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(Onze heures cinquante minutes)
Le Président (M. Jolivet): La commission permanente de la
présidence du conseil et de la constitution est réunie aux fins
d'étudier les programmes 1 et 2 des crédits budgétaires du
Conseil exécutif. Vous retrouvez cela à partir des pages 11-4
jusqu'à 11-7 du cahier des crédits budgétaires.
Les membres de la commission sont: MM. Baril (Arthabaska), Brassard
(Lac-Saint-Jean), Brouillet (Chauveau), de Bellefeuille (Deux-Montagnes),
Levesque (Bonaventure), Lévesque (Taillon), Lachance (Bellechasse), Marx
(D'Arcy McGee), Charbonneau (Verchères), Ryan (Argenteuil), Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Ciaccia
(Mont-Royal), Dussault (Châteauguay), Gratton (Gatineau), Perron
(Duplessis), Rivest (Jean-Talon), Dauphin (Marquette). Il nous faudrait
maintenant désigner un rapporteur de cette commission.
M. Charbonneau: Je propose le député de
Chauveau.
Le Président (M. Jolivet): Le député de
Chauveau, M. Brouillet, est donc désigné rapporteur. La parole
est maintenant à M. le premier ministre.
Remarques préliminaires M. René
Lévesque
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, mes
quelques remarques préliminaires vont être très
brèves. Je voudrais très rapidement souligner la présence
de mon nouvel adjoint parlementaire, qui nous a fait l'honneur d'accepter ce
rôle, surtout en fonction des programmes touchant la jeunesse, dont le
Conseil exécutif sera responsable, et j'ai nommé le
député de Verchères. Parmi les personnes qui nous donnent
un coup de main, je pense que vous reconnaissez la plupart des membres de notre
équipe, sauf une nouvelle, qui est Mme Danièle Bouchard,
directrice du Secrétariat à la jeunesse qu'on est en train de
mettre sur pied.
Pour ce qui esc des changements depuis un an, je me contenterai
simplement de souligner qu'on a aboli les postes de ministres d'Etat qui
étaient reliés depuis cinq ans au Conseil exécutif. Dans
certains cas, cela a été remplacé par des postes de
ministres délégués: à la Science et à la
Technologie, à l'Aménagement et au Développement
régional, à la Condition féminine, aux Relations avec les
citoyens. Il y avait aussi le ministre délégué au Commerce
extérieur, mais il est maintenant devenu un ministère complet, si
on veut. Pour ce qui est de mes collègues à la Science et
à la Technologie et des trois autres ministres
délégués, si on peut employer l'expression, je pense que
vous avez déjà eu l'occasion de voir avec eux l'essentiel de ce
qui apparaissait au budget du Conseil exécutif mais qui a
été transféré surtout dans d'autres domaines. Cela
nous évitera peut-être des discussions de ce
côté-là en ce qui concerne les cabinets ministériels
et les secrétariats qui vont avec.
Pour le reste, je ne vois pas tellement de grands changements, sauf ce
qui a accompagné la mise sur pied, parce qu'il a fallu des virements,
etc. du ministère de la Science et de la Technologie, en particulier, et
du ministère du Commerce extérieur. Il y a également la
création - c'est nouveau depuis quelques mois et je crois que
c'était requis, on s'en rendait compte depuis longtemps - d'un petit
secrétariat qui permet de faire le suivi des séances du
comité des priorités du gouvernement.
Pour le reste j'aimerais mieux attendre les réactions de
l'Opposition et les questions qui peuvent venir.
Le Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.
Discussion générale
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président,
évidemment avec les changements qui ont lieu ou les
déménagements de partie de ministères, il est assez
difficile de concilier tous les chiffres. En partant, par exemple, des chiffres
de 1982-1983, nous conclurions normalement que les crédits du
ministère passeraient de 130 000 000 $ à 158 000 000 $.
M. Lévesque (Taillon): Beau travail! Je suis assez
nerveux! Je m'excuse.
M. Levesque (Bonaventure): Si on veut reprendre, après ce
que le premier ministre nous a indiqué dans ses courtes remarques
préliminaires, on ne peut pas conclure qu'il y a effectivement
une augmentation de 130 000 000 $ à 158 000 000 $ dans les
crédits affectés au ministère, et c'est là qu'il
est difficile de faire de la conciliation.
M. Lévesque (Taillon): Bien oui!
M. Levesque (Bonaventure): Quant au cabinet du premier ministre,
il me semble que si on s'arrête à cela et qu'on ne va pas dans les
autres domaines, où il a pu y avoir des déménagements de
partie de responsabilités etc., si on s'en tient simplement au cabinet
du premier ministre...
M. Lévesque (Taillon): D'accord.
M. Levesque (Bonaventure): ...les chiffres que j'ai devant moi
sont les suivants. On demande cette année des crédits de l'ordre
de 3 500 000 $. Lorsqu'on fait référence à l'année
précédente on retrouve des crédits de l'ordre de 6 600 000
$. On pourrait conclure à une diminution substantielle des
crédits, et ce n'est pas ce que le premier ministre a
indiqué.
M. Lévesque (Taillon): Non, non.
M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre peut-il nous dire
quel est le morceau qui est disparu de là et où il est rendu?
M. Lévesque (Taillon): Essentiellement il y a à peu
près 3 000 000 $ qui sont disparus par transfert, parce que vos
collègues, sinon vous-même, ont eu l'occasion de rencontrer les
ministres délégués, c'est versé maintenant à
leur budget directement, c'est-à-dire les frais de secrétariat
pour l'essentiel et les frais de cabinet politique.
M. Levesque (Bonaventure): Une autre précision avant de
passer à autre chose. Je vois qu'au cabinet du premier ministre,
lorsqu'on réfère aux crédits de 1982-1983, on mentionne la
somme de 6 679 800 $.
M. Lévesque (Taillon): Oui.
M. Levesque (Bonaventure): Par contre, lorsqu'on regarde les
crédits de l'an dernier, on s'aperçoit que les crédits
votés étaient plutôt de l'ordre de 7 729 000 $. Est-ce
normal qu'il y ait, pour la même année, dans le même livre
de crédits, une contradiction de cette nature?
M. Lévesque (Taillon): C'est-à-dire que j'ai
là les chiffres probablement définitifs. On m'explique simplement
que c'est évident que cela arrive chaque année qu'il y ait des
transferts et des modifications à la baisse. C'est tout. Par
conséquent, le chiffre réel pour 1982-1983 serait celui qui est
là. Maintenant que l'année est écoulée on le
sait.
M. Levesque (Bonaventure): Je pense que ce serait
intéressant, pour nous du moins, de savoir quels sont exactement, pour
faire un peu de conciliation, ces chiffres, parce que quelqu'un qui prend le
livre des crédits de 1982-1983 voit que le cabinet du premier ministre a
une somme qui lui est attribuée de 7 700 000 $. Et cette année,
dans le livre de crédits, on dit que la somme qui lui a
été accordée l'an dernier est de 6 600 000 $.
M. Lévesque (Taillon): Ce qui explique cela à peu
près totalement, c'est justement le transferts de quatre cabinets de
ministres délégués, aux programmes 3, 5, 6, 8,
c'est-à-dire en moyenne 530 000 $ multiplié par quatre. Donc,
transfert de 2 120 000 $ qui a été effectué en cours de
route et l'abolition de trois cabinets, celui du développement
économique, celui de la réforme électorale, et celui du
ministre délégué aux Affaires parlementaires,
c'est-à-dire encore à peu près 1 600 000 $. Alors, si vous
enlevez 2 120 000 $ et 1 600 000 $, je pense que vous retombez à 3 000
000 $... Forcément, pour tous ceux qui restent le taux de croissance
normale, c'est-à-dire les augmentations normales...
M. Levesque (Bonaventure): Je pense que le premier ministre
répond à la première question que j'ai posée,
M. Lévesque (Taillon): Oui, oui.
M. Levesque (Bonaventure): C'est-à-dire, pourquoi on
passait de 6 600 000 $ à 3 500 000 $, mais il n'explique pas pourquoi le
livre des crédits, d'une part, nous indique en 1982-1983 le chiffre de 7
700 000 $ et lorsqu'on réfère à cela cette année,
on parle d'un chiffre de 6 600 000 $, c'est-à-dire une différence
de 1 100 000 $.
M. Lévesque (Taillon): Cette partie-là s'explique
essentiellement par ceci: l'abolition de trois cabinets en cours de route,
c'est-à-dire celui du développement économique, de la
réforme électorale et des affaires parlementaires, pour un total
de 1 607 600 $. Je pense que si vous voyez comment cela se concilie, cela
permet de voir pour l'essentiel comment on est passé de 7 729 000 $
à 6 679 000 $.
M. Levesque (Bonaventure): Cela ne donne pas cela. C'est bien de
valeur mais j'aimerais bien... Je ne comprends pas... Je comprends qu'on ne
passera pas la matinée là-dessus, mais si le premier ministre
voulait me faire parvenir les chiffres, ce serait
mieux parce que... (12 heures)
M. Lévesque (Taillon): Cela se concilie mais pour
l'instant, j'ai de la misère à faire des additions, des
soustractions. Je pourrai vous faire parvenir cette page-ci et vous verrez tout
cela. Il y a cinq postes, le transfert de quatre cabinets, l'abolition de trois
cabinets, le taux de croissance normal autorisé par le Conseil du
trésor pour les traitements, le fonctionnement - il y a toujours des
changements - et puis finalement la question des transferts. Tout cela donne le
total qui correspond à ce que vous avez.
M. Levesque (Bonaventure): Nous attendons les détails.
M. Lévesque (Taiilon): D'accord.
Mise en demeure à la Presse
M. Rivest: Sur le bureau du premier ministre qui est enfin devenu
célèbre - il aura mis un certain temps - je voudrais que le
premier ministre, s'il le peut ou s'il le veut bien, donne un peu plus de
détails sur la réponse qu'il a fournie au leader parlementaire de
l'Opposition relativement à la mise en demeure qu'il a ou qu'il
aurait...
M. Lévesque (Taillon): Je n'ai pas l'intention...
M. Rivest: J'aimerais peut-être juste formuler ma question.
Les seules questions que je voudrais vous poser, c'est de savoir si c'est une
mise en demeure qui vous est personnelle?
M. Lévesque (Taillon): Oui.
M. Rivest: Est-ce que c'est contre la corporation de la Presse ou
si c'est contre le journaliste qui a écrit l'article?
M. Lévesque (Taillon): C'est nommément
adressé versus, versus: la Presse, M. Landry, M. Roy et M. Girard.
M. Rivest: Est-ce que c'est une mise en demeure demandant une
rétractation?
M. Lévesque (Taillon): Oui.
M. Rivest: Dans un délai imparti?
M. Lévesque (Taillon): Oui.
M. Rivest: Qui est de?
M. Lévesque (Taillon): Trois jours, je jense.
M. Rivest: Sinon, vous entendez procéder à une
action, enfin, suivre le cours en dommages et intérêts?
M. Lévesque (Taillon): Cela va de soi.
M. Rivest: Cette mise en demeure a-t-elle été
effectivement envoyée?
M. Lévesque (Taillon): Elle a été
signifiée hier.
M. Levesque (Bonaventure): Avant d'entreprendre d'autres sujets,
est-ce que je peux demander au premier ministre, qui avait tenu certains propos
l'an dernier sur le poste de lieutenant-gouverneur, s'il prévoit des
changements...
M. Rivest: Le député d'Arthabaska est là. Il
est un spécialiste.
M. Levesque (Bonaventure): Ah oui!
M. Baril (Arthabaska): J'attendais le programme no 1 et le chef
de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Parce qu'on...
Le Président (M. Jolivet): On était sur l'ensemble.
Maintenant, on peut aller directement au programme no 1.
M. Levesque (Bonaventure): Je pense que ce serait plus facile de
procéder comme je le suggère, parce que autrement, si on veut
être trop...
Le Président (M. Jolivet): Rigide.
M. Levesque (Bonaventure): ...rigide et structuré, cela va
prendre plus de temps.
Le Président (M. Jolivet): Donc, allez-y sur la
question.
M. Rivest: M. le Président. Le Président (M.
Jolivet): Oui?
M. Rivest: Juste avant, j'ai une dernière question sur le
bureau du premier ministre. Sur les réductions de salaires, est-ce que
cela s'est appliqué au bureau du premier ministre?
M. Lévesque (Taillon): En fait, cela s'est appliqué
de façon mutatis mutandis comme partout ailleurs, c'est-à-dire
qu'il y a eu un gel passé certains niveaux...
M. Rivest: Plus récupération pour les...
M. Lévesque (Taillon): ...et modulation pour les salaires
les moins élevés.
Le Président (M. Jolivet): Sur la question du
lieutenant-gouverneur, M. le premier ministre.
Bureau du lieutenant-gouverneur
M. Lévesque (Taillon): Si on va au programme no 1, il y
avait 521 000 $, comme vous le voyez, en 1982-1983, qui avaient
été prévus aux crédits. Les dépenses
réelles ont été de 469 000 $ avec la coopération,
je dois dire, du lieutenant-gouverneur lui-même. 11 y a eu des
compressions, là comme ailleurs, au moins en première
étape. Donc 469 000 $ et on prévoit des crédits. À
partir de là, il faut se garder une certaine souplesse. Comme vous le
voyez, on présente une légère diminution cette
année par rapport à l'an dernier, c'est-à-dire 504 000 $.
Cela, c'est au Conseil exécutif. Évidemment, cela ne tient pas
compte des éléments travaux publics. Je ne sais pas s'il y a
d'autres questions.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): Oui, M. le Président. L'an dernier,
le premier ministre s'était engagé ici à cette commission.
Je le cite: "Évidemment, on a un lieutenant-gouverneur qui achève
son mandat bientôt, mais je pense qu'au moment de la transition il va
falloir absolument faire quelque chose et vite, parce que ce n'est pas
justifiable. C'est tout ce que je peux dire." Cette année, je suis
d'accord et je reconnais que le lieutenant-gouverneur a fait un effort en
diminuant en gros pratiquement de 90 000 $ le budget qui lui était
alloué. Par contre, cette année, si on compare au budget de l'an
passé, il y a une diminution d'environ 16 000 $. Encore une fois, je
reviens là-dessus, considérant qu'il me semble que les ministres
des différents ministères ont beaucoup plus de difficultés
à maintenir leur budget face au Conseil du trésor que le
lieutenant-gouverneur semble avoir de difficulté à maintenir son
budget à peu près équivalent. Est-ce que le M. le premier
ministre pourrait nous dire ce qu'il entend faire à la suite des propos
qu'il avait tenus l'an passé ou ce qu'il a pu faire?
M. Lévesque (Taillon): Ce que j'ai fait, c'est d'abord
d'accompagner - je le souligne de nouveau - avec les efforts personnellement
très corrects du lieutenant-gouverneur actuel, M. Côté,
certaines mesures de compression ou de diminution. Mais, évidemment, le
fond de la question n'est pas là.
Sur le fond de la question et sur l'avenir - puisque M.
Côté doit partir, je pense qu'il l'a laissé savoir
récemment, probablement à l'automne ou quelque part vers la fin
de l'année - j'ai écrit à M. Trudeau, le premier ministre
fédéral, de qui dépend bien sûr la nomination des
lieutenants-gouverneurs - il y a en général certaines
consultations quand un nouveau lieutenant-gouverneur doit être
nommé, mais la décision appartient au fédéral - le
14 avril et l'essentiel de la lettre est ceci: "L'an dernier, lors de
l'étude à l'Assemblée nationale des crédits
budgétaires relatifs au bureau du lieutenant-gouverneur, j'ai fait part
de l'intention du gouvernement d'étudier attentivement les moyens que
nous pourrons prendre pour réduire, là comme ailleurs, les
dépenses de fonds publics et, à la suite de cet engagement, nous
avons analysé les dépenses encourues à cet égard
par les autres provinces et nous avons conclu que le meilleur moyen d'obtenir
le résultat recherché était de cesser de mettre une
résidence à la disposition du lieutenant-gouverneur suivant ainsi
l'exemple de l'Ontario et de la Saskatchewan. J'en ai informé M.
Jean-Pierre Côté, tout en lui précisant que cette nouvelle
politique ne prendrait effet qu'à la fin de son terme actuel. Le
nouveau titulaire de ce poste, comme il arrive ailleurs de plus en plus, devra
donc voir lui-même à se loger. Pour le reste, il y a des
contributions raisonnables qu'on serait prêt à faire, etc." Je
terminais en disant, avant les salutations d'usage: "Je compte que vous voudrez
bien informer de cette nouvelle politique les personnes que vous jugerez bon
d'approcher pour remplir la fonction". 11 y avait une copie pour le
lieutenant-gouverneur actuel. Tout ce qu'on a eu jusqu'à maintenant,
c'est peut-être normal, c'est un accusé de réception qui
prouve que la lettre a été reçue. On verra à la
prochaine étape.
M. Baril (Arthabaska): Oui, au sujet des autres dépenses
qui sont encourues par le gouvernement du Québec, l'an dernier, on en
avait détaillé beaucoup - je ne veux pas les reprendre cette
année - tous les services qui sont payés par le gouvernement du
Québec au lieutenant-gouverneur, soit au niveau du personnel, soit au
niveau de l'entretien de la maison, mais si vous dites qu'au Québec, le
gouvernement ne s'engage plus à fournir cette maison. Par contre, est-ce
qu'on fournira quand même l'entretien d'une résidence qui
appartiendra possiblement au lieutenant-gouverneur?
