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L'ASSURANCE-MALADIE
(Dix heures et cinquante-trois de l'avant-midi)
M. MARLER (Président du comité de l'assurance-maladie): A
l'ordre, messieurs! Nous allons commencer, ce matin, par la présentation
de M. Séguin. On me dit que M. Séguin a mal aux jambes, alors
nous allons le laisser exposer son affaire assis, comme il est
actuellement.
M. SEGUIN: M. le Président, MM. les membres du comité,
j'ai le plaisir de vous présenter ce mémoire, malgré que
vous l'ayez devant vous, je ne pense pas malgré tout qu'il soit
nécessaire d'en faire une lecture.
M. LE PRESIDENT: Il s'agit de nous donner une sorte de
résumé.
M. SEGUIN: C'est un résumé de projection
générale de la sécurité sociale, évidemment
en tant qu'ancien administrateur de la sécurité sociale en
France.
Tout d'abord le contexte de la sécurité sociale au Canada,
et en particulier au Québec, est bien différent évidemment
de l'ensemble de la sécurité sociale du territoire
français, en général. Il n'en reste pas moins vrai que si
la province de Québec demande à obtenir soit une
sécurité sociale complète, dans le sens international du
terme, ou des comités connexes ou indépendants ou
continués par des régimes de rentes indépendants du
complexe général qu'est la sécurité sociale, il
faut s'entendre au départ pour savoir si le Québec est prêt
actuellement à prendre l'ensemble d'une sécurité sociale
afin d'en discuter les modalités sur les termes internationaux, comme il
existe dans tous les pays, dans la majorité des pays. Au point de vue
importance, vous avez certainement lu, sur le mémoire que j'ai remis,
qu'environ 30 millions de personnes en bénéficient actuellement
tant chez les salariés que pour leurs familles; les prestations
représentent 35% des salaires. Je n'ai pas besoin évidemment de
revenir sur les détails de tous les paragraphes de ce mémoire que
vous avez entre les mains.
Au point de vue organisation, vous voyez évidemment que ça
couvre l'ensemble de tous les problèmes qui existent actuellement en
particulier dans le Québec je reviens toujours dans le
Québec, parce que c'est ce qui m'intéresse il en est de
même que pour le groupe des travailleurs indépendants, professions
libérales, commerçants industriels et autres.
Evidemment, il y aurait toute une organisation territoriale à
penser de manière à ce qu'une répartition juste soit faite
à travers toute la province de Québec.
La sécurité sociale ou les allocations familiales coiffent
l'ensemble, comme je le disais au début, de tous les organismes qui
s'occupent de près ou de loin d'un régime-maladie. Cela couvre
l'individu depuis sa naissance, depuis la prénaissance jusqu'au moment
du décès, y compris les retraits de vieillesse. Les prestations
familiales sont elles-mêmes très intéressantes étant
donné qu'il y a une allocation de salaire unique pour la maman qui reste
au foyer et qui joue son rôle d'éducatrice à plein temps. A
ce moment-là, elle reçoit en quelque sorte un genre de salaire
pour élever ses enfants en restant chez elle, jusqu'à
l'allocation au décès évidemment et par l'action sanitaire
et sociale. Cette action sanitaire et sociale est très vaste.
D'ailleurs, l'ensemble de tout ce travail, c'est un programme à long
terme, qui demande une coopération générale aussi bien du
gouvernement que des personnes qui représentent les corps
médicaux ou les collèges des docteurs, des médecins, des
dentistes, etc., de manière à obtenir des plans non plus
conjoints vis-à-vis d'une action par le fédéral, par les
provinces, étant donné qu'actuellement, je pense que tout le
monde le sait, chaque province peut organiser sa propre sécurité
sociale ou son propre plan général d'aide sociale à tous
les échelons.
Dans le domaine de la recherche, évidemment, je pense que ce sont
$500 millions qu'il y a eu d'alloués ou qui sont alloués, enfin,
qui sont prêts à être alloués, de toute façon
pour obtenir des recherches sur les plans de formation de techniciens dans la
médecine en général ou en plus, pour construire soit des
hôpitaux ou des cliniques ou pour former des corps éducatifs
spécialisés dans le sens social en général.
J'ai reçu, comme vous, les onze volumes qui m'ont
été envoyés comme à chacun d'entre nous par le
comité de recherches que je tiens à féliciter pour son
travail, étant donné que c'est un travail de longue haleine qui
est très clair et on voit tous les aspects, évidemment, chacun
d'entre nous peut voir les aspects qui existent à travers le monde,
enfin à travers les principales nations du monde en ce qui concerne, en
ce qui a trait à la sécurité sociale. Et ici, en
particulier pour le Québec, je n'ai pas eu le temps, en quinze jours,
d'analyser tous les aspects constitutionnels ou les relations qui existent
entre le fédéral et le provincial au point de vue de la
législa-
tion. C'est très complexe, mais réellement c'est un
travail explicite d'un très haut degré et qui peut justement
amener le comité conjoint à avoir des bases réellement
concrètes et spécialisées en toute clarté, de
manière à pouvoir construire quelque chose qui soit viable et
social au point de vue familial dans la province de Québec.
Maintenant si quelques membres du comité ont des observations ou
des demandes à faire au sujet de ce mémoire que vous avez entre
les mains...
M. TREPANIER: M. Séguin, vous mentionnez au bas de la page 3 et
au haut de la page 4 de votre mémoire que l'administration des caisses
est contrôlée régulièrement par des experts
inspecteurs de l'Etat.
M. SEGUIN: Oui.
M. TREPANIER: Est-ce qu'il s'agit là des inspecteurs de
l'inspection générale de la sécurité sociale ?
M. SEGUIN: Exactement, ils sont formés par une école
spécialisée à Paris qui forme justement des cadres
d'inspection, de contrôle et de formation de présidents.
M. TREPANIER: Pourriez-vous justement nous décrire plus
spécifiquement peut-être, la composition et le rôle de cet
organisme d'inspection?
M. SEGUIN: De cette école? M. TREPANIER: De l'inspection en
général.
M. .SEGUIN: De l'inspection, c'est très important, c'est pour
contrôler la finance et la gestion des caisses, des périodes qui
ne sont jamais prévues à l'avance et qui sont
inopinées.
M. TREPANIER: Mais quelle est la composition. ..
M. SEGUIN: La composition, ce serait justement des personnes q ui sont
spécialisées, premièrement, dans la comptabilité
administratice; deuxièmement qui ont été
elles-mêmes, soit des directeurs ou des présidents de caisses de
sécurité sociale ou d'allocations familiales ou
régionales, de manière à pouvoir contrôler
l'ensemble du territoire par des visites inopinées, comme je vous le
disais actuellement. Ils sont formés à double sens,
c'est-à-dire que, premièrement, il y a une double formation: la
première est la comptabilité, et la seconde, la gestion en
relations coopératices, en quelque sorte avec la caisse primaire, ou la
caisse régionale, ou la caisse-mère, à Paris. Est-ce que
cela répond à votre question?
M. TREPANIER: Oui.
M. COLLARD: M. Séguin, je vois sur la page frontispice, que vous
êtes technicien en recherches industrielles.
M. SEGUIN: Oui, Monsieur.
M. COLLARD: Et que vous être Français?
M. SEGUIN: Je suis Canadien actuellement.
M. COLLARD: Canadien. Est-ce que l'on pourrait savoir, pour fins de
discussions, s'il y a longtemps que vous êtes Canadien?
M. SEGUIN: Il y a sept ans.
M. COLLARD: Ce qui veut dire...
M. SEGUIN: Il y a quinze ans que je suis au pays.
M. COLLARD: Alors, ce qui veut dire que, lors de l'établissement
des régimes de sécurité sociale en France, qui date, je
pense, de 1945, vous avez connu ces régimes...
M. SEGUIN: J'ai connu surtout le «début, très
difficile, de l'implantation de la sécurité sociale incorporant
d'anciens groupes de sécurité sociale indépendante ou
privée. En les englobant, en les coiffant, en les supervisant, en
quelque sorte.
M. ROY: M. Séguin, quel était votre rôle à la
caisse d'allocations familiales?
M. SEGUIN: Administrateur, c'est-à-dire, au point de vue des
positions à prendre vis-à-vis de la famille, en tant que
représentants familiaux. Je dois vous dire en passant, que chaque
administrateur qui est au sein des conseils d'administration des caisses
sociales ou de sécurité sociale, ou d'allocations familiales, est
obligatoirement père de famille au minimum de deux enfants. De
manière à ce qu'ils aient l'esprit familial.
M. CLOUTIER: M. Séguin, à la recommandation numéro
1, vous parlez de la division du
territoire de l'Etat du Québec en régions
administratives.
M. SEGUIN: Certainement.
M. CLOUTIER: Est-ce que vous avez pris connaissance de la division qu'on
vient de rendre publique, il y a quelques semaines, la division en dix grandes
régions administratives ici dans la province?
M. SEGUIN: A l'époque. Cela correspond justement,
approximativement...
M. CLOUTIER: Est-ce que cela correspond au désir que vous
exprimez?
M. SEGUIN: Certainement, étant donné qu'il faut se
référer au futur, c'est-à-dire avoir un caractère
prévisionnel pour l'ensemble d'une projection future pour un territoire
déterminé, c'est-à-dire, le considérer non
seulement à l'heure actuelle, mais dans le futur, dans un futur de 20
ans, de 30 ans, de manière à ce qu'il n'y ait pas de confusion au
moment où il y aura une scission ou une coordination à faire au
sein de cette même région, ou une coopération de
région à région. Est-ce que cela correspond
à...
M. CLOUTIER: C'est ça. Est-ce que, selon vous, la création
d'un conseil supérieur de la santé serait de nature à
nuire ou empêcher les débats publics sur l'assurance-maladie?
M. SEGUIN: Absolument indispensable, de manière à ce que
vous ayez la coopération, justement au sein de ce comité, de
représentants de tous les collèges, des docteurs, des pharmaciens
ou des dentistes, ou d'autres collèges professionnels, pour
éliminer avant qu'il y ait n'importe quelle loi ou quelque proposition
officielle déterminée, ces grandes discussions ou cette
élaboration publique d'une loi en ce qui concerne son application.
M. CLOUTIER: Alors, selon vous...
M. SEGUIN: C'est absolument indispensable!
M. CLOUTIER: C'est: indispensable pour que les débats
soient...
M. SEGUIN: C'est absolument indispensable pour que vous ayez la
coopération de toutes ces personnes-là qui représentent ce
qu'est la question sociale au sein d'une société.
M. CLOUTIER: Et où situez-vous, dans l'ordre chronologique,
l'instauration de ce conseil supérieur de la santé, une fois que
les débats sur l'assurance-maladie sont...
M. SEGUIN: Il faut absolument que tout démarre à la fois.
C'est là justement la complexité du travail. Il faut absolument
qu'au départ d'une organisation de sécurité sociale dans
une nation, dans un pays, dans une région ou autre, enfin même
dans cette province qui est en quelque sorte un Etat, il y ait
immédiatement ces comités conjoints non seulement conjoints
vis-à-vis du fédéral vers le provincial, mais des
comités conjoints entre chaque corps représentatif de la
société; c'est la société en général
qui profite, en quelque sorte, de la sécurité sociale. Est-ce que
ça correspond à votre...
M. COITEUX (DUPLESSIS): M. Séguin, vous nous avez
présenté un mémoire qui traite de la
sécurité sociale en général.
M. SEGUIN: Oui.
M. COITEUX (Duplessis); Vous présentez un plan d'ensemble et,
comme vous le savez, nous sommes surtout ici pour discuter de la
possibilité de l'installation d'un régime d'assurance-maladie
dans le Québec. Comme vous le savez, dépendamment des puissances
économiques ou de la capacité économique d'une province ou
d'un pays, ces choses-là ne peuvent venir en même temps. Par ordre
de priorité, où classez-vous l'assurance-maladie?
M. SEGUIN: L'assurance-maladie revient exactement dans le même
projet que lorsque vous avez à prévoir la vie d'un individu
depuis sa naissance jusqu'à son décès, c'est-à-dire
que, normalement, elle devrait démarrer au départ.
M. COITEUX (Duplessis): Bien, je comprends, là vous me donnez une
réponse très théorique, et je vous demande de vous placer
dans le contexte québécois.
M. SEGUIN: Actuellement, dans le Québec? M. COITEUX: Oui.
M. SEGUIN: Tout ça, évidemment, dépend de
l'organisation qui existe à priori jusqu'à présent pour
commencer quelque chose au point de vue, par exemple, du comité
consultatif, en tant que régime sur la maladie ou sur les rentes de
vieillesse ou quelque chose comme ça.
Mais dans l'ensemble, il faudrait que toutes ces choses-là soient
vues dans le même temps, c'est-à-dire, qu'on peut les
échelonner. Et si vous demandez justement où je le situe
actuellement, c'est peut-être au numéro deux, aussitôt
après le prénatal. Il y aura d'abord le prénatal à
prévoir et aussitôt après ça, la maladie,
étant donné que le prénatal prévoit justement la
naissance et lorsque vous avez la naissance, vous avez seulement la
maladie...
M. COITEUX (Duplessis): C'est la raison...
M. SEGUIN: ... parce que toute personne qui naît, je m'excuse une
seconde, toute personne naissante est un futur malade fonctionnel,
automatiquement.
M. COITEUX (Duplessis): C'est ça. La raison pour laquelle je pose
cette question-là, c'est que vous êtes certainement un grand
économiste très compétent, seulement, ce qui arrive
souvent dans ces grandes théories-là, c'est qu'on a une tendance
à oublier le côté des possibilités
économiques. Alors, s'il faut établir des priorités, c'est
la raison pour laquelle je vous demande où situez-vous, si on ne peut
pas tout faire en même temps économiquement
théoriquement ce serait l'idéal, mais pratiquement ce serait
impossible, ça tout le monde le sait...
M. SEGUIN: Je vous réponds immédiatement, au numéro
deux, aussitôt après le prénatal.
M. COITEUX (Duplessis): Merci. M. SEGUIN: Bienvenue. M. COLLARD: Pas
avant! M. BERTRAND: M. Séguin... M. SEGUIN: Oui.
M. BERTRAND: ... en tant qu'administrateur d'une caisse d'allocations en
France, vous avez nécessairement connu le système français
de sécurité sociale, sous tous ses aspects...
M. SEGUIN: Certainement.
M. BERTRAND: ... et en profondeur.
M. SEGUIN: Certainement.
M. BERTRAND: Vous êtes ici dans le Québec depuis quinze
ans.
M. SEGUIN: Pas dans le Québec, je fus d'abord en Nouvelle-Ecosse,
pendant sept ans.
M. BERTRAND: Bon, dans le Canada depuis quinze ans...
M. SEGUIN: Exactement.
M. BERTRAND: ... et puis naturalisé depuis sept ans.
M. SEGUIN: Exactement.
M.. BERTRAND: Vous avez eu l'occasion de considérer nos lois de
sécurité sociale, dans le Québec, tant au palier
provincial qu'au palier fédéral. Est-ce que, d'après vous,
et dans votre opinion, nos lois de sécurité sociale sont
inférieures, égales ou supérieures dans leur ensemble
à ce qui existe en France à l'heure actuelle?
M. SEGUIN: Elles sont inférieures, je vous le dis
immédiatement. Elles sont inférieures, étant donné
qu'elles sont plutôt impalpables. Elles visent, elles englobent des
choses en général, en ne spécifiant pas justement les
rôles particuliers à apporter quant à des points de vue de
comité ou d'organisation ou de personnes supposées
compétentes à s'occuper d'organismes comme ça. C'est
toujours privé. La sécurité sociale, en quelque sorte,
existe en tant que loi, mais en tant que fonction, je pense qu'elle est
plutôt privée pour 50%.
M. BERTRAND: Mais aucune de vos lois de sécurité sociale
en France, ou du moins plusieurs ne sont pas sur un plan universel.
M. SEGUIN: Pour en revenir au plan universel, justement, qu'appelez-vous
un plan universel? Vous appelez un plan universel dans le Canada,
interprovincial?
M. BERTRAND: Non, non, je veux dire qu'en France vous avez des
cotisations ou des plans de sécurité sociale où
l'employé et l'employeur sont appelés à souscrire.
M. SEGUIN: Où l'employé et l'employeur, je ne vous suis
pas là.
M. BERTRAND: Oui, où les primes sont payées par
l'employeur et par l'employé.
M. SEGUIN: Oui. Certainement oui.
M. BERTRAND: Mais quel est le rôle de l'Etat et qu'est-ce que
l'Etat fournit dans tout cela?
M. SEGUIN: Cela forme une caisse de compensation pour les régions
qui sont moins aptes à obtenir leur cotisation sur un plan normal ou
logique. C'est justement le rôle des compensations et coopératives
qui existent au sein des caisses principales qui existent à Paris au
point de vue de sécurité sociale ou d'allocation familiale. Elles
compensent entre elles, au point de vue financier, pour des régions qui
n'ont pas suffisamment d'entrées de cotisations. Mais, pour en revenir
au régime universel, je vous répète que le régime
universel, je ne sais pas dans le sens que vous le considérez ici au
Canada, mais est-ce que c'est dans les sens interprovincial parce que le terme
« universel » veut dire « dans le monde ».
M. BERTRAND: Oui, mais vous avez toujours une pension de
sécurité de vieillesse.
M. SEGUIN: Non je parle ici, au Canada; on emploie à beaucoup
d'endroits ici, entre le volume numéro 1 et le volume 10 par exemple, le
terme « universel ».
M. TREPANIER: C'est relatif.
M. SEGUIN: C'est « interprovincial ». Le terme veut dire
« interprovincial »; ce n'est pas « universel » parce
que le terme « universel » est international.
M. LE PRESIDENT: « Universel » veut dire que c'est
accessible à tout le monde dans le district dont il s'agit.
M. COLLARD: Dans le Québec. M. SEGUIN: Au Canada.
M. LE PRESIDENT: Non, non pas nécessairement au Canada. Universel
dans le Québec, sans que les gens de Nouvelle-Ecosse aient droit aux
mêmes avantages.
M. TREPANIER: C'est une caractéristique du régime.
M. SEGUIN: Oui, mais le terme « universel » n'est pas vu de
cette façon-là.
M. LE PRESIDENT: Non, mais c'est employé dans un sens que tout le
monde comprend, n'est-ce pas.
M. SEGUIN: Moi, je ne le comprenais pas dans ce sens-là.
M. LE PRESIDENT: Vous faites exception.
M. SEGUIN: Je vous remercie. Parce que le terme « universel
», personnellement, on peut toujours regarder dans le dictionnaire,
n'importe lequel, regardez le terme « universel », le terme «
universel » indique l'univers, c'est-à-dire international.
M. LE PRESIDENT: Cela veut dire le monde, c'est cela. Il faut dire que
le monde, c'est Québec.
M. SEGUIN: Très bien si le monde, c'est Québec, c'est
parfait. Je vous approuve d'ailleurs. C'est mon monde à moi
maintenant.
M. TARDIF: Alors quel mot suggérez-vous pour remplacer
universel?
M. SEGUIN: Provincial ou interprovincial. Selon les régimes.
M. BRISSON: On peut avoir des échanges avec d'autres pays
aussi,,
M. SEGUIN: Parce que le terme « universel »,
réellement il est caduc à mon sens.
M. COLLARD: M. Séguin, je pense que lorsque l'on emploie le terme
« universel », cela veut dire universel pour tous les
Québécois de la province de Québec. Cela veut dire qu'il
s'applique à tous.
M. SEGUIN: C'est certain, mais pour une personne qui lit «
universel » pour la première fois, vous avez justement... C'est ce
terme « universel » qui indique... que si vous utilisez le terme
« universel », c'est l'univers.
M. TREPANIER: Non, non.
M. SEGUIN: Alors si c'est indiqué justement « universel
» dans la province de Québec, ou « interprovincial »,
le terme est plus juste...
M. BERTRAND: Nécessairement, si vous avez été ici
pendant 15 ans, quand le gouvernement fédéral a institué
son plan d'assistance, de sécurité de vieillesse à 70 ans,
c'est le mot qui a été employé.
M. SEGUIN: C'est bien, il n'est pas meilleur pour cela.
M. BERTRAND: Non, il n'est peut-être pas
meilleur, mais en tant qu'on est concerné au Canada ou dans le
Québec...
M. SEGUIN: Certainement.
M. BERTRAND: ... on le comprend et on l'accepte.
M. SEGUIN: Certainement, mais de toute façon, étant
donné que les termes doivent être logiques lorsqu'il s'agit de
sécurité sociale ou de plans qui sont supervisés aux
points de vue internationaux dans des comités ou dans des débats
internationaux, il y aura une certaine confusion lorsque vous emploierez le
terme « universel ».
M. RENAUD: M. Séguin, je ne voudrais pas prolonger le
débat sur cela mais, puisque la question a été
soulevée, Quillet, c'est français cela?
M. SEGUIN: Comment?
M. RENAUD: C'est un bon dictionnaire, Quillet?
M. SEGUIN: Ah oui!
M. RENAUD: C'est parfait cela... définition des mots.
M. SEGUIN: Tous les dictionnaires sont bons.
M. KENNEDY: C'est français à part cela.
M. RENAUD: Universel: général. Alors cela pourrait
être un plan général dans la province de Québec. On
peut donc l'appeler universel.
M. SEGUIN: Oui, en indiquant le terme « de la province », je
suis parfaitement d'accord avec vous.
M. RENAUD: Qui s'étend en tout et partout.
M. SEGUIN: Oui, je suis absolument d'accord avec vous du moment qu'on
emploie le terme de la province ou « interprovincial » selon la
compétence de l'assurance.
M. LE PRESIDENT: Je pense que nous sommes universellement convaincus que
le mot « universel » a une portée que tout le monde
comprend. Est-ce que nous pouvons passer maintenant à des questions
encore plus sérieuses?
M. SEGUIN: Je suis à la disposition de ces messieurs.
M. KENNEDY: M. Séguin, évidemment vous savez que, dans
l'instauration d'un plan d'assurance-santé, cela présume
immédiatement une certaine somme d'argent qui s'en va vers les biens de
consommation.
M. SEGUIN: Oui.
M. KENNEDY: Est-ce que vous avez des idées arrêtées
sur l'étape à suivre en ce sens? Quels doivent être les
montants dont on peut disposer pour la consommation? Les montants qu'on prend
pour la consommation, on ne les a pas pour l'investissement permanent et
fixe.
Alors, est-ce que vous pouvez nous donner certaines idées sur la
proportion que l'on doit peut-être garder? Ici, on parle de
l'instauration d'un système d'assurance-santé universel à
l'intérieur de la province, ça va? Maintenant quelle doit
être l'étape par laquelle on doit passer? Est-ce que l'on doit
passer à un régime complet immédiatement, ou devrait-on
procéder par étapes à la lumière des conditions
économiques et des besoins d'investissement de la province?
M. SEGUIN: Certainement qu'il faut procéder par étape, en
échelonnant le pourcentage sur une année ou deux années,
selon les diverses applications que vous aurez à produire. Et, pour en
revenir à la répartition de sommes investies ou du retour de
certaines sommes dans la vie économique, par exemple, de la province de
Québec, automatiquement, étant donné que cette
somme-là revient dans la répartition des familles en
général depuis la prénaissance jusqu'au moment du
décès, ces sommes-là reviennent automatiquement aux
citoyens qui vivent au sein de la communauté dans le Québec.
M. KENNEDY: Evidemment, c'est une péréquation qui se fait
à ce moment, les sommes qui sont redistribuées à la
famille...
M. SEGUIN: Indirectement...
M. KENNEDY: ... sous différentes formes...
M. SEGUIN: ... par prestations...
M. KENNEDY: ... par prestations...
M. SEGUIN: ... diverses, oui?
M. KENNEDY: ... ce sont des sommes qui
sont prises dans des montants qui seraient probablement passés
à des investissements. Alors, je vous demande si vous pouvez nous
donner, par exemple,"l'étape à suivre.
M. SEGUIN: Eh bien! pour ce qui existe en France en
sécurité sociale, les plus-values des sommes disponibles sont
placées à la caisse de dépôt et consignation que
vous connaissez, ou dans des grandes banques telles que la Banque de France ou
des choses comme celle-là. Mais, de toute façon, la caisse de
dépôt et de consignation est le principal organisme qui est en
relation directe avec la sécurité sociale en France, de
manière à faire des investissements intéressants pour la
sécurité sociale nationale en général.
Cela répond à votre demande?
M. TREPANIER; A la page 6 de votre rapport, M. Séguin...
M. SEGUIN: Oui?
M. TREPANIER: ... vous énoncez certains genres de prestations
familiales.
M. SEGUIN: Oui.
M. TREPANIER: ... Et au paragraphe D, vous parlez de l'allocation de
salaires uniques...
M. SEGUIN: Oui.
M. TREPANIER: ... ce qui, si je comprends bien, constitue l'allocation
familiale exposée au paragraphe C.
M. SEGUIN: Non, non, non, non! Cela devient au-dessus, c'est
supplémentaire!
M. TREPANIER: C'est supplémentaire? M. SEGUIN: Oui, oui, oui,
oui!
M. TREPANIER: Alors, donc, il y a l'allocation familiale de 80 NF...
M. SEGUIN: Qui est une chose...
M. TREPANIER: ... qui est une chose,...
M. SEGUIN: ... plus le salaire unique qui en est une autre!
M. TREPANIER: ... plus 150 NF, ce qui fait 230 NF!
M. SEGUIN: Exactement,ce qui fait que la mère qui est au foyer
est réellement l'éducatrice de la famille.
M. TREPANIER: Bon. Justement, j'en viens à ma question.
M. SEGUIN: Oui?
M. TREPANIER: S'agit-il là d'une allocation du genre de celle que
l'on mentionne ici comme mère nécessiteuse?
M. SEGUIN: Non, absolument pas!
M. TREPANIER: Alors, à ce moment-là, l'allocation de
salaire unique est versée à toute mère de famille qui est
au foyer, peu importe que son mari travaille ou non,...
M. SEGUIN: Absolument pas!
M. TREPANIER: ... peu importe que son mari soit un travailleur autonome
ou salarié?
M. SEGUIN: Absolument pas! Et si, par exemple, le salaire unique tombe
dans des familles qui ne dépendent pas de ce salaire unique ou des
allocations familiales, et il ne manque pas, par exemple, d'industriels ou de
grosses entreprises qui n'en dépendent absolument pas! C'est
reversé, par exemple, à des comités d'entreprises au sein
des mêmes compagnies. C'est autre chose, c'est à eux de juger
s'ils en ont besoin ou pas, et au point de vue social...
M. TREPANIER: C'est justement...
M. SEGUIN: ... de reverser cette somme à des personnes qui en ont
beaucoup plus besoin qu'eux.
M. TREPANIER: C'est justement ce que je demandais.
M. SEGUIN: Elles sont versées automatiquement, cette allocation
est versée automatiquement .
M. TREPANIER: A un secteur seulement de la population?
M. SEGUIN: Pas à un secteur de la population, à toutes les
personnes, du moment que la mère reste au foyer.
M. TREPANIER: Est-ce que l'épouse du président de la
France qui aurait des enfants, en
supposant qu'il y aurait un Président assez jeune,
bénéficierait de cette allocation?
M. SEGUIN: Sa femme ou lui-même prennent le chèque, ou
alors, je vous l'indique, ils versent ce chèque à une
organisation sociale indépendante.
M. TREPANIER: Qu'est-ce que vous voulez dire par là?
M. SEGUIN: Eh bien! ils acceptent le chèque mais le reversent
à une autre association, ça ne les intéresse pas! Mais ils
font oeuvre en quelque sorte sociale en reversant ce chèque qui ne les
intéresse pas à une autre oeuvre indépendante. C'est une
question de personnalité, de jugement personnel.
M. TREPANIER: Y en a-t-il beaucoup qui le retournent ou qui le
reversent?
M. SEGUIN: J'en connaissais pas mal!
M. KENNEDY: M. Séguin, est-ce que, selon vous, dans un plan
d'assurance-santé et je me limite à cela ici est-ce
qu'il doit y avoir une participation du bénéficiaire
éventuel?
M. SEGUIN: Certainement!
M. KENNEDY: Est-ce que vous croyez que les charges doivent être
réparties entre trois secteurs, par exemple, le
bénéficiaire éventuel, l'employeur et l'Etat?
M. SEGUIN: C'est exactement ainsi.
M. LE PRESIDENT: Messieurs du comité, avez-vous d'autres
questions à poser à M. Séguin?
M. KENNEDY: M. Séguin, est-ce que vous êtes pour
l'inclusion des médicaments dans un plan d'assurance-maladie?
M. SEGUIN: Certainement. Je tiens à votre disposition, si cela
peut vous intéresser enfin, je ne sais s'il y a des
représentants par exemple, de pharmaciens ou de docteurs, ici je
tiens à leur disposition, de toute façon, des photocopies de ce
qui existe au point de vue maladie, de sécurité sociale, au point
de vue intervention chirurgicale ou autre. Si vous êtes
Intéressés, je puis vous les communiquer.
M. LE PRESIDENT: Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, je veux
remercier M. Sé- guin d'être venu, du mémoire que vous avez
présenté et de la façon agréable avec laquelle vous
avez répondu aux questions provenant des membres du comité. Je
pense qu'universellement nous sommes très contents de votre visite.
M. SEGUIN: Je vous remercie également de votre bon accueil,
premièrement, et deuxièmement, je réitère mes
félicitations aux membres du comité conjoint et du comité
de recherches, pour son beau travail dans la présentation des onze
volumes que nous avons eus. La rédaction en est très claire et
encore une fois, félicitations.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que M. Larue est présent? M. Larue a
été convoqué pour midi moins quart.
A l'ordre messieurs, s'il vous plaît. M. Larue, voulez-vous faire
un résumé du mémoire que vous avez présenté
au comité? Comme les membres du comité ont déjà pu
prendre connaissance de votre mémoire, il n'est pas nécessaire
que vous en fassiez la lecture. Voulez-vous alors nous donner un sommaire des
recommandations que vous voulez faire au comité?
M. LARUE: D'abord, je dois vous apprendre que je suis ici dans des
circonstances très tristes, ayant perdu mon épouse dont le
service avait lieu jeudi dernier. Ce qui veut dire que je n'ai pas eu grand
temps de prendre des notes, mais cependant si vous désirez me poser
toutes questions relativement à mon plan, je suis prêt à
répondre.
M. TREPANIER: M. Larue, à la page 3, vous mentionnez que le
système que vous proposez serait contributoire et obligatoire pour toute
la population du Canada et vous ajoutez que la contribution hebdomadaire serait
de $1 par semaine pour chaque citoyen de notre pays...
M. LARUE: Oui.
M. TREPANIER: Sur quoi vous basez-vous pour établir que cette
cotisation devrait être de $1 par citoyen, par semaine?
M. LARUE: Il y a au Canada en moyenne 3.7 personnes par famille, ce qui
veut dire que ça coûterait $3.70 par semaine pour chaque famille
et célibataire, alors ça revient bien à $1 par semaine par
citoyen du Canada.
M. TREPANIER: Oui, mais en fait pourquoi $1 par semaine? C'est suivant
une estimation du coût total du système que vous divisez par le
nombre de citoyens?
M. LARUE: Sans doute. Je vous donne le montant des ressources, des
dépenses et ça correspond à ça.
M. HARVEY: M. Lame, dans votre mémoire à la page 3, vous
établissez un montant total de $364 millions pour le Canada et, selon
les estimations du comité de recherche sur l'assurance-santé pour
le Québec, il en coûterait $308 millions en 1967 pour les soins
médicaux et les médicaments, à l'exclusion de
l'hospitalisation. Comment êtes-vous arrivé à ce chiffre de
$364 millions?
M. LARUE: Est-ce que vous voulez dire que ce serait provincial ou
national?
M. HARVEY: Non, non. Voici, dans votre mémoire, à la page
3, vous établissez que les déboursés par année
seraient de l'ordre de $364 millions, alors que nous autres, nous avons des
chiffres en main qui nous sont fournis par le comité de recherches sur
l'assurance-santé pour le Québec et les experts
établissent le coût à $308 millions en 1967 pour les soins
médicaux et les médicaments, toujours ceci à l'ex- clusion
de l'hospitalisation. Comment vous, êtes-vous arrivé à des
chiffres de $364 millions par année pour le Canada?
M. LARUE: Mais vous avez le tableau que j'ai fait. Ce sont des calculs
que j'ai faits.
M. HARVEY: On n'a pas de tableau pour vos calculs de
déboursés. Les déboursés par année seraient
de l'ordre suivant: médecins, spécialistes, opérations,
hospitalisations...
M. LARUE: C'est ça.
M. HARVEY: ... médicaments, etc., $364 millions. Mais vos
tableaux...
M. LARUE: En supplément, $146 millions et $29 millions pour
l'administration.
M. HARVEY: Mais vos $364 millions, comment vous êtes-vous pris
pour les sortir? Les experts nous donnent $308 millions, nous autres, en 1967,
pour les soins médicaux, les médicaments, toujours à
l'exclusion de l'hospitalisation. C'est ça qu'on voudrait. Moi,
j'aimerais bien ça vous entendre sur vos $364 mil- lions comparativement
aux $308 millions que l'on a de la main des experts.
M. LE PRESIDENT: M. Larue, vous pouvez vous asseoir, il n'y a aucune
objection.
M. LARUE: Non, j'aime autant rester debout. Comme je l'ai dit tout
à l'heure, d'après les revenus et les déboursés,
c'est basé surtout sur mon expérience. Moi, j'ai
administré un plan d'assurance-santé pendant trois ans. Je me
suis inspiré de mon expérience pour faire mon plan. Maintenant
ça, des chiffres, j'en ai énormément, mais cela arrive
bien à ça.
Ceux qui ont fait des recherches, s'ils n'ont pas l'expérience
que j'ai, je me demande sur quoi ils se basent.
M. HARVEY: Voici, M. Larue. Ma question est bien celle-ci. Lorsque vous
établissez le revenu national des contributions, vous vous basez sur une
contribution familiale repartie...
M. LARUE: Oui.
M. HARVEY: ... à tant de dollars par semaine, cela fait tant par
mois, ça fait tant par année.
M. LARUE: C'est ça.
M. HARVEY: Maintenant quand vous arrivez à vos
déboursés, dans votre mémoire on a toute une colonne qui
nous dit: médecins, spécialistes, opérations,
hospitalisations, médicaments, $364,000 millions...
M. LARUE: Oui.
M. HARVEY: ... et moi, comme membre du comité, j'ai en main des
documents en provenance des experts du comité de recherches sur
l'assurance-santé qui, eux, nous disent où ils ont puisé
leurs chiffres pour établir un coût total de $308 millions en 1967
pour les soins médicaux, les médicaments, à l'exclusion de
l'hospitalisation pour le Québec. Mais vous là, si je comprends
bien votre réponse, vos chiffres sont basés sur votre
expérience acquise en dirigeant vous-même un plan...
M. LARUE: C'est ça.
M. HARVEY: ... d'assurance-santé pendant trois ans. Cela couvrait
combien de personnes ça, votre plan d'assurance-santé que vous
avez opéré, que vous avez dirigé?
M. LARUE: Je le note ici, 18,020,000.
M. HARVEY: Le plan que vous avez administré couvrait
18,020,000...
M. LARUE: Oh non! ce que j'ai administré? J'ai commencé
à zéro.
M. HARVEY: Je voudrais savoir, moi, M. Larue, le plan de santé
que vous avez administré...
M. LARUE: Oui.
M. HARVEY: ... vous, où vous avez puisé votre
expérience...
M. LARUE: Oui.
M. HARVEY: ... cela couvrait combien de personnes?
M. LARUE: Quand j'ai quitté, quand j'ai discontinué, je
donne les raisons d'ailleurs f avais dans le temps environ 4,000
assurés.
M. HARVEY; Vous aviez 4,000 assurés?
M. COLLARD: Vous avez déterminé que 4,000
assurés...
M. LARUE: Environ.
M. COLLARD: ... cela devait coûter tant, alors c'est la
multiplication pour le nombre de personnes au Canada et puis c'est de là
que proviennent vos chiffres.
M. LARUE: C'est ça.
M. COLLARD: ... de $368 millions.
M. LARUE: C'est ça.
M. COLLARD: Est-ce que vous avez consulté des comptables, ou des
économistes?
M. LARUE: Bien, comme je le dis, j'avais soumis mon travail à des
experts, hommes d'affaires en vue, médecins et ensuite des
auditeurs...
M. HARVEY: C'est basé sur vos 4,000 personnes que vous avez
administrées.
M. LARUE: Oui.
M. HARVEY: Je vous remercie beaucoup, M. Larue.
M. LARUE: Entre autres, M. T.-T. Smythe, qui était gérant
général de la Banque d'épargne, qui a pris trois semaines
pour examiner mon plan, les détails que...
M. RENAUD: A la page 3, M. Larue, vous dites que le taux de maladie
maximum est de 2% de la population.
M. LARUE: C'est ça.
M. RENAUD: J'aimerais bien, pour mon renseignement, savoir, comment vous
arrivez à ce chiffre de 2%?
M. LARUE: Je vais vous donner une preuve de ce qui s'est passé
à l'Alliance catholique des professeurs de Montréal. J'avais
donné une conférence là, et j'avais affirmé que 2%
était le taux maximum pour la maladie. Alors, j'ai été
convoqué au comité de régie de cette association, et
là il y avait un monsieur Lafrance, qui était le frère du
surintendant des assurances, qui avait remplacé M. Dugal. Alors, lui, il
m'a demandé, il m'a dit: « Moi, j'ai fait des recherches, je suis
allé en Europe, j'ai fait des études, je ne peux pas comprendre
que vous puissiez affirmer que 2% soit le maximum pour la maladie ».
Alors, j'ai dit: « Monsieur, je vais vous en donner la preuve ».
J'ai demandé au secrétaire, M. Alain, j'ai dit: «
Voulez-vous me dire, monsieur, combien vous avez de suppléants
actuellement, ce qui correspondait aux professeurs malades ». Il dit:
« il y en a 34 ». Alors, j'ai demandé à M. Lafrance:
« Combien êtes-vous de professeurs »? 1,800. Alors, j'ai dit:
« M. Lafrance, voulez-vous me donner le taux de 2% de 1,800 ».
Alors, il dit: « C'est 36 ». Alors, là, bien ça a
été des applaudissements. Je pense que je ne le note pas dans mon
plan, et puis, M. Lafrance s'est retiré: « Vous avez raison, M.
Larue ».
M. RENAUD: Alors, c'est sur ça... M. LARUE: Absolument.
M. RENAUD: ... que vous vous basez pour donner les chiffres.
M. LARUE: Cela, je puis soumettre ça à tous les experts,
actuaires, si vous le voulez.
M. RENAUD: Merci, monsieur.
M. LARUE: J'ai des preuves là-dessus.
M. BERTRAND: M. Larue, à cause de l'expérience que vous
avez, vous avez été dans ces
plans d'assurance-là, vous les avez étudiés.
D'ailleurs vous avez un mémoire qui est un travail de
bénédictin dans lequel vous apportez une grande série de
considérations, de commentaires et d'observations. Et je comprends, si
je me réfère à la page 14 de votre mémoire, que
vous êtes en faveur d'un plan d'assurance-santé mais sur une base
contributoire et obligatoire, comme c'est le cas de
l'assurance-chômage.
M. LARUE: Justement. M. BERTRAND: C'est ça.
M. CLOUTIER: M. Larue, vous dites qu'aucune entreprise ne pourrait
évoluer plus efficacement et plus sûrement que sous l'égide
du ministère national de la Santé...
M. LARUE: C'est ça.
M. CLOUTIER: Alors, vous recommandez un régime d'assurance sur
une base nationale, c'est-à-dire sous l'autorité du gouvernement
fédéral.
M. LARUE: Oui.
M. CLOUTIER: Croyez-vous qu'à la suite de cette recommandation,
un plan provincial pourrait s'appliquer? Un plan d'assurance-maladie, parce que
l'assurance-maladie et la santé sont de la juridiction des provinces.
Est-ce qu'un régime provincial pourrait s'appliquer? Est-ce que votre
plan pourrait convenir à un régime provincial à la
province de Québec?
M. LARUE: Est-ce que vous avez pris connaissance de ma note que le
fédéral ferait la perception des contributions et que ces
contributions-là seraient distribuées au prorata de la population
de chaque province?
M. CLOUTIER: Mais, une juridiction ferait donc la perception et
l'autre...
M. LARUE: Oui, mais maintenant, ce serait administré par chaque
province, parce que je comprends, je le note à quelque part ici, que
l'assurance-maladie ou l'assurance-santé est du domaine exclusivement
provincial.
M. CLOUTIER: Alors, comment pouvez-vous concilier avec les principes, la
pratique de la perception des impôts par un gouvernement et la
dépense de ces mêmes impôts par un autre gouvernement?
M. LARUE: Je le note ici, à la page 14: « Il est connu
depuis longtemps que la santé publique et les services d'hygiène
sont des questions qui relèvent des gouvernements provinciaux
».
Mais maintenant, je le lis ici. « Il y aurait, suivant l'Acte de
l'Amérique Britannique du Nord ». Maintenant, ici, je dis, qu'il
n'y aurait donc rien de changé à ces dispositions par le fait de
l'institution d'un régime national qui consisterait à apporter
l'uniformité de ce régime au niveau de toutes les provinces qui
conserveraient leur entière autonomie dans l'administration
intégrale réservée et garantie à chaque
province.
M. TARDIF: Pourquoi insisteriez-vous pour que ce soit le
fédéral qui ait la perception de tout ça? On semblerait un
peu, nous autres les provinces, comme quelqu'un qui donne sa montre puis qui
demande l'heure ensuite.
M. LARUE: C'est bien simple. C'est que plus il y a des gens qui vont
contribuer, comme dans toute chose, ce qui va apporter une prime moindre et
infiniment plus de revenus, sur 19 millions que nous sommes actuellement,
près de 20 millions au Canada, si tous contribuent, c'est infiniment
préférable que s'il n'y avait que la province de Québec.
Ensuite, le taux de membres par famille du Canada, c'est 3.7 et pour la
province de Québec, c'est 4.25.
M. COLLARD: A ce compte-là, M. Larue, il y aurait avantage
à proposer un régime qui soit collé au régime
américain, avec les Etats-Unis.
M. LARUE: Bien, il y a des régimes, dans certains Etats, mais
seulement, ils n'ont pas l'assurance-santé aux Etats-Unis, comme il n'y
en a pas non plus en Afrique du sud et comme au Canada aussi.
M. RENAUD: M. Larue, dans l'institution d'un organisme national, comme
vous dites, là, vous préconisez la disparition complète de
tous les systèmes...
M. LARUE: Absolument, absolument. Parce que le gouvernement se
substituerait aux sociétés d'assurance-maladie pour recevoir ces
contributions. Alors, aujourd'hui, il y a environ 2 millions de personnes qui
sont assurés dans la Croix Bleue, le Service de santé de
Québec. Maintenant, ils donnent un service partiel.
Dois-je vous dire que, présentement, j'administre le plan
d'assurance-maladie de Canada Life de Toronto et puis j'en connais quelque
chose parce que tous les jours, vous savez...
M. RENAUD: Alors, ça veut dire que, le plan que vous
préconisez couvrirait tous les actes médicaux, tous les
médicaments...
M. LARUE: Absolument, absolument. Ce serait complet.
M. RENAUD: ... tout ce qui touche la médecine et ...
M. LARUE: Les médicaments, l'hospitalisation.
M. RENAUD: ... les soins para-médicaux, la chirurgie, etc...
M. LARUE: Services chirurgicaux. C'est complet.
M. RENAUD: Et, avec ça, vous arrivez à $364 millions par
année pour le Canada? Avec tout ce que vous dites de ...
M. LARUE: $919 millions. M. RENAUD: $919 millions.
M. LARUE: Oui, aujourd'hui ce serait $1 milliard.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, y a-t-il d'autres questions que vous voulez
posez à M. Larue?
M. RENAUD: Non.
M. LE PRESIDENT: Alors, dans les circonstances, M. Larue, je vous
remercie d'être venu devant le comité, de la façon que vous
avez répondu aux questions posées par les différents
membres.
M. LARUE : Je vous remercie beaucoup.
M. LE PRESIDENT: Le comité doit continuer sa séance
à huis clos, alors je demanderais au public de se retirer.
Reprise de la séance à 3 h 23 p.m.
M. ROY (Président du comité de l'assurance-maladie): A
l'ordre, messieurs.
Je demanderais à M. Dupré, Président de
l'Association des techniciens dentaires de la province de Québec, de
nous faire un bref exposé du contenu du mémoire
présenté par l'association. M. Dupré.
M. DUPRE: Messieurs, je vous remercie. D'abord, je dois vous
présenter mes confrères, ici, M. Hubert Bélisle, qui est
le secrétaire de l'Association des techniciens dentaires, et M.
Léo Morissette, de la Beauce, qui est un directeur de l'association.
M. le Président, messieurs du comité, je dois d'abord vous
remercier d'avoir bien voulu prendre connaissance de notre mémoire et du
temps que vous nous accordez. Etant du groupe para-médical, nous avons
cru bon de vous faire quelques suggestions à travers notre
mémoire, que vous connaissez déjà. Depuis quelques
années l'association a travaillé énormément pour
l'avancement du technicien dentaire dans la province, à un tel point
que, depuis quatre ou cinq ans, nous avons réussi à
accroître le nombre de nos membres de 12%.
Je crois que c'est déjà un bon progrès de ce
côté-là. D'un autre côté, avec l'aide du
ministère de l'Education, nous espérons en septembre prochain
avoir une école administrée par le ministère qui encore
là fera beaucoup pour produire une qualité supérieure dans
l'intérêt du public. Les gens qui auront besoin de nos services
auront certainement un meilleur service avec des gens mieux
éduqués aux points de vue général et de la
technologie dentaire. En même temps, ceci contribuerait à
rapatrier les quelques millions qui s'en vont dans d'autres provinces et qui
normalement devraient rester dans la nôtre et qui devraient être
gagnés par nos techniciens dentaires.
Par le fait même nous croyons faire notre part dans l'organisme de
l'assurance-santé. On dit que le Québec est en marche. Les
techniciens dentaires sont du Québec et nous voulons aussi être en
marche avec vous, alors comme nous sommes de la province, le Québec en
marche c'est réellement vrai. Maintenant s'il y a quelques questions,
je ne veux pas m'étendre plus longtemps, je m'efforcerai
d'y répondre le mieux possible avec l'aide de mes confrères si
c'est nécessaire. Merci, messieurs.
M. VAILLANCOURT: J'aurais une question à vous poser. Dans votre
mémoire, à la page 3,
paragraphe 4, Vous dites, compte tenu du fait que le cours de
médecine, y compris l'internat, dure cinq ans. Votre association
croit-elle qu'il est absolument nécessaire de prendre cinq ans pour
former un technicien dentaire?
M. DUPRE: Nous le croyons, Monsieur. Nous avions cinq ans, parce que
nous avions seulement des cours du soir. Tandis qu'avec l'école qui sera
administrée par le ministère de l'Education, nour pourrons le
faire en trois ans. Nous relevons par le fait même le côté
éducationnel, c'est-à-dire que nous ajoutons les douzième,
treizième et quatorzième années tout en insérant
dans ces trois années le cours complet de technologie dentaire.
M. VAILLANCOURT: Actuellement, combien d'heures de cours par
année reçoivent les étudiants pendant ces cinq
années?
M. DUPRE: Actuellement nous avons vingt cours par année de deux
heures. Ce qui est nettement insuffisant. J'ajouterai à ça que,
pour ne pas creuser de vide entre le temps où nous aurons formé
des étudiants dans notre nouvelle école, nous allons continuer
l'ancien cours pour ces gens-là qui ne seront pas qualifiés pour
entrer à l'institut parce qu'ils n'auront pas le niveau
nécessaire, parce qu'à l'institut nous demandons une
onzième scientifique tandis qu'actuellement nous acceptons les candidats
de onzième générale.
M. COLLARD: Je vois que votre association a été
légalement reconnue en 1944.
M. DUPRE: C'est juste.
M. COLLARD: Combien de membres y a-t-il dans votre association?
M. DUPRE: Approximativement 385, plus 125 étudiants dans le
moment.
M. DUPRE (membre du comité): Tous les techniciens qui pratiquent
dans la province de Québec font partie de votre association?
M. DUPRE: Oui, ceux qui sont reconnus comme techniciens. Il faut ajouter
à ça, que malheureusement nous avons des techniciens moi
je les appelerai pas des techniciens ceux-là mais les mécaniciens
qui ne sont pas membres de l'association mais qui touchent à la
dentition.
M. COITEUX (Duplessis): Ce sont les « squatters » de la
profession.
M. DUPRE: Ce sont des charlatans.
M. BARIBEAU: M. Dupré à la page 6 de votre mémoire,
paragraphe 6, vous dites: « L'assurance-santé devrait payer le
coût de la prothèse buccale directement aux techniciens dentaires
sur présentation des pièces législatives jugées
nécessaires.»
Je m'imagine que je me rends chez le dentiste pour des soins dentaires.
Son diagnostic est qu'il me faut des prothèses. Le dentiste demande
alors au technicien dentaire d'exécuter ces prescriptions.
M. DUPRE: C'est juste.
M. BARIBEAU: Voici ma question: Qui sera responsable, si cela ne va pas
bien, si les prothèses sont mal ajustées ou si je ne puis les
endurer, le dentiste ou le technicien?
M. DUPRE: Il faut que je vous dise, monsieur que le dentiste a
certainement plus de responsabilités parce que c'est lui qui les ajuste
dans la bouche. Seulement, nous travaillons sur prescription du dentiste et
nous fabriquons l'appareil sur sa prescription.
M. BARIBEAU: Est-ce que le dentiste ne peut pas me répondre dans
ce cas-là: Allez rencontrer le technicien dentiste, vous l'avez
payé?
M. DUPRE: Non monsieur, c'est illégal, monsieur.
M. BARIBEAU: Alors le dentiste conserve sa responsabilité
entière vis-â-vis de son client?
M. DUPRE: Exactement.
M. THEBERGE: M. Dupré, comment pouvez-vous demander que
l'assurance-maladie paie le technicien directement quand vous mentionnez
d'ailleurs, c'est la loi que votre seul acheteur est le dentiste ou le
médecin?
M. DUPRE: Exactement.
M. THEBERGE: Alors il me semble que c'est incompatible, ça.
M. DUPRE: Nous avions pensé, monsieur, que si nous avions un
système de quatre prescriptions, comme nous avons des prescriptions pour
faire notre travail, une demeurerait aux techniciens dentaires, une demeurerait
aux dentistes, une à l'assurance-santé, c'est-à-dire
deux aux dentistes parce qu'il faut en retrouver une nous autres aux
dentistes, alors ça voudrait dire qu'il en aurait deux chez le
technicien, une que nous lui retournons, une que nous gardons, une pour
l'assurance-santé et une pour le dentiste.
M. THEBERGE: Oui, mais ça ne change rien, ça.
M. DUPRE: Cela veut dire qu'il y aurait un contrôle
là-dessus.
M. THEBERGE: Oui, mais ce n'est pas une question de contrôle.
C'est que vous dites vous même, ici d'ailleurs vous avez raison,
la loi vous le dites à l'article 17, je pense. Vous dites
vous-mêmes que les techniciens n'ont par la loi qu'un seul acheteur qui
est le dentiste.
M. DUPRE: Exactement.
M. THEBERGE: Actuellement, si la Commission des accidents du travail,
par exemple, fait faire un travail par un dentiste, c'est un peu comme
l'assurance-maladie, mais qui vous paie?
M. DUPRE: C'est le dentiste.
M. THEBERGE: C'est le dentiste, c'est évident.
M. DUPRE: C'est sûr.
M. THEBERGE: Alors vous demandez quelque chose, vous proposez quelque
chose qui est absolument illégale.
M. DUPRE: Je pourrais peut-être vous éclairer un peu plus
là-dessus. Je ne crois pas que ce soit illégal, seulement, nous
avons pensé qu'avec nos faibles moyens nous sommes obligés de
porter des comptes qui sont énormes.
M. COITEUX (Duplessis): Les dentistes ne paient pas?
M. THEBERGE: Bien, pas mon technicien à moi toujours.
M. DUPRE: Ah! vous êtes dentiste, vous. Alors je ne veux pas dire
que c'est tout le monde mais nous portons des comptes qui sont énormes.
De cette façon-là, étant payés directement par le
gouvernement, nous serions au moins sûrs d'être payés.
M. THEBERGE: Cela évidemment je ne peux pas en discuter.
Seulement si vous voulez prendre des arrangements avec mon technicien, je pense
qu'il est payé à tous les mois. Mais de toute façon cela
ne change absolument rien. Vous demandez d'être payé par
l'assurance-maladie.
M. DUPRE: Avec des pièces justificatives.
M. THEBERGE: Non, non, ce n'est pas légal. Ce n'est pas
légal d'après votre propre loi, alors vous ne pouvez pas demander
ça.
M. COLLARD: Je comprends que c'est difficile pour le
député de Témiscamingue de poser la question, mais est-ce
que je pourrais vous demander si vous avez des chiffres, des statistiques
concernant les comptes que les techniciens doivent supporter de la part des
dentistes?
M. DUPRE: Nous en avons. Je pourrais vous donner mes propres
statistiques, parce que je suis un propriétaire de laboratoire...
M. TARDIF: ... les dentistes en arrachent.
M. DUPRE: Ils arrachent des dents sûrement. Alors, c'est notre
seul but, monsieur, essayer de diminuer nos comptes, que nous ne soyons pas
obligés de porter des comptes si hauts, pendant si longtemps. C'est la
seule raison.
M. BRISSON: Mais la moyenne ça peut se monter à combien
par client?
M. DUPRE: Bien je pourrais vous dire par exemple que dans ma propre
organisation, j'ai par exemple, un compte qui est à $1,500, à
$1,600. Quand j'ai dit à mon client que j'aurais besoin d'argent eh
bien, mon Dieu! il va m'envoyé $200. Je reste toujours avec un $1,200 et
puis $1,000 en arrière. Je n'ai jamais rien perdu, je vous le ferai
remarquer, seulement ça prend du temps pour recevoir...
M. THEBERGE: Merci pour le compliment.
M» COLLARD: On peut supposer que le dentiste également
supporte le compte.
M. DUPRE: Oui je peux le supposer.
M. THEBERGE: Oui, supposons.
M. BRISSON: Maintenant tout à l'heure vous
parliez de la prothèse sur prescription, mais quel pourcentage y
a-t-il de fait sans prescription, disons illégalement?
M. DUPRE: Bien vous voulez dire en dehors de nos cadres?
M. BRESSON: Par des techniciens dentaires?
M. DUPRE: Oui, oui, je le mentionnais tout à l'heure. Le
pourcentage qui peut être fait en dehors est très
élevé. Seulement ça ne vient pas tout de nos techniciens
dentaires que de gens qui ne sont pas techniciens dentaires, mais des
charlatans, comme je vous le disais tout à l'heure. Alors, je dirais que
ça irait même à ce moment-là jusqu'à 75%.
M. COLLARD: Est-ce qu'il y a des dentistes qui font affaire avec les
charlatans?
M. DUPRE: Non, monsieur!
M. COLLARD: Non.
M. DUPRE: Je ne crois pas du moins.
M. COITEUX: Comment expliquer qu'on envoie faire des prothèses en
Ontario? Est-ce qu'en Ontario leurs prix seraient plus bas ou est-ce qu'ils
sont mieux équipés? Est-ce qu'ils prennent moins de temps? Est-ce
que la réponse est plus adéquate que chez le dentiste? Il doit
avoir une raison à ça.
M. DUPRE: C'est qu'actuellement, monsieur, j'attribuerais ça
peut-être à un peu de snobisme et un peu à la question de
langue. Parce que je vous ferai remarquer que les travaux qui s'en vont dans
l'Ontario sont envoyés généralement par les dentistes
anglais ou juifs.
M. COITEUX (Duplessis): Mais ça ne change rien. Un gars n'a pas
plus de facilités à parler anglais s'il fait faire son dentier en
Ontario.
M. DUPRE: Ah! absolument pas! Seulement il y en a qui
préfèrent envoyer ça, par exemple, à « Dupre
» au lieu de l'envoyer à Dupré.
M. COITEUX (Duplessis): Voici à la page 5, la recommandation 3
parle d'un mode de financement assurant les soins dentaires. Est-ce que cela
implique un mode de financement pour les soins dentaires différent de
celui qui serait utilisé pour les soins médicaux?
M. DUPRE: Là, vous me posez une question assez embêtante.
Voulez-vous me répéter votre question s'il vous plaît?
M. COITEUX (Duplessis): Bien ma question est la suivante: Est-ce que
cela implique à la recommandation 3, à la page 5, un mode de
financement pour les soins dentaires différents de celui qui serait
utilisé pour les soins médicaux?
M. DUPRE: Je ne crois pas, monsieur. Ce que nous voulons dire par
là, c'est que les gens c'est plus facile, c'est-à-dire le public
en général s'il a une douleur ou un mal quelconque va voir un
médecin. Tandis que les dents, s'il lui manque des dents, il va attendre
d'avoir de l'argent pour y aller. C'est la différence que je vois.
M. COITEUX (Duplessis): Est-ce que vous voudriez mettre très
clair pour le comité, la façon dont vous envisagez, dans votre
optique, le financement recommandé? Qu'est-ce que c'est exactement que
vous recommandez?
M. DUPRE: Nous aimerions que nos prothèses... actuellement quand
on dit: ça coûte, cher les prothèses, il faut remarquer que
vous avez deux professions, deux corps à payer. Les honoraires
professionnels du dentiste et la prothèse. Le dentiste naturellement la
paie sa prothèse aussi. Alors nous aimerions je ne sais pas de
quelle façon vous pouvez organiser ça mais nous
suggérons que le dentiste soit payé pour ses honoraires et que
nous nous soyons payés pour nos prothèses.
M. TREPANIER: Est-ce qu'il y a des frais intermédiaires?
Qu'est-ce que vous voulez dire par là? Est-ce que le dentiste fait un
profit sur le coût qu'il paie?
M. DUPRE: Ah! certainement.
M. TREPANIER: ... les prothèses?
M. DUPRE: Ah! certainement.
M. TREPANIER: Est-ce que vous pourriez nous donner un pourcentage
approximatif?
M. DUPRE: Normalement le dentiste, en général, dit qu'il
doit charger trois fois ce que ça coûte de laboratoire.
M. MARTIN: Maintenant, il doit y avoir une différence de
qualité.
M. DUPRE: Oui, il y a différentes qualités.
M. MARTIN: Comment voyez-vous la qualité avec
l'assurance-santé? toujours la qualité supérieure ou
si...
M. DUPRE: Je ne crois pas. Je suppose qu'avec l'assurance-santé
vous allez établir des normes qui, peut-être, demanderont une
certaine qualité de travail. On va dire un dentier en lucitone
caractérisé, peut-être que l'assurance-santé ne
paiera pas ça. Elle va allouer un montant, mais le patient, lui il va
aller chez son dentiste, il va probablement demander au dentiste: Est-ce que
vous avez quelque chose de mieux? Je paierais la différence. Je ne parle
pas des indigents là, je parle des gens qui peuvent payer leur
prothèse.
M. COLLARD: Vous disiez tout à l'heure que vos clients sont
seulement des dentistes.
M. DUPRE: Exact, monsieur.
M. COLLARD: Est-ce que, dans certaines régions excentriques, il y
a encore des médecins qui font affaire avec...
M. DUPRE: Ah! très très peu. M. COLLARD: Il y en a
encore.
M. DUPRE: Il y en a quelques-uns. J'ai eu l'occasion de faire des
travaux pour un médecin, moi.
M. THEBERGE: C'est parce qu'il n'a pas le temps, parce qu'il le
ferait.
M. DUPRE: Il y en a très peu. Vous êtes d'accord avec
moi?
M. THEBERGE: Oui. Ce n'est pas un problème ça, le
problème n'est pas là.
