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(Dix heures dix-sept minutes)
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous ouvrons aujourd'hui la séance du 24 novembre 1983 de la
commission élue permanente de la présidence du conseil et de la
constitution qui a pour mandat d'entendre les représentations des
autochtones et des divers groupes et organismes autochtones sur les droits et
les besoins fondamentaux des Amérindiens et des Inuits.
Les membres de notre commission aujourd'hui sont: M. Perron (Duplessis),
M. Brouillet (Chauveau), M. Chevrette (Joliette), M. Lazure (Bertrand), M.
Ciaccia (Mont-Royal), M. Lévesque (Taillon), M. Lafrenière
(Ungava), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Morin (Sauvé), M. Lincoln
(Nelligan), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).
Les intervenants: M. Bisaillon (Sainte-Marie), Mme Lachapelle (Dorion),
M. Gauthier (Roberval), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Gratton (Gatineau), M. Rivest
(Jean-Talon), M. LeMay (Gaspé), M. Maciocia (Viger).
Selon notre ordre du jour d'aujourd'hui, à 10 heures - on
s'excuse, il est un peu plus tard - le Conseil attikamek-montagnais suivi par
les Naskapis de Schefferville. Nous allons commencer tout de suite par le
Conseil attikamek-montagnais. Donc, M. le président Gaston McKenzie, si
vous voulez vous identifier et présenter aussi ceux qui vous
accompagnent.
Conseil attikamek-montagnais
M. McKenzie (Gaston): Merci. Je voudrais dire qu'il y a quelques
changements sur la liste de noms de ceux qui m'accompagnent. Le chef de la
Réserve Weymontachie, M. Marcel Boivin, est retenu dans sa
réserve, il avait autre chose à faire. Il y a aussi M. Ernest
Ottawa, vice-président de notre organisation, qui est à
l'hôpital. Donc, les membres qui m'accompagnent aujourd'hui sont: M.
René Simon, à ma droite, chef de bande de Betsiamites et M.
Armand Germain, chef de Pointe-Bleue, qui est vice-président de notre
organisation.
Le Président (M. Rancourt): Nous vous écoutons, M.
McKenzie.
M. McKenzie: Mesdames, messieurs, membres de la commission, nous
commencerons notre présentation en situant, pour votre
bénéfice, ce que notre organisation représente.
Le Conseil attikamek-montagnais est le porte-parole élu par 11
communautés amérindiennes par rapport aux 39 que compte le
Québec, soit les 3 communautés attikameks de Haute-Mauricie que
l'on nomme Manouane, Weymontachie et Obedjiwan ainsi que 8 communautés
montagnaises que l'on nomme Pointe-Bleue, Les Escoumins, Betsiamites, Mingan,
Natashquan, La Romaine, Saint-Augustin, Schefferville.
Notre population compte environ 12 000 habitants, soit un tiers des
Indiens statués du Québec. Les territoires sur lesquels nous
vivons s'étendent sur 250 000 milles carrés, soit plus d'un tiers
de l'étendue géographique de la province.
Nous sommes donc au Québec le plus important groupe
d'Amérindiens en tant que nombre, mais aussi celui qui vit depuis des
temps immémoriaux sur la partie la plus étendue de cette
province.
D'autre part, nous sommes actuellement le seul groupe autochtone du
Québec qui avons engagé un processus de négociations
officielles par la voie de négociations tant avec le gouvernement de
cette province qu'avec le gouvernement fédéral et cela, depuis
que la Convention de la Baie James a été conclue avec le groupe
des Indiens Cris, Naskapis et Inuits.
Lors de cette entente, soit dit en passant, votre gouvernement a
exigé que le gouvernement fédéral éteigne sans
compensation ni négociation nos droits sur ce territoire.
Cela dit et concernant la présente audience que vous avez
organisée pour entendre les divers groupes autochtones sur ce qu'ils
pensent de leurs droits, nous, Attikameks et Montagnais, nous nous interrogeons
tout d'abord sur l'attitude du gouvernement du Québec
parallèlement aux conférences constitutionnelles d'Ottawa qui
traitent du même sujet. En effet, comment expliquez-vous le fait que vous
vous dites prêts à reconnaître nos droits dans les lois du
Québec alors que votre gouvernement bloque le processus de
conférences constitutionnelles qui doit inscrire nos droits dans la
constitution canadienne?
Ce que nous entendons par nos droits, nous en avons déjà
parlé lors d'autres présentations à des comités
spéciaux ou à des commissions parlementaires, qu'ils soient
fédéraux ou provinciaux, que ce soit pour parler de chasse, de
pêche, de trappe, d'énergie, de nos territoires, de notre
autonomie politique et de bien d'autres sujets.
Notre dernière représentation sur ce genre de débat
ne remonte qu'au mois de mai dernier, où nous avons eu à
déposer un mémoire et à témoigner devant un
comité spécial de la Chambre des communes du Canada, concernant
notre conception de notre autonomie.
Ce comité a fait part de ses recommandations il y a quelques
jours et vous connaissez déjà sans doute l'essence de ses
recommandations. Comme celles-ci correspondent à la présentation
que nous lui avions faite et qu'elles sont conformes à peu de choses
près à ce que l'ensemble des groupes amérindiens du Canada
avaient déclaré, nous n'aurons donc pas à vous faire un
exercice tellement nouveau.
Nos droits se résument à ce qui suit: Que les Attikameks
et les Montagnais ont un territoire clairement identifié sur lequel ils
vivaient des millénaires avant que vous arriviez;
Que ces territoires, dont vous vous êtes emparés au fur et
à mesure du temps, nous ne vous les avons jamais cédés.
Vous avez essayé d'imposer vos lois et vos principes jusqu'à y
inverser les rôles.
Par conséquent, ce que nous exigeons comme principe fondamental,
c'est que vous reconnaissiez que ces territoires nous appartiennent et qu'ils
sont sous notre juridiction.
Nous considérons que toutes les exploitations et appropriations
que vous avez pratiquées sur ces territoires ont été
faites sans autorisation de notre part, que cela demande une réparation
et que, dans l'avenir, des ententes seront nécessaires entre votre
société et la nôtre pour en déterminer
l'utilisation.
Il en découle qu'à l'avenir et sur les territoires que
nous considérons nôtres, toutes les exploitations qui auront lieu,
qu'elles concernent les ressources fauniques, naturelles renouvelables ou non,
qu'elles soient industrielles ou touristiques, nécessiteront d'autres
règles du jeu entre vous et nous.
Nous prétendons également avoir le droit de conserver
notre propre identité d'Amérindien et, partant de cette base,
nous voulons avoir notre propre autodétermination, c'est-à-dire
que, sur nos territoires, nous voulons établir notre propre
système politique, juridique, économique, social, administratif,
éducatif et culturel. Par contre, une fois ce principe reconnu, nous
pourrons, avec votre gouvernement, établir d'autres formes de relations
sur un principe d'égal à égal et entre partenaires
capables de trouver des solutions et des accords acceptables pour nos deux
sociétés.
Nous ne prétendons pas arrêter le progrès auquel
nous voulons participer, mais nous ne voulons pas que, pour autant, il doive
nous détruire. Nous ne voulons pas non plus faire un État dans
l'État, ni ériger des barrières ou des frontières
entre ce que nous considérons notre territoire et le vôtre, mais
nous voulons, par contre, arrêter votre propension à croire que,
dès que vous touchez quelque chose ou que vous mettez le pied dessus,
cela vous appartient, vos lois s'y appliquent et tout le monde doit s'y
soumettre.
Ce que nous n'acceptons toujours pas, nous Indiens, et que ni nos
ancêtres ni même nos pères n'ont eu les moyens de vous dire
parce qu'ils ne parlaient pas votre langue, parce qu'ils ne comprenaient pas
votre système et parce qu'ils avaient confiance en vous, c'est qu'au fil
des années de votre présence ici, vous vous êtes
emparés de tout ce que nous possédions et que vous avez
imposé partout où nous vivions toutes vos juridictions par la loi
du plus fort, jusqu'à même nous considérer plus bas que le
plus minoritaire des immigrants.
Votre assimilation, nous n'en voulons pas. Nous avons
résisté pacifiquement, depuis que vous êtes arrivés
ici, à votre volonté de nous intégrer, que ce soit par
votre langue, votre éducation, vos us et coutumes ou en nous parquant
sur des réserves parce que nous dérangions vos
développements. Mais, nous sommes toujours là; nous circulons
toujours sur nos territoires malgré les tracasseries que vous nous y
imposez un peu plus chaque jour. Malgré tout, notre culture, notre
langue, nos moeurs et nos habitudes existent encore et subsisteront encore
demain.
C'est pourquoi nous n'avons aucune gêne à prétendre
vouloir sauvegarder certaines valeurs comme celle de rester Indiens et non de
devenir des Québécois ou des Euro-Canadiens. Ce droit et cette
volonté de rester Indiens étant essentiellement basés sur
le contrôle de nos territoires et sur les formes de juridiction que nous
voulons y étendre, nécessiteront donc des relations
différentes entre votre société et la nôtre.
Par contre, si vous n'en comprenez pas la nécessité
à l'avenir, si vous continuez de vous conduire comme en pays conquis et
au mépris du respect auquel nous avons droit de votre part en tant
qu'originaires de ce pays, alors vous aurez passé à
côté du véritable problème et nous pourrons penser
que l'avenir ne sera pas rose pour nos deux sociétés. Vous avez
sans doute encore aujourd'hui le moyen de pallier cet état de
choses et de rétablir les erreurs du passé par une
réflexion qui a manqué à vos prédécesseurs;
à vous d'y réfléchir.
Ce que nous savons, par contre, c'est que nous sommes
déterminés, avec ou sans cette commission, à faire valoir
nos droits. Nous sommes présentement en négociation avec votre
gouvernement, comme avec celui d'Ottawa, et nous n'abandonnerons jamais notre
volonté de faire reconnaître les droits que nous avons sur nos
territoires d'origine, ni celui d'exister, ni celui de vivre
différemment de vous.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre
délégué aux Relations avec les citoyens.
(10 h 30)
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux d'abord
remercier M. McKenzie et ses amis qui l'accompagnent. Je veux les assurer tout
de suite de notre intention d'écouter avec une oreille très
attentive les représentations de leur groupe. Comme vous l'avez
vous-même noté au tout début, votre groupe est un des plus
importants au Québec. Je voudrais tout d'abord relever une certaine
confusion qui existe parce que vous avez envoyé une première
version du mémoire qui a circulé un peu partout et ce que vous
nous lisez aujourd'hui, c'est une deuxième version du
mémoire.
Je voudrais, ne serait-ce que pour le journal des Débats, que
vous nous indiquiez lequel des deux... Aux fins du débat d'aujourd'hui,
si je comprends bien, c'est celui-ci qu'on doit suivre et discuter. Il y a eu
effectivement un autre mémoire qui a été envoyé
plus tôt, n'est-ce pas?
M. McKenzie: Oui, un autre mémoire a été
envoyé au début. Ce que nous voulons discuter, c'est le
mémoire que nous présentons ici.
M. Lazure: Bon, d'accord. La deuxième question concerne
votre présence et le rôle de notre gouvernement dans la discussion
actuelle qui se tient à Ottawa depuis mars 1983, c'est-à-dire la
discussion constitutionnelle concernant les droits des autochtones.
Je dois répéter ce qui a été dit depuis deux
jours par le premier ministre et par les membres de notre commission.
Contrairement à ce que vous affirmez dans le mémoire, nous
n'avons pas tenté de bloquer le processus actuel de négociations.
Au contraire, nous avons dit, dès le début, que nous allions
offrir aux autochtones du Québec le maximum de collaboration, même
si nous n'endossions pas, nous ne partagions pas, comme vous le savez, le
contenu de la constitution de 1982.
En d'autres mots, nous n'avons toujours pas l'intention de signer la
déclaration, l'accord de mars 1983 qui a découlé de la
conférence constitutionnelle fédérale-provinciale sur les
droits des autochtones, mais, comme le premier ministre l'a affirmé
depuis deux jours, nous avons l'intention de présenter à
l'Assemblée nationale une résolution qui contiendra au moins
autant de substance que vous en retrouvez dans l'accord de mars 1983.
Alors, je voudrais que cela soit très clair: Nous n'avons pas
bloqué et nous n'avons pas l'intention de bloquer ces
discussions-là. Nous avons participé. Nous y avons
prêté ou, si vous voulez, mis à la disposition des
autochtones qui le désiraient un siège pour qu'ils expriment
leurs propres opinions à cette conférence
fédérale-provinciale. D'ailleurs, en mars 1983, et c'est la
deuxième question que je vous pose: Est-ce que votre collègue, M.
Ottawa, n'était pas présent à la conférence
fédérale-provinciale?
Le Président (M. Rancourt): M. McKenzie.
M. McKenzie: Oui, il était présent.
M. Lazure: Il était présent. Alors, je pense qu'il
y a un peu de malentendu au départ. Donc, vous avez participé et
M. Ottawa, qui est retenu - vous nous l'avez dit plus tôt - mais qui est
quand même vice-président du conseil, a participé à
la conférence fédérale-provinciale. Pour nous, cela
devrait être clair une fois pour toutes: vous êtes les bienvenus
chaque fois que vous voulez - comme d'autres autochtones du Québec l'ont
fait - utiliser les sièges que nous mettons à la disposition des
groupes autochtones.
Une troisième remarque concerne aussi une affirmation que vous
faites vers la fin de votre mémoire, lorsque vous parlez de "notre"
assimilation. Je pense que la meilleure façon de vous rassurer à
cet égard, la meilleure façon de bien démontrer que,
même si cela fut le cas dans le passé dans notre
société québécoise - et cela n'est pas une question
de parti ou de gouvernement... Je pense que tout le monde va reconnaître
qu'il y a eu, tant de la part de la société qui était
représentée par le gouvernement fédéral que de la
société qui était représentée par les
gouvernements du Québec, il y a certainement eu, dans le passé,
des tentatives plus ou moins directes, plus ou moins avouées
d'assimilation. Mais nous n'avons certainement pas l'intention de continuer
dans cette direction. Vous connaissez les quinze principes qui vous ont
été communiqués par le premier ministre du Québec.
Et, précisément, l'un de ces principes, c'est la reconnaissance
du droit aux nations autochtones de se développer selon leurs propres
critères, selon leurs
propres croyances et selon leurs propres aspirations.
Ceci étant établi, M. le Président, pour essayer de
clarifier et d'améliorer le climat dans le dialogue, il reste que nous
avons des problèmes. Les négociations sont commencées avec
vous; vous l'avez dit vous-mêmes, sinon dans ce mémoire-ci, dans
l'autre mémoire. Il y a déjà eu plusieurs rencontres et
les négociations, quant à nous, sont tout à fait
justifiées. Dans l'actuelle Convention de la Baie James, à
l'article 2.14, il est dit: "Le Québec s'engage à
négocier, avec les autres Indiens ou Inuits, toute revendication qu'ils
peuvent avoir relativement au territoire." Nous savons pertinemment que le
territoire du Nouveau-Québec a été traditionnellement pour
vous un territoire de chasse. Cela, nous le savons. Et, à cause de
toutes ces données historiques, sur la base de l'article 2.14 de la
Convention de la Baie James que nous voulons toujours respecter, nous avons
entamé des négociations avec vous. Il y a eu un certain nombre de
réunions. La dernière remonte au 12 octobre 1983. On me dit que
les deux parties, à ce moment-là, ont convenu de ne plus tenir de
réunions pour un certain temps afin de permettre au Conseil
attikamek-montagnais de compléter la préparation de certains
dossiers.
En résumé, je voudrais assurer M. McKenzie de notre bonne
foi, de notre désir de négocier sur la base de l'article 2.14 de
la Convention de la Baie James. Nous disons: Continuons les rencontres.
Aussitôt que vous nous ferez signe, aussitôt que vous aurez
complété certains dossiers particuliers, nous reprendrons ces
réunions qui seront tenues de façon assez
régulière. Merci.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Mont-Royal, si vous voulez...
M. Ciaccia: Est-ce que je peux faire un commentaire?
Le Président (M. Rancourt): Des commentaires au
départ et peut-être des questions par la suite.
M. Ciaccia: Très bien. M. le Président, je veux
souhaiter la bienvenue au Conseil attikamek-montagnais et le remercier de son
mémoire. Nous sommes très sympathiques, nous comprenons les
problèmes de négociations, les positions que vous avez prises et
les difficultés que vos communautés connaissent.
Le ministre a soulevé la question constitutionnelle, le fait que
le gouvernement, le premier ministre s'était engagé à
faire adopter par l'Assemblée nationale une résolution qui, en
somme, aurait le même contenu, contiendrait les termes et les conditions
de l'accord de 1983. Autrement dit, le Québec ferait adopter comme loi
ou comme résolution à l'Assemblée nationale l'entente
constitutionnelle de 1983.
Mme Lavoie-Roux: Et même un peu plus.
M. Ciaccia: Oui, le premier ministre a dit: "même un peu plus".
Vous savez, il faudrait comprendre que cela n'a pas la même valeur que si
le Québec avait adopté formellement et avait signé
l'accord, parce qu'une résolution de l'Assemblée nationale...
Premièrement, si c'est une résolution, c'est symbolique et cela
n'a pas un effet législatif. Si c'est une loi, si cela va plus loin
qu'une résolution et que c'est adopté comme une loi, cela n'a pas
le même effet que si ces droits sont enchâssés dans la
constitution canadienne. Une loi de l'Assemblée nationale peut
être changée ou modifiée par une autre loi de
l'Assemblée nationale par une simple majorité des membres
élus à l'Assemblée nationale, autrement dit par le
gouvernement.
Il faudrait donc comprendre exactement les engagements que le
gouvernement prend envers vous. Il ne faudrait pas que, parce qu'il y a des
problèmes constitutionnels entre ce gouvernement et le gouvernement
fédéral, cela soit au détriment des Amérindiens et
des droits des Amérindiens. D'après nous, c'est la loi
constitutionnelle, c'est la constitution du Canada qui est la loi du pays et
nous sommes d'accord que, pour que vos droits soient vraiment
protégés, il n'est pas suffisant que l'Assemblée nationale
adopte une loi. Il faut que ces droits soient enchâssés dans la
constitution canadienne afin qu'ils ne puissent être changés
unilatéralement ni par le gouvernement fédéral, ni par une
des provinces. Cela prendrait un amendement à la constitution avec les
protections qui ont été incluses dans l'accord de 1983, indiquant
qu'ils doivent vous consulter, que vous devez participer, tout le processus
constitutionnel qui garantirait vos droits.
Je pense qu'il faut établir ce point clairement et que le
gouvernement ne devrait pas essayer de donner l'impression que c'est le
gouvernement du Québec qui va protéger les droits de la
même façon qu'ils sont protégés dans la constitution
canadienne. On apprécie l'intention du gouvernement de s'assurer que, au
Québec, vos droits sont protégés, mais la protection n'est
pas la même. Elle est plutôt symbolique et cela fut amorcé
non par le gouvernement du Québec, mais par les groupes autochtones.
Ils ont demandé à toutes les provinces de s'assurer que
leurs droits sont protégés dans la constitution. Les efforts - on
doit l'admettre - sont venus de la part des autochtones; nous les appuyons et
nous espérons qu'ils porteront fruit parce que c'est une chose de dire
que les droits sont protégés dans la constitution,
mais il faut aussi définir les droits. C'est à ce niveau
que je trouve que le gouvernement du Québec ne va pas tout à fait
assez loin parce qu'il est d'accord pour dire que vos droits seront
protégés, mais il faudrait qu'il négocie et qu'il
explicite ces droits; non seulement le gouvernement du Québec, mais
aussi le gouvernement fédéral. C'est une remarque que je voulais
faire en ce qui concerne l'aspect constitutionnel, les discussions
constitutionnelles et la protection dans la constitution des droits
aborigènes.
Deuxième remarque qui concerne les négociations auxquelles
vous vous référez dans votre mémoire. Nous étions
à une commission parlementaire à Schefferville - je crois que le
ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche était avec nous -
et vous avez fait une présentation où vous faisiez valoir que
vous étiez en négociation. Pourriez-vous nous dire à
quelle étape vous en êtes dans cette négociation? Est-ce
une négociation tripartite? Est-ce que cela implique le gouvernement
fédéral, le gouvernement du Québec et vos
communautés? Est-ce qu'il y a eu du progrès dans les
négociations depuis que nous nous sommes rencontrés à
Schefferville?
Le Président (M. Rancourt): M. McKenzie. (10 h 45)
M. McKenzie: Je pourrais peut-être répondre que,
s'il y a eu du progrès dans les négociations, nous pensons...
Souvent on pose la question, à savoir si votre gouvernement veut
négocier avec nous. De la façon dont se déroulent les
négociations, souvent on arrête et on dit: Écoutez, est-ce
que le gouvernement est vraiment sérieux dans son désir de
négocier avec nous? Le gouvernement n'est peut-être pas
prêt. Je ne le sais pas. C'est ce qu'on dit souvent. Dans les
négociations, cela ne fonctionne pas comme cela devrait fonctionner
à ce jour.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous dites que vous avez
commencé des négociations, mais que, dans votre esprit, vous
doutez du désir du gouvernement de vouloir vraiment en arriver à
compléter ou à conclure ces négociations. Si je vous
comprends, il ne semble pas y avoir de progrès dans les
négociations avec le gouvernement. Est-ce exact?
Le Président (M. Rancourt): M.
McKenzie.
M. Simon (René): Je peux répondre à la
question qui a été posée. En tant qu'ex-président
du Conseil attikamek-montagnais, j'ai participé assez étroitement
à toute l'élaboration du processus de négociation avec les
deux gouvernenements. C'est une négociation tripartite. Sans faire
l'historique au complet de tout ce processus qui a été mis en
marche, on pourrait dire que les démarches ont été
amorcées lors de la présentation qu'on a soumise au Comité
permanent des Affaires indiennes sur le bill C-9. À la suite de cela, le
ministère des Affaires indiennes, notamment le gouvernement du Canada, a
perçu le mémoire comme étant très positif, en ce
sens que, d'après la présentation que nous avions faite, il y
avait des droits attikamègues-montagnais qui avaient été
éteints et que nous étions en plein droit de pouvoir amorcer des
négociations. Ce qui arrive, lorsqu'on parle du processus de
négociation du côté fédéral,
c'est-à-dire de la politique qui est mise de l'avant à l'heure
actuelle, c'est qu'on dit aux Indiens: Prouvez que, dans tel territoire, vous
avez des droits. Prouvez que, dans tel territoire, il y a une occupation
effective des Attikameks et des Montagnais. Cela est peut-être un point
négatif pour nous en tant que nation indienne. Nous avons toujours le
fardeau de la preuve, c'est-à-dire qu'il faut toujours prouver que nous
avons été les premiers habitants.
La politique du ministère des Affaires indiennes reste la
même à l'heure actuelle, même avec tout le contexte des
pourparlers en ce qui concerne la constitution. On demande aux Indiens de bien
vouloir prouver précisément qu'ils ont des droits. Le but final
de tout le processus de négociation -cela est une politique du
gouvernement fédéral qui n'est pas encore changée - c'est
purement et simplement l'extinction des droits. Nous nous sommes dit:
Étant donné qu'il y a un processus de négociation... Le
Québec est assez familier avec le dossier. Lorsqu'on a
décidé d'amorcer le processus de négociation, il y avait
un certain bon vouloir de notre côté et il y avait aussi une
certaine confiance à l'égard du gouvernement du Québec,
surtout avec toutes les allégations du premier ministre et des ministres
à l'endroit des autochtones. Pour nous, c'était de bon augure
d'aller nous asseoir avec le gouvernement du Québec et d'essayer
d'éclaircir la notion de droit des Attikameks-Montagnais.
Je sais aussi pertinemment que le gouvernement du Québec nous a
dit que, pour la négociation avec les Attikamègues-Montagnais, il
était prêt, peut-être pas à éliminer d'une
façon totale la question de l'extinction de droits, mais peut-être
à l'aborder d'une autre façon et à prendre une autre
approche.
Le point fondamental dans cela, c'est toujours le fédéral,
qui a le gros bout du bâton et qui ne veut pas changer sa politique. On
parle présentement d'enchâsser des droits autochtones dans la
constitution alors que la politique demeure la même. À ce sujet,
il y a un rapport qui vient d'être présenté en ce qui
concerne les Affaires
indiennes et qui est assez positif, à mon sens, si le rapport est
adopté. Cela concerne l'autonomie politique des Indiens au Canada. Sur
ce sujet, je crois qu'il y a une recommandation qui spécifie très
clairement que le fédéral devrait changer sa politique quand on
parle des négociations, notamment en ce qui concerne tout l'aspect de
l'extinction de droits. Quand on regarde toute la bataille que les Indiens
livrent actuellement et ont livrée dans le passé à
l'égard des gouvernements, qu'il s'agisse des gouvernements provinciaux
ou fédéral, il a toujours été question de la notion
de reconnaissance de droits et non de revendications dans le sens
négatif, dans le sens: On négocie, mais c'est afin
d'éteindre les droits.
Dans cette commission, beaucoup de mémoires ont été
présentés dans ce sens, notamment par les Inuits et aussi par
d'autres groupes. Si les négociations amorcées avec le
gouvernement du Québec semblent avancer à pas très lourds,
c'est dans ce contexte, car on est prêt, en suivant la politique des
Affaires indiennes, à éclaircir, clarifier et identifier des
droits. Mais que l'on ne vienne pas nous dire: D'accord, on est prêt
à discuter d'éducation. Que voulez-vous en matière
d'éducation? On est prêt à discuter des services sociaux.
On est prêt à discuter de la santé. Pour nous, ce sont des
choses acquises sur le plan de la constitution, quand on regarde l'article
91.24 de la constitution de 1867 où le gouvernement
fédéral est mandataire en tant que gouvernement auprès des
Indiens et des terres réservées aux Indiens. Alors, pour nous, ce
ne sont pas des choses négociables. Ce sont des acquis pour tout citoyen
québécois, canadien-français ou indien. C'est un
élément essentiel pour nous.
On ne voulait pas embarquer dans un processus de négociation
à caractère sectoriel. On a toujours misé sur une
négociation à caractère de droits, comme la politique des
Affaires indiennes. On est toujours dans cette vague de
négociations.
Tout à l'heure, on a parlé de l'article 2.14 de la
Convention de la Baie James. On l'a soulevé à une séance
de négociation. Le gouvernement du Québec nous a dit un peu ce
que M. Lazure nous disait tout à l'heure: C'est une obligation du
gouvernement du Québec de négocier cette partie de la Convention
de la Baie James, si effectivement les Attikameks-Montagnais ont des droits.
Mais, pour nous, c'est une obligation morale et non pas une obligation
juridique.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, si le processus de
négociations ne se révèle pas totalement négatif,
il y a toujours un conflit, il y a tout le processus constitutionnel qui est
mis en marche à l'heure actuelle afin d'identifier ces droits et de les
enchâsser au niveau de la nouvelle constitution. D'un autre
côté, on essaie d'identifier ces mêmes droits par le
processus de négociations mis de l'avant par le gouvernement
fédéral, entériné peut-être d'une certaine
façon par le gouvernement du Québec et qui vise l'extinction de
droits. Alors, c'est tout ce contexte qui fait qu'on se pose pas mal de
questions quand on parle de négociations.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je pourrais faire une suggestion au gouvernement, en
me fondant sur ce qu'on a vécu dans l'entente de la Baie James. Je pense
que l'initiative des négociations... Je comprends que la juridiction des
Indiens est de juridiction fédérale, mais, si on s'en tient
strictement à la question de juridiction, la question juridique, on
n'arrivera jamais... Si on avait adopté cette attitude dans la
Convention de la Baie James, on n'en serait jamais arrivé à une
entente finale. Je suggérerais au gouvernement de prendre l'initiative.
Même si, de fait, la constitution prévoit que c'est le
gouvernement fédéral qui a juridiction sur les Indiens en
matière des affaires indiennes, le fait est que les Indiens du
Québec demeurent au Québec. Si le gouvernement prenait
l'initiative dans ces négociations sans attendre le ministère des
Affaires indiennes et sans s'immiscer dans les questions constitutionnelles...
Car il serait trop facile pour des fins politiques de dire: Voici un autre
exemple où le fédéralisme ne fonctionne pas. On ne peut
même pas en arriver à des ententes avec les peuples
autochtones.
Il y a un engagement moral et on devrait le voir au niveau de
l'engagement moral en prenant l'initiative de négocier avec vous vos
droits, de la part du gouvernement du Québec. Si le gouvernement
fédéral veut embarquer par la suite, il le fera. Moralement, il
sera obligé de le faire, mais, si personne ici n'en prend l'initiative,
ces négociations peuvent traîner et n'aboutiront pas dans notre
génération; cela va continuer d'une génération
à l'autre et on aura toujours le problème
fédéral-provincial. Alors, je fais la suggestion au gouvernement
d'oublier les querelles constitutionnelles, de s'asseoir avec vous et d'entamer
les négociations concernant vos droits, afin de résoudre les
problèmes que vous vivez dans vos communautés.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre
délégué aux Relations avec les citoyens.
M. Lazure: M. le Président. Je suis content des
précisions que M. Simon a apportées en disant que, si les
négociations
amorcées entre le Québec et le Conseil
attikamek-montagnais ne progressent pas plus vite, c'est à cause, en
bonne partie, de l'autre processus qui est aussi en cours.
Je vais revenir à la suggestion. M. le député de
Mont-Royal est bien généreux. Il essaie d'aider le gouvernement
et on le remercie. Sur cette question, le gouvernement n'a pas attendu les
suggestions du député de Mont-Royal. Le 24 septembre 1980, en
réponse au mémoire que vous aviez soumis au gouvernement en
janvier 1980, ce dernier soumettait sa position officielle. C'est depuis ce
temps-là qu'il y a des négociations. Dans la position officielle
du gouvernement du Québec, en 1980 - je ne lirai pas tout le texte, mais
un paragraphe, car vous y avez fait allusion tout à l'heure dans votre
mémoire - on dit: "Le gouvernement ne fait pas de l'extinction des
droits une condition préalable aux ententes qui pourraient être
élaborées et conclues entre le gouvernement du Québec et
les Attikamègues-Montagnais." On n'en fait pas une condition
préalable de l'extinction des droits. On est d'accord pour faire ce que
le député de Mont-Royal suggère un peu à
retardement. Si je compte l'ensemble des réunions de négociation,
il y a eu trois rencontres avec le premier ministre, en juin et en septembre
1980, ensuite, en avril 1982. Au cours de la dernière période,
soit d'avril 1983 à aujourd'hui, il y a eu sept réunions. On veut
accélérer.
Voici une des questions que j'allais vous poser: Est-ce que vous
êtes intéressés à accélérer le rythme
de la négociation? On est disposé à le faire. Je vous
renvoie la même question que celle que vous m'avez posée tout
à l'heure.
Le Président (M. Rancourt): M.
Mckenzie.
M. Mckenzie: Peut-être que je vais vous poser la question
d'une autre façon. J'aurais peut-être dû dire: Si vous
êtes prêts à accepter le territoire que nous
réclamons, à nous reconnaître comme gouvernement indien,
nous sommes prêts à recommencer à n'importe quel temps. On
pourra discuter d'égal à égal, d'un gouvernement à
l'autre.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je pense que vous étiez
ici hier quand le premier ministre - j'y ai fait allusion tout à l'heure
-a dit que nous allions, d'ici la fin de l'année 1983, soit par une
résolution de l'Assemblée nationale, par un projet de loi, ou
encore par le biais de la Charte des droits et libertés de la personne -
la formule exacte reste à trouver - exprimer de façon très
claire la volonté du Québec d'accorder une autonomie.
Bien sûr que cette autonomie doit tenir compte du fait que vous
vivez dans un territoire qui relève du gouvernement du Québec.
Par conséquent, la réponse que je donne à votre question
est positive quant à ce volet de l'autonomie.
Quant à l'autre volet, le territoire, les délimitations
exactes du territoire, il faut continuer les discussions. Je constate que vous
êtes intéressés à accélérer. Nous
allons faire l'impossible pour que les réunions se tiennent de
façon plus fréquente encore. (11 heures)
Si vous me permettez, je ferai une dernière série de
remarques en réaction aux propos du député de Mont-Royal.
Le député de Mont-Royal a parlé longuement, en s'adressant
aux Attikameks-Montagnais, de l'importance de voir leurs droits
enchâssés dans la constitution du Canada où, selon lui,
cette sécurité que vous recherchez serait plus solide qu'une
affirmation législative de notre Assemblée.
Le député de Mont-Royal disait: Ce n'est pas parce que ce
gouvernement-ci au Québec a des problèmes avec le gouvernement
fédéral qu'il faut vous empêcher d'avoir cette
sécurité. Premièrement, je lui rappelle que, lorsque le
gouvernement du Québec a adopté une résolution à
l'Assemblée nationale dénonçant la constitution canadienne
dans son état actuel, l'Opposition - son parti, sauf neuf
députés - a voté avec nous. Cette résolution
stipulait de façon très claire à quelles conditions nous
serions prêts à reconnaître la constitution du Canada
à la suite du rapatriement. Son parti a été solidaire de
cela et je le lui rappelle. Mais le plus important, c'est de lui rappeler aussi
que le Québec, contrairement à ce qu'il laisse entendre, ne s'est
pas opposé au processus de discussions constitutionnelles qui se
tiennent actuellement à Ottawa. Nous y participons de façon
active avec les autochtones et, parce que nous ne nous sommes pas
opposés, l'accord de 1983 fait maintenant partie de la constitution du
Canada, pour l'information du député de Mont-Royal.
Vous avez donc la protection dont parlait le député de
Mont-Royal et, si vous l'avez, c'est parce que le Québec ne s'est pas
opposé à ce que cela soit enchâssé. On a beau rire,
mais si on se donne la peine de suivre le dossier - un dossier qui est
très complexe - on va reconnaître que c'est la
vérité. C'est pour cela que nous allons continuer à
participer à ces discussions fédérales-provinciales.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je voudrais relever deux points du ministre qui ne
sont pas tout à fait exacts.
Mme Lavoie-Roux: Ce ne sera pas la première fois.
M. Ciaccia: Ma collègue de L'Acadie dit que ce ne sera pas
la première fois.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Ciaccia: Premièrement, c'est vrai que le gouvernement
du Parti québécois a fait adopter par l'Assemblée
nationale une résolution s'opposant au processus par lequel le
gouvernement fédéral se proposait d'adopter une nouvelle
constitution canadienne. Il y a eu neuf membres du Parti libéral...
Parce que nous sommes un parti assez démocratique, on respecte...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Ciaccia: ...la liberté de conscience de chacun de nous.
Quatre de ces neufs sont assis à cette commission parlementaire.
M. Lazure: Quatre sur six...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Ciaccia: Mais ce que le ministre a oublié de vous
dire...
M. Lazure: ...ce n'est pas très représentatif.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Ciaccia: C'est de cela qu'on parle quand on parle de
demi-vérité. Il faut dire la vérité, toute la
vérité, pas seulement la moitié. Ce que le ministre a
oublié de vous dire, c'est qu'une fois que la constitution canadienne a
été adoptée par le gouvernement fédéral
l'Opposition l'a acceptée comme la loi du pays. Cela se peut et c'est
vrai que l'Opposition avait certaines réticences, certaines questions
à soulever quant à l'implication du gouvernement du
Québec. Mais, une fois qu'elle a été adoptée, nous
l'avons acceptée comme la loi du pays, contrairement à ce que nos
amis à côté de nous font. C'est pour cela qu'une fois qu'on
l'accepte comme la loi du pays cela protège vos droits.
L'autre demi-vérité - je pense qu'il faut lui pardonner
parce qu'il n'est peut-être pas tout à fait au courant du
processus constitutionnel - c'est de dire: Parce que nous ne nous sommes pas
opposés à l'accord 1983, vous avez ces droits. Ils auraient pu
s'y opposer autant qu'ils le voulaient mais, une fois que sept provinces
acceptaient la formule, cela devenait un amendement constitutionnel, même
s'ils s'opposaient à cela. Ce que le ministre veut dire, c'est que le
Québec a le droit de retrait; c'est cela qu'il veut dire. Il pourrait
exercer un droit de retrait quant à cet amendement. Si le gouvernement
du Québec exerçait ce droit de retrait, cela voudrait dire qu'il
n'accepterait pas la protection de vos droits dans la constitution. Je pense
que vos droits seraient protégés quand même parce que c'est
de juridiction fédérale.
Alors, ce que le ministre vient de nous dire, c'est que le Québec
n'exercera pas le droit de retrait. Et pour démontrer
concrètement qu'il ne l'exerce pas, ce droit de retrait, il va
faire adopter, je présume, une résolution à
l'Assemblée nationale confirmant qu'il accepte l'accord de 1983.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais, tout
d'abord, souhaiter la bienvenue aux Attikamègues-Montagnais, en
particulier à M. McKenzie qui est le président du conseil.
J'aurais trois points à soulever quant à votre
mémoire. À la page 1, vous faites mention des communautés
attikamègues qui font partie du conseil, soit celles de Haute-Mauricie
que l'on nomme Manouane, Weymontachie et Obedjiwan, ainsi que de huit
communautés montagnaises que l'on nomme Pointe-Bleue, Les Escoumins,
Betsiamites, Mingan, Natashquan, La Romaine, Saint-Augustin et
Schefferville.
Je remarque que le nom de la bande Sept-Îles Malioténam
n'est pas inclus à l'intérieur du Conseil
Attikamègues-Montagnais. Est-ce que vous pourriez nous donner les
raisons qui font que la bande Sept-îles Malioténam ne fait pas
encore partie ou s'est retirée, plutôt du Conseil
Attikamègues-Montagnais?
Le Président (M. Rancourt): M.
McKenzie.
M. McKenzie: Ce qui est arrivé, c'est que ces gens de
Sept-îles se sont retirés du conseil attikamèque. Je pense
qu'ils se sont retirés pour bien des affaires. Étant donné
que vous êtes dans ce comté-là, que vous êtes plus
souvent à Sept-îles que moi, probablement que vous pouvez demander
au Conseil de bande de Sept-îles pourquoi il s'est retiré,
pourquoi il ne fait pas partie de notre organisation. Nous, ces gens nous
ont dit qu'ils se retiraient. C'est à eux de décider; ce
n'est pas à nous de décider pour la bande de Sept-îles.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: M. McKenzie, je comprends très bien; je
m'attendais, d'ailleurs, à une telle réponse. Je pensais que vous
étiez informé des raisons fondamentales pour lesquelles la bande
Malioténam ne faisait pas partie du conseil. De toute façon, je
vais poser la question au chef de la bande Sept-Îles Malioténam
et, à ce moment-là, j'aurai sûrement une réponse
adéquate. Mais je comprends très bien que vous ne pouvez pas la
donner parce qu'eux aussi ont le droit de retrait et d'engagement.
Maintenant, M. le Président, au bas de la page 1, vous dites:
"Lors de cette entente, soit dit en passant, votre gouvernement a exigé
que le gouvernement fédéral éteigne, sans compensation ni
négociation, nos droits sur ce territoire." Si je comprends bien, ce
sont les droits qui auraient été donnés aux Inuits et aux
Cris ou encore aux Naskapis de Schefferville. Si je comprends bien aussi, vous
faites allusion à l'entente qui a été signée le 11
novembre 1975 par l'ancien gouvernement. Là, vous comprendrez pourquoi
j'apporte une correction. Lorsque vous parlez de "votre gouvernement", je
voudrais plutôt spécifier que c'est le gouvernement du temps parce
que nous n'étions pas présents lors de la signature de la
Convention de la Baie James, malgré qu'elle ait été
endossée par le parti que je représente.
Ma question a deux volets et concerne ce à quoi vous vous opposez
en rapport avec l'entente de la Baie James et du Nord québécois;
elle a deux volets, parce que je voudrais avoir une réponse dans les
deux sens. Est-ce que le gouvernement du temps, c'est-à-dire le
gouvernement libéral de M. Bourassa, vous a approchés sur cette
question, lors des négociations avec les Inuits et les Cris? Ma
deuxième question va dans l'autre sens. Est-ce que le Conseil
Attikamègues-Montagnais, ou les Montagnais, ou les Attikamèques,
ont approché le gouvernement du temps, c'est-à-dire le
gouvernement de M. Bourassa, pour faire valoir leurs propres positions quant au
territoire et quant aux besoins?
Le Président (M. Rancourt): M.
McKenzie.
M. McKenzie: Quand on parle de l'entente signée entre les
Cris, les Naskapis et les Inuits, sur le territoire, on avait des droits qu'on
a toujours malgré la signature de l'entente. Donc, on a toujours des
droits sur le territoire. Vous demandez s'il y a eu des approches. Il y a eu
des discussions entre le gouvernement fédéral et nous, du Conseil
de bande de Schefferville, au moment où le CAM n'existait pas encore. On
avait fait valoir ces droits et, dans le temps, les gouvernements disaient...
Pour nous, l'ancien gouvernement ou le gouvernement actuel, c'est le
gouvernement québécois.
M. Perron: Mais pas pour moi.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît:
M. McKenzie: Quand on discute avec le Québec, on discute
avec le Québec; il n'y a pas de différence. Ce qui est
arrivé, c'est que, dans le temps, on a eu la chance de discuter avec
l'ancien gouvernement - si vous voulez des précisions - et on a eu la
chance de discuter avec les membres du gouvernement actuel dans ce
temps-là. Et les deux disaient la même chose. Ils disaient: Vous
ne savez même pas si vous êtes touchés par l'entente, parce
que l'entente n'est pas signée. Une fois que l'entente a
été signée, on est revenu pour parler avec le nouveau
gouvernement et il a dit: Si vous voulez faire valoir vos droits, il s'agit
simplement de vous asseoir à la table comme les autres l'ont fait. Mais
la façon dont ils voulaient procéder alors n'a pas changé
aujourd'hui. Nous, on n'est pas d'accord sur la façon dont le
gouvernement veut négocier.
M. Perron: Ma dernière question se rapporte aux
négociations qu'il y a entre le gouvernement du Québec et le
Conseil Attikamègues-Montagnais. Nous sommes présentement en
négociations avec votre gouvernement, c'est-à-dire celui qui est
en place actuellement. Vous avez mentionné que les négociations
n'allaient pas selon votre goût. De mémoire, M. Simon a dit devant
les membres de cette commission qu'il y avait deux conditions préalables
- et vous me corrigerez, M. Simon, si ce n'est pas le cas - à ce que des
négociations positives soient entreprises entre le gouvernement du
Québec et le Conseil Attikamègues-Montagnais. Les deux conditions
étaient les suivantes: premièrement, la reconnaissance du
territoire que vous convoitez; deuxièmement, la reconnaissance d'un
gouvernement autonome. M. le ministre Lazure a répondu à la
question du gouvernement autonome en rapportant les paroles du premier
ministre, M. Lévesque. Est-ce que la question du territoire - donc, la
première que j'ai soulevée - est vraiment une question de fond
pour les Attikameks-Montagnais, pour que les négociations aillent de
l'avant plus vite, ou encore que vous vous assoyiez à la table pour
négocier l'ensemble d'une entente possible?
Le Président (M. Rancourt): M. Simon.
M. Simon: Je ne voudrais pas revenir sur tout le contexte des
négociations qui sont en cours entre le CAM et le gouvernement du
Québec. Mais je sais que, de mémoire - et je pense que le
gouvernement
du Québec est au courant et le gouvernement fédéral
aussi - on a essayé, dans la mesure du possible, d'assister à
toutes les commissions parlementaires, aux commissions permanentes, etc. On a
présenté une série de mémoires. Si on avait voulu
vous présenter tous les mémoires qui ont suivi, on en aurait eu
pour toute la journée à discuter des positions qu'on a prises
à différentes instances. Même là, je pense que la
position officielle qui est ressortie, justement avant le début d'une
amorce de négociation, c'est qu'il y a eu une consultation au niveau des
bandes sur la position à véhiculer et à prôner si
jamais une négociation était entreprise. (11 h 15)
Le point fondamental, je pense que vous l'avez touché. Deux
conditions ont été posées aux deux niveaux de gouvernement
et cela nous l'avons fait aussi au niveau du Tribunal Russell, étant
donné que le Québec fait partie du gouvernement canadien. Deux
conditions préalables ont été posées pour l'amorce
des négociations, deux conditions que nous mettons de l'avant en tant
que groupe afin que de vraies négociations s'amorcent. Nous exigeons que
des droits soient reconnus aux nations attikamègues-montagnaises.
À ce moment-là, nous avions demandé que ces droits soient
inscrits dans la constitution avant le rapatriement.
Les deux notions de droit, c'est le droit à
l'autodétermination, c'est-à-dire le droit de déterminer
en toute liberté notre statut politique et d'assurer notre
développement économique, social et culturel. Je pense qu'il y a,
d'ailleurs des articles de la loi, des articles de convention, d'entente entre
divers pays dont justement le Canada fait partie. Je ne mentionnerai pas les
ententes. Je peux vous mentionner la charte de l'Organisation des Nations
Unies, la Convention internationale sur les droits économiques, sociaux
et culturels, etc. Il y a donc le droit à l'autodétermination. Le
deuxième point est le droit de propriété sur nos terres, y
compris les richesses et les ressources naturelles qui s'y trouvent, ainsi que
le droit de les conserver.
Quand on parle d'amorce des négociations, ce sont des points qui
sont constamment revenus sur la table. Il n'y a jamais eu de position
officielle des gouvernements en cette matière. De la façon dont
on a commencé les négociations on se demande si les gouvernements
sont sérieux dans le processus de négociations. Au Québec,
on regarde la mise en place d'une structure qui s'appelle le SAGMAI et qui vise
essentiellement à la normalisation des services. Cela signifie que, si
les Indiens, les Attikameks-Montagnais veulent avoir des services du
gouvernement du Québec, ils doivent se plier à la juridiction
provinciale. C'est un point qui nous semble très négatif
puisqu'on dit qu'on veut déterminer, en toute liberté, notre
statut politique et tous les développements qui s'y rattachent. Ce sont
des points qui, pour nous, sont primordiaux.
Pour revenir à un point qui me semble important - c'est la
question que nous nous posons depuis l'ouverture d'une telle commission sur la
recherche d'une définition de droits - la question qu'on pourrait poser
au gouvernement, peu importe le parti au pouvoir, que ce soit le Parti
libéral, le Parti québécois ou même le Parti
rhinocéros, c'est: Le gouvernement est-il sérieux dans ses
approches à l'endroit des Indiens lorsqu'il parle de redonner
peut-être la place qui revient aux Indiens à l'intérieur de
la société québécoise et à
l'intérieur de la société canadienne? C'est la question
primordiale qu'on se pose.
L'autre point est la position que le gouvernement du Québec
prône actuellement à l'endroit de la constitution,
c'est-à-dire que, si ma mémoire est fidèle, lors des
délibérations sur la constitution, le premier ministre a
spécifié que le Québec suivrait le processus pour autant
que les droits et pouvoirs du gouvernement du Québec ne seraient pas
touchés. Est-ce que, dans ces droits et pouvoirs du gouvernement du
Québec, les droits indiens sont exclus ou s'ils sont pris de
façon séparée? C'est la question qu'on se pose. Une
commission comme celle tenue ce matin nous laisse pas mal perplexes et dans une
situation assez douteuse.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: M. le Président, seulement un commentaire,
puis, par la suite, je demanderais au ministre de bien vouloir répondre
aux deux questions que vous avez posées. Voici le commentaire que
j'aimerais faire. Si j'ai bien compris, les deux gouvernements ne semblent pas
vouloir reconnaître vos demandes et cela vaut autant pour le gouvernement
du Québec que pour le gouvernement fédéral, malgré
que le gouvernement fédéral ait beaucoup à dire en ce qui
concerne le territoire.
Un autre commentaire. Il faut reconnaître que cette commission
parlementaire a permis à plusieurs groupes de se faire entendre, autant
les Attikameks-Montagnais que les Iroquois, les Cris les Inuits et d'autres. Il
faut aussi souligner une chose très importante, c'est que non seulement
moi-même et d'autres membres de cette commission avons beaucoup appris
lors des représentations qui ont été faites, mais il y a
aussi le fait que la population du Québec sera sûrement mieux
informée de la situation des autochtones au Québec. C'est
là un bon point.
Merci à M. McKenzie et à son groupe.
Le Président (M. Rancourt): En complément de
réponse, M. le ministre.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je reviens à une
question soulevée par M. Simon, qui a dit: Quand le Québec dit
qu'il est présent dans la discussion constitutionnelle concernant nos
droits, il y est en particulier pour veiller aux droits du Québec.
Lorsque vous nous demandez si cela inclut vos droits, la réponse, c'est
un oui, avec nuance. Dans la mesure où le gouvernement du Québec
reconnaît de plus en plus, dans ses propres lois - je pense, notamment,
à la douzaine de lois qui ont découlé de la Convention de
la Baie James à l'adresse des Cris et des Inuits - certains droits
découlant de discussions, découlant de négociations, des
droits que vous avez réclamés et qui sont reconnus
officiellement, c'est oui, quand nous parlons des droits du Québec, nous
incluons vos droits. Au fur et à mesure que d'autres - on espère
que cela va se multiplier -conventions pourront être signées,
comme celle de la Baie James, comme celle avec les Naskapis, notre
législation devient une législation de coexistence, si j'ose
dire, avec la toute première société qui était ici
bien avant que nos ancêtres, les Européens, arrivent. Vos
ancêtres y étaient depuis très longtemps. Notre
législation devient une législation de coexistence pacifique.
Je reviens à l'autre question fondamentale, celle du territoire.