M. Lévesque (Taillon): Non, mais il pourrait y avoir
certaines contributions de dépenses de fonctionnement. Mais par le fait
- je pense que cela tombe sous le sens -qu'il n'y aura plus de résidence
officielle fournie par le gouvernement du Québec, par voie de
conséquence cela va diminuer radicalement aussi les besoins en
personnel.
M. Baril (Arthabaska): C'est cela. Je voulais en venir au
personnel. L'an dernier, on avait fait toute la liste du personnel,
peut-être que je pourrais vous la sortir. Quant aux automobiles fournies,
on sait qu'il y avait deux limousines fournies avec deux chauffeurs, et pour
utiliser un terme qu'on utilise et que les gens comprennent,
c'est-à-dire deux automobiles avec un "spare" en plus. Ce n'est pas un
pneu de rechange.
M. Lévesque (Taillon): On ne peut adresser le moindre
esprit ou la moindre intention critique à l'égard du
lieutenant-gouverneur actuel parce qu'en fait il a hérité d'une
situation qu'on a laissé se prolonger. Il est évident que sur
tous ces plans, cela va être passablement plus modeste quand viendra le
successeur.
M. Baril (Arthabaska): Ma dernière question est celle-ci.
On vote les budgets pour l'année qui vient, soit 504 007 $.
M. Lévesque (Taillon): Au budget de l'Exécutif.
M. Baril (Arthabaska): Oui, parce que dans les autres
ministères, il y en a également. Je n'ai pas fait le calcul cette
année, mais cela doit être aux environs de 800 000 $ avec les
autres ministères.
M. Lévesque (Taillon): Probablement.
M. Baril (Arthabaska): C'est pour le budget qui s'en vient.
Advenant que M. Côté quitte ses fonctions à l'automne,
l'autre qui prendra la place va quand même être habitué
à dépenser ou à dispenser le même budget pour
l'année qui vient.
M. Lévesque (Taillon): II y a une certaine reprise
économique. C'est une résidence qui a quand même
passablement d'allure et si le marché de l'immeuble s'améliore,
elle sera mise en vente et on espère bien faire une opération
rentable pour le Québec. À partir de là, forcément,
plus vite cela sera réglé, plus vite les budgets diminueront en
conséquence.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Ma question est la suivante: le gouvernement du
Québec est propriétaire, je suppose, de la maison Dunn, comme on
l'appelait, et va effectivement se départir de cet immeuble.
M. Lévesque (Taillon): Je ne vois pas de raison de la
garder.
M. Rivest: Donc, il n'y a aucun projet pour le gouvernement du
Québec de la...
M. Lévesque (Taillon): Écoutez, je consulterai soit
le ministère des Travaux publics ou éventuellement, si cela se
concrétise, la Société immobilière.
M. Rivest: En ce moment, il n'y a pas de décision ferme de
prise à savoir qu'on va effectivement se départir de cela.
M. Lévesque (Taillon): Très rapidement on avisera
de la façon soit de s'en départir ou soit de l'utiliser
autrement, mais on va probablement s'en départir car c'est une
résidence.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chauveau.
M. Rivest: Si vous voulez me permettre, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Rivest: Vous nous avez donné l'essentiel de la lettre
que vous avez envoyée au premier ministre du Canada. Vous ne l'avez pas
rendue publique ou enfin, vous allez peut-être la...
M. Lévesque (Taillon): Non, je n'y voyais pas de raison,
mais enfin, je peux bien la déposer.
M. Rivest: Ai-je bien compris le sens de la lettre dans le mesure
où ce sont des dépenses que le gouvernement du Québec
assume, que vous aviez communiqué la décision du gouvernement du
Québec au premier ministre du Canada de façon que le successeur
soit averti des conditions physiques dans lesquelles il devra fonctionner?
M. Lévesque (Taillon): Bien oui, c'était pour
cela.
M. Rivest: Est-ce que la pratique ne veut pas que le gouvernement
du Québec suggère au premier ministre du Canada un certain nombre
de personnes? Non?
M. Lévesque (Taillon): Non. Enfin, selon la pratique que
j'ai connue, non. Peut-être que c'était comme cela avant, quand il
y avait peut-être certaines concordances qui ne se sont pas
retrouvées depuis six ans et demi. J'ai eu l'occasion une fois, sauf
erreur, M. Lapointe a terminé son mandat un an ou deux, je crois,
après le changement de gouvernement, et j'ai eu des appels, enfin deux
ou trois appels comme d'habitude, du premier ministre fédéral
pour donner un certain nombre de noms et pour voir quelle était notre
réaction pour, finalement, lui dire: Faites votre choix.
M. Rivest: J'ai presque envie de poser la question au chef de
l'Opposition s'il est candidat au poste.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chauveau.
M. Lévesque (Taillon): Je ne sais pas. D'après les
rumeurs qu'on entend - je le vois, qui est là, d'un air songeur et
méditatif - sa carrière n'est pas sur le point de se
désactiver. Enfin, ce n'est pas à moi de répondre pour
lui.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Chauveau.
M. Brouillet: Serait-il possible de nous indiquer à peu
près ce que pourrait représenter le gain? Le fait de soustraire
la résidence du lieutenant-gouverneur, combien cela pourrait-il
représenter de gain sur un budget? Est-ce qu'on récupère
100 000 $, 200 000 $?
M. Lévesque (Taillon): Ah! Cela va plus loin que cela. Je
pense, mais, enfin, je n'ai pas le calcul devant moi, mais il y a tout un
personnel assez important - et c'est normal -protocolaire jusqu'à un
certain point et personnel de services, etc, qui sont attachés à
la maison. Je pense même qu'il y en a qui sont attachés aussi
à une ferme qui est un complément immobilier de cet
"establishment". Évidemment, sur le plan de l'immeuble et sur le plan du
personnel, il y aurait une réduction très très importante.
Maintenant, je ne peux pas l'évaluer. On me souligne que le personnel de
services, par exemple, c'est à peu près 500 000 $. Seulement
cela'. Alors...
Le Président (M. Jolivet): Donc, on peut conclure que le
programme 1 est adopté.
M. Levesque (Bonaventure): Oui, M. le Président.
Cabinet du premier ministre
Le Président (M. Jolivet): Programme 2?
M. Levesque (Bonaventure): On revient...
M. Lévesque (Taillon): Bien oui, on revient où on
était.
M. Levesque (Bonaventure): ...où on était. Est-ce
que le premier ministre pourrait m'indiquer le montant des subventions
discrétionnaires qu'il a l'intention d'utiliser cette année et
à quelles fins?
M. Lévesque (Taillon): Je pense que, pour l'essentiel,
c'est ce qui se trouve à la page 11-6, à la sous-catégorie
10, transfert, c'est-à-dire environ 725 000 $. C'est cela. Pour l'an
dernier, la liste est disponible. Je pense que vous l'avez eue dans les
réponses qu'on vous a fournies. C'était un total de 728 000 $, je
pense, et ce serait un montant de 726 000 $ qui serait prévu, tel que
vous le voyez là.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que l'utilisation de cette
somme est prévue dans ses détails ou est-ce qu'on va
répéter certaines...?
M. Lévesque (Taillon): II y a toujours des choses qui se
répètent. Il y a le Comité organisateur des rencontres
francophones -comme on les appelle maintenant - qui est là pour un
montant de 225 000 $ en partant. Il y a l'Institut d'administration publique
-c'est devenu une sorte de tradition - qui profite aussi à nos
administrateurs québécois; c'est une somme d'environ 40 000 $. Il
y a IMA3 85: cela va aller du côté des jeunes; il y avait 50 000
$, il est probable qu'il y ait récidive. En gros c'est cela. Cette
année, c'est le 375ème anniversaire de la ville de Québec,
on ne peut pas évaluer tout de suite ce que pourront vouloir dire les
manifestations, 1534-1984. Pour l'instant, on a prévu 726 000 $, ce qui
semble être conforme à peu près à ce qui se passe
depuis quelques années.
M. Levesque (Bonaventure): Lorsque le premier ministre parle
d'environ 40 000 $ pour l'Institut d'administration publique, je vois dans la
liste qu'il y a eu, en date du 19 octobre 1982, une somme de 38 480 $, et je
constate que, le 30 mars 1983, pour le même Institut d'administration
publique, on a versé le même montant de 38 480 $. Y a-t-il une
raison à cela?
M. Lévesque (Taillon): II y a 50 000 $ dans deux cas: le
Comité organisateur des rencontres francophones pour 1983-1984 et
l'Institut d'administration publique pour 1983-1984, c'est par anticipation et
pour éviter des crédits périmés et pouvoir...
M. Levesque (Bonaventure): Ah bon!
M. Lévesque (Taillon): ...nettoyer cela avant la fin de
l'année budgétaire.
M. Levesque (Bonaventure): II y a d'autres oeuvres qui tiennent
à coeur au premier ministre, si on regarde un peu la liste, c'est assez
curieux. On voit, par exemple - je ne sais pas cela doit être
certainement une bonne oeuvre - l'église
Sainte-Praxède-de-Bromptonville, 10 000 $, Est-ce que le premier
ministre est passé là et a fait une promesse? Qu'est-il
arrivé?
Des voix: II a donné à la quête.
M. Lévesque (Taillon): Non. Si j'ai bonne mémoire,
c'est arrivé il y a quelques mois. Les gens ont perdu leur église
et une corvée extraordinairement chaleureuse a été
organisée. Il fallait payer pour l'essentiel, au-delà des
assurances, tout ce qu'il fallait et, à un moment donné,
certaines choses du mobilier manquaient. Cela m'a paru indiqué de
contribuer quelque peu.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que cela pourrait se
répéter, par exemple, pour le collège Jésus-Marie
de Sillery?
M. Lévesque (Taillon): II n'y a rien qui exclut cela, sauf
que, là, il s'agit d'autre chose qu'une petite contribution
mobilière. Ce sera un autre problème d'une autre taille quand
cela viendra.
M. Rivest: Jusqu'à présent, vous n'avez pas
reçu de demande de la fondation pour le collège
Jésus-Marie? Non?
M. Lévesque (Taillon): Que je sache, non. Probablement que
cela viendra, mais, là, ce doit être les assurances etc.
Pour l'église Sainte-Praxède, le CT, la reconstruction de
l'église est presque terminée. Une somme de l'ordre de 400 000 $
a été recueillie lors d'une campagne de souscription dans la
région et les assurances avaient versé 590 000 $. Alors, devant
un tel effort, on s'est dit: Pourquoi ne pas contribuer, nous aussi, un petit
peu? C'est plutôt symboliquement si on veut.
M. Levesque (Bonaventure): C'est dans le comté de...
M. Lévesque (Taillon): C'est dans Je comté de
Johnson, il me semble.
M. Levesque (Bonaventure): Le carrefour
Saint-Eusèbe...
M. Lévesque (Taillon): Si l'église de Bonaventure
avait connu le même triste sort, il est probable qu'on aurait eu la
même réaction.
M. Levesque (Bonaventure): J'en prends note.
M. Lévesque (Taillon): Ce n'est pas à
souhaiter.
M. Levesque (Bonaventure): Je ne le souhaite pas, mais j'en
prends note.
M. Lévesque (Taillon): Cela s'applique également
ailleurs.
M. Levesque (Bonaventure): Le carrefour Saint-Eusèbe,
est-ce que c'est une oeuvre chère au premier ministre? C'est 3000 $.
M. Lévesque (Taillon): Cela venait du député
de Sainte-Marie...
M. Rivest: Ah mon Dieu!
M. Lévesque (Taillon): ...comme insistance et je crois que
c'est valable. C'est un projet d'action communautaire dans une paroisse de
Montréal, la paroisse Saint-Eusèbe est dirigée par une
religieuse et un groupe de travailleurs bénévoles travaillant
très fort dans le milieu. C'était recommandé par beaucoup
d'autres gens que le député de Sainte-Marie. Alors, cela a paru,
là encore, indiqué.
M. Rivest: C'était en 1982.
M. Lévesque (Taillon): Pardon?
M. Rivest: En novembre.
M. Lévesque (Taillon): Oui, peut-être.
M. Levesque (Bonaventure): Le député de
Sainte-Marie était encore bien vu par le premier ministre à ce
moment.
M. Lévesque (Taillon): Oh! écoutez, il a
été élu par les citoyens, il est toujours bien vu. Au
point de vue politique disons qu'on a certaines divergences, mais on n'a pas
besoin d'insister longuement sur cela. Ceci ne change pas le fait que dans
Saint-Eusèbe il y a des gens bien qui font du bon travail.
M. Rivest: II y avait un bon député pour vous
acheminer la demande.
M. Lévesque (Taillon): Dans ce temps, c'était le
milieu aussi qui nous faisait signe avec insistance.
M. Levesque (Bonaventure): Je n'ai pas l'intention de continuer
bien longtemps, mais la Jonquille, 2000 $, c'est quoi?
M. Rivest: C'est la campagne.
M. Lévesque (Taillon): C'est la campagne annuelle pour la
Société canadienne du cancer. Je crois que cela est devenu une
tradition.
M. Levesque (Bonaventure): La
Fondation pour le conseil de presse du Québec est-ce une
contribution annuelle?
M. Rivest: Aucun rapport avec la Presse.
C'est probablement le fonds de défense
pour la Presse. Non?
M. Levesque (Bonaventure): 100 000 $ pour...
M. Lévesque (Taillon): Oui, cela achève.
C'était un engagement qui avait été pris de 400 000 $, des
tranches de 100 000 $ par année pour aider. C'est du "matching fund",
comme on dit en anglais, c'est-à-dire que c'est le milieu qui doit en
avoir les moyens. Il est capable de fournir l'équivalent. Bien, le
gouvernement s'était engagé pour quatre ans à 100 000 $
par année. Je pense que cela achève.
Sauf erreur - et peut-être que cela rappellera des souvenirs au
député de Bonaventure - il y avait une première tranche de
100 000 $ avant cet engagement qui avait été versée
probablement au début du conseil par le gouvernement
précédent.
M. Levesque (Bonaventure): Mais cela fait sept ans. Est-ce que
vous avez manqué des années?
M. Lévesque (Taillon): Je pense qu'il y a eu un trou. On
n'avait pas réussi en première étape. Cela a dû
traîner pendant un an et demi, deux ans, je pense. On n'avait pas
réussi à amasser les 100 000 $ de "matching fund" à ce
moment, c'est-à-dire de fonds d'équivalent.
M. Rivest: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui. M. le député
de Jean-Talon.
M. Rivest: M. le premier ministre, vos ministres qui
écrivent des livres nous révèlent que vous n'êtes
pas très bon dans les remaniements ministériels ou enfin que vous
êtes généralement embarrassé dans les remaniements
ministériels.
M. Lévesque (Taillon): C'est une opinion comme une
autre.
M. Rivest: Je voudrais vous poser une question au sujet de
l'imbroglio ou de l'espèce de confusion qui s'est installée entre
le ministre des Affaires intergouvernementales et le ministre du Commerce
extérieur pour vous demander si, au niveau du Conseil exécutif -
je ne sais pas à quel programme cela s'applique exactement - vous
envisagez... Parce que ces gens dans le domaine du commerce extérieur
ont des clients sur le terrain qui doivent savoir qui fait quoi et dans la
mesure où... J'ai soulevé cette question au ministre des Affaires
intergouvernementales, en détail. Je n'ai pas l'intention d'être
long là-dessus. Dans la mesure où dans la loi sur les affaires
intergouvernementales, si on la regarde à la lettre, ainsi que dans
celle du ministre du Commerce extérieur, les choses se recoupent au
moins au niveau des textes, avez-vous envisagé la possibilité
d'adopter un arrêté en conseil qui sera public, clair,
définissant les attributions respectives de l'un et de l'autre ministre
en regard des activités économiques du Québec à
l'extérieur?
M. Lévesque (Taillon): Non. Parce que ce serait comme dire
que c'est insoluble par d'autres moyens. Il y a un besoin de coordination. Je
pense qu'il suffit de lire les deux lois pour voir que cela exige de la
coordination. Il y a un chevauchement qui doit se régler par un esprit
d'équipe. Il y a des rodages un peu difficiles à l'occasion. Cela
a été un peu plus difficile qu'à l'habitude dans ce cas,
mais j'ai l'impression qu'il y a une sorte de rythme de croisière qui va
finir par se prendre. En tout cas, jusqu'à nouvel ordre, dans un avenir
prévisible, je ne vois pas l'utilité de mesures aussi
draconiennes que celles que vient d'évoquer le député de
Jean-Talon.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Marquette.
Secrétariat à la jeunesse
M. Dauphin: M. le Président, en étant bien
conscient que le temps est précieux à cette commission, j'aurais
quelques questions concernant le Secrétariat à la jeunesse. En
mars dernier, vous annonciez la création d'un budget de 150 000 000 $
avec la création du Secrétariat à la jeunesse. Vous disiez
à ce moment que ce devait être une structure légère
dont le mandat était, selon moi, aussi large que flou avec les
définitions. Jusqu'à maintenant, on a très peu entendu
parler du secrétariat et de ses activités.
Je demanderais seulement au premier ministre de donner quelque
éclairage. Tout d'abord, j'aimerais faire part au premier ministre de
mon étonnement de ne pas voir apparaître le Secrétariat
à la jeunesse dans les notes explicatives concernant les crédits
de son bureau. Ma première question est la suivante: Le
secrétariat serait-il un organisme à la structure si
légère qu'il est en fait invisible, si on regarde le cahier des
crédits?
M. Lévesque (Taillon): C'est vrai que jusqu'ici, il n'a
pas fait beaucoup de bruit parce que des fois, quand on fait trop de bruit trop
vite, cela ne donne pas beaucoup de résultats. C'est mieux de
s'organiser Jusqu'à présent, les premières étapes
de mise en place ont été faites et ce, sans perte de temps.
