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Commission conjointe des
affaires sociales et
de la justice
Projet de loi no 65 Loi de la protection de la
jeunesse
Séance du mercredi 29 août 1973
(Dix heures douze minutes)
Préliminaires
M. CORNELLIER (président de commission conjointe des affaires
sociales et de la justice): A l'ordre, messieurs! La commission conjointe des
affaires sociales et de la justice siège aujourd'hui pour l'étude
du projet de loi 65, Loi de la protection de la jeunesse.
Parmi les organismes qui ont manifesté l'intention de se faire
entendre, il y a l'Association canadienne pour la santé mentale. Est-ce
que ses représentants sont ici?
Est-ce que les représentants du Service de probation du
Nord-Ouest québécois sont là? Vous êtes là.
Alors, étant donné que l'Association canadienne pour la
santé mentale n'a pas de représentant d'arrivé encore,
nous procéderons tantôt à l'audition des
représentants du Service de probation du Nord-Ouest
québécois.
J'inviterais le ministre des Affaires sociales, M. Castonguay, à
faire ses commentaires.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je suggérerais qu'on
écoute le groupe des officiers de probation du Nord-Ouest
québécois, quitte à revenir, par la suite, à
l'Association canadienne pour la santé mentale, s'ils ne sont pas
ici.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, nous allons entendre les
représentants du Service de probation du Nord-Ouest
québécois. J'inviterais le porte-parole à bien vouloir
s'identifier et à procéder.
Service de probation du Nord-Ouest
québécois
M. GUILLEMETTE: M. le Président, MM. les ministres, MM. les
députés, je me nomme Claude Guillemette, officier de probation au
Service du Nord-Ouest québécois depuis treize ans. Mon compagnon,
Walter Lienert, est au même serice depuis huit ans.
Nous voulons d'abord vous remercier d'avoir accepté la
présentation de notre mémoire, en particulier le ministre des
Affaires sociales pour nous avoir donné les autorisations
nécessaires.
Nous voulons aussi préciser immédiatement que notre
mémoire est présenté à titre individuel et non pas
au nom du Service de probation du Nord-Ouest québécois. C'est un
mémoire fait à partir d'observations d'un point de vue prati-
que. Nous ne sommes des spécialistes, ni l'un ni l'autre, en aucun
domaine que ce soit. En conséquence, nous vous demandons d'excuser la
rédaction de ce mémoire.
Je signale, en passant, que les citations sont de Tadeus Grygier et non
pas de W. T. McGrath.
Pourquoi un tel mémoire? C'est qu'étant donné le
peu de temps disponible, la grande importance que le projet de loi semblait
avoir, ainsi que les effets qu'il entraînerait sur nous et sur notre
clientèle, nous avons pensé que l'effort collectif ne nous
dispensait pas de l'effort individuel.
Un résumé des principaux points a été
annexé à notre mémoire, mais, pour en faire ressortir
l'élément capital, je dirais que le projet de loi n'attache pas
assez d'importance à la personnalité et aux droits de chacun des
enfants qui en sont l'objet, et cela, directement ou indirectement. Et, sur ce,
mon compagnon et moi sommes disposés à répondre à
vos questions.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable ministre des Affaires
sociales.
M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aurais quelques questions. Ce
mémoire a été préparé à
l'intérieur du délai qui avait été fixé pour
la présentation des mémoires. Il y a quelques temps
déjà que nous avons tenu quelques séances, où nous
avons entendu certains groupements et où je pense certaines questions
ont été clarifiées, ou à tout le moins,
précisées. Sans m'en tenir précisément au texte de
votre mémoire, il y a quelques questions que j'aimerais pour
débuter, poser de façon plus précise, même si elles
ne sont pas nécessairement inspirées par le mémoire de
façon détaillée.
Est-ce que, selon vous, comme il semble se faire dans certaines
provinces, il serait possible et utile de présumer, au départ,
qu'en ce qui a trait à la délinquance ou la commission d'actes
jugés, si c'étaient des adultes qui les posaient, comme des actes
criminels il y a un âge en dessous duquel on peut supposer qu'il s'agit
plutôt d'un travers de l'enfant qui doit être traité,
analysé? Est-ce que la pire des choses qui pourraient être faites
serait de procéder par le truchement de la loi des jeunes
délinquants et de tout ce qui s'en suit par la suite? En d'autres
termes, faire une catégorisation ou tracer une ligne limite, un
âge en dessous duquel la loi sur les jeunes délinquants ne
s'appliquerait pas, soit treize ans ou quatorze ans, par exemple.
Je sais que, dans certaines provinces, dans certaines juridictions
à l'extérieur, on fait une telle démarcation.
M. GUILLEMETTE: A notre connaissance ce serait peut-être la seule
façon parce qu'on a suivi, justement, les débats parlementaires
des autres organismes qui ont présenté des mémoires. Or,
nous ne voyons pas nous-mêmes de
quelle façon on pourrait procéder autrement que cela si
l'âge de la responsabilité criminelle était relevé.
Parce que, pour nous, un cas de délinquance et un cas de protection,
c'est tellement près. Il y a un cas de délinquance pendant un
certain nombre de mois et il s'avère qu'en même temps il y a un
cas de protection. Dans chacun de nos coins, on est constamment en relation
avec le service social qui nous réfère des cas soi-disant de
délinquance et en même temps nous avons des cas de
délinquance à la cour mais nous sommes obligés de faire
appel au service social pour un traitement de protection plutôt. Ce
problème, on ne l'a pas avec les enfants en bas de 7 ans, c'est
sûr.
M. CASTONGUAY: Là, je parle d'une limite qui serait
haussée peut-être jusqu'à 13 ou 14 ans. Est-ce que vous
avez une opinion, d'après votre expérience? Je pense bien que les
jeunes aujourd'hui ne sont pas les jeunes d'il y a 20 ans. Avec la
télévision, avec une foule de changements, il semble que les
jeunes atteignent un âge où il sont beaucoup plus conscients,
beaucoup plus développés, beaucoup plus responsables, ou
devraient l'être plus responsables plus tôt que ce
n'était le cas il y a un certain nombre d'années. Sur cette
question, selon votre expérience, dans les cas que vous avez vus, vous
pouvez tracer une certaine ligne et dire: En dessous d'un certain âge, ce
ne sont pas vraiment des enfants qui peuvent assumer une part de
responsabilité, il faut essayer de les protéger, il faut essayer
de les aider. Au-dessus de cette même limite, il y a des enfants pour
lesquels il faut aussi prendre les moyens de les protéger, les aider,
les réadapter, mais pour d'autres il faut prendre des mesures qui
s'apparentent davantage à la philosophie de la Loi des jeunes
délinquants.
