir restreindre les questions qu'on pourrait lui poser en
invoquant le fait que ce pourrait être un jugement et que ce ne serait
pas selon l'éthique professionnelle.
M. Burns: Je n'interviendrai plus. Je vais tout simplement me
fier à votre sens de l'éthique et au sens de l'éthique du
juge. Je n'interviendrai plus.
M. Russell: A ce moment-là, je me dis que j'ai
assisté à une commission parlementaire depuis 10 heures ce matin
et il est 12 h 35. On nous a informés que le président de la
Commission des droits de la personne ne pouvait pas venir parce qu'il avait
peur d'assister à un débat politique et que la
commission était au-dessus de tout cela. Mais je pense qu'on a
été servi à souhait ce matin. On a vécu un
débat politique commencé par le leader parlementaire qui a
été suivi par tout le monde. Cela a presque été une
discussion de deuxième lecture. Cela n'a pas été de
l'information technique.
M. Burns: C'est ce que j'ai dit.
M. Russell: C'est ce que j'ai vécu ce matin. A mon sens,
on n'a pas d'informations; on a simplement ce qu'on connaît, des affaires
en général. Je pourrais commencer à parler des
élections depuis 1944 du temps du Bloc populaire et faire toute
l'histoire de la province de Québec et je serais justifié parce
que je suivrais le débat qui a été commencé ce
matin par le leader parlementaire.
M. Burns: La commission a été réunie
à la demande de l'Opposition.
M. Bisaillon: Vous avez manqué l'autre commission
parlementaire.
M. Russell: Oui, mais si elle a été conduite comme
celle-là, je n'ai peut-être pas manqué grand-chose.
M. Bisaillon: Non, c'est pas cela.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Russell: M. le Président, je vais conclure
là-dessus parce que mon but, c'est de me renseigner techniquement pour
savoir si cette loi ne vient pas en contradiction avec la Loi électorale
existante. Ma deuxième question aurait été de savoir si
cela aurait été facile d'incorporer cette loi à la Loi
électorale actuelle pour savoir si le personnel en place pouvait
l'administrer. Cela aurait coûté pas mal meilleur marché.
Il n'y aurait pas eu de conflit de personnalités entre deux groupes de
gens comme il va en exister actuellement. Ce sont des choses que je vais dire
en deuxième lecture. J'aurais pu le dire ce matin si j'avais voulu
embarquer dans un débat politique et frapper sur le leader parlementaire
ou le ministre responsable, comme il le disait tout à l'heure. Avant de
le faire, je voulais essayer de me renseigner techniquement. Dans
l'impossibilité de le faire, je vais être obligé de garder
le silence.
M. Drouin: Je suis prêt à vous dire, M. le
député, que cette loi peut s'incorporer dans la Loi
électorale. Ce n'est pas obligatoire qu'elle soit incorporée.
Vous avez des provinces où la loi de la distribution territoriale, des
districts électoraux, fait partie de la Loi électorale. Pour
nous, c'est deux lois différentes. Cela a été une
décision prise autrefois par le cabinet d'avoir la division territoriale
et la Loi électorale.
Aujourd'hui, celle-là, si le cabinet a pris sa décision,
ce n'est pas à moi ni de l'approuver ni de la désapprouver. Ce
n'est pas de ma juridiction.
M. Russell: M. le Président, on ne demande pas de
l'approuver ni de la désapprouver. On vous demande simplement une
information technique, point. Je vous remercie...
M. Drouin: Cela peut s'incorporer, mais la décision de
l'incorporer ou de ne pas l'incorporer, c'est une décision politique qui
relève du cabinet.
M. Russell: C'est évident que ce n'est pas vous qui avez
dit au gouvernement, faites une loi séparée. On sait que c'est
leur décision. Tout à l'heure on va lui en parler.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Président, j'avais des questions à
poser sur ce que comporte le projet de loi. J'espérais, ce matin, qu'on
puisse interroger le président général des
élections sur l'application du projet de loi comme tel. On me dit que ce
n'est pas possible.
M. Johnson: Allez-y.
M. Roy: La question que je voulais poser touche à
l'application de la loi. Le président général des
élections, si je me réfère à la loi qui est
déposée devant nous, le projet de loi actuel, serait
chargé de l'application de cette loi. J'aimerais aller sur le plan
pratique. Puisqu'on parle d'un certain contrôle des associations de
comtés, d'un examen et ainsi de suite, en somme, j'imagine qu'il va
falloir que le président général des élections ait
du personnel pour pouvoir faire le tour du Québec. Cela a-t-il
été examiné, au bureau du président
général des élections, ce que cela pouvait comporter de
coûts, au point de vue du personnel, l'application d'une loi comme
celle-là? Quels seraient les besoins en personnel? Il va falloir qu'il y
ait des budgets qui soient votés par le gouvernement.
M. Drouin: Quant à moi, il n'y a pas eu d'estimation de
faite de ce côté.
M. Roy: II n'y a pas eu aucune estimation de faite.
M. Drouin: Non.
M. Roy: Dans l'engagement de votre personnel, tantôt j'ai
posé une question à savoir si votre personnel relevait de la
fonction publique comme tel, s'il était soumis...
M. Drouin: On veut savoir ce que va coûter le personnel
dont on aura besoin. Cela ne relève pas de moi. Je ne sais pas.
M. Roy: Non. Je comprends, mais il reste que le gouvernement nous
dit faire des consultations, à l'occasion, avec les personnes
mandatées, des personnes responsables, des personnes compétentes,
autrement dit nos spécialistes. Alors je voulais savoir... oui...
M. Burns: Je peux vous répondre partiellement, parce
qu'évidemment on s'imagine que cela va coûter à peu
près ce que cela coûte en Ontario pour administrer une loi
semblable. La "Commission on Election Contributions and Expenses", dans son
dernier rapport, nous dit qu'au grand total, durant la dernière
année, soit l'année 1976, cela a coûté $2 821
928.79. On s'imagine que de provinces...
M. Blank: ...aussi, cette commission? M. Burns: Oui.
M. Roy: Entre les élections. On ne parle pas d'une
campagne électorale.
M. Burns: Les campagnes électorales et en dehors des
campagnes électorales.
M. Lavoie: Ce sont les mêmes personnes qui font cela
là-bas?
M. Burns: Non, ce ne sont pas les mêmes personnes. A
Ottawa, ce sont les mêmes personnes.
M. Lavoie: A Ottawa, le président est M. Hamel...
M. Burns: M. Hamel est président des élections et
il s'occupe également du contrôle.
M. Lavoie: ...et ses commissaires voient au deux.
M. Burns: Exactement.
M. Roy: M. le Président, cela m'amène à
poser une question au gouvernement. Cela coûte plus cher que la somme
totale des contributions souscrites aux partis politiques?
M. Burns: Excusez, le juge Drouin m'apporte une précision
concernant Ottawa, afin qu'on ne laisse pas une fausse impression. Plus
particulièrement, il y a une personne affectée, à Ottawa,
à l'aspect des caisses électorales, mais sous le contrôle
du président général des élections. D'accord.
M. Lavoie: Le commissaire Gorman.
M. Burns: Je donne la réponse au député de
Beauce-Sud. Pour l'année 1976, cela a coûté $2 821 928.79
pour administrer la "Commission on Election Contributions and Expenses".
M. Roy: Je voudrais tout simplement signaler aux membres de la
commission qui sont ici jusqu'à quel point c'est important. C'est un
chiffre qui est extrêmement important. C'est une somme qui dépasse
la totalité des budgets de toutes les formations politiques existantes
au Québec pour contrôler les fonds. J'aimerais qu'on y pense.
M. Burns: Non.
M. Roy: Oui.
M. Lavoie: Ecoutez...
M. Burns: Vous n'avez qu'une contribution, entre autres, une
campagne de financement du Parti québécois, et cela, c'est le
parti, d'accord, qui vient de rapporter $1 200 000 ou quelque chose comme cela,
près de $1 300 000.
M. Roy: Le budget des autres partis maintenant?
M. Burns: C'est un parti et ce n'est pas sans tenir compte des
activités de chacune des associations de circonscription. Je sais, parce
que les journaux en ont parlé, que le Parti libéral fait
actuellement une campagne de souscription qui était rendue, selon mes
dernières informations, aux environs de $70 000. Est-ce que votre
affaire va mieux?
M. Blank: Dans le journal d'aujourd'hui... M. Lavoie:
C'était la petite caisse... M. Burns: Ah! C'est la petite
caisse. M. Lavoie: ... que la secrétaire avait.
