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Commission permanente des institutions
financières,
compagnies et coopératives
Etude du rapport Gauvin
Séance du jeudi 30 janvier 1975
(Dix heures treize minutes)
M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente des
institutions financières, compagnies et coopératives): A
l'ordre, messieurs ! Les membres de la commission, ce matin, sont les suivants:
M. Lachance (Mille-Iles), qui remplace M. Assad (Papineau); M. Beauregard
(Gouin); M. Bellernare (Johnson); M. Bonnier (Taschereau); M. Burns
(Maisonneuve); M. Chagnon (Lévis); M. Harvey (Charlesbourg); M. Harvey
(Dubuc); M. Léger (Lafontaine); M. Marchand (Laurier); M. Picotte
(Maskinongé); M. Roy (Beauce-Sud); M. Tetley
(Notre-Dame-de-Grâce); M. Tremblay (Iberville).
L'honorable ministre des Institutions financières.
M. Tetley: Merci, M. le Président. Je note avec plaisir la
présence de M. Jean-Louis Gauvin ainsi que de ses collègues, M.
Rankin, Me Jean-Marie Bouchard et Me Belleau.
Je propose que l'ordre du jour suivant soit suivi : Tout d'abord, je
fais motion pour que les commentaires de M. Rankin, du 10 décembre,
soient déposés et insérés dans le journal des
Débats. Ensuite, nous poserons des questions d'ordre
général à MM. Gauvin, Rankin, Bouchard et Belleau; 20
minutes pour moi, 20 minutes pour le Parti québécois, 20 minutes
pour le Parti créditiste et 20 minutes pour les députés.
Si, par hasard, quelqu'un de l'Opposition est absent, les membres de
l'Opposition auront au moins le même temps que le gouvernement,
c'est-à-dire 40 minutes. Ensuite, nous poserons des questions à
MM. Gauvin et compagnie concernant l'AutoBAC. Ensuite, les critiques du
Barreau, son plan, et ainsi de suite, peut-être la CSN, les demandes des
courtiers, etc., dans cet ordre.
C'est donc l'ordre du jour que je propose, un ordre
général.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Lafontaine
Remarques préliminaires
M. Léger: M. le Président, il y aurait seulement
deux points. Le premier: Je comprends la courtoisie du ministre des
Institutions financières concernant la répartition du temps. Je
ne voudrais pas qu'on en fasse une tradition, c'est-à-dire qu'on brise
une tradition en posant le geste d'aujourd'hui, que nous avions accepté
comme un cas spécial avant. La tradition veut que, dans une commission
parlementaire, il y ait autant de temps pour l'Opposition officielle que pour
le gouvernement.
C'est cela l'équilibre de la démocratie: Autant de temps
pour l'Opposition officielle que pour le gouvernement. Le gouvernement
présente des pro- jets et l'Opposition officielle a le même temps
pour les critiquer.
Qu'il y ait aussi un temps important je n'ai pas à en
déterminer la durée pour les autres partis reconnus de
l'Opposition. Je n'ai pas d'objection qu'ils prennent le temps qu'il faut. Je
ne m'opposerai jamais à cela. Mais qu'on essaie de dire que le temps de
l'Opposition officielle sera prolongé par le fait que des membres des
partis reconnus de l'Opposition pourraient être absents, ce n'est pas la
tradition. La tradition est un temps égal pour les deux et je n'ai pas
d'objection aujourd'hui, parce que mon deuxième point va tout simplement
faire comprendre au ministre que je ne m'attarderai pas sur le premier point,
mais je ne veux pas laisser passer cela pour qu'on le prenne pour un fait
acquis. Normalement, l'Opposition officielle a le même temps que le
gouvernement.
Le deuxième point est que, tel que nous l'avions dit au mois de
décembre dernier, nous trouvons que la commission aujourd'hui, en
convoquant nos distingués invités, aura peut-être
éclairci certains points, c'est sûr, mais n'a pas l'utilité
politique que nous espérions.
Nous croyons que le comité Gauvin a fait un travail en
profondeur, un travail fantastique. Il a présenté un rapport sur
lequel le gouvernement devrait se pencher. Par la suite, le gouvernement a
décidé de faire siéger la commission pour entendre la
critique du rapport et non pas la critique d'une position gouvernementale. Nous
avons toujours été contre cet objectif et, aujourd'hui, nous
sommes rendus à contre-interroger les membres du comité Gauvin
sur les différentes appréciations des groupes directement et je
dirais même égoïstement impliqués dans le dossier.
Je pense que nous faisons fausse route et que c'est uniquement par
courtoisie, d'une part, spécialement pour les membres du comité
Gauvin, M. Belleau, M. Bouchard, M. Rankin et M. Gauvin, que nous acceptons
d'écouter leurs réponses ou les arguments qu'ils peuvent apporter
aux déclarations des différents groupes qui sont venus ici pour
notre information et par déférence pour les autres
députés qui auraient peut-être d'autres questions à
poser sur le sujet. Mais nous trouvons que nous perdons du temps, en ce sens
que c'est une décision politique, provenant du gouvernement, qui devrait
être prise.
Il devrait dire: Voici, nous avons le rapport des experts qui, d'une
façon impartiale, froide et logique, ont analysé une situation
conflictuelle entre les tenants de la situation actuelle et ceux qui
bénéficieront ou perdront par un changement nécessaire
pour l'ensemble de la société. D'un autre côté, nous
avons eu des réactions de ceux qui sont directement concernés par
ce changement proposé par un organisme mandaté par le
gouvernement pour établir une solution de rechange devant le fouillis de
l'assurance-automobile.
Devant cela, le gouvernement devait se dire: Voici, il faut prendre une
position politique. Faut-il prendre et adopter intégralement le rapport
Gauvin? Faut-il prendre la majorité des recommandations du rapport
Gauvin et en voir les répercussions
sur les organismes concernés? Ces organismes concernés
peuvent-ils mettre de l'eau dans leur vin? C'est un travail qui devait
être fait par lé gouvernement. Il devait établir un
échéancier des travaux de réalisation du projet
gouvernemental, le soumettre à la commission parlementaire pour
étude et, peut-être, convoquer les membres de la commission Gauvin
pour obtenir leurs réactions devant la prise de position du
gouvernement, eux qui sont un organisme d'étude et, par la suite, nous
nous prononcerions.
Je pense, M. le Président, que ce n'est que par courtoisie pour
les députés membres de cette commission et spécialement
pour les membres de la commission Gauvin que nous allons y assister et, prendre
des notes. Peut-être, parfois, il nous viendra, parce que cela va nous
brûler les lèvres, quelques questions, mais je pense que nous
n'aurons pas souvent l'occasion de prendre le temps qui nous est alloué
parce que nous pensons que nous sommes déjà dans la
période préhistorique de l'histoire de l'assurance-automobile et
que nous devrions être rendus dans l'ère moderne et le
gouvernement est encore en retard dans ce domaine.
Le Président (Houde, Limoilou): Le député de
Beauce-Sud.
M.Roy: M. le Président, je voudrais dire tout de suite, au
début de la commission, que, malheureusement, parce qu'il y a une autre
commission convoquée ce matin, à dix heures trente, la commission
parlementaire des engagements financiers, je regrette beaucoup de ne pouvoir
continuer à assister à la séance ici, parce que le
problème de l'assurance-automobile est une question qui nous
intéresse d'une façon toute particulière.
Cependant, si la commission parlementaire poursuit ses travaux cet
après-midi, je serai en mesure de revenir, parce qu'il est normal que la
commission des engagements financiers termine ses travaux avant une heure.
C'est une tradition établie de ce côté-là, de sorte
que les travaux ne se continuent jamais dans l'après-midi.
J'aimerais dire simplement un mot. Nous sommes, ce matin, en commission
parlementaire suite à une séance qui a eu lieu au mois de
décembre et au cours de laquelle nous avions demandé de revenir
au mois de janvier, étant donné le menu législatif
extrêmement chargé à l'Assemblée nationale et tous
les travaux auxquels nous devions participer.
Mais nous sommes également ici en face d'un
précédent. C'est la première fois, en ce qui me concerne,
que j'ai l'occasion de constater qu'on commence un deuxième tour de
table, si on peut dire, pour rappeler à nouveau des personnes qui ont
présenté un mémoire et ceux qui ont présenté
des rapports pour les contre-interroger en commission parlementaire. J'aimerais
bien savoir jusqu'où cela peut nous conduire, ce que cela va nous donner
ensuite. Mais je n'aurais pas d'objection, d'un autre côté,
à entendre les membres du comité Gauvin, s'ils ont quelque chose
à ajouter, étant donné que c'est le rapport Gauvin que
nous avions le mandat d'examiner et d'étudier. Il s'agirait alors de
choses qui auraient été omises ou pour lesquelles les
explications n'auraient pas été suffisamment précises.
Mais, si on parle de faire revenir le Barreau devant la commission
parlementaire, si on parle de faire revenir les autres organismes, si on parle
de réexaminer le document du Bureau d'assurance du Canada, le projet
BAC, je veux bien remercier le ministre des documents qu'il nous a
donnés ce matin, mais si on recommence toutes ces choses, on perd
énormément de temps avant de savoir quelles seront les intentions
véritables du gouvernement. J'estime que cette commission parlementaire
devrait être assez précise et assez brève de façon
qu'on s'entende définitivement sur la façon dont la commission
parlementaire doit terminer ses travaux. Si le ministre crée un
précédent à l'effet de permettre à un des
organismes de revenir devant la commission parlementaire, il va être
obligé de permettre aux autres de revenir.
M. Tetley: Ce n'est pas notre intention.
M. Roy: C'est un précédent extrêmement
dangereux. Si on se limite à interroger uniquement les membres du
comité Gauvin...
M. Tetley: C'est vrai.
M. Roy: ...suite au rapport et aux nombreux mémoires qu'il
y a eu devant la commission parlementaire, je n'ai aucune objection. Mais je
n'aimerais pas, en ce qui me concerne, qu'on aille plus loin que cela.
M. Tetley: Parfait.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Est-ce que l'ordre du
jour est accepté et acceptez-vous que les notes de M. Rankin soient
incluses? (Voir annexe 1 )
M. Léger: Oui, M. le Président, pas
d'objection.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Adopté. Le
ministre des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives.
M. Tetley: M. le Président, permettez-moi de noter que
j'ai aussi devant moi, et je l'ai distribué à l'Opposition, un
document de l'AutoBAC, le Bureau d'assurance du Canada le 23
décembre.
Je n'ai pas l'intention de déposer certains chiffres. Je crois
que M. Gauvin et compagnie ont vu ces documents et aussi notre ministère
et je veux tout simplement noter que ces documents sont joliment en retard. Je
note que, lorsque le BAC était ici, le 15 octobre 1974, le BAC, M.
Moreau et M. Saint-Germain ont dit qu'ils avaient préparé leur
plan au mois d'avril 1970. Je me réfère à la page B/6841
du journal des Débats et le BAC, cinq ans après, nous
présente certains chiffres. Je trouve que c'est très tardif.
M. le Président, permettez-moi aussi de répondre au
député de Beauce-Sud et un peu au député de
Lafontaine, beaucoup au député de Lafontaine.
Ce n'est pas notre intention de convoquer d'autres témoins.
C'était la simple politesse de laisser aux commissaires le droit de
répondre à certaines allégations et stipulations des
différents groupes qui sont venus ici et M. Gauvin et M. Rankin ont tous
les deux préparé des réponses écrites que nous
avons eu le plaisir d'entendre à notre dernière
séance.
De plus, j'ai des questions à poser à ces messieurs au
sujet du plan du BAC, parce que bien des personnes ont lu et ont
écouté le BAC sans connaître vraiment la réponse de
M. Gauvin, parce que le BAC a présenté un plan qui se croit mieux
ou meilleur et il faut un éclaircissement pour le public; la même
chose pour le Barreau.
Est-ce que le Barreau va payer les citoyens autant que cequi est
prévu au rapport Gauvin? Je crois que la réponse est non. Les
plans du Barreau et du BAC ne sont pas aussi généreux. Il faut
que le public connaisse les réponses de M. Gauvin et je trouve... J'ai
parlé à des citoyens dans tous les coins de la province, à
des journalistes et à des éditeurs. On pense que les commissions
parlementaires sont d'une très grande valeur et que le rapport Gauvin
est très important, et il faut que le rapport ait de la
publicité.
Le rapport a été l'objet de plusieurs semaines
d'études publiques et je crois qu'il est sorti indemne. Il faut
féliciter les quatre commissaires de leur rapport. Voici les raisons, M.
le Président. Je crois qu'on peut peut-être terminer aujourd'hui.
Je n'impose jamais le bâillon. S'il y a un seul député qui
veut revenir une autre journée, je serai ici. Mais je crois qu'on peut
poser facilement des questions aux commissaires aujourd'hui.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Lafontaine.
M. Léger: Le ministre a répondu très
très partiellement à ma préoccupation. Je vais lui
soumettre sixquestions précises et il jugera s'il peut
répondre.
M. Tetley: A la fin.
M. Léger: Non, non. Immédiatement et vous
répondez si vous pouvez ou non. C'est à la suite de
déclarations que vous avez faites.
En date du 12 décembre, M. le ministre des Institutions
financières a dit que le conseil des ministres a un
échéancier sur la rédaction d'une loi pour
l'assurance-automobile.
M. Tetley: Ce n'est pas vrai. J'ai dit que c'étaient
plusieurs lois.
M. Léger: Sur le problème de
l'assurance-automobile...
M. Tetley: Non.
M. Léger: ...vous avez un échéancier.
M. Tetley: C'est cela.
M. Léger: Ma première question: Quand M. Desjardins
doit-il faire rapport?
M. Tetley: Aussitôt qu'il aura terminé ses
études. C'est la réponse.
M. Léger: Si le ministre peut...
M. Tetley: Non, non. C'est la réponse.
M. Léger: ...attendre les six questions.
M. Tetley: M. Gauvin est venu ici. Vous posez vos questions et je
vais répondre en temps et lieu.
M. Léger: D'accord. C'est parce qu'il y a une certaine
logique dans les six questions.
M. Tetley: J'ai répondu à la première.
M. Léger: Je ne veux pas que vous fassiez une
évasion verticale, une évasion parlementaire à mes
questions.
M. Tetley: Non. J'ai déjà répondu.
M. Léger: Quand M. Desjardins doit-il faire son
rapport?
M. Tetley: J'ai répondu. Deux.
M. Léger: Vous avez répondu. Ce n'est pas une
réponse; vous venez de dire lorsqu'il sera prêt.
M. Tetley: C'est certain que c'est la réponse. Que
voulez-vous? Lorsque vous serez prêt?
M. Léger: D'accord. Dans ce cas-là, pour combien de
temps a-t-il été libéré de ses fonctions publiques
pour faire ce travail?
M. Tetley: A peu près le 1er novembre. M. Léger:
Pour combien de temps?
M. Tetley: II a commencé vers le 1er novembre. Il fallait
terminer son travail. L'arrêté en conseil est jusqu'au 1er avril.
Evidemment, il y aura un autre arrêté en conseil.
M. Léger: Autrement dit, cela va dépasser le 1er
avril, son travail?
M. Tetley: Certainement.
M. Léger: Quand le ministre doit-il présenter un
projet au conseil des ministres?
M. Tetley: Lorsque je serai prêt.
M. Léger: Quand la première rédaction du
projet doit-elle être soumise au bureau de législation?
M. Tetley: Demandez au premier ministre, au
conseil des ministres, parce qu'il faut que cela soit
étudié au conseil des ministres.
M. Léger: J'ai l'impression que vous allez être
obligé de m'inviter au conseil des ministres.
M. Tetley: Je peux dire qu'il y a déjà une loi au
comité de législation.
M. Léger: La Loi sur les transports.
M. Tetley: Non, je ne donne pas d'autre "hint" non plus et je
crois...
M. Léger: M. le Président, si le ministre peut ne
pas m'interrompre, étant donné que je vois qu'il n'a aucune
réponse précise...
M. Tetley: ...très précise, une loi est
déjà devant le comité de législation.
M. Léger: Un instant! Laissez-moi terminer. Je
répète mes six questions pour la logique de l'affaire. On peut
voir, d'après les premières réponses, que le ministre
n'est pas branché. J'ai demandé: Quand M. Desjardins doit-il
faire ce rapport? Quand le ministre doit-il présenter son projet au
conseil des ministres? Quand la première rédaction doit-elle
être soumise au bureau de législation? Quand fera-t-on le
dépôt de ce projet de rédaction? Comment se fera
l'étude du projet de loi? Quand doit-on prévoir la date des
réformes? Tout cela ensemble. Je pense que c'est la préoccupation
majeure de ceux qui ont travaillé depuis près de six mois, je
parle de nous, de la commission parlementaire, à un projet, à un
document de cette ampleur, comprenant une étude en profondeur de la
situation actuelle. Je comprends que c'est complexe. Quant à nous, M. le
Président, nous sommes rendus au point du non-retour, il faut qu'une
décision soit prise et, pour arriver à une décision... A
la première question que je pose, le ministre dit: Quand je serai
prêt. Il a un mandat jusqu'au 1er avril et, après avril, on va
renouveler cela.
M. le Président, le reste des autres étapes dépend
de cela. Que le ministre dise qu'il va y avoir quelques lois de
"réformette" ici et là. Cela me décourage. Il faudrait que
vous m'invitiez au conseil des ministres pour que je convainque le reste du
cabinet, puisque je ne suis pas capable de convaincre le ministre, le
porte-parole responsable de ce dossier.
Je me demande ce qu'on va faire. Je vais vous écouter aujourd'hui
bien poliment, bien gentiment, mais j'ai l'impression que nous perdons notre
temps.
M. Tetley: Si vous perdez votre temps, partez. Je crois que vous
perdez votre temps, parce que votre parti avait décidé, il y a
trois ans, d'un certain plan. Vous avez même refusé de soumettre
les idées du rapport Gauvin à votre convention. Vous avez
refusé. C'est un peu comme votre augmentation de salaire...
M. Léger: Ce sont des affirmations gratuite que vous
faites là.
M. Tetley: ...tout est décidé par une clique de six
personnes qui ne sont même pas députés...
M. Léger: Cela fait déjà trois ans, M. le
Président, que nous avions décelé ce problème d'une
façon non intuitive, parce que nous sommes au milieu des gens, et le
rapport Gauvin est venu confirmer, par une étude impartiale d'experts,
ce que nous savions déjà intuitivement. Cela montre que nous
sommes beaucoup plus près des problèmes des gens.
M. Tetley: J'ai parlé à un des sept membres de
votre exécutif national qui, par hasard, est avocat de Joliette, et il
préfère le plan du Barreau. Il est aussi cave que cela, mais il
est gentil quand même.
M. Léger: C'est faux.
M. Tetley: C'est faux? Si vous voulez, je vais...
M. Léger: C'est faux parce que ce monsieur est dans mon
comité.
M. Tetley: ...à une question de mon épouse.
M. Léger: II est dans mon comité et il est
absolument d'accord sur la position du rapport.
M. Tetley: II est aussi cave que vous. Il préfère
le Barreau. C'est cela.
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Tetley: Ce n'est absolument pas faux. Il l'a dit devant mon
épouse. A sa question: Voulez-vous le "no fault"? Il a répondu:
Vous savez, madame, je suis député de Joliette et je
préfère...
M. Léger: Le député de Joliette, bien
là, je ne me trompe pas. Il n'est pas dans mon parti, le
député de Joliette.
M. Tetley: Je me corrige. Il a dit: Je suis avocat de Joliette et
je préfère, après un certain niveau, le système de
faute et que les avocats pratiquent. Autrement, ce serait triste pour nous
autres. C'est un membre de votre exécutif national qui l'a dit sur une
plage, en présence de mon épouse qui a posé la question
que je n'ai pas osé poser moi-même...
M. Léger: J'ai l'impression que vous avez mal compris. Il
a dû vous parler...
M. Tetley: Vous êtes une gang de caves, vous autres.
M. Léger: M. le Président, je comprends que vous
êtes rendu dans la cave pour discuter...
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!
M. Léger: ...mais je tiens à vous dire ceci: C'est
que les courtiers d'assurance et les membres du Barreau du Parti
québécois, dans leur grande majo-
rité, incluant ceux que vous avez mentionnés et d'autres
qui sont venus ici assister, sont d'accord sur le rapport Gauvin parce qu'ils
savent que c'est pour le bien et l'intérêt général
des citoyens. Ils savent qu'ils auront peut-être une certaine perte
à subir dans leur domaine actuel, mais ils ont au moins l'objectif et
l'idéal de l'avancement de la société
québécoise. Pour être capable de faire la part des choses,
ils ne sont pas comme des affamés pour essayer de protéger leur
pain au détriment de la société
québécoise.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Dubuc.
M. Harvey (Dubuc): Vous voulez dire que le député
de Chicoutim est d'accord aussi sur le rapport Gauvin?
M. Léger: Le député de Chicoutimi? M. Harvey
(Dubuc): Oui.
M. Léger: Oui, il est d'accord parce que c'est une
décision du caucus.
M. Harvey (Dubuc): J'en prends bonne note.
M. Lachance: II est téléguidé par le conseil
national.
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous
plaît! Le ministre des Institutions financières.
M. Léger: On est démocratique, nous autres, parce
que, si vous suivez votre congrès du Parti libéral, vous
êtes bien mal pris parce que la commission Gauvin ne devrait même
pas siéger.
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! Le ministre
des Institutions financières.
M. Tetley: M. le Président, je vais répondre aux
questions ensuite. J'ai déjà répondu à toutes les
questions, mais s'il veut, je vais faire un sommaire ensuite. Nous avons devant
nous certaines gens. Je vais procéder, je vois qu'il est 10 h 38. M.
Gauvin, j'ai trouvé votre document, que vous avez déposé
il y a un mois, très important et intéressant. A la page 7, vous
avez dit, parce que c'était une réponse générale de
votre co m ité à to utes les questions soulevées par
certains groupes, vous avez posé la question suivante: La notion de
responsabilité est-elle de nature à prévenir les
accidents? C'était votre question. Vous avez, après cela,
préparé une réponse. Pourriez-vous, si vous voulez, j'ai
votre texte ici... Avez-vous une copie de votre texte?
Peut-être pourriez-vous expliciter un peu cette question que vous
avez vous-même posée, parce que je trouve que c'est une des
questions primordiales du problème de l'assurance-automobile. M.
Bouchard, peut-être, ou un autre membre?
Notion de responsabilité
M. Gauvin (Jean): Si vous me permettez, peut-être que les
ex-membres du comité qui ont d'autres commentaires pourraient les
ajouter.
Dans les remarques qui ont été présentées
devant les membres de la commission parlementaire des institutions
financières, on a souvent souligné que la responsabilité
individuelle était un élément de prévention des
accidents. Cela fait assez longtemps que plusieurs personnes s'interrogent sur
le problème, à savoir si la responsabilité et
l'assurance-responsabilité amènent, en fait, un
élément de "deterrence", comme ils disent en anglais, ou aide
à la prévention des accidents. A peu près toutes les
études impartiales en sont venues à la conclusion que ce
n'était pas le cas. J'en ai cité quelques-unes et je les ai ici.
L'étude qui a été effectuée par le "Department of
Transportation" du gouvernement américain est une étude sur
l'assurance-automobile ou les accidents d'automobile et leurs compensations aux
Etats-Unis. J'aimerais encore citer ce qu'on dit, en anglais, à la page
53 de ce rapport: "Unfortunately, the claim of a significant deterrent effect
for the present automobile liability insurance system has, so far, proven
unsusceptible to substantiation by empirical evidence".
Je pourrais remettre aux membres de cette commission au moins trois ou
quatre autres études qui ont été faites par des gens qui
n'étaient pas intéressés directement, et qui en sont venus
a la même conclusion, et même plus.
Une commission connue sous le nom de "Ontario Law Reform Commission",
qui s'est penchée, en fait, sur tout le problème de la
compensation des victimes d'accidents d'automobile, arrive exactement à
la même conclusion. Je cite, à la page 126 de ce rapport qui a
été déposé... Soit dit en passant, sur ce rapport,
les membres de cette commission, au nombre de cinq, sont, pour autant que je
puisse m'en rendre compte, tous de formation juridique.
Je cite: "While opinions may continue to vary, we have come to the
conclusion that the justification for the retention of the negligence action in
motor vehicle cases does not lie in its specific deterrent value".
Je pourrais continuer comme cela. Je pourrais citerun rapport de
Nouvelle-Zélande. Je pourrais en citer d'autres. Mais, dans les faits,
ce que nous avons dit dans le rapport, c'est que, si la responsabilité
individuelle a un élément de "deterrence",
l'assurance-responsabilité vient l'enlever complètement. Dans les
faits, les gens peuvent s'acheter une conduite, puisque c'est
l'assurance-responsabilité qui va payer les dommages. Quand on parle de
responsabilité, il faudrait bien faire une distinction entre la
responsabilité devant les cours de justice pour répondre de ses
actes, soit en vertu du code criminel ou du code de la route, et lorsqu'on
poursuit une personne; il ne fait pas de doute que cet élément
peut amener les gens à agir d'une manière plus sage dans la
conduite des véhicules.
Si c'est exact que la responsabilité financière d'un
individu influencera son comportement; à ce
moment, il faudrait lui faire assumer pleinement ses actes et lui faire
payer les dégâts.
Et on ne peut qu'arriver à la conclusion de ce qui a
été dit dans le rapport et on le répète,
qu'à toutes fins pratiques, si c'est vrai,
l'assurance-responsabilité est immorale. C'est ce que j'ai à dire
sur le sujet. Je ne sais pas si mes collègues veulent ajouter quelque
chose.
Avant, je pourrais peut-être me permettre d'ajouter que certaines
personnes ont produit des mémoires que j'ai lus avec beaucoup
d'intérêt, mais qui à mon sens n'ont apporté rien de
nouveau par rapport à ce que nous avions reçu comme observations
des groupes intéressés. Les gens disent: Avec le système
d'assurance-responsabilité, quand on a un accident, notre prime
augmente. Elle augmente après l'accident, non pas avant l'accident et,
en plus de cela, elle n'augmente pas, en fait, pour punir l'individu. Elle
augmente, parce que, statistiquement, on peut démontrer que la
propension à avoir un deuxième accident lorsqu'une personne en a
eu un est plus grande que pour les personnes qui n'en ont pas eu. C'est
fondamentalement la raison pour laquelle on augmente la prime, et non pas pour
punir parce que, dans les faits, si on voulait punir l'individu, il faudrait
certainement que la prime augmente en relation avec les dommages qui ont
été causés et la prime augmente de la même
façon que vous ayez causé $5,000, $50,000 ou $100,000 de
dommages.
M. Tetley: M. Belleau, avez-vous des commentaires à nous
soumettre?
M. Belleau (Claude): Je voudrais simplement ajouter à ce
que M. Gauvin a dit que toute cette notion d'assurance sans
responsabilité ou "no fault insurance", comme certains rapports l'ont
laissé entrevoir ou contrairement à ce qu'ont laissé
entrevoir certains rapports, ce n'est pas l'abolition on parle de
l'abolition de la faute, mais au niveau des concepts, je pense qu'il est bien
important de préciser ce n'est pas la disparition de la
responsabilité individuelle pour autant que le comportement sur les
routes est concerné, il faut bien comprendre que c'est la disparition de
la faute comme fondement du droit à la réparation de la victime.
Et je pense qu'il y a une différence fondamentale.
Il existe, spécialement dans le domaine de la circulation
routière, des mécanismes très efficaces pour
contrôler les gens qui commettent des fautes graves sur la route, comme,
par exemple, le retrait du permis de conduire, le système de points de
démérite. Il faudrait penser un peu en fonction de la
sécurité routière.
Le retrait du permis de conduire est une mesure beaucoup plus efficace,
évidemment, que la pénalité financière ou
l'augmentation de la prime.
Alors, il faut bien penser que l'assurance sans faute n'est pas
l'assurance qui abolit complètement la notion de responsabilité
des individus par rapport à leur comportement sur la route. En plus, je
pense qu'on n'a qu'à se référer chacun à ses
expériences personnelles. Il est évident que le véritable
"deterrent" en matière d'accident d'automobile est davan- tage la
crainte d'avoir un accident avec tous les inconvénients que cela
comporte. C'est davantage la crainte d'être blessé et cela,
évidemment, subsistera dans n'importe quel système.
Alors, tout cela pour dire que cette notion de responsabilité
financière qu'on veut faire assumer à un individu par rapport
à un accident, quand on dit que c'est dépassé, c'est
désuet, c'est parce que, finalement, c'est l'ensemble des assurés
qui assume la responsabilité financière. Il est faux de dire
qu'elle est essentiellement individuelle et qu'elle est un "deterrent".
Je voulais simplement démontrer ici qu'il y a d'autres
mécanismes pour contrôler le comportement des individus que la
responsabilité financière. Quand on suggère de faire
disparaître la faute, encore une fois, c'est par rapport au droit
à la réparation de la victime. Or, je pense que l'Etat, le
gouvernement, a bien d'autres moyens: les infractions au code criminel, les
infractions au code de la route, le retrait du permis de conduire, le
système de points de démérite. Il y a toutes sortes de
mécanismes spécialement dans ce domaine qui permettent de
contrôler les individus qui seraient carrément irresponsables. Je
voulais ajouter cette dimension.
M. Tetley: M. Gauvin, à la page 11 de votre document d'il
y a un mois, vous dites: "Le régime actuel n'effectue pas la
réparation intégrale du préjudice." Pourriez-vous
préciser un peu cette remarque?
M. Gauvin: Nécessairement, j'aimerais situer le
débat. On prétend, en fait, que le système actuel effectue
la réparation intégrale des pertes subies par un individu,
lorsque nécessairement il peut prouver qu'un tiers était
responsable, lorsque ce tiers est soit solvable ou détient une police
d'assurance; s'il ne détient pas une police d'assurance suffisante,
à ce moment-là, la limite imposée au fonds d'indemnisation
peut empêcher l'indemnisation de l'individu.
Les tenants de la continuation du système actuel disent qu'il va
très bien et qu'il compense bien les victimes. Le comité qui
avait été formé en vertu de la Loi des commissions
d'enquête ne s'est pas fié aux représentations que nous
avaient faites le Barreau, les assureurs ou d'autres groupes. Nous avons
effectué notre propre enquête auprès d'un nombre assez
considérable de victimes pour savoir dans quelle mesure le
système actuel répare bien les préjudices subis lors
d'accidents d'automobiles.
J'aimerais signaler que c'est la première étude de ce
genre qui a été faite au Québec et ce ne sont pas des
chiffres qui ont été tirés d'autres expériences;
les documents, les pièces justificatives ont été
déposés au gouvernement. Ces preuves sont là pour ceux qui
veulent les consulter. Mais nous avons quand même, au niveau des victimes
de blessures corporelles, retracé 1,691 cas où nous avons pu, au
niveau de ce que nous avons défini comme perte économique,
comptabiliser ou actualiser la perte économique de chacune de ces
victimes.
Nous avons retenu, pour l'actualisation ou pour comptabiliser ces
pertes, des critères qui sont ex-
pliqués dans le rapport; ces critères ressemblent à
ceux qu'on utilise couramment pour un tel calcul et, dans les faits, nous nous
sommes rendu compte que le régime actuel compensait très mal les
victimes.
En fait, les victimes de petites pertes sont surcompensées, je
répète ce qui a déjà été dit. Les
victimes de grosses pertes sont mal compensées. C'est la situation
présente. Si on se réfère au mandat du comité, on
disait que le comité devait s'assurer que les victimes étaient
justement et équitablement compensées pour les pertes subies. On
ne pouvait pas faire autrement qu'arriver à la conclusion que, les
victimes n'étant pas justement compensées, il y avait certaines
choses qui ne fonctionnaient pas dans le système.
Incidemment, les conclusions de notre propre étude, à
partir de cas de Québec et quand même à partir d'un
échantillonnage que des spécialistes que nous avons retenus avec
les sommes d'argent que le gouvernement nous a données pour fonctionner,
nous ont démontré que l'échantillonnage des victimes
était, quand même, valable.
Moi, je trouve malheureux que des gens qui se disent professionnels
viennent vous présenter un cas pour dire: Voici ce que ça fait
présentement, voici ce que ça ferait avec le rapport du
comité Gauvin.
M. Tetley: Vous vous référez à quel cas?
M. Gauvin: J'aimerais mieux ne me référer à
aucun cas en particulier.
M. Tetley: Référez-vous au Barreau, par hasard? Je
crois que l'allusion, M. Gauvin, devrait être claire et nette, parce que
le Barreau a référé à votre rapport. Je pense que
c'est sans aucune...
M. Gauvin: Pour compléter ma réponse personnelle,
en fait, c'est le Barreau qui a présenté un cas pour dire: Voici
ce que ça fait maintenant, voici ce que ça ferait. Il n'a pas
présenté tous les autres cas, par exemple, où ça
fait l'inverse.
Je pense que, si vous êtes en train de faire un procès, ce
ne serait pas un procès juste, quand on présente les choses de
cette façon.
Pour revenir à l'enquête de la compensation des victimes,
elle rejoint exactement les conclusions, encore une fois, d'autres
enquêtes effectuées ailleurs tant dans l'Etat de New York.
