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Commission conjointe de la justice et des affaires
sociales
Projet de loi no 65 Loi de la protection de la
jeunesse
Séance du mercredi 4 avril 1973
(Dix heures dix minutes)
M. HOUDE (Limoilou, président de la commission conjointe de la
justice et des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!
Je vous souhaite la plus cordiale bienvenue à la deuxième
séance de la commission conjointe de la justice et des affaires
sociales.
Ligue des droits de l'homme
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): J'invite immédiatement la
Ligue des droits de l'homme, dont le porte-parole est M. Maurice Champagne,
à présenter son mémoire de façon succinte,
étant donné que chaque membre a le mémoire complet en sa
possession.
M. Champagne, auriez-vous l'amabilité de présenter vos
collègues?
M. CHAMPAGNE (Maurice): Oui, effectivement, MM. les ministres, MM. les
députés, nous sommes trois à représenter la Ligue
des droits de l'homme. Il y a Me Monique Perreault-Dubreuil, qui est avocat
auprès des jeunes des milieux défavorisés, et M. Marc
Bélanger, qui est psycho-éducateur et qui oeuvre, en ce moment,
au Bureau de consultation jeunesse. Moi, je suis directeur
général de la ligue. Tous les trois, nous sommes également
membres du conseil d'administration de la ligue. Ensemble, nous avons
coordonné toutes les actions de la ligue dans le domaine qui nous touche
aujourd'hui.
Je crois que les gens ont pris connaissance du mémoire. Donc, il
n'est pas question de m'attarder ici, à reprendre ou à reformuler
le mémoire. Nous allons dégager les choses importantes. Nous
allons le faire en quatre temps. Je vais, d'abord, faire un certain nombre de
remarques préliminaires. Vous me permettrez de greffer quelques-unes de
ces remarques sur certaines choses qui ont été dites hier, en
particulier touchant le domaine des droits de l'enfant, des chartes, etc. Je
ferai donc un certain nombre de remarques préliminaires pour situer
l'implication de la ligue dans ce domaine et, ensuite, Me Dubreuil et M. Marc
Bélanger développeront deux points que nous considérons
comme majeurs dans ce domaine, en regard du projet de loi qui est devant
nous.
Je terminerai en mettant brièvement l'accent sur les trois
recommandations qui se trouvent à la fin de notre mémoire.
D'abord, quelques remarques préliminaires. Ce n'est pas sans
raison que la ligue a consacré, au cours des six derniers mois,
peut-être la moitié de ses efforts principaux à scruter ce
problème de la protection de la jeunesse au Québec. Je pense que
nous pouvons dire sans ambages, sans détours, que c'est là une
des situations les plus scandaleuses, les plus pitoyables qui existent au
Québec et, malheureusement, la moins connue de la collectivité
tout entière. Je pourrais ici reprendre la première page de notre
mémoire qui résume l'état pitoyable de cette situation et
y ajouter des dizaines de pages.
C'est la situation des enfants battus dans la province. C'est la
situation des enfants et des parents qui ne reçoivent pas l'aide qu'ils
devraient recevoir pour négocier positivement leurs relations dans la
famille, avec toutes les conséquences que cela implique par la suite, au
niveau de la délinquance et dans l'ensemble de la situation des jeunes.
Ce sont les incohérences et, quelquefois, les injustices administratives
dont sont victimes les jeunes dans toutes sortes de circonstances. C'est une
absence de prévention, ce qui est une chose fondamentale, et de
traitement organisé. C'est une absence de coordination dans l'ensemble
des domaines que couvre la protection de la jeunesse et qui est un ensemble
extrêmement complexe, qui comporte de multiples fonctions. A la base des
injustices et des incohérences, il y a, effectivement, le
problème de la reconnaissance des droits. Encore là
j'insiste il ne s'agit pas seulement des droits des enfants, mais aussi
des droits des parents, qu'il faut sûrement renégocier dans notre
société.
En deuxième remarque préliminaire, vous me permettrez de
faire des commentaires sur ce qui a été dit, hier, en rapport
avec les chartes des droits de l'enfant. Il y a au moins trois façons,
croyons-nous, de statuer je ne dirai pas de légiférer
en matière de droit ou de droits de l'enfant.
Si je me réfère à la société
américaine, il faut bien se rendre compte que la constitution
américaine est un document des droits de l'homme, et cela a un impact
considérable. Quand on légifère aux Etats-Unis on se
réfère forcément aux amendements à la Constitution,
tant dans la partie constitutionnelle, le texte de base, que dans le texte
touchant les libertés civiles. Mais, en dépit de ce fait, on a
senti très souvent aux Etats-Unis le besoin de se donner des documents
de principe ou des documents qui ont une influence directe sur les
législations. Je pense à un cas, pour indiquer jusqu'où
cela peut aller. Il y a au Wisconsin, par exemple, non pas une charte des
droits de l'enfant, mais une charte des droits des enfants de parents
séparés. Ce n'est pas un document de principe. Je suis un peu
d'accord sur de nombreux cas mentionnés par le ministre de la Justice
hier, de gentils énoncés de principe, Ce n'est pas ça qui
va faire avancer la législation et une société. Mais, aux
Etats-Unis comme dans bien d'autres sociétés, on a des documents,
en matière de droits de l'enfant, qui ont des dents. Je souligne ce
cas.
Cette charte oblige le législateur et ceux qui appliquent la loi
d'en tenir compte dans les jugements qu'ils rendent dans ce domaine.
Au Canada, on a eu une deuxième façon de considérer
les droits de l'homme. Nous nous sommes donné ce que je pourrais
appeler, sans être trop péjoratif, la "gentille"
déclaration canadienne qui est un document de principe, une loi
d'interprétation à laquelle on se réfère à
l'occasion. Mais la jurisprudence n'est pas très abondante pour montrer
l'influence de la déclaration canadienne sur les autres
législations, parce que c'est un document de principe, je dirais un peu
du même type que la déclaration universelle et que la charte des
droits de l'enfant des Nations unies à laquelle on a fait allusion hier,
qui est document qui, je crois, devrait être complètement
révisé. C'est un gentil document de principe, mais qui ne peut
pas informer sérieusement une législation.
Il y a une troisième façon à laquelle nous sommes
peut-être voués et qui est la plus difficile. C'est de
considérer les droits dans une tradition où la législation
n'a pas toujours été inspirée directement par la question
des droits. Je vais prendre des exemples très précis dans le
domaine qui nous touche très concrètement au Québec et
cela fait, je crois, allusion à tous les problèmes auxquels doit
faire face l'Office de révision du code civil.
Il est clair que dans une société comme la nôtre
nous n'avons pas remis en question le droit sacro-saint des parents. Comme
quantité d'autres sociétés on a fait allusion, hier,
à certaines de ces sociétés, et en particulier à la
société belge qui a décrété que le droit des
parents, à un moment donné, cesse d'être un droit
sacro-saint strictement naturel et devient un droit fonctionnel. Et là
on peut décréter dans la législation différentes
mesures et on n'est plus dans les gentils documents de principe. On peut
décréter, par exemple, la déchéance de la puissance
parentale. Cela a toutes sortes de conséquences.
Je cite un autre cas qui est extrêmement important, qui n'est pas
couvert par le projet de loi actuel et qui devrait retenir beaucoup votre
attention, où, justement, on doit partir de la reconnaissance des droits
pour légiférer. C'est le problème des enquêtes dans
les familles où les enfants sont victimes de sévismes. Il y a un
argument qu'on invoque souvent au niveau de la police et au niveau même
de l'administration de la justice et d'autres professions. On dit: Ecoutez! il
ne faut pas violer l'intégrité du milieu familial. Quand on dit
ça, c'est parce qu'on ne reconnaît pas ce qui caractérise
principalement l'enfant dans son statut de mineur via l'identification des
droits. Or, le mineur est essentiellement celui qui a exercé nombre de
ses droits fondamentaux par personnes interposées. Il arrive que ces
personnes interposées qui sont les parents violent gravement ces droits,
référence surtout aux enfants battus et même aux enfants
qui sont en foyer nourricier et dont la situation est souvent aussi pitoyable
faute de contrôle par la loi, de réglementation, de
prévision, etc.
Il faut alors statuer au niveau des droits pour dire qu'étant
donné le statut de mineur des enfants et le statut de dépendance
on devrait introduire des mesures spéciales au niveau des enquêtes
et faire en sorte que oui, peut-être, on force l'intimité
familiale pour aller vérifier, pour pouvoir donner justice aux
enfants.
C'est une question extrêmement complexe et qui doit être
sérieusement évaluée, comme l'ont fait quantité
d'autres sociétés dans le monde, pour pouvoir
légiférer en matière de protection de la jeunesse. Il y a
bien d'autres exemples, mais je passe. On pourra y revenir.
La troisième remarque préliminaire vis-à-vis de la
ligue, c'est que je voudrais souligner que, dans ce contexte, la ligue n'a
aucun intérêt particulier à défendre. Je crois qu'il
faut bien prendre garde de faire dégénérer le débat
sur cette loi fondamentale vers des conflits de juridiction entre
ministères ou entre professions. Quand nous avons engagé un
regroupement avec différentes professions, nous avons été
très clairs là-dessus. Nous avons dit: La Ligue des droits de
l'homme n'a d'autre intérêt que celui des droits de l'enfant. Je
crois qu'il est important de garder cela présent à l'esprit et de
sortir de ce débat, entre autres, auquel les ministres ont fait allusion
hier, et en particulier le ministre de la Justice, où on oppose que d'un
côté il y a la justice punitive et de l'autre côté il
y a les affaires sociales. Je crois que c'est une façon très
fausse d'aborder le débat, mais elle est malheureusement trop
présente dans notre société. La justice et les affaires
sociales ne se trouvent pas en conflit dans cette loi, mais se trouvent
à des niveaux, à des étapes différentes, dans un
même processus de loi qui couvre, évidemment, de nombreuses
étapes.
Une autre conséquence de cela, c'est qu'on pourra, une fois de
plus, se trouver dans une situation où, au Québec, les jeunes
seront finalement les cobayes de conflits de juridictions ou de conflits entre
intérêts professionnels.
Une dernière remarque c'est l'importance, évidemment, du
regroupement que la ligue a réalisé dans ce domaine, et que vous
retrouvez d'ailleurs dans les différents mémoires qui vous sont
parvenus. Nous avons groupé 22 organismes qui représentaient,
à un moment donné, 7,000 ou 8,000 professionnels qui, dans le
secteur, soit dit en passant, n'avaient nullement été
consultés pour l'élaboration de ce projet de loi. C'est une des
choses que la ligue a le plus déplorées. Tant mieux si cette
commission parlementaire peut donner lieu à une
réévaluation la plus systématique et la plus
complète possible du projet de loi et qu'elle dure le temps qu'elle
devra durer pour donner justice aux enfants et aux adolescents du
Québec.
Nous avons donc groupé ces organismes. Nous avons fait aussi
l'évaluation de nombreux
mémoires qui vous ont été présentés.
Tous les organismes que nous représentons n'ont pas remis de
mémoire; il y a ainsi l'Accueil des jeunes, l'Association des
criminologues du Québec, les Organismes familiaux associés du
Québec, qui représentent 100,000 parents, le bureau de
consultation Jeunesse, la Clinique de l'enfant et de la famille, la Corporation
des psychologues du Québec, l'Association des parents adoptifs, les
Garderies populaires du Québec, l'Association métropolitaine
intercadres, le Service de probation, l'Association des
psycho-éducateurs du Québec et les services juridiques
juvéniles, autant de groupes qui n'ont pas remis de mémoire, mais
au nom desquels nous parlons dans cette représentation que nous vous
faisons. Et nous constatons, à l'analyse des mémoires qui ont
été remis, que, par exemple, dix organismes sur 17 demandent de
façon très ferme soit le retrait du projet de loi, soit sa
refonte complète, ou des modifications extrêmement importantes, le
qualifiant de dangereux, de prématuré et d'inadapté aux
besoins du Québec, surtout en tenant compte des autres lois qui existent
dans d'autres sociétés.
Nous constatons, en deuxième lieu, que treize organismes sur
quinze insistent sur le fait que la protection de l'enfant à ces phases
fondamentales doit relever du ministère des Affaires sociales.
Nous constatons également que la plupart, la très grande
majorité des organismes réclament qu'on légifère en
matière de droits de l'enfant, qu'on s'appuie sur une reconnaissance des
droits de l'enfant pour légiférer et nous donner une loi
valable.
Cela dit, je passe la parole à mes collègues, d'abord
à Me Dubreuil.
MME PERREAULT-DUBREUIL: M. le Président, messieurs les ministres,
messieurs les députés, dans le mémoire de la Ligue des
droits de l'homme, je m'attache plus particulièrement aux questions de
partage des juridictions des Affaires sociales et de la Justice. Ensuite il y a
une analyse et des commentaires sur le service de protection tel qu'il est
mentionné dans le projet de loi.
Le conflit apparent qui existe entre le ministère des Affaires
sociales et le ministère de la Justice en matière de droit des
enfants et de protection de la jeunesse est superficiel. En
réalité la protection de la jeunesse comporte deux volets bien
distincts. Premièrement, la protection sociale, qui peut se
définir comme l'ensemble des mesures prises par l'Etat pour assurer le
bien-être des enfants, enfants orphelins, abandonnés, enfants de
familles en difficulté, sur le plan de la santé, sur le plan
économique, sur le plan éducatif. Ces enfants et ces familles en
difficulté demandent, sollicitent l'aide d'organismes sociaux s'occupant
normalement de la protection de l'enfance ou de la jeunesse.
Et si cette aide leur était offerte, si elle existait dans un
organisme que je vais décrire, il n'y aurait aucun besoin de protection,
au sens judiciaire du mot, pour tous ces enfants et ces familles qui
évidemment représentent une grande partie des enfants et de la
jeunesse du Québec. D'autre part, vous avez l'autre volet, qui est la
protection judiciaire. La confusion, à mon sens, vient de ce qu'on
juxtapose et on mêle trop souvent les deux modes de protection.
La protection judiciaire a sa place chaque fois qu'un conflit surgit
entre les droits des enfants et des parents, d'une part, ou lorsque les droits
des enfants sont brimés et que des organismes sociaux constatent que ces
droits sont brimés et qu'une action contraignante doive être prise
pour la protection des enfants.
C'est à ce seul moment que la protection judiciaire doit
intervenir. Dans mon travail quotidien comme avocat du jeune, j'ai pu constater
que dans le moment un grand nombre de cas dits de protection viennent devant un
juge, qui prend les mesures sociales à leur égard. Si des
organismes extérieurs à la cour existaient, un grand nombre de
ces cas n'auraient aucunement besoin de venir à la cour et pourraient se
régler plus avantageusement pour l'enfant et la famille hors cour. Le
rôle du juge serait beaucoup plus clair et plus celui qui lui convient en
tant que magistrat.
Je crois que le service de protection qui est créé par le
projet de loi 65 avait dans l'esprit, au départ, d'instaurer cette
protection sociale. Cependant, selon sa formulation, à notre sens il
passe à côté de la question. La première raison,
c'est que ce service de protection ne relève que d'un seul
ministère, le ministère de la Justice. Et tel que c'est
formulé dans la loi, il reçoit les plaintes des organismes. Donc,
il n'a aucun rôle positif, mais un rôle passif. A la lecture de ce
qu'il doit faire, on constate qu'il est à peu près uniquement
l'antichambre de la cour.
Et alors, au lieu d'aller devant un juge, on ira devant le directeur du
service de protection, mais pour les mêmes motifs, dans les mêmes
situations avec des plaintes déposées, au départ, par des
gens.
A mon avis, tout ce qu'on change avec le système actuel, c'est
qu'on offrira à l'enfant un système de contrainte. En effet, si
on reprend les termes employés dans le projet de loi, le directeur peut
faire comparaître les parents; la cour peut, sur requête
écrite du directeur, délivrer une ordonnance. Donc, on est en
plein système judiciaire. L'enfant et ses parents, à ce niveau,
n'ont pas les garanties du système judiciaire.
Je crois qu'on a mal formulé ce service qui devrait être de
la protection sociale à ce niveau. On avait l'esprit de la chose, mais
on n'a pas suffisamment tenu compte des réalités.
La recommmandation 43 de la commission Prévost dit: "Que la Loi
de la protection de la jeunesse soit le plus souvent possible
étudiée et réglée par les comités locaux et
régionaux ou
par le Centre régional d'accueil". Cela continue dans cet esprit.
La recommandation 44 dit: "Que les différents ministères
impliqués dans le traitement de l'enfance inadaptée collaborent
pour doter les écoles de services satisfaisants en matière de
dépistage, de traitement, d'accueil et de réhabilitation".
Je crois que ces recommandations correspondent tout à fait
à ce qu'on devrait connaître comme protection sociale de
l'enfance. Je me réfère également à ce que disait
Mme Alice Parizeau, hier matin, en faisant allusion à la loi belge en la
matière. La loi belge a prévu, dans sa refonte de 1965, la
création d'un conseil national de la protection de la jeunesse où
les ministères de l'Education, de la Justice et de la Famille nomment
des membres, le tout chapeauté par le ministère de la Justice.
C'est un exemple qui peut être adapté. De plus, les membres de ce
conseil sont également choisis parmi les institutions ou les
organisations s'oc-cupant activement de la jeunesse, de la protection et de la
famille.
Donc, il s'agit d'un regroupement assez vaste. Une des fonctions de ce
conseil qui, entre parenthèses, se divise en comités
régionaux, est de promouvoir, d'orienter et de coordonner, sur le plan
local ou régional, toute initiative en faveur de la protection de la
jeunesse. Il a donc un rôle positif de surveillance, de recommandation,
de mise à jour de la situation de l'enfance. Par ailleurs, il a
également le rôle de signaler aux autorités
compétentes les faits de nature à exercer une influence
défavorable sur la santé physique ou morale de la jeunesse et de
signaler les cas qui devraient être remis à la cour pour
protection judiciaire.
Ce modèle, à mon sens, est assez près de ce qu'on
pourrait souhaiter pour le Québec. Toute cette documentation, je l'ai
prise dans un document sur les législations étrangères,
qui a été préparé par le juge Marcel Trahan et que
j'ai remis, hier, à la commission parlementaire qui s'occupe des
mémoires. La commission l'a en main.
Donc, si nous avions ce système de protection sociale ou quelque
chose d'analogue adapté au Québec, nous sortirions des cours de
Bien-Etre social plus de la moitié des enfants qui y viennent dans le
moment. Je vais donner un exemple concret à ce sujet.
Dans toutes les cours, à ce moment-ci, nous trouvons des plaintes
formulées par des parents, généralement un parent seul,
parce que c'est dans ces cas-là, la plupart du temps, qu'ils sont
dépassés, père ou mère veuve ou
séparée, qui vient porter plainte à la cour disant que son
enfant adolescent est incontrôlable et présente des traits de
prédélinquance.
En général ce sont des parent dépassés avec
des problèmes d'adolescence dans le monde où nous vivons,
où ça n'est pas très facile. Et l'enfant se retrouve
devant un juge simplement parce qu'il est en révolte à quinze ans
et non parce qu'il est en réalité incontrôlable ou
présentant des traits de prédélinquance. Le
résultat évidemment est bien plus néfaste que s'il y
avait, pour cette mère en désarroi, des recours existant au
niveau social, des services facilement accessibles, service social d'un
psychologue qui viendrait l'aider à comprendre la crise, aider le jeune
à traverser sa crise sans que la cour ait rien à faire dans ce
domaine.
