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Examen d'une possibilité de position
commune de l'Assemblée nationale du
Québec dans le cadre des
négociations
constitutionnelles en cours
(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
Puis-je demander aux membres de la commission de prendre place autour de
la table, s'il vous plaît? A l'ordre, s'il vous plaît!
Les membres de la commission pour la présente séance, qui
se terminera à 13 heures, sont: M. Charron (Saint-Jacques) en
remplacement de M. Bertrand (Vanier); M. Charbonneau (Verchères); M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes) en remplacement de M. Dussault
(Châteauguay); M. Bédard (Chicoutimi) en remplacement de M.
Laberge (Jeanne-Mance); M. Le Moignan (Gaspé), M. Levesque
(Bonaventure), M. Morin (Louis-Hébert), M. Paquette (Rosemont), M. Ryan
(Argenteuil) et M. Samson (Rouyn-Noranda). (10 h 15)
Les intervenants: M. Brochu (Richmond); M. Parizeau (L'Assomption) en
remplacement de M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes); M. Dussault
(Châteauguay) en remplacement de M. Fallu (Terrebonne); M. Forget
(Saint-Laurent), M. Godin (Mercier); M. Laberge (Jeanne-Mance) en remplacement
de M. Guay (Taschereau); Mme LeBlanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine) et M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce).
M. Charron: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
leader du gouvernement.
M. Charron: J'aurais une seule modification à faire. Le
ministre d'Etat au Développement économique, le
député de Fabre, remplacera le député de Rosemont
comme membre de la commission, parce que nous allons probablement aborder la
question des richesses naturelles au cours de cette séance. M. le
ministre d'Etat au Développement économique sera le porte-parole
du gouvernement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord, M. Landry (Fabre) en remplacement de M. Paquette (Rosemont).
Je céderai la parole au chef de l'Opposition officielle.
Les pouvoirs économiques (suite) M. Claude
Ryan
M. Ryan: M. le Président, je pense qu'à un certain
point de vue il est très heureux que la question des pouvoirs
économiques ait été inscri- te à l'ordre du jour
des travaux de la révision constitutionnelle. Il est évident, si
on s'en reporte aux formulations dont on discutera tantôt, qu'on est
encore actuellement au premier stade de la discussion de ce sujet
extrêmement important. Mais il serait impossible, absolument impensable,
d'envisager une révision de notre système fédéral
de gouvernement sans qu'on examine très attentivement la question du
partage des pouvoirs en matière économiaue.
La fédération canadienne, vous le savez tous, a pris
naissance d'abord à partir de raisons économiques. On a voulu
faire une union économique; cela a été le motif
déterminant qui a amené le Haut et le Bas-Canada du temps
à contracter une alliance avec les provinces atlantiques et qui a
amené également les provinces de l'Ouest à se joindre
à la fédération. Les motifs économiques qui ont
présidé à la naissance de la fédération sont
encore plus importants aujourd'hui qu'ils ont pu l'être à cette
époque-là.
En entendant hier certaines interventions, j'avais l'impression que, si
on laissait continuer la logique qui paraissait les inspirer du
côté gouvernemental, il faudrait avant longtemps s'interdire de
parler de libre circulation des biens, des capitaux et des services. Je
rappelle à nos amis du gouvernement que, dans leur propre programme,
lorsqu'il était question d'association économique, ils parlaient
pourtant de libre circulation des personnes, des biens et des services avec une
abondance verbale qui contraste singulièrement avec les réserves
qu'ils retrouvent dès qu'on parle du même sujet sous un
régime fédéral. Pourtant, un régime
fédéral, par sa nature même, devrait être plus
propice à la libre circulation des biens, des capitaux et des services
que le régime d'association économique que proposait on ne
sait pas s'il le propose encore le Parti québécois.
Je voudrais soumettre quelques observations ce matin, M. le
Président, groupées autour de quatre ou cinq thèmes
principaux. D'abord, je suis frappé de constater le caractère
surtout défensif et négatif de la position adoptée par le
gouvernement. Mon collègue, le député de
Notre-Dame-de-Grâce, fera plus tard, au cours de cette discussion, une
critique plus détaillée du texte qui a été
déposé à la table de la conférence
constitutionnelle par le ministre des Affaires intergouvernementales en
réponse aux propositions qui avaient été formulées
par le gouvernement fédéral et aux explications qui
accompagnaient ces propositions.
Je me contente de souligner que j'ai été frappé de
constater le caractère essentiellement défensif de ce document
et, si je regarde les deux conclusions qui viennent à la fin de ces
quelque 20 pages de raisonnement, je pense pouvoir dire que la montagne a
accouché d'une souris. Si ces deux paragraphes qui viennent à la
fin du document devaient être là position du gouvernement en
matière de partage des pouvoirs économiques, je pense qu'on en
serait à un menu très mince.
J'écoutais avec beaucoup d'intérêt, hier soir,
l'intervention du ministre des Finances; j'aurai l'occasion d'en parler sous
plusieurs aspects au cours de mes remarques. Je voudrais simplement lui
rappeler qu'il a l'art des raccourcis brillants, mais parfois partiels. Par
exemple, lorsqu'il a fait une comparaison avec les Etats-Unis, je ne suis pas
sûr que la présentation qu'il a faite du partage des pouvoirs
économiques aux Etats-Unis, en particulier de la manière dont
sont réparties les attributions du gouvernement fédéral et
des gouvernements étatiques aux Etats-Unis et au Canada, pourrait subir
la confrontation avec les faits.
Je rappelle au ministre des Finances que le Barreau canadien, dans son
rapport sur la réforme de la constitution, écrivait, entre
autres, ceci: "En fin de compte, on constate que la protection
constitutionnelle dont jouit expressément le marché commun
canadien est plutôt mince. Elle ne va pas à la cheville de celle
dont bénéficient d'autres fédérations telles les
Etats-Unis, l'Australie et l'Inde." C'est une vérité bien connue
que la clause "Interstate Commerce" aux Etats-Unis a connu une extension
énorme qui permet au gouvernement fédéral de faire des
interventions beaucoup plus abondantes et pénétrantes dans tout
ce qui regarde le commerce aux Etats-Unis que ce n'est le cas au Canada.
Le ministre des Finances a cité trois instruments dont aurait
disposé le gouvernement fédéral pour intervenir dans des
situations comme celle qu'il voudrait corriger à l'aide des amendements
déposés à la conférence constitutionnelle, en
juillet. Je pense que lui-même s'est rendu compte, en le disant, que le
pouvoir de désaveu, ça ne veut pas dire grand-chose aujourd'hui.
La dernière fois qu'il a été invoqué, je pense que
ça remonte aux années de la guerre. C'est un pouvoir qui,
à toutes fins utiles, est devenu désuet. Il n'y a pas un auteur
sérieux qui prétendrait résoudre quelque problème
canadien que ce soit par le recours à ce pouvoir.
Le pouvoir déclaratoire n'a pratiquement plus été
utilisé au cours des dernières décennies. Le dernier
recours important à ce pouvoir remonte déjà à une
trentaine d'années lorsqu'on a déclaré que
l'énergie atomique était une matière
d'intérêt général. Il a été
utilisé principalement, dans le passé, dans le secteur
ferroviaire pour raccrocher des bouts de réseaux à un
réseau national.
Quant à la clause "paix, ordre et bon gouvernement", elle
comporte différentes dimensions, comme nous le savons tous. Là,
si j'oublie mes notes, je peux dire des choses inexactes. Il y a, d'abord, la
dimension "pouvoir d'urgence"; ça, nous savons que c'est un concept qui
est absolument nécessaire dans une fédération. On ne peut
pas l'exclure. Si on ne veut pas de clause d'urgence quelque part, autant dire
qu'on ne veut pas de fédération. Il s'agit d'en circonscrire la
définition et de préciser les circonstances et les conditions
dans lesquelles elle pourra éventuellement être utilisée.
Ce qu'on peut dire, c'est qu'elle n'a pas été utilisée
très souvent au cours des dernières décennies, en dehors
des périodes où il y a eu la guerre, où il y a eu les
fameuses lois de contrôle des prix et des salaires en 1974; à part
cela, il y a eu la Loi des mesures de guerre, qui est une loi spéciale;
mais, à part cela, je ne pense pas qu'on ait eu beaucoup d'exemples de
recours à ce pouvoir.
Cela comprend la dimension des pouvoirs ré-siduaires; la seule
conséquence historiquement qui a découlé de cela, cela a
été le pouvoir qui a été donné au Parlement
fédéral d'agir en matière d'incorporation des
sociétés. Il n'y a pas eu beaucoup de conséquences de
cette disposition non écrite de la constitution ou écrite en
termes très généraux. Nous autres, dans notre programme,
comme vous le savez, nous voulons que les pouvoirs résiduaires soient
attribués aux provinces mais, même dans l'état actuel du
droit, cela n'a pas été la source de catastrophes que bien des
orateurs, peu informés de ces choses, invoquent souvent dans des
discours politiques.
Il y avait la théorie des dimensions nationales qui se greffait
à ceci. C'est une chose, évidemment, contre laquelle bien des
juristes et hommes politiques québécois sont intervenus à
maintes reprises, mais il semble, depuis un certain jugement de la Cour
suprême en 1976, que même cette dimension a été
très nettement circonscrite pour l'avenir.
Encore ici, ces trois pouvoirs ne peuvent pas être invoqués
sérieusement comme des recours efficaces devant le genre de
problèmes auxquels on a fait allusion dans la présentation du
gouvernement fédéral à la conférence
constitutionnelle. On a l'impression parfois, surtout à la lecture des
textes écrits, plus qu'en écoutant le ministre des Finances hier
soir j'ai bien aimé le ton en général de
l'intervention du ministre des Finances les textes déposés
par le gouvernement jusqu'à maintenant, et même le texte du
ministre des Affaires intergouvernementales hier matin, avaient une
espèce de connotation dramatisante qui laisse supposer chez les
adversaires qu'on est peut-être à la recherche d'un thème
électoral avec cela. A notre point de vue, il n'y a pas grand-chose pour
une campagne électorale là-dedans. Si c'est là-dessus que
le gouvernement entend faire sa prochaine campagne électorale, on va
être très heureux de le trouver sur le terrain dès dimanche
prochain dans le comté de Johnson, si vous voulez venir.
Deuxième point: l'objet principal des négociations
constitutionnelles est double...
M. Bédard: J'irai vous voir quand vous viendrez dans la
région. On vous attend.
M. Ryan: Oui, j'y vais bientôt. On va aller rectifier
certaines choses.
M. Bédard: je comprends que vous admettez que vous vous
êtes trompé.
M. Ryan: Non, je parle du résultat. L'objet principal des
négociations constitutionnelles dans cette matière me semble
devoir être double.
D'abord, les négociations doivent permettre d'établir les
pouvoirs dont le Québec a besoin en matière économique.
Mais je vous souligne en passant que, sur ce point précis, les
interventions qu'on a eues jusqu'à maintenant de la part des
porte-parole gouvernementaux ont été étonnamment
laconiques et avares de précisions. Deuxièmement, la
négociation doit permettre d'établir des pouvoirs dont le
gouvernement fédéral a besoin pour que l'union économique
voulue de tous puisse fonctionner efficacement et harmonieusement. Tout ce que
le gouvernement actuel du Québec nous a dit à ce sujet à
ce jour, c'est qu'on ne veut pas que le Québec perde les pouvoirs qu'il
a. On voudrait qu'il en ait plus, mais on n'a pas d'autres précisions
pour le moment. Ce n'est pas un programme de gouvernement que cela. C'est une
position d'un partenaire craintif qui dit à ses alliés: Ne me
touchez pas, ne m'enlevez rien de mon butin, vieux terme qu'on a entendu il y a
à peu près une cinquantaine d'années. Là, ce qu'on
vous demande en vue des conversations qui auront lieu sur cette question, c'est
de présenter des propositions précises qui nous sortent du vague
où nous sommes actuellement et surtout des positions négatives et
défensives qu'on croyait dépassées depuis une vingtaine
d'années.
Maintenant, M. le Président, sur cette question des pouvoirs
économiques, on a entendu toutes sortes de choses au sujet de la
position de mon parti. Que de fois j'ai entendu des propos complètement
déformés à propos de ce que proposait le Parti
libéral du Québec en ces matières. Il me semble, comme
vous nous avez convoqués pour connaître nos vues sur les questions
inscrites à l'ordre du jour, qu'il est tout à fait dans l'ordre
ce matin que je vous dise brièvement comment nous voyons le partage des
compétences entre les deux ordres de gouvernement en matière
économique. Le ministre des Finances a esquissé un très
bref résumé de certaines de nos positions, hier soir. Son
résumé était très fidèle. Je n'ai
qu'à l'en féliciter. Mais je voudrais le présenter de
manière un petit peu plus élaborée ce matin, sans
cependant vous donner un exposé complet qui prendrait des heures et des
heures.
D'abord, pour les provinces. Nous croyons que les provinces canadiennes,
premières responsables du développement de leurs ressources
humaines et physiques, doivent posséder les compétences pour
planifier et réaliser l'aménagement de leur espace
économique intérieur en conformité avec leurs
préférences et leurs orientations. C'est la dynamique interne du
fédéralisme qui permet ainsi aux provinces membres de jouir
à la fois d'une large autonomie et d'un degré d'initiative
élevé, tout en leur donnant la force, par certaines mises en
commun, d'affronter les défis économiques qu'elles ne pourraient
envisager étant seules. Nous entendons donc confier aux provinces toutes
les fonctions qui ne sont pas incompatibles avec la préservation d'un
marché commun canadien et toutes celles qui sont essentielles à
la préservation des caractéristiques propres de leur population
et de leur territoire. (10 h 30)
En ce qui touche le gouvernement fédéral,. nous
définissions, dans le chapitre de notre livre beige consacré
à la définition des principes directeurs de la réforme
constitutionnelle, les grandes lignes de son rôle en matière
économique. Je les résume comme suit: Les tâches majeures
du gouvernement fédéral seront de gérer l'espace
économique commun, d'assurer la bonne marche de politiques nationales
dans le domaine de l'industrie et du commerce j'y reviendrai
tantôt d'assurer une redistribution raisonnable de la richesse
entre les provinces et entre les individus et d'agir au nom de tout le pays
dans les affaires reliées à la poursuite de la paix et à
la défense du territoire. La poursuite de la paix comprend
évidemment toutes les activités reliées au
développement du commerce et des échanges internationaux. C'est
une des grandes dimensions de l'activité de paix que ces échanges
qui ont lieu entre pays en matière économique.
Cela dit, nous insistons aussi énormément sur la
nécessaire et indispensable harmonisation des politiques
économiques entre les deux ordres de gouvernement. L'accroissement des
responsabilités provinciales, de même que la taille relative des
gouvernements provinciaux par rapport au gouvernement central
thème auquel j'ai fait allusion, hier, dans mon introduction font
en sorte que des leviers économiques très puissants sont
désormais aux mains des provinces. Les problèmes structurels
d'adaptation économique et de restructuration industrielle seront au
centre des grands débats économiques futurs au Canada, comme
ailleurs dans le monde. Ils se posent dans des secteurs où les deux
ordres de gouvernement ont le plus d'intérêts partagés et
de responsabilités conjointes. Les politiques industrielles, les
politiques énergétiques, les politiques de transport, les
politiques de soutien du revenu sont autant d'exemples de secteurs où la
coordination intergouvernementale ici, nous entendons évidemment
coordination entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement
fédéral, et non pas seulement coordination interprovinciale dont
les effets pratiques seront toujours relativement limités est la
seule voie vers l'élaboration d'approches cohérentes et
efficaces.
Sur la base de ces principes, nous proposons dans notre document
constitutionnel un partage des compétences entre les deux ordres des
gouvernements qui s'établit dans les grandes lignes comme suit: d'abord,
aux provinces, nous confions tout ce qui touche l'exploration, le
développement et la mise en valeur des ressources naturelles. Cela, nous
y reviendrons dans un thème qui fait suite à celui-ci; par
conséquent, je ne m'y attarde point. Nous confions aux provinces la
priorité, la prépondérance en matière d'agriculture
étant sauves les responsabilités du gouvernement
fédéral en matière de commercialisation nationale des
produits et d'inspection des produits. Nous trouvons que c'est mieux d'avoir un
système d'inspection pour l'ensemble du pays que deux; nous ne sachions
pas, jusqu'à nouvel ordre, que les poulets et les oeufs aient une
nationalité quelconque.
Nous soutenons que la politique de main-d'oeuvre devrait relever de la
compétence des provinces et tout ce qui l'entoure. Nous soutenons que
les relations de travail, sauf dans le cas des sociétés de la
couronne du gouvernement fédéral... Pardon?
M. Landry: Résiduaire et accessoire, ce à quoi vous
avez renoncé un peu lus tôt. Je m'excuse de vous interrompre, mais
cela me frappe. C'est comme accessoire, M. le Président.
M. Ryan: Savez-vous, je n'ai pas parlé de cela, M. le
Président. Si le ministre voulait me laisser continuer, je vais
être très heureux de répondre à ses questions
après, oui. Je pense qu'ici, dans notre document, ce n'est pas du tout
résiduaire, c'est nommé.
M. Landry: Ni ancillaire.
M. Ryan: Les relations de travail, c'est nommé dans notre
document. Est-ce que c'est clair? Transport routier, aménagement du
territoire, commerce local, incorporation des sociétés,
faillites, les coopératives et les institutions financières, les
professions et les métiers. Tout cela relève des provinces. Le
développement régional, compétence prioritaire des
provinces, compétence prépondérante. En plus, il y a
d'autres fonctions qui ne sont pas d'abord économiques, mais dont les
implications et les incidences économiques sont énormes, que nous
confions aux provinces, en particulier tous les régimes d'assurances
sociales. Tous les régimes qui sont à base contributoire, qui
comportent des prestations fondées sur la participation des individus ou
des institutions, sont confiés aux provinces. Evidemment, tous les
programmes de santé, les programmes d'éducation, les affaires
municipales, etc., il nous semble que cela fait un tout très
important.
Au gouvernement fédéral, nous confions essentiellement les
responsabilités suivantes: d'abord, responsabilité en
matière de commerce interprovincial et international, comprenant, entre
autres, les responsabilités des douanes, le contrôle sur les
investissements étrangers sous réserve de la compétence
des provinces en matière d'aménagement de leur territoire,
d'exploitation de leurs ressources naturelles, de développement
industriel et de développement régional; en plus, la
responsabilité des grandes politiques industrielles nationales.
Si vous prenez un secteur comme celui de l'aéronautique, par
exemple, il est évident que nous ne pouvons pas avoir dix politiques
juxtaposées de développement en cette matière. Pour
développer l'industrie aéronautique au Canada, il faut compter
absolument sur des contrats qui sont très généralement de
provenance étrangère et dont l'octroi est très souvent
fait en tenant compte de considérations reliées à la
politique étrangère et à la politique de défense
des pays. Je pense qu'il saute aux yeux, si le gouvernement
fédéral a la responsabilité du commerce interprovincial et
international, qu'il a un rôle à jouer, pas facile à
définir, pas facile à concilier avec les responsabilités
qui incombent également aux provinces là-dedans, en
matière de politiques industrielles nationales.
Deuxièmement, nous confions au gouvernement fédéral
un rôle dans l'élimination des disparités
régionales. Les modalités de ce rôle peuvent faire l'objet
de beaucoup de discussions, mais il est très important que le
gouvernement fédéral ait des responsabilités explicites en
matière de lutte contre les inégalités régionales.
Il ne suffit pas, à cet égard, de vagues intentions de principe,
il ne suffit pas, non plus, de s'en tenir strictement à l'objectif de la
péréquation; ça va plus loin que cela.
Troisièmement, la responsabilité de la politique
monétaire et de tout ce qui l'entoure.
Quatrièmement, la responsabilité en matière de
concurrence et de monopole. En matière de concurrence, avec beaucoup de
nuances sur lesquelles je n'entends pas m'attarder pour l'instant.
Ceci étant dit, j'aimerais ajouter quelques mots au sujet des
propositions qui ont été déposées par le
gouvernement fédéral à la table constitutionnelle. En
premier lieu, je voudrais signaler, comme le ministre des Finances l'a fait
hier soir, l'existence de problèmes réels à cet
égard. C'est bien facile de se dire: Continuons comme cela fonctionne
actuellement, passons vite sur ces questions, tenons-nous-en au statu quo. Cela
me semble être à peu près la position du gouvernement
actuel, sauf quelques ouvertures qu'a faites le ministre des Finances et sur
lesquelles je reviendrai tout de suite. Mais il y a des problèmes
réels en ce qui concerne le bon fonctionnement de la libre circulation
des biens, des capitaux et des services au Canada. Je pense que la
première responsabilité qui nous est imposée comme
législateurs, c'est d'essayer de voir ces problèmes avec un oeil
réaliste et en toute objectivité.
Malheureusement, le gouvernement actuel ne nous a pas
présenté un bon état de la question en ces
matières. S'il fallait se fier uniquement à ce qui a
émané jusqu'à maintenant du gouvernement, je pense qu'on
serait pratiquement à pied d'oeuvre, mais il y a un status quaestionis,
il y a un état de la question à établir de ce
côté-là de manière qu'on puisse ensuite aborder les
améliorations possibles dans un esprit constructif.
Le gouvernement fédéral a déposé trois
projets d'amendement constitutionnel, un projet qui introduirait l'article 8
dans la charte des droits dont il a été question hier. Je ne veux
pas revenir sur cette proposition particulière parce que nous en avons
traité hier. Je pense avoir défini la position de mon parti
là-dessus hier.