Cette enquête, nous avons eu l'occasion de la consulter, nous
avons eu l'occasion de discuter avec les gens qui l'avaient faite. Elle rejoint
également l'enquête qui avait été faite par le
département de Transport, que je pourrais citer. Elle rejoint
également la commission d'enquête de Colombie-Britannique. Toutes
sont arrivées aux mêmes conclusions que le système allait
mal pour toutes sortes de raisons. On indemnise très mal les victimes
qui ont droit à une compensation. Il faut quand même s'interroger
et savoir pourquoi on a un régime d'assurance. C'est pour,
fondamentalement, indemniser les gens et il faut s'assurer que le
régime, quel qu'il soit, va indemniser les gens convenablement pour les
pertes qu'ils ont subies.
Vous remarquerez que si nous avions pu comptabiliser dans nos rapports
compensation-perte des 1,691 victimes, certaines pertes, telle la jouissance de
la vie dont nous n'avons pas tenu compte, la sous-compensation des victimes
aurait été encore plus flagrante que les pourcentages que nous
avons trouvés. Il faut bien comprendre que la perte de jouissance de la
vie, à toutes fins pratiques ne se monnaie pas. On ne peut pas avoir de
critères objectifs pour déterminer ce que vaut le bras d'une
personne dont le seul plaisir dans la vie est d'aller à la pêche.
Combien lui donne-t-on pour la perte de cette jouissance? Cela varie selon les
individus et, si on regarde les montants qui sont accordés un peu
partout, cela varie d'un cas à l'autre. Alors, dans notre enquête,
tous ces faits, toutes les pertes non économiques, avaient
été ignorés. Si on avait pu trouver un moyen de les
additionner, on aurait trouvé encore une sous-compensation importante
des victimes beaucoup plus considérable que ce que nous avons
trouvé.
M. Tetley: A la page 14 de votre mémoire de
décembre passé, vous avez dit: La réadaptation des
victimes est rendue plus difficile dans le régime actuel. Encore une
fois, puis-je vous demander d'élargir cette constatation?
M. Gauvin: En fait, qu'est-ce qui se passe dans le régime
actuel, dans un système où on vit en adversaires et où on
doit chercher à prouver la plus grande perte d'intégrité
physique pour avoir la plus grande compensation? C'est que cela peut nuire
à la réadaptation de la victime. En fait, les médecins que
nous avions consultés et, encore une fois, les autres études sont
arrivés à la même conclusion. Le système
d'adversaires, le système de prouver la faute d'un tiers,
également de trouver le plus grand préjudice corporel possible,
tout ce système amène, en fait, les gens à retarder les
mesures de réadaptation de l'individu qui devraient être faites.
On peut même arriver à laisser les gens avec certaines balafres,
certaines cicatrices afin de pouvoir impressionner le juge ou les gens qui vont
accorder une indemnité finalement. Mais lorsque la cause est
réglée, après des délais considérables,
très souvent, il est trop tard pour commencer la réadaptation et
l'individu est réduit à vivre avec son préjudice.
Dans un véritable système où, dès qu'il y a
un accident, on cherche à tout remettre en place, à remettre
l'individu, autant que possible, dans la situation où il était,
on ne doit pas se permettre, d'après les gens compétents, le
moindre délai pour effectuer tout ce qu'il faut pour redonner à
la personne humaine son intégrité, en autant que possible. Il
faut bien réaliser qu'il y a des choses qui ne sont pas
réparables.
M. Tetley: N'est-il pas vrai, M. Gauvin, que, dans un
système de pension ou de rente, hormis un système de paiement
global, "one lump payment", après le jugement, le rentier garde la rente
pour la fin de ses jours et cède à la tentation de ne pas
guérir.
M. Gauvin: Vous entrez dans le débat du problème du
paiement à capital. Le rapport est clair
là-dessus, on est absolument opposé au paiement du capital
pour la simple et bonne raison que c'est une mauvaise utilisation des fonds.
Vous payez, dans certains cas, de très petits montants à des
personnes.
Ces personnes vont les dépenser, non pas pour remplacer leur
perte économique mais, en fait, pour ce qu'elles veulent et à
toutes sortes de fins; finalement, elles peuvent être à la charge
de la société par le biais de mesures d'aide sociale ou du revenu
minimum garanti ou quoi que ce soit que la société va se
donner.
Je pense que, si on veut avoir un système intégré,
un système cohérent, et qu'on veut charger à l'automobile
toutes les pertes résultant des accidents qu'a créés ce
monstre, effectivement, il faut s'assurer qu'on ne paiera pas deux fois, dans
certains cas, la même indemnisation. Mais, dans le présent
système, vous avez des paiements en capitaux et vous avez, par la suite,
ces gens qui vont, en fait, au ministère des Affaires sociales pour
obtenir des indemnisations. Mais la société ne peut pas accepter
une telle situation où l'individu est payé deux fois pour la
perte qu'il a subie.
Egalement, lorsqu'on paye une rente, un capital à un individu,
qu'est-ce qu'on fait pour la perte continuelle ou l'érosion de la valeur
du capital de l'individu? Est-ce qu'on ne devrait pas prévoir des rentes
où la valeur relative du dollar serait conservée? C'est une autre
forme de sous-compensation des individus de leur donner, en fait, des montants
qui ne tiennent pas compte de l'inflation.
M. Tetley: J'ai presque épuisé mon temps. M.
Rankin, à la page 7 de votre document que nous avons
déposé aujourd'hui, il y avait quatre questions et vous dites que
vous êtes prêt à répond re aux questions de M.
Giasson, M. Léger, M. Roy et de moi-même. J'ai
épuisé mon temps, mais peut-être, auriez-vous les
réponses toutes prêtes à ces questions?
M. Rankin: Sur la question de l'administration, je suis
prêt à répondre à tout, mais est-ce qu'on a
vidé les questions sur le plan de la compensation? Si vous voulez, je
peux donner des explications sur la question de M. Giasson, la question
d'existence d'une compagnie d'Etat à côté des compagnies
privées, qui fait concurrence à ces compagnies privées.
Nous avons examiné cette question. D'abord, nous avons rejeté
cette option pour les raisons que M. Gauvin a déjà
données. Pour expliquer un peu plus le problème, c'est,
qu'à ce moment-là, d'abord vous perdez les 3% d'économie
sur les dépenses qui étaient là à cause d'un
monopole. Les 3% d'économie, ce n'est pas à cause du fait que
c'est une régie d'Etat mais c'est à cause du fait qu'il n'y a pas
de concurrence.
La deuxième chose, si vous pouviez arriver à la même
situation sans créer cette régie d'Etat, cette compagnie
étatique, vous allez atteindre votre objectif sans encourir tous les
risques de créer une compagnie qui peut être un succès ou
ne pas l'être.
D'ailleurs, pour la question des compagnies étatiques qui font
concurrence dans le marché, il y a des exemples qui existent
déjà aux Etats-Unis, dans l'administration des assurances pour la
perte de salaire et il y en a plusieurs qui se font concurrence là. En
Nouvelle-Zélande, avant qu'elle en fasse une nouvelle loi, il y a eu une
compagnie étatique qui a fait concurrence avec les compagnies
privées et dans la province de l'Alberta, il y a aussi une compagnie
étatique qui fait concurrence dans un certain secteur d'assurance.
Sauf que les résultats n'étaient pas tellement frappants.
L'objectif c'est qu'il faut agir un peu comme un policier pour forcer les
compagnies privées de suivre certaines règles. Je crois, que
quelqu'un qui examine la chose de plus près peut savoir qu'il y a
d'autres moyens plus efficaces pour atteindre cet objectif.
M. Tetley: Je ne veux pas prendre le temps des autres. C'est
pourquoi je poserai les questions de M. Léger, de M. Roy et les miennes
un peu plus tard. Je cède la parole, M. le Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Lafontaine, vous avez des questions à poser?
M. Léger: A ce stade-ci, non. Mais ce qui me surprend,
c'est qu'à la clôture du 12 décembre, alors que nous
pensions que la commission avait terminé son travail jusqu'à la
présentation du projet de loi, il y avait eu deux députés
qui avaient proposé qu'on continue en janvier, parce qu'eux avaient
d'énormes questions à poser. Ce sont le député
d'Iberville et le député de Taschereau. J'attends qu'ils posent
aujourd'hui la quantité de questions qu'ils avaient à poser pour
qu'on siège aujourd'hui et je les trouve cois. Qu'est-ce qui se
passe?
M. Bonnier: Ce n'est pas notre tour encore.
M. Léger: C'est notre tour. J'ai dit tantôt que je
n'avais pas d'autres questions...
M. Tetley: Nous avons fait... Quel plaisir.
M. Bonnier: Règle de procédure, M. le
Président.
M. Tetley: C'est tellement agréable qu'il se taise, M. le
Président, parce que j'ai toutes sortes de questions. Qu'il continue ses
conversations privées au lieu d'écouter M. Rankin, M. Belleau
et...
M. Léger: Allez-y, M. le Président, ne vous
gênez pas. Si cela peut nous éclairer davantage, je n'ai pas
d'objection. Nous, c'est de l'action qu'on veut.
M. Tetley: Ah! l'action.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Mille-Iles.
Indemnisation des victimes
M. Lachance: M. Gauvin, au niveau de l'indemnité aux
victimes, votre rapport estime que le plan
d'indemnisation suggéré répondra aux besoins de 85%
de la population, quant au montant du salaire hebdomadaire qui sera payé
aux victimes d'accidents.
Ces prévisions sont basées sur les salaires de 1970/71,
n'est-ce pas?
M. Gauvin: Avec une projection en 1974. L'évaluation que
nous avons faite est claire, les chiffres sont valables pour 1974. Il y a eu de
l'inflation depuis, mais il ne faut pas non plus oublier que toute proposition
de réforme devra être réévaluée, en tenant
compte du moment où on veut l'entrer en vigueur.
M. Lachance: En tenant compte de l'inflation?
M. Gauvin: ... l'inflation, tenir compte, en fait, même de
variations dans le genre de véhicules, dans le parc-automobile, dans le
coût de réparation, c'est bien évident. J'ai
regretté, en lisant le journal des Débats, qu'à un moment
donné on dise qu'on n'avait pas évalué notre
régime. Je regrette. Le régime que nous avons proposé a
été évalué, nous avons évalué le
coût, nous avons déposé les documents et nous avons dit
combien il coûterait. Pour nous, l'évaluation est valable pour
1974. En pourcentage des primes, il est probable que cette éval ua-tion
sera valable pour d'autres années si le régime actuel de
l'assurance-automobile suit l'inflation. Il y a eu des augmentations encore
récemment, dans les primes d'assurance-automobile du régime
actuel, pour tenir compte de l'inflation.
Alors, les rapports que nous avons préparés vaudraient. A
ce moment-là, il faudrait changer le pourcentage de notre couverture. Au
lieu de donner $200 par semaine, au lieu de couvrir un salaire de $200 par
semaine, on pourrait couvrir un salaire supérieur, avec le régime
proposé. Les primes seront différentes, mais c'est en pourcentage
de ce que coûte le système actuel.
M. Lachance: Par rapport aux primes? M. Gauvin: Par rapport aux
primes, oui.
M. Lachance: Vos primes vont augmenter aussi?
M. Gauvin: C'est évident que les primes vont augmenter
aussi. Les primes vont augmenter dans le régime actuel, les primes vont
augmenter dans le régime proposé par le Barreau, dans le
régime d'AutoBAC et dans n'importe quel régime que vous allez
instaurer. Elles sont toujours sujettes aux forces extérieures, aux
forces de l'inflation et aux forces de la fréquence d'accidents, quel
que soit le régime que vous imposiez. Même si l'Etat ne change
rien, mais prend tout en charge demain matin, il ne faudrait quand même
pas penser, comme on l'a laissé sous-entendre, qu'il n'y aura plus
d'augmentations de primes. Les coûts vont augmenter également.
M. Lachance: Oui.
M. Gauvin: Le coût de réparation ne sera plus ce
qu'il était il y a trois ans. Il suit, en fait, les forces du
marché.
M. Lachance: Dans la partie des indemnités aux victimes,
vous parlez de régime supplémentaire, de bénéfices
que devront se procurer les personnes dont le revenu annuel dépasse
$12,000, pour obtenir une protection complète.
Si une personne gagne $17,000, est-ce qu'à ce moment-là,
elle va payer plus cher?
M. Gauvin: II est évident qu'elle va payer plus cher. On
l'a dit dans le rapport d'ailleurs. La proportion qu'elle va payer de plus
n'est pas si considérable, parce qu'elle ne s'applique effectivement
qu'à la partie de la prime qui s'en va aux blessures corporelles.
Le problème que vous avez dans une évaluation de ce genre,
c'est que nous avons proposé un régime de base obligatoire pour
tout le monde.
C'est facile à évaluer. Mais lorsque vous analysez des
régimes optionnels, le coût total du régime optionnel va
dépendre, en fait, des choix individuels. Il faut bien se rendre compte
que, dans le régime proposé par le comité, l'individu
n'est pas à la merci de ce qu'un autre a décidé pour
savoir quel niveau de compensation il va avoir. L'individu va avoir la
compensation du régime de base et la compensation supplémentaire
qu'il aura lui-même choisie, soit pour son salaire ou pour d'autres
genres de pertes.
On demande à chaque individu d'être passablement plus
responsable vis-à-vis de ce niveau que présentement. Au lieu de
s'assurer pour les pertes qu'il cause à un autre, il s'assure, en fait,
pour les pertes qu'il subit. C'est à lui de décider en haut du
régime obligatoire, quel niveau ou quel risque il encourt quand il
conduit son véhicule et comment il va être indemnisé dans
chaque accident qu'il aura.
En ce qui a trait au régime supplémentaire, les primes ne
seraient certainement pas aussi élevées qu'on l'a laissé
sous-entendre.
M. Lachance: En somme, est-il juste de dire que la
majorité de la population devra payer un supplément pour obtenir
une protection adéquate?
M. Gauvin: 15% de la population est couverte à 100%. Ce
n'est pas la majorité, mais bien 15% de la population qui...
M. Lachance: Oui, mais cela peut aller à 30%, si vous
voulez.
M. Gauvin: Pardon?
M. Lachance: Cela peut être plus que cela.
M. Gauvin: Non, il y a 85% de la population du Québec qui
serait entièrement couverte pour ces pertes. Elle n'a pas besoin
d'assurance supplémentaire. Ce sont seulement pour ceux qui gagnent en
haut du plafond que vous établissez, ou que seront établis ceux
qui auront besoin de s'assurer pour l'excédent. Il y en a qui sont
déjà assurés en vertu d'autres régimes. L'individu
qui a déjà de
l'assurance-salaire n'aura pas besoin d'en acheter, il en a
déjà ailleurs. L'individu qui a déjà de
l'assurance-vie, en cas de décès, ailleurs, dit: Je n'en ai pas
besoin, j'en ai déjà. Dans quelle mesure ceux dont le revenu
excède des plafonds du régime choisiront de s'assurer? C'est
assez difficile de le dire, mais cela ne devrait pas représenter une
proportion très considérable.
M. Lachance: D'après vous, c'est à peu près
15%, cela ne pourrait pas être 30%?
M. Gauvin: Cela ne peut pas être 30%, il y a 15% de la
population qui gagne en haut de notre plafond, il n'y a qu'eux. A moins que les
gens en bas veuillent avoir des couvertures supplémentaires.
M. Lachance: Justement, si les gens en bas du plafond voulaient
avoir une protection adéquate?
M. Gauvin: II faut bien constater une chose, c'est que le
régime qu'on préconise permettrait, en fait, de réduire
les primes substantiellement par rapport au régime actuel.
Substantiellement, une réduction qu'on a émise dans le rapport
français à 15%, c'est une erreur de frappe, c'est 19%; je l'ai
corrigée dans le rapport anglais.
Les primes, en 1974, auraient pu être réduites de 19% avec
le régime qu'on préconise. Les individus qui veulent de la
protection supplémentaire ont quand même 19% de moins que leur
ancienne prime à payer. Ils peuvent s'en acheter drôlement avec
cela.
M. Lachance: M. Gauvin, au niveau de l'administration, votre
rapport semble indiquer que, dans le texte proposé,
l'élément de compétition entre les assureurs va faire en
sorte que la tarification et les taux vont être justes et que, de plus,
le mécanisme que vous proposez évitera en grande partie toute
forme de collusion entre assureurs dans le but de fixer les prix. Si cela est
vrai, est-ce que vous croyez aux valeurs bénéfiques de la
compétition? Pourq uoi fixez-vous arbitrairement les frais
d'administration alloués aux assureurs à 20%?
M. Gauvin: En fait, on les a fixés arbitrairement pour
faire démarrer le régime. Eventuellement et effectivement, cette
succession devrait se faire par la compétition, mais comment voulez-vous
imposer un nouveau régime, imposer les réformes si vous ne
décidez pas, à un moment donné, qu'on doit les fixer,
qu'on doit dire: Vous devez fonctionner avec cela? Remarquez que cela a
été fait ailleurs, cela a été effectivement fait en
France où le gouvernement a dit aux assureurs: Vous allez fonctionner
avec X, Y ou Z% de la prime.
Cela a pour but d'amener nécessairement les réformes
appropriées. Egalement, ce qui est fondamental, c'est que le
système actuel retourne $0.60, en chiffres ronds je reviens
encore au rapport dans la piastre aux victimes. C'est pour elles que le
régime est important.
En fait, vous avez des régimes étatiques qui ne sont pas,
à mon sens, ce qu'il y a de mieux au niveau de l'indemnisation, mais qui
retournent plus que $0.80 aux victimes. Est-ce que le consommateur
québécois est prêt à accepter la situation telle
qu'on la connaît présentement? Est-ce qu'on ne doit pas infuser ou
forcer certaines réformes pour ramener l'écart entre ce que le
consommateur paie en prime et ce qu'il reçoit sous forme
d'indemnité? Il faut absolument en arriver là, effectivement.
On a bien mentionné dans une des recommandations que
c'était une période transitoire. On a dit: On va le faire, on va
forcer les gens à en arriver là et, après coup, on en
viendra à la force, à la compétition, soit une
véritable compétition où les assureurs ne s'entendront
plus ensemble pour fixer les prix. Cela va enfin amener les assureurs à
agir le plus efficacement possible. Vous savez, j'ai pris connaissance de
documents qui ont été déposés, même un
article qui a été publié en disant qu'il y avait de la
compétition. Les différences de $2 sur une prime de $100, on dit
que c'en est de la compétition. Il faudra peut-être que les
membres de la commission prennent connaissance d'un guide aux consommateurs qui
a été émis au Michigan. Ces Américains ont un
nouveau régime, on en a fait mention. La date... Je pourrais laisser ce
guide aux députés, pour autant que je puisse en avoir une
photocopie. On a même écrit que $2 ou $3 sur une prime de $100 ou
$200, c'était de la compétition.
Je tourne n'importe quelle page, je prends, en fait,
Détroit-centre, comme exemple. La compagnie qui a la prime la plus
basse, pour toute une kyrielle de couvertures, demande $229. Ne prenons pas les
risques de facilité, les risques réellement tarés, la
compagnie la plus haute serait à $324. Vous allez ailleurs et vous avez
un écart de $372 à $635, vous en avez, en fait. Ils ont pris des
mesures pour amener les assureurs à avoir de la compétition entre
eux. Il y a des écarts significatifs.
Quand on me parle d'écart de $1 ou $2, ce ne sont pas des
écarts significatifs. Il ne faudra pas non plus croire qu'il y a
simplement le prix, il y a également le service. Dans le système
actuel, quand vous faites toujours affaires avec l'assureur d'un autre, quand
c'est l'autre qui est responsable, comment pouvez-vous vous assurer que quand
vous allez avoir un accident, vous aurez le service que vous voulez? Cela
dépend du choix de l'autre. En fait, c'est simple. Un type devrait
s'assurer, dans le système actuel, pour
l'assurance-responsabilité avec le plus mauvais assureur, celui qui paie
le moins, qui prend le plus de temps, parce que ce n'est pas lui qui est
touché. Pour son assurance-collision, par exemple, il devrait s'assurer
avec celui qui paie le mieux et le plus vite. Dans un régime d'assurance
directe, effectivement, le consommateur va toujours traiter avec son assureur.
S'il n'est pas content, il va pouvoir changer. Dans le moment, si vous
n'êtes pas content d'un assureur, en particulier, quand ce n'est pas
votre assureur, il n'y a pas grand-chose que vous pouvez faire, vous pouvez
simplement le dire à vos voisins.
M. Lachance: Dans votre rapport déposé, vous parlez
du rôle des courtiers comme tel, et dans un petit rapport qui a
été remis le 11 décembre, je crois,
vous dites que vous voulez revaloriser le rôle du courtier comme
tel. En somme, je crois bien, la majorité des courtiers que j'ai pu
rencontrer, ont dans l'esprit que dans le rapport, vous voulez presque les
faire disparaître.
M. Gauvin: Non.
M. Lachance: Mais ici, dans votre petit rapport du mois de
décembre, vous parlez de revaloriser le rôle du courtier comme
tel.
M. Gauvin: On en parlait dans l'autre rapport aussi.
M. Lachance: Oui, mais c'est que...
M. Gauvin: C'est peut-être que les gens ont lu ce qu'ils
voulaient lire, ils n'ont pas lu ce qui était écrit,
effectivement. Maintenant... Continuez.
M. Lachance: C'est parce que, lors du dernier congrès du
Parti libéral, on a parlé justement du rapport Gauvin. Les
courtiers, ainsi que les avocats, avaient une idée bien
préconçue du rapport déposé, en ce sens qu'on
faisait disparaître les courtiers comme tels et que les avocats aussi
perdaient une certaine clientèle. Dans votre autre rapport, vous parlez
de revaloriser le rôle du courtier. Il y a des gens qui ont mal compris
votre rapport ou, comme vous dites, ils ont lu ce qu'ils voulaient lire.
M. Gauvin: En fait, sur le rôle, vous avez parlé des
avocats également...
M. Lachance: Les avocats.
M. Gauvin:... on conserve un droit d'appel devant les cours de
justice. Alors, l'avocat aura un rôle à jouer, parce qu'on a
très bien dit dans le rapport, je ne me souviens pas de la page
cela fait quand même un bout de temps qu'on l'a écrit mais
on a très bien dit que l'assuré qui n'était pas satisfait,
pouvait s'adresser à la cour on n'a pas nommé la cour,
parce que ce n'était pas nécessaire pour obtenir une
meilleure indemnisation. Il a quand même un rôle à
conserver. Pour ce qui concerne le courtier, c'est certainement un
problème beaucoup plus complexe. Il faut regarder ce que le courtier
fait dans le système actuel. Je me souviens très bien, lorsque,
dans ma présentation, j'ai parlé de brasseurs de paperasses,
d'avoir entendu des rires. Je me demandais si les courtiers étaient
devant ou derrière moi, à ce moment.
M. Lachance: Dans votre petit rapport...
M. Gauvin: Effectivement, on n'a quand même pas
lancé cette phrase sans la considérer. On avait retenu une firme
d'experts qui a fait une analyse elle a été
déposée de ce que constituait le travail du courtier dans
le système actuel.
On se rend compte qu'il y a une bonne part de son travail qui est
effectivement d'agir comme intermédiaire pour envoyer des documents
d'une place à l'autre. Je ne veux pas dire qu'il ne joue pas, dans le
système actuel, un rôle valable. C'est tout simplement que dans un
nouveau système, le courtier resterait comme un conseiller, mais ne
s'occuperait plus de ces tâches purement administratives qui, à
toutes fins pratiques, prennent beaucoup d'argent du système, mais
rapportent très peu. Les réformes proposées sont
interreliées. Il faut qu'on fasse une avec l'autre. On a parlé de
l'élimination de la sélection des risques. On a dit que,
d'après nous, dans un système d'assurance obligatoire et
d'assurance directe, on devrait forcer les assureurs de prendre tout le monde.
On ne peut pas faire cette réforme sans changer le rôle du
courtier.
J'aimerais ici... Je l'ai envoyé à M. Giasson qui avait
exprimé le désir de l'avoir. Il y a un document de 1973 on
a eu l'occasion de parler avec ces gens par le département des
assurances de New York qui s'appelle: "Competition in Property and Liability
Insurance in New York State". Eux sont arrivés exactement à la
conclusion qu'il fallait effectivement éliminer le "underwriting",
éliminer la sélection des risques, et que dans le système
actuel, on ne pouvait pas le faire sans changer le mode de mise en
marché. La sélection des risques coûte quand même
passablement cher, si on se réfère au rapport et prend une somme
assez considérable d'argent qui, finalement, pourrait être
utilisée à meilleure fin. Je donne ou cite une façon.
Egalement dans un régime d'assurance directe, l'intervention du courtier
pour percevoir la prime ou courir après le client, tout cela, le
courtier le fait, mais cela lui coûte quelque chose. Il est
rémunéré pour cela, mais si on peut utiliser ses talents
pour conseiller véritablement le public sur combien d'assurance il a
besoin, à savoir: Est-ce que j'ai besoin d'assurance
supplémentaire? Est-ce que tu en as besoin? Evidemment, dans un
régime d'entreprise privée, dire: Voici, en voilà une
étude montrant quel assureur est le meilleur. Dans ton cas à toi,
cela devrait être à telle place. A mon sens, c'est revaloriser le
rôle du courtier. C'est lui enlever les tâches purement
administratives pour l'amèner à jouer un rôle beaucoup plus
de conseiller professionnel que présentement.
M. Lachance: Vous parlez aussi de responsabilité sans
égard à la faute. Je vous pose une question...
Responsabilité sans égard à la faute, mitigée. Je
pense aux blessures corporelles où, pour fins d'indemnisation, on
fixerait un taux je ne sais pas de $10,000 ou de $20,000.
Après cela, on pourrait avoir un recours devant les tribunaux, tel qu'il
existe actuellement. Est-ce que cela pourrait être fait? Je parle d'une
responsabilité sans égard à la faute, mitigée.
M. Gauvin: C'est la proposition des assureurs, effectivement, un
peu dans le sens que vous avez... C'est évident que cela peut être
fait, mais malheureusement, à moins qu'on change également
d'autres règles, cela reste les victimes qui sont les plus mal
compensées, dans le système actuel, qui sont les victimes de
grosses pertes. Cela va les laisser mal compensées. Dans l'enquête
des 1,691 victimes, il a été démontré que les gens
qui avaient en
haut de $10,000 de pertes recevaient 40% de leur perte
économique, ajoutez à cela la perte de jouissance de la vie et
tout ce qui devrait être ajouté. A ce moment, ces gens sont mal
compensés. Si vous établissez un régime et dites: Les
premiers $10,000 de perte, c'est un paiement automatique, une assurance directe
et en plus, ce seront nos recours habituels. Vous allez avoir exactement le
même système. Vous n'aurez pas réglé ces
problèmes. Vous allez conserver les iniquités du système
actuel pour les victimes de grosses pertes. C'est la raison...
AutoBAC, qui est le plan... Les intéressés ont
changé de nom deux ou trois fois. Je pense qu'ils l'ont même
changé. On connaissait leur plan. On n'avait pas de coût.On
n'avait pas reçu le coût du régime, mais on connaissait
effectivement le régime. On l'a examiné. Comme la position du
Barreau qui vous a été présentée, c'est la position
qui a été prise dans le mémoire présenté aux
membres de la commission lorsqu'on a tenu les audiences publiques. De la
même façon, la CSN, c'est la même présentation, plus
volumineuse peut-être, qu'elle nous a faite. Ces faits, nous les avions.
Pour les motifs que nous avons développés dans le rapport, nous
avons dit: Nous, fondamentalement, voulons indemniser tout le monde, justement
et adéquatement. Pour cela, il y a simplement une façon, c'est
s'orienter vers un système d'indemnisation directe.
Je n'aimerais pas poser des questions, mais j'aimerais simplement
souligner que, quand on parle des innocents, des gens qui n'ont rien à
voir... Je ne voudrais pas qu'on oublie également les dépendants
des personnes qui sont trouvées responsables dans notre système
actuel. Ils n'avaient rien à voir dans l'accident. Ils n'avaient
absolument rien à voir. Ils étaient assis chez eux, bien
tranquilles. La femme, avec ses enfants, était chez elle. Elle n'avait
rien à voir avec le fait que son mari a brûlé un feu rouge,
a heurté un individu ou s'est tué. Dans le système actuel,
s'il n'y a pas le chapitre B, c'est bien dommage.
Dans un système comme celui que vous préconisez, à
moins de prévoir un montant pour ces cas, elle ne serait pas mieux
placée. Qu'arrivera-t-il dans ces cas? Elle va se ramasser
bénéficiaire du bien-être social. Vous allez avoir tout un
système que vous mettez en vigueur.
Vous demandez aux gens de dépenser des énergies, des frais
juridiques pour prouver s'il avait tort ou non, pour décider si on va le
payer ou non et, finalement, quand tout cela est fini, ce que vous refusez de
la main droite, vous allez le lui donner de la main gauche. En fait, c'est de
dépenser des énergies de façon assez drôle.
M. Lachance: D'après les plaintes portées par les
gens concernant la responsabilité, on signale que cela prend des
années à régler ces cas. Cela prend tellement de temps
à régler... Avec votre système, cela serait-il
réglé en moins de trois ans ou de cinq ans? Actuellement, cela
prend au-delà de cinq ans et c'est pour cela qu'on parle de
responsabilité sans égard à la faute mitigée. Je
pense que les compagnies d'assurance parlent comme cela. Les courtiers aussi
font un genre de front commun pour être d'accord sur ce principe, mais
les grosses plaintes qu'ils ont à formuler vis-à-vis des
compagnies d'assurance indiquent que les règlements prennent des
années.
M. Gauvin: Oui, mais cela est dans un système
d'adversaire, mais finalement, ce ne sont pas les causes de $100 qui prennent
des années. Ce sont les grosses causes. Ce sont les causes importantes.
Dans un système où vous conservez le système
d'adversaires, le système de responsabilité, vous n'aurez pas
réglé le problème.
Je ne sais pas si vous avez pris connaissance d u Star du 28 janvier. On
fait référence à ce dont vous parlez, les délais,
à ce qui semble être je n'ai pas vu le jugement une
bataille entre le Fonds d'indemnisation des victimes d'actes criminels et un
assureur, à savoir qui paiera. Cela fait cinq ou six ans, deux ou trois
cours, et le juge Owen s'est choqué et il a dit que c'est
indécent. Cela fait deux ou trois fois... Il est clair qu'il faut payer
ce gars, mais il y en a un qui se bat. L'assureur se bat avec l'autre et cela
se rendra en cour Suprême. L'accident s'est produit il y a six ans,
$29,000 ou quelque chose comme cela. Je trouve cela indécent. C'est
inacceptable, en fait. Et vous n'aurez pas réglé cela avec le
système, préconisé par le Barreau... Je ne sais pas si
elle serait dans la situation pour le dire. Je la prends comme exemple. Vous
conservez la situation en conservant notre système d'adversaires. Je
trouve un peu normal que les victimes, surtout celles qui sont
enterrées, ne peuvent venir vous dire ce qu'elles ont perdu, mais vous
n'avez pas eu beaucoup de victimes qui sont venues vous dire comment elles
avaient été maltraitées dans le système, sauf un
cas assez pathétique, et si vous conservez le système actuel,
vous faites affaires avec d'autres et chacun essaie de ne pas payer, vous allez
alors conserver les iniquités que le système actuel comporte.
M. Lachance: Dans le système actuel, il y a aussi une
grande quantité d'automobilistes qui ne sont pas assurés. Je
pense que 25% ou 30% de la population n'est pas assurée.
M. Gauvin: C'est plutôt 10% à 15% qui ne sont pas
assurés.
M. Lachance: A ce moment, s'il y avait une assurance obligatoire,
le gars qui achète une automobile ou qui va chercher ses plaques
d'immatriculation serait obligé de s'assurer. Cela pourrait-il baisser
le taux d'assurance?
M. Gauvin: Si on disait que cela va baisser les taux, c'est que,
dans le moment, on finance le Fonds d'indemnisation par le truchement des
assurés, alors, cela pourrait être cette partie. Pour le reste,
cela ne changera rien. Il y a des provinces où on a fait la
réforme suggérée. Dans le rapport, on a fait une
espèce d'historique pour voir quelle sorte de réforme on pourrait
faire et on a rejeté celle-là parce qu'on dit: D'accord, vous
amenez plus de victimes qui auront droit à l'indemnisation, mais en
plus, il faut s'entendre. Les victimes déjà non assurées
vont
au Fonds d'indemnisation des victimes d'actes criminels et elles y ont
droit. Alors, vous n'amenez pas beaucoup plus de victimes qui ont droit
à l'indemnisation, mais elles vont être mal traitées quand
même.
M. Lachance: Oui, mais si tout le monde est assuré
à ce moment, le Fonds d'indemnisation des victimes d'accidents
d'automobile n'a plus lieu de persister.
M.Gauvin: II y en aura toujours un. Même, il n'y a pas un
Etat qui ait réussi à avoir un régime d'assurance
obligatoire et la plupart des pays ont cette mesure depuis bien longtemps. On
ne l'a pas eue au Québec. Ne me demandez pas pourquoi, mais la plupart
des pays l'ont eue et ceux qui l'ont ont des contrôles. Il y a toujours
des gens qui s'échappent. Il y a toujours des gens qui peuvent conduire,
à un certain moment, sans plaque d'immatriculation; l'Etat de New York a
fait une enquête et a trouvé un nombre assez élevé
de gens qui conduisaient sans assurance, même avec l'assurance
obligatoire.