Donc, si ce service de protection était élargi,
modifié dans l'esprit que je suggère dans le moment, je pense
qu'il répondrait beaucoup mieux aux besoins des jeunes du Québec,
et en se fiant aux modèles étrangers il y aurait là une
chose très importante à faire pour notre jeunesse.
Et l'autre volet de la loi de protection s'attacherait à la
protection judiciaire seulement, telle qu'elle est, et à ce
moment-là cette protection judiciaire, dans le projet de loi,
supposerait plus de procédures écrites, plus de règles de
procédure pour garantir les droits des parents ou des enfants.
Parce que dans le moment comme les deux sont un peu mêlés,
lorsqu'il y a vraiment matière à brimer les droits des parents,
la procédure permet une marge d'arbitraire qui est très
dangereuse. Il faudrait avoir des mécanismes de procédure
beaucoup plus précis que le ouï-dire, les rapports de travailleurs
sociaux, fondés bien souvent sur des commérages de quartier, qui
sont apportés aux juges. Les juges accordent la protection judiciaire,
enlèvent les enfants à leur famille sans toujours que
l'enquête judiciaire ait été faite comme elle aurait
dû l'être.
Et on ne peut rien faire parce que la loi ne permet pas de dire au juge
qu'il n'a pas bien fait son enquête, parce qu'il n'y a aucune
règle l'obligeant à faire enquête avec des règles de
preuve, la loi ne le dit pas.
Et d'autre part, il n'y a aucun droit d'appel. Alors, si une situation
comme celle-là se retrouve encore on pourrait, avec une procédure
d'appel, non seulement faire corriger les erreurs qui peuvent se glisser, mais
en plus aussi aider à l'élaboration d'une jurisprudence en
matière de droits des enfants qui pourrait être très
profitable à l'élaboration soit d'une charte des droits des
enfants, soit à la révision régulière de ce que
doivent être les droits des enfants et des adolescents.
Ce sont les commentaires que j'avais à faire.
M. BELANGER: M. le Président, afin d'illustrer par un exemple ce
que Me Dubreuil vient de mentionner sur la nécessité de
distinguer la protection sociale et la protection judiciaire, tout en les
regroupant dans un même organisme fonctionnel, je voudrais raconter un
fait qui a été vécu à Montréal dans le
secteur centre-sud samedi dernier. Il ne s'agit pas d'un suicide comme celui
qu'on a vu dans certaines institutions et qu'on relève plus facilement,
mais il s'agit d'un suicide social, un suicide d'un groupe d'individus. Un
enfant de cinq ans a été tué
dans la rue, en face de la maison, de chez lui. S'il a été
tué, c'est le résultat d'une désorganisation sociale
majeure que l'on trouve dans un flot de population à Montréal,
que je pourrais vous indiquer très concrètement, où vivent
environ 700 à 800 personnes et parmi lesquelles il y a environ 200
enfants.
Les 200 enfants qui habitent ce secteur qui a été
isolé à la suite de réaménagements urbains dans
Montréal ont, strictement parlant, besoin d'une protection sociale.
Peut-être une vingtaine ou une trentaine d'entre eux que je
connais déjà, bénéficient et ont besoin d'une
protection judiciaire. Mais une seule protection judiciaire telle que le projet
de loi nous la propose, est nettement insuffisante et nettement
inadéquate pour prévenir le suicide social dont j'ai parlé
tout à l'heure et qui, croyez-moi, va se répéter; ce n'est
pas la dernière fois qu'il se produit.
La création tel que Me Perreault-Dubreuil vient de le
suggérer, d'un service de protection élargi aux dimensions
peut-être d'une commission permettrait, selon nous, de combler une des
lacunes fondamentales du présent projet de loi. Les membres de cette
commission ont sans doute noté qu'à aucun moment dans le texte de
loi n'est prévue l'articulation entre le service de protection et les
centres locaux de services communautaires. Il s'agit là, selon nous,
d'un retour en arrière difficilement explicable ou peut-être
explicable, mais qui, de toute façon, nous parait déplorable.
En effet, le législateur, le ministère des Affaires
sociales, a doté le Québec depuis un an d'une loi sur la
réorganisation des services sociaux et des services de santé qui
vraiment peut faire époque et qui est un plan de travail pour les vingt
prochaines années. Or, actuellement, cette loi parait en être la
négation. Je m'explique: La loi telle que présentée
crée un organisme administratif rigide qui brise l'élan qui a
été donné au Québec et dont je viens de parler. Ce
n'est pas nous qui dictons les politiques du ministère des Affaires
sociales sur l'organisation des services à l'enfance inadaptée.
J'ai ici le document de travail du ministère des Affaires sociales
publié en 1971 sur l'enfance inadaptée où l'on dit
très clairement que l'un des principes de base pour organiser les
services, c'est l'accessibilité des services. On mentionne comment les
services doivent être accessibles géographiquement,
financièrement et socialement. C'est peut-être ce dernier point
que je voudrais retenir particulièrement.
L'on doit se demander comment l'adolescent et l'enfant, plus
particulièrement l'enfant de milieu défavorisé, vit autant
dans un milieu ambiant qui lui est immédiat, dans un quartier qui est
souvent restreint â quelques rues ou à quelques coins de rues ou
à un secteur d'une ville et non pas au niveau d'une ville
complète. Le document poursuit, en disant que l'implantation de centres
locaux de services communautaires facilement accessibles et c'est souli-
gné à la population, le développement de services
génériques dans ces centres et une organisation permettant de
répondre rapidement et c'est souligné aux demandes
de consultation devraient favoriser l'accès aux services de
première ligne pour la clientèle de l'enfance inadaptée
comme pour toute la population.
Or, il apparaît que le projet de loi actuellement va
précisément à l'encontre de cette politique Nous pouvons
affirmer que le projet de loi tel que formulé va multiplier
indéfiniment le recours à des services
ultra-spécialisés et professionnels et j'emploie ici les
mots du rapport de la commission Castonguay-Nepveu, au volume VI, tome 1,
paragraphe 502 et qui sont trop éloignés, croyons-nous,
pour pourvoir aux besoins de la population en général. La loi
telle que conçue semble donc être la négation de tout le
dynamisme que le ministère a voulu insuffler à l'organisation des
services sociaux au Québec. Elle ne fait aucune confiance à
l'organisation sociale naissante, à travers toutes les
difficultés, à travers toutes les embûches actuelles. Elle
invite finalement toute une population à se défaire de ses
obligations fondamentales, surtout la population des quartiers
défavorisés qui, comme je l'ai mentionné, vit sur la base
d'une petite communauté.
Elle consacre le fait que la population doit se défaire de ses
obligations pour renvoyer tous les cas de protection, tous les cas qui ont
besoin de mesures sociales à un service administratif et les
transférer directement au directeur de la protection de la jeunesse.
Bien sûr, on va me répondre qu'il s'agit là d'une
interprétation erronée de la présente loi, que celle-ci ne
vise que la protection judiciaire encore une fois, qu'elle s'applique
uniquement en cas de conflits graves entre les parents et leurs enfants. Et
elle ne prévoit d'ailleurs pas je crois qu'elle devrait
même le prévoir à ce niveau le conflit entre les
parents et leur milieu ou les parents et l'organisme communautaire.
On nous répondra même peut-être d'ailleurs, on
l'a déjà fait, c'est publié dans le Soleil d'hier soir
que la protection sociale de la jeunesse est garantie actuellement par
les lois sur l'éducation, par lés lois sur les loisirs et sur les
services sociaux. Si cela est vrai nous revenons à notre point
fondamental ce que nous attendons c'est précisément une
articulation très nette entre ces différentes lois que le
gouvernement nous a données. Le service de protection élargi, tel
que Me Dubreuil l'a proposé, serait peut-être l'organisme
permettant une articulation valable, fondamentale et qui nous permettrait
d'avoir un mécanisme de travail au sein duquel on pourra bâtir
pour les prochaines années. Merci.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre des Affaires
sociales.
M. CHAMPAGNE: Est-ce que je dois terminer mes représentations, M.
le Président?
M. CASTONGUAY: Si vous aviez encore des commentaires à formuler,
allez-y.
M. CHAMPAGNE: Vous me permettrez, M. le Président, de terminer
cet exposé de la ligue en citant, à la dernière page de
notre mémoire, les recommandations que nous trouvons les plus
importantes. Nous incluons les brefs attendus qui sont à la fin, au bas
de la page 10 : "Etant donné l)la disproportion qui existe entre le
projet de loi et l'ampleur des questions impliquées et des besoins en
matière de protection de la jeunesse au Québec; 2) le devoir qui
incombe à l'Etat de procurer aux organismes et aux personnes les plus
concernées nous y avons fait allusion tantôt ainsi
qu'aux jeunes et aux parents, dont il faudrait autant tenir compte dans le
projet de loi et aux éducateurs, les moyens de procéder à
une étude ouverte et publique de ces questions et de ces besoins; 3) le
caractère extrêmement dangereux du projet pour la jeunesse et pour
l'avenir du Québec, en regard surtout du développement de la
criminalité nous y avons fait allusion de façon
précise dans les pages précédentes au cours du
mémoire; 4) que les rôles conférés respectivement au
ministère de la Justice et au ministère des Affaires sociales,
par le projet, devraient être inversés et que, par ailleurs, la
protection de la jeunesse touche également et de façon
importante' l'éducation et le travail; la ligue demande: l)le retrait du
projet de loi; 2) la formation immédiate d'une commission d'étude
très publique avec un mandat de six mois, c'est une proposition; 3)
qu'un nouveau projet de loi soit soumis à l'automne, eu égard aux
études de la commission demandée précédemment
où l'on pourrait prévoir les dispositions suivantes,
c'est-à-dire une loi d'ensemble visant, en particulier, à mettre
sur pied une commission provinciale de la protection de la jeunesse groupant
des personnes identifiées aux affaires sociales, à la justice,
à l'éducation et au travail et reliée au gouvernement
d'une manière semblable au bureau du Protecteur du citoyen."
Nous ne disons pas, finalement, que ce projet de loi est mauvais, nous
disons qu'il est petit. C'est un diminutif, si vous voulez, par rapport
à ce qu'il nous faudrait. Là, vous me permettrez de m'adresser
particulièrement aux deux ministres ici présents. Nous avons fait
allusion, précédemment, à l'importance des lois
apportées dans le domaine des affaires sociales. Je crois que nous
devons faire la même référence à l'importance des
lois apportées par le ministre de la Justice; je vise en particulier les
petites créances, la Loi d'aide juridique, la révision du code
des loyers. Ce sont des lois fondamentales au Québec. La ligue se
demande, vis-à-vis de la petitesse du projet de loi en regard de
l'énormité des questions qui doivent être résolues
et abordées, si ce projet de loi n'est pas finalement un reflet de la
considération trop petite que nous faisons des jeunes, que nous faisons
même des parents et de la famille dans notre société.
Ceci pourrait expliquer qu'il se présente plutôt comme un
diminutif par rapport aux législations très grandes dont vous
nous avez dotés précédemment.
LE PRESIDENT (Houde, Limoilou): L'honorable ministre des Affaires
sociales.
M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aimerais faire quelques
commentaires. D'abord, je voudrais remercier les membres de la ligue de
l'intérêt qu'ils portent aux problèmes de la jeunesse et de
l'enfance. Il n'est peut-être pas inapproprié de rappeler qu'au
cours de l'automne dernier, je crois, j'ai eu leur visite au ministère
où on m'a fait état de différents projets auxquels voulait
s'intéresser la ligue. Je leur avais demandé de mettre
peut-être plus d'accent qu'ils s'apprêtaient à le faire sur
les problèmes de l'enfance et de la jeunesse, précisément.
A mon sens, un bon nombre de ces problèmes ne recevaient pas l'attention
qu'ils méritent au sein de la population en général et, de
façon plus particulière, par suite de ce manque d'attention ou
d'intérêt, à divers niveaux de nos organismes, peu importe
leur nature.
Je voudrais aussi les remercier, malgré les objections qu'ils
formulent face au projet de loi, d'avoir accepté de nous soumettre leurs
points de vue et de venir les discuter ici. Il me semble que c'est un processus
dynamique, positif, que celui qu'ils ont accepté de suivre au lieu de se
refuser à une discussion malgré les objections qu'ils peuvent
formuler face au projet de loi.
Quant à leurs affirmations à l'effet que les
problèmes de l'enfance et de la jeunesse ont une très grande
ampleur, je partage tout à fait cette opinion. Toutefois, je pense que
si c'est une remarque qui s'impose face au projet de loi lui-même, il
n'en demeure pas moins que, dans l'état actuel de la législation
touchant la protection de la jeunesse, nous avons dans nos statuts une loi qui
est devenue tout à fait inappropriée. Je comprends que ces
problèmes touchent peut-être une proportion relativement faible de
l'ensemble des problèmes, des situations assez pénibles, assez
urgentes qui se manifestent et vis-à-vis desquelles il est difficile
d'apporter des solutions appropriées, compte tenu de l'état de
cette législation.
C'est dans cette optique qu'il me semble qu'il est important de
poursuivre l'étude de ce projet de loi de la jeunesse, avec un esprit
aussi ouvert que possible face aux différentes représentations
qui sont faites, et de le voir comme une partie de l'ensemble des mesures
législatives et autres qui s'imposent face aux problèmes de
l'enfance et de la jeunesse, en tenant bien compte de la
nécessité que ce travail, sur des plans divers et plus vastes, se
poursuive.
Si je dis ceci, c'est qu'il y a également, il me semble, un
avantage à poursuivre. C'est que, malgré le fait que des
organismes comme la Ligue des droits de l'homme et tous ceux qui se
sont associés au mémoire peuvent avoir des objections face
au projet de loi, il n'en demeure pas moins que le travail que nous poursuivons
ici, en commission parlementaire permet, pour la première fois, je
crois, depuis très longtemps, d'aborder ces problèmes à
l'endroit où ils doivent être abordés et très
ouvertement, c'est-à-dire à l'Assemblée nationale avec les
députés et certains des ministres concernés.
Ceci permet aussi, à mon sens, une information qui peut
être extrêmement positive auprès de la population sur un
certain nombre de problèmes qui existent, sur la nécessité
d'associer beaucoup plus largement la population à la solution de
plusieurs de ces problèmes.
Je sais que les problèmes de la protection de la jeunesse ne sont
pas limités à ceux que l'on retrouve chez les enfants dans nos
institutions, mais c'est assez frappant, lorsqu'on visite un certain nombre
d'institutions, de voir jusqu'à quel point ces institutions n'on aucun
lien avec le milieu. Ce sont des institutions qui fonctionnent très
largement à vase clos.
Je ne crois pas qu'on doive faire reproche uniquement à ceux qui
dirigent ces institutions. Bien au contraire. Mais cela dénote un manque
d'intérêt dans la population. Je crois que la discussion que nous
aurons ici peut avoir un effet extrêmement positif sur ce plan.
Quant à la présentation elle-même, aux points les
plus précis que vous avez soulevés, particulièrement les
distinctions que vous avez apportées quant à la protection
sociale, quant à la protection judiciaire, je crois que vous avez
apporté des points extrêmement intéressants et importants.
Le lien que vous faites, par exemple, avec les centres locaux de services
communautaires est un lien qui paraît extrêmement important si on
veut justement que la protection sociale prenne un aspect positif de
prévention, communautaire, etc.
Il se peut que nous n'ayons pas assez mis l'accent sur le rôle des
centres locaux de services communautaires, même si c'est l'intention du
ministère de le faire, tel qu'on le rappelle dans le mémoire sur
l'enfance inadaptée, et auxquels on a fait allusion. C'est
peut-être dû au fait que la mise en marche de ces centres locaux de
services communautaires est une oeuvre beaucoup plus complexe qu'on aurait pu
le croire à prime abord et qui soulève des problèmes qui
ne seront résolus que graduellement et avec le temps et, en d'autres
termes, que ces centres locaux de services communautaires ne vont apporter, en
fait, leur plein rendement que graduellement lorsqu'on se reporte à une
échelle plus large. Vous pouvez en avoir un ou un certain nombre qui
peuvent jouer un rôle très positif, très dynamique, mais
avant que nous soyons en mesure de doter la population d'un réseau de
tels centres, cela va être un processus assez long.
C'étaient plutôt des remarques que je voulais faire que des
questions. J'aimerais plutôt écouter, pour le reste, les
réponses, les commentaires que vous pourrez faire après soit les
commentaires du ministre de la Justice ou des autres membres de la
commission.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de la
Justice.
M. CHOQUETTE: M. le Président, si nos collègues de
l'Opposition veulent prendre la parole avant moi, je n'ai aucune objection.
M. PAUL: A tout Seigneur, tout honneur.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais féliciter la
Ligue des droits de l'homme pour le mémoire qu'elle a
présenté et pour sa façon d'exposer le problème tel
qu'elle le conçoit devant la commission parlementaire, ce matin.
Je sais gré à la Ligue des droits de l'homme de
s'être située à un niveau extrêmement
élevé dans sa façon d'aborder ce projet de loi. Je
voudrais féliciter la ligue pour cette élévation du point
où elle se situe quand elle aborde ces questions de la protection de la
jeunesse et des problèmes de l'enfance.
D'autre part, je crois que Me Dubreuil a réussi à jeter un
éclairage particulièrement précis sur les fonctions
respectives que nous devons entrevoir comme découlant de l'action
gouvernementale ou comme appartenant à l'action gouvernementale,
c'est-à-dire protection sociale, protection de la jeunesse et protection
judiciaire.
Je tiens à lui dire que, pour ma part, je vais
m'intéresser de très près à la législation
belge qui me paraît, suivant ce que vous nous avez dit, une des plus
avancées au monde dans ce domaine. Quant à moi, de prime abord,
je ne rejette d'aucune façon la création d'un conseil provincial
tel qu'il existe dans la législation belge et qui groupe
différents ministères intéressés aux
problèmes de la jeunesse. Ce seraient peut-être là des
changements qui pourraient être apportés au projet de loi ou qui
pourraient se trouver dans une autre loi. Je trouve que cet aspect est
très intéressant.
D'autre part, j'aimerais lui demander plus précisément ce
que font les conseils régionaux de la protection de la jeunesse dans la
législation belge.
Elle nous a parlé de la fonction nationale du conseil qui existe
en Belgique, qui a une responsabilité d'ordre très
général, mais elle ne nous a pas parlé des fonctions
précises qui appartiennent aux différents conseils
régionaux en ce qui touche aux problèmes particuliers des jeunes.
Je crois que tout le monde reconnaîtra qu'il n'est pas suffisant de
traiter des problèmes de la jeunesse à un niveau
extrêmement général. Il faut encore tomber dans le
particulier, parce que c'est à des cas particuliers que nous avons
à faire face. J'aimerais qu'elle élabore sur ce point pour notre
compréhension.
MME PERREAULT-DUBREUIL: Avec plaisir. Comme je vous l'ai
déjà dit, le document est déposé à la
commission parlementaire. A la page 22, on définit le comité de
protection de la jeunesse, dans la législation belge: "II est
chargé d'intervenir lorsque la santé, la sécurité
ou la mortalité d'un mineur est mise en danger, soit en raison du milieu
où il est élevé, soit par les activités auxquelles
il se livre ou lorsque les conditions de son éducation sont compromises
par le comportement des personnes qui en ont la garde".