Il y a une deuxième proposition visant la modification de
l'article 91, sous-section II, de lActe de I Amérique du Nord
britannique. Cet article, dans sa formulation actuelle... Je n'ai pas le texte
devant moi, mais je pense que c'est la clause trade and commerce", comme on
I'appelle, qui confère au gouvernement fédéral... Je
ne
sais pas quelle est l'expression française, je crois que c'est...
En tout cas, ce que le gouvernement fédéral propose, c'est qu'on
étende la notion de commerce et d'échange aux biens, aux services
et aux capitaux, alors que, dans le texte actuel, ce n'est pas
défini.
M. Parizeau: Oui, des produits seulement.
M. Ryan: Ce sont strictement des produits actuellement, c'est
ça. Deuxièmement, il propose qu'on confère au gouvernement
fédéral la réglementation de la concurrence dans
l'ensemble du Canada et la normalisation des produits dans l'ensemble du
Canada, dans la mesure nécessaire pour assurer le fonctionnement de
l'union économique canadienne.
Je déposerai, pour l'utilité du ministre des Affaires
intergouvernementales, une note que m'ont remise, à ce sujet, les
conseillers juridiques de notre parti, mais, pour l'instant, je voudrais
résumer brièvement notre position comme suit. Il ne nous semble
pas qu'il soit nécessaire de procéder à ces amendements.
Il nous semble que la clause constitutionnelle actuelle peut se prêter
aux ajustements nécessaires, tandis que la formulation proposée
par le gouvernement fédéral pourrait nous entraîner fort
loin.
Je ne sais pas si j'ai bien compris le ministre des Finances hier. Il a
donné un exemple très pertinent quand il a dit: On exerce un
contrôle; je ne sais pas quel exemple le ministre des Finances a
employé; actuellement, on peut exercer un contrôle sur un secteur
très, très limité. D'autre part, il peut se produire des
concentrations de pouvoirs dans un domaine comme l'assurance, par exemple, qui
échappe à cette clause de la constitution. Je ne pense pas que le
ministre des Finances ait voulu suggérer que le contrôle sur les
assurances devrait passer sous la juridiction du gouvernement
fédéral.
M. Parizeau: Non, je parlais de loi antitrust.
M. Ryan: Très bien. Nous autres, il nous semble
qu'introduire toute la notion de commerce, de biens, de services et de
capitaux, ça demanderait à être étudié d'une
manière extrêmement soigneuse pour éviter qu'on n'ouvre la
porte à des élargissements dangereux de compétences.
Deuxièmement, la réglementation de la concurrence dans l'ensemble
du Canada; comme c'est formulé là, c'est beaucoup trop
général. Il faut surtout éviter que la compétence
en matière de commerce local et provincial ne soit transposée du
côté fédéral par le biais d'un amendement qui ouvre
des portes aussi larges.
Ensuite, on parle de la normalisation des produits dans l'ensemble du
Canada. A condition qu'on veuille se limiter à la normalisation
technique des produits, nous n'avons pas d'objection, je l'ai dit hier à
propos d'un autre secteur; en matière de communications, je pense qu'il
serait ridicule que nous ayons au Canada dix autorités
différentes en matière de normes techniques sur les appareils,
par exemple, de réception ou d'émission de programme. Il serait
ridicule qu'on soit dans un pays où il y aurait dix systèmes de
normes techniques différentes. Nous croyons qu'il y a des avantages
évidents et même une nécessité économique
incontestable à ce qu'en matière de normalisation proprement
technique une compétence peut-être encore plus précise soit
donnée au gouvernement fédéral.
En matière de lutte contre les monopoles, je vous dirai que j'ai
un petit problème M. le Président, que vous allez me pardonner.
J'ai une note devant moi dont j'ai peine à comprendre l'écriture.
C'est une note très précise et je vous la donnerai au texte, si
ça vous intéresse. Je pense que ça pourra être
utile. Mais essentiellement, je n'ose même pas résumer parce que
ça m'a été remis juste avant la réunion
tantôt et je ne veux pas prendre le risque de fausser la pensée de
l'auteur. Peut-être un peu plus tard, si vous me le permettez, quand
d'autres parleront, ça me fera plaisir de compléter
l'intervention là-dessus. J'aurais une couple de vérifications
à faire avec l'auteur.
En ce qui touche maintenant...
M. Morin (Louis-Hébert): Vous n'êtes pas le seul
à avoir ce problème-là.
M. Ryan: Non, mais je vous ai quand même donné des
choses précises sur l'article 91.2. Je pense que je vous ai
donné, quant à l'essentiel, la position de notre parti et cette
position est inspirée des notes qu'on m'a remises, mais il y a une
couple de points techniques sur lesquels je ne veux pas m'aventurer sans
être bien sûr de l'intention de l'auteur. Avec votre permission, un
peu plus tard, je ferai une intervention ponctuelle sur cette question.
En ce qui touche l'article no 121, le gouvernement fédéral
propose une nouvelle formulation qui aurait pour objet d'élargir
sensiblement sa compétence dans tout ce qui touche la libre circulation
des biens, des capitaux et des services au Canada. Nous considérons
qu'il y a des problèmes. La commission Pepin-Robarts en avait
relevé un grand nombre; nous en avons relevé nous-mêmes
dans des études que nous avons faites à ce sujet, et les experts
que nous avons consultés en cours de route ont presque été
unanimes à nous souligner que, dans le fonctionnement de l'union
économique canadienne, encore une fois, il y a des redressements
importants qui s'imposeraient. Nous ne sommes pas favorables à la
formulation proposée par le gouvernement fédéral parce que
c'est une formulation qui ouvrirait la porte à un élargissement
des compétences fédérales susceptibles d'entraîner
logiquement, en conséquence, un amenuisement des compétences
provinciales dans des domaines que nous jugeons essentiels en ce qui touche
l'autorité des provinces. (10 h 45)
Par conséquent, il faudra travailler, selon nous, à
clarifier l'article actuel, qui porte le no 121, dans la constitution, parce
qu'il n'est pas satisfaisant. Et prétendre faire une révision
constitu-
tionnelle en se disant qu'on ne touche pas du tout à cet
article-là, qu'on aime autant ne pas réveiller les morts, nous
semblerait une attitude pusillanime et défensive, incompatible avec le
type de leadership que le Québec doit offrir en matière de
révision constitutionnelle. D'autre part, il faut que les provinces
conservent leur compétence en matière de commerce local et
provincial, en matière de droit civil, en matière de droit du
travail, en matière de réglementation des professions. Nous
sommes tout à fait d'accord et je conclus par ceci pour
considérer que, si nous avons un régime fédéral, il
est inévitable, en pratique, que les décisions de chaque
gouvernement dans les secteurs économiques qui relèvent de sa
compétence entraîneront des différences d'une province
à l'autre. C'est évident en matière, par exemple, de
zonage agricole, d'aménagement du territoire, de législation en
tout ce qui touche le droit des sociétés commerciales et
industrielles, en matière de politique de développement
régional, même en matière de politique d'achat,
jusqu'à un certain point, et aussi longtemps qu'existent des
disparités dans le pays.
Si on avait l'égalité parfaite de conditions d'un bout
à l'autre du pays, si, par exemple, on avait exactement ce qui
est possible en théorie, mais impossible en pratique les
mêmes niveaux de productivité, de prospérité, de
revenus pour toutes les régions, on pourrait peut-être envisager
des clauses beaucoup plus sévères. Mais, tant qu'il existe des
différences dans le niveau de l'économie de chaque partie du
pays, c'est évident qu'il y aura des différences importantes dans
les situations concrètes créées par les politiques des
gouvernements. Certains gouvernements voudront être plus
interventionnistes en matière de propriété d'entreprises,
par exemple, en matière d'intervention directe dans l'économie.
D'autres voudront être plus réservés. Alors, il y aura
toutes sortes de différences et je ne pense pas qu'on pourrait les
amenuiser par la rédaction d'une clause générale qui
donnerait des pouvoirs très étendus au gouvernement
fédéral.
Je peux dire au ministre des Finances que nous sommes d'accord avec lui
pour considérer que plusieurs des problèmes qui se posent
actuellement seront beaucoup mieux résolus par les voies de la
négociation et de la conversation civilisée que par les voies de
l'imposition unilatérale.
Cela dit, je rappelle au gouvernement qu'il a son travail à faire
en matière de pouvoirs économiques. Ce sujet a maintenant
été ouvert avec l'acquiescement du gouvernement actuel du
Québec et il incombe au gouvernement actuel de pousser tant qu'il
sera au pouvoir plus loin le travail et de nous présenter une
contrepartie positive en complément des positions presque uniquement
défensives ou négatives qu'il a défendues jusqu'à
maintenant.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
M. le chef de l'Union Nationale.
M. Michel Le Moignan
M. Le Moignan: M. le Président, suite aux remarques du
ministre des Finances d'hier et de celles du chef de l'Opposition officielle,
après avoir considéré les documents soumis par Ottawa, le
Québec et la Saskatchewan, je pense que ces documents illustrent bien le
conflit qui oppose les deux ordres de gouvernement, surtout en matière
économique.
Comme je l'ai dit hier, nous sommes toujours en face de deux conceptions
du fédéralisme canadien, deux conceptions qui se font face et, en
même temps aussi, deux façons d'envisager le renouvellement de nos
structures fédérales. Je crois que c'est symptomatique du
problème qu'on vit, et le conflit en matière de pouvoirs
économiques illustre ces deux conceptions qui s'affrontent.
On sent très bien que le gouvernement fédéral veut
nous entraîner de plus en plus vers une centralisation de
l'économie, tout replacer, en somme, entre les mains du pouvoir central
sous prétexte que l'union économique canadienne est
présentement en péril et qu'il faudrait la rendre plus efficace.
Alors, ce vocabulaire m'étonne quelque peu et surtout cette façon
d'aborder le partage des pouvoirs économiques entre les deux ordres de
gouvernement. Pour nous, c'est pour le moins surprenant.
Si on se reporte à la campagne référendaire
ici, je veux préciser la lutte que nous avons menée au sein du
comité du non, les Québécois pour le non. A moins
d'erreur, il me semble que nous étions tous unanimes de ce
côté-là, tous les partis politiques
représentés et surtout, je crois, les ténors du
gouvernement fédéral. Nous avons été explicites
pour vanter les mérites de l'union économique canadienne telle
qu'elle existait à ce moment-là. Personnellement, je n'ai pas
manifesté le moindre soupçon devant la possibilité d'un
début de crise quelconque. Voici que quelques mois plus tard on parle
maintenant de balkanisation et on veut placer l'accent, on insiste beaucoup sur
cette nécessité, sur l'urgence de sauver l'union
économique canadienne.
Il y a là, à mon avis, une question de stratégie,
c'est bien évident. Je tiens à affirmer qu'autant pendant la
campagne référendaire qu'actuellement nous somme prêts
à défendre les mêmes affirmations, à savoir que
l'union économique canadienne, telle qu'elle existe, a fait la preuve de
sa solidité et aussi de son bon fonctionnement. Nous devons, à
mon avis, aussi la conserver. Qu'il y ait des choses à améliorer,
qu'il y ait des pouvoirs à clarifier, je crois que nous sommes tous
d'accord, mais tout chambarder de fond en comble, je crois que c'est un autre
problème.
Quand on regarde toujours la position du gouvernement
fédéral, on nous dit que le meilleur moyen pour donner plus de
pouvoirs au gouvernement fédéral, c'est de canférer un
rôle d'arbitre aux différents tribunaux. Le fédéral
on l'a vu hier manifeste un peu la même attitude quand
il
s'agit, par exemple, de la charte des drois, même si le
problème se pose ici de façon un peu différente. Il semble
qu'on retrouve, encore là, la même conception
fédéraliste vis-à-vis de l'économie et
vis-à-vis d'autres droits importants qui concernent les deux ordres de
gouvernement ici au Canada. Mais, au niveau des provinces, dont le
Québec et la Saskatchewan nous semblent à ce moment-ci les
porte-parole les plus fiables, les plus visibles, loin de nier la
nécessité d'améliorer l'union économique
canadienne, on cherche non pas à s'en aller vers une centralisation des
pouvoirs en matière économique, mais vers une plus grande
décentralisation; sinon vers une augmentation des pouvoirs des
provinces, du moins encore vers une meilleure clarification de ces pouvoirs. On
ne veut pas diminuer, évidemment, les pouvoirs des provinces quand il
s'agit d'économie. Je crois que c'est une des raisons pour lesquelles la
constitution actuelle...
L'Union Nationale, qui a publié un document il y a
déjà quelques années, n'a pas renoncé à la
position et à l'engagement qu'elle soutenait à ce
moment-là face aux problèmes économiques, au
problème global, aux problèmes qui concernent les relations entre
le Québec et le Canada. Je vous lis simplement quelques petits extraits
du document économique que nous avons publié, que nous avons
rendu public en novembre 1978. Je cite le document: "Le gouvernement canadien a
une responsabilité certaine au niveau des politiques commerciales et
douanières. Toutefois, le mandat de développement
économique d'une région ou d'un Etat constituant, en
l'occurrence, une province incombe à cet Etat seulement. Le gouvernement
central doit, de par ses devoirs et son mandat, avoir des politiques
nationales. Les politiques régionales doivent relever des provinces.
Dans la ligne des Duplessis, Sauvé, Johnson et Bertrand, un gouvernement
de l'Union Nationale réclamera la priorité législative et
administrative en matière de développement régional au
Québec et verra à être compensé pour les sommes que
les Québécois paient au fédéral pour les
dépenses faites par ce dernier dans ses programmes de
développement régional, notamment ceux administrés par le
ministère de l'Expansion économique régionale. Ayant ainsi
récupéré ses droits et ses moyens, le gouvernement du
Québec pourra alors rationaliser ses programmes de développement
en fonction des besoins économiques de ses citoyens et de leur droit de
s'épanouir dans leur milieu, dans leur région."
Tout récemment, je lisais dans le Soleil un éditorial de
Marcel Pepin qui rejoint également nos positions. Comme c'est
très court, je voudrais également vous le citer: "Malgré
le bien-fondé de son objectif, le gouvernement fédéral,
s'il veut vraiment harmoniser les rapports entre chacune des régions du
pays, devrait éviter de poser de nouvelles exigences aux
répercussions difficiles à mesurer. Pour assurer l'unité
du Canada, il n'est ni nécessaire, ni souhaitable d'éliminer la
spécificité des régions et surtout la
spécificité québécoise. Au contraire, on ne peut
concevoir d'unité sans le maintien d'un contrepoids provincial assez
articulé pour bloquer toute mesure indûment centralisatrice
d'Ottawa, surtout en matière économique. A quoi sert de garder un
cadre fédéraliste si le pouvoir provincial est amputé de
sa capacité législative en matière économique? M.
Chrétien devrait modérer ses exigences; autrement, il faudra
conclure qu'il vise en réalité à créer un Etat
unitaire sans le mot."
Quand on regarde le document de la Saskatchewan, à la page 3, on
voit que la Saskatchewan rejoint également les préoccupations du
Québec et les préoccupations de ceux qui s'intéressent aux
relations fédérales-provinciales. Je cite un petit paragraphe de
ce document: "La lacune de la perspective fédérale, selon nous,
repose moins dans la présentation des faits que dans le sentiment de
crise qui est communiqué, dans le manque de confiance à
l'égard du régime politique canadien et dans la prétention
que les leaders politiques devraient céder au régime judiciaire
la responsabilité qu'ils ont de maintenir l'union économique." Je
crois que ceci est très important si on veut réellement en
arriver à une entente de principe entre le Québec, les provinces
et le gouvernement central.
Nous savons tous que le premier ministre du Canada, quand il ne peut
avoir la mainmise, au lieu de négocier avec ses partenaires canadiens,
au lieu d'envisager avec eux les problèmes purement politiques,
préfère souvent s'adresser aux tribunaux pour régler de
tels problèmes. On sait très bien que le tribunal est
l'interprète de la loi; il ne fait pas la loi, à moins que la loi
ne soit vague au point que les tribunaux en soient réduits à
jouer le rôle de législateurs. Je crois que c'est une partie
stratégique du gouvernement fédéral et, en appliquant
ceci, cela peut amener graduellement l'érosion du pouvoir
législatif et, surtout, affaiblir les lois qui seront votées par
les provinces.
Nous croyons que la nouvelle constitution devra conférer un
rôle essentiel aux provinces en matière économique pour
qu'elles s'occupent, sur leur territoire, de toutes les matières qui
sont de leur responsabilité. Le contraire, pour les provinces, serait
certainement un suicide. (11 heures)
Quand je parle des pouvoirs des tribunaux, je songe, par exemple,
à l'attitude du gouvernement quand il s'est agi des ressources au large
des côtes de Terre-Neuve. Au lieu de s'asseoir comme l'avait fait le
gouvernement Clark, au lieu de traiter politiquement avec la province de
Terre-Neuve, M. Trudeau a préféré s'adresser aux
tribunaux. Il a demandé aux tribunaux, à ce moment-là, de
jouer le rôle de législateurs.
Ici encore, il y a une très bonne mise en garde, dans le document
de la Saskatchewan, concernant le rôle du judiciaire face aux lois et aux
pouvoirs des différents gouvernements. Je pense qu'il serait bon, ici
encore, de rappeler à votre attention quelques-uns de ces courts
paragraphes pour mettre le doigt sur le danger qu'il y a quand le gouvernement,
qu'il soit fédéral ou provincial, refuse de prendre ses
responsabilités et préfère
s'en reporter surtout au judiciaire qui, dans les circonstances, va
trancher, malheureusement souvent au détriment de la partie la plus
faible ou de celle qui a le moins de pouvoirs.
Voici ce qu'on dit dans le document de la Saskatchewan: "Suivant la
proposition fédérale, une large part de la responsabilité
de la gestion de l'économie serait cédée au judiciaire.
C'est aux tribunaux qu'il reviendrait de décider si une loi ou une
pratique établit des distinctions d'une manière qui entrave
indûment le fonctionnement de l'union économique canadienne. C'est
aussi aux tribunaux qu'il reviendrait de décider si un règlement
ou des normes sont raisonnablement nécessaires pour le bon
fonctionnement de l'union économique canadienne. Ce sont là des
questions qui requièrent un jugement économique des questions
où interviennent souvent les politiques de deux gouvernements
responsables. Les tribunaux n'ont pas les compétences voulues pour
prendre les décisions dans ce domaine. Nous sommes d'avis qu'il serait
irresponsable, de la part des gouvernements canadiens, de céder la
responsabilité de ces décisions économiques à la
fois difficiles, variables et diversifiées. Des gouvernements
responsables qui fonctionnent en collaboration doivent prendre sur eux de
régler les problèmes que pose l'union économique. Il est
inacceptable de s'en remettre au judiciaire pour les résoudre."
Je crois que cette position est passablement claire et bien
établie et elle permet au Québec, avant d'aborder la ronde finale
des négociations, de s'assurer que, dans ce domaine, la province n'aura
absolument à céder sur aucun point précis.
L'Union Nationale favorise donc les positions de la Saskatchewan et
aussi du gouvernement du Québec dans la façon dont on envisage le
partage des différentes compétences économiques et qui se
réfèrent alors de nos deux gouvernements.
Nous croyons beaucoup plus à l'esprit d'une coopération
constante et intelligente entre les mains de l'un ou l'autre de ces deux ordres
de gouvernement. Ici encore, la Saskatchewan, dans le même document,
à la page 6, insiste également sur ce point-là.
Notre façon de voir rejoint, je crois, les propos d'hier soir du
ministre des Finances qui, lui aussi, disait qu'il faut viser, en
matière économique, à une harmonisation des politiques par
la voie des négociations entre des partenaires égaux. Je pense
que cette façon de voir est conforme à ce qu'on peut appeler une
vision québécoise du renouvellement de la
fédération canadienne et il me semble que les différents
partis devraient appuyer cette prise de position. Pas parce qu'on veut faire
l'unité économique des différentes composantes. Ce n'est
pas pour ça qu'il faut en venir à une uniformisation sur tout le
territoire. Quand on parle d'unité, on ne parle pas
nécessairement d'uniformité et, si nous avons ici
unanimité, c'est donc dire que les propositions fédérales
sont inacceptables pour le Québec et je crois que les propositions de la
Saskatchewan sont un excellent guide pour nous dans les circonstances. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Rouyn-Noranda.
M. Camil Samson
M. Samson: M. le Président, j'ai presque envie de
commencer mon intervention en taquinant un peu le ministre des Affaires
intergouvernementales ou le gouvernement, si on veut. En effet, si on tente de
résumer les interventions gouvernementales d'hier, on en arrive presque
à croire que le gouvernement serait favorable à un Québec
libre et indépendant dans un Canada fort et uni, tellement ce qu'on nous
a dit est contradictoire.
D'une part, on tente de nous dire qu'on veut une constitution nouvelle
et, d'autre part, on prend toutes les mesures pour ne pas y arriver.
Evidemment, le tout devant résulter selon la publicité qui
a été annoncée et dont certains échantillons ont
déjà commencé à percer en une
négociation d'égal à égal, laissant supposer que le
gouvernement du Québec devrait contrôler 50% des parts et, dans sa
grande générosité, laisserait 50% des autres parts aux
neuf autres gouvernements ainsi qu'un gouvernement central. Il faudrait
peut-être, dans un cas comme celui-là, soumettre cette question
à la loi antitrust.