M. LIENERT: Si vous permettez, M. le ministre, dans le livre
"L'adolescent et la société", Alice Parizeau touche, je crois,
à ce problème. Si vous me permettez de citer simplement un court
paragraphe, cela donnerait peut-être une idée, pas de l'âge
précis, mais de ce pourquoi actuellement on a l'âge de 7 ans pour
la responsabilité criminelle. Elle dit: II n'en reste pas moins que la
permissivité à l'égard des adultes se solde fatalement par
une plus grande sévérité de la loi à l'égard
du mineur.
Contrairement à ce qui existe dans les quatre pays
européens que je viens de citer, la responsabilité criminelle et
pénale des enfants commence à s'appliquer dès l'âge
de sept ans. Par conséquent, l'absence de méthodes de
dépistage planifiées et structurées est compensée
en quelque sorte par le principe de l'effet dissuasif des moyens coercitifs. En
pratique, il n'est guère certain qu'une telle compensation s'exerce, ni
qu'elle est valable".
Ce que je comprends là-dedans, c'est que, dans notre
expérience, on s'est aperçu que, soit au niveau de la Loi sur les
jeunes délinquants, ou de la Loi de la protection actuelle, très
peu d'adultes sont amenés à la cour. On trouve souvent un enfant
ayant besoin de protection, mais très rarement on voit un parent ou une
personne qu'il met en danger. On voit des délinquants qui sont
amenés à la cour de Bien-Etre, mais très rarement voit-on
un adulte qui est amené en vertu de la Loi sur les jeunes
délinquants.
M. PAUL: Dans quelle région du Québec?
M. LIENERT: Du Nord-Ouest.
M. PAUL: Du Nord-Ouest, peut-être!
M. LIENERT: C'est pourquoi on a souligné dans notre
mémoire qu'il y avait d'autres lois qui prévoyaient cela, mais
qu'on ne s'en servait pas. Je pense je ne sais pas; on peut simplement
parler de la région du Nord-Ouest que cette tolérance que
je retrouve ici, on la retrouve chez nous aussi à l'égard de
l'adulte. Donc, si un enfant de neuf ans commet un délit, on
hésite à amener les parents lorsqu'il y a lieu, mais c'est
l'enfant qui vient. Je pense que, dans quelque société que ce
soit, il y a cette punition qu'il faut donner à quelqu'un. Moins on la
donne à l'adulte, plus on va la donner à l'enfant.
M. GUILLEMETTE: Est-ce que je pourrais compléter? Sans avoir
d'idées bien arrêtées, pour répondre à M.
Castonguay, il me semble qu'il faudrait quelque chose qui indiquerait
certainement pas en bas du cours primaire où la période
d'obligation scolaire existe encore l'enfant peut être
émancipé vers les quinze ans. Je ne sais pas, mais, à mon
sens, des cas purement de protection, cela n'existe pas pratiquement à
quinze ans, parce que, si le garçon de quinze ans est exposé, il
peut se déprendre un peu lui-même. Il y a peut être...
M. CASTONGUAY: Dans un autre ordre d'idées, j'ai eu l'avantage de
visiter au moins un des établissements pour la réadaptation ou
centres d'accueil pour des jeunes dans votre région et l'esprit que j'y
ai vu me semblait être excellent, le dynamisme du personnel,
l'intérêt de la population aussi, pour autant qu'on nous en a fait
état. Je sais que ce n'est pas tout à fait le cas dans certains
autres établissements au Québec et qu'il y a vraiment quelques
problèmes ou quelques questions majeures qui se posent à
l'endroit de quelques établissements bien identifiés.
Est-ce que, selon vous, il serait possible, souhaitable, de faire une
distinction nette? Je pense à des établissements comme le centre
Berthelet, le centre d'acceuil de Tilly pour n'en nommer que deux il y
en a une couple d'autres de même nature où ces
établissements seraient réservés purement et simplement et
strictement à des cas d'enfants qui sont
placés en stage de réadaptation en vertu de la Loi des
jeunes délinquants, de telle sorte que tous les autres cas de protection
sociale ou de protection, peu importe l'âge, ne soient jamais
mélangés avec ces enfants.
Présentement, au centre d'accueil de Tilly, il y a eu un gros
effort de fait dans ce sens-là, mais il n'en demeure pas moins que bien
des enfants, dans l'attente de comparaître devant le juge, pour diverses
raisons, sont placés au centre d'accueil de Tilly. Cela peut être
des enfants qui n'ont jamais commis quoi que ce soit de
répréhensible. Cela peut être aussi des enfants tout
à fait normaux, mais, à cause de diverses circonstances, personne
n'en assume la responsabilité. Alors, on les retrouve dans certains cas,
et vous êtes au courant, dans ces établissements qui sont
conçus, à mon sens, pour une tout autre vocation.
On a commencé l'expérience de maisons où, en fait,
on essaie davantage de reproduire le milieu familial, mais est-ce que, selon
vous, c'est une orientation qui devrait être prise de façon
très claire, définitive, catégorique, de telle sorte qu'on
ne mélange pas les deux?
Je pense que toute la discussion jusqu'ici a été
orientée vers la nécessité d'essayer de voir au
préalable si vraiment un enfant doit être traité selon la
Loi de la protection de la jeunesse, comme première possibilité,
et simplement par la Loi des jeunes délinquants s'il n'y a pas d'autre
moyen. Alors, si on faisait la même chose au plan des institutions qu'on
fait au plan légal, au plan de la législation, selon vous, est-ce
que ce serait une orientation possible et souhaitable et est-ce que cela
pourrait se traduire dans les faits sans créer trop de
difficultés?