C'est, en gros, la même fonction que celle prévue par notre
service de protection. La différence, c'est le mot "intervenir". Notre
service de protection, antichambre de la cour, reçoit les plaintes,
alors que le comité de protection a un rôle positif, en ce sens
qu'il doit être intégré dans le milieu et agir sur le
milieu au niveau de la prévention. Il serait relié, en somme,
à tout le réseau de services et d'organismes sociaux qui existent
dans le moment et qui pourraient être créés par la
législation qui prévoit la création des centres d'accueil
et des centres de services communautaires. Cela pourrait s'intégrer
à l'intérieur de cela.
On ajoute: "II peut, dans ce cas, faire exercer, dans
l'intérêt du mineur, une action sociale préventive, pour
autant que son aide ait été sollicitée ou acceptée
par les personnes investies à l'égard du mineur, de la puissance
paternelle ou qui en assument la garde en droit ou en fait". C'est vraiment la
définition de la protection sociale, avec les mots: "pour autant que son
aide est sollicitée ou acceptée". La cour n'a aucune intervention
à ce niveau.
Par la suite, il a comme autre fonction de signaler aux autorités
compétentes à ce moment-là, on peut dire à
la cour ou à un service relié à la cour, en vue d'une
protection judiciaire les faits de nature à exercer une influence
défavorable sur la santé physique ou morale de la jeunesse. On
ajoute également, dans les fonctions de ces comités: "La
protection de l'enfance ne peut se borner à offrir de l'aide aux
familles qui la sollicitent ou l'acceptent. Elle doit aussi pouvoir imposer des
contraintes pour ramener l'exercice des droits de puissance paternelle à
son rôle fonctionnel." Là, c'est un cheminement vers la protection
judiciaire qui est le rôle de ces comités de protection. Lorsqu'il
y a contrainte à exercer, on les dirige vers les tribunaux de
l'enfance.
M. CHOQUETTE: Alors, les comités dont vous parlez ne peuvent pas
contraindre par leur action. Ils peuvent suggérer, ils peuvent
s'intéresser, ils peuvent rapporter des faits, mais, aussitôt
qu'il s'agit d'exercer une action contraignante, la responsabilité
incombe aux cours, n'est-ce pas?
MME PERREAULT-DUBREUIL: Exactement.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je voudrais, à mon tour, au nom
de mon collègue également, remercier la Ligue des droits de
l'homme et féliciter ceux qui ont travaillé de près
à la présentation de ce mémoire. Vous avez voulu vous
pencher sur l'ampleur du problème et vous arrêter surtout à
son aspect social, plutôt que sur l'aspect judiciaire.
Vous n'avez pas complètement dissocié les deux aspects,
mais vous avez voulu nous démontrer que cette loi devrait, autant que
possible, s'intéresser beaucoup plus à la protection de l'enfant
qu'à sa correction.
J'ai lu avec intérêt votre mémoire. Vous invitez le
gouvernement à retirer ce projet de loi pour une période de six
mois, invoquant comme raison principale le manque de consultation, d'abord, non
seulement auprès de la Ligue des droits de l'homme, mais auprès
de toute autre association. N'avez-vous pas l'impression que les membres de la
commission parlementaire, chargés d'étudier près de 30
mémoires, ne pourront pas se faire une conception ou arrêter des
principes qu'ils pourraient consacrer dans une loi qui puisse répondre
aux besoins que vous nous avez signalés? Ne pourraient-ils pas
également adopter une loi qui couvre davantage et étend de
beaucoup la protection dont l'enfant a besoin?
Vous avez suggéré la formation d'une commission
provinciale. Ne croyez-vous pas que la commission parlementaire pourrait jouer
ce rôle ou si vous voulez que ce soient des spécialistes qui se
penchent sur tout le problème, entendent des mémoires, consultent
les organismes intéressés pour, ensuite, faire rapport à
la commission parlementaire et y aller même d'un avant-projet de loi?
M. CHAMPAGNE: Je pense qu'il ne nous appartient pas d'orienter ou de
préjuger de quelque façon que ce soit de la compétence de
la commission parlementaire. Ce que nous avons souligné,
premièrement je crois que le ministre des Affaires sociales l'a
repris, tantôt, dans ses commentaires c'est la
nécessité d'associer plus largement la population à cette
tâche.
Nous ne croyons pas que l'Etat pourrait légiférer du jour
au lendemain sur une question comme celle de la relation entre le droit des
parents et le droit des enfants, telle qu'elle se pose au Québec. Le
principe de la déchéance de la puissance paternelle, par exemple,
il faut admettre que c'est nouveau chez nous. Nous ne croyons pas que, du jour
au lendemain, l'Etat pourrait légiférer, statuer là-dessus
sans qu'il y ait eu une prise de conscience et un débat sur la place
publique sur cette question qui peut, peut-être, se situer dans le cadre
de la compétence de la commission parlementaire.
Je pense que la commission a déjà entrepris un rôle
d'enquête auprès des institutions. C'est un aspect, Il y en a
beaucoup d'autres. Donc, on peut imaginer que la commission décide de
faire d'autres consultations.
Deuxièmement, quand vous faites référence à
la commission provinciale, c'est autre chose. Dans notre esprit, c'est une
commission permanente, comme la Commission des services juridiques, par
exemple, qui est une commission permanente. Là, ce n'est plus de la
consultation. Il y a deux choses que nous avons clairement recommandées
dans notre mémoire. Au niveau de la consultation, une commission qui
fasse vraiment de la consultation, qui pose les problèmes avec qui de
droit. Une fois cette consultation faite, que la mesure principale de la loi
soit dans le sens de ce que Me Perreault-Dubreuil vient de souligner,
d'ailleurs, à l'exemple de la Belgique ou d'autres. Nous citons le cas
de la Belgique, mais je pense que nous avons fait l'inventaire de la question
en fonction de lois de beaucoup d'autres pays. Je pense que, si on consulte les
gens, il y a des chiffres qui sont souvent donnés par les avocats et par
les juges eux-mêmes. Ils disent: La protection de la jeunesse, vous avez
peut-être entre 20 p.c. et 10 p.c. des cas, qui sont sous la juridiction
de ce secteur, qui ont besoin de protection judiciaire. La très grande
majorité a besoin de la protection sociale.
Encore là, j'insiste, ce ne sont pas simplement les jeunes, mais
les parents. On fait allusion à ces conseils. Tantôt, le ministre
de la Justice a demandé des précisions. Il faudrait faire
allusion à d'autres conseils qui, par exemple, en Angleterre, jouent un
rôle clé. Je pense au conseil de famille, de quartier, en
Angleterre, qui joue un rôle clé.
Ce rôle, je pense qu'il est fondamental dans notre
société d'apprendre aux parents et aux enfants à
négocier leurs rapports humains dans le quotidien et ça c'est de
la prévention. On dit que notre législation est quelquefois
punitive, je ne sais pas si c'est ça exactement. C'est peut-être
le fait que notre législation est une législation de
guérison plutôt que de prévention. Les conseils de famille,
tels qu'ils existent en Angleterre, tels qu'ils existent en Hollande, tels
qu'ils existent sous d'autres formes dans les pays Scandinaves, sont des
institutions qui procèdent progressivement. Je crois que c'est trop
facile de dire : Voici, il y a un conflit entre parents et enfants, nous allons
le trancher d'autorité ou par experts.
Sur ce plan, je crois qu'on peut autant se méfier du travailleur
social que du juge. Le "due process" c'est une chose, et Me Dubreuil l'a fait
ressortir, qui est fondamentale, qu'il faut conserver. Mais il y a tout l'autre
aspect social; c'est un aspect de prévention que nous pouvons traiter en
mettant sur pied des choses qui ressembleraient aux conseils de famille.
M. PAUL: M. le Président, je vous remercie; mon collègue
aura tout à l'heure quelques questions additionnelles à la suite
des deux autres collègues.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de
Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, je tiens également à
remercier la Ligue des droits de l'homme, qui a apporté ce matin, je ne
dirai pas un son de cloche tout à fait nouveau, mais peut-être
concrètement différent. Ce que j'ai aimé, c'est que vous
avez touché surtout à l'élargissement de la protection,
pour en faire en quelque sorte de la prévention. On est à
préparer et à étudier une loi. Est-ce que vous auriez un
mécanisme facile d'application? Quand je dis facile d'application, je
voudrais que ça puisse commencer le plus tôt possible, au niveau
par exemple du ministère de l'Education. Ce serait quelque chose de
facile à appliquer, justement au niveau de l'éducation, afin de
prévenir ou même de dépister ces cas qui deviennent
tôt ou tard des cas de protection juridique.
M. BELANGER : Je voudrais répondre de la façon suivante
d'abord; chercher le mécanisme facile, ce ne serait peut-être pas
possible. Deuxièmement, il existe déjà, et c'est vrai, une
série de mesures préventives, une série de mesures qui
visent à un dépistage au niveau du ministère de
l'Education, au niveau d'autres ministères. Ce qu'on souligne, c'est
précisément le manque d'une articulation entre ces
différentes mesures. Le mécanisme serait plutôt un
mécanisme qui permettrait à un travail de s'élaborer.
C'est un mécanisme d'articulation, de coordination.
Je reprends l'exemple que je vous mentionnais tout à l'heure, cet
ilôt de population à Montréal. L'école y fait
beaucoup, mais l'école est prise dans ses propres traditions,
l'école est prise dans ses propres schèmes, dans ses propres
valeurs, qui sont malheureusement souvent très très
éloignées de la vie concrète des enfants et des jeunes en
milieu défavorisé.
Donc, toutes les mesures que le ministère de l'Education peut
mettre sur pied dans le cadre des écoles sont diminuées dans leur
rendement d'au moins 50 p.c. par le fait qu'elles ne tiennent pas compte du
contexte global dans lequel vit un jeune. Les mesures que le ministère
des Affaires sociales peut mettre sur pied sont également
diminuées de 50 p.c. dans leur rendement parce qu'elles ne tiennent pas
compte de ce qui se fait à l'école. Surtout dans les cas de
détérioration grave comme celle dont je vous parlais tout
à l'heure, il n'y a qu'une seule façon, c'est d'arriver à
un mécanisme souple de coordination.
Je pense à un autre secteur, le secteur des loisirs qu'on vient
également de doter d'une nouvelle loi ou enfin il y a un pas en avant en
ce sens-là. Comment arriver à intégrer le domaine des
loisirs, qui pour les enfants de milieux défavorisés sont
primordiaux? Si on vient de milieux bourgeois, si l'on vient de la classe
sociale moyenne, on n'a pas idée de ce que signifie pour les enfants
entre huit, dix ou douze ans, et même quinze ans mais là
d'une façon négative et c'est de là que vient la
délinquance de ce que signifient les centres de loisirs dans les
milieux populaires à Montréal, au plan d'un impact sur la vie
affective d'un jeune.
La seule façon d'arriver à donner une protection sociale
complète et sans nécessairement mettre sur pied des organismes
nouveaux, avec des budgets effarants, c'est d'arriver à faire une
coordination entre les différentes ressources actuelles. C'est cela que
nous suggérons quand nous parlons d'une commission ou d'un service qui
englobe, dans un sens large, la protection sociale de la jeunesse.
La protection judiciaire vient ensuite. Elle est intégrée
à celle-ci. J'ai fait la remarque, tout à l'heure: On a
semblé faire encore une dichotomie entre correction associée
à la justice, et protection associée au ministère des
Affaires sociales. Je crois qu'il faut nettement dépasser ceci. Pour
avoir travaillé pendant cinq ans en relation immédiate avec des
juges, dans le cadre de Boscoville, personnellement, j'ai vu comment
l'intervention d'un juge ce n'est pas punitif ou correctif, c'est
réllement de la protection. Le jeune est appelé à vivre ce
processus dans lequel il découvre que celui qui l'a d'abord
arrêté et lui a tapé sur les doigts en vient,
graduellement, à prendre une autre figure. Mais que l'on refasse cette
synthèse autour de l'idée de protection entre le judiciaire et le
social.
M. CASTONGUAY: J'ai une question. Dans ce désir de meilleure
articulation, de coordination que vous exprimez, comment voyez-vous le
problème des rivalités interprofessionnelles ou encore qui
viennent à s'établir dès qu'une certaine structure existe,
que quelqu'un s'identifie avec un secteur par rapport à un autre?
Comment voyez-vous une façon, autre que législative, parce que
là on frappe vraiment des problèmes concrets, qui ne peuvent se
régler, à mon sens, par la législation, l'approche,
disons, à la solution de ces problèmes?
M. CHAMPAGNE: Je me réfère à la page trois de notre
mémoire, justement. Nous avons indiqué l'ensemble des fonctions
immédiates et spécifiques qui relèvent du domaine de la
protection de la jeunesse et qui, dans notre esprit, devraient être
administrées par la commission dont nous demandons la
création.
Le point six, justement, répond, simplement au niveau de la
nomenclature, à la question que vous soulevez: la coordination entre les
professions et les fonctions multidisciplinaires. Je crois justement que cette
question est fondamentale. Une des façons d'en sortir, c'est d'avoir un
organisme qui administre le domaine de la protection de la jeunesse et qui
puisse, dans une de ses fonctions spécifiques, faire en sorte que les
intérêts des enfants ne soient pas sacrifiés. Il y aura
souvent un rôle d'arbitrage. Il y a de la définition de
tâches, de la définition des responsabilités
d'équipes. On sait que le multidisciplinaire, ce n'est pas facile
à vivre, de même que le multisectoriel; tout le monde, je pense,
est un peu en apprentissage. Ce n'est pas que dans ce domaine que cela se
présente. Cela se présente dans tous les domaines. Je crois que
s'il n'y a pas une commission, multisectorielle et multiministérielle,
on arrivera difficilement à régler ces problèmes. Mais il
y a, évidemment aussi, au départ, une définition claire
des champs d'intervention, je reprends l'intervention de Marc Bélanger,
et je crois qu'il faut renchérir sur ce qu'il disait du rôle du
juge ou de la justice. Il vient un moment, dans ce domaine, où il y a
des conflits de droits. Les conflits de droits, je crois qu'on ne peut pas
laisser cela à d'autres qu'à la justice. Il y a des fonctions qui
demeurent sacrées: c'est le rôle du juge, le rôle de
l'avocat. Je crois que la question n'est pas de les faire disparaître,
c'est de les situer exactement dans leur environnement social et dans leur
environnement d'une justice qui tienne compte de toutes les dimensions de la
réalité, au fond.
M. GUAY: Alors, cela signifie qu'il existe des mécanismes. Ces
mécanismes sont soit mal utilisés, mal appliqués ou mal
articulés. Mais les mécanismes existants, selon vous,
permettraient, s'ils étaient utilisés au maximum, bien
utilisés, de rejoindre l'idée de prévention ou de
protection vraiment sociale?
M. CHAMPAGNE : Ecoutez, les choses existent, mais elles sont diffuses,
éparses, et pour prendre une expression bien concrète, on "tire
la couverte" de son bord.
Moi aussi, j'ai travaillé dans les milieux de délinquants,
j'ai fréquenté quantité d'écoles de protection, et
dans d'autres secteurs c'est la même chose, c'est ce qui manque
fondamentalement.
Il y a aussi le problème des ressources. Vous interrogerez les
juges sur le problème de la protection de la jeunesse. Nombre d'entre
eux vont vous dire: Ce n'est pas qu'un problème de législation,
c'est un problème de ressources et de coordination des ressources. C'est
une autre raison qui, à notre avis, justifie la formation d'une
commission multisectorielle et multiprofessionnelle.
M. GUAY: Vous dites dans votre mémoire, au sujet du rôle
premier du ministère des Affaires sociales, "qu'il est inutile de
vouloir favoriser le milieu familial naturel si le gouvernement n'a pas
envisagé les moyens précis d'aider les familles". Si on regarde
les cas qui sont sous la protection de la justice actuellement, un grand nombre
d'entre eux relèvent évidemment d'un mauvais milieu familial.
C'est précisément la source des problèmes qui se
posent.
On a parlé également du tribunal de la famille hier.
Est-ce que vous verriez une façon d'utiliser un tel tribunal, ou si ce
tribunal de la famille ne pourrait jouer le rôle que vous voulez donner
à cet organisme dont vous parlez?
MME PERREAULT-DUBREUIL: Je vous
reporte aux commentaires du ministre de la Justice en matière de
tribunal de la famille. Dans le moment, il est impossible de créer un
tribunal de la famille à cause de réalités
constitutionnelles. Eventuellement, ça viendra, et cet organisme qu'on
suggère pourra facilement s'intégrer et travailler avec un
tribunal de la famille en temps et lieu. Dans un avenir très lointain,
il n'y a aucune objection à travailler avec un tribunal de la
famille.
Celui-ci pourrait très facilement s'intégrer dans tout ce
contexte qu'on suggère, mais dans l'immédiat on ne peut pas y
songer pour des raisons constitutionnelles.
M. GUAY: Je pense qu'il existe déjà un conseil de la
famille. Est-ce que ce conseil n'aurait pas également un rôle
à jouer dans cette protection sociale de la jeunesse? Est-ce qu'il joue
actuellement vraiment le rôle qu'il devrait jouer? Nous pourrons en
rediscuter aux crédits. Vous connaissez la façon de ce conseil de
travailler ou de faire des recommandations aux différents
organismes.
Je voudrais toucher un autre point, qui est plus du domaine curatif,
concernant la vocation des institutions de réadaptation qui existent
actuellement. La Ligue des droits de l'homme n'est sans doute pas sans ignorer
la vocation des différentes institutions. Nous avons visité
à ce jour deux institutions qui nous ont démontré que la
vocation qu'elles se sont donnée répond partiellement aux besoins
de la jeunesse actuellement. Est-ce que vous auriez des commentaires concernant
la vocation de ces institutions?
M. BELANGER: Vous soulevez une question qui est prioritaire, non
seulement dans la société, mais je crois que nous sommes
tous au courant pour le ministère des Affaires sociales. J'aurais
envie de vous répondre à partir d'une expérience
directement personnelle. Je mentionnais tout à l'heure avoir
travaillé à Boscoville et en être sorti pour travailler
maintenant en milieu ouvert à caractère plutôt de
prévention.
Tout ce que je puis affirmer, c'est que les institutions sont
nécessaires, sont indispensables, sont la seule façon dans
certains cas d'arriver à aider réellement des jeunes, qu'ils
soient délinquants ou qu'ils ne le soient pas. Toute la question, c'est
d'arriver à ce que l'on travaille en même temps à l'autre
niveau pour améliorer la qualité des ressources communautaires,
la qualité de la vie dans les quartiers et que l'on fasse un immense
effort de recherche pour trouver qui a besoin de quoi. Et ça, on ne l'a
pas trouvé encore.
Je puis me référer à ce qui a été
fait en Californie, plus particulièrement à Sacramento sous la
juridiction du California Youth Authority dans laquelle on a pris depuis quinze
ans un travail global justement dans le sens où vous le dites.
Au bout de dix ou douze ans de travail très concret, ils en sont
arrivés à la nécessité de créer une
institution pour quelques jeunes parmi tout l'ensemble de ceux avec qui ils
avaient été en contact sur la base du milieu naturel. Cela leur a
pris dix ans pour trouver qu'il fallait une institution pour quelques jeunes de
tel type et c'est une institution extrêmement forte et très rapide
qui vise à répondre à une catégorie de besoins.
Peut-être que l'on pourrait davantage faire référence
à cette étude, à cette recherche qui a été
faite mais c'est tout un travail qui doit être refait actuellement. Ma
réponse c'est que les deux sont indispensables. Il s'agit
précisément, encore une fois pour répondre au ministre des
Affaires sociales, d'éviter les conflits d'intérêt
professionnel, éviter même les conflits de recherches
scientifiques sclérosés dans lesquels chacun pense avoir la
vérité. Et c'est le travail de toute une collectivité.