M. Johnson: C'est une erreur, c'est $170 000, on s'excuse.
M. Burns: $170 000, bon.
Cela, c'est encore le Parti libéral, sans tenir compte des
activités des circonscriptions. Je veux dire, écoutez, c'est bien
évident. L'Union Nationale, je présume, vous n'avez pas
commencé. Vous autres aussi, vous allez vous rendre dans les $25 000,
$26 000, quelque chose comme cela.
M. Lavoie: Là, vous allez arriver pas mal en bas du
montant de $2,8 millions.
M. Burns: Oui.
M. Lavoie: Continuez.
M. Burns: Mais, c'est au cours d'une période où
vous avez quelque quatre ou cinq partis politiques existants. Là, vous
allez en avoir possiblement d'autres qui vont être également
contrôlés, et à la satisfaction du public, dont les sources
de contribution seront divulguées.
M. Roy: Je pense que le leader du gouvernement connaît
assez bien ce qui se passe dans les différentes formations politiques au
Québec, un ordre de grandeur des budgets des différentes
formations politiques pour constater et admettre qu'en dehors d'une campagne
électorale comme telle cette somme représente plus que le
coût total
du fonctionnement de tous les partis politiques, et j'y inclus les
associations de comté, uniquement pour contrôler les
souscriptions; il faut y penser. Je me demande si on a pris la bonne formule et
si on prend les bons moyens.
M. Lavoie: Quel est votre budget, M. le juge? Cela, je peux vous
le demander, je pourrais le vérifier dans les comptes.
M. Drouin: Voyez-vous, moi...
M. Lavoie: C'est sûr qu'une année d'élection
coûte plus cher qu'une autre, mais si on fait une moyenne sur quatre
ans.
M. Drouin: Evidemment, c'est le fonds consolidé. Prenez
les élections générales qui viennent de passer. Je calcule
que cela va coûter près de $13 millions.
M. Lavoie: Cela comprend tous les salaires.
M. Drouin: Les salaires et les remboursements de candidats, tout
cela.
M. Lavoie: Oui, et le paiement des sous-officiers rapporteurs,
des greffiers, des représentants, n'importe! Quel est votre budget
administratif en dehors de la confection des...
M. Drouin: Cela peut monter dans les $150 000 chez nous.
M. Roy: Combien?
M. Drouin: $150 000 à peu près.
M. Roy: Annuellement.
M. Drouin: Je vous dis cela, vous ne me l'avez pas
demandé.
M. Lavoie: Vous dites que vous avez 30 personnes, cela fait
seulement $5000 par personne.
M. Burns: Je pourrais le vérifier.
M. Drouin: C'est plus que cela. C'est $500 000 au conseil des
élections. $500 000 à $600 000.
M. Lavoie: De toute façon, l'argument du
député de Beauce-Sud me frappe; si cela coûte plus cher ou
aussi cher pour surveiller une chose que...
M. Burns: En répondant, j'ai donné l'exemple, j'ai
dit $2 millions, c'est ce que cela coûte là-bas. On prévoit
que cela ne devrait pas dépasser cela en ce qui nous concerne.
M. Roy: Je l'espère, au moins.
M. Burns: Et il serait possible que ce soit moins cher. Ils ont
une commission formée d'un certain nombre de personnes alors que nous,
ce que nous envisageons, c'est un directeur général.
M. Roy: Voyez-vous, M. le Président, et on me permettra
peut-être un argument, à ce moment-ci, et je m'en excuse d'avance
auprès des membres de la commission, je pense que les gens qui paient
des taxes au Québec sont en droit d'examiner ce que leurs élus,
leurs députés, leur gouvernement en font. Je me demande
sérieusement, compte tenu du fait de ce que cela pourrait coûter,
l'administration de cette loi, et compte tenu du montant qui est souscrit dans
les différentes formations politiques actuellement au Québec, si
on en pénalise pas trop lourdement, encore une fois, les contribuables
du Québec.
M. Burns: Je vais vous donner des précisions avant qu'on
parte sur une "chire" monumentale.
M. Roy: Ecoutez...
M. Burns: Vous m'avez demandé une réponse.
M. Roy: Je m'excuse, mais à la place du terme que le
leader vient d'employer, il est mieux d'employer une "glissade". C'est lui qui
va donner les chiffres.
M. Burns: Un "skid". Je vous ai donné $2 821 928.79. A
l'intérieur de ce montant, vous avez un article qui est assez important
qui s'appelle "Public funding of candidate expenses" qui cote $2 056 302.04.
D'accord? Si on traduit cela, c'est la subvention ou la contribution...
M. Lavoie: Ce ne sont pas les mêmes...
M. Burns: C'est la même chose. Dans la loi actuelle les
dispositions de la section 21-A de la Loi électorale sont
transférées au directeur général du financement des
partis politiques. C'est exactement la même chose qu'en Ontario. On
n'innove pas, là. Que voulez-vous? Mais, à l'intérieur de
ce budget de $2 800 000, il y a $2 056 000 qui vont au financement, par l'Etat,
des partis politiques et des candidats.
M. Mackasey: Like an annual report. M. Lavoie: Je me
rappelle...
Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse, M. le
député de Sainte-Marie et ensuite celui de Gatineau.
M. Bisaillon: Je ne voudrais enlever le droit de poser des
questions à personne, mais j'avais une motion à présenter.
Je ne sais pas s'il reste des questions. Je ne voudrais pas qu'on oublie ma
motion avant de terminer.
M. Gratton: M. le Président, j'aurais tout
simplement...
M. Burns: Si vous le permettez, le juge Drouin me signale, pour
votre éclairage, qu'il serait bon qu'il vous donne ses chiffres se
rapportant aux partis politiques actuels.
M. Drouin: Les chiffres sur les dépenses des partis
politiques, actuellement, je ne les ai pas, je ne les ai pas terminés.
Je n'ai pas tous les chiffres, mais si je prends les élections de 1973,
les partis politiques avaient droit à $0.25 par électeur.
C'était près d'un million et ils n'ont pas dépensé
le million. Voyez-vous, ils n'ont pas dépensé tout cela. Ils vont
dépenser certainement cette année tout près de $3
millions, tous les partis politiques ensemble.
M. Roy: En période électorale.
M. Drouin: C'est cela que je vous dis: c'est en période
électorale et c'est pour des dépenses permises, encourues et
acquittées. Le transport des candidats, par exemple, ce n'est pas une
dépense électorale. On ne l'a pas. Il y a plusieurs
dépenses qui ne sont pas électorales. Il faut les ajouter
à cela.
M. Gratton: M. le Président, une question à
l'attention du ministre. On sait qu'il a consulté un certain nombre de
personnes à l'extérieur, comme en Ontario, au
fédéral et même aux Etats-Unis. Est-ce que dans ces
consultations, on a, de part ou d'autre, échangé une
correspondance quelconque et est-ce que le ministre serait disposé
à déposer cette correspondance?
M. Burns: Non, parce que c'est une correspondance
personnelle.
M. Gratton: Cela aussi.
M. Burns: Ce sont des histoires, je vais vous donner un exemple.
La lettre à M. Dan Lowens-tein, à qui j'ai adressé mes
remerciements pour l'accueil dont nous avons été l'objet, le
député de Laval, le député de
Mégantic-Compton, le député d'Anjou, le
député de Sainte-Marie et moi-même, ainsi que deux
fonctionnaires de mon cabinet, c'est ce type de correspondance qui, à
l'occasion, évidemment, touche au projet de loi. C'est bien sûr.
Je ne serais pas d'accord pour la déposer, si vous me comprenez parce
que c'est très personnel comme échange. Ce n'est pas, si vous
voulez, de la correspondance à caractère politique.
Si j'avais reçu ou si j'avais fait un échange de
correspondance avec M. Hamel, à Ottawa, relativement au projet de loi,
etc., en lui demandant son opinion, je n'aurais aucune espèce
d'objection à déposer ce type de correspondance, mais vous allez
comprendre que le caractère personnel de la correspondance me
défend de la déposer, parce que je ne considère pas que
c'est du domaine public.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Sainte-Marie.
M. Lavoie: Un instant, avant votre motion.
Le Président (M. Marcoux): Ah bon! Le député
de Laval.
M. Lavoie: Quand même, peut-être que cela va vous
coûter $1 million, si vous enlevez les $2 millions qui sont des fonds
électoraux. Vous étiez à $2 millions.