M. GUILLEMETTE: On a discuté encore hier de ce sujet. On pense
encore là qu'il n'y a pas d'autre façon, parce qu'on arrive
justement avec des cas de délinquants assez marqués. Pour ma
part, je pense que la décision doit être réservée
uniquement au juge à l'effet de le confier à tel centre, que ce
soit un centre fermé... Ce n'est pas du tout la même chose que
l'autre qui est placé dans une école de
rééducation, même si c'est à long terme, qui peut
être transféré dans une autre institution en vue de
continuer ses études. Mais, il devrait y avoir certaines institutions
réservées aux besoins de la cour qui est dépourvue de
moyens d'agir dans un tel cas.
Cela nous étonne, pour entrer dans le concret, qu'on puisse
justement... Le juge, à notre connaissance, ne peut pas imposer une
seule journée de prison à un jeune mais, par des détours,
celui-ci va quand même séjourner quinze jours ou trois semaines ou
trois mois en détention. Peut-être que ce genre d'institutions
répondrait justement aux besoins des cas de délinquance ou
caractériels assez avancés. Je ne sais pas trop la
catégorie, mais tout de même...
M. LIENERT: Je pense que le problème qu'on retrouve, c'est que
les différentes institutions ont différentes approches, modes de
traitement. Il y en a qui considèrent un enfant délinquant ou un
cas de protection ou un caractériel comme un peu la même chose.
D'autres se spécialisent au niveau de la délinquance comme telle
et, dans les faits, le problème se révèle quand l'enfant
arrive à la cour, pas tellement après une étude profonde,
mais à cause d'une circonstance particulière, c'est-à-dire
que l'enfant qui a commis un délit est un délinquant. L'enfant a
besoin de protection, c'est un cas de protection.
Maintenant, après étude, on s'aperçoit que le
délinquant n'est pas réellement un délinquant
structuré comme certaines institutions l'appellent. D'autres nous
disent: Votre cas de protection, franchement, c'est un bon
délinquant.
Mais, il n'a pas été emmené en cour à cause
d'un délit, c'est un délinquant. Donc, lorsqu'il s'agit de savoir
si l'on va créer des institutions pour délinquants puis pour des
cas de protection, les spécialistes ne s'entendent pas. Je ne sais pas
de quelle façon on pourrait agencer cela pour dire: On crée une
institution pour délinquants structurés. Qui va nous dire ce
qu'est un délinquant structuré? Je pense que c'est un peu le
problème qu'on a présentement.
M. CASTONGUAY: Comme dernière question, dans la région
dans laquelle vous travaillez, soit par l'action des policiers, peu importe
à quel niveau, provincial ou municipal ou par l'attitude des juges,
selon vous, est qu'il y a un certain nombre d'enfants envers qui on
procède par la voie de la Loi sur les jeunes délinquants et qui
dans les faits, à cause de la nature des délits, devraient
plutôt être considérés comme des cas de protection?
Parce qu'on a noté des variations selon les régions et il semble
que c'est assez marqué dans certains cas.
M. GUILLEMETTE: Chez nous, la question ne se pose pas. Tous ceux qui
passent à la cour comme jeunes délinquants ont toujours commis un
délit.
M. CASTONGUAY: Ce dont on nous a fait état ici c'est que des fois
les délits étaient relativement mineurs. Mais c'était le
policier qui avait l'enfant sur les bras et, pour lui, à partir du
moment où il y a eu un délit, il faut qu'il pose un geste. Il
mettait en marche un engrenage qui faisait que l'enfant se retrouvait pris dans
tout le cheminement de la Loi sur les jeunes délinquants, alors que le
délit était vraiment mineur et ne méritait pas ce genre
d'approche.
M. GUILLEMETTE: Je maintiens la même réponse; chez nous
c'est toujours à la suite de la commission d'un délit, même
si cela peut être aussi simple que le vol d'un paquet de cigarettes et
deux garçons pour le même vol, à ce moment-là. Mais
tous les cas où il y a commission de délits viennent toujours
à la cour comme jeunes délinquants.
M. CASTONGUAY: Alors il y a donc des délits qui ne
mériteraient pas nécessairement ce traitement-là?
M. GUILLEMETTE: Oui.
M. CASTONGUAY: Ah! bon, c'est ça.
M. GUILLEMETTE: Mais c'est à partir de...
M. LIENERT: Mais, nous, quand on a vu que certains juges
préféraient... pardon?
M. CASTONGUAY: Allez-y, je faisais une remarque à voix basse.
M. LIENERT: ... préféraient amener l'enfant qui avait
commis un délit sous la Loi de la protection, nous autres, on s'est
toujours demandé comment ils en venaient à faire ça.
A notre connaissance, sans être juriste, la seule façon
pour un juge d'avoir le choix, c'est lorsque le jeune a déjà
été reconnu jeune délinquant et, par la suite, tombe en
état de demande de protection, en danger physique ou moral. A ce
moment-là, le juge a la liberté de procéder soit en vertu
de la Loi des jeunes délinquants ou en vertu de la Loi de la protection
de la jeunesse. Mais dans un cas de délinquance, c'est-à-dire
d'un enfant qui a commis un délit, faire appel à la Loi de la
protection de la jeunesse, nous nous sommes toujours demandé comment le
juge pouvait faire ça.
M. CASTONGUAY: Bien, il y aurait qu'à ne pas mettre le
mécanisme en marche. Le vol d'un paquet de cigarettes, cela peut
peut-être nécessiter une bonne semonce de la part du juge ou un
avertissement, mais pas nécessairement tout le cheminement.
M. LIENERT: Oui. Mais nous, nous nous disons que le juge, ce n'est pas
lui qui met la chose en marche. La plainte arrive devant lui, et c'est
fait.
