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(Onze heures quarante-trois minutes)
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de la présidence du conseil
et de la constitution se réunit pour faire l'étude du projet de
loi no 19, Loi favorisant le développement scientifique et technologique
du Québec.
Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M. Brassard
(Lac-Saint-Jean), M. Paré (Shefford), M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), Mme Harel (Maisonneuve), M.
Leduc (Fabre), M. French (Westmount), M. Paquette (Rosemont), M. Ryan
(Argenteuil), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau
(Verchères), M. Fortier (Outremont), M. Dussault (Châteauguay), M.
Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Perron (Duplessis), M. Marx (D'Arcy
McGee), M. Saintonge (Laprairie).
Voici l'ordre du jour: Nous entendrons les représentants de
différents organismes présenter leur mémoire,
présentation qui sera suivie de discussions et d'échanges entre
les membres de la commission et les représentants des organismes.
Je vous fais lecture des principaux organismes qui seront entendus
aujourd'hui: la Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec, la Fédération des
associations de professeurs des universités du Québec, le Fonds
FCAC, l'École de technologie supérieure, AES Data Inc., et le
Conseil des universités du Québec.
Mme Dougherty: M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Oui, Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Avant de commencer, est-ce qu'on peut avoir une
liste de tous les groupes qui ont été invités, ceux qui
ont refusé l'invitation et ceux qui ont demandé à
être entendus mais qui ont été refusés? Est-ce qu'on
peut avoir une telle liste immédiatement?
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.
M. Paquette: M. le Président, tous les organismes qui ont
demandé à être entendus sont sur la liste. Il y avait
également l'ACFAS qui a décliné, faute de temps pour
préparer son mémoire, qui n'est pas sur la liste, et le Syndicat
des professeurs de l'Université de Montréal qui a convenu, je
pense, d'intégrer sa présentation à celle de la
Fédération des associations de professeurs des universités
du Québec dont il est membre.
Mme Dougherty: Oui.
M. Paquette: II n'y a pas eu d'autres demandes, à ma
connaissance.
Mme Dougherty: Je m'intéresse particulièrement
à ADRIQ, l'Association des directeurs de centres de recherche
industrielle du Québec. Je crois que dans nos discussions, quand nous
avons préparé la liste, nous nous sommes entendus sur ce groupe
et j'ai été un peu étonnée qu'il ne soit pas sur la
liste.
M. Paquette: II y a peut-être eu un malentendu à cet
effet, mais il n'y a pas eu de demande de cet organisme à ma
connaissance.
Mme Dougherty: C'était l'une de mes suggestions.
M. Paquette: Ah bon.
Mme Dougherty: J'ai suggéré ou COPEM, ou ADRIQ
comme représentant des recherchistes industriels.
M. Ryan: M. le Président, juste une question.
Le Président (M. Brouillet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Le ministre a mentionné que l'ACFAS ne pouvait
venir devant la commission, faute de temps. Est-ce que l'ACFAS aurait
adressé une lettre quelconque au ministre à ce sujet disant les
raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas venir? Est-ce que le ministre
pourrait en donner connaissance, s'il a reçu une lettre?
M. Paquette: Oui, M. le Président, nous avons reçu
un télégramme de l'ACFAS, et cet organisme nous a fait
connaître son intention de faire parvenir à tous les membres de la
commission, pour lundi ou
mardi, je pense, un mémoire résumant ses positions, donc,
qui serait disponible pour les travaux de la commission. Ces gens nous ont dit
qu'ils n'avaient pas le temps de préparer un mémoire pour la
commission, aujourd'hui.
Le Président (M. Brouillet): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. C'est un
détail bien concret. Est-ce qu'on pourrait inviter les gens à
s'asseoir ici? Étant donné qu'on nous a mis dans une salle
vraiment trop petite, ils vont être obligés de rester debout. Ces
chaises sont inoccupées, je pense qu'ils peuvent les prendre.
Le Président (M. Brouillet): Oui, vous pouvez... Au bout,
ce sont les représentants qui devront s'asseoir là, mais de
chaque côté, il y a des chaises disponibles, vous pouvez vous
avancer et en laisser peut-être une au cas où un
député arriverait. Il y a quelques chaises disponibles. Il
faudrait peut-être que les préposés aillent à
l'extérieur chercher quelques chaises. Je suggère cela pour
permettre aux gens de s'asseoir. Il y a un peu d'espace ici.
M. Ryan: M. le Président, le côté
gouvernemental a besoin de renfort étant donné la faiblesse de sa
thèse, ne vous gênez pas. Nous autres, c'est la
qualité.
Le Président (M. Brouillet): Avant de laisser la parole
aux membres de la commission, il faudrait qu'on désigne un rapporteur de
la commission. Est-ce que vous avez un nom à me suggérer?
M. Paquette: M. le Président, je suggérerais le
député de Shefford.
Le Président (M. Brouillet): Le député de
Shefford sera le rapporteur des travaux de la commission. Alors, j'invite M. le
ministre à nous faire ses remarques préliminaires.
Remarques préliminaires M. Gilbert
Paquette
M. Paquette: Oui, M. le Président. Tout en regrettant
l'exiguïté des lieux comme tout le monde, j'aimerais dire que, tout
d'abord, j'attends beaucoup de cette commission parlementaire qui doit nous
permettre d'entendre six organismes ou associations qui en ont manifesté
le désir. C'est avec intérêt, quant à nous, que nous
prendrons bonne note des recommandations ou observations que les participants
voudront bien nous faire.
Très certainement l'année 1982-1983 aura été
marquée par une extraordinaire prise de conscience face à la
nécessité, pour le Québec, de miser à fond sur
l'excellence scientifique et technologique. Ce projet de loi le confirme. Ce
que l'on oublie trop souvent, c'est que cette entrée du Québec
dans l'ère scientifique et technologique aura été
préparée de longue main. Déjà, dans le discours
inaugural du 8 mars 1977, le premier ministre identifiait comme prioritaire la
définition d'une politique scientifique. S'ensuivit une longue
consultation dans tous les milieux, dans toutes les régions, qui a
mené à la publication, au début de 1980, de la politique
scientifique du gouvernement, un projet collectif dont on m'a confié la
mise en oeuvre, lors de ma nomination en septembre.
D'autre part, deux ans plus tard, le ministre au développement
économique publiait, comme on le sait, "Le virage technologique". Par la
suite, divers mandats m'étaient confiés, face à la mise en
oeuvre non seulement de la politique scientifique mais également des
diverses mesures découlant du virage technologique.
Lors du message inaugural, le 23 mars dernier, le premier ministre
confirmait la priorité qu'accorde le gouvernement à l'excellence
scientifique et technologique et il annonçait ceci, et je cite: "De
façon à assurer la cohérence des actions gouvernementales
dans ces domaines prioritaires, le gouvernement soumettra à
l'Assemblée nationale, dès ce printemps, une loi-cadre sur la
recherche scientifique et la technologie. Cette loi définira les
rôles respectifs des divers outils gouvernementaux, précisera le
mandat de coordination du ministre délégué à la
Science et à la Technologie et renforcera largement ses moyens
d'action".
On assiste donc progressivement à une évolution de plus en
plus rapide qui conduit naturellement aux objectifs, au-delà du
libellé de certains articles qui font problème, de la Loi
favorisant le développement scientifique et technologique du
Québec. Ces objectifs sont: identifier clairement les
responsabilités d'un ministère de la Science et de la
Technologie, assurer une meilleure coordination de l'effort financier du
gouvernement en ce domaine et enfin, donner une permanence et une transparence
accrues aux organismes centraux comme le ministère, le conseil et
également les différents organismes qui permettent de
réaliser la politique scientifique, les fonds, la fondation et l'agence,
tout cela, de façon à favoriser la démocratisation des
choix politiques et la sensibilisation du public. Il ne s'agit ni de
précipitation ni de manière détournée. Comme le
disait hier un éditorial, il s'agit d'un processus démocratique
normal où, après plus de trois ans de consultations depuis un
projet collectif, le gouvernement du Québec
ressent une certaine urgence d'agir, de concerter et de donner plus de
cohérence à ses actions.
L'endroit où nous nous trouvons aujourd'hui se prête mal
à réfuter certaines inexactitudes où, par exemple, deux
événements, sans aucun lien, une note préparée par
un analyste du Conseil du trésor et la présentation de ce projet
de loi sont, dans certains esprits, considérés comme liés,
ce qui n'est pas le cas. Je tiens à dire que tous les scientifiques
seront d'accord avec moi que ce n'est pas parce que deux
événements se produisent en même temps, qu'il y a
nécessairement un lien de cause à effet entre les deux.
Mon intention de ne pas repousser à l'automne l'adoption de ce
projet repose sur quatre éléments. Premièrement, le projet
de loi ne touche pas à des questions d'orientation face à la
recherche. Il n'implique pas non plus de choix quant à tel ou tel type
de recherche ou quant à des recherches dans tel ou tel secteur.
Deuxièmement, tout report repousse d'au moins un an la mise sur
pied d'outils qui nous semblent éminemment nécessaires,
notamment, le ministère, la fondation et l'agence. D'autant plus qu'il
est bon de rappeler que le processus budgétaire du gouvernement commence
dès la fin de cette session et qu'il s'agit de préparer
déjà le budget du gouvernement pour l'année 1984-1985,
puisque les décisions pour 1983-1984 sont déjà prises.
Tout report, par conséquent, rendrait plus difficile la progression
nécessaire des fonds consacrés à la science et à la
technologie par l'État.
Enfin, je demeure convaincu qu'il est tout à fait possible de
lever les ambiguïtés que posent certains articles, de bonifier le
projet de loi également pour ce qui est des modalités qui
semblent faire problème.
Il s'agit, bien sûr, d'une loi importante qui vise à
définir un système impliquant plusieurs intervenants plutôt
qu'une simple loi créant un nouveau ministère. Mais ce n'est pas
une loi, encore une fois, qui définit des orientations face à tel
ou tel type de recherche. Ces orientations ont toujours, jusqu'à
maintenant, été largement débattues. La politique
scientifique, le virage technologique, les documents qui en découlent
comme à l'heure des biotechnologies ont fait l'objet d'une consultation
de tous les milieux intéressés. Les politiques sectorielles de
recherche au fur et à mesure qu'elles sont déposées
comportent dès le mandat donné par le Conseil des ministres une
phase obligatoire de consultations. Cela a été le cas de
"Bâtir l'avenir" dans le domaine des communications. Ce sera le cas,
à l'automne, de la politique de recherche et de développement
dans le domaine des forêts, dans le domaine du transport et,
éventuellement, dans le domaine agro-alimentaire.
En fait, pour résumer le projet de loi, celui-ci distingue trois
types d'intervenants gouvernementaux. Sous la responsabilité directe du
ministre de la Science et de la Technologie, on retrouve quatre organismes.
Outre le ministère et le conseil, deux nouveaux outils sont
créés: la Fondation pour le développement de la science et
de la technologie, qui, je le rappelle, n'est pas un organisme subventionnaire,
c'est un organisme qui administre les fonds provenant des mesures fiscales du
récent budget et qui pourra faire des campagnes de souscriptions dans le
public et qui devra redistribuer les sommes ainsi recueillies totalement aux
trois fonds sectoriels. Ce n'est donc pas un organisme qui aura des programmes
et ce n'est pas un organisme qui sera directement en contact avec les milieux
universitaires. En fait, la meilleure image qui vient à l'esprit, c'est
celle d'une espèce de centraide de la recherche.
L'Agence québécoise de valorisation industrielle de la
recherche, elle, a un rôle primordial et permanent de soutien au
processus d'innovation jusqu'au point où elle peut être prise en
charge par une entreprise à des fins de production commerciale. En ce
sens, elle pourra jouer un rôle de catalyseur de façon à
faciliter les contacts et les projets conjoints entre milieux de recherche
universitaire et milieux économiques.
Quatre autres organismes existants, dont certains sont modifiés
légèrement dans les faits, demeurent sous la
responsabilité d'autres ministres. Leurs directives, qui actuellement
sont préparées par les divers ministres responsables, seront
préparées conjointement avec le ministre de la Science et de la
Technologie, mais la majeure partie de leurs fonds proviendra comme maintenant
des budgets des ministères et leur fonctionnement... Le comité de
pairs, par exemple, pour évaluer les projets de recherche, ne sera pas
modifié. Il s'agit du Fonds Marie-Victorin, du Fonds de recherche en
santé du Québec, du Fonds de recherche en agriculture,
pêcheries et alimentation, qui sont les trois fonds sectoriels dont je
parlais tout à l'heure et auxquels la fondation devra distribuer la
totalité de ses ressources financières. Du côté
industriel, il y a le Centre de recherche industrielle du Québec qui est
l'outil clé au service du développement technologique des
entreprises.
L'élaboration conjointe des directives à ces organismes
devrait permettre de marier davantage les priorités sectorielles avec
les objectifs généraux de la politique scientifique et
technologique. Ces directives seront désormais déposées
à l'Assemblée nationale, ce qui n'était pas le cas
jusqu'à maintenant. Ceci nous assure d'abord d'un contrôle
démocratique face à l'excès de directives
auxquelles pourraient succomber certains ministres responsables des
fonds et nous assure également que les débats publics pourront se
faire lorsque des questions d'orientation de la politique scientifique seront
en cause. (12 heures)
De nombreux autres organismes gouvernementaux participent au
développement scientifique et technologique dans des secteurs plus
particuliers. À leur égard, le ministre de la Science et de la
Technologie doit s'assurer de leur participation à l'effort collectif en
favorisant la concertation. Les intentions du projet de loi sont d'assurer
cette coordination, d'harmoniser des politiques, d'élaborer des
politiques qui, lorsqu'elles seront adoptées après débat,
devront être appliquées par les divers ministères
concernés.
Enfin, le ministère de la Science et de la Technologie acquiert
des responsabilités dans la mise sur pied d'organismes nouveaux du
côté du développement technologique, de questions comme la
main-d'oeuvre scientifique, l'information scientifique et technologique, la
culture scientifique et la propriété de l'innovation
scientifique. Dans ces différents domaines, encore une fois, il s'agit,
pour le ministère, en tout cas dans les intentions du projet de loi,
d'élaborer en concertation des politiques qui devront très
souvent être appliquées par divers intervenants gouvernementaux et
non gouvernementaux.
En somme, la loi 19 fait du ministère de la Science et de la
Technologie un pôle moteur, espérons-nous, renforcé, bien
sûr. Le développement scientifique et technologique, croyons-nous,
doit être l'affaire de l'ensemble des intervenants gouvernementaux. Nous
avons donc refusé certaines orientations qu'ont prises d'autres pays de
regrouper la plupart des organismes de recherche sous l'égide d'un seul
ministère. Mais les défis qui confrontent le Québec sont
tels qu'il faut maintenant créer un véritable ministère de
la Science et de la Technologie qui sera la cheville ouvrière de
l'élaboration, de la coordination et de la réalisation de la
politique de recherche scientifique et de développement technologique du
Québec.
Je tiens, en terminant, à assurer les participants à cette
commission parlementaire que, sans revenir sur les principes de base du projet
de loi, nous sommes toujours prêts à bonifier, à modifier,
voire à supprimer certains articles qui pourraient faire
problème, surtout si on nous démontre que certains des articles
du projet de loi remettent en cause des principes fondamentaux, notamment des
principes comme ceux de l'autonomie universitaire et de la liberté
académique en auxquels nous croyons fermement.
Un projet de loi peut toujours être perfectionné. Mon seul
souhait, comme cela nous arrive parfois au Parlement, mais trop rarement, est
que cette commission se déroule dans un climat d'écoute et de
recherche des meilleures solutions à l'abri de toute partisanerie, comme
l'indique l'importance du sujet. Merci.
Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre.
J'invite maintenant le représentant de l'Opposition à nous faire
quelques remarques préliminaires.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Je suis très
heureuse d'avoir l'occasion de participer, comme porte-parole de notre
formation politique, à cette commission convoquée pour entendre
les commentaires, les critiques et les recommandations des organismes les plus
touchés par le projet de loi no 19, Loi favorisant le
développement scientifique et technologique du Québec.
Il n'y a personne ici aujourd'hui qui n'appuie l'objectif du
gouvernement de reconnaître, par ses déclarations ainsi que par
ses actes, l'importance de la science et de la technologie dans le
développement économique et social du Québec, j'en suis
certaine. Il est maintenant largement reconnu que nous sommes dans une guerre
mondiale, une guerre de "survival of the fittest" où les gagnants seront
ceux qui manifestent les meilleures idées, les meilleures
capacités créatrices, la plus grande adresse à exploiter
leurs idées pour des fins utiles. Notre qualité de vie en
dépend. J'irais jusqu'à dire que notre survie collective et
individuelle en dépend.
Le défi du développement scientifique et technologique qui
s'impose à notre société devrait forcément
impliquer tous les ministères et tous les citoyens du Québec,
parce que, au coeur du défi, réside la question suivante: Comment
peut-on orienter nos énergies, nos activités, nos institutions
publiques, parapubliques et privées pour qu'elles puissent favoriser
l'excellence? Comment peut-on favoriser l'excellence de nos ressources
humaines, l'excellence de notre performance, l'excellence des idées, des
produits et des services que nous offrons à notre société
et au monde entier? C'est une véritable révolution des valeurs
qui s'impose. C'est une révolution qui demande qu'on mette plus l'accent
sur la qualité de nos actions plutôt que sur la quantité.
C'est une révolution qui soulève de sérieuses questions
sur le rôle du gouvernement face à l'individu dans notre
société, le rôle et les objectifs de nos institutions
d'enseignement, le rôle et l'importance du secteur privé dans
notre poursuite de l'excellence, ainsi que les relations entre travailleurs et
employeurs de notre société. C'est une révolution qui
demande qu'on fasse notre possible pour libérer et maximiser
notre potentiel.
Je suis convaincue, M. le Président, que le pouvoir d'une nation
repose sur ses citoyens et non sur son gouvernement. Par conséquent, je
suis persuadée que le rôle du gouvernement dans cette vaste
entreprise n'est pas de gérer - j'emploie ici le mot gérer dans
le sens de gouverner - le développement scientifique et technologique du
Québec. Pour moi, c'est une contradiction des termes. Étant
donné que notre capacité d'innover, notre capacité
créatrice est le véritable moteur de notre développement
scientifique et technologique, et donc économique, il me semble que le
rôle du gouvernement est de créer, de faciliter, de nourrir et de
libérer, par un climat propice, le potentiel créateur de nos
citoyens. Je me demande sérieusement s'il est réaliste de
s'attendre qu'un gouvernement, qui tend à recourir à des
solutions interventionnistes, centralistes et bureaucratiques, ait la
capacité de faire volte-face afin de créer les conditions
fiscales et sociales qui sont essentielles pour favoriser le virage
scientifique et technologique, ce virage qui est indispensable pour assurer
notre santé économique future. Un gouvernement qui voudrait
sérieusement nourrir l'excellence devrait établir comme
priorité la qualité de ses ressources humaines. Dans la
révolution technologique, ce sont les connaissances et non la
prolifération des structures gouvernementales qui vont nous donner le
pouvoir. "Knowledge is power". Il est grand temps, à mon avis, de
revaloriser l'élite dans notre société. Quand je parle
d'élite, je ne parle pas forcément des riches. Je parle de ceux
qui ont de la "bolle", des plus compétents, des esprits
créateurs. Qu'on leur donne tout notre appui, tout l'honneur qu'ils
méritent et toute la marge de manoeuvre dont ils ont besoin. C'est dans
cette optique que j'aborde nos discussions aujourd'hui.
Compte tenu du peu de temps qui nous est donné pour cette
séance, j'aimerais ne soulever que quatre observations qui me semblent
pertinentes à cette discussion. Premièrement, je suis
profondément déçue que le ministre ait choisi de
déposer le projet de loi 19 sans avoir consulté de façon
formelle les organismes impliqués. Étant donné
l'importance de la collaboration et de la concertation de tous les partenaires
visés dans le projet de loi, afin de réaliser l'objectif du
développement scientifique et technologique, je crois qu'inclure la
communauté scientifique dans la préparation du projet de loi
aurait réellement démontré une volonté de la part
du gouvernement de coordonner le développement scientifique et non une
intention de l'orienter.
Deuxièmement, l'habitude du gouvernement de déposer une
véritable avalanche de lois à la fin de chaque session est
certainement regrettable. Cette pratique malheureuse nie les principes de
transparence et de participation démocratique dont le ministre a
parlé dans son discours d'ouverture et que le gouvernement
prétend appuyer. De plus, les lois étudiées et
adoptées à la vapeur risquent d'être pleines de faiblesses,
d'ambiguïtés, qui mènent inévitablement à des
conflits et des incertitudes qui, malheureusement, aboutissent à des
résultats négatifs, même si les intentions du gouvernement
sont bonnes.
Troisièmement, je crois qu'il est primordial qu'on respecte
scrupuleusement les rôles et les pouvoirs de tous les partenaires
impliqués dans la promotion des activités scientifiques et
technologiques. Si j'ai bien interprété la réaction du
milieu universitaire déjà rapportée dans le Devoir la
semaine dernière, à la base des craintes exprimées est le
soupçon que la loi viole les principes de l'autonomie des
universités et de la liberté des chercheurs, deux principes
fondamentaux sur lesquels la recherche universitaire doit s'appuyer.
J'espère que nos discussions nous amèneront à des
précisions satisfaisantes et, si nécessaire, à des
amendements propices afin de protéger ces principes fondamentaux.
À cet égard, il y a des clarifications qui s'imposent. D'abord,
le statut des universités dans le projet de loi 19. Si l'intention de
l'article 1 de la loi est de définir les universités comme
organismes publics, il est évident que l'autonomie des
universités est clairement en jeu.
Ensuite, le statut des fonds subventionnables: La double tutelle
proposée par le projet de loi risque grandement de restreindre leur
liberté d'action. Ce qui est plus inquiétant encore, c'est la
révélation d'un journaliste du Devoir, Rodolphe Morissette, en
date du 9 juin 1983, démontrant l'intention du Conseil du trésor
d'intervenir d'une façon inacceptable dans la répartition des
crédits consacrés à la FCAC. La situation remet en cause
la bonne foi du gouvernement et requiert des explications du ministre.
Finalement, étant donné l'importance du
développement de la science et de la technologie, au nom de mes
collègues, j'aimerais affirmer notre volonté d'aborder ce projet
de loi dans un esprit constructif afin que nous puissions rechercher des
améliorations qui rendront la loi plus productive en vue de l'objectif
visé.
En terminant, M. le Président, j'aimerais vous faire part d'un
message du député d'Outremont qui assiste à une autre
commission aujourd'hui, à titre de porte-parole à
l'énergie et aux ressources. Il m'a demandé d'excuser son absence
auprès des représentants du monde universitaire, de souligner son
intérêt dans les affaires
universitaires et, plus particulièrement, dans ce projet de loi
qui touche de près le milieu universitaire. Merci.
Le Président (M. Brouillet): Merci, Mme la
députée. Avant d'inviter le premier groupe, je tiens à
vous faire part du fait que nous serons un peu plus à l'aise cet
après-midi. À 15 heures, nous irons dans une autre salle, la
salle 81, où il y a plus d'espace. On a encore 50 minutes à
patienter dans ce local un peu exigu.
M. Paquette: M. le Président, si vous permettez?
Le Président (M. Brouillet): Oui, M. le ministre.
Réponse du ministre
M. Paquette: Je voudrais simplement souligner un point, parce que
je pense qu'il est important qu'on commence à entendre les intervenants
le plus rapidement possible. Mais, puisque la députée de
Jacques-Cartier me demande des explications additionnelles sur la note du
Conseil du trésor, je ne sais pas si je dois les donner maintenant. J'en
ai donné déjà beaucoup et le responsable du Conseil du
trésor vient d'en donner à la période de questions.
Essentiellement, à moins que la députée ne veuille plus
d'explications, ce n'est pas parce qu'il y a une note préparée
par un analyste du Conseil du trésor qu'il s'agit de la position du
Conseil du trésor et encore moins de celle du gouvernement puisque cette
note n'a jamais été discutée au Conseil des ministres.
Personnellement, je suis en désaccord avec les mécanismes
proposés par l'analyste du Conseil du trésor. Cependant, il faut
bien situer le contexte: la FCAC, qui avait vu ses budgets augmenter de 9,6%,
donc plus rapidement que l'inflation, dans un contexte budgétaire
difficile, demandait - et le ministre de l'Éducation et moi
étions parfaitement d'accord là-dessus - des sommes
additionnelles pour les orienter vers le virage technologique. La note du
Conseil du trésor a été que cette demande était
insuffisamment justifiée.
Je pense que prêter des intentions au gouvernement, dire que cela
remet en cause la bonne foi du gouvernement m'apparaît totalement
exagéré. Ce n'est pas parce qu'il y a, à l'appareil
gouvernemental, comme dans l'appareil d'un parti politique... Ce n'est pas
parce qu'un recherchiste du Parti libéral écrirait une note que
cela devient la position du Parti libéral. Ce n'est pas parce qu'un
analyste du Conseil du trésor écrit une note que cela devient la
position du gouvernement. Ce n'est pas la position du gouvernement et il n'y a
aucun lien de cause à effet entre cette note et les orientations du
projet de loi.
Le Président (M. Brouillet): J'inviterais le premier
groupe, soit la Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec, à prendre place à la table
d'honneur.
Nous avons aujourd'hui à entendre six groupes. Nous disposons
d'une quarantaine de minutes avant la première suspension, à 13
heures. Nous reviendrons de 15 heures à 18 heures. À 18 heures,
nous devrons prendre une décision, à savoir si on prolonge
immédiatement ou si on ajourne pour revenir à 20 heures. On
pourrait attendre à 18 heures pour prendre cette décision, mais
je vous fais part du temps dont nous disposons et du nombre de groupes que nous
avons à entendre.
Mme Lavoie-Roux: L'ordre de la Chambre, c'était
jusqu'à 18 heures.
Le Président (M. Brouillet): L'ordre de la Chambre va
jusqu'à 18 heures, selon notre règlement, mais, si les parties en
présence sont consentantes, on pourra à 18 heures décider
d'ajourner ou de suspendre la séance jusqu'à 20 heures.
Mme Lavoie-Roux: C'est toujours la même histoire, vous
convoquez un tas de monde en peu de temps.
Mme Dougherty: M. le Président, est-ce que je pourrais
suggérer maintenant qu'on commence à 14 h 30 au lieu de 15
heures? Est-ce possible?
Le Président (M. Brouillet): C'est une possibilité
si les parties sont consentantes.
Mme Dougherty: Pour éviter une séance ce soir.
M. Paquette: Oui, bien sûr. Si on voyait qu'on aura
suffisamment de temps à 18 heures, on pourrait même poursuivre
jusqu'à 19 heures plutôt que de revenir après le souper.
C'est une autre possibilité.
Le Président (M. Brouillet): Très bien.
M. Paquette: Je suis tout à fait d'accord.
Le Président (M. Brouillet): Disons que dans ce
décor de possibilités, nous voyons qu'avec six groupes il
faudrait consacrer à peu près une heure par groupe pour arriver
à entendre les six groupes. Je demande aux représentants de la
conférence de s'identifier et de nous présenter les personnes qui
l'accompagnent, s'il vous plaît!
Auditions
Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec
M. Boulet (Gilles): Merci, M. le
Président. Je suis Gilles Boulet, président de
l'Université du Québec et porte-parole de la conférence
des recteurs. Je suis accompagné de M. Yves Giroux, à ma droite,
qui est président de la Commission de la recherche de la
conférence des recteurs, et de M. René Lévesque, qui est
vice-recteur à la recherche à l'Université de
Montréal. À ma gauche, il y a M. Philippe Bernard, attaché
de recherche à la Conférence des recteurs, M. Walter Hitschfeld,
de l'Université McGill, et M. Bernard Bénard, de
l'Université de Sherbrooke.
À l'occasion de la publication du livre blanc: "Un projet
collectif, énoncé d'orientation et plan d'action pour la mise en
oeuvre d'une politique québécoise de la recherche scientifique",
les universités avaient manifesté, par l'intermédiaire du
président la Conférence des recteurs - à l'époque,
M. Jean-Guy Paquet - leur satisfaction sur les grandes lignes du document. Dans
sa lettre, en date du 16 juin 1980, adressée au ministre d'État
au Développement culturel, M. Jean-Guy Paquet soulignait: "Nous
considérons que dans l'ensemble le plan d'action gouvernemental
répond de manière positive à la situation globale de la
recherche scientifique et propose un énoncé de politique de la
recherche dont les qualités de modération, de cohérence et
de réalisme méritent d'être soulignées et
applaudies. Nous nous réjouissons par ailleurs de constater que l'esprit
qui anime les dispositifs et moyens d'action retenus respecte l'autonomie des
universités, condition essentielle au développement et à
l'excellence de l'activité scientifique".
Après avoir fait part de commentaires particuliers, M. Paquet
ajoutait: "S'il y a tout lieu, comme en fait foi ce qui précède,
de réserver un bon accueil au projet collectif de politique scientifique
que vous nous proposez, les universités tiennent cependant, tout en
affirmant leur volonté de collaborer dans un esprit de dialogue et de
participation, à exprimer les réserves que suscitent certaines
politiques spécifiques auxquelles elles sont favorables dans leur
principe, mais dont la mise en oeuvre exigerait que des consultations
supplémentaires soient poursuivies".
Le projet de loi favorisant le développement scientifique et
technologique du Québec vient, doit-on comprendre, dans une large
mesure, concrétiser les orientations d'un projet collectif. Tout en se
réjouissant de l'occasion qui leur est fournie de faire état de
leurs commentaires, les universités doivent déplorer vivement les
délais extrêmement courts entre le dépôt de la loi
à l'Assemblée nationale et la tenue de cette commission
parlementaire, annoncée il y a quatre jours, et cela, sans que des
consultations formelles aient eu lieu auparavant.
Dans les circonstances, les universités ne peuvent aujourd'hui
que se limiter à des commentaires préliminaires et demander
d'avoir la possibilité de transmettre des réactions plus
précises et plus définitives dans l'hypothèse, par
exemple, que cette commission parlementaire déciderait d'ajourner ses
travaux pour les reprendre en août ou en septembre prochain.
Commentaires généraux: Au départ, il nous fait
plaisir d'indiquer notre satisfaction à ce que, par ce projet de loi, le
gouvernement entend assurer la coordination et l'harmonisation des politiques
et des activités de recherche des différents ministères et
des organismes parapublics qui en dépendent directement.
Également, nous nous réjouissons des objectifs poursuivis visant
à la valorisation des résultats de la recherche. Par ailleurs,
nous voulons souligner, avec insistance si besoin était, l'importance
des activités de recherche dans les universités et l'importance
de leur contribution au développement scientifique et technologique du
Québec.
Cette responsabilité, à la fois culturelle, sociale et
économique, assumée par les établissements universitaires
dans toutes les sociétés développées, nous croyons
qu'au Québec comme ailleurs elle doive s'exercer dans un cadre
d'autonomie et par une liberté d'action des chercheurs. Bien entendu,
les universités reconnaissent que le gouvernement peut, par ses
politiques et l'affectation de ses ressources financières, orienter de
façon significative le développement de la recherche
universitaire. Mais nous partageons la conviction que la recherche
universitaire ne peut se développer dans le cadre de directives, de
contraintes et d'objectifs visant des résultats à court terme,
alors que ses actions, y compris les actions de recherche, s'inscrivent surtout
dans un processus à long terme.
Ainsi, si le Québec est en mesure, ces jours-ci, d'aborder le
virage technologique avec confiance, c'est en bonne partie dû aux
résultats des travaux de recherche effectués dans les
universités, dans des secteurs aujourd'hui reconnus comme
névralgiques, tels que les biotechnologies et l'informatique. Ces
résultats ont été atteints parce que les chercheurs ont,
depuis des années, sollicité librement des ressources
financières et investi, non moins librement, les énergies dans la
formation des chercheurs et dans la recherche elle-même, dans des
secteurs choisis en fonction de la dynamique propre à la discipline et
à l'évolution des connaissances.
Si nous voulons que le Québec, dans dix ans, vingt ans ou trente
ans, soit en mesure d'aborder un nouveau virage qu'il serait
prématuré et présomptueux de qualifier maintenant, il
importe que les universités
puissent continuer à oeuvrer dans tous les domaines de la
recherche et que les chercheurs ne soient pas entravés, d'aucune
façon, dans leurs démarches scientifiques. C'est dans cette
optique que les universités entendent soumettre quelques commentaires
particuliers sur ce projet de loi.
Commentaires particuliers: En premier lieu, les universités
désirent être certaines qu'elles sont exclues des organismes
publics, tels qu'ils sont définis à l'article 1 du projet de loi.
Ce désir n'implique pas qu'elles entendent se soustraire à
l'application de la loi puisqu'elles sont concernées directement ou
indirectement par plusieurs des dispositions qui y sont contenues. Par contre,
elles jugent inopportun d'être soumises à la juridiction de
l'éventuel ministre de la Science et de la Technologie en ce qui a trait
à ses fonctions et à ses pouvoirs tels qu'ils sont décrits
dans les articles 7 et 8 du projet de loi. Il apparaît contraire à
la mission des universités qu'elles soient, dans le domaine de la
recherche, mises sur le même pied que les organismes davantage
préoccupés par le court terme.
Plus précisément, les universités estiment que
l'alinéa 2 de l'article 7 et les alinéas 2, 6, 7, 10, 11, 14 et
16 ne sauraient s'appliquer à elles dans la mesure où le ministre
de l'Éducation et ses organismes-conseils assument déjà
ces responsabilités en ce qui les concerne - on aura compris, je pense,
que pour ma deuxième énumération il y a une erreur au
texte, il s'agit de l'article 8. Le texte ne l'indique pas, il faudrait
l'indiquer - les alinéas 2 jusqu'à 16 de l'article 8 ne sauraient
s'appliquer à elles dans la mesure où le ministre de
l'Éducation et ses organismes-conseils assument déjà ces
responsabilités en ce qui les concerne. Dans notre esprit, il revient au
gouvernement dans son ensemble d'harmoniser les politiques des
différents ministères et des organismes sous la juridiction de
l'un ou l'autre d'entre eux ou à qui ils font rapport, selon le cas.
Aussi les universités souhaiteraient-elles continuer à rendre des
comptes au seul ministre de l'Éducation. C'est le cas, par exemple, du
domaine de la santé où les universités lui transmettent
les informations requises et le saisissent de leurs problèmes, le
ministre de l'Éducation assumant la responsabilité d'en saisir
son collègue des affaires sociales, lorsque les établissements de
santé sont concernés et qu'une harmonisation s'impose.
En ce qui concerne le Conseil de la science et de la technologie, nous
limitons nos commentaires à demander que l'article 22 prévoie de
façon explicite que ce conseil comporte des membres provenant des
milieux universitaires, en plus des autres milieux mentionnés.
Concernant la Fondation pour le développement de la science et de
la technologie, les universités jugent inutile la création d'un
tel organisme dont les fonctions de sollicitation sont déjà
assumées par les universités elles-mêmes ainsi que par
certaines corporations privées sans but lucratif. À notre avis,
une telle fondation entrerait de façon indue en compétition avec
les universités qui ont, dans le passé, pris les mesures pour
solliciter des ressources financières auprès des milieux
d'affaires et des milieux industriels, ainsi que des citoyens, et qui entendent
accentuer ces efforts à l'avenir. Quant aux pouvoirs de cette fondation
et du ministre de qui elle relèverait, les universités les
trouvent sans aucune mesure avec les objectifs poursuivis. À la limite,
le ministre responsable, par ses directives, et la fondation, par ses
ressources financières, pourraient orienter et contrôler de
façon abusive le développement de la science et de la technologie
au Québec et, par suite, la recherche et l'enseignement au niveau des
deuxième et troisième cycles et cela, les universités ne
sauraient l'accepter. Est-il besoin d'insister à nouveau sur
l'importance que la formation des chercheurs et la recherche elle-même
puissent s'effectuer dans un cadre relativement libre et avec toute la latitude
nécessaire?
La section touchant les fonds de soutien à la recherche laissent
les universités à la fois perplexes et inquiètes. Les
universités se seraient attendues que dans une perspective de
coordination et d'harmonisation soient clarifiées les juridictions des
organismes subventionnables de la recherche. Ainsi, il y a lieu de s'interroger
sur le silence du projet de loi à l'endroit du Conseil
québécois de la recherche sociale. De plus, elles
s'étonnent du remplacement du Fonds FCAC par le Fonds Marie-Victorin,
dont le nom demeure sibyllin. Il ne précise pas l'objet de sa
juridiction et laisse sous-entendre une réduction des domaines de
recherche ouverts, ce qui ne va pas sans inquiéter les chercheurs des
sciences humaines, des lettres et des arts. (12 h 30)
Cependant, nous tenons à préciser qu'à notre avis,
les différents ministères et organismes gouvernementaux, dans la
sphère de leur juridiction propre, doivent continuer à apporter
leur contribution et leur aide financière pour des projets de recherche
orientés et des travaux commandités en collaboration avec les
milieux universitaires, industriels ou autres. Nous souhaiterions toutefois que
soit évitée une prolifération d'organismes du type d'un
institut de recherche sur la santé et la sécurité du
travail.
Par ailleurs, l'inquiétude des universités repose sur les
articles 80 à 91 du projet de loi. Dans une lettre que j'adressais,
à titre de président de la Conférence des recteurs, au
ministre de l'Éducation le 30 juin 1982 au
sujet du Fonds FCAC, j'indiquais les réticences des
universités devant l'idée que le fonds doive, et je cite:
"exécuter tout mandat spécifique que peut lui confier le ministre
avec l'approbation du gouvernement." Je devais préciser, je cite
à nouveau: "Mes collègues et moi sommes portés à
croire que le gouvernement dispose d'un ensemble de moyens tout à fait
suffisants pour stimuler et orienter le développement de la recherche
scientifique au Québec. Aussi nous semble-t-il inutile qu'on consolide
ces moyens en leur ajoutant, au profit du ministre de l'Éducation, un
pouvoir d'émission de mandats spécifiques qui non seulement ne
manquera pas de diminuer la marge d'autonomie dont le fonds - dans le texte
original, nous avions écrit "fondation" -devra disposer pour remplir son
mandat, mais encore rendra difficile que soient respectées les exigences
d'autonomie qui sont essentielles aux activités de recherche."
Cette position des universités demeure la même, eu
égard à l'article 83 et à l'article 84 du projet de loi
que nous discutons. Il nous semble que les organismes qui subventionnent la
recherche doivent demeurer à l'abri des interventions politiques
ponctuelles tout en devant être contraints de préparer et de
soumettre un plan de développement de leurs activités sur
plusieurs années, trois ou cinq ans, de le rendre public, par exemple,
par dépôt à l'Assemblée nationale et bien sûr,
de déposer un bilan annuel de leurs activités. C'est d'ailleurs
la situation qui prévaut généralement dans les pays
industriels.
Concernant cette nécessaire liberté d'action des
organismes subventionnables, nous voulons souligner que les universitaires
québécois ont constaté une amélioration plus que
significative et extrêmement bienvenue au programme du Fonds FCAC et
à sa gestion, depuis que ce dernier a acquis une plus grande marge de
manoeuvre dans l'accomplissement de ses fonctions.
Quant à l'article 86, il apparaît superflu et
bureaucratique. Il faudrait à tout le moins éviter l'approbation
de tel règlement par le gouvernement ainsi que sa publication dans la
Gazette officielle.
Enfin, sur l'Agence québécoise de valorisation
industrielle de la recherche, les universités, faute d'avoir pu
étudier toutes les conséquences et les implications d'un tel
projet, se limiteront à exprimer leurs interrogations sur les
rôles respectifs de cette agence et de l'actuel Centre de recherche
industrielle du Québec et sur l'absence de référence aux
mécanismes et aux structures mis en place conjointement par les
universités et les industries, tels que l'entente signée entre
l'Université Laval et le CRIQ pour la valorisation de la recherche et le
Centre d'innovation industrielle de Montréal dont l'école
polytechnique a été l'initiateur et dont les fonctions recoupent
en grande partie celles prévues pour une telle agence.
En conclusion, les commentaires que nous venons de présenter au
nom des universités peuvent paraître sévères. Nous
désirons souligner qu'ils sont faits dans un esprit de
coopération et de collaboration. Nous demeurons convaincus qu'une
période plus longue de réflexion, de consultation, de discussion,
permettrait assurément de préciser nos positions respectives, de
clarifier les orientations, de lever les ambiguïtés et d'atteindre
certains des objectifs poursuivis dans un climat de compréhension et de
confiance. C'est pourquoi nous réitérons notre demande ferme pour
que cette commission parlementaire et l'Assemblée nationale acceptent de
surseoir à une adoption aussi rapide d'un projet de loi d'une telle
importance pour le Québec. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Merci. M. le ministre.
M. Paquette: M. le Président, je remercie les
représentants de la conférence des recteurs d'avoir pu
procéder en des délais aussi courts à une étude de
ce projet de loi. Cependant, je dois dire que la lecture de leur mémoire
m'apporte une certitude et me pose beaucoup de questions. La certitude, c'est
l'impression très nette que j'énonçais au début de
cette commission parlementaire qu'il est possible, en amendant certains
articles du projet de loi, de lui enlever cette impression d'implication
excessive ou de contrôle excessif du gouvernement sur certains organismes
de recherche. Par exemple, vous parlez dans votre mémoire des
règlements de régie interne qui doivent être publiés
à la Gazette officielle et adoptés par le gouvernement. Je tiens
à vous dire que l'adoption par le gouvernement ne figurait pas dans le
projet de loi initial que nous avons préparé. Lorsque nous sommes
arrivés au comité de législation, on nous a demandé
d'insérer cette disposition.
Pour ma part, voilà un cas où, me semble-t-il,
l'approbation par le gouvernement n'est pas nécessaire. Là
où je suis perplexe, c'est lorsque vous dites que la publication
à la Gazette officielle est superflue, car, si l'objectif est d'informer
le public, notamment sur les règles et les mécanismes
d'attribution de l'aide financière, il me semble tout à fait
indiqué que l'approbation de ces règlements soit publiée
dans la Gazette officielle. D'ailleurs, cet article provient directement du
projet de loi préparé par le Fonds FCAC lui-même dont le
conseil d'administration regroupe, comme vous le savez, des gens
extrêmement représentatifs de tous les milieux universitaires.
Là où je suis perplexe, c'est lorsque vous mentionnez,
enfin, vous laissez entendre que le gouvernement a décidé de
confier une partie des juridictions des universités au ministre de la
Science et de la Technologie. Je suis perplexe et surpris. Évidemment,
telle n'est pas notre intention et telle n'est pas non plus l'intention du
ministre de l'Éducation, vous le comprendrez facilement. Ces
différentes dispositions du projet de loi ont été - il est
peut-être bon de le dire -longuement discutées à la fois au
comité ministériel de développement économique, de
développement social et de développement culturel où, en
compagnie du ministre de l'Éducation et des autres collègues de
ce secteur, nous avons passé de 12 à 15 heures sur chacun des
articles de ce projet de loi. Plusieurs des articles que vous proposez ont
d'ailleurs été insérés à la demande du
ministre de l'Éducation et je comprends que le problème se centre
autour de la définition d'organismes publics qui incluent les
universités. Mais, lorsqu'on regarde les articles où l'on utilise
cette définition, ils sont au nombre de 7 ou 8 et, dans certains cas,
peut-être la formulation prête-t-elle à
ambiguïté encore; il faudra la corriger à ce
moment-là. Par exemple, l'article 8, 7 , où l'on dit:
"...procéder périodiquement, en collaboration avec les ministres
concernés, à l'évaluation des programmes relatifs à
la science et à la technologie des ministères et des organismes
publics qui en dépendent", voilà une formulation qui, à
notre avis, exclut les universités puisque les universités n'en
dépendent pas. Mais, bien sûr, on pourrait la préciser en
remplaçant les mots "qui en dépendent" par les mots "sous leur
juridiction" ou "sous leur responsabilité" de façon à
être bien sûr que cette fonction d'évaluation qui incombe
actuellement principalement au Conseil des universités et qui doit
rester, à mon avis, au Conseil des universités... qu'il soit bien
clair que, dans le cas de cet article, les universités ne sont pas
visées. Par contre, lorsqu'à l'article 8. 2 , on lit que le
ministre de la Science et de la Technologie doit conseiller le gouvernement sur
toute question relative aux activités scientifiques et technologiques
des ministères et des organismes publics, il me semble que, dans ce cas,
pour prendre deux extrêmes, cela doit inclure les universités
parce qu'on ne peut pas demander à un ministre d'être responsable
de la politique scientifique et lui interdire, lorsque certains aspects de
cette politique touchent les universités, de conseiller le gouvernement.