M. DUPRE: Celui que je connaissais est décédé. Je
n'en connais pas d'autres.
M. THEBERGE: Maintenant, M. Dupré,vous mentionnez qu'il y a deux
millions de chiffres d'affaires, de prothèses faites en dehors de la
province. Mais si, par exemple, la suggestion que vous faites ici était
acceptée, ce serait une arme à deux tranchants. Il y en a
beaucoup de techniciens du Québec comme vous autres qui faites des
travaux pour l'Ontario?
M. DUPRE: Il y en a pas beaucoup. Il y en a peu.
M. THEBERGE: Bien, il y en a sur les frontières toujours. Il n'y
en a peut-être pas à Montréal.
M. DUPRE: Je suppose qu'à ce moment-là, le technicien
commencera par servir sa province et puis ensuite comme ça se
fait...
M. THEBERGE: Il ne refusera pas de travail, s'il a le temps de le faire.
Il ne refusera pas de travail, c'est normal.
M. DUPRE: Bien ça dépend, s'il n'est pas capable de le
faire ou s'il accorde un temps. Si vous demandez une prothèse vous et
que vous accordez une semaine et que l'on peut seulement vous la donner dans
trois semaines, ce n'est pas tellement intéressant, ni pour le patient,
ni pour le dentiste.
M. THEBERGE: Mais vous admettez quand même, que si cette
suggestion était acceptée, évidemment, les autres
provinces adopteront la même chose. Alors, ça fait une loi...
M. DUPRE: Fort possible, fort possible, mais cela ne nous nuirait pas,
docteur.
M. THEBERGE: Bien, au point de vue dentaire peut-être pas, mais au
point de vue provincial, ça n'aiderait peut-être pas. Au point de
vue de l'entente interprovinciale...
M. DUPRE: Si je comprends bien le gouvernement s'efforce d'acheter au
Québec, alors je ne vois pas pourquoi dans cette profession-là on
ne ferait pas la même chose.
M. THEBERGE: Ah! je comprends votre idée, seulement j'aimerais
vous rappeler que c'est un peu dangereux tout de même. Je ne sais pas si
le gouvernement serait prêt...
M. COITEUX (Duplessis): Prenez par exemple la ville de Hull. Vous avez
certainement des dentistes qui pratiquent là, vous avez certainement des
techniciens qui pratiquent là aussi...
M. DUPRE: Oui, nous avons des techniciens.
M. COITEUX (Duplessis): ... alors je crois que là
l'échange devrait être proportionné à la population,
qu'un dentiste d'Ottawa peut bien avoir un technicien de Hull et vice-versa,
alors déterminer une ligne de démarquation entre Hull et Ottawa,
c'est un exemple peut-être excentrique, mais l'idée est
très proche...
M. RENAUD: Je crois bien que c'est ce qui
arrive. Parce qu'il y a des dentistes de Hull qui retiennent des
techniciens d'Ottawa, il y a des techniciens de Hull qui travaillent pour des
dentistes d'Ottawa. Est-ce que ça arrive?
M, DUPRE: C'est très limité. Il peut y en avoir, mais
c'est très limité...
M. TARDIF: Est-ce qu'il y a des femmes qui sont techniciens
dentistes?
M. DUPRE: Nous en avons une qui pratique comme technicienne, dans la
région de Sherbrooke, et je crois que nous en avons deux ou trois, ou
peut-être quatre actuellement, comme étudiantes.
M. ALLARD: Célibataire?
M. DUPRE: II y en a une qui est mariée. Celle qui pratique est
mariée.
M. TARDIF: Ne donnez pas d'adresse.
M. BRISSON: M. Dupré, à ma question de tout à
l'heure vous avez sauté un peu vite. Le pourcentage m'a frappé,
vous dites qu'il y a à peu près 75% des dentiers qui sont faits
par des techniciens dentaires ou des mécaniciens dentistes. Comment
expliquez-vous cette situation-là. Normalement, c'est le dentiste qui
devrait faire le dentier.
M. DUPRE: Exact.
M. BRISSON: Mais, comment expliquez-vous ça?
M. DUPRE: Moi, j'attribuerais ça, par exemple, au fait que ce
sont des gens qui ont commencé la technologie dentaire dans les
laboratoires, qu'ils n'aimaient pas trop ça. Ils ont appris comme le
plâtre se mélangeait, comment certains travaux
préliminaires se faisaient, mais ces gens-là d'habitude
apprennent beaucoup plus vite à prendre une impression qu'à faire
quoi que ce soit. Ensuite de ça, je ne vous dirais pas que ces
travaux-là sont nécessairement bons pour le public. Alors, je
crois, qu'actuellement nous avons des amendements à notre loi que le
gouvernement va étudier très prochainement. C'est toujours dans
le même but, celui d'améliorer la technologie dentaire et la
collaboration entre le collège et l'association et
l'assurance-santé, enfin tout ce qui s'en vient. Avec notre
école, je crois qu'on va relever le standard du technicien, ensuite
peut-être le collège et l'association, pourrons-nous...
(illisible)
M. BRISSON: Mais comment expliquez-vous qu'aujourd'hui ils ne soient pas
combattus puisqu'il y en a 75%...
M. DUPRE: Us le sont. Us le sont, mais c'est très difficile,
ça prend une collaboration très étroite et puis par des
moyens... Si par exemple le collège pouvait travailler de pair avec
l'association, je suis certain que le pourcentage que je vous mentionnais, de
75%, diminuerait énormément parce que ce n'est pas tellement chez
nos membres que nous avons ces charlatans en question.
M. BRISSON: Moi-même j'ai entendu dire, une fois à
Montréal, qu'il y a un chauffeur de taxi...
M. DUPRE: C'est juste. Vous avez des pompiers, vous avez de la police,
vous avez des concierges dans des buildings, vous avez des chauffeurs de taxi,
toutes sortes de gens qui touchent aux dents. Alors, ça ne devrait pas
exister.
M. BRISSON: Mais pensez-vous, que c'est devenu normal ou acceptable la
coutume chez les Québécois, de faire faire leur dentier par des
techniciens dentaires comme ça qui s'annoncent, plutôt que par le
dentiste?
M. DUPRE: Qu'est-ce que vous entendez par acceptable?
M. BRISSON: Disons, est-ce que c'est devenu une coutume?
M. DUPRE: C'est reconnu.
M. BRISSON: C'est reconnu puis c'est accepté par le public.
M. DUPRE: Non, je ne dirais pas que c'est accepté par le public.
Il y a beaucoup de gens qui sont pour ça parce qu'il y a toujours une
question de dollars dans ça.
M. RENAUD: Cela coûte meilleur marché. M. DUPRE: C'est
meilleur marché.
M. MARTIN: La différence est-elle très
prononcée?
M. DUPRE: Dans certains cas, oui, dans d'autres moins. Mais il y a
certainement une différence.
M. BRISSON: Parce que 75% c'est tout de même un...
M. DUPRE: C'est énorme.
M. COLLARD: Si vous voulez référer à vos
recommandations à la page 5,2: « La protection de
l'assurance-santé devrait couvrir toute la gamme des services
médicaux et dentaires, dont le diagnostic, le traitement, la
réadaptation et le prévention, y compris les prothèses
bucales... » Est-ce que vous voulez dire que l'intégration au
régime de l'assurance-santé devrait se faire
immédiatement, dès l'établissement, ou bien par
étapes?
M. DUPRE: Ce n'est pas que nous voulons dire: immédiatement. Ce
que nous voulons dire ce serait par étapes et, en plus de ça,
c'est que tous les genres de prothèses. Parce que vous avez des
dentiers, des partiels, des couronnes et des ponts, différents types de
couronnes. Tous ces travaux devraient être acceptés par
l'assurance-santé, différents genres de travaux.
M. COLLARD: Et puis par étapes. Qu'est-ce que vous voulez dire
par étapes?
M. DUPRE: Eh bien, je suppose que vous allez commencer par les
indigents, par le dentier ordinaire, par ceux qui n'ont pas d'argent, ensuite
graduellement, ça ira...
M. CLOUTIER: En supposant que tout soit couvert en une seule
étape, à combien estimez-vous les déboursés de
l'assurance- maladie, dans ce domaine-là?
M. DUPRE: Je n'ai pas fait de calcul là-dessus, monsieur,
seulement je sais qu'actuellement, comme je vous disais tantôt, nous
avons un projet de loi, des amendements à notre loi qui vont être
étudiés très prochainement, et nous avons demandé
pour le technicien dentaire une liste de prix minimum qui a été
basée sur un taux, je crois de $6.40 l'heure. Alors les prix, si le bill
est accepté... Nous demandons les pouvoirs de le faire, et s'il est
accepté, ça ira dans la Gazette officielle et ensuite il sera lu
devant le lieutenant-gouverneur. Mais la liste est déjà faite et
c'est une étude que nous avons fait préparer par une compagnie
d'économistes.
M. COLLARD: Est-ce que vous avez le chiffre d'affaires que font tous les
techniciens de la province de Québec?
M. DUPRE: Nous avons fait faire une enquête par cette même
compagnie d'économistes, malheureusement nous avons eu seulement 20% de
réponses chez nos membres. Les économis- tes m'ont dit que
c'était à peu près normal dans toutes les enquêtes
qu'ils faisaient, ils n'avaient jamais beaucoup plus que ça.
M. COLLARD: Quelle est la réponse à 20%? Cela nous donnera
peut-être un moyen de trouver un cent pour cent.
M. DUPRE: Je ne l'ai pas en main. Un instant, je pense que monsieur l'a
ici à côté de moi.
M. COLLARD: On va multiplier par cinq.
M. BRISSON: En attendant, croyez-vous que l'assurance-santé ou
l'assurance-maladie va améliorer la dentition des individus, ou la
bouche des individus?
M. DUPRE: Cela, c'est une très bonne question. Je le crois
sincèrement, parce que je vous ai mentionné tantôt tout ce
que nous avons fait au point de vue avancement pour le technicien. Quand on
parle d'avancement pour le technicien, ce n'est pas seulement pour le
technicien lui-même, mais bien le public qui va en jouir de ça,
par un meilleur technicien, un chiffre grossi de techniciens qui pourra
produire plus avec une meilleure qualité et une protection contre la
pratique illégale qui sera nécessairement restreinte par tous ces
moyens.
M. BRISSON: Croyez-vous qu'il peut y avoir abus de la part du public, il
peut y avoir abus si c 'est gratuit...
M. DUPRE: Je ne crois pas, parce que comme je vous le disais
tantôt, je suppose que l'assurance-santé ne paiera pas de choses
luxueuses en dentisterie, mais paiera bien deux appareils dont le type a
besoin. Si celui-ci veut avoir du luxe, je suppose qu'à ce
moment-là, il paiera de sa poche la différence. C'est comme
ça que je le vois. Je ne sais pas si c'est comme ça que ça
ira. Il me semble que ce serait logique.
M. COLLARD: Est-ce que vous avez la réponse du 20%?
M. MORISSETTE: Le 20% est de $660,000, alors en multipliant par cinq,
cela donne $3,301,250. Maintenant si on ajoute à ça, si vous
regardez à la page de votre mémoire...
M. BLANK: Quelle année?
M. MORISSETTE: En 1964. Maintenant, si vous regardez à la page 6
de votre mémoire,
lorsque le revenu du patient s'accroît, le nombre de visites chez
le dentiste augmente. Vous arrivez à trois fois ce montant-là, ce
qui représenterait près de $10 millions.
M. BRISSON: Autrement -dit, il y a $2 millions d'ouvrage qui part du
Québec et qui s'en va en Ontario.
M. MORISSETTE: Oui.
M. BRISSON: Ce qui veut dire les quatre cinquièmes.
M. THEBERGE: Comment pouvez-vous vérifier vos $2 millions? Ce
n'est pas vous qui faites le travail, c'est une idée approximative.
M. MORISSETTE: Ce n'est pas juste, juste.
M. TREPANIER: Est-ce que vous comprenez là-dedans ce que font les
mécaniciens dentistes?
M. MORISSETTE: Non.
M. TRE PANIER: Est-ce que vous pouvez évaluer le travail...
M. MORISSETTE: Disons s'ils en font 75%... M. TREPANIER: Parce
qu'à ce moment-là... M. MORISSETTE: Oui.
M. TREPANIER: ... évidemment, si les frais de prothèse
buccale sont payés par l'assurance-hospitalisation, en autant qu'il
faudrait qu'elle soit faite par l'association légalement reconnue, alors
ça augmenterait passablement. Je ne veux pas dire par là que
ça augmenterait vos revenus, mais ça augmenterait les
dépenses. On ne peut pas se fier à ce chiffre-là.
M. DUPRE: Non, mais il y a une chose qu'il faut noter, monsieur, c'est
que le travail qui est fait par le charlatan, comme vous dites, est
exclusivement le dentier. Il y a beaucoup d'autres travaux que les dentistes
font dans la bouche, comme les ponts, les couronnes, les pièces, les
couronnes en porcelaine, enfin il y a quantité de travaux que le
technicien ne touche d'aucune façon, même illégalement.
L'illégal se fait exclusivement sur le dentier.
M. MORISSETTE: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose... Dans le
$3,301,250 vous avez beaucoup d'ouvrage spécialisé qui,
certainement en assurance-santé, ne serait pas payé par le plan.
Je vois très mal un gars qui se paie une belle pièce de
métal coulé haut et bas, qui coûte dans les $175 et que le
ministère de la Santé irait payer ces deux
pièces-là.
M. COLLARD: Quelle serait à peu près la proportion de ces
choses-là qui ne seraient pas défrayées par le plan?
M. MORISSETTE: Au moins 25%. M. THEBERGE: Avez-vous entendu?
UNE VOIX: Cela fait vingt ans que je suis dans la ligne.
M. BRISSON: Quelle différence y a -t-il entre le technicien
dentaire, disons le denturiste comme on peut l'appeler et le dentiste?
M. DUPRE: Ah, c'est que le technicien dentaire et le denturiste..,,
D'abord le denturiste n'existe pas dans le moment, c'est un nom qu'on donne,
ça.
M. BRISSON: Cela existe ailleurs. M. DUPRE: Dans l'Ouest canadien. M.
BRISSON: Dans l'Ouest canadien.
M» DUPRE: Alors, ce type-là fait du dentier exclusivement,
il ne fait pas de pont, il n'extrait pas de dents, il ne fait pas de
traitements de canaux, il ne fait aucune partie chirurgicale.
M. BRISSON: Directement avec le public.
M» DUPRE: Oui, il le fait je crois, je ne suis pas sûr, je
ne suis pas tellement familier avec cette loi dans l'Ouest canadien, mais je
crois que le dentiste après avoir fait l'extraction, examine la bouche
et décide qu'elle est prête à recevoir les appareils, donne
une prescription au patient qui s'en va à ce moment-là chez le
denturiste en question.
M. RENAUD: M. Dupré, je voudrais reprendre une question qui a
été posée par le docteur Théberge tout à
l'heure, relativement au paiement de vos travaux de prothèse. Vous
suggérez que l'assurance-hospitalisation vous paie directement, alors
qu'actuellement vous êtes payés par les dentistes, et vous dites
que si c'est un système d'assurance-hospitalisation, vous allez
être payés plus vite. Est-ce que c'est la seule raison,
d'abord?
M. DUPRE: Exactement, M. Renaud.
M. RENAUD: Et s'il y a un système pour
l'assurance-hospitalisation, il est possible que le dentiste soit payé
plus vite aussi.
M. DUPRE: Exact.
M. RENAUD: Alors, si c'est vrai, c'est votre objection, est-ce que vous
y tenez toujours?
M. DUPRE: Oui, j'y tiens quand même, parce que je vous ferai
remarquer que le dentiste actuellement est payé passablement vite,
beaucoup plus vite que le technicien. Je suis d'accord avec le docteur qui
mentionnait tout à l'heure qu'ils étaient obligés de tenir
des comptes, mais ils en tiennent beaucoup moins que nous.
M. RENAUD: ... mais des travaux de prothèse qui entreraient dans
le cadre d'un système d'assurance-maladie le dentiste va être
payé. S'il est payé, vous allez être payés.
M. DUPRE: Ah ça, c'est moins sûr. Parce que habituellement
le dentiste est payé, je ne suis pas prêt à dire que tous
les gens vont se faire faire des appareils et qu'ils ne les paient pas,
seulement je peux vous dire que dans un laboratoire dentaire, nous ne voyons
jamais, au grand jamais, d'argent. Ce sont toujours des prescriptions et des
factures. Nous sommes chanceux quand nous pouvons collecter un compte à
la fin du mois. Je ne vous dirai pas que c'est à cent pour cent, mais je
dirai que c'est à 75%.
M. COITEUX: Est-ce que ce serait dangereux que vous adoptiez une
politique de « cash and carry »?
M. DUPRE: Ce serait extrêmement difficile, ce serait très
malcommode pour nous et pour le dentiste. Seulement, si au moins le dentiste
nous payait son compte à tous les mois, nous serions fort heureux.
M. RENAUD: On pourrait demander au dentiste de nous donner des
explications sur ce que vous venez de nous dire.
M. DUPRE: Certainement, et puis je pense que les dentistes nous
avons un comité de relations professionnelles sont d'accord avec
ce que je viens de vous dire.
M. RENAUD: Maintenant, est-ce qu'il y a une bonne coopération
entre le collège et votre association?
M. DUPRE: Oui, Monsieur, et j'ajouterai que nous avons eu
récemment une assemblée à laquelle le Président du
collège, le registraire et un autre dentiste de langue anglaise
étaient présents. Ils se sont même rendus à nos
bureaux, dans notre salle de délibérations et nous avons
discuté amicalement. En plus de ça, j'ajouterai et je
pense M. Renaud, que vous êtes au courant un petit peu que notre
projet de loi qui va être présenté. Le collège est
d'accord, alors vous n'aurez pas d'objection du collège, cette
fois-ci.
M. RENAUD: Quant à moi je n'en connais pas le premier mot, parce
que j'ai voulu m'abstenir d'être...
M. DUPRE: Non, mais je pense que vous connaissez un peu ce qui se
passait autrefois, alors ça ne se passera plus,
M. COLLARD: Alors, les relations entre les techniciens et les dentistes,
on peut dire que c'est à peu près la même chose qu'entre
les optométristes et les ophtalmologistes.
M. DUPRE: Je ne suis pas renseigné sur cette profession.
M. THEBERGE: Les opticiens et optométristes.
M. Dupré, je suis à faire un petit calcul, d'après
vos chiffres. Vous faites $3,300,000 approximativement de travaux, maintenant
vous prétendez que ça ne couvre que 25%, autrement dit, vous avez
dit qu'il y avait 75% des dentiers faits en dehors.
M. DUPRE: Oui, je parle du dentier exclusivement.
M. THEBERGE: Oui, mais c'est de la prothèse quand même.
M. DUPRE: Oui.
M. THEBERGE: Alors, ça veut dire que si vous ajoutez 100%,
ça vous fait $13 millions. Bon, alors $13 millions plus les deux
millions qui sont faits en Ontario, ça fait $15 millions. Maintenant,
toujours d'après vos chiffres, vous dites que le dentiste charge trois
fois ce que vous payez, ça veut dire qu'on est rendu à $45
millions, mettons $50 millions, mettons $45 millions. Cela veut dire que, pour
l'assurance-
maladie, si elle acceptait d'inclure les soins dentaires, on serait
rendu à $45 millions rien que pour la prothèse.
M. DUPRE: Je ne crois pas, monsieur. Quand je dis que le dentiste charge
trois fois le prix de ce qu'il paie chez le technicien, à ce
moment-là il a ses honoraires professionnels qui sont chargés en
même temps.
M. THEBERGE: Ah oui, je comprends, mais si l'assurance-maladie comprend
les soins dentaires. Ils viennent chez le dentiste, ils vienvent chez nous par
exemple, pour faire un dentier, alors je leur charge le prix qui est
d'après vous trois fois le prix que vous chargez, mais on arrive
toujours au même montant, à $45 millions.
M. DUPRE: Mais, si par exemple...
M. THEBERGE: Ce n'est rien que pour la prothèse...
M. DUPRE: Mais si vous avez chargé trois fois le prix, docteur,
c'est le montant total, ce sont vos séances, vos honoraires
professionnels sont chargés en même temps.
M. THEBERGE: Oui, c'est normal.
M. DUPRE: Si l'assurance-santé paie le dentiste, elle va payer
ses honoraires professionnels, mais elle ne paiera pas la prothèse
à ce moment-là.
M. THEBERGE: Ah! c'est Ce que vous pensez.
M. DUPRE: Je ne sais pas, je le suppose.
M. THEBERGE: Bien, j'ai l'impression qu'ils vont payer le dentiste,
parce que ce qu'on discute là, c'est la loi. Mais ça ne
changé absolument rien. Votre question d'être payés
comptant... Je sais qu'il y a des dentistes qui ont - c'est enregistré
ça - alors je sais malheureusement qu'il y en a qui se laissent
traîner les pieds, seulement moi je serais bien d'avis avec vous pour
que, dans une loi, vous mettiez un article demandant que les dentistes vous
paient par exemple dans un mois, ou charger de l'intérêt.
Mettez-le dans votre loi, il n'y a pas de raison que vous ne le fassiez
pas.
M. DUPRE: Je pense que c'est assez difficile de forcer...
M. THEBERGE: Faites une entente avec le collège, seulement le
collège non plus ne veut pas forcer...
M. DUPRE: C'est là le problème. C'est pour ça que
nous avons attaqué ce sujet-là, au point de vue de
l'assurance-santé. C'est la seule objection que nous ayons.
M. DUPRE (membre du comité): A part ça c'est
concurrenciel.
M. BRISSON: Croyez-vous que le public serait mieux servi avec des
techniciens qui deviendraient soit denturistes, qu'avec des dentistes?
M. DUPRE: Au point de vue des prothèses, toujours? Actuellement,
je ne crois pas que, dans la province de Québec, les techniciens soient
prêts à organiser un plan semblable. Ils ne pourraient pas le
servir actuellement. Je ne dis pas que, dans les années à venir,
je ne sais pas. Peut-être à la demande des dentistes
eux-mêmes. Quand nous formerons des technologistes d'un institut
technologique de Montréal, nous aurons des hommes qualifiés qui
seront même prêts à faire des dentistes. D'après les
économistes, les prévisions d'augmentation de la population et
tout ce qui s'en vient, peut-être que le collège à ce
moment-là demandera de l'aide chez les techniciens dentaires. Ils seront
à ce moment-là des gens qualifiés, mais non pas des gens
de troisième année, qui ne savent pas lire ni écrire. Je
le vois comme ça, c'est une possibilité, je vois ça encore
assez loin, mais je le vois.
M. BRISSON: Ce qui veut dire que maintenant, la majorité de vos
membres ne sont pas prêts à traiter directement avec le
public.
M. DUPRE: Absolument pas, nous ne sommes absolument pas prêts
à faire ça.
M. DUPRE (membre du comité): M. Dupré, dans les
différents prix des prothèses, évidemment, il y a la
qualité, la sécurité et le contrôle.
M. DUPRE: Exactement.
M. DUPRE (membre du comité): Entre un prix de différente
qualité, inférieure moyenne ou supérieure, est-ce qu'il y
a un risque au point de vue de la santé ou si c'est seulement une
question de confort?
M. DUPRE: Il n'y a pas de risque au point de vue de la santé, si
l'appareil est bien fait.
M. DUPRE (membre du comité): Alors il n'y a aucune raison...
M. DUPRE: Absolument pas.
M. DUPRE (membre du comité): ... comme vous disiez tantôt
que l'assurance-santé paie la prothèse la plus chère.
M. DUPRE: Je ne vois pas du tout.
M. DUPRE (membre du comité): Parce qu'il faudrait tout de
même faire une différence. Moi, j'ai remarqué trois choses:
qualité, sécurité et confort. Ce que j'entends par
sécurité, c'est la santé. Vous dites...
M. DUPRE: Absolument pas.
M. DUPRE (membre du comité): Et puis, au point de vue confort,
c'est la même chose.
M. DUPRE: Il y a peut-être... je pense que le docteur sera
d'accord avec moi par exemple on va prendre un partiel, on mettra des
petits crochets faits à la broche et puis l'autre serait un crochet
coulé, bien là il y aurait une différence, mais la
différence n'est pas tellement énorme à ce
moment-là, n'est-ce pas docteur?
UNE VOIX: Bien.
M. DUPRE: Ce serait àpeuprèsle seul cas, n'est-ce pas
docteur Théberge?
M. THEBERGE: J'admets bien, même dans les différents
matériaux de...
M. DUPRE: Je n'y crois pas.
M. THEBERGE: Moi, je dis à mes patients, celui-là est
peut-être moins cassant, mais je je le sais pas.
M. DUPRE: La différence de prix, parce que la marchandise est
meilleur marché.
M. THEBERGE: Je ne suis pas vendeur.
M. RENAUD: Advenant l'établissement d'un système
d'assurance-maladie, vous considérez qu'il y aura une grosse
augmentation de vos travaux de prothèse?
M. DUPRE: Ah oui. C'est pour ça que nous nous sommes
préparés en prévision de ça, pour former des bons
techniciens.
M. RENAUD: Est-ce que des études ont été faites en
ce sens-là?
M. DUPRE: Oui, nous avons des chiffres dans un rapport, je ne sais pas
si nous les avons ici, à la page 6...
M. RENAUD: A quel endroit?
M. MORISSETTE: C'est-à-dire que ce ne sont pas des chiffres. On
compare les visites chez le médecin et les visites chez le dentiste.
Dans la première colonne, vous avez les visites chez le dentiste, la
deuxième les visites chez le médecin par mille de population.
Alors pour les revenus faibles, vous avez 163 visites tandis que lorsque vous
arrivez à des revenus supérieurs, vous avez 542 visites. Faites
la comparaison chez le médecin et vous allez voir ce que ça peut
représenter. Alors, moi, je calcule qu'avec l'assurance-santé, au
moins trois fois plus de gens se prévaudraient du service que le
gouvernement leur donnerait.
M. RENAUD: En d'autres termes, vous voulez dire que les travaux de
prothèse que vous faites seraient multipliés par trois, advenant
l'établissement d'un système d'assurance-maladie. C'est ça
que vous voulez dire?
M. MORISSETTE: C'est à peu près ça.
M. RENAUD: Actuellement, ça représente combien
d'argent?
M. MORISSETTE: Ceux qui sont faits présentement par les vrais
techniciens dentaires, je ne dis pas les charlatans ou les faux dentistes,
appelez-les comme vous le voulez...
M. RENAUD: Oui.
M. MORISSETTE: ... cela se chiffre à $3,300,000 anuellement.
M. RENAUD: Dans ça, je comprends qu'il y a des travaux
dispendieux...
M. MORISSETTE: Justement.
M. RENAUD: ... et puis il y en a qui le sont moins.
M. MORISSETTE: A peu près 25% des travaux sont très
dispendieux.
M. RENAUD: Merci.
M. LE PRESIDENT: D'autres questions messieurs? Je vous remercie...
M. THERRIEN: M. le Président, est-ce que je pourrais ajouter
quelques mots pour clarifier certains points qui ont été
avancés?
M. LE PRESIDENT: Vous représentez quel groupe?
M. THERRIEN: Je représente l'Association professionnelle des
propriétaires de laboratoires de la province de Québec.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez demandé d'être
entendu par le comité?
M. THERRIEN: Non. Je n'avais pas obtenu le mémoire auparavant,
alors on n'a pas pu se mettre au courant du mémoire. En ce qui regarde
le mémoire de prime abord personnellement, je n'y vois pas d'objection
majeure, mais dans ce qui a été dit... C'est simplement pour
l'information du comité.
M. DUPRE: Je remarque, messieurs, que M. Therrien n'est pas technicien
dentaire, mais comptable.
M. THERRIEN: Il n'est pas question de faire le procès des
techniciens dentaires ou des dendistes. Ce sont des informations que je veux
donner au comité. Maintenant si...
M. LE PRESIDENT: M. Therrien, je pense qu'il serait
préférable que vous soumettiez peut-être vos remarques par
écrit au comité et le comité jugera à propos s'il
doit prendre en condération les remarques et les conseils.
M. THERRIEN: Les voici.
M. LE PRESIDENT: M. Dupré, je vous remercie infiniment de nous
avoir fourni les renseignements et d'avoir répondu aux questions qui
vous ont été posées par les membres du comité.
M. DUPRE: Je vous remercie, messieurs. Alors de toute façon, si
vous avez besoin de renseignements additionnels, le secrétariat de
l'association est toujours là pour donner tous les renseignements
voulus.
M. THEBERGE: Prions ensemble pour que ça soit accepté par
l'assurance-maladie; ça va être le meilleur moyen pour
éviter la pratique illégale.
M. DUPRE: Merci.
M. LE PRESIDENT: Mademoiselle Beaudoin, voulez-vous continuer votre
exposé sur les effectifs? Alors, vous avez la parole.
MLLE BEAUDOIN: Alors, si ma mémoire est bonne, nous avions
laissé l'étude du volume 10, à la fin du chapitre 2, page
27...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs.
MLLE BEAUDOIN: Alors, pour récapituler rapidement, il y avait
trois modèles que nous utilisions pour faire une évaluation des
effectifs médicaux dans la province de Québec. Le
troisième modèle qui est un modèle proprement
économique, a trait à l'évolution relative des revenus des
médecins par rapport aux revenus d'autres groupes professionnels. Pour
essayer de faire un résumé rapide du modèle
théorique que je ne voudrais pas expliquer en détails. Le
fonctionnement à la base, ce sont les mécanismes de
marché. Lorsqu'un bien devient rare, c'est-à-dire que la demande
pour ce bien est importante et que l'offre pour ce même bien est
nettement insuffisante, il se produit alors le phénomène suivant,
c'est que le prix pour ce bien a tendance à monter.
Le mécanisme, lorsqu'on parle par exemple de professions ou de
travailleurs, joue de la même façon. Dans le cas d'un
marché du travail, c'est le salaire qui constitue le prix que les gens
paient pour s'assurer les services de ces personnes ou de ces groupes de
travailleurs. Si, pour une période de temps donné, les revenus de
certaines classes de travailleurs ou de groupes professionnels augmentent plus
rapidement que les revenus de d'autres groupes qui sont comparables, alors on
dit que pour le premier groupe il y aurait une pénurie relative. Une
façon de constater le fonctionnement de ce mécanisme est le
suivant: dans une situation où un bien ou les services d'un groupe de
professionnels deviennent plus rares et plus difficiles à obtenir et
plus coûteux par le fait même, on utilise des biens moins
coûteux qu'on appelle des substituts.
Il est évident que dans ce cas le service rendu va être de
qualité moins élevée mais également à
moindre coût. C'est à peu près le shéma
théorique dans lequel s'inscrit le chapitre 3. C'est ce modèle
qu'on a appliqué à la profession
médicale. On a considéré les groupes de
travailleurs suivants: les médecins et chirurgiens, les dentistes, les
avocats et notaires, les ingénieurs et architectes.
Pour la période l946-1963,on a étudié
l'évolution des revenus de ces professionnels. Il faut dire que les
statistiques elles-mêmes posent des problèmes. On a utilisé
les statistiques fiscales qui sont plus ou moins parfaites, mais comme on les
utilise sur une période de temps donné, les difficultés
qu'on rencontre à les utiliser deviennent relativement moins
importantes. Une déficience de ces statistiques en particulier, c'est le
fait que les médedins et chirurgiens soient compris dans la même
catégorie, de même que pour les avocats et notaires et pour les
ingénieurs et architectes. Pour ces groupes, il s'agit des revenus des
professionnels non salariés et pour chaque catégorie, la
proportion de salariés ou non salariés est passablement
différente. Les salariés sont certainement beaucoup plus nombreux
dans la catégorie ingénieurs et architectes, ce qui signifie que
les données qu'on a utilisées pour cette catégorie de
travailleurs sont probablement moins représentatives de l'ensemble du
groupe.
Si on regarde au tableau 8, où on a donné les statistiques
de revenu pour ces quatre groupes, on a groupé cette période en
trois groupes de cinq années, 1946-1951, 1951-1956, 1958-1963. Et pour
être à même de regarder l'évolution des revenus, on a
construit un indice sur la base de 100 pour la période 1946-1951, auquel
on a mis l'augmentation pour les deux périodes suivantes et ensuite on a
reconstitué l'indice pour les années 1951-1956 sur la base de 100
auquel on a comparé l'augmentation 1958-1963.
M. CLOUTIER: Mlle Beaudoin, dans l'analyse que vous faites de l'offre et
de la demande, il faut tenir compte évidemment, je pense, d'un facteur,
c'est que les prix sont fixés dans les cas des médecins par le
Collège des médecins, alors à ce moment-là l'offre
ou la demande joue peut-être moins dans le revenu pour dire qu'il y a eu
pénurie ou...
MLLE BEAUDOIN: Dans les quatre professions considérées,
les corporations en cause suggéraient probablement certains tarifs. Mais
de toute façon il est probable que les tarifs suggérés par
ces corporations tiennent eux-mêmes compte de l'offre et de la
demande.
M. CLOUTIER: Dans l'établissement des tarifs, parce qu'il y a
certaines...
MLLE BEAUDOIN: Dans l'établissement des tarifs. Maintenant il
n'existe pas, comme pour le Collège des médecins, de tarif pour
les médecins...
M. CLOUTIER: ... parce qu'il y a certaines professions qui prennent un
certain nombre d'années avant de toucher à leur tarif. Je pense
que dans le cas des notaires, il y a eu un ajustement de tarif, il y a deux ou
trois ans...
MLLE BEAUDOIN: Tout collège ou corporation qui suggère ou
établit des tarifs va tenir compte de ces facteurs. En plus, il peut
peut-être y avoir un certain laps de temps qui joue, mais comme on
considère une période qui est quand même assez importante,
1946-1963, je pense qu'on a tenu compte de ces facteurs pour la période
considérée.
M. CLOUTIER: Merci.
MLLE BEAUDOIN: Les données telles qu'elles sont inscrites au
tableau, remontent à 1962. Les statistiques fiscales pour l'année
1963 sont publiées. Je peux vous les donner, si ça vous
intéresse.
M. TREPANIER: S'il vous plaît.
MLLE BEAUDOIN: Pour 1963, les médecins et chirurgiens, le montant
est de $17,320; pour les dentistes de $10,751; pour les avocats et notaires
$15,246; et pour les ingénieurs et architectes $17,462.
M. COLLARD: Cela, c'est pour la période 1963...
MLLE BEAUDOIN: C'est pour l'année 1963. J'ai refait les calculs
pour la période 1959-1964, au lieu de 1958-1963, et ça donne
à peu près, c'est-à-dire que l'indice augmente
évidemment, mais la position relative de chaque groupe ne change pas en
ajoutant l'année 1963. Alors l'analyse au niveau du texte est
demeurée la mime.
M. LE PRESIDENT: Mlle Beaudoin, dans le tableau vous mentionnez trois
périodes de cinq années. Il y a 1946-1951, 1951-1956, 1958-1963.
Y a-t-il une raison pourquoi la dernière période ne ferait pas
partie de l'année 1956 à 1961?
MLLE BEAUDOIN: Non, il n'y a pas de raison précise, mais
simplement le fait de regrouper les années, c'était pour
empêcher les fluctuations trop considérables d'une année
à l'autre. Alors c'est simplement la première et la
dernière année. On aurait pu prendre probablement des
périodes de trois ans, ça aurait donné...
M. TREPANIER: Mais pour les deux ans 1956 à 1958.
MLLE BEAUDOIN: Il n'y a pas de raison. C'était pour faire trois
périodes, on aurait pu faire quatre périodes de quatre ans par
exemple.
M. LE PRESIDENT: Cela fait sûrement changer les pourcentages,
lorsque vous parlez d'indice. Quand vous parlez de l'indice de 1946 à
1951 à comparer avec l'année 1951-1956 puis après
ça 1958 à 1963.
MLLE BEAUDOIN: Oui, l'indice en soi serait changé,
c'est-à-dire le chiffre. Maintenant ce qui nous intéresse, c'est
l'évolution d'un groupe par rapport à l'autre. Alors, à ce
moment-là ça n'influence pas. Si on prend l'évolution de
l'indice entre le premier groupe d'années et le dernier, on
s'aperçoit que le revenu des médecins et des dentistes, des
ingénieurs et architectes ont évolué sensiblement de la
même façon. Par contre, l'évolution des revenus des avocats
et notaires a été nettement mois rapide, pour l'ensemble de la
période, que celle enregistrée pour les trois autres groupes. Nos
données sembleraient donc suggérer que pour l'ensemble de la
période, il a pu se développer un surplus relatif d'avocats et de
notaires, mais elles ne permettent guère de conclure quoi que ce soit en
ce qui a trait aux médecins.
M. VAILLANCOURT: La raison, c'est parce qu'il y a plus de notaires et
d'avocats pour répartir le travail qu'ils ont à faire.
MLLE BEAUDOIN: Si le modèle est bon, c'est ce que ça veut
dire. Par contre, si nous prenons chacune des deux sous-périodes que
nous avons isolées, les indications deviennent un peu plus
nuancées. Pour la période 1946-1951 à 1951-1956,
l'évolution des revenus des ingénieurs et architectes est
nettement plus rapide que pour les autres professions étudiées.
En fait, à la fin de la guerre, on a énormément
parlé de la pénurie des ingénieurs. Une analyse faite du
marché des ingénieurs conclut que, de 1951 à 1957, le
marché global des ingénieurs au Canada était
caractérisé par un certain déficit. Les revenus des
médecins, pour leur part, ont évolué au cours de cette
période de façon parallèle à ceux des dentistes. Et
les avocats et notaires ont connu une évolution de leur revenu
inférieure à celle de toutes les autres professions. Pour ce qui
est de cette sous-période, il n'est guère possible de
déduire quoi que ce soit sur la profession médicale. Les
données cependant permettent de poser l'hypothèse de surplus
relatif d'avocats et de notaires et d'une pénurie relative
d'ingénieuri et d'architectes.
Si l'on considère la seconde sous-période 1958-1963, la
situation est passablement différente. Vers 1955, les universités
du Québec ont commencé à former des ingénieurs en
plus grand nombre et il semble que la pénurie relative que l'on avait
observée à la fin de la guerre ait été rapidement
comblée. Lalande affirme dans son étude qu'à partir de
1957, le marché des ingénieurs s'est caractérisé
par un surplus assez important. En fait, pour la sous-période que nous
examinons ici, l'augmentation des revenus des ingénieurs et architectes
a été presque exactement la même que celle des avocats et
notaires pour lesquels il ne semble pas y avoir de pénurie.
Les revenus des médecins, de 1951-1956 à 1958-1963, se
sont accrus beaucoup plus que ceux des autres professions. Ces données
sembleraient donc indiquer qu'une pénurie relative de médecins se
serait développée, au cours des dix ou douze dernières
années. C'est la conclusion à laquelle on en arrive, lorsque l'on
considère seulement l'évolution relative des revenus de ces
quatre groupes de professionnels.
Pour en revenir à ce qu'on disait sur la possibilité
d'utiliser des produits, dans le jargon économique qu'on appelle
produits substituts, et qui sont moins coûteux, dans une étude qui
a été faite aux Etats-Unis sur la profession médicale, un
chercheur avait lui aussi conclut qu'il existait aux Etats-Unis une certaine
pénurie de médecins et que ceci avait eu pour effet de diriger la
demande pour les soins médicaux vers des substituts.
Dans le domaine médical, les substituts ont été le
personnel médical formé à l'étranger,
c'est-à-dire à l'extérieur de l'Amérique du Nord,
et dont la formation et l'habileté sont en général
inférieures à celles des médecins formés dans les
universités américaines ou canadiennes. Quand on examine le
tableau 9, on s'aperçoit que, pour les dix années
considérées 1950-1960, le nombre d'internes et de
résidents étrangers par rapport au nombre total d'internes et de
résidents a été en augmentant. Alors, en 1950, il y avait
environ 10% des internes et résidents qui étaient des
étrangers et, en 1960, cette proportion passe à 26%.
Maintenant, si on veut faire la même comparaison pour le
Québec, on s'aperçoit que l'utilisation des internes et
résidents étrangers au Québec est encore plus importante
que celle
qui a été faite aux Etats-Unis. Au tableau 10, le chiffre
qui correspond à notre 26% de tantôt, c'est l'avant dernier
chiffre des deux colonnes, internes et résidents étrangers en
pourcentage total des internes et résidents, c'était de 25% pour
les Etats-Unis et le chiffre est de 42% pour le Québec.
Alors, les observations qui avaient été faites aux
Etats-Unis par ce chercheur sur l'utilisation de produits substituts de
qualité inférieure, pour suppléer au manque de
médecins, semble valoir encore davantage pour le Québec que pour
les Etats-Unis. En conclusion, il nous semble logique de supposer, sur la base
de cette troisième approche, que l'apport massif d'internes et de
résidents étrangers a probablement contribué au
Québec à atténuer les effets d'une certaine pénurie
relative de médecins qui se serait développée au cours des
dernières années.
Au chapitre 4, on a essayé de faire une projection du nombre de
médecins pour voir dans quel sens évoluerait la situation des
effectifs médicaux. Pour cette évaluation, on en est revenu au
rapport médecin-population qu'on avait déjà utilisé
au début. Si on prend le tableau Il, où on inscrit à la
première colonne les nouveaux médecins, c'est-à-dire les
gradués de Laval, Montréal et McGill; maintenant vous apercevez
qu'en 1971, 1972, et 1973 le nombre des gradués change et va en
augmentant parce qu'en 1966 les premiers gradués de la faculté de
médecine de l'Université de Sherbrooke sortiront. On a tenu
compte...
M. MARLER: Est-ce que cela va ajouter seulement 13 médecins par
année?
MLLE BEAUDOIN: Pour la première année, il y a 13
médecins.
M. CASTONGUAY: Cela va venir, à peu près 40 à 50
par année de plus.
M. MARLER: D'après le tableau, le nombre reste à 404, ce
qui est assez surprenant.
M. CASTONGUAY: Mais à partir de 353, c'est donc dire qu'ils vont
produire chaque année environ 50 médecins après la
période de transition initiale. Voyez la formation...
MLLE BEAUDOIN: C'est ça.
M. CASTONGUAY: ... en nombre est de 350, elle va s'établir
après à 404.
MLLE BEAUDOIN: 400...
M. CASTONGUAY: Alors, leur nombre de gradués annuels,
après une période de transition, va être d'environ 50 par
année.
MLLE BEAUDOIN: C'est ça. L'université ouvre ses portes, en
septembre et, pour la première année, ils n'admettent que 16
étudiants. Et, la seconde ou la troisième année, le nombre
va aller en augmentant jusqu'à un maximum d'une cinquantaine
d'étudiants.
M. CASTONGUAY: C'est ça. M. VAILLANCOURT: A Sherbrooke
ça?
MLLE BEAUDOIN: Oui. Alors, à la deuxième colonne, on est
parti du nombre actuel de médecins auquel on ajoute le nombre de
nouveaux gradués, moins, un taux de pertes c'est-à dire le nombre
de médecins qui se retirent ou qui meurent au cours de chaque
année. Alors, cette troisième colonne, c'est la population
estimée, projection de population pour la province de Québec, et
la dernière colonne c'est le nombre de personnes par médecins.
Alors, on s'aperçoit, que le rapport, s'améliore entre 1966,
1971, 1976 et 1981.
Maintenant, quelque part entre les années 1981 et 1986, il y a
une diminution. C'est-à-dire qu'en 1981, on a 758 personnes par
médecin et le rapport monte à 760 pour l'année 1986.
Maintenant, ces projections sont loin d'être très
raffinées. Elles donnent plutôt une indication des effectifs
médicaux pour les vingt prochaines années.
M. MARLER: Mlle Beaudoin, est-ce qu'il y a un certain rapport entre le
tableau 11 où je vois, pour l'année 1966, qu'il y a 813 personnes
par médecin dans le Québec, et le tableau 2, où je vois
que, pour l'année 1965, le nombre de personnes par médecin est de
841?
M. CASTONGUAY: Cela vient de la même étude, M. le
Président. Il y a évidemment une petite différence. On
peut vous fournir la réponse. On retrouve, d'ailleurs, ce genre de
différence à certains autres endroits. Il y a des fois que les
médecins qui sont à la retraite ne sont pas inclus, et, d'autres
fois, ils le sont. Il y aurait peut-être lieu d'expliciter davantage.
M. MARLER: Je pense réellement que c'est un facteur important,
à cause de l'attitude de certains organismes devant le comité,
lorsqu'ils ont prétendu qu'il y avait une insuffisance en personnel, en
équipement. Alors, je pense que
c'est un point auquel il faudra attacher passablement d'importance
lorsqu'il s'agira de faire un rapport.
M. TREPANIER: Il y a un autre fait que je ne comprends pas dans le
tableau 11. En 1967, on a 769 personnes par médecin pour une population
de 7,116,000. J'imagine que la population, vous la faites progresser
géométriquement, sur une base continue, sans fluctuation, et on
baisse à 758, alors que la formation des médecins est à
404 régulièrement. Alors, dans ces cinq ans-là, on baisse
à 758 personnes par médecin et puis alors qu'on continue
exactement avec la même production de médecins, si je puis
m'ex-primer ainsi, et la même augmentation de population, on augmente de
deux médecins dans les cinq ans suivants. Comment expliquer ce fait?
M. CASTONGUAY: On n'augmente pas de deux médecins.
M. TREPANIER: De deux personnes. M. CASTONGUAY: Oui.
M. TREPANIER: Alors qu'en fait, cela devrait continuer à
descendre.
M. CASTONGUAY: Pas nécessairement. Là, on a, d'une part,
un nouveau nombre uniforme de nouveaux médecins; 404. Alors, on voit que
pendant une certaine période vous avez une augmentation des
médecins qui est en ligne droite,
M. TREPANIER: Oui,
M. CASTONGUAY: La population augmente toujours en ligne courbe. Si vous
additionnez des médecins dont le nombre progresse en ligne droite vous
gagnez du terrains jusqu'à un certain moment, soit jusqu'au point ou
votre ligne vient rattraper la courbe de la population. La population se
reproduit toujours. Une personne qui nait, vingt ans plus tard, ou vingt-cinq
ans plus tard, peut donner naissance à deux autres personnes, alors
c'est une espèce de progression géométrique; tandis que
vous avez ici une progression linéaire tout simplement, pour les
médecins. On le voit clairement dans la première colonne.
Alors, il y a une courbe qui vient croiser l'autre...
M. CLOUTIER: Vous basez votre tableau, M. Castonguay, sur l'étude
de M. Henripin et M. Martin, une étude qui part des années 1961
jusqu'à 1981...
MLLE BEAUDOIN: Oui.
M. CLOUTIER: Alors, si je comprends bien, en 1986, vous avez
projeté, le comité lui-même a fait une projection de la
population à 8,500,000 Parce que l'étude n'allait pas jusque
là...
MLLE BEAUDOIN: Oui, c'est ça.
M. CLOUTIER: ... cela arrête en 1981.
M. CASTONGUAY: Mais nous avions déjà fait, pour à
peu près des fins identiques, des projections de population qui
dépassait 1981 pour le régime de rentes, par exemple. On voit
qu'à un moment donné, dans vingt ans dans l'avenir, il y a
tellement de facteurs qui interviennent dont on ne peut plus tenir compte,
qu'on peut projeter pour cinq ans au moyen d'une courbe sur un graphique. Aller
beaucoup plus loin sans plus de raffinement, cela n'a plus de signification au
point de vue pratique, c'est simplement l'ordre de grandeur qui importe. Vous
ne savez pas par exemple quelle sera l'immigration, l'émigration.
M. CLOUTIER: D'ailleurs, les études sur le sujet ne
dépassent pas vingt ans, la plupart du temps.
M. CASTONGUAY: Pas tellement.
MLLE BEAUDOIN: Les projections de population peuvent être faites
de façon assez certaine. Maintenant du côté des
médecins, c'est clair qu'on a projeté en tenant compte seulement
de la situation actuelle, c'est-à-dire situation actuelle
inchangée sauf pour le cas de l'université de Sherbrooke. Alors,
si le nombre de facultés de médecine change, si l'immigration ou
l'émigration des médecins augmente ce sont des facteurs qui
jouent un rôle sur l'évolution future du nombre de praticiens.
M. CLOUTIER: Il y a d'ailleurs d'avantage dans ce tableau. Il y a une
note qui mentionne; fécondité faible, émigration faible.
Alors, vous l'avez considéré dans les circonstances
actuelles.
MLLE BEAUDOIN: Cela, c'est pour les projections de population. Quand MM.
Henripin et Martin ont fait leurs projections de population, ils avaient fait
trois estimations avec des taux d'immigration forts, faibles, il y avait trois
catégories et que c'étaient des projections de 1961 à
1981. Entre 1961 et 1965, on a réalisé quelle hypothèse
avait joué dans les trois qu'ils
avaient choisies, c'est celle-là qu'on a appliqué pour le
reste de la période.
Ce qui ressort de ces projections de population, c'est quand même
une amélioration du rapport médecin-population au cours des
prochaines années.
M. TREPANIER: ... augmenté le nombre de personnes. A un moment
donné il y en a 404, on est limité à ça.
MLLE BEAUDOIN: Oui. C'est ce que je disais justement, c'est vraiment en
tenant compte des conditions actuelles...
M. TREPANIER: Oui, oui.
MLLE BEAUDOIN: ... maintenant il y a certainement des facteurs qui vont
jouer.
M. TREPANIER: D'autres facultés de médecine en 1986.
MLLE BEAUDOIN: Maintenant, en conclusion, nous avons abordé
l'étude des effectifs médicaux du Québec...
M. LE PRESIDENT; Mademoiselle, voulez-vous arrêter pour quelques
minutes?
MLLE BEAUDOIN: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Il faut suspendre la séance pour quelques
minutes.
MLLE BEAUDOIN: Alors, je pense que nous en sommes à la conclusion
du volume dix qui résume en même temps le volume lui-même.
Nous avons abordé l'étude des effectifs médicaux du
Québec en utilisant trois approches différentes. Les
résultats de l'application de chacune de ces approches à la
situation québécoise semble indiquer l'existence d'une certaine
pression sur les effectifs médicaux. Cette pression est plus ou moins
forte selon que l'on considère le Québec dans son ensemble, une
région spécifique, ou selon qu'il s'agit de la consommation
médicale actuelle ou de cette même consommation dans le cadre d'un
régime d'assurance-maladie complet et universel. Par contre, nos
estimations indiquent une certaine amélioration du rapport
médecin-population au cours des vingt prochaines années. Il n'a
pas été possible d'analyser tous les facteurs qui nous auraient
permis d'arriver à une conclusion plus certaine.
Du côté de la quantité de soins qui serait
demandée dans le cadre d'un régime d'assu- rance-maladie, il faut
rappeler que notre estimation a été basée sur celle du
régime de la Saskatchewan qui a un peu plus de trois années
d'existence. On peut facilement croire que cette consommation n'a probablement
pas atteint son niveau maximum et qu'il devra s'écouler un certain
nombre d'années avant d'y arriver. Les habitudes de consommation des
individus dans ce domaine évoluent lentement. Vraisemblablement, la
quantité de soins médicaux demandés continuera de
croître.
Quant à la quantité de soins offerte, on peut se demander
si l'effort en terme d'heures et de semaine de travail que l'on demande
à la population médicale peut se soutenir pendant toute la vie
active du médecin sans entraîner de conséquences. Par
contre, nous savons que la productivité du médecin a grandement
augmenté depuis les quarante dernières années. Des auteurs
américains ont d'ailleurs mesuré cette augmentation de la
productivité et il n'est pas exclu qu'elle puisse continuer d'augmenter
dans l'avenir. Pour le médecin québécois, il serait
peut-être possible d'accroître davantage sa productivité par
l'utilisation de personnel para-médical et d'assistants, par une
organisation différente de la pratique. Ceci produirait un
allégement du fardeau du travail et permettrait de répondre
à une demande accrue.
Dans les quatre tableaux de la fin nous avons confiné un certain
nombre de données que nous avions sur la profession médicale. Le
tableau 12 répartit les médecins du Québec selon leur
activité professionnelle principale, c'est-à-dire qu'ils soient
en pratique générale, résidents ou moniteurs en
administration en médecine, en pratique de la médecine
spécialisée, en enseignement ou en recherche.
On voit les activités professionnelles les plus importantes, soit
30% pour la pratique générale, 17% de résidents ou
moniteurs et 38% de pratique spécialisée. Enfin, c'est un peu
plus que 38%.
Le tableau 13 donne la répartition des 3,500 certificats de
spécialistes.
M. TREPANIER: Mlle Beaudoin, juste un instant, par résidents ou
moniteurs, vous entendez par là les médecins d'hôpitaux?
Résidents ou moniteurs?
MLLE BEAUDOIN: Les résidents étudiant en
spécialité.
M. TREPANIER: Ah bon!
MLLE BEAUDOIN: Maintenant, au tableau 13 les certificats de
spécialistes que l'on a
réparti, on voit que les pourcentages les plus importants
sont les certificats en chirurgie générale et en médecine
interne.
Maintenant, au tableau 14, c'est le pourcentage de spécialistes
pour chaque province canadienne et pour le Canada.
On s'aperçoit que le Québec est au deuxième rang en
terme de pourcentage de spécialistes par rapport au total des
médecins, le Nouveau-Brunswick venant en tête de liste. Les
données datent de 1961. En 1965, pour le Québec, le pourcentage
s'élève à 44%. Alors, il y a une augmentation, et cette
augmentation va probablement continuer de se faire sentir si l'on
considère depuis deux ou trois ans, le nombre de finissants de
cinquième année de médecine qui continuent à se
spécialiser. Si ma mémoire est bonne, je pense que l'an dernier
c'est quelque chose comme autour de 70%. Ce qui fait que si la tendance
continue comme ça d'année en année, le pourcentage de
spécialistes va continuer d'augmenter.
M. BRISSON: Combien y en a-t-il environ?
MLLE BEAUDOIN: Le nombre de finissants qui se spécialisent? Bien,
qu'est-ce qu'on avait, 350 finissants, 70%?
M. FORTIER: Mlle Beaudoin, est-ce que, pour la pratique
générale, dans Québec maintenant, est-ce qu'on donne des
diplômes de spécialistes en pratique générale?
MLLE BEAUDOIN: Non. M. FORTIER: Pas ici.
MLLE BEAUDOIN: Non, pas en autant que je sache.
M. FORTIER: Je sais qu'il y a des cours spéciaux, pour les
gradués en médecine générale, mais il n'y a pas de
diplômes de pratique générale?
MLLE BEAUDOIN: Non.
M. FORTIER: Est-ce qu'il y en a dans les autres provinces?
M. CASTONGUAY: Possiblement!
M. FORTIER: C'est une question excessivement importante pour le
médecin qui veut s'en aller par exemple faire de la pratique
générale dans un centre rural. Il veut bien avoir la même
qualification, le même diplôme qu'un spécialis- te. Alors
s'il y a une pratique médicale, qu'il a eu un entraînement pendant
un an spécialement, et puis qu'il a tant d'années
d'expérience, je crois que ça aiderait énormément
si on nous donnait un diplôme ou une certification de spécialiste
en pratique générale parce que là il serait
considéré au même niveau que n'importe quel
spécialiste et cela lui permettrait de faire sa pratique dans un... Il
me semble que cela a déjà été
mentionné...
M. CASTONGUAY: Ah! cela a été mentionné?
M. FORTIER: Cela a été mentionné!
MLLE BEAUDOIN: Je ne crois pas que ce soit...
M. FORTIER: Non, je m'informe parce que je crois que ce serait bien
important. Je sais que les jeunes, pour exercer dans les centres ruraux,
veulent avoir le même standard, le même statut ou la même
qualification qu'un spécialiste pour n'importe quelle
spécialité. Alors cela leur permettrait d'aller
s'installer...
M. COLLARD: Cela serait peut-être important de poser la question
au Collège des médecins.
UNE VOIX: Ce serait important!
M. COLLARD: Evidemment oui! S'il a suivi tant d'années de
post-gradué.
M. LE PRESIDENT: M. Castonguay, la question des effectifs
médicaux, il me semble, est très intéressante, et
lorsqu'on fait la comparaison entre le nombre de la population par
médecin dans les différentes provinces. Mais je me demande s'il
n'y a pas un autre facteur qui entre en ligne de compte. Si vous avez une
population qui est très vieille, à première vue, il me
semble que le besoin des médecins doit être beaucoup plus fort,
beaucoup plus considérable que si vous avez une jeune population.
Maintenant, est-ce que les médecins qui font partie du comité
peuvent dire relativement si les enfants en bas de quinze ans, par exemple,
demandent beaucoup de soins médicaux ou est-ce que c'est chez les gens
âgés de 70 ans ou plus, en somme, que se trouve le gros du volume
des patients dans une population quelconque?
M. FORTIER: En pratique générale?
M. LE PRESIDENT: Je suppose qu'il faut
dire lorsqu'on pense plutôt à la question de besoins de
soins médicaux, est-ce que ce sont nécessairement les vieillards
qui ont la priorité sur les jeunes?
M. FORTIER: A partir de zéro à quinze ans, je crois que
c'est là qu'on a la grosse pratique.
M. COLLARD: Mais actuellement, l'assurance-santé, est-ce que...
ou bien si c'est une constatation présentement?
M. CASTONGUAY: Il y a une étude statistique, M. le
Président, qui a été faite par le Fédéral
sur cette question. Par exemple, pour le Québec par rapport à la
Saskatchewan, dû à la structure âge-sexe ceci compte
à cause des maternités chez les femmes en particulier l'on
a conclu dans cette étude que la demande de soins, disons, toutes choses
étant égales, s'il y avait suffisamment de médecins des
deux côtés, la demande de soins dans le Québec serait
d'environ 2% plus faible au Québec qu'en Saskatchewan. Les
résultats varieraient d'une province à l'autre par rapport
toujours à la Saskatchewan qui était le point de repère.
L'écart varie entre 2 1/2 en moins, jusqu'à peu près 3% en
plus. Ce ne sont donc pas des différences marquées. Je pense que
l'endroit où le problème est le plus aigu c'est dans la question
de la distribution géographique et de la répartition des
médecins selon les spécialités. Vous pouvez avoir, par
exemple, un rapport très intéressant de médecin population
mais s'il y a pénurie dans une spécialité très
nécessaire, il en résulte un problème. Si vous n'avez pas
suffisamment d'omnipraticiens, ceci peut créer un problème. Donc,
si pour l'ensemble de la population le facteur âge-sexe ne peut donner
lieu qu'à des différences de 2 ou 3%, je pense que c'est beaucoup
plus l'aspect géographique, la distribution par
spécialité, le rapport spécialistes-omnipraticiens qui
importent.
M. TARDIF: Est-ce que le climat ne peut pas intervenir aussi dans
l'état de santé général d'une population, d'une
province à l'autre, par exemple en Saskatchewan ou en Alberta? Je
connais des gens qui étaient des asthmatiques et qui prétendaient
qu'ils étaient moins malades lorsqu'ils habitaient un climat plus sec,
etc. Je ne sais pas...
M. CASTONGUAY: Il y a définitivement, encore là, des
facteurs significatifs. Par exemple, ici, dans la province de Québec, je
pense qu'il est évident que l'état, disons le niveau de vie, a eu
une importance assez considérable sur l'état de santé de
la population. La nutrition, disons pour une part...
M. RENAUD: Beaucoup.
M. CASTONGUAY: Le climat a certainement aussi une certaine importance.
Maintenant, je ne sais pas si entre des provinces comme la Saskatchewan et le
Québec, cette différence est significative. Mais, par exemple,
avec les régions tropicales, la différence est joliment
marquée. On le voit dans les tables de mortalités de population.
Maintenant, pour les pays nordiques, d'après ce que l'on peut constater
selon les tables de mortalités, les études démographiques,
il y a des variantes, mais elles sont beaucoup plus marquées selon le
standard de vie dans ces pays que selon des conditions comme le degré
d'humidité ou la température. Ces conditions vont affecter,
j'imagine, certaines personnes souffrant d'une affection donnée, comme
l'asthme. Mais, pour l'ensemble, c'est beaucoup plus le niveau de vie, disons
dans les pays nordiques, qui influence que ces autres facteurs.
