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(Quinze heures vingt trois minutes)
Le Président (M. Boucher): La commission des institutions
financières et coopératives est réunie, dans un premier
temps, pour entendre les organismes intéressés par le projet de
loi no 40 et par la suite, pour étudier, article par article, ledit
projet de loi no 40, sur les sociétés d'entraide
économique et modifiant diverses dispositions législatives.
Les membres de la commission sont: M. Ryan (Argenteuil) qui remplace Mme
Bacon (Chomedey), M. Blais (Terrebonne), M. de Belleval (Charlesbourg), M.
French (Westmount), M. Marquis (Matapédia) remplace M. Gravel
(Limoilou), M. Guay (Taschereau), M. Lafrenière (Ungava), M. Mailloux
(Charlevoix) remplace M. Lincoln (Nelligan), M. Dubois (Huntingdon) remplace M.
Maciocia (Viger), M. Parizeau (L'Assomption), M. Tremblay (Chambly).
Les intervenants sont: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M.
Bordeleau (Abitibi-Est), M. Houde (Berthier) remplace M. Cusano (Viau), M. Dean
(Prévost), M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), M. Martel (Richelieu), M.
Pagé (Portneuf) remplace M. Rocheleau (Hull), M. Vaugeois
(Trois-Rivières).
Est-ce qu'il y a un rapporteur? M. Blais (Terrebonne)?
Une voix: Très bon.
M. Blais: C'est une lourde tâche.
Le Président (M. Boucher): Les organismes qui ont
été invités à venir faire des
représentations, sont, dans un premier temps: Le Comité
provincial de protection des entraidistes, représenté par M.
Davis Forrest, président et porte-parole, et M. Paul Harvey;
deuxièmement, la Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec, représentée par M.
Raymond Blais, président et porte-parole; troisièmement, la
Fédération des caisses d'entraide économique,
représentée par M. Justin Dugal, président et
porte-parole.
J'inviterais immédiatement, s'il n'y a pas de commentaire
inaugural, le Comité provincial de protection des entraidistes,
représenté par M. Davis Forrest.
M. Parizeau: M. le Président, avant que nous
commencions...
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Parizeau: ... est-ce que je pourrais suggérer que dans
la mesure où on a besoin de ces lampes aux fins de la
télévision, on s'en serve pendant que la télévision
s'en sert, mais qu'on n'ait pas ça pendant trois heures dans les yeux?
Si on n'y voit pas d'objection. Est-ce qu'il y a une mécanique par
laquelle...
Le Président (M. Boucher): Cinq minutes...
M. Parizeau: C'est tout et ensuite, on éteindrait.
Le Président (M. Boucher): D'accord. M. Parizeau:
Merci infiniment. M. Pagé: On fait motion.
Le Président (M. Boucher): M. Forrest, si vous voulez y
aller de votre mémoire.
Comité provincial de protection des
entraidistes
M. Forrest (Davis): MM. les membres de la commission, nous sommes
ici aujourd'hui parce que vous nous avez invités à venir porter
à votre attention la position de notre comité et également
la position de plusieurs sociétaires que nous représentons. Je
dois d'abord vous informer que nous avons été formés comme
comité provincial le 14 novembre dernier, et qu'à ce moment, nous
réunissions 14 comités locaux qui s'étaient formés
pour la défense des entraidistes. Aujourd'hui, nous en
représentons maintenant 21.
Nous nous sommes formés dans le but d'essayer de voir s'il n'y
aurait pas eu possibilité de trouver d'autres options au plan Dugal
qu'on connaît actuellement. En fait, c'est à la suite de
rencontres, de discussions et de démarches que l'on a vu à se
former en comité provincial, parce qu'on s'est aperçu au fil du
temps, que les gens étaient vraiment mal pris avec le problème
des
caisses d'entraide. On a senti non seulement un besoin mais une
nécessité aussi de se former en comité dans le but
d'essayer de coordonner nos actions à travers la province, dans le but
de ne pas épivarder nos actions et nos pensées. On s'est dit
aussi que le seul choix qui restait face au plan Dugal était celui de la
liquidation, qui était un choix de dernier ressort, bien sûr. On
s'est dit qu'il y avait sûrement d'autres moyens de régler le
problème des caisses d'entraide. Dans ce but, on s'est dit qu'on allait
devoir forcer et s'impliquer dans le milieu afin de voir ce que les
sociétaires comme tels désirent qu'on leur présente comme
choix ou alternative.
En fait, un des principes qui nous motivaient, c'était de voir
une espèce d'opposition entre le fait de pouvoir, soit sauver
l'institution ou soit sauver l'épargne des gens. Idéalement, ce
serait de sauver les deux, mais on s'aperçoit que cela devient de plus
en plus difficile également. C'était d'ailleurs le seul objectif
qui devait nous animer, sauver l'épargne des gens. Sous le sceau du
développement économique des régions et ce, par le biais
de la création et de la multiplication des PME, on a mis bas cette
presque nouvelle religion, soit les caisses d'entraide économique,
institution qui devait à ses premiers balbutiements, s'avérer
l'outil idéal pour atteindre l'objectif premier, soit le
développement économique dans les régions. On a dû,
de ce fait, vendre un produit à plus de 300 000 citoyens qui ont mis une
grande part de leur confiance dans le commerce, dans les commerces et
industries régionales.
La connaissance de l'état précaire de certaines caisses,
ainsi que le dévoilement public d'un rapport présenté en
mars 1978 à la Commission des valeurs mobilières du Québec
a créé une situation d'incertitude, voire même de panique
chez les sociétaires. Aux premières assemblées
d'information qui ont suivi ces événements, les
sociétaires ont rapidement compris l'importance du problème et se
sont mis à s'interroger. De là, nous est apparue la
nécessité de se regrouper pour voir clair dans ce dossier dont
l'ampleur et la complexité en désarmaient plus d'un. Nous avons
donc, dans chacune des caisses où se trouvent aujourd'hui les
comités de défense des membres de la caisse d'entraide
économique, interrogé les sociétaires afin de
déceler avec la plus grande clairvoyance possible quelle était la
solution désirée par l'épine dorsale des caisses
d'entraide, soit les membres. À la suite de ces consultations, nous
avons pu établir des principes fondamentaux qui devaient animer notre
action. (15 h 30)
En premier lieu, les gens nous informaient que ce qu'ils
désiraient c'était tout simplement d'avoir 100% de leur mise de
fonds et immédiatement. Chose certaine, ce principe n'est absolument pas
applicable aujourd'hui, et tous le savent. Étant donné le
moratoire imposé et la presque certitude qu'ils auront à
supporter les frais de cette crise, les membres ont émis les principes
subsidiaires suivants: 1) Que les pertes, s'il en est, soient des plus minimes
possible; 2) que leur argent soit disponible pour utilisation libre et
volontaire le plus rapidement possible.
C'est dans le but de cette recherche et dans le but d'atteindre ces
objectifs que nous sommes ici aujourd'hui.
Il nous apparaît que la sagesse financière universelle
aurait commandé la mise en application des recommandations du rapport de
la Commission des valeurs mobilières du Québec. À notre
avis, la responsabilité première de ce dossier va au gouvernement
du Québec. Lorsqu'un gouvernement reçoit un rapport comme
celui-là, aussi clair, aussi précis, et quand on le lit encore
aujourd'hui, on s'aperçoit, on dirait que ces lignes sont écrites
en même temps qu'on vit cette situation de crise; on se dit: II y a
certainement quelque chose qui n'a pas été fait dans ce
dossier.
Si vous me permettez, je vais uniquement rappeler quelques passages du
rapport qui nous apparaissent très importants et qui auraient pu
éviter la situation dans laquelle on est présentement:
"Emportés par l'enthousiasme général du secteur, les
administrateurs des caisses et de leur fédération comprennent mal
les exigences légales et administratives qui leur sont imposées,
se soucient peu de les respecter et font preuve de myopie financière.
"Un examen plus approfondi de ce mode particulier de fonctionnement
démontre que le succès actuel des caisses d'entraide
économique ne peut se perpétuer que dans un contexte de
croissance et que de graves dangers menacent le mouvement lorsqu'il se sera
stabilisé."
Des mesures correctives urgentes qui risquent d'être mal
interprétées dans ce milieu, mais qui n'en demeurent pas moins
nécessaires, font l'objet de recommandations de la présente
étude en vue d'assurer que les caisses soient administrées selon
des pratiques financières et commerciales saines. On croit que, bien que
l'administration de ces institutions ait été remise entre les
mains de régionaux, la faute ne leur revient pas en premier lieu mais
revient bien au gouvernement du Québec qui aurait dû, par une loi
appropriée à ce moment-là, voir à corriger
immédiatement la situation.
Si vous me permettez, je vais poursuivre en vous citant quelques parties
du passage de ce rapport. On nous dit, à la page 25 du rapport, que la
conception erronée que se fait la direction de la
fédération sur la planification et l'évaluation de la
rentabilité ou de la viabilité d'une
caisse doit être soulignée, car elle contredit tous les
principes d'administration selon des pratiques financières saines. On
continue comme suit: "En effet, on lit à la page 9 du rapport annuel de
1976-1977 de la fédération que le service de l'administration des
caisses a mis l'emphase sur l'établissement de normes administratives
afin de permettre aux caisses de mieux s'administrer. "Au cours de la prochaine
année, son objectif est d'aider chaque caisse à s'administrer
complètement avec les frais d'acquisition. Ceci est appuyé par
les rapports d'inspection des caisses par la fédération où
l'on réitère, chiffres à l'appui, que les revenus de
l'intérêt sur les prêts et placements doivent couvrir les
dépenses financières, c'est-à-dire les
intérêts sur le capital social, sur les dépôts
à terme et sur les emprunts et les créances douteuses, et que les
revenus des charges administratives, c'est-à-dire les frais
d'acquisition du capital social et les frais d'administration sur les
prêts, doivent couvrir toutes les dépenses commerciales,
c'est-à-dire de recrutement, et administratives. Toute lacune à
ce dernier égard est fustigée par une exhortation à
intensifier le recrutement."
