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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je déclare ouverte cette séance de la commission
parlementaire élue permanente de la justice. Je signale que le mandat de
cette commission est d'entendre des personnes et des organismes au regard des
projets de loi no 106, Loi portant réforme au Code civil du
Québec du droit des personnes et no 107, Loi portant réforme au
Code civil du Québec du droit des successions.
Les membres et les intervenants de cette commission parlementaire sont:
M. Bédard (Chicoutimi), M. Dupré (Saint-Hyacinthe) qui remplace
M. Brouillet (Chauveau), M. Charbonneau (Verchères), M. Dauphin
(Marquette), Mme Juneau (Johnson), M. Kehoe (Chapleau), Mme Lachapelle
(Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M. Leduc (Saint-Laurent), M. Marx
(D'Arcy McGee).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Blank
(Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Dussault
(Châteauguay), M. Fallu (Groulx), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Polak
(Sainte-Anne) qui remplace M. Paradis (Brome-Missisquoi), et M. Saintonge
(Laprairie).
Je demanderais maintenant aux membres de la commission de
désigner un rapporteur pour faire rapport de nos travaux à
l'Assemblée nationale.
Une voix: Mme Lachapelle. Une voix:Unanime.
Le Président (M. Blouin): Mme
Lachapelle est désignée par les membres de cette
commission unanimement comme étant rapporteur de cette commission.
Je vais maintenant donner lecture de l'ordre du jour et, en même
temps, m'assurer de la présence des représentants des divers
organismes qui se feront entendre au cours de la journée.
D'abord les représentants de la Chambre des notaires sont-ils
dans la salle?
Une voix: Présents et prêts.
Le Président (M. Blouin): La Chambre de commerce de la
province de Québec?
Alors les représentants de la Chambre de commerce ne sont pas
là.
Le Barreau du Québec?
Une voix: Nous sommes présents et également
prêts.
Le Président (M. Blouin): D'accord. L'Association
québécoise de planification fiscale et successorale?
Une voix: Présents.
Le Président (M. Blouin): La
Commission des services juridiques?
Une voix: ...
Le Président (M. Blouin): L'Association des femmes
collaboratrices?
Une voix: Présentes.
Le Président (M. Blouin): Le Réseau d'action et
d'information pour les femmes?
Les représentants du Réseau d'action et d'information pour
les femmes ne sont pas là.
Le Regroupement des comités-logement et Associations de
locataires?
Une voix: Présents.
Le Président (M. Blouin): Comme d'habitude, je
précise, non pas tant pour les membres de cette commission mais
peut-être davantage pour nos invités que nous nous entendons
habituellement pour que le temps de présentation alloué aux
invités soit d'environ 20 minutes et que chacune des parties, soit la
partie gouvernementale et l'Opposition, disposent également d'un temps
de 20 minutes chacune - c'est la tradition -pour pouvoir vous poser des
questions et vous demander des éclaircissements sur les mémoires
que vous présentez.
J'invite d'abord, s'il le juge à propos, le ministre à
nous présenter quelques remarques préliminaires.
Remarques préliminaires M. Marc-André
Bédard
M. Bédard: M. le Président, collègues de la
commission, vous me permettrez aussi de saluer ceux et celles qui sont ici dans
la salle et qui nous visiteront au cours des
travaux de cette commission.
Comme nous le savons, nous commençons aujourd'hui l'étude
de deux projets de loi, les projets de loi nos 106 et 107, deux mesures
s'inscrivant dans le processus de réforme du Code civil, un projet de
travail énorme pour lequel beaucoup d'énergies ont
été investies. Il nous fera plaisir, un peu plus tard dans nos
travaux, de présenter d'une façon plus particulière les
membres de l'équipe gouvernementale au ministère de la Justice,
les personnes qui, d'une façon tout à fait spéciale, ont
travaillé à la préparation de ces projets de loi et qui
continuent de travailler dans l'ensemble des efforts qui sont fournis en ce qui
a trait à la réforme du Code civil.
Cette vaste réforme peut paraître complexe, aride et
technique, si bien que le citoyen ordinaire pourrait être porté
à en remettre l'étude aux seuls spécialistes. Pourtant,
l'étape que nous entreprenons aujourd'hui est d'une grande importance
pour chacun et chacune de nous, puisqu'elle nous touchera tous dans notre vie
de tous les jours.
En s'engageant dans cette réforme, le gouvernement entend adapter
les textes de loi du Québec, dont le Code civil est la charpente, aux
réalités de la société contemporaine.
Le mouvement de réforme avait été amorcé
à l'automne 1980 par l'adoption de la loi portant réforme du
droit de la famille. En juin dernier, les députés de
l'Assemblée nationale adoptaient une loi assurant l'application du droit
de la famille, de manière que les changements convenus dans un premier
temps puissent s'appliquer de manière harmonieuse, en ajustant
l'ensemble des procédures en matière familiale.
Les objectifs fondamentaux de la réforme du droit de la famille,
je le rappelle, étaient, d'une part, de favoriser
l'égalité des membres de la famille et, d'autre part, d'accorder
une plus grande liberté dans l'organisation de leurs relations
familiales.
À ces fins, la réforme apportait un grand nombre de
changements dans nos textes de loi en vue, notamment, de favoriser la
conciliation, l'arbitrage et le respect des accords mutuels lors des conflits
familiaux et la protection de la vie privée des membres d'une famille
lors du règlement d'un conflit familial devant le tribunal.
Nous adoptions, du même coup, certaines mesures établissant
des règles propres à garantir la protection du droit des enfants
et à assurer leur égalité, quelles que soient les
circonstances de la naissance. Enfin, d'autres mesures visaient à
remplacer dans nos lois différents concepts qui maintenaient une forme
de discrimination dans la famille. De nouvelles réalités
juridiques prenaient vie dans nos textes juridiques, dans notre Code civil. Je
pense, par exemple, à la protection de la résidence familiale,
à la prestation compensatoire et à d'autres mesures qui
étaient toutes de nature à essayer d'ajuster le droit de la
famille au contexte nouveau de la société
québécoise. Cette réforme du droit de la famille
constituait donc le premier bloc de la réforme du Code civil.
Le deuxième bloc était entrepris en décembre
dernier par le dépôt des deux projets de loi que nous
étudierons au cours des prochains jours. Le projet de loi no 106 porte
sur le droit des personnes et le projet de loi no 107 porte sur le droit des
successions. Ces deux mesures ont été inspirées des
mêmes principes fondamentaux qui ont guidé la réforme du
droit de la famille, de même que l'ensemble de l'action de mon
ministère depuis les six dernières années, soit la
reconnaissance de l'égalité et de l'autonomie des personnes.
Par ces projets de loi que nous aurons à étudier, on vise
à assurer une meilleure cohérence législative en
rattachant au Code civil certaines dispositions apparaissant dans
différentes lois sectorielles, ainsi qu'à clarifier et à
améliorer d'autres dispositions du code par des modifications
substantielles.
Ce bloc auquel je viens de référer sera
complété, d'abord, par les travaux de notre commission
parlementaire qui débute ce matin; suivront ensuite le
dépôt et l'étude de deux autres projets de loi portant,
dans un cas, sur les biens et, dans l'autre cas, sur l'application de ce
deuxième bloc. Cette façon de procéder permettra alors
l'entrée en vigueur de cette deuxième tranche de la
réforme du Code civil, en assurant la cohérence
législative de sorte que les citoyens puissent en
bénéficier dès l'année 1984.
Un troisième bloc suivra, celui-ci portant sur la théorie
générale des obligations et sur les contrats. Le quatrième
bloc permettra la réforme du droit des sûretés
réelles et des règles de publication des droits.
Enfin, une dernière tranche traitera de la réforme du
droit de la preuve, de la prescription et des règles de droit
international privé. Nous aurons alors terminé la plus importante
réforme législative jamais entreprise au Québec.
Tous les livres constituant le Code civil, ce texte de loi unique au
Québec, auront été adaptés à
l'évolution de notre communauté. Comme le Code civil touche tous
les Québécois et toutes les Québécoises dans leur
vie quotidienne, leurs rapports entre eux, la conduite de leurs affaires et
l'exercice de leurs droits, j'espère qu'un grand nombre de citoyens et
de citoyennes continueront de s'intéresser à la poursuite de la
réforme, comme c'est le cas dans l'étape
présente.
Le grand nombre d'opinions adressées à cette commission -
en tout, 23 mémoires ont été déposés et de
nombreuses lettres me sont parvenues - démontre bien que, malgré
l'ampleur de la tâche et les difficultés qu'elle peut
représenter, les Québécois et les
Québécoises non seulement s'intéressent, mais veulent
jouer un rôle actif dans la réforme du Code civil. Je pense que
nous ne pouvons que nous en réjouir, nous tous, les membres de la
commission.
Voyons maintenant les grandes lignes de chacun des deux projets de loi
à l'étude.
Le projet de loi no 106 intitulé: Loi portant réforme au
Code civil du Québec du droit des personnes, vise à assurer la
primauté de la personne humaine. Ainsi, il propose la transformation
complète des institutions jouant un rôle lorsqu'un enfant, ou tout
individu considéré comme mineur, est sous la
responsabilité d'une tutelle, ou lorsqu'une personne majeure est
placée sous la responsabilité d'une curatelle ou d'une
tutelle.
Nous voulons préciser davantage dans quelles circonstances de
tels régimes peuvent être appliqués, garantir qu'ils le
sont dans l'intérêt du mineur ou du majeur en incapacité
d'assumer lui-même la conduite de ses affaires, par exemple, pour des
raisons de santé, et aussi afin de mieux assurer l'exercice de leurs
droits civils et l'administration de leur patrimoine.
En matière de tutelle, à l'heure où le gouvernement
s'apprête à annoncer une politique familiale destinée
à reconnaître le rôle de la famille dans la
société et à le revaloriser (conformément aux
principes qui ont prévalu à l'occasion de la réforme du
droit de la famille, soit l'autonomie des personnes dans la conduite de leurs
affaires) le projet de loi vise à reconnaître la
responsabilité première des parents à l'égard de
leurs enfants, les faisant tuteurs légaux de ces derniers. Il leur
permettra également de transférer cette responsabilité par
testament ou par déclaration spéciale en cas de
décès ou de situation particulière.
L'actuel conseil de famille sera remplacé par un conseil de
tutelle, institution plus souple et réorganisée de façon
à mieux correspondre à la réalité de la famille
québécoise contemporaine. À ce chapitre, plutôt que
d'accroître l'intervention de l'État dans un domaine aussi
privé, nous avons choisi de maintenir la surveillance de l'exercice de
la tutelle aux proches de la personne à protéger.
En ce qui concerne le majeur en incapacité d'assumer
lui-même l'exercice de ses droits et l'administration de son patrimoine,
le projet de loi tend à organiser, de manière plus
cohérente, les régimes qui le touchent de façon à
mieux affirmer et aussi à respecter mieux ses droits et
intérêts, répondant en cela aux principales recommandations
qui nous avaient été adressées, ces dernières
années, tant par la Commission des droits de la personne que par
certains organismes voués à la défense des droits de ces
citoyens et citoyennes.
Ainsi, la réforme entreprise au chapitre des régimes de
protection introduit une intervention accrue des tribunaux. Cette façon
de procéder permettra de mieux assurer le respect des droits de la
personne concernée. Elle traduit aussi l'esprit de la réforme qui
vise à procurer au majeur sous tutelle ou assisté d'un conseil de
tutelle, un régime plus souple, mieux adapté à ses besoins
et à reconnaître son degré d'autonomie et de
capacité d'agir, s'il y a lieu.
Les mesures de surveillance de ces différents régimes ont
été révisées de façon à
préserver le patrimoine des personnes protégées en
veillant à ne pas accroître l'intervention de l'État, mais
en essayant de rendre cette intervention, quand elle est nécessaire,
plus efficace, dans les cas où elle doit s'exercer.
Le projet de loi ne vise pas uniquement à protéger les
biens de la personne, mais de façon aussi importante, il améliore
la protection de son intégrité physique. Ainsi, il affirme
clairement le principe qu'une personne ne peut être soumise à un
examen ou à un traitement thérapeutique requis par son
état de santé physique ou mentale que si elle-même ou un
tiers apte à la représenter ne donne son consentement de
façon libre et éclairée.
Le même projet propose de plus une réforme en profondeur du
système de l'état civil au Québec. On y prévoit, en
effet, la centralisation des informations relatives à l'état
civil, dans le but d'assurer l'intégralité, la
véracité, l'authenticité, l'accessibilité et aussi,
la protection de ces actes. Il y a cependant une période transitoire
avec laquelle il nous faut vivre et nous aurons à en discuter en temps
et lieu.
Le projet de loi propose aussi une réintégration des
règles actuelles et des modifications à caractère plus
juridique notamment en ce qui a trait au droit de la personnalité, aux
règles du domicile, de la majorité et de la minorité et au
chapitre de l'absence, c'est-à-dire des règles devant s'appliquer
quant à l'administration des droits et du patrimoine de personnes
portées disparues.
À cet égard, le projet de loi tente un renouvellement du
concept d'absence en introduisant une présomption ayant pour effet de
conférer à l'absent les attributs d'une personne vivante, ce qui
lui permettra de profiter d'une succession et d'acquérir des droits.
Dans le droit présent, la personne portée disparue ou absente
pendant 30 ans est présumée décédée et sa
succession est
ouverte. Le projet de loi abaissera à sept ans cette
période dans le but de favoriser les successeurs qui auparavant ne
pouvaient, à toutes fins utiles, bénéficier du droit de
succession pendant presque la moitié de leur vie.
Enfin, le projet de loi 106 prévoit l'introduction d'un ensemble
de règles qui régiront à l'avenir les personnes morales
dont les activités ne sont pas régies par des lois
particulières comme la loi des compagnies, la loi sur les associations
coopératives, etc. Le projet de loi en conséquence
édictera un certain nombre de règles supplétives - je dis
bien supplétives - qui s'appliqueront dans les cas où la
personnalité juridique ne sera pas autrement réglementée
mais ne vise aucunement à se substituer au droit actuel existant. Les
nouvelles règles prévoient, outre des dispositions sur la nature
de la personnalité morale et ses attributs essentiels, certaines
règles de fonctionnement inspirées du droit des compagnies ou
encore inspirées du droit des sociétés.
Voilà le bref survol que je voulais faire du projet de loi no
106. (10 h 30)
Voyons maintenant les grandes lignes de son jumeau, le projet de loi no
107 intitulé: Loi portant réforme au Code civil du Québec
du droit des successions. Ce projet de loi contient de nombreuses
modifications, de nombreuses dispositions visant surtout à clarifier les
règles existantes. D'abord, il confère au conjoint la
qualité d'héritier à part entière, ce qui lui
permettra - ce n'était pas permis auparavant - de cumuler les avantages
que lui procure son régime matrimonial, ainsi que les avantages dont il
bénéficie en raison du décès de son conjoint. Le
droit actuel, comme on le sait, prévoit que dans certains cas le
conjoint survivant doit renoncer à l'avantage que lui procure son
régime matrimonial, par exemple, le versement d'une certaine somme
d'argent ou la propriété d'une maison, avant de pouvoir
réclamer une part de la succession. Cette situation n'existera plus. 0e
pense qu'il est heureux qu'il en soit ainsi.
Puisque, dorénavant, le conjoint pourra cumuler ses avantages
matrimoniaux et sa part successorale, auxquels pourront s'ajouter les
bénéfices de la prestation compensatoire, il est
suggéré de maintenir les règles actuelles du partage entre
le conjoint et les enfants dans le cas de la succession légale,
c'est-à-dire en l'absence de testament, soit 1/3 au conjoint et 2/3 aux
enfants; c'est ce que nous avons maintenu. Lorsqu'il n'y a pas d'enfants, la
part du conjoint est augmentée, étant fixée à 2/3,
alors que le reste est attribué au père ou à la
mère ou, à défaut du père et de la mère,
à ses frères et soeurs.
Dans le but de faciliter et d'améliorer le processus de
règlement des successions - on sait que c'est très long - le
projet de loi introduit un personnage nouveau, soit le liquidateur successoral.
Celui-ci reprend en partie les attributs de l'exécuteur testamentaire.
Cependant, il sera de toutes les successions, qu'elles soient légales ou
testamentaires.
De plus, conformément à des principes déjà
introduits dans la réforme du droit de la famille, le projet de loi
propose de nouvelles règles relatives au partage, permettant dans
certains cas le maintien de l'indivision parmi les héritiers, ainsi que
des attributions préférentielles lorsqu'il s'agit de la
résidence familiale ou d'une entreprise à caractère
familial, par exemple. Ce sont des notions dont nous avions déjà
discuté - Mme la députée de L'Acadie se le rappelle - lors
de l'adoption du droit de la famille. C'est la suite normale.
Enfin, je souligne le fait que certains assouplissements ont
été apportés aux formalités entourant la confection
d'un testament, notamment en raison des difficultés rencontrées
à cet égard par les personnes souffrant d'un handicap visuel ou
auditif, et que la règle de la représentation a été
introduite en matière testamentaire.
Je pense que cette dernière modification correspond davantage aux
attentes des citoyens si on se reporte à toutes les
représentations qui nous ont été faites personnellement au
ministère.
J'ai donc tracé les grandes lignes de la réforme qui est
soumise à l'étude des députés et du public. Je veux
encore une fois remercier tous ceux et celles qui se sont donné la peine
de réfléchir sur ces deux projets de loi et qui ont reçu
mandat de leurs associations respectives de venir formuler leurs
recommandations, leurs suggestions, leurs représentations auprès
des membres de cette commission.
Mes collègues et moi sommes ici pour consulter la population
avant de nous prononcer de façon définitive sur une
réforme d'une importance majeure et je puis vous assurer que tous les
commentaires que nous recevrons et qui seront faits ici à cette
commission ou en dehors de cette commission recevront toute l'attention qu'ils
méritent.
Ce sont, M. le Président, quelques commentaires que je voulais
faire au début des travaux de cette commission.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.
J'inviterais maintenant le représentant de l'Opposition à nous
formuler, s'il le désire lui aussi, ses remarques
préliminaires.
M. Herbert Marx
M. Marx: M. le Président, collègues à
l'Assemblée nationale. J'aimerais saluer d'une
façon spéciale nos invités qui vont déposer
des mémoires et qui vont voir à la fin de nos travaux à
quel point il était essentiel pour eux de se présenter devant
cette commission parce qu'ils vont voir que nous allons tenir compte de leurs
suggestions. J'ai lu certains de ces mémoires et je trouve qu'il y a
beaucoup de suggestions qui méritent d'être étudiées
sérieusement par le ministère. J'imagine qu'on va adopter un
certain nombre de ces suggestions.
J'ai quelques remarques d'ordre général en ce qui concerne
le fond de cet exercice de la réforme du Code civil. Le Code civil, bien
sûr, a été adopté en 1866, même avant la
Confédération, et on ne peut pas sous-estimer l'importance du
Code civil au Québec parce que c'est le droit commun du peuple du
Québec. Si on parle d'une société distince, c'est, en
grande partie, à cause du Code civil; si on parle des institutions
originales, c'est aussi en grande partie à cause du Code civil.
Le gouvernement du Bas-Canada, c'est-à-dire le gouvernement du
Québec de l'époque, avant 1866, était plus sage que le
gouvernement actuel parce que le gouvernement de l'époque de la
Confédération a adopté le Code civil d'un seul trait,
alors que le gouvernement actuel, représenté aujourd'hui par le
ministre de la Justice, est en train d'adopter un nouveau Code civil à
la pièce. On adopte cela à la pièce, même pas dans
un ordre quelconque. On peut faire le premier livre aujourd'hui, le
deuxième demain, le cinquième dans quelques mois, et ainsi de
suite. Donc, je pense que c'est vraiment une faille de ne pas avoir
imité le gouvernement du dix-neuvième siècle qui a
adopté notre Code civil d'un seul trait.
L'Office de révision du Code civil, comme on le sait, a
travaillé pendant 25 ans sur la révision du Code civil. Je pense
qu'il avait été créé par un gouvernement unioniste
à l'époque. Donc, il n'y a pas de partisanerie dans mes
remarques. L'Office de révision du Code civil a, bien sûr,
préparé un nouveau code. L'office a déposé un
rapport il y a déjà des années. Mais peu de
réformes de ce projet de Code civil de l'Office de révision du
Code civil ont été traduites en lois.
J'aimerais souligner que le ministre de la Justice actuel est en
fonction depuis novembre 1976. Il est donc maintenant dans sa septième
année comme ministre de la Justice - son mandat achève -
mais...
M. Bédard: Vous n'en ferez jamais autant.
M. Marx: ...depuis qu'il est ministre de la Justice, tout ce
qu'on a adopté en ce qui concerne la révision du Code civil,
c'est la loi 89, Loi sur la famille. Elle a été adoptée en
1980, avant les élections d'avril 1981. Je ne sais pas s'il y avait une
relation entre les élections et l'adoption à la hâte de ce
projet de loi...
M. Bédard: Cela a été à
l'unanimité. M. Marx: ...mais on soupçonne...
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il y avait des petits calculs.
M. Bédard: Tout le monde...
M. Marx: M. le ministre, je ne vous ai pas interrompu.
M. Bédard: Non, vous me le demandez. M. Marx:
Laissez-moi, s'il vous plaît... M. Bédard:
D'accordl
M. Marx: La loi 89, comme vous le savez, M. le Président,
comporte des articles qui ne sont pas encore en vigueur parce que nous avons
adopté des chapitres qui ne sont pas de notre compétence.
Vraiment, c'est la première fois que je vois une Législature
adopter des lois qui ne sont pas de sa compétence. C'est-à-dire
qu'on a adopté tous les chapitres sur le divorce qui ne sont pas de
notre compétence. Il y a d'autres articles dans cette loi qui sont d'une
validité douteuse - je choisis mes mots - et finalement, on a
déjà modifié à maintes reprises cette loi 89.
Vous savez qu'à l'Assemblée nationale, on a pris
l'habitude, depuis quelques années, de modifier des projets de loi par
d'autres projets de loi avant qu'on adopte le premier projet de loi. C'est un
autre problème.
Il est clair que le gouvernement a l'intention de réformer le
Code civil d'une façon parcellaire et, quand on fait une telle
réforme à la pièce, il y a des contradictions, des erreurs
et des lacunes qui se glissent dans les articles. Qui en souffre? C'est, bien
sûr, le citoyen dont les rapports juridiques sont régis par un
Code civil peu harmonisé. De plus, en faisant la réforme à
la pièce, certains chapitres seront déjà désuets
lors de l'entrée en vigueur d'autres chapitres.
Nous avons demandé à maintes reprises au ministre de la
Justice de présenter à la population un échéancier
pour l'adoption de tout le Code civil. Par exemple, l'adoption du nouveau Code
civil pourrait être faite au complet d'ici 1985, soit par ce gouvernement
soit par un autre. Si c'est ce gouvernement, le ministre pourrait alors compter
sur la coopération complète de l'Opposition. Le ministre n'a
jamais déposé un échéancier en ce qui concerne
l'adoption du Code civil. En fait, je me souviens bien que le ministre a promis
de déposer les chapitres sur les personnes et les successions au
printemps 1982. Cela a été reporté à l'automne
1982
et, enfin, cela a été déposé à
l'hiver 1982. Cela me fait penser à la fermeture de Parthenais; chaque
fois qu'on annonce que cela doit fermer, cela fait les manchettes, mais ce
n'est jamais fermé. C'est à peu près cela qu'on fait. On
appelle cela légiférer par conférence de presse ou par
communiqué de presse, plutôt par communiqué de presse que
par conférence de presse.
Donc, j'aimerais demander au ministre de déposer un
échéancier un peu sérieux pour nous faire savoir s'il a
l'intention d'adopter tout le Code civil avant la fin de son mandat.
De plus, étant donné les deux Codes civils qui existent au
Québec aujourd'hui, il n'est guère possible de parler de
l'accès au code pour le simple citoyen. Même les avocats se
retrouvent avec peine dans notre droit civil. Je pense que tout avocat serait
d'accord avec moi sur le fait - je ne parle pas des étudiants en droit,
mais des avocats reçus, des notaires - que c'est très difficile,
si ce n'est pas impossible, de se retrouver dans notre droit civil.
J'aimerais vous donner un exemple, M. le Président. Il existe
aujourd'hui au Québec deux Codes civils. Il y a le Code civil de 1866
qui est officiellement le Code civil du Bas-Canada et il y a aussi le Code
civil du Québec qui a été institué par la loi 89 en
1981. Des articles portant le même numéro se trouvent dans les
deux codes, quoiqu'ils visent des matières différentes. Par
exemple, l'article 407 traite du mariage dans un code et de la
propriété dans l'autre code. C'est très compliqué
pour des avocats et des notaires qui n'ont pas tous, dans leurs recherches,
l'appui du ministre de la Justice ou des équipes du ministre de la
Justice. Quant au simple citoyen, il est complètement perdu dans le
droit civil. (10 h 45)
Le 21 mars 1983, l'Opposition libérale a rendu un rapport
intitulé "L'état de la législation
québécoise en 1982, une vraie tour de Babel". Si on veut
continuer d'adopter le Code civil actuel à la pièce, l'Opposition
a peur qu'on veuille ajouter deux autres étages à cette tour de
Babel. Cela va devenir encore plus impossible que c'est le cas aujourd'hui.
De plus, j'aimerais demander au ministre d'éviter l'adoption de
ces projets de loi aux dernières heures de la session entre deux bills
omnibus, deux jeudis soirs à 22 h 15 où tout le monde est
prêt à aller prendre l'avion. Le ministre doit connaître
notre position sur cette question parce que l'Opposition a produit un rapport
à la fin de novembre 1982 qui porte le titre: "Les travaux
parlementaires de fin de session, un rush inutile". On a déjà vu
des lois adoptées à la vapeur qui ne sont pas entrées en
vigueur pendant des mois, même des années. Je pense que ce n'est
pas le temps de faire un autre exercice semblable.
En ce qui concerne cette question, je ne dois pas blâmer le
ministre de la Justice parce qu'il est pris aussi avec son gouvernement et
surtout avec le leader du gouvernement qui fixe les heures, qui réserve
les salles, qui fait l'ordre du jour et ainsi de suite. J'aimerais demander au
ministre qu'il parle à son leader pour qu'on fasse adopter les deux
projets de loi bien avant la fin de la session, si c'est l'intention du
ministre d'adopter ces deux projets de loi avant le 19 ou le 20 juin.
Finalement, afin d'adopter un code uniforme et harmonisé,
j'aimerais faire deux suggestions au ministre. Premièrement, j'aimerais
suggérer au ministre qu'il se fasse nommer un adjoint parlementaire.
J'imagine que cela va rendre heureux beaucoup de péquistes
d'arrière-ban. Ce n'est pas pour cette raison que je fais cette
suggestion. Je fais cette suggestion parce que j'aimerais que le ministre nomme
un adjoint parlementaire qui va s'occuper à temps plein de la
coordination de l'adoption d'un Code civil.
C'est évident que tout sera fait sous l'autorité, la
responsabilité du ministre. Si on doit critiquer quelqu'un, ce sera bien
sûr le ministre. Je pense que cela prend quelqu'un à temps plein
pour faire la révision du Code civil. Je suis le ministre dans presque
tous ses dossiers. Il est aussi ministre délégué à
la réforme parlementaire, je ne le suis pas dans ce dossier. J'essaie de
suivre le ministre dans tous ses dossiers. Vraiment le suivre est bien
difficile.
M. Bédard: Cela vous prendrait un adjoint.
M. Marx: Cela prendrait un adjoint, c'est cela. Nous n'avons pas
de fonds disponibles.
M. Bédard: Ce n'est pas très sérieux pour
nos invités par rapport aux projets de loi.
M. Marx: Le ministre va faire ses blagues après,
mais...
M. Bédard: C'est vous qui commencez.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
D'Arcy McGee, vous avez la parole.
M. Marx: Dans certains mémoires, le ministre va voir qu'il
y a des suggestions semblables, que d'une façon ou d'une autre, on donne
la responsabilité de la préparation de tout le Code civil soit
à un comité ou à une autre personne. On se rend compte
qu'étant donné toutes les responsabilités du ministre dans
tous les domaines - je ne veux pas énumérer toutes les fonctions
du
ministre, cela va prendre 30 minutes, au moins quinze minutes - c'est
une suggestion à laquelle le ministre devra réfléchir,
parce que c'est le ministre qui a le plus de travail et le seul qui n'a pas
d'adjoint parlementaire. Je trouve que, pour le Code civil, il faut qu'il y ait
quelqu'un à temps plein pour s'occuper de cette réforme. Comme le
ministre est déjà en fonction depuis sept ans et qu'il n'a eu le
temps de déposer et de faire adopter qu'un livre dans le Code civil, je
pense que c'est vraiment le temps de faire en sorte qu'il y ait quelqu'un pour
s'occuper de cette affaire à temps plein.
Une deuxième suggestion: j'aimerais demander au ministre de
surseoir à la mise en application du code à la pièce. Je
pense que ce serait mauvais d'adopter deux autres livres du Code civil,
c'est-à-dire les projets de loi nos 106 et 107, et de mettre en vigueur
et en application ces livres du Code civil quoiqu'on ne connaisse pas le
contenu des autres livres, par exemple celui sur les biens et ainsi de
suite.
M. Bédard: Le livre sur les biens, c'est celui qu'on a
déposé, on le connaît.
M. Marx: Déposé quand?
M. Bédard: Cela s'en vient, au printemps.
M. Marx: Ah! Cela s'en vient. M. Bédard: Tel que
promis.
M. Marx: Avant ou après la fermeture de Parthenais?
M. Bédard: Avant. M. Marx: Ah! Ah! Ah!
M. Bédard: Et avant que vous ayez fini de parler!
M. Marx: Cela s'en vient. Tout s'en vient. Si cela s'en vient,
tant mieux. C'est une autre raison pour ne pas mettre en vigueur et en
application tout de suite ces deux projets de loi qu'on est en train de
discuter. Je pense qu'il faut faire comme le gouvernement a fait en 1866,
c'est-à-dire mettre tout le Code civil en vigueur et en application d'un
seul coup.
Cela dit et mes suggestions faites, j'aimerais bien dire au ministre
qu'il aura la collaboration de l'Opposition pour l'adoption de ces projets de
loi, même si on n'est pas toujours d'accord sur tous les points dans
toutes les lois. On a quand même apporté notre collaboration
à un certain nombre de projets de loi même à la loi no 89,
à la loi no 18, où il y a eu une controverse - l'article qui
concerne le huis clos devant les tribunaux n'est pas encore en vigueur, mais
cela va venir aussi - à la loi no 67 et ainsi de suite. Mais je peux
assurer le ministre qu'il va avoir notre collaboration à 100% et que
nous serons ici pour l'aider dans l'adoption de ces deux projets de loi.
J'aimerais aussi signaler au président que, du côté
de l'Opposition, nous avons des notaires et des avocats
expérimentés.
M. Bédard: Heureusement!
M. Marx: Heureusement! J'imagine que le ministre fait
référence à lui-même, parce que, dans d'autres
projets de loi, c'était très utile d'avoir ces
députés en commission étant donné les conseils
pratiques qu'ils ont donnés lors de l'adoption de ces projets de loi,
dont le dernier était sur...
M. Polak: Les biens en stock.
M. Marx: ...les biens en stock. Je pense qu'on a
réécrit la loi autour de la table. Heureusement que le ministre
avait les conseils de ses avocats et des avocats de la pratique privée.
J'imagine que le ministre va bien apprécier ces conseils et la
collaboration de l'Opposition. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de D'Arcy McGee.
Je crois que, M. le ministre, vous auriez quelques remarques -
brèves, je l'espère - pour que nous puissions donner ensuite la
parole à nos invités.
M. Marc-André Bédard
(réplique)
M. Bédard: M. le Président, peut-être que
j'aurais été plus bref si j'avais entendu le député
de D'Arcy McGee parler des projets de loi qu'on a à discuter. J'ai
écouté le député avec une grande attention et
j'imagine que nos invités l'ont fait aussi. Il parle toujours de la
collaboration de l'Opposition. J'ai essayé de déceler des
suggestions positives d'amélioration concernant le présent projet
de loi, qui nous auraient fait au moins percevoir qu'il était au courant
du contenu de ces deux projets de loi. Nulle trace...
M. Marx: C'est un défi ou quoi?
M. Bédard: ...de suggestions heureuses ou qui auraient
été de nature à...
M. Marx: On ne peut discuter de cela article par article, c'est
défendu.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
D'Arcy McGee, si nous voulons passer rapidement à nos
invités.
M. Bédard: M. le Président, vous avez
remarqué que, lors de mes notes introductives, je m'en suis tenu aux
deux projets de loi pour lesquels on a invité des gens et des groupes
à venir faire des représentations. Je m'attendais que le
député de D'Arcy McGee - et, à ce moment-là, je
n'aurais même pas eu de réplique - trouve le moyen de saisir
l'occasion pour nous faire connaître certaines suggestions, nous fasse la
preuve qu'il est au courant du contenu de ces projets de loi. Malheureusement,
ses remarques nous obligent à nous rendre compte que le
député de D'Arcy McGee, comme d'habitude, n'a pas fait ses
devoirs. Je suis toujours un peu...
Mme Lavoie-Roux: Là, faites attention.
M. Bédard: Je pars toujours du principe que le
député de D'Arcy McGee...
M. Marx: ...
M. Bédard: Vous avez parlé, permettez qu'on parle.
Je pars toujours du principe que le député de D'Arcy McGee est
sérieux et je suis toujours déçu. Je ne sais pas si c'est
parce qu'il ne comprend pas ou qu'il ne veut pas comprendre certaines choses
mais il revient toujours avec des questions auxquelles des réponses ont
été déjà données. Par exemple, le
député de D'Arcy McGee, avec le plus grand sérieux du
monde, demande que le ministre de la Justice donne un échéancier
sérieux. Un échéancier sérieux a déjà
été donné, et depuis très longtemps, concernant
l'adoption - enfin, ce que nous prévoyons être les délais
normaux pour l'adoption - de l'ensemble de la réforme du Code civil. Je
pense que c'est le député qui n'est pas sérieux parce que
l'échéancier a déjà été donné.
D'ailleurs, les gestes que nous avons posés jusqu'à maintenant
nous permettent d'être en mesure de dire que nous pourrons normalement
respecter cet échéancier qui était, d'une part, l'adoption
du droit de la famille, ensuite le dépôt. Qu'on parle de six mois
de retard quand on voit l'importance des projets de loi, l'importance des
sujets dont il est traité, qu'on en soit à six mois de
différence par rapport à un échéancier fixé,
quand on sait qu'il a fallu 25 ans pour avoir un rapport de la commission du
Code civil, je pense que c'est plus que raisonnable.
Tel que prévu, nous avons déposé les deux projets
de loi que nous avons devant nous aujourd'hui. Avant l'ajournement de la
présente session, nous déposerons l'autre projet de loi
concernant les biens. J'ai annoncé tout cela il y a
déjà... Le député de D'Arcy McGee n'a
sûrement pas de mémoire...
M. Marx: Est-ce que le ministre me permettra une question?
M. Bédard: Quand même, vous vous êtes fait
plaisir. On va parler.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Bédard: J'ai déjà annoncé tout
cela. Le député de D'Arcy McGee se demande comment on va faire la
cohérence législative entre les biens, les personnes et les
successions. Il ne comprend manifestement pas - il ne semble pas comprendre -
le processus de l'adoption. Quand nous avons adopté la réforme du
droit de la famille, nous avons eu ensuite une loi d'application qui a
assuré la cohérence. Quand je déposerai le chapitre
concernant la réforme sur les biens, à ce moment-là - et
je l'ai dit, je l'ai même dit dans mon texte d'introduction et encore
là le député de D'Arcy McGee ne l'a pas vu - il y aura une
loi d'application qui ferait la cohérence de l'ensemble de la
législation qui serait à adopter. Tout cela et ensuite nous
procéderons.
L'échéancier dont j'ai parlé tout à l'heure,
il y a au moins un an que les journalistes et ceux qui suivent un peu les
travaux de la réforme du Code civil le connaissent. Il y aura ensuite un
travail sur l'ensemble du reste du Code civil qui nous permettra normalement -
c'est toujours ce que j'ai dit et je pense que c'est une vitesse de
croisière très impressionnante, c'est du moins ce que je pense -
d'effectuer l'ensemble de la réforme du Code civil d'ici la fin de
l'année 1985. Cela veut dire, depuis le dépôt en 1978, 5
ans pour faire cette énorme réforme du Code civil du
Québec alors qu'il a fallu 25 ans pour présenter un rapport. Je
pense qu'il s'agit là d'une vitesse de croisière plus que
raisonnable et qui montre jusqu'à quel point il y a des efforts qui se
font au niveau du ministère de la Justice pour faire avancer le travail
de la réforme du Code civil. Cela se fait peut-être sans bruit,
avec de nombreuses consultations, avec des rencontres avec des groupes, des
organismes pour essayer d'en arriver à présenter ou à
déposer les projets les plus acceptables, les plus valables possible.
Cela se fait sans bruit, mais cela se fait. C'est ce qui est important. (11
heures)
Le député de D'Arcy McGee, plutôt que de parler des
deux projets de loi, a profité de son introduction pour revenir sur des
dadas. Je le trouve très comique concernant la demande qu'il fait d'un
adjoint parlementaire en ce qui me concerne. Je ne demande rien du
côté de l'Opposition. Laissez-moi le député de
D'Arcy McGee, il ne fait pas grand problème. Pour ce qui est d'un
ajoint, en temps et lieu, quand cela sera nécessaire. Il y a quand
même là une vitesse de réalisation en terme de
législation
qui, en fait, se compare, si on regarde toute...
M. Marx: Je vais en parler au premier ministre...
M. Bédard: ...la législation qui a
été faite au ministère de la Justice, comparée,
pour la même période, à celle faite par des gouvernements
précédents. Cela se compare très avantageusement, je
pense. À un moment donné, il faut une logique. Lorsque le
député de D'Arcy McGee nous parle de l'état de la
législation, à un moment donné, il nous dit qu'il y a trop
de lois; à un autre, il nous dit: Dépêchez-vous d'en
adopter d'autres, y compris le Code civil, etc., il faudrait se décider.
Je pense que l'état de notre législation, qui mérite
toujours d'être améliorée, a quand même connu des
améliorations qui doivent être soulignées. Je ne veux pas
m'éterniser là-dessus, mais je le dis simplement en passant.
C'est quand même sous notre gouvernement qu'a été
publiée la première refonte des règlements en vigueur, le
1er août 1982, versions française et anglaise avec index et mise
à jour constante. C'est également sous notre gouvernement qu'il y
a eu la refonte de nos lois dont la mise à jour s'effectue actuellement
à tous les six mois. Compte tenu des délais incompressibles en
matière semblable, il s'agit d'une excellente performance. Ce sont des
gestes qui n'ont pas fait grand bruit, mais qui méritent d'être
soulignés parce que cela a représenté un travail
énorme.
Le député de D'Arcy McGee dénonce les projets
omnibus et la façon dont ils sont adoptés. Par exemple, il nous
dit: Espérons que cette législation ne sera pas adoptée
à la dernière minute de la session. Quand même! À un
moment donné, il faut en venir à se faire une idée sur la
législation. Les projets de loi dont on parle sont déposés
depuis le mois de décembre. J'espère que l'Opposition a
commencé à se faire une idée de ce qu'elle veut proposer
comme suggestions. Il est évident, malheureusement, que les fins de
session sont toujours ce qu'on appelle les fins de session.
Quant aux lois omnibus, par exemple, dont a parlé le
député de D'Arcy McGee, ce qu'il a oublié de dire, c'est
que, depuis ma nomination à titre de président du comité
de législation, à l'automne 1982, j'ai proposé, de concert
avec le leader de l'Opposition, à mes collègues ainsi qu'à
l'Opposition, une nouvelle façon de faire. Cette méthode a
été mise à l'épreuve lors de la dernière fin
de session avec le projet de loi no 101. J'avais l'impression, jusqu'à
l'intervention du député, que les parlementaires des deux
côtés de la Chambre n'avaient qu'à se féliciter de
la manière ou encore de l'amélioration qui avait
été apportée et qui obligeait les ministres à venir
se faire entendre, de manière que l'on connaisse très bien le
contenu des différentes dispositions qui peuvent se retrouver dans le
projet de loi omnibus.
J'aurais bien d'autres remarques, mais je m'arrête là. Ce
qui importe pour nous, de ce côté-ci, c'est les deux projets de
loi sur lesquels nous voulons entendre les organismes. Nous leur laissons
maintenant la parole.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Nous
allons maintenant...
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Blouin): Oui, Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Juste une question de fonctionnement. Je vois
qu'il y a huit organismes qui ont été invités pour
aujourd'hui. Normalement, la commission parlementaire cesse ses travaux
à 22 heures, si je ne m'abuse.
Le Président (M. Blouin): À 22 heures, oui.
Mme Lavoie-Roux: À 22 heures, oui.
Le Président (M. Blouin): Cependant, il est toujours
possible, avec le consentement des membres de la commission, de prolonger les
travaux.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais écoutez, c'est le régime
du mois de juin. Si vous commencez cela au mois d'avril... Comment allez-vous
répartir le temps parce qu'il me semble, si on tient compte qu'il reste
une heure avant le dîner et qu'on revient vers 15 h 30, en mettant les
choses au mieux, ensuite deux heures après le souper...