M. Burns: Si on suivait exactement le budget de 1976 pour la
commission ontarienne, cela nous coûterait quelque chose comme $900
000.
M. Lavoie: Plus $1 million que l'Etat va fournir. Comme le fonds
de $400 000 est augmenté à près de $1 million, on arrive
à peu près à $2 millions.
Pour un parti traditionnel ou semi-traditionnel, ayant une envergure
à l'échelle du Québec, je pense que cela coûte,
d'après mes informations, environ $1 million ou $1,25 million pour
s'administrer.
M. Burns: Le parti. M. Lavoie: Le parti.
M. Burns: Mais là on ne parle pas des associations de
circonscription.
M. Lavoie: Tout dépend de l'activité que vous
pouvez avoir. Certains partis ont plus d'activités dans des
circonscriptions que d'autres. Il y a deux ou trois partis. Cela veut dire que
la contribution de l'Etat, autant par les fonds que par l'administration de
cette loi, c'est une couple de millions de dollars, alors que les partis ont
peut-être besoin de $3 millions à $3,5 millions pour
s'administrer.
Cela me fait penser à un propos que je n'endosse pas de Pierre
Laporte dans un débat. Il a dit: Si vous voulez vraiment aller au bout,
si vous voulez faire disparaître tous les méchants et les caisses
occultes, il faut tout payer comme cela existe aux Etats-Unis lors d'une
élection nationale à la présidence. A la dernière
élection Carter/Ford, $21 millions ont été payés
par l'Etat pour chacun. Là, il n'y en avait plus de caisses occultes.
Mais là, vous vous rendez quasiment à cela; la contribution de
l'Etat est à $2 millions.
M. Burns: Pas du tout.
M. Lavoie: Cela va vous coûter $2 millions et $1 million
pour surveiller.
M. Burns: Je m'excuse. M. le député de Laval, vous
faites ce qu'on appelle du sophisme actuellement.
M. Lavoie: Je n'irais pas jusque-là, mais, en tout cas,
cela va coûter aussi cher d'administrer...
M. Burns: Je pense, au contraire...
M. Lavoie: ... avec l'étatisme que vous voulez
établir.
M. Burns: Ah bon! Ecoutez, si vous voulez. Une Voix: Mon
Dieu, Seigneur!
M. Burns: Le mot est lâché. Les gros
méchants.
M. Lavoie: Etatisme n'est pas signe de "fautisme". Dirigisme.
Aimez-vous mieux dirigisme?
M. Burns: Planification, on aime mieux cela.
M. Lavoie: II y a tellement de synonymes que je peux satisfaire
tout le monde.
M. Burns: De toute façon, j'espère que vous ne
partirez pas, parce que c'est vous, tantôt, M. le député de
Laval...
M. Lavoie: Laissez donc la liberté des individus.
M. Burns: ... qui faisiez appel à une espèce de
compréhension entre partis politiques relativement à ce projet de
loi.
J'espère que vous ne commencez pas, dès maintenant, votre
chasse aux sorcières relativement au projet de loi. C'est un projet de
loi qui est, au contraire, bien intentionné, qui permet aux partis
politiques de se financer à même deux sources de financement:
l'une, les contributions du public, l'autre, la contribution qui,
éventuellement, est une contribution publique également mais qui
est faite selon une proportion différente, via l'Etat.
Ce projet de loi n'est pas fait pour décourager les
contributions, au contraire, ce sera la première fois qu'il y aura
possibilité de contribuer à un parti politique de notre choix en
ayant un crédit d'impôt à la fin de l'année, quand
on reçoit notre rapport d'impôt. Je pense que ce n'est pas en vue
de décourager les contributions et surtout pas les petites
contributions; c'est cela qui est important. Le projet de loi soustend cette
idée. Sans vouloir passer un "spot" pour mon parti, comme on dit en
termes publicitaires, la dernière campagne de financement du Parti
québécois, qui a récolté, comme je le disais tout
à l'heure, tout près de $1.3 million, se répartit sur
environ 80 000 contribuants, ce qui donne une moyenne d'environ $13 par
contribuant.
Une Voix: Vous l'avez dit à la
télévision.
M. Burns: Je vous le rappelle pour ceux qui ne regardaient pas la
télévision ce soir-là.
M. Gratton: Ce n'était pas nécessaire de le
répéter.
M. Burns: D'accord, je l'ai fait quand même. Je peux tout
simplement vous dire que ce gouvernement-ci n'a pas du tout l'intention de
décourager la contribution du public, au contraire, et surtout pas les
petites contributions.
M. Roy: J'aurais juste une question à poser à
l'honorable leader du gouvernement puisqu'il aborde la question des petites
contributions. A-t-il l'intention de réviser son projet de loi quant
à la divulgation? En somme, la divulgation est celle de toutes les
contributions politiques.
M. Burns: C'est cela.
M. Roy: Le mémoire qui nous a été
présenté par la Commission des droits de la personne en a
parlé largement. Le leader du gouvernement est-il bien d'opinion,
malgré que je n'ai peut-être pas le droit de lui demander une
expression d'opinion, mais quand même, il est le parrain du projet de
loi...
M. Burns: A moi, vous avez le droit.
M. Roy: ... qu'il soit bien nécessaire de rendre publiques
toutes les souscriptions, y compris les petites souscriptions de $25, $50 et
$100? Le leader du gouvernement a-t-il bien mesuré le danger qu'il y a,
pour certaines personnes, de s'identifier publiquement à une formation
politique? Est-ce qu'on a bien mesuré l'impact?
Je me souviens d'une certaine époque où c'était
assez grave de s'identifier publiquement à une formation politique quand
elle n'était pas au pouvoir.
M. Burns: Cette époque est révolue.
M. Roy: J'ai revu cela quand les gouvernements ont
changé.
M. Burns: Cette époque est révolue, mon cher.
M. Roy: Je ne suis pas sûr qu'on ne puisse pas y retourner.
Il n'y a rien dans la loi, il n'y a rien dans les faits, il n'y a rien dans
l'histoire qui puisse nous donner des certitudes.
S'il fallait obliger les gens de divulguer publiquement lorsqu'ils
donnent $50 dans un chapeau...
M. Burns: C'est prévu dans la loi, le chapeau est
anonyme.
M. Roy: Oui, mais cela prend un permis avant de le passer.
M. Burns: Bien cela prend un parti autorisé pour le
faire.
M. Roy: Ah voilà!
M. Burns: Bien voilà! Vous venez de découvrir
cela.
M. Roy: Non, non, j'aimerais que le leader du gouvernement nous
dise...
M. Burns: Le doigt accusateur du député de
Beauce-Sud contre le chapeau.
M. Roy: Oui le doigt accusateur parce que je le dis encore une
fois, le gouvernement va beau-
coup trop loin. Je pense que si on est d'accord avec les objectifs que
le gouvernement veut atteindre, si on est d'accord avec lui, l'application de
la loi comme telle va détruire les objectifs qu'on cherche à
atteindre. Alors...
M. Burns: Je veux juste vous dire une chose, le leader du
gouvernement se balance complètement de tout cela; mais le ministre
d'Etat à la réforme électorale et parlementaire, lui, est
très sérieusement concerné par tous vos commentaires.
M. Blank: ...concerné, Alberta c'est 250.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Sainte-Marie.
Motion réclamant la réimpression du
projet de loi no 2
M. Bisaillon: M. le Président, je voudrais faire motion,
en m'appuyant sur l'article 119, paragraphe 2 de nos règlements, pour
que le rapport de la présente commission demande la réimpression
du projet de loi no 2.
M. Lavoie: Une question de règlement, M. le
Président. Je crois que cette motion doit être faite par un membre
du cabinet, parce qu'elle amène une dépense d'argent. Cela
devrait être proposé par le député de
Maisonneuve.
M. Burns: Non, non, 119 est une recommandation de la commission
et je vous dis tout de suite que, si le rapport recommande, comme dit l'article
2, la réimpression, la deuxième lecture ne peut être
proposée que lorsque la réimpression est disponible.
M. Lavoie: Le rapport rapporte les motions passées en
commission. Quelle est la motion?
M. Burns: Plus l'audition des témoins. La motion, c'est
que la commission recommande la réimpression du projet de loi.
M. Lavoie: Recommande seulement.
M. Burns: C'est la commission qui doit le faire. Le paragraphe 2
de l'article 119, puis je pense que le député de Sainte-Marie a
tout à fait droit de faire cette recommandation.