M. FORTIER: M. le Président, ça change. Voici une
comparaison: chez nous, nous n'avions pas de pédiatres, et puis,
à ce moment, il est arrivé un pédiatre très
qualifié. Alors il y a eu une avalanche d'enfants, on a même
été obligé d'ouvrir une salle complète de
pédiatrie où il y a maintenant 50 lits pour les enfants. Avant
ça, on pouvait en soigner. Là, ils viennent voir le
pédiatre. Il pensait ne pas en avoir assez, mais bientôt, il va
falloir qu'il y en ait un autre. Parce qu'à un moment, il y a une
concentration de malades qui viennent le voir. Le moindrement que l'enfant ou
le bébé a une colique ou quelque chose... Evidemment, il y aune
affluence de malades, parce qu'ils vont aller voir le spécialiste.
M. LE PRESIDENT: Est-ce surtout de la médecine
préventive?
M. FORTIER: Les deux se font. Curative et préventive. Il y a une
relation maintenant entre l'obstétricien et le pédiatre, tous les
enfants qui viennent au monde sont examinés par le pédiatre qui
voit à l'alimentation, ainsi de suite. Mais, quand l'enfant est malade,
on vient voir le pédiatre, alors, il y a une affluence de malades. S'il
y a d'autres spécialistes qui viennent dans une région rurale,
évidemment, le nombre de patients qui vont être traités par
celui-là va augmenter.
M. COLLARD: Est-ce la même chose, lorsqu'il s'agit d'un
médecin?
M. FORTIER: Il n'y a pas de médecin, les gens ne se font
pratiquement pas traiter. Aussitôt que le médecin arrive, il y a
également une avalanche. On est d'accord, que lorsqu'il n'y a pas de
médecin, les gens ne feront pas 75 ou 100 milles pour...
M. CASTONGUAY: Si vous me permettez une remarque, M. le
Président, sur la question de la suffisance des effectifs
médicaux, je crois qu'il n'y a pas moyen de dire, à un certain
moment, qu'il y a suffisamment de médecins pour établir un
régime; ou de dire: « A partir de la situation actuelle, on
devrait se rendre à tel point exactement pour établir un
régime. Pour illustrer cette affirmation, le docteur Horowitz, qui est
avec le ministère de la Santé et du Bien-Etre à Ottawa et
qui a pratiqué en Pologne me disait que lorsqu'ils ont établi
l'assurance-maladie en Pologne, en 1920 il y avait un médecin, je crois,
par 3,000 de population. Les gens se sont questionnés longtemps à
savoir s'ils pouvaient établir un régime d'assurance-maladie, si
les effectifs médicaux étaient suffisants. Le docteur m'a dit que
finalement le régime a été établi et que plusieurs
croyaient que ce serait une calamité. Et, finalement, le régime a
fonctionné. Et, il me disait qu'il y avait environ, si ma mémoire
est bonne, 1 médecin par 3,000 habitants. C'est une question
d'appréciation. Aujourd'hui, on a un médecin par 850, disons. Il
y a 25 ans, il y en avait un par 975, ou 1 par 1,000. Dans 10 ans, qu'est-ce
que ça sera exactement, c'est difficile à dire. Nous avons des
projections, mais il y a un facteur qui est très important, c'est que
les modes de traitement changent et les médicaments deviennent de plus
en plus efficaces. Les gens demandent plus si c'est disponible, mais ceci ne
veut pas dire que, si certains genres de soins ne sont pas donnés, soit
des soins que l'on peut qualifier de soins de luxe, que les gens vont
nécessairement en souffrir. Une telle analyse ne peut pas être
résumée, je crois, en une simple question de chiffres. Il y a une
décision à prendre, à un moment donné, et on ne
peut pas baser uniquement cette décision sur des chiffres.
M. MARLER: Est-ce que la commission Hall s'est prononcée sur
cette relation médecin-population?
M. CASTONGUAY: Elle est étudiée. Il y a des données
qui sont présentées.
MLLE BEAUDOIN: La commission Hall a effectué un certain nombre de
calculs, entre autres, le rapport médecin-population., mais elle a
été très prudente dans ses conclusions. En d'autres
termes, il n'y a pas d'évaluation de faite à partir de ça.
Elle s'est contentée de donner des chiffres.
M. MARLER: Je pose la question, parce que, évidemment, c'est une
espèce de réconfort pour le comité, si la commission Hall
disait: « A condition que le nombre de population par médecin ne
dépasse pas, disons, 900 ». Cela serait bien satisfaisant pour le
comité d'avoir une déclaration provenant de la commission.
M. CASTONGUAY: M. le Président, si vous regardez dans le tableau
de la page 9, vous voyez que l'Alberta a 922 personnes par médecin. Vous
avez la Saskatchewan qui en a 976. En Saskatchewan, à toute fin
pratique, toute la population est couverte. En Alberta, vous avez à peu
près 85% de la population qui est couverte,, Les deux régimes
sont de nature différente, mais il reste que le nombre de personnes
assurées est beaucoup plus élevé que dans la province de
Québec, et nous avons un rapport plus favorable que dans ces provinces.
Les distances à parcourir sont aussi grandes qu'ici, la population est
dispersée de la même façon. On nous a dit dans ces deux
provinces que les médecins travaillaient beaucoup mais l'on ne nous a
pas dit que le point critique où des personnes pouvaient manquer de
soins nécessaires étaient atteints. On nous a dit que les
médecins avaient beaucoup de travail. C'est évident.
M. BRISSON: Est-ce que le projet d'assurance-santé en France a eu
pour effet d'augmenter le nombre de médecins, en proportion?
M. CASTONGUAY: Ils travaillent plus fort. Ce sont des hommes en bonne
santé.
MLLE BEAUDOIN: En Saskatchewan, ç'a augmenté.
C'est-à-dire, il y a deux choses, la tendance générale en
Saskatchewan était à l'augmentation du nombre de médecins,
déjà. Et, en plus, depuis 1962, il y a également eu
augmentation.
M. CASTONGUAY: Maintenant les adversaires d'un régime du type de
celui de la Saskatchewan disent: Il faudrait voir la quantité des
médecins qui ont quitté et puis il y a un plus grand nombre de
médecins...
M. TREPANIER: Qui a dit ça?
M. CASTONGUAY: ... ceux qui défendent le régime en
Saskatchewan disent que ce sont de bons médecins qui sont venus
s'établir.
M. BRISSON: La qualité des soins est au moins la même
qu'avant le régime?
M. TREPANIER: Un médecin, c'est un médecin.
M. CASTONGUAY: Les gens semblent...
M. BRISSON: Parce que ça arrive que la qualité
professionnelle...
M. TREPANIER: C'est la même chose, un médecin c'est un
médecin, peu importe le régime.
M. FORTIER: Quand il passe un an dans un hôpital...
M. TARDIF: M. Castonguay, je ne me rappelle pas, est-ce qu'il a
été dit qu'il y avait une différence énorme dans
l'âge des résidents des divers pays ou des diverses provinces?
Est-ce qu'il y a une différence énorme dans l'âge moyen de
la population, par exemple en Angleterre, en France, comparé avec le
Canada et le Canada, d'une province à l'autre? Est-ce que ça a
été établi? Cela m'a échappé.
M. CASTONGUAY: Le Canada a certainement une population plus jeune qu'un
bon nombre de pays. Prenez par exemple la Suède où la population
depuis cinquante ans est à peu près au même niveau,
comparativement à l'augmentation de la population au Canada.
L'immigration est un facteur de rajeunissement pour le Canada et de
vieillissement pour les pays d'où les immigrants viennent, parce que les
personnes qui immigrent sont âgées de 40 ans ou moins et comptent
beaucoup plus d'enfants. Alors la population du Canada ou de la province de
Québec est plus jeune que la population de la plupart des pays
européens.
M. TARDIF: Evidemment, cela a une influence sur les soins
médicaux requis, probable.
M. CASTONGUAY: Oui, d'un autre côté, comme il était
mentionné tantôt, il y a deux groupes de personnes dans la
population qui requièrent plus de soins, ce sont les groupes aux deux
extrémités de l'échelle des âges. Maintenant,
comment exactement, chaque groupe en requiert proportionnellement, c'est
difficile à établir.
M. FORTIER: On dit qu'il faudrait avoir un médecin par mille de
population, mais si vous prenez un praticien général qui s'en
irait dans un petit village de mille habitants, il n'aurait pas assez
d'ouvrage.
M. DALLAIRE: Ah non.
M. FORTIER: Et il ne pourrait pas vivre avec cela.
M. CASTONGUAY: Bien là...
M. FORTIER: Bien on dit en général qu'un praticien
général va aller s'installer dans un centre de 2,400. Avec
ça, il va avoir de l'ouvrage. Probablement que M. Dallaire va confirmer
ça, avec 2,400 de population il va avoir assez d'ouvrage pour être
occupé et au point de vue financier, ça va être bien. Mais
moins que ça, il n'aura pas assez...
M. CASTONGUAY: D'ailleurs, c'est à peu près le
barème suivi en Angleterre pour déterminer si dans une
région il y a suffisamment de praticiens. Mais pour passer de 2,400
à un chiffre inférieur, l'on tient alors compte des diverses
spécialités.
M. FORTIER: Les hôpitaux, etc.
M. TARDIF: Dans les villages, dans les paroisses où il y a une
population de 2,000, s'il y en a au cours de l'année 200 ou 300 malades
qui passent par les hôpitaux, ça diminue le travail du
médecin local, et il reste que les soins médicaux pour ces
gens-là sont quand même requis.
M. CASTONGUAY: Exactement.
M. TARDIF: Il faut qu'ils les obtiennent d'une part ou de l'autre.
M. DUPRE: Tout à l'heure on parlait des pédiatres. Je le
sais par expérience, les gens qui en ont les moyens, évidemment,
consultent ces pédiatres, puis les autres de la population, les plus
pauvres, vont à ce qu'on appelle « La goutte de lait »
où il y a un médecin. Il est reconnu à Montréal que
les jeunes mères de famille, même après deux, trois, quatre
enfants, quelques jours après la naissance de l'enfant vont voir ces
médecins-là pour se faire donner un régime. C'est
excellent au point de vue préventif. Maintenant à ce moment, il
se trouve à y avoir deux qualités de citoyens: les personnes qui
ne peuvent pas voir les spécialistes, à cause des prix.
M. FORTIER: C'est la ville de Montréal.
M. DUPRE: Maintenant, qu'est-ce qui va arriver? Est-ce que ces services
de la ville vons être discontinués avec le plan
d'assurance-santé?
M. CASTONGUAY: Pas nécessairement, c'est une des choses que nous
avons mentionnées au début du volume deux de notre étude.
Tous ces services soit bénévoles, soit publics ou semi-publics
qui existent présentement, vont nécessiter certains arrangements
à la suite de l'établissement d'un régime
d'assurance-maladie, mais dans l'ensemble ils vont continuer d'être
requis pour traiter plutôt les problèmes plus particuliers. Il
demeure que ces organismes jouent aussi un rôle d'éducation.
M. TREPANIER: Quand même, à ce moment-là, les dames
qui allaient là parce que ça ne leur coûtait rien, dirons
avec l'assurance-maladie: On va aller voir un meilleur, on va aller chez le
pédiatre.
M. CASTONGUAY: Tout dépend de ce qu'on leur offre aussi dans ces
endroits. Est-ce qu'on leur donne aussi de l'aide pour l'achat du lait en
poudre avec des formules spéciales, des conseils sur la façon de
traiter l'enfant, de laver le bébé, etc... Il y a d'autres formes
d'aide que les soins médicaux; en fait, assez souvent, ces centres
deviennent des centres de conseillers, c'est du service social autant que des
soins médicaux qui est dispensé dans ces centres et il n'y a
aucun doute qu'ils vont demeurer nécessaires.
M. DUPRE: Je pense qu'à ce moment-là les gens à
revenus modestes étant couverts par l'assurance-santé vont aller
chez le pédiatre plutôt que d'aller à « La goutte de
lait ».
M. CASTONGUAY: Si le bébé est malade.
M. DUPRE: C'est dû à l'aspect social de la loi.
M. CASTONGUAY: Exactement.
M. LE PRESIDENT: D'autres questions? Je vous remercie Mademoiselle
Beaudoin ainsi que Monsieur Castonguay, pour les informations que vous nous
avez données sur les effectifs. La séance est ajournée
à mardi, trois heures trente, et nous recevrons les doyens de la
faculté de médecine, c'est le numéro 29. Le soir, le
comité d'étude des termes de médecine, numé- ro 28.
Le docteur Gilbert, numéro 34. Et nous essayerons aussi peut-être
d'en placer un autre, dans la soirée.
M. TARDIF: C'est conforme au programme que nous avons eu?
M. LE PRESIDENT: Actuellement c'est conforme, mais nous essayerons d'en
ajouter un autre pour le cours de la soirée.
M. MARLER: Je pense que c'est essentiel, parce que j'ai regardé
le mémoire pour la terminologie et puis je ne sais pas de quelle
façon nous pourrons passer beaucoup de temps utilement
là-dessus.
Séance du 29 mars
(Quatre heures de l'après-midi)
M. MARLER (Président): Nous avons maintenant quorum. Je
demanderais au comité de revenir à l'ordre. Je comprends, M.
Coutu, que c'est vous qui allez présenter le mémoire des doyens
des facultés de médecine.
M. COUTU: Oui, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Voulez-vous d'abord nous présenter les membres
de votre délégation?
M. COUTU: Oui. J'ai ici à ma droite, le Dr Gingras, doyen de la
faculté de médecine de Laval; le Dr Lasalle, doyen de la
faculté de médecine de Sherbrooke, et le Dr Beauregard,
vice-doyen de la faculté de médecine de Sherbrooke. A ma gauche,
le Dr Robillard, vice-doyen de la faculté de médecine de
Montréal; le Dr Guy Joron, vice-doyen de la faculté de
médecine de McGill, et le Dr Bergeron, vice-doyen de la faculté
de médecine de Laval.
M. LE PRESIDENT: Alors, commencez la lecture. Je suppose que vous allez
nous donner une espèce de résumé du mémoire, parce
que je crois que les membres du comité ont déjà pris
connaissance du document que vous avez déposé.
M. COUTU: Exactement. M. le Président, Messieurs, les doyens des
quatre facultés de médecine du Québec ont voulu
présenter un mémoire au comité des deux Chambres,
étant donné les implications nombreuses d'un régime
d'assurance-santé sur l'éducation médicale.
On peut immédiatement prévoir que dans un système
d'assurance-santé généralisé, le rendement des
soins de santé dépendra très étroitement de celui
des facultés de médecine. Ce sont en effet les facultés de
médecine qui forment les effectifs médicaux et qui dirigent
l'éducation du personnel des disciplines paramédicales. Les
facultés de médecine collaborent aussi à l'instruction des
membres des autres professions du domaine de la santé. En maintenant les
plus hauts standards de soins médicaux dans leurs institutions, elles
donnent le ton de l'excellence pour toute la pratique professionnelle. Elles
apportent enfin à la communauté des ressources plus efficaces
dans le domaine de la santé, ressources qui résultent des
découvertes scientifiques qui s'effectuent dans leurs laboratoires.
Il faut donc réaliser pleinement que, plus que maintenant encore,
dans l'éventualité d'un système d'assurance-santé
généralisé, l'efficacité des soins de santé
dépendra très étroitement du rendement des facultés
de médecine et que cette interdépendance se manifestera beaucoup
plus rapidement que maintenant et d'une façon beaucoup plus
étendue. Nous entrevoyons que plusieurs avantages résulteront
d'une collaboration très étroite entre les organismes
distributeurs de soins médicaux et les institutions d'éducation
médicale.
Dans ce mémoire, nous avons traité de l'enseignement dans
les facultés de médecine, de la recherche médicale, des
soins médicaux donnés dans les hôpitaux affiliés et
de tous les groupes d'étudiants auxquels les facultés de
médecine doivent prodiguer leur enseignement. Ce mémoire,
même s'il touche à plusieurs aspects de l'éducation
médicale en regard de l'assurance-santé, n'a pas la
prétention d'être complet ni d'apporter des solutions à
tous les problèmes qui résulteront de l'instauration d'un tel
système. C'est pourquoi, nous recommandons que l'on prévoie un
mécanisme de communications entre les facultés de médecine
et l'organisation responsable de l'assurance-santé pour assurer la
permanence d'une collaboration étroite entre ces organismes et
résoudre les problèmes qui se présenteront.
Les facultés de médecine, depuis plusieurs années,
se sont efforcées à ne choisir que les étudiants qui
présentent des qualités intellectuelles et morales les rendant
aptes à réussir dans leurs études et dans leur avenir.
Cela leur a permis d'atteindre un niveau d'excellence de rendement que l'on a
parfois malheureusement confondu avec une limitation du nombre
d'étudiants.
Dans les situations actuelles, elles ne sau- raient d'ailleurs augmenter
leur nombre de candidats, étant donné le manque de
facilité en espace, personnel et budget, il est à noter de plus
que le nombre de candidats présentant des aptitudes d'intelligence et de
caractère ainsi qu'une très grande motivation pour les
études médicales est assez restreint et va même en
décroissant. Il est admis d'une façon générale que,
pour permettre une excellente sélection au sein d'une faculté de
médecine, il faut que cette dernière ait au moins deux fois plus
de candidats qui font une demande d'admission que de places disponibles en
première année.
Dans les universités de langue française, du moins, la
situation est quelque peu alarmante, si l'on considère que depuis 1960
le pourcentage des bacheliers ès arts qui optent pour la médecine
va en décroissant. A l'université de Montréal, par
exemple, ce pourcentage était de 15.4% en 1960 et il n'était que
de 8.6% en 1965. Ceci veut dire qu'étant donné qu'un grand nombre
de professions s'ouvrent aux bacheliers, ils optent non seulement pour la
médecine, mais également pour d'autres professions. Et c'est un
fait que le pourcentage des demandes, diminue.
M. LE PRESIDENT: Sans que le nombre d'étudiants en
médecine ne diminue,,
M. COUTU: Non, cela ne change pas. Mais seulement nous avons moins de
choix en somme. C'est pourquoi nous recommandons que, dans
l'établissement d'un système d'assurance-santé, un souci
particulier soit apporté à l'attrait de l'exercice de la
profession médicale, afin qu'elle puisse recruter des candidats
doués des plus hautes qualités intellectuelles et morales.
Actuellement, l'enseignement clinique se fait dans un certain nombre
d'hôpitaux qui détiennent des contrats d'affiliation avec la
faculté de médecine. Deux groupes de professeurs cliniques se
partagent l'enseignement aux étudiants de troisième et de
quatrième années. Les uns travaillent à plein temps
géographique, c'est-à-dire qu'ils ont un bureau en somme à
l'hôpital, tout se passe à l'intérieur, voient des malades,
et vous allez le voir par le texte qui va suivre, sont dans la classification
également. Ils reçoivent un revenu provenant partiellement de
l'université, partiellement des services d'assurance-hospitalisation et
complété par des honoraires provenant d'une pratique
professionnelle limitée et exercée dans les murs de
l'hôpital. Les autres, qui représentent en nombre la
majorité du corps professoral, contribuent à l'enseignement sur
une base bénévole.
Les professeurs cliniques consacrent auprès des malades pour
l'enseignement aux étudiants un temps beaucoup plus considérable
que le traitement seul nécessiterait. Ils n'ont pas le loisir durant ces
périodes d'enseignement de s'adonner à leur pratique
privée. De plus dans les hôpitaux d'enseignement, un certain
nombre de professeurs se groupent en équipes pour présenter
devant les étudiants divers aspects des problèmes cliniques. Ce
travail en équipe est d'ailleurs souvent nécessaire pour le soin
des malades dans les hôpitaux affiliés.
C'est pourquoi nous recommandons, premièrement, que
l'assurance-santé tienne compte des impératifs de l'enseignement
médical, admettre une distinction entre le service aux malades et
l'enseignement et laisse aux facultés de médecine la
responsabilité de déterminer les modalités de
l'enseignement et de la rétribution des professuers.
Deuxièmement, que l'assurance-santé sauvegarde la
possibilité d'utiliser les services bénévoles d'un grand
nombre de professeurs de cliniques et n'établissent pas de conditions
qui empêchent de rétribuer ces professeurs d'une façon
réaliste.
Troisièmement, que l'on accepte la nécessité de la
présence de professeurs engagés sur une base de plein temps
géographique dans les hôpitaux d'enseignement.
Quatrièmement, que l'on admette le travail d'équipe et des
consultations pour le diagnostic et le traitement, et cela
particulièrement dans les hôpitaux d'enseignement.
Depuis l'avènement de l'assurance-hospitalisation, plusieurs
éducateurs médicaux ont exprimé des craintes au sujet du
peu de patients de salles que les hôpitaux peuvent mettre à la
disposition des étudiants. Cette situation s'est avérée
plus grave particulièrement pour l'entraînement en chirurgie. Il
est certain que le malade tire grand avantage à contribuer à
l'éducation médicale en même temps qu'il rend un service
précieux à la communauté. C'est pourquoi nous recommandons
que, dans les hôpitaux d'enseignement, tous les patients soient
susceptibles de servir pour les fins de l'enseignement et qu'une
éducation du public soit faite, pour faire accepter les avantages de
cette condition.
Comme les étudiants en médecine passent une grande partie
de leur formation médicale dans les hôpitaux affiliés, il
va sans dire que des facilités spéciales doivent être
prévues dans ces institutions pour les étudiants et les
professeurs; matériel d'enseignement, espace, bibliothèque,
laboratoire etc. L'hôpital qui accepte de servir dans de tels programmes
d'en- seignement supporte des dépenses plus considérables que les
autres hôpitaux. Il doit parfois soustraire un certain nombre de lits
pour fournir des espaces d'enseignement et de recherche. La durée
d'hospitalisation dans les hôpitaux d'enseignement est d'une façon
générale un peu plus longue que dans les hôpitaux
communautaires, vu le genre de malades référés a ces
institutions et vu la nécessité de prolonger l'hospitalisation
dans certains cas d'un malade pour fin de recherche.
Les nominations et les promotions des professeurs dans les divers
hôpitaux affiliés sont faites conjointement par
l'université et par l'hôpital concerné. Les chefs de
cliniques sont également choisis sur une base conjointe et ont pour
rôle de voir dans leurs secteurs propres à la direction des soins
aux malades, à la recherche et à l'enseignement.
Il nous apparaît donc logique de recommander premièrement
que l'on admette les dépenses administratives et d'opération
inhérentes à l'enseignement donné dans les hôpitaux
d'enseignement et que la responsabilité de ces dépenses soit
clairement définie de façon à ce que les facultés
sachent où en obtenir les disponibilités nécessaires.
Deuxièmement, que dans les hôpitaux d'enseignement des
espaces suffisants soient consentis pour l'enseignement et la recherche et que
les facultés aient la possibilité de suggérer au
ministère de la Santé les nécessités de
l'enseignement dans les programmes de réaménagement ou de
construction pour les hôpitaux d'enseignement.
Troisièmement, que dans les hôpitaux d'enseignement on
permette une prolongation raisonnable de l'hospitalisation de certains patients
jugée nécessaire par des personnes compétentes pour la
poursuite d'une recherche valable.
Quatrièmement, que dans les hôpitaux affiliés
l'exécutif du bureau médical soit constitué en
majorité de chefs de service.
Dans l'état actuel des choses, l'enseignement des sciences
fondamentales se donne sur le campus universitaire et celui des sciences
cliniques dans les hôpitaux autonomes et en général
situés à une bonne distance de l'université.
Cette situation ne favorise pas les rencontres, pourtant
nécessaires, entre fondamentalistes et cliniciens. De plus, la
bibliothèque médicale de l'université devient très
peu accessible aux étudiants dans les hôpitaux et également
au personnel enseignant. Aucune vie facultaire n'est possible ni aucune
véritable intégration des sciences cliniques et des sciences
fondamentales. C'est pourquoi nous recomman-
dons que les autorités gouvernementales contribuent à ce
que les facultés de médecine de l'université de
Montréal, de Sherbrooke et de l'université Laval opèrent
dans le cadre d'un centre médical groupant les départements de
sciences fondamentales et de sciences cliniques dans un tout
intégré situé le plus près possible du campus
universitaire. Ces centres médicaux deviendront le noyau de futurs
centres groupant toutes les facultés et écoles du domaine de la
santé et leur création sera un bienfait pour la population du
Québec.
M. le Président, je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: M. Coutu, je ne sais pas si d'autres membres de votre
délégation désirent adresser la parole.
M. COUTU: Peut-être pas pour le moment. Si vous nous le permettez,
lors des questions, peut-être qu'une personne serait plus
préparée que moi à répondre selon...
M. LE PRESIDENT: Sûrement!
M. COUTU: Je vous remercie, M. le Président.
M. BLANK: Docteur, une question-clé pour commencer. Pensez-vous,
dans l'opinion des facultés, qu'il y ait assez de médecins en ce
moment à Québec?
M. COUTU: Je pense qu'on peut répondre via le Collège des
médecins qui a fait une étude dans ce sens-là et qui a
prouvé, en fait, qu'il manquait de médecins dans la province de
Québec, et qui a prouvé...
M. BLANK: Et qu'est-ce que vous faites pour élargir vos
admissions, pour avoir plus d'étudiants, en plus grand nombre?
M. COUTU: En ce qui nous concerne, évidemment, il faut
peut-être distinguer d'une faculté à l'autre. Mais de toute
façon, en ce qui concerne Montréal, je puis vous dire que nous ne
pouvons pas présentement prendre plus d'étudiants que nous en
prenons parce que nos laboratoires ne le permettent pas, au point de vue
physique. Alors comme je le disais tantôt, les budgets, les espaces
manquent. Maintenant, vous savez peut-être que M. le premier ministre a
dit à Montréal: Je vous donne le Centre médical tel que je
vous l'ai promis à condition que vous augmentiez le nombre
d'étudiants. Et nous avons consenti à augmenter le nombre
d'étudiants jusqu'à une limite raisonnable qui ne doit pas
évidemment nuire à nos standards, bien sûr. Et nous
attendons encore la réponse de ce côté-là.
M. BLANK: Pensez-vous qu'à un moment donné vous preniez un
maximum, vous puissiez dire: c'est le maximum des étudiants que vous
prendrez dans la province de Québec?
M. COUTU: Dans chaque faculté vous voulez dire?
M. BLANK: Non, dans la faculté de médecine.
M. COUTU: Oui, mais pour chaque faculté?
M. BLANK: Bien, il n'y a qu'une faculté de médecine dans
chaque université.
M. COUTU: Oui, oui.
M. BLANK: A un moment donné on va pouvoir dire que, dans une
faculté, le maximum qu'on prendrait serait 400 étudiants.
M. COUTU: Oui.
M. BLANK: Mais vous avez une raison pour ce chiffre?
M. COUTU: Oui. Le chiffre 400, vous le dites...
M. BLANK: Je dis 400 seulement en exemple, je ne le sais pas.
M. COUTU: Evidemment, il faut une limite,
M. BLANK: Mais pour quelle raison faut-il une limite? C'est ça
que je demande.
M. COUTU: Pour plusieurs raisons. D'abord pour une raison d'excellence.
Deuxièmement, il faut savoir que la médecine s'enseigne sur une
base individuelle. Il faut pratiquement aux Etats-Unis on l'a
prouvé et puis ici c'est la même chose deux professeurs par
étudiant. Il faut bien penser que si un étudiant est au fond de
la salle et qu'on traite d'un malade, au lendemain de son diplôme il est
pris devant n'importe quel genre de cas. Et là il est seul devant le
malade. C'est un enseignement qui doit être très
individualisé. Et c'est pour ça qu'on vise parce qu'on n'a
pas ça présentement à deux professeurs par
étudiant en clinique. Je pense que c'est une raison très
importante que cet enseignement individualisé pour la
médecine.
M. RENAUD: Docteur Coutu, je comprends que vous venez de nous exposer le
rôle et la contribution des facultés de médecine en rapport
avec la santé et advenant peut-être le cas de
l'établissement d'un plan d'assrrance-maladie. Est-ce que vous avez
examiné cet angle-là? Quelle est la position des doyens des
facultés de médecine relativement à l'établissement
d'un régime d'assurance-maladie?
M. COUTU: Je dois vous dire que, dans notre mémoire, nous sommes
partis du principe que advenant le cas que vous dites très bien, on n'a
pas étudié en fait si oui ou non nous étions en faveur du
régime. Par conséquent, je ne pourrais pas répondre au nom
de mes collègues parce que cette question n'a pas été
étudiée comme telle.
M. RENAUD: Disons qu'advenant le cas où il y aurait
l'établissement d'un régime,..
M. COUTU: C'est ça!
M. RENAUD: ... voici le rôle que vous seriez appelés
à jouer.
M. COUTU: C'est ça! C'est le sens en somme du mémoire.
M. RENAUD: Alors, ça ne servirait à rien de poser d'autres
questions pour savoir ce que vous penseriez du champ d'application, par exemple
un plan d'assurance-maladie dans la province?
M. COUTU: Non, nous pourrions vous répondre à ça
peut-être avec une étude, mais enfin,nous ne sommes
pas préparés pour répondre à ça
aujourd'hui.
M. RENAUD: Pour répondre à ça. Vous vous en
êtes rapportés à votre rôle....
M. COUTU: Exactement.
M. RENAUD: ...comme enseignants de la médecine dans la
province.
M. BARIBEAU: Dr Coutu, en douzième recommandation, vous
recommandez que les facultés aient la possibilité de
suggérer au ministère de la Santé les
nécessités de l'enseignement dans les programmes de
réaménagement ou de construction pour les hôpitaux
d'enseignement. Voici ma question: Quel mécanisme les doyens
suggèrent-ils pour arriver à cette fin?
M. COUTU: Je vais vous dire que dans notre milieu nous sommes un peu
avancés parce que M. Kierans nous a réunis, toutes les
facultés de médecine ça s'est fait à Laval
et à Montréal et nous a précisément
demandé en présence des hôpitaux, si les hôpitaux
étaient consentants à ce qu'il y ait une planification dans ce
sens-là établie par la faculté de médecine en
collaboration avec les hôpitaux. Et les hôpitaux ont répondu
oui à ce moment-là. Nous avons fourni depuis, à
Montréal en tous cas et la même chose à Québec, un
mémoire à M. Kierans où nous donnons justement les
nécessités d'enseignement dans les hôpitaux
affiliés, parce que, vous savez, tous ces hôpitaux-là n'ont
pas du tout été conçus pour l'enseignement. Alors, nous
avons des besoins maintenant et il faut qu'on les réalise, par
conséquent c'est pas mal avancé dans ce sens-là.
M. RENAUD: M. Coutu, je me demande encore si ma question est dans
l'ordre mais est-il désirable que la grande majorité ou, enfin,
la majorité des docteurs en médecine s'engagent plutôt dans
la voie de la spécialisation que comme omnipraticiens?
M. COUTU: S'il est désirable, vous dites? M. RENAUD; Oui.
M. COUTU: Bien, évidemment, là encore je pourrais vous
répondre de la même façon que tantôt, ce n'est pas
l'objet du mémoire. Vous savez, souvent une opinion personnelle c'est
une autre histoire...
M. RENAUD: ...c'est pire...
M. COUTU: ...mais ça ne fait pas partie du mémoire....
M. RENAUD: Cela ne fait pas partie de votre mémoire?
M. COUTU: ...j'aimerais mieux ne pas en discuter ici, si vous permettez,
et m'en tenir strictement au mémoire.
M. BOUDREAU: Docteur, quand vous avez mentionné votre
mémoire tout à l'heure, vous avez dit qu'il y avait un choix de
fait pour l'admission des étudiants à la médecine. Quels
sont les critères que vous employez pour admettre les
étudiants?
M. COUTU: Bien, les critères en somme sont les suivants:
actuellement pour les facul-
tés de médecine du Québec, en tout cas de la langue
française je pense que c'est la même chose pour la langue
anglaise il faut le baccalauréat ès arts ou ès
sciences. Evidemment, avec le rapport Parent, etc, il se pourra que ceci
change, mais actuellement c'est ceci; alors comme base, il faut connaître
évidemment la langue dans laquelle la médecine est
enseignée, et il faut avoir réussi correctement dans les sciences
parce qu'évidemment, non seulement les sciences, les humanités
également, mais les sciences sont très importantes, en
mathématiques, en biologie, en physique et en chimie. Par
conséquent, un candidat qui ne présente pas de garantie au point
de vue des sciences, ne sera pas considéré autant que celui qui a
des capacités au point de vue scientifique.
M. BOUDREAU: L'année dernière, les journaux nous ont
rapporté que les écoles de médecine avaient refusé
tout près de 300 élèves parce qu'il n'y avait pas de place
pour les recevoir. Est-ce que c'est exact?
M. COUTU: Trois cents, je pense que c'est assez juste, parce qu'en somme
ça fait à peu près une centaine à Montréal,
une centaine probablement à Québec, ça fait deux cents.
Maintenant, je ne sais pas à McGill exactement. M. Joron, combien
à peu près?
M. JORON: Bien la question c'est qu'ils avaient été
refusés parce qu'il n'y avait pas de place. Au McGill, je ne crois pas
qu'ils aient refusé parce qu'il n'y avait pas de place. Nous avons
refusé des québécois qui ne rencontraient pas nos
«standards» et nous avons accepté tous les
québécois qui rencontraient nos «standards».
M. BOUDREAU: Oui, chez vous, mais je parle, moi, de l'école de
médecine de Québec et celle de Montréal.
M. COUTU: C'est la même situation, Monsieur. Nous avons pris tous
les candidats qui répondaient à nos normes. Et pour les derniers
que nous avons dû choisir, il a fallu faire un travail énorme pour
tâcher d'en avoir qui se comparaient avec ceux qu'on avait
acceptés.
M. BOUDREAU: Et on m'a affirmé que tous les étudiants qui
avaient fait leurs demandes d'admission possédaient leurs B.A.
M. COUTU: C'est juste, mais ce n'est pas suffisant.
M. BOUDREAU: Ah bon, alors, là il y a eu un choix de fait, mais
la raison pour les refuser? On a dit: « Il n'y a pas de place dans les
universités. »
M. COUTU: Non, ce n'est certainement pas chez nous, en tous cas,
ça ne doit pas être comme ça à Québec non
plus, ce n'est pas la raison. Et j'ai dit tantôt, qu'on ne pourrait
prendre plus d'étudiants que nous en prenons parce que l'on n'a pas de
place dans nos laboratoires, mais seulement ceci correspond très bien
actuellement avec ceux que l'on peut accepter selon leurs aptitudes.
M. BOUDREAU: Je n'ai pas besoin de vous dire, docteur, que moi j'en ai
eu connaissance. Il y a plusieurs étudiants qui se sont
préparés pour aller en médecine et puis que les portes
leur ont été fermées.
M. COUTU: Bien comme je vous dis, si quelqu'un n'a pas les aptitudes
jugées nécessaires pour faire le cours, c'est sûr qu'il est
refusé et ce sera toujours comme ça. A moins évidemment de
vouloir former des gens de second...
M. BOUDREAU: ... oui, mais ce n'est pas la raison que l'on a
donnée. On a donné la raison il n'y avait pas de place.
M. COUTU: Non, mais ce n'est pas ce qu'on a répondu chez nous,
monsieur.
M. RENAUD: Vous avez combien d'entrées qui ont été
faites, l'an dernier par exemple, dans nos universités?
M. COUTU: Pardon?
M. RENAUD: Combien d'entrées? Combien d'admis à
l'étude en première année...
M. COUTU: Bon.
M. RENAUD: ... dans les quatres universités?
M. COUTU: Cela a été à peu près 130 à
Montréal, 130 à Québec et Sherbrooke va commencer avec 16
bientôt mais actuellement ce n'est pas fait encore, et c'est environ 126
à McGill.
M. RENAUD: Et combien de nouveaux docteurs ont été
reçus, docteurs en médecine, l'an dernier?
M. COUTU: Le nombre exact... en tout cas, mettez entre 100 et 110 par
faculté.
M. RENAUD: Les quatre. Dans la province, il y a 4
universités...
M. COUTU: Oui, voyez-vous, il y a à peu près 10%
d'échecs, monsieur.
M. RENAUD: De la première année à aller
jusqu'à la fin du cours?
M. COUTU: C'est ça, exactement 10% d'échecs.
M. ASSELIN: Docteur, vous venez de nous dire que ceux qui ont
été refusés, pas généralement mais toujours,
ce n'est pas à cause du manque d'espace mais parce qu'ils ne
rencontraient pas les normes déterminées pour l'admission
à l'étude. Pouvez-vous nous dire, à part le B.A., quelles
sont les normes en vigueur, sur lesquelles les facultés se basent pour
refuser les étudiants?
M. COUTU: Bien, comme je vous ai dit tantôt, la médecine
est basée sur les sciences. Evidemment, quelqu'un qui est très
fort en littérature et qui a passé d'une façon très
juste au point de vue scientifique, ne sera pas considéré avant
celui qui est plus fort en sciences. Alors, nous prenons, évidemment,
ceux qui offrent des garanties parce qu'ils ont, en plus d'avoir un
baccalauréat bien réussi, de bons résultats aussi en
sciences, ça c'est bien important.
M. RENAUD: Est-ce que les normes sont les mimes pour les 4
institutions?
M. COUTU: Exactement, la même chose, le même nombre de
crédits.
MR. BLANK: I would like to ask a question to the gentleman from McGill.
In your reply a minute ago, I understood that anybody, any Quebecker who
applied and had required qualifications was accepted in the Faculty of Medicine
at McGill, is that what you said?
MR. JORON: Yes, that's what I said.
MR. BLANK: In other words, if you have 126 people from Quebec who
applied you would accept nobody from any place else?
MR. JORON: We are talking now a little bit about theorical
considerations. Theorical considerations in many cases happen to coincide with
the facts. The fact is that, both last year and the previous year, the numbers
were about 70 or 77, something in that order, of people from the province of
Quebec who met our standards and were given top priority.
MR. BLANK: Who met your standards, but not necessarily had the basic
qualifications?
MR. JORON: Oh no, you see, on the contrary, if I may elaborate a little
bit on this. In distinction to other faculties who say: As long as you have got
the basic requirements then we let you in. Then at the end of the first year,
may be the failures might be 50%. Well, in medicine, places are so hard to
obtain, the investment in the form of laboratory space, the fact that you got
to have patients who are contributing something of themselves to this process,
is such and is so valuable that you try to choose people whom you think are
very likely to get through. Now, it turns out, that if you take all the best
students at the beginning, or they all get through, then you go down and down
and down...
MR. BLANK: ... you do have choice.
MR. JORON: ... sure, you find out that a higher percentage of them are
failing, there is no point in choosing people who are bound to fail...
MR. BLANK: Do you have any distinction, any quota system in regard to
territory or countries, so many from the British Commonwealth, so many from the
United States, so many from the other provinces...
M. JORON: Well...
M. BLANK: ... do you fixa minimum in your faculty of persons in order to
get a varied content?
M. JORON: Well, I think, that it is true, that McGill feels that one of
the advantages of the university is it that you tend to broaden your knowledge
and contacts which implies that you meet people who come from other areas of
the world» Having said that in the case of medecine the only, what you
might call « strict priority » would be that everyone who comes
from the province of Quebec who meets the standards is accepted. But, there are
people from the States, there are people from the rest of the world, and from
the Commonwealth, and from other provinces, does that answer your question?
M. BLANK: I realize that my question... but what would happened if you
did find 126 from Quebec who filled your standards, you would then accept
nobody from elsewhere?
M. JORON: The situation hasn't presented itself, if it did, I suppose
that's what we would do.
M. RENAUD: Dr Coutu, je reviens à la spécialité.
Vous avez des nouveaux docteurs en médecine qui ont été
reçus l'an dernier. Est-ce qu'il y a spécialité à
ce moment-là, dans certains cas, ou s'il faut un stage ultérieur
dans les hôpitaux, des études...
M. COUTU: Voyez-vous...
M. RENAUD: ... voulez-vous élaborer un peu sur cette
question-là pour nous renseigner?
M. COUTU: Voyez-vous, en somme, lorsqu'ils finissent dans une
université, dans une faculté de médecine, ils sont en
quatrième année, ils reçoivent leurs diplômes de
m.d., mais ils doivent, nécessairement, s'ils veulent pratiquer dans la
province de Québec, compléter une année d'internat, dans
un hôpital reconnu par le Collège des médecins, et c'est
seulement après cette cinquième année, qui n'est pas
actuellement sous notre contrôle, que l'étudiant, le nouveau
médecin en somme, peut pratiquer, peut opter pour la pratique
générale ou bien opter pour une spécialisation.
M. RENAUD: Là, je ne vous demande pas d'opinion, mais dans les
faits, pourriez-vous nous fournir les renseignements? Après
l'année d'internat, quels sont ceux qui s'en vont comme omnipraticiens,
la proportion? Et ceux qui sont dans les spécialités?
M. COUTU: Je pense que ça a été assez variable
d'une année à l'autre, mais je crois qu'il n'y a pas tellement
longtemps on a dit 50%, 50%.
M. RENAUD: 50%, 50%?
M. COUTU: Maintenant, vous savez, il faut faire attention à ceci.
Eyena qui vont pratiquer une année pour se faire un peu d'argent et qui
reviennent à la spécialisation. C'est extrêmement difficile
d'avoir des chiffres précis.
M. RENAUD: Mais dans le cours qui est donné dans nos
universités, est-ce qu'il y a déjà des cours de
spécialisation pour ceux qui tendent à opter pour une
spécialisation en particulier, ou si c'est la pratique
générale?
M. COUTU: Non, le cours donné est uniforme pour tout le
monde...
M. RENAUD: Uniforme pour tout le monde? M. COUTU: ... polyvalent, si
vous voulez... M. RENAUD: ... polyvalent..» M. COUTU: ... c'est ça
exactement.
M. BOUDREAU: Docteur, pardonnez-moi si je reviens encore sur cette
question d'admission...
M. COUTU: C'est important!
M. BOUDREAU: ... ah oui, je considère que c'est important. Est-ce
que vous affirmez que tous ceux qui possèdent les aptitudes ont
été admis dans les universités?
M. COUTU: Pas nous, mais excepté...
M. BOUDREAU: Mais quelle est la raison, s'ils n'ont pas
été admis?
M. COUTU: Ah bien, c'est parce que là on n'a pas de place,
évidemment, ça c'est d'accord.
M. BOUDREAU: Il n'y a pas de place. Alors, j'avais raison quand j'ai
posé cette question-là.
M. COUTU: Ah oui, vous avez raison, mais partiellement comme je pourrais
dire; c'est parce que, prenez l'an dernier, on a eu de la difficulté
avec les dossiers que nous avions à examiner, à trouver 128
étudiants pour les placer en prenière année. Une autre
année, il est arrivé déjà où on a eu plus
que 128 qui auraient pu faire le cours, on n'avait pas plus de place. Mais,
l'an dernier je peux vous assurer ceci, à Montréal, on a eu des
difficultés à trouver les derniers dossiers qui soient
comparables pour pouvoir les admettre.
M. MARLER: M. Gingras...
M. GINGRAS: M. le Président, je voudrais essayer
d'éclairer un peu le problème avec l'optique que nous avons
à Laval. D'abord, M. le doyen Coutu a dit tout à l'heure, qu'il
voulait s'en tenir au rapport, et ceci pour une raison fondamentale. C'est que,
comme doyen et comme faculté de médecine de la province de
Québec, nous croyons que notre devoir et notre mandat sont de former des
médecins compétents, bien qualifiés, et non pas d'apporter
des
équipes médicales dont îa province de Québec
a besoin. Nous devons collaborer mais ce n'est pas notre rôle, nous ne
sommes pas le ministère de la Santé, nous n'avons pas à
trouver des moyens de donner les médecins ou les paramédicaux
qu'il faut à la province de Québec. Nous avons le devoir de
former des gens avec les moyens dont nous disposons. Dans ce contexte, nous
sommes liés par des associations, des organismes de classification qui
s'appellent l'American Medical Association et la Canadian Medical Association.
Il faut bien comprendre que ces organismes ne nous imposent pas d'une
façon arbitraire des conditions de travail et des conditions de
programmes. Ils les imposent parce que les conditions qu'ils réclament
sont des conditions qui conviennent aux populations actuellement, et on a
déjà dit que nous n'avions pas à recevoir les ordres de
l'American Medical Association. Nous ne recevons pas d'ordre, nous demandons
à l'American Medical Association, qui est un organisme puissant, qui a
des moyens dont nous ne disposons pas au Canada et ceci toutes les
provinces du Canada le demandent de venir classer nos facultés de
médecine. Cela veut dire que ces gens-là viennent chez nous,
évaluent pendant des semaines avec nous ce dont nous disposons comme
moyens pour faire des médecins compétents, nous indiquent nos
difficultés, nous essayons de les corriger, et s'il y a des
difficultés qui sont vraiment très sérieuses, nous donnent
un avis qu'il faudra les modifier ou fermer nos facultés de
médecine. Et ceci ce n'est pas une vue de l'esprit. Je pense qu'aux
alentours de 1904 ou 1914, il y a eu un rapport, si Je me souviens bien, qui
est le rapport Fresner que l'on a examiné aux Etats-Unis, dans
l'Amérique du Nord. Les facultés de médecine qui
existaient il y en avait environ 300 et après que le
rapport eut été mis devant le public, il y en a 213 qui ont
fermé leurs portes parmi les facultés de médecine parce
que ce n'était pas des facultés de médecine
montrables» Il y en est resté 87, qui ont conservé des
« standards » tels qu'ils ont pu continuer à former des
médecins. Et c'est la situation devant laquelle nous sommes
acculés. Si les facultés de médecine du Québec ne
rencontrent pas les exigences nord-américaines, il faudra fermer nos
portes, ou bien nous serons placés devant l'opinion publique et les
associations qui nous classent nous diront: Vous n'êtes pas admis chez
nous dans aucun niveau et, devant l'opinion publique, vous n'êtes pas une
faculté de médecine convenable. » Or, les conditions qui
régissent les programmes d'enseignement médical, font qu'à
l'expérience et à l'étude sérieuse des programmes,
il faut qu'il y ait un certain nombre d'étudiants, par rapport à
un certain nombre de professeurs, de vrais professeurs, et par rapport à
un certain nombre de malades, de vrais malades, je veux dire des malades
auxquels l'étudiant a accès, parce qu'on peut former un chimiste
avec des éprouvettes. Multipliez les professeurs, et multipliez les
éprouvettes. On ne peut pas former l'étudiant en médecine
en multipliant les professeurs et en n'ayant pas de malade pour enseigner;
ça s'enseigne sur un malade, la médecine, et ça s'enseigne
à partir de la première année, ça devrait
s'enseigner à partir de la première année. Cela s'enseigne
chez nous à partir de la deuxième année du cours, dans le
deuxiième semestre. On envoie des étudiants à
l'hôpital et on leur montre des méthodes pour examiner un malade,
comment le percuter, comment l'ausculter, c'est pour ça. Cela peut vous
surprendre, mais c'est pour ça qu'il faut plusieurs médecins pour
un étudiant. Il faut qu'un étudiant puisse avoir accès
à un malade, qu'il permette, lui le malade d'être examiné,
que son médecin traitant permette qu'il soit examiné et qu'il
soit enseigné par un professeur qui peut être le même, enfin
qu'il soit enseigné par un professeur. Et ça prend des conditions
très particulières pour faire l'enseignement médical-
L'enseignement médical présentement se fait dans des
hôpitaux qui sont repartis à travers quasi l'est de la province de
Québec pour Laval: Chicoutimi, Trois-Rivières, Québec,
quatre, cinq, six ou sept, un peu partout, avec des gens qui sont des
médecins traitants, des excellents médecins qui ont une grande
expérience de la clientèle, etc, et qui enseignent parce qu'ils
veulent bien enseigner, qui prêtent leurs malades, parce qu'ils veulent
bien les prêter, parce que le malade veut bien s'y prêter; mais ce
sont des gens qui, pour la plupart, ne reçoivent pas de salaire de
l'université, parce que l'université n'a pas de budget pour les
payer, et ne peuvent pas être employés en plein temps parce que,
même si nous avions les budgets pour les payer, nous n'aurions pas des
échelles de salaires qui nous permettent de les payer, parce que
l'université a présentement des échelles de salaires qui
s'opposent à ce que l'on paie les médecins plus cher que les
autres facultés. Et des médecins en pratique actuellement qui ont
un « m.d. » et qui ont un « fellow » du Collège
royal, qui ont 5 ou 10 ans d'expérience, par conséquent,
n'acceptent pas nos échelles de salaires.
La situation est très critique et très pénible;
elle frise le scandale présentement. Nous avons certaines sections qui
frisent le scandale dans
l'enseignement médical. Et dans cette situation-là nous
sommes obligés de tenir compte de nos possibilités. Nos
possibilités ne sont pas basées sur nos vraies
possibilités, elles sont basées sur des traditions qui ont fait
que, devant le besoin de la population qui demande non seulement d'être
soignée mais de faire de la médecine, c'est le droit de
l'individu de faire de la médecine dans la province de Québec
s'il a des aptitudes, des talents pour le faire. Or, pour répondre
à M. Boudreau, je pense...
M. BOUDREAU: Oui.
M. GINGRAS: Pour répondre à la question directe de M.
Boudreau, nous aurons cette année je vous demande pardon, je n'ai
pas de chiffres devant moi, je vous donne des chiffres approximatifs et qui
serrent de très près à la vérité et je pense
que c'est ça que vous voulez savoir nous aurons à la
faculté de médecine 300 candidatures d'étudiants d'ici
quinze jours à juger, 300; nous en admettrons 125.
M. RENAUD: A Laval ça?
M. GINGRAS: A Laval, 300 à Laval, 300 qui sont admissibles
à la faculté de médecine, en autant que vous admettez que
les collèges classiques de l'université Laval, faculté des
arts, préparent un baccalauréat qui est la condition d'admission
pour ces facultés et, dans d'autres facultés, on accepte la 12e
année. Dans la faculté de médecine de Laval, on exige le
baccalauréat. Or, nous avons 300 baccalauréats devant nous. Nous
avons déjà refusé nous ne les comptons pas parce
que, systématiquement, nous refusons déjà tout ce qui est
Nord américain, tout ce qui est américain, tout ce qui vient de
l'extérieur, tout ce qui vient au nom de la survivance. Nous avons dit,
au nom de la survivance, dans les provinces de l'Ouest: Dans les provinces de
l'Est, nous admettons deux ou trois étudiants à la condition que
ce soient des dossiers vraiment supérieurs, supérieurs à
tous les autres. Donc, les autres sont également écartés
et nous restons quand même avec des paquets de papiers où ce sont
tous des baccalauréats de l'université Laval, et il y en a
au-delà de 300.
Par conséquent...
M. RENAUD: Vous allez en admettre combien sur 300?
M. GINGRAS: Cent vingt-cinq.
M. BOUDREAU: Cela c'est toujours condi- tionné à la place
que vous avez. Vous n'avez pas de place pour en prendre plus que ça.
M. GINGRAS: Entendons-nous par place, s'il s'agit de chaises ou d'autres
choses comme place...
M. BOUDREAU: Je parle du nombre possible d'élèves.
M. GINGRAS: Le nombre possible a été fixé
présentement à 125, et c'est exagéré. Si les
conditions qui nous sont faites actuellement ne sont pas changées nous
devrons diminuer à Laval le nombre de nos admissions.
M. RENAUD: Est-ce que ça dépend que les étudiants
n'ont pas les aptitudes ou s'il y a manque d'espace et d'organisation dans les
universités?
M. GINGRAS: Je vais y venir. Je pense que ce comité, même
si c'est un peu long, gagnera à connaître nos méthodes
d'admission, parce qu'on a dit n'importe quoi là-dessus, on a dit:
«On accepte des fils de médecins, on n'accepte pas les autres,
etc». J'ai sorti un rapport récemment qui démontre qu'il y
a peut-être 2% des fils de médecins qui sont admis et que les fils
de cultivateurs, d'ouvriers, etc, font la masse de l'admission. L'admission se
fait de la façon suivante: nous cherchons et c'est imparfait
comme tous les systèmes humains nous cherchons à avoir le
tableau des individus et à prendre les 125 meilleurs parmi 300. Nous ne
croyons pas que ce soit un pourcentage de points qui établisse le
meilleur tableau de l'individu. Nous faisons donc un contact personnel d'au
moins une heure avec une personne qui est attitrée, présentement
le Dr Larochelle, qui reçoit les étudiants, trois quarts d'heure,
une heure, et qui essaie de faire leur dossier, de voir leurs motivations, etc.
Nous faisons l'étude du dossier, du curriculum vitae, étude des
points, nous faisons des examens de psychologie et puis, finalement, un
comité de neuf personnes représentant l'université, la
faculté de médecine, des psychiatres, des pédagogues, des
cliniciens, des sciences fondamentales, nous essayons de trier les 125
meilleurs sur 300.
M. RENAUD: Si vous aviez toute l'organisation voulue vous en accepteriez
combien?
M. GINGRAS: Deux cents. M. RENAUD: Deux cents.
M. GINGRAS: C'est une opinion personnelle...
M. RENAUD: Il y en a 75 qui restent en panne.
M. GINGRAS: C'est une opinion personnelle, je tiens à le
signaler. La faculté de médecine présentement n'a pas pris
d'action là-dessus, mais seulement, parce qu'il y a présentement
une politique nord-américaine qui veut que les facultés de
médecine reçoivent un très petit nombre
d'étudiants. Yale, Harvard, 60 étudiants; Toronto ne recevait pas
plus que nous autrefois. Il y a une raison à ça, c'est que s'il y
a une université à Purdue, à Boston, qui dépasse
son nombre d'étudiants on peut en ouvrir une autre à
côté, on va chercher un professeur à Chicago et puis on
fait une autre faculté de médecine. Mais, dans la province de
Québec, c'est différent. Pour enseigner à notre groupement
ethnique, il y a Montréal, il y a Québec et on ne peut pas aller
ailleurs et je crois qu'il va falloir élargir les facultés de
médecine et c'est peut-être plus facile d'élargir une
faculté de médecine que d'en créer plusieurs autres. Cette
philosophie que, personnellement, j'ai mise de l'avant il y a quelques
années, a surpris mon milieu mais actuellement on est en train d'en
revenir parce que Toronto est en train de prendre 250 étudiants en
médecine et les universités américaines sont en train de
s'élargir aussi. Il me semble, à moi je tiens à le
préciser, c'est une opinion personnelle que c'est plus facile de
faire une faculté de médecine à Laval de 200
étudiants que d'en fonder une autre à Chicoutimi ou à
Rimouski. Il y a des bases là-dedans, il y a des facultés des
sciences fondamentales. Augmenter le nombre de professeurs, ça
n'augmentera pas les laboratoires et, en 1949, quand nous avons bâti
notre faculté de médecine nous l'avons bâtie pour 200. Nous
étions conscients ou pas à ce moment-là, nous avons fait
200 places dans les amphithéâtres, nous avons fait 200 places dans
les laboratoires qui sont pour 50% du temps inutilisés. Alors pourquoi
pas? Pourquoi pas, parce que nous n'avons pas les professeurs, nous n'avons pas
les budgets et nous n'avons pas l'échelle de salaires et de toute
façon les professeurs ne se créent pas dans une journée;
ça prendrait un certain temps. Et puisqu'on parle de planification, nous
croyons, que l'assurance-santé, si elle est établie, sera prise
devant un vacuum, devant un vide. L'assurance-santé offrira des
services, paiera pour des services et ne pourra pas les obtenir, parce que les
services médicaux ça se donne par des médecins, des
para-médicaux, et nous ne les avons pas. Cela, comme individu, nous
pouvons vous le dire, comme faculté de médecine ce n'est pas
notre rôle de nantir la province de Québec des effectifs dont elle
a besoin. Notre rôle, c'est de faire de bons médecins et des bons
para-médicaux avec les moyens dont nous avons et les moyens nous ne les
avons pas, et nous le disons depuis 1949, et ça n'a rien
changé.
M. RENAUD: Pardon, excusez-moi. Voulez-vous nous donner encore les trois
moyens pour l'agrandissement de nos facultés?
M. GINGRAS: Pour l'agrandissement de la faculté de
médecine de Laval, je ne dis pas que ma faculté suivrait ce
programme mais je suis prêt à le lui proposer.
Premièrement, augmentation des budgets sur une base convenable et ce que
j'entends par une base convenable j'ai assez distribué à
la députationle rapport que j'ai publié en 1942, rapport de
quelque 400 pages, je pense que vous devez l'avoir entre les mains, il va me
faire plaisir de vous le faire parvenir éventuellement il est
démontré dans ce rapport que, sur les 87 facultés de
médecine de l'Amérique du nord, Laval occupe strictement le
dernier point, le dernier palier au point de vue des budgets et que sur le
tableau qui se prépare comme ça, nous sommes en bas et nous
sommes en bas avec une moyenne de $1,000 point quelque chose...
M. RENAUD: Quand vous parlez de budget vous parlez de traitements des
professeurs?
M. GINGRAS: Je parle de tout le budget dans l'ensemble, tout ce que
ça coûte pour faire vivre une faculté de
médecine.
M. RENAUD: Oui mais le premier item, évidemment, c'est le
traitement des professeurs.
M. GINGRAS: Oui.
M. RENAUD: Ensuite les frais généraux, il y a une partie
qui tombe dans les frais généraux, il faut que
l'université entretienne les bâtisses.
M. GINGRAS: L'entretien des bâtisses, l'entretien des
laboratoires, le paiement des professeurs.
M. RENAUD: Oui mais ça, ça tombe dans l'administration
générale de l'université elle-même.
M. GINGRAS: Oui, mais chaque faculté a son budget.
M. RENAUD: Qui présente son budget à chaque
année.
M. GINGRAS: Chaque année la faculté présente son
budget et alors pour vous donner un peu l'idée, dans une faculté
de médecine comme Laval, en 1962, le rapport tiré de l'American
Medical Association nous avions un budget comparativement à
l'étudiant de $l,000 point quelque chose, c'est la même chose pour
Montréal, $1,000 point quelque chose par étudiant, alors qu'un
pays qu'on ne peut tout de même pas dire très riche comme
l'Indonésie avait $3,000.7 et que Saskatchewan avait $7,000.8 des choses
de cet ordre-là. Par conséquent, on a, à l'oeil nu, 4 ou 5
fois nos facilités monétaires. Le budget qui est
présentement $1,000 point quelque chose à Laval est
dépassé par le budget de 1 point, presque 2 par le budget que
individuellement les professeurs de Laval vont chercher dans le secteur de la
recherche. C'est totalement anormal.
M. RENAUD: Votre deuxième recommandation?
M. GINGRAS: Deuxième recommandation, c'est que si nous ayons un
budget, quel qu'il soit. A moins de pouvoir payer un salaire qui puisse attirer
les professeurs, il est impossible de les avoir. Je ne parle pas du pactole, je
ne parle pas de choses impossibles, je parle de salaires acceptés par
tout le contexte nord-américain présentement,
M. RENAUD: Et même des professeurs étrangers.
M. GINGRAS: Même les professeurs étrangers, je parle de
salaires, par exemple, qui seraient superposables, je voudrais essayer de faire
comprendre le point qu'on ne vise pas l'impossible. Un salaire qui serait
superposable à celui que l'assurance-hospitalisation paie pour nos
professeurs d'université qui sont dans nos hôpitaux à
l'unité de radiologie, à l'unité de laboratoire. Bien, le
salaire du professeur d'université comme tel n'est pas plus de 60% de ce
salaire. Or, ce n'est pas possible. Quand le professeur de Laval peut gagner
à l'Hotel-Dieu de Québec un salaire X, faisant une besogne
professionnelle de qualité, il va opter pour ça s'il a un salaire
inférieur à Laval et je ne parle pas d'un salaire un peu
inférieur.
