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Étude du projet de loi no 2
Loi régissant le financement
des partis politiques et modifiant
la Loi électorale
(Dix heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Laplante): La commission parlementaire de
la présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales se réunit pour recevoir les mémoires en vue
du projet de loi no 2, Loi régissant le financement des partis
politiques et modifiant la Loi électorale.
Sont membres de cette commission M. Bertrand (Vanier), M. Biron
(Lotbinière), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Burns (Maisonneuve), M.
Fontaine (Nicolet-Yamaska); M. Forget (Saint-Laurent) remplacé par M.
Blank (Saint-Louis); M. Garneau (Jean-Talon) remplacé par M. Gratton
(Gatineau); M. Johnson (Anjou), M. Laberge (Jeanne-Mance); M. Levesque
(Bonaventure) remplacé par M. La-montagne (Roberval); M. Martel
(Richelieu) remplacé par M. Gendron (Abitibi-Ouest); M. Morin
(Louis-Hébert), M. Morin (Sauvé), M. Paquette (Rosemont), M.
Raynauld (Outremont) remplacé par M. Lavoie (Laval); M. Vaugeois
(Trois-Rivières).
Est-ce que vous avez un rapporteur à proposer?
M. Burns: Je proposerais que M. Laberge soit nommé
rapporteur.
Le Président (M. Laplante): M. Laberge (Jeanne-Mance) est
nommé rapporteur. Vous acceptez? Les organismes qui seront entendus
aujourd'hui sont les suivants:
M. Biron: Nicolet-Yamaska...
Le Président (M. Laplante): M. Goulet (Bellechasse)
remplace (M. Fontaine (Nicolet-Yamaska). D'accord. Il va y avoir M. Thomas
Somcynsky, la Chambre de commerce de la province de Québec, l'Ordre des
comptables agréés du Québec. M. le ministre.
Commentaires du ministre M. Robert Burns
M. Burns: M. le Président, mes commentaires au
début seront très brefs. Je veux tout simplement rappeler qu'il
s'agit d'un type de législation vraiment neuf, en ce qui nous concerne.
Une telle loi n'est peut-être pas neuve en Amérique du Nord, parce
qu'il y a déjà le gouvernement du Canada qui a une
législation semblable, il y a le gouvernement de l'Ontario et on
m'apprend également que la province de l'Alberta s'apprête
à légiférer dans ce domaine. Elle aurait même, je
pense, dans les jours qui précèdent, déposé un
projet de loi semblable, évidemment avec les variantes que cela
comporte. Aux États-Unis, en plus du gouvernement fédéral
à Washington, à ma connaissance, il y a 42 États qui ont
un type de législation semblable. Mais cela reste quand même des
législations très jeunes, la plupart remontant, parmi les plus
vieilles, à 1971, de sorte que nous avons cru nécessaire de faire
siéger une commission parlementaire sur notre projet de loi pour savoir
ce que la population pouvait en penser.
Peut-être avons-nous frappé dans le mille, puisque je ne
vois pas d'autre façon d'interpréter le fait que nous n'ayons que
trois mémoires qui nous aient été soumis. Peut-être
avons-nous répondu aux désirs de la population. Si c'est le cas,
tant mieux. Si ce n'est pas le cas, cela voudrait dire, malheureusement, que la
population se désintéresse complètement de ce type de
législation. Mais je suis plutôt optimiste et je serais
porté à croire, comme dans le premier cas, que, effectivement,
les gens désiraient ce type de législation et la forme que nous
lui avons donnée, aussi imparfaite qu'elle puisse être,
répond quand même aux volontés de la population.
Je tiens, M. le Président, à souligner la présence
parmi nous, dans la salle, d'un certain nombre de personnes qui nous ont
aidés, peut-être beaucoup plus qu'ils ne le croient, à
préparer ce type de législation. And I would like to tell our
commission that we have with us representatives of Ontario, Mr Whishart who is
with us. From Ottawa, I see Mr Hamel and Mr Gorman from... I am sorry, I am
maybe forgetting, because everybody is not here. I see Mr Dan Lowenstein, from
California, Mr Anthony Quinn, and Mr Joint is also here; all these people are
from Ottawa, Toronto, Sacramento and unfortunately Mr Staebler, from
Washington, who was here a minute ago, is not with us, but I would like, in the
name of our commission, to thank them publicly for the assistance they have
given us in elaborating this project. As I was telling them last night, last
evening, when we met, I think they will find some of their piece of legislation
in ours, because we have been inspired by these four legislations in
elaborating ours. So I want, in the name of the commission and of the
government, to thank these gentlemen for their assistance in preparing our own
bill and our own eventual legislation.
M. le Président, sur ce, je n'ai pas d'autres commentaires.
À moins que ce ne soit pas le désir de la commission, je
proposerais que nous commencions à examiner ces mémoires, tout en
vous disant que nous sommes vraiment ouverts je le dis pour les
intervenants à apporter les amendements requis si jamais nous
n'avons pas tenu compte d'un certain nombre de choses, et c'est possible dans
un cas de nouvelle législation. Il ne s'agit pas d'amender une
législation existante, il s'agit d'en faire une neuve. Dans ce
sens-là, nous sommes tout à fait disposés à ajuster
notre législation éventuelle à des remarques perti-
nentes qui pourraient nous être faites. Ce sont les seules
remarques que j'ai à faire. M. le Président.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Laval.
Commentaires de l'Opposition M. Jean-Noël
Lavoie
M. Lavoie: M. le Président, mes remarques seront
également très brèves. J'aurai une couple de
requêtes à faire avant d'entreprendre l'audition des trois
mémoires que nous avons. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec
le député de Maisonneuve sur la raison pour laquelle nous n'avons
que trois mémoires. Aux raisons qu'il invoque, selon lesquelles son
projet de loi serait tellement parfait qu'il rallierait non seulement le
consentement unanime, mais la satisfaction unanime des parlementaires et
également des 6 millions de Québécois, je dirais
plutôt qu'il s'agit d'un projet de loi technique. Je pense bien qu'il y a
consentement ou accord sur le principe du projet de loi, à cause de
l'évolution normale que nous avons connue au Québec, depuis une
quinzaine d'années, sans donner de date précise, depuis la
reconnaissance des partis politiques, depuis les amendements à la loi.
Je ne ferai pas tout l'historique du processus évolutif de nos lois
électorales, avec une division plus juste des circonscriptions
électorales, le remboursement d'une partie des dépenses des
candidats, qui date déjà de douze ou treize ans peut-être,
ou de quatorze ans, qui était vraiment une politique d'avant-garde en
Amérique du Nord, dans tous les Parlements, dans tous les pays
démocratiques.
Je n'insisterai pas davantage pour dire qu'il y avait un projet de loi
en élaboration, qui était rendu, je crois, à sa
douzième édition. Cela prouve, justement, et cela établit
la complexité du problème.
Je crois également que, si nous n'avons eu que trois
mémoires, c'est que, malheureusement, le dépôt de ce projet
de loi a été noyé. Il a été
présenté au moment où on discutait des comptes
économiques ou de l'assurance-automobile ou du projet de loi 1.
J'ai eu l'occasion de discuter avec des gens qui s'occupent vraiment de
ces questions. Je ne voudrais pas mentionner les organismes. Même
certains groupes qui sont tout à fait intéressés à
ce genre de projet de loi ignoraient que les délais pour soumettre des
mémoires étaient même expirés. Cela a
été un peu noyé, surtout par la prise du pouvoir du
nouveau gouvernement et des multitudes de conférences de presse, de
déclarations, de projets de loi et d'une multitude de livres de toutes
les couleurs, déposés, et tout cela. On ne fera pas de
débat sur cela.
Je me demande pourquoi la commission qui a été
mandatée pour faire l'étude globale, parce qu'il faut bien
comprendre qu'avant la deuxième lecture...
M. Burns: ... la décision de la Chambre...
M. Lavoie: Je me demande pourquoi la commission de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales... Vous n'avez pas répondu à ma question
dans le temps et je me la pose encore. J'espère que vous pourrez, je ne
sais pas, éclairer ma lanterne...
M. Burns: ...
M. Lavoie:... alors qu'on aurait préféré que
ce fut la commission de l'Assemblée nationale. Il s'agit d'une
étude globale...
Voici les courtes requêtes que je voudrais faire. Je suis un peu
surpris de noter l'absence du juge Drouin. Sa présence avait
été requise et je trouve qu'il serait normal que le
président général des élections, le juge Drouin,
qui a vécu depuis 30à 35 ans tout le processus
électif et électoral du Québec, qui est président
des élections, qui a été présent à chaque
fois qu'on a modifié la Loi électorale, à chaque fois
qu'on a apporté des amendements majeurs, entre autres, au mode de
remboursement des dépenses électorales, et qui est membre de la
Commission permanente de la réforme des districts électoraux, je
crois que c'est une pierre d'assise de notre système électif et
électoral au Québec. Demande a été faite à
l'Assemblée, je pense que vous n'aviez pas d'objection, M. le leader du
gouvernement, pour qu'il soit là. Je suis tout à fait surpris de
remarquer son absence. J'aurais souhaité avoir ses lumières,
parce que je ne me considère pas un expert en ce domaine, loin de
là. On ne peut pas se priver des ressources...
M. Burns: Est-ce que je peux vous répondre
là-dessus? J'en prends la totale responsabilité. C'est
malheureusement un oubli de ma part. Je vais tenter de le corriger pour cet
après-midi et demander que M. le juge Drouin soit présent, si son
horaire le permet, évidemment.
M. Lavoie: M. Giguère, je crois...
M. Burns: Remarquez que quelqu'un du bureau du président
général des élections est ici, mais je pense que vous
aviez spécifiquement demandé et je le reconnais que
le président général des élections soit ici. Je
fais l'impossible pour me mettre en communication avec le juge Drouin, pour
que, si c'est possible même ce matin, il vienne se joindre à nous;
je n'y ai aucune objection, comme je l'ai mentionné en Chambre.
M. Lavoie: II me semble que vous aviez mentionné à
l'Assemblée...
M. Burns: Oui, je n'ai aucune objection. C'est un pur et simple
oubli de ma part. Malheureusement, mes fonctions de leader parlementaire du
gouvernement et de ministre d'État en même temps me tiraillent un
peu à gauche et à droite. Il arrive, à un moment
donné, qu'on puisse oublier quelque chose. Je l'ai oublié. J'en
fais amende honorable à la commission. On va essayer de cor-
riger cela dans les minutes qui viennent, et, si possible, en tout cas,
au plus tard cet après-midi, le juge Drouin devrait être avec
nous. Si c'est possible qu'il soit ici ce matin, tant mieux, il sera ici ce
matin.
M. Lavoie: Je crois que la présence de M. Drouin serait
nécessaire, et j'espère que la commission sera unanime,
après que nous aurons entendu nos trois mémoires, pour que, si on
a des questions à lui poser, dans cette étude globale, vous
n'ayez pas d'objection à ce qu'on obtienne toutes les lumières
voulues afin de bonifier le plus possible ce projet de loi. Une autre demande
qui a été faite à l'Assemblée nationale et
acceptée par le ministre de la Justice, qui est chargé de
l'application de la Charte des droits et libertés de la personne. Cela
remonte à au-delà de quinze jours, peut-être trois
semaines. Cette demande a pour but d'avoir également les
lumières, l'opinion et les commentaires de cette commission qui est
payée par l'État et qui a été nommée aux
deux tiers de ses membres par l'Assemblée nationale. Ce sont des experts
dans l'interprétation de la charte. Je crois qu'on ne devrait pas se
priver des connaissances et de l'expérience de cette commission qui a
été nommée par le Parlement. Lors de l'étude des
crédits du ministre de la Justice, il y a une semaine ou dix jours, en
présence du président de cette Commission des droits de la
personne, M. Hurtubise, j'ai réitéré ma demande. Il me
semblait que j'avais l'assurance que les commentaires et les remarques de la
commission pourraient nous être remis avant le 31 mai. C'est aujourd'hui,
le 31 mai, qu'il y a l'audition des mémoires. Je ne sais pas si on a eu
ces documents.
M. Burns: À ma connaissance, non. Je ne les ai pas
reçus, en tout cas. Je ne veux pas me défiler en disant que c'est
là la responsabilité du ministre de la Justice, surtout que j'ai
pris mes propres responsabilités tout à l'heure, mais je pense
que c'est le ministre de la Justice qui devait voir à ce que cette
opinion nous soit acheminée.
Je suis prêt, dans le courant de la journée, à
m'informer auprès du ministre de la Justice pour savoir où en est
rendue cette demande. Par contre, lorsque le député de Laval
avait déposé cette demande en Chambre, je n'avais pas compris
qu'il fallait l'obtenir pour cette partie de nos travaux, c'est-à-dire
l'examen en commission parlementaire des mémoires. J'avais plutôt
compris qu'avant l'examen du projet de loi en deuxième lecture, nous
pourrions être informés de l'attitude de la commission des droits
de la personne. Maintenant, si vous avez réitéré je
n'étais pas présent, malheureusement, à l'examen des
crédits du ministère de la Justice de façon
précise votre demande pour le 31 mai et que le ministre l'a
acceptée, je présume qu'il sera peut-être en mesure de nous
fournir cet avis dans la journée. Si c'est le cas je pense bien
que nous devrons siéger après la période des questions cet
après-midi; du moins, c'est prévu je me ferai un plaisir,
au nom du ministre de la Justice, de vous remettre cet avis, s'il est
disponible. Sinon, dans les meilleurs délais, malheureusement.
M. Lavoie: Écoutez! Nous voulons collaborer et nous
voulons tenter d'obtenir un consensus en tout ce qui regarde les lois qui
concernent tous les députés, le système électif, la
démocratie au Québec. Je pense bien qu'autant ce n'est pas la
manière, du côté du gouvernement, d'essayer de bousculer
des projets de loi, autant ce n'est pas le rôle de l'Opposition de faire
une obstruction systématique sur ces projets de lois. Je pense qu'il
faudrait essayer, tenter par tous les moyens d'avoir le consentement,
l'agrément du gouvernement et des partis de l'Opposition. C'est quand
même la base de la démocratie au Québec et, s'il faut
commencer à se disputer et à s'engueuler sur des projets de loi
aussi fondamentaux, je pense que la population et les parlementaires vont
perdre confiance dans notre système démocratique. Cela est
à la base même de la représentation populaire et de la
démocratie au Québec, tout ce qui touche les lois
électorales, le financement des partis politiques, le remboursement des
dépenses, la contribution de l'État dans les activités des
partis politiques, la réforme des districts électoraux.
D'après moi, c'est une grande charte de la démocratie au
Québec, et je pense que ce n'est pas notre place, ce n'est pas notre
intention de faire de la politicaillerie avec ça. Nous voulons apporter
toute notre collaboration pour atteindre, pour qu'on reste d'avant-garde, je ne
sais pas, et que le Québec soit justement un exemple de la
démocratie bien vécue dans notre système occidental.
Une autre chose: Je sais que le leader du gouvernement, à la
suite de quelques déclarations, avait l'intention de soumettre ce
n'est pas l'endroit ici, je le sais une réimpression du projet de
loi. Ce sera fait, j'imagine, à l'Assemblée nationale, avant la
deuxième lecture.
M. Burns: D'ailleurs, j'ai l'intention, étant donné
les mémoires... Il y a peut-être aussi des gens qui n'ont pas
désiré être entendus par la commission, mais qui nous ont
soumis des remarques, que je trouve bien fondées. D'ailleurs, les
mémoires qui nous sont soumis aujourd'hui, dans les grandes lignes, nous
éclairent et peuvent possiblement nous inciter à refaire
certaines parties du projet de loi, non pas sur des questions fondamentales,
mais sur des questions techniques. Comme le disait le député de
Laval, il s'agit d'un projet de loi à caractère assez technique.
Si c'est l'opinion de la commission, je proposerai à la fin que
suggestion soit faite au ministre de faire réimprimer le projet de loi
pour que nous ne travaillions pas, lorsqu'il sera temps d'examiner le projet de
loi article par article, avec des papillons un peu partout, à tous les
articles, peut-être pas à tous les articles, mais, en tout cas,
à plusieurs articles.
À cet égard, je suis favorable à la
réimpression du projet de loi et je suis favorable également
j'en assure l'Opposition tout de suite, je l'ai dit au
député de Laval, privément, tout à l'heure, mais je
le répète à tous les députés membres de la
commission au fait qu'entre le moment de la réimpression et
l'examen du projet de loi en deuxième lecture, il s'écoule un
certain délai pour que vous ayez tous le temps de prendre
connaissance de la nouvelle forme du projet de loi.
À ce sujet, je peux assurer la commission de mon entière
collaboration, comme ministre d'État, mais surtout comme leader du
gouvernement, afin de ne pas bousculer l'examen du projet de loi.
Je veux qu'on prenne le temps d'y penser, qu'on prenne le temps
d'examiner les nouveaux termes dans lesquels le projet de loi pourra se
présenter une fois réimprimé.
M. Lavoie- Si j'ai fait cette demande autant pour la présence du
président général des élections que pour l'avis,
l'opinion, les commentaires de la Commission des droits de la personne, c'est
parce que c'est l'étape voulue pour le faire. On sait que c'est beaucoup
moins formaliste pour l'étude d'un projet de loi, avant la
deuxième lecture, parce que c'est à ce moment qu'on fait une
étude globale du projet de loi, autant du principe que des
modalités, que d'attendre, soit la deuxième lecture ou
après la deuxième lecture où on est lié par un
genre de corset qui oblige d'étudier, article par article, alors qu'il
n'y a plus d'audition.
Je pense que c'est l'endroit où on doit faire des explorations
pour tenter d'apporter tous et chacun notre contribution. Après
l'audition, j'émettrai peut-être un voeu. Si la commission se
sentait d'avis, j'espère que les commentaires ou les remarques de la
Commission des droits de la personne seront satisfaisants pour nous
éclairer, autrement, je pense qu'on pourrait peut-être faire comme
pour le président des élections, demander, si c'était
possible, d'entendre le président de la commission. On pourra le voir
après que nous aurons pris connaissance des commentaires et des
opinions, parce qu'on ne doit pas se priver c'est quand même un
organisme paragouvernemental qui est payé par l'État, qui est au
service de l'État de toutes les lumières qu'on peut
obtenir.
Pour le moment, ce sont les seules remarques que j'avais à
faire.
Le Président (M. Laplante): Le chef de l'Union
Nationale.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, je suis heureux que le
gouvernement ait inscrit son projet de loi no 2 immédiatement
après celui de la charte des droits linguistiques. Je pense que c'est
important. Ce sont deux mesures législatives fondamentales qu'on doit
analyser avec soin et surtout à cause du manque d'expérience dans
le domaine, que ce soit en Amérique du Nord ou au Canada, on sait que ce
sont des projets de loi très jeunes qui touchent quand même des
droits et des libertés qui sont fondamentaux.
Il ne faudrait pas que des aspects techniques privent de certains droits
notre population québécoise.
Je suis heureux aussi que le ministre d'État à la
réforme parlementaire ait donné aux membres de l'Assemblée
nationale et à tous les citoyens du
Québec le temps et le loisir d'étudier en profondeur le
projet de loi no 2; je suis heureux aussi de voir qu'après la seconde
réimpression on aura aussi le temps de l'étudier en profondeur
avant d'entamer les procédures habituelles de la deuxième
lecture. Cependant, devant le petit nombre de mémoires qui sont soumis
à notre attention ce matin, je ne voudrais pas que le ministre
interprète ce fait comme une approbation tacite des contribuables
québécois à toutes les modalités de ce projet de
loi.
M. Burns: On a droit à l'interprétation que l'on
veut.
M. Lavoie: II y aurait quand même un paradoxe. Si la
population est satisfaite d'un projet de loi qui doit être
réimprimé, cette population n'est quand même pas tellement
exigeante.
M. Burns: Non, mais le projet de loi sera
réimprimé, je vous l'ai dit tout à l'heure, pour des
questions techniques, c'est-à-dire des questions de rédaction et
non pas pour des questions de fond. Je m'excuse auprès du
député de Lotbinière.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que le chef de l'Union
Nationale a terminé?
M. Biron: Non, je n'ai pas terminé. Le ministre ne peut
certainement ignorer qu'il s'agit d'un projet de loi passablement technique
qui, comme l'a dit tout à l'heure le député de Laval, ne
soulève pas de prime abord les passions des foules et qui exige beaucoup
d'étude. De plus, du fait que ce projet de loi survienne au moment
même où nos énergies et notre attention sont
accaparées par un autre projet de loi d'importance, en l'occurrence la
charte de la langue française, je pense que cela diminue
considérablement l'intérêt que la population pourrait y
consacrer normalement. Ceci dit, j'admets néanmoins, à l'instar
du ministre, que cette réaction tranquille de la population est un signe
probant que le principe même de ce projet de loi rallie l'approbation de
la majorité. À ma connaissance, cela fait au-delà de 10
ans, sinon plus le député de Laval parlait de 15 ans tout
à l'heure que l'on parle de la nécessité de
contrôler, par une loi les sources de financement des partis politiques.
L'idée a fait son chemin et nul n'est surpris aujourd'hui de constater
que ce principe fera dorénavant partie intégrante de nos moeurs
politiques. C'est une évolution normale. En tant que législateur
et aussi en ma qualité de chef d'une formation politique qui a
derrière elle plus de 40 ans d'histoire et de tradition, je reconnais le
bien-fondé d'un tel projet de loi et c'est avec une ouverture totale
d'esprit et un désir total de collaboration que j'entends participer
avec mes collègues aux travaux de cette commission parlementaire.
Toutefois, M. le Président, si l'Union Nationale accepte
volontiers l'obligation pour les partis politiques de fonctionner à ciel
ouvert, cela ne signifie pas que nous endossons aveuglément tous
les articles de ce projet de loi. Agir ainsi serait faire preuve
d'irresponsabilité. En lisant ce projet de loi, je me suis
demandé à plusieurs reprises si le ministre et ses conseillers
avaient suffisamment réfléchi aux nombreuses mesures de
contrôle mises de l'avant dans divers articles et qui remettent en cause
certains droits fondamentaux de notre vie démocratique que nous avons
peut-être trop tenus pour acquis dans le passé, comme la
liberté d'expression, la liberté de réunion,
d'association, etc. En voulant donner un sérieux coup de barre, ce qui
est son droit le plus strict, le gouvernement a adopté une ligne de
pensée beaucoup trop rigide et arbitraire, à notre avis, et ceci
nous inspire, pour le moment, plus d'inquiétude que de confiance. Le
ministre a annoncé récemment et encore ce matin la
possibilité d'une réimpression, si c'est le voeu de la commission
parlementaire. C'est là une bonne nouvelle, que nous accueillons pour
notre part avec plaisir et soulagement et aussi avec l'espoir d'une plus grande
souplesse et d'un plus grand réalisme. Chose certaine, les quelques
mémoires que nous avons à étudier ce matin et aujourd'hui
et dont j'ai eu l'occasion de prendre connaissance la semaine dernière,
grâce à la diligence du secrétariat des commissions
parlementaires, auront sûrement aidé le ministre à
mûrir ses projets d'amendements en vue d'une réimpression.