M. Blank: ...ne veut pas prendre ses responsabilités.
Est-ce qu'il y a des raisons particulières pour passer au vote?
Une Voix: Pas du tout.
Le Président (M. Marcoux): II y a une motion de
présentée, est-ce qu'il y a des membres de la commission qui
veulent parler sur la motion?
M. Gratton: Bien oui.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Gatineau.
M. Blank: C'est transparent.
M. Gratton: Moi, M. le Président, je vais courir un
risque, puis je vais parler tout de suite en di- sant que j'ai l'intention de
voter pour la motion. J'aimerais demander par contre au ministre s'il a une
indication; il nous avait dit, la semaine dernière, qu'il
s'écoulerait au moins une semaine entre le dépôt du bill
réimprimé et le moment où on commencerait l'étude.
J'aimerais invoquer selon...
M. Lavoie: Toutes les motions, cela est écrit.
M. Gratton: J'ai de la misère, M. le Président.
J'aimerais demander au ministre s'il peut allonger autant que possible cette
période de temps durant laquelle on pourra prendre connaissance des
modifications à apporter.
M. Burns: J'ai pris l'engagement, et je le maintiens, qu'à
la suite de la réimpression je laisserais, et aux partis de l'Opposition
et aux députés ministériels parce qu'il ne faudrait
jamais les oublier eux non plus le loisir de prendre connaissance du
projet de loi pendant au moins une semaine avant d'aborder la deuxième
lecture.
M. Gratton: Vous n'excluez pas que ce soit deux semaines.
M. Burns: Je n'exclus pas, je dis au moins une semaine. Cela
dépendra des travaux de la Chambre et d'un certain nombre de choses. Je
peux vous garantir, et je le maintiens c'est le leader et non pas le
ministre qui vous répond que le leader parlementaire du
gouvernement n'appellera pas le projet de loi no 2 tel que
réimprimé avant que les députés aient eu le temps
d'en prendre connaissance pendant au moins une semaine.
M. Burns: Quelle est votre motion exactement?
M. Bisaillon: C'est que le rapport de la présente
commission recommande...
M. Burns: Je vous dis en passant... M. Lavoie: L'article
61, voyons...
M. Bisaillon: Voulez-vous la savoir? Que le rapport de la
présente commission recommande, en vertu de l'article 119, paragraphe 2,
la réimpression du projet de loi no 2.
M. Lavoie: Ce n'est pas tout à fait dans les formes.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que la motion est
adoptée? Si je comprends bien la commission...
M. Burns: Sine die.
M. Lavoie: Quand aurons-nous le nouveau projet?
M. Burns: Probablement d'ici quelques jours. M. Lavoie:
Encore de l'improvisation.
Le Président (M. Marcoux): La commission de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 13 h 2)
ANNEXE
Commentaires préliminaires de la commission des
droits de la personne
au sujet du projet de loi no 2 Loi régissant le
financement des partis politiques et modifiant la loi électorale
Le 31 mai 1977
Table des matières
Introduction.
Exposé des dispositions de la Charte des droits et
libertés de la personne concernées par ce projet de loi 1-Le
droit de voter et de se porter candidat à une élection 2- Droit
d'association et d'opinion politique; liberté d'expression et droit de
vote 3- Libertés d'expression et d'opinion politiques 3.1-
Définition de "contribution" 3.2-Personnes morales 3.3- Divulgation des
contributions 3.4- Financement public et contrôle périodique 4-
Inviolabilité de la demeure
La Commission des droits de la personne a pour mandat de promouvoir, par
toutes mesures appropriées, les principes contenus dans la Charte des
droits et libertés de la Dersonne. (1a)
Lors du dépôt du Projet de loi no 2, Loi régissant
le financement des partis politiques et modifiant la Loi électorale,
certains députés (2a), l'ont critiqué en mentionnant que
certaines de ses dispositions pourraient aller à rencontre de la Charte
des droits et libertés de la personne.
C'est alors que la Commission fut invitée à donner son
avis sur le bien-fondé de ces critiques et sur le projet de loi en
général, par rapport aux principes contenus dans la Charte.
Le présent document constitue une opinion sommaire de la
Commission sur certains aspects du projet de loi. Compte tenu du temps
limité qu'elle a eu à sa disposition pour rédiger la
présente analyse, la Commission ne prétend nullement livrer ici
son dernier mot à ce sujet. Il s'agit donc d'une opinion
préliminaire et partielle, et la Commission se réserve le droit
de faire toutes critiques supplémentaires qui lui apparaîtraient
justifiées dans l'avenir.
Introduction
La Charte des droits et libertés de la personne contient
plusieurs dispositions susceptibles d'avoir une relation avec la formation et
le financement des partis politiques ou avec des associations à
caractère politique, le choix des candidats en vue d'une
élection, la liberté du vote et, enfin, le droit de favoriser ou
de combattre le programme ou la politique d'un candidat ou d'un parti, ou de
favoriser ou de combattre tout acte ou mesure ayant des implications
politiques.
Ces dispositions concernent, en premier lieu, la liberté
d'opinion, la liberté d'expression et la liberté d'association.
L'article 3 de la Charte affirme: "Toute personne est titulaire des
libertés fondamentales telles... la liberté d'opinion, la
liberté d'expression... et la liberté d'association".
En second lieu, l'article 10 de la Charte affirme explicitement le
principe déjà énoncé dans le Préambule et
qui reconnaît le droit à l'égalité et à une
égale protection de la loi. L'article 10 prévoit: "Toute personne
a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine
égalité, des droits et libertés de la personne, sans
distinction, exclusion ou préférence fondée sur... les
convictions politiques".
Enfin, au chapitre sur les droits politiques, l'article 22
reconnaît que "Toute personne légalement habilitée et
qualifiée a droit de se porter candidat lors d'une élection et
à droit d'y voter".
Les libertés fondamentales, mentionnées à l'article
3 de la Charte, ne sont pas nouvelles. Elles font partie, depuis toujours, du
patrimoine constitutionnel canadien et québécois. Le fait
qu'elles soient inscrites maintenant dans la Charte provinciale a cependant une
conséquence d'importance: pour critiquer ou contester des mesures prises
par l'Assemblée nationale et qui seraient contraires à ces
libertés, on pourra, du moins dans le cas où il s'agit de
matières de juridiction provinciale, se référer à
des dispositions précises de la Charte des droits et libertés de
la personne.
Si l'article 3, en vertu de l'article 52, ne prévaut pas sur
toute disposition d'une loi postérieure qui lui serait contraire, les
articles 10 et 22 font partie de cette série d'articles de la Charte qui
ont préséance sur les dispositions d'une loi
postérieure.
Toutefois, si une mesure législative proposée par le
gouvernement apparaissait nettement contraire à la liberté
d'opinion, d'expression ou d'association, telle que comprise à la
lumière de la jurisprudence constitutionnelle canadienne, il serait du
devoir de la Commission des droits de la personne d'en proposer le retrait,
espérant que ses recommandations seraient suivies par le gouvernement
qui a tout intérêt à légiférer dans le
respect des libertés et du processus démocratique.
Ces trois grandes libertés ont fait l'objet, au cours des
années, de certains développements jurisprudentiels. L'A.A.N.B.,
affirmait l'hon. juge Duff, prévoit un Parlement qui fonctionne sous le
feu de l'opinion publique et de la libre discussion (1):
(1a) L.Q. 1975, c.6, art. 66
(2a) Voir, à ce sujet, R. Daignault, Election bill curbs
government critics. The Gazette, Montréal, le 6 mai 1977
(1) Renvoi relatif aux lois de l'Alberta. 1938 S.C.R. 100, traduction de
H. Marx, Les grands arrêts de la jurisprudence constitutionnelle au
Canada, p. 603
"II ne peut y avoir aucun doute que ces institutions tirent leur
efficacité de la libre discussion des affaires, des critiques,
réponses et contre-critiques, des attaques contre la politique et
l'administration et des défenses et contre-attaques, de l'analyse et de
l'examen le plus libre et le plus complet de chaque point de vue
énoncé sur les projets politiques"
Sans doute, la liberté d'expression a-t-elle certaines limites.
Mais, comme l'ajoutait d'ailleurs le même juge, il faut la
considérer "de façon à exclure une loi qui impose à
l'exercice du droit de discussion publique une restriction telle qu'elle
gêne sérieusement le fonctionnement des institutions
parlementaires du Canada prévues aux dispositions de l'A.A.N.B. ou dans
les lois du Dominion du Canada".