M. LE PRESIDENT: Docteur, je vais vous interrompre parce que le
comité doit suspendre pour quelques minutes, pour permettre aux
dé- putés d'aller à l'Assemblée législative
prendre part à un vote qui va avoir lieu incessamment... A l'ordre,
messieurs. Je pense, messieurs, que nous allons inviter le Dr Gingras à
continuer son exposé et, si les membres du comité désirent
poser des question en cours de route, ce sera permis.
M. RENAUD: On était rendu à la deuxième
recommandation, vous avez dit que vous aviez trois recommandations.
M. GINGRAS: La première recommandation était, je pense,
d'augmenter les budgets des facultés qui sont nettement
inférieurs.
DR RAYMOND: Dr Gingras, pendant qu'on y est, est-ce que, dans les
différentes facultés ici dans la province de Québec, les
salaires des professeurs sont à peu près identiques?
M. GINGRAS: Non. Les salaires de la faculté de médecine de
l'université Laval ne sont pas comparables aux salaires des autres
universités de la province de Québec.
M. MARTIN: Est-ce que vous avez envisagé la question de salaire
des professeurs dans le contexte d'un régime d'assurance-maladie?
M. GINGRAS: Nous l'envisageons comme individu, pas comme faculté,
parce que ce n'est pas le rôle de la faculté d'organiser un
système de santé; c'est le rôle de la faculté de
donner de bons médecins à ce système de santé.
Deuxième point, pour répondre à votre question,
c'est que, advenant que nous ayons les budgets convenables pour qu'on puisse se
satisfaire, il faudrait que nous ayons aussi une échelle de salaires qui
nous permette de faire du recrutement. Elle n'existe pas présentement.
Nous avons, ces dernières années, réussi à faire
quelques accrocs, quelques exceptions pour faire quelque recrutement. Enfin,
d'une façon générale, nous ne pouvons pas faire de
recrutement dans nos sciences fondamentales pas plus qu'en clinique, parce que
nous n'avons pas les salaires. Ce ne serait pas nécessaire d'avoir
l'équivalent des salaires que l'on gagne en clinique, des salaires
acceptables. Ils ne sont pas acceptables. Pour vous donner une idée, par
exemple, un médecin qui est gradué, qui a fait cinq ans de
spécialisation et qui est «fellow» du Collège royal,
bien je pense qu'on le partirait à quelque chose de l'ordre de $8,000 ou
$9,000. Bien après 10 ans d'études médicales ce n'est pas
acceptable, personne n'en veut. De toute façon, on ne peut pas. La
société a fait ça comme
ça et, actuellement, si nous voulons garder le meilleur
professeur de la faculté, si nous voulons le retenir dans nos cadres
comme professeur à temps complet, nous pourrions lui offrir un salaire
qui serait à peine de 60% celui qu'il peut gagner dans un hôpital
affilié payé par le gouvernement de la province de Québec
par l'assurance-hospitalisation. Alors, ce n'est pas acceptable.
M. ASSELIN: En somme c'est un problème d'argent, question de
ressources.
M. GINGRAS: Il y a un problème d'argent, il n'est pas unique.
D'abord les budgets, deuxièmement l'échelle de salaire et
troisièmement des structures dans les hôpitaux qui
représentent notre laboratoire d'enseignement fondamental et principal,
des structures qui nous permettent d'avoir accès aux malades, d'avoir
des organismes tels que l'on peut localiser dans les hôpitaux des
médecins qui seraient nos professeurs, qui auraient leur bureau, qui
auraient leur laboratoire de travail, qui auraient un intérêt
académique d'être là. Parce qu'à partir du moment
où nous avons des professeurs qui soignent de la clientèle qui
entre et qui sort de l'hôpital nous ne pouvons plus compter sur eux pour
faire des médecins, enseigner les médecins.
Je voudrais parce qu'on m'a posé une question, les
journalistes m'ont posé une question, j'avais, pour le moment,
oublié qu'ils étaient là. J'ai dit que la situation
pouvait, dans certains secteurs, être scandaleuse. Je voudrais me
corriger dans une certaine mesure. Ce que je veux dire, c'est qu'actuellement,
je crois sincèrement, que nous avons des médecins qui sont
très bien formés par la faculté de médecine mais
ils sont formés non pas par nos structures, par nos budgets, par notre
programme, ils sont formés par le dévouement de la classe
médicale qui se donne gratuitement, ou à peu près
gratuitement, dans tous les hôpitaux, de grands cliniciens qui enseignent
strictement sans salaire et parce qu'ils veulent enseigner et qu'ils
comprennent la nécessité d'apporter leur quote-part à la
société, mais c'est à vous de juger qu'actuellement
l'évolution sociale fait qu'il y a des choses qui changent.
Or. se plaint de la disparition du dévouement du médecin.
J'ai peur que, dès demain, on se plaigne aussi de la disparition du
dévouement des professeurs. On ne peut pas tabler sur des
systèmes comme ça avec l'assurance-santé.
M. RENAUD: Docteur, vous avez parlé de vacuum tout à
l'heure, on a parlé de vacuum. Cela voudrait dire qu'il y aurait un
manque de médecins. Est-ce que ça laisserait entendre qu'il y
aurait un manque de médecins advenant l'établissement d'un plan
d'assurance-maladie?
M. GINGRAS: Si nous faisons confiance aux commissions royales
d'enquête qui ont été créées par Ottawa, par
Québec ou ailleurs, si nous faisons confiance aux enquêtes
poursuivies, officielles, par le Collège des médecins, nous
allons manquer terriblement de médecins; comme membre d'une profession
médicale et étant attaché au Collège des
médecins, je fais confiance à ce mémoire-là. Mais,
comme faculté, nous n'avons pas fait d'enquête.
M. LE PRESIDENT: Docteur Gingras, lorsque vous dites qu'il y aura une
pénurie de médecins, parlez-vous du temps actuel ou de
l'avenir?
M. GINGRAS: Je crois qu'actuellement il manque de médecins et je
crois qu'il en manquera beaucoup plus dans l'avenir mais, encore une fois M. le
Président, c'est une opinion personnelle, et je suis obligé de me
reporter aux commissions sérieuses d'enquête qui ont fait une
enquête là-dessus: je parle de la commission Hall, je parle de la
commission d'enquête du Collège des médecins, etc., qui
situent à quelques milles le manque de médecins d'ici 1970.
M. BOUDREAU: Est-ce que des représentations ont été
faites aux autorités comme celles que vous venez de faire?
M. GINGRAS: Des représentations ont été faites, en
1949, par le recteur de l'université Laval qui déclarait comme
essentiel, prioritaire et urgent la création d'un centre médical
à
Québec qui comporterait une école de médecine et
qui comporterait aussi un hôpital universitaire intégré. Ce
mémoire, qui a été fait tout petit, a été
présenté à la députation, a été
présenté à tout le monde et, en 1962, comme le petit
mémoire n'avait pas fait son effet, on a produit un gros mémoire
de 450 pages et on m'a demandé de le résumer en une page ou deux.
Ce mémoire-là a été donné à la
députation et nous nous attendons à ce qu'on prenne action
à un moment donné, qu'on nous dise qu'on nous aidera à
constituer une faculté qui soit en mesure de faire face à ses
obligations.
M. BOUDREAU: Moi j'espère, Docteur, que vos
représentations tombent dans une oreille qui va entendre et qui va
corriger la situation, parce que je trouve ça tragique actuellement,
dans nos collèges classiques, là où on prépare des
jeunes gens pour étudier la médecine,
là où il y a des orienteurs qui dirigent les jeunes gens
vers la médecine et que ces jeunes gens-là, la plupart, soient
bloqués à la porte de l'université parce que vous manquez
de budget, comme vous venez de l'admettre, parce que vous manquez d'espace
aussi.
M. LE PRESIDENT: Je pense que pour être juste, M. Boudreau, envers
le Dr Gingras, il a dit que ce n'était pas l'espace qui manquait,
c'étaient les candidats avec des qualifications nécessaires et
avec l'aptitude nécessaire, mais ce n'était pas l'espace qui
manquait, n'est-ce pas.
M. GINGRAS: M. le Président, j'aimerais revenir sur cette
question et vous laisser libre de juger comme vous l'entendrez. C'est que
présentement nous avons 300 demandes d'admission; on peut philosopher
beaucoup autour de ça. C'est bien évident que sur les 300
candidatures, toutes n'ont pas la même valeur. Seulement, il y a à
la base que ce sont 300 baccalauréats ès-art qui ont
réussi à faire des études classiques. On nous demande,
à nous, un comité de neuf personnes, de prendre les 125 meilleurs
et quand nous avons terminé notre travail nous nous disons, nous
espérons avoir choisi les 125 meilleurs mais nous ne sommes pas
sûrs qu'il n'y en ait pas d'autres qui pourraient faire des
médecins. Nous sommes aussi parfois et c'est ce que le Dr Coutu a
dit tout à l'heure assez rassurés sur le sort des
derniers. Nous nous disons: Ces gens-là probablement n'auraient pas
réussi en médecine. C'est possible, enfin, c'est une question que
vous aurez à juger vous autres mêmes.
M. RENAUD: Mais la réponse que vous m'avez donnée tout
à l'heure, c'est que vous vous restreignez à 125, parce que vous
n'avez pas l'espace et l'organisation voulue 'dans les facultés de
médecine...
M. BOUDREAU: C'est ça.
M. RENAUD: ... malheureusement, il y en a 75 qui tombent en panne parce
que vous pourriez en prendre 200. C'est ça que j'ai compris de votre
réponse. Est-ce que c'est ça?
M. GINGRAS: A condition que vous interprétiez l'espace non pas
par des planchers mais...
M. RENAUD: Non, non.
M. GINGRAS: ... mais l'espace par des lits, et des professeurs dans ce
sens-là, oui.
M. ASSELIN: L'organisation, les laboratoires, etc.
M. GINGRAS: Et, ici, s'exerce une philosophie nord-européenne qui
veut qu'un monsieur qui a ses crédits pour entrer dans une
faculté de médecine soit accepté. Cela crée une
situation passablement difficile et on arrive à des facultés de
médecine de Paris à avoir des 5,000 à 6,000 admissions en
première année et il y en a 50% qui échoue. Mais on estime
qu'on doit donner à chacun sa chance de vouloir faire ce qu'il veut dans
la vie. Ici, on ne peut pas donner cette chance-là, et puis ce n'est pas
notre philosophie de le faire non plus. On se demande si un monsieur qui
échoue en médecine n'est pas un homme qui sera
désaxé pour un certain temps dans la vie.
Mais il reste que, mon opinion personnelle quand je préside un
comité d'admission, je ne suis pas du tout sûr qu'en ayant pris
125 sur les 300 candidatures, il n'y en ait pas un certain nombre d'autres qui
pourraient faire de bonnes études.
M. TREPANIER: Est-ce que vous avez encore la pré-médicale?
Non?
M. GINGRAS: Non.
M. TREPANIER: C'était le but un peu de la
pré-médicale de faire une élimination dans le temps.
M. GINGRAS: Le but de la pré-médicale était
surtout, monsieur, de préparer mieux nos étudiants à
l'admission en médecine parce que quand ils arrivaient chez nous en
médecine ils n'avaient pas les bases scientifiques suffisantes et, comme
les collèges classiques ne pouvaient pas, à ce moment-là,
la leur donner, d'une façon homogène du moins, on choisissait les
meilleurs, on les envoyait en médecine directement et les autres on leur
faisait faire une année de pré-médicale. Cela a
été un fiasco sur toute la ligne.
M. TREPANIER: Oui.
M. GINGRAS: Et alors nous avons abandonné la
pré-médicale et nous avons demandé entre temps aux
collèges classiques d'augmenter la formation des étudiants. Elle
est beaucoup meilleure aujourd'hui et nous tombons dans le rapport Parent et
les instituts qui vont nous les préparer. Cela, c'est autre chose.
M. BOUDREAU: Pour des profanes comme nous, prenez des jeunes gens, par
exemple, qui
ont subi tous les examens au cours classique, qui détiennent leur
baccalauréat, qui ont été orientés vers la
médecine, qui s'en vont avec l'idée d'apprendre la
médecine et qui sont refusés à l'université,
voyez-vous comme c'est tragique pour ces jeunes gens-là? Qu'est-ce
qu'ils vont faire?
M. DUPRE: Des avocats.
M. GINGRAS: M. le Président, je pense que j'ai abusé de
votre temps, je peux répondre à d'autres questions, mais
celle-là.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs s'il vous plaît Dr
Coutu.
M. COUTU: Je voudrais mentionner que le Dr Gingras a bien dit que
certaines de ses opinions étaient personnelles, c'est son droit, et
à titre de Président de ce comité-ci, je dois dire qu'il
est entendu qu'avec plus de facilité nous pourrions prendre plus
d'étudiants que nous en prenons présentement, mais je ne veux pas
admettre que nous en prendrions au-delà d'un nombre qui nous permet de
garder des normes correctes. On veut encore garder de l'excellence, on ne veut
pas faire des médecins de second ordre autrement dit. Il est facile de
prendre des gens qui ont un baccalauréat et dire: Ils vont
nécessairement faire des médecins, ce n'est pas sûr.
D'autres facultés le font et ont des échecs à 60% et
à 45%. Nous avons opté pour une autre méthode qui est
celle d'un comité d'admission où chaque étudiant est vu,
où on reçoit des lettres de recommandation directement des
personnes qui les connaissent très bien dans les collèges, des
lettres qui sont très bien codifiées, une entrevue à
chacun, dossier examiné à fond par deux professeurs,
comité d'admission qui scrute toutes les demandes ensuite et avec cette
méthode-là, nous avons pu arriver à un taux
d'échecs qui varie entre 4% et 7% en première année et 10%
pour tout le cours.
Dans d'autres facultés où on ne fait pas de
sélection, le taux d'échecs est très fort et vous savez
qu'il en coûte actuellement pour un étudiant, autre que ceux de la
médecine, environ $2,000 par année. Cela fait pas mal d'argent en
somme si au bout d'une année vous perdez un nombre très
considérable d'étudiants. Nos étudiants coûtent
$5,000 par année, mais seulement nous les gardons. Nous avons
opté pour cette méthode-là.
Et je pense que même si nous pouvons prendre un peu plus
d'étudiants par la suite avec des centres médicaux et d'autres
facilités, il faudra quand même qu'il y ait d'autres
facultés de mé- decine dans la province de Québec. On ne
peut pas s'en passer.
M. RENAUD: Pour en venir à cette question-là, combien
d'étudiants considérez-vous qu'il faut avoir dans une
faculté de médecine pour que ce soit fonctionnel, à votre
avis?
M. COUTU: Cela est difficile à dire, voyez-vous, ça
dépend des facilités, des budgets que nous avons comme on disait
tantôt des facilités d'espace, du nombre de professeurs, dunombre
de malades. Mais, je pense qu'il n'y a pas de nombre absolument fixe, magique,
mais il faut que ce soit un nombre compatible avec des bons standards.
M. RENAUD: Mais il va y avoir une limite à l'agrandissement.
M. COUTU: Oui, oui, bien si vous voulez des chiffres à peu
près, moi, mon opinion, c'est quand on a dépassé 150, 160
étudiants, ça devient extrêmement dangeureux. Le docteur va
jusqu'à 200; ça peut être une question d'opinion, vous
savez.
M. RENAUD: Cela voudrait dire qu'à ce moment-là, si nous
n'avons pas suffisamment d'étudiants en médecine que nous pouvons
admettre pour répondre aux besoins de la population, il faudrait
créer de nouvelles facultés de médecine.
M. COUTU: Cela incontestablement, il faudra éventuellement former
d'autres facultés, c'est mon opinion personnelle. Je pense que c'est
partagé par mes collègues ici.
M. ASSELIN: Pour le choix des étudiants, est-ce que vous
déterminez d'abord le nombre que vous pouvez accommoder, que vous pouvez
recevoir et ensuite, je suppose...
M. COUTU: Oui.
M. ASSELIN: ... c'est un chiffre hypothétique que je vous donne.
Je suppose que vous décidez que vous pouvez recevoir 200
étudiants, là vous acceptez les 200 les plus qualifiés
selon vos normes, et puis ensuite vous fermez la porte...
M. COUTU: Exactement.
M. ASSELIN: ... Alors il peut en rester sur le carreau qui sont
qualifiés aussi mais que vous ne recevez pas parce que vous avez
arrêté votre chiffre...
M. COUTU: Oui.
M. ASSELIN: ... à un chiffre déterminé. Si j'ai
bien compris le Dr Gingras tout à l'heure, on a décidé
à Québec, par exemple, à l'université Laval d'en
recevoir 125...
M. COUTU: Oui.
M. ASSELIN: ... puis on va prendre les 125 meilleurs et on ferme la
porte parce qu'on ne peut pas en recevoir plus, mais, parmi ceux qui n'ont pas
été acceptés, il peut y en avoir encore qui
répondent aux normes...
M. COUTU: Oui.
M. ASSELIN: ... à un moindre degré peut-être que
ceux que vous avez reçus, mais qui répondent d'une façon
satisfaisante aux normes et puis qui n'ont pas accès à
l'université.
M. COUTU: D'accord.
M. ASSELIN: C'est ça, n'est-ce pas?
M. COUTU: Cela c'est juste et je dirais même plus que ça,
il n'est pas impossible que ceux qui n'avaient pas les normes à ce
moment-là auraient pu faire de bons médecins. Cela est bien
difficile à dire. Nos méthodes, vous comprenez, sont les
meilleures qu'on puisse choisir.
M. RENAUD: Ils vont dans d'autres institutions puis ils
réussissent des fois aussi.
M. COUTU: Oui, mais il y a d'autres institutions des fois où
c'est plus facile. Vous savez, si vous avez des aptitudes... Nous avons tous
obtenu un baccalauréat, mais nous n'avions pas tous les mêmes
aptitudes pour tout. Les uns aimaient le grec, d'autres aimaient le latin,
d'autres les mathématiques, la physique, la chimie. Alors,
évidemment on se dirige un peu vers ce dans quoi on est assez fort.
Celui qui est assez fort en science va peut-être se diriger vers les
sciences mais, en fait, tout ce qui est science.
M. RENAUD: Ce qui est dangeureux évidemment c'est que ceux que
vous n'admettez pas vont dans d'autres institutions soit dans d'autres
provinces, soit à l'étranger, il est fort possible que ça
deviennent des médecins très compétents que nous n'avons
plus pour ici.
M. COUTU: Oui. Il peut y en avoir un certain nombre, mais ce n'est pas
si fort qu'on pourrait se l'imaginer, à mon avis.
M. ROY: Dr Coutu, les 175 applicants qui sont refusés à
l'université Laval, est-ce qu'ils ont la possibilité de pouvoir
se diriger vers une autre université où il y aurait des
disponibilités, des places pour les accepter?
M. COUTU: Puisque vous parlez de Laval, je pense que c'est mieux de
demander la réponse à M. Gingras.
M. GINGRAS: Si vous me permettez trente secondes seulement, je voudrais
bien préciser un point. Qu'on ne donne pas l'impression que les doyens
ne s'entendent pas sur la philosophie de l'admission. Je me place simplement
dans le point de vue d'un organisme que je ne préside pas
présentement, un comité d'admission, et que je ne juge pas la
qualité des candidats, là sur le plan général. Sur
le plan général, je pense que tous les doyens sont d'accord pour
dire qu'on pourrait, à condition qu'on ait des facilités d'abord,
on pourrait augmenter notre nombre. On peut changer d'idée sur le
nombre, que ce soit 160 ou 150 ou 180. Tout le monde est d'accord que ça
pourrait s'améliorer si on améliorait les conditions. Je dois
vous dire à ce sujet-là que j'ai fait allusion aux organismes qui
classent et je dois vous dire, c'est une opinion dont je dois tenir compte.
Lors de la dernière classification de Laval, nous avons
posé la question. J'ai posé la question à l'American
Medical Association qui était représentée par six doyens
venant des Etats-Unis et du Canada et la recommandation écrite du
comité, c'est que nous ne devions pas augmenter de un nos admissions qui
sont déjà trop grandes à 125 jusqu'au moment où on
ne nous donnera pas d'abord des facilités, qu'à ce
moment-là, nous pourrions augmenter et que nous pouvions envisager la
possibilité d'aller jusqu'à 200, mais à condition toujours
que le nombre de professeurs par étudiant soit maintenu, que le nombre
d'étudiants par rapport au nombre de malades accessibles soit maintenu.
Ce n'est donc pas un chiffre que je préconise pour l'an prochain. Je dis
que c'est une possibilité dans un programme de planification. Ceci
étant dit, nous aurons les 175. Eh bien les 175, ils peuvent aller
à Montréal; ils sont refusés, parce que ce ne sont pas nos
175 meilleurs nécessairement. Ils pourraient essayer à Ottawa,
ils seraient également refusés, ils pourraient aller dans des
provinces anglaises, vous voyez les difficultés, puis ils seraient
également refusés
dans bien des endroits. Là, il reste une chose, ils peuvent aller
en Europe...
M. ROY: A McGill.
M. GINGRAS: A McGill, je crois qu'ils en adopteraient peut-être
un, deux, trois, et il faut bien se placer dans l'optique. McGill n'a pas de
place, Montréal n'a pas de place, puis nous nous n'avons pas de place.
Alors, si Montréal nous envoie un candidat premier de classe, on va
peut-être penser l'accepter, même s'il a été
refusé à Montréal. Mais, pourquoi le serait-il s'il est
premier de classe, puis s'il demeure à Montréal, pourquoi ne
va-t-il pas à Montréal? Et alors si les 175 qui viennent suivant
les 125 premiers, en pratique, ils ne sont pas admis ailleurs et alors ils s'en
vont en Europe. Ils s'en vont à Bordeaux, ils s'en vont à Lille,
ils s'en vont à Genève pour un certain nombre et chaque
année il nous revient, je ne sais pas quatre, cinq, six peut-être
qui sont diplômés de ces universités et alors c'est un
problème considérable, il faut qu'ils se présentent devant
le Collège des médecins qui leur impose une année
d'internat, enfin qui juge de leur affaire, qui leur impose des examens par le
Collège des médecins. Ils finissent par passer, les uns passent
en première instance, les autres après un an, deux ans, mais
c'est un petit nombre extrêmement limité, les autres vont
ailleurs, ils vont en droit, ils vont en sciences sociales, ils vont en art
dentaire, ils font ce qu'ils peuvent.
M. RENAUD: J'ai connu des cas où n'ayant pas été
acceptés à Montréal, ils ont été
acceptés à Ottawa.
M. GINGRAS: Quelques-un mais, mais ça arrive, un deux ou
trois.
M. BOUDREAU: En résumé on peut dire que...
M. COUTU: Juste une seconde je vais répondre à ceci. Des
fois à Ottawa, mais des fois en pré-médical, monsieur.
Attention, pas nécessairement en première de médecine,
souvent en pré-médical, parce qu'ils ont une
pré-médicale.
M. BOUDREAU: En résumé, on peut dire que beaucoup
d'étudiants sont refusés parce qu'il n'y a pas de
possibilité dans aucune université. Les universités font
tout ce qu'il y a moyen pour admettre le nombre d'étudiants qui le sont
actuellement Ce qui manque, ce sont les possibilités, l'espace
nécessaire, les médecins nécessaires.
M. ALLARD: Ce n'est pas exactement ce que le Dr Gingras a dit. On parle
toujours disons de certaines qualifications des candidats, c'est bien
ça, Dr Gingras?
M. BOUDREAU: Oui, mais il y en a d'autres qui sont même
refusés et qui pourraient être d'excellents candidats, qui
pourraient faire d'excellents médecins.
M. COLLARD: J'aimerais qu'on précise. Il me semble que vous avez
dit que vous acceptiez disons 125 candidats et que les autres n'étaient
pas qualifiés.
M. GINGRAS: Nous acceptons 125 candidats parce qu'on n'en accepte pas
126 et alors je vais préciser ma pensée par un exemple, si vous
permettez. Le 126iême, il y a deux ans, c'était un jeune homme de
dix-huit ans qui avait un baccalauréat, qui n'avait jamais
échoué un examen de sa vie et on était rendu à
avoir des paquets de papier. On a dit ceux-là, tous ceux qui sont dans
les premiers tiers de la classe, on va les prendre, il n'était pas dans
le premier tiers de sa classe, il est allé en droit. Bien, ce
monsieur-là, n'avait jamais échoué un examen de sa vie,
c'est un garçon que je connais personnellement qui est extrêmement
intelligent, et qui, excusez l'expression, ne s'était pas forcé
la rate; il est arrivé dans le deuxième tiers de sa classe, et je
suis convaincu qu'il va briller dans la vie. Celui-là, je pense qu'il
auraitpufaire un bon médecin.
M. RENAUD: Il avait l'étoffe pour faire un bon
médecin.
M. GINGRAS: Parce qu'on en avait 125 puis on ne pouvait pas aller plus
loin. Il m'est arrivé, une année, d'agir d'autorité puis
de dire on ne peut pas refuser ça et alors on a accepté quelques
candidats de plus, et la faculté m'a dit: Il ne faut pas que ça
se répète, parce que nous allons être
déclassés, puis on est revenu à 125.
Dans le temps de la guerre, nous avons formé ce n'est
peut-être pas réalisable ma politique mais enfin dans le
temps de la guerre, on a formé 195 étudiants en première
année dans un trou de la rue Ste-Famille que nous occupions à ce
moment-là. C'était une urgence nationale, mais nous avons
formé 195 étudiants et je peux me demander si les gens qui
pratiquent actuellement ne sont vraiment pas des médecins convenables.
Et, alors, je crois qu'avec un effort supplémentaire, un effort qui peut
se faire en temps de guerre, par une cohésion de la population
médicale, par un dévouement accru, pourra aussi se faire par
des
moyens normaux. A Toronto, on est en train de faire d'autres
facultés de médecine, à Kingston à Hamilton ou
ailleurs, et cependant le doyen à Hamilton m'a dit: Nous allons vers
250, puis nous ne voyons pas d'objection. Hamilton faisait partie du groupe qui
a classé la faculté de médecine. C'est à ce
moment-là que j'ai posé la question: Qu'est-ce que vous pensez de
la possibilité de deux cents? Ils nous on dit: Jamais avant que vous
ayez d'autres facilités. A ce moment-là, montez vos admissions de
125 à 130, 135, c'est ça que je veux dire, de 125 à 130,
à condition que les cinq derniers soient bons. Et, si nous n'avons pas
200 bons candidats c'est entendu, je pense exactement comme le doyen Coutu,
nous ne sacrifierons pas la qualité au nombre, mais je pense
qu'actuellement nous sacrifions, je ne dis pas nécessairement la
qualité au nombre, mais nous sacrifions des gens qui, de notre
expérience, ont pu, dans le passé être admis alors qu'on se
demandait: Qu'est-ce qu'ils vont faire? Puis, ils ont réussi très
bien, parce que nos barèmes d'appréciation portent sur un nombre
de points obtenus au baccalauréat, dans les collèges classiques,
et à partir du moment où l'individu devient mature, où il
entre à l'université, où il a un autre objectif devant
lui, ça change le tableau. Il peut arriver fort bien qu'un prix du
Prince de Galles fléchisse et puis qu'un autre prenne les devants. On
voit ça souvent. Pour moi, je ne suis pas satisfait du tout quand je
remets le 126e de côté puis que je me dis: Celui-là, il ne
peut pas faire de médecine? Ce n'est pas ce que je pense.
M. RENAUD: En somme, on peut dire qu'un tiers de ceux qui font
application qui auraient des aptitudes et ne peuvent pas entrer à cause
des raisons que vous avez données.
M. GINGRAS: Dans mon opinion personnelle, oui au moins.
M. LE PRESIDENT: Dr Coutu, pardon...
M. LASALLE: Je voudrais juste faire entendre la voix des
universités sises dans les petites villes, Sherbrooke, comme Oxford et
Cambridge, est situé dans une petite ville. Jusqu'à maintenant
nous avons insisté sur un des rôles d'une école de
médecine qui est le rôle de l'enseignement scolaire,
c'est-à-dire de former des médecins. Il y a aussi deux autres
paliers à l'enseignement de la médecine qui est le palier
postscolaire, où nous formons les spécialistes dont la
société a besoin, et troisième palier qui prend une
importance de plus en plus grande à tous les jours avec l'explosion des
connais- sances dans le domaine de la biologie, qui est le palier de
l'enseignement continu. Palier ou service d'une école de médecine
qui consiste à permettre aux médecins d'une région de se
tenir au courant des nouveautés dans le domaine de la médecine et
quand on sait qu'il y a 50,000 revues qui sont publiées dans le monde de
la biologie, je vous donne idée de l'importance de la mise à jour
qui est requise de la part de tous ceux qui pratiquent la médecine. Puis
il y a une autre ombre aussi, c'est de participer à une meilleure
répartition des médecins dans un Etat et en répartissant
les facultés de médecine à travers un Etat, au lieu de les
concentrer dans les grandes villes, on permet une meilleure distribution des
médecins dans la société. Vous savez qu'un étudiant
qui part de Gaspé et qui s'en vient étudier à
Québec court un grand risque de convoler à Québec et de
demeurer à Québec, alors que s'il y avait une école de
médecine dans un centre d'importance, nous rendrions je pense plus
facile l'accès de toute la société aux soins de la
médecine. C'est pour ça qu'aux Etats-Unis dans les
dernières dix années il s'est fondé de nombreuses
écoles dans des petits centres, je pense à l'école de
Caroline du nord qui est à Chapel Hill qui avait, quand je l'ai
visitée il y a quelques années, 10,000 de population et qui a une
faculté de médecine. Je songe à la faculté de
médecine de Hershey qui est en voie de construction, et qui est
située dans un village de 5,000 âmes. Vous avez tous à la
pensée, je pense, la clinique Mayo, qui est une institution de
réputation internationale qui est située dans un village, dans le
fin fond du Minnesota. Alors, je voulais juste faire entendre cette loi des
facultés de médecine sises dans les petites villes.
M. TARDIF: C'est un gros point, docteur, je vous félicite. C'est
un fait, et les campagnes paient pour savoir que ce que vous dites là
est vrai.
M. BARIBEAU: Dr Coutu, si vous me le permettez, à la 13e
recommandation de votre mémoire, vous désirez que les
facultés de médecine de l'université de Montréal,
de l'université Laval, de l'université de Sherbrooke,
opèrent dans le cadre d'un centre médical, groupant les
départements des sciences fondamentales et de sciences cliniques dans un
tout intégré situé sur le campus universitaire. Ma
première question serait celle-ci. Serait-il possible d'avoir une
estimation du coût impliqué par cette recommandation? Et ma
deuxième question: Cet enseignement donné par les hôpitaux
serait-il réduit, advenant la formation de centres médicaux sur
les campus universitaires?
M. COUTU: Bon, la première question. Vous remarquerez,
d'ailleurs, ici qu'on ne parle pas que de Montréal, Sherbrooke et de
Laval, on a volontairement mis de côté McGill, parce que McGill
actuellement a à peu près l'équivalent d'un centre
médical.
M. BARIBEAU: Alors McGill a son centre médical.
M. COUTU: Ce n'est pas un véritable centre médical, mais
c'est à peu près l'équivalent, parce qu'il y a un Mclntyre
Building qui est situé à équidistance des deux
hôpitaux principaux. D'autant plus qu'il y a une tradition depuis
longtemps établie au Montreal General Royal Victoria où c'est
peut-être je ne veux pas dire plus universitaire mais aussi
universitaire à l'hôpital qu'à la faculté
même. Alors ils ont à peu près l'équivalent, ils
sont satisfaits de la situation, tout va bien. Nous, à Laval et à
Sherbrooke évidemment, c'est un autre cas parce que déjà
c'est en marche, la situation est tout à fait différente. Nous
avons des départements sciences fondamentales sur le campus et on doit
aller jusqu'à six milles pour aller rejoindre nos hôpitaux
affiliés. Or, supposez que vous avez un directeur de département
de médecine en plus d'être chef d'un hôpital, ce qui n'est
déjà pas bien parce qu'il se met dans une drôle de position
par rapport aux autres hôpitaux. On dit: Comment se fait-il que le chef
de médecine, c'est-à-dire le médecin, est à tel
hôpital plutôt que d'être à l'autre? Mais, en plus, il
est chef là, il doit voir à tout ce qui se passe chez lui au
point de vue des renseignements, de la recherche, soins des malades.
En plus, il doit voir dans les autres hôpitaux comment l'enseigne
mont se passe, pendant qu'il va faire la tournée. Il doit aussi venir
à la faculté de médecine assister à tous les
comités; c'est impensable. Il n'y a pas de vie facultaire possible et
c'est pour ça qu'on recommande qu'il y ait des centres médicaux
dans ces facultés-là. Bien votre deuxième question, je
m'excuse...
M. BARIBEAU: Certainement, je vous remercie. Serait-il possible de
donner une estimation du coût de l'établissement de centres
médicaux?
M. COUTU: Le centre médical c'est variable d'une place à
l'autre aussi. Cela comprend un édifice qui groupe les sciences
fondamentales, et l'hôpital universitaire. Alors prenez à Laval
ils ont déjà les sciences fondamentales établies sur le
campus, il leur manque un hôpital. Alors il y a un coût-là
pour un hôpital, selon le nom- bre de lits. A Montréal, comme nous
sommas organisés, c'est que même sur le campus nos
départements sont situés les uns à l'ouest, les autres
à l'est puis l'administration est quelque par là-dedans. On n'a
pas de bibliothèque médicale raisonnable. Alors,
nécessairement, on est obligé de se déplacer de
l'édifice principal. Donc, ça prend le coût des
départements sciences fondamentales et ça prend le coût
d'un hôpital. Par conséquent, c'est plus cher chez nous que
ça peut l'être ailleurs. Alors, mettez pour un hôpital,
peut-être pour une faculté de médecine, quelque chose de
l'ordre de $12 millions, et à peu près autant en tout cas pour un
hôpital universitaire de 500 à 600 lits.
M. BARIBEAU: Cinq à six cents lits. Merci.
M. ASSELIN: Dr Coutu, un renseignement de détail que j'aimerais
vous demander. Je me réfère à la page 9 de votre
mémoire au paragraphe 14. Pourriez-vous me dire à ce propos quel
est le nombre de professeurs fondamentalistes dans chacune des facultés
de médecine qui vous intéressent actuellement?
M. COUTU: Actuellement? M. ASSELIN: Oui.
M. COUTU: Bon actuellement, ça varie entre quatre et sept
professeurs, je ne sais pas si dans d'autres endroits c'est différent.
Evidemment on ne peut pas parler de Sherbrooke pour le moment.
A Québec, est-ce que c'est à peu près ça
dans les formations départementales, de quatre à sept
professeurs? Il y a peut-être des départements qui en ont plus; il
y en a qui en ont moins. Mettons une moyenne d'à peu près
cinq.
M. ASSELIN: Est-ce que vous pourriez me dire aussi, une autre question,
le nombre de cliniciens à plein temps et le nombre de cliniciens
à temps partiel dans chacune de ces facultés?
M. COUTU: Voyez-vous, nous avons en tout à Montréal 500
professeurs à peu près, mais ça comprend tous les
bénévoles. Celui qui donne une clinique dans l'année, qui
est dans un hôpital affilié, il y a un certain titre de
chargé d'enseignement. Tout ça est compris là-dedans, il y
en a 500. Mais de ceux qui sont à plein temps géographique,
admettons les véritables plein temps, il y en a présentement,
à Montréal, environ 65 et ça comprend des gens qui sont
à l'Hôtel-Dieu, à Maisonneuve, à Notre-Dame,
à
Ste-Justine, à St-Luc.
Maintenant, ce que nous visons, c'est un rapport
étudiants-professeurs.
M. ASSELIN: Oui.
M. COUTU: Aux Etats-Unis actuellement, l'an dernier le rapport
était 1.5 étudiants-professeurs. Nous avons présentement
3.4 étudiants-professeurs, en clinique, nous visons 2; on pense que ce
n'est pas trop.
M. LE PRESIDENT: Dr Lasalle, tout à l'heure vous avez
parlé de l'établissement de facultés de médecine
dans les petites villes des Etats-Unis. Vous avez mentionné Hershey, en
Pennsylvanie, Chapel Hill, population de 10,000, dans l'autre cas vous avez dit
5,000. Je vais vous poser la question: Si vous créez des facultés
de médecine où il y a seulement 5,000 personnes, que faites-vous
pour avoir la quantité suffisante de malades?
M. LASALLE: C'est la qualité...
M. LE PRESIDENT: La qualité des malades?
M. LASALLE: ... la qualité du personnel enseignant qui attire les
malades, comme à Mayo. Qui aurait pensé que Mayo pourrait
développer un centre où l'on voit 100,000 nouveaux malades par
année, dans un petit village de 5,000 âmes, dans le fond du
Minnesota? Maintenant, je pense...
M. LE PRESIDENT: Alors, vous faites des importations dans ces
conditions-là?
M. LASALLE: Il faut voler des professeurs aux autres facultés.
C'est le seul vol permis d'ailleurs.
M. COUTU: Nos facultés en souffrent maintenant.
M. LASALLE: Bien, j'ai cité ces deux-là. J'aurais pu vous
en citer une dizaine d'autres, même la faculté de l'état de
Floride, à Gainsville, qui est un petit bourg de 25,000 âmes. Je
pense à Saskatoon, lorsque l'hôpital universitaire de la
faculté a été fondé, il y a quelques années.
Elle avait été établie il y a une quarantaine
d'années, alors qu'elle ne donnait que l'enseignement de base. Elle
donne l'enseignement complet depuis 1954 ou 1955, il n'y avait que 40,000
à 50,000 habitants dans le temps, et ils ont construit là un
hôpital de 500 lits qui s'est rempli dans l'espace d'un an ou deux. C'est
la qualité du personnel qui attire.
M. COUTU: M. le Président, je suis en faveur des facultés
de médecine dans les petites villes, mais je ne pense pas que, pour la
province de Québec, il faudrait prendre ce modèle-là
nécessairement pour les futures facultés de médecine. Je
pense bien qu'il y aurait avantage à en mettre une autre dans une grande
ville, parce que nous avons là le matériel, malades, nombre
d'hôpitaux etc., je pense bien qu'il faudrait pour la prochaine, qu'elle
soit à Montréal, je crois. C'est mon opinion personnelle,
ça aussi, celle-là.
M. LE PRESIDENT: Comme Montréalais, je comprends bien cette
pensée-là.
M. BOUDREAU: Une question au Dr Gingras. Qu'est-ce que vous pensez de la
conversion de l'Hôpital des vétérans, qui est à
Ste-Foy, en hôpital universitaire? Est-ce que ça peu aider
à régler le problème?
M. GINGRAS: Je crois que le transfert d'Hôpital de Ste-Foy
à l'université pourrait aider sensiblement le problème, un
de ces problèmes. Mais, au moment où on nous a offert cet
hôpital, nous avons dit que tel qu'il est constitué
présentement, il ne pourrait pas représenter le centre
médical que nous envisageons pour la raison suivante: Il s'agit d'un
hôpital de 325 lits. Le ministère des anciens combattants, en
donnant l'hôpital à la province de Québec qui la ferait
administrer par une corporation, laquelle mettrait ses services à la
disposition de l'université, nous oblige à garder, en chiffre
rond toujours, 150 vétérans sur 325 et 50 militaires sur 325. De
sorte que les facilités sont réduites et nous avons besoin de
tous les services pour faire l'enseignement. Quand je fais allusion au secteur
qui est épouvantable ment démuni, je pensais par exemple à
la pédiatrie. Nous n'avons pas un seul hôpital de pédiatrie
dans Québec, de sorte que vous ne pouvez pas concentrer au même
endroit les spécialistes compétents qui peuvent prendre charge
des cas compliqués et qui n'ont pas les laboratoires pour les aider.
Alors, chaque fois qu'il y a un cas compliqué, il faut l'envoyer
à Montréal. Et il y a peut-être une relation entre le taux
de mortalité infantile qui est élevé dans la province de
Québec plus que dans toute autre province du Dominion. D'ailleurs, sur
ce plan, nous sommes en-dessous de tout partout. La province de Québec a
le taux de santé le plus bas de toutes les provinces du Dominion, sauf
Terre-Neuve. Et quant à ce qu'on appelle « life expectancy
», les espérances de vie, quand vous venez au monde vous pouvez
vous attendre de vivre dix ans de moins qu'en Colombie-Bri-
tannique. C'est notre situation actuellement, il y a peut-être des
raisons à chercher là-dedans. Ce sont les raisons que j'ai
essayé à découvrir dans le rapport que j'ai produit en
1962.
De sorte que nous sommes prêts à accepter l'hôpital
des vétérans, nous croyons que ça serait un hôpital
excellent pour en faire un hôpital de pédiatrie et que,
progressivement, nous devrions enlever les vétérans de là,
les mettre dans un autre centre médical qui serait également sous
notre direction, que nous pourrions utiliser pour les fins de l'enseignement et
qui serait le centre de l'hôpital intégré, tel que nous le
concevons.
Maintenant, j'aimerais bien ajouter un mot en ce qui concerne les
philosophies qui ont été émises sur la construction de
facultés de médecine dans les plus petits centres. Je veux
d'abord qu'on sache je pense que ce serait le désir des quatre
facultés de médecine existantes, que l'on fasse autant de
facultés de médecine que possible mais qu'on nous permette
à nous de recevoir 50, 60 étudiants en médecine en
première année. Ce serait vraiment l'idéal. Nous pourrions
travailler à l'échelle humaine avec des étudiants de toute
première qualité, puis les professeurs auraient un contact
immédiat, il y aurait beaucoup d'avantages à ça. Et si
nous préconisons une possibilité d'élargir nos cadres, ce
n'est pas parce qu'on le désire, c'est parce qu'on veut collaborer avec
le service de santé de la province de Québec.
Mais quand on parle de Mayo, on parle d'une institution qui est
née d'un accident, d'un accident très heureux, et où il se
trouve actuellement 1,200 médecins de grande taille dans la même
institution, 1,200 médecins, où M. Eden ou un autre va partir
d'Angleterre pour venir se faire soigner là, et c'est 1,200
médecins qui sont au niveau de post-gradués. On ne fait pas
l'enseignement de A et B dans cette clinique-là. Alors nous, ce que nous
avons à faire c'est l'enfance de l'art, il faut montrer à un
étudiant comment palper, comment ausculter, comment entendre un souffle,
comment donner une injection intraveineuse, c'est l'enfance de l'art qu'il faut
montrer et ça, Mayo n'en veut pas, Yale n'en veut pas et puis les
hôpitaux de Québec n'en veulent pas non plus. Le clinicien qui a
un malade de qualité entre les mains ne veut pas le prêter
à ses étudiants, et puis il n'a pas le temps de surveiller son
acte. Alors pour qu'il puisse prêter son malade à un
étudiant, il faudrait qu'il soit assuré qu'il ne jouera pas de
mauvais tour à son patient et il faudrait qu'il surveille tout ce que
l'étudiant fait et ça prend un professeur qui a la mission de
faire ça. C'est pour ça qu'on veut avoir un centre
médical.
Maintenant, je crois qu'en principe il faudrait peut-être penser
à avoir des facultés de médecine dans d'autres centres, il
faudrait aussi penser à ce moment-là ce que ça va
entraîner. Cela entraîne non seulement la formule d'une
faculté de médecine qui aurait des hôpitaux, comme
ça existe en Angleterre, qui a des hôpitaux comme faculté
de clinique. Il faut aussi penser où vont se faire les sciences
fondamentales, j'entends la dissection, la physiologie, l'anatomie,
l'histologie, la biologie, enfin tout ça. Cela se fait dans des sciences
de base fondamentale, et ça prend des équipes compétentes
et les équipes compétentes ne voudront pas aller dans un milieu
où ils n'auront pas l'atmosphère scientifique convenable. Alors,
c'est un gros problème. Nous ne sommes pas contre, nous sommes pour.
Nous y voyons des difficultés de réalisation pratique
immédiate. Et, pour aider à soulager un peu le problème
que le ministère de la Santé aura à envisager un de ces
jours et là, je me place comme citoyen de la province de
Québec nous, dans les facultés de médecine, disons:
Nous sommes prêts à collaborer. Maintenant, comprenez dans quelle
situation nous sommes. Nous ne pouvons pas si vous ne donnez pas les moyens. Et
ces moyens là, dans l'ensemble, ça représente peu de chose
parce que ça entraînerait une économie nationale et il y
aurait différentes planifications à envisager à ce point
de vue. Je suis bien prêt à vous laisser sur une question, je pose
avec un gros point d'interrogation. Sur le plan économique national,
est-il économique qu'un étudiant en médecine opte pour la
médecine au mois de juin 1966, qu'ils commence ses études au mois
de septembre 1966, qu'on lui fasse faire 26 à 30 semaines
d'études par année, qu'on le renvoie dans le public pendant 26
semaines, sous prétexte qu'il faut qu'il gagne sa vie à agir
comme « waiter » ou comme guide historique? peut-être qu'il y
aurait lieu, puisque nous avons besoin de médecins, parce qu'on planifie
le programme, qu'on prenne un étudiant en médecine en charge
à partir du moment où il a opté pour la médecine
que, dans nos laboratoires vides, on lui enseigne de la médecine pendant
une année de temps. Je ne vois pas pourquoi un jeune homme dans la
pleine fleur de l'âge, actuellement, on lui impose 30 semaines. C'est
révolutionaire comme formule. C'est nouveau, nous sommes dans une
révolution et aux périodes de révolution, je pense qu'il
faudrait envisager des formules révolutionnaires. Et si nous prenions
nos étudiants en médecine présentement et leur faire faire
50 semaines ou 48 semaines par année d'études, peut-être y
a-t-il lieu de penser qu'on va faire des médecins plus
rapidement. On l'a fait pendant la guerre parce qu'il y avait
urgence.
M. ROY: Dr Coutu, dans votre mémoire vous affirmez que les jeunes
gens ont aujourd'hui le choix de toute une gamme de professions
intéressantes et hésiteront bientôt à s'engager dans
des études médicales très longues, s'ils doivent
débourser davantage. Ma question est celle-ci: Est-ce que les
facultés de médecine ont tendance à diriger les
étudiants en médecine plutôt vers la spécialisation
que vers la médecine générale?
M. COUTU: Non, comme je l'ai mentionné tantôt, nous
essayons je ne sais pas si nous réussissons mais nous
essayons de donner un cours polyvalent qui offre toutes les possibilités
à l'étudiant une fois qu'il a terminé. Est-ce que j'ai
répondu à votre question, monsieur?
M. ROY: Oui.
M. COUTU: Si ce n'est pas suffisant, je peux élaborer. Parce que
le Dr Robillard, M. le Pré- sident, aimerait dire quelques mots sur la
recherche, si vous le permettiez.
M. LE PRESIDENT: Dr Coutu, avant, je veux accorder la parole au Dr
Lizotte qui voulait justement poser une question lorsque je l'ai
interrompu.
M. LIZOTTE: J'ai une question à poser au Dr Gingras. Je ne
voudrais pas que, dans les rapports de ce qu'il vient de dire, on soit injuste
pour lui. On a parlé d'hôpital universitaire. J'ai cru comprendre
qu'il avait dit que les hôpitaux ordinaires les cliniciens,
nécessairement, ne voulaient pas prêter leurs malades de choix
à des étudiants. Je voudrais poser la question suivante: Dans un
hôpital universitaire, quelle catégorie de patients seraient
prêtés aux étudiants au point de vue de l'étude?
M. GINGRAS: D'abord, je dois dire que je ne fais pas de
différence. Quand nous parlons d'un centre médical, nous ne
parlons d'un hôpital intégré qui, au niveau de
l'école de médecine au niveau de la faculté, aurait
certains mandats» Il est entendu que nous garderions nos hôpitaux
affiliés dans les mêmes fonctions qu'ils ont actuellement. Mais
nos hôpitaux affiliés acceptent toutes les fonctions
présentement parce qu'on leur demande, à part du
dévouement, de le faire, et ils le font et ils prêtent leurs
malades. Ils se dévouent. Les médecins donnent de l'enseignement
et ce n'est pas mauvais du tout, mais ce n'est pas un système, ce n'est
pas une structure, et nous prévoyons qu'advenant qu'on nous demande de
faire davantage, ça ne serait pas possible. Nous n'avons pas ressenti
beaucoup les effets de l'assurance-hospitalisation parce que les
médecins ont bien voulu contribuer à ce qu'on n'en ressente pas
les effets. Mais à partir du moment où
l'assurance-hospitalisation a assimilé les malades admis dans les
hôpitaux à des malades privés, nous avons perdu nos salles
d'assistance publique, et à partir de ce moment-là tous les
malades sont des malades privés. Il s'agirait qu'un malade dise
je ne dis pas que c'est une situation de fait qui existe actuellement je
dis que si le malade disait: Je ne veux pas servir? Qu'est-ce qui aiderait
à le faire servir? Et si le médecin disait: Voici un malade
privé, ie ne veux pas qu'il serve. Nous comptons sur la bonne
volonté individuelle. Jusqu'à présent, nous n'avons
qu'à nous louer des bons offices de nos collègues, nous croyons
que l'enseignement est bien fait, avec les moyens dont on dispose, quoique dans
certains secteurs, c'est pénible. Je vais vous en indiquer un et je ne
voudrais pas que l'on se figure que je descend l'enseignement existant
actuellement, mais je voudrais prendre un exemple. Nous pouvons disposer
actuellement à notre hôpital principal pour l'enseignement de
l'obstétrique c'est la Miséricorde de 42 lits. 42
lits pour enseigner à une faculté de médecine de 125
étudiants en première année, c'est nettement
Inférieur à ce que nous devrions avoir et dans des conditions qui
ne sont pas bonnes. C'est à ça que je fais allusion dans les
choses qui ne sont plus acceptables. Mais pour l'instant, nous pensons que nous
avons tenu le coup, nous avons reçu nos rapports d'accréditation
qui sont valables et nous avons une approbation complète de la part des
organismes d'accréditation, qui cependant nous signalent des points
depuis 1949. Ils nous disent; Dépêchez-vous à avoir votre
centre médical, il vous le faut. Dépêchez-vous à
avoir un hôpital de pédiatrie, il vous le faut. Comme nous n'en
avons pas, nous demandons à nos gens d'essayer de tenir le coup en
attendant et alors ils le tiennent. Mais, vous n'êtes pas ici pour savoir
ce qu'on fait de bien, vous êtes ici pour savoir ce qu'il faut faire pour
l'avenir, pour qu'on ait des structures dans la province de Québec qui
puissent faire face à la musique On ne les a pas.
M. LE PRESIDENT: Docteur Robillard. M. ROBILLARD: M. le
Président, je voudrais
attirer très brièvement votre attention sur un point qui
peut avoir été passé un peu rapidement dans le
mémoire. Il s'agit de l'activité des facultés dans le
domaine de la recherche. Cette activité est essentielle, non seulement
pour l'enseignement, mais aussi pour les soins aux malades.
Pour l'enseignement, cette activité est absoment indispensable
dans les facultés parce qu'elle valorise l'enseignement, permettant aux
professeurs de faire un enseignement dynamique et non pas un enseignement
basé uniquement sur ce qui est actuellement acquis dans la science
médicale, mais sur ce que l'on peut entrevoir dans l'avenir et dans un
avenir prochain. Et cette activité est essentielle aussi pour que les
professeurs puissent conserver cet intérêt dans la science et
puissent aussi critiquer d'une façon valable les acquisitions qui sont
dans la littérature médicale.
De plus, il est essentiel aussi pour pouvoir rénover les cadres
professoraux, de façon que les professeurs puissent engendrer, si on
peut dire ainsi, d'autres jeunes professeurs qui soient meilleurs qu'eux.
J'avais un de mes anciens professeurs qui disait que les fils qui
n'était pas plus intelligent que le père était très
bête. Alors c'est la même chose, le professeur qui ne peut pas
former des étudiants qui soient meilleurs que lui n'est pas un bon
professeur. Par conséquent, il faut qu'il y ait, à
côté de la faculté des étudiants
sous-gradués, la faculté des étudiants post-gradués
formée de médecins qui viennent se recycler ou qui s'engagent
vers des études un peu plus différentes. Il y a aussi une
faculté qui correspond à peu près actuellement aux cadres
de la faculté et qui forme des étudiants en vue de la
spécialisation biologique médicale, c'est-à-dire en vue
des degrés de maîtrise et de doctorat. Cette activité est
aussi extrêmement importante dans nos institutions pour le soin aux
malades, parce qu'elle permet immédiatement que les acquisitions
récentes, nouvelles, immédiates, de la science soient mises au
service de nos malades et je crois qu'il est essentiel pour les malades de la
province, pour la population de cette province, que les acquisitions
médicales récentes valables soient mises immédiatement au
service des soins médicaux, de façon que l'on n'attende pas
quelques mois, ou parfois même quelques années avant que ces
découvertes soient mises au service du malade.
De plus, je crois qu'actuellement il serait peu convenable que la
population de cette province, que les professeurs de nos universités
puisent toujous dans le domaine de la connaissance, dans les connaissances
acquises par les autres sans jamais y contribuer. Ce serait d'une fierté
assez peu enviable pour nous. C'est pourquoi il serait important que les
membres de ce comité prennent grande attention à toutes les
recommandations qui sont faites à propos de la recherche
médicale. Merci, messieurs.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres...
M. ROY: Dr Coutu, dans la deuxième recommandation de votre
mémoire, il est avancé que, dans l'établissement d'un
système d'assurance-santé, un souci particulier soit
apporté à l'attrait de l'exercice de la profession
médicale, afin qu'elle puisse recruter des candidats doués des
plus hautes qualités intellectuelles et morales. Dans votre opinion,
quel organisme doit s'intéresser à ce souci particulier, à
cette préoccupation particulière?
M. COUTU: Je pense que c'est un effort commun, vous savez. Le
Collège des médecins d'abord, je pense bien que c'est son
rôle de montrer quels sont les avantages de la médecine, les
différentes possibilités pour le futur médecin. Il y a
également les sociétés médicales qui peuvent le
faire. Je pense que c'est un ensemble d'organismes. Egalement, j'imagine
l'assurance-santé, cet organisme-là pourra faire sa part dans ce
sens-là.
M. ROY: Merci.
M. TREPANIER: Dr Coutu, vous mentionnez à la page 13 de votre
rapport qu'il faut s'attendre à ce que les exigences de l'enseignement
fassent augmenter le per diem des hôpitaux d'enseignement.
M. COUTU: Oui.
M. TREPANIER: Est-ce qu'actuellement, le per diem est plus
élevé que dans un hôpital non universitaire?
M. COUTU: Evidemment, je ne vais pas dans les hôpitaux, mais je
crois qu'il l'est, mais je n'ai pas de précision là-dessus parce
que ce sont des hôpitaux autonomes. Je crois qu'il est plus fort de fait
que dans les hôpitaux communautaires. Mais je pense qu'il n'est
peut-être pas suffisant par ailleurs, si on pense à toutes les
facilités qu'il faudra pour bien enseigner dans ces hôpitaux.
Comme on l'a dit tantôt, même si on a un centre médical,
ça ne serait pas suffisant, il faudrait quand même garder les
hôpitaux affiliés. Les gens qui vont se former à
l'extérieur ne se formeront pas tous pour...
Les gens qui vont se former à l'extérieur ne se formeront
pas tous pour l'hôpital universitaire. D'ailleurs, ce ne serait pas
souhaitable d'imaginer un hôpital qui a formé un homme, qui
l'envoie aux Etats-Unis, qui revient et qui, immédiatement, s'en va
à un autre hôpital. Il n'aimera pas ça, je pense qu'il en
faut partout. Ces hôpitaux-là doivent servir d'ailleurs, un peu
comme des clubs fermés, si je peux employer l'expression, afin qu'on ait
un surplus de professeurs pour l'hôpital universitaire.
M. TREPANIER: Ce qui occasionne plus de dépenses, l'augmentation
du per diem.
M. COUTU: Laboratoires, etc, l'espace pour étudiants, etc.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, avez-vous d'autres questions à
poser?
M. TREPANIER: J'en aurais une autre rapide. A la page 14 au paragraphe
24, vous parlez des relations qui existent entre la faculté et
l'hôpital. Est-ce que le type de relations existant actuellement est
satisfaisant?
M. COUTU: Il n'est pas tout à fait satisfaisant parce que nous
avons des contrats d'affiliation, comme vous le savez, et c'est sur une base
bénévole. Le contrat d'affiliation dit en un sens que personne ne
sera nommé à l'hôpital sans qu'il y ait une entente avec la
faculté de médecine. C'est déjà quelque chose et ce
n'est pas tout, donc ce n'est pas satisfaisant présentement. Nous avons
une belle collaboration des hôpitaux, ils font, comme disait le docteur
Gingras, leur possible, mais, vous comprenez, quand vous n'êtes pas chez
vous c'est extrêmement difficile de commander. Imaginez un de vos fils
qui est dans un collège, qui fait ses deux premières
années quelque part, et qu'après ça le collège vous
dirait: Pour les deux autres années, on les envoie dans d'autres
collèges, dans d'autres maisons. Cela ne dépend pas de nous, on
fait notre possible, ils ont de la bonne volonté, mais nous n'avons pas
le contrôle absolu. Vous n'aimeriez pas beaucoup ça pour votre
fils, c'est la même chose pour les étudiants en
médecine.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, avez-vous d'autres questions à poser?
Sinon, docteur Coutu, au nom du comité je vous remercie ainsi que vos
collègues de l'exposé que vous avez fait de votre mémoire
cet après-midi, la belle façon avec laquelle vous avez
répondu aux questions posées par les membres et je crois qu'ils
ont tous profité de cette discussion intéressante et amicale.
M. COUTU: M. le Président, nous en sommes très
reconnaissants.
M. LE PRESIDENT: Le comité est ajourné à huit
heures.
Reprise de la séance à 8 h p.m.
M. LE PRESIDENT (M. Roy): Messieurs les membres du comité, je
remercie le docteur Desrosiers, ainsi que le docteur Boulay, d'être venus
nous rencontrer et j'aimerais, avant de commencer, lire la lettre que le
docteur Des rosiers a adressée à M. Claude Castonguay,
Prési- dent du comité de recherche sur l'assurance-santé.
M. Castonguay me disait tout à l'heure que le mémoire
préparé par ces messieurs a été d'une grande
utilité aux membres du comité de recherche. « M. Claude
Castonguay, (une lettre en date du 25 mars 1966)
M. le Président,
Nous avons pris connaissance du rapport que votre comité
apréparé sur l'assurance-maladie. Nous vous savons gré
d'avoir utilisé le lexique des assurances sociales que nous avions
envoyé à M. Boudreau et d'en avoir publié les principales
expressions. Vous avez posé par ce geste un précédent qui,
nous l'espérons, sera imité à l'avenir par les
comités et les commissions qui feront des études pour le compte
du gouvernement. Je vous prie d'accepter, M. le Président, avec mes
remerciements, l'expression de mes sentiments distingués.
Le Président du comité d'étude des termes de
médecine
Georges Desrosiers. »
M. LE PRESIDENT (M. Roy): M. Desrosiers, je vous demanderais, si vous
avez quelques mots à dire concernant votre mémoire.
M. DESROSIERS: M. le Président, messieurs les membres du
comité, mesdames et messieurs. Le comité mixte de
l'Assemblée législative et du Conseil législatif est
chargé d'entendre les groupes qui désirent donner leur avis sur
les différents aspects d'un régime d'assurance-maladie. Nous
laissons à d'autres le soin d'en discuter les principes et les
modalités d'application. Notre travail a porté essentiellement
sur l'aspect linguistique, plus précisément sur le vocabulaire
technique de l'assurance-maladie.
Nous vous présentons dans une première partie, un
glossaire contenant la définition de 160
expressions des assurances sociales et, dans une deuxième partie,
un lexique anglais français d'un nombre à peu près
égal de termes techniques. Ce genre de travail n'existait pas
auparavant, il n'existait pas parce qu'aucun pays francophone ou anglophone n'a
été placé dans une situation telle qu'il lui a fallu faire
le partage entre le vocabulaire technique anglais et français des
assurances sociales. La situation du Québec est unique, c'est pourquoi
nous avons cru qu'il était nécessaire de faire ce travail.