C'était avec le plus vif intérêt, M. le
Président que j'attendais le témoignage de la Commission des
droits de la personne, sollicitée par le ministre de la Justice, ainsi
que celui de M. le juge François Drouin, président
général des élections. J'espère que nous pourrons
les entendre et les questionner concernant le bien-fondé et les
libertés fondamentales des Québécois. Je suis
persuadé, M. le Président, que les porte-parole de ces deux
organismes nous éclaireront encore davantage sur les modifications qui
s'imposent afin que le projet de loi no 2 reçoive l'approbation
enthousiaste de tous les membres de l'Assemblée nationale et qu'il soit
acceptable, non seulement au niveau de principes qui le sous-tendent, mais
aussi au niveau des modalités d'application. M. le Président, moi
aussi, comme le député de Laval, je voudrais pouvoir en venir
à un consensus général, à un projet collectif avec
ce projet de loi no 2, où tous les partis politiques et où tous
les citoyens québécois pourraient se reconnaître et
finalement faire l'unanimité, pour une fois.
M. Burns: M. le Président, je remarque que le
député de Beauce-Sud est ici. Je remarque également qu'il
n'est pas membre de la commission. Je proposerais que nous lui donnions le
droit de parole, si c'est le voeu de cette commission. Cela m'apparaît
une chose tout à fait normale. Il a pris la peine de se déplacer
pour venir assister à ces travaux. Je connais son intérêt
pour ce genre de chose, alors je propose que nous accordions le droit de parole
au député de Beauce-Sud.
Le Président (M. Laplante): Adopté?
M. Lavoie (Laval): Si vous aviez besoin d'un secondeur, je
m'offrirais.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: Je remercie le leader du gouvernement et le leader de
l'Opposition de m'exempter de l'obligation d'en faire la demande
moi-même. Je leur en sais gré, mais étant donné
qu'il s'agit d'un projet de loi qui concerne, je pense, toutes les formations
politiques du Québec, il est extrêmement important qu'on permette
à toutes les formations politiques représentées à
l'Assemblée nationale de se faire entendre. J'irais même plus
loin. Il y a des formations politiques qui ont présenté des
candidats au cours des dernières élections qui ne sont pas
représentées à l'Assemblée nationale et j'estime
qu'on devrait peut-être les inviter à venir devant la commission
parlementaire émettre leur point de vue.
Si je dis ceci, M. le Président, c'est tout simplement parce que
le projet de loi qui est actuellement devant nous est un projet de loi qui
touche aux racines mêmes, aux fondations mêmes de la
démocratie. Je pense qu'il est extrêmement important qu'on
permette à tous ceux et celles, à tous les organismes qui
désirent se faire entendre, de se faire entendre devant la commission
parlementaire et qu'on retarde ou qu'on ajourne aujourd'hui ou demain la
séance de la commission parlementaire sine die, de façon à
permettre à d'autres organismes qui n'ont peut-être pas
été suffisamment sensibilisés jusqu'à maintenant,
au dépôt de ce projet de loi, étant donné, comme
l'ont dit ceux qui m'ont précédé tout à l'heure,
qu'il y a actuellement bien d'autres préoccupations au niveau de la
population... Je dis qu'il va falloir être extrêmement prudents, il
va falloir prendre notre temps. Parce que, de nouveau, nous touchons du
doigt... Il est évident que si cette loi comporte des dents il
faut l'admettre au point de départ, cette loi comporte des dents
et si cette loi avait existé il y a dix ans je suis bien
conscient que je représente la formation peut-être la plus jeune
au Québec mais, si il y a dix ans cette loi avait existé,
je me demande sérieusement ce que le Parti québécois
aurait pu faire. Ce que le Mouvement souveraineté-association aurait pu
faire. Aujourd'hui nous sommes en face du fait qu'un parti politique
fondé, il y a moins de dix ans, gouverne aujourd'hui le Québec.
Le seul parti qui peut se dire, se glorifier d'avoir des racines depuis le
début de la Confédération, je pense que c'est le Parti
libéral... Le chef de l'Union Nationale a dit tout à l'heure que
son parti avait 40 ans d'histoire. C'est vrai. Mais il a eu un commencement. Il
a eu un commencement après la Confédération et bien
longtemps après la Confédération. Alors, si nous voulons
sauvegarder notre régime démocratique, en admettant le principe
que le financement des partis politiques est une chose extrêmement
importante, il ne faut pas que les partis politiques deviennent la chose du
grand capital, de ceux qui contrôlent l'économie, de ceux qui
contrôlent l'économie même extérieure. C'est un but
extrêmement louable que cherche à atteindre le gouvernement et
nous avons souscrit à ce principe.
II n'en demeure pas moins, à partir de ce principe auquel tout le
monde souscrit au Québec, qu'on fait en sorte de fermer la porte et
qu'on limite l'avenir du Québec aux formations politiques
existantes.
Je comprends bien que, pour tous ceux qui sont ici et qui siègent
à l'Assemblée nationale aujourd'hui, c'est peut-être une
police d'assurance qu'ils pourraient se donner. Je pense qu'on n'a pas le droit
de penser à nous-mêmes. Il faut penser à l'avenir du
Québec et il faut permettre à la population du Québec de
pouvoir s'exprimer dans d'autres mouvements, dans d'autres associations, si
celles qui existent ne la représentent pas réellement, ne font
pas la promotion, ou encore si ces mouvements ne font pas en sorte que les gens
puissent se retrouver et puissent se sentir vraiment
représentés.
Je pense qu'à ce niveau, il va falloir être
extrêmement prudent et je dis qu'il va falloir prendre son temps.
À titre d'exemple, à l'honorable leader du gouvernement, je dirai
ceci: Pour la Loi de la protection du consommateur, qui était aussi du
droit nouveau au Québec, nous avons quand même pris le temps de
l'étudier pendant deux ans avant de l'adopter. Il y a déjà
plusieurs mois, je dirais même une couple d'années, qu'on songe
à l'amender, pour lui donner plus de dents. Encore là, on agit
avec extrêmement de prudence parce qu'on touche la vie quotidienne des
citoyens.
Je pense qu'au niveau de ce projet de loi, bien que j'aie
énormément de commentaires à faire et de points
d'interrogations à poser au gouvernement, je ne veux pas, quand
même, prendre le temps de cette commission ce matin. J'aimerais
plutôt qu'on entende les groupements, les trois associations qui ont
demandé a se faire entendre devant la commission, quitte à nous
réserver le temps de faire des commentaires, avant même que nous
puissions aborder l'étude de ce projet de loi en deuxième
lecture, avant qu'il soit imprimé.
Je pense qu'il devrait y avoir un débat, un dialogue
extrêmement large, extrêmement ouvert, au niveau de la commission
parlementaire, avant que la commission parlementaire ne suspende ses travaux de
façon définitive, avant la réimpression du projet de
loi.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
Réplique du ministre M. Robert Burns
M. Burns: M. le Président, je remercie le
député de Laval, le député de Lotbinière et
le député de Beauce-Sud de leurs remarques. Je les remercie aussi
de la brièveté de leurs remarques. Je pense que cela va nous
permettre de faire avancer les travaux. Je vais faire de même. Je voulais
simplement dire au député de Laval que j'ai une réponse du
bureau du président général des élections, qui
s'excuse auprès de nous. Le président est malheureusement pris
dans une réunion qui concerne ses autres fonctions, celles de la
répartition des districts électoraux. Cependant, il nous assure
qu'il va, dans les plus brefs délais, déléguer
auprès de nous son adjoint, Me Eddy Giguère, qui pourra
peut-être, en son nom, répondre à des questions qui
pourraient se poser à notre esprit.
J'espère que cela satisfera à la requête du
député de Laval. Quant au ministère de la Justice, on est
en train de vérifier où en est rendue cette demande qui avait
été formulée d'obtenir la réponse, les commentaires
de la Commission des droits de la personne. Aussitôt que j'aurai cette
réponse, je pourrai la livrer à la commission.
En ce qui me concerne, je n'ai pas d'autres commentaires; je pense
plutôt que nous devrions entendre, d'abord... Je pense que c'est M.
Somcynsky qui doit être entendu le premier. Je proposerais qu'on entende
dès maintenant les personnes qui veulent intervenir.
M. Lavoie: M. le Président, juste une petite question.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Laval.
M. Lavoie: À la suite des propos tout à fait justes
du député de Beauce-Sud... Vous avez répondu à une
de mes demandes, mais je crois que vous n'avez pas commenté ses
remarques.
À cause des implications, justement, on ne veut pas faire la
chasse aux sorcières, mais on sait ou, du moins, il peut y avoir des
doutes que ce projet de loi apporte possiblement, sous toutes réserves,
certains accrocs à des libertés fondamentales comme les
libertés d'opinion politique, les libertés de réunion, les
libertés d'expression, les libertés d'association qui sont des
libertés fondamentales.
Cela a été peut-être malheureux justement que le
dépôt de ce projet de loi ait été noyé dans
une multitude de nouvelles... à cause de l'implication surtout, on peut
parler des articles, de l'article 23 qui va régir la création
pratiquement de nouveaux partis politiques. Vous savez que les contraintes pour
être reconnu et avoir le droit de tenir des réunions pour
recueillir des fonds... Il y a des contraintes énormes à
l'article 23: le parti au pouvoir est autorisé, le parti de l'Opposition
officielle est autorisé, le parti qui, aux dernières
élections avait dix candidats, est-ce qu'il peut être
autorisé... Je termine très brièvement.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Laval, pourrais-je vous aviser aussi que nous ne sommes pas à
l'étude du projet de loi actuellement? C'est le moment de la
réception des mémoires, surtout.
M. Lavoie: N'oubliez pas que, lorsqu'on étudie un projet
de loi, avant la deuxième lecture, c'est une étude globale, dans
toutes les implications, même dans le principe, les modalités,
c'est le but. Nous sommes ici pour explorer le projet de loi, son application,
sa portée. Cela doit être ouvert et le plus ouvert possible. Avec
les contraintes normales qu'on a à la deuxième lecture ou en
commission, après la deuxième lecture, ou encore plus de
contraintes en troisième lecture... c'est l'endroit idéal
justement où on peut faire un tour d'horizon complet sur la loi. Je
termine.
Le Président (M. Laplante): Je veux bien, M. le
député de Laval, mais vous avez commencé l'examen article
par article et c'est ce que je ne voudrais pas commencer. Vous avez
commencé par l'article 23.
M. Lavoie: Non, je n'ai pas commencé... J'ai donné
comme exemple les implications.
Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît, je vous
en prie, à l'ordre, pour la réception des mémoires!
M. Lavoie: Écoutez, il y a quand même une limite.
Tout le monde est de bonne foi ici. Il ne s'agit pas de faire de la
procédurite, M. le Président. Je termine ma demande.
Le Président (M. Laplante): Ce n'est pas une
procédurite, M. le député de Laval. Terminez.
M. Lavoie: Si on est obligé de s'engueuler avec les
présidents de commission maintenant, alors qu'ils doivent être des
modérateurs et collaborer... Vous êtes au service de la
commission, vous n'êtes pas là pour mener la commission. Ma
demande s'adresse au ministre...
Le Président (M. Laplante): Non pas comme serviteur mais
comme modérateur, monsieur.
M. Burns: Le président est aussi là pour rendre les
décisions, vous le savez, le député de Laval.
M. Lavoie: Non seulement...
M. Burns: Le président est quand même là pour
voir à ce que les travaux marchent bien, et marchent dans l'ordre.
M. Lavoie: Est-ce que j'allais à l'encontre du
règlement lorsque je me référais à l'article 23 et
que je donnais les implications?
M. Burns: Je pense que vous en arriviez là à
enfreindre le règlement.
Le Président (M. Laplante): Vous alliez à
l'encontre du règlement, M. le député de Laval.
M. Lavoie: Je n'ai jamais vu cela, depuis que je suis ici, en
tout cas.
Le Président (M. Laplante): II y a toujours une
première fois.
M. Lavoie: Si c'est la démocratie que vous voulez avoir et
l'ouverture d'esprit, envoyez vos présidents à l'école un
peu.
M. Burns: ...vous disiez donc...
M. Lavoie: Oui, je disais donc, avant que le président ne
m'énerve, que j'aimerais que vous répondiez peut-être aux
propos du député de Beauce-Sud, à savoir s'il n'y aurait
pas lieu, lorsque votre projet de loi sera déposé à
nouveau, qu'il y ait un nouvel avis dans la Gazette officielle, parce que c'est
à la base de toute la démocratie au Québec. Même par
ce projet de loi, on ne prévoit pas d'élection. Je vous souhaite
quatre ans, même si on peut penser deux ans, mais il n'y a pas
d'élection... Il n'y a pas péril en la demeure, est-ce qu'il n'y
aurait pas lieu de prendre tout le temps nécessaire pour que ce projet
de loi, s'il y a lieu, soit adopté à l'automne pour donner
l'occasion à tous les gens qui n'ont pas eu l'occasion d'être
informés du dépôt du projet de loi... J'endosse totalement
les propositions du député de Beauce-Sud, qu'on ne se presse pas
pour l'adoption de ce projet de loi.
Le Président (M. Laplante): Le chef de l'Union
Nationale.
M. Biron: Avant que le ministre ne réponde à cela,
je crois moi aussi que nous devrions, après avoir entendu les
mémoires, avoir une discussion générale, pas en
détail, bien sûr, sur chacun des articles, mais une discussion
générale, d'autant plus que le ministre veut réimprimer
son projet de loi. Lorsque nous aurons eu cette discussion
générale, peut-être que le projet de loi sera
réimprimé d'une façon différente, mais si j'ai bien
compris le ministre, il essaie, en tout cas, d'avoir un consensus
général, une concertation de tous les partis politiques et d'en
arriver finalement à un projet collectif. J'aimerais moi aussi avoir une
discussion générale, à la fin, après avoir entendu
les mémoires, et on pourrait certainement faire finalement d'excellentes
suggestions au ministre.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Président, je remercie le leader de
l'Opposition et le chef de l'Union Nationale d'appuyer la proposition que j'ai
faite tout à l'heure d'avoir une discussion générale
après avoir entendu les mémoires qui nous sont
présentés par les différents organismes, et même
qu'on permette, je l'ai dit tout à l'heure je reviens un peu
là-dessus peut-être de tenir ultérieurement une
autre séance pour permettre à d'autres mouvements, à
d'autres organismes qui pourraient en faire la demande au cours des prochains
jours, de se faire entendre suite même à la séance qui a
lieu ce matin, pour qu'on prenne notre temps pour examiner ce projet de loi.
J'estime qu'il est fondamental et j'aimerais que le leader du gouvernement, le
député de Maisonneuve, nous dise ce matin pour rassurer
les membres de la commission que nous pourrons, après avoir
entendu les groupements en commission parlementaire, mais avant que la
commission parlementaire ajourne
ses travaux sine die, avoir cette discussion générale. En
ce qui me concerne, j'ai bien des points à soulever. J'estime que c'est
la même chose pour mes collègues des autres formations politiques.
Si on veut faire un projet de loi qui ne verra pas à brimer les droits,
les fondements mêmes, la base même de la démocratie, les
droits des citoyens, les droits d'association, la liberté d'expression,
je pense qu'il est absolument important que cette discussion puisse avoir lieu
avant que le projet de loi soit réimprimé.
M. Burns: Encore là, M. le Président...
Le Président (M. Laplante):... M. le ministre...
M. Burns: Question de privilège. Non, il n'y en a pas en
commission. Si vous appelez le député de Maisonneuve, le
député de Laval.
M. Burns: C'est bien plus moi qui devrais soulever une question
de privilège.
M. le Président, je pense qu'il y a deux demandes dans les
remarques des représentants de l'Opposition. La première est de
savoir si on peut entendre de nouveaux mémoires, qui n'ont pas
été déposés. Là-dessus, je m'excuse, mais je
ne vois pas que nous devrions rouvrir la période qui a
déjà été offerte et qui est tout à fait
conforme à notre règlement. À ma connaissance, le projet
de loi a été déposé, si mes dates sont exactes, le
23 mars. Les avis dans la Gazette officielle ont été
publiés régulièrement, assurant la période normale
de trente jours. Je ne vois vraiment pas qu'on doive indéfiniment
prolonger cette période. Si, dans sa sagesse, le règlement a
fixé à trente jours la période où il est possible
de déposer des mémoires, c'est justement pour permettre aux gens
de le faire sans les bousculer. Même que le règlement est
interprété, je le sais, au secrétariat des commissions de
façon très large, c'est-à-dire que, si quelqu'un ne
dépose pas effectivement son mémoire dans les trente jours mais
dépose un avis de vouloir déposer un mémoire, on lui donne
un délai. Il peut, dans les jours qui suivent la fin du délai,
nous apporter le mémoire, de sorte que je ne serais pas porté
à rouvrir ce délai. Je pense que nous avons actuellement les
mémoires. On a un simple citoyen, M. Somcynsky, qui a pris la peine de
nous préparer un mémoire assez substantiel. Si, avec ses seuls
moyens, un citoyen est capable de faire cela, il me semble qu'à plus
forte raison n'importe quel organisme aurait pu, avec beaucoup plus de moyens,
intervenir dans le délai requis.
Deuxièmement, quant à la demande du député
de Beauce-Sud, je m'excuse, je n'y avais pas répondu tout à
l'heure, je suis tout à fait d'accord qu'il y ait, après
l'audition des mémoires, une séance je dis bien une
séance je ne veux pas que cela s'éternise pendant des mois
et des mois, qu'on se donne, à nous, parlementaires, une séance
pour discuter de ce qu'on aura entendu et peut-être des remarques de
l'Opposition ou des remarques de députés ministériels sur
le projet de loi, je n'ai aucune espèce d'objection.
Troisièmement, le député de Laval a ajouté
un nouvel élément en disant: Mais pourquoi ne pas reporter
ça à l'automne? Je vous dis que c'est l'intention du
gouvernement, si c'est possible, sans vouloir bousculer l'examen du projet de
loi, d'essayer de faire adopter le projet de loi avant l'ajournement
d'été, ceci pour des raisons d'ordre pratique. C'est que...
Pardon?
M. Gratton: Est-ce qu'il va y avoir un ajournement
d'été?
M. Burns: C'est possible. S'il n'y en a pas... M. Gratton:
Vous êtes rassurant.
M. Burns: ...à ce moment-là, il n'y a pas
grand-chose... Je ne m'engage pas à grand-chose. Cela veut dire que
ça pourrait se faire au mois de septembre et ce serait la même
chose.
Mais il y a des raisons techniques à cela; c'est que, comme vous
l'avez remarqué, le projet de loi, dans son dernier article, ne propose
pas sa mise en vigueur sur sanction mais sur proclamation et ceci, pour une
raison bien simple, c'est qu'il faut procéder par étape à
la mise en application de cette loi. Il faut d'abord créer l'organisme.
On ne peut pas, par exemple, mettre en application l'article 2 du projet de loi
si on n'a pas un directeur général du financement des partis
politiques. Alors, il faut monter toute cette structure avant de pouvoir mettre
le projet de loi en vigueur. C'est la raison, en fait, qui nous incite à
procéder étape par étape à la mise en application
de ce projet de loi, et c'est pour ça que ce serait notre désir
de le faire adopter, si possible, avant l'ajournement d'été,
encore une fois, pour satisfaire le député de Gatineau, s'il y a
ajournement d'été.
Le Président (M. Laplante): J'appelle M. Thomas Somcynsky
pour la présentation du premier mémoire.
Présentation de mémoires M.
Somcynsky
M. Somcynsky (Thomas): Merci beaucoup, M. le Président.
Avant de commencer, je voudrais faire allusion à la remarque sur le
faible nombre de mémoires, allusion qu'a faite le député
de Laval. Comme simple citoyen, je regrette, en fait, que ceux qui ont à
rédiger le code de procédure de l'Assemblée nationale, qui
régit actuellement les débats, n'aient pas prévu de moyens
plus efficaces pour rejoindre la population, lorsqu'on ouvre les commissions
parlementaires à l'audition d'opinions provenant de groupes ou de
citoyens. Moi, il me semble que des annonces dans les journaux, ailleurs que
dans les pages de petites annonces, seraient le moyen qui pourrait permettre un
éveil plus grand à la possibilité de se faire entendre
devant des commissions qui intéressent les citoyens.
M. Burns: Si ça peut vous rassurer, M. Somcynsky, votre
opinion correspond exactement à la
mienne là-dessus. Je pense que le règlement devrait
éventuellement être amendé pour permettre, en plus, sans
l'enlever, de l'avis dans la Gazette officielle, un avis, qui pourrait
être fait dans au moins deux journaux de langue française et deux
journaux de langue anglaise, un peu comme on le fait dans le cas des avis
juridiques. Personnellement, si c'est le voeu de l'Opposition,
éventuellement, on devrait peut-être modifier notre
règlement en ce sens-là.
M. Blank: II n'y a rien qui nous empêche de faire
ça, même avec le règlement.
M. Burns: II n'y a rien qui nous empêche de le faire...
M. Blank: On fait ça pour des assurances... M. Lavoie:
L'assurance-automobile.
M. Burns: Qui peut plus peut moins, évidemment, ou qui
peut moins peut plus.
M. Blank: ...l'assurance-automobile.
M. Burns: D'accord.
M. Somcynsky: Bon! Alors, comme simple citoyen et avec uniquement
une expérience de modeste militant, depuis une dizaine d'années,
dans un parti politique, je m'adresse à cette commission afin de
souligner la crainte que m'inspire certaines dispositions contenues dans le
projet de loi 2, concernant le financement des partis politiques et qui, si
elles étaient interprétées de façon rigoureuse,
auraient un caractère tout à fait odieux, ainsi que certains
aspects particuliers qui, tout en étant secondaires, auraient
peut-être avantage à être modifiés.
Dans son article 3, la Charte des droits de la personne affirme "que
toute personne est titulaire des libertés fondamentales, telles ....la
liberté d'opinion, la liberté d'expression... et la
liberté d'association". Ces libertés se retrouvent dans diverses
déclarations des droits de l'homme et du citoyen auxquelles la
conscience universelle a donné son adhésion.
Ces droits et libertés fondamentaux peuvent, et le cas
échéant, doivent être réglementés dans le but
unique d'assurer que chaque personne puisse en être
bénéficiaire de façon équivalente. Dans cet esprit,
je crois que la réglementation des contributions aux partis politiques
qui apparaît dans le projet de loi no 2 est toujours tout à fait
conforme à la Charte des droits et libertés de la personne.
L'État doit faire en sorte qu'aucune idée et qu'aucune
candidature ne soient indûment privilégiées à cause
de la richesse de certains de leurs adhérents. Il me semble donc que,
loin d'être en contradiction avec la Charte des droits et libertés
de la personne, la réglementation que l'on trouve dans le projet de loi
no 2 est un instrument fondamental pour la garantie de l'exercice
équitable des libertés qui y sont reconnues.
Il me semble, par contre, que certaines dispositions de ce projet de loi
entraînent des restrictions à l'exercice des libertés
fondamentales d'opinion, d'expression et d'association. Si j'admets que, pour
le bien de tous, il y ait une réglementation de ces libertés, de
façon à garantir l'équité de leur exercice, je
n'hésiterais pas à qualifier d'odieux ce qui tendrait à
restreindre l'exercice de ces libertés.
Partis politiques. Avant tout, je remarque que, dans l'article 1,
l'expression "parti politique" n'est pas légalement définie.
À mon sens, cette omission doit être corrigée, parce qu'il
me semble que si on donne des restrictions à certains gestes, on doit
spécifier qui doit obéir à ces restrictions.
N'étant pas légiste, je ne voudrais pas proposer une
définition, mais, dans ce qui suit, j'entendrais par "parti politique"
un regroupement de personnes ayant l'intention de présenter plusieurs
candidats aux élections générales.
Le problème de la définition de parti politique se pose,
entre autres, à cause de la distinction traditionnelle entre "parti
politique" et mouvement", distinction qui, je crois, réside
essentiellement dans l'intention de présenter des candidats aux
élections. Cette distinction a souvent été source de
problèmes, par exemple, pour des mouvements d'action civique oeuvrant
dans de nombreuses municipalités.