Cela ne veut pas dire qu'il est le seul, ni même le principal conseiller
du gouvernement, cela signifie qu'il peut conseiller le gouvernement.
Je pense qu'il serait un peu long de regarder ces divers articles. Il y
en a seulement six ou sept. On peut très facilement trouver des
aménagements.
Je vais vous poser des questions un peu plus spécifiques.
D'abord, une dernière affirmation: Vous dites que les universités
souhaiteraient continuer à rendre des comptes au seul ministre de
l'Éducation. Je suis parfaitement d'accord avec cela. S'il y a des
articles qui vous semblent contrevenir à cette réalité, eh
bien, je pense qu'on pourra les ajuster.
Sur la fondation. Vous jugez la fondation inutile. Je vais vous dire
comment on est arrivé à concevoir ce projet de loi. Je pense que
c'est important. Au mois d'août dernier, cela avait été
amplement annoncé par le ministre de l'Éducation, nous avions un
projet de loi émanant du Fonds FCAC qui, comme je le disais
tantôt, était largement représentatif des milieux
universitaires, qui visait à transformer le Fonds FCAC en fondation,
dont la principale source de revenus aurait été les contributions
dans le public justement. Nous avons supposé que cette disposition ne
faisait pas de problème. Cependant, quand on compare sur cet aspect le
projet préparé par le Fonds FCAC et le projet de loi no 19, on
doit convenir que, par ces sources de financement mêmes, il me semble,
l'objection que vous soulevez s'applique beaucoup moins puisque la fondation
profitera essentiellement de trois sources de fonds qu'elle aura à
redistribuer entre les fonds sectoriels, y compris le Fonds FCAC,
c'est-à-dire les dispositions fiscales contenues dans le dernier
discours sur le budget. Là, vous allez admettre avec moi que cela prend
un organisme gouvernemental pour recueillir ces fonds et une contribution du
gouvernement et aussi, peut-être, une campagne de souscription dans le
public. C'est justement, on ne pense pas que cette troisième source de
financement sera, de toute façon, très importante. Nous avons
voulu la laisser comme possibilité, mais c'était le principal
problème qui nous semblait exister dans le projet de loi du Fonds FCAC,
c'était le peu de rendement possible des moyens suggérés.
Alors, nous avons tenu à en ajouter d'autres et nous nous sommes dit: Si
chaque fonds se transforme en fondation, si le Fonds FCAC le fait et si le FRSQ
le fait, nous allons compliquer le problème que vous soulevez,
c'est-à-dire des multiples organismes qui peuvent aller dans le public
et demander des fonds. C'est à ce moment que le concept de Centraide de
la recherche est né, c'est-à-dire qu'on allait trouver d'autres
mécanismes pour canaliser des fonds et les répartir entre les
trois fonds subventionnaires.
J'aimerais que vous précisiez davantage la nature de votre
opposition à la fondation. Il y a le problème de l'existence de
la fondation et il y a le problème des pouvoirs de cette fondation et du
ministre de qui elle relèverait. Je ne sais pas si vous avez
remarqué qu'à l'article 83 ou 84, lorsque la fondation
veut confier une partie des sommes qu'elle a recueillies par divers moyens
à l'un ou l'autre des fonds sectoriels, elle doit obtenir l'autorisation
du ministre responsable du fonds. Le fonds doit être d'accord. Je pense
que c'est à l'article 84.
Par conséquent, le projet de loi se présente comme des
fonds très importants dévolus aux différents fonds
sectoriels par le ministère responsable de ce fonds dans ses budgets et
une ressource financière d'appoint qui est située au niveau de la
fondation mais dont les décisions sont interreliées. Pour que la
fondation puisse répartir les fonds, il faut que les fonds soient
d'accord. Lorsque vient le temps de donner des orientations aux fonds, ce qui
se fait actuellement à tous les niveaux de gouvernement... Il y a des
orientations qui sont données par les ministres responsables aux fonds,
à Ottawa, sous forme de directives. Il y a des directives du ministre de
l'Éducation qui se donnent à la FCAC actuellement. D'accord?
La loi vise simplement à clarifier des pratiques qui sont
courantes. Il y a des directives, mais ces directives sont données par
les ministres responsables. Est-ce que les directives du ministre des Affaires
sociales au FRSQ, qui donne des subventions à certains
établissements de nature universitaire, font en sorte que ces organismes
universitaires sont passés sous la tutelle du ministre des Affaires
sociales? Je prétends que cela n'arrive pas plus dans ce cas que dans le
cas où le ministre de la Science et de la Technologie donne des
directives à certains organismes.
On aurait bien pu ne pas le mettre dans le projet de loi, cela se fait
de façon courante. On aurait pu adopter la façon anglo-saxonne de
procéder et ne rien mettre dans les lois. On a
préféré être transparent. Ma question est la
suivante: Est-ce que...
M. Ryan: Les essais antérieurs laissent à
désirer.
M. Paquette: Pardon?
M. Ryan: Les essais antérieurs laissent à
désirer.
M. Paquette: Ma question est la suivante: Est-ce que vous
préférez qu'on ne parle pas de directives dans la loi? Est-ce que
vous reconnaissez le fait - puisque vous reconnaissez, par ailleurs, que
certaines orientations peuvent être données aux fonds mais non par
l'adoption projet par projet -que ce sont des fonds publics et que, par
conséquent, les représentants élus par le peuple ont des
comptes à rendre face à ces fonds publics et qu'ils peuvent
donner des orientations?
Il y a aussi des questions que je me pose face à un commentaire,
à la page 6 de votre mémoire, qui rejoint ce que je viens de
dire: "II nous semble que les organismes qui subventionnent la recherche
doivent demeurer à l'abri des interventions politiques ponctuelles tout
en devant être contraints de préparer et de soumettre un plan
général de leurs activités." J'aimerais savoir où,
dans le projet de loi, vous avez découvert que nous avions l'intention
de faire des interventions politiques ponctuelles, ce qui, je le reconnais,
irait à l'encontre totalement de l'évolution amorcée par
la politique scientifique et qui a fait en sorte que les fonds sont devenus
autonomes des ministères. On a créé des jurys de pairs,
d'universitaires impliqués dans la recherche qui jugent la valeur des
projets, qui les comparent les uns avec les autres en fonction d'orientations
très générales.
Voilà les quelques questions que j'avais à vous poser.
Encore une fois, je pense que l'intervention de la Conférence des
recteurs et des principaux des universités du Québec nous
permettra très certainement de bonifier le projet de loi. Je pense que
nous avons les mêmes objectifs, les mêmes intentions et qu'il
s'agit maintenant de s'assurer que le projet de loi répond à ces
objectifs et à ces intentions.
Le Président (M. Brouillet): M. Boulet.
M. Boulet: M. le Président, si vous me le permettez, je
vais faire quelques commentaires sur les commentaires que M. le ministre a
faits avant de répondre directement aux questions. Quand il a
parlé de sa perplexité, je pense qu'il y a là aussi des
questions. Nos inquiétudes à propos de l'article 1, de l'article
7 deuxièmement, de l'article 8 dans plusieurs de ses alinéas,
viennent des précisions suivantes.
Premièrement, il nous semble évident que l'article 1 tel
que rédigé implique nettement les universités puisque,
dans la loi du ministère des Affaires intergouvernementales, elles y
sont impliquées de la même façon. Si c'est le cas, les
pouvoirs ou les possibilités que le texte de la loi donne au ministre de
la Science et de la Technologie dépassent très largement les
pouvoirs que possède actuellement le ministre de l'Éducation par
rapport aux universités. À la suite de la commission
d'étude sur l'avenir des universités du Québec, la
commission Angers, il avait été proposé qu'une loi des
universités soit adoptée par le Parlement, que le Conseil des
universités devienne une sorte de commission des universités,
etc. Le gouvernement a nettement mis de côté ces propositions de
la commission Angers de sorte qu'il existe au niveau du ministère de
l'Éducation actuellement - élargissons, si vous voulez, le
commentaire - il existe dans les relations actuelles entre l'ensemble des
universités du Québec et le gouvernement du Québec
- il faudrait que je fasse des nuances pour l'Université du
Québec précisément, mais ce n'est pas nécessaire
ici - un certain nombre de relations que le projet de loi que nous avons devant
nous changerait radicalement pour peu qu'on s'en tienne à la lettre et
non pas à l'esprit du projet de loi. Qu'on dise, par exemple, que le
ministre de la Science et de la Technologie veille à l'harmonisation des
activités des ministères et des organismes publics relatives
à la science et à la technologie, qu'on dise qu'aux fins de
l'exécution de ses fonctions, le ministre peut conseiller le
gouvernement sur toute question relative aux activités scientifiques et
technologiques des ministères et des organismes publics ou encore qu'il
peut présenter au gouvernement ses recommandations sur les budgets des
organismes publics, leur plan de développement et les directives qui
leur sont adressées chaque fois que ces budgets, ces plans de
développement ou ces directives concernent leurs activités dans
le domaine de la science et de la technologie, qu'il peut procéder
périodiquement, en collaboration avec les ministres concernés,
à l'évaluation des programmes relatifs à la science et
à la technologie des ministères et des organismes publics qui en
dépendent... Vous avez raison, les organismes publics que sont les
universités ne dépendent pas du ministre de l'Éducation
mais dépendraient désormais du ministre de la Science et de la
Technologie, selon les textes que je viens de lire, dans la mesure des textes
que je viens de lire, de l'alinéa 2 de l'article 8, des alinéas
6, 7, 10, 11, 14 et 16 de l'article 8. Je peux aussi lire: L'article 21 de la
Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales pour toutes les
questions..., on est déjà soumis à cela. "Veiller à
ce que les politiques et les pratiques de formation, de perfectionnement,
d'emploi et d'immigration répondent adéquatement, obtenir des
ministères et des organismes publics les renseignements
nécessaires à l'application de la présente loi de
même que tout renseignement disponible concernant leurs programmes, leurs
projets, leurs besoins, en matière de recherche et de technologie..." En
somme, il y a là un certain nombre d'articles et j'ai bien pris soin de
faire une distinction dans ce que nous dit le texte de la loi; je ne
prétends pas que cela corresponde à des intentions aussi
précises. Ce que nous dit le texte de la loi, c'est que les
universités, désormais, dans un certain nombre d'activités
qui les concernent dépendraient largement du ministre de la Science et
de la Technologie bien plus qu'elles ne dépendent actuellement du
ministre de l'Éducation. C'est cela que nous voulions dire. Je ne veux
pas commencer une guerre de mots, mais je voulais expliquer pourquoi nous avons
dit ce qui est inclus dans notre projet.
Quant à vos questions touchant la fondation, les directives et
l'aspect ponctuel, je demanderais à mes collègues de m'aider. M.
Giroux pourrait répondre à votre question touchant la fondation
et la distinction à faire entre directive et orientation. Je demanderai
ensuite à M. Lévesque d'intervenir sur certains aspects de ces
directives dans d'autres organismes de même type que les fonds ou que la
fondation, ailleurs, et sur l'aspect ponctuel des interventions. M. Giroux.
M. Giroux (Yves): Merci. M. le Président, la
problématique que nous avons vis-à-vis de la fondation qui est
proposée dans la loi relève, d'une part, du mandat multiple qui
serait confié à la fondation, des éléments
disparates dans ce mandat et, d'autre part, du contenu du mandat. Sur le
premier point, celui de la sollicitation ou du pouvoir de sollicitation et de
réception de dons, de legs et de contributions de la fondation, nous
soulevons une objection fondamentale.
M. le ministre a fait allusion justement aux intentions de lancer des
campagnes de souscription. Or, à notre avis, le champ de la
sollicitation de contributions ou de dons d'organismes privés et
d'organismes à but non lucratif est un champ qui est occupé
traditionnellement, dans le système nord-américain, par les
universités et d'autres organismes du genre, et il nous semble tout
à fait inapproprié de voir un organisme gouvernemental venir
l'occuper. Il faut comprendre que pour les universités le gouvernement
est, dans certains secteurs, un partenaire très adéquat, mais il
peut être, dans le secteur de la philanthropie, un partenaire un peu
encombrant.
Un exemple assez récent qui ne date pas de douze mois est celui
de l'Institut québécois de recherche sur la culture qui,
effectivement, détient par la loi qui l'a constitué ce pouvoir de
sollicitation, qui a effectivement lancé une campagne de sollicitation
et qui, pour ce faire, et bénéficiant de son statut public, a su
obtenir dans son comité d'honneur une brochette de personnalités
dont certaines politiques. C'est ce pouvoir qui est un peu inquiétant
pour les universités, d'autant plus que, dans les années que nous
traversons et dans le contexte de compressions budgétaires et financier
extrêmement difficile, les universités doivent se retourner encore
plus énergiquement qu'auparavant vers le secteur des contributions
privées pour aider à compenser un peu le manque de soutien qui
leur vient du gouvernement. Donc, le fait de voir un organisme public envahir
aux fins de la recherche ce secteur nous pose des objections fondamentales.
Par ailleurs, la fondation aurait aussi -
et c'est un mandat tout à fait disjoint du premier - le pouvoir
de concevoir des programmes de recherche dans des secteurs jugés
prioritaires. Ceci n'a rien à voir avec le pouvoir de sollicitation
qu'on voudrait lui donner et il nous semble que c'est une fonction qui peut
être mieux remplie et exécutée par un autre
mécanisme, un autre système que celui de créer un autre
organisme public - bureaucratique, il va sans dire - qui va chapeauter de plus
les trois fonds qui seraient recouverts. Peut-être qu'un comité de
coordination, de concertation interfonds pourrait suffire à
régler les problèmes de coordination qui peuvent se poser au sein
des fonds. Peut-être qu'un bureau ou une partie du ministère
pourrait s'occuper de la conception de programmes prioritaires et de faire des
suggestions concernant les fonds. Il n'est pas besoin, pour ce faire, nous
semble-t-il, de créer un organisme officiel qui ne sera plus jamais
aboli par la suite.
En ce qui concerne la question des directives, il y a plusieurs points
qui ont été soulevés par M. le ministre. Un des
éléments est de savoir si on doit le mettre dans la loi,
étant donné que, de toute façon, on peut le faire. Nous
répondons un peu par la même approche en la renversant: Est-il
nécessaire de la mettre aussi explicitement dans la loi et
répétitivement, alors que, de toute façon, on sait
très bien que le ministre a le pouvoir de donner des indications aux
organismes qui dépendent de lui ou aux organismes dont il est
responsable vis-à-vis de l'Assemblée nationale?
Ce qui nous préoccupe le plus dans les directives - il y a deux
éléments - c'est d'abord le terme visé. Nous avons
insisté dans notre mémoire sur le fait que la recherche
universitaire, pour être utile à la société et au
public, doit se dérouler sur un horizon à long terme, et un long
terme, nous l'avons indiqué, qui comporte de nombreuses années,
peut-être dix ou vingt ans. Nous bénéficions
présentement, nous le répétons, des bienfaits des
investissements et des orientations qui ont été prises dans les
années soixante par nos chercheurs, sans que personne ne leur dise
où aller, sauf les scientifiques eux-mêmes.
Les directives émanant d'un ministère, on peut
difficilement concevoir qu'elles visent un aussi long terme. On peut beaucoup
plus facilement imaginer qu'elles vont viser un terme très court et
qu'elles vont vouloir des résultats dans trois, six ou neuf mois. C'est
là qu'est l'incompatibilité. C'est la raison pour laquelle nous
nous y opposons.
Une autre raison extrêmement pratique et qui relève du
vécu récent est que, dans les dernières années - et
je vous donnerai un exemple très précis qui relève de
l'automne 1982, il n'y a pas un an - la gestion de la recherche universitaire,
surtout dans le cadre
FCAC a été ralentie, encombrée par des
délais, au sein des cabinets, à donner des mandats, à
donner des autorisations, au fond, de faire les démarches pour
lesquelles il est mandaté. Encore à l'automne dernier, des
brochures annonçant des programmes de bourses pour les étudiants
ont été imprimées et ont été retenues au
Fonds FCAC, parce que le mandat n'était pas arrivé encore du
ministère et il a fallu qu'il vienne dans les universités,
après que des pressions considérables aient été
faites, avec une feuille supplémentaire disant: Veuillez changer la date
limite du 15 novembre ou 15 décembre pour le 1er janvier parce que la
directive était encore à cuire.
La recherche universitaire a besoin d'une stabilité à long
terme, elle a besoin de connaître où elle s'en va et de
connaître les dates limites beaucoup plus longtemps à l'avance que
les directives ou les mandats ne peuvent le faire présentement.
Ce sont là, M. le Président, les raisons fondamentales de
notre objection à ces éléments. Merci.
Le Président (M. Brouillet): M. René
Lévesque.
M. Lévesque (René): Je voudrais ajouter...
Le Président (M. Brouillet): Excusez-moi, il est 13
heures, on reviendra plus tard. Vous pouvez garder vos questions, je pense
bien.
Mme Dougherty: À 14 h 30, est-ce qu'on peut revenir?
Le Président (M. Brouillet): Si tout le monde est
d'accord, on peut se donner rendez-vous à 14 h 30.
M. Paquette: Est-ce qu'on a une autre salle?
Le Président (M. Brouillet): À la salle 81. Donc,
nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 h 30.
(Suspension de la séance à 13 h 03)
(Reprise de la séance à 14 h 40)
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission permanente de la présidence du conseil et de
la constitution reprend ses travaux. Nous entendions les représentants
de la CREPUQ. Je tiens à préciser le temps que nous avons
à notre disposition et la façon dont nous en disposerons.
Jusqu'ici, nous avons consacré 45 minutes au mémoire de la
CREPUQ. Il faudrait encore se réserver un maximum de
25 minutes. Donc, accorder 5 minutes additionnelles pour terminer les
questions que M. le ministre avait à poser et 20 minutes à
l'Opposition pour essayer de passer à travers ce mémoire.
Je cède la parole aux représentants...
Mme Dougherty: M. le Président...
Le Président (M. Brouillet): Oui, excusez-moi.
Mme Dougherty: Je crois que le partage du temps des deux
côtés est important. Peut-être pouvez-vous être un peu
plus exigeant pour que les deux partis aient un temps égal.
Le Président (M. Brouillet): Oui, c'est mon intention. Je
me suis aperçu qu'on avait un peu dépassé la limite de la
part du ministre, mais pour les autres intervenants on essaiera de
prévoir le temps qu'il nous reste. Il faudrait essayer de voir
l'ensemble des mémoires dans une heure et le temps qu'il nous restera,
à la suite de l'exposé, sera réparti à parts
égales entre les deux partis.
Messieurs les représentants de la CREPUQ.
M. Boulet: Je vous remercie, M. le Président. J'avais
demandé ce matin à M. Lévesque de compléter nos
réponses aux questions de M. le ministre. M. Lévesque.
M. Lévesque (René): J'ai une connaissance d'un
certain nombre de fondations ou de conseils qui financent la recherche
universitaire de par le monde, y compris la National Science Foundation aux
États-Unis, le Deutsche
Forschungsgemeinschaft, en Allemagne, le British Science and Engineer
Research Council et, bien sûr, le Conseil de recherches en sciences
naturelles et en génie à Ottawa dont je suis le
vice-président.
Je dois dire que j'aurai des nuances importantes à faire à
la suite de ce qu'a dit le ministre tantôt. Les conseils de par le monde,
en général - ceux que j'ai mentionnés du moins - sont
indépendants et ne subissent pas de directive ministérielle. Par
directive ministérielle, je veux dire des directives
ministérielles dictées par la loi. Je crois qu'il y a une
différence considérable entre les échanges qui peuvent
avoir lieu entre un président de conseil et un ministre et les
directives qui viennent de la loi. Je pense que ceci est une différence
très importante. Si vous prenez, par exemple, le cas des
biotechnologies, il n'y a jamais eu de directive donnée au conseil,
à Ottawa, qui ait dit: Dans le cadre des subventions thématiques,
vous devez développer... D'ailleurs, je n'avais jamais rencontré
le ministre - et je suis là depuis trois ans -comme conseil, sauf cette
semaine où c'était la première fois que le conseil
rencontrait le ministre. Le président et certains officiers du conseil
sont en relation permanente avec le ministre et différents autres
ministres. Dans ces rencontres, il y a des échanges de points de vue,
bien sûr. Il y a des commentaires, des propositions, à savoir que
le conseil pourrait faire ceci ou cela, mais le conseil peut toujours dire non.
Il peut toujours dire: Je crois que pour la recherche universitaire cette
suggestion n'est pas acceptable et nous refusons d'y donner suite. C'est la
différence fondamentale entre cela et le texte ici où on dit: Le
ministre responsable d'un fonds peut donner des directives. Ces directives sont
préparées en collaboration avec le ministre de la Science et de
la Technologie. Le ministre responsable les soumet au gouvernement pour
approbation et, à la suite de cette approbation, le fonds est tenu de
s'y conformer. Même si ces directives sont contraires au
développement universitaire de la science, le conseil serait tenu de s'y
conformer. Dans un tel contexte, je doute beaucoup que des scientifiques de
grand calibre veuillent travailler à l'intérieur d'un conseil qui
serait géré de cette façon. C'est un point que je voulais
souligner.
Dans le cas du Deutsche Forschungsgemeinschaft, comme vous le savez, la
situation est un peu différente parce que c'est un conseil conjoint
entre le fédéral et les provinces. C'est un organisme
indépendant qui fonctionne très bien, à ma connaissance.
L'Allemagne s'est très bien développée. La
recherche universitaire et la recherche industrielle en Allemagne fonctionnent
très bien sans qu'il y ait ces directives données au conseil. (14
h 45)
C'est la raison pour laquelle nous croyons que les personnes qui sont
nommées d'ailleurs par le gouvernement... Le gouvernement peut choisir
les membres des conseils. Le gouvernement peut - c'est ce que nous disons dans
notre mémoire demander un plan quinquennal, peut demander un plan
triennal, peut approuver ou ne pas approuver ce plan. Une fois que ce plan est
approuvé, je crois que, par la suite, le conseil devrait être
laissé complètement libre et complètement
indépendant de toute directive ministérielle, de par la loi. Ceci
ne veut pas dire, bien sûr, que le ministre ne peut pas avoir des
échanges et suggérer au conseil certaines façons, certains
nouveaux thèmes qu'on devrait développer, mais certainement pas
ce qui est proposé aux articles 83, 84, 85 et 86. Merci, messieurs.
Le Président (M. Brouillet): Pour terminer, M. le
ministre; peut-être une question?
M. Paquette: Pour terminer l'échange, M. le
Président, si vous me le permettez. Je pense qu'il est important de
vider cette question qui m'apparaît un des éléments qui
causent problème.
Je lis un article qui avait été préparé par
le Fonds FCAC dans son projet de loi qu'il nous avait soumis au mois
d'août, qui correspond à la pratique actuelle. Cela se lit comme
suit: Le ministre peut donner des directives à la fondation - il
était question de transformer la FCAC en fondation - sur les secteurs de
la recherche scientifique qu'il estime prioritaires pour l'attribution de
l'aide financière. La fondation doit aussi exécuter tout mandat
spécifique que peut lui confier le ministre, avec l'approbation du
gouvernement. Une telle directive ou un tel mandat doit être
déposé par le ministre devant l'Assemblée nationale dans
les quinze jours de sa transmission à la fondation.
D'autre part, il est exact que, dans les organismes ailleurs qu'au
Québec, la notion de directives n'existe pas dans la loi. Il existe
cependant dans les conseils fédéraux à Ottawa plusieurs
articles qui nous montrent que les conseils fédéraux sont
relativement bien encadrés. Le président et les membres sont
nommés par le gouverneur en conseil. Les crédits,
évidemment, sont affectés par le Parlement. Le gouverneur en
conseil en nomme le président, fixe la durée de son mandat. Le
conseil peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, choisir un
vice-président parmi ses membres. Le siège du conseil est
fixé par le gouverneur en conseil.
On parle des différents comités. On constate que les
conseils fédéraux sont des fondations, en ce sens qu'ils peuvent
aller chercher des dons dans le public. C'est pour cela que je m'étonne
que vous l'acceptiez au niveau du gouvernement fédéral et que
vous nous disiez: On aimerait mieux que la fondation n'aille pas solliciter
dans le public. Les trois conseils fédéraux le font
déjà. De par la loi, ils sont autorisés à le
faire.
M. French: Ils ne sollicitent pas, M. le ministre.
Le Président (M. Brouillet): Attendez, M. le
député.
M. Paquette: Ah! Ils peuvent recevoir des dons.
M. French: II vient d'affirmer quelque chose.
Le Président (M. Brouillet): Demandez votre droit de
parole, si vous voulez parler.
M. Paquette: Les membres du comité des placements qui
résultent des dons que reçoivent les conseils
fédéraux, c'est l'article 13.3: Les membres du comité des
placements sont nommés par le gouverneur en conseil. Ensuite, on lit
à l'article 14: Sur l'approbation du gouverneur en conseil toujours le
gouvernement - le conseil - un conseil subventionnais ici - peut par
règlement fixer la conduite de ses délibérations et d'une
façon générale, celle de ses activités. Il peut de
la sorte procéder à la création de comités
spéciaux, permanents ou autres. Ceci est en clair l'équivalent de
notre article 86 où les règlements de régie interne sont
approuvés par le gouvernement. Ici, à Ottawa, on dit: Sur
l'approbation du gouverneur en conseil, le conseil peut par règlement
fixer, etc.
Il est vrai qu'il y a divers autres articles qui encadrent le
fonctionnement des conseils. Il est vrai que dans les conseils
fédéraux, le pouvoir de directives n'existe pas. La question que
nous nous sommes posée et la raison pour laquelle on en parle dans notre
projet de loi, parce que, encore une fois, la pratique actuelle face,
notamment, au Fonds FCAC est que chaque année le ministre responsable
transmet les directives sur les orientations du fonds. En voici une. Vous voyez
que ce n'est pas très volumineux, on parle des différents
programmes. On parle du montant des bourses qui devront être
affectées au niveau maîtrise et doctorat. La question qui se pose,
c'est que, si on ne parle pas de directives dans la loi, on ne peut pas faire
obligation à un ministre de déposer quelque chose qui n'existe
pas par la loi. Ce que nous voulons faire par ce projet de loi, c'est que ces
directives, qui témoignent des orientations gouvernementales, dans le
cas des trois fonds soient présentées par le ministre
responsable, approuvées par le gouvernement et déposées
à l'Assemblée nationale. Pour qu'elles soient
déposées à l'Assemblée nationale, il faut qu'on en
parle dans la loi.
Je me demande si, selon vous, le fait de parler des directives dans la
loi est vraiment ce qui fait problème ou n'est-ce pas plutôt la
façon dont on le formule et ce qu'il y a autour? Peut-être y
a-t-il trop d'articles, trop de dispositions, trop de détails dans la
loi. Encore une fois, on a le choix. On peut bien ne pas parler de directives,
il va y en avoir quand même, comme il y en a partout. On ne pourra pas
demander qu'elles soient soumises au débat public, à
l'Assemblée nationale. À mon avis, c'est un gain que les
directives soient soumises, autant dans le cas de la fondation que des fonds,
à l'Assemblée nationale, parce que là il y a des questions
de fond très souvent et cela mérite d'être débattu,
cela mérite d'être placé dans l'enceinte où se situe
le principal forum de débat public au Québec, c'est-à-dire
l'Assemblée nationale.
Donc, deux questions: une sur la possibilité pour la fondation de
recevoir des dons et des legs, pourquoi cela devrait être
différent de ce qui se passe à Ottawa, et,
deuxièmement, cette question sur les directives.
M. Boulet: J'aimerais dire au ministre que notre attitude
aujourd'hui n'est nullement de dire que ce projet nous placerait dans une
situation qui, si on la compare à celle d'Ottawa, de Washington, de
Paris ou d'ailleurs, défavorable ou favorable, etc. Si nous
étions consultés sur le fait que les fonds fédéraux
puissent aller chercher des legs et des dons, nous leur ferions sûrement
la même remarque que nous faisons ici. Ils ne nous l'ont pas
demandé et ils ont décidé de le faire. Ils
décideraient de continuer à le faire ou à ne pas le faire,
mais nous leur ferions sûrement la même remarque.
Deuxièmement, sur la question des directives, posée comme
la pose M. le ministre, c'est évidemment une question de fond. Quand M.
le ministre la pose en fonction du dépôt et de la discussion des
directives en Assemblée nationale, il ouvre évidemment, de
façon très nette, une porte qui m'apparaît très
positive. Cependant, ce qui nous amène à faire les
réflexions que nous faisons, ce sont les principes - si tant est qu'on
peut appeler cela des principes -suivants: Tout d'abord, il est indiscutable
qu'à notre avis il appartient au gouvernement d'un État de fixer
les priorités de cet État. Si le gouvernement fixe les
priorités de l'État, il m'apparaît évident que ce
gouvernement peut, dans la distribution des fonds de l'État, indiquer
les priorités auxquelles doivent servir les fonds de cet État.
Cela ne nous fait pas de difficulté.
Dans le texte, nous ne l'avons peut-être pas dit très
clairement, mais nous disons quand même, au bas de la page 2: Les
universités reconnaissent que le gouvernement peut, par ses politiques
et l'affectation de ses ressources financières, orienter de façon
significative le développement de la recherche..." Là aussi, il y
a des fonds de l'État et ce dont nous discutons, ce sont des fonds de
l'État. Ce que nous disons - et nous le disons très ouvertement,
nous sommes heureux de la façon dont se discute ce projet de loi parce
que chaque partie dit carrément ce qu'elle pense et je crois que dans un
domaine aussi précieux que celui de la recherche, il faut que nous ayons
cette franchise - c'est que nous savons et nous admettons que, l'État
ayant fixé des priorités, un ministre qui est responsable d'un
fonds rencontre les responsables de ce fonds et leur dise quelles sont les
priorités de l'État et s'attende que les responsables de ce fonds
en tiennent compte.
Nous sommes conscients que des rencontres de ce type existent. Nous
admettons que tout cela existe. Dans le cas précis qui nous
préoccupe, on va dans les textes jusqu'à dire: II y aura des
directives à la fondation, à chacun des fonds et le Fonds
Marie-Victorin - je ne saurais citer de façon précise les textes
de loi - perd, à mon avis, une certaine marge de manoeuvre assez
appréciable par rapport à l'ancien Fonds FCAC. Nous disons, en
tant qu'université, tout en reconnaissant la nécessité
où se trouve l'État de fixer des priorités, que nous
croyons que l'État doit aussi avoir conscience que, plus on laissera de
libertés à la recherche universitaire, mieux celle-ci produira
les effets escomptés.
Cela peut sembler un discours, et je sais que parfois, cela fatigue les
gens, de gens un peu trop conscients de leur valeur -ce n'est pas du tout le
ministre qui a dit cela, mais je sais que, dans certains discours, cela
apparaît - qui répètent toujours la question de leur
autonomie, etc, mais je pense qu'il faut que l'État, en tant
qu'État, reconnaisse profondément que, s'il protège
l'autonomie des chercheurs et des universités où ils oeuvrent,
c'est lui-même qu'il protège, peu importent les individus qui en
parlent.
C'est au fond le discours que nous tenons à tenir et il est
délicat parce qu'il est sur la corde raide entre les deux
réalités. Nous reconnaissons à l'État non seulement
le droit mais le devoir de fixer des priorités, mais nous lui rappelons
qu'il est peut-être aussi de son droit et de son devoir de
protéger le plus possible la liberté des chercheurs
eux-mêmes. Et l'apparition d'un terme comme "directives" dans un texte de
loi nous semble ouvrir la porte à la possibilité qu'on restreigne
cette chose. Je ne sais pas si mes collègues ajouteraient quelque chose
à ce que je viens de dire, mais c'est là un peu notre
discours.
M. Lévesque (René): Je voulais ajouter une petite
chose. Il est vrai que présentement le ministre de l'Éducation
donne des directives et peut donner des directives à la FCAC, mais lors
de nos interventions sur le livre vert sur la politique scientifique, nous
avions demandé que les fonds, que les organismes de subvention soient
libres de ces directives. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons
demandé qu'elles sortent du ministère de l'Éducation, mais
le ministre de l'Éducation a quand même cru bon de maintenir ce
pouvoir de directive. Nous maintenons notre opposition à ce pouvoir de
directive officiel et surtout, quand c'est consacré dans une loi.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Merci. Mme
la députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. J'aimerais remercier d'abord la
Conférence des recteurs pour son excellent mémoire. Je crois que,
si le ministre avait consulté les groupes comme il le prétend, on
n'aurait peut-être pas la même loi devant nous aujourd'hui.
M. Paquette: M. le Président, si vous me le permettez. Je
ne veux pas interrompre ma collègue. Je n'ai jamais prétendu
avoir consulté les groupes. J'ai dit que j'avais consulté
diverses personnes dont les membres du Conseil de la politique scientifique,
les présidents des fonds et certaines personnes sur certains aspects. Je
n'ai jamais prétendu pouvoir consulter les groupes avant que le projet
de loi soit adopté par le Conseil des ministres, ce qui a pris plus de
temps que je ne le pensais, d'ailleurs.
Le Président (M. Brouillet): Mme la
députée.
Mme Dougherty: D'abord, comme l'article 1 est l'article
clé dans cette discussion, j'aimerais demander au ministre si les
hôpitaux sont inclus de la même façon que les
universités. Parce que, si oui, je crois que mon collègue...
Est-ce que la réponse...
Le Président (M. Brouillet): Si ce sont quelques questions
d'information, cela peut toujours aller mais normalement nous devons surtout
profiter de... (15 heures)
Mme Dougherty: Oui, j'ai plusieurs questions à poser aux
recteurs, mais j'aimerais clarifier ce point au début.
Le Président (M. Brouillet): Oui peut-être. Si c'est
une clarification brève, on peut toujours le permettre. Oui.
M. Paquette: Oui, ce sont des organismes publics au sens de la
définition de l'article 1, je pense.
Mme Dougherty: D'accord. Je crois que ma collège de
L'Acadie aura des questions là-dessus plus tard, compte tenu que la
recherche est faite en grande partie dans les hôpitaux et pas uniquement
dans les universités.
J'aimerais demander aux recteurs si, à leur avis, un conflit
existe entre la charte des universités - je ne sais pas si elles ont
exactement le même statut - qui établit une certaine autonomie, et
l'article 1 de la loi?
M. Boulet: Personnellement, je ne me suis pas penché sur
ce problème précis parce que la Loi sur l'Université du
Québec est différente de la charte des universités plus
anciennes. Je vais demander à mes collègues, MM. Lévesque
et Giroux, de répondre à ça.
M. Lévesque (René): J'ai apporté la charte
de l'Université de Montréal, mais je ne suis pas juriste. Par
contre, il m'est difficile de répondre exactement à la question,
mais, si vous le permettez, je vais lire quelques articles et les juristes
pourront s'exprimer. Dans les dispositions générales, on dit que
l'université a pour objet l'enseignement supérieur et la
recherche. L'université a tous les droits et pouvoirs ordinaires des
corporations, y compris celui de posséder des immeubles, et elle peut
faire tout acte compatible avec son objet. En particulier, l'université
peut décerner tout grade, diplôme ou certificat universitaire,
créer des facultés et des écoles et en déterminer
la structure, les fusionner et les abolir, créer des instituts ou autres
organismes universitaires et en déterminer la structure et la relation
avec l'administration générale de l'université ou avec une
ou plusieurs facultés, les fusionner ou les abolir, s'affilier par
contrat, etc.
Le texte semble indiquer que l'université comme corporation a
tout pouvoir dans le cadre de l'enseignement et de la recherche:
décerner des grades, déterminer le contenu, etc.
M. Boulet: M. Giroux.
M. Giroux: Un mot supplémentaire sur l'Université
Laval. Je n'ai malheureusement pas le texte de la charte de l'université
sous les yeux, mais je veux dire deux choses: L'une, c'est que je ne me
souviens pas qu'il y ait la moindre allusion dans la charte aux pouvoirs
quelconques du ministère de l'Éducation de donner des indications
ou des directives. J'en voudrai pour preuve le fait que même le pouvoir
du ministère de l'Éducation en matière de diplômes
à conférer par les universités se limite à ne pas
financer les programmes qui mèneraient à des diplômes qui
n'auraient pas reçu l'aval du ministère de l'Éducation par
le biais du processus d'approbation par le Conseil des universités. Les
universités sont effectivement libres de mettre sur pied tout programme
mais la pénalité, c'est qu'elles ne sont pas
subventionnées par le ministère, ce qui est évidemment un
obstacle majeur.
Mme Dougherty: Est-ce qu'on pourrait avoir, au cours de
l'après-midi, une copie de l'une des chartes des universités?
Cela pourrait nous aider à clarifier la situation.
M. Boulet: Oui, M. Lévesque le fera pour
l'Université de Montréal, M. Giroux pour l'Université
Laval et M. Hitschfeld pour l'Université McGill.
Mme Dougherty: D'accord, merci. Nous avons parlé du Fonds
FCAC et j'aimerais qu'on détaille le fonctionnement actuel des relations
entre le FCAC et le ministre ou le fonds de santé - je ne sais pas s'ils
fonctionnent de la même façon. La situation est-elle
satisfaisante? Vous avez mentionné votre opinion, durant la
consultation, selon laquelle vous êtes contre les directives. Vous
n'êtes pas d'accord avec le fait que le fonds reçoive des
directives, mais, en général, est-ce que les fonds sont
satisfaits de leur situation et de leur fonctionnement? Est-ce qu'ils sont
satisfaits de la façon selon laquelle ils sont traités par le
gouvernement?
M. Boulet: II est évidemment difficile pour nous de parler
au nom des fonds, mais, si j'ai bien compris le début de votre question,
vous faisiez allusion à nos relations avec les fonds. Je dois vous dire
- et notre texte le dit - que nos relations et les relations en
général des universités avec le Fonds FCAC sont
très satisfaisantes, ce qui, si je le relie à la réponse
de M. Lévesque tout à l'heure, indique qu'il peut y avoir des
textes et qu'il peut y avoir aussi des façons d'agir et que celles-ci
sont extrêmement importantes. Alors, avec le Fonds FCAC, nous prenons
soin de l'écrire dans notre document, donc cela va bien.
Quant au fonds des sciences de la santé auquel vous faites
allusion, comme l'Université du Québec n'a pas de sciences de la
santé, je préfère que ceux qui ont des facultés de
médecine se prononcent là-dessus. M. Hitschfeld, avez-vous un mot
à dire là-dessus, peut-être?
M. Hitschfeld (Walter): Si vous permettez, M. le
Président, je voudrais ajouter une perspective nouvelle. Moi, j'ai eu la
bonne chance de participer, dès le commencement de la formation du
programme FCAC, comme membre du comité et tout cela, et j'ai
détecté, j'ai constaté une amélioration continuelle
depuis sa naissance. C'était lié à une libération
de cet organisme de l'intérieur d'une boîte tout à fait
bureaucratique à l'intérieur du ministère de
l'Éducation. Il me semble que nous défendons ici, comme membres
de la CREPUQ, comme membres de diverses universités, le fait qu'on ne
veut pas voir une destruction de ces tendances, un renversement de ces
tendances, établir le fonds FCAC jusqu'ici comme un appareillage plus
lié à un ministère. C'est à cause de cela que nous
disons que les fonds doivent être sensibles aux priorités
établies par le gouvernement, par l'Assemblée nationale, par la
société et en même temps, qu'il faut que les gens qui
prétendent être des experts dans ces fonds, que ces experts qui
sont les haut-parleurs, si vous voulez, de la communauté de recherche
doivent interpréter cette priorité selon leur propre jugement.
Pour cela, ils ont besoin, évidemment, d'une certaine mesure importante
de liberté.
M. Boulet: M. Giroux, M. le Président, aimerait ajouter un
mot, si vous permettez.
M. Giroux: Très brièvement, j'ajouterais, pour
démontrer qu'effectivement les relations présentement entre les
universités et les fonds... Il y en a deux qui existent
présentement, comme tels: la FCAC et le Fonds de recherche en
santé du Québec. Les relations sont excellentes pour l'ensemble
des universités qui sont concernées et même comme groupe
d'universités. D'une part, au sein de la CREPUQ, nous avons un
comité de recherche que je préside et qui rencontre
régulièrement, depuis quelques années, par exemple, les
responsables du Fonds FCAC pour discuter d'un certain nombre de questions, de
l'évolution du fonds et des préoccupations qui nous touchent
comme gestionnaires de la recherche au sein des universités.
Nous avons aussi, en septembre dernier, organisé un premier
colloque d'administrateurs de recherche universitaire auquel nous avions eu le
plaisir d'avoir le ministre Paquette, nouvellement nommé, et qui a
été justement l'occasion d'une rencontre entre l'ensemble des
administrateurs universitaires et les représentants de ces deux
principaux fonds. Cela est devenu une première tentative, une
première réussite, même, d'établir un dialogue
très suivi entre les responsables administratifs de la politique
scientifique du Québec au niveau du ministère et au niveau des
fonds et les responsables dans les universités. De ceci, il semble que,
dès l'automne prochain, va naître une association
d'administrateurs de recherche universitaire du Québec, avec laquelle
les contacts vont être très suivis et au sein de laquelle, si on
peut dire, vont se soigner les relations avec les responsables des
différents organismes publics. Merci.
Mme Dougherty: Une question sur la composition du personnel de la
fondation visée par la loi. La loi vise la présence des trois
présidents des fonds comme membres du conseil de la fondation, conseil
d'administration. Voyez-vous un danger, ici, un conflit d'intérêts
entre ces trois personnes, étant donné que les fonds de la
fondation sont orientés vers la recherche appliquée plutôt
que la recherche libre et que les fonds s'occupent de la recherche libre? Donc,
pour ces trois personnes, je vois une espèce de conflit
d'intérêts avec deux mandats différents. Voyez-vous un tel
conflit?
M. Boulet: Personnellement, madame, ce n'est pas tant sous cet
angle-là que sous l'angle de l'existence... Je m'excuse, j'ai dit
madame, je ne sais pas si cela est correct. Je devrais m'adresser au
président, mais je ferai probablement d'autres erreurs du même
type.
Ce que nous avons comme réaction, ce n'est pas tellement sur
l'organisation même
de ce conseil d'administration que sur l'existence de cette structure
supplémentaire. Si tant est que cette structure doive un jour exister,
personnellement - et je demanderai la réaction de mes collègues -
je trouve au contraire qu'il serait sain que ce soient les présidents
des trois fonds qui constituent le conseil d'administration de la fondation, si
tant est qu'elle doive exister. Nous espérons qu'elle n'existera pas
parce que cela ajouterait une structure aux structures qui existent
déjà. Je ne sais pas si mes collègues sont d'accord. M.
Giroux, ce matin, faisait allusion à un comité de coordination
qui serait probablement constitué aussi des présidents.
Mme Dougherty: Dernière question, parce que j'aimerais
laisser le reste du temps à mes collègues. Elle s'adresse
à M. Lévesque, qui a parlé des fonds subventionnaires
ailleurs. À Ottawa, par exemple, qu'arrive-t-il si le gouvernement
n'accepte pas le plan de développement du conseil?
M. Lévesque (René): Je pense que...
Mme Dougherty: C'est une question hypothétique,
peut-être?
M. Lévesque (René): Voici une histoire un peu
amusante sur le projet de développement. Le plan quinquennal du CRSMG,
du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, a
été présenté il y a déjà plusieurs
années mais n'avait pas été accepté avant que les
élections ait lieu, en 1979, quand M. Clark est arrivé au
pouvoir. M. Clark avait approuvé le projet de façon temporaire.
Il y a eu d'autres élections par la suite, mais le conseil a
continué à fonctionner quand même selon le plan qu'il
s'était donné même s'il n'avait pas encore reçu
l'approbation officielle. Ce n'est que plus tard qu'une approbation officielle
du gouvernement est venue, mais le conseil avait déjà
commencé à mettre en place le plan tel que préparé
par le conseil même.
Bien sûr, je crois qu'en pratique le conseil a le pouvoir, de la
façon dont il est créé, de fonctionner même si le
gouvernement n'accepte pas le plan. Je doute très fort qu'un conseil
fasse cela parce que cela serait une façon pour lui de
s'autodétruire. Avec le temps, bien sûr, le gouvernement couperait
les subsides, couperait les subventions et refuserait de renommer certaines
personnes et les effets seraient néfastes.