Au point de vue politique, il y a mon adjoint parlementaire, le
député de Verchères, qui a un personnel complet avec lui
pour lui donner un coup de main de ce côté parce qu'il a
travaillé très fort du côté des sommets de la
jeunesse - toute une série de coordination sur le terrain - et pour
l'aider à continuer, il y a un contractuel, en fait, deux contractuels,
et une employée de soutien qui est, je crois, de la fonction publique.
Je pourrais vous donner les noms, si vous le voulez. Pour ce qui est du
secrétariat lui-même, c'est-à-dire la structure
administrative et de coordination aussi, les programmes pour les jeunes au
gouvernement, la première chose était évidemment de
trouver un directeur ou une directrice. Alors, la directrice
générale, Mme Bouchard, je pense qui était assez bien
connue dans la région de Québec comme directrice du festival
depuis quelques années, a accepté de prendre l'emploi. En ce
moment, il y a un début de... Aujourd'hui même - parce que le
mardi, c'est toujours le Conseil du trésor - à la suite de toute
une série de rencontres dont Mme Bouchard pourrait donner l'essentiel,
il y a un premier plan d'effectif au Conseil du trésor et qui implique -
il y a déjà cinq personnes qui sont entrées - une
équipe qui serait composée de sept occasionnels pour le soutien
administratif, de trois contractuels professionnels chargés de la
recherche, deux permanents - qui viennent de la machine, comme on dit -
affectés respectivement à la coordination
interministérielle - parce qu'il y a toujours beaucoup de
variété dans ces trucs-là, on sait qu'il y en a souvent
trop -et également de la direction des communications. Cela serait donc
une équipe de douze personnes. Dès le mois d'août, on
prévoit qu'une partie de cet effectif - parce qu'il s'agit d'un animal,
si vous me permettez l'expression, d'une taille exceptionnelle; il s'agit de la
région métropolitaine de Montréal - cinq à sept
personnes qui seront affectées au travail de coordination d'animation,
de communication et de contact dans la région de Montréal.
Éventuellement, on pense ne pas dépasser une vingtaine de
personnes.
M. Dauphin: Est-ce qu'un budget a été
adopté?
M. Lévesque (Taillon): La plupart sont occasionnels ou
contractuels.
M. Dauphin: Au moment où on se parle, est-ce qu'il y a un
budget adopté pour le secrétariat comme tel?
M. Lévesque (Taillon): Pas encore. C'est au Conseil du
trésor aujourd'hui. Le budget proposé est de 655 000 $ pour le
fonctionnement.
M. Charbonneau: La structure dont on parle en termes de personnel
occasionnel, contractuel...
M. Dauphin: Au même titre que vous, je suis heureux de vous
rencontrer, Mlle la directrice. Ce n'est pas par malice que je demande cela,
mais je présume que le salaire a été négocié
et non pas décrété.
M. Lévesque (Taillon): Oui, oui,
négocié.
M. Dauphin: Est-il exact que le salaire de la directrice est de
49 000 $ par année, plus élevé que le responsable du
Secrétariat à la jeunesse.
M. Charbonneau: Cela n'est pas inusité dans l'appareil
gouvernemental.
M. Dauphin: Est-ce que les autres membres du secrétariat
vont recevoir des rémunérations aussi belles?
M. Lévesque (Taillon): C'est selon l'échelle
normale pour ce qui est de la fonction publique ou alors par négociation
normale quand il s'agit de contractuels ou d'occasionnels.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que les sommes
mentionnées de 655 000 $ comprennent l'effectif qui sera muté ou
est-ce que les mutations sont en plus?
M. Lévesque (Taillon): Non parce que les salaires viennent
avec les gens.
M. Dauphin: On a une ou deux autres questions. On a pu lire, dans
certains médias, que la principale fonction de l'adjoint parlementaire
du premier ministre responsable du secrétariat serait surtout de voir
à l'application du programme Action jeunes volontaires. Est-ce qu'on
peut savoir où on en est? Y a-t-ii des démarches
d'entreprises?
M. Lévesque (Taillon): Le rôle de M. le
député de Verchères en est essentiellement un
d'accompagnement politique du travail qui va se faire - parce qu'il y a des
responsabilités administratives qu'il faut toujours surveiller - au
Secrétariat à la jeunesse, y compris pour le programme des jeunes
volontaires. Il serait peut-être bon de vous lire tout simplement l'ABC,
les décrets qui nommaient M. le député de
Verchères, M. Charbonneau, comme adjoint parlementaire. Dans le cadre
général que lui attribue la Loi sur l'Assemblée nationale
d'assister le premier ministre dans l'exercice de ses fonctions et remplir les
mandats spécifiques suivants: Premièrement, responsabilité
politique du Secrétariat à la jeunesse et faire rapport
régulièrement de
ses activités à votre serviteur; deuxièmement, de
conseiller le premier ministre sur toutes les questions relatives à la
jeunesse québécoise et assurer la liaison entre les jeunes et le
gouvernement, le mieux possible parce que cela est complexe;
troisièmement, superviser le soutien apporté par le gouvernement
au projet du Sommet québécois de la jeunesse et aux autres
projets jeunesse d'envergure - de la façon dont cela se
développe, cela devrait être intéressant, c'est le moins
qu'on puisse dire -notamment les projets liés à l'Année
internationale de la jeunesse, parce que cela se prépare toujours
longtemps d'avance, ces damnées années internationales. Il y a
pas mal de choses à prospecter et à essayer de mettre au point.
C'est en 1985; cela vient assez vite quand même, et il y a
déjà des choses dans le paysage. C'est drôle. Tel que c'est
défini par le député de Verchères comme adjoint
parlementaire et pour ce qui est du secrétariat, je pense que Mme
Bouchard pourrait répondre à vos questions si vous en avez pour
vous dire où on en est. (12 h 30)
Une voix: Vous parliez des jeunes volontaires?
M. Lévesque (Taillon): Entre autres, dans ce domaine,
parce que c'est à peine amorcé pour l'instant. On espère
être à pied d'oeuvre, en tout cas, avec ce programme à la
fin de l'été.
M. Charbonneau: En fait, des étapes ont déjà
été franchies. La conception du programme est prête. Des
consultations préliminaires ont été engagées.
D'autres consultations vont être engagées au cours des prochaines
semaines parce que dans ce programme, qui est un programme expérimental
- on a tenu à ce que cela en soit un - il n'est pas question de
bousculer qui que ce soit. Je pense qu'il est question de le faire avec les
organismes des milieux concernés. Ce programme sera utilisé par
les organismes de milieu.
M. Lévesque (Taillon): Étant nouvelle, Mme Bouchard
n'en parle pas beaucoup, mais j'ai des rapport sur un travail très
intense, parce que, au début il s'agissait d'essayer de mettre cela
ensemble, et ce n'est pas très ancien quand même, cela date du
mois d'avril ou à peu près. Dès le début de mai, il
y a eu récupération des dossiers, rencontres avec les gens du
ministère des Communications, réunion de la table jeunesse du
comité permanent du ministère des Communications - je pense que
c'est cela -ensuite, il y a eu rencontres du côté du
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, avec le
ministère de l'Éducation, pour voir comment ajuster ce qu'on
appelle les modules jeunesse. C'est le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui est
censé avoir au moins une personne dans chacun des centres
Travail-Québec pour s'occuper spécifiquement des questions des
jeunes. Or il y a eu des rencontres avec eux pour qu'il y ait une coordination
aussi avec le ministère des Affaires intergouvernementales.
Peut-être qu'on en aura des échos quand on sera en France
prochainement pour un voyage officiel pour l'ouverture d'un dossier jeunesse
à la Commission permanente franco-québécoise. On aura
aussi des rencontres avec le ministère des Affaires sociales. Là
encore, on essaie d'arrimer cela le mieux possible parce qu'il y a aussi des
choses du côté du ministère des Affaires sociales. Il y a
des maisons de jeunes, etc. Il y a une sorte d'expansion qui s'est prise.
Également, avant la fin de mai - c'est en préparation -
j'espère qu'on aura des choses concrètes à proposer ou
à échanger avec eux au cours du voyage en France à la fin
de juin à la partie franco-québécoise, si on veut.
Le groupe interministériel, parce que vu qu'il faut se mettre le
plus possible sur une même longueur d'ondes, ou essayer de la partager
avec plusieurs ministères, Mme Bouchard me dit que la première
rencontre interministérielle a eu lieu le 7 juin, de façon
à voir où on en est.
M. Charbonneau: En fait, M. Lévesque, on pourrait ajouter
qu'il y a eu un comité interministériel qui avait
été mis en place d'une façon un peu...
M. Lévesque (Taillon): Ad hoc!
M. Charbonneau: ...ad hoc à l'occasion de la
préparation du plan d'action qui relevait du secrétariat du
Comité des priorités. Maintenant, le Secrétariat à
la jeunesse prend la relève sur une base permanente d'un comité
interministériel jeunesse dont la première rencontre a eu lieu la
semaine dernière et qui va se réunir tous les mois, à la
fois pour le suivi des mesures annoncées dans le cadre du plan d'action
par le premier ministre et pour l'ensemble des autres actions gouvernementales
à l'égard des jeunes qui ne sont pas nécessairement
contenus dans le plan d'action annoncé par le premier ministre.
M. Dauphin: J'ai une dernière question, en terminant, M.
le Président. Plusieurs groupes de jeunes ont d'ailleurs souligné
qu'il y avait eu un manque de consultation lors de la préparation de ce
programme, entre autres les jeunes volontaires. On est allé consulter
des jeunes en France, mais pas du Québec.
M. Lévesque (Taillon): Non.
M. Charbonneau: Ce n'est pas exact.
M. Lévesque (Taillon): Non, non, non, ce n'est pas
vrai.
M. Dauphin: En tout cas, on m'a dit qu'on ne les avait pas
consultés. C'est ce qu'on m'a dit.
M. Charbonneau: Non, ce n'est pas exact.
M. Lévesque (Taillon): Vous étiez... avant le
parti. Peut-être que Mme Bouchard pourra raconter la suite.
M. Dauphin: Je sais qu'on a fait des représentations
à savoir si vous étiez pour les modalités, les
consulter...
M. Charbonneau: J'avais organisé, au mois d'octobre, une
réunion où on avait réuni 80 intervenants jeunesse
à Québec. Par la suite, les contacts avaient été
maintenus avec plusieurs de ces organismes, de ces porte-parole et de ces
intervenants jeunesse. C'était à l'époque où le
secrétariat du comité des priorités planifiait ou
coordonnait l'action préparatoire du plan d'action. Depuis ce temps, un
mandat spécifique a été donné au Secrétariat
à la jeunesse afin d'assurer la liaison avec les organismes de jeunes et
s'assurer une consultation. C'est déjà engagé, à la
fois avec des tables de concertation de services d'aide à la jeunesse
qui existent dans plusieurs régions du Québec et avec des
organismes jeunesse, tant par le personnel du secrétariat qui a
déjà eu à rencontrer un certain nombre d'organismes de
jeunes, notamment sur le programme jeunes volontaires et moi-même ainsi
que l'équipe politique. Par exemple, la semaine dernière,
j'étais dans la région de Sherbrooke. Hier, j'étais dans
la région de Saint-Jean où j'ai rencontré tous les
intervenants jeunesse de cette région. Il y a un travail de suivi qui va
s'intensifier, parce qu'on passe au Conseil du trésor, le personnel du
secrétariat pourra prendre plus d'importance au cours des prochaines
semaines. Ce travail de contact et de consultation, dont on veut faire la
marque de commerce du secrétariat, se fera avec plus d'intensité
au cours des prochains mois.
M. Lévesque (Taillon): À partir du noyau initial du
secrétariat, depuis le début de mai, pour vous donner une
idée, peut-être que vous pourriez...
On a entrepris une consultation auprès des organismes jeunesses
pour mettre sur pied le programme Action jeunes volontaires. Je peux vous
donner la liste des organismes qui ont été consultés
depuis mai, depuis un mois: L'Association des centres de
bénévolat du Québec, le Regroupement des organismes de
loisir du Québec, le Regroupement des associations étudiantes
universitaires, la Conférence des organismes régionaux de loisir
du Québec, le CLSC Matane, le Mouvement québécois des
chantiers, IMAJ '85 qui a mandat d'organiser l'Année internationale de
la jeunesse, Pierre Noreau et André Delisle du Sommet
québécois de la jeunesse et quelques maisons de jeunes, dont la
maison de jeunes de Sainte-Thérèse
D'ailleurs, on a pris contact avec les dirigeants montréalais qui
ont pas mal d'implication constante - c'est normal - avec des organisations ou
des groupes de jeunes, de façon qu'on puisse voir comment on peut mieux
coordonner le travail, parce que, dans le cas de la ville de Montréal,
évidemment, c'est exceptionnellement important. Cela se fera
incessamment.
M. Dauphin: D'accord. Je vous remercie. Je suis conscient que
c'est tout nouveau et on suivra cela de près. Je remercie la directrice
d'être venue.
L'avenir politique du Québec
M. Lévesque (Bonaventure): M. le Président, le
premier ministre s'était engagé formellement à tenir la
prochaine élection principalement sur le thème de
l'indépendance. Il s'est même engagé à
déclencher le processus d'accession à l'indépendance sur
la base d'un vote majoritaire à 50% des suffrages exprimés dans
une élection de type conventionnel.
Par la suite, alors que j'ai eu l'occasion d'interroger le premier
ministre sur la façon dont se ferait cette fameuse élection
référendaire, on a commencé à voir quelques
fissures dans l'engagement formel du premier ministre. Autrement dit,
l'élection référendaire est devenue possiblement, dans son
esprit, une élection ordinaire accompagnée d'un
référendum. Même, le premier ministre n'a pas rejeté
le fait qu'on pourrait avoir un bulletin de vote en deux parties, une sur
l'élection et une sur...
M. Lévesque (Taillon): Je ne l'ai pas endossé.
M. Levesque (Bonaventure): ...le référendum. Il
nous a laissés avec cette situation plutôt ambiguë et il
semble que nous recommençons une partie de cet étapisme qu'il
semblait chérir autrefois, qu'il a semblé mettre de
côté pour un temps pour, en quelque sorte, essayer de donner un
nouveau souffle à ses troupes séparatistes, la "hard line".
Maintenant, il revient un peu à l'étapisme, donc à
l'ambiguïté, à l'incertitude dont on parlait en 1976-1977,
alors qu'il a fait passer la province pendant quatre ans à attendre un
référendum. Une fois que la population s'est prononcée
d'une
façon bien claire, il recommence encore. Est-ce que le premier
ministre pourrait au moins nous dire sans hésitation si la
décision des électeurs sur l'indépendance sera prise le
même jour que celle de l'élection des candidats?
M. Lévesque (Taillon): En tout cas, je ne sais pas,
évidemment, quelle sera l'impulsion que donnera, sur ce point, à
son parti, le député de Bonaventure, si les intentions qu'on lui
prête se réalisent, mais je pense bien que cela devrait rejoindre
cette idée de centrer la prochaine élection sur la question
nationale, sur l'avenir politique, institutionnel du Québec. Cela
devrait rejoindre un certain nombre de libéraux. On me rappelle une
déclaration récente, je pense, du député de
Notre-Dame-de-Grâce qui souhaite justement qu'il y ait une
élection sur cette question. On ne serait peut-être pas
nécessairement dans le même camp, mais on serait au moins sur la
même longueur d'onde pour considérer que le sujet doit être
central. Je pense que c'est inévitable qu'il soit central jusqu'à
ce que la perception soit là que, ou bien c'est réglé dans
le sens que nous souhaitons de tout notre coeur ou cela ne pourra pas se faire.
Mais c'est loin d'être clair pour l'instant.
Pour ce qui est de la façon d'aller en élection on n'est
pas rendu là. On prévoit un congrès et, d'un
congrès à l'autre, il est évident que le programme est
rediscuté dans notre parti. On prévoit au moins qu'il va falloir
une réflexion - enfin, je me suis permis de le dire - additionnelle sur
la façon de se présenter à cette élection en
centrant la campagne électorale sur la question de l'avenir du
Québec. Cela mérite encore d'être précisé. Si
je relis notre programme politique - je le relis plus souvent que ces messieurs
du Parti libéral; après tout, c'est notre propos - il y a encore
du flou. Justement, je voudrais qu'on sorte, enfin, qu'on extraie tout
ce qui peut être flou et que ce soit le plus clair, pour employer un mot
qui me paraît encore bon, le plus transparent possible quand viendra le
moment.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, le premier
ministre se rend-il compte que la dernière élection
générale a eu lieu le 13 avril 1981, qu'il vient de dire
lui-même qu'il avait dit à ses troupes...
M. Lévesque (Taillon): Oui, je m'en rends compte.
M. Levesque (Bonaventure): ...en fin de semaine que
l'élection générale pourrait venir plus vite que l'on
pense? Le terme normal d'un gouvernement, selon la tradition, se terminerait
vers le printemps 1985, c'est-à-dire qu'il nous reste à peu
près un an et dix mois pour arriver à l'élection de
façon normale, sans précipitation, mais sans délai comme
la dernière fois, alors que le premier ministre a jugé à
propos de dépasser la période traditionnelle.
Est-ce que le premier ministre se rend compte qu'à un an et
quelques mois de l'élection il serait temps d'être moins flou et
d'être plus précis? Est-ce qu'on va avoir droit à une
question encore, question qui serait, selon la Loi sur la consultation
populaire, étudiée à l'Assemblée nationale? Est-ce
qu'on va encore avoir des comités-parapluies? Le premier ministre a
laissé entendre que les lois se changent, etc., mais est-ce que le
premier ministre ne pense pas, avec un sens minimal des responsabilités,
qu'il ne devrait pas laisser le Québec encore une fois dans une
période flou comme il le dit, bien longtemps avant que des
décisions ne soient prises?