Dans une telle mesure aussi, il ne faut pas oublier une chose. Vous
imposez l'assurance obligatoire, d'accord, mais vous aurez des contrôles
à instaurer et vous instaurez des contrôles pour protéger
les tiers.
Dans un système où vous dites à tout le monde: Si
vous ne vous assurez pas, vous n'aurez pas le droit à une indemnisation,
c'est un drôle d'incitatif à s'assurer et, à ce moment, vos
contrôles ont besoin d'être moins forts que lorsque vous voulez
forcer quelqu'un à s'assurer pour les dommages qu'il cause à
l'autre.
Dans l'Etat de New York, on dépensait des sommes assez
considérables pour vérifier, avec des "slips" et tout ce que vous
voudrez, si l'individu est assuré.
M. Lachance: Une dernière question, M. Gau-vin. Si votre
rapport était accepté intégralement, pourrait-il
être appliqué par étapes?
M. Gauvin: Est-ce que je peux consulter mes collègues?
M. Lachance: Oui. M. Tetley: Un caucus.
M. Gauvin: En fait, il faut s'entendre. Vous dites par
étapes. La première partie qui traite de la
sécurité routière, c'est une chose, et il faut que le
gouvernement agisse. Pour les deux dernières parties, je pense qu'on
peut changer le régime d'indemnisation et peut-être ne pas faire
toutes les mêmes réformes en administration, mais on n'aura pas
les mêmes économies.
On peut très bien faire une chose à une place et faire
différent à l'autre, mais vous n'aurez pas les mêmes
résultats. Pour obtenir les mêmes résultats que ceux que
nous nous étions fixés, soit amener la population du
Québec à réduire ses primes, je pense qu'il faut appliquer
le rapport dans ces parties-là, intégralement.
M. Lachance: Mais pas par étapes.
M. Gauvin: Cela ne peut pas se faire par étapes.
M. Lachance: Cela ne peut pas se faire.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Taschereau.
Responsabilité sans égard à la
faute
M. Bonnier: M. le Président, en ce qui regarde
l'application du régime de responsabilité sans égard
à la faute, vous avez déjà dit, d'une façon
globale, que vous aviez examiné, évidemment, les coûts,
mais, en particulier, pourriez-vous nous donner un ordre de grandeur de la
répercussion sur le coût des primes de l'implantation de ce
système puisque, avec le système actuel, quand même,
certaines compagnies d'assurance peuvent récupérer un certain
montant des sinistres pour lesquels elles ont payés? Autrement, c'est
une espèce d'assurance-accident directe, je fais affaires avec ma
compagnie d'assurance, elle me paie dans tous les cas. Est-ce qu'il y aurait,
selon vous, une majoration substantielle des primes à cause de ce
système?
M. Gauvin: En fait, dans le système actuel, il est bien
évident que l'assureur en collision...Vous faites plutôt
référence à...
M. Bonnier: Collision.
M.Gauvin:... la collision, qui paie son assuré et
récupère de l'autre. Mais cela, on en tient compte dans la
fixation du tarif. En fait, l'assureur n'a pas établi... S'il fallait
qu'il fasse cela, il ferait de beaux profits et les profits ne sont pas aussi
élevés que certains le laissent entendre.
Mais, effectivement, lorsque l'assureurétablit le prix de son
produit pour l'assurance-collision, il tient compte que, dans une certaine
proportion, il va récupérer d'un autre. C'est déjà
là; il n'y aura pas d'augmentation de tarif à cause de cela parce
que, dans le système actuel, vous vous assurez pour les dommages
matériels que vous causez à autrui et vous vous assurez
(assurance-collision) pour les dommages que vous subissez, en même temps
que vous en faites à d'autres. Mais vous ne vous assurez pas, en somme,
pour les dommages que d'autres vous font. Ce sont les autres qui paient. Alors,
il n'y aura pas de majoration de prime à cause de
l'élément de subrogation qui existe entre assureurs, lorsqu'ils
vous paient; c'est déjà là.
M. Bonnier: II y aurait même, peut-être, si on se
réfère à certaines de vos données, des revenus
supplémentaires, des "manques de pertes" parce que vous dites que vous
évaluez, je pense, à $1,500,000, ou quelque chose comme
ça, des pouvoirs de subrogation pour des...
M. Gauvin: C'est l'Etat qui subroge, en fait,
l'assurance-maladie...
M. Bonnier: Quant à l'Etat, M. Gauvin, ou les autres,
n'êtes-vous quand même pas d'accord pour dire que, justement, dans
le calcul de l'assurance-maladie ou des autres régimes, lorsque ces
calculs ont été établis, c'était avec la
considération que l'Etat pouvait avoir des pouvoirs de subrogation? Si
on les enlève, il faudra aussi relever nos primes.
M. Gauvin: Oui, mais il ne faut pas oublier que tout cela vient
du même portefeuille, effectivement. Ce que nous avons dit dans le
rapport, c'est que, lorsque vous passez par le mécanisme de
l'assurance-automobile, vous passez par un mécanisme qui est quand
même très inefficace, qui retourne, dans le moment, $0.60 dans le
$1. Il y a beaucoup d'argent versé qui ne sert pas à ces fins. Ce
que nous avons dit, c'est que nous croyons, et c'est une des recommandations
fondamentales du comité, que l'assurance-automobile devrait payer tous
les coûts encourus lors d'accidents. Nous l'avons dit, et c'est dans ce
sens que nous ne voulons pas passer à d'autres régimes, nous
voulons que l'assurance-automobile soit le premier payeur. AutoBAC veut que
l'assurance-automobile soit le deuxième payeur, par exemple. Nous, nous
voulons que ce soit réellement l'assurance-automobile qui paie tous les
coûts. Mais le faire de la façon la plus équitable ou la
moins onéreuse possible.
En fait, nous n'avons pas pris position pour que l'Etat n'ait plus
à percevoir cet argent, même des automobilistes, mais, si cela
représente $3, la valeur de la subrogation, par conducteur au
Québec, on pourra augmenter le permis de conduire, on pourra augmenter
les plaques d'un montant équivalent pour que l'Etat ne le perde pas.
Mais on va avoir économisé en fait, tous les mécanismes
qui sont nécessaires pour faire cette subrogation. Je pense que le $1.5
million auquel vous faites référence, c'est ce qu'on a
évalué comme étant l'argent qui était perdu
inutilement parce qu'il faut avoir, en fait, beaucoup de gens qui s'occupent
d'aller chercher la subrogation. Vous pourriez simplement la faire sur une
moyenne et dire: La subrogation nous aurait rapporté tel montant et on
va aller le chercher à même la mesure la plus efficace possible
pour ne pas perdre d'argent dans la transaction. Ou vous pouvez faire une
grosse bâtisse avec beaucoup de gens qui vont brasser beaucoup de papiers
pour aller chercher le même argent, mais cela va coûter plus
cher.
M. Bonnier: Mon autre question est en relation avec un
commentaire du mémoire de la CSN relativement au pourcentage des primes
qui retourne effectivement à l'assuré. En particulier, ils
reprochent au comité Gauvin de ne pas avoir tenu compte des revenus de
placement sur les primes qui sont, selon eux, un manque à gagner pour
l'assuré, alors que, dans d'autres régimes, on en tient
compte.
M. Gauvin: Nécessairement, le rapport est peut-être
trop condensé, mais je pense qu'on l'a quand même très bien
traité, pour autant que je suis concerné, mais on est très
mauvais juge dans sa propre cause.
M. Bonnier: Vous soulignez, je pense, dans un paragraphe,
qu'intentionnellement vous n'en avez pas tellement tenu compte, parce que vous
n'avez pas calculé que c'était effectivement un manque à
gagner de la part des assurés.
M. Gauvin: En fait, il faut bien comprendre. Dans le
système d'entreprise privée, les assureurs ont un capital de
risque. Ce sont eux qui mettent ce capital et, quand il y a des pertes, c'est
à même leur capital qu'ils vont les assumer. En fait, comme
assureurs, ils s'engagent à prendre les écarts par rapport
à la normale, si on veut employer l'expression. C'est-à-dire que,
si telle chose est arrivée parce qu'on a mal établi nos tarifs,
c'est nous qui le supportons. Ils prennent un risque comme actionnaires. Comme
tels, ils ont droit à une juste rémunération du capital de
risque. Nous, à la page 237, on a fait une analyse de ce que, dans les
dernières années, les assureurs avaient réalisé sur
leur capital. Nous en sommes venus à la conclusion que cela ne nous
paraissait pas exorbitant.
M. Bonnier: C'est sur le capital investi, tandis que l'autre
question est sur...
M. Gauvin: Oui, mais nous en tenons compte. Si vous regardez
comment cela a été fait, on a dit: II y a de l'argent sur les
investissements. Sur les investissements, cela comprend la prime des
assurés également. On a totalisé, en fait, tout ce que les
assureurs avaient fait de profits ou de pertes, parce qu'ils ont fait certaines
pertes et on a dit: Par rapport au capital de risque, qu'est-ce que cela fait?
Ces profits viennent, en fait, des investissements du capital des actionnaires;
ils viennent également de l'investissement des primes que les
assurés paient d'avance. Ils viennent également du profit
prévu dans les primes d'assurance et qu'ils ne réalisent pas
toujours. En moyenne, ils réalisent un certain profit. Vous
comptabilisez la somme de cela et vous faites le rapport des profits au capital
que les actionnaires ont et vous arrivez à un taux de 15.7% pour la
période de 1965 à 1971.
Quand on compare à d'autres industries, on se rend compte que
c'est dans la bonne moyenne; alors, on dit: Si le capital est
nécessaire, il est simplement justement, rémunéré.
A ce moment-là, il n'y a pas de réduction à obtenir,
à moins qu'on ne puisse en arriver à la conclusion que le capital
n'est pas nécessaire. A la fin du rapport, lorsqu'on parle de l'avantage
de l'Etat et de l'entreprise privée, on dit: Même dans l'Etat, il
y a une forme de capital qui est le droit d'appel de toutes les pertes qu'on
fait à l'assuré. Effectivement, quand vous établissez une
grosse mutuelle au lieu de l'Etat, on peut parler d'une grosse mutuelle
où les assurés sont captifs, si vous perdez de l'argent
une année, l'année suivante, vous le leur ferez payer. A ce
moment-là, c'est l'assuré qui supporte le risque, qui remplace le
capital et, comme tel, on n'a pas à en tenir compte.
Je sais très bien que la CSN nous l'a reproché. Que
voulez-vous, c'est peut-être dans leur philosophie.
M. Bonnier: Cela dépend du calcul. C'est bien sûr
que l'Etat doit quand même capitaliser jusqu'à un certain point
pour mettre sur pied une entreprise d'assurance.
M. Gauvin: Oui.
M. Bonnier: C'est peut-être le rendement sur le capital
investi qu'on ne calcule pas à ce moment-là dans une entreprise
d'Etat. D'ailleurs, l'Etat va être obligé d'emprunter sur le
marché pour financer. Il y a un manque à gagner quelque part.
M. Gauvin: Oui, cela, il faut en tenir compte, mais, en
assurance, cette année, les primes vont probablement dépasser
$500 millions. Vous savez, ce serait quand même temporaire. Le
problème, c'est que, lorsque vous avez un monopole il y en a
en fait, ils ont toujours la possibilité de
récupérer toutes leurs pertes et, finalement, c'est le
consommateur qui les paie, ces pertes
Evaluation des dommages
M. Bonnier: J'ai une autre question dans un autre ordre
d'idées; vous me le direz si je prends trop de temps, M. le
Président. Une façon d'épargner, c'est de contrôler
le mode de réparation ou l'évaluation des dommages dans un
sinistre. On pourrait peut-être recommander qu'il y ait des centres
d'évaluation, quoique certains ont dit que ce n'était pas
efficace, mais d'autres sont venus nous dire je pense que c'est
Allstate, ou une autre compagnie je ne sais pas quoi qu'ils en ont, qui
effectivement sont ouverts même le samedi et après cinq
heures.
Mais, quand on regarde un régime comme celui de la Saskatchewan,
ils ont cru nécessaire de juxtaposer à côté de ces
centres d'évaluation leur propre garage de réparations, leur
centre de réparations, de façon à dire: Ecoutez, si vous
ne trouvez pas un garage, nous on va en avoir. C'est ce que j'ai entendu
dire.
M. Gauvin: Je m'excuse, je pense que vos informations... Selon
celles que je possède, ce qu'ils ont, c'est ce qu'ils appellent un
"salvage division".
M. Bonnier: "Salvage division", mais "repair division" aussi.
M. Gauvin: Non.
M. Bonnier: Non?
M. Gauvin: C'est peut-être nouveau mais disons...
M. Bonnier: Moi, c'est ce que j'ai entendu dire, il y a quinze
jours. Ce n'est peut-être pas exact. C'est parce qu'ils étaient en
face du problème que les centres d'évaluation faisaient une
évaluation, mais, par ailleurs, ils ne trouvaient pas de garages qui
pouvaient la faire à ces prix. Alors, ils se sont dit: C'est bien
simple, si vous ne trouvez pas de garage, nous on va vous en
référer un. En tout cas, ils pourraient le faire.
La question que je voulais poser est celle-ci. Est-ce qu'on peut mettre
sur pied des centres d'évaluation je ne sais pas s'ils devraient
être contrôlés par l'Etat ou par les assureurs; de toute
façon, ils devraient être contrôlés par quelqu'un
mais, en même temps, avoir un système de réparation
ou de "salvage"? Cela, c'est peut-être l'endroit où vous allez
chercher vos pièces, mais vous êtes obligé de
réparer vous-même.
Est-ce que ça n'est pas exigé à côté
d'un système?
M. Gauvin: A mon sens, ce n'est pas absolument nécessaire.
Peut-être que M. Rankin voudra ajouter son expérience ou ce qu'il
a vu en Allemagne, mais effectivement, en Suède, ils ont des centres
d'évaluation et un assureur au moins a son propre garage simplement pour
connaître en fait comment cela se fait et quels sont les coûts pour
négocier. Ils s'en servent beaucoup plus comme outil de
négociation à ce moment-là, pour savoir ce que ça
coûte véritablement d'exploiter un garage, effectivement, comment
ça prend de temps pour les normes. Ils s'en servent beaucoup plus de
cette façon que réellement pour avoir des centres de
réparation un peu partout.
Ceux que nous avons eu l'occasion de voir, on s'en servait plus comme
outil d'élaboration des normes ou des coûts, etc. Cela peut exiger
de le faire, oui.
M. Rankin: Le problème voulant que tout garage doit faire
les réparations au coût que l'évalua-teur a fixé,
dans plusieurs juridictions, a été déjà
résolu. Prenez la situation au Massachusetts qu'on a visité, et
en Floride aussi où on a visité un centre d'évaluation qui
appartient à une grosse compagnie d'assurance. Evidemment, cela peut se
trouver seulement dans une grande ville. Ils ont un groupe de garages qui ont
fait un accord avec la compagnie de faire les réparations selon
l'évaluation donnée. Ces garages ont trouvé qu'ils perdent
sur un contrat, ils gagnent sur l'autre. Ils ont confiance dans
l'évaluation donnée.
Une Voix: Cela ne posait pas de problème?
M. Rankin: Non, ça ne posait pas un problème en
pratique. La deuxième chose, le garage aime ça, parce que, quand
le système a fait son rodage, il n'a pas besoin de faire
l'évaluation lui-même qui est une procédure assez
dispendieuse pour chaque garage.
Au Manitoba, par exemple, M. Gauvin et moi sommes allés voir un
garagiste et il nous a dit que, maintenant, il accepte l'évaluation. Il
ne la fait pas lui-même. Cela lui épargne beaucoup d'argent.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député d'Iberville.
M. Tremblay: M. le Président, M. Gauvin, afin d'ajouter un
peu d'humour à cette sérénité qui préside
notre rencontre de ce matin, vous avez parlé de brasseurs de paperasse
c'est une expression assez typique qui se retrouve souvent dans les
conversations entre députés vous référant
surtout à la bureaucratie gouvernementale. Seriez-vous d'accord avec
nous pour nous dire que les maîtres brasseurs experts de la paperasse au
Québec, c'est précisément ici où nous sommes?
M. Gauvin: Je n'ai pas la compétence pour vous
répondre. Est-ce que vous voulez former une commission d'enquête
pour étudier ce problème?
M. Tremblay: Merci. M. Rankin, je parcours avec une
mémoire photographique pas toujours fidèle ce rapport
intéressant que M. le ministre nous a présenté ce matin,
hélas à court terme; je dois le lui reprocher.
M. Tetley: Je vous ai présenté un exemplaire il y a
un mois, monsieur, à tous les membres ici.
M. Tremblay: Je m'excuse, je ne l'avais pas eu.
M. Tetley: Je sais qu'avant Noël nous étions tous
très occupés avec des "filibusters" ; on siégeait
jusqu'à minuit tous lés soirs.
M. Tremblay: Probablement que nos brasseurs de paperasse,
précisément, ont fait la lessive.
M. Tetley: Oui. C'est parmi votre paperasse, quelque part.
M. Tremblay: A toutes fins pratiques, M. Rankin nous avait
déjà exprimé verbalement plusieurs des commentaires qu'il
a consignés dans ses notes. Je trouve quelques points très
intéressants, sur lesquels je ne voudrais pas m'étendre trop
longtemps, mais poser possiblement les questions pertinentes.
Concernant votre quatrième réaction, à la page 6 de
vos commentaires, vous dites: "II est évident que certaines
recommandations du rapport ne peuvent pas plaire aux intéressés",
cela est tout à fait normal.
Et vous ajoutez, par exemple: "Mais essayer de tout détruire dans
le rapport vous référant naturellement à ceux qui
ont présenté des mémoires sauf peut-être pour
la fameuse section sur la sécurité routière, me
paraît comme une tactique douteuse".
Soutenant l'allégation que vous nous soumettez, quel serait,
d'après vous, M. Rankin, le motif ayant présidé à
cette attitude de la part de ces présumés objecteurs au rapport
Gauvin?
M. Rankin: Je trouve que cela vient de la peur et de la mauvaise
compréhension des recommandations du rapport. Je ne trouve pas que c'est
une question d'être malin. Je cite un exemple plus loin dans mes
remarques. La plupart des mémoires ont rejeté le plan
d'indemnisation proposé. Je crois que cela est vrai. Je parle, par
exemple, des mémoires des diverses associations de courtiers, comme la
Fédération des courtiers a rejeté notre plan. Pour un
expert, c'est difficile de dire que notre plan n'était pas un bon
plan.
Comme je le dis un peu plus loin, je comprends leur attitude, mais notre
plan d'indemnisation, pour un courtier, on doit admettre que c'est un plan
très riche. Mais ils ont dit: Non, on va vers le plan d'Au-toBAC. Ils
auraient dû dire, en tant qu'experts: Le plan d'AutoBAC nous paraît
peut-être plus facile d'exécution, au lieu de mettre en doute
l'évaluation d'une telle façon... Je ne me souviens pas
exactement des mots, mais le porte-parole de l'Association des courtiers a dit:
C'est une question pour les actuaires. Mais un courtier doit être capable
d'évaluer un plan d'indemnisation au point de vue des victimes. Il n'est
peut-être pas capable, sauf dans les grandes lignes, d'évaluer les
coûts de ce plan. Je crois que les commentaires étaient mal
exprimés par le porte-parole. Ils ont dit: Nous craignons que les
coûts ne soient trop élevés. C'est autre chose.
C'est une question à discuter entre les actuaires. Nous avons eu
d'autres évaluations. Il y a deux autres actuaires qui ont
été consultés par les autres groupes et qui en sont
arrivés à peu près au même coût au point de
vue du plan d'indemnisation, mais qui ont discuté de certaines
questions, des problèmes administratifs. Peut-être que j'ai
été un peutrop sévère, je m'en excuse, mais je
trouve que, d'abord, les réactions étaient bien
compréhensibles. Ils n'ont pas cherché les explications, ils
n'ont pas compris l'objectif. Je cite l'exemple des courtiers; en changeant
leur rôle, on leur enlève beaucoup de leurs dépenses. Ce ne
sont pas les courtiers qui vont être frappés, ce sont les commis
de bureau. Ils n'ont plus besoin autant d'un comptable, ils n'ont plus besoin
d'une réceptionniste.
M. Tremblay: Je vous remercie. Dans les pourparlers que vous avez
eus au sein de votre mandat au comité Gauvin, vous avez certainement
dû avoir des consultations assez fréquentes avec ces groupes qui,
après, sont venus présenter des mémoires à la
commission.
M. Rankin: Est-ce que M. Gauvin... M. Gauvin: II est bien
évident que...
M. Tremblay: Le BAC, par exemple, les courtiers, les avocats.
M. Gauvin: En fait, le BAC, le Barreau, les courtiers nous ont
présenté effectivement des mémoires. Nous avons
également eu l'occasion de les rencontrer dans d'autres circonstances,
pour obtenir des éclaircissements, lors de la durée du mandat, et
nous avons demandé, au moins aux courtiers je peux en nommer deux
même au Barreau, de nous fournir des renseignements
supplémentaires.
En fait, les problèmes ont été... On ne leur a pas
dit les options que nous prenions. Il est bien évident que le rapport du
comité devait être remis au conseil exécutif tel que le
mandat le stipulait. Personne ne l'a vu avant qu'il soit remis aux
autorités, mais les
gens ont eu l'occasion de nous dire ce qu'ils pensaient.
Il y a des groupes qui nous ont dit très peu de chose. Des
mémoires présentés par certains groupes ne disaient pas
grand-chose. Vous avez eu à peu près la même chose. Si vous
regardez certains mémoires qui ont été
présentés ici, on disait: Oui, on est d'accord sur la
sécurité routière, on est d'accord sur tout ce qui nous
touche. Ce qui nous touche, on n'en parle pas. On disait: On ne veut rien
changer.
M. Tremblay: Naturellement, ceux qui semblent, à mon avis
du moins, le plus sensibilisés, ce sont les assureurs, le BAC comme tel,
le Bureau des assurances du Canada. Depuis l'automne dernier, nous remarquons
que, maintenant, ils se font connaître un peu plus au public
qu'auparavant. C'est peut-être une réaction heureuse qu'ils ont
eue face au travail du comité Gauvin et aux sessions actuelles,
publiques, de la commission parlementaire.
Ce fameux BAC, qui se réclame finalement être l'industrie
de l'assurance au Canada, il faut toujours lui accorder ses lettres de
créance comme telles. Est-ce qu'il a eu lui-même une influence
réelle, non pas sur vous, mais sur les délibérations du
comité Gauvin? Autrement dit, est-ce que vous avez pris en
sérieuse considération l'avis des assureurs ou si eux-mêmes
n'ont pas semblé vouloir vous communiquer une réelle portion de
leurs convictions?
M. Gauvin: Effectivement, je pense qu'on n'a pas plus tenu compte
de l'avis des assureurs que de l'avis d'autres parties
intéressées. On a traité tout le monde de la même
façon. Les assureurs nous ont fait connaître leur point de vue.
Ils nous ont fait connaître l'AutoBAC, le plan qu'ils
préconisaient. Nous en avons tenu compte. Nous avons dit: Nous le
rejetons pour les motifs suivants.
Ce que je trouve quand même assez intéressant, suite aux
discussions de la commission parlementaire, c'est que, fondamentalement, il n'y
ait aucun chiffre qui ait été cité dans le rapport selon
lequel, par exemple, les assurés ne reçoivent que 60% de la
prime. On n'a démontré nulle part que c'était inexact. En
fait, fondamentalement, pour les données qui sont contenues dans le
rapport, il n'y a personne qui est arrivé ici, à mon sens, pour
vous dire qu'elles ne sont pas exactes. Les assureurs, que ce soit le BAC ou
d'autres, sont obligés d'admettre qu'ils ne retournent que $0.60 dans la
piastre aux assurés. C'est quand même important.
Il n'y a pas eu, à mon sens, de véritables preuves selon
lesquelles les victimes sont mieux traitées qu'on l'a dit. La
délibération des membres a tenu compte des avis des gens. On vous
dit: Les assureurs nous ont fait connaître des données. On les
leur a demandées à plusieurs reprises, parce qu'ils avaient, par
leur agent en statistiques, des renseignements. Nous avons, à plusieurs
reprises, exigé d'eux ils ont toujours collaboré de
nous fournir des renseignements sur les délais, sur les coûts. Les
experts consultants que nous avons retenus sont allés les voir, ces
gens. Ils sont allés voir également les assureurs et les
courtiers. Ils nous ont fait rapport. C'est à l'aide de ces
études que nous avons finalement pris notre responsabilité et
dit: Pour nous, pour résoudre le problème, c'est ce qu'il faut
faire.
M. Rankin: Excusez, M. le Président, je peux
peut-être ajouter quelques mots. Vous faites référence
avant le rapport. Avant le rapport, nous avons eu une collaboration très
étroite avec tous les intéressés. On ne peut demander
beaucoup mieux. Après le rapport, on en parle, bien entend u, mais par
exemple, les gens comme ceux du BAC qui n'ont pas compris du tout cette
conception de "direct selling". Ils ne nous ont pas consultés pouravoir
les éclaircissements. C'est cela que j'ai trouvé curieux, c'est
peut-être la raison pour laquelle j'ai été un peu
sévère.
M. Tremblay : A la page 8, principales questions soulevées
pendant les séances subséquentes de la commission parlementaire,
concernant la responsabilité comme principe d'indemnisation, me
référant aux paragraphes a), b) et c), je vous demande de nous
fournir précisément les explications pertinentes que vous nous
offrez à la fin de votre texte, disant: "Je crois que toutes les
questions de tarification sur le dossier de conduite méritent
d'être expliquées si les députés le veulent".
Naturellement, je vous demande une explication sommaire pour nous ramener un
peu dans le contexte de ce grand principe.
M. Rankin: Je vais essayer d'expliquer cela, M. le
Président, un peu à la façon de l'homme dans la rue.
M. Tremblay: Allez-y:
M. Rankin: Je vais demander à M. Gauvin d'ajouter ses
remarques, parce que c'est une question technique. J'ai étudié
cette question, parce qu'à première vue, comme comptable et comme
économiste, j'ai eu les mêmes réactions que la populace. On
est obligé de payer pour un accident, quand on est déjà
assuré. Ce semble être un non-sens. Le problème est le
suivant: Si vous prenez 1,000 personnes, un échantillon de 1,000
automobilistes, il y a un certain pourcentage parmi eux qui sont de mauvais
risques, soit parce qu'ils sont de mauvais conducteurs, soit parce qu'ils sont
des "accident prone", soit parce qu'ils utilisent beaucoup leur
véhicule, par exemple parce qu'ils sont dans un cas très commun,
celui du type, avec une voiture, qui fait la livraison pour les
supermarchés le vendredi ou le samedi, sans changer pour cela sa police
pour une voiture commerciale.
Ces gens font un pourcentage, parce qu'il faut donner un chiffre. Par
1,000, il y en a une vingtaine ou une soixantaine: après une certaine
période, il y en a une centaine qui vont avoir un accident. Dans les 900
qui restent, il y a encore des mauvais conducteurs et des "accident prone".
Mais le pourcentage est moins élevé que dans les 100 qui ont
déjà un accident. A chaque année où vous
progressez, vous allez discerner un peu plus exactement ce
groupe que vous voulez. Ce que nous avons dit dans nos discussions,
c'est qu'il y a peut-être d'autres moyens de mettre le doigt sur ces
gens. Comme il a été suggéré assez souvent, par
exemple une tarification qui tienne compte des points de
démérite. Faute de cela, c'est une situation exacte.
L'idée n'est pas de vous punir pour l'accident, parce qu'on trouve que
vous êtes un mauvais risque, mais vous étiez déjà un
mauvais risque au début, mais on n'était pas capable de le
discerner. C'est seulement quand vous avez eu un accident, comme on l'a vu, que
vous vous trouvez parmi les mauvais risques. Je vais laisser M. Gauvin
préciser un peu plus.
M. Tremblay: C'est, en définitive, vers ce principe de
tarification que vous tendez au sein des recommandations du comité, en
vue d'améliorer le système de classification des risques, au
fond.
M. Rankin: Oui.
M. Gauvin: Le système est très mal vu du public qui
croit être puni parce qu'il a eu un accident. Mais, dans les faits, ce
n'est pas la raison.
M. Tremblay: Mais le système est établi par les
assureurs...
M. Gauvin: Actuellement, oui.
M. Tremblay:... en vertu des critères
généraux que M. Rankin vient de définir...
M. Gauvin: C'est cela.
M. Tremblay: ... et en vertu également des renseignements
qu'ils peuvent obtenir par le dossier des personnes qui ont perdu des points,
etc. Tout cela est consigné dans les bureaux des assureurs, sans doute.
Chaque compagnie le fait-elle à son gré ou si c'est le BAC, dans
l'ensemble des compagnies qui font ça?
M. Gauvin: J'aimerais mieux... Vous posez des questions sur le
BAC. Je pense qu'il est venu... Le BAC a un agent qui s'occupe de statistiques
et vous avez probablement le surintendant des assurances qui peut
répondre. Vous avez un agent qui s'occupe de statistiques et qui, lui,
compile les renseignements au niveau de tous les assureurs. C'est fait pour
l'ensemble...
M. Tremblay: Ah bon!
M. Gauvin: Nous, ce qu'on a trouvé, c'est que le
système était boiteux, en ce sens qu'il ne permettait pas des
évolutions rapides de la classification des risques. Il fallait
justement amener une réforme au système de statistiques. On en a
parlé dans le rapport.
M. Tremblay: La classification des risques, si je comprends bien
vous allez m'excuser; ce n'est pas un langage qu'on parle tous les jours
c'est déterminé par des gens du Bureau des assurances du
Canada et des gens du surintendant. C'est cela? Il y a un bureau qui
existe...
M. Gauvin: Le modèle statistique est
déterminé par un agent qui s'occupe de statistiques, qui est sous
la responsabilité de l'Association des surintendants d'assurance...
M. Tremblay: Ah bon!
M. Gauvin: Mais il est dirigé, en fait, par le Bureau
d'assurance du Canada. Ces gens recueillent les statistiques selon une
donnée, mais ce qu'il ne faudrait pas oublier, nécessairement,
c'est que, selon les données que vous recueillez, selon le genre de
données, cela impose des limites quant aux classes que vous allez faire
par la suite. Si vous voulez classifier les gens divorcés et, dans les
statistiques, vous ne recueillez pas ce renseignement, vous allez avoir des
difficultés à le faire.
M.Tremblay: D'accord! Merci beaucoup. J'avais pris une autre note
pour terminer...
M. Rankin: Je vais vous citer un autre exemple. Dans les
âges, on peut avoir des statistiques pour chaque catégorie
d'âge des conducteurs. Les statistiques qui sont disponibles actuellement
sont déjà groupées selon les genres de primes et les
tarifications actuelles. Prenez l'exemple d'une compagnie d'assurance qui veut
accorder une prime différente pour les gens de 47 ans. Il n'est pas
capable d'aller dans le plan statistiq ue et de savoir si son hypothèse
est bonne. Il n'est pas capable de voir si une Chevrolet est un meilleur risque
qu'une Ford. Le plat est déjà cuit avant qu'il lui soit
présenté.
M. Tremblay: C'est bien. A la page 10, et je vais terminer avec
cela, vous vous référez à une citation de M. Moreau
lorsqu'il est venu présenter le mémoire du Bureau d'assurance du
Canada, M. Moreau disait: "Les régimes proposés par le
comité d'étude et par le BAC sont sensiblement les mêmes.
Il est donc évident qu'une étude faite conjointement par les
spécialistes du gouvernement et les assureurs pourrait rapidement
conduire à un compromis idéal pour le consommateur". Ne
voyez-vous pas là une formule valable de consultation pouvant apporter
des éléments de solution au problème du principe
d'indemnisation?
M. Rankin: Oui. Remarquez que ces remarques de M. Moreau se
rapportent aux différents systèmes de dommages matériels.
Les différences entre le système du BAC et le nôtre sont
des différences techniques. Je crois que nous avons déjà
examiné l'expérience dans certains Etats où le mode
d'application que nous avons suggéré existe déjà
dans une mesure ou une autre. Nous avons essayé d'en profiter de leurs
erreurs dans leurs innovations pour proposer quelque chose qui soit le plus
à jour. Le système du BAC est sensiblement le même. Il y a
certaines nuances que nous avons apportées et que nous
considérons être là pour des raisons très
spécifiques.
M. Gauvin: Excusez-moi. On parle du BAC au niveau des dommages
matériels seulement.
M.Tremblay:Oui. Il l'indiquait aussi dans son...
M. Rankin: II n'y a certainement pas beaucoup de
différence. Par contre, si vous parlez des mémoires du Barreau,
où il est question de supprimer le droit de subrogation dans les
dommages matériels, cela soulève un problème technique
très épineux, je crois. S'ils vont consulter les
spécialistes, ils vont trouver que ce n'est pas si facile qu'à
première vue.
M. Tremblay: Comme dernière question
complémentaire, cela vous demanderait-il une recherche ou avez-vous cela
de mémoire? Quel est le pourcentage des réclamations globales de
dommages matériels à l'automobile à comparer aux dommages
physiques à la personne?
M. Gauvin: C'est 65%-35%. A peu près.
M. Tremblay: Cela correspond-il aux statistiques des
assureurs?
M. Gauvin: Non. Vous parlez de montants. C'est le
pourcentage.