Dans un certain sens, le gouvernement a des moyens suffisants,
simplement du fait qu'il finance les fonds, qu'il nomme les gens aux conseils
sans qu'il soit nécessaire d'ajouter dans une loi tout un ensemble de
directives, y compris celles qui sont contenues à l'article 86, qui sont
beaucoup plus bureaucratiques que nécessaires. Je ne sais pas si cela
répond à la question de madame...
Mme Dougherty: Oui, merci.
M. Boulet: M. le Président, on aura compris que l'allusion
à M. Clark ne signifie rien quant à notre position sur le
congrès conservateur.
Le Président (M. Brouillet): Je n'en doute pas. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: À la page 4 de votre mémoire, MM. de la
CREPUQ, vous mentionnez un certain nombre d'alinéas de l'article 8 du
projet de loi qui risquent d'entraîner des dédoublements
d'autorité et des complications dans le fonctionnement de
l'activité de recherche. Vous demandez en particulier que les
universités soient exemptes d'une série d'alinéas qui se
rattachent à cet article. Est-ce que vous souhaiteriez tout simplement
qu'il soit mentionné ne s'appliquent pas aux universités? Est-ce
que cela vous semble pratique, concrètement, qu'on envisage cela comme
ça ou si cela ne serait pas mieux d'envisager quelque chose au
début de l'article: "Aux fins de l'exécution de ses fonctions, le
ministre, compte tenu de la responsabilité propre de ses
collègues chargés de certaines institutions, etc. Exclure
complètement les universités de la définition d'organisme
public, cela crée un gros problème. C'est déjà dans
une autre loi, la loi des affaires intergouvernementales. C'est
déjà dans la pratique. Les universités tirent quand
même au moins 90% de leur budget de subventions qui leur viennent de
l'État. On peut bien jouer sur les termes, mais il me semble qu'elles
font partie du domaine public, au sens large du terme. Et si on pouvait trouver
des moyens d'inscrire dans la loi des précisions qui assureraient une
protection minimale contre ces dédoublements d'autorité, il me
semble que c'est cela que vous recherchez. (15 h 15)
M. Boulet: M. le Président, le député
d'Argenteuil a raison. Nous n'avons pas, je pense, demandé de
n'être pas inclus dans l'expression "organisme public". Bon. Il nous
semble évident que l'Université du Québec en est un
nettement et les autres universités discuteraient avec beaucoup de
nuances pour savoir si elles en sont ou si elles n'en sont pas. Alors, il ne
s'agit pas de nous exclure de cette expression. Ce que nous suggérons,
c'est que cette expression ne soit pas mise là et qu'on désigne
autrement les autres organismes publics, ou qu'on exclue spécifiquement
- et c'est un peu ce que dit
M. le député d'Argenteuil - les universités d'un
certain nombre de choses et pas uniquement parce que cela dédouble
l'autorité. Mais encore une fois, tel que nous interprétons le
texte - et non pas la philosophie qu'il y a derrière - ceci donne au
ministre de la Science et de la Technologie beaucoup plus d'autorité sur
les universités que le ministre de l'Éducation n'en a
actuellement.
M. Ryan: Vous avez mentionné, je pense, dans votre
mémoire, que le projet diminue l'importance de la FCAC au profit,
peut-être, du fonds nouveau qui serait créé ou de
l'autorité qui serait donnée au ministre. Pourriez-vous expliquer
cela, parce que ce n'est pas clair à la lecture du projet, qu'il y
aurait une diminution de l'importance de la FCAC?
Le Président (M. Brouillet): Vous permettez que je demande
au président de la commission de la recherche, M. Giroux, de
répondre à cette question?
M. Giroux: M. le Président, ce qu'il faut comprendre - et
je parle en cherchant le texte - ce n'est pas tellement qu'il y ait une
diminution de l'importance même du Fonds FCAC, c'est que le choix du nom
Marie-Victorin semble traduire une diminution du champ disciplinaire couvert
par les responsabilités du Fonds FCAC, Marie-Victorin étant, tout
illustre qu'il soit, un expérimentaliste de sciences fondamentales.
C'est là que se comprend l'allusion à la diminution du champ
couvert par le Fonds FCAC. Plusieurs - et ils sont nombreux -lisent un message
dans le choix du nom.
M. Ryan: II n'y a rien dans le texte, par conséquent, sauf
cela.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Westmount.
M. French: M. le Président, je voudrais poser une
brève question d'abord sur la fondation et le problème de
l'acceptation des dons, etc. Je voudrais demander ceci au recteur ou à
ses collègues: Si les articles pertinents du projet de loi
étaient amendés afin de rendre la possibilité d'accepter
les dons, contraints par les exigences de ne pas aller solliciter publiquement,
de ne pas consacrer de l'argent public, de ne pas consacrer le temps des agents
ou des employés de la fondation à cette fin, est-ce que cela vous
satisferait?
M. Boulet: Je pense que je peux répondre oui, au nom de
mes collègues. Mais, il est évident que, dans un document comme
celui que nous avons déposé, il y a dans notre vision des choses
des points qui sont plus importants que d'autres. Celui-ci, à nos yeux,
n'est pas le plus important, mais il est évident que ceci nous
satisferait.
M. French: Bon. Alors, passons donc au point le plus important,
plus particulièrement la réalité des pouvoirs du ministre
vis-à-vis des universités. Il y a peut-être, au moins
d'après ce que le ministre dît, une espèce de
mésentente entre ses intentions et la traduction en termes juridiques de
ses intentions. C'est drôle parce que lorsque j'ai lu le projet de loi,
après plus de dix ans d'expérience dans le domaine de la pratique
des sciences, des relations entre les gouvernements et les chercheurs, ce qui
m'a frappé surtout, ce n'était pas que le ministre se soit
donné des armes vis-à-vis des universités, mais que le
ministre se soit donné des armes vis-à-vis de ses
collègues au Conseil des ministres.
M. Paquette: Je vous ai dit que cela avait pris du temps au
Conseil des ministres.
M. French: Et je me suis dit ultimement que cela soulève
la question suivante: Est-ce que les universités et les chercheurs
voudraient plus un ministre dévoué pratiquement à 100%
pour faire avancer la recherche au Québec ou est-ce qu'ils
préféreraient vivre avec les attentions à temps partiel
des ministres de l'Éducation successifs?
M. Boulet: M. le Président, vous permettrez que je ne me
prononce pas sur la première partie de la question. Je laisserai
à M. le ministre le soin de discuter avec son collègue
député dans les corridors pour répondre à cette
partie de la question.
Sérieusement, je voudrais rapidement reprendre un petit peu ce
que j'ai dit tantôt. La liberté de la recherche dans le monde
universitaire est et ne peut pas être autre chose qu'un choix
d'État. Il y a des États où la recherche est
entièrement libre dans les universités. Il y a des États
où elle est moins libre et il y a des États où elle ne
l'est pas du tout. Ce que j'ai voulu dire tantôt c'est que cela devient
une responsabilité de l'État, selon le concept qu'on a de
l'université et de sa valeur au niveau de la recherche, aussi importante
d'essayer de préserver la liberté des chercheurs que de
définir les priorités de l'État et d'établir le
lien entre les deux, ce qui n'est pas facile.
M. French: Est-ce que je pourrais seulement reformuler un peu la
dernière question?
Le Président (M. Brouillet): Brièvement, oui, parce
qu'il ne reste que quelques minutes.
M. French: Effectivement, je vais essayer de la reformuler. Je
pense que ce que je décèle dans votre mémoire et de vos
interventions c'est que le projet de loi réduit en quelque sorte le
pluralisme institutionnel des sources de financement pour la recherche au
Québec et que le monde académique, le monde de la recherche
préfère avoir une variété de sources,
d'institutions mandatées différemment, avec des prises de
décision séparées et pluralistes, que d'avoir une
mainmise, quelles que soient ces sources et quel que soit son rationnel, sur
les fonds de recherche venant d'un seul gouvernement.
M. Boulet: M. Hitschfeld, aimeriez-vous répondre à
cette question?
M. Hitschfeld: Merci. Je ne suis pas tout à fait d'accord
avec l'intervention qui a été faite tout à l'heure. En
principe, oui, les universités préfèrent et, plus que
cela, elles insistent pour avoir une pluralité de sources. Mais je ne
crois pas que ce soit en jeu ici parce qu'on a actuellement une source
québécoise, comme le programme FCAC, qui est plus ou moins
satisfaisante et qui est plus ou moins au service de la communauté. Il y
a des difficultés sans doute. Mais je crois qu'avec le projet de loi que
nous étudions aujourd'hui, on gardera l'accès à cette
source, mais il est vrai qu'il y a certains dangers avec ce projet et nous les
avons soulignés.
Ce n'est pas une diminution des sources mais il y a peut-être
même un espoir, si vous voulez, de croissance de la valeur de cette
source mais, en même temps, il y a le danger, qu'on a souligné
à plusieurs reprises, qu'avec le texte comme tel, le ministre ou
l'administration de cette source devienne plus directrice, donnant plus de
directives et nous sommes contre cela. Ce n'est pas le changement de sources
mais c'est le moyen ou la méthode de leur administration que nous
discutons.
Le Président (M. Brouillet): Une dernière question,
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Ma
collègue de Marguerite-Bourgeoys, tout à l'heure, a bien
indiqué et cela semble avoir été confirmé
par...
M. Paquette: Votre collègue de Jacques-Cartier.
Mme Lavoie-Roux: Ah! Pas de
Marguerite-Bourgeoys, mais de Jacques-Cartier.
M. Paquette: ...On aime mieux votre collègue de
Jacques-Cartier.
Mme Lavoie-Roux: Ce sont des remarques de nature partisane, M. le
Président. Tout à l'heure, ma collègue
députée de Jacques-Cartier interrogeait le ministre à
savoir si les établissements de santé étaient compris dans
l'article 1. Le ministre semble avoir répondu dans l'affirmative. Dans
les universités du Québec, il y a une longue tradition de
recherche en santé, en collaboration avec les hôpitaux. Est-ce que
vous pourriez me dire de quelle façon ce qui est prévu dans la
loi viendrait apporter des contraintes nouvelles dans l'articulation actuelle
des fonds qui proviennent du fonds de la recherche en santé et des
collaborations existantes entre les hôpitaux et les
universités?
Le Président (M. Brouillet): M. Giroux ou M.
Lévesque.
M. Giroux: Je peux tenter de donner quelques
éléments pour éclairer. Les commentaires que nous pouvons
faire sont à peu près de même nature que ceux que nous
faisions au sujet du Fonds FCAC. Ce n'est pas que, dans le fonctionnement
immédiat, il y ait des menaces, sauf que la présence de
directives émanant de plusieurs ministères risque de compliquer
le fonctionnement et la gestion de la recherche. C'est déjà
passablement compliqué quand cela se réalise dans les
hôpitaux parce qu'il y a des institutions qui doivent se coordonner. Si,
en plus de cela, on risque d'être assujetti à des directives
prévues dans la loi, cela soulève les mêmes
inquiétudes que vis-à-vis du Fonds FCAC. Peut-être que M.
Lévesque voudrait ajouter quelque chose.
M. Lévesque (René): Dans un certain sens, nous
avons eu très peu de temps pour étudier toutes les
conséquences possibles de la loi. Nous avons été mis au
courant cette semaine qu'il y aurait une commission parlementaire.
C'était lundi, car je l'ai appris en lisant le Devoir lundi matin.
Dans les universités, du moins pour l'Université de
Montréal, plusieurs centres hospitaliers qui sont des centres
universitaires sont dans les hôpitaux. Ce sont des centres qui sont
souvent de nature fondamentale mais aussi clinique, où l'on
mélange le fondamental et le clinique. Ces ententes se font entre les
universités et chacun des hôpitaux. Certaines complications sont
dues au fait que les hôpitaux relèvent d'un ministère et
les universités relèvent d'un autre. Nous vivons avec ceci. Avec
un troisième ministère qui peut intervenir directement, je ne
sais pas si cela va compliquer ou faciliter les choses. Je ne pourrais pas
répondre parce que je n'ai pas vraiment étudié toutes les
conséquences de toutes les retombées de la loi telle qu'elle est
conçue.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, sans vouloir parler au
nom du ministre des Affaires sociales qui n'est pas ici, j'ai l'impression que
lui - c'est mon interprétation et il pourra venir s'expliquer -il a
certainement donné son consentement au ministre
délégué à la recherche - je n'ai pas de doute. J'ai
eu l'impression que c'était un peu comme une espèce de
soulagement, parce qu'on en a vaguement parlé.
M. Paquette: M. le Président, si vous me le permettez, ce
ne sera pas très long.
Mme Lavoie-Roux: Oui, vous allez corriger cela tout de suite.
M. Paquette: C'est qu'il n'y a encore qu'une seule source de
directives au FRSQ et elle provient du ministre des Affaires sociales.
Mme Lavoie-Roux: Non, je parle pour l'avenir.
M. Paquette: Dans le projet de loi.
Mme Lavoie-Roux: Vous pouvez intervenir quand même.
M. Paquette: Le ministre délégué à la
Science et à la Technologie ne peut pas donner de directives au FRSQ. Il
participe à l'élaboration des directives que prépare le
ministre des Affaires sociales, lesquelles sont déposées à
l'Assemblée nationale. Le FRSQ ne reçoit que ces directives. Par
la suite, c'est le FRSQ qui travaille, comme maintenant, avec les
hôpitaux. Le ministre délégué à la Science et
à la Technologie, selon le projet de loi, ne peut pas donner de
directives ni aux universités, ni aux hôpitaux.
Mme Lavoie-Roux: Vous l'offrez, c'est-à-dire conjointement
dans la préparation des directives qui sont déposées
à l'Assemblée nationale.
M. Paquette: Je vais participer à
l'élaboration.
Mme Lavoie-Roux: C'est un intervenant de plus. Peut-être
pas un intervenant direct auprès du fonds de la santé...
M. Paquette: Pas auprès du fonds et encore moins
auprès des hôpitaux.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Brouillet): Très bien merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Une brève question de règlement ou
d'information, M. le Président. J'entendais le ministre dire
tantôt que le pouvoir d'émettre des directives à
l'intention des organismes subventionnaires existe aussi à Ottawa.
M. Paquette: Je n'ai pas dit que le pouvoir existait à
Ottawa. (15 h 30)
M. Ryan: Très bien, j'ai compris cela tantôt, du
moins dans les faits. D'habitude, on fait des choses qui sont autorisées
par la loi, les autres, on n'est pas censé les faire, surtout quand on
est le gouvernement. Je voudrais vous rappeler que dans les textes constitutifs
des organismes subventionnaires fédéraux, on procède avec
une concision, une prudence et une sobriété exemplaire, de ce
côté-là. Je pense qu'avant d'en arriver à une
version définitive du projet de loi, il aurait grand
intérêt à examiner ces textes qui ont quand même le
mérite d'avoir aussi le tamisage de l'expérience de leur
côté. On est bien prudent, de manière à ne pas
ouvrir la porte à des choses comme celles que vous dites. Le plus loin
qu'on est allé a été d'apporter un amendement au statut de
l'un de ces conseils, ces dernières années, en introduisant le
paragraphe suivant: Le conseil est responsable de tous les aspects de la
recherche scientifique et industrielle au Canada que lui confie le gouverneur
en conseil. Vous me direz: II peut bien lui confier ces aspects en mettant
certaines modalités, peut-être. C'est formulé d'une
manière infiniment plus respectueuse que ce qu'il y a dans le projet de
loi actuel. Moi-même, en y pensant bien, je trouve assez
répugnante l'idée de directive à l'état aussi
explicite qu'on la trouve dans le projet.
Le Président (M. Brouillet): Écoutez, on va
terminer. On pourrait peut-être accorder, pour terminer, quelques
secondes au ministre et quelques secondes à la représentante
officielle. M. le ministre, est-ce que vous avez quelques secondes pour le mot
de la fin et après cela, Mme la députée de
Jacques-Cartier.
M. Paquette: Très brièvement, je pense que la
Conférence des recteurs et des principaux des universités du
Québec a fait connaître son point de vue de façon
très claire et très explicite. On identifie beaucoup mieux
maintenant les difficultés qui peuvent demeurer dans le projet de loi.
C'est le rôle des membres de cette commission de voir à bonifier
le projet de loi. Je suis convaincu qu'on peut le faire. Peut-être qu'on
a l'habitude de penser qu'un gouvernement prend souvent six mois, un an, deux
ans à se retourner de côté pour faire les modifications qui
s'imposent. Vous allez constater qu'on peut écouter et agir avec
rapidité. Merci.
Le Président (M. Brouillet): Merci. Mme
la députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Vous faisiez allusion à plusieurs
changements possibles sans les préciser, surtout en ce qui concerne les
articles 7 et 8. Si vous avez des suggestions à faire qui pourraient
réaliser vos attentes pour diminuer le pouvoir du ministre
vis-à-vis des universités, j'aimerais bien les connaître.
Cela pourrait nous aider à faire des suggestions constructives pour
améliorer la loi.
M. Boulet: Madame, nous essaierons de répondre à
votre demande pour lundi, si possible.
Le Président (M. Brouillet): Nous remercions les
représentants de la CREPUQ. Merci.
M. Boulet: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Nous invitons la
Fédération des associations de professeurs des universités
du Québec. Je pense que cela va prendre moins de temps. J'invite le
porte-parole à s'identifier et à nous présenter ses
collègues.
Fédération des associations de
professeurs des universités du
Québec
Mme Bertrand (Marie-Andrée): Oui, M. le Président.
Mon nom est Marie-Andrée Bertrand. Je suis la présidente de la
Fédération des associations et syndicats de professeurs
d'université du Québec. À ma droite, il y a M. Bernard
Saint-Pierre, vice-président de la Fédération des
associations de professeurs d'université du Québec et professeur
à l'Université du Québec à Trois-Rivières.
À ma gauche, il y a M. Hubert Stéphenne, directeur
général de la même fédération, la FAPUQ.
À la gauche de M. Stéphenne, M. Jacques Dagneault,
vice-président du SPUL, le Syndicat des professeurs de
l'Université Laval. À la gauche de M. Dagneault, M. Roger
Vershingel, du Syndicat des professeurs de l'Université Concordia.
M. le Président, on a rapporté que le M. le ministre
délégué à la Science et à la Technologie
croyait qu'une seule personne souhaitait la tenue d'une commission
parlementaire sur son projet de loi. Il me semble que le nombre des personnes
ici présentes et l'intérêt qu'elles ont réussi
à manifester, à quatre jours d'avis à la suite de
l'annonce de la tenue de cette commission, démontre qu'il y a des
personnes, dans la communauté québécoise scientifique, qui
voulaient débattre, discuter de ce projet de loi.
Rapidement, M. le Président, la FAPUQ est un organisme qui existe
depuis quinze ans et elle réunit onze associations et syndicats de
professeurs d'université. Elle compte plus de 5000 membres. Elle
travaille, bien sûr, à la promotion des intérêts de
syndicats et associations membres, mais elle a aussi à coeur le
développement des universités au Québec.
Sont membres de la FAPUQ: l'Association des
ingénieurs-professeurs des sciences appliquées (AIPSA), de
l'Université de Sherbrooke; the Association of Professors of Bishop's
University; l'Association des professeurs de l'école polytechnique;
l'Association des professeurs de la faculté de médecine de
l'Université de Sherbrooke; l'Association des professeurs de l'Institut
Armand-Frappier; la Concordia University Faculty Association; la McGill
Association of University Teachers; le Syndicat général des
professeurs de l'Université de Montréal; le Syndicat des
professeurs de l'Université Laval; le Syndicat des professeurs de
l'Université du Québec à Trois-Rivières; et le
Syndicat des professeurs de l'Université de Sherbrooke.
M. le Président, les responsables et les administrateurs des
établissements universitaires ont eu l'occasion de s'exprimer devant
vous à loisir et nous en sommes fort heureux. Nous voudrions cependant
vous faire remarquer maintenant que nous parlons non pas au nom des
universités, mais au nom des professeurs-chercheurs, au nom de personnes
qui sont engagées quotidiennement dans une activité qui est
directement touchée par le projet de loi qui est devant nous.
Le présent document a pour objet de définir sommairement
la position de la Fédération des associations de professeurs des
universités du Québec face au projet de loi 19 du gouvernement
québécois. Il faut bien comprendre que dans les délais
impartis, nous ne saurions prétendre refléter ici toutes les
nuances des positions que prendront sûrement, le temps venu, les 5300
professeurs regroupés par leurs syndicats et associations dans la
fédération, positions qu'une consultation large et ouverte
permettrait d'exprimer.
Dans un premier temps, notre mémoire va rappeler les principales
étapes de la démarche entreprise par le gouvernement du
Québec dans le dossier de la recherche -livre vert et livre blanc - et
comparer les énoncés de politique aux intentions du projet de loi
19. Ensuite, nous présenterons des commentaires plus
détaillés en regard des articles qui, selon nous, appellent de
toute urgence des modifications dans ce document qui fait l'objet d'une
commission parlementaire. Ces commentaires sont repris dans une annexe
où - je pense que l'une des porte-parole de l'Opposition s'en
réjouira -nous examinons le projet article par article, en tout cas dans
les articles qui nous
touchent davantage. Enfin, nous terminons sur quelques
considérations générales.
La politique scientifique ressortant du livre blanc. Rappelons
brièvement seulement cinq - il y en aurait d'autres - des principes du
livre blanc touchant des axes cruciaux, principes qui nous semblent être
contredits ou, en tout cas, être repris de façon fort variable,
fort variée, par rapport aux intentions du livre blanc, repris donc dans
le projet de loi qui est devant nous. Premièrement, premier grand point,
le statut du ministre responsable du Développement scientifique;
deuxième grand point, l'autonomie des universités et la recherche
universitaire; troisième grand point, la nécessité d'une
recherche libre, nécessité qui est largement affirmée dans
le livre blanc; quatrième point, le statut et les objectifs des fonds;
cinquième point, la composition du conseil et des conseils
d'administration des fonds.
J'abrégerai, M. le Président, puisque vous avez le texte
et je ne lirai pas au long les citations du livre blanc. Je me contenterai d'en
reprendre l'essentiel, du moins, je l'espère.
Premièrement, touchant le statut du ministre responsable du
Développement scientifique, en page 66 du livre blanc, on était
très clair à ce sujet et quand M. le ministre
délégué à la Science et à la Technologie
prétend que les consultations, qui sont inscrites dans le livre vert -
le rapport des consultations sur le développement scientifique est dans
le livre blanc - ont largement servi à la confection de son projet de
loi, il faut bien voir qu'il y a vraiment des points, comme celui-là par
exemple, qui sont en flagrante différence avec ce qu'annonçait le
livre blanc.
Ce que proposait le livre blanc, c'est un ministre d'État au
Développement scientifique. On y disait: "Nous parlons bien d'un
ministre d'État et non d'un ministère. Il s'agit là d'un
choix qui a été longuement pesé et qui s'appuie sur les
enseignements tirés de la consultation. D'ailleurs, l'esprit même
des actions ici annoncées interdisait de penser à la mise sur
pied d'une nouvelle entité administrative qui aurait été
l'unique gestionnaire gouvernemental de l'ensemble des programmes de recherche
ou de subventions..." etc.
Je passe au deuxième point où nous trouvons que le projet
de loi diffère sérieusement de la politique de la recherche
annoncée dans le livre blanc, à savoir l'autonomie des
universités et de la recherche universitaire et leur politique de
développement de la recherche universitaire. En bref, je rappelle que le
livre blanc, Un projet collectif, disait à la page 56, qu'il appartient
en premier lieu aux universités elles-mêmes d'opérer la
planification de la recherche universitaire. "C'est à elles qu'il
revient de définir leurs priorités en matière de
recherches": "En même temps, continue le livre blanc - il confirme le
rôle d'organisme-conseil et d'agent d'orientation et de concertation du
Conseil des universités et de sa Commission de la recherche
universitaire.
Troisième point, la nécessité d'une recherche
libre. Sur ce chapitre aussi, voilà ce que disait le livre blanc
à la page 52: "On n'hésite pas à affirmer ici que tous les
types de recherche de la plus pure à la plus appliquée, de la
plus libre à la plus orientée, ont leur place à
l'université. On peut même réaffirmer qu'en raison de sa
mission éducative et culturelle, l'université se doit de
s'intéresser activement à tous les domaines..." Ce dont on devra
cependant s'assurer, c'est que dans tous les cas la recherche universitaire
demeure fidèle à la raison d'être fondamentale de
l'institution universitaire et contribue d'abord et avant tout à
l'avancement du savoir et à la formation de spécialistes et de
chercheurs.
Quatrième grand point, le statut et les objectifs du fonds qui,
dans le projet de loi, vous le savez, M. le Président, devient une
fondation. Eh bien, le fonds qui était prévu dans le projet de
loi - à ne pas confondre avec les fonds que regroupe la fondation
-devait servir uniquement à des actions de type ponctuel, notamment
à des actions de démarrage qui ne pouvaient pas s'inscrire dans
des programmes existants. Il devait servir aussi à des projets à
caractère intersectoriel. Les modes d'allocation devaient s'appuyer sur
le principe des frais partagés et ainsi de suite. Finalement, on disait
que pour les deux ou trois premières années, bien des raisons
militeraient en faveur d'un accent prioritaire à accorder au secteur
manufacturier et au secteur des services. Livre blanc, page 85. (15 h 45)
Cinquième grand point, la volonté d'instaurer une gestion
participative des fonds de recherche qui impliquent les universités.
Le livre blanc sur ce sujet était très clair. Deux
structures d'appui devaient aider le ministre d'État au
Développement scientifique dans l'exécution de son mandat. Lui
sera d'abord rattaché, mais avec un mandat substantiellement
révisé, le Conseil de la politique scientifique et,
deuxièmement, le Bureau de la science et de la technologie.
Mais encore: "Loin de n'incomber qu'à l'État - je cite le
livre blanc à la page 56 -la planification est bien plutôt une
tâche à asssumer collectivement; - je cite toujours -ainsi qu'il
convient à un projet démocratiquement poursuivi, elle est
même appelée à devenir un processus public et
permanent...". Etc.
M. le Président, je passe maintenant à la constatation que
nous avons faite de ce que le projet de loi, selon nous et en 48
heures d'analyse, contient qui ne concorde pas avec cet
énoncé de politique.
Premièrement, en contraste avec ces énoncés, on
voit que le projet de loi 19 crée un ministère et donne le titre
et les pouvoirs de ministre plutôt que celui de ministre d'État au
responsable de la science et de la technologie. Le livre blanc parlait d'un
secrétariat d'État chargé de la coordination du
développement scientifique. Faut-il voir dans ces mutations un signe des
temps?
Deuxièmement, le projet de loi 19 assimile les universités
à des organismes publics. Nulle part, il ne reconnaît leur
autonomie ni leur rôle majeur touchant la recherche et la formation des
chercheurs.
Troisièmement, nulle part, non plus, le projet de loi 19 ne
mentionne la recherche libre.
Quatrièmement, la nouvelle fondation a des objectifs de
redistribution et de contrôle des fonds venant des ministères
sectoriels ou d'ailleurs - articles 50, 51 et 52 - à la
différence des actions ponctuelles, intersectorielles et à frais
partagés qui étaient les objectifs clairement prévus comme
ceux du "Fonds" - maintenant "Fondation" dans le nouveau projet de loi -qui
étaient décrits dans le livre blanc.
Cinquièmement, le Conseil de la science et de la technologie, qui
vient remplacer le Conseil de la politique scientifique, ne fait aucune place
explicite, spécifique au monde universitaire.
Article 22 du projet de loi: "Le conseil se compose de quinze membres,
dont un président, nommés par le gouvernement et provenant des
milieux des affaires, du travail, de l'information scientifique et technique
ainsi que des secteurs public et parapublic. "Le gouvernement peut
désigner au plus trois observateurs auprès du conseil; ceux-ci
participent aux réunions du conseil, mais sans droit de vote".
C'était le projet de loi 19 à l'article 22.
S'agit-il d'une mutation dans les universités par un
contrôle accru?
Quelque critique qu'aient pu formuler les auteurs du livre vert
vis-à-vis du vécu de la recherche universitaire, le gouvernement
marquait, par son énoncé de politique, son intention ferme de
respecter les finalités du secteur universitaire - par exemple, à
la page 52 du livre blanc - ainsi que l'autonomie des universités au
chapitre de la planification, de l'évaluation, voire même du choix
de leurs priorités en matière de recherche. Le projet de loi 19,
dans sa lettre, nie le principe d'autonomie universitaire et risque de mettre
en péril les finalités mêmes du secteur de la recherche
universitaire.
Remarques particulières. Sous ce titre, la FAPUQ énonce
l'esprit des principales modifications qu'elle demande au projet de loi 19.
L'étude article par article du projet de loi nous a permis
d'isoler, avec le peu de temps que le ministre nous laisse, les articles qui,
aux yeux de la FAPUQ, semblent les plus litigieux pour le secteur
universitaire. Le résultat de cette analyse se retrouve
intégralement à l'annexe I. Mais nous pouvons déjà
centrer nos remarques sur les points suivants:
D'abord, la définition des organismes publics, à l'article
1, englobe les universités. Nous nous opposons fermement à cela.
L'article 1 assimile les universités à des organismes publics.
Or, touchant ces organismes publics, les pouvoirs que confère le projet
de loi 19 au ministre de la Science et de la Technologie sont tels qu'ils
compromettent sérieusement l'autonomie des universités au
chapitre de la recherche et de la formation.
Le projet de loi 19 contraint les universités à rendre
disponibles des renseignements qu'elles n'étaient pas tenues en loi de
rendre accessibles, même au ministre de l'Éducation, premier
responsable de ces institutions. La loi prévoit accorder au ministre un
pouvoir de directives sans précédent.
Nous exigeons que les universités soient nommément exclues
de la définition des organismes publics visés à l'article
1 - si, bien sûr, M. le Président, la définition des
pouvoirs du ministre, de son sous-ministre et du ministère demeurent ce
qu'ils sont - qui, selon nous, se lirait ainsi: "Aux fins de la présente
loi, un organisme public est un organisme dont le gouvernement ou un ministre
nomme la majorité des membres, dont la loi prévoit que le
personnel est nommé et rémunéré suivant la Loi sur
la fonction publique dont le fonds social fait partie du domaine public ou dont
plus de la moitié des dépenses de fonctionnement sont
payées sur des crédits apparaissant aux prévisions
budgétaires déposées à l'Assemblée
nationale".
Nous proposons d'ajouter: "cela à l'exception des
établissements d'enseignement postsecondaires".
Ainsi, les universités ne seraient pas touchées par les
articles subséquents, spécialement 7 et 8.
Deuxième commentaire particulier. Les articles 2 et suivants,
décrivant les pouvoirs et responsabilités du ministère, du
ministre et du sous-ministre devraient se conformer, selon nous, à
l'esprit du livre blanc qui prévoit un ministre d'État.
Troisièmement, de la même façon, la fondation
prévue au projet de loi 19 devrait se voir attribuer les
responsabilités ponctuelles du fonds prévues dans
l'énoncé de politique, Un projet collectif.
Quatrièmement, la FAPUQ recommande que les orientations qui
sous-tendent les
directives émises par le ministre délégué
à la Science et à la Technologie fassent l'objet de débats
parlementaires plutôt que d'être laissées à la
discrétion du ministre.
Cinquièmement, la composition du Conseil de la science et de la
technologie, celle des conseils d'administration de la fondation, celle des
conseils d'administration des fonds et de l'agence doivent, à tout prix,
faire une place explicite à l'une des composantes essentielles de la
recherche au Québec: les chercheurs universitaires. Ceux-ci doivent
représenter au moins le tiers des membres nommés, compte tenu de
la part qu'occupe cette recherche au Québec.
Conclusion. Le domaine de la science et de la technologie est
définitivement vaste. Certaines personnes diront qu'il est plus vaste
que la recherche et d'autres diront l'inverse, mais l'important c'est qu'il
s'agit d'un domaine vaste. Le projet de loi peut donner et donne,
effectivement, au ministre délégué à la Science et
à la Technologie une autorité sur une très large partie
des activités de recherche et d'enseignement universitaire.
L'enseignement supérieur relève clairement, pour
l'instant, du ministre de l'Éducation. S'il était accepté
dans sa forme actuelle, le projet de loi 19 accroîtrait
considérablement le pouvoir qu'a l'État de contrôler
l'enseignement supérieur, pouvoir que le projet propose d'ailleurs de
partager entre deux ministres, si nous comprenons bien, dont les pouvoirs se
superposent l'une à l'autre. Qui plus est, le ministre
délégué à la Science et à la Technologie a
des intérêts qui concernent, selon nous, moins le
développpement supérieur que ceux qui président aux
besoins de la recherche qui se fait dans les ministères et dans
l'industrie.
Les universités ne peuvent accepter -et les chercheurs
universitaires ne peuvent l'accepter - que leurs activités soient
fixées seulement en fonction des intérêts des
ministères et des industries.
Par la nature même de l'université, en vertu de ses
finalités, il est essentiel que les professeurs-chercheurs qui
enseignent et qui font de la recherche puissent disposer de la latitude
nécessaire pour innover. Les recteurs ont aussi parlé de la marge
nécessaire de recherche libre pour que la créativité soit
sauve. Ils doivent surtout travailler, ces chercheurs universitaires
professeurs, à la formation de chercheurs.
Le projet de loi 19 risque de compromettre sérieusement la
recherche libre et la recherche fondamentale, voire même à cause
des impératifs du virage technologique, la recherche en sciences
humaines et sociales.
Outre les pouvoirs d'harmoniser, d'élaborer et d'implanter des
mesures nouvelles, de proposer des priorités et des stratégies,
de recommander des budgets, des plans de développement, de
procéder à l'évaluation des programmes, de veiller aux
pratiques de formation, de perfectionnement d'emplois en matière de
personnel scientifique et technique, le ministre, au terme de la loi 19 se
verrait confier le pouvoir de directives, nouveauté, selon nous, dans la
législation québécoise dans ce terrain.
La FAPUC constate que le ministre réclame une autorité
très étendue et croit fermement que le pouvoir de directives est
une attaque directe contre l'autonomie des chercheurs universitaires et des
universités puisque l'inscription de ce pouvoir dans la loi donne
à ces directives valeur de loi.
En somme, il s'agit, M. le Président, d'un changement de cap,
trop important pour qu'on le passe en douce avant les vacances
d'été et au milieu de vingt autres projets de loi.
Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie. Avant
d'entreprendre, l'échange, j'aimerais proposer, étant
donné que nous devons surveiller quand même l'heure, 20 minutes
à chaque parti de la commission. Je demanderais, du côté
ministériel, de s'aligner sur ces 20 minutes et de prévoir aussi
à se partager, si cela est nécessaire, le temps entre
collègues à l'intérieur d'une période de 20
minutes; et on fera la même chose pour les membres de l'Opposition.
M. le ministre.
M. Paquette: J'aimerais, tout d'abord, remercier les membres de
la FAPUQ de leur participation. J'aimerais dire, tout d'abord, et
réaffirmer que les énoncés de la politique scientifique du
gouvernement du Québec demeurent; ils sont les mêmes, ils
procèdent de la même préoccupation qui animait le document
en projet collectif, c'est-à-dire assurer la concertation des
intervenants, l'harmonisation des politiques, s'assurer aussi que le
développement scientifique et technologique soit assumé par
l'ensemble du gouvernement et des ministères qui ont chacun leurs
responsabilités face à la recherche. Je me demande comment il se
fait qu'en d'autres pays on a regroupé tous les autres organismes, ou
presque, qui font de la recherche scientifique sous le chapeau d'un seul
ministère et qu'il n'y ait pas eu de révolution.
Il est vrai que le livre blanc parlait d'un secrétariat
chargé de la coordination du développement scientifique, et vous
ajoutez: Faut-il voir, dans ces mutations, un signe des temps? Un signe des
temps, oui, face à la volonté du gouvernement d'accroître
la cohérence de ses actions, parce qu'il y a aussi beaucoup
d'intervenants dans le milieu; il y a même des critiques, parfois
fondées, à cet égard. Il était donc
nécessaire, dans un projet de loi, non seulement de
définir un
ministère et les fonctions et pouvoirs d'un ministre de la
Science et de la Technologie mais d'essayer de les articuler le mieux possible
à ceux des autres ministres qui ont à oeuvrer dans ce secteur,
puisque, justement, notre objectif n'était pas de regrouper toutes les
responsabilités concernant la science et la technologie au sein d'un
même ministère.
Alors, on avait le choix, dans l'état actuel de l'organisation
gouvernementale, entre un secrétariat et un ministère. Il
n'existe pas de secrétariat d'Etat, dans notre structure
gouvernementale, ni de ministre d'État. Si, en définitive, nous
nous sommes ralliés au terme de ministère, c'est que nous avons
constaté que la plupart des ministères ont, à la fois, des
pouvoirs, que l'on peut qualifier d'horizontaux, de coordination, de
concertation, d'élaboration de politiques qui sont alors
appliquées par d'autres ministères, et, à la fois,
parfois, des pouvoirs verticaux qui leur permettent d'assumer, eux-mêmes,
certaines actions.
Il me semble qu'à la lecture même du projet de loi, la
presque totalité des pouvoirs dévolus au ministre de la Science
et de la technologie sont du premier type. Dans ce sens, il est exact que le
terme ministre d'État, s'il avait existé dans la Loi sur
l'exécutif, décrirait sans doute mieux la réalité
du ministère de la Science et de la Technologie qui est décrit
dans le projet de loi. La plupart des articles, particulièrement ceux
où on mentionne le terme "organismes publics", qui recouvrent les
universités, sont des pouvoirs de nature horizontale. L'article 7,
deuxièmement dit: "Veille à l'harmonisation des activités
des ministères et des organismes publics relatives à la science
et à la technologie." J'espère qu'on ne nous demande pas
d'harmoniser tout, sauf ce qui se passe dans la recherche universitaire.
Article 8: "Conseiller le gouvernement sur toute question relative aux
activités scientifiques et technologiques des ministères et
organismes publics." Lorsque des questions se développent à
l'intérieur du gouvernement et que le gouvernement en discute, je ne
vois pas comment on pourrait interdire- au ministre de la Science et de la
Technologie ou à un ministre d'État doté d'un
secrétariat d'Etat, la responsabilité de conseiller le
gouvernement. Cela ne signifie pas qu'il est le seul à le faire, ni
même le principal conseiller dans certains cas, mais il peut conseiller
le gouvernement. (16 heures)
L'article 8, sixièmement: "Présenter au gouvernement ses
recommandations sur les budgets des organismes publics, leur plan de
développement de même que sur les directives qui leur sont
adressées..." Cela ne signifie pas qu'il va approuver les budgets, les
plans de développement, qu'il donnera des directives. Cela signifie que
si ces directives ou ces budgets ou ces plans de développement arrivent
à la connaissance du gouvernement et que le gouvernement doit prendre
une certaine position ou poser une certaine action, le ministre
délégué à la Science et à la Technologie
pourra présenter au gouvernement ses recommandations. C'est un pouvoir
de nature horizontale. "Procéder périodiquement, en collaboration
avec les ministres concernés à l'évaluation des
programmes." Ici, on exclut carrément les universités parce que
cela nous apparaît beaucoup plus centré, beaucoup plus vertical,
beaucoup moins horizontal.
Article 8, onzièmement: "Veiller à ce que les politiques
et les pratiques de formation, de perfectionnement, d'emploi et d'immigration
répondent adéquatement aux besoins du Québec en personnel
scientifique et technique et proposer au gouvernement et aux ministres
concernés des mesures destinées à assurer cette
adéquation." Il m'apparaît bien clair qu'il s'agit encore
là d'une responsabilité horizontale puisqu'il s'agit de proposer
au gouvernement et aux ministres concernés des mesures. C'est donc
à eux qu'il reviendra de les appliquer une fois qu'il y aura eu
débat sur ces questions et adoption d'une position par le
gouvernement.
Par conséquent, je pense que le projet de loi est dans la ligne
des orientations de la politique gouvernementale. Il définit un
ministère de nature surtout horizontale mais il vise à
rationaliser, à donner davantage de cohérence à l'action
gouvernementale. J'aimerais maintenant poser quelques questions
spécifiques.
À la page 5 - je vais prendre les points 2 et 3 puisque je viens
de parler du point no 1 - aux points 2 et 3, on dit: "Le projet de loi no 19
assimile les universités à des organismes publics - ce qui est
exact - Nulle part, il ne reconnaît leur autonomie." Est-ce qu'on aurait
souhaité que dans le projet de loi, on se mette à faire des
choses qui devraient normalement aller dans une loi des universités
alors on refuse qu'il y ait une loi des universités? Je pense qu'un
projet de loi sur la science et la technologie n'a pas à
reconnaître l'autonomie. Elle existe. On dit: "Nulle part non plus, le
projet de loi no 19 ne mentionne la recherche libre." Il ne mentionne pas la
recherche appliquée ou la recherche orientée non plus. C'est donc
la preuve que ce projet de loi ne contient pas d'énoncés quant
aux orientations de la recherche.
À l'article 4 à la page 6: "La nouvelle fondation a des
objectifs de redistribution et de contrôle des fonds, venant des
ministères sectoriels ou d'ailleurs à la différence des
actions ponctuelles." J'aimerais savoir ce que vous entendez quand vous parlez
de fonds venant des ministères sectoriels, en parlant de la fondation.
Ou encore, est-ce que vous
proposez que la fondation devrait se voir attribuer des
responsabilités ponctuelles prévues dans le livre blanc. Un
projet collectif? Ne serait-ce pas beaucoup plus dangereux pour l'autonomie
universitaire, à ce moment?
Je ne veux pas vous poser trop de questions en même temps. Je
reviendrai dans un deuxième temps mais une dernière, si vous me
le permettez. À la page 8, au quatrième alinéa: "La FAPUQ
recommande que les orientations qui sous-tendent les directives émises
par le ministre délégué à la Science et à la
Technologie fassent l'objet de débats parlementaires plutôt que
d'être laissées à la discrétion du ministre."
N'est-ce pas justement l'objectif qui fait en sorte que les directives devront
être déposées comme le stipule le projet de loi no 19? Les
directives de la fondation devront être déposées devant
l'Assemblée nationale. J'arrête là mes questions. J'en
aurai quelques autres dans un deuxième temps.
Le Président (M. Brouillet): II y a dix minutes de
passées.
Mme Bertrand (Marie-Andrée): Je vais répondre
à quelques-unes des questions, M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Oui, très bien.
Mme Bertrand: Et mes collègues, si vous le permettez,
prendront la parole sur d'autres questions. Il me semble que M. le ministre
s'efforce de nous prouver que son ministère serait un ministère
d'État et qu'il s'agit là d'une structure horizontale.
D'autre part, si vous permettez que nous nous référions
à des propos qui ont été tenus ce matin, le ministre
délégué à la Science et à la Technologie
s'est efforcé de nous rassurer en nous annonçant qu'il s'agit
d'une loi justement - et c'est un peu le sens de ses propos de tout à
l'heure, c'est pour cela que je me permets d'y revenir - qui n'a pas un contenu
précis, un programme précis de développement de la
recherche à offrir. C'est une loi qui propose une structure. Nous
pensons, M. le Président, que cette structure, c'est
précisément cela le contenu. Les pouvoirs que se
définissent le ministre et le sous-ministre sont considérables et
ils permettent, de fait, au ministre de la Science et de la Technologie
d'orienter ou de réorienter tous les efforts de recherche
subventionnée par les fonds que regroupera l'éventuelle fondation
par le fait des recommandations du nouveau Conseil de la science et de la
technologie. J'arrête là mon commentaire général. Je
reviendrai sur des points plus précis.
M. Saint-Pierre (Bernard): Pour illustrer davantage - bien que ce
ne soit pas l'intention claire du projet de loi et sans doute pas l'intention
du ministre, M. le Président - on peut imaginer, par exemple, que la
fondation qui est prévue dans le projet de loi, éventuellement,
pourrait recevoir des fonds considérables. On sait que le gouvernement
n'a pas trop d'argent actuellement et ce n'est pas un mal à craindre
à très court terme. Cependant, on peut facilement imaginer que
les fondations qui appartiennent aux ministères sectoriels pourraient
être vidés par un organisme comme le Conseil du trésor, par
exemple -la chose ne nous étonnerait pas outre mesure - et que ces fonds
récupérés à même les fonds actuels, soient
réacheminés vers la fondation. Et, dans ces
perspectives-là, la fondation pourrait véritablement
réorienter totalement toutes les subventions de recherche. Telle n'est
peut-être pas l'intention du ministre - ce serait à lui d'en
répondre - mais le projet de loi, tel qu'il est formulé
actuellement, laisse ouverte cette hypothèse, cette possibilité
qu'on peut appréhender sérieusement à moyen ou à
plus long terme.