M. Bédard: II nous reste deux heures avant le
dîner.
Le Président (M. Blouin): Ce que je souhaiterais, c'est
que...
Mme Lavoie-Roux: Bien non, c'est à 14 heures...
M. Bédard: On siège jusqu'à 13 heures.
Le Président (M. Blouin): ...jusqu'à 12 h 30,
puisque la session reprend à...
M. Bédard: Bon, jusqu'à 12 h 30. Il nous reste une
heure et demie.
Mme Lavoie-Roux: De toute façon, je ne veux pas une
discussion si je me suis trompée d'une demi-heure.
M. Bédard: Ce n'est pas grave. Je me suis trompé
moi aussi.
Mme Lavoie-Roux: Je suis bien prête à me
rétracter.
M. Bédard: Je me suis aussi trompé d'une
demi-heure, ce n'est pas grave.
Mme Lavoie-Roux: Mais il reste qu'on a invité huit groupes
et ce sont quand même tous des groupes importants. Je ne vois vraiment
pas comment on peut passer à travers cela d'ici à 22 heures. Il
faudrait peut-être être prudent quant aux groupes qui seront
invités les autres journées. C'est toujours une erreur qu'on fait
et on précipite les derniers groupes.
Le Président (M. Blouin): Nous allons... Oui, M. le
député de D'arcy McGee.
M. Marx: Je conviens que nos règles sont de 20 minutes
pour la présentation. Mais si on prend, par exemple, contrairement
à ce que le ministre pourrait penser, j'ai lu quelques
mémoires...
M. Bédard: II y a toujours une latitude. M. Marx:
Mais cela veut dire...
M. Bédard: II y a toujours une certaine latitude qui est
donnée.
M. Marx: II sera impossible de passer respectivement la chambre
des notaires et le barreau dans une heure chacun.
M. Bédard: II y a toujours une latitude qui est
donnée, d'autant plus que nous avons deux projets de loi. Je pense qu'il
est normal que le président de la commission demande à ceux qui
ont à faire des représentations d'essayer de limiter la phase
préliminaire à 20 minutes, quitte ensuite à y aller de
questions.
Le Président (M. Blouin): Ce que je suggère c'est
que nous débutions dès à présent l'audition des
mémoires. Et au cours de nos travaux, d'ici à 12 h 30, nous
allons avoir peut-être une meilleure idée de l'allure que
prendront nos travaux. Au retour, vers 15 h 30 ou 16 heures, nous serons
peut-être davantage capables à ce moment d'identifier les moyens
que nous aurions à prendre pour essayer d'entendre tous les groupes qui
ont manifesté leur intention d'être entendus aujourd'hui.
Donc, dès à présent, je demanderais aux
représentants de la chambre des notaires de bien vouloir s'installer
à la table des invités.
Je leur rappelle, comme nous venons de le dire, de limiter leur
présentation à 20 minutes, dans la mesure du possible. Je
demanderais également, toujours dans la mesure du possible, aux
intervenants, et du côté gouvernemental et du côté de
l'Opposition, de ne pas trop excéder ces 20 minutes habituelles que nous
nous accordons réciproquement.
J'aimerais d'abord que les représentants de la chambre des
notaires s'identifient et qu'ils nous présentent les personnes qui les
accompagnent.
Auditions La Chambre des notaires du
Québec
M. Morency (Simon): Merci, M. le Président. M. le
Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, la chambre des
notaires est heureuse de répondre à l'invitation qui lui a
été faite de comparaître devant cette commission et elle
est fière de pouvoir présenter ses deux mémoires sur la
réforme du Code civil, soit sur les personnes et les successions.
Le Président (M. Blouin): M. le représentant, pour
les fins du journal des Débats, est-ce que vous pourriez d'abord vous
identifier et présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît!
M. Morency: C'est ce que j'allais faire, M. le
Président.
Le Président (M. Blouin): D'accord.
M. Morency: Je suis le président de la chambre des
notaires, Simon Morency; à ma gauche, Me Louise Thisdale qui est
présidente du sous-comité de législation sur le Code
civil; Me Jacques Auger qui est membre du comité, professeur de droit
civil à l'Université de Sherbrooke; à ma droite, Me Yves
Demers, membre du comité, notaire à Québec; Me Denise
Fortin, secrétaire du sous-comité et responsable de la formation
continue à la chambre des notaires et Me Earl Kimmel, le
président du comité de législation de la chambre des
notaires.
J'invite maintenant Me Jacques Auger à prendre la parole au nom
de la délégation de la chambre des notaires.
M. Auger (Jacques): Merci. M. le Président, M. le
ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission, la Chambre des
notaires du Québec voudrait d'abord vous indiquer qu'elle a
attribué et qu'elle attribue une très grande importance à
cette réforme du Code civil et, conséquemment, aux projets de loi
nos 106 et 107 qui sont présentement à l'étude.
Comme on l'a indiqué tantôt, il s'agit véritablement
d'un statut fondamental qui concerne tous les citoyens québécois
dans
toutes les phases de leurs activités. Cette importance pour la
chambre des notaires s'est traduite essentiellement de deux façons:
d'abord, par une étude attentive et exhaustive des deux projets de loi
et, deuxièmement, dans des recommandations que l'on a
déposées devant votre commission.
Ces recommandations, nous les avons voulues non seulement
générales, mais aussi et très souvent et le plus souvent
possible, précises, c'est-à-dire que nous avons voulu
concrétiser toutes nos recommandations dans des textes de loi que nous
avons reformulés, en tout ou en partie, de façon à
apporter une collaboration vraiment immédiate et, nous
l'espérons, plus efficace à ces travaux complexes. Nous avons
donc fait à cet égard plus d'une centaine de recommandations.
Compte tenu des avertissements qu'on nous a donnés, je ne pense pas
qu'on puisse parler de toutes et de chacune de ces recommandations. Nous allons
essayer ce matin, tout en respectant la limite de temps que vous nous allouez,
d'attirer l'attention de cette commission sur certains points qui nous
paraissent plus fondamentaux, mais cela ne signifie pas, pour autant, que les
sujets sur lesquels nous ne parlerons pas sont pour nous d'un
intérêt négligeable.
Je commencerai par le projet de loi no 106 qui porte réforme du
droit des personnes. Je soulignerai certaines questions en regard de six
points. La première question que je voudrais soulever concerne la
jouissance des droits civils et touche principalement l'article 1 du projet de
loi qui doit être lu avec l'article 123. L'article 1 du projet de loi
pose une règle avec laquelle tout le monde va être d'accord:
"L'être humain possède la personnalité juridique". C'est
dans sa seconde partie que nous avons certaines objections, quand l'article 1
ajoute: "II est sujet de droit depuis sa naissance jusqu'à sa mort", et
qu'on lit cet article avec l'article 123 qui charge les parents, père et
mère, de la protection des intérêts pécuniaires de
l'enfant conçu, mais non né. On peut en arriver à la
conclusion que l'actuel projet de loi sur les personnes ne s'intéresse
pas à la protection d'autre chose que les intérêts
pécuniaires d'un enfant conçu et non né.
Cela nous apparaît pouvoir poser deux types de problèmes
qui peuvent, à certains égards, avoir des conséquences
très importantes. D'abord, ce deuxième alinéa de l'article
1 risque de mettre un frein, à notre avis, à toute
évolution de notre droit vers une plus grande protection non seulement
des intérêts pécuniaires de l'enfant, mais aussi de ses
intérêts extrapatrimoniaux et, notamment, de son
intégrité physique. Non seulement nous pensons que cela peut
mettre un frein, mais cela peut même, à certains égards,
amener une régression du droit en ce qui concerne la protection des
intérêts d'un enfant conçu et non né. Or, notre
recommandation à cet égard est de ne pas adopter la
deuxième partie de l'article 1 pour s'en remettre uniquement au principe
qui est édicté dans sa première partie.
Le deuxième point que je voudrais aborder concerne
l'intégrité de la personne, essentiellement les articles 11
à 22 du projet de loi, sur lesquels nous voudrions faire deux
commentaires. D'abord, nous avons vu dans ces articles un travail tout à
fait louable et avec lequel nous sommes parfaitement d'accord,
c'est-à-dire qu'il est d'une extrême importance d'édicter,
dans un chapitre du Code civil qui traite des personnes, des dispositions
concernant l'intégrité de la personne. Le principe est clairement
posé à l'article 11. On sent bien que le souci du
législateur par la suite est d'apporter des réponses à des
questions qui se posent de façon tout à fait concrète. Qui
pourra veiller à la protection de l'intégrité physique des
personnes quand ces personnes sont des mineurs ou des majeurs incapables? C'est
ce à quoi les articles 12 et suivants veulent répondre.
Or, ici nous avons un commentaire général sur ces
articles. Nous trouvons qu'à bien des égards ils sont d'une
complexité parfois extrêmement difficile à surmonter parce
qu'ils font appel à des critères qui ne sont pas toujours
précis et parfois subjectifs: des questions de doué de
discernement ou de non doué de discernement. Aussi, ils sont tous
interreliés, à tel point que, pour en comprendre un, il faut
avoir une image parfaite de l'ensemble. (11 h 15)
Or, lorsqu'on pense que ces dispositions vont devoir s'appliquer des
centaines de fois quotidiennement, on craint que leur complexité ne
puisse constituer un obstacle important à leur application efficace. Je
ne veux donner qu'un exemple de ce que nous avançons
présentement. L'article 15, par exemple, qui parle de la
nécessité de recourir à l'autorisation du tribunal, nous
dit: "L'autorisation du tribunal est requise si le mineur doué de
discernement s'oppose". C'est, de toute évidence, une
référence à l'article 16 qui suit où, cette fois,
on parle du "mineur de 14 ans doué de discernement". Déjà,
on voit que les critères utilisés ne sont pas en parfaite
concordance. Si on les met en rapport les uns avec les autres, on peut en
arriver à la conclusion que, dans le cas du mineur de 11 ou 12 ans qu'on
pourrait juger doué de discernement et qui s'opposerait à
recevoir des soins pour une amygdalite ou pour d'autre chose d'aussi mineur, on
devra recourir à l'autorisation du tribunal. Cela nous apparaît
excessif. On pense que la protection d'un mineur est d'abord et avant tout
assurée par sa famille immédiate. Bref, notre principal
commentaire à cet égard est qu'on devrait revoir ces
dispositions dans le but de clarifier les critères de distinction
et de simplifier ces dispositions, bien qu'on comprenne fort bien qu'il s'agit
d'un travail fort complexe.
Le deuxième point - il est plus spécifique - concerne
l'article 12. Ces dispositions du chapitre III posent un principe avec lequel
on est parfaitement en accord: la personne est inviolable et a droit à
son intégrité. L'article 12 reprend ce principe en disant qu'on
ne peut soumettre une personne à un examen ou à un traitement
sans son consentement. C'est avec l'exception que vient faire le
deuxième alinéa de l'article 12 que nous ne pouvons être
d'accord. Cet article permet et permettra - s'il était adopté tel
quel - qu'on puisse administrer des traitements thérapeutiques à
des gens en cas d'urgence, mais passer outre à leur refus. Cela nous
apparaît contredire de façon très importante le principe
qui est exposé à l'article 11 et à l'article 12. Nous
pensons qu'une personne qui jouit de ce droit à l'inviolabilité
devrait pouvoir s'opposer à des traitements même si, aux yeux des
tiers, cela va à l'encontre de ses intérêts. Or, à
cet égard, nous recommandons de reprendre le deuxième
alinéa de l'article pour qu'il ne puisse pas être permis de passer
outre à un refus d'une personne qui est capable de consentir ou de
refuser.
Notre troisième point concerne la capacité du mineur et,
essentiellement, les articles 84 et suivants du projet de loi no 106. On l'a
souligné tantôt dans les propos qui ont été
prononcés notamment par le ministre, il est important d'adopter une
protection pour des personnes incapables et le mineur est au nombre de ces
personnes que l'on vise et que l'on tend à protéger. Le droit
actuel, après de nombreuses hésitations et une longue
évolution, en est arrivé à poser une règle que l'on
expose très souvent à partir de la formule suivante: le mineur
est capable de contracter, mais il est incapable de se léser. Cela
exprime fort bien l'état actuel du droit; cela signifie qu'un mineur qui
contracte ne peut pas demander que son contrat soit mis de côté
s'il ne prouve pas un préjudice. Ce n'est donc pas du simple fait qu'il
soit mineur qu'il peut obtenir que son contrat soit mis de côté,
mais en plus faut-il qu'il prouve préjudice. Voilà une
règle avec laquelle notre droit semble très bien s'accommoder
à l'heure actuelle: le mineur est donc capable de contracter, mais
incapable de se léser. Or, nous avons de la difficulté et nous
avons eu de la difficulté à comprendre exactement quelle est la
règle que veulent introduire les articles 84 et 85. On ne sait plus si
c'est une capacité limitée ou une incapacité relative ou
à une semi-capacité. Cela nous apparaît une question
importante qui devrait, à notre avis, faire l'objet d'un
réexamen. À cet égard, nous pensons que le droit actuel ne
présente pas de difficulté majeure et qu'il serait
peut-être approprié de le prendre dans l'état où il
est actuellement, quitte à reformuler, bien sûr, les règles
du Code civil qui, actuellement, ne sont pas, non plus, tellement plus claires
sur cette question.
Le deuxième point qui concerne ce chapitre sur la
minorité, c'est qu'il est important de poser des règles claires
sur la capacité du mineur et, de ces règles, il découle
forcément des mesures qui vont nous indiquer quelles sont les
conséquences qui découlent des actes posés. C'est ce que
cherchent à atteindre comme objectif les articles 93, 94 et 95 du
projet, où on nous édicte différents types de sanctions ou
de conséquences juridiques quand des actes sont posés
contrairement à ce que la loi exige.
Or, ici aussi, il nous apparaît y avoir un problème
important. L'article 93, par sa formulation, parle d'acte nul, donc en langage
juridique, cela veut dire une nullité absolue que toute personne
intéressée peut invoquer et non seulement le mineur. À
l'article 93, on parle aussi d'une nullité que l'on qualifie dans le
langage juridique de relative, c'est-à-dire que seul l'incapable ou son
représentant peut invoquer, sans dans ce cas qu'il soit besoin de
prouver préjudice. Cela aussi correspond à des articles actuels
de notre droit.
Troisième catégorie de sanctions, à l'article 95,
on dit: Le mineur peut, s'il en souffre préjudice, demander que son
contrat soit annulé. Il s'agit donc également d'une
nullité relative, mais avec preuve de préjudice dans ce cas.
Si vous remarquez, les articles 93 et 95 semblent s'adresser aux
mêmes actes. L'article 93 parle d'actes faits par le mineur lorsque la
loi ne lui permet pas d'agir seul. Techniquement, quand le mineur agit sans
être représenté au sens de l'article 95, il est donc aussi
dans un cas où la loi ne lui permet pas d'agir seul. Quelle est la
sanction qu'on devrait appliquer? L'article 93, nullité absolue ou
l'article 95, nullité relative? C'est là une question qui, nous
le pensons, devrait être clarifiée. À cet égard, il
faudrait peut-être faire le même exercice en regard des articles
105 et 106 qui traitent de la capacité du mineur émancipé,
sans cette fois parler aucunement des sanctions. Nos recommandations sont donc
de revoir ces dispositions et d'apporter ces précisions qui nous
paraissent s'imposer.
Un quatrième point concerne le conseil de tutelle. Nous sommes
tout à fait en accord avec les déclarations qui ont
été faites tantôt que, d'une part, il faut protéger
les intérêts d'un incapable et donc assurer une surveillance de la
tutelle. Il ne faut pas laisser aller un tuteur trop longtemps sans
surveillance au risque qu'il en découle des conséquences graves
pour les intérêts du mineur.
On est également d'accord avec le fait de diminuer dans la mesure
du possible l'intervention de l'État dans ce rôle de surveillance,
ce qui veut dire qu'on est d'accord en grande partie avec cette introduction du
conseil de tutelle comme nouvel organisme de surveillance. Ce nouveau conseil
de tutelle - qu'on ne doit pas assimiler à l'actuel conseil de famille,
qui fait effectivement l'objet de reproches fondés - tant par sa
vocation que par sa composition, nous apparaît susceptible de
répondre au rôle qu'on veut bien lui confier. Toutefois, le projet
de loi introduit deux types de tutelle: la tutelle légale des
père et mère, c'est-à-dire que le législateur va
accorder automatiquement aux père et mère la fonction de tuteur,
et ce que le projet de loi appelle la tutelle dative, c'est-à-dire la
tutelle qui sera déférée par un tribunal, comme c'est
actuellement le cas, ou celle qui sera déférée par les
père et mère par testament ou autre disposition.
Il nous apparaît que cette distinction mérite qu'on fasse
subséquemment d'autres distinctions, c'est-à-dire qu'accorder la
tutelle légale aux père et mère, c'est pour le
législateur accorder une confiance aux père et mère, et
nous sommes d'accord avec cela. Il nous apparaît que de cette confiance
devrait découler des mesures de surveillance un peu moins
étroites que celles que l'on va attacher à la tutelle dative. En
ce sens, nos recommandations visent à rendre très clair dans le
projet de loi que toute tutelle dative devra s'accompagner dès le
départ de la formation d'un conseil de tutelle, ce qui n'est pas clair
dans le projet de loi, du moins dans certaines de ses dispositions.
Quand il s'agit d'une tutelle dative, qu'il y ait immédiatement
dès le départ un conseil de tutelle, dont notamment la mission
est de surveiller l'administration du tuteur. Quand il s'agira d'une tutelle
légale, nous pensons que cette nécessité de surveillance
devrait être moins immédiate, un peu plus éloignée
et n'intervenir que lorsque les biens à administrer sont d'une
importance certaine. À cet égard, notre mémoire contient
des recommandations précises.
Un cinquième point concerne le droit d'accès à un
dossier personnel et cela nous ramène un peu en arrière dans le
projet de loi: à l'article 35. L'article 35 pose également une
règle avec laquelle nous sommes d'accord, c'est-à-dire permettre
à des gens de consulter les dossiers qui les concernent et, au besoin,
faire rectifier les informations que ces dossiers contiennent. Toutefois, nous
croyons que l'article 35, dans sa rédaction et dans sa formulation
actuelles, laisse une trop grande porte de sortie. En effet, lorsqu'on lit cet
article, on voit qu'une personne pourra consulter et faire reproduire de tels
dossiers qui la concernent "et qu'une personne constitue ou détient sur
elle dans le but d'informer un tiers". Il sera très facile, dans de
nombreux cas, nous le pensons, de prétendre que le dossier que je
détiens sur vous, je ne le détiens pas dans le but d'en informer
des tiers et cela va mettre fin à votre demande de consultation, de
reproduction et de possibilité de faire rectifier.
Nous pensons que cette règle de l'article 35 est fort louable,
mais qu'on devrait en repenser la formulation de façon à lui
donner un peu plus de dents. On s'est également demandé si cet
article était à lui seul suffisant pour assurer aux citoyens une
protection en regard des informations privées qui les concernent. Et on
s'est demandé s'il n'y aurait pas lieu d'adopter - peut-être pas
nécessairement dans le Code civil, mais dans une autre loi - des
dispositions un peu semblables à l'actuelle loi no 65 qui a
été sanctionnée en juin 1982 et qui concerne
l'accès aux documents des organismes publics et la protection des
renseignements privés, mais en regard, cette fois, des organismes
privés, de façon que le principe posé à l'article
35 puisse, à travers un mécanisme prévu, jouer de
façon efficace en faveur du citoyen et de la protection de ses
intérêts.
Un dernier point sur la loi no 106 concerne la dernière partie du
projet à propos des personnes morales. Nous avons eu
énormément de difficulté à nous former une opinion
sur ces dispositions. Nous sommes, en principe, d'accord avec l'introduction
dans le Code civil de dispositions beaucoup plus détaillées
concernant les personnes morales. Le Code civil est un statut fondamental,
comme l'indiquent les dispositions préliminaires. Le droit civil est
quelque chose d'également très fondamental au Québec et il
nous apparaît utile, important, qu'il contienne une espèce de
loi-cadre concernant les personnes morales.
Par ailleurs, il est très difficile de donner actuellement une
image de cette dernière partie du projet de loi et d'apporter des
critiques valables, en ce sens qu'il nous manque trop de pièces
législatives qui vont de pair avec cette partie. On ne sait pas quel
sera le prochain droit des sociétés. On ne sait pas encore
quelles seront les règles qui concernent l'administration du bien
d'autrui auxquelles on veut assujettir les administateurs de compagnies. On ne
connaît pas, non plus, cette loi-cadre concernant les compagnies dont on
parle depuis un certain temps. Bref, il nous apparaît que, pour porter un
jugement valable sur cette dernière partie du projet, il serait
préférable de connaître d'autres morceaux
législatifs qui sont essentiels à une bonne compréhension
de cet ensemble. Et, à cet égard, notre recommandation est tout
simplement, si on veut aller vraiment de l'avant avec ce projet, de retarder
l'adoption de cette dernière partie à une époque où
on sera
vraiment en mesure d'en apprécier toutes les facettes.
Voilà les points sur lesquels nous voulions attirer l'attention de cette
commission en regard de la loi no 106.
Concernant la loi no 107 portant réforme du droit des
successions, il y a quatre points sur lesquels nous voudrions insister plus
particulièrement. Le premier point concerne la part attribuée au
conjoint survivant en l'absence de dispositions testamentaires,
c'est-à-dire les articles 725 et suivants. Le ministre de la Justice a
souligné tantôt dans ses propos que l'une des grandes
réformes à cet égard avait été d'abroger ce
qu'on appelle, nous, en langage bien familier, l'article 624c,
c'est-à-dire ce fameux article qui empêche un conjoint survivant,
dans le cadre d'une succession ab intestat, de cumuler les avantages de la
succession et ceux du régime matrimonial. Il est vrai qu'il s'agit d'un
pas en avant et nous sommes tout à fait d'accord avec l'abrogation de
cet article, mais nous croyons que le projet de loi ne va pas encore assez
loin. Si on le regarde et qu'on fait un parallèle avec l'actuel droit
concernant la dévolution successorale, on se rend compte -à
l'exception et sous réverse de ce qui vient d'être dit concernant
l'article 624c - qu'on est, à peu de chose près, au même
état que le droit actuel. (11 h 30)
Or, il faut se rappeler que ce droit-là date de 1915. En 1915,
c'était un pas en avant immense que de donner un tiers de la succession
au conjoint survivant parce qu'avant il n'y avait rien du tout. Mais, en 1980,
nous pensons que c'est timide comme réforme que de maintenir, à
peu de chose près, les règles de la dévolution
successorale telles qu'elles sont actuellement. Nous serions plus près,
à cet égard, des propositions de l'office qui, lorsqu'une
succession s'ouvre et qu'on est en présence d'un conjoint et d'enfants,
la partage 50-50. Quand on n'a plus d'enfants et qu'il y a un conjoint, on ne
voit pas très bien pourquoi le conjoint devrait partager avec des
père et mère, frères et soeurs, neveux et nièces
et, parfois, petits-neveux et petites-nièces. Ces règles sont
fondées sur ce qu'on appelle les affections présumées d'un
défunt, c'est-à-dire que quand le législateur se donne la
mission d'établir de telles règles il se demande ce que ferait
normalement le défunt dans de telles circonstances. Pensez-vous
qu'aujourd'hui un défunt penserait à ses neveux et nièces
avant son conjoint? Cela nous apparaît peu vraisemblable et c'est la
raison pour laquelle nous sommes plutôt d'accord avec un pas de plus en
avant dans cette direction des règles concernant la dévolution
légale.
À cet égard - et notre mémoire n'en fait pas
état - nous voudrions souligner un point de concordance entre le droit
nouveau, qui est entré en vigueur dernièrement, notamment le 1er
décembre dernier, et le projet de loi. Le droit de la famille qui a
été édicté, la loi 89 qui est entrée en
vigueur en différentes parties et qui va encore entrer en vigueur en
d'autres parties, prévoit qu'en cas de divorce les donations à
cause de mort, c'est-à-dire les testaments par contrat de mariage pour
parler clairement, sont automatiquement révoquées. La même
loi prévoit que les bénéfices d'assurance en faveur d'un
conjoint sont automatiquement révoqués en cas de divorce.
On se demande si cette logique déjà introduite dans la loi
89 ne devrait pas se poursuivre dans la loi 107. Qu'est-ce que cela
signifierait? Cela signifierait également qu'un testament fait
antérieurement à un divorce deviendrait caduc en ce qui concerne
la nomination d'un conjoint comme légataire pour accorder, à ce
moment-là, la philosophie déjà introduite dans la loi 89.
C'est une question que nous soumettons à votre attention et sur laquelle
il y aurait lieu - nous le pensons - de se pencher.
Le deuxième point concerne l'acceptation d'une succession
dévolue à un majeur incapable et, particulièrement, les
articles 699 et suivants. Ici, la loi pose une règle avec laquelle on ne
peut être en désaccord. Quand une succession s'ouvre à
laquelle un mineur est appelé ou un majeur incapable, le
législateur ne permet pas que cette succession puisse être
acceptée purement et simplement parce qu'il pourrait en découler
une responsabilité en ce qui concerne cet incapable au-delà de
l'actif qu'il reçoit. Le législateur ne permet pas, non plus, que
cela soit une succession à laquelle on puisse renoncer au cas où
cela pourrait être intéressant toujours pour cet incapable qui n'a
pas à décider par lui-même. Il faut maintenir absolument
cette règle selon laquelle une succession dévolue à un
incapable ne peut être acceptée en principe que sous
bénéfice d'inventaire, comme on le dit. Comme il s'agit d'un cas
où il n'y a pas d'option, où on n'a pas de choix, on se demande
pourquoi on accompagne cette obligation d'accepter sous bénéfice
d'inventaire de formalités. Si on n'a pas le choix, il ne devrait pas
être utile de faire des formalités pour faire ce que la loi nous
oblige à faire. Notre recommandation, à cet égard, porte
principalement sur l'article 701 et vise à introduire une
présomption d'acceptation sous bénéfice d'inventaire et
d'éviter ainsi que les personnes ne soient obligées de faire des
formalités pour accomplir ce que la loi les oblige à faire.
Par ailleurs, dans les cas où la loi permet tout à fait
exceptionnellement de déroger à cette règle, puisque
l'article 701 mentionne ces cas, par exemple lorsqu'une succession est,
notoirement solvable ou notoirement insolvable, le formalisme devrait
être réintroduit et notamment, l'acte notarié en
minutes pour le constater, avec tous les avantages qui découlent de
l'acte notarié tant au niveau de la preuve, de la conservation, de la
sécurité, du conseil aussi que le notaire est amené
à donner à ce moment-là aux parties. Bref, notre
recommandation sur cette question est celle d'inverser un peu ce que la loi
prévoit, d'établir une présomption d'acceptation sous
bénéfice d'inventaire parce que, en principe, on ne peut faire
autrement et, dans les cas exceptionnels où on peut y déroger,
d'établir un formalisme pour toujours assurer la protection de ces
personnes incapables à qui une succession est dévolue.
Un troisième point concerne le testament authentique. D'abord,
nous sommes d'accord avec l'assouplissement des formalités qui sont
introduites par le projet de loi en ce qui regarde le testament authentique.
Nous n'avons, à cet égard, pas de commentaire particulier
à faire, si ce n'est, dans nos commentaires article par article,
certains ajustements.
Nous serions également favorables à ce que le
législateur introduise la possibilité, pour des personnes ne
connaissant pas la langue française ou la langue anglaise, de faire un
testament authentique dans la mesure où le notaire et le témoin
connaissent également cette langue étrangère. Tous les
Néo-Québécois qui, fraîchement arrivés, ne
possèdent pas suffisamment la langue anglaise ou la langue
française, pourraient eux aussi, comme tout autre
Québécois, recourir à la possibilité de faire un
testament authentique dans la mesure où, effectivement, le notaire
lui-même connaît cette langue et où le témoin requis
au testament la connaît. Nous avons donc à cet égard une
proposition très précise que vous retrouverez aussi dans notre
mémoire.
Un dernier point. Il s'agit de ce qu'on peut appeler ici
l'uniformisation des délais concernant certaines décisions
à prendre par l'héritier. Cela concerne plus
spécifiquement les articles 684 et 687 du projet de loi. Cela concerne
aussi d'autres dispositions qui ne sont pas actuellement dans le projet de loi
sur les successions. Il nous paraît qu'il s'agit là d'une question
importante. L'article 684 donne à un héritier, lorsque s'ouvre
une succession, un délai de six mois pour se prononcer: l'accepter ou y
renoncer. L'article 687 confirme clairement qu'il doit se prononcer dans ce
délai de six mois; sinon, il est réputé "acceptant" pur et
simple.
Or, dans les faits, quand s'ouvre une succession à laquelle sont
appelés un conjoint et d'autres héritiers, vous le savez,
s'ouvrent pour le conjoint, au même moment, d'autres droits. J'en
mentionne deux: le droit de se prononcer sur son régime matrimonial,
pour l'accepter ou y renoncer, quand il s'agit d'une société
d'acquêts ou d'une communauté de biens; le droit aussi - nouveau
pour lui, mais existant - de demander qu'une prestation compensatoire lui soit
versée. Or, pour se prononcer sur le régime matrimonial,
notamment la société d'acquêts, l'article 501 du Code civil
du Québec accorde au conjoint un délai d'un an. Le Code civil du
Bas-Canada, pour demander la prestation compensatoire, accorde également
un délai d'un an. Or, l'autre héritier de la succession, à
qui on n'accorde que six mois pour se prononcer, ne peut effectivement pas dans
les faits se prononcer en connaissance de cause, s'il ne connaît pas
l'option du conjoint survivant, qui a un impact majeur sur la succession.
Alors, si le conjoint survivant accepte les acquêts, il peut prendre la
moitié de la succession. S'il demande une prestation compensatoire, quel
sera le montant au bout de la ligne qui sera déterminé, soit par
un accord, soit par le tribunal?
Bref, il est obligé de se prononcer à un moment où
il peut ne pas connaître des décisions fondamentales pour
l'exercice de son option. Notre recommandation est d'uniformiser ces
délais de la façon suivante: d'abord, de raccourcir les
délais pour se prononcer sur le régime matrimonial et la
prestation compensatoire à six mois et d'accorder neuf mois à un
héritier pour se prononcer. À ce moment-là, c'est l'option
sur la succession dont le délai est le plus long -et il faut qu'il en
soit ainsi - mais dans l'ensemble notre recommandation a pour effet de
réduire un peu ces délais qui sont toujours de nature, on s'en
doute, à retarder parfois le règlement des successions. Or, notre
recommandation vise donc à rendre plus efficaces et fonctionnelles, dans
la pratique, ces décisions tout en n'allongeant pas, mais, bien au
contraire, en tentant de réduire un peu certains délais
reliés forcément au règlement d'une succession, sans pour
autant que le tout devienne hâtif et tout en laissant aux gens le temps
nécessaire pour se prononcer et exercer leur option.
Voilà les points sur lesquels nous voulions ce matin attirer plus
particulièrement votre attention. Encore une fois, nous vous rappelons
que notre mémoire contient de nombreuses autres recommandations sur
toute une série de points, d'inégale importance cependant, et que
nous avons tenu à les formuler sous forme d'articles spécifiques
de façon à faciliter davantage ce travail difficile qu'est celui
d'adopter des projets de loi. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Auger. M. Langlois,
vous avez quelque chose à ajouter ou on peut passer immédiatement
à l'intervention de M. le ministre? D'accord?
Une voix: D'accord.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Bédard: M. le Président, je voudrais remercier
le président de la chambre des notaires de même que ceux qui
l'accompagnent pour le substantiel mémoire qui a été
présenté. Il a été également
résumé sur quelques points d'une façon très
brillante, très concise et, je pense, très compréhensive
par le dernier intervenant, Me Auger.
Je sais que, étant donné les limites de temps, comme vous
l'avez mentionné, il y a beaucoup d'autres points qui ont fait l'objet
de l'attention de la chambre des notaires. Vous pouvez être convaincus
que nous en avons pris bonne note même si vous ne nous les rappelez pas
ici devant la commission. Je pense que vous vous êtes limités,
comme vous l'avez dit, à certains points plus particuliers, ce qui ne
diminue en aucune façon l'intérêt que vous avez pour les
autres points qui n'ont pu être abordés.
Vous pouvez être assurés que nous prendrons en bonne
considération les remarques que vous avez faites concernant le chapitre
premier, surtout sur le libellé de l'article 1, également,
concernant le chapitre troisième de l'intégrité de la
personne où vous reconnaissez avec nous que c'est extrêmement
complexe où vous vous dites d'accord, dans l'ensemble, avec le contenu
sauf les réserves apportées à l'article 12,
deuxième paragraphe. Vous nous dites qu'il y aurait peut-être
possibilité d'améliorer surtout la rédaction, quoiqu'on
convienne tous ensemble que ce n'est pas facile, malgré toute la bonne
volonté, de faire en sorte que ce soit plus clair que cela ne l'est
présentement. Quand même, il y a des suggestions que vous avez
faites que nous évaluerons à leur juste valeur.
Vous nous avez aussi entretenu du conseil de tutelle. Vous avez
laissé entendre, si j'ai bien compris, que le fait qu'il était
obligatoire ou pas n'était pas clair lorsqu'il y a une tutelle dative.
Il me semble que, à moins que je ne me trompe, c'est assez clair quand
même dans le chapitre quatrième qu'elle n'est pas obligatoire.
L'article 143 indique des balises, des critères dont on pourrait tenir
compte sur la nécessité ou pas qu'il y ait ce conseil de tutelle.
(11 h 45)
D'ailleurs, dans vos recommandations, dans l'ensemble de votre
mémoire - et je comprends que vous n'ayez pas pu aborder -vous y alliez
quand même de suggestions concernant l'article 143 à savoir qu'un
conseil de tutelle, par exemple, pourrait être constitué - si je
me trompe sur la représentation, vous me le direz - lorsque les revenus
bruts annuels des biens du mineur excèdent la somme de 6000 $ ou lorsque
la valeur des biens administrés excède 25 000 $. Nous en avons
pris bonne note, mais disons que, sur le principe même, il me semble que
c'est assez clair qu'elle n'est pas obligatoire. L'article 143
représente une balise que nous croyons indiquer parce que, lorsqu'il n'y
a pas de montants importants en jeu, je crois qu'il y a lieu de se demander
jusqu'à quel point il doit y avoir conseil de tutelle.
Je vais formuler tout de suite mes questions et vous laisserai
répondre sur chacun des points ou, peut-être, aimeriez-vous
répondre à mesure?
M. Auger: Sur le conseil de tutelle, notre principale
recommandation est en deux points. Il nous apparaît que ce
mécanisme de surveillance du tuteur devrait exister
systématiquement dans tous les cas de tutelle dative, ce que le projet
de loi ne prévoit pas clairement, sinon indirectement en soulignant
à certains endroits que ce conseil de tutelle a pour mission de
surveiller la tutelle dative. On s'est dit: S'il a pour mission de surveiller
la tutelle dative, il devrait nécessairement exister en même temps
qu'elle. Or, sauf ie cas où la tutelle dative est
déférée par le tribunal, il n'y a pas d'obligation, dans
le cas où la tutelle est déférée par les
père et mère, de veiller immédiatement à la
constitution d'un conseil de tutelle. C'était notre premier point. Quant
au conseil de tutelle, dans le cas de la tutelle légale, notre
recommandation est que cette surveillance du tuteur légal soit
omniprésente, compte tenu notamment de la confiance que le
législateur fait aux père et mère et que ce conseil
n'intervienne que lorsque la valeur des biens administrés l'impose. On a
seulement voulu poser des critères plus précis à l'article
143 que ceux qui s'y trouvent et qui sont toujours de nature à laisser
une marge...
M. Bédard: D'appréciation.
M. Auger: ...d'imprécision ou d'appréciation. Donc,
des critères objectifs, si vous voulez. On s'est inspiré pour le
faire, d'ailleurs, de montants qui apparaissent dans le projet de loi,
notamment l'article 179 en ce qui concerne la somme de 25 000 $.
Le Président (M. Blouin): Merci, Me Auger. M. le
ministre.
M. Bédard: Enfin, l'article 143 peut être, comme
vous le dites, une marge d'imprécision ou une marge
d'appréciation, selon...
M. Auger: Oui, oui.
M. Bédard: ...la façon dont on regarde
les choses.
M. Auger: Absolument!
M. Bédard: Positivement ou négativement.
M. Auger: Absolument!
M. Bédard: Je n'avais pas fait de remarque sur le
deuxième point parce que j'ai bien pris en note l'importance que vous
croyez qu'il y aurait d'avoir moins de surveillance, à partir du moment
où il y a une certaine responsabilité qui est carrément
donnée à une personne en particulier, les parents. Je verrai.
Concernant les personnes morales, d'abord, vous nous dites, et je vous
comprends, que vous avez énormément de difficulté à
vous faire une idée, que vous êtes, en principe, d'accord - j'ai
noté les expressions - que ce qui vous amène à avoir des
difficultés à vous faire une idée précise, c'est
qu'il manque des choses, entre autres, ce que comportera, par exemple, le Code
civil en ce qui a trait à la réforme concernant les biens...
M. Auger: ... des sociétés.
M. Bédard: ...des sociétés. Je peux vous
dire une chose: Ces deux projets de loi que nous étudions
présentement ne seront pas adoptés avant que ne soit
déposée la loi que le gouvernement proposera concernant la
réforme sur le chapitre des biens et qu'il y ait une loi d'application
qui établira la cohérence et permettra de donner sûrement
un éclairage qui facilitera la possibilité de se faire une
idée sur le chapitre I. Je pense que cela mérite d'être
souligné. Par exemple, sur cette loi d'application, vous avez
soulevé plusieurs remarques concernant les délais. Je suis
déjà en mesure de vous dire que cette loi d'application se
prononcera d'une façon spéciale concernant les délais et,
entre autres, aura pour effet de les réduire et de les rendre
cohérents entre les trois chapitres. Cela répond peut-être
à votre interrogation?
D'autre part, au chapitre des personnes morales, j'ai ici une lettre -
je pense bien pouvoir en faire connaître le contenu - que j'ai
reçue du président de la Commission des valeurs mobilières
du Québec qui dit ceci: "Nous avons pris connaissance du projet de loi
no 106 sur la réforme du Code civil du droit des personnes. Nous sommes
très heureux du titre neuvième sur les personnes morales et nous
tenons à vous féliciter d'avoir opéré une
réforme importante tout en apportant des changements terminologiques
essentiels. La commission - continue le président - a tenté
d'opérer un certain nombre de changements à l'occasion de la Loi
sur les valeurs mobilières rédigée par notre personnel et
adoptée le 16 décembre 1982. Cependant, nous devions respecter,
dans une certaine mesure, les contraintes résultant des textes
existants, notamment le Code civil du Bas-Canada et la Loi sur les compagnies.
Aussi, la commission souscrit entièrement aux modifications
fondamentales apportées par le projet de loi dans son titre sur les
personnes morales. Nous croyons -cela ne s'applique pas à vous - que
vous devez persévérer dans la voie tracée par le projet de
loi no 106 même si les partisans du statu quo se manifestent avec plus de
vigueur. Veuillez agréer, etc."
Est-ce que vous croyez qu'à partir du moment - c'est normal que
le président de la Commission des valeurs mobilières voie
l'ensemble du projet de loi sous un aspect bien particulier; vous le voyez
aussi dans son ensemble - où il y aura le dépôt du projet
de loi portant réforme sur les biens, plus une loi d'application, cela
permettra l'éclairage nécessaire?
M. Auger: Oui et on serait beaucoup plus en mesure, à ce
moment-là, de donner nos commentaires avec plus de pertinence sur cette
partie.
M. Bédard: C'est cela. Mais j'ai vu qu'en principe vous
étiez d'accord.
M. Auger: Oui, parce que nous pensons que, dans ce domaine comme
dans bien d'autres, il est important que le Code civil, comme statut
fondamental, contienne des dispositions générales
régissant la personnalité juridique de ces institutions que sont
les corporations, les sociétés ou autres, oui.
M. Bédard: Plus particulièrement sur la loi
concernant les successions, vous suggérez qu'en présence de
descendants la part successorale du conjoint survivant soit plus importante en
matière de succession légale, c'est-à-dire 50% de la
masse.
M. Auger: 33% à 50%.
M. Bédard: Vous jugez que la part actuelle est
insuffisante et que, de toute façon, le conjoint assume les obligations
relatives aux enfants.
M. Auger: Très souvent, oui.
M. Bédard: Je pense que nous sommes d'accord
là-dessus. Ne croyez-vous pas, cependant, qu'il faille tenir compte de
situations de plus en plus fréquentes maintenant où il y a
plusieurs mariages successifs et des enfants dans chacun de ces cas? Il est
donc peu probable que le dernier conjoint assume les obligations relatives aux
enfants issus des mariages antérieurs. Je
pense qu'il y a une situation - vous me ferez vos commentaires - dont on
ne peut pas ne pas tenir compte. Effectivement, si on se compare à 1867
ou même à il y a 15 ou 20 ans, il y a des choses qui ont
changé, socialement parlant. Entre autres, il y a plus de
séparations, plus de divorces, c'est évident pour tout le monde,
que ce n'était le cas auparavant. Ceci amène
régulièrement la formation de plusieurs familles. Je pense que
c'est une situation dont on doit tenir compte avant de prendre une direction
comme celle que vous suggérez.