En ce qui concerne le champ d'application du projet de loi no 2, on peut
se souvenir du R.I.N. qui, à un de ses congrès, a
décidé de se transformer de "mouvement" en "parti politique".
Quand, le cas échéant, un groupement formellement semblable au
R.I.N. serait-il sujet aux dispositions du projet de loi no 2 et quand en
serait-il exempté? L'existence et le développement du R.I.N.
auraient-ils été possibles si une loi comme le projet de loi no 2
avait été en vigueur?
J'aimerais ici ajouter deux autres exemples qui nous sont venus par la
suite. Il y a à peu près un an, un député de
l'ancien parti ministériel a décidé de démissionner
de son parti, s'est déclaré disponible pour former un nouveau
parti politique. Je me demande, et c'est là la distinction entre
mouvement et parti politique qui me semble floue et qui me semble fondamentale,
si...
Le projet de loi, il me semble, à l'heure actuelle, interdirait
à une dizaine de personnes de donner $3000 chacune pour aider un
député qui, à un certain moment, referait la même
démarche de faire connaître ses idées et d'offrir quelque
chose de nouveau à la population.
Maintenant, j'ai des réticences à admettre qu'une dizaine
de personnes puissent donner $50 000 chacune à ce monsieur sans qu'il y
ait encore un parti politique, pour faire cette démarche.
Prenons un autre exemple, le MSA. C'est un autre député
d'un parti qui s'est retiré de son parti, qui a lancé d'abord un
mouvement qui s'est transformé en parti. Il me semblerait normal que, si
une loi comme le projet de loi no 2 était en vigueur, un mouvement comme
le MSA soit astreint aussi à la limite de $3000 par contribution.
M. Burns: C'est un parti politique...
M. Somcynsky: Mais là, c'est une discussion sur ce qu'est
un mouvement.
Je me pose des questions là-dessus, mais l'idée que, tant
qu'on ne s'est pas transformé en parti politique, il n'y a aucune
restriction ne me satisfait pas non plus. Disons que je demande une certaine
libéralisation, une très grande libéralisation de
certaines des dispositions qui se trouvent ici. Qu'on puisse lancer un
mouvement sans aucune restriction d'argent et se transformer, le moment
opportun, en parti politique, il y a quelque chose qui me déplaît
là-dedans.
Parti politique reconnu. C'est ici qu'une interprétation
restrictive du projet de loi lui confère ce qui, à mon avis, est
un caractère odieux et contraire à la reconnaissance des
libertés fondamentales. D'après le projet de loi, les
contributions pour fins politiques ne peuvent être faites section
V qu'à des partis autorisés et seuls les partis
autorisés peuvent faire section VI des dépenses
pour fins politiques.
Si on fait une interprétation restrictive de ces dispositions, en
définissant "parti politique" tel que je l'ai fait, on en déduit
qu'il est interdit à un nouveau parti politique de diffuser sa politique
ou son programme tant qu'il n'aura pas des associations de circonscription dans
au moins la moitié des circonscriptions électorales. Peut-on
mettre sur pied ce nombre d'associations de circonscription sans diffuser une
politique ou un programme, sans effectuer un minimum de dépenses
à même, bien entendu, des contributions correspondantes? De plus,
l'article 24 exige la recommandation d'un chef reconnu avant d'obtenir un
certificat d'autorisation, préalable à toute dépense,
tandis que l'article 69c considère que les faits encourus pour tenir un
congrès pour le choix d'un chef de parti est une dépense qui,
comme telle, ne peut être faite, d'après l'article 68,
qu'après l'obtention d'un certificat d'autorisation.
Il y a là un cercle vicieux qui empêche techniquement la
création d'un nouveau parti. Il est clair qu'une interprétation
restrictive du projet de loi rend impossible le droit de se regrouper en parti
politique et de diffuser un programme ou une politique tant en ce qui concerne
d'hypothétiques nouveaux partis qu'en ce qui concerne des petites
formations allant jusqu'à des groupuscules, à qui on doit,
à mon avis, conserver le droit de diffuser un programme politique, avec
les moyens que cela comporte.
Si, par contre, cette interprétation est trop restrictive
là, je reviens à mon intervention précédente
et qu'on entend considérer les partis politiques trop petits pour
satisfaire en particulier aux exigences de l'article 23d non pas comme des
partis, mais comme des mouvements ayant entièrement le droit de diffuser
des idées, avec ce que cela implique en fait de dépenses et donc
de contributions, on arrive à d'autres conséquences que,
personnellement, je trouve inacceptables. Suffirait-il à un groupement
diffusant une politique de se restreindre à 50 associations de
circonscription pour être libre de toutes les limites et obligations
contenues dans le projet de loi? Quant à moi, il me semble qu'on doit
accorder un certificat d'autorisation à tous les groupements ayant
l'intention de présenter des candidats, pour autant qu'ils fournissent
au directeur général du financement des partis politiques les
renseignements requis. Toute mesure ayant pour conséquence de
restreindre le droit fondamental qu'a un groupe de citoyens de fonder un parti
politique et de diffuser ses idées, même marginales, me semble
inacceptable.
Quant aux mouvements, il me semble que, si le mouvement a pour fonction
principale de propager des idées politiques, à ce
moment-là il devrait être astreint au cadre de la loi en ce qui
concerne son financement et ses dépenses. Je ne sais pas si c'est
facilement faisable d'intégrer à la loi une définition de
mouvement avec cet esprit. On pourrait ajouter à ceci l'interdiction de
se transformer en parti politique, pour un mouvement, tant de mois avant les
élections.
Ceci serait concevable uniquement si on a des élections à
date fixe.
Existence des associations de circonscription. Une raison
supplémentaire de rejeter l'article 23d, c'est le caractère
discriminatoire, ou au moins discrétionnaire ou arbitraire,
attaché à la reconnaissance de l'existence d'associations de
circonscription. La loi ne donne pas de critère objectif au directeur
général pour qu'il reconnaisse l'existence ou la disparition
la disparition se retrouve à l'article 21 à cause de
l'expression "qui ne remplissent plus" d'associations de
circonscription. S'il ne s'agit que de donner les renseignements
énumérés à l'article 28, cela aurait dû
être spécifié. Si le législateur désire qu'un
nombre minimum d'adhérents soit atteint ou qu'un nombre minimum
d'activités soient effectuées, pour que l'existence d'une
association soit démontrée de façon satisfaisante devant
le directeur général du financement, ces normes ou ces nombres
devraient se retrouver dans la loi pour éviter l'arbitraire. Il est
à noter que le directeur général qui doit, d'après
l'article 23d, statuer sur l'existence ou la non-existence d'une association de
circonscription, n'a aucun pouvoir d'enquête sur le fonctionnement d'un
parti ou d'une association. Ses pouvoirs se limitent au domaine financier.
Ajoutons de plus que la juxtaposition de 23c et 23d est nettement
discriminatoire par rapport aux partis qui n'avaient pas dix candidats
officiels aux dernières élections et qui sont soumis à de
plus grandes exigences.
Chef de parti. L'existence d'un chef de parti est exigée par
l'article 23d et le chef de parti doit remplir des fonctions essentielles
d'après plusieurs autres articles du projet de loi. Il est ironique de
constater que cette exigence d'un chef se retrouve dans un projet de loi
présenté par un gouvernement du Parti québécois,
lorsqu'on se souvient qu'au congrès de fondation du Parti
québécois on a mis une certaine insistance à souligner
qu'il aurait à sa tête un président et non un chef.
Indépendamment de la terminologie, on doit souligner que la
notion de chef de parti n'est nécessaire que pour les partis en
système parlemen-
taire britannique, et même pas de façon légale, mais
de façon de fait, parce que ces partis, de cette façon, indiquent
à l'électorat qui serait premier ministre en cas de victoire.
Elle n'est nécessaire ni en régime parlementaire avec
représentation proportionnelle, ni en régime présidentiel.
Sans aller très loin, le RCM évolue dans ce qui est, à
l'échelle de Montréal, un régime présidentiel. Il
n'a pas de chef, son président (ou anciennement sa présidente)
n'ayant pas les pouvoirs et les fonctions d'un chef, et si on peut juger qu'il
lui aurait été utile d'avoir un chef, ce n'est pas le rôle
du législateur d'en exiger un, vu le caractère
présidentiel du régime politique municipal à
Montréal.
Le Parti québécois prônant dans son programme un
régime présidentiel, on aurait supposé que son projet de
loi sur le financement des partis politiques serait assez flexible pour
être applicable tant en régime parlementaire britannique,
où l'existence d'un chef reconnu est naturelle, qu'en régime
présidentiel, où elle ne l'est pas. Sans vouloir insister sur le
sujet, et comme l'existence d'un chef ne me semble pas indispensable dans le
cadre d'une loi sur le financement, en régime présidentiel il
faudrait aussi une loi sur le financement, je soutiens que la loi pourrait
prévoir que le rôle qui y est prévu pour le chef aussi, le
cas échéant, être exercé par le président
d'un bureau exécutif. Je fais cette remarque en pensant surtout,
à l'heure actuelle, aux partis politiques de faible importance, dont je
soutiens le droit à l'existence et le droit à recevoir des
contributions dans le cadre de la loi et qui peuvent ne pas ressentir le besoin
ou l'opportunité d'avoir un chef dans le sens traditionnel.
Dépenses des partis politiques. Deux articles décrivent
les dépenses des partis politiques suivant la provenance des sommes
dépensées. L'article 49 et l'article 69. L'article 49, qui est
repris de l'article 390c de la Loi électorale, est très clair et
décrit bien les dépenses d'un parti politique, que ce soit
à même des fonds versés par l'État ou des
contributions provenant des électeurs sympathisants de ce parti.
J'aimerais le relire, il est court: "Cette allocation doit être
utilisée par les partis politiques pour payer les frais de leur
administration courante, pour diffuser leur programme politique et pour
coordonner l'action politique de leurs membres".
Par contre, l'article 69 que je ne veux pas lire, parce qu'on ne
peut pas le lire en entier sans garder son sérieux reprend, avec
une modification importante, le texte de l'article 372.1 de la Loi
électorale. Cet article 69 comporte certaines ambiguïtés qui
peuvent être dangereuses.
Première ambiguïté. "Les frais de leur administration
courante", l'expression qui apparaît à l'article 49, est-elle
équivalente à l'expression "indirectement" qui apparaît
dans l'article 69a? Si oui, l'expression de l'article 49 est nettement plus
claire. Sinon, il serait utile que la loi spécifie ce qui n'est pas
défini comme dépense et ce qui ne peut être payé
à même les contributions des sympathisants.
L'article 69c spécifie comme dépenses au sens de la loi,
les congrès pour le choix d'un chef de parti et semble exclure, par le
fait même qu'on a voulu définir, préciser cette
dépense, les congrès ordinaires que la plupart des partis
tiennent de façon régulière. S'il y a des dépenses
qui ne peuvent être couvertes que par des fonds provenant de
l'État et d'autres réservées aux fonds provenant de
contributions directes des électeurs, cela devrait être
spécifié et défini plus clairement. Si cette distinction
n'est pas voulue par le législateur, les dépenses devraient
être définies exactement de la même façon, à
l'article 49 et à l'article 69.
La différence importante qui existe entre l'article 69 du projet
de loi et l'article 372.1 de la Loi électorale, c'est que, tout en
définissant les dépenses exactement de la même
façon, c'est-à-dire que la jurisprudence qui est attachée
à l'heure actuelle à la définition de "dépenses"
qui se trouve dans la loi électorale, se trouverait étendue aux
périodes en dehors de la loi électorale.
Tout en définissant les dépenses de la même
façon, l'article 372.1 s'applique aux frais encourus en période
électorale et l'article 69, aux frais encourus en dehors d'une
période électorale.
Une autre différence est que l'article 372.1 s'applique à
toute dépense, quel que soit celui qui l'effectue, tandis que les
articles 68 et 69 spécifient que les frais encourus par un parti
politique ou une association de circonscription (dans le contexte de l'article
69, les mots "un candidat" sont incongrus, un candidat n'existant au sens de la
Loi électorale qu'en période électorale) ne peuvent
être faits que par un parti ou une association reconnue.
Est-il permis, d'après le projet de loi, à des groupes
autres que des partis politiques, d'encourir des frais pour favoriser ou
défavoriser des politiques ou des mesures proposées par un parti
politique? Si cela reste permis, il me semble plus clair que l'article 69
reprenne les termes de l'article 49. Si cela n'est pas permis, cela me semble
injustifiable en dehors d'une période électorale. Que ces
dépenses soient réglementées de façon
équitable me semble acceptable, mais pas que cela soit interdit.
Il y a eu des nouvelles qui disaient qu'un amendement en ce sens allait
être présenté c'est sorti dans la Presse ce
n'est pas confidentiel ...
M. Burns: Oui.
M. Somcynsky: ...il y a à peu près une semaine, et
avec cette information, je dirais qu'il me semble que la restriction actuelle,
concernant les périodes électorales, devrait être
conservée, par exemple. Il ne me semblerait pas sage que des annonces
concernant les débats politiques soient publiées par le Barreau
ou par d'autres organismes, en période électorale.
Prenons, par exemple...
M. Burns: M. Somcynsky, vous êtes en train de plaider le
mémoire de la Chambre de
commerce du Québec. Donnez-leur la chance de se satisfaire
d'obtenir un amendement au projet de loi.
M. Somcynsky: Faut-il sauter par-dessus le prochain
paragraphe?
Je n'ai pas d'objection à avoir une convergence de vues...
Prenons par exemple des pages d'annonces du Barreau sur
l'assurance-automobile, des brochures du MNQ sur une politique de la langue,
des brochures d'un CRD sur une politique de l'amiante, toutes choses qui se
retrouvent dans un ou plusieurs programmes électoraux. C'est, je crois,
le sens de la Loi électorale d'interdire, par exemple, la publication
d'annonces ou la distribution de brochures autrement que par les partis ou
candidats, lorsqu'elles peuvent favoriser ou défavoriser
l'élection d'un candidat ou d'un parti.
Cette interdiction, acceptable en période électorale, ne
l'est plus en dehors de ces périodes. Que l'article 69 prenne donc les
termes de l'article 372-1 de la Loi électorale me semble une source
d'ambiguïté.
Rapport des dépenses des partis. Selon l'article 52, le rapport
des dépenses effectuées à même les fonds publics par
des partis reconnus sera confidentiel et inaccessible aux contribuables de qui
proviennent ces fonds. Selon les articles 85 et 79, la nature et le montant des
dépenses effectuées à même les contributions
versées par des particuliers seront consignés dans un rapport qui
se trouvera à la disposition de toute personne intéressée.
Il y a là une différence tellement radicale qu'elle
étonne. Pour justifier cette différence, il faudrait, tel que je
l'ai mentionné précédemment, que la loi définisse
clairement, s'il y a lieu, les dépenses qui devraient être
payées exclusivement à même les fonds provenant de
l'État et celles qui devraient être payées exclusivement
à même les contributions des sympathisants. Sinon, un seul rapport
public, complet et tenant compte des fonds versés par l'État et
de ceux versés par les citoyens, me semblerait
préférable.
Financement public des partis politiques. J'aurais aimé, quant
à moi, qu'un gouvernement du Parti québécois
élargisse les critères qui permettent l'accès au
financement public des partis politiques. Je ne demande pas le financement des
groupuscules. Cependant, étant donné que les impôts sont
payés par tout le monde, les électeurs de petits partis ont le
droit de voir aussi leur parti financé, en proportion du nombre de votes
obtenus, pour autant que ce parti ait un minimum de
représentativité. Je crois que les critères de
représentativité retenus par l'article 46 sont trop
élevés pour être équitables. À partir des
résultats de 1973 et 1976, je crois que l'Union Nationale et le Parti
créditiste ont tout le temps eu assez de représentativité
pour avoir droit à un financement proportionnel à leur
résultat électoral, ceci pour être équitable envers
leurs électeurs. Après 1966, je crois que le RIN et possiblement
le RN auraient dû avoir droit, si un financement public existait,
à des fonds fournis par l'État.
Quant à moi, je proposerais 2%, c'est-à-dire un peu plus
de 60 000 voix, comme seuil à partir duquel un parti est assez
représentatif pour que, par équité pour ses
électeurs-contribuables, il reçoive une allocation de
l'État en vertu de la section IV du projet de loi.
En fait, on a souvent pris des définitions de "parti reconnu"
inscrites dans un certain contexte, pour les appliquer dans un autre contexte.
La définition de "parti reconnu" est celle, je crois, qui sert dans
l'article 46 pour définir les partis qui ont droit à un
financement public. Cette définition est basée sur le
résultat d'une élection particulière, celle de 1970, et
ces résultats avaient été déformés par une
carte électorale inéquitable. On base une législation et
des principes sur un fait historique particulier dû à quelque
chose qui a été corrigé.
D'autre part, le fait de financer un groupe de députés
à l'Assemblée nationale peut obéir a certains
critères et ces critères ne sont pas nécessairement les
mêmes que ceux qui doivent décider quel parti, dans la population,
doit être financé.
Cette extension de critères, d'un contexte à un autre
contexte, me semble être faite de façon trop facile.
Indexation du financement. Dans notre époque où la monnaie
perd de sa valeur d'une façon continue, donner des allocations
basées sur un montant de $0.25 par électeur signifie donner des
allocations décroissantes d'année en année. Il me semble
qu'il faudrait soit indexer ce montant de $0.25, soit prévoir dans la
loi l'addition de, par exemple, $0.01 chaque année.
Suppléant du directeur général. L'article 10
devrait prévoir une période maximale pendant laquelle les
fonctions du directeur général peuvent être exercées
par un suppléant.
Information au public. L'article 14 devrait rendre obligatoire la
décentralisation vers toutes les circonscriptions de l'information au
public et des centres d'information. À cet effet, le personnel
prévu à l'article 11 pourrait peut-être relever à la
fois du directeur général et d'autres services de l'État,
comme Communication Québec.
Je pense que ce serait mauvais que les citoyens de tout le Québec
n'aient que Montréal et Québec pour consulter les rapports
concernant leur circonscription, etc.
Article 26. L'article 26 semble vouloir interdire l'emploi du mot
"indépendant" dans la dénomination d'un parti. Il me semble que
cette interdiction ne devrait exister que si ce mot peut induire des
électeurs en erreur. L'article 26 pourrait peut-être être
remplacé par "Le directeur général doit refuser
l'autorisation prévue à l'article 23 aux partis dont la
dénomination est susceptible d'amener les électeurs à se
méprendre sur le parti auquel ils destinent leur contribution, par
exemple, par l'addition de l'expression "indépendant au nom d'un autre
parti". Il s'agit là, non pas d'interdire un mot dans tout contexte et
en toute circonstance, mais seulement dans l'esprit prévu par la
loi.
J'aurais deux petites remarques additionnelles à ajouter au
mémoire. D'abord, le texte actuel du
projet de loi interdit à un candidat élu avant une
élection de faire des dépenses avant le déclenchement des
élections. Il me semble que, dans ce cas, les pénalités
qui vont, je crois, jusqu'à la destitution, l'impossibilité de
siéger, devraient être étendues à cette infraction
supplémentaire à la loi qui sera adoptée. D'autre part,
dans le cas du directeur général, on dit, à l'article 20:
"Le directeur général et les membres de son personnel ne peuvent
être poursuivis en justice en raison d'actes officiels accomplis de bonne
foi dans l'exercice de leurs fonctions." À l'article 21, on dit: "Aucun
des recours extraordinaires prévus aux articles 834 à 850 du Code
de procédure civile ne peuvent être exercés, ni aucune
injonction accordée contre le directeur général ou les
membres de son personnel, lorsqu'ils agissent en leur qualité
officielle". Il me semble qu'ajouter "de bonne foi" ici, serait aussi
souhaitable que dans l'article 20, et qu'on lise: "lorsqu'ils agissent de bonne
foi en leur qualité officielle".
M. Burns: II s'agit là, M. Somcynsky, d'un article ou
d'une disposition qu'on retrouve généralement en droit
administratif dès qu'un organisme agit pour opérer ou pour mettre
en application une loi. C'est un article courant. Maintenant, vous
suggérez qu'on y ajoute l'élément "de bonne foi".
M. Somcynsky: De bonne foi, oui.
M. Burns: Je suis prêt à le considérer. Il
faudra que je me réfère à nos officiers légistes
pour les questions de cohérence législative.
M. Somcynsky: Alors, dans ce mémoire, j'ai consigné
certaines craintes et certaines observations qui me sont venues à la
lecture du projet de loi no 2. Il se peut que certaines de ces craintes ne me
soient venues que parce que je suis un non-instruit en matière
légale et qu'à cause de cela, j'ai vu des dangers là
où il n'y en avait pas, mais j'ai vu que mes craintes étaient
partagées par plusieurs. Je souhaite tout de même que certaines
des observations, ici consignées, permettent d'améliorer le
projet de loi. Je veux dire que, finalement, j'adhère fermement aux
principes qui ont guidé la rédaction de ce projet de loi et que
je crois au caractère fondamental du droit des citoyens de se
réunir en parti politique et de le faire fonctionner pour diffuser une
politique ou un programme.
Le Président (M. Laplante): Je vous remercie beaucoup. M.
le ministre.
M. Burns: M. le Président, je tiens sincèrement
à remercier M. Somcynsky pour ce très bon mémoire qu'il
nous a fourni. Je peux vous dire que, depuis que nous avons reçu votre
mémoire, nous avons réexaminé de fond en comble le projet
de loi. À la lumière de certaines remarques qui m'ont
été faites, qui m'avaient été faites par le
député de Laval également par le député de
Lotbinière, chef de l'Union Nationale, je vous avoue que plusieurs de
vos remarques ont été très sérieuse- ment retenues.
Je pourrais tout simplement faire quelques commentaires sur votre rapport et
peut-être vous poser quelques questions a l'occasion. La première
qui me vient est à la page 1, concernant la définition des partis
politiques. Comme vous le savez, M. Somcynsky, les partis politiques ne sont
pas définis dans quelque loi que ce soit.
J'irais même plus loin et je vous dirais que les partis politiques
n'ont même pas d'existence légale. D'ailleurs, il y a cette
fameuse cause... Je ne me souviens plus qui poursuivait le Parti
progressiste-conservateur du Canada, qui était tout simplement une
réclamation sur une pure et simple créance. Sauf erreur, je ne
sais pas qui poursuivait le Parti progressiste-conservateur, mais la
décision du tribunal avait été, justement, que les partis
politiques n'ont pas d'existence légale. Ce sont des questions de fait.
Ils sont là. De sorte que, moi, je me sentirais un peu mal à
l'aise de tenter de le faire, dans une loi de financement des partis
politiques, alors que, depuis des temps immémoriaux, on n'a pas
osé définir ce qu'était un parti politique. Bien sûr
que ça va éventuellement amener cette ambiguïté que
vous soulignez entre le mouvement et le parti politique. Quand un mouvement
devient il parti politique? Quand un parti retourne-t-il à ses origines
de mouvement ou devient-il un mouvement? Je ne le sais pas. Oui?
M. Somcynsky: Je pourrais faire encore une suggestion de
non-instruit. D'abord, on n'a pas défini les partis politiques, mais,
avant, on ne leur imposait pas des obligations. Maintenant, on impose des
obligations et il me semble nécessaire de définir à qui
ces obligations sont imposées. Maintenant, comme suggestion de
non-instruit, ce serait de définir comme parti politique celui qui se
définit lui-même comme tel, c'est-à-dire est parti
politique celui qui s'inscrit au directeur général des
élections comme tel.