M. Stéphenne (Hubert): Pour ma part, M. le
Président, je constate que le ministre prétend que, finalement,
tous les pouvoirs qui lui sont attribués par le projet de loi no 19 ne
sont que des pouvoirs de coordination. Je pense que non pas dans l'esprit, mais
dans la lettre du projet de loi, on va beaucoup plus loin. On semble passer
rapidement sur des articles qui nous disent tout simplement que nous allons
coordonner les activités. Je prends pour exemple l'article 8.11 . On dit
bien: "Veiller à ce que les politiques..." Que je sache, c'est plus que
de la coordination. Si on veille, on doit avoir des outils. Je veux citer
également l'article 8.14° où on dit: "Obtenir des
ministères..." Il faut bien comprendre que nous devons aller chercher
aux articles 133 et 134 les moyens que se donne ce même ministère
pour imposer des sanctions aux gens qui se permettraient de ne pas donner ces
renseignements.
Il y a également les directives. On reviendra là-dessus,
je pense que c'est le coeur même du projet de loi. Lorsque nous parlons
de directives, je pense que les recteurs ont exprimé leur
inquiétude devant les directives qui pouvaient émaner du nouveau
ministère. Nous avons ces mêmes préoccupations et nous
pensons que les directives, lorsqu'elles sont inscrites dans une loi, ont
effectivement un pouvoir de loi. Mais quel serait donc le contrôle des
intervenants? Quel serait même le contrôle de l'État
vis-à-vis des directives imposées directement par le ministre,
alors que ces directives n'ont pas à être sanctionnées
d'aucune façon, puisqu'elles sont déjà prévues dans
le texte de loi?
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre, si vous
voulez répondre à M. Stéphenne.
M. Paquette: J'aimerais tout simplement attirer l'attention des
intervenants sur le fait que les sanctions concernent des fraudes possibles
quant aux subventions, aux mouvements financiers qui peuvent être
effectués et ne sont nullement reliées aux pouvoirs du ministre.
Je voudrais que ce soit bien clair parce qu'on peut facilement s'énerver
alors qu'il faut regarder cela avec tout le calme possible et essayer de
bonifier le projet de loi.
Mme Dougherty: Est-ce que des sanctions existent
déjà?
M. Paquette: Oui, cela existe.
Mme Dougherty: Dans la loi de l'éducation.
M. Paquette: Dans toutes les lois où il est question de
demandes de fonds ou de subventions, les gens qui obtiennent des subventions
illégalement ou en trompant sciemment s'exposent à des
sanctions.
Mme Lavoie-Roux: Cela ne fait pas référence
uniquement à l'aide financière, cela fait référence
à toute information fausse et trompeuse. Ce n'est pas juste l'aide
financière.
M. Paquette: C'est bien marqué en vue d'obtenir une aide
financière prévue par la présente loi.
Mme Lavoie-Roux: Où est-ce?
M. Paquette: L'article 133 se lit comme suit: "Quiconque donne
une information fausse ou trompeuse en vue d'obtenir ou de faire obtenir une
aide financière prévue par la présente loi, commet une
infraction et est passible, sur poursuite sommaire, d'une amende d'au plus 5000
$."
Mme Lavoie-Roux: D'accord, je m'excuse.
M. Paquette: Tous les autres articles sont des articles
reliés à ce premier article.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Paquette: Encore une fois, l'article 8, 11e, si on lit
seulement le début du paragraphe, pourrait nous indiquer un pouvoir
vertical qui amènerait le ministre délégué à
la Science et à la" Technologie à intervenir notamment dans les
programmes de formation, les politiques d'immigration qui touchent la science
et la technologie. Le paragraphe se termine comme suit: "...et proposer au
gouvernement et aux ministres concernés des mesures destinées
à assurer cette adéquation. Il est clair que l'objectif ici - on
va le regarder de nouveau pour être sûr qu'il n'y a pas
d'ambiguïté - c'est d'élaborer - pour être un peu
prétentieux -une politique de la main-d'oeuvre scientifique - je pense
qu'on a beaucoup de problèmes de ce côté-là - de
l'élaborer en collaboration avec les personnes concernées.
Lorsqu'elle est débattue et adoptée, cette politique doit
être appliquée par les ministres responsables.
S'il s'agit de mesures concernant l'immigration, il va de soi que c'est
le ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles qui devra
l'appliquer. S'il s'agit de mesures concernant l'enseignement, c'est le
ministre de l'Éducation qui devra l'appliquer.
Tel est - en tout cas - l'intention. Si ce n'est pas clair encore une
fois, on est tout à fait disposé à lever toutes les
ambiguïtés. Dans notre esprit, l'article 8, 11e est un pouvoir de
nature horizontale.
L'article 8, 14e vise à obtenir des renseignements. On a la
responsabilité de publier des statistiques de la recherche. On a
déjà publié plusieurs études là-dessus au
secrétariat. On n'a pas besoin d'être un ministère pour
cela. On pense que c'est normal d'avertir les gens que tel est notre rôle
et que par conséquent il faut que nous nous donnions des moyens
d'obtenir les renseignements nécessaires à évaluer
l'évolution des activités scientifiques et technologiques au
Québec de façon à en informer l'ensemble des intervenants.
Encore une fois, s'il y a quelque ambiguïté, nous sommes bien
disposés à améliorer et à clarifier ces
articles.
Deux dernières questions, M. le Président. À la
page 9, au bas de la page vous affirmez que le projet de loi no 19 risque de
compromettre sérieusement la recherche libre et la recherche
fondamentale, voire même à cause des impératifs du virage
technologique, la recherche en sciences humaines et sociales. J'aimerais vous
demander où dans le projet de loi exactement vous trouvez de si noirs
desseins. À la page 10, vous affirmez que le ministre se verra confier
le pouvoir de directives, nouveauté au plan de la législation
québécoise. Je connais au moins quatre lois qui parlent de
directives. Qu'est-ce que vous entendez pas les mots "nouveauté au plan
de la législation québécoise"?
Mme Bertrand: D'accord.
Le Président (M. Brouillet): Oui, très bien,
madame.
Mme Bertrand: Permettez-vous qu'on
revienne un peu en arrière, M. le Président, parce que
nous n'avions pas fini de répondre aux autres questions? Est-ce que
c'est possible?
Le Président (M. Brouillet): Dans la mesure où vous
pouvez répondre à toutes les questions, si vous pouviez le faire
dans un temps relativement limité. Alors, allez.
Mme Bertrand: D'accord. Peut-être un commentaire
général qui couvre deux des questions, il me semble en tout cas,
si je comprends bien, de M. le ministre. Lui-même, M. le
Président, a avoué tout à l'heure, enfin, a avoué,
je m'excuse, a dit tout à l'heure que le paragraphe 7 de l'article 8 lui
conférait ce qu'il a appelé lui-même un pouvoir vertical.
(16 h 15)
Pour que nous nous comprenions bien, je lis cet article, enfin ce que
nous en avons relevé dans notre propre mémoire, et qui nous
inquiète beaucoup: "Procéder périodiquement, en
collaboration avec les ministres concernés, à l'évaluation
des programmes relatifs à la science et à la technologie des
ministères et des organismes publics qui en dépendent". Il dit
là que son pouvoir est vertical. Nous comprenons qu'il se superpose aux
ministres qui ont des responsabilités dans le domaine de la science et
de la technologie et qui ont la responsabilité d'organismes publics
dépendant d'eux et s'occupant de recherche scientifique, de science et
de technologie. Ou si nous comprenons tout cela de travers, c'est que,
vraiment, nous ne parlons pas la même langue, il me semble. M. le
ministre vient de dire qu'il a là un pouvoir vertical.
J'ai un collègue qui voudrait faire un petit commentaire
s'adressant aux questions précédentes.
M. Saint-Pierre (Bernard): Rapidement, nous ne nous attendions
pas que le projet de loi en soit un sur les universités ou reconnaissant
l'autonomie des universités. Ainsi, nous serions satisfaits si les
universités étaient simplement exclues du projet de loi et non
pas que le projet de loi porte sur les universités.
Deuxièmement, pour ce qui est de la citation que le ministre a
faite de notre mémoire, à la page 8, quatrième paragraphe:
"La FAPUQ recommande que les orientations, qui sous-tendent les directives
émises par le MST, fassent l'objet de débats parlementaires
plutôt que d'être laissées à la discrétion du
ministre". Donc, il ne s'agit pas ici d'une reconnaissance des directives. Nous
avons dénoncé auparavant et très clairement l'abus de
directives qui venaient soit des ministres sectoriels ou soit encore du futur
ministre de la Science et de la Technologie. Donc, ce n'est pas pour
reconnaître ce pouvoir de directives dans la loi, même si nous le
reconnaissons dans les faits, nous avons beaucoup d'appréhensions qu'il
soit écrit dans la loi et que toutes les directives, par
conséquent, aient force de loi. Ce n'était pas reconnaître
ces directives mais pour que les orientations - là, c'est tout le
pouvoir du ministre - soient discutées aussi à l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Brouillet): Oui. Est-ce qu'il y aurait...
M. le ministre.
M. Paquette: M. le Président, simplement pour la bonne
information de tout le monde, sur ce dernier point, à l'article 51, 4e
paragraphe, on parle des directives que le ministre de la Science et de la
Technologie peut émettre à l'intention de la fondation. Le
paragraphe se lit comme suit: "Ces directives sont déposées
à l'Assemblée nationale..."
Mme Bertrand: Non, c'est de la...
M. Paquette: Cela ne vous paraît pas suffisant pour
favoriser le débat à l'Assemblée nationale? C'est cela, si
je comprends bien? Cela dépend du jour...
M. Saint-Pierre: C'est simplement le cas des directives sur la
fondation.
M. Paquette: Oui, oui. Je parle aussi des directives de la
fondation.
Mme Bertrand: Ce que nous voulons, ce sont plutôt les
directives de la fondation.
M. Saint-Pierre: Alors que le pouvoir du ministre, en termes de
directive, est beaucoup plus large.
Mme Bertrand: Beaucoup plus étendu que cela. Ce que les
recteurs ont dit aussi ce matin.
M. Paquette: Très bien. Un dernier point à
l'article 8, septièmement. Encore une fois, lorsque l'on utilise les
termes "procéder périodiquement, en collaboration avec les
ministres concernés, à l'évaluation des programmes
relatifs à la science et à la technologie des ministères
et organismes publics", nous avons ajouté: "qui en dépendent".
Ceci, dans l'esprit, dit qu'il s'agit d'exclure les universités et de
limiter cette évaluation aux programmes de recherche interne des
ministères et aux organismes sous la responsabilité
immédiate des ministres. Ce qui n'est pas le cas des universités.
Je pense qu'on va trouver une meilleure formulation pour clarifier cet
article.
M. Denault (Bernard): À propos de la
question sur la recherche libre et sur la recherche en science sociale,
on craint un enchaînement en trois temps, dont le premier temps est
l'influence - c'est déjà fait - déterminante qu'exercent
actuellement les organismes subventionnaires sur l'évolution de la
recherche. C'est un jeu qui s'opère à la marge,
évidemment, en période de coupures budgétaires. Les rares
fonds disponibles ont un poids qui s'affirme, on le constate autour de nous
tous les jours. Là où il y a de l'argent, tout le monde se tire
littéralement. C'est le premier temps.
Deuxième temps, le pouvoir de directive. Qu'elles soient
déposées ou pas à l'Assemblée nationale, quand les
directives sont contraignantes, ont force de loi parce qu'inscrites dans la
loi, sont l'objet de contrôle par la suite et que les organismes
subventionnaires peuvent être amenés à orienter leur action
dans des sens très précis, si on ajoute ce deuxième temps,
le poids déterminant que cela existe actuellement, les organismes
subventionnaires, on craint un troisième temps qu'un analyste au Conseil
du trésor nous a rappelé très vivement. Ce
troisième temps serait que, à un moment donné, il y a une
directive déposée à l'Assemblée nationale, disant:
Voilà, priorité 2 pour la microbiologie, priorité 0 pour
la recherche et pour les sciences sociales.
C'est, d'après nous, une possibilité renforcée par
le projet de loi parce qu'elle officialise, dans un texte de loi, les
directives qui se font actuellement, mais qui laissent une marge d'autonomie
satisfaisante à la FCAC et aux autres fonds, à l'heure actuelle,
et qui peut facilement disparaître si, à un moment donné,
le Conseil du trésor ou un autre organisme décidait d'avoir des
directives précises. Ce troisième temps n'existe pas - on
espère qu'il n'est pas dans l'esprit du ministre - mais la loi permet sa
concrétisation, et tant que nous ne verrons pas dans la loi, une
garantie que les directives ne pourront pas étrangler la recherche
libre, nous allons avoir peur, et non seulement pour nous dans nos projets
personnels, mais pour l'ensemble à venir de la recherche au
Québec.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci. Oui,
peut-être pour conclure nous allons passer une minute peut-être,
allez.
Mme Bertrand: Ce qui nous fait réclamer l'autonomie des
fonds subventionnaires de la recherche, la suppression et l'allégement
de directives plutôt leur multiplication, c'était le sens de
plusieurs des réponses que j'aurais voulu fournir aux interventions de
M. le ministre.
Le Président (M. Brouillet): La parole est à Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. J'aimerais remercier la FAPUQ pour son
excellent mémoire, particulièrement quand on tient compte du peu
de temps des gens à réagir. J'aimerais avoir votre
réaction... Comment la FAPUQ réagirait-elle si l'article 8
était changé pour se lire comme suit: Aux fins de
l'exécution de ses fonctions, le ministre peut, dans les limites et
attributions des ministres responsables - j'insère les mots "dans les
limites et attributions des ministres responsables" - plus
particulièrement...
M. Saint-Pierre: Je pense qu'il serait intéressant qu'on
ait ce type de réserve. On cherche le moyen d'exprimer ce que le
ministre disait tantôt verbalement. Finalement, ce nouveau
ministère sera un ministère d'État, non pas un
ministère à caractère sectoriel ou ayant des pouvoirs
verticaux. Est-ce qu'il y a moyen, soit par une définition
préalable à un article 0 quelconque, ou encore et encore, dans le
texte même de la loi, d'essayer de clarifier cette articulation justement
horizontale entre ce futur ministère et les autres ministères. Je
crois que la suggestion que vous faites va dans le sens d'un
éclaircissement.
Mme Dougherty: Cela va peut-être dans le sens que vous
envisagez pour protéger l'autonomie des universités.
Mme Bertrand: Oui. Cependant, M. le Président, je
rappellerai, comme les recteurs l'ont rappelé ce matin, que même
les directives actuelles que les ministres responsables envoient aux fonds,
dont ils encadrent la gestion des fonds, à l'occasion du livre vert et
du livre blanc et de la consultation sur l'organisation de la recherche
scientifique, on avait déjà manifesté notre désir,
notre volonté que ces directives soient bien allégées.
Tout en reconnaissant le mérite de la proposition qui consiste à
dire que ce serait dans les limites des attributions des ministres
responsables, même là, toujours sur ce fameux principe des
directives et de la responsabilité verticale dont on a parlé tout
à l'heure, ce que nous recommandons, c'est un allégement
plutôt encore une fois qu'une multiplication et un alourdissement des
contraintes à la recherche.
Mme Dougherty: D'accord. Je crois que les recteurs des
universités ont souligné le fait que les universités ne
sont pas mentionnées spécifiquement dans le projet de loi comme
membres du conseil. Le décret actuel qui a créé le conseil
est très spécifique. On spécifie le nombre et le milieu de
chaque groupe de représentants.
Mme Bertrand: ...Conseil de la politique scientifique.
Mme Dougherty: Je parle du Conseil de la politique
scientifique.
Mme Bertrand: Ah bon! D'accord.
Mme Dougherty: On va changer le nom mais pas le sens. J'aimerais
avoir votre réaction. Il me semble que le décret actuel est
peut-être trop rigide et la proposition du projet de loi peut-être
trop floue. Y a-t-il un compromis ici? On doit spécifier les milieux qui
doivent être représentés sans le nombre de personnes pour
chaque milieu. Est-ce que vous voyez là une amélioration
possible?
Mme Bertrand: Nous avons tout simplement mentionné, M. le
Président, qu'au conseil, le futur conseil de la science et de la
technologie, au conseil d'administration de la fondation, aux conseils
d'administration des fonds, nous pensions qu'il était absolument
nécessaire que le tiers des membres soit des universités, des
chercheurs du monde des chercheurs universitaires touchant en effet la
composition quand elle est très détaillée. Le projet de
loi s'abstient, si je peux m'exprimer ainsi, explicitement de mentionner les
chercheurs universitaires, nous trouvons que c'est totalement inacceptable.
Touchant l'actuelle composition du Conseil de la politique scientifique,
malheureusement, en ce qui me concerne, je n'ai pas de commentaires.
Mme Dougherty: Encore votre réaction à une autre
suggestion, un amendement peut-être. L'article 8.11 qui parle de "veiller
à ce que les politiques, etc." est assez fort. Comment
réagiriez-vous aux mots "porter une grande attention à" ou
"prêter une grande attention à", à quelque chose comme
cela?
Mme Bertrand: Sûrement mieux, M. le Président,
qu'à la lettre actuelle. Il s'agit, pour que nous nous comprenions tous,
de ce paragraphe dans lequel le ministre délégué à
la Science et de la Technologie se donne le pouvoir de "veiller à ce que
les politiques et les pratiques de formation, de perfectionnement, d'emploi et
d'immigration répondent adéquatement aux besoins du Québec
en personnel scientifique et technique." Nous disons ici ce que d'autres ont
dit avant nous: C'est vraiment potentiellement l'orientation des programmes
universitaires. La formulation que propose madame est sûrement beaucoup
plus légère que celle que nous voyons dans le texte actuel du
projet de loi. (16 h 30)
Mme Dougherty: Merci. La dernière question. Je n'ai pas eu
le temps de lire vos suggestions et vos commentaires précis sur chaque
article. Est-ce qu'il y en a quelques- uns où vous suggérez des
changements précis ou que vous aimeriez souligner? Nous sommes dans le
même bateau ici parce que c'est très difficile d'être
tellement pressé...
Mme Bertrand: Oui. D'abord, M. Stéphenne va parler tout
à l'heure, mais il me semble que les articles clés sont les
articles 51 et 52 où on lit que "le ministre de la Science et de la
Technologie peut donner des directives portant sur les objectifs et les
orientations de la fondation". On en a beaucoup parlé, alors nous en
reparlons. Nous disons que c'est là un pouvoir plus contraignant que
tout ce que nous avons connu jusqu'à maintenant. "Le ministre approuve
le plan, avec ou sans modification." C'est l'article 52. Ce sont vraiment de
très grands pouvoirs. Il nous semble qu'il y a un lien subtil entre ces
directives et ce plan. Cela nous inquiète beaucoup.
Si nous comprenons bien, M. le ministre nous dit souvent que nous voyons
des choses qu'il n'a pas mises dans l'esprit de son projet, mais que nous
trouvons dans la lettre. Nous souhaitons beaucoup que cette lettre se modifie
si vraiment l'esprit de la loi est différent de ce que nous lisons
maintenant.
Mme Dougherty: Merci.
M. Stéphenne: M. le Président, nous avons, bien
sûr, fait l'analyse d'un certain nombre d'articles, pas tellement pour
suggérer des modifications, mais pour noter notre inquiétude sur
l'ensemble du projet. Il est bien clair que lorsque vous êtes
étouffé par un corset, vous ne vous demandez pas quel est le
lacet qui sert le plus. C'est un peu l'expression de notre attitude lorsque
nous avons fait l'analyse article par article. C'est une accumulation, si vous
voulez, d'inquiétudes qui font, à toutes fins utiles, qu'il n'y a
pas essentiellement une virgule ou un terme à changer dans un ou l'autre
des articles, mais c'est la philosophie même du projet de loi qui est
à réviser, à notre sens.
Le Président (M. Leduc, Fabre): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais faire tout d'abord
une couple d'observations de caractère général. Il me
semble, en fait, quand j'ai entendu la lecture d'une des premières
recommandations du mémoire voulant que les universités soient
exclues de la notion d'organisme public, que c'est une recommandation - je
pense l'avoir indiqué plus tôt lors de la rencontre avec la CREPUQ
- qui me semble difficilement acceptable, mais étant donné ce que
sont devenues les universités, de facto et dans bien des cas de droit
aussi... D'autre part, je pense que le ministre a fait une erreur
colossale en mettant les universités sur le même pied que
tous les autres organismes dans la lettre de son projet de loi, encore une
fois. Je ne sais pas comment le ministre pourra corriger cette
déficience, mais il me paraît évident que lorsqu'on traite
de la recherche scientifique, on ne peut considérer les
universités seulement comme un élément parmi les autres,
sur le même pied que les syndicats et que les conseils patronaux, ceci et
cela. Je pense que c'est vraiment un élément constitutif
majeur.
Si vous pouvez réexaminer le projet de loi en ayant à
l'esprit cette observation qui me paraît particulièrement
judicieuse, je pense qu'il y a peut-être moyen de faire disparaître
bien des aspérités ou des sujets d'inquiétude.
Les pouvoirs de directives, j'ai dit tantôt ce que j'en pensais.
Je ne veux pas prendre le temps de la commission pour en reparler. Il y a une
question que je voudrais peut-être vous adresser parce que votre
mémoire n'est pas spécialement explicite là-dessus. Ce
qu'il y a de bien important dans le projet de loi, c'est la multiplication des
fonds des organismes particuliers et l'agencement qui va exister dans tout
cela. Je ne sais pas si j'ai bien compris tantôt, j'ai cru comprendre que
d'après votre lecture du projet de loi, il pourrait très bien
arriver que dans la pratique, le projet de loi, comme il est, maintienne les
choses comme elles sont, que la FCAC, par exemple, le Fonds de la recherche en
santé, le Centre de recherche industrielle du Québec, que ces
organismes ne soient pas tellement affectés dans leur
développement et qu'ils continuent de recevoir les fonds par les budgets
de leur ministère respectif, etc., qu'il pourrait très bien
arriver aussi qu'il y ait graduellement une inversion dans l'ordre
d'importance, que la fondation prenne de plus en plus d'importance et que,
finalement, les fonds particuliers en viennent à développer une
dépendance de plus en plus grande vis-à-vis de la fondation qui
pourrait être encline à leur donner des directives de plus en plus
précises. J'aimerais que vous nous disiez de manière plus claire
comment vous réagissez au passage du projet de loi qui traite des fonds
de recherche.
Mme Bertrand: M. le Président, rapidement, ce que nous
comprenons, c'est que FCAC, FRSQ, CRESAC sont logés, par leur
président et par la création de la fondation, dans un organisme
qui s'appelle la Fondation pour le développement de la recherche
scientifique au Québec. Si nous comprenons bien, ces fonds arrivent
là avec leur fonds. S'ajoutent des sommes d'argent venues d'ailleurs, de
legs, de dons, de dotations. Ce qu'exprimait mon collègue Denault tout
à l'heure, ce que d'autres essaient d'exprimer et ce que je vais essayer
d'exprimer, c'est que les règles qui vont gouverner l'allocation, la
distribution de ces sommes qui se trouvent, par la présence des
présidents ou directeurs généraux des trois fondations, au
conseil de la fondation sont à la fondation. Nous pensons que les
règles qui vont gouverner l'allocation de ces ressources, pour l'instant
et dans le projet que nous lisons, ne nous garantissent pas du tout que les
sommes en provenance du ministère de l'Éducation restent au
ministère, par exemple, de l'Éducation, ou en provenance du MAS
restent, par exemple, au FRSQ.
Bien sûr, le ministre délégué pourrait
répondre qu'il pourrait s'y ajouter de l'argent venant des legs, des
dotations et de tout ce que la fondation recueillera. Mais nous pensons que le
pouvoir de redistribuer et de réallouer, que ce que nous voyons dans la
lettre de la loi confère au ministre, fait qu'il n'est pas du tout
garanti que les fonds avec leur mission particulière actuellement,
gardent ou se voient même augmenter l'argent qu'ils ont maintenant. C'est
le sens de notre inquiétude.
Nous trouvons le fondement de notre inquiétude - si vous me
permettez - à l'article 52 où on dit que le plan que fera le
ministre indiquera les montants prévus pour le fonctionnement de la
fondation. Ce plan indique, de plus, les conditions relatives à
l'utilisation par un fonds - oar exerrmle, le Fonds FCAC ou le FRSQ - des
sommes qui lui sont versées par la fondation. Normalement, ce sont les
legs, dotations et plus, normalement. À cette fin, la fondation peut
concevoir des programmes d'aide à la recherche dans des domaines
jugés prioritaires. Le ministre approuve le plan, avec ou sans
modification.
On a le sentiment que, s'ajoutant à cela, à la suite de
cette approbation, la fondation est tenue de s'y conformer. Il y a là
une espèce de grand vague où nous ne savons plus ce que
deviennent les fonds des ministères sectoriels.
M. Ryan: Maintenant, j'aurais une question complémentaire.
Selon l'expérience que vous en avez, êtes-vous actuellement
satisfaits de la manière dont fonctionnent les fonds existants? Est-ce
que vous tenez à ce qu'ils conservent leur autonomie sous
l'autorité du ministre de qui ils relèvent actuellement? Je pense
au FCAC en particulier, au fonds de recherche pour la santé.
Mme Bertrand: Nous avons, là-dessus, M. le
Président, un sentiment très positif touchant les proqrès
réalisés, touchant le fonctionnement du Fonds FCAC. Nous sommes
de plus en plus satisfaits. Nous pensons - nous l'avons dit de plusieurs
façons - que la gestion de ces fonds devrait être faite de
façon encore plus autonome. Je le
répète, au risque de vous ennuyer, les directives venant
de deux étages: du ministre de l'Éducation et du ministre
délégué à la Science et à la Technologie
nous inquiètent. Nous demandons de lever le poids de ces directives.
M. Ryan: M. le Président...
Le Président (M. Leduc, Fabre): M. le
député.
M. Ryan: Je serais tenté de penser, comme la FAPUQ, que
rien n'empêcherait un ministre impérialiste qui jouirait d'un
grand pouvoir d'influence dans le cabinet d'aboutir à une situation
comme celle que redoutent ceux qui sont venus nous parler. Je pense que rien
n'empêcherait un ministre de faire aboutir la situation. Je pense que ce
n'est pas du tout l'intention. Mais c'est une question qu'il faudrait
peut-être examiner de près.
J'aurais un dernier point à soulever, étant donné
que nous sommes sur ces organismes dont il a été peu question
jusqu'à maintenant. J'aimerais avoir l'opinion de la
délégation de la FAPUQ sur l'Agence québécoise de
valorisation industrielle et de la recherche, à supposer que ce chapitre
du prqjet de loi vous ait intéressés.
Mme Bertrand: Malheureusement, dans le laps de temps qui nous
était imparti, nous n'avons pas pu nous intéresser à cela.
Cependant, nous avons - nous l'avons dit plus tôt - une opinion
très ferme sur la marge d'autonomie qui devrait être
laissée au Fonds FCAC. Nous n'avons pas développé
d'opinion de groupe. Si vous voulez, nous n'avons pas fait de réflexion
de groupe sur le FRSQ. Cependant, tout à l'heure, nous vous demanderons
la permission, au nom d'une de nos collègues, de déposer un
mémoire touchant le Conseil québécois de la recherche
sociale.
Le Président (M. Leduc, Fabre): II vous reste...
Mme Bertrand: J'ai un collègue qui voudrait revenir une
seconde sur une question de M. Ryan.
Le Président (M. Leduc (Fabre): Oui. Allez-y.
M. Saint-Pierre: Sur deux points rapidement. D'une part, sur
cette question de l'agence, comme les représentants de la
Conférence des recteurs et des principaux des universités du
Québec l'ont souligné, à savoir s'il y a
compétition avec le Conseil de recherche industrielle et d'autres
initiatives entreprises par des universités, nous serions plutôt
favorables, je pense bien, à cette agence, mais tout cela reste assez
peu défini. Les objectifs de cette agence ne sont pas très bien
définis. Il s'agit de trouver une articulation essentiellement, si je
comprends, dans la recherche universitaire et dans le développement
industriel, l'articulation étant dans le processus d'innovation. Tout
cela nous paraît certainement intéressant, surtout compte tenu de
la place que tient la recherche universitaire, de fait, dans la recherche qui
est faite actuellement au Québec. Donc, on peut avoir des espoirs de
développement de ce côté-là.
Quant au commentaire de M. Ryan sur le fait que nous voulions exclure
les universités du projet de loi, il ne s'agit pas, pour nous, d'une
position de principe qui dit que les universités ne sont pas des
organismes publics. Mais, dans le sens de son intervention, je pense bien que
ce sont des organismes qui ont des responsabilités publiques mais bien
particulières. Il faut être justement attentif à la
façon dont on peut demander aux universités de répondre
à ces responsabilités publiques, de façon à ne pas
entraver leur mission et leur capacité d'innovation.
Le Président (M. Leduc, Fabre): II vous reste trois
minutes.
M. Ryan: Oui, j'aurais une autre question.
Le Président (M. Leduc, Fabre): Allez- y!
M. Ryan: II y a un problème qui, vu de l'extérieur
- je ne sais pas comment il vous apparaît à vous - est le besoin
de concertation, très réel aussi, car le danger de
l'individualisme dans le monde universitaire est très grand. Quelle est
votre réponse à ce problème? Je n'en trouve pas beaucoup
dans le mémoire que vous avez présenté. Je pense que c'est
l'inquiétude majeure de celui qui a conçu le projet de loi avec
ses collaborateurs. J'aimerais connaître votre opinion sur les meilleurs
moyens de promouvoir une concertation plus efficace dans le monde de la
recherche. Même au plan canadien, comme vous le savez, on se rend compte
que de subventionner la recherche dans toutes les directions en même
temps, cela ne peut pas fonctionner parce que le pays ne tiendra pas sa place
dans l'univers mondial de la concurrence. Il faut absolument qu'on choisisse
des points prioritaires, des axes préférentiels pour
l'orientation des ressources, à la fois humaines et matérielles.
Comment voyez-vous cette dimension?
Mme Bertrand: M. le Président, je pense qu'il y aura deux
éléments à ma
réponse. Un peu comme les recteurs l'ont dit ce matin, nous
sommes convaincus qu'un État à le droit et doit avoir des
orientations et des priorités. Nous pensons cependant que, dans le
domaine de la recherche, où la créativité,
l'activité intellectuelle est très importante, ces
priorités, non seulement gagnent à être définies
avec ceux qui vont effectuer la recherche, mais ces priorités ne peuvent
pas être définies sans eux. On n'invente pas, du jour au
lendemain, un chercheur dans les biotechnologies. Il faut le former. On ne peut
pas, du jour au lendemain, opérer un virage technologique sans des
structures d'accueil de la recherche dans les milieux de la recherche. Nous
disons donc que, toute légitime que soit l'opération qui consiste
à se donner des orientations et des priorités, selon nous,
spécialement dans le domaine de la recherche, il faut la faire
conjointement avec les principaux acteurs. Nous avons eu l'occasion de dire
ailleurs que la concertation, dont il est question ici, c'est vraiment par la
base, dans ce domaine de l'activité intellectuelle, qu'il faut la
prendre et la commencer. Si les chercheurs universitaires et les professeurs
n'acceptent pas de former des futurs chercheurs dans les domaines de pointe et
d'excellence dont il est question et qui constitueraient,
éventuellement, les orientations de ce gouvernement, est-ce qu'on va les
inventer? C'est bien sûr que non. C'est pour cela, il me semble, qu'on ne
doit pas confondre -comme me soufflait mon collègue - ce codirigisme ou
dirigisme ou volonté verticale et concertation dont parle M. Ryan.
Le Président (M. Leduc, Fabre): Bien, M. le ministre, si
vous voulez conclure.
M. Paquette: M. le Président, ce mémoire, comme
celui de la Conférence des recteurs, nous a permis d'identifier certains
points délicats du projet de loi. Je veux simplement affirmer à
Mme la présidente de la FAPUQ à quel point je partage ses
orientations et surtout cette affirmation à savoir que l'excellence
scientifique et technologique se fait par les hommes et les femmes du
Québec qui travaillent en recherche, c'est-à-dire les chercheurs,
et que le meilleur service qu'un gouvernement peut rendre, à cet
objectif de l'excellence scientifique et technologique, c'est justement de
dégager, après le maximum de débats publics possible, des
orientations claires mais aussi qu'il doit coordonner les instruments dont il
dispose de façon à appuyer ces orientations.
Il y a une différence entre ça et dire que le gouvernement
va contrôler la recherche. Il y a une différence entre ça
et penser que c'est le gouvernement qui va déterminer, dans un plan
très détaillé auquel les divers intervenants n'auraient
qu'à se conformer, les orientations ou les sujets de recherche. Enfin,
tout ce qu'un gouvernement peut faire, c'est d'essayer, avec le peu
d'instruments dont il dispose, parce que même un gouvernement qui
voudrait agir très rapidement, même avec un projet de loi du type
de celui qu'on a adopté en France qui était très directif
- qui centralisait tout à l'intérieur d'un ministère -
même avec ce genre de projet de loi, les progrès dépendent
en définitive des gens qui y travaillent et des premiers artisans.
Si, dans le projet de loi, nous n'avons pas trop fait
référence aux universités, c'est justement parce que nous
ne voulions pas privilégier, à l'avance, différents types
d'intervenants, c'est parce que nous étions plutôt
concernés par la cohérence interne au gouvernement. Voilà
pourquoi il y eu énormément de débats et de discussions
à l'intérieur du gouvernement depuis six mois sur ce projet de
loi.
Nous en sommes maintenant à l'interface de ce projet de loi avec
les principaux artisans, ceux qui doivent développer le Québec
sur le plan scientifique et technologique. Vous pouvez être certains que,
sur la base des orientations communes qui nous animent, nous sommes capables de
faire en sorte que ce projet de loi établisse des relations harmonieuses
dans la perspective d'un État qui doit être davantage un
État catalyseur, ce qui est le principal garant du succès,
plutôt qu'un État qui dirige dans les moindres détails une
activité ou une liberté de recherche ou d'action.
J'aimerais remercier la FAPUQ de son mémoire et la rassurer que
nous allons travailler très fort et rapidement sur certains des points
soulevés dans le mémoire.
Le Président (M. Paré): Mme la
députée de Jacques-Cartier, s'il vous plaît.
Mme Dougherty: Oui, mon collège de Westmount aura le
dernier mot de notre part.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Westmount.
M. French: Au nom de l'Opposition, je tiens à remercier la
FAPUQ pour son exposé. Ce que j'ai surtout tiré - tout comme le
ministre - c'est l'importance primordiale des individus ou des équipes
d'individus qui font la recherche. Et si on est à nous pencher
ultimement sur un projet de loi concernant la recherche, ce projet ne saurait
respecter ses objectifs sans les activités cérébrales de
certains individus dans les universités ou dans les laboratoires de
recherche au Québec.
Curieusement, je ne tire pas la conclusion qu'ultimement, la
première chose que le chercheur veut de l'État, c'est une
orientation. Ce mot trahit pour moi
exactement une différence fondamentale peut-être entre ce
qu'on vient d'entendre des intervenants, des administrateurs universitaires,
des chercheurs ou des professeurs universitaires et l'approche du
gouvernement.
Il me semble que, malgré tous les fils d'araignée
bureaucratiques créés par le projet de loi, malgré toutes
les directives, tous les thèmes prioritaires, tous les livres verts et
livres blancs, nulle part au monde où il y a une administration
démocratique, on n'a réussi vraiment à faire une
révolution au sein de la direction de la recherche. On n'a jamais
vraiment réussi à freiner de façon substantielle les
tendances implicites de liberté de la recherche. On a gaspillé
des montants d'argent, on a gaspillé du temps, on a soulevé de
faux espoirs, on a essayé... Je n'accuse pas le gouvernement actuel
parce qu'il vient un peu tard à la fête mais il donne certaines
indications qu'il veut répéter l'expérience par
exemple.
M. Paquet te: ...
M. French: Ce qui me semble enfin important, c'est qu'une
déclaration publique par le ministre au bon moment - il en a fait une
couple depuis qu'il est là - a plus d'importance sur la direction de la
recherche au Québec pour la réussite pour les
Québécois de prendre le virage technologique que toute la folie
bureaucratique et implicite dans le projet de loi actuel. C'est ce que j'ai
saisi de la FAPUQ et de la CREPUQ.
Le Président (M. Paré); Je remercie la
Fédération des associations de professeurs des universités
du Québec pour la présentation de son mémoire. Cela a
été très intéressant et je vous remercie
beaucoup.
Mme Bertrand: M. le Président.
Le Président (M. Paré): Est-ce que vous voulez
ajouter quelque chose?
Mme Bertrand: S'il vous plaît. Le Président (M.
Paré): Oui, allez.
Mme Bertrand: Nous aurions un autre document à
déposer qui est un peu le résumé de notre pensée de
façon plus synthétique et peut-être plus forte. Nous
voudrions demander que notre collègue de l'Université de
Montréal, Mme Sheila Hodgins qui est ici, qui est membre du
comité exécutif du Conseil québécois de la
recherche sociale, puisse déposer officiellement à cette
commission parlementaire un mémoire de ce conseil.
Le Président (M. Paré): Oui, nous allons accepter
pour dépôt. Ce ne serait pas la lecture mais nous allons en
prendre bonne note. On vous remercie beaucoup. J'inviterais maintenant...
Une voix: ...
Le Président (M. Paré): Oui, oui, cela s'en vient,
M. le député. La distribution peut se faire immédiatement.
J'inviterais maintenant le troisième groupe à prendre place. Il
s'agit du Fonds FCAC.
Donc, je vous souhaite la bienvenue pour la présentation de votre
mémoire. J'inviterais maintenant le représentant à
s'identifier et à nous présenter les personnes qui
l'accompagnent.
Fonds FCAC
M. Cliche (Yvan): Merci, M. le Président. Mon nom est Yvan
Cliche. Je suis le porte-parole du Fonds FCAC, je suis président du
comité exécutif et directeur général du Fonds FCAC.
J'ai à ma droite, M. Romain Paquette, président du conseil
d'administration; à ma gauche, M. Roland Stafford, secrétaire de
la corporation et directeur général adjoint; M. Guy Berthiaume,
directeur du service des bourses; Mme Renée Desautels,
vice-présidente de notre conseil d'administration et aussi membre du
comité exécutif et Mme Madeleine Gauthier, membre de
l'exécutif et du conseil d'administration. Mme Gauthier est
étudiante en doctorat de troisième cycle en sociologie à
l'Université Laval; Mme Renée Desautels est professeur de
physique au cégep de Rosemont; à mon extrême droite, M.
Robert Lacroix, directeur du département des sciences économiques
de l'Université de Montréal, qui est l'auteur d'une étude
toute récente importante que nous avons rendue publique, il y a quelques
jours.
Avant de faire mon exposé, je voudrais, M. le Président,
avec votre autorisation, déposer deux documents: D'abord, puisqu'on en a
fait état tout à l'heure, le projet de loi ou, disons, les
recommandations que notre organisme avait faites à la demande du
ministre de l'Éducation, concernant sa transformation en une fondation,
un document qui date du mois d'août 1981. J'aimerais donc déposer
ce document. De même, toujours avec votre autorisation, j'aimerais rendre
publique ou déposer l'étude que nous avons publiée, il y a
deux jours, et qui s'intitule Les disparités internationales et
nationales dans les efforts de recherche-développement, une explication
de la situation canadienne et québécoise.
Le Président (M. Paré): Aucune objection, au
contraire. Nous allons recevoir vos documents.
M. Cliche: Rapidement, je voudrais simplement situer un peu le
Fonds FCAC, qui est le principal organisme subventionnaire
québécois. C'est un organisme qui distribue cette année 30
000 000 $ en subventions et en bourses: subventions aux chercheurs et bourses
aux étudiants. Pour vous indiquer ce que cela signifie, ce sont 520
équipes de chercheurs composées de 3000 chercheurs qui
proviennent de 18 établissements universitaires et subventions qui
s'adressent également au réseau des collèges. Dans ces
équipes, il y a également 3000 étudiants.
Quant aux bourses, nous attribuons cette année 1600 bourses de
deuxième et de troisième cycles et post-doctorat. Notre organisme
subventionne également 31 centres de recherche, 45 revues scientifiques
et ainsi de suite. Cela donne une indication de la nature et de l'ampleur des
interventions.
Je tiens d'abord à remercier le président de la commission
parlementaire d'avoir invité le Fonds FCAC à fournir ses
commentaires sur le projet de loi 19 Loi favorisant le développement
scientifique et technologique du Québec. Les remarques que je
présenterai visent à bonifier ce projet de loi qui constitue la
pièce maîtresse du développement scientifique
québécois et l'aboutissement d'une démarche amorcée
avec le livre vert Pour une politique québécoise de la recherche
scientifique. En inscrivant la politique scientifique dans le cadre plus
général de la politique économique du gouvernement,
définie dans Le virage technologique et en proclamant une loi favorisant
l'arrimage du développement scientifique et du développement
économique, le gouvernement fait entrer la société
québécoise dans une nouvelle étape de la maîtrise de
son destin collectif et lui assure une place parmi les pays, tels le Japon,
l'Allemagne, la Suède et la Suisse, qui ont compris que, d'ici à
la fin du siècle, le développement économique sera
largement tributaire du développement scientifique.
Il est particulièrement réjouissant de constater que,
parmi les mesures prévues dans ce projet de loi pour harmoniser l'action
gouvernementale en sciences et en technologie, le gouvernement ait
affirmé, en s'inspirant de l'exemple des pays reconnus pour leur
leadership scientifique et technologique, la nécessité de
structurer ses interventions en définissant les statuts et rôles
des organismes voués à l'élaboration, à la
coordination et à l'exécution de la politique de recherche
scientifique et de développement technologique du Québec.
Le livre blanc Un projet collectif avait marqué
déjà un premier pas en ce sens en clarifiant les rôles des
divers intervenants en matière de développement scientifique et
en procédant au réaménagement de certains
mécanismes d'aide à la recherche. C'est ainsi qu'ont
été résolument mis en place des organismes
subventionnables publics, chargés de gérer certains programmes
gouvernementaux de soutien à la recherche. La création de fonds
subventionnables a concrétisé l'objectif du gouvernement de faire
du développement scientifique un projet collectif et démocratique
en favorisant un rapprochement plus poussé entre les chercheurs et les
mécanismes d'attribution des subventions et en donnant plus de
visibilité à des programmes déterminants pour le
développement du potentiel de recherche québécois.
C'est cette extraordinaire expérience d'implication du milieu
scientifique que vit le Fonds FCAC depuis maintenant un peu plus de deux ans.
Sa structure participative permet à des centaines de chercheurs de
contribuer à tous les niveaux, depuis la centaine de comités
d'évaluation jusqu'au conseil d'administration, au processus complet de
gestion des programmes de subventions et de bourses confiés à
l'organisme. En plus d'assurer une efficacité accrue dans l'allocation
des sommes consacrées à la recherche par le gouvernement,
l'organisation du Fonds FCAC est conçue de manière à
favoriser la plus grande transparence de gestion possible, comme en
témoignent ses deux premiers rapports annuels. L'interaction
étroite existant entre l'organisme et le milieu de la recherche
constitue certainement une des plus belles réussites de la
réforme initiée avec le livre blanc. (17 heures)
Le projet de loi 19 institue un ministère de la Science et de la
Technologie ayant pour fonction d'élaborer et de coordonner la politique
de recherche scientifique et le développement technologique du
Québec, de même que des corporations mandataires du gouvernement
pour l'exécution de la politique scientifique. Cette mise en place des
instruments essentiels de la réalisation du virage technologique doit
cependant s'accomplir dans le respect de la mission et des
responsabilités des différents ministères sectoriels. Le
Fonds FCAC se réjouit de voir confirmer son statut par voie
législative et est d'accord pour prendre en charge la fonction de
gestionnaire de programmes de subventions et de bourses qui lui est
dévolue dans le cadre de la loi. C'est à partir de cette position
et de l'expérience acquise depuis sa création que se situent les
remarques suivantes.
Le premier point, l'harmonisation des directives gouvernementales et des
plans d'activités des fonds. Le projet de loi prévoit, à
l'article 83, que le ministre responsable d'un fonds peut lui donner des
directives. Ces directives sont préparées en collaboration avec
le ministre de la Science et de la Technologie, puis soumises pour approbation
au gouvernement par le ministre
responsable. À la suite de cette approbation, le fonds est tenu
de se conformer à ces directives. Par ailleurs, l'article 84
prévoit qu'un fonds doit, chaque année, transmettre à son
ministre responsable un plan de ses activités, lequel est
également soumis à l'approbation gouvernementale par le ministre
après consultation du ministre de la Science et de la Technologie.