M. CASTONGUAY: Cela se fait plutôt au niveau du policier.
M. LIENERT: Oui.
M. CASTONGUAY: C'est cela le problème, comme il nous a
déjà été exposé. Mais il semble prendre des
dimensions différentes selon les régions. Merci.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le député de
Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Etant donné que vous travaillez dans une
région bien identifiée, le Nord-Ouest québécois,
une région qui n'a peut-être même pas tout
l'équipement des grands centres, je voudrais vous demander quelles sont
les conditions dans lesquelles vous oeuvrez dans le domaine de la protection de
la jeunesse. Quels sont les outils dont vous disposez? Enfin,
brièvement, voulez-vous nous décrire la situation, les
difficultés actuelles d'exercice dans le champ d'activité de la
protection de la jeunesse?
Dans le mémoire, vous semblez exprimer certaines craintes quant
à la possibilité, entre autres, de monter des équipes
multidisciplinai-res pour l'application de certaines parties de la loi par
rapport aux grands centres. Je voudrais que vous me fassiez un peu une
description de ce que vous avez dans votre région.
M. GUILLEMETTE: A ce sujet, je pense que la deuxième partie de
votre question nous a aidés à mieux comprendre. Vu de notre point
de vue pratique, pour nous, cela n'arrivera pas; cela n'arrivera pas qu'il y
ait une équipe multidisciplinaire. Des psychiatres, il n'y en a pas
à Val-d'Or et il n'y en a pas à Rouyn. On sait, parce que cela
fait X années qu'il n'y en a pas, qu'il y a probablement de bonnes
chances qu'il n'y en ait pas encore pendant plusieurs années. De sorte
que l'équipe, à un moment donné, va reposer sur le
directeur. Cela va être lui seul... Dans le moment, à Val-d'Or, il
y a un seul bonhomme qui s'occupe de probation, c'est Claude Guillemette. C'est
par la force des choses et, depuis plusieurs années, c'est resté
comme ça. D'accord, on a beaucoup de contacts avec les agences sociales.
Aussi, le fait qu'on a au moins deux institutions uniquement pour enfants,
"l'Etape", à Val-d'Or, et "La Maison", à Rouyn-Noranda, nous met
dans une situation un peu différente. C'est qu'autrefois on comptait
beaucoup sur les ressources de l'extérieur, celles du
Mont-Saint-Antoine, celles de Boscoville, celles d'Huberdeau et toute la
série d'institutions pour jeunes filles aussi.
Maintenant, depuis que les nôtres sont ouvertes, on ne sait pas
jusqu'à quel point elles vont nous servir ou si on va encore avoir
besoin de faire appel à celles, plus spécialisées, de
Montréal.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que... Oui, vous voulez ajouter quelque
chose?
M. LIENERT: Je peux continuer là-dessus. Disons qu'étant
donné la situation dans laquelle on oeuvre, on a été
très heureux d'avoir ces deux institutions chez nous. Ceci nous a permis
d'avoir des spécialistes, mais qui sont à l'intérieur de
l'institution. Maintenant, à la suite de réunions qu'on a eues
avec les différents organismes, nous, du Service de probation, nous
avons exposé notre problème. La situation est très simple:
A Val-d'Or, il n'y a qu'une personne; à Rouyn, il y en a trois, plus le
directeur.
Nous leur avons montré que c'est nous qui commencions à
avoir la clientèle: délinquance ou protection, et que nous
n'étions pas outillés. Eux ont compris notre situation et ils
font leur
possible pour nous prêter les spécialistes qu'ils peuvent
avoir. Mais de là à dire que ce spécialiste va aller
composer l'équipe multidisciplinaire on ne peut pas parler pour
les institutions on se demande réellement si, eux, qui ont
déjà une couple de spécialistes, vont se
déshabiller pour remonter un autre centre. Au point de vue
psychiatrique, on a des équipes volantes qui viennent, mais il y a
tellement de besoins qu'on a une certaine difficulté à les avoir.
On a des ressources, on se débrouille, mais de là à
établir un comité comme il est prévu dans la loi, on le
voit difficilement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous utilisez encore, malgré
les nouvelles ressources que vous avez, les ressources
spécialisées de Montréal, comme le Centre Berthelet, le
Mont-Saint-Antoine, le Centre Saint-Vallier, ainsi de suite?
M. GUILLEMETTE: Oui, certainement, nous sommes encore obligés de
le faire. Je ne pense pas qu'on soit nécessairement obligé, mais
je pense que cela répond quand même à une certaine partie
de notre clientèle. Personnellement, j'ai encore quelques garçons
au Mont-Saint-Antoine qui ont été envoyés là
après la fondation des institutions, parce que cela répond encore
à un besoin, même si c'est éloigné.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quel est le contact que vous pouvez garder avec
ces institutions de Montréal et ces jeunes qui sont placés dans
ces institutions? De quelle façon pouvez-vous continuer, soit le juge
lui-même de la cour du Bien-Etre social ou vous autres, à garder
le contact avec ces maisons? Ce ne doit pas être facile.
M. LIENERT: Si on se fie à ce que les institutions nous disent,
elles nous voient plus souvent, nous, des régions
éloignées, qu'elles voient ceux qui sont dans le grand centre.
Donc, à ce moment-là, le contact est difficile, mais on tente de
le garder pour se tenir au courant et leur demander de nous aider dans des cas
difficiles. Donc, si on se fie à ce que les autorités des
institutions nous disent, on garde un aussi bon contact, sinon un meilleur,
avec les institutions de la région de Montréal, que ne le font
ceux de Montréal.
M. CLOUTIER (Montmagny): Supposons que vous avez utilisé les
ressources spécialisées de Montréal, une fois que les
enfants ont fait le stage réglementaire, est-ce que, la plupart du
temps, ils sont retournés dans votre région? Si oui, est-ce que
vous gardez encore un lien de surveillance ou de conseil vis-à-vis de
cet enfant?
M. GUILLEMETTE: On garde un lien, ou on souhaiterait peut-être
garder un lien, mais je pense que, dans les faits, c'est très bref. Si
le traitement a été le moindrement valable, le garçon est
pris par d'autres choses, il ne revient pas nécessairement nous voir. Il
y a certains cas qui ont besoin d'aide, qui viennent assez spontanément,
mais le fait d'avoir vieilli... Je pense qu'ils sont quand même plus en
mesure de se tirer d'affaires. Je pense qu'on sent une différence entre
ceux qui sont passés par l'institution et ceux qui n'y sont pas
passés. Ils viennent plutôt nous consulter, mais à partir
d'une option volontaire.