Je voudrais enchaîner avec ce que le député de Duplessis
disait tantôt, en parlant du côté pédagogique de
cette commission parlementaire. Il faut se rendre compte que, pour plusieurs de
nos concitoyens et de nos concitoyennes qui suivent les débats
télévisés, comme pour nous, les députés,
c'est une leçon. C'est une occasion pour nous de bien prendre conscience
de certaines particularités non seulement de votre histoire, mais de vos
conditions de vie.
Parlons du territoire. Vous dites qu'il y a deux conditions
fondamentales: l'autonomie et les limites territoriales. Le gouvernement du
Québec dans la négociation - je suis sûr que c'est la
même chose pour le gouvernement fédéral - ne refuse pas
d'envisager votre droit territorial. Il faut bien comprendre l'ampleur du
territoire qui est en cause ici. Quand on regarde la carte du Québec, le
territoire que le Conseil Attikameks-Montagnais réclame comme
étant le sien traditionnellement, c'est au moins la moitié du
territoire du Québec, ou presque: à l'est, jusqu'à
Blanc-Sablon, jusqu'au Labrador, à toutes fins utiles, y compris toute
la Côte-Nord et, en allant vers l'ouest, jusqu'à
Senneterre-Val-d'Or; cela inclut Schefferville et tout ce qu'il y a au coeur
même du sud du Nouveau-Québec. C'est un territoire
considérable. Vous dites: Historiquement, c'est notre territoire de
chasse et de vie. On veut bien partir de cette donnée historique, comme
vous l'interprétez, mais je pense que vous allez trouver raisonnable
qu'une discussion qui part de cette base soit assez longue.
Alors, en concluant, je répète que nous sommes
disposés à accélérer les négociations avec
le conseil. Nous sommes aussi bien disposés à continuer de
participer activement au processus en cours dans les conférences
fédérales-provinciales qui concernent vos droits.
Je reviens sur le cas de Sept-Îles pour poser une dernière
question. Je ne demanderai pas ce qui a causé la rupture, mais,
d'après vous, y a-t-il des chances que le conseil de Sept-îles
revienne dans votre groupement? Sinon, serait-il utile ou acceptable pour vous
que le conseil de Sept-îles - parce qu'il y a quand même 1500
personnes à Sept-îles par rapport à 8000 ou 9000 - revienne
à la même table de négociations?
Le Président (M. Rancourt): M. Simon.
M. Simon: Pour revenir à la question de Sept-îles,
naturellement, cela serait souhaitable que Sept-îles fasse partie de
l'organisation que l'on représente à l'heure actuelle, mais il
faut répéter ce que M. Perron disait tout à l'heure: II
faut respecter aussi l'idéologie d'une bande, à savoir si elle
adhère à une organisation ou pas. De plus, je sais qu'il y a un
processus qui a été amorcé à Sept-îles,
c'est-à-dire qu'il y a quelques mois, quand j'étais
président, le chef m'a appelé pour me dire qu'il y avait une
consultation qui avait été faite ou qui était en cours
à l'heure actuelle pour ramener les gens de Sept-îles à
l'intérieur de l'organisation.
M. le Président, pour poursuivre, j'aimerais commenter ce que M.
Lazure vient de dire au sujet des territoires. Effectivement, c'est le
territoire qui a été occupé historiquement par les
Attikameks-Montagnais, surtout quand on parle du sud du Québec.
Peut-être que le territoire est très grand comme tel et c'est
effectivement le cas. Actuellement, on a des problèmes avec le
gouvernement de Terre-Neuve sur la question de la chasse et de la pêche.
Cela fait quatre ans que l'on a soumis le dossier au gouvernement
fédéral et il n'y a rien de réglé. C'est pour vous
montrer l'ampleur du territoire qui a été occupé et qui
est occupé effectivement par les Attikameks-Montagnais.
Pour revenir à la question de la commission, je ne voulais pas
mettre en doute la validité d'une telle commission. Les mémoires
qui ont été présentés, je pense, sensibilisent la
population du Québec qui, à mon sens, n'est pas très
familière - pour ne pas dire ignorante de cela - avec le fait
indien au Québec. Quand on regarde l'historique des Indiens au
Québec, quand il y a eu la signature de la Convention de la Baie James,
on aurait dit qu'on venait d'éliminer les Indiens du Québec sous
prétexte qu'il y a eu une ou deux nations qui ont signé
l'entente, et on a oublié les sept autres qui existaient.
Pour en venir à la question des négociations, je sais que,
lorsque l'on parle de territoires, l'approche prônée par le
gouvernement du Québec et par le gouvernement fédéral
à l'heure actuelle se limite strictement à la notion de
réserves indiennes. On dit aux Indiens: Les terres
réservées aux Indiens, ce sont les réserves indiennes."
Nous, ce n'est pas l'interprétation que l'on fait. Le territoire indien
représente effectivement ce que M. Lazure vient de nous montrer sur la
carte, c'est-à-dire le territoire qui était traditionnellement
occupé et ce sont nos droits ancestraux qui sont là. Ce sont les
droits territoriaux quand on parle d'une négociation aussi.
Pour toucher un point que M. Lazure vient de soulever, quand le
gouvernement du Québec nous dit qu'il est disposé à
discuter -je pense que c'est aussi la position du gouvernement
fédéral - c'est toujours la même question que l'on se pose:
Jusqu'où le gouvernement du Québec est-il disposé à
discuter avec la partie autochtone? Quand on regarde la tenue d'une telle
commission, on n'a jamais dévoilé - et je pense qu'il y a un
manque d'honnêteté au départ - quelle était la
position du gouvernement du Québec face aux droits indiens. Je ne veux
pas impliquer les autres nations, mais, quand on parle strictement des droits
territoriaux et de droits ancestraux, quelle est la position du gouvernement du
Québec face aux Mohawks, aux Hurons, aux Micmacs, aux Abénakis?
Je pense que c'est une question primordiale qui nous revient à
l'idée. (11 h 30)
La position du gouvernement fédéral est, justement,
basée sur des textes de loi comme la Proclamation royale. Disons que je
ne veux pas entériner la position du gouvernement fédéral.
Quand on parle de droits en tant que nation, je pense qu'il y a des droits
historiques, une occupation historique qui a été faite soit par
les Attikameks, soit par les Montagnais. Je pense que là-dessus il y a
une position qui est prônée par le gouvernement du Québec.
On parle justement d'informer la population québécoise sur la
perception des Indiens qu'a le gouvernement du Québec.
L'autre point qui me vient à l'idée: quand on dit que le
gouvernement du Québec est disposé à entreprendre des
pourparlers avec des groupes autochtones, je pense qu'il faut être franc
au départ. Quand on parle du droit à l'autodétermination
en tant que groupe autochtone, du droit à la propriété des
terres et aux ressources naturelles, je pense que c'est une demande qui est
très légitime en tant que groupe, car à l'heure actuelle
on n'a aucune assise économique ou financière pour se
développer en tant que groupe. La seule assise que l'on a, ce sont les
terres que l'on occupait historiquement. Je pense qu'on essaye d'éviter
de discuter de ces points. Comme je le disais tout à l'heure, pour
être franc, quand on parle de négociations en tant que groupe
attikamek-montagnais, notre position c'est la position que le gouvernement du
Québec a à l'heure actuelle face à la
société canadienne c'est-à-dire que l'on prône la
souveraineté-association en tant que groupe autochtone. Je pense que
c'est un point fondamental pour nous.
Le Président (M. Rancourt): Merci. M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, quand M. Simon dit: Le
gouvernement du Québec est prêt à négocier, mais
jusqu'où et jusqu'à quand, la réponse, c'est
jusqu'à entente. Sur la base historique, que ce soit avec l'ancien
gouvernement ou avec le nôtre, des ententes ont été
conclues, vous le reconnaissez. Donc, il y a eu des discussions qui sont
arrivées à un résultat: non seulement la Convention de la
Baie James qui touchait les Cris et les Inuits, mais aussi l'entente avec les
Naskapis.
Alors, je répète que nous avons situé le cadre de
la discussion, de la négociation, dans le document qui vous a
été envoyé le 24 septembre 1980 - j'en ai lu un extrait
tout à l'heure - et dans le document que vous avez aussi reçu en
février 1983 à la suite des demandes des autochtones du
Québec. Il y a là les 15 principes du gouvernement du
Québec qui ont ensuite été déposés à
Ottawa dans le cadre des discussions fédérales-provinciales. Je
pense qu'il faut aussi dire que le Québec a été la seule
province, dans le cadre de ces discussions fédérales-provinciales
sur vos droits, à déposer une prise de position officielle.
D'autres l'ont dit hier et avant-hier et je pense que le gouvernement du
Québec n'a rien à envier aux autres gouvernements en
matière de reconnaissance de droits et de relations avec les
autochtones.
C'est le cadre de la négociation: la prise de position
très détaillée que vous avez reçue en septembre
1980 et qui a fait démarrer les négociations; ensuite, le cadre
plus général qui s'applique à tous les autochtones dans la
déclaration de février 1983. Je vous répète qu'en
dépit de toutes les complications et de la lenteur que nous
déplorons nous-mêmes parfois, de notre côté nous
sommes prêts à accélérer.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vais être très brève, car
je sais qu'il y a un collègue qui veut poser des questions. Ce sont deux
courtes questions assez concrètes. À la page 5, vous faites
allusion à votre assimilation surtout par, j'imagine, notre
système d'éducation. La première question: Est-ce que tous
vos enfants fréquentent les écoles des Blancs ou s'il y a des
endroits où vous avez vos propres écoles?
Le Président (M. Rancourt): M.
McKenzie.
M. McKenzie: Tous les enfants vont à l'école des
Blancs. Je voudrais l'expliquer. Les programmes sont ceux du Québec,
mais la façon dont sont gérées certaines écoles
diffère. Il y en a qui décident vraiment ce qu'ils veulent avec
la prise en charge; il y en a d'autres qui vont à l'école
provinciale. Les programmes sont toujours ceux du Québec.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, dans les écoles où
vous avez un plus grand regroupement d'enfants - cela dépend du nombre
d'enfants qui vivent dans chaque réserve - on vous permet une certaine
initiative quant aux programmes? Il reste que vous parlez d'assimilation de la
culture et l'éducation est quand même un outil important -
d'ailleurs, on parle beaucoup ici, au Parlement - pour la protection de la
culture. Est-ce qu'il y a des endroits où on va vous laisser, même
à l'intérieur des écoles des Blancs, une certaine
initiative du point de vue des programmes qui permettraient justement de
protéger votre culture ou d'aider à sa conservation?
Le Président (M. Rancourt): M. McKenzie.
M. McKenzie: La seule façon de faire un changement dans
l'école - on pourra faire des changements comme conseil de bande -est
que le gouvernement nous reconnaisse vraiment comme gouvernement indien.
Là, on pourra faire des changements sur toute la ligne. Quand on fait
des changements dans le moment, c'est juste par groupes et cela n'a pas
tellement de force, parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, ce sont
les programmes du gouvernement du Québec.
Mme Lavoie-Roux: Je demanderai peut-être au ministre tout
à l'heure de voir si, concrètement, il y a des choses qui
tiennent compte de la présence de vos enfants à
l'intérieur des écoles.
Ma deuxième question. Vous dites: On nous a parqués sur
des réserves, et nous le savons fort bien. On sait que - cela a,
d'ailleurs, déjà été exprimé par la nation
huronne - les réserves ne permettent plus même aux membres d'une
nation de rester à l'intérieur de la réserve, compte tenu
des superficies restreintes. On sait que, dans l'Ouest canadien, les
réserves explosent parce qu'il y a trop de monde et, finalement, cela
fait que les conditions de vie sont difficiles ou encore que les gens sont
obligés de sortir et de s'en aller alors que certains
désireraient rester à l'intérieur des réserves.
Est-ce que c'est le cas dans vos réserves?
Le Président (M. Rancourt): M. Simon.
M. Simon: Je pense que, lorsqu'on parle de réserves,
effectivement, si je me réfère aux dires des chefs de bande, nos
réserves diminuent d'année en année à la suite
d'arpentages. Je ne veux pas critiquer le ministère de l'Énergie
et des Ressources, mais c'est l'affirmation qu'on a de certains conseils de
bande. Les réserves deviennent de plus en plus petites à cause de
l'accroissement de la population. Au Québec, il y a encore des groupes
d'Indiens, notamment des Montagnais, qui n'ont pas de réserve. Quand on
demande une réserve, il faut toujours passer par la législation
fédérale et, ensuite, c'est ramené au provincial qui
décide de la portion de terrain à allouer. Quand on parle
justement de cette nation-là, je me réfère à
l'exemple de Saint-Augustin, qui fait des demandes
répétées - il y a d'autres bandes qui demandent des
agrandissements - et on nous dit toujours: Ce sera difficile. C'est encore de
la négociation. C'est toujours le problème qui revient.
Mme Lavoie-Roux: Ce que j'ai de la difficulté à
saisir, M. Simon, c'est que, selon l'action que peut prendre le
ministère de l'Énergie et des Ressources, il semble qu'on joue
avec vos limites. Est-ce que vous pourriez me dire si vos titres sont clairs?
Une fois qu'on vous a accordé des titres clairs, je vois difficilement
comment on pourrait jouer avec vos limites. Il semble y avoir un
problème là.
Le Président (M. Rancourt): M. Simon.
M. Simon: Il y a effectivement un problème. Je ne suis pas
très familier avec la notion de réserve. Je sais qu'il y a trois
statuts de réserves, selon justement les périodes où elles
ont été créées. Il y a des problèmes de
délimitation. C'est la seule réponse que je peux vous donner.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que les mesures du ministère de
l'Énergie et des Ressources auxquelles vous avez fait allusion vont
toujours dans le sens d'un rétrécissement de vos limites?
Parfois, cela va-t-il dans le sens de l'augmentation de vos limites? Puisqu'on
joue avec cela, cela pourrait aller dans les deux sens.
M. Simon: Disons qu'il y a plusieurs causes qui sont en instance
et sur le point d'être présentées en tant que
revendications particulières au gouvernement d'Ottawa, étant
donné qu'il y a deux sortes de revendications: revendications globales
et particulières. Je pense que la diminution des réserves
indiennes, telles qu'elles ont été érigées
d'après les périodes auxquelles je peux me référer,
disons dans les périodes de 1850, 1851, 1861, cela fait justement partie
d'une des demandes, d'une des revendications formulées. Je peux me
référer à d'autres périodes dans les années
1900 où d'autres réserves ont été
créées et, effectivement, il y a des pertes de territoires, de
terrains pour plusieurs réserves au Québec.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Rancourt): M.
McKenzie.
M. McKenzie: Peut-être que je voudrais ajouter un mot
là-dessus. Ce qu'on voulait dire en parlant des réserves, c'est
que le gouvernement reconnaît qu'on est des Indiens seulement quand on
est dans une réserve. Ce que nous voulons ici, c'est qu'on soit des
Indiens partout où on est, qu'on puisse avoir les mêmes services,
qu'on soit dans une réserve ou à l'extérieur. C'est ce
qu'on voulait préciser.
Mme Lavoie-Roux: Oui, j'ai saisi cette dimension, M. McKenzie.
Mais il y a aussi l'autre problème qui, je sais, existe à cause
de l'exiguïté des réserves, ce qui fait que, finalement, les
bandes, les membres des communautés sont obligés de se diviser ou
de se disperser et cela a un effet sur la survie de vos communautés ou
de votre culture, je pense, à long terme. Je vous remercie.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Saguenay, j'ai un petit problème. Avant de vous autoriser à
prendre la parole, comme vous n'étiez pas inscrit sur la liste des
intervenants de ce matin, j'aurai à demander le consentement de la
commission.
M. Lazure: Consentement.
Le Président (M. Rancourt): Donc, il y a consentement.
J'ajouterai donc votre nom comme intervenant à la liste. M. le
député de Saguenay, vous avez la parole.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Merci aux gens d'en
face de me donner le droit de parole. Moi aussi, j'aimerais souhaiter
particulièrement la bienvenue au Conseil attikamek-montagnais. Dans mon
comté, j'ai des gens de la réserve des Escoumins et de
Betsiamites. Je suis très heureux que vous ayez l'occasion, pour une
fois, de venir vous exprimer devant cette commission parlementaire.
Il y a bien des points qui ont été relevés par le
ministre et les intervenants du Parti libéral. Dans ce qu'on a pu
écouter depuis le début de la commission, je pense que tous les
groupes qui sont intervenus ici nous ont dit une chose et le gouvernement a dit
une autre chose. Le gouvernement a dit: Nous sommes prêts à
négocier certains droits alors qu'eux nous disent, dans tous les
mémoires qu'on a reçus: Nos droits ne sont pas
négociables. Je pense que c'est assez clair.
Cependant, pour ne pas enchaîner un long débat
là-dessus, au niveau des territoires et des réserves, je sais
particulièrement qu'il y a des problèmes chez nous, dans notre
comté. Ces problèmes ont été créés
avec l'arrivée des ZEC. Par le passé, on a connu l'attitude,
hélas, trop provocatrice de l'ancien ministre du Tourisme, de la Chasse
et de la Pêche. Ces problèmes ont finalement abouti à ce
que beaucoup de mes concitoyens, particulièrement les gens de
Betsiamites et des Escoumins, sont aux prises avec les tribunaux.
Connaissant la nouvelle attitude beaucoup plus conciliante et
l'ouverture d'esprit que le premier ministre a manifestées au
début de cette commission, l'attitude que le ministre
délégué aux Relations avec les citoyens a affichée
ici ce matin et hier, et connaissant aussi la nouvelle attitude du ministre du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, je me demande si cela ne serait
pas une occasion de rapprochement envers nos frères indiens que
d'améliorer ou de prévoir un mécanisme de
négociation avec eux lorsqu'on doit faire passer des ZEC dans leurs
réserves.
Peut-être serait-ce aussi l'occasion, M. le ministre, dans cet
esprit d'ouverture, de laisser tomber les dizaines de procédures
judiciaires que certains de mes commettants dans mon comté ont
présentement sur les bras, particulièrement à cause de
l'imbroglio concernant les lois de la chasse et aussi de la pêche.
Peut-être que M. le ministre, dans un esprit de grande ouverture, serait
prêt à nous donner cela ce matin.
Le Président (M. Rancourt): J'ai compris que la question
était posée au ministre du Loisir, de la Chasse et de la
pêche. (11 h 45)
M. Chevrette: Comme j'avais demandé la parole, M. le
Président, cela tombe bien.
Tout d'abord, je voudrais vous dire, M. le député, que je
suis heureux que vous m'invitiez. C'est déjà fait, la rencontre
avec le vice-président du Conseil attikamek-montagnais, M. Ottawa, qui
est chef de bande de la Manouane. Cela s'est fait dans mon propre bureau de
comté. Ils rencontrent
eux aussi... Il n'y a pas seulement dans votre circonscription
électorale... Je pense que, dans certaines ZEC, du côté de
La Tuque en particulier, il y a des difficultés, il y a même eu
des actes plus ou moins répréhensibles: bris de ponceaux,
barrages de routes. J'ai personnellement fait faire une enquête. Au
moment où on se parle, il y a eu des rencontres avec les dirigeants des
ZEC en question. J'aurai à rendre publique une position très
claire, très précise là-dessus, parce que j'ai aussi
l'intention de rencontrer la fédération des gestionnaires de ZEC
pour qu'on adopte une attitude uniforme face aux droits des Amérindiens,
d'autant plus que certains découpages de ZEC empiètent sur le
territoire sous décret pour la réserve à castors. Cela
crée un problème additionnel parce que l'exclusivité de
trappe est accordée, à ce moment-là, aux
Amérindiens et c'est l'une des difficultés majeures que l'on
rencontre. J'aurai à statuer là-dessus très
prochainement.
Quant aux prodécures judiciaires, je rencontrerai
également M. Gourdeau, représentant du SAGMAI. C'est possible
qu'on mette sur pied un comité chargé d'étudier le
portrait global. On me dit que cela pourrait atteindre, dans tout le
Québec, 300 à 400 dossiers. Je n'ai pas de chiffres précis
à vous donner. On va regarder la nature de ces dossiers et, si jamais on
peut faire des recommandations... Vous savez qu'on ne peut quand même pas
trop s'immiscer dans le processus judiciaire, sauf que, d'un commun accord
entre le SAGMAI et notre ministère, on peut faire des recommandations,
je pense, au ministre de la Justice qui en fera ce qu'il voudra. Mais on
pourrait peut-être au moins alléger. Cela se fait dans les
tribunaux d'arbitrage: quand on arrive avec un trop grand nombre de griefs, on
s'assoit et on dit: Cette centaine de cas qui se ressemblent, on les
règle de telle ou telle façon. Cela diminue le nombre de causes
en suspens et les frais de dépenses, sur le plan administratif, pour nos
agents de conservation, etc.
L'autre point que je voudrais souligner, c'est la notion de
négociation. Il m'apparaît qu'on ne s'entend pas tellement sur le
mot "négociation". Hier, j'ai écouté avec beaucoup de
plaisir. J'ai très peu parlé jusqu'ici. Depuis le début,
c'est vrai qu'il n'y a pas de contradiction dans les demandes de tous les
groupes; je reconnais cela, moi aussi. Mais il y a un groupe, hier, je ne me
souviens pas lequel - je m'excuse, la mémoire me fait défaut -
qui disait: Nous sommes les résidents, vous êtes nos
invités. Le problème, c'est que le nombre d'invités a
tellement grandi qu'il y a un problème de logement. Et le
problème de logement de ces chers invités... Il faut qu'on les
fasse manger. Je pense qu'il nous faut, avec quelque groupe que ce soit, que ce
soit le gouvernement, que ce soit le Conseil attikamek-montagnais ou n'importe
quelle nation, aborder maintenant la situation avec réalisme, en ce sens
qu'on doit plutôt négocier la notion de partage, de partage de la
ressource, de partage de coins de terre. Il faut bien vivre. On a
accepté que ces invités viennent, ou ils sont venus de force,
mais je ne veux pas déterrer l'histoire. Ce que je veux dire, c'est que,
si on aborde cela avec cette notion de partage, je pense que les
négociations avancent beaucoup plus vite qu'avec la notion de
préalable.
Si on arrive en disant: Voici le territoire, si tu ne veux pas discuter
en dehors de ce territoire, je ne négocie pas, c'est bien sûr que
la négociation ne se fera pas. Mais, si on disait: Ecoutez, nos besoins,
nos droits et notre notion de partage, c'est discutable. On a des droits
fondamentaux, on les reconnaît; sur le plan social, sur le plan
économique, sur le plan éducationnel dont vous avez parlé
tantôt, d'accord; sur le plan politique, d'accord. Maintenant, comment
peut-on s'entendre pour partager ce coin de terre qui nous appartient? Je pense
que ce serait une approche beaucoup plus positive que celle voulant que, de
part et d'autre, on soit obligé ou tenu de poser des préalables.
C'est un peu ce que je déplore du débat jusqu'à midi moins
dix aujourd'hui. Il m'apparaît que c'est toujours ce sous-entendu de
préalable qui fige des positions de départ. En négociation
- pour en avoir fait pendant 17 ans - il faut, à un moment donné,
mettre, de part et d'autre, un peu d'eau dans son vin pour en arriver à
un modus vivendi, à une façon de vivre intéressante. C'est
un peu ce que j'essaie de faire au niveau des ententes ponctuelles, quand j'en
ai le pouvoir - du moins, j'essaie - et il m'apparaît que, si de part et
d'autre cette attitude se dégageait clairement, on pourrait en arriver
à des ententes vraiment intéressantes pour tout le monde.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Brièvement, M. le Président. Cela
s'adresserait à M. le ministre délégué aux
Relations avec les citoyens.
Depuis le début, je pense que vous avez remarqué la
même chose, et vous l'avez dit à quelques reprises, M. le
ministre: dans le préambule de chacun des mémoires, on retrouve
une condition sine qua non. C'est que la majorité de nos frères
Indiens veulent que les droits soient inscrits dans la constitution canadienne.
Est-ce que, à partir de l'ouverture du premier ministre qui veut, lui,
par une résolution ou une motion quelconque, par une loi de
l'Assemblée nationale, les inscrire dans la charte
québécoise, est-ce que, M. le ministre, il ne serait pas
important de voir jusqu'à quel point le gouvernement est prêt
à aller pour
aider nos frères à faire inscrire leurs droits dans la
constitution canadienne? Tout à l'heure, vous avez dit: On ne s'est pas
opposé. D'accord, mais vous n'y étiez pas. Alors, cela voulait
dire un consentement plus ou moins de bon gré. Mais je pense que ce
préambule, on le retrouve dans chacun des mémoires et cela
m'inquiète de voir... J'aimerais savoir jusqu'à quel point le
gouvernement est prêt à faire un effort vis-à-vis de cette
demande.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre
délégué aux Relations avec les citoyens.
M. Lazure: M. le Président, je comprends que le
député de Saguenay soulève la question. C'est normal
puisqu'il n'a pas participé à tous les débats de la
commission. Nous avons répondu à plusieurs reprises, le premier
ministre et moi-même, à cette question.
D'abord, je répète ce que je disais plus tôt ce
matin: L'accord qui a été conclu entre les parties autochtones,
d'une part, et, d'autre part, le gouvernement fédéral et les
provinces, sauf le Québec, fait maintenant partie de la constitution du
Canada. Il en fait partie, c'est un amendement à la constitution du
Canada. Donc, les autochtones ont cette protection qu'ils voulaient et, en
dépit de la nuance légaliste de M. le député de
Mont-Royal, on dit la même chose: Le Québec ne s'est pas
retiré ou ne s'est pas opposé. Plus que cela, le Québec a
participé activement - je le répète - à la
conférence des premiers ministres en 1983. J'ai moi-même
participé, il y a à peine un mois, à une autre
conférence fédérale-provinciale, qui prépare la
prochaine conférence des premiers ministres en mars 1984.
Alors, nous avons l'intention d'être là très
activement. Les représentants du Conseil attikamek-montagnais y
étaient, avec la délégation du Québec, en mars
1983. Ils sont toujours invités. Cela devrait, une fois pour toutes,
rassurer les craintes des groupes autochtones quant à la participation
du Québec dans le processus de révision des droits des
autochtones, dans un contexte fédéral-provincial.
Dans le contexte de l'Assemblée nationale du Québec, j'ai
dit aussi ce matin que le premier ministre s'y était engagé d'ici
à la fin de l'année 1983 - la formule exacte n'est pas
trouvée - soit par une résolution qui serait votée par
l'ensemble de l'Assemblée nationale, soit par une loi, soit par un ajout
à la Charte des droits et libertés de la personne; il reste
à trouver la formule exacte. Mais on s'est engagé à rendre
officielle, dans un document de l'Assemblée nationale, au moins autant
de reconnaissance que celle que contenait l'accord
fédéral-provincial de mars 1983, que l'on retrouve maintenant
comme amendement à la constitution, comme ajout à la constitution
du Canada.
En d'autres termes, d'une part, on a fait le maximum pour que les
autochtones aient ces droits inscrits dans la constitution. D'autre part, nous,
on va faire le maximum, dans le cadre de nos pouvoirs à
l'Assemblée nationale, pour qu'il y ait aussi la même protection,
la même reconnaissance officielle de leurs droits.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je veux remercier le Conseil attikamek-montagnais. Je
veux seulement dire ceci au ministre en ce qui concerne les
négociations. Le ministre semble être étonné que les
Montagnais réclament des droits sur le territoire du Québec, ce
qui représente, d'après le ministre, à peu près la
moitié...
M. Lazure: En gros, la moitié. M. Ciaccia: ...du
Québec.
M. Lazure: Je ne suis pas étonné, j'ai dit que cela
est impressionnant.
M. Ciaccia: C'est impressionnant. Ne soyez pas
impressionné ni étonné. Les Inuits et les Cris ont
réclamé des droits sur 423 000 milles carrés, ce qui
représente les deux tiers du Québec. Nous avons pu en arriver
à une entente avec ces gens qui représentaient approximativement
une population de 11 000 habitants. Les Montagnais représentent
approximativement 12 000 habitants, pour la moitié du Québec.
Cela ne devrait pas être un obstacle à la négociation.
Quand le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche parle
d'attitude, de préalable, je crois que c'est le gouvernement qui semble
créer des attitudes, des préalables. On devrait l'accepter, c'est
la réclamation qu'ils font. Assoyez-vous avec eux et
négociez.
Quant à la question des réserves, voilà un autre
gros problème. Même la commission Dorion a recommandé au
gouvernement d'établir un titre clair. En ce qui concerne les
réserves spécialement pour les Montagnais, les titres ne sont pas
clairs. Ce sont encore des terres de la couronne provinciale. C'est pour cela
qu'on peut enlever, ajouter - on n'ajoute pas, mais on le peut - pour des fins
de ressources naturelles ou de richesses naturelles, etc.
Encore une fois, je vous remercie. J'espère que les
négociations seront vraiment faites de bonne foi de la part du
gouvernement.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Lazure: Je veux remercier les dirigeants du Conseil
attikamek-montagnais et les assurer, encore une fois, que le gouvernement est
prêt à accélérer les négociations et les
rencontres. Nous nous attendons que vous nous fassiez signe. Merci.
Le Président (M. Rancourt): M. McKenzie, en
conclusion.
M. McKenzie: Je remercie les membres de la commission d'avoir
bien voulu nous entendre.
Le Président (M. Rancourt): D'accord. Ce qui conclut la
présentation du mémoire du Conseil attikamek-montagnais.
Nous demandons maintenant au groupe les Naskapis de Schefferville de
bien vouloir se présenter. Nous accueillons maintenant les Naskapis de
Schefferville, représentés par M. Joseph Guanish. M. Guanish, si
vous voulez présenter ceux qui vous accompagnent.
Naskapis de Schefferville
M. Mameamskum (John): I have to make some corrections on
that.
Le Président (M. Rancourt): Yes.
M. Mameamskum: First of all, I would like to introduce some
people who are with me. On my right is Chief Joseph Guanish and, on my left, is
Mr. Paul Wilkinson, an adviser for the Naskapis. My name is John Mameamskum and
I represent the Naskapis. Before we start...
Le Président (M. Rancourt): Please, will you repeat your
name. We cannot hear.
M. Mameamskum: My name is John Mameamskum. To my right is chief
Joseph Guanish and to my left is Paul Willrinson, our adviser. Before 1 start
reading the brief, I would like to have the chief say a few words to the
committee members. (12 heures)
Le Président (M. Rancourt): Will you speak louder,
please?
M. Guanish (Joseph): (S'exprime dans sa langue).
M. Mameamskum: The chief said that when the Naskapis want to
present briefs in relation to their Agreement, it takes time and money.
M. Guanish: (S'exprime dans sa langue). M. Mameamskum: It
is the implementation of the Agreement. He does not take into account spending
money for purposes other than for the benefit of Naskapis.
M. Guanish: (S'exprime dans sa langue).
M. Mameamskum: The chief welcomes the committee members and is
waiting for the presentation to be heard. So, I will start with our brief which
is titled: Nine facts, two projects, one comment and four questions.
We, the Naskapis Nation, are no strangers to parliamentary commissions.
This year only, we have already appeared before three parliamentary
commissions: la commission élue permanente de la présidence du
conseil et de la constitution in Schefferville, in February; the standing
committee on Indian Affairs and Northern Development; the sub-committee on
Indian self-government in Roberval, in May, and the special committee on the
participation of the visible minorities in the Canadian society in
Montréal, in October.
When we make presentations to parliamentary commissions, they are
usually lengthy, well documented and highly specific. We describe our history
and our present situation with particular reference to the North-Eastern
Québec Agreement. We identify our hopes and aspirations. We make
recommendations and requests.
The approach has sometimes given us good results and has invariably won
us praises. We have decided to take a very different approach today. However,
those of you who want to know more about us may consult the numerous documents
that we have tabled. The only thing that we want to do today is to submit a
brief list of facts, projections and questions about our society and economy.
After that, we want to hear your reactions and your proposals.
Our population is approximately 400 persons of whom roughly one half
today are aged less than 21 years old and one third are of working age.
Unemployment among our work force is approximately 80% in 1983.
Approximately, 75% of employment among our people in 1983 were provided by the
Naskapi Construction Corporation and the Naskapis Relocation Corporation.
The Naskapi Construction Corporation will employ few or no person after
1983, because there is little prospects that any forestry contracts will be
awarded in the area where it operates.
The Naskapi Relocation Corporation will no longer exist at the latest by
mid 1985, when it will have completed its mandate of building our new village:
Kawawachikamach.
Every Naskapi who was employed in 1983 was employed in the service
sector of
the economy. There is no primary sector employer in Schefferville. The
only serious prospect that a primary sector employer will establish itself in
Schefferville is the Iron Ore Company of Canada. It will develop the ore
deposits at lac Brisson and will base its employees and primer ore treatment
facilities in Schefferville.
Up to 150 jobs might be created if this development proceeds. They might
become avalaible by 1987. Given the technical nature of many of these jobs,
criteria for membership of trade unions and other factors, it is impossible
that Naskapis would obtain more than 25 of these jobs.
Unemployment among our people will exceed 90% in 1986. Even if the Iron
Ore Company of Canada develops a deposit of ore at Lake Brisson and even if,
according to our optimistic projections, some 25 Naskapis obtain full-time jobs
as result of this development, unemployment among our people will still be
approximately 75% after 1987.
Our comment. The Northeast Québec Agreement was not designed to
solve the type of problem that we described above and it is not going to do
so.
Do you believe that our rights, as Naskapis and as Canadian citizens of
Québec, include the same rights to a dignified, satisfying and useful
life, individually and collectively, as that of the majority of the citizens of
Québec?
Do you think that rates of unemployment of up to 90% are acceptable?
What are you going to do about the situation that we have described? How
will you help us to help ourselves?
In closing, the Naskapis of Québec support the creation of a
permanent parliamentary commission as an ongoing dialogue between the
Government of Québec and the Native Peoples of Québec. We urge
the members of this commission to recommend to the Government of Québec
to respect agreements that it has signed or is about to sign with the Native
Peoples to the intent and extent legally and politically if it wants a trust of
Native Peoples that is last. Reviews are not enough. Respect for these
agreements is better. Thank you very much.
Le Président (M. Rancourt): Thank you, Mr. Mameamskum. M.
le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.
M. Lazure: M. le Président, je voudrais d'abord
féliciter les représentants du Conseil de bande des Naskapis pour
cette présentation tout à fait originale. C'est une innovation.
Non seulement vous avez contribué à économiser du papier,
mais aussi vous nous permettez peut-être d'avoir un échange plus
long, plus fructueux dans la discussion.
Deuxième remarque. Je voudrais aussi souligner, pour ceux et
celles qui ne le sauraient pas, que nous avons conclu en 1978 une entente avec
les Naskapis. J'aurai l'occasion un peu plus tard de faire état de
certaines clauses de cette entente. Nous nous réjouissons de la
collaboration avec la bande des Naskapis qui a amené cette entente. Nous
voulons travailler à la réalisation de cette entente le mieux
possible.
J'ai quelques questions. La première: quand vous parlez d'un taux
de chômage de 80% ou 90%, est-ce que les statistiques du chômage -
que ce soit 80% ou 90%, parce que vous utilisez les deux chiffres - incluent
vos chasseurs et trappeurs?
M. Mameamskum: We do not include the Naskapis hunters in these
figures.
M. Lazure: They are not included.
M. Mameamskum: Mr. Wilkinson will probably go further on to
present his views on this.
Le Président (M. Rancourt): M.
Wilkinson.
M. Wilkinson (Paul): For the purposes of this calculation, we
have treated Naskapis hunters as if they were unemployed persons.
M. Lazure: Et ils sont donc considérés comme
chômeurs, je pense.
M. Wilkinson: On a traité les chasseurs comme s'ils
étaient des personnes sans emploi.
M. Lazure: Ils sont donc considérés comme
chômeurs.
M. Wilkinson: Oui.
M. Lazure: Bon. Je pense qu'il faut quand même faire une
nuance. Je laisserai mon collègue, le ministre du Loisir, de la Chasse
et de la pêche, tantôt, faire certains commentaires sur une entente
qui existe actuellement par laquelle vous recevez une subvention de 90000 $ ou 100 000 $, pour vos besoins de chasse et de pêche. Il n'est
peut-être pas tout à fait exact de considérer vos chasseurs
et vos trappeurs comme des personnes en chômage.
Deuxième remarque, j'arrive à l'entente. C'est une
suggestion qui se veut constructive puisque vous posez la question: "Qu'est-ce
que le gouvernement peut faire pour nous aider?" Dans l'entente, l'article 18.8
dit: "Aux fins du programme, il est institué un comité de
coordination du développement de la main-d'oeuvre naskapie. Ce
comité est composé de trois membres: un représentant du
Canada, du Québec et des
Naskapis". On dit plus loin: Le comité exerce ses
activités jusqu'à sept ans. D'abord, je veux savoir de vous ce
que vous pensez de ce comité. Est-ce qu'il fonctionne bien?
L'article suivant 18.9 prévoyait que la partie autochtone
naskapie embauche un agent de développement. On aimerait que vous nous
donniez votre perception de ce comité et, deuxièmement, votre
réaction à l'hypothèse que nous reconduisions plus
longtemps ce comité de main-d'oeuvre qui en principe devrait cesser en
1985. Si cela fonctionne bien, nous serions disposés à continuer
le financement de ce comité pour une période plus
prolongée.
Le Président (M. Rancourt): M.
Mameamskum.
M. Mameamskum: As you may see in the section 20 of the Agreement
which deals with the relocation of Naskapis outside of Schefferville, the
reason why we created that section was to train Naskapis to take over the
services that the town now provides, so we would have a self sufficient
community. But in terms of the committee itself I think it should do more than
meet. It should tackle the economic revival in the new community and within the
area of Schefferville.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Lazure: Perhaps to...
M. Mameamskum: M. Wilkinson wishes to add something.
Le Président (M. Rancourt): M.
Wilkinson.
M. Wilkinson: Merci, la convention a été
signée en janvier 1978, le comité a été
formé en juin 1978. Je pense qu'on peut dire que, depuis ce temps, le
comité a énormément accompli de choses. Le comité a
toujours bien travaillé. Le comité continue de bien travailler.
Je peux même dire que, en suggérant que le mandat du comité
soit possiblement prolongé, vous nous avez devancés. C'est une
demande qu'on avait possiblement réservée pour l'an prochain. Je
pense que tous les Naskapis sont d'accord que c'est nécessaire et que
c'est souhaitable. Donc, on ne veut aucunement critiquer le comité, ni
les responsables des deux gouvernements qui en sont membres.
À l'article 3.1.1, nous avons souligné un point qui pour
nous est très important: que la Convention du Nord-Est
québécois n'a pas été conçue en vue de
régler certaines catégories de problèmes. Le mandat du
comité créé par le chapitre 18 est, de façon
générale, de promouvoir la formation, l'éducation chez les
Naskapis. Le comité le fait très bien en utilisant, entre autres
choses, les ressources à Lucky Land. Le problème de base, c'est
que les Naskapis qui reçoivent cette formation reviennent à
Schefferville, mais que, malheureusement, il n'y a plus d'économie de
base; il n'y a aucun espoir d'utiliser la formation qu'ils ont reçue.
Bien sûr, la Convention du Nord-Est québécois n'a jamais eu
comme objet de créer une base économique, ni pour Schefferville,
ni pour les Naskapis. (12 h 15)
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je me réjouis des
commentaires du représentant des Naskapis. Nous nous entendons donc pour
dire qu'en principe ce comité devra voir son existence prolongée.
On pourra entamer des discussions, des pourparlers sur les modalités de
ce prolongement. C'est certain que le problème de chômage excessif
qui nous est exposé ce matin par les Naskapis découle en grande
partie de l'arrêt des activités de l'entreprise Iron Ore. C'est un
peu le problème des villes qui ont une seule vocation industrielle, des
villes monoindustrielles. Comme vous le savez, nous sommes à la
recherche de solutions de rechange pour permettre non seulement aux Naskapis,
mais à l'ensemble de la population de Schefferville de pouvoir reprendre
une activité économique un peu plus normale.
M. le Président, je n'ai pas d'autres commentaires pour le
moment, sauf pour me réjouir que ce comité tripartite Canada,
Québec et Naskapis fonctionne bien. Pour l'ensemble du problème
de la main-d'oeuvre, je peux simplement assurer nos amis les Naskapis que nous
allons, avec les ministres concernés - mon collègue le ministre
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche pourra vous en parler tantôt
puisqu'il a participé avec d'autres de nos collègues ministres
à Schefferville à des séances auxquelles vous avez
participé - tenter de trouver des solutions de rechange pour la vie
économique de Schefferville.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. I want to thank the
Naskapis of Schefferville for their brief. I certainly sympathize with the
approach that you have used. You are telling us that you have been to so many
parliamentary committees that you have hardly received the answers from
governments resulting from these committees. So, rather than receiving other
pats on the back for having presented a wonderful brief, etc., you have decided
to be a little more realistic and say: Well, we
have problems and we are going to ask the government what they are going
to do about our problems. I think it is a very down to earth and realistic
approach and I certainly hope that the government can respond to the very real
problems that the Naskapis have.
They have certainly been added to by the close of the Schefferville
operations of Iron Ore Company and if you recall the parliamentary committee
that we had in Schefferville - maybe today's approach is a result of your last
exercise in Schefferville -I remember that you did present a brief and told the
committee all about the Naskapis and the problems they were going through and
were meeting. You actually raised one specific problem about the relocation of
the village of Naskapis outside Schefferville. At that time, there was a
question on the road and the maintenance of that road. I think that the road
was or had been constructed but there were problems with respect to the
undertakings by the government to maintain that road. Could you tell us if that
problem has been resolved?
M. Mameamskum: I will get to your first point, first of all. Ever
since the last some of the committee members here had been to Schefferville and
since you came up in February, two thirds of the population that were present
are gone now, still waiting for your recommendations that were made six months
ago.
The problem that we had on the access road has been rectified. The ridge
has been levelled and extended where it does not accumulate. We foresee some
problems, but not as many as we have foreseen before.
M. Ciaccia: Who is responsible for the maintenance of that road
now?
M. Mameamskum: It is the ministère des Transports.
M. Ciaccia: Ministère des Transports. And does the
maintenance provide some employment for the people there?
M. Mameamskum: The maintenance of it: There was a tender that was
opened to competitors and we tried to bid on this contract and to get some
financial backing both from the Provincial and Federal Governments, and the
Naskapis' backing too. But the competitor in Schefferville got it, which is
Schefferville Excavation. They built the road and they say that they know the
road more than anyone. But we have to live with the road. They do not have to
live with the road themselves.
M. Ciaccia: I remember that committee and, of course,
parliamentary committees, one of their functions is to hear what the people who
present briefs to them have to say. It should normally be followed up by action
on the part of the government, although in the case of Schefferville, it is a
very difficult situation. But another purpose of parliamentary committees is
also for you to inform the public and inform the committee of your particular
problems.
Well, first of all, I am pleased to know that the Naskapi Agreement was
signed and that it is being put into application. I hope that you do not have
the same problems of application that the Crees and the Inuits had, because
they were obliged to take legal proceedings. And I know that, in your closing
remarks, you did point out to the government that, if it wants the trust of the
Native Peoples, it must respect its agreements. And I hope that it takes that
advice. I will let one of my colleagues ask other questions, because the time
is going on. But, I want to thank you for your brief and I hope that it will be
applied in accordance with the wishes of the Naskapi People.
M. Mameamskum: Thank you for your kind comments. But to go
further on that, I know we do not have the same problems as the Crees and the
Inuits. I think the reason they have problems is that they are in an isolated
area and we have accessing facilities where we are now. Maybe the real test of
the Agreement will be once Schefferville closes. Will the government respect
the Agreement signed with the Nakaspis? There are a lot of "if" and we want to
prepare and to make aware of our intention, the public and the government. Mr.
Wilkinson has something else to add to that.
Le Président (M. Rancourt): M.
Wilkinson.
M. Wilkinson: Just on the general topic of the implementation of
the Agreement, I think that where the Naskapis are perhaps experiencing
difficulties is not with the implementation of what is in the Agreement; by and
large, the people involved are working hard to implement it properly. Where the
Naskapis are experiencing difficulty is with what is not in the Agreement or
with what, even with good faith, could not be foreseen. This is the point that
the chief was touching on in his introduction, that nobody - it was no one's
fault - was able, for example, to anticipate how expensive, for the Natives
and, no doubt, for the government, the administration, the implementation of
Northeastern Québec Agreement would be.
We have just come back from a meeting of the board of directors of the
Naskapi Development Corporation, the body that receives and administers the
compensation that is paid to the Naskapis under the Agreement. The
Development Corporation is finding that so much money, so much of the interest
on the compensation is having to be used to administer and supervise the
implementation that it is leaving every year less and less money to be spent on
community projects and other things for the Naskapis. And I know that the
Naskapi Development Corporation did ask us to urge upon you the necessity,
perhaps in a very near future, of reconsidering this aspect of the Northeastern
Québec Agreement.
Le Président (M. Rancourt): Sur le même sujet, M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. First of all, I would
like to welcome the Naskapis and also Mr. Wilkinson with whom I have the chance
to work once in a while. By the way, I would like to congratulate you for all
the work you are doing for the Naskapis, especially the nice report you have
made for 1982 which I had a chance to read.
There is only one question I would like to ask to Mr. Mameamskum. The
member from Mont-Royal talked about the access road to the new site. Could you
tell me and tell the members of this committee what was done on the road?
Because I know you had a problem around the hill where there was a lot of snow
getting in the area. Was that corrected conveniently for the requests of the
Naskapis?
M. Mameamskum: The hill itself was lowered. Therefore, both sides
were higher than the actual level of the road. It has been levelled to a
45° angle, but it is premature to judge if it would be sufficient, because
we have known Schefferville, and up in the hills, snow accumulates sooner or
later, whether it is level or not.
M. Perron: Thank you very much.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche.
M. le député de Duplessis avait une question
complémentaire à la vôtre concernant la route. C'est la
raison pour laquelle je lui ai donné la parole.
M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. À la suite de
la commission parlementaire sur Schefferville, il y a des comités
interministériels qui ont siégé et il y a eu des
décisions prises quant au maintien de certains services de base, en
particulier pour la corporation à laquelle vous faisiez allusion
tantôt. Également, au niveau de mon ministère, on m'a
demandé des efforts additionnels pour maintenir certains services de
loisir. Mais la solution n'est sans doute pas exclusivement au niveau du
maintien de certains services, quoique cela soit essentiel. Je pense que, pour
l'économie future de votre communauté, il nous faut envisager
autre chose. Comme vous le soulignez, l'exploration minière est une
infime partie de vos besoins par rapport au potentiel de main-d'oeuvre que vous
avez à offrir.
J'avais avancé à Schefferville - j'y crois toujours, en ce
qui me concerne, et j'ai un comité de travail qui oeuvre sur ce sujet -
l'éventuelle commercialisation du caribou. Je sais que cela a
été contesté par certains, admis par d'autres, mais, avec
les statistiques que nous avons et le fort potentiel de caribou que nous
possédons - il y a eu même un surcroît - par rapport au
danger que cela peut comporter pour l'espèce elle-même, je pense
que c'est vers ces pistes qu'il faudra s'orienter à l'avenir, à
partir des richesses du milieu comme tel.
Je pense, par exemple, aussi à l'établissement de
pourvoiries additionnelles. C'est sans doute possible de délimiter
certains territoires et d'en offrir la gestion, ce qui crée des emplois
pour le milieu à partir des ressources du milieu. Je pense au tourisme
nordique comme à une autre piste qu'on pourrait explorer ensemble.
Là-dessus, je peux vous dire que mon ministère est totalement
ouvert à ces pistes d'avenir qui pourraient être permanentes. (12
h 30)
Entre-temps, même si le gouvernement a mis de côté,
d'une certaine façon, des programmes de création d'emploi
à court terme au profit d'une restructuration de soutien aux
sans-travail, je pense qu'à court terme il y a possibilité,
à partir des programmes du type de PECEC ou de Chantier-Québec,
de venir soutenir les efforts que vous faites. Je comprends que la situation
est très dramatique: 80% de chômeurs, cela ne se retrouve pas
partout et vous avez raison de vous en inquiéter drôlement.
D'autant plus que, comme collectivité, le fait que vous y soyez
déjà extrêmement sensibles démontre toute
l'importance que vous voyez pour votre communauté de maintenir un
maximum d'emplois disponibles. Je vous offre un peu cette disponibilité.
Déjà, nos comités de travail n'ont pas cessé depuis
qu'on y est allé et on peut, sur le plan technique, je pense, avec les
gens du milieu, envisager des territoires de pourvoiries, comme je vous le
disais, et continuer nos pourparlers, tant au comité conjoint qu'avec le
gouvernement de Terre-Neuve, en ce qui regarde les plans de gestion pour le
caribou. J'ai déjà fait des démarches. Je dois rencontrer
M. Simms de Terre-Neuve, le 2 décembre, je crois. Il nous faudra signer,
bien sûr, des ententes, parce que le caribou, ce n'est pas
sédendaire, cela
se déplace. Je pense que ce sont là les pistes d'avenir.
Si vous en convenez comme moi, je pense qu'on pourrait peut-être faire du
travail qui n'aura pas la rapidité qu'on voudrait de part et d'autre,
mais qui, au moins, augure bien pour l'avenir. Je ne sais pas ce que vous
pensez de ce type de suggestion, mais c'est à peu près ce que, de
mon côté, je peux vous offrir comme possibilité.
Le Président (M. Rancourt): M. John Mameamskum.
M. Mameamskum: We welcome your proposal and the Naskapis will
definitely study it in depth and, as for commercial hunting of caribou, we
would like to keep our options opened because other Native people might be
interested in and some might be opposed to it. But in the talks with the
Provincial Government of Labrador, we would like to have some sort of safe in
the management of caribou in that area, because that area is where the Naskapis
hunted traditionally. Mr. Wilkinson would like to add something.
