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Commission conjointe de la justice et des affaires
sociales
Projet de loi no 65 Loi de la protection de la
jeunesse
Séance du mardi 3 avril 1973
(Dix heures douze minutes)
M. HOUDE (Limoilou) (président de la commission conjointe de la
justice et des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!
II me fait plaisir de vous accueillir à la commission
parlementaire conjointe de la justice et des affaires sociales.
J'inviterais immédiatement le ministre des Affaires sociales
à vous dire quelques mots.
Organisation du travail
M. CASTONGUAY: M. le Président, avant d'écouter les
représentants de la Fédération des services sociaux
à la famille du Québec, j'aimerais simplement rappeler que, en
premier lieu, à l'occasion de la première séance que nous
avons tenue, nous avions convenu de former un comité directeur pour
organiser notre travail et que ce comité directeur s'était
entendu sur un certain programme de travail, quitte à l'ajuster ou
à le modifier par la suite, au fur et à mesure que nous serions
en mesure de déterminer si les visites effectuées et les
rencontres en dehors des séances de la commission étaient
suffisantes. Je constate aujourd'hui que, malgré le fait que ce
comité directeur avait essayé de planifier le travail de
façon aussi adéquate que possible et avait fixé assez
longtemps à l'avance les trois premières séances pour
l'audition des mémoires, il se pose un certain problème, compte
tenu du fait que le discours du budget a été
présenté jeudi dernier et que certains des membres de la
commission, particulièrement dans les partis de l'Opposition, veulent
participer au débat sur ce discours du budget. Or, il y a une question
qui se pose que je crois qu'il faudra en discuter brièvement.
En second lieu, j'aimerais simplement mentionner que lors de cette
première séance, quant à moi, j'avais essayé de
situer, de même que le ministre de la Justice, la portée de ce
projet de loi qui fait l'objet de nos travaux et cette discussion ou ces
exposés, de même que ceux des représentants des partis de
l'Opposition, sont maintenant consignés dans le journal des
Débats, et je crois qu'il y a un certain intérêt à
s'y référer, compte tenu de la portée de ce projet de
loi.
Suicides au centre Berthelet
M. CASTONGUAY: II avait été également
demandé, lors de la première réunion du comité
directeur, que le rapport d'enquête sur certains suicides au centre
Berthelet soit rendu public. J'ai consulté le contentieux du
ministère.
Je crois que nous avions aussi communiqué avec le
ministère de la Justice, à cette occasion, et on nous a dit que
le rapport pouvait être rendu public, pour autant que nous rayions les
noms des personnes en cause, pour des raisons, je pense, qu'il n'est pas
nécessaire d'expliquer bien longuement.
M. Chrétien, de mon ministère, va distribuer aux membres
de la commission, au cours de la séance, des copies de ce rapport et en
remettra également des copies aux membres présents de la tribune
de la presse.
Comme il avait été mentionné à
l'époque qu'une seconde étape dans les travaux de cette
commission devrait être franchie avant qu'un rapport final soit produit,
il est peut-être bon de faire le point sur cette question. Cette
commission était composée en définitive, d'un membre, Me
Adolphe Prévost. Alors qu'il amorçait la deuxième partie
de son travail, soit la constitution d'un questionnaire qu'il se
préparait à distribuer à tous les établissements du
secteur des affaires sociales, aux fins de la protection de la jeunesse, de
réadaptation ou de prévention, il a été
nommé président de la Commission des transports. Au lieu de
reprendre le travail avec un autre commissaire-enquêteur, compte tenu de
la nature de cette seconde partie de l'enquête, nous avons demandé
au président, Me Adolphe Prévost, de nous remettre les documents
qu'il avait en main. Le questionnaire va être expédié,
analysé par la direction de la planification du ministère des
Affaires sociales.
Je voulais mentionner ceci afin qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté quant au rapport de cette commission ou quant à
la question qui pourrait se poser sur l'existence d'une seconde tranche d'un
rapport, puisqu'il n'y aura pas de seconde tranche de portée plus
générale. Le travail, comme je le mentionnais, va être
terminé par la direction de la planification.
C'étaient les trois commentaires, M. le Président, qui me
paraissaient nécessaires de faire avant que nous passions à
l'étude des mémoires.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Maskinongé.
Commentaires généraux
M. PAUL: M. le Président, à l'occasion de la
première séance de notre commission, mon collègue, le
député de Montmagny, a fait un exposé qui relate nos
désirs, nos aspirations, notre ferme décision de collaborer avec
le gouvernement pour tâcher d'adopter une loi de la protection de la
jeunesse qui tienne compte de différents facteurs
socio-économiques, etc.
Je m'en voudrais, cependant, ce matin de ne pas excuser mon
collègue, le député de Montmagny qui, en sa qualité
d'ex-ministre des Affaires sociales et de la Santé, aurait aimé
assister à notre séance de ce matin. M. Cloutier doit donner la
réplique au discours du budget cet après-midi à
l'Assemblée nationale. C'est la
raison pour laquelle mon collègue n'est pas ici présent.
Mais veuillez croire qu'il ne se désintéresse pas, cependant, de
cette législation qui retient notre attention. M. Cloutier reprendra
sûrement son assistance assidue au travail de cette commission dès
qu'il aura disposé de celui qui lui incombe prioritairement aujourd'hui,
sa participation au discours du budget.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, à l'aube de l'étude de ce
projet de loi 65, Loi de la protection de la jeunesse, j'ai offert ma
collaboration la plus étroite. Je suis convaincu que si le
législateur tient compte, non seulement de ce qui a été
énoncé dans les mémoires, mais également de ce que
lui-même, comme législateur, il a pu constater sur place,
c'est-à-dire en se rendant jusqu'à maintenant dans deux
établissements, il mettra surtout l'accent sur les priorités qui
ont été mentionnées par les dirigeants de ces institutions
ou organismes.
On doit peut-être enlever autant que possible dans la loi l'aspect
punitif pour y conserver surtout le côté de la protection. Cela a
été énoncé grandement. On devrait peut-être
ajouter à cette législation la possibilité pour les
institutions de suivre leurs sujets jusqu'à ce qu'elles soient bien
sûres que ces personnes, qui ont subi une cure de réhabilitation,
ne soient pas trop en danger de retomber dans la même situation dans
laquelle elles étaient auparavant.
Les constatations sur place sont presque les mêmes que celles qui
ont été énoncées dans les mémoires. A la
suite de ces deux visites que nous avons effectuées, j'ai
été même surpris de voir avec quelle attention ces
personnes donnaient des services. Je pense qu'on doit, au maximum, conserver ce
qu'il y a de bon dans ce qui existe déjà et ajouter ce qui
manque. Et on est sûrement bien placé, quand on se rend dans ces
mêmes établissements pour savoir ce qui manque là-bas et
eux sont en mesure de nous le dire.
M. le Président, nous allons entendre au cours de plusieurs
séances de la commission des personnes qui sont des spécialistes
dans le domaine, et je pense que le législateur a tout à gagner
en les écoutant bien attentivement et en leur demandant bien franchement
ce qu'ils croient être bon dans une loi. Ce sont ces personnes, ces
dirigeants d'organismes ou d'institutions qui peuvent le mieux nous dire ce qui
doit être inclus dans une loi si on veut être sûr de ne pas
se tromper. Je répète au ministre que notre formation politique
va collaborer au maximum afin de faire de cette loi un succès.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de
Maskinongé.
M.PAUL: M. le Président, je m'excuse de revenir à la
charge, même si le ministre nous a exposé tout à l'heure
que le comité directeur avait arrêté un plan de travail
pour l'étude de cette loi en raison de la situation qui se
présente aujourd'hui. J'aimerais donc faire une demande aux
collègues de la commission pour que, cet après-midi, il n'y ait
pas de séance en raison de la nature du débat qui aura lieu
à l'Assemblée nationale, quitte à ce que nous
siégions peut-être jusqu'à une heure cet après-midi
et à réviser l'ordre du jour des autres journées de
travail de notre commission.
M. CASTONGUAY: Quant à moi, M. le Président, je n'ai
aucune objection à donner suite à cette demande. Je sais fort
bien qu'au moment où le comité directeur avait fixé ces
dates, il ne pouvait prévoir qu'il y aurait cette situation aujourd'hui.
Je suggérerais donc que nous siégions jusqu'à une heure au
lieu de midi et demi et que nous demandions au secrétaire des
commissions, M. Pouliot, d'aviser immédiatement les représentants
du Children's Service Centre on me dit qu'ils ne sont pas partis
présentement de Montréal et de les convoquer pour demain
matin.
Toutefois, il faudrait préciser si nous allons siéger
demain après-midi, après la période des questions, parce
que le nombre d'organismes que nous avons convoqués pour demain et pour
jeudi, c'est-à-dire quatre demain, quatre jeudi, avait été
déterminé en supposant que nous siégerions après la
période des questions, demain après-midi et jeudi
après-midi.
M. PAUL: M. le Président, en principe, je ne mettrai pas
d'objection à ce que cette commission siège, mais il y aura
séance de l'Assemblée demain après-midi. Or, comme doit
entreprendre demain matin l'étude des crédits du ministère
de l'Industrie et du Commerce, reste à savoir à quoi le leader du
gouvernement donnera priorité. Donnera-t-il priorité aux
crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce ou à
notre commission? De toute façon, il ne peut y avoir qu'une commission
qui siège en même temps que l'Assemblée nationale.
Si le ministre peut convaincre son collègue du ministère
de l'Industrie et du Commerce de lui céder la priorité, nous en
serons fort heureux.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de
Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, il faut tenir compte des
différentes commissions qui vont siéger pour l'étude des
crédits. On sait fort bien que plusieurs députés sont
intéressés à siéger à différentes
commissions. Personnellement, j'ai l'habitude de le faire et je désire
être présent à différentes commissions, mais s'il y
avait possibilité, il y aurait peut-être des ententes à
prendre entre les leaders des partis pour s'entendre au sujet des
séances de cette commission. Cela devient difficile d'établir un
ordre du jour à l'avance, mais on pourrait peut-être s'ajuster
à l'étude des crédits des différents
ministères, vu
que cela va commencer. Au lieu d'ajuster les séances de la
commission d'aujourd'hui, plutôt ajuster les crédits. Je pense que
ce serait plus facile. Parce que si on fait déplacer les gens... C'est
difficile dans certains cas de se rendre au parlement. J'ai
éprouvé de la difficulté ce matin. S'il y a des gens qui
ne sont pas encore partis de Montréal, ce serait le temps de les
avertir.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): J'aimerais porter certains
changements à l'attention des membres. M. Caron de Verdun remplace M.
Vézina de Montmorency; M. Dionne de Compton remplace M. Lacroix des
Iles-de-la-Madeleine; M. Brown de Brome remplace M. Lafrance de
Rivière-du-Loup.
J'inviterais le représentant de la Fédération des
services sociaux à la famille du Québec, M. Sarrazin, à se
présenter, s'il vous plaît. Je lui demanderais en même temps
de vous présenter les membres qui l'accompagnent.
Fédération des services sociaux à
la famille du Québec
M. CHARRON (Régis): M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission. Tout d'abord, je voudrais apporter une
correction. Le représentant de la fédération, c'est moi.
Je me présente, Régis Charron, membre du conseil d'administration
de la Fédération des services sociaux. Ici, à ma gauche,
M. Prud'homme, vice-président de la Fédération des
services sociaux, et les membres du comité, M. Florian Gaudreault, M.
Gilles Sabourin et M. Jacques Perreault, et M. Oscar D'Amour qui a agit comme
consultant auprès du comité qui a étudié le projet
de loi 65.
J'aimerais tout d'abord remercier la commission de bien vouloir nous
recevoir ici pour nous entendre.
La Fédération des services sociaux est un organisme qui
groupe 42 agences de services sociaux de la province. Dès le
dépôt du projet de loi 65, le conseil d'administration de la
fédération a créé un comité afin
d'étudier ce projet de loi et faire un rapport. Le. 11 décembre
1972, ce comité expédiait à toutes les agences de la
province un document de travail afin que lesdites agences puissent faire leurs
recommandations et soient consultées. Fort de ces recommandations et de
l'aide de certains experts, ce document a été
présenté au conseil d'administration de la
Fédération des services sociaux qui, le 16 janvier, l'a
accepté. Je pense que ce rapport contient certaines recommandations,
certains changements au projet de loi tel que présenté.
J'aimerais, à ce moment-ci, demander à M. Prud'homme, si cette
procédure est acceptée par la commission, de faire un
résumé en fait des recommandations de la Fédération
des services sociaux contenues dans le rapport qui a été produit
à la commission.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Procédez, M. Prud'homme.
M. PRUD'HOMME: Le rapport de la Fédération des services
sociaux représente trois volets. Le premier volet comprend des
recommandations générales, le deuxième volet, des
recommandations spécifiques, et la troisième partie couvre les
commentaires et les suggestions de la fédération par rapport
à chacun des articles du projet de loi déposé en Chambre
actuellement.
Chapitre I. La fédération a pensé qu'une loi de
protection de la jeunesse pourrait reposer sur une charte des droits de
l'enfant. Cela devient peut-être essentiel à l'heure actuelle,
étant donné qu'il y a déjà des
éléments de charte des droits de l'homme dans certaines lois
générales et qu'en ce qui concerne l'enfant, on n'y trouve
absolument rien dans la province de Québec.
Alors la fédération insiste énormément sur
une possibilité au moins d'engager un débat sur une
élaboration de charte des droits de l'enfant. C'est la première
recommandation de la fédération, lorsqu'elle demande une
déclaration officielle des droits de l'enfant visant à soutenir
toutes les lois se référant à l'enfance.
La fédération fait également des commentaires
à la fois sur la nécessité d'avoir des ressources pour
pouvoir soutenir les familles en difficulté et pour faciliter un
environnement favorable à la famille en vue de son développement
et, par le fait même, assurer et éviter que les enfants subissent
les conséquences sociales d'un environnement inadéquat et un
manque de ressources collectives ou communautaires en faveur de la famille.
La fédération souligne très brièvement que
la création de lois n'engage pas nécessairement la mise en place
de ressources. C'est pourquoi la fédération demande que le
développement des ressources à la famille et à l'enfance
devienne une priorité de l'Etat. La fédération poursuit,
en parlant d'égalité des droits des parents et des enfants, en
soulignant à la recommandation 3 que, dans une étape
ultérieure, on puisse s'engager dans la formation de tribunaux à
la famille et à l'enfance. Peut-être que la commission aura
avantage à examiner la loi présente qui permet peut-être,
malgré les difficultés constitutionnelles, de commencer à
s'engager dans certaines activités qui pourraient permettre
l'élaboration et la mise en place de tribunaux à la famille et
à l'enfance. La fédération poursuit en mentionnant que
l'application, la réalisation de la Loi de la protection à la
jeunesse devrait, ou doit relever du ministère des Affaires sociales
étant donné la longue habitude et l'expérience
déjà acquise dans le passé par le ministère des
Affaires sociales, étant donné également les lois
récentes du ministère des Affaires sociales qui s'engagent
à la fois dans une voie de restauration et de développement de
l'individu et des groupes. H serait donc logique que cette loi puisse
être rattachée à la responsabilité du
ministère des Affaires sociales.
Au chapitre 2, la fédération souligne, dans des
généralités, les pouvoirs du ministère des Affaires
sociales, en regard particulièrement de
la Loi sur les services de santé et les services sociaux et la
Loi sur les jeunes délinquants.
La fédération insiste, après avoir fait des
citations, sur le concept de protection. Pour la fédération, le
concept de protection, si on veut le résumer en quelques mots, englobe
les notions de prévention, de restauration sociale et de
développement. La fédération, dans son rapport, a
tenté de préciser les responsabilités du centre de
services sociaux, telles que prévues par la Loi de la santé et
des services sociaux, et la responsabilité du service de protection de
la jeunesse, telle que soumise dans le projet de loi.
Or, pour les services sociaux, la fédération croit que le
centre des services sociaux a la responsabilité de l'évaluation
et de l'expertise psycho-sociale, la prise en charge des cas de protection
sociale et également l'application de mesures de réadaptation et
de traitement psycho-social.
En ce qui concerne le service de protection, la fédération
croit que dès la réception ou l'examen sommaire c'est
l'expression que la fédération a employée, au lieu
d'analyse, parce que, si on se réfère au terme "analyse",
question technique dans le domaine des relations humaines, cela signifie une
étude très approfondie, envisageant divers aspects alors
la fédération croit que le service de protection, dès la
réception, procède à un examen sommaire ou à un
examen suffisant pour orienter le code de protection soit vers les ressources,
soit vers la cour.
La fédération, selon la recommandation V, croit que la Loi
des services de santé et des services sociaux permet d'engager des
contrats entre le Centre des services sociaux et le service de protection de la
jeunesse, contrats d'échange de services de personnel qui facilitent
à la fois la coordination et qui évitent le
dédoublement.
La fédération croit également que la probation
juvénible doit demeurer sous la responsabilité des Affaires
sociales, en ce sens que la fédération perçoit le
délit chez les jeunes comme une manifestation de problèmes
psycho-sociaux et qu'il est nécessaire également de
considérer le phénomène de manifestation de
problèmes psycho-sociaux dans une perspective globale en évitant
d'isoler l'enfant de son milieu familial et en analysant les interactions qui
peuvent se créer ou qui se sont créées entre l'enfant ou
les enfants et leur famille.