M. Lévesque (Taillon): Soi dit en passant, c'est vrai, on
doit s'en souvenir des deux côtés, la dernière
élection a eu lieu le 13 avril 1981, on n'a pas oublié cela. Je
pense que vous non plus.
Pour ce qui est de la suite, la tradition, c'est quatre ans. De plus en
plus, il y a des gouvernements qui y vont au bout de trois ans ou trois ans et
demi. Le gouvernement de M. Trudeau, quand il a été battu, avait
épuisé presque jusqu'à la dernière goutte la
cinquième année de son mandat. Nous, nous sommes allés
à quatre ans et cinq mois à peu près. Je pense que cela
reste quand même une chose sur laquelle, au besoin... Le jour où
la décision sera prise, je consulterai le chef de l'Opposition, si c'est
lui qui l'est encore. Chose certaine, c'est que ce n'est pas le moment
aujourd'hui.
Ce que je voulais dire et ce que j'ai dit, c'est que dans un parti comme
le nôtre, qui a fait sa raison d'être d'une idée
extraordinairement légitime, d'un projet aussi légitime que
n'importe quel autre, on peut bien avoir comme projet de rester à
perpétuité dans un régime fédéral, on peut
également avoir comme projet, comme toute nation dans le monde qui se
respecte - et il y a une nation ici au Québec qui a toute sa consistance
- très légitime de faire l'émancipation ou d'aider
à faire l'émancipation politique de cette nation, de ce peuple.
C'est cela qui va être central pour nous, à la prochaine
élection, quel qu'en soit le moment. Pour ce qui est de la façon
d'y arriver, je répète ce que j'ai dit tout à l'heure au
chef de l'Opposition: Quant à nous, il reste à peu près un
an d'ici le prochain congrès national, en juin 1984, qu'on
prépare. Comme à chaque congrès, des choses sont remises
en discussion. Celle-là aura des chances très sérieuses de
l'être aussi et on sortira de là, je l'espère, avec la
position la plus claire possible. Ce sera amplement suffisant pour que
tout le monde ait le temps de voir où on s'en va.
Je ferai remarquer au chef de l'Opposition que, dans le temps, j'ai
connu des campagnes électorales centrées, à la
dernière minute, sur un slogan tel "100 000 emplois". On en a eu une
sans grande préparation dans les esprits, sur la nationalisation de
l'électricité, même si cela s'en venait depuis quelques
années. Je pourrais citer d'autres exemples. Enfin, je ne vois pas
à quoi rime de se poser des questions. Peut-être deux ans,
peut-être même plus avant la prochaine élection puisque, de
toute façon, d'ici à un an, notre parti et tous ensemble de notre
côté, nous aurons précisé nos intentions et notre
façon de procéder. (12 h 45)
M. Levesque (Bonaventure): Notre premier ministre, M. le
Président...
M. Lévesque (Taillon): Je ne peux pas le prévoir et
je ne peux pas faire cela pour faire plaisir au député de
Bonaventure en ce moment.
M. Levesque (Bonaventure): ...ne me rassure pas du tout,
lorsqu'il répond ainsi.
M. Lévesque (Taillon): J'avoue que je ne me faisais pas
d'illusions.
M. Levesque (Bonaventure): Surtout lorsqu'il nous renvoie dans un
an à son congrès. Quand on sait ce qu'a donné le dernier
congrès et quand on a sait qu'il a fallu tenir un "renérendum"
pour contredire le congrès... Je me demande si on va avoir la même
chose au prochain congrès.
M. Lévesque (Taillon): Avec le fourmillement
d'idées qu'il y a chez ces messieurs du Parti libéral, je pense
que vous ne risquez rien de ce côté-là.
M. Levesque (Bonaventure): Deuxièmement, la question
que...
M.Rivest: Vous verrez le 20 juin.
M. Lévesque (Taillon): Le premier ministre pourrait-il
nous dire comment il a pu déclarer, à la suite de son engagement
formel, que la prochaine élection générale serait
centrée sur l'indépendance et qu'elle se ferait sur
l'indépendance, comment peut-il nous expliquer qu'il ait dit, à
ce moment-là - c'est ce que nous avons compris du moins et ses ministres
également l'ont compris, d'après les propos tenus par la suite -
qu'il allait se mettre la tête sur le billot et que les
députés péquistes allaient se mettre la tête sur le
billot? Tout le monde a compris que cela voulait dire qu'il y aurait un vote -
pas deux votes, un vote - à l'élection
référendaire. Comment peut-on s'imaginer qu'on se met la
tête sur le billot quand on a une élection générale
et, à côté, pas en même temps, mais à
côté, simultanément, parallèlement, un autre vote
sur la question de l'indépendance? Comment peut-on concilier cela avec
des propos comme: On va se mettre la tête sur le billot? Où est le
billot? Où est la tête? La tête de qui?
M. Lévesque (Taillon): En tout cas, ce serait un billot
beaucoup plus réel et beaucoup plus honnête que celui
employé par M. Trudeau pour faire voter non au référendum.
Vous vous souvenez? Il mettait sa tête...
M. Levesque (Bonaventure): Oui, mais cela ne répond pas
à la question.
M. Lévesque (Taillon): Non, non, attendez un peu!
M. Levesque (Bonaventure): Cela ne répond pas à la
question.
M. Lévesque (Taillon): Non, non, ce que je veux dire,
c'est que l'expression est peut-être un peu dévaluée. On
devrait en changer et en trouver une autre parce que ia façon sournoise
et profondément malhonnête dont le premier ministre
fédéral est venu influencer, par un engagement solennel comme
celui-là, le vote du référendum au Québec, laissant
entendre à tout le monde que les aspirations légitimes à
l'intérieur du régime fédéral, qui traînent
dans le paysage depuis une génération et plus, seraient
réalisées. C'est ce que tout le monde a compris. Après
cela, ce qu'on a eu a été plutôt une des opérations,
à mon humble avis, les plus répugnantes au point de vue
constitutionnel qu'on n'ait jamais vues dans notre histoire. Et Dieu sait qu'on
en a vu pourtant!
Pour nous, ce que cela veut dire est ceci: De façon absolument
centrale - cela est dans notre programme et c'est écrit comme cela, j'en
enverrai un exemplaire au député de Bonaventure s'il veut se
renseigner le gouvernement actuel mettra son existence en jeu et personne ne
pourra l'ignorer au moment des prochaines élections. Quelle va
être la façon de le faire de manière que ce soit le plus
légitime, le plus clair possible, si les résultats sont ceux que
nous espérons? Cela reste à mettre au point, parce que ce n'est
pas clair dans le programme du parti actuellement. Je n'y peux rien et ce n'est
pas à moi de fabriquer le programme. J'ai simplement indiqué, je
n'ai pas du tout dit au député de Bonaventure - c'est lui qui a
inventé des scénarios - en Chambre qu'il y aurait deux bulletins,
qu'il y aurait deux votes ou qu'il y
aurait un vote coupé en deux. Toutes ces façons de
procéder, pourvu qu'elles soient légitimes, qu'elles soient
claires, ce sont des choses qui, à mon humble avis, doivent encore
être mises au point et discutées entre nous, de notre
côté, et le public jugera si c'est satisfaisant comme façon
de procéder.
M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre admet qu'il n'a
pas rejeté l'idée d'avoir un double vote à ce
moment-là?
M. Lévesque (Taillon): Je n'ai endossé ni accepté
aucune idée, puisque c'est cela qu'on va discuter de notre
côté. Je vais écouter avec beaucoup d'intérêt
tout le long du chemin, s'il en a d'autres, les suggestions du
député de Bonaventure, mais ce sera à nous de
décider.
M. Levesque (Bonaventure): En effet, mais si on arrivait à
prendre cette décision, je dis qu'il faudrait ne plus parler de mettre
la tête sur le billot à moins que le premier ministre soit
convaincu - et cela, il a des bonnes raisons de l'être - que la prochaine
fois, qu'il y ait un ou deux bulletins, cela va être un rejet autant du
gouvernement que de l'option. Mais si on veut rester dans la pleine logique et
éviter le côté partisan, simplement rester dans la logique
des choses, comment peut-on imaginer que le gouvernement va mettre la
tête sur le billot lorsqu'il y a deux parties de bulletin de vote, une
partie portant sur l'élection elle-même et l'autre portant sur le
référendum? Si on arrive avec cette solution, il serait grand
temps qu'on sorte de la situation floue qu'admettait le premier ministre tout
à l'heure parce qu'il nous reste un an et quelques mois avant d'arriver
au terme normal de ce gouvernement.
M. Lévesque (Taillon): Bon! Il y a quelques notes un peu
méchantes que j'ai ici. Si on veut faire un petit débat sur cela,
on peut toujours continuer. J'aimerais mieux et je pourrais quasiment demander
au député de Bonaventure... 11 est là, il fait des
suggestions et c'est lui qui les invente, ce n'est pas moi. Je pourrais
peut-être lui demander ses préférences, s'il ne veut pas me
les donner tout de suite, il pourra peut-être m'envoyer une note et j'en
tiendrai compte au besoin. 11 est en train de nous dessiner son propre
scénario. Quand on nous accuse d'être flous sur une question qui
mérite vraiment qu'on s'y engage à fond, si c'est central dans la
prochaine élection, je ferai remarquer au député de
Bonaventure qu'il n'y a pas grand monde au Québec qui va ignorer que
c'est central. Et, quand les gens vont voter, quelle que soit la forme finale
de la consultation de l'élection elle-même, ils vont savoir sans
la moindre ambiguïté de quoi il s'agit. Mais quand je les vois nous
accuser d'être flous, sauf erreur, les gens qui ont annoncé qu'ils
auront un programme politique au moment de l'élection d'un chef,
c'est-à-dire quand on verra ce que le chef éventuel voudra mettre
dedans, je suppose... Si je prends les échéances que fabrique
lui-même le député de Bonaventure, dans moins de deux ans,
il me semble que vous avez du temps perdu à rattraper et que vous
pourriez peut-être vous occuper de la façon dont vous vous
présenteriez comme éventuel gouvernement parce que cela commence
aussi à presser de votre côté. Nous, au moins, on sait
notre but, et le but on ne l'abandonnera pas; la façon d'y arriver,
bien, cela se met au point en cours de route.
M. Levesque (Bonaventure): Combien de fois le premier ministre
juge-t-il qu'il est nécessaire que la population dise non à son
projet avant qu'il soit convaincu qu'il doit être mis de
côté?
M. Lévesque (Taillon): C'est une bonne question. Je ne le
sais pas. Je ne sais pas combien de temps dure... Dans le cas du peuple grec -
cela m'a frappé l'autre jour -il a été deux mille ans avec
une identité Dieu sait! bien connue puisqu'elle avait été
à la source même de la civilisation que nous avons. Il a
été deux mille ans dans des régimes qui lui enlevaient et
continuaient de lui enlever, enfin, le gardaient en sujétion comme
colonie d'empires successifs. Il n'a jamais lâché et, au bout de
deux mille ans, au siècle dernier, il a retrouvé son
indépendance. L'Irlande a passé combien de
générations, à partir de Cromwell jusqu'au XXe
siècle, à se faire bardasser de façon
particulièrement barbare à l'occasion? Cela ne l'a pas
empêchée éventuellement de récupérer son
existence nationale. J'espère et je suis confiant qu'on n'aura pas
à passer par autant de tribulations. Mais pourquoi cette idée
artificielle qu'un peuple qui ne s'est pas abandonné depuis trois
siècles et demi, qui a une existence nationale indiscutable, surtout sur
ce continent où la différence elle-même par rapport au
reste du continent nous donne notre identité, enfin, sous-tend notre
identité, pourquoi cette question artificielle? À quel moment...
Au fond, ce que vous voulez dire, c'est à quel moment les
Québécois abandonneraient l'idée de pouvoir s'appartenir
un jour? Je n'ai vu cela nulle part, dans l'histoire d'aucun peuple bien
identifié qui se respectait de façon minimale.
Pour régler la question, j'ai bon espoir que si ce n'est pas la
prochaine fois... J'ai confiance, la prochaine fois, qu'on ait des chances
parce que cela se maintient pour l'essentiel. Il y aura quelques centaines de
milliers de jeunes électeurs qui n'étaient pas là en 1980,
il y a aura quelques centaines de personnes qu'on avait terrorisées qui
ne
seront plus là et qui étaient là en 1980. Elles ne
seront plus là. J'ai confiance qu'on arrivera peut-être au
résultat, mais je ne peux en dire davantage. Qu'on puisse
déraciner l'idée de s'appartenir, i'idée de la
souveraineté ou de l'indépendance chez un peuple? Je n'y crois
pas ou alors il s'est lui-même abandonné.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais tout d'abord
redresser une couple de faits qui ont été évoqués
par le premier ministre. Quand il parle de l'expérience du
référendum et qu'il laisse entendre qu'une certaine
déclaration du premier ministre du Canada aurait été le
facteur décisif dans le verdict qu'ont rendu les électeurs, je
pense qu'il est lui-même conscient qu'il y a un risque de
déformation de la réalité qui n'est pas
négligeable.
M. Lévesque (Taillon): Écoutez, si le
député d'Argenteuil, veut que je - pour ne pas en faire un long
débat - rende hommage à ses efforts du côté du non
et à ses qualités à ce moment d'organisateur et de
leadership. Simplement, c'est que M. Trudeau a eu, lui, l'impression qu'il
venait de régler la question.
M. Ryan: M. le Président, ce n'est pas cela que
j'attendais, pas du tout. Quand je serai mort. Pour le moment, ce que je veux
dire - et je voulais le rappeler au premier ministre parce que je l'ai souvent
entendu répéter cela - c'est qu'avant cette fameuse
assemblée tenue au Centre Paul-Sauvé, un sondage
réalisé par Pinard et Hamilton avait été
publié dans tous les journaux. Ce sondage s'est
révélé comme étant le plus exact de tous et il
indiquait un résultat à peu près semblable à celui
qu'on a connu. Le sondage avait été fait environ quinze jours
avant les déclarations de M. Trudeau. Par conséquent, je pense
qu'on peut au moins prêter au peuple québécois
l'intelligence suffisante pour avoir été capable d'en venir
à cette décision sans que le facteur que vous évoquez ait
été causal et premier. Que cela ait été un facteur,
je ne le nie point. J'ai souvent constaté qu'on faisait ce lien. Je
comprends que, dans l'emportement de la polémique, on est souvent
porté à établir des liens comme celui-là. Je
soumets ces faits à votre réflexion pour que, dans l'avenir, ils
vous conduisent peut-être à des déclarations plus
nuancées.
M. Lévesque (Taillon): II y aura peut-être un
chapitre - pas le plus beau - dans l'histoire contemporaine qui sera là
et probablement que les gens remettront cela à la bonne place.
M. Ryan: Mais en attendant, vous voulez dire qu'il y en a qui
vont continuer à faire de la politique partisane avec ces
choses-là?
M. Lévesque (Taillon): C'est-à-dire que - vous le
dites vous-même - emportés dans le feu de l'action, on peut
peut-être sous-estimer certains facteurs et en surestimer d'autres.
M. Ryan: J'ai peut-être commis une grande erreur, M. le
Président, mais j'ai toujours pensé que si on essayait davantage
d'asseoir l'action politique sur la raison, sur le respect des faits, on ferait
peut-être avancer les peuples plus vite, même si, dans
l'immédiat, cela pouvait se solder par des résultats moins
intéressants.
M. Lévesque (Taillon): Si vous pouviez en convaincre vos
collègues, cela aiderait.
M. Ryan: Je travaille sur vous pour l'instant.
Deuxièmement, je souligne très brièvement que le Parti
libéral du Québec, malgré toutes les tares que le premier
ministre veut voir chez lui, a un programme constitutionnel pas mal plus
explicite que celui du Parti québécois en matière de
réforme du fédéralisme.
M. Lévesque (Taillon): Est-ce qu'il est encore
officiel?
Des voix: Oui.
M. Ryan: Deuxièmement, il a également un programme
politique, économique et social qui s'appelle le livre rouge et qui fut
adopté avant la dernière élection, non pas à la
veille d'une élection sur un bout de table comme cela s'est
déjà fait - l'ex-premier ministre et moi avons des souvenirs en
commun là-dessus - mais qui avait été l'objet de longues
délibérations dans toutes les régions du Québec,
qui avait été adopté chapitre par chapitre au niveau
régional avant d'être adopté en conseil
général spécial, ce qui équivaut à un
congrès de plusieurs semaines. Tout cela, encore une fois, pour le souoi
des faits, mais la question que je voulais soulever était plus
directement reliée à ce qu'a dit le premier ministre et aux
questions que lui a posées le chef de l'Opposition.
La question que je n'ai pas encore comprise, c'est que pendant plusieurs
années le Parti québécois et le gouvernement nous avaient
dit: On ne veut pas vous brusquer, on ne veut pas vous forcer sur la question
de l'indépendance, pour laquelle j'ai le plus grand respect
personnellement. Je serais porté à croire qu'aussi longtemps
qu'un peuple existe, ce sont des questions qui vont se poser à sa
conscience et qui trouveront
vraisemblablement une expression politique, le peuple restant libre de
décider majoritairement si c'est celle qu'il préfère. On
nous avait dit pendant des années: C'est une chose tellement importante.