M. le Président, ceci dit, je considère quand même
que, en matière économique, il doit y avoir des pouvoirs de
définis et ces pouvoirs ne doivent pas entraver la bonne marche des
provinces. Nous devons considérer que, dans un Etat
fédéral, cependant, il doit y avoir un certain ordre susceptible
de permettre que l'Etat fédéré vive normalement, que les
dispositions que l'on retrouvera dans la constitution à cet effet ne
soient pas des dispositions susceptibles d'entraver la bonne marche de la vie
de cet Etat fédéré à tout moment. Donc, il est
important que, dans cette constitution, nous retrouvions des pouvoirs
définis et définis clairement, laissant le moins possible de
possibilités d'interprétation et, par le fait même, le
moins possible de possibilités d'aller vers les tribunaux pour se faire
dire qui es; responsable de quoi. C'est donc pourquoi je considère qu'il
nous faut favoriser une formule selon laquelle les pouvoirs seraient clairement
définis.
Je considère que, dans le document fédéral, il y a,
bien sûr et là-dessus, on se rejoint un peu,
peut-être pas aux mêmes paragraphes, mais, en tout cas, à
certains endroits une philosophie qui se dégage, qui, tout en
voulant protéger le marché canadien, tout en voulant
protéger le commerce, tout en voulant protéger les pouvoirs
économiques, tout en voulant protéger, par extension, les
citoyens évidemment, semble vouloir centraliser davantage, dans certains
cas, alors que la décentralisation est plus à la mode et plus
acceptable.
Evidemment, quand le gouvernement fédéral me parle de
garanties constitutionnelles, du droit de tout citoyen de s'établir, de
gagner sa vie et d'acquérir des propriétés dans toute
province, quel que soit le lieu de sa résidence, je vous avoue que je
suis sympathique à cette idée, car, il faut bien faire son lit,
on accepte de vivre dans un Etat
canadien ou on n'accepte pas. Si on n'accepte pas, ce genre de choses
nous semble inacceptable, mais si on accepte de vivre dans un Etat canadien, il
faut permettre à tous les Canadiens de se retrouver d'un bout à
l'autre du pays et de se sentir chez eux dans ce pays.
Quant à l'autre question, la révision de l'article 121, je
pense qu'il faut être plus prudent. Il faut peut-être rattacher,
cependant, une partie des interrogations gouvernementales
québécoises à la charte des droits fondamentaux de la
personne, ce qui fait qu'on pourrait disséquer les pouvoirs
économiques comme tels en matière de financement, en
matière de commerce, etc., parce que je considère que les
pouvoirs économiques doivent être là pour permettre au
citoyen vivant dans une société de gagner sa vie, de faire vivre
sa famille. En fait, les institutions doivent exister en fonction des besoins
des personnes et non les personnes en fonction des besons des institutions.
J'accorde beaucoup plus d'importance, à ce moment, aux droits de la
personne de circuler librement, de pouvoir gagner sa vie, d'acquérir des
propriétés, quel que soit le lieu de sa résidence au
Canada, en tenant compte des particularismes de chaque province en
matière d'économie.
Cela dit, cela nous amène à penser en fonction d'une
définition générale des pouvoirs devant relever du
gouvernement central et devant relever des provinces. Les pouvoirs
économiques peuvent être étendus, parce que presque toutes
les activités ont des connotations économiques. Le gouvernement
fédéral pourrait, à titre d'exemple c'est un
document de travail que je cite également conserver ses pouvoirs
en matière de défense nationale. Vous allez me dire que la
défense nationale, ce n'est pas de l'économie directe, mais c'est
quand même un moteur économique. En tout cas, quand on donne des
contrats, c'est important pour les travailleurs qui doivent exécuter ces
contrats.
Les postes et les douanes, c'est la même chose, doivent relever du
gouvernement fédéral; les transports ferroviaires aussi devraient
continuer à relever du gouvernement fédéral; les
transports aériens interprovinciaux et internationaux; la
radio-télévision devrait continuer à relever du
gouvernement fédéral, à l'exception, toutefois, de celle
du type éducatif et culturel, plus particulière à
certaines provinces; la monnaie nationale, bien sûr; toutes les affaires
extérieures si j'inclus cela dans le document économique,
c'est qu'elles ont aussi des connotations économiques sauf celles
relevant exclusivement des juridictions provinciales où il pourrait y
avoir des ententes pour que la province ait des droits
prépondérants en ces matières.
On pourrait aussi laisser au gouvernement central le pouvoir de
prélever des taxes indirectes, les institutions bancaires, les travaux
publics fédéraux, le développement économique
national, mais dans le respect des priorités des provinces; les sports
et les loisirs nationaux, vous allez me dire que ce n'est peut-être pas
tellement économique, mais aujourd'hui, les sports et les loisirs se
sont tellement développés qu'il y a là aussi connotation
économique, au moins pour ceux qui y gagnent leur vie; le tourisme
à dimension nationale et internationale. (11 h 15)
Quant aux juridictions provinciales, je pense qu'on devrait laisser aux
provinces le commerce, la fiscalité directe, les droits successoraux,
les richesses naturelles, la santé et les affaires sociales cela
a une drôle de connotation économique. Quand on regarde les
budgets de la santé et des affaires sociales, il y a un pouvoir
économique là-dedans qui est distribué à la
population soit en services de santé ou en aide sociale. Je pense que
cela doit relever des provinces. L'éducation, les sports et les loisirs
doivent aussi relever des provinces. Le transport routier doit relever des
provinces.
Maintenant, il y a une chose qui n'a pas été
mentionnée souvent, mais notre réflexion nous a amené
à croire que ce serait valable, en tout cas, d'envisager cette voie: le
transport aérien provincial devrait relever de la juridiction des
provinces. La radio-télévision éducative et culturelle, la
câ-blodistribution, les institutions financières, l'agriculture,
le travail. Là, j'ouvre une parenthèse quand je dis le travail
parce que j'ai fait une intervention hier pour souligner dans quelle proportion
certains travailleurs étaient victimes d'injustice. Comme le
gouvernement de la province ne corrige pas ces injustices et comme nous pensons
à une constitution en fonction de l'avenir et non pas seulement en
fonction du passé, je présume que les injustices pourraient aussi
apparaître dans l'avenir.
Donc, il serait très important que nous retrouvions des garanties
dans la constitution cela se trouverait au chapitre de la charte des
droits de la personne qui diraient que chaque citoyen a le droit de
gagner sa vie, que le droit au travail est un droit reconnu et qu'en
conséquence, on n'empêche aucun citoyen canadien de pouvoir gagner
sa vie; évidemment, tout en tenant compte des compétences, des
professions ou des métiers. Mais il reste qu'il n'y a pas que des
professions et des métiers; il y a aussi des gens qui ont le droit de
gagner leur vie et qui n'ont pas de profession et pas de métier. Ces
gens-là ont aussi des droits et il faut les reconnaître.
Malheureusement, dans le cas présent, il y a trop d'exemples qui
démontrent que, presque tous les jours, dans nos bureaux de
comté, des gens se plaignent de frustrations, des gens qui veulent
travailler et à qui on refuse le droit au travail par des mesures de
contingentement, par des mesures de réglementation gouvernementale, en
même temps que l'on annonce ou que l'on a annoncé
dernièrement que toute personne qui refuserait du travail se verrait
couper son aide sociale. Quand il y a tant de chômage, que, d'une part,
le gouvernement se permet de dire que, s'il y a quelqu'un qui refuse du travail
ou encore qui quitte son travail, il se verra pénalisé et que,
d'autre part, celui qui veut travailler, on l'empêche de travailler, il y
a là quelque chose de contradictoire et il y a quelque chose qu'il faut
corriger absolument.
Les affaires culturelles, évidemment, deviennent aussi des
matières économiques. Les affaires municipales et l'urbanisme
doivent relever des provinces, quant à notre réflexion, ainsi que
le tourisme, la chasse, la pêche et les travaux publics.
Maintenant, j'en profite pour dire que, selon nous, tous les accords
internationaux concernant les matières qui sont de juridiction
provinciale exclusive doivent être des sujets qui relèvent des
juridictions provinciales. Mais il y a et on n'en a pas souvent
parlé au cours de la journée d'hier, je pense des
juridictions partagées à prévoir. Sur des choses,
même si on se tire les cheveux entre le fédéral et les
provinces, on va se les tirer longtemps et on ne trouvera pas la vraie solution
parce que ce n'est pas facile de laisser à l'un ou à l'autre
l'entière responsabilité ou juridiction. Par exemple
l'immigration. Qu'on le veuille ou non, même s'il peut paraître
souhaitable à certaines provinces et au Québec, en
particulier, dans ce domaine d'avoir pleine et entière
juridiction sur l'immigration, il faut quand même admettre que pleine et
entière juridiction sur l'immigration, ça voudrait dire un
Québec indépendant. Aussi longtemps qu'on n'accepte pas un
Québec indépendant et qu'on veut demeurer dans une
confédération, on doit admettre que la libre circulation des
personnes fait que, si nous avions pleine et entière juridiction sur
l'immigration, cela voudrait dire que les immigrants reçus par nous
pourraient, le lendemain, se diriger vers l'Ontario et y être
reçus parce qu'ils sont dans le même pays et, finalement, notre
juridiction en cette matière ne serait que folklorique.
C'est pourquoi je pense qu'il y a là un sujet de juridiction
partagée avec, évidemment, un pouvoir de décision finale
aux mains du gouvernement central. Parce que c'est quand même dans ce
pays que les immigrants viennent; ils ne viennent pas dans une province en
particulier.
La recherche scientifique doit être, je pense, un ouvoir
partagé. La mobilité de la main-d'oeuvre et la formation
professionnelle doivent aussi être un pouvoir partagé, pour les
raisons que j'ai mentionnées tantôt et aussi pour
reconnaître le fait qu'un Canadien est un Canadien d'un bout à
l'autre du pays, de l'est à l'ouest, et qu'un Canadien devrait pouvoir,
selon les besoins et ses capacités, gagner sa vie où bon lui
semble ou, encore, là où il y a de l'emploi disponible pour lui
dans le Canada.
L'environnement pourrait aussi être une juridiction
partagée. La protection des consommateurs aussi. Il y a double emploi
dans ces domaines. Plutôt que d'avoir double emploi, je pense qu'il vaut
mieux aller vers des juridictions partagées et en collaboration.
Le transport par eau intérieure, la même chose. L'industrie
et le commerce extérieurs pourraient aussi faire l'objet d'ententes. Je
considère que le commerce extérieur relève du gouvernement
fédéral normalement, mais cela pourrait faire l'objet d'ententes
pour que le commerce extérieur ne pénalise pas une province au
profit d'une autre province, mais que les réglementations du commerce
extérieur tiennent compte de la réalité économique,
de la capacité des provinces, des richesses des provinces. Il y a des
provinces riches, des provinces moins riches et des provinces pauvres. Le
commerce extérieur devrait tenir compte, dans ses réglementations
et ses contingentements, de ces choses.
Maintenant, cela ne relève pas nécessairement du domaine
économique, mais il y a une chose que j'ai oublié de mentionner
hier. Elle a été mentionnée par d'autres, mais,
là-dessus, je n'ai pas tout à fait le même point de vue que
le gouvernement. En matière de partage des pouvoirs quand on
parle d'économie, on parle de partage des pouvoirs; alors, cela peut
s'inscrire dans cette discussion tous les pouvoirs non prévus
dans la constitution à venir, jusqu'à ce qu'ils soient
précisés par entente entre les parties constituantes ou par
amendement à la constitution, suivant une formule d'amendement incluse
dans la constitution, je dis que tous les pouvoirs non prévus ou
résiduaires, si on veut, aussi longtemps qu'ils ne font pas l'objet
d'ententes ou qu'ils n'ont pas été adoptés par voie
d'amendement, devraient être des pouvoirs partagés, en
attendant.
Ceci dit, je crois que le gouvernement du Québec se doit, si on
veut montrer du sérieux, de préparer quelque chose qui se tienne,
quelque chose qui aille dans le sens du maintien de la fédération
canadienne et qui change un peu sa philosophie. Hier, on a assisté
à une espèce de jeu parlementaire qui fait que, finalement, tout
ce que le gouvernement a eu à nous dire, cela a été ses
doléances contre les documents fédéraux. Lorsque j'ai
interrogé le ministre des Affaires intergouvernementales pour savoir
quelle était sa position, par exemple dans le domaine du rapatriement et
de la formule d'amendement à la constitution, il n'y avait rien de
prêt. Il n'y avait rien de prêt et il ne nous promet pas d'en
préparer non plus. Moi, M. le Président, c'est bien beau, je suis
bien prêt à les écouter longtemps, mais il reste une chose;
ce que j'ai entendu hier, ils ont critiqué constamment les documents des
autres et ils n'ont pas préparé de documents
étoffés et valables pour qu'on puisse critiquer leurs propres
documents.
En attendant qu'ils trouvent le moyen de faire leur nid, on se trouve un
peu entre deux eaux. Le ministre des Affaires intergouvernementales arrive.
Quand on lui pose des questions, il patine à reculons comme les
meilleurs joueurs de défense de hockey le font. J'aimerais bien le voir
jouer comme un joueur d'avant. Ce serait probablement mieux que de le voir
jouer comme un joueur de défense, à ce moment-ci.
M. Morin (Louis-Hébert): Je ne suis pas assez payé
pour cela!
M. Bédard: ... par rapport aux joueurs de hockey!
M. Samson: Du pouvoir économique, d'abord. M. Jacques
Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, j'aimerais en quelques
minutes replacer dans son contexte la discussion que nous avons sur les
pouvoirs économiques. Je pense qu'il faut revenir sur ce fait que les
propositions fédérales d'amendement ont été
déposées le 8 juillet, sauf erreur, sans préavis, sans
indication, même que c'était, dans l'esprit du gouvernement
fédéral, un morceau essentiel des négociations
constitutionnelles qui, jusqu'alors, non pas seulement dans la phase que nous
connaissons, mais dans la phase de la dernière année et demie,
n'était jamais apparu dans le portrait. Encore une fois, j'ai
utilisé hier soir l'image d'un pavé dans la mare; sans aucun
préavis, deux amendements, ou des amendements à deux articles
essentiels de la constitution sont simplement déposés sur la
table dans la troisième semaine de cette espèce de marathon qui
avait lieu entre les délégations. Forcément, le ministre
des Affaires intergouvernementales, comme le disait le député de
Rouyn-Noranda, s'est immédiatement porté comme joueur de
défense, ce qui était très rigoureusement son rôle.
Quand le "puck" arrive, on trouve toujours utile d'avoir un joueur de
défense devant les buts. Le problème ne consiste pas...
M. Morin (Louis-Hébert): Est-ce que ça
répond à votre question?
M. Samson: Ce qui est arrivé, vous allez peut-être
trouver tantôt que c'est vous qui allez avoir les "pucks".
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, parce que l'arbitre va décerner des punitions!
M. Parizeau: II est donc évident que, dans le cadre d'une
discussion portant essentiellement sur le 91 et le 121, il était
parfaitement inutile, dans les trois semaines qui ont suivi, de commencer
à rouvrir tous les autres articles pertinents à l'économie
dans la constitution. Ce n'est pas de cela que le fédéral voulait
parler. Dans le rapport que nous faisons à la commission parlementaire,
on fait rapport de quoi? Evidemment, on fait rapport de la façon que le
"puck" est arrivé, de la façon qu'on réagit et de la
façon que tous les partis politiques réagissent à ce
sujet. Je dois noter à cet égard, M. le Président, je
pense, avec beaucoup de satisfaction, que tous les partis ici autour de cette
table semblent avoir les mêmes objections fondamentales, si l'on veut,
que nous aux libellés de 91 et de 121 qui ont été
déposés. Je pense que c'est quand même important de le
souligner parce que, effectivement, comme j'ai essayé de le dire hier
soir, si ces amendements à 91 et à 121 étaient
acceptés tels qu'ils sont rédigés à l'heure
actuelle, cela aurait des conséquences majeures sur les pouvoirs
réels des provinces, en particulier dans le domaine du
développement régional, mais dans d'autres domaines aussi comme,
par exemple, le contrôle des investissements des sociétés.
(11 h 30)
Cela étant dit, je voudrais revenir sur certaines des choses qu'a
dites le chef de l'Opposition officielle. Evidemment, je vais être
obligé d'apporter un certain nombre de nuances, je m'en excuse mais ce
sont des choses qui sont relativement très complexes et on ne peut pas,
en trois coups de cuillère à pot, régler certaines de ces
choses-là.
J'établissais un parallèle, hier soir, entre la
façon dont fonctionne le marché commun au Canada et le
marché commun aux Etats-Unis et je cherchais à indiquer qu'aux
Etats-Unis, sans doute, il y a un marché commun qui fonctionne, mais qui
est soumis à beaucoup d'imperfections. Dans ce sens-là, il faut
éviter de contraster une sorte de marché commun au Canada qui
serait très imparfait avec un marché commun américain qui
serait beaucoup plus parfait. Sur ce plan, ce n'est pas exact. Le marché
commun américain est soumis à toutes espèces
d'imperfections que nous connaissons au Canada. Quand je parle d'imperfections
ici, je ne veux pas nécessairement utiliser ce terme comme
péjoratif; il est évident qu'il y a des contrôles d'Etat
aux Etats-Unis sur un certain nombre de considérations locales qui les
intéressent, et c'est utile, c'est même nécessaire que
certaines de ces imperfections paraissent. A certains égards, cela va
même beaucoup plus loin que chez nous.
Je vous signale, par exemple, qu'au Canada, il n'y a pas de
législation antitrust de province alors qu'il y en a beaucoup aux
Etats-Unis. La réglementation sur le commerce se trouve à
être extraordinairement plus complexe par le fait que c'est à la
fois sous la juridiction du gouvernement fédéral et sous les
juridictions d'Etat. Donc, certains gestes commerciaux, tant que les tribunaux
n'ont pas tranché, peuvent être tolérés par certains
Etats, interdits par la législation fédérale, et cela
entraîne devant les tribunaux des cas qui dureront des années.
Cela crée un climat d'incertitude au niveau des affaires qui va beaucoup
plus loin que certains climats d'incertitude qu'on a eu l'occasion de
dénoncer ici à certains moments depuis quelques
années.
Cela étant dit, il n'en reste pas moins et je suis
d'accord avec le chef de l'Opposition officielle là-dessus que le
pouvoir du gouvernement américain, du gouvernement central sur
l'économie est beaucoup plus grand qu'au Canada pour des raisons qui ne
tiennent absolument pas enfin, j'exagère en disant cela
pour des raisons qui ne tiennent pas fondamentalement à la constitution,
qui tiennent essentiellement au fait que le gouvernement fédéral
américain est en face d'un très grand nombre d'Etats donc aucun
n'a la taille relative, par exemple, du Québec ou de l'Ontario par
rapport au gouvernement fédéral. Si vous voulez avoir une
analogie quelconque aux Etats-Unis, il faudrait supposer que l'Etat de New York
a 60 000 000 d'habitants et que la Californie en a
80 000 000. Le gouvernement fédéral américain ne
serait pas le même, inévitablement.
D'autre part, le gouvernement américain a utilisé une
technique de financement des Etats complètement différente de
celle qui a été utilisée au Canada. Il n'y a pas de
péréquation aux Etats-Unis, il n'y a pas de transfert
inconditionnel, ça n'existe pas. Le gouvernement fédéral
ne donne pas d'argent aux Etats en disant: Faites ce que vous voulez avec. Aux
Etats-Unis, le gouvernement fédéral américain va dire, par
exemple: Si vous voulez construire des routes selon mes normes, vous, l'Etat du
Mississipi, êtes un Etat pauvre, vous aurez 70% de subvention. Vous,
l'Etat de New York, êtes un Etat riche, vous aurez 30%. En somme, les
ajustements pour aider les régions aux Etats-Unis se font par des
programmes conditionnels.
Le résultat est qu'une partie croissante des finances propres des
Etats servent simplement à faire le "matching", si vous me passez
l'expression, des subventions fédérales. Le résultat est
qu'il y a certains Etats américains qui ramassent des taxes, à
toutes fins utiles, pour faire la contrepartie de ce que le
fédéral leur donne. Evidemment, parler de l'autonomie des Etats
dans des circonstances pareilles devient extraordinairement douteux et c'est
par ce canal-là que le pouvoir de l'Etat américain s'est
établi, pas du tout par le canal de la constitution ou très
secondairement par le canal de la constitution. Or, au Canada, nous sommes
exactement en face de problèmes très sérieux d'une tout
autre nature et qu'on peut difficilement régler en se concentrant sur la
constitution seulement. Le fait que l'Ontario ait plus du tiers de la
population du Canada fait de l'Ontario quelque chose d'énorme dans le
Canada, qu'on le veuille ou non. Le fait que le Québec ait 25% de la
population du Canada fait du Québec quelque chose d'énorme dans
la Confédération canadienne, qu'on le veuille ou non.
D'autre part, le fait que les provinces aient passablement de ressources
propres, autonomes entre les mains crée pour le gouvernement
fédéral des problèmes de management de l'économie,
d'administration de l'économie qui sont considérables, parce
qu'il arrive assez fréquemment que les priorités des provinces et
les priorités du gouvernement fédéral ne coïncident
pas et que certaines des grosses provinces ont les moyens voulus pour faire en
sorte que leurs priorités se réalisent, le fédéral
cherchant aussi à réaliser les siennes. Quand c'est
contradictoire, ça provoque un état de chaos qu'au fond, tout le
monde connaît très bien.
A ça vient s'ajouter le fait que l'enrichissement de l'Alberta
est en train de provoquer un déséquilibre financier majeur au
Canada, le surplus de l'Alberta est largement supérieur à la
totalité de tous les déficits des provinces à l'Est du
Manitoba, et ce déficit budgétaire est croissant.