M. Auger: J'aurais un seul commentaire à cet égard:
Ce sont peut-être les cas où les gens sont les moins susceptibles
de ne pas faire un testament. Les cas que vous soulignez existent, j'en
conviens, mais ce sont les cas où les gens sont le plus portés
à faire un testament précisément parce qu'étant
remariés en secondes noces ou même en troisièmes noces et
ayant déjà des enfants d'un premier ou d'un second mariage, ces
questions de dévolution se posent de façon beaucoup plus
concrète et pressante à ces gens-là. Ils sont moins
susceptibles, nous le pensons en tout cas, de décéder sans
testament, mais c'est possible, bien sûr.
M. Bédard: Je dois vous dire honnêtement que
là-dessus j'ai un peu de difficulté à vous suivre tout en
reconnaissant l'à-propos et le sérieux de vos
représentations. Il me semble qu'il faut tenir compte de cette situation
sociale qui a changé et aussi du fait que, maintenant -vous l'avez
souligné et vous étiez d'accord; vous l'avez même
recommandé à un moment donné - il y aura la
possibilité pour le conjoint de cumuler les avantages de son
régime matrimonial, plus ce qui lui est dévolu par la succession,
ce qui n'était pas le cas auparavant et qui est de nature à
augmenter sa part.
Il y a aussi quand même dans notre Code civil, droit de la
famille, la prestation compensatoire dont il peut être tenu compte. Vous
savez, il y a plusieurs mesures contenues dans ce projet ou dans d'autres
projets qui ont déjà été adoptés et qui
peuvent s'ajouter au tiers qu'on prévoit dans le projet de loi. Cela
peut faire en sorte qu'au bout du compte, ce soit même plus que la
moitié. Vous conviendrez avec moi que, dans certains cas, cela peut
même représenter plus que la moitié.
M. Auger: Nous sommes d'accord avec cela. Nous pensons encore
qu'aujourd'hui, en 1980, il n'est pas exagéré - tout en se
fondant sur les mêmes critères que ceux sur lesquels le
législateur se fondait il y a plus de cent ans - de penser que, si on
avait jugé opportun de parler d'un tiers il y a cent ans, il n'est pas
déraisonnable, même compte tenu des circonstances sociales qui ont
changé, de parler de 50%. L'importance de la famille et la conception de
la famille ont changé aussi à travers cette période.
En 1915, le conjoint n'héritait même pas. Pourquoi? Parce
qu'on ne le considérait pas vraiment comme partie intégrante de
la famille. On craignait que les biens passent dans une autre famille.
C'était bien la preuve que le conjoint n'était pas
considéré comme faisant partie à part entière de la
famille. Aujourd'hui, on entend de plus en plus parler de ce concept de famille
nucléaire qui comprend le père, la mère et les enfants.
C'est vraiment une conception très actuelle de la famille qui nous
incite, nous, à penser que ce n'est pas exagéré et que
cela ne causera pas d'injustice, dans la très grande majorité des
cas, qu'un conjoint survivant en l'absence de testament dispose de la
moitié de la succession.
M. Bédard: Je pense qu'on est préoccupé par
le même objectif, qu'il n'y ait pas d'injustice envers qui que ce soit.
Il y a, d'une part, un conjoint et, d'autre part, des enfants. L'importance de
la famille, on l'a tous à coeur. Je ne trouve pas, que ce soit en
fonction de votre opinion ou de la mienne, qu'on puisse accuser qui que ce soit
de ne pas avoir à coeur l'importance de la famille. À partir du
moment où le conjoint a la moitié des acquêts...
M. Auger: S'il est marié sous ce régime.
M. Bédard: Bien oui, s'il est marié, bien oui.
M. Auger: S'il est en séparation de biens, comme c'est le
cas de près de 50% des Québécois...
M. Bédard: Oui, mais c'est le régime de base, quand
même. C'est le régime de base. S'ils ont la séparation de
biens, c'est qu'ils ont voulu se donner ce régime avec...
M. Auger: Oui, c'est vrai.
M. Bédard: ...les conséquences que cela peut avoir
et les avantages que cela peut avoir. En vertu du régime légal,
il y a un demi des acquêts, un tiers de la succession du conjoint, plus
les prestations compensatoires. Si, en plus de cela, du tiers, on augmente
à 50%, plus les avantages matrimoniaux, plus les prestations
compensatoires, est-ce que vous ne pensez pas qu'en fin de compte?...
M. Auger: II y a un autre argument, si vous me le permettez.
M. Bédard: ...cela peut représenter une
partie très importante de la succession? Et puis, il y a les
enfants. (12 heures)
M. Auger: On est très conscient que le cumul des avantages
matrimoniaux maintenant ou dorénavant permis avec la part successorale
va avoir souvent pour effet d'accorder une part plus importante au conjoint
survivant. Dans une situation de succession ab intestat, où il y a
précisément des enfants dont on vise, vous et moi, à
assurer la protection, on pense qu'une des façons de les bien
protéger, ce n'est pas de fractionner la succession, parce que les gens
ne meurent pas tous avec des fortunes. Souvent, ce qui reste après le
décès de l'un des conjoints est à peine suffisant pour
continuer à assurer un minimum de protection pour la famille. Il nous
apparaît préférable de concentrer ces biens dans les mains
d'une seule personne plutôt que de les envoyer entre les mains de cinq ou
six personnes, ou de trois ou quatre, de façon à assurer à
celui qui continue à avoir l'obligation de veiller à l'entretien
des enfants, donc le conjoint survivant qui est soit le mari ou la femme, ait
à sa disposition le plus de moyens possible parce que c'est à lui
que la tâche va incomber de continuer à assurer la protection des
enfants qui ne seront pas, à ce moment-là, aptes à veiller
eux-mêmes à leurs propres intérêts. Quant à
ceux qui sont majeurs, mariés, qui travaillent, c'est moins important de
songer à leur protection.
M. Bédard: Quand vous êtes dans une situation de
plusieurs mariages successifs, etc.? Quand même, c'est une
réalité sociale dont il faut tenir compte.
Mme Lavoie-Roux: Chacune des femmes hésite?
M. Bédard: Non. Il y a des enfants d'autres mariages.
M. Auger: On est conscient qu'il n'y a pas que des avantages
à ce qu'on propose. Tout n'est jamais blanc ou noir. Nous pensons quand
même qu'il serait préférable d'augmenter la part du
conjoint survivant dans les règles de l'évolution
successorale.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Bédard: Enfin, M. le Président. Il y a aussi un
dernier point, vos représentations concernant la possibilité de
testaments authentiques en d'autres langues que le français et
l'anglais, à la condition - vous l'avez dit - que le notaire officiant,
naturellement, comprenne bien la langue et la parle.
M. Auger: D'ailleurs, c'est conforme à ce que le droit
actuel reconnaît.
M. Bédard: Oui. Cela, je dois vous dire qu'on va le
prendre en très grande considération. C'est une suggestion qui
est heureuse.
Maintenant, je constate que vous ne vous êtes pas prononcés
sur l'introduction de la réserve successorale ou encore d'une
créance alimentaire, qui étaient recommandées par l'Office
de révision du Code civil, la première en faveur des conjoints et
la seconde en ce qui concerne les enfants. Étant des experts en la
matière, est-ce que vous pourriez nous faire des commentaires sur cette
question...
M. Auger: Certainement.
M. Bédard: ...et sur ce qui vous amène à ne
pas en avoir fait état dans votre mémoire?
M. Auger: On n'en a pas fait état directement...
M. Bédard: Cela nous permettrait de connaître votre
opinion.
M. Auger: ...parce que, d'abord, le projet de loi n'en traite
aucunement. Il n'est pas question de la réserve dans le projet de
loi.
M. Bédard: Je ne me fais pas d'illusions. Je sais que les
notaires ont travaillé..
M. Auger: Je pourrais reprendre...
M. Bédard: Voyons, ne nous faisons pas de jeux de mots.
Vous connaissez très bien les travaux de l'Office de révision du
Code civil, sur la réserve successorale.
M. Auger: Oui, oui.
M. Bédard: Même si ce n'est pas dans le projet de
loi... D'ailleurs, il y a certaines choses qui ne sont pas dans le projet de
loi et dont vous nous avez parlé, fort heureusement!
M. Auger: Je pourrais reprendre, M. le ministre, les arguments
que vous venez de me servir concernant la part du conjoint survivant. Si,
à la demi de la société d'acquêts, au tiers ou
à la moitié de la succession, à la prestation
compensatoire, on ajoute la réserve, cette fois, il ne reste plus rien
ou il ne restera pas grand-chose.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Auger: Mais ce ne sont pas les
raisons qui nous portent - je voudrais quand même être bien
clair - à être complètement...
M. Bédard: Je vous pose la question, sachant très
bien que vous avez des motifs très sérieux de ne pas l'avoir
abordée.
M. Auger: C'est cela.
M. Bédard: Et vous avez encore sûrement des choses
intéressantes...
M. Auger: C'est cela.
M. Bédard: ...à dire aux membres de la commission.
Il y a d'autres mémoires où il est question de la réserve
successorale et je suis sûr que, pour ces personnes, ces autres
organismes, comme pour les membres de la commission, il serait très
indiqué de connaître votre opinion à ce sujet.
M. Auger: Effectivement, vous avez raison, nous nous sommes
penchés sur la question et nous ne pouvons pas affirmer être
complètement en désaccord avec la réserve. On n'est jamais
totalement pour, ni totalement contre. Mais notre position, pour être
clair, c'est que nous ne sommes pas favorables à l'introduction d'une
réserve, compte tenu de toute une série de circonstances et de
raisons. Je peux vous en énumérer quelques-unes. D'abord, nous ne
sommes pas convaincus qu'il s'agit là d'une mesure nécessaire,
compte tenu que cela voudrait, je pense, comme un des objectifs, corriger des
abus d'exhérédation. Si effectivement la plupart des conjoints
déshéritaient leurs conjoints, je comprends qu'il y aurait lieu
de s'interroger sérieusement sur la question et que l'introduction d'une
réserve s'imposerait peut-être davantage. À notre
connaissance, ce n'est pas là quelque chose qui est fort répandu.
Au contraire, on constate - les notaires sont bien placés pour le
constater -que, dans la très grande majorité des cas, les
conjoints sont bien traités dans les successions lorsque, effectivement,
il y a conjoint. Cela voudrait dire qu'on impose une mesure universelle,
applicable à tous les Québécois, pour régler des
cas qui, pour l'instant, peuvent être marginaux. Le contraire peut
être démontré, mais, à notre connaissance, il ne
l'est pas. C'est une raison.
La deuxième raison est qu'il faut penser au cas d'un second
mariage. Allez-vous permettre une exception à la réserve dans le
cas des seconds mariages? On ne sait pas quel impact cela pourrait avoir, mais
la personne qui déciderait de se marier pour la seconde fois et
considérerait cette réserve obligatoire, hésiterait
peut-être davantage. Dans le cas d'un second mariage - surtout dans le
cas où il y a eu des enfants du mariage précédent -
souvent on pense d'abord à nos enfants d'un premier mariage qu'à
notre conjoint du second mariage. Cela se comprend. Ce n'est pas parce qu'on
l'aime moins, mais parce que, bien souvent, on est plus à l'aise
financièrement, on est un peu plus âgé et les besoins du
conjoint sont moins importants. Il y a aussi ce problème-là qu'on
ne peut pas ignorer quand on traite de la réserve.
Autre raison, c'est que la réforme du droit des régimes
matrimoniaux, qui n'est quand même pas très vieille - elle date de
1970 - a introduit - vous l'avez vous-même souligné tantôt -
le régime de société d'acquêts comme régime
légal, c'est-à-dire que c'est ce que le législateur pense
être le meilleur régime pour l'ensemble des citoyens. Les
statistiques semblent démontrer que les gens se dirigent de plus en plus
vers ce régime. Les dernières statistiques connues faisaient
état de chiffres d'environ 50-50: 50% des gens avaient la
société d'acquêts et 50% la séparation de biens. Il
semble qu'actuellement il y ait une modification notable vers la
société d'acquêts. Or, il y a un danger à introduire
une réserve. Cela pourrait avoir un effet contraire à celui qu'on
espère, notamment sur une autre réforme qui, elle, est toute
récente, celle de la société d'acquêts. Les gens qui
déjà ont droit souvent à la moitié des biens
accumulés pendant le mariage, qui penseront qu'à cela s'ajoutera
une réserve obligatoire automatique pourraient remettre en question le
choix d'un régime de société d'acquêts. Il faut
toujours penser, quand on fait une réforme, à ne pas en
détruire une autre. Je ne dis pas que cela serait automatique, mais cela
est certainement une question qu'il faudrait considérer avant d'aller
vers la réserve.
Autre raison, c'est que la loi 89, qui est encore plus récente
que la loi 10 introduisant la réforme des régimes matrimoniaux,
introduit d'autres mesures: la prestation compensatoire, avec
possibilité de transfert de la propriété de la
résidence familiale. Encore là, des choses qui s'ajoutent et qui
n'existaient pas qui visent à la protection de plus en plus grande du
conjoint soit à la suite d'un divorce, soit à la suite d'un
décès.
Autre chose qu'il faut aussi prendre en considération. Quand on
parle d'une réserve, on peut parler d'une réserve en
général, mais pour qu'on puisse vraiment porter un jugement sur
la réserve, il faut aller voir les modalités. Dieu sait que
l'introduction d'une réserve est une chose compliquée au niveau
de la technique du droit. On n'a qu'à aller voir dans les lois où
de telles choses existent pour se rendre compte de l'extrême
complexité de l'introduction d'une réserve. Cela amène,
bien souvent, un retour en
arrière sur des transactions, des donations qui se sont faites.
Je n'ai pas à m'étendre sur la question, mais c'est complexe. De
cette complexité vont découler des coûts pour le citoyen,
des retards aussi dans le règlement des successions, alors que dans bien
des cas ce ne sera pas utile comme mesure. À cela aussi, il faut
penser.
De plus, la réserve, quand on en parle, peut être en faveur
du conjoint seulement, des enfants seulement, du conjoint et des enfants.
Là aussi, pour se prononcer sur la réserve, il faut savoir de
quel type de réserve on parle et quelle est l'importance de la
réserve. C'est donc une autre question qu'il faut prendre en
considération. Ce sont des arguments que nous avons tous
considérés et pour l'instant - ce n'est jamais une position qu'on
pense irréversible; la situation peut changer, les circonstances peuvent
changer et notre opinion aussi, forcément -compte tenu des
réformes législatives qui ont été faites en 1970,
en 1981 et qui sont en train d'être faites, nous ne croyons pas qu'il
s'agisse là d'une mesure à ce point importante qu'il faille aller
de l'avant avec cela. Pour l'instant on n'a pas sur cette question une opinion
définitive et irrévocable.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Bédard: Je vous remercie de vos commentaires sur cet
aspect concernant la réserve successorale et de toutes les
considérations que vous avez évoquées. Comme le projet de
loi qui est devant nous est muet également, comme votre mémoire,
sur la question, il faut croire que nos considérations se sont
rejointes.
M. Auger: Nous l'espérons.
M. Bédard: Merci beaucoup de votre mémoire.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les
membres de la chambre des notaires de leur mémoire qui est bien
étoffé et qui sera aussi très utile quand nous ferons
l'étude article par article, puisque ce n'est pas vraiment le moment ici
de faire l'étude article par article de ces deux projets de loi. Vous
pouvez être assurés que nous allons étudier et prendre en
considération tous les commentaires au moment d'en faire l'étude
article par article.
Je n'ai que deux petites questions. Mes collègues m'ont
déjà signalé qu'ils ont aussi des questions. Ma
première question porte sur l'article 1 du projet de loi no 106. Le
quatrième paragraphe se lit comme suit: "En cas de silence ou
d'insuffisance, ces règles sont complétées par celles qui
se dégagent d'une jurisprudence constante et d'une doctrine reçue
ou des principes généraux du droit, ainsi que parfois de la
coutume et des usages." Est-ce que la chambre des notaires a des commentaires
sur ce paragraphe de l'article premier? Est-ce que la chambre des notaires est
tout à fait d'accord sur cela?
M. Auger: Nous étions plutôt favorables à
cette disposition, d'abord, dans sa première partie, en ce qu'elle
reconnaît une primauté au droit civil au Québec et
considère ce droit comme l'équivalent d'un statut fondamental qui
sous-tend toute autre législation, laissant entendre par là qu'on
peut y déroger, bien sûr. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut
jamais déroger au Code civil. On se comprend sur cette question.
En cas de silence ou d'insuffisance, quand on fait
référence à une jurisprudence constante, à une
doctrine reçue, il est certain qu'on peut se poser immédiatement
la question: Qu'est-ce qu'une jurisprudence constante dans un système
où on n'a pas la règle du précédent? Qu'est-ce
qu'une doctrine reçue? Mais après s'être posé ces
questions, on a quand même considéré que,
concrètement, dans les faits, la jurisprudence et la doctrine jouent un
rôle très important dans l'élaboration de la règle
de droit. On voit de plus en plus la Cour suprême citer, s'appuyer sur de
la jurisprudence et de la doctrine, même vivantes. On se dit que c'est
là une source que l'on ne peut nier et on lui accorde une place qui est
secondaire ici, mais une place que cette doctrine et cette jurisprudence nous
paraissent devoir occuper. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas cru
devoir faire de commentaire. Nous n'avons surtout pas cru nous montrer en
désaccord avec ces dispositions réductives.
M. Marx: Mais je ne veux pas faire toute une discussion sur ce
paragraphe. Prenons seulement les mots "jurisprudence constante". Je me
souviens quand j'étais étudiant à la faculté de
droit de l'Université de Montréal que j'ai eu comme professeur
Maximillien Caron qui a toujours dit: Voilà, il y a la jurisprudence de
la Cour d'appel du Québec, il y a la jurisprudence de la Cour d'appel de
Montréal et il y a mon point de vue. La jurisprudence constante pour ces
jeunes étudiants, c'était son point de vue.
M. Bédard: C'était bien important pour passer les
examens. Ah! Ah!
Le Président (M. Blouin): M. le député de
D'Arcy McGee. (12 h 15)
M. Marx: Vous comprenez le point: c'est quoi la jurisprudence
constante quand il y a une jurisprudence contradictoire des deux
bancs de la Cour d'appel du Québec? Je me pose la question:
Est-ce vraiment nécessaire d'incorporer une telle règle dans le
code? Parce que cette règle fait, de toute façon, partie de notre
Code civil d'une façon implicite. Quand on essaie d'encadrer certaines
règles, on risque d'avoir d'autres règles qui se greffent autour
de cette règle qu'on a encadrée dans le code. Je pense que cela
pourrait poser un certain nombre de questions, à savoir quelle est la
doctrine reçue. Comme on le sait, en Angleterre, la doctrine
reçue, c'est quand les autorités ont décidé, quand
le professeur ou l'avocat a décidé. Au Canada, on a changé
cette règle et au Québec, c'est tout à fait
différent, peut-être, que dans d'autres juridictions et ainsi de
suite.
J'aimerais vraiment avoir votre point de vue sur cette question parce
que, si je me souviens bien, le barreau a fait un certain nombre d'objections
en ce qui concerne ce paragraphe.
M. Auger: Je vous soulignais tantôt qu'on peut
effectivement se poser la question à savoir: Qu'est-ce qu'une
jurisprudence constante? Qu'est-ce qu'une doctrine reçue? Mais nous
continuons à penser qu'on ne peut pas nier que, dans notre droit, la
jurisprudence et la doctrine sont des sources du droit secondaires, on en est
bien conscient, mais des sources et qu'une jurisprudence ne sera jamais
constante constamment, que cela change. Cela a changé dans le
passé, cela change aujourd'hui et cela va encore changer. C'est une
réalité avec laquelle il faut vivre.
L'exemple que vous nous citez de la Cour d'appel qui, sur une même
question, se divise, cela existe. Mais, à notre avis, dans ce cas, il ne
s'agit pas d'une jurisprudence constante. Donc, il est certain que
jurisprudence constante et doctrine reçue sont des concepts qui peuvent
être l'objet de discussions qu'on peut interpréter. Il ne nous
apparaît pas moins que cela reflète des sources importantes du
droit et que ne pas vouloir les codifier, c'est peut-être un peu,
beaucoup, simplement ne pas vouloir reconnaître la situation. Les
tribunaux s'appuient sur leur décision, s'appuient sur la doctrine et,
quand elle change, ils changent avec les décisions et la doctrine.
M. Bédard: Si le député de D'Arcy McGee me
permet une petite précision.
M. Marx: Nous sommes tous égaux, mais vous êtes plus
égal que moi. Allez-y.
M. Bédard: Non. Ce n'est pas en termes de plus
d'égalité, mais tout simplement de réalisme, parce que
c'est nous qui avons rédigé le projet de loi. Alors, il est
évident que la jurisprudence constante, qu'on veuille ou non ne pas en
tenir compte, je pense qu'on n'a pas le choix, les plaideurs en tiennent
compte. Lorsqu'on parle de jurisprudence constante, c'est sûrement par
opposition à un seul jugement qui serait prononcé sur une
matière déterminée ou encore sur une matière sur
laquelle il y aurait des jugements divisés de la part d'une même
cour. Tout ce que je veux dire au député de D'Arcy McGee, c'est
que, dans l'esprit du législateur, par jurisprudence constante, on veut
dire une ligne de pensée qui s'est dégagée d'une
série de jugements qui sont prononcés par une cour et qui nous
permettent à ce moment-là de dire: Voilà très
clairement quelle est la ligne de pensée de cette cour.
M. Marx: Oui, d'accord, c'est un point controversable. Je pense
que cela sera discuté dans le cadre d'autres mémoires. Je n'ai
qu'une autre petite question, en ce qui concerne ces testaments en langue
étrangère. Le ministre a déjà dit qu'il serait
réceptif à une telle modification. Prévoyez-vous les
testaments en langue étrangère seulement en ce qui concerne les
testaments notariés ou serait-ce possible, d'après votre
opinion...
M. Auger: C'est une question qu'on s'est posée, mais,
à notre avis, on peut se tromper sur cette question. Il n'y a rien qui
défende à un testateur actuellement de rédiger un
testament dans sa langue. Je ne crois pas, en tout cas, qu'on ait une loi au
Québec qui défende d'écrire un testament en polonais, si
on est d'origine polonaise.
M. Bédard: C'est clair. Il n'y a rien qui défend
à une personne de langue étrangère de rédiger un
testament dans sa langue, un testament olographe.
M. Auger: Par ailleurs, dans le cas du notaire, il ne faut pas
oublier que le testament authentique est authentique à cause de la
qualité d'officier public du notaire. Là, il y a quelque chose de
différent. On ne veut pas que ces gens soient privés de la
possibilité de recourir à la meilleure forme de testament - le
testament authentique - sous prétexte qu'ils ne peuvent pas le faire
dans leur langue, mais on pose des conditions très précises. Le
testateur devra comprendre la langue, le témoin aussi, une traduction
immédiate devra en être faite et l'authenticité du
testament ne s'étendra pas à la traduction.
M. Marx: Les notaires ont-ils beaucoup de demandes pour des
testaments en langue étrangère?
M. Auger: Peux-tu répondre là-dessus? M. Kimmel
(Earl): On a assez souvent
de telles demandes, oui, surtout de gens âgés.
M. Marx: Le ministre a presque déjà accepté
ces changements.
M. Bédard: Lorsqu'on est en période de
consultation, je crois qu'on peut faire certaines indications, mais pas d'une
façon définitive, parce qu'au-delà du groupe de la chambre
des notaires d'autres groupes auront peut-être des arguments à
nous faire valoir sur ce point. En tout respect pour ceux qui nous visitent, il
faut aller jusqu'au bout de la consultation avant de prendre des
décisions définitives.
Le Président (M. Blouin): À l'ordre! M. le
député de D'Arcy McGee. D'abord, le député de
Saint-Hyacinthe et, ensuite, le député de Saint-Laurent.
M. Dupré: J'aurais seulement une petite question.
Lorsqu'on dit que le divorce rend caduques les donations, etc., vous
souhaiteriez étendre cela aux testaments aussi. Est-ce que cela
comprendrait le cas où un conjoint décède ab intestat?
Est-ce que cela va jusque-là et la partie irait-elle totalement aux
enfants, ou aux enfants des deux mariages, s'il y a deux mariages?
M. Auger: Le problème que vous soulevez ne peut pas se
poser, parce que, comme on parle de divorce, le divorce met fin à la
vocation successorale. Le point qu'on a soulevé est le suivant: l'actuel
Code civil du Québec, à son article 557, déclare que le
divorce rend automatiquement caduques les donations à cause de mort -
c'est l'équivalent d'un testament, mais fait par contrat de mariage -
sans même que le tribunal ait à se prononcer, sans qu'on ait
à le lui demander, sans que les parties aient quelque geste que ce soit
à poser. L'article 2555 du Code civil du Bas-Canada, l'actuel Code
civil, prévoit la même chose: en cas de divorce, automatiquement,
les bénéfices d'assurances sont révoqués. Il en est
de même lorsqu'on a nommé un propriétaire subsidiaire.
Nous, on s'est dit: II y a une logique en dessous de ces dispositions. C'est
que ce qui est de nature post mortem, testamentaire, libéralité
à cause de mort, le législateur veut que le divorce mette un
terme à cela. Pourquoi ne pas faire la même chose en regard d'un
testament qui aurait été fait avant un divorce et qu'on aurait
oublié de modifier après? Cela n'empêcherait jamais un
testateur, après son divorce, de faire un testament en faveur de son
ex-conjoint. Tout ce qu'on dit, c'est que cette logique introduite aux articles
557 et 2555, il y aurait peut-être lieu de se demander s'il ne faudrait
pas la poursuivre dans le projet de loi no 107 concernant le testament
antérieur au divorce.
M. Dupré: Mais en n'empêchant pas un testateur de
donner, après le divorce, à sa première
épouse...
M. Auger: Ce n'est pas du tout un échec à la
liberté de tester qu'on propose.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Saint-Laurent, en vous rappelant que nous ajournerons nos travaux à 12 h
30.
M. Leduc (Saint-Laurent): II me fait plaisir de saluer mes
confrères les notaires, pour l'excellent mémoire qu'ils nous ont
soumis. Si on regarde l'article 1 de la loi 106, ce qui m'a frappé,
c'est que l'on voulait ne pas permettre l'avortement. C'est ce que j'ai pu
comprendre, parce que si, ensuite, on le compare avec l'article 123, on dit
que, pour des fins pécuniaires, on pourrait intervenir, mais c'est le
seul cas. Quelle est votre proposition? Comment amenderiez-vous l'article 1
à cet effet? Est-ce que vous avez la même perception que moi,
d'ailleurs, sur ce sujet, qu'on ne voulait pas permettre l'avortement?
M. Auger: On s'est posé la question: Pourquoi a-t-on
ajouté à l'article 1 le deuxième alinéa qui ne se
retrouve pas dans notre droit actuel, forcément, et qui n'était
pas, non plus, dans le projet de l'office de révision? Là-dessus,
on peut émettre certaines hypothèses mais on n'est certain de
rien. Il n'y a pas de commentaires qui accompagnent le projet de loi.
Notre commentaire est que le projet de loi sur les personnes ne devrait
pas, au départ, venir rendre totalement impossible la protection des
intérêts extrapatrimoniaux d'un enfant conçu, mais non
né. Nos propos ne visent pas à prendre position pour ou contre
l'avortement. Nous pensons que, dans le droit, des intérêts qui,
au départ, sont opposés peuvent se concilier sans qu'il faille
nier totalement ceux de l'un pour faire prédominer ceux de l'autre.
On en a de bons exemples dans notre droit récent en ce qui
concerne le droit des femmes mariées. Pendant des siècles, on
leur a nié toute capacité juridique sous prétexte de faire
prévaloir et dominer celle du mari. On se rend compte aujourd'hui que ce
sont des droits qui peuvent fort bien coexister. Tout ce que nous disons ici,
c'est que le deuxième alinéa de l'article 1 est une
réserve importante qui risque de mettre un frein définitif
à l'évolution du droit concernant la protection des
intérêts extrapatrimoniaux d'un enfant conçu mais non
né et est peut-être même de nature à opérer
une régression de notre droit sur cette question.
Actuellement, notre droit ne contient
pas de telle réserve et n'a jamais été
interprété comme s'il en contenait. Pourtant, personne ne dit
qu'il s'agit là de mesures favorisant ou défavorisant
l'avortement, bien qu'il faut être conscient que ce sont des questions
connexes et que, dans la mesure où on veut légiférer sur
ces questions, il faut examiner les deux points de vue.
On ne demande pas que soient introduites des mesures spécifiques,
mais tout simplement qu'on ne paralyse pas pour l'instant toute
évolution concernant la protection d'un enfant conçu, mais non
né. Il y a des circonstances pour lesquelles cette protection pourra
être nécessaire.
M. Bédard: Si le député de Saint-Laurent me
le permet, une précision par rapport à l'interrogation qu'il se
posait sur cet article en regard de l'avortement. Je suis en mesure de lui dire
que la rédaction de cet article n'a rien à voir avec l'intention
d'empêcher ou de permettre les avortements puisque cela relève du
droit criminel. C'est pour cela que nous écoutons - c'est au niveau des
droits comme tels - comme vous, avec beaucoup d'attention, les
représentations de la chambre des notaires par rapport à une
clarification ou par rapport à des ambiguïtés que pourrait
représenter une telle formulation.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je suppose que vous n'aurez aucune
objection à indiquer peut-être, une suggestion, depuis sa
conception jusqu'à sa mort.
M. Bédard: On verra.
M. Leduc (Saint-Laurent): On n'est pas encore rendu à
l'étudier, bien sûr, article par article.
Également, en ce qui concerne, à l'article 73, la question
du domicile, on chambarde tout. On parle de résidence principale, de la
question d'intention...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Saint-Laurent, puisqu'il est 12 h 28 et que vous allez aborder un sujet
important, je vous suggérerais de revenir au moment où nous
allons reprendre nos travaux, vers 15 h 30, puisqu'il est maintenant presque
midi trente et que les travaux de l'Assemblée nationale reprennent
à 14 heures. Alors, nous poursuivrons vers 15 h 30 avec les gens de la
chambre des notaires. Mais, juste avant, je donnerais la parole au
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, j'aimerais m'excuser. J'ai un
rendez-vous urgent à Montréal. Je serai de retour demain matin.
Donc, je serai absent cet après-midi et ce soir.
Le Président (M. Blouin): Très bien.
M. Bédard: Nous essayerons de travailler
sérieusement en votre absence.
M. Marx: Mission officielle.
Le Président (M. Blouin): Nous ajournons nos travaux sine
die.
(Suspension de la séance à 12 h 29)
(Reprise de la séance à 15 h 27)
Le Président (M. Blouin): La commission élue
permanente de la justice reprend ses travaux. Je vous rappelle
brièvement le mandat de cette commission qui est d'entendre les
personnes et les organismes en regard du projet de loi no 106, Loi portant
réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, et du
projet de loi no 107, Loi portant réforme au Code civil du Québec
du droit des successions.
Les membres - je l'indique puisqu'il y a une petite modification - de
cette commission sont: MM. Bédard (Chicoutimi); Dupré
(Saint-Hyacinthe) qui remplace M. Brouillet (Chauveau), Charbonneau
(Ver-chères), Dauphin (Marquette), Juneau (Johnson), Kehoe (Chapleau),
Lachapelle (Dorion), Lafrenière (Ungava), Leduc (Saint-Laurent); Marquis
(Matapédia) qui remplace M. Martel (Richelieu); Fortier (Outremont) qui
remplace M. Marx (D'Arcy McGee).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Blank
(Saint-Louis), Boucher (Rivière-du-Loup), Dussault (Châteauguay),
Fallu (Groulx), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Polak (Sainte-Anne) qui remplace
M. Paradis (Brome-Missisquoi); M. Saintonge (Laprairie).
Lorsque nous avons suspendu les travaux, la parole était au
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je vous remercie, M. le
Président. J'avais posé la question relative au domicile. Si on
regarde l'article 73, cet article dit la façon d'établir le
domicile; ce serait le lieu de sa résidence principale. Je voudrais
savoir ce que la chambre des notaires pense du fait qu'on ne mentionne plus la
question d'intention.
M. Auger: Nous avons examiné cette question et
effectivement nous avons constaté que dorénavant, si cet article
était adopté, le principal critère pour faire un
changement de domicile serait essentiellement la question de fait et non plus
une question de fait et d'intention. Nous n'avons pas cru devoir nous opposer
de quelque façon à cette disposition parce que le droit, si on
l'examine sur cette question
du domicile, nous indique immédiatement que les grandes
difficultés qu'il a présentées concernaient
précisément cette question d'intention. Il y a de grands
arrêts de la jurisprudence qui démontrent que la question
d'intention, lorsqu'elle avait une importance égale à la question
de fait, posait d'énormes difficultés. Il nous apparaît que
c'est une modification de nature à diminuer les problèmes
entourant le changement de domicile. Bien qu'on puisse le constater à la
lecture de l'article 73, la question d'intention ne disparaît pas
complètement, mais elle devient un critère subsidiaire.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous seriez d'accord avec le
libellé?
M. Auger: Oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si on regarde l'article 88, il
mentionne que le mineur sera maintenant responsable du préjudice qui
résulte de ses délits et quasi-délits. Cela semble
être une perception différente de celle qu'on connaissait
auparavant avec l'article 1053 du Code civil, je pense. Êtes-vous
d'accord avec cet article?
M. Auger: À moins de me tromper sur cette question, je
pense qu'il ne s'agit pas là de droit nouveau. Le mineur, dans notre
droit, a toujours été responsable des actes qui résultent
de ses délits ou quasi-délits, à moins qu'il ne s'agisse
d'un mineur à ce point jeune qu'on puisse lui nier même la
capacité de distinguer le bien du mal, comme l'indique l'article 1053.
Mais ce n'est pas un changement par rapport au droit actuel.
M. Bédard: C'est l'article 1007 du code actuel.
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, mais il n'y a plus de restriction
maintenant. Si on regarde l'article 88, cela veut dire qu'à l'avenir les
mineurs, indistinctement, sans tenir compte de leur âge, vont être
responsables des délits et quasi-délits, alors que l'article 1053
ne disait tout de même pas cela.
M. Bédard: Je vous référerais à
l'article 1007 du Code civil actuel.
M. Leduc (Saint-Laurent): Qu'est-ce qu'il dit? C'est dit
exactement comme cela?
M. Auger: II n'y a pas, croyons-nous, de changement par rapport
au droit actuel sur cette question.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Bédard: L'article 1007...
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Bédard: ...dit ceci: "II n'est point restituable contre
les obligations résultant de ses délits et
quasi-délits."
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est à peu près la
même chose.
M. Bédard: Oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): Le projet de loi fait état de
personne non douée de discernement. Il y a aussi la question d'âge
là-dedans. Qu'est-ce que vous pourriez préconiser? C'est quoi
quelqu'un non doué de discernement ou quelqu'un doué de
discernement?
M. Auger: C'est le point que nous avons soulevé, ce matin,
concernant les dispositions des articles 11 à 22. Un de nos commentaires
consistait à dire que les critères utilisés à
certains égards vont présenter des difficultés
d'interprétation étant donné l'élément
subjectif qui est relié à la question de savoir si une personne
est douée ou non de discernement. D'une part, quelqu'un de 14 ans
pourrait être doué de discernement dans telles circonstances, et
pour une autre personne, dans les mêmes circonstances, le mineur ne
serait pas doué de discernement.
Des solutions peuvent être apportées. Il s'agit tout
simplement de mettre des critères plus fixes: oublier la question
"doué de discernement" et fixer un âge. C'était,
d'ailleurs, l'option qu'avait prise l'Office de révision du Code civil
à cet égard, soit celle de parler d'un âge fixe
plutôt que d'ajouter à cet âge les critères
"doué ou non de discernement". Ce ne sont pas des choses faciles
à trancher, mais il est certain que ces critères contiennent des
éléments de subjectivité qui peuvent présenter des
problèmes, compte tenu, comme je l'ai dit ce matin, que cela va devoir
être appliqué à des centaines de reprises, dans des
centaines de circonstances différentes, par des centaines de personnes
différentes. Et il y a un danger que l'application du droit en soit,
à certains égards, perturbée. C'était le sens de
nos propos quand on demandait de jeter un regard, encore une fois, bien
attentif sur ces dispositions.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais savoir quelle suggestion
vous pourriez nous faire, parce qu'on parle également du majeur non
doué. On ne parle pas seulement du mineur, n'est-ce pas? Alors, quelle
est votre suggestion? Est-ce que, pour les mineurs, c'est un âge?
M. Auger: Dans le cas du majeur non doué, cela
présente moins de problèmes parce qu'on fait
référence ici au majeur incapable, soit en tutelle, soit en
curatelle. Dans le cas du mineur, c'est beaucoup moins simple. En effet, quand
un mineur est-il doué ou non de discernement? Voilà toute la
subjectivité de la question. La proposition qu'on peut vous faire, c'est
un peu celle que faisait l'office de révision de retenir à cet
égard, en ce qui concerne le mineur, un âge fixe, quatorze ans,
par exemple.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous seriez d'accord sur quatorze ans.
Si on regarde l'article 20, évidemment, c'est l'article qui est relatif
à la stérilisation. On n'en a pas parlé ce matin. Est-ce
que vous avez un point de vue? Est-ce que vous avez une position sur cet
article? Également l'article 19, je pense.
M. Auger: Sur le problème de la stérilisation
proprement dit, nous ne croyons pas que, en tant que corporation
professionnelle, on ait à prendre position pour ou contre cette
question. Ce qu'on a affirmé très clairement dans notre
mémoire, c'est que, si on devait aller dans le sens de la
stérilisation de certaines personnes, le mécanisme de protection
qui est prévu par l'article 20, c'est-à-dire l'obligation
d'obtenir l'autorisation du tribunal qui, lui, doit consulter des experts, nous
apparaît un mécanisme de protection adéquat.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord. Nous avons les articles 93,
94, 95. Je veux y revenir parce que je voudrais bien connaître votre
position là-dessus. Est-ce qu'on devrait, d'après vous, enlever
l'article 93 et fonctionner avec les articles 94 et 95? C'est votre
opinion?
M. Auger: Oui. C'est le sens de notre recommandation parce qu'on
ne comprend pas très bien quels sont les actes que vise l'article 93
qui, par l'emploi du terme "nul", semble bien vouloir parler d'une
nullité absolue. Or, quels sont les cas d'un mineur où les actes
sont entachés d'une nullité absolue? Si on se
réfère au droit actuel, c'est uniquement quand la loi fait des
prohibitions expresses à ces personnes de poser tel acte; faire un
testament, par exemple. Mais, tel que présenté, l'article 93 - et
c'est ce que j'ai voulu illustrer ce matin - pose un sérieux
problème lorsqu'on le compare avec l'article 95 qui, lui, est nettement
caractéristique d'une nullité relative à base de
préjudice, c'est-à-dire l'actuelle action en rescision pour
lésion. Mais les actes tombant sous le coup de l'un et de l'autre ne
sont pas clairement définis. Or, de deux choses l'une: ou bien on
abandonne l'article 93 ou bien on précise quels sont les actes qu'on
veut faire tomber sous le coup de l'article 93 et quels sont ceux qu'on veut
faire tomber sous le coup de l'article 95.
L'article 94 ne pose pas cette difficulté. Si on lit l'ensemble
du projet de loi, on voit qu'il réfère à des actes
précis: ce sont les articles 146, 147, 148 et 149. Mais les articles 93
et 95 représentent, à notre avis, une difficulté certaine
qu'il y a lieu de corriger.
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, vous feriez sauter l'article
93?
M. Auger: C'est une solution. L'autre solution, si on croit utile
de maintenir une nullité absolue, il s'agirait de préciser quels
sont les actes visés pour qu'il n'y ait pas cette espèce
d'incertitude sur le caractère de la nullité, parce que c'est
très important, concernant des actes que peut avoir posés seul un
mineur quand la loi lui défend d'agir seul. La loi peut lui
défendre formellement d'agir ou la loi peut lui dire: Tu agis avec
l'autorisation du tuteur. Dans ce cas, il s'agirait d'une nullité
relative, et dans les autres cas, d'une nullité absolue. Mais il y a
quelque chose à préciser d'une façon ou d'une autre.
M. Bédard: Peut-être que le mieux serait de
préciser les actes auxquels on se réfère...
M. Auger: C'est certainement une solution...
M. Bédard: ...à 93?
M. Auger: ...de préciser les actes qui tomberaient sous le
coup de l'article 93. C'est peut-être là qu'est le problème
le plus délicat.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si on regarde les articles 86, 151 et
154, j'ai beaucoup de difficulté à concilier ces trois articles.
Je me demande si vous vous êtes penché sur les conséquences
de ces articles et si vous avez une proposition à nous faire.