Encore une fois, qu'il me soit permis de vous rappeler que, si on
était intervenu au moment où ce rapport a été
présenté, on n'aurait pas actuellement plus de sociétaires
qu'il n'y en avait en 1978 aux prises avec le problème qu'on
connaît.
Je continue encore avec la page 26 du rapport où on mentionne -
qu'ayant remarqué que la population investissait souvent à
l'étranger à cause de rendements plus élevés,
l'entraide économique avait simplement réglé le
problème en donnant à ses membres un taux supérieur
à celui déjà offert tant à l'intérieur
qu'à l'extérieur de la région. - Le principe de base
était valable à ce moment-là et il l'est toujours, mais le
moyen de l'appliquer l'était peut-être moins. - Le seul ennui
réside dans le fait que le mouvement va à l'encontre du processus
habituel qui consiste, pour une entreprise, à d'abord tenter de
réaliser le rendement le plus élevé possible et, ensuite,
à distribuer ses bénéfices dans la mesure de ses moyens.
En termes clairs, on appelle ça vendre la peau de l'ours avant de
l'avoir tué.
Enfin, qu'il me soit permis de vous mentionner d'autres passages qui
nous apparaissent très importants. En particulier, il y a certains
passages qui parlent des méthodes de recrutement, des méthodes de
publicité. J'en ai une à l'idée. Un feuillet nous a
été distribué par la fédération qui nous
disait: "Achetez un REER pour aujourd'hui pour sourire demain." Moi, M. le
ministre, je vous demande d'aller vérifier si les sociétaires ont
encore envie de sourire aujourd'hui.
On est allé demander aux sociétaires qui ont acheté
ces REER s'ils avaient encore le sourire aujourd'hui. C'est loin d'être
la situation, bien loin d'être la situation. Ces gens-là sont
frustrés, brimés dans leur liberté d'action parce que tous
et chacun ont gagné ces mises de fonds qui ont été
placées à la fédération et dans les caisses locales
par un dur labeur. Je pense que ce n'est pas croire beaucoup en l'espèce
humaine et en l'entité humaine que de pouvoir permettre une telle
action.
Enfin, j'aimerais vous rappeler l'élément de confiance qui
est la base du système économique. À notre avis, il reste
deux éléments de solution à ce problème, deux
portes de sortie. La première, c'est le plan Dugal, dont les assises
juridiques se retrouvent dans le projet de loi 40, dont je parlerai plus
précisément tout à l'heure. La deuxième, c'est que
le gouvernement du Québec assume sa responsabilité
première, qu'il n'a d'ailleurs pas assumée en 1978, et qu'il
offre au Mouvement Desjardins la possibilité d'offrir aux membres des
caisses d'entraide économique une alternative viable, parce que cette
institution bénéficie toujours de la confiance des gens.
Maintenant, on va en venir au projet de loi no 40 immédiatement.
D'abord, je voudrais mentionner une chose. On a appris ce matin qu'il y aurait
déjà 32 amendements de présentés au projet de loi
no 40. On se demande, d'une part, si c'est vrai, parce qu'il nous a
été impossible d'obtenir copie de ces amendements, et on se
demande aussi dans quelle mesure et de quelle teneur sont ces amendements?
Est-ce que ce sont des amendements qui vont changer au fond le projet de loi no
40 ou s'ils vont changer uniquement la forme, c'est-à-dire des
détails techniques? Je dois immédiatement vous mettre en garde
à l'effet que l'opinion qu'on émet aujourd'hui est face au projet
de loi no 40 tel qu'on l'a eu au moment de son émission.
La première chose qui nous a un peu surpris lorsqu'on a fait la
lecture du projet de loi no 40, c'est l'article 6, qu'on a pris la peine de
lire en relation avec les articles 100 et 102. Nous sommes restés
stupéfaits de voir de quelle façon on avait contourné
l'essence même du plan Dugal, qui était à la base
même du moins de ce qu'on a pu en entendre et de ce qu'on pouvait lire,
le fait que 25% du capital social serait transformé en capital-actions
et le reste, soit 75%, en dépôts à terme. Il nous
apparaît qu'à partir de l'article 6, le gouvernement, n'ayant
aucune assurance que seulement 25% suffisaient pour transformer les caisses et
les rendre rentables, n'a pas voulu s'impliquer jusqu'à ce point et
laisser la porte ouverte de façon à permettre ce qui pourrait
être possible, d'avoir 30% et peut-être 35% de
transféré en capital-actions.
Un autre élément nous est apparu très
important. Il s'agit de l'article 21, qui est pour nous un des principes
fondamentaux, c'est-à-dire le fait que l'on empêche, que l'on
brime toute liberté possible aux gens qui ne croient pas dans le plan
Dugal.
D'après l'article 21, la minorité qui aura voté
contre le plan Dugal devra se soumettre à l'adoption de ce plan et nous
vous soumettons que le système économique dans lequel on vit
aujourd'hui étant celui de la libre entreprise et de la liberté
de placement et d'investissement, c'est aller à ['encontre de ce
système que de croire qu'en forçant des gens à agir de la
sorte, on pourra relancer l'entraide économique.
Qu'il me soit permis à ce moment-ci de vous mentionner un texte
dont on a eu connaissance et publié par un professeur de
l'Université Laval. Ce professeur mentionnait que, face à
l'article 21, il y aurait eu moyen d'amener l'élément
liberté fondamentale auquel on croit à exister dans un plan de
relance comme celui-là.
Je vais vous faire lecture du résumé du plan ou de
l'aspect liberté qu'il proposait: Le plan de relance des caisses
d'entraide économique tel que présenté par l'équipe
Dugal laisse trop peu de choix aux sociétaires. On les contraint
à la liquidation ou à la prise en charge de risques non
désirés. En effet, plusieurs petits épargnants croyaient,
à tort cependant, que leurs investissements en capital social
étaient sans risque et garantis par le gouvernement. On veut maintenant
rendre officiel le risque déjà supporté et ceci à
25% du capital social. On veut transformer 25% du capital social détenu
par chaque sociétaire en capital action. Bien qu'il soit vrai que les
sociétaires détenaient déjà du capital de risque,
il nous semble exagéré de lier 100% des sociétaires par un
vote des 75% présents à l'assemblée. Si ces 75% ont des
attentes positives face à leur caisse locale, pourquoi certains ne
seraient-ils pas intéressés à un investissement de plus
grande importance surtout ceux pouvant bénéficier des mesures
fiscales proposées. Une telle procédure conforme aux lois d'un
libre marché permettrait à chaque sociétaire de choisir le
niveau de risque désiré. Si cette approche ne suffisait pas
à amasser les capitaux propres nécessaires à la relance de
l'entreprise, les sociétaires auraient au moins le signal qu'une telle
relance est jugée trop risquée par les investisseurs
potentiels.
À cette fin, nous, on s'était demandé de quelle
façon cet argument pourrait être articulé techniquement. On
s'est demandé de quelle façon aussi on pourrait l'appliquer.
D'après nous, un bulletin de vote personnalisé serait suffisant
pour appliquer la théorie de la liberté dans ce
principe-là. C'est-à-dire que les personnes qui y croient
réellement en votant avec la valeur des investissements qu'ils ont dans
l'institution comme telle, pourraient à même ce bulletin de vote
s'imbriquer dans le système, croire dans la relance et réinvestir
dans celle-ci, de façon à créer une liquidité
immédiate pour ceux qui ne désirent pas la relance telle que
proposée par le plan Dugal. Par voie de conséquence, ceux qui ne
croient pas au plan Dugal pourraient recouvrer plus rapidement leur argent et
en toute quiétude et à 100% surtout.
Ensuite, un autre point qui nous apparaît fondamental dans cette
loi-là, c'est le pouvoir de législation
déléguée qu'on confie au gouvernement. Trop important, ce
pouvoir qui met le contrôle et l'administration entre les mains d'un
fonctionnaire au lieu de le laisser à l'Assemblée nationale. Je
crois que s'il s'était exercé en 197B, on n'en serait
sûrement pas au point où on en est aujourd'hui.
Le projet de loi no 40 ne semble pas protéger l'épargnant,
mais plutôt l'institution. En somme, le projet de loi no 40 nous
apparaît inacceptable, parce qu'il fausse les règles du jeu
économique sur le plan de la liberté. Il nous apparaît
également, que non seulement la liberté économique est
brimée, mais également et surtout la liberté de choix dans
la façon dont les problèmes des caisses devraient être
solutionnés.
Enfin, pour terminer, pour les sociétaires que nous
représentons, le Mouvement Desjardins est l'allié le plus naturel
qui bénéficie de la confiance des gens. Avec Desjardins, le
passé est garant de l'avenir. Ce que nous privilégions, ce n'est
pas un achat à rabais des caisses d'entraide, parce que nous y avons cru
et nous y croirons toujours, mais l'entraide pourrait se transformer d'une
façon autre que celle proposée par le plan Dugal. Ce que nous
désirons, c'est que les frais de cette opération coûtent le
moins cher possible aux membres des deux institutions. De ce fait, nous nous
interrogeons sur les coûts réels d'une fusion des caisses
d'entraide économique avec le Mouvement Desjardins. On nous parle de 90
000 000 $; ce matin, je lisais dans la Presse, 200 000 000 $; quand aura-t-on
le droit de connaître avec certitude l'ampleur de ce coût? (15 h
45)
Pour notre groupement, la solution Desjardins semble être
l'élément clé qui pourrait apporter le choix du plan le
plus approprié pour le petit investisseur. Desjardins pourra aussi, par
sa structure interne, maintenir le principe de régionalisme
économique en fournissant et en apportant aux PME toute l'assistance
financière et humaine nécessaire au développement de
celles-ci.