M. CHAMPAGNE: Vous me permettrez d'ajouter deux ou trois choses aux deux
questions que vous soulevez. Je pense que nous n'avons pas besoin d'un tribunal
de la famille pour mettre sur pied des conseils de famille. C'est très
clair, on pourrait les créer demain matin et au niveau des quartiers.
Deuxième remarque, c'est que je crois qu'il ne faut pas seulement se
limiter au cadre de la famille, surtout si on se réfère à
l'expérience actuelle des jeunes et du développement de la
société. La notion de quartier, de communauté de quartier
devient aussi importante que la notion de famille. Et encore là c'est
fondamental de traiter de ces notions pour éviter des ruptures que nous
avons dans notre société entre l'institution qu'est la famille et
la société d'autre part. Et le quartier est une
réalité de jonction sociale extrêmement importante et il
faudrait qu'au plan des jeunes on l'exploite. Une troisième remarque.
J'aimerais bien que le ministre de l'Education soit ici pour poser, en rapport
avec les conseils de la famille et le nombre d'institutions qui touchent le
domaine de la protection de la jeunesse, le fameux problème des
débouchés, n'est-ce pas? On dit qu'en sciences sociales il n'y a
pas de débouchés; c'est parce que nous vivons dans une
société qui, justement, ne favorise pas les rapports entre les
humains et la réalité qu'est la famille. On pourrait, demain, par
les conseils de famille, trouver je ne sais combien de débouchés
en matière d'éducation spécialisée, de
psycho-éducation, de psychologie, de sociologie, etc. Ce serait une
bonne façon d'intégrer des professionnels à la
communauté plutôt que de développer des intellectuels qui
vont parler à côté de la réalité. Il y a
aussi d'autres institutions qu'on appelle en Angleterre les "mother's houses";
on a commencé à renouveler les institutions. Les maisons, les
villages de jeunesse, etc., cela existe dans d'autres pays. Encore là,
je fais référence à quantité de données qui
sont déjà dans le rapport Prévost, il faudrait
peut-être que ça serve à quelque chose.
M. GUAY: Une dernière question: Croyez-vous que, dans le
passé, le dialogue entre le ministère des Affaires sociales, ou
les différents ministères, et les institutions concernées,
les services sociaux et même avec la Ligue des droits de l'homme a
été suffisant et suffisamment ouvert?
M. CHAMPAGNE: Il a été ouvert dans la mesure de nos moyens
et pas suffisamment dans un contexte social, je pense. C'est une des choses que
nous avons souvent dites à la ligue, qu'il y a une coupure entre l'Etat
et les citoyens, et des groupes et des associations. Et souvent je pense que le
processus de législation en est la cause. C'est pourquoi nous avons
tellement insisté et déploré le manque de consultations
très publiques. Peut-être que les ministères ont fait de
nombreuses consultations mais pourquoi ne le savons-nous pas? Qui a
été consulté? On pourrait tenir le dialogue avec tous les
interlocuteurs et pas simplement avec les deux ministres; ils ont
déjà assez de dialogues à tenir, les ministres. On
pourrait savoir qui sont les gens qui ont préparé la loi, etc. et
si ç'a été fait en consultation. Vous trouvez cette
situation anachronique qu'il y a des juges ici qui servent de conseillers
internationaux pour d'autres lois sur la protection de la jeunesse et qui n'ont
même pas été consultés au Québec pour faire
cette loi.
M. GUAY: Cette commission parlementaire, je pense que c'est un pas vers
cela, du moins c'est l'ouverture; c'est quand même valable, cela permet
aux membres de la commission de poser les questions qu'ils veulent si,
évidemment, ça ne se termine pas là.
M. CHAMPAGNE: C'est notre grand espoir. M. GUAY: Merci.
M. CHOQUETTE: M. Champagne, si vous me permettez une observation, je ne
voudrais pas revenir sur ce que le ministre des Affaires sociales et le
député de Dorchester ont dit, que la commission parlementaire est
en soi un processus de consultations; je pense bien que vous allez
l'admettre.
Mais, étant donné que vous avez eu tendance à
exprimer une théorie générale de la consultation en milieu
québécois en 1973, moi je vous dirai que je considère
plutôt, à l'heure actuelle, qu'au Québec, il y a beaucoup
de consultations entre les gouvernements et différents secteurs de la
société. Si on devait procéder par voie de comparaison
avec d'autres gouvernements étrangers ou même canadiens, je pense
que le gouvernement québécois arriverait probablement parmi les
premiers. Je n'ai qu'à regarder le comportement de mes collègues
ministres et le comportement des jeunes publics de tous les partis, ils se
prêtent constamment à la consultation.
Un exemple très banal, peut-être me direz-vous que c'est
à cause de la présence des hommes publics dans les média
d'information, et qui répondent aux questions des citoyens, à la
radio ou autrement. Les portes des ministres sont toujours ouvertes à
tous les groupes le moindrement sérieux. Et ils ne donnent pas des
rendez-vous dans trois mois. J'ai vu d'autres régimes politiques, pour
ne pas citer d'exemple, disons régime français, où je vous
dis que pour atteindre un ministre, c'est quelque chose de drôlement
compliqué.
Je crois qu'il ne faudrait pas dire qu'au Québec on manque de
consultation. Peut-être qu'elle ne se fait pas toujours aux bons
endroits, aux bons moments. Des erreurs de parcours peuvent se produire. Mais
l'atmosphère québécoise est sûrement à la
consultation, à l'heure actuelle. Je pense qu'il faudrait le
reconnaître.
M. CHAMPAGNE: Nous le reconnaissons bien volontiers, M. le ministre. On
pourrait rappeler d'ailleurs à cet égard que vous étiez
présent au "Dimanche des droits de l'enfant" qu'a organisé la
ligue et qui est un peu à l'origine du mouvement. Mais il y a un
anachronisme étonnant dans notre société, c'est que
souvent les ministres consultent plus que leurs technocrates.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Sur cette remarque qui vient d'être
lancée, je voudrais enchaîner. Je ne continuerai pas plus loin
là-dessus, nous sommes sur un terrain assez glissant. Je voudrais
reprendre plusieurs remarques qui ont été faites dans le
même sens, ce matin. Les organismes qui viennent devant la commission
parlementaire et ces organismes qui ont envoyé des mémoires ont
apporté beaucoup de réserves sur le projet de loi. On l'a dit: on
a demandé le retrait ou sinon le retrait, du moins une modification
profonde.
Ma remarque est celle-ci: il ne faut pas prendre au tragique le
dépôt du projet de loi no 65, parce qu'on commence à
être habitué à la technique législative du ministre
des Affaires sociales, en particulier. Il part de loin avec sa
législation, de pas mal loin. On a eu des expériences avec
l'autre bill no 65, le bill no 30. Enfin, il y en a eu plusieurs, le bill no
69. Là, il est en train de corrompre son collègue, le ministre de
la Justice. Il est embarqué dans le jeu.
Nous écoutons des mémoires et l'Opposition
évidemment intervient avec d'excellentes suggestions. Le ministre le
sait. Finalement, la loi qui revient devant la Chambre est complètement
modifiée. Je pense que c'est un processus qui en vaut un autre, sauf que
l'Opposition et les organismes sont tentés alors de dire que c'est
grâce à eux si la loi a été de beaucoup
améliorée, à partir du début. Mais il est un
fait, c'est que ce projet de loi, j'en suis convaincu et je peux le dire tout
de suite, si les deux ministres n'avaient pas eu l'intention de le modifier,
ils l'auraient retiré.
Alors, actuellement, si on l'étudie, c'est parce qu'il va y avoir
des modifications profondes. Il ne faut pas s'en faire, à partir de
cela, on peut tenir cela pour acquis. Evidemment, la commission parlementaire,
je suis convaincu que de la façon dont on procède et avec
l'expérience qu'on a avec d'autres lois, va déboucher sur quelque
chose d'assez concret. Surtout qu'on a ajouté une dimension cette
fois-ci, et c'est tout à l'honneur du ministre des Affaires sociales et
du ministre de la Justice qui l'ont proposée, c'est que la commission se
déplace, aille visiter des institutions. Alors, vos témoignages,
nous les recevons dans un autre contexte. Nous sommes peut-être capables
d'apprécier certaines dimensions de vos représentations à
la commission parlementaire.
Ceux qui n'ont pas vécu cette expérience que mon
collègue de la Justice a vécue et moi-même à la
tête de ministères qui ont eu à toucher à ces
problèmes, puissent apporter une meilleure appréciation et une
meilleure connaissance des éléments de la loi.
Je retiens particulièrement, dans le mémoire que vous avez
présenté et dans les interventions que vous avez faites
tantôt, une chose qui m'a intéressé fortement, c'est quand
vous avez fait le lien avec les CLSC, qui ont été
créés par un autre bill 65. Je voudrais savoir en pratique
je comprends que l'expérience des CLSC est nouvelle, il commence
à s'en organiser à quelques endroits avec la connaissance
que vous avez des structures du CLSC, avec la connaissance que vous avez
peut-être de certains CLSC qui fonctionnent à Montréal,
comment vous voyez la protection de la jeunesse en pratique, dans le CLSC.
Est-ce qu'il y a déjà certaines remarques que vous pouvez
faire et qui pourraient peut-être orienter et la loi actuelle et le
travail qui se fait dans les CLSC?
M. BELANGER: Je pense qu'il est assez difficile de répondre
à votre question. A ce moment-ci, on en est limité à
donner ce qui serait un plan de travail. Reprenant certaines distinctions
proposées par Me Dubreuil tout à l'heure, je pense que, si une
commission de protection de la jeunesse avait au minimum un pouvoir de
recommandation vis-à-vis d'autres organismes je parle dans une
perspective sociale, pas seulement une protection individuelle de la jeunesse
mais une protection sociale dans le secteur de Montréal où
je suis, dans le secteur centre-sud, le centre local de services communautaires
devrait avoir un pouvoir de recommandation très fort vis-à-vis
d'un ensemble de mesures qui sont éparses et dont on a mentionné
tout à l'heure l'existence.
J'en mentionnerai une autre ici, qui est peut-être un peu
délicate, ce sont les interven- tions du fédéral par les
programmes d'initiatives locales dans tout le domaine de la jeunesse, en
particulier dans le centre sud, que je connais mieux. Il faut mettre de l'ordre
là-dedans. Je ne présume pas des intentions du
fédéral mais il faut mettre de l'ordre dans les programmes qui
sont acceptés comme le ministère actuellement, d'une façon
particulière, met de l'ordre au niveau des garderies. Au niveau des
projets pour les jeunes en milieu ouvert, qui touchent la protection, je pense
qu'il faut également faire un effort très concret. Je vois
très bien comment une commission, reliée à un CLSC, en
vient à pouvoir faire une étude, à pouvoir faire une
recommandation, suggérer des dispositions très concrètes
qui vont permettre d'arriver à régler des problèmes
pratiques.
Pour être plus concrets, partons maintenant d'un exemple, le CLSC
Hochelaga-Maisonneuve, qui, relié au centre local, est en train de se
mettre sur pied un centre d'accueil. Déjà, le lien entre le
centre d'accueil local, dans le quartier, une maison du quartier, et l'ensemble
du travail qui se fait dans le quartier au niveau d'un dynamisme social permet
un débat beaucoup plus sain, beaucoup plus réfléchi entre
les problèmes des jeunes avec leurs parents, les problèmes des
jeunes entre eux, les problèmes des jeunes avec leur milieu
communautaire et l'ensemble des autres instances. Déjà, cela
commence à se faire.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le premier établissement
auquel on devrait faire appel, dans le cas de la protection de la jeunesse,
devrait être ce genre d'établissement qu'est le CLSC, s'il y a,
à l'intérieur du CLSC, les effectifs suffisants comme les agents
de probation et toute l'équipe multidisciplinaire?
M. BELANGER: Je crois que oui, le CLSC est la réponse de
première ligne aux besoins sociaux. Au CLSC sont rattachés des
services spécialisés, des consultants ou des gens qui y
travaillent, mais le CLSC devrait être la réponse première
aux besoins de protection de la jeunesse. Là, il faut évidemment
trouver le mécanisme entre un service de protection élargi, dont
on a parlé, et le CLSC; il faut trouver simplement ce
mécanisme-là.
Je puis vous dire qu'en travaillant à la base, avec les gens, il
y a une quantité de problèmes auxquels mon bureau a
répondu de façon immédiate, qui ne sont jamais
allés plus loin et qui n'ont pas besoin d'aller plus loin. Quand je
parle de mon bureau, c'est une expérience sur un ou deux flots ou un
secteur limité dans le centre-sud.
On y a fait l'expérience que, travaillant avec la famille,
donnant un dynamisme à la famille, même à des ressources
locales pour donner une possibilité de vie, les jeunes, les enfants
eux-mêmes trouvent précisément une réponse
sociale.
J'ajouterais qu'il est également, je crois, fondamental que les
règles de procédure de la
cour, parce qu'il est nécessaire d'avoir l'intervention de la
cour à certains moments, soient beaucoup plus souples. Le terrain est
prêt, à certains endroits, à Montréal, pour que la
justice fasse partie du paysage local et même pas du paysage
régional, à plus forte raison pas du paysage provincial. Ce n'est
pas nécessaire d'avoir de grosses bâtisses, des gros budgets. Il
suffit uniquement d'avoir un service d'avocats, qui s'entend avec un service
à caractère communautaire et un juge pour faire en sorte que les
problèmes soient "dédramatisés", soient vécus au
niveau où ils peuvent l'être par un jeune. Dieu merci, il y a des
juges qui sont prêts à cela. Personnellement, je le suis en tout
cas.
M, CLOUTIER (Montmagny): Quel strait l'usage que l'on ferait, alors, des
agences spécialisées qui s'occupent de la jeunesse et qui
seraient regroupées dans les centres de service social, si le CLSC
devient une institution de première ligne? Est-ce que le CLSC
référerait l'enfant au centre de service social?
M. BELANGER: Dans la mesure où il y a un besoin de cette
référence, comme la loi l'a très bien prévu, il
peut y avoir un contrat de services entre le centre de service social et le
CLSC. Par exemple, si, dans une population locale, il y a une
détérioration telle que l'on prévoit la
nécessité d'une intervention en profondeur et plus permanente sur
la base locale, il peut y avoir te contrat de services entre le CSS et le CLSC
pour une période de temps définie, un an, deux ans, par rapport
à tel problème particulier dans tel coin ou bien, de façon
plus générale ce que la loi prévoit
également il y a une référence qui se fait au
centre spécialisé.
J'ajouterais ceci: Ce n'est pas seulement parce qu'il faut la
spécialisation professionnelle, mais il faut aussi, parfois, la
distinction entre la personne qui répond aux besoins en première
ligne et qui est directement impliquée et une personne qui est quelque
peu éloignée, beaucoup plus objective, au niveau du travail, et
qui appartiendrait à un CSS, dans le cas.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous diriez que ces structures
devraient être uniformes dans tout le Québec ou si on devrait
avoir une certaine souplesse et des modalités différentes puisque
le problème ne se pose pas de la même façon à
Montréal que dans le reste de la province?
M. BELANGER: Je puis donner un exemple concret. M. le ministre
Castonguay l'a mentionné hier. L'organisation de l'Etape, à
Val-d'Or, est tout à fait différente de ce qui peut se penser
à Montréal. L'organisation de l'Etape, à Val-d'Or, qui
réunit un peu le centre de transition, le centre d'hébergement
pour deux nuits, le centre plus prolongé de l'activité
auprès de l'école, puisque la ville a des dimensions
réduites, répond d'une façon tout à fait
adéquate, je crois, aux besoins d'une région, alors qu'à
Montréal il faut une autre procédure et une autre façon de
travailler.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Y a-t-il d'autres questions des
membres de la commission? Je remercie infiniment les représentants de la
Ligue des droits de l'homme.
J'inviterais immédiatement la Corporation des travailleurs
sociaux professionnels de la province de Québec.
Corporation des travailleurs sociaux
professionnels
M. DUVAL: M. le Président, messieurs les ministres, messieurs les
députés et messieurs les membres de la commission...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Auriez-vous l'obligeance de vous
identifier, s'il vous plait?
M. DUVAL: J'allais le faire à l'instant, merci. Mon nom est
Jacques Duval. Je suis le secrétaire général de la
Corporation des travailleurs sociaux du Québec. Les membres de la
délégation, qui m'accompagnent ce matin, sont M. Zénon
Bryniawsky, le président de la corporation, Mlle Jeanne-d'Arc
Bélanger, membre du Conseil d'administration de la corporation, Mlle
Gertrude Trottier, membre de la corporation, et M. Claude Delisle, membre de la
corporation.
Tous ces gens ont de l'expérience dans le secteur jeunesse,
famille et enfance.
Tel que déjà mentionné dans notre mémoire,
nous n'avons pas eu le temps nécessaire pour étudier à
fond le présent projet de loi comme nous l'aurions désiré.
Nous croyons qu'il aurait été souhaitable qu'une période
de six mois ou plus nous soit accordée pour mesurer toutes les
implications de ce projet de loi et y apporter certains ajustements.
Le comité ad hoc de la corporation qui a étudié le
projet de loi est unanime à reconnaître que l'ensemble des
objectifs qui ont suscité l'élaboration de cette loi
dénote une volonté du législateur d'assurer un
éventail de services le plus complet possible, tout en les rendant
accessibles et adéquats pour répondre aux besoins essentiels de
la jeunesse.
Cependant, il nous parait que le gouvernement met actuellement sur pied
d'une façon un peu trop hâtive une structure de services qui est
beaucoup trop technique, risquant ainsi de passer à côté de
l'aspect humain des problèmes auxquels ce projet s'adresse.
Nous voulons attirer ici votre attention sur les deux points suivants:
d'abord l'aspect consultation-participation; et deuxièmement, l'aspect
unité familiale.
La Corporation des travailleurs sociaux professionnels du Québec
compte 1,400 membres
qui sont présents dans la grande majorité des services
sociaux, psycho-sociaux, dans les secteurs scolaires, médicaux,
psychiatriques, personnes âgées, jeunesse, famille, enfance et
bien d'autres.
Il nous parait donc inconcevable qu'un tel regroupement de
professionnels n'ait pas été consulté dans
l'élaboration de ce projet. De plus, nous trouvons regrettable qu'il n'y
ait pas eu plus de consultations officielles auprès des usagers des
différents services où nos membres sont présents.
Lorsque nous parlons de consultation et de participation, nous voulons
souligner qu'en plus d'avoir une préoccupation vis-à-vis de
l'individu, les travailleurs sociaux professionnels ont aussi une
préoccupation communautaire qui a été moult fois
illustrée par nos actions et prises de position au cours des
dernières années et des derniers mois. Je pense
particulièrement à nos positions sur le bill 26, à nos
recommandations aussi sur le bill 65, chapitre 48, etc.
En outre, il ne faut pas oublier, quoi que ce soit bien
d'actualité, j'en conviens, que nous évoluons vers une
société de services à la population où les
personnes directement concernées tiennent à dire leur mot et ce,
surtout au niveau des décisions.
Dans le bill 65 sur les services sociaux et de la santé, le
gouvernement a vraiment mis l'accent sur la participation de la population
à la définition, à la mise en place et à la gestion
des services en question.