M. Auger: Article 151.
M. Leduc (Saint-Laurent): L'article 86 est relatif aux biens
gagnés et à l'administration du produit du travail du mineur. Si
on regarde ensuite l'article 151...
M. Auger: Nous avons effectivement fait des recommandations sur
ces articles. Nous pensons que l'article 86 pose une règle qui est trop
absolue, notamment dans le cas des mineurs qui, par leur travail,
reçoivent des sommes importantes. Il se peut que l'âge du mineur
ne lui permette aucunement
d'administrer ces revenus importants. À cet égard, le
principe nous apparaît trop large.
Dans notre mémoire, nous avons recommandé à cet
égard de conserver, en somme, les règles du droit actuel qui ne
nous sont pas apparues comme étant de nature à avoir posé
des difficultés énormes en ce qui concerne les revenus du travail
du mineur. Or, le mineur est capable pour les fins de son travail, mais, s'il
économise des sommes relativement importantes, ces sommes sont en
principe assujetties à l'administration du tuteur. C'est la
recommandation que nous avons faite plutôt que d'introduire des mesures
visant à déterminer quelles sont les sommes qu'il conservera et
quelles sont celles qu'il ne conservera pas, parce que cela nous apparaît
être susceptible d'introduire des litiges ou des chicanes dans la
famille. Quand les tuteurs seront les père et mère dans la
très grande majorité des cas, de par le seul effet de la loi, il
ne faudrait pas que trop de litiges interviennent sur cette question de savoir
quelles sont les sommes que le mineur conservera et celles qu'il ne conservera
pas. On est plutôt favorable à l'état actuel du droit sur
cette question.
M. Bédard: L'article 154 ne le précise pas
suffisamment?
M. Auger: Oui, l'article 154 présuppose l'intervention -
si je me souviens bien - du conseil de tutelle.
M. Bédard: Plus que cela, cela indique une limitation de
l'affectation des...
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela ne peut pas se concilier avec les
articles 86 et 151. C'est difficilement conciliable.
M. Auger: C'est ce que je soulignais il y a quelques instants.
C'est peut-être de nature, l'article 154, à créer des
problèmes entre le mineur et sa famille très immédiate que
composerait le conseil de tutelle, bien que, à cet égard, on n'y
a pas vu de problèmes majeurs. On a considéré que le droit
actuel sur ces sujets n'avait pas démontré qu'il y avait
énormément de litiges importants. On pense qu'on pourrait le
reproduire sans risque d'avoir oublié des choses fondamentales. On a
simplement voulu souligner que, quand on introduit des articles qui nous
obligent à distinguer entre ce qui est considérable et ce qui ne
l'est pas, entre ce que sont des besoins ordinaires ou des besoins
extraordinaires et que tout cela se déroule au sein de la famille, cela
peut poser des questions un peu délicates.
M. Leduc (Saint-Laurent): Évidemment, on n'est pas au
stade d'étudier le projet de loi article par article, mais si on regarde
l'article 149: "Le tuteur ne peut, sans avoir obtenu l'évaluation d'un
expert, aliéner un bien d'une valeur excédant 6000 $", comment le
savoir s'il n'y a pas d'évaluation?
M. Auger: L'article 149 n'est pas relié à la
question de l'article 154.
M. Leduc (Saint-Laurent): Non, pas du tout, c'est une autre
question. Le dernier paragraphe, selon vous, que veut-il dire? Je ne comprends
pas.
M. Auger: De l'article 149? M. Leduc (Saint-Laurent):
Oui.
M. Auger: C'est que quand un acte posé en amène
nécessairement, par voie d'accessoire, certains autres mineurs, on veut
considérer le tout comme une opération d'ensemble plutôt
que de voir tout cela comme des transactions isolées. Or, un achat qui
implique une hypothèque serait considéré, je pense, en
vertu de l'article 149, comme un tout, étant donné les relations
très intimes qui existent entre ces deux actes: l'achat, d'une part, et
le financement de l'achat, d'autre part.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je pense qu'il faudrait, de toute
façon, que l'article soit reformulé. On ne pourrait pas savoir
l'évaluation. S'il n'y a pas d'évaluation en ce qui concerne le
premier paragraphe, on ne pourrait pas savoir comment cela peut excéder
ou non 6000 $. Je comprends que, pour les valeurs cotées ou
négociées en Bourse, cela va. Mais pour tout autre bien, quel
sera le critère pour évaluer...
M. Bédard: Le critère, disons que c'est...
M. Leduc (Saint-Laurent): ...pour savoir si cela vaut plus ou
moins? Est-ce qu'on le fera toujours évaluer?
M. Bédard: Je vois cela comme un appel à la
prudence de la part du tuteur lorsque vient le temps d'aliéner des biens
qui, manifestement, sont plus importants. On parle de 6000 $, cela commence
à être un bien assez significatif. Alors, à partir de ce
moment, le tuteur, connaissant le libellé de cet article, doit, quand il
croit qu'il peut être en train d'aliéner un bien qui peut
dépasser 6000 $, aussi bien se protéger ou protéger le
mineur.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'est pas suffisant. Je ne pense pas
qu'on puisse s'en remettre au tuteur pour décider s'il va y avoir
évaluation ou non.
M. Bédard: Le tuteur sait une chose,
c'est qu'il aura avantage à faire faire l'évaluation quand
il pensera que le bien qu'il veut aliéner peut dépasser 6000 $
parce que, s'il n'a pas fait faire cette évaluation, eh bien, il tombe
sous le coup de l'article 149 selon lequel il ne pouvait pas faire une telle
transaction sans avoir préalablement obtenu une évualuation.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je pense que l'évaluation
devrait être faite avant.
M. Bédard: Enfin, j'essaie comme vous de...
M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait peut-être que ce soit
reformulé, je pense.
Je voudrais revenir sur le conseil de tutelle. On a soulevé la
question à savoir s'il devrait y avoir un conseil de tutelle ou non
lorsqu'il s'agissait d'une tutelle légale, père et mère.
Je ne sais pas si vous avez pris connaissance également de la suggestion
du barreau qui dit qu'il n'est pas question de conseil de tutelle.
M. Auger: Non, malheureusement, on n'a pas eu l'occasion de lire
le mémoire du barreau.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela m'aurait peut-être
intéressé de savoir ce que vous en pensez. Le barreau dit que
s'il n'y a pas de conseil de tutelle de nommé, c'est d'office
père et mère, également les frères et soeurs, les
ascendants. C'est l'article 156.1, je pense. Alors, vous ne l'avez pas
vérifié. (15 h 45)
M. Auger: On n'a pas eu l'occasion de lire le mémoire. Ce
qu'on a dit sur cette question ce matin, c'est qu'il nous apparaît
important qu'il y ait une mesure quelconque de contrôle de
l'administration d'un tuteur. Cela nous paraît important. Cela nous
paraît également important que ce soit confié à des
proches de la famille plutôt qu'à un organisme public. À
cet égard, après avoir examiné la nouvelle vocation et
composition du conseil de tutelle par rapport à ce qui était ou
ce qui est encore le conseil de famille, on y a vu un organisme de nature
à répondre à ce que l'on recherche, bien qu'on ait fait
des représentations dans le sens que lorsqu'il s'agit d'une tutelle
légale, celle des père et mère, on est tout à fait
favorable à ce que cette mesure de surveillance soit
relâchée pour n'être réintroduite que lorsque les
biens administrés en valent vraiment le coup. C'était notre
position, mais je ne peux pas commenter le mémoire du barreau, ne
l'ayant pas lu.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous êtes d'accord sur la
façon dont ils sont nommés et sur la composition du conseil? Cela
vous va?
M. Auger: Oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous ne pensez pas que cela peut
être trop lourd, en pratique?
M. Auger: Si on compare le conseil de tutelle du projet de loi no
107 avec l'ancien conseil de famille, effectivement, ce serait lourd et on ne
serait pas d'accord, parce que l'ancien conseil de famille, je parle d'ancien,
mais le conseil de famille, c'est un conseil ad hoc. Vous le convoquez ce matin
pour une question X et, si dans trois semaines vous en avez encore besoin, vous
en reconvoquez un nouveau pour une autre question. Il n'y a pas de permanence
de vocation. Et, à ce moment-là, on sait ce qui se produit
souvent: on a des amis de dernière minute, ramassés dans les
corridors du palais de justice. Ce n'est pas ce dont on parle ici. C'est un
organisme qui est nommé, constitué, qui demeure en fonction et
qui peut comprendre trois ou cinq personnes. C'est déjà beaucoup
moins lourd. Comme il a une vocation plus permanente, cela nous paraît
être de nature à répondre aux objectifs que l'on vise,
c'est-à-dire assurer une protection des intérêts du mineur.
Et, à notre avis, il en faut un, un organisme. Si ce n'est pas le
conseil de tutelle, cela devrait être autre chose.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous êtes d'accord sur
le fait que chaque fois qu'on doit prendre avis du conseil de tutelle on doive
nécessairement obtenir l'autorisation du tribunal?
M. Auger: Non, d'ailleurs, le projet de loi...
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais, avant, c'était cela.
Avant, dès qu'il fallait une autorisation, il fallait avoir
également l'avis du conseil de famille.
M. Auger: Non, non. Le projet de loi là-dessus apporte une
réforme importante aussi en ce qui a trait...
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous êtes d'accord sur
ce principe?
M. Auger: Oui, oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous pensez qu'il y a des actes qu'on
pourrait poser seulement sur avis et que, à d'autres moments, il
faudrait avoir l'avis et l'autorisation?
M. Auger: Oui. Les endroits où le conseil de tutelle doit
être consulté et où cette consultation-là est
suffisante nous paraissent être des actes qui peuvent être
posés avec cette consultation, sans trop de
risques. Par ailleurs, le projet de loi ne laisse pas tomber totalement
l'autorisation du tribunal dans certains cas, même sur avis du conseil de
tutelle.
M. Leduc (Saint-Laurent): II y a l'article 145. Peut-être
qu'on n'a pas de réponse. On dit: "Le tuteur datif agit à
l'égard des biens du mineur à titre d'administrateur
chargé de la simple administration". Ce n'est peut-être pas encore
défini, la simple administration. Est-ce que cela vous semble
satisfaisant?
M. Auger: Je pourrais répondre à cette question si
je savais ce qu'est la simple administration par rapport à - je ne sais
pas - l'administration plus complète. Tout ce qu'on peut dire, c'est
d'aller voir ce qu'il y a dans le projet de l'Office de révision du Code
civil, mais là je pense qu'on parle de façon
prématurée. La simple administration, cependant, si je comprends
bien l'expression, ça va de l'étape première de
l'administration des biens d'autrui, celle qui va conférer à son
titulaire le moins de pouvoirs...
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est un peu comme le liquidateur.
M. Auger: Mais, je ne peux pas en dire plus sur cette question
parce que je ne connais pas du tout les dispositions qui sont
édictées.
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, vous ne pourrez pas vous
prononcer tantôt sur la question du liquidateur parce que lui aussi est
un simple administrateur.
M. Auger: C'est la même chose. En ce qui concerne les actes
qu'il sera autorisé à faire comme simple administrateur, oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): Comment verriez-vous cela, une simple
administration, pour que cela soit utile et efficace?
M. Auger: C'est toute une question que vous me posez.
M. Bédard: Si vous le permettez, je ne veux pas venir
à votre secours, mais je comprends très bien qu'on puisse se
poser des questions sur ce qu'on doit entendre par simple administration.
Disons que les réponses viendront avec le dépôt du projet
de loi concernant les biens où là, sûrement, il faudra en
arriver à une définition de ce qu'on entend par simple
administration.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est drôlement important parce
qu'on parle de tutelle, on parle de tuteur...
M. Bédard: C'est exact. Comme on sait que les trois choses
devront être adoptées ensemble, cela ne posera pas de
problème.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si on regarde les articles 173 et 174,
cela me semble des situations assez particulières. Je me demandais si
vous étiez d'accord avec cette formule de substitut, de remplacement du
conseil de tutelle par une personne qu'on désignerait chaque fois, soit
un juge, un protonotaire, le directeur de la protection de la jeunesse ou le
curateur public.
M. Auger: Nous avons considéré ces dispositions
telles qu'elles se présentent, c'est-à-dire comme étant de
nature subsidiaire et comme ne devant intervenir que dans des situations
exceptionnelles. À ce moment-là, on n'a pas attaché une
grande importance à ce conseil substitut en pensant que, vraiment, il
s'agirait de situations exceptionnelles, mais aussi tout en considérant
que des situations exceptionnelles peuvent se présenter et qu'il peut y
avoir des raisons pour passer outre à la règle
générale et adopter une voie secondaire plus rapide, plus
efficace. Je dois vous avouer qu'on ne s'est pas attardé très
longuement sur le conseil substitut.
M. Leduc (Saint-Laurent): On connaît maintenant, avec le
nouveau projet de loi, la tutelle dative. On dit qu'elle peut être
instituée par une déclaration enregistrée, une
déclaration au tribunal et également, bien sûr, par
testament. Par testament, on peut être bien d'accord, mais que
pensez-vous de la déclaration au tribunal? Comment pourra-t-on
vérifier cela? Est-ce que cela sera facile de le vérifier?
M. Auger: II faudrait, pour répondre à la question
que vous me posez, que le mécanisme qui, nécessairement, sera
sous-jacent à cela soit connu. Or, il m'est encore difficile de me
prononcer sur l'efficacité de cette mesure sans en connaître les
modalités. Pourquoi cela ne serait-il pas efficace? À
première vue, il n'y a pas de raison vraiment pour penser que cela ne
serait pas du tout efficace. Cela dépendra beaucoup des mesures
administratives qui seront mises en place pour le fonctionnement de cette
déclaration au tribunal. On n'a pas cru voir là de
problèmes majeurs, mais il faudrait, pour être vraiment plus en
mesure de porter un jugement sur cette question, connaître ces mesures
administratives qui vont forcément accompagner, j'imagine, cette
possibilité.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne sais pas si vous vous êtes
penchés sur la question de la disposition des biens appartenant aux
mineurs ou aux incapables. En quelque vingt années de pratique, j'ai
fait beaucoup de
dispositions, beaucoup d'aliénations de biens appartenant
à des incapables. Chaque fois, c'était de la frime. Des ventes
à l'enchère, je n'ai jamais connu cela. En 22 ou 23 ans de
pratique, je n'ai jamais connu une seule vente à l'enchère. Cela
m'a toujours préoccupé. Chaque fois, lorsqu'on procédait
à une vente de propriété ou d'autres biens pour lesquels
il fallait avoir les autorisations, on allait chercher un semblant d'expertise
un agent d'immeubles. On lui disait qu'on avait une offre à 95 000 $ et,
évidemment, on s'arrangeait, bien sûr, pour que ce soit
l'acheteur, celui qui avait fait l'offre à 95 000 $, qui ait la
propriété. D'ailleurs, les avis dans les journaux, tout le monde
sait que ce ne sont pas des "best-sellers". Personne ne les vérifie. On
arrivait ainsi, chaque fois, avec un seul acheteur, soit le type qui avait
signé l'offre d'achat.
Je me demande si vous n'avez pas pensé à d'autres
formules?
M. Auger: Le projet de loi, à cet égard, propose
des choses, principalement à l'article 146. Peut-être,
préalablement, devrais-je dire que, quand on connaîtra
jusqu'où iront les pouvoirs de la simple administration, on sera encore
mieux en mesure de savoir exactement ce que le tuteur pourra faire sans
autorisation et ce qu'il devra faire avec autorisation. Mais déjà
l'article 146 apporte une réponse dans le cas d'aliénation d'un
bien important. La vente pourra se faire de gré à gré,
après consultation du conseil de famille et autorisation du tribunal.
Or, il ne s'agira pas d'une vente publique. Cela pourrait être une vente
de gré à gré, mais pour laquelle on aura
préalablement obtenu certaines autorisations. Quant aux autres aspects
de cette question, la réponse se trouvera davantage dans les
règles concernant la simple administration.
M. Leduc (Saint-Laurent): En pratique, ce qui se produit, c'est
qu'il y a chaque fois un coût très important. Ces
procédures coûtent souvent près de 1000 $. Dans certains
cas - cela s'est présenté - c'était une supposée
expertise qui était faite; enfin, à mon sens, une expertise qui
n'en était pas une. Au lieu de protéger les mineurs, en fait,
c'était l'inverse. Cela leur était préjudiciable. On
arrivait avec une seule offre. Il y avait un expert. On soumettait l'offre et
on procédait après.
M. Auger: Effectivement, les solutions aux problèmes que
vous soulevez et qui sont réels devraient être données dans
les règles sur l'administration du bien d'autrui. Si on édicte
ces règles de façon que les critères ne soient pas trop
bas quant à la valeur d'un bien, trop rigides, on va peut-être
répondre au voeu que vous exprimez de faire disparaître certaines
procédures qui sont peut-être un peu inutiles dans certaines
circonstances. C'est au niveau de tout ce chapitre, qui va régir
l'administration du tuteur, du liquidateur d'une succession et autres
personnes, que les réponses vont vraiment être données.
M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne
l'émancipation en dehors du mariage, vous n'avez pas
vérifié le mémoire du barreau? Évidemment, le
barreau dit: en dehors du mariage, il n'est plus question d'émanciper.
Évidemment, maintenant la majorité est atteinte à
l'âge de 18 ans. Il n'y a plus d'utilité que l'on procède
à l'émancipation, d'autant plus que dans le passé, dans
l'histoire, apparemment, il s'en est fait très peu. Je serais d'accord
avec cela.
M. Auger: On s'est posé la même question, et j'ai
même tenté de vérifier combien il y avait de cas
d'émancipation rapportés. J'en ai trouvé un qui remonte
à assez longtemps. Cela ne démontre certainement pas que cela a
été très utilisé. Maintenant, est-ce que cela
présente des problèmes qu'il y ait cette possibilité dans
notre droit que, compte tenu de certaines circonstances, on puisse
émanciper quelqu'un qui n'a pas 18 ans? Cela ne nous est pas apparu
comme étant quelque chose de majeur. C'est la raison pour laquelle, en
fin de compte, on ne s'est pas opposés au maintien de
l'émancipation sous sa nouvelle formulation, tout en étant
conscients que cela ne semble pas avoir posé de grands problèmes,
ni d'avoir été très couru dans le passé.
M. Leduc (Saint-Laurent): À l'article 99, il y a une
émancipation par tuteur avec avis du conseil de tutelle. Est-ce que vous
êtes d'accord avec cela? À plus forte raison, on émancipe
sur simple avis du conseil de tutelle.
M. Auger: Oui, mais le mineur émancipé ne devient
pas pleinement capable de tous les actes de la vie civile, dans ce cas. C'est
un peu la même chose que je vous disais. On n'y a pas vu
d'inconvénients à ce point grands qu'on a cru devoir s'opposer
à cette mesure, tout en étant conscients de sa relative
utilité.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais maintenant toucher à
l'article 107.
Le Président (M. Blouin): Enfin, si vous voulez conclure
rapidement, si possible.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voulais simplement parler de la
représentation tant en matière de succession légale
que
testamentaire. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
M. Auger: Je m'excuse. De la...
M. Leduc (Saint-Laurent): De la représentation, suivant
les nouvelles règles.
M. Auger: Ah bon.
M. Leduc (Saint-Laurent): On dit que maintenant - en ligne
ascendante, il n'y en avait pas - qu'en ligne collatérale, ce qui me
semble aberrant, on a une représentation jusqu'au septième
degré. Maintenant, quand il y a un testament, elle est automatique.
Alors, que pensez-vous de cela?
M. Auger: C'est une question qu'on a vraiment examinée. La
représentation en ligne directe descendante, le droit n'est pas
changé là-dessus; elle a toujours été à
l'infini.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord.
M. Auger: Maintenant, on réduit les degrés; on
s'arrêterait au septième. Cela ne nous pose pas de
problème.
En ligne collatérale, la représentation s'arrêtait
au deuxième degré où on disait: "les neveux et
nièces inclusivement." Qu'on permette la représentation à
cet égard au-delà du deuxième degré, cela ne nous
apparaît pas, non plus, poser des difficultés et on est d'accord
avec cette règle.
Quant au troisième volet de votre question, à savoir si
c'est une bonne chose d'introduire la représentation automatiquement
dans les testaments la réponse aussi, en ce qui nous concerne, est oui.
Parce que, dans les faits, les testaments - du moins lorsque ceux qui les
rédigent connaissent le droit - prévoient
généralement la représentation ou l'accroissement, selon
les circonstances. Le fait de la prévoir automatiquement nous
apparaît quelque chose de souhaitable. On n'y voit pas
d'inconvénient majeur. (16 heures)
M. Leduc (Saint-Laurent): Ce sera ma dernière question: En
ce qui concerne la dévolution, lorsqu'il y a des descendants,
peut-être que j'aurais préféré demi-demi, mais,
lorsqu'il n'y a pas de descendants et pas de collatéraux,
êtes-vous d'accord avec le projet? Je voudrais bien qu'à ce
moment-là on donne tout à l'épouse. Je sais qu'on en a
parlé ce matin. Évidemment, dans notre pratique, on fait
plusieurs testaments et on constate que, lorsqu'il y a un époux,
même s'il y a des enfants, dans 95% des cas, c'est complètement
dévolu à l'époux. Il y a une question de droit de
succession. Vous savez qu'au Québec nous sommes la seule province
où il y a des droits de succession. C'est sûr que cela a un
impact, parce que si on se donne entre mari et femme, au dernier vivant, comme
on l'appelle, il n'y a pas de droits de succession et, également, il y a
le roulement. Or, c'est sûr que cela peut avoir un impact. Mais il faut
tout de même constater ce qui se fait en pratique. Dans 95% des cas, les
époux se donnent l'un à l'autre. J'accepte assez difficilement
qu'on maintienne le tiers et les deux tiers.
M. Auger: Vous êtes tout à fait dans la même
ligne de pensée que notre mémoire. Nous avons proposé ce
matin qu'au premier degré, c'est-à-dire qu'en présence de
descendants on porte du tiers à 50% la part du conjoint survivant et
que, lorsqu'il n'y a plus de descendants, mais un conjoint, même s'il y a
des ascendants privilégiés ou des collatéraux
privilégiés, le conjoint recueille toute la succession. Or, on
s'entend très bien sur cette question.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accordl Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Saint-Laurent.
M. le député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, j'ai seulement une question. Je
voudrais revenir sur le problème de Me Auger, que le ministre a
soulevé ce matin, la réserve successorale. Au début, vous
avez parlé de la succession ab intestat à la page 4 de votre
mémoire, et je cite: "La loi devrait être plus
généreuse envers le conjoint survivant." Vous dites qu'il faut
tenir compte davantage de la perception du citoyen québécois sur
cette question. Personnellement, je suis tout à fait d'accord avec cet
énoncé. Je pense que c'est très important de
protéger la femme et les enfants. Vous avez bien répondu. Vous
avez parlé de la famille nucléaire, vous avez cité le cas
de séparation de biens, etc. Vous avez dit: Nous restons avec notre
opinion qu'il faut avoir la moitié et non le tiers dans tel cas.
Un peu plus tard, le ministre vous a parlé de réserve
successorale et je suis un peu surpris parce que vous avez pris l'argument du
ministre. Vous avez dit que la situation sociale a changé et que tout de
même on peut se marier deux fois de temps en temps. Donc, vous avez pris
les arguments du ministre pour ne pas accepter la réserve
successorale.
M. Bédard: La moitié des choses.
M. Polak: J'ai trouvé une sorte de contradiction dans
votre thèse. Je suis tout à fait d'accord avec votre thèse
parce que ce qui m'intéresse beaucoup, c'est de protéger
l'unité familiale. Je pratique moi-même
comme avocat, je ne suis pas notaire comme mon confrère et vous,
mais on rencontre souvent des successions où les enfants ou un des
enfants ou même le conjoint ou l'ancien conjoint sont exclus. Cela
arrive. Je me demande s'il faut choisir, dans un principe de protéger la
victime... Supposons qu'on aurait ici dans notre Code civil un système
de réserve successorale, comme on a, par exemple, aux Pays-Bas. Je
connais très bien le système, parce que je viens des Pays-Bas;
donc, j'ai étudié le droit là-bas. Le système est
le suivant: la réserve successorale pour le conjoint et pour les enfants
est la moitié de ce qu'on aurait reçu ab intestat, en principe.
Je n'ai jamais entendu dire que cette loi était trop compliquée
ou complexe, ou que quelqu'un soit en désaccord avec cette loi. La seule
plainte qu'on entend, ce sont des maris qui veulent enlever à leur femme
une portion, qu'on appelle là-bas une portion légitime. Pour le
reste, tout le monde est d'accord avec cette loi.
Ne croyez-vous pas, d'après ce que vous avez énoncé
à la page 4, que peut-être votre position concernant la
réserve successorale devrait être révisée? Pourquoi
n'êtes-vous en faveur de ce principe si vous voulez protéger la
femme et les enfants?
Le Président (M. Blouin): Me Auger.
M. Auger: Poussé à la limite, bien sûr,
l'argument de notre mémoire pourrait aller jusqu'à dire: On vous
tout donner au conjoint survivant et oublions tout le reste. Notre position
là-dessus est qu'on est favorable à ce que, au niveau des
successions ab intestat, la part du conjoint survivant soit accrue, mais,
lorsqu'il est question de la réserve, j'ai énuméré
un certain nombre d'arguments ce matin qui font qu'on n'est pas en total
désaccord avec l'idée d'une réserve. Mais nous sommes
loin, actuellement, d'être convaincus qu'il s'agit d'une mesure à
ce point nécessaire qu'il faille l'imposer universellement à
l'ensemble des citoyens québécois. J'ai
énuméré des arguments comme celui-ci: Est-ce qu'il y a
vraiment tellement de conjoints qui déshéritent leur conjoint?
À cela, notre réponse est plutôt non. Là-dessus, on
s'appuie sur les dires de confrères notaires qui voient beaucoup de
règlements de succession. Est-ce que cela causera certains
problèmes au niveau des seconds mariages? À cela, on
répond: Oui, cela risque de causer des problèmes. Est-ce que cela
ne risque pas de venir "saboter" des réformes qu'on vient tout juste de
faire? Je pense à la loi 10, qui a réformé les
régimes matrimoniaux.
Mon argument est le suivant: Déjà, les gens, en vertu du
régime légal, peuvent recueillir la moitié des biens,
s'ils veulent tout simplement adopter ce régime. Si on ajoute à
cette moitié un quart ou quelque autre fraction, il y a peut-être
un danger qu'il faudrait bien examiner avant d'aller de l'avant. Il y a
peut-être un danger que cela opère un recul par rapport à
une réforme toute récente que l'on veut et qu'on a voulu
maintenir dans la loi 89, notamment. Il y a aussi la loi 89 qui introduit
d'autres mesures de protection: la prestation compensatoire, la
possibilité de transférer la résidence principale.
C'est en tenant compte, en fait, d'une série de règles de
droit que nous en arrivons à dire: On n'est pas, en principe, contre une
réserve. Mais nous ne croyons pas que, actuellement, il soit absolument
nécessaire d'introduire une mesure universelle, c'est-à-dire qui
reposera sur les épaules de tous les Québécois, pour
régler des problèmes qui ne nous sont pas encore apparus comme
étant majeurs et très répandus.
Vous soulignez un argument que l'on a vraiment considéré
quand vous parliez de la protection de la famille et des intérêts
de la famille. Une réserve, surtout si on l'introduit également
en faveur des enfants, va avoir un effet de séparation du patrimoine
familial. Comme je le disais ce matin en réponse à une question
qui m'était posée, les gens, au Québec, ne meurent pas
tous avec des fortunes. Il est souvent important que les biens que laisse le
premier des deux époux soient concentrés sur la tête d'un
des deux époux pour qu'il puisse assumer les tâches qui lui
incombent en vertu de la loi. Une réserve, notamment, qui
s'étendrait aux enfants aurait pour effet de séparer le
patrimoine familial et peut-être de rendre des mauvais services à
cet égard.
M. Polak: Vous savez, ce qui arrive en pratique, en Europe, par
exemple, c'est qu'on n'exerce pas ce droit qu'on appelle là-bas la
portion légitime. Ce qui arrive, c'est que, par exemple, quand mon
propre père est décédé, j'avais droit à une
minime portion de la moitié comme l'un de ses huit enfants, et j'ai
simplement renoncé en faveur de ma mère, comme tous les autres
enfants. Quand le notaire a dit tout à l'heure que, dans 95% des cas,
les conjoints se laissent leurs biens mutuellement l'un à l'autre, il
n'y a aucun problème que les gens vont insister pour exercer ce droit.
Il y en a quelques-uns, peut-être, qui disent: Je veux avoir ma portion
légitime, mais 95% y renoncent en faveur de leur parent survivant.
M. Auger: C'est un peu là notre argument, c'est que, si
vraiment il y a tant de gens qui y renoncent, ce n'est peut-être pas, au
départ, une mesure, pour l'instant, qui est absolument
nécessaire. Mais comprenez bien notre position. Ce n'est pas une
position qui consiste à dire: Une réserve, c'est, en soi, quelque
chose de mauvais et on est complètement contre. Nous ne pensons
pas que, actuellement, compte tenu de l'ensemble des lois
adoptées et en voie de l'être, ce soit quelque chose qu'il faille
imposer en sus à tous les citoyens québécois, pour
l'instant.
M. Polak: Théoriquement, on peut encore l'avoir dans la
province de Québec, il reste encore de ces portions de biens, un peu
comme le cas qu'on a vu en Saskatchewan, la femme qui a travaillé toute
sa vie sur une ferme, par exemple, séparée de biens; le mari,
à l'âge de 55 ans, devient fou, il tombe en amour avec une jeune
femme: Bonjour, madame, je laisse tout à elle. Cela peut encore exister,
vous êtes d'accord avec cela?
M. Auger: Oui, mais ce n'est plus une question de réserve
qui réglera ce problème. Dans ce cas, c'est un divorce et, dans
le cas du divorce, il n'est pas question de réserve successorale. Vous
faites référence à l'affaire Murdoch, j'imagine. Le
législateur québécois a déjà tenté
d'apporter une réponse à cela, c'est la prestation compensatoire
qui est entrée en vigueur le 1er décembre. La réserve ne
réglerait pas ce problème.
M. Polak Je voudrais juste dire, comme j'ai aimé votre
attitude dans l'appendice A page 4, de garder en réserve ce principe
pour l'avenir pour la succession aussi.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Sainte-Anne. Je remercie également nos
invités, les représentants de la chambre des notaires.
M. Bédard: Alors, M. le Président, au nom des
membres de la commission, je tiens à remercier à nouveau la
chambre des notaires de la présentation de son mémoire et d'avoir
accepté de répondre avec beaucoup de capacité à
toutes les questions que nous lui avons posées. Je sais que la chambre
des notaires, par plusieurs de ses représentants, a toujours
été associée dès le début à tous les
travaux concernant la réforme du Code civil et qu'elle continue d'y
être associée. Je souhaite que la présentation de son
mémoire devant la commission ne constitue pas la fin de sa contribution.
Je sais bien que ce ne sera pas la fin de sa contribution, puisque même
cette commission parlementaire terminée, je tiens à souligner,
autant à la chambre des notaires qu'à tous les organismes qui
seront entendus, que, s'ils croient opportun de faire d'autres
représentations au niveau gouvernemental ou du ministère de la
Justice avant que la législation soit adoptée - il reste quand
même des délais assez importants - de ne pas de priver de faire
des représentations parce qu'on est conscient que tout projet de loi,
surtout avec la complexité de celui qui est devant nous, est susceptible
d'amélioration.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.
Succinctement, M. le député de Saint-Laurent. Ensuite, je vous le
permettrai, M. le président.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais me joindre au ministre pour
remercier les représentants de la chambre des notaires et la chambre des
notaires pour l'excellent travail qu'ils ont fait. Comme les avocats ont
l'habitude de nous appeler les vétérinaires du droit, vous avez
été d'excellents vétérinaires. Je vous
remercie.
Le Président (M. Blouin): M. le président, vous
voulez ajouter un mot avant de terminer.
M. Auger: Oui. Je ne voudrais pas rester dans le domaine
médical. Ce n'est pas tellement curatif que préventif. M. le
Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, nous tenons
à vous remercier de votre accueil et de l'attention que vous nous avez
donnée. Permettez que la chambre vous souhaite bonne réflexion
à la lumière de nos propos. Merci beaucoup.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le
président et tous les représentants de la chambre des notaires.
J'invite maintenant les représentants de la Chambre de commerce de la
province de Québec à s'approcher à la table des
invités. Si vous voulez bien, M. le représentant de la chambre de
commerce, présenter les gens qui vous accompagnent et vous
présenter vous-même pour les fins du journal des Débats,
s'il vous plaît.
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, mon nom
est Jean-Paul Létourneau et je suis le vice-président
exécutif de la Chambre de commerce du Québec. M'accompagnent ici
pour la présentation de notre mémoire: M. Marcel Tardif,
directeur général des affaires publiques de la Chambre de
commerce du Québec, et Me Sylvie Massicotte, directeur des services
juridiques de notre organisme. Je dois excuser notre président, M.
Langlois, et un autre membre de la chambre, Me Roger Beaulieu, qui est
associé principal chez Martineau Walker et président du
comité des sièges sociaux de l'Association des MBA du
Québec, qui auraient pu être avec nous ce matin. Nous avions
espéré, étant les deuxième à l'ordre du
jour, pouvoir comparaître un peu plus tôt. Malheureusement à
cause des retards, ces deux personnes ne peuvent pas être avec
nous à ce moment-ci.
Le Président (M. Blouin): M. Létourneau, compte
tenu de ce que vous venez de dire, je vous rappelle que nous souhaitons que
vous fassiez votre présentation, si possible à l'intérieur
de notre limite habituelle. Merci. (16 h 15)
M. Létourneau: Nous allons essayer d'être le plus
succincts possible, M. le Président, et de prendre moins de temps que
les premiers intervenants. Ce n'est pas parce que ce n'était pas
intéressant, remarquez; ils avaient des choses fort pertinentes à
dire.
Nous désirons, tout d'abord remercier la commission de cette
occasion de venir présenter notre point de vue. Nous
apprécions beaucoup cette opportunité. La chambre de commerce -
je me permets de le signaler rapidement, en passant - est une
fédération de quelque 200 chambres de commerce locales qui
regroupent près de 40 000 membres au Québec. La chambre compte
aussi plus de 3000 entreprises membres qui y adhèrent directement. Notre
rôle ici est - et je crois utile d'insister sur ce point - de
représenter le monde des affaires du Québec et ses membres qui se
comportent raisonnablement dans le marché, ceux qui veulent et oeuvrent
au développement économique du Québec. Nous ne sommes pas
là pour parler pour les tricheurs ou les fraudeurs qui existent,
malheureusement. Je pense qu'il est important de souligner ce point au
départ parce que notre observation ou nos perceptions du projet de loi
sont conditionnées par cette perspective.
Notre intérêt principal dans cette démarche concerne
surtout le titre neuvième du projet de loi no 106, c'est-à-dire
celui qui traite des personnes morales, et les articles 314 et suivants du
projet de loi. Concernant cette partie du projet de loi, le titre
neuvième, nous devons faire observer à la commission que nous
avons été assez surpris du contenu et de la portée du
titre neuvième, et ceci, pour plusieurs raisons. Premièrement,
nous estimons que le Code civil est une loi fondamentale et ce qui nous a
surpris, c'est que le titre neuvième aille aussi loin dans le
détail du fonctionnement des corporations, des
sociétés.
Le deuxième aspect qui nous a aussi surpris, c'est que les
propositions contenues dans le titre neuvième s'éloignent et
ajoutent considérablement aux propositions de l'Office de
révision du Code civil. Sans vouloir, pour autant, dire qu'on appuie ou
qu'on n'appuie pas ces propositions, on remarque qu'on s'est aventuré
à faire du droit nouveau et ceci, pour autant que nous le sachions, sans
consultation préalable au dépôt du projet de loi avec les
principaux intéressés. En tout cas, nous n'avions pas entendu
parler de l'intention de faire certaines propositions qui sont contenues dans
le titre neuvième.
Le troisième aspect qui nous a aussi surpris, c'est le fait que
les propositions remettent en cause le principe de la responsabilité
limitée de l'entreprise. Il nous semble que cela va avoir des
conséquences qu'il n'est pas possible d'évaluer
complètement présentement parce qu'on n'a pas suffisamment de
temps, mais au sujet desquelles il faudrait avoir d'autres
éclaircissements. Le ministre a dit ce matin que d'autres documents
viendraient. Mais, pour le moment, les restrictions qu'on fait et les nouvelles
responsabilités qu'on veut donner aux fondateurs, aux actionnaires, aux
administrateurs de la société, sur les questions de fraudes,
d'abus de droit d'ordre public, cela nous apparaît très lourd et
susceptible d'avoir des conséquences qui ne seraient certainement pas
toutes positives.
Un quatrième point qui nous a surpris, c'est qu'on
créerait par les propositions du titre neuvième un régime
juridique très différent pour les entreprises au Québec
par rapport à ce qui existe partout ailleurs au Canada, alors qu'on
vient tout juste de modifier la Loi sur les compagnies pour fins de concordance
avec la loi fédérale. Cela aussi nous surprend.
Enfin, cinquième point - et on est un peu surpris de constater
cela - en ce faisant, on semble contrevenir à une priorité
gouvernementale très fortement affirmée récemment, soit la
relance de l'économie par l'affirmation du secteur privé. On
contrevient à cela en instituant des enfarges importantes à
l'entrepreneurship et particulièrement à la PME. C'est cela,
notre perception du titre neuvième.
Par ailleurs, nous accueillons favorablement les nouvelles dispositions,
dans ce projet de loi, portant sur le droit au respect de la réputation
et de la vie privée, la reconnaissance du droit des enfants, la
simplification des mesures de changement de nom et quelques autres que vous
retrouverez dans notre mémoire. Comme nous devons aller vite, à
la recommandation du président, nous allons résumer rapidement le
contenu du texte de notre mémoire.
Nous vous signalons qu'en ce qui concerne ce qui précède
le titre neuvième nous sommes très satisfaits de
l'énoncé de l'article 33 car l'expression "toute personne", pour
nous, englobe les personnes morales. Mais l'article 34 restreint l'article 33
dans la mesure où on limite les cas permis à ceux visant
l'information légitime du public. Or, cette expression "information
légitime" n'a pas, à ce que nous sachions, un sens légal
connu.
Je passe rapidement pour demander aux membres de la commission, tant du
côté gouvernemental que de l'Opposition, d'examiner attentivement
nos remarques en
ce qui concerne la question du domicile, les articles 73, 74 et 75. Je
passe immédiatement au contenu du chapitre IX et à nos
observations sur ce contenu plus spécifique que justifieront les
remarques préliminaires que j'ai faites tantôt et que vous pourrez
retrouver en consultant notre mémoire à partir de la page 18.
Le Code civil primerait-il sur les lois des compagnies? Le projet de loi
crée un titre nouveau sur les personnes morales. Les articles 352
à 371 actuels déclinent les genres de corporations, donnent leurs
droits et privilèges, mais ne prévoient pas leur fonctionnement.
Il faut se référer aux "lois générales applicables
à l'espèce". De plus, le fonctionnement de chaque type de
corporation peut varier. Il nous apparaît donc inutile de préciser
le mode de fonctionnement des corporations dans le Code civil, d'autant plus
que certains articles contreviennent aux dispositions de lois
spécifiques. À l'article 324, par exemple, il est dit: "Les
associations et les sociétés sont régies par les
dispositions du présent code ou - et le mot "ou" est important - par les
lois applicables à leur espèce." L'utilisation du disjonctif "ou"
donne-t-elle lieu à une alternative? Si tel est le cas, comment et qui
exercera le choix?
L'article 315 traite des personnes morales de droit public comme suit:
"Les personnes morales de droit public sont régies par les lois qui les
constituent et leur sont applicables ainsi que par le présent titre,
s'il y a lieu de compléter les dispositions de ces lois. Elles sont
assujetties au droit civil, notamment dans leurs rapports avec les autres
personnes." Dans leur cas, le Code civil les régirait, s'il y a lieu de
compléter les dispositions de leurs lois constituantes. En l'occurrence,
que signifie compléter? Si le code supplée à quelques
carences des lois qui régissent les corporations de droit public, il
serait plus simple d'amender ces mêmes lois. Le Code civil doit
reproduire les règles régissant les rapports entre les personnes
et non pas, à notre avis, devenir un simili-code commercial.
Vers la création d'un nouveau régime. La lecture du projet
de loi laisse l'impression que le législateur voudrait que, d'une part,
deviennent personnes morales toutes les sociétés et associations
et, d'autre part, que soit modifié le régime actuel de
responsabilité des corporations.
La personnalité morale. À l'article 333, il est dit que
"la personne morale doit être immatriculée au registre des
personnes morales." Cette immatriculation confère la personnalité
juridique selon l'article 317, qui dit: "Les personnes morales de droit
privé possèdent la personnalité juridique à compter
de leur immatriculation au registre des personnes morales."
Doit-on comprendre par là que l'article 333 impose de fait
l'obligation de s'enregistrer à toutes les sociétés et
associations? Qu'arrive-t-il des sociétés de professionnels?