Pour terminer, j'aimerais faire une espèce de mise en garde,
autant face au gouvernement du Québec que face à l'Opposition
officielle: qu'il nous soit permis
de vous mentionner qu'il serait dangereux d'aller trop rapidement de
l'avant avec le projet de loi no 40, parce que ce seront les 300 000
sociétaires qui décideront et qui jugeront des effets de cette
loi sur leur portefeuille. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Forrest. M. le
ministre.
M. Parizeau: Je vais laisser le chef de l'Opposition poser des
questions.
Le Président (M. Boucher): M. le chef de l'Opposition?
M. Parizeau: Je pense que c'est assez clair, M. le
Président. Je n'ai...
M. Ryan: On a sûrement quelques questions à poser
à M. Forrest et à M. Harvey qui l'accompagne. Tout d'abord,
pourriez-vous nous donner des précisions sur la
représentativité de votre comité des entraidistes?
Pourriez-vous nous dire dans combien de caisses vous recrutez des
sociétaires, quelle est l'ampleur des appuis qu'on vous a
témoignés jusqu'à maintenant? À votre point de vue,
quel est le nombre de caisses où on entretient des doutes ou des
interrogations, des inquiétudes au sujet du plan proposé dans le
projet de loi no 40?
M. Forrest: Je dois vous mentionner immédiatement, M.
Ryan, que notre comité regroupe actuellement plus de 21 caisses,
c'est-à-dire plus de 21 regroupements locaux, qui se sont formés
à l'intérieur de chacune des caisses. Je dois également
vous mentionner qu'on ne peut pas dire que ces comités
représentent la majorité de tous les sociétaires; mais,
ils représentent sûrement une partie importante de ceux-ci et
même cette infime partie, si c'était le cas, devrait être
entendue et protégée par le projet de loi no 40.
D'un autre côté, les informations que nous
possédons, pour avoir lu les relevés de journaux et la
conférence de presse de M. Blais la semaine dernière, nous
apprennent qu'il y aurait plus de 30 caisses actuellement qui auraient fait des
demandes au Mouvement Desjardins. Si même les dirigeants de 30 caisses
ont cru bon de faire la demande au Mouvement Desjardins et d'autant plus si les
sociétaires y croient et que leurs dirigeants y croient
également, je pense que c'est d'une importance telle qu'on ne peut le
retourner du revers de la main.
M. Ryan: Vous autres...
M. Parizeau: À titre de complément à la
question, est-ce que vous allez continuer dans la même voie?
M. Ryan: Oui.
M. Parizeau: Comme prévu. Sur ce plan justement de la
question posée par M. Ryan, comment devient-on membre de vos
comités? Est-ce qu'il y a une façon un peu formelle de le
devenir?
M. Forrest: Absolument pas. Voici la façon dont plusieurs
des comités comme ceux-là se sont regroupés. Les gens ont
assisté à une première assemblée d'information qui
a eu lieu à la suite des événements du mois de juin
dernier. Plusieurs en sont sortis de très mauvaise humeur, d'autres de
moins mauvaise humeur. À la suite de cela, des groupes de gens à
l'intérieur des caisses - on connaissait d'autres gens qui
étaient à l'intérieur de la caisse - se sont réunis
et ont dit: Écoute, c'est la majorité qui n'était pas
satisfaite ce soir à la rencontre; donc, il y a un besoin de s'impliquer
dans le dossier. L'implication était non seulement au niveau personnel
et financier, mais aussi social, parce que plusieurs personnes, vous connaissez
les problèmes d'organisation et de structuration d'espèce de
comités comme ceux-là... On s'est dit, pour notre part, à
Jonquière: II faut se structurer, il faut s'organiser de façon
à donner une voie aux gens qui n'ont pas cette chance. C'est dans ce
sens que les comités se sont formés un peu partout dans la
province, pour ce qui est des 21 comités qui sont du regroupement
provincial actuellement.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Argenteuil et chef de l'Opposition.
M. Ryan: II y a une question que je voulais vous poser. Vous
dites qu'il faudrait que tous les sociétaires aient la chance de
recouvrer leur capital au moment du passage de la formule actuelle à une
autre formule. Il y a une question qui se pose ici. Je ne sais pas comment vous
la résolvez. Ils sont entrés tous ensemble dans cette
expérience. Il y a une passe difficile qui se présente. Si on
allait ériger en règle que chacun peut sortir du bateau au moment
de son choix, dans quelles conditions cela peut-il se faire sans créer
d'injustice pour les autres, pour l'ensemble? Parce que si on érige
votre solution, en principe, cela veut dire qu'idéalement, chacun peut
sortir individuellement. Même s'il y avait une majorité qui
s'était prononcée à l'assemblée, le paradoxe serait
le suivant: Chacun pourrait décider individuellement le lendemain de
demander le retrait de son capital. Il pourrait arriver qu'une décision
ait été prise à l'assemblée et qu'elle soit
complètement vide de sens ensuite. Généralement, dans une
entreprise collective comme celle-là, on est entré ensemble, et
si
une décision est prise par une solide majorité des membres
- on demande les trois quarts des membres présents; on pourra discuter
de l'assemblée tantôt si vous voulez - comment pouvez-vous
justifier cela? Cela ne vous semble-t-il pas un peu paradoxal?
M. Forrest: Oui, c'est certain. Il y a une chose qu'on tient pour
acquis. Actuellement, on sait qu'il y aura des pertes. Je pense que tous les
sociétaires savent qu'ils devront, à un moment donné, dans
ce dossier, absorber une perte personnelle. Ce fait, on le connaît et on
le comprend très bien, sauf qu'on se dit: Pour quelle raison ce seraient
ceux qui ne veulent pas la relance qui en feraient les frais? Je retourne la
question d'un autre sens. Si on dit qu'on ne veut pas que ce soit celui qui y
croit, qui investisse à nouveau dans cette relance, pourquoi serait-ce
le petit, parce qu'il n'a pas la chance d'en mettre plus aujourd'hui, parce
qu'il a de petits moyens, pourquoi serait-ce lui qui ferait les frais de la
relance des autres?
M. Ryan: Vous introduisez une notion un peu différente. Si
je comprends bien, vous dites: Pourquoi ne serait-ce pas le plus petit? Hier,
je soumettais à l'attention du ministre, dans le débat que nous
avons eu en deuxième lecture, le problème des sociétaires
qui peuvent avoir des besoins particulièrement aigus au point de vue
humanitaire, des personnes rendues, par exemple, à l'âge de la
retraite, qui avaient mis des avoirs dans les caisses, dans le but d'avoir un
revenu, quand ils arriveraient à l'âge de la retraite. Si on
ampute leur calcul de 25%, c'est énorme, par exemple. Mais est-ce que
vous voulez que le législateur tienne compte de ces cas qui pourraient
se présenter ou que ce soit une espèce de "free for all" et que
n'importe qui puisse se retirer après être entré comme
sociétaire dans une institution, et puisse dire: Maintenant que cela va
mal, je me retire je ne veux plus avoir affaire à cela. Est-ce que vous
pouvez préciser votre pensée?
M. Forrest: Oui, le principe qu'on avance sur le fait de la
liberté de choisir ou non la relance, c'est dans le sens que, s'il n'y a
pas suffisamment de gens qui y croient, en appliquant ce principe, la relance,
à ce niveau, il n'y en a pas, parce qu'on n'aura pas respecté les
normes nécessaires pour faire la relance ou le redressement. À
partir de là, on saura que l'aléatoire qu'on connaît
aujourd'hui sera certain, parce qu'on ne sera pas capable de faire la relance,
car, déjà, à cette étape, à une
première étape pour faire avancer ce dossier, tout de suite les
gens vont avoir dit: Aussitôt que la porte s'est ouverte, ils ne veulent
plus.
Nous disons: Comme c'est basé sur la confiance, faites un test de
confiance immédiatement et on verra pour l'avenir. Si le test de
confiance passe, c'est merveilleux, l'entraide va continuer de vivre et va
continuer de progresser, mais, si le premier test ne passe pas, comment
va-t-elle faire pour continuer après?
M. Parizeau: À cet égard, il y a une question que
j'aimerais vous poser et qui est la suivante: S'il n'y avait pas de
problème de confiance, nous ne serions pas ici aujourd'hui. L'origine de
la crise, c'est cela; c'est une question de confiance.
Je m'interroge un peu pour essayer de comprendre la distinction que vous
établissez entre le petit qui, aujourd'hui, si on faisait un test,
n'aurait pas confiance et le gros qui l'aurait. Cela ne me paraît pas
évident. Quand on parle d'un problème de confiance, celui qui a
30 000 $ dans une caisse d'entraide peut fort bien avoir davantage confiance ou
moins confiance que celui qui a 500 $ dans une caisse d'entraide. D'ailleurs,
le fait d'avoir 500 $ dans une caisse d'entraide ne veut pas dire qu'on est
petit ou gros. Il peut y avoir quelqu'un qui a placé 500 $ dans une
caisse d'entraide, parce qu'il ne peut pas y mettre plus, et cela peut
être un professionnel qui, au contraire, a mis 500 $ dans une caisse
d'entraide pour se débarrasser du vendeur. C'est très difficile
d'établir une distinction entre l'intérêt du petit et
l'intérêt du gros et la confiance du petit et la confiance du
gros. C'est dans ce sens qu'on se dit: Comptons les têtes. S'il y en a
75% qui sont d'accord, cela indique, sans qu'on ait à porter de jugement
sur petit, gros ou participation importante ou pas, qu'effectivement, les trois
quarts des gens ont confiance dans le plan de relance. C'est cela l'origine de
la proportion qu'on met dans la loi.
Et là, j'essaie de saisir ce que vous impliquez par cette
question de laisser chacun décider du montant qu'il voudrait laisser
dans la caisse. Cela ne me paraît pas être une question de petit
par opposition à gros, mais d'individus l'un après l'autre ou
est-ce que je me trompe?