Le Président (M. Rancourt): M.
Wilkinson.
M. Wilkinson: L'un des résultats de la commission
parlementaire qui s'est réunie à Schefferville, au mois de
février, a été la mise sur pied de ce qu'on appelle le
groupe de travail sur l'avenir de Schefferville. Je veux vous souligner que,
depuis sa création, les Naskapis ont été
représentés au sein de ce groupe de travail. Ils ont fait tout
leur possible pour contribuer à la réalisation de ce mandat. En
soulignant dans notre mémoire les problèmes du chômage, on
ne veut aucunement ni critiquer ni préjuger des résultats du
groupe de travail sur l'avenir de Schefferville. Ce groupe a beaucoup
travaillé. Nous sommes très contents de ce groupe de travail et
de tous ses membres.
Entre autres choses, le groupe de travail a traité de la
commercialisation du caribou, des pourvoiries, du tourisme d'aventure, du
tourisme nordique. Le problème pour les Naskapis, c'est que nous ne
voyons pas comment, même si tous ces projets s'avèrent rentables,
cela va régler le problème fondamental des Naskapis. C'est peu
probable que la commercialisation du caribou soit localisée à
Schefferville. Cela, c'est loin d'être certain, cela pourrait être
à Kuujjuaq, à Fort-Chimo, et les carcasses pourraient être
sorties par LG 4, on n'en a aucune idée. Et même si c'était
localisé à Schefferville, à mon avis, c'est peu probable
que cela va créer plus de dix emplois à temps plein ou
l'équivalent de dix emplois à temps plein pour les Naskapis.
Je pense, M. Chevrette, que je devrais peut-être faire
référence à nos problèmes en ce qui concerne nos
pourvoiries, parce qu'on en a discuté au mois de février. Je peux
vous dire que j'ai reçu à mon bureau, mardi de cette semaine, la
proposition du MLCP visant un règlement hors cour. Malheureusement,
j'étais à Schefferville, mais la première chose que je
vais faire, cet après-midi, en rentrant à mon bureau, ce sera
d'étudier ce document qu'on attend depuis longtemps.
Disons que, si tout va bien, il est peu probable que les pourvoiries
naskapies vont créer plus de 10 ou 12 emplois à temps plein pour
des Naskapis. Cela va ainsi pour le tourisme nordique, c'est une projection
optimiste de 10 à 12 emplois. Donc, d'ici deux ans environ, nous aurons
environ 200 Naskapis aptes au travail dont l'âge se situera entre 19 et
60-65 ans. Nous avons identifié ici l'équivalent de 30 emplois
à temps plein. On pourrait ajouter à cela 25 emplois, si tout va
bien avec les plans de la compagnie minière Iron Ore au lac Brisson.
Mais, cela représente un taux de chômage de 75% chez les Naskapis.
C'est la projection la plus optimiste qui soit. Donc, bien sûr, le groupe
de travail sur l'avenir de Schefferville va faire des recommandations utiles et
valables à M. Gendron et au gouvernement. Le groupe de travail aura fait
son possible, mais on sait, à cent pour cent, que cela ne peut pas
régler plus qu'une petite partie des problèmes auxquels les
Naskapis font face et auxquels les Naskapis vont continuer de faire face. Et
c'est cela qui nous inquiète. Ce n'est pas un manque de bonne
volonté, mais un manque de solution à long terme.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche.
M. Mameamskum: Excuse me, I have something to add...
Le Président (M. Rancourt): Yes.
M. Mameamskum (John): ...about the committee that was formed on
Section 18. If I may, we might go as far as amending the section on economic
development to further give a better mandate to the committee to look at these
problems at the grassroots level to take care of the economic situation of the
Naskapis, not only the Naskapis but the economic situation of
Schefferville.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre
délégué aux Relations avec les citoyens.
M. Lazure: Concernant la question qui est soulevée par le
porte-parole des Naskapis, j'allais justement, dans ma conclusion, ajouter un
autre volet à la
proposition que je vous ai présentée plus tôt,
à savoir reconduire le mandat du comité de main-d'oeuvre qui
s'appelle le Comité de coordination du développement de la
main-d'oeuvre naskapie.
D'une part, on pourrait le reconduire, mais, d'autre part, on pourrait
aussi modifier son mandat - justement pour enchaîner avec ce que le
porte-parole vient de nous dire -de manière que ce comité qui
fonctionne bien puisse aussi examiner les possibilités de
création de petites entreprises.
Il est pensable que, à l'intérieur de votre
communauté, l'on puisse imaginer des entreprises modestes de 5 ou de 10
employés, peu importe, mais des PME comme on en retrouve dans l'ensemble
du Québec. Par conséquent, pour rejoindre les commentaires de M.
Wilkinson sur ses prévisions, je partage aussi votre pessimisme. C'est
bien sûr que, malgré tous les programmes que vous pourrez mettre
en marche avec le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, il reste que la solution véritable et fondamentale, c'est
plutôt du côté des entreprises qu'il faut aller la
chercher.
En conclusion, nous vous proposons de modifier le mandat du
comité. Puisqu'il marche bien, au lieu de créer un autre
comité pour les petites entreprises - parce que vous avez
déploré une certaine bureaucratie plus tôt dans
l'application de la convention - nous pourrions greffer cette nouvelle vocation
au comité de main-d'oeuvre et faire en sorte qu'on puisse, ensemble,
trouver des projets qui mettraient au monde de nouvelles petites entreprises
naskapies.
Le Président (M. Rancourt): M.
Mameamskum.
M. Mameamskum: When the Lucky Land training Center was
established for the Crees, the Naskapis and Inuits, we suggested to Minister
Marois that one possible way to help the Naskapis to be economically
self-sufficient would be to extend the mandate of the committee even after
1985. Because all the jobs that would be created through the training program
will not be finished by 1985. So, that is a fatter way of looking at it and the
Naskapis will surely study that proposal.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Mameamskum: Mr. Wilkinson.
Le Président (M. Rancourt): M.
Wilkinson.
M. Wilkinson: Je trouve que ce serait une bonne chose à
faire que d'élargir le mandat de ce comité. Je me demande si cela
est possible d'aller même un peu plus loin et de demander au gouvernement
d'étudier les mécanismes qui pourraient être
identifiés pour rendre le Nord - et pour nous de la région de
Schefferville - plus attirant et plus intéressant pour les entreprises
existantes. On pourrait facilement suggérer que le gouvernement puisse
offrir des avantages sur le plan des taxes aux entreprises prêtes
à s'installer à Schefferville, prêtes à s'engager
à offrir un certain nombre d'emplois, peut-être certains
programmes de formation, aux autochtones de Schefferville. Les Naskapis
seraient bien prêts à ce que le mandat du comité
créé par le chapitre 18 soit élargi; les Naskapis, de leur
côté, seraient prêts à se dégager de leur
responsabilité, mais on demande au gouvernement d'ajouter un autre
volet, soit au travail de ce comité, soit à un autre organisme,
pour que les deux puissent aller ensemble.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: I would like to ask Mr. Mameamskum just a few brief
questions to set my mind about your particular problem. About 200 people are of
working age there, from what you are saying, and, because most of them are of
the younger working age, the number is going to increase in proportion to the
overall population, I guess. It is about 200? So, from what Mr. Wilkinson was
saying, even if the option of the Iron Ore project comes true, even if the
various projects that the Minister was talking about are realized, you are
still talking about maybe 50 people who will find employment. You are still
talking about 150 or most of 150 that would have to find work someplace. Is it
that?
M. Mameamskum: Yes. We are not restricting investments to private
business, we could ask the government to invest in that area too. We could make
a joint development project for the Naskapis.
M. Lincoln: What I was trying to find out is how many people need
to find jobs, all in all, taking into account that the Government projects du
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, plus the annual
projects, will come true. You are still talking about 150, plus or minus,
people that would have to find work. Is that right? In the meanwhile, today,
what are these people doing day by day? Are they - some of them, especially the
younger ones - going to some kind of schooling or training or retraining
programs either in Schefferville or somewhere else? Or are they just sitting
idle and doing nothing?
M. Mameamskum: I do not think you should look at that way
because...
M. Lincoln: No, no. I am just asking the question because I
realize that there is no work.
M. Mameamskum: Some of them are going to school in Lucky Land
related to the area there. They are anxious in such as heavy equipment
outfitting... We have some people going to Mistassini Lake taking outfitting
courses and how to run outfitting camps. So, we hope, with proper training,
Naskapis will eventually be self-sufficient as long as we have the cooperation
of the government.
M. Lincoln: Would not the time to start those training or
retraining programs be right now in anticipation on the economy when the whole
area will be starting new projects? Is there any project for training or
retraining at the moment? Or either are they just waiting for something to
happen? (12 h 45)
M. Mameamskum: There is training right now. As I said, there is a
training center in Lucky Land where the Crees and Naskapis go and Mistassini
for... But we envisage more training programs in relation to the relocation
that we have.
M. Lincoln: Can you tell me how...
M. Mameamskum: Dr. Wilkinson wants to add something.
Le Président (M. Rancourt): Dr.
Wilkinson.
M. Wilkinson: Thank you. Our approximate figure is that, since
the agreement was signed in 1978 and as a direct result of the Agreement,
approximately 140 Naskapis - that is almost every member of the existing work
force -have successfully completed either a program of adult education or a
program of job related training of some sort or another. What is happening now,
of course, is that the Naskapis successfully complete these programs, they come
back saying: Well, they used to say Naskapis were not qualified to do anything;
now, I have a certificate saying I can do this or I can do that; here I am
qualified and I expect now to get a job. Of course, the jobs are not there.
There are less jobs now than in 1978 because of the closing of IOC. On the
daily basis, unfortunately many Naskapis, and particularly the younger people,
have really no alternative other than to sit at home all day or visit or look
for in the hope of finding a job. This, obviously and not surprisingly, leads
to problems of alcohol and drugs, and boredom and discouragement.
M. Lincoln: Which is extremely sad. Is there any - not
possibility, because I do not think that should be considered a possibility or
even a wish - position or situation where the younger people get so dejected
that they go and find work elsewhere, that they go to Montréal,
Baie-Comeau or Sept-Îles? Or do they tend to want to stay where they
are?
M. Mameamskum: As I said before, we are in a transition of
relocating now. Once the relocation is finished, we will see how many jobs we
can...
M. Lincoln: Generate.
M. Mameamskum: ...generate within our community. Maybe it will
not be as much a problem once we get cooperation from the government.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Mont-Royal, comme conclusion.
M. Ciaccia: Comme conclusion, M. le Président... I want to
thank the Naskapis of Schefferville, Mr. Mameamskum, Chief Joseph Guanish and
Mr. Wilkinson. I hope that... I know that the situation there is very
difficult. I sometimes wondered, when we were in Schefferville, whether you
would have relocated the village, had you known or had the government informed
you that Schefferville would have closed. It did create additionnali problems.
In any event, that was a decision of the Naskapis in accordance with the
Agreement. But I certainly hope that the government, with your participation
and yourselves, will be able to find solutions to the problems you raised here.
I certainly hope, as you pointed out, that the true test of the Agreement will
come now that Schefferville is closed. I hope that the government will respect
its obligations towards you in that Agreement and that both together you will
be able to find adequate programs and solutions to the serious problems that
exist in that area. Thank you.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre
délégué aux Relations avec les citoyens.
M. Lazure: M. le Président, je veux remercier le chef
Guanish, M. Mameamskum et M. Wilkinson, encore une fois, pour
l'originalité de leur présentation. Je veux aussi les remercier
pour la somme énorme de travail qui a été consacrée
par les Naskapis à ce comité conjoint, à ce comité
tripartite de la main-d'oeuvre.
Ce que nous avons entendu ce matin est un témoignange
éloquent. Si les parties en cause dans ce cas-ci - il s'agit de
trois
parties: Québec, Ottawa et les Naskapis -s'en donnent la peine,
on peut avoir un fonctionnement positif. On nous a dit que pratiquement toute
la main-d'oeuvre des Naskapis a reçu une formation adéquate. Il
reste maintenant - et c'est là une tâche énorme - à
trouver des débouchés pour cette main-d'oeuvre qui est maintenant
qualifiée. Je suis heureux de voir que les Naskapis acceptent cette
ouverture que nous faisons ce matin, cette proposition d'élargir, de
modifier le mandat du comité de la main-d'oeuvre, de manière
qu'on puisse peut-être en arriver à la création de
certaines petites entreprises qui seraient tout à fait conformes aux
désirs du peuple naskapi. Alors, merci beaucoup et bonne chance.
Le Président (M. Rancourt): Some reaction?
M. Mameamskum: Thank you very much.
Le Président (M. Rancourt): Ceci termine la
présentation du mémoire des Naskapis de Schefferville et nos
travaux sont suspendus jusqu'à environ quinze heures.
(Suspension de la séance à 12 h 51)
(Reprise de la séance à 16 h 10)
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous reprenons la séance de la commission élue permanente
de la présidence du conseil et de la constitution pour entendre les
représentations des autochtones et des divers groupes et organismes
autochtones sur les droits et les besoins fondamentaux des Amérindiens
et des Inuits.
Nous avons été avisés que la Bande
amérindienne de la rivière Désert (tvianiwaki)
dépose son document tout simplement, ce qui est fait et
agréé.
Nous allons passer directement à l'Association des Métis
et Indiens hors réserves du Québec Inc. Si ces gens veulent bien
s'approcher de la table, s'il vous plaît.
Association des Métis et Indiens hors
réserves du Québec Inc.
Le Président (M. Rancourt): Donc, M. le président,
vous pouvez vous présenter et présenter aussi ceux qui vous
accompagnent.
M. Paradis (Paul): Tout d'abord, il y a Jean-Guy Petiquy, agent
de liaison, Rémi Néron, agent de liaison, Mario Paradis,
secrétaire, Paul Paradis, président.
J'invite M. Mario Paradis à commencer tout de suite la lecture du
mémoire. Je lui cède la parole.
Le Président (M. Rancourt): M. Mario Paradis.
M. Paradis (Mario): M. le Président. On va laisser de
côté le préambule et on va commencer tout de suite.
Le chômage, l'aide sociale, le manque de scolarité, la
drogue, l'alcool et les gestes discriminatoires sont l'apanage d'une
minorité. Les Métis n'échappent pas à cette
règle. Comment cette minorité peut-elle s'en sortir en plein XXe
siècle, ère de progrès tant social, culturel,
qu'économique? À notre avis, une telle situation ne peut avoir sa
raison d'être.
Il nous apparaît évident que le gouvernement, par cette
commission, démontre une attitude encourageante. Nous savons aussi
qu'à court terme, malgré la bonne volonté de tous et de
chacun, cela n'apportera pas de solution définitive, mais, la discussion
engagée, il nous apparaît essentiel d'y aller à fond.
Discussion. Afin d'améliorer une situation qui se
détériore depuis trop longtemps, nous vous présentons ici
non pas des solutions immédiates, mais plutôt des suggestions
concernant, entre autres, trois besoins qui, selon nous, s'avèrent
fondamentaux pour les Métis: l'habitation, l'aide à l'emploi, le
retour aux études. D'autres droits qui, d'après nous, sont
discriminatoires envers la femme autochtone métisse et ses descendants:
les droits ancestraux.
L'habitation. Un des grands problèmes faisant foi d'une
minorité est celui du logement. Peu ou à peu près pas de
conditions saines, l'étroitesse et/ou le manque de locaux mis à
sa disposition font du Métis un camarade, bien malgré lui, de la
pauvreté. Pourquoi, en 1983, existe-t-il encore des gens vivant dans un
genre de cabane, pour ne pas dire un taudis? Peut-être direz-vous que
c'est ainsi aussi chez les Blancs ou chez toute autre communauté, mais,
en ce qui concerne les Métis, pourquoi un aussi grand pourcentage?
Pour les questions d'ordre technique, nous avons ici un livre bleu - si
vous avez des questions - que nous remettrons à la commission ensuite,
si elle le veut.
Il est beau et bien en vue de posséder une maison, mais il est
encore mieux de bien s'en occuper, de pouvoir s'en servir comme un chez-soi et
non comme un endroit où l'on se déprime à se dire que l'on
n'a rien. Attendu que l'habitation est un problème
général, l'association suggère un programme de
rénovation bien appliqué, c'est-à-dire non pas par la
simple mise en disponibilité du matériel, mais par l'application
d'une structure solide allant de l'explication (le pourquoi) à
l'application (le comment). Car, vous le savez, il reste tout à faire en
ce qui concerne les Métis.
L'aide à l'emploi. Attendu que la
moyenne des sans-emploi chez les Métis et les Indiens hors
réserves est supérieure à celle des Blancs au
Québec, proportionnellement à la population, l'Association des
Métis et Indiens hors réserves du Québec Inc.,
suggère donc qu'affecter une aide supplémentaire à
l'emploi d'agents de main-d'oeuvre ou de personnes spécialisées,
comme il y en a déjà quelques-uns jusqu'à maintenant,
aiderait ou, à tout le moins, faciliterait l'entrée provinciale
des travailleurs indiens et métis hors réserves à ces
mêmes centres de main-d'oeuvre qui sont peu ou à peu près
pas connus des autochtones.
Même en donnant des cours de pré-emploi au besoin, on
abaisserait par le fait même le nombre de personnes retirant de l'aide
sociale en leur fournissant un moyen de sortir de la médiocrité
sociale dans laquelle elles pataugent depuis des années.
Bien entendu, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte lorsqu'il
s'agit de l'emploi, dont l'un, bien important, est le bas niveau de
scolarité chez les Métis et Indiens hors réserves.
Lorsque l'on sait que maintenant "un secondaire" suffit à peine
à prouver que l'on a été aux études, dans une
ère où tout est presque entièrement
spécialisé, on se rend compte du retard considérable du
Métis et de l'Indien moyen d'aujourd'hui sur tout ce qui l'entoure. De
nature plutôt renfermée, son manque de scolarité agit sur
lui comme un compresseur dans son monde déjà de plus en plus
petit. Vu cet état de choses, l'association suggère
différentes bourses d'études guidées vers un plus grand
éventail de candidats afin non pas d'obliger, mais d'encourager le
Métis et l'Indien à poursuivre leur apprentissage technique et
scolaire en les rendant plus autonomes et plus maîtres d'eux.
D'un autre côté, l'aide qui pourrait être
accordée pour l'étude aiderait aussi grandement ou, à tout
le moins, profiterait au Métis et à l'Indien
lorsqu'apparaîtrait le moment de se trouver un travail. C'est ainsi que
deux secteurs critiques pourraient être grandement
améliorés.
Pour ce qui est des droits ancestraux, une femme indienne qui marie un
Blanc perd ses droits aborigènes, alors qu'un Indien qui marie une
Blanche lui transmet ses droits, à elle et à ses enfants. Voici,
en résumé, le gros problème du Métis. Pourquoi,
dans cette société qu'on dit civilisée,
évoluée, existe-t-il pareille absurdité? Comme
discrimination, on peut difficilement faire mieux. Qu'on se rappelle le cas
Lavelle, cette Indienne qui s'est rendue jusqu'au plus haut tribunal du pays
pour finalement se retrouver devant rien.
Depuis des années, cette question est soulevée un peu
partout. Depuis des années, on se dit ou on entend dire que cela va
changer. Depuis des années, c'est du pareil au même. À
Ottawa, on endort le monde avec des promesses que, finalement, on ne tient pas.
Par amour pour un Blanc, l'Indienne perd sa dignité d'Indienne. Pour son
coeur, elle doit tout reprendre à zéro.
Attendu que tout gouvernement ou toute association qui se respecte doit
voir par cet acte une faute à entraver, à abolir, pour le bien
des deux parties, tout problème de négociation ayant pour point
de départ cette discrimination, l'Association des Métis et
Indiens hors réserves du Québec Inc., demande la reconnaissance
des droits et privilèges rattachés au statut d'Indien pour les
Métis, c'est-à-dire la femme indienne mariée à un
Blanc et tous ses descendants, que ce soit pour la chasse, les études et
surtout que ce soit envers la succession, où les Indiennes
mariées à des Blancs doivent refuser ou se font refuser tout
accès, toute possession léguée sur réserve par
leurs parents défunts ou autres parce qu'elles ne sont plus
considérées comme indiennes. C'est quand même de son propre
sang qu'il s'agit. Cherchez d'autres minorités ethniques qui,
grâce à une loi qu'elles ont, elles aussi, négociée,
rejettent une soeur, leur soeur, aussi cavalièrement.
Comme conclusion, mesdames et messieurs, on est venu en amis, comme on
l'a toujours été, d'une société appelée
à changer et qui, grâce à l'accomplissement de ce travail
à peine commencé, sera plus vivable pour nous et pour vous.
Dans plusieurs régions du Québec, encore beaucoup de
Métis crient à l'aide. Que ce soit à Caughnawaga, à
Senneterre, à Parent où tout reste à faire, ils sont des
milliers dans l'attente qu'il se passe quelque chose. Érigeons une base
solide pour qu'un nombre à tout le moins égal de
générations futures à toutes celles qui ont attendu dans
le passé puisse contempler dans l'allégresse et la joie au coeur
la fin du travail que nous commençons ici présentement.
Merci.
Le Président (M. Rancourt): Merci beaucoup, M. Mario
Paradis. M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. Paradis, messieurs, je voudrais,
d'abord, vous remercier de nous avoir présenté un mémoire
extrêmement concret qui touche des problèmes vraiment cruciaux. Je
dois vous dire qu'on est d'accord sur les quatre premiers points, en ce qui
concerne la situation socio-économique, l'adoption d'un programme de
rénovation des maisons. D'ailleurs, ce serait l'extension d'une chose
qu'on a annoncée, mais qui demanderait peut-être un volet
spécial. Du côté des conseillers autochtones, pour que les
gens se sentent vraiment reçus comme chez eux parce qu'ils sont chez
eux. Dans les centres
de main-d'oeuvre, il y a déjà un programme en marche. Vous
dites qu'il faudrait l'accélérer, l'accentuer, on est absolument
d'accord. En ce qui concerne un programme spécial de bourses
d'études, cela correspond aussi à une chose qui devrait
s'appliquer de façon générale. Sur ces quatre
points-là vous demandez qu'en fonction de leur situation
particulière, qui est, hélas, très dégradée,
on mette l'accent sur les Métis et les Indiens hors réserves. Je
peux m'engager à ce qu'on en tienne compte, surtout en employant le
document d'appui que vous allez nous remettre, dites-vous.
Pour ce qui est du dernier point, la fin de la discrimination envers les
femmes qui sont dans la situation que vous décrivez, pour autant que le
Québec est concerné, c'est un engagement qu'on a pris depuis un
bon bout de temps et qu'on va tenir. C'est déjà officiellement la
politique qu'on a adoptée ici au Québec pour autant qu'on peut
l'appliquer. Là où on a juridiction, je pense que c'est
déjà en train de s'appliquer. Évidemment, il y a certaines
dimensions de ce problème qui ne nous appartiennent pas, comme vous le
savez, dans le régime dans lequel nous sommes, mais on va continuer,
comme on l'a, d'ailleurs, déjà fait, à pousser dans ce
sens-là et à essayer d'amener tout le monde à accepter ce
qui est le bon sens et un minimum de justice.
Encore une fois, on est d'accord avec l'essentiel de votre
présentation. Là où on peut agir, on va le faire le mieux
possible, le plus vite possible. Merci beaucoup de ce tableau très
concret dont, je vous assure, on tiendra compte.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais, à
mon tour, remercier l'Association des Métis et Indiens hors
réserves du Québec de son mémoire qui est concis, qui
touche vraiment les problèmes fondamentaux que vous voyez. Sans aller
dans tous les détails, vous touchez vraiment les vrais problèmes
qui existent dans votre milieu.
Je ne peux pas comprendre pourquoi on n'a pas apporté amendements
à cette loi qui crée tellement de discrimination au niveau que
vous avez souligné dans votre dernier point, d'une femme indienne qui
marie un Blanc et vice versa. Il me semble que cela ne peut pas durer tellement
plus longtemps. Il va falloir que les gouvernements et plus spécialement
le gouvernement fédéral - la Loi sur les Indiens est de sa
responsabilité -apportent un amendement. Je ne peux pas concevoir qu'il
y ait une charte des droits permettant une situation qui crée de la
discrimination. Dans mon esprit, cela semble être une contradiction.
Je présume que les programmes qui existent au niveau du
Québec sont applicables aux Métis. Si je comprends bien -je crois
que c'est ce qui devrait être fait -ces programmes devraient être
adaptés, modifiés ou augmentés pour répondre aux
besoins des Métis. Une source du problème a été la
loi fédérale qui, d'une certaine façon, a restreint la
définition du mot "Indien". Par cette définition et par d'autres
choses, on a maintenant la définition de Métis. Est-ce que vous
avez considéré la possibilité de créer un
comité tripartite qui inclurait le Québec, les membres de votre
association et le gouvernement fédéral parce qu'il a une
responsabilité non seulement dans l'ensemble du problème, mais
dans certains sujets particuliers? Est-ce qu'on a essayé de créer
un tel comité pour essayer de répondre spécifiquement aux
problèmes que vous avez soulevés dans votre mémoire?
Une voix: Je vais laisser la parole au président.
M. Paradis (Paul): II y a eu plusieurs contacts avec les
différents secrétariats d'État, les députés
fédéraux. Ils ne bougent pas tellement. Ils s'en tiennent
à la loi. Ils promettent toujours des amendements, des changements, mais
il y a déjà dix ans qu'on les exige et il n'y en a pas tellement
de fait jusqu'à maintenant. Cela va lentement.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je pense qu'on va appuyer vos demandes auprès
du gouvernement. On espère, comme l'a indiqué le premier
ministre, que le gouvernement pourra répondre aux problèmes
très spécifiques que vous soulignez en accélérant
ou en changeant certains programmes qui existent présentement. On
espère aussi qu'il sera possible d'avoir un comité tripartite,
parce qu'il y a aussi la responsabilité de l'autre niveau de
gouvernement. Il ne peut pas s'en laver les mains. La responsabilité est
là et il devrait faire quelque chose pour remplir cette
responsabilité. Merci.
Le Président (M. Rancourt): Donc, il n'y a aucun autre
intervenant. Vous vouiez ajouter autre chose? Pas du tout. Cela va.
M. Paradis (Paul): D'abord, nous remercions tous les membres de
la commission qui ont bien voulu nous permettre de nous exprimer et
d'être entendus. Je tiens à dire que nous serions bien d'accord
pour une commission permanente. En un mot, merci.
Le Président (M. Rancourt): Nous vous remercions beaucoup,
messieurs les membres de l'Association des Métis et Indiens hors
reserves du Québec Inc.
Nous allons maintenant demander au Conseil national des autochtones du
Canada de bien vouloir s'approcher. Nous accueillons maintenant le Conseil
national des autochtones du Canada, représenté par M. Louis
Bruyère, président. M. Bruyère.
Conseil national des autochtones du Canada
M. Bruyère (Louis): Thank you, Mr. Chairman. It is indeed
an honour and a pleasure to appear before this committee today.
In terms of what I have to say, we are appearing before you today in
support of Mr. Fern Chalifoux, president of Native Alliance of Québec,
which is affiliated with our national organization, and to present to you, from
a national perspective, the concerns of our constituents.
For those of you who may not be familiar with our organization, the
Native Council of Canada represents upwards of one million Aboriginal People in
Canada. These include Metis people across Canada and those people who identify
themselves as Indians, but who are not recognized as such under the Indian Act.
Most of you are probably aware that we represent this constituency in relation
to Aboriginal rights and the Constitutional Act. It is in this context that we
intend to present most of our remarks today.
As president of the organization which represents the numerical majority
of Aboriginal People in Canada, I come to you with very mixed feelings about
the role that the province of Québec is playing at the constitutional
conferences. On the one hand, we very much appreciate the empathetic stand the
Québec representatives have taken in the most recent round of talks
which have just gotten underway. The bilateral initiatives of the Québec
Government are a beacon we hope other provinces will follow. However, on the
other hand, we are faced with the sad fact that Québec is not a
signatory to the accord that was developed at the last conference. As people
who have been excluded from Confederation from the beginning, we can well
understand the position of the Québec Government. Certainly, the French
experience in Canada has many parallels in the Aboriginal community and plays a
large role in the empathy demonstrated by Québec delegates to the
conference. But that empathy is impotent when its value is subtracted from the
final result: an accord to entrench Aboriginal rights in the highest law in the
land.
Some of the most cynical conference participants suppose that the
Québec delegation can speak as it does because it does not have to sign
on the dotted line. As extreme as that point of view might be, there have been
instances where expression of the Québec delegation have seriously
eroded the NCC position at the table in the eyes of the other provincial
delegations. At the meetings in Winnipeg last week, Québec spokespersons
denied the existence of Metis in Québec. Given that somewhere between
50% and 82% of people in Québec have Aboriginal ancestry, this position
of . the Québec delegation is completely untenable. The meeting was
further misinformed that the Québec Provincial Government, by
recognizing the status of all Indian women, had effectively dealt with the
aspirations of non-status Indians in the province. I am sure Mr. Chalifoux will
address these issues in some detail later today. (16 h 30)
It is true that constitutional recognition of Aboriginal People in
Canada: Indians, Inuits and Metis, has created a new situation for our
non-status Indian constituents. As far as we can tell so far, all of the people
in Canada who identify themselves as Indians will be recognized by the
Constitution. But this does not change their status under the Indian Act. They
are still excluded from federal programs designed to serve Indians recognized
under the Indian Act. The fact that the Government of Québec has taken
the welcome initiative of recognizing Indian women who have been excluded
from eligibility under the Indian Act by section 12(l)b (the marrying
clause) addresses only a few of the concerns of non-status Indian people and
does absolutely nothing in terms of re-establishing status under the Indian
Act. Even if a relationship to the Indian Act were established, that would only
be one small step on the much longer journey towards a just accommodation of
non-status Indian people.
The simple reality of our situation is that the majority of non-status
Indian people in Canada and in Québec cannot or will not repatriate to
existing Indian bands. It is dangerously short-sighted to assume that by
solving status Indian problems, all Canada's Indians will be accommodated. It
is simply not true.
The majority of Aboriginal People in Canada now recognized under the
Constitution as Indians are not now, and most will never be, members of
existing Indian bands. A rule-of-thumb developed over the last decade of
interaction between governments and the NCC indicates that there are at
least three non-status Indians to every status Indian in Canada. Current
indications are that as few as a third, and certainly no more than half of that
number can or will repatriate to existing bands.
It is our responsibility to see that the concerns of the Indian people
not protected
by the Indian Act are fully addressed in every forum designed to
accommodate Indian people, including the constitutional forum and including
this committee. It is critically important that this committee take the
concerns of non-status Indians - the numerical majority of Indian people in
Québec - into account in all deliberations. To do anything less is to
guarantee further decades of misunderstanding and depriveation of the rights of
the majority of Indian people in Québec.
I will leave the details of those concerns to Mr. Chalifoux's
presentation later today, but I can tell you that non-status Indians - whether
or not they repatriate to existing bands - have a constitutional right to
existence and recognition as a distinct Aboriginal People and that is a reality
that cannot be avoided.
Recent research has revealed that more than two dozen terms have been
applied to mixed blood people in various parts of Canada and in different
historical periods. Given the policy of the French Crown to encourage
intermarriage between French and Indian in the New World, it is hardly
surprising that many of those terms were French, including the word "voyageur"
which is so closely identified with Québec in every school text
book.
It may well be that, at the time of Confederation, many Quebecers chose
to identify with their French ancestors rather than with their Indian heritage.
Certainly that is their right, and we support them in their choice. But we
cannot extend that support to include the deliberate and unilateral exclusion
of those Aboriginal people in Québec who do honour their Aboriginal
heritage and identify themselves as Metis.
We can serve notice that, if the Québec delegation insists on
maintaining its current position that there is no Metis in the province of
Québec at the constitutional conference, we will have no choice but to
consider the current Government of Québec a major obstacle to the just
aspirations of our constituents in Québec.
I hope you can understand the very difficult that we, as the
reprensative of the majority of Aboriginal People in Canada, are placed in by
the aforementioned expressions of Québec policy. On the one hand, and in
defence of its own best constitutional interests, Québec refuses to
participate in the signing of an accord. We can understand that. However, when
the Québec delegation makes , statements that seriously undermine the
position that the NCC has been mandated to take to the constitutional table,
then a situation arises where your support is diluted by your
non-participation. On the other hand, when statements are made in opposition,
and where their opposition may well sway provincial delegations who are signees
to future accords, you can well understand our concern.
In summary, I would leave this committee with a few recommendations. 1.
If this committee intends to have a supportive and realistic impact on the
development of relationship between Aboriginal People and the majority
population in Québec, it must address the concerns of those Indian
people who are not protected by legislation or treaty. 2. Contrary to present
Québec policy, there are significant numbers of Aboriginal People in
Québec who identify themselves as Métis people and who must be
accommodated in any policy this committee might propose for Aboriginal people
in Québec. 3. Finally, we would propose that this committee seriously
reconsiders the policy Québec is now following at the constitutional
talks. We would certainly urge that Québec becomes full participant in
the context of Aboriginal rights and sign future accords without prejudice to
their position regarding recognition of the Constitution Act itself. If that is
not possible, we would urge the Québec delegation be instructed to
remain silent on issues which it cannot support or promote the interests of
Aboriginal People.
Thank you for your attention. I am now open for questions if you have
any. Thank you.
Le Président (M. Rancourt): Thank you, Mr. Bruyère.
M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. Bruyère, I want to thank
you very much for coming and, in fact, I think, basically, lending support, in
a well reserved way, on a very delicate question. You have to admit it is a
complex issue. Thank you very much for coming and lending that kind of eloquent
support to Mr. Chalifoux's group, l'Alliance autochtone du Québec Inc.,
who are going to follow you in a few moment, I suppose.
I think, basically, what we should do is to take some moments to reflect
on what you have brought from a sort of pancanadian basis as far as
Métis people are concerned and then bring it down because, if anything
can affect our position, it will come out of the discussions based on the memo
by the Québec group led by Mr. Chalifoux. In a sense, I would rather not
have questions. We will use this as a sort of background that comes let us say
from a Canadian picture in order to have a better chance to assess what Mr.
Chalifoux and his organization will have to say a little later. Thanks
again.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: I think my colleague, the
member for Jacques-Cartier, would have a question to ask, but, before
she does, perhaps, if I can, I would just like to thank you, Mr.
Bruyère, for your brief and for the representation you are making on
behalf of Native people.
Could the Premier confirm or explain very briefly whether, in fact, he
is aware that the persons who spoke for the Québec representation denied
that there were Métis in Québec?
Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): I the sense broad. That is what I
said because I will not go into the details of the examination of the question
for the moment. I think the basic thing is this: From any kind of study of
Canadian history, the Métis who had a land and who were recognized as a
people with a land were in Manitoba essentially, were in the West. They were
the authentic Métis.
On the other hand, there are, by extension of that notion, a lot of
people with mixed blood, specially tied to the question of women's rights which
we already have addressed and will be addressing sometime this evening. Because
the mixed blood emanates from this, that, or the other nation or band and
becomes a sort of extension outside, non status. I think the main argument of
the "general Métis" population here in Québec as elsewere is that
they constitute a distinct nation and that is something which, for the moment,
we do not think is acceptable, except when, with general agreements, for
instance in the Northern Québec and James Bay Agreement, I think
non-status and Métis or mixed blood people who are involved in a
territory are also beneficiaries.
So, maybe that is a direction that we should be looking forward to.
Between that and saying that we accept the idea - for the moment anyway - that
there is another nation in the sense of Métis nation, we still have
quite a few questions to answer in our own minds.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Perhaps we can explore that question a little further
with the next brief, Alliance autochtone du Québec.
M. Lévesque (Taillon): I am sure it comes down to the
same.
M. Ciaccia: But I just sort of raise the issue because it
seemed to be an important issue that Mr. Bruyère was raising in his
brief.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Thank you very much for your presentation. First
of all, a comment and then a question. You represent 1 000 000 people
non-status...
M. Bruyère: Non-status.
Mme Dougherty: It seems to me we have heard a lot from other
groups of various status and who see themselves as having or that should have a
different status. My impression - I hope that you undertstand me - is that the
needs that have been expressed here at this commission are fundamental human
needs, that all human beings require: good health, good education, a
sensitivity on the part of governments to respect people's origins, which is
true for all people and we have people in our country of many origins. I think,
at the bottom line, it comes down to that. My impression is that some of the
demands, some of the positions we are hearing are maybe based a little bit much
on trying to obtain legal status, of one kind or another, rather than getting
down to brass tacks and solve the human problems. Some people have more
problems than others. What is your reaction to that kind of a statement?
Le Président (M. Rancourt): M. Bruyère.
M. Bruyère: Thank you for your statement even if you were
not very well informed in terms of what the Aboriginal People of this country
and in Québec are looking for. They are looking for the just recognition
of their rights as Aboriginal People. You say that they want the same things
everybody else want. When the non-Native people came to this country, the
Indian people had their own sort of self-government set up where they looked
after all the same issues as you are talking about. When the non-Native people
started taking over the country, they took upon themselves to do this in a
better way which came not from these shores and it was better for them but it
really ruined and made a farce of the old system in Canada here, as we now know
Canada. That is why I say: Maybe you are not very briefed in terms of where the
Indian people were in this country, in terms of their own social background,
their own political structures and everything else. They had all this in place
at the time and they were practicing those things.
All of a sudden, non-Native came in and said: Well, listen. At one point
of time, the policy for reserves was starting in this country because the
Indians were dying off. The first government said: Well, we will put them back
over in the bush over in there and
we will not have to watch them die. But the big thing that
happened there was that the Indians people started marrying within themselves
and started coming back as more of a nation than they were in the sense that
they were more together on the issues of What they were actually after.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: I do not deny that people have special needs. They
have pride in their own culture and language. I think that the Canadian
Government has shown itself not to be very sensitive to these things. I think
that the Québec Government -and 1 am thinking no more about education
and some other programs - is showing a certain enlightenment about needs of
people of different cultures, different languages and different backgrounds,
and perhaps more so than the Federal Government. I think that it would be a
good idea to capitalize on that openness and that sensitivity, because I think
that the problems we are hearing about are often at the level of the
implementation of programs, rather than the principles. (16 h 45)
I really think that the principle of difference, the principle of
special needs, special status, whatever you want to call it, is recognized, and
I think that the Indian people, the Métis people and all people would
make more progress if we could get down to brass tacks and discuss the needs at
the human and at the practical level. I think that this is what I am saying. I
do not deny the other needs, but I do not think that they are first and
foremost.
Le Président (M. Rancourt): Mr.
Bruyère.
M. Bruyère: That is what we are trying to do when we say
that we are dealing with the Constitution and that we are trying to get our
rights entrenched in the Constitution. One thing that you must realize is that
the Indian Act does not give you rights. The Indian Act gives you benefits.
What we want is our rights entrenched in the Constitution. Then, we can go
after the legislation, federal and provincial, in order to put the mechanisms
in place so that we can implement those rights at the community level, regional
level, national level, provincial level, whichever level you may want to talk
about.
But you first must have your rights recognized in the Constitution. This
is what you are arguing about right now as a government in this province. You
want your rights recognized in the Constitution? We do too, so that we can
fight for the legislation and put the legislation into effect which will then,
in turn, make sure that things happen at the community level where it is most
felt and beneficial. That is all we are saying.
Le Président (M. Rancourt): Nous vous remercions beaucoup,
M. Bruyère, du Conseil national des autochtones du Canada.
Nous demandons maintenant à l'Alliance autochtone du
Québec Inc., de bien vouloir se présenter. Accueillons maintenant
l'Alliance autochtone du Québec Inc. Je demanderais à son
président, M. Fernand Chalifoux, de bien vouloir présenter son
mémoire et aussi ceux qui l'accompagnent.
Alliance autochtone du Québec Inc.
M. Chalifoux (Fernand): M. le Président, j'aimerais vous
informer, tout d'abord, que notre présentation sera peut-être
passablement longue, d'une durée d'environ une heure et demie à
une heure et trois quarts. Avant de passer à la présentation de
tout le monde, je vous demanderais de vous joindre à nous dans une
courte prière qui, espérons-le, guidera nos débats et nos
pensées. "Nous demandons humblement à notre Être
suprême de guider nos paroles, nos gestes, nos émotions au cours
de ce partage afin que nous agissions pour le mieux-être de l'ensemble de
nos peuples, et nous remercions notre Être suprême pour tous les
bienfaits dont il nous gratifie d'instant en instant, de jour en jour."
À ma gauche, Mme Suzy Haché,
secrétaire-trésorière de notre association, M. Claude
Riel-Lachapelle, coordonnateur dans le domaine, de la trappe, de la chasse, de
la pêche et de l'éducation, M. Marc Simon, vice-président
pour la région de Montréal, M. Gilles Mercier,
vice-président par intérim pour l'Abitibi-Témiscamingue,
M. Yves Landry, membre.
À ma droite, M. André Boudrias, vice-président
provincial de l'Alliance autochtone du Québec, M. Gilles Couture, notre
recherchiste, M. Pierre-Paul Charland, directeur de la région de la
Côte-Nord, Mme Monique Veilleux, directrice de la région
Abitibi-Témiscamingue et M. Gilles Bérubé, directeur
gérant général de la Corporation Waskahegen.
Le Président (M. Rancourt): Voulez-vous
répéter? Nous n'avons pas compris votre dernière phrase,
M. Chalifoux.
M. Chalifoux: Le dernier nom? Le Président (M.
Rancourt): Oui.
M. Chalifoux: M. Gilles Bérubé, directeur...
Le Président (M. Rancourt): ...directeur de?
M. Chalifoux: ...général de la Corporation
Waskahegen, notre corporation du logement.
Le Président (M. Rancourt): Merci.
M. Chalifoux: Avant de débuter, j'aimerais remercier les
membres de la commission et M. le premier ministre d'avoir donné cette
occasion, finalement, aux Métis et Indiens sans statut du Québec,
de venir se présenter devant cette commission et de tenter de
sensibiliser le gouvernement du Québec, ainsi que la population du
Québec en général sur ce que sont les Métis et
Indiens sans statut, sur ce que nous estimons être nos droits, nos
aspirations et surtout de nous permettre de faire quelques recommandations au
gouvernement sur des moyens possibles de résoudre certains de nos
problèmes dans l'immédiat.
Ce n'est pas notre intention de faire une récapitulation de ce
que nous estimons être nos droits aborigènes fondamentaux; nous
avons fait cela mardi matin lors de la présentation du groupe de travail
des peuples aborigènes. Nous n'avons pas l'intention, non plus, de vous
servir une leçon en ce qui a trait à la culture et aux traditions
autochtones. Je pense que vous avez été très bien servis
dans ce sens-là par nos frères les Mohawks de Kahnawake.
J'espère qu'au cours des trois dernières journées
que vous avez passées ici si patiemment à écouter les
revendications de tous les peuples autochtones qui ont défilé
devant vous, ces présentations de tous les groupes, auront servi
à vraiment vous exposer ce que nous sommes et ce que nous
recherchons.
Nous avons entendu beaucoup d'engagements assez formels de la part du
premier ministre et des ministres qui sont ici. Nous espérons que ces
discussions, ces promesses, ces engagements iront beaucoup plus loin, qu'ils
iront à une table de négociation formelle qui sera établie
entre les peuples autochtones de cette province, de ce pays et le gouvernement
du Québec.
J'aimerais commencer ici mon exposé. Au cours de
l'assemblée annuelle de notre association, tenue à Duchesnay au
début du mois d'août 1983, l'ensemble des
délégués ont confié au conseil de direction de
l'Alliance autochtone du Québec le mandat de présenter à
la commission parlementaire de la présidence du conseil et de la
constitution un mémoire décrivant les principales
préoccupations de notre peuple. C'est donc au nom des 25 000
Métis membres de l'Alliance autochtone du Québec que nous de
l'exécutif, Fernand Chalifoux, président, André Boudrias,
vice-président, et les personnes qui sont assises ici, avons reçu
le mandat de présenter ce mémoire à la commission
parlementaire.
Nous aimerions profiter de cette occasion pour remercier toutes les
personnes qui ont collaboré de près ou de loin à la
réalisation de ce mémoire et plus particulièrement les
membres de notre association, les cadres et les personnes-ressources de la
Corporation Waskahegen, Claude Riel-Lachapelle, coordonnateur du dossier sur la
trappe, la chasse et la pêche; Rhéal Boudrias et Diane Joannette,
étude sur les besoins en communication; Gilles Couture, qui a
effectué les recherches et travaux préliminaires de
rédaction; Sylvie Picard qui a dactylographié et corrigé
les textes. Signalons également aussi la participation indirecte,
quoique très importante, de Lawrence Boudrias, Lionel Lacroix, Yves
Landry, Fernande Bourassa, Anita Godard, Larry Dubé, Dorothée
Dawson, Micheline Morisset et D. John Turner. En passant, ce n'est pas l'ancien
ministre libéral!
J'aimerais vous citer comme prologue à cette présentation
un extrait d'un livre de notre président fondateur, M. Kermot A. Moore,
qui a trait à la constitution canadienne. "Les problèmes qui nous
assaillent proviennent des attitudes inhérentes au caractère
agressif et exploiteur des peuples colonisateurs qui ont usurpé ce
territoire. Le cadre de tout échange sur la constitution doit tenir
compte de toute la gamme allant de la justice au génocide, afin
d'arriver à une vision plus nette et à des conclusions qui
reconnaissent et comprennent la réalité des droits de la personne
pour les peuples autochtones. "Je suis convaincu que l'usurpation des droits
des premiers peuples ne provient pas tant d'un vice des lois que du
système de subterfuges qui permet aux politiciens, aux bureaucrates et
aux autres agents du gouvernement de contourner les lois. Si cette situation
n'est pas dénoncée, si aucune mesure n'est inscrite dans la
constitution pour prévenir ces artifices, la première loi du pays
deviendra une consécration du subterfuge plutôt que de la justice
fondamentale."
Nous allons nous partager, M. le Président, la
présentation de ce mémoire et nous allons faire la
présentation complètement en français, malgré le
fait que la majorité de nous sommes autodidactes et que beaucoup de nous
furent instruits en anglais. Nous allons faire notre possible pour
présenter l'ensemble du mémoire en français.
J'espère que vous tiendrez compte lors de vos questions du fait que nous
sommes autodidactes, que nous n'avons pas une batterie d'avocats et de
consultants derrière nous, pour ne pas tenter de nous embarquer dans des
questions techniques et juridiques.
Cela parle très mal avec un morceau de glace dans la bouche.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Chalifoux: M. le Président, nous vous adressons le
présent mémoire non seulement au nom des membres actuels de
l'Alliance autochtone du Québec, mais aussi et surtout au nom de nos
enfants et de leurs enfants, au nom des générations futures qui
devront vivre et composer avec l'impact des décisions qui seront prises
par votre gouvernement et des lois qui seront sanctionnées au cours des
prochains mois et des prochaines années.
Nous savons que le gouvernement actuel du Québec ne pourra,
malgré toute sa bonne volonté, rectifier du jour au lendemain les
graves injustices perpétrées contre notre peuple depuis quatre
siècles. Nous savons aussi que le gouvernement actuel peut poser des
jalons, prendre certaines mesures et décisions susceptibles de permettre
une amélioration progressive de nos conditions de vie individuelles et
collectives. Le vrai travail, toutefois, la vraie transformation ne pourra
être effectuée que par l'ensemble des citoyens de ce pays.
L'ethnocide dont nous sommes les victimes doit être stoppé. Cette
responsabilité incombe non seulement au gouvernement du Québec,
mais d'abord et principalement à tous et à chacun d'entre
nous.
Il va falloir nous défaire de nos nombreux préjugés
et oser lever le voile de l'ignorance qui empêche plusieurs d'entre nous
de retracer de façon plus objective et plus juste l'histoire des
autochtones de ce pays. Nous devrons reconnaître la vraie nature des
relations qui ont existé entre les autochtones et les colons
européens et leurs descendants depuis le XVIe siècle.
Il est important ici de clarifier pourquoi les Métis et
Amérindiens sans statut du Québec en sont venus à prendre
la décision de s'identifier en tant que peuple et nation autochtone
distincte des neuf autres nations autochtones du Québec qui regroupent
nos frères et soeurs statués, c'est-à-dire reconnu comme
Indiens par une loi fédérale, l'"Indian Act".
Dès 1791, les gouvernements coloniaux ont commencé
à établir des législations concernant "les sauvages" et
leurs terres. En ce qui concerne notre peuple au Québec, de 1791
à 1979, il y a eu 93 de ces lois - y compris la Loi sur les indiens -
qui ont eu un effet néfaste sur la vie de notre peuple. Ces lois (voir
la liste dans le document, les peuples autochtones et l'État canadien,
déposé en annexe du présent mémoire) avaient pour
seul but l'élimination des peuples autochtones et leur assimilation dans
la société dite canadienne.
Tout particulièrement, à partir des lois de 1850, le
gouvernement fédéral, ses fonctionnaires et technocrates ont
procédé, et ce, pendant une période de 133 ans, à
une catégorisation et à une tentative d'élimination
systématique des Amérindiens. Il y a eu, d'abord, la
création des réserves et leurs conditions de vie
déplorables. Il y a eu ensuite les fameuses listes d'enregistrement
établies par des non-autochtones, évidemment. Sur ces listes, les
non-autochtones inscrivaient uniquement le nom des Amérindiens qui se
trouvaient sur place au moment où l'agent procédait à
l'enregistrement. Ceux qui, à ce moment-là, se trouvaient en
forêt ou en ville pour fins d'approvisionnement ou de vente de fourrures
n'étaient pas inscrits. Autrement dit, quiconque était absent de
la réserve ce jour-là n'était pas inscrit sur la fameuse
liste. Certains Amérindiens inscrits lors d'un enregistrement se sont
vus exclus de ce registre lors de révisions subséquentes des
listes, simplement parce qu'ils étaient absents lors de cette
révision. (17 heures)
II y a eu aussi la section 12.1 B de la Loi sur les Indiens et la
politique d'affranchissement du ministre McCreman dans les années
quarante, etc. Il est évident que toutes ces lois, ainsi que les actions
et politiques qui en ont résulté n'ont pas réussi à
assimiler, ni à éliminer les peuples autochtones du Québec
et du Canada. La preuve vivante de ce que j'affirme, la preuve vivante de
l'échec de cette tentative de génocide a été faite
lors de la Conférence constitutionnelle sur les droits des autochtones,
en mars 1982, à Ottawa, et je suis certain que cette preuve sera aussi
évidente lors des audiences de la présente commission
parlementaire.