Il faut sortir cela des considérations électoralistes. 11 faut
mettre cela à un niveau spécial. C'est pour cela qu'on est
allé faire des enquêtes sur la manière de tenir des
référendums. C'est pour cela qu'on est arrivé avec une loi
sur les référendums qui a une portée évidemment
plus générale dont le libellé ne se rattache pas
directement ni exclusivement à ce sujet, mais quand même,
lorsqu'on se souvient de l'histoire de la manière la moindrement vraie,
cela a été fait pour cela. On a tenu un premier
référendum qui s'est bien déroulé, tout compte
fait. Nous avions des appréhensions très pessimistes. Vous
nourrissiez peut-être des espoirs exagérément optimistes.
Mais, finalement, on craignait même le regroupement en camps. Cela s'est
fait d'une manière dont on peut dire, après coup, qu'elle
était convenable. Ce que je n'ai pas compris, c'est que tout à
coup il y a eu un changement de cap. On a dit: Cela ne marche plus, les
référendums. On s'en va en élection là-dessus et
c'est ce qui va régler l'affaire.
Je voudrais poser deux questions au premier ministre là-dessus.
D'abord, pourquoi ce changement de cap? Qu'est-ce qui n'a pas marché
dans l'affaire du référendum? Pourquoi êtes-vous
porté à laisser cela de côté maintenant? Quels
avantages sérieux y a-t-il dans ce changement de cap pour le peuple
québécois et pour le caractère sérieux de la
décision que vous espériez obtenir de lui par rapport aux
avantages qu'on pouvait tirer de la formule référendaire? Ce sont
deux points sur lesquels je n'ai pas encore compris le cheminement de la
pensée gouvernementale et de la pensée péquiste, s'il peut
être question de pensée là-dedans. (13 heures)
M. Lévesque (Taillon): Je voudrais faire une remarque et
exprimer un remerciement normal, je pense. La remarque, je pense que cela
rejoint la discussion qu'on avait avec le député de Bonaventure.
Je viens d'entendre le député d'Argenteuil dire qu'à la
dernière campagne électorale, ce qui s'est appelé le livre
rouge dans le jargon populaire, c'est-à-dire le programme
électoral du Parti libéral - j'ai noté les mots - "avait
été mis au point de façon définitive",
c'est-à-dire approuvé de façon définitive,
plusieurs semaines, pas un an et demi, pas deux ans, mais plusieurs semaines
avant la campagne électorale. Je pense qu'il y a un
élément de réponse. Je voudrais remercier le
député d'Argenteuil - je n'ai pas à le remercier, mais
enfin, cela m'a frappé, de la façon extraordinairement
précise et cohérente, aussi, dont il a parlé de la
question de la souveraineté ou de l'indépendance nationale pour
notre peuple comme pour les autres. Cela fait du bien d'entendre cela, parce
que cela n'arrive pas souvent de l'autre côté.
Maintenant, pour ce qui est de la loi sur les référendums,
elle a été mise au point - c'est vrai - pour usage
général, mais en fonction, forcément, d'une
échéance qui approchait. Elle a fonctionné convenablement.
Je pense et j'espère qu'on aura l'occasion de s'en resservir. Est-ce
qu'elle peut avoir besoin d'amendements? J'ai toujours pensé qu'il y
avait - je prends la loi elle-même -un délai trop long.
Peut-être que c'était inévitable dans ce cas -
c'était peut-être même nécessaire - mais il y avait
un délai trop long entre, si vous voulez, l'amorce, qui prend la forme
d'une question qu'on propose, et tout le débat, enfin, les délais
ensuite pour la formation des camps, selon les cas, qui se forment pour aller
porter cette question à l'opinion publique pour qu'on ait une
réponse définitive de ceux qui ont le pouvoir véritable,
c'est-à-dire les citoyens. Je pense que, comme toute loi,
l'expérience vécue pourrait vouloir dire qu'elle
mériterait d'être amendée, mais cela reste à
voir.
Pourquoi ne s'est-on pas accroché cette fois-ci de façon
définitive à un autre référendum et qu'on a
plutôt eu cette pression d'aller vers une élection? Je pense que
cela vient essentiellement de toute une série de remous dans notre parti
qui sont légitimes, comme dans tous les partis démocratiques,
avec l'impression que j'essaie d'interpréter, je ne suis pas plus
psychanalyste, surtout des grandes foules, des grandes masses, que n'importe
qui - les parlementaires, enfin, ceux qui dirigeaient la campagne
référendaire de notre côté, ne se sentaient pas
impliqués au point d'avoir leur existence même comme
parlementaires en jeu. Cela ne me paraîtrait pas nécessairement la
pire des explications. C'est-à-dire qu'il y a derrière cela, je
pense, le sentiment, dans notre parti, chez des militants qui attendent depuis
des années, forcément avec impatience, que cela puisse se
réaliser, ce sentiment que, si on met tout le monde au "bat", comme on
dit dans le langage courant, et que chacun doit jouer à la fois sa
tête politique et la question elle-même, ce serait probablement une
façon d'arriver à un résultat maximal. C'est une
façon de voir les choses.
Je l'ai rappelé l'autre jour, j'ai déjà vécu
une élection... Quelquefois, les élections ont des allures
référendaires en soi. J'en ai vécu une qui était
nettement cela en 1962 où, forcément, personne ne pouvait ignorer
que, si on élisait le gouvernement, tout de suite après il y
aurait la nationalisation des compagnies d'électricité et que si
le gouvernement était battu, à cause de l'attitude de
l'Opposition d'alors, cela ne se ferait pas ou cela se ferait pas ou cela se
ferait par petits morceaux.
Donc, il y avait un enjeu qu'on peut qualifier de
référendaire. C'était un gros enjeu pour l'époque
quand même. Cela arrive à l'occasion. Ce n'est pas
illégitime en soi, mais sur une question aussi vaste et aussi "all
embracing" - comme on le dit en anglais - que la question de l'avenir national,
peut-être qu'il faut y repenser encore. C'est tout ce que j'ai
évoqué puisque je l'ai évoqué aussi dans le dernier
conseil national de notre parti, en fin de semaine. Cela ne veut pas dire que
les gens vont être du même avis. Mon avis, c'est qu'il faut au
moins réfléchir là-dessus et essayer de voir le plus clair
possible dans la façon d'en arriver à la prochaine
échéance.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, les remarques
du premier ministre me confirment qu'il demeure encore, peut-être
volontairement, dans cette attitude floue. Il ne prend pas l'attitude d'un chef
de gouvernement, mais il prend plutôt celle d'un analyste de la
situation. Il continue d'analyser et de regarder passer les choses. On verra.
On ne sait pas au juste. On a des "afterthought" sur l'affaire de 1962. On
n'aurait peut-être pas dû. Ce n'est pas si mauvais parce que,
après tout, c'est sectoriel. Maintenant, c'est plus important, car c'est
l'avenir d'un peuple. Enfin, on continue comme cela dans une suite qui ne fait
que consacrer l'incertitude dans laquelle se trouve présentement la
population qui dit: Est-ce qu'on va continuer encore? Et plus là, le
premier ministre dit que cela peut durer 2000 ans. Je ne sais pas si c'est
Mathusalem, mais, enfin, à un moment donné, il faut qu'elles se
règlent ces choses-là.
M. Lévesque (Taillon): Cela étant dit, le flou que
vous discernez chez nous permet de dissimuler quelque chose qui est plus que du
flou qui règne de votre côté. Enfin, je ne veux pas
être méchant inutilement.
M. Levesque (Bonaventure): Attendez au 20 juin et vous verrez
tout ce qui est flou.
M. Rivest: M. le Président, juste une question
additionnelle si vous me le permettez. En réponse à la question
du député d'Argenteuil, je pense, à moins de mal
interpréter la préoccupation du député, que vous
avez ouvert la porte à savoir... Je pense que le fait que vous ayez
décidé, la dernière fois, de tenir un
référendum, c'était justement - je pense que
c'était la raison de la loi et je comprends qu'elle est
générale, mais elle s'appliquait en pratique sur cette question
de l'avenir constitutionnel - de mettre au-dessus des contingences
électorales toujours extrêmement complexes et extrêmement
conjoncturelles une question qui est celle de l'avenir d'une nation, l'avenir
du Québec.
Je pense que l'essentiel de la question du député
d'Argenteuil était de dire: Comment cela se fait-il que vous ayez
abandonné cette idée de sortir cela de toutes les contingences
électorales - dans le cadre d'une élection où un
gouvernement a du bon et du mauvais - et que, là, sur la table, en tout
cas à ce jour, il est clair et même votre congrès de 1984
ne semble pas... Je voudrais que vous nous indiquiez cela. Est-ce que votre
congrès de 1984 pourrait remettre en cause l'idée d'une
élection référendaire sans égard aux
modalités de ladite chose?
M. Lévesque (Taillon): Un peu comme on dit pour
l'Assemblée nationale, à l'intérieur d'un parti qui veut
respecter un minimum de démocratie interne, tout peut être remis
en question. Je ne pense pas que, dans notre cas, le but lui-même,
l'objectif pourrait être remis en question. Ce serait la fin du parti.
Mais la façon d'y arriver, oui, cela peut être remis en question.
Je ne veux pas dire qu'elle va l'être. Je dis qu'elle peut
l'être.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Avant que l'on continue, je
voudrais faire remarquer qu'il y a un commun accord pour poursuivre
après 13 heures. M. le chef de l'Opposition.
La réforme du Sénat
M. Levesque (Bonaventure): Oui, M. le Président. Nous
avons voulu accommoder le premier ministre qui nous a dit qu'il avait d'autres
engagements assez importants qui l'attendaient. Nous avons voulu apporter notre
collaboration afin de continuer après 13 heures. J'espère que
nous n'aurons pas cependant, pour employer un mot cher au premier ministre,
escamoté les choses essentielles. Parmi les choses importantes, je pense
qu'il faudrait au moins souligner ici qu'il semble bien que la prochaine
étape de la réforme constitutionnelle portera sur le Sénat
canadien, une institution présentement relativement, dans l'esprit du
premier ministre certainement, secondaire au Canada.
M. Lévesque (Taillon): Parfois, on s'ennuie du vieux
Conseil législatif, mais enfin, je pense que c'était mieux de
l'abolir quand même.
M. Levesque (Bonaventure): Oui. Il y avait, dans le Conseil
législatif, certains aspects positifs également. Il y avait
là...
M. Lévesque (Taillon): Positifs, non. Disons, de
convenance.
M. Levesque (Bonaventure): Non, je
pense qu'il y avait la prudence à part la convenance. Il y a eu
des...
M. Lévesque (Taillon): On ne se chicanera pas
là-dessus.
M. Levesque (Bonaventure): Bon. D'accord. Je ne voudrais pas non
plus faire de diversion à ce moment-ci. Cette institution, par sa
position stratégique parmi nos institutions parlementaires, pourrait
jouer un rôle de premier plan dans le fédéralisme
renouvelé. Présentement, le gouvernement fédéral
doit rendre public un livre vert du ministre de la Justice, M. MacGuigan,
justement sur la réforme du Sénat. Selon nos renseignements, il
s'agirait d'un document d'information qui, sans présenter de
modèle défini d'une Chambre haute, donnera quelques options en
matière de composition de pouvoir, de modes de nomination, etc. Ce livre
vert servirait à une commission mixte du Sénat et de la Chambre
des communes, qui a déjà été mise en place, la
commission MacLaren-Molgat, dans une vaste tournée de consultation
envisagée pour l'automne prochain.
Le premier ministre me parlait du livre beige. Oui, nous avons, dans le
livre beige, pris position pour une formule de Sénat qui, selon nous,
avantagerait les provinces et singulièrement le Québec.
Le premier ministre s'inquiétait tout à l'heure du livre
beige. Je dois lui dire que dans le manifeste du Parti libéral... S'il
m'envoie une copie du programme de son parti, je pourrai lui envoyer une copie
du manifeste du Parti libéral où il verra que notre parti, lors
de son dernier congrès plénier, a renouvelé sa confiance
dans les objectifs que l'on retrouve dans le livre beige. Justement, il y a une
partie de ce livre beige qui traite du Sénat où l'on
suggère que le Sénat actuel soit remplacé par un conseil
fédéral, véritable Chambre des provinces composée
entièrement de délégués nommés par les
gouvernements provinciaux et votant selon les instructions de leurs
gouvernements respectifs. Une telle institution inspirée du
modèle ouest-allemand de Chambre haute avait d'ailleurs
été proposée par le gouvernement ontarien, par la
commission Pepin-Robarts et par d'autres groupes il y a déjà
quelque temps. Elle devrait permettre aux provinces d'influencer
l'élaboration de certaines politiques fédérales dont
l'ampleur touche l'ensemble du pays ou affecte l'action des provinces. Nous
croyons également qu'il est possible de confier à un tel
Sénat certaines responsabiltés comme gardien et protecteur de la
dualité canadienne. Il pourrait, par conséquent, jouer un
rôle important dans la défense des intérêts du
Québec.
D'autres, cependant, depuis ce temps ont proposé d'autres
formules. Une de ces formules, c'est le Sénat électif à la
mode américaine. Il est trop tôt évidemment pour poser un
jugement final sur une telle proposition, mais il est tout à fait
possible que certaines formules de Sénat électif soient
contraires ou puissent être contraires aux intérêts du
Québec. Je pense bien que c'est assez difficile de demander au chef du
parti séparatiste de donner une contribution réellement valable
mais, comme il s'est engagé à diverses reprises avant les
élections parce que cela est toujours avant les élections - que,
s'il était réélu, il continuerait à agir comme
premier ministre du Québec dans le régime constitutionnel actuel
et qu'il continuerait à apporter sa contribution pour améliorer
les choses tant que cela dure, je lui demande simplement si...
M. Lévesque (Taillon): Un long préambule.
M. Levesque (Bonaventure): ...il va se retirer de cet exercice,
parce que nous nous attendons bien qu'à l'automne cette commission
itinérante vienne à Québec. Qu'est-ce que le gouvernement
actuel du premier ministre entend faire? Est-ce que le premier ministre va se
retirer et regarder passer le train ou, comme il le disait aux
conférences fédérales-provinciales, ramasser les miettes
qui peuvent tomber? Qu'est-ce qu'il va faire? Est-ce qu'il va réellement
participer à cet exercice de suggérer des réformes au
Sénat canadien?
M. Lévesque (Taillon): Si j'ai bien compris le cheminement
qu'évoque le député de Bonaventure, il va y avoir un livre
vert. On sait que c'est en général une couleur assez floue, pour
reprendre une expression qui...
M. Levesque (Bonaventure): ...bibliothèque...
M. Lévesque (Taillon): ...un livre vert, ensuite une
commission mixte, ensuite le terme passe-partout qui est la vaste
tournée, ensuite peut-être, éventuellement, un livre blanc.
Pendant ce temps, il y a un nouveau chef conservateur et il y aura
peut-être des changements en ce qui concerne le Parti libéral
fédéral. Cela nous donne quand même le temps de voir venir,
je crois; c'est le moins qu'on puisse dire. Maintenant, je suis obligé
de souligner, et je pense que le député d'Argenteuil va bien
être d'accord avec moi, que la réaction à la fois
fédérale et anglo-canadienne la plus négative qu'il y ait
eu ces dernières années dans le domaine constitutionnel, pour
autant que je me souvienne, cela a été justement autour du livre
beige dont je n'enlève aucun des mérites en tant que
Québécois dans un
régime fédéral, mais c'est exactement cela qui
s'est produit. (13 h 15)
Maintenant, je voudrais tout de même qu'on n'oublie pas que la
réforme éventuelle du Sénat, ce n'est pas exactement ce
qui presse le plus. D'abord et avant tout - ce n'est pas d'hier que c'est la
position du Québec; on l'appelle position traditionnelle, mais il y a de
sacrées bonnes raisons pour qu'elle soit devenue traditionnelle -
d'abord et avant tout, c'est la répartition des pouvoirs à
l'intérieur du régime fédéral pour accroître
les moyens à la disposition de l'État québécois,
c'est la priorité. Cela avait déjà été bien
entendu et on peut bien, comme on dit en anglais, nous promener le "red
hearing" d'une réforme du Sénat sous le nez, en nous prenant
toujours pour des naïfs qu'on peut perdre dans le maquis en oubliant ou en
leur faisant oublier l'essentiel. Ce qui pressait le plus et qui continue
à presser le plus, pour autant qu'on est encore dans un régime
fédéral, c'est une répartition des pouvoirs plus vivable
et plus respirable pour le Québec. Quant à nous, cela reste le
seul objectif qu'on peut appeler constitutionnel pour autant qu'il y en ait un
qui puisse être sérieux. Mais la réforme du Sénat,
franchement... En temps et lieu.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ma question
est bien simple.
M. Lévesque (Taillon): Oui.
M. Levesque (Bonaventure): Nous sommes à la fin de juin ou
au milieu de juin et nous allons probablement nous quitter pour quelque temps,
dans quelques jours, et nous nous retrouverons à l'automne au moment
même où les mémoires, où les auditions, etc., tout
cela se passe. Est-ce que le gouvernement du Québec a l'intention de se
préparer pour faire valoir son point de vue? Parce que c'est encore un
gouvernement, quelles que soient les options du parti de ceux qui le dirigent,
c'est encore un gouvernement à l'intérieur de la constitution
canadienne, dans le fédéralisme canadien, qui a des
responsabilités et des devoirs. Est-ce qu'il a décidé de
se préparer en vue de ces consultations? Est-ce qu'il a l'intention de
présenter un mémoire? À-t-il l'intention de
témoigner devant le comité mixte du Sénat et de la Chambre
des communes?