M. Forrest: Oui, effectivement. J'ai donné comme exemple
le fait qu'un petit pourrait avoir moins confiance que celui qui a un peu plus
dans sa mise de fonds. Ce que je dis, c'est qu'à l'aide du principe
qu'on avance; on pourrait faire un test immédiat pour savoir si les gens
vont croire encore, demain matin, à cette histoire, parce que, relancer
quelque chose alors que les gens n'y croient plus, moi, je me dis: Où
ça va aller? Si c'est deux ans pour le redressement et deux ans pour la
relance, là ça fait quatre ans et, si on revient dans quatre ans
encore, je pense qu'on n'aura pas accompli notre travail comme il faut cette
fois-ci.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. Forrest, est-ce que je comprendrais bien votre
suggestion si j'essayais de la résumer comme suit? Vous aimeriez
qu'avant même qu'il soit question d'une assemblée où on
prendrait une décision officielle il y ait une consultation de faite
auprès de chaque sociétaire pour l'inviter à dire si lui
est prêt à entrer dans le plan Dugal ou non et dans quelle mesure.
Vous voudriez qu'une consultation d'un autre type que l'assemblée
prévue dans le projet de loi ait lieu avant ou à la place de
cette assemblée. Est-ce que c'est ça, votre idée?
M. Forrest: C'est une forme de test comme celui-là pour
voir si demain matin, c'est viable. On y croit encore, mais comment faire pour
dire: Tu vas voter pour le plan et demain tu sais très bien que tu ne
pourras pas rentabiliser à nouveau ton institution? Tu n'as pas pu
prendre ta décision de façon claire avec tous les
éléments en main. C'est dans ce sens-là qu'on le
mentionne.
M. Ryan: Si je comprends bien, vous n'avez pas confiance à
l'assemblée extraordinaire qui doit avoir lieu au mois de janvier comme
seul moyen pour faire la lumière sur la volonté réelle des
sociétaires.
M. Forrest: Effectivement, parce que le seul problème qui
se présente, c'est qu'à l'assemblée qui aura lieu on aura
un plan présenté devant nous et ce sera le seul. Donc, les gens
n'auront pas eu l'opportunité de voir autre chose. C'est sur ce
plan-là seulement qu'ils se prononceront.
M. Parizeau: II est possible, M. le Président, cependant,
que M. Forrest préjuge un peu de ce qui serait présenté
aux sociétaires le 30 janvier. Mais, pour poursuivre ce que disait le
chef de l'Opposition officielle, si on voulait faire un sondage, une sorte de
test préliminaire au 30 janvier, pour qu'il soit significatif, il
faudrait que tous les renseignements financiers soient présentés
aux membres, exactement comme ils devront l'être le 30 janvier. J'ai de
la difficulté à voir la différence de démarche
entre une assemblée préliminaire et une assemblée du 30,
puisque, de toute façon, pour que le test se fasse, il faut quand
même que les renseignements pertinents soient présentés aux
membres. On ne peut pas faire une sorte de test préliminaire juste sur
une sorte de première réaction.
M. Forrest: M. le ministre, moi, je pense qu'avant de pouvoir
porter un jugement...
M. Ryan: Juste une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Question de
règlement.
M. Ryan: J'espère que le ministre des Institutions
financières n'a pas interprété mon intervention comme
voulant suggérer moi-même une telle chose.
M. Parizeau: Pas le moins du monde; j'étais seulement dans
le prolongement de la question que vous posiez.
M. Forrest: Dans le sens de ce que vous disiez tout à
l'heure, si on s'aperçoit qu'avant le 30 janvier le délai est
trop court, alors, ne précipitons pas les choses; prenons le temps de
voir comme il faut avant de prendre une décision.
M. Parizeau: Mais est-ce que les caisses d'entraide n'ont pas
tenu depuis pas mal de semaines une série de réunions
d'information à l'égard de leurs membres?
M. Forrest: Oui, plusieurs, faisant connaître uniquement la
position de celui qui présente le projet de loi aujourd'hui, parce que
c'est le plan Dugal qu'on nous a présenté dans toutes les
assemblées d'information, chaque fois. Alors, comment pouvons-nous dire
que les gens sont bien informés, alors qu'ils n'ont qu'un
côté de la médaille? Quand la médaille va se mettre
à tourner, on va voir l'autre côté et peut-être qu'il
y en a qui vont être drôlement déçus quand ils vont
voir l'autre côté. Parce qu'il y avait peut-être quelque
chose d'aussi beau de l'autre côté et peut-être même
de mieux. (16 heures)
M. Parizeau: Ce qui nous amène au Mouvement Desjardins
dont nous allons discuter tout à l'heure.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: II y a encore quelques questions que je veux adresser
à M. Forrest et à M. Harvey. Vous dites que vous avez des
adhérents dans à peu près 25 caisses d'entraide, si j'ai
bien compris tantôt. Vous avez sans doute suivi de près les
assemblées d'information tenues au cours de l'automne en relation avec
le plan de redressement et de relance; pourriez-vous nous donner un peu les
observations que vous avez faites à l'occasion de ces assemblées?
D'après vous autres, est-ce que l'information a été
communiquée de manière complète, véridique et
objective ou si les conditions se prêtaient mal à un tel examen?
Avez-vous été satisfaits, dans l'ensemble, de ces
assemblées-là ou si vous en êtes ressortis
avec une impression de frustration, de doute ou d'incertitude? Avez-vous
des choses qui pourraient nous être utiles à communiquer
là-dessus?
M. Harvey (Paul): Si vous me permettez de répondre
à la question de M. Ryan. Voici, lors de la tenue de ces réunions
d'information qui, d'ailleurs avaient déjà été
très bien préparées les membres avaient été
avisés qu'il y aurait des spécialistes en marketing pour faire
tomber tous les arguments qui pourraient venir à l'encontre du plan
Dugal. Je crois, pour y avoir assisté, qu'on aurait pu se laisser laver
l'esprit, passez-moi le terme, de cette manière-là si nous
n'avions pas eu les informations nous permettant d'insister pour avoir d'autres
choix, des fusions avec d'autres mouvements, des études sur les
liquidations à court ou à long terme, par la voie de la
réalisation des actifs, et également de fortement appuyer sur le
Mouvement Desjardins, qui est l'allié naturel, croyons-nous, et le
véhicule pour pouvoir régler le problème que l'on vit
présentement. Dans le Mouvement Desjardins - et preuves à l'appui
avec le règlement de la Caisse Laurier, qui a été des plus
heureux - on retrouve deux choses: une structure tant financière
qu'humaine pouvant répondre à différents types de
problèmes. Il est bien sûr que ce n'est pas, au premier coup
d'oeil, la solution à tous les maux qu'une caisse en particulier
pourrait avoir, mais je pense qu'avec l'effort, plus que l'effort, la bonne foi
et vraiment l'esprit de coopératisme qui a été
véhiculé par la fusion de la Caisse Laurier ici à
Québec, on retrouve de grands espoirs. C'est dans ce sens-là
qu'on voudrait voir cette alternative également dans le projet de loi
que l'on discute aujourd'hui.
Le Président (M. Boucher): Avez-vous terminé, M. le
député d'Argenteuil?
M. Ryan: Vous avez dit que vous trouviez que le projet de loi
accorde des pouvoirs de contrôle abusifs ou excessifs au gouvernement.
Pourriez-vous expliquer un peu votre pensée là-dessus?
M. Forrest: En fait, ce qu'on dit c'est que, d'une part, on croit
que si les représentants de la fédération ou de la
nouvelle fédération doivent revenir devant l'Assemblée
nationale par le biais du gouvernement, soit pour réaménager le
projet de loi 40, soit pour réaménager la situation qui
prévaudra à ce moment-là, on se dit: Pourquoi ne pas
offrir directement aux parlementaires le pouvoir de contrôle sur ces
institutions, plutôt que de remettre ces pouvoirs aux mains de
fonctionnaires, bien qu'ils puissent être de bonne foi et de bons
administrateurs, ce qui constitue, à mon avis, un accroc au
régime parlementaire dans lequel on vit. Je crois qu'il est fondamental
que tous les parlementaires - parce que ce sont eux qui nous
représentent au niveau de chacun des comtés - doivent avoir le
contrôle et voir ce qui se passe à l'intérieur de ces
institutions-là, parce que c'est le manque qu'il y a eu, à venir
jusqu'à maintenant. La preuve, c'est qu'on n'a jamais eu ou on n'a
jamais entendu parler ou ça n'a jamais fait vraiment beaucoup de bruit
lorsque le rapport à la Commission des valeurs mobilières du
Québec a été publié. Aujourd'hui, on
s'aperçoit que si, soit l'Opposition soit le gouvernement avait
amené ce document à la Chambre, il y aurait peut-être eu
des positions autres que celles qu'on voit aujourd'hui.
M. Ryan: Je ne sais pas si le ministre a des commentaires
à faire là-dessus.
M. Parizeau: Dans le sens...
M. Ryan: Une autre question, et ça va être tout.
M. Parizeau: Vous avez terminé les questions?
M. Ryan: Cette question-ci, mais j'en ai une autre.
M. Parizeau: Ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire en Chambre,
il est évident que les pouvoirs réglementaires inclus dans la loi
no 40, sont considérables. D'un autre côté, il faut voir
d'où nous partons et où nous voulons arriver. Il est clair que si
on cherchait à imposer demain matin par une loi comportant de
très grandes précisions, comme loi, à l'égard des
positions en liquidité et de toute une série de tests qu'on
applique normalement à des sociétés financières, la
relance deviendrait impensable.
Il faut donc des pouvoirs réglementaires assez importants pour
partir d'où nous sommes et amener les caisses d'entraide à un
niveau qui peut être considéré comme celui de la prudence
générale de ce type d'institution. Et c'est la raison pour
laquelle la loi en est une de transition à cet égard. Dans la
mesure où la relance se fait bien, là après et très
normalement devrait apparaître dans la loi - et à ce
moment-là, cela a des chances d'être une loi plus large - des
précisions qui, à l'heure actuelle relèvent plutôt
de la réglementation. En somme ce que je veux dire, c'est que, on ne
peut pas dans une loi, définir le point d'arrivée seulement et
l'imposer au point de départ. Il faut des pouvoirs réglementaires
qui permettent de partir d'où nous sommes pour arriver où nous
voulons aller, et à ce moment-là incorporer cela dans les
lois.