M. Tremblay: Le nombre de réclamations pour des dommages
matériels? C'est 65%.
M. Gauvin: Non. Pas le nombre, le montant impliqué.
M. Tremblay: Je veux dire le pourcentage.
M. Rankin: Le nombre.
M. Tremblay: En dollars ou en...?
M. Gauvin: En dollars. En nombre, il est évident que le
nombre de blessures...
M. Tremblay: ... peut varier.
M. Gauvin: ... est beaucoup plus bas que... Le rapport, je ne
l'ai pas.
M. Tremblay: Mais les réclamations en dollars, c'est 65%
pour les dommages matériels et c'est 35%...
M. Gauvin: Avec une marge d'erreur...
M. Tremblay:... pour les dommages physiques. Cela correspond-il
à leurs statistiques?
M. Gauvin: Oui.
M. Tremblay: Et les fameux règlements pour dommages
matériels se règlent-ils vite ou y a-t-il encore des causes
pendantes indéfiniment?
M. Gauvin: En fait, dans l'analyse des délais, on avait
distingué les cas de blessures corporelles et les cas de dommages
matériels avec blessures corporelles et les cas de dommages corporels
seulement. Il est quand même surprenant de trouver... Il y a même
des cas où il y a simplement des dommages matériels et les
délais sont relativement longs. Une des raisons, c'est qu'on fonctionne
dans un système d'adversaires. Il faut commencer par prouver qui est
responsable et aller voir son assureur. Dans un système d'assurance
directe, vous allez vous adresser immédiatement à votre assureur.
Il pourra prendre les mesures appropriées. Vous n'attendez jamais
après un autre.
M. Tremblay: D'accord. Merci.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Laurier.
Coûts cachés
M. Marchand: Je m'adresserais à M. Gauvin. Le premier
ministre de l'Ontario, le 2 novembre, à une conférence aux agents
d'assurance et aux courtiers, faisait une déclaration que je cite: "Even
a cursory examination of premium costs and benefits, to say nothing of hidden
costs in Manitoba, Saskatchewan and British Columbia, reveals that these people
are either deluding themselves or deliberately misleading the public by
engaging in some very cunning book-keeping". Pouvez-vous commenter cette
déclaration?
M. Gauvin:... l'affirmation, je sais à peu près ce
qu'il a dit. Je ne sais pas où il prend ses informations. Tout ce que je
peux dire, c'est que nous n'avons pas accepté les chiffres du Manitoba
et de la Saskatchewan sans aller les voir. Le comité a
coûté presque trois quarts de million de dollars. Avant de prendre
les chiffres du Manitoba et de la Saskatchewan, nous avons retenu les services
d'experts comptables en administration; en fait, il y a eu deux équipes
de maisons dont l'impartialité ne pouvait être mise en doute, des
gens qui même, dans un cas, je ne voudrais pas donner de nom, ils
sont dans le rapport de toute manière travaillent à la
fois pour les assureurs et pour ces gouvernements. Le mandat qu'ils ont eu
était clair, c'était d'aller nous dire combien cela coûte
là-bas, de voir s'il y a des frais cachés. Les conclusions de
leur étude, nous les avons adoptées en demandant des explications
additionnelles et nous en avons fait part dans le rapport. Nous n'en avons pas
trouvé. Si le premier ministre d'Ontario, pour qui j'ai beaucoup de
respect, a fait la même étude et est arrivé à une
conclusion différente, qu'il la rende publique.
Je peux vous dire que la première réaction que nous avons
eue des assureurs quand on nous a dit... Quand ils ont su que nous allions dans
ces provinces pour vérifier, ils nous ont écrit une lettredans
les mêmes termes que ce que vous venez de lire là, dans la langue
de Shakespeare, en nous disant: "Hidden facts, hidden costs". Ici, à
droite, à gauche, nous nous attendions à voir des millions qui
sortaient d'un peu partout et, s'il y en a, les conclusions des
comptables agréés que nous avons retenus sont que ce sont
des montants tellement minimes que ça ne vaut pas la peine d'en
parler.
M. Marchand: Naturellement, M. Gauvin, cela n'attaque nullement
les membres de la commission Gauvin ni des firmes engagées. Cette
déclaration ne vous engage pas. Vous avez pris les chiffres que vous
avez eus. C'est au premier ministre, comme vous le dites si bien, d'expliquer
où il y a eu des fuites.
Mais cela ne vous implique pas du tout, la déclaration.
M. Gauvin: Non, ce n'est pas que ça m'implique, j'ai
dit...
M. Marchand: Je ne voudrais pas que vous pensiez que j'ai dit
cela dans ce sens-là.
M. Gauvin: Je ne l'ai pas pris dans ce sens. Je veux simplement
vous dire que j'ai été un peu surpris de la déclaration en
question parce qu'en fait, ça venait au contraire de ce que disaient...
Etrangement, c'est le même son de cloche que celui que les assureurs nous
ont donné.
Je dis bien "étrangement", je ne veux pas insinuer qu'il y a une
relation entre les deux. Mais, quand même, nous avons demandé au
Conseil du trésor des sommes assez considérables je ne me
souviens pas des montants pour engager des experts, les envoyer
là-bas avec un mandat clair et précis. Cela coûte combien?
Il y a combien de coûts cachés? On retourne combien au public? Eux
nous ont fait un rapport. S'il y a des faits différents, que le premier
ministre d'Ontario les fasse connaître.
M. Lachance: M. Gauvin, sur la même chose, dans ces
provinces, apparemment, les prévisions budgétaires pour
l'assurance ont été dépassées, il leur a fallu se
renflouer à un moment donné. Ils auraient eu ce problème
au Manitoba?
M. Gauvin: Oui. Mais, comme les assureurs viennent d'annoncer
qu'ils ont perdu de l'argent... S'ils ont mal estimé effectivement leur
coût, parce que, quand vous faites de l'assurance, vous fixez à
l'avance une prime pour un risque qui va se matérialiser; si, pour
toutes sortes de raisons, dans ces provinces, on n'a pas estimé les
coûts au juste niveau, il ne faut pas se surprendre qu'il y ait eu des
pertes. Et l'ordre de grandeur qui a été donné de ces
pertes, ce qui s'est réalisé, d'après les chiffres que
j'ai vus, est à peu près ce que nous avons vu dans l'industrie.
L'industrie vient de dire qu'elle a perdu $200 millions. Si on fait le rapport
sur le volume qu'ils font et si on va là-bas, il n'y a peut-être
pas des écarts aussi considérables que ça. Maintenant,
effectivement, dans ces provinces, quand même, on retourne 82% ou 83% de
la prime au public. C'est un fait. Si, pour une raison ou pour une autre, vous
ne demandez pas assez au consommateur, eux ont l'avantage sur l'entreprise
privée de pouvoir le repasser ultérieurement; pour toutes sortes
de motifs que j'ignore, il est possible, je ne le sais pas, qu'on ait
sous-évalué les coûts du régime. A ce
moment-là, le public va le repayer quand même.
M. Lachance: Quand on parle de coûts cachés, c'est
un peu ce qu'on veut dire. Est-ce que...
M. Gauvin: Excusez-moi, ce n'est pas un coût caché;
si la perte a été de $10 millions, elle est là; ce
monopole, ils vont le reprendre l'année suivante. Moi, je pense que des
coûts cachés, ce sont des subsides que le gouvernement leur
donnerait en payant des frais, en évitant qu'ils paient des loyers.
Le mandat que nous avions donné au consultant, c'était
justement d'aller chercher les coûts véritables de ce que cela
leur coûtait. C'était également d'aller voirsi le
gouvernement ne lui donnait pasdes terrains, ne lui donnait pas des loyers
gratuitement, ne payait pas des contributions aux avantages marginaux. On est
allé dans les détails pour aller voir finalement s'il fonctionne
tout seul. Est-ce que le budget qu'il y a là, c'est le vrai budget?
Est-ce qu'il n'y a pas $1 million qui passe dans d'autres comptes. On parle
quand même d'une opération de $40 millions. Cela fonctionne
là-bas. Tenons pour acquis que cela fonctionne d'une manière
aussi efficace que notre système actuel, qu'il fonctionne à $0.60
au dollar. Sur un budget de $40 millions, cela veut dire qu'il devrait se
camoufler $8 millions à $10 millions quelque part.
M. Marchand: Cela commence à être pas mal.
M. Gauvin: Cela commence à faire pas mal d'argent. Cela
fait pas mal à cacher. Je ne sais pas s'il y a un ministère qui
accepterait $3 millions, $4 millions d'un autre, comme cela. Les experts que
nous avons retenus nous ont dit: II n'y en a pas, mais s'il y en avait, cela
peut simplement être des montants infinitésimaux.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Taschereau.
M. Marchand: Je n'ai pas fini.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Vous n'avez pas
terminé?
Ventes au comptoir
M. Marchand: Sur un autre sujet, M. le Président, lorsque
vous êtes venu, la première fois, pour expliquer votre rapport,
vous avez parlé de la vente de l'assurance au comptoir par les banques,
les caisses populaires. Vous n'avez pas soulevé ce sujet? Lorsque les
caisses populaires sont venues, elles se sont dites opposées à
votre proposition. Elles ne sont pas intéressées à vendre
de l'assurance au comptoir. Est-ce que vous maintenez cette proposition?
M. Gauvin: Je ne sais pas si les caisses populaires sont venues.
C'est la Compagnie d'assurance des caisses populaires.
M. Marchand: Oui.
M. Gauvin: Mon gérant de caisse me dit qu'il est
très intéressé à le faire. Sa compagnie ne veut
pas. C'est la Compagnie d'assurance des caisses populaires.
M. Marchand: La compagnie...
M. Gauvin: Alors, c'est la compagnie d'assurance. Effectivement,
ce que nous préconisons, ce n'est pas de la vente au comptoir.
M. Marchand: C'est plus compliqué que de vendre
Loto-Québec et la Loterie olympique au comptoir.
M. Gauvin: Je ne suis pas convaincu avec la Loto-Perfecta.
M. Marchand: Celle-là est plus compliquée.
M. Gauvin: II faut bien situer le problème. Dans un
régime comme on préconise, où les options ne sont quand
même pas si considérables, on ne parle pas en fait d'assurance
commerciale, on parle d'un plan prédéterminé.
L'élément vente est assez facile. C'est l'élément
conseil qui doit entrer. Ce que nous avons dit dans le rapport, c'est qu'on
voudrait en fait que le public, pour amener de la concurrence dans tout cela,
puisse faire le choix et dire: Moi, je veux aller à telle compagnie et
je veux y aller directement. Cela a été extrêmement mal
compris. Vous avez eu une multinationale américaine qui, dans un
français très châtié, nous a tenu toutes sortes de
propos. Effectivement, c'est un "direct writer" qui dit: On n'en veut
même pas. Ce n'est pas le genre de "direct writer" qu'elles font. Tout ce
que nous voulons, c'est que le public puisse, s'il le désire, aller
directement à l'assureur de son choix. A ce moment-là, il n'y
aura pas d'intermédiaire, il n'aura pas de service, il n'aura pas de
conseil. Il va peut-être, en fait, être moins bien servi, mais il
fait le choix.
M. Marchand: Probablement qu'il sera moins bien servi.
M. Gauvin: II pourra être moins bien servi.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Taschereau.
Coûts et bénéfices
M. Bonnier: Pour moi, M. le Président, c'est une question
bien générale, mais je voudrais reprendre mon droit de parole
pour poser cette question aux membres du comité Gauvin. Je pense bien
qu'ils se rendent compte, quand on a fini de tourner autour du pot, il y a pas
mal de gens qui regardent cela et qui seraient peut-être d'accord, dans
l'arrière-plan, que leurs recommandations impliquent des changements
assez fondamentaux dans les modes de fonctionnement de la société
comme telle. Il existe, dans notre société comme dans toute
société, des tissus économiques. Il existe des tissus
sociologiques, il existe toutes sortes de tissus. C'est sûr qu'une
commission d'enquête comme la vôtre vient provoquer des changements
qui font que l'organisme est obligé de changer un peu. Est-ce que, dans
vos recommandations, vous avez pensé qu'il était de votre ressort
de tenir compte d'une certaine pondération à cet effet par
rapport à vos recommandations ou si votre étude a
été tout simplement, de façon très objective, une
étude des coûts et des bénéfices par rapport au
consommateur en ce qui regarde l'administration d'un nouveau
système?
M. Gauvin: En fait, il est bien certain que les termes de
référence du mandat qui nous avait été donné
étaient clairs. Enfin notre première préoccupation
était les victimes. Il ne fallait pas pour autant ignorer les autres
parties et je suis, quant à moi, convaincu que nous avons tenu compte
quand même qu'il y avait des gens qui oeuvraient dans le domaine et qui
avaient un rôle ajouter. Nous avons, dans nos recommandations, quant
à moi et j'aimerais que les membres vous disent leur propre
opinion tenu compte, effectivement, que ces gens avaient un rôle
à jouer qui était valable et qu'ils devaient y rester. Moi, ce
que je trouve un peu déplorable, c'est quand même l'aspect
négatif, excessivement négatif, de certains des mémoires
qui nous ont été présentés où les gens
disent: On n'en veut pas, mais qui n'ont même pas, dans certains cas,
amené d'éléments de rechange.
Ils ont dit: On ne veut pas changer notre rôle, mais en fait ils
n'ont pas prouvé que le rôle qu'ils jouaient actuellement,
c'était le rôle qu'ils devraient jouer pour véritablement
protéger le consommateur. Nous, on a dit: II faut fondamentalement
protéger le consommateur, il faut accorder aux victimes une juste et
équitable compensation et il faut également conserver une
motivation et une évolution future. C'est dans cette optique que la
recommandation de base était l'entreprise privée, pour ne pas
tomber dans un organisme qui s'installe et qui n'a pas de motivation de
changer, comme c'est arrivé dans certains cas. Je ne sais pas si
ça répond à votre question.
M. Bouchard (Jean-Marie): La question que je vous ai
posée, c'est au fond une synthèse de la philosophie
générale qui a présidée à la
rédaction du rapport. Il faudrait peut-être vous rappeler
très rapidement que le but que nous avions poursuivi était celui
qui nous avait été édicté en termes très
clairs par l'arrêté en conseil qui nous a constitués et la
base ou l'hypothèse de travail de notre comité a consisté,
comme j'ai eu l'occasion de l'affirmer à plusieurs reprises, à
étudier ce qu'on appelle le phénomène sociologique nouveau
qui s'appelle l'envahissement de l'automobile dans la vie de l'individu,
l'envahissement dans la société moderne de l'automobile, du
phénomène de l'automobile, d'où découle la notion
que nous avons retenue, mais que nous n'avons pas inventée, mais que
nous avons adoptée, qui était celle de risque social.
Cette notion a comporté des recommandations
énergiques dans tous les secteurs que no us avions à
étudier et nous en étions pleinement conscients, puisque, si je
me réfère à la dernière page de notre rapport, nous
disions expressément ceci : A n'en pas douter, les réformes
proposées par le comité constituent des innovations radicales.
Elles exigent des transformations profondes dans l'administration de
l'assurance-automobile au Québec, dans les compagnies d'assurance et
chez les intermédiaires. Nous terminions, après avoir
exposé les deux possibilités de réforme, en disant que la
création du monopole étatique qui apparaît ici comme la
solution ultime et ça, c'est une notion qui nous
échappait, nous devions le signaler pourrait devenir prioritaire
en raison de considérations socio-politiques poursuivies par le
gouvernement et qui ne sont pas du ressort du comité. Je pense que
ça résume assez bien.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Charlesbourg.
M. Harvey Charlesbourg): M. le Président, ça va
bien, M. Gauvin, bonjour.
M. Gauvin: Cela va toujours bien.
M. Harvey (Charlesbourg): M. Gauvin, j'ai lu avec attention
également et je vous ai entendu, lors de la présentation de la
commission parlementaire du 12 décembre dernier. Je vous avouerai
franchement que c'est au choc des idées que jaillit la lumière
et, de ce fait, je pense que, consciemment, le rapport Gauvin va provoquer
l'avancement du système en matière d'assurance-automobile au
Québec. Et je pense que la crainte ou la peur sont peut-être, dans
certains cas, le commencement de la sagesse et, consciemment, je le sais, vous
réalisez que vous favorisez un dialogue entre les courtiers d'assurance
et les assureurs comme tels, chose qui n'existait pas autrefois. On
présentait une brique comme ça sur la table du courtier et on
disait: C'est ça, l'affaire qu'on a à vendre, ça comprend
tel ou tel avantage et puis, maintenant, organisez-vous avec ça en
regard d'une concurrence, je pense, entre les différents bureaux de
courtiers.
Cependant, dans votre étude, vous proposez un barème qui
est établi à 5%. Je voudrais savoir pourquoi 5%? Pourquoi pas
10%? Pourquoi pas 3%? Pourquoi pas 2%? Sur quels chiffres vous êtes-vous
basé? Est-ce un taux de 5% arbitraire ou non?
En fait, je ne voudrais pas non plus que vous m'accusiez de prendre la
part du courtier, mais je pense que nous devons discuter dans le système
que nous avons aujourd'hui, celui de la libre entreprise, celui de la
commercialisation libre, et c'est en regard de cela que je voudrais
connaître votre point de vue.
M. Gauvin: II y a deux grandes considérations qui sont
entrées en ligne de compte pour déterminer ce pourcentage qui,
incidemment, lui aussi, n'avait qu'un but transitoire pour amener finalement
les forces du marché à déterminer ce qu'il devrait
être.
La première considération, vous avez l'expé- rience
de systèmes étatiques, où, effectivement, on travaille
pour des pourcentages où la rémunération aux
intermédiaires est même inférieure à ce
niveau-là. C'est une considération, parce qu'on peut très
bien dire: Une fois qu'on a élaboré un mode d'indemnisation,
maintenant, on va voir qui va l'administrer. Le choix s'offre alors
d'établir un monopole d'Etat.
L'expérience des monopoles qui existent indique un taux
inférieur au pourcentage impliqué. Deuxièmement, lorsque
nous avons fait faire une analyse du travail du courtier par nos conseillers,
nous avions demandé qu'elle soit très bien subdivisée,
entre ce qui avait lieu, ce qui était fait lors de l'émission
d'un nouveau contrat, ce qui était fait lors du renouvellement, la
fréquence des avenants qu'on ajoute, les annulations, les
problèmes de perception des primes, etc.
C'est à partir de cette analyse qu'on peut se rendre compte que
si, aujourd'hui, la rémunération dans l'ensemble, environ 12%,
pour les intermédiaires, est valable, les tâches qu'on
enlève à ces gens-là, autrement dit, réduisent le
temps qu'ils doivent consacrer à l'administration et, en proportion, on
peut réduire en fait, les montants qu'on leur consacre.
Comme on a recommandé l'élimination d'avenants, qui prend
quand même un temps assez considérable, à ce
moment-là, les personnes vont consacrer moins de temps à
l'administration du portefeuille qu'elles ont. En parallèle, elles
devraient accepter une rémunération moindre.
Si, de la même façon, vous vous en allez vers un
système où le financement des primes est fait
indépendamment, vous avez encore le même phénomène.
C'est à l'aide de cette analyse que nous avons fixé que cela
devrait être de cet ordre de grandeur. Le public qui devra payer la note
pourra très bien accepter de payer plus à l'un qu'à
l'autre, parce que les services qu'il reçoit sont plus
élevés. A ce moment-là, le jeu des services rendus va
déterminer ce qu'un intermédiaire pourra demander par rapport
à un autre.
M. Harvey (Charlesbourg): Sur la question de la prime, il est
bien clair qu'on vise à trouver une rationalisation des hausses
constantes des coûts. Vous avez énormément de charges
indirectes, au fond, lorsqu'on pense simplement à la réparation
des automobiles qui ont été accidentées et aux coûts
qui sont négociés par les forces syndicales, via le patron, c'est
bien clair que cela a des répercussions directes.
Vous avez l'exemple très récent du Manitoba, où une
hausse des primes d'assurance de 20% a été annoncée. Je
pense que c'est un choc qui apporte la réalité brutale. A cet
égard, je pense qu'on ne peut pas facilement avancer qu'autant ce taux
de 5% peut être utilisé parce qu'on minimise l'effort ou le
travail du courtier, autant il faut quand même "gambler" vis-à-vis
d'une restriction des augmentations effarantes qui se produisent dans le
domaine de l'assurance.
Mais ces charges indirectes qu'on ne peut pas contrôler mais dont
il faut tenir compte quand
même dans le contexte inflationniste qui est le nôtre,
croyez-vous que la formule étatique peut être véritablement
celle qui va freiner la hausse des coûts? C'est philosophiquement la base
même de votre étude.
M. Gauvin: La formule étatique n'est pas du tout la
philosophie de base de notre étude, c'est une option.
M. Harvey (Charlesbourg): C'est la conclusion.
M. Gauvin: La philosophie, c'est le meilleur service. Non, la
conclusion c'est que, si on ne veut pas faire les réformes dans
l'entreprise privée, on dit: On n'a pas que le choix d'aller à
l'Etat. Ce n'était pas du tout la base de notre étude. En fait,
c'est la dernière possibilité.
M. Harvey (Charlesbourg): Oui, d'accord.
M. Gauvin: Vous avez parlé de deux choses. Vous avez
parlé de la rémunération du courtier et de l'augmentation
des primes.
M. Harvey (Charlesbourg): Incontrôlable. Les
coûts.
M. Gauvin: Je l'ai dit tout à l'heure. Qu'on
établisse un monopole, soit d'Etat ou privé, ou qu'on
établisse des compagnies privées, on ne mettra pas une hausse aux
coûts. Vous avez parlé d'une hausse de 20% au Manitoba. Il y a
également une hausse au Québec et je ne serais pas surpris si
elle était peut-être moins forte qu'elle devrait l'être;
n'eût été de la parution du rapport et également le
fait que les parlementaires...
M. Harvey (Charlesbourg): C'est un autre côté
bénéfique du rapport.
M. Gauvin: C'est possible, cela peut avoir un côté
bénéfique.
M. Harvey (Charlesbourg): Je vous en donne le crédit.
M. Gauvin: Je ne veux pas dire que c'est le cas, mais je dis que
c'est possible. Mais, dans les faits, si l'inflation continue, les assureurs
ont même déjà annoncé une autre hausse pour
bientôt, c'est du moins ce qui a été rapporté dans
les journaux.
Je pense qu'on ne peut pas relier le fait des 5% aux courtiers avec les
hausses. Il est évident que les courtiers ont besoin d'une juste
rémunération et que c'est un problème assez délicat
que de déterminer ce que devrait être cette juste
rémunération. C'est à eux, dans le système actuel,
je suppose, d'en discuter, et, dans le système que nous
préconisons, c'est avec le client qui est, très souvent, bien
plus en mesure de déterminer les services que son courtier lui rend,
qu'ils négocieraient finalement ces tarifs.
C'est dans ce sens que la population a quand même besoin d'un
conseiller, parce qu'elle ne sait pas à qui se fier dans cette histoire.
Son rôle, dans le régime que nous préconisons, serait
revalorisé et la population paierait pour les services qu'elle
reçoit.
M. Tetley: M. le Président...
M. Léger: Avant que le ministre ne réponde, je
voudrais, parce que j'avais demandé la parole tantôt, étant
donné différentes circonstances, prendre trois ou quatre
minutes...
M. Tetley: Une autre déclaration ! Etes-vous capable,
comme M...
M. Léger: M. le Président, vous êtes le
défenseur de la démocratie, vous allez en faire preuve.
M. Tetley: La démocratie ne veut pas dire de "filibuster"
ou de répéter. Chaque jour, vous arrivez...
M. Léger: Est-ce que vous appelez "filibuster", le silence
de l'Opposition?
M. Tetley: Je dis que votre silence était précieux,
mais...
M. Léger: II est éloquent.
M. Tetley: Eloquent, pour une fois, mais répéter la
même chanson... Je peux la lire, je l'ai dans mes notes ici.
M. Léger: A force de la répéter,
peut-être que le ministre va l'apprendre par coeur.
M. Tetley: Personne ne vous croit. J'ai dit que je vais
répondre à la fin à vos six questions. J'ai
déjà répondu à vos questions. Il est midi trente.
Je propose la suspension des travaux. Cet après-midi, c'est notre
intention d'interroger le comité au sujet d'AutoBAC, de son plan, des
comparaisons et des coûts, des avantages, des désavantages
d'AutoBAC, le plan du Barreau et des avantages et désavantages, ainsi
que d'autres groupes.
Ces deux groupes, surtout, ont prôné un système
différent, au lieu de critiquer votre plan. Je crois qu'ils ne donnent
pas au public autant de poids que votre plan, messieurs du comité
Gauvin. Il faut que ces faits soient notés dans le journal des
Débats. C'est pourquoi c'est essentiel de revenir cet
après-midi.
M. Léger: M. le Président, sur la motion de
suspension, je dois m'inscrire en faux et dire pourquoi je m'oppose à la
suspension à 12 h 30. La raison est la suivante: On va faire un bref
historique de ce que nous avons fait depuis le début des séances
de la commission sur le rapport Gauvin. Le comité Gauvin a comparu
devant la commission parlementaire à quatre occasions. Nous avons eu
quatre séances
pour entend re les représentants du rapport Gauvin. Le
comité Gauvin avait déjà rencontré tous les groupes
directement impliqués par une réforme possible. Donc, le rapport
Gauvin comprenait des réponses et des solutions aux problèmes
rencontrés dans ces rencontres dans le Canada et parmi les groupes
directement impliqués.
M. le Président, la première formule du rapport Gauvin,
celle que nous avons dans le volume, nous avait donné la solution
préconisée avec un dernier choix qui était
l'étatisation, s'il n'y avait pas les réformes proposées.
Depuis ce temps, contrairement à l'habitude, nous avons eu environ 18
séances pour entendre les réactions des différents groupes
directement et personnellement impliqués dans les propositions du
rapport Gauvin. Par la suite, nous avons eu la présence de M. Gauvin et
de son groupe, qui nous ont donné un texte c'est là que
j'arrive à la motion du ministre qui répondait à
toutes les allégations, à toutes les réactions, à
toutes les prises de position des groupes qui ont été entendus
durant ces 18 séances de la commission parlementaire qui touchaient
l'assurance-automobile. La réponse était dans un texte qui nous a
été remis au mois de décembre dernier. Les réponses
étant là, le gouvernement, n'ayant pas voulu agir, a
préféré, contrairement à notre décision,
à notre proposition, c'est-à-dire celle de l'Opposition
officielle, les reconvoquer.
Ce matin, le règlement dit que les membres du gouvernement
n'avaient que 20 minutes pour poser des questions à un groupe
donné. Je n'ai pas moi-même utilisé le temps qui
m'était alloué pour être logique avec ma position, parce
que les réponses, nous les avions eues par écrit. Comme de
raison, il y a peut-être plusieurs membres de la commission qui n'avaient
pas lu les réponses du rapport Gauvin ou peut-être n'avaient pas
saisi certains aspects de ce rapport. C'était la réponse à
toutes les affirmations des groupes en question, AutoBAC, le Barreau, les
avocats, les courtiers, la CSN, etc.
Donc, M. le Président, il y avait des réponses
prêtes. Ce matin, j'ai fait exprès de ne pas utiliser le
règlement pour que les députés ne se sentent pas
muselés par l'Opposition, chose qui est faite souvent à
l'inverse.
Ils avaient droit, M. le Président, à 20 minutes, mais ils
ont pris deux heures et 25 minutes pour poser des questions sur un document
qu'ils avaient déjà. Nous n'avons appris rien de nouveau.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Je tiens à
rappeler au député de Lafontaine que l'article 8 spécifie
ceci: Ces périodes peuvent être prolongées si la commission
le juge à propos. Etant donné qu'il n'y a eu aucune objection,
j'ai laissé aller.
M. Léger: Je ne blâme pas le président, M. le
Président. J'ai moi-même laissé aller, justement pour
montrer jusqu'à quel point nous croyons à la démocratie.
Mais cela ne voulait pas dire que les 20 minutes qui nous étaient
allouées, à l'Opposition officielle, devaient être prises
par les autres. Nous avons laissé faire.
M. le Président, tout ce qu'on peut conclure de la séance
d'aujourd'hui, c'est une démonstration de l'indécision et de la
division du gouvernement sur une réforme du système de
l'assurance-automobile, une indécision, une ambivalance entre un choix
précis qu'il doit faire, soit protéger les assurés ou
protéger les intermédiaires. C'est sûr, M. le
Président, que les intermédiaires, les groupes directement
impliqués dans le système actuel de l'assurance-automobile, ont
eu leur raison d'être depuis une période de temps très
longue. Mais il arrive un moment où la population entière sent
que ce système doit être changé. C'est sûr que cela
ne fait pas l'affaire des groupes qui, pendant ce temps, ont profité de
ce système, ce qui a amené, justement, ce rejet du système
actuel et ce désir d'une réforme.
M. le Président, le gouvernement, dans son indécision ou
dans son ambivalence, prouve encore, par cette séance qui est
convoquée aujourd'hui, qu'il n'est pas encore branché. En ce qui
nous concerne, nous croyons que les réponses, le gouvernement les a et
qu'il n'a pas à siéger encore cet après-midi sur chacun
des groupes qui sont venus, durant les 18 séances, faire entendre leur
réaction et leur opposition à la commission Gauvin. Ils l'ont
donnée, la réponse. Ils ont été assez courtois et
assez gentils et assez disponibles pour revenir réexpliquer des choses
qui étaient, soit dans le premier document, soit dans le
deuxième.
M. le Président, il ne faut pas abuser non seulement des gens de
la commission, mais du public qui attend une réforme. C'est la raison
pour laquelle le ministre m'a dit qu'il me donnerait une réponse
tantôt je répète les questions, les seules questions
qui nous intéressent à ce stade-ci.
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! M.
Léger: Comme le contenu...
M.Tetley:Bien non! Vous n'avez aucun droit de
répéter, dans la même session, les mêmes questions.
Vous avez répété deux, trois, quatre fois...
M. Léger: M. le Président, il n'y a aucune place
dans le règlement qui empêche une personne de
répéter une question...
M. Tetley: C'est dans l'ancien règlement... M.
Léger: ...qui n'a pas eu une réponse.
M. Tetley: ...M. le Président, et c'est une coutume
maintenue par le présent règlement...
M. Léger: Je m'en reporte au président.
M. Tetley: ...qu'aucune question ne peut être
répétée dans la même session.
M. Léger: Aucun article du règlement ne le
prévoit, et c'est le nouveau règlement qui marche.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le nouveau
règlement, article 76, 2): Cette motion ne peut pro-
voquer qu'un débat restreint au cours duquel le proposeur peut
parler dix minutes, exercer un droit de réplique de même
durée, après que les représentants des partis reconnus de
l'Opposition se sont fait entendre pendant uneduréed'au moinsdix minutes
chacun.
M. Léger: M. le Président, cela ne fait que cinq
minutes que je parle, et je termine en demandant au ministre une réponse
précise à la question suivante: Quand M. Desjardins doit-il faire
son rapport? Quand le ministre doit-il présenter...
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! M.
Léger: ...un projet au conseil des ministres? Le Président (M.
Houde, Limoilou): A l'ordre!
M. Léger: M. le Président, j'ai le droit. L'article
76 du règlement ne dit pas cela.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Oui! L'article 76, pour
une motion de suspension qui...
M. Léger: C'est justement, M. le Président, sur la
motion de suspension. Je dis qu'on ne peut pas ajourner tant que je n'ai pas eu
la réponse aux questions. Les questions que j'ai posées, M. le
Président, sont les deux premières...
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!
M. Léger: ...et la dernière question était
pour savoir quand nous aurions...
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!
M. Léger: ...le dépôt du projet de loi du
gouvernement...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Je ne peux
permettre...
M. Léger: ...et quand nous allons en discuter.
Le Président (M. Houde, Limoilou): ...cette question.
M. Tetley: Ce n'est pas la première question...
M. Léger: C'est la seule raison pour laquelle...
Pardon?
M. Tetley: Quand M. Desjardins fait-il son rapport?
M. Léger: Si le ministre me permet... Quand M. Desjardins
va-t-il faire son rapport?
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! Je ne peux
permettre des questions.
M. Léger: C'est le ministre qui le permet.
Le Président (M. Houde, Limoilou): II n'a pas le droit de
le permettre.
M. Léger: Oui, il veut répondre.
Le Président (M. Houde, Limoilou): II n'a pas le
droit.
M. Léger: Je n'ai jamais vu un ministre qui veut
répondre à une question. Quand il ne les a pas, il me les
demande. Il faut être logique.
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! M.
Léger: Je veux savoir quand il va déposer... Le Président
(M. Houde, Limoilou): A l'ordre!
M. Léger: Le ministre n'a pas le droit de répondre
à mes questions?
Le Président (M. Houde, Limoilou): Pas sur la motion de
suspension.
M. Léger: Oui, parce qu'il va ajourner ou il n'ajournera
pas.
M. Tetley: C'était la motion de reprise pourtrois
heures.
M. Léger: Je dis que nous n'avons pas suspendu
jusqu'à trois heures parce qu'à trois heures nous allons
répéter toutes les choses pour lesquelles nous avons eu des
réponses actuellement et les seules réponses que nous n'avons pas
eues et dont nous avons besoin...
M. Harvey (Charlesbourg): Vous pouvez prendre congé cet
après-midi.