À la suite de cette approbation, un fonds est tenu de se conformer
à ce plan.
Le rôle d'un organisme subventionnaire est d'arrimer ses
interventions aux politiques établies à un autre niveau. C'est ce
que fait le Fonds FCAC depuis sa création, suivant la pratique
établie dans la plupart des organismes subventionnables qui,
alimentés par leur base, intègrent les principes découlant
des politiques les concernant et canalisent leurs activités en fonction
d'orientations dynamiques tenant compte à la fois des attentes des
milieux de recherche et ce celles des décideurs politiques. Dans ce
contexte, le gouvernement peut, par le moyen de directives, sanctionner les
orientations qu'il retient parmi celles proposées, lesquelles directives
peuvent prendre par exemple la forme de décisions budgétaires.
Cette façon de procéder a l'immense avantage de sensibiliser les
milieux de recherche aux politiques mises de l'avant par le gouvernement tout
en tirant un profit maximum de la contribution des unités de base. Le
rôle de catalyseur qu'est ainsi appelé à jouer l'organisme
subventionnaire favorise une régulation éclairée de tout
le processus dynamique du développement de la recherche. C'est dans
cette optique que le Fonds FCAC a entrepris cette année, à la
demande du ministre de l'Éducation, la préparation d'un plan
triennal d'activités qui devrait faire l'objet d'une vaste consultation
auprès du milieu scientifique.
Rappelons que c'est à partir de la présentation de plans
quinquennaux que sont sanctionnées les orientations des organismes
subventionnaires fédéraux et, plus près de nous, celles du
CRIQ - il existe un plan quinquennal pour le CRIQ. Et notre proposition du mois
d'août 1981 se lisait comme suit: "D'ailleurs, la fondation soumet au
ministre un plan quinquennal de ses politiques pour l'attribution des sommes
qui lui sont versées. Selon nous, les plans présentés par
les fonds doivent comporter notamment, premièrement les objectifs qu'ils
doivent poursuivre; deuxièmement, les programmes qu'ils doivent
instaurer, maintenir ou abolir; troisièmement, les secteurs de recherche
qu'ils doivent soutenir en priorité; et, quatrièmement, les
sommes qu'ils doivent affecter à chaque programme ainsi qu'à leur
gestion. La lecture des articles 83 et 84 du projet de loi laisse entendre que
les directives gouvernementales ont préséance sur la
préparation des plans des fonds, lesquels doivent être
approuvés annuellement par le gouvernement selon les modalités
prévues par la loi. D'ailleurs le texte dit qu'il ne s'agit pas de
grands plans; il s'agit de plans d'activités annuelles pour
l'attribution des sommes. Cette procédure semble aller à
l'encontre de la pratique des organismes subventionnaires reconnus. Elle
s'éloigne également de la lecture des événements
que faisait le ministre de l'Éducation à l'occasion de l'annonce
officielle de la création du Fonds FCAC lorsqu'il déclarait: "Son
statut lui permet d'assumer les responsabilités qui lui sont
confiées par le gouvernement, tout en disposant du degré
d'autonomie propre aux organismes subventionnaires dont se sont dotés la
plupart des pays industrialisés."
Elle ne concorde pas non plus avec l'intention qu'exprimait à son
collègue de l'Éducation en mars 1982 le ministre d'État au
Développement culturel et scientifique d'alors, M. Gérald Godin,
de compléter le plus tôt possible la transformation du Fonds FCAC
afin de doter celui-ci et je cite: "... d'un statut comparable à celui
des conseils subventionnaires fédéraux." Les contrôles
prévus aux articles 83 et 84 du projet de loi no 19 mettent sur un pied
différent des grands organismes subventionnaires les fonds de recherche
québécois et risquent de compromettre l'objectif
social-démocrate du gouvernement de rapprocher les chercheurs des
mécanismes d'attribution des subventions.
Le deuxième point, l'approbation des règlements: L'article
86 du projet de loi prévoit qu'un fonds peut adopter des
règlements concernant: premièrement, la forme et le contenu des
demandes d'aide financière, les renseignements qu'elles doivent contenir
et les documents qui doivent les accompagner; deuxièmement, les
modalités et les critères d'évaluation des demandes d'aide
financière et troisièmement, les barèmes et les limites de
son aide financière.
De tels règlements doivent être soumis à
l'approbation du gouvernement et publiés à la Gazette officielle.
Approbation du gouvernement veut dire un décret ou l'équivalent.
Dans notre proposition de 1981, on recommandait que les règlements
soient publiés à la Gazette officielle, étant donné
le caractère public de l'organisme, publiés à la Gazette
officielle mais sans passer par l'approbation du gouvernement, donc sans les
décrets.
Cela signifie, en clair, que toutes les brochures décrivant les
programmes de subventions et bourses de même que tous les formulaires,
puisqu'on parle de la forme des demandes à l'usage de la
clientèle doivent être approuvés par le gouvernement et que
leur contenu doit faire l'objet d'une publication dans la Gazette officielle
avant que ces documents puissent être acheminés
aux chercheurs et aux étudiants.
Compte tenu que le fonds doit se conformer aux directives
approuvées par le gouvernement concernant la gestion des programmes des
subventions et bourses qui lui sont confiés, l'approbation à la
pièce de chacune des brochures et des formulaires apparaît comme
une mesure tatillonne nuisant à la bonne gestion. Il importe ici de
rappeler que les opérations du fonds sont annuelles et
récurrentes et qu'elles doivent être menées en tenant
compte des calendriers des établissements desservis par l'organisme.
Un exemple bien simple peut servir à illustrer les complications
générées par ce type de mesure. Il s'agit du cas du
programme de bourses d'études, de perfectionnement et de recyclage que
gère actuellement le Fonds FCAC. Ce programme est régi par un
règlement découlant de la Loi sur les prêts et bourses aux
étudiants, lequel règlement doit être adopté par le
gouvernement. Au cours des trois dernières années, un
délai moyen d'environ huit mois s'est écoulé entre le
moment où le projet de brochure a été transmis pour
approbation et celui où le décret a été
sanctionné. Cette mesure a entraîné des retards dans tout
le processus d'attribution des bourses et causé préjudice
à la clientèle. D'ailleurs, ce matin, le président du
comité de recherche de la CREPUQ a signalé également ce
problème. Ainsi, l'an dernier par exemple, la brochure qui aurait
dû être distribuée en septembre n'a pu être
acheminée qu'en novembre, avec le résultat que la date de
clôture des concours et celle de l'annonce des résultats ont
été différées. Il est particulièrement
démobilisant pour les étudiants de connaître à la
fin de mai les résultats des concours de bourses d'excellence alors que
c'est en avril ou au début de mai qu'ils ont à s'inscrire pour la
saison d'été.
Pour pouvoir fonctionner efficacement, le fonds doit pouvoir disposer
d'une marge de manoeuvre comparable à celle dont jouissent
habituellement les organismes subventionnaires. La possibilité de
pouvoir coordonner son calendrier de fonctionnement avec celui de sa
clientèle est à la base de la crédibilité qu'il
s'est déjà acquise et qu'il souhaite pouvoir conserver
auprès du milieu qu'il dessert.
Autre point, la rémunération des membres des
comités d'appréciation. L'article 87 du projet de loi
prévoit que les membres des comités d'appréciation
chargés d'évaluer les demandes d'aide financière ne sont
pas rémunérés pour l'accomplissement de cette fonction. Le
Fonds FCAC souscrit à cette mesure destinée en premier lieu aux
chercheurs du réseau de l'enseignement supérieur et au personnel
de la fonction publique qui participe aux différents jurys. Cependant,
pour procéder à l'examen des demandes qu'il reçoit, le
fonds doit régulièrement recourir aux services d'experts
n'appartenant pas au réseau de l'enseignement ou à celui de la
fonction publique. C'est notamment le cas pour l'étude de projets de
recherche prioritaire où l'apport du milieu industriel est essentiel.
Aussi serait-il souhaitable de prévoir une clause d'exception au
règlement de manière que le fonds puisse remettre une
rémunération aux pigistes et aux experts que les employeurs
acceptent de dégager sans leur verser de salaire pour remplir un mandat
d'évaluation dans le cadre d'un programme ou d'un concours de fonds. Il
faudrait également penser à la présence des
étudiants de deuxième et troisième cycles qui acceptent de
surseoir provisoirement à leurs études pour participer à
une expérience originale et enrichissante en siégeant sur
certains comités.
Autre point, l'appellation du fonds. On en a beaucoup parlé ces
jours derniers. Le projet de loi prévoit que ce Fonds FCAC pour l'aide
et le soutien à la recherche changera de nom pour devenir le Fonds
Marie-Victorin. L'identification d'un organisme revêt une dimension
importante lorsqu'il est question des relations qu'il entretient avec
l'extérieur et de l'image qu'il projette dans le public tant sur la
scène nationale que sur la scène internationale où sont
actifs bon nombre de chercheurs québécois. Nous reconnaissons
volontiers le mérite scientifique et le rôle d'éveilleur du
frère Marie-Victorin dans l'histoire québécoise mais le
fonds souhaiterait que son nom, comme l'a déjà signalé
dans un télégramme le conseil d'administration au Conseil des
ministres, s'inspire davantage du principe de la spécificité des
interventions qui a prévalu dans la désignation des deux autres
organismes subventionnaires, soit le FR.SQ et le fonds pour la recherche dans
le domaine de l'agriculture, le CRESAC. L'appellation proposée n'est pas
fonctionnelle puisqu'elle ne donne aucune indication quant à la nature
des activités de l'organisation; cette situation entraînera des
difficultés quotidiennes dans les communications que le fonds a à
établir avec la clientèle et les experts.
En se basant sur le principe d'une appellation correspondant à la
spécificité des interventions de l'organisme, celui-ci pourrait,
par exemple, être désigné comme le Fonds d'aide à la
recherche, le FAR. Le nom de Marie-Victorin pourrait quant à lui
être réservé afin de souligner, dans le cadre de bourses
commémoratives ou d'un prix scientifique, l'importance de la
contribution de ce pionnier du développement scientifique.
Le régime suplémentaire de rentes des employés.
L'article 148 du projet de loi stipule que le président, le directeur
général et les employés du fonds participent au
régime de retraite des employés du gouvernement et des
organismes publics, le RREGOP. Le Fonds FCAC est dans une situation
particulière du fait qu'il a engagé lui-même la plupart de
ces employés. Il n'est pas régi par la loi de la fonction
publique actuellement, il ne le sera pas de par la loi qui est là. Ce
personnel est déjà doté d'un régime
supplémentaire de rentes qui a été négocié
à sa satisfaction. Le fonds estime qu'il serait souhaitable de maintenir
le régime en vigueur, qui permet beaucoup de souplesse. C'est un
régime qui est transférable beaucoup plus facilement que le
RREGOP, notamment qui donne donc de la mobilité au personnel. Donc, il
serait souhaitable de maintenir le régime en vigueur et d'amender en
conséquence l'article 148 du projet de loi.
Les dispositions transitoires. Il est spécifié à
l'article 164 du projet de loi que les dispositions de la section 2 du chapitre
IV concernant le soutien financier à la recherche prendront effet,
à l'égard de chacun des fonds institués par la loi, dans
la mesure indiquée par des proclamations. Le Fonds FCAC comprend qu'il
sera consulté au moment où de telles mesures transitoires seront
élaborées et il souhaite que celles-ci permettent une transition
harmonieuse de façon que les chercheurs et les étudiants ne
fassent pas les frais des changements apportés aux structures
d'organisation du fonds en vertu de la loi. (17 h 15)
Je terminerai en espérant, M. le Président, que ces
quelques remarques seront prises en considération par le
législateur. Je tiens à remercier le gouvernement d'avoir
associé le Fonds FCAC à cette première que constitue la
proclamation, par une province, d'une Loi favorisant le développement
scientifique et technologique.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup. Nous allons
maintenant passer aux questions, M. le ministre.
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais d'abord remercier
les représentants du Fonds FCAC qui, je pense, comme d'autres
intervenants avant eux l'ont dit tout à l'heure, s'est acquis une
crédibilité, un respect et une excellente collaboration de tous
les milieux universitaires avec lesquels il travaille. J'en suis
particulièrement puisque le Secrétariat au développement
scientifique et ensuite le Secrétariat à la science et à
la technologie n'ont pas été étrangers à cette
évolution qui visait à donner davantage d'autonomie au fonds
subventionnaire qui était autrefois une direction générale
du ministère de l'Éducation. Je pense que l'objectif de ce projet
de loi est de maintenir cette autonomie. C'est dans cette optique qu'il
m'apparaît important de poser quelques questions rapidement.
D'abord, quelques réactions. Je pense que les suggestions que
vous faites à partir de la page 9, quant à la
rémunération des membres des comités
d'appréciation, devraient normalement - je ne sais pas ce que vous en
pensez - être laissées au règlement de régie interne
du fonds. Je pense que c'est une possibilité qu'on devrait effectivement
maintenir. Quant à l'appellation du fonds, vous faites une suggestion
intéressante, de même que le régime supplémentaire
de rentes des employés. Enfin, vous comprenez bien, en passant, que vous
serez consultés au moment où de telles mesures transitoires
seront préparées. C'est justement pour cela que le projet de loi
a prévu, au dernier article, une entrée en vigueur sur
proclamation du gouvernement plutôt qu'à la date de l'adoption du
projet de loi, de façon que les divers organismes impliqués
puissent remplacer leurs prédécesseurs au moment jugé le
plus opportun de façon à ne pas nuire aux activités
courantes de ces organismes.
Deux questions. D'abord, à la page 7, concernant l'article 86 du
projet de loi, je pense que vous y retrouvez à peu près tel quel
l'article que vous aviez soumis en août lors de l'élaboration du
projet de loi, sauf cette phrase "soumis à l'approbation du
gouvernement". J'aimerais simplement vous faire constater qu'on retrouve ce
genre de disposition au niveau des conseils fédéraux: soumettre
l'équivalent de leurs règles d'attribution financière au
gouvernement. Je comprends que cela ait pu occasionner par le passé, des
délais, qui sont, à mon avis, excessifs. Je pense que tout le
monde en conviendra. Est-ce que c'est uniquement pour des questions de
fonctionnement que vous souhaitez, si je comprends bien, revenir au texte
initial que vous aviez proposé?
M. Cliche: Remarquez que cela m'étonnerait que le CRSNG
fasse approuver ses brochures par le gouvernement avant de les publier.
M. Paquette: On ne parle pas des brochures dans le projet de
loi.
M. Cliche: Oui, écoutez, l'article 86, si vous permettez,
M. le ministre. La forme et le contenu des demandes d'aide financière,
les renseignements qu'elles doivent contenir, les modalités des
critères, les barèmes, les limites, c'est cela le contenu d'une
brochure de subvention qui décrit un programme. La forme, cela veut
même dire les formulaires. J'ai vérifié auprès des
juristes. Cela veut dire que tout notre kit serait au préalable
approuvé par le gouvernement. C'est carrément abusif. Il n'y a
aucun organisme au monde qui fait cela et cela voudrait dire
qu'on aurait des délais quand même très
considérables. Dans notre texte à nous, on recommandait qu'on
nous donne des pouvoirs de réglementation. Comme il s'agissait d'un
organisme public, on avait accepté que ces règlements soient
publiés à la Gazette officielle, mais sans faire l'objet au
préalable d'une approbation par le gouvernement. C'est l'histoire des
décrets qui rallonge tout. Là, évidemment, c'est une
immixtion directe dans la gestion interne des organismes subventionnaires.
Si vous reveniez à notre article, je pense qu'on pourrait publier
nos règlements à la Gazette officielle. Nous, on n'a pas
d'objection, parce que c'est un organisme public. Mais de les faire
sanctionner, approuver au préalable par le gouvernement, c'est tout
simplement inopérationnel et inefficace.
M. Paquette: Toujours sur cette question, il y a quand même
des choses assez importantes aussi pour la gestion financière du
gouvernement. Je pense, par exemple, à l'article 86, 3 , où on
parle, notamment, des barèmes et des limites de l'aide
financière. En particulier, le Fonds FCAC administre actuellement des
programmes de bourses au niveau de la maîtrise et du doctorat. Bien
sûr, la fixation du niveau d'aide financière a des implications
sur le budget de l'État. C'est en ce sens qu'il pourrait être
important que le gouvernement examine cette question. Je pense
particulièrement à l'ajustement par rapport aux sommes qui sont
versées au niveau des bourses accordées par le gouvernement
fédéral et des bourses accordées par le gouvernement
québécois. Il y a un problème d'harmonisation. Si les deux
montants coïncident, cela crée une dynamique très
différente que si les montants de l'un sont inférieurs à
l'autre. Il y a donc des décisions clés.
Je me demande, à la suggestion de l'un de mes collègues de
l'autre côté de la table, si, en mettant un délai
relativement court de 30 ou 45 jours pour l'approbation par le gouvernement, on
ne pourrait pas lever l'hypothèque que constituerait un délai
trop long à l'approbation gouvernementale.
M. Cliche: L'expérience qu'on a de ce genre de choses,
c'est que c'est difficilement opérationnel, parce que vous savez qu'en
fin d'année une centaine de comités se réunissent par le
canal des structures de coordination que sont les comités conseils et
véhiculent des propositions de modifications qui, finalement, arrivent
dans le courant du mois de juin. Il faut qu'au mois de juillet au plus tard les
brochures soient prêtes pour être acheminées dans les
universités, mais on pourrait régler cela autrement. Ce que nous
proposons, au fond, c'est que les organismes subventionnaires aient la
possibilité de faire de véritables plans. Alors, ce que j'ai dit,
à la page 5 de notre discours, c'est qu'un plan, cela contient les
objectifs, les programmes, les secteurs, les sommes, etc. Donc, vous approuvez
le plan et, en passant, la recherche, ce n'est pas de génération
spontanée. Les plans annuels, ce ne sont pas des plans. Des plans
annuels, c'est-à-dire ce qui est écrit dans le texte de la loi,
c'est un plan budgétaire... La recherche, c'est une activité
à moyen et à long terme. Il faut avoir du recul. Les
universités veulent avoir des perspectives, c'est extrêmement
important. Nous avions parlé de plans quinquennaux. Bon! On peut bien se
rabattre sur des plans triennaux.
Donc, ces plans, il est extrêmement important que les organismes
subventionnaires puissent les tracer, comme je l'ai dit, en tenant compte des
orientations gouvernementales. On fait notre lecture de ces orientations, parce
qu'on sait très bien que, pour obtenir des budgets, on peut
difficilement proposer des choses qui soient complètement aberrantes. On
fait notre lecture, mais on tient aussi compte des attentes de notre base.
Donc, on véhicule un plan qui intègre à la fois, si vous
voulez, les grandes orientations gouvernementales et les préoccupations
fondamentales des chercheurs.
Nous disons bien qu'il s'agissait de plans qui étaient
approuvés et sanctionnés par le gouvernement. Alors, si on
admettait, par exemple, la possibilité que de tels plans puissent
être approuvés, vous auriez dans des plans nos prévisions
des montants des bourses, par exemple, quitte à ce que des mises
à jour annuelles ou semestrielles du plan, comme c'est le cas au
gouvernement fédéral, puissent être faites en cours de
période. Finalement, les règlements que sont les brochures
découlent de l'approbation fondamentale qui s'est faite sur le plan de
l'organisme. En fait, j'essaie de concilier à la fois l'idée de
directive, l'idée de plan et l'idée de règlement. Je pense
que c'est sur la planification à moyen terme qu'il faut s'entendre. Une
fois que cela est réglé, les brochures sont des instruments qui
découlent tout simplement des options qui ont été
retenues.
M. Paquette: En fait, je retiens la nécessité de
simplifier le procédé. À l'article 84, cependant, je vous
souligne que, même si la formulation de l'article est un peu
alambiquée, il s'agit bien d'un plan triennal, sur le plan
budgétaire, puisqu'on demande des éléments assez
précis, ce qui n'interdit pas au fonds d'y ajouter des objectifs et des
orientations...
M. Cliche: Si vous permettez, c'est que...
M. Paquette: La tendance serait de simplifier cet article,
effectivement.
M. Cliche: Oui. D'abord, il y a une ambiguïté, parce
que l'article 83 vient avant l'article 84. Vous allez me dire que c'est normal,
mais c'est que les directives passent avant le plan. Donc, il y a une
préséance...
M. Paquette: Oui.
M. Cliche: ...si vous voulez, qui apparaît dans la loi.
M. Paquette: C'est justement la dernière question que je
voulais vous poser. Vous affirmez que les directives ont
préséance sur le plan. Qu'entendez-vous exactement par là?
Voulez-vous dire que, dans le temps, les directives viendraient avant la
préparation du plan? Je ne sais pas où vous voyez cela dans le
projet de loi parce que les deux articles, 83 et 84, ne fixent pas de
délai l'un par rapport à l'autre. Et nous, évidemment, la
dynamique normale qu'on y voit, c'est que le fonds prépare son plan et
par la suite, à l'occasion, il y a parfois - il peut y en avoir - des
directives. Je ne sais donc pas où vous voyez cette
préséance. Est-ce que vous la voyez sur le plan temporel? Est-ce
que c'est ça?
M. Cliche: Écoutez, c'est que, d'une part - c'est
peut-être parce que je ne vois pas que j'interprète - les
directives sont quand même omniprésentes à
l'intérieur de ça, c'est-à-dire les directives
approuvées par le gouvernement.
Le plan est très simple. On parle d'un "plan de ses
activités". Dans notre texte, nous parlions d'un plan de nos politiques
et je viens d'expliquer un peu les aspects d'un plan. On pourrait
peut-être concilier ça en mettant ce qui avait déjà
figuré dans un avant-projet, les quatre ou cinq éléments
qui garantiraient que les fonds ne sont pas simplement un plan de surface.
Parce que "le plan de ses activités" pour l'attribution des sommes, moi
je peux dire que c'est un plan budgétaire. Ce que vous voulez savoir, ce
que vous voulez approuver, c'est nos enveloppes pour chacun de nos programmes,
ce qui aurait pour effet d'affecter drôlement l'autonomie parce qu'on ne
sait pas, nous, si, à l'automne, on va mettre plus d'argent dans les
équipes ou dans tel autre volet, ça dépend un peu de la
demande. Il y a donc une dynamique entre la demande qui entre et il faut
laisser à l'organisme subventionnaire une certaine souplesse de ce
côté-là.
Quand je lis "un plan de ses activités pour l'attribution des
sommes", ça, c'est annuel et après, on dit de faire des
prévisions budgétaires pour les deux années
subséquentes. Cela semble pas mal un plan annuel quand on lit cela.
J'aurais bien aimé qu'on parle d'un plan triennal de ces politiques qui
doit comporter, premièrement, deuxièmement. Là, on aurait
l'assurance qu'il s'agit d'un véritable plan, puis
l'élément que je veux ajouter, c'est que les directives
normalement, c'est-à-dire les choix gouvernementaux, devraient venir, il
me semble, une fois que le plan a été reçu.
M. Paquette: Oui.
M. Cliche: Parce que si les directives viennent avant, le plan ne
peut pas avoir lieu. Il est extrêmement limité.
Je vous rappelle ce qu'on avait dit dans les directives. On pense que la
recherche -contrairement à ce que d'autres peuvent exprimer - doit
correspondre à des objectifs généraux qui touchent les
grandes responsabilités de l'État, qui touchent les grandes
priorités et on avait mis à notre article 25 des directives qui
étaient assez1 globales mais stratégiques.
Le ministre peut donner les directives à la fondation sur les
secteurs de la recherche scientifique qu'il estime prioritaires pour
l'attribution de l'aide financière. Ce qui est important, ce n'est pas
que vous entriez dans la microgestion, vous vous y connaissez moins bien que
nous. Vous allez nous paralyser complètement...
M. Paquette: Bien sûr.
M. Cliche: ...si vous vous donnez la peine de compliquer. Mais ce
qui est important, c'est que les directives qui sont à un organisme
soient stratégiques, cernent les bons secteurs, parce qu'on est d'accord
avec vous qu'il faut opérer un virage mais pas mettre, demain matin, par
exemple, 30 000 000 $ dans... Bien, cela nous apparaîtrait imprudent
parce que la recherche... Les biotechnologues, vous savez, ça n'existe
pas. Ils se forment dans les sciences fondamentales par des filières et
il faut être très prudent pour ne pas déstructurer toute la
base et l'organisation de la recherche universitaire au Québec.
On accepte donc, quant à nous, le principe de directives
macrostratégiques qui touche davantage des priorités. Ce qu'on
veut, c'est pouvoir continuer à animer le milieu et être en
interaction avec lui pour vous proposer des orientations qui vont tenir compte
qu'on fait notre lecture comme les organismes fédéraux de
recherche qui font la lecture de la conjoncture des grandes priorités
gouvernementales. Mais ils véhiculent aussi vers le haut les aspirations
de la base, les problèmes que les chercheurs connaissent à la
base. Je peux quand même affirmer que le FCAC est un modèle qui
fonctionne très bien. On vous l'a dit et vous pouvez vous informer
partout. De ce côté, cela me semble un modèle ouvert.
Ce qu'on ne veut pas, c'est tomber dans une jungle bureaucratique de
microgestionnaires où toutes les affaires devront être
approuvées par le gouvernement a priori. C'est ce que va permettre le
projet qui est là et il faut donc le modifier en conséquence.
Nous disons oui pour les directives et nous voyons ça au terme d'une
proposition de planification qu'on vous présente et parce que vous avez
l'arme budgétaire.
Au fédéral, d'ailleurs, c'est comme cela que ça
fonctionne. Si on regarde les conseils fédéraux de recherche, la
CR.SNG a connu un développement très rapide au cours des
dernières années et le CRSH a connu moins de succès bien
qu'il ait récemment obtenu un certain nombre de crédits
supplémentaires.
Je pense que cela ne tient qu'à une chose, la
sïgnificativité des plans de développement qui ont
été proposés au gouvernement. Dans un cas, on ne l'a pas
acheté, dans l'autre cas, on l'a acheté. (17 h 30)
II faut, dans ce genre d'organisation de recherche, faire un peu
confiance aux chercheurs, aux gestionnaires, aux gens, et leur laisser la
possibilité d'animer... Je pourrais d'ailleurs demander à mes
collègues ici présents, peut-être à M. Paquette, de
rapporter et de témoigner de ce que la FCAC a été pour la
communauté scientifique québécoise. Vous avez là un
instrument vivant et dynamique qu'il ne faut pas émasculer par, si vous
voulez, une approche technobureaucratique qui va compliquer toutes les choses.
Si vous voulez des témoignages, mes collègues peuvent vous en
donner sur ce que cela signifie pour la communauté scientifique de
base.
Le Président (M. Paré): Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: J'aimerais vous remercier de votre exposé
à propos du fonctionnement du Fonds FCAC. Je crois que votre analyse
démontre que, la plupart du temps, tout va bien au Fonds FCAC.
J'aimerais vous féliciter.
Je continue sur vos remarques, les réserves que vous signalez
à l'égard du projet de loi. Je me demande pourquoi le
gouvernement, le ministre délégué à la Science et
à la Technologie veut intégrer la fondation et les fonds. Je vois
très peu d'aspects positifs dans cette intégration qui ne semble
pas naturelle, normale et efficace. Que pensez-vous de l'idée de
séparer la fondation des trois fonds et de maintenir, à toutes
fins utiles, un droit de regard de la part du ministre de la Science et de la
Technologie sur les affaires des trois fonds? Que pensez-vous de cette
idée de séparer la fondation tout à fait des trois
fonds?
M. Cliche: Moi, je vais vous raconter quelque chose. Quand j'ai
rencontré M. Paquette - il m'avait consulté non pas sur le projet
de loi, je n'ai jamais eu ce plaisir, mais sur les orientations fondamentales -
il avait été question d'une agence qui servirait à
prospecter les fonds. On se disait: On ne fera pas trois ou quatre campagnes de
souscription, je veux dire FCAC, FRSQ, le CRESAC. Cela me paraissait un
argument logique de dire qu'une agence peut régler cela. Mais une agence
et une fondation nationale de la recherche sont deux choses.
Donc, il s'agissait d'une agence et M. Paquette m'a dit, tout à
l'heure ou ce matin, qu'il s'agissait d'un centraide de la recherche, disons un
organisme qui distribuerait les fonds. Quant à nous, on n'a pas
d'objection à cela puisque cela simplifie notre organisation.
Dans notre projet initial, nous avions proposé, en nous fondant
sur le livre blanc qui disait que les fonds pourraient recevoir des dons et des
legs, de nous confier des pouvoirs à cette fin, mais, devant l'argument
qu'il y aurait trois fonds qui feraient des campagnes de souscription, on n'a
pas vu de difficultés fondamentales à dire: Bon! Faisons une
agence. Cela pourrait prendre la forme, par exemple, d'un comité
interfonds. Au fédéral, il y a d'ailleurs ce genre d'organisme,
ce qu'on appelle un comité de coordination des organismes
subventionnaires. On a souligné, à la CREPUQ ce matin, que cette
idée serait éventuellement à explorer, mais il est
sûr que dans la dynamique actuelle, le problème le plus
fondamental qui existe est que vous avez, en somme, deux mamelles - excusez
l'expression. D'une part, vous avez le budget qui vient du ministre sectoriel,
l'Éducation dans notre cas, qui actuellement nous alimente, pour nos
budgets, de 30 000 000 $.
Il va venir d'une autre source, donc par la fondation, des fonds
additionnels axés sur la recherche prioritaire. L'interrogation que l'on
peut avoir est la suivante: les fonds qui viennent de la deuxième
mamelle ne viendront-ils pas de la compression de la première? En fait,
vous voyez ce que je veux dire? C'est qu'il pourrait se créer une
dynamique où, par exemple, on limite et on plafonne la recherche
fondamentale et la recherche libre pour dégager des sommes qui
viendraient étiqueter, par l'autre côté, à des fins
spécifiques et tout cela. Il est sûr que vous avez là une
dynamique que vous devez examiner attentivement parce que dans le vécu,
vous savez, des mécanismes comme cela pourraient permettre de faire
évoluer drôlement les choses. Non pas que nous - il faut bien le
signaler - soyons contre les priorités. Je vous ai dit qu'il
était important qu'on canalise la recherche et qu'on fasse des
planifications un peu plus sélectives. J'aurais beaucoup de choses
à dire sur les
universités. Tout n'est pas parfait et la productivité
notamment, en passant, des diplômés de deuxième ou
troisième cycle pose de graves problèmes. Quand on dit que, dans
les secteurs de haute technologie, les docteurs en sciences, en
mathématiques, en biologie actuellement au Québec, la
productivité annuelle - écoutez bien cela -est inférieure
à la productivité des Maritimes... Je ne parle pas de l'Ontario.
On est presque au dernier rang canadien. Il y a donc des problèmes
d'organisation dans les universités. Je pense qu'il faudra une
planification des mécanismes un peu plus structurée. On ne nie
pas l'importance de l'approche plus rationnelle.
Ce qu'on a fait au Fonds. FCAC depuis deux ou trois ans, dans nos
programmes on a tout simplement clarifié les choses pour les chercheurs.
Autrefois, il y avait les programmes qui étaient à la fois libres
et prioritaires; il se créait une ambivalence entre l'excellence et la
pertinence; cela créait des tensions sur les jurys entre un projet
excellent mais non pertinent. Il y avait donc un tiraillement énorme. On
a clarifié cela. Une partie de nos interventions sera pour la recherche
libre et l'autre volet sera pour la recherche prioritaire. On a appelé
cela opération de recherche thématique. Dans ce deuxième
volet, il s'agit moins de formation de chercheurs; il s'agit de solution
à des problèmes. Il y a des priorités et les règles
sont claires et nettes et acceptées des universités. On a donc
réglé le problème de l'ambivalence. Par conséquent,
les fonds qu'on a actuellement et les mécanismes et les programmes qu'on
a développés permettent parfaitement au Fonds FCAC de
réaliser les priorités gouvernementales.
Vous savez qu'il y a des mécanismes qui sont les actions,
notamment les actions concertées qu'on fait en collaboration avec les
ministères. On en a par exemple avec la Régie de l'assurance
automobile.
Actuellement, dans notre plan de développement, on propose
d'aller plus loin pour essayer de réaliser une interface plus
évidente, plus forte, entre l'université et l'industrie puisqu'au
Québec nos ressources intellectuelles, nos ressources humaines sont dans
les universités. Il faut aller un peu plus du côté du
développement. On est d'accord et on va proposer des politiques en ce
sens mais cela, sans démanteler toute la base du système
scientifique, sans quoi le deuxième objectif serait difficilement
réalisable lui-même.
En somme, madame, c'est que la fondation... Je pense que c'est à
scruter de très près. La "fonctionnalité" que je vois
à cela, c'est la cueillette des fonds au nom des trois ou quatre
organismes. Est-ce que cela peut se faire par un comité interfonds?
Est-ce que cela peut se faire par une agence? Je voyais plutôt une agence
qui procéderait à la prospection des fonds. Telle que
présentée, la fondation a quand même un pouvoir
d'orientation. Elle peut faire des programmes. Cela a d'ailleurs
été soulevé aujourd'hui. Il y a ambivalence. Elle a
à la fois deux fonctions: cette fonction de cueillette de fonds, mais
aussi cette fonction de faire des programmes, de faire des designs de
programmes sans les administrer elle-même. Je ne peux pas ne pas dire
qu'il n'y a pas derrière cela une dimension d'orientation qui est
possible.
Mme Dougherty: Merci. Une autre question sur le fonctionnement de
la fondation. Compte tenu de votre expérience dans le financement de la
recherche, j'aimerais avoir votre estimation. Quel pourcentage des fonds
attribués à la recherche dans la nouvelle structure
proposée serait consacré à l'administration de la
fondation et des différents fonds par rapport à aujourd'hui?
M. Cliche: Pour ce qui est de notre fonds ou pour la
fondation?
Mme Dougherty: Votre estimation du tout, le FCAC et la fondation.
Quel serait l'ajout, quelle serait l'augmentation de coût pour faire
fonctionner le système par rapport à aujourd'hui?
M. Cliche: C'est difficile, cela demande une expertise. Il faut
regarder les postes et les responsabilités. Ce que je peux vous dire
pour le FCAC, c'est que nos frais d'administration sont inférieurs
à 7%...
Mme Dougherty: 7%.
M. Cliche: C'est moins de 7%. Par exemple, le Conseil de
recherches en sciences humaines du Canada actuellement est à 11.2%.
Donc, je peux vous dire que, quant à nous, cela va rester à ce
niveau-là. Même si cette année, on avait eu, par exemple,
les fameux crédits additionnels, notre personnel n'aurait pas
augmenté mais les frais auraient diminué à 5%. C'est qu'en
fait, pour la gestion des subventions, il y a une infrastructure de base. Dans
un organisme subventionnaire autonome, vous avez du personnel. Vous devez
assumer vos communications, vous devez avoir des analystes. C'est la
multiplication de programmes différents qui crée une
complexité, qui appelle des ajouts au plan de la gestion. Je pense qu'il
faut conserver cela avec le moins de frais d'administration possible pour
consacrer les sommes à la recherche, aux activités d'innovation,
etc.
Pour ce qui est de la fondation, de ce que j'en ai lu, elle
m'apparaît une structure légère. Je me suis dit: II va y
avoir quelques
personnes là-dedans. Cela ne devrait pas être énorme
en termes de coût. J'imagine que les gestionnaires, que les conseillers
du ministre qui ont analysé, qui ont préparé les
propositions auraient des chiffres beaucoup plus précis puisqu'ils
doivent prévoir les budgets en conséquence.
Le Président (M. Paré): Est-ce que vous avez
terminé?
M. Cliche: Oui.
Le Président (M. Paré): Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je retiens deux éléments de ce qui a
été dit par M. Cliche et ses collègues. Tout d'abord, je
pense que l'échelle de temps qui vous est proposée est assez
différente de ce qui est dans le projet de loi. Je pense que c'est
à l'article 84 pour la présentation des programmes d'action. Il
me semble que ce qui a été dit par la FCAC est plein de bon sens.
Si elle est appelée à vous présenter un plan triennal ou
quinquennal, cela sera évidemment un plan de grande priorité
stratégique, tandis que, si, comme vous le dites dans le texte actuel du
projet de loi, elle doit vous soumettre chaque année un plan de ses
activités pour l'attribution, à ce moment-là, cela devient
trop détaillé et le danger de dirigisme immédiat devient
très grand. Je ne sais pas si vous pouvez réviser la formulation
de cet article-ci en pensant à ce qui a été dit. Je pense
que cela change l'esprit et beaucoup le niveau.
Je fais juste une petite correction, entre parenthèses. Je
reviens aux organismes fédéraux. De ce
côté-là, il y a un "wall of separation", un mur de
séparation beaucoup plus ferme qu'on le pensait tantôt. Plus on
regarde cela de près, plus cela m'apparaît ferme. Cela
m'amène à l'autre point qui traite des règlements.
Tantôt, je n'avais pas lu attentivement l'article 86. Dans la loi qui
touche aux organismes fédéraux de subvention, on dit qu'un
organisme sujet à l'approbation du gouverneur général peut
adopter des règlements pour l'organisation générale de son
activité. Cela ne va pas dans le détail comme ce qui est inscrit
dans 1, 2 et 3 ici. C'est peut-être là qu'il y a une distinction
que le gouvernement aurait intérêt à faire dans la version
définitive du projet, s'il doit durer.
Ici, cela va terriblement dans les détails. Je pense que, lorsque
le gouvernement crée une dotation en faveur d'un fonds, il me semble que
ce sont les administrateurs de ce fonds qui vont déterminer les
critères d'aide financière, les modalités selon lesquelles
cela va se faire. Tout cela ne doit pas être approuvé par le
gouvernement en plus. Je suis convaincu que, dans les organismes
subventionnaires fédéraux, cela ne marche pas comme cela parce
qu'ils perdraient bien des joueurs en cours de route. C'est une remarque qui me
vient à l'esprit. Je pense qu'à mesure qu'on avance, c'est bien
qu'on passe d'un organisme à l'autre, car on finit par aller plus au
coeur de l'affaire mais cela me paraît difficilement défendable
comme cela est formulé ici, à l'article 86.
Sur la fondation, plus j'écoute, plus je me demande ce que cela
va venir faire cette affaire-là, la fondation. D'abord, aller chercher
des legs, je pense qu'on est aussi bien ne pas entretenir d'illusions à
moins que le gouvernement décide un jour d'abolir l'impôt sur les
successions, une grosse fortune va continuer de s'en aller avant de mourir.
C'est cela qui arrive, car il n'en reste pas tellement ici.
Il me semble que ce n'est pas la tâche d'un fonds public que
d'aller chercher des subventions dans le secteur privé. Il faut laisser
cela de manière générale aux institutions. Il me semble
qu'il faut leur laisser une marge également. Je voyais cela,
l'Université du Québec s'est créé une fondation
l'an passé. À l'Université de Montréal, il y a un
certain nombre de fonds qui visent à l'aider. Les autres
universités, McGill en a depuis beaucoup plus longtemps
évidemment. (17 h 45)
Je ne verrais pas un fonds public commencer à aller patauger
là-dedans, à moins qu'un citoyen veuille donner quelque chose,
qu'une compagnie veuille donner quelque chose à la FCAC;
déjà d'après vos statuts vous devez être
autorisés à accepter des choses, j'imagine.
M. Cliche: Non, pas actuellement, mais cela pourrait être
amendé.
M. Ryan: Cela pourrait se faire. Je ne sais pas, il me semble;
vous aurez votre conseil de la politique scientifique qui sera adjoint au
ministre pour donner des conseils. Si le gouvernement veut mettre à la
disposition du ministre pour l'enrichissement des fonds fonctionnels une somme
chaque année, il la répartira entre les fonds suivant les
conseils ou les orientations que lui proposera le conseil de la politique
scientifique, cela va très bien. Cela fait une bureaucratie de moins. Il
me semble qu'il faut laisser un peu d'initiative au ministre aussi. Moi, je
verrais que cela en est une de bon aloi. Finalement, le partage des fonds
publics, une fois qu'on va avoir tous ces fonds et un conseil consultatif en
plus, il faut laisser quelque chose pour le ministre. À force de veiller
et de conseiller et de proposer et de suggérer, vous allez rencontrer
tellement de frustrations avec vos propres collègues qu'il va vous
rester
seulement la peau et les os au bout d'un an ou deux. Il me semble que
l'idée est bonne. Je trouve sympathique l'idée d'avoir un
ministre qui va avoir ce rôle de moteur dont vous avez parlé dans
votre message de présentation. Je ne réussis pas clairement
à voir quelle peut être la place de la fondation. Ce sont des
questions que je soulève. Je vois qu'on a déjà des fonds
qui marchent très bien. Cela m'impressionne. Il me semble que les
gouvernements devraient avoir appris que, lorsqu'il y a des choses qui
marchent, ils devraient les aider. Pas trop les toucher parce qu'on a vu
souvent que, quand ils commencent à les toucher, ils les
déforment, ils les dérangent et on prend du retard avec cela.
Ce sont des observations qui nous viennent en causant. Je n'aurais pas
de questions spéciales. J'en aurais beaucoup, mais je vais m'arranger
pour avoir une rencontre avec M. Cliche avant longtemps pour être encore
mieux informé de ce que fait son organisme et je ne veux pas mobiliser
davantage le temps de la commission. Je remercie les gens. Je pense que ce
qu'on a entendu est très précieux.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Westmount.
M. French: M. le Président, je voudrais demander ceci
à M. Cliche qui semble très bien informé sur la situation
qui prévaut pour ses homologues fédéraux. Je me rappelle
qu'il y a quelques années, le gouvernement fédéral, avec
le même enthousiasme pour la coordination, la même foi touchant
l'efficacité des officines bureaucratiques, avait l'idée de faire
un comité, une commission ou une agence de coordination pour les trois
conseils. J'ai toujours été sceptique, alors que j'avais la
responsabilité dans le domaine. Je m'opposais à cela, mais je
voudrais vous demander si ce comité, cette commission a
été établie et si oui, quelle en a été
l'expérience.
M. Cliche: Écoutez, mes connaissances sont assez
limitées. Ce que je sais, c'est qu'on se réunit de temps à
autre, mais cela n'a pas...
M. French: C'est à peu près aussi efficace que le
ministère d'État à la Science et à la Technologie,
c'est-à-dire boiteux totalement.
M. Cliche: À peu près.
Le Président (M. Paré): Vous avez terminé,
M. le député de Westmount?
M. French: J'ai terminé.
Le Président (M. Paré): Est-ce que vous voulez
conclure, M. le ministre?
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais remercier
l'administrateur, le président et le directeur général du
Fonds FCAC de leur intervention. Pour relever une remarque d'un de mes
collègues d'en face, ce n'est peut-être pas bon de toucher aux
organismes, mais c'est parce qu'on a touché à certains organismes
qu'on a réussi à donner une certaine efficacité aux fonds
subven-tionnaires. Je ne pense pas que le projet de loi transforme
radicalement, même très peu, le fonctionnement des fonds. Je
pense, contrairement à ce qu'a affirmé le président
à un moment donné, que ce projet de loi ne
démantèle pas le système d'aide à la recherche.
C'est toujours délicat d'essayer de coordonner, de préciser les
responsabilités de divers organismes au service du développement
scientifique et technologique. On cherche toujours à y voir des choses
qui n'y sont pas. Je souhaite qu'on regarde plus à fond certains
articles qui ont été soulevés par le mémoire de
façon à dissiper les noirs desseins qu'on y voit, de façon
également qu'on puisse le plus rapidement possible se remettre à
l'action. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons affirmé notre
intention d'adopter ce projet de loi en juin, quitte à y faire certains
amendements qui vont satisfaire les divers intervenants.
Retarder ce projet de loi d'encore quelques mois et continuer ces
débats sur la précision de tel ou tel organisme, du ministre, de
tout le monde qui est impliqué dans la politique scientifique et
technologique, risque de nous faire rater le défi de l'excellence
scientifique et technologique. Il faut des débats de fond, mais il faut
les faire quand des questions d'orientation sont en cause.
M. le Président, je souhaite qu'éclairés des
mémoires que nous avons reçus aujourd'hui, en particulier du
Fonds FCAC, nous puissions améliorer, bonifier ce projet de loi et je
remercie les représentants du Fonds FCAC qui, encore une fois, font un
excellent travail au service de la communauté scientifique
québécoise.