La Corporation des travailleurs sociaux professionnels du Québec
est donc extrêmement surprise de constater que, malheureusement, le
présent projet de loi n'est pas orienté dans ce sens. Outre les
éléments fondamentaux dont nous venons de parler, il aurait
été essentiel que la Loi de la protection de la jeunesse soit
insérée, selon nous, dans une politique plus globale, par exemple
dans celle du bill 65, chapitre 48.
Une autre préoccupation majeure que nous avons face à ce
projet si important et qui s'adresse particulièrement à la
jeunesse québécoise se rapporte à la famille en tant
qu'institution de base à notre société actuelle. En effet,
même si la famille moderne connaît depuis quelques années
et encore actuellement des transformations continues, elle
demeure l'institution de base par excellence, le cadre naturel le plus
favorable au développement de l'enfance.
Notre philosophie procède du fait que tout enfant, de sa
naissance à 18 ans, ne doit pas être considéré en
dehors de son milieu naturel, soit la famille, ou un milieu substitut en
l'absence de sa famille. En effet, l'influence de la famille est
prépondérante surtout au cours des premières
années. C'est grâce à cette institution que l'enfant
acquiert plus sûrement un mode de comportement qui sera socialement
acceptable.
Un substitut le plus parfait possible sera offert à l'enfant dans
le cas de déficience ou d'absence de son milieu familial. A la base, la
famille joue un rôle d'agent socialisateur par la création et le
maintien d'un climat caractérisé par un certain degré de
cohésion et une stabilité émotionnelle. Les auteurs qui se
sont penchés sur ce sujet s'entendent pour reconnaître qu'un
climat sain est nécessaire à la socialisation de l'enfant et pour
éviter les multiples problèmes de la délinquance.
Donc, le rôle de famille commandité est primordial dans ce
domaine, même si son importance diminue au cours des ans et cédant
la place à d'autres agents socialisateurs, tels l'école, les
groupes de jeunes, les diverses institutions sociales, etc.
Enfin, c'est dans la famille que commence aussi, pour nous, la
prévention. Le bill doit éviter à tout prix que l'aspect
coercitif prenne le dessus sur l'aspect préventif. Ce sont là
quelques-uns des principes de base auxquels se greffe notre action
professionnelle de tous les jours et dans tous les secteurs d'intervention
comme dans celui de l'enfance.
En fonction de ces éléments de base et comme le
présent projet de loi vise la protection des droits de l'enfant, nous
demandons que ces droits soient définis de façon précise
dans le contenu du présent projet de loi et qu'ils soient
vulgarisés à l'intention de la jeunesse.
En second lieu, nous insistons sur la nécessité de
l'inclusion de certains articles visant particulièrement la famille,
c'est-à-dire que la notion de la famille soit incluse de façon
plus explicite dans le présent bill.
Le projet de loi prévoit des mécanismes pour aider
l'enfant, mais ne semble pas prévoir trop de mécanismes positifs
pour amener les parents à s'impliquer dans le processus de la
prévention, du traitement et du "follow-up". Il en est de même
pour l'engagement de la communauté et ses responsabilités face
à l'enfance. Il faut bien se poser la question à savoir: Est-ce
que le système fait un meilleur travail que la famille elle-même?
Dans ce sens, ne doit-on pas faire tout ce qui est possible pour maintenir et
développer au maximum, la cellule familiale pour qu'elle puisse assumer
ses rôles le mieux possible en période de crise?
Nous insistons donc sur les recommandations suivantes et
déjà formulées: Que le jeune délinquant soit
considéré comme une clientèle pertinente à
l'intérieur de la présente législation. En fait, on
insiste aussi pour qu'on utilise, parallèlement à ce que je viens
de dire, la loi fédérale des jeunes délinquants en
dernière instance. Que le service de probation juvénile qui
a développé, sous l'égide du ministère des Affaires
sociales, une philosophie et des méthodes de travail s'appliquant aux
jeunes délinquants, continue à relever du ministère des
Affaires sociales et non du ministère de la Justice. La mise en
application des articles 43 et 44 constituerait un net recul sur la situation
précédente. Que le ministère des Affaires
sociales
réorganise et complète le réseau des ressources
d'hébergement et autres services, ce sur une base régionale et,
au besoin, locale. Il serait essentiel que la cour qui émet une
ordonnance de placement tienne compte des ressources existantes. Que,
conséquemment à son rôle, qui est prioritairement d'ordre
psychosocial et compte tenu des vocations propres aux deux ministères en
cause, le service de protection de la jeunesse relève du
ministère des Affaires sociales. Que, pour le plus grand bien des
enfants, le projet de loi prévoie une clause de protection ou
d'immunité par la cour à toute personne qui rapportera une telle
situation en toute bonne foi. Que la durée de l'hébergement
dépende de la thérapie, c'est-à-dire du plan de
traitement, du rythme de l'évolution de l'enfant et d'autres facteurs,
et non d'une période maximum de deux ans imposée arbitrairement,
d'une certaine façon, par la loi. Qu'une révision annuelle
obligatoire soit prévue par le projet de loi dans tous les cas
d'hébergement. Que tout enfant qui comparait devant la cour ait
droit à l'assistance d'un avocat. Que le coût de cette
assistance, s'il y a lieu, soit défrayé entièrement par le
ministère de la Justice. Peut-être qu'ici le bill 10 peut
s'appliquer. Que la formation juridique ne soit pas la seule à
permettre l'accession au titre de juge d'enfant. D'autres professions que celle
du droit devraient être considérées. Il y aurait aussi
nécessité de prévoir des périodes de recyclage pour
les juges. Enfin, à moins que le droit d'appel ne soit implicite
à la loi, nous demandons que le législateur en prévoie les
dispositions.
En terminant, mentionnons qu'au Québec il y a un besoin urgent,
selon nous, d'une politique sociale intégrée pour la famille.
Ceci inclut les enfants de 0 à 18 ans. C'est pourquoi nous demandons la
création de tribunaux familiaux et qu'à cette fin des
démarches soient entreprises par le gouvernement du Québec en vue
de l'amendement constitutionnel qui permettrait l'avènement d'un tel
tribunal.
Enfin, nous ne sommes pas des législateurs, mais la Corporation
des travailleurs sociaux professionnels du Québec est un
réservoir d'experts dans le domaine social dont les membres, soyez-en
assurés, sont prêts à collaborer avec le gouvernement dans
le sens des changements fondamentaux et primordiaux que nous proposons.
Messieurs les ministres, messieurs les députés et membres
de la commission, au nom de la Corporation des travailleurs sociaux
professionnels du Québec, je vous remercie de nous avoir
écoutés avec tant d'attention. Je souhaite que nos propos soient
reçus positivement et produisent les meilleurs effets possible pour
notre jeunesse québécoise.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le ministre des Affaires
sociales.
M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier les représentants de la
Corporation des travailleurs sociaux pour le mémoire qu'ils nous ont
présenté. Comme un certain nombre des questions qu'ils ont
soulevées ont été abordées ou encore sont
présentées d'une façon très claire, j'aimerais
m'adresser aux représentants sur deux questions plus
particulières et voir quel est leur point de vue. Lorsque vous parlez de
la durée de l'hébergement des enfants dans les
établissements, vous dites que la période ne devrait pas
être rigide. Nous avons inscrit dans le projet de loi une période
maximum de deux ans dans le but que cette période ne soit pas
excédée, car il nous semble que, malgré la valeur des
méthodes de réadaptation, ce n'est pas quelque chose de sain,
à la longue, de laisser un enfant trop longtemps dans un milieu
protégé. Un jour, il devra en ressortir, de toute
façon.
D'autre part, comme je le mentionnais, c'est une période maximum.
J'ai constaté que, dans certains établissements, on a une
certaine tendance à prolonger les stages en institution au lieu de les
raccourcir au strict minimum. Je n'entrerai pas dans des exemples pour
identifier un établissement en particulier, mais, chaque fois que je me
suis rendu dans ces établissements, c'est l'impression que j'ai eue.
Alors, j'aimerais vous entendre sur cette question.
Lorsque vous parlez, par la suite, de la révision obligatoire,
une fois par année, des situations d'enfants qui sont placés en
hébergement, est-ce que vous voyez ça fait par un organisme
extérieur évidemment, avec le nombre d'enfants qui sont
placés dans ces établissements se posent des problèmes
concrets ou si vous voyez cette révision comme s'effectuant par
le personnel approprié de chaque établissement?
Encore sur ce plan, dans les établissements où je suis
allé, on m'a, de mémoire, toujours affirmé qu'on fait une
telle réévaluation périodique et qu'on ne garde les
enfants que pour des périodes vraiment requises. Je demeure assez
sceptique, quant à moi, sur ce plan, par rapport à ce que j'ai vu
et à ce que j'ai entendu. Avant de passer à la deuxième
question, est-ce que vous pourriez commenter ces deux aspects, s'il vous
plait?
M. DUVAL: D'accord, M. le ministre, merci.
Quant à la période maximum de deux ans
d'hébergement, on a demandé qu'elle dépende de la
thérapie, du rythme d'évolution de l'enfant. Je pense qu'on voit
d'un bon oeil, disons la période maximum, jusqu'à un certain
point, de deux ans, dans le sens que vous le mentionniez tantôt. La
tendance a été souvent, jusqu'ici, de prolonger trop longtemps
des placements, de laisser trop longtemps des enfants en institution. Pourquoi
ces situations ont-elles été constatées? C'est, d'une
part, à mon avis, parce
que les institutions en question manquaient souvent du personnel, je
dirais compétent. Je ne veux pas dire que ceux qui y sont ne sont pas
compétents; je ne porte pas de jugement là-dessus. Les gens qui
sont là, même s'ils sont très compétents, deviennent
donc débordés et les enfants collent tout simplement longtemps
là-dedans.
C'est pour moi une des raisons qui fait qu'il y a eu cette tendance.
M. CASTONGUAY: Je faisais beaucoup plus état des institutions
où on nous dit que le programme de réadaptation, lorsqu'on en
franchit les diverses phases, est d'environ deux ans par rapport à des
situations où on peut dire qu'il manquerait de personnel. Parce que,
même s'il manque de personnel en fait, c'était le cas dans
certains endroits je dirais: Est-ce qu'on ne peut pas se demander si on
doit les faire sortir le plus vite possible, même dans ces cas-là?
Si l'établissement n'est pas organisé pour donner les services,
cela ne donne rien de garder des enfants là. On devrait, au plus
coupant, essayer de les placer dans un autre milieu et même les retourner
dans leur milieu d'origine. Cela me parait encore mieux dans bien des cas que
de les garder dans un établissement qui n'aurait pas tout le personnel
voulu.
MLLE BELANGER: Je pense que, lorsque l'on parle de la période de
deux ans, il faut se mettre aussi devant les besoins des enfants et se dire que
certains enfants seront hébergés pour différentes raisons.
Pour quelques-uns, ce sera une question de prévention. Pour d'autres, ce
sera réellement du traitement, de la correction à apporter chez
lui. Cela pourrait être aussi de la correction à apporter dans le
milieu naturel. Le programme de réadaptation ou de
réhabilitation, au niveau du centre d'hébergement, est alors
relié à tellement de facteurs qui ne sont pas
nécessairement des facteurs de personnalité chez l'enfant, mais
aussi des facteurs sociaux, des facteurs de milieu et où il nous faut
peut-être être un peu moins rigides en pensant à deux ans au
maximum.
Dans certaines situations, il est possible que le milieu familial ou le
milieu substitut ne soit prêt réellement qu'au bout de deux ans et
demi ou au bout de trois ans.
Maintenant, quand on songe à la question de révision, vous
demandez par qui sera faite cette révision annuelle. Je pense que cela
vaut la peine qu'on s'y arrête aussi. Quand vous vous demandez sur quel
critère cette révision de cas est faite, sur quel critère
elle est basée, je pense que vous avez raison de vous interroger et on
peut s'interroger. Mais est-ce qu'on ne pourrait pas penser à une
révision par une équipe? Tout à l'heure, la Ligue des
droits de l'homme parlait du CLSC et des CSS. Est-ce que cette révision
ne peut pas être faite par une certaine équipe justement à
cause du travail qui doit se continuer dans le milieu?
M. CASTONGUAY: Je pense simplement aux problèmes concrets. Si
l'on introduit des gens disons d'un CSS ou d'un CLSC, et lorsqu'on examine le
problème d'évaluer le progrès réalisé par un
enfant, tous les facteurs qui doivent être pris en ligne de compte, les
facteurs externes comme ceux de sa famille, est-ce qu'on peut penser que des
gens qui n'ont pas suivi la situation d'extrêmement près puissent
venir, une fois par année, s'associer aux éducateurs d'une maison
et porter vraiment des jugements valables? Est-ce qu'il n'y a pas danger
d'engorger le système encore davantage? Est-ce qu'il ne vaut pas mieux
viser à des périodes plutôt courtes d'hébergement
maximum, quitte, une fois cette période maximum terminée et avec
les mécanismes internes d'évaluation, si jamais il y avait besoin
dans certains cas de prolonger, de recommencer le mécanisme.
Mon impression est bien claire. J'ai eu l'impression, dans bien des
visites que j'ai faites, lorsque je regarde la situation, qu'on a une certaine
tendance à trop vouloir faire appel à des ressources
institutionnelles pour la réadaptation ou le problème du meilleur
fonctionnement social ou de la réintégration sociale des
jeunes.
M. DELISLE: M. le ministre, je ne touche pas à la durée de
l'hébergement, à la première partie de votre question, au
caractère relatif des deux ans qui, pour nous, parait assez
aléatoire, et cela a été expliqué. Je reviens
à la révision obligatoire que nous discutons. Nous pensons que
les mécanismes qui sont déjà en place dans les cas de
placement institutionnel pourraient facilement être maintenus, à
savoir que, lorsqu'un enfant est placé en institution, le travailleur
social, qu'il soit dans une agence sociale ou dans un CSS plus tard, continue
à suivre son cas et que cette révision obligatoire puisse
être faite dans une conférence de cas comme il en existe
déjà actuellement.
Je ne suis pas d'accord lorsque vous dites que l'enfant est suivi
unilatéralement par l'institution et que l'agence ou l'organisme qui a
placé l'enfant au départ n'a plus aucun contact avec celui-ci.
C'est passez-moi l'expression anglaise un "split case" qui
demeure toujours actif pour la personne qui a placé l'enfant et pour la
personne qui suit l'enfant. Lorsque nous parlons de révision
obligatoire, pour autant que nous sommes concernés, nous sommes
convaincus que ce mécanisme de révision peut être
facilement applicable avec le matériel que nous avons déjà
en place, sans pour cela impliquer des personnes extérieures comme vous
le dites, soit des gens qui ne connaissent pas l'enfant qui est placé
là, qui n'ont pas suivi son évolution. Ce n'est pas le cas dans
les placements faits par les travailleurs sociaux dans les agences
traditionnelles.
M. CASTONGUAY: Ma deuxième question
a trait au problème que l'on retrouve et qui nous a
été mentionné à plusieurs reprises et de
façon particulière lors de nos visites dans les
établissements. Quelles sont, d'après vous, les raisons majeures
qui font qu'on retrouve à certains moments des situations d'enfants qui
ont été hébergés dans un nombre assez
impressionnant de foyers nourriciers? Il semble qu'après un certain
nombre de placements, si le problème est celui de trouver des foyers
nourriciers appropriés et que ça présente trop de
difficultés... Ce que j'essaie d'exprimer, c'est que ce processus semble
se continuer très longtemps dans certains cas. On nous a fait
état, dans certaines visites, d'enfants qui sont passés par un
très grand nombre de foyers nourriciers. Qu'est-ce qui fait que,
à un certain moment, il ne soit pas possible d'interrompre ce
mécanisme avant que l'enfant devienne complètement
traumatisé ou instable je ne sais pas quels sont les meilleurs
qualificatifs et qu'une approche différente soit prise? Il semble
que c'est une des causes qui font que, finalement, on retrouve les cas les plus
difficiles dans les établissements de réadaptation, la longue
série de stages dans toute une gamme de foyers nourriciers.
MLLE BELANGER: Je ne veux pas intervenir comme législateur, je ne
le suis pas, ni comme théoricienne, je le suis encore moins. Je suis
clinicienne depuis de longues années au niveau de l'enfance et,
présentement, je travaille dans un milieu qui me permet peut-être
de porter un peu plus un jugement face à ces cas-là. Parce que
c'est un milieu où on reçoit à peu près tous les
cas résiduels, des enfants qui ont subi jusqu'à douze, treize,
quinze placements dans une année. Quant à la question que vous
nous posez, M. le ministre, j'ai cru comprendre qu'on essayait de trouver
où était la clé qui faisait que ces enfants, à
partir du début, ne prenaient pas racine dans un milieu substitut parce
que le milieu lui-même, le milieu parental n'avait pas pu assurer la
garde des enfants.
A partir de l'expérience que j'ai vécue, il m'a
semblé qu'à un moment donné on avait des mécanismes
en place qui étaient excellents pour la surveillance du foyer
nourricier, mais qu'on insistait plus sur une surveillance de foyer que sur le
traitement de la famille elle-même, le milieu naturel où aurait pu
revenir l'enfant.
Il y a des mécanismes qui permettent facilement le
déplacement d'un enfant. On paie pour cet enfant, on investit beaucoup,
mais on n'a pas de mécanisme qui, à l'heure actuelle, nous
permettrait d'investir autant au niveau de la famille. La loi ne prévoit
aucun mécanisme qui obligerait quasiment les parents à
s'impliquer davantage; on n'a rien. Les parents se soustraient presque à
leurs responsabilités sans qu'on ait de mécanisme
régulier, systématisé qui nous permette d'intervenir et de
faire intervenir la justice en même temps, un peu par la force, et qui
les contraindrait à assumer leurs propres responsabilités.
Les milieux sont trop vastes et on échappe facilement à
cela. Après deux ou trois placements, les parents eux-mêmes ne
veulent plus investir parce que l'enfant est devenu trop traumatisé. On
entre dans un cercle vicieux. Il me parait qu'au moment où on
reçoit ces enfants, on fait un très gros investissement au niveau
de la famille et au niveau de l'enfant; si ce premier investissement
était fait au premier déplacement et si le premier placement
n'était pas fait en termes de deux ans ou de six mois mais en termes
d'objectifs précis, qu'on suit et qui sont révisés, qu'ils
soient révisés, par exemple, je crois qu'on éviterait de
nombreux déplacements. Si on travaillait au niveau préventif de
la famille, je crois qu'on éviterait de nombreux placements.
Ici, je voudrais souligner une chose, seulement une chose parmi tant
d'autres: tous ces cas de séparation où la mère doit
recevoir une pension alimentaire, elle la reçoit de façon
très peu régulière et elle devient incapable de subvenir
elle-même et de porter les responsabilités de sa famille, elle
devient malade ou se désengage; mais on dirait qu'il y a un processus
qui favorise ici le premier placement. De ces cas-là, on les
multiplierait dans la province. Dès qu'on s'est engagé dans ce
processus et qu'il n'y a pas de mécanisme en place pour prévoir
le premier placement, j'ai l'impression qu'on glisse ensuite vers de nombreux
déplacements où on n'arrive pas à trouver la clé
d'un retour et d'une réorganisation que l'on a un peu
favorisés.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): II me parait très important de discuter
un peu du processus de placement. Tantôt, j'ai posé la question
à la Ligue des droits de l'homme, à savoir quelle pourrait
être la responsabilité nouvelle du CLSC et du CSS? Il est un fait
qu'il y a un grand nombre de travailleurs sociaux professionnels qui
travaillent dans les agences spécialisées, les agences de service
social, qui travaillent au niveau du placement des enfants, qui est une partie
de la protection de la jeunesse.