M. Léger: ...se sont celles aux questions que j'ai
posées. Quand aurons-nous un projet de loi et à quand la
réforme complète? Que le ministre réponde à cela et
nous n'aurons pas à siéger à trois heures cet
après-midi.
M. Tetley: M. le Président, M. Gauvin et compagnie sont
venus trois fois. La première fois...
M. Harvey (Charlesbourg): Ils sont venus ici trois fois, oui.
M. Tetley: ...avant Noël, pour une demi-journée en
matinée, et ils sont ici à ma demande suite à une demande
de l'Opposition. A ce moment, vous vouliez les entendre cet
après-midi-là. Vous aviez même fait une motion
malgré que la Chambre siégeait ainsi que des commissions
parlementaires à quatre ou cinq endroits et surtout le
député de Beauce-Sud voulait les entendre deux ou trois jours. Je
voulais les entendre et des députés du gouvernement voulaient les
entendre et si un seul député le voulait, j'étais
prêt à venir moi-même. Vous êtes libre de ne pas venir
ou de venir. C'est de la simple démocratie de laisser à M. Gauvin
et compagnie le temps de répondre à nos questions et aussi de
nous expliquer si leur programme et leur plan sont meilleurs que le plan de
l'AutoBAC, et de celui du Barreau, etc., et aussi de répondre
parcequej'ai certainesquestions
à poser à messieurs les avocats, Me Bouchard et Me
Belleau, parce que je veux rétablir les faits. Ce sont deux avocats
d'expérience et d'une grande compétence et je veux faire
ressortir leur carrière cet après-midi même.
M. Léger: M. le ministre... M. Tetley: Je n'ai pas
fini.
M. Léger: ...pour quelle raison n'avez-vous pas pris les
deux heures et vingt-cinq minutes pour poser ces questions...
M. Tetley: Je n'ai pas vingt-cinq minutes...
M. Léger: ...alors que les députés
arrivaient vingt minutes en retard?
M. Tetley: Parce que vous avez...
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!
M. Tetley: Parce que, mon cher, vous avez posé des
questions d'ordre général au document de M. Gauvin et de M.
Rankin et, cet après-midi, ce seront les questions concernant
l'AutoBAC.
Je crois que c'est la simple démocratie de les écouter. En
même temps, les comités de M. Desjardins deux
comités, celui de la sécurité routière et celui des
questions d'assurance siègent et, en réponse à
votre question, ils présenteront leur rapport aussitôt que
possible. Ils ont déjà donné un conseil au sujet d'une loi
et la loi sera déposée aussitôt que possible devant la
Chambre. Moi, je ne ferai pas hors de la Chambre des promesses au sujet des
lois parce que c'est contre la loi pour un ministre de déposer les lois
hors de la Chambre. Quant à votre dernière question au sujet
d'une réforme complète, cela sera certainement cette
année.
M. Léger: La seule logique...
M. Tetley: Vous n'avez pas le droit de parole.
M. Léger: La réponse est que vous n'êtes pas
branché.
Le Président (M. Houde, Limoilou): La commission suspend
ses travaux à quinze heures.
(Suspension de la séance à 12 h 41)
Reprise de la séance à 15 h 16
M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente des
institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre,
messieurs!
L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives.
M. Tetley: Merci, M. le Président. Je remarque huit
libéraux, au moins.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le neuvième s'en
vient.
M. Tetley: Et le neuvième. Cet après-midi, on peut
terminer nos travaux, mais je crois que les questions les plus importantes
devraient être posées.
AutoBAC
M. Tetley :Tout d'abord, M. Gauvin et messieurs les commissaires,
je voudrais savoir de vous comment et où le programme d'AutoBAC est
moins fort ou plus fort, si son plan donnerait autant aux citoyens du
Québec que le plan Gauvin et si cela coûterait plus cher ou moins
cher. C'est une grande question mais personne n'a répondu
spécifiquement à cette question jusqu'à maintenant.
Evidemment, vous n'avez pas eu l'occasion, vraiment, de répondre
directement au système d'AutoBAC, ici, à la commission.
M. Gauvin: M. le ministre, je m'excuse. Je pense que nous avons
répondu au niveau du plan d'indemnisation, à l'intérieur
du rapport, aux principales critiques que l'on peut faire au système
d'AutoBAC. Là-dessus, en ce qui concerne le plan d'indemnisation, nous
avons dit que ce système n'allait pas, effectivement, au bout de sa
logique, dès l'introduction. A ce moment, il faut admettre que nous
n'avions pas, malgré les promesses répétées, obtenu
le coût de ce régime et je dois dire, malgré ce qu'on a
laissé sous-entendre dans le mémoire du BAC, qu'on nous avait
fourni toutes les informations, c'est vrai que le BAC a collaboré mais
en ce qui concerne le coût, nous ne l'avions pas.
D'ailleurs, l'évaluation de la firme retenue par AutoBAC,
Woodward &Fondiller, est datée du 5 juin 1974. C'est quand
même assez cocasse qu'on puisse avoir eu ce document le 29 mars, quand
notre mandat s'est terminé. De plus, vous avez eu l'amabilité de
me faire parvenir copie d'une lettre qui vous était adressée le
23 décembre par le directeur du Bureau d'assurance du Canada, M. Charles
Moreau, qui donne effectivement, en ce qui concerne une partie des
assurés, les assurés de véhicules privés et
véhicules de tourisme, en fait, l'évaluation du coût du
régime proposé.
Alors, j'aimerais bien répéter que, quant à nous,
les critiques sur le régime lui-même étaient contenues
à l'intérieur et je dois dire que ces critiques concernent la
mauvaise indemnisation des victimes qui subissent des pertes
considérables. Le régime du BAC, qui est certainement une
amélioration par
rapport à la situation actuelle, laisse quand même les
victimes les plus mal servies dans le système conventionnel et, à
cet égard, il me paraît tout à fait nous l'avions
dit dans le rapport inacceptable.
M. Harvey (Charlesbourg): Est-ce à cause des délais
seulement?
M. Gauvin: Non. Il faudrait bien situer que ces délais
peuvent être améliorés. La raison fondamentale, c'est que,
quand on prend ce que les gens ont véritablement perdu les
victimes de blessures graves et qu'on regarde, comme je l'ai
expliqué ce matin, ce qu'elles ont reçu, on se rend compte que
les victimes qui ont perdu plus de $10,000 reçoivent 40%. Cela, c'est le
système actuel. Ces victimes, peut-être pas toutes, mais un bon
nombre, le régime du BAC va les laisser dans la même
situation.
M. Léger: II y a le fait aussi d'établir la
responsabilité du coupable qui fait que le résultat final est une
perte dans le montant, parce qu'il n'est pas responsable à 100%, il y a
des degrés.
M. Gauvin: II reste que les victimes qui sont trouvées
à 100% responsables, dans le régime du BAC, auraient droit
à certaines indemnités de base, mais qui sont fixes, qui sont
préétablies et qui ne sont pas nécessairement en relation
avec ce que la personne a perdu. On prévoit certaines indemnités
de décès. Lorsque la personne est responsable dans ce
régime, elle en recevra, mais pas plus. Tandis que, dans notre
régime, la personne décédée recevrait, à
l'intérieur des limites que nous avions choisies je reviendrai
là-dessus toute sa perte économique.
En plus de cela, il y a d'autres considérations dans le
régime du BAC comme tel. Pourquoi doit-on transférer des
indemnités aux autres régimes? Vous devriez vous interroger
à savoir pourquoi, alors que nous voulions que l'assurance-automobile
soit le premier payeur, AutoBAC, en ce qui concerne l'assurance-salaire et
d'autres régimes, veut être ce deuxième payeur; c'est pour
réduire les indemnités qu'il paie, mais, à ce
moment-là, vous transférez à d'autres régimes
sociaux, d'autres régimes de bénéfices marginaux, les
coûts de l'utilisation de l'automobile. Cela, à mon sens, c'est
certainement inacceptable. Il y a une raison qui a été admise
publiquement, je pense, par le directeur général adjoint, Cari
Wilkin, du BAC, c'est que la proposition du BAC ne fait à peu
près rien pour améliorer l'administration du régime et il
veut être second payeur, parce qu'il admet, au point de départ,
que des régimes d'assurance-salaire sont plus efficaces que le sien. Il
aime mieux laisser payer ces régimes.
Mais si vous regardez la situation du BAC à long terme, plus il y
aura, au Québec, de gens qui seront couverts par des régimes
d'assurance-salaire, moins le régime du BAC va débourser de
prestations puis, à l'extrême, si toute la population du
Québec était couverte par des régimes d'assurance-salaire,
au niveau des blessures, le régime ne paierait rien.
Si on transfère les coûts à d'autres régimes,
on n'en viendra jamais à percevoir, dans l'assurance-automobile, ce que
ça coûte véritablement pour l'utilisation de l'automobile
et des accidents qui en découlent. Il y a d'autres points qui pourraient
être soulevés, par exemple dans la lettre que j'ai citée,
et je ne sais pas si vous l'avez distribuée, cette
lettre-là...
M. Tetley: Oui, la lettre du 28 décembre. M. Gauvin: C'est
la lettre du 23 décembre... M. Tetley: Du 23 décembre,
oui.
M. Gauvin: Dans le rapport, nous avions souligné qu'en ce
qui concerne les véhicules lourds, c'était injuste de ne pas leur
faire payer une partie des dommages supplémentaires qu'ils occasionnent
parce que ce sont des véhicules lourds. Ils ont prouvé ici
exactement ce que nous disions, c'est-à-dire qu'au Québec, il y
aura un transfert des véhicules lourds aux véhicules de
touristes, c'est-à-dire que les véhicules de touristes vont payer
plus cher pour faire faire des économies à ces monstres de la
route qui se promènent et qui occasionnent plus de dommages.
Ils offrent même de faire n'importe quoi. Ils disent: Si vous
voulez le changer, on va le changer. Franchement, la position des assureurs,
moi, je dois admettre que je la connais plus ou moins. Ils ont l'air de vouloir
faire à peu près n'importe quoi.
M. Tetley: M. Gauvin, vous avez dit qu'il n'y a aucun changement
dans le système des coûts d'administration. Vous parlez de 40% ou
à peu près de 40%?
M. Gauvin: II y en a quand même. J'ai essayé de
lire, dans la langue de Molière, le texte en question; j'ai eu un peu de
difficulté. J'ai demandé le texte anglais pour comprendre un peu
mieux et, effectivement, il y a des économies au niveau de
l'administration. Il y en a, mais elles sont d'un ordre assez minime. Nous
avons quand même attaqué les assureurs en disant qu'ils sont
inefficaces. A mon sens, il n'y a pas eu une preuve ici, qui vous a
été faite, qui démontre que les assureurs retournent plus
que $0.60 aux victimes et ça, c'est quand même important. Ce
qu'ils vont faire, ils vont peut-être retourner $0.65, dans la piastre,
aux victimes.
Ce n'est certainement pas une amélioration si fantastique que
ça. Maintenant, il faut admettre que ce régime, s'il était
mis en vigueur, d'après leurs estimations que je ne mets pas en doute
ferait économiser 10% à l'assuré moyen, au moins dans les
véhicules de touristes, mais la grande partie, au moins une bonne partie
de ça, va venir quand même des indemnités moins
élevées qu'on va payer.
M. Tetley: Quelqu'un m'a dit, au déjeuner, aujourd'hui,
qu'il y a un autre rapport stipulant que le plan du BAC donnerait moins que le
système actuel. Est-ce possible? Il paierait moins en total.
M. Gauvin: On parle, M. Tetley, de donner
moins. Il faut quand même essayer de remettre les choses sur le
même pied. Peut-être qu'on va donner moins, mais on va baisser les
primes. Si on veut augmenter légèrement les primes, on pourrait
donner plus. Il ne faut quand même pas l'oublier. C'est, à mon
sens, quand même malheureux. Dans certaines des comparaisons qui ont
été faites, on a dit je l'ai dit ce matin et je le
reprends parce que c'est un exemple le Barreau avait sorti un exemple
pour prouver qu'il donnait plus; il avait quand même oublié tous
les autres qui donnaient moins et il avait oublié également de
dire ce que le régime va coûter globalement. Le BAC dit: Notre
régime va coûter 10% de moins. Si on ne veut pas faire cette
économie, on pourrait certainement donner des indemnités plus
généreuses. Il ne faudrait pas l'oublier dans la comparaison.
Ceci dit, j'aimerais faire, non pas une mise en garde, mais une simple
constatation. Je doute et les membres étaient très
conscients de ce fait qu'un nouveau régime d'assurance-automobile
puisse être mis en vigueur au Québec sans qu'on accorde une
réduction de prime au public. Je pense que l'expérience des Etats
américains l'a assez bien démontré. Pour introduire un
nouveau régime, il faut que le public puisse sentir immédiatement
qu'il en bénéficie dans ses primes.
C'était un des objectifs que nous avons recherchés, ce qui
fait que nous avons quand même limité certaines des
indemnités qu'on a prévues à notre régime pour
permettre aux consommateurs québécois de payer des primes moins
élevées, indépendamment de la situation de la
sécurité routière, qui est une autre chose.
Quand on regarde le régime du BAC ou qu'on regarde tout autre
régime, il faudrait quand même regarder les équivalences
pour s'assurer de ce que coûte l'un par rapport à l'autre. Il me
semble que, si vous allez acheter une voiture de luxe, vous ne regardez pas les
avantages d'une Cadillac et ceux d'une Volkswagen. Vous regardez les avantages
d'un véhicule comparable.
M. Tetley: M. Gauvin, messieurs, vous avez regardé le plan
du Barreau du Québec...
M. Gauvin: Est-ce qu'il s'agit du Barreau ou du Jeune Barreau,
parce qu'il y a le Jeune Barreau.
M. Tetley: Le Jeune Barreau de la ville de Québec vous
appuyait. Je parle du Barreau.
M. Gauvin: Est-ce que vous parlez du plan du Barreau qui aurait
été soumis à ses membres ou celui qui n'aurait pas
été soumis à ses membres?
M. Tetley: Comme membre, je n'étais pas présent. Je
ne suis pas témoin de ce qui s'est passé. Je crois que
c'était légal, j'en suis certain. Le Barreau est venu nous
présenter un mémoire, un plan et nous a présenté,
après, un document sur les coûts. J'aimerais avoir vos
commentaires. Est-ce que le plan du Barreau est aussi généreux
que votre plan? Est-ce que cela coûterait plus cher ou moins cher que
votre plan? Est-ce que c'est meilleur que le régime actuel?
M. Gauvin: Le plan du Barreau qui est présenté
comme étant révolutionnaire, à mon sens, cela ne change
pas grand-chose. C'est, parmi les régimes, le moins bon qu'on puisse
trouver. C'est un régime qui continue de surcompenser les petites pertes
et de sous-compenser les grosses pertes. C'est un régime qui continue le
système d'adversaires où on fait affaires avec les assureurs des
autres. On élimine très peu de disputes entre les parties. C'est
un régime qui, en vue d'améliorer l'efficacité du
dollar-prime, ce qui est retourné au public, ne fait à peu
près rien; il fait moins que celui du BAC sur ce sujet.
Le BAC, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, n'a pas l'air de
faire grand-chose, si on peut comprendre ses chiffres. A ce moment, on veut
simplement souligner que le régime du Barreau, c'est un régime
qui a été essayé il y a longtemps, qui est même
passablement vieux.
L'assurance obligatoire, par exemple, c'est à peu près
dans tous les pays du monde qu'il y a de l'assurance obligatoire, ce n'est pas
une grande innovation qu'on a faite. Rendre le chapitre II obligatoire, cela
fait des années qu'il l'est ailleurs; ce n'est pas une grande
réforme.
Finalement, le régime du Barreau n'amène pas
d'économie, n'amène pas une réduction de prime.
L'évaluation qu'il a déposée, et j'accepte les chiffres
sans les mettre en doute, indique très bien qu'il n'y aurait pas de
réduction pour le consommateur. En prenant 1%, si on tient compte des
difficultés d'évaluation, on peut effectivement le mettre en
doute.
M. Tetley: Oui. Est-ce que les autres membres de la
commission...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Taschereau.
M. Tetley: Un instant! Vous n'avez pas de question? Je n'ai pas
exactement terminé. J'ai encore quatre ou cinq minutes...
Le Président (M. Houde, Limoilou): D'accord, je pensais
que vous aviez terminé.
M. Tetley: ... sur mes vingt minutes. Vous me permettez de
terminer, mon cher ami. Vous n'êtes pas aussi exigeant que le
député de Lafontaine.
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Tetley: Est-ce que les autres membres du comité ont des
commentaires au sujet du système AutoBAC ou du système du
Barreau? Me Bouchard peut-être?
M. Bouchard: M. le ministre, dans le système du Barreau,
tel qu'il a été proposé par le deuxième rapport qui
vous a été soumis, et dans le premier rapport qu'on avait eu,
c'étaient sensiblement les mêmes propositions. Remarquez qu'il y a
peut-être un point qu'il serait important de rappeler constamment, parce
qu'il pourrait peut-être paraître par après, lorsqu'on
considère les conclusions du
comité, qu'on est assez sévère sur à peu
près tous les différents rapports qui nous ont été
proposés. Cela ne résulte pas d'idées
préconçues, cela ne résulte pas de préjugés.
Cela ne résulte d'aucune préconception. Lorsque le comité
précisément a eu à aborder toutes ces questions, il se
devait, en toute conscience et en toute honnêteté, de les aborder
objectivement, d'autant plus qu'étant membre du Barreau, j'avais
effectivement à me convaincre moi-même d'un tas de conceptions qui
étaient avancées.
Si vous voulez, on va les prendre par étapes. En ce qui concerne
les différents plans, que ce soit du Barreau ou du BAC, c'est à
peu près la même chose, c'est que vous avez fondamentalement une
notion, la notion de faute ou de responsabilité. Nous avons fait une
distinction dans notre rapport en ce qui concerne faute et
responsabilité. A ce propos, nous avions fondé ce qui
représentait précisément, si vous voulez, la quintessence
de notre pensée là-dessus, en disant qu'en ce qui concerne la
notion de responsabilité... On ne l'a pas rejetée au point de
départ, on l'a étudiée comme toutes les autres notions.
Nous avons adopté, après avoir rencontré les experts en
responsabilité, soit aux Etats-Unis, soit en Europe, le point de vue que
nous pouvons vous synthétiser comme le suivant et que je tire
directement du rapport qui représente vraiment en quelques lignes la
conclusion fondamentale de ce point de vue. En ce qui concerne la
responsabilité, je cite le professeur Tunc, qui est une autorité
sur le plan de la responsabilité en Europe: "Du point de vue prospectif,
on se demande si la responsabilité civile n'est pas vouée
à disparaître dans le domaine des accidents. Il est probable
qu'elle est en recul constant et qu'elle ne survivra que dans la mesure
c'est important où les assureurs procureront aux victimes un
meilleur service que la sécurité sociale dispensée par
l'Etat. A vrai dire, la notion même de faute s'évanouit.
Comment qualifier de fautif le comportement qui est tous les jours celui
d'honnêtes gens, soucieux de leurs responsabilités? Il y a une
chose qui se produit, et tous les jours, ce sont des accidents et des malheurs
qui tombent sans qu'on les ait voulus et sans qu'on ait pu, très
souvent, les éviter. On sait bien que les risques d'accidents
cela, je pense que c'est fondamental, vous allez me permettre d'y insister
varient avec le tempérament des conducteurs, les
véhicules, les régions, les jours, les conditions
atmosphériques. C'est dans un tel monde, tout différent de celui
où chacun veut prendre ses responsabilités en toute âme et
conscience et où, partant, l'idée de faute conserva sa
valeur.
Je vous ai fait cet exposé parce que, précisément
à la base du système du Barreau, le Barreau n'a pas
contesté cela. Il s'est contenté de dire, dans son rapport, que
la notion de faute est incrustée dans les moeurs et que le peuple du
Québec, comme toute population quelconque, ne saurait accepter une
disparition de la faute. Partant, il suggère le maintien de la
responsabilité et précise ensuite le rôle des avocats dans
le partage de la responsabilité devant les tribunaux.
Sur cette première partiede la responsabilité, je pense
que je ne veux pas m'étendre pi us longtemps. Dans le rapport, nous
avons assez longuement élaboré notre position pour vous
démontrer que non seulement notre conclusion, mais de façon assez
générale, ce qui se produit tant sur le continent
nord-américain qu'en Europe, c'est une notion qui était
vouée à disparaître.
La deuxième partie du rapport du Barreau qui justifie sa
proposition, c'est que la notion de faute étant fondamentale, vous devez
évidemment, faire la démonstration encore une fois. Or, on
démontre dans le rapport du Barreau qu'il est possible de faire la
démonstration d'une faute, d'un comportement fautif des parties.
Là encore on a démontré, à l'aide d'études
faites aux Etats-Unis et un peu partout ailleurs, qu'il était
pratiquement difficile, oui, mais à toutes fins pratiques avec des
conclusions très aléatoires, de déterminer deux ans, deux
ans et demi, trois ans après, la responsabilité véritable
d'actes humains qui se sont posés à un certain moment. Supposons
que cela puisse se faire. On dit encore: II résulte un délai
assez considérable. J'avoue. Le Barreau a dit dans son rapport
subséquent que les délais devant les tribunaux se sont
améliorés.
C'est vrai que, depuis que nous avons fait nos études, le
délai s'est amenuisé et qu'en cour Provinciale et qu'en cour
Supérieure les délais sont moins longs qu'ils ne
l'étaient. Bien sûr, mais ils demeurent. Ils demeurent encore trop
longs comparativement aux problèmes fondamentaux que nous avons
envisagés et à l'indemnisation de la victime. Et continuons la
démarche.
Oublions les délais maintenant et voyons la compensation qui est
accordée, compensation purement arbitraire. C'est un arbitrage fait par
un homme ou par un tribunal quelconque qui déterminera, à l'aide
de la preuve qui est faite devant lui, non pas en toute objectivité,
à l'aide des preuves et des faits qui lui sont apportés, dans
quelle circonstance, comment il faut arbitrer la responsabilité, et
d'autre part, les dommages qui en découlent.
Continuons la démarche. Une fois ceci fait, l'indemnité,
comment elle est accordée, avec quel coût? Tout cela pour dire, M.
le ministre, que la proposition du Barreau maintient, à notre humble
point de vue, intégralement tous les vices que nous avons
dénoncés du système actuel. Ce que le Barreau ajoute est
qu'il amplifie le chapitre b) de la police d'assurance qui existe
déjà actuellement, laissant intacts tous les problèmes que
nous avons soulevés dans notre rapport et ceux pour lesquels nous avons
été constitués en comité pour les
étudier.
Alors, nous ne pouvons faire autrement que de conclure que les
recommandations que nous avions faites demeurent intégrales et que nous
devons les maintenir face à la proposition du Barreau qui ne s'attaque
absolument pas au problème fondamental de l'indemnité des
victimes, sans parler du coût d'administration. Le Barreau n'en parle pas
du tout, et nous disons que c'est important parce que comme M. Gauvin
vous l'a répété plusieurs fois ici devant cette commission
parlementaire nous considérons que le pourcentage qui est
utilisé dans le facteur dollar-prime pour les frais d'adminis-
tration est prohibitif comparativement à ce qu'il pourrait
être.
M. Tetley: Merci. Avant de terminer mes questions, je voudrais
dire à Me Bouchard et à Me Belleau que c'était difficile
d'être à la fois avocat et membre d'une commission Gauvin et cela
affectait la profession et ma profession aussi. Je remarque que votre
curriculum vitae est en théorie et pratique, pour tous les deux, est
très volumineux. J'ai apprécié votre participation ainsi
que la participation des deux autres membres, M. Gauvin et M. Rankin. Je
voulais faire cette remarque parce que, en votre absence, un jour, un avocat
est parti en guerre absolument sans raison.
Je n'ai pas d'autres questions, sauf quelques mots à la fin, M.
le Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): D'accord.
L'honorable député de Taschereau.
M. Bonnier: M. le Président, je me demande si je dois
poser ma question à la suite de l'intervention de Me Bouchard parce que
son intervention est beaucoup plus fondamentale que la question que je voulais
poser, mais je vais peut-être revenir quand même à son
intervention. Je voulais savoir si les membres de la commission Gauvin
pouvaient apporter un peu plus de précisions quant aux 40% de la perte
subie par les assurés dans les blessures corporelles de grande valeur.
Est-ce que, d'après vos études évidemment, c'est
une étude sur une base d'échantillonnage vous avez
étudié un certain nombre de cas et vos conclusions sont qu'il y
avait au moins 40% de pertes subies qui n'étaient pas compensées,
cela pourrait être dû au mode de fonctionnement des tribunaux?
Est-ce que les tribunaux auraient une certaine jurisprudence qui ferait que,
dans la plupart de ces cas, ils n'admettent jamais en preuve la totalité
des pertes subies et ils prennent une certaine marge, quand même, au cas
où il y aurait des erreurs dans leurs projections de pertes subies pour
l'avenir?
M. Gauvin: D'abord, si vous me le permettez, j'aimerais
peut-être mieux laisser mes collègues avocats aller un peu plus
loin. Les barèmes que nous avons utilisés, effectivement, sont
ceux qu'on rencontre dans les cours de justice. On fait toujours mention des
cas qui se rendent devant la cour de justice, mais il ne faudrait quand
même pas oublier que ce n'est pas la grande majorité des cas. Il y
a beaucoup de cas, également, qui se règlent sans se rendre
à ce niveau. On voit, en fait, que le degré de compensation varie
selon le processus pris pour obtenir compensation.
Il est certain que la méthode d'évaluation de la perte
peut être un facteur. Maintenant, j'aimerais bien resituer le
problème des 40%. Les 40% sont la relation entre ce qu'on a payé
en indemnités à l'ensemble des victimes et ce que cet ensemble de
victimes avait subi comme pertes économiques. En fait, assez souvent, on
tient compte d'autres facteurs, d'autres pertes non économiques et on
ajoute des montants à ces sommes. Mais nous, dans le calcul de la
compensation, nous avons pris la compensation totale et nous n'avons
présumé que la perte était calculable, de telle sorte que,
si on avait pu trouver un moyen d'additionner ces pertes, la sous-compensation
de ces cas aurait été encore plus forte.
Comme je le dis, il y a le fait que les gens ne vont pas tous devant les
cours. Il y a des causes qui se règlent avant. Il y a probablement des
mauvaises évaluations de pertes. Là-dessus, ce que nous avons
fait, c'était quand même relativement élaboré. Des
équipes de recherches sont allées voir les victimes qui ont pu
être retracées pour leur demander: Combien de temps avez-vous
été véritablement absents du travail? Quel est votre
degré de manque à gagner, maintenant? L'analyse a
été faite pour aller chercher dans les faits quelle était
la perte de l'individu.
On doit conclure que le système actuel, qui est un système
de base, censé remplacer intégralement la perte, ne le fait pas.
Il faut le changer radicalement pour amener une bonne compensation des
victimes.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Mille-Iles.
M. Bouchard: II a deux autres réponses. M. Bonnier: La
réponse n'est pas terminée. Une Voix: Excuse, Claude.
M. Bouchard: Je voudrais, pour compléter, répondre
à votre question, M. le député, en ce qui concerne la
formule observée relativement à l'indemnité. Je pense que
je ne saurais mieux le faire que de vous donner un extrait de ce qu'un juge a
affirmé en cour Supérieure en 1973 et qui dit ceci: "Après
avoir évalué précisément la perte économique
d'un soutien de famille qui laisse une femme et deux enfants..." Après
avoir présenté toute la preuve, le juge s'étend sur les
doléances suivantes. Je vous cite ce que le juge dit en 1973: "Nos
tribunaux cherchent encore une formule magique permettant de fixer une
indemnité globale pouvant adéquatement compenser la perte subie
par les dépendants, les enfants, conjoints, ascendants et descendants
survivants. Les calculs mathématiques ne répondent pas de
façon satisfaisante. Trop de facteurs interviennent dont plusieurs sont
fort imprécis et aléatoires. Il appartient en définitive
au tribunal, saisi d'une instance, de fixer l'indemnité due à
chacun en regard des circonstances révélées par la preuve
pas les circonstances véritables pour autant qu'on
respecte les principes d'usage courant."
Là, vous avez vraiment ce qu'un juge qui a à
interpréter et qui a très souvent à le faire... A un
moment donné il se laisse aller et vous dit cela dans un jugement. On en
est rendu à cela et on cherche encore la formule magique pour indemniser
adéquatement les dépendants ascendants et les soutiens de
famille. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
M. Bonnier: Oui.
M. Belleau: Je pense que cela complète les informations
qui viennent d'être données. Ce que je veux ajouter, c'est que,
parmi tous ces facteurs, je pense qu'un facteur qui est très important,
c'est la nécessité de faire un paiement en capital une fois pour
toutes, alors que, quand on a calculé la perte, nous avons
calculé la perte réelle, indépendamment de la
nécessité de faire, à un moment précis, la somme de
la perte. Je pense qu'on l'a souvent oublié, ici, aux commissions
parlementaires, et ailleurs. Notre régime, quand il prend à sa
charge une victime d'accident, lui paie une rente. Il n'y a pas de limite quant
au temps. Il va la payer indéfiniment. Je pense qu'on peut l'ajuster
éventuellement, compte tenu de la condition des victimes, mais, encore
une fois, c'est à cause de la nécessité de faire un
paiement définitif en capital. C'est peut-être une des raisons qui
font qu'on cherche des formules magiques qu'on n'a pas trouvées, pour
répondre à une perte qu'on n'est pas en mesure d'évaluer.
Je pense qu'un régime qui va compenser la perte au fur et à
mesure qu'elle va se produire ou se maintenir est davantage susceptible
d'indemniser adéquatement la victime. Pour une bonne part, cela tient
à cette nécessité d'établir, une fois pour toutes,
la perte, dans ce calcul que le juge essaie de faire. Je voulais ajouter cette
dimension. C'est le système qui le veut. On paie une fois pour toutes en
capital. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles il y a cette
espèce de disproportion entre la perte réelle et le montant qu'on
accorde.
M. Gauvin: Si vous voulez me le permettre, je voudrais ajouter
que, souvent, l'attrait d'un capital peut faire que les gens vont accepter un
montant moindre que celui de la véritable perte. Cela peut être un
autre des facteurs. Si vous comptabilisez la perte d'une personne et que,
finalement, en tenant compte de son âge, en tenant compte de tous les
facteurs, vous arrivez à dire que cela vaut $20,000 et qu'on lui fait
une offre de $15,000, il peut être porté à prendre
cela.
Ils aiment mieux prendre ça que d'attendre et, finalement, lui,
il a eu simplement 75%. Je donne ça comme exemple. C'en est un. C'est un
des nombreux facteurs. Je pense qu'il y a quand même un nombre assez
considérable de facteurs qui font que les gens sont mal
indemnisés.
Maintenant, j'aimerais bien revenir c'est important aux
victimes que nous avons prises dans notre échantillonnage; on n'a pas
ajouté celles qui n'avaient pas droit à la compensation parce
qu'elles étaient en faute. Tel que c'est bien dit dans le rapport, ce
sont strictement des victimes dont il avait été établi
qu'elles avaient droit à une indemnité. On n'a pas dilué
les résultats avec celles qui n'y ont pas droit. C'est strictement dans
le système actuel, une victime qui y a droit. Nous avons
recherché comment sa compensation se compare à ce qu'elle a
perdu.
M. Bonnier: Juste une dernière question, en relation avec
celle-là, M. le Président, si vous per- mettez. Justement, M.
Gauvin, sur le plan strictement humain, s'il était recommandé en
fin de compte, dans la question de dommages corporels, que ce soient vos
recommandations qui soient acceptées, est-ce que beaucoup de
consommateurs surtout lorsqu'il s'agit de la mort d'un proche parent,
d'un garçon ou d'une fille, parce qu'à ce moment-là ils
évaluent en capital la perte, essayent d'évaluer et ont
actuellement la possibilité, devant les cours du moins, d'accrocher
quelque chose seraient aussi bien servis? Quels seraient leurs
réflexes selon vous?
Moi, j'ai l'impression qu'il pourrait y avoir, au niveau de certaines
gens, un réflexe négatif vis-à-vis d'une telle solution,
par rapport à ce qu'ils considèrent comme étant leurs
droits.
M. Gauvin: Encore une fois, dans le régime qu'on propose,
on donne l'option à l'individu qui ne serait pas satisfait, de dire:
Moi, j'en veux plus pour mes proches. On a un régime optionnel qui
s'applique non seulement à l'individu, mais à sa famille et
ça, il ne faudrait pas oublier de le considérer en fonction de ce
que le régime coûte. Nous avons recommandé un régime
qui paierait des indemnités, mais qui économiserait 20%. Si on ne
veut pas économiser les 20%, on pourrait se rendre compte qu'il y a des
sommes assez fantastiques qu'on pourrait allouer en plus aux victimes.
Il y a un problème, je pense, là-dedans, de
priorités sociales, à savoir: Est-ce qu'on aime mieux, d'une
part, réduire les primes, puis peut-être payer un peu moins
d'indemnités ou si on aime mieux conserver les primes au niveau
où elles sont aujourd'hui et payer beaucoup plus d'indemnités? Il
y a ce problème à résoudre. Je pense qu'on ne peut pas
dissocier les deux. Dans certains cas, on a dissocié les deux; on a dit:
Voici un régime qui donne plus.