M. Lévesque (Taillon): Non, pas pour l'instant, mais
peut-être - juste un peu pour voir l'état de l'opinion publique
par rapport à certaines priorités; je réfère un peu
aux questions du député de Bonaventure posées ce matin -
on pourrait, si vous n'avez pas d'objection, penser à un sondage sur ces
questions pour voir quelle est actuellement l'évolution des idées
là-dessus et ce que les gens considèrent comme prioritaire.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais tout d'abord corriger une impression fausse,
encore une fois, qui a été répandue par certains au cours
des années qui ont suivi le référendum. J'entendais le
premier ministre dire tantôt qu'on aura peut-être rarement vu une
réaction de rejet aussi forte que celle qui s'est produite au Canada
anglais à l'endroit du livre beige.
M. Lévesque (Taillon): À Ottawa peut-être
particulièrement.
M. Ryan: Oui. Je pense que c'est bon d'apporter des
précisions. Je vais vous en fournir quelques-unes pour vos futures
interventions dans ce dossier. Je me souviens que le gouvernement de l'Ontario
avait réagi fort positivement à propos du livre beige. Dans
l'Ouest du pays, la Conférence des premiers ministres de l'Ouest
était présidée, à l'époque, par M. Lougheed,
le premier ministre de l'Alberta. La Conférence des premiers ministres
de l'Ouest s'était réunie et avait publié une
déclaration éminemment positive au sujet du livre beige qui,
malheureusement, n'eut point, au Québec, dans la presse du Québec
en particulier, les échos qu'elle aurait du avoir.
Une voix: C'est leur problème.
M. Ryan: On ne les a pas poursuivis pour cela.
M. Lévesque (Taillon): C'est une façon d'attirer
l'attention.
M. Ryan: Mais je sais que certains journaux, en particulier le
Toronto Star, a publié une critique "devastating critic". C'était
dans le Toronto Star, un journal éminemment centralisateur qui ne voyait
que par la concentration plus grande des pouvoirs à Ottawa. Il n'a pas
changé beaucoup depuis ce temps, mais, ici au Québec, il y a
malheureusement trop d'éléments - peut-être
intéressés, peut-être d'autres qui ne connaissaient pas
autre chose - qui ont laissé entendre que l'opinion du Toronto Star
était l'opinion du Canada anglais.
Tout le monde sait que ce n'est pas vrai. Le Toronto Star est un journal
qui, souvent, a des opinions très marginales par rapport à
l'opinion moyenne anglo-canadienne. Je vous donne un exemple: Ce journal fait
croisade depuis des années pour l'abolition de la monarchie parce que
son "publisher" M. Honderich, appartient plutôt au tiers groupe au Canada
depuis de nombreuses années. Il n'a pas les attaches à la
monarchie contre
ceux qui sont issus des groupe anglo-saxons, par exemple. Mais cela ne
veut pas dire qu'il reflète, là-dessus, l'opinion moyenne du
Canada anglais. Je pense que l'opinion moyenne du Canada anglais demeure
plutôt favorable au maintien de la monarchie. On l'a su au cours de la
dernière réforme constitutionnelle où ils nous ont
passé ce sapin, entre autres. On ne pourrait avoir de changement de
régime, à ce niveau, sans le veto de
l'Île-du-Prince-Édouard. Celui qu'on a refusé au
Québec pour des choses qui nous intéressaient, on l'a
donné à d'autres dans des choses qui les intéressaient par
exemple. C'est là un aspect de la dernière réforme qui est
éminemment déplorable à mon point de vue.
Ceci dit, je voudrais, par conséquent, éviter, parce qu'on
a tendance souvent -peut-être plus du côté du Parti
québécois parce qu'on est intéressé à la
cause de la thèse politique que défend le parti - à
présenter les opinions comme des monolithes... Je voudrais dire, pour
l'honneur des faits et de la vérité, qu'au Canada anglais
l'opinion n'est pas aussi monolithique qu'on le pense et que le livre beige en
conséquence avait suscité de nombreuses réactions
positives qui, malheureusement, n'ont pas rejoint le palier supérieur
des décisions gouvernementales à Ottawa. Je serais tout à
fait d'accord avec le premier ministre pour reconnaître que le
gouvernement fédéral du temps a eu une réaction
extrêmement décevante au sujet des propositions de changement qui
étaient contenues dans ce document. Il n'y en a pas eu, d'abord
verbalement. Il y en a eu une en pratique qui était la négation
de l'esprit même de ce document-là.
Dans le livre beige, la réforme du Sénat jouait un
rôle important, occupait une place fondamentale. D'abord, c'était
l'abolition du Sénat et la création d'un nouvel organisme. Je
voudrais souligner ceci à l'attention du premier ministre. Le premier
ministre disait: On va regarder aller les choses, on va laisser faire cela un
petit peu et un petit peu plus tard, on verra. Vous savez comme moi que, pour
des changements importants, celui qui prend l'initiative de la
problématique a souvent un avantage quand arrive le moment des
solutions. Cela a peut-être fait défaut dans l'approche du
gouvernement actuel. Il n'a pas eu assez de leadership dans la
problématique et après cela, il est aux prises avec des
propositions de M. Trudeau ou d'un autre et il est obligé de
réagir négativement. Cela lui rend les choses infiniment plus
difficiles. Je voudrais demander au premier ministre...
Le chef de l'Opposition a fait allusion tantôt aux dangers qui
pourraient émerger d'une formule de Sénat électif, par
exemple. Je ne suis pas contre un Sénat électif en principe, mais
je me méfie de cette formule- là parce que je trouve qu'elle
pourrait contribuer à augmenter l'ambiguïté du régime
politique canadien, si on pensait que cela pourrait être la clé.
Cela pourrait nous rendre encore plus difficiles des changements que nous avons
tous raison de souhaiter, tandis que l'autre formule qui n'est pas une formule
inventée - il y a des modèles de cette formule-là qui
existent ailleurs - me semble présenter des meilleures garanties pour la
défense des intérêts du Québec.
Est-ce qu'on ne pourrait pas demander au premier ministre, au moins, de
mettre un groupe de travail à l'oeuvre là-dessus, dans les
meilleurs délais? Il pourrait peut-être nous soumettre un document
de réflexion parce que le Québec, jusqu'à nouvel ordre,
étant partie de cette entité politique qui s'appelle le Canada,
il me semble qu'on ne peut pas être absent, surtout au niveau du
gouvernement, dans un débat comme celui-là qui pourrait
déboucher sur des changements importants. J'avoue être très
sceptique moi aussi quant aux possibilités immédiates, mais
étant donné la conjoncture politique qui évolue
continuellement, les possibilités de changement de direction dans les
partis, les possibilités de changement gouvernemental, il me semble que
si, au lieu du néant dans lequel nous sommes actuellement concernant la
position du gouvernement, nous avions une position étoffée comme
cela existe dans d'autres domaines, cela serait plus convenable au mandat qui
est celui du gouvernement, qui est de nous défendre positivement dans le
régime fédéral actuel.
M. Lévesque (Taillon): Si on met des fonds publics - parce
que cela me rappelle des questions de ce matin - sur des études
fouillées de ce genre-là, on pourrait peut-être en tirer
certaines conclusions utiles dans l'éventualité d'un
Québec souverain, une Chambre haute. Cela peut avoir son utilité
sur divers plans mais, cela étant dit, je dois souligner une chose. Je
suis d'accord que, jusqu'à un certain point, le Toronto Star peut
être assez marginal; j'aimerais bien qu'il soit encore plus marginal
parce qu'il a toujours, sauf erreur, solidement endossé M. Trudeau
à chaque élection. Cela étant dit, il est vrai que
l'opinion n'est pas monolithique au Canada anglais autant qu'on peut
l'imaginer, quand on essaie d"'hypersimplifier". Je me souviens quand
même qu'il y avait - on pourra retrouver ces choses-là - une
acceptation dans certains milieux extraordinairement influents de la
perspective, en dépit des hurlements qu'il y avait à
l'époque, d'une éventuelle association économique entre le
Canada et le Québec si le résultat du référendum
avait été différent. C'est loin d'être monolithique
quand les questions se posent d'une façon pressante.
Je dois dire quand même au député d'Argenteuil que,
selon nos souvenirs - on
s'en parlait entre nous - dans le contexte des gens qui sont là,
la partie du livre beige qui a peut-être été le plus
spontanément rejetée ou traitée négativement, pas
l'ensemble nécessairement, mais la partie du livre beige qui avait
été quelque peu évacuée rapidement, pour autant
qu'on se souvienne, dans l'ensemble des commentaires anglo-canadiens - je ne
parle même pas d'Ottawa, mais on sait quelle était l'attitude
d'Ottawa devant cela comme devant le rapport Pepin-Robarts - c'était
justement cette question du Sénat, la structure qui était
proposée pour un Sénat renouvelé. Alors, tout ce que je
peux dire, c'est que je ne sais pas comment cela a évolué ou si
cela a évolué depuis ce temps, mais une chose certaine, c'est
qu'on n'a pas l'impression que ce serait facilement accepté ou
rediscuté au mérite.
Cela étant dit, je veux seulement noter une chose parmi les
remarques sur le leadership du député d'Argenteuil. La
problématique constitutionnelle, telle qu'on pouvait la comprendre de
bonne foi, une fois le référendum passé, était
plutôt une problématique basée sur certains engagements.
Peut-être que ce n'était pas déterminant dans le
résultat du référendum, mais c'était quand
même déterminant dans l'idée qu'on devait se faire de la
suite, si on était de bonne foi, c'est qu'il y aurait une
révision constitutionnelle où certaines des positions du
Québec seraient au moins traitées d'une façon normale et
respectueuse, si on veut. Je pense que le député d'Argenteuil
s'en souvient assez pour partager cette impression. C'est ce qui nous semblait
être la suite normale. Là-dessus on était
préparé. On n'était pas préparé pour le
genre de coup de force unilatéral qui nous est arrivé en pleine
face quelques semaines plus tard. Il a bien fallu réagir parce qu'il y
avait une sorte d'abus des résultats et une sorte de distorsion
d'ailleurs de toute la compréhension qu'on pouvait avoir des
résultats devant laquelle on s'est trouvé. Le moins que je puisse
dire, c'est que la bonne foi n'avait pas régné dans certains
esprits au gouvernement fédérai et que sournoisement on profitait
d'une espèce d'affaissement psychologique inévitable au
Québec pour "railroader" quelque chose, à quoi il a fallu
réagir. On ne peut pas voir venir des choses comme celles-là. On
aurait peut-être dû, mais on ne pouvait pas soupçonner que
c'était cela qui flottait dans ces esprits.
M. Ryan: Cela, c'est très bien. On pourrait
épiioguer longtemps sur ces données. On aura l'occasion de le
faire un jour. Mais la question qui était posée au premier
ministre par le chef de l'Opposition portait sur la réforme possible de
la deuxième Chambre du Parlement canadien. Je me demande si le premier
ministre - je ne veux pas élargir l'affaire, et me demander ce que
serait une deuxième Chambre dans un Québec souverain; c'est un
sujet très intéressant, mais qui est assez éloigné
de celui dont on discute ce matin - si le premier ministre ne pourrait pas, au
moins, vu que ces questions sont dans l'air, s'engager à faire
connaître une position de son gouvernement sur ce sujet, y compris sur
les propositions qui étaient contenues dans le livre beige du Parti
libéral du Québec.
Le livre beigne n'a pas été défendu bien fort par
le gouvernement actuel du Québec. Il y avait des bonnes choses
là-dedans. Le gouvernement du Québec a été
complice, peut-être, de M. Trudeau dans une attitude qui a
consisté systématiquement à décrier ce document. De
ce côté-là, vous avez été pareil. Cela a
été deux trente-sous pour deux. Je vous dis cela bien
simplement...
M. Levesque (Bonaventure): ...quatre trente-sous pour une
piastre.
M. Ryan: Je pense que c'est un document qui mériterait
d'être étudié, surtout la partie sur la deuxième
Chambre. J'aimerais que le gouvernement l'étudie. C'est une demande que
je vous soumets bien modestement. Qu'il l'étudie et qu'il fasse
connaître sa position parce qu'il y a une option de fond qui risque
d'être prise, soit pour garder le Sénat actuel dont
l'utilité est extrêmement limitée, à mon humble
point de vue, quoique ce n'est pas mauvais de l'avoir, mais son utilité
pourrait être beaucoup plus grande, soit d'aller vers un Sénat
électif, soit d'aller vers un Sénat qui soit vraiment une autre
Chambre complètement, une espèce de Chambre de la
fédération des parties constituantes, sur le modèle qu'on
a en Allemagne et qui fonctionne très bien. C'est une demande que je
soumets au premier ministre, et c'est la question qui a été
posée tantôt. Si on pouvait avoir un document de travail
là-dessus, qu'il prenne la couleur qu'il voudra, cela m'indiffère
complètement, il me semble que ce serait une bonne chose.
M. Lévesque (Taillon): Vu qu'il n'y a pas péril en
la demeure pour l'instant, puisqu'on nous parle d'un livre vert
éventuel, je ne dis pas oui ni non à la demande du
député d'Argenteuil, je dis ceci: Je ne vois pas pourquoi le
Québec serait toujours obligé de suivre, comme s'il était
un chien de poche, les choses que M. Trudeau et son gouvernement mettent sur la
table quand cela fait leur affaire et qui, très souvent, nous perdent
dans le maquis. On a littéralement violé certains de nos droits
contre toute expectative, au lendemain du référendum. Maitenant,
on nous jette dans le paysage une possible, éventuelle réforme du
Sénat. Je répète ce que j'ai dit tout à
l'heure: jusqu'à nouvel ordre, c'est l'attitude du gouvernement.
Ce n'est pas cela notre priorité. Notre priorité demeure celle,
je crois, du gouvernement de M. Lesage, dont j'ai fait partie, celle du
gouvernement de M. Johnson, de M. Bertrand, de M. Bourassa, tous gouvernements
provinciaux dans un régime fédéral. Et pour autant que
nous accompagnions un régime fédéral encore pendant les
années qu'il nous reste à servir comme gouvernement, c'est aussi
notre priorité et c'est une réflexion du partage des pouvoirs
à l'intérieur de la structure fédérale. Le
Sénat se situe quelque part là-dedans, si on veut, mais à
cause des précédents qui ont accompagné le rapport
Pepin-Robarts et le livre beige du député d'Argenteuil, je ne
crois pas qu'on doive en faire notre première priorité d'aucune
façon. C'est tout ce que je peux dire pour l'instant. (13 h 30)
M. Ryan: Très bien. Dans la même veine, je
rappellerai brièvement au premier ministre que la grande faiblesse de
son gouvernement, c'est qu'il n'a pas de position claire et complète,
même en ce qui touche sa priorité numéro un qui est la
révision du partage des pouvoirs. Je vous rappellerai, avec toute la
précision désirable, qu'avant les pourparlers constitutionnels
nous avions demandé, en commission parlementaire, aux
représentants du gouvernement qui siégeaient là: Quelle
est votre position sur le partage des pouvoirs en matière
économique, par exemple? On n'a pas été capable
d'énoncer une position claire et précise, M. le Président.
Le gouvernement est, de ce point de vue, à cause de son absence d'un
programme complet de révision en matière constitutionnelle,
exposé à être toujours à la remorque de ceux qui
font des propositions.
J'avais noté - là-dessus, on me contredira si on le peut -
quand le processus s'est engagé, après le
référendum, autour d'une douzaine de sujets différents,
que le Québec était toujours le dernier à mettre sa
position dans le sac. Le Québec n'a jamais produit un document clair
disant: Sur tel ou tel sujet, voici notre position. Vous arriviez toujours
après les autres. Vos représentants étaient là
comme des observateurs. Ils participaient en dernier lieu. Je vous défie
de m'apporter un document où serait énoncée d'une
manière claire et fonctionnelle la position du Québec en ce qui
concerne le chapitre du partage des pouvoirs en matière
économique, par exemple, qui est le noeud de toute réforme
éventuelle du fédéralisme canadien.
M. Lévesque (Taillon): Je dois dire au
député d'Argenteuil que je pourrais lui envoyer
littéralement une tonne de documents sur lesquels on a travaillé
comme des déchaînés, en 1977, 1978, 1979, pour accompagner
certains sujets qui n'étaient, pour nous, que des tests.
Par exemple, on avait hérité, de l'ancien gouvernement, de
la question des communications. On sait à quel point il y a eu des
sparages autour de la question des communications, qui est quand même une
question vitale pour n'importe quelle entité culturelle distincte comme
la nôtre. On n'a jamais abouti à rien. À un moment
donné, on avait réussi, à partir de tout le travail de
préparation, à rallier un certain nombre de nos confrères
des autres provinces. Cela s'est tout effiloché avec les "long lists" et
les "short lists". Je ne sais pas si le député d'Argenteuil se
souvient de tout cela.
Dans le cas des tribunaux, le bon sens dit qu'il y a quelque chose de
complètement désuet dans la façon dont l'ensemble
judiciaire est partagé au Canada. Cela ajoute à des coûts
et cela ajoute à l'inefficacité. Les provinces étaient
d'accord. On avait réussi. C'est nous, Québec, qui avions
réussi - si j'ai bonne mémoire - en 1979, sur une dizaine de
points, de peine et de misère, à obtenir, au moins
temporairement, un consensus autour d'une dizaine de points aussi importants
que ceux-là. Il y avait de l'économique là-dedans,
forcément. Ce n'était pas tout un programme, si on veut, de
décentralisation économique, c'est sûr, mais il y avait,
sur une foule de points, les positions probablement les plus cohérentes
et les plus longuement étudiées, y compris en tenant compte de ce
qui avait été fait par nos prédécesseurs, sur ces
sujets. On sait les résultats. Mais cela demeure quand même
l'essentiel de la position d'un gouvernement du Québec, le nôtre
en tout cas: Tant que nous sommes dans le régime fédéral,
bon Dieu! qu'on règle ces cas dans l'intérêt des citoyens,
à part cela, dans un régime fédéral qui
fonctionnerait comme du monde.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je dois
conclure, parce que nous devons peut-être passer à un autre sujet,
que, si je comprends bien, le chef du gouvernement n'a pas l'intention
d'apporter quelque contribution que ce soit à l'exercice qui se fait
présentement. Un livre vert doit être publié cette semaine
ou la semaine prochaine. À l'automne, on réagira à travers
le pays sur la réforme du Sénat et le gouvernement du
Québec se désintéresse de la question.