Le Président (M. Paré): Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: J'aimerais, au nom de mes collègues, dire
que nous apprécions grandement votre contribution et votre analyse et
vous assurer que nous allons faire de notre mieux pour assurer que le Fonds
FCAC et les autres fonds puissent travailler à l'avenir dans les
meilleures conditions possible.
Le Président (M. Paré): Oui. Est-ce que vous voulez
conclure?
M. Cliche: Je vous remercie beaucoup de votre accueil. Je peux
vous dire que, quant à nous, au Fonds FCAC, on est d'avis que dans la
mesure où on doit procéder au projet de loi, notre organisme
souhaite que sa situation juridique soit clarifiée puisque c'est
relativement ambigu. On est une entreprise privée, finalement. On est
une troisième partie de la Loi sur les compagnies, on gère 30 000
000 $ de fonds publics. Cela pose quand même quelques petits
problèmes de fonctionnement et on souhaite que la situation soit
réglée par la loi. On espère que cette loi ne tardera pas
trop. C'est le point de vue de notre organisme.
J'aurais aussi souhaité, mais ce n'est pas venu, que vous nous
posiez quelques questions sur une étude qu'on a fait faire sur la
question de la structure d'exécution de la recherche. Quand je parlais
de plan de développement, un plan de développement, cela veut
dire qu'on fait certaines analyses, certaines études et, notamment,
l'une des questions importantes quand on fait un plan de développement,
c'est donc qu'on propose au gouvernement une stratégie d'investissement
dans un secteur qu'était, par exemple, la recherche universitaire. On
s'est demandé: Est-ce qu'il n'y a pas trop d'argent là-dedans? Il
serait un peu illusoire et peu utile de faire un plan pour développer
quelque chose qui l'est peut-être déjà trop. L'étude
de M. Lacroix et de Mme Dulude a révélé des choses
très intéressantes et très importantes au sujet de la
recherche universitaire: comment on se situe par rapport au Canada, comment on
se situe par rapport au monde, l'importance de la recherche dans le secteur
privé au Canada. Je dois dire que l'étude en question, il y en a
pour tout le monde puisqu'elle soulève les fondements de la politique
scientifique canadienne, qui était axée sur un modèle qui
était celui des pays qui ont des obligations militaires importantes au
sein de l'OCDE. En tout cas, je voulais vous dire que M. Lacroix, que j'avais
fait venir de Montréal, était disponible pour apporter des
éclaircissements.
Le Président (M. Paré): On vous remercie beaucoup
pour la présentation de votre mémoire et des informations que
vous avez données à la suite des questions.
J'aimerais rappeler aux membres de la commission qu'il est 17 h 53.
Selon nos règlements, on devrait suspendre les travaux à 18
heures. Trois groupes n'ont pas encore été entendus. Est-ce qu'on
a le consentement pour poursuivre ou si on suspend la séance et on
revient un peu plus tard?
M. Paquette: II reste trois groupes.
Le Président (M. Paré): Je répète: II
est 17 h 54. Selon les règlements de l'Assemblée nationale, on
doit suspendre les travaux à 18 heures, sauf s'il y a consentement pour
poursuivre. Il y a trois groupes qui sont présents et qui veulent
être entendus.
M. Paquette: On n'aura pas le temps de finir avant le souper.
Le Président (M. Paré): Est-ce qu'on poursuit les
travaux maintenant ou si on suspend la séance pour une heure, une heure
tente, ou deux heures, à volonté, et on revient pour entendre les
trois groupes qui sont ici?
Mme Dougherty: On n'a pas le temps de finir les trois groupes
avant. C'est impossible, donc il faut suspendre les travaux, je crois. On peut
peut-être revenir au moins un peu plus tôt.
M. Paquette: On pourrait peut-être revenir un peu plus
tôt. Si les membres de la commission ne s'y opposent pas, on pourrait
revenir vers 19 heures.
Le Président (M. Paré): Est-ce qu'il y a
consentement pour reprendre les travaux à 19 heures?
Mme Dougherty: Je dois prendre l'avion ce soir.
M. Paquette: À quelle heure votre avion part-il?
Mme Dougherty: À 22 h 20. M. Paquette: À 22
h 20.
Mme Dougherty: D'accord pour 19 heures.
Le Président (M. Paré): II y a consentement pour
qu'on reprenne les travaux à 19 heures. J'aimerais juste rappeler...
Oui, M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Les mémoires qui seront présentés
ce soir, est-ce qu'on pourrait les avoir maintenant pour en prendre
connaissance avant de rencontrer les organismes qui vont venir nous voir? Cela
nous épargnerait beaucoup de temps.
Le Président (M. Paré): Oui, il n'y a pas de
problème.
M. Ryan: On pourrait s'épargner une lecture. On pourrait
lire cela au cours d'une intermission qui va survenir, cela nous
épargnerait du temps.
Le Président (M. Paré): Oui, M. le
député d'Argenteuil, ce serait possible de faire cela.
Donc, je rappelle que les trois groupes à entendre ce soir sont, dans
l'ordre où je les nomme: l'École de technologie
supérieure, AES Data Inc. et, comme dernier groupe, le Conseil des
universités du Québec. Donc, je demande à ces groupes
d'être ici, de même qu'aux membres de la commission. Les travaux
sont suspendus jusqu'à 19 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 57)
(Reprise de la séance à 19 h 13)
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît;
La commission reprend ses travaux. Lorsque nous avons laissé,
nous avions dit qu'il restait trois groupes à entendre. On avait
nommé: l'Ecole de technologie supérieure, AES Data Inc., et le
Conseil des universités du Québec. À la suite d'une
demande et d'une entente intervenue entre les deux premiers groupes
mentionnés, il a été convenu que le groupe AES Data Inc.,
passerait le premier. Nous sommes donc prêts à vous entendre. Je
demanderais au porte-parole de se présenter et de nous présenter
les personnes qui l'accompagnent.
Je vous invite à vous présenter et à faire la
présentation de votre mémoire, s'il vous plaît!
AES Data Inc.
M. Hurlburt (Georges): J'aimerais commencer par remercier M.
Roland Dugré, de l'École de technologie supérieure. Vous
voyez tout de suite la coopération qu'il y a entre l'industrie et le
domaine de la recherche universitaire. Heureusement ou malheureusement - vous
verrez - je dois quitter pour prendre l'avion.
Mon nom est Georges Hurlburt, de AES Data Inc. J'en suis le
vice-président international. M. Bruce Campbell aussi de Montréal
qui est directeur de la commercialisation au sein de notre entreprise. Nous
avons consacré en grande partie nos efforts à AES dans le domaine
des exportations internationales.
AES Data Inc., est une compagnie canadienne dont le siège social
international est situé à Saint-Laurent, au Québec.
Spécialisée dans la fabrication et la distribution
d'équipements de bureautique, la gamme de ses produits s'étend
des éditeurs autonomes à écran vidéo jusqu'aux
systèmes à ressources partagées à
téléintelligence répartie. À cela s'ajoute un choix
impressionnant de logiciels et d'accessoires de communications. Grâce
à des logiciels d'application particuliers, tous les éditeurs
autonomes deviennent plus performants et peuvent se transformer en ordinateurs
personnels. Ces produits sont commercialisés dans différents pays
sous les noms AES, Lanier aux Etats-Unis, Scribona en Scandinavie et Adrex en
France.
Aujourd'hui, la compagnie compte parmi les rares fabricants de classe
internationale en mesure d'offrir un équipement complet de traitement de
l'information à technologie avancée. En moins d'une
décennie, elle s'est développée au point de faire figure
de proue dans l'une des industries les plus dynamiques qui soient.
Fondée en 1974 - à ce moment-là, elle ne comptait
que 22 employés seulement - la compagnie s'est rapidement
transformée en une opération de plusieurs millions de dollars.
Elle eut d'abord pour principal actionnaire, les Placements Innocan
Ltée, une société de capitaux de risque comprenant divers
groupes d'investisseurs prestigieux. En juillet 1978, la Corporation de
développement du Canada, dont l'actif s'élève maintenant
à 7 500 000 000 $, prit une participation majoritaire dans AES. La CDC
possède maintenant 78% des actions et notre distributeur aux
États-Unis, Lanier Business Products Inc., détient le reste.
Parmi les autres distributeurs d'AES, on compte Esselte Scribona de
Scandinavie, comme je l'ai dit, SMH Alcatel de France, qui fait partie du
groupe la Compagnie générale d'électricité de
France. En 1982, le chiffre d'affaires dépassait les 188 000 000 $.
Avec un effectif de plus de 2100 hommes et femmes travaillant dans ses
diverses succursales à travers le monde, la compagnie se consacre
à trois fonctions principales: la recherche et le développement,
la conception et la fabrication et, enfin, le marketing.
Outre trois usines de production à Toronto et à
Montréal, elle y a ouvert des laboratoires de recherche et de
développement, de même qu'à Boeblingen qui est près
de Stuttgart en Allemagne de l'Ouest et à Wijchen en Hollande. Elle
exploite plusieurs bureaux de vente directe au Canada, au Royaume-Uni, en
Belgique, au Luxembourg, en Hollande, en Suisse, en Italie, en Espagne et en
Allemagne de l'Ouest.
Depuis qu'elle s'est portée acquéreur de la Daisy Systems
en Hollande, AES dispose de sa première base de fabrication de
matériel en Europe. La Daisy conçoit, produit et commercialise
une intéressante gamme d'imprimantes à roue pour appareils de
traitement de l'information. En passant, je veux dire que notre installation en
Hollande est très importante pour nous donner une présence dans
la communauté européenne.
AES bénéficie également d'un solide réseau
de distributeurs. Au début de 1976, en vertu d'un important accord
conclu avec la firme Lanier Business Products Inc.
d'Atlanta, en Géorgie, celle-ci obtenait en exclusivité
les droits de distribution des produits AES aux États-Unis.
En 1979, Lanier élargit son circuit afin de vendre sous le nom
AES/Lanier en Afrique du Sud, en Australie et en Nouvelle-Zélande.
D'autres contrats suivirent en Amérique latine, dans le Pacifique, au
Proche-Orient, en Europe et en Afrique. En 1983, AES et Lanier concluent une
nouvelle entente majeure relative à la distribution qui englobe leurs
activités à travers le monde. Durant l'année 1982, le
chapitre des exportations a représenté environ 85% du nombre de
systèmes vendus par la compagnie. Présentement, AES fait partie
des trois plus grands fabricants d'équipements de bureautique au monde,
ayant plus de 85 000 installations dans 55 pays.
Pour bien comprendre l'importance et l'impact du projet de loi 19
présentement à l'étude, vous me permettrez de vous donner
le profil d'une entreprise pour la situer dans le contexte de l'"output" de la
recherche et du développement dans le secteur de l'informatique.
Fondée en 1974, AES Data Ltée complète sa
première année d'exploitation avec un chiffre d'affaires de 4 000
000 $. En 1982, soit neuf ans plus tard, le chiffre d'affaires aura
grimpé à 188 000 000 $, soit une augmentation assez
phénoménale. À première vue, cela paraît
impressionnant. Une dernière comparaison: en 1980 et 1981, notre chiffre
d'affaires augmente de 52 000 000 $, soit 43%. Toutefois, nous sommes dans un
secteur industriel à croissance très rapide et seuls ceux qui
courent assez vite peuvent rester en affaires. Ce n'est pas tout d'être
un leader mondial, encore faut-il le rester, et c'est ce qui coûte
cher.
Ainsi, pour la dernière année financière de 1982,
pour un profit de 3 200 000 $, nous avons dû investir 15 000 000 $ en
recherche et développement. Si nous avions pu investir davantage, nous
l'aurions fait. Mais il faut vendre sur un marché international
où la concurrence ne manque pas et où le coût des ventes
représente un peu plus de 50% de nos revenus d'exploitation, auxquels il
faut ajouter environ 30% de frais de vente et d'exploitation.
En 1977, AES a lancé un nouveau produit qui lui a permis de se
tailler un rôle de leader dans la bureautique. C'est depuis cette
année-là que les ventes se sont mises à grimper de
façon significative - on me donne toujours des mots à plusieurs
syllabes; moi, j'ai toujours pensé que ce mot-là était
signifiant, mais on m'assure que ce n'est pas le cas - passant de 10 000 000 $
qu'elles étaient en 1976 à 24 000 000 $ en 1977; à 58 000
000 $ en 1978, etc.
C'est dans ce contexte que nous voulons apporter ici un appui de fond et
non équivoque au seul ministre du gouvernement du Québec dont
l'unique préoccupation est de favoriser toutes les conditions au
développement des technologies nouvelles de même que
l'émergence d'une industrie québécoise qui puisse
atteindre et préférablement dépasser la concurrence
internationale.
Nous pensons que des efforts soutenus, un dialogue permanent, une
coordination structurée et une concertation organisée doivent
être entrepris immédiatement de la part de tous les agents
sociaux, économiques et politique du Québec pour non seulement
prendre le virage technologique mais, de manière rapide et efficace,
dépasser ce virage pour s'embarquer sur la route technologique de
l'avenir.
L'orientation du projet de loi 19, avec chacun des organismes
créés ou modifiés, vise essentiellement à mettre
sur pied non plus l'État providence, mais l'État coordonnateur
des priorités sociales, économiques et culturelles.
Nous avons pris connaissance des craintes manifestées par les
milieux universitaires de la recherche concernant les directives que le
ministre pourra donner aux organismes chargés de favoriser la recherche.
Dans le Devoir du lundi 6 juin, Rodolphe Morissette rapporte les propos d'un
porte-parole du ministre qu'il cite au texte: "On aura, dit le porte-parole,
des actions prioritaires dans le sens de la commercialisation de la
recherche."
Voilà où toute l'industrie veut voir aboutir l'effort
collectif de la recherche au Québec: la rendre rentable,
commercialisable et à l'avant-garde de la concurrence
étrangère. Pour que Logo, Comterm, Ducros, Meilleur, Roy et
Associés et AES Data, pour ne prendre que ceux-là, puissent se
dépasser eux-mêmes et distancer cette concurrence
américaine, européenne et japonaise, il faudra, au moins pendant
les premières années, que la recherche universitaire puisse se
coordonner avec l'industrie afin de connaître ses besoins, ses
problèmes en recherche et développement, les produits qu'il faut
améliorer ou dépasser, l'expérimentation de certaines
méthodes de pédagogie ou préparer une main-d'oeuvre qui
puisse fournir cette industrie en croissance exponentielle.
Il faudra aussi que tous les paliers gouvernementaux et les
universités consentent des efforts financiers, dans un cas, et de
priorité de recherche, dans l'autre cas, qui puissent accentuer la
rentabilité par des actions prioritaires dans le sens de la
commercialisation de la recherche. Plus les recherches se convertiront en objet
commercialisable, en produits exportables, donc rentables
économiquement, plus on pourra injecter des sommes d'argent
considérables dans la recherche. Qui a dit
que la recherche ne pouvait pas s'autofinancer? Et on n'exclut pas la
recherche pure ou fondamentale qui conserve sa nécessaire
importance.
Les industries qui oeuvrent dans le secteur informatique au
Québec n'ont pas la force financière, ni la capitalisation pour
effectuer toute la recherche et tout le développement suffisants pour
distancer de façon sécuritaire leurs compétiteurs. Sans
l'effort conjugué des gouvernements et des secteurs naturels de la
recherche, soit les institutions universitaires et, à un niveau moindre,
collégiales, nous pouvons rester sceptiques sur l'avance de l'industrie
du Québec. Et cette responsabilité est au premier chef
gouvernementale et passe par une volonté politique établie
à partir d'un consensus lui aussi politique. En somme, il s'agit d'un
effort de la collectivité puisque la qualité de son avenir
dépend essentiellement de la proportion de son effort. Nous sommes
à l'heure de l'investissement et de l'élaboration de nos
priorités qui sont, pour la plupart, dictées par des conditions
extérieures.
Par exemple, dans le cas du programme de l'introduction des
micro-ordinateurs dans les écoles, il faut être conscient du
marché à développer. C'est ainsi qu'aux États-Unis
seulement, il y a environ 200 000 micro-ordinateurs disponibles pour une
clientèle de 59 000 000 d'étudiants. Un micro-ordinateur
québécois exportable aux États-Unis seulement pourrait
facilement rentabiliser des efforts appréciables en recherche et
développement. À cause de sa fragilité financière,
ce jeune secteur industriel devra également diversifier ses
activités sur une gamme plus étendue de produits. Ainsi AES Data,
comme ses semblables, cherche à diversifier ses activités pour
survivre. En ce sens, le principe d'une agence québécoise de
revalorisation industrielle jouera un rôle de premier plan pour le
développement commercial et industriel.
Peut-être, par le biais de l'agence, verrons-nous enfin une
concordance des priorités de recherche entre les universités et
l'industrie. Verrons-nous aussi ce jour prochain où les chercheurs
viendront faire des stages de recherche appliquée en industrie - un
mois, trois mois, six mois -pour découvrir les besoins de l'industrie ou
l'assister dans la recherche de correctifs techniques? On réussirait
ainsi à établir des projets de recherche conjoints sur des objets
communs. Peut-être pourrions-nous recevoir en industrie des
étudiants de ces disciplines pour faire des stages sous surveillance
pédagogique, un peu comme les étudiants des facultés de
droit en stage dans les études d'avocats ou de notaires. On me dit qu'il
y a même des étudiants de sciences humaines qui sont admissibles
à un programme de stage auprès des parlementaires de
l'Assemblée nationale. En retour, les industries pourraient prêter
des chargés de cours aux universités et collèges,
prêter des spécialistes de diverses techniques industrielles ou
manufacturières pour certains programmes de recherches. (19 h 30)
Programme d'échanges industriello-universitaires en science et
technologie. Il nous reste une demande à vous soumettre
respectueusement. Comme manufacturiers, nous souhaitons avoir un interlocuteur
gouvernemental unique un peu selon le principe à la mode des derniers
temps du guichet gouvernemental unique. Ce guichet unique pourrait prendre acte
des besoins de l'industrie à l'adresse du gouvernement. En retour, ce
sera ce même guichet qui pourra livrer la marchandise gouvernementale. Le
besoin véritable chez nous est de faire face au leadership
gouvernemental précis, à la main-d'oeuvre qui soit facilement
identifiable et accessible pour les intervenants du milieu de la science et de
la technologie. Il assurerait la rapidité et l'efficacité
nécessaire et vitale dans notre domaine.
On sous-entend également à travers notre demande la
nécessité d'une structure administrative légère et
dotée d'une articulation souple. Pour le moment, nous ne sommes pas en
mesure d'apprécier cas par cas la nécessité des fonds de
recherche tels que définis les uns par rapport aux autres ou encore par
rapport à leur mission. Nous ne sommes ni gouvernement, ni
législateur. Nous estimons qu'à l'usage nous pourrons apporter
nos recommandations et émettre notre opinion par le biais, notamment, du
conseil, car les lois se modifient et les règlements s'ajustent par
définition. Pour le moment, nous nous en remettons à la sagesse
du législateur et à l'efficacité du ministre responsable
du Secrétariat à la Science et à la Technologie.
En terminant, nous remercions le ministre et les membres de la
commission parlementaire de nous avoir permis d'apporter notre point de vue et
nos attentes à cette étape de l'étude d'un projet de loi
devant favoriser le développement scientifique et technologique au
Québec. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup pour votre
présentation. Nous passons maintenant à quelques questions. M. le
ministre.
M. Paquette: M. le Président, je remercie les
représentants de la compagnie AES Data Inc., qui est, bien sûr,
l'une des compagnies en émergence au Québec. C'est un peu
inhabituel pour un ministre du Parti québécois de recevoir
l'appui d'une compagnie qui appartient, en fait, à une
société d'État fédéral. Je pense que,
même
si nous n'avons pas tellement l'habitude de recevoir ici des entreprises
dans nos commissions parlementaires, c'est une pratique qui devrait se
généraliser davantage parce que le point de vue de l'industrie
est important.
À cet effet, j'aimerais vous poser deux questions
particulièrement sur votre document, à la page 8. Lorsque vous
dites notamment que les industries pourraient prêter des chargés
de cours aux universités et collèges, et inversement, vous parlez
d'échanges de spécialistes. Voilà une mesure très
importante que, je pense, le Québec doit se donner, c'est-à-dire
une politique de la main-d'oeuvre scientifique qui implique tous les
intervenants.
Est-ce que vous avez déjà - je ne sais pas d'où
vient cette suggestion - des échanges avec certaines universités?
Je pense que ce serait particulièrement important que vous nous disiez
jusqu'à quel point ces échanges existent avec les
universités.
M. Hurlburt: M. le Président, à Québec, non,
cela ne s'est jamais fait. En Allemagne, oui. Notre centre de recherche
à Boblingen est très proche de l'Université de Tubingen,
dans le domaine Stuttgart, où est le siège social de IBM
Deutschland, de Siemens, de Daimler-Benz, etc. Il y a un genre de Sillicone
Valley, si vous voulez, dans cette région. Nous avons eu des
échanges et il y a des étudiants de Tubingen qui sont venus chez
nous pour nous assister dans le développement de quincaillerie et de
logiciels pour les langues arabes. En retour, nous avons fait
l'entraînement de ces personnes, dans nos systèmes
d'activités, dans les logiciels. Nous avons envoyé un de nos
ingénieurs à Tubingen pour apprendre une technologie qui
était un peu différente de ce que nous avons eu à ce
moment. Après un an et demi, à peu près, nous avons
renversé l'échange. Il y avait quelqu'un à
l'université qui était au courant de tout ce qui se passait chez
AES et vice versa. Nous continuons à travailler avec cette
université dans d'autres domaines, surtout dans le domaine de convertir
nos logiciels dans les différentes langues, par exemple, en Hollande,
qui est un pays assez petit qui n'a pas une grosse demande aujourd'hui. Nous ne
pouvons pas investir de l'argent nous-mêmes, tout seuls, à
convertir tous nos logiciels dans le Deutsch. L'université de Tubingen
le fait pour nous et nous la payons, naturellement, mais nous ne sommes pas
obligés d'engager du monde permanent et de dire que le projet est
complété. Là, on n'a plus besoin de quelqu'un qui parle la
langue de la Hollande. Salut, on va prendre quelqu'un qui parle, je ne sais
pas, l'allemand, l'italien ou l'espagnol, etc.
En travaillant comme cela, il y a une certaine ressource humaine
continuelle dans le domaine universitaire dont nous pouvons profiter. Cela
pourrait s'appliquer dans le domaine de l'application. Cela pourrait
s'appliquer dans le domaine de la recherche, surtout avec la technologie - si
on peut dire cela - d'avant-garde, parce que aujourd'hui on parle de certaines
technologies. Vous avez entendu dire 64K, 257K, etc. Là, on commence
à parler des "megabites", etc. Nous ne pouvons pas rester toujours
à point vis-à-vis de ces technologies chez nous. Il nous faut des
centres et de la coopération dans le domaine universitaire.
M. Paquette: En plus de cette ouverture à la collaboration
avec les universités, toujours à la même page, vous parlez
de leadership gouvernemental précis. Je vous avoue que c'est un langage
assez inhabituel dans l'entreprise privée parce que habituellement, on
se plaint toujours de l'interventionnisme de l'État. D'ailleurs, ce sont
les universitaires qui nous ont fait ce reproche tout à l'heure en
disant: II y a peut-être trop d'interventionnisme de l'État.
J'aimerais que vous précisiez un peu votre pensée
là-dessus. Qu'est-ce que vous attendez du gouvernement? Comment
voyez-vous vos relations avec le gouvernement quant au développement
scientifique et technologique qui est au coeur d'une entreprise comme la
vôtre?
M. Hurlburt: Surtout comme coordonnateur. Je pourrais
peut-être, très rapidement, mentionner le cas du Japon où
le gouvernement ne dirige pas. Il agit comme coordonnateur de toutes les
industries japonaises pour s'assurer qu'il n'y a pas une dizaine de compagnies,
pas des compagnies seulement parce que c'est le domaine entier de la haute
technologie qui se lance dans la même direction. Il coordonne dans le
sens que, si vous avez des ressources d'une dizaine, chacune prend 10% dans un
domaine spécifique pour qu'à la fin, elles aient quelque chose
d'extraordinaire. Je n'aime pas autant l'approche de la France qui est une
approche bureaucratique, où le gouvernement dirige l'affaire à
100%. Il a dit: Notre compagnie Bull va faire l'informatique et notre compagnie
CGE va faire la bureautique, etc. Ce n'est pas comme cela. La position de
l'Angleterre, aujourd'hui, est peut-être un peu plus proche de celle du
Japon. Elle était comme celle de la France, mais on a diversifié
la plupart des compagnies qu'on détenait avant et on est maintenant
coordonnateur. On a dit: Cambridge, tu vas suivre une certaine direction. On ne
dira pas: Tu vas fabriquer une certaine pièce d'équipement ou tu
vas faire exactement cela dans une certaine contrainte. On dira: Nous voulons
que vous alliez dans cette direction. Toujours en travaillant avec l'industrie,
on a dit à ICL:
Nous voulons que vous ne passiez pas dans le domaine de Cambridge sans
au moins en parler avec Cambridge pour vous assurer que vous ne ferez pas la
même chose. C'est un peu comme cela que je le vois ici. Il y a l'aide
financière, par exemple, dans tous ces cas.
Au Japon, on prend une certaine portion des "import taxes", des douanes
et on met cela dans un pourcentage, si vous voulez. Donc, chacune des
compagnies peut partager, dans le sens qu'elle peut retirer des fonds ou
même utiliser les recherches centralisées dans les
universités pour améliorer sa position dans le domaine
international, ce qui est très important pour nous. Sans le
marché international, il n'y a certainement pas un marché au
Québec pour faire survivre une industrie de haute technologie.
Le Président (M. Paré): Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. Alors, merci de vos sugestions positives
afin de promouvoir les activités scientifiques surtout dans le domaine
de la recherche appliquée, du développement technologique.
Si je comprends bien, vous favorisez une plus grande orientation de la
recherche vers les applications commerciales. Voulez-vous expliquer comment le
projet de loi devant nous répond spécifiquement à vos
besoins et à vos attentes?
M. Hurlburt: Spécifiquement...
Mme Dougherty: Je vois mal comment le projet de loi y
répond spécifiquement. Vous parlez de leadership, de
coordination, etc. Qu'y a-t-il ici qui y répond spécifiquement et
qui va améliorer votre sort et le sort des autres qui sont du même
avis?
M. Hurlburt: Bon. Il y a trois choses. La question de
centraliser, si vous voulez, la direction ou le virage technologique, pour que
les industries n'aient pas à négocier et à communiquer
avec une dizaine de ministères, ce qui est très difficile. AES
est dans cette position et c'est très difficile. Cela prend du temps,
naturellement; cela prend du monde et cela coûte très cher dans ce
sens. Des fois, cela pourrait nous faire manquer une certaine occasion. Il y a
aussi la question de AQVIR. Est-ce cela?
Mme Dougherty: Une agence, oui.
M. Hurlburt: Une agence. Par exemple, aujourd'hui - comme je l'ai
dit dans le texte - AES est parmi les trois premiers en bureautique et nous
voulons nous lancer dans un domaine un peu différent. Nous ne pouvons
pas prendre toutes les ressources nécessaires chez nous. Je parle de
ressources humaines autant que d'argent. En effet, les deux arrivent au
même, en fin de compte. Il nous faut un partenaire financier et un
partenaire qui pourra agir comme cordonnateur jusqu'à un certain point.
On parle surtout ici du domaine de l'éducation, de la micro dans les
écoles - c'est un exemple, il y en a d'autres - où nous pouvons
profiter de l'existence d'un simple ministère et d'une simple agence
pour lancer le projet. (19 h 45)
Mme Dougherty: Je ne sais pas si vous parlez
spécifiquement de capital de risque. Je ne sais pas si vous avez lu
l'article dans le Devoir du 9 juin. Il s'agit de l'étude faite par le
Fonds FCAC qui trouve que l'aide gouvernementale pour les recherches
industrielles n'est que de l'argent jeté à l'eau - est-ce que
vous avez vu cela? Ce n'est pas la première fois que je voyais la
même conclusion - parce que l'aide atteint rarement, et je cite
l'article, l'effet multiplicateur visé. Le plus souvent, les entreprises
n'augmentent pas leurs efforts de recherche, même si l'aide de
l'État en augmente la rentabilité; bien au contraire, il arrive
souvent qu'elles réduisent puisque l'État paie maintenant une
partie des recherches prévues.
Je ne sais pas si vous êtes d'accord. On a examiné la
situation d'une douzaine d'entreprises en Amérique du Nord et ailleurs,
et il y a d'autres études qui sont arrivées à la
même conclusion. Je ne sais pas si vous favorisez l'intervention du
gouvernement dans ce sens...
M. Hurlburt: Je n'ai pas parlé d'intervention.
Mme Dougherty: ...mais quand on parle de l'agence et de la
possibilité d'appuyer la recherche industrielle avec le capital de
risque pour développer des inventions, des créations, c'est une
espèce d'avertissement, je crois, que le gouvernement doit prendre en
considération. Je ne sais pas si vous avez des opinions...
M. Hurlburt: Des opinions, oui. Mme Dougherty: ...à
cet égard.
M. Hurlburt: Premièrement, ce n'est pas une question...
Nous ne sommes pas en faveur de l'intervention telle quelle, c'est surtout une
question de coordination. Je considère qu'il y a certainement une
différence entre les deux. Deuxièmement, à propos de la
question du gaspillage d'argent -moi, j'ai vu un autre mot - ce n'est pas le
cas. Je pourrais vous citer plusieurs cas où nous avons eu de l'aide
gouvernementale, provinciale et fédérale, qui nous a permis
d'être compétitifs dans certains domaines, oui. Je peux
citer des exemples d'aide dans le domaine de l'exportation où ils nous
ont assistés dans les foires à Hanovre, à Gand en
Belgique, tout dernièrement. Ce ne sont pas des choses qui coûtent
des millions de dollars; ce sont des centaines de mille peut-être, mais
cela nous a permis d'ouvrir des marchés. La foire à Hanovre,
c'est une des plus grosses au monde, je peux vous dire que de cette
foire-là, nous avons pu ouvrir le territoire du Moyen-Orient, des pays
arabes. Peut-être qu'on aurait pu le faire plus tard, sans avoir cette
aide, mais c'était très important à ce moment d'avoir
l'argent pour faire l'exportation, parce qu'on avait des concurrents comme
Philips, IBM et d'autres, qui ont voulu entrer dans ce domaine arabe. AES a pu
y aller la première et, aujourd'hui, nous avons presque 60% de ce
marché. C'est très important, le temps et les
disponibilités d'argent dans notre domaine.
Mme Dougherty: Je suis d'accord. Je crois que nous ne parlons pas
de la même chose. Je parle de la recherche...
M. Hurlburt: Oui.
Mme Dougherty: ...et vous parlez de l'ouverture des
marchés.
M. Hurlburt: Je peux parler des recherches aussi bien que de
l'exportation.
Mme Dougherty: C'est tout à fait différent. Cette
étude touche la recherche uniquement.
M. Hurlburt: Si l'aide à la recherche vient avec des
"strings attached", des conditions non acceptables, non, mais ce n'est pas le
cas. Normalement, ce sont les industries qui disent: Nous voulons faire quelque
chose, est-ce que l'argent est disponible? Si oui, c'est cela que nous allons
faire. Depuis qu'AES est là, au moins depuis huit ans, nous avons pu
utiliser cet argent pour le développement. Un exemple de notre
système multipostes aujourd'hui, c'est AES Multiplus, qui est rendue la
troisième au monde au point de vue des ventes, qui est reconnue sur une
base mondiale. Une grosse partie de cet argent est venue d'ici, du
Québec, ce qui nous a permis de rechercher le domaine multipostes. AES
n'était pas dans le domaine multipostes à ce moment,
c'était en 1978. Nous n'étions pas là, nous étions
dans les monopostes, les simples unités de traitement de texte, ce qui
nous a permis d'ouvrir un domaine nouveau. Quant au retour sur les
investissements, je n'ai pas les chiffres exacts, mais je peux vous assurer que
c'était assez significatif. En 1977, nos ventes étaient d'environ
24 000 000 $ ou 25 000 000 $. Deux ans plus tard, avec le système
multipostes, nos ventes étaient d'environ 80 000 000 $, ce qui
était profitable.
Nous avons, jusqu'à maintenant, repayé au moins le double
en impôt de tout l'argent que nous avons reçu en dons ou en
soutien à la recherche et au développement.
Mme Dougherty: Merci. Une dernière question. L'agence
québécoise de valorisation, à votre avis, est-ce que vous
voyez un chevauchement? Quelle est la relation entre une agence telle que celle
qui est proposée ici, la SDI et le Centre d'innovation industrielle de
Montréal? Voyez-vous une vraie différence entre le rôle des
trois organismes?
M. Hurlburt: Vous parlez de la SDI? Du bureau d'investissement et
de recherche à Montréal?
Mme Dougherty: Du Centre d'innovation industrielle,
l'École polytechnique.
M. Hurlburt: Et l'autre, c'était?
Mme Dougherty: Société de développement
industriel.
M. Hurlburt: II n'y en avait pas une troisième?
Mme Dougherty: C'est ça, l'agence proposée ici dans
le projet.
M. Hurlburt: Ce sont des agences assez différentes.
Mme Dougherty: Dans quel sens? C'est que je demande.
M. Hurlburt: La SDI, je la connais peut-être mieux que les
deux autres parce qu'il y en a une qui n'existe pas encore. Je ne peux donc pas
vous donner mon opinion, sauf ce que j'ai déjà dit. La SDI est un
soutien surtout de commercialisation. C'est mon opinion, c'est ma façon
de voir la SDI. Je connais la SDI depuis longtemps. Elle nous a soutenus dans
le passé mais pas dans le domaine de la recherche. C'était
plutôt dans le domaine de la construction d'édifices, dans le
domaine de l'exportation en assumant l'intérêt sur les
prêts, les hypothèques pour les très petits
investissements. On parle d'investissements de l'ordre de 10 000 $ à 100
000 $ dans de petites entreprises. S'il y a une différence... N'oubliez
pas que, surtout dans le passé, la SDI avait une limite. AES Data Inc.,
ne se qualifie plus après un certain temps pour le soutien de la SDI
parce que ses ventes dépassent un certain montant.
Le centre à Montréal n'est pas une agence d'argent, de
capitaux de risque,
tandis que AQVIR... Mon opinion sur ce que j'ai vu et à la suite
des discussions que nous avons eues, AQVIR est surtout une agence qui pourra
coordonner et soutenir financièrement le développement, en ce qui
concerne AES, dans le domaine de la haute technologie où les fonds ne
sont pas disponibles dans le marché privé. Et aujourd'hui, je
vous assure que ces fonds sont rares dans le domaine privé. Moi, je suis
allé chercher des fonds pour plusieurs projets et il n'y en a pas
beaucoup. Dans d'autre pays, ça existe par le moyen d'agences comme
AQVIR. Je trouve que c'est sensé, que cela a du sens dans le domaine
privé - et je le répète - autant comme coordonnateur et
aide à une base financière, pour que le Québec puisse
établir et faire grandir l'industrie de la haute technologie. Je ne peux
parler des autres domaines, je n'y suis pas.
Mme Dougherty: D'accord, merci.
Le Président (M. Paré): Vous avez terminé?
On vous remercie beaucoup pour la présentation. On inviterait maintenant
M. Roland-À. Dugré, directeur général, à
venir faire la présentation du mémoire de l'École de
technologie supérieure.
Je m'excuse; est-ce que vous vouliez terminer, M. le ministre?
M. Paquette: Je veux simplement remercier les
représentants de la compagnie AES Data Inc. Je pense que l'ouverture
d'esprit que vous manifestez est particulière au domaine de la
technologie de pointe. On la retrouve également du côté
universitaire et cela me semble intéressant pour l'avenir.
S'il y a un problème que nous avons dans la
société, c'est bien celui du cloisonnement entre les milieux
industriels privés, les universités et les agences
gouvernementales. Et si l'on trouve le moyen de relier tout ça, je pense
qu'on va progresser beaucoup plus rapidement, à la fois pour la
qualité de nos programmes de formation et pour notre
développement économique.
Mme Dougherty: Merci. Je crois que nous n'avons malheureusement
pas parlé suffisamment de cette agence aujourd'hui parce que j'aimerais
essayer de comprendre exactement où elle se situe par rapport à
d'autres organismes. Qu'est-ce que l'agence peut faire que d'autres ne peuvent
pas faire? Je vois un certain dédoublement des rôles. Le seul
rôle que l'agence exerce et que les autres n'ont pas est celui de
prospecter les milieux de recherche dans les domaines jugés prioritaires
par le gouvernement.
Je ne sais pas comment ça va marcher exactement sur le plan
pratique. Je me demande si c'est le moment d'en discuter mais pour nous, c'est
très important parce que nous avons certaines réserves. Tout
n'est pas clair concernant cette agence.
M. Paquette: M. le Président, je n'ai pas la
prétention de pouvoir expliquer tout ça durant une intervention
de deux minutes. Je ne sais pas s'il y aurait un autre moment où l'on
pourrait s'expliquer; en deuxième lecture, lors de l'étude
article par article. On pourrait à ce moment s'assurer que cette partie
du projet de loi ne dédouble pas d'autres structures gouvernementales.
Inutile de vous dire qu'on a eu de longues discussions au Conseil du
trésor, au comité de développement économique,
à cet effet.
Ce qui caractérise l'agence par rapport aux autres organismes...
Il me semble que les représentants de AES Data Inc. ont très bien
identifié le rôle très différent de l'agence par
rapport à la SDI, par exemple. La SDI a aussi des programmes d'aide
à la recherche et au développement, mais ce sont des programmes
normes, systématiques, qui s'adressent à toutes les entreprises.
Ce sont des programmes qui ne sont pas particulièrement orientés
vers les projets les plus prometteurs.
L'agence a ce rôle de catalyseur. Par définition, elle
n'est pas un organisme bureaucratique. Elle n'a pas de programmes, pas de
normes; elle est soumise à certaines balises pour s'assurer que les
fonds publics sont bien utilisés mais elle travaille projet par projet.
Et elle doit identifier des idées d'innovation intéressantes qui
émanent parfois des équipes universitaires, parfois des
laboratoires gouvernementaux et parfois des secteurs de recherche industrielle
des entreprises. Son rôle est alors de les valoriser, ce qui signifie
qu'elle doit parfois regrouper d'autres intervenants. S'il s'agit d'un projet
qui émane des milieux universitaires, il va peut-être falloir
mobiliser des gens qui connaissent les marchés, qui connaissent le monde
des affaires, si l'on veut que l'invention devienne un produit. (20 heures)
Dans le cas d'entreprises, c'est peut-être un supplément
d'apports d'une équipe de recherche universitaire; c'est l'inverse dans
certains cas. En plus, l'agence aura des fonds de risque qu'elle pourra ajouter
à ces projets lorsqu'ils semblent prometteurs. Le rôle de l'agence
est d'identifier, pendant une année, dix, quinze projets prometteurs
où elle investit des fonds, où elle regroupe des intervenants et
où elle risque un peu en se disant qu'il y a peut-être un certain
nombre d'innovations qui ne marcheront pas, mais que celles qui iront bien
seront suffisamment rentables. L'agence aura un retour sur ces fonds à
réinvestir dans la recherche.
C'est un organisme très dynamique, très volontariste et je
pense que le succès que ce genre d'organisme a connu dans d'autres
pays
nous a fait nous apercevoir qu'il manquait un instrument comme
celui-là au Québec. Notre souci n'a pas été, dans
ce projet de loi, de créer beaucoup d'instruments nouveaux. En fait, il
y a la fondation qui est un organisme très léger et il y a cette
agence qui, je pense, est l'innovation principale de ce projet de loi. Les
autres articles rationalisent, coordonnent davantage l'action gouvernementale,
mais l'agence est vraiment un instrument privilégié de lien pour
des projets concrets entre les milieux universitaires et industriels en faveur
du développement économique du Québec.
Mme Dougherty: Seulement un commentaire. Je doute qu'on doive en
rester uniquement aux domaines jugés prioritaires par le gouvernement,
parce qu'il pourrait arriver que des inventions, des créations
excellentes ne soient pas dans le domaine jugé prioritaire par le
gouvernement. Je crois qu'on doit élargir le mandat pour rechercher
l'excellence, les créations excellentes. Je crois que le gouvernement ne
doit pas être aussi arrogant et avoir le monopole du jugement sur les
secteurs prioritaires.
M. Paquette: Vous avez parfaitement...
Mme Dougherty: C'est un danger, je crois.
M. Paquette: Là-dessus, vous avez parfaitement raison. Il
peut y avoir des projets prometteurs dans des secteurs qui ne sont
généralement pas considérés comme des secteurs de
haute technologie ou des secteurs clairement identifiés dans le virage
technologique. En fait, l'idée est que l'agence soit munie de la
connaissance des tendances technologiques sur le plan international et qu'elle
prospecte de préférence de ce côté, du
côté des équipes universitaires, des laboratoires
gouvernementaux qui peuvent travailler en fonction de ces secteurs. Dans notre
esprit, il ne s'agit pas de restreindre l'agence à ces domaines.
Mme- Dougherty: D'accord. J'aimerais vous remercier de votre
contribution ce soir. Je m'excuse d'avoir prolongé le débat, mais
j'ai profité de votre orientation pour discuter un peu de cette agence.
Merci.
M. Hurlburt: Est-ce que je peux poser une question?
Le Président (M. Paré): Oui.
M. Hurlburt: Vous avez commencé à parler de la
manière dont l'AQVIR fonctionnera. J'étais en Alberta il y a deux
mois et j'ai parlé avec les gens de Heritage Venture Funds, qui
ressemble un peu - les sommes sont différentes, ils ont 200 000 000 $...
Le conseil d'administration de l'AQVIR est une chose... Je commence à
réfléchir là-dessus. En Alberta, ce sont surtout des
commerçants, des industriels, des investisseurs en capital de risque qui
font l'évaluation, les placements. Dans ce domaine-là, vous
voulez gagner plus que perdre. Nous espérons toujours gagner,
naturellement. Est-ce que cela a été adressé? Je ne l'ai
pas vu dans le projet de loi.
M. Paquette: Voici. À l'article 103 où on parle de
la composition du conseil d'administration de l'agence, on dit qu'il y a un
président et onze membres nommés par le gouvernement. L'un des
membres est nommé sur recommandation du ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme. On pensait ici, dans un premier temps, à un
représentant du Centre de recherche industrielle du Québec. Il y
a le pendant ailleurs dans le projet de loi où on propose que quelqu'un
de l'AQVIR siège au conseil d'administration du CRIQ. Ensuite, c'est
là que cela répond à ce que vous dites - en tout cas, dans
notre intention - au plus quatre des membres du conseil d'administration
peuvent être choisis parmi les membres des organismes des secteurs public
et parapublic ou parmi les membres de leur personnel.
Dans notre esprit, cela veut dire que la majorité des membres
provient du secteur industriel. On limite ceux qui viennent du secteur public
et parapublic; donc, les autres viennent du secteur privé, en fait, du
monde des affaires, du monde industriel.
M. Hurlburt: Je crois que ce sera - si vous me le permettez, M.
le Président -peut-être une bonne idée de mentionner
spécifiquement le fait qu'il y aura du domaine privé un certain
nombre de personnes. Je crois que cela pourrait peut-être donner un
niveau de confort un peu élevé pour nous de l'industrie
privée. Merci.
Le Président (M. Paré): C'est nous qui vous
remercions de votre participation à la commission. Nous allons passer
à la présentation du mémoire suivant, soit le
mémoire de l'École de technologie supérieure du
Québec, représentée par M. Dugré.
École de technologie supérieure du
Québec
M. Dugré (Roland): M. le Président, mon nom est
Roland Dugré, directeur général de l'École de
technologie supérieure; à ma gauche, c'est notre directeur du
développement institutionnel et des communications, M. Louis-Marc
Gauthier; à ma droite, un agent de recherche à l'ETS,
M. Jacques Marois.
Avant de vous présenter notre travail, j'aimerais quand
même dire que nos amis d'AES auraient pu ajouter qu'ils emploient de
nombreux stagiaire de l'ETS et également qu'ils emploient des
gradués de notre école. On était très mal
placés pour ne pas leur donner la place première.
Consciente de l'urgence pour la société
québécoise de s'engager de plain-pied dans le virage
technologique et compte tenu de sa vocation particulière, l'École
de technologie supérieure de l'Université du Québec juge
opportun de présenter devant cette commission parlementaire ses
réactions en regard du projet de loi 19 favorisant le
développement scientifique et technologique au Québec.