Le Québec étudie aujourd'hui les moyens d'établir
un système d'assurance sociale, dont la pièce maîtresse est
sans contredit l'assurance-maladie. Ce besoin survient à un stade
précis de notre développement socio-économique, il
s'insère dans un mouvement qui englobe tout le Canada et même
toute l'Amérique de Nord. Il est donc naturel de puiser dans la
documentation de langue anglaise les renseignements nécessaires sur les
projets fédéraux, les systèmes des autres provinces et
ceux des Etats-Unis, puisque les solutions que nous pouvons apporter doivent en
tenir compte. Alors, la consultation des ouvrages et des revues écrits
dans notre langue, qui sont européens, n'est pas essentielle, elle sert
surtout de complément ou elle peut être motivée par des
raisons d'ordre culturel.
Ceux qui ont à puiser à ces diverses sources, dans un
domaine nouveau, du moins quant au vocabulaire technique, sont naturellement
enclins à utiliser les termes avec lesquels ils sont les plus familiers,
et ainsi, à leur insu, à opérer un métissage de la
langue. Ce nouveau vocabulaire métissé se diffuse ensuite
rapidement dans la masse des usagers. Si par contre, en plus de consulter des
ouvrages français au moins pour connaître le vocabulaire, on
charge des spécialistes de faire des recherches lexicologiques, on
pourra ainsi obvier à ce danger qui nous menace constamment. C'est ce
à quoi nous nous sommes appliqués. Notre travail a
été facilité par la richesse du vocabulaire
français, des assurances sociales. Il faut se rappeler qu'il existe en
France des systèmes de prévoyance depuis le XIXe siècle et
que la sécurité sociale obligatoire a été
établie dès 1945. Déjà, notre travail a
porté fruit. Nous sommes heureux de pouvoir citer en exemple le
comité de recherche sur l'assurance-maladie dont le rapport sert de base
aux délibérations de votre comité, il a fait siennes nos
recommandations et il a même publié dans le premier volume de son
rapport une cinquantaine d'expressions tirées de notre vocabulaire.
Nous souhaitons que le ministère de la Santé mette sur
pied un comité de la terminologie auquel nous sommes prêts
à apporter notre col- laboration. Ce comité pourrait conseiller
le ministère sur tout ce qui touche à la langue,
c'est-à-dire revision des projets de loi, des textes
réglementaires, des brochures, des imprimés, etc.
Voilà, messieurs, en quelques mots, la raison de notre
intervention. Nous ne doutons pas que vous tiendrez compte de nos
recommandations, en raison même du mandat qui vous a été
confié. Je vous remercie.
M. COLLARD: M. le Président, j'aurais simplement une question
à poser. Je crois que, dans le langage populaire, tous les individus qui
doivent aller à l'hôpital ou rencontrer un médecin, parlent
souvent de « check-up ». Je cherche ça dans votre lexique et
je ne le trouve pas. Quel mot suggérez-vous pour remplacer ce terme?
M. DESROSIERS: L'expression utilisée en France pour ce terme,
c'est bilan médical préventif.
M. COLLARD: Pardon?
M. DESROSIERS: Bilan médical préventif. C'est le terme
technique pour rendre « checkup ». En fait un « check-up
» qu'est-ce que c'est? C'est un bilan, c'est-à-dire que la
personne va voir un médecin pour savoir si elle est en bonne
santé ou non, alors le médecin fait un bilan, bilan
médical préventif. C'est l'expression.
M. COLLARD: Est-ce qu'il y a moyen de trouver un terme plus court? Un
examen, ça ne peut pas...
M. BOULAY: On peut parler d'examen systématique de
dépistage, si c'est un examen qui est fait dans le but de
dépister une maladie. Le mot bilan médical préventif est
certainement plus explicite puisque c'est bien un bilan, il s'agit de faire
l'actif et le passif du malade, et préventif, parce que ça se
fait toujours en général dans une prerspective de
prévention. Quand on va à l'hôpital pour un «
check-up », pour employer l'expression courante, c'est parce que l'on
veut prévenir l'apparition de maladies graves et qui peuvent être
dommageables pour le malade.
M. BOUDREAU: Moi, je ne suis pas fâché d'entendre dire
qu'on veut franciser les termes concernant cette assurance-maladie, mais je
voudrais savoir si déjà vous avez soumis à une
organisation quelconque de médecins ou d'hôpitaux, ce que vous
nous proposez ici ce soir.
M. DESROSIERS: Eh bien voici, en premier lieu ce vocabulaire a
été soumis au comité de recherche sur l'assurance-maladie,
comité présidé par M. Castonguay qui l'a accepté.
Toute la terminologie utilisée dans les onze ou douze volumes de ce
rapport s'inspire de notre travail. Notre comité est un comité
formé de membres des professions de la santé, c'est-à-dire
de médecins, d'infirmières, diététiciennes,
traducteurs médicaux et il est patronné par le Collège des
médecins, par l'Association des médecins de langue
française, par la Société médicale de
Québec, la Société médicale de Montréal et
d'autres associations médicales. Est-ce que ça répond
à votre question?
M. Boudreau: Oui, oui, très bien.
M. BOULAY: M. le Président, je voudrais ajouter que notre
comité est un organisme agréé par l'Office de la langue
française. Nous sommes un comité qui travaille en collaboration
étroite avec l'Office de la langue française, parce
qu'évidemment les solutions que nous apportons, nous les apportons avec
nos connaissances médicales, mais souvent sur le plan linguistique il
faut l'avis de spécialistes et c'est pour ça que nous travaillons
en étroite collaboration avec l'Office de la langue
française.
M. BOUDREAU: Je m'en réjouis.
M. RENAUD: Vous avez beaucoup de mérite.
M. TREPANIER: Le terme « risque » que vous
définissiez à la page 27 comme étant du point de vue de
l'assuré, l'éventualité aux conséquences
préjudiciables et dont il est responsable. Est-ce qu'en fait, ça
ne semble pas un peu contraire aux principes de l'assurance sociale, le fait de
reconnaître la responsabilité unique de l'assuré à
ce sujet-là, au sujet des risques tels que la vieillesse, la maladie et
l'invalidité?
Que voulez-vous dire exactement par responsable? Est-ce que l'on peut
employer exactement ce terme dans l'assurance sociale?
M. DESROSIERS: Dand notre glossaire sur les assurances sociales, nous
avons inclus un certain nombre d'expressions qui sont utilisées aussi
par les assurances privées, parce qu'on ne peut pas trancher cela au
couteau, n'est-ce pas. Alors, le mot risque s'est employé d'abord dans
l'assurance privée, alors on a assuré des gens pour un risque
dont eux étaient responsables. Maintenant, quand on parle d'assurance
sociale, c'est un peu la même chose, avec l'as- surance sociale, on
assure les gens, on les garantit contre des risques, si vous voulez, dont ils
sont responsables, c'est-à-dire si je tombe malade, eh bien c'est un
problème qui me touche personnellement, l'Etat ou une compagnie
d'assurance me garantit contre ce risque. Mais, si je tombe malade, j'en suis
le premier responsable, je suis le premier responsable du traitement de ma
maladie, de consulter qui il faut et de payer. Maintenant, l'Etat, par une
assurance-maladie, peut me garantir contre ce risque, voyez-vous.
M. TREPANIER: Alors, vous entendez par là donc que l'individu,
l'assuré est responsable de toutes ces éventualités.
M. DESROSIERS: Bien, c'est-à-dire qu'il est responsable, mais,
par une assurance-maladie, on le garantit contre ces risques,
c'est-à-dire que si la personne tombe malade, on lui garantit qu'on va
payer ses dépenses médicales. Mais, en fait, parce qu'il est
responsable de sa santé, si vous voulez, en premier lieu, il s'assure,
il paie une cotisation pour être garanti contre ce risque, que ce soit
une assurance privée ou à l'Etat, c'est toujours la même
chose.
M. CLOUTIER: Docteur Desrosiers, vous avez à la page 22
l'expression médecine libérale. Est-ce que vous avez
exploré toutes les possibilités avant...
M. MARLER: C'est un ouvrage qui incombe à l'Opposition.
M. DESROSIERS: Oui, Monsieur, la médecine libérale
peut-être...
M. RENAUD: Est-ce que ceci est un excès de français
ou...
M. DESROSIERS: ... exercée autant par un conservateur que par un
libéral. D'ailleurs, messieurs, la médecine libérale est
plutôt le propre, je dirais, des gens qui sont plutôt conservateurs
je dirais.
M. CLOUTIER: Merci beaucoup, docteur.
M. LE PRESIDENT: D'après la réponse, je lui demanderais de
rester dans le cadre des discussions, sans parti pris pour quelque parti
politique que ce soit.
M. BELLEMARE: A condition qu'il conserve le pouvoir, je n'ai pas
d'objection.
M. ASSELIN: A la première page de votre lexique anglais
français, en bas de la page, vous avez le mot anglais « deductable
» qui est un adjectif, évidemment, du moins je le pense
vous pouvez me corriger si ce n'est pas exact que vous corrigez par un
nom: « franchise ». Pouvez-vous me donner une explication
là-dessus ou une phrase dans laquelle les deux mots seraient
employés en anglais et en français?
M. DESROSIERS: Le mot « deductable » est surtout
employé dans l'assurance privée. Nous sommes obligés
là de mettre des expressions qui sont du domaine de l'assurance-maladie
privée, parce que nous ne pouvons pas séparer complètement
ces deux choses. Maintenant, « deductable » ça veut dire que
quelqu'un s'assure et il doit payer les premiers $50 et les frais
supplémentaires sont payés par la compagnie d'assurance. En
français, on appelle cela une franchise, en anglais, on dit «
deductable. » Maintenant, en français, on préfère
utiliser la forme substantive, le nom, tandis qu'en anglais on utilise une
forme adjectivale, c'est une question de sémantique, si vous voulez.
M. LE PRESIDENT: D'autres questions, messieurs?
M. DESROSIERS: Si vous me permettez de compléter ma
réponse. En ce qui concerne l'assurance-maladie, les assurances d'Etat,
en anglais on dit « deterret fee » et en français on enploie
l'expression soit « tiket modérateur » ou «
participation au frais ». On n'emploie pas le mot « franchise
» ou le mot « déductable ». On dit « deterrent
fee » en anglais et en français on dit « ticket
modérateur » ou « participation au frais ».
M. TREPANIER: Est-ce que le terme à ce sujet-là de frais
dissuasif ne vous paraîtrait pas opportun?
M. DESROSIERS: C'est une traduction littérale de l'anglais et ce
n'est pas d'usage. En français, on dit « ticket modérateur
» depuis 1920 ou on dit participation au frais. Maintenant, le
comité de recherches sur l'assurance-maladie devait probablement trouver
le mot « ticket modérateur » un peu difficile, alors il a
proposé « frais modérateur ». En somme, nous n'avons
pas d'objection à ce que l'on emploie « frais modérateur
» parce que ça s'inspire de la même expression, «
ticket modérateur » ou « frais modérateur »,
c'est à peu près la même chose. C'est toujours selon
l'usage, si vous voulez, français.
M. BOULAY: L'expression « ticket modérateur » vient
du fait qu'en France, l'individu qui bénéficie d'une mesure
d'assurance sociale ou d'assurance-maladie est obligé de rembourser
à la caisse un certain montant, est obligé de payer un certain
montant qui correspond à un ticket, c'est-à-dire à un
morceau de carton qu'on lui donne. Alors, l'expression vient d'une habitude
particulière, d'une situation particulière à la France. Je
pense qu'il vaut mieux employer l'expression « participation au frais
» parce que nous n'avons pas encore le ticket, nous n'avons pas ce petit
morceau de carton qu'on appelle le ticket en France.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, docteur Desrosiers ainsi que le
docteur Boulay, pour les réponses que vous avez données aux
questions qui vous ont été posées par les membres du
comité conjoint.
Je demanderais au Président de la Corporation des opticiens
d'ordonnance de la province de Québec de présenter les gens qui
l'accompagnent et de plus de soumettre sommairement les remarques qu'il aurait
à passer sur le mémoire présenté.
M. CRETE : Messieurs, nom nom est Marcel Crête, avocat. J'agis
conjointement comme procureur de la corporation avec Me Alphonse Barbeau. Nous
avons ici le Président de la corporation, M. Allaire Savage, les deux
vice-présidents, MM. Roland Baril et André Lesage et un autre
vice-Président, M. Jules Saulnier. En deux mots, je serai le
porte-parole de la corporation. Notre mémoire a été
déposé. Il ne s'agit pas pour moi de le lire en entier
textuellement.
Simplement pour dire ceci d'abord que nous apprécions beaucoup
d'avoir été invités à donner nos vues bien
modestes, quand on parle de vue dans le domaine de l'optique, c'est
peut-être un terme un peu plus approprié, en vue de l'instauration
d'un plan d'assurance-santé. Nous sommes heureux de cette initiative de
l'autorité gouvernementale et nous avons déclaré tout de
suite que nous sommes parfaitement d'accord sur l'instauration d'un tel plan
dans l'intérêt de la population.
D'abord, pour nous situer. Notre profession existe depuis 1920. Elle a
été groupée en association en 1928, groupée en
corporation profession-
nelle incorporée par statut, une loi de la Législature, en
1940. Quant à notre rôle, je prends une définition dans la
loi, l'opticien d'ordonnance, c'est une personne dont l'art consiste à
exécuter les ordonnances des médecins, des optométristes,
relativement aux lentilles ophtalmiques et à fabriquer, vendre, fournir,
poser, ajuster, remplacer des lentilles ophtalmiques ainsi que leurs montures.
Dans le domaine de l'optique, il faut distinguer trois corps professionnels. Je
ferai la distinction parce que souvent on est porté à confondre.
Vous avez en premier lieu, les ophtalmologistes ou les oculistes qui sont des
médecins spécialistes dont la fonction ou l'art consiste à
diagnostiquer et à traiter les maladies de l'oeil. Vous avez en
deuxième lieu, les optométristes qui s'occupent de l'examen de la
vue, de la réfraction et de la correction, non pas des maladies, mais
des défauts visuels par le port des lunettes. Vous avez en
troisième lieu, nos gens, les opticiens d'ordonnance, qui s'occupent,
eux de remplir ou d'exécuter les ordonnances des deux premiers groupes,
soit des médecins, soit des optométristes.
A la deuxième page de notre mémoire, nous vous donnons
très succinctement les exigences statutaires pour devenir opticien
d'ordonnance ainsi que les exigences de la corporation, puisque nous avons une
école qui est fondée depuis 1940, une école qui
détient ses lettres patentes du gouvernement de la province.
Nous ne savons pas évidemment ce que contiendra le programme
d'assurance-santé, quant à nous. Nous nous sommes inspirés
pour notre mémoire des trois recommandations qui nous concernent dans
les conclusions du rapport Hall ou de la commission royale d'enquête, en
ce qui concerne la section ou la partie de l'optique.
La première recommandation est pour nous la plus
névralgique, si je peux m'exprimer ainsi. C'est la recommandation 92 que
nous citons; « Que la direction des services provinciaux de santé
prennent des dispositions spéciales, en vue de l'achat en grosse
quantité au moyen de soumissions, de montures de lunettes et de verres.
» Pour donner notre point de vue sur cette recommandation
particulière, nous avons tenté de nous inspirer, dans toute la
mesure du possible, non pas de notre intérêt à nous, mais
de l'intérêt public, et à ce point de vue-là. Je me
permettrai peut-être de citer notre mémoire où nous disons
que « la vue est le plus précieux des biens et qu'il est
essentiellement de l'intérêt public que l'ajustement des lentilles
ophtalmiques ainsi que l'exécution des ordonnances des ophtalmologistes
et des optométristes demeurent dans les attributions des
spécialistes, tels que les opticiens d'ordonnance. » Je ne citerai
pas le paragraphe « b » qui est un extrait du rapport Hall. Nous
disons que dans l'exercice de leur art, les opticiens d'ordonnance ont
également l'avantage de ne pas remplir leurs propres ordonnances et
cette situation leur permet d'éviter tout conflit d'intérêt
comme celui qui peux exister pour 'une personne qui prescrit et remplit ses
propres ordonnances. En incidence, nous suggérons que
l'intérêt public commande la délimitation précise
des services offerts par chacun des trois groupes professionnels que j'ai
mentionnés tantôt. Et nous disons que, par leurs études,
leur formation, leur statut professionnel, leurs relations avec le
public-client, le maintien de leur équipement, leurs dossiers, les
opticiens d'ordonnance offrent à la population un service que ne
pourraient apporter très évidemment les manufacturiers de verres,
des grossistes et des agences gouvernementales. Le soin des yeux requiert une
attention personnelle, on conçoit ça, constante et doit
être entouré du maximum de précaution et de protection, e)
L'ajustement des lentilles ophtalmiques est individuel, requiert des
vérifications fréquentes qui ne peuvent être
assurées que par des professionnels, activement engagés dans
l'exercice de leur art et qui doivent conserver le souci constant du
bien-être de leurs clients, f) la correction des défauts visuels
par la réfraction requiert une interprétation et une
exécution exacte des ordonnances. La fourniture des lentilles de
qualité requise, un ajustement personnel pour chaque oeil, afin
d'assurer à chaque individu le traitement qui lui convient
adéquatement, g) les yeux étant particuliers à chaque
personne, l'achat de lunettes doit être individuel et ne peut pas se
faire par soumission comme pourrait être le cas des remèdes
brevetés ou autres produits du même genre, h) le soin des yeux
doit être entouré de toute la conscience professionnelle possible
et cette exigence ne pourrait être atteinte par la fourniture de lunettes
achetées en grosses quantités, comme le suggère la
recommandation 92.
La deuxième recommandation; « Qu'une loi concernant la
qualification et la modération des opticiens d'ordonnance soit mise en
vigueur dans toutes les provinces et dans tous les territoires, » fort
heureusement, ceci existe dans Québec depuis 1940 et je passe plus
loin.
La troisième recommandation; « Qu'on adopte des lois
interdisant la vente de lentilles de contact par qui que ce soit, sauf sur
l'ordonnance d'un ophtalmologiste. « Nous sommes parfaitement d'accord
sur cette recommandation puisque la lentille cornéenne est une len-
tille qui est placée sur l'oeil même. Actuellement, et
toujours, nous faisons l'ajustement de lentilles cornéennes sur
ordonnance. Plus que cela, nous faisons vérifier l'exécution de
notre ordonnance par celui qui l'a prescrite. Alors, ce sont les trois
recommandations du rapport Hall qui nous concernent et, en appendice, nous vous
donnons le curiculum d'étude de l'école de la corporation. Je
pense bien que nous n'entrerons pas dans les détails sur cet
appendice.
De nouveau, nous vous remercions et nous sommes à votre
disposition pour toutes les informations que nous pourrions vous fournir. Je
vous remercie, messieurs.
M. VAILLANCOURT: Pourquoi, selon la corporation des opticiens
d'ordonnances, les ophtalmologistes seraient-ils les seuls à pouvoir
prescrire des lentilles de contact à l'exclusion des
optométristes?
M. CRETE: Nous ne sommes pas en mesure de dire, nous, qu'ils sont les
seuls, mais ce qu'on sait, parce que cela a été dit ici devant le
comité des bills privés à maintes reprises, comme au
Conseil législatif, les ophtamologistes soutiennent que les lentilles
cornéennes où l'ordonnance exige un acte médical afin de
déceler des complications possibles.
Enfin, nous n'entrons pas le débat entre les deux corporations,
mais nous prenons la conclusion du rapport Hall telle qu'elle existe et nous
disons que nous sommes d'accord.
M. BOUDREAU: Est-ce que vous admettez, par exemple, que des lentilles de
contact qui sont appliquées par des optométristes peuvent avoir
des conséquences graves pour la vue ou des maladies de l'oeil?
M. CRETE: Nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer
là-dessus. Ce sont les médecins ou les ophtalmologistes,
j'entends des spécialistes en médecine, qui le prétendent,
mais nous n'intervenons pas là-dessus.
M. RENAUD: Actuellement, la loi c'est que vous préparez des
verres ou des lunettes sur ordonnance d'un ophtalmologiste ou d'un
optométriste.
M. CRETE: Nous sommes, comme le rapport le dit d'ailleurs, ce que les
pharmaciens sont aux médecins.
M. THEBERGE: Vous mentionnez en bas de l'article de la recommandation
212 que d'après les deux dernières lignes qui sont
mentionnées, signalons aussi que l'ajustement des lentilles
cornéennes se fait sur ordonnance, lorsque l'opticien a le droit
d'ajuster des lentilles cornéennes, d'après la loi existante.
M. CRETE: D'après la loi existante de la Législature,
ici.
M. THEBERGE: Je pensais qu'il y a deux ans, à cause de la petite
discussion...
M. CRETE: Il y a eu une exception pour cette personne avant que la loi
soit amendée, il y a eu exception pour cette personne qui ajustait des
lentilles cornéennes depuis nombre d'années. Quand MM. les
optométristes sont venus ici pour faire amender leur loi, par la
même loi, la Loi des optométristes, nous avions le droit d'ajuster
les lentilles cornéennes. Il y a eu une exception de faite pour cette
personne pour préserver les droits acquis. Je vais être complet.
Ici, à l'Assemblée législative, ce droit-là nous
avait été refusé et, au Conseil législatif, il nous
a été accordé. La sagesse!
M. MARLER: Sauf, M. Crête, qu'il faut admettre que, par la suite,
l'Assemblée législative a bien compris l'amendement du Conseil
législatif.
M. CRETE: Disons que la loi a été sanctionnée, M.
Marler.
M. COLLARD: Une chance qu'on vous a. M. THEBERGE: J'ai dû manquer
ça.
M. COLLARD: Dans l'avant-dernière page de votre mémoire,
article 2, entre parenthèses, 211, on dit qu'une loi concernant la
qualification et l'homologation des opticiens d'ordonnance soit mise en vigueur
dans toutes les provinces et dans les territoires. Je vois que c'est la
même recommandation que celle faite par le rapport Hall.
M. CRETE: Nous avons cité le rapport Hall, mais nous disons que
ça existe déjà ici dans la province de Québec. Le
rapport Hall évidemment s'appliquait à tout le Canada. C'est une
commission d'enquête fédérale, parce qu'il y a beaucoup
d'autres provinces qui ne sont pas affectées comme nous le sommes au
point de vue des opticiens d'ordonnance. Notre province est la mieux
organisée de ce côté-là.
M. LE PRESIDENT: Avez-vous d'autres questions, messieurs, à poser
à M. Crête?
M. VAILLANCOURT: On comprend très bien votre mémoire.
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Crête de son exposé ainsi
que les membres de la corporation des opticiens d'ordonnance de la province de
Québec.
M. CRETE: Merci, messieurs.
M. LE PRESIDENT: Nous allons suspendre les travaux du comité pour
que les députés puissent se rendre voter.
M. ROY: (Président du comité de l'assurance-maladie): A
l'ordre, messieurs. Je demanderais au Dr Jules Gilbert de nous faire un bref
exposé de son mémoire.
M. GILBERT: Si la chose m'est permise, je voudrais prier les membres du
comité d'apporter trois corrections mineures au mémoire qui a
été distribué. A la page 3, troisième paragraphe,
quatrième ligne, s'il vous plait rayer le mot auxiliaire.
M. COLLARD: Le paragraphe 12.
M. GILBERT: Ah, oui, j'aurais dû dire ça, c'est exact,
paragraphe 12. A la page 5, au paragraphe 19, s'il vous plaît, à
la sixième ligne, changer 30% pour 43.5%. A la page 6, paragraphe 24,
quatrième ligne, au bout de la ligne, après le mot: public, du
gouvernement, à ajouter, et le reste est tel quel.
Quant à résumer ce mémoire, il est
déjà, vous savez, relativement court, je ne puis faire mieux que
de parcourir avec vous, si vous voulez, en quelques instants, le
résumé que vous trouvez à la page 6, il n'y a pas de
pagination, mais enfin, c'est la suivante de la page 6, page 7 alors,
devrais-je dire. Le mémoire justifie l'inscription de
l'assurance-santé au programme de sécurité sociale. Il
donne les raisons d'ajouter l'assurance-médicale à
l'assurance-hospitalisation. Il affirme qu'elle contribuerait à
réduire le coût de l'hospitalisation et indique par quels moyens
et à quelles conditions. Le mémoire prévoit une demande
accrue des soins médicaux et ce, de façon permanente. Il favorise
la pratique d'équipe, préconise un régime volontaire et
suggère de l'établir progressivement, en plusieurs phases d'une
année chacune.
L'auteur est opposé à l'établissement de frais de
dissuasion et il présume que les médicaments brevetés ne
seront pas fournis par le régime. Il reconnaît des avantages
indéniables au salariat, pour lequel la mentalité médicale
n'est pas prê- te. Reste la rémunération à l'acte,
d'après un tarif calqué sur celui des honoraires versés
pour des soins comparables par la Commission des accidents du travail. L'auteur
souhaite que le régime soit placé sous l'autorité d'une
commission, avec représentation du public, du gouvernement et des
médecins. Là aussi il faudrait ajouter: du gouvernement, comme on
l'a fait il y a un instant. Je suppose que vous avez pris connaissance des
recommandations à la page suivante. Alors je suis à la
disposition du comité pour répondre aux questions qu'on voudrait
me poser.
M. RENAUD: Docteur, vous préconisez un régime
financé par le fonds consolidé des revenus de la province.
Avez-vous pensé à ce qu'une partie du fonds pourrait être
financée par des contributions des malades, ou enfin, des citoyens de la
province...
M. GILBERT: Oui.
M. RENAUD: ... dans le système d'assurance maladie?
M. GILBERT: Evidemment que j'y ai pensé, mais comme
l'assurance-hospitalisation est déjà financée
d'après ce mode auquel je fais allusion, il est douteux que le
gouvernement change et adopte un mode différent pour un régime
qui s'y apparente assez étroitement.
M. VAILLANCOURT: Docteur Gilbert, selon l'Association des hôpitaux
du Québec, dans leur mémoire à notre comité,
l'instauration d'un régime d'assurance-maladie couvrant les soins
médicaux contribuerait à augmenter le nombre d'hospitalisations.
Qu'en pensez-vous, docteur?
M. GILBERT: Je regrette, je suis d'une opinion tout à fait
opposée. J'ai indiqué, je crois, dans mon mémoire, qu'il y
a des moyens qui, d'une part, permettraient d'améliorer la
qualité des soins rendus par les omnipraticiens et si les
services auxiliaires hospitaliers sont approuvés au complet sur
l'assurance-hospita-lisation , qui permettraient de réduire
considérablement le nombre de malades hospitalisés. Selon
l'opinion de gens du métier, je veux dire de personnes qui ont
passé leur vie dans les hôpitaux, on pourrait libérer 50%
des malades hospitalisés, en approuvant les services de laboratoire et
de radiologie pour patients externes sous l'assurance-hospitalisation et en
obtenant plus de lits pour malades chronique et convalescents.
M. MARLER: Docteur, je trouve un peu diffi-
cile de reconcilier le fait que, si vous préconisez le paiement
des soins médicaux à même le fonds consolidé, vous
parliez encore du volontariat. Je ne vois pas de quelle façon les deux
idées peuvent se marier. Si, évidemment, on suppose le paiement
d'une prime quelconque, là, je comprends que ça peut s'accorder
avec l'idée de volontariat, mais, si le gouvernement doit payer les
frais à même le fonds consolidé cela veut dire, il me
semble, qu'on ne peut pas faire de distinction.
M. GILBERT: Je crois que, même s'il y avait une cotisation ou
prime quelconque, le régime pourrait quand même être offert
sous forme de volontariat. Evidemment, la contribution se trouverait
obligatoire, puisque toute la population serait obligée d'y participer.
Mais disons, par les taxes, que ça pourrait se marier. Si le
régime est financé à même le revenu
consolidé, tout le monde y contribue obligatoirement par les taxes, mais
tout le monde n'est pas obligé de se faire soigner sous le
régime.
M. TARDIF: Docteur, si mes informations sont justes, je pense que tous
les médecins pratiquants font observer qu'ils ont ce qu'ils appellent
des malades plutôt difficiles à satisfaire, des malades qui se
cherchent des maladies, même, dans certains cas. Ne croyez-vous pas que
si les futurs malades n'ont rien à payer, il y ait un abus assez
prononcé de ce côté-là?
M. GILBERT: Il est évident que l'instauration d'un tel
régime exigerait un assez gros travail d'éducation,
éducation populaire, afin que la masse soit incitée à ne
pas abuser du régime inutilement, surtout à ses débuts.
Education aussi professionnelle, afin que les membres de la profession
médicale, dans le sens large du mot, n'entreprennent pas plus de travail
qu'ils n'en peuvent faire, très bien.
M. THEBERGE: Docteur Gilbert, vous mentionnez aux paragraphes 23 et 24
que vous êtes en faveur de la formation d'une commission, afin d'enlever
l'ingérence gouvernementale. Pourriez-vous expliciter vos idées
là-dessus?
M. GILBERT: J'ai mentionné, si je me souviens bien, qu'il est
tradionnel de considérer une commission comme étant
indépendante, ou, si vous voulez, libre d'ingérence
gouvernementale, mais ce n'est pas la seule raison, si vous avez
remarqué, pour laquelle je recommande ce genre d'administration. Je
signale, en particulier, qu'une commission partage les responsabilités
au lieu de les laisser reposer sur les épaules d'un seul homme, d'un
directeur.
M. THEBERGE: Oui, vous placeriez la même chose,
l'assurance-hospitalisation sous la même commission?
M. GILBERT: Je dis à l'article 24: Il pourrait y avoir
intérêt. Personnellement, je le pense parce que c'est difficile de
s'imaginer que quelqu'un pourrait, disons par exemple, se faire une
légère fracture du poignet en tombant dans l'escalier de son
domicile et qu'alors son cas soit administré par un organisme
quelconque. S'il se fait la même fracture dans l'escalier de l'usine,
cela va être administré par un autre organisme et si, par hasard,
il faut qu'il entre à l'hôpital pour le traitement en question,
cela serait un troisième organisme, je doute beaucoup qu'on tienne
à compliquer les structures administratives à ce point.
M. COLLARD: Docteur, au paragraphe 9, il est mentionné que des
malades hospitalisés pourraient être soignés comme patients
externes et, un peu plus loin, vous dites que cela rendrait la pratique plus
scientifique et améliorerait considérablement la qualité
des soins. Est-ce qu'également cette méthode diminuerait le
coût ou serait plus économique?
M. GILBERT: Cela dimunuerait le coût considérablement,
parce que ce qui coûte cher, c'est le traitement d'un malade qui est
hospitalisé. Comme je le disais tantôt, il y a une très
grosse proportion on m'a même dit que dans certain service de
médecine cela s'élevait jusqu'à 60%, je ne l'ai pas mis
dans mon mémoire une grosse proportion de malades sont
hospitalisés et qui pourraient être diagnostiqués et
traités comme patients ambulants, à un prix de $5, disons, du
traitement, tandis qu'une fois hospitalisés, cela dépend du per
diem de l'institution, cela peut s'élever jusqu'à $30 par
jour.
M. MARLER: J'ai un peu l'impression, docteur, que, si l'on accordait
gratuitement tous les services que vous êtes obligés de payer
actuellement aux cliniques externes, cela augmenterait la dépense mais
en même temps que cela augmenterait l'efficacité de l'emploi et de
l'usage des lits. Je ne suis pas convaincu que cela veut dire qu'il y aura des
lits vacants à l'hôpital. Je pense qu'il y aura peut-être
une occupation plus intensive. Mais le fait d'ajouter des services gratuits, il
me semble que nécessairement, évidemment des services
actuellement payés par le public, si le gouvernement s'en charge, cela
va augmenter les dépenses fatalement. N'êtes-vous pas
d'accord?
M. GILBERT: Oui, d'accord, de la part du gouvernement. Mais le
gouvernement va prendre à sa charge des dépenses qui sont
actuellement effectuées largement par le public. Tout ce que
coûtera une...
M. MARLER: Oui, c'est vrai.
M. GILBERT: ... tout ce que coûtera une assurance-maladie ne sera
pas constitué de dépenses nouvelles...
M. MARLER: Non, je suis d'accord.
M. RENAUD: Docteur, aux paragraphes 18, 19, 20 et 21 de votre
mémoire, vous parlez du mode de rémunération des
médecins. Et vous semblez préconiser que les médecins
devraient travailler sur une base de salaire. Croyez-vous que cela serait
facile d'amener les médecins à travailler sur une base de salaire
avec ce que nous connaissons aujourd'hui? Ce serait changer les habitudes.
M. GILBERT: Si vous vous souvenez, j'ai nuancé un peu ma
pensée, j'ai signalé que la mentalité de la profession,
présentement, ne semble pas être prête pour cela. En
dépit des avantages d'ordre médical et évidemment des
très grands avantages d'ordre populaire. Je veux dire pour les patients
eux-mêmes, pour les malades eux-mêmes.
M. RENAUD: Quant aux médecins, avec la grande expérience
que vous avez, est-ce que vous croyez que ce serait facile de soumettre aux
médecins dans un système d'assurance-maladie, de leur demander de
travailler sur une base de salaire?
M. GILBERT: Non, je crois même que ce serait commettre une erreur
que de la leur imposer, mais je crois que la mentalité médicale
évolue dans cette direction. La mentalité des dirigeants
également, étant donné la tendance socialisante qu'on
remarque de plus en plus dans l'administration des pays dans le monde, le
nôtre comme les autres, de sorte que graduellement la proportion des
médecins qui sont salariés déjà et qui est
très élevée, va continuer à augmenter parce que
c'est une proportion croissante. Elle était de 41.2 en 1961, elle est
rendu à 43.5 de gens qui sont salariés soit à temps
complet soit à temps partiel, 60% à temps complet, 40% à
temps partiel. Tous ces gens-là n'ont pas peur du salaire et il en est
d'autres qui ne sont pas salariés et qui m'ont exprimé à
moi, leur opinion à l'effet qu'ils seraient satisfaits de
l'être.
Evidemment, il y a des conditions, mais vous avez peut-être pris
connaissance de certains chiffres. C'est ainsi qu'en Saskatchewan, en
l'année 1964, la moyenne des salaires pour les
généralistes fut de $30,000 et pour les spécialistes de
$38,000. Si vous faisiez un référendum parmi la profession
médicale pour leur proposer des salaires de cet ordre, j'ai l'impression
que ça pourrait sourire à pas mal d'entre eux.
M. ASSELIN: Est-ce que ce sont des salaires réellement ou si
seulement....
M. GILBERT: Non, non des honoraires...
M. ASSELIN: Ils sont payés à l'acte médical.
M. GILBERT: Payés à l'acte.
M. ASSELIN: Il y a une différence.
M. GILBERT: Ah mais oui, je comprends ce que vous voulez dire mais
ça ne fait rien. Si les gens étaient salariés avec des
chiffres de cet ordre ils n'auraient pas objection à toucher un salaire
de préférence à des honoraires.
M. RENAUD: Est-ce qu'en Saskatchewan ils sont payés à
salaire? Ils sont payés à...
M. GILBERT: A l'acte.
M. RENAUD: ... à l'acte médical.
M. GILBERT: Ils sont à l'acte. Je me suis peut-être
trompé quand j'ai dit la moyenne des salaires, ce n'est pas ça
que je voulais dire, je voulais dire la moyenne des revenus, je m'excuse.
M. RENAUD: Mais ce qui me surprend beaucoup je prends
évidemment votre parole c'est qu'il y ait 43.5% des
médecins dans la province de Québec qui soient sur une base de
salaire.
M. GILBERT: J'avais déjà lu dans un article, il y a pas
mal de temps, que la proportion était de 30%. Comme j'avais de la
difficulté à trouver ma référence pour venir
appuyer mon mémoire devant vous, j'ai communiqué avec le
Collège des médecins, le service de recherche a fait
séance tenante, à ma demande, une estimation basée sur
l'étude de 3,000 médecins sur ces 1,900, donc trois
septièmes, c'est un gros échantillon, très
représentatif, et on a trouvé en extrapolant, en estimant ce que
cela
serait pour l'ensemble de la profession, 43.5% de salariés
actuellement dans la profession.
M. RENAUD: Parmi ces salariés il y a des médecins qui,
tout en recevant des salaires en même temps pratiquent, ils sont
payés à l'acte médicale. Prenez par exemple une compagnie
d'assurance. Elle peut engager un médecin, il est sur une base mensuelle
ou peut-être sur une base d'unité d'examen, mais, par ailleurs il
pratique.
M. GILBERTS Les temps partiels touchent une partie de leur revenu sous
forme de salaire et l'autre partie sous forme d'honoraires.
M. RENAUD: Alors pour éclairer votre énoncé, 43.5%
sont ceux qui reçoivent des salaires?
M. GILBERT: Des salaires soit à temps complet, soit à
temps partiel.
M. RENAUD: Soit à temps complet, soit à temps partiel.
M. GILBERT: Trois cinquièmes, complet; deux cinquièmes,
partiel.
M. CLOUTIER: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire, docteur, que le
choix de rémunération pour le médecin devrait être
discuté ou à faire individuellement, à chaque
médecin, soit l'acte médical ou le salariat?
M. GILBERT: Pour des raisons d'ordre psychologique, je ne parlerais
jamais de salariat au début d'un régime comme celui-ci. Il y a
déjà assez de bouleversements que ça amène; mais
petit à petit, les choses vont se tasser et j'ai l'impression que, de
plus en plus, la mentalité médicale s'orientera vers
l'idée du salariat.
M. CLOUTIER: Vous dites qu'au début du régime, vous ne
seriez pas en faveur de parler immédiatement de salariat. Est-ce que,
dans cet énoncé, dans cette affirmation, docteur, vous tenez
compte du nombre d'heures que les médecins doivent consacrer à la
pratique? Et je m'explique en disant que, si c'est une base à salariat,
vous craindriez que le nombre d'heures consacrées par les
médecins ne diminuent pas au lieu d'augmenter alors que la demande va
augmenter, elle?
M. GILBERT: Evidemment, on peut s'attendre à ce que l'exercice de
la médecine sur une base de salaire prenne une tournure
légèrement différente de ce qu'elle est sur la base
d'honoraires. Je pense aussi que l'on peut faire confiance en la profession et
affirmer que les médecins ont assez de conscience professionnelle pour
donner les meilleurs soins dont ils sont capables, quel que soit le mode de
distribution et de rémunération de leurs soins. Quant aux
exceptions, s'il y en a, il vaudrait aussi bien ne pas leur demander de soigner
les malades.
M. ASSELIN: Dr Gilbert quand vous parlez de salaires, de salariat,
voulez-vous dire une rémunération déterminée du
type qui a tant par mois ou tant par année ou tant par jour, comme un
fonctionnaire, par exemple? Est-ce que c'est cela que vous voulez dire ou bien
si c'est une rémunération à tant de l'acte?
M. GILBERT: Non, non, quand il est question de salaire ce n'est plus une
question de rémunération à l'acte. Ce serait sur une base
de traitement.
M. ASSELIN: Tant par jour, tant par mois, tant par année, comme
un fonctionnaire ordinaire?
M. GILBERT: C'est ça.
M. ASSELIN: Vous trouveriez ça désirable?
M. GILBERT: Il y en a déjà énormément, vous
voyez que le mémoire le dit, d'ailleurs. Il y a à cette
proportion de 43.5%. Vous ne les trouvez pas seulement dans les Compagnies
d'assurance.
Permettez que je retrouve ce passage. C'est à la page 5, au
paragraphe 19, au service de la santé publique, au service de
l'armée, au service d'industries, de compagnies d'assurance,
d'organismes bénévoles de santé, de l'enseignement, de
certains départements hospitaliers.
M. MARLER: Docteur, ne faut-il pas faire distinction entre le cas
où le médecin salarié relève d'un employeur qui
peut en somme exercer une certaine surveillance sur l'activité du
médecin salarié et le cas où le médecin, en somme,
n'a pas d'employeur direct? C'est vrai qu'il sera payé par l'Etat, mais
j'ai bien l'impression que le médecin qui sera à salaire, rendu
à la fin de la journée, s'il est appelé par un patient
pour aller assez loin, dans des conditions un peu désagréables,
il pourra dire; Non, j'irai demain. Tandis que s'il est payé à
l'acte, j'ai bien l'impression je ne vise pas les méde-
cins en particulier mais je pense que la nature humaine saura se
laisser attirer par le fait que vous recevrez une compensation directe pour le
service que vous serez appelé à rendre.
M. GILBERT: Tout ce que vous dites là est parfaitement vrai,
surtout si l'on considère la génération présente de
médecins qui a été habituée à exercer avec
rémunérations à l'acte. Mais, la modification s'accentuera
avec les années et avec les générations suivantes. J'irais
plus loin, je dirais qu'il me paraît, à moi, souhaitable que
l'ensemble des soins médicaux hospitaliers, éventuellement
je ne le verrai pas, éventuellement devienne une entreprise non
lucrative.
M. MARLER: Je suis sûr que ça n'arrivera pas de mon temps,
docteur.
M. GILBERT: Non, mais ça se justifie. Prenez une station de
pompiers, elle n'est pas établie pour faire de l'argent; elle est
établie pour éteindre le feu. La maladie aussi, c'est un incendie
qu'il faut éteindre au plus vite. Et Dieu sait qu'il y a plus
d'incendies chez les pauvres que chez les riches, qu'il s'agisse de leur maison
ou de leur santé.
M. RENAUD: Mais, docteur, pour les pompiers il y a des
différences de salaires en ce qui concerne la séniorité.
Mais, quand on arrive dans le domaine des médecins, c'est une question
de compétence, n'est-ce-pas? Une question d'expérience.
M. GILBERT: Là où il y a exercice...
M. RENAUD; Comment pourriez-vous établir une échelle de
salaire entre un jeune médecin qui commence, celui qui a une plus grande
expérience, entre un grand spécialiste, un omnipraticien, ou
enfin un acte médical qui demande moins de responsabilité, ou
enfin, moins de compétence qu'un autre acte médical? Toutes ces
distinctions doivent se faire dans le domaine médical.
M. GILBERT: Tout ceci se fait dans presque tous les pays du monde, sauf,
les Etats-Unis, l'Australie et le Canada. Et, même, il n'est pas besoin
d'aller aussi loin, prenez à New York, vous avez ce qui s'appelle le
Health Insurance Plan of Greater New York, qui est organisé par le
service municipal de cette grande cité, pour ses employés et les
membres de leurs familles. L'exercice de la médecine se fait par des
équipes médicales qui sont ré- munérées sur
une base de salaire, et il y a un système de promotion,
d'évaluation de la qualité des soins et ça fonctionne
très bien. D'ailleurs ç'a été institué par
le maire La Guardia, il y a déjà plusieurs années et
ça dure encore.
M. TREPAN1ER: Dr Gilbert, au paragraphe 13 de votre rapport, vous
mentionnez que la pratique d'équipe en milieux hospitaliers a
donné de très bons résultats et vous ajoutez que cette
pratique d'équipe devrait également se faire en dehors de
l'hôpital. Est-ce que vous croyez que cette pratique d'équipe en
dehors de l'hôpital pourrait être réalisée seulement
sur l'initiative des médecins eux-mêmes ou autrement?
M. GILBERT: Avec le temps, il se ferait beaucoup de médecine en
dehors de l'hôpital mais dans des espèces de polycliniques. Ces
polycliniques pourraient s'établir sous l'inspiration du gouvernement,
mais le personnel qui y donnerait des soins, eh bien, ce seraient des
médecins de l'entourage.
M. TREPANIER: Autrement dit, le gouvernement se trouverait à
équiper un certain nombre de médecins, quoi?
M. GILBERT: Je crois que cela peut se faire, cela se fait ailleurs.
M. TREPANIER: Mais en fait ce serait d'après l'initiative des
médecins eux-mêmes?
M. GILBERT: Là où la chose est possible la pratique
d'équipe a eu tendance à s'organiser. Là où elle
n'est pas organisée, c'est parce qu'elle est difficile. S'il n'y a
seulement qu'un ou deux médecins on ne peut pas songera organiser une
pratique d'équipe. Surtout avec le sens que j'ai donné à
cette notion d'équipe médicale.
M. TREPANIER: C'est cela, oui. M. GILBERT: ... avec les diverses...
M. TREPANIER: ... distinguer avec un groupe de médecins qui
pratiquent ensemble.
M. GILBERT: C'est cela. Autrement dit, c'est quelque chose qui serait
souhaitable en autant qu'elle est applicable. N'oubliez pas qu'il a
déjà été mentionné que 66% des
municipalités de la province n'ont qu'un médecin ou pas de
médecin. Bien dans ce temps-là on ne peut pas avoir
d'équipe. Ce serait en somme un système
d'organisation assez restreint par la force des choses.
M. TREPANIER: Maintenant plus loin, aux paragraphes 14, 15 et 16, vous
parlez de certaines étapes dans l'instauration d'un régime
d'assurance-maladie et vous mentionnez des étapes assez
rapprochées. Alors quels seraient donc les avantages qui
résulteraient, étant donné que les étapes sont
tellement rapprochées, seulement une année d'intervalle?
M. GILBERT: Cependant, ces étapes sont plus
éloignées que celles que le gouvernement semble se proposer
d'établir, parce que, si je ne me trompe, on s'est à peu
près engagé à donner l'assurance-santé
complète pour le premier juillet 1967. Alors que le gouvernement
fédéral est prêt à considérer comme universel
un régime qui protègerait 95% de la population, en trois ans, au
bout de trois ans. Pourquoi alors ne pas profiter de ce délai qui nous
habitue à la dépense et à l'organisation nécessaire
et commencer le premier avril les assistés sociaux, disons au bout d'un
an les enfants, au bout d'une autre année les vieillards et finalement
à la troisième année, disons le premier juillet 1969,
1966-1969 je dis bien, les autres? Ces délais-là sont assez
raisonnables.
M. TREPANIER: Vous ne voyez pas d'autres avantages spécifiques
sauf que celui de suivre cette suggestion-là?
M. GILBERT: Oui et ensuite cela permet d'éviter la grande erreur
qu'a commise la National Health Service, en Grande-Bretagne, alors que, le 5
juillet 1948, du soir au matin, il ont établi un régime nouveau
et complet, et cela a créé un fouillis inextricable. Tandis que
si l'on procède par étapes comme cela, cette progrestion facilite
l'instauration du régime.
M. RAYMOND: Docteur Gilbert, seriez-vous en faveur que les
médicaments soient payés dès le début?
M. GILBERT: De façon idéale, oui. Parce que si l'on donne
des soins à quelqu'un et que, pour une raison d'ordre pécuniaire,
les gens ne peuvent se procurer les médicaments dont ils ont besoin, eh
bien mon Dieu, le traitement a peu de valeur. D'un autre côté, il
ne faut pas oublier ce que cela coûte tout cela. Ce serait aussi une
autre manière d'établir le régime progressivement, de ne
pas nécessairement approuver les médicaments dès le
départ, d'y arriver par la suite.
M. RAYMOND: Et en médicaments vous entendez, médicaments
prescrits seulement?
M. GILBERT: Ah oui, bien sûr. Si vous avez remarqué j'ai
formulé l'espoir que les médicaments brevetés en
particulier soient rejetés complètement. Un point capital, c'est
le fameux ticket modérateur qui est recommandé dans certains
milieux pour éviter des abus. Il serait applicable, en principe,
là où il y a le plus de danger d'abus et c'est du
côté des médicaments qu'on peut le craindre. D'un autre
côté, un ticket modérateur, disons qu'il serait $1 par
ordonnance. Cela ne fera pas grand chose aux gens aisés de le payer.
Cela va faire mal aux gens pauvres de le payer. De sorte que cela va être
quelque chose qui va enlever de la valeur prophylactique au régime et
qui va jouer surtout sur les pauvres, contre les pauvres, devrais-je dire. De
sorte que, malgré que je connaisse la nature humaine, je crois que, de
façon idéale, il vaudrait mieux n'en point avoir mais je ne suis
pas prêt à recommander tout de même qu'on approuve les
médicaments dès le début, sans restriction.
M. BOUDREAU: Mais, docteur, dans toutes ces étapes que vous
mentionnez, c'est toujours basé sur le paiement de tout cela par le
fonds consolidé de la province, n'est-ce-pas?
M. GILBERT: Oui.
M. BOUDREAU: Est-ce que vous n'avez pas envisagé le paiement
contributoire de tous les citoyens à cette...
M. GILBERT: ... si vous voulez bien...
M. BOUDREAU: ... moi, j'approuve cela l'affaire d'étapes, par
étapes là.
M. GILBERT: Oui.
M. BOUDREAU: Je suis en faveur de cela. Seulement j'imagine mal que ce
soit payé par le fonds consolidé de la province.
M. GILBERT: Si vous voulez bien regarder à la page 4, le
paragraphe 14, vous allez voir que j'ai cru qu'il ne serait pas sage de ma part
de poursuivre mes réflexions dans les avenues parcourues par le
comité d'étude. Vous avez eu là un comité qui avait
à sa disposition toutes les ressources possibles et qui était
formé surtout de comptables et d'actuaires et d'économistes. Eh
bien, eux, se sont appliqués à étudier les modes de
financement. Moi je n'ai pas approfondi cette question-là. Je peux bien
avoir des préférences personnelles, mais s'il est quelque chose
dans un régime d'assurance-maladie qui ne relève pas des
médecins, mais des dirigeants, c'est bien le mode de financement.
M. MARLER: Le mode de financement dépendra dans une très
grande mesure de la nature des soins que nous allons donner gratuitement.
M. GILBERT: Oui.
M. MARLER: Par exemple, docteur, vous parlez de faire des distinctions
peut-être selon l'âge des assurés. Si par exemple nous
faisons abstraction des gens âgés, disons de plus de 60 ans, c'est
impossible de demander à ces gens-là de payer des primes sous
forme de taxes. Vous ne pouvez pas dire: Vous allez payer pour, sans avoir
quelques avantages et donc c'est une raison pourquoi il faut songer
peut-être à un système universel, au début en
créant, en faisant des étapes dans la couverture plutôt que
dans les couches de la population que vous allez assurer.
M. GILBERT: Je n'ai pas de commentaires à ajouter, je suis en
principe d'accord avec vous sur ce point-là.
M. RENAUD: Tout le monde, mais pas pour tout.
M. BOUDREAU: Moi je serais en faveur que ça s'applique à
tout le monde. Tous contribueraient à ce moment-là.
M. GILBERT: Oui ça viendra assurément avec un peu de
temps.
M. TARDIF: Je pense que l'idée d'échelonner ça sur
quelques années, ça mérite d'être
considéré, et même appliqué.
M. GILBERT: Il ne faut pas prendre des bouchées...
M. RENAUD: S'il fallait mettre des restrictions sur la couverture
qu'est-ce que devrait à votre avis constituer l'essentiel, qui devrait
être donné dans un système d'assurance-maladie?
M. GILBERT: Je ne conçois pas très bien, à
l'instant même, des soins qui devraient être exclus, je crois qu'il
faudrait s'en remettre à l'opinion médicale pour juger si tel
soin est requis pour le recouvrement de la santé de telle personne ou
non. C'est ce qui se fait d'ailleurs déjà à
l'assurance-hospitalisation, c'est l'opinion médicale qui décide
qu'une personne doit être hospitalisée et qu'après ce long
traitement, elle doit être retournée chez elle. Il faudrait faire
la même chose, je pense bien, en matière de soins
médicaux.
M. RENAUD: Merci.
M. LE PRESIDENT: Docteur Gilbert, croyez-vous que chaque omnipraticien
pourrait disposer d'un bureau, à l'hôpital, pour y traiter les
malades externes?
M. GILBERT: Je ne pense pas, je pense que en somme vous faites allusion
à la possibilité d'avoir ce que l'on appelle des hôpitaux
ouverts où d'autres praticiens pourraient être admis pour soigner
leurs propres malades. En principe, c'est vrai ça; en pratique, ce n'est
pas possible, parce que l'hôpital est responsable de la qualité
des soins qui s'y donnent et je ne vois pas que la direction d'un hôpital
puisse comme cela assumer une telle responsabilité sans s'assurer des
qualifications de ceux qui sont admis à soigner dans cette institution.
Et c'est encore plus vrai et plus rigide, quand il s'agit d'hôpitaux
affiliés à des facultés de médecine où se
font en même temps de l'enseignement et de la recherche.
M. LE PRESIDENT: Avez-vous d'autres questions, messieurs, à poser
au docteur Gilbert?
M. TREPANIER: Seulement une. Docteur Gilbert, vous parlez
d'étapes dans l'application du régime concernant le champ
d'application, c'est-à-dire la population qui devrait être
protégée progressivement à différents secteurs
à la fois. Je ne me rappelle pas de l'avoir lu dans le mémoire,
est-ce que vous recommandez également une réalisation par
étape dans la couverture des soins?
M. GILBERT: Je ne crois pas saisir très bien le sens...
M. TREPANIER: C'est-à-dire, est-ce que vous considérez que
le régime d'assurance-maladie devrait couvrir tous les besoins, y
compris soins médicaux, remèdes, le dentiste, etc.?
M. GILBERT: Je ne crois pas qu'il me soit possible de répondre
catégoriquement à votre question, parce que il est quand
même des méthodes thérapeutiques qui sont tellement
onéreuses que, même sous le signe de la médecine
privée à honoraires, l'on s'en prive volontiers. Je fais allusion
par exemple aux longues et nombreuses séances de psychanalyse
établies, réparties sur une période d'années. Cela
coûte une fortune, je pense bien qu'il y aura comme ça, certains
genres de soins qui auront besoin d'être restreints, c'est possible.
On a eu quelque chose du genre en matière
d'assurance-hospitalisation. Je ne sais pas ce qui se passe
présentement, mais pendant un temps en tout cas on n'approuvait pas la
chirurgie esthétique, on approuvait la chirurgie réparatrice,
vous comprenez la différence. Etes-vous médecin?
M. TREPANIER: Non.
M. GILBERT: Vous comprenez la distinction...
M. TREPANIER: Quand même.
M. GILBERT: ... que je veux faire! Il y a ceux qui veulent se faire
redresser le nez, etc., ça coûte si peu cher d'éteindre la
chandelle au lieu de la redresser.
M. LE PRESIDENT: Docteur Gilbert, je vous remercie au nom des membres du
comité conjoint, de la manière dont vous avez répondu aux
questions et surtout des réponses très adéquates que vous
avez données aux questions qui vous ont été posées.
Merci docteur.
Demain matin, à dix heures et trente, la Corporation des
biochimistes des hôpitaux du Québec, mémoire No 19, et
aussi le Collège des chiropracticiens de la province de Québec,
le numéro 25. La séance est ajournée.
(à suivre)
Séance du 30 mars
(Dix heures quarante de l'avant-midi)
M. MARLER (Président du comité de l'assurance-maladie): A
l'ordre, messieurs, s'il vous plaît, nous avons quorum.
C'est la corporation des biochimistes des hôpitaux du
Québec qui doit présenter d'abord son mémoire. Voulez-vous
vous identifier, s'il vous plaît.
M. LETELLIER: Docteur Letellier, Prési- dent de la
corporation.
M. LE PRESIDENT: Et ceux qui vous accompagnent?
M. LETELLIER: Docteur Roméo Soucy, au conseil d'administration
à magauche; le docteur D.-B. Tonks qui est aussi au conseil
d'administration et nous avons amené avec nous comme observateur, et
à titre de Président de la corporation des chimistes
professionnels du Québec, le docteur Papineau Couture, à ma
droite.
M. LE PRESIDENT; Alors, voulez-vous nous donner un résumé
de votre mémoire?
M. LETELLIER: Certainement. M. le Président, messieurs les
membres du comité, dans le mémoire que nous vous avons remis,
nous avons insisté sur des principes généraux
définissant les biochimistes des hôpitaux, parce que, croyant que
c'est une science très récente, très nouvelle dans les
hôpitaux de la province que la biochimie, nous avons cru bon de nous
faire connaître un peu en définissant tant notre rôle que le
rôle que nous jouons dans les hôpitaux aujourd'hui. Nous avons
différentes sections, une première qui définit la
chimie-clinique et donne l'évolution de celle-ci dans les
dernières années, pas seulement au Canada mais à travers
le monde et aussi un aspect plus important, c'est la disponibilité des
biochimistes-cliniques dans nos hôpitaux.
Evidemment, nous tenons aussi à un aspect de la formation du
biochimiste au stade universitaire et le statut que le biochimiste
possède actuellement dans les hôpitaux est le statut qu'il devrait
posséder à nos yeux. Et les différentes recommandations,
en général, que nous faisons, eh bien, c'est que
premièrement nous constatons que dans les hôpitaux du
Québec, il n'y a que très peu de biochimistes et qu'il existe un
besoin réel dans chaque hôpital pour un tel poste, soit un
biochimiste à plein temps dans les grands hôpitaux ou les
hôpitaux moyens et un biochimiste consultant dans les plus petits
hôpitaux.
Eh bien, si on regarde à l'addendum que nous avons annexé
à notre mémoire, qui est un article très
intéressant du docteur Coutu, doyen de la faculté de
médecine, on découvre qu'il y a environ une cinquantaine de
biochimistes pour 280 hôpitaux privés et publics dans la province.
Evidemment, dans ces 280 hôpitaux, il y en a qui n'auraient besoin que
d'un consultant, mais, une grande partie d'entre eux manquent quand même
de biochimistes; surtout si l'on considère le fait que, dans les plus
grands hôpitaux, nous sommes très souvent deux biochimistes alors
même que, dans certains endroits, nous devrions être trois ou
plus.
Alors, ce manque actuel de biochimistes dans les hôpitaux, peut
être attribué à certains faits. Il faudrait peut-être
reviser le statut du biochimiste, toujours dans le complexe d'un plan
d'assurance-santê. Le biochimiste, ou le laboratoire en
général et la section de biochimie dans les laboratoires, vont
évidemment prendre de l'ampleur. Nous allons en parler un peu plus tard.
Eh bien, si tel est le cas, le statut du biochimiste devrait être
revisé; et, s'il est revisé, nous devrions être
considérés, nous les biochimistes, non pas comme des
para-médicaux, au sens du mot comme on l'entend actuellement, mais comme
faisant partie du personnel médical de l'hôpital. Parce que
là, il n'y a pas seulement des médecins qui font partie du
personnel médical dans un hôpital, exemple, les dentistes en font
partie, ils sont considérés comme des membres du personnel
médical d'un hôpital. Si tel est le cas, le sort du biochimiste ne
devrait pas être discuté avec l'Association des hôpitaux du
Québec, mais directement, à nos yeux, avec le gouvernement, par
l'intermédiaire de la Corporation des chimistes professionnels qui nous
représente et dont nous faisons une partie dans un tout.
Nous considérons également que le biochimiste, avec ses
longues années d'études en chimie, est l'homme qualifié
pour diriger un laboratoire ou un service de biochimie, ou un laboratoire
spécialisé de chimie clinique, soit endocrinologie, physiologie,
cardiologie ou autres; et nous recommandons, comme principe
général, que la chimie ne soit exercée que par un chimiste
professionnel, tel que le demande le Bill 106, un bill privé, instituant
la Corporation des chimistes professionnels du Québec en profession
fermée. Alors, considérant qu'il y a un manque de biochimistes
cliniques dans la province et les administrateurs des hôpitaux
peuvent le confirmer facilement il y a beaudoup d'hôpitaux
actuellement qui sont à la recherche de
biochimistes, et ce qu'il y a de malheureux c'est qu'on a
constaté que depuis quelques années, le nombre de biochimistes
allait en augmentant, mais, depuis une couple de mois, on a remarqué
qu'il semble y avoir une tendance inverse. Plusieurs de nos membres ont
quitté les hôpitaux pour l'industrie, l'enseignement ou d'autres
services. Alors, pour remédier à une telle chose, il faudrait
faciliter l'accès à de telles études universitaires, et
prendre les moyens pour attirer du personnel qualifié dans la
profession. Il faut surtout éviter, évidemment, que les
biochimistes qui sont formés aussi aux frais de la province, quittent le
Québec pour offrir leurs services à l'étranger.