L'Alberta pourrait supprimer tous ses impôts applicables aux
particuliers et toutes ses taxes, demain matin, elle ne tomberait pas en
déficit, son surplus baisserait. Le problème du recyclage des
pétrodollars ne se pose pas seulement en Arabie, il se pose en plein
Canada, à l'heure actuelle; le Heritage Funds ne sait pas où
placer son fric, alors que le déficit fédéral en est rendu
à une situation où, à $12 000 000 000 ou $14 000 000 000,
on se trouve à avoir une espèce de gigantesque
déséquilibre financier qui apparaît au Canada depuis
quelques années.
Ces problèmes majeurs que je viens d'esquisser, c'est
évident que ce n'est pas par des ajustements un peu ici et un peu
là, dans la constitution, qu'on va les régler. Il y a des formes
je suis tout à fait d'accord avec le chef de l'Opposition
officielle, là-dessus et jusqu'à un certain point, j'en avais
parlé hier de coordination intergouvernementale au Canada qui
n'ont jamais existé et qui doivent trouver leur place quelque part,
qu'on ne réglera pas par des questions constitutionnelles.
Dieu sait si, en période de récession, par exemple, ou
d'inflation forte, le contrôle des investissements est nécessaire,
Or, sur le plan du contrôle des investissements, qui est-ce qui fait des
investissements publics au Canada? A Ottawa, c'est quoi? Le ministère
des Transports, le Canadien National, le ministère des Travaux publics.
Ajoutez à ça, comme investisseurs importans, deux ou trois
ministères à Québec, deux ou trois ministères en
Ontario, peut-être un en Colombie-Britannique, les villes de
Montréal, de Toronto, de Winnipeg et de Vancouver, quelques
sociétés d'Etat, les compagnies d'hydro, mettez-en trois ou
quatre et, avec ça, vous faites 80% de tous les investissements publics
au Canada.
Or, la caractéristique du système canadien, c'est que ces
gens-là ne se sont jamais rencontrés, jamais. On ne peut pas
mettre dans la constitution: II est ordonné qu'à partir de demain
matin, les municipalités, trois ou quatre ministères et les
compagnies d'hydro se réunissent une fois par année pour agencer
leurs programmes d'investissements. On ne mettra pas ça dans une
constitution.
Il est évident que le management des investissements publics au
Canada, tant que ces gens ne se réuniront pas, n'existera pas. Je ne
veux pas dire par là que les considérations constitutionnelles
n'ont pas d'importance. Non, on le voit bien, quand, tous ensemble, autour de
la table, à l'égard des articles 91 et 121, on exprime tous nos
objections. La constitution peut faire un dommage important au fonctionnement
de l'économie; au contraire, ça peut faciliter le fonctionnement
de l'économie. Mais il ne faut pas s'imaginer qu'on peut tout faire
avec.
Cela dit, l'accent, je pense que nous le mettons tous dans des termes
différents, reste fondamental sur le plan des discussions
constitutionnelles et l'a toujours été, au Québec, quant
aux pouvoirs que le Québec et les provinces, en général,
doivent avoir sur le développement régional et sur
l'aménagement du territoire. Beaucoup des listes de pouvoirs dont nous
parlions tout à l'heure ce qu'on a écouté autour de
la table sont simplement des précisions à apporter
à ce principe fondamental que les provinces doivent
avoir, être en mesure d'exercer une orientation prioritaire sur le
développement régional.
Quand, par exemple, le chef de l'Opposition disait qu'il faut donner aux
provinces la prépondérance dans le domaine de l'agriculture, je
ne cite que quelques exemples, les politiques de main-d'oeuvre, le
développement régional proprement dit, le transport routier, il
donne une nomenclature de pouvoirs qui sont essentiels au développement
régional et à l'aménagement du territoire. C'est logique
et c'est normal.
Là-dessus, on peut dresser, tout autour de la table, des listes
sur lesquelles on serait probablement capable de s'entendre assez rapidement,
parce que ça correspond à quelque chose qui a toujours
été exprimé entre nous au Québec, j'allais dire,
quels que soient les partis politiques. Evidemment, il peut y avoir des
divergences. Le chef de l'Opposition officielle, par exemple, disait: Les
pouvoirs d'incorporation sur les compagnies devraient être au
Québec.
Dans la liste du député de Rouyn-Noranda comment
dire ça n'existait pas, mais ça ne serait pas très
difficile pour nous de nous entendre sur des choses comme celles-là.
Fondamentalement, il faut s'entendre pour une négociation qui ne
porterait pas seulement sur les articles 91 et 121, comme c'est le cas à
l'heure actuelle, mais une négociation élargie sur les pouvoirs
constitutionnels à l'égard de l'économie. Je ne pense pas
qu'on ait tellement de difficulté à s'entendre parce que, encore
une fois, tout le monde a à peu près toujours, dans le cadre
fédéral, au Québec, on a à peu près toujours
pensé les mêmes choses quant aux pouvoirs que les provinces
doivent avoir à l'égard du développement régional
et de l'aménagement du territoire. On peut remonter quinze ou vingt ans
en arrière, on trouve toujours les mêmes choses.
Fondamentalement, vous trouverez, par exemple, dans le rapport de la
Commission royale d'enquête sur les problèmes constitutionnels, la
commis-sion Tremblay il y a quoi, 25 ans maintenant un certain
nombre de choses qui ont marqué profondément la pensée
d'à peu près tous les Québécois là-dessus et
qu'on traduit maintenant dans des termes différents, mais qui
représentent le même genre d'orientation.
Ce que le gouvernement du Québec doit faire maintenant, si on
peut amener le fédéral à nous enlever des jambes les
articles 91 et 121 sujets aux ajustements qu'il faut dans ces secteurs et dont
je parlais hier... Je reconnais que le gouvernement fédéral peut
vouloir des ajustements raisonnables dans des secteurs comme ça, mais,
s'il nous enlève l'espèce de pavé, s'il retire le
pavé de la mare, on va pouvoir commencer, sur le plan constitutionnel,
au plan-fédéral-provincial, un certain nombre de discussions, je
pense, passablement plus larges.
Mon collègue des Affaires intergouvernementales aura
peut-être à préciser dans quel genre
d'échéancier il voit ça. Mon impression, c'est
qu'évidemment, ce n'est pas pour demain. Le gouvernement
fédéral, à l'heure actuelle, a des priorités qui ne
sont pas celles-là. Cela ne veut pas dire qu'on n'aura pas à
discuter de nos listes sur le plan des pouvoirs économiques ici à
l'Assemblée nationale. Cela veut simplement dire qu'aujourd'hui,
chercher à s'entendre sur une liste détaillée, c'est
probablement tout à fait prématuré parce que les
priorités du fédéral ne sont pas là pour le moment
et qu'effectivement, dans les semaines qui viennent, mettons jusqu'au 12
septembre, on ne va pas, j'imagine, discuter très longuement aux tables
fédérales-provinciales de l'incorporation des compagnies. Mais
ça va venir. Il est évident que, parce que ça va venir, il
faut qu'on ait eu le temps de brasser ça entre nous pour être
à peu près certains que les listes que nous présentons
correspondent aux désirs du plus grand nombre de citoyens possible et de
leurs représentants élus. Mais, encore une fois, je ne pense pas
qu'on ait tellement de difficulté à faire ça.
Voilà, M. le Président, ce que je voulais dire en
réponse aux interventions qui ont été faites jusqu'ici.
Encore une fois, je termine en notant avec plaisir que, sur quelque chose
d'aussi fondamental que les amendements proposés par le
fédéral aux articles 91 et 121, je pense que nous sommes à
peu près sur la même longueur d'onde.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Merci, M. le Président. J'ai
apprécié les commentaires du ministre des Finances ce matin et
cela m'amène à poser la question: Pourquoi a-t-il fait le
discours d'hier soir? Finalement, il a dit, ce matin, je pense, en grande
partie, tout ce qu'il y a à dire sur le sujet en ce moment. Hier soir,
c'était une autre affaire et il faut que j'admette que, depuis onze
heures hier soir, j'ai un peu réfléchi sur le contenu de cette
déclaration, j'ai cherché quelques lignes conductrices et je ne
les ai pas trouvées.
Ce matin, si je comprends bien, l'essence de la déclaration du
ministre des Finances, c'est que, premièrement, cette queston de libre
circulation est très importante. C'est même quelque chose qui doit
être dans une constitution. Deuxièmement, c'est que la proposition
du fédéral n'est pas acceptable et que, troisièmement,
c'est un sujet qui doit être abordé en conjonction avec la
question de partage des pouvoirs économiques et dans un détail
beaucoup plus approfondi que jusqu'à maintenant. Sur ces trois points,
je pense que nous sommes tout à fait d'accord. (11 h 45)
Par exemple, nous trouvons aussi le chef de notre parti l'a dit
déjà que la proposition du fédéral n'est pas
acceptable. Je veux signaler un aspect, en particulier, de cette proposition
que moi, je trouve fondamental. Dans le document et dans les ébauches
des autres documents qui circulent actuellement pour les prochaines
réunions, il existe le principe que le gouvernement
fédéral doit avoir le droit de faire, si vous voulez, des
discriminations économiques entre les provinces et que les
provinces peuvent garder le droit de faire une certaine discrimination
économique à l'intérieur de leur territoire.
Quant à moi, je trouve que ce principe est totalement
inacceptable. C'est écrit dans les documents qui circulent dans le
moment que c'est l'essentiel de l'idée du gouvernement actuel à
Ottawa. Quant à moi, ça ne marcherait jamais. Il faut absolument,
et ça va de soi, que si nous avons des droits souverains pour quelques
aspects de l'économie dans la constitution, il faut que nous ayons le
droit de créer des lois et des pratiques qui diffèrent, qui sont,
par définition, discriminatoires à l'égard des lois et des
pratiques des autres provinces. Je pense que c'est même un piège
pour le gouvernement fédéral, parce que, si vous acceptez le
principe que toute la discrimination à l'intérieur doit se faire
par les provinces, en ce cas, vous êtes assez proche de l'idée que
tout le développement régional, provincial doit se faire par le
biais de la péréquation; en effet, tous les fonds
fédéraux pour le développement régional du
Québec doivent être versés au gouvernement du Québec
et le Québec doit avoir le droit absolu de décider si c'est la
Gaspésie ou les Cantons de l'Est qui doivent être
favorisés. Alors, je signale, quant à moi, que c'est un
piège pour le fédéral s'il continue de poursuivre cette
ligne de pensée. En effet, je suis complètement d'accord que,
pour le moment, ce n'est pas une solution qui est valable.
Par contre, j'ai de la misère à discerner la ligne de
pensée générale du ministre des Finances. Je pense que
c'est parce qu'au fond, de nouveau, nous sommes devant le fait que vous autres,
vous ne vous intéressez vraiment pas à améliorer la
fédération canadienne. Quand ce n'est pas un intérêt
réel et fondamental, c'est très difficile de s'asseoir à
la table et d'essayer de trouver les moyens détaillés de le
faire.
Hier soir, le ministre des Finances a fait un spectacle, une
espèce de vaudeville. Son dernier spectacle à 10 h 30,
c'était fort agréable, mais après je me demandais:
Qu'est-ce qui est sorti de cette affaire-là? Il disait, au début,
que le Canada, par rapport aux autres pays du monde, est moins fort
qu'auparavant. On le savait. C'est un argument qui pourrait être
appliqué pour les deux côtés. Il parlait un peu de la
situation de discrimination qui existe aux Etats-Unis. M. le ministre des
Finances, croyez-moi, on était déjà conscient de
ça. Je pense que tout le monde connaît un peu les autres
systèmes fédéraux. Il nous a donné un
résumé de l'histoire du développement des politiques
d'achat préférentiel au Canada. C'est aussi monnaie courante pour
ceux qui s'intéressent un peu à cette affaire-là. Il nous
a cité Ricardo. Je dis entre parenthèses que le ministre, qui n'a
pas hésité à critiquer le fédéral et
à résumer la constitution économique des Etats-Unis dans
une page, n'a pas hésité à résumer toutes les
oeuvres de Ricardo dans une seule phrase. C'était simplifié
à mort.
Mais le principe qu'il a exprimé, c'était l'idée
que, d'après Ricardo, il y a des avantages à avoir des grands
territoires économiques. C'est une idée dépassée
depuis le XIXe siècle. Très bien. Je pense que le ministre,
lui-même, sait très bien que ce n'est pas Ricardo qui est au fond
de l'idée que les plus grands territoires économiques peuvent
apporter des avantages à tout le monde. Il a parlé des entraves
aux Etats-Unis; il n'a pas parlé de la création du Marché
commun et des raisons qui ont motivé la création de cette
organisation. Il n'a pas parlé, non plus, de sa propre argumentation
pendant le référendum, quand il a promis à toute la
population du Québec un marché libre avec la libre circulation
des personnes, des capitaux et des biens. Partout dans la province,
d'innombrables discours. Les péquistes ont promis ce libre
marché. Maintenant, la population est en mesure de voir la
réalité. C'est une liberté très nuancée que
vous proposez, même à l'intérieur de la
fédération. On peut imaginer que, si on était en face de
la souveraineté-association, ce serait limité encore
davantage.
Ce matin, il a dit que l'Alberta est très riche. Il a dit qu'il y
avait des problèmes économiques qui ne pouvaient pas être
résolus par une constitution. Ce sont toutes des choses avec lesquelles
on est parfaitement d'accord, mais cela n'avance pas la discussion. Bien
sûr, il y a des choses qu'on ne peut pas régler dans une
constitution, mais, à moins que je ne me trompe, M. le Président,
le sujet, aujourd'hui, c'est la constitution. Si on accepte le fait qu'on doit
avoir un marché commun, une union économique aussi forte que
possible, il faut accepter je pense que le ministre des Finances l'a
accepté ce matin qu'il y ait de la place dans la constitution
pour quelques mots qui touchent le sujet de cette liberté, de ce
marché commun. Il en existe déjà. La question n'est pas de
décider si, oui ou non, ce doit être là. Il s'agit de
décider quels mots, d'établir jusqu'à quel point, et ce
sera un long travail.
Hier soir, j'ai été frappé en écoutant le
ministre des Finances quand il a dit: En effet, faites des propositions
concrètes. Par exemple, au sujet de l'article 91.2, il disait qu'il
était d'accord pour que les services soient ajoutés d'une
façon beaucoup plus explicite et que la question de la concurrence soit
aussi insérée pour permettre au gouvernement
fédéral d'agir d'une façon plus claire dans ce domaine.
Mais, s'il connaît un peu la difficulté de rédiger une loi
sur la concurrence et s'il connaît un peu le fait que cette loi sur la
concurrence peut causer des entraves dans beaucoup de domaines qui sont
aujourd'hui de compétence provinciale, je pense que, même sur ce
point-là, il est prêt à accorder, dans une seule phrase, au
fédéral... C'est quelque chose qui doit être nuancé
ou, du moins, être étudié en profondeur avant qu'il le
donne comme il l'a donné hier soir.
Je ne sais pas si le ministre des Finances est celui qui a
rédigé le texte qui a été soumis lors d'une
conférence à Vancouver. Le style est moins élégant,
mais les idées de base sont à peu près les mêmes. Il
y a deux éléments qui reviennent continuellement. Est-ce que
c'était vous?
M. Parizeau: Non.
M. Scowen: Non? Mais quand même, l'inspiration est
semblable.
M. Parizeau: Heureusement!
M. Scowen: Oui, heureusement.
M. Parizeau: La cohérence du gouvernement.
M. Scowen: Les deux aspects cohérents de ce document sont,
premièrement, une série d'insultes, de procès d'intention
à l'endroit du fédéral. Finalement, il y a un projet, des
propositions qui n'avancent nulle part. Je peux résumer dans une phrase,
parce que c'est résumé ici dans une phrase. "La position du
gouvernement du Québec envers les questions économiques". Et je
cite. "Le principe général auquel le Québec adhère
est qu'il doit absolument conserver et même accroître ses moyens
d'action sur son propre territoire. Toute autre attitude s'inspirerait d'une
inacceptable naïveté". Voilà! C'est la politique
constitutionnelle économique du gouvernement actuel qui est: on veut
garder ce que nous avons et on va accroître davantage nos pouvoirs. C'est
clairement exprimé ici. Cela a été clairement
exprimé, hier soir, par le ministre. Cela revient dans chacun des
documents déposés ici sur les autres sujets.
Pour nous, M. le Président, ce n'est pas une idée de fond
sur laquelle on peut bâtir un vrai fédéralisme canadien
renouvelé. Je vais simplement, pour illustrer ce que je veux dire,
retourner à la page 6 de ce document où, quant à moi, vous
avez fait quelque chose d'inutile. Vous avez préparé une liste de
questions, d'entraves, de limites à la liberté d'action du
gouvernement du Québec qui pourraient survenir advenant l'acceptation du
fédéral. J'en cite simplement deux pour vous exprimer quelles
sont les questions que vous ne vous posez pas et que, à mon avis, vous
devez vous poser si vous voulez sérieusement renouveler le
fédéralisme canadien d'une façon acceptable pour le
Québec, quoique les Québécois sont actuellement aussi des
Canadiens.
Premièrement, vous dites: "Si l'article 121 est accepté,
les architectes et ingénieurs québécois ne pourraient plus
bénéficier de la priorité que leur accorde actuellement le
gouvernement dans les projets qu'il finance". Je vous demande de contourner la
question: Est-ce que c'est votre conception du Canada que les architectes
québécois soient victimes de discrimination de la part des autres
provinces quand ils veulent essayer d'exercer leur profession dans les autres
régions du Canada? Est-ce que c'est votre conception du Canada, oui ou
non? Je ne dis pas qu'il n'est pas possible d'avoir une telle conception du
Canada et de répondre oui à cette question, mais, quand
même, ce n'est pas clair quand vous posez la question de cette
façon parce que ce qui est bon pour une province l'est aussi pour une
autre.
Une deuxième critique que vous faites concernant l'article 121:
"Le minerai provenant de mines québécoises pourrait être
indifféremment traité à l'intérieur ou à
l'extérieur du Québec sans que le gouvernement puisse intervenir
pour sauvegarder les emplois en cause", ainsi de suite. Vous savez aussi bien
que moi que le Québec est un transformateur des richesses naturelles des
autres provinces. Vous avez déjà, récemment,
décidé de donner une priorité importante à
l'agrandissement d'une industrie pétrochimique dans l'est de
Montréal. Vous avez créé une société d'Etat
et, jusqu'à nouvel ordre, on ne transformera pas des produits
pétrochimiques provenant des gisements québécois. Ce sont
des choses auxquelles il faut penser à long terme. Le ministre d'Etat au
Développement économique a dit: Ce ne seront pas des produits
pétroliers du Canada. Mais ce n'est pas du tout ce qui a
été dit par les personnes qui sont venues devant nous alors
qu'elles voulaient vendre ce projet à l'Assemblée nationale. Oui,
c'est possible qu'on puisse obtenir des "feed stocks" de l'extérieur,
mais en grande probabilité, l'avenir de ce projet est lié
à long terme à l'accès au gaz naturel de l'Ouest du
Canada. Vous le savez aussi bien que moi, c'est écrit dans les
documents.
Selon cette politique de transformation, est-ce que c'est votre
conception du Canada que toutes les provinces doivent avoir le droit
d'empêcher que leur produit brut soit transformé à
l'extérieur de leur province? Vous savez aussi, M. le ministre, que la
production minérale de l'Ontario dont vous parlez ici est
à peu près cinq fois plus grande que celle du Québec. Je
peux vous donner une liste de compagnies au Québec, actuellement, qui
créent de l'emploi en transformant les produits miniers provenant de
l'extérieur de la province.
Les questions ne sont pas bien posées, parce que vous ne vous
intéressez pas vraiment à poser la question: Quelle est notre
conception du Canada? Parce que vous n'avez pas de conception du Canada. Ce
serait très difficile pour vous, à la fin, d'obtenir une
réponse valable. Quant à moi, on n'a pas de solutions, bien
sûr. (12 heures)
J'ai commencé, ce matin, en disant que les cinq minutes que le
ministre des Finances nous a accordées aujourd'hui, en
résumé, étaient beaucoup plus saines que le show d'hier
soir, et beaucoup plus positives. Il est clair dans notre esprit que nous
devons préciser davantage ces deux articles et peut-être en
ajouter d'autres.
Il faut absolument que cette précision soit
élaborée après une étude approfondie de tous les
aspects en cause. Je pense que le fédéral nous a rendu un grand
service en sortant le document. Nous avons donné une liste des exemples
qui peuvent servir comme base intéressante pour nous permettre de faire
les études.
Deuxièmement, il faut que cette étude soit basée
sur le principe qu'on veut autant que possible améliorer l'appartenance
économique au Canada. Finalement, il faut que cela se fasse sans qu'on
nie complètement ou même partiellement les droits souverains dans
le domaine économique pour le gouvernement du Québec.
Je suis persuadé que si nous pouvons changer un peu l'esprit du
fédéral avec le raisonnement et non pas avec le charriage, comme
c'est fait
dans ce document, mais avec le raisonnement clair et précis par
un groupe de personnes qui s'intéressent et au Canada et au
Québec, ce serait possible d'arriver à des mots qu'on peut mettre
dans ces clauses, qui seraient acceptables par tous. Mais je doute fortement,
M. le Président, après tout ce que j'ai entendu, hier soir et ce
matin, que le gouvernement soit capable de le faire. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre des Finances.
M. Parizeau: Juste un mot. Comme je ne peux pas soulever une
question de privilège en commission, j'ai attendu que le
député ait terminé.
Il m'accusait de résumer en quelques phrases la totalité
de l'oeuvre de Ricardo. Mais non! Mais non! J'ai spécifiquement
indiqué, hier, que je me référais à un chapitre de
ses "principals" et encore, à la première partie. On me permettra
de résumer une douzaine de pages dans cinq minutes. Ce n'est pas
abusif.