M. Lévesque (Taillon): Non, mais cela me paraît,
pour l'instant - on verra l'ampleur de la réaction - quelque peu
académique. Est-ce que je peux terminer là-dessus?
Les conflits dans le secteur public
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'aimerais,
avant que vous ne
soyez appelé à passer la parole au député de
Mont-Royal qui voudrait aborder la question des Amérindiens et des
Inuits, poser une question au premier ministre sur le sujet suivant: On sait
qu'en prenant le pouvoir, le gouvernement avait laissé entendre qu'il
pouvait trouver des solutions qui seraient de nature à régler
d'une façon positive les conflits dans les secteurs public et
parapublic.
On sait qu'il est arrivé à la veille du
référendum avec la préparation de la convention de
1979-1980 et à ce moment-là, il a dit: On était tellement
pris qu'on n'a pas pu régler cela mais on s'est dit qu'une fois cet
exercice terminé, nous allons prendre des mesures pour faire en sorte
que toute cette question soit revue et que l'on trouve des mécanismes
qui seraient plus propres à répondre au problème
suscité par ces négociations qui demandent tellement
d'énergie et qui se terminent trop souvent par des arrêts de
travail interminables et par des lois spéciales, etc.
Il ne l'a pas fait et il s'en est confessé mais encore que nous
avions connu, depuis un an ou un an et demi, la même situation et en
pire. Le premier ministre a dit: La prochaine fois, nous allons prendre des
dispositions, des mesures dès que cette étape sera passée,
nous nous mettrons au travail et cela ne se répétera pas.
Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire quelles sont les
mesures qu'il a prises ou que son gouvernement a prises au moment où on
se parle afin de donner suite non pas à des voeux mais à des
engagements assez précis de la part du chef du gouvernement?
M. Lévesque (Taillon): J'essaie de résumer cela
très rapidement. Je voudrais juste souligner que quand le chef de
l'Opposition dit que ce qu'on a connu, c'était en pire la
dernière fois par rapport à ce qui était
déjà arrivé, je crois que c'est quand même un peu
excessif.
M. Levesque (Bonaventure): Je pense aux lois 70, 105 et 111.
M. Lévesque (Taillon): Est-ce qu'on me permet de
répondre? Je ne veux pas perdre de temps. Me souvenant quand même
de mon rôle, des effervescences - pour employer un terme gentil - qui ont
ponctué à peu près toutes les rondes de
négociations, je me dis quand même - dans le secteur le plus
névralgique qui est celui de la santé, on a eu une grève
"accidentelle" mais c'est vrai que c'était une grève accidentelle
d'une journée dans le secteur des hôpitaux et des centres
d'accueil - on a réussi, grâce au ciel, à régler
convenablement avec les infirmières - on sait à quel point c'est
central dans un hôpital avec les médecins - les techniciens de la
santé.
Les fonctionnaires ont finalement réglé sans grève
sauf évidemment les professionnels pendant un certain nombre de jours.
Je ne crois pas que c'était en pire, enfin si l'on tient compte de ce
qu'on peut appeler la moyenne de nos malheurs depuis 15 ou 18 ans.
Cela étant dit, je pense que c'est plutôt vers l'avenir
qu'on doit se tourner. Ce qu'on a fait jusqu'ici, par une décision du 28
avril - parce qu'il fallait attendre quand même que tout le monde soit
parlable - du comité des priorités du gouvernement et un groupe
de travail spécial composé du Secrétaire
général du Conseil exécutif, du chef de cabinet que vous
connaissez bien maintenant, M. Boivin, du secrétaire du Conseil du
trésor, avec le mandat suivant -il faut ajouter maintenant le
sous-ministre du travail, M. Blain: prendre contact avec les syndicats et les
autres partenaires sociaux en vue de recueillir leur point de vue sur
l'évolution souhaitée du régime de détermination
des conditions de travail dans les secteurs public et parapublic, mettre sur
pied, avec la participation des syndicats du secteur public, un
mécanisme paritaire - vous vous souvenez en fonction de l'engagement
qu'on a pris si on pouvait s'entendre pour ouvrir la troisième
année, c'est-à-dire l'année 1985 - permettant de fournir
aux parties les statistiques dont la validité serait reconnue de part et
d'autre et faire rapport au comité des priorités au plus tard
à la fin de juin prochain. Je pense qu'on devrait avoir le rapport avant
que tout le monde se disperse.
M. Levesque (Bonaventure): Juin 1983?
M. Lévesque (Taillon): Oui. Jusqu'ici les membres de ce
groupe de travail ont rencontré les représentants de la CSN, de
la FTQ, de la CEQ et du syndicat des professionnels - qui étaient en
tandem ces derniers mois - et des infirmières. Aujourd'hui, si on sort
d'ici, ils doivent rencontrer les représentants de la CSD et demain ceux
du Syndicat des fonctionnaires. Normalement, soit jeudi de cette semaine, on
devrait avoir un rapport parce qu'on a un comité des priorités.
Tout cela signifie que pendant quelques mois encore, pendant le temps qu'il
faut, mais pas trop, on va faire un effort au maximum pour voir si on peut
faire route ensemble, le plus possible, avec nos interlocuteurs syndicaux.
C'est normal. Seulement si, par hasard, on s'aperçoit ou enfin, si, par
malheur, on devait s'apercevoir que cela ne marche pas ou que cela tourne en
rond, il est sûr qu'on aura des décisions à prendre
à l'automne. Peut-être qu'une autre formule... On verra à
ce moment-là.
Ce qu'on vise - je pense que c'est logique - pour autant que c'est
humainement possible, c'est d'en arriver à un nouveau
mode de fonctionnement pour la fin de 1984, au plus tard. Cela nous
paraît une logique serrée, mais c'est possible.
M. Rivest: Une précision. Dans le mandat qui a
été confié au groupe de travail par exemple, le premier
ministre a référé, je crois, à des données
statistiques et à l'harmonisation des données. Est-ce qu'il y a
la question centrale de la détermination ou, enfin, de convenir d'une
méthode et d'une méthodologie pour déterminer
l'écart entre la rémunération du secteur public et celle
du secteur privé, ce qui éviterait bien des embûches et des
discussions de part et d'autre, en période de négociations? Je
pense bien que personne ne peut être contre la parité entre la
rémunération dans le secteur public et dans le secteur
privé. Est-ce que cette question a été
évoquée dans les rencontres nécessairement
préliminaires que vous avez eues?
M. Lévesque (Taillon): C'est une des questions centrales
qui ont été évoquées dans nos rencontres avec les
parties syndicales.
M. Rivest: C'est la clé.
M. Lévesque (Taillon): Oui, oui. C'est une des grandes
clés, c'est sûr.
Simplement pour compléter. Les deux questions centrales que nous
soumettons à leur réflexion, en plus de celle que vous avez
mentionnée et qui touche la politique salariale, ce sont celles de la
décentralisation-centralisation, de la flexibilité dans les
conditions de travail, institution par institution ou uniformité
à l'échelle nationale.
M. Rivest: D'accord. Dernière précision.
Étant donné le caractère préliminaire quand
même, d'après la réponse du premier ministre qui essaie de
voir si, effectivement... Par exemple, sur la question de l'exercice du droit
de grève en milieu hospitalier, etc., est-ce que vous explorez certaines
avenues? Compte tenu d'ailleurs de l'expérience d'un conseil, dont on
parle peu mais dont je sais qu'il oeuvre actuellement, qui est le Conseil du
maintien des services essentiels, il y a des expériences qui se font,
qui sont quand même très locales mais qui peuvent être
riches d'enseignement pour l'avenir, est-ce que toute cette question est
prématurée pour l'instant?
M. Lévesque (Taillon): Oui, exactement. Ce qu'on a
exposé à la partie syndicale est que, si on pouvait en arriver
à des modus vivendi acceptables en ce qui concerne le fond des choses,
ce sur quoi on doit s'entendre, ce qui arrive, quand on ne réussit pas
à s'entendre, serait vu dans une lumière nécessairement
différente. Par exemple, il est sûr que si un conflit survient
localement, il y a des mécanismes qui peuvent être disponibles,
comme l'arbitrage, mais qui sont impensables au plan national. De sorte que ce
n'est qu'après avoir fait le tour de la façon dont on peut
négocier ou aménager la masse salariale et, deuxièmement,
les conditions locales, qu'on abordera la question de la résolution des
conflits.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Levesque (Bonaventure): Excusez-moi.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Levesque (Bonaventure): Dans cette discussion
préliminaire que vous avez, est-ce que la question de la
sécurité d'emploi est également un point en
discussion?
M. Lévesque (Taillon): Jusqu'à maintenant, on ne
l'a pas abordé. On a seulement une première prise de contact pour
voir si les syndicats sont capables et désireux d'engager avec nous une
démarche conjointe de réflexion concrète sur le prochain
mode de négociation. Si la réponse est favorable, au cours de
l'automne, nous pourrons voir quel progrès nous pouvons faire. Si les
progrès sont suffisamment sérieux, on pense qu'on respectera
notre échéancier de décembre 1984. Si on
s'aperçoit, soit qu'ils ne peuvent pas ou qu'ils ne veulent pas, il
faudra trouver une méthode différente pour respecter
l'échéance.
M. Lévesque (Bonaventure): Par exemple, est-ce qu'on
envisage un Code du travail spécifique dans ce domaine qui serait
complètement différent des conditions qui régissent les
autres employés? (13 h 45)
M. Lévesque (Taillon): Si vous continuez, vous allez avoir
le rapport du comité des priorités deux jours avant qu'il nous
arrive. C'est-à-dire que c'est une démarche parallèle. Il
y a bien des passerelles entre ces deux secteurs. C'est une démarche
parallèle. Celle qui a été entreprise par le "task force",
dont le secrétaire général vient de donner l'essentiel,
est une démarche qui concerne strictement les secteurs public et
parapublic. En même temps, il y a un projet de loi devant la Chambre, qui
est un petit projet de loi, si l'on veut. 11 y a des gens qui le trouvent
déjà gros mais enfin... un projet d'amendement, dis-je, au Code
du travail mais qui doit, en même temps, s'enclencher en
parallèle, à la réflexion sur l'ensemble du Code du
travail. Maintenant, est-ce que ça va aboutir en même temps? Cela
n'a pas tellement d'importance en soi parce qu'il y a
plein de passerelles là-dedans. On va essayer de mener
ça.
M. Rivest: Pour l'information du premier ministre, on vient de me
signaler que les perspectives évoquées par le premier ministre et
le secrétaire général rejoignent substantiellement les
dispositions du livre rouge dont vous devez vous faire un échange
amical.
M. Lévesque (Taillon): II faudrait le relire.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
Affaires amérindiennes et inuites
M. Ciaccia: À l'occasion des discussions
constitutionnelles concernant les droits des autochtones je crois que les
relations entre le gouvernement et les autochtones se sont
améliorées. Les autochtones ont senti qu'ils avaient l'appui du
gouvernement dans les revendications qu'ils apportaient quant à
l'inclusion de leurs droits dans la constitution canadienne. Cependant, il y a
encore beaucoup de problèmes, spécialement au niveau du
développement économique et de la mise en application de
l'entente de la Baie James. Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire
s'il y a eu un engagement de sa part de revoir les obligations du Québec
dans l'ensemble de la Baie -James afin de procéder à une
révision de l'application de cette entente? Apparemment, je sais que les
Cris se sont plaints que plusieurs des aspects de l'entente n'ont pas
été mis en application. Alors, est-ce que le premier ministre
pourrait nous confirmer s'il y a cet engagement? Est-ce que cette
révision sera entreprise conjointement avec les Cris?
M. Lévesque (Taillon): II serait peut-être opportun
- je n'ai pas à vous le présenter, depuis quelques années
c'est lui qui s'occupe du Secrétariat des activités
gouvernementales en milieu amérindien et inuit, le SAGMAI - que M.
Gourdeau vous mette au courant, de façon plus spécifique que je
ne le pourrais parce qu'il est en plein dans le bain en ce qui concerne la
question que vient de poser le député. Alors, M. Gourdeau, si
vous permettez.
Il y a eu un déblocage important de ce côté. Vous
faites bien de rattacher cela au climat qui est beaucoup meilleur à la
suite des rencontres entourant la constitution. Il y a eu une première
rencontre le 10 avril entre les Cris et le SAGMAI et on a établi une
certaine approche ensemble pour faire une évaluation de la mise en
application de la Convention de la Baie James.
Le 19 mai, on a eu une autre réunion où on a fait des
investigations encore un peu davantage à la suite d'un texte qu'ils nous
ont remis identifiant les plaintes qu'ils avaient à faire d'une
façon un peu générale mais en regard de chacun des
chapitres de la Convention de la Baie James. On a un échange qui va se
produire demain, des notes qu'ils ont préparées additionnellement
à leurs remarques générales, et des notes que, nous, on a
préparées en faisant une revue à l'intérieur des
ministères concernés - HydroQuébec, la
Société d'énergie - en essayant de voir les obstacles tels
qu'ils étaient vus par nous, et eux, les obstacles qui sont vus par
eux.
On va faire une réunion ensuite le 23 juin à
Montréal où l'on déterminera pour de bon - c'est du moins
l'objectif commun qu'on a - la façon dont on va faire conjointement
l'évaluation de la mise en application de la Convention de la Baie James
dans les mois qui suivront.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, les réunions que vous
avez eues, est-ce que c'est sur des problèmes spécifiques ou bien
est-ce que c'est vraiment une approche globale pour revoir l'application
entière de l'entente?
M. Lévesque (Taillon): C'étaient des
réunions pour déterminer une approche, pour faire
l'évaluation. Eux, ils avaient proposé, au début de 1981,
que soit confiée à une personne, comme cela avait
été fait au gouvernement fédéral,
l'évaluation de la mise en application de la Convention de la Baie
James. M. Lévesque avait suggéré, en réponse, qu'au
lieu de cela, on fasse d'abord chacun un bout de chemin, que le gouvernement
examine les obstacles comme ils étaient vus à l'intérieur
des cinq ministères principalement concernés, qu'eux fassent la
même chose de leur côté et qu'ensuite M. Lévesque et
les ministres concernés rencontrent les Cris avec leurs institutions. Il
n'y a pas eu de suite à cette offre de M. Lévesque mais le 10
avril dernier, presque un an et demi après - étant donné
que leurs négociations avec le fédéral étaient
terminées, qu'ils avaient reçu la réponse du
fédéral - ils ont décidé d'embarquer dans le
processus en essayant d'emprunter ce chemin, celui qui avait été
suggéré. On verra ce que cela donnera mais on a espoir des deux
côtés que vraiment cela puisse se faire conjointement d'une
façon qui soit de nature à les aider.
M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien, il y a un engagement de
la part du gouvernement de réviser la mise en application de cette
entente, et cette révision se fera conjointement avec les Cris.
M. Lévesque (Taillon): C'est cela. D'ailleurs ceux qui
formaient ce qu'on a
appelé la coalition, c'était au moment de la
réunion d'Ottawa...
M. Ciaccia: Oui.
M. Lévesque (Taillon): ...on doit avoir une rencontre avec
leurs principaux dirigeants dès cette semaine, jeudi, dans deux jours,
pour voir un peu le climat aussi avec eux.
M. Ciaccia: Dans son message inaugural, le premier ministre avait
annoncé la tenue d'une commission parlementaire pour entendre, s'ils le
désirent, les nations indiennes et inuites dans le but de faire part de
leurs besoins dans les domaines politique, économique, culturel, et de
tout autre problème se rattachant à leur situation
spécifique. Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire si
certaines nations lui ont fait part de leur désir de participer à
une telle commission, et est-ce que c'est encore l'intention du gouvernement de
tenir cette commission et quand?
M. Lévesque (Taillon): Oui. C'est un des points qui sont
à l'ordre du jour jeudi, dans deux jours, pour voir comment cela a
progressé dans leur esprit. Mais déjà dès le
début, quand il a été question d'une commission
parlementaire éventuelle, je trouvais même - je le dis comme je le
pense - que ce ne serait pas mauvais qu'on fasse une expérience de ce
genre. Cela n'a jamais eu lieu. Après tout ce sont nos concitoyens, les
premières nations. Il serait peut-être bon que cela devienne
même un instrument permanent de communication, de coordination aussi
entre nous. De toute façon on va en reparler jeudi, c'est un point
à l'ordre du jour. Les réponses qu'on a eues
préliminairement quand cela a été évoqué
étaient plutôt favorables, je pense, celles qu'on a entendues. 11
y a même des gens qui, très spontanément, ont dit: Oui, ce
serait une bonne idée. Maintenant il s'agit de voir où ils en
sont.
M. Ciaccia: Est-ce qu'on pourrait s'attendre que peut-être
on pourrait avoir une telle commission au début de la prochaine session,
à l'automne?
M. Lévesque (Taillon): À l'automne. On penserait
à octobre mais je ne veux pas me commettre à leur place. Il
faudrait voir si cela fait leur affaire.
M. Ciaccia: Dans le budget du SAGMAI quels programmes sont
inclus? Premièrement est-ce que vous pourriez nous donner le montant du
budget, le budget du SAGMAI? Quel est le montant du budget? Quels
programmes sont inclus dans ce budget?