Comme moyens à prendre, nous recommandons, premièrement,
un statut égal dans l'hôpital à celui de leurs
confrères, pathologistes, bactériologistes,
hématologistes, et c'est l'avis du docteur Lucien Coutu, qui, dans son
article de L'Hôpital d'aujourd'hui, mentionne, à la page 24, qu'il
soit médecin ou non, le biochimiste doit être
considéré à l'égal de ses confrères des
autres disciplines Il a donc droit aux mêmes égards et aux
mêmes privilèges que ces derniers.
Deuxièmement et nous ne faisons qu'effleurer la question
ici des salaires à un niveau raisonnable et comparable à
celui des autres disciplines professionnelles du laboratoire et,
troisièmement, pour intéresser ces gens qui ont sept ou huit
années de formation universitaire, les intéresser à venir
faire de la chimie clinique et, dans leur intérêt, leur permettre
de faire de la recherche, mais de la recherche non pas fondamentale, de la
recherche d'aspect clinique, amélioration de techinique de laboratoire,
collaboration avec des médecins dans des problèmes de recherche
dans les hôpitaux, et, cela, pour l'intérêt des biochimistes
et aussi, pour le bien-être des patients de nos hôpitaux. Ceci est
le résumé du mémoire que nous vous présentons.
M. RENAUD: Il y a cinquante biochimistes dans nos hôpitaux,
à peu près, dans la province de Québec?
M. LETELLIER: Oui. Ici, le Dr Coutu mentionne c'est un article
écrit l'an dernier qu'il y avait quarante-cinq biochimistes non
médecins et neuf biochimistes médecins. Mais ces neuf
biochimistes médecins ne sont pas tous dans des hôpitaux. Cela
signifie que ce sont des médecins qui ont leur spécialité
en biochimie. Et j'en connais au moins deux enfin, il y en a un qui est
décédé depuis il y en a deux autres qui sont
à l'Université de Montreal. Alors, il y a à peu
près cinq ou six médecins qui ne sont pas dans les hôpitaux
mais seulement trois à ma connaissance qui agissent dans les
hôpitaux comme biochimistes proprement dit. Et dans notre corporation,
nous sommes une quarantaire de membres. Comme je l'ai mentionné tout
à l'heure, malheureusement, depuis un mois et demi, quatre biochimistes
se sont retirés du domaine hospitalier pour aller dans un autre
secteur.
M. RENAUD: Combien de membres avez-vous dans la corporation, en tout et
partout?
M. LETELLIER: Actuellement, nous sommes trente-neuf membres dans la
corporation.
M. RENAUD: Trente-neuf dans la corporation.
M. LETELLIER: Oui, des biochimistes qui couvrent à peu
près tous les biochimistes. Il y en a seulement quelques-uns qui ne sont
pas membres de la corporation... Deux ou trois.
M. RENAUD: Ils ne sont pas tous médecins?
M. LETELLIER: Non. Au contraire, la grosse majorité des
biochimistes dans notre corporation sont des non médecins. Dans notre
corporation, nous n'avons qu'un biochimiste médecin. C'est un
médecin qui s'est spécialisé et qui a obtenu son
baccalauréat en chimie et qui pratique dans un hôpital.
M. RENAUD: Vous dites que cela en prendrait combien pour couvrir les
hôpitaux de la province?
M. LETELLIER: Actuellement, disons qu'il y a au moins une quinzaine de
postes d'ouverts de façon active où on recherche activement un
biochimiste, mais il y a au moins une cinquantaine d'autres hôpitaux qui
en auraient besoin d'un pour le bon fonctionnement des laboratoires de ces
hôpitaux et même, d'avantage.
Dans nos 280 hôpitaux, tout hôpital possédant 200 ou
250 lits devrait avoir dans ses laboratoires, un biochimiste à plein
temps et il serait idéal évidemment que la plupart, que tous les
hôpitaux qui ont un laboratoire, aient au moins un biochimiste consultant
une fois par semaine pour solutionner certains problèmes.
M. RENAUD: Vous voudriez pour les biochimistes un statut égal
à celui des autres membres des laboratoires?
M. LETELLIER: Oui.
M. RENAUD: Quel est votre statut exactement dans les hôpitaux?
M. LETELLIER: Actuellement, d'une façon officielle si vous
voulez, nous n'avons pas de statut en soi. Plusieurs biochimistes font partie
du bureau médical de leur hôpital, mais cela varie avec les
hôpitaux. La plupart ne font pas partie du bureau médical et en
plus au point de vue des salaires, nous faisons un travail analogue à
nos autres confrères des laboratoires sans avoir les mêmes
rémunérations et même sans avoir actuellement les
rémunérations qui sont données dans les industries. On a
établi une échelle de salaires c'est une comparaison qui a
été faite il y a quatre ans, elle était assez valable il y
a quatre ans, elle ne l'est plus aujourd'hui, parce que là aussi tout a
changé.
M. RENAUD: Comment se compare les études que vous faites?
M. LETELLIER: On fait...
M. RENAUD: ... avec les autres membres des laboratoires que vous avez
mentionnés?
M. LETELLIER: A peu près le même nombre d'années
d'études. On fait sept à huit années d'études
à l'université. Un baccalauréat ès science qui
prend quatre ans et trois à quatre années de recherches pour la
préparation d'une thèse de doctorat, recherches fondamentales en
général. Souvent aussi plusieurs de nos membres sont
demeurés quelques années à l'université et ils sont
allés poursuivre des études à l'étranger pour se
perfectionner davantage dans leur domaine.
M. CLOUTIER: Quel est le salaire moyen des biochimistes d'hôpitaux
actuellement?
M. LETELLIER: Actuellement, l'échelle des salaires est de $8,500
à $13,500.
M. CLOUTIER: Comment cela se compare-t-il avec les biochimistes de
laboratoires?
M. LETELLIER: Ce sont les biochimistes de laboratoires. Ah! dans
l'industrie?
M. CLOUTIER: Non, parce que dans la recommandation numéro deux
vous demandez des salaires raisonnables et comparables à ceux des autres
disciplines professionnelles du laboratoire...
M. LETELLIER: Du laboratoire, c'est cela.
M. CLOUTIER: Je voudrais savoir la comparaison.
M. LETELLIER: C'est cela, avec les médecins qui sont
affectés à un hôpital parce que nous faisons un
travail dans un hôpital si nous comparons nos salaires à
ceux des médecins qui sont en charge des autres secteurs,
hématologie, bactériologie, et pathologie...
M. CLOUTIER: Oui.
M. LETELLIER: ... l'échelle des salaires est de $12,000 à
$22,000 ou quelque chose du genre.
M. CLOUTIER: $12,000 à $22,000, à comparer avec
$8,000...
M. LETELLIER: Et il y a une autre différence aussi, c'est qu'ils
sont sur une base unitaire et nous sommes à salaire. Nous n'avons aucune
objection à être à salaire, mais nous voulons avoir des
rémunérations quelque peu analogues avec ce que les
médecins possèdent actuellement.
M. COLLARD: M. Letellier, si l'on parcourt votre mémoire, nous
nous rendons compte que vous ne faites aucune mention de l'établissement
du régime d'assurance-maladie. Est-ce que votre corporation a des
objections à exprimer une opinion sur l'opportunité de
l'établissement de ce régime et sur le champ d'application,
couverture et modalités de l'administration?
M. LETELLIER: Non, au contraire, nous sommes très en faveur d'un
plan d'assurance-santé et, évidemment, nous sommes en faveur avec
certaines recommandations. Pour que nous puissions rendre des services dans un
plan d'assurance-santé, il faudrait que nous ayons les armes
nécessaires pour réaliser ce que nous pouvons faire. Alors, voici
ce que les biochimistes peuvent faire dans un plan d'assurance-santé.
Cela implique, si vous le voulez, l'ouverture bientôt des analyses
gratuites dans les cliniques externes, comme ce sera le cas dans notre
hôpital. Cela demande, à ce moment-là, un plus grand nombre
de techniciennes pour répondre au nombre d'analyses accrues, qu'un tel
plan demandera, et aussi, un système d'auto-mation, d'appareils qui
existent déjà, que nous avons dans nos laboratoires mais
nous en aurons besoin en plus grande quantité pour faire les
analyses sur une base plus grande, il est assez difficile, actuellement, de
trouver du
personnel qualifié, du côté des techniciennes, et il
faudrait voir à la formation d'un plus grand nombre de ces
techniciennes. Cela n'est pas seulement qu'en biochimie, évidement il y
a les autres secteurs du laboratoire, mais dans tous les secteurs de
laboratoire on manque actuellement de techniciens qualifiés. En plus,
les appareils d'automation peuvent réaliser un très grand nombre
d'analyses pour un coût minimum, et un exemple de ceci: Il y a sur le
marché un appareil qui fait douze analyses sanguines
simultanément et cet appareil, si l'on calcule le prix des
réactifs, le prix des deux techniciennes qui le feront fonctionner et si
l'on répartit le prix du coût de l'analyse sur une base de quatre
ans à cent patients par jour, on s'aperçoit qu'il en
coûterait pour analyser ces patients qui viendront aux cliniques
externes, $1 par patient pour douze analyses plus, une analyse manuelle, une
analyse d'urine, une analyse de routine. Je pense que cela revient à un
prix très économique pour examiner ces gens-là.
M. COITEUX: Quelle est la durée moyenne de votre semaine de
travail, actuellement, dans les hôpitaux?
M. LETELLIER: Excusez?
M. COITEUX: La durée, la longueur de votre semaine de travail, de
six jours, de cinq jours?
M. LETELLIER: Nous sommes, sur appel, théoriquement, vingt-quatre
heures par jour. S'il y a quelque chose qui cloche, le biochimiste doit se
rapporter, voir à ce qui ne va pas au laboratoire d'urgence. La nuit,
nous opérons un laboratoire d'urgence. Vous parlez du travail du
biochimiste même? Alors, nous sommes responsables de tous les
résultats qui sortent. Il se fait des analyses vingt-quatre heures par
jour. Le gros du travail fait par les techniciennes se fait de huit heures du
matin jusqu'à cinq heures de l'après-midi, mais là, le
laboratoire d'urgence entre en cause et nous sommes appelés à
répondre à ce service, à voir à ce que tout
fonctionne vingt-quatre heures par jour, et à temps complet, cinq jours
par semaine. Mais on est d'accord à ce que le plan devrait être
porté à six jours complets, si vous le voulez, pour le travail
des techniciennes, et, de toute façon, le dimanche, en ce qui concerne
la plupart des hôpitaux, un très grand nombre d'analyses nous sont
demandées.
M. COITEUX: Cela, je comprends qu'il faut que vous...
M. LETELLIER: Là, vous voulez dire, le temps...
M. COITEUX: A l'individu, par exemple, la moyenne de temps que vous
donnez. Je comprends que le service doit être continu...
M. LETELLIER: Ah bon!
M. COITEUX: ... mais l'individu « X » par exemple, en
moyenne, est-ce que vous pourriez..
M. LETELLIER: L'individu « X ».
M. COITEUX: ...nous donner, nous dire; « Eh bien, dans une semaine
un biochimiste ordinaire donne quarante heures, ou quarante-cinq heures ?
»
M. LETELLIER: Oh, de quarante-cinq à cinquante heures, je dirais
en moyenne.
M. TREPANIER: M. Letellier vous mentionnez que vous êtes environ
50 biochimistes pour 280 hôpitaux?
M. LETELLIER: Oui.
M. TREPANIER: Quelle mesure alors prennent les hôpitaux qui n'ont
pas de biochimistes à leur emploi pour effectuer le travail qui
normalement serait la responsabilité du biochimiste?
M. LETELLIER: Actuellement, ces hôpitaux essaient d'employer des
techniciens pour compenser, mais si on s'en remet à un contrôle de
la qualité qui a été établie ici à travers
tout le Canada, en 1960, par le Dr Tonks, et que l'on analyse les
résultats qui sont sortis de 170 laboratoires d'hôpitaux ou
privés à travers le pays, pour un certain nombre d'analyses qui
sont quand même considérées comme des analyses de routine,
il y avait un très grand nombre de résultats erronés en
dehors des limites permises, dans plusieurs de ces laboratoires qui, tout de
même, avaient l'honnêteté de vouloir se faire
contrôler par un tel système.
M. TREPANIER: La, vous parlez des laboratoires d'hôpitaux?
M. LETELLIER: Principalement, ces 170 laboratoires d'analyses-là,
c'était des laboratoires d'hôpitaux, mais à travers tout le
pays.
M. TREPANIER: Est-ce que les hôpitaux peuvent confier la charge de
faire certaines
analyses à des laboratoires privés? Est-ce qu'il n'existe
pas des laboratoires privés?
M. LETELLIER: Il y a des laboratoires privés, mais nous croyons
que ces laboratoires privés devraient être sous la surveillance
d'un chimiste.
M. TREPANIER: Vous n'avez pas de memabres de votre corporation?
M. LETELLIER: Il y a quelques membres de notre corporation qui sont
à la tête de laboratoires privés, oui, qui s'occupent de
laboratoires privés.
M. RENAUD: Est-ce qu'il y en a parmi ceux-là qui travaillent dans
des hôpitaux et puis en même temps pour d'autres hôpitaux
peuvent faire des travaux à leur bureau?
M. LETELLIER: Oui.
M. RENAUD: Alors, quand vous parlez du traitement, il se trouve à
être augmenté; si vous travaillez pour d'autres hôpitaux en
même temps.
M. LETELLIER: Ici, on ne travaille pas pour d'autres hôpitaux.
M. RENAUD: Ah, je comprends.
M. LETELLIER: J'ai pas le temps de travailler pour d'autres
hôpitaux à l'hôpital où je suis.
M. KENNEDY: M. Letellier, pourriez-vous nous dire combien il y a environ
de techniciens à travers la province qui remplissent les fonctions ou
qui se substituent aux biochimistes dans les hôpitaux, pour les cliniques
médicales, ces choses-là?
M. LETELLIER: Assez difficile à dire.
M. COLLARD: Approximativement, est-ce que vous avez un chiffre?
M. LETELLIER: Bien, évidemment, tous les hôpitaux ont des
techniciens à leur emploi. Si vous voulez un exemple, j'ai
été pendant plusieurs années dans un autre hôpital
où je n'ai jamais pu avoir des techniciens diplômés. Il a
fallu que je forme comme techniciens des gens qui avaient leur dixième,
onzième année. Evidemment, ce n'est jamais aussi bon que des
techniciens formés dans nos écoles de techno- logie, à
l'université Laval, à l'université de Montréal.
Alors c'était partout ainsi dans un hôpital de 360 lits et j'avais
de la difficulté à obtenir des techniciens, donc il y a un assez
grand manque de techniciens.
M. KENNEDY: Dr Letellier, vous avez mentionné aussi tantôt
qu'à la suite d'une étude statistique, une certaine proportion
des analyses qui avaient été effectuées par les
techniciens étaient entachées d'erreurs. Sur quoi pouvez-vous
vous baser pour déterminer que dans une analyse par exemple qui a
été faite au cours de l'année, vous puissiez arriver et
dire à un moment donné qu'il y a eu une erreur dans le
résultat?
M. LETELLIER: Dans le contrôle de la qualité qui a
été établi?
M. KENNEDY: ... dans le contrôle de la qualité, oui.
M. LETELLIER: Oui, si, justement, dans ces contrôles de
qualité, il y avait sept ou huit analyses différentes
demandées, et si plusieurs de ces analyses étaient
erronnées et quand je dis des valeurs erronées, ce sont
des valeurs en dehors des limites permises pour que le résultat soit
valable sous forme de diagnostic c'est que les techniques
employées n'avaient pas la précision voulue ou n'étaient
pas employées adéquatement. Et, principalement, un des
problèmes du biochimiste dans l'industrie et beaucoup d'hôpitaux,
c'est qu'il y a souvent des techniciens qui ne connaissent pas la
préparation des standards: de chacune de ces analyses-là. Lorsque
l'on fait des analyses en laboratoire, il faut préparer des standards
adéquats. Si, évidemment, nous donnons une série de
résultats erronés, nous commes continuellement erronés.
Nous avons maints et maints exemples des contrôles de la qualité.
Je vous ai donné un exemple. Il y a beaucoup de publications
là-dessus. Nous, les biochimistes, nous tendons à former de ces
contrôles de la qualité justement pour améliorer les
résultats obtenus dans les laboratoires de biochimie dans les
hôpitaux. C'est ainsi dans tous les domaines.
M. KENNEDY: Les résultats dans cette enquête-là ont
été obtenus en se basant sur la méthode employée
plutôt que le résultat obtenu.
M. LETELLIER: Oui, mais, je comprends votre question. Ce qui a
été envoyé, c'était des sérums standards
connus. C'est-à-dire avec des
quantités ajoutées d'un produit, et il fallait retrouver
la quantité ajoutée de ce produit-là.
M. KENNEDY: D'accord.
M. TREPANIER: M. Letellier, ce n'est pas en se basant sur les analyses
déjà faites antérieurement que cette
enquête-là a été faite, mais en envoyant...
M. LETELLIER: Des sérums de contrôle des quantités
connues de produits. Et si l'on veut un exemple de ce qui s'était
passé dans ces cas-là, il s'agissait d'une analyse sur une
analyse de routine, le dosage du glucose, c'est-à-dire du sucre dans le
sang. Pour ce contrôle-là, pour un échantillon
donné, les gens auraient du trouver 130 par cent milligrammes, parce que
c'était la quantité ajoutée, et on a eu des
résultats allant de 50 à 300 par cent milligrammes.
Alors, pour vous montrer la marge d'erreurs fantastiques qui, dans
certains cas, se glissaient, cela c'est des extrêmes, remarquez bien, il
y a une forte proportion de laboratoires qui, dans cette enquête, a
été faite sous forme anonyme. Mais nous les biochimistes, nous
savons, que dans les hôpitaux, nous contrôlons très bien nos
analyses justement par des standards que nous faisons, par des sérums de
contrôle que nous achetons, qui ont été analysés
dans de grands laboratoires avec précision, avant de sortir nos
résultats.
M. RENAUD: Docteur, vous nous avez dit tout à l'heure, comment se
compare les traitements des biochimistes avec les autres membres du
laboratoire.
M. LETELLIER: Oui.
M. RENAUD: Comment se comparent les traitements des biochimistes avec
ceux qui sont exclusivement dans l'industrie?
M. LETELLIER: Il n'y a pas beaucoup de biochimistes dans l'industrie,
c'est surtout des chimistes organitiens ou des physicho-chimistes. Des
biochimistes, ceux qui ont leur P.H.D., s'orientent en partie vers la recherche
médicale à l'université ou le travail clinique dans les
hôpitaux ou l'enseignement.
M. RENAUD: Dans les laboratoires privés?
M. LETELLIER: Dans les laboratoires, là il y a les laboratoires
privés...
M. RENAUD: C'est l'industrie ça.
M. LETELLIER: Dans les laboratoires privés, mais il n'y a pas de
salaire, c'est l'exception parmi nos membres et, deuxièmement, ils n'ont
pas de salaire fixe pour leur entreprise et là je ne pourrais pas dire
ce qu'ils font et ce qu'ils ne font pas. Ils ne sont jamais venus s'en
vanter.
M. COLLARD: M. Letellier, dans vos recommandations numéro 3, vous
mentionnez qu'il y a un manque de biochimistes actuellement...
M. LETELLIER: Oui.
M. COLLARD: Advenant l'établissement du régime, est-ce que
cela nécessitera plus de biochimistes et, en surplus, vous mentionnez
qu'il faut éviter que les biochimistes formés aux frais de la
province quittent le Québec pour offrir leurs services à
l'étranger. Est-ce qu'effectivement, depuis quelques années, les
biochimistes quittent la province?
M. LETELLIER: Il y en a eu quelques-uns, mais ce n'est sûrement
pas la majorité. C'est peut-être une question de sentiment qui
nous retient dans notre belle province. C'est plus vrai du côté
anglais, évidemment. Les Canadiens anglais ont plus tendance à
s'exiler du côté des Etats-Unis où les salaires sont
réellement supérieurs. Quant à nous, en
général...
M. LE PRESIDENT: ... les salaires aux Etats-Unis sont supérieurs
à ceux qu'on paie dans le Québec...
M. LETELLIER: Je pense bien que ce n'est pas seulement pour les
biochimistes évidemment.
M. LE PRESIDENT: Je sais que les salaires aux Etats-Unis sont plus
élevés. En ce qui concerne votre profession, est-ce qu'il y a un
attrait particulier, est-ce que les salaires dépassent de beaucoup les
salaires que vous avez mentionnés?
M. LETELLIER: Sûrement. Lorsque je suis allé me
perfectionner aux Etats-Unis et qu'il a été question que je
revienne par ici, on m'a offert là-bas évidemment de me garder et
les salaires qu'on m'offrait étaient d'emblée supérieurs
à ce que j'aurais pu obtenir, surtout à ce que je pouvais obtenir
à ce moment-là, et même à ce que je pourrais obtenir
actuellement ici.
M. LE PRESIDENT: Etes-vous capable de nous donner un chiffre,
plutôt que de parler en
disant que c'est plus, que les salaires sont plus
élevées?
M. LETELLIER: Toute comparaison gardée, disons qu'à
l'époque, cela date de 1958 ça, les chiffres étaient plus
différents qu'actuellement parce que c'était avant
l'avènement de l'assurance-hospitalisation. Les salaires que j'ai pu
avoir en venant ici étaient de l'ordre de $6,500 à $7,000. A ce
moment-là, on m'avait offert une position à $12,000 aux
Etats-Unis. C'est dans l'industrie, ce n'était pas dans les
hôpitaux là-bas.
M. TARDIF: Vous dites qu'il yaune tendance vers la diminution du nombre
des biochimistes. A quoi attribuez-vous cette tendance de la diminution?
M. LETELLIER: Une tendance qui s'est notée depuis quelques mois.
Il y a quatre de nos membres qui ont laissé les hôpitaux pour
diverses raisons. Le salaire est sûrement une des raisons et aussi la
conception que, dans certains hôpitaux, pas dans tous, on se fait du
biochimiste qui est encore considéré dans certains cas comme un
super-technicien.
Ce n'est pas le cas dans beaucoup d'hôpitaux, surtout dans les
grands hôpitaux, mais c'est le cas dans plusieurs hôpitaux.
M. RENAUD: Je comprends que ces gens-là vont continuer à
exercer leur profession. Où vont-ils?
M. LETELLIER: Justement, il y en a un qui quitte l'hôpital pour
s'en aller dans un laboratoire privé, un autre s'en va dans
l'enseignement, et enfin, un troisième a quitté l'hôpital
pour quelque chose de mieux pour lui, j'en suis persuadé, comme
conseiller scientifique au gouvernement de Québec.
M. LE PRESIDENT: Quelqu'un a-t-il une autre question à poser
à M. Letellier?
M. COLLARD: Dans votre revue « Le biochimiste », je note
qu'il est fait mention du rôle du biochimiste d'hôpital. Et on
souligne le rôle principal du biochimiste qui est celui de collaborer
avec le clinicien aux diagnostics et parfois même au traitement des
maladies. Qu'est-ce que vous entendez par là, par cette expression; aux
traitements des maladies?
M. LETELLIER: Remarquez bien que l'article est écrit par le
docteur Lucien Coutu, le doyen de la faculté de médecine, et non
par un biochimiste, et ici, c'est plutôt une orientation du traitement,
en ce sens que les résultats que nous donnons aux médecins vont
leur permettre de préciser le traitement qu'ils doivent apporter
à leur patient. Ce n'est pas d'une façon directe. Le biochimiste
ne va pas au lit du patient discuter avec le médecin sur le cas en
particulier. Ce sont nos résultats, et des résultats qui doivent
être précis, qui permettent aux médecins de poser un
diagnostic, premièrement, et aussi, les résultats vont orienter
le traitement.
M. TREPANIER: M. Letellier, compte tenu du manque de biochimistes,
auquel vous faites allusion à plusieurs endroits dans votre
mémoire, est-ce qu'il serait réaliste d'exiger,
conformément à votre recommandation numéro 1 que tous les
hôpitaux de la province de Québec aient un biochimiste dans leur
personnel?
M. LETELLIER: Dans tous les hôpitaux, entendons-nous, oui, mais
pas nécessairement à plein temps. Ce peut être comme
consultant. Il y a un manque de biochimistes, mais ce qu'il faudrait, ce serait
nécessaire de voir "a la formation de biochimistes.
M. TREPANIER: Ce que je veux savoir, c'est s'il s'agit-là d'une
recommandation que vous jugeriez devoir être appliquée
immédiatement.
M. LETELLIER: Oui.
M. TREPANIER: Mais, en fait, c'est impossible.
M. LETELLIER: Il s'agirait de voir le plus tôt possible, à
la formation d'hommes, de biochimistes, et aussi à les attirer vers les
hôpitaux. On a donné des détails, de quelles façons
vous pouvez les attirer vers les hôpitaux.
M. LE PRESIDENT: Quelqu'un a-t-il une autre question?
M. RAYMOND: Dr Letellier, quelle est la proportion de malades qu'un
biochimiste peut satisfaire? Quand vous parlez d'un biochimiste par
hôpital, pour revenir a la question de mon collègue...
M. LETELLIER: Bien voici, ça relève évidemment du
nombre d'analyses qui sont faites, mais disons que, dans un hôpital de
500 lits, on devrait avoir au moins un biochimiste. Et même dans un
hôpital, comme Notre-Dame, on a 1,000 lits, et on essaie d'en avoir un
troisième. Nous
sommes seulement deux et nous sommes surmenés actuellement. Nous
étions trois un bout de temps, lorsqu'un biochimiste-médecin est
retourné dans l'enseignement à l'université. A deux nous
n'arrivons pas à donner adéquatement les résultats qu'il
faut pour les quelques 250 analyses différentes, parce que dans un
laboratoire complet, les grands hôpitaux, on fait au moins 200 ou 250,
c'est-à-dire, que l'on analyse 200 ou 250 produits différents,
soit au niveau du sang, des urines, ou des autres liquides de l'organisme.
M. RAYMOND: Maintenant, les conditions de travail, croyez-vous que
ç'a une certaine influence pour inciter les biochimistes à s'en
aller aux Etats-Unis ou dans d'autres domaines?
M. LETELLIER: Dans d'autres domaines, plutôt qu'en dehors de la
province. Parce que l'on tient à rester dans un milieu français
en général. Maintenant, ça pourrait avoir un effet du
côté des hôpitaux anglais. Peut-être que dans les
hôpitaux anglais, les biochimistes anglais verront moins d'objection que
nous, pourraient nous quitter pour aller soit dans les autres provinces, ou
soit dans les Etats-Unis.
M. ROY: Dr Letellier, si, dans la province, on instaurait un
régime d'assurance-maladie, croyez-vous qu'il y aurait
nécessité d'augmenter le personnel professionnel dans les
hôpitaux?
M. LETELLIER: Oui, sûrement. Et, tant du point de vue de la
biochimie, que des autres points de vue, c'est sûr. Au point de vue de la
biochimie, nous avons un tel plan et là-dessus, je puis me baser un peu
sur ce qui va se produire chez nous prochainement, avec l'ouverture des
cliniques externes où il va se faire des abalyses gratuites,
probablement une partie. Il y a un début de votre plan
d'assurance-santé.
Nous avons eu pour cela, ne subvention pour acheter un appareil
d'automation j'e nai parlé un peu tout à l'heure
qui peut faire douze analyses simultanément et qui va examiner ces
gens-là pour un prix minimum. Maintenant, là où le
biochimiste joue un très grand rôle, c'est que, contrairement au
médecin qui, lui évidemment, fait son travail auprès du
patient et a ses deux mains et examine le patient, le biochimiste, avec ces
nouveaux appareils d'automation et aussi, les techniciennes ou techniciens
qu'il peut avoir sous sa surveillance, il peut se multiplier pratiquement
à l'infini. Ils vont faire un très grand nombre d'analyses quand
même pour les patients, tout en étant seulement deux ou trois
biochimistes.
M. ROY: L'augmentation de travail des professionnels dans les
hôpitaux proviendrait de l'hospitalisation ou, surtout, des cliniques
externes?
M. LETELLIER: Actuellement, tel que je le conçois du moins, tout
d'abord il en manque déjà à l'intérieur même
des hôpitaux, même dans les hôpitaux qui sont
déjà organisés, on pourrait citer des exemples ici,
mais ce n'est pas l'endroit pour donner des noms mais il y a de grands
hôpitaux qui recherchent activement depuis quelques années un ou
deux biochimistes, et qui n'en trouvent pas. Et ce n'est pas par mauvaise
volonté, nous n'en avons pas à leur donner. On voudrait bien
qu'il y ait de nos confrères qui s'orientent vers la biochimie.
Maintenant, dans le contexte de l'assurance-maladie, je crois que les cliniques
externes devraient donner la gratuité des examens. Et si c'est cela,
justement ce qui sera en opération à l'Hôpital Notre-Dame
je peux bien donner le nom Nous aurons cet appareil nous
allons pouvoir faire douze analyses de 150 ou 200 patients par jour au maximum.
Alors, regardez le nombre d'analyses que pourrait faire un tel appareil qui
demande par exemple, deux techniciennes de plus pour le faire fonctionner et,
évidemment, un biochimiste pour la surveillance et l'étude des
résultats dans leur ensemble. Maintenant, en plus, je pense que dans un
plan d'assurance-santé, on vise aujourd'hui probablement à la
médecine préventive. Le biochimiste, dans un plan de
médecine préventive, peut faire beaucoup avec ce très
grand nombre d'analyses à l'aide de statistiques et d'évolution
des maladies.
M. MARLER: Y a-t-il d'autres questions à poser au Dr
Letellier?
M. BOUDREAU: Connaissez-vous le nombre des étudiants en
biochimie, actuellement?
M. LETELLIER: Il y en a, actuellement je ne suis pas au courant
à l'université de Laval mais à l'université
de Montréal, il y a quatre finissants au B.S.C., au Baccalauréat
en biochimie, cela veut dire que ces gens-là ont trois, quatre
années à faire, pour leur doctorat et, évidemment, je ne
les ai pas rencontrés, mais il semble que ce soient des gens
intéressés à se trouver des positions dans le domaine de
recherches et l'enseignement à l'université ou dans les
collèges, il n'y en a aucun, en tous les cas, qui soit venu se
renseigner auprès d'un membre de notre corporation en disant: « Je
serais intéressé après mon doctorat à m'orienter
vers la chimie clinique » Il y en a seulement qu'un que je connais
qui a fait sa maîtrise chez nous, qui pré-
pare son doctorat à l'université et nous fondions de
grands espoirs sur lui, mais, parce que nous n'avons pas pu lui trouver les
fonds nécessaires et que d'autres organismes ont pu le faire, il a
accepté des bourses de ces gens-là et, par la suite, ira
travailler pour eux. Alors, ç'en est un qui semblait
intéressé mais, parce qu'il a besoin d'argent et est
obligé d'étudier encore quelques années, et qu'on n'a pas
pu lui fournir les bourses nécessaires, d'autres l'on fait et l'ont
attiré vers eux.
M. MARLER: Est-ce que les membres du comité désirent poser
d'autres questions à M. Letellier? Est-ce que veux qui vous
accompagnent...
M. SOUCY: Monsieur le Président, j'aimerais peut-être
attirer l'attention à la suite de ce qui vient d'être dit du
manque de biochimistes dans notre province, étant donné qu'il y a
environ une quarantaine de biochimistes actifs actuellement pour 280
hôpitaux et qu'il faut huit années de formation universitaire pour
obtenir un tel candidat qualifié. On devrait encourager nos
professionnels qui pratiquent la chimie actuellement, en reconsidérant
le statut professionnel du biochimiste, particulièrement le traitement
actuel et, surtout, son statut dans l'hôpital, qui permettrait à
des chimistes professionnels de poursuivre leurs études et de s'orienter
vers la pratique de la biochimie dans nos hôpitaux.
Et, considérant que le biochimiste saurait que, dans la plupart
des hôpitaux, il serait considéré comme faisant partie du
personnel médical, je crois qu'on encouragerait un grand nombre de
chimistes professionnels à s'orienter vers la pratique de la chimie
clinique dont actuellement nos hôpitaux ont un grand besoin et
particulièrement avec la venue de l'assurance-santé et
l'établissement des cliniques externes. Même l'automatisation, au
lieu de diminuer le nombre de chimistes, je crois qu'elle va augmenter
l'importance et la nécessité du biochimiste, parce que le grand
nombre d'analyses qui pourrait être fait va exiger d'abord une initiation
particulière du personnel technique et un contrôle plus rigoureux
de tous ces examens qui seront faits en masse, pour assurer toujours une
précision et une valeur à ces résultats qui devront servir
aux renseignements de cliniques et au dépistage des risques de maladies
chez nos concitoyens.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres désirent poser des
questions au docteur Soucy? Doctor Tonks, would you like to say a word to the
committee?
MR. TONKS: Well, I have to speak in English. Perhaps I should say why I
am on this committee. I am here to support the group in general as a member of
the Council, also perhaps to represent the English speaking hospitals, also to
voice approval of hospital insurance. Personally, I feel this is a good thing,
also I think we are here in the interests of the patient and also the medical
profession which we serve.
Why do we present a brief? In order to make this group, this committee,
aware of ourselves as scientists and this group which is concerned with health
insurance and the establishing of health insurance. I think that we are here to
offer our services and we feel that if our recommendations are followed that
our chemistry in hospitals can be improved. We feel that we can play a vital
and essential part in any health insurance plan.
I think there is one need that perhaps has not been mentioned. Anyone
who is financing such a scheme should be aware that a large hospital laboratory
needs money for research as well as the facilities to run routine tests. This
is something that has been neglected in these hospitals, until now. We must be
able to keep up with advances, study new tests and apply them. And if we don't
do this, then our profession and the service to the patient will fall behind.
We must have libraries for example and we must keep up with the
littérature we have to operate as scientists in this regard.
We are scientists, chemists, trained in production methods. I myself
have had a great deal of experience in industrial work and I put this to good
use in automation and in trying to increase the efficiency of our laboratories
and we can do this as scientists. We have learned a great deal about the latest
scientific equipment, we know how to use this and we can... we continually keep
learning about this and apply this in our laboratories, when we can get this
equipment.
We work by exact scientific methods. We feel that chemistry can only be
performed by chemists or under the direct supervision of chimists. We feel that
we are the only persons who are actually trained to run large biochemistry or
clinical chemistry laboratories.
It takes for a large laboratory a P.H.D., plus five years of actual
experience, in order to run one of these labs. Concerning finances,I would like
to mention that the amount of money we actually handle is very large. We do in
the Montreal General perhaps 300,000 tests a year, the value of each of these
tests is $3 or more, this represents close to $1,000,000 of work, the amount of
equipment we have is also large, perhaps it might represent $200,000. Our
actual
budget for one of these labs is quite large and is a good part of a
hospital budget, and I think that the committee should be aware of that.
MR. CHAIRMAN: Dr. Tonks, if there were such a thing as free medical
care, using the word free in a very broad sense, would you anticipate that
number of tests that the biochimist would be expected to do, would increase
substantially?
DR. TONKS: Well, I think that the outpatient tests would certainly
increase substantially. I think that as far as the hospital inpatient, this
continually goes up, we are increasing by perhaps 30% a year, and...
MR. CHAIRMAN: I think this is the result perhaps of the advancement of
the art rather than...
DR. TONKS: Well, this is true we introduce new tasks all the time. We
are much better with automation now able to handle these things, so we don't
really have to say: Well, we can't do these tests any longer. That is the
simple routine ones with the more complicated ones we still have great
difficulty in doing them in large enough number to really benefit the general
population, I would think.
MR. CHAIRMAN: I take it from what you just said, that the increase is
likely to come from the outdoor department rather as a result of making those
tests free, then.
DR. TONKS: I certainly would expect an increase because of this. I think
all hospitals have done a considerable amount of free work, but before hospital
insurance was put in, they certainly but we would expect more patients to come
in and I think the numbers of tests that would be ordered, would be increased
and certainly would be more useful. I feel that not enough tests are ordered on
patients, today. Perhaps the best areas that are covered now are in public
inpatients, they do pretty well, the private inpatients, they do pretty well,
the private inpatients have not done as well, because there just aren't that
many interns or doctors, available in the hospitals to cover these or order
these tests. The outpatients have not been coveredtoo well and I would expect
increases in those areas.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on désire poser des questions au
docteur Tonks? Sinon, docteur Letellier, je veux remercier les biochimistes
d'être venus ce matin et d'avoir présen- té leurs vues dans
le mémoire dont vous avez donné un résumé ce matin
et d'avoir répondu aux questions posées par les membres du
comité.
M. LETELLIER: Je vous remercie tous également de nous avoir
écoutés et soyez assurés que la Corporation des
biochimistes sera toujours à votre disposition, dans l'organisation d'un
plan d'assurance-santé, et tout ce que nous pourrons faire pour la
santé du public, il nous fera plaisir de l'accomplir.
M. LE PRESIDENT: Alors le comité doit maintenant entendre le
Collège des chiropraticiens de la province de Québec.
M. HOULE: Dr J. O. Edgard Houle, de Montréal,
vice-Président du Collège des chiropraticiens de la province de
Québec et directeur de la division de l'assurance-santé pour
ledit collège.
M. LE PRESIDENT: Etes-vous seul ce matin?
M. HOULE; Non, j'ai avec moi les Drs Gilbert, de Trois-Rivières,
Rivard de Québec, et Lacroix, aussi de Trois-Rivières, je
crois.
M. LE PRESIDENT: Alors voulez-vous nous donner un résumé
de votre mémoire?
M. HOULE: M. le Président du comité, distingués
personnages qui forment ledit comité, messieurs de la presse,
mademoiselle, je voudrais vous présenter, ce matin, notre mémoire
sur l'assurance-santé. C'est un plaisir, vu qu'au collège, chez
nous, il n'y a pas de problème, nous donnons notre adhésion sans
réserve à un plan universel obligatoire et complet
d'assurance-santé. Présenter la profession qui m'a élue
vice-Président, ce serait à mon sens superflu, vu que
dernièrement on a eu tellement d'enquêtes, de commissions. La
commission Lacroix a siégé pendant quatre ans pour clarifier la
profession, pour surveiller les praticiens de la profession, pour enfin
fouiller le problème adéquatement.
Le mémoire que l'on présente ce matin, comporte neuf
points particuliers. Puisque vous en avez eu une copie, si vous le permettez,
pour ne pas changer la teneur de ces recommandations, j'aimerais, M. le
Président, les lire textuellement. Le collège recommande
l'adoption, sans délai, d'un plan d'assurance-santé qui soit
universel, obligatoire et complet. Le collège recommande, en outre, pour
rendre
complet un plan d'assurance-santé, l'inclusion des soins
chiropratiques dans ce pain, afin d'éviter aux malades l'injustice de la
double taxation et le collège recommande pour des raisons analogues
l'inclusion des soins optométriques, psychologiques, dentaires,
pharmaceutiques, etc.
Le collège, et cela depuis toujours, recommande la formation d'un
organisme chargé de l'éducation de la masse sur les phases
multiples et si importantes de l'hygiène naturelle et de la saine
alimentation. Le collège recommande en outre l'adoption d'une
régie provinciale des médicaments, et j'aimerais tantôt
avec votre consentement élaborer sur ce point en particulier, pour
éviter avec la venue de l'assurance-santé une spéculation
abusive quant à ces produits vitaux. Le collège, en fonction de
la stabilité et de la permanence d'un plan d'assurance-santé,
recommande l'abolition et l'abolition formelle d'une provision
d'adhésion facultative communément appelle « opting in
» ou de rejet de participation des praticiens qui composent
l'équipe moderne de santé dont parle M. Louis Laberge, le
Président de la Fédération des travailleurs du
Québec. Le collège recommande en outre le respect de l'acte
professionnel codifié avec ses implications et ses mérites. Le
collège recommande aux autorités de tracer Un plan
d'assurance-santé conservant aux malades c'est un point important
le droit sacré de recourir à la thérapeutique et au
praticien de son choix. Le collège recommande en outre un financement
obligatoire par l'individu, et cela par le truchement d'une prime, afin
d'éviter au gouvernement des responsabilités financières
devant déjà un budget trop considérable. Le
collège, en dernier lieu, recommande, vu la complexité des
multiples problèmes créés par cette mesure sociale, la
formation d'une commission consultative, constituée d'un
représentant de chacune des disciplines qui s'occupent de la
santé physique, de même que des syndicats ouvriers capables de
voir à la planification et à la recherche positive dans ces
domaines.
Voilà les points fondamentaux élaborés par le
Collège des chiropraticiens de la province de Québec. Alors, si
vous me permettez, je suis à votre disposition pour toutes les questions
qui se rapportent à ces neuf points-là.
M. COLLARD: Alors, M. Houle, je pose la première question. A la
page 4, paragraphe 3. Est-ce que les honoraires trop élevés dont
le mémoire fait mention, les honoraires sont dus aux médecins ou
aux chiropraticiens?
M. HOULE: Cela c'est mignon comme question, sans commentaire.
Les honoraires considérables évidemment c'est toujours un
sujet extrêmement délicat, parce que c'est un point chatouilleux
des professionnels. On invoque toujours la sacro-sainte raison: c'est mon
affaire, c'est notre affaire et c'est sacré.
Quand on a invoqué la remarque des honoraires un peu
exagérés, on faisait allusion, non pas tellement au traitement du
praticien de la santé, mais surtout et davantage à certaines
multiplications de services que j'aimerais qualifier de non nécessaires.
On voit, par exemple, à la suite d'une radiographie de 15 ou 20
clichés qui, à mon sens, sont nettement superflus et qui mettent
la santé du patient en jeu. Et en plus, il faut quand même
être logique. Lors de la présentation d'un mémoire que j'ai
fait à Ottawa, devant la Conférence des soins de santé au
Canada, j'ai eu l'honneur de parler avec M. Dalpé et M. Pépin, de
la Confédération des syndicats nationaux. Et, si vous me le
permettez, c'est un sujet que je n'aime pas tellement traiter parce que ce
n'est pas le mien, mais si l'on fait un parallèle entre les
émoluments d'un scientiste affecté aux recherches, ou travaillant
dans un laboratoire pharmaceutique ou dans une maison de sciences, on voit que
le type a fait des études avec un baccalaurait ès-science, une
maîtrise et un doctorat qui le conduisent jusqu'à la
trente-troisième année de sa vie sur les bancs de l'école,
par contre, le médecin sortant de l'université, après
quatre ou cinq ans d'études, reçoit immédiatement le titre
de docteur en fait. Alors le problème foncier, c'est que, si l'on
compare les émoluments de l'un et de l'autre, on voit que,
foncièrement, il n'y a pas de rapport adéquat.
L'homme de science affecté, par exemple, au laboratoire Bell de
recherches, touche $15,000 par année et puis malheureusement le toubib
touche des émoluments de $30,000. Evidemment, je n'aime pas tellement
m'engager dans un débat du genre, puisque cela donne à la
conversation une allure par trop mercantiliste qui me déplaît
énormément.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?
M. BERTRAND: Docteur...
M. ASSELIN: M. Houle, à la page 9, une recommandation que vous
venez de lire, au paragraphe h). Vous dites: Le conseil recommande un
financement obligatoire par l'individu.
M. HOULE: Oui.
M. ASSELIN: Et cela par le truchement d'une prime, afin d'éviter
au gouvernement des responsabilités financières grevant un budget
déjà considérable. Est-ce que vous voulez dire par
là, que le coût du système devrait être
financé entièrement par l'individu, que vous excluriez des
contributions des patrons et de l'Etat?
M. HOULE: Non, au contraire, monsieur. Je n'ai pas l'honneur de
connaître votre nom. Mais si l'on se réfère à
l'instauration du régime d'assurance-santé en Suède, en
1955, on verra qu'à ce moment-là, 44% des fonds provenaient de
primes individuelles, 29% des fonds du gouvernement et 27% des fonds des
employeurs.
M. ASSELIN: Alors, vous recommandez un système contributif.
M. HOULE: Contributif par primes, exactement
M. ASSELIN : Tripartite. Alors qu'est-ce que vous faites de la
contribution de l'individu indigent, pauvre ou de moyens modestes? Est-ce que
vous le dispensez de toute contribution?
M. HOULE: On doit quand même être humain, charitable. J'ai
l'impression que c'est le devoir de chacun, par charité
chrétienne, de pourvoir aux indigents. Et j'ai l'impression que le
gouvernement actuel, de ce côté-là, a pris des dispositions
qui sont logiques, qui sont extrêmement favorables, extrêmement
bonnes et humaines.
M. ASSELIN: Maintenant, il y a une troisième catégorie
d'assurés: le petit artisan, le cultivateur, etc, qui n'a pas de patron
pour payer une contribution. Est-ce que vous lui laisseriez à sa charge
le gros de la contribution ou l'équivalent de la contribution du patron
et de l'employé à sa charge ou si vous répartiriez cela,
si vous en mettriez une partie au compte de l'Etat?
M. HOULE: Pour ce qui est de l'individu à sa propre charge, j'ai
l'impression nette que c'est souvent celui qui est le plus en moyen de payer
les primes. Cela a l'air abusif. Peut-être que vous allez me dire; Eh
bien, oui, mais le cultivateur a quand même des troubles financiers et de
très grandes obligations. Il reste quand même qu'on peut avoir
avec une compagnie que ce soit de la Couronne ou une compagnie
privée une protection très adéquate pour aussi peu
que $9 par mois. Alors, j'ai l'im- pression, encore une fois et j'en ai
parlé à ce moment-là dans le mémoire que si
chaque individu prenait ses responsabilités, c'est peut-être un
problème de sociologie, à ce moment-là, mais que si chaque
personne avait pris conscience évidemment, j'exclus les indigents
qui sont incapables d'en défrayer le coût actuellement au
lieu d'acheter une voiture, par exemple, si l'individu avait consenti d'abord
et avant tout, par respect de ses obligations, à payer une prime
d'assurance-maladie, peut-être que le problème ne serait pas si
gigantesque actuellement. Et, c'est une considération peut-être un
peu mineure, mais il reste quand même que c'est peut-être un
danger, quand de viens plaider pas tellement en faveur des mesures radicales au
niveau du social, si l'on veut, je veux tout simplement impliquer que si l'on
promet trop, on en arrive à une situation où l'individu se
balance de ses responsabilités, et puis laisse, comme on dit, avec une
béate quiétude, ses responsabilités à l'Etat. Et
c'est à mon sens, un danger. Du reste, on l'a souligné dans le
mémoire.
M. ASSELIN: Une dernière question. Vous recommandez que
évidemment il y avait lieu de s'attendre à ça aussi
qu'un plan d'assurance-santé...
M. HOULE: Oui.
M. ASSELIN: ... utilise les services des chiropraticiens. J'imagine que
tout cela présuppose qu'il y ait tout d'abord une loi pour
reconnaître l'existence légale des chiropraticiens. Dans
l'état actuel, est-ce que vous seriez d'avis que, même en
l'absence d'une loi qui consacre l'existence légale, on inclue leurs
services quand même?
M. HOULE: Si je me réfère au début du
préambule, j'ai bien souligné que l'on avait tellement
parlé de chiropratique, que l'on était actuellement en train de
régler la question. Evidemment, je parle d'un plan
d'assurance-santé avec des normes corporatives ou des normes de
commission gouvernementale, ce qui donnerait une entière protection au
public, et c'est ce que l'on cherche depuis 65 ans, mes
prédécesseurs et moi. Il reste quand même une chose, et
j'ai admiré votre question; le soin qu'on peut offrir aux malades est un
soin unique et c'est tellement un soin unique, c'est un art tellement complexe,
et de ça, après trois années et demie de recherches, le
juge Lacroix a été formel, que seul le chiropraticien
compétent peut administrer son art sans danger pour le public. Et
le juge Lacroix a même mentionné et c'est un point
extrêmement important que même le médecin avec sa
formation très adéquate, n'a pas la technique. C'est aussi
illusoire que de penser que demain matin un chiropraticien puisse faire de la
chirurgie. Mais, par contre, c'est aussi illusoire de penser qu'un chirurgien
soit en mesure d'administrer la thérapeutique chiropratique. La
thérapeutique chiropratique est une chose complexe qu'on doit laisser
à des gens compétents, et les gens compétents ne le seront
qu'en autant que l'Etat et c'est là un point important que
l'Etat prendra ses responsabilités sans tergiversations. C'est un soin
extrêmement valable, valide, qui non seulement a une très grande
valeur thérapeutique, mais en plus une très grande valeur de
prophylaxie. Ici, dans le mémoire, le Collège des chiropraticiens
a élaboré qu'un plan d'assurance-santé doit être
tracé parallèlement avec un plan radical de prévention, et
que c'est illusoire de croire qu'on pourra arriver, avec les fonds, à
faire un plan d'assurance-santé adéquat, si la prévention
est laissée aux mains de tierces personnes, ou laissée à
personne. L'assurance-santé présuppose d'abord un plan de
prophylaxie, c'est évident.
M. BERTRAND: M. Hamel, voulez-vous me dire combien de membres
appartiennent au collège?
M. HOULE: Erigé en compagnie en vertu de la troisième
partie de la loi des compagnies, le collège évidemment n'a aucun
droit légal. Donc, aucun droit d'autodiscipline, aucun droit de
nettoyage, si vous me permettez le terme, aucun droit de
légiférer intérieurement sur le comportement de ses
membres. Un type peut être membre du bureau des chiropraticiens, peut
avoir fait ses études convenablement avec tout ce que ça comporte
et on l'a demandé à plusieurs reprises, ici, à la
Législature. On demande un baccalauréat ès-arts ou un
baccalauréat ès-sciences, accompagné d'un cours de quatre
années et une année d'internat. Ce qui se compare, non seulement
avantageusement mais qui dépasse les prérogatives du biochimiste
dont vous avez entendu, tout à l'heure, le réquisitoire. Face
donc à de tels sacrifices, pour répondre à votre question,
on a actuellement dans nos rangs au-delà de 230 membres.
M. BERTRAND: Bon. Vous dites que vous attendez la législation
à la suite du rapport Lacroix.
M. HOULE: Exact.
M. BERTRAND: Et d'après ce qu'on voit, un bill gouvernemental
sera déposé au cours des prochaines semaines qui devrait vous
donner votre statut légal.
M. HOULE: Exact.
M. BERTRAND: Est-ce qu'il y a une autre association de chiropraticiens
qui existe et qui a un certain nombre...
M. HOULE: A ma connaissance, non. Le collège des chiropraticiens
de la province de Québec compte la très grande majorité
des confrères de la province. A 1 'extérieur, évidemment,
et c'est une raison pragmatique d'économique, certains membres n'ont pas
cru bon de donner leur adhésion au mouvement ou à la corporation,
pour être quand même logique, parce que supposément il y
avait des sacrifices monétaires. Foncièrement, dans le
collège actuellement, 240 membres environ.
M. BERTRAND: Quel est le pourcentage de vos membres qui sont
localisés dans les quatre grandes villes de la province:
Montréal, Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières, incluant
Laval, si vous voulez? Quel serait le nombre de ceux de votre collège
qui opèrent dans les petites villes de province?
M. HOULE: J'oserais affirmer, vous me prenez au dépourvu, mais si
je me réfère au bottin du collège, on est actuellement
divisé en onze districts. Cela comporte un représentant de la
profession au moins par ville de l'importance de celle de
Ste-Thérèse. Il y en a au moins dans chacune de ces
villes-là. En d'autres termes, la profession est répartie
vraiment partout à travers la province. Et encore là, il y a un
point. Vous m'ouvrez la porte, M. Bertrand. J'aimerais si vous me le permettez,
glisser une parenthèse. Il semble et c'est notre voeu le plus
sincère qu'on devrait avoir chez nous, dans notre province, une
école structurée, digne de la science qu'on représente. A
ce qu'il semble, cette école s'ouvrira prochainement avec la bonne
collaboration de l'abbé Gilles Boulet du centre universitaire de
l'université Laval, pardon, de l'Université de
Trois-Rivières. A ce moment-là, vu la complexité de la
thérapie et, surtout, vu la demande énorme par le peuple de la
thérapeutique chiropratique, on va avoir un problème absolument
extraordinaire pour administrer à la population les soins chiropratiques
requis. Avec la passation d'une loi, j'ai l'impression qu'on devra ajouter
pratiquement au-delà de 200 chi-
ropraticiens pour subvenir au besoin. J'insistais dans le mémoire
sur un point: que l'Etat doit intervenir dans l'assurance-santé pour
mettre chaque individu mieux à même de faire son travail, que cela
soit d'ordre phychologique, psychique, intellectuel ou physique ou
matériel. Plusieurs patients actuellement ne consultent pas les
chiropraticiens, peut-être par crainte de trouver un indésirable,
mais aussi et davantage pour des raisons strictement matérielles. Si,
par exemple, vous consultez un représentant de la médecine
allopathique, donc un médecin, vous avez évidemment le
bénéfice des prestations d'assurance des compagnies
privées ou des organismes gouvernementaux. Si vous allez consulter un
représentant de la médecine chiropratique, à ce
moment-là vous devrez défrayer les coûts à
même vos fonds personnels. C'est peut-être l'entrave majeure,
actuellement, à la dispensation des soins chiropratiques à la
majorité de la population.
M. BERTRAND: Bon une question... juste pour finir. A la page neuf, vous
suggérez l'adoption d'une régie provinciale des
médicaments. Je comprends qu'à la base de la chiropratique, il y
a une question de prévention et si quelqu'un vous fréquente d'une
façon régulière pendant des années et des
années, il va s'éliminer une longue série de troubles
intestinaux, du foie, etc. parce qu'à la base de tout il y a la
prévention.
M. HOULE: Exact.
M. BERTRAND: Autrement dit, quand vous soignez quelqu'un, contrairement
par exemple au médecin, vous ne lui donnez jamais de prescription ou
c'est dans des cas excessivement rares, parce que vous ne soignez pas pour
recommander des médicaments et des prescriptions. Les médicaments
chez vous n'existent pas, vous ne bourrez pas vos patients de
pénicilline, d'aspirine, de bromo-quinine. Vous pratiquez votre art par
les formules, les formules de l'art même, et les médicaments chez
vous n'existent pas.
M. HOULE: Foncièrement, le collège représente
l'essence de la profession et il n'a jamais été de notre recours,
pour une raison ou pour une autre, de déplacer le médecin. On
offre un service différent qui a une application dans une foule de
maladies, qu'on aime à appeler maladies structurales ou
vertébragéniques, mais par contre, en aucun temps, fait-on une
substitution à la médecine, en d'autres termes, aucune fausse
représentation.
Le patient qui s'adresse à moi je me sens parfaitement
à mon aise d'en parler n'a jamais de moi, une bouteille de quoi
que ce soit. Si nécessité il y a, le patient est dirigé
vers le pharmacien ou encore chez le spécialiste qui en fait est le plus
compétent dans le trouble qui m'échappe à ce
moment-là pour une complication ou pour une maladie que je ne soigne
pas. En d'autres termes, l'obstétrique à l'obstétricien,
la dentisterie au dentiste, c'est évident.
M. RENAUD: Dans votre exposé, tout à l'heure, vous avez
dit que vous vouliez élaborer davantage cette question d'une
régie provinciale des médicaments.
M. HOULE: Bon qu'est-ce que c'est? C'est extrêmement gentil de me
le rappeler. C'était un point que je voulais particulièrement
toucher. La question médicamenteuse actuelle est d'une gravité
sans précédent. J'ai, depuis sept ans, rédigé
approximativement une cinquantaine d'articles, j'ai actuellement un livre en
préparation dont le titre est le « Commerce pharmaceutique »
qui traite, non pas en tant que pharmacien, mais en tant que praticien de la
santé, des dangers extraordinaires que court la population par un manque
d'une législation adéquate. Dans deux lettres adressées
à M. René Lévesque, en date du 27 mars 1965, et dans une
lettre adressée à M. Jean Lesage, le 12 novembre 1963, nous lui
avions indiqué qu'il serait plus qu'opportun, avant même
l'instauration de l'assurance-santé, de fouiller à fonds la
question des médicaments. Peut-être un chiffre pour montrer
l'envergure du problème pourrait suffire. Actuellement et les
chiffres sont récents puisqu'ils datent du congrès à
Ottawa de l'Association des hôpitaux les hôpitaux sont
alarmés par un nombre considérable, soit 20% de leurs lits, qui
sont occupés par des malades dont les maladies sont
iatrogéniques. En d'autres termes des maladies qui sont des
conséquences de médications qui sont colportées, si vous
me permettez le terme, sans souci de l'altruisme et d'un peu de charité
chrétienne.
J'aimerais donner deux exemples. Je ne sais pas si c'est hors d'ordre de
le faire, mais j'aime à prendre des produits connus, Contac en
particulier. A la liste des précautions, on dit carrément que le
médicament peut causer du glaucome. Or, j'ai la mésaventure
d'avoir eu une chirurgie qui n'a pas été un succès, dans
un oeil, et, évidemment j'ai perdu un oeil. Alors, dans celui qui me
reste, si on ne me dit pas à la télévision que c'est un
médicament préjudi-
ciable, comment le commun des mortels va-t-il être
protégé? Quand j'Invoque donc une régie provinciale et que
le collège fait de même, c'est pour éviter les catastrophes
dont vous avez été témoins depuis 4 ans. Et j'aimerais, si
vous me le permettez, donner 4 exemples. On a eu en France le stalinon à
la vitamine F, où l'on a eu à peu près 500 enfants
décédés. On a connu la tragédie de la thalidomide
qui se vendait sous 5 noms différents. La multiplicité, si on me
permet le terme, des patentes où l'on avait le softenon, le parstelin,
le distoval, le quévadon enfin, c'étaient des synonymes,, Et on
l'a colporté, avant même d'être assuré des effets
secondaires. On avait déjà préparé une campagne
massive de vente. Or, si je représente la santé, moi, je suis
à mon sens, en obligation morale de demander aux autorités
gouvernementales de faire, d'abord et avant tout, un nettoyage. Nous, du
Collège des chiropraticiens, on l'a invoqué quant à nous
et, de grâce, le gouvernement se doit d'en faire autant dans l'industrie
pharmaceutique. Un exemple encore, le parnate, qui était en fait, la
conjugaison du parstelin et de la stélazine, on l'a vendu pendant je ne
sais combien de temps. On l'a retiré du marché. Le mer-29, 30
capsules qui se vendaient $12, on l'a vendu pendant 2 ans et, alors que la
littérature de Richardson-Merrill disait qu'après 3 années
de recherches cliniques, le document avait été signé par
87 médecins allopathiques, on disait à ce moment-là, que
le mer-29 était magnifique pour baisser le cholestérol
hématique. Après 2 ans de vente, on le retire du marché.
Ce sont des exemples on pourrait les multiplier à l'infini
qui militent dans le sens, non seulement d'un bureau de régie mais, en
plus, militent dans le sens d'un contrôle étatique au niveau de la
production, de la mise en marché et de la distribution des
médicaments. Est-ce que c'est logique, messieurs du comité, par
exemple et je donnerai 5 noms synonymes de vendre le
néopirine, fait par Burroughs & Wellcome, c'est exactement la
même formule dans les 5 produits: ça contient 3 1/2 grains
d'aspirine, 2 1/2 grains de phénacetine et 1/2 grain de caféine
citrate. Est-ce que c'est normal que ça se vende sous 5 noms
différents? Donc...
M. LE PRESIDENT: M. Houle, je ne veux pas vous interrompre, mais il me
semble que nous sommes très loin du sujet qui occupe le comité,
c'est la question de l'assurance-maladie. Nous n'avons pas le mandat
d'étudier toute la question de la santé. Nous avons le mandat
d'étudier un système d'assurance-santé, et de faire
rapport à la Chambre. Je ne veux pas, pour un seul instant, nier... Ce
que vous dites est intéressant, mais c'est très loin du sujet qui
est le mandat du comité. Alors, je vous demande de bien vouloir
retourner à la question de l'assurance-maladie, s'il vous
plaît.