La fédération attache une importance particulière
à l'immunité de l'informateur. La fédération croit
que l'informateur devra pouvoir être protégé des
déclarations qu'il fait d'enfants à la fois maltraités,
abandonnés ou d'enfants laissés pour compte. A ce sujet, la
fédération suggère fortement et demande dans une
recommandation que le caractère confidentiel de la communication de
l'informateur soit préservé et garanti afin que l'on puisse
d'abord viser le bien de l'enfant au lieu de s'assurer de mettre en cause
l'informateur, pour lui éviter d'être le sujet de poursuites de
toutes sortes et également de difficultés dans son milieu
social.
Cela peut être difficile si c'est un voisin, si c'est un employeur
ou si c'est un employé, de dénoncer un enfant maltraité
avec qui le dénonciateur pourra avoir, par la suite, des contacts
réguliers, de mettre en cause l'avenir social de sa famille et
également le sien.
La fédération a jugé bon, sous le chapitre "droit
d'appel", de demander et de suggérer que, relativement à la
décision du directeur du service de probation, il puisse y avoir, non
pas un mécanisme d'appel parce qu'il y aura peut-être une
correction à faire dans le mémoire de la fédération
mais qu'il puisse y avoir un accès à la cour du Bien-Etre
social, dans le cas où le tuteur, le parent de l'enfant n'est pas
satisfait de la décision prise par le directeur du service de probation.
En ce sens, qu'il puisse y avoir une possibilité de revoir l'orientation
et la décision qui peut être prise.
En ce qui concerne le mécanisme d'appel d'un jugement de la cour
de Bien-Etre, la fédération a pris connaissance de la proposition
du Barreau sur la suggestion d'un procédé nouveau. La
fédération croit que c'est une suggestion intéressante
parmi d'autres et qu'elle pourrait être étudiée. Il y
aurait peut-être avantage à l'examiner pour voir quel
mécanisme il serait possible de mettre sur pied pour faciliter la
révision d'un jugement de la cour de Bien-Etre social. Par contre, la
fédération est consciente de l'implication de la mise sur pied
d'un nouveau mécanisme ou d'un mécanisme d'un semblant de cour
d'appel. Par contre aussi, elle se dit: Les instances supérieures n'ont
peut-être pas toutes les habilités psycho-sociales si vous
me permettez le terme pour pouvoir réviser un jugement et une
situation de cour sociale. Il y a un certain problème à
l'intérieur de cela.
La fédération croit également qu'il est
nécessaire qu'on puisse procéder à une
régionalisation du service de protection de la jeunesse et que cette
régionalisation puisse respecter la carte prévue pour
l'implantation des institutions, des établissements prévus
à la Loi des services de santé et des services sociaux. Il y a
énormément d'avantages à ce qu'on puisse diminuer le
nombre de territoires géographiques entre les institutions, cadres ou
ministères qui ont souvent à travailler dans un même
objectif. L'occasion se présente peut-être à la fois en
régionalisant le service de probation et en prévoyant les
territoires analogues à ceux que les règlements de la Loi des
services de santé et des services sociaux prévoient à cet
effet.
Je m'excuse, c'est "service de protection" qu'il faudrait entendre au
lieu de "service de probation" que j'ai mentionné jusqu'à il y a
quelques minutes.
Il y a également la question de tutelle. Ce problème, dans
le projet soumis, est fort incomplet. La fédération demande que
le législateur reconnaisse expressément au tuteur d'office toutes
les responsabilités, tous les droits parentaux inclus dans les concepts
anglais de "wardship and guardianship" en ce qui concer-
ne la tutelle à la personne. Il s'agit ici d'une question de
tutelle à la personne et non pas de tutelle aux biens, en ce sens que
cela pose un problème. En voici un exemple bien simple. A l'heure
actuelle, les institutions sont obligées, que ce soit le praticien, le
chef de service ou le directeur d'une institution, dans le cas d'une
intervention chirurgicale, d'accorder une permission écrite au corps
médical ou à l'Institution médicale.
Cela devient une responsabilité individuelle avec risque de
poursuite en prenant même la décision dans un contexte du code
civil, selon un bon père de famille. Mais de plus en plus, on remarque
et c'est le phénomène particulièrement dans le
domaine des services de santé, bien que cela débute
également dans le domaine des services sociaux que les parents ou
les tuteurs d'enfants ont tendance de plus en plus à poursuivre pour
toutes sortes de motifs les gens qui ont pris des décisions où
cela peut être parfois douteux à la vue du gardien. Il ne s'agit
pas d'empêcher cette mesure, mais je pense qu'il y a un minimum de
protection à appliquer lorsque cela a été fait de bonne
foi dans des circonstances urgentes et nécessaires pour le bien de
l'enfant.
Egalement, la fédération, dans ses recommandations
générales, poursuit en demandant qu'on puisse ajouter dans la Loi
de la protection de la jeunesse des dispositions prises par la cour du
Bien-être social, que dans tout cas d'hébergement obligatoire, le
centre de services sociaux puisse, s'il y a lieu, enjoindre les parents de
contribuer financièrement au placement de l'enfant en vertu de l'article
129 de la Loi des services de santé et des services sociaux. C'est pour
éviter déjà une complication et pour faciliter
également les parents qui peuvent contribuer à un placement,
à un déplacement d'enfant dans un milieu substitut familial, aux
frais occasionnés par cet acte.
La fédération, au chapitre 3, sur l'étude des
articles du projet de loi, recommande que les termes "tuteur d'office" et
"gardien" soient bien définis, qu'ils soient clairs. Qu'est-ce qu'on
entend par un tuteur d'office? Qu'est-ce qu'on entend par un gardien? Cela n'a
pas le même sens si on se place sous l'angle légal ou sous l'angle
social.
Et la fédération définit également le terme
"protection" et recommande que le terme "protection" soit bien défini
dans la loi en ce sens; la fédération suggère que le terme
"protection" soit défini comme un ensemble des mesures visant à
assurer le développement social de l'enfant, à prévenir
et/ou à restaurer des situations qui pourraient lui être
préjudiciables. C'est une définition suggérée par
la fédération dans son mémoire.
A la recommandation 14 qui est un commentaire à l'article 2 de la
loi, la fédération reconnaît et suggère que
l'article se lise ainsi : Le ministère des Affaires sociales, en
collaboration avec le ministère de la Justice, est chargé de
promouvoir l'intérêt supérieur des enfants. Il
reconnaît que l'enfant doit jouir notamment de tous les droits
ci-après énoncés. Ces droits doivent être reconnus
à tous les enfants sans distinction ou sans discrimination, quelle que
soit leur condition juridique. L'enfant a le droit de bénéficier
de conditions susceptibles de favoriser son développement sur le plan
physique, intellectuel, moral et social. L'enfant, physiquement, mentalement ou
socialement désavantagé, a le droit de recevoir le traitement,
l'éducation et les soins spéciaux que nécessite son
état ou sa situation. L'enfant a le droit d'être
protégé contre toute forme de négligence, de
cruauté ou d'exploitation.
Alors, on retrouve trois catégories de droits de l'enfant qui
peuvent peut-être servir également à un début de
l'élaboration d'une charte des droits de l'enfant avec trois
catégories d'enfants qu'on peut classifier selon des appellations
différentes.
A l'article 3, la fédération recommande que l'article soit
modifié, particulièrement à la troisième ligne. Je
lis l'article: "Tout acte ou toute décision en exécution de la
présente loi doit viser à faire respecter les droits
mentionnés à l'article précédent et favoriser le
maintien de l'enfant dans son milieu familial naturel chaque fois que ce milieu
peut faire face à ses obligations avec l'aide appropriée".
Les trois dernières lignes de la recommandation de la
fédération constituent la modification apportée,
particulièrement à cet article. La fédération
poursuit en faisant un commentaire sur le rôle de la cour à
l'effet que la cour doit tendre à faire procurer à l'enfant ce
que sa famille n'a pas pu, su ou voulu lui donner: les soins, la surveillance,
l'éducation et le reste.
La fédération poursuit à l'article 4 en
suggérant des modifications après les trois premiers mots de
l'article qui se lisent comme suit: "Toute personne majeure et la
fédération modifie l'article, suggère que l'article soit
modifié tout mineur qui se croit victime d'une situation
décrite en a, c et d ci-après, tout établissement ou
organisme d'intérêt public de la province et tout juge d'une cour
de justice" en ce sens que toute personne, connaissance ou organisme
puisse porter à l'attention de la cour de Bien-Etre ou au directeur du
service de la protection la situation d'un enfant en danger.
La fédération suggère également que l'on
utilise beaucoup plus le terme "abandon" que le terme "délaissement" ou
"mauvais traitement"; c'est un terme beaucoup plus large, beaucoup plus
familier dans l'ensemble.
La recommandation 18, je vais raccourcir, M. le Président,
peut-être, ou voulez-vous que je continue comme suit?
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Auriez-vous objection à nous
donner des points majeurs de certains articles parce qu'autrement on n'en
finira pas?
M. PRUD'HOMME: D'accord. Recomman-
dation 18. Je vais tout simplement résumer. Le caractère
confidentiel de l'informateur est formulé dans un article, comme nous
l'avons déjà mentionné dans une recommandation
générale. A la recommandation 22, il est suggéré
que lorsqu'une demande de protection est adressée directement à
un service social, le centre de service social puisse immédiatement,
comme il le fait couramment, procéder à une évaluation
sommaire et, si nécessaire, le référer à la cour ou
au service de protection, si nécessaire.
Un peu plus loi, la fédération poursuit en mentionnant la
nécessité d'expertises psychosociales de l'enfant. La
fédération, à la recommandation 30, demande que les
centres de services sociaux puissent être protégés contre
tout recours civil ou criminel lorsqu'il a fallu poser un acte de bonne foi et
selon une bonne conscience. Cela pose des problèmes s'il n'y a pas de
protection vis-à-vis des centres de services sociaux.
La fédération dans la recommandation 32, ici il y a
un addenda à ajouter au rapport serait favorable à ce que
tous les dossiers des enfants, lorsqu'ils atteignent l'âge de 18 ans,
puissent être détruits. Dans les faits, ce que nous constatons
assez souvent, même si la loi actuelle prévoit que le dossier
fabriqué à la cour de Bien-Etre social ne doit pas être une
entrave, ne doit pas être considéré comme un dossier
judiciaire, nous connaissons plusieurs situations du genre. Ainsi, un enfant
peut être refusé par exemple dans un corps municipal de police ou
de pompiers parce qu'il a déjà eu un dossier à la cour de
Bien-Etre social. Un enfant peut avoir des difficultés, à un
moment donné, lorsqu'il est majeur, à s'engager dans une
entreprise d'affaires parce qu'il a déjà eu un dossier à
la cour de Bien-Etre. Nous remarquons souvent que, malgré lui, parce que
c'est inscrit dans des fichiers généraux, quelque part, l'enfant
est victime d'une situation tout simplement pour un acte qui n'a pas
été nécessairement un délit criminel, mais tout
simplement l'acte d'un comportement social difficile.
La fédération serait également d'avis que la cour
de Bien-Etre social devrait avoir une compétence provinciale en ce sens
que, si un enfant déménage avec sa famille, il arrive qu'il faut
tout recommencer le processus dans une cour différente et ça
cause énormément de problèmes. Il y aurait avantage
à ce que la cour de Bien-Etre social puisse avoir une compétence
provinciale.
A la recommandation 33, la fédération suggère qu'il
soit ajouté à l'article 18 la phrase suivante et voici pourquoi:
Compte tenu de l'âge de l'enfant et des circonstances, il est
laissé à la discrétion de la cour d'expédier ou non
l'avis à l'enfant de décision qui a été rendue par
la cour. Ici, il y aurait peut-être avantage à ce qu'il puisse y
avoir concordance entre cet article et la Loi de la santé publique,
où il est dit que, considérant, par exemple, les situations de
maladie vénérienne, il peut arriver que l'avis ne soit pas
envoyé aux parents de l'enfant. Il y a eu également un jugement
de la cour Suprême auquel on peut se référer
là-dessus, la cause Stevenson-Florent, en 1925, page 546, où le
juge a établi qu'un enfant de 14 ans pouvait être
considéré, d'une certaine façon, comme un adulte à
certains moments, même si cela ne plaisait pas en 1925.
En ce qui concerne l'article 20, l'enquête à huis clos, la
fédération a indiqué dans son rapport: Aucun commentaire.
Depuis ce temps-là, la fédération a pu examiner la
question de plus près et elle croit qu'on devrait
particulièrement étudier le rapport Prévost, tome IV,
paragraphes 80 et 81, recommandation 31, la page 117, dans lequel il est
suggéré que cela puisse être ouvert, selon certaines
conditions, qu'il puisse y avoir audition devant les journalistes. Par contre,
la fédération croit qu'il est essentiel que l'anonymat complet de
l'enfant soit assuré. La fédération croit qu'il y aurait
l'avantage, par la présence des media d'information, de s'assurer si les
procédures sont bien suivies. Egalement, cela permettrait de
sensibiliser la population à des problèmes de la jeunesse.
A la recommandation 22, à l'effet de prendre connaissance du
rapport du directeur du service de protection, la fédération
croit que, dans les cas de protection, tous les rapports d'expertise sociale
devraient être remis à l'enfant ou à son procureur, que,
dans les cas de délinquance proprement dite, le rapport d'expertise
sociale ne soit pas remis à l'avocat ou à l'enfant
concerné, tout comme on le fait pour les cours Supérieures,
à l'effet que l'expertise sociale ne doit pas précéder la
décision d'une culpabilité ou d'une non-culpabilité. Le
rapport psycho-social devrait venir une fois qu'il y a eu jugement dans une
cour de Bien-être dans un cas de délinquance proprement dite. Dans
un cas de protection, étant donné que cela n'est pas un jugement
que la cour porte, mais plutôt une décision en faveur du
bien-être de l'enfant, la fédération est favorable à
ce que le rapport psycho-social soit remis à l'avocat.
En fait, cela résume les principaux points du rapport de la
Fédération des services sociaux, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Merci, M. Prud'homme. L'honorable
ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais d'abord remercier les
représentants de la Fédération des services sociaux
à la famille pour ce mémoire et l'esprit dans lequel il a
été fait. Je pense que c'est une excellente occasion de souligner
la collaboration étroite qu'apporte la fédération au
ministère dans bien des secteurs et j'espère qu'il en est de
même quant à la fédération, quant à l'aide
que nous essayons d'apporter sous diverses formes.
J'aimerais poser quelques questions. Le mémoire est clair, il est
bien charpenté et je pense bien que, dans la plupart des cas, il est
assez
facile d'identifier exactement ce que désire la
fédération.
Toutefois, en ce qui a trait au premier point que vous avez
soulevé, soit celui d'une charte des droits de l'enfant, si j'ai bien
compris, d'une part, vous croyez qu'il serait avantageux de procéder
à une mise à jour, à une amélioration des
dispositions de la Loi de la protection de la jeunesse et que la question d'une
charte des droits de l'enfant ne soit pas un préalable, étant
donné l'imprécision sur ce que pourrait contenir une telle
charte, à moins que vous ayez des suggestions plus précises
à faire. Est-ce bien cela qu'on doit retenir?
M. GAUDREAULT: L'idée de la recommandation de la
fédération, c'est que, considérant l'importance des droits
de l'enfant dans une société comme la nôtre, on devrait
s'attacher immédiatement à essayer de ramasser tout ce qui peut
exister comme législation touchant l'enfant et également de
former un comité représentant divers organismes qui s'attaquerait
à cette question et qui fournirait un rapport au gouvernement, à
la commission, ou à un organisme qui pourrait être mandaté
à cette fin, peut-être l'Office de la révision du code
civil, par exemple, étant donné l'importance de la question.
M. CASTONGUAY: Merci. En ce qui a trait au second point, vous avez
parlé des tribunaux familiaux, d'un tribunal de la famille.
Concrètement, en ce qui a trait à la protection de l'enfant
cet aspect purement et simplement lorsqu'on regarde l'article 23,
ce qui peut être pris comme mesure, on en fait une
énumération, est-ce que l'existence de tribunaux familiaux ou
d'un tribunal de la famille à votre avis permettrait que des mesures
d'un autre ordre soient prises qui, peut-être sur d'autres plans ou pour
d'autres individus en cause dans la famille, pourraient avoir un sens? Mais
pour l'enfant lui-même, aux fins de sa protection, que croyez-vous que
l'existence de tels tribunaux pourrait ajouter concrètement par rapport
aux mesures qui peuvent être prises vis-à-vis de l'enfant?
M. D'AMOURS: Je pense que, au niveau de l'idée des tribunaux
familiaux, il y a déjà énormément de
possibilités de regrouper autour de la cour du Bien-être social
les membres de la famille. Au niveau de la protection et de la
délinquance, par exemple, on peut protéger l'enfant en le sortant
de son milieu, mais on n'en arrive pas à régler une situation
familiale. On accorde peut-être une protection immédiate à
l'enfant, mais est-ce qu'on le protège contre... Le fait qu'il a droit
à une famille, et dans une perspective beaucoup plus globale de
protection de l'enfant, on pourrait toucher la famille, par exemple, demander
que les parents soient traités et vous assureriez quand même alors
une protection à l'enfant.
M. CHOQUETTE: Est-ce que je pourrais ajouter un commentaire, M. le
Président?
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre de la
Justice.
M. CHOQUETTE: Je pense que vous allez admettre avec moi que la
création d'un tribunal de la famille n'est tout simplement pas
réalisable à l'heure actuelle. C'est aussi simple que cela.