Une dernière chose. Je pense que le député n'a pas
raison de dire que nous nous conduisons comme si le fonctionnement correct du
Canada sur le plan économique ne nous intéressait pas. Au
contraire, je pense que tout ce qui a été dit, hier soir, ce que
j'ai eu l'occasion de dire ce matin, indique non seulement que le
fonctionnement du Canada bien sûr nous intéresse d'une
façon vitale, mais que même le fonctionnement d'autres provinces
nous intéresse tout autant.
J'ai eu l'occasion de parler longuement des intérêts de la
Saskatchewan ou de ceux de la Nouvelle-Ecosse. Et ce dont je discutais, ce
matin, quant à la coordination des investissements publics, j'ai
essayé de ne pas l'aborder dans un point de vue étroitement
québécois, parce que je suis parfaitement conscient, et
j'espérais que c'était clair, que, par exemple, la coordination
des investissements publics ne peut pas s'envisager autrement que par la
coordination de 15 à 20 organismes ou ministères majeurs un peu
partout au Canada. Dans ce sens-là, je regrette un peu que le
député de Notre-Dame-de-Grâce cherche à nous
enserrer dans une espèce de vision étriquée ou
exclusivement défensive dans le cadre des négociations
constitutionnelles actuelles. J'avais cru que l'esprit de mes interventions
était tout autre. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
chef de l'Opposition. Par la suite nous aborderons les richesses
naturelles.
Campagnes de publicité
M. Ryan: Avant que nous ne laissions ce sujet, je voudrais
relever une chose qui a été dite par le ministre des Finances,
hier soir, qui n'avait pas trait au sujet qui était en discussion, mais
il l'a dite quand même et je voudrais la relever pour donner un
avertissement au gouvernement.
Vous avez dit que le fédéral avait mal agi en instituant
un programme de publicité pour faire de la propagande autour de ses
thèses constitutionnelles à l'occasion des réunions qui
auront lieu à Ottawa en septembre. Vous avez dit: Nous allons faire la
même chose, nous allons nous engager dans la même voie.
Or, je n'ai jamais compris que lorsqu'un autre agissait d'une
manière erronée ou répréhensible, on devait se
consoler ou se réconforter en disant: Je vais faire la même chose
que lui. Je le déplore profondément. J'ai toujours soutenu,
depuis que je suis à l'Assemblée nationale, que des programmes
d'information des gouvernements devraient avoir un but d'information
honnête, objective, impartiale et utile dans certaines matières
comme la santé publique, par exemple, la sécurité
routière ou la protection de telle ou telle catégorie de citoyens
pour des fins très précises et définies dans les lois.
J'ai eu l'occasion de m'ouvrir de cette philosophie à
l'Assemblée nationale, à l'occasion d'abus qui avaient
été commis par le présent gouvernement, que nous avons
dénoncés avec vigueur dans le temps. J'ai professé la
même philosophie en réponse à des journalistes qui
m'interrogeaient, ces jours derniers, sur l'opportunité du programme
fédéral de publicité. Je veux, ce matin, demander au
gouvernement, avec beaucoup d'insistance, de ne pas s'engager dans cette voie
qui est la voie de l'utilisation des fonds publics à des fins de
propagande. Je pense que nous sommes capables de mieux que ça; nous
avons fait la preuve, depuis deux jours, qu'il y a moyen de discuter de sujets
fondamentaux, autour desquels nous nous sommes disputés de
manière très vive au cours des derniers mois, dans un esprit
civilisé, dans un esprit de respect mutuel, de courtoisie, de respect
des objets qui sont en discussion surtout.
Alors, je veux m'ériger, avec beaucoup de fermeté, contre
cette partie du discours qui nous a été tenu hier soir.
M. Charron: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
leader du gouvernement.
M. Charron: Est-ce qu'on me permettrait de répondre ou, en
tout cas, d'ajouter mes commentaires à ceux que vient de faire le chef
de l'Opposition sur ce que le ministre des Finances a énoncé
devant toute la commission, hier, au cours de la séance de travail?
Je vais d'abord dire que, au départ, j'abonde dans le même
sens que le chef de l'Opposition, en principe. Il ne nous était jamais
venu à l'idée d'établir une campagne d'information sur les
discussions constitutionnelles, même au plus fort du marathon du mois de
juillet, au moment où mon collègue des Affaires
intergouvernementales et moi y participions. C'est presque par inadvertance
d'ailleurs, comme un secret bien gardé, que nous avons appris, dans les
tout derniers jours je pense que c'était le 23 juillet
à Vancouver, par des indiscrétions de couloir, à travers
toute l'industrie constitutionnelle qui était rassemblée
là-
bas, que le fédéral était non seulement prêt
à agir, allait commencer, à peine les séances
terminées, mais qu'il se préparait depuis des mois.
Interrogé, le ministre que connaît bien le chef de l'Opposition,
qui était responsable de ça, du côté
fédéral, a dit oui. Il a même révélé,
un peu plus tard, que c'était une campagne de $6 000 000, mais il a dit
que $2 000 000 allaient être déversés dans la seule
province qui est aujourd'hui en réunion.
La réaction n'est même pas venue de nous en tout premier
lieu. Le chef de l'Opposition pourra lire, à la première page du
journal The Province, à Vancouver, le 24 juillet dernier, que le premier
ministre Bennett, de cette province, s'est érigé contre
ça, et non seulement érigé en principe en disant qu'il
faisait mal, mais il a dit: C'est donc mon devoir, à moi aussi, devant
mes concitoyens dans une négociation, les deux parties font
connaître leur opinion de demander à la Fonction publique
de Colombie-Britannique de préparer une campagne d'information sur les
positions de la Colombie-Britannique.
C'est donc en apprenant ces choses que mon collègue et moi sommes
revenus au Québec par la suite et, dans le rapport que nous avons fait
à nos collègues du Conseil des ministres, les avons
informés de cette nouvelle dimension qui était absolument
étrangère à nos idées et à nos intentions au
départ.
La réaction du Conseil des ministres c'est peut-être
là que commence à s'établir la distinction entre le chef
de l'Opposition et moi sur ce principe a été de dire:
Même si nous émettions un communiqué pour dire que c'est
tout à fait déplorable et que probablement, comme M. Romanow l'a
dit au nom de tout le monde, ça n'aide en rien la négociation
constitutionnelle, nous savons pertinemment qu'ils n'arrêteront pas. Cela
a d'ailleurs été confirmé cette semaine, mais je pense que
l'intuition pouvait se baser sur des faits pour avoir une chance raisonnable
d'être réaliste.
En conséquence, on a payé, selon les procédures qui
seront expliquées en temps et lieu à la commission des
engagements financiers. A cet égard, tout a été
complètement correct, je crois, ce qui va même expliquer les
délais; les procédures régulières ont
été suivies. On a demandé au ministre responsable de cet
aspect de voir si, de notre côté, il n'était pas possible
aussi, sans doute pas avec les mêmes moyens que l'autre partie dans la
négociation, d'établir un projet de publicité et
d'information sur les positions que nous allons prendre. En ce sens, mercredi,
le collègue a fait rapport qu'il était possible effectivement
d'avoir une modeste campagne d'information, et le Conseil des ministres a
accepté, sachant que d'autres le faisaient et que, de toute
façon, l'autre n'arrêterait pas.
J'ajoute deux détails, mais deux détails importants. Si le
gouvernement canadien décidait demain de se rendre à la demande
de toutes les provinces qui a été formulée par le
"co-chairman" de la négociation, je crois bien que, de notre
côté je ne dis pas d'emblée on va
réévaluer de bonne foi notre propre décision de
procéder à une campagne qui devrait conduire quelque part
jusqu'à la fin des négociations à Ottawa au mois de
septembre. Sans prendre une position catégorique, j'ai un
préjugé très favorable à arrêter
instantanément la nôtre aussi. Ce serait ma position lors de la
discussion, je peux le dire.
D'autre part, je veux bien informer et avertir aussi le chef de
l'Opposition d'attendre, avant de porter le blâme total qu'il veut
porter, de connaître le contenu même de cette campagne
d'information parce que cela aussi est important. Le mandat qu'avait
reçu le ministre des Communications et la décision du Conseil des
ministres visent à rendre publics à l'intention de nos
concitoyens, dans un budget qui équivaut à peu près au
quart de ce que l'autre partie va déverser à travers les media
québécois, les objets de consensus ou, je dirais, de plus grande
assise populaire au-dessus des lignes de parti, du plus grand commun
dénominateur sur des sujets qui sont en discussion à Ottawa. Le
ton, le vocabulaire, et, je dirais, l'allure générale de cette
campagne d'information ont non seulement porté cet objectif, mais
portaient cette obligation. Ce qui nous a été
présenté par des professionnels nous a semblé rejoindre
cet objectif et ce souhait que nous avions émis à quelques
retouches près, ce qui a fait que nous avons pu effectivement, comme
gouvernement, donner le feu vert à cette campagne au cours de la
réunion du Conseil des ministres de mercredi dernier.
Les objets de consensus, il y en a qui se sont
révélés au cours du travail de cette commission, mais,
évidemment, un certain travail préparatoire pouvait être
fait, ce qui a permis à des professionnels de se mettre à
l'oeuvre avant même la tenue de cette commission, parce que, sur certains
sujets, effectivement, soit par des écrits des différentes
formations politiques ou soit par des déclarations, nous savions, sans
extrapoler à l'infini, que les bases de ce consensus existaient. Ceci a
donc pu permettre, au cours des quinze derniers jours, aux professionnels du
ministère des Communications, de travailler dans ce sens. C'est vrai que
la publicité va débuter bientôt; nous n'avons pas le choix
dans le calendrier serré qui est le nôtre. Il s'agit de trois
semaines ou d'un mois. Il est donc possible que dès lundi, à
travers les différents media, journaux, radio et
télévision, mais dans l'enveloppe et selon les critères
que je viens de définir, une campagne d'information à l'intention
de nos concitoyens québécois soit mise en branle.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
chef de l'Opposition.
M. Ryan: Là-dessus, deux choses. D'abord, est-ce que j'ai
bien compris quand vous avez dit tantôt: Toute cette campagne de
publicité du gouvernement fédéral, nous avons la
conviction que cela ne changera pas grand-chose? Est-ce que vous avez dit
cela?
M. Charron: Non.
M. Ryan: D'accord. Je ne continue pas dans cette voie. Deux
choses que je voudrais dire à ce moment: Premièrement, les
gouvernements, de par la nature même des fonctions qu'ils exercent et
surtout des fonctions qu'exercent ceux qui les dirigent au sommet, ont un
accès au grand public. Le premier ministre a seulement à se
montrer on ne l'a même pas vu depuis deux jours, malgré
l'importance du sujet qu'on discute et à donner ses opinions,
tout de suite, cela va faire la manchette des journaux, des émissions de
radio et de télévision partout. (12 h 15)
Vous n'avez qu'à nous donner des positions claires et ce sera
communiqué avec une surabondance de détails et de
précisions qui font que, fonctionnellement, ce n'est pas du tout
nécessaire de recourir à de la publicité payée pour
diffuser des messages à caractère politique pour un gouvernement.
Pour un parti politique, à certaines périodes, en particulier en
période électorale, je comprends que ce soit nécessaire,
à peu près indispensable. Mais il me semble que... Je ne sais
pas.
J'observe la vie publique depuis 35 ans et je n'ai jamais
été capable de me pénétrer de l'idée qu'un
gouvernement qui a des bonnes idées, des bonnes politiques, n'est pas
capable de les faire connaître par les voies régulières du
contact fonctionnel avec l'opinion publique, indépendamment de toute
considération commerciale. Quand j'étais chef d'un journal, il
m'est arrivé, à quelques reprises... Cela a commencé, je
crois, au temps où il y a eu des grèves et où des
gouvernements ont commencé à donner leur message dans les
journaux; je prenais ces pages-là. Comme chef d'un journal qui avait
besoin de revenus, j'étais bien content et j'aimerais être
directeur d'un journal aujourd'hui, je ferais la moitié de mes revenus
de publicité avec vous autres. Toutes les agences... C'est effrayant
tout ce qu'il y a de messages payés par les gouvernements aujourd'hui.
Franchement, on pourrait même discuter des contrats collectifs avec un
esprit plus dégagé qu'autrefois.
M. Morin (Louis-Hébert): Un instant! Cela peut
s'arranger.
M. Ryan: Je ferme la parenthèse. Oui, cela va loin.
M. Bédard: Fermons la parenthèse.
M. Ryan: En tout cas, j'émets cela comme principe. Je
trouve qu'un gouvernement devrait avoir assez confiance en ceux qui en sont les
porte-parole et aux idées qu'ils véhiculent, aux politiques
qu'ils définissent. Il faut croire qu'elles vont faire leur chemin par
le truchement normal et régulier du fonctionnement des véhicules
d'information.
Deuxièmement, je crois que, dans une matière comme celle
que l'on discute aujourd'hui, un doigté infini s'impose. Je ne sais pas
quelle mesure vous allez prendre là-dessus, mais je crois que c'est
tellement délicat qu'il sera pratiquement impossible d'arriver avec un
produit qui sera satisfaisant ou vraiment acceptable aux yeux de l'Opposition.
Encore une fois, j'inscris ma dissidence profonde, radicale et très
ferme sur toute cette opération.
M. Charron: M. le Président, un dernier commentaire sur ce
point.
M. Ryan: Je pense que votre gouvernement je termine
se met dans une position de vulnérabilité extrême pour
critiquer éventuellement les actions d'autres gouvernements parce qu'on
pourrait toujours dire: Vous avez fait la même chose, vous êtes de
la même farine.
M. Charron: Oui.
M. Ryan: Vous ne pourrez pas dire cela de nous autres.
M. Charron: Je reviens encore à la question de principe
par laquelle a débuté l'intervention du chef de l'Opposition,
à savoir que ce moyen ne devrait pas être nécessairement
utilisé par les gouvernements qui disposent, par la seule force qu'ils
sont les élus et que leurs propos sont rapportés, de suffisamment
d'occasions de rejoindre les citoyens du Québec, les citoyens qui les
ont élus, où que ce soit. Je veux simplement dire que c'est
exactement je crois, presque mot à mot ce que M. Romanow a
dit en notre nom à tous à M. Chrétien, cette semaine, se
déplaçant même jusqu'à Ottawa, pour lui faire part
de notre assentiment après avoir fait une brève consultation de
toutes les autres provinces. Le gouvernement canadien n'a qu'à faire le
bilan de presse de la négociation en cours et, de tous les
gouvernements, trouver celui qui a reçu le meilleur traitement. En
conséquence, le montant de $6 000 000, qui est utilisé surtout
à faire voler des canards ou à démontrer des maisons dans
la prairie, aurait pu fort bien être utilisé à autre chose
que le subliminal auquel il se prête actuellement. C'était aussi
notre opinion.
Mais là où se fait la distinction, c'est quand on
reçoit une réponse catégorique, à savoir que nos
experts, disent-ils, du côté fédéral, sont d'avis
que cette campagne a renforcé nos positions dans l'esprit de la
population. Quand vous recevez un avis professionnel aussi sérieux, que
font les gouvernements dans les circonstances, sans penser aux excès qui
peuvent être commis dans ce genre? Ils s'arrangent, à tout le
moins, comme on dit, pour être dans le portrait, être dans le
décor et avoir l'occasion de témoigner d'un certain nombre de
faits.
Encore une fois, je fais appel au chef de l'Opposition pour attendre la
tenue de la publicité, sa sortie publique. Il pourra fort bien, à
ce moment-là il vient de le dire lui-même... Les media
écouteront et transporteront son opinion sans qu'il y ait besoin de
faire de campagne de publicité de son côté, c'est vrai.
Mais nous avons
tenu mordicus à ce que les quelque $500 000 à $600 000 qui
devraient être utilisés si la campagne fait tout son cheminement
prévu elle peut être arrêtée n'importe quand,
que ce soit une campagne d'énoncés de fait qui, je crois
même avoir entendu attentivement les députés le dire ici,
ne sont pas contestés ne le soient pas pour faire voler des
canards devant tout le monde ou pour faire une poésie un peu fleur bleue
et dépassée. Il s'agit de rappeler des événements
de fait; les tableaux sont des événements de fait marqués
dans l'histoire du Québec et, en conséquence, ont un certain
côté, je dirais, incontestable et, par le fait même,
indiscutable. Donc, la nature même de la campagne de publicité
devrait être reçue avant que d'autres commentaires s'ajoutent sur
la décision gouvernementale, je crois.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais ajouter une
dernière remarque là-dessus. Nous avons été
échaudés dans le passé par le type d'information
biaisée que le gouvernement actuel du Québec était capable
de diffuser. Je me souviens moi-même un jour avoir attiré
l'attention du gouvernement à l'Assemblée nationale sur un
feuillet pourri, au point de vue intellectuel, intitulé "Le
Québec à l'heure du choix", rempli de faussetés et de
faits biaisés.
J'ai demandé au gouvernement, qui avait dépensé, je
pense, une somme d'au moins $50 000 pour insérer ce texte dans
l'Almanach du peuple, de faire quelque chose. Tout ce que j'ai eu comme
réaction, je me suis fait rire au nez, à ce moment-là. On
m'a dit qu'on entendait continuer comme on procédait, qu'on n'avait pas
de leçon à recevoir de personne.
Mais là, je vous avertis formellement que si vous tentez des
résumés de ce qui a été dit par d'autres partis, ne
nous arrivez pas avec des bouts de textes et des citations tronquées
comme vous avez trop souvent montré que vous étiez capables de le
faire. J'espère que...
M. Charron: II n'y en a aucun... Une Voix: Voyons
donc!
M. Ryan: Très bien, très bien! Si vous parlez de
consensus, en particulier, j'espère que vous situerez les consensus
réels qui peuvent exister sur tel ou tel point, dans le contexte
véritable où ils se présentent. Il peut très bien
arriver ce matin que nous soyons d'accord pour considérer que le projet
d'amendement 91.2, mis de l'avant par le gouvernement fédéral,
est inacceptable, mais que les raisons pour lesquelles nous considérons
qu'il est inacceptable et le contexte dans lequel s'inscrivent nos objections
soient profondément différents d'un groupe à l'autre. Si
on veut prendre un bout de position, je demanderais, au nom de l'éthique
la plus élémentaire, qu'on évite de procéder comme
on l'a fait dans le passé à maintes reprises, sans jamais qu'on
obtienne de garanties que les redressements nécessaires seraient
effectuées ou même tentés.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
chef de l'Union nationale.
M. Le Moignan: Dans le même ordre d'idées, j'ai
entendu une rumeur ou une nouvelle ce matin, suivant laquelle l'Alberta
s'apprête à faire une campagne de publicité "coast to
coast"; apparemment cela engloberait un peu tout le Canada. Je n'ai pas les
détails précis, j'ai vu un titre seulement.
M. Charron: Je n'en suis pas informé. Tout ce que je sais,
c'est qu'ils ont sans doute les moyens de le faire.
M. Le Moignan: Mais, je dis cela sous toute réserve.
Maintenant, est-ce que le ministre, suite à la déclaration de
Vancouver, peut nous dire si plusieurs provinces ont l'intention d'axer aussi
une campagne? Lors de la réunion des premiers ministres à
Winnipeg, la semaine prochaine, pensez-vous que c'est un sujet qui peut
être abordé pour voir dans quelle mesure les provinces s'entendent
au moins sur des thèmes communs, avant la réponse du
Québec?
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais répondre, M. le
Président. Pour autant que je sois informé, quand cela a
été su je pense que c'est la troisième semaine,
comme cela vient d'être mentionné à Vancouver, c'est
la Colombie-Britannique qui a d'abord réagi. Il faudrait retrouver le
journal, on ne l'a pas ici. Ensuite, d'autres provinces, et l'Alberta,
effectivement, dit: Bien, moi, j'ai quand même une position qu'il faut
faire connaître à l'ensemble du Canada parce qu'on peut être
interprété injustement. Je ne sais pas où elles en sont.
La Saskatchewan, pour autant que je me souvienne, a voulu surtout protester en
disant: Ils vont peut-être arrêter si on proteste. Mais personne
n'avait encore vu la publicité fédérale à ce
moment-là, je dois dire. D'autres provinces n'ont pas encore
réagi. Voilà pour la première partie de ma
réponse.
La deuxième partie. Il y a une conférence de premiers
ministres, comme vous l'avez dit. Cela ne m'étonnerait pas, et j'en suis
sûr, qu'il va en être question, comme il va être question de
la révision constitutionnelle. Quant à la suggestion que vous
faisiez hier, que n'a pas rappelé tout à l'heure le leader du
gouvernement mais dont je me souviens et dont tout le monde se souvient, de
coordonner, si on doit faire une telle campagne d'information, les messages des
provinces, il y a une difficulté, je dirais, a la fois
géographique, culturelle et politique.
Je vais vous donner un exemple. Je sais qu'en Colombie-Britannique, ce
sur quoi les intéressés voudraient mettre l'accent, c'est sur
leur proposition de transformer la Colombie-Britannique en une des cinq
régions. Cela fait longtemps qu'ils en parlent. Il n'en est pas beaucoup
tenu compte dans les positions fédérales, alors, je sais qu'ils
veulent insister là-dessus. Cela serait un peu bizarre que nous fassions
ce genre de publicité
au Québec. Je ne suis pas sûr qu'on va être en mesure
de s'entendre si on doit en faire une publicité commune à cause
des divergences. La Nouvelle-Ecosse et peut-être Terre-Neuve
si elle s'embarque là-dedans, c'est sûr qu'on va parler des
droits miniers sous-marins. On va regarder cela. Je ne sais pas où cela
va aboutir, mais le fait est que cela a été une
préoccupation. Cela n'a pas aidé non plus à une
compréhension et à une meilleure négociation.