M. Burns: C'est un peu ce qu'on a tenté de faire,
remarquez, en disant...
M. Somcynsky: Mais, en...
M. Burns: II y a un certain nombre de critères pour
décider qu'un organisme est un parti politique et ces critères
sont les plus évidents. Par exemple, un mouvement qui veut
présenter des candidats à une élection est habituellement
un parti politique, parce qu'il veut éventuellement prendre le pouvoir,
atteindre le gouvernement ou, tout au moins, se retrouver dans une situation
d'Opposition au sein de l'Assemblée nationale. Mais, si on additionne
ces critères de façon empirique, on risque de se retrouver
à en oublier quelques-uns, et c'est là qu'est le danger de
définir un parti politique. C'est une question de faits et, comme vous
le dites, si, éventuellement, quelque chose qui ressemble à un
parti politique désire s'inscrire auprès du directeur
général, qu'il a un chef, est-ce que ce serait un
président ou un chef? Le débat est ouvert. Mais il y a un certain
nombre de critères comme ceux-là qui vont né-
cessairement devoir subir la jurisprudence, si on peut dire, du
directeur général du financement. C'est dans les faits qu'on
pourra reconnaître les partis politiques.
Maintenant, je vous mentionne tout simplement ceci au niveau des partis
politiques. Je considère qu'il est assez difficile de les
définir, du moins à ce moment-ci, et surtout dans une loi de
financement. Si on était en train de refaire la Loi électorale,
peut-être que ce serait le moment de tenter de rechercher une
définition. Mais je ne voudrais pas que, par une loi qui n'est pas une
loi qui gouverne les élections, on se mette à définir un
parti politique. En tout cas, à ce moment-ci, ça m'est bien
difficile d'y arriver.
Quant à votre crainte exprimée au haut de la page 2 et
dans les paragraphes qui suivent, je tiens à vous dire que ce n'est pas
du tout l'intention du projet de loi de fermer la porte à de nouveaux
partis politiques, à des mouvements qui deviendraient des partis
politiques; au contraire. C'est, d'autre part, dans notre esprit, important
d'avoir là un certain nombre de critères qui vont nous dire s'il
s'agit d'un groupuscule qui est là seulement pour embêter le monde
ou si c'est vraiment un parti politique qui a des intentions de fonctionner sur
la scène politique québécoise, et sur ça, je pense
que le projet de loi doit être précis.
Il y a plusieurs autres remarques, dans votre mémoire, qui sont
reliées à ça, mais je tiens à vous dire clairement
et à tous ceux qui veulent l'entendre que ce n'est pas l'intention du
projet de loi d'empêcher des gens de faire des interventions, que ce soit
le Barreau du Québec ou que ce soit la chambre de commerce ou que ce
soit quelque groupe que ce soit dont la première fonction n'est pas
d'être un parti politique, mais qui peut prendre, à l'occasion,
des attitudes politiques. On ne veut pas leur fermer la porte, et
ça...
M. Somcynsky: Je peux vous poser une question à ce
moment-ci?
M. Burns: Certainement, oui.
M. Somcynsky: II existe, à l'heure actuelle, une
quantité de petits groupes qui ont été décrits par
une série d'articles de la Presse. Cela, c'est un exemple. Il y en a
d'autres qui peuvent avoir des tendances tout à fait opposées, ou
il pourrait y en avoir d'autres.
Ces petits groupes peuvent se définir eux-mêmes comme des
partis politiques et ne pas être visés ou ne pas être
facilement intégrables aux définitions qui concernent les partis
majeurs. Je ne crois pas que ce soit votre intention le vice-premier
ministre l'a affirmé aussi de faire une chasse aux
sorcières.
Maintenant, il me semble que ce projet de loi donne à n'importe
quel gouvernement éventuel la possibilité de dire: Ils
s'appellent partis politique X, Y, Z et ces mouvements, ces petits groupes ont
besoin d'argent pour leurs activités, qu'elles soient petites ou
grandes. Il n'y a aucune diffé- rence entre $50 pour faire un bulletin
de liaison entre les membres et une campagne de publicité de $200 000.
Alors, si on laisse dans la loi quelque chose qui peut être
utilisé à l'avenir pour des chasses aux sorcières, il me
semble qu'on laisserait un mauvais héritage.
M. Burns: Je suis d'accord.
M. Somcynsky: Alors, j'aimerais que la loi soit assez claire pour
qu'il n'y ait pas de danger de ce côté.
M. Burns: Ce n'est pas du tout, d'autre part je vous
réponds également très clairement là-dessus
l'intention du projet de loi de faire une chasse aux sorcières. Par
exemple, on peut les nommer. Ils sont connus. Vous avez des groupes, comme "En
Lutte", par exemple, et s'ils veulent constituer un parti politique, ils
devront se conformer aux dispositions de la loi. C'est tout. Et, à ce
moment, ils bénéficieront également, parce qu'il y a aussi
des bénéfices il n'y a pas que des contraintes dans ce
projet de loi qu'un parti politique peut retirer du projet de loi, entre
autres, si, éventuellement, un parti politique fait élire des
députés, il y a même, peut-être pas dans le projet de
loi actuel peut-être que je vais un peu trop loin du
financement étatique qui peut amener un parti politique qui fait
élire des gens à bénéficier de fonds publics.
C'est pour cette raison qu'il faut quand même qu'on impose des
normes. À votre question: L'existence et le développement du RIN
auraient-ils été possibles si une loi comme le projet de loi 2
avait été en vigueur, je vous dis que oui à mon
avis, oui à partir du moment où je vous fais cette
affirmation que ce n'est pas l'intention du projet de loi d'empêcher des
mouvements de dépenses des fonds à des fins politiques,
même si leur but n'est pas de devenir un parti politique.
M. Lavoie: Le ministre me permettrait-il une question?
M. Burns: Certainement.
M. Lavoie: Comment conciliez-vous votre avancé, votre
déclaration voulant que ce n'est pas votre intention de restreindre la
création ou les activités d'un petit c'est toujours
relatif parti politique avec la rédaction de l'article 23...
M. Burns: C'est peut-être lorsque nous...
M. Lavoie: ... lorsqu'on dit dans cet article qu'il faut qu'on
ait des associations de comté dans au moins 50% des comtés du
Québec? Qu'est-ce qu'il arrive également d'un groupe qui...?
M. Burns: Lorsque le projet de loi sera réimprimé,
vous aurez une très bonne réponse. Personnellement, je
considère que l'exigence de 50 circonscriptions est beaucoup trop
élevée. Nous aurons tendance à revenir beaucoup plus
près des exigences de la Loi électorale, à cet
égard.
M. Lavoie: Qu'est-ce qu'il arrive également... c'est
arrivé au Canada dans les années vingt où un parti
politique n'était pas intéressé à couvrir toutes
les circonscriptions, mais avait plutôt des buts régionaux comme
des gens qui voudraient présenter surtout dix ou quinze candidats comme
à Montréal...
M. Blank: ...
M. Lavoie: ... comme cela pourrait arriver à Québec
ou dans la Gaspésie, où ils veulent avoir une
représentation pour apporter une solution à des problèmes
vraiment régionaux, en vertu du projet de loi, ils ne le pourraient pas
également.
M. Burns: Actuellement, oui. Vous avez parfaitement raison. Ils
ne le pourraient pas. Ce sera probablement un des correctifs qu'on apportera,
éventuellement, au projet de loi.
M. Blank: ... dans vos remarques, que vous n'empêcherez pas
des mouvements pour faire passer... Changerez-vous le paragraphe 69 aussi?
M. Burns: C'est une question de rédaction, en fait. C'est
le problème. Quand je vous dis que les objectifs fondamentaux du projet
de loi ne seront pas, je crois, changés dans la nouvelle
rédaction, mais avec une nouvelle rédaction, je pense qu'on peut
éviter ces écueils qui, à première vue, ne nous
apparaissaient pas comme évidents.
Après un deuxième examen, et surtout à la
lumière de remarques comme celles de M. Somcynsky, celles de la Chambre
de commerce, celles de la Corporation des comptables agréés, on
s'est rendu compte qu'il y avait peut-être des ajustements à
apporter au projet de loi. On est dans de la législation tout à
fait neuve et c'est normal qu'une première rédaction doive
être revue. Un autre remarque que vous avez faite et à
laquelle...
M. Gratton: M. le Président, avant qu'on aborde un autre
sujet...
M. Burns: Je ne sais pas, mais j'essaie de répondre
à M. Somcynsky. Je pense qu'il a pris la peine de faire ce
mémoire. Est-ce que vous pourriez garder pour le moment vos questions
à mon endroit? J'aimerais bien qu'on démontre à M.
Somcynsky qu'on a tenu bien compte de son projet. Vous avez une remarque qui
apparaît au haut de la page 4 où vous vous étonnez qu'un
parti comme le Parti québécois... À un moment
donné, vous dites: "II est ironique de constater que cette exigence d'un
chef se retrouve dans un projet de loi présenté par le
gouvernement du Parti québécois lorsqu'on se souvient qu'au
congrès de fondation du Parti québécois on a mis une
certaine insistance à souligner qu'il aurait à sa tête un
président et non un chef." Cette remarque, je tiens beaucoup à la
faire, parce qu'elle vaut pour l'ensemble du projet de loi. Tout en sachant que
le gouvernement actuel est un gouvernement du Parti québécois,
nous avons voulu, tout au long du projet de loi, de son élaboration,
éviter cet écueil qui aurait pu se présenter à nous
de copier les statuts du Parti québécois et de les transposer
purement et simplement dans une loi. Je pense qu'on aurait été
l'objet d'une critique assez justifiée de la part de la population. Il
faut tenir compte du fait que ce ne sont pas tous les partis politiques qui ont
un président. Il y en a qui l'appellent le chef, il y en a qui
l'appellent le directeur général, il y en a qui l'appellent le
chef intérimaire.
M. Lavoie: II y en a qui l'appellent le Duce, également,
avec des lois semblables à cela.
M. Burns: Vous voyez. Ce n'est pas moi qui part la chasse aux
sorcières. Je dis tout simplement que je n'ai pas voulu copier, au point
de vue de sa structure, le Parti québécois, parce que le Parti
québécois est une institution, alors qu'il y en a d'autres. Je ne
voyais pas...
M. Somcynsky: Ce n'était pas l'aspect fondamental de ce
paragraphe.
M. Burns: D'accord. Je vous le mentionne en passant. Votre
remarque me permet de dire que c'est un peu cette attitude qui nous a
habités tout au long de la préparation du projet de loi, comme,
par exemple, on aurait pu imposer une limite à $2500, comme dans les
statuts du Parti québécois. On s'est vraiment forcé pour
changer ce chiffre, parce qu'il y a peut-être des gens qui ne veulent pas
se faire à cela. Vos remarques concernant le candidat, je les ai
retenues et il n'y a pas de doute qu'il y a une certaine incongruité,
comme vous le mentionnez, à cette présence du candidat dans ce
portrait de financement. Je pense qu'éventuellement on aura une solution
à cela lorsque la rédaction finale du projet de loi sera
soumise.
Quand vous nous dites que, selon l'article 52, le rapport des
dépenses effectuées à même les fonds publics par des
partis reconnus sera confidentiel et inaccessible aux contribuables, qui
proviennent des fonds et que vous critiquez, cette mesure, je vous dis que vous
la critiquez à bon droit. Je pense que nous avons tout simplement, dans
une première rédaction, copié les dispositions de la Loi
électorale au sujet des dépenses électorales et il
m'apparaîtrait, si c'est le voeu de la commission et
éventuellement de l'Assemblée nationale, que surtout les fonds
publics et l'utilisation de ces fonds publics puissent être connus du
public. Je pense que votre remarque là-dessus était bien
fondée. Également, concernant toujours le financement des partis
politiques, vous nous dites qu'étant donné que les impôts
sont payés par tout le monde, les électeurs des petits partis ont
le droit de voir aussi leur parti financé en proportion du nombre de
voix obtenues pour autant que ce parti ait un minimum de
représentativité. Je vous réponds là-dessus que je
partage également votre opinion et on devra, sans aucun doute, modifier
la partie de la loi qui concerne le financement public. Quel sera ce
critère de représentativité? Cela restera à
déterminer. Je pense tout au moins que les
partis qui sont représentés à l'Assemblée
nationale devraient pouvoir être financés à même ce
fonds.
Je vous dis tout au moins que c'est un minimum. Maintenant, je pense que
vous voulez aller plus loin. Vous parlez même des partis qui ont
présenté des candidats aux dernières élections ou
quelque chose du genre, mais... on verra.
M. Somcynsky: Et qui ont obtenu un certain appui populaire, parce
qu'on peut avoir un appui répandu à travers le Québec et
ne pas avoir suffisamment d'appui concentré pour avoir un
député. Je pense que cela peut être. J'ai cité le
cas du RIN, qui avait en 1966 un appui raisonnable. Il me semble que
c'était représentatif d'un secteur petit, relativement
considérable de la population, mais réparti partout.
M. Burns: Le critère que vous nous suggérez, c'est
un critère de pourcentage de voix recueilli à l'élection
précédente. C'est un critère. Maintenant, il faut aussi
que ce parti ait, au sens de la loi, existé. Le parti qui existe
peut-être le plus, c'est le parti qui a réussi à faire
élire au moins un député. Cela au moins nous
démontre que...
M. Somcynsky: Ou bien on peut changer les critères de
reconnaissance de l'existence d'un parti.
M. Burns: C'est cela. En tout cas, cela reste à
déterminer. Je ne suis pas en mesure de vous dire dès maintenant
quelle sera ce...
M. Blank: Qu'arrive-t-il, si par hasard, dans cette
assemblée, à un moment donné, il y a une dispute chez vous
et qu'une vingtaine de députés...
Une voix: Je n'ai pas compris ce que tu disais.
M. Blank: Ils essaient de former un autre parti politique et ils
se rendent de l'autre côté de la Chambre. Ils ne sont pas assez
nombreux pour former l'Opposition, ils ne répondent pas à
l'article 23. Qu'arrive-t-il dans un cas comme cela?
M. Burns: Ils vont former un parti politique. Ils vont demander
d'être reconnus par le directeur général du financement et
ils vont répondre à un certain nombre de critères et
donner les renseignements requis et être un parti autorisé.
M. Blank: Mais s'ils ne répondent pas à la
définition de l'article 23?
M. Burns: Ils vont tomber au moins dans la définition de
l'article 23d. L'article 23d est justement pour les nouveaux partis politiques.
Les articles a), b) et c) sont pour les partis qui existent déjà,
et c'est évident que le parti gouvernemental et le parti de
l'Opposition, il fallait pratiquement les reconnaître
automatiquement.
M. Blank: Ce n'est pas absolument un... Moi, je
présenterais 50 candidats et cela finit là?
M. Burns: C'est cela. Et avoir un chef et répondre aux
exigences des partis politiques.
M. Blank: Cela prend une seule personne qui peut faire cela.
M. Burns: Oui. Et c'est justement en réponse à ce
que je disais à M. Somcynsky. Le but de la loi n'est pas
d'empêcher la formation de nouvelles formations politiques.
M. Blank: Mais on peut aller d'un extrême à
l'autre.
M. Burns: C'est parce que je ne veux surtout pas être le
ministre qui serait accusé d'empêcher de nouvelles formations de
voir le jour. Ce n'est sûrement pas mon rôle. À ce
moment-là, il faudrait sûrement changer mon titre cela
ferait peut-être plaisir au député de Laval mais il
ne faudrait sûrement pas m'appeler le ministre d'État à la
réforme électorale.
M. Lavoie (Laval): Je suis d'accord avec cela. C'est avec la
réforme parlementaire que je ne suis pas d'accord.
M. Blank: Cela prend plus que la venue de 65 candidats et de
faire partie de 50 associations. Vous prenez un type...
Le Président (M. Laplante): Vous avez terminé avec
M. Somcynsky?
M. Burns: Une dernière remarque, M. le Président,
deux dernières remarques concernant l'indexation du financement. Vous
proposez une formule d'indexation habituelle, c'est-à-dire celle
probablement selon l'augmentation du coût de la vie, qui est possible,
qui est une chose à retenir. Ce que nous proposons, c'est une indexation
démographique, parce que c'en est une indexation, le fait de ne pas
geler, si vous me passez l'expression, le montant à $400 000, comme la
loi actuelle le fixe. Il aurait évidemment fallu indexer ce chiffre de
$400 000. Nous l'indexons, c'est pour cela que j'appelle cela une indexation
démographique, selon le nombre de citoyens au Québec, qui, toutes
choses étant normales, devrait être porté à
augmenter. Nous avions un peu plus de 3 millions d'électeurs en 1973,
cette année nous sommes aux environs de 4 millions d'électeurs et
ce sera augmenté d'ici peu à 4,5 millions. Le chiffre de $0.25
augmente le total mis à la disposition des partis politiques selon
l'augmentation de la population votante.
M. Somcynsky: Je ne crois pas que ce soit une indexation
réelle en ce sens que, le nombre d'électeurs augmentant, les
dépenses pour rejoindre les électeurs doivent augmenter
indépendamment du coût de la vie. Mais, le coût de la vie
augmentant, $0.25 par électeur, cela devient quelque chose qui diminue
en service, etc.
M. Burns: Mais, dans les faits, M. Somcynsky, tout le monde le
sait, je pense que tous les partis
politiques représentés à cette table vont le
reconnaître: passé un certain montant au niveau d'une
élection ou au niveau de l'administration d'un parti, c'est de l'argent
en sus de ce qu'un parti politique peut utiliser.
Mais ce n'est pas un financement total des partis politiques par
l'État, il va falloir reconnaître que c'est un financement
partiel; on ne prétend pas qu'avec cette disposition de $0.25 par
électeur, les partis politiques n'auront plus besoin de financement
populaire, au contraire. Nous encourageons le financement populaire des partis
politiques. D'ailleurs, dans la nouvelle version, peut-être que ce sujet
sera traité de façon plus précise.
Mais c'est loin d'être la seule et unique source
d'approvisionnement des partis politiques, c'est cela que je veux dire.
Finalement, votre suggestion relativement à l'article 14, cela
concerne la difficulté de mise en application des bureaux du directeur
du financement politique, un peu partout en province, en dehors de
Québec et Montréal.
L'expérience américaine que nous avons vue entre
autres à Washington, qui a ce problème, le bureau principal
étant à Washington, il y a, à certains endroits, certains
sous-bureaux, mais pas dans les cinquante États américains
c'est l'utilisation de la ligne Zenith qui est beaucoup moins coûteuse,
beaucoup moins dispendieuse que... La ligne Zenith, vous connaissez?
M. Somcynsky: Mais il y a un président d'élections
dans chaque circonscription?
M. Burns: Oui.
M. Somcynsky: Si ce président d'élections recevait,
par exemple, les rapports...
M. Burns: Mais vous vous rendez compte que la présidence
d'élections, dans chaque circonscription, n'est pas un poste permanent.
C'est un poste permanent, mais le président n'est pas en action, il
n'est pas en fonction de façon permanente. Il n'est pas à temps
plein, comme le dit le député de Gatineau.
M. Somcynsky: Je sais qu'il y a un problème technique.
M. Burns: II y a une difficulté administrative, qui
devrait être résolue par le directeur général du
financement, mais nous ne pouvons pas, comme telle, la résoudre dans la
loi. Je vous signale cette difficulté, tout en vous disant qu'il est
possible que, à l'exemple des Américains, on utilise, dans ce
cas-là, je présume, si c'est le désir du directeur
général, la ligne Zenith, pour communiquer directement,
facilement, avec le bureau de Montréal ou le bureau de Québec; je
ne sais pas comment, effectivement, cela sera réglé du point de
vue de la plomberie, mais ce n'est pas facile de voir à ce que dans
chaque circonscription, il y ait une telle disposition.
Ce sont mes remarques, M. Somcynsky, pour le moment. Je vous remercie
sincèrement. On me passe un mémo. Je pense que ce sont les gens
de l'Opposition officielle qui ont un caucus...
M. Lavoie: On va déjeuner avec nos visiteurs
étrangers...
M. Burns: Ah oui! c'est vrai. Vous avez parfaitement raison. On
pense qu'il serait nécessaire, à ce moment-là, de
suspendre nos travaux à midi, pour permettre à nos
collègues de l'Opposition officielle de recevoir dignement nos amis de
Washington, Californie, Toronto et Ottawa, qui sont venus nous visiter
aujourd'hui, et nous reprendrons nos travaux, après la période
des questions. Nous suspendons la séance sine die.
M. Gratton: M. le Président, étant donné que
j'avais déjà consenti à remettre à la fin de
l'audition... Est-ce qu'on me permettrait, en revenant cet après-midi,
de faire une brève intervention sur un sujet qui a été
touché par notre invité?
M. Burns: Sûrement. M. Gratton: Merci!
M. Biron: M. le Président, j'aurais aussi quelques
questions à poser à M. Somcynsky. Je ne sais pas s'il va
être ici cet après-midi.
M. Burns: II peut rester jusqu'après la période des
questions, vers 16 heures.
Le Président (M. Laplante): Vers 16 heures. M. Burns:
D'accord?
M. Somcynsky: Revenir ici à 16 heures, d'accord.
Le Président (M. Laplante): La commission suspend ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 heures)
Reprise de la séance à 17 h 17
Le Président (M. Laplante): À l'ordre,
messieurs!
La commission parlementaire de la présidence du conseil reprend
l'étude du projet de loi no 2.
Les membres de cette commission sont: M. Bertrand (Vanier), M. Biron
(Lotbinière), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Burns (Maisonneuve), M.
Fontaine (Nicolet-Yamaska); M. Forget (Saint-Laurent) est remplacé par
M. Blank (Saint-Louis); M. Garneau (Jean-Talon) est remplacé par M.
Gratton (Gatineau); M. Gosselin (Sherbrooke), M. Johnson (Anjou), M. Laberge
(Jeanne-Mance); M. Levesque (Bonaventure) est remplacé par M.
La-montagne (Roberval); M. Martel (Richelieu), M. Morin (Louis-Hébert),
M. Morin (Sauvé), M. Paquette (Rosemont); M. Raynauld (Outremont) est
remplacé par M. Lavoie (Laval); M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson
(Rouyn-Noranda), M. Vaugeois (Trois-Rivières).
Lorsque nous avions ajourné nos travaux, la parole était
au député de Laval.
M. Burns: M. le Président, avant que vous donniez la
parole au député de Laval, je ne sais si nous ne pourrions pas
consentir à interrompre le témoignage de M. Somcynsky pour
entendre M. Carrière, qui est le président de la Corporation des
comptables agréés? Apparemment, son témoignage serait
très bref, m'a-t-on dit. Cela lui permettrait de partir de cette
commission, sans être obligé de revenir demain pour un court
témoignage. C'est la suggestion que je fais à la commission. Cela
me paraîtrait quelque chose d'acceptable, pour accommoder une
personne.
M. Lavoie: Je suis tout à fait d'accord.
Le Président (M. Laplante): M. Somcynsky est-il d'accord
là-dessus aussi?
M. Somcynsky: D'accord, pour autant que le reste de mon
témoignage finisse aujourd'hui également.
M. Lavoie: En ce qui me concerne, je n'ai pratiquement plus de
questions à poser à M. Somcynsky.
M. Somcynsky: Merci.
M. Biron: M. le Président...
M. Morin (Sauvé): Jusqu'à six heures?
M. Burns: Jusqu'à six heures. Nous pourrions
peut-être déborder un peu, dépasser six heures, pour
terminer.