Evidemment, tout le monde est pour le principe. L'idée parait
intéressante sans aucun doute. Depuis peut-être 20 ou 25 ans, on
en parle. Il y a des obstacles majeurs à la réalisation d'une
telle institution à l'heure actuelle, obstacles on y a fait
allusion tout à l'heure sur le plan constitutionnel. Après
tout, dans la constitution, la cour Supérieure est consacrée
comme le tribunal de première instance et, par conséquent, elle a
à statuer sur tous les litiges entre parents au point de vue de mariage
et de divorce et au point de vue de séparation de corps.
Il me semble que ce serait le coeur d'une juridiction d'un futur
tribunal familial que celui de statuer sur les relations entre les époux
à l'intérieur du mariage. Actuellement, je ne vois pas de moyen
juridique de transférer la compétence en matière de
séparation de corps ou de divorce, en matière de garde des
enfants, en matière de pension alimentaire entre les conjoints ou
à l'égard des enfants, je ne vois pas de manière de
transférer cette compétence à la cour du Bien-Etre social.
C'est une chose totalement imposable. Parce que, constitutionnellement parlant,
le mariage et le divorce sont de juridiction fédérale, on le
sait. Même s'il y a encore des articles dans le code civil sur le mariage
et le divorce, ces articles datent de la législation qui était
antérieure à la Confédération et c'est comme
ça que ces articles sont demeurés dans le code civil. C'est un
aspect.
L'autre aspect est que le pénal et le civil, dans notre tradition
juridique, sont imperméables l'un à l'autre, sont distincts, ce
qui fait que les causes d'ordre pénal et criminel vont devant les
tribunaux qui ont une juridiction dans ce domaine tandis que les causes
civiles, c'est-à-dire qui traitent des relations des personnes dans la
cellule familiale, vont devant les tribunaux civils. Ce n'est pas du tout pour
mettre en cause votre désir que le système judiciaire soit
transformé. A ce point de vue, je suis avec vous, mais dans
l'état actuel des choses, cela me parait être un objectif
impossible à réaliser. Evidemment, avec certains changements, ce
serait possible. Je tiens à vous rappeler que l'Office de
révision du code civil travaille sur cette question des tribunaux
familiaux. Il y a même eu une conférence ici à
Québec il y a une semaine, entre tous les offices de révision des
lois des provinces canadiennes et du gouvernement fédéral et le
sujet qui était à l'étude était la question des
tribunaux familiaux. On a eu une discussion de deux jours sur la question. Je
ne dis pas ça pour vous rebuter dans l'énoncia-tion de cet
objectif mais pour dire simplement qu'au moment où nous sommes
appelés à légiférer actuellement et du moins pour
les
prochaines années, il faut tenir pour acquis qu'il est impossible
de réaliser ce regroupement sans des modifications d'ordre
constitutionnel et sans probablement d'autres transformations assez profondes
dans notre droit.
Deuxième chose que je voudrais signaler, c'est que vous nous
suggérez l'énonciation d'une charte des droits de l'enfant. Dans
ce domaine non plus, je n'ai pas d'objection à ce qu'on cherche à
réaliser cette énonciation des droits de l'enfant. Pourtant, je
vois tout de suite une première difficulté, c'est que la plupart
des droits civils actuellement sont énoncés dans le code civil et
on sait que le code civil fait l'objet d'une révision par l'Office de
révision du code civil. Il faut quand même laisser à cet
organisme le temps d'arriver à des conclusions en ce qui concerne les
droits à l'intérieur de la famille, par exemple,
l'autorité paternelle, la tutelle et tout cela. C'est déjà
une difficulté à laquelle il faut faire face de façon
réaliste dans le sens que, devant les problèmes actuels, les
problèmes sociaux, les problèmes de la famille, dans notre
société, il faut quand même donner à l'Office de
révision du code civil le temps de réfléchir suffisamment
et d'apporter, lorsqu'il le pourra, un projet qui pourra peut-être
redéfinir de façon plus moderne, plus contemporaine, les
relations à l'intérieur de la famille et tout cela. Je dis que
c'est déjà une première difficulté à
laquelle il faut faire face.
Une autre difficulté, dans le domaine de l'énonciation des
droits de l'enfant, c'est que, lorsqu'on parle de charte des droits, n'importe
quelle charte des droits, cela peut être une charte qui exprime
très généralement des droits. Je vois qu'à la page
26 de votre mémoire, vous avez retenu, au moins pour les deux premiers
alinéas, des énonciations plutôt d'ordre
général.
Mais cela s'apparente à ce genre d'énoncia-tion des
chartes de droits de l'homme que l'on trouve un peu dans le monde entier et
où l'on dit: Tout homme a droit au travail, tout homme a droit à
une vie honorable et relativement confortable, compte tenu des ressources
sociales existantes. Ce sont enfin des façons d'énoncer des
droits sociaux qui se défendent certainement mais qui n'ont pas toujours
un rapport immédiat avec la réalité et surtout qui ne
peuvent pas être sanctionnées par des tribunaux. C'est donc un
genre d'énonciation qui est plaisant, qui est agréable et
sympathique, qui est sûrement politiquement vendable et qui est
très acceptable dans la plupart des milieux, mais souvent cela ne
correspond pas à grand-chose quand on arrive dans l'action
concrète de tous les jours.
Donc, si vous avez en vue l'énonciation d'une charte des droits
de l'enfant qui serait beaucoup plus spécifique, par exemple, et
à ce point de vue, je retiens que votre troisième alinéa
est quand même une énonciation un peu plus précise, et, en
fait, personnellement j'abonde dans le sens de l'idée qui est
énoncée au paragraphe 3 dans le sens que je viens d'exprimer,
sans répudier du tout non plus les premier et deuxième
alinéas. Si on arrive justement à ce genre d'énonciation
plus précise des droits de l'enfant, à ce moment-là, je
pense qu'il faut se situer à l'intérieur du code civil et
là on se retrouve devant le problème que je signalais il y a
quelques instants, c'est-à-dire que, actuellement, notre code civil fait
l'objet d'un examen en profondeur. Sans aucun doute, il sera nécessaire
d'énoncer d'une nouvelle façon plus moderne et plus contemporaine
les droits des personnes à l'intérieur de la famille et
même les droits en général des citoyens, mais ce ne sont
pas des choses qui puissent être réalisées facilement et
aisément. Je voudrais donc, sans repousser du tout ce que vous avez dit,
quand même apporter ces tempéraments et vous les signaler parce
qu'ils empêchent, dans une certaine mesure, le législateur d'aller
aussi avant qu'il le voudrait dans l'état actuel des choses.
M. CHARRON (Régis): M. le ministre, relativement à la
question du tribunal familial, je pense que la fédération avait
conscience des problèmes que cause justement la création d'une
telle cour: problèmes constitutionnels, nouvelle juridiction
accordée à certaines cours. Mais la fédération
croit quand même qu'il est important de coordonner tous les
problèmes relativement à la famille parce que l'on se rend compte
de plus en plus avec la Loi sur le divorce, les questions de séparation
qu'à un moment donné, il y a un dédoublement, à
savoir que la cour du Bien-Etre ayant une compétence première sur
la question de l'enfant, il peut, et il arrive fort souvent que l'on soit
obligé, en s'adressant à la cour Supérieure, de faire
ensuite une demande de protection, de retourner à la cour du Bien-Etre
pour avoir la garde des enfants et ensuite de retourner à la cour
Supérieure pour la fixation, par exemple, de la pension alimentaire. On
se rend compte que, au niveau de la cour Supérieure actuelle, elle
exerce sa compétence d'une façon quasi exclusivement judiciaire
et oublie la dimension psycho-sociale. On pense que, par exemple, au moment
où il y a une séparation ou un divorce, la cour du Bien-Etre,
outillée comme elle l'est, pourra s'occuper de toute la dimension
secondaire de cette séparation relativement aux enfants et prendre la
décision la plus opportune. On sait que, évidemment, ce n'est pas
pour être fait du jour au lendemain. Vous avez dit, M. le ministre, que
tout le monde est d'accord pour le principe, mais on pense qu'il serait
peut-être temps de commencer à sonder, à exploiter
l'idée et entrevoir cette création de tribunaux familiaux comme
étant une hypothèse à réaliser peut-être dans
un laps de temps aussi court que possible.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Bourget.
M. LAURIN: Le ministre, dans ce qu'il vient de dire, il a encore fait
référence aux travaux de l'Office de révision du code
civil. Est-ce qu'il a
songé à la demande que nous lui avions faite, s'il lui
était possible de déposer un état même
préliminaire ou résumé des travaux de l'Office de
révision du code civil pour aider notre réflexion et notre
méditation lorsque viendra le temps de...?
M. CHOQUETTE: Je n'ai pas d'objection à donner suite à la
demande du député de Bourget et même, avec le consentement
de l'Office de révision du code civil, je n'aurai pas d'objection
à déposer le mémoire préparé par un des
comités de l'Office de révision du code civil sur la
création d'un tribunal de la famille, document qui était
d'ailleurs la base des discussions de cette réunion interprovinciale qui
a eu lieu récemment. Les travaux qui ont été faits sont
intéressants.
On pourra juger, à la lumière de ce mémoire, des
difficultés qu'il faut surmonter en vue de créer ce tribunal de
la famille.
M. LAURIN: Prochainement?
M. CHOQUETTE : Oui. Je voudrais évidemment avoir le consentement
de l'Office de révision du code civil, parce que vous comprenez que
l'Office de révision du code civil oeuvre dans de multiples domaines. Je
ne sais pas s'il va lui-même considérer que ses travaux sont
suffisamment à point pour être déposés publiquement.
Mais, je pense qu'on devrait comprendre que c'est un travail... Enfin, je l'ai
lu moi-même et j'ai trouvé qu'il était valable, qu'il
pouvait au moins faire l'objet d'une discussion intéressante.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre des Affaires
sociales.
M. CASTONGUAY: Sur un autre plan, M. le Président, j'avais
à toutes fins pratiques, deux dernières questions et un bref
commentaire. D'abord; en ce qui a trait à la régionalisation du
service de protection de la jeunesse, les officiers qui ont
rédigé le projet de loi disent que, à la façon dont
le texte est rédigé, rien n'empêche qu'une
régionalisation de ce service s'effectue dans les faits. Est-ce qu'il y
aurait lieu d'être plus précis dans la rédaction? C'est une
question, je pense bien, qu'il faut se poser; elle a été
soulignée par votre organisme et par plusieurs autres.
En ce qui a trait au service de probation, lorsqu'on étudie les
fonctions présentement remplies par les agents de probation de ce
service, on s'aperçoit qu'il y a un certain nombre de fonctions qui
débordent quelque peu le concept, disons plus étroit, de
probation. Comment voyez-vous, compte tenu de l'analyse que vous avez faite,
des propositions que vous avez faites, le rôle, dans l'avenir, du service
de probation, ses relations avec la cour? Pourquoi suggérez-vous, compte
tenu de ce rôle, qu'il soit relié au ministère des Affaires
sociales plutôt qu'au ministère de la Justice?
M. PRUD'HOMME: Si vous le permettez, M. le Président, un
collègue complétera tout probablement ce que je vais dire. Pour
la fédération, le service de probation a beaucoup plus un
rôle à la fois... D y a un article déjà dans la Loi
sur les jeunes délinquants qui dit que l'officier de probation a la
protection de tout officier public au même titre qu'un policier et qu'il
est également chargé de faire des enquêtes. Or, dans le
domaine des relations humaines, cela pose toujours un problème, quand il
y a une fonction à la fois d'enquêteur bien strict, genre
policier, et une autre fonction d'aide, où il est nécessaire
d'avoir un climat de confiance. Nécessairement, sauf pour la partie
où il est prévu qu'un juge peut avoir besoin de quelqu'un pour
une enquête bien précise, il peut arriver qu'il y ait
nécessité d'un service de probation.
M. CASTONGUAY: Est-ce qu'il n'y a pas, dans ce que vous dites, quelque
chose d'un peu contradictoire? Est-ce que c'est vraiment à un officier
de probation de faire l'enquête, d'obtenir les renseignements que le juge
voudrait avoir, surtout dans le contexte de la loi qui est devant nous? Est-ce
que ce n'est pas au service de protection de la jeunesse d'obtenir ces
renseignements?
M. PRUD'HOMME: Oui, c'est au service de protection de la jeunesse
d'obtenir le renseignement. Pour nous, fondamentalement, à la
fédération, nous croyons que le service de probation pourrait
disparaître et que la fonction pourrait être remplie par les
centres de services sociaux, en bref. En ce sens, toujours en se
référant, M. le ministre, à la définition que nous
avons donnée au délit, par exemple, qui est un acte, une
manifestation d'une difficulté dans le comportement ou d'attitude
psycho-sociale. Ce n'est vraiment pas la même chose qu'un officier de
probation pour la délinquance adulte. Il y a vraiment une
différence, pour nous, dans ce contexte. L'enfant a besoin de beaucoup
plus d'aide, a besoin d'une chance de repartir dans la vie plutôt que de
se restaurer sur le plan de la délinquance.
M. CASTONGUAY: D'accord. Mais est-ce que vous n'admettez pas toutefois
que, même si ce n'est pas l'approche première, qui doit être
prise, un certain nombre de jeunes de 15, 16, 17 ans sont des cas qui
révèlent davantage des caractéristiques de
délinquance?
Même s'il faut faire des efforts pour les réadapter, il
n'en demeure pas moins que certaines contraintes peuvent leur être
imposées, et alors, est-ce qu'un centre de services sociaux, ou une
agence de service social, est l'organisme le plus approprié pour
s'assurer que ces quelques contraintes qui pourraient leur être
imposées sont bien respectées?
M. PRUD'HOMME: Tout dépend de la qualité du personnel
qu'on y retrouve et les objectifs qu'il vise, parce que cela conditionne
énormé-
ment, quelle que soit la structure à ce moment-là. Si on
prend l'exemple à l'intérieur d'un centre de service social, qui
a un service de probation, avec des gens vraiment spécialisés en
la matière en plus de faire respecter les conditions, ils vont essayer
de poser des actes professionnels dans un contexte ou un environnement
d'autorité. Ce sont là des techniques en relations humaines qui
commencent à se développer de plus en plus. Par contre, si c'est
tout simplement pour se rapporter à quelqu'un pour dire: Cela va bien;
je me comporte bien; je n'ai pas commis d'autres délits; je n'ai pas
brisé de vitres; c'est plus que cela qu'il faut viser à l'heure
actuelle. Même si quelqu'un a un peu une tendance, il y a tout
probablement quelques cas vraiment exceptionnels, mais la
fédération croit qu'on devrait vraiment investir dans beaucoup de
recherches pour en arriver à pouvoir donner une chance à ces gens
même s'ils arrivent à l'âge adulte, à 18 ans,
d'après le code, à l'heure actuelle.
M. CHOQUETTE: Sur cette question de probation, il me semble que, en
réponse à la question de mon collègue, le ministre des
Affaires sociales, qui vous a un peu poussé dans le coin, vous avez
été amené à vider de tout sens la notion de
probation, pour vous retrancher devant cette conception, peut-être, qu'il
n'y a pas de délit possible de la part d'un mineur et que, par
conséquent, les mineurs, quels que soient leurs actes ou quelles que
soient leurs propensions, ne doivent jamais, en aucune circonstance, être
considérés comme ayant commis des délits ou susceptibles
de commettre des délits. Il me semble que c'est une notion
sûrement très généreuse, mais un peu gratuite devant
la réalité. Je trouve que ce n'est pas sous prétexte de
vouloir vider les actes des mineurs de tout contenu délictueux qu'on
puisse, en vertu de ce raisonnement, dire qu'on préconise l'abolition de
tout service de probation pour ce qui est des mineurs. Je trouve que c'est
aller très loin.
Au point de vue administratif, l'avantage de rattacher la probation au
ministère de la Justice est sûrement le rôle de la cour en
ce qui concerne les mineurs, d'une part. Deuxièmement, il y a
déjà des services de probation qui sont en voie d'être
érigés au ministère de la Justice pour les majeurs. Il y a
peut-être intérêt, tout en faisant en sorte qu'un esprit
différent prévale ou que le dosage soit un peu différent
quand la question concerne les majeurs et les mineurs, que les services de
probation aient quand même une certaine unité, une certaine
attitude commune. Cela évite des dédoublements de services dans
deux ministères différents. D'autant plus que la notion de
probation, quand on va réellement au fond des choses, n'est pas une
notion punitive puisque vous en voulez tellement aux notions punitives et
répressives et que cela vous fait tellement peur. La notion de probation
est justement la négation ou une tentative de réduire, autant que
possible, l'aspect punitif ou répressif pour faciliter la
réinsertion sociale de l'enfant, ou de l'adulte, dans son milieu.
Je trouve que votre raisonnement est assez intellectuel et ne correspond
pas tout à fait à la réalité.
M. CHARRON (Régis): Au niveau de la cour du Bien-Etre social, on
se rend compte que ce que l'on catalogue aujourd'hui comme délinquant,
je ne peux pas donner des chiffres précis dans 99 p.c. des
cas, le jeune qui commet une infraction, s'il vit dans un contexte familial et
social bien ordonné, l'enfant pourra commettre un délit, mais
rarement deux. Autrement dit, la famille s'occupe de récupérer
l'enfant et lui assure ce dont il a besoin. Alors que,
généralement, le jeune qui revient, qui refait des délits,
a toujours un problème au niveau de la famille, au niveau de son
contexte social.
C'est pourquoi, si l'on insiste c'est la grande distinction
sur le fait que, enfin de compte, il n'y a pas tellement de
différence entre la protection qu'on accorde à l'enfant en danger
et celui qui a posé un délit, la tendance est de dire : Celui qui
a posé un délit, il faudrait se demander tout de suite si
lui-même n'est pas en danger. Et ce n'est pas la raison pour laquelle il
pose un délit. A ce moment-là, selon l'importance qu'on donne
justement à l'un ou l'autre des aspects, on aura la tendance à se
rattacher soit aux Affaires sociales ou à la Justice.