Moi, je regrette, c'est inexact, parce que le régime qui donne
plus coûte 10% ou 15% de plus que l'autre. Il faudrait ramener
l'équation à un dénominateur commun pour être en
mesure de dire: Voici, tel régime coûte tant, il donne telle
chose. En fait, vous avez un régime AutoBAC qui dit: On épargne
10%. Vous en avez un autre qui dit: On épargne 20%. Mais quand on fait
la comparaison, je pense qu'il faut quand même tenir compte des
coûts et des indemnités payées.
M. Bonnier: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
des Mille-Iles.
M. Lachance: M. Gauvin, dans les réformes proposées
par votre comité, dans les conclusions auxquelles vous êtes
arrivé, à la page 377, je ne les comprends pas, c'est pour
ça que j'aimerais avoir vos commentaires. Je vais les citer, parce que
ça semblerait important. Vous dites en terminant: Le comité tient
à souligner que les réformes qu'il propose, au niveau de la mise
en marché et de l'administration de l'assurance sous le régime de
la libre entreprise, auront à plus ou moins brève
échéance
une conséquence certaine sur les autres branches d'assurance. Le
comité croit que le gouvernement devrait prendre les mesures
nécessaires pourque la situation, dans ces autres branches d'assurance,
ne vienne pas contrecarrer les effets des réformes dans
l'assurance-automobile.
C'est un genre de mise en garde pour ceux qui auront à
préparer les lois concernant ces choses-là. Il semblerait
que...
M. Gauvin: En fait, il ne faut pas oublier que la mise en
marché de l'assurance-automobile, actuellement, se fait de la même
façon que pour d'autres secteurs. Si on veut changer le rôle, si
on veut changer le mode de mise en marché dans un secteur qui s'appelle
l'assurance-automobile, il ne faudrait quand même pas que, par des
ententes dans les autres secteurs on puisse un peu renverser la vapeur.
Nous avons dit: Le courtier d'assurance doit être le conseiller de
son client seulement. Il ne doit pas y avoir d'ententes. Il ne doit pas
être rémunéré par l'assureur et il doit pouvoir
diriger l'assureur à l'endroit où ça lui semble le plus
approprié.
Si, par des ententes parallèles, l'assureur dit: Si tu m'envoies
de l'assurance-automobile, je vais te donner plus de commission dans d'autres
secteurs, vous tuez un peu, vous amoindrissez le but que vous recherchiez.
C'est dans ce sens-là que cela a été mis.
M. Lachance: Seulement dans ce sens-là, pas...
M. Gauvin: Seulement dans ce sens-là et cela pourrait
aller plus loin, effectivement. Il ne faut pas oublier que les assureurs font
affaires dans plusieurs genres d'affaires. Il ne faudrait pas qu'ils puissent,
lorsqu'on parle d'un taux de dépense de X%, ajuster leurs livres pour
passer des dépenses de l'automobile dans un autre secteur ou vice versa.
Il faut bien s'assurer ce n'est peut-être pas le sens de votre
question, mais j'en profite pour le souligner que, dans les faits, c'est
cela qui se passe.
M. Lachance: Que ce ne soit pas un précédent pour
qu'on change l'autre système, que ce soit l'assurance-vie ou ces
choses-là?
M. Gauvin: Non.
M. Lachance: Je veux revenir simplement à votre
recommandation numéro 56. Vous dites que les courtiers, les assureurs
n'auraient pas le droit de financer. Je pense que cette question a
déjà été posée.
M. Gauvin: Oui. Vous voulez savoir pourquoi, effectivement?
M. Lachance: Oui.
M. Gauvin: C'est un peu dans le but de réduire la
tâche du courtier. Le courtier émet le contrat, doit servir un peu
d'agent de perception, etc. Nécessairement, cela lui impose des
obligations et il doit être rémunéré en
conséquence. Il y a d'autres systèmes qui existent et qui
fonctionnent, où on a changé le mode et on a dit: Maintenant, le
financement ne se fera plus par ce truchement. On va beaucoup réduire
les tâches administratives des parties.
Si vous voulez avoir une autre raison, si vous voulez avoir de
l'assurance obligatoire, si vous voulez vous assurer que le contrat demeure en
vigueur, il faudra q ue la prime soit toujours payée pour q ue le
contrat ne soit pas annulé, comme cela peut se produire.
Avec un mode de financement où on donne la police en garantie,
à certains moments, il y a des gens qui n'ont plus d'assurance. On veut
également éviter cela.
Finalement, on a dit dans un mémoire, je ne me souviens pas
lequel, que cela augmentait les coûts. Il ne faut pas oublier que,
présentement, le financement, le public le paie, d'une façon ou
d'une autre. Le courtier, lui, reçoit une certaine commission et ses
frais de financement, il est obligé de les assumer à même
cela; dans certains cas, il en exige du client. On va me dire que ce n'est pas
exact, j'ai un exemple, mais il y en a d'autres où le public paie des
intérêts aux courtiers. De toute manière, le public paie le
coût de financement. Si vous l'envoyez ailleurs, ce n'est pas une
augmentation de coût. Cela permettrait même de réduire
l'assurance par les économies qu'on réaliserait. Par exemple, les
assureurs recevraient leurs primes d'avance. Ils devraient,
théoriquement, gagner plus d'intérêts. Finalement, s'il
existe une véritable concurrence, les assureurs vont repasser
l'économie aux consommateurs. S'il n'y a pas une véritable
concurrence, les mêmes assureurs vont peut-être s'enrichir un peu
plus.
M. Lachance: Merci.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Montmagny-L'Islet.
Accidents hors du Québec
M. Giasson: M. le Président, je n'ai pas eu l'occasion,
malheureusement, de suivre toutes les séances de la commission depuis
qu'elle siège.
J'ai souvent été retenu à d'autres choses. Il est
peut-être possible que les questions aient été
posées aux membres de la commission, mais dans l'hypothèse de
l'application intégrale de vos recommandations, c'est-à-dire
l'abolition du principe de la responsabilité absolue, comment voyez-vous
la possibilité de faire face aux problèmes des automobilistes du
Québec, vous ou moi, qui sommes impliqués dans un accident
très sérieux, en Ontario, où, je pense, le principe de la
responsabilité tient toujours, étant donné que le principe
de la responsabilité disparaît et que chaque assuré devient
protégé par les couvertures de son propre contrat? Lorsqu'on va
à l'extérieur et que le principe de la responsabilité
n'est pas aboli, quel mécanisme prévoyez-vous pour qu'on puisse
faire face à une réclamation venant d'un citoyen d'une autre
pro-
vince assujetti à la réglementation d'une autre
province?
M. Gauvin: II y a deux situations. Est-ce que vous parlez du
Québécois qui... Vous avez parlé en premier...
M. Giasson: Celui qui s'en va là-bas ou du Mani-tobain qui
s'en vient au Québec.
M. Gauvin: Le Québécois qui s'en va en dehors, cela
n'a peut-être pas été dit assez explicitement, mais il est
évident que le contrat d'assurance contiendra une clause de
responsabilité résiduelle lorsque cet individu ira en dehors.
M. Giasson: Vous maintenez le principe d'une certaine
responsabilité. Elle n'est pas totalement abolie.
M. Gauvin: Lorsqu'il est en dehors du Québec. Le
Québec ne peut quand même pas légiférer pour un
accident qui se passe en Ontario. Le contrat d'assurance devra couvrir
l'assuré du Québec qui aura un accident en Ontario pour les
dommages qu'il pourrait être appelé à payer, mais, de la
même façon, il ne faut pas oublier que...
M. Giasson: Avec une limite de couverture
déterminée lorsqu'il est à l'extérieur de sa
province.
M. Gauvin: C'est la limite de cet endroit, cela existe dans le
moment. Vous achetez une police d'assur'ance-responsabilité de $35,000,
vous traversez la frontière de l'Ontario et elle ne vaut plus $35,000,
elle en vaut $50,000 à cause des ententes qui sont faites. C'est une
chose qui existe déjà, que quand vous changez de région,
votre contrat d'assurance en tient compte.
M. Giasson: D'accord, cela va pour la limite qui est en vigueur
en Ontario, mais la personne ou les personnes de l'Ontario à qui je
cause des préj udices très grands, même si la loi de la
province exige une limite minimale de $50,000, ne perdent pas leur droit de
quand même revenir contre moi pour l'excédent de cette limite de
la province.
M. Gauvin: Si l'accident arrive en Ontario, vous avez raison,
c'est la loi de l'Ontario et l'assuré...
M. Giasson: Vous êtes Ontarien, je vous cause des dommages
évalués à $150,000, la loi de l'Ontario exige un minimum
de $50,000. Mon assureur paie $50,000. Vous me poursuivez à nouveau.
C'est votre droit, je vous ai frappé en Ontario. Qu'est-ce qui me couvre
à ce moment?
M. Gauvin : A ce moment, si vous n'avez pris que la limite
minimale, c'est vous qui allez être obligé de payer
l'excédent.
M. Giasson: Je n'ai pris que la limite minimale, mais les limites
dans le contrat du Québec, toujours dans l'hypothèse de
l'application de votre recommandation, que va-t-elle être?
M. Gauvin: Les limites dans le contrat du Québec?
M. Giasson: Oui, en matière de responsabilité pour
prévoir le cas d'accident que je ferais à
l'extérieur...
M. Gauvin: Résiduelle ou...
M. Giasson: ...dans les Etats ou dans les provinces où le
principe de la responsabilité tient toujours.
M. Gauvin: Tout d'abord, cela va être au moins le minimum
de ces Etats, parce que ce sont les ententes qui existent.
M. Giasson: Le minimum, cela va, mais ce sont les
excédents qui m'inquiètent.
M. Gauvin: L'excédent, vous allez avoir le choix d'assurer
la responsabilité résiduelle pour le montant que vous voulez.
Présentement, si je veux prendre $200,000, je peux prendre $200,000.
Quand je m'en vais en Ontario, on paie jusqu'à concurrence de
$200,000.
M. Giasson: Présentement dans votre régime actuel
mais...
M. Gauvin: Dans le régime préconisé, c'est
la même chose.
M. Giasson: Cela suppose que, même avec l'application de
toutes les recommandations de Gauvin, je peux m'acheter des couvertures
d'excédents de l'entreprise privée.
M. Gauvin: Vous allez être obligé d'en acheter.
D'ailleurs, les recommandations...
M. Giasson: Non seulement je vais être obligé, mais
je peux. Vous acceptez ce principe que je puis ie faire.
M. Gauvin: Pour les accidents à l'extérieur, oui.
Cela a été dit dans le rapport de l'évaluation. On a tenu
compte du coût de la responsabilité résiduelle. Le BAC en a
tenu compte également que le Québécois qui s'en va en
dehors doit avoir une couverture pour ce qu'on a appelé la
responsabilité résiduelle pour les accidents qui surviennent dans
un Etat où la responsabilité existe. J'aimerais simplement, si
vous me permettez...
M. Giasson: D'accord, cela va.
M. Gauvin: Vous avez présentement, aux Etats-Unis,
plusieurs Etats où on a aboli la responsabilité, le Michigan, par
exemple, d'une manière assez substantielle. Les assurés du
Michigan, quand ils voyagent dans un autre Etat où la
responsabilité n'a pas été abolie, sont couverts selon la
loi de cet endroit.
Ce n'est rien de nouveau, cela existe déjà. Vous avez des
situations...
M. Giasson: Non, pour autant que j'ai une couverture
assurée ici...
M. Gauvin: Absolument.
M. Giasson: ...en partant du Québec pour aller dans
n'importe quel Etat américain...
M. Gauvin: Vous êtes couvert.
M. Giasson: ...quelle que soit la loi, que j'ai la
garantie...
M. Gauvin: Oui.
M. Giasson: ...que, responsable d'un accident qui cause des
blessures graves ou la mort, j'ai la certitude que je ne suis pas
décapité par un accident au retour.
M. Gauvin: Non. D'ailleurs comme je vous dis, c'est la situation
qui existe dans les endroits où on a établi des régimes
semblables. Lorsqu'un assuré s'en va dans un autre endroit...
M. Giasson: Cela va être automatique. Le citoyen qui
s'assure à l'intérieur d'un régime tel que proposé
par vous est couvert automatiquement pour jusqu'à $1 million s'il doit
faire face à une loi de responsabilité d'une autre province.
M. Gauvin: S'il a choisi une limite de $1 million, à ce
moment. Cela dépend de...
M. Giasson: C'est automatique, c'est prévu dans le
plan.
M. Gauvin: Dans le plan...
M. Giasson: S'il doit acquérir une couverture
additionnelle et s'il oublie de le faire...
M. Gauvin: Si vous voulez avoir $1 million, c'est une couverture
additionnelle. La couverture de base des autres provinces est incluse dans le
régime, autrement dit, la limite minimale, parce que tous ces Etats ont
des limites minimales. Il y en a même qui ont encore $10,000,
effectivement. La limite minimale est incluse dans le régime
obligatoire. Si vous voulez avoir $1 million, c'est la même situation
qu'actuellement, vous devrez en acheter plus que la limite minimale.
M. Giasson: A l'intérieur du plan d'assurance-automobile
bâti selon les recommandations.
M. Gauvin: Oui, c'est cela. Si vous permettez, vous allez avoir
des situations très cocasses. Je vous défie de
démêler le fils d'un assuré du Michigan qui est dans une
auto de New York et qui a un accident au New Jersey. Vous avez trois lois
absolument différentes. Au Michigan, on couvre la famille. Disons que
l'accident, vous allez voir que...
M. Giasson: Ce n'est pas trop grave qu'il y ait trois ou dix
lois, si le gars, par son contrat d'assurance-automobile, a la protection qui
couvre toutes ces hypothèses.
M. Gauvin: Non seulement cela, mais notre régime
prévoira à l'assuré du Québec le moindre de ce
qu'on prévoit dans notre régime, ou ce qu'il pourra avoir en
Ontario. C'est que le Québécois aussi peut être
blessé en Ontario.
M. Giasson: Cela suppose, somme toute, si on résume,
qu'à l'intérieur du Québec, je suis couvert en vertu du
régime qui rejette la notion de responsabilité, mais que
dès que je sors du Québec ou que je vais dans d'autres
régions où le principe tient toujours, j'ai la garantie par mon
contrat de base d'avoir cette protection qui me couvre, quelle que soit
l'éventualité à laquelle je fais face.
M. Gauvin: Non seulement cela, mais vous avez la garantie que, si
c'est vous qui êtes blessé, vous allez avoir la plus grande
protection que vous puis-siea- avoir là...
M. Giasson: Toujours par mon régime à moi. M.
Gauvin: ...selon le régime du Québec.
M. Giasson: Ce n'est dans ce que moi je vais subir, cela ne peut
pas me foutre par terre. Ce qui peut me foutre par terre, c'est une
réclamation possible et tenant légalement contre moi, cela va me
faire bien plus mal que de perdre ma voiture ou perdre un peu de ma
santé ou de mon pourcentage de capacités.
M. Gauvin: Seulement, six pieds sous terre, cela ne fera pas
tellement mal.
M. Giasson: Non, même si je demeure vivant.
M. Gauvin: Si vous demeurez invalide, cela peut quand même
vous foutre...
M. Giasson: Si je demeure invalide et que je détiens
déjà une police d'assurance-salaire contre l'invalidité,
je fais face à une situation. Si l'autre, d'un autre pays ou d'une autre
province, vient avec une réclamation pour rafler tous les biens que je
possède, et que je suis encore assujetti à des paiements futurs
parce que je n'ai pas assez de biens pour faire face à la
réclamation immédiatement, je vais être en faillite.
M. Gauvin: Non, je vous assure...
M. Giasson: Cela peut faire beaucoup plus mal que ce que je peux
subir ou que les membres de ma famille peuvent subir.
M. Gauvin: Disons que je ne voudrais pas me
répéter en fait, le régime prévoit la
couverture de responsabilités dans l'Etat où vous allez lorsque
l'accident a lieu. Ce n'est pas nouveau. Le problème a
déjà été posé, les sol utions ont
été tro u vées et sont présentement
appliquées.
M. Giasson: Toutes ces protections pour une couverture nettement
élevée, disons $1 million, cela va être compris dans la
prime de base du régime...
M. Gauvin: Pas $1 million. J'ai dit la couverture minimale de
l'Etat où vous allez.
M. Giasson: II y aurait une prime additionnelle si je veux...
M. Gauvin: Oui, si vous voulez avoir $1 million. En somme, dans
notre régime... En Ontario, la limite est de $50,000. On a prévu
dans l'évaluation le coût, la couverture de responsabilités
résiduelles lorsque l'accident arrive en Ontario ou ailleurs. On n'a pas
prévu des excédents, parce que les excédents dans les
régimes optionnels, c'est toujours difficile d'établir dans
quelle mesure les gens les prendront. Ace moment, si vous voulez avoir $1
million...
M. Giasson: II y a des automobilistes qui n'en ont pas besoin
pour aller à l'extérieur, ils ne sortent jamais du Québec
avec leur véhicule.
M. Gauvin: Ils ne sortent jamais du Québec ou, en fait,
ils n'ont tellement pas d'argent qu'ils n'ont rien à perdre. Il y en a
qui peuvent être comme cela. Vous avez raison, il y en a qui ne sortent
pas du Québec. Alors, ils n'en ont pas besoin.
M. Giasson: Mais tout de même...
M. Gauvin: L'individu pourraitdire: Moi, je veux $1 million de
responsabilité résiduelle pour les accidents hors du
Québec. Il paierait une surprime et les surprimes ne sont pas
élevées entre $100,000, $200,000, etc.
M. Giasson: On connaît les différences de primes
entre les...
M. Gauvin: Cela sera moindre que les différences
actuelles, parce que cela ne va que s'appliquer en dehors du Québec. On
ne peut pas prendre les différences telles qu'on les connaît
présentement. Je ne sais pas par coeur ce qu'elles sont, mais cela va
simplement être une partie de cette différence pour lorsqu'on est
hors du Québec. C'est quand même assez minime.
M. Bouchard: D'ailleurs, si vous le permettez, je vais vous lire
seulement les deux phrases qu'on avait prévues à ce propos,
à votre question qui est très pertinente. On disait ceci: "Les
dispositions du régime s'appliquent à tous les véhicules
du Québec, quel que soit l'endroit de l'accident. L'assurance de base
suit le véhicule et l'assurance supplémentaire, qui est à
son choix, couvre les membres de la famille, même à
l'extérieur du Québec", dans la mesure où
l'événement implique un véhicule enregistré au
Québec, évidemment. Si vous êtes dans une voiture de
l'Ontario, c'est une autre chose. "De plus, l'assurance de base protège
l'assuré du Québec contre la responsabilité pour un
accident survenu en dehors du Québec, dans les cas où
précisément les régimes maintiennent un système de
faute". Je pense que cela répond à votre question.
M. Giasson: Pour autant que vous acceptez le principe d'une
couverture excédentaire...
M. Bouchard: C'est prévu dans notre régime.
M. Giasson: ...faisant face à la responsabilité qui
peut être établie contre moi...
M. Bouchard: C'est prévu.
M. Giasson: ...dans une région où c'est encore en
vigueur.
Une Voix: Oui.
M. Belleau: Si vous me le permettez, M. le Président, je
voudrais ajouter quelque chose. Je pense que vous connaissez assez bien les
polices d'assurance-automobile, je pense que vous êtes courtier. Par
analogie, c'est la même chose qui existe déjà dans le
contrat pour la non-assurance des tiers. C'est exactement le même
principe qui va s'appliquer. Cela existe déjà pour les gens qui
ont des accidents dans des endroits où il n'y a pas de fonds
d'indemnisation. C'est exactement le même principe. C'est une chose qui
existe déjà. Au fond, au plan technique, il n'y a pas de
difficulté. Cela existe déjà dans les contrats, ce qu'on
appelle la clause de non-assurance des tiers.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Beauce-Sud.
Fonction du courtier
M. Roy: M. le Président, il est évident que je n'ai
pas pu assister à toutes les délibérations qui ont eu lieu
aujourd'hui. J'espère qu'on va m'excuser à l'avance si je viens
à poser des questions...
M. Tetley: Toujours.
M. Roy: ...qui ont été posées; j'aimerais
qu'on me le dise à ce moment.
Je veux revenir un peu sur les dispositions du rapport Gauvin concernant
la fonction de courtier. C'est parce que je n'ai pas eu l'occasion de vous
poser ces questions au début des séances de la commission, avant
que nous commencions les audiences. Mais, je veux revenir là-dessus,
parce que j'estime quand même que c'est assez important.
Vous insistez beaucoup dans votre recommandation no 55, entre autres,
pour que le courtier n'intervienne plus dans le processus de règlement
des sinistres, de sélection de risquesetd'administration de la police.
J'aimerais que vous nous disiez, si vous pouvez nous en faire part ici, qui l'a
demandé et quels sont ceux qui ont fait pression auprès du
comité Gauvin, et d'abord, si vous avez eu des pressions de faites
à ce sujet ou si vous êtes venus à ces conclusions
après avoir examiné l'ensemble de la question.
M. Gauvin: D'abord, M. Roy, le comité Gauvin n'a pas
été la cible de quelque pression que ce soit. C'est à la
suite d'une analyse du problème, à la suite également de
discussions avec des experts et également par des consultations que nous
en sommes venus à la conclusion que, fondamentalement, si on veut
améliorer l'efficacité du régime, il fallait faire une
réforme complète et éliminer la sélection des
risques, éliminer les interventions qui nous paraissent inutiles et,
à ce moment, il fallait absolument changer le rôle du courtier
pour le faire.
J'aimerais vous citer de nouveau ce que disait un rapport de l'Etat de
New York, que j'ai cité ce matin, intitulé: "Competition in
Property and Liability Insurance in New York State". Ces gens en sont venus
à la conclusion que l'élimination de la sélection des
risques, imposée à l'assureur "the elimination by law of an
insurance company's right to choose its own customer".
On dit qu'il y a des effets bénéfiques, mais qu'il y a
"however great problems with such a proposition". Et je pourrais vous laisser
ce document. On dit bien "given the present structure of the insurance
distribution system, a rule that insurance companies must accept all applicants
who apply will notbe likely to achieve its objectives." Et, en fait, nous en
sommes venus à cette même conclusion après une étude
qui est une étude extrêmement sérieuse. Nous sommes
arrivés à la même conclusion que, si on voulait
éliminer la sélection des risques, fondamentalement, il fallait
changer le rôle du courtier. Tant et aussi longtemps qu'on ne l'a pas
fait, on ne pourra pas éliminer la sélection des risques et on ne
pourra pas, à ce moment, imposer aux assureurs d'accepter
obligatoirement tous les risques et on n'atteindra pas l'objectif sous-jacent
à tout cela qui est de rendre le régime beaucoup plus
efficace.
Comme je vous l'ai dit, le régime actuel retourne $0.60 par
dollar aux victimes. Si on veut obtenir un régime qui va retourner
$0.80, il faut faire des économies un peu partout et, parmi les
économies nécessaires, il y a celle découlant de
l'élimination de la sélection des risques. A ce moment, cela ne
va pas sans changer le rôle du courtier. Ce ne sont pas des pressions, ce
n'est pas une demande, je peux vous l'assurer, que les courtiers nous ont
faite. C'est simplement une analyse avec nos spécialistes et à la
suite des discussions que nous avons eues.
M. Roy: Si je vous pose cette question, c'est parce que nous
recevons comme député d'un comté je pense que c'est
surtout vrai dans les comtés ruraux des gens qui viennent nous
voir pour toutes sortes de raisons, toutes sortes de cas. Vous avez dit dans
votre rapport que 86% des transactions se faisaient avec des courtiers. Ce sont
des chiffres qui n'ont pas été niés par qui que ce soit,
qui ont été généralement admis. Donc, cela veut
dire qu'il y a 14% des assurés qui font affaires directement avec des
compagnies d'assurance.
Dans le cas de règlement des sinistres, avez-vous fait une
étude concernant les méthodes, les délais et la
façon dont sont réglés les sinistres vis-à-vis des
compagnies qui transigent directement avec leurs assurés,
comparativement avec les cour- tiers et quelles conclusions ou
différences avez-vous constatées?
M. Gauvin: Pardon?
M. Roy: J'ai dit: Quelles sont les constatations que vous avez
faites à ce sujet et quelles sont les conclusions que vous en avez
tirées sur ce point particulier? J'aimerais d'abord savoir si vous avez
fait des études comparatives à ce niveau.
M. Gauvin: Oui. Nous avons obtenu des chiffres et des analyses
comparatives. Nous n'avons pas divulgué de noms de compagnies. On a, en
fait, des délais qui apparaissent par exemple, dans le rapport. Nous
nous étions engagés à ne pas divulguer les noms de
compagnies et nous ne l'avons pas fait. Il y avait là-dedans des
"directes". Il y avait, effectivement, des compagnies d'assurance ce
qu'on appelle les directes, mais je reviendrai là-dessus, si vous le
permettez qui font affaires par l'intermédiaire de courtiers. De
ces compagnies directes, il y en a qui étaient moins bonnes que les
autres et il y en a qui étaient meilleures que les autres quant aux
délais. Par ailleurs, il y avait autant de variations dans celles qui
faisaient affaires par l'entremise des courtiers que de l'autre
côté.
J'aimerais bien situer le problème. Ce que nous avons
recommandé n'est pas du "direct writing" comme il existe
présentement. Nous avons même pris la peine de dire qu'il y a 86%
du public et cela n'a pas été nié par qui que ce
soit qui fait affaires par les courtiers. Comme d'ailleurs pour tous les
autres chiffres du rapport, je n'ai pas vu de preuve qu'ils n'étaient
pas exacts. Nous avons pris la peine de dire que le courtier demeurera
l'intermédiaire principal, parce que ce que nous préconisons
n'est pas l'ouverture de bureaux par les compagnies d'assurance. Nous
préconisons pour le consommateur le libre choix d'aller voir son
courtier, d'aller à une compagnie d'assurance qui a un bureau à
un endroit ou, s'il le veut, d'écrire lui-même directement
à l'assureur qu'il veut. A ce moment, il sera obligé de faire
affaires directement avec un assureur, il n'aura pas l'avantage du conseil de
son courtier, qui est valable, mais il aura le choix de faire l'un ou l'autre.
Dans la grande majorité des cas, les gens, d'après nous,
continueront de faire affaires avec leur conseiller en assurance ou leur
courtier, parce qu'il rend un service valable.
M. Roy: Je comprends, mais vous avez une recommandation qui est
bien précise, M. Gauvin, quand vous dites que les courtiers
n'interviennent plus dans le processus de règlement des sinistres. Vous
en faites une recommandation qui est bien spécifique. C'est la raison
pour laquelle j'aimerais savoir de quelle façon vous pouvez voir le
service auquel l'assuré a droit lorsqu'il n'y a pas de bureau
d'assurance dans la région où il demeure.
Actuellement, il a son courtier et le courtier intervient dans le
processus de règlement des sinistres comme ceci: on avise le courtier
qui, lui, avise la compagnie d'assurance de nous envoyer les formules et on
sait de quelle façon cela se règle. Mais nous
avons du service. On ne demeure pas tous à Montréal, dans
la province de Québec.
Je n'ai pas mes dossiers devant moi, mais je pourrais vous citer des cas
de gens qui ont transigé directement avec des compagnies d'assurance.
Cela fait cinq mois que l'accident a eu lieu et on n'accuse même pas
réception des lettres, parce qu'il n'y a pas de courtier pour prendre
l'intérêt et la défense de la personne. La compagnie n'est
même pas dans la province de Québec.
M. Gauvin: Ce n'est pas, à mon sens, la raison
fondamentale. La raison fondamentale, c'est que vous faites affaires avec un
assureur dont vous n'êtes pas le client bien souvent. Vous faites
affaires avec l'assureur de l'autre partie. La journée où vous
allez faire affaires avec votre propre assureur, la journée où
cela va être vous qui allez être son vrai client, il va vous donner
du service. Autrement, vous ne resterez plus son assuré.
Le problème fondamental, aujourd'hui, c'est que vous faites
toujours affaires avec un adversaire. C'est l'assureur de l'autre. Ces
problèmes, en général, arrivent toujours quand c'est
l'assureur de l'autre. Lui, en fait, vous n'êtes pas son client et le
service, il n'y tient pas. Même s'il ne vous en donne pas trop,
effectivement, cela ne le dérange pas. Vous n'êtes pas son vrai
client. Mais la journée où vous avez de l'assurance directe,
où vous faites toujours affaires avec votre assureur, s'il ne vous donne
pas satisfaction, vous allez changer d'assureur. L'assureur qui n'en donne pas
va être obligé de relever ses manches et de donner plus de
service.
M. Roy: Oui, mais l'assureur, M. Gauvin, n'a pas des bureaux
établis partout au Québec.
M. Gauvin: Non.
M. Roy: Dans le cas d'un sinistre et dans le cas d'un accident,
on parle de diminuer le coût de l'assurance-automobile.Tout le monde est
d'accord là-dessus. Mais, dans l'assurance-automobile, il n'y a pas
seulement le coût de l'assurance. Il y a le service que nous devons
obtenir. Si, pour économiser $10 dans la prime d'assurance, les
assurés se retrouvent dans l'obligation de dépenser $20, $25, $30
ou $40 chaque fois qu'ils pourraient avoir une réclamation, par le fait
qu'il n'y a pas de services dans la région, à ce niveau, et que
le courtier est complètement exclu de l'intervention qu'il avait
l'habitude de faire auparavant, dans l'intérêt même des
assurés, j'aimerais qu'on me dise... Vous dites: II va y avoir une
intervention directe. Mais prenons le cas, par exemple, des gens qui demeurent
à Lac-Frontière ou à Dorset, dans le comté de
Beauce-Sud, qui sont très loin des grands centres; quel sera le service
et comment ces gens pourront-ils s'organiser de façon à pouvoir
être capables d'insister auprès de la compagnie ou de faire les
pressions qui s'imposent auprès de la compagnie pourque leur affaire se
règle au plus tôt, s'il n'y a aucun intermédiaire pour
prendre l'intérêt de son client?
Actuellement, ce sont des choses qui sont faites par les courtiers dans
les régions rurales.
M. Giasson: Le député de Beauce-Sud vient de poser
la question la plus intéressante, à mon sens, vis-à-vis
des implications que le rapport Gauvin, dans son application intégrale,
va avoir en milieu rural.
Sur papier, je vais le lire, votre affaire va bien, M. Gauvin. Mais vous
allez voir que, si cela se traduit dans une réalité, dans les
grands centres, quand tu es proche de ton agent, tu es proche des bureaux de
réclamation, des agents de réclamation et de la compagnie, cela
va bien, mais, dans le milieu rural, on va arrêter de jouer avec le
livre, on va descendre sur le plancher des vaches et on va regarder ce que cela
va donner comme application pratique. Vous allez voir que cela ne sera pas si
fin et si commode que ce que vous prétendez.
M. Gauvin: C'est bien évident qu'il va y avoir des
problèmes.
M. Giasson: Vous avez dit une belle phrase, tout à
l'heure: Vous allez donner du service. Vous n'avez jamais dit si vrai. Mais qui
va payer le service?
M. Roy: C'est cela.
M. Gauvin: C'est toujours le public qui paie le service.
M. Giasson: Non. Dans le contexte de rémunération
de votre conseiller, ce n'est pas le public. Vous l'avez assujetti à un
montant de rétribution que vous jugez essentiel pour appliquer les
baisses de coût dans les primes d'assurance-automobile, si on reste
logique avec tous les calculs que vous avez faits. L'assuré, dans la
campagne, est habitué àfaire affaires avec son courtier. Il va
aller faire compléter une proposition, se faire expliquer les
couvertures que sa police va lui accorder et après, dans la pratique,
quand il va revenir pour des changements à apporter,
nécessairement, dans le cours de la police il va toujours y avoir
des changements lorsque le gars va changer de véhicule, va vouloir
inclure des jeunes conducteurs, parce que cela ne sera pas une prime uniforme,
absolument, pour tout le monde quand les réclamations vont
arriver et que le gars va venir te voir, tu vas être obligé de lui
dire: Mon gars, c'est bien dommage, au taux auquel on me
rémunère, je ne fais plus d'appels interrurbains et je n'appelle
plus les agents de réclamation.
Je n'appelle plus la succursale. Voici le numéro de
téléphone, appelle. Vous pensez que cela va se faire comme
ça?
M. Gauvin: En fait, il ne faudrait pas oublier qu'on ne pourra
jamais amener Montréal à Dorset, je ne sais pas si c'est dans le
comté de Beauce-Sud. Il y a quand même des avantages et des
désavantages à vivre dans certains milieux.
M. Tremblay: M. Gauvin, au Québec, géographiquement
parlant, il y a des gens qui restent partout. Le Québec, c'est rural.
Vous avez deux territoires métropolitains Québec et
Montréal, et Sherbrooke, un peu, si on parle de densité de
population.
A par cela, c'est "at large" à la campagne. C'est beau, le
Québec.
M. Gauvin: Oui, c'est beau.
M. Tremblay: Mais, comme le dit mon collègue de
Montmagny-L'Islet, l'application du système, au niveau du service, dans
le moment... Le gars qui est assuré et qui demeure dans une petite
place... Moi, je demeure dans une petite place, nous demeurons tous dans une
petite place, sauf le député de Mille-Iles, peut-être.
M. Lachance: A Laval.
M. Giasson: Infailliblement, on va être obligé de
dicter des lettres à nos secrétaires de bureau au nom de notre
client, parce qu'il va dire...