M. Lavoie: Si cela pouvait permettre de libérer les
personnes qui ont des mémoires, entre autres la Chambre de commerce, je
suis prêt à collaborer pour aller jusqu'à 6 h 15 ou 6 h 20
pour pouvoir libérer ces personnes.
M. Burns: Également, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Également.
M. Burns: Nous pourrions entendre M. Carrière tout de
suite.
L'Ordre des comptables agréés du
Québec
Le Président (M. Laplante): J'appelle l'Ordre des
comptables agréés du Québec, M. Carrière.
Voulez-vous identifier, s'il vous plaît, les personnes qui vous
accompagnent?
M. Carrière (Jérôme): D'accord. M. le
Président, mon nom est Jérôme Carrière. Je suis
président de l'Ordre des comptables agréés du
Québec. Je suis accompagné, à ma gauche, par le
vice-président, M. Philip Aspinall, et, à ma droite, par M.
André Desrochers, le directeur administratif adjoint de l'ordre.
J'apprécie beaucoup, M. le Président, que vous nous
entendiez. Nous allons être très brefs. Nous avons
distribué un court mémoire de deux pages. Si vous me le
permettez, j'aimerais en faire la lecture et vous pourrez, si vous le voulez,
préciser certains points.
Disons au tout départ que l'Ordre des comptables
agréés du Québec est une profession d'exercice exclusif au
sens du Code des professions, l'acte exclusif étant celui de la
comptabilité publique.
L'article 77 du projet de loi no 2 prescrit le contenu des rapports
financiers que tout parti, toute association ou tout candidat doivent soumettre
au directeur général du financement des partis politiques.
L'article 70 prévoit la nomination d'un vérificateur par
le représentant officiel de tout parti autorisé.
L'article 74 qui fixe le mandat du vérificateur lui impose
l'obligation de délivrer un certificat attestant, entre autres, que le
rapport financier visé par son certificat est véridique.
Malgré tout le désir de répondre à
l'invitation du gouvernement, de prêter leur concours à la gestion
saine et honnête des finances des partis politiques, les comptables
agréés se trouveront dans l'impossibilité de se conformer
à l'article 74 si le libellé actuel est retenu par
l'Assemblée nationale.
En effet, de par leur nature même, les contributions reçues
du public ne sauraient se prêter à un contrôle complet, vu
l'impossibilité de s'assurer que toutes les contributions reçues
sont effectivement comptabilisées et déposées à la
banque. Le vérificateur doit donc limiter son examen à la
confrontation des reçus officiels et des recettes inscrites aux livres
contre les sommes déposées en banque. Par voie de
conséquence, il n'est pas en mesure non plus de contrôler
l'affectation des sommes qui n'auraient pas été inscrites aux
livres.
Il est donc impossible, pour le vérificateur, de s'assurer que
les rapports financiers des partis présentent une image fidèle et
complète des contributions reçues et de leurs affectations.
La Législature de l'Ontario et de la Chambre des communes du
Canada ayant déjà eu à faire face à des
difficultés semblables, nous avons examiné les paragraphes 4 et 5
de l'article 41 de la loi intitulée The Election Finance Reform Act 1975
de l'Ontario et les paragraphes 4 et 5 de l'article 13-3 de la Loi
électorale du Canada, en quête d'une solution applicable au projet
de loi no 2. Nous sommes d'avis que ces articles font un juste partage entre,
d'une part, le souci du législateur de soumettre les dépenses
électorales à la vérification impartiale d'un comptable
public et, d'autre part, l'impossibilité pratique dans laquelle se
trouve le vérificateur d'attester la véracité des rapports
financiers.
Cette solution consiste à limiter le mandat du
vérificateur à attester que les rapports financiers
reflètent fidèlement les renseignements contenus dans les
registres comptables sur lesquels ils sont fondés.
En conséquence, nous recommandons à la commission de
proposer à l'Assemblée nationale de modifier le libellé de
l'article 74 en s'inspirant de celui des paragraphes 4 et 5 de l'article 41 de
la loi intitulée The Election Finance Reform Act 1975 de l'Ontario et
des paragraphes 4 et 5 de l'article 13-3 de la Loi électorale du
Canada.
Par ailleurs, si l'Assemblée nationale tient à charger
quelqu'un de répondre de la véracité des rapports
financiers, nous sommes d'avis que cette responsabilité ne peut retomber
que sur le représentant officiel du parti et qu'il imcombe à
l'Assemblée nationale de lui conférer les pouvoirs
nécessaires.
Nous avons reproduit, M. le Président, en annexe, le texte des
articles de loi que je viens de mentionner et nous assurons la commission ainsi
que le ministre d'État à la réforme parlementaire de notre
collaboration empressée.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur! M. le
ministre.
M. Burns: Je vous remercie, M. Carrière. Je n'ai qu'une
seule question à vous poser. Je pense qu'il était bon que vous
nous fassiez tout d'abord cette remarque. Cela nous a éclairés du
point de vue si vous me passez l'expression du technicien de la
comptabilité, chose que je ne suis pas personnellement et que mes
collaborateurs ne sont pas. Lorsque nous avons préparé cette loi,
évidemment, nous nous sommes inspirés de ce que nous
espérions voir dans le projet de loi sans nécessairement tenir
compte de l'aspect technique qui vous concerne davantage.
Je vous pose simplement une question.
Si on amendait le projet de loi, éventuellement, pour tenir
compte de ce qui apparaissait dans le télégramme que vous m'avez
fait parvenir, et sous l'aspect, en particulier, de la confrontation des
pièces comptables et des dépôts bancaires du parti. Je vous
donne un exemple de ce qu'on pourrait faire avec ce texte si on amendait
l'article 74 pour qu'il se lise quelque chose comme: "Le vérificateur
examine les rapports que le parti auto- risé pour lequel il agit doit
produire en vertu du présent chapitre et délivre un certificat
attestant que, si tel est le cas, d'après la confrontation des
pièces comptables et des dépôts bancaires du parti
ce serait nouveau le rapport visé par son certificat est
véridique". Est-ce que cela répondrait à vos vues?
M. Carrière: Si je comprends bien, vous dites
"d'après" et vous maintiendrez le terme "véridique".
M. Burns: Oui, d'après la confrontation que vous feriez,
que le comptable ferait des pièces comptables et des dépôts
bancaires, il apparaîtrait véridique au comptable
agréé.
M. Carrière: Je pense qu'il resterait une certaine
ambiguïté, M. le ministre, là-dessus. D'ailleurs, ce n'est
pas typique aux partis politiques, incidemment. Chaque fois qu'on recueille des
fonds du public...
M. Burns: M. Carrière, je vous lis tout simplement votre
télégramme du 27 avril qui dit ceci: "II en découle que
nul comptable agréé ne saurait délivrer un certificat
attestant que le rapport visé par son certificat est véridique,
comme le veut le texte de l'article 74. C'est pourquoi les vérificateurs
des organismes recueillant les souscriptions du public ont coutume de
restreindre la portée de leurs certificats en déclarant que leur
vérification s'est limitée à la confrontation des
pièces comptables et des dépôts bancaires". Pour moi, ce
n'est pas satisfaisant. Si vous dites, comme vérificateur: J'ai
vérifié la confrontation des pièces comptables et des
dépôts bancaires, et vous arrêtez là, cela ne me
satisfait pas. Il faut arriver à une conclusion après cette
confrontation. Je vous dis: Après cette confrontation, comme vous nous
le suggérez dans votre télégramme, il m'apparaîtrait
que vous disiez: Cela m'apparaît véridique.
M. Carrière: Oui, mais il y a une réserve qui est
mentionnée. Dans le cas des oeuvres de charité, la partie
dépenses n'intervient pas, c'est-à-dire que ceux qui pourraient
recueillir des fonds et ne pas les remettre à l'organisme de
charité en question ne les dépenseront pas pour des fins de
charité. Cela serait des détournements de fonds. Tandis que, dans
ce cas, on parle de fonds qui pourraient ne pas être remis comme ils
doivent l'être, donc utilisés vraisemblablement pour des fins
électorales. En fait, il y a un certain art de rapport de
vérificateur qui existe et qui est reconnu, non seulement au Canada,
mais également à l'étranger.
On essaie de s'accrocher à cet art de rapport. Lorsqu'on
souligne, entre autres, qu'à notre avis les rapports financiers
reflètent fidèlement les renseignements contenus dans les
registres comptables sur lesquels ils sont fondés, je pense que
ça dit... Voici! On nous a présenté des pièces, on
les a évidemment confrontées aux registres et les registres ont
été confrontés aux états financiers et il y a
concordance. C'est véridique. On peut seulement dire qu'il y a
concordance, quoi. C'est le mot "véridique" qui est embêtant.
M. Burns: Vous êtes en train de vous convaincre que ce
n'est pas nécessaire d'avoir un rapport de vérification.
M. Carrière: Non, bien, enfin, je ne sais pas... Encore,
faut-il qu'il y ait une tierce personne qui intervienne pour dire que le
rapport qu'on nous présente est conforme à ce qui a
été inscrit dans les livres, à toutes les pièces
comptables à l'appui, reçus officiels, dépôts, etc.
Parce qu'autrement, si vous n'avez pas une tierce personne qui intervient, vous
vous en tenez uniquement à la personne qui fait la déclaration.
C'est comme une déclaration d'impôt. C'est un système
d'honneur qui existe. Si c'est ça que vous recherchez,
évidemment...
M. Burns: M. Carrière, nous voulons accorder une grande
crédibilité aux rapports que doivent faire les partis politiques
et les circonscriptions électorales ou les associations de
circonscriptions, et ça nous apparaissait qu'en vertu de
l'éthique professionnelle des comptables agréés,
c'était un des éléments de crédibilité de
ces rapports. C'est vous faire honneur, je pense, de faire honneur à
votre profession...
M. Carrière: On l'apprécie.
M. Burns: ...que de penser à vous inscrire et même
de vous imposer peut-être une obligation très grande. Je
comprenais, par votre télégramme, qu'il ne fallait pas non plus
vous demander de jurer dur comme fer que le rapport était exact et vrai,
etc., mais que, d'après la confrontation des rapports comptables et des
dépôts bancaires, ce rapport était véridique. C'est
dans ce sens-là uniquement que je comprenais qu'on insérait les
comptables agréés comme vérificateurs dans ce genre de
rapport.
M. Carrière: Enfin... M. Burns: En tout cas...
M. Carrière: Je pense qu'on s'entend sur l'essence
même de la question...
M. Burns: Oui, je comprends.
M. Carrière: ...on ne veut tout de même pas induire
les gens en erreur, que le comptable agréé dise: C'est
véridique, parce que les gens ne lisent pas le "fine print", comme on
dit des fois.
M. Burns: Oui.
M. Carrière: C'est une réserve. Il y a eu une
confrontation, et sur la base de cette confrontation uniquement, l'état
est véridique. Cela veut dire que tout est là. Les gens peuvent
conclure toutes sortes de choses.
M. Burns: Oui, mais... Alors, moi, ça me satisfait. Je
n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Laval.
M. Lavoie: Si je comprends bien, selon la représentation
que vous faites, et tel que c'est rédigé actuellement, le
vérificateur devrait laisser un doute, en somme, sur le rapport de la
véracité de la tenue des livres. Il m'apparaît que c'est
véridique, quelque chose comme... C'est un peu ça? Et vous
demandez...
M. Carrière: C'est à peu près cela. La
réserve que M. le ministre Burns a mentionnée est exacte, mais
quand vous mettez une réserve, vous dites que c'est véridique, et
cela dépend de l'importance de la réserve.
Remarquez bien que je pense qu'on est capable de vivre avec cela, M. le
ministre, du moment qu'on ne dise pas uniquement que c'est véridique,
mais sur la foi de la concordance qu'on a établie, d'une part, avec le
rapport, et que c'est véridique. Je pense qu'on peut vivre avec cela,
mais on aimerait mieux ce que nous vous avons suggéré.
M. Lavoie: Vous faites des représentations sur l'article
74. Par contre, vous n'avez rien à ajouter sur l'article 80, où
il est dit qu'en vertu du projet de loi actuel les partis sont obligés
de retenir les services que le représentant officiel d'un parti est
obligé de retenir les services d'un vérificateur, soit un C.A.,
soit un C.G.A., ou un autre.
M. Carrière: Excusez-moi: Les seules gens habilités
à exercer la comptabilité publique au Québec, ce sont les
C.A. Vous parlez de l'article 71, 70 ou 71, c'est ça?
M. Lavoie: C'est 80.
M. Carrière: L'article 80?
M. Lavoie: En vertu du projet de loi actuel je vais aller
plus lentement les partis politiques, par leurs représentants,
sont tenus de retenir les services d'un vérificateur. Par contre, les
candidats et les associations de comté qui sont tenus de faire des
rapports au directeur général, en vertu du projet actuel, ne sont
pas tenus de retenir les services d'un vérificateur alors que, dans la
loi fédérale ou dans la loi de l'Ontario, je crois, ils sont
tenus de retenir les services d'un vérificateur, mais, à
l'article 80, vous ne jugez pas à propos de faire de
représentations quant à votre profession.
M. Carrière: On a vu que la vérification
s'adressait uniquement aux partis politiques et non pas aux candidats ou aux
associations de comté. On a pensé que c'était une
philosophie particulière qu'on avait à l'esprit ou qu'on voulait
limiter... Je n'ai pas pu comprendre la distinction, mais, enfin...
M. Burns: Si je peux intervenir à ce stade-ci, avec la
permission du député de Laval, pour donner peut-être un
certain éclairage, c'est purement et simplement il n'y a rien de
philosophique et d'idéologique là-dedans une question
d'ordre pratique qui nous a motivés à ne pas imposer à la
circonscription électorale un rapport vérifié par un
vérificateur ou un comptable agréé.
La raison est bien simple, c'est qu'il faut se rendre compte que, dans
beaucoup d'associations de circonscription, il y a à peine quelques
transactions, lorsqu'il y en a, en dehors de la période
électorale. On se disait: Ce serait un peu bête de demander qu'un
professionnel de la comptabilité ou de la vérification vienne
voir comment ont été dépensés, en 1977, les $142
que telle ou telle association de circonscription a manipulés durant
cette année. C'est uniquement cela.
Cela n'empêche pas et c'est cela qui est la partie importante,
comme on n'en fait pas une obligation, cela n'empêche pas, d'autre part,
une association de circonscription qui, elle, a des opérations
importantes d'aller plus loin que la loi et de faire vérifier par un
comptable agréé son rapport. Mais on ne voulait pas que cela soit
une obligation. Cela aurait été ridicule, à mon avis, dans
certains cas, d'imposer une vérification par un comptable
agréé, lorsque les opérations comptables sont vraiment
réduites au minimum, disons environ $100 ou $200 par année. Cela
nous apparaissait un peu manquer de réalisme. C'est uniquement dans ce
sens. Il n'y a rien d'idéologique derrière cela. Les
années électorales de ces circonscriptions vont sûrement
être plus actives au point de vue des transactions, mais en dehors de la
période électorale, je le sais, je ne nommerai pas de parti
politique, mais, par exemple, dans la région de Montréal, il y a
des partis politiques qui sont à peu près inexistants entre deux
élections. Alors pourquoi leur imposer à eux une
vérification comptable? On a pensé que c'était un peu loin
d'une certaine réalité, si on l'imposait.
M. Roy: Je pense, pour aller dans le même sens que le
leader du gouvernement, si on me le permet, M. le Président, je voudrais
ajouter ceci: Au niveau des associations de comté ou des associations de
circonscription, une vérification quasi automatique se fait avec les
militants et avec l'organisation qui est sur place, tandis que c'est
complètement différent, c'est un palier beaucoup plus important
lorsqu'on parle de la structure provinciale d'un parti. Je pense que c'est bien
important, à ce moment-là, de ne pas négliger non plus
l'aspect de la vérification au niveau des associations de comtés.
Mais je pense qu'il y a quand même cette soupape...
M. Burns: Mais, là, elle va être faite par le
directeur général. Cela devient, par l'économie de la loi,
une vérification qui doit être faite par le directeur
général. Bien sûr, si le directeur général
décèle une irrégularité, remarquez que le directeur
général ne sera peut-être pas nécessairement
comptable agréé, on ne peut pas dire d'avance qu'il va être
comptable agréé, mais il y a sûrement quelqu'un de son
bureau qui va être spécialiste de ce domaine, si lui n'est pas
comptable agréé.
Il va sûrement déceler à première vue des
irrégularités, s'il y en a et, à ce moment-là,
ça reposera sur le bureau du directeur général beaucoup
plus que sur un vérificateur.
M. Roy: D'accord.
M. Lavoie: C'est seulement un commentaire, c'est une question que
je posais...
Le Président (M. Laplante): Le chef de l'Union
Nationale.
M. Biron: M. Carrière, l'article 72 nous dit que ne
peuvent être vérificateurs et cessent de l'être le directeur
général, les candidats à la dernière
élection ou les candidats à la présente élection.
Le deuxième paragraphe nous parle aussi de tous les associés de
ces personnes. Or, on sait que certains bureaux de comptables comptent
peut-être une dizaine ou une centaine d'associés. Qu'est-ce que
vous pensez de cet article? Cela veut dire que ça exclut comme
vérificateurs tous ces bureaux où il y a une personne qui a
été candidate?
M. Carrière: Je pense qu'avec ce problème, on peut
faire un parallèle entre ceci et le fait que, lorsqu'une maison de
comptables agréés devient vérificateur d'une
société, tous les associés et tout leur personnel
professionnel et les autres doivent se désinvestir complètement
de leurs titres, ne serait-ce qu'une seule action, même si c'est un titre
qui est à Vancouver et que la vérification se fait ici à
Montréal. On peut faire ce parallèle. C'est le prix qu'il faut
payer pour être indépendant, objectif et si, malheureusement,
cette situation devait se produire, tout simplement le bureau auquel appartient
ou a appartenu ce candidat devra se désister comme
vérificateur.
En fait, au niveau actuel, on a quelques partis, un nombre limité
de partis, on ne parle donc pas d'un très grand nombre de
vérificateurs. Ce qui fait l'élément fondamental du
comptable agréé qui est vérificateur, c'est son
indépendance. Il doit payer le prix, à certains moments, pour
maintenir son indépendance.
M. Burns: C'est ce qui lui donne d'ailleurs toute sa
crédibilité.
M. Carrière: Exactement. M. Burns: Exactement.
Le Président (M. Laplante): Le député
d'Anjou.
M. Johnson: M. Carrière, je voudrais revenir un peu sur la
notion de réserve. C'est-à-dire...
M. Carrière: Excusez, je n'ai pas saisi, sur la
relation...
M. Johnson: Sur la notion de la réserve qu'il faudrait
inclure, à savoir que, dans la mesure où c'est une confrontation,
d'une part, des encaissements, c'est-à-dire de la réception des
dons, deuxièmement, des dépôts bancaires et,
troisièmement, des registres, je voudrais savoir si c'est volontaire ou
pas, vous sembliez exclure de ce type de vérification l'affectation des
dépenses?
M. Carrière: Absolument pas.
M. Johnson: Ah bon! C'est parce que ce n'est pas explicite.
M. Carrière: Ah non! C'est que toutes les dépenses
seraient vérifiées, mais, étant donné qu'il y a
certaines sommes qui auraient pu ne pas être déclarées et
qui auraient pu servir à des dépenses du parti, donc, toutes les
dépenses, dans le rapport, ne sont pas là.
M. Johnson: D'accord, je vais tout simplement vous donner un
exemple. Si la situation se présente elle pourrait effectivement
se présenter qu'un parti déclare à sa face
même, et le vérificateur s'en rend compte, qu'un parti a
ramassé $71 000 ou $1 200 000, selon le cas.
M. Lavoie: $71 000 par comté.
M. Johnson: Oui... et qu'au niveau de l'affectation des
dépenses et là, on parle de ce qui est entré et
à sa face même et qu'au niveau des dépenses, on se
rende compte que les dépenses excèdent les entrées, cela,
vous seriez en mesure de le faire, de le constater, mais pas plus loin que
cela.
M. Carrière: II faut que cela se concilie, c'est
sûr.
M. Johnson: C'est parce que c'est cela qu'on vise, je pense,
entre autres dans cet article.
M. Carrière: II n'est pas question de mettre les
dépenses, elles sont vérifiables, celles qui sont là, et
les recettes sont vérifiables, celles qui sont là. Mais on n'a
pas de contrôle sur ce qui n'est pas là. C'est la réserve
qu'on essaie d'apporter.
Le Président (M. Laplante): À moins qu'il y ait
d'autres questions additionnelles, les membres de cette commission vous
remercient...
M. Carrière: Un petit point, M. le ministre. J'aimerais
souligner une inconséquence de texte, entre les articles 60 et 64 qui
sont d'ailleurs sur la même page. C'est seulement une
inconséquence qu'on a retrouvée au passage.
On dit, au deuxième alinéa de l'article 60, que le
chèque et l'ordre ne peuvent être encaissés que par le
représentant officiel. On parle d'un chèque qui peut être
encaissé.
Par ailleurs, à l'article 64, on dit: "Les contributions
recueillies doivent être déposées dans les
établissements reconnus, etc." Cela laisse entendre... Il me semble y
avoir une inconséquence. Encaisser ou "casher" un chèque, cela
veut dire aller à la banque et l'encaisser. Je ne sais pas si c'est cela
que vous voulez dire, mais si je regarde l'article 64, on a l'impression que
cela devrait être déposé intégralement et on vous
appuie à 100%. C'est une norme de contrôle interne à
laquelle on adhère beaucoup. C'était simplement pour souligner ce
point.
M. Burns: Je vous remercie de cette remarque, M. Carrière;
c'est probablement une question de rédaction qui pourra être
corrigée en cours de route.
M. Carrière: M. le ministre, messieurs, M. le
Président, merci infiniment, à moins qu'il y ait d'autres
questions.
M. Burns: Je vous remercie, M. Carrière, de même que
vos deux collègues, d'être venus et d'avoir pris le temps de nous
donner vos remarques là-dessus, surtout de nous avoir alertés
à cette situation qui est, comme je le disais au début, à
caractère technique, que vous reconnaissez beaucoup plus rapidement que
nous. Je vous remercie de votre assistance dans l'élaboration.
M. Carrière: Inutile de vous dire qu'on est à votre
disposition si on peut vous aider dans la rédaction du rapport type. On
est complètement à votre disposition. Merci infiniment.
M. Burns: Merci.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M.
Somcynsky.
Le député de Laval.
M. Lavoie: En ce qui me concerne, je n'ai plus de questions
à poser à ce témoin. Je laisse la parole au
député de Gatineau, je crois.
Le Président (M. Laplante): II y avait le
député de Gatineau qui avait...
M. Gratton: II ne s'agissait pas d'une question à notre
invité, mais bien plus de demander au ministre de préciser une
affirmation qu'il a faite, ce matin.
Une voix: Pardon?
M. Gratton: Je disais que, ce matin, le ministre a indiqué
qu'il n'avait jamais été dans l'intention du gouvernement
d'assujettir toute association, organisme ou corps intermédiaire au
projet de loi no 2, qu'il s'appliquait seulement aux partis politiques reconnus
comme tels. On sait que, dans la Loi électorale, on prévoit qu'en
période électorale, les possibilités pour un corps
intermédiaire ou une association quelconque d'appuyer ou de contester
des idées politiques ou, en fait, de favoriser l'élection d'un
parti ou d'un autre, n'est pas possible.
J'avais déjà d'ailleurs posé la question. Ce qui
m'embarrasse ou ce que je ne comprends pas très bien, ce qui n'est pas
clair pour moi dans le moment, c'est que lorsqu'on analyse certains articles du
projet de loi no 2, tel qu'il est rédigé, on a la certitude que,
si on ne le modifiait pas, les organismes, les corps intermédiaires, les
associations autres que les partis politiques ne pourraient pas faire de cette
animation, de cette promotion d'idées qui sont mises de l'avant par des
partis politiques, en faveur ou contre une idée avancée.