M. CHOQUETTE: II me semble que ce sont des notions qui sont un peu
dépassées et qu'on devrait s'efforcer de dépasser. Je
crois que les problèmes qu'on a dans ce domaine-ci surgissent de
l'espèce de dichotomie qui s'est installée depuis peut-être
dix ou quinze ans au Québec entre le traitement donné au niveau
des institutions qui relèvent du ministère des Affaires sociales
et celui donné au niveau des institutions qui relèvent du
ministère de la Justice. On a deux compartiments. On a le compartiment
des Affaires sociales; c'est gentil, c'est sympathique, mon collègue en
est la vivante expression. Il n'y a rien à redouter de ces gens, pas du
tout; au contraire, ils vont seulement faire ce qui est bon et vont tenir
compte de l'aspect humain et tout cela. Remarquez, je pense bien que c'est
présent dans tous et chacun d'entre nous. Cela l'est même dans le
ministre de la Justice, aussi surprenant que ça puisse être au
premier abord. D'un autre côté, il y a le ministère de la
Justice qui est là avec la matraque, le bâton, la
répression, la punition. Cela est l'autre arme du gouvernement. Je crois
qu'il faut dépasser cela et c'est justement ce que le projet de loi a
peut-être, disons imparfaitement, tenté de faire, dans des
circonstances un peu difficiles à cause des contingences dans lesquelles
nous travaillons; c'est justement que nous essayons de faire, une espèce
de fusion de ces deux éléments très réels, de ces
deux aspects de la réalité et de la psychologie humaine qu'il
faut relier l'un à l'autre. On ne peut pas choisir l'un ou
l'autre. A mon sens, c'est erroné. Autant une vision strictement sociale
et humanitaire ne tient pas compte de la réalité absolue dans son
ensemble, autant une vision répressive et punitive n'en tient pas compte
non plus et je crois qu'il faut essayer de chercher comment l'action des deux
ministères peut se conjuguer. C'est cela qu'on a essayé de faire
dans ce projet de loi.
M. CHARRON (Régis): Je pense quand même qu'au niveau...
M. PERREAULT (Jacques): Je voudrais seulement ajouter un commentaire au
sujet de la probation. Je ne pense pas que la fédération veuille
vider la probation de son sens ou en changer la définition. Je pense que
la recommandation de la fédération situe la probation comme une
mesure d'aide ou de réadaptation psycho-sociale et elle dit que cela se
retrouve dans les fonctions des centres de services sociaux qui seront mis sur
pied bientôt. On dit que la responsabilité de la probation
située à l'intérieur des Affaires sociales ou des centres
de services sociaux permet, je pense, de la juxtaposer à
côté d'autres mesures qu'offriront les centres de services sociaux
comme le traitement familial ou d'autres types de services. C'est une mesure
parmi d'autres et, si toutes ces mesures sont regroupées à
l'intérieur du CSS, je pense que ça facilite le travail et
l'objectif de réhabilitation sociale.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, est-ce que je pourrais demander au
porte-parole de la Fédération des services sociaux s'il
désire obtenir une charte exclusive des droits de l'enfant ou s'il se
contenterait, dans une charte provinciale des droits de l'homme, qu'il y ait
certaines clauses relatives à la protection ou aux droits de
l'enfant?
M. CHARRON (Régis): La question est de savoir laquelle est la
plus efficace. Je pense qu'évidemment le projet de loi no 65 fait un pas
en avant de ce côté, relativement aux droits de' l'enfant.
Jusqu'à maintenant, je pense, dans les cours de justice, par exemple,
l'enfant, peu importe son âge, à partir du moment qu'il est
mineur, a des droits mais n'est pas entendu, n'a pas le droit d'être
entendu. Par exemple, dans le cas de divorce, de séparation de corps,
les juges sont très réticents pour entendre un enfant qui
pourrait manifester sa préférence pour tel ou tel parent.
A la cour du Bien-être, c'est la même chose, à
l'effet que s'il y a division...
M. PAUL: Si vous permettez, est-ce que, dans la Loi de l'adoption, il
n'est pas prévu que le juge doit ou du moins peut consulter l'enfant qui
sera adopté? Est-ce que vous voudriez qu'il y ait une telle mesure qui
soit généralisée dans toutes nos législations, qui
affecte directement ou indirectement l'enfant?
M. CHARRON (Régis): Oui. Je pense que, dans la Loi de l'adoption,
à partir de 10 ans, l'enfant peut être consulté. Dans les
autres cours, il y a également ce droit de consulter l'enfant si le juge
le permet. Vis-à-vis des parents, je pense qu'il y aurait quand
même une distinction à faire et, étant donné qu'il y
a une cour pour les enfants, je pense qu'il serait nécessaire qu'il y
ait une charte pour les enfants aussi. Si on voit la nécessité de
faire une cour exclusivement pour les enfants, nous pensons que les enfants ont
des droits particuliers qu'il faut inscrire dans une charte
particulière.
M. PAUL : J'espère que vous ne soutenez pas que nos juges de la
cour Supérieure chargés de régler les litiges familiaux
refusent de consulter les enfants, parce qu'assez souvent l'avocat de la
poursuite, du requérant ou de la demande ou de la défense va
faire entendre un enfant. Vous pouvez être assuré que le juge
tient compte des représentations, de l'opinion et quelquefois il
consulte l'enfant sur sa préférence ou son choix. Mais j'admets
cependant, comme vous, que ce n'est pas arrêté dans un texte de
loi qui, à ce moment-là, imposerait l'obligation au juge de
consulter l'enfant. Je le reconnais. Mais, à toutes fins utiles, il ne
faudrait pas conclure qu'il n'y a pas assez souvent de consultation entre,
d'une part l'enfant et ses parents qui se trouvent aux prises avec un
problème familial dont le juge doit disposer.
M. CHARRON (Régis): Oui, évidemment, mais il y a aussi le
problème de la forme de consultation de l'enfant. Si par exemple, on
consulte l'enfant et qu'il y a des mesures particulières à
prendre, l'enfant doit-il témoigner en présence de ses parents
pour opter pour l'un ou l'autre?
M. PAUL : C'est sur le mode de consultation...
M. CHARRON (Régis): Le mode de consultation pourrait être
inscrit aussi dans cette charte-là, parce qu'il y a des processus qui
seraient particuliers. Si on permet à l'enfant de témoigner
devant les parents, on annule en partie ce témoignage de l'enfant qui ne
voudra pas témoigner en leur présence. Et là on va
à l'encontre du droit commun qui fait que le témoin est entendu
devant les parties.
On aurait alors une mesure déjà exorbitante du droit
commun qui pourrait être inscrite dans une charte pour l'enfant et je
pense qu'on pourrait en trouver énormément d'autres en fouillant
la question. La question n'est pas simple, il faudrait s'y attarder et elle
serait assez longue à étudier, mais il y aurait une foule
d'implications qui pourraient justifier une charte particulière pour les
enfants.
M. PAUL: Dans un autre point de votre mémoire, qui est
très bien préparé, vous avez soulevé
l'opportunité et la nécessité de créer des
tribunaux familiaux. Je crois que le ministre de la Justice a fait le point sur
cette question et actuellement, constitutionnellement, il est impossible de
faire suite aux représentations que vous nous exposez ce matin et qui
ont déjà retenu l'attention de plusieurs hommes publics.
Est-ce qu'il y aurait possibilité de savoir pour quelle raison
vous souhaiteriez que la compétence de la cour du Bien-être social
soit étendue à toute la province plutôt qu'à un
district donné, avec l'expérience que vous avez des
problèmes des enfants?
M. D'AMOUR: II y a des situations particulières qui peuvent se
présenter et je voudrais en citer une, le cas d'un enfant qui est
maltraité. Il peut arriver qu'un enfant soit conduit dans un
hôpital et que le médecin constate que cet enfant-là est
vraiment maltraité. Cet hôpital porte le cas à l'attention
de la cour. Les parents, voyant cette situation, déménagent,
décident de s'en aller à 600 milles de Montréal. Qu'est-ce
qui arrive? Il faut recommencer complètement le dossier, reprendre la
cause devant cet autre tribunal.
Je pense qu'à l'heure actuelle, le fait que la cour de Bien-Etre
social ait une compétence au niveau d'un district, cela ne permet pas
une continuité, par exemple, cela ne permet pas de transférer le
dossier à cette autre cour. H faut reprendre toutes les
procédures.
M. PAUL: C'est une excellente suggestion, mais d'un autre
côté, il ne faut pas oublier que l'application de ce principe
chambarderait notre code civil qui prévoit que le mineur a son domicile
chez son père ou chez son tuteur. Alors, c'est peut-être en vertu
de ce principe qu'il nous faut retenir l'opportunité de traduire
à nouveau devant la cour de Bien-Etre social les parents ou l'enfant,
suivant les circonstances. Parce que le problème de la distance, j'en
conviens, doit être envisagé également dans ce transfert de
dossier à la nouvelle juridiction de la cour de Bien-Etre social par
suite du déménagement des parents et de l'enfant. Parce qu'il
faut tenir compte également du domicile. A moins que vous
suggériez...
M. D'AMOUR: Oui, cela ne change rien.
M. PAUL: ... que, pour les fins de cette loi, on mette de
côté le principe du domicile de l'enfant.
M. D'AMOUR: Je pense que cela ne change rien au terme de domicile si les
parents sont déménagés, sont rendus, par exemple, à
Rimouski.
M. PAUL: Bien oui, parce qu'au point de vue légal...
M. D'AMOUR: Si le domicile de l'enfant est là...
M.PAUL: ... supposons que c'est un individu qui part de
Trois-Rivières, que l'enfant a un dossier à la cour de Bien-Etre
social de Trois-Rivières. Si le père s'en va vivre à
Rimouski, l'enfant aura son domicile à Rimouski, comme le père
avait autrefois lui-même son domicile à Trois-Rivières.
Vous voudriez que le dossier de Trois-Rivières soit
transféré à Rimouski pour que le juge de la cour de
Bien-Etre social de ce district puisse en prendre connaissance. Vous voudriez
que le dossier suive l'enfant.
M. D'AMOUR: Oui. C'est un cas de protection, à ce moment...
M. PAUL: Oui.
M. D'AMOUR: ... qu'on explique. Oui.
M. PAUL: Une autre question. Est-ce que vous pourriez nous faire part de
l'impression qui marque un enfant venant en contact pour la première
fois avec la justice ou la cour de Bien-Etre social? Est-ce que vous avez
remarqué chez l'enfant une prise de position assez catégorique
contre la société, contre le système judiciaire, contre
ceux qui l'ont traduit devant la cour de Bien-Etre social? Est-ce qu'on
pourrait avoir un résumé du comportement d'un enfant qui vient en
contact pour la première fois avec l'expérience judiciaire?
M. CHARRON (Régis): Par expérience, je pense qu'au niveau
de la cour de Bien-Etre, les réactions de l'enfant sont
différentes. Si l'enfant est âgé de dix ans, la
réaction est différente de celle de celui qui est
âgé de 16 ou 17 ans. Celui qui a 16 ou 17 ans a l'impression de se
présenter dans une cour de justice comme, je pense, l'adulte se
présente au niveau de la cour des Sessions de la paix et qu'il craint
les mesures qui peuvent être prises contre lui. Mais pour l'enfant de
dix, onze ou douze ans, je pense que son attitude ou le sentiment qu'il aura
sera un peu comme s'il se présentait devant son directeur
d'école. A ce moment, il est bien évident que le juge est
très limité sur le plan des décisions quand il s'agit d'un
enfant de dix, onze ou douze ans.
Je pense qu'à mesure que l'enfant grandit, à mesure que le
juge peut prendre une décision qui l'affecte, il n'aura pas
nécessairement une attitude de crainte. Il peut aussi avoir une attitude
de confiance. Certains juges nous disent que les enfants les adoptent presque
comme leur père, c'est-à-dire qu'ils représentent
l'autorité parentale, un point c'est tout. Ils sont même fiers de
leur juge et ils sont fiers d'avoir un juge qui s'occupe d'eux. Je pense bien
qu'ici tous les gens ont des expériences à ce niveau qui
pourraient aussi...
M. PRUD'HOMME: II y a également cette
différence-ci, M. le Président. Si l'enfant
comparaît dans une cour, avec le juge en grande tenue vestimentaire ou
s'il comparaît dans son bureau, l'attitude du juge est vraiment
différente. Cela peut être bon, à un moment donné,
que l'enfant comparaisse devant une cour en présence du costume et de
tout le décorum nécessaire, mais je pense qu'il y a aussi
beaucoup d'autres occasions. Il y aurait avantage à ce que l'enfant
comparaisse dans un décor beaucoup moins cérémonieux,
c'est vraiment à l'avantage de l'enfant. Encore là, on devrait
peut-être investir un peu dans des recherches, pas nécessairement
trop longues, mais qui apporteraient quelque chose à tous les gens qui
ont à concourir au bien-être de l'enfance dans ce domaine. C'est
malheureux, des enfants sont vraiment trop jeunes pour entrer en contact avec
le décorum et tout le système, cela marque un enfant parfois.
M. PAUL: Vous seriez pour la théorie des jeunes avocats qui
veulent qu'il n'y ait plus de toges dans nos tribunaux.
M. PRUD'HOMME: Je les laisse répondre.
M. PAUL: Une dernière question, M. le Président. Je
voudrais demander aux membres de la Fédération des services
sociaux si, en résumé, leur réclamation concernant la
probation n'est pas la suivante: Vous voudriez que la probation juvénile
relève de la compétence exclusive du ministre des Affaires
sociales.
M. PRUD'HOMME: C'est ça.
M. PAUL: Vous n'avez pas l'air sûr?
M. PRUD'HOMME: Je voulais être certain.
M. PAUL: Vous êtes obligés de vous consulter.
M. PRUD'HOMME: C'est ça, en ce sens que nous ne l'avons pas
écrit aussi clairement dans notre rapport. Nous avons
réexaminé la question ces jours-ci. Nous nous sommes
demandé ce qui nous motivait à faire ça. C'est tout
simplement qu'il est beaucoup plus facile de prévenir d'autres actions
avec d'autres membres de la famille, d'agir également sur le
père, sur l'entourage. On a déjà, à
l'intérieur du réseau, des possibilités à
l'école. Ce sont là des situations qui peuvent prévenir
également d'autres situations. Il commence à y avoir
peut-être une première fois depuis longtemps, il n'y en a jamais
beaucoup eu... Nous voyons l'image de tentacules de ressources qui peuvent
vraiment travailler en collaboration, ou un réseau avec des
ramifications beaucoup plus coordonnées. C'est un début. Il y a
peut-être des situations qui pourraient être
déterminées, bien précises, quelque chose qu'il faudrait
utiliser peut-être pour des cas vraiment spéciaux à
l'endroit du service de probation d'adultes de la province.
Maintenant ce qui nous frappe, c'est que pour les adultes, il existe
tout de même, en gros, deux systèmes de probation. Au niveau
fédéral, il y a le service de probation, soit de
libération conditionnelle ou d'autres services; il y a également
des organismes privés ou parapublics qui offrent le service à
certaines catégories de gens. Le réseau est plus extensible pour
les adultes, alors qu'il est tout simplement unique pour les enfants.
M. PAUL: M. le Président, personnellement, je voudrais remercier
tous ceux qui, de près ou de loin, ont préparé le
mémoire très bien structuré qui dénote une
expérience des problèmes et du milieu. Ce mémoire nous
sera d'une grande utilité. Je crois que rien n'a été
négligé dans l'étude de tous les aspects de cette nouvelle
loi que l'on est invité à adopter. Je suis certain que la
contribution de la Fédération des services sociaux a
été très généreuse et très
appréciée. Surtout, elle sera fort utile dans l'orientation
définitive que nous aurons à prendre dans la passation de cette
loi.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, je vais essayer de toucher des choses
qui n'ont pas été particulièrement touchées. Vous
écrivez, dans votre mémoire, que l'administration de la Loi des
jeunes délinquants doit nécessairement relever d'un service
gouvernemental provincial. Actuellement, il faut être réaliste et
se dire qu'il y a un jeu de juridictions là-dedans. Je voudrais vous
demander si vous auriez un compromis valable, tenant compte de la
réalité, à proposer à la commission comme partage
des juridictions possibles actuellement entre le provincial et le
fédéral.
M. D'AMOUR: Je pense que, si on regarde la Loi des jeunes
délinquants, il est stipulé qu'un juge de la cour du Bien-Etre
social peut juger le cas d'un enfant suivant les statuts provinciaux si
l'enfant n'a pas commis un acte criminel.
Cela voudrait donc dire que la majorité des cas qui pourraient
être présentés à la cour du Bien-Etre social
pourraient être considérés comme des cas de protection.
Donc, une plus grande partie de ces cas pourrait être suivie par un
centre de services sociaux en matière de protection, si on accepte le
principe que la protection fait partie du réseau des centres de services
sociaux et que déjà il y a une organisation qui sera mise en
place. Je pense donc que la très grande majorité des cas pourrait
être suivie sur le plan approuvé par les organismes provinciaux et
jugée à partir de statuts provinciaux.
M. GUAY: Quel est le pourcentage, si vous l'avez, qui peut
présenter un aspect criminel, disons, parmi un certain nombre de cas, si
ce
n'est pas la majorité, car je pense que ce n'est pas la
majorité.