Il s'agit donc, pour apprécier le bien-fondé d'une
restriction à ces libertés, de se poser la question suivante:
a-t-elle pour effet de supprimer la liberté ou simplement de la
contrôler pour atteindre des objectifs légitimes "consistent with
the natural and public, interests" (2) de l'Etat?
Notamment, la Loi sur le financement des partis politiques, qui doit
avoir pour objectif de faciliter l'accession des citoyens, en pleine
égalité, a la libre discussion des affaires publiques,
n'atteindrait certes pas son but en bâillonnant, par des mesures
excessives, leur possibilité de s'exprimer.
Il faudrait se demander si cela fait partie de la liberté
d'expression que de fournir des sommes d'argent pour financer un programme
quelconque. L'argent est le nerf de la guerre... et de la politique. Contribuer
par son argent est l'expression d'un acquiescement aux mesures qu'un parti ou
un groupe de personnes favorise. Comme le souligne un commentateur (3),
"contributions may be seen as symbolic speech because... they involve a) an
intent to communicate approval or support, although the communication is more
likely to be private than public, and b) a reasonable expectation that the
audience in this case the recipient politician, will understand the
communication".
Cependant, on ne peut assimiler complètement la liberté
d'expression et la liberté de contribuer au programme d'un parti ou
d'une association. D'autres considérations peuvent en effet intervenir,
notamment celle de favoriser l'égalité entre tous les citoyens.
C'est pourquoi les restrictions au montant des contributions pourraient
être justifiées par l'intérêt de l'Etat à
protéger l'intégrité du processus démocratique et
à préserver le pouvoir législatif de l'influence indue et
disproportionnée des personnes et des groupes de personnes
fortunés. Comme l'affirmait la Cour suprême des Etat-Unis,
"Legislators represent people, not trees or acres. Legislators are elected by
voters, not farms or cities or economic interests". (4)
Première conclusion
Par conséquent, si des limites au montant des contributions
peuvent être admises, dans un but d'égalité, l'interdiction
absolue de faire toute contribution serait, selon la Commission, contraire
à la liberté d'expression.
Outre la liberté d'opinion et d'expression, la liberté
d'association est reconnue, tant par la Constitution que par l'article 3 de la
Charte des droits et libertés de la personne. Cette liberté
emporte certainement celle de former de nouveaux partis politiques. Elle doit
être reconnue, en pleine égalité, sans distinction
fondée, entre autres, sur les convictions politiques. La liberté
de former un parti politique ou une association à caractère
politique est intimement liée à la liberté d'opinion et
d'expression. D'autre part, sous réserve de ce qui est interdit soit par
le Code criminel, soit par d'autres lois d'ordre public (sédition,
terrorisme, diffamation, etc..) la liberté de former une association
politique doit être facilitée à tous, en pleine
égalité. On peut citer à ce sujet l'hon. juge Abbot:
"Toutes ces lois (A.A.N.B., lois électorales, loi sur le Sénat et
la Chambre des communes) prévoient implicitement le droit pour les
candidats au Parlement ou à une législature, et pour tous les
citoyens en général, d'expliquer, de critiquer, de
débattre et de discuter le plus librement possible des questions comme
les compétences, les lignes de conduite et les principes politiques,
économiques et sociaux que préconisent ces candidats ou les
partis ou groupes politiques dont ils peuvent être membres". (5)
(2)Swait v. Board of Trustees of Maritime Transportation Union, (1966),
61 D.L.R. 317, p. 321
(3) Comment, The Constitutionality of Restrictions on Individual
Contributions to Candidates in Federal Elections, (1974), 122 U. of Penn. Law
Rev. 1690, p. 1629
(4) Reynolds v. Sims. 377 U.S. 533, 562 (1964)
(5) Switzman v. Elbing. (1957) R.C.S. 285, traduit par Marx, H. op.
cit., p. 638, à la p. 655
Deuxième conclusion
Par conséquent, la Commission estime que le droit de se porter
candidat, le droit de former un parti politique, reconnus
particulièrement par les articles 3 et 22 de la Charte des droits et
libertés de la personne, doivent être reconnus par l'Etat d'une
façon égalitaire, sans distinction fondée sur les
convictions politiques (article 10 de la Charte) et de façon à
assurer aux candidats et aux partis une égale protection de la loi
(Préambule de la Charte).
1. Le droit de voter et de se porter candidat à
une élection (art. 22)
L'article 22 de la Charte reconnaît à "toute personne
légalement habilitée et qualifiée (le) droit de se porter
candidat lors d'une élection et (le) droit d'y voter".
Rappelons ici que ces droits "de se porter candidat" et "de voter",
constituent en fait des applications particulières des libertés
qui sont reconnues à l'article 3 de la Charte et plus
particulièrement, les libertés d'opinion, d'expression et
d'association. Si l'article 3 de la Charte ne prévaut pas sur les lois
postérieures (en vertu de l'article 52), tel n'est pas le cas de
l'article 22. En outre, le principe fondamental qui sous-tend toute la Charte
est celui de la reconnaissance et de l'exercice en pleine
égalité, des droits et libertés de la personne (art. 10).
Cela implique donc que toute personne, quelles que soient ses convictions
politiques (art. 10), ou encore quelle que soit sa plus ou moins grande
richesse personnelle, doit avoir une chance égale de se porter candidat
et d'être élue. A cet égard, l'organisation politique
constitue un facteur primordial car sans organisation politique pour la
soutenir, les chances d'une personne d'être élue sont bien
moindres. (C'est d'ailleurs par ce biais de l'organisation politique
nécessaire que la liberté d'association est mise en cause). De la
même façon, les votes doivent être aussi "égaux",
c'est-à-dire avoir autant de poids les uns que les autres. Ceci implique
donc que toute personne, quelque minoritaire que puisse être sa
conviction politique, doit avoir une possibilité égale de faire
porter son vote sur un candidat qui la représente effectivement, et ce
candidat doit lui-même avoir une chance égale d'être
élu par rapport aux autres candidats, (voir note 5a)
De toute évidence, l'intention sous-jacente au projet de loi est
de créer les moyens de cette double égalité.
Malheureusement, les mesures prévues ne correspondent pas aux intentions
et sont même susceptibles de produire des effets contraires.
D'abord, il faut signaler que par rapport au "droit de se porter
candidat", la loi telle que projetée aura pour effet de créer
trois statuts, auxquels s'attacheront des avantages sinon des
privilèges très inégaux.
Au bas de l'échelle, il y aura le citoyen ordinaire qui ne se
reconnaît pas dans les partis officiellement reconnus, et qui n'aura
d'autre choix que de se porter candidat "indépendant" ou encore de voter
pour un candidat "indépendant". Mais les moyens dont disposent ces
"indépendants" seront bien restreints. Ils pourront certes se
réclamer d'un parti politique, même si ce parti n'est pas
"autorisé", mais en vertu des articles 53 et suivants, ce parti ne
pourra recevoir ou solliciter des contributions, ni même soutenir
financièrement ses candidats. L'article 58 énonce en effet que
"les contributions doivent être faites uniquement aux partis
autorisés, aux associations de circonscription autorisées et aux
candidats autorisés". L'article 56 énonce par ailleurs que "les
contributions ne peuvent être faites que par un électeur" et
l'article 57 précise que "toute contribution doit être faite par
l'électeur lui-même et à même ses propres biens. Elle
ne peut être faite par une personne à même des biens mis
à sa disposition pour faire des versements de fonds à des partis
politiques, à des associations de circonscription ou à des
candidats".
Cela signifie donc qu'à l'occasion d'une élection, un
mouvement ne pourrait se constituer qui présenterait des candidats
uniquement dans quelques circonscriptions; pour que ce "mouvement" puisse faire
campagne et financer des candidats, de même que pour que des candidats
puissent se
(5a)
Aux Etats-Unis, le principe de l'égalité de "l'influence
politique" a été sanctionnée dans des causes portant sur
la répartition des sièges (carte électorale), Reynolds v.
Sims, 377 U.S. 533 (1964) et Westberry v. Sanders 376, U.S. I (1964), ainsi que
dans des causes portant sur des restrictions d'ordre financier à la
participation au processus électoral, (Bullock v. Carter 405 U.S. 134
(1972), sur les frais d'inscription des électeurs, Phoenix v.
Koldziejski, 399 U.S. 204 (1970); sur la nécessité d'être
propriétaire pour voter à un référendum, Harper v.
Virginia Bd. of Elections, 383 U.S. 663 (1966).