Nous, Métis et Amérindiens sans statut du Québec,
sommes un peuple. Notre peuple est le fruit des lois et politiques
conçues par des gouvernements coloniaux depuis plus d'un
siècle.
Les représentants de notre peuple, réunis en
assemblée générale annuelle à la station
forestière de Duchesnay, au mois d'août 1983, ont adopté
à l'unanimité une résolution selon laquelle,
dorénavant, les Métis et Amérindiens sans statut du
Québec se considèrent un peuple et une nation autochtone
distincte au Québec et nous réaffirmons nos droits autochtones en
tant que peuple et nation autochtone. Ce droit fondamental nous est reconnu par
la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies,
comme le souligne notre fondateur, feu Kermot A. Moore, dans son livre: La
volonté de survivre.
Certains hauts fonctionnaires, conseillers principaux du gouvernement du
Québec en ce qui touche la question amérindienne,
suggèrent malheureusement aux membres du gouvernement de ne pas
reconnaître les Métis et Amérindiens non inscrits (ou sans
statut) du Québec en tant
que peuple autochtone distinct. Ils disent que nos membres appartiennent
aux neuf autres nations autochtones (avec statut) du Québec. Il est vrai
que plusieurs de nos membres se rattachent historiquement aux autres nations
autochtones composées d'Indiens statues selon les définitions de
la loi fédérale sur les Indiens (Indian Act). Mais cette
appartenance a été brûlée par une série de
lois imposées depuis plus de cent ans par les gouvernements
fédéraux et provinciaux non autochtones. Les affirmations et les
conseils de ces hauts fonctionnaires ne tiennent tout simplement pas compte de
l'histoire réelle de notre peuple, ils ignorent la situation
passée, la situation présente et la situation qui continuera de
prévaloir pendant encore de nombreuses années. Cette situation se
résume en quelques mots: vos lois et vos décisions nous ont
séparés et aliénés de nos frères et soeurs
autochtones statués. Et, dans bien des cas, vos lois et vos gestes ont
même divisé nos familles.
Il est possible qu'au cours des prochaines années, les peuples
autochtones du Québec choisissent eux-mêmes de s'unir de nouveau.
Mais une telle union doit s'exprimer et sera exprimée et bâtie par
nos peuples respectifs et non en réaction à des pressions et
exigences venant des gouvernements fédéral et/ou provinciaux.
Les vieux préjugés et les types de mentalité qui
prévalaient chez les anciens fonctionnaires du ministère
fédéral des Affaires indiennes n'ont plus leur place dans le
contexte actuel, contexte dans lequel le gouvernement du Québec semble
véritablement désirer un rapprochement et un dialogue qui
pourraient porter fruit et guider nos peuples vers une entente équitable
qui pourrait avoir une incidence bénéfique sur la vie des peuples
aborigènes du Québec, d'une part, et l'ensemble de la
société québécoise, d'autre part.
Une des stratégies insidieuses utilisées par le
gouvernement du Québec et ses représentants, au cours des
dernières années, envers le regroupement des Métis et
Indiens non inscrits du Québec consistait, jusqu'en 1976, à nier
notre existence. Depuis 1977, plutôt que d'engager un vrai dialogue et de
faire face à leurs propres responsabilités à notre
égard, fonctionnaires et technocrates nous posaient constamment la
question: Qui êtes-vous, combien êtes-vous et où
êtes-vous? Ils espéraient ainsi nous ébranler et mettre en
échec notre volonté de survivre. Ils espéraient ainsi
mettre en doute et ridiculiser nos efforts vers l'unification de notre peuple
et la reconnaissance de nos droits les plus fondamentaux.
En posant ces questions, ils en connaissaient la réponse. Ils
savaient, comme nous savons, qu'il y a, au Québec, au niveau
génétique et sanguin, quelques centaines de milliers de
Métis. (Voir, à cet effet, le rapport Laurendeau sur le
bilinguisme et le biculturalisme.) Ils savaient également, et nous
savons aussi, que la plupart de ces Métis ne reconnaissent pas ou
choisissent d'ignorer leur descendance autochtone. Ils s'indentifient
plutôt comme Canadiens et comme Québécois et nous
respectons leur choix. C'est leur droit le plus fondamental et ce droit leur
est reconnu explicitement dans la Charte universelle des droits de l'homme des
Nations Unies.
Nous demandons seulement à l'ensemble des Canadiens et à
l'ensemble des Québécois d'accepter et de reconnaître le
fait qu'un certain nombre d'entre nous chérissons notre descendance
autochtone et refusons de renoncer à notre identité
d'Amérindiens. Soyez rassurés, notre organisme ne
représente pas des centaines de milliers de personnes. Selon les travaux
de Danielle Gauvreau, Francine Bernèche et Juan A. Fernandez, du
département de démographie de l'Université de
Montréal, l'effectif des Métis et Indiens sans statut du
Québec qui s'identifiaient comme tels, en 1975, était
estimé entre 23 000 et 50 000. Il n'y a pas là de quoi menacer la
société dominante de 6 000 000 de Québécois!
Je vais maintenant donner la parole à M. André Boudrias,
qui va poursuivre la lecture.
M. Boudrias (André): Merci. Nous voulons, au
départ, souligner que nous sommes heureux de l'initiative prise par le
gouvernement du Québec d'instituer la présente commission
parlementaire. Nous reconnaissons que le gouvernement actuel du Québec
est un des gouvernements qui a le mieux démontré sa bonne
volonté en vue d'une amélioration des relations entre lui et les
autochtones au cours des dernières années. Malgré les
difficultés de parcours, le gouvernement du Québec et les groupes
autochtones du pays ont su amorcer un dialogue fructueux,
particulièrement au cours de la dernière année.
Nous sommes conscients qu'une partie du contenu de notre mémoire
est présentée dans une rhétorique accusatrice. Ce langage
est celui d'une minorité qui a été horriblement
exploitée et subtilement opprimée au cours des cent
dernières années. Notre peuple a toujours eu une grande patience,
une grande tolérance et une grande endurance, mais nous avons
aujourd'hui atteint le point critique où nos conditions de vie doivent
changer si nous voulons assurer la survie et le mieux-être de la
génération actuelle et des générations futures des
Métis et Amérindiens sans statut du Québec. C'est ce qui
explique le ton de nos propos. Il demeure que notre peuple a fondamentalement
le souci d'établir des relations saines et positives avec votre
gouvernement. Nous voulons, autant que faire se peut, participer
à la préparation, la mise au point et l'implantation d'une
politique qui serait avantageuse pour les deux parties.
Nous sommes très conscients que nous ne sommes pas les seuls
citoyens du Québec qui soient démunis actuellement. Mais nous
savons très bien, et les statistiques le démontrent, que nous
sommes parmi les plus défavorisés. C'est cette
caractéristique de notre condition que nous voulons changer.
Il serait un peu long de retracer, dans cette introduction, l'histoire
de notre peuple selon une perspective autochtone. Cette tâche,
néanmoins, est tellement essentielle que nous ne pouvons pas nous
permettre de l'escamoter. Nous avons, comme je le disais plus tôt, tous
et chacun la responsabilité de revoir l'histoire de ce pays avec un
esprit ouvert. Nous avons la responsabilité de brûler le tissu de
mensonges et de préjugés qui nous empêche depuis si
longtemps d'engager un vrai dialogue.
J'invite donc tous les membres de cette commission à prendre le
temps nécessaire pour lire attentivement les documents suivants,
déposés en annexe au présent mémoire - deux de ces
ouvrages ont été rédigés par notre
président-fondateur peu de temps avant son décès en
décembre 1982: 1) La volonté de survivre, par Kermot A. Moore; 2)
Kipawa, Portrait of a People, par Kermot A. Moore; 3) Rapport de recherche sur
les droits aborigènes (sous la direction de Robert Laplante); 4) Les
Métis et les Indiens sans statut - Entre l'écorce et l'arbre; 5)
Les Peuples autochtones et l'État canadien, Histoire d'un ethnocide
raté, par Jean-René Proulx et Rémi Savard; 6) Les
Algonguins, par Yvon Couture; 7) Mémoire de l'Alliance laurentienne des
Métis et des Indiens sans statut présenté à la
commission parlementaire du loisir, de la chasse et de la pêche le 17
novembre 1982; 8) Création d'un cours de niveau secondaire sur les
activités traditionnelles, destiné aux élèves
métis et indiens sans statut; 9) La Commission de révision
constitutionnelle des Métis et des Indiens sans statut; 10) La
Proclamation royale de 1763.
Comme nous l'affirmons dans un mémoire antérieur, en tant
que peuple, nous voulons renforcer, enrichir et partager notre culture, nos
valeurs, nos vues et nos idées avec vous et l'ensemble de la
société québécoise et canadienne.
En résumé, nous réclamons la mise en place de
moyens qui permettraient la correction de nombreuses injustices et qui
permettraient aux générations futures des Métis et des
Amérindiens sans statut de bénéficier d'une certaine
équité au sein de la société
québécoise.
Les injustices d'hier et le cours de l'histoire nous ont refoulés
hors du courant principal de la société québécoise.
Mais ces injustices n'ont pas réussi à nous faire
disparaître. Nous sommes toujours là en tant qu'entité
distincte et nous voulons tenter d'assurer notre mieux-être
présent et futur. Nous osons croire que le gouvernement du Québec
et la société québécoise comprendront notre
désir et endosseront notre objectif.
L'aspect historique de notre association. Les Métis et les
Indiens sans statut du Québec sont d'ascendance amérindienne et
se considèrent comme des autochtones à part entière. Ce
droit humain fondamental leur est reconnu par la Déclaration universelle
des droits de l'homme des Nations Unies, la Déclaration canadienne des
droits et la Commission des droits de la personne du Québec.
Le terme "Métis" a pour synonyme "sang mêlé": ce
n'est un secret pour personne. Nous n'avons pas seulement partagé notre
terre et ses ressources avec vous; nous avons aussi partagé notre sang.
Le terme "sans statut" désigne ceux et celles d'entre nous qui, de par
les lois du gouvernement fédéral, non les nôtres, n'ont
jamais été reconnus ou ont perdu leur identité autochtone
dans les méandres administratifs gouvernementaux, sans parler des
milliers de cas de femmes autochtones qui perdaient leur statut en mariant des
non-Amérindiens ou des Amérindiens sans statut, tels que
définis par l'Indian Act.
Il est de notoriété publique que, à mesure que se
développait le ministère fédéral des Affaires
indiennes, de nombreux Amérindiens et Amérindiennes n'ont pas
été enregistrés en tant que tels par les agents de la
couronne, soit par négligence, soit par oubli.
Depuis le début du siècle, de nombreux Amérindiens
ont été contraints d'abandonner leur statut amérindien
pour pouvoir acquérir le droit de vote, le droit à la
propriété et le droit d'envoyer leurs enfants à
l'école de leur choix, ce qui leur était refusé par la loi
et la politique tant qu'ils restaient enregistrés en tant qu'Indiens
auprès de l'administration du gouvernement fédéral. En
voulant profiter de certains droits humains fondamentaux, ils ont
été forcés de nier leur propre identité, leur
propre origine ethnique, leur propre nationalité.
Tout en dépouillant les nôtres de leur identité
propre et de leur nationalité, les gouvernements du Canada et du
Québec, et la société dominante qu'ils
représentent, nous ont, de diverses façons, interdit
l'accès à la culture dominante et son économie. Les
documents déposés en annexe du présent mémoire
décrivent clairement cette violation de nos droits humains
fondamentaux.
Face à cette situation de génocide, nous devions agir. Les
Métis et Indiens sans statut, tout comme les autres peuples autochtones
du Québec, se sont donné des structures politiques et
administratives pour tenter d'améliorer leur condition collective
et protéger leurs droits.
Kermot A. Moore et les cofondateurs de l'Alliance laurentienne des
Métis et Indiens sans statut du Québec ont perçu les
dangers qui guettaient une grande partie de la population autochtone du
Québec et ont su tisser un réseau de solidarité afin de
faire face à ces dangers.
L'alliance a pris naissance graduellement, expliquait un jour Kermot
Moore: "Étant issu d'une famille et d'une communauté
métissées, j'avais le sentiment profond que nous avions
été mis à part de la société dominante, de
sa culture, de sa vie économique et politique. "Je me suis
enrôlé dans l'armée de l'air, j'y ai travaillé
pendant 20 ans, au Canada ainsi qu'en Europe, sans toutefois oublier mes
racines autochtones. C'est à Chibougamau, dans le nord du Québec,
que j'ai réalisé que je pouvais et devais faire quelque chose
pour les miens. J'y ai vu comment on maltraitait les Indiens de la
réserve située à proximité de la ville. Ils
n'avaient aucune protection de la police, ils ne pouvaient même pas
bénéficier des installations électriques de la mine
même si cette dernière était localisée sur les
territoires de piégeage des Indiens."
Kermot décide d'agir. Il quitte l'armée de l'air, retourne
dans son village natal de Kipawa, au coeur du territoire algonquin en
Abitibi-Témiscamingue, et forme un noyau de personnes qui deviendront
les cofondateurs de l'alliance. Dans ce groupe initial, on retrouve, entre
autres, Francis Robinson, Frank Stacey, Wayne Robinson, Ron Larivière,
Don Jackson et Fernand Chalifoux.
Un conseil provisoire de direction est mis sur pied en 1971, et les
premiers membres de l'alliance parcourent d'abord le Nord-Ouest, puis
l'ensemble du Québec, visitant les communautés de Métis et
Indiens sans statut et organisant des locaux. La majorité des
Métis se trouvent dans les petites villes et les villages, à
proximité des réserves indiennes et dans certains endroits
isolés.
Un ancien président de l'Alliance laurentienne, Rhéal
Boudrias, raconte, dans le rapport d'une de ses premières enquêtes
effectuées par l'organisme: "Quand nous arrivions dans une ville ou dans
un local où nous n'avions que le nom des responsables, la meilleure
façon de trouver les Métis et Indiens sans statut était de
chercher les maisons les plus délabrées du coin. Aussi
étrange que cela puisse paraître, on se trompait rarement."
Un autre membre raconte: "Dans bien des endroits, les Métis n'ont
jamais possédé de terrains légalement. Ils allaient
là où il était possible de vivre. C'est pourquoi nous en
retrouvons partout, en petits groupes, vivant sur toutes sortes de terrains:
des terrains miniers, sur la terre du beau-frère et ailleurs. Dans
certains endroits, ils vivent sur de petites fermes. Les gens s'installent plus
ou moins en squatters."
En moins de trois ans, une cinquantaine de locaux de l'alliance ont
été mis sur pied à travers le Québec, depuis le
Nord-Ouest québécois et le territoire de la Baie-James
jusqu'à la Côte-Nord, en passant par le Lac-Saint-Jean et le
Saguenay, sans oublier l'Outaouais, les Laurentides et certaines
agglomérations autochtones, près de Montréal et
Québec. (17 h 15)
L'habitation fut vite identifiée comme un des besoins
prioritaires des familles métisses et indiennes sans statut, comme
l'indique cet extrait d'un mémoire que présentait l'alliance au
gouvernement du Québec en mars 1975: "Les cabanes dans lesquelles notre
peuple habite ne sont rien de plus que des bombes à retardement et
pièges à incendie... Dans un certain village, plus de 80% des
Métis et Indiens sans statut habitent dans des cabanes sans isolation ni
eau courante. Dans la plupart de leurs logements, on ne peut installer
l'électricité."
Dès ses débuts, l'Alliance laurentienne prend avantage du
programme fédéral de réparations d'urgence et un
coordonnateur en habitation, Frank Seamont, planifie les activités dans
ce domaine. Cette initiative donnera naissance plus tard à la
Corporation d'habitation Waskahegen que dirigera Fernand Chalifoux et qui
embauchera de nombreux travailleurs sur le terrain dont Norman Young, Armand
Roussy, Roland Normandeau, Denis Dufour, Andy Boudrias, Ubald Moderey, Armand
Chalifoux, Réal Leblanc, Henri Vincent, Robert Young et Gilles
Bérubé.
L'alliance aménage son siège social à
Montréal peu après son incorporation en tant qu'organisme
à but non lucratif en 1972. Le bureau provincial
déménagera à Val-d'Or en 1977 et à Hull en 1980.
Les conseils de direction de l'alliance se succèdent: Kermot Moore,
président; Gail Stacey-Moore, vice-président, et Margaret Horn,
secrétaire-trésorière, en 1972. Kermot Moore,
président; Carl Larivière, vice-président, et Margaret
Horn, secrétaire-trésorière, en 1973. Cari
Larivière, président; Rhéal Boudrias,
vice-président, et Denise Dufour,
secrétaire-trésorière, en 1974. Audrey McLaren,
secrétaire-trésorier, en 1975. Rhéal Boudrias,
président; Norman Young, vice-président, et Jimmy Boudrias,
secrétaire-trésorier, en 1977. Rhéal Boudrias,
président; Norman Young, vice-président, et Fernand Chalifoux,
secrétaire-trésorier, en 1978. Rhéal Boudrias,
président; Norman Young, vice-président, et Gail Stacey-Moore,
secrétaire-trésorière, en 1979. Fernand Chalifoux,
président; Nelson Amos, vice-président, et Gail Stacey-Moore,
secrétaire-trésorière, en 1980. Fernand Chalifoux,
président; Nelson Amos, vice-président, et Marc Dufour,
secrétaire-
trésorier, en 1981. Fernand Chalifoux, président; Michelle
Sarrazin, vice-présidente, et Marc Dufour,
secrétaire-trésorier, en 1982. Fernand Chalifoux,
président; André Boudrias, vice-président, et Suzy
Haché, secrétaire-trésorière, en 1983.
Diane Joannette, d'abord recherchiste de programmes et projets au sein
de l'organisme, accède au poste de directeur exécutif de
l'alliance, en 1976. L'association s'implique alors dans de nombreux domaines
d'activité, depuis l'éducation - mise sur pied de la Fondation
Phyllis Monette - jusqu'à la recherche sur les droits
aborigènes.
En 1978, Robert Laplante dirige une équipe de chercheurs qui,
pendant deux ans, dépouille les archives et parcourt diverses
régions du Québec afin de retracer l'histoire des Métis et
Indiens sans statut et d'esquisser la nature de leur droits en ce qui concerne
les territoires traditionnels, les ressources naturelles, la chasse, la
pêche et le piégeage des animaux.
Depuis ses débuts, l'Alliance lau-rentienne parraine des
centrales de projets communautaires en milieu autochtone à travers le
Québec, créant de nombreux emplois et offrant à plusieurs
Métis et Indiens l'occasion d'une formation précieuse sur le
terrain, tout en répondant à des besoins précis dans
diverses communautés autochtones.
L'organisme fonde son propre organe d'information, le Journal
l'Alliance, dès 1972. Ce mensuel publié en anglais et en
français rejoint les milliers de membres de l'alliance et assure une
communication efficace entre l'exécutif provincial et le "membership"
à travers le pays. Kermot Moore d'abord, puis Eddy Gardner, Hermance
Filion, Thomas Mercer-Hawkes, Laura Moses, Gilles Couture et Marie-Anne Boulay
y assumeront le rôle de rédacteur en chef.
Au cours de la dernière décennie, l'Alliance laurentienne
et ses membres sont intervenus dans un grand nombre de dossiers et de champs
d'activité aussi divers que l'éducation, la santé,
l'habitation, le développement socio-économique, la justice, la
prévention des abus de drogues et d'alcool, la main-d'oeuvre et
l'emploi, la protection de l'environnement, le piégeage, la chasse et la
pêche, les droits autochtones et la constitution canadienne.
M. le Président, M. le premier ministre, MM. les membres de la
commission, Pierre-Paul Charland continuera la lecture.
Le Président (M. Rancourt): M. Pierre-Paul Charland.
M. Charland (Pierre-Paul): M. le Président, M. le premier
ministre, MM. les membres de la commission, mesdames et messieurs, le
développement socio-économique et nos droits territoriaux.
En mars 1975, notre organisme présentait un premier
mémoire au gouvernement du Québec. Ni aujourd'hui, ni à
cette époque, n'aurions-nous approché le gouvernement si notre
peuple possédait les outils nécessaires pour s'épanouir
culturellement, si la majorité des familles de Métis et d'Indiens
sans statut du Québec habitaient dans des maisons convenables, si nos
familles bénéficiaient d'un revenu moyen pour assurer leur
subsistance, si nos droits ancestraux étaient clairement reconnus par
votre gouvernement.
Nous avons été et sommes encore un peuple trop souvent mis
à l'écart des différentes sphères d'activité
autant sociales, économiques que culturelles du Québec. Nous
sommes ici non seulement pour vous signifier cette lacune et souligner les
injustices dont nous avons fait l'objet, mais aussi et surtout pour
réaffirmer notre volonté de survivre et notre intention de
développer une présence dynamique et pertinente dans le
Québec.
Aujourd'hui, comme en 1975 lorsque nous avons pour la première
fois présenté un mémoire au gouvernement du Québec,
le problème le plus crucial que nous devons confronter est celui de
notre situation relative à nos droits territoriaux. Lorsque nos familles
et nos membres ont été privés de leur statut
d'Amérindien par une loi injuste et discriminatoire, c'est-à-dire
l'Indian Act, nous nous sommes vus dépossédés de nos
terres. Nous vivions ainsi en squatters sur nos propres terres. Du jour au
lendemain, nous pouvons être menacés d'expulsion soit par quelque
compagnie privée ou publique, soit par quelque spéculateur
foncier sans scrupule, comme cela s'est vu dernièrement à Kipawa
et comme cela se voit encore aujourd'hui à Clova et ailleurs dans la
province de Québec.
Pour mieux vous faire comprendre le dilemme devant lequel nous nous
retrouvons, nous aimerions citer quelques pages du livre que publiait en 1982
notre fondateur, feu Kermot A. Moore, sous le titre: Kipawa, Portrait of a
People. "Autrefois, une étendue bien délimitée de terres
était habituellement considérée comme le domaine
privé d'une famille. Cela ne signifiait pas que les familles
étaient propriétaires de ces terres, mais plutôt que chaque
famille avait la garde de son territoire de chasse, génération
après génération. La famille avait le devoir sacré
de conserver la faune et de transmettre aux enfants le mode de vie ancestral.
Les groupes familiaux se composaient habituellement des soeurs et des
frères et, s'ils étaient mariés, de leurs maris et de
leurs épouses. C'est ce qu'on appelle habituellement la grande famille.
Elle vivait et chassait dans un secteur déterminé de son
territoire, et elle se déplaçait chaque année afin de ne
pas en tarir les ressources.
"Chaque lac, étang, cours d'eau, colline et vallée
abritait sa propre faune. On savait ce qu'on pouvait en tirer et on en prenait
soin. À certains endroits, il y avait des baies et différentes
herbes; dans d'autres régions, des plantes et des arbres produisaient
des thés et des médicaments d'une meilleure qualité
qu'ailleurs. Les enfants savaient dans quelles îles les orignaux et les
chevreuils mettaient bas, ils savaient où le poisson frayait et quand il
y avait des nouveau-nés dans les étangs de castors. La nature
était leur guide. Les castors et les marmottes étaient les
animaux favoris les plus communs, mais il y en avait également d'autres
qu'on pouvait apprivoiser. "La famille indigène était chez elle
dans son territoire. Elle n'avait pas besoin d'entrepôt ni de
réfrigérateur. La terre lui fournissait toujours des aliments
frais. La famille indigène comptait sur son territoire pour vivre. Elle
savait que les générations futures pourraient également
compter sur la nature. La vie était harmonisée au rythme des
saisons. C'est pourquoi, ultérieurement, les autochtones furent peu
enclins à devenir des salariés. Il est difficile d'oublier qu'on
a vécu, pendant des millénaires, en étroite relation avec
la nature. "Le commerce des fourrures, les missions et l'exploitation
forestière étaient tous des facteurs très importants dans
les changements qui étaient en train de s'opérer, graduellement
d'abord, puis plus rapidement au début du XXe siècle. Les
mariages entre les Indiens et les Européens furent plus fréquents
en raison de deux facteurs: premièrement, la population autochtone avait
été décimée par plusieurs épidémies
entre 1890 et 1910, ce qui laissait souvent les mères et les enfants
seuls pour pourvoir à leurs besoins; deuxièmement, les
opérations forestières se développaient de plus en plus et
attiraient un grand nombre de bûcherons. Les survivants des familles qui
pratiquaient la chasse traditionnelle continuèrent de leur mieux
à vivre selon le mode de vie qu'ils connaissaient. Ils se
cramponnèrent à leurs terres. C'était pour eux une
question de vie ou de mort car, en réalité, ils ne pouvaient
envisager une autre existence. Comprendre ce sentiment, c'est aussi comprendre
la spiritualité des autochtones. L'Indien se sentait partie
intégrante de la nature, comme le sont les arbres, les lacs, les cours
d'eau, les montagnes, les vallées et toutes les créatures
vivantes. Pour lui, le Grand Esprit était partout, dans toute vie
sacrée. "Comparons cette attitude avec celle des gouvernements coloniaux
qui clamaient qu'ils possédaient toutes les terres, qu'ils avaient le
droit de déclarer nos terres "terres publiques" et de les vendre comme
une vulgaire marchandise, des terres qu'ils pouvaient exploiter pour n'importe
quelle raison. Cette façon de voir les choses fait fi de toutes les
conventions humaines élémentaires et c'est le fruit de la
cupidité de l'homme. Les colonisateurs usurpent les droits des
autochtones en déclarant qu'ils sont propriétaires du peuple et
de ses terres ou qu'il s'agit de terres publiques ouvertes à la
colonisation. Ils tentent alors de justifier leurs actes en créant tout
un éventail de lois nébuleuses. Pour l'Indien, il n'y avait pas
de terres publiques. Elles faisaient toutes partie de quelque territoire
familial traditionnel et elles représentaient leur foyer, leurs moyens
de subsistance, leur vie spirituelle et leur identité. "Un autre facteur
qui affaiblit la structure de la chasse familiale fut le mariage des
autochtones avec les Européens. Les sangs mêlés
étaient moins enclins à rester dans le bois la majeure partie de
l'année. Les Métis aimaient davantage l'agriculture que les
Indiens. Les Européens qui se sont unis avec les autochtones de Kipawa
venaient de divers pays. Il y avait des Écossais, des Français,
des Irlandais, des Anglais et des Norvégiens. Ce mélange
était plus qu'un simple mélange de sang, il regroupait des
cultures et des idées sociales différentes. Il a
été en grande partie responsable de l'ouverture d'écoles
et d'églises, et il a intégré la vie en forêt
à celle des villages. "Les familles pouvaient rester dans les villages
pendant que les hommes s'occupaient du piégeage. Avec le temps,
l'organisation de ces communautés permit aux hommes de travailler plus
loin comme guides, gardes-forestiers, bûcherons, constructeurs de
barrages, prospecteurs, et à exercer d'autres métiers qui
exigeaient une bonne connaissance de la forêt. Les villages devinrent les
centres névralgiques de leurs régions respectives. Cependant, les
légumes, les troupeaux et les emplois à temps partiel
n'étaient jamais tout à fait suffisants. Les fourrures
procuraient un revenu stable, tandis que le gibier et le poisson étaient
les principales sources de protéines. "Les villageois et les familles
qui pratiquaient la chasse entretenaient d'étroites relations, car en
fait chacune de ces familles avait des parents dans les villages. Et
c'étaient en partie ces relations qui amenaient un grand nombre de ceux
qui vivaient de la chasse à s'établir dans les villages.
L'Église et l'école persuadaient les gens de se regrouper
à un seul endroit. Avec le temps, les familles qui vivaient de la chasse
venaient habiter le village. La tradition de la famille de chasseurs se termina
vers 1942, lorsque les Pien-ose quittèrent Ogascanan pour aller habiter
à Hunters-Point. Ce fut la dernière famille à chasser en
groupe. Là où des familles avaient partagé ensemble lesjoies, les émerveillements et les tragédies de la
nature, les hommes piégeaient maintenant seuls. "Finalement,
c'est en 1947 que les terrains de chasse familiaux furent officiellement abolis
par le gouvernement. Cette année-là, on commença à
accorder des permis donnant droit à des terrains de chasse. Ce fut le
début d'un système qui divisait le territoire de Kipawa en de
nombreuses lignes de trappe ou de piégeage, dont la majorité
furent attribuées à des gens de l'extérieur du
territoire."
Nous ne venons pas quémander ici des terrains. Nous venons
plutôt attirer votre attention sur le fait que notre peuple, l'ensemble
des Métis et des Amérindiens sans statut du Québec, a
été illégalement dépossédé de ses
territoires et de ses ressources au cours du siècle dernier. (17 h
30)
Nous venons vous inciter à retracer plus objectivement l'histoire
du Canada et à relire la Proclamation royale de 1763 (voir annexe). Nous
venons attirer votre attention sur le fait qu'une série de gouvernements
de cette province ont successivement omis de tenir compte de ce document qui
possède encore toute sa valeur au niveau du droit international. Le
Québec, en agrandissant à plusieurs reprises son territoire, a
omis, malgré le fait qu'il était légalement tenu de le
faire, de consulter les peuples autochtones vivant sur ce territoire,
d'établir avec ces peuples une entente équitable et de compenser
d'une façon ou d'une autre la dépossession de leurs territoires
et de leurs ressources. Cela ne s'est jamais fait au Québec, à
l'exception de l'entente intervenue en 1975 entre les populations cris,
naskapis et inuits vivant sur le territoire de la Baie-James et du Nouveau
Québec.
Comme le reconnaissait il y a quelques années la commission
d'étude sur l'intégrité du territoire du Québec
(rapport Le domaine indien, 1971) une grande partie du Québec a toujours
été et demeure encore aujourd'hui un territoire indien. Et cela,
en dépit du fait que les gouvernements fédéral et
provincial ont tenté de se décharger de leurs
responsabilités vis-à-vis des peuples autochtones, en instituant
le système des réserves, en étouffant la pratique de nos
activités économiques traditionnelles par une série de
lois discriminatoires à notre égard, en confinant les Indiens
avec statut dans de minuscules réserves, en essayant de tuer notre
héritage culturel de maintes façons, en nous empêchant de
pratiquer notre propre spiritualité, en nous empêchant de parler
notre propre langue, en créant une série de distinctions
arbitraires et de politiques nocives qui ont eu pour résultat la
division de notre peuple et l'affaiblissement progressif de notre peuple.
Ce n'est pas notre intention dans ce mémoire de dresser
l'inventaire des injustices que nous avons subies aux mains des gouvernements
coloniaux depuis 1534. Des historiens et des ethnographes beaucoup plus
compétents que nous l'ont fait et continueront de le faire.
Comme je le disais plus tôt, nous ne sommes pas ici pour
quémander des terres. Nous sommes ici pour vous demander d'avoir assez
de justice et de respect envers les êtres humains que nous sommes pour
nous laisser quelques miettes du gâteau territorial que vous avez
volé et consommé devant nos yeux depuis quatre cents ans.
Nous ne sommes pas ici pour annoncer que nous reprenons possession du
Québec, nous sommes ici pour attirer l'attention du monde sur le fait
que notre peuple ne peut survivre économiquement, culturellement,
politiquement, s'il n'a pas une base territoriale, pas plus qu'une famille de
castors ne peut survivre dans la salle de bain d'une chambre du Château
Frontenac.
Pour nos ancêtres, la terre était sacrée. La
tradition orale, les instructions originelles nous recommandent d'exprimer un
grand respect pour notre Mère la Terre et d'être reconnaissants
envers le Grand Esprit qui crée et soutient toute forme de vie: le monde
végétal, le monde animal, les êtres humains. Notre
attachement à la terre, comme l'explique si clairement notre
président-fondateur, Kermot Moore, dans Kipawa, Portrait of a People,
fait partie de notre relation spirituelle avec l'univers. La plupart des
autochtones se considèrent les gardiens de la terre et de ses
ressources. Nos droits ancestraux découlent de nos rapports avec la
terre.
Nous aimerions rappeler aux membres de la commission que la plus grande
partie du Québec demeure une terre indienne puisque les autochtones
n'ont jamais vendu, cédé ou abandonné de quelque
façon que ce soit leur titre ancestral aux territoires qu'ils occupent
depuis des millénaires, exception faite de l'entente intervenue entre
les gouvernements du Québec et du Canada et les Cris, Naskapis et Inuits
en 1975. Nous référons les membres de la commission au rapport de
la commission d'étude sur l'intégrité du territoire du
Québec pour une explication plus détaillée du
problème.
Nos ancêtres croyaient que le créateur nous avait
légué assez de territoires et assez de ressources pour assurer le
bien-être de tous ceux qui se retrouveraient sur cette terre. Ce
n'était pas une question de diviser les terres ou de les vendre. Nos
ancêtres comprenaient que, sans territoire où évoluer, la
vie était impossible.
Nous comprenons cela aujourd'hui et nous voulons que vous compreniez que
nous serons presque toujours des citoyens de troisième classe si on
continue de nous refuser l'accès à au moins une partie des terres
sur lesquelles nous avons vécu depuis
des millénaires.
Certains d'entre vous nous répondront: Vous n'êtes
aucunement lésés, le territoire du Québec appartient
à tous les Québécois et vous êtes
Québécois. Mais, dans les faits, la terre a été
accaparée par une minorité. Partout au Québec, les
Métis et les Amérindiens inscrits et non inscrits, reconnus ou
non par le gouvernement fédéral, sont harcelés par les
gardes-chasse, les gardes-pêche, les agents de sécurité des
compagnies forestières et des compagnies minières, les trois
paliers de police (fédérale, provinciale et municipale), les
spéculateurs fonciers, etc. Ceux qui doutent de ces affirmations peuvent
consulter le dossier de Kipawa où des spéculateurs sans vergogne
ont voulu évincer une trentaine de familles de Métis et
d'Amérindiens sans statut en 1979. Le problème est partiellement
réglé aujourd'hui. Le gouvernement du Québec s'est
impliqué et a promis de protéger notre droit à la terre.
Mais, il n'a pas osé régler le problème en invoquant nos
droits territoriaux. Il a plutôt voulu jouer les règles du jeu des
spéculateurs en achetant d'eux lesdits terrains et en les revendant aux
familles métisses et amérindiennes sans statut, pour une somme
minimale.
Aujourd'hui, nous voulons discuter avec vous la façon dont les
Métis et les Amérindiens sans statut du Québec pourront de
nouveau avoir accès à une partie des territoires dont ils ont
été dépossédés au cours du siècle
dernier.
Nous voulons explorer avec vous la façon dont nous pourrions
disposer de terres communautaires à divers endroits du Québec.
Ces terres ne seraient pas sujettes à la spéculation. Elles ne
pourraient être vendues à des particuliers, comme ce fut le cas
pour des morceaux de nombreuses réserves indiennes au Québec
depuis 1850. Elles constitueraient une base territoriale où une
économie autochtone pourrait se développer, où pourraient
vivre la génération actuelle et les générations
futures de Métis et d'Amérindiens sans statut du
Québec.
Les nôtres pourraient, sur ces terres communautaires, construire
leurs maisons, pratiquer l'agriculture, mettre sur pied des commerces et des
petites entreprises en utilisant les ressources renouvelables et non
renouvelables disponibles.
Cela est dans le domaine du possible. Vous l'avez fait pour d'autres.
Vous avez créé de grands parcs provinciaux afin de
protéger le gibier et les poissons pour le bon plaisir des chasseurs et
pêcheurs sportifs. Vous avez octroyé de vastes territoires aux
compagnies forestières. Vous avez permis aux compagnies minières
de creuser partout où elles le voulaient, d'extraire tout le minerai
disponible et de déverser dans notre environnement leurs déchets
toxiques.
Nous vous demandons simplement aujourd'hui de nous allouer une infime
partie de ces terres où nos ancêtres ont vécu depuis des
millénaires, une petite partie des terres et des ressources dont ils ont
été dépossédés depuis 1534. Nous voulons, de
concert avec le gouvernement du Québec, mettre au point des
mécanismes par lesquels nous pourrons participer au contrôle et
à la gestion de certaines terres et de leurs ressources, en favorisant
un régime de coexistence.
Première recommandation. Que le gouvernement du Québec
reconnaisse qu'en tant qu'autochtones à part entière, les
Métis et les Amérindiens sans statut du Québec ont des
droits aborigènes concernant certaines réclamations
territoriales.
Deuxième recommandation. Que le gouvernement du Québec
reconnaisse la nécessité d'amorcer un processus de discussions et
de négociations afin d'assurer une base territoriale aux Métis et
Amérindiens sans statut du Québec.
Troisième recommandation. Que les Métis et les
Amérindiens sans statut du Québec déterminent, de concert
avec le gouvernement du Québec, les mécanismes de gestion de ces
terres et de leurs ressources renouvelables et non renouvelables.
Quatrième recommandation. Que le gouvernement du Québec
reconnaisse aux Métis et aux Amérindiens sans statut du
Québec un titre de propriété collective sur certaines
terres dont la location géographique et la superficie seront
déterminées par le biais d'un processus de
négociations.
M. le Président, j'aimerais maintenant faire continuer le rapport
par Mme Suzy Haché, secrétaire-trésorière de
Alliance autochtone du Québec Inc.
Le Président (M. Rancourt): Mme Suzy Haché.
Mme Haché (Suzy): M. le Président, M. le premier
ministre, membres de la commission, mesdames et messieurs.
Deuxième point. Stratégies de développement
économique. La plupart de nos membres vivent dans les régions du
Québec qui présentent des problèmes
socio-économiques chroniques, c'est-à-dire l'est du
Québec, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, l'Abitibi-Témiscamingue et la
Côte-Nord. Ces régions périphériques accusent un
taux de chômage constamment supérieur à la moyenne
provinciale et un bilan migratoire de population défavorable. Trois de
ces régions ont le taux d'activité manufacturière le plus
faible du Québec.
Pourtant, ces régions sont considérées comme les
régions-ressources du Québec. Les activités de production
dans ces régions se retrouvent dans le secteur primaire: forêts,
mines, agriculture et pêche. Ce sont précisément ces
ressources naturelles du
secteur primaire que l'on a rapidement et plus ou moins
illégalement enlevées aux Amérindiens. Je dis bien
illégalement puisque les gouvernements fédéral et
provincial ont fait fi de la Proclamation royale de 1763. Ils n'ont pas
consulté les autochtones vivant dans ces régions avant de les
déposséder totalement, ou presque, des ressources ci-haut
mentionnées. Ils n'ont pas osé négocier un traité
ou une entente, si ce n'est l'Entente de la Baie James intervenue entre le
gouvernement et les Cris, Naskapis et Inuits en 1975.
Lorsque nous parlons de développement économique, nous
parlons de l'exercice par les Métis et Amérindiens sans statut
d'un contrôle réel sur les ressources, les institutions, les
territoires qui touchent directement notre vie. Cela suppose le contrôle
d'une base de ressources suffisantes pour répondre à nos besoins
matériels et un contrôle du processus de développement sur
ces territoires communautaires métis et amérindiens sans statut.
Sans ces acquis de base, le développement économique de nos
communautés est impossible et voué à l'échec
dès le départ. Nous en avons fait l'expérience à
maintes reprises au cours des dernières années. Nos membres sont
condamnés au cercle vicieux: emploi temporaire, chômage,
assistance sociale, emploi temporaire. Ce cycle est tellement inhumain que
plusieurs des nôtres sombrent dans l'alcoolisme, la maladie, la mort
prématurée et le suicide. Les statistiques sont là pour le
prouver.
Les Métis et Amérindiens sans statut doivent pouvoir
planifier et mettre en oeuvre des entreprises économiques dans leurs
collectivités, dans leurs communautés. Ces initiatives peuvent
revêtir de nombreuses formes: construction de maisons et autres
bâtiments, exploitation de petits commerces, établissement de
pourvoyeurs, agriculture, manufactures de canoës et autres produits,
moulins à scie, coupe et vente de bois de chauffage, etc.
Nous devons être libres d'établir sur ces terres
communautaires, ces terres collectives, des conseils de développement
économique, des sociétés ou des organismes qui utiliseront
les fonds disponibles pour favoriser le développement
économique.
Au cours des douze dernières années, l'Alliance autochtone
du Québec a contribué au développement
socio-économique en milieu amérindien sans statut, en mettant sur
pied, par exemple, de nombreux projets de création d'emplois et en
formant plusieurs des nôtres aux techniques administratives et de
comptabilité. Ces efforts étaient malheureusement voués
à l'échec, à plus ou moins courte échéance,
et ce, simplement parce que nous n'avions, d'une part, aucune base territoriale
où implanter et soutenir notre développement économique,
et, d'autre part, nous ne disposions d'aucun fonds où nous aurions pu
puiser les sommes nécessaires à la création de petites et
de moyennes entreprises.
Il semble se dégager, d'après les recherches et analyses
effectuées au cours des douze dernières années, trois axes
de développement économique en milieu métis et
amérindien sans statut: a) le développement
socio-économique rattaché à la pratique des
activités traditionnelles (cueillette, chasse, trappe et pêche et,
par extension, les activités reliées à la protection de
l'environnement); b) le développement économique pouvant
être implanté sur un territoire contrôlé et
géré par les Métis et Amérindiens sans statut; c)
le développement économique assumé par des entrepreneurs
autochtones au sein de l'économie québécoise et selon les
règles du jeu, potentielles et contraintes de cette économie.
Fonds spécial de développement. Comme nous le mentionnions
plus tôt, ce qui empêche un développement économique
efficace en milieu métis et amérindien sans statut, c'est
l'absence d'un fonds spécial de développement, ou, si vous
voulez, de capital de risque. Les institutions financières actuelles et
leurs critères privent la plupart des autochtones des sommes dont ils
ont besoin, si ce n'est que pour l'achat de biens de consommation et
d'habitations. Rares sont les entrepreneurs autochtones qui peuvent facilement
emprunter les sommes requises pour lancer une nouvelle entreprise ou mettre sur
pied un commerce.
Nous souhaitons l'aide du gouvernement du Québec pour nous aider
à trouver des méthodes innovatrices de financement,
premièrement, pour protéger notre base territoriale
éventuelle et, deuxièmement, pour permettre à nos
entreprises de trouver les capitaux nécessaires.
Actuellement, au Québec, les Métis et les
Amérindiens sans statut n'ont pas accès à un fonds global
qui pourrait être consacré à l'amélioration de leur
situation économique. Une façon de résoudre ce
problème serait la mise sur pied d'une banque spéciale dont la
participation et les fonctions bancaires seraient limitées. Le
gouvernement du Québec et d'autres groupes d'intérêt
pourraient être représentés au conseil d'administration de
ce fonds spécial, de cette banque de développement, mais les
Métis et Amérindiens sans statut engagés dans l'entreprise
en assumeraient eux-mêmes la direction. Ce serait une option possible. Il
y en a d'autres, nous en sommes convaincus. Ce qu'il faut, au départ,
c'est une bonne volonté de part et d'autre et le désir de
travailler ensemble à la résolution du problème qui nous
préoccupe, soit le développement économique en milieu
métis et amérindien sans statut.
(17 h 45)
II nous apparaît évident qu'avant d'entreprendre une
activité de développement économique dans une
région quelconque du Québec, les propriétaires de petites
entreprises et/ou les entrepreneurs autochtones auraient intérêt
à bien connaître les différents facteurs externes à
leur entreprise, les facteurs de l'environnement sur lesquels ils n'ont aucun
contrôle direct. Parmi ces facteurs, notons: les politiques et pratiques
gouvernementales, les lois, les règlements fiscaux, etc.; le
système économique, l'offre et la demande, le marché des
capitaux, les coûts, etc.; les agents économiques qui
représentent une compétition pour les mêmes ressources, les
mêmes clients, etc.; les attitudes sociales du milieu, l'attitude envers
les autochtones, la mentalité des travailleurs, celle des gérants
de banque et autres institutions financières, l'attitude des
fonctionnaires, etc.; le genre et le niveau d'instruction, les institutions
d'enseignement et de formation, leur ouverture ou manque d'ouverture envers la
population autochtone; les ressources naturelles disponibles, les moyens de
transport et de communication, etc.
Dans ce genre d'analyse, l'aide de vos fonctionnaires et
experts-conseils serait précieuse. Nous savons que le gouvernement du
Québec se penche avec sérieux sur le problème du
développement économique depuis de nombreuses années et
nous avons parcouru avec intérêt les nombreux documents de la
collection Études et recherches éditée par l'Office de
planification et de développement du Québec.
Nous expliquions plus tôt que la plupart des mesures mises de
l'avant par différents paliers de gouvernement afin de favoriser le
développement économique en milieu autochtone étaient
vouées à l'échec dès le départ. Créer
de petits emplois communautaires à court terme peut soulager
temporairement quelques individus et leur famille dans le besoin, mais ce n'est
certainement pas de cette façon que l'on pourra assurer un
développement socio-économique sain et continu dans notre
milieu.
Une des voies possibles que nous pourrions emprunter, avec votre aide,
serait la création d'un fonds de promotion économique des
Métis et Amérindiens sans statut du Québec. Ce fonds
serait en fait un programme d'aide financière et technique visant
à favoriser la mise sur pied, par les Métis et Amérindiens
sans statut eux-mêmes, d'entreprises commerciales, tant à
l'intérieur qu'à l'extérieur des territoires qui seront
sous leur contrôle.
Le fonds tel que nous l'envisageons pourrait mettre des sommes d'argent
à la disposition d'entrepreneurs autochtones et de compagnies
composées d'autochtones qui ont conçu un projet sérieux
pouvant stimuler le développement économique dans leur milieu.
Ces sommes peuvent prendre la forme de prêts directs, de garanties de
prêts consentis par des institutions prêteuses - caisses
populaires, banques à charte ou sociétés de fiducie -
ainsi que des subventions, contributions, stimulants spéciaux à
l'industrie et conseils techniques. Un tel fonds pourrait aider une foule
d'entreprises autochtones: petites initiatives privées, entreprises
moyennes, motels, camps de chasse et de pourvoirie, magasins, scieries, centres
commerciaux, exploitations agricoles, manufactures, entreprises de transport,
etc.
Ce fonds pourrait également aider à favoriser la
planification, le paiement des frais de lancement d'une nouvelle entreprise ou
l'établissement d'un fonds supplémentaire de roulement. Le fonds
pourrait aussi aider les Métis et Amérindiens sans statut
à devenir copropriétaires d'entreprises déjà
établies.
En garantissant certains prêts, le fonds aiderait les hommes et
femmes d'affaires autochtones à mettre sur pied des entreprises et
à établir des relations bancaires avec le monde de l'industrie et
du commerce.
Le fonds pourrait aussi comporter un programme de stimulants à
l'industrie, visant les sociétés désireuses
d'aménager, d'agrandir ou de moderniser des installations de fabrication
ou de transformation.
Les petites entreprises autochtones, actuelles et potentielles, ne sont
pas à l'abri des problèmes et des difficultés
qu'éprouve toute nouvelle entreprise, où qu'elle se trouve. C'est
pourquoi l'un des éléments du fonds de promotion
économique proposé serait de mettre à la disposition de sa
clientèle des services consultatifs de gestion. À cette fin, le
fonds pourrait faire appel à certains ministères du gouvernement
du Québec ainsi qu'aux universités québécoises et
à d'autres organismes.
Les autochtones du Québec et les politiques d'emploi. Une facette
importante du développement socio-économique en milieu autochtone
est le potentiel de notre main-d'oeuvre. Tout en stimulant le
développement au moyen d'un fonds de développement
économique tel que mentionné plus tôt, nous aurions
intérêt à travailler ensemble vers un objectif à
long terme: réaliser le plein potentiel de la main-d'oeuvre autochtone
tout en appuyant les initiatives des travailleurs et collectivités
autochtones pour trouver des emplois qui leur permettent de combler leurs
besoins économiques et, d'une manière plus
générale, qui conviennent à leurs aspirations.
Une trop grande partie de la population métisse et
amérindienne sans statut du Québec est en chômage. La
presque totalité de certaines collectivités,
particulièrement dans des régions périphériques
éloignées, n'ont presque jamais de travail
rémunéré.
Les prestations d'assurance-chômage et les allocations d'aide
sociale deviennent alors un mode de vie.
Les pertes que subit la société québécoise
chaque fois que de telles conditions existent sont incalculables. Elles
comprennent non seulement la valeur de la productivité à laquelle
les autochtones en chômage n'ont pas contribué ainsi que la valeur
des allocations versées, mais, aussi et surtout, l'effroyable coût
social et médical encouru par les individus privés de leur
dignité humaine et poussés vers l'auto destruction sous toutes
ses formes, depuis l'alcoolisme jusqu'au suicide.