Je me souviens que vous avez présenté un mémoire
conjoint, devant la commission spéciale du code des professions, les
psychologues, les conseillers en orientation et les travailleurs sociaux. Il y
avait donc là une indication très nette d'une collaboration
très étroite entre trois groupes de professionnels; vous avez
même demandé à être groupés dans une
fédération. Dans les agences de service social actuellement, des
agences spécialisées, là où vous travaillez au
niveau du placement des enfants, comment est constituée l'équipe
qui s'occupe du placement des enfants? Est-ce que ce sont exclusivement ou
majoritairement des travailleurs sociaux ou si vous avez aussi des
professionnels d'autres disciplines?
M. BRYNIAWSKY: Les procédures que
nous avons maintenant commencent avec les cours où il y a des
cliniques, où il y a des psychiatres, des psychologues et travailleurs
sociaux et des officiers de probation qui font des études sur un enfant.
Dans ce cas, il y a une équipe qui travaille dans les agences où
il y a des travailleurs sociaux et aussi d'autres consul-tateurs que beaucoup
d'agences utilisent pour cette évaluation. Je pense que, maintenant,
avec la nouvelle loi, cela sera beaucoup plus renforcé, parce qu'on sera
bien plus proche, d'abord géographiquement, des besoins de la
communauté. Dans chaque milieu, aussi, on va avoir des équipes de
professionnels qui vont être définies par les besoins de la
communauté. Est-ce que cela répond à votre question?
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui. Est-ce que vous prévoyez,
étant donné la mise en place de ce nouvel établissement
qu'est le CLSC, qu'une partie de la responsabilité du placement des
enfants, soit en foyer nourricier ou soit dans d'autres établissements
responsabilité qui est actuellement aux agences de service social
donc aux CSS serait transférée au CLSC?
M. DELISLE: Je pense qu'en parlant du CLSC comme tel, la rigidité
des mécanismes de placement dans le bill 65 comme tel concernant les
CLSC pourrait nous empêcher de faire des placements adéquats, de
faire des placements lorsque le cas l'exige plus facilement. Ainsi, dans ma
pratique quotidienne, tous les jours, nous avons la possibilité,
à même les lois sociales existantes de placement, de faire des
placements non traditionnels. C'est ce que je veux dire par exemple, je
travaille particulièrement avec des adolescents et des adolescentes
à savoir les placements soit foyer-pension, soit
foyer-appartement, qui ne sont pas des foyers nourriciers traditionnels, mais
ils se font à même les mêmes mécanismes de la loi
actuelle des placements d'enfants. Or, si toutes ces choses sont
transférées automatiquement dans les CLSC, nous nous retrouverons
encore avec des placements traditionnels et justement, pour répondre au
ministre, avec des placements â long terme qui s'éterniseraient et
éventuellement, des déplacements et des redéplacements. Ce
que je veux dire, c'est que si nous partons avec le principe que les placements
d'enfants seront au niveau des CLSC dans un encadrement vraiment rigide, nous
ne serons pas capables d'agir efficacement. Or, nous commençons à
le faire actuellement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Juste avant que le ministre...
M. CASTONGUAY: ... une petite remarque assez importante, c'est que nous
ne prévoyons pas que les placements soient faits au niveau du CLSC.
M. DELISLE: M. Cloutier m'a posé la question: Est-ce que vous
voyez les placements d'enfants dans les CLSC?
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est justement. Je voulais poser la
question...
M. DELISLE: Nous ne les voyons pas.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... pour savoir exactement à quoi m'en
tenir, à ce moment-ci, étant donné que les institutions
vont prendre leur place. Vous êtes des travaillleurs sociaux
professionnels fortement impliqués dans cet aspect de la protection de
la jeunesse, le placement de l'enfant, qu'il s'agisse de le laisser dans son
milieu actuel, sa famille ou une famille-substitut qu'est le foyer nourricier
ou en établissement. Dans mon esprit, le CLSC n'a pas pour but, sauf
pour des cas d'urgence, de déplacer tout le réseau actuel qui
existe de placements spécialisés, même d'équipes
spécialisées dans ce domaine. Il doit plutôt être une
institution de première ligne qui est dans le milieu, qui est bien
identifiée au milieu et qui reçoit les problèmes.
Dans les cas d'urgence, si le CLSC reçoit un malade qui doit
être hospitalisé d'urgence, il n'est pas hospitalisé
là, mais il est dirigé vers l'institution qui doit le recevoir.
C'est la même chose pour un enfant qui a besoin de protection. S'il y a
un cas d'urgence, c'est clair qu'on va s'en occuper tout de suite, mais il
faudra faire appel aux ressources et non pas bouleverser tout ce qui existe
actuellement comme ressources et équipement.
MLLE BELANGER: Monsieur, je m'excuse. Il me parait que votre question
sur le CLSC était aussi une question sur le rôle du CLSC face au
placement d'enfant. Le CLSC, je le vois comme un milieu
privilégié de services et de spécialistes. Si on regarde
un peu ce qui se passe dans les agences je ne suis pas très forte
en statistiques parce que je veux toujours des choses justes quand je les dis
je ne peux pas vous dire que sur dix cas il y en a peut-être
trois, mais le placement d'enfant, c'est la porte d'entrée des clients
dans les agences, souvent. Sous le couvert d'un placement d'enfant ils nous
apportent des problèmes aussi diversifiés que la discorde
maritale, la situation financière difficile. La clarification de cette
demande me parait relever plutôt d'un réseau de services de
première ligne qui s'appellerait CLSC, qui est plus à même
de juger de la demande et de l'interpréter en fonction du milieu, que
d'un réseau plus large. Je pense qu'un problème de Saint-Henri
qu'apporte une famille est dans son articulation un peu différent d'un
problème de Westmount, d'un problème de
Notre-Dame-de-Grâce. Je revois le CLSC comme ce réseau
privilégié de services et de spécialistes qui
réarticulerait la demande en fonction de ce que le client
présente et qui le réorienterait ensuite vers les CSS, qui ne
ferait pas lui-même le
placement, mais qui pourrait faire des recommandations, le CSS
étant ensuite celui qui poursuivrait l'évaluation et qui serait
l'indicateur ou non du placement. C'est toujours un peu odieux quand on parle
en termes d'indicateur de placement ou d'indicateur d'une demande alors que ce
serait peut-être aussi l'indicateur d'un mode de traitement autre que le
placement et s'habituer à penser en termes de solution de
problème autre que le placement qui peut devenir, en tout cas, une
solution de facilité.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le danger que je craignais en pratique c'est
que dans les CLSC on va être obligé d'aller chercher des
professionnels, et c'est à organiser de toutes pièces. Où
va-t-on aller chercher des professionnels? On va aller les chercher où
ils sont actuellement. On va aller en chercher dans certains
établissements. On va aller en chercher dans les centres de services
sociaux, dans les agences sociales. On peut aller chercher quelqu'un dans une
agence sociale qui est responsable de toute l'opération placement. Puis
il va s'en aller dans le CLSC, disons à Saint-Henri. On ne changera pas
cette personne d'optique, demain matin, parce qu'elle a changé
d'établissement. C'est pour ça que peut-être à un
moment donné, la personne, se déplaçant d'un type
d'institution dans un autre type d'institution et je dirais même d'un
réseau bien identifié qui est le CSS dans un autre réseau
qui est le CLSC, pourrait être tentée de garder ses anciennes
fonctions et ses anciennes responsabilités. C'est pour ça que je
dis qu'il faudrait bien prendre garde de ne pas bouleverser tous les services
de la façon dont ils sont organisés dans le moment, mais les
améliorer cependant. Parce que j'imagine que les travailleurs sociaux se
posent des questions sur l'efficacité de l'opération placement,
des services spécialisés qu'ils sont appelés à
rendre et qui évoluent constamment, de la même façon que la
société évolue. C'est pour ça que c'est un
échange qu'il était important d'avoir, étant donné
qu'on vous a avec nous ce matin.
Il y a une autre remarque que je voulais faire. Sur ce point, on
reviendra à l'occasion d'autres mémoires aussi parce que les
circonstances vont s'y prêter. Quelle est votre expérience, quel
est le jugement que vous pourriez porter sur les ressources qui existent
actuellement? Est-ce qu'il vous parait que l'Etat devrait faire un effort,
même si c'est une priorité et jusqu'où cette
priorité peut-elle aller? Est-ce qu'on devrait faire un effort
substantiel de ce côté, du côté des ressources?
Est-ce qu'il vous paraît qu'il y a des régions qui sont nettement
défavorisées par rapport à d'autres régions?
M. BRYNIAWSKY: A propos des ressources, des gens nous ont posé
des questions à savoir pourquoi des enfants restent trop longtemps dans
les établissements de placement.
C'est parce que les ressources ne sont pas telles qu'elles aident les
enfants à se développer. Il y a une cause de placement qui n'est
pas toujours parce que l'enfant a besoin d'un placement mais ce sont des
problèmes des familles qui n'ont pas d'autres ressources que le
placement et l'agence est prise avec des ressources qui ne sont pas des
ressources qui aident l'enfant. Cela commence avec les garderies et cela finit
avec les maisons. Ce n'est pas une grande institution, mais on a besoin de
beaucoup de petites maisons. Ce n'est pas seulement une famille, il y a sept ou
huit personnes, et on peut amener l'enfant à un traitement individuel
à court terme, peut-être, pour l'aider, le sortir.
Souvent les agences, parce qu'elles sont prises, elles n'ont pas
d'autres ressources que les foyers nourriciers ou une institution; les deux
n'aident pas l'enfant, mais c'est la seule possibilité que l'agence a et
il le faut parce qu'on ne peut pas donner d'aide aux familles; et les
ressources n'aident pas l'enfant. On recommence le cycle que Mlle
Bélanger a souligné.
M. DUVAL: Est-ce que je peux ajouter, M. le député, que
notre corporation, par le mémoire, demande une réorganisation,
savoir qu'on complète, qu'on développe le réseau actuel
des ressources? Je pense que cela implique une idée bien importante,
soit celle d'innover. Quelques-uns en ont déjà parlé ici
ce matin, qu'on innove au besoin en tenant compte des besoins de l'enfant et de
la famille. Voilà un point bien important. Qu'on ne s'en tienne pas
à développer un réseau de ressources. Je sais qu'on a des
préoccupations d'innover au ministère, mais pour nous, c'est
important de le mentionner. Quand on parlait aussi de réorganisation, on
pensait à une réorganisation sur une base régionale parce
que vraiment il y a des régions, vous le savez autant que nous, sinon
mieux, qui sont vraiment défavorisées sur le plan des ressources
comme telles, l'hébergement, etc.
M. CLOUTIER (Montmagny): Une dernière question. Si le travailleur
social avait aussi une formation juridique suffisante, est-ce qu'il pourrait
faire un bon juge de la cour du Bien-être social?
M. DUVAL: Oui, bien sûr.
M. CHOQUETTE: Est-ce qu'il y a des candidats parmi vous?
M. DELISLE: Ou encore que les juges actuels aient une formation de
travailleur social.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Dorchester.
M. GUAY: Je remercie également la Corporation des travailleurs
sociaux qui nous apporte de la lumière, ce matin. J'ai lu attentivement
votre mémoire et votre première recommandation. Elle semble
probablement importante à
vos yeux puisqu'elle est la première recommandation, elle
concerne les droits civils et légaux de l'enfant. Est-ce que vous croyez
essentiel d'avoir une charte des droits de l'enfant pour l'application d'un
projet de loi de la protection de la jeunesse?
M. DUVAL: En 1973, je réponds oui. Nous croyons qu'il est
essentiel que ce soit défini.
M. GUAY: Croyez-vous que c'est possible? Qui devrait, en plus du
législateur, travailler à cette charte des droits de
l'enfant?
M. DUVAL: En plus du législateur, comme vous venez de le dire, je
pense qu'il y a une foule de professionnels. Ce serait une équipe
interdisciplinaire qui pourrait très bien jeter les bases du moins de
cette charte.
M. GUAY: Est-ce que vous avez déjà songé à
une telle charte et est-ce qu'il y a un travail de fait dans ce
sens-là?
M. DUVAL: Nous y avons songé. Il y a sûrement des
travailleurs sociaux dans notre corporation qui ont travaillé dans ce
sens-là. Je n'ai pas, cependant, d'exemple précis à savoir
si quelqu'un actuellement travaille là-dessus. Dans l'ensemble, cette
question a été soulevée souvent à la corporation
dans différents groupes, dans différentes agences et elle a
été étudiée, mais on devrait peut-être
compléter maintenant, à moins que quelqu'un ici puisse...
M. GUAY: Avez-vous l'intention de continuer ce début de travail
qui est fait? Est-ce que vous auriez besoin d'un mandat particulier de la part
du législateur pour travailler sur une telle charte?
M. BRYNIAWSKI: Je pense que l'initiative doit, venir du gouvernement
pour commencer cette étude. Notre corporation, comme les autres, est
prête à coopérer dans cette étude, mais pour une
question aussi grave, l'initiative doit être prise par le gouvernement.
C'est ce que nous soulignons et c'est notre recommandation.
M. DUVAL: Pour que cela ait une certaine portée, en fait.
M. GUAY: On pourrait peut-être faire dans ce domaine comme on fait
dans plusieurs lois du ministère des Affaires sociales. D'abord, pondre
un projet de loi pour se donner une raison d'en parler et ensuite le modifier
à volonté. J'ai remarqué que tout au long de votre
mémoire...
M. CHOQUETTE: Contrairement à votre habitude, vous n'êtes
pas gentil.
M. GUAY: Je pense que c'est absolument normal. Si, au moins, le projet
de loi donne une chance d'en parler.
M. CHOQUETTE: Ce n'est pas votre attitude habituelle.
M. GUAY: J'ai peut-être appris ça du ministre de la Justice
dernièrement.
M. CHOQUETTE: Vous subissez une mauvaise influence.
M. GUAY: Je ne dis pas que c'est impossible. Je remarque
également que, tout au long de votre mémoire, vous attachez
autant d'importance au milieu de vie naturel de l'enfant, soit la famille,
qu'au traitement lui-même de l'enfant. Je pense que si on veut
réellement faire de la prévention, de la protection, il faut
d'abord protéger le milieu de vie naturel de l'enfant. Comme
première recommandation dans ce sens, vous le dites dans votre
mémoire mais plus concrètement, qu'est-ce que vous auriez
à suggérer au ministère des Affaires sociales afin
d'éviter de faire de constantes victimes? On connait tous les
problèmes du placement. Parce qu'on doit protéger l'enfant, ce
qu'on appelle protection de la jeunesse, d'abord dans son milieu familial. Je
pense que la première protection doit se faire là.
Deuxièmement, sa protection également en foyer nourricier.
Troisièmement, sa protection en institution. Je pense qu'on ne peut pas
dissocier les trois. Mais comme proposition bien concrète qui donnerait
un résultat presque immédiat de la part du ministère des
Affaires sociales, qu'est-ce que vous auriez à suggérer? Est-ce
que c'est le côté financier, le côté de
l'enseignement ou de la famille, le côté peut-être de
l'information qu'il y aurait à donner à la famille?
M. DUVAL: J'aimerais, M. le député, dire un mot
là-dessus en réponse à votre question. Ce que vous dites,
on est d'accord sur ça; je veux dire, l'enfant dans sa famille d'abord
et, s'il n'y a pas possibilité, dans le milieu substitut qui sera le
plus adéquat. Mais je dirais que l'esprit de notre mémoire, c'est
que l'enfant existe en fonction de sa famille ou d'un autre milieu. C'est le
point sur lequel nous insistons. C'est l'enfant, d'accord, mais c'est aussi la
famille. C'est-à-dire que, si on donne à la famille tous les
moyens nécessaires pour assumer son rôle, ses fonctions
vis-à-vis de l'enfant, entre autres, à ce moment-là, je
pense qu'on évite les problèmes dans la mesure du possible. Il y
a toujours des choses qu'on ne pourra pas faire, mais en ne considérant
pas l'enfant comme isolé, mais comme membre d'une entité qui est
la famille et aussi une société. Je veux dire qu'il y a la
communauté. Quelqu'un parlait tantôt, je crois, au niveau de la
Ligue des droits de l'homme du quartier comme du premier milieu environnant de
l'enfant. C'est primordial, aussi. C'est là-dessus qu'on doit permettre
à la famille et au
milieu environnant d'assumer son rôle et ses
responsabilités. Par exemple, pour éviter un placement, s'il le
faut, il y a des ressources qui existent comme les auxiliaires familiales, il y
a peut-être des problèmes financiers qui peuvent amener un
placement alors, qu'au lieu de payer un foyer nourricier, rationnellement,
qu'on donne l'argent à la famille naturelle de l'enfant.
M. GUAY: Ce serait, en quelque sorte, le traitement du milieu
d'abord.
M. DUVAL: D'accord. Avec l'aspect de la participation aussi.
M. DELISLE: Je voudrais simplement ajouter un mot. La question
précise que vous avez posée était à savoir ce qu'on
suggérait concrètement au gouvernement pour éviter des
placements d'enfants? On suggère, dans le fond, à la corporation
ce qui était déjà mentionné dans le rapport
Boucher, ce qui a été mentionné après dans le
rapport Castonguay-Nepveu, à savoir qu'on arrête de faire du
résiduel dans les agences et qu'on devienne beaucoup plus
préventif. Maintenant, le moyen concret rejoint un peu ce que disait le
directeur de la corporation tout à l'heure. C'est au niveau des
quartiers, c'est au niveau du milieu immédiat de l'enfant et de sa
famille comme telle.
Pour les moyens concrets, ce sera évidemment différent
dans chaque cas. C'est bien sûr que, traditionnellement, dans les agences
tout le monde l'a souligné depuis 1960 on mettait des
diachylons sur des jambes de bois. C'est bien sûr. Mais pour les moyens
concrets, je pense que la question est mal posée ou est fausse, parce
qu'elle est tellement différente à chaque place.
M. GUAY: Pour en revenir brièvement aux institutions, on pourrait
parler de la période d'hébergement. Et j'aimerais toucher un peu
au choc que subit bien souvent l'enfant à son retour dans la
société. On a eu l'occasion d'en parler avec différentes
personnes. Il semble y avoir une coupure à un moment donné dans
ce que, moi, j'appelle la complémentarité du traitement. Un
enfant, par exemple, a subi une période plus ou moins prolongée
dans une institution et, par la suite, il est en quelque sorte projeté
dans la société où il doit ensuite se débrouiller.
Est-ce que votre groupe a pensé à donner une continuité
dans les efforts consentis pour trouver un emploi à ces personnes ou
encore les intégrer au milieu sans pour autant perdre ce qui a
été fait dans les institutions? C'est un problème qui a
été soulevé.
M. BRYNIAWSKY: La crise qu'on veut éviter pour le moment, ce sont
les placements d'enfants parce que la mère doit aller à
l'hôpital. On ne voit pas la nécessité de placer un enfant
dans ce cas-là. On veut éviter le placement des enfants lorsque,
économiquement, ils n'ont pas assez d'argent pour vivre. On veut
éviter les placements lorsqu'une femme n'a pas la possibilité
d'aller travailler et qu'elle a la charge de trois enfants parce qu'elle est
séparée, divorcée ou que le père de famille est
mort. Ce sont de tels cas. On voit à ce qu'on les place. Les raisons ne
sont pas les besoins d'un enfant, ce sont les circonstances. Les placements
qu'on fait maintenant, ce sont des injustices pour l'enfant et pour la famille.