Elles sont des sociétés civiles dont les membres peuvent fort
bien ne pas vouloir la personnalité morale. Leur intention est de former
un regroupement d'individus et non pas une entité morale distincte.
Attribuer une personnalité juridique aux professionnels outrepasserait
leur intention. De plus, l'impact des lois fiscales sur la personnalité
morale des sociétés devra faire l'objet d'une étude
attentive, il nous semble.
Un nouveau régime de responsabilité. Gluant au
régime de responsabilité, on met sous le même chef, dans le
Code civil, les mêmes règles applicables à la fois aux
sociétés et aux corporations. Pourtant, on reconnaît depuis
longtemps des droits déjà inscrits dans les lois constituantes
des compagnies. Notamment, la responsabilité des membres de la
corporation est limitée à l'intérêt que chacun y
possède. Ils sont aussi exemptés de tout recours personnel pour
l'acquittement des obligations de la corporation. Quant aux
sociétés, la responsabilité des associés
était clairement précisée dans le Code civil, notamment en
ce qu'ils peuvent être poursuivis conjointement et solidairement et
partagent les pertes.
Le projet de loi pose un premier jalon, à l'article 354, en
stipulant que: "les membres d'une personne morale sont tenus envers elle de ce
qu'ils promettent d'y apporter, à moins que la loi n'en dispose
autrement". Ceci reprend les dispositions de la responsabilité
limitée des membres de la corporation (anciennement, l'article 363 du
Code civil). La formation d'une compagnie permet à la fois des
investissements nombreux et variés, encouragés par cette
responsabilité limitée. On sape ce principe de
responsabilité limitée en insérant quelques articles de
droit nouveau qui nous paraissent contraires aux lois actuelles sur les
compagnies.
À l'article 331, on affirme que "la personne morale ne peut
invoquer la personnalité juridique à l'encontre d'un tiers de
bonne foi dès lors qu'elle s'en sert pour masquer, entre autres, l'abus
de droit ou une contravention à une règle d'ordre public".
J'attire particulièrement l'attention des membres de la commission sur
cette expression "entre autres". Je ne sais pas ce que le législateur
veut dire exactement. Est-ce que cela indique que ce n'est que le commencement,
qu'on voudra ajouter à cela? L'expression "entre autres" implique qu'il
y aura peut-être autre chose, mais quoi?
Les notions d'abus de droit et de règle d'ordre public demeurent
imprécises. Une contravention à un règlement municipal
peut-elle constituer de l'abus face aux tiers? L'Office de révision du
Code civil prévoyait
la levée du voile corporatif en cas de fraude et non pas dans le
cas d'abus de droit.
L'article 357 traite de la fraude. Je ne lirai pas l'article, car ce
serait peut-être un peu long. Je veux être bref pour conclure que
cet article déroge, selon nous, dans sa teneur, aux principes connus et
actuels du droit corporatif. L'origine de cet article ne trouve aucun fondement
dans notre réalité juridique. Il s'inspire, cependant, de
l'article 248 de la loi du 24 juillet 1966 - la loi française - sur les
sociétés commerciales. À notre avis, il faut l'enlever,
d'autant plus qu'il établit une présomption de culpabilité
inacceptable qui va à l'encontre des principes juridiques reconnus
ici.
A l'article 355, il est stipulé que "Un administrateur peut,
même dans l'exercice de ses fonctions, acquérir des droits dans
les biens qu'il administre ou contracter avec la personne morale. Il doit
dénoncer aussitôt le fait par écrit à la personne
morale en indiquant la nature et la valeur des droits qu'il acquiert et
demander que le fait soit consigné au procès-verbal des
délibérations du conseil d'administration ou à ce qui en
tient lieu. Il doit s'abstenir de délibérer et de voter sur la
question."
Cette règle est plus sévère que
l'interprétation actuelle des tribunaux sur les conflits
d'intérêts. L'étendue de la divulgation est très
exigeante. Tout professionnel administrateur devra dénoncer par
écrit tout mandat reçu en indiquant la valeur des droits et leur
nature y rattachés. Cela nous semble exorbitant, d'autant plus s'il
représente un contentieux important.
Quant à l'article 358, on y relève que "Le tribunal peut,
à la demande de tout intéressé, interdire la fonction
d'administrateur d'une personne morale à toute personne trouvée
coupable d'un acte criminel comportant fraude ou malhonnêteté dans
une matière reliée ou non aux personnes morales, ainsi
qu'à toute personne trouvée, de façon
répétée, en défaut de se conformer aux lois
relatives aux personnes morales ou à ses obligations à titre
d'administrateur du bien d'autrui. L'interdiction rend la personne inhabile
à continuer d'exercer une fonction d'administrateur." (16 h 30)
Nous remarquons, d'une part, que l'interdiction pouvant aller
jusqu'à cinq ans, article 359, peut être demandée par "tout
intéressé". Or, les lois sur les compagnies prévoient
déjà que les actionnaires peuvent destituer les administrateurs.
Que faire alors de la Charte des droits et libertés de la personne qui
prévoit, à l'article 182, que: "Nul ne peut congédier,
refuser d'embaucher une personne du seul fait qu'elle a été
reconnue coupable ou s'est avouée coupable d'une infraction
pénale ou criminelle, si cette infraction n'a aucun lien avec l'emploi
ou si cette personne en a obtenu le pardon"?
Il y a là, encore une fois, il nous semble, contradiction.
L'article 373 prévoit que: "Une personne morale ne peut
être administratrice d'une autre personne morale. Cependant, lorsqu'elle
désigne une personne pour agir comme administratrice d'une autre
personne morale, elle est soumise aux mêmes conditions et obligations et
encourt la même responsabilité que si elle était
elle-même administratrice, sans préjudice de la
responsabilité de la personne désignée".
Pourquoi étendre la responsabilité de l'administrateur
à la personne morale qui le désigne? Ainsi, toute entreprise qui
investit dans d'autres entreprises, d'autres compagnies, en cas de faillite de
celles-ci, deviendrait responsable de leur part de salaires impayés,
pour ne citer qu'un cas type. L'article 373 va à l'encontre des
principes fondamentaux du droit corporatif canadien.
Pour obvier à ces nouvelles responsabilités, il faudrait
que les compagnies évitent de désigner des administrateurs.
Toutefois, en tant que compagnies qui investissent, il est souhaitable qu'elles
puissent surveiller de près l'administration de leurs avoirs.
Voudrait-on maintenant les en empêcher? La liberté de
l'investissement n'est-elle pas garante du dynamisme économique?
Les articles 331, 355, 357, 358 et 373 instaurent, en lieu et place de
l'actuel régime, un autre régime qui postule essentiellement la
mauvaise foi des compagnies, de leurs membres et administrateurs et qui risque
de paralyser leur essor.
La place des sociétés constituées hors du
Québec. Le Québec ne peut s'inscrire en faux contre la
réalité juridique canadienne en conférant à une
compagnie d'ici, mais constituée par une loi fédérale, des
obligations différentes de celles d'une compagnie ontarienne
constituée par la même loi. Les entreprises
fédérales non immatriculées perdront-elles leur statut
juridique? Deux sortes de dispositions, donnant lieu à deux types de
régimes, ne peuvent coexister en matière de
responsabilité. L'article 320 n'affirme-t-il pas que "Les personnes
morales constituées suivant les lois du Québec ont la pleine
jouissance des droits civils au Québec et hors du Québec"?
Certains problèmes et articles particuliers. Problématique
des définitions. Le projet de loi distingue les personnes morales de
droit public (article 315) et les personnes morales de droit privé
(article 316), ces dernières se divisant en associations et en
sociétés. Aucun article ne définit
précisément qui sont les personnes morales de droit public.
Comprennent-elles à la fois les municipalités et les
sociétés de la
couronne?
Quant aux sociétés et aux associations, elles sont
définies aux articles 322 et 323. Ces définitions ne se
réfèrent pas à des catégories existantes. Il aurait
fallu dire, il nous semble, que, par exemple, "les associations comprennent les
syndicats, les coopératives ou autres" ou "les sociétés
comprennent les sociétés par actions, les sociétés
réelles, en commandite, etc." Au lieu de procéder ainsi, on
décrit ces catégories de personnes morales en explicitant leur
"vocation". Nouvelle notion qui signifie "objet" ou "but". Qu'arrive-t-il d'une
personne morale dont le but ou la vocation ne correspond pas
précisément à une de ces deux définitions?
Cherche-t-on à imposer cette vocation? Il semble que oui à la
lumière de l'article 321 qui prévoit que: "Les personnes morales
ont toutes la capacité requise pour exercer leurs droits dans la mesure
nécessaire à l'accomplissement de leur vocation et les
dispositions relatives à l'exercice de droits civils par les personnes
humaines leur sont applicables autant que faire se peut. Elles n'ont d'autres
incapacités que celles qui résultent de leur nature, de leur
vocation ou de la loi ou, le cas échéant, de leur acte
constitutif".
Si elles ont des incapacités résultant de leur vocation,
ceci signifie-t-il qu'elles n'ont, a contrario, que les capacités
résultant de leur vocation? Par exemple, les associations (article 322)
ne partagent pas de bénéfices entre leurs membres. Pourtant, il
est prévu que les coopératives peuvent distribuer leur profit.
Cela deviendrait-il illégal s'il était établi que cela est
contraire à leur vocation? D'autre part, un actionnaire pourrait-il, en
vertu de la vocation des sociétés, réclamer sa part des
profits non répartis en disant que la compagnie n'obéit pas
à sa vocation?
Ces articles, sur les objets des associations et des
sociétés, devraient être enlevés. D'autant plus,
qu'il n'est pas nécessaire dans tous les cas d'avoir un objet ou une
vocation pour constituer une compagnie. Par exemple, sous la partie 1A de la
Loi sur les compagnies, les compagnies sont constituées sans objet
spécifique.
Rédaction et portée de certains articles. À
l'article 328, on lit que "Les personnes morales s'expriment par leurs organes.
À moins que la loi ou les statuts n'en disposent autrement, ces organes
sont, notamment, le conseil d'administration et l'assemblée des
membres." Il faut se référer au texte anglais pour comprendre la
signification du mot "s'expriment" traduit par le verbe "to act", dont la
connotation est plus large et comprend tout ce qu'une personne morale peut
faire. Il est faux d'affirmer que les organes agissent; l'assemblée des
membres s'exprime rarement, sauf en assemblée annuelle ou
spéciale, de même pour le conseil d'administration. Or, dans les
faits, c'est la direction, par son président ou autre dirigeant, qui
s'exprime.
L'article 330 stipule que "Les administrateurs de la personne morale la
représentent et l'obligent dans la mesure des pouvoirs que la loi ou les
statuts leur confèrent. Ils agissent comme administrateurs du bien
d'autrui chargés de la pleine administration". Or, la notion de
représentation est nouvelle par rapport au droit corporatif.
À l'article 335, on lit que "L'acte constitutif ou la
déclaration indique notamment le nom et le domicile de la personne
morale, la forme juridique qu'elle emprunte et, le cas échéant,
son objet, son capital et sa durée". Pourquoi avoir un article
précisant que ce que doit contenir une déclaration, lorsqu'elle
est déjà prévue dans la Loi sur les déclarations
des compagnies et des sociétés?
L'attribution judiciaire de la personnalité, à l'article
349, est de droit nouveau. À moins d'une utilité probante, autre
que de corriger rétroactivement le laps de temps antérieur
à l'immatriculation, on voit difficilement l'utilité de cette
disposition.
À l'article 378, on dit que "Les assemblées des membres
d'une personne morale se tiennent au lieu de son siège ou au lieu
fixé par ses statuts. Le conseil d'administration les convoque". La
rédaction laisse supposer l'impossibilité que d'autres personnes,
à part le conseil d'administration, puissent convoquer les
assemblées.
Quant à la dissolution et à la liquidation des personnes
morales, aux articles 389 à 399, elles ne devraient pas être
précisées dans le Code civil. La Loi sur la liquidation des
compagnies existe et couvre ce sujet.
En conclusion, la Chambre de commerce de la province de Québec,
tout en approuvant les objectifs d'une réforme du Code civil, recommande
notamment, comme la chambre des notaires l'a fait ce matin et comme le barreau
semble bien s'apprêter à le faire, de surseoir pour le moment
à l'adoption du titre neuf du projet de loi no 106.
Nous recommandons que le titre sur les personnes morales ne s'applique
qu'aux corporations et que l'application du Code civil à celles-ci soit
clarifiée conformément à l'état actuel du droit.
Nous recommandons que les règles actuelles sur la responsabilité
limitée des compagnies soit respectées.
Nous reconnaissons aussi qu'il y a probablement des objectifs à
ces propositions. À titre de porte-parole du monde des affaires du
Québec, nous sommes prêts à constituer une équipe de
praticiens et de spécialistes du milieu des affaires et à
examiner, conjointement avec des
représentants gouvernementaux, les objectifs qui sous-tendent le
titre neuf et à analyser les meilleurs moyens d'y donner suite. Merci,
M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M.
Létourneau.
M. le ministre.
M. Bédard: Je remercie M. le vice-président qui a
présenté ce mémoire au nom de la Chambre de commerce de la
province de Québec. Vous pouvez être convaincu que nous allons
examiner avec beaucoup d'attention les remarques que vous avez faites
concernant le contenu du titre neuvième, d'une façon plus
précise. On comprend que vous y apportiez une attention
particulière, puisque cela touche d'une façon tout à fait
spéciale vos activités, vos sujets de préoccupation. Comme
vous l'avez souligné tout à l'heure, je vous l'avais fait
remarquer au début des travaux de cette commission, les projets de loi,
tant nos 106 que 107, ne seront pas adoptés tant que n'aura pas
été présenté un autre chapitre concernant la
réforme des biens, chapitre qui apportera un éclairage
additionnel pour permettre de se faire une idée. Il y aura aussi une loi
d'application qui verra à la cohérence de l'ensemble des trois
projets de loi que nous présenterions pour adoption à
l'Assemblée nationale.
Je suis un peu surpris. Je comprends que vous disiez, à la fin de
votre mémoire, que vous approuvez les objectifs de la réforme du
Code civil, qu'une modernisation qui doit tenir compte de l'évolution de
la société s'impose, mais ne doit en aucun cas la
précéder. On pourrait diverger un peu d'opinion là-dessus.
Mais je pense qu'on est d'accord sur le fait qu'on ne doit pas imposer des
changements sans qu'il y ait eu toutes les consultations nécessaires. Il
est évident que les projets de loi nos 106 et 107 et un éventuel
projet de loi sur la réforme du Code civil concernant les biens ne
seront pas adoptés définitivement avant l'automne.
Je serais très heureux que vous donniez suite à votre
intention d'avoir une sorte de comité qui se pencherait d'une
façon tout à fait particulière sur le titre
neuvième concernant les corporations de manière que,
peut-être, au ministère de la Justice, on puisse savoir à
qui s'adresser en termes d'échange d'opinions, de consultations.
Également, il y aurait - je vous le dis -avantage, si vous formez ce
comité, à ce que vous le fassiez rapidement et que vous preniez
l'initiative de continuer à nous faire des représentations,
même si les travaux de cette commission doivent se terminer dans un
délai raisonnable, je pense que vous le comprendrez. Même si les
travaux de cette commission sont terminés, ceci n'empêche pas
votre organisme et tous les autres organismes de continuer à faire des
représentations au ministère de la Justice. Nous nous
déclarons très disposés à faciliter ces
échanges. On a intérêt, je crois, quand on parle de
réforme du Code civil, quels que soient les sujets sur lesquels le
débat porte, à essayer de faire en sorte que toutes les
consultations soient menées à terme, même si, sur certains
points, on n'est pas d'accord, et je pense que cela se conçoit assez
facilement. Il est important, de toute façon, que ces consultations
soient nombreuses, qu'elles soient menées à terme et cela, en
ayant toujours comme objectif l'intérêt de l'ensemble de la
population et des organismes qui peuvent être visés par cette
réforme.
(16 h 45)
Même si vous vous dites d'accord, on est à même de
constater, par votre mémoire, qu'il y a bien des points d'interrogation,
c'est le moins qu'on puisse dire et, sur certains points, il y a des objections
assez claires, assez précises. Cela vous amène peut-être
à extrapoler un peu, par exemple, sur les conséquences de
l'adoption du projet de loi quand vous nous dites que cela pourrait venir en
désaccord avec les priorités gouvernementales concernant la
relance de l'économie par l'entreprise privée. Je pense que cela
est un peu facile comme effet, mais, peu importe; ce qui est important, je
pense, c'est que votre préoccupation, comme la nôtre, est de voir
jusqu'à quel point, à la suite de représentations, on peut
se placer sur la même longueur d'onde et puis y aller
d'améliorations sensibles.
Je sais que vous nous dites, c'est normal, que le titre neuvième
a retenu d'une façon tout à fait particulière votre
attention. Cela se comprend. Vous oeuvrez dans le domaine du
développement économique. Il y a, cependant, d'autres organismes
qui oeuvrent aussi dans le développement économique et qui n'ont
pas du tout la même perception que vous concernant le titre
neuvième sur les améliorations que nous apportons.
Je l'ai évoqué ce matin et je crois qu'il est bon de
l'évoquer à nouveau. J'ai reçu une lettre du
président de la Commission des valeurs mobilières du
Québec, qui est quand même préoccupé par le
développement économique, tout comme d'autres organismes. M. Paul
Guy me faisait donc parvenir une lettre dont le contenu est le suivant: "Nous
avons pris connaissance du projet de loi no 106 sur la réforme du Code
civil du droit des personnes. Nous sommes très heureux du titre
neuvième sur les personnes morales et nous tenons à vous
féliciter d'avoir opéré une réforme importante tout
en apportant des changements terminologiques essentiels. "La commission a
tenté d'opérer un certain nombre de changements à
l'occasion
de la Loi sur les valeurs mobilières, rédigée par
notre personnel et adoptée le 16 décembre 1982. Cependant, nous
devions respecter dans une certaine mesure les contraintes résultant des
textes existants, notamment le Code civil du Bas-Canada et la Loi sur les
compagnies. Aussi, la commission souscrit entièrement aux modifications
fondamentales apportées par le projet de loi dans son titre sur les
personnes morales. "Nous croyons - je ne sais pas de qui il voulait parler -
que vous devez persévérer dans la voie tracée par le
projet de loi no 106, même si les partisans du statu quo se manifestent
avec plus de vigueur. Veuillez agréer, etc."
Je pense qu'en ce qui vous regarde il y a bien des dispositions, bien
des sujets sur lesquels vous aimeriez qu'on garde le statu quo. D'un autre
côté, vous êtes ouverts à ce qu'il y ait des
changements. Vous le dites très clairement dans votre mémoire.
Vous m'éclairerez là-dessus; peut-être y a-t-il une
ambiguïté au départ?
Quand on lit cette partie du mémoire, on a comme l'impression que
votre perception est presque que ces dispositions du titre neuvième
auraient primauté, en fait, sur d'autres lois, plus
spécifiquement la Loi sur les compagnies ou encore sur des lois
particulières, la Loi sur les associations coopératives, etc. Je
crois avoir été clair ce matin là-dessus. Quand vous
demandez si le Code civil va primer la Loi sur les compagnies, d'accord, il y a
des principes généraux, mais, en ce qui à trait aux
règles de fonctionnement des compagnies, etc., il n'est pas question que
le Code civil prime la Loi sur les compagnies. Cela me semble assez clair. Il y
a plusieurs remarques qui me semblent être faites par la chambre de
commerce qui origineraient d'une perception donnant à croire que ces
dispositions seraient en train de remplacer la Loi sur les compagnies, la loi
sur les corporations, en fait, ce qui existe déjà, ce qui n'est
pas le cas.
Ce que j'ai dit ce matin, c'est que le projet de loi édicte un
certain nombre de règles supplétives qui s'appliqueront dans les
cas où la personnalité juridique ne sera pas autrement
réglementée, mais ne vise aucunement à se substituer au
droit actuel. Il me semble que, là-dessus, c'est clair. Quand il n'y a
pas de règle, je pense bien qu'à un moment donné il faut
bien essayer tous ensemble de faire l'effort d'en mettre au point. C'est ce que
nous essayons de faire par le projet de loi.
Dans votre mémoire - si vous le permettez, je vais essayer de
retracer quelque chose - à la page 27, vous faites allusion à
l'utilité de nouvelles règles relatives aux conflits
d'intérêts pour les administrateurs. Est-ce que vous pourriez nous
informer de cette question de façon plus précise, plus
détaillée et nous indiquer quel serait le champ d'application de
telles règles?
Le Président (M. Blouin): Me
Massicotte.
Mme Massicotte (Sylvie): C'est l'un des articles qui seraient
supplétifs au droit actuel qui nous semble intéressant, sauf
qu'on trouve que sa portée est un peu large, s'il faut dénoncer,
comme on dit, chaque contrat. On peut avoir à l'esprit, par exemple, un
professionnel qui siège à un conseil d'administration, soit un
avocat d'un grand contentieux; s'il faut qu'il dénonce tous les contrats
que lui, ou sa société d'avocats, a avec la compagnie, cela peut
être énorme en tant que paperasserie seulement pour des petites
choses. C'est une règle qu'on apprécierait voir préciser,
il faudrait que ce soit limité probablement à de gros cas ou
à des conflits d'intérêts vraiment visibles.
L'énoncé actuel est un peu large.
M. Bédard: Est-ce que vous aviez l'impression que ce titre
neuvième pouvait être appelé à remplacer des lois
particulières qui existent déjà dans le droit actuel?
Mme Massicotte: À la lecture du projet de loi, on pouvait
difficilement le savoir. Si on regarde...
M. Bédard: Mais à partir du moment où...
Bon, d'accord.
Mme Massicotte: ...l'article 324 qui dit que "Les associations et
les sociétés sont régies par les dispositions du
présent code ou par les lois applicables à leur espèce",
ce n'était pas suffisant pour nous dire que le code ne les
régirait pas s'il y a une loi qui s'applique. Même s'il y a une
loi qui s'applique, il y a des dispositions dans votre projet de loi qui sont
nouvelles, qui ne sont régies par aucune autre loi, certaines nouvelles
règles de responsabilité, par exemple. Dans ce cas-là,
s'il y a des règles nouvelles dans le vôtre, est-ce qu'on va dire
qu'elles complètent la loi actuelle des compagnies? Est-ce qu'elles
s'appliquent, et non les autres, parce qu'elles sont comprises dans la Loi sur
les compagnies? Cela aussi, il faudrait le préciser. Il faudrait que ce
soit clair pour les gens.
M. Bédard: Oui. Alors, je comprends que peut-être,
tel que vous le dites, il y aurait lieu de clarifier la terminologie du projet
de loi pour que soit bien clair ce que j'ai affirmé tout à
l'heure, à savoir que ce sont des règles supplétives et
que cela ne remplace pas le droit actuel lorsqu'il y a des
lois particulières. À partir du moment où cette
clarification serait faite, est-ce que cela peut représenter une
amélioration, en tout cas? Si vous n'aviez pas la certitude de ce fait
très important, je comprends plusieurs parties de votre mémoire
mais, à partir du moment où on préciserait cela dans le
sens que j'ai dit tout à l'heure, est-ce que ceci aurait pour but de
clarifier bien des points, à vos yeux?
M. Létourneau: M. le Président, nous
apprécions beaucoup que M. le ministre ait accepté notre offre
d'échanger avec les représentants de son ministère. Cela
va certainement nous aider beaucoup à clarifier, de part et d'autre, les
perceptions.
Je dois vous dire que j'ai pris cette précaution, au début
de notre présentation, de dire que nous examinions le projet de loi
comme des gens qui pensent développement, qui pensent investissement,
création d'emplois au Québec. Nous reconnaissons que des gens qui
sont dans des fonctions différentes puissent avoir une perception fort
différente de ce qui se passe dans la réalité du
marché, je vais tenter d'illustrer. Supposons qu'en fonction des
dispositions du titre neuvième il y ait, dans le marché du
Québec, environ 100 000 décisions ou transactions par jour qui
pourraient être sous la portée de ces articles - ce n'est pas
exagéré, je pense, de parler d'un chiffre semblable - et
supposons qu'il y ait 1% seulement de ces décisions et transactions qui
soient douteuses ou sujettes à être examinées de plus
près. Cela en fait encore 1000 par jour, 1%. Supposons que, de ce 1%, il
y en ait 10% qui donnent lieu à des poursuites - vraiment, on va plus
loin parce qu'il y a quelque chose de sérieux là-dedans - on en a
encore 100 par jour. Supposons que nous nous mettions à la place de
celui qui canalise ou reçoit quelque part dans l'administration publique
tous ces cas - c'est sa fonction, il ne fait que cela, il a une fonction de
contrôle, il a une fonction de vérification, il ne fait que cela -
à ce rythme-là, cela représente au moins 2500 cas tristes
et histoires horribles qu'il voit par année. Cela peut facilement lui
donner l'impression que dans le marché il n'y a que des fraudeurs, des
gens qui veulent abuser des autres ou aller à côté de
l'ordre public. Mais cela ne représente plus que 0,1% de toutes les
décisions et transactions qui sont de cette nature. Même s'il ne
s'agit que de 0,1%, la fréquence peut donner une espèce de
syndrome à quelqu'un qui dit: II faut absolument arrêter cela,
cela n'a pas de bon sens. C'est une infime proportion.
Nous vivons encore dans une société où les lois
permettent la confiance. Les actionnaires délèguent au conseil
d'administration qui délègue aux gestionnaires, etc. On a une
situation de confiance dans le fonctionnement du marché. Parce qu'il y a
des gens qui abusent - c'est vrai qu'il y en a - arrivera-t-on avec des
règles générales qui vont, par ailleurs, rebuter des gens
qui ont l'esprit d'entreprise et qui voudraient se lancer en se disant:
Regardez donc toutes les nouvelles responsabilités qui vont me tomber
sur la tête si je deviens administrateur ou s'il arrive telle ou telle
situation causée par les gestionnaires de l'entreprise. Cela risque de
freiner considérablement, à notre avis, l'"entrepreneurship" et
le désir de certaines personnes et l'acceptation par plusieurs de
vouloir siéger au conseil d'administration d'entreprises avec ces
nouvelles responsabilités.
Il y a sans doute des raisons que nous ne connaissons pas qui motivent
ceux qui ont rédigé ces articles d'avoir voulu faire cela. Ils
ont des objectifs. Nous apprécions beaucoup que vous ayez accepté
notre offre de collaboration où nous pourrons voir de plus près
les objectifs vraiment visés et évaluer avec ces gens-là
l'opportunité soit de mettre cela dans un amendement de la Loi sur les
compagnies, soit de faire autre chose ou de mieux appliquer d'autres lois ou de
revenir au titre neuvième. Je pense qu'actuellement il y a certainement
une différence appréciable de perspective de ce qui se passe dans
le marché.
M. Bédard: Comme vous l'avez dit, il y aura aussi avant la
fin de juin le dépôt du projet de loi portant réforme sur
les biens, qui constituera un élément additionnel permettant
d'avoir une vue d'ensemble. Il est évident que ces chapitres-là
sont interreliés d'une certaine façon.
M. Létourneau: On a l'impression - je dis que c'est une
impression de bonne foi -en regardant cela, que l'arme qu'on utilise pour
essayer d'atténuer ou de contrôler certains abus est beaucoup trop
grosse. C'est quasiment comme utiliser un bélier mécanique pour
enfoncer la maison parce qu'il y a quelques souris qui sont dans le
garde-manger. C'est peut-être exagéré là, mais il
faudra voir quels sont les objectifs.
M. Bédard: Les exagérations peuvent venir de part
et d'autre, mais c'est probablement à ce témoignage que vous
référiez quand vous disiez qu'il y a des personnes qui peuvent
oeuvrer dans d'autres secteurs qui sont très satisfaits du contenu du
titre neuvième. Tout à l'heure, je citais le président de
la Commission des valeurs mobilières. Probablement voulez-vous nous dire
qu'il y a des préoccupations en termes de développement
économique... (17 heures)
M. Létourneau: Non.
M. Bédard: ...mais ce n'est pas dans le même champ
d'activités que le vôtre.
M. Létourneau: Comme je le signalais tantôt, M. le
ministre, si quelqu'un est dans une fonction où il n'a qu'à
recevoir les situations d'abus, forcément, même si, en
pourcentage, elles sont infimes, elles finissent par représenter un bon
nombre et de situations et de cas malheureux. Il y a peut-être des moyens
plus spécifiques d'atteindre ces abus et de les empêcher que de
créer toute une machine qui s'applique généralement
à tout le monde, avec autant de restrictions. C'est ce que nous
aimerions explorer avec les gens qui ont proposé cette forme de
contrôle.
M. Bédard: Oui, mais elle ne s'applique pas
généralement à tout le monde. Il faut toujours faire les
nuances.
M. Létourneau: Quand on parle...
M. Bédard: Je l'ai dit tout à l'heure... Oui, oui,
il y a certaines dispositions qui peuvent s'appliquer à tout le
monde...
M. Létourneau: Oui.
M. Bédard: ...au niveau des principes
généraux...
M. Létourneau: C'est cela.
M. Bédard: ...mais il faut toujours garder en perspective,
je pense qu'on s'entend là-dessus, que cela ne prime pas, en termes
administratifs, les lois particulières telles que la loi sur les
corporations...
M. Létourneau: Ce serait déjà un grand pas,
si on pouvait clarifier cela comme il faut.
M. Bédard: Ce grand pas est fait. C'était
carrément l'idée du législateur. Je tiens à vous le
dire. La seule chose que je note est qu'il y aurait peut-être lieu
d'être encore plus précis dans le projet de loi afin qu'il n'y ait
aucune ambiguïté sur la primauté d'un texte par rapport
à des lois particulières.
M. Létourneau: D'une part, M. le ministre et aussi, il y a
plusieurs autres observations dans le mémoire qu'on pourra examiner
à ce moment-là.
M. Bédard: Parfaitl
M. Létourneau: D'accord.
Le Président (M. Blouin): Je cède maintenant la
parole au député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais remercier M.
Létourneau et son équipe de l'excellent mémoire qu'ils
nous ont soumis. Ils sont préoccupés par le développement
économique au Québec. Je pense que c'est absolument louable. Ce
qui m'a frappé également et, je pense bien, chacun de ce
côté-ci, c'est qu'on croyait que c'était du droit
supplétif. Normalement, ce devrait être cela. On réalise
que les règles sont peut-être plus sévères. En fait,
cela conduit peut-être vers un contrôle qui est plus strict que le
droit des corporations. Cela me préoccupe beaucoup. Si c'est du droit
supplétif, il faudrait que cela en soit et qu'on l'établisse
d'une façon très claire.
On a parlé surtout de l'article 324 qui est, je pense, absolument
inacceptable. Quant à moi, voici la seule question que je poserai, car
je veux laisser la chance à mes collègues qui sont ici
d'intervenir. Comment verriez-vous l'article 324? Comment devrait-il être
repensé d'après vous? Je dis "repensé", c'est
peut-être peu dire. Croyez-vous qu'on devrait établir une
primauté définitive par l'article 324 en faveur du droit des
corporations? À mon sens, c'est l'un ou l'autre.
Mme Massicotte: Je pense qu'on ne peut regarder l'article 324
seulement. Il faut regarder aussi la définition "d'association" et de
"société". Nous avons un peu présumé que, dans la
définition de "société" étaient comprises les
corporations parce que nulle part on n'a retrouvé le mot "corporation".
C'est un peu une présomption qui a été
appliquée.
Comme le dit M. le ministre Bédard, si ce sont les compagnies et
sociétés qui sont déjà régies par des lois,
le code ne s'appliquerait pas à elles. On a seulement à tout
refaire et dire que les personnes morales comprennent les nouvelles formes de
sociétés qui deviendraient personnes morales et à elles,
s'appliquerait le code. On n'aurait même pas besoin de la deuxième
phrase "ou par les lois applicables à leur espèce", puisque
celles qui sont régies ne seraient pas régies par le code. Cela
peut être une façon de le voir. Si on a l'intention d'appliquer
des dispositions, des notions nouvelles à des sociétés
nouvelles, que nous n'ayons pas l'impression que les corporations, que les
compagnies déjà constituées, selon les lois
fédérales ou provinciales, ne soient pas touchées par
cela. La rédaction peut être sous une forme ou sous une autre.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela va.
Mme Massicotte: Parce que, même dans les
sociétés ou les associations, il y a déjà des lois
qui les régissent aussi. Il y a des lois sur les associations, sur les
coopératives de tel ou tel endroit. Alors, à elles, qu'est-ce
qu'on va faire? On va dire que ce n'est
que ce qui est supplétif qui s'appliquera à elles, si vos
lois ne sont pas assez complètes. Je pense qu'il faut viser tout
l'ensemble.
M. Létourneau: M. le Président, si c'est
strictement supplétif, il y a quelque chose que nous ne saisissons pas
très bien dans tout l'objet du titre neuvième. À ce
moment, on aurait des règles beaucoup plus sévères pour
des sociétés, par exemple, que pour les compagnies. On
présumait qu'il y avait certains abus - qu'on peut observer comme tout
le monde - auxquels on voulait mettre un terme mais, à ce moment,
c'était dans les entreprises, dans les compagnies déjà
incorporées selon la forme existante.
Il faut vraiment qu'on recommence le dialogue, parce qu'il y a
certainement une différence d'appréciation et de perspective de
ce qui se passe dans la réalité du marché entre ceux qui
ont rédigé cela et nous. Il va falloir qu'on se parle et qu'on
échange parce qu'on ne comprend pas tout à fait les objectifs. On
comprend bien ce que dit le projet de loi, mais ce sont les objectifs qui nous
sont un peu confus.
Mme Massicotte: II faudrait peut-être ajouter...
M. Leduc (Saint-Laurent): Je trouve cela très bon et je
pense qu'on devrait certainement surseoir à l'application du titre
neuvième. À mon sens, c'est...
M. Létourneau: C'est une excellente proposition, pour nous
permettre de l'examiner attentivement parce que cela n'a pas que des
conséquences sur les responsabilités des administrateurs. Quand
on parle de sociétés en particulier, cela peut avoir
d'énormes conséquences sur le plan fiscal et, comme la
fiscalité est un domaine très complexe, il va falloir aussi
consulter et amener des experts dans ce domaine pour en examiner les
conséquences.
M. Bédard: Une simple petite remarque. Cependant, ce n'est
pas parce qu'il y a des difficultés de perception ou des
possibilités d'amélioration que - en ce qui nous regarde, je
parle du point de vue gouvernemental - on doit nécessairement en venir
à la conclusion de surseoir. Si, comme vous le dites, vous mettez sur
pied une équipe, si cette équipe peut être contactée
régulièrement, on peut avoir les échanges qu'il faut au
niveau du ministère de la Justice et, finalement, en arriver - on n'est
pas à quelques jours de l'adoption d'un projet de loi; l'ensemble de
l'adoption ne se fera pas avant la fin de l'automne prochain, on a le temps -
à travailler ensemble pour essayer de voir jusqu'où on peut aller
en termes d'améliorations.
M. Létourneau: D'accord. Ceci implique-t-il, M. le
ministre, que vous accepteriez, à la suite de ces échanges, que
nous puissions préparer un nouveau document ou un document qui
compléterait celui que nous venons de déposer auprès des
membres de la commission?
M. Bédard: Sûrement. Je vous y incite et c'est pour
cela que, pour qu'il y ait... En tout cas, on pourra s'en parler à
l'issue de la commission. Mais pour qu'il y ait des échanges continuels
entre, d'une part, l'équipe qui s'occupe de la réforme du Code
civil, de cette partie qui vous préoccupe en particulier, et votre
organisme, il est important que, très rapidement, nous sachions avec qui
communiquer, quels sont ceux ou celles qui porteront leur attention, d'une
façon particulière, sur le chapitre neuvième, afin de
faire les échanges nécessaires.
M. Létourneau: Nous sommes prêts à faire
cela, M. le ministre.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, vous permettrez à une
personne qui n'est ni avocat, ni notaire, de faire partie de la commission par
exception. Lorsque j'ai vu qu'il y avait un projet de loi touchant au
développement économique, j'ai cru qu'il était de mon
intérêt de me préoccuper de ce que nos
législateurs-juristes faisaient ce qui pourrait avoir des implications
très profondes sur le développement économique.
À mon avis, on s'enfarge dans les fleurs du tapis lorsqu'on
regarde un article ou l'autre. Le ministre nous dit: Le chapitre des biens, une
définition de la terminologie va éclairer le débat. Je
crois - j'aimerais que M. Létourneau nous le dise - que la question
fondamentale, compte tenu de l'état de l'économie, compte tenu
des nombreux handicaps que nous avons au Québec, c'est ceci: Est-ce que
les décisions des législateurs doivent favoriser
l'"entrepreneurship" ou si elles doivent favoriser la social-démocratie?
Je pense que c'est aussi clair que cela.
Malheureusement, je n'ai pas à partager les discussions de la
commission ce matin, mais je vois entre autres: Le projet de loi 107, Loi
portant réforme au Code civil du Québec du droit des successions.
Cela veut dire qu'une fois qu'on a créé la richesse on peut la
partager. Je crois que la question fondamentale de ceux qui produisent la
richesse est justement: Est-ce que l'État québécois va
favoriser ceux qui crient à la richesse pour qu'on puisse la distribuer
plus tard?
À ce sujet, j'aimerais poser à M. Létourneau
quelques questions, puisqu'il en a fait état dans ses remarques, etc.
Dans
quelle mesure, ici au Québec, peut-on se permettre d'avoir,
même s'il s'agit de droit supplétif, des interprétations
différentes, d'avoir pour les administrateurs, les corporations, et
même les sociétés, des responsabilités qui puissent
être tellement différentes de ce qui se fait dans d'autres
provinces, au point où nous en sommes, en ce qui a trait au
développement économique en particulier? Est-ce qu'on peut se
permettre d'être tellement original qu'on puisse mettre beaucoup l'accent
sur la social-démocratie et ne devrait-on pas, au contraire, favoriser
l'"entrepreneurship" et la création de la richesse au Québec?
Le Président (M. Blouin): M.
Létourneau.
M. Létourneau: M. le Président, évidemment,
la réponse est que nous devons, autant que faire se peut, favoriser
l'"entrepreneurship" et le développement. Je l'ai mentionné
tantôt, nous avons l'impression que jusqu'ici, avec la réforme qui
a été acceptée par le gouvernement de la Loi sur les
compagnies, pour la rendre conforme un peu avec ce qui existe au gouvernement
fédéral, c'est bien! Cela nous situe dans le marché
canadien et c'est bien qu'on fasse la concordance le plus possible. Mais quand
on introduit le titre neuvième ici, là on a l'impression qu'on
s'en va, premièrement dans du droit nouveau, on s'inspire de lois
françaises pour créer des responsabilités nouvelles
à des administrateurs, à des actionnaires et à des
fondateurs. Cela n'est pas le genre de chose qui est de nature à nous
aider présentement. C'est pour cela que nous avons parlé des
implications possibles sur l'esprit d'entreprise, etc. C'est assez difficile
à prévoir mais, quand même, ces nouvelles
responsabilités qu'on va donner aux actionnaires, aux fondateurs, et aux
administrateurs, quel impact cela aura-t-il sur des gens qui veulent aller
créer des entreprises ou créer des sociétés, etc.,
et fonctionner, qui ont un esprit d'"entrepreneurship" quand on leur dira:
Attention?
Par exemple, tout ce que fera l'administrateur de cette
société qui sera en dérogation de l'ordre public. C'est
très vaste l'ordre public, cela va loin. Vous pourrez, comme
administrateur en être responsable. Il faut y penser parce que cela va
loin. Aussi, lorsqu'on dit: Vous aurez aussi la responsabilité, lorsque
vous êtes une entreprise qui envoie un administrateur dans une autre
entreprise, la première entreprise ne sera pas, comme c'est le cas
généralement partout en Amérique du Nord, limitée
à son investissement dans la seconde, mais elle sera responsable. Il y a
beaucoup plus de responsabilité qui implique qu'elle ne sera pas
responsable que pour son investissement dans cette première entreprise.
Il y a un tas de choses à clarifier, parce que, potentiellement,
à notre avis, cela peut être un élément
considérablement nuisible à l'esprit d'entreprise,
d'investissements, de création d'emplois ou de création de
nouvelles choses. C'est ce qu'on voudrait examiner de près parce que, a
priori, quand on regarde cela on se dit: Ce sera négatif pour nous; ce
sera mal interprété; cela va nous donner encore... On veut
être à l'avant-garde, mais on sera à l'avant-garde d'autre
chose que le progrès si on s'aventure trop loin là-dedans. Pour
le moment, nous allons nous limiter à ces remarques parce que nous avons
encore à examiner de plus près la portée de tout cela.
M. Fortier: M. Létourneau, vous avez fait allusion
à certains handicaps en ce qui concerne les responsabilités des
administrateurs, en particulier. Vous avez fait d'autres remarques...
M. Létourneau: Fondateurs et actionnaires aussi.
M. Fortien C'est cela, fondateurs et actionnaires qui pourraient
assumer une partie des responsabilités lorsqu'ils ont des actions ou des
responsabilités dans d'autres sociétés également.