Je pense que c'est Romanow qui disait que cela peut produire un
"backfire" comme on dit à l'Office de la langue française
sur l'allure des négociations, mais malheureusement, pour les
raisons qui viennent d'être exposées très clairement, nous
sommes devant une situation de fait; les faits, cela compte.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
J'appelle donc le sujet des richesses naturelles.
Les richesses naturelles
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais simplement dire un mot de
présentation. Je vais laisser la parole après, si vous permettez,
à mon collègue, le ministre d'Etat au Développement
économique.
Il y a deux points sur lesquels je veux insister. Le premier, c'est que
le sujet des richesses naturelles est à peu près un des plus
contentieux actuellement à cause de la conjoncture actuelle et
précise dans laquelle nous sommes. Je serais étonné qu'on
en arrivât, au mois de septembre, encore qu'on essaie, à une
entente entre les gouvernements en cause. Cela a été un des
sujets abondamment discuté, moins et beaucoup moins que les pouvoirs sur
l'économie, mais on les a à maintes reprises mis ensemble parce
qu'ils se touchent. D'ailleurs, on fait la même chose, ce matin, parce
qu'ils se suivent. Donc, le progrès, je l'ai résumé dans
le document que vous avez reçu, n'est pas très marqué. La
discussion a été caractérisée par un recul du
gouvernement fédéral sur une position antérieure dont je
ne peux pas dire honnêtement qu'Ottawa l'avait faite sienne mais qui
était considérée, par l'ensemble des gouvernements, comme
ce qu'on appelait dans notre jargon "best effort", c'est-à-dire, le
meilleur texte qui existait.
La position du Québec s'inspire de ce texte, mais elle tient
compte d'un fait majeur, c'est qu'a été retranché de la
liste des sujets, le pouvoir déclaratoire. Le pouvoir
déclaratoire a été enlevé de la liste, parce qu'il
est possible que le gouvernement fédéral veuille le garder en
réserve pour l'utiliser peut-être contre l'Alberta et
peut-être aussi contre d'autres provinces. Du fait que le pouvoir
déclaratoire n'est nulle part dans l'ordre du jour, les provinces ont
ensemble, même si le ministre fédéral a refusé
d'introduire ce sujet à l'ordre du jour, décidé d'en
parler à l'occasion des richesses naturelles. C'est pourquoi nous avons
fait de même.
Alors, je vais céder la parole, M. le Président, à
mon collègue, le ministre d'Etat au Développement
économique.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bernard Landry
M. Landry: M. le Président, je pense que je dois savoir
gré à l'Opposition d'avoir reconnu en pratique l'importance de ce
sujet, nous permettant de l'aborder et de l'évoquer à cette
commission, en dépit du fait que les minutes qui y seront
consacrées sont relativement brèves eu égard surtout
à l'importance économique de la question.
Pour cette raison, je n'insisterai pas particulièrement longtemps
sur une chose qui est indiscutée dans la connaissance qu'ont les divers
gouvernements du Québec du potentiel richesses naturelles de l'espace
économique québécois. Non seulement à peu
près tous les gouvernements contemporains ont été d'accord
sur l'évaluation à faire du potentiel richesses naturelles, mais
ont également été d'accord pour en faire le fer de lance
de la plupart de leurs politiques de développement économique.
Ces richesses ont la caractéristique au Québec non seulement
d'être abondantes pour la plupart d'entre elles, mais de comporter un
important volet de richesses inépuisables et renouvelables.
Ce qui rend encore plus dramatique toute décision engageant
l'avenir vis-à-vis des richesses naturelles, parce qu'on peut dire
virtuellement qu'en matière d'hydroélectricité, par
exemple, l'avenir est éternel, c'est que c'est une richesse
inépuisable. Une erreur de rédaction de texte constitutionnel qui
confierait à la mauvaise juridiction l'administration d'une richesse qui
sera épuisée dans cinq ans ou dans dix ans, cela aura des
conséquences pour cinq ans ou dix ans. Pour l'électricité,
pour la forêt, on parle d'horizon illimité. (12 h 30)
Jusqu'à ce jour, et ce jour, c'est l'ère de la crise de
l'énergie en particulier. Si les richesses naturelles ont
été importantes en volume, on peut dire qu'elles n'ont pas
donné lieu, avant que le prix du pétrole soit dramatiquement
à la hausse, à des affrontements très virulents et
très spectaculaires entre les deux niveaux de gouvernement, pour une
raison bien simple; on était dans un contexte d'abondance qui
s'appliquait non seulement au Canada, mais à l'ensemble de la
planète.
Quand M. Duplessis a discuté du développement de la
Côte-Nord et des richesses de minerai de fer avec Cyrus Eaton, en
particulier, et d'autres industriels américains et qu'ils ont mis en
place ce prodigieux développement de la Côte-Nord, le gouvernement
du Canada est peu ou pas intervenu. Le minerai de fer est une denrée
abondante; c'est une question de concentration, mais il y en a à peu
près dans tous les pays du monde et avec des réserves
extraordinaires. Donc, l'enjeu, par pur phénomène de
marché, n'était pas très grand. De même, pour ce qui
est devenu aujourd'hui la précieuse énergie hydraulique, il n'y a
jamais eu d'affrontement très marqué dans l'histoire des
relations fédérales-provinciales sur la façon dont le
Québec déciderait de faire Bersimis ou de ne
pas faire Bersimis, de nationaliser onze compagnies
d'électricité ou de ne pas le faire. C'était à
l'époque de l'abondance.
A l'abri d'à peu près toute ingérence du niveau du
gouvernement fédéral, le Québec, comme un certain nombre
d'autres provinces qui disposent de richesses analogues... On peut dire que
pour la forêt et l'hydroélectricité, richesses durables, la
Colombie-Britannique est à peu près dans la même situation
que nous nous trouvons nous-mêmes; l'Alberta, pour d'autres raisons et
avec d'autres genres de richesses, peut compter aussi sur une certaine
pérennité. Avant que ce que j'appellerais les convoitises
fédérales, parfois justifiées dans une certaine optique
politique, ne se manifestent, le Québec et ses divers gouvernements,
à l'abri de toute ingérence, ont fait un assez bon travail en
matière d'aménagement, d'exploitation et de transformation des
richesses naturelles. Des intuitions simples, par exemple, comme la
nécessité de transformer sur le territoire la ressource brute
avant de l'exporter, ont été comprises par des gouvernements
aussi peu interventionnistes que celui, par exemple, de M. Louis-Alexandre
Taschereau. Le fait de ne pouvoir exporter de la matière ligneuse
à l'état brut du territoire québécois sans
l'autorisation de l'exécutif est une disposition législative qui
remonte aux années trente. De cette façon, nous avons pu, par
approvisionnements privilégiés, faire naître,
prospérer et se développer la plus puissante industrie de papier
journal du monde. Le Québec est le premier producteur mondial, est le
premier fournisseur du marché américain au Sud.
De même dans le secteur de l'hydroélectricité,
à l'abri de toute ingérence, par ses seules forces de gestion,
ses seules forces économiques, le Québec a réussi à
faire naître dans son territoire ce qui est probablement la plus
puissante compagnie de l'Occident en matière de production, de transport
et de distribution de courant électrique. C'est la plus grande compagnie
du Canada et vous savez que le Québec n'en compte guère, parmi
les 500 plus grandes... Je pense qu'il y a 15 ou 17 compagnies
québécoises qui ont leur siège social
contrôlé au Québec parmi les 500 plus grandes au Canada et
Hydro-Québec est l'une de celles-là.
Le gouvernement du Québec s'est aussi donné divers moyens
d'intervention par voie de sociétés publiques, qu'elles
s'appellent REXFOR ou SGF, qui est lourdement impliquée dans le domaine
des pâtes et papiers par sa filiale Dono-hue qui a
développé Donohue-Saint-Félicien et qui s'apprête
à une autre aventure commune avec des capitaux privés en Abitibi.
De même la société SOQUEM, née au cours des
années soixante, après une période de maturation et
certains tâtonnements absolument nécessaires, mais pouvant agir
à sa guise et en toute liberté, sans ingérence indue du
pouvoir fédéral, est devenue une des compagnies minières
les plus puissantes du Québec, du moins au stade de l'exploration et de
la tenure des propriétés minières. Depuis quelques
années en particulier, SOQUEM, en retours sur l'investissement, peut
nous permettre d'espérer, en quelques années, la
récupération de tous les capitaux investis depuis la mise en
route de l'entreprise.
La Société nationale de l'amiante, plus contemporaine, a
déjà des réalisations non négligeables à son
actif. Sauf que on le sent bien et on l'a vu à l'occasion de
l'amiante, comme on ne l'avait pas vu dans le fer ou
l'électricité le phénomène mondial de
rareté des richesses naturelles fait que les appétits
s'aiguisent. Les prix sont dramatiquement révisés à la
hausse et on peut maintenant tirer un pouvoir non négligeable en termes
de développement économique de la présence de richesses
naturelles sur son territoire.
Pour cette raison, ce qui laissait tout le monde dans la parfaite
indifférence il y a quarante ans est devenu la foire d'empoigne la plus
spectaculaire de toutes les discussions qui se font à l'intérieur
de la fédération canadienne depuis cinq ans. Cela a permis en
particulier à des provinces qui avaient une importance économique
négligeable dans les années trente de devenir des géants
économiques et de développer une influence sur la
fédération canadienne que jamais elles n'auraient pu
espérer même si le gouvernement du Canada avait eu les politiques
de développement régional les plus efficaces.
Je me souviens qu'un premier ministre d'une province de l'Est relatait,
en conférence fédérale-provinciale donc, un homme
d'un certain âge que la première fois qu'il avait entendu
dans sa vie le mot Alberta, c'est lorsqu'il était allé porter
dans le sous-sol de l'église de son village natal des couvertures et des
vivres pour être expédiés aux malheureux Albertains
frappés par la disette et par la famine. Il ne manquait pas de tirer des
conclusions de cette aventure de jeunesse dans sa position vis-à-vis de
la fixation du prix du pétrole et de la répartition des richesses
du nouvel Etat albertain riche.
Donc, pour résumer toute la période, on peut dire que
mollement, sans trop nuire, sauf je dirai pourquoi en nuisant un
peu aux contribuables, le gouvernement du Canada ne s'était guère
intéressé à la gestion des richesses naturelles. A telle
enseigne que, lorsque j'étais secrétaire du Conseil canadien des
ministres des Richesses naturelles au cours des années soixante, la
blague à la mode autour de la table, c'est quand le représentant
fédéral prenait la parole et s'intitulait ministre des Mines; il
y avait toujours une province ou deux qui disaient: Correction, vous êtes
le ministre des Mines des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon et vous n'avez
aucune espèce d'influence sur toutes les autres exploitations
minières du territoire.
Les choses ont bien changé, mais les textes constitutionnels
n'ont pas changé. Si le jour est venu de les changer, il faut
considérer que ce ne sont pas les références historiques
et l'attitude passée du gouvernement fédéral qui peuvent
nous être d'un grand secours dans l'analyse de ce qui doit être
fait dans les années à venir. Si on veut voir quels sont les
pouvoirs présents et la situation juridique, l'analyse est relativement
simple. Dans
les textes, la propriété des richesses naturelles par les
provinces est confirmée d'une façon assez claire et assez
formelle. On peut dire que c'est même une séquelle de la situation
de droit existant avant 1867. Là-dessus, autour de cette table, j'en
suis sûr, et autour d'à peu près toutes les tables
analogues au Canada, il y a une espèce d'unanimité et de
consentement formel, du moins, à la propriété
incontestée des richesses naturelles par les juridictions
provinciales.
Pour mémoire, je rappelle à des gens qui n'ont
peut-être pas besoin de se le faire rappeler que le livre beige est assez
explicite là-dessus dans sa recommandation no 21, sous-paragraphe no 2.
On dit que la constitution affirmera le droit de propriété des
provinces sur les ressources naturelles sises sur leur territoire et leur
conservera la compétence exclusive pour gérer et
réglementer les ressources naturelles, notamment les ressources
minières, pétrolières, gazières, ressources
hydrauliques, terres et forêts, sauf l'exception fondée au
paragraphe suivant. Et, dans le paragraphe suivant, je vous rappelle que c'est
de l'énergie nucléaire qu'on parle.
Dans le rapport de la commission Pepin-Robarts, on a également
des éclairages assez précis. Je lis, par exemple, à la
recommandation no 32: "Les principaux rôles et responsabilités des
gouvernements des provinces devraient consister à assurer le
développement économique des provinces, y compris l'exploitation
de leurs richesses naturelles." On complète à la recommandation
no 37 en disant qu'une nouvelle constitution devrait continuer à
prévoir une liste de compétences exclusives du Parlement et une
liste de compétences exclusives des Assemblées
législatives des provinces et que les pouvoirs concurrents devraient
être évités, chaque fois que cela est possible, grâce
à une définition plus précise des pouvoirs exclusifs.
Si je lis les deux articles l'un en rapport avec l'autre, je comprends
que les richesses naturelles sont de la juridiction exclusive des provinces,
sauf la petite réserve qu'on a mentionnée, et que, si elles sont
de la compétence exclusive des provinces, on doit clarifier, dans la
pratique des choses législatives et administratives, la
non-possibilité d'ingérence par un autre niveau de gouvernement
que celui des provinces dans la gestion et le développement des
richesses naturelles.
Donc, sur cette question formelle, pour l'avenir comme pour le
passé, il y a un certain accord et une certaine unanimité. Alors,
si c'est aussi clair sur le plan formel, qu'est-ce qui peut séparer le
gouvernement du Canada des interlocuteurs provinciaux et certains
interlocuteurs provinciaux entre eux? D'abord, je fais un cas spécial
qui est celui de la province d'Ontario. La province d'Ontario il faut
avoir une approche pragmatique à cet effet et interpréter toutes
ses déclarations, toutes ses attitudes et ses prises de position en
regard d'un fait brutal c'est la province importante du Canada qui est
le moins bien pourvue au titre des richesses naturelles. Les revenus par
tête d'habitant tirés des richesses naturelles en Ontario sont
beaucoup plus bas que ceux qui sont tirés par le Québec et
incommensurablement plus bas, par tête, que ceux tirés par les
citoyens de l'Alberta. Alors, il n'est pas surprenant que cette grande province
industrialisée, moins bien pourvue que les autres en richesses
naturelles, ait une position, en général, discordante. Mais, pour
toutes les autres, il y a, encore une fois, cette espèce
d'unanimité formelle pour le passé comme pour l'avenir.
Cependant, même si j'ai dit qu'à une époque de
ressources abondantes, le passé était peu éclairant, on
peut quand même tirer certaines leçons du passé, parce que
le gouvernement du Canada, en dépit de la situation moins brûlante
de l'époque antérieure, par la voie classique des pouvoirs
généraux les uns plus que les autres, évidemment
a quand même tenté, au cours des 25 dernières
années en particulier, pour une raison ou pour une autre, de
s'introduire dans la gestion, le développement et la planification du
domaine des richesses naturelles.
Ce n'est pas tellement par le pouvoir rési-duaire ni,
évidemment, celui de désaveu et de réserve, mais c'est
souvent par la capacité illimitée de dépenser, par les
pouvoirs d'urgence, par les pouvoirs sur le commerce et la taxation que le
gouvernement du Canada, au cours des années, même s'il
n'était pas le gestionnaire des richesses naturelles du pays, s'est
donné des ministères à vocation de richesses naturelles.
Il y a, au gouvernement fédéral, un secteur important de
l'administration qui s'occupe de mines. Quelles mines, si les mines sont
propriété des provinces? Il y a, évidemment, un secteur
important qui s'occupe de forêts, de foresterie, de terres et
forêts. Quelles forêts, quelles terres, si les terres sont la
propriété et la juridiction exclusive des provinces? Cela n'a pas
eu des conséquences absolument catastrophiques. Je ne vous dis pas qu'un
institut de recherche qui travaille sur les questions forestières,
même sous la juridiction du gouvernement du Canada, n'a pas rendu
quelques services pour combattre tel et tel problèmes dans la
forêt québécoise ou la forêt de la
Colombie-Britannique, sauf qu'il y a eu là des dédoublements qui,
pour l'avenir je pense que tout le monde sera d'accord avec ça
doivent être limités formellement et dans des textes, dans
la logique du livre beige et dans la logique du rapport Pepin-Robarts. (12 h
45)
Je ne vois pas de quelle manière le gouvernement du Canada
pourrait justifier qu'avec l'argent des taxes des contribuables du
Québec ou de la Colombie-Britannique, il va payer des fonctionnaires
d'un ministère des Terres et Forêts ou, sous des noms
différents, un ministère analogue. Je ne vois pas pourquoi le
ministère des Mines du gouvernement fédéral a des bureaux
à Québec. Il me semble que c'est là un exemple de
dédoublement de juridiction, avec les coûts économiques que
cela représente, qui est néfaste à l'efficacité
économique de l'ensemble canadien et qui est au détriment,
évidemment, des contribuables par la dépense publique inutile ou
dédoublée que cela entraîne.
Cela, c'est pour l'aspect dédoublement qui, encore une fois,
à part de pénaliser le contribuable, n'a pas toujours des
conséquences dramatiques plus graves, par ailleurs, lorsque les
dédoublements conduisent à des antagonismes de politiques et de
décisions. Par son pouvoir de dépenser, depuis un certain nombre
d'années, le gouvernement du Canada nous a servi un certain nombre
d'exemples, et l'usage juridique formel que l'on peut faire de la constitution
du Canada nous a fourni un certain nombre d'autres exemples.
L'exemple le plus contemporain, parce que c'est une question de mois,
c'est ce qui s'est passé autour des exploitations des mines de sel des
Iles-de-la-Madeleine. Par le biais du ministère de l'Expansion
économique régionale sur lequel on pourrait faire de longs
développements, le gouvernement du Canada a considéré,
pendant un certain nombre de mois, et avec des discussions de plus en plus
précises, de collaborer avec une société
québécoise, SOQUEM, à la mise en valeur de ces gisements.
Il a décidé ultimement, après nous avoir fait perdre un
certain nombre de mois, 12, 15, 20 mois, de ne pas contribuer au projet, mais
d'aller plutôt dans des projets alternatifs non reliés à la
question minière, mais comme une espèce de pendant d'une chicane
inutile, d'une chicane absolument inutile. Si les juridictions avaient
été claires et le pouvoir de dépenser limité et si
le Québec avait eu les ressources, la question du sel des îles
serait réglée déjà depuis deux ans. Il n'y aurait
pas eu cet affrontement disgracieux entre les gouvernements et cette
dépense alternative qu'a promise le gouvernement du Canada et qu'il n'a
pas faite et qui n'a rien à voir avec une politique cohérente de
développement régional. Il s'agissait seulement de damer le pion
à SOQUEM, qui dépense dans le sel des îles. SOQUEM
dépense là. Nous sommes aussi bons que SOQUEM. Nous allons
dépenser ailleurs. Ce n'est pas une façon de concevoir le
développement régional ni la politique minière.
Une autre interface contemporaine, ce sont tout contribuable et
tout citoyen doit s'adresser aux tribunaux et invoquer la constitution du
Canada, donc sans entrer dans aucune contestation de ce droit fondamental
les difficultés d'ordre constitutionnel que le gouvernement du
Québec a affrontées dans la mise en place de sa politique de
l'amiante. D'abord ab initio, avant quelque contentieux que ce soit, le
présent gouvernement a été en bute à ces
difficultés, mais l'administration précédente aussi, qui
limitait le pouvoir du Québec en matière de taux
préférentiels d'approvisionnement en amiante de ses producteurs
locaux. Cela aurait pu être une formule. Dans les dossiers de l'ancien
gouvernement, on a retrouvé cette formule qui avait été
étudiée sérieusement et qui a été
rejetée pour la simple raison que cette façon de procéder
était anticonstitutionnelle et aurait pu être cassée par
les tribunaux. La présente politique de l'amiante qui, elle, est bien
connue et qui n'est pas restée dans les dossiers à titre de
projet, mais est de- venue une loi et même des lois de l'Assemblée
nationale, également, encore une fois en tout bien, tout honneur, dans
le présent contexte constitutionnel, est retardée, est
entravée. Des décisions de l'Assemblée nationale du
Québec en matière de développement minier ne peuvent pas
être rendues opérationnelles à cause des implications de .
ces zones grises découlant des textes et confirmées par les
tribunaux entre la propriété formelle des richesses naturelles et
le pouvoir effectif de faire ce que l'on veut avec ces richesses
naturelles.
Le passé, en certains cas, est garant de l'avenir et, comme
l'avenir, aujourd'hui, se présente d'une façon beaucoup plus
dramatique à cause de ce contexte de rareté des richesses qui
vont avoir et ont eu, dans certains cas clairs, des effets de marché
absolument incroyable, tous ceux que la question intéresse et qui
veulent sauvegarder un véritable pouvoir aux gouvernements provinciaux
dans le domaine du développement économique doivent être
d'une prudence extrême avant de coucher sur papier quelque texte qui
engagerait l'avenir à long terme dans ce domaine. Tous ceux que la
question intéresse sont maintenant rendus à ce tournant où
ils doivent dégager du consensus formel sur la propriété
des ressources les conséquences pratiques en matière de gestion
et d'administration exclusives.
L'Opposition aura sans doute la possibilité cela va de soi
de s'exprimer sur cette question. Sans bousculer ses
représentants, je voudrais savoir de leur part s'ils sont d'accord sur
ce principe, d'abord, de la propriété pleine et entière
des juridictions provinciales sur l'ensemble de leurs richesses naturelles.