C'est un problème vaste et complexe, une autre facette de nos
conditions de vie qui ne peuvent facilement être améliorées
du jour au lendemain. Et pourtant, certaines stratégies pourraient
être mises en place par votre gouvernement. Mentionnons, entre autres:
augmenter le nombre de conseillers à l'emploi autochtone; offrir des
services de "counselling" après le placement; tenir compte du taux
élevé de chômage autochtone dans la distribution des
crédits de formation et de création d'emplois; exploiter au
profit des collectivités métisses et amérindiennes sans
statut les possibilités d'emploi créées par de nouveaux
grands complexes industriels comme, par exemple, le développement
hydroélectrique de la Baie-James; offrir des contributions aux
collectivités métisses et amérindiennes sans statut
désireuses d'évaluer le fonctionnement du marché du
travail dans leur région; mettre sur pied un groupe de travail - "task
force" - ou comité d'emploi autochtone dont la première
tâche serait la mise au point de stratégies visant à
diminuer le chômage des autochtones.
Un tel groupe de travail pourrait en outre voir la façon
d'accroître l'efficacité des services que les centres de
main-d'oeuvre du Québec offrent aux autochtones; il pourrait aussi voir
à augmenter le nombre d'autochtones embauchés dans la fonction
publique du Québec.
Les jeunes Métis et Amérindiens sans statut et le
marché du travail. Le développement économique tel que
nous le concevons ne pourra s'implanter du jour au lendemain dans nos
communautés. Il sera le résultat d'efforts soutenus, de
concertation et de coordination entre notre milieu et votre gouvernement.
Entre-temps, nous devons nous pencher sur le problème aigu des jeunes
Métis et Amérindiens sans statut qui ne possèdent pas
d'emploi et dont les chances d'obtenir un emploi sont minces en période
de récession comme celle que nous connaissons en Amérique du Nord
depuis trois ou quatre ans.
C'est pourquoi nous nous intéressons vivement au programme Action
jeunes volontaires tel que décrit dans un document récent du
Secrétariat à la jeunesse. Nous savons que votre gouvernement
veut mettre l'accent sur les programmes de création d'emplois
destinés aux jeunes et aux assistés sociaux. Nous savons
également que le programme Jeunes Volontaires se situe à la
périphérie d'autres mesures envisagées par votre
gouvernement.
Les Métis et les Amérindiens sans statut, tout comme les
autres jeunes Québécois, sont confrontés quotidiennement
à leur difficulté de prendre des décisions et des
initiatives et de s'insérer dans le marché du travail tel que
présentement structuré. Selon les informations obtenues
jusqu'à maintenant, il semble que le programme Jeunes Volontaires vise
à satisfaire les besoins nouveaux créés par une situation
d'attente entre l'école et le marché du travail. Les jeunes y
sont invités à organiser, avec l'appui nécessaire, des
échanges avec les autres jeunes et la société.
Nous saluons cette initiative du gouvernement du Québec et
souhaitons que des rencontres d'information puissent avoir lieu sans
délai entre notre association et divers organismes gouvernementaux afin
de voir comment ce programme pourrait être instauré en milieu
autochtone. Puisque le programme Jeunes Volontaires n'est pas un programme
d'emploi, mais plutôt un programme pour soutenir et encourager les
projets et les initiatives des jeunes dans leur milieu, les jeunes membres de
notre association peuvent mieux que tout autre évaluer leurs besoins en
ce domaine, ainsi que les besoins et ressources dans leur propre milieu. Ce
programme pourrait, d'une part, leur apporter une expérience de travail
et, d'autre part, leur permettre d'acquérir des connaissances et des
aptitudes utiles et pratiques en tant que Métis et Amérindiens
sans statut.
Donc, dans le cadre de ce programme novateur, nous aimerions voir
comment des modules jeunesse autochtone pourraient être mis sur pied dans
divers centres de travail du Québec.
M. le Président, M. le premier ministre, MM. les membres de la
commission, mesdames et messieurs, j'aimerais maintenant passer la parole
à Gilles Bérubé.
Le Président (M. Rancourt): M. Bérubé.
M. Bérubé (Gilles): M. le Président, M. le
premier ministre, MM. les membres de la commission, mesdames et messieurs.
L'habitation. Comme nous l'avons mentionné ailleurs dans le
présent mémoire, les besoins prioritaires des familles
métisses et amérindiennes sans statut, lors de la fondation de
l'alliance, se situaient dans le domaine de l'habitation. C'est pourquoi notre
organisme s'est donné, dès le début des années
soixante-dix, une institution autonome, capable de répondre aux besoins
prioritaires.
II serait superflu de reprendre dans le présent mémoire
tout le contenu du plan d'intervention de la Corporation Waskahegen pour
l'année 1984. Nous référerons plutôt les membres de
la commission au texte de ce plan, ainsi qu'à la demande de fonds
adressée récemment à la Société d'habitation
du Québec par le gérant général de la Waskahegen,
Gilles Bérubé.
Recommandations relatives à l'habitation. Que le gouvernement du
Québec et les ministères concernés appuient les
Métis et les Amérindiens sans statut du Québec dans leurs
efforts de se doter d'habitations et de logements convenables; que cet appui se
concrétise au moyen d'une aide financière et technique en
provenance de la Société d'habitation du Québec et autres
organismes concernés, que la Société d'habitation du
Québec accrédite un groupe de ressources techniques pour les
autochtones; que la Société d'habitation du Québec
consente à ce que la Corporation Waskahegen devienne l'agence de
livraison des programmes offerts par la SHQ pour les autochtones.
Le tourisme et les autochtones. Une composante de plus en plus
importante de l'économie de n'importe quel pays, y compris le Canada et
le Québec, est le tourisme. Parce que nous vivons de plus en plus dans
une société mondiale et ce que certains appellent un village
planétaire, le nombre de visiteurs et de touristes étrangers
visitant toutes les régions du Québec connaîtra
probablement une croissance phénoménale au cours des prochaines
années.
Nous croyons qu'un des attraits touristiques du Québec est le
fait que les peuples autochtones, leurs cultures, leurs langues et leur
patrimoine ont survécu (malgré d'indescriptibles
difficultés et douleurs) à l'invasion des colonisateurs et qu'ils
constituent une richesse indéniable dans le monde moderne.
Plusieurs des nôtres, au cours de leurs voyages à
l'étranger, ont pu découvrir l'intérêt, la
curiosité, la fascination et souvent l'admiration des peuples
étrangers pour les cultures autochtones du Québec. Nous pensons
que, de plus en plus, les visiteurs et touristes étrangers tenteront de
prendre contact avec notre peuple lors de leurs séjours au
Québec. Nous pensons qu'ils seront intéressés à
connaître la façon dont nous vivions traditionnellement et aussi
comment nous nous sommes adaptés à la société et
à la vie moderne.
Nous croyons que cet intérêt peut se traduire en un facteur
de développement économique pour notre peuple aussi bien que pour
l'ensemble des Québécois. Nous croyons que notre peuple et les
Québécois devraient se donner les infrastructures pour orienter
ce développement économique dans le domaine du tourisme. Et nous
sommes convaincus que ce développement peut se faire sans porter
atteinte a notre culture, sans la dégrader, mais plutôt en
démontrant sa valeur indéniable et le rôle que cette
culture et ses valeurs traditionnelles peuvent jouer dans le monde actuel.
Il nous faudra donc travailler ensemble à sortir la culture
métisse et amérindienne sans statut des musées et
démontrer qu'elle est toujours vivante et utile. Tout comme aujourd'hui,
les gens visitent des parcs écologiques, comme celui qui a
été aménagé au Lac-Saint-Jean, ils pourront demain
visiter peut-être un village ancien amérindien et métis, ou
encore un poste de traite de fourrures reconstitué. Le potentiel est
très vaste: nous pensons, par exemple, au sport de la randonnée
pédestre en forêt qui connaît une grande vogue aujourd'hui
dans presque tous les pays du monde. Nos gens sont bien placés pour
travailler à l'aménagement et à l'entretien de sentiers de
randonnée dans les régions du Québec. (18 heures)
Nous pensons également aux petites entreprises
spécialisées dans le canotage à travers les rapides,
"white water canoeing", qui connaît une grande pupularité un peu
partout en Amérique du Nord. Les nôtres ont souvent
travaillé comme guides de chasse et de pêche. Aujourd'hui,
toutefois, beaucoup de nos jeunes n'ont pu vivre l'expérience de la vie
en forêt comme leurs parents et grands-parents. Pourquoi ne pas mettre
sur pied des stages de formation à leur intention? Nos anciens seraient
d'excellents enseignants dans ce domaine et pourraient également
profiter de l'occasion pour transmettre d'autres dimensions de la culture
autochtone.
Pour ce faire, nous aurons évidemment besoin de l'aide du
gouvernement du Québec et d'autres groupes d'intérêt. Nous
ne pouvons assumer cette forme de développement économique de
façon isolée.
Nous aurons besoin de votre aide dans des domaines tels:
l'aménagement des équipements touristiques; la création
d'emplois dans ce secteur d'activité économique; la stimulation
de nouveaux projets commerciaux et l'agrandissement d'établissements
commerciaux en milieu autochtone; la construction, l'amélioration et
l'entretien de routes d'accès; aider les petites entreprises
métisses et amérindiennes sans statut à obtenir des
prêts à des fins d'amélioration; attirer les
investissements en milieux métis et amérindien sans statut; aider
la population autochtone à mettre sur pied des entreprises de
développement économique en leur fournissant des services de
gestion financière et administrative; encourager la mise en place
d'installations publiques pour les gens qui utilisent des embarcations de
plaisance, surtout ceux et celles qui entrent dans la catégorie des
touristes; favoriser l'établissement d'un
réseau hôtelier ou d'hébergement en milieux
métis et amérindien sans statut ou dans les centres d'attraits
touristiques propres au milieu; promouvoir le marketing de nos entreprises
axées sur le développement touristique en milieu autochtone, par
exemple, en amorçant la distribution de films et dépliants
touristiques à l'étranger, pour encourager les voyages au
Québec et en milieu autochtone; mettre sur pied des stages de formation
pour les autochtones qui travailleront dans le domaine du tourisme.
M. le Président, j'aimerais donner la place à Claude
Riel-Lachapelle.
M. Riel-Lachapelle (Claude): M. le Président, M. le
premier ministre, membres de la commission. Si vous le permettez, je vais
poursuivre la lecture.
La protection de l'environnement. "L'humanité peuple la terre
depuis des centaines de milliers d'années. Mais, depuis un
siècle, au nom du progrès qui faisait la
spécificité et la fierté des hommes, a commencé la
plus gigantesque entreprise de destruction qu'une espèce n'ait jamais
menée contre le milieu qui soutient sa vie et contre la vie
elle-même. "La terre est en danger. Elle a été mise en
danger notamment par le développement de la civilisation industrielle
occidentale. C'est ce qu'on appelle le péril blanc. Océans
pollués, terres stérilisées, atmosphère
empoisonnée, tissu social disloqué, civilisations tribales
écrasées, la plus spectaculaire des
opérations-suicides."
Certains objecteront peut-être que la qualité de
l'environnement et la protection de l'environnement n'ont rien à voir
avec une commission parlementaire de la présidence du conseil et de la
constitution. Nous leur répondrons que, si aucune mesure n'est
adoptée pour stopper le désastre écologique et la
dégradation de l'environnement que connaît le Québec depuis
quelques années, la survie et le mieux-être des humains sur ce
territoire - qu'ils soient autochtones ou non - seront impossibles. Nous en
sommes rendus au point critique où nous devons remettre en question
certaines formes d'exploitation des ressources et du territoire, sans quoi nous
nous acheminons vers un désastre certain. Déjà, des
milliers de lacs du Québec sont meurtris par les pluies acides. Nous
n'avons pas besoin de lire les rapports des scientifiques canadiens et
américains pour nous alerter; nous voyons les poissons morts flotter sur
les eaux de nos lacs et rivières, nous voyons la
végétation brûlée par des substances toxiques
charriées par vents et nuages. Nous ne pouvons plus boire directement
l'eau de nos lacs et rivières, comme nous le faisions il y a 20 ans. Si
nous le faisons, nous risquons de tomber malades. Certains d'entre nous en sont
morts. Le Grand Conseil des Cris, par exemple, pourra vous décrire les
problèmes de santé causés par la pollution des eaux sur le
territoire de la Baie-James: plusieurs enfants cris en sont morts.
Nous n'avons pas l'intention, dans le cadre de ce mémoire, de
décrire tous les problèmes causés par la pollution des
eaux, du sol, de l'atmosphère et des denrées alimentaires. Des
spécialistes l'ont fait et leurs informations sont recueillies dans de
gros rapports et documents qui dorment sur les tablettes du ministère de
l'Environnement, dans les centres de documentation d'Hydro-Québec et
dans plusieurs autres lieux.
Nous aimerions plutôt rappeler le fait que le temps n'est plus au
diagnostic. Il faut agir: les pollueurs sont identifiés depuis
longtemps. Il nous faut collectivement les inciter à cesser de tuer les
différentes composantes des écosystèmes dans lesquels nous
vivons. Nous ne pourrons survivre bien longtemps si nous continuons
d'assassiner la biosphère qui nous soutient. Le Québec s'est
donné une loi pouvant assurer la protection de l'environnement en 1972.
Il s'agit maintenant de faire respecter cette loi, de lui donner une
"épine dorsale". Cela fait dix ans que les études d'impact et
l'évaluation des dégâts se multiplient. Il est trop tard
pour continuer d'essayer de parler gentiment aux grands pollueurs qui ne
recherchent que leurs seuls profits au détriment de l'ensemble de la
collectivité.
Nous nous joignons donc aux écologistes et aux citoyens
concernés du Québec pour lancer un cri d'alarme. Il faut stopper
le désastre écologique qui sévit au Québec, le
paradis terrestre des pollueurs nord-américains.
Nous invitons tous les organismes autochtones du Québec à
se joindre à nous afin de mettre sur pied un comité permanent
autochtone sur l'environnement.
Le Québec s'est doté d'une armée de gardes-chasse
et de gardes-pêche. Essayons de voir ensemble si le Québec peut se
donner quelques gardiens voués à la protection de la
qualité de notre environnement collectif. Pouvons-nous assurer aux
êtres humains la même protection que celle que nous voulons donner
à la faune de cette province?
Nous pourrions peut-être ensemble voir à former des
techniciens de l'environnement. Il est probable que certains autochtones
-jeunes et moins jeunes - inadaptés aux milieux urbains seraient fort
heureux d'entreprendre une telle formation et de parcourir leurs territoires
traditionnels dans le but de protéger les qualités naturelles de
ces mêmes territoires.
Rappelons que le gouvernement du Québec n'a pas
créé comme à Ottawa un véritable ministère
de l'Environnement, mais a plutôt mandaté un ministre
responsable
pour élaborer une politique de protection de l'environnement,
aidé en cela d'un Conseil consultatif de l'environnement et d'un
directeur des services de l'environnement. Rien dans la loi n'oblige le
ministre à demander l'avis de ce conseil dans la détermination
des seuils de pollution permis. Ainsi, le Québec se retrouve dans une
position semblable à celle où on regarderait un malade mourir en
prenant sa pression sanguine, en analysant ses urines, etc., mais en ne posant
aucun geste susceptible de guérir son mal et de le guider vers la
santé.
Nous recommandons donc que des représentants des organismes
autochtones du Québec, leurs personnes-ressources et conseillers
éventuels en matière d'écologie et de protection de
l'environnement siègent au Conseil consultatif de l'environnement.
La plupart des autochtones du Québec sont conscients que la
question dramatique de la dégradation de l'environnement est
étroitement liée aux problèmes fondamentaux de la
société dominante. Le problème environnemental est
directement relié à notre économie actuelle, ainsi
qu'à notre système politique, et sa solution exigera des
transformations en profondeur. Il est probable que les valeurs traditionnelles
des autochtones, celles-là mêmes qui ont aidé nos
ancêtres à vivre en harmonie avec la nature pendant plusieurs
millénaires avant l'arrivée des Européens, pourront aider
la société québécoise à s'orienter vers un
développement qui ne soit pas suicidaire, qui ne détruise pas les
écosystèmes, supports essentiels à toute forme de vie.
Les activités traditionnelles de trappe, chasse et pêche.
Une composante essentielle de notre développement
socio-économique est la poursuite de nos activités
traditionnelles, soit la trappe, la chasse, la pêche et la cueillette. La
poursuite de ces activités a même une incidence culturelle
certaine dans notre milieu.
C'est au cours de l'été et de l'automne 1982, par
échanges et ententes, que le président de l'Alliance laurentienne
des Métis et Amérindiens sans statut, Fernand Chalifoux, ainsi
que Claude Riel-Lachapelle, se sont sensibilisés au problème
crucial existant dans nos communautés au niveau de la trappe, de la
chasse et de la pêche.
Il devient urgent de mettre en place des structures permettant la libre
circulation sur nos terres, puisque le mode de vie dont nous avons
retiré notre identité et notre conscience en tant que peuple est
menacé d'extinction.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le seul moyen de
parvenir à vivre selon le mode de vie traditionnel serait de vivre dans
l'illégalité. Cette conjoncture répréhensible
devrait disparaître pour faire place à la reconnaissance de nos
droits autochtones et cela, en tant que peuple.
Sans entrer dans le vif des conférences constitutionnelles sur
les droits des autochtones, nous nous sommes entendus pour choisir certains
mécanismes, retenir les plus concrets et les faire commencer dans un
cadre permettant une action à moyen terme.
Entre-temps, il y a eu la présentation du mémoire de
l'Alliance laurentienne des Métis et Indiens sans statut du
Québec à la commission parlementaire du loisir, de la chasse et
de la pêche, en novembre 1982, au salon rouge de l'Assemblée
nationale à Québec. Cela a été le début
d'une démarche de revendication, dans un contexte englobant les
politiques sur les droits des autochtones à travers le pays.
L'activité de trappe, que pratiquent les Métis et
Amérindiens sans statut, est sensiblement la même que celle que
pratiquent les non-autochtones. En effet, les Métis et
Amérindiens sans statut se sont vu nier ce droit particulier en tant
qu'autochtones et n'ont pas accès aux réserves à castors.
Ainsi, nous sommes contraints de participer au système des terrains de
trappe enregistrés établi en 1947. Mais ce régime nous a
continuellement défavorisés collectivement car, nous ayant
dépossédés de nos terres ancestrales, la
société dominante nous a mis à profit.
Il se pratique trois types de chasse au Québec, soit la chasse
sportive - récréative -la chasse commerciale et, chez les
autochtones, la chasse de subsistance. En ce qui a trait à la chasse
sportive, cette activité a regroupé, en 1980, environ 520 000
individus. Ces chasseurs québécois non autochtones lui ont
consacré 3 800 000 jours, dont 1 300 000 à la poursuite du gros
gibier.
Sans contredit, le gros gibier le plus recherché par cette
population de chasseurs est l'orignal. Cette année, il y a eu
au-delà de 100 000 adeptes qui se sont procuré un permis pour
cette chasse et il y a eu une récolte totale d'environ 12 000
spécimens. Pour ce qui est des autres gros gibiers, nous pouvons citer,
sans ordre d'importance toutefois, le caribou, le cerf de Virginie ainsi que
l'ours noir.
Si nous regardons sommairement la pratique de la chasse à la
faune ailée, nous notons que le nombre d'adeptes s'élève
au Québec à 65 000 individus. Ils consacrent environ 600 000
jours à la pratique de ce sport, pour atteindre une récolte
annuelle de 123 000 oiseaux migrateurs.
Enfin, les chasseurs non autochtones pratiquent la chasse au petit
gibier pour un total de 2 500 000 jours de récréation. Cet effort
de chasse produit une récolte annuelle de 2 200 000 lièvres et de
1 200 000 perdrix.
Pour ce qui est de la chasse de subsistance pratiquée par les
autochtones, il serait assez difficile d'obtenir des données
quantitatives propres à cette activité. Une des
caractéristiques de cette chasse est la grande variété
d'espèces animales convoitées. Il n'en demeure pas moins
évident que les autochtones ont, en pratiquant librement la chasse et la
pêche de subsistance, le droit d'assurer pleinement leur santé
physique et leur identité propre.
Assez similaire à la chasse, la pêche se concentre sur deux
plans, soit la pêche commerciale et la pêche
récréative. Il est intéressant de constater que le
prélèvement annuel de la ressource ichtyologique dans les eaux
québécoises se chiffre par plus de 77 000 tonnes
métriques. Signalons qu'à elle seule la pêche sportive a
pour sa part un prélèvement de 13 634 tonnes métriques de
poissons.
En ce qui a trait à la pêche de subsistance, elle est
estimée à 1808 tonnes métriques de poissons et elle se
pratique de façon traditionnelle à l'aide de filets
maillants.
L'ampleur du problème, en ce qui touche nos activités
traditionnelles, a été soulevée de façon
très claire par un ancien vice-président de l'alliance, feu
Nelson Amos, lors d'audiences publiques tenues au Château Frontenac de
Québec le 7 mars 1981, et je cite: "Les droits qui nous ont
été niés dans les faits, depuis la soi-disant fondation de
ce pays, nous ont relégués a des citoyens de seconde classe, sans
base économique et sans moyen politique pour se prendre en main. "Les
terres que nos ancêtres ont trappées et chassées sont
propriété de compagnies souvent étrangères; pour ne
citer qu'un exemple, notre région des Rapides-des-Joachims,
considérée au début du siècle - et reconnue comme
telle dans le rapport Dorion sur l'intégrité du territoire
québécois comme territoire indien, est aujourd'hui louée
par le gouvernement du Québec à l'Ontario Hydro. Les autochtones
qui y vivent depuis des générations paient maintenant des frais
de location de terrain à cette même compagnie. Pour nous, cette
situation est inacceptable et démontre clairement notre situation de
squatters sur nos propres terres. "Aujourd'hui, dans notre région, les
activités qui ont été la base de notre économie
ancestrale nous sont interdites. Jour après jour, les Métis de
notre région perdent leurs terrains de trappe, terrains de trappe qu'ils
avaient été forcés d'obtenir en se résignant
à faire la demande d'un terrain comme tous les autres citoyens non
autochtones du Québec. Ils sont continuellement victimes de
harcèlement pour respecter les quotas imposés et victimes des
rapports des biologistes faits à partir de données
incomplètes, recueillies à partir de photos aériennes.
Comment pouvons-nous faire respecter nos droits dans un tel
système?"
Exemptions fiscales. Une mesure qui ne pourrait que favoriser le
développement économique dans notre milieu est l'exemption
fiscale.
(18 h 15)
Les Métis et les Amérindiens sans statut, en tant
qu'autochtones à part entière, doivent bénéficier
d'exemptions fiscales. Celles-ci peuvent être considérées
non seulement comme découlant de nos droits ancestraux, mais aussi,
répétons-le, comme moyen d'épauler notre
développement économique.
Un peuple qui a été si brutalement
dépossédé de ses terres et de ses ressources ne devrait
pas avoir en plus à payer des impôts sur le revenu et des taxes de
vente. Nous payons les plus grosses taxes qui soient depuis plus d'un
siècle, nous payons les taxes d'un peuple mis à l'écart de
la société dominante québécoise et de son
économie depuis l'arrivée des Européens.
La première économie de la Nouvelle-France, le commerce
des fourrures, n'aurait pu être implantée au pays sans le concours
des Amérindiens et des Métis. Il n'est jamais venu à nos
ancêtres l'idée de percevoir une taxe sur chacune des fourrures
acquises par les commerçants européens. Il n'est jamais venu
à l'idée de percevoir taxes ou rançons pour l'utilisation
des autoroutes de l'époque, les voies d'eau du Québec. C'est
pourquoi nous sommes ébahis de voir qu'aujourd'hui notre désir de
bénéficier d'exemptions fiscales semble poser un problème
à votre gouvernement.
Recommandations concernant notre développement
socio-économique.
Recommandation 1: Que le gouvernement du Québec et les
ministères concernés offrent une aide technique et
financière à l'Alliance autochtone du Québec dans le but
de préparer un plan global de développement
socio-économique dans notre milieu;
Recommandation 2: Que le gouvernement du Québec explore avec
l'Alliance autochtone du Québec la façon de mettre sur pied un
fonds spécial de développement économique en milieux
métis et amérindien sans statut;
Recommandation 3: Que le gouvernement du Québec accorde, sous
forme de subventions, une aide financière à l'Alliance autochtone
du Québec, afin de permettre des recherches plus approfondies concernant
le potentiel du développement touristique dans notre milieu;
Recommandation 4: Que le gouvernement du Québec reconnaisse la
trappe, la chasse et la pêche comme une composante essentielle de notre
économie et qu'il protège dans le cadre d'une loi notre droit de
pratiquer ces activités traditionnelles de subsistance;
Recommandation 5: Que le gouvernement du Québec invite l'Alliance
autochtone du Québec et les autres groupes
autochtones du Québec à faire partie du Conseil
consultatif sur l'environnement;
Recommandation 6: Que le gouvernement du Québec accorde son appui
technique et financier à la création d'un comité
autochtone permanent sur l'environnement;
Recommandation 7: Que le gouvernement du Québec favorise
l'entrée des Métis et des Amérindiens sans statut sur le
marché du travail en embauchant autant que possible des personnes de
descendance autochtone pour combler dans la fonction publique les
différents postes nécessitant un contact étroit avec le
milieu autochtone;
Recommandation 8: Qu'un groupe de travail composé de
représentants du gouvernement et de ses ministères
concernés, d'une part, et de l'Alliance autochtone du Québec,
d'autre part, soit mis sur pied le plus tôt possible afin que le
programme Jeunes Volontaires soit implanté en milieu autochtone. Nous
recommandons, en outre, la formation, dans le cadre de ce programme novateur,
de "modules jeunesse autochtone" dans divers centres de travail du
Québec;
Recommandation 9: Que le gouvernement du Québec reconnaisse pour
notre peuple la nécessité de bénéficier de
programmes de formation susceptibles d'améliorer notre situation
économique, et que le gouvernement du Québec nous donne tout
l'appui nécessaire auprès du ministère de la Main-d'Oeuvre
pour développer des programmes de prolongement et de formation pour les
Métis et les Amérindiens sans statut;
Recommandation 10: Que la législation du Québec
prévoie présentement des exemptions fiscales pour les
Métis et les Amérindiens sans statut, en reconnaissant que ces
exemptions découlent de nos droits ancestraux fondamentaux et qu'elles
auraient pour effet d'épauler notre développement
économique.
M. le Président, si vous me le permettez, j'inviterais M. Gilles
Couture à poursuivre la lecture.
Le Président (M. Rancourt): M. Gilles Couture.
M. Couture (Gilles): M. le Président, mesdames et
messieurs de la commission. La santé. Nous n'avons pas l'intention dans
ce mémoire de décrire de façon exhaustive les
problèmes de santé qui se posent dans notre milieu. Ils sont fort
semblables à ceux que connaissent les couches les plus
défavorisées de la société
québécoise.
Il n'est pas de notre compétence non plus d'indiquer au
gouvernement du Québec, et plus particulièrement au
ministère des Affaires sociales, la façon dont on pourrait
améliorer l'organisation des soins à la santé.
Nous voulons seulement attirer votre attention sur le fait que, pour
nous, la santé dépasse la seule préoccupation des soins
aux malades. La santé, ce n'est pas seulement une lutte contre la
maladie; la santé est fortement affectée par les influences
environnementales, les facteurs économiques et les influences
sociales.
Nous savons qu'en principe Métis et Indiens sans statut ont droit
comme tous les Québécois aux soins à la santé qui
comprennent la pratique médicale, les soins infirmiers, les
hôpitaux, les établissements de soins à long terme, les
médicaments, les services d'hygiène publique et de santé
communautaire, y compris les services ambulanciers, les soins dentaires et
autres soins tels que l'optométrie, la podiatrie, etc.
Cependant, pour nous, le concept de santé déborde cette
optique. Pour nous, la santé est dépendante en grande partie de
notre environnement, de nos habitudes de vie et de notre culture. Nous oserions
même dire qu'elle est dépendante de notre attitude spirituelle
envers la nature et les autres formes de vie qui nous entourent. Elle est
évidemment dépendante des conditions socio-économiques
dans lesquelles nous nous retrouvons.
L'environnement, pour nous, englobe tous les facteurs externes au corps
humain qui ont une incidence sur la santé. Un environnement sain exige,
par exemple, que les aliments, l'eau potable, l'air que nous respirons, etc.,
soient sans danger et non contaminés. Un environnement sain implique que
le milieu social et ses perturbations n'aient pas de répercussions
néfastes sur la santé.
Certains d'entre nous sommes conscients que nos habitudes de vie ont une
incidence des plus importantes sur notre santé. Refoulés en marge
de la société dominante, trop souvent exclus de l'économie
québécoise et du marché du travail, beaucoup des
nôtres ont développé des comportements et des habitudes de
vie qui nuisent à leur santé. Cela va de la mauvaise
alimentation, du manque d'exercice jusqu'à la surconsommation d'alcool
et de drogues.
Des efforts de prévention des maladies et de promotion de la
santé devraient être appuyés en milieu autochtone. À
long terme, cela serait peut-être plus bénéfique que
simplement se pencher sur l'organisation des soins à la santé.
Nous pensons, par exemple, à des infrastructures telles le
"Montréal Diet Dispensary" où l'on aide les femmes enceintes
à bien se nourrir et à éviter les facteurs qui pourraient
nuire à la gestation, la naissance et la croissance de l'enfant. Ce
genre d'initiative serait des plus bénéfiques en milieu
autochtone.
Recommandations relatives a la santé: 1. Que le ministère
des Affaires sociales étudie de façon sérieuse les
problèmes de santé propres au milieu des
Métis et Amérindiens sans statut du Québec; 2. Que
le ministère des Affaires sociales, de concert avec l'Alliance
autochtone du Québec, élabore et implante des mécanismes
pour favoriser la prévention des maladies et la promotion de la
santé en milieu métis et amérindien sans statut. La
diffusion d'informations pertinentes dans notre milieu serait une
priorité. Mentionnons, à titre d'exemple, des sessions
d'information sur l'alimentation, les dangers de la surconsommation d'alcool et
de drogues, les cours prénataux, etc.; 3. Que le ministère des
Affaires sociales explore la façon dont des approches de santé
préventive, comme le "Montréal Diet Dispensary", pourraient
être utilisées dans le milieu des Métis et
Amérindiens sans statut.
Le développement culturel. Lorsque nous
réfléchissons au développement de la culture dans notre
milieu, nous rejoignons les principes qu'énonçait le gouvernement
du Québec en 1978, dans un livre blanc intitulé: Politique
québécoise du développement culturel, à savoir: 1.
Nous ne permettrons par que les gouvernements définissent pour nous
notre avenir. Il revient à nos propres communautés de
décider de leur propre développement à tous les niveaux;
2. Si les gouvernements nous abandonnent à nos seules ressources - qui
sont aujourd'hui inadéquates - il en résultera une mort plus ou
moins rapide de notre culture et de notre potentiel économique; 3. Nous,
Métis et Amérindiens sans statut, avons la responsabilité
d'inventer nos propres institutions et d'amorcer les stratégies qui
conviennent à notre propre développement.
L'Alliance autochtone du Québec doit assumer une
responsabilité envers la protection et le développement de la
culture autochtone d'environ 25 000 Métis et Amérindiens sans
statut. Comme nous l'avons répété antérieurement,
une loi fédérale, l'Indian Act, sème depuis un
siècle au moins la division au sein des peuples autochtones du
Québec en privant des milliers d'entre nous de notre appartenance et de
notre héritage autochtone.
Malheureusement, une attitude semblable est entretenue par le
gouvernement du Québec, même s'il affirme ne pas effectuer de
discrimination entre les Amérindiens sans statut et les
Amérindiens avec statut. Le Québec exige qu'un autochtone
démontre son affiliation à une communauté établie
sur une réserve et accentue, dans toutes ses politiques, le rôle
intégrateur de la réserve. Cette pratique est discriminatoire
à l'égard des Métis et Amérindiens sans statut. Le
gouvernement du Québec et le SAGMAI savent très bien que nos
membres vivent, pour la plupart, en marge des réserves, puisqu'une loi
fédérale leur interdit de vivre sur ces dernières. De
plus, les ressources et services au sein des réserves sont nettement
insuffisantes pour assurer même le mieux-être des
Amérindiens inscrits et officiellement reconnus par Ottawa.
Nous sommes ainsi pénalisés sur toute la ligne par la
politique du gouvernement du Québec envers les autochtones. Le
développement culturel, comme vous le savez, est intimement relié
aux moyens de communication dans notre milieu. Chez nous, les besoins et
priorités sont influencés par de nombreux facteurs. Par exemple,
l'alliance regroupe des membres appartenant à des groupes autochtones
culturellement et lin-guistiquement différents, comme les Algonquins,
les Hurons, les Attikameks, les Montagnais, les Cris, les Mohawks, les Micmacs,
les Abénakis. La plupart de nos communications, réunions et
publications se font en anglais et en français. Toutefois, nous
souhaiterions, au cours des prochains mois et des prochaines années,
favoriser l'enseignement des langues vernaculaires dans les communautés
métisses et amérindiennes sans statut qui en expriment le
désir. À ce niveau, les besoins les plus urgents ont
été exprimés dans les milieux algonquin et montagnais.
En ce qui touche les autres dimensions de la culture autochtone, nous
sommes d'avis qu'elles doivent être nourries et soutenues au niveau de la
famille et de la communauté locale. La redécouverte du
patrimoine, par exemple, et la renaissance de la tradition orale doivent
être encouragées. Mais ce ne sont pas des choses qui peuvent
s'enseigner. Une culture doit se vivre. Ce que vous pouvez faire pour nous et
ce que peut faire la société dominante en général
consiste à éliminer ou tout au moins à réduire les
obstacles à la survie et au développement de notre culture.
Nous voulons encore une fois souligner le fait que la survie de la
culture autochtone est irrévocablement liée à nos
territoires. Un gouvernement qui prétend vouloir nous donner les outils
nécessaires pour améliorer notre condition sociale,
économique et culturelle devra permettre que nous retrouvions
accès à une partie de nos territoires traditionnels. Il devra
aussi avoir le courage de mettre sur pied avec notre peuple des
mécanismes nous permettant d'administrer ces territoires et leurs
ressources renouvelables et non renouvelables. Tout le monde semble d'accord
pour appuyer un développement éducatif et culturel qui respecte
les valeurs autochtones. Mais nous croyons qu'à la base d'un tel effort,
nous devrons ensemble nous pencher sur le développement
économique des Métis et des Amérindiens non inscrits sur
le registre fédéral de l'Indian Act.
Nous avons depuis des temps
immémoriaux entretenu avec la terre et ses ressources des
relations étroites et soutenues. C'est pourquoi le droit de chasser, de
trapper, de pêcher et de cueillir nous apparaît si fondamental.
Mais cela va plus loin. Si les obstacles qui nous empêchent de pratiquer
ce droit fondamental étaient éliminés, cela stimulerait,
d'une part, notre économie familiale et communautaire et, d'autre part,
cela contribuerait à faire revivre un des aspects les plus importants de
notre culture.
En résumé, le droit au développement culturel des
autochtones ne peut être dissocié de nos droits territoriaux,
aborigènes ou ancestraux. Appelez-les comme vous voulez, pour autant que
vous êtes d'accord avec la définition offerte par n'importe quel
bon dictionnaire: les droits aborigènes comprennent tous les droits
dévolus à un peuple avant l'arrivée des colonisateurs.
Pour nous, cela signifie les droits linguistiques, le droit d'accès aux
ressources, les droits culturels, les droits sociaux, les droits politiques,
les droits religieux. Et ces droits sont interreliés,
interdépendants. Il serait absurde de vouloir nous aider à
développer notre culture si vous nous empêchez d'avoir
accès à un territoire et de pratiquer nos activités
traditionnelles. (18 h 30)
Comme le faisait remarquer récemment Jeanne McDonald dans un
texte intitulé Nous marchons dans les traces de nos ancêtres, au
milieu des confusions, des incertitudes et des définitions de qui est
amérindien, il n'y a au fond qu'une question, et celle-ci relève
de la personne concernée. 'Pour moi, la réponse est devenue un
mode de vie, un fait de vivre et de croire aux valeurs et traditions de la
culture autochtone."
Notre appartenance est reliée à nos premiers souvenirs
d'enfance, où l'admiration et l'amour de la terre prirent racine
grâce aux enseignements de nos parents. "Avec le temps, il devient de
plus en plus clair combien sont importantes nos relations avec la famille, avec
nos grands-mères et nos grands-pères, et avec la terre où
notre peuple a vécu depuis des générations. Ce sont des
relations qui unissent la terre et le ciel, où ceux qui nous ont
enseigné notre passé nous confient le soin de protéger la
terre qui nous soutient et nous donnent l'ardeur de poursuivre ce voyage
vers le futur."
Depuis la fondation de notre association, l'un de nos objectifs a
été de faire connaître notre culture à l'ensemble de
la société québécoise. Malgré nos faibles
ressources, nous avons accompli une tâche énorme dans ce domaine:
nous avons appuyé et parrainé des douzaines
d'événements culturels depuis l'organisation d'un festival de
musique autochtone jusqu'à la publication d'ouvrages historiques, en
passant par la mise sur pied de projets d'art et d'artisanat autochtone, de
collecte de photos anciennes et d'enregistrement de légendes et
enseignements de sages de plusieurs peuples autochtones du Québec.
L'alliance a aussi soutenu de façon active la mise sur pied de
plusieurs centres d'amitié autochtone à travers le Québec.
Ces centres constituent un lieu de rencontre pour les diverses populations
autochtones d'une région, Amérindiens, Inuits et Métis. De
nombreuses activités au sein de ces centres ont permis aussi
d'établir un dialogue avec la population non autochtone. Ces centres
nous donnent aussi l'occasion de découvrir et de mieux faire
connaître aux autres plusieurs aspects de notre vie sociale,
économique et culturelle.
Parallèlement à ces activités, l'alliance s'est
impliquée dans ce que l'on pourrait appeler la recherche historique.
Nous cherchons, par exemple, à diffuser de façon plus importante
des ouvrages comme Kipawa, portrait d'un peuple, et La volonté de
survivre écrits par feu Kermot Moore, le fondateur de l'alliance.
Plusieurs membres et leaders de l'alliance répondent depuis douze
ans à de nombreuses invitations lancées par les mass media, les
écoles, universités et autres organismes et tentent par leur
présence et leur travail de mieux faire connaître la culture
métisse et amérindienne au Québec. C'est un travail de
longue haleine: pendant des générations, notre culture a
été dévalorisée, dégradée,
ridiculisée. Nos jeunes, à l'école, se sont fait traiter
de "sauvages" et nos pères, au travail, de "paresseux". Nous avons
été élevés dans ce contexte où on nous
disait jour après jour que nous étions des gens inutiles et que
nos ancêtres avaient massacré les représentants de
l'Église et les ancêtres européens.
Aujourd'hui, nous sommes de plus en plus conscients que la
société dominante nous traite de cette façon pour se
donner bonne conscience: elle n'ose pas regarder en face la façon dont
elle a privé des peuples entiers de leurs héritages spirituels,
économiques, sociaux, politiques et culturels. Elle n'ose pas regarder
en face la façon dont elle a dépossédé les
aborigènes de ce pays de leurs territoires et de leurs ressources en ne
respectant pas ses propres traités et promesses et en allant à
l'encontre, bien souvent, du droit international.
C'est pourquoi nous reconnaissons notre responsabilité de lutter
sans répit contre le racisme et la discrimination dont nous sommes les
victimes depuis plusieurs siècles. Notre culture a été
agressée et violentée, mais elle n'est pas morte. Elle reprend
vie et nous, Métis et Amérindiens sans statut, voulons être
présents comme une des forces sociales et culturelles du Québec.
Nous osons espérer que le gouvernement du Québec et la
société québécoise dans son ensemble nous
aideront à reprendre la place qui nous revient dans cette
société multiculturelle et multiethnique.
Recommandations relatives à notre développement culturel:
1. Que le gouvernement du Québec reconnaisse les Métis et
Amérindiens sans statut du Québec comme autochtones à part
entière, ayant une identité et une vie culturelle
spécifiques au sein de la société
québécoise; 2. Que le gouvernement du Québec reconnaisse
la nécessité de doter notre peuple d'une base territoriale de
façon à assurer la survie de notre culture aujourd'hui et dans
l'avenir; 3. Que le gouvernement du Québec reconnaisse que la pratique
des activités traditionnelles de chasse, trappe, pêche et
cueillette sont une composante essentielle de notre culture autochtone et qu'il
consente à lever les obstacles qui nous empêchent actuellement de
pratiquer ces activités de façon régulière; 4. Que
le gouvernement favorise la mise sur pied de projets éducatifs pour
mieux faire connaître la culture métisse et autochtone au
Québec et qu'il intervienne pour empêcher la diffusion de
stéréotypes dévalorisants et de propagande raciste dans
les mass media; 5. Que le gouvernement du Québec encourage et appuie de
diverses façons notre participation aux activités et à la
vie culturelle de la société québécoise, tout en
reconnaissant notre spécificité et notre droit à la
différence.
M. le Président, j'aimerais passer la parole à M. Claude
Riel-Lachapelle.
Le Président (M. Rancourt): M.
Lachapelle.
M. Riel-Lachapelle: M. le Président et membres de la
commission, je poursuis.
L'éducation. Traditionnellement, l'éducation des
Amérindiens était de type organique, c'est-à-dire que ce
n'était pas une activité spécialisée et
détachée de la vie de la communauté comme c'est le cas
aujourd'hui, mais bien une activité totalement intégrée
à la vie de la famille et du clan. L'éducation était un
processus continu: les enfants suivaient d'abord leur mère et assumaient
diverses tâches utiles à la famille entière. Ils allaient
puiser l'eau à la rivière, ils portaient de petites provisions de
bois, proportionnées à leur taille. Ils apprenaient, dès
la tendre enfance, ce que l'on appelle aujourd'hui l'écologie,
c'est-à-dire la relation qui existe entre l'être humain et son
milieu environnant: la terre, les plantes et les arbres, les êtres
à quatre pattes, les oiseaux, les poissons, les lacs, les
rivières, la neige, les astres et le cycle des saisons. Ils
héritaient aussi d'une spiritualité qui marquait
profondément chacun des gestes posés au cours d'une
journée.
Ce type d'éducation totalement intégrée à la
vie de la famille et du clan mettait l'emphase sur la tradition, la
continuité culturelle et spirituelle, le courage et l'endurance, la
générosité et le partage, et les aptitudes manuelles.
L'éducation amérindienne traditionnelle n'utilisait jamais les
punitions corporelles. L'enfant grandissait dans la communauté qui lui
enseignait progressivement ses rôles futurs et les aptitudes et
qualités requises pour assumer ces rôles.
Le contact entre les Amérindiens et les missionnaires
français engendra un nouveau modèle d'éducation,
modèle qui s'est perpétué jusqu'à aujourd'hui. En
1634, le jésuite Paul Le Jeune élaborait un modèle pour
convertir les Amérindiens. Selon les termes mêmes de Le Jeune, le
projet mettait en branle "les moyens d'acquérir cet ascendant par-dessus
nos sauvages". Le Jeune développa un modèle d'institution qui
entraîna la séparation des jeunes Amérindiens d'avec leurs
parents, leur parenté et leur communauté.
Elle visait à leur inculquer un système de valeurs
chrétien et la loyauté envers le gouvernement colonial, sans
être dérangés par l'ingérence des parents. Ce
nouveau modèle était paternaliste et centralisateur. Le Jeune
explique ainsi pourquoi cette centralisation était importante: "La
raison pourquoi je ne voudrais pas prendre les enfants du pays dans le pays
même, mais en un autre endroit, c'est pour autant que ces barbares ne
peuvent supporter qu'on châtie leurs enfants non pas même de
paroles, ne pouvant rien refuser à un enfant qui pleure, si bien
qu'à la moindre fantaisie ils nous les enlèveraient avant qu'ils
fussent instruits; mais si on tient ici les petits Hurons, ou les enfants des
peuples plus éloignés, il en arrivera plusieurs biens: car nous
ne serons pas importunés ni détournés des pères en
l'instruction des enfants; cela obligera ces peuples à bien traiter, ou
du moins à ne faire aucun tort aux Français qui seront en leur
pays..."
Cette stratégie a survécu jusqu'à nos jours.
Plusieurs des nôtres, vivant dans le Moyen-Nord et le Nord du
Québec, pourront vous raconter comment ils ont été
enlevés à leur famille et placés dans des écoles
résidentielles, communément appelées "pensionnats
indiens", où on leur interdisait, sous peine de sévices
corporels, de parler leur langue maternelle. Là, on leur enseignait tout
ce qu'il faut pour être un bon Canadien et un bon Québécois
et rejeter le mode de vie, la culture, la langue et la spiritualité de
leur propre famille et de leur propre peuple. Je ne vous raconte pas là
des incidents de 1634, mais bien le genre d'éducation auquel
nous avons été soumis jusqu'à tout
récemment.
Nous savons que notre culture et notre mode de vie en ont pris un coup
depuis quatre siècles. Nous ne vivons plus de la même façon
que nos ancêtres, c'est bien évident, mais nous osons
prétendre que certaines des valeurs qui guidaient nos ancêtres,
ainsi que leur attitude devant les diverses formes de vie qui composent notre
environnement sont précisément celles dont nous avons besoin pour
survivre aujourd'hui. Les valeurs que les colons et leurs descendants ont voulu
nous inculquer, celles de la compétitivité entre humains,
plutôt qu'entraide et partage, celle de la domination et de
l'exploitation de tout ce qui se trouve dans l'environnement, plutôt que
la coexistence respectant l'équilibre et l'interdépendance qui
doivent régner entre chaque forme de vie, sont meurtrières et
suicidaires. Nous n'avons qu'à lire les manchettes de vos journaux pour
nous en convaincre.
Il est évident que nous ne voulons pas couper tous les liens avec
le monde moderne, reprendre les arcs et les flèches de nos
ancêtres et retourner vivre en forêt. D'ailleurs, nous en serions
bien incapables la plupart de nos forêts ont été
coupées à blanc, la plupart de nos lacs et rivières ont
été pollués au mercure et autres produits toxiques, vos
lois nous interdisent de chasser le gibier, préférant l'offrir
aux chasseurs et trappeurs sportifs du Québec et de
l'étranger.
Ce que nous voulons, c'est vivre dans le monde et la
société d'aujourd'hui en tant que Métis et
Amérindiens sans statut avec une identité propre et un
héritage bien à nous. Nous ne voulons pas renier et abandonner
nos racines amérindiennes, pas plus que vous ne voulez renier vos
racines françaises et votre culture francophone.
Cela implique un nouveau projet éducatif en ce qui concerne les
Métis et Amérindiens sans statut du Québec. Nous avons,
d'ailleurs, souvent de façon exploratoire et plus ou moins efficace,
avec les maigres moyens dont nous disposons, devancé le ministère
de l'Éducation du Québec dans cette tâche en multipliant
les activités éducatives au sens large dans chacun de nos locaux,
dans chacune de nos régions, aussi souvent que nous le pouvions depuis
la mise sur pied de notre organisme.
Ce travail éducatif a pris diverses formes au cours des douze
dernières années: séances d'information et de
sensibilisation auprès de nos membres, organisation et participation
à divers colloques et conférences, rédaction et
publication de plusieurs livres et documents, organisation
d'événements culturels de toutes sortes, participation à
des émissions de radio et de télévision, création
de documents audiovisuels, publication et diffusion du journal Alliance,
production d'émissions pour les radios communautaires, projets de
recherche sur le patrimoine autochtone, etc.
Un de nos efforts les plus récents en ce domaine est la
création d'un cours de niveau secondaire sur les activités
traditionnelles destiné aux élèves métis et indiens
sans statut du Québec rédigé en août 1983 par Claude
Riel-Lachapelle et récemment présenté au ministère
de l'Éducation du Québec.
Après douze ans d'existence, l'Alliance autochtone du
Québec envisage de mettre en place des structures concrètes pour
la réalisation d'un objectif primordial, soit d'acquérir des
mécanismes d'action directe dans le domaine scolaire.
Rappelons encore une fois que l'histoire démontre que les nations
autochtones ont toujours été défavorisées par
comparaison à la société dominante. Nous sommes
très conscients, nous, Métis et Indiens sans statut du
Québec, que les législateurs de cette société
dominante ont mis en place et créé leurs lois, leurs
institutions, se sont protégés et ont privilégié
les leurs en écartant une population déjà sur place, les
autochtones.
Il est inquiétant de constater - en excluant l'entente de la Baie
James - qu'il n'existe aucun moyen propre à favoriser la scolarisation
des Métis et Indiens sans statut du Québec, si ce n'est
l'assimilation directe dans un bassin de culture et de comportement non
autochtones. (18 h 45)
Nous nous méfions donc de toute politique gouvernementale, peu en
importe la source: fédérale, provinciale, commissions scolaires,
etc., si cette politique n'admet pas et n'accorde pas une pleine autonomie aux
Métis et Indiens sans statut dans les mécanismes
d'éducation des jeunes de leurs communautés. Les politiques
antérieures de ces législateurs et hommes politiques de la
société dominante ne sont que les manifestations d'une politique
assimilatrice et génocidaire. Nous croyons que le temps est venu pour
ces gouvernements d'entrevoir autre chose que l'ethnocide et de
découvrir enfin la dignité des peuples aborigènes en
s'engageant à maintenir avec eux des liens moins colonisateurs et
à baser les rapports futurs sur le respect mutuel de nos peuples.
Dernièrement, il nous a semblé percevoir une
volonté d'agir du ministère de l'Éducation du
Québec à l'égard des Métis et Indiens sans statut
dans le sens dont nous venons de parler. En effet, l'Alliance laurentienne des
Métis et Indiens sans statut a soumis au mois de janvier 1983 une
demande afin que le ministère de l'Éducation du Québec
puisse fournir des fonds qui seraient consacrés à la
préparation et à la mise en place d'un cours axé sur la
culture traditionnelle.
Jusqu'à maintenant, les anthropologues, les spécialistes
en éducation et autres spécialistes du milieu universitaire qui
s'intéressent au milieu autochtone se sont penchés exclusivement
sur le phénomène de l'éducation chez les
Amérindiens vivant dans les réserves indiennes et en milieu
inuit.