M. Tremblay: Nos courtiers.
M. Giasson: ...Giasson, veux-tu, tu vas m'écrire cela, tu
connais cela. Tu sais comment réclamer. Notre secrétaire va
travailler pour le client à l'intérieur de la
rémunération que vous avez prévue. Deuxièmement,
sélection des risques. Dans vos prévisions, un courtier actuel
qui devient conseiller veut continuer de vendre de l'assurance-automobile,
prévoyez-vous qu'il deviendra un conseiller pour une compagnie ou s'il
pourra rester sous contrat avec plusieurs compagnies?
M. Gauvin: Nous prévoyons qu'à ce moment-là
il va devenir conseiller pour toutes les compagnies. Il pourra envoyer ses gens
"at large", partout.
M. Giasson: D'accord, cela va. C'est une déclaration, je
la prends. Ramenons cela au pratique. Les compagnies auront-elles le droit
d'annuler les polices pendant leur durée?
M. Gauvin: Non.
M. Giasson: II faudra qu'elles attendent...
M. Gauvin: Les compagnies sont obligées d'accepter tous
les gens qui leur feront une demande d'assurance. Elles n'auront pas le droit
de rejeter une seule demande. Elles ne pourront pas de plus annuler le
contrat.
M. Giasson: Au renouvellement, est-ce qu'elle va pouvoir se
désister devant certains risques ou si elle va être obligée
de continuer à les assumer?
M. Gauvin: Ce n'est pas l'assureur qui va décider qui il
assure. C'est l'assuré avec son conseiller. Nous avons dit...
M. Giasson: Dans cette hypothèse, vous parlez d'abolition
de la sélection des risques. L'expérience pratique dans un bureau
d'assurance générale où il y a un volume d'automobiles,
c'est que je peux faire la sélection des risques à moins que vous
ne me donniez la formule qui va m'empêcher de la faire. Je connais assez
bien la qualité des risques. Ils ne sont pas tous égaux dans
l'automobile, vous savez cela. Si je décide q ue, si j'ai des
assurés, des automobilistes que je considère comme d'excellents
risques, je les place chez un de mes assureurs et que, quand j'ai des risques
plus hasardeux, plus douteux, je les place toujours chez l'autre assureur, il
n'aura pas le choix, il va être obligé de toujours...
M. Gauvin: Oui.
M. Giasson: ...assumer les mauvais risques que volontairement je
lui donne?
M. Gauvin: Mais il n'aura pas la même prime
éventuellement. Parce que chaque assureur va fixer la prime qu'il
veut.
M. Giasson: Même s'il n'a pas la même prime. M.
Gauvin, vous ne pouvez pas inonder...
M. Gauvin: L'assureur, par exemple... Excusez-moi.
M. Giasson: ...un assureur de mauvais risques. Jamais il ne
pourra appliquer la prime proportionnelle aux hasards que vous lui donnez.
M. Gauvin: Non, je ne suis pas d'accord sur cela, parce que
l'assureur aura toujours le droit d'édicter ses normes, à quelles
conditions il accepte. Il va dire: J'accepte tout le monde, mais tel individu
qui a telle caractéristique va dans telle classe. Tel individu qui a
telle autre caractéristique va dans telle autre classe.
M. Giasson: II pourra toujours augmenter sa prime de façon
arbitraire parce qu'il juge que c'est...
M. Gauvin: Pas arbitraire, parce que, s'il y a de la
compétition, dès que cela va devenir arbitraire, c'est là
que va jouer son rôle un dépliant comme celui que j'avais ce matin
où il y a des comparaisons de tarifs. Dès qu'un assureur va
augmenter sa prime à un niveau trop élevé, vous n'enverrez
plus vos clients là, vous allez dire: Je vais les envoyer ailleurs.
C'est trop cher. Le jeux de la compétition va jouer. L'assureur va dire:
Telle catégorie de risques...
M. Giasson: Oui, je comprends. Si l'assureur dépasse
largement, en matière de tarification, ce que l'ensemble des autres
assureurs font, cela va...
M. Gauvin: II n'aura plus d'affaires, il va s'en aller.
M. Giasson: Mais s'il est obligé d'accepter tous les
risques que je lui soumets, volontairement, en faisant ma propre
sélection, je peux embarrasser un assureur et favoriser d'autres
assureurs. Je vous dis cela en fonction d'une expérience de quinze
ans.
M. Gauvin: Oui, mais là, c'est quand même dans le
système actuel. Il faudrait bien...
M. Giasson: Je prétends connaître cela un peu.
M. Gauvin: Je n'ai jamais mis en doute que vous connaissiez cela,
mais, justement, quel doit être votre intérêt de jouer
contre un assureur? Vous n'avez pas d'intérêt. Vous conseillez
votre client, le meilleur service au meilleur prix. Ce n'est pas
nécessairement le plus bas. Pourquoi enverriez-vous ces
cas-là?
M. Giasson: Peut-être moins dans le nouveau système.
Mais vous savez que les assureurs, vis-à-vis des bureaux de courtiers,
donnent des accommodements. Je ne parle pas en matière de taux ou de
commissions, mais dans les relations, la rapidité d'exécution des
demandes que le courtier place et au point de vue du placement des risques
aussi, il reçoit des accommodements de placement de risques c'est
dans le système actuel que d'autres assureurs ne donnent pas.
Question de volume, d'expérience de l'agence, etc.; il y a bien des
facteurs qui interviennent.
M. Gauvin: Oui, mais c'est ça qu'on veut abolir dans
l'automobile. On veut que tous les conseillers, tous les courtiers puissent
placer tous les risques où ils le veulent. C'est
précisément ça. On veut, en fait, que le courtier soit un
peu égal à égal avec l'assureur et envoie tous les risques
au meilleur endroit. Qu'est-ce que vous voulez, le courtier qui se fait
annulerdes risques ou dont on veut pas accepter les affaires, ce n'est pas
fameux pour lui, ça lui cause toutes sortes d'embêtements.
M. Giasson: II restera toujours sans doute, si ça se
pratiquait chez les conseillers, la possibilité pour un assureur de
mettre fin à un contrat d'agence avec un conseiller. Vous ne lui
enlèverez pas ce droit.
M. Gauvin: Pas en automobile, on ne veut pas de concurrence.
M. Giasson: L'automobile... On va être obligé; si un
conseiller ou un ancien courtier demande de représenter telle compagnie,
la compagnie n'a pas le choix.
M. Gauvin: Non, il n'a même pas besoin de les
représenter; il les représente tous. Il représente
l'assuré seulement. L'assureur ne peut pas lui dire: Tu n'as pas le
droit de placer chez nous. Tu places tous les risques.
M. Giasson: Je continue à avoir ma petite idée
là-dessus, moi.
M. Rankin: Excusez-moi, M. le Président, est-ce que je
peux ajouter quelques mots sur le rôle du courtierdans le
règlement des sinistres, parce que cela a l'air d'être un peu mal
compris? C'est dans le processus de règlement des sinistres et ce n'est
pas quelque chose que nous avons inventé. Cela existe déjà
dans les juridictions où on trouve l'assurance directe. Il faut quand
même mettre ça dans le contexte qui est envisagé.
Mettez-vous dans la situation où vous avez une réclamation de
dommages matériels. Je parle seulement de dommages matériels pour
le moment, parce qu'il y a six ou sept réclamations pour chaque
réclamation pour blessures corporelles.
A l'heure actuelle, c'est vrai que, dans les milieux ruraux, vous passez
par votre courtier, mais lui il envoie ça automatiquement à la
compagnie d'assurance. Lui, en fait, n'est qu'une étape dans le
processus. On peut éliminer ça. Il n'ajoute rien du tout, sauf
quand il y a quelque chose en dehors de l'ordinaire. Dans ce cas, il va agir
comme conseiller dans la réclamation. On ne dit pas qu'il ne peut pas
agir comme conseiller dans la réclamation; on dit seulement dans le
processus. Cela existe déjà dans le Massachusetts et en Floride
et ça existe aussi à Québec et en Ontario avec quelques
compagnies.
Ils vont vous conseiller de téléphoner directement
à la compagnie. Vous allez avoir une réclamation plus rapide, un
règlement plus rapide. Les gens ont pris l'habitude de
téléphoner à leur courtier, mais, assez souvent, vous en
avez l'expérience, il agit seulement comme une boîte à
lettre. Au lieu de faire cela, vous envoyez ça directement à la
compagnie d'assurance. Je cite l'exemple d'une grande compagnie qui a une ligne
directe interurbaine. Alors, chaque assuré peut téléphoner
pour les réclamations directement.
M. Giasson: M. le Président...
M. Roy: Je n'ai pas fini, M. le Président.
M. Tetley: C'est parce que ça fait une journée;
j'admire votre présence, mais venir à la fin...
M. Giasson: Un peu tardive, c'est ce que vous voulez dire.
M. Tetley: Mais non, c'est comme a dit le bon Dieu; il payait
tout le monde le même salaire, malgré qu'un est arrivé
à la onzième heure. Qu'il ne force pas les autres à
travailler en surtemps.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Beauce-Sud.
M. Roy: Moi, si je pose toutes ces questions, je ne veux pas
donner l'impression à qui que ce soit que je veux prendre la
défense des courtiers, loin de là. Non, je veux bien que ce soit
clair dans l'esprit de tout le monde. Ce que je pose comme question ici, c'est
que les courtiers même si on trouve ça drôle, la
réalité est là dans les régions rurales du
Québec, ce sont eux jusqu'ici, qu'on aime ça ou non, qui ont
donné les services à la population; ce ne sont pas les compagnies
d'assurance comme telles. Des bureaux, il n'y en a pas.
Il y a deux façons de se débarrasser de choses qu'on
considère à un moment donné, comme gênantes ou qu'on
cherche à éliminer pour d'autres fins: les éliminer par
une loi, quand c'est une chose qui peut être faite, ou bien leur rendre
la vie impossible.
Le service de l'assurance-automobile, je considère qu'il est
primordial, parce que la personne qui
assure son véhicule, qui s'assure, paie pour un service. Ce n'est
pas tout de payer, ce n'est pas simplement une question de coûts; c'est
une question de services, comme je le disais tout à l'heure.
On fait donc en sorte que le courtier, qui est le seul
représentant dans les régions éloignées, dans les
régions rurales du Québec, n'ait à intervenir, si je me
fie aux recommandations de la commission Gauvin, dans les règlements des
sinistres, d'aucune façon.
M. Rankin: Dans le processus de règlement.
M. Roy: Dans le processus de règlement des
réclamations, il n'a à intervenir en aucune façon en ce
qui a trait au financement de la prime, parce qu'il faut en réduire le
coût, il n'intervient pas dans un autre domaine et, à cause des
difficultés politiques je dis bien des difficultés
politiques et de la concurrence qui existe à ce niveau-là,
compte tenu du fait que les grosses compagnies d'assurance veulent garder leur
fromage et on ne peut pas les blâmer de vouloir garder leurs
prérogatives on fait en sorte d'éliminer le courtier et on
fait d'une pierre deux coups.
Les petites compagnies d'assurance, que vont-elles faire
là-dedans? On n'en a pas tellement parlé. Les petites compagnies
d'assurance québécoises qui oeuvrent dans le domaine de
l'assurance-automobile, qui ont débuté avec très peu de
chose et qui ont terminé...
M. Giasson: Nommez-les!
M. Roy: Je ne ferai pas de publicité pour les compagnies
comme telles. Je ne suis pas ici pour défendre les compagnies. Mais il
faut tenir compte de tous les aspects du problème, si on veut agir de
façon sérieuse et de façon consciencieuse. Il y a les
assurés, il y a les compagnies et il y a les courtiers qui agissent
comme intermédiaires qui, jusqu'ici, ont joué un rôle et
ils sont nécessaires.
C'est curieux, mais je remarque qu'on en dit beaucoup et on semble
vouloir s'attaquer surtout aux courtiers là-dedans, pour vouloirfaire un
grand processus de changement. Je suis encore à entendre des plaintes de
la part de la population. Je m'étonnerais même que, lors des
études que vous avez faites et des longues séances que vous avez
tenues pour entendre les mémoires ou encore recevoir les
délégations ou les organismes qui se sont présentés
devant la commission Gauvin, vous ayez eu tellement de plaintes à
l'endroit des courtiers.
Si les compagnies d'assurance, compte tenu de ce fait, plutôt que
de hausser leurs primes d'assurance je pose la question font en
sorte de diminuer les revenus des courtiers de façon à leur
rendre la vie impossible, comme je le disais tout à l'heure, il est
évident qu'on va faire d'une pierre deux coups. Mais qui sera le
bénéficiaire derrière tout cela? C'est là la
question. Est-ce que ce sont les assurés? Je ne le crois pas. Ce seront
peut-être les grosses compagnies, peut-être les multinationales,
qui vont encore être les grandes gagnantes dans tout cela.
Peut-être que cela justifierait par la suite, de vouloir les
étatiser.
Je me demande si, dans le rapport Gauvin, vous avez étudié
les implications parce qu'il y a quand même des implications
économiques dont il faut tenir compte, tout en prenant
l'intérêt primordial des assurés et les
conséquences, à moyen et à long termes, que ces
recommandations, si elles étaient mises en application, pourraient avoir
dans l'avenir et l'influence qu'elles pourraient avoir sur les prix des primes
d'assurance à venir et sur la qualité des services à
être donnés aux assurés. Je remercie le
député d'Iberville de son commentaire.
M. Tremblay: C'est une longue question.
M. Gauvin: Cela peut être une longue ou une courte
réponse. Il est bien évident que, lorsque nous avons fait
l'étude, on a pris en considération que les réformes qu'on
préconisait allaient affecter durement certains groupes.
Il y a beaucoup de choses que vous avez dites, sur lesquelles je ne suis
certainement pas d'accord. Vous avez même mentionné un fait, M.
Roy, que cela favorisait les multinationales.
M. Roy: Oui. J'en suis convaincu. Je m'excuse, mais j'aimerais
avoir votre opinion à ce sujet-là.
M. Gauvin: Est-ce que je peux essayer de répondre?
M. Roy: Oui.
M. Gauvin: J'aimerais qu'après vous me disiez comment. Si
on prend la somme des réformes qu'on préconise, moi et je
pense que mes collègues du temps avaient la même impression
je suis persuadé, effectivement, que les entreprises
québécoises seraient même favorisées avec les
réformes préconisées.
Mettez-vous à la place d'une multinationale, vous en avez une qui
est venue vous dire toutes sortes de sornettes. Je ne m'en cache pas, nous
sommes censés être entre bonnes mains avec elle, je ne la nommerai
pas, moi non plus.
Elle a été condamnée à $100,000 d'amende en
Floride pour avoir eu bien des pouces dans ses mains au lieu d'avoir les
mains...
M. Roy: Oui, les multinationales, oui.
M. Gauvin: Je demeure convaincu que cette multinationale avait
une raison de venir ici. Elle ne veut pas que le système change. Elle a
une raison pour ne pas vouloir que le système change; c'est qu'elle sait
très bien que, si jamais on arrivait au Québec avec quelque chose
de nouveau, avec quelque chose de différent, elle ne pourrait pas rester
au Québec. Tout est mené d'une petite place du "su-burd " de
Chicago. Je vais quasiment la nommer. Il n'y a rien qui se fait au
Québec. Il n'y a pas de décisions qui se prennent au
Québec. Elle fait tout au Québec comme elle le fait ailleurs.
Vous allez imposer un nouveau système, vous allez arriver au
Québec en disant: Dorénavant, nous autres, notre système
d'assurance fonctionne comme cela, notre mise en marché est faite de
cette
façon. Effectivement, son affaire ne marche plus. Son gros
ordinateur devient tout mélangé et elle n'est pas
intéressée à se faire tout un nouveau système pour
le Québec.
Je suis convaincu que, contrairement à ce que vous dites, les
recommandations du rapport du comité que j'ai eu l'honneur de
présider favorisent les entreprises du Québec. Je n'ai pas peur
de le dire. On n'avait pas le mandat de le favoriser. Dans notre
arrêté en conseil, on ne nous a jamais dit de favoriser ceci et de
favoriser cela. Ils ont dit: Les victimes en premier. Quand même, on
était conscient que cela permettait à nos compagnies
québécoises de s'épanouir encore plus qu'elles ne le font,
parce que vous avez beaucoup de compagnies qui agissent au Québec et qui
n'y sont pas, qui font affaires ici. C'est une petite succursale le
Québec pour elles. Changer leur philosophie et leur façon de
penser pour le Québec, elle n'y seront pas intéressée et
elles vont s'en aller.
Ce qui va arriver, c'est qu'on va finir par avoir des compagnies
québécoises plus fortes que celles qu'on a pour le Québec
et qui pensent en fonction du Québec. Là-dessus, je ne partage
pas du tout votre point de vue qu'on favorise les multinationales, pas du tout
à ce point de vue.
M. Roy: J'aimerais avoir votre opinion...
M. Giasson: Parce qu'ils nous en ont sorti une capable quand ils
sont venus ici.
M. Gauvin: Ils vous en ont sorti plusieurs capables.
M. Giasson: Ils sont allés jusqu'à plaider la cause
du courtier. Pour sauver le système actuel, ils sont allés
plaider la cause d u courtier. Ils se sont dits favorables aux courtiers. C'est
la meilleure que j'aie entendue.
M. Gauvin: On dit même que c'est du direct qu'on veut
faire, que le comité Gauvin préconise l'assurance "direct
writer". Vous avez eu un "direct writer" qui est venu ici et qui s'oppose
à cela. J'ai mon voyage! Si c'est cela qu'on préconisait, cher
monsieur, comment se fait-il que ce gars est venu ici pour vous dire: Ne faites
pas cela? C'est ce qu'il fait partout. Voyons, il n'en veut pas. Il sait que
les quelques millions de dollars d'affaires qu'il fait ici, il ne les ferait
plus demain matin.
M. Roy: Est-ce qu'il a un permis du...
M. Gauvin: Les assurés du Québec seraient
probablement mieux servis.
M. Giasson: Où celui-là place-t-il son argent?
M. Gauvin: On n'avait pas le mandat d'examiner le
problème.
M. Giasson: Quelle partie de l'argent des primes perçues
au Québec ou des placements vient-il faire chez nous?
M. Gauvin: On n'avait pas ce mandat.
M. Roy: Est-ce que cette compagnie, cette entreprise a un permis
pour faire affaires au Québec?
M. Tetley: Tous ceux qui font affaires au Québec ont un
permis.
M. Roy: Vous leur avez donné un permis.
M. Tetley: De quelle compagnie parlez-vous? On ne peut parler
sans... Il y a peut-être plus d'une compagnie qui remplit...
M. Gauvin: Je ne la nommerai pas.
M. Tetley: Vous ne l'avez pas nommée. C'est difficile pour
moi de vous donner une réponse.
M. Gauvin: A moins que vous ne m'assuriez de l'immunité
parlementaire.
M. Tetley: II faut être élu pour avoir ce plaisir et
ce droit.
M. Roy: Ce n'est même pas une garantie.
M. Tetley: Non, ce n'est pas nécessairement une
garantie.
Centres d'évaluation
M. Giasson: M. Gauvin, votre recommandation 57: "Que
l'évaluation des dommages soit effectuée par des centres
d'évaluation dont l'administration est commune à toutes les
assurances. " Dans votre vision de l'implantation de centres
d'évaluation, est-ce que vous les voyez nombreux dans les milieux
ruraux?
M. Gauvin: Nécessairement, ils seraient en fonction du
volume en question. Quand on parle de centres, ce ne sont pas
nécessairement des centres physiques. Il y a bien des choses qui ont
été dites. Je regrette de revenir sur les mémoires. Je les
ai tous lus, mais il y a tellement de choses qui ont été dites
que ce n'est pas à rire, c'est pratiquement à brailler.
M. Giasson: On va essayer de voir cela sur le plan politique.
M. Gauvin: Effectivement, nous avions demandé à des
experts combien cela en prendrait si jamais on allait à de vrais centres
physiques. Si vous allez à des centres pour tous les assureurs, le
problème du milieu rural serait pire, parce qu'il n'y a pas d'assureur
qui a assez de volume pour établir de ces centres. Du moment où
vous faites cela commun à tout le monde, cela agrandit
considérablement le nombre d'endroits où on peut avoir un de ces
centres. A ce moment, le Québec pourrait être couvert par de tels
centres si c'était cela.
Effectivement, l'optique était d'avoir un système
d'évaluation.
C'est beaucoup plus un système systématisé
d'évaluation. Cela vise strictement les dommages matériels. Au
lieu d'aller courir à trois garages pour toutes sortes d'histoires,
même le rural va aller à l'endroit approprié, et,
même dans le cas des endroits ruraux, c'est le centre qui va se
déplacer. Ce qu'on appelait le centre, ce n'est pas
nécessairement une bâtisse; c'est un système où on
va aller voir comment cela se fait. Là, c'est un individu qui le fait
pour tout le monde. A ce moment, c'est l'assuré qui va appeler et il va
dire:J'ai un accident. Il va venir faire l'évaluation, si c'est
nécessaire. Vous en avez de ces centres physiques au Manitoba. Dans les
régions rurales, ils n'ont pas établi les centres partout. Ils
ont simplement du personnel itinérant qui joue le même rôle,
sauf que dans notre régime ils sont communs à tout le monde.
A ce moment, l'individu, en fait, peut en faire bien plus. Vous pouvez
avoir des individus dans plus d'endroits que si vous permettez à chaque
assureur d'avoir son propre représentant, parce que cela lui prend une
plus grande superficie.
M. Giasson: Non, je vous pose la question parce que, justement,
je ne voudrais pas qu'on répète l'expérience de certains
assureurs qu'on n'a pas nommés. Vous amenez l'automobiliste
accidenté à un centre. Il y a un bonhomme qui connaît cela
ou prétendument doit connaître cela. Il dit: Cela vaut tant pour
réparer ton véhicule. Le gars part du centre, s'en va chez son
garagiste et le garagiste lui dit: C'est dommage, cela vaut $150 de plus. Ton
assureur va me donner X montant et tu me donnes $150. Je ne voudrais pas qu'on
répète ce système qui s'est pratiqué au
Québec vis-a-vis de certains assureurs. Deuxièmement, si c'est un
centre qui est placé à un endroit donné; on va prendre une
zone que je connais bien, le comté de Montmagny-L'Islet. Disons qu'on
met le centre à Montmagny, qui est la grosse agglomération. Mon
client de Saint-Pamphile, qui a environ 50 milles à faire pour aller
à Montmagny, si son véhicule est encore en état de
circuler, c'est un dommage mineur, est-ce qu'il devra aller à Montmagny
ou si le personnel du centre va se déplacer pour aller dans les
paroisses?
M. Gauvin: Comme je l'ai dit, ce n'est pas nécessairement
ce qu'on avait à l'esprit, des centres physiques. C'est un
système, c'est systématiser l'évaluation, un peu l'enlever
des mains des assureurs. Les garagistes qui peuvent faire n'importe quoi,
à ce moment, vont simplement déléguer un gars qui va
passer et qui va faire l'évaluation.
M. Giasson: II va circuler dans les paroisses.
M. Gauvin: II va circuler et il va la faire selon les normes
préétablies. Là, vous amenez assez de volume à ces
gens qui font les évaluations qu'ils peuvent acquérir une plus
grande compétence. Ils peuvent également établir des
normes: Combien cela prend de temps pour réparer une porte, combien cela
prend de temps pour peinturer, quelle est la meilleure façon de
réparer. Vous avez un système en Allemagne qui, je pense, est
à l'étude au BAC; il s'appelle Audate, et fait effectivement
cela. C'est un système sur ordinateur qui permet justement de
déterminer un programme de réparation. Ils ont dans des endroits
des centres physiques, mais ils ont également des gens qui vont sur les
lieux au besoin.
M. Giasson: Parce que vous savez qu'il existait au Québec
des assureurs qui réglaient très vite les tiers.
M. Gauvin: Les tiers ou les leurs.
M. Giasson: Les tiers. Je réclamais contre un autre
assuré de telle compagnie. Son agent de réclamation arrivait,
faisait le calcul et disait: Cela coûte tant, ton affaire. On te fait un
chèque tout de suite. On pouvait aller jusqu'à signer le
chèque, quittance-moi et bonjour. Après cela, les gens
arrivaient. L'automobiliste qui avait réglé, qui avait
quittancé s'en allait voir différents garages et il n'y en avait
pas un seul qui voulait procéder à la réparation pour le
prix accepté et quittancé.
M. Gauvin: Alors, cela...
M. Giasson: Cela a été pratique courante, vous
savez cela.
M. Gauvin: C'est malheureux, je pense. Les gens sont mal
traités...
M. Giasson: II ne faudrait pas répéter cette
expérience avec les centres d'évaluation.
M. Gauvin: Remarquez bien que vous avez dit les tiers. Vous
n'êtes pas capable dans le système actuel de vous prémunir
contre cela, parce qu'en fait c'est toujours l'autre qui choisit cet assureur.
C'est ce que j'ai dit ce matin. J'ai dit que, si un gars veut être malin,
il choisit, en fait, le plus mauvais assureur pour les tiers et le meilleur
assureur pour lui-même, parce que c'est toujours l'autre qui
écope. Tandis que, dans un système d'assurance directe, votre
assureur en question, il transige avec ses assurés. S'ils sont
traités comme cela, quand arrivera le temps de renouveler leur police,
ils vont dire au conseiller: La compagnie que tu m'as envoyée vient de
loin, mais...
M. Giasson: D'accord, M. Gauvin, mais il ne faudrait pas que,
lorsque l'évaluateur ou l'agent de réclamation, peu importe le
nom, aura déterminé que cela coûte tant pour réparer
le véhicule, cet automobiliste qui va être payé parson
assureur à lui ait un déboursé personnel à ajouter
parce qu'il n'y a pas un garage qui veut procéder à la
réparation pour le prix convenu par l'évaluation ou le centre
d'évaluation.
M. Gauvin: En fait, je comprends très bien votre point. Je
voudrais vous signaler l'expérience en Suède...
M. Giasson: L'assuré, il va rebondir où? Chez le
gars qui a vendu la police, c'est son seul recours à la campagne. Il n'a
pas d'autre place où se diriger.
M. Gauvin: J'aimerais vous signaler qu'il existe des centres
comme on en envisageait. Dans certains endroits, je vais vous nommer le
Manitoba, par exemple, les garages acceptent complètement les
évaluations qui y sont faites, tous les garages.
Il y a nécessairement un mécanisme, à un certain
moment. Les garages disent: Vous ne nous en donnez pas assez pour faire telle
chose, on veut un peu plus. Mais il y a des négociations qui se font. Au
point de vue pratique, au tout début de l'instauration de tels
systèmes, il y a des garages qui ne les acceptaient pas, parce qu'ils
disaient qu'il n'y en avait pas assez, mais les problèmes se sont
résolus rapidement. Quand vous avez votre autorisation de
réparer, que ce soit, par exemple, en Suède ou que ce soit au
Manitoba, en Saskatchewan je ne connais pas la situation de "B.C." du
tout vous allez au garage de votre choix. Tous les garages, à
toutes fins pratiques, acceptent l'évaluation et les gens n'ont pas
à débourser. C'est l'expérience de centres qui existent,
de systèmes comme celui préconisé, qui existent. Cela
existe également dans certaines juridictions américaines. Il y a
des modèles qui sont là, où on a réussi à le
faire. Je ne peux pas voir, moi, pourquoi le Québec ne pourrait pas
faire non seulement aussi bien que ce qui se fait ailleurs, mais même
mieux.
M. Tremblay: Y aura-t-il obligation de la part du garagiste
d'accepter les normes de la régie, si régie il y avait?
M. Gauvin: II va les négocier, mais, au point de vue
pratique, si neuf garages sur dix les acceptent, l'autre garage va bien
être obligé de les accepter ou il ne restera pas en affaires. Ce
qui est arrivé, en fait, c'est que les mauvais garages qui faisaient de
mauvaises réparations ont finalement cessé de faire affaires dans
ce domaine. Les gens allaient dans les meilleurs garages. C'est un processus de
négociation, effectivement, qui devrait s'instaurer entre, d'une part,
ceux qui évaluent les dommages matériels et ceux qui font la
réparation. Ils vont dire: Cela prend tant d'heures pour faire telle
chose, cela vaut tant l'heure, les prix des pièces sont tels. A un
certain moment et très rapidement l'expérience du Manitoba
l'a démontré les garages acceptent très bien. Il y
aura toujours des cas où il y a des choses qui ne sont pas apparentes.
Les problèmes se résolvent.
M. Tremblay: Le courtier, en supposant qu'il est conseiller comme
vous dites, selon ce qui est prévu au rapport, ne pourrait-il pas
être intégré, moyennant, par exemple, 1% de plus au lieu de
5%, 6%, au système d'inspection? Le gars, comme il dit, qui est à
50 milles de Montmagny, qui appelle le conseiller...
M. Giasson: II a répondu à cela.
M. Tremblay: II a répondu, j'ai peut-être entendu,
mais je n'ai pas compris.
M. Giasson: II dit que les centres d'évaluation vont se
déplacer.
M. Gauvin: Ils vont se déplacer. Il n'y en aura pas
besoin.
M. Tremblay: Non, mais est-ce que lui ne peut pas être...
Vous parlez encore de fonctionnarisme, à ce moment.
M. Gauvin: Pardon?
M. Tremblay: Vous parlez de fonctionnaires.
M. Gauvin: Non!
M. Tremblay: Vous ne parlez pas de gars en affaires qui se
déplacent.
M. Gauvin: Ce n'est pas une régie. C'est un organisme qui
pourrait être commun à tous les assureurs, mais l'Etat dirait:
Pour faire affaires au Québec...
M. Tremblay: Les agents de réclamation actuels.
M. Gauvin: Ils engageraient les agents de
réclamation...
M. Tremblay: Ah bon! M. Gauvin: ...actuels.
M. Tremblay: Je pensais que vous vouliez dire que la régie
aurait ses inspecteurs.
M. Gauvin: Ils engageraient des estimateurs et diraient:
Maintenant, au Québec, toutes les réparations qui passent par le
système d'assurance-automobile doivent être préalablement
soumises à une évaluation de ces gens.
M. Tremblay: Ces gens, ce seraient, par exemple, les agents de
réclamation actuels...
M. Gauvin: Ou les évaluateurs de dommages.
M. Tremblay: ...qui ont le personnel disponible, etc. Pardon?
M. Gauvin: Les évaluateurs de dommages, parce qu'on parle
de dommages matériels.
M. Tremblay: Ah bon!
M. Gauvin: Mais de cela, il y en a partout effectivement.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Président, on me dit que le ministre doit
partir dans quelques minutes. J'aurais eu encore quelques questions à
poser à M. Gauvin, mais puisqu'on semble vouloir... Ce sont des
questions qui ont déjà été discutées devant
la commission. Disons que je veux remercier, au nom de l'Opposition, les
membres de la commission Gauvin d'avoir accepté de venir devant la
commission parlementaire aujourd'hui.
M. Tremblay: Quelle Opposition, officielle ou non officielle?
M. Roy: J'ai dit l'Opposition.
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! A
l'ordre!
M. Tremblay: Vous considérez-vous comme l'Opposition
officielle?
M. Roy: Peut-être que la question a été
posée, mais j'aimerais savoir, avant qu'on ajourne les travaux de la
commission sine die, quelles sont les intentions du gouvernement,
maintenant.
M. Tetley: Mes intentions, comme tout bon père de famille,
sont honorables. M. Roy: Oui.
Législation
M. Tetley: Nous allons présenter la législation qui
n'est pas évidemment une seule loi, parce que, pour adopter toutes les
recommandations de M. Gauvin, cela prendrait plusieurs lois, dans plusieurs
domaines, par plusieurs ministres. Donc, nous allons présenter à
l'Assemblée nationale des lois pour étude et, à ce moment,
nous allons adopter les lois ou nous y opposer.
M. Roy: Le ministre pourrait-il nous dire si les lois seront
présentées durant la première partie de la session?
M. Tetley: Non. Je ne peux faire de promesse pour le conseil des
ministres. J'ai déjà dit que nous avons travaillé en
parallèle depuis novembre. Un comité a été
formé, des gens nommés. M. le juge André Desjardins entre
autres, est chargé de deux comités, un sur la
sécurité routière et l'autre concernant l'assurance, son
administration et toutes les questions soulevées par le comité
Gauvin. Nous avons déjà adopté certaines choses depuis le
dépôt du rapport Gauvin. Nous avons complètement
changé le système de points de démérite.
J'espère que cela sera encore modifié, incessamment et qu'il y
aura d'autres changements d'ici quelque temps. Mais je ne peux faire de
promesse au nom du conseil des ministres.
M. Roy: Je comprends, mais le ministre pourrait-il nous dire si
on peut compter au moins que cela viendra durant l'année 1975?
M. Tetley: Je l'espère. Oui.
M. Roy: Autrement dit, en ce qui a trait au ministre
lui-même...
M. Tetley: Je ne veux pas faire de promesse.
M. Roy: Ce que le ministre lui-même veut nous dire
aujourd'hui, c'est qu'en ce qui concerne son ministère il est prêt
à procéder pour 1975.
M. Tetley: Oui, à déposer la loi et j'espère
que vous voterez pour la loi, mais cela peut être très dur.
M. Roy: Je ne me prononcerai pas sur la loi, je ne la connais
pas.