Dans Reynolds v. Sims, par exemple, la Cour a souligné qu'une
participation réelle exige des votes également efficaces pour
tous les citoyens, lors de l'élection des représentants. Dans
toute la mesure du possible, le vote de chaque personne doit avoir le
même poids que celui de toute autre personne (p. 559). Les
législateurs doivent rendre compte de leur mandat à des
personnes, et non à des intérêts économiques (p.
562). Ces principes s'appliquent non seulement au droit de vote mais à
tous les éléments de la démocratie représentative;
on aurait tort de les appliquer restrictivement à la seule vocation. Sur
l'ensemble de la question, voir le commentaire cité supra, note 3.
réclamer d'un tel mouvement et recevoir des contributions non
seulement "personnellement" (comme candidat "indépendant") mais aussi
d'un tel "mouvement", il faut absolument que ce mouvement soit reconnu comme
"parti autorisé". Les partis politiques non autorisés seraient
donc dans la même position que les associations de citoyens, groupes de
pression, syndicats, etc.
Quant au candidat "indépendant", on constate qu'on le condamne
pratiquement à mener une campagne individuelle. Il n'aura même pas
droit à une association de circonscription puisque par
définition, une telle association appartient à un parti
autorisé (art. 1a). Les contributions destinées à financer
sa campagne devront lui parvenir directement, personnellement, et non par
l'intermédiaire de son parti. Elles ne pourront aussi lui parvenir que
pendant la période électorale, puisque ce n'est qu'à ce
moment qu'il pourra acquérir le statut de candidat "autorisé", et
donc le droit de recevoir des contributions, (art. 29) II ne pourra donc
vraiment faire campagne qu'à partir du jour de l'émission des
brefs pour des élections générales. Quant au parti
politique (non autorisé) auquel il pourra éventuellement
appartenir, il ne pourra se financer que grâce au "travail
bénévole" ou encore à des "sommes anonymes recueillies...
au cours d'une réunion ou manifestation organisée à des
fins politiques" (art. 55b). Et encore, en ce qui concerne ces "sommes
anonymes", le directeur général aura le pouvoir de
réglementer et même d'interdire la cueillette de telles sommes. Et
de toute façon, on peut se demander si, en raison du caractère
exagérément extensif de la définition du mot
"contribution" à l'article 54 point sur lequel nous revenons par
ailleurs ainsi que l'interdiction qui est faite à des personnes
morales de faire des "contributions", il semble que les "partis politiques non
autorisés" ne pourraient utiliser les moyens dont ils disposeraient pour
faire élire leurs candidats ou encore combattre leurs adversaires.
On voit que par le biais de "l'autorisation" pratiquement
nécessaire des partis, associations de circonscription et candidats,
c'est non seulement les libertés d'opinion, d'expression et
d'association qui sont atteintes, mais le droit de se porter candidat à
une élection et d'y voter (art. 22 de la Charte). Pour ces motifs, les
dispositions du projet de loi nous paraissent excessives; elles ne
correspondent pas aux intentions de départ, et elles portent atteinte
à des droits fondamentaux reconnus par la Charte des droits et
libertés de la personne.
Au dessus du statut "indépendant", la loi prévoit le
statut de "parti autorisé". On aura compris par ce qui
précède que les "partis autorisés" pourront notamment
faire campagne à l'année longue et non seulement pendant la
période électorale. Ils pourront recevoir des contributions et
utiliser ces contributions pour soutenir la campagne de leurs candidats
officiels. C'est donc dire que ces candidats seront nettement favorisés
par rapport aux candidats indépendants puisqu'ils pourront recevoir des
contributions "collectives", des contributions provenant d'une "personne
morale", à savoir leur parti. (Notons ici que l'article 66 autorise les
"association, société, corporation ou autre personne qui n'est
pas un électeur (à) mettre à la disposition des partis,
associations (de circonscription) ou candidats autorisés des locaux ou
moyens de transport, du temps d'émissio'n à la radio ou à
la télévision ou de l'espace dans des journaux (...) ou tout
autre service semblable, pourvu qu'elle offre ces services également
à tous les partis autorisés et, dans une même
circonscription électorale, à toutes les associations ou
candidats autorisés". La loi n'interdira donc pas absolument toute
contribution par des "personnes morales"; mais elle oblige celles-ci à
être neutres, apolitiques.) En outre, l'article 98 prévoit que les
électeurs auront droit à une déduction d'impôt pour
les contributions qu'ils auront faites, à la condition que cette
contribution ait été faite "au représentant officiel des
partis politiques autorisés, des associations de circonscription
autorisées ou des candidats autorisés."
On constate que "l'autorisation" confèrera de très nets
avantages matériels quant à la possibilité de se porter
candidat et d'être élu. On aurait pu s'attendre à ce que
cette autorisation soit quasi-automatique, puisqu'elle affecte aussi
directement l'égalité d'exercice du droit de se porter candidat
et du droit de vote. Or de fait, cette autorisation sera quasi-automatique en
faveur des candidats indépendants, dès le moment de
l'émission des brefs d'élection (art. 29). Mais tel n'est plus le
cas en ce qui concerne les associations de circonscription (qui par
définition doivent appartenir à un parti autorisé) ou
encore les partis. En effet, pour qu'un parti obtienne un certificat
d'autorisation, l'article 23 énonce qu'il doit être: a) le parti
du premier ministre; b) le parti du chef de l'opposition officielle ou encore
qu'il doit: c)avoir eu dix candidats officiels aux dernières
élections générales. d)avoir un chef élu lors d'un
congrès du parti tenu pour désigner ce chef, démontrer au
directeur général que dans au moins la moitié des
circonscriptions électorales, il a des associations de circonscription
et projeter d'y présenter des candidats officiels aux élections
générales suivantes.
La condition c) paraît relativement facile à remplir. Un
parti représentant une tendance nettement minoritaire pourrait donc
accéder au statut de parti autorisé en présentant dix
candidats officiels à une élection générale; mais
il ne pourrait accéder à ce statut dès la première
élection générale qui suivrait sa fondation. Il lui
faudrait attendre la deuxième élection générale
suivant sa fondation. Or l'organisation politique la "liberté
d'association" étant partie intégrante du "droit de se
porter candidat" et du "droit de voter", il nous paraît excessif de
retarder aussi longtemps l'exercice intégral de ce droit et de cette
liberté. Par ailleurs les exigences qu'on trouve au paragraphe d) sont
telles qu'aucun tiers parti ne pourrait les remplir.
Par conséquent, les conditions énoncées à
l'article 23 du projet de loi nous paraissent nettement excessives par rapport
aux objectifs poursuivis, et de toute façon, elles sont de nature
à porter une atteinte injustifiée au "droit de se porter candidat
à une élection et d'y voter".
Au-dessus du statut de parti "autorisé", le projet de loi
envisage finalement le statut de parti "subventionné". L'article 46
prévoit en effet que "le directeur général verse
annuellement une allocation aux partis politiques: a) ayant fait élire,
aux dernières élections générales, au moins douze
députés; ou b) dont l'effectif reconnu à
l'Assemblée nationale est de moins de douze députés mais
ayant obtenu au moins vingt pour cent des votes valides donnés
d'après la récapitulation officielle du scrutin dans l'ensemble
du Québec."
Les critiques qu'on pourrait faire à l'égard de ces
dispositions sont essentiellement les mêmes que nous avons faites
à propos du statut de parti "autorisé" et ce d'autant plus que le
seuil d'accès au privilège de la subvention publique est encore
plus élevé que le seuil d'accès au statut autorisé.
On se propose de rétablir l'égalité des chances et on
prend des mesures qui sont susceptibles de favoriser les partis qui sont
déjà mieux organisés, les plus forts, et qui jouissent de
l'appui d'une bonne proportion de la population. Il conviendrait de
s'interroger sur la situation des électeurs qui appartiennent à
une tendance minoritaire.
2. Droit d'association et d'opinion politique (Art. 3
de la Charte des droits)
liberté d'expression et droit de vote.
L'article 23 du projet de loi no 2 précise quels partis peuvent
être autorisés.
Cette autorisation est lourde de conséquences puisque c'est elle
qui permet les "contributions" au sens des articles 53 et suivants. Ces
conséquences sont de deux ordres. D'une part, il résulte de
l'ensemble de ces articles que l'on introduit une différence importante
entre les moyens d'action des partis autorisés et ceux des partis non
autorisés. En effet, les partis politiques autorisés auraient la
possibilité de faire campagne, recevoir des contributions, en tout
temps, alors que les partis ne correspondant pas aux critères de
l'article 23, c'est-à-dire les partis jeunes ou de moindre importance
numérique, devraient attendre le déclenchement d'élections
pour mener une campagne politique, (recueillir des fonds), et alors,
présenter un ou des candidats indépendants (art. 29).