Or, je demanderais au ministre de nous préciser si le fait que le
texte de loi qui est présentement devant nous nous donne cette... En
fait, ce n'est même pas une impression, c'est une certitude. Est-ce
strictement une question de rédaction et cela n'a jamais
été l'intention du gouvernement de...
M. Burns: Je peux assurer le député que cela n'a
jamais été l'intention du gouvernement d'empêcher des
organismes du style corps intermédiaires... Si vous voulez, on va
prendre des exemples concrets. La FTQ, par exemple, n'est pas un parti
politique, mais elle prend des positions politiques et elle perçoit des
contributions de ses membres. C'est bien évident qu'une partie des
contributions des membres de la FTQ est utilisée à prendre des
positions politiques. Par exemple, quand la FTQ dit qu'elle veut avoir une loi
anti-scabs, qu'elle fait toute la publicité requise autour de cela, cela
lui coûte de l'argent, je présume. Il n'y a personne qui lui fait
ce travail gratuitement.
Je ne crois pas, et ce n'est pas du tout l'intention du gouvernement
d'empêcher la FTQ de prendre des positions comme celle-là.
On pourrait donner d'autres exemples. On pourrait donner l'exemple du
Mouvement national des Québécois. On pourrait donner l'exemple de
la chambre de commerce, d'Unité Québec-Canada. On pourrait donner
ces exemples de groupements qui ne sont pas des partis politiques, mais qui,
cependant, à l'occasion, peuvent prendre des positions politiques et
peuvent aussi percevoir des fonds pour faire valoir leur point de vue. C'est
une question de rédaction. Si vous vous référez à
la Loi électorale, vous y trouverez le texte 54 qui définit,
à toutes fins pratiques, ce que sont les fonds électoraux. Alors,
il y a eu une transposition peut-être un peu facile de notre part. Oui,
c'est cela. C'est justement un des endroits où il y aura des corrections
à apporter pour préciser exactement comment on devra traiter ce
problème.
Actuellement, je pense que l'ambiguïté vient du fait que
"54" se lit comme suit: "Sont considérées comme des contributions
les sommes d'argent versées, les services rendus et les biens fournis,
lorsqu'ils sont susceptibles de servir à des fins politiques, que ce
soit pour favoriser directement ou indirectement l'élection d'un
candidat ou celle des candidats d'un parti politique, pour diffuser ou
combattre le programme ou la politique d'un candidat jusque-là,
ce n'est pas si mal, on pourrait peut-être s'en tenir à cela, mais
c'est ce qui suit pour faire approuver ou désapprouver des
mesures préconisées ou combattues par eux". Je pense qu'on a
été peut-être un petit peu large dans la rédaction
de ce texte. On s'en est d'ailleurs rendu compte très rapidement.
Encore une fois, il faut le dire avec toute l'humilité possible,
il s'agit d'une législation nouvelle. Dans le cas d'une nouvelle
législation, on s'inspire souvent de législations existantes.
Quelle législation était la plus proche de celle-là?
C'était, évidemment, la Loi électorale. On est allé
piger dans la Loi électorale un certain nombre de choses. On a
peut-être été trop rapide à piger dans ce texte,
mais je peux vous dire que, dans la nouvelle version que nous espérons
pouvoir déposer à l'Assemblée nationale très
bientôt, on tâchera de corriger cet aspect, et surtout d'enlever
l'ambiguïté qui existe.
M. Gratton: M. le Président, je voudrais simplement noter
que le ministre et moi, on se comprend, parce qu'à un moment
donné, je lui avais posé une question en Chambre
là-dessus. Il avait interprété la question comme voulant
dire: Est-ce que dans la loi qui sera présentée sur le
référendum, on va empêcher les organismes... Je me
référais justement aux dispositions dont vient de parler le
ministre, qui sont incluses dans le projet de loi no 2 et qui nous donnaient
l'impression qu'aucun organisme autre que les partis politiques ne pourrait
participer à ce débat sur le référendum.
M. Burns: À ce moment, le député de
Gatineau, vous allez me rendre cette justice; je croyais, de la façon
dont votre question était formulée, que vous me demandiez
d'empiéter sur quelque chose qui était encore à
l'état de gestation, c'est-à-dire la loi du
référendum ou des référendums appelons-la
comme on voudra.
M. Gratton: Mais, vous ne me dites pas, aujourd'hui, que dans le
cas de cette loi, il y aura une disposition semblable à celle qui est
inscrite dans la Loi électorale...
M. Burns: Je ne peux même pas vous dire ça.
M. Gratton: ... selon laquelle, pendant une période de
temps donnée, seuls les partis politiques...
M. Burns: Je ne peux même pas vous répondre
là-dessus...
Le Président (M. Laplante): Si vous voulez...
M. Burns: ... parce qu'on n'en est pas rendu là.
Le Président (M. Laplante): ... M. le ministre, il
était entendu, je crois, vu qu'il y a un monsieur qui attend, qu'on
aurait une séance spéciale pour tout ce genre de questions
actuellement...
M. Gratton: Vous admettrez que je n'ai pas tellement
accaparé le temps...
Le Président (M. Laplante): Non, mais c'est
justement...
M. Gratton: J'ai fini...
Le Président (M. Laplante): ... pour essayer de donner une
chance au monsieur qui a été gentil avec nous autres, au
début de cette séance. Il a cédé son tour et nous
devons essayer de le libérer, si vous en convenez.
M. Gratton: Vous admettrez que j'ai été gentil de
retenir mes questions, moi aussi. Dites-moi que je suis gentil, M. le
Président.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. Vous
êtes bien gentil, M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): M. le chef de l'Union
Nationale.
M. Biron: M. Somcynsky, dans votre mémoire, au bas de la
page 3, je voudrais simplement vous demander une interprétation. Lorsque
vous dites: "II est à noter que le directeur général, qui
doit, d'après 23d, statuer sur l'existence ou la non-existence d'une
association de circonscription n'a aucun pouvoir d'enquête sur le
fonctionnement d'un parti ou d'une association". Comparez ça avec
l'article 17, qui nous dit que "Le directeur général et toute
personne qu'il désigne par écrit ont accès, à tout
moment, aux documents se rapportant aux contributions et dépenses et
peuvent en prendre des copies; ils ont accès à tout lieu, afin de
s'enquérir en ce qui a trait à l'exercice de leurs
attributions".
Vous ne croyez pas qu'il peut y avoir trop de pouvoir d'enquête,
que cela va outrepasser...
M. Somcynsky: J'ai pensé d'abord qu'il y avait trop de
pouvoir d'enquête. Ensuite, j'ai vu que c'est dit qu'il a accès
aux documents se rapportant aux contributions et dépenses. Alors...
M. Biron: Oui?
M. Somcynsky: ... contributions et dépenses, ça se
limite à l'aspect financier et, en principe, il me semble qu'il ne
devrait pas déborder de ceci. Je ne sais pas si une association locale
ou un parti fait une compilation de journaux pour avoir des dossiers. Je pense
que le directeur du financement ne devrait pas y toucher, qu'il outrepasserait
sa juridiction s'il le faisait.
M. Biron: Non, mais cela peut être un voeu pieux, quand
même, surtout quand on constate qu'ils ont accès à tout
lieu et à tout moment...
M. Somcynsky: Oui.
M. Biron: Moi, je crains énormément qu'on puisse
s'ingérer dans le fonctionnement même des partis politiques.
M. Somcynsky: C'est une crainte que je partage. Maintenant, les
membres de cette commission sont plus à même que moi de la
justifier ou de la combattre.
Je n'ai pas assez d'expérience dans le domaine des enquêtes
et des pouvoirs d'organismes du type de celui-là pour pouvoir me
prononcer en connaissance de cause. Ce n'est pas une chose sur laquelle j'ai
une idée aussi ferme que celle que j'ai sur d'autres points.
M. Biron: Mais parce que vous avez étudié beaucoup
cette loi-là, surtout à en juger par votre mémoire, je
vais vous demander, encore une fois, avant de terminer... On dit à
l'article 17 que les représentants du directeur général
ont accès à tout lieu afin de s'enquérir en ce qui a trait
à l'exercice de leurs attributions. N'est-ce pas un peu vague
d'après vous?
M. Somcynsky: C'est une section de la loi que je n'ai pas
regardée attentivement. La seule chose que j'ai remarquée et qui
m'a semblé claire est cette addition de l'expression de bonne foi, que
j'ai suggérée tout à l'heure pour l'article 21. Il me
semblait que je pouvais, tout en n'étant pas légiste,
suggérer cette expression. Pour le reste, les pouvoirs...
Je me souviens vaguement, par exemple, que, lorsqu'il était
question des pouvoirs de la CECO ou de la commission Cliche, il y a eu des
questions qui ont été posées au ministre et le ministre a
répondu que, par exemple, dans le cas du commissaire aux incendies, il a
beaucoup de pouvoirs et qu'on ne faisait que reprendre ces pouvoirs. Alors, je
ne me sens pas prêt à donner une opinion ferme dans ce
débat. Je pense qu'il y a toutes les personnes compétentes
voulues du côté...
M. Burns: L'éclairage qu'il est important de garder
constamment à la vue dans ce poste de directeur général...
Je pense que le chef de l'Union Nationale va reconnaître que toute
l'économie de la loi est basée sur l'existence de ce poste ou de
cet individu qui remplira le poste, nommé par l'Assemblée
nationale aux deux tiers des votes, comme l'Ombudsman, comme le
président général des élections, comme la
commission permanente de refonte de la loi électorale. Ce sont des gens
qu'on veut tellement neutres qu'on ne veut pas les soumettre comme n'importe
quel autre fonctionnaire à l'autorité d'un ministre, mais
plutôt à l'autorité de l'Assemblée nationale.
Je m'excuse d'interrompre... On me signale que nos visiteurs de
Washington, M. Staebler d'Ottawa, et ses collaborateurs d'Ottawa, M. Hamel, de
Toronto, M. Whishart, et de Californie, M. Lowenstein, nous quittent à
l'instant. Ils ont, je pense, un programme très chargé.
We want to thank you, Gentlemen, for having been here this morning and
this afternoon, and I believe that you will still be with us for a few hours,
but, once again, I would like to thank you for your very kind cooperation in
helping us to build a draft, a project of bill, and I think, as I
mentioned this morning, Mr Staebler, you were not here at that time,
that you recognized some of your suggestions in our bill and again, in the name
of the government and also of the commission, I would like to thank you very
much for your kind cooperation.
M. Somcynsky: En faisant référence à
l'intervention précédente, cela me rend hésitant à
condamner, comme vous suggérez que je le fasse, cet article 17 ou ces
pouvoirs. Le comptable précédent nous a dit qu'il peut y avoir
des dépenses déclarées et des dépenses non
déclarées, des revenus déclarés et des revenus non
déclarés. C'est peut-être déjà le cas dans
les dépenses électorales, le contrôle n'a pas toujours
été très fort. Je pense qu'un des députés
ici s'est plaint, il y a quelques années, que son adversaire avait
dépensé beaucoup plus que ce qui était permis. À ce
moment-là, il faut contrôler cela d'une certaine façon. Si
ce sont les pouvoirs énumérés à l'article 17 qui
permettent de faire ce contrôle, il les faut. Si on a une autre
façon qui serait plus prudente de faire ce contrôle, que quelqu'un
la suggère. Mais ce contrôle me semble nécessaire.
M. Biron: Je ne veux pas vous faire condamner...
M. Somcynsky: Non.
M. Biron: J'ai une autre question là-dessus. À
l'article 17, justement, cela ne vous inquiète pas de voir que le texte
anglais et le texte français ne sont pas les mêmes? On dit au
texte français: Le directeur général peut à tout
moment, et, au texte anglais, on dit: At all reasonable times...
M. Burns: D'ailleurs, c'est une des choses que j'avais
remarquées également, qu'on m'a fait remarquer d'ailleurs. Le
texte a été conçu en français et le texte anglais
est une traduction. S'il y a des différences entre les deux, il faudra
les aplanir.
M. Biron: J'avais l'impression que le texte avait
été conçu en anglais et traduit en français
après.
M. Burns: Non, je ne pense pas. M.Biron: J'ai une
autre question...
M. Burns: Par contre, je signale au chef de l'Union Nationale
qu'il faudrait peut-être s'en tenir aussi, en toute justice pour M.
Somcynsky, à lui poser des questions sur son mémoire, parce qu'il
y a peut-être des cas où franchement, il se sent un peu
embêté pour nous répondre.
M. Biron: Non, c'est parce que... C'est une autre question.
Une voix: Est-ce que le témoin est politicologue?
M. Biron: Non, M. Somcynsky a probablement étudié
cette loi. Une dernière question. Vous nous parlez de 2% comme base pour
profiter des dépenses électorales ou du remboursement ou 60 000
votants. Où avez-vous pris ces chiffres? Juste comme cela ou si...
M. Somcynsky: Juste comme cela, c'est-à-dire qu'il y a
différents chiffres qui courent, des fois on parle de 10%, cela me
semble trop... 1% cela veut dire... J'ai pris cela où? 2% c'est à
peu près 3 millions de personnes qui votent, un peu plus de 3 millions
aux deux dernières élections, aux trois dernières
élections, cela fait à peu près... Non, c'est une
impression tout simplement, c'est un chiffre qui me semblait raisonnable.
M. Biron: Mais ce n'est pas un chiffre d'après
l'expérience dans d'autres pays ou d'autres systèmes.
M. Somcynsky: Non. M. Biron: D'accord.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Beauce.
M. Roy: M. le Président, j'aurais tout juste une question
à poser à M. Somcynsky puisque plusieurs questions ont
déjà été posées jusqu'à maintenant.
Dans votre mémoire, à la page 7, vous allez beaucoup plus loin
que le projet de loi parce que le projet de loi se réfère aux
partis reconnus, selon le règlement, la Loi de la Législature ou
autre, alors que vous dites dans ce projet de loi qu'un parti politique qui
aurait recueilli 2% des voix, soit environ 60 000 voix, devrait pouvoir
bénéficier de fonds fournis par l'État. Si j'ai bien
compris, vous allez jusqu'à dire qu'un parti politique qui aurait
recueilli 2% des votes et qui n'aurait fait élire aucun
député pourrait également bénéficier de
fonds électoraux, puisque vous faites référence au RIN,
qui n'a jamais fait élire de député à
l'Assemblée nationale.
M. Somcynsky: C'est exact. J'ai déjà répondu
ou j'ai déjà fait allusion à cela ce matin relativement
à une question. Les partis politiques sont faits pour faire élire
des gens. Une fois les députés élus, ils gouvernent.
Maintenant, le parti politique, sa raison d'être entre les
élections, c'est de faire connaître les sentiments d'une partie de
la population, pas uniquement à l'Assemblée nationale.
À ce moment, cela me semble un rôle indépendant de
la présence du député en Chambre et on essaie souvent de
dissocier l'action du parti de l'action du gouvernement, lorsqu'un parti est au
pouvoir, ce qui montre qu'ils ont un rôle différent.
Sur ce point, je me suis souvenu avoir lu, à un moment
donné, qu'aux États-Unis, à l'heure actuelle, on met dans
le rapport d'impôt une phrase qui dit: Voulez-vous qu'on donne un dollar
à tel parti, tel parti ou tel autre parti, avec peut-être un
espace pour indiquer quel parti? Ce serait peut-
être une formule qui pourrait remplacer celle des dernières
élections...
M. Lavoie: Cela a été abandonné aux
États-Unis.
M. Somcynsky: Cela a été abandonné?
M. Roy: En somme, un parti qui continuerait d'exister, qui
n'aurait fait élire aucun député à
l'Assemblée nationale, mais qui aurait recueilli 2% du vote, selon votre
proposition, devrait, compte tenu de cette répartition, en toute justice
par rapport aux deniers de l'État, pouvoir bénéficier de
subventions gouvernementales pour continuer son action politique?
M. Somcynsky: Le projet de loi prévoit que c'est sur
pièces justificatives, donc, ce ne serait pas de l'argent
gaspillé, mais de l'argent qui servirait à faire connaître
les idées de ce groupe de personnes qui n'a pas de député,
mais qui existe et qui dépasse un certain pourcentage du vote.
M. Roy: J'aurais une toute dernière question, M. le
Président. Vous avez présenté un excellent mémoire,
je pense que vous méritez certainement des félicitations et des
remerciements de la part des membres de la commission.
Vous avez attiré notre attention sur un point ce matin et je me
permets de faire un commentaire au ministre responsable de ce projet de loi. Il
y aurait, en somme, trois grandes questions à se poser concernant le
financement des partis politiques. Il y aurait des normes à
établir pour ce qui aurait trait à une formation politique qui
aurait droit de percevoir des fonds du public comme tel. Il devrait y avoir des
normes et des exigences distinctes pour permettre à une formation
politique de bénéficier des exemptions fiscales,
c'est-à-dire de permettre aux individus qui souscrivent à une
formation politique de pouvoir avoir des exemptions fiscales, et,
troisièmement, il devrait y avoir d'autres normes pour ce qui a trait
aux partis politiques habilités à recevoir du financement de
l'État.
J'aimerais savoir de M. Somcynsky s'il aurait des explications
additionnelles à nous donner là-dessus et comment il
perçoit cette possibilité d'une formation politique qui ne
pourrait pas recevoir de subvention, qui ne pourrait pas se faire exempter et
dont les souscripteurs ne pourraient pas bénéficier d'exemptions
fiscales.
Autrement dit, pouvoir considérer ces dons à des
formations politiques sur leurs rapports d'impôt, mais permettre à
des formations politiques, à des groupes qui peuvent commencer, comme
des groupuscules, parce que tous les partis politiques ont eu un commencement
et on ne peut pas établir de normes pour un mouvement politique qui
commence tant et aussi longtemps qu'il n'a pas réussi à faire ses
preuves. Est-ce que vous avez des recommandations particulières ou un
point de vue particulier à faire connaître aux membres de la
commission à ce moment-ci sur les trois points sur lesquels je viens
d'attirer l'attention des membres de la commission?
Le Président (M. Laplante): Je voudrais avoir
l'assentiment de la commission, vu qu'il est déjà 18 h 5 pour
poursuivre nos travaux jusqu'à la fin du mémoire de la Chambre de
commerce de la province de Québec.
M. Burns: Consentement. M.Roy: Consentement,
oui.
Le Président (M. Laplante): Je voudrais que ce soit
reconnu comme un cas strictement exceptionnel. M. Somcynsky.
M. Somcynsky: Le sens de ce mémoire, c'est de dire qu'il
ne devrait pas y avoir de limite d'association de circonscription comme
critère pour recevoir de l'argent du public. Je pense que cela
répond à une de vos questions.
Une fois cela fait, je pense que les articles prévoyant des
exemptions d'impôt pour les gens qui versent des souscriptions
s'appliqueraient, qu'on verse une souscription à un petit parti ou
à un grand parti, parce qu'il n'y aurait plus de distinction. Ce que je
demande, c'est que tout parti qui s'inscrit comme tel devant le directeur
général du financement, en vue de faire des activités
politiques, puisse recevoir l'autorisation.
Quant au dernier point qui est le financement par l'État de
partis politiques, il faut un certain critère de
représentativité. Je pense que c'est évident qu'un
groupuscule et le parti au pouvoir ou l'Opposition officielle ne peuvent pas
recevoir la même somme. Le seul test valable que je vois jusqu'à
présent, c'est le résultat des dernières élections.
À ce moment-là, cela pénaliserait, de ce point de
vue-là, les nouveaux partis. J'accepte cela, parce que je ne vois pas
d'autres moyens de vérifier leur représentativité.
M. Roy: Si j'ai bien compris, en somme, à partir du moment
où une formation politique ou un groupement politique quelconque
seraient habilités à percevoir des fonds, les souscripteurs
devraient automatiquement pouvoir bénéficier des exemptions
fiscales.
M. Somcynsky: Oui. Cela me semble être dans le cadre de la
loi.
M. Roy: Non, c'est parce que si j'ai soulevé ce
point...
M. Somcynsky: La loi fait une distinction entre parti reconnu et
parti non reconnu. Les partis non reconnus n'ont aucun droit, d'après le
texte, de recevoir de l'argent. Pour tous ceux qui ont le droit, ces
souscriptions sont accompagnées d'une exemption.
M. Roy: Si j'ai soulevé ce point, c'est parce que je me
suis référé à l'article 23, qui définit
quand même des règles très strictes pour un parti
politique... Il faut, évidemment, retourner à l'article 23, qui
est à venir, que nous ne connaissons pas, à ce moment. Mais si je
me réfère...
M. Burns: C'est très strict. Très, c'est
peut-être un peu fort, mais, en tout cas, c'est plus strict pour un parti
politique qui n'existe pas actuellement. C'est bien sûr.
M. Roy: Oui.
M. Burns: C'est-à-dire que le parti qui déciderait
de naître dans six mois ou dans un an, il est bien évident qu'on
lui demande peut-être un petit peu plus qu'à des partis qui sont
déjà reconnus comme existants; même si on ne les
reconnaissait pas par une loi, ils sont là. On voit bien qu'ils
existent, que ce soient le Parti national populaire, l'Union Nationale, le
Parti libéral ou le Parti québécois. On sait qu'ils
existent, ce sont des faits dans la société. Même si on se
bandait les yeux, on ne réussirait pas à oublier qu'ils
existent.
M. Roy: Je fais la distinction entre des partis qui sont
représentés à l'Assemblée nationale et des
formations politiques qui ne le sont pas, mais qui auraient quand même
recueilli un certain pourcentage du vote, comme cela s'est déjà
vu dans le cas du RIN et dans le cas du RN, comme on l'a souligné ici.
Alors... Oui?
M. Somcynsky: Cette distinction me semble un peu artificielle en
ce sens que, très souvent, on peut percevoir l'élection d'un
candidat non pas comme une adhésion à un parti, mais une
adhésion à un homme dans son comté. À ce moment,
cette personne...
M. Burns: Comme dans Beauce-Sud. M.Roy: Je vais
revenir là-dessus.
Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y a d'autres
questions pour le député...
M. Roy: Un instant, je voudrais revenir là-dessus, parce
que, quand même, je pense que, lorsqu'on arrive à ce genre
d'interprétation, on se retrouve toujours sur un terrain glissant et
dangereux. Je me référais à 1968. M. Lévesque,
premier ministre actuel du Québec, après la fondation du Parti
québécois, a été quand même le seul
député à l'Assemblée nationale pour
représenter ce parti, à partir de cette époque. Il y
aurait lieu de relever bien d'autres cas. On aurait pu employer les mêmes
arguments à l'époque.
Personne ne possède de boule de cristal pour être en mesure
de prédire l'avenir. C'est la raison pour laquelle je pense qu'on doit
se baser sur des faits, sur des réalités, sur des choses
concrètes, plutôt que d'essayer d'interpréter, à un
moment donné, si, dans tel comté, on a voté pour un tel ou
si on a voté pour le parti. Il y a des gens qui se font élire par
les partis et il y a des gens qui font avan- cer les partis. Il y a deux
catégories. Il ne faudrait pas nuire ni aux uns ni aux autres.
M. Somcynsky: Je ne crois pas que M. Lévesque devrait
recevoir du financement au moment où il change de parti,
c'est-à-dire que le nouveau parti qu'il crée n'a pas fait une
preuve d'adhésion populaire. À ce moment-là, dans ce
cas-là, je pense qu'il n'y aurait pas eu lieu de financer son parti.