Ils viennent volontairement nous demander conseil et ils
décideront peut-être eux-mêmes, mais, avant le placement, ce
n'est pas du tout ce genre de travail qu'on fait avec eux, parce que ses
problèmes, à ce moment-là, le dépassent et il ne
voit pas...
M. LIENERT: Maintenant, on peut dire qu'à cause de la situation
du marché du travail et des services que les institutions
possèdent, en particulier le Mont-Saint-Antoine, avec son service de
placement, et les contacts qu'il peut avoir, plusieurs de nos jeunes,
après leur séjour en institution, demeurent dans la région
de Montréal. Il faut peut-être signaler ici que le contact se fait
peut-être plus avec la région de Montréal qu'avec les
institutions qui existent à Québec. C'est pour cela qu'on parle
toujours de Montréal.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le député de
Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, j'aimerais savoir depuis combien
d'années le service de probation du Nord-Ouest québécois
fonctionne.
M. GUILLEMETTE: Sans vouloir être long là-dessus, disons
que, dans notre région, le service de probation a existé avant
n'importe quel autre service. On a existé avant le service social, avant
l'agence sociale même. C'est à la demande des juges de notre
région que le Mont-Saint-Antoine a prêté un travailleur
pour aller s'installer à Rouyn-Noranda pour suivre les cas qui passaient
à la cour. Dans ce temps-là, c'était une cour des
Magistrats. Nous-mêmes, nous avons travaillé avec les juges de la
cour des Magistrats avant de le faire avec les cours de Bien-Etre social. Par
la suite, le service social est venu là. Cela fait certainement 15 ou 20
ans.
M. GUAY: On a souvent parlé, lors des travaux de cette commission
parlementaire, d'une charte des droits de l'enfant. Qu'est-ce que vous en
pensez?
M. GUILLEMETTE: Justement, pour nous, c'est peut-être le fond de
notre mémoire. On a de la difficulté à reconnaître
l'enfant lui-même, sa personnalité et même ses droits
individuels. Quand l'enfant va passer, avec le nouveau projet de loi, dans ce
cheminement-là, qu'est-ce que
lui va voir là-dedans? On parle de traitement, mais il y a
très peu de choses, à notre sens, qui s'attachent à
respecter la personnalité de l'enfant. Il y a quelques articles qui nous
étonnent justement à partir de ce point de vue. Par exemple, on
dit: Le juge peut dispenser l'enfant d'être présent. Nous,
ça ne nous tombe pas sous l'entendement que le petit gars dont on va
décider le placement ce matin à moins que se soit un
enfant très jeune, mais si c'est un enfant de 12 ou 13 ans ne sera
pas là et que son meilleur intérêt va être ailleurs.
Son meilleur intérêt nous semble là, à ce
moment-là. C'est dans ce sens-là qu'on dit: Est-ce qu'il y en a
des droits de l'enfant? Est-ce qu'il va pouvoir être entendu
lui-même? Qu'est-ce qu'on fait de cela? Il y a toujours le jeu aussi
entre les droits des parents et les droits de l'enfant.
M. GUAY: Iriez-vous jusqu'à dire que c'est un
élément essentiel pour la bonne application d'une loi dans ce
domaine, que les droits de l'enfant soient bien établis, bien
définis? Sinon, l'application d'une loi s'avérerait-elle
très difficile?
M. GUILLEMETTE: Oui, certainement parce que, nous, on va avoir les
rebondissements de cela. Le petit gars va nous dire: Cela ne marche pas, votre
affaire.
M. GUAY: Dans un autre ordre d'idées ces questions ont
déjà été discutées, mais je pense que c'est
bon qu'on y retouche en ce qui concerne la préparation des juges,
plusieurs personnes ont souligné que les juges n'étaient pas
suffisamment préparés dans le domaine de la protection de la
jeunesse. Est-ce que chez vous spécifiquement c'est le cas ou si c'est
plus marqué comparativement à ce qui a été dit pour
d'autres régions?
M. GUILLEMETTE: Là-dessus, nous n'avons pas d'idée. Comme
on est dans une région éloignée, on rencontre souvent les
juges, on a des assemblées trimestrielles, les officiers de probation et
les juges. Ce problème-là, nous ne l'avons pas
étudié.
M. GUAY: Donc, les rencontres sont assez fréquentes entre les
différentes personnes?
M. GUILLEMETTE: Oui.
M. GUAY: A la sortie d'un établissement, par exemple, d'un enfant
qui a été, si on peut dire ainsi détenu pendant quelques
mois, quelle est la collaboration des parents? Dans le cas où il existe
des parents, ou des tuteurs dans le cas où il n'y a pas de parents?
M. GUILLEMETTE: La collaboration des parents, je dirais qu'avant,
pendant ou après le traitement, elle est toujours à peu
près la même.
M. GUAY: Est-ce que cette collaboration vaut la peine d'être
soulignée, amplifiée ou si c'est un élément quasi
inexistant?
M. GUILLEMETTE: Je pense que M. Lienert l'a dit un peu tout à
l'heure, on déplore justement le fait qu'on ne fasse pas assez appel
à la collaboration des parents. Comme exemple, la Loi des jeunes
délinquants oblige à envoyer un avis aux parents, mais elle ne
les oblige pas nécessairement à être là. Dans notre
coin, on trouve encore assez souvent moins peut-être qu'il y a
cinq ou six ans des enfants de dix ans qui arrivent seuls, disant: Maman
fait dire qu'elle ne pouvait pas venir, papa ne vient pas. On n'a pas plus que
cela. Si le juge décide d'envoyer chercher l'enfant, parfois le cas est
assez simple, mais il arrive souvent qu'il faudrait qu'un parent soit
là. On n'a pas cela souvent, ou encore c'est souvent la mère de
famille qui vient, beaucoup plus rarement le père. C'est courant,
cela.
M. LIENERT: Pour parler de la collaboration après le traitement,
je pense qu'elle est proportionnée à la disponibilité
qu'on aura eue pendant le traitement, que ce soit institutionnel ou en
probation comme tel. Dans la mesure où le parent aura senti qu'on
était là pour lui expliquer ce qui se passait, l'appuyer, je
pense que la collaboration après le traitement va de soi.