M. Lévesque (Taillon): Les affaires amérindiennes
et inuites, c'est le numéro 3 parmi les éléments. C'est 3
891 000 $ cette année par rapport à 3 978 000 $ l'an dernier.
M. Ciaccia: Est-ce que c'est totalement le budget du SAGMAI, ces
3 000 000 $?
M. Lévesque (Taillon): II y a d'inclus là-dedans 1
400 000 $ qui partent du ministère des Finances pour payer ce qui reste
à payer des indemnités, mais c'est affecté au budget du
SAGMAI quand même.
M. Ciaccia: Autrement dit, est-ce qu'il y a des montants dans ce
budget qui vont directement aux Indiens?
M. Lévesque (Taillon): C'est cela. M. Ciaccia:
C'est le 1 400 000 $. M. Lévesque (Taillon): Oui.
M. Ciaccia: Et le solde représente les frais
d'administration du SAGMAI.
M. Lévesque (Taillon): Oui, oui. En gros c'est cela. On
donne des subventions directement mais surtout pour des programmes
expérimentaux qui démarrent et ensuite, quand, à l'usage,
cela s'est révélé bon, on a...
M. Ciaccia: À combien s'élèvent les sommes
qui vont directement aux Indiens dans votre budget?
M. Lévesque (Taillon): II y a 136 000 $ qui vont aux
associations, à l'Alliance laurentienne des Métis, à
l'Associations des Métis et Indiens sans statut et aux femmes
autochtones. Ensuite il y a une série de subventions de 4500 $ à
1500 $, selon les demandes, pour un montant total de 75 000 $.
M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien, il y a ...
M. Lévesque (Taillon): Pour des projets précis.
M. Ciaccia: 136 000 $ plus 75 000 $.
M. Lévesque (Taillon): Oui. En subventions directes.
Découlant des conventions, c'est environ 1 400 000 $?
C'est 1 800 000 $, M. Ciaccia, je l'ai ici.
M. Ciaccia: Cela inclurait quoi, ces 1 800 000 $?
M. Lévesque (Taillon): Sur la dernière
tranche des 75 000 000 $ qu'il y avait à verser, il y avait des
montants plus importants qui étaient versés dans les
premières années et dans les années pour terminer la
période - je pense qu'il reste encore quatre ou cinq ans - les montants
sont beaucoup plus faibles. Les montants forts qu'il reste à recevoir
sont de la société d'énergie et sont versés
directement par la société d'énergie.
Cela ne tient pas compte de tous les versements qui découlent des
ententes et que fait la société d'énergie. Cela ne tient
pas compte non plus des programmes de transport, d'éducation ou de la
santé.
M. Ciaccia: Non, non, je ne parle que de SAGMAI...
M. Lévesque (Taillon): II ne s'agit que de SAGMAI.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il y a un mécanisme...
M. Lévesque (Taillon): Excusez-moi, je ne sais pas si j'ai
bien dit la réponse. Il me reste encore trois ans avec cette
année, c'est-à-dire qu'il reste deux ans à partir de l'an
prochain, pour les subventions aux Cris et aux Inuits de 1 300 000 $. Le reste,
1 689 000 $.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il y a un mécanisme pour s'assurer
les fonds nécessaires pour la mise en application de l'entente?
L'entente inclut une série de programmes et d'obligations. Quel est le
mécanisme pour s'assurer que les fonds nécessaires seront
disponibles et seront donnés aux Indiens pour mettre en
application...
M. Lévesque (Taillon): II y a des cas... C'est chacun des
ministères, au besoin, en étant épaulé par le
SAGMAI devant le Conseil du trésor qui fixe cela en négociation
avec eux. C'est assez difficile à déterminer. Par exemple, les
Affaires sociales et l'Éducation ont pris comme base la base pour le
Québec. Ils ont ajouté des considérations
particulières pour le Nord. Ils sont partis de certains budgets 0 pour
une certaine année...
M. Ciaccia: II n'y a pas de mécanisme central. Ils doivent
transiger...
M. Lévesque (Taillon): C'est le Conseil du
trésor...
M. Ciaccia: ... avec chaque ministère, par exemple le
ministère de l'Éducation, le ministère des Affaires
sociales, le ministère des Affaires municipales.
M. Lévesque (Taillon): Cela va toujours au Conseil du
trésor, c'est là que se trouve le... Ce ne sont pas toujours Jes
mêmes qui négocient non plus. Dans le cas de la commission
scolaire, c'est la commission scolaire qui négocie avec le
ministère de l'Éducation. Dans le cas des municipalités,
c'est le gouvernement régional ou les municipalités.
M. Ciaccia: Êtes-vous au courant que les corporations des
villages cris ont été avisées au mois de février
qu'il n'y aurait plus de fonds disponibles pour leurs opérations
commençant au mois d'avril?
M. Lévesque (Taillon): Oui, ce sont les corporations sur
les terres 1-B. Comme on le sait, il s'agit de terres inhabitées. Je
pense que c'est la façon que vous avez trouvée pour que les
terres ne passent pas au fédéral, de réserver la plus
grande partie des terres de propriété pour les Cris, de leur
réserver cette propriété par un système
particulier, les terres 1-B. Là-dessus, ce sont lés membres du
conseil de bande qui constituent le conseil de village cri. Le ministère
des Affaires municipales avait l'habitude de donner un certain montant
automatique, fondé sur celui qu'il donne pour le reste des édiles
municipaux dans le Québec. Un imbroglio s'est produit
dernièrement. Précisément, le ministère des
Affaires municipales a annoncé qu'il ne donnerait plus la subvention.
Les raisons qu'il a données sont: la première, c'est que ces
corporations refusaient de faire des rapports expliquant ce qu'elles faisaient
avec cet argent. Il y en avait une qui avait fait un rapport finalement, le
ministère des Affaires municipales a prétendu qu'il ne s'agissait
pas du tout d'activités rattachées à l'administration des
terres 1-B. C'est un des sujets qui ont été identifiés
pour notre revue de la mise en application...
M. Ciaccia: Quelle est la position de SAGMAI? Allez-vous faire
des représentations auprès du ministère afin de vous
assurer qu'ils aient ce montant-là?
M. Lévesque (Taillon): Ce sont des très petits
montants.
M. Ciaccia: Autrement, si on crée des corporations pour
administrer ces terres 1-B et qu'on ne leur donne pas les fonds
nécessaires, on va à l'enncontre de l'entente même.
M. Lévesque (Taillon): La position du SAGMAI a
été qu'une condition, contre laquelle on ne peut pas se rebiffer,
que le ministère des Affaires municipales mettait et qui était
normale, c'était de faire rapport, qu'ils remplissent certaines formules
qui
n'étaient pas tellement compliquées à remplir. Le
ministère des Affaires municipales pouvait être justifié de
ne plus continuer sa subvention. La position du SAGMAI en tant que mise en
application de la Convention de la Baie James est d'essayer, à
l'occasion de cette révision dans les prochains mois, de s'entendre sur
le rôle que ses corporations vont jouer et sur une façon plus
facile de faire rapport si, eux, trouvent cela trop difficile. C'est vraiment
trouver une solution pour qu'ils aient leur argent. (14 heures)
M. Ciaccia: Oui, parce que, habituellement, les normes que le
ministère des Affaires municipales ou tout autre ministère
pourrait avoir, ce ne sont pas tout à fait les mêmes normes qui
sont applicables. S'ils utilisent ces normes comme excuse pour ne pas donner
les subventions, cela va vraiment à l'enncontre de l'entente.
M. Lévesque (Taillon): Mais il était tout
simplement question d'accepter de faire rapport. Ce n'était pas...
M. Ciaccia: J'ai deux autres petites questions brèves. Que
va-t-il arriver à la Société pour le développement
des autochtones de la Baie-James si la SDBO cesse ses activités? Les
programmes de la Société de développement des autochtones
ne devaient-ils pas se faire conjointement avec la SDBJ. Je pense qu'elle
devait avoir une capitalisation de 15 OQQ 000 $ et qu'elle n'a pas encore
reçu les 15 000 000 $. Elle a peut-être reçu 4 000 000 $.
Que va-t-il arriver...
M. Lévesque (Taillon): Je dois faire une petite
correction. C'est la SODAB. Vous avez bien raison de dire qu'il y a un lien
très étroit, car c'est une filiale de la SDBJ. Donc, si la SDBJ
était abolie, cela causerait des problèmes. Ces problèmes
sont étudiés, à l'heure actuelle, du côté du
SAGMAI. Ce qu'on a trouvé, jusqu'à maintenant, c'est qu'il serait
préférable que la Société de développement
de la Baie James continue d'assumer ses obligations. Donc, qu'elle puisse
continuer d'avoir une certaine existence. 11 appartiendra au gouvernement de
décider ce qui devrait arriver avec cela, mais il ne sera pas
nécessaire d'avoir la même forme de société qui
existe déjà. Par exemple, les mines et les forêts ont
déjà été transférées à REXFOR
et à la SOQUEM. De plus, les Cris m'ont parlé de cette question
dès qu'ils en ont eu vent. Je les ai bien assurés que le
gouvernement ne prendrait pas de décision finale sans qu'on ait eu
l'occasion de leur faire savoir ce que le gouvernement veut faire.
M. Ciaccia: Il avait été annoncé que la SDBJ
devait cesser ses activités. Y a-t-il eu des protestations de la part
des autochtones?
M. Lévesque (Taillon): Oui. Leur fondé de pouvoir,
M. O'Reilly, m'a téléphoné pour me demander si cela
signifiait la disparition de la SDBJ. Je lui ai répondu non, parce que
cela n'était pas la disparition. C'étaient, à ce
moment-là, des transferts de certaines responsabilités de la SDBJ
vers SOQUEM et REXFOR. C'est cela qui a essentiellement été fait.
Ce sont certaines activités de développement, mais cela ne les
touchait pas.
M. Ciaccia: Le premier ministre est-il en train de nous dire que
la SDBJ va continuer ses activités?
M. Lévesque (Taillon): Je ne dis pas cela.
Non, non, non, la SDBJ est en voie de...
M. Ciaccia: Disparition.
M. Lévesque (Taillon): ...liquidation, si on veut, mais
cela n'exclut absolument pas, loin de là, que ce qui concerne, dans ses
activités, les autochtones soit maintenu sous une autre forme et qu'il y
ait une transition qui puisse s'effectuer. Il n'y a rien de compliqué
là-dedans.
M. Ciaccia: Le rôle de la Société de
développement des autochtones, conjointement avec la SDBJ, était
de participer au développement économique du territoire. Alors,
si vous enlevez la SDBJ qui ne fera plus le développement
économique du territoire, que va-t-il arriver à la
Société de développement des autochtones? Elle n'aura
presque plus de raison d'être.
M. Lévesque (Taillon): II n'y a pas...
M. Ciaccia: Elle aurait une raison d'être, mais comment
va-t-elle fonctionner si la société, qui doit s'occuper de tout
ce développement, cesse les activités?
M. Lévesque (Taillon): M. Ciaccia, la SODAB, c'est une
formule bien spéciale que vous avez trouvée quand vous avez fait
la Convention de la Baie James. C'est une filiale de la SDBJ, mais c'est
seulement sur papier pour dire que ce serait accroché à quelque
chose. Il y a deux membres qui sont nommés par la SDBJ, deux membres qui
sont nommés par les Cris et un membre nommé par le gouvernement
qui doit, par définition, n'avoir aucun lien ni avec la SDBJ, ni avec
les Cris. Alors, c'est spécifié dans la loi. Si la SDBJ
disparaissait, les deux membres nommés par la SDBJ, il faudrait
peut-être modifier la constitution de SODAB, mais soit qu'il y en ait
quatre de nommés par les Cris
ou qu'il y en ait deux de nommés par une autre organisation.
M. Ciaccia: Oui. Je ne veux pas faire un long débat parce que je
sais qu'on achève nos travaux, mais ce n'est pas strictement la
nomination des membres du conseil d'administration par la société
de développement, c'était toute la mission de la SDBJ et la
mission de SODAB qui étaient reliées ensemble. Une fois que vous
enlevez la SDBJ, qui ne fera plus le développement économique du
territoire, vous restez avec la SODAB, que va-t-elle faire? C'est cela vraiment
la question.
J'aurais seulement une autre question, M. le Président. En ce qui
concerne les droits territoriaux, les Attikamègues, les Montagnais et
les Algonquins veulent aussi négocier avec le gouvernement sur certains
droits. Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire où en sont les
négociations avec ces différents groupes...
M. Lévesque (Taillon): En ce qui concerne les ...
M. Ciaccia: ... à quel stade...
M. Lévesque (Taillon): ...droits territoriaux?
M. Ciaccia: Oui, les Attikamèques...
M. Lévesque (Taillon): Essentiellement -je vais faire une
réponse globale si on ne veut pas prolonger - c'est que, à
Ottawa, je pense que tout le monde sait que cela n'a pas avancé beaucoup
de ce côté avec l'ensemble des interlocuteurs, soit
fédéraux soit provinciaux, du reste du pays. Il reste à
voir la suite, parce qu'il est entendu qu'il doit y avoir une autre
conférence l'an prochain...
L'an prochain, une deuxième, une troisième et une
quatrième.
C'est-à-dire que c'est un processus qui a l'air parti pour
longtemps. Nous, on est pas mal plus avancé que cela, comme - je le
pense - tout le monde sait. Par rapport à des "principes" qui touchent
les droits territoriaux, l'usage du territoire, principes qu'ils nous avaient
soumis, on a donné des réponses concrètes. C'est dans la
réflexion de part et d'autre, et on devrait pouvoir avancer. Cela sera
évoqué probablement, très sûrement même,
à une éventuelle commission parlementaire. On verra comme cela
peut...
M. Ciaccia: Est-ce l'intention du gouvernement de procéder
à ces négociations avec ces différents groupes?
M. Lévesque (Taillon): Pour l'instant, nos interlocuteurs
les plus assidus, normalement, sont ceux qu'on appelle la coalition,
c'est-à-dire ceux qui ont travaillé assidûment avec nous;
on a aussi travaillé avec eux assidûment, en fonction de la
conférence d'Ottawa. On avait dit qu'on reprendrait nos discussions sur
une base québécoise aussitôt que cela serait opportun;
après, parce qu'il ne faut pas oublier qu'ils ont été
littéralement mobilisés - d'ailleurs, c'est une attitude normale
- par l'espèce de front commun qu'ils avaient constitué à
l'échelle pancanadienne et, après, il était entendu qu'on
devait reprendre les discussions. Il y a en a sur la Convention de la Baie
James. Jeudi, on aura probablement l'occasion d'évoquer la suite.
M. Ciaccia: II y avait aussi les Attikamègues qui avaient
présenté des revendications.
M. Lévesque (Taillon): Les Attikamègues et les
Montagnais, c'est cela. Cela a beaucoup marqué le pas. Le gouvernement a
établi ses positions, le gouvernement fédéral aussi. Mais
le rythme est très lent. Ce sont les Montagnais eux-mêmes qui
trouvent que le rythme doit demeurer lent.
Dernièrement, à l'occasion d'une présentation
devant le sous-comité de la commission parlementaire
fédérale sur le gouvernement autonome, qui s'est tenue à
Pointe-Bleue, le président du Conseil Attikamègues-Montagnais,
René Simon, en réponse à une question posée par un
membre de la commission, a dit qu'il n'était pas question qu'il signe
quoi que ce soit avec le Québec avant que toutes les discussions
constitutionnelles ne soient terminées à Ottawa. Comme il y a
pour encore quatre ans de conférence, cela peut déjà nous
indiquer qu'actuellement leur idée est plutôt de procéder
avec précaution.
Actuellement, au moment où on se parle, les trois parties - les
Attikamègues-Montagnais, le gouvernement fédéral et les
représentants du Québec - sont actuellement sur la
Côte-Nord à visiter chacune des bandes montagnaises dans le but de
se faire connaître, de dire ce qui est entrepris comme
négociations depuis la dernière année ou les deux
dernières années.
M. Ciaccia: À la commission parlementaire, à
Schefferville, les Montagnais avaient un peu exprimé l'inquiétude
que le gouvernement du Québec ne s'avance pas assez dans les discussions
et réponde à leur... Ils n'étaient pas prêts
à signer, c'est vrai, mais ils auraient voulu avoir une réponse
un peu plus positive du gouvernement du Québec et ils trouvaient que
cela prenait du temps pour avoir ces réponses.
M. Lévesque (Taillon): M. Lévesque les a
rencontrés au moins à trois reprises. Le Conseil des ministres a
pris des décisions sur
chacune des choses et les a communiquées. Je ne pense pas qu'on
puisse dire qu'il y a du retard du point de vue du Québec.
Peut-être faisaient-ils allusion au fait que le Québec met du
temps à accepter ce qu'ils avaient demandé au départ, soit
qu'ils puissent jouir d'une pleine souveraineté à
l'intérieur du territoire qu'ils habitent. Là-dessus, le
Québec a déjà répondu qu'il n'acceptait pas
cela.
M. Ciaccia: Ce n'était pas une
souveraineté-association qu'ils exigeaient?
M. Lévesque (Taillon): Pardon?
M. Ciaccia: Ils ne demandaient pas une
souveraineté-association?
M. Lévesque (Taillon): S'ils avaient proposé cela,
cela aurait peut-être été différent.
Je voudrais remercier M. Gourdeau.
Le Président (M. Jolivet): Les éléments 1,
2, 3 et 4 du programme 2 du Conseil exécutif sont adoptés et, en
conséquence, les programmes 1 et 2 sont adoptés. La commission
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 14 h 05)