M. D'AMOUR: C'est la majorité, parce que vous avez au niveau du
droit criminel l'acte criminel que l'on poursuit par voie de mise en
accusation, vous avez l'infraction, qui est par conviction sommaire,
culpabilité, et puis vous avez évidemment le genre d'infraction,
un type de gestes qui sont considérés comme infraction, un autre
type de gestes qui sont considérés comme un acte criminel et un
autre genre de gestes qui sont à la fois, selon le choix de la
poursuite, poursuivis par voie de condition sommaire c'est-à-dire
considérés comme une infraction ou un acte criminel. Je pense que
la majorité des gestes qu'un enfant peut poser relèverait de
l'infraction plutôt que de l'acte criminel.
M. GUAY: Dans un autre ordre d'idées, croyez-vous que les
magistrats, les juges ont une préparation psychologique suffisante?
Est-ce que ces personnes sont bien préparées à porter un
jugement, même si l'on ne peut pas dire dans tous les cas, dans la
majorité?
M. D'AMOUR: Je pense que la fédération n'a pas fait ici,
de commentaires précis là-dessus; de toute façon, je pense
que, tout au long du rapport, elle a suffisamment insisté sur l'aspect
psycho-social pour que l'on puisse espérer qu'éventuellement un
juge de la cour du Bien-Etre ait les moyens de considérer cette
dimension avec compétence. Il reste à savoir les modalités
que l'on pourrait adopter. Je ne sais pas, il ne s'agit pas, par exemple, de
dire: Les avocats ou les travailleurs sociaux ont droit... mais il importe
quand même qu'un juge de la cour du Bien-Etre ait la possibilité,
par exemple, de se familiariser avec cette dimension psycho-sociale. Je pense
qu'il y aurait moyen d'établir des processus et je pense que tout
l'esprit du rapport est à l'effet que la dimension psycho-sociale est
très importante. On prétend donc qu'un juge de la cour du
Bien-Etre devrait être en mesure de l'apercevoir, la
considérer.
M. GUAY: Tout en étant parfaitement d'accord sur une charte des
droits de l'enfant, vous avez parlé des tribunaux familiaux. Est-ce que,
également, ces tribunaux de la famille auraient, dans bien des cas, je
pense, en connaissance de cause, pour but d'éviter qu'on ballotte
inutilement l'enfant? On se rend compte que, dans peut-être la
majorité des cas, c'est la victime qui est devant le juge, c'est la
victime qui, en fait, est ballottée. On aurait peut-être la chance
et j'aimerais avoir votre approbation là-dessus, au lieu de s'attaquer
à la victime, de s'attaquer plutôt aux vrais responsables de ce
qui arrive, d'une situation, par exemple.
M. D'AMOUR: D'abord, quand on parle de tribunaux familiaux il faut
considérer ce double aspect: l'aspect psycho-juridique d'une part, et
d'autre part, le droit que certains individus ont de mettre fin à un
contrat et, d'autre part aussi, à ce niveau, des enfants qui ne sont pas
les responsables de cette situation. Si on prend en considération ces
aspects, au niveau des tribunaux de la famille, on devrait pouvoir retrouver
cette approche de façon non pas nécessairement à
empêcher les gens de divorcer ou de se séparer, mais de faire en
sorte que cette brisure ne contribue pas à déséquilibrer
un enfant, par exemple, dans son développement et qu'il ne soit pas
considéré comme la monnaie d'échange.
L'enfant aurait probablement, dans un tribunal familial, la
possibilité d'être représenté par quelqu'un pour
qu'on représente ses intérêts et qu'on défende ses
droits, pour autant qu'on établisse une déclaration des droits de
l'enfant, face à cela, et qu'il soit considéré comme
entité, ne faisant pas partie de cette brisure de la cellule familiale.
Il y a des problèmes constitutionnels, mais il y a peut-être des
approches qui pourraient être mises de l'avant, compte tenu des lois qui
peuvent être de la compétence de la province.
M. GUAY: Est-ce que ces tribunaux familiaux pourraient s'occuper de
façon beaucoup plus entière, beaucoup plus globale de tout le
problème familial, ou moins pris partiellement comme c'est le cas
actuellement?
M. D'AMOUR: Oui. Pour décrire la situation qui existe à
l'heure actuelle je pense que plusieurs pourront en témoigner
l'un des conjoints peut aller à la cour Supérieure,
division des divorces ou séparations de corps, demander la
séparation et avoir la garde des enfants. D'autre part, le conjoint qui
ne l'a pas eue va aller à la cour de Bien-Etre et va obtenir la garde
des enfants suite au fait que le juge aura statué que cet enfant a
besoin de sa protection, et, en raison de sa discrétion, il pourrait
l'accorder à l'autre conjoint. Qu'est-ce qui arrive à ce
moment-là? On voit deux poids...
M. PAUL : Vous n'avez pas l'impression cependant que le juge de la cour
de Bien-Etre social, à un moment donné, est informé du
jugement déjà rendu par la cour Supérieure?
M. D'AMOUR: Oui, il peut être informé.
M. CHOQUETTE : II faut qu'il en soit informé. Ecoutez, les juges
de la cour de Bien-Etre social, quand il y a eu une cause de séparation
de corps ou une cause de divorce qui a accordé les enfants à un
conjoint ou à l'autre, prennent évidemment connaissance du
jugement. Ils n'agissent pas en vase clos.
M. CHARRON (Régis): Au niveau de la cour de Bien-Etre, il faut
établir la garde légale de l'enfant. A ce moment, la garde
légale a été accordée par jugement. Je pense que
l'avantage
du tribunal familial, ce serait, par exemple, d'avoir un éventail
de possibilités sur le plan de la décision qui n'existe pas en
cour Supérieure actuellement. Le choix du juge de la cour
Supérieure, à peu près, c'est de confier l'enfant à
l'un ou l'autre des conjoints de façon définitive. C'est tout.
Alors qu'au niveau de la cour de Bien-Etre, toutes les mesures possibles, dans
le but de protéger l'enfant, pourraient être prises. Actuellement,
le dossier se ferme à la cour Supérieure... Dès que les
enfants sont accordés, le dossier se ferme. Si on veut faire changer
cette décision, il faut faire des requêtes, autrement dit,
recommencer une nouvelle instance qui demande il y a quand même
l'assistance judiciaire qui arrive et qui corrige un peu mais
antérieurement qui demandait un investissement d'argent assez important.
Au niveau de la cour de Bien-Etre s'il se transforme, s'agrandit ou
grossit au point de devenir tribunal de la famille vous pourriez avoir
ce dossier ouvert qui fait que la situation changeante est
appréciée continuellement et qu'il y a plusieurs
possibilités dans la gamme des décisions qui, justement, auront
pour effet de protéger réellement l'enfant. Mais actuellement, je
ne pense pas que la cour Supérieure puisse protéger l'enfant.
Elle considère le droit des parents et juge ce problème comme un
problème civil, c'est-à-dire un contrat qui se défait
entre deux parties, et les enfants, à l'intérieur de tout
ça, sont considérés très accessoirement. En cour
Supérieure, ce sont les intérêts des parents qui sont
considérés et non pas l'intérêt de l'enfant, alors
qu'au niveau de la cour de Bien-Etre, qui deviendrait une cour familiale,
l'enfant est partie entière à l'instance, si vous voulez, de
séparation de corps ou de divorce, parce qu'il est directement
affecté par cette décision. Je pense que ce sera un peu l'esprit
dans lequel ce tribunal familial est demandé. Je répète
aussi que la fédération est consciente des problèmes que
cause l'installation d'une telle cour.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Bourget.
M. LAURIN: Vous souhaitez pouvoir appuyer la présente loi sur une
charte des droits de l'enfant.
Est-ce que, à votre connaissance, de pareilles chartes existent
dans certains pays et est-ce que votre fédération
elle-même, ou d'autres organismes du même genre ont commencé
à travailler à l'élaboration d'une pareille charte?
M. GAUDREAULT: De mémoire, je ne pourrais vous répondre
quant à d'autres provinces canadiennes. Ce que je me permets de
mentionner, c'est qu'il existe une charte des droits de l'enfant des Nations
Unies qui a été adoptée en 1959.
M. LAURIN: Est-ce que votre organisme a commencé à
travailler à l'élaboration d'une telle charte à la
lumière de celle qui existe aux Nations Unies? Est-ce que celle des
Nations Unies vous paraît assez complète et transposable telle
quelle au Québec?
M. GAUDREAULT: Nous croyons que la charte des Nations Unies aurait
besoin d'être ajourée en tenant compte de nouvelles valeurs, de
nouvelles attitudes de notre société québécoise.
Elle pourrait servir de base, possiblement, à certains travaux, ici,
pour le Québec, mais tout en étant ajourée. Il y a des
termes utilisés dans cette charte qui ne conviennent plus dans notre
société, qui ne représentent plus rien. H faudrait faire
un ajour complet de cette charte.
M. LAURIN: Mais il n'est pas, à votre connaissance, d'autres pays
qui ne possèdent actuellement une charte spécifique des droits de
l'enfant.
M. GAUDREAULT: II y a certains Etats américains qui
possèdent des chartes des droits de l'enfant à l'intérieur
de leur Etat. Je ne saurais avancer davantage sur cette question.
M. LAURIN: Est-ce que ces chartes, là où elles existent,
se heurtent aux difficultés que mentionnait tout à l'heure le
ministre de la Justice, c'est-à-dire qu'elles sont couchées en
termes trop généraux pour qu'elles puissent être
sanctionnables ou applicables donnant lieu à des sanctions ou
pénalités?
M. D'AMOUR: Sans pouvoir trop disserter, je sais que dans l'Etat de New
York, il y a un code du droit familial et, entre autres clauses, il en est une
qui dit ceci: Lorsque l'intérêt de l'enfant l'exige, des parents
peuvent être contraints à subir une évaluation
psychiatrique et même devoir résider dans une institution pendant
30 jours. On va assez loin lorsque l'intérêt de l'enfant l'exige.
Il y a déjà quelque chose dans ce code de l'Etat de New York.
M. LAURIN: Est-ce qu'on pourrait demander au ministre qu'il autorise les
officiers de son ministère à poursuivre ce début
d'enquête sur l'existence de chartes ailleurs? Et est-ce qu'il serait
possible de demander au ministre de nous faire parvenir une copie des chartes
qu'il pourrait trouver?
M. CHOQUETTE: Oui. Mais j'ai fortement l'impression que ce sont des
chartes très générales...
M. LAURIN: ... excepté l'exemple de celle de New York.
M. CHOQUETTE: Cela fait probablement partie des mesures annoncées
par le gouverneur Rockefeller, les mesures récentes en rapport avec la
drogue...
M. LAURIN: Oui.
M. CHOQUETTE: ... comme la condamnation à la prison à vie,
toutes ces choses.
M. LAURIN: Cela serait quand même intéressant de la
consulter et de ne pas préjuger de l'opinion qu'on pourrait avoir
à cet égard.
M. PAUL: Est-ce que le Dr Laurin me permettrait de poser une
sous-question?
M. LAURIN: Oui. Bien sûr.
M. PAUL: Est-ce que vous n'avez pas l'impression que votre
recommandation 14, qui parle justement d'une charte des droits de l'enfant, est
assez complète ou si, d'après vous on n'y retrouve pas, à
ce moment-ci, ou dans votre texte, tout ce qu'il faut pour la protection
complète, adéquate de l'enfant?
M. PRUD'HOMME: Je crois que la fédération aimerait
énormément qu'il puisse y avoir un travail d'entrepris,
justement, de précision. On a l'impression qu'il y a peut-être des
choses qui pourraient être couvertes beaucoup plus largement que cela
l'est ici présentement...
M. PAUL: ... ou précisées.
M. PRUD'HOMME: IL y aurait avantage vraiment à ce que cela puisse
s'entreprendre.
M. LAURIN: Ma deuxième question porte sur votre conception du
délit. Il est bien évident que presque tout votre mémoire
est inspiré, au fond, de la conception que vous vous faites du
délit et selon que le ministre de la Justice ou des Affaires sociales,
que le législateur l'accepte ou non, on acceptera ou non vos
recommandations. Vous dites que le délit chez les jeunes est une
manifestation de problèmes psychosociaux.
Diriez-vous que, chez les adultes, il n'est pas une manifestation de
problèmes psychosociaux? C'est ma première question. Et voici ma
deuxième question: Vous semblez implicitement apporter une distinction
entre l'aspect formel du délit, qui engendre évidemment l'aspect
pénal et l'aspect de sanction, et aussi un autre aspect qui,
celui-là, est plus global, c'est-à-dire qu'il est envisagé
sous l'angle de la conduite; une conduite qui est un processus, qui comprend
des motivations, qui comprend l'aspect formel également, qui comprend
des conséquences observables, qui comprend également des
processus de réadaptation ou de correction. J'aimerais que vous soyiez
plus explicite, d'abord sur la différence entre le délit chez les
jeunes et le délit chez les adultes, d'une part. Deuxièmement,
pourquoi, chez les jeunes, apportez-vous une importance moins grande à
l'aspect formel à l'intérieur de cette conception plus globale du
délit qui devrait comprendre les motivations aussi bien que les
conséquences?
M. CHARRON (Régis): C'est m'avancer beaucoup au niveau de mon
métier de vous répondre précisément sur cette
question. Quand vous parlez de faire une distinction entre le délit chez
l'adulte et le délit chez l'enfant, cela ne dénoterait-il pas
aussi chez l'adulte une mésadaptation, c'est-à-dire une faille au
niveau du contexte social, psychosocial? Pour ma part, je vous dirais que oui.
Je vous dirais aussi que la différence tient. Les raisons ou les causes
étant les mêmes, au niveau de l'adulte et de l'enfant, l'enfant a
quand même une structure je parle en psychiatre, il faut que je
fasse attention moins rigide. Je pense aussi qu'au niveau de l'enfant,
il y a quand même une possibilité de récupération
sur le plan thérapeutique plus grande que chez l'adulte. J'ajoute que,
chez l'adulte, en désespoir de cause, même si on conçoit
qu'il a posé un geste et qu'il est victime lui-même du geste qu'il
a posé, on doit le retirer de la société, étant
donné le fait qu'avec les ressources et les moyens qu'on a, on ne peut
pas faire davantage et que la société doit être
protégée. Mais, je pense bien, quant à moi, c'est mon
opinion je vais laisser les autres parler ici parce que la question est
d'importance, je penserais, dis-je, qu'au niveau de la cour du Bien-Etre,
l'accent doit être très fortement posé sur l'aspect de la
récupération et l'aspect de victime de l'enfant, victime de son
contexte, et que ce soit à ce niveau-là qu'il y ait quand
même une tentative la grande tentative de le
récupérer avant qu'il tombe dans les bras des Sessions de la
paix. A ce moment-là, il y aurait un cap précis à
passer.
M. CHOQUETTE: Je crois que vous bâtissez un tigre de papier, parce
qu'il ne va pas à la cour des Sessions de la paix.
M. CHARRON (Régis): C'est là que je fais la
différence. Au niveau de la cour du Bien-Etre social, l'effort devrait
être très grand sur le plan de la récupération et il
faudrait éviter autant que possible de conserver le délit et
d'avoir une attitude répressive au moins jusqu'à la
période de 18 ans. C'est là une distinction et c'est une coupure
arbitraire qui n'a sans doute pas raison d'être, mais ça provient
du fait que la cour de Bien-Etre a une juridiction jusqu'à 18 ans. Je
pense que je m'arrêterai là parce que je ne peux pas aller
beaucoup plus loin que ça sur la question, mais je pense aussi qu'ici il
y a des personnes, des spécialistes, des travailleurs sociaux qui
pourraient répondre plus amplement à cette question.
M. PRUD'HOMME: En bref, M. le Président, le jeune adulte, celui
âgé de moins de 18 ans, est tout de même en apprentissage
social, en apprentissage de sa liberté, de ses prises de
décisions, ainsi de suite, et, dans une période d'apprentissage,
il y a tout de même des erreurs qu'on tend à oublier en vue
d'être plus positif vers l'avenir.
Vis-à-vis de l'adulte, on se dit que les chances d'apprentissage
sont passées, qu'il est dans la période d'exécution et
nécessairement on ne peut pas avoir les mêmes attitudes
d'ensemble.
M. LAURIN: Que répondriez-vous à une critique qu'on
pourrait vous faire que vous réduisez ou amenuisez ou même
scotomisez l'aspect formel du délit dans la conception que vous venez
d'exposer?
M. PRUD'HOMME: Dans le danger vis-à-vis du délit que vient
d'exposer votre collègue, le délit n'a probablement pas les
même effets sur la société que l'ensemble vis-à-vis
des autres. Tout au moins les risques de mettre en danger les vies d'individus
ou la vie de la société sont tout probablement moins grands,
moins bien organisés que ça peut l'être vis-à-vis de
l'autre.
C'est pourquoi on a tendance à minimiser l'aspect de délit
et à accorder une plus grande importance à l'aspect de
protection, dans le sens qu'on l'a défini, afin de pouvoir miser
beaucoup plus sur les aspects positifs de l'ensemble d'un individu au lieu de
le marquer immédiatement dans une orientation.