M. GUAY: Si on devait tirer une ligne entre l'âge des enfants qui
tomberaient sous le coup de la Loi des jeunes délinquants et ceux qui en
seraient exclus, à votre avis, quel serait cet âge moyen?
M. GUILLEMETTE: Je préférerais personnellement un peu plus
haut, mais je ne le vois certainement pas en bas de quatorze ans, parce qu'il
se fait une démarcation à ce moment-là. Un garçon
peut quand même commencer à travailler un petit peu après
cela. Certaines lois commencent à tomber. Mais avant cela, ce sont tous
des enfants d'école, comme on dit.
M. GUAY: Est-ce qu'on devrait fixer un âge bien strict, un chiffre
ou si cela devrait être laissé avec un certain jeu par
exemple tenant compte du sujet pour que la loi ne soit pas trop rigide,
au cas où cela pourrait causer des difficultés?
M. GUILLEMETTE: On n'a pas d'idée nette au sujet d'un âge
précis, mais on pense qu'on doit peut-être faire appel à
d'autres normes, comme on disait tout à l'heure. Peut-être que si
la fréquentation scolaire est terminée à tel âge,
cela va aller de soi, ou si l'enfant peut arriver sur le marché du
travail et avoir droit à la compensation ou quelque chose comme
cela de la Commission des accidents du travail. Il me semble que tout
cela doit se tenir un petit peu ensemble. On ne doit pas nécessairement
parler d'un âge absolu, quatorze ans ou
quinze ans, mais il y a une démarcation qui se fait
là.
M. LIENERT: Toute la difficulté de dire on ne met pas d'âge
vient du fait qu'il y a tellement de théories différentes
à savoir si l'enfant est caractériel, délinquant... Si on
met l'âge, c'est arbitraire. C'est comme la majorité et toutes ces
affaires-là. A 18 ans, il y en a qui sont encore enfants, et il y en a
qui sont adultes à treize ans, non pas treize ans mais quatorze ans.
M. GUAY: Merci.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable député de
Maskinongé.
M.PAUL: M. le Président, est-ce que je pourrais savoir de nos
distingués visiteurs du Nord-Ouest québécois s'il arrive
souvent dans leur région que des enfants soient traduits devant la Cour
du Bien-Etre social autrement que par une accusation portée en vertu de
la Loi des jeunes délinquants?
M. GUILLEMETTE: Non, rarement, excepté les cas de protection
où il y a un article...
M. PAUL: Est-ce que vous en avez fréquemment, des cas de
protection?
M. GUILLEMETTE: Peu.
M. PAUL: Peu.
M. GUILLEMETTE: Très peu.
M. PAUL: Au début de vos remarques vous me corrigerez si
je vous ai mal interprété vous avez semblé nous
informer qu'il y avait absence de poursuites contre des majeurs en vertu de la
Loi des jeunes délinquants.
M. GUILLEMETTE: Il y en a...
M. PAUL: En vertu de l'article 33 de la Loi des jeunes
délinquants, spécialement?
M. GUILLEMETTE: Oui, il y a des poursuites, mais, là aussi, c'est
encore beaucoup moins.
La plus grande partie des jeunes dont on s'occupe ou qui nous viennent
en cour de Bien-Etre social c'est qu'ils ont commis un délit, si minime
soit-il. Ensuite il nous vient un peu de cas de protection. Souvent ils vont
venir même directement par l'agence de service social qui va avoir fait
l'étude et demandé au juge de légaliser ce placement,
comme on dit dans notre mémoire. Mais des adultes, ça, c'est
quoi? Cinq ou six peut-être, on ne le sait pas.
M. PAUL: Par année?
M. GUILLEMETTE: Bien par année, ou si peu que pas du tout,
autrement dit. Nous, notre point de vue personnel, c'est...
M. PAUL: Mais l'article 33 ne semble pas être appliqué chez
vous dans la région?
M. GUILLEMETTE: Non.
M. LIENERT: Non, disons que c'est le procureur de la couronne. Ce qu'on
a remarqué, c'est que lorsque c'était clair que c'était du
recel on a attrappé le gars en flagrant délit il
passe à la cour adulte pour recel.
M. PAUL: Oui, même s'il y a des enfants mineurs.
M. LIENERT: Non, si un adulte fait du recel avec un enfant, à ce
moment-là on se dit: Si lui ne contribue pas à la
délinquance, je ne sais pas qui va faire ça. Si la preuve est
évidente, il est traduit à la cour Provinciale. Si ce n'est pas
trop certain, on nous l'amène à la cour de Bien-Etre. Il a cette
idée que la cour de Bien-Etre...
M. PAUL: II va avoir plus de chance de gagner là.
M. LIENERT: Bien disons que...
M. PAUL: Vous allez avoir plus de chance de gagner.
M. LIENERT: C'est ça. Je ne sais pas si c'est partout pareil.
M.PAUL: Est-ce que vous faites une relation, dans votre milieu, entre le
divorce et les cas de protection de la jeunesse?
M. GUILLEMETTE: Non, je pense bien que non.
M. PAUL: Vous n'avez pas fait cette enquête-là ou si vous
n'avez pas remarqué une recrudescence de cas de protection de la
jeunesse par suite de la multiplicité des divorces qui sont
accordés par nos tribunaux?
M. GUILLEMETTE: Non, ça ne semble pas être un point qui
change quelque chose là-dedans. Il y a plusieurs années on le
soulignait peut-être un peu quand c'étaient des cas de
concubinage. Aujourd'hui c'est accepté, mais le divorce comme tel, je
pense que le mot est assez rarement prononcé chez nous. On ne sait pas
si un tel a eu son divorce, puis qu'en passant son enfant en cour c'est une
personne qui est divorcée.
M. PAUL: Dans votre mémoire, à la page 9, vous citez qu'il
y a une centralisation excessive des pouvoirs entre les mains du directeur face
à la cour, en vous référant aux articles 4 et 7, et face
aux enfants et à leurs parents, à l'article 9.