C'est dans ces cas-là qu'on voit les ressources notamment les cercles
Lacordaire et les centres de services où on peut traiter les crises
émotionnelles occasionnant une séparation. C'est pour cela qu'on
voit un très grave problème au sujet des garderies, des "home
maker services". Ce sont des services comme cela qui pourraient éviter
ce commencement de placement des enfants dans certaines maisons, dans les
institutions sans aucune nécessité. Et puis l'enfant y perd. On
ne peut pas répondre à ses besoins parce que cela coûte
très cher pour maintenir un enfant comme cela. Et on le perd pour la vie
parfois. La famille et l'enfant.
Deuxième chose qu'on veut souligner, c'est pour cela qu'on a ces
recommandations à propos des besoins des familles. Qu'on mette cela
comme note de priorité parce que la loi comme telle, sans la
facilité d'un placement, c'est parfois bien plus facile qu'aider une
famille. Et on veut éviter cette question-là. C'est un
problème pour les familles, pour les agences et pour la
société.
UNE VOIX: Merci.
MLLE BELANGER: M. le député, est-ce que je pourrais
ajouter quelque chose?
M. GUAY: Certainement.
MLLE BELANGER: J'ai l'impression que votre question allait plus loin et
se situait au niveau de la répercussion du retour de l'enfant dans son
milieu après un placement institutionnel un peu prolongé. Vous
sentiez qu'il y avait une coupure, une difficulté pour l'enfant à
reprendre pied dans son milieu naturel.
Bien sûr qu'on est d'accord avec vous dans le sens qu'il faut
repenser toutes nos modalités d'intervention et de relance sur ces cas
qui reviennent et qui ne sont pas terminés, qu'on ne peut pas terminer
parce que l'enfant est revenu chez lui. Je pense qu'à cette
période-ci, on repose toute la question d'un bon objectif de placement
qui est surveillé, révisé, maintenu jusqu'à bon
port, jusqu'à l'atteinte des objectifs fixés au début. Si
les objectifs fixés dès le début d'un placement ne visent
pas aussi aux modalités de réintégration dans le milieu
social, l'objectif est assez imparfait et incomplet.
M. GUAY: Nous nous sommes rendu compte que plusieurs enfants
désirent demeurer en institution, justement pour ne pas avoir
à
éprouver des difficultés dès leur retour dans la
société. J'ai fait une brève enquête dans ma
région, et ils nous disent eux-mêmes: J'étais bien
là-bas, je retombe dans les difficultés quand je reviens chez
moi.
Même si, pour plusieurs enfants, ils étaient
habitués à vivre dans des conditions très difficiles, dans
des taudis, ils reviennent quand même dans ce milieu, il ne faut pas
l'oublier, c'est la réalité. Il va falloir permettre qu'il y ait
des changements à certains endroits. Ce serait peut-être rentable,
même pour le ministère, de consentir plus d'efforts au niveau de
vie naturel de l'enfant, la vie familiale, que de constamment les faire voyager
ou de les ballotter entre les foyers nouriciers. C'est ce que je crois.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Autres questions? Je remercie
infiniment M. Duval et ses collaborateurs ainsi que les représentants de
la Corporation des travailleurs sociaux et professionnels de la province de
Québec.
La commission ajourne ses travaux à 4 heures cet
après-midi.
M. SAUVE: Pardon, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Oui.
Centre d'accueil Saint-Vallier
M. SAUVE: Robert Sauvé de Saint-Vallier. Vous comprendrez que je
ne suis pas mort de rire d'attendre depuis 10 heures. On vous a invités
officiellement à venir visiter Saint-Vallier et nous insistons pour que
vous veniez. A ce moment-là, on pourrait vous présenter notre
mémoire et faire une discussion valable avec vous plutôt que de
revenir. Cela nous est impossible d'être ici à 4 heures.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Castonguay.
M. SAUVE: Je pense qu'il est important que votre commission voie ce
qu'est la réalité dans un centre. Comme la Ligue des droits de
l'homme, nous insistons pour que le projet soit beaucoup plus d'aspect social
que judiciaire. Quand on aura vu ce que c'est, on pourra peut-être
comprendre les changements. J'étais un peu consolé tantôt
quand j'ai entendu le député de Montmagny faire une
déclaration à l'effet que le projet de loi serait
substantiellement modifié. C'est déjà un premier
point.
Mais je pense qu'on a besoin de plus que ça et c'est
peut-être en visitant des institutions comme Berthelet, Saint-Vallier
et je pourrais en nommer une série que vous serez en
mesure de voir ce que le projet de loi fait ou ne fait pas, et principalement
ce qu'il ne fait pas.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je vou- drais seulement
mentionner que sur l'utilité de faire des visites, je suis d'accord, et
d'ailleurs, le député de Montmagny l'a mentionné, ainsi
que le ministre de la Justice, sauf que nous avons quelques contraintes. Les
séances pour l'audition des mémoires doivent, selon nos
règlements, se faire ici à cause de tous les problèmes qui
se posent en ce qui a trait à l'enregistrement, aux rapports qui doivent
être produits par la suite à l'Assemblée nationale, au
terme de nos travaux, etc.
Il me semble qu'il n'est pas possible d'accepter que la commission
puisse aller recevoir des mémoires à un autre endroit qu'ici. Il
y a aussi un autre problème qui se pose je serai le plus bref
possible c'est celui auquel nous nous sommes butés comme
comité directeur lorsque nous avons voulu élaborer un programme
de visites, soit le fait qu'il n'y ait pas de budget prévu pour les
commissions itinérantes. C'est pourquoi nous avons commencé nos
visites dans la région immédiate de Québec.
Je sais que le centre Berthelet et le centre Saint-Vallier on ne
peut pas dire qu'un centre est semblable à un autre sont deux
centres bien particuliers. Je crois que nous avons certains centres, à
Québec même, qui peuvent donner une idée assez juste des
problèmes qui peuvent être vécus dans d'autres.
Je sais que ce n'est pas exactement la même chose, mais on peut
avoir une idée assez différente par exemple, lorsque nous
irons visiter le centre Muir de celle que nous avons eue lorsque nous
sommes allés à Saint-Jean-Bosco.
Ce sont deux endroits très différents. Alors, il y a ce
problème et encore, sur celui-là, quant à moi, je ne crois
pas qu'il nous soit possible de donner une réponse affirmative,
séance tenante. Il faudrait réviser toute la question du travail
des commissions.
M. CHOQUETTE: Par contre, M. le Président, si le ministre des
Affaires sociales me le permet, évidemment, les centres Berthelet et
Saint-Vallier sont célèbres peut-être à cause de
leurs déboires passés. Je pourrais faire une suggestion à
M. Sauvé qui mériterait peut-être l'approbation des membres
de la commission. Comme le dit le ministre des Affaires sociales, pour ce qui
est de la présentation d'un mémoire, je pense bien qu'il faut que
cela se fasse ici, en commission parlementaire. D'un autre côté,
il faut comprendre aussi qu'il y a de nos collègues qui sont
extrêmement pris par leurs activités et la commission ne pourrait
peut-être pas, dans son ensemble, se déplacer vers Montréal
et visiter certains centres dans une visite organisée de la commission.
Mais, si le juge Sauvé veut faire une invitation aux membres de la
commission, quitte à ce qu'ils aillent au centre dont il est le
président pour faire une visite personnelle, je pense bien qu'il y a un
certain nombre d'entre nous qui serions intéressés à
accepter cette invitation. Une viste profite-
ra sans doute à la commission dans son ensemble, parce que
certains membres auront pu prendre connaissance des conditions dans lesquelles
vous travaillez. Alors, si vous me permettez de vous suggérer de
réduire votre invitation à une invitation individuelle, je vous
dirais que, pour ma part, je l'accepterais avec plaisir.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de
Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, pour faire suite aux
remarques des deux ministres, je suis convaincu de l'importance d'aller visiter
également ces centres à Montréal. J'ai visité
personnellement le centre Saint-Vallier et le centre Berthelet
déjà. Je serais fort intéressé à les revoir
maintenant dans le cadre de l'étude de ce projet de loi.
Deuxièmement, il est évident que l'on ne peut pas,
à cette occasion, faire l'audition du mémoire, mais je pense bien
que le juge Sauvé et les autres n'ont pas d'objection à revenir
devant la commission plus tard, que ce soit avant ou après notre visite,
de préférence après la visite que l'on fera, pour produire
le mémoire à la commission parlementaire.
Troisièmement, pour faire suite à ce qu'a dit le ministre
de la Justice, tantôt, il y aurait lieu pour le comité directeur,
peut-être, de faire une petite réunion, très courte, pour
voir quelles seraient les meilleures dates où il y aurait le plus de
membres possible qui pourraient se rendre à Montréal. Le ministre
de la Justice est déjà à Montréal, au début
de la semaine ou en fin de semaine, le député de Saint-Laurent,
il y en a d'autres aussi. Il y en a qui sont moins loin, mais je pense qu'il y
aurait possibilité de trouver une date, soit en début de semaine,
soit un lundi ou un vendredi, ou même un samedi, qui pourrait convenir et
le plus de membres possible pourraient aller visiter les deux institutions de
préférence ou même d'autres types d'institutions si on le
juge à propos.
Alors, moi, je serais très favorable à cette suggestion,
à cette invitation que l'on a eue du juge Sauvé, et que la
commission s'organise en conséquence. Si on n'a pas de budget, ce n'est
pas un désastre aller à Montréal. Pour ceux qui y sont
déjà, il n'y a pas de désastre et les autres qui n'y sont
pas...
M. CASTONGUAY: D'accord.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... on y va en d'autres temps aussi. Parfois,
cela arrive.
M. GUAY: M. le Président, je suis également très
intéressé à aller visiter ces deux centres. D'ailleurs, il
en a été question quand on a discuté, la première
fois, des visites dans les établissements et du fait d'entendre
également les mémoires sur place; on s'était
déjà heurté à certaines difficultés qu'on
pourra répéter aujourd'hui. Alors, personnellement, je me
rendrais à l'invitation ou, si le comité directeur en entier y
va, je vais faire en sorte de m'y rendre. Ce n'est pas une question de budget.
On va à Montréal assez souvent, comme le dit le
député de Montmagny, une fois de plus ou une fois de moins. Je
dis donc que je suis prêt à collaborer. Ma décision est
prise en ce sens.
M. SAUVE: L'invitation vous est refaite, M. le Président, MM. les
ministres et MM. les députés. Je pense que le comité
directeur doit avoir l'organisme pour nous faire savoir quand vous viendrez et
nous y serons.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Je remercie l'honorable juge de son
aimable invitation.
La commission ajourne ses travaux à quatre heures cet
après-midi.
(Fin de la séance à 12 h 50 )
Reprise de la séance à 16 h 6
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): McGill University.
McGill University
MME GRIFFITHS: Mr. President, I am very pleased to have the opportunity
to be here this afternoon. My name, by the way, is incorrect on the agenda. I
am not Dr. Woodsworth, I am Professor Margaret Griffiths. If I were a strong
woman "libre", I might decide that there was something significant in the fact
that our director's name was put on the agenda instead of mine. Actually, my
name was the one sent here for this presentation.
I am wondrous to come to this commission because I have had a concern
and interest in the welfare of children for a great many years. I am within a
year of retirement and for forty years I have had an interest in child welfare,
I have worked in the field of child welfare, first as a practitioner, a
supervisor and an administrator, and for the last 23 years at McGill University
School of Social Work as a teacher, consultant, research director with the
specific responsibility for concerns in the field of child welfare.
As far as this legislation is concerned, I have been involved in
committees over the last ten years. We have sent two briefs to the Government,
one in 1965 and one in 1968 that I was involved in, and we have been working on
a committee on child welfare legislation for the last couple of years with
people from the Children's Service Centre and some of the other
English-speaking agencies in Montreal. The things I have to say however are
directly the responsibility of myself and the committee at the school that did
some work on this particular piece of legislation.
We have been very interested in the new legislation in Quebec in the
last few years. Ten years ago, we could find a wide range of concerns that were
of interest and importance to children that were not being covered by any
legislation. We had the Quebec Public Charities Act, we had a Youth Protection
School's Act, which was slightly changed to become a more general piece of
legislation but which still remained fundamentally an act relating to the Youth
Protection Schools in the Province and to the juvenile delinquency field. Since
then of course, there has been the Social Aid Act, which has been important in
relation to families of children. There has been the Act respecting health and
welfare services, which is of a tremendous importance and for which we have
great hopes in the future.
Put the whole question of the protection of "enfants", of children
against neglect and abuse has been one of the areas, in this Province, which
have not been adequately covered by legislation and where legislation is so
badly needed. This has been the one province in
Canada in which there was this very serious gap. We therefore, of
course, saw the bringing of this bill into the House with a great deal of
expectation and unfortunately, have been disappointed in it and as we do not
feel that it is going to solve the very real problems that it is set out to
solve. It is a step in the right direction, but it needs radical revision
before it will truly protect our children and, at this point, I was to say,
just briefly, that I do not think one piece of legislation, unless it is very
carefully drafted in sections, can do all things to all people. I think this is
one of the problems with this Act.
We are concerned with the problems of alienated youth. We are concerned
about juvenile delinquents, but we are also concerned about the baby who gets
burned with cigarettes, with a lighted cigarette or who is thrown downstairs or
shaken so hard that bones are broken. We are concerned about children who are
neglected for a wide range of reasons and, to lump them altogether into one
piece of legislation and make all the clauses try to fit into all these various
kinds of problems, I think that has created very great difficulties for the
people who drafted the legislation.
Our brief which you have before you is divided into two parts, plus an
appendix. The appendix was a work paper on which the brief itself was based. It
deals with basic principles, it relates the bill to those principles and, in
the appendix, there is a clause by clause commentary on the bill itself. In
discussing principles, I wish to stress some points which seem to me to be of
vital importance, the question of rights, parents rights, children rights. Any
child protection legislation must protect both. The child has a right to a
family, to security, to have an adult to whom he can turn to for direction and
guidance, who can make decisions for him until he is old enough to make them
for himself. In the Civil Code, there are very clear sections which state this
in relation to the responsibilities, the rights and the authority of the
natural parents.
These are clearly set out in the law and there is no question that the
parents do have rights and responsibilities and authority.
However, we have to look at the situation when the parents fail to carry
their responsibilities for whatever reason. If the parent does fail, we have
problems of child neglect and abuse and it is a question of child neglect and
abuse that I want to focus most of my attention on this afternoon. Legislation
should therefore strive to ensure the child's right to adequate care,
maintenance and control, to have a parent in the full sense of rights,
responsibilities and authority. To provide subordinate services and resources
to the natural parents so that they can carry their proper role. But if they
cannot do so or are not willing to do so, to see that the child's rights are
protected in this regard and that a person or
establishment has the competence and authority to take over. I will come
back in a moment to this question of what, in English, we call adequate
guardianship.
But, in my mind, it is of a primary importance that we are to give
children what they need. But from this concept, come two important
characteristics of any good child protective legislation. First, provision for
reaching out to neglecting and abusing parents, to help them carry parental
role. Helping, not punishing. Investigation and help must go hand in hand and
this, of course, is one of the points, as I say I will expand on that later
but this is one of the points that concerns me most about the present
bill and, that is the divorce of the investigatory function from the
helping function. I do not think you can separate them and do a good job. Way
back in the beginning of this century, about 1910, I think it was, the director
of the School of Social Work at Columbia University was at a conference and he
made a statement that child protection was not and never could be charitable.
We have gone a long way since we have taken that approach to child
protection.
Two, we need provision for the transfer of parental rights so that long
term planning can take place and children are not left in limbo. If you talk to
youngsters who are no longer in their own homes 'and try and get what their
worries are, you will find that one of their worries is what is going to happen
to them next. This sense of uncentainty, this sense of knowing that, where they
are is not a permanent place to be and that they may be some place else the
next week, the next month, the next year.
I think it is very important that we get down to this problem and say:
How can we plan for the return of children to their own homes and if they can
not go home, how can we make permanent plans for them? But this should only
take place by judicial decisions. Parents rights are paramount and should not
be taken away from them without full consideration in front of an appropriate
court of law.
This should be a clear differentiation between judicial and
administrative functions. One belongs to the courts, the other to the
administrative structure best able to provide this service. And this of course
is one of the places where an Act respecting health and social services and
this act should be closely tied in together.
I am going to pick up some points at this point directly from the brief
itself. In relation to the State's responsibility, the implications of this
question of guardianship, this question of recognizing that parents neglect
children and abuse children for reasons that most be understood must be worked
with. As parents have prior rights in regard to their children's care,
maintenance and control and children have a right to adequate gardianship, it
is the responsibility of the State to protect those rights and provide the
services and responsibilities and resources needed to: first, see that the
child has his needs met within his own family when at all possible with a clear
knowledge and understanding of the factors contributing to the problem
situation; second, see that the child who requires substitute care not only has
his day-to-day care provided for, but that, as an individual, he his given
adequate guardianship; third, see that every effort is made to re-establish the
child's home for him with his own parents taking into consideration the causal
factors in relation to this specific situation; four, if the re-establishment
of the home is not possible, make provision for him to have the opportunity for
permanent care and guardianship with substitute, preferably adoptive,
parents.
Based on this principles and goals legislation should aim to set up an
administrative and legal structure to achieve them.
In relation to the administrative structure, it seems to me that this is
the responsibility of the Department of Social Affairs, that there should be
within the Department a strong division of child welfare in the Ministry, with
the child protection service as an integral part of it.
Contracts with the regional resources, the Social Services Centres in
the regions, would provide at the regional level for direct child protection
services for both the child and his family, but with a centralized concern for
adequacy and quality of service.
It seems to me that the Act respecting health and social services fully
meets those requirements. The clauses that have to do with the responsibility
of the Minister under that Act allows for the question of the provision of
resources. The licensing section of that Act provides for the standard setting
responsibilities of the Department. There should be, of course, the continuing
concern of the Division of Child Welfare for the standards of and availability
of resources to meet children's needs. Such a service would reach out to
neglecting and abusing parents to help them carry their parental role. This is
a difficult task. No one is suggesting that this is simple, that this does not
require a great deal of skill, a great deal of patience, understanding,
willingness to use a creative approach in regard to what needs to be done.
This seems to me to be one of the places where the local community
service centers can be pulled in and used most helpfully. There has been some
very interesting material lately in the literature in regard to groups of
abusing parents meeting in a type of parents anonymous organization in which
they receive mutual aid in facing the kinds of problems they have. I am not in
any way down playing the need for the kinds of social supports that are needed
in relation to poverty, in relation to adequate housing and all other things
because these are factors that certainly feed in to neglect situations. On the
other hand, children can be
abused and neglected from any level of society and there are abused and
neglected children in Notre-Dame-de-Grâce, in Westmount as well as in
Pointe-Saint-Charles or some of the other parts of the more poverty areas.
On the other hand, any of our studies, any of our social indicators have
certainly shown that there is a higher degree of mental illness, there is a
higher amount of delinquency of fathers in prisons and so forth in what are
known as the grey areas, of Montreal, for example. But is is necessary that
there be a group that have this specific legal responsibility to reach out to
people who are having problems in relation to their care of their children and
try to help them so that they can become adequate parents. Children need their
own parents. There is no question of that. Substitutes do not take the place of
their own parents, but some parents need a great deal of help before they are
able to become adequate parents, frequently because they themselves had such a
very difficult time as children and did not receive adequate parenting in their
part.