Je pense que compte tenu des
circonstances c'est un peu inévitable et je reconnais volontiers
que dans les circonstances présentes ces pouvoirs réglementaires
sont considérables par rapport à ce qu'ils devraient être
dans d'autres circonstances.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Une dernière question.
Il est évident qu'en écoutant ce que vous avez dit, nous
allons éprouver encore plus le besoin d'entendre les deux organismes qui
vont témoigner après vous autres, c'est-à-dire la
Confédération du mouvement Desjardins et les dirigeants des
caisses d'entraide, c'est là que nous saurons s'il y a une
possibilité dans le sens de ce que vous dites.
Je voudrais vous poser une dernière question pour être bien
certain qu'on a fait le tour de ce que vous avez examiné, vous. Vous
avez dit qu'en cours de route, vous avez examiné différentes
possibilités. Tout à l'heure j'ai entendu parler des
possibilités de démembrement, vous vous êtes posé
cette question-là à un moment donné à propos des
caisses avec lesquelles vous étiez en rapport. Est-ce que les questions
que vous vous êtes posées là-dessus vous ont conduits
à des réflexions ou à des conclusions
particulières?
M. Forrest: Malheureusement, sur ces points-là, la seule
démarche qui nous était possible, c'était de demander
à nos conseils d'administration respectifs dans chacune des caisses
locales de voir à étudier cette question parce que vous
comprendrez sans doute très facilement qu'on n'a ni les moyens
financiers ni les ressources humaines pour faire ce type d'étude et on
ne prétend pas être capables de le faire non plus. Mais la
prétention qu'on a, c'est que si on prend au moins la peine d'examiner
toutes les alternatives possibles, en bout de ligne, si le plan Dugal est le
seul qui est acceptable, on peut vous mentionner dès maintenant qu'on
sera capable également de se lever pour dire: C'est le seul qui est
acceptable et c'est celui qu'on acceptera, mais pour l'instant, tant et aussi
longtemps que toutes les options et en particulier celles d'une liquidation par
voie de réalisation des actifs n'auront pas été
étudiées, on ne peut pas recommander aux membres d'accepter le
plan Dugal, ce serait se faire aveugler par de la poudre aux yeux.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay (Chambly): M. le Président, j'aimerais
demander aux intervenants si dans leur esprit les gens qui ont
adhéré aux caisses d'entraide étaient conscients que ce
faisant, ils adhéraient à une coopérative avec en
même temps les responsabilités que ça comporte.
M. Forrest: La majorité de ceux qui ont investi dans le
mouvement des caisses d'entraide savaient bel et bien qu'ils investissaient
dans le mouvement coopératif, c'est tout à fait évident
que les gens le connaissaient, sauf que je pense que ce qui était moins
connu, c'était une institution financière qui était dans
le mouvement coopératif et je pense que cela ne s'est pas vu tellement
souvent, une débâcle comme celle-là dans une institution
financière de type coopératif. Et je pense que c'est là la
plus grande crainte des gens. C'est que pour eux le système des
institutions financières et bancaires est fondé sur un
élément de confiance. Ils étaient sûrs, et
c'était plus moral que légal ou vérifiable, dans leur
tête à eux que c'était impossible que cela tombe,
c'était impossible. Je suis certain que tous les gens étaient
conscients que c'était un système coopératif, sauf que de
là à voir la démarcation qu'il y a entre un système
coopératif et le fait qu'une institution financière fonctionne
avec ce système-là, c'était autre chose.
M. Parizeau: M. le Président, avant qu'on passe à
une autre question, je pense qu'il serait important à l'égard des
intervenants de faire état de l'entente qui est intervenue entre les
deux partis tout à l'heure, compte tenu du fait que nous avons
commencé en retard, de façon à donner à chacun au
moins une heure. Si nous avions à dépasser 18 heures, pour aller
jusqu'à 18 h 15 ou 18 h 20, cela se ferait sans difficulté.
Simplement pour...
Le Président (M. Boucher): Avez-vous le consentement pour
un dépassement...
M. Parizeau: Je pense, c'est important, que les autres
intervenants le sachent.
Le Président (M. Boucher): ... de l'heure
d'ajournement?
D'accord, M. le député de Charlevoix.
M. Mailloux: D'ailleurs, malgré qu'on aurait certaines
questions à poser aux intervenants, il ressort que tant et aussi
longtemps qu'on n'aura pas entendu les deux autres parties, qui
éclaireront peut-être une partie de notre lanterne, cela nous
amènera à répondre à certains faits qui ont
été avancés par ceux-ci. Mais j'aimerais bien qu'on passe
le plus tôt possible aux deux groupes qui évidemment peuvent
éclairer un peu les députés.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Charlevoix.
Alors, comme il n'y a plus d'intervenant, au nom des membres de la
commission, je remercie M. Forrest et M.
Harvey pour leur contribution à cette commission.
Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins
J'appelle maintenant les représentants de la
Confédération des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec. M. Raymond Blais, porte-parole.
M. Blais (Raymond): M. le Président, messieurs les membres
de la commission. Avant de débuter, vous me permettrez de
présenter les gens qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Yvon
Daneau, secrétaire général; M. René Croteau,
adjoint au président aux relations institutionnelles; et Mme Rita
Bédard, vice-présidente aux affaires juridiques à la
confédération.
Un autre petit point, M. le Président, si c'était votre
volonté, j'ai un petit texte qui n'est pas très long qu'on
pourrait vous remettre à vous et aux membres de la commission, si vous
en manifestez l'intérêt, ou préférez-vous qu'on vous
le remette à la fin?
Le Président (M. Boucher): Je crois que ce serait possible
de le faire distribuer immédiatement.
M. Blais (Raymond): Avant de vous faire connaître nos
réactions sur le projet de loi 40 spécifiquement, vous nous
permettrez de vous faire part de certaines observations qui méritent
selon nous d'être portées à votre attention.
Premièrement, convoqués hier pour participer à une
séance de votre commission parlementaire aujourd'hui, vous comprendrez
qu'un si court délai ne nous a pas permis de procéder à
une analyse exhaustive du projet de loi. Deuxièmement, la crise que
connaissent les caisses d'entraide économique depuis juin ne pouvait
nous laisser indifférents, puisque ces institutions se sont depuis leur
origine identifiées comme des institutions coopératives. Cet
élément à lui seul aura été suffisant pour
que nous ne restions plus insensibles aux problèmes rencontrés
par cette institution financière québécoise. De plus, en
juin dernier le ministère des Institutions financières et
Coopératives sollicitait notre collaboration pour tenter de trouver
ensemble des solutions en vue de dénouer la crise où se
trouvaient plongées les caisses d'entraide économique. (16 h
15)
À la suite de cette demande et dans le cours du même mois,
nous faisions parvenir une proposition au ministère des Institutions
financières et Coopératives. Cette proposition mettait en
évidence un certain nombre de principes et de procédés
susceptibles d'apporter, selon nous, une solution au problème avec
lequel le gouvernement était confronté. Notre proposition n'a pas
alors été retenue par le ministre.
Depuis, les dirigeants de la Fédération des caisses
d'entraide ont amené un plan de relance. Malgré cette annonce, un
climat d'inquiétude a persisté chez les caisses d'entraide et
chez bon nombre de leurs membres. Plusieurs d'entre elles, ainsi que leurs
membres, sans aucune intervention de notre part, et j'aimerais, si vous
permettez, me répéter, sans aucune intervention de notre part,
ont souhaité l'implication du Mouvement Desjardins dans ce dossier.
Nous ne sommes pas demeurés insensibles à ces
réactions et nous avons formulé une nouvelle proposition au
ministre en octobre dernier. Sans renier les principes qu'il avait
formulés en juin, le Mouvement Desjardins proposait une nouvelle
solution autre que celle de la liquidation ou du plan de relance
déjà connu. Dans cette proposition, le Mouvement Desjardins
précisait le rôle que chacun des intervenants dans ce dossier
serait appelé à jouer dans la solution de ce problème. Ces
intervenants étaient les membres des caisses d'entraide, le gouvernement
et le Mouvement des caisses populaires et d'économie Desjardins.
Troisièmement, nous tenons à affirmer que notre
intérêt dans ce dossier, contrairement à ce que d'aucuns
ont pu laisser entendre récemment, n'avait et n'a d'autre objectif que
de sauvegarder, autant que possible, l'épargne des membres des caisses
d'entraide, de protéger l'image des institutions coopératives au
Québec et de restreindre, dans toute la mesure du possible, l'impact de
cette crise sur l'économie québécoise. À nos yeux,
il paraît clair qu'il existe, au plan économique et politique, une
responsabilité partagée dans ce dossier, mais cette
responsabilité se limite aux caisses d'entraide comme telles et au
gouvernement.
Quatrièmement, malgré que nous ne soyons pas les premiers
concernés dans ce dossier et que l'on ne peut imputer au Mouvement
Desjardins des responsabilités pour les difficultés
rencontrées par les caisses d'entraide, nous tenons à
préciser que nous y avons, au cours des six derniers mois,
consacré beaucoup de temps, abusant ainsi lourdement d'un grand nombre
de nos ressources humaines.
Les efforts déployés dans ce dossier ont été
consentis au moment où le Mouvement Desjardins était
lui-même engagé dans d'importants travaux nécessaires
à son propre développement. Vous me permettrez de faire ici un
commentaire de 30 secondes, parce qu'il y a eu toutes sortes de choses dites ou
écrites. Je voudrais bien revoir les journées, les soirées
et les fins de semaine que le Mouvement Desjardins a consacrées à
ce
dossier. Évidemment, nous n'avons pas fait de déclaration
publique chaque jour; évidemment, le temps qu'on a consacré
n'était pas toujours nécessairement avec les dirigeants des
caisses d'entraide économique, parce que nous avions indiqué,
dès le début, que notre interlocuteur était le
ministère. Évidemment, ce n'est pas toujours non plus avec les
gens du ministère, parce qu'à la suite des rencontres avec le
ministère, nous allions chez nous travailler et voir les implications de
toute approche, parce que nous ne pouvions pas nous lancer dans une aventure
sans vérifier l'état de ce dossier et l'impact qu'il avait sur
notre propre Mouvement Desjardins.