M. Tetley: Etes-vous prêts à adopter toutes ces
lois?
M. Roy: Nous sommes prêts à étudier la loi...
M. Tetley: Ah!
M. Roy: ...à l'examiner et à faire les
recommandations que nous croyons dans l'intérêt du public
québécois, à la façon du ministre, mais, pour cela,
il faut qu'il présente sa loi devant l'Assemblée nationale. Nous
ne la connaissons pas. Le ministre a parlé des recommandations de la
commission Gauvin tout à l'heure. Il a dit que cela prendrait beaucoup
de lois. Le ministre a tenté de nous faire croire ou de nous dire qu'il
y aurait quelques lois.
C'est donc dire que toutes les recommandations de la commission Gauvin
ne seront pas nécessairement adoptées et appliquées.
Alors, nous voulons voir dans quelle mesure. Ce que je veux savoir est ceci:
Pouvons-nous espérer en 1975 avoir des résultats de ce
côté?
M. Tetley: Oui. Je l'espère. C'est mon plan. Je ne suis
qu'un ministre parmi plusieurs, un député dans un caucus et un
citoyen parmi six millions.
M. Roy: Alors, si cela ne vient pas en 1975, on pourra dire:
C'est le conseil des ministres qui a...
M. Tetley: Ah! C'est peut-être l'Opposition officielle et
officieuse. On ne sait pas. Ce sont peut-être des pressions par des
groupements...
M. Roy: Pardon? Vous voulez dire des pressions en coulisse?
M. Tetley: Non, de groupements hors du Parlement ou
créées par des députés de l'Opposition. On ne sait
jamais!
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le mot de la fin. Le
ministre des Institutions financières. Compagnies et
Coopératives.
M. Tetley: Oui?
M. Gauvin: J'aurais eu une dernière observation avant de
quitter cette illustre salle.
M. Tetley: Certainement.
M. Gauvin: Au cours de la journée, à plusieurs
reprises, on a posé une question. J'ai répondu
partiellement. J'aimerais maintenant peut-être apporter plus de
détails.
On a demandé: Quel régime est le plus avantageux, donne
plus? Je vous ai souligné, en fait, au cours de la journée, qu'il
fallait mettre cela sous un dénominateur commun. J'aimerais
déposer un document, non pas au nom du comité qui n'existe plus,
mais ce sont quelques calculs que je me suis permis de faire à l'aide
des renseignements disponibles. J'aimeraisvousdemanderde les considérer
non pas comme étant absolument définitifs, parce qu'il y a des
renseignements qui ne sont pas complets dans des mémoires qui ont
été présentés. Je me suis permis de comparer
cequ'aurait été, en 1974, le coût de différents
régimes d'assurance-automobile, au Québec, selon qu'on aurait le
régime actuel, le régime préconisé par la
commission, le régime qui est connu sous le nom du Barreau et
AutoBAC.
En fait, en 1974, d'après une estimation qui avait
été faite dans le rapport, on parlait, au Québec, de $450
millions de primes. C'est passablement d'argent. Si on se réfère
à l'analyse qui a été faite à la page 218 du
rapport de la commission on se rend compte, effectivement, que ce que j'ai
appelé, sur mon petit tableau, les frais divers, représentent
38.3% de la prime cela comprend la mise en marché, la
sélection des risques, les frais de règlement de sinistres et
certains frais légaux ou $172 millions. Le profit qu'on
considère légitime des assureurs, 2.5%, représentait $11
millions. On sait très bien que c'est hypothétique. On sait bien,
apparemment, qu'ils ne l'ont pas fait. D'ailleurs, ils ont augmenté les
primes comme dans les provinces où il y a des monopoles
étatiques. Finalement, le régime actuel laisse en
indemnités au public 59.2% ce sont les chiffres de la commission
qui n'ont été mis en doute par personne, ici pour donner
aux victimes $267 millions. Ce sont, en fait, les fameux $0.60 par dollar qui
sont retournés aux victimes.
En prenant les chiffres tels qu'ils sont publiés, tels qu'ils ont
été déposés, sans les mettre le moindrement en
doute, si on se réfère à la proposition de la commission,
on se rend compte que le coût du régime de la commission, en 1974,
aurait été de $354 millions pour les mêmes assurés.
En plus de cela, il faudrait tenir compte, en fait, qu'il y a des gens qui ne
sont pas assurés, mais on met tout sur la même base. Ce même
régime, qu'on adit radical, mauvais, pas bon, aurait effectivement
consacré 20% à l'administration ou $71 millions; les profits aux
assureurs nécessairement, écrivant moins de primes, il est
tout à fait normal que leurs profits soient moindres auraient
été de $9 millions. On aurait retourné au public, aux bons
Québécois, $274 millions ou 77.5% de la prime.
Je pense que, dans la comparaison, tout de suite, on se rend compte que,
d'une part, on en a un qui coûte $450 millions et que l'autre coûte
$354 millions. Comme je l'ai mentionné, sans mettre en doute les
évaluations, j'ai pris effectivement le rapport du Barreau et
l'évaluation qui vous a été soumise. Même si j'ai
des réserves sur cette évaluation, elle a été
déposée et je l'accepte telle quelle. On se rend compte, à
toutes fins pratiques et d'ailleurs le bâtonnier Robert l'a dit
lui-même que cela ne changerait rien. On parle de .9% de
réduction, mais je pense qu'en fait c'est bien plus la situation
actuelle. Donc, en 1974, le régime du Barreau, selon ses propres
experts, aurait coûté $450 millions. Encore une fois, avec les
chiffres qui ont été soumis, on se rend compte qu'il y aurait eu
une réduction de frais, parce qu'il y a un peu moins de frais
d'après leur évaluation, et qu'on aurait dépensé
$157 millions en frais divers; seulement, les assureurs auraient pris $11
millions en profit et ils auraient remboursé au public $282 millions
d'indemnités.
AutoBAC, grâce au papier qui a été
déposé et j'ai écrit ici "chiffres approximatifs"
parce que je n'ai pas pu déchiffrer tout ce qui était
là-dedans prétend apporter une réduction de 10%.
Cela devait s'appliquer strictement aux véhicules de touristes. On ne
sait pas encore ce que cela ferait dans le cas des véhicules
commerciaux. J'ai tenu pour acquis qu'on obtiendrait la même
réduction.
A ce moment, effectivement, AutoBAC aurait donc coûté,
l'année dernière, $405 millions au public québécois
et, encore une fois, en démêlant les chiffres parce qu'ils ne sont
pas présentés de cette façon, j'en suis venu à la
conclusion qu'approximativement 33% de la prime, en vertu du système
d'AutoBAC, serviraient en frais, pour $134 millions, 2 1/2% en profit... En
fait, c'est $10 millions qui vont en profit, c'est une erreur, et 64 1/2% ou
$261 millions qui iraient en indemnités.
Effectivement, nous sommes en face de quatre régimes: deux qui
coûtent $450 millions, le régime actuel et le régime du
Barreau; un qui coûte $405 millions, AutoBAC, et un qui coûte $354
millions, celui que nous avons préconisé.
Quand on regarde ces montants qui sont
complètementdisproportionnés, on se rend compte qu'au niveau du
régime actuel il n'est retourné au public que $267 millions, mais
qu'il a demandé $450 millions de prime. Le régime du
comité aurait retourné $274 millions aux victimes en n'exigeant
que $354 millions de primes. Au Barreau, on aurait retourné $282
millions, toujours en demandant $450 millions de primes, et AutoBAC
retournerait approximativement $261 millions en demandant $405 millions.
Là, on pose la question, à savoir lequel est le plus
généreux. Ma foi, il faut, comme on le faisait quand on faisait
des additions de fractions, mettre un dénominateur commun et c'est ce
que j'ai fait immédiatement après. J'ai dit: D'accord, le public
québécois quoique je le mets en doute est
prêt à établir un nouveau régime et à
dépenser $450 millions, mais voyons donc ce que chacun de ces
régimes ferait si on y mettait $450 millions et là on pourra dire
lequel est le plus généreux pour les victimes.
Le régime actuel coûte déjà $450 millions. Il
ne peut pas, en fait, en retourner plus.
Le régime du comité, si au lieu effectivement de
coûter $354 millions, on lui infusait $450 millions, on se rend compte,
tel que le démontre le tableau, qu'on pourrait payer en
indemnités $349 millions au lieu de $274 millions. Quant au Barreau, il
reste au même niveau, de son propre aveu. L'AutoBAC éga-
lement pourrait, en n'effectuant pas de réduction de primes,
retourner au public, contre une prime de $450 millions, $290 millions
d'indemnités. Comme je l'ai mentionné précédemment,
cela a été fait très rapidement, simplement pour fins
d'illustration.
Si on les compare tous les quatre, on se rend compte que le
régime du comité paierait $82 millions de plus aux victimes pour
une même somme de primes des assurés que le régime actuel.
Le régime du Barreau ne paierait que $15 millions de plus aux victimes
et AutoBAC, $23 millions. Je pense que la conclusion se tire d'elle-même;
lequel des régimes est le plus avantageux? Et quand on vous a
donné un exemple, à mon sens, qui est quasiment malhonnête
d'un cas où on avait $15,000 contre $100 dans le régime du
comité, moi, je réponds à ça qu'on va changer la
situation de cette victime. On va lui donner les $82 millions de plus, juste
à elle et, à ce moment-là, ça va être les
$15,000 que le Barreau a prétendus contre $82 millions pour cette
même victime.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre des
Institutions financières.
M. Tetley: Je vous remercie, messieurs de la commission, de votre
participation, de votre travail. Je regrette de n'avoir pas reçu votre
document avant les cinq dernières minutes. J'aurais
préféré le recevoir ce matin mais on peut proposer, M. le
Président, que ce soit déposé dans le journal des
Débats.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Est-ce que le
président accepte le document déposé par M. Gauvin?
M. Tetley: Par le ministre. (Voir annexe II)
M. Gauvin: Est-ce que je pourrais demander qu'il y ait quand
même une note à l'effet que ce sont des chiffres qui ont
été faits, que ce ne sont pas des chiffres approximatifs...
M. Tetley: Avec un astérisque.
M. Gauvin: ... et signaler la correction également?
M. Tetley: M. Gauvin, M. Rankin, Me Bouchard, Me Belleau, je vous
remercie de votre présence ici. Je vous remercie d u travail q ue vous
avez fait depuis presque quatre ans. La semaine dernière et cette
semaine, un autre groupement est venu ici faire la preuve, devant une autre
commission parlementaire, d'une autre proposition. Et je crois que vos
réponses étaient beaucoup plus claires ce matin et cet
après-midi que les réponses devant l'autre commission.
Je crois aussi que les travaux de la commission, aujourd'hui, ont eu une
très grande valeur. La question primordiale était, je crois,
soulevée par le député de Beauce-Sud et elle a
été répétée par le député de
Montmagny-L'Islet. Cette question des courtiers dans les régions rurales
a été une question importante proposée à la
commission avant cet après-midi.
Il y avait d'autres questions. La comparaison entre AutoBAC, le Barreau,
le régime du comité et le régime actuel était
très importante.
Je dois noter que si je n'ai pas fait de pressions auprès de
vous, j'apprécie beaucoup la remarque du comité à ce sujet
et que vous n'ayez pas fait pressions auprès du ministre. Souvent, les
commissions et comités font des pressions auprès du
gouvernement.
Vous étiez libres, ce qui est très important. Vous avez
fixé, en effet, le mandat; je l'ai fixé, après vous avoir
consultés. Vous avez fait le travail, vous avez obtenu certains
délais raisonnables et vous avez fait un rapport très important.
Nous sommes quatre ans avant la province d'Ontario et c'est quelqu'un de
très important de l'Ontario qui m'avait expliqué cela.
Apparemment, notre rapport Gauvin est le rapport le plus avancé
au monde. Je vous remercie au nom de tous les députés et de
l'Opposition; je regrette l'absence de quelques-uns, mais je suis certain
qu'ils vous remercient aussi.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci, messieurs. La
commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 6)
COMMENTAIRES SUR LES MEMOIRES PRESENTES A LA COMMISSION
PARLEMENTAIRE
I Introduction
J'ai eu le privilège d'assister aux audiences de la Commission
Parlementaire. Avant de vous donner mes impressions sur ces réunions des
deux derniers mois, je voudrais attirer votre attention sur le Journal des
Débats de la première séance du 8 octobre. Je l'ai relu
plusieurs fois et, revu dans une atmosphère plus calme, je me suis rendu
compte que la plupart des questions posées par les députés
étaient très pertinentes mais que parfois elles se
répétaient lors des séances subséquentes. Alors, je
suggère qu'il serait peut-être valable de se référer
aux réponses données à cette occasion par monsieur Gauvin
et les autres auteurs du Rapport. Je me suis également aperçu que
plusieurs questions n'avaient reçu que des réponses partielles ou
incomplètes et je donnerai, dans la deuxième partie du
présent texte, une liste de certaines de ces questions.
Je veux vous faire part de mes réactions générales,
tout d'abord, avant de traiter des divers problèmes soulevés par
les mémoires et lors des discussions qui ont suivi leur
présentation.
Premièrement, j'étais très surpris de constater
qu'après deux mois de critiques fusant de toute part, personne
jusqu'à maintenant n'a réussi à déceler de
véritables lacunes dans les principes émis dans le Rapport. Bien
entendu, les témoignages ont démontré qu'il y a bien des
gens qui ne sont pas d'accord avec les recommandations du Rapport, mais ils
n'ont pas réussi à trouver les erreurs de grande portée
dans le Rapport tel que déposé. Ceci ne signifie pas que le
Rapport est parfait. Loin de là! Si j'avais à le refaire demain,
il y a beaucoup de précisions que j'y apporterais, mais seulement quatre
changements, n'impliquant cependant pas les questions de fond. Le Rapport, tel
que présenté, est donc solide. Néanmoins, il serait
peut-être intéressant pour les membres de la Commission
parlementaire de savoir quels seraient ces quatre changements et de
connaître les motifs de ma prise de position. Ils traitent d'une
définition plus détaillée de "l'incapacité" dans le
plan d'indemnisation, de l'élargissement des modalités de
l'indemnité minime, d'une modification dans la façon de traiter
le financement des primes et, finalement, j'aurais ajouté une autre
modalité dans les options A et B du plan de couverture pour les dommages
matériels pour éviter une source de confusion pour
l'assuré dans les juridictions où l'on trouve des systèmes
identiques. Je serais heureux de les expliquer si c'est votre désir.
Ma deuxième réaction était de voir le contraste
frappant entre les attitudes prises dans les mémoires et les objectifs
donnés au Comité Gauvin par l'arrêté en conseil
déterminant son mandat. Nous avons visé les intérêts
des victimes et des assurés qui, en effet, chevauchent. Ceci se
résumait à la page 10 de l'Introduction du Rapport: "Les
études du Comité ont été entreprises et
menées selon l'objectif qui lui a été fixé:
l'indemnisation la plus complète possible des victimes des accidents
d'automobile selon un système efficace et peu coûteux." Plusieurs
députés, en posant les questions aux auteurs des mémoires,
ont souligné ce même aspect du problème, souvent sous une
forme de rappel à l'ordre. Toutefois, ceci mérite d'être
répété parce que très peu de mémoires soumis
à la Commission parlementaire ont suivi cette logique. En effet, sauf
dans le cas de la famille Tansey et des organismes intéressés
à la sécurité routière, les victimes étaient
toujours reléguées à l'arrière-plan. C'est une
source de beaucoup de malentendus, mésententes et distorsions lesquels
ont surgi pendant les discussions des deux derniers mois. A titre d'exemple, je
cite les mémoires de certaines des parties les plus touchées par
les recommandations du Rapport: d'abord, le BAC et les compagnies d'assurance.
Leur objectif est plutôt une réduction des primes pour apaiser les
critiques dirigées contre le système actuel; les avocats veulent
surtout la rétention du droit de poursuite; la CSN vise
l'étatisation à l'exclusion de toute autre considération;
les courtiers, qui veulent le statu quo.
Ainsi, avec tant d'objectifs différents, il n'est pas
étonnant qu'il y ait des différences dans les mesures
proposées.
Troisièmement, j'étais obligé, étant
donné tant de fausses interprétations relativement aux points
clés, d'admettre que le Rapport est très dense, difficile
à lire et à comprendre. Je cite certains points très
importants du Rapport tels que: les principes derrière le choix des
options pour le plan d'indemnisation, les raisons pour l'abolition
complète du droit de poursuite, l'intégration des
indemnités, les propositions de réforme de l'administration et
spécialement ceux touchant le rôle du courtier. J'espère
être capable, avec l'aide de mes collègues, d'apporter des
précisions relativement à ces points.
Ma quatrième réaction était de percevoir l'absence
d'une attitude constructive dans les mémoires soumis par quelques
organismes. C'est évident que certaines recommandations du Rapport ne
peuvent pas plaire aux intéressés. Cela est tout à fait
normal. Mais essayer de tout détruire dans le Rapport, sauf
peut-être pour la fameuse section sur la sécurité
routière, m'apparaît comme une tactique douteuse. Ainsi, la
plupart des mémoires ont rejeté le plan d'indemnisation
proposé par le Comité Gauvin sans vraiment examiner les principes
impliqués.
II
Questions soulevées pendant la
première séance du 8 octobre
Page 6675: M. Picotte: "avez-vous songé à la
possibilité d'une assurance obligatoire pour tout conducteur?" L'on
trouve la réponse en se référant à la page 314 du
Rapport, mais on peut traiter du sujet plus amplement étant donné
l'intérêt général pour le sujet.
Pages 6677 et 6693: M. Giasson: "Est-ce que vous voyez très bien
l'existence d'une compagnie d'Etat à côté des compagnies
privées...?" La réponse était: "si vous pouvez, en effet,
établir un régime de concurrence pur sans ce
mécanisme-là, il ne sert effectivement pas à grand chose."
Aussi, dans ce cas, on peut expliquer la décision du Comité en
plus de détails.
Page 6677: M. Léger: "...l'impact négatif du
système "no fault" sur le comportement des automobilistes". La
réponse était reportée jusqu'à ce que le Barreau
ait déposé son mémoire.
Pages 6690 et 6691: M. Roy: Le député de Beauce-Sud a
voulu les données historiques sur l'évolution des primes et les
frais administratifs. Ces données n'étaient pas incluses dans le
Rapport mais peuvent être fournies avec plaisir, en autant qu'elles sont
disponibles, s'il nous spécifie les éléments manquant
qu'il désire avoir.
Page 6692: M. Tetley: "Les courtiers au Manitoba (et en Saskatchewan)
combien sont-ils payés?" J'ai moi-même répondu que je
n'avais pas les chiffres en main mais que je les fournirais. (En effet, j'ai
omis de le faire mais je suis maintenant prêt à fournir cette
information).
III
Principales questions soulevées
pendant les séances subséquentes
de la commission parlementaire
1. Concernant la responsabilité comme principe
d'indemnisation
Je vais laisser à mes collègues qui sont mieux
qualifiés dans cette matière, la tâche d'expliquer les
détails de ces questions, mais j'en fais mention ici pour que mes
remarques couvrent tout aspect important du Rapport. Les points relevés
dans le Rapport qui étaient, à mon avis, souvent mal compris ou
ignorés sont les suivants: a)le fait qu'on peut s'assurer contre la
responsabilité a comme effet d'annuler son aspect dissuasif; b)si on
admet le "no fault" partiel, on est obligé logiquement de laisser tomber
tous les arguments voulant que le système de responsabilité est
dissuasif. Par exemple, on ne peut pas avoir un aspect dissuasif qui entre en
jeu quand l'automobiliste réalise que sa conduite risque d'hospitaliser
sa victime pour une période de sept cent trente-et-un (731) jours au
lieu de sept cent trente (730). c)la tarification sur la base du dossier de
conduite ne vise nullement à pénaliser les personnes ayant eu un
accident. Elle vise seulement à corriger une erreur dans le classement
des risques. La seule raison pour laquelle ces ajustements de la prime ne sont
pas faits rétroactivement est qu'il n'y a pas de moyen pratique de le
faire. Je crois que toute la question de tarification sur le dossier de
conduite mérite d'être expliqué si les
députés le veulent. 2. Réforme du régime actuel
chapitre III recommandations d'un nouveau régime
II me paraît que les points suivants concernant l'indemnisation
des blessures corporelles ne sont pas pleinement appréciés. 1.On
ne fait pas suffisamment la distinction entre le plan d'indemnisation
proposé et le principe de l'abolition complète du droit de
poursuite. Bien que ce dernier principe peut être adopté seulement
quand un plan accorde une indemnisation adéquate aux victimes, les
principes incorporés dans le plan proposé peuvent être mis
en application en retenant le droit de poursuite, complet ou partiel, mais
à un coût qui risque d'être très élevé.
Bien entendu, en retenant le droit de poursuite, on ignorait les arguments de
logique pour le faire disparaître. 2.L'objectif d'une évaluation
d'un plan n'est pas de permettre une comparaison entre le coût global
d'un plan avec celui d'un autre. Les différents plans doivent être
comparés en fonction de la qualité des principes y inclus. Une
fois d'accord sur les principes, on peut fixer les barèmes des
indemnités pour arriver à un coût global visé. (Le
député de Taschereau a déjà soulevé cette
différence entre les principes et les barèmes pendant une des
séances de la Commission Parlementaire). 3. L'évaluation des
différentes options de principe (en contraste avec l'évaluation
globale) est, par contre, essentiel pour permettre un jugement. Par exemple, un
délai de sept jours, une rente minime, l'indemnisation des conducteurs
trouvés responsables et de leurs dépendants, l'indemnisation des
dépendants des décédés sur la base d'une rente,
etc...
Ainsi, on peut discerner que tout argument traitant du coût global
du Plan Gauvin, en comparaison avec le Plan Autobac ou le Plan du Barreau
risque de partir sur une fausse piste.
En ce qui concerne les dommages matériels, je vous
réfère aux remarques de monsieur Moreau du BAC devant la
Commission Parlementaire, (page 7). "les régimes proposés par le
Comité d'étude et par le BAC sont sensiblement les mêmes...
Il est donc évident qu'une étude faite conjointement par les
spécialistes du Gouvernement et les assureurs pourrait rapidement
conduire à un compromis idéal pour le consommateur".
Concernant les principes de tarification dans un système
d'indemnisation sans égard à la responsabilité, le fait
qu'il n'existe que très peu de littérature sur ce sujet peut
expliquer les malentendus qui circulent autour de la question. Il y a des
raisons très particulières pour ce manque d'études sur la
tarification, principalement les structures rigides de la tarification au
Massachusetts et en Floride, les deux juridictions où on a une
expérience de tels systèmes. Je pourrais, si c'est votre
désir, essayer d'expliciter quelques principes de base, mais je voudrais
attirer votre attention sur un aspect très important. L'indemnisation
sans égard à la faute permet une tarification tenant pleinement
compte des différentes marques et dessins de voitures, leur
susceptibilité d'avoir des accidents et le coût relatif des
réparations. Ceci s'applique aux dommages matériels, mais il est
à souhaiter que l'on puisse arriver à quelque chose de semblable
dans le cas des blessures corporelles. Dans la situation actuelle, il nous est
impossible de recueillir des données valables dû à la
faible fréquence par rapport à chaque modèle d'automobile.
3. L'administration du régime 1.La recommandation numéro 53
concernant le rôle du courtier et les recommandations numéros 50,
51, 52, 54, 55 et 56 qui touchent le même sujet sont très mal corn
prises. Les objectifs de ces recommandations sont d'assurer la concurrence
parmi les compagnies d'assurance et d'éliminer les frais inutiles pour
les assurés. Les moyens proposés sont l'élimination du
dédoublement du travail entre les courtiers et les assureurs, et d'aider
dans l'élimination de la sélection des risques. Le revenu brut
des courtiers serait ainsi réduit, mais leurs dépenses seraient
aussi réduites dans la même proportion. Le revenu net demeurerait
donc le même.
La recommandation à l'effet que les courtiers n'interviennent
plus dans les processus de règlement des sinistres a été
attaqué férocement, mais il faut envisager le rôle du
courtier dans le système préconisé et non pas dans le
système actuel. Dans un système de réclamations par
téléphone, des centres d'évaluation pour dommages
matériels et d'assurance directe, l'assuré traiterait toujours
avec sa propre compagnie d'assurance. Le rôle du courtier, dans les
processus de règlement des sinistres serait radicalement changé.
La plupart de ces changements existent déjà dans quelques
juridictions en ce qui concerne les dommages matériels. Il est possible
que le courtier demeure comme conseiller en sinistres toutefois dans un nombre
de cas très restreints.
La limite globale des honoraires des courtiers de 5% de la prime
était, évidemment, un estimé, mais basé sur une
étude assez détaillée de ses fonctions, et fondé
aussi sur l'expérience récente au Manitoba. 2. Les
recommandations concernant l'élimination de la "sélection des
risques" commence à être comprises. (Voir les questions
posées par les députés à la séance du 19
novembre Lloyds). 3. La raison de la recommandation numéro 59 est
de donner une idée des pouvoirs qui seront nécessaires, pendant
une période de transition, pour effectuer les changements. Certains de
ces pouvoirs resteront, du point de vue pratique, afin d'inciter les
intéressés à coopérer.
Dans ce sens, il faut comprendre que le Rapport Gauvin adopte le
principe de la concurrence comme forme du contrôle de
I'assurance-automobile (ex. "open rating", publicité sur les taux des
dépenses administratives etc...) Ainsi, c'est un principe qu'on trouve
à New-York mais pas dans certains autres états américains,
tels que le Massachusetts et la Floride. Il faut apprécier les avantages
de ce principe: beaucoup moins coûteux à administrer; le
gouvernement ne porte pas le fardeau de responsabilité pour les hausses
de primes ou les autres critiques de la tarification, etc.. 4.Concernant la
recommandation numéro 57, il existe une confusion entre "centres
d'évaluation" comme proposé et "centres de réclamations"
tel qu'ils existent en Saskatchewan, au Manitoba et en Colombie-Britannique.
Ces derniers ne sont pas si efficaces que les méthodes
suggérées dans le Rapport. 5. Page 321 Intégration
des indemnités.
Les implications de la recommandation à l'effet que les
prestations de l'assurance-automobile aient priorité, sauf pour les
exemptions spécifiques, ne paraissent pas être
appréciées. Ceci éliminerait une source de gaspillage que
l'assuré aujourd'hui est obligé de supporter s'il veut être
adéquatement couvert pour le risque d'être tué dans un
accident d'automobile. Il y a actuellement un problème pareil dans
l'assurance contre l'incapacité. 6. Il est intéressant de
constater que, à la séance de la Commission Parlementaire du 15
octobre monsieur Moreau, du BAC, en réponse à une question de
monsieur Léger, page 6833, a laissé entrevoir que l'industrie
d'assurance est capable d'entreprendre les réformes proposées.
(Voir nos 39 à 59). Monsieur Saint-Germain a apporté des
réserves à l'effet qu'il croit que certaines de ces
recommandations ne seront pas dans les intérêts des
assurés, mais il ne les a pas précisées. 7. Les
commentaires faits à la page 242, pour ce qui est du rapport primes
capital, méritent considération par la Commission Parlementaire
parce qu'il y a une possibilité d'une réduction du coût du
capital pour les assurés. 8. Le rapport des actuaires Hébert, Le
Houillier et celui de Gilles Blondeau sur le coût du régime
proposé nécessite une réponse. De l'avis de monsieur
Gauvin et moi-même, les critiques formulées reposent sur les
aspects mal compris et elles ne sont pas valables. 9.Il appert que les
implications de la recommandation numéro 50 sont presque universellement
mal comprises. Par exemple, le droit pour l'assuré de traiter
directement avec son assureur ne correspond pas à la situation actuelle
vis-à-vis les compagnies qu'on appelle les "direct sellers". A titre
d'exemple, voir le témoignage de la compagnie Allstate qui s'oppose
fortement à une telle innovation.
IV Commentaires sur certains mémoires soumis à la
Commission Parlementaire 1. Les victimes
A la page 6635 du journal des Débats, monsieur Gauvin a
exprimé le voeu "que cette commission pourra entendre non seulement les
parties directement intéressées dans l'administration des
risques, mais qu'elle aura également l'occasion d'entendre les victimes
elles-mêmes donner, en fait, l'explication du traitement qu'elles
reçoivent". Jusqu'à présent, la Commission Parlementaire a
entendu un seul mémoire de la part des victimes, celui de la famille
Tansey. Les députés ont fait allusion au grand nombre de lettres
reçues de leurs électeurs concernant les problèmes des
victimes des accidents d'automobile sous le système actuel. Dans les
circonstances, ces lettres doivent prendre la place des autres mémoires.
En effet, les plus durement frappés par le système actuel sont
les cas de décès et d'invalidité à long terme et
permanente. Je suis persuadé que les députés vont tenir
compte d u fait que ces victimes ont peu de moyens pour présenter leurs
vues. 2. Les compagnies d'assurance
Personnellement, j'étais déçu du mémoire du
BAC. Je considère que les remarques de monsieur Moreau lors de la
présentation du mémoire ont beaucoup apporté à la
solution du problème. A la page 11 de l'Introduction du rapport, le
comité a rejeté le plan du BAC, pour des motifs que nous croyons
avoir déjà clairement explicité. Le mémoire, en
effet, semble ignorer le rapport Gauvin.
Les grosses différences dans les plans d'indemnisation du
comité Gauvin et celui du BAC portent sur les indemnités
accordées aux victimes dans les catégories suivantes:
Les cas de décès ou d'invalidité sérieuse,
incluant les dépendants de ces victimes;
Les cas de ceux qui sont trouvés responsables sous le
système actuel.
Le plan du comité Gauvin vise à les indemniser
adéquatement, tandis que le BAC n'apporterait aucun changement dans les
cas de décès et des victimes trouvées responsables, et
seulement une légère amélioration dans le cas
d'incapacité sérieuse.
L'autre lacune dans leur mémoire concerne la réduction des
frais administratifs. Ils n'offrent aucune alternative aux recommandations du
comité. 3. Les avocats
Les divers mémoires des avocats n'ont pas réussi à
résoudre les problèmes exposés dans le rapport du
comité. Le Barreau a fait un effort dans ce sens, mais leurs
propositions laissent de côté les très graves questions de
délais, de réadaptation des victimes et la sous-indemnisation des
grosses pertes.
Dans les modifications qu'on peut apporter au système actuel, le
problème fondamental est que, le plus qu'on décrète les
règles de jeu pour les juges, le plus on approche un système
d'assurance de protection individuelle où l'expérience
démontre qu'on a très peu besoin de recourir aux tribunaux. 4.
Les courtiers
Ces mémoires n'ont pas tenu compte des changements radicaux dans
leur rôle qui résulteront des recommandations du comité,
tant sur le niveau du plan d'indemnisation que sur celui de l'administration
des compagnies d'assurance.
Leur attitude de rejet complet du rapport les a amenés à
un paradoxe assez drôle, mais toutefois embarrassant pour le
comité. Nous avons déclaré, à la page 359: "Quelles
que soient les modifications apportées (c'est-à-dire à la
mise en marché), les courtiers demeureront le principal réseau de
distribution de l'assurance automobile." Dans leur témoignage devant la
Commission Parlementaire, les courtiers se disent néanmoins incapables
de porter un jugement sur le plan d'indemnisation proposé dans le
rapport. Je comprends leur dilemme mais je crois qu'ils auraient dû
nuancer davantage leurs remarques. Après tout, le comité les
prône comme conseillers pour l'assuré, surtout sur la question des
plans d'indemnisation. Il me semble qu'ils devraient admettre que la protection
offerte par le plan proposé dans le rapport Gauvin est de beaucoup
supérieure à celle existante, ou encore aux autres plans soumis
à la Commission Parlementaire, sous la réserve, s'ils veulent la
faire, d'une confirmation de l'évaluation. 5. La
confédération des syndicats nationaux
Le mémoire de la CSN, comme je l'ai déjà
souligné, traite presque exclusivement de l'étatisation. Le
rapport Gauvin donne déjà une réponse
détaillée à la position prise par la CSN. Je trouve
drôle leur remarque à l'effet que nous n'aurions pas pris en
considération le revenu sur les placements. En effet, on peut appliquer
ces revenus de deux façons, soit contre les frais d'administration, soit
contre les coûts de capital. Nous les avons traités de cette
dernière façon (aux pages 235, 237 et 367 à 369), mais
n'importe laquelle des deux méthodes étant utilisée, le
résultat pour l'assuré restait le même. Si les
députés le désirent, je peux leur démontrer, en
retenant les chiffres donnés par le tableau, en page 20du mémoire
de la CSN, que les
assurés en Saskatchewan et à Québec ont payé
approximativement le même prix pour le coût du capital pendant les
années récentes.
Beaucoup plus important que la question de l'étatisation est le
fait que le plan d'indemnisation proposé par la CSN est très
sensiblement inférieur à celui du comité Gauvin. Un
assuré, aujourd'hui, est mieux protégé en Ontario,
à New York, au Michigan et, avant l'étatisation, en
Colombie-Britannique, qu'il ne l'est en Saskatchewan. Si on ajoute le fait que
leur système de tarification est désuet et plein d'anomalies, on
a de la difficulté à comprendre l'obsession de la CSN concernant
le système de la Saskatchewan. Je crois qu'il est possible d'admirer
l'efficacité de leur administration, tout en faisant des réserves
sur les autres aspects de leur système.
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