Pourriez-vous détailler davantage? Sans élaborer, quel est
votre point de vue et comment voyez-vous certains pouvoirs excessifs
éventuels qu'on pourrait accorder au directeur dont on parle à
l'article 4 de la loi?
M. GUILLEMETTE: Bien on pense que le directeur de la protection, tel
qu'il est dans le projet ou tel qu'il nous parait dans le projet de loi, a
justement un pouvoir judiciaire. C'est lui qui va décider que l'enfant
n'a pas besoin de protection puisqu'il l'envoie à l'agence sociale.
Tandis que nous, un peu comme pour les délits tout à l'heure, on
dit: S'il y a eu un délit de commis, ça n'appartient pas à
la police, ça n'appartient peut-être pas au juge de décider
qu'il va aller ailleurs, puisque la loi a été faite de le passer
en cour comme jeune délinquant. Dans ce sens, ça nous parait un
pouvoir excessif accordé au directeur de ne pas le faire
comparaître puis de décider de la mesure quand même à
ce moment-là. Quand ça va revenir à la cour, ça
nous parait là aussi que la cour va tout simplement endosser ce que le
directeur va avoir décidé d'avance.
Cela nous parait aussi qu'il y a un danger. La procédure devant
le directeur n'est pas tellement établie. Alors, ça va être
une procédure judiciaire; qu'est-ce qui va se passer là? C'est
pour ça qu'on dit un peu plus loin aussi dans notre mémoire: si
le juge peut s'emparer ex officio du dossier, on se représente que des
personnes vont être allées de bonne foi faire une
déclaration au directeur.
Puis, si le juge prend ça, ça nous parait passablement
confus entre les deux, ce qui n'existe pas dans le moment. Si quelqu'un va
à l'agence sociale, la cour n'est pas concernée par
ça.
M. PAUL: Est-ce que vous iriez jusqu'à prétendre que le
rôle qu'on veut faire jouer au directeur serait un rôle inutile ou
du moins que le poste, pas le rôle, serait inutile?
M. GUILLEMETTE: Répondre de façon très
catégorique, c'est un petit peu embêtant. Certainement du
côté des jeunes délinquants, à notre sens, ça
ne s'applique pas puisque, si l'enfant a commis un délit, le directeur
ne pourra pas décider qu'il ne passe pas en cour.
M. PAUL: C'est clair, on ne peut pas passer au-dessus de la loi.
M. GUILLEMETTE: Non. M. PAUL: C'est la loi
M. GUILLEMETTE: D'un autre côté, si c'est un cas
très simple de protection, moi, je ne vois aucune utilité de
passer par le directeur ou d'aller tout simplement à l'agence sociale.
Dans le moment, c'est un peu cela que les gens font. Ils vont à l'agence
sociale et disent: On voudrait faire placer notre gars. Vous êtes
d'accord qu'un des aspects qu'on voit le moins, nous autres, ce sont les cas de
protection ou d'enfants maltraités, et tous ceux-là. Cela va
probablement donner une chance, mais, à ce moment-là, le
directeur de la protection va être placé dans une position
où il va falloir qu'il se prononce pratiquement sur la
matérialité des faits. Que va-t-il faire? Ramasser des preuves
pour les apporter à la cour? On le comprend mal cela.
M. PAUL: Maintenant, dans votre expérience, pourriez-vous nous
dire si vous remarquez une recrudescence de jeunes délinquants ou si
cela semble à un niveau stable depuis trois ans?
M. GUILLEMETTE: Peut-être pas nécessairement une
recrudescence. On pense que c'est la marche normale. Moi, à Val-d'Or,
autrefois j'avais 200 cas d'enfants, 200 garçons à la cour par
année; tranquillement, cela a remonté. Aujourd'hui, c'est
à 300. Et la ville a grossi aussi en même temps. A ma
connaissance, la police ne m'en amène pas plus qu'elle m'en amenait
autrefois. La police est aussi efficace.
M. PAUL: C'est l'accroissement de population qui fait...
M. GUILLEMETTE: Oui, ce sont des faits normaux aussi. Il y a plus de
magasins, donc il y a plus de vols à l'étalage. Il y a tout cela.
Mais on ne sent pas, nous autres, un boom de délinquance.
M. PAUL: Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le député de Taillon.
M. LEDUC: Le commentaire que je voudrais faire, M. le Président,
d'abord c'est que je veux vous féliciter tous les deux de l'initiative
que vous avez prise de présenter un mémoire sur une base
personnelle. Maintenant, dans votre mémoire, vous parlez au sujet de
l'article 5 disant que seuls quelques grands centres pourront mettre sur pied
un service multidiscipli-naire. Et vous avez un peu élaboré
là-dessus tantôt. Qu'est-ce que c'est, d'après vous, la
raison pour laquelle on ne pourrait pas avoir des psychiatres ou des
psychologues dans ce centre, là-bas? Est-ce que c'est parce qu'il n'y a
pas de clientèle pour eux? Est-ce qu'il n'y a pas de salaires
convenables? Est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas de disponibilité, on
n'a pas assez de psychiatres ou de psychologues? Quelle est la raison que vous
voyez?
M. GUILLEMETTE: Des raisons précises, je n'en vois pas. Mais
j'imagine qu'il y a le fait de l'éloignement, la faible densité
de population. Nous autres, en étant du Nord-Ouest, on comprend qu'on
n'aura pas un psychiatre de-
main matin, parce qu'on sait en même temps qu'on a encore de la
difficulté à avoir un orienteur scolaire pour une
régionale de 2,000 élèves environ.
Cela fait qu'on ne s'attend pas, même si le projet de loi en fait
mention, qu'il va y avoir une équipe multidisciplinaire, un psychologue
en bonne et due forme et un psychiatre en bonne et due forme et tout cela. On
dit: L'équipe multidisciplinaire va être quoi à ce
moment-là? Cela va probablement être un travailleur social qui est
déjà sur place. Peut-être qu'on va emprunter un peu
l'équipe psychiatrique qui nous dessert, qui a une clinique externe.
Mais on ne pense pas que cela va changer beaucoup cela.
M. LEDUC: Tantôt, vous avez parlé d'une équipe
volante.