Cela dit, M. le Président, nous vous formulerons maintenant nos
commentaires, réactions et interrogations sur le projet de loi 40. La
lecture des notes explicatives de ce projet de loi nous indique qu'il a non
seulement pour objet, la transformation des caisses d'entraide en
sociétés d'entraide économique, mais surtout qu'il vise
à en assurer le contrôle et la surveillance. À cet
égard, nous soulèverons certains points qui nous apparaissent
s'inscrire dans une démarche d'une centralisation très forte au
niveau gouvernemental.
En ce qui concerne la transformation des caisses d'entraide en
sociétés d'entraide, le caractère hybride qu'on veut
donner à ces institutions doit être souligné. Tout au long
de ce projet de loi, nous trouvons en effet des notions qui, en s'appuyant sur
des aspects du droit des compagnies, tentent de sauvegarder des valeurs
coopératives. Ainsi, l'article 44 précise que sous réserve
du projet de loi no 40, la partie I de la Loi sur les compagnies s'applique
à une société d'entraide.
En ce qui concerne le droit de vote, cependant, on remplace la notion
connue en droit des compagnies, du vote des deux tiers en valeur des actions,
représenté par les actionnaires présents, par celle des
deux tiers des voix exprimées par les personnes présentes.
Cependant, on limite la capacité d'un actionnaire à ne pas
détenir plus de 5% des actions émises du capital-actions d'une
société, ainsi qu'on lui interdit d'exercer un droit de vote
supérieur à 5% de l'ensemble de ceux conférés par
les actions émises du capital-actions d'une société.
La difficulté d'opter entre la notion un membre, un vote et celle
d'une action, un vote semble accorder des droits égaux aux actionnaires,
tout en les limitant dans leur pouvoir de contrôle de leur
société.
Transformation du capital actuel. En ce qui concerne, d'autre part, une
partie du capital-actions de ces sociétés, il faut
s'arrêter aux articles 52 et 53 de ce projet de loi. On sait que les
projets de transformation des caisses d'entraide en sociétés
d'entraide devront prévoir, entre autres, le nombre de parts sociales
pour chaque titulaire, qui seront converties en actions et le nombre de parts
sociales qui seront converties en dépôts.
Concernant le remboursement de ces actions ainsi acquises lors de la
continuation d'une caisse en société, l'article 52 précise
"qu'au décès d'un actionnaire qui a acquis des actions lors de la
continuation ou au décès d'un actionnaire qui a acquis des
actions de celui qui les a acquises lors de la continuation, la
société doit acquérir ces actions si les ayants droit de
cet actionnaire lui en font la demande". Cette restriction de rembourser au
décès seulement, qui en soi est déjà exorbitante,
est accompagnée d'une autre atténuation qu'il faut aussi
souligner. À l'article 53, on lit qu'une société ne peut
toutefois payer de telles actions que si, après ce paiement, "elle peut
acquitter son passif à échéance; la valeur comptable de
son actif est supérieure au total de son passif et des sommes
représentant la contrepartie des actions émises de son
capital-actions et son endettement en dépôts est dans la limite
applicable prévue à la loi." On semble ici être très
loin de la liberté d'entrée et de sortie qui est la base de la
coopération.
Compte tenu des principes en cause et des montants que peuvent affecter
de telles restrictions, il nous paraît essentiel que ces aspects soient
clairement expliqués et surtout mesurés et quantifiés,
particulièrement dans l'hypothèse où les membres des
caisses d'entraide auront à se prononcer sur des projets de
transformation. Malgré la possibilité que ce capital soit
remboursé au décès de ces actionnaires, il faut aussi
clairement mettre en évidence devant les membres que même leur
succession devra peut-être attendre avant d'obtenir remboursement.
Conseil d'administration et commission de crédit. Par rapport
à l'objectif annoncé du contrôle et de la surveillance des
sociétés d'entraide, les dispositions concernant le conseil
d'administration et la commission de crédit méritent d'être
soulignées. Quels sont, en effet, les véritables pouvoirs du
conseil puisque le projet de loi dit que le conseil d'administration doit,
notamment, respecter et faire respecter les normes établies par la
fédération? Quant à la fédération, l'article
168 indique qu'elle doit établir des normes non contraires à la
loi et aux règlements. Nous traiterons plus loin des sujets qui peuvent
être touchés par le gouvernement lors de l'adoption de ces
règlements. Force nous sera, alors, de conclure que les administrateurs,
à toutes fins utiles, n'ont plus à rendre compte à
l'assemblée générale; ils deviennent en quelque sorte des
mandataires du gouvernement.
Quant à la commission de crédit, le projet de loi
prévoit que, sujet à un
règlement, "elle est chargée de donner son avis sur les
demandes de prêts que détermine ce règlement." Que signifie
ce pouvoir par rapport à celui exercé par les commissions de
crédit dans le cadre de la Loi sur les caisses d'épargne et de
crédit, laquelle affirme que seule la commission de crédit peut
autoriser des prêts aux membres? Surtout, que signifie ce pouvoir face
à l'article 107 du projet de loi, lequel indique, notamment, que "le
gouvernement peut, par règlement, déterminer des
catégories de prêts et établir pour l'ensemble ou l'une ou
plusieurs de ces catégories ou l'un ou plusieurs des prêts de
l'une de ces catégories: la limite ou proportion d'actif ou d'autre
élément que la société peut y consacrer; le terme
ou la période d'amortissement maximum de ces prêts; la nature des
garanties qui pourront ou devront, selon le cas, être exigées
à l'occasion de ces prêts et le niveau des garanties; les
conditions et restrictions auxquelles ces prêts sont soumis"?
Le gouvernement ne prend-il pas en quelque sorte la place de la
commission de crédit? Cette commission, par son simple rôle
consultatif, n'est-elle plus qu'un simulacre d'un corps dirigeant qui autrement
joue un rôle efficace dans nos caisses populaires?
Dans le même ordre d'idées, soulignons l'article 104 du
projet de loi, lequel limite le pouvoir de prêter d'une
société d'entraide si ses propres emprunts excèdent un
certain pourcentage, sauf avec l'autorisation du surintendant et aux conditions
que celui-ci détermine.
En plus du pouvoir de réglementation qui peut les limiter
considérablement, les sociétés d'entraide font donc face
au pouvoir d'un surintendant et à des conditions unilatérales
qu'il peut imposer. Il convient, d'autre part, de rappeler que ce dernier est
chargé de l'administration quasi totale de la loi. Nous constatons que,
pour ce faire, il agit sous l'autorité du sous-ministre, mais nous
constatons également que le sous-ministre du ministère des
Institutions financières et Coopératives peut lui-même agir
à titre de surintendant. Assisté d'adjoints et d'autres
fonctionnaires jugés nécessaires, il peut leur
déléguer les fonctions qui lui sont confiées par la loi.
Face aux pouvoirs qu'on lui confie, nous nous interrogeons sur les pouvoirs
discrétionnaires que peut ainsi exercer ce surintendant.
Pouvoir de recevoir des dépôts. Quant aux pouvoirs de ces
sociétés, ce projet de loi prévoit qu'en plus de faire des
prêts, elles ont pour objet de recevoir des dépôts. On ne
parle plus, comme dans la Loi sur les caisses d'épargne et de
crédit, des pouvoirs d'une caisse de recevoir les dépôts de
ses membres, mais on traite d'une façon générale de la
capacité de recevoir des dépôts. La seule restriction quant
aux déposants est prévue à l'article 98 où on lit
que "La société ne peut recevoir des dépôts d'une
autre société d'entraide économique ou de la
fédération." Toute autre catégorie de personnes peut donc
déposer dans une société.
D'autre part, l'article 99 prévoit la possibilité, pour
les sociétés d'entraide, de recevoir des dépôts
transférables par ordre à des tiers, si les règlements le
permettent.
De nouveau, il faut souligner que, par simple pouvoir de
réglementation, le gouvernement pourra modifier les règles de
fonctionnement actuelles. En ce sens, faut-il comprendre que les
sociétés d'entraide recevront de tels pouvoirs?
La fédération maintenant. Quant à la
Fédération des sociétés d'entraide
économique du Québec, dont la constitution est prévue dans
ce projet de loi, nous nous interrogeons également sur sa nature et son
rôle, sur ses objectifs réels. Comme pour les
sociétés et sous réserve de certains articles, la partie I
de la Loi sur les compagnies s'applique. Ses premiers administrateurs, nous dit
l'article 165, seront nommés par le gouvernement.
Parmi ses pouvoirs et devoirs, nous avons déjà dit que la
fédération doit établir des normes non contraires à
la loi et aux règlements. Cela concerne notamment les matières
suivantes: les provisions pour créances douteuses, le mode de
comptabilité, tout sujet en matière financière et
administrative. Ce même article ajoute que "ces normes n'ont d'effet
qu'après leur approbation par le gouvernement". Encore là, le
gouvernement ne prend-il pas la place des dirigeants de cet organisme?
Dans ce même ordre d'idées, soulignons l'obligation,
prévue à l'article 184, faite à la
fédération de "placer, sous forme de dépôt à
vue auprès de la Caisse de dépôt et placement du
Québec, un montant qui est établi en fonction d'un pourcentage et
en fonction d'actifs que le gouvernement détermine par
règlement."