M. LAURIN: Ma troisième question porterait sur le service de
probation. Il y a plusieurs questions qui vous ont été
posées jusqu'ici, je ne voudrais pas les répéter, mais
j'ai cru subodorer ou comprendre dans vos commentaires que vous n'étiez
guère satisfait de la fonction de probation telle qu'elle s'exerce
actuellement dans le cadre, non seulement des lois actuelles, mais dans le
cadre des fonctions telles qu'actuellement définies à ce moment
précis de l'évolution de notre contexte social. Lorsque, par
exemple, vous avez dit qu'il ne vous paraissait guère important qu'un
délinquant vienne se rapporter pour dire que cela va bien ou que cela va
mal, un autre de vos collègues a dit qu'il lui paraissait
nécessaire, non pas de faire disparaître la fonction de probation,
mais de la regrouper avec d'autres fonctions qui permettraient soit de la
tempérer, soit de l'insérer dans un contexte plus grand qui lui
donnerait une plus grande valeur. Ma question serait donc la suivante: Quelles
seraient les critiques que votre expérience vous a permis d'amasser en
ce qui concerne les fonctions de probation telles qu'elles sont actuellement
exercées? Quelles sont, d'abord, les lacunes ou carences que vous y
voyez et, deuxièmement, pour l'avenir, auriez-vous une définition
nouvelle à proposer?
M. PERREAULT (Jacques): Je ne pense pas qu'on ait voulu manifester une
insatisfaction de la fonction de probation telle que remplie jusqu'à
maintenant. J'ai l'impression d'abord que la fonction de probation telle que
remplie jusqu'à maintenant a été diluée parmi
d'autres fonctions, c'est-à-dire que les services de probation n'ont pas
pu s'attaquer directement aux... n'avoir que cette fonction. On leur en
confiait d'autres à côté et on donnait autant d'importance
aux autres. Je pense que c'est difficile de juger, à ce moment-ci,
comment la probation s'est faite. Est-ce que c'est bon? Est-ce que ce n'est pas
bon? J'ai l'impression que, compte tenu des responsabilités
dépassant la probation que les gens ont eues, ils auraient pu
difficilement faire mieux que ce qu'ils ont fait. Votre deuxième
question touche...
M. LAURIN: Juste avant que vous abordiez la deuxième, est-ce que
les difficultés que vous avez notées pourraient vous sembler
résulter du genre de formation que reçoivent les agents de
probation, du type de formation, de la longueur, du style de formation?
M. PERREAULT (Jacques): C'est-à-dire que les difficultés
que j'ai soulignées sont plus dues aux structures. Je dis plus,
peut-être que votre remarque joue aussi, mais je dis que ces
gens-là ont eu des responsabilités qui dépassaient des
responsabilités de probation.
M. LAURIN: Par exemple?
M. PERREAULT (Jacques): Par exemple, la responsabilité,
c'est-à-dire une responsabilité dans les cas de protection, pour
ne pas dire les responsabilités dans les cas de protection. Un exemple
plus précis, le placement d'enfants en foyer nourricier. A
Montréal, jusqu'à tout dernièrement, cela touchait quand
même plusieurs milliers d'enfants et, pendant que les officiers de
probation remplissaient cette fonction-là, ils ne faisaient pas de
probation avec les cas de jeunes délinquants. C'est pour cela que je dis
que les structures, autant sinon plus que ce que vous mentionnez, font
peut-être que nous sommes plus ou moins satisfaits de ce qui se
passe.
M. LAURIN: Et pour l'avenir, quelle serait pour vous la
définition que nous devrions faire de la probation?
M. PERREAULT (Jacques): La probation, nous la concevons comme une mesure
d'aide. A la suite de ce que M. Prud'homme disait tantôt, la probation
chez l'enfant, ou chez le jeune adulte, qui est en apprentissage, on l'a
considérée dans le passé et maintenant comme une mesure
d'aide. Ce n'est pas une modification de la définition, j'ai
l'impression que cette mesure-là est située à notre avis,
là où elle pourrait être le plus efficace,
c'est-à-dire à l'intérieur d'un réseau
d'établissements que nous sommes en train de mettre sur pied, en y
incluant les centres de services sociaux.
On situe la probation, qui est une mesure d'aide sociale, une mesure
d'aide dans un contexte d'autorité nouveau qu'on n'avait pas avant. Mais
je pense qu'on accepte ce contexte et qu'on est prêt à vivre
suivant ce contexte. Il
ne faut pas inclure cette mesure à l'intérieur du
réseau, à côté des autres mesures qui permettront de
traiter l'enfant en probation et son milieu familial dans le même centre
qui offrira une diversité de services.
M. LAURIN: Vous distingueriez donc entre l'aspect du traitement et
l'aspect de la probation d'une façon plus claire et vous distingueriez
entre l'action au niveau individuel et l'action au niveau familial.
M. PERREAULT (Jacques): C'est-à-dire l'aspect du traitement au
niveau de la probation. Je dis que la probation est une mesure d'aide mais que,
située en parallèle avec d'autres services, on pourrait
peut-être offrir ces autres services ou aider les autres membres du
milieu ou déceler des situations qui nous permettront de poser des
gestes de prévention face à d'autres enfants du même milieu
familial.
M. LAURIN: Parce qu'il reste que, dans le projet de loi, on parle de
probation, mais nulle part, on définit ce qu'est la probation.
M. PERREAULT (Jacques): Dans le projet de loi tel que
présenté, dans le bill 65, on parle peu de probation. C'est une
loi de protection. On ne parle de probation qu'à un ou deux endroits.
Mais la loi est beaucoup plus axée...
M. LAURIN: Mais c'est parce que c'est peu défini que je vous
demande à vous, les spécialistes, votre définition de la
probation. Surtout en matière juvénile.
M. CHARRON (Régis): Je pense que la probation n'a pas
été définie. Il y a peut-être une carence. Mais
c'est à partir de la conception que nous avons très peu
insisté sur l'aspect du délit comme sur l'aspect de la
protection. Il y a des difficultés sur ce plan, à savoir, au
niveau de la cour de Bien-Etre, quelle conception on doit avoir du délit
et, par conséquent, de la probation. Parce que je pense que la probation
fait suite au délit, elle ne fait pas suite à la protection
accordée.
M. LAURIN: Bien.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Est-ce que d'autres membres
désirent poser des questions? J'inviterais l'honorable ministre des
Affaires sociales à dire quelques mots.
M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier les membres de la
fédération pour ce mémoire. Avant peut-être
d'entendre, d'étudier le prochain mémoire, je reviens au
problème qui s'est posé concernant l'organisation de nos travaux.
Demain, il n'y aura pas la même difficulté qu'aujourd'hui. Alors,
nous pourrons siéger après la période de questions, demain
après-midi, et siéger demain matin, tel que convenu.
De la même façon, jeudi, nous pourrons siéger le
matin, l'après-midi, après la période de questions, et le
soir si c'est nécessaire. Je pense bien que ce matin, nous n'allons
pouvoir entendre qu'un autre mémoire. Je suggérerais de demander
au secrétaire des commissions de faire en sorte qu'il y ait un
déplacement pour demain et jeudi, de telle sorte qu'au lieu d'entendre,
au cours des trois jours, douze organismes ou mémoires, tel que nous
l'avions convenu, nous n'en étudiions que dix. Alors, nous lui
demanderions d'aviser les organismes pour que, tout en respectant l'ordre qui
avait été préétabli, on reporte les organismes de
cette façon-là.
M. LAURIN: Je vais consulter mon leader, mais, en principe, je n'ai pas
d'objection.
M.PAUL: ... nous nous sommes consultés tous les deux.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Je remercie les membres de la
Fédération des services sociaux à la famille du
Québec d'avoir répondu si gentiment aux questions posées
par les membres de la commission. Merci.
M. CHARRON (Régis): M. le Président, j'aimerais aussi
remercier MM. les ministres Cho-quette et Castonguay ainsi que les membres de
la commission de nous avoir entendus et permis d'exprimer notre point de vue
dans une atmosphère détendue. Merci.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): J'inviterais les représentants
du CICC.
Centre international de criminologie
comparée
MLLE PARIZEAU: M. le Président, Alice Parizeau. Je
représente un centre de recherches de l'Université de
Montréal. Je remercie la commission de m'avoir convoquée. Comme
c'est un centre de recherches, je risque d'être très
théorique. Je m'en excuse d'avance et comme je suis seule
représentante, je présume que je vais être relativement
brève. Tout d'abord, je voudrais dire un mot au sujet de la dichotomie
entre les deux ministères. Je ne veux pas en discuter, je veux juste
faire la remarque préliminaire.
Le centre Berthelet relève du ministère du Bien-Etre
social et de la Famille. Il a été construit en 1963. Comme j'ai
fait une enquête dans les pays étrangers pour le compte de la
commission Prévost sur les institutions pour les jeunes
délinquants ou enfants protégés, ce que j'ai pu constater,
et ce que j'ai d'ailleurs écrit dans mon rapport à la commission
Prévost, c'est que c'est un des pires centres de sa catégorie et
le plus ancien qu'on puisse voir en ce moment dans la majorité des pays
occidentaux. Par conséquent, il me semble difficile de discuter au
préalable afin de savoir lequel des deux ministères peut
être plus sévère en ce qui a trait au traitement de
l'enfance. Je pense que c'est une dichotomie parfaitement fausse qui s'accroche
uniquement aux termes "justice" ou "bien-être social". Mais, en fait, si
Berthelet peut relever du ministère du Bien-Etre social et avoir
été construit par ce ministère en 1963, je pense que c'est
une dichotomie qu'il ne vaut pas la peine de discuter.
Ce qui me semble beaucoup plus important, c'est de discuter de la
dichotomie législative. Nous avons, dans notre législation, deux
lois, dont une est fédérale et l'autre provinciale. La loi
fédérale, que tout le monde connaît, c'est la Loi des
jeunes délinquants et la loi provinciale est la loi qui relève de
l'autorité des provinces comme l'avait d'ailleurs souligné, dans
un article fort élaboré, monsieur le ministre des Affaires
sociales.
Si vous reprenez la loi fédérale... Parce qu'il faut quand
même le mentionner, le problème de la protection de l'enfance
demeure quand même, dans le contexte constitutionnel canadien, un
problème qui tombe entre les deux législations, comme la
majorité des problèmes que nous avons. Si on reprend la loi
fédérale, la Loi des jeunes délinquants, vous avez d'abord
une précision. La responsabilité criminelle et pénale des
enfants commence à l'âge de 7 ans, ce qui paraît sur le plan
psychologique, psychiatrique, social, absolument aberrant, un vestige du Moyen
Age, et deuxièmement, vous avez la définition, dans la Loi des
jeunes délinquants, de délinquance, dont nous avons parlé
au préalable, définition je m'excuse de ne pas citer le
texte qui dit, dans des termes un peu larges... On définit, comme
jeune délinquant, tout enfant qui s'est rendu coupable d'un
délit, d'une indécence, d'une incorrection, d'une
désobéissance ou de toute autre forme de comportement
apparentée ou assimilée.
C'est une définition qui ne correspond en rien au système
des valeurs qui existe dans notre société. Il n'y a aucun
système de valeur. En ce qui concerne la Loi de la protection, elle dit
que le juge est libre, d'après la loi provinciale, de choisir s'il
s'agit de juger un enfant sur le terme de délinquance ou sur l'article
15. Il me semble encore là, il faudrait faire appel aux juristes
qu'il suffirait de peu de changements sur le plan du texte
législatif de la Loi de la protection, telle qu'elle existe au niveau de
la province, pour pouvoir soustraire à la pression de la Loi des jeunes
délinquants tous les jeunes de moins de 14 ou 15 ans par exemple, en
établissant une dichotomie d'âge au lieu d'établir une
dichotomie de délit. En prenant une définition de délit
qui serait provinciale, elle peut fort bien être préparée
sur le plan strictement législatif. Si vous voulez, on joue sur le
concept législatif, mais c'est ainsi que ça peut fort bien se
faire. D'ailleurs, si on compare les statuts de la province de Québec
avec les statuts de la province de l'Ontario, on s'aperçoit que, dans
les statuts de la province de l'Ontario, on a introduit des changements assez
poussés qui permettent au juge de juger tous les jeunes de moins de 14
ans, pratiquement, de façon très concrète, en vertu de la
Loi de la protection en disant que le délit, en tant que tel, ne s'est
produit qu'en raison du fait que l'enfant n'avait pas la protection suffisante.
Cette dichotomie de deux législations fausse toute la conception de la
responsabilité sociale. Toute société est responsable
que nous ayons ou non la charte des droits de l'enfant de ses
jeunes à travers la famille ou directement si la famille est
inadéquate.
Cette dichotomie fausse toutes ces responsabilités parce que
finalement, juger un enfant de sept, huit ou neuf ans comme un
délinquant n'importe qui a pu commettre un délit
est un acte social dans le contexte d'une société moderne;
d'autant plus, je souligne que l'enfant de moins de quatorze ans
présente un danger très modéré pour la
société. Je me base sur la législation existante à
l'étranger, ce n'est pas une utopie. En Suède, la
responsabilité criminelle et pénale des enfants commence à
l'âge de quinze ans. Jusqu'à quinze ans, il ne peut y avoir que
traitement social. La limite a été remontée, en
Grande-Bretagne, récemment, à l'âge de treize ans. En
France, à douze ans. En Belgique, on a là-bas actuellement des
tendances où justement cette dichotomie protection et traitement formel
en vertu de la délinquance adopte de nouvelles lignes, de nouvelles
projections où on essaie de soustraire aux tribunaux un nombre de plus
en plus élevé de jeunes. Je ne discute pas du bien-fondé
de ces législations, je les cite en passant pour ne pas avoir l'air de
présenter un problème qui peut sembler utopi-que.
Première dimension: la responsabilité de la
société à l'égard des jeunes. Deuxième
dimension: la responsabilité du législateur.
En ce qui a trait à la responsabilité du
législateur la tendance générale qui se dessine est
extrême en Suède: pas de responsabilité jusqu'à
l'âge de quinze ans; elle est plus modérée en Belgique
responsabilité, oui, mais d'abord passage devant des
comités de protection, des services de protection. Il s'agit
d'organismes autonomes, de services autonomes de la justice qui entendent le
jeune et qui ne sont nullement obligés de le référer
devant un juge. Ils peuvent prendre toutes les décisions s'il y a accord
avec les parents, ou encore, s'il y a présomption que les parents sont
indignes. Il faut mentionner ici que dans le code belge inspiré
largement du code Napoléon, comme dans le code Napoléon, la
déchéance des parents est maintenue, ce qui n'existe pas dans
notre code criminel, soit la déchéance des droits des parents
à l'égard des enfants. Donc, dans cette tendance
générale qui se dessine, comme les services de protection
struturelle à l'échelle du pays, du canton, de la région
ou de la province, qui prend en charge tous les cas d'un certain âge, la
division ne se fait pas selon les
actes commis, mais selon l'âge de ceux qui les ont commis.
En premier lieu, quant au projet de loi 65, on a l'impression que c'est
une orientation que le législateur québécois a
été tenté à un moment d'adopter, en créant
un service de protection de la jeunesse, soit en instituant un ministère
de la Justice indépendant du ministère du Bien-Etre social,
service qui doit être créé; c'est l'article 5, section II,
seulement, c'est tellement imprécis qu'il est très difficile de
comprendre les véritables tendances du législateur.
J'ai donc relevé quelques imprécisions que je vous
soumets, M. le Président, article 5, section II: Un service de
protection de la jeunesse est institué au ministère de la
Justice. Ce service est formé du directeur et des travailleurs sociaux,
psychiatres, psychologues, avocats ou autres fonctionnaires jugés
nécessaires. Il est formé donc, à un moment donné,
j'imagine, par le ministre. Ce n'est pas précisé.
Deuxième dimension: Les pouvoirs de ce service ne sont pas
précisés du tout. Section II, article 7 et suivants: Pourvoirs et
responsabilités du directeur ainsi que les délais dans la limite
desquels il doit agir. Je conçois qu'il est difficile de mettre des
délais dans la législation de ce type. N'empêche que, de
l'autre côté des termes légaux, il y a des jeunes. Si l'on
retrouve au Centre Saint-Vallier des jeunes qui y sont depuis un ou deux ans,
tandis que dans les statuts du Centre Saint-Vallier il est
précisé qu'ils ne doivent y rester que le minimum de temps requis
et ainsi de suite vous connaissez aussi bien que moi le texte, je ne
veux pas vous ennuyer avec ce texte c'est que justement les
législations ne sont pas assez précises ou encore, pas
suffisamment appliquées. Dans la législation suédoise, il
y a des précisions de plus en plus draconiennes. On vous dit: Dans les
48 heures, dans trois semaines, dans les 21 jours à compter du... Dans
ce projet de loi, aucune précision en ce qui a trait au temps.
Les articles 12 et suivants, section III. L'article 12 dit:
"L'obligation de services sociaux de prendre des mesures nécessaires..."
Là aussi, il n'y a aucune précision. On prend les mesures
nécessaires évidemment. C'est évident que tout service
prend les mesures nécessaires, mais il n'y a pas de précision en
ce qui concerne les services, les centres sociaux. On sait bien qu'ils sont
insuffisants. Selon les définitions de ces centres, qu'est-ce que
ça doit être un centre? Les statuts du centre Berthelet, pour
revenir à celui-là, sont précis et imprécis
à la fois. On dit: Recevoir pour trois mois des jeunes ayant commis des
délits et jugés comme tels. Théoriquement, ce doivent
être des jeunes ayant commis des délits graves. On peut toujours
discuter de la définition du délit grave. Il n'en reste pas moins
que, quand il n'y a pas de place ailleurs, rien ne nous garantit qu'un jeune
qui n'a pas commis de délit grave dans le sens formel et informel
de ce terme ne se retrou- vera pas au centre Berthelet. Donc, la loi ne
précise rien à cet égard. D'ailleurs, la loi c'est
ça qui me fait réfléchir sur la tendance
générale, k pensée philosophique du législateur qui
a élaboré ce projet de loi est là-bas en même
temps un service spécial de protection qu'on nous annonce au
début. Mais ensuite, dans l'article 16, on nous dit que la cour peut
ordonner d'office au directeur de lui transmettre tout dossier ou document
relatif à une affaire dont elle est saisie. Cela veut dire que le
service du directeur est totalement et entièrement soumis au judiciaire.