Avant d'examiner le projet de loi 19, il convient de présenter un
historique de l'ETS afin de bien faire comprendre l'esprit avec lequel l'ETS
aborde les questions du développement scientifique et, plus
particulièrement il va sans dire, du développement technologique.
L'ETS fera ensuite état de quelques commentaires généraux
ayant trait au projet de loi 19, avant d'en aborder, dans la dernière
partie, certains points plus précis.
S'appuyant sur un consensus général, à savoir que
le développement de l'industrie secondaire au Québec
bénéficierait largement de l'implantation de la technologie
supérieure et constatant l'évolution des écoles
d'ingénieurs au cours des années soixante vers une formation
axée davantage sur les aspects scientifiques, l'opération
sciences appliquées recommandait en 1973, à l'instar de ce qui se
faisait dans les autres pays industrialisés, de mettre sur pied une
expérience pilote visant à développer la technologie
supérieure au Québec.
C'est ainsi que le ministère de l'Éducation et
l'Université du Québec engagèrent des pourparlers qui
conduisirent, en mars 1974, à l'émission de lettres patentes
créant l'École de technologie supérieure et permettant
l'ouverture en septembre 1974 de deux programmes de premier cycle en
technologie, celui de la mécanique et celui de
l'électricité, programmes auxquels se sont ajoutés quatre
certificats, un baccalauréat en technologie de la construction civile
et, tout récemment encore, un baccalauréat en technologie de la
production automatisée faisant appel largement aux technologies
avancées de la conception et de la fabrication assistées par
ordinateur aussi bien qu'aux technologies des ateliers flexibles et de la
robotique.
Les lettres patentes créant l'École de technologie
supérieure font état des objectifs particuliers qui constituent
l'identité de l'école. On y retrouve, en plus des objectifs de
formation, une orientation marquée vers la collaboration avec le milieu
industriel dans une optique de développement technologique. Cette
orientation se retrouve dans la formule coopérative en usage à
l'ETS, dans la participation active du milieu industriel aux diverses instances
de l'ETS, ainsi que dans la volonté affirmée par l'ETS d'orienter
ses activités de recherche appliquée vers des finalités
industrielles.
À la fin de 1978, à l'approche du terme de sa
période expérimentale de cinq ans, l'ETS fut soumise à une
évaluation formelle de toutes ses activités. À la suite de
l'avis favorable du Conseil des universités, déposé au
début de l'été 1979, le ministre de l'Éducation fit
connaître au président de l'Université du Québec sa
décision d'accorder un statut de permanence à l'ETS tout en
soulignant le rôle important que devait jouer l'école sur le plan
de l'enseignement et de la recherche universitaire.
L'ETS a connu au cours des dernières années une croissance
peu commune. Ainsi, après de modestes débuts - elle n'inscrivait
que 16 étudiants à temps complet à l'automne 1974 - l'ETS
comptait en 1982-1983, soit l'an dernier, 664 étudiants
équivalents temps complet et prévoit inscrire à l'automne,
au cours de l'année 1983-1984, près de 1000 étudiants
équivalents temps complet, soit une augmentation
phénoménale de près de 50% par rapport à
l'année précédente et cela, pour une deuxième
année consécutive. Le 24 mai 1983, donnant suite au projet soumis
par l'ETS, le Conseil des universités recommandait au ministre de
l'Éducation d'autoriser l'ETS à implanter un programme de
baccalauréat en technologie de la production automatisée à
compter de septembre 1983. Cette décision s'inscrit dans le cadre de la
mission qui lui a été confiée initialement et place l'ETS
au rang des intervenants privilégiés pour participer à la
réalisation du virage technologique au Québec.
L'ETS s'est rapidement créé une place importante dans le
milieu technologique québécois. Elle a maintenant atteint une
réputation et une dimension qui lui permettent de consolider sa
contribution au niveau de la formation des spécialistes dont l'industrie
québécoise a grand besoin pour effectuer avec succès le
virage technologique. L'ETS pourra dorénavant consacrer plus
d'énergie à la recherche appliquée vers des
finalités industrielles telles que spécifiées dans sa
mission.
Commentaires généraux sur le projet de loi 19. Afin de
favoriser la mise en oeuvre du virage technologique, le premier ministre
nommait, le 9 septembre 1982, un ministre à temps plein
délégué à la Science et à la Technologie.
Neuf mois après son entrée en fonction, le ministre
délégué, M. Gilbert Paquette, déposait, le 31 mai
dernier, le projet de loi 19 dont les visées premières sont
d'identifier clairement les responsabilités
de son ministère, d'assurer la coordination des fonds
gouvernementaux, de favoriser le décloisonnement entre les milieux
scientifiques et de favoriser la démocratisation des choix politiques et
la sensibilisation du public.
L'ETS ne peut que se réjouir de cette volonté du
gouvernement d'harmoniser les activités scientifiques et technologiques
des ministères et organismes publics. Il est grand temps que l'on se
dote des structures et des outils requis pour effectuer le virage
technologique. La création d'un ministère voué
exclusivement à la science et à la technologie constitue, de
l'avis de l'ETS, un geste approprié.
La lecture du projet de loi 19 soulève cependant certaines
craintes, comme on l'a vu aujourd'hui. Dans quelle mesure, par exemple, le
nouveau ministère pourra-t-il, avec les moyens qui lui sont
confiés et avec les contraintes qui lui sont imposées par le
projet de loi 19, agir avec toute l'efficacité requise dans le champ des
responsabilités qui lui sont imparties? Il ressort du projet de loi 19
que le ministère de la Science et de la Technologie sera davantage
axé sur la coordination et la concertation des énergies des
divers ministères des organismes publics impliqués dans l'effort
de développement scientifique et technologique au Québec. Une
telle orientation est peut-être justifiée, mais il est à
craindre qu'une certaine lourdeur ne découle des structures mises en
place pour favoriser cette concertation. L'ETS rappelle qu'il est
impérieux que le gouvernement puisse agir et agisse avec
célérité et souplesse dans ce domaine où le
Québec se doit d'être présent. L'ETS espère que la
rapidité avec laquelle le gouvernement veut faire adopter son projet de
loi ainsi que les courts délais accordés aux intervenants pour y
réagir en commission parlementaire sont garants de sa volonté de
passer rapidement aux actes et d'annoncer des mesures concrètes qui
favoriseront le développement technologique.
Déjà, le gouvernement fédéral a
annoncé des mesures qui démontrent son intention de s'impliquer
directement dans le dossier de la conception et de la fabrication
assistée par ordinateur. Il est plus que temps, pour le Québec,
d'affirmer sa présence dans ce domaine en donnant suite, dans les plus
brefs délais, au projet du centre de CFAO, qui a été
reconnu comme une nécessité par tous.
À l'analyse du projet de loi 19, l'ETS constate que,
malgré l'ampleur des besoins, il n'annonce que peu de nouvelles mesures,
si ce n'est une réorganisation des fonds, la création de la
fondation et la création de l'AQVIR. L'ETS remarque toutefois que le
ministre se réserve la possibilité d'établir, avec
l'accord des ministres concernés, des protocoles d'entente avec les
organismes publics (l'article 11), et que le gouvernement peut - cela est
important - par lettres patentes délivrées sous le grand sceau
constituer des corporations qui ont pour objet le développement de la
recherche et de la technologie (l'article 12). Le ministre pourra, de plus,
avec l'accord des ministres concernés, accorder des subventions à
même les sommes mises à sa disposition (l'article 10). Ce sont
là des instruments que le gouvernement devra utiliser pour injecter des
ressources nouvelles et non seulement pour réaménager des
ressources existantes. Les chances de succès du nouveau ministère
dépendront, en bonne partie, des sommes que le gouvernement consentira
à consacrer au développement scientifique et technologique, ainsi
que de la volonté des autres ministères et organismes publics de
collaborer.
L'ETS espère que les énergies qui seront drainées
pour organiser et rendre fonctionnel le nouveau ministère de la Science
et de la Technologie ne contribueront pas à ralentir les dossiers
actuellement en marche, en ce qui a trait au développement technologique
et plus particulièrement, en ce qui a trait au projet de création
du centre de production automatisée.
L'article 7 énumère les quatre fonctions du
ministère de la Science et de la Technologie - on en a parlé
beaucoup aujourd'hui - qui comprennent l'élaboration de la politique du
gouvernement en matière de la science et de la technologie,
l'harmonisation des activités, l'implantation des nouvelles mesures et
la réalisation d'actions gouvernementales à caractère
multisectoriel. Comme elle l'a affirmé précédemment, l'ETS
se demande dans quelle mesures les pouvoirs confiés au ministre dans
l'article 8, en regard des autres ministères, lui permettront de
s'acquitter adéquatement de ses fonctions. Nous avons eu de nombreuses
réponses depuis le matin.
Le sixième paragraphe de l'article 8 soulève certaines
craintes. Jusqu'où le gouvernement se réserve-t-il le droit
d'intervenir au moyen des directives qui seront adressées aux organismes
publics? Là aussi, on a eu nos réponses ce matin; depuis le
début de la journée, de toute façon. De quelle
façon le ministère de la Science et de la Technologie
articulera-t-il ses actions avec celles du ministère de
l'Éducation et quelles en seront les conséquences pour les
universités? Quel genre de mesures entend prendre le ministre pour
veiller, comme le mentionne le Ile paragraphe de l'article 8, à ce que
les politiques et les pratiques de formation, de perfectionnement, d'emploi et
d'immigration répondent adéquatement aux besoins du
Québec?
À l'analyse de l'ensemble des pouvoirs donnés à
l'article 8 au ministre de la Science et de la technologie, il est à
craindre que le nouveau ministère ne consacre une trop grande
part de ses énergies à la préparation d'études,
d'analyses, etc, selon les paragraphes 4, 6, 7, 13, 14 et 15, au
détriment d'actions plus concrètes.
En conclusion, l'ETS estime qu'il est important que le gouvernement
québécois se donne des instruments adéquats pour
réaliser le virage technologique. En ce sens, nous croyons que la
création du ministère de la Science et de la Technologie
était devenue souhaitable. Le projet de loi 19 procurera au nouveau
ministère certains outils intéressants pour élaborer et
mettre en oeuvre la politique du gpuvernement en matière de science et
de technologie. Ce même projet de loi comporte cependant certaines
faiblesses qui sont peut-être inévitables: pour être
efficace, le nouveau ministère devra compter sur la collaboration de
tous les ministères et organismes publics concernés. Il lui
faudra s'immiscer dans plusieurs dossiers. Saura-t-on regrouper par ce moyen
les forces actives du Québec pour effectuer en douceur le virage
technologique? Il s'agit là du défi majeur qu'aura à
relever le nouveau ministère de la Science et de la Technologie. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup. La parole
est maintenant au ministre.
M. Paquette: M. le Président, je remercie le directeur de
École de technologie supérieure qui, je pense, au Québec,
représente l'une des institutions les plus engagées dans le
virage technologique. Je n'ai pas l'intention de dire si c'est l'École
polytechnique, l'ETS ou les autres facultés de génie qui sont les
plus engagées dans le virage technologique, mais je pense que le
mémoire témoigne d'une certaine urgence de l'action. C'est
principalement ce qui nous anime et c'est d'ailleurs pour cela que, quitte
à ajuster certains articles du projet de loi, nous trouvons très
important que ce projet de loi soit adopté au cours du mois de juin,
parce qu'à l'automne on aura beaucoup de choses à faire. Vous en
soulignez une.
Je trouve cela un peu injuste quand vous dites: Le gouvernement
fédéral a annoncé des mesures qui démontrent son
intention de s'impliquer directement dans le dossier de la conception et de la
fabrication assistée par ordinateur. Nous, nous avons des budgets pour
le faire. Mais vous avez raison, c'est justement à cette fin que
l'article 12, qui donne la possibilité au ministre de constituer des
corporations ayant pour objet le développement de la recherche et de la
technologie, a été inséré dans le projet de loi. Je
pense que c'est une chose qu'on pouvait trouver aller de soi dans les faits.
Par la création de ce premier centre de diffusion technologique et de
recherche appliquée, nous avons, en quelque sorte, obtenu du Conseil des
ministres la permission de nous en occuper, mais je pense que cela doit
être l'une des responsabilités importantes du ministre de la
Science et de la Technologie: créer de nouveaux lieux de recherche
centrés sur la recherche appliquée, le développement
technologique en impliquant les universités et le monde industriel, de
façon que la concertation s'exerce dans le concret, avec des objets
précis comme celui de développer la production automatisée
au Québec dans toutes ses dimensions.
Maintenant, vous soulignez, à juste titre, des craintes. Vous
vous demandez à quel point les pouvoirs confiés au ministre dans
l'article 8 en regard des autres ministères lui permettront de
s'acquitter adéquatement de ses fonctions. Il va de soi que dans un
domaine complexe comme la science et la technologie, à moins de
regrouper tous les instruments face à la recherche et à la
technologie sous un même ministère, il y a nécessairement
une coordination à effectuer à l'intérieur du gouvernement
et ce que visent ces différents articles. Nous avons pris
délibérément l'option de nous dire: Nous allons
réussir plus facilement le défi de développer la recherche
scientifique et prendre le virage technologique - parce que les deux dimensions
sont importantes - si c'est l'effort de tous les ministères. Il va de
soi que mes collègues sont préoccupés par le virage
technologique, par la recherche, mais ils ont bien d'autres
préoccupations. Je pense que c'est important qu'il y ait un
ministère de la Science et de la Technologie qui se coordonne avec eux,
avec leurs organismes de recherche, avec leurs programmes de recherche pour
augmenter les budgets et pour nous assurer que nous intervenions d'une
façon un peu cohérente face au milieu, ce qui, encore une fois,
n'implique aucunement une attitude plus dirigiste face au milieu. C'est
simplement créer une attitude plus cohérente face au milieu.
Quand je parle du milieu, je parle à la fois des milieux universitaires,
des entreprises et des autres agents impliqués dans le
développement scientifique et technologique.
J'aimerais vous poser une seule question. Selon vous - et cela a trait
au lien entre les institutions universitaires et les entreprises - comment cela
doit-il s'articuler? Particulièrement une institution universitaire
comme l'ETS, qui est dans un domaine très appliqué, votre
connaissance du milieu universitaire doit sans doute vous y autoriser. Quels
sont les liens qu'on peut établir de la façon la plus efficace
possible sans nier la mission propre de l'université? Ces liens entre
l'université, la recherche fondamentale, la recherche appliquée
et le développement technologique.
M. Dugré: M. le Président, nous le faisons chez
nous au niveau du conseil d'administration de l'école. Dans nos lettres
patentes il est indiqué - à la suite de l'opération des
sciences appliquées, à laquelle de nombreux industriels
éminents était représentés, des universitaires et
des fonctionnaires - que l'école devait être créée
parce qu'on avait remarqué l'insuffisance de francophones dans les
postes importants dans le milieu industriel québécois. On a
pensé que dans le passé les facultés de génie
étaient tellement orientées du point de vue scientifique - cela
devait être comme cela pour suivre le progrès - qu'on
délaissait, comme les États-Unis l'avaient fait avant nous, la
partie plus pragmatique au point de vue industriel. Il était moins
honorant d'aller dans les industries. On a dit dans l'opération des
sciences appliquées que, l'industrie québécoise
n'étant pas entre les mains des Québécois, il serait
difficile aux Québécois de s'y retrouver. On a indiqué
à l'occasion de l'opération des sciences appliquées - ce
qui a été reflété par le ministère de
l'Éducation - dans nos lettres patentes que ce qu'on faisait devait se
faire en étroite collaboration avec l'industrie.
Ceci se manifeste d'abord au niveau du conseil d'administration. Neuf
des quinze membres viennent du milieu industriel. Cela se reflète
à la commission des études où trois des onze membres
viennent du milieu industriel. Cela se reflète au niveau de chacun des
programmes de l'école où on a des comités de liaison
école-entreprises pour nous aider à nous guider dans nos
différents programmes. Le dernier programme qui vient d'être
approuvé au Conseil des universités -il a été
envoyé au ministre de l'Éducation pour qu'on puisse aller de
l'avant dès le mois de septembre 1983 - a été fait sous la
direction d'un représentant important de la compagnie IBM et onze des
treize membres du comité venaient du milieu industriel. Ce programme,
comme toutes les activités de l'école, aussi bien au point de vue
des stages qu'on fait, stage pratique d'apprentissage et stage-projet, se fait
en étroite collaboration avec le milieu industriel. Chaque fois qu'on
demande la coopération de ce milieu, même en temps difficile comme
à l'heure actuelle, même si les stages vont un peu moins bien,
cette coopération entreprises-école se fait et se fait
très bien, mais encore faut-il le vouloir. Il ne faut pas tendre la main
aux industriels seulement à l'occasion d'une campagne de souscription.
Si l'industrie, par exemple - c'est le cas chez nous - des bureaux de
consultants ont besoin d'aide pour aller soumettre un projet "clé en
main" en Afrique du Nord pour faire une école de formation dans le
domaine technologique et qu'elle demande la coopération de
l'université, il ne faut pas lui fermer la porte. Je l'ai vu ailleurs.
Chez nous, on ouvre la porte aux gens et on les aide dans ce projet "clé
en main", en les aidant à la formation des gens. On prépare avec
eux un programme important, aussi bien pour recycler la main-d'oeuvre qui vient
de différents pays du monde. Il faut, encore une fois, démontrer
qu'on est ouvert à la communauté industrielle. Il faut penser
à la communauté industrielle et notre corps professoral a en
moyenne huit ans et demi de travail en milieu industriel. Il faut s'entourer
d'une pensée - d'ailleurs, les lettres patentes indiquaient...
Quand on va visiter les écoles semblables à la nôtre
aux États-Unis, c'est exactement ce qu'elles font. Comme elles
progressent très rapidement, il y a neuf ans, lors de la création
de l'école, il n'y avait que 95 universités américaines
sur les 238 universités existantes de sciences appliquées ou
l'équivalent, qui donnaient des cours pour l'obtention d'un
baccalauréat en technologie. Aujourd'hui, on en compte 238. Les
Américains ont très bien compris qu'il fallait faire cela. Nous
nous alignons sur leur modèle, étant des Nord-Américains.
C'est la façon dont ils procèdent, ils réussissent
très bien et c'est ce qu'on fait chez nous.
Dans d'autres universités, prenons par exemple le cas de
l'Institut national de la recherche scientifique, puisque j'étais
là lors de sa fondation avec le Dr Beaulieu, on a fait la même
chose. On a travaillé en étroite collaboration avec le milieu
industriel en se laissant guider et en créant des centres de recherche
dans le milieu industriel, avec le milieu industriel. Cela a été
le cas à l'IREQ, cela a été le cas avec Bell Northern
Research Lab et cela a été le cas en énergie avec
d'autres. Il y a RCA, par exemple, avec qui on a collaboré. C'est encore
le cas de l'INRS qui fait encore de la recherche en s'associant avec le milieu
industriel. Dans d'autres universités, Polytechnique le fait très
bien également avec son centre de développement technologique.
Elle fait un excellent travail. Sherbrooke le fait également très
bien en s'associant avec l'industrie par l'intermédiaire des stages. (20
h 30)
Nos cours sont typiquement orientés en fonction des besoins du
développement industriel du Québec par la structure même
des cours où on donne moins de mathématiques avancées, de
physique et de chimie avancées dans les cours de base. Ces cours sont
remplacés par des cours de management, des cours de relations
industrielles et des cours de prix de revient. On forme des individus pour les
besoins du développement industriel du Québec.
M. Paquette: Je vais vous poser une dernière question que
la députée de Jacques-Cartier allait peut-être vous
poser
concernant votre opinion - parce que vous n'en parlez pas dans votre
mémoire - de cette partie extrêmement importante du projet de loi
où on crée une agence de valorisation industrielle de la
recherche. Qu'est-ce que cela vous dit ce truc-là?
M. Dugré: Cela me dit beaucoup pour plusieurs raisons.
D'abord, on n'a pas attendu que cette chose-là... C'est personnellement
que je vais vous parler. Avec un groupe d'amis, on a investi un assez bon
montant d'argent pour faire une compagnie privée qui deviendra publique
plus tard. C'est justement pour faire exactement ce genre de travail. On a
déjà quelque chose de très intéressant entre les
mains et on veut le mettre sur le marché. Déjà, les
ouvertures que le dernier budget nous offre vont favoriser justement de rendre
cette compagnie publique. Je n'en avais pas encore parlé. C'est la
première fois que j'en parle. Je n'en ai même jamais parlé
à mes confrères. C'est tout nouveau et cela viendra très
bientôt.
Je crois beaucoup à ce genre de chose. Je pense que si on peut
faire une suggestion à votre AQVIR, ce serait justement de prêtrer
de l'argent et, quand il y aura un succès, qu'on soit remboursé.
S'il n'y a pas de succès, qu'est-ce que vous voulez, cela arrive parfois
- tantôt, nos amis de AES l'on dit - il faudra faire comme on le fait
dans d'autres circonstances, laisser aller. Il n'y aura pas seulement votre
AQVIR qui pourra perdre de l'argent, d'autres vont aussi en perdre. Dans les
cas où il y a succès réel, je favoriserais beaucoup un
prêt à l'entreprise dans des conditions un peu
spéciales.
M. Paquette: On aimerait cela en gagner aussi des fois.
M. Dugré: Pardon?
M. Paquette: On aimerait cela en gagner aussi des fois pour
pouvoir le réinvestir après.
M. Dugré: Si ce sont des projets sérieux, bien
entendu, il n'y a pas de raison qu'il n'en soit pas ainsi.
Le Président (M. Paré): Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Comment réagissez-vous à la
proposition de AES Data à l'idée d'échanges d'enseignants
avec le milieu industriel?
M. Dugré: Je pense, madame, que vous soulevez un excellent
point. C'est exactement ce qu'on fait chez nous. Disons qu'on a, à
l'heure actuelle, 29 professeurs réguliers. Nous allons en avoir 40
d'ici à l'automne. Nous avons à ce jour 62 professeurs, qui ne
viennent pas tous du milieu industriel, mais disons que 50 nous viennent du
milieu industriel. Quand on vous dit que les relations industrielles sont
enseignées chez nous, elles le sont par des équipes venant de
l'industrie. Elles viennent expliquer par exemple, par la méthode des
cas, comment appliquer notre loi des relations du travail. Elles simulent une
série de cas. Il s'agit que le jeune homme sache que cela existe une loi
du travail. On simule des cas pour savoir comment on doit se comporter. Au
moins, on apprend qu'un syndicat, cela existe, que c'est normal qu'un syndicat
existe, que c'est normal que les ouvriers soient représentés.
C'est toujours plus facile de négocier quand on a le bon syndicat. Nous
y croyons beaucoup parce que nous le faisons déjà.
Mme Dougherty: Merci. Dans votre mémoire, à la page
5, vous dites que l'argent est peut-être la clef de tout cette affaire.
Vous soulevez plusieurs questions très pertinentes, je crois. J'aimerais
comprendre exactement ce que vous suggérez en conséquence.
D'abord, la clef c'est l'argent. Au deuxième paragraphe, vous craignez
que les énergies du ministre ne soient drainées pour organiser et
rendre fonctionnel tout le système. Plus tard, je vois une suggestion
peut-être indirecte, un doute que le ministre aura assez de pouvoirs.
À la fin du paragraphe qui commence l'article 7, vous dites: "L'EST se
demande dans quelle mesure les pouvoirs confiés au ministre à
l'article 8 en regard des autres ministères lui permettront de
s'acquitter adéquatement de ses fonctions." Donc, je vois ici une
suggestion. Peut-être qu'on doit renforcer les pouvoirs du ministre de la
Science et de la Technologie. Au paragraphe suivant encore, vous soulevez la
question: Comment est-ce qu'il peut articuler ses actions avec le
ministère de l'Éducation, comme si, peut-être, il y aura un
conflit, il doit possiblement avoir moins de pouvoirs envers les
universités. J'aimerais démêler tout cela et savoir ce que
vous suggérez exactement. Est-ce que vous suggérez que le
ministre doit avoir à certains égards plus de pouvoirs sur le
plan des finances, plus de budget pour lui-même, peut-être, plus de
pouvoirs directs? Qu'est-ce que vous suggérez exactement? Je vois
plusieurs suggestions et un conflit, peut-être entre des idées
différentes.
M. Dugré: Je vous remercie bien de votre question, madame.
Disons que dans notre esprit il n'y en a pas. Au début, ce qu'on dit,
c'est que, s'il ne s'agit que de prendre de l'argent existant, de jouer avec le
même argent, cela ne fait pas plus d'argent pour tout cela. C'est
peut-être une façon de suggérer que, s'il veut faire
quelque chose de
plus, il va falloir qu'il mette plus d'argent. Vous suggérez la
première à l'article 7, par exemple... On voit que c'est
très difficile d'abord de coordonner deux personnes. Quand vous voulez
coordonner plusieurs organismes et plusieurs ministères qui ont leurs
propres lois, qui ont leur propre façon de fonctionner, et des
sous-ministres en poste qui savent jusqu'à quel point ils ont de
l'autorité, on fait seulement soulever la question, on ne voit pas
comment... Cela va être très difficile, la coordination de tous
ces gens à moins que comme le ministre l'a répété
toute la journée... Il répète: On va faire seulement un
effort, on va leur dire, on va les orienter, on va essayer de les orienter, on
va en discuter au cabinet des ministres. C'est cela qu'on soulève comme
question parce que, si je me souviens bien, lors de la discussion qu'on a eue
chez nous dans notre groupe de travail, d'autres d'ailleurs se sont joints
à nous, et M. Gauthier, d'une façon particulière,
était assez sensible parce qu'il a suivi l'évolution du
ministère de la Science et de la Technologie, ou plutôt du
secrétariat de la science et de la technologie à Ottawa.
Là, il y a eu de sérieux problèmes et cela n'a
jamais pu fonctionner comme il faut. Peut-être qu'il faut créer un
ministère pour le faire fonctionner comme il faut. Je ne le sais pas.
C'est cela, la crainte qu'on soulève. C'est cela que ça veut
dire. Quand on arrive à l'article 8 pour les universités, je
pense qu'il y a eu des représentants d'universités avec un point
de vue, ce matin, autant les professeurs que la CREPUQ. Je pense que ce point a
été longuement débattu. Je pense que les réponses
qui ont été données ce matin me satisfont, de dire qu'il
va falloir regarder de plus près et voir quelles possibilités, si
cela peut être amélioré. Et nous ici on sentait que,
vis-à-vis des universités, connaissant bien les
universités, cela créerait peut-être un problème et
c'est de trouver la meilleure solution pour le faire. Ne pas retarder le projet
pour cela. Au besoin, il y a eu des suggestions de faites ce matin,
peut-être de retrancher certaines choses ou de réarranger
autrement certaines choses. Je pense que cela nous satisfait. C'est cela qu'on
a voulu soulever pour attirer l'attention qu'il y a une grande
possibilité de problèmes de cette façon, aussi bien
qu'à l'article 7.
Mme Dougherty: Si je comprends bien, à cause de ces
craintes et les difficultés que vous voyez dans la complexité, le
pouvoir horizontal peut-être trop diffus, vous préféreriez
avoir un projet qui donne au ministre moins de pouvoirs sur le plan horizontal
et plus de pouvoirs directs, verticaux, avec un budget approprié
même si son pouvoir horizontal est plus restreint. Je ne sais pas si j'ai
bien exprimé ma pensée.
J'essaie de comprendre ce que vous dites ici et ce que vous
suggérez comme solution. Je comprends vos craintes, mais je cherche la
solution logique qui découle de vos pensées.
M. Dugré: Disons d'abord que je suis de formation
industrielle et d'affaires. Cela fait treize ans que je m'occupe d'une
façon particulière des universités. Je venais du milieu
des affaires, du milieu industriel. Je continue à m'occuper d'affaires.
Avec cette mentalité, connaissant le milieu industriel, connaissant le
milieu des universités... Je pourrais ajouter, pour expliquer mieux mon
idée, que, lorsque quelqu'un a dit ce matin ou cet après-midi que
dans certains projets de recherche il faut dix ans ou vingt ans avant d'avoir
la solution, ce n'est plus de la recherche, je pense que c'est de la
sécurité sociale déguisée dans le milieu
universitaire; j'appellerais cela comme ça. Il y a des limites. C'est
bon de parler de liberté... Je crois à la liberté des
citoyens de payer des taxes, mais il y a une limite là aussi. La
liberté des uns ne doit pas empiéter trop fortement sur la
liberté des autres. Même si je suis en milieu universitaire et
même si c'est mal vu de dire des choses comme cela dans le milieu
universitaire, je le dis quand même parce que je pense que, si on veut
faire bouger le Québec, une bonne façon de le faire bouger, c'est
d'avoir une loi la plus claire possible. On essaie de l'améliorer. Je
pense - je sais qu'il y a beaucoup d'universitaires ayant une formation
universitaire - qu'il est possible pour le ministre de réarranger
certaines choses pour les rendre plus acceptables au milieu universitaire sans
brimer certains droits, mais sans non plus favoriser certaines chapelles.
Des organismes subventionnables de recherche, aussi bien de Fonds FCAC
que d'autres... L'école de technologie supérieure travaille avec
le milieu industriel. On présente des projets au Fonds FCAC et,
systématiquement, l'école n'a jamais un sou du Fonds FCAC
à l'exception de la publication de volumes, parce que nos jeunes
Canadiens français ont de la difficulté à trouver des
volumes de conception nord-américaine. Pour cela on a toujours
été subventionné et on l'en remercie. Mais, quand il
s'agit de recherche, systématiquement, cela est refusé. Il y a
des chapelles. On présente le même projet à Ottawa et il
est subventionné. Je trouve édifiant de les entendre parler mais
à un moment donné il faut voir la vérité
derrière tous ces écrans de fumée. Il faut arrêter
de parler. Il faut peut-être que quelqu'un comme moi se mette la
tête sur la bûche et le dise. Il y a moyen d'arranger cela. Je peux
travailler avec les gens de AES m'importe quand ou avec d'autres industries.
À un moment donné, il faut arrêter de... C'est bien que des
gens du milieu universitaire viennent vous dire tout ce qu'ils
ont à dire, mais il faut aussi essayer de voir ce qui se passe en
arrière. Je vous dis ce que je vois et la façon dont je le
vois.
Je pense qu'il y a quelque chose ici, et, pour autant qu'on respecte les
prérogatives du ministère de l'Éducation, les gens qui y
sont, de même que la loi, il y a moyen de trouver une solution pour
travailler tous ensemble. Ce qui est important, c'est de faire un peu de
coordination. Il y a des secteurs prioritaires, le Conseil des sciences nous le
dit, l'avenir, dans l'industrie en particulier... Si, dans les années
quatre-vingt-dix, vous n'êtes pas dans la conception et la fabrication
assistée par ordinateur, si vous n'êtes pas dans la robotique,
vous ne serez plus là. C'est beau de dire qu'on ne crée pas
d'emplois avec cela. Oui, on crée de l'emploi. Au Japon, c'est là
que la technologie est la plus avancée et c'est là que le taux de
chômage est le plus bas, mais on a autre chose en plus. Nous sommes
latins et...
Le Président (M. Paré): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je vous écoute parler du Japon, M. Dugré.
Justement, dans une étude qu'on nous a remise cet après-midi, on
établit clairement que le Japon est le pays où la recherche
universitaire est proportionnellement la plus importante. Je pense que vous
allez comprendre comme moi qu'il y a un lien très direct entre la
qualité de la recherche qui se fait dans les universités, la
qualité de la recherche qui se fera ensuite dans les industries et la
qualité du développement industriel lui-même. Les
études qui ont été faites, surtout celle de M. Lacroix,
établissent ce fait-là bien clairement. Par conséquent, le
problème n'est peut-être pas aussi simple qu'on souhaiterait qu'il
fût. (20 h 45)
Dans cette prespective-là, il y a une question que je vous
poserais. Je remarque une chose en vous écoutant... Il me fait bien
plaisir que vous soyez là parce que j'ai été le
témoin direct de la naissance de votre école il "y a
déjà - on n'ose pas le dire -une bonne vingtaine d'années.
Je pense qu'il y a seulement, parmi les groupes que nous avons entendus
aujourd'hui, votre délégation et celle de l'AES Data qui se sont
exprimées d'une manière assez vigoureuse en faveur de la tendance
générale du projet soumis par le ministre. Les autres ont
exprimé des réserves assez sérieuses sur des
éléments de fond.
Comme vous êtes optimistes face au projet de M. le ministre
délégué à la Science et à la Technologie,
j'aimerais savoir s'il y a des choses qui relèvent du ministère
de l'Éducation que vous aimeriez voir transférées sous
l'autorité du ministre délégué à la Science
et à la Technologie, et lesquelles.
M. Dugré: Je répondrai d'abord à la
première partie de votre énoncé en ce qui concerne les
recherches de certaines personnes que vous avez citées
précédemment. J'ai eu l'occasion de lire souvent - cela fait
partie de mon travail, mais bien avant ça, de toute façon - des
projets de recherche de ce genre. L'un en particulier qui me vient à
l'esprit, parce que j'avais une formation assez importante dans le domaine
minier où j'ai oeuvré beaucoup, concernait la recherche
minière au Québec. Dans ce volume-là, fait par le Centre
de recherche minérale du Québec, par des individus tous
très bien intentionnés - je connais pas mal tout le milieu
industriel du Québec et le milieu des mines en particulier... C'est
drôle, dans la compagnie pour laquelle je travaillais, au moins 8% du
moulin 5, la compagnie Canadian Johns-Manville à Asbestos, avait
été fait spécifiquement pour faire de la recherche
appliquée. Je le sais parce que j'y participais. Dans le volume en
question, on n'en parlait pas du tout, de cette recherche-là. On disait
par contre que la majorité de la recherche, dans le domaine minier, se
faisait à l'étranger, se faisait à l'extérieur du
Québec. On l'a complètement oublié. Je ne dis pas que la
personne était mal intentionnée mais si vous prenez quelqu'un qui
est plus ou moins au courant... Aujourd'hui, tout le monde fait des recherches
et fait différentes choses. Si une personne ne va pas frapper à
la bonne porte, elle n'a pas d'information. On véhicule... Je ne dis pas
qu'ils sont dans l'erreur, peut-être qu'ils sont parfaitement corrects,
mais j'irais voir un peu plus loin que cette chose-là.
Quand vous parlez du ministère de l'Éducation, je ne crois
pas que ce soit tellement l'idée de transférer et, d'ailleurs,
d'après ce que j'ai entendu depuis ce matin, ce n'est pas l'idée
du nouveau ministère de la Science et de la Technologie de vouloir
s'emparer de toutes ces choses. Au contraire, on semble vouloir dire non. Il
s'agit de s'entendre et ce qui relève d'un ministre, ça va
continuer à relever de ce même ministre, mais on procédera
à une meilleure coordination.
Au Japon, concernant les universitaires, il y a une coordination qui
s'établit entre le domaine industriel, le domaine des affaires et le
système de vie japonais et ça produit de bons fruits.
Aux États-Unis, les universités sont très
près du milieu industriel et c'est pour cette raison qu'ils ont
plusieurs fondations qui viennent s'ajouter par la suite aux différentes
universités et cela ne semble pas créer de problèmes non
plus avec le milieu universitaire.
Souvent ici, pour différentes raisons, on
commence à s'approcher du milieu industriel. On commence à
former dans nos écoles beaucoup de meilleurs administrateurs qu'on
formait autrefois et en plus grand nombre, à part ça.
Au point de vue de la recherche, pour répondre à votre
question, je ne vois pas en quoi ça pourrait changer quelque chose avec
le ministère de l'Éducation. Je pense que ça va assez bien
à l'heure actuelle, mais il faudrait peut-être éviter
certaines chapelles.
Lorsqu'on forme de nouveaux organismes comme l'École de
technologie supérieure, ce n'est pas parce que le mot "ingénieur"
ou le mot "ingénierie" n'est pas au bout, que c'est une qualité
inférieure. Ce n'est pas vrai. J'ai l'occasion de constater
continuellement la valeur des gradués qu'on a chez nous, la valeur des
jeunes hommes qu'on a chez nous et, de toute façon, à pourcentage
égal, je serais prêt à les mettre en compétition
contre n'importe quel jeune ingénieur sortant de n'importe quelle
faculté d'ingénierie.
Le Président (M. Paré): Vous avez terminé.
En conclusion, M. le ministre.
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais remercier le
directeur général de l'École de technologie
supérieure qui nous a apporté un point de vue peut-être un
peu différent. Je pense qu'il nous a parlé des choses auxquelles
il croit et qui doivent trouver place dans notre système scientifique et
technologique québécois. Il y a certainement place dans nos
universités pour la recherche fondamentale parce que le
développement technologique se prépare de longue main. Il faut
des recherches fondamentales, il faut des recherches plus appliquées et
il faut des activités de développement technologique très
liées au milieu industriel. Ce qu'on peut déplorer au
Québec, ce n'est pas tellement l'importance relative de l'une ou de
l'autre -là aussi il y a des choses sur lesquelles il faut s'interroger
- mais plutôt le cloisonnement entre ces diverses activités. Cela
c'est un peu inquiétant.
Ce qu'on a dans le projet de loi, ce n'est pas la possibilité de
directives, de dire à telle personne: Vous allez faire moins de
recherches fondamentales et plus de recherches appliquées, ou l'inverse.
C'est la possibilité de poser un regard critique, de préparer des
orientations, de favoriser le débat public, de faire en sorte que les
divers ministères concourent à ce décloisonnement
nécessaire des différents types de recherche au
Québec.
Encore une fois, merci de votre témoignage et de l'effort que
vous avez fait en aussi peu de temps pour nous présenter votre point de
vue. Merci.
Le Président (M. Paré): Mme la député
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: M. Dugré ainsi que vos collègues,
j'aimerais vous remercier pour votre contribution. Ce soir, vous avez
ajouté une dimension très particulière à notre
appréciation du projet de loi et des problèmes que nous essayons
de régler. Merci.
Le Président (M. Paré): Alors, on vous remercie
beaucoup.
J'invite maintenant le dernier groupe à venir présenter
son mémoire. Il s'agit du Conseil des universités du
Québec. Bonsoir, merci de votre patience, d'avoir pris le temps de venir
ici présenter votre mémoire. Je vous invite à vous
présenter et à nous présenter les personnes qui vous
accompagnent.
Conseil des universités du
Québec
M. L*Écuyer (Jacques): Mon nom est
Jacques L'Écuyer, président du Conseil des
universités du Québec. À ma droite, Mme Madeleine Perron,
secrétaire du conseil, et, à ma gauche, Mme Christiane Kuerido,
présidente de la commission de recherche et membre du conseil.
Les thèmes que nous aborderons ont déjà
été traités en partie. Le Conseil des universités
du Québec a été informé très tard du projet
de loi 19, Loi favorisant le développement scientifique et technologique
du Québec, et de la tenue d'une commission parlementaire à ce
sujet. Aussi n'avons-nous pas été en mesure de préparer
l'étude plus fouillée et plus complète que nous aurions
souhaitée. Néanmoins, les implications du projet de loi,
particulièrement en ce qui concerne les relations entre l'État et
les universités, nous ont paru si sérieuses et si fondamentales
qu'il nous a semblé important de faire part à cette commission de
certaines de nos inquiétudes.
L'économie des relations entre l'État et les
universités repose sur un équilibre très délicat
entre les pouvoirs des uns et des autres et leurs responsabilités
respectives. Dans la plupart des États américains et des
provinces canadiennes, par exemple, l'État évite autant que
possible d'intervenir directement dans les choses universitaires, confiant
plutôt ces responsabilités à des organismes
intermédiaires qui jouissent de pouvoirs plus ou moins étendus,
suivant le cas. La raison en est qu'ils estiment que l'autonomie des
universités, dans ce que cette notion a de plus fondamental, constitue
une condition essentielle à la réalisation de la mission
même de l'université. Et l'on pense ici à la liberté
de dispenser des enseignements appropriés, de poursuivre des recherches
dans les domaines les plus divers et de porter des jugements critiques sur
nos
comportements et sur nos institutions.
Ici même au Québec, l'État a suivi cette tradition
fidèlement et cela s'est reflété dans ses politiques et
dans ses discours. Ainsi, le gouvernement alloue aux universités des
subventions d'équilibre et non des budgets de fonctionnement qu'elles
auraient à défendre en fonction de leurs programmes
d'activité. De même, il s'est montré jusqu'à
maintenant respectueux de leurs choix, même s'il a imposé des
balises, et aucune des récentes interventions du ministère de
l'Éducation ne laissait présager de modifications à cette
attitude. Aussi, est-ce avec une inquiétude non dissimulée que
nous avons pris connaissance, il y a quelques jours à peine, du projet
de loi 19 qui, à plusieurs points de vue, nous paraît rompre
sérieusement avec cette politique. Du moins, c'est ce que la lecture des
premiers chapitres nous laisse croire.
L'article 1 du présent projet de loi définit les
organismes publics visés. Nous comprenons que les universités en
font partie puisque plus de la moitié de leurs dépenses de
fonctionnement proviennent de crédits apparaissant aux prévisions
budgétaires déposées à l'Assemblée
nationale. Par la suite, évidemment, un certain nombre de clauses de la
section II du chapitre II les visent directement.
D'une façon générale, nous n'avons guère
d'objection à l'article 7 du projet de loi qui définit les
fonctions du ministre de la Science et de la Technologie, sauf que nous
constatons l'absence d'une définition à tout le moins indicative
du domaine couvert par l'appellation science et technologie. Cette question
pourrait se révéler importante lorsqu'on examine les pouvoirs du
ministre et le rôle de la Fondation pour le développement de la
science et de la technologie.
Par contre, l'article 8, qui définit les pouvoirs du ministre,
nous paraît rempli d'ambiguïtés ou de
précédents très sérieux qui risquent de perturber
gravement les relations entre l'Etat et les universités. L'alinéa
6 permet au ministre de présenter au gouvernement ses recommandations
sur les budgets des organismes publics, sur leur plan de développement,
lorsqu'ils concernent le domaine de la science et de la technologie. Les
universités étant des organismes publics au sens de cette loi,
faut-il comprendre qu'elles devront dorénavant présenter leur
budget et leur plan de développement? Si oui, en vertu de quelle loi ou
de quel règlement? Il semble que rien, dans les lois actuelles, ne les
oblige à le faire. Et pour quoi faire, sinon pour les amener à
orienter leurs activités dans le sens des priorités du
développement scientifique et technologique? C'est là une
question d'autant plus importante que le ministre de l'Éducation ne
dispose pas, du moins explicitement, de pouvoirs aussi étendus. Il y a
là, on en conviendra, une première brèche importante dans
la tradition d'autonomie reconnue aux universités et un danger grave,
dans la mesure où les priorités gouvernementales ne sont ni
toujours très stables, ni toujours très bien établies, ni
même suffisamment englobantes, surtout si on entend le terme science et
technologie dans un sens un peu restrictif. Jusqu'à maintenant,
l'État avait toujours reconnu aux universités le soin de porter
elles-mêmes les jugements qui s'imposent et d'adapter leurs
activités aux besoins de la société. Rien n'indique
qu'elles se soient si mal acquittées de leurs fonctions qu'il faille
tout à coup les soumettre à des règles différentes.
Il y a là, en tout cas, une question à discuter en profondeur
qu'il serait tout à fait contre-indiqué d'examiner de
façon incidente et rapide.
Mais il y a plus grave encore, dans la mesure où cet
alinéa ouvre la porte à un examen du fonctionnement intime des
universités à partir d'un point de vue partiel qui n'a pas
à prendre en considération la mission complète de
l'organisme.
Actuellement, il revient au ministre de l'Éducation, de par sa
loi, de promouvoir l'éducation, d'assister la jeunesse dans la
préparation et l'orientation de son avenir et d'assurer le
développement des institutions d'enseignement. Le présent projet
de loi ouvre la porte à des examens d'une autre nature fondés,
cette fois, sur les activités universitaires pour le domaine de la
science et de la technologie. Le Conseil des universités est très
inquiet des répercussions de ce type d'examen, surtout qu'il touche des
questions aussi importantes que les budgets et les plans de
développement. Il craint fort que les secteurs d'activités
éloignés du domaine de la science et de la technologie ou des
priorités gouvernementales ne subissent des préjudices graves,
dont notre société entière pourrait souffrir.