Pouvoir de réglementation. Enfin, si on s'attarde à
l'étude des 24 paragraphes de l'article 190 qui établit les
pouvoirs de réglementation du gouvernement, nous ne pouvons que
constater une centralisation très forte au niveau gouvernemental au
détriment des autres intervenants. Citons seulement, dans cet article,
le pouvoir "d'établir des règles concernant la nature et la
quotité des frais et honoraires qui peuvent être imposés
aux déposants ou emprunteurs;" le pouvoir de "déterminer le
moment où les déposants de la société doivent
être informés des frais afférents à leurs
dépôts et les modalités suivant lesquelles ils doivent
l'être", de même que le mode de calcul des intérêts
payés.
De toutes ces interrogations, en émerge
une qui nous paraît fondamentale. Ce projet de loi, par le biais
de sociétés d'entraide économique et d'une
fédération, ne permet-il pas, en quelque sorte, la
création de sociétés d'État sous le contrôle
absolu, pour ne pas dire la tutelle du gouvernement? Les pouvoirs de ces
organismes sont restreints et subordonnés à des autorisations,
à des normes précises. Quoique demeurant juridiquement des
entités séparées et autonomes, les sociétés
d'entraide économique et leur fédération deviennent, dans
les faits, de simples exécutants de politiques et de décisions
qui se refléteront, d'une part, dans les règlements du
gouvernement et, d'autre part, dans les décisions du surintendant.
Enfin, quoique l'application de la loi soit prévue initialement
pour une durée de trois ans après son entrée en vigueur,
elle n'en demeure pas moins très restrictive. Après ce
délai, rien ne garantit que ces sociétés seront plus
autonomes, puisque le ministre pourra alors faire un rapport à la
commission des institutions financières et coopératives sur
l'application de la loi et faire des recommandations sur l'opportunité
d'en maintenir l'application ou d'en modifier les dispositions.
M. le Président, pour résumer, nous comprenons que le
gouvernement doit intervenir dans ce dossier. Nous acceptons que le rôle
du gouvernement soit très grand vis-à-vis de la protection de
l'épargne, mais nous soumettons humblement qu'il y a moyen de faire des
contrôles, tout en continuant de faire confiance à des gens dans
les régions, de façon décentralisée, qui ont
décidé de prendre leur affaire en main et je pense que le
mouvement Desjardins en est un exemple. (16 h 30)
En badinant, je voudrais vous soumettre qu'il semble que ça
évolue dans des dossiers plus rapidement que dans d'autres parce qu'au
mois de juin, lorsqu'on a fait une première proposition au gouvernement,
nous avons timidement demandé que soit prise une espèce de
contrôle sur la Fédération des caisses d'entraide
économique.
Article no 1 du refus du gouvernement: les caisses populaires me
demandent de prendre le contrôle de la fédération; je ne
peux absolument pas poser ce geste à ce moment-là. Nous avons
devant nous un projet de loi qui, à mon avis, va beaucoup plus loin que
ce geste qui nous a été refusé au mois de juin.
Je n'ai qu'un seul commentaire à faire avant de terminer. Dans un
autre dossier, je pense que M. le ministre en est au courant, nous avons
continué à travailler de notre côté pour trouver une
solution alternative, mais comme on nous demandait ici, pour le projet de loi
no 40, nous n'avons pas jugé bon d'en traiter. Nous serions bien
sûr disposés à répondre à vos questions, mais
ce n'est pas parce que nous ne croyons pas à l'autre, c'est que nous
avons cru, avec raison je l'espère, que notre présence ici
était fondamentalement pour avoir notre réaction sur le projet de
loi no 40. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Blais. M. le
ministre
M. Parizeau: M. Blais, effectivement, nous sommes en face, comme
vous dites, de deux dossiers qui peuvent être des choix, mais de deux
dossiers. Commençons par la loi no 40, ensuite on passera à
l'autre chose.
Je suis un peu surpris - j'ai l'impression qu'on va en discuter encore
longtemps - du fait que vous ne sembliez pas, dans votre mémoire,
établir une distinction entre ces pouvoirs réglementaires, ou
alors ces contrôles, qui semblent indiquer, compte tenu de la situation
des caisses d'entraide à l'heure actuelle et compte tenu de leur plan de
relance, qui sont donc propres non seulement aux caisses d'entraide mais
à leur situation actuelle, d'autres modes de contrôle ou de
surveillance qui ont graduellement émergé un peu partout, comme
étant une responsabilité qu'un gouvernement doit assumer.
Évidemment, ça se retrouve dans la loi no 40; ça se trouve
superposé. Il y a des choses qui ont été directement
déterminées par la situation des caisses d'entraide que d'autre
part des pouvoirs de surveillance et de contrôle qu'on retrouve
maintenant à peu près partout, quand il s'agit d'institution de
dépôt, qu'elle soit coopérative ou de type capitaliste, et
dont on peut difficilement se passer.
J'entendais M. Forrest tout à l'heure nous dire que c'est le
gouvernement qui porte une bonne partie de la responsabilité de ce qui
s'est passé. Une des raisons pour lesquelles il porte la
responsabilité inévitablement, c'est que les lois dont il
disposait, fournissaient sur le plan des contrôles ou de la surveillance
relativement peu de choses. Alors la question que je voudrais vous poser est la
suivante. Je vais prendre des cas spécifiques. Dans le cas que vous
mentionnez, du surintendant - on va le prendre pour cet exemple-là, mais
on pourrait en prendre d'autres - est-ce qu'il y a des pouvoirs qu'on donne,
mettons au surintendant, que vous trouvez abusifs en tant que tels? Il y a un
surintendant des assurances, et à Ottawa et à Québec, il y
a un inspecteur général des banques à Ottawa. Un
surintendant des sociétés d'entraide et éventuellement,
parce que les lois vont évoluer, un surintendant, par exemple, des
sociétés de fiducie et de prêts au Québec, ayant des
pouvoirs analogues à ceux qui apparaissent dans cette loi, est-ce que
ça vous paraît abusif?
M. Blais (Raymond): Ce n'est pas le fait en soi d'avoir un
surintendant. Je
comprends que souvent la marge n'est pas très large entre exercer
certains contrôles et faire à la place de. Toute l'économie
de ce projet de loi nous apparaît, et j'admets que la tentation est
grande, lorsqu'on est dans une situation comme dans les caisses d'entraide, de
dire: Ils ne pourront pas faire ça. Je pense que le gouvernement devrait
abandonner toute tolérance à des lois existantes, je pense que
ça m'apparaît clairement, c'est une des raisons du problème
pour lequel on est ici aujourd'hui. Il y a moyen d'avoir un surintendant. Ce
n'est pas le fait d'avoir un surintendant en soi qui est mauvais, ce sont ses
pouvoirs de réglementation. Lorsque j'ai lu les pouvoirs de
réglementation, celui qui m'a frappé le plus, je vous le
concède, c'est le pouvoir du moment où le rendement sera
annoncé aux membres. Où je ne comprends pas, où ça
m'apparaît très excessif, c'est qu'en théorie, c'est le
surintendant qui décidera à quel moment on va annoncer aux
membres quel sera le rendement de leur épargne.
M. Parizeau: Donc, vous trouvez que certains de ces pouvoirs
réglementaires vont trop loin ou sont inappropriés.
M. Blais (Raymond): Les deux.
M. Parizeau: Je passerai tout de suite au deuxième
dossier, c'est-à-dire la possibilité que le Mouvement Desjardins
en arrive à une proposition à l'égard des membres des
caisses d'entraide et je vais essayer de résumer où je pense que
nous en sommes rendus, vous et nous, dans cette discussion. Corrigez-moi,
forcément au besoin. Ensuite, on pourrait essayer de déterminer
le chemin qui reste à parcourir.
Il y a une grande constance dans certains des principes que vous avez
présentés et que nous avons eu l'occasion de discuter ensemble.
Le premier de ces principes, je pense, c'est que, dans l'optique d'une fusion,
d'une absorption des caisses d'entraide par le Mouvement Desjardins, les
membres du Mouvement Desjardins ne devraient pas, comment dire, payer le
coût de l'opération; ils ne devraient pas subir le coût
financier de cette opération. Le Mouvement Desjardins est d'accord pour
fournir des services techniques ou des choses comme ça mais, sur le plan
financier, les membres du Mouvement Desjardins ne doivent pas subir le
coût de ça. Je pense que nous nous entendons là-dessus, je
pense que c'est un principe qui a toujours été exprimé
depuis plusieurs mois.
Deuxième principe qui a été avancé. Les
sociétaires, les membres des caisses d'entraide doivent, en terme de
rendement sur leur placement, sur leur part sociale, absorber les pertes qui
apparaîtraient à l'occasion dans les mois ou dans les
années qui suivraient leur intégration dans le Mouvement
Desjardins. Ce sont donc les détenteurs de capital social qui doivent
absorber ces pertes s'il y en a, parce que, évidemment, les caisses
d'entraide sont dans des situations très différentes l'une de
l'autre.
Troisièmement, advenant que dans le processus de fusion il y
aurait un appariement entre des parts sociales, les ex-parts sociales des
membres converties en dépôts, et les prêts qui sont faits
par les caisses d'entraide... Ce qu'on veut dire par un appariement, c'est que
ceux qui ont des parts sociales actuellement recevraient des
dépôts dans les caisses populaires dont le terme de remboursement
et le rendement dépendraient essentiellement du terme des prêts
qui ont été faits par les caisses d'entraide et du rendement net
de ces placements. Donc, ça implique que les gens des caisses d'entraide
ne peuvent pas retirer leur argent demain matin. Ils transforment cela en
dépôts, les dépôts ont un terme, il y a des
prêts qui ont été faits par les caisses d'entraide qui
viennent à échéance dans un an, deux ans ou trois ans, et
ces dépôts d'un genre assez particulier qui ne sont pas des
dépôts à terme habituels, sont remboursés au fur et
à mesure que les prêts faits par les caisses d'entraide viennent
à échéance et leur rendement est le rendement net qu'on
peut attendre de ces prêts qui ont été faits,
défalqués bien sûr des mauvaises créances.