La documentation pertinente ayant trait au problème des
Métis et Indiens sans statut ou qui pourrait présenter un
intérêt à cet égard est à l'heure actuelle
extrêmement mince, pour ne pas dire inexistante. La documentation
disponible, tout comme les données actuelles ne se retrouvent que dans
un contexte bien défini par l'Indian Act. Il est relativement facile aux
administrateurs publics de décrire une certaine population et de
budgétiser des programmes concernant les Indiens enregistrés et
les Inuits, car ces administrateurs possèdent et contrôlent des
mécanismes nationaux et savent assumer efficacement un paternalisme
farouche à l'égard de ces deux peuples.
À titre d'information, au Québec, de tous les enfants qui
entrent dans le système scolaire, environ 60% obtiennent le
diplôme de la 5e année du secondaire dans les délais
normaux. Chez les Amérindiens et les Inuits, cette proportion est
à peine de 30%. On peut se demander quelles sont les raisons d'un pareil
décalage. On pourrait énumérer longuement les facteurs
directs et indirects responsables du manque d'intérêt des jeunes
Métis et Indiens sans statut pour la participation au système
scolaire actuel. Nous savons, cependant, qu'un régime pédagogique
étranger, qui a une mentalité qui lui est propre, en est un
facteur primordial. Les jeunes Métis et Amérindiens sans statut
sont imprégnés de valeurs et de traditions différentes qui
leur sont léguées par les générations
antérieures et qui entrent constamment en contradiction avec le
système et les valeurs véhiculées par le régime
pédagogique de la société dominante. Les jeunes de nos
communautés n'ont plus l'occasion de se référer au pattern
de vie traditionnelle de nos parents.
Le plus malheureux dans tout cela est que n'importe quel groupe ethnique
qui participe à la vie culturelle et sociale du Québec peut vivre
et s'identifier comme tel, mais les Métis et les Amérindiens sans
statut, qui sont pourtant les premiers habitants de ce continent, ne le peuvent
pas et cela, en raison des structures existantes qui limitent leurs
possibilités.
Sans vouloir calquer le modèle scolaire qui prévaut
à l'intérieur des réserves indiennes, les Métis et
les Amérindiens sans statut n'en demeurent pas moins, sur le plan
scolaire, une entité réelle, n'ayant aucune structure
distinctive. Aussi, est-il très difficile, pour ne pas dire impensable,
dans les cadres scolaires actuels de rassembler cette clientèle scolaire
et de l'éduquer avec du matériel didactique et un guide
pédagogique propres à la culture métisse et
amérindienne.
Nos enfants ont, contrairement à ceux d'une bande
amérindienne implantée dans une réserve, une notion plus
"assimilée" du monde. Aussi, en se voyant refuser l'accès aux
réserves et cela, par l'Indian Act, cette clientèle scolaire se
retrouve au même titre que n'importe quelle clientèle scolaire
québécoise, assise devant un instituteur non
préparé à la vision autochtone.
Il est donc logique de croire qu'une telle structure décourage au
départ le jeune qui n'a alors d'autre choix que d'abandonner ses
études en cours de route. Il serait intéressant de pouvoir
étudier plus à fond le phénomène de "drop out" chez
les jeunes Métis et Amérindiens sans statut, quoique ce
phénomène soit également répandu chez la
clientèle autochtone vivant sur les réserves. Nous croyons urgent
que des énergies soient consacrées à étudier cette
situation qui pénalise gravement les générations
présentes et futures.
Nous ne voulons pas faire ici de procès, ni porter de jugement
sur le peu d'attention dont témoignent les commissions scolaires
à l'endroit des nations autochtones du Québec. Nous voulons
seulement suggérer qu'il serait sage d'approfondir le sujet par le
truchement d'études sérieuses, car les Métis et les
Amérindiens sans statut ne possèdent ni système scolaire
ni aucun espoir d'en avoir un dans la conjoncture actuelle. Sans changement, le
pas vers une assimilation totale sera vite franchi!
Si l'on demandait aux autochtones pourquoi ils aimeraient avoir plus
d'instruction, ils répondraient probablement comme le font les autres
Québécois: Pour obtenir un emploi, pour accroître mes
chances d'adaptation et d'avancement dans la société, parce que
l'éducation est utile partout, pour ma satisfaction personnelle, pour
obtenir un meilleur salaire, pour faciliter mes relations sociales ou bien pour
améliorer le bien-être de ma famille.
Chez les nôtres comme ailleurs au sein de la société
québécoise, les raisons les plus souvent évoquées
en faveur de l'éducation sont d'ordre économique et
reflètent donc une conception utilitaire de l'éducation.
L'instruction sert à améliorer le niveau de vie, le statut social
et aide aussi à s'adapter aux exigences du marché du travail. Ce
sont là des évidences et des lieux communs.
Il y a aussi une autre motivation chez certains de nos membres, jeunes
et moins jeunes. Ils perçoivent qu'il leur faut accroître leur
bagage de connaissances dans tous les domaines s'ils veulent mieux comprendre
la société québécoise et travailler au
mieux-être de leur collectivité au sein de cette même
société. Plusieurs des nôtres, par exemple, n'auraient pu
participer
au débat actuel sur les droits des autochtones s'ils n'avaient
pas acquis un certain savoir sur les enjeux de ce débat, sur le genre de
langage spécialisé utilisé par les représentants du
gouvernement et les avocats qui façonnent, ici et là, les projets
de loi qui ont un impact direct sur notre mode de vie et nos chances de survie
en tant qu'entité culturelle et politique distincte au Québec. De
plus en plus de nos jeunes sont articulés et reconnaissent la valeur de
leur héritage autochtone.
Rappelons que l'écart prononcé qui existe entre les jeunes
générations et les générations plus anciennes
semble résulter en grande partie d'une dégradation continuelle
des valeurs et de l'enseignement du mode de vie traditionnel dans une
société postindustrielle.
Nous devons tenter de motiver les jeunes Métis et Indiens sans
statut à terminer un minimum de scolarisation et cela dans leur propre
environnement où pourrait se refléter la culture métisse
et indienne. La première tentative en ce sens sera axée sur les
activités dites traditionnelles, soit la trappe, la chasse et la
pêche et cela, pour les raisons décrites plus haut.
En terminant, rappelons que l'Alliance autochtone du Québec a mis
sur pied il y a quelques années la Fondation Phyllis Monette dans le but
d'aider les étudiants métis et amérindiens sans statut
à poursuivre leurs études lorsque les revenus de leur famille
sont insuffisants.
Recommandations relatives à l'éducation: 1. Que le
ministère de l'Éducation du Québec fourrasse les fonds
nécessaires à la préparation et à l'implantation
d'un cours axé sur les cultures et les activités autochtones
traditionnelles, cours qui pourrait être offert aux étudiants
métis et amérindiens sans statut dans diverses régions du
Québec; 2. Que le ministère de l'Éducation du
Québec fournisse une aide technique et financière à
l'Alliance autochtone du Québec afin que nous nous dirigions vers une
prise en charge complète de l'éducation des nôtres au
niveau des études primaires et secondaires; 3. Que le ministère
de l'Éducation favorise la mise sur pied d'un comité consultatif
où siégeraient les représentants de l'Alliance autochtone
du Québec et dont le mandat serait d'examiner les problèmes de
notre peuple relativement à l'éducation; 4. Que le gouvernement
du Québec et les ministères concernés, de concert avec
notre association, organisent dans nos communautés des sessions
d'information sur les besoins et ressources du milieu, les possibilités
de formation et d'accès au marché du travail; 5. Que le
gouvernement du Québec, en collaboration avec le ministère de
l'Éducation, alloue des fonds à notre organisme afin que nous
puissions entreprendre des recherches sérieuses sur les besoins et
problèmes spécifiques de notre peuple dans chacune des
régions en ce qui concerne l'éducation; 6. Que le gouvernement du
Québec favorise la création d'un matériel
pédagogique adapté à notre culture et aux besoins de nos
étudiants; 7. Que le gouvernement du Québec encourage de diverses
façons l'enseignement des langues vernaculaires autochtones dans les
régions où ce besoin est exprimé; 8. Que le gouvernement
et les ministères concernés offrent une aide technique et
financière à la Fondation Phyllis Monette dont l'objectif est
d'aider les jeunes Métis et Amérindiens sans statut à
poursuivre leurs études au moyen de bourses et autres formes d'aide.
M. le Président, si vous me le permettez, j'inviterais M. Gilles
Couture à poursuivre la lecture.
Le Président (M. Rancourt): M.
Couture.
M. Couture: Les communications. Il nous paraît
évident que le développement des communications dans notre milieu
est un facteur essentiel dans notre développement
socio-économique et culturel. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur la
carte du Québec, jointe dans le présent document, pour
s'apercevoir que les Métis et Amérindiens sans statut sont
répartis sur l'ensemble du territoire du Québec. Nous sommes
présents dans chacune des régions, allant de la Côte-Nord
à l'extrémité sud-ouest du Québec, ainsi qu'en
Abitibi-Témiscamingue et dans ce que certains appellent aujourd'hui le
Nouveau-Québec.
Nos membres sont historiquement et génétiquement
rattachés à plusieurs peuples autochtones. Fiers de leurs racines
autochtones, ils tiennent à leur identité propre et savent que
cela est possible, même en étant actifs dans un monde en
transformation constante. Comme nous le précisions plus tôt,
l'alliance représente un potentiel de 22 000 à 50 000
Métis et Amérindiens sans statut répartis dans cinq
régions administratives et 60 localités dans tout le
Québec.
Dans un tel contexte, les outils de communication sont d'une
nécessité absolue. Ce n'est qu'avec une volonté politique
ferme soutenue par un engagement de la base et des outils efficaces de
communication que nous pourrons empêcher l'érosion de notre
culture et refuser l'assimilation pure et simple de notre peuple à
la société québécoise. Nous assistons, impuissants,
à l'érosion de notre qualité de vie
traditionnelle, de notre économie traditionnelle, de notre
culture, de notre spiritualité et de nos formes de gouvernement
traditionnelles, et ce, depuis 400 ans. Mais cette tentative de génocide
a raté. Nous sommes toujours là, nous sommes toujours vivants.
Les communications pour nous, c'est pouvoir nous dire que nous sommes encore
là et que nous voulons continuer de vivre en tant que peuple
autochtone.
Depuis sa fondation, notre organisme a surtout privilégié
la presse écrite comme moyen de communication. Depuis dix ans, le
journal Alliance a été publié de façon constante,
assurant à tous les mois une liaison efficace entre l'ensemble de notre
membership et le conseil de direction. Lorsque les conditions
financières étaient insuffisantes, nous assurions tout de
même la publication du journal, au moins tous les deux mois. Quiconque se
penche sur le contenu de ce journal depuis sa fondation reconnaîtra le
souci d'informer les Métis et Amérindiens sans statut du
Québec sur toutes les facettes de la vie autochtone, depuis les
relations avec les divers paliers de gouvernement jusqu'aux activités
socio-économiques et culturelles, dans chacune de nos régions.
Dans un souci de rejoindre tous nos membres, nous avons publié la
plupart des articles en français et en anglais, et parfois même
dans une langue vernaculaire.
Au cours des années soixante-dix, plusieurs de nos
localités ont publié des journaux locaux et régionaux,
sous forme de bulletins d'information. Aujourd'hui, avec la récession
que l'on connaît, ces outils de communication sont morts pour la plupart
et il faut nous serrer la ceinture pour pouvoir assurer la survie de notre
journal national.
Lorsque nous prenons connaissance de l'approche
privilégiée par le ministère des Communications du
Québec à notre égard, nous nous demandons pendant combien
de temps nous pourrons encore tenir le coup. On parle, dans la version
préliminaire du Plan de développement des moyens de communication
en milieu autochtone (août 1982), de la nécessité de cesser
les interventions à la pièce comportant le risque d'un
développement anarchique. Il semble que verser une subvention
adéquate à notre organisme au chapitre des communications soit
considéré comme une "intervention à la pièce"
inacceptable. Demandez au ministère des Communications quel montant a
été versé à l'Alliance autochtone du Québec
depuis 1980.
La fonction publique du gouvernement fédéral publie
à l'occasion dans notre journal des annonces publicitaires relatives aux
postes vacants que pourraient postuler les autochtones. Cette publicité
représente pour nous une source de revenus qui nous aide à
assumer les frais de production, d'impression et de distribution de notre
journal. Nous avons amorcé certaines démarches avec le
Québec dans le but d'obtenir quelques miettes de la publicité
accordée aux médias non autochtones du Québec. Ces
démarches se sont avérées infructueuses à ce jour.
Pourtant, nous sommes d'avis que les Métis et Amérindiens sans
statut du Québec ont droit, comme tout autre citoyen, à
l'information pertinente en ce qui concerne les nombreux programmes et services
offerts par votre gouvernement, que ce soit dans le domaine des affaires
sociales, de la justice, du développement économique, de la
main-d'oeuvre, de la culture, etc. (19 heures)
Cette publicité dans notre organe d'information
représenterait un investissement très minime de la part du
Conseil du trésor du Québec ou des différents
ministères, mais, pour nous, ces sommes peuvent faire la
différence entre la vie ou la mort de notre journal.
Permettez-nous de douter de vos bonnes intentions lorsque vous parlez de
"justice distributive", de "rattrapage" ou "d'accélération" du
processus d'émancipation communautaire en milieu autochtone? Les faits
démontrent que l'Alliance autochtone du Québec a
été pénalisée par diverses politiques du
gouvernement du Québec depuis la fondation de notre organisme.
Ceci dit, l'alliance a bien voulu répondre à la demande du
ministère des Communications du Québec en effectuant, de
décembre 1980 à mai 1981 une enquête sur la situation des
moyens de communication dans notre milieu. Ainsi, Rhéal Boudrias et
Diane Jeannette enquêtèrent dans chacune des cinq régions
que représente notre association, sur la base d'un
échantillonnage sélectif. Un questionnaire adapté aux
diverses réalités a été préparé et
soumis aux communautés et localités de façon à
mieux connaître leurs propres besoins. Le Questionnaire fut
complété par plusieurs entrevues.
Cette enquête, dont les grandes lignes ont été
reprises dans le Plan de développement des moyens de communication en
milieu autochtone, révèle que tous les membres souhaitent la
continuité et le renforcement de notre organe officiel, le journal
Alliance. Les membres de toutes les régions sont d'avis que ce journal
doit offrir, si possible dans chacun de ses numéros, des articles
concernant les activités locales et régionales, d'une part, et
des articles sur les activités provinciales de l'alliance, d'autre part.
La rédaction, depuis 1981, s'efforce de suivre assidûment cette
politique et réussit à renforcer les liens et à
améliorer les communications entre chacune des régions et leurs
locaux, ainsi qu'avec le conseil de direction de l'alliance. Ces efforts,
répétons-le, sont tentés dans un contexte de
financement nettement insuffisant de la part des deux paliers de
gouvernement, fédéral et provincial.
Il est donc urgent que le gouvernement du Québec nous aide
à assumer les frais de production, d'impression et de distribution du
journal.
Nous souhaitons également, dans un avenir proche, mettre sur pied
un programme de formation pour jeunes journalistes métis et
amérindiens sans statut dans toutes les régions. Ces journalistes
pigistes pourraient alimenter en articles et en photo-reportages le journal
Alliance ou mettre sur pied dans leurs propres régions des bulletins
régionaux d'information. D'ailleurs, le plan de développement du
ministère québécois des Communications tient compte de
cette hypothèse de réalisation dans notre milieu.
Une seconde recommandation formulée dans notre mémoire
touche la production audiovisuelle. L'alliance souhaite s'équiper d'un
matériel audiovisuel, tel un équipement de base de
vidéocassettes, ainsi que des projecteurs de type diaporama, avec bande
sonore. Des vidéocassettes et présentations de diapositives
pourraient être produites. Elles pourraient ensuite être transmises
aux communautés locales. Elles serviraient de support efficace dans les
discussions et les réunions locales portant sur les différents
dossiers prioritaires de l'alliance, tels que les droits autochtones, la
poursuite des activités traditionnelles, etc. À la limite,
l'utilisation de ces équipements pourrait faire l'objet d'un cours de
formation qui pourrait être donné par des consultants
prêtés par le ministère des Communications.
Au cours des prochains mois et des prochaines années, l'Alliance
autochtone du Québec veut également se pencher sur les
façons d'améliorer sa liaison avec les médias non
autochtones du Québec. Il nous apparaît important de travailler
à mieux faire connaître les Métis et Amérindiens non
inscrits à ces différents médias allochtones. Cela
pourrait se faire de diverses façons: par exemple: faire parvenir
régulièrement aux médias des communiqués de presse
concernant nos activités; être plus présents dans le cadre
d'émissions d'intérêt public; produire de brefs messages
que peuvent diffuser gratuitement les stations de radio et de
télévision à diverses occasions dans le cadre de leur
grille de programmation; participer à la production d'émissions
pour les radios communautaires autochtones et non autochtones; participer
à certaines productions de Radio-Québec.
En terminant, nous voulons rappeler qu'un besoin fondamental dans le
domaine des communications en milieu métis et amérindien sans
statut est celui d'assurer la traduction de nos journaux, rapports, lettres,
documents et communications de tout genre en langues anglaise et
française. Encore là, depuis quelques années, les deux
paliers de gouvernement, fédéral et provincial, n'ont pas su
assumer leurs responsabilités, avec le résultat que l'ensemble de
notre membership a été pénalisé. Il nous faudrait
embaucher, de toute évidence, un traducteur à temps plein.
Recommandations relatives aux communications:
Que le gouvernement du Québec et le ministère des
Communications interviennent dans notre millieu afin de nous aider à
développer et à consolider notre réseau de communications
entre nos membres et la direction provinciale de l'alliance, et à
renforcer les échanges et les liens entre chacune de nos
localités et chacune de nos régions. Cette intervention pourrait
prendre la forme d'une aide fiancière soutenue à notre organe
officiel, le journal Alliance, ainsi que l'aide nécessaire à la
publication de cinq bulletins régionaux d'information.
Que le ministère des Communications appuie la préparation
et la mise sur pied d'un cours de formation en journalisme pour les
Métis et les Amérindiens sans statut;
Que le gouvernement du Québec, en collaboration avec le
ministère des Communications, nous aide à faire l'acquisition
d'outils de communication, tels un équipement de base de
vidéocassettes, des projecteurs, des diapositives, etc;
Que le gouvernement du Québec appuie, aux niveaux technique et
financier, nos efforts afin d'assurer une meilleure liaison avec les
médias non autochtones et la production de certaines émissions
pour les radios communautaires, par exemple, et d'autres médias.
M. le Président, j'aimerais maintenant laisser la parole à
notre président, M. Fernand Chalifoux.
Le Président (M. Rancourt): M. Fernand Chalifoux.
M. Chalifoux: M. le Président, messieurs et mesdames les
membres de la commission, nous avons esquissé dans le présent
document la situation réelle des Métis et des Amérindiens
sans statut du Québec et les divers problèmes auxquels nous
sommes confrontés. Nous traçons de façon sommaire
l'orientation que l'Alliance autochtone du Québec Inc., veut se donner
au cours des prochains mois et le type de relations que nous souhaitons
établir avec le gouvernement du Québec. Notre analyse, certes,
est très incomplète. Nous souhaitons, dans un avenir prochain,
disposer de plus de ressources afin d'approfondir cette analyse et de
conseiller, dans la mesure du possible, le gouvernement du Québec dans
l'élaboration de sa politique à l'égard de notre
peuple.
Plusieurs des problèmes énoncés dans le
présent document résultent de facteurs
historiques qui ont contribué à garder notre peuple
à l'écart du développement économique, social et
culturel du Québec. Autant nous avons été isolés et
oubliés dans le passé, autant nous voulons aujourd'hui assurer
notre présence dynamique et active au Québec. Nous voulons
participer à l'évolution du Québec et avoir un droit de
regard sur les décisions qui affectent notre vie quotidienne et
collective en tant qu'autochtones à part entière. Nous
désirons occuper la place qui nous revient et léguer aux
générations futures des Métis et Amérindiens sans
statut une culture vivante basée sur l'occupation d'un territoire
précis, la gestion de ressources et le maintien d'une économie
propres à notre peuple. Voilà ce que représente pour nous
l'expression "autodétermination".
Nous sommes convaincus que la longue lutte que nous avons menée
pour survivre collectivement nous conduira à l'égalité et
c'est dans ce sens que nous continuerons de travailler. Nous osons croire que
le gouvernement du Québec sera, dans la réalisation de notre
projet collectif, un allié, donc un partenaire, et non un ennemi.
J'aimerais ajouter, M. le Président, que je m'excuse
auprès des membres de la commission pour le temps que nous avons pris
à présenter notre mémoire. Malheureusement, nous croyions
que la seule manière de communiquer adéquatement à ce
moment-ci, qui représente pour nous une première occasion,
était de lire le mémoire au complet, au lieu de nous limiter
à présenter les recommandations en courant le risque que le reste
demeure sur les tablettes. Nous vous remercions, M. le Président, ainsi
que les membres de la commission.
Le Président (M. Rancourt): Merci beaucoup, M.
Chalifoux.
Nous allons suspendre la séance jusqu'à 20 heures et nous
reviendrons pour entendre des commentaires ou des questions éventuelles.
Vous serez présents à 20 heures? Nous voudrions commencer
à 20 heures précises.
M. Chalifoux: C'est bien, nous serons ici.
Le Président (M. Rancourt): D'accord. Nos travaux sont
suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 19 h 10)
(Reprise de la séance à 20 h 11)
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous reprenons la séance de la commission permanente de la
présidence du conseil et de la constitution qui a pour mandat d'entendre
les représentations des autochtones et des divers groupes et organismes
autochtones sur les droits et les besoins fondamentaux des Amérindiens
et des Inuits.
Avant la période du dîner, nous avons entendu le groupe
Alliance autochtone du Québec Inc., qui a fini de lire son
mémoire. Maintenant, je vais passer la parole à M. le premier
ministre.
M. Lévesque (Taillon): D'abord, je voudrais m'excuser
d'avoir manqué la dernière partie du mémoire. On l'avait
lu bien sûr, mais j'ai manqué la partie où vous terminiez
la lecture de votre mémoire, parce que cela arrive qu'on soit
obligé de s'éloigner.
Pour ce qui est du fond de la question, je diviserais cela en deux
parties simples. Je veux juste voir votre réaction. D'une part,
-c'était, d'ailleurs, le cas aussi à propos d'autres
mémoires - sur le plan humain, sur le plan de la vie des gens - par
exemple, le cas de Kipawa qu'il y a eu récemment; il y a eu des exemples
aussi dans le parc de La Vérendrye, je pense qu'on le rappelait -
là, il s'agit vraiment du sort de personnes, de familles que leur
statut, si l'on veut, de sang-mêlé, essentiellement, très
souvent condamne, comme vous l'avez dit si éloquemment dans votre
mémoire d'ailleurs, à être marginales et à se sentir
presque poignées entre deux mondes, n'appartenant ni à l'un ni
à l'autre. Cela, c'est sûr que non seulement on en est conscient,
vous nous en avez rendus encore plus conscients, mais je pense que ce sont des
choses qu'il faut qu'on mette un gros effort à corriger, sûrement.
Je ne pense pas qu'on ait fait tout ce qu'on aurait dû faire ou tout ce
qu'on aurait pu faire ces dernières années, ni les gouvernements
qui nous ont précédés. Enfin, on essaie
d'accélérer ce qui pourrait être, d'une certaine
façon, la correction d'injustices qui sont indiscutables. Autrement dit,
on est d'accord là-dessus. Je crois qu'on doit absolument travailler
très fort pour continuer et même, dans bien des cas,
accélérer bien plus qu'on ne l'a fait la correction de tout ce
qui est inéquitable dans ce qui vous arrive, à vous et à
ceux que vous représentez.
Le problème se pose - et c'est récent, cela, parce que
c'est quand même une sorte de réorientation qui est arrivée
depuis, je ne le sais pas, deux ou trois ans, probablement à la suite
des pourparlers constitutionnels -quand on commence à dire: Bon,
désormais, ici comme ailleurs, partout - M. Bruyère était
venu aujourd'hui pour nous en parler aussi - il faut définir, disons,
une nation métisse ou un peuple métis avec également une
sorte de définition d'assises territoriales. C'est difficile. On va
écouter, tout à l'heure, les femmes autochtones. On a eu
déjà des
échos de ce qui pourrait être dit. Moi, je prends
simplement un passage de ce que disait Rhéal Boudrias, qui a
été, je crois, le président de votre association pendant
quelques années, avant que M. Chalifoux le devienne. Juste une question
et une réponse, parce que c'était dans la petite revue Rencontre,
qui essaie de rejoindre le plus possible les intérêts des
autochtones, et je pense qu'elle est bien faite. En tout cas, là,
c'était vraiment ce qu'il disait, lui. Alors, on posait la question
à M. Boudrias: Qui sont les membres de l'alliance que vous
représentez? Des Métis? Des Indiens? La réponse de M.
Boudrias était celle-ci - cela, c'était en avril 1980: La
définition d'un membre de l'alliance: nous avons toujours recruté
nos membres autour des réserves, là où vivaient des
Indiens non statués." Je pense que c'est très
précisément le cas de Kipawa, par exemple. "Les enfants des non
statués sont des Métis puisqu'ils sont issus, dans la plupart des
cas, du mariage d'une Indienne et d'un Blanc." À cause de toute cette
injustice fondamentale que les "maususses" de lois qu'il faut éliminer
avaient créée. "Donc, la plupart des cas sont issus du mariage
d'une Indienne et d'un Blanc. Un Métis, c'est donc souvent un Indien
sans statut, mais c'est aussi un autochtone à part entière
même s'il n'est pas reconnu comme tel par la Loi sur les Indiens. Dans
l'Ouest, par contre, et c'est M. Boudrias qui parlait, les Métis se
perçoivent comme une nation autochtone disctincte. Notre association a
d'abord fait des recherches près des réserves puisque
l'identification des Indiens et de leurs descendants y était plus
facile. Elle a, cependant, par la suite tenté de couvrir tout le
Québec." C'est ce que vous nous avez aussi raconté dans votre
mémoire et que vous avez couvert très rapidement à part
ça.
Alors, je vous pose une question simple, qui est celle-ci. D'une part,
sur le plan des personnes, le plan des familles, quant à ce danger de
dépossession ou d'être expulsé, etc., je crois, qu'on doit
- on a essayé, quand même, depuis quelques années - faire
plus que ce qu'on a fait, mais, un peu dans le même sens, accentuer la
défense du droit d'exister là où elles sont, de leur
donner le maximum de chances de se développer aussi, c'est sûr,
mais cela s'applique à tout le monde, en ce qui concerne le plan humain,
c'est-à-dire le plan familial, le plan personnel.
Sur l'autre plan, qui est celui de l'identité, cette idée
d'un peuple de Métis -à cause de la diversité incroyable
qu'il peut y avoir; vous savez, il y en a au nord, il y en a au sud, il en a
qui parlent anglais ou qui parlent français; l'histoire les a
"barouettés" d'une façon ou de l'autre mais, en
général, ils sont quand même ceux qui se reconnaissent
comme Métis, si l'on veut - en général, ils sont
reliés à l'une ou l'autre des bandes ou des nations qui sont au
Québec.
Je soulignais, cet après-midi, que, dans le cas de la Convention
de la Baie James et du Nord québécois, les
bénéficiaires ont été - même les sans-statut,
etc. - intégrés dans les bénéfices de la
convention. Si c'est cela qui devient le "pattern" un peu, c'est-à-dire
l'idée générale ou le modèle d'entente, parce qu'on
a beaucoup parlé de cela, avec les nations ou avec les bandes indiennes
qui représentent des identités différentes, est-ce que -
c'est la seule question que je voudrais vous poser, parce que vous nous forcez
à faire pas mal de réflexions; je laisse de côté le
premier plan, car, nous allons continuer à y travailler ensemble, soit
la promotion individuelle, familiale et communautaire des groupes que vous avez
ici et là au Québec -pour ce qui est de résoudre ce
problème d'appartenance, cela ne pourrait pas être une solution
d'étendre, aussitôt qu'on le pourra, cette idée que des
ententes ne doivent pas oublier de couvrir ceux qui sont reliés
directement, en général, par le sang et aussi par des mariages,
à telle ou telle bande ou à telle nation? Est-ce que cela
pourrait être un élément de solution, plutôt que
d'essayer de généraliser quelque chose qui est très
difficile à concevoir?
Le Président (M. Rancourt): M.
Chalifoux.
M. Chalifoux: M. le premier ministre, je ne peux pas
répondre simplement à la dernière question de votre
intervention. Il faut que j'aille un peu plus avant. Premièrement,
lorsque vous citez les paroles d'un de mes prédécesseurs, M.
Rhéal Boudrias, si vous regardez ma lettre d'ouverture, les miennes ne
sont pas tellement différentes, sauf que, dans ma description, je ne me
limite pas simplement à ceux qui ont perdu un statut artificiel qui
avait été accordé par une loi fédérale. Ce
n'était pas une définition d'Indien, c'était une
définition de Blanc pour les Indiens. J'appelle cela un statut
artificiel qui a été accordé à certains Indiens par
une loi fédérale.
Comme je vous le dis, je vais beaucoup plus loin que cela et je regarde
- je l'explique très clairement dans mon discours d'ouverture - tout ce
qui a fait qu'il y a tellement de Métis et d'Indiens sans statut, pour
employer des termes couramment employés sans aller au fond de la
question immédiatement. Si on regarde les raisons pour lesquelles il y a
tellement de Métis et d'Indiens sans statut au Québec et au
Canada, il est évident que, lorsque M. Boudrias a donné son
explication, il l'a restreinte à son expérience personnelle. Les
parents de M. Boudrias sont des ressortissants d'une réserve, tout comme
l'est mon père. Je suis peut-être un peu plus
objectif, je regarde l'ensemble de la situation, ce que peut être
notre peuple. Je ne regarde pas seulement ma propre situation.
Premièrement, "métis" est un terme importé pour
identifier les autochtones du Québec. Avant 1972, avant la formation de
notre association qui s'est appelée à ce moment, selon ce qui
existait déjà, le Conseil national des autochtones qui
représentait les Métis et les Indiens sans statut, on avait le
nom d'Alliance laurentienne des Métis et Indiens sans statut du
Québec. Donc, le terme "métis", on l'a importé. Dans vos
lois, au Québec, vous dites par exemple, dans plusieurs de vos
déclarations personnelles - reconnaître comme Indiens les
personnes d'ascendance indienne. Si on regarde le dictionnaire, "métis"
veut dire sang-mêlé, donc d'ascendance indienne. Je ne veux pas
qu'on s'accroche sur la terminologie de la chose, ni sur le terme
"métis".
Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): D'autant plus, M. Chalifoux - je
m'excuse, on ne fera pas une longue discussion - qu'autant qu'on le sache, on
pourrait dire qu'entre 60% et 75% des Québécois ont quelque chose
de Métis. Vous le dites d'une autre façon vous-même dans
votre texte, en disant que, s'il fallait aller chercher tous ceux qui ont du
sang indien...
M. Chalifoux: Ils pourraient être au pouvoir.
M. Lévesque (Taillon): C'est cela. Il s'agit de cerner un
peu de quoi il s'agit.
M. Chalifoux: Là, c'est vous qui auriez des
difficultés.
M. Lévesque (Taillon): Autrement dit, vous êtes
déjà au pouvoir d'une certaine façon.
M. Chalifoux: Pour aller un peu plus loin dans ce qu'on vous
présente, quand on dit qu'on est une nation autochtone, un peuple
distinct, disons qu'on prend un peu l'exemple du Québec. Le
Québec est composé de 100, 125, 150 nationalités
différentes. Vous dites que le peuple francophone
québécois est une nation distincte. Remarquez que l'idée
n'est pas nouvelle; elle n'existe pas seulement depuis que je suis là,
depuis 1980-1981. L'idée est très vieille dans notre association.
Cela fait longtemps que je véhicule cette idée qu'on s'identifie
finalement comme un peuple. Si le Québec peut s'identifier comme un
peuple distinct francophone composé de 100 à 125 nations, pour
quelle raison les Métis et les Indiens sans statut, pour employer le
terme qui roule depuis longtemps, ne pourraient-ils pas, à partir de
ressortissants de neuf nations, s'identifier comme un peuple et comme une
nation distincte?
Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Vous avez alimenté un peu
notre réflexion, c'est le moins que je puisse dire. Encore une fois, on
est d'accord sur toute la partie, où sur le plan humain, vous
décrivez la situation; dans beaucoup de cas, vous rejoignez des
préoccupations qu'on a aussi pour l'ensemble de la
société. Souvent, les gens que vous représentez sont parmi
ceux qui sont les plus démunis, les plus "maganés" par la vie et
souvent aussi par l'attitude de la société. Là-dessus, on
se rejoint et nous continuerons à travailler avec vous, si vous le
voulez bien, chaque fois que cela paraîtra utile que nous vous donnions
un coup de main ou qu'on se donne un coup de main mutuellement pour
régler ces cas.
Mais sur l'autre partie, permettez-vous que l'on continue notre
réflexion, parce que j'avoue humblement que j'ai de la misère? Il
ne s'agit pas de saboter votre façon de concevoir un peuple
différent et distinct à partir de ces sang-mêlé que
vous représentez. On peut se tromper, mais on a l'impression que, si on
règle le cas - et on a essayé de le faire à
l'échelle du Québec, il faudrait le faire aussi dans les lois
canadiennes - des droits des femmes et que l'on cesse d'avoir cette ignominie
qui est le rejet des femmes qui ont le malheur de se marier en dehors de la
bande ou de la tribu et de littéralement les boycotter, on
réglerait une grande partie de la question.
Je ne veux pas aller plus loin. Disons que vous nous permettrez de
réfléchir. Je vous remercie de nous avoir donné une bonne
occasion de réfléchir là-dessus.
Le Président (M. Rancourt): M. Chalifoux.
M. Chalifoux: Je voudrais compléter ma réponse
à la fin de votre question qui était: Si on emploie le
modèle de l'entente de la Baie James, est-ce que cela ne
réglerait pas quelque peu notre problème?
M. Lévesque (Taillon): Est-ce que cela ne serait pas une
bonne étape, en tout cas?
M. Chalifoux: Je dis clairement dans mon mémoire que c'est
possible, dans un avenir rapproché ou éloigné, que les
peuples autochtones du Québec décident de se regrouper, mais que
cela doit venir d'une intiative qui sera prise par les autochtones
eux-mêmes et que cela ne se ferait pas aujourd'hui. Vous employez
le modèle de l'entente de la Baie James pour les Indiens non inscrits de
la Baie James et les personnes d'ascendance crie. Lorsqu'on dit que toutes les
personnes d'ascendance crie sont bénéficiaires à un point
ou à un autre de l'entente de la Baie James, il faut bien
réaliser la raison pour laquelle cela a été mis là.
Ce n'était pas parce que c'était une bonne chose pour les Indiens
et les personnes d'ascendance crie d'être inclus. Si on regarde le fin
fond de la question, c'était plutôt pour s'assurer, à ce
moment-là, que des personnes d'ascendance crie, autres que les Cris
statues de la Baie James, ne puissent pas revenir et faire une revendication
contre le gouvernement du Québec. C'était peut-être une
entente beaucoup plus accommodante pour le gouvernement que pour les
autochtones du Québec dans l'ensemble.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Lévesque (Taillon): Non, je l'ai dit, mais ce n'est pas
péjoratif: On a hérité de la convention. Elle a ses
défauts et ses qualités. On s'est fait parler des deux depuis
quelques jours. Mais M. Ciaccia, le député de Mont-Royal, qui
était directement mêlé à cela, pourrait
peut-être plus vous aider ou, enfin, vous pourriez peut-être vous
aider mutuellement à préciser cette partie. Ce qui nous a
frappés, avant de lui passer la parole, si le président est
d'accord, c'est qu'il semblait qu'il y avait une sorte de matrice ou de
modèle possible pour d'autres ententes qui essaieraient d'inclure,
à partir des neuf nations que vous mentionnez, au moins le maximum de
gens qui pourraient être couverts de façon utile et être
reconnus à cause de cela par des ententes nouvelles. Vous dites que
c'était pour faire ceci ou cela; moi, je ne le sais pas. J'aimerais
mieux, si vous le permettez, que le député de Mont-Royal prenne
le relais.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Mont-Royal m'a effectivement demandé la parole.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président et M. le premier
ministre. Premièrement, je veux m'excuser d'avoir manqué une
certaine partie de votre présentation, mais vous pouvez être
assuré que je l'ai lue complètement. Je la trouve très
globale, elle couvre beaucoup des problèmes qui existent dans vos
communautés.
Avant de répondre à la question que vous avez
soulevée et à laquelle le premier ministre m'a invité
à répondre, je voudrais vous dire ceci: Quand j'étais
à Ottawa, comme sous-ministre adjoint des Affaires indiennes, selon les
conditions que vous décrivez à la page 13 de votre
mémoire, le gouvernement fédéral avait obligé, par
le biais de certaines conditions, les Indiens à devenir des Indiens sans
statut. (20 h 30)
À la page 13, vous rappelez aux membres de cette commission que
de nombreux Amérindiens ont été contraints d'abandonner
leur statut amérindien pour pouvoir acquérir des droits de vote
et de propriété. C'est évident que c'était une
politique du gouvernement fédéral, du ministère des
Affaires indiennes à cette époque. Cela m'avait frappé
comme vraiment une des plus grandes injustices, selon moi, qu'un gouvernement
puisse mettre en pratique. C'était une forme de chantage, c'était
vouloir forcer l'assimilation des Indiens et des Inuits. On va les
éparpiller dans la société blanche et on n'aura plus
à s'occuper d'eux. Ce ne seront plus les problèmes du
ministère des Affaires indiennes avec les budgets et tous les
problèmes que cela créait à ce moment et que cela
crée encore d'une façon un peu moindre. Je trouvais que
c'était vraiment injuste d'avoir pratiqué cette politique; je
n'en donnerai pas les raisons. Il y a là matière à
réfléchir pour nous aujourd'hui et peut-être est-ce une
leçon pour nous.
C'est une des raisons pour lesquelles je crois que le Québec -
parce que le Québec est minoritaire en Amérique du Nord - peut et
devrait avoir une politique un peu plus ouverte et qui comprenne un peu plus
les problèmes que d'autres minorités, que d'autres peuples ont
subis. Car les minorités peuvent réagir de deux façons:
elles peuvent devenir plus intolérantes parce qu'elles ont subi
certaines difficultés ou elles peuvent s'ouvrir et, après avoir
réalisé le genre de difficultés qu'on subit, essayer de
comprendre les problèmes. Je crois que, dans la question des peuples
autochtones, le Québec est franchement beaucoup plus ouvert, comprend
plus, est prêt à dialoguer et à reconnaître beaucoup
plus les problèmes des peuples amérindiens.
Pour revenir au sujet que le premier ministre a soulevé, dans
l'entente de la Baie James la raison pour laquelle on a inclus les sans-statut
n'est pas celle que vous avez mentionnée. Moi, personnellement, je
trouvais que c'était vraiment inhumain et injuste de dire: On va
négocier pour M. X, Y, Z, mais l'autre personne qui habite là,
parce qu'elle n'a pas un statut d'Indien, on va l'exclure. Ce n'était
pas seulement mon point de vue, c'était aussi le point de vue des Cris
de la baie James, de Billy Diamond, de ceux qui négociaient pour les
Cris. Curieusement, c'est le point de vue que nous avons adopté
malgré le gouvernement fédéral. Le gouvernement
fédéral n'était pas trop heureux de voir qu'on voulait
inclure comme Indiens les sans-statut, les Indiens qui avaient perdu leur
statut. C'était contre la politique du gouvernement
fédéral à cette époque.
La raison pour laquelle nous les avons inclus, c'était,
premièrement, pour répondre au désir des peuples cris.
C'était une question de simple justice. Comment pouvions-nous
répéter les erreurs du passé et exclure des gens qui
avaient perdu leur statut, pas par leur faute, mais parce qu'il y avait eu des
lois faites par des non-Indiens qui les avaient forcés à perdre
leur statut malgré leur intention, malgré les conditions dans
lesquelles ils se trouvaient?
Peut-être ce serait une solution. Je ne sais pas si, de la
façon dont le premier ministre a soulevé la question, la
suggestion qu'il a faite ne serait pas une façon d'arriver à
certaines solutions afin de travailler avec les Indiens du Québec. Je
pense que cela peut créer beaucoup plus de problèmes pour vous
que cela n'en a créé dans le Grand-Nord. Dans le Grand-Nord,
c'était pas mal limité; ils vivaient tous ensemble, ils faisaient
partie de la même communauté. Mais je pense que, dans le cas de
l'alliance et des gens qu'elle représente, ce ne sont pas tout à
fait les mêmes conditions. Ils sont plus éparpillés, ils ne
sont pas tous dans les communautés indiennes. Ils sont dans les villes,
dans les autres villages. Cela peut devenir un problème beaucoup plus
difficile.
Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Vous me suggérez une
question. Combien de membres avez-vous? À peu près 25 000?
M. Chalifoux: Présentement, nous en représentons 25
000.
M. Lévesque (Taillon): Je sais que les régions
traditionnelles sont, évidemment, le Nord, le Saguenay-Lac-Saint-Jean,
l'Abitibi et peut-être un peu la Mauricie, je ne sais pas. Dans les
agglomérations plus urbanisées du sud, les régions
métropolitaines, est-ce que vous avez une sorte de répartition
régionale de votre membership?
Le Président (M. Rancourt): M. Chalifoux.
M. Chalifoux: Oui.
M. Lévesque (Taillon): C'est juste pour notre
information.
M. Chalifoux: La répartition régionale est incluse
dans notre mémoire. Remarquez bien que ce n'est pas complet, car,
à un moment donné, on a cessé pour une raison ou une
autre... On ne tente pas d'évaluer les raisons. On ne tente pas de
s'excuser. Nous aussi, on a fait des erreurs. Par exemple, à la fin de
1973 ou au début de 1974, on a cessé l'organisation des
communautés. Donc, il y a des groupes qui ont été
oubliés, tel que je le mentionnais dans mon mémoire, à
Clova, entre autres, et à d'autres endroits.
Pour répondre plus clairement à la question que vous
m'avez posée des deux côtés: Comme l'a souligné cet
après-midi M. Bruyère dans son court mémoire du conseil
national, la reconnaissance des femmes autochtones et les changements
éventuels qui pourraient être apportés à la loi sur
les Indiens, par exemple, ne régleraient qu'une infime partie du
problème. Dans l'ensemble du Canada, si vous prenez les chiffres du
ministère des Affaires indiennes, cela réglerait en tout et
partout le cas d'un maximum de 105 000 personnes quand on estime la population,
dans l'ensemble du Canada, de Métis et d'Indiens sans statut, à
près de 1 000 000 ou plus. Le nombre exact est très difficile
à identifier. C'est en excluant, comme je le disais tout à
l'heure, les quelques centaines de milliers qu'il y a au Québec. C'est
en tenant compte seulement du nombre de ceux qui s'identifient actuellement
comme tels. Mis à part les chiffres de Statistique Canada, je suis
d'accord avec vous, M. le premier ministre et M. Ciaccia - les femmes
autochtones vont vous le dire elles-mêmes tout à l'heure - que
cela réglerait une partie des problèmes. Cela réglerait
définitivement les problèmes des femmes "statuées" qui,
depuis peut-être les 25, 30 ou 35 dernières années, ont
effectivement perdu le statut artificiel qui leur avait été
accordé. Ceux qui toujours été oubliés en cours de
route -je peux vous en citer plusieurs, soit les McKenzie dans l'Abitibi, les
Dewachie à Maniwaki, les Chaussé à Maniwaki et beaucoup
d'autres. Il y en a énormément à travers le Québec
qui n'ont jamais été enregistrés comme Indiens justement
par oubli ou par le fait qu'ils ont choisi de ne jamais aller demeurer dans une
réserve ou une communuté indienne organisée - leur cas ne
serait absolument pas touché et absolument pas réglé.
C'est pour cela que je vous dis: Lorsque je regarde l'association, on
regarde le problème dans son ensemble et non en partie. On ne regarde
pas seulement le retour à la réserve. On regarde le
problème dans son ensemble.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je suis entièrement d'accord avec vous sur le
fait que régler la question du statut ne réglerait qu'une petite
partie, même pas une grande partie des problèmes. C'est seulement
un aspect de tout le problème. Cela ne règle pas les
problèmes
sociaux, les problèmes économiques et autres que vous avez
soulevés dans votre mémoire. Cela m'amène à vous
poser la question suivante. Vous avez fait une série de recommandations
dans presque tous les domaines, soit l'habitation, le développement
économique, la question culturelle. Pour un gouvernement, comment
coordonner une réponse ou comment pourriez-vous demander et obtenir la
coordination d'un gouvernement dans tous ces problèmes, parce que cela
affecte tous les ministères? Cela ne touche pas seulement un
ministère. Ce n'est pas seulement la question du premier ministre, mais
cela affecte le fonctionnement et la mise en application de tous les programmes
du gouvernement. Comment arriver à une solution quand c'est tellement
vaste?
Peut-être en allant dans le même ligne de pensée que
le premier ministre, mais d'une façon un peu différente: Est-ce
que la façon de le faire ne serait pas d'essayer de vous allier avec
d'autres groupes amérindiens qui ont le statut d'Indiens? Je ne veux pas
m'immiscer dans la façon dont vous voyez les problèmes, mais
est-ce que cela ne donnerait pas une plus grande force à vos
revendications? Est-ce que vous ne pourriez pas faire un front commun et
coordonner vos problèmes? Vous avez des problèmes en commun,
quoique j'admette que certains de vos problèmes soient très
différents. Aller dans les centres urbains, aller en dehors des
réserves présente des problèmes totalement
différents que les problèmes des Indiens de Fort-George, les
problèmes des Abénakis et les problèmes des Indiens de
Pointe-Bleue. Est-ce qu'il n'y aurait pas une façon de coordonner vos
efforts, de faire front commun pour certains aspects de vos revendications face
au gouvernement, afin de permettre au gouvernement d'y répondre plus
facilement? La nature humaine étant ce qu'elle est, quand vous divisez
vos efforts, c'est plus difficile pour le gouvernement, étant
donné les nombreux ministères, de répondre. Est-ce que ce
ne serait pas une façon de procéder pour obtenir du gouvernement
des réponses plus concrètes à vos besoins?
Le Président (M. Rancourt): M.
Chalifoux.
M. Chalifoux: Premièrement, pour vous mettre à jour
un peu - ce n'est peut-être pas dans le sens où vous l'entendez
quand vous parlez de front commun - il existe déjà une sorte de
front commun d'une partie des peuples aborigènes du Québec. On
s'est regroupé, justement, pour faire front commun et pour discuter plus
facilement avec le gouvernement. Cela ne règle pas les problèmes
dans leur ensemble, en étant regroupé. Si vous avez
écouté attentivement tous les mémoires qui ont
été présentés au cours de ces trois jours, les
Indiens statués, nos frères statués, nos frères
inuits, à l'exception de ceux qui ont déjà des
mécanismes et qui ont signé des ententes, soulèvent les
mêmes problèmes que nous vous soulignons. Si vous regardez
l'ensemble de nos recommandations, elles se retrouvent dans des domaines que
nous jugeons immédiats et pour lesquels le gouvernement du Québec
peut agir presque immédiatement. Nous nous en sommes tenus, dans notre
mémoire, à ces domaines-là.
Si vous remarquez une chose, la majeure partie de nos recommandations se
rattache à la nécessité d'une base territoriale
quelconque. Cela ne veut pas dire que nous voulons avoir une partie des
terrains de notre ami Billy Diamond, une partie des terrains des Inuits, des
Montagnais ou de quiconque. Comme je vous l'ai souligné dans notre
mémoire, la raison pour laquelle nos ancêtres ont souhaité
la bienvenue aux Européens qui sont arrivés ici, c'est parce
qu'ils croyaient que la terre était suffisante pour y accueillir tout le
monde qui voulait y vivre. Nous vous demandons de nous en retourner une partie.
C'est ce que nous demandons, parce que la majorité des solutions aux
problèmes que nous soulignons et des recommandations que nous faisons
sont reliées à une base.
Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Justement, cela revient un peu
à ce que disait le député de Mont-Royal. On retrouve,
d'ailleurs, les mêmes arguments - et Dieu sait qu'ils sont basés
sur la même réalité et qu'elle n'est pas acceptable - dans
la plupart des mémoires. Le vôtre correspond, à beaucoup de
points de vue, à ceux qu'on a entendus parce que c'est le même
damné problème. Je sais qu'il y a des fronts communs. Par
exemple, on me rappelait les centres d'amitié autochtone. Les Indiens
statués et les non-statués, ou les Métis, travaillent
ensemble. Pourquoi n'y aurait-il pas moyen de développer cette dimension
de solidarité comme la perspective la meilleure pour l'avenir, au moins
dans les quelques années qui viennent? Cela nous aiderait à voir
clair, c'est sûr. On ne demande pas mieux que d'aller plus loin et de
faire le mieux possible. Si on a un interlocuteur qui dit: J'ai "une" voix,
parce qu'on a les mêmes problèmes, finalement, on se
reconnaît ensemble - les centres d'amitié l'ont prouvé -
pourquoi cela ne serait-il pas possible?
Le Président (M. Rancourt): M.