C'est une question à laquelle, je crois, on pourrait avoir une
réponse claire.
Comme accessoire non négligeable de la question, je voudrais
savoir si les oppositions croient que l'on doit tirer de ce principe ces
conséquences normales et logiques qui sont le droit pour les provinces
de profiter des rentes découlant de leur droit de
propriété. Celui qui possède la maison possède
également le droit d'en percevoir le loyer, cela paraît assez
élémentaire, et il possède également le droit de
décider quand les réparations seront faites, de quelle
manière l'entretien sera fait et par qui. En d'autres termes, une
série de conséquences extrêmement logiques découlent
de l'acceptation du principe du droit de propriété formelle de la
juridiction du Québec et des autres provinces sur leurs richesses
naturelles. C'est le premier point que je voudrais soumettre à la
réflexion de nos collègues de l'Opposition.
Le second point sur lequel rien, probablement, ne devrait nous diviser,
c'est l'accès prioritaire aux habitants de l'espace économique
canadien aux richesses naturelles de ce territoire. Si on décide
je pense qu'il n'y a rien qui nous sépare là-dessus, il n'y avait
rien qui nous séparait là-dessus même il y a six mois
qu'il doit y avoir un marché commun canadien, qu'il est dans
l'intérêt de toutes les juridictions et de tous les habitants de
ce territoire d'Halifax à Vancouver que
s'établisse un marché commun, et on pourrait même
aller plus loin dans les consensus, la tendance de ce continent est à
l'abaissement des barrières entre les diverses juridictions, et on peut
penser que sur un quart de siècle, et en particulier depuis le 1er
janvier 1980, les barrières tarifaires comme conséquence de la
dernière ronde de négociations de Genève, la
dernière ronde, "the Tokyo Round", sont en train de fondre comme neige
au soleil. Au Canada, comme au Québec, comme aux Etats-Unis, se
développent des écoles de pensée économique qui ont
même dépassé le stade des écoles en vue de
l'établissement éventuel d'un grand marché commun
nord-américain, du Rio Grande à la rivière La Grande, et
même au sud du Rio Grande, dans un avenir qui peut être
prévisible à horizon de vie humaine. Si on est d'accord sur ces
principes, si on est d'accord pour une collaboration étroite avec nos
concitoyens et ceux qui habitent l'espace économique canadien comme
nous, nous serions mal venus de dénier à l'ensemble de ces
citoyens un accès prioritaire aux richesses naturelles de ces
territoires que ce soit celles de l'Alberta, de la Colombie-Britannique
ou du Québec à ceux qui, pour l'instant, habitent l'espace
économique canadien.
Cependant, je fais une réserve qui est basée non seulement
sur l'intérêt bien fondé du Québec et des provinces,
mais également sur la rationalité économique: que cet
accès prioritaire dont j'ai parlé se fasse au prix du
marché et que les prix et les conditions de circulation des richesses
naturelles ne soient pas basés sur des mécanismes juridiques de
fixation au-delà des pouvoirs des provinces.
Si logiquement on admet la propriété, logiquement on doit
admettre la rente et on ajoute à cela que, de Halifax à
Vancouver, on doit avoir un accès prioritaire à toutes les
richesses naturelles pourvu que ces richesses naturelles soient
attribuées suivant des mécanismes économiques
cohérents et ces mécanismes économiques cohérents
sont le prix du marché.
Dans un marché, il y a des vendeurs et il y a des acheteurs et le
vendeur ne peut être que celui qui est le propriétaire du bien ou
de la chose. C'est un principe élémentaire et, dans le cas des
richesses naturelles, ce sont les provinces ou les entités juridiques
qui sont dans la juridiction de ces provinces. Les transactions en
matière de pâtes et papiers ne se font pas directement du
gouvernement du Québec à celui de l'Ontario ou du gouvernement du
Québec à celui des Etats-Unis. Ce sont des agents
économiques souvent privés et parfois publics qui, à
l'intérieur de ces territoires, vendent leurs ressources. Mais ces
vendeurs et ces acheteurs ont entre eux une relation de marché.
Je fais maintenant une qualification, qui peut découler de
circonstances historiques, à ce que je viens de dire sur le prix du
marché. On ne peut pas revivre l'histoire à l'envers.
L'attribution des prix de l'énergie au Canada en particulier s'est
écartée des mécanismes de marché. Les
marchés mondiaux ont fait passer le baril de pétrole brut du
Moyen-Orient de $2 à $35 sur une période extrêmement
courte, ce qui a eu des effets traumatisants sur toutes les économies du
monde. Les administrations canadiennes de l'époque ont choisi de
décrocher les mécanismes fondamentaux du marché. Je pense
que c'était une erreur. Je ne suis pas le seul à penser ainsi;
tout le monde reconnaît maintenant cette erreur. Tout le monde
reconnaît qu'il n'était pas convenable de décrocher
brutalement le prix d'une ressource épuisable comme le pétrole
des impératifs du marché.
Tout le monde veut maintenant y revenir. Je ne pense pas que la
brutalité, en matière économique, soit un facteur de
développement, soit un facteur utile ou soit un facteur d'harmonie. Il
s'agit donc de réparer l'erreur du passé et de cheminer, dans des
délais acceptables et justes pour la province d'Alberta... Parce que son
pétrole bon marché, duquel elle tire une rente, est en voie
d'épuisement à grande vitesse. Je pense que c'est la semaine
dernière qu'on a encore révisé à la baisse les
prévisions de réserves de pétrole conventionnel en
Alberta. Donc, d'une manière juste pour l'Alberta, qui est encore une
fois le propriétaire et le vendeur, et qui n'a pas le droit de
persécuter les autres membres de l'espace économique, à
cause d'une erreur historique, l'Alberta est quand même en droit
d'exiger, comme le Québec le serait, pour quelque denrée rare de
son territoire...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre, excusez-moi, s'il vous plaît! En vertu du mandat qui nous est
confié par la commission, normalement, les travaux devraient être
terminés, mais je pense que...
M. Charron: M. le Président, je voudrais faire une
proposition qui pourrait peut-être rallier du monde, pour permettre au
ministre d'Etat au Développement économique de terminer, et
à un représentant de chacun des partis ainsi qu'au
député de Rouyn-Noranda d'ajouter leur opinion
préliminaire sur ce sujet, quitte à dépasser l'heure. Par
la suite, nous pourrions ajourner les travaux sine die, puisqu'il
m'apparaît que nous aurons besoin d'une autre séance pour faire le
tour d'autres points en discussion. Je le ferais sine die puisqu'il est
impossible, pour le moment, de rejoindre une date qui ferait l'affaire de tout
le monde à cause du calendrier serré de Winnipeg, la semaine
prochaine, etc.
J'entrerais donc en discussion téléphonique à un
autre moment avec mon vis-à-vis de l'Opposition officielle et celui de
l'Union Nationale, pour qu'on s'entende sur une autre date. (13 heures)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'il y a consentement unanime pour que, jusqu'à la fin de
l'intervention... Est-ce que vous voulez mettre une heure limite?
M. Le Moignan: Oui, à quelle heure pourrions-nous
terminer, parce que j'ai d'autres obligations et des voyages cet
après-midi?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre, en avez-vous encore pour longtemps? Excusez-moi de vous poser cette
question, mais...
M. Landry: Non, je voudrais encore évoquer deux principes,
pendant quelques minutes, et ce sera la fin de mon intervention.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que 14 heures ou 13 h 45 ferait l'affaire des députés?
M. Forget: Quant à nous, puisque nous sommes les prochains
à prendre la parole, il y a moins de difficulté, mais, selon la
longueur de l'intervention du ministre, il se pourrait que, si on fixe une
heure limite, certains de nos collègues soient privés de leur
droit de parole; alors, moi, je suis très large là-dessus, mais
je ne suis pas principalement visé.
M. Le Moignan: 13 h 45 ou 14 heures. M. Charron: 14 heures
ou 13 h 45?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors,
13 h 45, d'accord?
M. Landry: L'autre thème que je voudrais soumettre
rapidement, M. le Président, à votre réflexion et à
celle des oppositions, c'est une des applications pratiques du principe du
droit de propriété sur les ressources naturelles qui est
l'exclusivité de percevoir le loyer et la rente de ses richesses d'une
manière directe ou indirecte. Je veux en venir à ce projet de
taxation de l'exportation de richesses naturelles, dont
l'électricité du Québec, par le gouvernement du Canada. Je
relie ce principe à ceux que j'ai énoncés
précédemment. Nous sommes d'accord pour l'accès
prioritaire de tous les Canadiens aux richesses naturelles du Québec,
moyennant réciprocité au prix du marché. Cependant, ce
principe devient totalement inopérant si le gouvernement du Canada a le
droit d'imposer une taxe.
Je m'explique en termes concrets. Si l'Etat de New York, par exemple,
est décidé à payer 70 mills le kilowatt électrique,
départ, disons, Rouses Point vers New York, alors que, dans ces
conditions de marché, l'Ontario ou le Nouveau-Brunswick ne seraient
nullement intéressés ou offriraient 30 mills, quel est le prix du
marché? C'est 70 mills, il y a un acheteur. Si le gouvernement du
Canada, par une taxe, comble la différence entre 30 et 70, cela revient
exactement à l'interdiction formelle pour le Québec d'exporter
son électricité aux Etats-Unis, rend le projet non
économique, rend le projet impossible et confisque un avantage de
situation que le Québec avait à cause de la présence de
courant électrique sur son territoire. Ce que je voudrais, c'est une
illustration; ce que je voudrais, c'est demander à l'Opposition de nous
communiquer ses réflexions sur les conséquences du principe
auquel elle souscrit dans son livre beige sur la propriété
exclusive du Québec de ses richesses naturelles.
J'ajoute enfin deux autres corollaires directs de ce qui a
été dit précédemment. Que soit
réitérée, précisée et balisée
l'exclusivité de législation et d'administration du Québec
et de toutes les provinces sur leurs richesses naturelles, avec la
conséquence, pour être très concret, qu'il deviendrait
illégal et inconstitutionnel pour le gouvernement du Canada de
décider d'avoir un ministère de l'électricité qui
aurait juridiction au Québec ou au Manitoba ou en Colombie-Britannique.
Que le gouvernement du Canada ne pourrait pas, par limitation découlant
de son pouvoir de dépenser, consacrer vos taxes et les miennes à
des activités dans le domaine des pâtes et papiers, dans le
domaine de la forêt, et que ces moyens disponibles soient laissés
aux juridictions responsables ou rendus aux juridictions responsables
lorsqu'ils auront été enlevés
précédemment.
Enfin, un dernier principe qui est revenu souvent dans nos discussions,
le gouvernement croit que les meilleurs intérêts du Québec
ont été, dans la plus grande puissance possible de celui-ci sur
ses richesses naturelles dans tous les aspects de leur gestion et de leur
exploitation, et il croit que ces pouvoirs, d'aucune manière, au cours
du processus de révision constitutionnelle, ne devraient être
diminués, d'une part. Il croit, par ailleurs, en raison de certains
exemples que j'ai donnés, que ces pouvoirs devraient être
augmentés, d'autre part.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Saint-Laurent.
M. Claude Forget
M. Forget: Merci, M. le Président. Jusqu'à
maintenant, au cours des travaux de cette commission, nous avons entendu les
positions du gouvernement et, dans tous les cas, jusqu'à maintenant du
moins, les positions qui ont été formulées par le
gouvernement, aussi loin qu'elles vont et, dans certains cas, ce n'est pas
très loin, ne sont pas incompatibles avec, dans le fond, la
souveraineté-association.
Nous avons eu, par exemple, sur la déclaration de principes, la
notion qu'ils devraient contenir l'affirmation du droit à
l'autodétermination et de la dualité, mais aucune autre
contribution véritablement positive. Nous avons eu, du côté
de la charte des droits, l'affirmation qu'on n'en voyait pas vraiment
l'utilité, quoiqu'on serait peut-être prêt à s'y
rallier, mais sur un contenu qui n'a pas été
précisé.
Dans le domaine de l'économie, je crois que mon collègue
de Notre-Dame-de-Grâce, ce matin, a bien illustré
qu'au-delà des querelles d'intention, des critiques et des
réactions face à un document d'un autre gouvernement, il n'y
avait aucune suggestion, aucun contenu concret permettant d'envisager la
solution des problèmes que, par ailleurs, verbalement au moins, le
gouvernement reconnaît comme des problèmes réels.
Lorsque nous abordons les richesses naturelles, on franchit un cran de
plus dans cette
forme ou dans cette approche aux problèmes constitutionnels. Sauf
erreur, le gouvernement du Québec semble adopter une position qui n'est
pas, par omission, conforme à la souveraineté-association, mais
qui l'est, par commission, de façon explicite, à moins qu'on
n'ait pas compris le sens des recommandations qui sont contenues dans les
documents qui nous ont été remis.
En écoutant le ministre d'Etat responsable au
Développement économique, j'en viens à la conclusion
il me corrigera, je ne sais si nos travaux permettent désormais
qu'il me corrige que le gouvernement du Québec, face à la
question des richesses naturelles, adopte une position plus intransigeante que
le gouvernement de l'Alberta lui-même, dans ses négociations,
voudrait se voir affirmer des pouvoirs exclusifs non seulement dans des
domaines qui, évidemment et je m'empresse de l'ajouter ne
font aucune espèce de difficulté pour tous ceux qui se sont
exprimés là-dessus, mais sur des sujets extrêmement
difficiles, extrêmement délicats, tels que ceux relatifs à
l'exportation en dehors de la province d'origine des richesses naturelles.
Sur la question également de la fiscalité relative aux
richesses naturelles, on réclame des pouvoirs beaucoup plus largement
définis non seulement que ceux qui existent à l'heure actuelle,
mais même que ceux que réclame le gouvernement de l'Alberta. On
doit donc s'arrêter et se demander si c'est vraiment là la
position qu'envisage sérieusement de maintenir le gouvernement du
Québec dans la question des richesses naturelles et s'il n'est pas
incroyable que le gouvernement du Québec soit plus intraitable à
cet égard que le gouvernement de l'Alberta.
J'aimerais, M. le Président, pour être plus
spécifique, distinguer cinq questions qui doivent être
traitées de manière séparée pour bien se comprendre
dans le domaine des richesses naturelles, pour voir où sont les
ententes, les accords et où sont au moins les questions et
peut-être les divergences d'opinions fondamentales. La première
question que l'on peut se poser relativement aux richesses naturelles a trait
à la propriété des ressources. Là-dessus, il faut
constater qu'il ne semble pas y avoir des difficultés, aucune
difficulté. J'hésite un peu ici parce que les dernières
remarques qu'a faites le ministre d'Etat tout à l'heure, relativement
à la façon de calculer la rente économique ou de calculer
la possibilité ou le pouvoir exclusif des provinces de percevoir des
royautés, soulèvent bien sûr une question à cet
égard. J'y reviendrai plus loin au moment où nous parlerons des
questions de commerce extraprovincial des richesses naturelles. Mais il demeure
que je pense qu'on peut affirmer que tous ceux qui se sont prononcés sur
le sujet sont prêts à reconnaître la propriété
exclusive des richesses naturelles, y compris bien sûr le pouvoir des
provinces de percevoir exclusivement les droits et les royautés qui
accompagnent leur extraction ou leur exploitation.
Entre parenthèses, je pense ici qu'il peut être utile de
souligner que les affirmations que je fais sont basées sur une analyse
comparative des positions qui me semblent devoir être pertinentes
à notre débat, c'est-à-dire la position telle qu'on la
comprend, au moins, du gouvernement du Québec dans les documents qui
nous ont été remis, d'une part; d'autre part, le texte conjoint
des gouvernements, qui est désigné sous le nom du meilleur projet
ou du "best effort draft", qui date de février 1979, avec une
modification dans le cas de l'Alberta, puisque la position de l'Alberta
était réservée sur au moins un de ces
éléments et, en troisième lieu, les dispositions de notre
livre beige.
Donc, relativement à ce premier point, si l'on regarde ces trois
textes, on constate que, quant à la propriété ou aux
royautés, la juridiction provinciale est reconnue de façon
absolue, sans partage. Le deuxième aspect, recherche, prospection, mise
en valeur, exploitation et conservation, c'est-à-dire la gestion de la
ressource, la détermination de la rapidité avec laquelle, par
exemple, une richesse non renouvelable est extraite du sous-sol, tout cela
constitue un ensemble de décisions extrêmement importantes et,
là aussi, on constate dans tous les textes un accord,
c'est-à-dire une compétence provinciale exclusive. Ceci vise donc
les permis d'exploration, les permis de prospection, de mise en valeur, de
développement, la vente des baux d'exploration et de
développement, les politiques de conservation qui doivent, bien
sûr, aussi inspirer les gouvernements dans l'attribution des permis
d'exploitation et autres.
Le troisième aspect c'est là que la question
commence à revêtir son intérêt concerne
l'exportation en dehors de la province d'origine d'une ressource naturelle. Il
est bien sûr que, si tout le produit de l'exploitation d'une ressource
naturelle est consommé à l'intérieur d'une province, ce
n'est pas un problème constitutionnel; c'est de compétence
provinciale exclusive. Je pense qu'il n'est même pas besoin de le
mentionner. C'est donc lorsque des produits qui trouvent leur origine dans une
mine, une forêt ou un puits d'huile ou de gaz franchissent les
frontières d'une province qu'un problème commence à se
poser. Là-dessus, on doit remarquer que, dans la position du
Québec, on voit une attitude qui est exclusivement, nous semble-t-il,
provincialiste, c'est-à-dire que le gouvernement du Québec
suggère que la décision et la réglementation, la
compétence législative sur le commerce interprovincial en
matière de ressources naturelles soient exclusivement provinciales.
Cette position diffère de celle adoptée par
l'avant-projet, le meilleur avant-projet de février 1979, en ce que,
même si, dans ce projet, on reconnaissait une compétence
prééminente des provinces sur le commerce interprovincial, on
assortissait malgré tout ce droit exclusif des provinces, ou cette
suprématie législative des provinces, à l'obligation de
non-discrimination quant aux prix dans les ventes faites à d'autres
provinces. Autrement dit, on disait dans ce cas-là, tout le monde
avait à l'esprit l'Alberta : Vous pouvez réglementer,
à l'exclusion même du gouvernement fédéral, le
commerce
interprovincial en matière de pétrole et de gaz naturel,
mais vous n'avez pas le droit de vendre aux grossistes, en quelque sorte, ou
aux revendeurs que sont les compagnies de distribution dans différentes
provinces, etc., plus cher que vous ne revendez à des distributeurs
albertàins pour consommation en Alberta, mais, sous cette
réserve, vous avez la liberté totale.
Ce que le gouvernement du Québec nous propose, c'est une
juridiction provinciale exclusive, mais on ne retrouve pas dans son texte, ni
dans le projet qui l'accompagne en annexe, une restriction de ce genre. (13 h
15)
Deuxième différence entre le meilleur texte de 1979 et la
position du Québec. Ce texte, ce meilleur texte envisageait une
suprématie fédérale sur le commerce interprovincial dans
les cas de ce que ce texte appelait une nécessité d'envergure
nationale. Dans le texte du Québec, dans la proposition du
Québec, on ne retrouve rien d'équivalent, si ce n'est, de
façon assez sibylline, un engagement qu'à la page 4, le
gouvernement du Québec propose que les provinces fassent les unes
vis-à-vis des autres, mais dans une forme qui n'est pas
précisée et qui ne semble pas incluse dans la constitution, une
espèce de promesse morale de ne pas se maltraiter les unes les autres
dans les situations d'urgence ou de crise.
Il est bien évident, M. le Président, que cette allusion
à la nécessité d'envergure nationale que l'on retrouve
dans le meilleur effort des gouvernements de 1979 est une expression qui se
prête à interprétation et que, pour cette raison-là,
elle n'était pas absolument à la satisfaction de la province
d'Alberta, ni d'ailleurs, je pense, à la satisfaction de provinces qui,
comme l'Alberta, se voient comme des provinces productrices de ressources
naturelles importantes. Cela pourrait très bien être le cas du
Québec, comme l'a souligné le ministre d'Etat.
C'est à la lumière de cette préoccupation que, dans
le livre beige, le Parti libéral du Québec suggère que ce
pouvoir d'intervention fédéral ne puisse être
invoqué que dans des situations de crise ou d'urgence. Essentiellement,
ce qui est visé, c'est une crise ou une urgence provoquée par une
interruption des approvisionnements et que, à ce moment, un pouvoir
d'urgence de caractère temporaire puisse permettre de résoudre,
par rationnement, allocation des ressources, etc., la situation de
pénurie absolue dans laquelle cette urgence plonge le pays et les
provinces consommatrices.
Il est d'ailleurs intéressant de noter que ce genre de
libellé, par référence à une situation d'urgence
nationale et une urgence comprise par tous comme étant essentiellement
une interruption des approvisionnements, constitue également un
libellé acceptable à la province d'Alberta. Donc, l'Alberta,
selon notre compréhension à nous, accepte une possibilité
d'intervention fédérale dans des cas d'interruption
d'approvisionnement, interruption limitée à l'envergure de la
crise ainsi provoquée à la fois dans le temps et quant à
ses répercussions.