M. HOULE: Si vous me permettez, pour clore la remarque
précitée...
M. RENAUD: Pour reprendre ma question... M. HOULE: Oui.
M. RENAUD: Vous recommandez une régie provinciale de
médicaments, en rapport avec l'application d'un plan de système
d'assurance-maladie?
M. HOULE: Exact.
M. RENAUD: Voulez-vous vous confiner à cette partie-là,
comme suggère M. Marler?
M. HOULE: D'accord. Donc, ce qu'on aimerait voir, nous du
collège, c'est un formulaire ou un registre des médicaments, non
plus par leurs noms enregistrés en vertu de la loi des Trade Marks, si
l'on veut, mais un formulaire de médicaments par leurs noms
spécifiques, pour éviter, comme j'insistais tantôt
et je crains qu'on ne m'ait pas compris puisque je croyais le sujet
extrêmement relié pour éviter la multiplicité
de termes synonymes, comme dans l'exemple de la thalidomide.
M. CLOUTIER: Cela serait une des fonctions de ce
comité-là, mais quelle serait la composition de cet organisme ou
de cette régie? Comment le voyez-vous, quels seraient les responsables,
les corps, les structures...
M. HOULE: Des gens?
M. CLOUTIER: ... brièvement là.
M. HOULE: Oui, brièvement un resprésen-tant des gens
connaissant la chose pharmaceutique, pharmaciens, médecins, biochimistes
et surtout agences gouvernementales, donc un chimiste de l'Etat.
M. BARIBEAU: Dr Houle, à la page 3 de votre mémoire, au
troisième alinéa, vous prétendez qu'une régie
sévère s'impose, devant un mauvais état de santé de
la population, surtout au Québec. Est-ce que le niveau de santé
au Québec n'est pas aussi bon que dans toutes les autres provinces du
Dominion?
M. HOULE: Je faisais référence à un texte dû
à la plume de Guy Cormier, dans la Presse du 25 mars 1965, où il
est dit, et je lis textuellement: « Bien entendu les comparaisons sont
odieuses, la Saskatchewan a eu par exemple des démêlés avec
les médecins, l'Alberta a acheté cette thèse, chez nous le
nombre des chômeurs est élevé, la santé est assez
médiocre, comme l'ont révélé les études
préparatoires au régime provincial de retraite. Les
médecins et l'équipement ne sont pas assez nombreux, autant de
facteurs aggravants, »
Est-ce que cela répond à votre question?
M. BARIBEAU: Oui, je vous remercie mais seulement la même question
a été posée ici et on a prétendu que le niveau de
santé dans le Québec est aussi bon que dans n'importe quelle
autre province du Dominion.
M. HOULE: A ce moment-là les statistiques pourraient être
consultées, mais il faut voiries malades pour, je crois, être en
mesure de faire une telle assertion. Moi, quant à ma
spécialité, si vous me démangiez de faire un examen
structural d'un patient, j'ai l'impression qu'au niveau de la structure, on
fait pitié.
M. COITEUX (Duplessis): Dr Houle à la page 7, paragraphe 8, comme
conclusion à votre huitième paragraphe, vous faîtes une
distinction très précise entre honoraire et tarif. Pourriez-vous
expliciter ce que vous entendez d'abord par honoraire et par tarif?
M. HOULE: Je vous remercie de me poser la question, je l'avais inscrite
là et puis j'espérais que l'on ferait la remarque.
Si l'on codifie par exemple la prise de tension artérielle, la
prise de température, un examen oculaire pour voir par exemple la
couleur de la stérotique, si en d'autres termes on multiplie les actes
professionnels, on va en arriver à une situation où le fond
national ou enfin les primes ne pourront pas faire autrement que de monter.
Prenez un patient par exemple qui consulte un praticien de la santé, il
devra défrayer ou l'Etat devra défrayer, ou lui en partie et
l'Etat aussi, un examen complet, c'est ce que je veux dire par honoraire;
l'honoraire c'est je n'aime pas employer le terme mais enfin
c'est la quantité de dollars qui correspond à l'ensemble du
travail. En d'autres termes, pour un examen que je fais chez moi, si j'osculte
le patient, si je prends la tension artérielle, si par exemple je
vérifie les réflexes, à ce moment-là bien
évidemment on peut monter des honoraires catastrophiques. Alors, c'est
pour ça que je dis de ne pas attacher un tarif à chaque geste
posé. Je pense que ce n'est pas clair.
M. COITEUX: Il y a certains articles dans la pratique de la profession
médicale qui peuvent être facilement déterminés
à l'acte médical, c'est assez difficile pour vous autres de
déterminer l'acte médical, c'est un ensemble de traitements.
M. HOULE: Exactement.
M. COITEUX: C'est pour ça que vous préconisez le
système honoraire qui comprend...
M. HOULE: Exact.
M. COITEUX: ... qui englobe un certain nombre d'examens.
M. HOULE: Exact. M. COITEUX: Merci.
M. TREPANIER: Dr Houle vous mentionnez à la page 6 de votre
rapport, qu'un plan d'assurance-santé laissera entrevoir aux individus
un accès par trop facile et pourrait entraîner l'inconcience, etc.
Sur quoi vous basez-vous pour faire cette affirmation?
M. HOULE: Sur des arguments partagés par la majorité des
gens, des praticiens de la santé. A cette même session, le
collège des pharmaciens a présenté une recette qu'ils
qualifiaient eux de frais dissuasifs.
C'est le danger du « over crowding », si l'on me permet le
terme. Si, demain, par l'assurance-santé on donne accès aux
malades à tous les soins chiropratiques, ce qui va arriver, c'est que
ceux qui n'avaient pas osé consulter un chiropraticien pour des raisons
financières puisque les primes ne reconnaissaient pas dans le
Québec le dit service, vu qu'il n'y avaitpas de corporation, (je tiens
à faire une parenthèse c'est que 788 compagnies d'assurance
reconnaissent nos services) mais de toute façon, si demain on donnait
accès aux bureaux chiropratiques dans la province de Québec,
amendés ou scrutés à la suite de la loi ou des
recommandations du rapport Lacroix, il reste quand même qu'on aurait un
travail impensable où un homme ne pourrait pas suffire.
Un exemple, lundi j'ai commencé le bureau, si vous me permettez
un peu de personhalisme à neuf heures et j'ai terminé à
minuit vingt-cinq. Pour répondre à une question tantôt,
combien d'heures passez-vous dans le bureau? C'est
cinq jours par semaine et aujourd'hui, je vous remercie, c'est un
congé, mais de neuf heures à aller jusqu'à dix heures et
demie en moyenne.
M. COLLARD: M. Houle, est-ce que vous avez l'impression que, dans le
régime, si on incluait les soins chiropratiques, cela augmenterait le
coût ou si les patients qui se feraient traiter par les chiropraticiens,
diminueraient le coût de ceux qui se feraient traiter par les
médecins?
M. HOULE: Je vais répondre brutalement à votre question
par des points extrêmement précis. Le collège dans ses
règlements a demandé que la visite professionnelle soit de $4 et
que la première visite soitde $5 et, avec les patients que nous avons
actuellement, c'est nettement suffisant. Je ne vois pas du tout pourquoi les
honoraires augmenteraient, bien au contraire, j'ai l'impression que
l'intervention de l'Etat dans les soins de santé, empêcherait
peut-être des abus de la part des praticiens. Des visites à $25,
vous avouerez avec moi que ce n'est pas tellement altruiste.
Il reste quand même une chose, cela a l'air malin à un
moment donné de parler de chiffres à ce point-là, mais il
reste quand même qu'on est d'abord et avant tout un service professionnel
de santé et puis, notre profession, c'est ensuite un gagne-pain. Mais
c'est d'abord une profession de santé. C'est malheureux mais on a
l'impression que l'optique est un peu sans dessus dessous, le diamètre
opposé prime.
M. CLOUTIER: Pour compléter la question de M. Trépanier
tout à l'heure, les trois premiers termes, l'inconscience, l'imprudence
et l'abus, s'expliquent assez bien. Mais vous en avez un quatrième, la
témérité. Voulez-vous me dire, docteur, ce que vous voulez
dire?
M. HOULE: La témérité évidemment, c'est le
malin qui fait du cent milles à l'heure pour venir au parlement le
matin. C'est le type qui, par exemple, ferait de l'escrime alors qu'il est
aveugle partiellement, c'est le type par exemple, qui muni d'une jambe de bois,
fait du ski, afin c'est rigolo, mais c'est ça l'idée.
On dit à une personne que l'alcoolisme, l'alcool nuit à la
santé. Alors, le type s'empiffre avec les résultats qu'on
connaît.
M. TREPANIER: Dans une recommandation, vous mentionnez que le
régime devrait être obligatoire, (du moins c'est ce que j'en
conclus) devrait être obligatoire pour tous les praticiens,
c'est-à-dire obligatoire: participation pour les patients et aussi pour
les praticiens. Sur quoi vous basez-vous pour faire cette recommandation?
M. HOULE: C'est une recommandation intra-professionnelle. J'ai
employé le « opting in » et le « opting out »
parce que cela a été la sémantique utilisée lors
des congrès d'Ottawa, mais, quant à nous, sachant le nombre
restreint des praticiens, quatre fois en fait la corporation des biochimistes,
si on laissait le « opting in » et le « opting out »
disons l'adhésion facultative comme 1' « exit » facultatif
quoi, à ce moment-là on peut se demander: si le nombre de
praticiens qui se rallieraient au plan provincial d'assurance-santé
serait suffisant pour administrer à tous les malades, la
thérapeutie-chiropratique. J'affirme très volontiers que cela ne
le serait pas.
Or donc, quant à nous, peut-être que certains y verront de
la malice, mais c'est fait strictement dans notre intention, ce n'est pas du
tout non plus l'obligation de rendre obligatoire l'appartenance, si le
collège des médecins ne veut pas.
Quant à nous, on y adhère comme on dit au début du
mémoire. Cela nous fait peut-être des fois un peu mal au coeur,
parce qu'on dit que c'est quand même beaucoup d'ouvrage qui s'ajoute, on
devient inconsciemment un peu plus fonctionnaire, mais de toute façon,
1' « opting in » et 1' « opting out », quant à
nous, cela n'existe pas.
M. CLOUTIER: Vous dites que vous seriez prêts à participer
à un plan obligatoire, universel et complet.
M. HOULE: Oui.
M. CLOUTIER: Advenant le cas où l'Etat ne pourrait, tout de suite
au départ, accepter ces trois qualificatifs au plan, où
situez-vous votre profession dans les priorités?
M. HOULE: Je vous demanderais d'être assez aimable de bien vouloir
reformuler votre question. Elle est un peu ambiguë', je la comprends
mal.
M. CLOUTIER: Advenant le cas où l'Etat ne pourrait pas installer
un système d'assurance-maladie universel et complet, disons qu'il faut
procéder par étapes, à ce moment-là, où
situez-vous votre profession dans les priorités? Quelle importance
donnez-vous à votre profession pour l'intégrer dans le
système d'assurance-maladie? Est-ce que les soins médicaux
doivent avoir
priorité? Est-ce que d'autres professions paramédicales
doivent avoir la priorité sur la chiropractie?
M. HOULE: Pour être conséquent avec ce que je viens de dire
au début, oui. La médecine d'abord, puis ensuite, on
intègre la chiropratique. Et, d'abord et avant tout aussi, une
législation pour faire un peu,... enfin, disons trois points de
suspension.
M. BERTRAND: Pignon sur rue.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions, messieurs?
M. DUPRE: M. Houle, vous avez parlé tout à l'heure, de
votre association, de votre collège de quelque 200 membres, n'est-ce
pas?
M. HOULE: Exact.
M. DUPRE: Je suis sûr qu'il y en a beaucoup plus que ça
à Montréal. Maintenant, est-ce que à ce moment-là,
vous pouvez faire une couverture à tous les... parce que je sais, pour
en avoir rencontrés, qu'il y en a qui n'ont aucune formation,
instruction avancée, disons le cours secondaire. Je sais qu'ils ont une
espèce de cadre avec un certificat comme quoi ils sont chiro-praticiens;
alors, est-ce qu'il y aurait moyen de nous faire, pour le comité, une
différence entre eux ensuite, leur nombre surtout, parce qu'ils sont
nombreux à Montréal.
M. HOULE: Est-ce que vous me permettez de prendre deux secondes? J'ai un
document dont je voudrais vous faire part.
M. BERTRAND: M. Houle, pour compléter la question...
M. HOULE: Je vous en prie...
M. BERTRAND: Nécessairement, quand le bill sera adopté
avec les normes que le gouvernement va y mettre, je comprends que les autres
chiropraticiens, s'ils sont qualifiés, joindront le collège ou
joindront l'organisme, c'est ça?
M. HOULE: Exactement. Alors voici. Relié étrangement
à la question pharmaceutique que j'ai laissé tomber par
obligation, je vous l'affirme, puisque une petite paranthèse
le doyen même de la faculté de pharmacie considère
qu'actuellement le plus gros trouble, c'est la pharmacie; mais, enfin, j'ai
laissé tomber de bon gré. J'ai dernièrement correspondu
avec l'American Council on Education, à 1785 Massachusetts Avenue,
Washington, pour lui faire part et ce sont des problèmes qui se
greffent à tout le problème majeur, le Master Vue, par exemple.
Il existe malheureusement aux Etats-Unis une foule d'institutions genre casier
postal, où l'on vend des diplômes à n'importe qui, pour
n'importe quoi, pour un prix ridiculement bas. Je m'en suis procuré un,
je suis docteur en philosophie, ça me fait grand plaisir de vous le
dire, ça m'a coûté $150. Mais, par contre, la catastrophe
est la suivante: lorsqu'on se sert d'un casier postal pour faire de la fausse
représentation, pour vendre une science jeune, mais qui a quand
même raison d'être, et je crois que le rapport Lacroix, encore une
fois, est clair et formel à ce point de vue là, qu'on
achète des diplômes, par exemple, à l'American Institute of
Sciences, qui est un titre ronflant... Un patient se présente chez un
praticien de la chiropratique qui arbore un tel diplôme, ça
inspire confiance, mais, malheureusement c'est un casier postal. Or, quand on
insistait sur des normes légales pour faire un nettoyage,
peut-être que ces faits-là échappaient au gouvernement.
Mais, j'ai l'impression que maintenant ces points-là sont
considérés. Même, si vous me le permettez, j'ajouterai
ceci, qu'encore dernièrement et la lettre est signée du 18
janvier 1966 avec le même American Counsil on Education, je leur
faisais part d'une compagnie au New Jersey qui porte le nom d'Aurea
Publications, à partir d'un diplôme d'avocat, de docteur en
médecine, d'herboriste, de chiro, d'ostéopate, ou n'importe
quoi.
Mais par contre, avec une profession fermée, c'est évident
que la fausse représentation n'est plus possible.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions que les membres du
comité désirent poser à M. Houle? sinon, M. Houle, je vous
remercie d'être venu, de votre mémoire, de la façon que
vous avez répondu aux questions posées par les membres du
comité. Le comité est ajourné à demain matin
à dix heures et demie.
M. HOULE: Je vous remercie de votre bienveillante attention.
Séance du 31 mars
(Dix heures cinquante-quatre de l'avant-midi)
M. ROY (Président du comité de l'assurance-maladie): A
l'ordre, messieurs. Je demanderais à M. Georges Filteau, directeur de
l'Association des pharmaciens d'hôpitaux de la province de Québec,
de présenter les gens qui l'accompagnent, et de donner un sommaire de
son mémoire.
M. FILTEAU: M. le Président, messieurs les membres du
comité, l'Association des pharmaciens d'hôpitaux de la province de
Québec, m'a demandé d'être son porte-parole dans cette
rencontre avec votre comité, ce matin.
Je suis assisté, à ma droite, de M. Ernest Bernier,
Président du comité qui a préparé le
mémoire; à ma gauche, de M. Pierre Deniger, Président de
l'Association des pharmaciens d'hôpitaux de la province de Québec,
qui a aussi participé à la préparation de ce
mémoire, et de M. Denis Benoît, pharmacien de la ville de
Québec.
M. le Président, si les assistés sociaux voient venir avec
impatience l'avènement de l'assurance-santé, les pharmaciens
d'hôpitaux la voient avec une certaine pointe d'appréhension. Ils
craignent de voir de nouvelles charges leur être confiées et leurs
responsabilités minimisées, car la profession de pharmacien est
la plus mal comprise de toutes celles que l'on connaisse.
Nul ne songe qu'une erreur de diagnostic n'a en soi, aucune influence
sur le cours de la maladie, tandis qu'une erreur de médicament peut
avoir des conséquences désastreuses. Vous me répondrez
sans doute que le pharmacien n'a qu'à s'en remettre au médecin
pour le choix des médicaments, mais vous oubliriez alors que le
pharmacien est coresponsable du médicament avec le médecin qui le
prescrit et que si ce dernier prescrit un médicament nocif, le
pharmacien l'endosse. Les poursuites intentées contre les pharmaciens,
lors du désastre de la thalidomide, en sont la preuve. En toutes
circonstances, le pharmacien reste responsable du médicament qu'il
délivre. Ce qui rend sa situation encore plus tragique, c'est qu'il
donne souvent des médicaments contraceptifs, avortifs ou capables de
causer la mort, sans en connaître toutes les raisons. Si le traitement de
la maladie n'est autre qu'une intoxication calculée, encore faut-il
qu'elle soit bien calculée. Quand on pense aux erreurs de noms,
d'orthographe, de posologie, d'imcompatibilité qui peuvent se glisser
dans une ordon- nance, sans tenir compte des erreurs et des imprévus de
la fabrication, on doit admettre que la somme des risques que le pharmacien
d'hôpital doit éviter ne peut être compensée que par
le bien qui en résulte pour le patient.
Aussi peut-on dire que la pharmacie d'hôpital est jusqu'à
un certain point presqu'un sacerdoce. C'est un peu dans cet esprit que le
mémoire de l'Association des pharmaciens d'hôpitaux du
Québec a été préparé. Il revoit rapidement
les étapes du développement de la pharmacie d'hôpital,
avant l'assurance-hospitalisation et après l'assurance-hospitalisation,
et prévoit les changements qu'elle peut subir en regard de la future
assurance-santé.
Dans cette partie, le mémoire reconnaît que la distribution
des médicaments peut être faite par le médecin, le
pharmacien d'officine publique et la pharmacie d'hôpital. Mais dans un
esprit réaliste, le pharmacien d'hôpital est forcé de
constater que la pharmacie d'hôpital présente certains avantages
qu'il nous fera plaisir de vous expliquer en détail, si vous le jugez
nécessaire.
Ce mémoire constate que la pharmacie d'hôpital ne peut
manquer d'être impliquée dans ce nouveau développement des
services de bien-être et de santé de la province. C'est pourquoi,
elle présente certaines recommandations pour rendre ce service plus
efficace et plus économique.
M. le Président, nous sommes à votre disposition.
M. COLLARD: M. le Président, à la page 6, dernier
paragraphe, il est fait mention de la liberté d'adhésion du
médecin et du pharmacien à l'organisation des services
d'assurance-santé. En quoi cela peut-il être un
élément, une nécessité économique, M.
Filteau?
M. FILTEAU: Nous avons basé cette assertion sur le fait que, dans
le passé, l'assurance-hospitalisation a constaté que les services
les plus économiques et les plus efficaces étaient fournis
à l'hôpital. C'est pourquoi nous avons pensé que nous
serions nécessairement impliqués et englobés dans ce
nouveau développement des services de bien-être.
M. RENAUD: M. Filteau, dans la liste des recommandations, à la
troisième, vous parlez des limitations du service pharmaceutique
hospitalier aux patients vus et traités à l'hôpital.
Qu'entendez-vous par limitation? Voulez-vous nous dire votre idée
à ce sujet, s'il vous plaît?
M. FILTEAU: Ceci répond à la section 8 article 20 no 2 de
la loi de pharmacies de la pro-
vince de Québec, qui exige que les personnes qui reçoivent
des médicaments à l'hôpital doivent être des patients
traités à l'hôpital.
Par conséquent, ceci veut dire que le pharmacien d'hôpital,
dans ce contexte, ne pourra fournir de médicaments que sur
réception d'une prescription d'un médecin pratiquant dans
l'hôpital où il se trouve.
M. RENAUD: C'est la définition du mot limitation dans votre
recommandation.
M. FILTEAU: Pardon?
M. RENAUD: La définition du mot limitation, c'est dans le sens
que vous venez de l'indiquer.
M. FILTEAU: C'est dans le sens de cet article-là.
M. MARLER: M. Filteau, à la page 10 du mémoire, vous dites
ceci: « Les services pharmaceutiques devront nécessairement, pour
des raisons diverses, être assurés selon les exigences du
Collège des pharmaciens de la province de Québec. » Est-ce
que cela veut dire que vous pensez que, nécessairement, un plan
d'assurance-santé doit couvrir les médicaments, que ce soit
à l'hôpital, que ce soit en dehors de l'hôpital?
M. FILTEAU: Non, nous croyons plutôt que, s'il y a un service
médicamentaire à l'hôpital, il devra être dans les
cadres de la loi de pharmacie de la province de Québec, toujours en
faisant allusion à cet article 20, paragraphe 2.
M. MARLER: Mais, M. Filteau, ce n'est pas la question que je vous
posais. Actuellement, en vertu du plan d'assurance-hospitalisation, les
produits pharmaceutiques donnés aux patients lorsqu'ils sont à
l'intérieur de l'hôpital, sont payés par le gouvernement,
n'est-ce pas?
M. FILTEAU: Oui, monsieur.
M. MARLER: Est-ce que vous préconisez, si nous avons un plan
d'assurance-maladie, que lors de la consultation du médecin par
quelqu'un du public, les médicaments fassent partie de la couverture
donnée par ce plan d'assurance-maladie?
M. FILTEAU: Ceci n'est pas de notre juridiction. Nous croyons que
ça devrait éventuellement faire partie de ce service, mais je ne
pense pas que ce soit à nous d'en imposer la nécessité ou
d'avoir une opinion là-dessus.
M. MARLER: Dans ma question, je me suis inspiré de ce que vous
disiez à la page 10 de votre mémoire. Je voulais bien comprendre
la pensée de votre organisation.
M. DENIGER: J'ai une réponse peut-être plus précise
à votre question, si vous le permettez, M. Marler. On dit ici: «
Les services pharmaceutiques devront nécessairement, pour des raisons
diverses, être assurés selon les exigeances du Collège des
pharmaciens de la province de Québec. » Alors, ce texte a
été fait dans l'esprit suivant, c'est que, dans le contexte de
l'assurance-hospitalisation, il ne faut pas se leurrer. Avant
l'avènement de l'assurance-hospitalisation, on sait très bien
qu'un très grand nombre d'hôpitaux n'avaient même pas de
pharmacien, et on sait très bien tout de même comment ça se
passait dans certaines pharmacies d'hôpital. L'assurance-hospitalisation
a été instaurée, des normes ont été
établies au point de vue de la pharmacie d'hôpital. Les normes
prévoient, entre autres, que toute pharmacie d'hôpital, dans tout
hôpital de 100 lits et plus, devrait avoir comme responsable du service
de pharmacie, un pharmacien dûment en règle avec le Collège
des pharmaciens. Alors, je pense bien que c'est l'esprit de ce texte. On dit
que si, l'assurance-santé est établie, on devra se conformer aux
exigences du Collège des pharmaciens de la province de Québec.
Parce que la distribution des médicaments ne doit pas
nécessairement être faite par n'importe qui, à
l'échelle provinciale. Qui est le spécialiste du
médicament et qui doit être le distributeur du médicament,
si ce n'est le pharmacien? Dans certaines circonstances, on a prévu
même le médecin. D'ailleurs la loi du Collège des
pharmaciens le prévoit dans une localité où il n'y
a pas de pharmacien, le médecin peut, en répondant aux exigences
du Collège des pharmaciens, et en étant en règle avec le
collège des pharmaciens, devenir dans ce cas-là, un distributeur
des médicaments. Est-ce que ça répondrait, M. Marler,
à votre question?
M. MARLER: Oui.
M. TREPANIER: A la page 6 de votre mémoire, vous mentionnez que
l'organisation des services d'assurance-santé doit assurer, entre
autres, la liberté de choix pour le patient, quant au pharmacien. Et
vous dites, à la page 6, deuxièmement, « le libre choix de
la phar-
macie; » vous énumérez a, b, c, et vous mentionnez
à c, « la pharmacie d'hôpital. »
Est-ce qu'il y a possibilité à ce moment-là que le
patient puisse choisir la pharmacie d'hôpital? Je veux dire, est-ce qu'un
patient qui est à l'extérieur peut choisir d'aller chercher ses
médicaments à la pharmacie d'hôpital ou encore est-ce qu'un
patient qui est à l'hôpital pourrait aller chercher ses
médicaments à l'extérieur, dans une autre phamacie? Que
voulez-vous dire par là?
M. FILTEAU: Nous voulons laisser le libre choix total aux patients, mais
nous sommes certains que la loi du moindre effort va jouer dans ce choix et
qu'il prendra le médium le plus à sa portée pour obtenir
le médicament. Dans ces conditions, la pharmacie d'hôpital est un
des points de distribution de médicaments qui peuvent servir de sources
d'approvisionnement pour le patient. Si, pour une raison ou pour une autre,
dans un endroit où il n'y a pas de pharmacie d'hôpital, il y a une
pharmacie publique, le patient pourra, à ce moment-là, aller
à cette pharmacie publique et en obtenir ces médicaments, ce qui
n'empêche pas non plus les pharmacies d'hôpital de rayonner
à une distance assez grande autour de leur centre de distribution.
Il. TREPANIER: Mais la pharmacie d'hôpital n'est-elle pas
plutôt à la disposition de l'hôpital...
M. FILTEAU: Evidemment..,,
M. TREPANIER: ... et que les patients eux-mêmes...
M. FILTEAU: ... en premier lieu, la pharmacie d'hôpital a
été créée pour l'hôpital. Cependant, si nous
sommes placés dans l'obligation de desservir et nous avons
été obligés de le faire dans le passé pour les
indigents les patients qui ne pouvaient pas se procurer les
médicaments autrement, les communautés religieuses ont toujours
fait preuve d'un très grand esprit de charité et elles ont
toujours distribué gratuitement des médicaments à ces
patients dans le besoin. M. le Président, M. Deniger a quelque chose
à ajouter.
M. DENIGER: Me permettez-vous d'ajouter quelque chose? Disons donc que
dans cette question aussi, il faut tenir compte des réalités,
C'est en ce sens que l'on a prévu qu'il y a peut-être aussi
cela existe en fait, c'est réel certains médicaments qui
sont à titre d'expé- rimentation, ou sont rendus au stade
d'expérimentation chez les humains, disons l'expression vraie: en essai
clinique. Alors, si le médecin prescrit à un patient
déterminé une médication qui est à l'heure actuelle
à l'essai clinique, il est impossible de se procurer ce
médicament dans les pharmacies de détail, dans les officines.
Alors, c'est limité à la pharmacie d'hôpital. Des formules
de contrôle sont même prévues pour cette classe
donnée de médicaments. Maintenant, si vous tenez compte du
contexte nord-américain dans lequel nous vivons, il y a
énormément de patients qui favorisent beaucoup le pharmacien
d'hôpital au point de vue de leurs prescriptions en ce sens que ce sont
des gens qui y sont vus assez souvent, par exemple à l'Institut de
cardiologie de Montréal. Vous avez quelqu'un qui est suivi par un
cardiologue de l'Institut de cardiologie, alors il a tout une kyrielle
d'examens, une ribambelle de processus à suivre. Il peut y avoir des
soins spéciaux à lui donner, même en clinique externe comme
patient ambulant, et puis il peut y avoir aussi certains médicaments
très spéciaux que le patient ne pourrait se procurer qu'à
la pharmacie de l'Institut de cardiologie ou d'un autre hôpital
déterminé. Cela répond à votre question?
M. TREPANIER: Partiellement.
M. RENAUD: M. Filteau, j'en reviens à votre liste de
recommandations. Vous dites, à la cinquième recommandation
qu'advenant l'établissement d'un système d'assurance-maladie, il
faudrait prévoir une période de temps maximum pour les
différentes catégories pharmacologiques de médicaments
à dispenser. J'aimerais bien que vous nous développiez ce
point-là un peu, pour savoir de quelle façon ça peut se
traduire ça.
M. FILTEAU: Ceci est une façon de déterminer le nombre de
doses que nous devrions dispenser à un patient qui vient chercher ses
médicaments à l'hôpital. Est-ce que nous devons lui fournir
des médicaments pour une semaine, quinze jours, un mois? C'est pourquoi
il faudra déterminer la période prévue par la
médication, de façon que nous ayons des normes de format à
distribuer pour ces patients de la clinique externe.
M. RENAUD: Cela ce serait indépendamment de la nature des
médicaments, cela s'appliquerait pour tous les médicaments
prescrits par les médecins, sauf que le médecin dirait pour telle
période le médicament pourrait être fourni par
l'assurance-maladie? C'est cela?
M. FILTEAU: Nous avons actuellement des normes qu'on appelle des
prescriptions limitées ou du « stop-orders » qui
prévoient qu'une médication ne devra pas être donnée
pour plus quatre jours, une semaine, en général c'est de quatre
à sept jours à l'hôpital. Certains médicaments, qui
sont surtout des médicaments dangereux, sont ainsi revus
périodiquement de façon à ce que le patient ne
reçoive pas de doses dangereuses, nocives. Par conséquent, nous
prévoyons que dans les mêmes services de distribution, il faudra y
avoir des catégories de périodes prévues pour chaque
catégorie de médicaments suivant sa toxicité.
M. DENIGER: Me permettez-vous d'ajouter quelque chose? Nous sommes
partis du réel, de ce qui se fait actuellement dans le monde hospitalier
avec l'expérience acquise, par l'assurance hospitalisation. Dans chaque
hôpital, il y a une réglementation. On parle de catégories
pharmacologiques. C'est édivent que les médicaments sont
divisés en différentes catégories pharmacologiques. Il y a
des médicaments qui sont plus dangereux les uns que les autres.
Alors, à l'intérieur même de nos hôpitaux, on
a prévu que l'ordonnance du médecin doit être
renouvelée même, pour certains de ces médicaments, à
chaque 24 heures. D'autres médicaments comme les antibiotiques, doivent
être limités à une période de trois jours. Si
l'antibiotique n'est pas efficace au bout de trois jours, c'est évident,
c'est officiel qu'on rend service au patient, au médecin aussi, en lui
montrant que la médication est inefficace. Alors il faut donc qu'il
refasse son opinion, qu'il prescrive un autre médicament.
Maintenant vous avez actuellement, ce qui se répand
énormément dans la province, des cliniques externes au point de
vue des hôpitaux psychiatriques. Les patients qui sortent des
hôpitaux psychiatriques, qui sont vus aux cliniques externes de
psychiatrie, reçoivent des médicaments et on doit prévoir
aussi un arrêt automatique, c'est ce qu'on appelle dans le langage
pharmaceutique le «stop-order » automatique ou l'arrêt
automatique de l'ordonnance du médecin, suivant la catégorie de
médicaments, pour que nos gens ne deviennent pas des habitués. De
même vous avez la fameuse question des barbituriques entre autres, les
pilules pour dormir, ces choses-là. On sait que ce sont des
médicaments qui peuvent créer ce qu'on appelle l'accoutumance,
l'habitude. C'est un rôle du pharmacien de protéger le public
contre l'abus de médication.
M. RENAUD: Ce contrôle-là existe actuellement.
M. DENIGER: Ce contrôle-là existe actuellement à
l'intérieur de l'hôpital, dans le contexte de
l'assurance-hospitalisation par les normes qui sont établies.
M. RENAUD: Vous demandez que dans un... M. DENIGER: ... c'est une
prévention.
M. RENAUD: ... système d'assurance-maladie que l'état de
choses existant soit continué...
M. DENIGER: Je crois que l'expérience acquise devrait servir dans
le contexte d'un plan d'assurance-santé qui serait
généralisé. Il y a des choses qui sont très
valables dans ce domaine-là qui devraient être appliquées,
qui devraient devenir une loi générale. Le danger est qu'un
médecin serait tenté pour un chronique de prescrire telle
médication. Bien, mon Dieu, prescrivons-lui tel médicament pour
six mois. Alors, il est peut-être bon que le patient soit revu, soit
réévalué. On entend parler de plus en plus des effets
secondaires des médicaments ou d'associations médicamenteuses qui
sont dangereuses.
M. RENAUD: En tous les cas, est-ce qu'il faut comprendre qu'il y a
actuellement un contrôle dans les hôpitaux et qu'en dehors des
hôpitaux il n'y en a pas du tout?
M. DENIGER: Il y en a un qui est prévu actuellement par la loi.
En ce sens que l'ordonnance du médecin ne peut pas être
répétée, si le médecin n'a pas
spécifié sur l'ordonnance: à répéter.
Même la loi prévoit que si le médecin a marqué
c'est une nouvelle loi qui nous vient du département des aliments
et drogues d'Ottawa qui a été faite pour le contrôle des
médicaments narcotiques, ainsi que des barbituriques, cette fameuse
question des goof-balls, entre autres, il y a toute une catégorie de
médicaments qui est prévue si le médecin marque
d'une façon générale; à répéter, la
loi prévoit que l'ordonnance pharmaceutique ne peut pas être
répétée plus que trois fois, sans le consentement du
médecin, et on doit tenir compte de la date et de la quantité que
l'on donne à chaque répétition. Alors je vous parle tout
de même de ce qui regarde la pharmacie d'officines.
M. RENAUD: Alors, le médecin a la responsabilité. Est-ce
qu'advenant l'établissement d'un plan d'assurance-maladie, il faudra
aller plus loin que cela pour la dispensation de ces médicaments, en
dehors des hôpitaux?
M. DENIGER: Il faudra nécessairement,
pour certaines catégories pharmacologiques d'un
médicament, prévoir que la médication ne peut pas
être donnée aux patients pour plus qu'une certaine période.
Alors, si le médecin le juge bon, après avoir revu son patient,
refait un examen, une histoire de cas, de continuer la médication, il
refait une nouvelle ordonnance. Mais une ordonnance pharmaceutique ne doit pas
être quelque chose qui se répète ad vitam aeternam.
M. RENAUD: Est-ce que cela resterait toujours la responsabilité
professionnelle du médecin?
M. DENIGER: Et aussi, du pharmacien d'ailleurs, qui est lié par
la loi actuelle du département des aliments et drogues.
M. LE PRESIDENT: M. Deniger, pourriez-vous nous donner le nombre de
pharmaciens qui font partie de l'Association des pharmaciens
d'hôpitaux?
M. DENIGER: Je crois qu'actuellement, nous avons dans l'Association des
pharmaciens d'hôpitaux 105 pharmaciens.
M. LE PRESIDENT: Sur un total d'hôpitaux de 280...
M. DENIGER: Si vous me le permettez, je crois que M. Bernier, qui a tous
les chiffres, pourrait mieux répondre que moi à cette
question.
M. BERNIER: Il y a 170 hôpitaux généraux, je crois,
dans la province et il y a 109 hôpitaux ayant 100 lits et plus, et les
recommandations qui sont faites pour les normes hospitalières, ce serait
qu'il y ait un pharmacien par 100 lits d'hôpital. On a 109 hôpitaux
ayant 100 lits et plus. A l'heure actuelle, on a 105 pharmaciens. Il y en a
plusieurs en dehors de Québec et de Montréal. Il se trouve dans
les hôpitaux régionaux, 25 pharmaciens. La différence des
pharmaciens se trouverait à Québec et à Montréal.
Il y a des régions, comme la Cote-Nord, où il n'y a pas de
pharmacien du tout. Maintenant, s'il y a une pénurie de pharmaciens dans
les hôpitaux, cela se rattache aussi aux rémunérations, aux
salaires qui sont offerts aux pharmaciens d'hôpitaux, qui sont
réellement très bas, puisque le pharmacien d'hôpital
débute avec un salaire de $6,250. A ce salaire par exemple, sur
la Cote-Nord on ne peut pas attirer un pharmacien en dehors des villes
de Québec et de Montréal.
M. RENAUD: Il y en a 105? Combien y a-t-il de phamaciens dans la
province de Québec?
M. FILTEAU: Il y a 1,700 pharmaciens dans la province.
M. RENAUD: Vous êtes 105 dans les hôpitaux?
M. FILTEAU: ... qui sont enregistrés comme pharmaciens directeurs
d'un hôpital. Il y a beaucoup de pharmaciens qui ne sont pas
enregistrés au collège et qui travaillent quand même dans
un hôpital.
M. RENAUD: Et quand vous dites que cela en prend un par cent lits, cela
prendrait combien de pharmaciens d'hôpitaux dans la province?
M. FILTEAU: Nous avons dans la province 109 hôpitaux qui ont plus
de 100 lits, ce qui donne en tout 36,000 lits pour la province avec, dans les
hôpitaux généraux, 26,950 lits à peu
près 27,000 lits et 4,000 lits dans les hôpitaux publics
pour malades chroniques. Ce qui fait en tout 31,000 lits. Ce qui voudrait dire
310 pharmaciens en tout.
M. LE PRESIDENT: Combien de pharmaciens en tout?
M. FILTEAU: 300. 31,083 lits divisés par cent, cela fait à
peu près cela: 310 pharmaciens.
M. LE PRESIDENT: Dans la liste des recommandations à la
première, vous parlez de rémunération à l'acte
pharmaceutique. A quel montant établissez-vous le prix de cette
rémunération?
M. FILTEAU: Il y a plusieurs théories sur cette
rémunération professionnelle. Il est évident que la
rémunération professionnelle au sens strict doit s'adresser
à l'acte professionnel en ce qu'il a de plus pur, par conséquent,
dans le sens où il inclut uniquement une responsabilité de
délivrance d'un médicament suivant sa toxicité, suivant
les dangers qu'il comporte.
Nous croyons qu'il y a trois catégories de toxicité dans
les médications. Il y a les médicaments dont la toxité est
considérée comme modérée et nous n'exigeons pas,
par conséquent, une surveillance étroite de la part du
médecin. C'est ce que l'on appelle les médicaments ordinaires. Il
y a les médicaments « PR » qui exigent une prescription de
la part du mé-
decin et qui, par conséquent, doivent recevoir une surveillance
beaucoup plus étroite. Il y a enfin la médication
contrôlée des narcotiques qui, elle, entraîne le danger de
produire une habitude et qui, alors, devient un danger social et qui implique
une responsabilité encore plus grande. Si l'on juge que, pour une
médication ordinaire, nous pourrions mettre $0.50 pour la
responsabilité de vérifier la prescription et tout, nous
pourrions doubler et tripler pour les autres catégories. Enfin, nous
pourrions prévoir un honoraire de $2, si la prescription est magistrale,
c'est-à-dire, s'il faut que le pharmacien prépare les
médications. Ceci ne tient pas compte évidemment du coût
des médications, que nous considérons à part, et qui,
alors, dépend tout simplement de l'arrangement avec les compagnies et
qui peuvent être aussi accrus des coûts d'administration. Cela est
un aspect de la rémunération professionnelle. Il y a un autre
type de rémunération professionnelle qui a été
suggéré par un économiste de Toronto, le docteur Fuller
qui, lui, prévoit le coût de la médication d'un
médicament courant qui s'établit autour de $1.80 pour une
prescription courante, en moyenne, sur un grand nombre de prescriptions. Nous
admettons que le coût du médicament s'élèverait
autour de $1.80, que le coût de l'administration, de l'entreposage, de
tout ce qu'il faut pour maintenir ce médicament en étalage,
équivaudrait à peu près $1.20 et qu'il faudrait ajouter
à cela une rémunération professionnelle qu'il calcule,
lui, au total de $2 pour l'acte professionnel, quel qu'il soit, sans
distinction.
M. BERTRAND: M. Filteau, page dix, dernier paragraphe. Je présume
que la loi des pharmacies tend à assurer l'exclusivité de la
vente des médicaments aux pharmaciens, avec l'exception dans les villes
où il n'y a pas de pharmaciens. Est-ce que, d'après vous, cette
loi, en général, est bien observée?
M. FILTEAU: Je suppose que vous vous demandez s'il y a encore des
médecins qui vendent des médicaments, là où il y a
des pharmaciens?
M. BERTRAND: Oui?
M. FILTEAU: Je suis obligé d'admettre que cela se fait
couramment.
M. BERTRAND: D'autres questions, pendant que j'ai la parole. Est-ce que
les pharmaciens dans les hôpitaux sont la propriété de
l'hôpital même ou si l'hôpital, dans certains cas, accorde
des concessions à des pharmaciens ou autres entreprises
privées?
M. FILTEAU: En autant que mes connaissances me le permettent, je puis
dire qu'il n'y a pas de tels arrangements, mais je pense que, dans
Montréal, on a déjà mentionné que certaines
concessions avaient été faites à des pharmaciens, mais
dans des cas extrêmements exceptionnels, où l'on permettait, par
exemple à un pharmacien d'avoir une certaine clinique externe, un
certain dépôt de médicaments qui dépendrait
uniquement de lui. Mais, là il faudrait faire enquête à
savoir si c'est plutôt un arrangement avec une pharmacie de
l'extérieur ou si c'est bien une allocation donnée à un
pharmacien.
M. BERTRAND: Mais, habituellement, c'est la propriété de
l'hôpital?
M. FILTEAU: Ah! tout appartient à l'hôpital.
M. BERTRAND: Et un pharmacien est engagé par l'hôpital
pour...
M. FILTEAU: Oui.
M. BERTRAND: ... assurer le service des médicaments sur les
prescriptions des médecins...
M. FILTEAU: Très bien... oui.
M. BERTRAND: ... selon les malades qui sont dans l'hôpital.
M. FILTEAU: Oui, monsieur.
M. BERTRAND: C'est cela, c'est essentiellement...
M. RENAUD: Je dois comprendre alors qu'au lieu d'être payés
sur une base de salaire ou de traitement, dans les hôpitaux, vous
demandez à être autonomes et à être payés
à l'acte pharmaceutique. Est-ce cela que vous voulez dire?
M. FILTEAU: Nous trouvons, il nous semble logique, d'après le
comité que a préparé ce mémoire, qu'à
travail égal, les rémunérations soient de même
nature.
M. DENIGER: Au sujet de la recommandation no 1,
rémunération à l'acte pharmaceutique, il faut garder
l'esprit dans lequel ce mémoire a été fait et
présenté. Nous sommes des
pharmaciens d'hôpitaux et nous avons l'intention de demeurer des
pharmaciens d'hôpitaux, mais on est parti de ce qui se faisait avant
l'instauration de l'assurance-hospitalisation, ce qui se fait actuellement dans
le contexte de l'assurance-hospitalisation, et ce qui pourrait peut-être
nous arriver, à nous pharmaciens d'hôpitaux, dans
l'établissement d'un plan d'assurance-santé. On part de ce
principe, on est tout de même des pharmaciens à 100% autant qu'un
pharmacien d'officine.
Si vous prévoyez, vous, messieurs, un plan de
rémunération à l'acte pharmaceutique pour le pharmacien
d'officine en prévision des économiquement faibles ou de
l'établissement du plan de l'assurance-santé, si il y a une
proportion de ces ordonnances pharmaceutiques qui devront être remplies
à la pharmacie d'hôpital par le pharmacien hospitalier, le
pharmacien hospitalier, dans ces conditions, reste un pharmacien à 100%
comme le pharmacien d'officine et on vous donné la réponse
à la page 16. On vous dit: Il ne saurait être question pour le
pharmacien d'hôpital d'être rémunéré
différemment des autres pharmaciens qui assureront les services
pharmaceutiques; il devra toucher les mêmes honoraires professionnels
inhérents à chaque ordonnance médicale qu'il aura à
remplir. Je crois que vous avez la réponse à cette recommandation
no 1.
M. BERTRAND: Merci. Très bien.
M. LE PRESIDENT: Vous avez d'autres questions, messieurs?
M. DUPRE: Monsieur Deniger, quand vous parlez de services
pharmaceutiques, est-ce que vous parlez strictement d'ordonnances
médicales?
M. DENIGER: Absolument.
M. DUPRE: Seulement d'ordonnances médicales?
M. DENIGER: Absolument.
M. DUPRE: C'est parce que, dans votre acte professionnel, vous pouvez
aussi bien donner une boite d'aspirines.».
M. DENIGER: Non, tout de même, nous sommes des pharmaciens
d'hôpitaux, alors on s'en tient à la pharmacie d'hôpital, la
pharmacie d'hôpital c'est de la pharmacie à 100% quoi, ce sont
strictement des médicaments.
M. DUPRE: D'accord, mais ce que je veux dire, c'est que chaque fois que
vous faites votre acte professionnel, c'est par une ordonnance médicale,
dans un hôpital.
M. DENIGER: Toujours.
M. DUPRE: Alors il y a une différence avec la pharmacie, tout de
même.
M. DENIGER: Ah! bien oui. Je crois bien aussi que, dans
l'établissement d'un plan d'assurance-santé, tout devra
être sous l'ordonnance médicale, même pour le pharmacien de
détail. Je ne verrais pas un plan d'assurance-santé où
tout un chacun pourrait aller à la pharmacie, que ça soit la
pharmacie d'hôpital ou la pharmacie de détail, s'acheter des
médicaments patentés, si vous voulez, et que le gouvernement,
dans sa bonté, dans sa générosité, paierait ces
choses-là. Je ne crois pas.
M. ASSELIN: Monsieur Filteau, il y a plusieurs associations de
pharmaciens, elles sont presque toutes venues devant le comité; il y a
le pharmacien d'hôpital, il y a le pharmacien détaillant, il y a
le pharmacien des centres médicaux. Est-ce que vous avez une
espèce de trait-d'union entre toutes ces associations, sous
l'égide du Collège des pharmaciens, pour travailler ensemble
à étudier les problèmes communs à votre profession,
surtout à l'occasion de l'instauration d'un plan
d'assurance-maladie?
M. FILTEAU: Le seul organisme actuellement qui rejoint toutes ces
associations, c'est le Collège des pharmaciens. Nous avons
recommandé même à ce collège de s'adjoindre un
comité consultatif qui permettrait d'avoir les vues de différents
groupes de pression pharmaceutiques à l'intérieur de la
profession, pour rejoindre les idées et les suggestions de ces
gens-là. Malheureusement, à l'heure actuelle, le comité
n'a pas encore été formé, que je sache.
M. ASSELIN: Je dis ça, parce que des mémoires nous ont
été présentés par les associations de pharmaciens
j'en ai pas fait une analyse détaillée, maintenant
et nous constatons à premier abord qu'il y a peut-être des
recommandations qui sont faites par vos différentes associations et qui
vont en sens contraire les unes des autres.
C'est ce fait-là qui m'amène à poser la question
à savoir si vous ne trouveriez pas avantage à coordonner vos
différentes associations vers un but commun, M. Déniger.
M. DENIGER: Disons qu'à la base, je pense bien, tous les
pharmaciens ont à coeur la revalorisation de la profession de
pharmaciens. Nous, à titre de pharmaciens d'hôpitaux, nous avons
certes une philosophie qui est différente, si vous voulez, de l'art et
de l'exercice de la profession du pharmacien d'officine, mais de là
à conclure que nous avons des divergences d'opinions qui sont tout
à fait l'opposé, je ne le croirais pas. Le pharmacien d'officine
est certainement le grand distributeur de médicaments pour le public,
mais le pharmacien d'hôpital reste aussi un spécialiste du
médicament. C'est un spécialiste d'ailleurs qui est très
bien formé par des cours post-universitaires et tout ce que vous
voudrez. Alors le mémoire vous a été
présenté dans ce sens-là et non pas pour entrer en
contradiction avec aucun autre mouvement de pharmaciens ni avec le
Collège des pharmaciens, ni avec les pharmaciens détaillants
qu'on appelle des pharmaciens d'officine. D'accord?
M. ASSELIN: C'est bien, merci.
M. LE PRESIDENT: Avez-vous d'autres questions, messieurs?
Je vous remercie M. Filteau d'avoir bien répondu aux questions
qui vous ont été posées par les membres du
comité.
M. FILTEAU: M. le Président, au nom de mes collègues, je
tiens à vous remercier, M. le Président, de l'amabilité
que vous nous avez manifestée, de la clarté de vos questions et
des suggestions que vous nous avez laissé entrevoir.
M. LE PRESIDENT: Je demanderais à M. Keating, le Président
de la succursale de Montréal de l'ordre des infirmières de
Victoria de la province de Québec de bien vouloir présenter les
gens qui le représente ainsi que de donner un sommaire du mémoire
présenté au comité.
Je demanderais à M. Keating d'avancer auprès des
micros.
MISS PETERS: Mr. Chairman, unfortunately Mr. George Keating was
unavoidably detained in Montreal. Consequently it is my privilege, Sir, to
introduce to you the members of the delegation representing the Victorian Order
of Nurses for the Province of Quebec. I apologize for speaking in English, but
my french accent is so atrocious that I am not going to subject you to
listening to it.
I have with me, Sir, I am Miss Peters, the vice-president of the
Victorian Order for the province of Quebec. I have with me Mr. Gib
Stewart, Q.C., the honorary secretary of the province of Quebec; Doctor
Copping, who is the director of our Medical Advisory Committee; Doctor Gabriel
Guay who is the Medical Director of the Home Care Plan in Hull, and Miss Alice
Gage, who is the supervisor of V. O. N. in the Province of Quebec.
In presenting this brief to you, Sir, I wish to express to you our
thanks and appreciation for your courtesy in accepting our brief and also in
giving us this privilege of appearing before you, today.
Judging from press reports, we believe that most of the delegations who
have appeared before you have suggested ways in which you could spend more
money. We have, I hope, a rather refreshing difference. We would like to point
out to you ways In which you can save a great deal of money. There are many,
many patients who can be cared for and who are now being cared for because
visiting nursing service is available at a saving to the Government of many
thousands of dollards. And, in order to point this up a little more adequately,
I would like, with your permission, Sir, to call upon Dr Copping, who would
like to speak to our recommandation number 4, particularly with reference to
and from the point of an attending physician at the Montreal General Hospital.
Doctor Copping.
DR COPPING: M. le Président, je puis me faire comprendre en
français, mais c'est jouai et c'est atroce. Je vous demande pardon, je
regrette, mais je parlerai en anglais. C'est moins douleureux, je vous le
promets.
The government hospital scheme in Montreal is working very well. We are
all very pleased with it. There is only one thing wrong with it. The waiting
list is too long, and the patients, the patients' family, the patients' friends
and I would remind you, gentlemen, that these people all vote are
very unhappy about the scheme. They say: It was not like this before the
government took it, and look at it now. The hospital which I serve, Mr.
President, has a waiting list regularly of one thousand or more people, and
some of these are very sick. Now, Mr. President, why is there a waiting list of
one thousand? Is there anything we can do about reducing the waiting list, and
making your very splendid efforts in running the Hospital Scheme in Montreal,
more acceptable, more happily acceptable to the voters of Montreal? I believe
there is. What are the reasons for the long waiting lists? Well, there are
many, Mr. president. But, one of the most important, is that, we the doctors,
are unable to send patients home to convalescence as soon as we would like.
There
are not enough convalescent hospital beds for those patients who still
require some degree of nursing care, some degree of medical surveillance, but
do not require the full power and force of an active hospital service. If we
can reduce the length of time the individual patient stays in hospital, will
that cut down the waiting list? It will, and I can prove it to you, Mr.
Chairman. For reasons with which I shall not bore you, we were able in the
hospital, the Montreal General Hospital where I work, to cut down the length of
stay of our patients by one day for each patient, and during the year we were
able to admit one thousand more patients than we had the year before, one
thousand more patients, that is a big reduction on the waiting list. You, the
Government, are constantly being asked to build more convalescent hospitals,
more nursing homes, more hospitals and nursing homes for chronic sick patients.
Now, I will not quarrel with that, but let me tell you, Gentlemen, that there
are losts of convalescent beds in Montreal, lots of them, and they are not
being used now, and they are good convalescent beds. They are convalescent beds
that the patient would be very happy to go home to. Why? Because he is in his
own home. That is the way his convalescent bed is. The bed is there now, it's
got a roof over, it's got walls around it and it's warm, it is comfortable, and
it is in the bosom of his family, au sein de sa famille.
Why not send him home there? It seems simple does it not? Well, we
thought we would look into this and if you, gentlemen, cherchez dans votre
mémoire, page 7, les numéros 24, 25 et 26. I would like to speak
a little more in detail on those three sections. We thought: Can we not use all
this great number of convalescent beds all over Montreal and take patients out
of hospital earlier, put them in those beds so we can cut down the waiting
list? So, we instituted what is now known as the liaison referai discharge
system. Now that means this. We went to the Victoria Order of Nurses and we
said: « Give us a nurse. We will put her in an office, we will give her a
secretary and when a patient is over the acute sickness, the pneumonia is
better, the appendix incision is healing, whatever it may be, and we think that
the patient may go home but he has to be seen by a nurse for certain procedures
to be carried out, he has to have a surveillance du médecin. We will
send him home and we ask that girl to come to the ward and she meets with the
doctor, she sees the patient, she sees the nurse, she sees the social workers,
she sees all those people who have to deal with that patient and then, she goes
back and she telephones the district in Montreal, where that patient lives and
she says would you send a nurse to such and such a street at such a number
tomorrow, there is a patient going home from the hospital and the doctor says
he is to have this, this and this done, and we want a report three times a week
». The reports come through the liaison official and go back to the
doctor. It is just like having the patient in the hospital bed, except he is in
a convalescent bed and it has not cost the government anything, that bed was
there to start with. Now, it makes sense, does it not? And he is « en
famille », and that is a good thing. Now, this scheme works out very
well. We wanted to find out how well it works out and we had a survey made. We
have four hospitals in this scheme in Montreal and we took their figures for
1965, and some of these figures, I am sorry to say, gentlemen, are not in your
« mémoire », because they have come to us since, since I
heard I was going to have the happy privelege of appearing before this august
body. I realized I must do more homework and I have done more homework, but we
did not have time to get it into the mémoire, but we studied intensively
the 3,000 patients or more who went home in 1965 under this referai system we
have studied 200 from my own hospital very carefully and we have learned some
very interesting things. We have not saved each of those patients one day in
hospital. We have saved them an average of 40 days out of hospital. We have
done that with 11 average, 11 visits of the Victoria Order of Nurses or «
Société des infirmières visiteuses ». They are VON's
opposite number. The doctors are pleased, the patients are pleased, the
hospital is pleased and how pleased might the government be? Well, we have
saved the government the need to have a 400 bed convalescent hospital in
Montreal, because if you multiply the number of bed days by the number of
patients and you multiply 400 by 365, it comes out to very closely the same
thing. We have saved you 400 convalescent hospital beds, « cela
coûte cher, mes amis, cela coûte environ $6 millions ». Now,
if you can get interest on money at 5%, I cannot, perhaps you can, that is
$300,000 a year interest and it costs about $1 million a year to run a 400 bed
convalescent Hospital and do you know what it costs? Those nurses charge $4.18
a visit, as you will see from your mémoire.
The total cost was something like $150,000. Pour les quatre
hôpitaux seulement. L'étude est faite sur 200 malades de mon
hôpital, mais ces 3,000 malades qui ont été envoyés
chez eux provenaient de quatre hôpitaux.
Now, we figure we are in a position to save the government a great deal
of money. We are in a position to offer you convalescent beds
right away. But we have to have the Victorian Order of Nurses or la
Société des Infirmières visiteuses, because we have to
have someone to go to the homes.
MR. RENAUD: How many nurses in the two organisations?
MR. COPPING: 89 in V.O.N. and 58, 89 and 58. Now, Mr. Chairman, 1 am not
a statistician, I am not a business man, I am not a mathematician, but I am a
doctor. As a matter of fact I have been in practice for 30 years in Montreal. I
maintained myself in practice, I am an Associate Professor of Medicine at
McGill University, I am a Senior Physician of the Montreal General Hospital and
I can assure you that on all three counts: a practical side from my practice,
the academic side from my university appointment, the hospital side from my
hospital appointment, this is a good thing. Patients are well looked after,
patients get good medical and good surgical care under this scheme. Do I need
to say further on the matter? It seems to me that we need this service, we need
it very quickly.
I would make one point in closing, Mr. Chairman. I am not making a plea
that you, the Government, take over the V.O.N. or that you take over the
S.I.V., not at all. They don't want to be taken over, they want to remain
indépendant. This work, these 3,000 patients looked after from these
four hospitals and given convalescent care at home, were looked after by just
about one fifth of the working capacity of the V.O.N. and the S.I.V. It's
capable of great expansion, but they don't want you to take it all over. All
they want to do is be sure that you will buy from them these services which we
feel you need, which you are getting very reasonably in price.
MR. RENAUD: Are there any other organizations like this order and
l'Association des Irfirmiêres visiteuses? Are they the only two in
Montreal?
MR. COPPING: A mon sens je pense que non, je vais le demander à
mes assistants.
MLLE PETERS: Il y a aussi les Petites soeurs de l'Assomption,
monsieur.
MR. MARLER: Do you have great difficulty in recruting nurses for the
V.O.N.? May I ask you that?
MISS PETERS: No, Sir, we don't have any trouble recruting nurses, we
have considerable difficulty in retaining them for very long, but I think this
is part of the problem of any organization employing women. Our turnover in
staff is tremendous. You, gentlemen, know that there is a shortage of nurses,
generally speaking, and where you have a visiting nurse, she may be handling 8
to 10 patients per day instead of perhaps only dealing with one if she is on
private duty in a home.
Therefore, we have no trouble, Sir, in recruiting staff and I think we
could increase our staff if we had the financial means available to do so.
MR. MARLER: Dr Copping, there are two other questions I wanted to ask.
You spoke about the effect of this V.O.N. care on the average stay in the
Montreal General. What is the average stay now in the hospital?
MR. COPPING: If's about 17 days, I would say.
MR. MARLER: Certainly not 17 days on an average.
MR. COPPING: I must confess that I didn't do my homework up to that
point but I guess it's about that.
MR. MARLER: I will be shocked and I am sure you will be too, Doctor, if
you go back to the hospital and tell them that their average is 17 days,
because the provincial average is around ten.
MR. COPPING: If we are not up, we are not as good as the provincial
average, Sir, I will be shocked beyond all belief.
MR. MARLER: I would be much surprised too. The other question I wanted
to ask was this: One of the difficulties I see in connection with convalescent
beds whether you have them in people's houses or whether you have an
institution which is really a convalescence hospital, is the Doctor going to
visit the patient in this period of convalescence as, what is the score?
MR. COPPING: Mr. Chairman, may I answer Mr. Marler through you, Sir? May
I differ my answer to that question until my colleague speaks? I think he will
deal with it very much better than I am prepared to deal. Insofar as my
presentation is concerned, that depends entirely on the liaison between the
V.O.N. who
sees the patient, the liaison officer in the hospital and the doctor. If
it is felt necessary, a doctor can go out or the patient's own doctor can go
and see them whatever arrangements have been done. But certainly, there is no
reason why that patient should be denied the services of a doctor. As you will
see from his presentation, and perhaps I might lead into that from now, Sir, I
must ask your patience please, not to allow me to answer completely that
question as he will do it very much better. But in conclusion, Sir, may I say
that if you think this is a good thing, if you think with the very simple
liaison device, which we have produced in these four hospitals on this
experimental trial, if you think this is a good thing, I will ask you to listen
to what my colleague, Dr Gabriel Guay, has to say to you about an experiment
which he has been conducting on a smaller scale, but on a much more intensive
approach, in Hull. We have seen a very small trial of this same system, as he
is running, in Montreal and I can certify to you that it is amazingly
effective.