Chalifoux. (20 h 45)
M. Chalifoux: Pour répondre à cela, M. le premier
ministre, quand on mentionne que
les relations entre les non-statués et les statués ont
été brûlées au cours des années,
peut-être que, dans le fin fond de nous-mêmes, tous, statués
et non-statués, on souhaite ce rapprochement. C'est un peu comme la
religion, M. le premier ministre. Lorsqu'on a été
évangélisé pendant 133 ans à être un groupe
limité, un groupe restreint à l'intérieur des
réserves, c'est difficile de se convaincre, tous et chacun,
qu'effectivement, peut-être, on serait mieux d'être tous ensemble.
Je vais vous donner un exemple très vivant: mon vieux père qui a
aujourd'hui 85 ans, qui est né indien statué - moi aussi, je suis
né indien statué - et qui est un descendant d'une grande
lignée d'Indiens statués. Depuis l'existence de l'"Indian Act",
mes ancêtres ont tous été des Indiens statués.
À un moment donné - j'avais cinq ans - mon père a perdu
son statut par le biais d'une disposition de l'"Indian Act", car mon
père se battait avec M. Sioui dans le temps de la conscription des
Indiens dans les Forces armées canadiennes. Pour cette implication, un
agent des Indiens a convaincu le conseil de bande de la réserve de
Maniwaki de demander la radiation de mon père des listes de bande, ainsi
que de quelques autres membres de la bande qui étaient impliqués
dans la même revendication.
Pour vous souligner ce que je voulais dire tout à l'heure par
évangélisation, mon vieux père aujourd'hui a 85 ans et
savez-vous ce qu'il m'a dit? Croyez-le ou non: Mon fils, si tu veux que les
Métis et les Indiens sans statut survivent au Québec, au Canada,
défends le vieil "Indian Act". Il n'est plus indien statué depuis
1942. Il me dit aujourd'hui, défends le vieil "Indian Act". C'est pour
cela que je parle d'évangélisation. Ce n'est pas parce qu'on
croit nécessairement que c'est vraiment bon, mais on croit que c'est la
seule chose jusqu'à maintenant qui a protégé le peu qu'on
avait. C'est dans ce sens que je parle d'évangélisation. Je ne
parle pas en mal de mes frères statués inuits.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Un des éléments qui militent contre un
front commun, c'est, justement, le vieil "Indian Act" et le présent
"Indian Act". En effet, quand les Indiens qui ont le statut voient qu'ils ont
tous les bénéfices supposément que l'"Indian Act" leur
donne: un statut spécial, des programmes d'habitation, des centres
communautaires et tout le reste, ce sont ces politiques du gouvernement qui
font que c'est plus difficile pour eux de travailler avec vous parce qu'ils ne
veulent pas perdre le peu qu'ils ont. Ils n'en ont pas beaucoup, mais ce qu'ils
ont, ils ne veulent pas le perdre. S'ils vont s'associer avec vous, le risque
pour eux, c'est de perdre ces avantages que le gouvernement leur a donné
par l'"Indian Act". Cela rend beaucoup plus difficile, je le comprends,
mentalement, psychologiquement pour eux, et même du point de vue des
conséquences, de faire un front commun avec vous parce qu'ils
considèrent qu'avec l'"Indian Act" ils ont certains
bénéfices. C'est pour cela que la solution serait d'essayer de
changer les conséquences de l'"Indian Act". C'est peut-être dans
cette direction que le comité fédéral devrait aller en
mettant un peu de côté les études qu'il a faites parce que
cela perpétue un peu cette mentalité et cela rend beaucoup plus
difficile de répondre à vos revendications.
M. Chalifoux: Je suis d'accord sur l'explication que vous donnez,
M. Ciaccia. Il est vrai que nos frères statués ont peut
être peur de perdre ce qu'ils ont. Je ne les blâme pas du tout et
c'est la raison pour laquelle nous ne leur demandons absolument rien. Ils n'en
ont pas assez pour eux-mêmes. Si vous regardez la condition de la
majorité des réserves du Québec, je la connais très
bien, on n'aurait pas le front, on n'aurait pas l'audace d'aller leur demander
la plus infime partie de ce qu'ils ont.
Par contre, il y a une chose qui milite en faveur du front commun que
nous avons présentement. C'est qu'à l'intérieur de ce
front commun, la raison pour laquelle cela fonctionne, c'est qu'on se respecte,
tous et chacun des leaders assis autour de cette table. On se respecte tous et
chacun en tant que peuples. C'est la raison pour laquelle notre front commun
jusqu'à ce jour a assez bien fonctionné; il nous a permis de
rencontrer à maintes reprises le premier ministre du Québec et
même de l'amener à s'asseoir à la table constitutionnelle
à Ottawa, un processus que je ne pense pas exagérer en disant
qu'il le déteste. Il a quand même accepté d'aller s'asseoir
là. Donc, je pense que c'est au moins une chose qui milite en faveur de
notre front commun, le fait qu'on puisse se respecter comme peuples.
Maintenant, il nous reste à convaincre le gouvernement du
Québec - dans le cas présent - à nous apporter la
même reconnaissance, en tant que Métis et Indiens sans statut, le
même respect que nous avons à l'intérieur du groupe de
travail des peuples aborigènes du Québec. Il nous reste à
acquérir cela.
Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je suis bien content que vous ayez
participé non seulement à cette coalition ou à ce front
commun, mais également, si je vous
comprends bien, à nous convaincre de faire certains pas. Nous ne
les regrettons pas et nous allons continuer à les faire dans les limites
que nous nous sommes fixées.
Je voudrais simplement vous dire, encore une fois, que, pour ce qui est
de tout ce qui, dans le front commun, signifie l'amélioration des
conditions de vie et la réparation de conditions vraiment injustes, vous
pouvez compter sur nous, nous allons continuer de notre mieux à vous
aider à ce point de vue, parce qu'au fond nous nous aidons mutuellement
dans ce cas.
Pour ce qui est de l'autre question, plus délicate, de
reconnaissance, etc., voulez-vous nous laisser réfléchir? Vous
nous forcez à réfléchir, donnez-nous une chance.
M. Chalifoux: D'accord.
M. Lévesque (Taillon): Merci encore.
Le Président (M. Rancourt): Nous remercions l'Alliance
autochtone du Québec Inc., d'avoir participé à cette
commission et nous demandons à l'Association des femmes autochtones du
Québec de bien vouloir se présenter.
Nous accueillons maintenant l'Association des femmes autochtones du
Québec. Je demanderais à la porte-parole de bien vouloir
s'identifier et d'identifier celles qui l'accompagnent.
Association des femmes autochtones du
Québec
Mme Stacey-Moore (Gail): I am Gail Stacey-Moore, first
vice-president of Québec Native Women. On my right is Marthe Gill, who
has been a member of our association since its conception; on my left is
Jocelyne McHugh-Gros-Louis, she has also been a member since its conception. On
the extreme left is Anne Saint-Onge, she is the second vice-president. We shall
be sharing the responsibility of reading the brief. It should take
approximately 20 minutes and, after that, we would be willing to field the
questions.
Mme Saint-Onge (Anne): Je voudrais, avant que l'on commence la
lecture du mémoire, que nous fassions la lecture de la lettre de
présentation en montagnais et en français. Je ferai la lecture en
montagnais et Jocelyne fera la lecture en français pour que ce soit bien
clair.
Le Président (M. Rancourt): Mme Saint-Onge.
Mme Saint-Onge: Anne Saint-Onge. (S'exprime dans sa langue).
Mme Gros-Louis-McHugh (Jocelyne); M. le premier ministre, Mmes et
MM. les députés, c'est avec beaucoup de respect et de confiance
que nous vous transmettons aujourd'hui les préoccupations fondamentales
qui sont les nôtres. C'est avec le même respect que nous avons pour
vous, les non-Indiens francophones, qui défendez avec autant d'aptitude,
de verve et de volonté la culture qui vous est propre, que nous avons
l'intention de défendre la nôtre avec la même ouverture
d'esprit qui est la vôtre à l'endroit des groupes minoritaires de
cette partie de nos terres.
Mme Saint-Onge: (S'exprime dans sa langue).
Mme Gros-Louis-McHugh: Nous vous savons capables, même si
nos langues nous séparent, de faire que nos objectifs nous unissent: la
défense de nos cultures respectives et de leur respect par les groupes
qui nous entourent, soient-ils majoritaires. Pas plus que vous nous n'avons
l'intention d'être assimilés, que nos cultures soient
dénaturées, que nous soyons contraints à abandonner aussi
bien nos langues que nos coutumes.
Mme Saint-Onge: (S'exprime dans sa langue).
Mme Gros-Louis-McHugh: Vous vous êtes toujours fait le
porte-étendard des droits des minorités et nous comptons que vous
continuerez de le faire. Nous tenons particulièrement à ce que
soit rétabli le respect de nos droits originaux et cela, aussi bien
à tous les paliers de gouvernement.
Mme Saint-Onge: (S'exprime dans sa langue).
Mme Gros-Louis-McHugh: Comme preuve de la confiance que nous vous
témoignons, nous tenons à vous rappeler que, lors d'une
déclaration du 11 octobre 1980, vous nous affirmiez que les femmes
indiennes du Québec, qu'elles soient ou non inscrites en vertu de la Loi
sur les Indiens, continueraient d'être reconnues par le gouvernement du
Québec comme Indiennes du fait de leur ascendance et de leur
appartenance au milieu amérindien.
Mme Saint-Onge: (S'exprime dans sa langue).
Mme Gros-Louis-McHugh: Nous vous surprendrons peut-être en
vous confirmant la solidarité hors de toute partisanerie politique que
nous offrent plus d'une vingtaine de femmes activement impliquées en
politique fédérale, aussi bien à titre de
députées que de sénateurs et cela, en date de la
déclaration de solidarité des parlementaires
canadiennes quant à la reconnaissance de droits égaux pour
les femmes, en juillet 1980.
Mme Saint-Onge: (S'exprime dans sa langue). (21 heures)
Mme Gros-Louis-McHugh: Confiantes que vous saurez nous aider
malgré toutes les difficultés qui pourraient survenir, avec une
honnêteté que nous savons être vôtre, nous vous
remercions de le faire.
Nous allons lire l'introduction. Tout pays devrait être fier de
posséder une charte des droits qui rende impossible
l'établissement de groupes de citoyennes de second ordre. Le
développement social exige l'abolition de toute discrimination, que ce
soit par la race, la religion, la couleur et le sexe.
Nonobstant les mutations sociales qui ont su imposer à nos
sociétés cet équilibre fondamental, seules les femmes
autochtones en sont exclues. Il est fondamental, pour une société
jugée évoluée, de ne pas permettre que, soit dans ses
chartes ou dans sa législation, apparaissent des zones grises qui
fabriquent, à rencontre de leur volonté propre, des groupes qui
sont privés des droits fondamentaux auxquels tout citoyen peut aspirer
et ce, de façon justifiée et inéluctable.
Malheureusement, c'est le cas de la charte des droits
québécoise et de celle du Canada. En effet, comment une
liberté individuelle aussi fondamentale que celle de pouvoir contracter
mariage peut-elle priver une femme autochtone de ses droits les plus essentiels
et, a contrario, le mariage d'une femme non indienne avec un Indien les lui
accorder sans autre exigence? Il en va de même pour la filiation. Une
femme qui se marie à un non-Indien s'émancipe; on a fleuri cette
image. Qui peut oser prétendre qu'une femme perdant son statut
d'Indienne s'émancipe? N'est-ce pas trahir le sens profond de ce qu'est
l'émancipation, c'est-à-dire le choix, en toute possession de son
libre arbitre, de l'orientation de ses obligations, droits et devoirs, mais
cela, seulement en vertu de lois où existe l'équilibre essentiel
pour ce faire?
De plus, il serait peut-être à propos de souligner que le
seul groupe - je dis bien le seul groupe - minoritaire dont les droits ne sont
pas fondamentalement reconnus par les chartes et confirmés au niveau de
la législation qu'elles sous-tendent, ce sont les femmes autochtones. La
loi sur les Indiens ne respecte pas les nations indiennes en
généralisant pour tous les Indiens et en ne respectant pas la
différenciation des nations, des cultures. Chaque nation avait ses
propres façons d'agir, de vivre et la loi sur les Indiens a
ignoré toutes ces différences.
Il serait aussi impensable d'établir une loi supramondiale qui
puisse satisfaire aux exigences socioculturelles de toutes les populations,
aussi bien africaines que nordiques, que d'établir une loi qui ne tienne
pas compte des us et coutumes de chacune des nations qui composent la famille
autochtone. La loi engendre, du fait de son existence, un génocide des
nations autochtones par les sociétés non indiennes.
L'odieux de la législation existante provoque chez la femme
autochtone un profond sentiment de rejet de sa nation même. À
preuve, le législateur n'a pas eu cette perception éminemment
nécessaire sur le plan social, la reconnaissance des
différenciations entre chacune des cultures des nations autochtones. Il
en a effectué le lissage éhonté en les soumettant à
l'odieux d'une même législation sans tenir compte des
différences fondamentales de culture qui ont toujours existé
entre les différentes nations qui composent les peuples
propriétaires originaux de ces terres.
Mme Stacey-Moore: Historique de notre association. L'Association
des femmes autochtones du Québec a été créée
en juillet 1974. L'AFAQ est une association non discriminatoire et
représente toutes les femmes autochtones du Québec: attikameks,
algonquines, abénakis, cries, huronnes, micmacs, montagnaises,
naskapies, mohawks et inuites, qu'elles soient avec statut, sans statut ou
métisses.
La province a été divisée en six zones
géographiques. Le conseil de direction est composé de deux femmes
de chaque zone. L'exécutif comprend une présidente, deux
vice-présidentes, une secrétaire et une trésorière.
Le conseil des directeurs et l'exécutif sont élus annuellement
par les déléguées présentes à
l'assemblée annuelle, et un comité d'aînées a
été formé pour les femmes de 65 ans et plus qui
reçoivent une carte de membre régulier.
Il s'agit d'une association exclusivement féminine, parce que les
besoins considérés comme primordiaux par les hommes et les femmes
sont souvent très différents. L'association est donc un excellent
moyen pour chaque femme autochtone de la province de se faire entendre.
Depuis sa fondation, il y a plus de neuf ans, l'Association des femmes
autochtones du Québec s'est employée à mieux
connaître les besoins des femmes dans les différentes
régions, à faire connaître leurs droits et les instruire
sur tout ce qui pouvait leur être utile. À partir de 1976, des
projets ont été mis sur pied pour mieux connaître les
aspirations de la population desservie et mieux y répondre. Face aux
gouvernements fédéral et provincial, des résolutions ont
été soumises pour la défense des droits des femmes
autochtones.
I would just like to add that, attached
in the appendix, is the contitution of the Québec Native Women
and also that we were incorporated as a non profit organization in 1977.
Le Président (M. Rancourt): D'accord. Mme Dufour.
Mme Gros-Louis-McHugh: L'aspect socio-économique des
femmes autochtones: les droits territoriaux. Quant aux droits vis-à-vis
de nos terres, il serait plus qu'indécent d'essayer d'établir
quelles sont celles qui nous appartiennent. Nous sommes les habitants
originaires et il serait plus logique et plus équitable que ceux qui
vinrent de façon postérieure à notre occupation naturelle
puissent nous prouver que ces terres sont bien les leurs. Au nom de quelles
assises, qu'elles soient issues de la loi naturelle ou de la logique, les
occupants ultérieurs peuvent-ils prétendre en détenir la
propriété ne serait-ce que de la moindre parcelle? Non seulement
les non-Indiens se sont-ils emparés de notre patrimoine, mais ils ont
poussé l'odieux jusqu'à faire des lois qui régissent nos
lois.
Mme Gill-Dufour (Marthe): L'éducation. Plusieurs femmes
autochtones du Québec ont dû quitter l'école très
jeunes pour trouver un emploi servile, afin d'aider leurs familles à
survivre et leurs parents à élever les plus petits. Lorsque l'une
d'elles désire poursuivre ses études, il se révèle
souvent impossible pour elle d'avoir droit aux programmes d'éducation
offerts aux Indiens, soit parce qu'elle a épousé un non-Indien ou
parce qu'elle ne réside plus dans la réserve.
La politique des services d'éducation désavantage la femme
autochtone encore plus que tous les Indiens, parce qu'un grand nombre d'entre
elles, par choix ou par obligation, ont dû quitter la communauté
indienne. Certaines femmes autochtones non inscrites subissent encore les
injustices de la loi sur les Indiens vis-à-vis de l'application des
services. Si elles résident encore à la réserve,
doivent-elles être plus pauvres, plus démunies, plus
nécessiteuses que leurs frères et être dans l'obligation de
le déclarer officiellement pour qu'elles et leurs enfants aient droit
à l'éducation?
Les femmes autochtones du Québec n'ont pas entièrement
réussi à s'intégrer au réseau de l'éducation
et à profiter des services de formation et de scolarisation
déjà établis. Nous savons que des efforts sont entrepris
par les gouvernements pour améliorer le service d'éducation. Les
femmes autochtones enregistrent un retard considérable dans ce domaine
à cause de l'injustice qu'elles subissent à cause de la loi sur
les Indiens. L'éducation ne semble pas conçue à partir des
caractéristiques des cultures. Les politiques d'éducation sont
trop rigides pour les besoins de certains milieux et les programmes de
recyclage ou de formation aux populations adultes dans nos différentes
communautés ne répondent pas toujours à la
réalité présente. Nous constatons que nos enfants, souvent
à cause du manque de formation des parents, ont de la difficulté
à trouver la motivation suffisante à la poursuite de leurs
études. De plus, en tant que mère, la femme autochtone est en
mesure de constater l'impact de l'éducation sur ses enfants et
considère comme urgent l'enseignement de la culture autochtone dans les
maisons d'enseignement du Québec.
Emploi et développement économique. Les femmes autochtones
sont exclues de la vie économique de leur milieu, soit par des articles
discriminatoires ou le milieu économique. Le problème de l'emploi
ne provient pas uniquement du comportement d'un seul individu ou d'un unique
secteur de la population; il résulte de l'interaction au cours des
siècles de facteurs économiques, sociaux et culturels très
complexes. À cause de sa race, la femme autochtone doit souvent faire
face à la discrimination. Elle doit parfois s'exiler et accepter des
conditions de travail extrêmement difficiles.
Afin de permettre aux femmes autochtones de participer pleinement
à la vie économique et à l'essor de leur milieu de vie,
nous recommandons, premièrement, que les programmes de création
d'emplois, tant fédéraux que provinciaux, soient
coordonnés avec des programmes de développement économique
spécialement conçus pour les femmes autochtones, incluant des
allocations spéciales de formation, et, deuxièmement,
l'élaboration d'un processus de consultation de groupes visés,
afin que des cours de formation conçus en fonction de la
mentalité et du mode de vie autochtone soient
développés.
Lois et services juridiques. Pour la femme autochtone, les effets de
l'application des articles discriminatoires contenus dans la loi sur les
Indiens se font sentir de son mariage jusqu'à sa mort, lors d'un
éventuel mariage avec un non-Indien. Elle est bannie du foyer de ses
parents et de sa réserve et elle n'a pas le droit de posséder de
terres. Elle doit donc disposer des terres qu'elle possédait au moment
du mariage ou reçues par héritage. On peut également lui
refuser le droit d'hériter des terres que ses parents lui auraient
léguées. Elle ne peut plus participer aux affaires de la bande.
Ses enfants ne sont pas reconnus comme Indiens. On leur refuse le droit aux
avantages culturels et sociaux de la communauté indienne. Ce qui est
encore plus pénible, elle peut se voir refuser la permission de
retourner vivre avec sa famille dans la réserve, même si elle est
réduite à la mendicité ou au veuvage, ou encore si
elle
est divorcée. Enfin, on peut lui refuser le droit même
d'être enterrée près de ses ancêtres.
La femme autochtone du Québec est admissible aux mêmes
programmes juridiques que la Québécoise en général.
Connaît-elle l'existence de ces programmes? Peut-elle espérer y
retrouver une solution valable aux problèmes spécifiques auxquels
elle a à faire face? Elle affronte des barrières bien
établies entre "elle" et les services. Ces barrières invisibles,
mais pourtant omniprésentes, sont d'ordre tantôt racial,
tantôt d'ordre sexuellement discriminatoire. Il s'en dégage un
fort sentiment d'infériorité pour ces femmes qui n'osent demander
assistance.
Qu'existe-t-il, au point de vue de la prévention, contre les
situations violentes en milieu autochtone? Présentement, on retrouve
surtout des mesures punitives ou, s'il y a prévention, c'est au niveau
de l'incarcération pour prévenir la violence. C'est
sûrement une situation que d'autres sociétés ne pourraient
accepter.
Des études sont faites concernant les problèmes de drogue
et d'alcoolisme. En ce qui concerne la femme en particulier, les
problèmes de violence à son égard sont "résolus"
temporairement, mais il n'y a pas d'étude, de recherche dans le but
d'améliorer le sort des femmes autochtones dans les milieux des
réserves en particulier.
La revalorisation de la personne elle-même, des activités
d'intérêt social, une amélioration sensible des conditions
présentement défavorables dans le milieu, la recherche collective
d'un but, soit celui de se retrouver comme nation solidaire, autonome,
fière, ce devrait être l'objectif visé par des programmes
spécifiques.
Il faudrait augmenter la diffusion de l'information juridique
auprès des femmes autochtones, comme, par exemple, sur la Loi sur la
protection du consommateur, les rapports de police, les problèmes
juridiques à l'intérieur de la vie du couple, les domaines de la
drogue, de l'alcool, du droit de la famille, etc. (21 h 15)
Mme Saint-Onge: Santé et services sociaux. Dans la plupart
des régions du Québec, que ce soit en milieu urbain ou
éloigné des grands centres, les besoins dans le domaine de la
santé et des services sociaux à la population autochtone sont
aussi nombreux que variés; cependant, très peu sont offerts.
Premièrement, les services médicaux. Dans plusieurs
réserves, aucun médecin n'est présent et les autochtones
de ces communautés doivent couvrir de grandes distances afin
d'être traités adéquatement. Dans les principales villes
des régions, un médecin est désigné d'office pour
s'occuper de la population autochtone. Le choix du médecin,
spécialiste ou généraliste, est inexistant. Il existe
aussi un manque d'information. Comment les femmes peuvent-elles prévenir
la maladie lorsqu'elles ne connaissent pas les différents moyens qui
pourraient améliorer leur état de santé?
Deuxièmement, les services médicaux donnés par les
hôpitaux et les dispensaires. Le transport est inadéquat pour les
cas d'urgence en région éloignée lorsque le traitement en
dispensaire n'est pas possible. Il y a discrimination dans les hôpitaux
régionaux. L'équipement médical est inadéquat dans
plusieurs dispensaires situés dans les réserves. Il y a un manque
de médicaments dans plusieurs dispensaires, une mauvaise communication
entre les services, des problèmes de traduction, c'est-à-dire un
manque d'interprètes, et un manque de prévention à cause
du surplus de travail des infirmières et des travailleurs sociaux.
Troisièmement, les centres d'accueil et les familles d'accueil.
Plus de 4% des enfants autochtones inscrits et plus de 3,5% de tous les enfants
autochtones et identifiés comme tels sont dans des familles d'accueil,
comparativement à 1,33% de tous les enfants canadiens. Nous rencontrons
beaucoup de difficultés avec la Loi sur la protection de la jeunesse.
Dans plusieurs cas, cette loi cause plus de problèmes qu'elle n'en
règle. Il y a une absence complète d'information en ce qui
concerne les enfants d'Indiens ou d'Indiennes n'ayant plus leur statut et un
manque de cohésion entre les différents intervenants sociaux,
c'est-à-dire les conseils de bande, les groupes de citoyens, les centres
de services sociaux, etc. Le manque de compréhension des méthodes
et des politiques des centres de services sociaux est l'un des principaux
facteurs de la faible participation des parents aux décisions affectant
les enfants et aux programmes destinés à les aider. Il y a une
paperasse excessive à tous les niveaux, et un manque de
développement des services tels les services aux jeunes mères,
les services de garderie, les programmes de loisirs culturels et sportifs, les
programmes de prévention sur l'alcoolisme et les drogues, sur la
contraception.
Quatrièmement, l'adoption. Il y a un besoin relativement
important d'information sur la question de l'adoption et son implication
juridique; le statut de l'enfant adopté dans une réserve indienne
n'est pas assez clair; le manque de ressources financières de beaucoup
de femmes les oblige à faire adopter leurs enfants et ne leur permet pas
d'en adopter.
Si beaucoup de problèmes existent en ce qui concerne les services
de santé et les services sociaux dans les communautés indiennes
au Québec, ces mêmes problèmes se multiplient lorsqu'une
femme autochtone se fait "émanciper" par l'application de l'une
des dispositions de la loi sur les Indiens. En effet, elle ne peut plus
bénéficier des services d'ordre général qui sont
offerts aux autres citoyens autochtones "non émancipés",
c'est-à-dire les soins dentaires pour tous, la gratuité des
verres, la gratuité des médicaments, les prothèses pour
handicapés, etc.
Mme Gros-Louis-McHugh: Recommandations. Discrimination. Nous
demandons l'abrogation et ce, rétroactivement, de tous les articles
jugés discriminatoires qui sont contenus dans la loi sur les
Indiens.
Nous demandons que le Parlement, ou l'Assemblée nationale,
affecte suffisamment de fonds de transition afin de permettre que les personnes
rétablies dans leurs droits puissent bénéficier de tous
les services et programmes actuellement offerts aux Indiens inscrits.
Clause d'égalité. Nous demandons le droit à
l'égalité entre hommes et femmes. Nous demandons que ce droit
à l'égalité soit inscrit dans toute charte des droits et
libertés. Nous demandons que tous les droits qui seront garantis par ces
chartes le soient en tenant compte des principes suivants: Premièrement,
le droit à l'égalité entre hommes et femmes;
deuxièmement, le droit à l'égalité en relation avec
les droits législatifs ou tous autres droits, et ce, pour tous les
autochtones du Québec et du Canada; troisièmement, l'abrogation
complète de toute loi provinciale ou fédérale qui ne
respecte pas le principe de ce droit à l'égalité.
Revendications. Traditionnellement, comme les hommes, les femmes avaient
le droit de participer à l'administration de la tribu. Elles pouvaient
choisir les chefs et discuter avec eux; les hommes devaient approuver leur
choix et pouvaient aussi conseiller les chefs. Leurs voix et leurs
responsabilités étaient d'égale valeur. La philosophie
européenne préconisée par les nouveaux arrivants ne
pouvait tolérer que la femme ait les mêmes pouvoirs que l'homme et
se refusait à admettre l'existence d'une entité indienne propre.
Pour eux, priver l'Indien de ses droits et le maintenir dans son état de
tutelle jusqu'à ce qu'il ait progressé suffisamment pour devenir
un citoyen à part entière, c'est-à-dire
émancipé, était considéré comme
nécessaire.
L'Église et le gouvernement entreprirent donc d'imposer à
la population autochtone leur conception de la supériorité de
l'homme. Ils ont réussi. Notre problème aujourd'hui vient de
là. Des siècles plus tard, le monde moderne en est venu à
admettre l'égale importance des femmes par rapport aux hommes dans la
société. Lentement et inexorablement, le Canada se voit contraint
à réviser sa législation et son attitude pour corriger une
erreur perpétuée depuis des siècles.
Les sociétés et les gouvernements reconnaissent enfin que
la femme n'est pas inférieure à l'homme. Maintenant que le reste
du monde s'est rangé au point de vue des Indiens du XVIlIe
siècle, il est strictement ironique de constater que les Indiens
d'aujourd'hui semblent s'accrocher au système absurde qui leur a
été imposé. Nous savons tous que le mur de la
discrimination est en train de s'écrouler et que, d'une manière
ou d'une autre, les mesures d'exceptions à la loi sur les Indiens seront
abrogées au cours des deux prochaines années. L'opinion publique
et une attitude nouvelle forceront le gouvernement à modifier la loi de
façon arbitraire sans attendre le consentement de notre peuple. Si
certaines populations indiennes, voire dans une seule province, consentent
à appuyer une solution juste et équitable, nous saurons du moins
que ces changements découlent de notre volonté.
L'Association des femmes autochtones du Québec sanctionne les
principes qui suivent et est d'avis que tous les Indiens devraient les
approuver pour mettre fin définitivement à la discrimination
à l'égard des femmes autochtones et pour que les droits des
autochtones en général soient maintenus pour ceux qui sont
d'ascendance indienne.
Que, pour s'assurer que le statut et le droit d'appartenance à
une bande ne dépendent pas du statut ou de l'appartenance du mari ou du
père, l'Association des femmes autochtones du Québec demande
l'abrogation de l'article 10 de la loi sur les Indiens;
Que, en supprimant les termes discriminatoires inclus à l'article
11.1c de la loi sur les Indiens, cela permettrait une filiation tant masculine
que féminine;
Que, pour les Indiens, traditionnellement, il n'y a pas d'enfants
légitimes et illégitimes, qu'il n'y a pas de catégories.
Tous sont égaux par le sang. Les articles 11.ld et e, 12.2 de la loi sur
les Indiens doivent être abrogés immédiatement;
Que personne ne devrait devenir Indien par le simple fait du mariage.
L'article 11.1f de la loi sur les Indiens doit être abrogé, car il
suffit que la bande accorde le droit de résidence au conjoint autre
qu'Indien. Pour ce qui est des droits de succession, ils devront être
établis par règlement fait par la bande;
Que l'article 12.1a de la loi sur les Indiens enlève le statut
aux personnes de 21 ans dont la mère et la grand-mère maternelle
ne sont pas des Indiens inscrits de naissance, mais qui ont acquis le statut
d'Indiens du fait de leur mariage. Cette disposition doit être
abrogée dans le plus bref délai et ce,
rétroactivement;
Que chaque bande établisse, au niveau de la bande ou de la
nation, les critères de la bande ou de la nation en ce qui concerne le
degré de sang indien que doivent posséder les personnes
susceptibles d'être inscrites, c'est-à-dire les nouveaux
nés, les enfants placés en adoption, les personnes
transférées, etc. Le Parlement devra affecter suffisamment de
fonds pour que les personnes rétablies dans leurs droits puissent
bénéficier de tous les services et programmes actuellement
offerts aux Indiens inscrits et verser des fonds de transition; au besoin,
d'autres ressources, y compris des terres, des subventions à l'expansion
économique, etc. L'abrogation de l'article 12.1b de la loi sur les
Indiens doit être faite dans les plus brefs délais;
Que l'obligation qui est faite à la femme de cesser de faire
partie de sa bande en certaines circonstances prévues par la loi est une
disposition discriminatoire tant envers les femmes qu'envers les hommes, car il
y a empiétement sur le droit d'une bande à décider de sa
propre composition;
Que l'article 109 de la loi sur les Indiens soit abrogé car
l'émancipation, de par la loi sur les Indiens, est une notion
colonialiste. Le concept tout entier de l'émancipation doit être
éliminé de la loi sur les Indiens ou de toute autre loi
présente ou future.
Nous, les femmes autochtones du Québec, sommes convaincues que
notre proposition est juste et équitable. Elle demande le
rétablissement des femmes autochtones dans leurs droits, vise à
protéger les droits éventuels des Indiens, hommes ou femmes, et
fait en sorte que ces droits ne puissent être acquis par des conjoints
non Indiens, à moins que n'en décident autrement les autochtones
eux-mêmes.
Le Président (M. Rancourt): Nous vous remercions. Je donne
maintenant la parole au premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je vais être bref et tout
simplement souligner que c'est un des mémoires les plus remarquablement
éloquents qu'on ait eus depuis le début de la commission. Je
crois qu'on sera tous d'accord sur cela. Il y a même un certain humour
noir qui, en même temps, est marqué au coin de l'espoir. Cela m'a
frappé quand vous dites que, maintenant que le reste du monde s'est
rangé au point de vue des Indiens du XVIIIe siècle, il est
tristement ironique de constater que les Indiens d'aujourd'hui semblent
s'accrocher au système absurde qui leur a été
imposé.
C'est vrai, en ce qui concerne les droits que vous évoquez avec
beaucoup d'éloquence, les peuples amérindiens, inuits aussi
probablement - j'en suis sûr même -étaient sans doute
très en avance, au XVIIIe siècle, sur les Européens qui
venaient les coloniser. Malheureusement, il s'est établi une relation de
société dominante et certains vices des sociétés
impérialistes ont été transmis comme cela et, aujourd'hui,
restent à corriger.
On a tout de même fait beaucoup de chemin, je crois que vous le
dites aussi. Il en reste beaucoup à faire, mais je me sentirais
gêné si je ne cédais pas très vite la parole, pour
d'autres commentaires ou des questions, aux parlementaires, à nos
collègues féminines qui sont ici. Vous avez très bien
évoqué qu'il y a une solidarité qui s'établit de ce
côté. Je vais m'effacer rapidement, sauf pour rappeler ceci. Si
j'ai bonne mémoire, Mme Gill-Dufour et Mme Gros-Louis-McHugh ont
été les déclencheurs d'une position que notre gouvernement
a prise en ce qui concerne les droits des femmes indiennes en - j'essaie de
retrouver la date...
Une voix: 1980.
M. Lévesque (Taillon): 1980. Je me permettrai simplement
de lire un paragraphe de la fin d'une lettre que j'expédiais une fois
qu'on a été bien convaincus. On a été
fidèles à cet engagement, je crois. "Je tiens à assurer
les femmes indiennes du Québec, qu'elles soient ou non inscrites en
vertu de la loi sur les Indiens et particulièrement celles qui ont perdu
ou qui perdront leur statut par suite de leur mariage avec un non-Indien, que
le gouvernement du Québec les reconnaît toujours comme Indiennes
du fait de leur ascendance et de leur appartenance au milieu
amérindien." (21 h 30)
Quant à nous, sur le plan québécois, c'est une
chose qui est faite et, pour autant qu'on peut l'appliquer, je pense qu'on le
fait. Mais je comprends aussi qu'on doit donner le plus d'appui possible
à ces changements qui sont nécessaires dans les lois
fédérales. On l'a fait, je crois, de notre mieux - même si
on ne pouvait pas signer certaines choses -quand il y a eu la conférence
fédérale-provinciale au printemps. Je peux vous assurer - je
termine là-dessus - qu'on va continuer à le faire et on va peser
de tout le poids qu'on peut avoir pour que ce soit réglé une fois
pour toutes, cette absurdité qui traîne encore dans le
paysage.
Cela étant dit, en vous remerciant beaucoup, je voudrais
céder la parole maintenant à nos collègues du sexe fort.
Est-ce que vous avez des questions, Mme LeBlanc?
Mme LeBlanc-Bantey: Non, je vais laisser Mme Lavoie-Roux...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Mont-Royal.
Mme Lavoie-Roux: II veut seulement souhaiter la bienvenue
à ces gens.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais souhaiter la
bienvenue à l'Association des femmes autochtones du Québec et
dire à ces femmes que j'appuie entièrement les
représentations qu'elles nous font ce soir, qui sont contenues dans leur
mémoire. Et les abus qu'elles ont soulignés en ce qui concerne la
loi sur les Indiens, c'est véritablement un fait, ce sont des abus. Moi,
je n'ai jamais pu comprendre ou accepter l'explication qu'on nous a toujours
donnée, même quand j'administrais cette loi, qu'on ne pouvait pas
faire des changements à certains articles de la loi, mais qu'on voulait
plutôt que les autochtones, que les peuples indiens s'entendent sur tous
les changements à la loi des Indiens avant de faire certains
changements, particulièrement celui que vous demandez. Je sais que cela
a causé beaucoup d'abus, beaucoup d'injustices et j'ose croire que le
temps est venu, comme vous l'avez dit. Je crois que le gouvernement
fédéral ne devrait plus prendre de délai, ne devrait plus
utiliser ces raisons pour ne pas amender cet aspect de la loi sur les Indiens.
Si on ne peut pas s'entendre sur les autres, bien, on attendra. Mais
celui-là, je crois qu'il est impératif qu'il soit amendé
le plus tôt possible et, comme vous le dites, peut-être
rétroactivement, parce que cela a causé trop de
difficultés et trop d'abus sans aucune raison valable.
Alors, je laisserais ma collègue, la députée de
L'Acadie, peut-être vous poser quelques questions sur le mémoire
que vous nous avez présenté.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux
également remercier l'Association des femmes autochtones du
Québec. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que j'ai
l'occasion de prendre connaissance d'un de ses mémoires. Il y en a un
autre auquel déjà je me suis référée
à l'Assemblée nationale et j'y reviendrai tantôt pour faire
le lien avec les représentations que vous faites aujourd'hui.
Je pense qu'il y a un consensus facile autour de cette table quant
à la nécessité que la loi canadienne soit modifiée
pour enlever cet élément absolument discriminatoire et j'ignorais
qu'il avait été... À un moment donné, il
était là pour les femmes et les hommes amérindiens et,
ensuite, on ne l'a remis que pour les femmes indiennes, d'après le
mémoire. J'ignorais ce détail-là.
Le premier ministre a parlé, au cours des audiences que nous
avons eues ici depuis deux ou trois jours, d'un projet de résolution
qu'il doit présenter à l'Assemblée nationale et il a
indiqué qu'il irait même au-delà de ce qui était
contenu dans la charte constitutionnelle. À ce moment-là, je suis
convaincue qu'il va au moins, je ne sais pas dans quelle mesure, faire allusion
au statut particulier des femmes indiennes. Il peut compter sur notre
appui.
Le premier ministre nous a remis -d'ailleurs, vous l'avez incluse dans
votre mémoire - la lettre qu'il vous adressait le 11 octobre 1980,
à laquelle nous souscrivons tout à fait, sauf que, comme on l'a
dit à plusieurs reprises ici, la résolution que
l'Assemblée nationale adoptera touchant les Amérindiens et une
lettre comme celle-ci, au niveau des principes, c'est excellent. Il faudrait
quand même inviter l'Assemblée nationale à faire des
pressions auprès du gouvernement fédéral. On pourrait
joindre nos efforts sans difficulté pour demander, dans le même
sens que les femmes à la Chambre des communes et les femmes au
Sénat l'ont fait, que la loi soit modifiée comme vous
l'indiquez.
Il y a une question que j'aimerais vous poser: Du côté des
Indiens, dans cette modification à la loi en ce qui touche les femmes
indiennes, y a-t-il également une volonté de leur part que
celle-ci soit modifiée dans le sens que vous le demandez?
Do you want me to ask the question in English?
Mme Stacey-Moore: Please, this is...
Mme Lavoie-Roux: Yes. I said: Referring to this will of the
Indian women to have the law modified in the sense that you indicate in your
brief, is there also the same will and consensus among the men in the community
that this be also modified in the way you are indicating us?
Le Président (M. Rancourt): Mme
Stacey-Moore.
Mme Lavoie-Roux: Because sometimes here the women want something
but the men do not necessarily want it, even in terms of legislation, let us
face it.
Mme Stacey-Moore: That is certainly true, but I think that it has
been sometime that the Québec Native women Association has been working
towards changing those attitudes. Attitudes are basically changed by providing
information and by discussions with those reserves or bands concerned.
Attitudes are changing and we are finding that we have a lot more support.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Cela n'est pas
encore une volonté aussi complète de la part des hommes
que cela l'est déjà chez les femmes.
It is not so unanimous with the men...
Mme Stacey-Moore: There are still some men who fear the fact that
we could be equal, but I think that it is just a matter of information and a
matter of trying to soothe some of the fears and some of the misconceptions
that the bands have about the women wanting to go back to the reserves and the
women wanting to... They are also afraid because of the limited resources that
they have. They are afraid that there is going to be this mass of influx of
women on the reserve, while, in many cases, the women who have lost status have
set up outside that community and have their own home, and there are many who
do not see themselves returning to the reserve in terms of more land and a more
financial strain on the reserve. There are however, and it is not a fact that
we are going to hide, a great deal of women who do wish to return to the
reserve. So, the situation is not so bad as most people seem to think it
is.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, je faisais
référence au mémoire que vous aviez présenté
au ministère de la Santé et du Bien-Être social le 20
août 1980: Les services de santé, un problème crucial chez
la population autochtone du Québec. Aujourd'hui, dans votre
mémoire, vous y faites encore allusion, mais d'une façon beaucoup
plus succincte. J'aimerais vous demander si, à votre connaissance, les
statistiques étant quand même très accablantes quant au
taux de mortalité infantils et à la longévité des
femmes, vous avez de nouvelles statistiques. Avez-vous des modifications?
Est-ce qu'il y a eu des améliorations?
Le Président (M. Rancourt): Mme Saint-Onge.
Mme Saint-Onge: Oui. Nous n'avons pas fait de nouvelles
études sur la situation des femmes en ce qui concerne la santé.
Cependant, nous savons que le problème est toujours le même, que
les femmes ont toujours un niveau de vie très difficile et que nous
devons offrir à ces femmes - nos soeurs, en fait - de l'aide et de
l'information.
Quant aux statistiques, je ne sais pas si elles ont changé. Je
pense que cela peut être vérifié, tant au niveau de la
santé des femmes que du taux de mortalité des enfants. Ceci peut
être vérifié, mais je ne sais pas si les statistiques ont
vraiment changé ou s'il y a amélioration.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Un problème que vous souleviez à
ce moment et qui était assez aigu, c'était le problème des
services d'interprétation qui étaient mis à la disposition
des femmes ou des familles, quand elles se présentaient au dispensaire,
à l'hôpital, et qui faisait qu'on pouvait même subir des
interventions chirurgicales sans être adéquatement informé
de ce qui allait arriver. Il y a même eu en certaines occasions des
interventions qui n'auraient peut-être pas été faites si
les femmes avaient été mieux informées ou si on avait
donné des services d'interprétation plus satisfaisants. Est-ce
que cette situation a été corrigée? C'était l'objet
d'une bonne partie de votre mémoire et cela remonte quand même
à seulement trois ans.
Mme Saint-Onge: Le problème est encore le même. Je
sais qu'au niveau des dispensaires, dans les réserves, il y a toujours
quelqu'un pour accompagner les malades, autant les femmes que les hommes, mais
surtout les personnes âgées. Le problème peut être
corrigé parce qu'il y a toujours des personnes bilingues qui peuvent les
accompagner.
Le problème se situe au niveau des personnes qui sont
obligées d'aller dans les hôpitaux, en milieu urbain la plupart du
temps, et qui se retrouvent dans des centres comme Québec ou
Montréal, ou d'autres villes; elles se retrouvent vraiment seules. C'est
vrai qu'il y a des services de traduction et d'interprète, mais
l'interprète ne reste pas 24 heures avec la personne dans les
hôpitaux. Quand une personne âgée, malade, unilingue, se
retrouve à l'hôpital sans moyen de communiquer avec les personnes
qui la soignent et qui l'aident, le problème est très difficile
autant pour elle que pour les personnes qui la soignent. Étant
donné qu'il n'y a aucun moyen de communiquer, comment demander à
une personne âgée ce qu'elle veut? Si elle préfère
du thé ou -du café, elle ne pourra pas le dire.
C'est là seulement un détail de confort. Quand ces
problèmes se situent au niveau de la santé et des interventions,
comment expliquer à une personne âgée unilingue quelle
sorte d'intervention elle va avoir ou de quelle façon prendre des
médicaments, ou quoi que ce soit? Elle ne peut comprendre et on ne peut
le lui expliquer. Pour une personne âgée - toujours unilingue -
qui se trouve à l'hôpital déjà coupée de son
milieu, déracinée, les chances de - j'allais dire de survie, mais
ce serait peut-être un peu fort - bien-être et de retour à
la santé sont plus
difficiles. Je pense qu'il y a des situations que l'on peut retrouver
qui sont très difficiles pour les personnes unilingues.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de L'Acadie. (21 h 45)
Mme Lavoie-Roux: II y a également un grand nombre d'autres
problèmes que vous soulevez, mais je ne veux pas les reprendre. Je veux
simplement vous dire que ces données que nous avions reçues par
le truchement de votre mémoire nous avaient été
très utiles pour essayer de faire des représentations en votre
nom à l'Assemblée nationale. Je pense qu'au moins les contacts
que vous pouvez garder sur une base plus régulière avec tous les
membres de l'Assemblée nationale... Disons que les femmes font
peut-être un meilleur suivi. Cela peut être utile dans le sens de
demander une action qui autrement serait beaucoup plus lente. Vous mentionnez
dans votre mémoire, par exemple, certaines lois comme la Loi sur
l'adoption, en particulier. Vous parlez de la Loi sur la protection de la
jeunesse - je pense que j'y ai fait référence hier
après-midi - des lacunes au point de vue des services dans la langue de
la famille, des mesures qui sont prises pour la protection de l'enfant ou, si
c'est un enfant qui est "délinquant", des mesures de réinsertion
sociale qui sont souvent très mal adaptées à la
réalité de la vie de vos communautés.
Il y a eu des recommandations de faites dans ce sens-là. Hier,
nous rappelions au gouvernement d'agir dans le sens des recommandations qui
étaient dans le rapport de la commission spéciale sur la
protection de la jeunesse. Justement, je vois un des membres de la commission
qui est ici ce soir, M. le député de Rousseau. Je pense
qu'à toutes ces représentations que vous pouvez faire, nous
essayons ici d'y donner un suivi.
En terminant, je voudrais vous dire combien nous sommes sensibles
à vos représentations. Peut-être que déjà
nous-mêmes, nous faisons des représentations pour l'ensemble des
femmes du Québec. Je ne pense pas aux femmes qui sont à
l'Assemblée nationale; celles-là ont peut-être des
problèmes, mais ce ne sont pas vraiment des femmes avec des
problèmes majeurs. Dans l'ensemble du Québec, il y a beaucoup de
femmes qui connaissent des problèmes très sérieux. Je suis
sûr que les vôtres sont probablement juste un peu plus
sérieux et un peu plus graves. Je mets de côté les
problèmes de discrimination dont on a parlé et qui vous touchent
d'une façon toute particulière. Je sais que ces problèmes
se répètent de la même façon chez vous, mais souvent
d'une façon plus grave. Dans ce sens-là, je puis vous assurer que
vous trouverez ici, chez les femmes de l'Assemblée nationale - je ne
ferai pas de discrimination - et chez l'ensemble des collègues de
l'Assemblée nationale, un désir d'essayer de contribuer à
trouver des solutions.
Je voyais des suggestions que vous faisiez du côté de
l'emploi, du recyclage ou de la formation des femmes. C'est déjà
difficile pour l'ensemble des femmes du Québec et les solutions ne sont
pas toujours faciles. Je pense que c'est un problème très
réel auquel on doit continuer de s'appliquer à trouver des
solutions, peut-être en étant plus sensible aux situations parfois
beaucoup plus difficiles que les femmes de votre communauté vivent. Je
vous remercie.
Le Président (M. Rancourt): Avez-vous une réaction?
Mme Dufour.
Mme Gill-Dufoun J'aimerais peut-être réagir aux
propos de Mme la députée. Quand elle mentionne qu'il y a beaucoup
de difficultés, de discrimination au niveau de la femme
québécoise, je partage son idée. Ce que la femme
autochtone subit comme discrimination...
Mme Lavoie-Roux: C'est beaucoup plus grave.
Mme Gill-Dufour: ...je pense que c'est le double. Ce n'est pas
seulement au niveau du sexe, mais aussi au niveau racial. Il y a double
discrimination. Je pense qu'il n'y a pas une femme au monde - au monde, je dis
bien - qui est dans la même situation que la femme autochtone du
Québec. J'aimerais peut-être ajouter cela pour ceux qui ne
connaissent pas la double discrimination. Souvent on va faire des comparaisons.
Je pense que c'est doublement discriminatoire. C'est pour cette raison qu'on
réagit. Merci.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, merci.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
des Îles-de-la-Madeleine, avant de vous donner la parole, je suis
sûr que j'aurai le consentement des membres de cette commission pour que
vous soyez officiellement inscrite comme intervenante à cette
commission. Est-ce qu'il y a consentement?
Mme Lavoie-Roux: Oui. Nous sommes honorés de sa visite,
d'ailleurs.
Le Président (M. Rancourt): Donc, Mme Denise
LeBlanc-Bantey des Îles-de-la-Madeleine est inscrite comme intervenante.
Mme la ministre de la Fonction publique.
Mme LeBlanc-Bantey: Merci, M. le Président. Je remercie
mes collègues de leur générosité...
Mme Lavoie-Roux: De notre accueil, pas de notre
générosité.
Mme LeBlanc-Bantey: ...de leur accueil. Bonsoir, mesdames. Je
dois vous dire que c'est la première fois que j'ai l'honneur de vous
rencontrer. J'ai certainement, à cet égard, moins de
spécialité dans le dossier que ma collègue de L'Acadie.
J'aimerais cependant faire un certain nombre de commentaires. Je dois vous dire
que j'ai trouvé votre mémoire extrêmement troublant,
même émouvant. C'est encore le genre de termes que les femmes se
sentent à l'aise d'utiliser. Je ne dirai pas que je l'ai trouvé
convaincant - je ne crois pas que vous ayez à être convaincues -
mais s'il y en a encore dans cette salle qui avaient besoin d'être
convaincus, j'espère qu'ils l'ont été parce que votre
mémoire était extrêmement bien articulé et
convaincant.
Je voudrais particulièrement revenir sur l'aspect de la
discrimination chez les femmes indiennes qui se marient avec des non-Indiens.
C'est peut-être - comme vous l'avez souligné - une discrimination
qui est beaucoup plus vexatoire que l'ensemble des discriminations qu'ont
à subir la majorité des Québécoises. Je lisais
votre mémoire et je vous écoutais et je me disais que les femmes
au Québec - M. Lévesque le rappelait lui-même - ont encore
un long chemin à parcourir. On a fait un certain nombre de
progrès et il nous reste des batailles à continuer
régulièrement, mais j'avais l'impression que, pour les femmes de
ma génération, vous partiez de beaucoup plus loin que moi et
d'autres femmes au Québec avons eu à partir pour tenter de faire
reconnaître une certaine égalité entre l'homme et la femme,
que ce soit la reconnaissance sur le marché du travail ou d'autres
droits que les Québécoises ont tenté de revendiquer au
cours des années. Tout au moins, il me semble que nous n'avons jamais eu
à vivre ce genre de discrimination.