A rencontre d'une position comme celle-là, qui semble
ménager les intérêts à la fois des provinces
productrices et des provinces consommatrices, la position qu'on retrouve dans
les documents qui nous ont été remis, qui est un simple
engagement moral des gouvernements de ne pas se maltraiter, nous apparaît
insatisfaisante; insatisfaisante dans l'intérêt même des
Québécois, qui sont des Canadiens et qui, dans le cas des
ressources énergétiques, doivent pouvoir compter sur une garantie
beaucoup plus solide que si jamais, par exemple, se produisait, en Arabie
Saoudite ou Dieu sait où, les événements qui se sont
produits en Iran. Si l'Est du pays était, pour cette raison,
plongé dans une situation de pénurie absolue, que l'on ne soit
pas à la merci d'un engagement moral et seulement d'un engagement moral
d'une province productrice, mais qu'il y ait là un engagement
réel et une obligation réelle de la province productrice
d'accepter, pour le temps que dure cette crise et ce ne sera pas
à jamais, puisqu'on trouvera, bien sûr, des moyens de s'ajuster
qu'au moins sur le plan des approvisionnements, certaines affectations
autoritaires soient faites de manière que les gens du Québec ne
meurent pas dans l'obscurité et le froid pendant le temps que dure la
crise. C'est un engagement qui nous semble essentiel.
Un troisième domaine qui touche encore l'exportation hors de la
province c'est le dernier c'est la question des importations et
des exportations. Le meilleur effort des gouvernements prévoyait une
suprématie législative fédérale quant aux
exportations et aux importations. Cela inclut évidemment le pouvoir de
décréter des tarifs douaniers ou des contingentements à
l'importation, des permis à l'importation ou à l'exportation,
enfin tous les instruments qui sont normalement à la disposition d'un
gouvernement qui contrôle le commerce extérieur. Dans ce cas, la
position du gouvernement du Québec semble être de confier
exclusivement aux provinces toute la commercialisation des richesses naturelles
et des produits qui en découlent au premier stade de transformation.
Cela nous semble être une position qui n'est pas du tout
compatible avec le maintien d'un régime fédéral où
la conduite, la gestion des relations économiques internationales ne
peut pas être le fait de dix gouvernements qui, isolément,
adoptent chacun leur politique commerciale. On voit mal comment cela peut se
concilier. Bien sûr, nous comprenons le problème qu'a
soulevé le ministre d'Etat lorsqu'il dit: Si, par un tarif à
l'exportation par exemple, dans le cas du pétrole ou du gaz
naturel, peut-être, ce sont des choses qui sont familières
le gouvernement modifie le niveau du prix intérieur au fabricant, du
prix effectivement reçu par le producteur sur le marché canadien
de cette ressource naturelle, il exproprie en quelque sorte une partie de la
rente économique dont on lui reconnaît par ailleurs la
propriété par le premier principe. Là-dessus, il n'y a pas
quatre chemins que l'on puisse adopter, il n'y en a qu'un; la rente
économique, donc le droit exclusif aux royautés peut
difficilement se calculer par
référence au prix dans un autre pays; il doit bien se
calculer par référence au prix domestique. Je ne vois pas
comment, autrement, on puisse faire un sens de la nécessité que
l'on doit reconnaître, par ailleurs, de l'existence d'un seul
gouvernement, le gouvernement central, pour gérer une politique
économique internationale, pour gérer les relations
économiques internationales.
Ce problème, d'ailleurs, de concurrence entre les pouvoirs de
taxation ne se pose pas seulement à l'occasion de l'imposition de droits
de douane et de contingentement; il se pose également dans le cas de la
taxation directe. Comme on le sait très bien, même si le concept
de rente économique est très clair en théorie, en
pratique, il est extrêmement difficile de faire la part des choses entre,
d'une part, un bénéfice commercial normal et la rente
économique dans le profit d'une société qui exploite les
richesses naturelles. Les deux sont indissociables, mêlés par la
nature même des choses et par la façon dont la comptabilité
d'affaires se fait. Le concept de rente économique n'a pas
d'équivalent du côté de la comptabilité fiscale des
entreprises.
Il faut bien aussi, de ce côté, par des négociations
ou autrement, trouver un modus vivendi dans l'exercice simultané de deux
pouvoirs de taxation. Les concepts économiques de ce côté,
même s'ils sont clairs en théorie, encore une fois, ne nous
apportent pas automatiquement de solution. Donc, ce n'est pas différent
dans le cas des droits de douane et on ne peut pas interpréter la notion
de propriété des richesses naturelles, y compris la rente qui en
découle, comme devant exclure nécessairement la présence
du gouvernement fédéral dans le domaine des droits de douane, des
contingentements d'importations et d'exportations. Ce n'est pas
conséquent.
De ce côté, M. le Président, nous avons une position
actuelle du gouvernement du Québec, telle qu'on peut la comprendre, qui
est une position, dans le fond, d'indépendance absolue des provinces non
seulement dans la propriété de leurs ressources, non seulement
dans la recherche, la prospection, la mise en valeur, la conservation des
ressources, mais également dans leur mise en marché en dehors de
leurs frontières et même en dehors du pays.
C'est une position qui n'est pas compatible avec un régime
fédéral et il va falloir que le gouvernement examine avec
beaucoup plus de rigueur sa position là-dessus, d'autant plus, encore
une fois, qu'il adopte une position en flèche beaucoup plus exigeante,
beaucoup plus intraitable que celle même de l'Alberta avec laquelle tout
le monde se débat depuis longtemps. Je veux bien croire qu'il y a des
intérêts de toutes sortes là-dedans, mais il y a aussi un
problème d'une province qui a des ressources et qui y tient, qui a
adopté une position que tout le monde juge probablement une position de
négociation. Est-ce qu'il s'agit, là aussi, d'une position de
négociation, est-ce qu'il y aura une position de repli? Il sera bon que
le gouvernement s'en prépare une, parce que celle-là, elle est
difficilement soutenable à l'intérieur d'un régime
fédéral.
Pour ce qui est de la taxation, qui était mon quatrième
point j'y ai déjà touché, je pense on semble
proposer ici, non seulement on semble, mais je pense qu'on le fait en toutes
lettres, un régime de fiscalité exclusive par les provinces.
Mais, quand on applique cela en général, cela veut dire non
seulement les droits et les royautés nous sommes d'accord
là-dessus; nous le proclamons d'ailleurs dans le livre beige mais
cela veut dire aussi exclusivité de la fiscalité même
directe, même des impôts sur les revenus des sociétés
exploitant les richesses naturelles. Si on ne veut pas le dire, on ne prend pas
le langage pour éviter cette interprétation puisque dans le
projet, à l'annexe, à 92.1.4, pour lever des impôts par
tout mode ou régime de taxation, on dit exclusivement: "Le corps
législatif de chaque province peut exclusivement
légiférer... Entre parenthèses, le "corps
législatif", M. le ministre, c'est une expression que vous utilisez
aussi.
M. Morin (Louis-Hébert): Je m'excuse, une question de
privilège ou d'information. J'ai écrit dans ce document que nous
avions utilisé le document de 1979 qui venait, lui, de l'ensemble des
provinces, c'est différent.
M. Forget: Vous l'avez utilisé en le modifiant. Je pense
qu'on s'entendra là-dessus. Vous n'avez pas modifié la
"translation" qu'on y trouve, au début, de "corps
législatif".
M. Morin (Louis-Hébert): Non, absolument pas et c'est
absolument ridicule que cela s'appelle "corps législatif".
Voilà.
M. Forget: A tout événement, c'est un point de
vocabulaire. Pour ce qui est de l'essentiel à 92.1.4, vous avez un
pouvoir exclusif de légiférer pour lever des impôts par
tout mode ou régime de taxation et, après, pour être bien
sûr que vous n'oubliez rien, dans le paragraphe 2, vous dites que "les
lois adoptées en vertu du premier paragraphe y compris les droits
fiscaux, l'emportent sur les lois du Parlement du Canada." Donc, il n'y a
absolument pas moyen de se tromper là-dessus. En matière de
taxation des richesses naturelles...
M. Landry: On n'est pas en désaccord, mais on ne s'est pas
compris.
M. Forget: Enfin, on en reparlera sans aucun doute. Si le
gouvernement apporte des explications et des clarifications, nous serons
heureux de les enregistrer, mais nous ne pouvions aller que sur la base du
texte tel qu'il nous était soumis et le texte est très
très ambitieux.
Maintenant, un cinquième et dernier point, M. le Président
je me hâte pour laisser la chance à nos collègues de
participer aussi la question des pouvoirs unilatéraux. Il est
bien clair que la question des richesses naturelles n'aurait même pas
l'acuité qu'elle a actuellement si ce n'était de l'existence des
pouvoirs unilatéraux qui constituent une épée de
Damoclès sur la tête des provinces et en particulier sur la
tête de l'Alberta,
le pouvoir déclaratoire en particulier étant ce que cette
province redoute le plus.
Dans le livre beige, au lieu de retenir la formule du meilleur effort,
formule que le gouvernement du Québec semble préférer lui
aussi et qui consiste à dire: Le pouvoir déclaratoire est
maintenu, mais il ne peut s'appliquer que dans la mesure où la province
qui est visée a préalablement donné son accord, ce qui est
une espèce de non-sens, parce que, dans ces conditions-là, on n'a
pas besoin du pouvoir déclaratoire, le Parti libéral du
Québec propose que le pouvoir déclaratoire soit plus
carrément et franchement aboli et qu'il soit remplacé, dans le
cas des richesses naturelles, par un pouvoir d'urgence très circonscrit
justement à ce que je décrivais plus tôt,
c'est-à-dire un pouvoir temporaire d'intervention pour parer à
une crise d'approvisionnement ou à une crise précipitée
par une interruption des approvisionnements. Etant donné que c'est la
seule chose qui a véritablement un caractère d'urgence en soi,
nous proposons que le fédéral puisse, à ce
moment-là, par rationnement ou autrement, intervenir pour solutionner
temporairement cette urgence et que même cet usage d'un pouvoir d'urgence
par le gouvernement fédéral dans un tel cas soit assujetti
à l'accord du conseil fédéral, c'est-à-dire que les
deux tiers des provinces soient également d'avis qu'il s'agit bien
là d'une urgence provoquée par une interruption des
approvisionnements, etc.
Donc, notre formule nous semble plus pratique, en ce sens qu'elle peut
vraiment s'appliquer, contrairement à un pouvoir déclaratoire qui
ne peut pas s'appliquer. Puisqu'il faut demander l'opinion de la victime avant
de la frapper, on n'aura certainement pas beaucoup d'occasions de l'appliquer.
Un pouvoir qui peut s'appliquer, mais qui peut s'appliquer de façon
beaucoup mieux adaptée aux problèmes véritables que l'or,
veut régler et avec le sentiment que ce n'est plus un pouvoir
unilatéral du gouvernement fédéral, mais un pouvoir
conjoint de l'ensemble des gouvernements de ce pays qui, face à une
urgence bien circonscrite, disent: Pour l'instant, il n'y a pas d'autre moyen
que de déplacer un peu le centre de pouvoir temporairement et dans la
mesure nécessitée par cette urgence. (13 h 30)
M. le Président, je pense que nous avons là, pour
terminer, une indication que, dans ce dossier des richesses naturelles, le
gouvernement du Québec a, cette fois-ci, cédé à la
tentation de sortir du cadre fédéral pour sa discussion et
d'adopter une optique de souveraineté-association. Si le oui avait
gagné le 20 mai, M. le Président, on n'aurait pas
suggéré autre chose, j'imagine, pour les richesses naturelles,
que tous les pouvoirs pour le gouvernement du Québec sur les richesses
naturelles. On ne se serait évidemment pas soucié de le formuler
en termes de toute province ou quelque chose du genre. On aurait dit: Le
Québec a tous les pouvoirs et c'est effectivement le résultat qui
serait obtenu si ces recommandations-là passaient dans la
réalité.
Le gouvernement fédéral, qui a une partie de la
responsabilité pour la gestion de l'économie, serait
dépossédé de toute espèce de contrôle, de
pouvoir ou même d'influence réelle sur la question
énergétique qui est une question majeure sur le plan des pouvoirs
économiques. Surtout après 1973, personne ne peut ignorer
l'importance des questions énergétiques sur l'économie, et
on nous produit aujourd'hui une position qui met complètement de
côté le pouvoir central dans une question comme celle-là.
Nous ne sommes pas d'accord pour donner un pouvoir central des pouvoirs plus
grands qu'il n'a à l'heure actuelle. Au contraire, nous les
circonscrivons par l'abolition d'un pouvoir déclaratoire, qui existe
encore jusqu'à nouvel ordre, et son remplacement par un pouvoir beaucoup
plus circonscrit qui ne pourrait être exercé que par l'assentiment
des deux tiers des provinces. Nous sommes, par ailleurs, absolument convaincus
que les autres questions telles que la propriété des richesses
naturelles et leur gestion ne font pas de problème et qu'elles peuvent
très facilement non seulement être conservées aux
provinces, mais que la constitution ce qu'elle ne fait pas à
l'heure actuelle leur donnerait une juridiction très claire et
explicite dans un domaine dont elles sont actuellement les dépositaires,
mais un peu par accident puisque la constitution de 1867 ne traite pas
explicitement de cette question.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
chef de l'Union Nationale.
M. Michel Le Moignan
M. Le Moignan: Oui, M. le Président. Cela va être
très bref, peut-être deux ou trois idées.
En parlant des richesses naturelles, en ce qui a trait aux pouvoirs des
provinces, leur juridiction, toute leur capacité de gérer,
d'administrer, de transformer, je pense qu'on est tous d'accord sur cela,
quoiqu'on puisse peut-être se poser une question à
l'intérieur d'un pays fédéral. Si on veut coordonner
davantage nos politiques pour l'ensemble des citoyens et une meilleure
administration du pays, c'est là que je me pose certains points
d'interrogation. Quels pouvoirs va-t-on donner au gouvernement
fédéral et quelles seront les limites des pouvoirs à
donner au gouvernement fédéral dans une juridiction où ce
dernier gouvernement semble vouloir s'implanter de plus en plus? Nous
prétendons aussi que le gouvernement a toute la juridiction. Mais la
question que je me pose, quand il s'agit de conservation, de gestion, de
transformation, de relation entre les autres provinces, de relation avec le
commerce international, c'est jusqu'à quel point nous avons besoin de
tenir compte aussi du rôle que le gouvernement du Canada devrait jouer
à ce moment-là. Je crois que c'est très important.
Nous sommes intéressés, évidemment, aux
propositions de février 1979 et nous comprenons un peu mal le recul du
fédéral dans ce domaine.
On se demande pourquoi le gouvernement fédéral ne
considère pas les formules qui auraient pu rallier peut-être la
majorité des gouvernements. Le gouvernement semble s'éloigner de
ces formules. Finalement, j'approuve peut-être l'intervention de
l'Opposition officielle pour que tous ces changements soient approuvés
par les deux tiers des provinces. C'est tout ce que je voulais dire, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Rouyn-Noranda.
M. Camil Samson
M. Samson: M. le Président, évidemment, il y a eu
beaucoup de choses d'énoncées autour de la table au sujet des
richesses naturelles. J'ai écouté avec attention les propos du
ministre d'Etat au Développement économique; j'ai
également écouté avec beaucoup d'attention les propos du
député de Saint-Laurent.
Je dois dire, en tout premier lieu, que mes opinions vont beaucoup plus
dans le sens des propos tenus par ie député de Saint-Laurent que
de ceux tenus par le ministre d'Etat au Développement économique.
En effet, M. le Président, il m'apparaît difficile de vouloir
démontrer sa volonté d'élaborer une constitution nouvelle,
de vouloir démontrer sa volonté de vivre dans un Canada, dans un
Etat fédéral, en même temps que l'on tente de
démontrer que la province doit posséder presque tous les
pouvoirs. Ou bien on fait son lit en disant: On est dans une
fédération, et ça comporte la vie en
société, ça comporte des arrangements... Le
fédéralisme est un contrat, est un arrangement en quelque sorte
d'une société, de la vision d'une société; c'est un
arrangement convenable et qui doit convenir non seulement à une partie,
mais à tous. C'est la mise en commun, quand on parle d'un Etat
fédéral, des capacités d'un pays, des ressources d'un
pays, des ressources naturelles autant que physiques et humaines et, en fin de
compte, c'est, selon moi, un contrat de société qui doit
permettre un meilleur niveau de vie à tous les sociétaires ou
encore, si on veut s'exprimer autrement, à tous les citoyens composant
ce pays.
Donc, on parle du Canada dans le cas présent. Bien sûr, les
richesses naturelles doivent être la propriété des
provinces. Personne ne conteste du moins, je n'ai pas entendu contester
cela aujourd'hui que les richesses naturelles doivent être la
propriété des provinces. Les provinces doivent être
capables d'en faire l'exploration, d'en faire l'extraction, même d'en
faire la transformation et également d'en tirer profit par la vente ou
encore par des formules dites de redevances ou de royautés.
Maintenant, nous sommes dans un contexte où nous discutons d'une
constitution d'un Etat fédéral. Donc, le commerce interprovincial
ou extraprovincial appelons-le comme on le voudra ne doit pas,
à mon sens, être soumis exclusivement à la volonté
de telle ou telle autre province compte tenu du fait que nous sommes
obligés de reconnaître que, de part et d'autre au pays, il y a des
richesses naturelles importantes, nécessaires, mais qui, d'une partie
à l'autre du pays, peuvent varier. Or, nous avons des
possibilités d'augmenter notre potentiel électrique au
Québec. Par contre, les possibilités d'augmenter notre potentiel
en pétrole ne sont pas encore connues. A moins que je ne me trompe, on
ne fait pas qu'utiliser de l'électricité en matière
d'énergie; on utilise aussi du pétrole au Québec. On peut
utiliser d'autres formes de ressources naturelles qui proviennent de sols qui
se trouvent situés ailleurs qu'au Québec. Quand on parle de la
potasse de la Saskatchewan, par exemple, c'est très utile qu'on puisse
l'utiliser au Québec. Evidemment, en ce qui concerne le marché
domestique, le marché intérieur d'une province, cela ne me semble
pas poser de problème. La province devrait pouvoir
légiférer en toute liberté sur ce commerce
intraprovincial. Mais quand il s'agit d'en arriver au commerce exraprovincial,
on déborde la limite d'une province et, en débordant la limite
d'une province, si l'on est sincère quand on veut parler d'un
fédéralisme vivant, il faut tenir compte qu'il y a d'autres
provinces, qu'il y a d'autres citoyens qui ont besoin de notre produit et dont
nous avons aussi besoin de produits.
Bien sûr, M. le Président, je vois un peu mal que le
Québec réclame l'exclusivité entière de toute
juridiction non pas sur la propriété... Je suis d'accord sur la
question de la propriété, je suis d'accord sur la question de
l'exploitation, de l'extraction, de la transformation, mais, quand arrive le
tour du marché ou du commerce, à ce moment-là, je vois
très mal comment on pourrait donner l'exclusivité à cette
province ou à une autre de son commerce extraprovincial, compte tenu du
fait que, si on vit en société, si on accepte d'être des
Canadiens, il serait très mal vu, dans une société, que
des Canadiens situés à l'est soient pénalisés par
rapport à des Canadiens situés à l'ouest pour un
même produit, compte tenu du fait que le niveau de vie je pense
que c'est un principe social que nous défendons depuis longtemps
doit être comparable. Le partage des richesses doit permettre que le
niveau de vie soit comparable de l'est à l'ouest au pays.
Là où je suis moins d'accord avec les propositions du
Parti québécois, c'est que, quand il parle d'exportation à
l'étranger, il voudrait avoir aussi une exclusivité de
juridiction dans ce domaine. Cela regroupe ou rejoint des préoccupations
qu'on retrouve ailleurs dans les matières constitutionnelles. A mon sens
je l'ai mentionné tantôt quand on a parlé du domaine
économique les importations et les exportations doivent
être de juridiction fédérale ou encore, au plus, des
juridictions partagées dans certains cas spécifiques.
Cela dit, je suis moins inquiet que le ministre d'Etat au
Développement économique qui semble voir tout en noir ou encore
tout en rouge, selon les circonstances, et il semble avoir une peur bleue, pour
compléter le tableau. J'ai moins peur que lui.
Si notre produit est valable et que quelqu'un d'autre en a besoin
à l'extérieur du pays, ces gens trouveront bien les moyens de
payer le prix qu'il faut parce qu'ils n'achètent pas à
l'extérieur du pays des produits pour nos beaux yeux. Ils les
achètent quand ils en ont besoin. Il y a une seule chose que j'aimerais,
cependant, entre parenthèses, voir préciser, sous une forme ou
une autre, afin que cela ne se reproduise pas. Il y a quelques années,
par un document déposé au Parlement fédéral, nous
avons pris connaissance du fait que le Québec, à ce moment,
vendait de l'électricité à l'Ontario, c'est avant les
années soixante-cinq. Cette électricité ou
l'équivalent de cette électricité était revendue
par l'Ontario aux Etats-Unis à un prix, évidemment, meilleur,
donc, l'Ontario faisait des profits sur notre produit. Il devrait y avoir moyen
de trouver une formule qui permette que, même si les exportations
relèvent du fédéral, l'exportation se fasse de la province
productrice directement au pays qui veut acheter, sans nous obliger à
passer par une autre province.
Malheureusement, M. le Président, je vois que, par vos beaux
yeux, vous me faites un signe désespéré que mon temps est
écoulé. J'aimerais pouvoir continuer plus longtemps, mais vous me
permettrez en deux mots de terminer en disant que je suis d'accord avec la
propriété exclusive des richesses naturelles aux provinces, mais
que, quant au reste et surtout en matière d'exportation, nous devrons
retourner à l'article des partages de juridiction et, en ce domaine, je
considère que l'import-export, cela doit relever de la juridiction
fédérale.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
Le consentement avait été accordé jusqu'à 13 h 45.
Je me dois donc de remercier les membres de la commission pour la collaboration
qu'ils ont démontrée au cours des deux dernières
journées. Là-dessus, les travaux de la commission sont
ajournés sine die.
Fin de la séance à 13 h 46