Alors, cela va extrêmement loin. Vous avez fait allusion au fait
qu'à l'intérieur même du Québec, il y a des gens qui
pourraient hésiter à lancer une nouvelle entreprise ou investir
leur propre argent...
M. Létourneau: Nous avons suffisamment de handicaps
présentement sur le plan fiscal...
M. Fortier: Je parlais de gens qui étaient
déjà au Québec, mais j'aimerais que vous me disiez dans
quelle mesure, vis-à-vis de notre position concurrentielle avec les
autres provinces, en ce qui a trait à la taxation et à d'autres
responsabilités qui incombent à celui qui vient s'établir
au Québec, la taxation personnelle et la taxation des compagnies en
particulier, dans quelle mesure on peut se permettre, compte tenu de cet
état de choses, d'aller à l'avant-garde. Dans quelle mesure ceci
pourrait-il handicaper le développement économique, même si
on raffinait la définition et même si on essayait
d'éclaircir certains articles en particulier?
(17 h 15)
M. Létourneau: Pour l'instant, M. le Président,
notre réponse à cette question est que nous ne pouvons pas nous
la permettre. C'est l'interprétation de ce que nous voyons dans le
projet de loi, de ce que nous voyons qui se passe dans le marché. C'est
pour cela que nous recommandons de surseoir à
l'adoption du titre neuvième pour le moment, jusqu'à plus
ample éclaircissement et jusqu'à une meilleure
compréhension de ce que recherche le législateur, non pas parce
qu'on ne veut pas que le législateur essaie d'éliminer les
fraudes et les abus de pouvoir, mais ce dont on voudrait bien s'assurer, c'est
qu'on n'utilise pas des moyens qui nous placeront dans une situation
extrêmement difficile pour concurrencer les autres sur le plan
économique. C'est là notre préoccupation.
M. Fortier: Je voudrais seulement terminer. Je pense que vous
avez très bien expliqué votre compréhension, du moins,
votre position à ce stade-ci. Vous dites que vous êtes prêts
à évoluer, compte tenu des explications additionnelles qu'on
pourrait vous donner, mais le fond du problème reste le même.
Quand le ministre nous dit qu'il a reçu un appui du président de
la Commission des valeurs mobilières, je lui ferais encore remarquer
qu'il ne s'agit pas d'un poste, d'une personne qui est créateur
d'emplois, mais plutôt d'une personne qui est dans une position de
contrôle par rapport à des sociétés. Le
problème que la chambre de commerce essaie de faire valoir, c'est la
position de ceux qui créent les emplois et qui se disent: Attention!
Cela a peut-être été fait avec de bonnes intentions, mais
cela n'a certainement pas été fait par des gens qui ont
vécu ce genre de problème.
M. Létourneau: Nous sommes très sensibles au
climat, M. le Président. Il y a, par ailleurs, notre directeur
général qui a une expérience dans le domaine des valeurs
mobilières, qui a déjà été très actif
dans ce groupe et qui aimerait ajouter une remarque sur les propos du ministre
concernant les observations du président de la commission.
M. Tardif (Marcel): En fait, je pense que cela va
également dans le sens des propos du député d'Outremont.
La loi impartit un rôle bien précis à la Commission des
valeurs mobilières, à savoir la surveillance et le contrôle
du marché des valeurs mobilières. La préoccupation
première du président de la commission, conséquemment,
n'est ni la promotion du marché des valeurs mobilières ni la
promotion de l'économie en général. Je ne veux pas dire
par là non plus qu'il doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour
qu'il n'y ait pas de marché, c'est bien évident. Mais il faut
faire attention entre ne pas favoriser l'essor du marché boursier et
favoriser, effectivement, l'essor du marché boursier. Il y a là
une différence fondamentale et, dans la loi, le rôle qu'on attend
de la commission est strictement un rôle de surveillance et de
contrôle. Lorsque le président de la Commission des valeurs
mobilières, me semble-t-il, s'exprime dans sa lettre, il dit au
ministre: Compte tenu de ce que je vois sous le titre neuvième, il
m'apparaît que cela me permettrait peut-être d'exercer un meilleur
contrôle sur les activités des conseils d'administration et que,
en conséquence, cela me permettra de mieux jouer le rôle qui m'est
imparti. Sa préoccupation n'est pas, encore une fois, à notre
avis, essentiellement braquée sur le développement
économique. Au contraire, c'est une technicité administrative de
contôle et de surveillance qui le préoccupe.
M. Bédard: Je comprends qu'il puisse y avoir une
différence de perspective ou de préoccupation entre le
président de la Commission des valeurs mobilières et la chambre
de commerce, mais je pense qu'on peut convenir que même s'il a un devoir
de contrôle, il n'est pas tout à fait indifférent à
ce qu'on appelle le développement économique, je ne le crois pas.
D'autre part, je n'en ferai pas un débat de social-démocratie par
rapport à l'entreprise privée, etc. Ce qui est important, c'est
d'essayer d'en arriver à un projet de loi qui tienne compte de la
réalité québécoise dans le secteur qui nous
intéresse, au niveau du titre neuvième. Je crois que nous
pourrons donner suite à nos études, avant de prendre quelque
décision que ce soit et surtout prendre des décisions
éclairées.
Je crois qu'il y a lieu, au-delà des travaux de cette commission,
d'avoir des échanges sur une base continue entre nous et le groupe que
vous constituerez, auquel on pourra s'adresser et qui pourra s'adresser
à nous en n'importe quel temps, de manière à voir d'ici
quelques mois - parce qu'on a quand même du temps devant nous - à
quelles conclusions on pourra en arriver. Je conçois d'avance - je pense
que vous le concevez aussi - qu'on puisse ne pas être d'accord sur tous
les points de vue.
M. Létourneau: On espère l'être, M. le
ministre.
M. Bédard: Je pense bien que l'objectif qu'on vise n'est
pas d'être en désaccord sur tous les points de vue. À
partir des objectifs qui vous motivent et des nôtres, je compte beaucoup
sur ces échanges pour que vous en arriviez peut-être à une
perspective plus positive sur l'ensemble de ce que pourrait être
éventuellement une législation dans ce domaine.
Le Président (M. Blouin): M. le député
d'Outremont, rapidement.
M. Fortier: Un mot pour dire que je pense que le message de la
chambre de commerce, qui représente 3000 entreprises, est passé.
On prend note des bonnes
intentions du ministre et on voudrait assurer tous ceux concernés
par le développement économique que nous allons nous assurer
qu'éventuellement, même s'il n'y a pas consensus entre la chambre
de commerce et le ministre, les décisions qui seront prises le seront
dans le meilleur intérêt du développement économique
du Québec.
Le Président (M. Blouin): Je remercie les
représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec
de s'être présentés devant nous et de nous avoir
communiqué leurs commentaires à l'égard de ces projets de
loi.
M. Létourneau: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Je vous en prie. Je vous signale
que nous avons respecté les limites de temps que nous nous étions
fixées sans que nous nous sentions contraints de le faire.
J'inviterais maintenant les représentants du Barreau du
Québec à venir prendre place à la table des
invités. Tout en vous souhaitant la bienvenue, j'invite donc les
représentants du Barreau du Québec à procéder
à la présentation des gens qui sont assis à la table des
invités.
Barreau du Québec
Mme Vadboncoeur (Suzanne): M. le Président, avant de
passer à la présentation des membres de la
délégation du barreau, j'aimerais savoir s'il est possible de
procéder en deux étapes, étant donné le nombre
impressionnant de membres qui forment la délégation. On ne peut
pas tous s'asseoir à la même table, semble-t-il. Je me demandais
s'il était possible de parler d'abord sur le projet de loi no 106 et
ensuite sur le projet de loi no 107.
Le Président (M. Blouin): Tout en pouvant, je crois,
procéder en deux étapes, est-ce que vous avez le sentiment que
nous pourrions malgré tout nous situer à peu près dans les
limites de temps dont nous avions convenu?
Mme Vadboncoeur: Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on
l'espère.
Le Président (M. Blouin): Je vous invite à faire un
effort pour que nous puissions demeurer à l'intérieur de ces
limites. Vous êtes au courant, je crois, du...
Mme Lavoie-Roux: II y a deux projets de loi, M. le
Président, pas seulement un cette fois-ci.
M. Polak: C'est un organisme important.
Le Président (M. Blouin): Depuis ce matin, vous avez
observé que nous avions quand même une latitude à
l'égard du temps que nous pouvions prendre. Je vous invite donc à
faire votre possible pour entrer à l'intérieur de ces
délais, mais quand même à nous livrer le message que vous
avez à nous livrer.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous me le permettez, il faudrait
peut-être qu'on permette de déborder. En fait, la réforme
du Code civil, cela concerne particulièrement les...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Saint-Laurent, je viens d'indiquer aux membres du Barreau du Québec que
nous étions prêts à faire preuve de latitude à leur
égard, tout comme nous l'avons fait ce matin avec les
représentants de la Chambre des notaires. Donc, je crois qu'il n'y a pas
tellement de difficultés.
Alors, vous procédez?
Mme Vadboncoeur: M. le Président, mon nom est Suzanne
Vadboncoeur. Je suis avocate au service de recherche du Barreau du
Québec et secrétaire de la commission permanente du barreau sur
la révision du Code civil ainsi que des deux sous-commissions sur le
droit des personnes et sur le droit des successions. J'aimerais vous
présenter tout d'abord le bâtonnier général du
Québec, Me Claude Tellier, Me Louis Lebel, vice-président du
barreau et également président de la commission permanente du
barreau, Mme Micheline Audet Filion, avocate et directeur général
du Barreau du Québec. À ma droite, Me Jacques Delisle, membre de
la commission permanente du Barreau du Québec sur la révision du
Code civil. Comme représentants des sous-commissions, à mon
extrême gauche, Me Alain Turgeon, avocat de Québec au bureau
Garneau, Gauvin et Turgeon. À sa droite, Me André Prévost,
avocat au barreau de Montréal, de l'étude Clarkson,
Tétreault et Associés. Enfin, Me Paul Martel, avocat au barreau
de Montréal également, du bureau de Martel et
Associés.
Je pense que je vais vous résumer de façon aussi concise
que possible le mémoire sur le droit des personnes concernant le projet
de loi no 106. Vous constaterez que le mémoire est
précédé d'un commentaire général sur la
méthodologie utilisée quant à l'adoption du Code civil.
Et, je peux peut-être mentionner les six recommandations que l'on fait
à cet égard. Premièrement, que l'on procède
à l'adoption des livres pour les personnes, les successions et les
biens, mais qu'on en retarde la mise en vigueur. Deuxièmement, que l'on
procède à la
rédaction et à l'adoption de tous les autres livres du
code en amendant, si nécessaire, les premiers livres y compris le livre
sur la famille. Troisièmement, qu'à compter du jour où on
aura adopté un code complet, on procède aux amendements au code
de procédure et aux principales lois touchées par la
réforme. Quatrièmement, qu'une fois toutes les dispositions
adoptées, on procède à l'adoption d'une loi d'application
comprenant les dispositions transitoires nécessaires.
Cinquièmement, qu'un comité de coordination soit mis sur pied au
ministère de la Justice avant la mise en vigueur du nouveau code et de
la loi d'application afin de s'assurer de la concordance des dispositions d'un
livre à l'autre. Et, enfin, que le tout soit mis en vigueur d'un seul
coup, le même jour. Nous avons fait des représentations article
par article. Alors, évidemment, je me limite aux recommandations de
principes.
Quant à la disposition préliminaire, celle qui a
été discutée ce matin, nous avons fait une recommandation
à savoir de retrancher le deuxième alinéa qui parle de
jurisprudence constante et de doctrine reçue. Nous avons
également fait une recommandation quant au consentement aux traitements
médicaux. Le consentement aux traitements médicaux - les articles
nos 18 à 20 de façon toute particulière - vise
essentiellement la stérilisation non thérapeutique des
déficients et malades mentaux. Le barreau, évidemment, est
heureux de constater que le législateur a soutenu le barreau, enfin, a
suivi la recommandation du barreau quant à l'autorisation judiciaire.
Cependant, la formulation de ces articles et, en particulier, de l'article no
19 qui expose la nécessité de l'intervention judiciaire pourrait
conduire à des situations un peu loufoques à cause de la
présence des mots "interventions comportant un caractère
permanent ou irréversible". On peut, par exemple, penser au fait que
toutes les interventions esthétiques, de nature purement
esthétique, chez les mineurs requerraient l'autorisation judiciaire. On
donne l'exemple des oreilles décollées ou de toute espèce
d'interventions de ce genre et également toutes les circoncisions pour
les gens de religion juive qui requerraient également une intervention
judiciaire. Ceci est ridicule, je pense. Il y aurait peut-être lieu de
modifier un peu ces articles.
Quant au régime de protection, la commission permanente du
barreau recommande l'abolition du conseil de tutelle et son remplacement par
certaines personnes qui sont les proches de la personne à
protéger, qu'il s'agisse de personnes majeures ou mineures. Le conseil
de tutelle, selon nous, loin de simplifier la procédure actuelle du
conseil de famille, la complique. En effet, il y aura d'abord une
réunion des gens appelés à former le conseil de tutelle.
Il y aura ensuite une réunion du conseil de tutelle et sa recommandation
sera, par la suite, soumise au tribunal. Cela représente quand
même trois étapes pour en arriver à une décision
finale. Il y a un inconvénient en plus, c'est que la voix des dissidents
au sein du conseil de tutelle n'est pas représentée alors que la
recommandation que nous soutenons est que certaines personnes - dont vous
trouverez les noms aux articles concernés - seraient invitées
à donner leur position au tribunal de sorte que les gens même les
plus dissidents auraient voix au chapitre et finalement le tribunal prendrait
la décision.
Nous recommandons également d'abolir la notion
d'émancipation qui est devenue, avec la majorité fixée
à 18 ans, un concept tout à fait inutile maintenant. Il y a eu
très peu d'émancipations judiciaires qui ont été
prononcées par les tribunaux depuis les 50 dernières
années. L'âge de la majorité était quand même
de 21 ans jusqu'en 1971 et on s'est rendu compte que les émancipations,
finalement, étaient très peu souvent prononcées. À
cause de la majorité à 18 ans et de la possibilité pour
les mineurs de se marier même avant cet âge-là, nous
considérons que le mineur marié pourrait avoir les droits d'un
majeur mais que cela n'est plus utile de faire entrer ce principe de
"majorité" dans un concept plus large d'émancipation.
L'état civil. Nous recommandons une diminution des pouvoirs du
directeur de l'état civil en ce qui concerne les changements de nom.
Nous sommes d'avis que le nom d'une personne la suit toute sa vie, dans tous
ses actes, dans tous ses gestes. Cela a donc des conséquences
suffisamment importantes pour qu'il y ait une autorisation judiciaire qui
sanctionne ce changement de nom. Les autres pouvoirs du directeur restent
inchangés. Cependant, en ce qui concerne les changements de nom, nous
recommandons que cela passe par la voie judiciaire.
Enfin, quant aux personnes morales, le fameux titre neuvième,
nous en recommandons également le sursis d'adoption, étant
donné que ce titre neuvième est tout à fait incomplet tel
qu'on le voit actuellement. Même si le projet de loi sur les biens est
déposé d'ici quelques mois, cela ne changera rien au
caractère incomplet de ce titre neuvième parce qu'il faudra de
toute façon le compléter par des dispositions concernant les
sociétés telles qu'on les connaît traditionnellement.
À moins qu'on ne se trompe, les sociétés seront,
j'imagine, prévues dans le chapitre des contrats nommés et non
pas dans celui des biens. On ignore, à l'heure actuelle, quand sera
déposé le projet de loi concernant les obligations et les
contrats.
Donc, pour la personne morale, il ne s'agit pas clairement de droit
supplétif si on
compare, par exemple, avec la rédaction de l'article 315 du
projet de loi qui, lui, est très clair quant au caractère
supplétif. Donc, si on compare cet article avec l'article 324, on peut
vraiment s'interroger sur le caractère supplétif que comportent
les règles énoncées au Code civil.
J'ai essayé de résumer le plus brièvement possible
le mémoire du barreau sur le projet de loi no 106. Il y a
évidemment plusieurs autres recommandations, commentaires et
modifications de textes. On est prêt maintenant à répondre
aux questions.
Le Président (M. Blouin): Après nous être
entendus avec l'Opposition, nous souhaiterions entendre d'abord les deux
exposés et procéder ensuite aux échanges avec votre
groupe.
Mme Vadboncoeur: Je vais vous présenter les membres de la
sous-commission sur le droit des successions qui ont bien voulu nous
accompagner aujourd'hui. Il y a Me Daniel Barbeau, avocat au barreau de
Montréal et directeur de la section de droit civil I à
l'École professionnelle du barreau; Me Luc Plamondon, directeur du
contentieux à la compagnie Sun Life du Canada ainsi que Me Sylviane
Borenstein, avocate au bureau de l'aide juridique à Outremont, parc
Extension.
Le mémoire sur le droit des successions, sur le projet de loi no
107, comporte la même introduction que celle du projet de loi no 106,
quant à la méthodologie utilisée pour l'adoption du Code
civil du Québec. Je vais vous résumer encore une fois, de la
façon la plus concise possible, les principaux points de discussion
ainsi que ceux sur lesquels la sous-commission a fait des recommandations. Il y
a peut-être un commentaire d'ordre général...
Le Président (M. Blouin): Je m'excuse. Mme Vadboncoeur:
Oui.
Le Président (M. Blouin): Même si j'ai mis de
l'insistance sur le fait d'être succincte dans vos propos, je n'ai
surtout pas voulu brimer votre droit d'expression. Si vous avez le sentiment
que votre concision est un peu trop exemplaire, je vous invite quand même
à préciser davantage.
Mme Lavoie-Roux: C'est la première fois que cela
arrive.
Le Président (M. Blouin): Je crois qu'il serait simple de
s'entendre pour que nous puissions compléter à la rigueur votre
présentation vers 18 heures et qu'en soirée nous puissions
amorcer les échanges avec votre groupe.
Mme Vadboncoeur: D'accord.
M. Lebel (Louis): M. le Président, je pense que la
concision de l'exposé nous autoriserait peut-être à
être plus explicites dans les explications et les commentaires que nous
ferions par la suite.
Le Président (M. Blouin): D'accord. On peut s'entendre
aussi là-dessus. Oui.
M. Lebel: Cela nous paraîtrait peut-être plus
productif comme méthode de discussion.
Le Président (M. Blouin): Parfait! Je puis vous assurer
que nous aurons tout le temps de vous entendre.
M. Bédard: C'est une bonne pratique d'avocat.
Mme Vadboncoeur: M. le Président, nous aurions tout
d'abord un commentaire d'ordre général sur l'utilisation du
vocabulaire dans le projet de loi no 107. On s'est rendu compte, au tout
début du projet de loi, que l'on définit le terme
"héritier" et que l'on en exclut le légataire particulier. Or,
dans tout le reste du projet de loi, on semble oublier cette distinction qu'on
a faite au début du projet du loi, parce qu'il y a plusieurs
dispositions qui, normalement, devraient également s'appliquer au
légataire particulier. On ne mentionne que l'héritier. Par
exemple, il y a les dispositions concernant l'indivision, les dispositions
concernant l'héritier de bonne foi ou de mauvaise foi, les dispositions
concernant les options offertes au successible, enfin, j'en passe parce qu'il y
en a une quantité. Ce sont des dispositions qui ne mentionnent que
l'héritier alors qu'elles devraient également s'appliquer au
légataire particulier.
Quant au rôle de l'avocat, en ce qui concerne les actes
notariés, le Barreau du Québec est sceptique quant à
l'exclusivité historique des notaires à propos de la forme de
certains actes, en particulier depuis le registre des testaments. Étant
donné que de plus en plus d'avocats reçoivent les testaments et
qu'ils sont obligés de les déclarer dans un registre central,
nous ne voyons pas pourquoi l'avocat ne pourrait pas, par exemple, faire des
renonciations à des successions, faire des acceptations sous
bénéfice d'inventaires, faire des acceptations après
renonciations, etc.
Maintenant, sur la représentation...
M. Bédard: Sur cette partie, je laisserai le
député de Saint-Laurent vous poser des questions... en sa
qualité de notaire.
Mme Vadboncoeur: Je n'en doute pas.
M. Leduc (Saint-Laurent): Pour moi, ils n'en font pas parce
qu'ils ne sont pas capables. C'est clair. Ah! Ah!
Le Président (M. Blouin): Mme
Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur: Quant à la représentation, aux
articles 721 et suivants, nous recommandons que la représentation, en
l'absence de descendants, soit limitée aux neveux et nièces. Le
projet de loi mentionne que la représentation se fait vis-à-vis
des collatéraux à l'infini alors que nous proposons que ce soit
plutôt limité aux neveux et nièces pour des raisons de
délai de règlement de successions, pour des raisons de liens
affectifs évidents. Par exemple, je pense que les grands-parents ou les
neveux et nièces sont beaucoup plus prêts, affectivement parlant,
de la personne décédée que ne le sont les
petits-petits-petits-petits-neveux. Enfin, mettez autant de "petits" que vous
désirez. Nous recommandons donc de limiter la représentation
à cet égard. On a une recommandation, quant au texte
législatif, à l'article 721.
La règle actuelle du Code civil qui est évidente - elle
est tellement évidente qu'on a oublié de l'inclure au projet de
loi - est celle qui veut que le plus proche exclut le plus
éloigné. On a donc ajouté cette règle qui, par
ailleurs, avait été prévue pour les collatéraux
ordinaires. On l'a ajoutée en ce qui concerne les descendants et les
collatéraux privilégiés. Alors c'est l'article 727,1 qui
le mentionne.
Ensuite, l'article 759 du projet de loi qui se lit comme suit: "Le
testament qui serait nul pour inobservation d'une formalité obligatoire
peut néanmoins valoir comme testament si le tribunal est convaincu,
après avoir entendu les intéressés, que l'écrit
contient, de façon certaine et non équivoque, les
dernières volontés du défunt." Nous recommandons de
retrancher complètement cet article parce que cela laisserait la voie
ouverte à n'importe quel écrit, n'importe quelle manifestation
d'une volonté du défunt et je pense que c'est un peu trop large.
Le testament a quand même une certaine exigence quant au formalisme et
nous considérons qu'il y a un minimum de formalisme qui devrait
être conservé.
Nous ajoutons également à la page 66 du mémoire une
partie de l'actuel article 872 du Code civil qui contient une règle
d'interprétation fort importante, relativement à la
volonté du testateur. Nous considérons que cette règle
devrait également se retrouver au nouveau Code civil du Québec.
Quant à la viduité, à la page 73 du mémoire,
l'article 801, premier alinéa du projet de loi, contient un principe
auquel on est tout à fait favorable, à savoir que la disposition
testamentaire limitant au cas de remariage les droits du conjoint survivant est
sans effet. Nous nous demandons d'ailleurs la raison de l'existence du
deuxième alinéa qui, finalement, vide le premier de tout son
sens. Alors, nous recommandons de retrancher ce deuxième alinéa
pour conserver le principe de la nullité d'une telle disposition
testamentaire. (17 h 45)
En ce qui concerne la procédure, je sais que cela n'est pas
nécessairement le temps d'en parler, parce que cela sera sûrement
prévu dans la loi d'application, sauf qu'à l'article 817 du
projet de loi, on prévoit déjà une action. On dit: "Le
testament qui n'est pas produit ne peut être vérifié, mais
il doit être reconstitué à la suite d'une action à
laquelle les successibles, les héritiers, les légataires
particuliers, etc.,". Alors, si le législateur veut inscrire la
procédure dans le droit substantif, soit! mais, à ce
moment-là, qu'on remplace le mot "action" par le mot "requête"
pour différents motifs, d'abord des motifs de délai, purement et
simplement. Procéder par requête est beaucoup plus rapide que
procéder par action. C'est plus simple, donc plus accessible aux
justiciables. Ceci était un des buts avoués du gouvernement
actuel et du ministre en particulier. C'est aussi beaucoup moins coûteux
de procéder par requête. Alors, on recommande qu'à
l'article 817, de façon particulière, l'action soit
remplacée par la requête. Ceci vaut également pour les
articles 887, 906 et 909.
De plus, à l'article 879, on prévoit qu'après
acceptation du fonds final, le liquidateur est déchargé de son
administration. Nous sommes favorables à cela, sauf que si on lit le
titre qui concerne le partage après, donc, à partir des articles
880 et suivants, on se rend compte évidemment que le partage est
complètement dissocié de l'administration du liquidateur et on
retrouve le liquidateur aux articles 890 et 900. Alors, on se demande ce qu'il
fait là. Est-ce qu'il n'est pas censé avoir terminé son
administration. On ne sait pas trop ce qu'il fait là. Il y aurait
peut-être lieu de préciser son rôle. Si son rôle
continue au moment du partage, il y aurait peut-être lieu, à ce
moment-là, de prévoir une disposition déchargeant le
liquidateur de ses fonctions relatives au partage. Si on veut l'exclure du
partage, qu'on l'exclue tout simplement.
Enfin, en annexe, nous avons reproduit notre position quant à la
réserve héréditaire et cette position est la suivante: La
sous-commission et la commission permanente du barreau rejettent l'option de la
réserve héréditaire et optent plutôt pour la
créance alimentaire. Cette créance serait laissée à
la discrétion des tribunaux sur preuve des besoins actuels et futurs du
requérant. Elle serait payable sous forme d'un paiement
global ou par versements. Il n'y aurait que deux catégories de
personnes qui pourraient se prévaloir de ce recours: d'une part, le
conjoint et les enfants; d'autre part, l'ex-conjoint, les ascendants et les
petits-enfants au deuxième degré, pourvu que ceux-ci,
l'ex-conjoint, les ascendants et les petits-enfants, aient vécu des
revenus du défunt au moment de son décès. Le recours de la
créance alimentaire ne viserait qu'à corriger les injustices du
système actuel qui nous semblent minimes et la prescription du recours
serait un délai de six mois, ce qui nous semble suffisant, compte tenu
du certain caractère d'urgence qui peut exister vu les besoins
alimentaires des requérants.
Cela complète l'exposé sommaire sur le droit des
successions.
Le Président (M. Blouin): Merci, Me Vadboncoeur. Compte
tenu de l'heure, il est près de 18 heures, je suggère que nous
suspendions nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures. La parole sera au
ministre de la Justice.
(Suspension de la séance à 17 h 51)
(Reprise de la séance à 20 h 10)
Le Président (M. Blouin): La commission élue
permanente de la justice reprend ses travaux. Je vous relis brièvement
le mandat de la commission qui est d'entendre les personnes et les organismes
en regard des projets de loi nos 106, loi portant réforme au Code civil
du Québec du droit des personnes et 107, loi portant réforme au
Code civil du Québec du droit des successions. La parole est à M.
le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, au nom des membres de
la commission, je voudrais féliciter et remercier le barreau et ses
représentants pour...
Mme Vadboncoeur: ...si vous me le permettez...
M. Bédard: ...c'est la sous-commission...
Mme Vadboncoeur: ...M. le Président, je ne sais pas si
cela serait possible, je ne veux pas vous interrompre indûment mais avant
de commencer la discussion, étant donné que j'ai
été plutôt brève, surtout dans le mémoire sur
le projet de loi no 106, je me demande si ce serait possible d'ajouter
peut-être deux ou trois points qui dureraient deux ou trois minutes.
M. Bédard: Sûrement, avec plaisir. Mme
Vadboncoeur: Merci beaucoup. Je voulais simplement ajouter que nous avons
remarqué qu'à part la disposition préliminaire du projet
de loi no 106, on n'avait à peu près pas repris les articles
d'interprétation qui existent à l'heure actuelle dans le Code
civil. Je pense aux articles, grosso modo, de 11 à 17 du Code civil du
Bas-Canada. Je pense que cela serait peut-être bon de les reprendre parce
qu'ils contiennent des règles d'interprétation qui sont
importantes et qui existent dans notre droit depuis au-delà de cent
ans.
Quant au nom patronymique, nous avons suggéré, tout comme
l'a fait d'ailleurs la sous-commission sur le droit de la famille lors de
l'étude du projet de loi no 89, que le nom patronymique choisi pour le
premier enfant d'une union soit le même pour tous les enfants de la
même union. Alors, nous réitérons cette recommandation.
Enfin, un point assez important que j'avais omis de mentionner tout
à l'heure et c'est une des recommandations que nous faisons visant
à assimiler le titulaire de l'autorité parentale au tuteur
légal. La sous-commission s'est posée la question tout au cours
de ses travaux à savoir qu'elle était la différence entre
le rôle du titulaire d'autorité parentale et le rôle du
tuteur légal dans le cas des parents. On n'en a vu aucune. Finalement on
s'est dit: si l'exercice de l'autorité parentale est assumé par
les parents et qu'on nomme un tuteur qui est un tiers, on se demande, à
part la tutelle aux biens, quelle serait la fonction de ce tuteur, vu que les
parents, quand même, s'occupent de la personne, de leur enfant mineur. On
se demande ce qu'un tuteur à la personne viendrait faire dans le
décor. On a décidé -enfin, on a recommandé -
d'assimiler les deux fonctions et on a fait en ce sens une recommandation
à l'article 123, si ma mémoire est bonne. C'est cela.
Évidemment, cet amendement à l'article 123 entraîne
plusieurs autres amendements de concordance que vous retrouverez dans le
texte.
Quant au tuteur ad hoc qui est prévu dans le projet de loi, il y
a un comité du barreau qui existe actuellement sur la
représentation des enfants par avocat et le comité devrait
présenter son mémoire au comité administratif d'ici
quelques semaines. Si le mémoire est entériné par le
comité administratif du barreau, il y aura certaines
représentations quant au tuteur ad hoc qui est actuellement prévu
dans le Code de procédure civile depuis l'adoption de la loi 18 qui est
entrée en vigueur en décembre dernier. Les articles 816 et
suivants du Code de procédure civile touchent la représentation
par avocat proprement dite ainsi que la nomination d'un tuteur ad hoc par le
tribunal. À l'article de droit substantif qui parle de tuteur ad hoc, on
a fait une recommandation pour exclure le champ des matières familiales
de cette nomination de
tuteur ad hoc. On aura évidemment beaucoup plus de détails
au moment où le comité du barreau présentera son rapport
au ministre de la Justice. C'étaient les remarques que je voulais
ajouter.
Le Président (M. Blouin): Cela va? Mme Vadboncoeur:
Cela va.
Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Vadboncoeur. Je
signale d'abord, pour le bénéfice de nos invités, que les
membres de la commission souhaitent terminer les travaux de la commission ce
soir vers 22 heures.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Bédard: M. le Président, je voudrais dire avant
que je sais qu'il y avait plusieurs groupes que nous avions
espéré pouvoir entendre aujourd'hui. Je pense qu'à ce
stade-ci de nos travaux nous sommes en mesure de prévoir raisonnablement
que nous ne pourrons entendre tous les groupes. Plutôt que de les obliger
à rester toute la soirée, pour autant qu'ils veulent disposer, il
serait peut-être mieux de les en informer dès maintenant. Je crois
qu'on devrait quand même consacrer quelque temps aux mémoires du
barreau.
Une voix: Deux heures.
M. Bédard: On me dit deux heures. Il y avait l'autre
groupe...
Le Président (M. Blouin): On pourrait peut-être
demander à l'Association québécoise de planification
fiscale et successorale de demeurer ici. Pour ce qui est des autres groupes, je
crois qu'ils pourraient...
M. Bédard: Cela les intéresse peut-être. Ce
n'est pas une manière...
Le Président (M. Blouin): Évidemment, s'ils ont un
intérêt...
M. Bédard: Ce n'est pas une invitation à nous
quitter qu'on leur fait mais...
Le Président (M. Blouin): S'ils ont, d'autre part, des
activités autres que celle-ci, je crois qu'ils pourraient sans risque
revenir demain à 10 heures. À ce moment-là, nous aurons un
nouvel ordre du jour...
M. Bédard: C'est cela. Nous essaierons d'ajuster l'ordre
du jour demain de la façon la plus efficace possible, en tenant compte
du fait que des groupes n'ont pas pu être entendus.
Mme Lavoie-Roux: II faudrait être prudent dans la
planification parce qu'il y a des gens qui se sont
dérangés...
Le Président (M. Blouin): La parole est au ministre de la
Justice.
M. Bédard: Au nom des membres de la commission, il me fait
plaisir de remercier d'une façon tout à fait particulière
le barreau et ses représentants et représentantes qui nous ont
fait des représentations très importantes, imposantes. Je pense
qu'on peut dire que l'obligation dans laquelle ils étaient de
résumer ne rend pas justice - il est bon de le dire - à
l'ensemble des représentations du barreau. On est à même de
constater que le barreau a trouvé le moyen et le temps de faire des
remarques sur presque tous les articles des deux projets de loi. Comme ces deux
mémoires sont non seulement assez volumineux mais aussi très
substantiels, on est en mesure de constater - et je le dis avec satisfaction -
dans chacun que le barreau est d'accord avec plusieurs des objectifs poursuivis
et plusieurs des dispositions. Il est normal, dans le temps qui nous est
dévolu, qu'on fasse porter l'essentiel des représentations sur
des points qu'on voudrait voir améliorés. C'est ce qui a
été fait.
Dans un premier temps, je me limiterais à quelques questions. On
s'est aussi rendu compte qu'il y avait quand même des différences
assez importantes entre le mémoire du barreau et celui de la chambre des
notaires que nous avons entendu au début des travaux de cette
commission. Ce qui veut dire un travail important aussi pour les membres de la
commission d'essayer de concilier en fait ces différents points de vue
pour en arriver à un résultat le plus valable possible pour ceux
pour qui nous légiférons, soit l'ensemble de la population.
Je me limiterai donc, dans un premier temps, à quelques
questions, quitte à revenir sur d'autres points. Par exemple, vous
suggérez, entre autres, purement et simplement l'abolition de la
nomination du tuteur ad hoc à l'enfant dans les litiges de nature
familiale. C'est quand même assez clair, si j'ai bien lu votre
mémoire et j'aimerais savoir sur quoi cela débouche? Quand on
parle des enfants dont le tuteur avait à représenter les
intérêts, cela pouvait être des jeunes enfants, des moins
jeunes... On sait jusqu'à quel point il est important que ces
intérêts soient préservés avec beaucoup de
précaution. J'aimerais vous demander qui, dans votre esprit, pourrait
valablement représenter ces intérêts et faire valoir les
intérêts de l'enfant?
Mme Vadboncoeur: M. le Président, la recommandation que
nous avons faite à l'article 120, si vous le remarquez, n'exclut pas le
tuteur ad hoc dans toutes les
matières. On a voulu exclure le tuteur ad hoc des matières
familiales parce que, dans les litiges qui se rapportent à des
matières familiales, il y a forcément une situation conflictuelle
dans la famille ou au sein de la famille et on s'est posé la question -
là je mets un petit peu mon chapeau de secrétaire du
comité sur la représentation des enfants par avocat de savoir
quelle personne pourrait être désignée comme tuteur ad hoc
dans ces cas. Si c'est un proche parent de la famille, il sera presque
automatiquement en situation de conflit d'intérêts parce que ce
sera quelqu'un qui sera peut-être sympathique à la cause de l'un
plutôt que de l'autre, en matière familiale toujours.
On s'est également rendu compte que les tribunaux, depuis
décembre 1982, étaient plutôt portés à ne pas
appliquer cet article 816.1 du Code de procédure civile qui est nouveau.
Les juges se rendent bien compte qu'à moins de nommer un parfait
inconnu, ce qui ne serait pas dans l'intérêt de l'enfant non plus,
parce qu'il ne serait pas au courant de la situation de l'enfant et ne serait
donc pas au courant de son meilleur intérêt, cela ne sert à
rien de nommer qui que ce soit de l'entourage immédiat de l'enfant.
Quant au DPJ, qui pourrait éventuellement être nommé
tuteur ad hoc, on s'est aussi posé la question de savoir si ce serait
vraiment efficace que le DPJ intervienne dans toutes les causes où
l'intérêt de l'enfant est opposé à celui du
titulaire de l'autorité parentale ou à celui de son tuteur.
Il ne faut pas oublier qu'avec le projet de loi 106 tel que
proposé, les parents sont tuteurs légaux. Donc, chaque fois qu'un
enfant serait impliqué dans un litige matrimonial, c'est clair que ses
intérêts seront, de toute façon, opposés aux
intérêts de l'un ou l'autre de ses tuteurs légaux, soit ses
parents, étant donné que ses parents seront eux-mêmes en
conflit.
Cela voudrait donc dire que dans chacun des litiges où, par
exemple, il y a une garde d'enfant qui est contestée et même une
pension alimentaire, parce qu'il y a une pension alimentaire qui peut
être donnée à l'enfant, il faudrait nommer un tuteur ad
hoc, et la difficulté d'application de cet article nous a portés
à recommander que le tuteur ad hoc soit exclu pour les matières
matrimoniales et que l'avocat de l'enfant puisse prendre l'intérêt
de ce dernier, à la suite d'expertises qui pourront être faites.
C'est d'ailleurs comme cela que cela fonctionne au Tribunal de la jeunesse;
à l'heure actuelle, les enfants sont représentés par un
avocat et cela fonctionne très bien. Il y a des expertises qui se font
et cela ne cause pas vraiment de difficulté. Alors, c'est pour cela que
notre recommandation quant à l'article 120 ne vise que les
matières matrimoniales.
M. Bédard: Êtes-vous en train de me dire que, quel
que soit l'âge - il y a quand même des situations drôlement
différentes entre l'enfant de deux ans et l'enfant de quatorze ans, ce
sont des réalités sociales -cela serait l'avocat, ou l'avocate,
qui serait le mieux placé pour défendre les intérêts
de l'enfant?
Mme Vadboncoeur: Voici, je vais peut-être un peu devancer
l'éventuel rapport qu'on soumettra, mais le comité sur la
représentation des enfants par avocat avait songé à une
recommandation qui serait à peu près la suivante: Lorsqu'un
enfant est capable de verbaliser - on ne veut pas fixer de limite d'âge
parce que, chez certains, cela peut être cinq ans comme chez d'autres
cela peut être douze ans ou treize ans; tout dépend de la
situation et de l'environnement de l'enfant, de ses facultés mentales,
cela dépend d'un tas de facteurs - donc, d'exprimer ses désirs,
ses souhaits, l'avocat de l'enfant doit représenter les désirs de
l'enfant. Cet enfant-là doit avoir un porte-parole devant le tribunal.
On dit que c'est l'avocat de l'enfant qui doit être son porte-parole.
L'intérêt de l'enfant, de toute façon, sera
décidé par le tribunal. C'est d'ailleurs la loi qui le dit; c'est
le droit substantif qui le dit. Dans les...
M. Bédard: Oui, oui, continuez, je vous en prie.
Mme Vadboncoeur: ...cas d'enfants trop jeunes pour exprimer leur
volonté, leurs désirs, on aurait ce qu'on a convenu d'appeler un
mandat juridique. Donc, dans le cas des enfants de six mois, d'un an, d'un an
et demi ou de deux ans, les désirs, qu'on pourrait décoder par
une expertise que des avocats ne sont peut-être pas à même
de faire il y a des experts qui sont disponibles, cela n'est pas pour rien -
chez ces enfants en bas âge, coïncident normalement avec
l'intérêt de l'enfant. Le mandat de l'avocat de cet enfant en bas
âge serait de plaider l'intérêt de l'enfant, compte tenu,
évidemment, encore une fois, de toutes les expertises qui pourraient
être envisagées.
M. Bédard: Qui retiendrait les services de l'avocat pour
l'enfant? Je vous pose la question non pas parce que j'ai des doutes sur la
capacité ou encore le désir des avocats et des avocates de
représenter les intérêts de l'enfant et de vouloir bien les
défendre, mais qui retiendrait leurs services? Deuxièmement,
à une période où on essaie plutôt de
déjudiciariser les questions familiales, est-ce que vous ne croyez pas
que ceci aurait pour effet de nous orienter à nouveau dans le chemin de
la judiciarisation?
Mme Vadboncoeur: C'est-à-dire que la judiciarisation, elle
existe déjà, parce qu'il y a déjà un litige devant
les tribunaux. Pour quiconque a pratiqué un peu en droit matrimonial, on
sait qu'il y a beaucoup d'actions, de conventions signées entre les
parties qui se font sur le dos des enfants. Les enfants sont souvent l'objet
d'un chantage assez éhonté de la part de l'un des époux.
Alors, je pense que les enfants ont le droit d'être défendus, et
l'avocat serait, je pense, la personne la mieux placée, la plus
désintéressée pour représenter les
intérêts ou les désirs de l'enfant, selon le cas. (20 h
30)
Quant au mode de nomination, il y a déjà un système
qui existe actuellement au Tribunal de la jeunesse, mais le comité a
suggéré ou va suggérer, dans un proche avenir, que lorsque
les parties sont déjà représentées par des avocats
et que le juge décide, par le biais du fameux article 816 du Code de
procédure civile, un avocat doit être nommé pour l'enfant,
les deux avocats déjà au dossier pourraient soit s'entendre sur
la nomination d'un troisième avocat ou, s'ils ne s'entendent pas, chacun
pourrait soumettre une liste de deux ou trois noms, par exemple, et le juge
pourrait déterminer à partir de cette liste l'avocat qui serait
désigné à l'enfant.