D'autre part, par l'article 58 du projet de loi no 2, il est
spécifié que "les contributions doivent être faites
uniquement aux partis autorisés, aux associations de circonscription
autorisées et aux candidats autorisés". Ceci, si l'on se
réfère aux critères permettant l'autorisation d'un parti,
a pour effet de tendre à exclure la formation de nouveaux partis ou a
empêcher l'existence de tiers partis de dimensions restreintes.
Ainsi, un parti qui serait voué à la représentation
d'une minorité aurait peu de chances d'avoir des associations de
circonscription dans "au moins la moitié des circonscriptions
électorales" et de projeter y présenter des candidats officiels
aux élections suivantes, c'est dire que de tels partis, partis de
minorités politiques, ethniques ou partis particuliers à une
région géographique seraient privés de moyens de
subsistance et donc, éliminés. De plus, il est difficile
d'imaginer qu'un nouveau parti puisse avoir des associations de
circonscriptions dans au moins la moitié des circonscriptions
électorales sans financement. Ce qui revient à dire que la
naissance de nouveaux partis deviendrait extrêmement difficile.
Il semble donc, que tant du point de vue de la liberté
d'expression, d'association et d'opinion politique (art. 3 de la Charte des
droits et libertés de la personne) que plus généralement
du point de vue du droit de vote et du droit de se présenter candidat
(art. 22 de la Charte des droits et libertés de la personne) l'article
23 décrivant les critères d'autorisation d'un parti vu à
la lumière des art. 53 et suivants, et plus spécifiquement de
l'article 58 sont indûment restrictifs.
Il n'est pas nécessaire, croyons-nous, de faire ici la
démonstration du fait que si certains partis sont plus ou moins
voués à disparaître, ceci affecte forcément le droit
de vote des citoyens, tout autant que le droit d'actualiser et d'exprimer ses
opinions politiques au sein d'associations qui sont en l'occurrence des
partis.
Nous nous interrogeons de plus sur les limites du financement public des
partis politiques. L'article 46 précise que les partis politiques qui
ont fait élire aux dernières élections
générales au moins douze députés ou qui ont obtenu
au moins vingt pour cent des votes valides ont droit à une allocation
publique. Il est évident qu'une telle mesure permettra une certaine
égalisation des chances des partis. Cependant, si cette mesure
égalise les chances des partis ayant déjà un assez fort
appui populaire, elle définit une distance d'avec les partis plus
faibles. Il est bien évident qu'un financement public ne peut se faire
qu'à des partis ayant une certaine reconnaissance populaire, mais les
critères servant à définir cette reconnaissance devraient
permettre de faire la distinction entre les partis ayant une présence
réelle au moment des élections, et les groupes ou mouvements
politiques qui ne se situent pas dans le contexte électoral d'une
façon significative. Ne pourrait-on envisager une formule du type
proportionnalité simple établie en fonction du pourcentage de
votes aux dernières élections générales?
La question que nous nous posons se situe finalement au même
niveau que la disposition du projet de loi qui prévoit le mode de
financement des partis: celui de l'égalité.
3. Libertés d'expression et d'opinion politiques
3.1-Définition de "contribution"
L'article 54 donne une définition très large de
"contribution". Elle s'étend notamment aux sommes d'argent
versées, aux services rendus ou aux biens fournis "pour combattre le
programme ou la politique d'un candidat ou d'un parti politique... pour faire
désapprouver des mesures préconisées ou combattues par eux
ou des actes accomplis ou proposés par eux..."
Etant donné l'article 58 qui stipule que les contributions
doivent être faites uniquement aux partis autorisés, aux
associations de circonscription autorisées et aux candidats
autorisés, l'effet de cet article est d'interdire toute contestation
organisée des programmes ou projets mis de l'avant par un parti
politique, à l'intérieur de cadres non-partisans. Il rend
impossible toute cueillette de fonds par un groupe de pression aux fins de
mener une campagne d'opinion publique contre la politique d'un parti, et
notamment, un parti au pouvoir.
Un exemple concret illustrera bien la portée de cette
disposition: un groupe de citoyens organisés pour la protection de
l'environnement ne pourrait mener une lutte contre un projet gouvernemental de
construction d'un barrage qui, selon lui, pourrait déséquilibrer
l'harmonie écologique de la région. Le seul moyen d'action qui
serait accessible à ce groupe serait d'utiliser pour ce faire un autre
parti politique et de lui verser le cas échéant les sommes qu'il
désire affecter à cette cause, et ceci, indépendamment de
son adhésion aux politiques de ce parti, par ailleurs.
Une telle mesure contrevient indéniablement à la
liberté d'opinion et à la liberté d'expression
consacrées à l'article 3 de la Charte des droits et
libertés de la personne, et, à cet égard, contentons-nous
de faire référence ici au dictum classique du juge Duff dans
l'Arrêt In re Alberta Statutes (6), que nous avons déjà
cité en introduction.
Le Gouvernement de la province d'Alberta a présenté
récemment un projet de loi (7) régissant les contributions et les
dépenses électorales. Ce projet de loi donne de "contribution"
une définition beaucoup moins large que celle contenue dans le projet de
loi no 2: "contribution" means money, goods or services or any combination
thereof given, loaned, pledged or guaranteed by a contributor to a political
party, constituency association or candidate registered under this Act..."
Une telle définition paraît beaucoup plus appropriée
à une législation comme celle qui est présentée
ici.
L'objectif de cette loi est d'assainir les pratiques et les
règles de financement des partis politiques et d'exercer, dans un but de
démocratisation, un contrôle plus étroit des contributions
recueillies dans le public à des fins partisanes. Or, la poursuite de
cet objectif ne justifie pas que le contrôle s'étende aux
contributions faites à des fins politiques mais en dehors de cadres
partisans, et, particulièrement, un tel objectif ne justifie
certainement pas que le droit de critique organisée de politiques mises
de l'avant par un parti au pouvoir soit anéanti. Aller aussi loin, c'est
faire échec à la liberté d'expression et d'opinion
politique et détruire, à toutes fins pratiques, tout le
bénéfice des mesures principales contenues dans le projet de loi
et, partant, ses objectifs. 3.2-Droit des personnes morales de faire des
contributions
L'article 56 prévoit que "les contributions ne peuvent être
faites que par un électeur".
L'article 57 précise que "toute contribution doit être
faite par l'électeur lui-même et à même ses propres
biens. Elle ne peut être faite par une personne à même des
biens mis à sa disposition pour faire des versements de fonds à
des partis politiques, à des associations de circonscription ou à
des candidats",
Ces dispositions auraient pour effet d'interdire aux personnes morales
de faire des contributions.
L'article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne
affirme que "toute personne" a droit à la liberté d'opinion et
d'expression. Le mot "personne", dans la Charte, englobe les personnes morales,
dans la mesure où ses dispositions peuvent s'y appliquer. (8)
Les corps politiques, corporations avec ou sans but lucratif, syndicats,
associations de citoyens, ont droit à la liberté d'expression,
ils devraient pouvoir faire des contributions, soit pour aider un parti
politique ou une association, soit pour combattre ou promouvoir des mesures
ayant des implications politiques.
(6) Supva
(7) Bill 227, An act to regulate election contributions and election
expenses (1977) (3rd Session, 18th Leg. 26 Eliz. II)
(8) Voir à ce sujet l'article 61, par. 17, de la loi
d'interprétation: "le mot personne comprend tes corpora-tions à
moins que le statut ou les circonstances particulières du cas ne s'y
opposent .
Dans l'arrêt Oil Chemicals and Atomic Workers International Union
v. Imperial Oil (9), l'hon. juge Martland, parlant pour la majorité,
affirmait: "A trade union is entitled to engage in political activities as a
free association of individuals and, therefore, within the limits previously
mentioned, could disburse its funds, for such purposes, and any attempted
interference with such powers by a Provincial Legislature would be an
interference with the democratic process in Canada and, therefore, beyond its
powers".
Nous sommes d'accord avec cette affirmation. Mais, de plus, nous croyons
qu'elle est conforme à l'article 3 de la Charte des droits et
libertés de la personne en ce qui concerne la liberté
d'expression et d'association.