As I said earlier investigation and help should go hand in hand, but the
protective service at the regional level should have broad powers to initiate
legal action when parents are unable or unwilling to use help or when emergency
action needs to be taken. As a result of this organization, in situations where
child abuse or neglect is suspected, a wide range of social and help services
would be available and the Ministry of Social Affairs, which has the
responsibility for their provisions, would have the authority to provide them.
It seems to me that it is very important that responsibility and authority go
hand in hand. I am just mentioning in passing that one of our very serious
lacks in this Province, in many parts of it, is the lack of a 24 hour a day,
seven days a week service, where, if children are in need or are being abused
or neglected, somebody is going to be there to give them a hand when they need
it.
The judicial function of the court to me is very important. The court's
function in the legislation should be clearly defined so that a child and his
parents would not have their legal rights interfered with, without an
opportunity that the situation be fully heard in court and a judicial decision
taken. This is just my own reaction but I somehow feel that sometimes I am a
social worker and sometimes social workers make the decision or at least
discuss it with the court and then the decision is made without really
involving the people concerned, in the way they should be involved. It seems to
me that, if we are taking away from parents one of their very important rights,
the rights to the care and control of their own children, that this should only
be done with a full investigation of the situation before a judge with evidence
given and with people responsibly giving the information that they need to give
on which the judge can make a sound decision. His decisions would be based on
definitions of neglect related to the effect of the situation on the child. The
emphasis should be on the protection of the child, not on the punishment of the
parent. I feel that this is important.
Too often we tend to say: Well you punish the parent who means to abuse
or neglect the child. But, of course, the parent who does not mean to neglect
or abuse well somehow rather, that makes such a big difference. From the
child's point of view, if a youngster is not getting enough to eat, it really
is not that important as to whether the parent meant to fail to feed him or
whether the mother was suffering from schizophrenia and was sitting in the
middle of a room, rocking and unable to feed the children when they need it.
What we are concerned with here is what is hapening to the child and this seems
to me should be clearly reflected in the definitions of neglect in the
legislation.
Such legal action might lead to the dismissal of the case, of course, or
protective supervision of the child in his family with the child remaining in
his own home. In many jurisdictions, the court has placed more children under
protective supervision than they have actually placed children out of their own
home. The figures have been very interesting in some jurisdictions as to how
the admissions of children to care have not risen over the last ten or fifteen
years although the actual number of families needing help may have gone up very
considerably.
You may require a temporary placement outside the home with continuing
work with the parents. If a child is abused, you may need to get that child out
of the place of danger into a place of safety immediately. But, work with the
family, the medical or psychiatric care that the mother may need, other kinds
of services that may go into the family may make that home a safe place for the
child three months, six months, one year after placement.
The the possibility seems to me, in the law, should be there for the
permanent placement of the child with the possibility of adoption. Because, in
some situations, the hope of re-establishment is just not there. And it is not
always just a case the law allows the adoption of a legitimate child now under
an abandonment clause. But there are other situations where it would be
difficult to prove abandonment but where the adequacy of the concern and the
gardianship that the parent is able to provide for the child is just not there.
And that child should not be held, as I said earlier, in limbo in a situation
where the possibility of the re-establishment of the home is not there.
Court orders should be regularly reviewed with the possibility of change
in the order or discharge from supervision or care. In the discussion this
morning on that two year clause
it seems to me that we need a regular review. I do not know where the
translation into English was not quite accurate but the law, as it now stands
in the English translation says "in no case shall the child remain in care for
more than two years".
Now, that does not provide for review of the situation. That does not
say "has his mother come home from a mental hospital, his father is no longer
working on shifts and unable to be there to provide the care that the three,
four or five year old needs". The father may be still a person who is very
interested and concerned about his family but substitute care may have to be
provided over quite a long period because for a wide range of reasons, that
home is not suitable for the child at that particular time.
And this is where I think we are getting mixed up a little between
delinquency, because I know that in the revision of the juvenile Delinquance
Act that was mooted some years ago, there was this two-year clause in the Act.
There is quite a deal of difference between an indeterminate sentence, if you
like, and providing care for as long as the child needs the care and I do not
think that one can make an absolute rigid requirement. On the other hand, I
think that it is very important that we do review whatever plans are made for a
child quite regularly, so that no child gets lost in the system.
It is very easy for a youngster who has sort of half settled down in a
foster home or an institution without too much problems for no one to really
reach out and say: Has the family situation changed? Are there things that
could be done? Are they some relatives that could take over? Is this a
youngster who needs long term care? Could he be placed for adoption because the
parents have not been involved in this situation for quite a long time? This
sort of thing and one of the ways of doing it are regular judicial reviews of
court orders.
Decisions should be subject to appeal to a higher court and one of the
things that is not in the legislation and which has not been always carried out
in, all our Social Welfare Courts, that is the question of taking evidence, of
having a complete court record of the evidence taken which of course handicaps
appeal procedures. The Appeal Courts need verbatim recording of evidence taken
in courts and there are many court decisions in which the Act says: The judge
shall state his decision in writing, That is fine but it is a little difficult
for an Appeal Court to review that decision if they do not have the evidence on
which that decision was based to work from. "The act provides for a reporting
of neglect and abuse by all adults, responsible adults in the community." This
is good. But we also do need to have people who report in good faith to be
protected against Civil or criminal action as a result of those reports.
We need to be able to go into situations where neglect or abuse is
suspected. Whether you could actually prove it or not is up to the authority
that is responsible for going into the situation and for the court that is
hearing the situation if it is a matter that comes to court.
But, nevertheless, we need a reporting law, we need protection and we
need a central registry for abuse situations. There are a great many parents
who take a child to the Children's Hospital one time, to the Ste-Justine's,
another to a private doctor another and, unless we can pull all those
situations together, this whole question of what is known as the battered child
syndrome, cannot be very clearly diagnosed, but it is when a child turns up
with apparently an accidental injury half a dozen times that one can say pretty
surely there is something radically wrong here and the next time the child
comes into hospital, the child is probably going to be dead. A central registry
is one of the ways in which this is handled in some jurisdictions on this
continent.
So good it seems to me that a good piece of child protection legislation
would lead to responsible reporting and comprehensive case finding which is
directed to a clearly designated body. This of course is one of the things that
some of us have been complaining about for a godd many years. If Mrs Jones
suspects that Mrs Smith is neglecting her child, to whom does she tell about
it? Does she call the police? Does she call a minister? Who? This, of course,
is one the things that this legislation certainly is clearly doing that is very
good. Is it setting up a clearly defined body whom the community can recognize
as the Child Protection Service to whom reports of suspected child neglect and
abuse can be directed.
The Act, of course, talks about a Child Protection Service as a
centralized service. People have been saying: Oh well, but of course, they must
mean that that is going to be broken down into regional offices.
In my estimation, law should not be drafted in such a way that people
say: Oh well, they surely mean so and so. It seems to me that laws should
clearly indicate what they mean. And, if they mean to have regional offices,
then, that fact should be clearly defined in the Act. Of course, there should
be a sufficient supply of substitute, care resources to be used differentially
to meet children's needs.
This is an issue that was raised a number of times this morning, and my
feeling about this question of resources is that as far as this Act is
concerned, we need to talk about adequate resources, but the actual provision
of the resources comes under the Act respecting Health and Social Services and
the provisions that the Social Affairs Department makes for such resources
through the authority given it into the other Act.
This Act is clearly an Act that sets the structure for child protection
in my estimation
and, by the way, the translation of "La jeunesse" as "Youth" into
English throws the meaning of the Act as far as the English community is
concerned because Youth and "la jeunesse, en français", may be the same
thing in French I understand it is very close in French but in
English, child and youth is not the same thing. This to me should be an Act
that covers a child from the day of birth to the age stated in the Act, which
is 18 years, not just the age mentioned in the old Youth Protection Act, which
was six to eighteen, but which tends to be applied to the younger child but is
not clearly spelled out in that Act either.
The rights of parents and children would be protected through
appropriate legal processes. They should be, as I said earlier a prescribed
review of situations at appropriate intervals so that no child would be lost in
the system, with either a return home or a long term plan made when possible in
the child's best interest. There needs to be an on going assessment of the
service with a single government department being responsible and accountable
for the standards and adequacy of the service to the consumer.
Now, the next part of my brief deals with the critique of the bill,
taking into consideration the principles, I have commented on them as I went
along, so I think I have covered most of the points raised. I am concerned of
the lack of judicial review as being mandatory. I do not feel the definitions
of neglect fully cover the situations in which a child needs protection, they
are too narrow, the old set is better than this in that it does say,
notwithstanding the generality of the above and then bringing in some specifics
but the generality is left. But, the clauses leave many situations of child
neglect uncovered by the Act and I am sure, if you got into a situation where
you have a good lawyer concerned about the adversary approach to the Act, it
would not be too difficult for him to "not consider the welfare of the child"
but rather the "technicalities" within which the Act itself was drafted.
It seems to me that the present bill implies that parents intentionally
neglect and abuse their children and by legal action such as "orders not to
neglect" they will change. This point of view is not borne out by any studies
that have been made on the subject. It is essential to find but why parents
neglect or abuse their child and take action in the light of that knowledge.
One of the things that, for instance, research is showing that in many
instances, child abuse tends to be what the literature calls "role reversal".
Parents are expecting to get the love they did not get from their own parents
from their children, so they expect the children to understand and support them
rather then they understand and support the children and as a result, they
punish the child who fails to live up to completely unreal expectation. This is
one of the theories that seems to be pretty thoroughly shown to be true as far
as some of the research in this field has shown.
I feel that the bill indicates a very confused administrative structure
for the Youth Protection Services. Responsibility for the total services placed
on two Government departments, the administrative lines are not clear and the
responsibility for the standards and administration of services is not
integrated with services provided under an Act respecting health and social
services, even though considerable compulsory use is made of establishments
licenced under the former Act. For instance, it seems to me that if services
need to report on what they are doing, it is to the Department of Social
Affairs who is responsible for the service to whom they should report rather
than to the court but the court should be responsible for its judicial
functions and should have a clear help in how they carry out that
responsibility.
Regional direction, adequate resources and a network of services to meet
children's needs is not clearly spelled out. There is no consistent provision
for authority and responsibility to take effective action. I was interested to
note, for instance, that in the existing (Child) Youth Protection Act, custody
of the child, which is not quite guardianship but nevertheless gives a fair
amount of responsibility and authority, is placed in the service that is
providing the care for the child. But, in the new Act, the only provision for
transfer of custody is from one individual to another, with no provision for
custody to the actual service that is providing the care. Now, it may be
necessary to designate an official to whom, such custody can be given, and
then, carried through the lines of responsibility of the services. But to
expect an agency to provide care and direction, provide all the parental role
and then not giving them any authority to carry that role seems to me to be
laying some groundwork for some very difficult situations.
It does not seem to me that in the present Act, the court is giving
guidance in regard to the structure of the hearings, the use of counsel, the
nature of the evidence required, the question of judicial reviews and appeal
procedures. The steps specified in the Bill, which the judge may order to be
taken also fall short of meeting needs of all children concerned. I talk about
the reporting provision.
So that, in summary, I say all that, our law should give guardianship
adequate for the child's needs; they should be clearly identified service with
authority commensurate to responsibility. There should be obligatory reaching
out to neglecting and abusing parents. A determined effort to maintain or
re-establish the own home. Power to plan permanently when necessary, and this
is not a decision to be taken lightly and I am not in any way
suggesting that agency should grab children from parents or anything of
that sort. But in the situation where the parents are unable or unwilling to
provide the care, then I think we should be able to permanently plan for them.
There should be a division of judicial administrative functions with clear
rights of parents and children protected by the courts. There should be lack of
ambiguity in structure wording of the Act and responsibility should be clearly
designated and Department should be able to be held accountable by the
community at large for the service that is being given. Prevention, protection
care should be integral part of the network of services provided through the
establishment set upon the Act respecting health and social services. I feel
very strongly that the Child Protection Services should be an integral part of
the whole range of welfare services in the community, daycare, visiting
homemakers, special education, all this sort of things. And that the welfare of
the children should be the primary concern, recognizing that a child's welfare
is accured most adequately in his own home. Thank you.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre des Affaires
sociales.
M. CASTONGUAY: Merci. Je voudrais vous remercier, Madame de même
que vos collègues, pour ce mémoire que vous nous avez soumis.
MME GRIFFITHS: M. le ministre, je regrette, my comprehension of French
is not adequate to answer questions in French.
M. CASTONGUAY: You mentionned in your early remarks that you feel that
it is very difficult or it is on almost impossible job to cover all kinds of
seperations under one Act where children, or youth might be in need of
protection. Did you mean by that statement that you would see separate pieces
of legislation?
MME GRIFFITHS: Not necessarily but separate sections within the one Act.
In other words, for instance, there were a number of clauses in this Act that
just do not make sense because the Act talked about children reporting to an
agency. Now, we are dealing not only with children. There may be deliquent
children who are neglected and need the services of the Act and who should
report. But a great many of the children who come under this Act, the problem
lies in the family situation rather than in the child, and the child may be
anything from a infant in arms, and unless one goes through the Act and makes
the clauses appropriate to the needs... I mean there are some clauses that are
appropriate to everybody. Some are more appropriate to the young child or the
child who comes in because of family break down misfortune or what would you...
while there are other clauses that are appropriate to the youth who was been
kicked out of his home aged 13 or 14 for instance and gets into trouble and
needs to have the protection of responsibility. But I think that one of the
problems has been that we have been... as we talked about this Act, we lose the
basic principle of the fact that the child needs care and protection when we
try to cover everything at once in all sections.
M. CASTONGUAY: I would like to ask you a question that has to do with
this central registry. Can you give us some examples of jurisdictions where
such a...
MME GRIFFITHS: There are a number of American States who have such a
plan. The American Human Society has a document which is reporting on the
success of central registries in at least ten jurisdictions in the United
States. And it is a question of doctors I think that everything I have
been saying in terms of reporting, I think the medical profession should be
mentioned by name because I think this is one of places where the problem
arises and I think you are going to be getting a brief, probably from the
hospitals who are concerned with this problem. But in the City of Montreal, for
instance, it would be possible to require a doctor to report to a central body
who would keep a registry and as names come in would report back, so that the
hospitals would be alerted that "such and such a child has had an accident",
quote, "three times in the last month", or something of that sort.
M. CASTONGUAY: Who has access normally to this kind of information
contained in the registries?
MME GRIFFITHS: The American Human Society seems to be a successfull
device.
M. CASTONGUAY: No, I mean who has access to the information?
MME GRIFFITHS: This would be your Youth Protection Service, the hospital
would be one of the main places, because there are people who tend to get the
emergency cases, but your Youth Protection Service would go in on a situation,
I would think, if central registry indicated that a child had been found to
have had an accident three times in the last month, that this would be taken as
suspect, that abuse would be suspected and that they would then act on it in
relation to investigation.
M. CASTONGUAY: In the jurisdiction you are familiar with, could you tell
us a little more about how periodical judicial review is done with respect to
children for example in rehabilitation institutions, etc.? What kind of
mechanism is used?
MRS. GRIFFITHS: There are two kinds of mechanisms used in Ontario. One
is a regular reporting which is not judicial review but regular reporting to
the provincial autorities in relation to children who had been placed under the
jurisdiction of the province which, of course, you know, in Ontario is a matter
of Children Aid Societies, who are quasi public private agencies. But every
Children Aid Society who has a child committed to it is required to report
twice a year on the situation of that child.
I have not seen the recent forms but they used to start out with : On
such and such a day I visited and saw... Now, this is maybe a mechanistical
kind of thing, but it means that somebody has actually seen that child and
knows how he is getting along in school, knows what he is doing in relation to
so and so. So that you do not lose the child in that way. Of course, Ontario
was rather rigid in this regard. Children can be made temporary wards for two
years. The child is committed to the gardianship of the Children Aid Society in
the local area for a maximum of one year. The case must be brought back to the
Court for judicial review at the end of that year and can be brought again at
the end of the next year. In Ontario, a child become a Crown ward, which is a
permanent wardship, though it can be revised by the Courts at a later period.
But if, at the end of two years, the parents are unable to make plans for the
child or the child has not returned home, then a more permanent wardship is
granted and the child then becomes a provincial ward.
Theoretically then, permanent plans can be made for them. Now, this does
not happen automatically by any means but if it is a situation where there is
no possibility, where it looks that there is very slight possibility, the
question of the welfare of the child comes first and they say that we cannot
keep renewing temporary wardship year after year with people, thinking they are
going to make plans for the children and then failing to do so.
This is unfair to the youngster. Other jurisdictions have judicial
reviews that last for a longer period but, once a year, in which case, the
whole situation comes back before the Court for review, and the agency is
responsible to bring a report into court, make recommendations in relation to
the continuation of the wardship, and they could extend it for three months and
say: You do something, this is not adequate. I want to see the parents again.
Usually, the parents do come back into the court at the same time as the case
comes up for a judicial review.
M. CASTONGUAY: Thank you very much.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): You mention in your brief principles on which
this Act should be based on. You talk about responsible reporting and
comprehensive case finding which is directed to a clearly designated body. In
your mind, which is that body?
MME GRIFFITHS: I would see it as probably in the Social Service Centre
in the region, as being the most logical body to take this responsibility. This
might be decentralized. It might be that there was a representative of that
protection service who, say, spent a day a week in the local community Service
Centre to provide some follow up at a local level, but it seems to me that a
regional office would be the logical place.
M. CLOUTIER (Montmagny): They think, in the actual situation, this is a
big problem referring children to à specific body. It is a big problem
now?
MME GRIFFITHS: Yet it is very difficult at the present time. In other
jurisdictions, in some parts of Canada this is in Ontario, of course
it is local Children Aid Societies which go back to 1893. In the Western
Provinces, the Department of Welfare, it is a State run decentralized welfare
service and there are protection services in each regional district office of
the Provincial Welfare Department, which carries this function but of course
those Provincial Welfare Departments carry much broader functions than the
Social Assistance Offices that we have in Quebec. They cover the full range of
services to the aged, child care and so on.
M. CLOUTIER (Montmagny): You talked about children lost in this system.
Could you give example of that type of situation?
MME GRIFFITHS: I think that Quebec has about the highest proportion of
children placed outside their own homes of any jurisdiction in Canada and I am
fairly sure that some of the thousands of children who are placed in the
Montreal area are not planned for thoughtfully, week by week and month by month
and year by year. I have heard of specific situations, but I am not close
enough to the situation to wish to quote them. But there are situations I can
quote. One happened a year or so ago but this is the kind of thing of a worker
in an agency not attached to the placement service who happened to come across,
to have as a part of her work contact with a woman who said she was the
grandmother of a child in the care of one of the large agencies, that have some
thousands of children in care, and she said: You know I would love to have John
with me and the worker said: Well, why not? Oh, well, I do not think they will
give him to me. And, the worker made the contacts, went into the situation.
There was no reason in the world why John could not stay with his grandmother.
There
were not enough staff, there were not enough resources to do the kind of
child by child planning that was necessary to discover that John had a
grandmother who loved him and wanted to look after him.
And this is the kind of thing I am saying, we need continual review of
situations because under pressure of caseload pressure responsabilities, it is
fairly easy for a child who is not causing any trouble to get lost in the
system.
M. CLOUTIER (Montmagny): Thank you.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): D'autres questions? Thank you, Mrs.
Griffiths. La commission ajourne ses travaux au jeudi 5 avril, 10 heures.
(Fin de la séance à 16 h 56 )