M. Roy: C'est à peu près la même situation
dans laquelle s'est trouvé le député d'Outremont, M.
Choquette, après avoir fondé un parti politique, mais dont le
parti et les candidats, une fois qu'ils ont adhéré à ce
parti, n'ont pas reçu la sanction populaire. Alors, quand on a
parlé du député de Beauce-Sud, je dois dire qu'il y a eu,
depuis, une sanction populaire. Il faut faire une distinction très nette
entre les deux, je...
M. Burns: Non, mais quand je parlais... M.Roy:
...pense, pour éviter...
M. Burns: ...du député de Beauce-Sud, je parlais
d'un député qui avait été élu en raison de
sa popularité personnelle, beaucoup plus qu'en raison de la
popularité de son parti.
M. Roy: Je vous remercie, mais je dois dire que, parfois, il faut
de la popularité personnelle pour faire avancer un parti.
M. Burns: Alors, merci beaucoup, M. Somcynsky...
M. Roy: Cela a été le cas de M. Lévesque.
M. Burns: ...je pense que...
M. Roy: Cela a été le cas de M. Lévesque, je
m'excuse.
M. Burns: Oui, je m'excuse, je ne voulais pas vous couper la
parole.
M. Roy: Mais cela a été le cas de M.
Lévesque. D'accord, j'ai terminé.
M. Burns: Je croyais que c'était terminé, à
moins que des députés ministériels n'aient des questions
à poser à M. Somcynsky.
Le Président (M. Laplante): Je crois que je peux poser
cette question, M. le ministre. S'il n'y a pas d'autres questions à
poser, je vous remercie, M. Somcynsky.
M. Somcynsky: Je vous remercie. Je remercie M. le ministre pour
l'ouverture d'esprit qu'il a semblé avoir face aux réflexions que
moi-même et d'autres personnes aussi avons apportées.
M. Burns: Je peux vous dire, M. Somcynsky, que, vous aussi, vous
allez reconnaître des parties
de la loi qui sont inspirées de textes que, vous-même, avez
pondus, sans même qu'il y ait eu consultation ou préconsultation
entre vous et moi.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur.
J'appelle maintenant la Chambre de commerce de la province de
Québec.
Mme Francine Charbonneau, si vous voulez identifier, s'il vous
plaît, les personnes qui vous accompagnent.
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, mon nom
est Jean-Paul Létourneau. Je suis le vice-président
exécutif de la Chambre de commerce de la province de Québec. Ma
compagne, ici, à ma gauche, Me Francine Charbonneau, du service de la
législation de notre organisation et, à ma droite, M. Pierre
Morin, directeur général aux affaires publiques de la
chambre.
M. le Président, je dois tout d'abord remercier la commission
d'accepter de nous recevoir à cette heure tardive.
Nous vous en sommes d'autant plus reconnaissants que c'est relativement
frustrant d'être toute une journée assis à écouter
les autres mémoires.
Si je comprends bien, peut-être serait-il utile, pour
économiser le temps a la commission, de reconnaître que la raison
première de notre présence à cette commission a
déjà été débattue; et je pense que la
requête que nous nous préparions à faire ici, verbalement,
a déjà été reçue.
Puis-je faire cette présomption, M. le Président?
M. Burns: Je pense que vous pouvez faire cette
présomption. D'ailleurs, je ne voulais pas je l'ai
mentionné à M. Somcynsky ce matin vous empêcher
d'intervenir, mais il y a une partie du mémoire de M. Somcynsky qui
touchait de larges parties de vos revendications. Mais, je ne pouvais pas
m'empêcher de répondre à M. Somcynsky, sur ce point, que
nous étions d'accord à faire les ajustements éventuels au
projet de loi.
Vous avez peut-être d'autres domaines, mais cela ne vous
empêche pas non plus de nous faire vos propres commentaires et a votre
propre lumière, avec votre propre éclairage, des commentaires sur
le même sujet. Je n'ai aucune espèce d'objection
là-dessus.
M. Létourneau: Si la commission reconnaît le
bien-fondé de la requête contenue dans notre lettre et
c'est ce que je comprends nous en sommes satisfaits. Nous allons
économiser ce temps à la commission.
Si vous nous permettez d'ajouter, comme il était prévu
à notre lettre, quelques autres commentaires sur certains autres
articles du projet de loi, je désire tout d'abord vous
référer à l'article 66 du projet de loi où nous
sommes assez perplexes, mais au préalable, permettez-moi de faire deux
remarques d'ordre général concernant le projet de loi.
La première est à l'effet que nous reconnaissons le
bien-fondé d'un tel projet de loi et les principes qui le sous-tendent,
mais que nous sommes désolés de constater combien il faut
créer de lourdeur, de paperasserie, de bureaucratie pour atteindre
l'objectif de la loi.
À la lecture de la loi, c'est une constatation qui nous frappe et
nous en sommes un peu désolés. Cependant, nous n'avons pas,
malheureusement, eu les ressources nécessaires pour proposer un choix et
ceci étant dit, je passerai immédiatement à une seconde
remarque d'ordre général.
Ce projet de loi, à notre avis, rendra dans l'avenir plus
difficile la formation de nouveaux partis politiques.
Ce point a été à plusieurs reprises,
souligné depuis le début des audiences et je ne pense pas utile
d'y revenir. Concernant l'article 66, nous sommes intrigués parce qu'il
nous semble que l'article 66 ne reconnaît pas les intérêts
des corporations, des entreprises, c'est-à-dire que l'article 66 permet
aux entreprises d'offrir des services aux partis politiques mais
également à tous les partis politiques. Ce qui veut dire
qu'à toutes fins utiles, l'entreprise qui aurait un intérêt
à appuyer un parti politique en particulier doit appuyer tous les autres
également. À ce moment-là, on peut forcer l'entreprise
à travailler contre ses intérêts. On peut toujours
répondre que l'entreprise n'a qu'à ne pas intervenir, mais le
droit d'apporter une contribution en services lui est reconnu et, ce faisant,
elle doit également l'apporter à d'autres partis qui pourraient
oeuvrer dans des intérêts qui sont contraintes à celui de
l'entreprise. Cela nous apparaît donc une espèce de contradiction
et un refus de reconnaître l'intérêt de l'entreprise.
L'entreprise, la corporation étant une personne morale, je vois que la
Charte des droits et libertés de la personne, à l'article 3,
reconnaît que toute personne est titulaire des libertés
fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de
religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression et toute
personne inclut une corporation. Oui?
M. Burns: M. Létourneau, seulement une question. Qu'est-ce
que la religion des entreprises? Est-ce que vous connaissez des entreprises,
à part les sectes religieuses, qui ont une religion? Et qu'est-ce que la
nationalité des entreprises?
M. Létourneau: Les entreprises dont une...
M. Blank: Je vous donne un exemple, M. le ministre, de la logique
de cet article. Ma femme ne peut pas me conduire à la salle du
comité de mon comté pendant une campagne électorale
à moins qu'elle fasse de même pour les six autres candidats, parce
qu'elle n'est pas électrice. C'est la même chose pour la femme de
Rodrigue Tremblay, la femme de Jean Garon, qui sont des Américaines.
Elles ne peuvent pas aider leur mari dans leur propre campagne
électorale à moins de faire de même pour les autres
candidats.
M. Gratton: Ce service-là, ce n'est pas souvent, mais il y
a d'autres services qu'elle ne voudrait pas offrir à tout le monde.
M. Blank: Oui, ça va être un plaisir pour les autres
candidats.
Le Président (M. Laplante): Messieurs les membres de la
commission, vous voulez continuer, s'il vous plaît.
M. Létourneau: M. le Président, je me
réfère à l'article 3 de la charte des droits et
libertés de la personne qui dit que toute personne a droit à une
liberté d'opinion et d'expression. Les autres libertés, pour le
moment, ce ne sont pas de celles-là que je parle et on dit bien, il est
très clair que toute personne... Le mot "personne", dans
l'interprétation au 17e paragraphe de l'article 61, dit que le mot
"personne" comprend les corporations, c'est très clair.
Donc, il me semble qu'on nie à l'entreprise, à ce
moment-là, son droit d'opinion en la forçant à aider
également tous les partis. Notre point est que la loi devrait permettre
aux entreprises d'aider les partis politiques de leur choix. Que leur
contribution soit publique, qu'elles doivent la dévoiler, qu'on
l'évalue, d'accord. Mais qu'on puisse permettre à l'entreprise,
sans nécessairement créer l'obligation d'aider tous les partis...
Parce qu'à ce moment-là, on peut forcer l'entreprise à
travailler contre ses intérêts. Je ne pense pas que ce soit
admissible.
Nous remarquons également, M. le Président, qu'à
l'article 32 du projet de loi les partis politiques, les associations et les
candidats autorisés doivent, dès que la situation l'exige,
fournir au directeur général les renseignements voulus, etc. Nous
remarquons qu'à cet article il n'y a pas de délai fixé.
"Dès que la situation l'exige" est une expression qui peut avoir
plusieurs sens selon ce que voudra retenir le directeur général
ou l'interprétation qu'il voudra bien donner à ces mots.
Si on va, par la suite, à l'article 42, on dit que le directeur
général doit refuser ou retirer son autorisation à un
parti, à une association ou à un candidat qui ne lui fournit pas
les renseignements requis aux fins des registres mentionnés à
l'article 31, etc.
Le directeur général doit, le directeur
général n'a pas de latitude, il doit; il nous semble que c'est
une exigence assez rigide, qui laisse peu de latitude et de confiance, de la
part du gouvernement, à ce haut fonctionnaire.
Nous remarquons également, par l'article 43, qu'il n'y a pas de
droit d'appel des décisions du directeur général,
décisions qui pourraient être de conséquence très
grave pour les partis politiques.
Enfin, dernière remarque d'ordre technique, M. le
Président; à l'article 52, il ne nous apparaît pas
évident que le directeur général soit tenu à la
stricte confidentialité sur les informations dont il est question
à l'article 52, puisque la défense de les communiquer ne semble
être appliquée que sur le plan des documents et non pas sur les
communications verbales.
M. le Président, ce sont les autres remarques que nous avons
à faire, la plupart d'ordre technique, sauf celles concernant l'article
66 qui, à notre avis, sont des remarques de principe et de fond.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre cède sont droit de parole au député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, c'est concernant deux
questions soulevées aux articles 66 et 42. Avant de faire mes
commentaires et de poser mes questions, j'aimerais qu'on se rappelle l'objectif
de la loi qui est, d'une part, de remettre dans les mains de l'électeur
le contrôle à la fois des partis politiques et des finances
politiques et le contrôle des déboursés ou des
dépenses électorales. Dans ce sens-là, je suis d'accord
avec la Chambre de commerce qu'il semble y avoir un illogisme, au moment
où on refuse à une compagnie, par exemple, qui est une personne
morale, qui n'est pas un électeur, de contribuer financièrement
à un parti politique et que, parallèlement, on permettrait
qu'elle distribue des services. Mais, vous remarquerez que, dans le projet de
loi qu'il y a là, les services s'appliquent à l'ensemble des
partis. Cela respectait l'idée qu'on avait toujours eue dans
l'élaboration du projet de loi, c'est-à-dire de ne pas faire
intervenir des tiers dans le déroulement et le développement des
partis politiques. J'aurais une question à vous poser.
Je pense qu'on pourrait arriver à la conclusion que l'article 66
devrait tout simplement sauter, si on voulait être logique jusqu'au bout
ou encore il pourrait y avoir une contrepartie au niveau des contributions
monétaires, c'est-à-dire que les compagnies, les personnes
morales pourraient contribuer à un fonds, mais qui s'adresserait par la
suite à l'ensemble des partis ou à l'administration de la loi.
Autrement dit, si une personne morale contribue à un fonds, elle
contribue au déroulement global du fonctionnement politique d'un pays.
Cela permettrait de laisser l'article 66, mais je serais d'accord avec vous
pour dire que si cela n'est pas possible, l'article 66 n'a pas de sens parce
qu'il permet des services, alors qu'on ne permet pas d'argent. Je voudrais
avoir votre opinion sur cette partie, c'est-à-dire que pensez-vous de la
possibilité qu'on puisse permettre à des compagnies, à des
corps intermédiaires ou à des associations de contribuer à
un fonds? Par exemple, la Chambre de commerce se dissout. Il lui reste un
certain montant d'argent et, au lieu de le distribuer à gauche et
à droite, elle le verse dans un fonds politique qui s'applique par la
suite à l'ensemble des partis politiques, autrement dit un fonds
d'État qui permet, par la suite, à l'État de verser des
fonds à chacun des partis politiques.
Il me semble que cela indique clairement que les compagnies,
lorsqu'elles s'impliquent dans le processus politique, c'est par grandeur
d'âme, mais non par intérêt.
M. Biron: Vous devriez appeler cela un fonds pour politiciens
retirés.
M. Bisaillon: Quasiment. Pour ce qui est... M. Burns: II y
en a un...
M. Bisaillon: ... de la possibilité pour une personne
morale d'intervenir dans un débat politique, je pense qu'en dehors des
périodes électorales, cela existe déjà. La seule
chose que cette loi encadre, c'est qu'elle oblige une compagnie ou un corps
intermédiaire qui veut intervenir dans un débat politique, qui
veut donc aller dans le sens de ses intérêts, à le faire
lui-même sans passer par un tiers. Autrement dit, une compagnie, dans le
cadre de cette loi, a toute la possibilité de dépenser les sommes
d'argent qu'elle veut en publicité, en dehors des campagnes
électorales, pour contrer une position gouvernementale, pour
présenter quelque chose de différent à la population, pour
aller dans le sens de ses intérêts, alors que l'autre
hypothèse lui permet de donner à un parti politique. C'est, dans
le fond, camoufler le fait que... autrement dit, c'est l'obliger à
passer par un tiers pour défendre ses intérêts personnels,
alors que la loi actuellement lui permet de le faire elle-même.
M. Létourneau: M. le Président, je ne crois pas que
la proposition d'un fonds apporte une réponse à la question et
soit une solution, parce que ce fonds, étant réparti
également entre tous les partis politiques, revient au même que la
proposition 66 et ne reconnaît pas plus l'intérêt de
l'entreprise. Incidemment, il semble y avoir une présomption dans ce
projet de loi, à savoir que les intérêts des entreprises ne
sont pas des intérêts nobles, ne sont pas des
intérêts aussi nobles que ceux des individus, parce que, lorsqu'il
est question de l'entreprise...
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, cela vaut
également pour toute personne morale, y compris n'importe quelle
association comme un syndicat.
M. Létourneau: D'accord, je le reconnais. Toute personne
morale...
M. Bisaillon: M. Létourneau, avant que vous ne continuiez,
je ne voudrais pas être mal interprété. Je n'ai pas
laissé planer du tout l'idée que cela pouvait ne pas être
noble. J'ai dit que s'il y a des intérêts à
défendre, c'est aux personnes qui ont des intérêts à
défendre à le faire elles-mêmes. La loi leur permet de le
faire. Pourquoi la loi devrait-elle faire une exception pour leur permettre de
passer par un tiers... Parce que votre argumentation repose uniquement sur le
fait qu'en empêchant une compagnie ou un corps intermédiaire de
financer un parti politique qui irait dans le sens de ses
intérêts, là, on l'amène pratiquement à
lutter contre ses intérêts, alors que c'est tout à fait
faux. Une compagnie pourrait contrer une politique gouvernementale, pourrait
dépenser les sommes d'argent qu'elle désire pour contrer une
position gouvernementale, ou un point du programme politique d'un parti, sans
que la loi s'en mêle. Là, on respecte la liberté d'opinion
de la personne morale qu'est la compagnie. Je n'ai jamais dit que
c'était parce que ce n'était pas noble. J'ai dit que ce qu'il y a
de noble, c'est de le faire soi-même.
M. Létourneau: M. le Président, je n'ai pas
adressé ce propos à M. Bisaillon. Je disais plutôt que,
dans l'économie de la loi, il nous apparaissait que le traitement qu'on
fait aux entreprises, aux personnes morales, semble présumer que ces
personnes morales n'ont pas le même statut qu'une personne physique et
que, lorsqu'elles apportent une contribution en campagne électorale,
elles doivent le faire également et à tous les partis politiques.
De ce fait, elles peuvent devoir être en contradiction avec leurs
intérêts. Je soumets qu'un des intérêts fondamentaux
d'une corporation, d'une entreprise, c'est sa pérennité, c'est
celui de continuer d'exister.
Si, par exemple, un parti politique, dans une campagne
électorale, propose l'étatisation d'un secteur d'activités
économiques et que des entreprises se trouvent dans ce secteur et
qu'elles désirent supporter ceux qui s'opposent à cette
étatisation, je pense que c'est dans leur intérêt. Ou on
les empêche de supporter cet intérêt par l'apport qu'elles
pourraient donner à un parti politique. Parce qu'elles vont s'en
abstenir, pour ne pas être obligées de supporter ceux qui font la
promotion de cette idée en même temps que ceux qui s'y
opposent.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Laval.
M. Lavoie: Étant donné que l'heure est
déjà avancée, et considérant le fait que le leader
parlementaire du gouvernement nous a assurés que nous aurons une autre
séance pour continuer notre exploration, j'aimerais, très
brièvement, vous dire qu'en ce qui concerne la représentation de
la chambre de commerce, personnellement, je crois que le projet de loi va un
peu trop loin en refusant aux citoyens d'agir collectivement, soit pour les
groupes de pression, soit pour les syndicats, soit pour les corporations, soit
pour les sociétés commerciales et autres; qu'il y ait des limites
dans les contributions, c'est un fait déjà très important,
et surtout que ce soit divulgué, je crois que c'est le point crucial de
toute cette loi.
À l'article 66, tel qu'il est rédigé, en plus de la
remarque du député de Saint-Louis, cela voudrait dire
également que, si le Club Renaissance à Montréal, lequel,
d'après moi, est une corporation, voulait offrir des salles à
l'Union Nationale lors d'une campagne électorale, il faudrait qu'il les
offre au Parti libéral et au Parti québécois, parce que
c'est une corporation. Je pense qu'il faudrait vérifier cette
rédaction.
Également, il y a très peu d'exceptions. Une telle loi
existe dans la plupart des États américains, et même dans
la plupart des provinces canadiennes. Elle existe au niveau
fédéral. Au niveau fédéral américain, on
m'informe que les corpora-
tions n'ont pas le droit de contribuer directement par des paiements
d'argent, mais il y a beaucoup d'autres formules qui peuvent leur permettre,
par des comités, de se servir des locaux de la corporation, ou des
associations, ou des syndicats. Elles peuvent former des comités
d'action parmi les actionnaires ou parmi les syndiqués.
En Californie, où vous vous êtes inspirés
généreusement, et dans d'autres États américains...
Je suis bien d'accord pour qu'on fasse du droit nouveau, mais, quand
même, il existe une cinquantaine de lois comme la nôtre, ou
semblables à la nôtre, ce ne sont quand même pas des
imbéciles qui ont fait ces lois. En Ontario, au niveau
fédéral canadien, en Alberta, on me dit qu'il y a de très
bonnes lois où on permet aux citoyens d'agir collectivement.
Je crois qu'on pourrait parler davantage de cette question lors de notre
prochaine rencontre. Je ne sais pas quand nous tiendrons cette prochaine
séance...
M. Burns: Demain.
M. Lavoie: Demain. Et ce serait la dernière séance
avant la deuxième lecture? Je crois que c'est un peu
prématuré, en ce qui me concerne. Je trouve que c'est un peu
bousculé. Je crois que ce serait normal vous nous dites qu'il y a
une réimpression de la loi il n'y a pas péril en la
demeure, que cela attende une semaine et que vous puissiez nous déposer
à l'Assemblée nationale la rédaction finale de la loi. Je
crois que c'est essentiel. Comment voulez-vous que nous continuions notre
étude globale du projet de loi et notre exploration complète de
toutes les implications de la loi?
M. Burns: Cela ne me fait rien, M. le député de
Laval, mais c'est à votre suggestion...
M. Lavoie: Laissez-moi terminer, s'il vous plaît.
M. Burns: Si vous voulez, je peux vous répondre.
M. Lavoie: Vous me répondrez globalement, si vous
voulez.
M. Burns: À cette question.
M. Lavoie: Le but de la commission est d'explorer toutes les
implications de la loi, une étude globale. Je crois qu'on devrait avoir
le texte final de la loi. Que cela prenne une semaine... Également, on
nous a promis le rapport ou les commentaires de la Commission des droits de la
personne. Nous n'avons aucune assurance que nous aurons ce document demain.
Pourquoi ne pas être logique et attendre? Dans tous les Parlements et
partout, soit à Ottawa, soit en Ontario, soit en Alberta, en Californie,
aux États-Unis, toutes les lois électorales n'ont jamais
été bousculées. Pour que nous ayons une bonne loi, qui est
à la base de la démocratie, pourquoi n'agit-on pas par consensus?
Je vous assure qu'on peut obtenir le consensus, mais arrêtez de nous
bousculer.
M. Burns: La loi ne sera pas bousculée.
M. Lavoie: Vous nous faites une loi improvisée, qui n'a ni
queue ni tête, qui mérite une réimpression; tout est
à refaire dans cette loi et vous ne voulez pas nous donner le texte pour
étudier le vrai projet de loi.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Laval a-t-il des questions à poser aux membres de la chambre de
commerce?
M. Lavoie: J'attends des réponses à mes
remarques.
Le Président (M. Laplante): Le chef de l'Union
Nationale.
M. Biron: M. Létourneau, je vous remercie d'abord de votre
présence ici. Comme vous, l'article 66 me fatigue
énormément, considérant que les entreprises seraient
obligées de souscrire à tous les partis politiques existants. On
peut s'imaginer qu'on peut avoir un candidat communiste ou un candidat
maoïste, un bon jour, et le parti politique sera obligé de
souscrire exactement la même chose. C'est véritablement brimer les
droits fondamentaux et essentiels des Québécois.
Comme le député de Laval, je crois que le projet de loi va
beaucoup trop loin. Ce qui est important, c'est de limiter les contributions,
ce n'est pas de les interdire de la part des entreprises, et de divulguer la
provenance des contributions et de savoir d'où elles viennent. Ce n'est
pas important de les interdire, à condition qu'on les limite et qu'on
les connaisse.
Vous avez mentionné tout à l'heure la lourdeur
administrative de tout ce nouvel organisme qu'on s'attend de mettre en marche,
avec le directeur général, et tout cela. Comme cela existe au
gouvernement fédéral ou ailleurs, le président
général des élections avec son équipe
élargie probablement un peu, pourrait-on administrer cette nouvelle loi,
qui serait sous sa responsabilité?
M. Létourneau: Ce serait une possibilité; comme je
l'ai dit au début de mon témoignage, nous n'avons malheureusement
pas eu les ressources nécessaires pour examiner ces options. Nous avons
constaté ces lourdeurs à l'examen de la loi, le nombre de
vérifications nécessaires, la bureaucratie importante qui devra
être mise en place. Il va de soi que cela pourrait être tout aussi
bien revu par le président général des élections
que par une autre personne, mais il y a peut-être des raisons
fondamentales de faire une dichotomie entre les deux fonctions. Je ne suis pas
en mesure de me prononcer là-dessus. Malheureusement, M. le
Président, je n'ai pas de réponse précise à cette
question.
M. Biron: Je sais qu'au gouvernement fédéral, en
particulier, le président des élections administre une partie
importante de cette loi, ou comme celle-là.
Je vous remercie. Ce sont les questions que j'avais à vous poser.
En terminant, je veux faire deux commentaires au ministre là-dessus.