M. Bédard: Je me fais l'écho des membres de la
commission mais c'est une question opportune: Qui payerait?
Mme Vadboncoeur: Je dois vous dire que cela existe
déjà; cela commence de plus en plus à Montréal,
à tout le moins. Je ne sais pas ici à Québec, mais
à Montréal il y a certains avocats qui se spécialisent
"dans la représentation des enfants". Les honoraires sont
partagés 50-50 ou, enfin, selon la proportion qui fait l'objet d'une
entente entre les parties. Le juge lui-même ou le président du
tribunal peut fixer ou déterminer la portion qui devrait être
payée par chacune des parties. Ou encore l'enfant pourra faire l'objet
d'un mandat d'aide juridique.
De toute façon, je vous lis le deuxième alinéa de
l'article 816: "Le tribunal peut aussi rendre toute ordonnance utile pour
assurer cette représentation par avocat, notamment statuer sur le
montant des honoraires payables au procureur de l'enfant et déterminer
à qui en incombra le paiement." Alors, le juge a déjà le
pouvoir de fixer cela en vertu de la loi actuelle.
M. Bédard: On pourra revenir sur le sujet; peut-être
que mes collègues le feront. Disons qu'il y a des éléments
dans votre mémoire - cela ne veut pas dire que les autres n'en tiendront
pas compte, loin de là - qui me semblent très positifs, entre
autres, les changements qui feraient que quelqu'un qui accepte sous
bénéfice d'inventaire puisse renoncer après l'inventaire.
Il me semble que c'est la logique. Ce n'était peut-être pas ce qui
existait dans notre droit jusqu'à maintenant. Auparavant, quelqu'un qui
acceptait sous bénéfice d'inventaire ne pouvait renoncer. Je
crois que c'est sûrement une situation à corriger dans le sens des
représentations que vous avez faites.
Concernant la fin de l'émancipation, je peux vous dire que
personnellement, étant donné qu'on a abaissé l'âge
de la majorité à 18 ans et tenant compte d'autres facteurs que
vous avez d'ailleurs évoqués, dans un premier temps
j'étais plutôt favorable à cette idée. Maintenant,
ce qui nous a, quand même, fait réfléchir dans l'autre
sens, ce sont de nombreuses représentations qui ont été
faites par d'autres organismes qui disaient essentiellement: Même si ce
sont des situations exceptionnelles, il faut quand même prévoir
qu'il puisse y avoir des cas d'émancipation. Il y en avait beaucoup
auparavant; peut-être qu'ils ne faisaient pas l'objet de jugement. Comme
beaucoup se mariaient avant l'âge de 21 ans, par la force des choses
l'émancipation allait de soi.
Mais est-ce que vous ne croyez pas aussi que ce qui a peut-être
compté dans la décision qui a été prise c'est le
danger de faire une rupture trop rapide avec ce qui existe déjà?
J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus. J'aime cela voir le
barreau qui est à l'avant-garde.
Mme Vadboncoeur: L'émancipation, c'est un concept qui,
dans les faits, n'existe pas. On ne voit pas de jugements
d'émancipation. Vous faisiez allusion tout à l'heure aux mineurs.
Même dans le temps où la majorité était fixée
à 21 ans, si un mineur se mariait à 18, 19, 20 ans, de toute
façon, la loi prévoit qu'il a la capacité d'un majeur.
Alors, il n'est plus utile de lui donner une émancipation. Il a cette
capacité. Dans le projet de loi, en plus, on reconnaît le principe
de la capacité du mineur. Si on reconnaît ce principe, le principe
étant établi, qu'on lui accole quelques exceptions, ça va,
mais il ne faudrait pas nier un principe qu'on établit par la
continuation d'une notion juridique qui est à peu près
inexistante de nos jours, de toute façon.
M. Bédard: Sur ce point, d'autres groupes qui vont
être entendus nous ont fait des représentations dans le sens
contraire, pour qu'on maintienne ces dispositions. On entendra leur
argumentation et peut-être qu'on sera mieux en mesure de trancher une
fois pour toutes.
Vous avez un point où le barreau a une position carrément
différente de celle de la chambre des notaires concernant le conseil de
tutelle. En fait, vous suggérez tout
simplement l'abolition du conseil de tutelle. J'aimerais que vous nous
expliquiez comment se ferait la surveillance lorsqu'il y a une tutelle
dative.
Mme Vadboncoeur: Me André Prévost va vous
répondre à ce sujet.
M. Bédard: Oui. J'aimerais connaître un peu plus
votre position à ce sujet.
M. Prévost (André): En fait, M. le ministre, on
continue probablement dans notre avant-gardisme que vous souligniez tout
à l'heure.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Prévost: On ne croit pas que le conseil de tutelle
représente un gros changement par rapport au conseil de famille qu'on
connaît présentement, même si, comme le soulignait la
chambre des notaires, il y a plus un niveau de permanence avec trois ou cinq
membres qui sont nommés dès le départ. On croit que le
conseil de tutelle ne fait qu'alourdir un processus décisionnel.
À ce niveau-là, il faut quand même garder en tête
qu'au moment où on va commencer à faire jouer le mécanisme
de la tutelle, on va réunir un conseil qui, pour la plus grande partie
de son travail, formulera des recommandations à un tribunal qui, pour sa
part, autorisera un acte pour le tuteur, sauf dans certains cas où le
conseil de tutelle lui-même donne sa recommandation à un tribunal,
autorise un acte pour un tuteur. Je me réfère, de mémoire,
aux articles 146, 147, 148. Mais, dans les autres cas, pour les actes qui
dépassent la simple administration, dans les cas où il faut aller
devant le tribunal et pour lesquels le conseil de tutelle formule une
recommandation, on ralentit le processus en créant une instance de trois
ou de cinq personnes qui vont devoir s'asseoir et formuler une recommandation.
Le tribunal sera saisi d'une recommandation qui a été prise
à la majorité, c'est-à-dire que la voix des dissidents ne
sera pas entendue nécessairement par le tribunal, tout cela dans un
système où la famille n'est plus exactement ce qu'elle
était.
C'était facile autrefois, il y a plusieurs années, de
créer des conseils de famille qu'aujourd'hui on pourrait appeler des
conseils de tutelle, parce que la famille était un groupement qu'on
pouvait retrouver à un endroit particulier et qui demeurait liée
généralement à un espace donné. Aujourd'hui
où on a le concept de famille où les gens sont très
dispersés, ne sont souvent même pas dans la même ville ou
dans le même pays, cela peut poser des problèmes. Finalement, vous
allez avoir un conseil de tutelle qui va probablement être
constitué souvent de gens qui ne sont pas nécessairement de la
plus proche parenté -je parle des cinq qui vont en faire partie -qui
devront prendre des décisions pour faire des recommandations et le
tribunal ensuite devra les entériner.
Le système qu'on propose saute cette étape et, je pense,
fait montre plus de l'opinion des gens qui sont directement concernés
par le bien du mineur. On a créé l'article 156.1 qui dit
finalement que, lorsque le tuteur doit poser un acte qui dépasse la
simple administration, il obtiendra l'autorisation du tribunal pour poser cet
acte. Il donnera avis de sa demande à un groupe de personnes dont le
mineur s'il a plus de quatorze ans, les père, mère,
frères, soeurs, ascendants s'il y en a, titulaire de l'autorité
parentale, si ce ne sont pas les parents, et le tuteur datif si c'est le
cas.
Ces gens sont informés de la demande et, s'ils ont quelque chose
à dire, ils vont aller le dire directement devant le juge. Vous avez,
à ce moment-là, l'avantage d'avoir un tribunal qui va entendre
toutes les opinions sur la question, s'il y en a, et les gens, probablement
dans la plupart des cas, qui n'auront rien à dire ne se
présenteront tout simplement pas. On croit que le système sera
plus facile. On éliminera un palier de recommandation qui, dans la
plupart des cas, nous le croyons, ne représente pas et va poser des
difficultés pratiques comme le conseil de famille en a posé. Je
suis convaincu, M. le ministre, que vous avez dû, vous aussi, convoquer
des conseils de famille au palais de justice. Je pense que, de la façon
dont cela se passe, c'est un peu dégradant pour l'institution qui existe
présentement.
En ce qui concerne la personne protégée, les gens qui
seront avisés sont ceux que nous avons mis à l'article 200.1,
conjoint, ascendants, frères, soeurs et enfants majeurs qui pourront
venir dire au tribunal ce qu'ils ont à dire. Nous croyons que, de cette
façon-là, nous éviterons un palier qui alourdit
peut-être le système décisionnel.
M. Bédard: Avec tout le respect que j'ai pour votre
description de ce que serait le conseil de tutelle dans le projet de loi, je
dois dire honnêtement que je partage difficilement l'analyse que vous en
faites. Quand vous dites, par exemple, que le conseil de tutelle alourdira un
processus décisionnel, je pense que c'est oublier que ce conseil de
tutelle est quand même habilité à prendre de nombreuses
décisions sans aller devant le tribunal. Je vous pose la question. Ce
que vous proposez pourrait avoir encore pour effet de "judiciariser"
énormément en allant continuellement devant le tribunal. J'ai de
la misère à suivre votre idée. Je connais les conseils de
famille, qui existent à l'heure actuelle. Il est évident qu'il
fallait que cette réalité disparaisse au plus vite; c'est ce
que
nous faisons. Avec le nouveau conseil de tutelle, je pense qu'il y a
là un niveau de permanence qui peut être de nature non pas
à alourdir, mais à bien défendre les intérêts
qu'on veut protéger.
M. Prévost: Si vous me le permettez, les pouvoirs
qu'exerce le conseil de tutelle autres que la recommandation au tribunal en ce
qui concerne les autorisations pour un tuteur, je les retrouve aux articles
146, 147 et 148 du projet de loi. En ce qui concerne l'article 146, on dit:
"Pour les actes qui excèdent la simple administration, le tuteur doit
être autorisé par le conseil de tutelle", sauf pour une
série d'actes qu'on mentionne dans le deuxième paragraphe et qui
sont généralement les actes qu'on retrouve le plus couramment et
qui excèdent la simple administration dans une tutelle. On a ensuite
l'article 147 qui est l'acceptation d'une libéralité avec charge.
M. le ministre, lorsqu'on accepte une donation avec une charge pour un mineur,
même si on avait le conseil de famille, je me demande s'il ne serait pas
plus prudent d'y mettre aussi une autorisation d'un tribunal parce que,
finalement, on crée une charge contre le mineur. (20 h 45)
En dernier lieu, l'article 148 dit que le conseil de tutelle va
autoriser le tuteur à transiger ou à poursuivre un appel. Encore
là, je crois, même si le conseil de tutelle existait, qu'on
devrait faire doubler cette recommandation par une autorisation du tribunal
parce que, quand même, si on transige, on affecte de façon
définitive les droits du mineur. Finalement, si on regarde les actes que
fait seul le conseil de tutelle sans passer par le tribunal, on
s'aperçoit qu'il n'y a peut-être pas beaucoup d'actes que cela
peut concerner et, que dans la plupart des cas, on va se retrouver devant le
tribunal. En plus, on sera passé par le conseil de tutelle pour avoir
une recommandation.
M. Bédard: Oui, il y a peut-être à l'article
148 où on pourrait ajouter le "tribunal". Mais il reste bien d'autres
actes qui sont décidés par le conseil de tutelle. Par exemple,
vous avez fait mention, avec la nouvelle réalité familiale, qu'il
arriverait souvent que ce soit difficile de réunir le conseil de
tutelle. Je pense que l'article 173 répond à vos
préoccupations de ce côté-là. "Le tribunal peut
statuer que les fonctions du conseil de tutelle seront exercées par un
substitut lorsqu'il est impossible de constituer un conseil en raison de
l'éloignement des membres de la famille, d'un empêchement majeur
ou lorsqu'il est inopportun de le faire en raison de la situation familiale du
mineur".
M. Prévost: Mais si on n'a pas trouvé de parents
assez proches pour constituer le conseil de tutelle et qu'on se retrouve avec
des substituts. C'est d'ailleurs un des motifs qui nous amènent à
suggérer le système qu'on préconise.
M. Bédard: Non, mais on parle de situations plus
exceptionnelles. Je comprends qu'on puisse trouver que la famille est
dispersée, mais, quand même, il reste encore des proches.
M. Blank: En 33 ans de pratique, je pense que je n'ai jamais eu
sept parents dans un conseil de famille. Jamais, jamais.
M. Bédard: Mais cela ne sera plus nécessaire. C'est
pourquoi on a parlé...
M. Blank: J'ai dit qu'en 33 ans de pratique je n'ai jamais eu
sept membres de la famille dans un conseil de famille.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Bédard: Vous voyez, votre collègue de
Saint-Laurent dit qu'il pouvait en constituer toutes les semaines dans son
bureau.
Une voix: Devant le notaire.
M. Blank: Devant le notaire, c'est une autre affaire. Parfois,
dans des petites communautés où des gens habitent ensemble, mais
pour la grande majorité des gens qui vont devant le protonotaire pour
constituer un conseil de famille, jamais sept membres de la famille ne
viendront. On amène toujours des jeunes avocats.
M. Bédard: Là, vous parlez de...
M. Polak: II y a des vieux avocats aussi.
M. Blank: Des jeunes.
Une voix: Est-ce que ce sont des amis?
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le ministre.
M. Bédard: Vous parlez de sept membres de la famille.
C'est en tenant compte de toutes ces réalités qu'on a
parlé d'un conseil de tutelle qui peut être formé de trois
ou de cinq personnes, selon les circonstances. On a tenu compte, justement, de
la situation.
Une dernière question. Je pense bien que, sur cette question, mon
collègue de Saint-Laurent va revenir à la charge. Selon votre
mémoire, la règle, en matière
testamentaire, est que le conjoint est le principal légataire et,
de ce fait, assume les obligations relatives aux enfants. Cette situation vous
incite donc à favoriser l'introduction d'une créance alimentaire
au lieu d'une réserve qui n'interviendrait alors que dans les cas
très rares d'injustice. C'est bien le contenu de votre
représentation?
Une voix: C'est seulement en démocratie, cela.
M. Bédard: Ne croyez-vous pas qu'en raison du nombre
croissant de ruptures de telles situations conflictuelles entre conjoints et
surtout enfants de mariages différents sont susceptibles d'être
fréquentes? Ne croyez-vous pas que cela puisse susciter des conflits?
Pensez-vous que cela soit souhaitable? Que penseriez-vous d'une réserve
qui favoriserait les enfants mineurs pour suppléer peut-être
à tout cela?
Mme Vadboncoeur: Je vous ai résumé de façon
bien concise la position du barreau tout à l'heure sur la réserve
pour les enfants mineurs. Je ne vois pas pourquoi on limiterait la
liberté de tester, qui est un principe reconnu, utilisé,
accepté, depuis des décennies. Alors que le problème ne se
pose vraiment pas pour les enfants - cela se pose peut-être un peu plus
et, encore là, c'est vraiment exceptionnel, concernant le conjoint - on
ne voit pas pourquoi on mettrait complètement de côté un
principe établi depuis toujours et qui n'a jamais causé de
difficultés réelles pour le plaisir de régler quelques
petits cas d'exception. La créance alimentaire existe; elle existe
à l'heure actuelle, de toute façon, pour les mineurs. Les enfants
et les parents se doivent des aliments. C'est un concept qui existe
déjà et on ne voit pas pourquoi on modifierait tout le droit
successoral et, en particulier, la liberté de tester pour une
difficulté qui n'en est pas une.
M. Blank: Mlle Vadboncoeur...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Juste une petite question. J'ai la permission du
ministre.
M. Lebel: J'aurais peut-être une remarque à ajouter
là-dessus. C'est que, dans ces cas extrêmes, la solution
suggérée dans l'annexe au rapport du barreau, d'une sorte de
créance alimentaire permettrait de régler les problèmes.
Ce serait probablement une solution plus adaptée, qu'on pourrait en
quelque sorte moduler à la situation des enfants, de la succession
particulière. L'inconvénient de la réserve est toujours
d'imposer une solution uniforme, sans égard aux situations
concrètes dans lesquelles se trouve la famille.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Saint-Louis, une brève intervention.
M. Blank: La question que je vais poser à Mlle Vadboncoeur
est: Vous faites grand état de la question de la liberté de
tester comme un concept; combien de juridictions dans le monde ont la
liberté de tester?
Une voix: Le monde anglo-saxon.
M. Blank: Pas du tout. D'après l'information que j'ai
reçue, il y en a deux: Québec et l'Afrique du Sud.
Mme Vadboncoeur: Je pense que c'est plus que cela.
M. Blank: Je ne sais pas. Aucun État américain,
aucun pays occidental européen.
Une voix: Rhodésie.
M. Blank: Je ne sais pas. J'ai été témoin de
beaucoup de changements au droit de la famille ici et je me souviens que,
à Québec, on a prêché la liberté à
cause d'une protection du Code civil à un moment donné qui n'est
plus là maintenant. Le fameux article 301 empêchait la femme de
toucher ses biens au bénéfice de son mari. Maintenant que cette
défense n'existe plus, la seule chose qui reste est l'amendement qu'on a
fait au projet de loi no 89 disant que c'est seulement le tribunal qui va
régler cela. Cela veut dire que, chaque fois qu'il y a une dispute pour
cette raison familiale, c'est le tribunal qui va décider. Dans presque
tout le reste du monde, c'est fixé d'avance. C'est pour cela que j'ai
des doutes sur cette liberté de tester.
M. Lebel: Là-dessus, M. le député, je vous
dirais ceci: D'abord, l'expérience de la pratique juridique actuelle est
que ces situations sont rares.
M. Blank: Excusez-moi. Elles sont rares parce qu'on a pas eu le
projet de loi no 89 avant le 1er décembre.
M. Lebel: Elles étaient rares. Elles ne sont pas
nécessairement rattachées au projet de loi no 89. Ce que
j'ajouterais, c'est qu'à l'égard des situations rares où
pouvaient se soulever ces problèmes il existe quand même dans la
législation actuelle d'autres mécanismes pour trancher ces
difficultés et que la fonction d'une codification n'est peut-être
pas d'imposer des réformes dans des secteurs où,
précisément, il n'est point besoin de changements ou il existe,
ou on a développé des méthodes de compensation,
d'adaptation qui paraissent correspondre aux besoins sociaux.
Mme Vadboncoeur: Je m'excuse, Me Barbeau aurait peut-être
quelque chose à ajouter.
M. Barbeau (Daniel): Nous aussi, notre liberté de tester
est limitée par l'ordre public et les bonnes moeurs. Ce que constitue
l'ordre public et, ce que constituent les bonnes moeurs, c'est une question
d'évolution de notre société. Tantôt, M. le premier
ministre soulignait que... Pardon, M. le ministre de la Justice...
Le Président (M. Blouin): Je pensais que vous nous
annonciez une primeur.
M. Bédard: Allez-y, je n'ai rien contre les promotions,
pourvu que cela ne dure pas longtemps, surtout celle-là.
Une voix: De ce temps-là, cela n'est pas trop bon.
M. Barbeau: ...soulignait qu'on pouvait garder le mineur
émancipé parce qu'en fin de compte, même si cela ne servait
pas beaucoup, cela ne nuisait à personne, tandis que là, en
créant la réserve, on se trouve à légiférer
véritablement pour l'exception. Je pense que, dans le mémoire du
barreau, on souligne à la page 141 ce qui résume un peu notre
pensée. "Il nous a semblé que la créance alimentaire
était le remède le plus approprié puisque chaque cas
constitue un cas d'espèce et que chaque situation, avec ses
circonstances humaines et financières particulières, doit
être analysée à son mérite. L'État n'a pas
à établir ce à quoi les membres d'une famille ont droit
d'office comme supplément à ce que l'on a déjà
reçu d'une succession, que celle-ci soit juridique ou
testamentaire."
Le Président (M. Blouin): D'accord?
M. Blank: J'ai encore quelque chose à ajouter.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
de Saint-Louis.
M. Blank: C'est vrai, ce que vous dites. C'est exactement mon
argument. Avant la loi 89, c'est dommage, mais l'épouse n'avait droit
à rien. Elle ne pouvait pas aller devant les tribunaux, elle n'avait
droit à rien. Depuis la loi 89, depuis la résidence familiale et
la réserve créée par l'article 459, elle a maintenant une
réserve. Mais qui va décider de cette réserve? C'est le
tribunal. Cela veut dire qu'il y avait des cas d'exception avant la loi 89;
maintenant, avec la loi 89, il n'y aura plus de cas d'exception.
Presque chaque femme demandera son droit. C'est le tribunal qui va
décider cela.
C'est bon pour les avocats; j'en suis un et je suis d'accord. Cela va
remplacer les actions d'Oldsmobile ou quelque chose comme cela.
Mme Lavoie-Roux: Vous les avez remplacées depuis
longtemps, les actions d'Oldsmobile.
M. Blank: Mais, dans l'intérêt commun de la
population, je ne sais pas si on lui a fait une faveur en agissant de cette
façon. C'est mon opinion.
M. Bédard: C'est mon meilleur promoteur de la loi 89.
C'est pour cette raison que je lui donne toujours la parole.
M. Blank: Non, non, c'est ma femme!
Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît! Mme
Vadboncoeur, avez-vous des commentaires?
M. Lebel: En fait, vous vous trouvez dans ces cas-là
devant deux types de situations bien différentes. Si la concorde
régnait dans le ménage, s'il y avait de l'accord, le
problème est réglé par le testament, les donations, etc.
S'il n'y avait pas d'accord entre les parties, le plus souvent il y a eu un
conflit matrimonial, un divorce ou des mesures qui ont été prises
et qui ont assuré une compensation au conjoint.
M. Blank: Lorsqu'on fait un testament, cela peut être fait
dans les meilleures conditions familiales, mais peut-être qu'on veut
laisser cela aux enfants et seulement l'usufruit à la femme, mais la
femme veut voir le capital après que le monsieur est parti. Pour moi,
cela n'a rien à faire avec la condition familiale au moment du
décès. Cela peut être le meilleur mariage au monde, mais le
monsieur veut protéger ses enfants, laisse l'usufruit à sa femme,
mais celle-ci, pour des raisons personnelles, dit: Non, je veux avoir le
capital. C'est la résidence familiale et la réserve de l'article
459 qui entrent alors en jeu.
M. Barbeau: La créance alimentaire existe également
dans plusieurs États des États-Unis.
M. Blank: Oui, je sais.
M. Barbeau: Vous parliez tantôt de...
M. Blank: La réserve est fixée en Ontario à
un tiers, je pense.
M. Barbeau: La réserve est fixée, en Ontario.
M. Blank: C'est fixé d'avance. Si on veut faire un
testament pour donner plus que le tiers, on peut le faire, mais le minimum, on
l'a sans recours au tribunal.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Une voix: C'est cela.
Mme Borenstein (Sylviane): Me Blank semble dire qu'il n'est pas
content qu'avec la loi 89 les épouses puissent aller si souvent devant
le tribunal. Vous voulez corriger cela par la réserve
héréditaire. Pourquoi ajouter un mal à ce que vous pensez
être déjà un mal? On ne doit pas corriger la loi 89...
M. Blank: Oui, mais, Mme Borenstein, c'est facile, avec une
nouvelle loi, d'éliminer des articles dans l'autre.
Mme Borenstein: Je ne crois pas que ce soit...
M. Blank: C'est facile, très facile.
Mme Borenstein: Si c'est là l'objet de votre...
M. Blank: Cela se fait souvent.
Mme Borenstein: ...appui à la réserve
héréditaire, je ne crois pas que cela soit un argument. (21
heures)
M. Blank: Je pense que si vous regardez le compte rendu des
débats de la Chambre durant l'étude du projet de loi no 89, vous
retrouverez cette même remarque que j'ai faite aujourd'hui et vous
trouverez la même remarque lorsqu'on a adopté le projet de loi no
10, en 1964 ou en 1965. Mme Claire Kirkland-Casgrain, qui est maintenant juge,
a fait adopter le projet de loi no 10 et j'avais fait la même remarque;
à ce moment-là, on avait enlevé l'article 1301, en mettant
les femmes dans une situation très précaire.
M. Lebel: Mais si vous recherchez essentiellement cet
impératif de protection, la créance alimentaire est de loin un
outil plus adapté, parce que, avec votre réserve, vous
créez un outil qui est assez brutal, qui n'est pas adapté aux
situations de chaque famille et qui viendra trancher sans égard aux
situations dans lesquelles se trouveront les intéressés. C'est
peut-être un des cas où, occasionnellement, s'il y a vraiment un
conflit familial, l'intervention du juge permettra un ajustement, trouvera une
situation plus équitable entre les intérêts des
différents membres de la famille.
M. Blank: Je me souviens que, ce matin, le député
de Saint-Laurent a dit que, dans 95% des testaments, on laisse tout à
l'autre époux. Cela veut dire qu'on parle de 5%. Mais, dans ces 5%,
c'est là qu'on a besoin de protection.
M. Polak: C'est cela.
M. Blank: II doit y avoir des raisons particulières pour
lesquelles on ne lègue pas à l'époux.
Mme Borenstein: Mais ils ne seront pas protégés par
la réserve héréditaire parce que, dans les pays où
cela existe et où il y a ces 5% dont vous parlez, où il y a des
conflits, les époux - parce que le plus souvent ce sont les époux
qui décèdent avant les épouses, Dieu merci! -
s'arrangent...
M. Blank: Vous et votre mari êtes deux avocats, je ne sais
pas lequel partira le premier.
Mme Borenstein: ...pour qu'il y ait très peu dans leur
patrimoine. Donc, la réserve héréditaire ne vaut rien. Si
on cherche vraiment - je pense que nous sommes tous d'accord - un genre de
protection, je pense que la protection sera plus véritable avec une
créance alimentaire. L'époux ne se débarrassera de son
patrimoine s'il sait que, d'office, il va y avoir un pourcentage de son
patrimoine qui ira à l'épouse à qui il ne veut pas que
cela aille. On voit, en France, comment les gens s'arrangent - j'ai une
connaissance personnelle de beaucoup de ces cas - pour qu'il ne reste rien
à leur nom dans leur patrimoine par d'autres biais pour que la
réserve héréditaire s'annule.
M. Blank: Cela arriverait au même s'il faisait cela avec
l'article 459.
Mme Borenstein: Non, parce que la crainte n'est pas là. En
Angleterre, ils ont la créance alimentaire et cela ne se passe pas comme
cela, parce qu'il n'y a pas cette crainte d'avance qu'un pourcentage ira...
Une voix: Du capital.
Mme Borenstein: C'est cela.
Le Président (M. Blouin): Sur le même sujet, M. le
ministre.
M. Bédard: Si vous voulez me permettre de reprendre
à la suite de la question qu'il devait poser. Dans le même sens,
lorsque vous parlez de créance alimentaire, je pense que cela porte
à réfléchir, parce que vous êtes sans doute au
courant des difficultés qu'il y a à percevoir des pensions
alimentaires. Quelles sont vos remarques sur les difficultés qu'il
pourrait y avoir à percevoir en plus des créances
alimentaires?
Mme Borenstein: Les difficultés... M. Bédard:
Deuxièmement... Mme Borenstein: Pardon.
M. Bédard: ...concernant la réserve, ce n'est pas
sur une question de principe que je suis pour ou contre. Je crois justement que
nous avons jusqu'à maintenant mis au point des dispositions qui sont de
nature à ne pas nous obliger à y recourir, parce qu'avec la loi
89 on a les prestations compensatoires possibles pour la femme...
M. Blank: Ou le mari.
M. Bédard: ...ou le mari, pour le conjoint survivant. De
plus, à l'heure actuelle, on sait que le régime légal, le
régime d'acquêts est celui qui est le plus accepté et cela
va dans le sens d'une plus grande acceptation. Déjà, le conjoint
retire la moitié des acquêts; à cela, ajoutez le tiers de
la succession qui est dans le présent projet de loi et, au bout du
compte, je suis convaincu que cela représente pour le conjoint, dans la
très grande majorité des cas, plus que la moitié de la
succession et plus que ce qui pourrait être contenu dans une
réserve.
Mme Borenstein: Peut-être qu'on vous a convaincu, M. le
ministre, que la réserve héréditaire n'est pas
très...
M. Bédard: Non.
Mme Borenstein: Oui, mais je voudrais...
M. Bédard: Je n'en fais pas une question de principe. Je
me dis qu'à la fin on pense au conjoint survivant. Qu'est-ce qui,
pratiquement, lui revient à partir des dispositions qui ont
été acceptées? Je pense que tout ce qu'on a accepté
maintenant comme dispositions nous donne l'assurance que c'est un montant
beaucoup plus imposant que ce qui pourrait être prévu dans une
réserve institutionnelle où il y aura un minimum
d'indiqué. Donc, ce qui m'intéresse, ce n'est pas les batailles
d'idéologie, mais à la fin, au point de vue pratique, si le
conjoint survivant reçoit ce qu'on pense être quelque chose de
très significatif. Ajoutez à cela - je l'oubliais - la
possibilité maintenant, si ce projet de loi est adopté, pour le
conjoint, de n'être pas dans l'obligation de renoncer à ses
avantages matrimoniaux pour accepter les avantages de la succession. C'est
difficile de donner plus de garanties que cela pour le conjoint survivant.
Mme Borenstein: Je ne vois aucun problème vis-à-vis
de la perception des pensions alimentaires une fois que le débiteur,
dans le fond, est mort. On a des problèmes de perception du temps de son
vivant, mais une fois qu'il est mort et que son patrimoine est entre les mains
d'un liquidateur, il n'y aura pas de problème de perception du tout.
M. Bédard: S'il n'y a rien dans la succession, il n'y aura
sûrement pas, non plus, de problème de perception de
créance.
M. Lebel: Pas de créance, s'il n'a rien. S'il n'a rien, il
n'a rien.
M. Bédard: Cela va, M. le Président. On pourra
revenir sur un autre point un peu plus tard.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais, d'abord, remercier et
féliciter les membres du barreau de leurs deux mémoires
absolument remarquables. C'est d'autant plus important pour nous que nous
aurons à prendre des décisions, à la suite de ces
recommandations.
Pour enchaîner sur la question de la réserve, il y a une
chose qui me fatigue. Nous, dans la pratique, particulièrement les
notaires, on règle beaucoup de successions. Je me demande quand est-ce
que cela va finir. Lorsque vous parlez de créance alimentaire, est-ce
qu'on va être obligé d'établir, de garder un montant? On ne
sera jamais capable de régler une succession avec cela. Je pense qu'il
faut en finir. La question de la prestation compensatoire, c'est un montant, on
va le prendre à même la succession, puis on va le donner. Sans
cela, on va garder de l'argent en succession pour combien d'années? 20
ans, 25 ans?
Mme Vadboncoeur: Trois.
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, mais pour pouvoir payer la
créance?
Mme Vadboncoeur: Mais cela peut être une somme globale.
M. Leduc (Saint-Laurent): Eh bien! vous arrivez à la
prestation compensatoire.
M. Barbeau: Pas du tout.
Mme Vadboncoeur: Cela n'a rien à voir avec l'apport
à l'enrichissement de l'actif du patrimoine du conjoint.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais si vous le permettez, vous allez
lui donner seulement
pendant six mois?
Mme Vadboncoeur: Non. La prescription pour intenter le recours
est de six mois à compter du décès.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous allez lui payer cela.
Mme Vadboncoeur: Selon la décision, selon l'état de
la succession. Cela peut être une somme globale...
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais vous allez garder de l'argent dans
la succession. Le liquidateur va garder de l'argent pour pouvoir payer la
créance.
Mme Vadboncoeur: ...ou par versements.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Saint-Laurent, je souhaiterais que, d'abord, les gens parlent l'un après
l'autre et, si possible, Mme Vadboncoeur, que vous puissiez identifier les
intervenants à la table des invités. Alors, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais j'y reviens, il va falloir
sûrement créer un fonds pour pouvoir payer la créance
alimentaire.
Mme Vadboncoeur: Cela dépend. Écoutez, à
l'heure actuelle, dans les liquidations de successions, les règlements
de successions, il y a des successions qui restent vivantes, si je peux dire,
pendant des années, des années et des années. Si c'est une
grosse succession, cela ne changera absolument rien. Au lieu de payer tant sur
les revenus de la succession ou une partie du capital aux héritiers ou
aux usufruitiers, ou enfin, quelle que soit la qualité de la personne,
que ce soit pour cela ou que ce soit pour une créance alimentaire, le
montant global de la succession reste là, puis la succession devra
être administrée comme elle l'est actuellement. Je ne vois pas le
problème.
M. Leduc (Saint-Laurent): Moi, je vois un problème. Cela
veut dire qu'on ne pourra jamais liquider une succession tant que le conjoint
survivant ne sera pas décédé.
M. Lebel: Sur ce point-là, je vous réfère
à la page 140 de notre mémoire. La suggestion que nous faisons
quant à la créance alimentaire contre la succession, c'est que le
recours, la réclamation contre la succession soit obligatoirement
exercée dans les six mois du décès. S'il n'y a pas de
réclamation dans les six mois du décès, il y
déchéance du droit. Cela règle, évidemment, une
partie du problème. Par la suite, s'il y a une réclamation, de
deux choses l'une: ou il y a un jugement ou une entente entre les parties qui
prévoient le paiement d'une espèce de somme forfaitaire. À
ce moment-là, c'est pris à même le capital de la
succession, c'est versé. Autre hypothèse: les parties s'entendent
pour prévoir un certain nombre de paiements pendant X mois, X
années, etc. Là, cela devient un problème de mise de
côté d'une portion de la succession qui, pendant une
période, va être administrée distinctement, peut être
placée dans un trust ou ailleurs.
Mme Vadboncoeur: Me Borenstein aurait quelque chose à
ajouter, si vous le permettez.
M. Bédard: J'ai une petite question. Si l'enfant ne peut
pas prouver un besoin dans les six mois, à ce moment-là, les
droits seraient perdus?
M. Lebel: Dans le texte que nous avons préparé,
nous avons suggéré cette limitation d'un délai de
réclamation à six mois précisément pour introduire
une certaine sécurité dans le règlement des successions.
Normalement, le besoin est connu, identifié, si besoin il y a, au moment
du décès.
Mme Vadboncoeur: Me Borenstein.
Mme Borenstein: Pour répondre au député de
Saint-Laurent, comme on le fait souvent dans des cas de blessures corporelles,
si on établit que les besoins de la femme et des enfants vont être
de tant, pour une période de tant d'années, on achète
à ce moment-là pour un certain montant un plan d'assurance qui
assure que la famille va recevoir un montant X pendant X années. Sur le
plan pratique, c'est très facile. On n'a pas besoin d'emprisonner la
succession pour des années. Ce serait plutôt une somme globale qui
serait établie par le juge pour acheter ce genre de plan d'assurance.
Donc, cela sort de la succession et vous pourrez régler votre succession
aussi vite qu'avant.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): II y a la question d'espérance
de vie, tout cela, pour déterminer le montant qu'on doit mettre de
côté. Je dis qu'on a la prestation compensatoire. Quand vous
parliez de montant... Je ne suis pas tellement d'accord avec ces
formules-là. Cela veut dire que, dans les deux cas, c'est le tribunal
qui doit intervenir. Je voudrais revenir sur la question du conseil de
tutelle.
Mme Vadboncoeur: Si vous me le permettez, M. le
député, on aurait un complément de réponse à
donner. Me Barbeau, s'il vous plaît.
Le Président (M. Blouin): M. Barbeau.
M. Barbeau: Je voudrais ajouter ceci en ce qui concerne la
réserve héréditaire. La raison pour laquelle on a
préconisé la réserve héréditaire, c'est, en
fait, une question de flexibilité, plutôt que d'encadrer dans un
texte de loi des conditions prédéterminées, un tiers, etc.
Il ne faut pas oublier, non plus, les cas où le de cujus peut être
plus pauvre que les bénéficiaires, que les gens qui demeurent.
À ce moment-là, ils auront quand même droit à la
réserve héréditaire plutôt qu'à la
créance alimentaire. Il ne faut pas oublier, non plus, comme vous le
mentionniez tantôt, qu'il peut arriver que, dans une succession, il n'y
ait absolument rien à léguer, donc rien à recevoir.
L'avantage qu'on retrouve dans la créance alimentaire, c'est qu'elle est
plus flexible, qu'elle peut s'appliquer de façon différente dans
chacun des cas, quitte pour chacun à faire valoir ses droits. Vous
parliez tantôt des enfants mineurs. C'est une question de
modalités également. Est-ce qu'on doit prévoir une
créance alimentaire pour l'enfant mineur jusqu'à son
décès ou jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de la
majorité? Ce sont des modalités. Il ne faut pas oublier, non
plus, l'argument de base - en ce qui me concerne, en tout cas, c'est un
argument de base - qui est la liberté de tester. Et, encore une fois, il
ne faut pas penser à légiférer de façon globale
pour des cas d'exception. Si on analyse ce qui se passe ailleurs, j'ai
l'impression qu'on va arriver à la conclusion que la créance
alimentaire peut facilement être satisfaisante dans tous les cas
où le besoin s'en fait sentir.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député de Saint-Laurent. (21 h 15)
M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai de grosses réserves
là-dessus. Je vais revenir sur le conseil de tutelle. Il me semble que
votre proposition d'aller constamment devant le tribunal est exorbitante. Je
pense que, pour certains actes, certains gestes à poser, cela n'est pas
nécessaire. Vous dites que, dans les cas où il faudrait le faire,
on prendra avis des personnes mentionnées à l'article 156.1. Mon
confrère de Saint-Louis disait: On est incapable de ramasser qui que ce
soit, on est incapable de rejoindre les gens, on est incapable de former le
conseil de famille. Vous allez avoir le même maudit problème. Dans
la pratique, vous n'aurez jamais ces gens-là. Ils ne seront donc jamais
consultés. Je pense que la formule du conseil de tutelle est assez
originale, d'autant plus qu'il s'agit d'un organisme, d'une instance qui est
là en permanence. Je pense que c'est bien. Je trouve que c'est une
formule pour régler le fameux problème des conseils de famille
qu'on doit réunir continuellement pour prendre des décisions.
C'est surtout dans ce sens-là. Si vous m'assurez que les parents, chaque
fois qu'ils recevront l'avis, se précipiteront au tribunal, d'accord.
Mais vous avez tous dit que justement c'est ce qui ne se produisait pas. On
n'arrivera donc jamais à cette fin-là.
Le Président (M. Blouin): Mme
Vadboncoeur, des commentaires?
M. Prévost: M. le député de Saint-Laurent,
je crois que les gens qui vont avoir quelque chose à dire vont le dire
et que ceux qui n'ont rien à dire ne perdront pas leur temps et ne se
présenteront pas. C'est l'avantage d'avoir un conseil de tutelle. On a
connu les conseils de famille où, à un moment donné, on
passe des résolutions sur lesquelles on sait d'avance que tout le monde
est d'accord, d'autres où on sait d'avance qu'il y en a un qui n'est pas
d'accord; la plupart des gens se déplacent pour rien parce qu'ils
n'auront rien à dire et on adopte la décision.
Je trouve que le mécanisme qu'on suggère a pour premier
avantage de communiquer directement au tribunal, qui est finalement celui qui
va autoriser un acte, les commentaires que chacun a à apporter. Dans les
faits - il ne faut pas se leurrer - on se retrouvera très rarement avec
tout ce monde-là devant le tribunal parce que, dans la plupart des cas,
la majorité des gens sont d'accord avec la décision qui sera
prise ou avec l'autorisation qui est demandée. Je crois que le
système qu'on propose est avantageux à ce niveau-là.
Mme Vadboncoeur: En plus, si vous le permettez, M. le
Président, quand on dit qu'on aura toujours recours au tribunal, je ne
vois pas ce qui vous fait penser cela, parce qu'on n'a pas ajouté de cas
d'autorisation du tribunal, sauf à l'article 146. De toute façon,
le deuxième alinéa de l'article 146 prévoit
déjà l'autorisation du tribunal pour les actes qui sont
mentionnés dans ce deuxième alinéa et qui, de toute
façon, excèdent ce qu'on appelle la simple administration. Je ne
vois pas le danger d'une multiplication de recours devant le tribunal.
Finalement, c'est un peu blanc bonnet et bonnet blanc. On remplace le conseil
de tutelle par certaines personnes qui sont les proches de la personne
concernée. Si vous ne pouvez pas trouver des gens pour former votre
conseil de famille actuel ou à qui envoyer cet avis-là, vous n'en
trouverez pas plus pour former votre conseil de tutelle.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais revenir à l'article
1 du projet de loi 106. Ce
sera ma dernière question. On dit à la deuxième
phrase: "II est sujet de droit depuis sa naissance jusqu'à sa mort."
Est-ce que vous vous êtes posé la question à savoir ce qui
arrivait pendant le temps où l'enfant est dans le ventre de sa
mère? Est-ce qu'on pouvait faire des expériences? On n'avait pas
à se préoccuper des droits qui pouvaient appartenir à
l'enfant non encore né. C'est très clair. Si on relie cela
à l'article 123 qui dit que, pour des raisons pécuniaires, on
peut intervenir, est-ce que cela vous semble satisfaisant? Tout de même,
cet enfant-là doit être assez important. On doit s'en
préoccuper.