Le conseil est tout à fait d'accord avec le gouvernement pour
qu'il indique ses priorités aux universités, qu'il les
sensibilise à ses attentes, qu'il utilise même, lorsque
nécessaire, des incitations particulières. La question n'est pas
de défendre l'autonomie universitaire dans son sens le plus strict ou le
plus éloigné; loin de là, mais le conseil estime que les
moyens évoqués à l'alinéa 6 de l'article 8 sont
mauvais et témoignent d'un certain manque de confiance, vis-à-vis
des organismes publics et de leurs dirigeants, que ceux-ci sont loin de
mériter.
L'alinéa 7 du même article est ambigu dans la mesure
où on ne sait pas très bien quel sens il faut attribuer à
l'expression "organismes publics qui en dépendent", mais je pense que
vous avez précisé cela et que, maintenant, vous pourrez en tenir
compte.
Enfin, l'alinéa 14 de l'article 8 nous paraît inutilement
explicite et ouvre la porte
à une avalanche de demandes lorsqu'il est dit que le ministre de
la Science et de la Technologie peut obtenir des organismes publics tout
renseignement disponible concernant leurs programmes, leurs projets et leurs
besoins en matière de recherche et de technologie. Soit dit en passant,
la plupart de ces choses existent déjà au ministère de
l'Éducation et on se demande pourquoi il faudrait conférer ce
nouveau type de pouvoir à un ministre différent. (21 heures)
On l'aura compris, l'article 8 de ce projet de loi affecte
profondément la dynamique des relations entre l'État et les
universités. Les articles 6 et 7 en particulier ouvrent la porte
à une attitude beaucoup plus directive et interventionniste du
gouvernement. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il s'agit là d'une
question de fond qui n'a pas fait l'objet de débats appropriés.
Il serait anormal et dangereux qu'elle soit abordée rapidement par le
biais d'un projet de loi qui n'affecte qu'indirectement le ministre de
l'Éducation, pourtant le principal responsable des relations entre le
gouvernement et les universités. C'est pourquoi le Conseil des
universités prie instamment le gouvernement d'exclure les
universités de la définition d'organismes publics proposée
à l'article 1 du projet de loi ou, à tout le moins, de les
exclure formellement des organismes visés par les alinéas 6, 7 et
14 de l'article 8, qui nous paraissent les alinéas clés, ceux qui
font les problèmes les plus sérieux.
Nous voudrions maintenant aborder brièvement le chapitre IV du
projet de loi et plus particulièrement vous faire part des
interrogations que suscite parmi nous la mécanique complexe
régissant le fonctionnement de la Fondation pour le développement
de la science et de la technologie et des fonds de soutien à la
recherche, et des rapports entre eux.
Les articles 50, 51 et 52 indiquent que la fondation peut solliciter et
recevoir des dons, legs et subventions et autres contributions, qu'elle est
soumise aux directives du ministre de la Science et de la Technologie, qui, en
outre, approuve, avec ou sans modification, le plan de répartition des
revenus de la fondation entre les trois fonds, y compris les conditions
relatives à l'utilisation par un fonds des sommes que la fondation lui
octroie. La fondation paraît donc avoir pour fonction principale
d'alimenter les fonds suivant des modes qui sont étroitement
surveillés et contrôlés par le ministre de la Science et de
la Technologie. Soit dit en passant, il y a une particularité dans la
chose de la fondation: la fondation n'a pas à déposer ses
règlements de régie interne, si j'ai bien compris, alors que les
fonds doivent le faire.
Les articles 83 et 84, par ailleurs, laissent entendre qu'un fonds peut
aussi recevoir des contributions financières d'autres sources
gouvernementales et qu'il est soumis aux directives du ministre responsable
auquel il doit soumettre son plan d'activité, sauf en ce qui concerne
les crédits provenant de la fondation. Ici, cependant, c'est le
gouvernement qui approuve le plan et le ministre de la Science et de la
Technologie doit être consulté.
Les fonds paraissent donc essentiellement des gestionnaires de
programmes d'aide à la recherche. Leur degré d'autonomie sera
restreint d'autant plus que rien ne paraît limiter l'objet des directives
que peuvent donner les ministres responsables à la différence des
directives données à la fondation qui doivent porter sur ses
objectifs et ses orientations. Il y a là un point à clarifier ou
à préciser. Ce point paraît d'autant plus important que
nous croyons que plusieurs des interrogations qui ont été
évoquées cet après-midi n'apparaîtraient pas si
l'objet de l'article 83 ou des directives était précisé.
Cela paraît très important en particulier pour garantir, à
tout le moins, l'autonomie du processus même de distribution des
subventions.
En choisissant un mode de fonctionnement aussi étroitement
surveillé, le gouvernement a certes été très
sensible à la nécessité de coordonner ses actions en
recherche, mais, ce faisant, il paraît avoir été plus
préoccupé des mécanismes à mettre au point, des
arbitrages à prévoir que de la réaction des chercheurs et
des institutions elles-mêmes. On est fort loin du modèle des
organismes subventionnaires fédéraux, qui, pourtant, jouissent du
respect des chercheurs sans pour autant négliger de déterminer
des priorités de recherche et de poser des actions directives.
Le bon fonctionnement du système de recherche unisersitaire
repose, en dernière analyse, sur des choix des institutions et des
chercheurs eux-mêmes. Pour influencer ces choix, le gouvernement se doit
de gagner la confiance des chercheurs par une très grande transparence
des processus, sans doute, mais aussi par la qualité et la
stabilité de ses orientations. En ce sens, la multiplication des
contrôles et des directives ne paraît guère rassurante,
puisque de telles directives, qui peuvent modifier significativement le
fonctionnement et même l'orientation des fonds, peuvent être
émises en tout temps. Un mode de fonctionnement basé sur des
examens annuels ou, mieux encore, pluriannuels serait certainement
préférable.
Le Conseil des universités s'interroge sur le rôle exact de
la fondation, particulièrement en ce qui concerne les sommes que
l'État pourrait mettre à sa disposition. L'article 50, en effet,
ne paraît pas exclure que la fondation puisse recevoir des subventions
gouvernementales. Faut-il
comprendre dès lors que le gouvernement pourrait confier à
la fondation la totalité ou presque des sommes qu'il destine aux fonds
-cette question a été, je pense, évoquée cet
après-midi. Si tel devait être le cas, les contrôles ou
directives des ministères sectoriels deviendraient inopérants,
les sommes d'argent transitant par la fondation étant soumises au seul
contrôle du ministre de la Science et de la Technologie. Il y a
là, en tout cas, une possibilité qui ne manque pas
d'inquiéter le conseil dans la mesure où les fonctions du
ministre de la Science et de la Technologie pourraient l'amener à
orienter l'essentiel du soutien financier gouvernemental à la recherche
en fonction des seules priorités du domaine de la science et de la
technologie. Le Conseil des universités a maintes fois rappelé le
lien très étroit qui doit exister entre enseignement et recherche
universitaire et les responsabilités particulières du ministre de
l'Éducation, dans le soutien à la recherche libre qui constitue
un élément important d'un enseignement de qualité. Aussi
ne peut-il rester indifférent à la perspective de voir le
ministère de la Science et de la Technologie exercer un contrôle
trop étroit sur des mécanismes d'aide à la recherche
universitaire.
En conclusion, le projet de loi 19 qui nous est proposé
soulève des problèmes très sérieux en ce qui
concerne les rapports entre l'État et les universités. De tels
problèmes méritent plus qu'un débat de quelques
heures.
Il y a d'abord la question de l'étendue des
responsabilités du ministre de la Science et de la Technologie,
particulièrement en matière de formation et de recherche.
Certains articles du projet de loi parlent du domaine de la science et de la
technologie, laissant entendre par là qu'il est limité, que
certaines activités en font partie à l'exclusion d'autres. Mais,
ces limites sont loin d'être claires, à tel point que d'autres
articles, particulièrement dans le chapitre IV qui traite des
fondations, des fonds, paraissent indiquer que les responsabilités du
ministre couvrent l'ensemble des activités de recherche. On comprend mal
en particulier en quoi les responsabilités du ministre de la Science et
de la Technologie à l'égard de la recherche universitaire ou
collégiale différeront de celles du ministre de
l'Éducation.
Cette question prend d'autant plus d'acuité que le rôle
même du ministre de la Science et de la Technologie est loin d'être
clair. À certains moments, il paraît devoir agir plutôt
comme coordonnateur. À d'autres, par contre, ses actions se font
plutôt interventionnistes. Il n'y a rien là d'extraordinaire, ou
d'imprévu, sauf lorsque ces interventions chevauchent les
responsabilités d'autres intervenants. Ce pourrait être le cas en
matière de recherche et de formation universitaire, par exemple, et le
conseil craint que ce projet de loi ne soumette les universités à
une double juridiction avec les conflits et les problèmes que cela
pourrait poser.
Enfin, le projet de loi soulève la question très
générale du rôle de l'université dans le
développement scientifique et technologique. Personne ne contestera le
rôle fondamental que peut et doit avoir l'université dans le
développement scientifique et technologique du pays. Mais sa mission est
plus large et englobe des aspects qu'il serait difficile de ranger dans le
domaine des sciences et de la technologie. Le développement artistique,
certaines formations professionnelles, les lettres sont autant d'exemples.
L'université a ses fins propres qui ne se confondent pas avec celles du
développement scientifique et technologique. Elle doit donc prendre part
aux efforts de développement scientifique et technologique de notre
société, mais il serait regrettable que sa mission leur soit
subordonnée.
Je terminerai en disant que nous appuyons, bien sûr, les objectifs
généraux de la loi et la nécessité de mieux
coordonner la recherche et les efforts gouvernementaux en matière de
science et de technologie. Le conseil ne veut pas mener un combat
d'arrière-garde sur l'autonomie des universités ou sur
l'autonomie des fonds, mais il y a des normes et des limites que ce projet ne
paraît pas respecter.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup pour la
présentation de votre mémoire. Nous allons maintenant passer
à des questions relativement à cette présentation. La
parole est à vous, M. le ministre.
M. Paquette: Merci, M. le Président. Je remercie M. le
président du Conseil des universités du Québec de son
mémoire très clair qui nous indique exactement là ou le
bât blesse. Je pense que cela se conjugue à deux autres
mémoires qui nous ont été présentés. Je
constate qu'il y a peut-être une dizaine d'articles qui font
problème ou qui posent certaines ambiguïtés qu'il s'agit de
clarifier sur la base, justement, des principes que vous avez
énoncés. Je suis d'accord que l'université a ses fins
propres qui ne se confondent pas avec celles du développement
scientifique et technologique. Par ailleurs, vous soulignez vous-même le
rôle fondamental que peut et doit jouer l'université dans le
développement scientifique et technologique du pays. Et voilà
pourquoi nous pensons que, plutôt que d'exclure les universités de
la définition d'organisme public et de faire comme si les
universités n'étaient pas cet intervenant primordial, il faut
parler des universités dans une loi de la science et de la
technologie.
Cela me paraît bien évident. Cependant, je pense que
plutôt que d'aller dans le sens d'exclure les universités de la
loi, justement à cause de leur importance dans la recherche scientifique
et le développement technologique, il faut tenter de baliser ce projet
de loi de façon que personne n'ait l'impression que les
responsabilités du ministre de la Science et de la Technologie viennent
en contradiction, par exemple, avec celles du ministre de l'Éducation ou
en contradiction avec des principes importants comme ceux de l'autonomie
universitaire.
À ce sujet, je vais commencer en vous posant une question
relativement à ce qui se trouve au centre de la page 6 de votre
mémoire. Vous dites que le gouvernement paraît avoir
été plus préoccupé des mécanismes à
mettre au point et des arbitrages à prévoir que de la
réaction des chercheurs et des institutions elles-mêmes. Je pense
que vous avez raison. Cela explique pourquoi certains articles peuvent vous
paraître inutilement précis dans le projet de loi, dans des
modalités de fonctionnement.
Nous sommes partis de la constatation suivante: Quand il n'y a rien dans
les lois quant aux responsabilités relatives des divers
ministères dans un domaine complexe comme celui-ci, les interrelations
et les interventions se font de toute façon. Peut-être vaut-il
mieux clarifier que laisser chaque année les ministères ou les
organismes impliqués penser qu'ils ont tel rôle et l'année
suivante qu'ils ont tel autre rôle. Je pense que face aux intervenants,
particulièrement dans le milieu universitaire, vous avez raison de
souligner qu'il y a un besoin de stabilité et de clarté face au
gouvernement, dans leurs relations avec le gouvernement.
Vous dites que le gouvernement se doit de gagner la confiance des
chercheurs par une très grande transparence des processus. C'est
précisément notre objectif. C'est pourquoi nous nous sommes dit:
Appelons cela des directives ou autrement, comme vous le dites, le gouvernement
a non seulement le droit, mais le devoir de faire connaître les
orientations - les gens l'ont élu pour cela, faire connaître ses
orientations -particulièrement lorsqu'il s'agit de distribuer des fonds
publics et de les orienter vers les équipes de recherches.
Est-ce que cela doit se faire comme maintenant ou ne vaut-il pas mieux
dire que, justement, par un souci de transparence, ses directives ou, si on
veut, ses orientations ou ses priorités, doivent être soumises
à un processus clair, déposé à l'Assemblée
nationale de façon justement à éviter que les intervenants
gouvernementaux ne puissent, à l'abri des regards du public, dans les
relations qui existent normalement à l'intérieur de l'appareil
gouvernemental, aller parfois trop loin? C'est un moyen de contrôle
important que le dépôt des directives à l'Assemblée
nationale. Dans le fond, c'est cela l'option que nous avons. Nous pouvons en
dire beaucoup moins dans le projet de loi. Cela va se faire de façon
peut-être anarchique à certains moments. Nous pouvons cependant
prendre l'autre option et dire: Nous allons tenter - sans alourdir inutilement
le processus, c'est un autre objectif important - d'assurer justement une
transparence, une visibilité. Lorsque le gouvernement pose des gestes,
il me semble que cela doit se savoir et que cela doit être
déposé et débattu à l'Assemblée nationale
autant pour la fondation, les fonds que pour les autres organismes. Comment
vous situez-vous dans cette possibilité, en quelque sorte?
M. L'Écuyer: La question qui est soulevée à
la page 6 est effectivement celle des nombreuses péripéties ou,
si vous voulez, des nombreux détours auxquels sont soumis les
directives, les plans, les approbations par le ministre; parfois, c'est en
consultation, finalement c'est par le gouvernement, ensuite c'est
déposé. Tout cela est évidemment très beau. Soit
dit en passant, il n'est pas question de contester la transparence du
processus; je m'aperçois qu'il y a une virgule de trop après
"processus", qui change peut-être un peu le sens. Nous sommes tout
à fait sensibles au fait que cette façon de procéder
permet de donner une plus grande transparence au processus.
Ce que nous disons par ailleurs, c'est un peu la réflexion qui
était celle du Fonds FCAC cet après-midi, c'est que tous ces
processus visent à rassurer les ministères concernés, le
gouvernement, enfin, tout le monde à l'intérieur. Par contre, ils
entraînent une certaine lourdeur de l'appareil administratif qui se
traduit très souvent -ayant administré certains de ces fonds ou
de ces programmes au Conseil des universités pendant des années -
par des délais qui, évidemment, indisposent très
sérieusement les chercheurs qui ne savent plus exactement ce qui se
passe et ce qui ne se passe pas. C'est le premier point. (21 h 15)
La question du dépôt des directives comme telle. Nous
n'avons pas sur ce plan-là d'opinion très négative. Ce que
vous dites, je pense, est très juste, il y a des directives qui vont se
donner en tout temps. Le problème, c'est que le fait de déposer
les directives, cela ne veut pas dire qu'il ne s'en donnera pas non plus
autrement. Il n'y a rien dans les lois qui va garantir qu'il n'y aura pas des
interventions du type de celles qu'on a mentionnées, du Conseil du
trésor ou autrement, qui peuvent, évidemment, constituer des
directives déguisées. Cela existe toujours. Ce qui nous
paraissait important en ce qui nous concerne au conseil, c'est que le
gouvernement fasse
connaître ses orientations, cela est très clair, mais qu'il
le fasse dans des occasions très précises. Cela peut être
une discussion d'un plan triennal ou quelque chose comme cela. Là,
à ce moment, il y a dépôt d'un plan, il y a une discussion
qui est publique même et il y a une approbation éventuellement;
cela constitue, dans une certaine mesure, un engagement du gouvernement, je
pense, à respecter ce plan. Qu'il y ait des directives, à ce
moment, qu'il y ait le dépôt d'un plan triennal, cela me
paraît, personnellement, tout à fait raisonnable.
La question ne se pose pas, me semble-t-il, dans ces termes. Ce qui est
un peu inquiétant dans la loi, c'est qu'on ne sait pas quand seront les
directives, on ne sait pas sur quoi vont porter les directives. Elles peuvent
intervenir à n'importe quel temps. Elles peuvent concerner à peu
près n'importe quoi et, à la rigueur, on peut imaginer les
directives de toute espèce. Cela nous paraissait nettement
exagéré.
M. Paquette: Simple petite remarque: Vous ajoutez qu'en plus des
directives qui seraient prévues dans la loi, on pourrait en donner
d'autres aux fonds. Effectivement, mais si c'est prévu dans la loi, un
fonds serait autorisé à dire: Donnez-les-moi officiellement sous
forme de directive et vous aurez à les déposer à
l'Assemblée nationale, s'il lui semble que les directives se font
tatillonnes et commencent à entrer dans la liberté dont doivent
jouir les fonds, quant à l'attribution des sommes qui leur sont
confiées. Il y a aussi cet élément qui peut être
positif. C'est une question qu'il faut approfondir très
certainement.
J'en arrive à l'autre remarque. Vous avez mentionné que
contrairement aux fonds, dans le cas de la fondation, on n'avait pas les
mêmes dispositions face au dépôt des directives. Au
contraire, c'est prévu dans le projet de loi. Les règlements de
régie interne aussi à l'article 51 doivent également
être approuvés par le gouvernement, tout comme les
règlements de régie interne des fondations. On a essayé
d'avoir une approche tout à fait symétrique. D'ailleurs, dans un
autre article, quand la fondation veut distribuer ses sommes entre les fonds,
elle doit requérir l'accord du ministre responsable du fonds de
façon que les sommes qui pourraient être trop importantes - je ne
pense pas que ce sera un problème au début... mais qu'on ne
puisse pas avoir des exigences face aux fonds qui viendraient bouleverser les
priorités.
M. L'Écuyer: Ce à quoi je faisais
référence, c'était à l'article 57 qui ne
prévoit pas de dépôt des règles de régie
interne.
M. Paquette: Ah bon! C'est prévu à l'article 51.
Enfin. Dernière question. J'en arrive aux pouvoirs du ministre qui vous
semblent entrer en contradiction avec l'autonomie universitaire. J'aimerais
qu'on en parle brièvement parce qu'on l'a déjà fait avec
d'autres intervenants. Vous mentionnez plus particulièrement à
l'article 8 les alinéas 6, 7 et 14. Je pense qu'on peut exclure
l'alinéa 7 parce que vous êtes d'accord avec nous sur l'intention
de l'article. Il s'agit de s'assurer qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté.
M. L'Écuyer: D'accord.
M. Paquette: II s'adresse uniquement aux ministères et
organismes qui en dépendent, plus précisément, qui sont
sous tutelle d'un ministre, dans le cadre d'une loi. On pense aux
sociétés d'État et à un certain nombre
d'organismes. Restent donc les alinéas 6 et 14, en particulier. À
l'alinéa 6, on parle de présenter au gouvernement ses
recommandations sur les budgets des organismes publics, leur plan de
développement, de même que les directives qui leur sont
adressées. Je pense que, dans le cas des universités, la question
des directives ne s'applique pas puisqu'il n'y a pas de directive qui leur est
adressée, ni par le ministre de l'Éducation ni par aucun autre
ministre. Le projet de loi ne change pas cet état de fait non plus.
Restent donc les budgets et les plans de développement.
Vous nous posez un certain nombre de questions, au bas de la page 2 et
en haut de la page 3. Vous dites: Faut-il comprendre qu'elles devront
dorénavant présenter leur budget et leur plan de
développement? Je lis l'alinéa: "...présenter au
gouvernement ses recommandations..." Cela ne veut pas dire, à mon avis,
que le ministre peut exiger des universités les budgets et les plans de
développement. Cela signifie que, lorsqu'il est question, par exemple,
des budgets des universités, le ministre de la Science et de la
Technologie est intéressé. Il n'est" pas intéressé
par contre à voir les budgets des universités
décroître parce que 25% de ces budgets, considère-t-on
généralement, servent à la part des salaires et des autres
dépenses que le corps professoral accorde généralement
à la recherche.
Cet article est conçu dans une perspective d'ensemble. On a 660
000 000 $ de dépenses scientifiques et technologiques au gouvernement du
Québec. Il y en a à peu près 200 000 000 $ qui transigent
par le biais des frais généraux des universités, la part
des salaires des chercheurs dont je viens de parler. Il y a une autre partie
qui est formée des dépenses internes des ministères, cela
nous intéresse plus particulièrement, parce qu'on pense que les
dépenses des ministères - en regardant les chiffres, qu'on
compile chaque année d'ailleurs - sont
insuffisantes en termes de contrats de recherche donnés aux
équipes universitaires. Je pense que c'est une pratique qui devrait
s'installer de plus en plus pour assurer les liens. Et, également - il y
avait environ 200 000 000 $ de ce côté - il y a un autre montant
de 200 000 000 $ dans les sociétés d'État, les organismes
publics, dont les fonds subventionnables, dont le Centre de recherche
industrielle du Québec.
Je pense que le rôle d'un ministre de la Science et de la
Technologie n'est pas d'entrer dans le détail des budgets des divers
organismes, mais d'avoir le moyen, dans une politique d'ensemble qui doit
être établie et qui devra faire l'objet d'un débat public -
on n'en est pas encore là - lorsque ces sujets viennent à la
table du Conseil des ministres, à l'occasion de sujets particuliers, de
dire: Voici, nous avons une politique scientifique et technologique. Nous
voulons privilégier certaines orientations des fonds publics et je vous
présente - je présente au Conseil des ministres - mes
recommandations.
Je ne sais pas si vous avez une idée de la façon dont on
pourrait modifier cet alinéa. C'est peut-être trop tôt pour
vous le demander. Si cet alinéa donne l'impression qu'on veut exiger des
universités qu'elles nous présentent leurs budgets et leurs plans
de développement, ce n'est pas du tout notre intention. Je ne sais pas
quels sont les mots qui, dans l'alinéa, vous font penser que cela
pourrait être fait.
M. L'Écuyer: J'avais bien compris - et c'est pour cela que
je posais la question comme cela - qu'il n'y a pas de règlement, qu'il
n'y a pas de loi à l'heure actuelle qui oblige les universités
à présenter leurs budgets et leurs plans de développement,
mais il pourrait y en avoir. Le ministre de l'Éducation, par exemple,
pourrait demander aux universités de présenter leurs plans de
développement. Il y en a dans une certaine mesure, quand on regarde, par
exemple, les plans de développement quinquennaux sur les
investissements. Il faut être extrêmement prudent dans la
rédaction de cette loi parce que, dès que ces plans sont
demandés, on peut présumer - ce n'est peut-être pas votre
intention" - que quelqu'un pourrait, un ministre, un futur ministre de la
Science et de la Technologie, les requérir, faire ce genre
d'intervention qui nous paraîtrait, comme je le disais, assez dangereuse.
Si vraiment ce qui intéresse le ministre, c'est de discuter du budget
des universités dans le cadre des budgets généraux du
ministère de l'Éducation, peut-être qu'il y a moyen de
rédiger cela de cette façon, mais, en tout cas, il faudrait
être assez prudent.
D'autre part, c'est une question qui est très délicate.
Même au niveau des relations entre le ministère de
l'Éducation, le Conseil des universités et les universités
elles- mêmes, il y a certains types de renseignements que les
universités sont certainement disposées à nous
transmettre, mais je pense qu'elles seraient - on a vu la réaction
d'ailleurs ce matin - extrêmement réticentes à le faire si
elles savaient que ces choses-là vont servir dans ce
cadre-là.
M. Paquette: C'est peut-être la conjonction de
l'alinéa 6 et de l'alinéa 14 qui vous a donné cette
impression.
M. L'Écuyer: Certainement, oui.
M. Paquette: D'accord. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Paré): Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Je vous remercie de votre mémoire. J'ai
deux questions à vous poser. D'abord, vous avez suggéré
que le gouvernement devrait exclure les universités de la
définition des organismes publics. Il y a d'autres groupes qui ont,
aujourd'hui, suggéré un statut particulier pour les
universités dans cette loi. Avez-vous une suggestion précise
à nous faire, à savoir comment on pourrait améliorer cette
loi pour qu'elle reflète clairement...? Je constate qu'il y a, dans nos
discussions aujourd'hui, une carence entre la bonne foi, les
déclarations du ministre, ses intentions et ce qu'il y a de concret dans
les termes de la loi. C'est pratiquement ce qui n'est pas ici qui constitue le
problème.
Avez-vous des suggestions précises? Si l'on exclut
carrément les universités, est-ce qu'on va aussi exclure les
fonds qui sont liés par le pouvoir de subventions aux
universités? Suggérez-vous qu'on exclue tout ce qui touche les
universités, directement ou indirectement? Avez-vous une solution ou un
compromis à suggérer?
M. L'Écuyer: Écoutez, sur la question de
l'exclusion, l'attitude que nous avons l'habitude de prendre au conseil, c'est
de bien considérer que les universités sont des organismes
publics à bien des points de vue. Elles répondent à des
obligations publiques et elles ont des comptes à rendre à la
société en général. Si nous avons parlé
d'exclure les universités, c'est vraiment parce qu'il y a des
problèmes très particuliers soulevés par le projet de loi
et dû au fait que ces problèmes nous paraissaient de nature
suffisamment fondamentale pour susciter un débat d'importance. Donc,
l'une des possibilités dans notre esprit est que cette exclusion soit
faite jusqu'à ce qu'un débat plus approfondi ait lieu pour
clarifier cette question.
Je comprends qu'on n'aime pas être obligé de retravailler
à un projet de loi
quelque temps plus tard et peut-être que la solution qui serait la
plus adéquate - celle que nous suggérerions - serait celle qui
est indiquée dans notre texte, c'est-à-dire d'exclure
nommément les universités de l'article 8, alinéas 6, 7 et
14. Il me semble que, si l'on enlevait cela, on toucherait probablement
à l'essentiel des problèmes.
Les autres alinéas sont beaucoup plus vagues. Ils prêtent
beaucoup moins, à mon avis, à des interprétations
malheureuses que ceux-là. Ceux-là nous paraissent de loin les
plus précis.
À l'alinéa 6, on vient d'en discuter. À
l'alinéa 7, je pense que le ministre est disposé à le
faire. L'alinéa là...
Les autres, cela dépend peut-être des
interprétations qu'on fait mais, quant à nous, plusieurs des
alinéas qui figurent là ne nous paraissent pas aussi litigieux
que les autres.
Mme Dougherty: L'alinéa 11 ne vous inquiète pas?
(21 h 30)
M. L'Écuyer: L'alinéa 11 pourrait évidemment
être litigieux mais cela dépend beaucoup de
l'interprétation qu'on en fait. Je dois vous dire que sur ce point - je
ne suis pas moi-même juriste - certaines des personnes que nous avons
consultées semblent indiquer que veiller... Pour autant qu'on n'a pas de
pouvoirs particuliers reliés à l'état de veille qu'on
applique, c'est moins dangereux.
Évidemment, il y a un danger là dans la mesure où
il faut toujours faire attention à ce que politiques et pratiques de
formation et de perfectionnement... Ce qui est embêtant, lorsque cette
responsabilité est confiée à un ministre de la Science et
de la Technologie, c'est qu'il y a toujours le danger qu'on ne veille qu'aux
aspects qui sont prioritaires ou à ceux qui font problème, et que
cela se fasse au détriment d'autres. On pense que, de toute
façon, cela reste important que le ministre de la Science et de la
Technologie ait une certaine responsabilité là-dedans - par
exemple, en ce qui a trait à la main-d'oeuvre scientifique et
technologique - mais la chose normale à faire, c'est que, lorsqu'il y a
des directives ou des programmes à mettre sur pied, il le fasse par le
biais du ministre de l'Éducation, tout comme lorsqu'il y aura des
questions relatives à l'immigration, que cela se fasse par le biais du
ministre de l'Immigration.
On dit qu'il fera des recommandations -d'ailleurs, je pense que c'est le
sens - aux ministres concernés. C'est pour cela que, dans un sens, cela
ne nous paraissait pas un alinéa aussi litigieux. Il ne s'agit pas
d'aller faire des recommandations directement aux universités. On peut
présumer que le ministre de l'Éducation, qui a une mission plus
large par rapport aux universités que le ministre de la Science et de la
Technologie, recevra ces recommandations et les intégrera dans un
schéma plus général. C'est la raison pour laquelle cela
nous paraissait un alinéa moins litigieux que les
précédents.
Mme Dougherty: Merci. J'aurais une autre question qui concerne
votre rôle comme Conseil des universités par rapport au Conseil de
la science et de la technologie, actuellement le Conseil de la politique
scientifique. Je ne sais pas si vous voyez certains chevauchements, à
l'heure actuelle, entre votre rôle et le rôle d'autres conseils.
Mais j'aimerais vous demander si, à l'avenir, si ce projet de loi
était adopté, vous voyez un problème ou une nouvelle
définition de votre rôle par rapport à l'autre conseil.
Est-ce que cela présente un problème? Est-ce qu'il y aura des
conflits de mandats ou des chevauchements de mandats qui vous donneraient des
problèmes?
M. L'Écuyer: Cela pourrait certainement se produire.
Donner des problèmes, c'est une chose, mais il peut y avoir des
chevauchements de mandats. Jusqu'à maintenant, le président du
Conseil des universités était un membre associé au Conseil
de la politique scientifique. Avec le nouveau conseil, cette catégorie
de membre disparaît. Il me paraît souhaitable qu'il y ait certains
types d'échanges et de relations de façon à éviter
ce genre de chose.
Il est clair que certains des articles du projet de loi qui
définissent les fonctions et les pouvoirs du conseil peuvent très
bien être interprétés sur une base assez large. Ce sont des
articles, d'ailleurs, assez larges: "...donner au ministre des avis ou lui
faire des recommandations sur toute question relative au développement
scientifique et technologique...", cela peut vouloir dire des problèmes
de formation de main-d'oeuvre, de recyclage, de programme. Il peut y avoir des
choses comme cela. Évidemment, c'est une possibilité. Je pense
que l'idéal est d'avoir un type de relation qui permette d'éviter
le genre de chevauchement que vous suggérez. Mais, dans la mesure
où la loi du conseil est définie de façon assez large, il
est clair que cela peut se produire.
Mme Dougherty: Merci, je crois que mon collègue...
Le Président (M. Paré): Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui, j'aurais une question pour compléter la
discussion qui a eu lieu avec vous. À partir de la page 5 de votre
mémoire, vous faites part de vos interrogations concernant la Fondation
pour le développement de la science et de la technologie. Je pense que
les inquiétudes que vous exprimez dans les passages qui suivent ont
déjà été exprimées plus tôt dans
la
journée et que cela ne donnera pas grand-chose d'y revenir
maintenant. Mais je vous poserais la question brutalement: Est-ce que cette
fondation vous apparaît comme un rouage essentiel? Est-ce que vous lui
voyez un rôle assez important pour qu'on en fasse l'objet d'une
création?
M. L'Écuyer: Je dirais que j'ai certainement des
réserves là-dessus. Je pense que l'interrogation principale qui
nous inquiète apparaît dans l'espèce de vase communicant
qui existe entre la fondation et les fonds. Évidemment, on dit, à
l'heure actuelle, que ce sera une espèce de Centraide. J'ai une
confiance très modeste que la fondation deviendra un Centraide dans la
mesure où je ne crois pas - je pense que le ministre l'a dit ce matin -
qu'on aille chercher là des fonds substantiels. Mais elle pourrait
s'enrichir de fonds en provenance du milieu gouvernemental et cela pourrait se
faire aux dépens des autres fonds. On sait que lorsque, par exemple, on
a parlé des fonds fiscaux provenant de la fiscalité, le fait
demeure, et cela, c'est une inquiétude -en ce qui me concerne, moi, en
tout cas -que ces fonds-là peuvent devenir, à un moment
donné, assez importants. Et je m'imaginerais assez facilement que les
ministres sectoriels pourraient avoir de fortes difficultés à
défendre, auprès du Conseil du trésor, par exemple, le
besoin d'ajouter des sommes supplémentaires directement au fonds. Donc,
dans une certaine mesure, à ce moment-là, il pourrait se produire
tout naturellement, et pas nécessairement parce qu'il y a de mauvaises
intentions, cette espèce de transferts des choses. Moi, je trouverais
cela un peu regrettable, parce qu'il me semble que les problèmes
fondamentaux qui se posent et qui se reposent encore à ce
moment-là, c'est que le ministre de la Science et de la Technologie n'a
pas, vis-à-vis de la recherche universitaire, tout comme
vis-à-vis du reste du fonctionnement à l'université, les
mêmes responsabilités que le ministre de l'Éducation. Je
comprends très bien que le ministre de la Science et de la Technologie
soit pressé d'orienter ses subventions par des problèmes de
développement scientifique et technique du Québec. Le ministre de
l'Éducation, dans notre esprit, a une responsabilité plus large
de soutien à la recherche dans les domaines les plus divers du
fonctionnement des universités, parce que la recherche universitaire est
un élément essentiel du bon fonctionnement de
l'université.
M. Raquette: Si vous me permettez... M. Ryan: Oui.
M. Paquette: ...juste une dernière question
là-dessus: Est-ce qu'on devra en conclure - et je ne vous demande
même pas de répondre à cette question - que,
puisqu'à Ottawa le CRSNG relève du ministre d'État
à la Science et à la Technologie, vous souhaiteriez que ces fonds
passent dans le budget du ministre de l'Éducation du Québec?
Le Président (M. Paré): M. le député
d'Argenteuil, vous aviez une autre question?
M. Ryan: Je voulais demander à M. L'Écuyer... Nous
avons entendu des choses cet après-midi au sujet du fonctionnement des
fonds de recherche, d'aide à la recherche existante, en particulier au
sujet du Fonds FCAC. D'après ce qu'on nous a dit - on a entendu quelques
réserves ce soir, mais qui étaient de caractère
plutôt limité - c'est ce fonds-là qui est le plus
important. L'autre également, le fonds d'aide à la recherche dans
les matières reliées à la santé, fonctionnerait
très bien, serait doté d'un statut qui est convenable. Est-ce que
vous souscrivez à cette opinion générale qui a
été exprimée aujourd'hui, M. L'Ecuyer?
M. L'Écuyer: Je pense qu'on peut assez facilement
souscrire à cette opinion. Peut-être que Mme Kuerido, qui est
présidente de la commission de la recherche et qui suit de plus
près les activités, pourrait répondre à cette
question-là.
Mme Kuerido (Christiane): Oui. Je pense qu'on a...
M. Ryan: Excusez-moi. Je voudrais ajouter un complément
à la question. Est-ce que vous voyez des améliorations en
matière d'agencement, entre tous ces organismes qui existent, qui
seraient désirables?
Mme Kuerido: Oui. Peut-être pour citer un exemple: Hier, je
tenais un atelier sur le biomédical où il y avait justement des
chercheurs en biomédical qui ont été amenés
à juger de la complémentarité et du bon fonctionnement des
organismes du fonds de la santé. Le milieu scientifique
biomédical semble très satisfait du mode de fonctionnement et, je
dirais, du caractère de complémentarité que joue cet
organisme avec les autres organismes et grandes fondations. Dans le secteur
biomédical, il n'y a pas simplement les organismes
fédéraux, mais aussi toutes ces grandes fondations sur la
recherche. Cela fait un système complémentaire.
Pour le Fonds FCAC, je pense qu'on a eu beaucoup de témoignages.
Il y a aussi, je pense, du côté de la communauté
scientifique québécoise un degré de satisfaction assez
grand sur le mode de fonctionnement de cet organisme. Cet organisme a une
mission beaucoup plus large que celle du fonds de la
santé. Il y a là, en termes de
complémentarité et d'ajustement, des problèmes plus
particuliers, mais je crois que l'organisme travaille - comme on l'a dit -s'est
grandement amélioré au cours des ans et est beaucoup plus
sensible, avec ses capacités d'analyse de la situation, à jouer
ce rôle un peu plus complémentaire.
M. Ryan: Je voudrais souligner, en terminant, M. le
Président, que j'ai beaucoup apprécié le mémoire du
Conseil des universités du Québec de même que certains
travaux que vous avez faits récemment, en particulier le rapport sur le
financement extérieur, le financement même des sources externes de
la recherche dans les universités. Je pense que c'est un travail
très valable qui nous a apporté des éléments
d'orientation fort importants. Ce document-ci est bref, concis, sobre, mais en
même temps très ferme sur certains points de fond.
Le Président (M. Paré): Merci. Je vous inviterais
à conclure, M. le ministre.
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais remercier les
représentants du Conseil des universités du Québec pour
leur mémoire qui identifie très bien les problèmes qui ont
été soulevés par la communauté universitaire face
à ce projet de loi. Je pense que ce mémoire en particulier nous
aidera à bonifier le projet de loi.
En guise de conclusion à cette commission parlementaire, je dois
vous dire que je retiens de nos travaux de la journée un accord, je
pense, sur les principes généraux de ce projet de loi et en
même temps certains désaccords sur certaines des modalités
du projet de loi. Par conséquent, il est toujours difficile de
prévoir si un projet de loi va faire consensus ou non, mais je pense
que, dans ses grandes orientations, ce projet de loi peut faire consensus.
Certaines modalités devront être réexaminées. Nous
allons le faire avec célérité. Si jamais les membres du
conseil avaient des suggestions additionnelles à nous faire parvenir
dans les jours qui viennent, nous sommes toujours à leur disposition de
même qu'à celle des autres intervenants qui se sont
présentés à cette commission.
Le Président (M. Paré): Merci. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: J'aimerais aussi vous remercier de vos
commentaires surtout parce que je crois que nous avons entendu ici... C'est
évident qu'il y a consensus quant à l'objectif, mais les craintes
et les réserves que vous avez exprimées sont largement
partagées et représentent des craintes bien fondées. Il y
a des changements substantiels qui s'imposent pour que l'objectif que tout le
monde partage soit réalisé d'une façon positive et
productive. (21 h 45)
En terminant, M. le Président, j'ai quelques commentaires
à faire. D'abord, nous sommes très heureux d'avoir eu l'occasion
d'entendre les mémoires que nous avons entendus aujourd'hui. Je regrette
profondément l'absence de quelques représentants, par exemple,
l'École polytechnique qui aurait, je crois, une opinion importante
à exprimer sur ce projet de loi. Aussi, le secteur hospitalier
n'était pas représenté précisément. J'ai
l'impression qu'il est dans le même bateau que les universités par
rapport à ce projet et peut-être qu'on pourrait solliciter le
point de vue de quelques hôpitaux. Je crois que leur point de vue est
très important. Possiblement, comme ils sont dans un domaine un peu
différent, comme leurs recherches sont un mélange de recherche
pure et clinique, qu'ils auraient une autre dimension à ajouter au
débat.
J'ai aussi noté avec plaisir la présence du
président du Conseil de la politique scientifique. Je crois qu'il a
passé toute la journée comme observateur. Je suis sûre
qu'il a des choses à dire. J'aimerais suggérer que vous lui
demandiez un conseil.
M. Paquette: M. le Président, c'est déjà
fait.
Mme Dougherty: Non, mais je crois que, peut-être, il a des
conclusions à tirer de ces travaux. C'est évident que l'opinion
du président du Conseil de la politique scientifique est très
importante. C'est une contribution privilégiée et on doit
l'inviter pour ajouter des conseils privilégiés à ce
débat.
En terminant, M. le Président, j'aimerais dire que nous avons
compilé ici quelques principes qui nous semblent très importants.
Je vais les lire. Compte tenu des objectifs d'excellence de la recherche, ce
qui implique liberté de la recherche - ce n'est pas très
littéraire car cela a été fait un peu à la
dernière minute - compte tenu des remarques que nous avons entendues
aujourd'hui, il nous semble que ce projet de loi présente des faiblesses
majeures et a besoin d'améliorations substantielles. En particulier,
nous tenons à préciser au ministre que le projet de loi devrait
être amélioré dans le sens suivant. Nous avons huit
principes:
Premièrement, le pouvoir de directives du ministre devrait
être précisé. En particulier celui-ci devrait respecter les
attributions des différents ministres responsables. De notre point de
vue, le ministre de la Science et de la Technologie doit jouer un rôle de
leadership majeur dans le développement de la recherche et non pas un
rôle de contrôle ou de gestion de la
recherche.
Deuxièmement, il nous apparaît que les grandes
subventionnables - nous parlerons du Fonds FCAC et du FRSQ - fonctionnent bien
actuellement et qu'il y a lieu de préserver leur autonomie. On pourrait,
à titre d'exemple, s'inspirer du fonctionnement des fonds
fédéraux.
Troisièmement, la structure de la fondation nous apparaît
lourde. On se pose des questions sur sa pertinence. Il y aurait lieu
d'alléger toute la structure et, en particulier, si une telle fondation
existe, elle ne devrait pas avoir le pouvoir de solliciter les fonds du
public.
Quatrièmement, l'agencement des fonds entre les ministères
responsables, la fondation et les fonds doit être
précisé.
Cinquièmement, il faudrait préciser une place
spécifique pour les universités et les hôpitaux dans le
projet, place qui garantirait l'autonomie de celles-ci.
Sixièmement, il faut assurer une représentation
spécifique des chercheurs universitaires au Conseil de la science et de
la technologie.
Septièmement, il faut préciser les champs
d'activité, l'agencement qu'il y a avec la SDI et le CIIM, par
exemple.
Huitièmement, il faut préciser le sens des mots "science
et technologie". Nous aimerions y voir le sens le plus large possible. Entre
parenthèses, nous avons noté, dans un des avant-projets que nous
avons eus, qu'il y avait des définitions de la science et de la
technologie. J'aimerais qu'on essaie de préciser, parce que cela
pourrait être une source de conflits, une source d'incertitude dans le
projet.
Nous soumettons ces points au ministre pour l'aider à
améliorer le projet de loi avant la seconde lecture, de façon
à accélérer le processus d'adoption de ce projet de loi
important pour sauvegarder l'excellence, gage de développement du
Québec. Merci, M. le Président.
M. Paquette: Simplement deux mots pour conclure. Je remercie ma
collègue de l'Opposition, Mme la députée de
Jacques-Cartier, d'avoir fait l'effort d'identifier en peu de temps les points
que nous avions nous-mêmes notés, que nous allons examiner
attentivement toute cette fin de semaine. Les fonctionnaires qui m'entourent
sont conscrits pour examiner tous ces éléments. Vous allez
comprendre que je ne peux, bien sûr, me prononcer sur ces divers points.
Il faudra consulter, notamment, le comité de législation, mes
collègues du Conseil des ministres, puisqu'il s'agit d'une loi
organique. Ce n'est pas une loi qui concerne uniquement le ministre de la
Science et de la Technologie. D'autres collègues sont impliqués,
ont des responsabilités importantes dans ce projet de loi.
J'aimerais simplement remercier les membres de la commission du climat
extrêmement positif dans lequel cette commission s'est
déroulée, un peu comme je le souhaitais, à l'abri des
débats partisans. Je pense qu'on est dans des partis politiques
différents et qu'on a parfois des vues différentes sur la
société qui s'expriment à travers des projets de loi
précis comme celui-là. Tout au long de cette commission, cela
s'est fait à l'abri des batailles partisanes qui, trop souvent, existent
dans nos débats, qui sont presque inévitables. Je pense que le
sujet l'exigeait, l'importance du développement scientifique et
technologique pour l'avenir du Québec l'exigeait. Je remercie tous les
membres de cette commission, et vous particulièrement, M. le
Président, pour le climat très positif dans lequel les travaux se
sont déroulés.
M. Ryan: M. le Président, juste un mot pour terminer sur
une note un peu plus légère. C'est vrai qu'il n'y a pas eu
beaucoup de partisanerie aujourd'hui. J'ai remarqué que le ministre
était le seul député du côté gouvernemental
qui ait parlé.
Le Président (M. Paré): À mon tour, en
terminant, j'aimerais remercier les membres du Conseil des universités
du Québec de leur patience, d'avoir accepté de demeurer
jusqu'à 22 heures pour répondre à nos questions.
J'inviterais le rapporteur à faire rapport à
l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais. La commission
ayant rempli le mandat qui lui était confié, les travaux de la
commission sont ajournés sine die.
(Fin de la séance à 21 h 55)