D'abord, je voudrais que cette loi soit plus souple, bien sûr, que le
ministre examine s'il y a possibilité qu'à travers le bureau du
président général des élections on puisse accomplir
la même chose plutôt que de faire une duplication des services. Le
fonctionnarisme provincial coûte déjà assez cher. J'aurais
voulu, moi aussi, entendre et questionner le président
général des élections, de même que pouvoir
étudier le rapport de la Commission des droits de la personne, avant de
conclure cette commission parlementaire.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Président, je dois remercier le directeur de
la chambre de commerce et ses collaborateurs de nous avoir
présenté leur mémoire, de nous avoir
présenté leur point de vue. Les questions qui pouvaient
être posées l'ont été par mes
prédécesseurs. Cependant, j'aimerais apporter un commentaire ici,
puisque la Chambre de commerce a quand même fait largement état de
l'intérêt de l'entreprise.
Actuellement, il ne faut pas oublier que c'est un sujet qui fait l'objet
d'un examen assez sévère au niveau de la population. On s'est
fait dire assez souvent, au cours des campagnes électorales que les
entreprises mettent des fonds, elles appuient des candidats, mais elles ne
votent pas, tandis qu'il ne faut pas oublier qu'une élection
générale est une consultation populaire, générale,
qui permet aux électeurs, d'où qu'ils soient, de quelque statut
qu'ils soient, de pouvoir s'exprimer librement et de choisir leurs élus,
de choisir ceux qui doivent les représenter. D'un autre
côté, je pense qu'il va falloir faire la part des choses. De
là à exclure toutes les entreprises du Québec du revers de
la main, c'est prendre le balancier et l'envoyer complètement à
l'extrême. Il faut tenir compte, également, du type de
société dans laquelle nous vivons. Je ne suis pas prêt
à dire, et jamais je ne le dirai non plus, que dans nos comtés...
Je vais prendre, par exemple, les comtés ruraux du Québec; il y
en a un grand nombre, il y a une multitude de petites et de moyennes
entreprises qui sont drôlement impliquées par les décisions
gouvernementales, par nos législations. Ces entreprises emploient des
centaines et des milliers de personnes, dans nos régions.
Je représente une région où il n'y a aucune
multinationale. Ce sont de petites et moyennes entreprises et ces petites
entreprises ont contribué, au cours des récentes campagnes
électorales, par de petites sommes, et je considère que les
mettre de côté, complètement, du revers de la main, c'est
faire un accroc grave à la démocratie. Les entreprises existent
au Québec, nous avons le droit à l'entreprise, c'est un droit
fondamental, et personne n'ignore actuellement que nos entreprises au
Québec sont quand même aux prises avec énormément de
difficultés. Je ne veux pas faire le procès de l'ancien
gouvernement ni des gouvernements qui ont été là avant le
gouvernement d'aujourd'hui, mais qui sont concernés par les lois, par
les politiques gouvernementales. Ce n'est pas moi qui l'ai cité tout
à l'heure, je prends cela à titre d'exemple, je pourrais en
prendre un autre, la loi "antiscabs". Quand on sait quelles sont les ressources
garanties par des lois dont les grands syndicats disposent actuellement, on est
en mesure de faire énormément de propagande, je parle de cette
loi, je pourrais parler d'autres lois.
En somme, si on veut prendre tous les moyens pour exclure l'entreprise
comme telle du financement des partis politiques, il va falloir qu'on soit
également extrêmement sauvage à l'endroit des groupes
organisés qu'on appelle les syndicats. Je dis que ou on ouvre la porte
à un et, à ce moment-là, on l'ouvre à tout le monde
ou si on la ferme à un, on la ferme, mais de façon étanche
à tous. Il ne faut pas oublier, non plus qu'il y a bien des moyens et
bien des subtilités qui permettent à des entreprises, à
des groupes, à des syndicats, d'intervenir durant les campagnes
électorales.
J'ai déjà vu une compagnie fournir 20 personnes
payées, qui étaient sur la liste de paie pour faire une campagne
électorale dans un comté donné, parce qu'il y avait un
homme à faire battre. C'était une grosse compagnie. Je comprends,
mais cela ne se prouve pas. Les gars voyagent dans le comté, ils sont
voyageurs de commerce, ils sont voyageurs, inspecteurs; ils sont en vacances et
ce sont là des choses extrêmement difficiles à prouver.
Quand l'honorable député de Laval disait tout à
l'heure que nous sommes dans du droit nouveau, d'ailleurs, je sais que le
leader du gouvernement l'a dit aussi, nous sommes évidemment
vis-à-vis du droit nouveau, ce qui m'amènerait à dire,
à ce moment, M. le Président, qu'il faut prendre le temps
nécessaire. Je ne parle pas d'étirer l'étude et l'adoption
de cette loi de façon indéterminée, parce qu'il y a
quelque chose à faire, il y a quelque chose qui doit être fait.
Mais il ne faut pas précipiter les événements de
façon, à ne pas faire de faux pas, à ne pas créer
des injustices et à ne pas causer des déséquilibres ou des
injustices graves à l'endroit de certains groupes, à l'endroit de
certaines personnes qui sont des citoyens à part entière, mais
qui ne perdent pas quand même leurs droits par le fait qu'ils sont
propriétaires d'une petite entreprise et, là-dessus, il va
falloir qu'on s'entende très bien.
Je pense donc, M. le Président, c'est le dernier commentaire que
je fais, c'est à la suite du commentaire, du leader du gouvernement, du
parrain du projet de loi, qui nous dit que demain on devrait se réunir
pour faire les commentaires généraux avant la réimpression
du projet de loi, que cela m'apparaît prématuré. Il y a
d'abord au feuilleton trois mémoires qui nous sont soumis aujourd'hui,
il y a d'autres séances de commissions
parlementaires ce soir auxquelles nous devons assister, d'autres ont
d'autres engagements. Il va falloir quand même qu'on prenne le temps de
méditer ces choses-là, de réfléchir. Il y aura
également de la consultation à faire. Il y a le président
général des élections qui n'a pas été
consulté, il y a les représentants de la Commission des droits de
la personne à laquelle on a fait allusion ce matin. Il y a eu un voeu
unanime de la commission de les interroger. Il faut prendre suffisamment de
temps, sans trop étirer cependant, mais prendre suffisamment de temps
pour pouvoir bien mesurer les gestes qu'on va poser. C'est une recommandation
que je fais à tous les membres de la commission. Je dis qu'il y a des
points de vue à examiner, il y a des choses extrêmement
sérieuses, il y a des choses qui comportent des implications
évidentes, parce qu'en finançant les partis politiques et en
statuant sur les partis politiques, on touche à la base même de
notre démocratie. La démocratie n'est peut-être pas la
forme la plus facile à vivre. Elle pose des défis, elle pose des
obligations et elle pose également des responsabilités.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Anjou.
M. Johnson: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
M. Létourneau d'être venu nous voir. Il faudrait peut-être
mettre un peu des choses en perspective parce que j'entends des choses que je
ne retrouve pas du tout dans le projet de loi. La motivation essentielle...
Le Président (M. Laplante): Les messieurs de la Chambre de
Commerce, si c'est seulement du commentaire qu'il y a à faire, on
pourrait les libérer.
M. Johnson: C'est un commentaire.
Le Président (M. Laplante): Je ne sais pas si le
député de Rosemont a des questions à leur poser
directement.
M. Paquette: C'est une simple question, parce qu'on en a beaucoup
parlé.
Le Président (M. Laplante): M. le député
d'Anjou.
M. Johnson: En fait, cela s'inscrit sensément dans la
perspective amorcée par M. Létourneau, justement, en parlant de
la Charte des droits et libertés de la personne. Que je sache, comme le
disait le leader du gouvernement, la religion d'une compagnie, cela n'existe
pas; la race d'une compagnie, cela n'existe pas; le sexe d'une compagnie, cela
n'existe pas et la Charte des droits de la personne vise essentiellement
à préserver les droits de la personne. D'ailleurs, elle portait
le nom de Charte des droits de l'homme. À un moment donné, les
femmes ont obtenu qu'enfin on dise les droits de la personne, plutôt que
les droits de l'homme, pour inclure également les femmes de façon
explicite dans son titre. Je pense qu'il ne faudrait quand même pas
mêler les choses.
La deuxième chose, ce que vise le gouvernement en interdisant les
dons des corporations aux partis politiques, c'est, une fois pour toutes,
accepter que, dans une démocratie à laquelle je tiens je
voudrais rassurer le député de Beauce-Sud à ce sujet
fondamentalement, ce sont les citoyens qui doivent avoir la part
essentielle au niveau du contrôle des partis politiques et non pas les
groupes d'intérêts. Quand je parle des citoyens, je n'exclus pas
seulement les entreprises, mais j'exclus également les syndicats dans le
financement des partis politiques.
Je pense que c'est un secret de polichinelle que le type de financement
d'un parti politique, dans le passé, au Québec, comme ailleurs en
Amérique du Nord on a seulement à se référer
à l'affaire Watergate, récemment, et à tout ce qu'on a vu
sortir de cela... Il ne faut quand même pas être naïf, les
bases de la corruption de la démocratie, en Occident, passent par
l'argent. Ce que cette loi vise à faire, c'est prémunir la
démocratie contre l'abus qu'on peut faire de l'argent.
Ceci dit, en aucune façon ce projet n'empêche des groupes
d'intérêts, quels qu'ils soient, les regroupements d'entreprises,
comme les regroupements de travailleurs d'intervenir sur le plan politique. Ce
que cela fait fondamentalement, c'est interdire aux personnes morales de
financer des partis politiques. Point. C'est cela. Il faut bien se comprendre,
le leader du gouvernement l'a annoncé tout à l'heure,
effectivement, nous acceptons les premières remarques de la chambre de
commerce concernant le texte tel que rédigé, actuellement, qui
pouvait donner l'impression que c'était le but. Ce n'était pas le
but. Je pense qu'on l'a établi clairement et ce sera très clair
dans la seconde version.
La seule restriction qui sera imposée aux corporations sera de
participer au financement des activités politiques, avec la
difficulté que vous avez soulevée concernant l'article 66, qui,
une fois éliminée, finalement, réglerait tout le
problème, ce qui n'empêcherait jamais une chambre de commerce ou
un syndicat, effectivement, de donner son opinion, d'être un groupe de
pression qui se donne des moyens, en termes de communication, en termes de
présence à travers les media, etc., pour combattre une mesure
politique, ou même un parti politique.
Ce qu'on dit fondamentalement, c'est qu'il faut cesser de faire en sorte
que les groupes, que ce soient des corporations ou des syndicats, qui sont
déjà assez puissants, pour l'amour du ciel! à
côté du citoyen moyen, dans notre démocratie, ils sont
déjà assez puissants, dans le quotidien... On l'a vu au sommet
économique. Que ce soit du côté syndical comme du
côté de l'entreprise, il n'y a personne qui, pour moi, à
mes yeux, puisse nier la puissance des agents et des regroupements de citoyens
à travers les syndicats ou les corporations. On leur dit: On vous
demande une chose, par exemple, c'est de ne pas financer les partis politi-
ques. Pas parce que ce n'est pas noble, mais on dit: Prenez d'autres
moyens, parce qu'on sait les risques que le financement des partis politiques
implique.
M. Létourneau: M. le Président, M. Pierre
Morin.
M. Morin (Pierre): M. le Président, ce qu'en dit le
député d'Anjou est parfaitement vrai, sauf pour une
période qui revient tous les quatre ans, qui est la période
électorale, où même le citoyen si on comprend bien
notre interprétation de la Loi électorale ne peut pas
intervenir, sauf à travers l'agent d'un représentant.
C'est là fondamentalement le problème, lorsqu'on parle de
l'intérêt de l'entreprise, l'intérêt d'une
corporation, parce qu'il y a un problème de concordance, en fait, entre
une série de lois, entre autres le code civil, qui crée une
personne morale avec certaines obligations sur ses administrateurs et
l'obligation des administrateurs, c'est de se comporter en bon père de
famille face à la corporation, non pas face à ses actionnaires ou
à ses membres, mais bel et bien face à la corporation. Or, il
peut arriver, dans le cours précisément d'une période
électorale où les intérêts individuels des membres
ou des membres d'un conseil d'administration d'une entreprise ou même des
actionnaires d'une entreprise, les intérêts bel et bien de
l'entreprise soient en cause, et c'est là que se pose le
problème. C'est cela qu'on voudrait vous indiquer.
M. Garneau (Yves): M. le Président, il demeure une
difficulté d'interprétation à mon avis de la Charte des
droits et libertés et de la personne, une différence
d'interprétation avec le député d'Anjou, parce que je lis
bien à l'article 3 de la charte que toute personne a des libertés
fondamentales d'opinion et d'expérience et la loi
d'interprétation dit bien que le mot "personne" comprend les
corporations. Si on veut retirer complètement le droit aux corporations
de participer, c'est une autre affaire et là, encore une fois, il faudra
peut-être indiquer dans cette loi qu'il y a une exception à la
Charte des droits et libertés de la personne. Sur un autre point
concernant l'application de l'article 66, je soumets que ce sera très
difficile. Comment, après les élections, par exemple, s'il y a
contestation, évaluer qu'une corporation aura fourni également,
disons d'une manière absolument égale, des services d'une valeur
égale aux différents partis politiques, cela peut être du
temps de personne, des salles, cela peut être du papier, etc., comment
évaluer cela? Le député de Beauce-Sud a souligné
tantôt lui-même la difficulté, à un moment
donné, de faire la preuve de ceci ou de cela, quand il s'agit de
contributions de cette nature. Nous voudrions, M. le Président, que soit
retenue la possibilité pour la personne morale, qui est la corporation
ou l'entreprise, de faire valoir ses intérêts même en
période électorale, en appuyant les partis politiques de leur
choix, que ce soit public, que ce soit limité, que ce soit
plafonné, on ne parle plus de contributions occultes, on parle de choses
qui sont sur la table, bien claires, qu'on en établisse les conditions,
mais, de grâce, qu'on laisse aux personnes morales le droit à
leurs opinions.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Rosemont. Dernière intervention.
M. Paquette: M. le Président, c'est justement pour faire
préciser l'expression d'opinion de la chambre de commerce sur l'article
66. M. Létourneau a déjà commencé à le
faire. Il nous a dit que c'était surtout en temps électoral qu'il
voyait la liberté d'opinion et d'expression des entreprises, entre
autres, légèrement brimée. J'aimerais lui demander s'il va
dans le sens du leader de l'Opposition officielle qui, lui, dit: II y a
peut-être quelque chose dans l'article 66, mais, au niveau des
contributions financières directes, il a donné l'exemple de
plusieurs États américains, de plusieurs provinces, où on
défendait les souscriptions directes aux partis politiques. Est-ce que
vous avez...
M. Lavoie: C'est seulement à Washington qu'on interdit les
contributions. Dans toutes les autres lois, les sociétés, les
associations, les citoyens peuvent agir collectivement.
M. Paquette: D'accord.
M. Lavoie: Non directement. Toutes les provinces, Ottawa, tous
les États américains peuvent y contribuer, mais aux
États-Unis, ce n'est même pas limité dans la Constitution
américaine, mais on est d'accord ici que ce soit limité et que ce
soit rendu public pour enlever tous les risques de pression sur les
gouvernements.
M. Paquette: La question que je voudrais poser est dans la
même logique. Est-ce que vous ne seriez pas porté à aller
un peu plus loin que l'Opposition officielle et à dire que les
contributions des entreprises aux partis politiques, les contributions directes
en argent, devraient être permises également? Quelle est votre
opinion là-dessus?
M. Garneau (Yves): Nous n'avons pas voulu soulever ce point, M.
le Président, nous avons d'abord reconnu que l'article 66 reconnaissait
aux personnes morales le droit de contribuer sous la forme de services, donc le
droit de contribuer était reconnu sous une forme, celle des services.
Qu'elles soient reconnues sous la forme de contributions, peut-être
aussi, parce que, dans le fond, cela revient à peu près au
même.
À ce moment, cependant, il pourrait y avoir des plafonds. Il
faudrait que ce soit dévoilé. Cela va de soi.
M. Paquette: Donc, vous êtes d'accord pour dire que le fait
de limiter la possibilité de contribution des entreprises aux partis
politiques n'est pas à l'encontre de la Charte des droits de la
personne.
M. Morin (Pierre): Pas plus qu'il ne l'est pour les citoyens
ordinaires.
M. Paquette: D'accord.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Laval.
M. Lavoie: J'aurais une question, mais le député de
Gatineau, je pense, en aurait une également.
M. Gratton: M. le Président, très
brièvement, j'aimerais demander ceci à M. Létourneau:
Lorsqu'on lit l'article 66, on se dit heureux de constater que les personnes
morales peuvent offrir des services. Ce n'est sûrement pas dans leur
intérêt de devoir offrir ces services de façon égale
à tous les partis politiques. En fin de compte, c'est un non-sens.
Tantôt, le député de Saint-Louis mentionnait un
non-sens qui est encore plus évident, à mon avis. À ce
moment, aussi bien l'éliminer complètement, puisque je ne vois
pas quelle personne morale ou quelle corporation aurait intérêt
à fournir des services à un parti politique dont elle combat les
idées. C'est un non-sens, c'est illogique, cela ne tient pas debout.
Êtes-vous d'accord sur cela?
M. Létourneau: M. le Président, c'est exactement
l'objectif de notre démarche, celui de démontrer que l'article 66
met des contraintes qui ne sont pas acceptables à la forme de
contribution des entreprises. Je suis parfaitement d'accord avec le
député de Gatineau.
M. Lavoie: J'aurais une question à poser au
représentant de la chambre de commerce. Vous n'avez pas jugé
à propos de faire de commentaire sur l'article 98, où il me
paraît qu'il y a un paradoxe dans la loi telle que
présentée. D'un côté, je crois que le gouvernement,
ou le ministre d'État à la réforme électorale, a
dans l'esprit d'encourager la participation des citoyens à la vie
démocratique, de les encourager à contribuer aux partis
politiques et à payer le coût de la démocratie.
D'un autre côté, vous encouragez également la
contribution de l'État, comme tel, en augmentant le fonds de $400 000
à $1 million, à peu près; $0.25 pour 4 millions
d'électeurs, ce qui fait $1 million. Votre philosophie est d'encourager
la participation des citoyens, mais, d'un autre côté, dans le
dégrèvement d'impôt, ou le crédit d'impôt,
vous êtes loin d'être aussi généreux que le
gouvernement d'Ottawa ou celui d'Ontario. Vous brimez les citoyens, vous leur
donnez beaucoup moins de crédit d'impôt. Vous leur refusez le
droit de participer à la vie de la démocratie. Si une personne
donne $50 à un parti politique, en Ontario ou à Ottawa, elle a un
crédit d'impôt de $37.50, soit 75%, alors qu'au Québec vous
ne lui donnez que $12.50 de crédit d'impôt, soit 25% de $50. Vous
la pénalisez et vous l'empêchez de participer à la vie
démocratique.
Si une personne donne $100, à Ottawa, elle a un crédit
d'impôt de $75. Ici, vous ne lui donnez que $25 de crédit
d'impôt. Pour $200, à Ottawa, elle a $125 de crédit
d'impôt et $50 de crédit d'impôt au Québec.
M. Morin (Pierre): M. le Président, je ne voudrais pas me
faire fiscaliste, mais je voudrais simplement souligner qu'il y a des petits
mots très importants. On dit, ici: "de déduire de son impôt
autrement payable", ce qui est bien différent du fait de le
considérer purement comme une dépense, comme, par exemple, les
frais de maladie.
M. Lavoie: Non, c'est un crédit d'impôt. À
Ottawa et en Ontario, c'est la même chose. Si une personne a $500
d'impôt payable et si elle a le droit, en vertu des chiffres que je vous
ai donnés tout à l'heure, à un crédit
d'impôt, dans le cas où elle a fourni $100 à un parti
politique, à Ottawa, elle a droit à un crédit
d'impôt de $75, c'est-à-dire qu'elle ne paie plus $500, elle paie
$425. Elle a un crédit total de $75, alors qu'au Québec on ne
donne que $25 de crédit d'impôt au même contribuable. Il y a
là un paradoxe.
M. Burns: II y a une autre chose dont on devrait tenir compte.
Dans ces lois, sauf erreur, il n'y a pas de financement de la part de
l'État aux partis politiques.
M. Lavoie: II y en a au moment de la période
électorale.
M. Burns: Oui, mais il n'y en a pas tous les ans. Ici aussi,
c'est la même chose, en période électorale. Mais là,
il y a $1 million au moins; si mes chiffres sont exacts, c'est un peu plus que
$1 million. Il y aurait, actuellement, environ 4 200 000 électeurs au
Québec, ce qui veut dire, à peu près, quelque chose comme
$1 050 000. En tout cas, on ne s'obstinera pas pour cela.
Il y a tout cela.
Le député de Laval pourra peut-être tenter de nous
convaincre lorsque nous examinerons le texte article par article.
M. Lavoie: Non. À cause de toutes les implications de
cette loi, au lieu de bousculer les membres de l'Assemblée, pourquoi ne
pas prendre un peu votre temps? C'est une loi de base. En Californie, cela a
pris trois ans pour adopter une telle loi. À Washington, cela a pris
trois ou quatre ans. À Ottawa, il y a eu la commission Barbeau, cela a
pris trois ans. Nous vous demandons de prendre peut-être un mois ou
deux.
M. Burns: Le 27 avril 1970, alors qu'il n'était pas
premier ministre, M. Robert Bourassa disait, devant environ 2000 personnes,
à Rouyn-Noranda: II est urgent d'adopter une loi abolissant les caisses
électorales occultes pour qu'enfin nous ayons des partis politiques qui
n'ont plus les mains liées. C'est M. Robert Bourassa, chef de
l'Opposition, qui disait cela le 27 avril 1970. Depuis ce temps, il
ne s'est rien passé. En ce qui nous concerne, nous l'avons
répété et nous nous sommes dit: II faut faire quelque
chose.
Le Président (M. Laplante): Sur ce, M. le ministre, vu
qu'il n'y a pas d'autres questions à poser aux membres de la Chambre de
commerce de la province de Québec, madame et messieurs, les membres de
cette commission vous remercient de votre mémoire.
M. Létourneau: Merci beaucoup, M. le Président, de
nous avoir entendus et merci de votre patience. Je termine en vous soulignant
que nous avons fait notre démarche pour représenter les
intérêts légitimes de nos membres, et des personnes morales
qui sont nos membres, les entreprises.
M. Burns: Je vous remercie, M. Létourneau. D'ailleurs, si
je me fais le porte-parole du côté ministériel, nous
apprécions le fait que vous ayez pris le temps de nous faire ces
remarques et que vous ayez pris le temps, également, de patienter toute
la journée avant de les faire.
Nous tenons compte de vos remarques. Je peux vous dire que, dans le
réexamen du projet de loi, entre autres, votre mémoire a
été très sérieusement scruté. Encore une
fois, il est possible que vous voyiez, en partie du moins, que nous
reconnaissons la légitimité de vos revendications.
M. Létourneau: Merci, M. le Président.
M. Lavoie: Je commence à être jaloux. On a dit
à tous les témoins qu'on était pour transposer leurs
désirs dans la loi et on ne nous fait pas le même plaisir. Y
a-t-il deux poids, deux mesures? Il y a de la persécution.
M. Burns: C'est parce que je sais fort bien, M. le
député de Laval, que je vais être obligé de tenir
compte également de vos opinions, quand nous étudierons le projet
de loi article par article.
Le Président (M. Laplante): La commission ajourne ses
travaux à demain, dix heures.
(Fin de la séance à 19 h 3)