Mme la députée de L'Acadie vous a posé une question
à la suite de la reconnaissance par le gouvernement du Québec que
les Indiennes demeuraient Indiennes peu importe le genre de mariage qu'elles
contractaient. On a fait allusion à la charte québécoise,
on a fait allusion à la charte canadienne et Mme la
députée de L'Acadie vous disait que, finalement, votre sort est
entre les mains des leaders des communautés auxquelles vous appartenez,
ces leaders qui sont - je ne sais pas si c'est complètement unisexe -
certainement en très grande majorité masculine. Vous avez
répondu en disant que, dans le fond, vos hommes - de la même
façon que les nôtres -ont progressé tranquillement; ils
s'habituent peut-être à l'idée que les femmes indiennes ne
sont pas discriminées quand elles marient un non-Indien par rapport
à un Indien qui marierait une blanche. Vous avez répondu en
disant qu'ils craignent ou que ce qui les inquiète, c'est le nombre de
femmes qui pourraient être concernées par une mesure qui abolirait
la discrimination. C'est l'aspect économique.
Sur le plan des mentalités psychologiques ou sur le plan des
préjugés, est-ce que vous, en tant que femmes qui êtes
visées par cette discrimination, vous avez espoir de la même
façon que nous, les femmes de la majorité
québécoise, avons espoir qu'un jour nos vis-à-vis de
l'autre sexe comprendront spontanément certaines réalités?
Est-ce que vous avez espoir que vos hommes, spontanément, un jour et
à court terme ou à moyen terme, seront à côté
de vous pour demander des changements aux lois qui provoquent dans les faits
cette discrimination? Est-ce que vous sentez qu'ils évoluent assez
rapidement pour permettre aux femmes de votre génération de voir
le changement se réaliser, et venant des hommes, ou si vous pensez que
la façon de régler le problème serait de leur imposer ces
changements?
Mme Gros-Louis-McHugh: Je vais répondre à madame.
Je pense que le changement se fait lentement, mais il se fait. Nous avons eu un
geste qui a été fait par des leaders indiens lors de la rencontre
avec le "task force" qui a été formé, le groupe de leaders
indiens et d'associations qui se sont réunis pour la préparation
de la conférence constitutionnelle qui a eu lieu à Ottawa. Il y a
eu une prise de position favorable à la clause de
l'égalité parmi les chefs indiens qui étaient à ces
assemblées; ils ont accepté d'inclure la clause de
l'égalité. Alors, en principe, ils acceptent qu'il y ait un
changement; on ne le leur impose pas. Ils sont d'accord avec le principe de la
clause. Il y a encore beaucoup de travail à faire, car certains chefs un
peu plus radicaux n'acceptent pas tout à fait que les femmes reprennent
leur statut, celles qui l'ont perdu, mais on pourra sûrement
réussir à les convaincre par la force des choses.
Mme LeBlanc-Bantey: Si je comprends bien, vous avez espoir que
l'ensemble de vos chefs ou dirigeants accepterait finalement
l'égalité des hommes et des femmes dans vos lois avant qu'une
charte quelconque vienne le leur imposer.
Mme Gros-Louis-McHugh: Cela s'est fait, Mme la
députée; il y a justement quelques bandes indiennes qui l'ont
fait. Elles ont demandé la suspension de l'article 12.1b, ce qui s'est
fait dans certaines communautés indiennes du Canada. Entre autres, au
Québec, il y a des chefs qui l'ont fait.
Mme LeBlanc-Bantey: Quand vous
parlez de certaines bandes indiennes, proportionnellement à
l'ensemble - je ne sais pas si je devrais poser la question - sont-elles
majoritaires? En fait, quel est le rapport de forces entre...
Mme Gros-Louis-McHugh: Dans tout le Canada, 75 bandes indiennes
ont demandé la suspension de l'article 12.1b de la loi.
Mme LeBlanc-Bantey: Sur combien?
Mme Stacey-Moore: How many Indian Bands?
Mme Gros-Louis-McHugh: Yes.
Mme Stacey-Moore: There are 588 Indian Bands and 75 have asked
for exemption.
M. Lévesque (Taillon): Cela avance! Une voix:
Tranquillement, pas vite!
Mme LeBlanc-Bantey: J'ai envie de vous demander...
Une Voix: 12%!
Mme LeBlanc-Bantey: ...de quelle façon on pourrait vous
aider. Est-ce que nos groupes de femmes pourraient vous aider à faire
progresser la cause rapidement? Je ne le pense pas. En tout cas, cela s'en
vient, si je comprends bien. Je dirais presque que votre espoir est
proportionnel à celui de l'égalité en emploi
complète dans la fonction publique québécoise. On
évalue, au rythme où nous allons...
Une voix: ...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Mme LeBlanc-Bantey: ...non, non, on va voir si cela se
mesure.
Si on regarde l'historique, des fois, ce n'est pas si mal. On
évalue que cela va nous prendre, à nous les femmes, dans la
fonction publique québécoise, au rythme où nous sommes
parties - j'espère qu'on va réussir à
l'accélérer - environ 40 à 45 ans pour atteindre
l'égalité parfaite.
Est-ce que votre espoir est plus rapide que celui-là?
Une voix: Oui.
Mme Gros-Louis-McHugh: Oui, on espère que cela se fera
dans un temps beaucoup plus court, parce que notre population vieillit
aussi.
Mme LeBlanc-Bantey: Alors, si je comprends bien, si nous ne
réussissons pas avant vous, nous aurons besoin de vous pour nous aider
à accélérer les événements dans le secteur
de l'égalité en emploi au Québec.
Ma deuxième question est la suivante. Cela m'a un peu surpris;
actuellement, si j'ai bien compris encore une fois, si un Indien se marie avec
une Blanche, la Blanche acquiert le statut d'Indienne, ce qui n'est pas le cas
pour les femmes. Vous recommandez que ni l'un ni l'autre des conjoints
n'acquiert le statut d'Indien, à moins que la bande n'en décide
autrement. Est-ce qu'il y a une raison pour suggérer cela? On
s'attendrait naturellement non pas que ceux qui ont le statut le perdent, mais
que les femmes l'obtiennent, alors que vous, vous dites que personne ne devrait
l'avoir et la bande décidera. Est-ce qu'il y a une raison à
cela?
Mme Gros-Louis-McHugh: Oui.
Le Président (M. Rancourt): Mme
Jocelyne Gros-Louis-McHugh.
Mme Gros-Louis-McHugh: Je pense qu'il est important que le statut
d'Indien ne soit pas accordé à des gens comme ça, qui
arrivent, qui veulent faire partie d'une population. Si on l'a fait dans le
passé, ce n'est peut-être pas à la demande des Indiens,
mais parce qu'il y avait des lois. Si on veut en décider autrement, ce
sera la population autochtone, les membres des nations, des bandes indiennes
qui le feront à leur demande. Mais on ne veut plus que ce geste se
répète parce qu'on nous l'a imposé par une loi. Nous
voulons simplement garder la population indienne comme telle. Nous ne demandons
pas qu'on nous accorde un statut spécial. (22 heures)
Le Président (M. Rancourt): Mme la ministre.
Mme LeBlanc-Bantey: Qu'arrive-t-il dans le cas des enfants
nés de ces mariages entre Indiens et non-Indiens? Est-ce que les enfants
ont automatiquement le statut d'Indien selon vos revendications?
Mme Gros-Louis-McHugh: Oui, selon les revendications des femmes
autochtones, nous demandons que le statut se transmette aux enfants, qu'ils
soient de père indien ou de mère indienne.
Mme LeBlanc-Bantey: Ma dernière question est la suivante.
Le gouvernement du Québec, par la voix du premier ministre, en 1980, a
reconnu finalement l'égalité des hommes et des femmes en ce qui a
trait au mariage avec des non-Indiens. Il y a la charte
québécoise qui établit l'égalité des droits,
en tout cas tout au moins en théorie, entre les hommes et les femmes.
Dans les
faits, nous aurons à continuer à nous battre pour
être bien sûres que cela se réalise, mais quand même
la charte établit le principe.
Sur le plan de la discrimination dont vous êtes victimes -
là, je n'engage pas le premier ministre, on verra, on fera nos batailles
après - est-ce qu'il y a encore des gestes que peut poser le
gouvernement du Québec dans ce sens? Parce que, quand on lit votre
mémoire, on a l'impression que vous êtes finalement très
satisfaites de la position qu'a prise le gouvernement du Québec depuis
un certain nombre d'années sur ce point, qui finalement est un des
thèmes majeurs de votre mémoire. Est-ce qu'il nous reste encore
des gestes à poser ou est-ce qu'on peut vous aider d'une façon
quelconque à faire progresser le dossier?
Le Président (M. Rancourt): Mme Gail Stacey-Moore.
Mme Stacey-Moore: As far as the equality clause and the support
that we can look for from the Québec Government, a part of the problem
that we are now having with the present accord, is that the wording that was
used in this accord - the March 1983 accord, in Ottawa - did not go far enough
in that it refers to existing treaty and aboriginal rights and does not include
legislative or other rights, so, when the Québec Government puts a
resolution forth to the National Assembly for acceptance, I would like to see a
clarification in that area.
Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Would you spell it out a little bit
more? What kind of clarification, you know, thinking out loud, let us say?
Mme Stacey-Moore: Pardon me?
M. Lévesque (Taillon): What kind of clarification or
spelling out would you see?
Mme Stacey-Moore: You mean in terms of the exact wording?
M. Lévesque (Taillon): Yes, more or less.
Mme Stacey-Moore: I think we can negotiate that from now until
the end of December. The idea is to include... When you spoke, you said: The
minimum that you would be willing to look at was an accord that was similar to
the one in Ottawa, but also that you would perhaps... or maybe there would be
more. So, I am addressing the "more" right now. What I would like to see is the
inclusion of legislative and other rights very clearly in the resolution that
is going to be put forth and that covers the equality clause as well as any
aboriginal treaty.
M. Lévesque (Taillon): It is agreed already that we will
consult on that. At least, we will consult, so we will see if we can satisfy
the request you are making. Okay?
Mme Stacey-Moore: Okay.
Le Président (M. Rancourt): Mme Gill Dufour a tout
à l'heure demandé la parole.
Mme Gill-Dufour: J'aimerais peut-être réagir
à la première question que Mme la députée a
posée tout à l'heure, lorsqu'elle a demandé ce que nous
pensions de la position de nos leaders indiens. Je pense que, du fait que les
leaders indiens ont fait comme nous pendant ces derniers jours,
c'est-à-dire se déplacer pour venir ici à Québec,
l'autorité et le pouvoir ne sont pas que dans les mains de nos leaders
indiens, parce que je pense qu'il y aurait peut-être déjà
des choses d'améliorées ou de changées. Souvent, on leur
dit: Qu'est-ce que vous attendez pour faire quelque chose, pour faire des
pressions? Cela fait des années et même un siècle que nous
vivons cela. Et souvent, on nous répond: Ce n'est pas nous qui avons
cassé les pots. Je pense que la loi sur les Indiens n'a pas
été écrite par les Indiens eux-mêmes et toutes les
lois que nous retrouvons au Québec, à ma connaissance, on n'a pas
eu tellement de choses à dire et nous n'avons même pas eu un mot
à ajouter dans ce qui se passait pour nous. Je vous repose la question:
Est-ce que prendre position relève seulement de nos leaders indiens? Je
pense que, tout de suite, vous allez me donner la réponse: Non, c'est
l'autorité ou les gouvernements qui doivent appuyer et créer des
mécanismes pour que les leaders indiens prennent position afin de
régler cela ou de donner justice à la femme autochtone du
Québec.
Le Président (M. Rancourt): Mme la ministre de la Fonction
publique.
Mme LeBlanc-Bantey: Je voudrais seulement terminer en disant que
je posais ma question dans le sens suivant: C'est vrai que cela ne
dépend pas que de vous ou des leaders indiens, sauf que, quand il y a
une solidarité très forte entre les groupes, cela aide
très souvent les gouvernements à agir, quels qu'ils soient. Je
voudrais terminer en vous disant que je suis très heureuse d'avoir pu
participer ce soir à cette rencontre. Il est clair qu'à l'instar
de ma collègue qui a parlé, nous aurons beaucoup de
sensibilité et nous essaierons - ma collègue nous y a
invitées...
Mme Lavoie-Roux: À faire un petit front commun.
Mme LeBlanc-Bantey: ...de faire un petit front commun à
l'Assemblée nationale en ayant l'espoir que les hommes, à
l'instar des femmes, dans ce dossier seront comme la situation le commande,
au-dessus de toute partisanerie politique.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. I would like to ask you a couple of
questions around your section on education. At the bottom of the first page on
education, you have insisted that: "L'éducation ne semble pas être
conçue à partir des caractéristiques de cultures." I think
that you' are facing a dilemma. I am trying to find out exactly what you are
asking here in terms of an education appropriate to your children that reflects
your values and your culture and I noticed, in the previous brief that we
received from the Alliance, that in his recommendations around education, she
was asking really a complete control of education and perhaps, although it was
not explicitly mentioned, a separate system of education to reflect the values
of your culture. What do you see in this regard? Do you think that you might
take the existing curriculum in Québec schools and superimpose or add
another dimension which reflects your culture and your values? Is it possible
or is there too much of a conflict, a fundamental conflict in values so that,
in another words, you would be ending up with the least common denominator or
is it possible that some sort of a combination or an addition to the present
curriculum could allow you to end up with the best of both worlds? Do you
understand what I am saying? Are you demanding your own schools in which you
conceive and develop your own curriculum or is it possible to find a modus
operandi starting with the present curriculum and adapting it to your
needs?
I would just like to add that I think that this same question is being
asked by many peoples in Québec. It is the same question that the Greek
People are asking, that many Jewish People are asking, that Italian People are
asking and even I could tell you, as an English person in Québec, that
we have - not to the same degree, perhaps - a feeling, a sensitivity to what
you are talking about because very often we, English, receive a translation of
a curriculum that has been developped for Franco-Québécois
values.
We know, we understand the problems that other people, other cultures,
people of other backgrounds are feeling. So, I just want to know what you see
in this regard. What is the answer?
Le Président (M. Rancourt): Mme Marthe Gill-Dufour.
Mme Gill-Dufour: J'aimerais répondre à cette
question, étant donné que je travaille dans les dossiers de
l'éducation depuis plus de vingt ans, aux Affaires indiennes,
près des Amérindiens. J'ai pu voir les résultats qu'ont
donnés les écoles québécoises. Je pense qu'on n'est
pas ici pour se faire des compliments, on est ici pour se dire la
vérité. Alors, c'est un échec total. Pourquoi? Je pense
que tout peuple ne peut accepter de se faire imposer des valeurs ou quoi que ce
soit par une nation autre que la sienne. J'ai toujours pensé qu'il y a
un grand principe en pédagogie: II faut partir des choses connues pour
aller vers l'inconnu. On a fait l'inverse chez les Amérindiens. On a
essayé de leur inculquer nos belles théories sans même les
consulter et on est peut-être même allé au-delà de
leurs aspirations. Je pense que c'est un système erroné.
Si on veut une société forte, un peuple avec une
éducation selon son modèle, il faut lui laisser le pouvoir et les
moyens de décider de son propre programme d'éducation. C'est
d'ailleurs ce qui se passe dans plusieurs réserves du Québec
présentement: elles ont leur propre programme. Je suis convaincue
à l'avance que les résultats ne peuvent être pires qu'ils
l'ont été il y a quelques années. Je suis confiante, je
trouve cela très normal et très humain. L'éducation, c'est
la base fondamentale d'un peuple. On transmet les choses qu'on a et non pas les
choses qui nous sont transmises par d'autres. S'il y a survie d'un people,
c'est l'éducation qui sera sa planche de salut, à mon avis.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Vous envisagez un système
créé, conçu par les Indiens, basé sur vos valeurs
et votre culture. Vous croyez qu'un système qui essaie d'ajouter une
dimension autochtone à un autre, que les deux valeurs ne sont pas
conciliables. Est-ce là votre conception?
Mme Gill-Dufour: À la base, aux cours primaire et
secondaire, je crois primordial que ce soient les valeurs uniques du peuple
autochtone, parce qu'il y a beaucoup de choses à communiquer à
notre jeune génération: les coutumes, les traditions. Si
quelqu'un s'intéressait à la possibilité de concilier les
deux programmes vers des études plus avancées, aux niveaux
collégial et universitaire, il y aurait certainement des
chances de succès, étant donné le côté
financier. L'idéal, en toute honnêteté, serait d'implanter
un système indien tout au long de la formation de nos jeunes. Ce serait
vraiment le secret de la survie de notre peuple autochtone.
Mme Dougherty: Avez-vous fait des représentations,
avez-vous eu des contacts avec le ministère de l'Éducation
à cet égard?
Mme Gill-Dufour: Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu
d'échanges. Il y a actuellement des études qui sont faites, il y
a des Indiens des réserves du Québec qui ont leur propre
système d'éducation; ils sont maîtres de leur
éducation. Il faudra peut-être attendre un peu pour
connaître les résultats. Le vrai système devrait être
un système fait par les Indiens et pour les Amérindiens.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de Jacques-Cartier. (22 h 15)
Mme Dougherty: Deuxième question. Dans votre
mémoire, vous avez dit: Les politiques d'éducation sont trop
rigides pour les besoins de certains milieux et les programmes de recyclage et
de formation aux populations adultes dans nos différentes
communautés souvent ne répondent pas toujours à la
réalité présente. Pourriez-vous expliciter un peu cette
rigidité dont vous parlez?
Mme Gill-Dufour: Je peux prendre seulement un exemple pour ne pas
non plus prendre trop de temps pour répondre. Prenons seulement la
norme, le ratio, chez les Amérindiens présentement. On exige
soi-disant 1-20, et les enfants sont d'une langue seconde; on doit leur
enseigner en français. Vous imaginez que, déjà au
départ, il y a de grosses frustrations quant au niveau
ratio-élèves, parce que le contexte n'est pas celui de toutes les
écoles du Québec. On a affaire à des populations dont la
langue maternelle est une langue algonquine ou différents dialectes. Il
faut maintenir à la base que c'est un ratio, et il faut l'appliquer pour
avoir le nombre d'enseignants voulu. C'est un exemple, et je pourrais en citer
plusieurs autres.
Le Président (M. Rancourt): Mme la député de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Mais vous avez parlé aussi des programmes
de recyclage et de formation des adultes.
Mme Gill-Dufour: Quand on parle de programme de recyclage pour
les adultes, il faudrait encore que ce soit adapté aux populations,
parce qu'un programme de recyclage en milieu non-indien est différent de
celui en milieu amérindien. Les modèles qu'on nous
présente dans le moment sont inadéquats pour les populations
autochtones.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Êtes-vous d'accord? Appuyez-vous les
recommandations faites par l'Alliance? Elle a recommandé ceci: Que le
gouvernement du Québec et les ministères concernés, de
concert avec notre association, organisent dans les communautés des
sessions d'information sur les besoins et ressources du milieu, les
possibilités de formation et d'accès au marché du travail.
Cette recommandation va-t-elle dans le sens que vous avez indiqué?
Mme Gill-Dufour: Je pense que oui en ce qui concerne le
début de la recommandation. Pour la fin, je ne sais trop, je n'ai pas
trop saisi de quoi il est question en ce qui concerne le marché du
travail. Pour la première partie, je pense que oui, il doit y avoir des
consultations, de l'information pour savoir ce que les gens veulent, afin de
répondre à leurs besoins et non pas apporter les besoins de
l'extérieur.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Rancourt): Ce qui termine, je crois,
l'audience sur le mémoire. Je crois que M. le député de
Mont-Royal veut intervenir.
M. Ciaccia: Oui.
Le Président (M. Rancourt): C est terminé. Nous
sommes rendus aux remerciements.
M. Ciaccia: Je voudrais remercier l'Association des femmes
autochtones du Québec pour son mémoire. Je crois que nous faisons
l'unanimité à cette commission parlementaire sur les
revendications que vous nous avez soumises.
Nous sommes prêts à vous appuyer dans vos démarches.
Cependant, il faut réaliser, quand on dit qu'il y a seulement 75 bandes
qui ont approuvé votre position sur environ 580 dans tout le Canada qui
représentent 2200 réserves aussi dans tout le Canada, que les
mentalités ont été forcées par le gouvernement par
les avantages que les programmes du ministère des Affaires indiennes
donnent aux réserves. Il y a une crainte évidemment qu'en
augmentant remarquez bien que cela ne justifie pas la position prise dans la
loi, la clause dans la loi - les bénéficiaires, cela va
réduire les
avantages pour d'autres. Il faudrait que cette mentalité et les
politiques du ministère soient changées aussi, en plus de
s'assurer que vos droits d'égalité sont assurés dans la
charte.
Le Président (M. Rancourt): Mme Gail Stacey-Moore.
Mme Stacey-Moore: Yes, I would just like to add the fact that 75
bands have applied for exemption does not mean that they are the remainder of
the bands that have not applied. People on that reserve do not support the fact
that article 12.1b should be removed.
Le Président (M. Rancourt): Cela va, M. le
député de Mont-Royal?
M. Ciaccia: I am glad that you make that precision. Thank
you.
Le Président (M. Rancourt): Mme Gill-Dufour, vous aviez
fait signe que vous vouliez...
Mme Gill-Dufour: Si vous me permettez, avant de terminer,
j'aimerais peut-être partager avec vous et surtout les gens qui sont dans
les communications, qui transmettent cette information à tout l'ensemble
de la société québécoise, les quelques lignes qui
vont suivre. Cent ans d'existence, neuf ans de regroupement en association, nos
grand-mères, nos mères, nos filles tiennent encore le coup et
sont encore les piliers des nations autochtones. Malgré toutes les
injustices qui leur sont causées, nos grand-mères sont la source
de notre inspiration, notre premier guide dans la vie. C'est d'elles que nous
apprenons notre culture. Elles ont maintenu l'unité et le courage
jusqu'à ce jour. Si nous continuons de fermer les yeux sur leurs
problèmes, que deviendra notre société autochtone?
Il faut éliminer toute division inutile entre nous car nos
petits-enfants devront le faire et on peut se demander si nous
mériterons alors à leurs yeux l'honneur et le respect qui doivent
aller aux anciens. Nous demandons donc à nos frères indiens de
poser un geste d'appui concret afin que cesse pour toujours ce génocide
de notre nation, car, en éliminant la femme, on élimine son
enfant, donc, le peuple autochtone en général.
Avant de terminer, j'aimerais demander à tous les gens dans cette
salle de réfléchir quelques instants sur la situation que nous
vivons chaque jour depuis un siècle: le rejet. Est-il possible qu'une
société éduquée puisse tolérer davantage
cette indignation causée à la femme autochtone vivant dans leur
société? Aucune nation n'a à subir les injustices que nous
vivons chaque jour et cela ne se fait pas sans peine et sans tristesse,
croyez-moi. Mais le courage de nos anciens nous a protégés
jusqu'à ce jour du désespoir. Notre battement de coeur est fort
car nous avons continué d'aimer, de nourrir, de soigner, de guider et
d'éduquer les enfants malgré tous les déchirements
émotionnels que nous avons eus à vivre. Mais le temps passe et
nous vieillissons, comme disait Jocelyne, tout à l'heure. Nous sommes
inquiètes et confiantes, en même temps, que nos autorités
gouvernementales inscrivent dans leurs lois et chartes, en gros
caractères, l'égalité, sur tous les aspects pour les
autochtones sans tenir compte du sexe.
Merci, M. le premier ministre de nous redonner notre place au soleil,
comme au début de notre existence. Par ce moyen, avec toutes nos soeurs
autochtones du Canada, nous pourrons travailler au développement complet
de notre société. J'aimerais demander à ma compagne, Gail,
de peut-être vous lire la résolution que nous voudrions vous
laisser à la commission parlementaire. Merci.
Le Président (M. Rancourt): Mme Gail Stacey-Moore.
Mme Stacey-Moore: There is just one other thing that I would like
to add, before I go into the resolution. We have participated fully with the
Québec task force and have been a part of it since its inception, and we
fully endorse the position paper that was tabled here at this commission at the
beginning of the hearings. I will go on by reading the resolution. As
Québec Native women, we fully endorse the aspirations and steps taken by
the Québec task force, be resolved that furthermore the Government of
Québec support the inclusion of a clause in their resolution to the
National Assembly of Québec to the effect that in regard to Aboriginal
rights to be included in the Canadian Constitution, it be conceived in such a
way that it will habilitate and bind the different levels of Government,
federal, provincial, territorial and other, to meet their obligations and to
answer the needs past, present and future of the Native women of
Québec.
Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): I will just repeat what was said
unanimously here. We all agree on a basic requirements that your
resolution sets out.
De nouveau, on vous remercie beaucoup. On va faire tout ce qui est
possible pour prolonger au-delà du Québec... Au Québec, on
peut vous donner notre engagement, on l'a déjà donné,
à savoir qu'à l'intérieur des pouvoirs dont on dispose on
va
réaliser cette égalité que vous demandez. Mais je
sais que cela déborde le cadre des juridictions
québécoises et, comme nous l'avons fait au mois de mars à
Ottawa, je peux vous promettre une chose, c'est qu'on va continuer à
pousser activement dans la suite de ces conférences pour que se
réalise l'objectif que vous poursuivez.
J'ajoute, en vous remerciant encore une fois, que, dans la
résolution qu'on va présenter à l'Assemblée
nationale, on va trouver le moyen, j'espère, après vous avoir
consultés, d'aller plus loin que ce qui avait été dit
à Ottawa, de façon plus spécifique et plus claire, si
possible.
Mme Stacey-Moore, Mme Saint-Onge, Mme Gros-Louis-McHugh et Mme
Gill-Dufour, vous représentez - et je crois qu'à cause des
horaires d'avion, un bon nombre des autres porte-parole principaux du groupe de
travail, du "task force", ont dû repartir avant la fin de la
séance... Si vous voulez endurer la fin, on va conclure en votre
présence, parce que c'est la fin de cette commission, de cette
étape, la séance de la commission parlementaire de ce soir. On
vous inviterait à nous écouter, à nous endurer et à
nous donner vos réactions après, avant de quitter, parce que vous
êtes vraiment, je crois, les représentants principaux, ici dans
cette salle, du front commun et du groupe de travail.
Le Président (M. Rancourt): Ceci termine la
présentation du mémoire de l'Association des femmes autochtones
du Québec.
Avant d'en arriver aux conclusions de ces trois journées
d'audiences, je donne la parole au député de Mont-Royal qui me
l'a demandée.
Conclusions M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, c'est la troisième
journée que nous entendons les mémoires des différentes
nations autochtones du Québec. Je crois que nous avons été
éclairés - non seulement les membres de cette commission, mais la
population en général - sur les vrais problèmes qui
existent dans ces communautés. De quoi les autochtones nous ont-ils
parlé? Ils nous ont parlé de leurs droits aborigènes. Ils
nous ont parlé des problèmes que notre société leur
a créés. Ils nous ont dit qu'ils veulent maintenir leurs
traditions, leur culture, leur identité.
Je crois que le message fondamental qu'ils nous ont livré, c'est
qu'ils veulent la reconnaissance de leurs droits. Or, en plus de cette
reconnaissance théorique et de l'enchâssement de leurs droits dans
les constitutions, ils veulent eux-mêmes apporter les solutions à
leurs problèmes. Pour ce faire, ils doivent avoir la collaboration des
gouvernements, du gouvernement du Québec; ils doivent avoir aussi les
ressources nécessaires, particulièrement les ressources
financières.
Ils ont porté à notre attention plusieurs
problèmes. Nous avons parlé, ce soir, des problèmes
d'égalité, des abus et des injustices qui ont été
créées, je dirais, par nos lois. Il y a aussi les
problèmes de chômage, de santé et des services sociaux qui
manquent beaucoup dans ces communautés. Ils nous ont
présenté le problème constitutionnel qui est
l'enchâssement de leurs droits. Ils veulent que ces droits soient
protégés dans une constitution qui ne pourrait être
changée unilatéralement par un gouvernement ou un autre.
Je voudrais rappeler au premier ministre les engagements qu'il a pris.
Auparavant, j'aimerais parler des représentations des autochtones de la
Baie-James. Évidemment, ils ont certains problèmes dans
l'application de leurs ententes. Cela crée des inquiétudes parmi
eux, mais cela crée des inquiétudes aussi chez les autres groupes
et cela crée - on l'a entendu dire par un groupe - un certain esprit de
méfiance, parce que l'impression qui demeure, c'est que cette entente
n'est pas entièrement respectée. Ils ont porté à
notre attention les problèmes spécifiques dans les services de
santé et dans le développement économique. Ils nous ont
parlé du rôle de SAGMAI et du fait qu'ils ne sont pas satisfaits
de la façon dont l'entente est mise en application. Il faudrait
absolument que des mesures soient prises par le gouvernement pour s'assurer que
l'entente soit mise en application, pour qu'elle soit respectée
intégralement non seulement dans sa lettre, mais aussi dans son esprit.
(22 h 3D)
Je voudrais rappeler au premier ministre - il pourrait peut-être
faire des commentaires - les engagements qu'il a pris sur la question, de faire
adopter une résolution par l'Assemblée nationale quant aux droits
constitutionnels que les autochtones ont pu obtenir dans l'accord de 1983,
l'amendement à la constitution. Ils sont inquiets car ils ne veulent pas
que le Québec se retire de cette entente. Ils veulent que ces droits
soient protégés au Québec.
Deuxièmement, le premier ministre s'est aussi engagé - je'
pense qu'il nous en a informés - à apporter un changement
à la loi 57, à la demande des Inuits du Nord
québécois, pour faciliter la mobilité des Inuits du
Labrador et du territoire du Nord-Ouest Québécois. Je crois que
le premier ministre nous a informés qu'un amendement avait
déjà été préparé à cet effet
et qu'il serait apporté à la loi 57.
M. le Président, le premier ministre, à
la suite d'un mémoire qui a été
présenté par les Inuits et les dissidents qui n'ont pas tout
à fait accepté tous les termes de l'entente, s'est aussi
engagé à négocier avec eux - je cite le premier ministre
lui-même au journal des Débats - "un gouvernement autonome sous la
juridiction du Québec". Autrement dit, le premier ministre a dit et je
le cite: "Si l'unité revient chez les Inuits dans le sens d'une
autonomie à l'intérieur du Québec qui leur permettrait
mieux d'administrer leurs affaires, de faire les lois dans les domaines qui les
concernent directement, d'organiser leur vie, nous serions immédiatement
prêts à en parler avec eux et à accepter
immédiatement la perspective, et on pourrait négocier sur cette
base quand ils le voudront".
Je crois que ce sont trois engagements assez importants pour les
autochtones qui seront affectés et qui ont demandé certaines
garanties ou certains changements au premier ministre. En ce qui concerne
spécialement la question de l'autonomie à l'intérieur du
Québec, je pense que les structures existent déjà, dans
l'entente de la Baie James. Il reste seulement au gouvernement à leur
donner effet pour assurer cette autonomie.
En terminant, je voudrais seulement suggérer au gouvernement
certaines mesures qui devraient être prises par le gouvernement du
Québec pour répondre aux demandes, aux problèmes qui
existent dans les communautés autochtones.
Premièrement, il faudrait que le gouvernement élabore une
politique sur les droits des autochtones, une politique qui aurait pour but de
fournir les services et de définir la position du Québec
vis-à-vis de toutes les communautés autochtones au Québec.
Concernant les 15 principes qui ont été énoncés par
le gouvernement en réponse aux demandes des autochtones, je crois qu'il
faudrait aller un peu plus loin et les préciser pour arriver
véritablement à une politique pour les peuples autochtones.
Deuxièmement, à la demande aussi des autochtones de la
Baie James, je crois qu'il faudrait créer un mécanisme avec les
pouvoirs de mettre l'entente en application. Ils ne sont pas satisfaits des
pouvoirs de SAGMAI, du rôle de SAGMAI. Il faudrait qu'il y ait une
coordination et un mécanisme qui pourrait agir au nom du gouvernement et
qui pourrait inclure des représentants des autochtones.
Troisièmement, nous avons entendu tellement de mémoires de
tous les différents groupes au Québec qu'il semble clair qu'il
faudrait créer un mécanisme - que ce soit une commission ou autre
- qui recevrait les représentations des autochtones pour,
premièrement, faire une révision des lois pouvant les affecter;
deuxièmement, qui pourrait fournir des sommes aux autochtones pour
qu'ils s'organisent afin d'être en mesure de négocier avec le
gouvernement; troisièmement, cette commission, ou tout autre organisme,
pourrait négocier, parce qu'il faut absolument arriver à une
entente finale avec tous les groupes, tous les peuples autochtones au
Québec. Il faudrait avoir des ententes-cadres avec chaque nation qui
pourraient établir avec les autochtones des relations différentes
de celles qui ont existé jusqu'à présent. Nous devons
aller dans la direction d'une plus grande autonomie des autochtones au
Québec.
M. le Président, en terminant, je dis ceci: II faut avoir parfois
un changement de mentalité dans notre approche des autochtones, un
changement de mentalité des non-autochtones envers ces
communautés. Le premier endroit où ce changement doit se produire
est l'exemple que le gouvernement peut donner, soit de vraiment s'assurer qu'il
y ait des changements, des amendements aux lois qui affectent les autochtones.
À l'Assemblée nationale, nous adoptons des lois pour notre
société et elles s'appliquent à tout le Québec.
Nous ne faisons pas d'exception pour les différentes communautés
parce que nous avons tous les mêmes traditions de base, la même
culture occidentale. Mais, pour les autochtones, cela crée des
problèmes. Je ne suggère pas qu'il faille faire des changements
radicaux, mais certaines de nos lois les affectent très
sérieusement.
La meilleure façon d'encourager le changement de mentalité
de la population envers ces peuples est que le gouvernement s'assure de faire
une révision des lois et que, lorsqu'est adoptée à
l'Assemblée nationale une loi qui peut affecter les communautés
autochtones, les changements qui s'imposent pour prendre en
considération les mentalités et les coutumes des autochtones,
soient faits.
Je suis persuadé que nous aurons des retombées très
positives de cette commission parlementaire. C'est une première au
Québec d'avoir entendu tous les groupes autochtones. Dans le
passé, nous avons entendu certains groupes sur des problèmes
spécifiques: l'entente de la Baie James et les lois pour y donner effet.
Ces trois derniers jours, nous avons entendu non seulement les problèmes
globaux de tous les coins du Québec, mais nous avons aussi entendu les
haudenosaunis, la "Six Nations Iroquois Confederacy" qui représente
même les autochtones du nord-est américain et du Canada, venir
faire leurs représentations sur les droits qu'ils réclamaient,
sur leur souveraineté. Cela nous a donné différentes
perspectives.
Je veux être très positif et non partisan, car je ne crois
pas qu'on doit être partisan dans ces matières; c'est trop
important, ce sont des questions de traditions de ces peuples, de justice.
J'ose espérer que le gouvernement agira d'une façon très
positive afin de répondre aux représentations
qui ont été faites ici et qu'il apportera des mesures
concrètes pour essayer d'aider à résoudre ces
problèmes. Merci.
Le Président (M. Rancourt): M. le premier ministre.
M. René Lévesque
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, le
député de Mont-Royal parlait tout à l'heure d'un
changement de mentalité dont on se rend compte qu'on a besoin. Cela ne
se fait pas du jour au lendemain, on le sait. J'espère que ces trois
jours auront fourni un meilleur éclairage - on a tous trouvé cela
instructif - non seulement aux membres de la commission, mais également
à un grand nombre de nos concitoyens qui ont pu suivre à la
télévision les travaux de la commission. On aura tous
remarqué qu'il y avait deux fils conducteurs; j'en trouve deux. Le
premier a été mentionné par M. Ciaccia tout à
l'heure, c'est-à-dire qu'on a eu un tableau - il faut en tenir compte -
sans ménagement de la vie que, trop longtemps, on a faite à nos
concitoyens autochtones. Aussi, on a eu une perception très claire du
fait que, contrairement à ce que parfois on pense superficiellement, ils
tiennent beaucoup à leurs droits, ils y tiennent profondément
parce que ces droits sont accrochés à leur identité; ils
n'ont pas envie de disparaître et là encore, contrairement
à certaines illusions qui ont été véhiculées
dans notre société trop longtemps. Ils sont accrochés
à leur identité et ils veulent la garder.
En même temps, il y a un autre fil conducteur qui est plein
d'espoir. Pour autant que j'ai pu suivre - je m'excuse d'en avoir manqué
une partie par devoir d'État, mais quand même j'ai suivi tout ce
que j'ai pu, j'ai lu les mémoires, comme chacun d'entre vous - à
travers ces représentations qui ont été faites devant la
commission parlementaire, représentations écrites ou
représentations orales, il me semble qu'il y a une aspiration aussi de
nos concitoyens autochtones à vivre en coexistence, le plus
harmonieusement possible, avec la société qui les entoure, ici,
au Québec, et avec laquelle, hélas, sauf exception, ils ont eu,
jusqu'à tout récemment en tout cas, des relations qui
étaient celles du groupe dominant par rapport au groupe dominé.
Malgré cela -heureusement, à cause de l'évolution, c'est
en train de changer - l'impression qui nous reste, c'est qu'il y a quand
même un désir profond chez nos concitoyens autochtones de trouver
une façon, mais d'égal à égal cette fois, de
bâtir ensemble des relations de coexistence plus que pacifique, de
coexistence harmonieuse.
J'ai dit que, sauf exception, cela avait été comme
ça dans le passé parce que, depuis une vingtaine d'années,
il y a eu un progrès réel. Cela prend toujours du temps avant de
changer des choses qui durent depuis trop longtemps, justement. Je dois dire,
d'ailleurs, que ces changements, tels qu'on les a sentis, cela a
été dû, d'abord, à l'éveil collectif,
à l'éveil politique même -on peut le dire - des groupes
autochtones eux-mêmes. Ce sont eux qui ont été le ferment
du changement, et un peu partout, d'ailleurs, à travers toute
l'Amérique du Nord. On notait cela déjà en 1978. C'est moi
qui prononçais ces paroles-là, mais je pense que ça nous
ramène, tout de même, à un phénomène qui est
continental. On disait ceci: "L'effort de redressement qui s'opère un
peu partout en Amérique du Nord est d'abord dû aux autochtones
eux-mêmes qui s'organisent politiquement et qui font entendre la voix de
la raison et la voix du bon sens. Si les réponses se faisaient cependant
trop attendre, cette voix deviendrait impatiente et irritée, et pourrait
engendrer des situations explosives." D'ailleurs, on a eu certains cas
où cela a engendré des situations de ce genre-là.
Alors, je dois dire qu'on a, dans l'ensemble, été chanceux
au Québec. C'est peut-être parce que la majorité au
Québec se sent elle-même une minorité qu'on a plus de
chance de comprendre ce qui se passe, mais je crois qu'il y a eu beaucoup de
progrès depuis vingt ans. Cela ne veut pas dire qu'il ne nous reste pas
un sacré chemin à faire. Je crois aussi qu'on peut dire que la
tenue de cette commission parlementaire est une manifestation de plus, et assez
éclatante - c'est une première parlementaire pour nous - de cette
réalité politique à laquelle on est en train de s'adapter,
cette réalité de l'évolution.
Les ententes qui ont déjà été signées
-et c'est seulement au Québec que c'est arrivé quand même -
entre les nations cries, inuites et naskapies, ont marqué une
étape importante de notre évolution en ce qu'elles
représentent en quelque sorte des traités fondés
maintenant sur des droits formellement reconnus et qui, à cause de cela,
ne peuvent pas être modifiés sans le consentement des signataires.
Ils peuvent l'être à leur requête. C'est ce qui est en train
de se passer.
Le député de Mont-Royal soulignait que l'application de
ces conventions qui ont été signées, qui sont en quelque
sorte des traités avec nos concitoyens autochtones du
Nouveau-Québec enfin, du nord du Québec n'a pas toujours
été satisfaisante. Je pense que c'est absolument
inévitable, surtout dans les premières années parce qu'on
revient de loin. Il ne suffit pas de signer quelque chose sur le papier, il
faut l'appliquer, et l'appliquer implique aussi qu'on passe à travers
toutes sortes de barrières qui ont été
créées par l'isolement et, du côté de la
société majoritaire, par des générations et
des générations souvent d'incompréhension et
même, admettons-le, d'exploitation aussi. Cela ne se fait donc pas en
criant ciseau et je trouve - je me permets de le dire parce qu'il y a
déjà une révision qui a été demandée,
qui est en cours depuis des mois, qui est accompagnée par des
représentants du gouvernement qui sont l'équipe de SAGMAI - qu'on
est souvent injuste vis-à-vis de SAGMAI parce qu'eux sont pris entre
l'écorce et l'arbre. Je dois dire que, dans cette petite équipe
du Secrétariat aux affaires amérindiennes et inuites, il y a
beaucoup de compétences, beaucoup de dévouement aussi et ils
jouent ce rôle difficile, que peu de gens auraient pu jouer aussi bien,
je pense, d'établir des ponts continuellement et d'aider, à
l'intérieur de l'administration publique qui en avait besoin, à
changer les mentalités. (22 h 45)
Quand on parle de changer les mentalités, cela ne se fait pas du
jour au lendemain. Il ne faudrait pas être injuste; au contraire, il
faudrait reconnaître les mérites constants de l'équipe de
SAGMAI. Cela ne veut pas dire qu'elle ne fait pas d'erreurs, tout le monde fait
des erreurs à l'occasion, mais une chose est certaine, c'est que, si on
n'avait pas eu une équipe comme celle-là, je vous jure que
l'application de la convention que vous nous avez léguée en
quittant le gouvernement il y a quelques années aurait été
à peu près impossible.
Dans le même sens, parce qu'on en apprend tout le long du chemin,
je n'ai pas besoin de vous dire que nous tiendrons sérieusement et
concrètement compte autant que possible de toutes les observations qui
ont été faites devant cette commission parlementaire. Mais ce qui
me semble significatif, c'est que même les nations autochtones du
Québec, qui ne sont pas signataires de ces conventions du Nord, ont
accepté pour la plupart d'en recommander l'enchâssement comme des
traités, c'est-à-dire de considérer que, quand même,
il y avait là une matrice, une sorte de modèle pour l'avenir pour
tous les autres, étant donné que les nations
bénéficiaires - il y a, évidemment, des dissidents et je
crois que l'on doit respecter aussi leur position -jugent que ces conventions
sont respectueuses dans l'ensemble de leurs droits fondamentaux et de leur
désir en même temps de coexistence avec la majorité. C'est
peut-être là que l'on trouve le début d'un modèle
d'autonomie - parce que c'est le mot qui a été beaucoup
employé ces derniers jours -dont l'ensemble de nos concitoyens
amérindiens ont besoin.
Plusieurs sont venus ici nous expliquer les conditions qu'ils jugent
comme un minimum pour réaliser cette coexistence. On peut résumer
ces conditions sur trois plans: le plan territorial, le plan socioculturel et,
forcément, le plan économique. Ils doivent pouvoir avoir non
seulement le droit, mais la possibilité d'exister et de se
développer selon leurs aspirations. Il faut que sur ces trois plans
existe une autonomie politique suffisante pour leur permettre de se
développer, à l'intérieur du Québec, bien
sûr, comme des nations distinctes qui ont leur identité propre et
qui ont leur base d'opérations. C'est un engagement que l'on a pris et
qui se reflétera d'ici quelque temps, je l'espère, avant la fin
de la session, dans la résolution que l'on doit présenter
à l'Assemblée nationale.
Pour revenir à ces engagements que l'on avait pris, eh bien, je
vais les résumer rapidement. C'est là que je rejoins la remarque
que je faisais tout à l'heure devant des porte-parole autorisés
du groupe de travail puisque les dames de l'association que vous
représentez ont fait partie de ce groupe de travail. Certains des autres
porte-parole et certains des autres principaux représentants ont
dû quitter à cause des horaires d'avions qui les ramenaient dans
le nord. Cela a été mentionné pendant les travaux de la
commission et nous nous y sommes engagés. Une réunion comme
celle-ci a beau être historique et très importante puisque c'est
une première de ce genre, ce n'est pas cela qui va résoudre
toutes les questions que posent nos relations avec nos concitoyens autochtones.
C'est pourquoi on a retenu - et, si l'Opposition continue d'être
d'accord, on va l'appliquer - une suggestion qui a été faite
d'établir un forum parlementaire permanent et non pas simplement une
commission qui arrive une fois et qui ne revient pas.
Un forum parlementaire permanent n'est pas la solution à tous les
problèmes, mais cela nous aide à faire ce genre
d'évolution qu'il faut pour continuer, avec un maximum d'harmonie et
surtout un maximum de compréhension, à faire le point
régulièrement, à voir si on a avancé, à voir
aussi où se trouvent les obstacles et nous aide sans partisanerie -
c'est un des cas où on pourrait faire cela et il n'y en a pas tellement
- à faire avancer les choses; sans compter, évidemment, parce
qu'il ne suffit pas des commissions parlementaires, toutes les rencontres qui,
d'ailleurs, se multiplient et tous les pourparlers qui n'ont pas ce
côté formel et public et qui, parce que c'est comme cela qu'on les
a engagés et c'est comme cela que cela marche depuis un certain temps,
doivent toujours se tenir d'égal à égal.
C'est-à-dire qu'on n'est pas là pour imposer des choses; on est
là simplement pour voir si on peut s'entendre sur la façon dont
les autochtones eux-mêmes veulent qu'on aide à leur
développement ou à corriger les choses qui doivent être
corrigées.
Une chose aussi à laquelle on s'est
engagé - je veux le répéter en terminant -c'est
qu'on va continuer à participer, j'espère utilement, aux
conférences fédérales-provinciales et offrir, par ce
mécanisme, l'occasion - parce que je pense que cela a été
utile la dernière fois, au mois de mars 1983 - aux porte-parole des
autochtones du Québec qui désirent le faire de venir avec nous
pour s'exprimer librement. En aucune façon il n'est question de leur
dire: Vous allez refléter les positions du gouvernement. Il s'agit
simplement pour eux de prendre leur place dans nos délégations de
façon qu'ils puissent avoir droit de parole au coeur même des
conférences qui concernent leur avenir.
On va demander également - je ne peux pas avoir de texte ce soir,
on n'a pas eu la chance de se consulter suffisamment, mais d'ici quelques jours
ce sera fait - à l'Assemblée nationale d'approuver une
résolution qui retiendra parmi les demandes fondamentales qui ont
été faites ici celles auxquelles nous trouvons légitime
que l'Assemblée nationale souscrive. Bien sûr, cela inclurait tous
les points majeurs, en substance en tout cas, de l'accord de 1983. J'ai retenu
aussi que cela pourrait peut-être aller plus loin en ce qui concerne la
clause d'égalité. On verra. Mais, là-dessus aussi, il y
aura des consultations si vous le voulez bien pour qu'on voie si on peut
s'entendre. Aussi - je vous le répète parce que cela avait
déjà été dit - en ce qui concerne la loi 57,
c'est-à-dire les correctifs qu'on apporte à la loi 101, je pense
que l'amendement qui a été évoqué est
préparé et sera introduit, comme on dit en Chambre, avant la fin
des procédures parlementaires.
En terminant, je rappelle simplement ceci - on a eu l'occasion de le
dire devant la commission - concernant le "Canada Bill" ou le "Canada Act",
appelez-le comme vous voudrez. Chacun sait que nous n'en acceptons pas la
validité; nous ne pouvons l'accepter tant que ne seront pas remplies les
conditions que l'Assemblée nationale elle-même a posées. En
attendant, il faut bien vivre avec et profiter de ce qu'on nous a laissé
comme moyens pour limiter les dégâts. Une des possibilités
devant ce "Canada Bill", c'est d'utiliser sur certaines questions notre droit
de retrait, ce qu'on appelle en anglais le "opting out".
Je répète ici ce que j'ai déjà dit pendant
les trois jours: Dans les cas où il s'agira d'enchâsser dans ce
"Canada Bill" des mesures favorables aux autochtones pour améliorer leur
statut et leur situation sans diminuer l'autorité de l'Assemblée
nationale, nous n'exercerons absolument pas ce droit de retrait. Il n'est pas
question là qu'on commence à bloquer les choses. On a
déjà dit spécifiquement, d'ailleurs, dans le cas de la
Convention de la Baie James et du Nord québécois et
sûrement que cela pourrait être le cas pour des mesures du
même genre, c'est-à-dire qu'on ne sera pas, comme on dit en
anglais, un "roadblock" là-dessus.
Là-dessus, il me reste simplement, au nom de notre équipe,
à remercier tous les participants qui sont venus nous éclairer,
à remercier les collègues du côté ministériel
et les membres de l'Opposition qui ont travaillé avec nous. Ensemble, on
a l'impression d'avoir vécu une étape assez importante, une
étape marquante, en fait, dans notre évolution. Je crois que, si
on tient compte des résultats qui me semblent suffisamment concrets, on
peut se dire avec confiance que c'est plutôt au revoir et que ce n'est
pas la fin. Merci.
Le Président (M. Rancourt): Merci. Avant de terminer cette
séance, je dois indiquer que le député de Duplessis, qui a
été désigné comme rapporteur par la commission,
fera rapport à l'Assemblée nationale dans les meilleurs
délais.
La commission de la présidence du conseil de la constitution, qui
avait pour mandat d'entendre les représentations des autochtones et des
divers groupes et organismes autochtones sur les droits et les besoins
fondamentaux des Amérindiens et des Inuits, a accompli sa mission. Elle
a siégé au-delà de 28 heures.
La commission est ajournée sine die.
(Fin de la séance à 22 h 54)