M. GUAY: Je crois que depuis que vous siégez ici, vous avez
entendu plusieurs organismes qui sont venus vous consulter et vous
suggérer d'organiser les soins à domicile avec l'avènement
de l'assurance-santé. Maintenant, je peux vous dire que j'ai un peu
d'expérience dans ce domaine, étant donné que je suis
directeur médical d'un service de soins dits organisés à
domicile, qui est une petite variante de ce service, depuis octobre 1963 dans
la ville de Hull. Comme vous le savez probablement, dans la ville de Hull, nous
n'étions pas trop favorisés à cette période
là, dans les 1960-61-62, nous n'avions aucun débouché pour
nos malades chroniques. Donc, à ce moment-là, les
différentes agences de santé et de bien-être de la ville de
Hull se sont réunies afin d'essayer de solutionner le problème.
On avait entendu dire qu'il y avait des subventions que nos bons gouvernements
pouvaient mettre à la disposition de la population pour ses services.
Nous avons donc, sous l'égide de l'Ordre des Infirmières de
Victoria du district de Hull, organisé un programme qui s'appelle soins
organisés à domicile des villes de Hull et Pointe-Gatineau.
C'était un plan pilote de trois ans, et le premier qu'on appelle
à base communautaire dans la province de Québec. Je dois dire
qu'il existait déjà un service du même genre mais
attaché à l'Hôpital Ste-Jeanne-d'Arc de Montréal
depuis 1961. Maintenant, au début, nous nous sommes naturellement
attaqués aux chroniques. Je suis en position pour en parler parce que je
suis médecin pratiquant de la médecine généra- le
dans la ville de Hull, je suis directeur du département de pratique
générale à l'Hôpital Sacré-Coeur et je sais
que les patients entraient là, disons un exemple concret
avec une paralysie du côté gauche ou du côté droit.
Le patient restait là des trois ou quatre mois parce qu'on ne pouvait
pas franchement lui offrir grand chose d'abord au point de vue de la
physiothérapie et de la réhabilitation.
C'était à peu près nul, malheureusement. Avec
quelques pauvres soins, on réussissait à le faire tenir debout
sur des béquilles, et après quatre mois, le patient retournait
chez lui. Depuis l'avènement du service, un cas de ce genre peut passer
deux semaines à l'hôpital ou trois semaines. Au moment où
Il peut se nourir lui-même et voir un peu à sa propre
hygiène, le malade est retourné chez lui. Maintenant, vous vous
demandez peut être comment nous opérons ce service.
Essentiellement, on donne les mêmes service que ceux que vous pouvez
recevoir ordinairement à l'hôpital. Nous avons d'abord le service
médical où le médecin traitant demeure le médecin
du patient et c'est lui qui est, ni plus ni moins, la tête du patient.
Les demandes d'admission au service sont faites par lui et ses ordres sont mis
à exécution tels que demandés. Nous avons ensuite le
service de nursing, qui nous est donné en grande partie par les
infirmières du VON et aussi, dans quelques cas, par les Petites soeurs
de l'Assomption, lesquelles nous ont rendu des services. Ceci est pour vous
énumérer les services que nous pouvons donner à domicile
et que vous avez dans les hôpitaux. Le troisième service que nous
pouvons offrir, c'est le service social. Nous avons une travailleuse sociale
qui, comme consultante, volt aux problèmes sociaux quotidiens de nos
patients. Nous avons une physiothérapeute qui se rend aux maisons des
malades pour leur faire faire des exercices, les faire marcher, les lever. Nous
avons même à la maison, dans le moment, toute sorte d'appareils
orthopédiques, comme ce que l'on appelle des « monkey bars
», que vous voyez peut-être dans les hôpitaux
déjà, des « walking frame », des affaires assez
compliquées.
Le patient a essentiellement les mêmes services que s'il
était à l'hôpital. Nous avons aussi un service d'aides
domestiques, un atout très important dans un service comme celui-ci.
Même c'est le plus gros article au point de vue budgétaire. Nous
avons, jusqu'ici eu un budget de $50,000 par année, et cette
année, l'article des aides-ménagères se chiffre à
près de $10,000. Mettez-vous un peu dans l'ambiance du problème
de la mère de famille qui a une maladie quelconque, et qui peut
être soignée à
la maison. Si nous l'envoyons à la maison avec cinq ou six
petits, c'est assez difficile; par contre, si nous pouvons lui offrir de l'aide
pour préparer les repas, faire les emplettes, changer les couches,
etc..., la mere peut toujours être là et, comme on dit, donner les
ordres de son lit. Nous avons ensuite un service de prescriptions
pharmaceutiques. Dans plusieurs cas, nous payons les prescriptions
pharmaceutiques pour les indigents médicaux. Nous avons aussi un service
d'analyses de laboratoire et de radiologie. Si le patient a besoin d'une prise
de sang, plutôt que d'aller à l'hôpital, nous avons un
technicien qui va chercher le sang à la maison. Pour les rayons-X, nous
pouvons toujours transporter le malade à l'hôpital, soit en
ambulance ou en taxi, selon le cas. Un service d'infirmiers. Si le bon vieux a
besoin d'un cathéter, nous appelons un infirmier qui va à la
maison installer le cathéter. Ce qui veut dire que tout ce à quoi
vous pouvez vous attendre de recevoir à l'hôpital, nous pouvons
vous le donner à la maison. Mais il faut bien s'entendre. Les services
de soins organisés à domicile ne remplacent pas l'hôpital.
Ceci est pour un certain pourcentage de malades qui réellement ne
devraient pas être à l'hôpital, ils devraient être
à domicile. Dans nos statistiques, vous verrez que, depuis le
début du plan, nous avons admis au-delà de 275 malades. Nos
statistiques ne sont pas à l'avant-dernière page, mais à
la troisième page de la fin des statistiques de mon service de Hull. Ce
sont des statistiques que nous avons prises pour l'année 1965, parce que
notre année fiscale va de mars à mars, mais pour le
mémoire, nous avons pensé vous présenter une année
de janvier à décembre. Vous pouvez voir que nous avons admis 166
malades en 1965 et, ce qui est intéressant, c'est de voir que sur les
166, il y en avait 80 qui étaient allés à l'hôpital
auparavant, alors que 86 n'ont pas eu besoin de se présenter à
l'hôpital auparavant. C'est un peu l'avantage d'un plan comme le
nôtre, à base communautaire, sur un plan hospitalier,comme il y a
à Ste-Jeanne d'Arc. Nous ne pouvons pas dire que ce n'est pas un bon
plan, c'est un plan très efficace, mais à base
hospitalière. Ils n'acceptent que des malades qui sont
hospitalisés d'abord. Ce qui veut dire que nous avons
évité en 1965 l'hospitalisation de 86 malades et nous avons
écourté le séjour de 80 malades à l'hôpital.
Je vous ai dit que au début nous nous étions attaqués aux
malades chroniques. Maintement, il y a tellement de possibilités avec ce
service que nous admettons des enfants de zéro à quatorze
ans.
Nous avons eu 53 malades de 15 à 44 ans. Dans les services
c'est un peu de quoi nous avons parlé vous avez des statistiques.
Ce qui est intéressant, c'est le coût de toute cette entreprise.
Ici on a comme coût par jour $4.66; cela peut varier de $4 à $6.
Je pense que le prix accepté aux Etats-Unis et dans les plans existants
au Canada, est d'environ $6 par jour, à comparer à un per diem
dans les hôpitaux qui peut varier de $25 à $35.
M. RENAUD: Est-ce que ça comprend l'aide-domestique aussi?
M. GUAY: Cela comprend tout, oui. Cela comprend même
l'administration qui est un tiers de l'ensemble, sur $50,000. J'ai
calculé ça, juste pour nos salaires et le salaire de
l'infirmière en charge, le loyer, le téléphone; ça
comprend un tiers des $50,000. Ce qui veut dire que l'on pourrait agrandir les
cadres sans tellement augmenter le coût. On aurait le même
personnel, je serais encore le même directeur, la même
infirmière coordinatrice qui est en charge du plan, le même loyer,
le même téléphone, etc.
M. COITEUX (Duplessis): Docteur, est-ce qu'au cours de cette
expérience-là, les écots étaient payés par
l'hôpital ou bien si c'était un fonds spécial?
M. GUAY: Nous avions un budget du gouvernement...
M. COITEUX: Ah! du gouvernement.
M. RENAUD: Maintenant comment est-ce que ça origine? Pour
commencer à vous occuper d'un malade à domicile, comment cela se
passe-t-il?
M. GUAY: On exige une demande du médecin. Disons que le docteur
Untel a un malade et juge que ce malade serait un candidat pour les soins
à domicile. Il remplit une formule d'admission, un peu comme on fait
pour le rentrer à l'hôpital. On a des dossiers d'hôpitaux,
la même chose que l'hôpital; pour tous les malades, on a tous les
dossiers avec l'histoire de cas, la demande d'admission, les observations
d'infirmières, les rapports de laboratoire, rapport de rayon-X, tout ce
que vous trouvez sur un dossier d'hôpital.
Maintenant ce sur quoi j'aimerais attirer votre attention, c'est que
nous avons commencé avec les malades chroniques, et je vous ai dit que
nous avons toujours des possibilités dans ce domaine. On prend des cas
plus aigus. Cela va peut-être vous bouleverser un peu, maintenant,
à Hull, on fait des cas d'hernies. Si vous avez une hernie et que vous
devez être opéré; votre
médecin traitant, votre chirurgien, va vous dire que ça
peut prendre trois ou quatre mois avant que l'on puisse avoir un lit pour vous.
Nous autres, on a contourné cela, on peut le faire comme externes. Le
malade va voir son chirurgien, on nous avertit: « Dans trois, quatre
jours j'opère monsieur Untel pour une hernie ». Nous visitons
à la maison, le malade se rend à l'hopital la veille, au
laboratoire, pour ses analyses d'usage, et, la journée de
l'opération, à huit heures il se rend à l'hôpital,
il est opéré de bonne heure, huit heures, huit heures et demi. A
sept heures le soir une ambulance est là, ramène mon bonhomme
chez lui, la garde-malade est là pour le visiter. C'est formidable les
réactions que l'on a eues des malades! Imaginez-vous, là, le
temps, l'argent que l'on sauve! Cela passe pour une journée
d'hospitalisation sur l'assurance-hospitalisation, (parce qu'il faut que
quelqu'un défraie le coût) mais c'est une journée au lieu
d'une semaine. Ainsi, on peut étirer ça à d'autres
maladies.
M. TARDIF: Est-ce que les malades en général
préfèrent ce service-là à l'hospitalisation?
M. GUAY: Si ce sont des cas que l'on peut soigner à la maison,
oui; je dois même dire qu'une thèse qui a été
écrite par un M. Vandette de l'école des sciences politiques de
Montréal, intitulée « Les Canadiens français
aiment-ils les soins à domicile ?» Il a étudié neuf
plans et le plan de Sainte-Jeanne-d'Arc, et franchement les réponses ont
été renversantes. Il y a peut-être un ou deux patients sur
le groupe il y en a toujours qui sont dissidents qui ont dit
qu'ils n'aimaient pas ça. Mais la plupart, même les
médecins, sont satisfaits. J'ai été surpris. Dans la ville
de Hull, on a envoyé des questionnaires à 17 médecins qui
soignaient, dans ce temps-là, des patients sur le plan. Moi, j'ai dit
à l'enquêteur; « Tu sais bien que les médecins ne
répondront pas à ça. On a assez de paperasses. Fais ce que
tu veux, mais, j'ai dit; prends une chance. Il a dit: Je vais prendre une
chance ». Sur dix-sept, il y en a quatorze qui ont répondu. Treize
aimaient les soins à domiciles, il y en a un qui a dit qu'il n'aimait
pas ça, qu'il aimait mieux avoir ses patients à l'hôpital;
mais, c'est toujours un peu plus facile d'avoir tous ses malades à
l'hôpital et les visiter là.
Maintenant, est-ce que je peux répondre à la question de
M. Marler, de tantôt: si c'est un problème pour les
médecins de visiter leurs malades à domicile? Pour ce qui regarde
les omnipraticiens dans la ville de Hull, ce n'est pas un problème,
parce que c'est dans notre routine de faire des visites à domicile. Pour
ce qui regarde les spécialistes, dans un cas de spécialité
pure, tel un cas d'orthopédie, de fracture, nous laissons le patient au
nom de l'orthopédiste. L'orthopédiste ne va pas à la
maison, mais au besoin, on le ramène soit à son bureau soit
à l'hôpital pour qu'il le voie. Cela contourne le problème
et les spécialistes ne se plaignent pas de cet état de
choses.
M. MARLER: Docteur, je voudrais poser deux autres questions,
premièrement, combien avez-vous d'infirmières à votre
service à Hull?
M. GUAY: Dans le moment ça varie; je pense quatre, cinq;
plutôt six, je crois...
M. MARLER: Et il y a combien d'hôpitaux à Hull
actuellement?
M. GUAY: Un hôpital général, l'hôpital
Sacré- Coeur, qui a 350 lits. On s'occupe des malades chroniques. On
sauve beaucoup de journées d'hospitalisation pour ce groupe de
malades.
Comme vous savez, le sanatorium recevait les tuberculeux et quand la
tuberculose fut à la baisse, on y admit quelques malades chroniques.
Maintenant, on a la fameuse pieta qui ouvre et, par contre, le sanatorium
devient un hôpital psychiatrique. Mont-St-Jude a été
ouvert, je crois, il y a à peu près un an. Deux mois
après, c'était plein à craquer.
Les patients attendent pour entrer. Ce qui arrive souvent, c'est qu'on
attrape des patients qui sont congédiés de l'hôpital et qui
attendent leur admission soit à St-Jude, ou dans un hôpital
chronique. Eventuellement on nous les réfère, la famille n'est
pas contente au début; mais une fois qu'on leur a expliqué le
plan, puis qu'ils ont eu le malade chez eux pendant deux ou trois jours, ils
nous disent: « Laissez donc faire St-Jude, on va le garder à la
maison. » Même ce qui est drôle, c'est que nous avons eu des
patients sur notre plan, éventuellement leur place étant
prête à St-Jude, (c'est le seul qu'il y ait dans le moment) ils y
sont allés, ils sont restés deux ou trois jours, puis ils ont
dit: « Non, non, moi je m'en retourne à la maison, j'aime bien
mieux être à la maison. D'abord on mange bien mieux, on est
chauffé...»
M. TARDIF: J'imagine que vous avez une bonne liste d'attente
là-dedans? Est-ce que vous êtes en mesure d'accepter toutes les
demandes raisonnables?
M. GUAY: Malheureusement, on a encore des
listes d'attente. Ce qui arrive, cette année, je suis là
comme administrateur, je ne m'y connais" pas tellement. J'ai $50,000, puis
là je pense, cette année qu'on va avoir environ de $49,000,
$50,000. Alors, moi, je ne peux pas dépenser plus d'argent que j'en ai.
Je pense bien que si on donnait $25,000 on pourrait peut-être admettre
500 patients. Là, on la baisserait la liste d'attente.
M. MARLER: Docteur, la deuxième question que je voudrais vous
poser avait trait aux dépenses. Est-ce que, les frais que vous faites
pour le service à domicile, ne sont pas compris dans le plan
d'assurance-hospitalisation?
M. GUAY: Non, dans le moment nous n'avons aucune...
M. MARLER: Cela fait l'objet de subventions spécifiques.
M. GUAY: Spéciales, oui. C'est une entente
fédérale-provinciale. C'est avec le docteur Lizotte que je
corresponds habituellement.
M. COLLARD: Docteur, est-ce que l'expérience qui a
été tentée à Hull justifierait que l'on
suggère de l'étendre à toute la province?
M. GUAY: Je crois que oui, il faudrait y aller prudemment. Il ne
faudrait pas trop entreprendre. Comme nous autres, dans le moment, pour Hull
proprement dit, on peut augmenter le nombre de nos patients, et je pense qu'on
pourrait s'étendre plus loin. Au début, c'était la
Pointe-Gatineau, la deuxième année on s'est étendu
à Lucerne, on a pris Aylmer, Limbourg, Cantley, là on pourrait
aller à la Gatineau, et éventuellement on pourrait prendre tout
le bas du Québec, avec un bureau central, quitte à créer
un service adéquat. Le problème, c'est que nous avons seulement
une physiothérapeute ; elle ne peut pas partir de chez nous pour aller
à Montebello, donner des soins de thérapie, elle n'aura pas le
temps. Si on en avait deux, une autre, dans cette région-là,
ferait de la physiothérapie.
M. CLOUTIER: Alors, vous organiseriez ça sur une base qui serait
rattachée à l'hôpital...
M. GUAY: Non, ce n'est pas-tellement sur une base d'hôpital...
M. CLOUTIER: ... sur une base hospitalière ou dans un secteur
donné avec une centrale?
M. GUAY: Personnellement, ayant eu de l'expérience avec un plan
de base communautaire, je crois que le plan communautaire a des avantages sur
le plan hospitalier. A Montréal, il semble y avoir bien des
problèmes. Ce n'est pas que je me pense bien habile pour venir tout
régler, mais j'ai l'impression que tout le monde veut avoir son plan
à son hôpital, ce qui est un dédoublement de personnel.
Cela veut dire que chaque hôpital aurait d'abord un directeur
médical, comme moi, une infirmière coordinatrice, une
secrétaire, une physiothérapeute... etc.
Si vous avez un bureau central comme on en possède un à
Détroit. A Détroit, ils desservent une population de 8 millions
et puis ils ont un bureau central avec des sous-régions pour les
différents services. Mais le tout est centralisé, il n'y a qu'un
seul directeur médical pour tout Détroit. On diminue,
naturellement, les dépenses.
M. TARDIF: Maintenant, j'imagine que pour étendre le
réseau, je ne dirai pas provincialement, mais l'étendre
graduellement, il y aurait aussi la question à savoir si nous avons des
infirmières nécessaires.
M. GUAY: Nos compagnes ici, prétendent que non... Il n'y a pas
juste le nursing, il y a des cas qu'on admet qui n'ont pas besoin de nursing,
ils ont peut-être besoin de physiothérapie, d'aide du
médecin, mais la plupart du temps il y a du nursing.
M. CLOUTIER: Est-ce qu'on pourrait dire que pour la formation de vos
infirmières visiteuses vous envisagez de modifier cette formation, d'y
ajouter les branches spéciales en plus de l'hygiène publique ou
d'autre...
M. GUAY: Là, vous êtes un peu en dehors de mon domaine. Je
dois vous dire que je suis médecin pratiquant, j'ai été
demandé pour organiser un service de soins à domicile. Nous
achetons les services du V.O.N., quoique nous sommes responsables au V.O.N. Je
suis certain que le V.O.N. a prévu ces choses-là, parce qu'on y
est très intéressé aux plans des soins à domicile.
On les a étudiés. D'abord à Toronto, ça marche
très bien. Je ne sais pas si vous êtes au courant qu'à
Toronto, dans le moment, l'assurance-hospitalisation va payer les
dépenses encourues par un malade qui quitte l'hôpital
prématurément. Supposons qu'un malade va à
l'hôpital, disons pour une hernie, cela prends sept jours. Si vous
envoyez le malade à la maison avant sept jours, s'il peut
épargner des journées d'hospitalisation,
l'assurance-hospitalisation paie les services à la maison. S'ils ont
besoin de nursing, d'analyses de laboratoire, de quoi que ce soit, c'est
avantageux: plutôt que de payer un per diem de $25 à $35 cela peut
leur coûter $3 ou $4 par jour.
M. RENAUD: C'est pour ça qu'ils paient l'aide domestique, c'est
parce que ça compense ce que ça coûterait pour le per diem
à l'hôpital.
M. GUAY: Maintenant, ce n'est pas tout le monde qui a des aides
domestiques, il faut s'entendre. Si la famille peut s'occuper de son malade, on
exige qu'elle en prenne soin. Mais, des fois, ça arrive qu'il n'y ait
personne pour s'occuper du malade, dans ce cas-là, on a une aide
domestique.
M. RENAUD: Pour fonctionner normalement, chez vous, c'est Hull et
Gatineau dans le moment...
M. GUAY: Toute la région Hull Gatineau...
M. RENAUD: Vous couvrez un territoire de combien?
M. GUAY: On a un territoire en millage... on couvre à peu
près une population de 80,000.
M. RENAUD: Vous répondez à la demande, mais avec des
listes d'attente.
M. GUAY: Pas à notre service. M. RENAUD: Non?
M. GUAY: A notre service, il n'y a pas de liste d'attente. Nous sommes
assez occupés. En février, nous avons admis 22 malades, ce qui
est beaucoup. Parce que c'est du travail toutes les fois qu'un malade est
admis. Il faut aller à la maison, faire l'évaluation. Si le
malade est à l'hôpital, il vaut voir le malade à
l'hôpital, s'assurer qu'il peut être soigné à la
maison et qu'on peut lui offrir des services. Si le bonhomme a besoin
d'oxygène à la maison, quoi qu'on peut toujours lui en donner, on
en a qui ont été à la maison et ont reçu de
l'oxygène. Les malades chroniques, on leur donne une bonbonne
d'oxygène et on l'installe.
M. RENAUD: Dites-vous, docteur, que votre organisation actuellement peut
répondre à la demande de toute la population que vous
couvrez?
M. GUAY: Ce serait une question financière, il faut être
sûr que l'on peut avoir tous les services. Je crois que, pour ce qui est
du nursing, il n'y a pas de problèmes. Il y a juste le fait que si l'on
avait beaucoup de cas de physiothérapie... Nous n'avons qu'une
physiothérapeute qui travaille pour nous deux jours par semaine.
Maintenant, si elle était prête à donner son plein temps,
il n'y aurait pas de problème. Mais elle est une femme mariée
avec des enfants, elle fait ça à temps partiel.
M. RENAUD: Et vous avez à plein temps des infirmières?
Combien, dites-vous?
M. GUAY: Des infirmières, il y en a 6 dans le moment. Comme je
vous le dis, dans le moment, nous achetons les services. Si l'infirmière
fait une visite d'envol, le prix accepté, dans le moment, est de $3.50
la visite. Et la même chose pour la physiothérapeute, c'est $5 la
visite. La travailleuse sociale est payée àl'heure, parce qu'elle
ne travaille qu'une journée par semaine, comme consultante, et puis elle
ne fait pas de gros travail. Les infirmiers sont payés $3 la visite. Le
technicien de laboratoire qui va prendre la prise de sang, $3, et ainsi de
suite. Notre argent, c'est là qu'on le dépense, c'est pour les
services que l'on achète, si je puis dire, des différents
organismes de santé, dans la ville.
M. BERTRAND: Je comprends, docteur, qu'en plus des subventions que vous
pouvez recevoir directement du gouvernement, il y a d'autres souscriptions,
parce qu'en fait, vous vivez avec des souscriptions du public.
M. GUAY: Encore là, cela, ça s'applique à l'or- dre
du V.O.N. Comme je vous le dis, strictement, les soins à domicile. Tout
ce que le V.O.N. également a eu à faire dans cette chose, c'est
qu'ils ont pris le programme en main, c'est tout. Ils ont fait beaucoup, parce
que le plan avait été offert à l'hôpital et il l'a
refusé, comme on dit, ils ont eu peur, ils ne l'ont pas pris en main. Le
V.O.N. a eu le courage de le prendre en main et de l'administrer.
M. BERTRAND: D'ailleurs, je dois vous dire pour les membres du
comité, que je suis largement impressionné par le travail que le
V.O.N. fait. Je le suis d'autant plus, que je demeure dans une des branches
nouvellement créées, celle de
Rosemère-Ste-Thérêse, qui a débuté il y a
peu, en fait. Parce qu'en somme, vos services sont à part de
Hull, Sherbrooke, et quelques endroits localisés dans la
péri-
phérie ou à Montréal même. Mais, j'ai
été impressionné par le travail fait à
Rosemère, St-Eustache, Ste-Thérèse, et la population l'a
tellement été, que lors de la souscription qui a
été faite récemment, la Fédération des
Oeuvres de charité des Laurentides, il y a eu un article spécial
en faveur du V.O.N. D'ailleurs, il y a aussi un groupe des infirmières
visiteuses qui opère chez nous, et je sais que, dans le domaine social,
l'assistance à des femmes qui revenaient de l'hôpital, et dont la
présence était nécessaire à la maison, le V.O.N. a
rendu des services devant lesquels je m'incline. Et, comme membre du
comité, je le dis à mes collègues, parce que vous
n'êtes pas encore entrés d'une façon définitive dans
les centres ruraux. Mais ce que vous avez fait, on the place you have, it was a
splendid job. I must say that to the members of the comittee, at this
moment.
MISS PETERS: Thank you.
M. GUAY: Je dois dire que je représente juste une petite section
des soins à domicile, parce que le V.O.N., je crois, c'est beaucoup plus
vaste que ça. Si vous avez des questions qui s'adressent au V.O.N., je
pense que mes consoeurs et confrères pourraient vous répondre
plus en détail.
M. MARLER: Dr Guay, avant de vous asseoir, est-ce que, comme
conséquence de votre plan pilote à Hull, la durée du
séjour, la durée moyenne a baissé sensiblement?
M. GUAY: A l'hôpital, vous voulez dire? M. MARLER: Oui.
M. GUAY: Franchement je ne voudrais pas que l'on me cite
j'ai l'impression que ça a baissé. Oui. Quoique l'an passé
on avait l'impression que c'avait baissé, en ce moment, il y a une liste
d'attente de 500 malades encore, qui attendent d'entrer à
l'hôpital. Mais, je dois vous dire que l'on a pas fait beaucoup de
publicité pour ce programme-là, parce que, justement il y a
$50,000 et que si l'on fait de la publicité, et qu'il y ait des gens qui
nous appellent et qu'on soit obligé de leur dire: On n'a plus d'argent,
c'est regrettable. Il y en a qui nous disent qu'on devrait faire de la
publicité, d'autres qui disent: N'en faites pas. Dans le moment, on est
limité par la finance.
M. BERTRAND: Vous êtes limité par la finance?
M. GUAY: On est limité par la finance. Ce n'est pas que l'on se
plaigne c'est un plan pilote. Mais, je pense bien que si ça entre dans
un plan général d'assurance-santé, il faudra
élargir les cadres. Mais, dans le moment, je pense bien que si l'an
prochain on arrive au mois de novembre et qu'il reste 4 mois à
opérer et puis que l'on ait dépensé $49,000, si on
écrit au ministère de la Santé, il va probablement nous
donner un surcroît, car il semble convaincu de l'affaire.
M. MARLER: Les espoirs ne sont pas défendus évidemment,
docteur.
M. GUAY: Merci.
M. COPPING: M. le Président, si j'ai bien compris, there is some
question as to whether this home care program presented by Dr Guay could be
extended geographically and could be extended into many more specialities in
medecine, orthopedic specialist care, home making care, educational care,
physiotherapy, in all these various branches.
Now there has been running the last while in Montreal, in The Montreal
Children's Hospital an experiment like this and I saw recently a demonstration
of their work and I was most inpressed. They have gone out into all these
branches with great success and they can handle most difficult cases in the ho
me which previously had to be handled in the hospital and they are doing it at
$5 a day where it costs $35 a day to keep that patient in hospital getting no
better treatment than he or she is getting at home and under the care and under
the affection and under the warmth of the family circle at home of an
inestimable value with children and not to be overlooked in aldults either.
I am quite sure this scheme can be extended, I think we have got enough
information now to guide us in a general way and I am sure it can be extended,
but of course the V. O.N. and the, «les infirmières » must
be supported.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions, messieurs? Je remercie le
représentant des infirmières de l'Ordre de Victoria des
renseignements qu'ils nous ont fournis et aussi le comité
apprécie grandement les remarques que vous avez faites à la suite
de leurs questions.
MISS PETERS: Merci bien, messieurs. And before we adjourn may I just
please, quite briefly refer you to our five recommendations? They are really
very simple, it has already been pointed out that we serve in a relatively
small
area of the Province geographically, although we do serve in the very
large area of the Province, population wise, and if there were any way of our
being included in any form of Government Health Insurance I know that we are
only too ready to co-operate with you in any possible way that we can and we do
thank you, Gentlemen, for listening to us this morning.
M. LE PRESIDENT: Thank you for your cooperation. Mlle Custeau,
représentante de la Fédération de la société
d'infirmières visiteuses, je vous demanderais de bien vouloir vous
approcher, ainsi que les membres qui vous accompagnent.
Mademoiselle, je vous demanderais de présenter les gens qui vous
accompagnent et aussi de nous donner un sommaire de votre mémoire.
MLLE CUSTEAU: M. le Président, messieurs les membres du
comité, il me fait plaisir de vous présenter les
représentants officiels de la Fédération des
sociétés d'infirmières-visiteuses,, A ma gauche, le Dr
Georges-Albert Bergeron, vice-doyen de la Faculté de médecine de
l'université Laval et Président du comité exécutif
de la Fédération des sociétés
d'infirmières-visiteuses; Mlle Renée Rivard, directrice de la
Société des infirmières-visiteuses de Montréal;
Mlle Gertrude Blanchard, directrice de la Société des
infirmières-visiteuses de St-Jérôme.
A mon extrême droite, M. Horace Lamarche, directeur
général de l'hôpital de Lachute et vice-Président du
comité exécutif de la Fédération de la
Société des infirmières-visiteuses; le docteur Jean-Paul
Parent, Président de l'Oeuvre d'assistance aux malades à domicile
de Québec; Mlle Thérèse Saint-Onge, directrice de l'Oeuvre
de l'assistance aux malades à domicile de Québec.
M. le Président, la Fédération des
sociétés d'infirmières-visiteuses et le groupement des
sociétés d'infirmières-visiteuses, légalement
incorporées et demeurant autonomes dans leur territoire respectif. Une
société d'infirmiêres-visiteuses est un organisme
privé de soins à domicile. C'est pour répondre à un
besoin de la population canadienne-française que la première
société d'infirmières visiteuses fut fondée
à Montréal en 1937. C'est en effet à lasuite d'une
période de chômage que cette société fut
fondée alors qu'un grand nombre d'économiquement faibles devaient
garder leurs malades au foyer et ne pouvaient se payer les services d'une
infirmière licenciée.
Vouloir secourir ces malades, dans de telles circonstances, impliquait
une entreprise essentiellement déficitaire qui devait faire appel au
dévouement des conseillers d'administration bénévoles et
d'infirmières conscientes de l'immense portée sociale de leur
mission.
C'est donc grâce au dévouement de ces membres et aussi aux
subventions des fédérations d'oeuvres de charité que ces
sociétés ont pu survivre. Encore aujourd'hui, les pauvres
constituent l'élément le plus important de la clientèle,
puisque, comme mentionné dans le rapport annuel pour l'ensemble de nos
services, les visites gratuites sont de l'ordre de 60%. il n'est pas
étonnant que la plupart des sociétés membres
dépendent encore d'octrois des fédérations d'oeuvres de
charité pour poursuivre leur but. L'idéal des infirmières
visiteuses a essaimé puisqu'aujourd'hui ces sociétés, dont
celles de Montréal, Québec, Trois-Rivières, La Tuque,
St-Jean et St-Jérôme, oeuvrent dans la province et font la
fédération des sociétés
d'infirmières-visiteuses.
C'est à la demande générale des
sociétés locales qu'est née en février 1963, la
fédération des sociétés
d'infirmières-visiteuses et les sociétés locales se sont
associées dans le but d'unir en fédération les
sociétés de la province de Québec, d'étudier les
besoins de la population de la province dans le domaine des soins infirmiers
à domicile, de promouvoir, orienter, coordonner et représenter
les services infirmiers à domicile, de susciter et maintenir
l'intérêt de la population en général des services
hospitaliers, des services gouvernementaux et des cadres professionnels
à l'égard des soins infirmiers à domicile,
d'établir et conclure des ententes avec les organismes privés et
publics, de promouvoir la formation d'un personnel qualifié,
d'établir des standards professionnels pour les services
affiliés, d'aider à la formation du personnel de ces services,
d'employer tout autre moyen jugé adéquat pour la poursuite de ces
buts.
Il n'est donc pas étonnant qu'après une expérience
poursuivie depuis 29 ans, les infirmières-visiteuses participent
activement à des projets pilotes de soins organisés à
domicile. Notre fédération considère que les changements
scientifiques et sociaux, de même que l'éducation ont
modifié les besoins de la population en matière de santé.
L'entrée d'autres travailleurs professionnels dans le domaine de la
santé a modifié les fonctions des soins infirmiers et
augmenté le besoin d'une coordination étroite entre les diverses
disciplines et le développement du travail d'équipe.
Les principales causes de mortalité ont changé, la
population âgée, de plus en plus croissante, a fait multiplier les
malades chroniques qui demandent souvent un traitement médical continu
et des services de réadaptation. Une plus grande connaissance des
comportements hu-
mains amène la nécessité pour les organismes de
santé de développer davantage les services d'hygiène
mentale. Les malades hospitalisés reçoivent leur congé
plus tôt de l'institution hospitalière alors qu'ils
requièrent encore des soins que la famille ne peut dispenser sans
aide.
Les organismes privés de soins infirmiers donnent des soins
à domicile. Cependant, ils ne peuvent répondre à tous les
besoins de la population et particulièrement dans les régions
rurales. Mais l'ambition de la fédération des
sociétés des infirmières-visiteuses est de
s'étendre à tous les diocèses afin de procurer à la
population du Québec ces soins essentiels à leur bien-être.
Hâter le rétablissement des malades, promouvoir la
réadaptation des malades chroniques et les maintenir à domicile
quand la chose est possible est une conception humanitaire de la santé
publique.
Le foyer est l'endroit le plus heureux pour le malade et où il se
sent le plus en sécurité. La chaleur des relations humaines qui y
existent est propice à favoriser un retour plus rapide à la
santé physique et mentale ainsi qu'une heureuse convalescence.
D'ailleurs, une des fonctions de la famille, n'est-elle pas le support de
chacun des membres dans les épreuves? Les liens se resserrent d'avantage
et cette petite société devient plus forte quand les
problèmes sont réglés en commun avec la participation de
chacun. Au point de vue économique, les études et les
expériences en cours tant aux Etats-Unis qu'au Canada démontrent
que les soins organisés à domicile coûtent moins cher que
l'hospitalisation. De plus, les soins à domicile favorisent grandement
l'éducation sanitaire de la famille. L'infirmière qui donne les
soins pourra facilement conseiller chacun des membres de la famille et ses
conseils seront mieux reçus et vécus à cause du prestige
de l'infirmière dispensant des soins et du conditionnement de la famille
en période de maladie. Des expériences en cours à
Montréal, Hull et Québec, démontrent que des
méthodes de coordination sur tous les plans favorisent le travail
d'équipe indispensable pour mener à bien un tel service et
assurer au malade le maximum de possibilités de retour à la
santé. Sur le plan social, cette coordination sera facilitée par
des fiches de diagnostic social. Sur le plan médical, par des dossiers
des médecins traitants et des infirmières. Sur le plan
administratif, par des rapports quotidiens d'activités, des
réunions de travail, des rencontres avec les travailleurs sociaux, les
physiothérapeutes, les aides-ménagères ou autres membres
de l'équipe. Un personnel compétent est un actif indispensable
pour réaliser cette coordination de soins. Cette formation peut
être individuelle, considérant l'expérience et les lacunes
de chacun. La formation de l'infirmière-hygiéniste répond
aux besoins de prévention et d'éducation, permet de
considérer l'aspect social et psychologique des besoins du malade et de
la famille. L'infirmière est préparée à enseigner
à la famille les soins à donner et à la diriger dans son
attitude à prendre avec le malade. Par contre, ses connaissances du soin
des malades et des méthodes à suivre seront rafraîchies et
renouvelées par un programme d'éducation en cours d'emploi. Des
stages en milieu hospitalier et à domicile sous une surveillance sont de
première importance. Un centre d'entraînement du personnel permet
l'uniformité des méthodes tant au point de vue des soins que des
dossiers et des rapports et permet également une philosophie et un
état d'esprit communs. Permettez-moi de demander au Dr Parent, qui est
le Président de l'oeuvre d'assistance aux malades à domicile de
Québec, de présenter le programme de la ville de Québec
qui est un service communautaire de soins à domicile.
DR PARENT: Messieurs, il me fait plaisir de dire quelques mots du plan
communautaire de la ville de Québec parce qu'à Québec, le
service de soins à domicile fonctionne depuis environ 1954.
Jusqu'à décembre 1964, il a été financé par
la Fédération des Oeuvres. Maintenant, depuis décembre
1964, un plan pilote a été établi pour la ville de
Québec et la région, un plan pilote
fédéral-provincial et, maintenant, nous sommes financés
à même ce plan. Les buts du plan communautaire de Québec
sont les mêmes que ceux qui vous ont été exposés
jusqu'ici, traiter les malades à domicile. Nous traitons à
domicile les malades qui ne peuvent être traités au bureau du
médecin ou à la clinique externe des hôpitaux et qui ont
besoin de soins particuliers à domicile. Ainsi, nous leur procurons de
meilleurs soins et puis, dans une meilleure atmosphère. Ce faisant,
dans le temps, c'était peut-être à notre idée
un but secondaire, et primordial je crois aussi c'est que nous
raccourcissons les durées d'hospitalisation et puis, parfois non
seulement on peut diminuer la durée d'une hospitalisation, mais on peut
empêcher une hospitalisation également. Parce qu'il y a certaines
maladies qu'on peut traiter à domicile si on a tous les soins du
nursing, et le reste. Alors, pour pouvoir faire cela, nous donnons des soins de
nursing mais, également, nous faisons des examens de laboratoire
à domicile, des soins de physiothérapie. La clinique de
réhabilitation
de l'hôpital Laval coopère très bien avec nous et si
nous avons besoin de physiothérapeutes, ils acceptent à chaque
occasion de nous rendre service,, Nous pouvons parfois faire faire de la
radiologie, nous fournissons les aides domestiques et pour les malades qui ne
peuvent absolument pas payer leurs médicaments, nous les leur procurons
également.
De plus, nous avons une travailleuse sociale et pour les malades encore
indigents, parce que la plupart des malades que nous soignons sont indigents,
nous payons également, depuis quelque temps, les services du
médecin. Maintenant, non seulement nous traitons le malade mais les
infirmières leur enseignent à se tirer d'affaires et à la
famille, parfois. Par exemple, prenez un diabétique qui est toujours
désiquilibré parce que personne n'est capable de lui donner ses
traitements comme il le faut. Nous pouvons alors enseigner à quelqu'un
de la famille à lui donner ses injections etc, ainsi nous
prévenons les hospitalisations et, au bout d'un certain temps
même, les infirmières n'ont pas besoin d'y aller aussi souvent, la
famille sait très bien comment se débrouiller, etc. Alors, je
crois que, cela est seulement un exemple l'on peut rendre de
grands services avec cette oeuvre de soins à domicile. Depuis quelque
temps, d'une façon très timide je l'avoue et nous ne
savons pas au juste de quelle façon cela évoluera nous
avons commencé à entrevoir de prendre certains malades
psychiatriques également. Nous avons des infirmières qui ont des
diplômes post-scolaires en psychiatrie, qui sont capables de prendre soin
de ces malades sur la surveillance des psychiatres. Nous avons l'intention de
commencer graduellement à prendre soin de certains malades
psychiatriques à domicile. Encore une fois, cela rendra service à
ces malades qui seront traités dans leur milieu et il y a un gros
« stress » pour eux qui n'existera plus. De plus, il y aura plus de
place dans les hôpitaux pour traiter ceux qui en ont absolument besoin.
Alors cela est un résumé rapide de ce que nous faisons. Si vous
voulez des détails, il me fera plaisir de vous les donner.
M. CLOUTIER: Mlle Custeau ou M. Parent. Mlle Custeau, tout à
l'heure dans votre présentation du mémoire, vous avez
parlé de régions rurales, de l'extension possible de ces
services, de ces soins à domicile dans les régions rurales,
même vous avez mentionné le mot diocèse. Est-ce que vous
entrevoyez la possibilité dans les régions rurales?
MLLE CUSTEAU: Nous avons déjà quelques
sociétés qui fonctionnent dans les régions rura- les.
Victoriaville dessert Victoriaville, Arthabaska et les alentours, et pour le
diocèse de St-Jérôme également. Le service de La
Tuque, dessert également une région rurale et tout près de
Montréal nous avons le diocèse de St-Jean qui dessert St-Jean,
Ville Jacques-Cartier et tous les alentours.
M. CLOUTIER: Lorsque vous avez mentionné le mot diocèse,
est-ce que je dois comprendre que vous voyez une forte incidence entre les
soins à domicile et le bien-être social, ou si c'est parce que les
fonds que vous avez actuellement viennent des campagnes des oeuvres de
charité?
MLLE CUSTEAU: C'est exact, M. Cloutier.
M. CLOUTIER: Ce sont les deux facteurs qui...
MLLE CUSTEAU: Oui, oui.
M. CLOUTIER: ... vous amènent à organiser cela sur une
base de diocèse...
MLLE CUSTEAU: De diocèse.
M. CLOUTIER: ... plutôt que par...
MLLE CUSTEAU: Parce que, si vous avez remarqué dans le
mémoire, les différents services sont subventionnés par
les fédérations d'oeuvres de charité des
diocèses.
M. BERTRAND: Est-ce que je pourrais ajouter un mot pour M. Cloutier qui
vient de poser une question? En tant que le diocèse de
St-Jérôme est concerné, ce n'est pas une section qui est
très vieille puisqu'elle a été fondée en 1963, si
je dis bien, et maintenant elle couvre quatre pôles dans le
diocèse. Quatre endroits principaux, aux endroits les plus
reculés comme Mont-Rolland, Lachute, Ste-Thérèse et
St-Jérôme. Cela couvre le diocèse en entier. Et je
répète ce que j'ai dit tout à l'heure qu'après
trois années d'existence les services que vous avez rendus sur le plan
social, avec des effectifs fort peu nombreux, cela je l'avoue et je vous
poserai une autre question après a reçu l'approbation de
l'entière population. Ceci est tellement vrai que, dans la campagne des
oeuvres de charité qui vient d'avoir lieu, il y avait un montant qui,
à mon avis, est encore trop modeste pour les services que vous avez
rendus. Peut-être que bientôt il y aura une nouvelle politique
d'aide de ce côté-là, mais je sais que les familles que
vous soignez, surtout chez nous, ce
sont les familles indigentes, les familles que le malheur frappe,
où une dame est obligée d'être à la maison
absolument et, à certaines heures, recevoir une infirmière,
recevoir une visiteuse pour l'aider dans ses travaux domestiques.
En tout cas je vous rends le même témoignage, parce que
j'ai eu l'occasion de le palper chez nous. Maintenant vous avez combien
d'infirmières-visiteuses dans votre association au palier provincial,
dans les secteurs organisés?
MLLE CUSTEAU: Nous avons 58 infirmières-visiteuses.
M. BERTRAND: Dans le secteur de St-Jérôme, combien y en
a-t-il, Mlle Custeau.
MLLE CUSTEAU: Nous en avons cinq.
M. BERTRAND: Cinq.
MLLE CUSTEAU: Cinq infirmières.
M. BERTRAND: Cela ne suffit pas au besoin?
MLLE CUSTEAU: Non, on pourrait en avoir davantage.
M. BERTRAND: Merci.
M. RENAUD: Mademoiselle Custeau je vous réfère à la
page 17 de votre mémoire. Votre fédération recommande que
les hôpitaux prévoient un mécanisme de liaison avec les
services de soins à domicile. Pourriez-vous nous dire, suivant votre
conception, comment cela pourrait fonctionner, dans un système
d'assurance-maladie?
MLLE CUSTEAU: Dans l'exposé qui précède, on dit que
souvent les malades quittent l'hôpital, ne reçoivent pas les soins
adéquats une fois qu'ils ont quitté l'institution
hospitalière et ce sont des choses que nous sommes à même
de constater tous les jours. Les malades font appel à nos services, soit
par l'intermédiaire d'un parent, d'un ami ou autres, et c'est une
constatation. Le mécanisme de liaison consisterait en la présence
d'une infirmière à l'hôpital qui s'occuperait d'organiser
le départ de ce malade. Une fois qu'il serait rendu chez lui, elle
s'occuperait de communiquer, de transférer le malade, si je peux
m'exprimer ainsi, au service des infirmières ou si le malade a besoin de
nursing ou s'il a besoin d'autres services. A Québec, il y a un service
communautaire. Les malades des différents hôpitaux sont
dirigés au service d'oeuvre d'assistance aux malades à domicile
et il y a là un plan de soins d'établi, c'est en ce
sens-là que nous désirerions que les hôpitaux organisent un
mécanisme de liaison.
M. RENAUD: Le malade a sa fiche à l'hôpital et le rapport
est fait par une infirmière à l'hôpital?
MLLE CUSTEAU: Le malade à l'hôpital est dirigé par
son médecin traitant. Peut-être que le Dr Parent pourrait vous
donner exactement comment fonctionne le service de Québec.
M. PARENT: Les malades nous sont dirigés maintenant que le plan
pilote existe, en plus grande partie par le médecin qu'auparavant. Je
crois que 67% des malades que nous avons viennent du médecin traitant
alors qu'il y a deux ans, alors que nous fonctionnions au ralenti à
cause d'un manque de fonds bien entendu, sans trop de publicité, je
crois qu'il y avait à peu près 10% à 15% seulement des
malades qui nous venaient, référés par le médecin
traitant. Mais, de toute façon, que le malade nous vienne par le
médecin traitant ou non, c'est une oeuvre ou encore une travailleuse
sociale, ou un service social, ou bien une aide, qui nous
leréfère. Nous nous informons toujours du médecin traitant
et nous l'appelons. Lui, nous envoie le dossier du malade, les traitements que
le malade prend et combien de fois il faudra qu'il le voie etc. Parce que, tous
les malades sont soignés par leur médecin traitant, et puis, les
infirmières appliquent les traitements du médecin traitant de
même que ceux des physiothérapeutes, etc. Nous avons un service,
maintenant, qui est plus étendu; mais, c'est toujours sous la
responsabilité du médecin traitant. Si le malade nous appelle de
lui-même, bien, nous nous informons au médecin traitant. C'est
nous qui le rejoignons.
M. RENAUD: Lorsqu'un malade sort de l'hôpital, est-ce que vos
infirmières font un rapport à l'hôpital au médecin
traitant ou...
M. PARENT: C'est le médecin traitant.
M. RENAUD: ... pour suivre la fiche du malade à
l'hôpital...
M. PARENT: oui.
M. RENAUD: ... cela doit être enregistré.
M. PARENT: Mais nous avons nos propres dossiers parce que nous, nous
prenons soin des malades de dix hôpitaux, l'Hôtel-Dieu,
Saint-François, Saint-Sacrement etc..,, à Québec. Le
médecin, avant que le malade sorte, nous envoie le dossier du
malade et puis ce que les infirmières font, c'est au dossier; lorsque le
médecin va voir le malade, il communique avec nous aussi et, ça
aussi, c'est au dossier. Donc, l'hôpital nous envoie le dossier, et puis,
si le malade est obligé de retourner à l'hôpital, s'ils
veulent avoir des renseignements nous leur renvoyons le dossier
également. Ainsi, le dossier est toujours complet, toujours sous
surveillance. On ne traite jamais personne sans dossier médical.
M. COITEUX (Duplessis): Si je comprends bien, au départ de
l'association, les infirmières visiteuses, c'était plutôt
une oeuvre sociale. ..
M. PARENT: D'accord.
M. COITEUX: ... c'est-à-dire qu'on allait surtout vers l'indigent
ou l'économiquement faible. Aujourd'hui, adevenant l'hypothèse
qu'on veuille intégrer un service à domicile complet, alors cela
sera beaucoup plus grand.
M. PARENT: Oui.
M. COITEUX (Duplessis): Jusqu'ici, vous avez été
financés par la cotisation des gens, aujourd'hui vous avez un plan
pilote. Disons que, théoriquement, le gouvernement installe un soin
à domicile, qui va être beaucoup plus vaste, qui va couvrir bien
plus que les indigents parce que le but qu'on viserait dans
l'éventualité d'une recommandation de cette nature ce serait
surtout de racourcir la liste des attendants dans les hôpitaux. Alors,
là vous tomberiez dans un domaine infiniment plus large. De quelle
façon envisagez-vous le pourcentage du gouvernement pour la
rétribution des infirmières? Parce que là ça
deviendrait infiniment plus qu'une oeuvre de charité...
M. PARENT: Oui.
M. COITEUX (Duplessis): ... et en même temps il ne faudrait pas
tout de même tuer toute initiative des gens qui ont encore le coeur
d'aider les plus faibles.
M. PARENT: Je crois que, depuis que nous avons un plan pilote, beaucoup
de nos problèmes sont réglés et nous pouvons
réellement donner des soins à tout le monde. C'est ce que nous
faisons dans le moment. Si quelqu'un a le moyen de payer, il paie pour les
soins selon ce que ça coûte. Mais nous soignons, je crois, 66%
d'indigents, même avec le plan pilote, parce que vous comprenez que la
plupart des gens ont des assurances-santé privées, qui ont le
moyen de payer leur médecin, leurs médicaments, ils font parfois
appel à nous quand même, mais c'est plus rare. Nous soignons
surtout, quand même, les indigents: même si nous ne sommes
fermés à personne actuellement. Et puis je crois que le plan que
nous avons en oeuvre actuellement s'intégrerait très bien dans un
plan d'assurance-santé généralisé avec le plan
pilote que nous avons actuellement.
M. COITEUX (Duplessis): Ma question est la suivante. Là vous
dites qu'il y a des gens qui paient, je l'admets, mais en définitive on
ne pourra toujours pas faire une loi qui va s'appliquer à l'individu. Il
va falloir faire une loi générale advenant le cas,
l'hypothèse qu'on décide de donner un plan à domicile
spécifiquement pour soulager les lits d'hôpitaux, comme cela nous
a été dit à maintes et maintes reprises, au lieu
d'établir des hôpitaux de convalescents qui auraient encore un per
diem moindre que l'hôpital mais qui serait supérieur à ce
que vous pouvez offrir. Alors advenant cette hypothèse là, il
faudra nécessairement faire une loi. Dans la loi, ce sera
peut-être contributoire. Alors, est-ce que vous êtes d'avis qu'il
faudrait discuter, établir un plan pour que la contribution au
départ de l'assurance-santé couvre une certaine partie ou en son
entier les soins que vous couvrez?
M. PARENT: Je crois qu'elle devrait le couvrir dans son entier. Parce
que vous savez que ce serait beaucoup plus facile, et je crois que les oeuvres
de charité peuvent fournir des sommes tellement infimes; je veux dire
que ce ne serait pas une grosse différence.
J'ai dit que quelques malades payaient, mais c'est la très grande
minorité. (Je crois qu'il y en a 10% à peu près qui paient
seulement.) L'an dernier, le budget que nous avons présenté
à la province,pour Québec et toute la région cela
comprend Charlesbourg, Notre-Dame-des-Laurentides etc... a
été de l'ordre de, je crois, $72,000. Je peux me tromper, je n'ai
pas les chiffres, mais c'est à peu près ça que ç'a
coûté l'année dernière.
Alors, je crois que cela pourrait coûter un peu plus probablement
si l'on englobait tout le monde mais ce serait encore, je pense bien, dans les
chiffres qui sont raisonnables. Cela coûterait beaucoup moins cher que
l'hospitalisation.
M. TREPANIER: Est-ce que vous considé-
rez que le service que vous faites actuellement est un palliatif et que
l'idéal serait d'avoir des hôpitaux pour malades chroniques et des
maisons de convalescence?
M. PARENT: Il faut des hôpitaux pour malades chroniques, mais je
crois qu'en plus il va falloir des soins à domicile. Cela va demander
moins d'hôpitaux, moins d'hôpitaux pour malades chroniques, parce
qu'il n'y a pas seulement les lits d'hôpitaux qu'on sauve avec ce
service-là. Par exemple, vous avez un hémiplégique. Comme
le disait le docteur, tout à l'heure, autrefois, on était
obligé de le garder longtemps, puis, il sortait de l'hôpital et
retournait chez lui. Souvent, chez lui, c'était un fardeau tellement
énorme qu'on n'était pas capable d'en prendre soin. Alors, il lui
fallait retourner à l'hôpital, mais, cette fois, dans un
hôpital pour malades chroniques. Et puis cela prenait un lit pour cinq,
dix ans, deux ans, cela dépendait du temps de la survie du malade.
Tandis qu'actuellement, nous pouvons les suivre à domicile, et les
suivre pendant plusieurs années. Je veux dire que ça sauve, non
seulement des lits d'hôpitaux ordinaires, mais des lits d'hôpitaux
pour malades chroniques aussi.
M. TREPANIER: Supposons que ce n'est pas un problème mais qu'on
peut avoir un nombre suffisant d'hôpitaux pour malades chroniques et de
maisons de convalescence. Est-ce qu'à ce moment-là vous jugeriez
préférable, dans le contexte d'un ordre social idéal, que
votre service continue à exister?
M. PARENT: Oui, pour certains malades; et ce, au point de vue
psychologique du malade. Il y a beaucoup de malades qui, (je pourrais vous en
donner de multiples exemples) à l'hôpital, malgré tous nos
efforts, dépérissent, sont déprimés enfin...
surtout les malades âgés. Lorsque nous pouvons les sortir de
l'hôpital et les traiter à domicile, ils reprennent goût
à la vie. Hyena un, en particulier, que j'ai à la mémoire,
on ne savait pas comment le sortir de son marasme; il était dans un
état dépressif épouvantable. Au bout de deux semaines, je
l'ai rencontré dans la rue, il était chez lui, alors il se
promenait un peu. Mais, il était dans son milieu, il mangeait la
nourriture à laquelle il était habitué, et tout. Ainsi, le
malade a guéri beaucoup plus rapidement à domicile. Donc, il
faudrait quand même garder, je crois, des services de soins à
domicile, pour beaucoup de malades.
M. TARDIF: Mais, me diriez-vous, docteur, que, dans le grand public
je ne parle pas des économiquement faibles, je ne parle pas non
plus de ceux qui sont plus en moyens, en général ce
service que vous donnez à domicile, serait considéré, par
exemple, par les malades en général, comme un peu, je dirais,
dégradant? Les gens s'imagineraient, par exemple, que s'ils font appel
à vos services, c'est parce qu'ils sont plutôt pauvres. Est-ce que
il y a un aspect négatif là-dedans, ou si c'est bien vu en
général?
M. PARENT: Non, il n'y a aucun aspect négatif. D'ailleurs, je
vous ai dit qu'ils étaient très peu nombreux, mais nous avons
quand même je vous donne des chiffres de mémoire
mais 10% de malades qui ont fort bien le moyen de payer et qui sont très
heureux de profiter de nos soins. D'ailleurs, je dois vous le dire, j'ai
été très surpris, depuis deux ou trois ans que je m'occupe
des soins à domicile, de voir que nous n'avons jamais eu de plaintes des
malades. Les malades nous envoient même des remerciements, comme jamais
je n'en ai eu à l'hôpital pour avoir soigné un malade. Ils
sont très heureux des soins que les infirmières leur donnent. Si
vous voyiez les lettres d'appréciation que nous avons des malades, vous
verriez qu'au point de vue psychologique, ils sont très heureux de ces
soins.
M. TARDIF: Ce ne doit pas être des gens qui ont des maladies de
coeur.
M. PARENT: Oui, il y en a beaucoup qui ont des maladies de coeur.
M. COITEUX (Duplessis): Pour moi, c'est parce qu'à
l'hôpital, ça passe sur le dos du médecin qu'on mange mal.
Il faut mettre la faute sur quelqu'un. Est-ce que vous verriez une objection,
disons, l'organisme anglais qui est venu avant vous, c'est pas mal
identique...
M. PARENT: Oui.
M. COITEUX (Duplessis): ... peut-être dans les modalités.
Mais, est-ce que vous envisageriez une possibilité ou si votre
affaire est plutôt tellement sociale, tellement spécifique pour
certaines raisons qu'on ne peut déceler peut-être, nous une
fusion de ces deux organismes un peu semblables?
M. PARENT: Je crois qu'il faudrait qu'il y ait collaboration.
D'ailleurs, il y en a déjà, mais je laisserais parler le docteur
Bergeron,
étant donné que, mol, je suis simplement pour
Québec.
M. COITEUX (Duplessis): Mais moi, ce n'est pas tellement dans le
mécanisme, c'est dans les buts visés qui...
M. PARENT: Non, les buts sont pas mal semblables, et moi je ne vois pas
pourquoi les deux sections, la section française et le V.O.N. ne
marcheraient pas en collaboration. Moi, je crois que les deux services font un
travail excellent. D'ailleurs, à Montréal, je pense qu'ils ont
une expérience de cela, où ça va très bien.
J'aimerais mieux pour ça, peut-être...
M. BERTRAND: Il peut y avoir une petite variante, pas grand-chose...
M. PARENT: Non, en fait, ce sont deux organisations qui ont les
mêmes buts.
M. BERTRAND: Maintenant, les services sont adaptés aux
régions aussi.
M. PARENT: C'est ça.
M. BERTRAND: Il y a des services que vous allez rendre dans une partie
rurale qui ne sont pas les mêmes que ceux que vous allez rendre à
Montréal, par exemple.
MLLE CUSTEAU: Justement. Tout à l'heure, dans mon exposé,
j'ai mentionné que les sociétés
d'infirmières-visiteuses, la première société
d'infirmières-visiteuses, avait été fondée pour
répondre, justement, à un besoin de la population
canadienne-française. C'est un peu en ce sens qu'il y a deux organismes
qui fonctionnent. Egalement, les subventions nous proviennent de
fédérations différentes, alors, ça
répondrait peut-être encore, à votre question. Et nous
serions très heureux, les deux organismes, de continuer à
travailler en collaboration.
M. BERTRAND: Mais, d'ailleurs, on a remarqué tantôt, que,
dans leur mémoire qui a précédé, toutes les
recommandations ou, du moins, les suggestions qu'on pouvait y faire, portaient
le nom de V. N. O. et en même temps le vôtre, V.O.N. et en
même temps le vôtre.
MLLE CUSTEAU: Oui.
M. BERTRAND: Mais, nécessairement, vous êtes à peu
près sur le plan provincial, les deux organismes qui militent dans ce
domaine.
MLLE CUSTEAU: Oui. Nous travaillons ne collaboration.
M. RAYMOND: Mlle Custeau, votre gros problème au point de vue du
recrutement parmi vos membres?
MLLE CUSTEAU: Recrutement du personnel? M. RAYMOND: Oui.
MLLE CUSTEAU: M. le Président dit que c'est un problème
économique. Nous n'avons pas eu de problèmes jusqu'ici. Nous
n'avons pas de problèmes de recrutement de personnel.
M. RAYMOND: Le jour où vous auriez la certitude d'avoir une
rémunération pour tous vos membres, ça serait plus facile
d'avoir le personnel voulu.
MLLE CUSTEAU: Oui, au point de vue économique; parce qu'à
date nous n'avons pas de problème de recrutement de personnel. Nous
avons des demandes d'emploi.
M. PARENT: Est-ce que je pourrais ajouter que, depuis que nous avons le
plan pilote à Québec, nous n'avons pas de problème; le
seul problème que nous avons c'est de choisir parmi les
infirmières, c'est un problème extrêmement
agréable.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie Mlle Custeau ainsi que...
M. DUPRE: Pourriez-vous me dire où se situent les Petites Soeurs
de l'Assomption dans votre groupement? Est-ce qu'elles sont membres? J'ai chez
moi dans mon comté les petites Soeurs de l'Assomption qui font un
travail admirable chez les gens dans le besoin.
MLLE CUSTEAU: Les petites Soeurs de l'Assomption travaillent
également à Montréal, elles font un travail social et
elles ont quelques infirmières. Elles ont plus de travailleuses sociales
que d'infirmières, mais elles donnent quand même des soins
infirmiers à domicile.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie Mademoiselle Custeau des
réponses que vous avez bien voulu donner au comité.
MLLE CUSTEAU: Au nom des membres de la fédération,
j'aimerais à remercier le comité d'avoir bien voulu nous
permettre d'exposer les vues des sociétés d'infirmières
visiteuses.
M. LE PRESIDENT: Merci.