Or, dans le contexte belge, on a élaboré un service similaire et
c'est un service indépendant. On peut demander au directeur des
communications éventuelles, mais le directeur a tous les pouvoirs de ne
pas communiquer le dossier ou de communiquer uniquement les parties du dossier
qui lui paraissent pertinentes à la cause, parce qu'il a une autonomie,
une protection sociale, si vous voulez, par rapport au judiciaire.
Je soulève d'autres imprécisions. Article 17. La cour peut
siéger à toute heure, à tout endroit du Québec. Ce
problème, de la façon que la cour siège, relève
théoriquement, dans notre système de procédure, du juge en
chef. Seulement, comme vous le savez, tous les juristes le savent, les pouvoirs
réels et concrets du juge en chef sont assez limités. Si les
juges de la cour de Bien-Etre social ne peuvent pas siéger à
certaines heures, le juge en chef n'a pas de pouvoir exécutoire de les
obliger à le faire. Là encore, le problème qui en
découle est que vous avez des jeunes qui sont au centre Saint-Vallier
enfin qui y étaient pendant longtemps qui attendaient
tranquillement leur tour. 0 me semble que dans l'article 17, il serait logique
de mettre : La cour doit siéger à telle et telle heure ou avoir
telle permanence. Puisqu'on parle de la protection de l'enfance, puisque cette
protection relève de la cour, cela me semble important.
Quant aux articles 26 et 28, ils se rattachent pour moi à ce
qu'on discutait tout à l'heure, en ce qui a trait aux droits de
l'enfance. Dans nos sociétés, parmi ces droits de l'enfance qui
pourraient fort bien figurer dans la charte des droits de l'enfance, il y a le
droit à l'éducation pleine et entière, obligatoire
jusqu'à l'âge de 16 ou 18 ans, variable selon les pays et à
partir de l'âge de 7 ans, variable également selon les pays. Il me
semble que, dans l'article 26 et dans l'article 28, il faudrait avoir des
précisions et des précisions sérieuses parce qu'on sait
que, dans les institutions, les enfants ne suivent pas l'éducation
scolaire. C'est ça l'absurdité de notre système. Le
système prend en charge l'enfant pour le protéger, le met
à Saint-Vallier. Il est donc protégé de sa famille par la
société qui le garde à Saint-Vallier, mais son droit
à l'éducation n'est pas exercé par la
société, puisque l'éducation à Saint-Vallier
était assurée tant que ça fonctionnait à
pleine capacité par un représentant de la commission
scolaire
catholique de la ville de Montréal et par un représentant
de la commission scolaire protestante de la ville de Montréal qui y
venaient le matin, y passaient deux heures et voyaient les enfants qui
voulaient bien les voir ou qu'ils arrivaient à rencontrer. Mais ces
enfants, quand ils sortaient de Saint-Vallier, avaient perdu de six mois
à un an de période scolaire. Ils se trouvaient
complètement déphasés.
Alors, si nous avons une obligation scolaire, nous assurons en tant que
société le droit de remplir cette obligation scolaire, ce qui
n'est pas du tout fait dans les institutions.
On nous dit que l'enfant doit rester dans l'institution jusqu'à
la fin de l'année scolaire, s'il y consent. Permettez-moi de
préciser ici que je vois mal un enfant qui est en institution et qui est
heureux d'y être, parce qu'en somme on est rarement heureux d'être
dans une institution, même si elle est excellente; qui, de son propre
consentement, accepterait d'y rester au-delà de la limite
déjà imposée par le juge et qui lui a plu plus ou moins?
Il me semble que le législateur, logiquement, devrait mentionner : "...
et l'institution doit s'assurer que l'enfant suivra des cours dans une
commission scolaire, compte tenu d'ententes préalables, d'arrangements
préalables."
Ceci en ce qui concerne la responsabilité du législateur
à l'égard de l'enfant. Une deuxième dimension de la
responsabilité du législateur à l'égard de l'enfant
est la responsabilité à l'égard de la famille. Dans la
tradition québécoise, la famille et singulièrement le
père est souvent souverain et a toutes les responsabilités
à l'égard de l'enfance et tous les droits. L'autorité du
père n'est pas remise en question dans nos lois, ni dans le code
criminel, ni dans les statuts provinciaux, qui ne précisent dans la Loi
de protection qu'une amende de $500 ou $1,000 avant, faute de paiement de telle
amende, un an de prison, ou maximum deux ans. De toute façon, les cours
de Bien-être social ne peuvent pas imposer plus que deux ans de prison,
comme vous le savez, et c'est bien difficile à la cour du
Bien-être social d'imposer deux peines concurrentes. De toute
façon, le maximum est de deux ans. Il est très rarement
appliqué.
Or, la dimension de l'autorité des parents, des
responsabilités des parents, est soumise dans la société
d'aujourd'hui à deux sortes de pressions, une que je qualifierais de
sociale, difficultés d'éducation de l'enfance dans un cadre
urbain, et dans les conditions de vie que nous avons tous dans les cadres
urbains, et la deuxième dimension: cruauté, bêtise,
bestialité des parents, des adultes ce sont des
phénomènes tristes, mais ils existent à
l'égard de l'enfance.
Nous ne contrôlons en tant que société, à mon
sens, je vous le soumets ici, ni la dimension sociale, ni la dimension
législative. La dimension sociale d'aide à la famille peut
être précisée si on revient à la charte des droits
de l'enfant, en termes d'aide médicale à la famille, aide
pré-éducative à la famille et aide socio-culturelle
à la famille. Je vais les reprendre brièvement.
Aide médicale à la famille. Nous avons actuellement le
service des soins médicaux gratuits. Nous n'avons cependant aucune
vérification de l'état de santé des jeunes dans les
écoles. Je ne parle même pas de l'époque
préscolaire, c'est-à-dire jusqu'à l'âge de sept ans.
Je présente le problème à partir de l'âge de sept
ans. Normalement, on pourrait fort bien concevoir un service d'examens
obligatoires annuels comme cela existe dans les pays occidentaux: France,
Grande-Bretagne, Suède. On pourrait concevoir un certain service social
qui relèverait évidemment de la législation du
ministère des Affaires sociales reliée à ces
contrôles médicaux avec vérification du traitement qui a
été exécuté ou non par la famille parce que, fort
souvent, le traitement est prescrit par le médecin et non
exécuté par la famille, faute de temps, d'intérêt,
d'argent ou de moyens, pour des difficultés ou autres raisons, et la
non-exécution de ces services médicaux est responsable de
beaucoup de troubles de croissance. Nous avons même des rapports de
médecins qui ont paru l'année dernière à
Montréal sur les problèmes des maladies diverses existant en
milieu scolaire, sous-alimentation, etc. Donc, ces contrôles qui seraient
une aide à la famille n'existent pas dans notre société,
dans le système scolaire.
En ce qui concerne l'aide socio-culturelle, au niveau du système
préscolaire, cela n'existe pas non plus, ce qui m'amène à
dire que, si on doit élaborer une charte des droits de l'enfance, il
faudrait qu'elle soit élaborée en collaboration avec le
ministère de l'Education qui, en somme, est le premier concerné.
Parmi ces droits, il y a singulièrement celui de la préparation
au système scolaire, faute de quelle préparation nous avons des
inégalités sociales qui sont aussi graves que les
inégalités économiques proprement dites.
Tous les juges des enfants le savent, la majorité des jeunes
délinquants, je veux dire 99 p.c, sont des jeunes qui n'ont pas pu
compléter leurs études dans des conditions normales, passage
d'une classe à l'autre ou d'un cycle à l'autre difficile,
impossible, parce qu'ils sont arrivés handicapés à la
première classe de l'école primaire à cause d'un milieu
familial qui n'a pas pu remplir son rôle de première
formation.
Troisième dimension, que j'appellerais aide socio-culturelle: Les
jeunes dans les milieux non seulement défavorisés, mais dans les
milieux des classes moyennes n'ont pas à leur disposition de vacances
organisées, de fins de semaine organisées, etc., enfin, tous ces
services sociaux rattachés au système scolaire qui existent dans
la majorité des pays occidentaux en ce moment-ci.
Donc, la dimension, attitude du législateur à
l'égard des parents et d'autres, d'une part, est strictement
sociale-éducative. Evidemment, comme me le disait tout à l'heure
le ministre de
la Justice, c'est difficile de le préciser en termes de
législation concrète, mais cela peut fort bien être
conçu en termes de règlement scolaire qui relèverait du
ministère de l'Education et, en deuxième lieu, la dimension
législative. Ici, je reviens au projet de loi, article 34,
pénalité: $500. Il me semble que, compte tenu de
dégâts que les parents peuvent faire à l'égard d'un
être jeune, c'est très faible. Je voudrais mentionner ici un
exemple concret. Le placement, tel qu'il se fait actuellement, qui peut
être ordonné par la cour, d'un mineur protégé, peut
être fait dans un foyer nourricier, un foyer de substitution, dans une
institution, ou retour au foyer avec l'assistance d'un officier de
probation.
D y a des cas de jeunes qui je pense que les travailleurs sociaux
ici présents sont bien placés pour le savoir passent en un
an dans 25 foyers nourriciers. Ds sont envoyés de partout, non pas parce
que ce sont des jeunes particulièrement difficiles. D'ailleurs, il
faudrait faire intervenir ici la variable d'âge.
Généralement, les foyers nourriciers prennent surtout les jeunes
de moins de dix et douze ans. Donc, ce ne sont pas des jeunes tellement
dangereux; ils peuvent être fatigants, embêtants, mais pas
tellement dangereux pour la société, pour le foyer nourricier.
Mais ils sont souvent molestés et ils font l'objet d'interventions
indues de la famille qui ne le fait pas toujours par amour de l'enfant, mais
souvent par intérêt en raison des allocations familiales qu'elle
veut récupérer. Les foyers de substitution, étant ni
organisés, ni planifiés, ne peuvent pas supporter ces pressions
et renvoient l'enfant au centre Saint-Vallier. L'enfant repasse devant le juge,
il y a un autre placement. Dans l'intérêt social, on cherche un
autre foyer nourricier.
Donc, il me semble qu'en élaborant l'article concernant la
responsabilité des parents, sans aller jusqu'à la
déchéance des droits dans le code criminel qui ne relève
pas de l'autorité provinciale, article 34, il faudrait quand même
prévoir des sanctions un peu plus sévères d'autant
plus que l'amende de $500 n'est jamais exécutée, en pratique
et réviser cette loi. Je vous remercie, M. le Président.
Je pense que j'ai fini.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le ministre des Affaires
sociales.
M. CASTONGUAY: Je voudrais vous remercier, madame, pour ce
mémoire que vous nous avez présenté et également
surtout pour tous les commentaires dont vous l'avez assorti. J'aimerais,
plutôt que de poser des questions, faire certains commentaires. Je pense
qu'il y a peut-être intérêt de les faire à ce
moment-ci, aussi bien pour l'information des membres de la commission que pour
possiblement situer davantage certaines des questions que vous avez
soulevées.
Lorsque vous parlez du statut des centres, si on se réfère
à la loi 65, nous avons voulu par cette loi, et particulièrement
par le pouvoir réglementaire, pouvoir faire en sorte que les conditions
d'admission, les conditions de séjour, etc., soient
précisées. Jusqu'à maintenant, la plupart des centres
avaient un statut qui leur provenait du passé et, malgré les
efforts faits par le ministère, même avant que j'arrive, le
ministère n'avait, à toutes fins pratiques, aucune
possibilité, compte tenu du statut privé dont se réclamait
la plupart de ces centres, de modifier leur charte ou encore leurs
règlements internes.
Nous avons donc voulu corriger cette situation par le projet de loi 65
et c'est la raison pour laquelle, présentement, nous effectuons une
recherche. J'y ai fait allusion plus tôt ce matin pour avoir un portrait
aussi exact que possible des conditions d'admission qui sont dans les
règlements de ces centres et aussi des autres règlements qui
pourraient toucher aux conditions de séjour, et, par le pouvoir
réglementaire que nous avons maintenant, pour pouvoir les modifier.
Lorsque je parle des conditions de séjour, je parle évidemment
aussi des autres aspects qui touchent les activités à
l'intérieur, éducatives et autres.
Je crois, également, qu'il est assez important de mentionner
qu'à mon avis, le centre Berthelet et le centre Saint-Vallier, et
particulièrement au moment où vous avez fait votre enquête
par rapport à la situation actuelle, ne sont pas représentatifs,
heureusement, de l'ensemble des établissements dans ce secteur.
Même, dans ces deux centres, je serais porté à croire qu'il
y a eu, heureusement, amélioration depuis. En ce qui a trait, par
exemple, aux activités scolaires, les membres de la commission ont
visité deux établissements jusqu'à maintenant, et ils ont
constaté que ces deux établissements font tout , en leur possible
pour que les enfants qui y séjournent suivent les activités
scolaires régulières, conformes à leurs aptitudes,
à leur âge, à leurs capacités, et ceci, dans le
réseau public d'éducation. Seulement ceux qui ont des
problèmes vraiment aigus d'adaptation sont sujets à des
activités scolaires au sein de ces établissements. Ceci, dans le
but de les préparer à intégrer le réseau public. Je
sais, par contre, qu'au centre Berthelet j'y suis allé encore
assez récemment ce type d'approche n'est pas utilisé.
Est-ce que les arguments qu'on nous présente sont valables? C'est assez
difficile de le juger pour le moment et c'est pourquoi je crois qu'il est
nécessaire d'aller un peu plus loin. On nous dit que c'est le centre qui
recueille les cas les plus difficiles, que les stages sont très courts
dans un certain nombre de cas. De toute façon, on fait état de
difficultés comme celles-là. Face à ce genre de
difficultés, j'ai eu l'occasion de voir, dans un autre centre qui
accueille des enfants pour des périodes très courtes aussi ou des
périodes variables, un système aussi approprié, je pense,
qu'il est possible d'en avoir un. C'est à L'Etape, à Val-d'Or,
où, on essaie, justement, de faire en
sorte que l'enfant perde le moins possible de temps. Ce n'est pas
seulement une question de perdre du temps, mais alors qu'il est dans un tel
centre, on l'intéresse à des activités non pas seulement
physiques, mais d'ordre intellectuel.
Alors, je pense que le portrait est un peu moins noir que si on se
réfère uniquement à ce qui existait à Saint-Vallier
et à Berthelet. C'est plutôt ce que je voulais faire
ressortir.
Est-ce qu'on doit aller plus loin dans le projet de loi? C'est une
question extrêmement valable et je crois qu'elle doit être
analysée et soulevée comme vous l'avez fait. Quant aux services
de santé en milieu scolaire également, même si nous ne
l'avons pas fait par voie législative, nous avons orienté notre
action dans le sens que vous indiquez depuis l'été 1971, en
réorganisant les services de santé et les services sociaux
scolaires de telle sorte que le rôle de ces services, au lieu d'agir
plutôt comme des services qui répondent à de petits
malaises qui peuvent se manifester à l'occasion, à
l'intérieur d'une population étudiante, est beaucoup plus de
faire de l'éducation, de la prévention. Lorsqu'il y a des
nécessités de traitement, à moins que ce soient des choses
mineures, leur rôle est de référer les enfants dans les
centres appropriés. Alors, tout l'accent a été
transféré vers des fonctions comme celles-ci. Vous avez dû
voir d'ailleurs que cela nous a donné quelques difficultés
lorsque nous avons voulu dresser les dossiers.
Certains organismes, peut-être avec raison, remarquez bien ce
n'est pas cela que je mets en cause, trouvaient qu'on voulait obtenir un peu
trop de renseignements sur les antécédents des enfants. Mais ce
que je veux souligner ici, c'est que nous sommes d'accord sur le point de vue
que vous exprimez et, compte tenu des difficultés d'organisation, de
recrutement, nous nous orientons dans cette voie.
En ce qui a trait maintenant au centre Saint-Vallier, nous avons
formé une corporation distincte du centre Berthelet
présidée par le juge Robert Sauvé et nous avons
demandé aux membres de cette corporation d'étudier le rôle
de ce centre. Je pense qu'au plan du bâtiment lui-même, il ne fera
aucun doute, selon ce qu'on me dit, que le rapport va nous recommander de le
détruire. Je comprends que ce n'est pas uniquement le bâtiment qui
détermine la fonction et ce qui se fait dans un établissement,
mais cela peut conditionner, à tout le moins, et dans ce cas-là,
je pense que c'est susceptible de trop conditionner ce qui se produit à
l'intérieur d'un tel centre.
Si j'ai bien compris, il semble qu'on va nous recommander beaucoup plus
l'approche que nous avons prise sur une base expérimentale. C'est une
approche qui semble donner de bons résultats jusqu'à
présent et qui peut pallier les difficultés que vous avez
mentionnées quant à la sélection des foyers nourriciers,
le rôle ou la difficulté de trouver de tels foyers,
c'est-à-dire organiser comme nous l'avons fait à Québec,
en relation avec le centre d'accueil de Tilly, des maisons avec un personnel
qui est recruté pour ses qualités humaines avant tout et qui
essaie de reproduire un milieu qui a toutes les caractéristiques d'un
milieu familial, où on garde un nombre limité d'enfants, dix,
douze, quinze, où les enfants suivent les activités scolaires
régulières et où on essaie, par l'apport de groupements
dans la société, de les associer le plus possible aux
activités régulières auxquelles s'adonnent les enfants
vivant dans le même milieu.