Le Président (M. Blouin): Mme
Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur: Je ne sais pas si...
M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'est pas strictement en fonction de
l'avortement.
M. Prévost: L'élément de réponse
que... Excusez-moi.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Bédard: Je voudrais simplement répéter
une chose parce que certains des intervenants n'étaient pas ici lorsque
cela a été soulevé auparavant. Le but de cet article, en
relation avec l'autre, n'était pas directement ou indirectement de se
prononcer concernant l'avortement ou non. C'est régi par le Code
criminel. On en est simplement à l'étude des droits civils.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais il pourrait y avoir des cas
d'expérimentation et pas seulement des cas d'avortement. Est-ce que cet
enfant a des droits, oui ou non? C'est ce que je veux savoir.
Prétendez-vous qu'il devrait en avoir?
Le Président (M. Blouin): Mme
Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur: II a des droits pour autant qu'il naisse viable.
Il ne faut pas oublier cela.
M. Barbeau: Non, non. Actuellement, il y a également une
institution qui s'appelle "le curateur au ventre". Je ne sais pas si mes
confrères ont quelque chose à dire à ce sujet, mais
dès que l'enfant est conçu il a des droits qui peuvent être
exercés. Peut-être que la question du député de
Saint-Laurent va dans ce sens.
M. Tellier (Claude): Sur la question des foetus, puisqu'il faut
les appeler par leur nom, ils sont d'abord protégés par le Code
criminel. Deuxièmement, il n'est pas question pour eux d'exercer leurs
droits, mais ils bénéficient quand même de droits de
protection. À l'heure actuelle, dans l'état de la
médecine, par exemple, ils sont associés ou incorporés au
corps de leur mère.
Je vais vous donner un exemple. Depuis quelques mois ou quelques
années tout au plus, on fait actuellement des interventions
chirurgicales sur des foetus. Par exemple, on va être capable de
diagnostiquer pendant la grossesse des imperfections ou des anomalies
rénales. On fait des interventions in vitro. À ce
moment-là, c'est évidemment la mère qui consent à
l'intervention parce que, pour atteindre le foetus, il faut quand même
"traverser" la mère, si on me permet l'expression. On est dans un
domaine très mouvant. Je ne pense pas que le Code civil, à
l'heure actuelle, puisse aller plus loin. On va être obligé de
spéculer sur ce que la médecine va faire d'ici à deux ans
ou d'ici à dix ans.
Le Président (M. Blouin): Pour les fins du journal des
Débats, je signale que le dernier intervenant était M. Tellier,
le bâtonnier. M. le député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Quant au projet de loi no 107, on a
parlé de la liberté de tester. Je pense que la règle que
l'on reconnaît au Québec est la liberté de tester. Or,
comment concevoir justement - en fait, vous êtes d'accord - votre
position sur l'article 801?
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Saint-Laurent, vous parlez de l'article 801?
M. Leduc (Saint-Laurent): Article 801.
Mme Vadboncoeur: Me Plamondon aurait quelque chose à dire
là-dessus.
M. Plamondon (Luc): Sur cette question des clauses de
viduité dans les testaments, vous avez raison, à première
vue, notre position peut sembler un accroc à notre autre position sur la
liberté de tester, mais, effectivement - même M. Mayrand l'avait
dit - c'est un conflit de deux libertés. Il y a la liberté de
tester et il y a la liberté de conscience ou la liberté des
droits fondamentaux du ou de la bénéficiaire. Effectivement, ces
clauses - il ne faut pas se leurrer - on les voit dans les testaments des
hommes. Elles ont tendance à vouloir restreindre le droit des femmes. On
les voit rarement dans les testaments de femmes. C'est une clause de gigolo,
comme on l'appelle communément. Elle met la bénéficiaire
devant le dilemme ou de conserver ses avantages pécuniaires et de rester
en concubinage ou d'abandonner ses
avantages pécuniaires pour légitimer sa relation maritale.
C'est un dilemme que l'on considère odieux. Également, il attaque
une liberté fondamentale que la charte reconnaît maintenant: on ne
fait pas de discrimination basée sur l'état civil. C'est un peu
notre position sur cette question.
La liberté de tester de l'auteur est respectée. Il donnera
à qui il veut, mais il ne peut pas faire dépendre son legs de
l'état civil du bénéficiaire ou de la
bénéficiaire.
Une voix: Merci.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais savoir ce que vous pensez
de l'annulation des legs faits par testament, lors du divorce. On a
soulevé la question ce matin. On a dit: Lors d'un divorce... Le divorce
n'annule pas le testament. Alors je voudrais connaître votre position. On
a dit: L'explication est qu'il serait toujours possible à la personne de
révoquer le testament en question. Mais si c'étaient des
incapables, ils ne peuvent plus le révoquer. Je ne sais pas si vous avez
lu la cause qui a été jugée par le juge Savoie, justement.
Il invoquait la question de l'impossibilité de révoquer à
cause de l'incapacité.
M. Plamondon: Cette question avait été
soulevée à la chambre des notaires également. Elle
s'inscrit, quant à moi, du moins, dans la même ligne de
pensée que les modifications apportées récemment à
l'article 2555 du Code civil qui annule les désignations de
bénéficiaire en assurances; ce sont les mêmes raisons et
cela s'inscrit dans la même ligne de pensée. Je croirais tout
à fait raisonnable que les testaments faits à un conjoint ou les
legs faits en faveur d'un conjoint tombent d'office avec le divorce.
M. Leduc (Saint-Laurent): Dernière question, la question
du liquidateur. On a établi un nouveau régime pour le
liquidateur. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce régime,
l'obligation de nommer un liquidateur, tant dans les successions intestat que
testat? On dit qu'il ne sera qu'un simple administrateur. Cela veut donc dire
que, particulièrement dans les cas de succession ab intestat, on devra
procéder également par mandat pour les actes importants. J'ai
beaucoup de réserves sur cette formule du liquidateur. Qu'en
pensez-vous?
Mme Vadboncoeur: Me Lebel.
M. Lebel: J'aurais quelques remarques à faire
là-dessus. Nous avons exprimé quelques réserves sur la
question du vocabulaire de l'institution. Mais quant à l'institution
elle-même et, en particulier, à la création de, appelons-le
l'administrateur successoral, l'exécuteur-liquidateur, dans le cas des
successions ab intestat, cela me paraît incontestablement un pas en
avant. Il n'a peut-être pas tous les pouvoirs mais il va quand même
être en mesure d'assister - et d'assister, je pense, assez
considérablement -le règlement de ces successions.
Je pense que la sous-commission du barreau et la commission permanente
étaient favorables à l'introduction, dans le Code civil, d'un
mécanisme pour faciliter le règlement des successions ab intestat
où il y a, je pense, une faiblesse dans le régime juridique
actuel.
M. Leduc (Saint-Laurent): Écoutez, je serais
peut-être d'accord mais, de toute façon, il va falloir consulter
les autres. Alors, dans la pratique, on pourrait arriver, au moyen d'une
procuration, exactement au même résultat. Parce qu'il va falloir
le nommer et il n'aura que des pouvoirs de simple administrateur, et chaque
fois qu'il y aura un acte important à poser, on devra obtenir
l'autorisation des héritiers.
Je me demande si on avance. J'ai l'impression qu'on ne bouge pas du
tout. C'est une belle formule, mais on ne va nulle part avec cela. En tout cas,
dans ma pratique, je ne vois pas en quoi cela pourrait m'aider. J'essaie de
comprendre. Si ce sont de simples administrateurs et s'il faut
nécessairement consulter tous les gens, je vais préparer une
procuration. Si je dois les consulter, de toute façon, il faut les
nommer.
M. Lebel: De ce côté, M. le député, je
suis quand même plus optimiste que vous. Dans l'état du droit
actuel, je pense qu'on a à peu près tous, à un moment
donné, vu dans nos bureaux des situations de successions ab intestat
quasiment à l'abandon où personne ne s'occupait tout à
fait de la succession, ne voulait prendre de responsabilité. Je pense
que la formule proposée va permettre de régler l'essentiel des
problèmes administratifs qui se posent dans une succession ab intestat.
Ce n'est peut-être pas la perfection mais je dirais que c'est une
amélioration et une amélioration très appréciable.
(21 h 30)
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors vous êtes d'accord sur la
formule de nomination?
M. Lebel: Oui.
Le Président (M. Blouin): Cela va? M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, je ne voudrais pas m'excuser
pour mon collègue qui est notaire, moi, je suis avocat, membre du
barreau, et je ne voudrais pas que vous pensiez qu'on attaque les avocats.
Une voix: On n'attaque pas, on les consulte.
Le Président (M. Blouin): Je vous rappelle qu'autour de
cette table, vous êtes d'abord députés.
M. Polak: Oui, oui, oui, mais M. le Président, vous ne
connaissez pas cela d'être avocat, c'est tout de même un honneur.
On le dit, on est très fier de le dire.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est une secte?
Le Président (M. Blouin): D'accord. Si vous le prenez
ainsi, cela va.
M. Polak: Oui, oui, c'est cela. J'ai seulement deux questions.
D'abord, sur le plan...
Mme Lavoie-Roux: II y a tout un éventail quand même
dans votre secte, n'est-ce pas?
M. Polak: Oui, oui. Sur le plan positif, c'est vraiment
malheureux qu'on n'ait pas beaucoup de temps parce que j'ai vu les deux
mémoires du barreau sur les deux projets de loi. Je n'ai même pas
eu le temps de l'étudier parce que je suis encore en train
d'étudier le bill omnibus d'il y a deux ans du ministre de la Justice.
Il y a tellement de changements. Notre bâtonnier nous a écrit une
lettre, et je suis d'accord avec tous les avocats de la province, cela va
tellement vite; il y a tellement de changements qui se contredisent, qu'on ne
sait plus où on est. C'est très difficile. Donc, c'est la
raison...
M. Bédard: Entendez-vous. Dans l'Opposition, il y en a qui
disent qu'il n'y a pas assez de lois et d'autres qui disent qu'il y en a
trop.
M. Polak: Moi, je dis...
M. Bédard: Quand vous vous serez entendus, on verra
comment on procédera.
M. Polak: II y en a trop et il y en a qui se contredisent. Je ne
suis pas à jour.
M. Blank: Qui a dit qu'il n'y avait pas assez de lois?
M. Polak: Me Vadboncoeur, je voudrais d'abord établir que
votre mémoire sur les deux projets de loi, parce que très souvent
on parle de quelques points, comme on a parlé de la réserve
héréditaire, mais je voudrais tout de même souligner que
vous avez confirmé au ministre de la Justice que chaque point que vous
avez soulevé dans les deux mémoires est important et que chacun
sera étudié en détail par le ministère de la
Justice et vos recommandations vont être suivies. Est-ce que je peux
établir cela?
Une voix: Voilà une affaire réglée.
M. Polak: C'est seulement une question d'introduction, M. le
ministre.
M. Bédard: C'est d'ailleurs comme cela que je l'avais
interprété.
M. Polak: Parfait! Merci. Lorsque je prends votre mémoire
sur le droit des personnes, vous avez mentionné qu'à un moment
donné, la sous-commission a préparé des recommandations
sur le projet de loi no 106 intitulée Loi portant réforme au Code
civil du Québec du droit des personnes. Qu'est-il arrivé avec les
recommandations? Laquelle n'a pas été suivie et sur laquelle
insistiez-vous vraiment le plus? J'imagine que le problème
d'émancipation, cela n'est pas la fin du monde. Je voudrais savoir pour
le public, les simples Québécois et Québécoises,
quelles recommandations de nature à influencer la vie de chaque jour,
ont été faites par le barreau, n'ont pas été
acceptées et sur lesquelles vous insistez? Pouvez-vous nous citer deux
ou trois recommandations importantes?
M. Lebel: C'est peut-être prématuré de dire
ce qui est accepté ou ce qui ne l'est pas. On peut peut-être
mentionner ce qui nous apparaît le plus important.
M. Polak: D'accord!
Mme Vadboncoeur: II y a justement une recommandation...
M. Bédard: M. le Président, je remercie mon
collègue du barreau de faire la mise au point. Nous sommes à une
commission parlementaire où des représentations nous sont faites.
Les décisions sont prises après et c'est là qu'on verra ce
qui est accepté ou pas accepté.
M. Polak: J'aimerais savoir...
M. Bédard: Au moment où vous vous posez la
question, je pense que, manifestement, le barreau ne peut pas dire ce qui est
accepté quant à ses recommandations...
M. Polak: Je vais voir...
M. Bédard: Non, non, ils ne le savent pas.
M. Polak: Ils peuvent lire le projet de loi.
M. Bédard: Non, non, ce n'est pas cela. Je pense que vous
oubliez le processus de la commission parlementaire. Il y a un projet de loi;
des représentations sont faites; le projet de loi, comme c'est
arrivé pour d'autres à la suite de représentations, peut
être amendé et peut être changé sur certains aspects.
C'est à ce moment qu'on peut voir quelles sont les recommandations qui
ont été soumises et retenues.
M. Polak: M. le Président, je cite le mémoire du
barreau où on dit que la sous-commission a préparé des
recommandations. Ils ont fait, j'imagine, des recommandations par
écrit...
M. Bédard: C'est cela. Vous avez...
M. Polak: ...pour préparer le projet de loi no 106.
M. Bédard: C'est cela. Vous les avez là. Non, non,
vous les avez. Franchement, je serais porté à dire: Arrivez en
ville, mais vous demeurez à Montréal.
M. Polak: Non, non. J'aimerais savoir quelles recommandations le
barreau a faites et que le ministère de la Justice a refusées
dans ce projet de loi. Peut-être que les recommandations sont très
bonnes et je voulais souligner lesquelles.
M. Bédard: Votre question est prématurée. Il
y a un projet de loi qui est déposé; un mémoire nous est
présenté et après étude des différents
mémoires, c'est là que des décisions seront prises et que
nous serons en mesure de constater ou que tous les organismes seront en mesure
de constater ce qui a été suivi en termes de recommandations.
Le Président (M. Blouin): Alors, effectivement, je dois...
M. le député, un instant, s'il vous plaît, M. le
député.
M. Polak: Quand le projet de loi no 106 a été
préparé...
Le Président (M. Blouin): Un instant, s'il vous
plaît!
M. Polak: Oui.
Le Président (M. Blouin): Un instant, s'il vous
plaît! Je dois quand même signaler que le ministre décrit
justement ce qui motive notre commission parlementaire, l'objet de sa
réunion, aujourd'hui, et, effectivement, les représentants du
barreau sont ici aujourd'hui pour présenter les modifications qu'ils
souhaitent voir adopter et les idées qu'ils veulent émettre sur
ce sujet. C'est à la suite de cela que le gouvernement aura à
faire ses choix.
M. Polak: Je voudrais savoir une chose, M. le Président,
et je pense que ce que je demande est très raisonnable. Quand le
ministre nous présente le projet de loi no 106, ce n'est pas lui qui a
conçu ce projet de loi, ce sont quelques fonctionnaires que je respecte
beaucoup, mais je respecte aussi énormément le barreau et...
M. Bédard: Je m'excuse...
M. Polak: ...j'aimerais savoir s'il vous a soumis des
idées et des suggestions et s'il y en a que vous avez acceptées
et s'il y en a que vous avez refusées? C'est cela que je voulais savoir
d'eux.
M. Lebel: M. le Président, je pense qu'il serait utile que
nous fassions une courte mise au point sur la procédure de consultation
qui est suivie de façon constante entre le ministère de la
Justice et le barreau depuis des années. Il y a effectivement eu un
certain nombre de recommandations qui ont suivi la présentation de
documents de travail, la présentation du rapport de l'Office de
révision du Code civil. Nous avons, à différentes
reprises, fait des observations au ministère sur le rapport de l'Office
de révision du Code civil, sur un certain nombre de documents de
travail. Évidemment, ce qui n'est pas étonnant dans le cas d'un
organisme comme le nôtre, certaines suggestions ont été
retenues, d'autres, jusqu'à présent, n'ont pas rencontré
la même faveur. Pour nous, cela fait partie du processus régulier
de discussion, de consultation. Il est clair qu'il y a certains sujets sur
lesquels nous comptons insister, sur lesquels nous avons
particulièrement mis l'accent dans notre mémoire, mais nous ne
sommes pas à un stade où nous nous attendons de façon
immédiate à une décision politique du côté
gouvernemental. C'est une étape dans un processus de consultation
continue que le ministère tient aussi bien avec notre corporation
professionnelle qu'avec d'autres, comme la chambre des notaires.
M. Bédard: Si vous me permettez, je voudrais aussi ajouter
que ce n'est pas un projet de fonctionnaires. Je voudrais quand même
faire remarquer au député qu'à partir du moment où
une équipe de fonctionnaires, cela va de soi, travaille sur la
possibilité d'un projet de loi, d'une réforme, il y a ensuite un
travail de consultation qui se fait entre le ministre et l'équipe en
question. Ensuite, il y a les recommandations du ministre au Conseil des
ministres et c'est le Conseil des ministres qui prend la décision
concernant le projet de loi que nous avons devant nous.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: D'accord. Donc, maintenant, je reviens aux droits des
personnes. Laquelle de vos recommandations que je trouve ici -il y en a
à peu près cinq ou six - trouvez-vous la plus importante à
faire changer? Tout à l'heure, j'ai parlé d'émancipation;
pour moi, l'émancipation n'est pas la fin du monde. Laquelle, dans ce
groupe, constitue vraiment pour vous une question cardinale, essentielle?
Mme Vadboncoeur: II y a un des points que l'on considère
comme fondamental et qui n'a pas du tout été discuté ce
soir avec nous autres, c'est le titre neuvième sur les personnes
morales. J'aimerais peut-être que Me Martel vous donne son point de vue
là-dessus.
Le Président (M. Blouin): Me Martel.
M. Martel (Paul): Concernant les personnes morales, c'est
peut-être le titre qui nous a causé le plus de difficultés,
le plus de problèmes, parce que, dans cette section, on déborde,
selon nous, largement le cadre du droit civil et on entre vraiment dans le
droit plutôt commercial. On fait nôtres beaucoup des remarques,
comme vous le verrez dans le rapport, de la chambre de commerce. Elle a
très bien exprimé beaucoup des points de vue qu'on avait. Je ne
veux pas entrer dans le point de vue économique de la situation, qui est
quand même très réel, pour insister seulement sur le point
de vue juridique. On s'est fait rassurer aujourd'hui que ce titre était
censé avoir un caractère supplétif, que son but
n'était pas d'aller bouleverser tout le droit commercial tel qu'on le
connaît. C'est bien rassurant d'apprendre cela. Nous, on travaillait sur
ce texte sans connaître du tout l'objectif qui était poursuivi et
on s'est donc fié à ce qu'on voyait, le texte tel qu'il est
présenté. Or, du texte, tel qu'il est présenté, il
ne ressort pas du tout clairement que ce qu'on a là-dedans, c'est du
droit supplétif; c'est cela qui nous inquiète beaucoup. On
considère qu'il va falloir que cette partie soit vraiment
révisée. Cela va demander de la consultation de la part des gens
du monde des affaires.
Par exemple, concernant le caractère supplétif, si vous
regardez un petit peu le projet de loi, vous avez des articles là-dedans
qui démentent carrément le fait que ce soit vraiment du droit
supplétif. Il y a l'article 324 dont il a déjà
été fait état aujourd'hui. Vous avez aussi l'article 361
qui dit que la régie interne de la compagnie est celle qui est
fixée dans le code, à moins qu'on ne déroge par une autre
loi. On voit bien que ce n'est pas du droit supplétif, c'est cela qui
est le droit à moins qu'on ne trouve autre chose ailleurs.
Vous avez aussi une interrelation, qui n'a peut-être pas
été étudiée à fond, entre le droit
corporatif et le Code civil. Par exemple, vous avez l'article 227 de la loi des
compagnies, à la partie 3, qui concerne les corporations sans but
lucratif. Cet article dit: "Aucune disposition de la présente partie -
c'est-à-dire la partie 3 - n'a pour effet de soustraire les corporations
constituées sous son empire aux prescriptions de toute autre loi qui s'y
applique." Alors, à l'article 227 de la loi des compagnies, vous avez un
renvoi direct à toute autre loi qui s'y applique dont, justement, le
Code civil. C'est clair que ce qui va être mis ici, dans le Code civil,
va primer ce qui est marqué dans les lois corporatives.
D'ailleurs, on nous dit que le régime qui est institué
n'est pas destiné à viser les compagnies spécifiquement -
c'est le domaine qui me préoccupe le plus - mais plutôt les
entités ou les corporations ou les personnes morales, puisqu'on n'aime
plus le mot "corporation", qui n'étaient pas actuellement sujettes
à des lois particulières. Or, quand on regarde le texte
lui-même, on s'aperçoit que les trois quarts des dispositions qui
sont là-dedans visent très clairement les compagnies. On utilise
des expressions comme "des conventions unanimes d'actionnaires", qui existent
seulement dans la partie 1-A de la loi des compagnies. On parle de conseil
d'administration, d'assemblée des membres, soit de la partie 3 ou soit
des actionnaires. On parle de la façon de procéder à la
convocation, etc.
Le problème, c'est qu'on est allé très loin dans le
détail, beaucoup trop loin mais, en même temps, on n'est pas
allé aussi loin que ce qu'on a dans notre droit corporatif actuel.
Là, on est dans un état vraiment de confusion concernant les
compagnies. C'est très dommage parce qu'on vient à peine de se
rétablir de toutes les modifications qui ont été
apportées dans ce domaine.
En même temps, on a des problèmes dans le domaine des
sociétés. C'est un secteur dont on ignore tout actuellement parce
que, comme on l'a dit, la section sur les sociétés n'est pas
encore publiée. Le problème qu'on voit, c'est ceci: puisqu'on
veut faire des sociétés des personnes morales, cela aurait
été, quant à nous, bien logique de rentrer ici ce qui
concernait les personnes morales et aussi ce qui concerne les
sociétés. Le fait de dire: "Plus tard, on verra ces textes et on
pourra aviser", c'est bien en ce qui concerne l'entrée en vigueur de
l'ensemble, mais c'est aujourd'hui qu'il faut regarder le texte qu'on a devant
nous et c'est absolument impossible de se faire une idée juste.
Le Président (M. Blouin): D'accord, M.
le ministre.
M. Bédard: Vous l'avez dit. Je pense que tout le monde
comprend la complexité ou la difficulté dans laquelle vous
étiez de vous prononcer, surtout étant donné le fait qu'il
y aura sous peu un autre chapitre du Code civil, portant sur les biens, qui
sera déposé et qui permettra en corrélation une meilleure
analyse de l'ensemble des dispositions.
Également, nous avons pris note de la nécessité
d'être sûrement plus clair quant au côté
supplétif ou non supplétif concernant certaines dispositions. Que
ce soit clair pour tout le monde. Entre-temps, il va y avoir, comme on l'a
prévu, des consultations avec le milieu des affaires, avec la chambre de
commerce. Je pense qu'avec toutes ces données, cela permettra un
meilleur éclairage. Tout cela additionné à une loi
d'application qui est chargée de faire la cohérence des trois
chapitres.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Sur le
même sujet, M. le député... Oui, vous avez...
M. Martel (Paul): Oui, je voulais ajouter quelque chose
là-dessus, c'est qu'on compte bien et on espère bien pouvoir
participer, nous aussi, à l'élaboration de ce nouveau
système. Mais on attire l'attention, dans notre mémoire, sur les
problèmes qu'on voit dans le texte tel qu'il est actuellement. Ce sont
des problèmes qui doivent être considérés comme
étant très sérieux. Mais la façon dont c'est
présenté actuellement, on est en train de bouleverser ou de
modifier des principes dans le domaine corporatif, dans le domaine des
sociétés. On introduit un gros point d'interrogation dans tout le
fonctionnement du monde des affaires au Québec.
(21 h 45)
Je peux vous dire, en tant que praticien, de même que les
praticiens que je connais, que j'ai consultés, que notre première
réaction - c'est peut-être rétrograde, statu quo, etc. -
c'est de dire: Si on est pour créer une situation comme celle-là,
qui est assez douteuse et qui met pas mal plus d'obligations sur le dos des
hommes d'affaires, des administrateurs, cela va être recommandable de
suggérer à nos clients de s'incorporer au gouvernement
fédéral, parce qu'on n'a pas ce régime-là, soit au
fédéral, soit dans une autre province. Ici, on est en train de
créer un système qui est peut-être excellent pour la
protection du public - et on loue certainement cet objectif - mais qui, en
même temps aussi, provoque beaucoup de controverses et de doutes. Il n'y
a rien de pire dans le monde des affaires que la controverse et le doute.
Le Président (M. Blouin): Alors, sur le même
point... Oui, M. le ministre?
M. Bédard: Vous savez très bien que le but n'est
pas de réduire à néant les améliorations qui ont
déjà été faites - vous les avez soulignées,
comme la chambre de commerce - concernant les lois sur les compagnies. Je pense
qu'à partir de toutes ces données et ces assurances que nous
avons portées à la connaissance de la commission, il y aura lieu,
quand le chapitre des biens et la loi d'application seront
déposés, surtout quand le chapitre des biens sera
déposé, de porter un jugement de valeur sur l'ensemble des
dispositions.
Le Président (M. Blouin): Sur le même sujet, M. le
député de Saint-Louis.
M. Blank: J'ai une question sur le sujet des personnes morales;
non sur le fond, mais sur la forme. La traduction anglaise de personne morale,
"legal person", est-ce qu'on a vu ce nom-là quelque part dans le monde?
Pour moi, c'est une contradiction de termes. Peut-être que "legal entity"
serait meilleur que "legal person". Est-ce que vous avez fait des recherches
pour savoir s'il existe une traduction juridique de "personne morale" en
anglais?
M. Martel (Paul): On n'a pas fait la recherche là-dessus.
Je pense qu'on s'en est remis au texte français de la loi
fédérale qui, maintenant, reconnaît cette
expression-là. On voit que c'est introduit aussi dans la Loi sur les
valeurs mobilières. C'est une question de terminologie,
évidemment. Si on entre dans le divorce ou la terminologie, il y a bien
des choses qu'on pourrait dire aussi, mais c'est vraiment une question de
forme. On doit avouer qu'on ne sait pas trop où sont l'origine ou les
racines de cette expression, pour autant qu'on puisse comprendre ce qu'elle
veut dire. On essaie encore de comprendre ce qu'elle veut dire.
M. Blank: Les lois sont faites pour les profanes aussi.
Une voix: Ah! Oui.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Une dernière question à Me Vadboncoeur,
pour terminer mon intervention. Je voudrais revenir sur ce fameux
problème de la réserve héréditaire. La chambre des
notaires nous a dit qu'elle n'était pas encore prête à
lancer cette idée, mais cela sera peut-être intéressant,
plus tard. Vous êtes allés un peu plus loin et vous recommandez la
créance alimentaire tandis que le député de Saint-Louis et
moi-même - et je pense
plusieurs autres autour de la table - pensons que l'idée des
réserves héréditaires, encore un pas plus loin, n'est pas
à négliger non plus et devrait être acceptée. Selon
votre théorie de la créance alimentaire, il faut quand même
donner certaines lignes de conduite au juge. Il ne faut pas aller devant un
tribunal... Cela arrive très souvent; vous savez comment cela fonctionne
avec les jugements de pension alimentaire. Cela peut varier selon les
districts. Il n'y a pas de ligne de conduite préétablie.
Le barreau semble avoir très peur du mot
prédéterminé. Vous n'aimez pas l'idée de mentionner
un pourcentage. Par exemple, comme cela existe en Europe où on dit 50%
de la portion ab intestat. Au moins, c'est clair; on sait à quoi s'en
tenir. Pourquoi insistez-vous tellement sur la liberté de tester quand
on sait que dans nos lois nous avons des restrictions. Soudainement on est
arrêté sur cette condition de la liberté totale de tester
tandis qu'on accepte partout... On accepte 50% dans le régime de la
communauté de biens, cela est prédéterminé. On
accepte un tiers, deux tiers ab intestat et le notaire dit que cela devrait
être la demie, cela est prédéterminé dans le Code
civil. Et soudainement, quand on parle de protéger dans un testament, on
ne veut rien savoir de la prédétermination. Pourquoi? Cela ne me
fait pas peur...
Le Président (M. Blouin): Me Tellier.
M. Tellier: On a un dilemme entre la réserve ou la
créance. La réserve est mathématique. Elle satisfait tout
le monde, rationnellement mais est-ce qu'elle règle les problèmes
auxquels on veut s'attaquer? Je vais prendre l'exemple d'un homme marié
qui décède en laissant 25 000 $ à sa succession. Sa femme
est dans le besoin. Avec la question de la réserve, elle n'aura droit
qu'à un tiers, soit environ 8000 $ et si elle est capable de faire la
preuve qu'elle a besoin des 25 000 $, le tribunal lui accordera le plein
montant de ses besoins. Cela est un aspect.
L'autre aspect, il y a l'incidence fiscale dont il ne faut pas parler
ici mais dont il faut quand même se soucier. Là, cela
dépendra un peu de l'âge des personnes, de leur situation
personnelle. Il arrive souvent qu'au fur et à mesure qu'un couple prend
de l'âge, ils ont de moins en moins d'intérêt à
vouloir s'avantager réciproquement parce que plus ils vieillissent, plus
on peut présumer que le décès du survivant surviendra dans
un temps très rapproché du premier décès. À
ce moment-là, cela cause une double imposition inutile pour les enfants.
Si vous imposez la réserve automatiquement, vous obligez des parents
à s'avantager et donc à être imposés alors qu'ils
n'ont peut-être pas intérêt à le faire.
M. Polak: Je suis votre raisonnement mais quand vous en venez
à faire établir la créance alimentaire par un tribunal, je
reprends le point du député de Saint-Laurent qui disait: Je suis
notaire et je suis en train de régler une succession. Il faut tout de
même qu'il y ait un certain montant qui soit mis à part sans
être divisé. Vous parlez d'un délai de prescription de six
mois. Après 5 mois et 29 jours, on se retrouve en cour, ensuite à
la Cour supérieure, appel - surtout quand il s'agit d'une grosse somme
d'argent. Cela peut durer, vous le savez très bien, deux ans, même
trois ans. Qu'est-ce qu'il va faire entre-temps? Quel montant est
réservé? Donc, peut-être que vous devrez parler de
créance élémentaire avec obligation, pour le liquidateur
ou pour celui qui s'occupe de la succession, de réserver 50% de la
pension ab intestat. À ce moment-là, vous retombez avec une autre
formule de réserve héréditaire.
M. Tellier: Non, non, écoutez. Trouvez-moi une succession
où on peut avoir des permis de disposer qui ne prennent pas six mois?
Avec la vitesse de nos bons amis du gouvernement et des services, cela prend
six mois à avoir les permis de disposer et on ne peut pas
débloquer les sommes de toute façon. Disons quatre mois et demi,
cinq mois, mais il n'y a pas de drame là.
M. Polak: Non, mais, après les six mois, disons...
M. Tellier: Après six mois, tout le monde est d'accord, je
pense, dans le débat pour dire qu'on s'adresse à une très
petite proportion des gens, parce que les gens qui ont connu des
difficultés matrimoniales dans leur vie sont divorcés au moment
de leur mort. La liquidation des biens en commun a déjà eu lieu.
Cela concerne donc une très petite proportion de personnes qui n'avaient
pas de problèmes apparents et qui peuvent avoir créé des
problèmes dans leur succession. Par conséquent, c'est très
minime. À ce moment-là, pourquoi adopter une loi d'application
générale à des cas d'exception? On dit plutôt de
laisser la loi générale telle que nous la connaissons, mais de
créer une modalité d'exception pour régler les cas
d'exception qui peuvent se présenter.
M. Polak: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci. M. le
député de Saint-Louis? M. le ministre, rapidement?
M. Bédard: M. le Président...
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Ce ne sera pas très long, M. le
Président. Relativement au chapitre des régimes de protection du
majeur, tout le problème de la curatelle, particulièrement pour
les patients psychiatriques, a posé ou pose beaucoup de questions. Je
voulais vous demander d'une part si, à l'article 203, par exemple, la
garde... Ce que je crois saisir de la différence avec ce qui existait
antérieurement, c'est que, maintenant, la garde de la personne et le
droit de permettre un traitement, enfin, cette permission sera donnée
soit par la personne qui a été nommée par
l'établissement de santé ou des services sociaux ou encore par le
curateur ou le tuteur autre que le curateur public.
J'imagine qu'un curateur ou qu'un tuteur peut être le conjoint.
Est-ce possible?
Mme Vadboncoeur: Est-ce que vous pourriez expliciter le sens de
votre question par rapport au caractère conjoint? Je n'ai pas tellement
saisi ce que vous vouliez dire.
Mme Lavoie-Roux: Quand une personne était confiée
à un établissement de santé -je pense en particulier aux
malades psychiatriques - jusqu'à maintenant, c'était le curateur
qui faisait l'administration des biens et ensuite avait la garde de la personne
dans le sens que c'est lui qui devait donner son consentement à une
intervention chirurgicale, avortement ou ce qu'on voudra. Là, il semble
qu'on fasse une différence entre les deux, si je saisis bien ce qu'il y
a dans les articles qui nous sont proposés.
Ma question précise, une première question, est la
suivante: Est-ce que le curateur ou le tuteur, prévu dans l'article 203,
peut être le conjoint du malade?
Mme Vadboncoeur: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela vous semble suffisamment
étanche pour la protection réelle du malade psychiatrique?
M. Tellier: C'est discutable et je peux vous dire que, dans le
cours de nos bonnes relations avec le ministre, on a eu l'assurance qu'au
moment d'étudier la loi de transition il y aura nécessairement un
ajustement à faire pour tenir compte des dispositions statutaires qui
existent. Je serais d'accord avec vous pour reconnaître que ce que l'on
voit ici n'est quand même pas conforme à ce que l'on voit, par
exemple, dans la loi sur la protection du malade mental et également
dans la Loi sur la curatelle publique. Il y aura certainement des concordances
et des ajustements lorsque le projet de loi sera rendu aux dispositions
transitoires.
Au sujet de la santé mentale, il y a plusieurs disparités.
Je pense que c'est peut-être prématuré à ce
stade-ci, tant que l'étude comparative n'aura pas été
faite concernant les dispositions transitoires. Je pense, par exemple, aux
délais de cure fermée qui peut être prescrite par un
médecin. Le projet de loi parle de 24 heures; nous, dans notre
mémoire, parlons de 48 heures et, présentement, la loi sur la
protection du malade mental parle de 96 heures. Je pense qu'à un moment
donné il y aura une ventilation à faire à ce sujet.
Mme Lavoie-Roux: Là, il peut peut-être...
M. Bédard: La législation devra établir une
cohérence entre, d'une part, ce qui est...
Mme Lavoie-Roux: Là, il s'agit quand même de
concordance mineure, lorsqu'on parle de délais qui peuvent varier. C'est
plutôt pour rendre la chose fonctionnelle. Que ce soit 24 ou 96 heures,
je pense que cela peut être...
M. Tellier: Le délai est extrêmement important au
point de vue...
Mme Lavoie-Roux: II est important, mais je veux dire par rapport
à la garde de la personne, c'est plutôt au plan fonctionnel. Vous
l'indiquez vous-même dans votre mémoire, cela ne permet pas, dans
les régions éloignées, d'obtenir un ordre de la cour dans
24 heures ou une décision du tribunal dans 24 heures. Mais il reste
quand même que la question que je pose est en fonction de la personne qui
sera nommée curateur ou tuteur.
Mme Vadboncoeur: Si vous permettez, M. le Président, vous
semblez douter de la sécurité du malade mental parce que ce
serait son conjoint qui serait tuteur ou curateur.
Mme Lavoie-Roux: Ou cela...
Mme Vadboncoeur: Enfin, la bonne administration ou des choses
comme celles-là.
Mme Lavoie-Roux: ...pourrait être quelqu'un d'autre si la
personne est célibataire ou veuve ou veuf, ou peu importe, ce serait un
frère. N'y aurait-il pas une précaution de plus à prendre
dans la nomination de ce curateur pour assurer la sécurité totale
ou la plus grande sécurité possible au malade?
Mme Vadboncoeur: D'abord, l'article, je pense que c'est 139, je
m'excuse M. le bâtonnier. (22 heures)
M. Tellier: II faut lire cet article que vous citez avec
l'article 24. La personne aura la garde du patient, mais lorsqu'il s'agit de
consentir à un examen psychiatrique, à la garde, malgré
son opposition, il doit y avoir une requête adressée au tribunal
pour déterminer s'il doit y avoir examen, traitement, etc.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais cela, c'est quand la personne s'y
oppose.
M. Martel (Paul): Peut-être, pour mieux comprendre le sens
de votre question, dois-je comprendre que vous avez des appréhensions
par rapport au traitement de la personne...?
Le Président (M. Blouin): Me
Plamondon, je dois signaler qu'il est maintenant 22 heures. Nous
pourrons poursuivre nos débats sur consentement des membres de la
commission.
M. Bédard: M. le Président, on peut terminer.
Mme Lavoie-Roux: Oui, ce ne sera pas très long.
M. Bédard: Je vous en prie.
Mme Lavoie-Roux: Dans tous les cas, ce sont des choses qu'on aura
l'occasion de réexaminer quand on l'étudiera article par article.
Selon votre interprétation, à l'article 202: "Le curateur public
a la simple administration des biens du majeur protégé,
même s'il est nommé curateur". C'est ce dont je parlais tout
à l'heure. Est-ce que vous interprétez cela comme: Le curateur
public ayant l'administration totale des biens du majeur protégé
ou s'il peut y avoir une possibilité qu'une partie de l'administration
de ses biens soit conservée au malade et une autre partie soit sous la
responsabilité du curateur public? Ceci est une remarque qui nous a
souvent été faite que, par exemple, des gens ne seraient
peut-être pas capables d'administrer un capital important, mais par
contre, pourraient montrer assez de discernement pour administrer du quotidien
ou...
M. Lebel: En fait, il y a différents paliers de protection
dans le projet. Évidemment, si on parle ici de simple administration,
c'est une administration globale, mais avec des pouvoirs limités, mais
il y a d'autres possibilités dans le projet. Il peut y avoir des
méthodes de protection plus limitées qui laissent place à
une certaine autonomie de la part de la personne protégée. Il
peut y avoir un simple tuteur à la personne, il peut aussi y avoir un
conseil, ce qu'on appelle à l'heure actuelle le conseil judiciaire.
Mme Vadboncoeur: Effectivement, d'après le projet de loi,
quand il y a lieu de nommer un tuteur ou un curateur à la personne, le
tribunal doit déterminer s'il y a lieu que la personne
protégée conserve l'administration de certains biens et si oui,
le tribunal détermine quels sont les biens ou quelle est
l'administration que la personne protégée peut conserver.
En ce qui concerne votre question précédente, si vous
regardez à l'article 211, vous allez constater, que vous lisiez
l'article du projet de loi ou de notre recommandation, qu'il y a quand
même certains critères que doit suivre le tribunal pour
établir le régime de protection. C'est une précaution
supplémentaire quant à la nomination de la personne. L'article
139 qui s'applique également aux majeurs à cause d'une
disposition qui dit que toutes les dispositions dans l'incompatible
s'appliquent dit bien aussi que la personne doit être apte à
remplir cette charge. Évidemment, le tribunal devra aussi s'assurer de
l'aptitude de la personne, du futur curateur ou tuteur, non seulement à
prendre soin de la personne protégée mais à administrer
ses biens également. Il ne faut pas oublier aussi que tous les
régimes de protection subissent un contrôle non seulement par le
tribunal mais aussi un contrôle par le curateur public, parce qu'il y a
tout de même un rapport annuel à envoyer. Il y a un certain
contrôle tout de même.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous ne croyez pas qu'à
l'article 213, pour éviter des abus possibles, on pourrait, au
deuxième paragraphe, au lieu de dire: "Le tribunal peut prévoir
la révision du jugement à une date qu'il indique", introduire une
notion de révision automatique plutôt que de laisser simplement un
texte aussi large que cela dans le fond?
M. Tellier: Cela existe déjà dans la Loi sur la
protection du malade mental. Il doit y avoir un examen après trois
semaines, ensuite après trois mois, ensuite de six mois en six mois.
C'est là qu'il sera intéressant de suivre les travaux du
ministère sur la loi de transition et de voir comment on va s'accommoder
du maintien ou de la disparition de ces dispositions statutaires qui
existent.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci. Mme la
députée de L'Acadie, cela va? Alors, je remercie les
représentants du Barreau du Québec de leur présentation et
des avis qu'ils ont fait valoir à cette commission. M. le ministre, cela
va?
M. Bédard: Je m'associe...
Le Président (M. Blouin): D'accord?
M. Bédard: M. le Président, je m'associe à
vos remerciements, au barreau. Nous avons assisté à une
présentation de mémoires très substantiels. Je remercie
chacun des participants et participantes qui ont accepté de
répondre à des questions qui ne sont pas toujours faciles.
Merci.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais vous remercier, bien
sûr. C'est évident que, dans un domaine aussi important que cette
législation sur le Code civil, on devra travailler comme on l'a fait de
concert tant avec la chambre des notaires qu'avec le Barreau du
Québec.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Saint-Laurent. La commission élue permanente de
la justice ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 06)