Notons enfin que le très récent projet de loi de l'Alberta
(10) n'a pas cette rigueur envers des personnes morales. Il cherche
plutôt à limiter les personnes morales autorisées à
contribuer à celles qui sont localisées dans la province et
à prévoir un montant maximum pour leurs contributions.
Notons toutefois qu'aux Etats-Unis, la Corrupt Practices Act (11)
restreint les contributions et les dépenses des corporations et des
syndicats au cours des campagnes électorales et, bien que cette
législation de même que des lois étatiques analogues aient
été judiciairement très controversées, elle n'a
jamais été déclarée inconstitutionnelle, parce
qu'attentatoire à la liberté d'expression.
La Commission est donc d'avis que s'il convient de limiter le montant
des contributions fournies par les personnes morales, il ne faudrait pas leur
interdire absolument de contribuer en faveur soit d'un parti, d'une association
ou d'un candidat, soit en faveur d'un mouvement ayant des objectifs à
caractère politique. Cette interdiction serait excessive par rapport aux
buts poursuivis par la loi qui est de permettre, en pleine
égalité, la libre discussion des affaires publiques.
3.3-Divulgation des contributions politiques
L'article 77 du projet de loi prévoit qu'un rapport doit
être transmis au directeur général, contenant entre autres,
les noms des personnes ayant versé une contribution de $25.00 ou plus
à un parti, une association ou un candidat. L'article 85 prévoit
quant à lui que les rapports présentés au directeur
général sont accessibles au public et que toute personne peut les
examiner et en prendre copie.
La divulgation des contributions électorales, pour des raisons
évidentes, soulève, elle aussi la question d'une violation
possible de la liberté d'expression et d'opinion politique. En effet, le
fait de savoir qu'une contribution politique sera dévoilée dans
le public peut amener certaines personnes à s'abstenir de le faire, ne
voulant pas divulguer leur allégeance politique.
Des dispositions analogues à celles proposées ici existent
aux Etats-Unis (12) et leur constitu-tionnalité a été
contestée devant la Cour suprême en 1975 (13). Il faut
décidé que même si une telle mesure a pour effet de
restreindre possiblement la liberté d'expression politique,
protégée par le Premier amendement à la Constitution, elle
est constitutionnelle parce que les objectifs d'intérêt public
qu'elle poursuit priment sur les droits individuels ainsi
protégés par la constitution.
Ces précédents du droit américain peuvent
constituer une certaine autorité pour l'adoption d'une mesure comme
celle qui est proposée ici.
La Commission des droits de la personne s'interroge toutefois sur
l'opportunité d'adopter une mesure qui permet ainsi de court-circuiter
un principe fondamental de nos institutions politiques, le secret du vote. Le
droit du citoyen d'élire en toute liberté les
représentants politiques de son choix est tout aussi essentiel à
une saine démocratie que ne peut l'être un contrôle public
des sources de fonds des partis politiques.
Pour ce motif, on pourrait penser à un mécanisme qui
permettrait d'atteindre ce dernier objectif sans mettre en péril le
premier. On pourrait par exemple prévoir un contrôle des
contributions par un représentant autorisé de l'Etat, en
l'occurrence, le directeur général du financement des partis
politiques, sans imposer la divulgation ouverte et publique de telles
contributions. 3.4-Financement public des partis politiques
L'article 46 prévoit le versement d'une allocation annuelle aux
partis politiques ayant fait élire douze députés ou ayant
obtenu 20% des votes aux dernières élections
générales.
L'article 48 précise que cette allocation est versée
à raison d'un douzième par mois.
(9)(1962) S.C.R. 798
(10) Bill 227, cité supra, note 7; voir notamment l'article 158.2
par. 5 et l'article 159.3
(11) 18 U.S.C., 610 (1970)
(12) Federal Election Campaign Act Amendments of 1974, Pub. 1, no.
93-443, 201-10
(13) Burklev v. Valeo, 424 U.S.1, (1976)
Enfin, l'article 49 stipule que l'allocation doit être
utilisée par les partis politiques pour payer les frais de leur
administration courante, diffuser leur programme et coordonner l'action
politique de leurs membres et qu'elle n'est versée que si ces frais sont
réellement encourus et payés.
Le bien-fondé des objectifs de ces dispositions est
évident et le principe a l'effet de ne donner des allocations, à
même des fonds publics, qu'à condition qu'elles soient
effectivement utilisées aux fins pour lesquelles elles sont
accordées respecte tout à fait les exigences d'une saine
démocratie. La Commission s'interroge toutefois sur la
périodicité des contrôles de l'utilisation des fonds
versés. L'article 49 semble, à cet égard, ambigu. Est-ce
que l'exigence à l'effet que les frais doivent être
réellement encourus et payés s'applique sur l'ensemble de
l'allocation annuelle ou sur les versements mensuels prévus à
l'article 48? Si cette dernière interprétation est la bonne, le
contrôle qu'elle implique nous semble restrictif de la liberté
d'action politique des partis, et partant, de la liberté d'expression
politique. Un parti peut souhaiter concentrer son action politique et ses
campagnes de diffusion à un ou des moments précis de
l'année, et, conséquemment, né pas nécessairement
encourir, mensuellement, les frais lui donnant droit à l'allocation.
Pour ces motifs, la Commission est d'avis que cette disposition du
projet de loi no 2 devrait être précisée dans le sens d'un
contrôle annuel de l'utilisation des fonds.
4. Le principe de l'inviolabilité de la demeure
(articles 5 à 8 de la charte)
Les articles 5 à 8 de la Charte des droits de la personne
comportent une série d'énoncés qui ont trait plus ou moins
directement au droit au respect de la vie privée ainsi qu'au principe de
l'inviolabilité de la demeure: article 5 Toute personne a droit
au respect de sa vie privée. article 6 Toute personne a droit
à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens,
sauf dans la mesure prévue par la loi. article 7 La demeure est
inviolable. article 8 Nul ne peut pénétrer chez autrui ni y
prendre quoi que ce soit sans son consente- ment exprès ou tacite.
Le législateur, lors de l'adoption de la Charte des droits et
libertés de la personne, n'a pas jugé bon de conférer
à ces articles, un statut particulier et d'énoncer que ces
articles, a l'instar des articles 9 à 38, prévaudraient "sur
toute disposition d'une loi postérieure qui leur serait contraire,
à moins que cette loi n'énonce expressément s'appliquer
malgré la Charte" (article 52 de la Charte des droits). C'est donc dire
que le législateur pourrait maintenant, dans la Loi régissant le
financement des partis politiques, aller à rencontre des principes
énoncés aux articles 5 à 8 de la Charte sans même
qu'il soit tenu d'énoncer clairement que telle est son intention.
Mais on peut présumer que ce n'est pas uniquement pour la forme
que ces principes ont été énoncés, de même
d'ailleurs que tous les autres droits qui sont contenus dans la Charte et qui
ne jouissent pas de ce statut privilégié. Ce n'est donc que dans
les cas de la plus stricte nécessité que le législateur
devrait se résigner à enfreindre l'un ou l'autre de ces
principes.
Or, les articles 17 à 21 du projet de loi sont de nature à
porter atteinte à l'un ou l'autre des droits qui sont
énoncés aux articles 5 à 8 de la Charte. En effet, les
articles 17, 18 et 19 confèrent à toutes fins pratiques au
directeur général et à "toute personne qu'il
désigne par écrit" un pouvoir de perquisition "en tout lieu" et
"à tout moment", et ce sans mandat. L'article 20 garantit
l'impunité au directeur général et aux membres du
personnel, à la seule condition qu'ils aient été "de bonne
foi". Qui plus est, l'article 21 a pour effet de soustraire ce pouvoir
exorbitant du droit commun au pouvoir général de surveillance et
de contrôle qui revient à la Cour supérieure.
Il nous apparaît que ce pouvoir de perquisition qui est
attribué au directeur général sans aucune
possibilité de contrôle de la part du pouvoir judiciaire, est
excessif et injustifié. Nous ne voyons pas pourquoi le directeur
général ne devrait pas se munir au préalable d'un mandat
de perquisition, lorsqu'il a de bons motifs de soupçonner que certaines
pratiques frauduleuses ont cours, ou même simplement lorsqu'on refuse de
produire tous les documents se rapportant aux contributions et aux
dépenses qu'il sollicite. A plus forte raison, la Cour supérieure
ne devrait pas être privée, dans ces cas, de son pouvoir
général de contrôle et de surveillance.