Ce problème que vous soulevez des foyers nourriciers et du
transfert assez fréquent des enfants est réel. Il est difficile.
C'est l'approche que nous avons essayé, sur une base
expérimentale, de suivre et, avec les résultats obtenus, je pense
bien que c'est dans cette direction que nous devrons aussi nous orienter pour
avoir un autre élément dans les services rendus disponible. Ce
sont plutôt des commentaires que je veux faire pour l'information des
membres de la commission, parce que c'est un secteur assez vaste où bien
des gestes sont posés en dehors du contexte purement législatif.
Je pense qu'il y avait intérêt à mentionner ceci pour une
meilleure compréhension de ce qui se produit dans la
réalité.
MLLE PARIZEAU: Est-ce que je peux ajouter quelque chose?
M. CASTONGUAY: Certainement, madame.
MLLE PARIZEAU: M. le ministre, vous avez commencé à parler
du statut des centres. En ce qui concerne le statut des centres, ce que j'ai pu
voir en faisant des recherches à l'étranger, vous avez deux
statuts. Vous avez le statut britannique, qui est toujours beaucoup moins
précis, je ne voudrais pas paraître trop légaliste mais
enfin, le législateur peut quand même intervenir, surtout dans un
projet de loi comme celui-ci, qui est une réforme fondamentale de la
protection de l'enfance. Vous avez donc le cadre britannique, qui n'est pas
légaliste du tout, où les centres sont des corporations
privées. Ils peuvent être des corporations privées,
formées de bénévoles, qui sont absolument
indépendantes le système britannique a toujours de ces
caractéristiques particulières formées de
bénévoles qui ne relèvent d'aucune autorité.
Mais il y a toujours la limite très britannique, et le directeur
du centre ne peut pas être nommé ou renvoyé sans
l'autorisation du ministère. Et c'est dans le texte législatif.
Evidemment, comme dans le sytème britannique, c'est toujours assez
original, ce n'est pas le ministère concerné, c'est le "home
office". On n'a jamais compris pourquoi, mais c'est ainsi. Ce que je voulais
dire, c'est que le statut des centres au Québec est issu d'une longue
tradition selon laquelle tous les centres relevaient de l'autorité et de
l'effort très louable du clergé. Actuellement, il y a une
transformation de situation.
Vous savez comme moi que Berthelet a eu le statut de centre
dépendant du ministère du Bien-Etre social et de la Famille et a
été construit par ce ministère. Ensuite, il est devenu
corporation privée. Mais on n'a jamais réglé ce
problème du directeur.
M. CASTONGUAY: Si vous me permettez, sur ce point, les dispositions du
projet de loi 65 fixent maintenant le statut en définitive et en fait
des établissements publics qui doivent être... l'autre loi 65,
celle des services de santé et des services sociaux, détermine la
composition du conseil d'administration, la façon de nommer le
directeur, la façon de le destituer s'il doit y avoir destitution. Il
est clair qu'ils prennent un statut d'organisme public par le projet de loi 65
sur les services de santé et les services sociaux. La
caractéristique qui peut changer la composition de ces conseils dans
l'avenir va être l'existence, avant l'entrée en vigueur de la loi
65 sur les services de santé et les services sociaux, d'une corporation,
antérieurement ou non. Dans les cas où il y a présentement
une corporation, cette corporation pourra désigner un nombre
limité de membres au conseil d'administration. Les membres seront
toujours en minorité. Je crois qu'on a voulu précisément
faire en sorte que ces centres, répondant à des besoins
évidemment publics, financés par des fonds publics, dont les
activités doivent être régularisées, prennent un
statut correspondant. Nous l'avons fait par la loi 65 sur les services de
santé et les services sociaux.
MLLE PARIZEAU: Est-ce que vous ne croyez pas que, dans ce projet de loi,
il faudrait quand même inclure une précision concernant les
services, même si ça existe déjà dans l'autre
loi?
M. CASTONGUAY: Peut-être, sur ce point... Non, je voulais...
MLLE PARIZEAU: Je ne voudrais pas paraître trop légaliste,
mais puisque c'est une loi de protection, une réforme majeure dans notre
conteste, ça fait longtemps que nous l'attendons. Il me semble que, plus
elle sera explicite, sans être trop légaliste, plus elle
protégera.
M. CASTONGUAY: On va examiner ça sérieusement.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je veux remercier Mlle Parizeau de ses
propos, de ses excellentes remarques et je voudrais tout simplement lui poser
une question, avoir son opinion. Je voudrais que vous soyez bien à
l'aise. Si vous préférez ne pas répondre, libre à
vous. Est-ce que vous pourriez...
MLLE PARIZEAU: Je vais demander la protection du ministère de la
Justice.
M. PAUL: ... nous faire part de votre opinion personnelle sur les
représentations qui nous ont été faites ce matin à
l'effet que tout le problème de la probation juvénile devrait
être confié au ministère des Affaires sociales?
MLLE PARIZEAU: Pour moi, le problème est à un autre
niveau. Si vous respectez la Loi des jeunes délinquants, la loi
fédérale, les officiers de probation si j'ai bien compris
le problème qui était soumis les officiers de probation en
faisant la préenquête, ce qu'on appelle l'enquête
"présententielle", vont se renseigner sur un jeune et apportent au juge
les éléments pour qu'il décide.
On a l'impression d'être assimilé à la police, or,
ce sont des travailleurs sociaux, parce qu'ils apportent des
éléments, en faisant ce rapport "présententiel", qui
risquent d'accentuer la culpabilité en droit de l'enfant, sachant que,
au point de vue social, il n'y a pas culpabilité, en fait. C'est un
problème strictement humain et c'est un problème qui
découle directement de la dichotomie législative que nous avons.
Quand vous êtes en face d'une loi des jeunes délinquants qui vous
dit que la responsabilité criminelle et pénale d'un enfant
commence à l'âge de sept ans, ce qui, pour n'importe qui qui a vu
un enfant de près ou de loin, est une absurdité, et qui vous dit,
dans le même souffle, dans une définition formelle, légale,
inscrite dans le code, que la définition d'un jeune délinquant,
c'est tout enfant qui a commis un acte quelconque d'indécence, cela va
de l'indécence au meurtre en passant par le petit vol ou tout autre
refus d'obéir à l'autorité, vous placez tous les
travailleurs sociaux que vous les appeliez officiers de probation ou
travailleurs sociaux dans une situation très inconfortable.
Les officiers de probation de la cour du Bien-Etre social se situent en
fait dans leur optique, dans la philosophie de la cour et dans la philosophie
de la Loi de protection, c'est pour cela que cela s'appelle comme cela, la Loi
de protection de l'enfance et de la jeunesse, au niveau des travailleurs
sociaux. Tandis qu'un officier de probation pour adultes, c'est
évidemment un travailleur social, mais enfin, quand même, qui est
chargé d'apporter à la cour des éclaircissements dans les
cas, par exemple, de libération conditionnelle. L'officier de probation
est obligé, en son âme et conscience, de rapporter, car il sait
que son libéré conditionnel a commis un autre délit. Cela
place tous les travailleurs sociaux de la cour du Bien-Etre social dans une
situation très difficile.
Alors, pour sortir de cette situation, on établit la dichotomie
de deux ministères, en se sentant plus confortable sous
l'étiquette du Bien-Etre social que sous l'étiquette de la
Justice. Mais si vous voulez vous placer dans la
réalité concrète des faits, cela n'a pas beaucoup
d'importance, ce n'est pas le problème des ministères, ce n'est
pas le problème du mot que vous allez mettre, du chapeau que vous allez
mettre, c'est le problème de la législation. Tant que la Loi de
protection de l'enfance au niveau provincial ne sera pas amendée de
façon à sortir le maximum des jeunes de moins de quinze ans de
toute conception de délinquance telle que vue par le code criminel, la
situation des officiers de probation sera toujours très difficile
à la cour du Bien-Etre social, parce qu'un officier de probation, en son
âme et conscience, est toujours très mal placé.
Concrètement, on lui dit: Ce garçon de quatorze ans a fait
un vol à l'étalage. Il est jugé pour cela. Il fait son
enquête "présententielle" et il apprend que ce n'est pas seulement
le vol à l'étalage, qu'il y a eu autre chose, et que le
garçon a un long passé, c'est très délicat pour lui
de ne pas le rapporter dans un rapport "présententiel" au juge. Je
comprends que l'officier de probation qui vit dans ce milieu tous les jours et
qui se rend fort bien compte que ce garçon est très peu
responsable de ce qu'il avait fait, parce que c'est la famille, parce que c'est
le milieu, et parce qu'il n'a que treize ou douze ans, ne tient absolument pas
à rapporter au juge ces éléments. Or, il y est tenu par
son statut professionnel. C'est le problème de l'officier de probation,
tel que je le vois. Encore une fois, il est peut-être trop
théorique parce que, comme je vous le dis, je travaille pour un centre
de recherche, mais je pense que, dans le concret, le problème est
fondamentalement là.
Il me semble que quand on refait la loi de protection, on fait appel aux
juristes. Il faudrait revoir les technicités strictement
législatives pour en arriver à soustraire le maximum des jeunes
de moins de 15 ans du code criminel. Comme vous le savez, l'amendement du code
criminel fédéral canadien, en ce qui concerne la Loi des jeunes
délinquants, a été proposé à maintes
reprises. Il y a deux ans, toutes les provinces ont été
représentées, quand elles ont siégé à
Ottawa. A ce moment-là, je ne sais pas si vous vous souvenez, il y a eu
la déclaration du premier ministre M. Trudeau publiée dans les
journaux disant qu'il répondait aux provinces qui disaient: D'accord
nous voulons qu'on nous alloue des fonds pour pouvoir organiser ça sur
le plan social, parce que c'est très coûteux et que les
problèmes du bien-être social relèvent des provinces. Vous
vous souvenez de la fameuse déclaration du premier ministre qui a dit:
Oui, on donnera quelque chose pour régler ce problème. Ce
n'était pas précis, c'était rapporté tel quel par
la presse. Ce n'était pas précis, les provinces sont
retournées chez elles et n'ont pas poursuivi les discussions. Et
l'amendement de la Loi des jeunes délinquants reste un problème
bien difficile. Si vous vous souvenez, M. Goyer, le Solliciteur
général du Canada, a essayé de faire les amendements, on
nous a offert de relever l'âge de responsabilité légale de
7 ans à 10 ans, parce qu'il n'était pas tellement progressif
quand on pense que la Suède est à 15 et que la Grande-Bretagne,
qu'on imite toujours traditionnellement, est à 13, les provinces n'ont
pas encore accepté et la loi est retournée à
l'étude. Le problème se situe en fait à ce niveau. Parce
que l'officier de probation, il est vraiment à la cour du Bien-Etre
social, très mal placé.
M. PAUL: Je vous remercie, mademoiselle.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Dorchester.
M. GUAY: Je n'ai pas de questions, pour le moment.
MLLE PARIZEAU: Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Alors je remercie Mlle Parizeau.
L'honorable ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Je remercie Mlle Parizeau de son exposé très
intéressant.
MLLE PARIZEAU: Merci, M. le ministre.
M. CHOQUETTE: Je veux seulement attirer son attention sur un article
qu'elle a commenté, c'est-à-dire l'article 16. Mlle Parizeau a
dit que cet article tendait à réduire la liberté d'action
ou l'autonomie du service de protection qui était par ailleurs
institué aux articles 5 et suivants du projet de loi.
MLLE PARIZEAU: Oui.
M. CHOQUETTE: Je voudrais seulement attirer son attention sur le fait
que l'intervention de la cour en vertu de l'article 16 est postérieure
aux initiatives qui peuvent être prises par le directeur du service de
protection de la jeunesse ainsi que ceux qui l'assistent.
Le but de l'article 16 est strictement pour faire en sorte que la cour,
lorsqu'elle est saisie du cas d'un enfant, si le problème n'a pas
été réglé par la première phase de l'action
du service de protection de la jeunesse, peut obtenir tous les renseignements
pertinents au sujet de l'enfant, tout le dossier relatif à l'enfant de
sorte que la cour soit pleinement renseignée et documentée sur le
cas d'un enfant qui pourrait être traduit devant elle. Alors, la
portée de l'article 16 n'est certainement pas aussi étendue que
celle que vous avez cru y voir.
MLLE PARIZEAU: Mais, M. le ministre, "la cour peut ordonner d'office au
directeur de lui transmettre tout dossier ou document relatif à une
affaire dont elle est saisie".
M. CHOQUETTE: D'accord mais... MLLE PARIZEAU: Si la cour est
saisie...
M. CHOQUETTE: ... encore faut-il qu'elle soit saisie
judiciairement...
MLLE PARIZEAU:Oui.
M. CHOQUETTE: ... c'est-à-dire qu'il y ait une instance qui soit
engagée devant la cour, soit une instance de délinquance, ou soit
encore que le mécanisme judiciaire au sujet de la protection de
l'enfance ait été mis en marche devant la cour. Cela veut dire
que, si la cour n'a pas été saisie du tout, il est évident
que le juge ne peut pas dire au directeur du service de la protection: Ecoutez,
envoyez-moi donc tel dossier sur tel enfant, sans que la procédure ait
été mise en marche judiciairement.
MLLE PARIZEAU: Si le directeur s'occupe d'un dossier et est en train de
le régler en vertu d'une entente avec les parents disons que
c'est un cas de placement et s'il y a une plainte devant la cour du
Bien-être social d'une tierce personne, la cour est saisie et la cour
commence les procédures. Or, le directeur peut n'avoir aucun
intérêt dans la situation dans laquelle il se trouve par rapport
à l'enfant de transmettre le dossier à la cour. Si vous
précisez que la cour est saisie par le directeur, d'accord, mais si la
cour est saisie par une tierce personne d'une cause que le directeur est en
train de régler en vertu d'une entente parent..., le juge a le pouvoir
exécutoire d'ordonner au directeur de lui transmettre le dossier. C'est
à cela que je me référais en soulevant ce problème.
Vous le soumettez à l'autorité judiciaire.
M. CHOQUETTE: Alors, il est très possible que le texte
mérite une clarification à ce point de vue, afin que le service
de protection de la jeunesse puisse accomplir son travail jusqu'au bout avant
que la cour ne soit saisie du problème.
MLLE PAREE AU: A moins que la cour ne soit saisie par le service de
protection...
M. CHOQUETTE: A moins...
MLLE PARIZEAU: ... ce qui est une autre situation. Mais si la cour est
saisie par une tierce dénonciation et qu'il n'est pas du tout dans
l'intérêt de l'enfant... Tout se passe comme si dans la loi
déjà, au préalable, on plaçait le directeur dans
une situation de dépendance mathématique à l'égard
du juge puisqu'il peu ordonner, même si ce n'est pas le directeur qui l'a
saisi.
Je tiens pour acquis que, dans l'esprit du législateur, la
tendance consiste à donner à ce directeur de plus en plus de
pouvoir de protection de l'enfance.
M. CHOQUETTE: Cela est certainement vrai...
MLLE PARIZEAU: ... pour autant qu'on puisse le voir.
M. CHOQUETTE: ... sous un aspect mais, sous un autre, il va de soi qu'il
faut que l'autorité ultime, au cas où le problème ne peut
pas se régler au bureau du service de protection, soit quand même
la cour, qui tranche.
On ne peut pas échapper à la nécessité que
la décision définitive appartienne au juge.
MLLE PARIZEAU: Oui, mais on peut quand même... Je m'excuse, mais
je veux soulever tout simplement le problème qui fait qu'on peut
imaginer que le directeur du service de protection puisse avoir une raison
majeure sociale de ne pas vouloir référer le dossier à la
cour et qu'il faudrait lui en garantir la possibilité par un
délai ou par une technicité quelconque.
M. CHOQUETTE: Quelle raison majeure d'ordre social pourriez-vous
trouver? Sinon, à ce moment-là, vous priveriez la cour de sa
compétence et cela me paraîtrait dangereux sur le plan
législatif que de faire en sorte que le directeur du bureau de
protection pourrait, en somme, priver la cour de sa compétence.
MLLE PARIZEAU: Dans le cas de protection et dans certains autres cas,
écoutez, encore une fois, c'est une tendance générale.
Evidemment, en France, elle est considérée comme aberrante, comme
une pente dangereuse. En Suède, la tangente est clairement prise. La
compétence de la cour s'exerce quand le jeune est
référé par le directeur du service de protection.
M. CHOQUETTE: Exclusivement?
MLLE PARIZEAU: Sauf les cas de plus de quinze ans dont le service de
protection ne peut s'occuper. C'est le service de protection qui définit
au départ qu'il ne peut pas s'en occuper.
En Belgique, cette tendance se dessine. Les Belges procèdent
beaucoup plus gravement que les Suédois et beaucoup plus prudemment. Le
service de protection y est soumis à l'autorité du judiciaire
dans la mesure où il y a conflit entre famille et enfant. C'est le
judiciaire qui tranche. Si c'est ça l'idée qui préside
à l'élaboration de la loi, évidemment, il faut la
maintenir. Si la tendance générale qu'on peut percevoir à
travers cette loi est de donner de plus en plus de possibilités au
service de protection, notamment en ce qui a trait aux jeunes de moins de
quinze ans, là, il faudrait prendre des précautions. C'est comme
ça que je voyais la loi.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Merci, Mlle Parizeau, de votre
exposé.
MLLE PARIZEAU: Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): La commission ajourne ses travaux
à demain, mercredi 4 avril, à dix heures.
(Fin de la séance à 13 h 2)