M. GUILLEMETTE: Oui.
M. LEDUC: Vous aviez, si j'ai bien compris, un peu de difficulté
à l'avoir à cause des besoins qu'il y avait un peu dans la
région. Il semble, c'est du moins l'impression que j'ai eue, que cette
équipe volante, vous auriez peut-être aimé qu'elle vole
constamment dans un territoire donné et qu'elle reste quasi toujours
à la même place pour les besoins que vous avez à
satisfaire.
M. GUILLEMETTE: Pardon?
M. LIENERT: Si on se fie à ceux qui sont en charge de la
santé mentale dans la région, apparemment qu'on aurait plus
d'heures-psychiatre si on peut appeler cela comme cela que les
grands centres comme Montréal. Mais cela ne veu pas dire qu'on en a
trop. Et lorsqu'un service fonctionne toujours à plein, disons qu'on
n'est pas refusé en psychiatrie mais on se sent un peu
gêné. C'est moins disponible. Donc, dans le fond, c'est
peut-être mieux, pas mieux que pas en avoir, mais cela nous force
à regarder notre affaire bien sérieusement avant non pas d'aller
déranger, mais on sait qu'ils sont déjà surchargés.
Et quand ils nous donnent un service, ils font du spécial des fois parce
qu'ils viennent dans la région et on se connaît. C'est pour cela
qu'on se dit: Former une équipe comme telle, vu le manque de ressources
qu'on a, malgré qu'on en ait, on voit cela difficilement.
M. LEDUC: Avec ce que vous avez dit tantôt et ce que vous venez de
dire, moi, j'en déduis, en tout cas, comme individu, qu'il y a un besoin
là-bas. Ce n'est pas parce que vous n'avez pas besoin de psychiatres ou
de psychologues. Il y a un besoin là-bas et ce besoin-là vous le
reconnaissez d'une façon assez évidente.
En même temps, vous mentionnez que cette équipe
multidisciplinaire, vous ne vous faites pas tellement d'illusions quant
à la possibilité, dans un avenir rapproché, de la
concrétiser.
Maintenant, il y a d'autres articles dans la loi, je pense, qui sont
aussi importants. Cela dépendra de vous et des gens de la région,
jusqu'à quel point pourront-ils faire pression pour forcer cette
équipe multidisciplinaire à exister? Il y a l'article 2 de la
loi, par exemple, et il y a l'article 11. Cela devient un peu, en même
temps, notre responsabilité, je pense, comme gouvernement, de voir
à la créer, cette équipe multidisciplinaire, parce que la
responsabilité financière dépend du ministre des Affaires
sociales et du ministre de la Justice. L'article 2, je crois enfin selon
l'interprétation que je lui donne dit que, financièrement,
c'est les deux ministères qui ont la responsabilité de donner les
fonds nécessaires, tandis que ce sont les centres de service social qui,
eux, voient à concrétiser les exigences de la loi.
Moi, je n'ai pas d'autres questions. En conclusion, si je me fie
à votre initiative de vous être déplacés pour
présenter un mémoire ici, j'ai quand même un peu confiance
que, rendus dans votre région, vous aurez aussi l'initiative de faire
les pressions nécessaires pour qu'avec la collaboration des centres de
service social et avec la collaboration des deux ministères qui ont
effectivement la responsabilité de la loi, cette équipe se
crée. Je vous souhaite bonne chance.
M. GUILLEMETTE: Merci.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: Je veux simplement m'associer à ceux qui ont
remercié MM. Guillemette et Lienert pour le mémoire qu'ils ont
présenté. Merci.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Merci, messieurs.
M. LIENERT: Merci beaucoup.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): J'inviterais maintenant les
représentants de la Chambre des notaires du Québec, s'ils sont
présents, à bien vouloir s'approcher.
UNE VOIX: II avait été convenu qu'ils ne viendraient que
cet après-midi.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): On me dit qu'il avait été
convenu que les représentants de la Chambre des notaires seraient ici
cet après-midi seulement. Nous avions précédemment
l'Association canadienne pour la santé mentale.
M. PAUL: Je me demande si, à la lecture du mémoire, nous
ne trouvons pas toutes les remarques appropriées pour nous orienter sur
la teneur de leurs revendications ou de leurs suggestions.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Etant don-
né que nous n'avons pas d'autres groupes, nous pourrions ajourner
à demain.
UNE VOIX: Ils viendront demain.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Est-ce que les représentants de
l'Association canadienne pour la santé mentale sont ici?
On m'a dit tantôt qu'ils ne se présenteraient pas.
Comme la Chambre des notaires n'a pas ses représentants, nous
pourrions peut-être ajourner à demain.
M. CASTONGUAY: Peut-être qu'on pourrait demander au
secrétariat des commissions, pour la journée de demain, de
communiquer aujourd'hui avec les organismes. Bien qu'ils aient reçu la
lettre, il semble qu'à cause des vacances, dans certains cas,
d'après ce que M. Pouliot me disait, la lettre n'ait pas
été ouverte.
M. PAUL: L'annonce du départ du ministre ne nous aide pas, non
plus.
M. CASTONGUAY: Je suis encore ici; alors, ne mélangeons pas les
questions.
Il serait peut-être bon de demander au secrétariat de
communiquer avec chacun des groupes pour demain.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ils pensaient que vous n'étiez pas
ici.
LE PRESIDENT (M. CorneUier): Est-ce que les membres de la commission
sont d'avis que nous devrions ajourner la séance de la commission
à demain matin, dix heures, ici même?
Le député de Taillon.
M. LEDUC: Si les représentants de la Chambre des notaires se
présentaient cet après-midi, je pense qu'il faudrait les avertir
que ce serait demain, de façon qu'ils ne perdent pas leur tour.
M. PAUL: On pourrait vous nommer comme gardien à la porte pour
les prévenir!
M. LEDUC: C'est cela que j'allais dire. Si je me fie à mon
expérience politique et à celle du député de
Maskinongé, l'honneur lui revient d'attendre à la porte.
M. PAUL: Je sais que vous n'êtes pas habitué à faire
du dirty work !
(Fin de la séance à 11 h 5)