Quatrième principe. Advenant que dans telle ou telle caisse, dans
telle ou telle région, pour certaines caisses ou pour toutes les
caisses, on n'est pas encore rendu là, même le rendement
prévu sur les prêts qui ont été faits, ne soit pas
suffisant pour compenser certaines pertes, alors le gouvernement fournirait une
sorte d'assurance, une sorte de garantie au Mouvement Desjardins.
Si je ne me trompe pas ça, c'est à peu près le
genre de principes fondamentaux qui nous ont été
présentés. Le gouvernement, lui, a amené une chose face
à cela. Nous sommes assez impressionnés par le fait que surtout
en région, pas nécessairement à Montréal ou
à Québec, les caisses d'entraide ont souvent un rôle dans
le crédit industriel et commercial qui, de façon absolue, en
termes de masse, représente quelque chose d'assez considérable.
Il serait important, au fur et à mesure que les prêts industriels
et commerciaux d'une caisse d'entraide viendront à
échéance, il ne faudrait pas ramener l'ex-caisse d'entraide au
niveau des prêts industriels et commerciaux des caisses populaires
environnantes. En somme, si dans une région il y a six ou sept caisses
populaires qui ont 10% de leur actif en prêts industriels et commerciaux,
les caisses d'entraide en ont 66%, nous soutenons depuis déjà un
certain temps que ce serait
dommage, sur le plan du prêt industriel et commercial dans cette
région, d'essayer de ramener l'ex-caisse d'entraide aux proportions et
au niveau des autres. On serait mieux de la laisser fonctionner au niveau des
prêts industriels et commerciaux qu'elle avait atteint. Ce à quoi
le Mouvement Desjardins nous répond: Nous avons déjà une
importance certaine dans les prêts industriels et commerciaux et un
rôle croissant, ce dont nous ne disconvenons pas d'ailleurs.
C'est donc face à ces conditions que j'ai cherché à
esquisser d'un côté, telles que présentées par le
Mouvement Desjardins, et face d'autre part à cette insistance que met le
gouvernement à essayer de maintenir cette fonction industrielle et
commerciale que nos discussions se sont amorcées et, je dois dire, se
sont accélérées depuis quelques jours.
Est-ce que la façon dont je résume cela vous convient?
M. Blais (Raymond): M. le Président, oui. Je voudrais
faire quelques commentaires pour dire que globalement on se comprend
très bien. Je voudrais ajouter une couple de principes. C'est clair que
nous sommes partis en disant que les membres des caisses ne devraient pas faire
les frais et lorsqu'on parle - on se comprend bien - de coûts directs, il
y a énormément de coûts indirects qui ont
déjà été encourus par le Mouvement Desjardins. On
n'a pas encore envoyé de facture. Deuxièmement... (16 h 45)
Une voix: ...
M. Blais (Raymond): Ce n'est pas dans le...
M. Parizeau: ... par les services techniques.
M. Blais (Raymond): Oui.
Deuxièmement, notre première approche disait
idéalement que les membres des caisses ne devraient pas faire les frais
de l'opération et même, les caisses d'entraide. Voici un point
où nous avons évolué. À constater le dossier, selon
ce qu'on en sait actuellement, ce n'est pas réaliste. Alors, on a dit:
II semblerait qu'il y ait deux faiblesses majeures, le problème du
désappariement et le problème des prêts qui pourraient
être moins bons, pour ne pas dire mauvais. On a dit: Est-ce que les
membres ne pourraient pas avoir la responsabilité de ce
désappariement? Je voudrais ajouter, à ce que j'avais dit: Si on
n'a pas fixé d'échéance, c'est que ces
échéances-là, vous l'avez dit, seraient différentes
d'une caisse à l'autre. Mais, un des avantages, permettez-moi de le
souligner, c'est que dans chaque caisse, dès le 30 janvier, si on
conserve cette date, les membres le sauraient. Il n'y aurait pas de point
d'interrogation. Dans une caisse, cela pourrait être 4 mois, dans une
autre caisse, cela pourrait être 18 mois mais, au moins, la ligne serait
tirée. Et, vous aviez raison en disant que nous demandions au
gouvernement, au ministère, mais "as a going concern", je pense qu'on se
comprend bien, non pas dans une opportunité de liquidation... Nous ne
disions pas: Nous allons faire en sorte qu'on liquide, en essayant de
récupérer le maximum, mais avoir une espèce de garantie,
quand je dis une espèce de garantie, non, c'est une garantie certaine
pour ces montants-là... Si ces garanties sont celles que vous venez de
mentionner ou à peu près, il n'y aura pas de problème.
C'est parce qu'on est encore dans le noir et on ne connaît pas la
facture.
Ce que je voudrais ajouter, c'est qu'on avait dès le début
ajouté un autre principe qui disait: On veut faire cela si les membres
des caisses d'entraide le veulent bien. On ne se donnait pas le mandat de
sauver des gens qui ne voulaient pas être sauvés.
M. Parizeau: Je tenais cela pour acquis.
M. Blais (Raymond): D'accord.
Je voudrais faire un dernier commentaire en disant: Effectivement, vous
nous avez soumis, en tout cas le ministère l'a soumis, qu'il
était important pour vous que la fonction demeure en région.
Notre déception a été d'être obligés de vous
donner un engagement là-dessus; on pensait que cela allait de soi. Mais,
c'est très facile pour nous de donner la forme d'engagement que le
ministère voudrait bien qu'on donne dans ce domaine-là,
convaincus que nous sommes que, si dans d'autres domaines nous sommes prudents,
parce que nous ne voulons pas nous embarquer dans une aventure, dans ce
domaine-là, nous avons les ressources financières, nous avons les
ressources humaines. Nous n'avons absolument pas de problème à
donner l'engagement, à la satisfaction du ministère, que tous les
prêts acceptables seraient renouvelés à
l'échéance et qu'on pourrait en avoir d'autres, s'il y en avait
d'autres.
M. de Belleval: Est-ce que je pourrais savoir si ces principes
ont été appliqués intégralement lors de la fusion
de la caisse d'entraide de Québec avec la caisse Laurier?
M. Blais (Raymond): Absolument.
M. de Belleval: Et, quelle est l'échéance des
dépôts en question?
M. Blais (Raymond): C'est-à-dire... Je m'excuse, je
reprends. La caisse fusionnée avait une caractéristique, elle
n'était pas affiliée à une fédération. Donc,
elle n'avait pas une portion de son argent qui était pour
le moment gelée.
Deuxièmement. Les membres de cette caisse d'entraide avaient eu
la sagesse de ne pas déclarer le dernier boni sur la masse des capitaux.
Alors, dans ce cas-là, il n'y a pas eu d'attente, il y a eu un
dégel immédiat et vous me permettrez de glisser le mot du
commanditaire quant à y être, le 1er novembre, les portes ont
été ouvertes et l'argent qui est sorti de cette caisse est
très marginal. Les gens ont laissé leur argent à la caisse
Laurier, alors qu'ils auraient pu le sortir et aller ailleurs.
M. de Belleval: Est-ce que l'établissement continue
à fonctionner sur le plan physique?
M. Blais (Raymond): Non. M. de Belleval: Non.
M. Blais (Raymond): C'est-à-dire qu'il y a un endroit
physique qui demeure, qui pourrait être conservé ou fermé,
selon l'analyse qu'on en ferait, non pas parce que c'était une ancienne
caisse d'entraide économique, mais avec les mêmes principes de
gestion que lorsqu'on décide d'ouvrir un comptoir ou non.
Le Président (M. Boucher): M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais d'abord souligner
que nous sommes très heureux, du côté de l'Opposition, de
la présence des représentants du Mouvement Desjardins à
cette rencontre préalable à l'adoption du projet de loi. Nous
avons insisté, tout au cours des échanges de vues qui ont eu lieu
là-dessus entre le gouvernement et l'Opposition, pour que
l'hypothèse Desjardins soit examinée de la manière la plus
complète et la plus impartiale possible et que l'accès en soit
surtout ouvert aux sociétaires des caisses d'entraide. La raison qui a
motivé notre insistance, ce n'est pas du tout le moindre souci de
transférer le contrôle des caisses d'entraide économique
aux caisses populaires. Nous connaissons bien certaines rivalités qui
ont pu exister au cours des années, nous connaissons bien les
différences d'esprit qui ont pu se manifester entre les deux mouvements.
La raison qui a motivé notre insistance est la suivante: nous avons
constaté, avec le gouvernement, que le Mouvement des caisses d'entraide
était aux prises avec une situation très difficile et que la
seule façon d'en sortir, dans l'immédiat, l'été
dernier, a été, pour le gouvernement, de garantir les obligations
des caisses d'entraide devant la situation très aiguë à
laquelle elle faisait face. Maintenant, on nous propose une solution qui
entraîne, de manière indirecte, par voies fiscales, une
contribution de presque 100 000 000 $ du gouvernement. C'est énorme pour
un mouvement, 100 000 000 $, et c'est pour ça qu'avant d'embarquer,
tête baissée, dans une seule solution, nous voulons bien que
toutes les possibilités soient examinées.
Nous le voulons d'autant plus qu'en retour des sommes
considérables que le ministre des Institutions financières et le
ministre des Finances, réunis dans une même personne, ce n'est pas
encore la Trinité, il manque encore un élément, mais il y
en a deux...
M. Parizeau: Le Saint-Esprit.
M. Ryan: Ce n'est pas ce que j'avais à l'esprit.
Le prix qui est demandé par le ministre en échange de
cette considération presque royale qu'il accorde aux caisses d'entraide,
c'est évidemment un contrôle extraordinairement étendu dont
le président du Mouvement Desjardins a souligné certains exemples
et dont on mesure davantage l'ampleur à mesure qu'on scrute les articles
du projet de loi, un par un, surtout les sous-paragraphes, ils sont encore plus
importants que les entrées en matière.
Il y a une autre raison qui justifie notre intérêt à
la présence des caisses populaires Desjardins aujourd'hui, c'est
évidemment le rôle important que le Mouvement Desjardins joue
déjà dans le secteur du prêt industriel et commercial. J'ai
eu l'occasion de le signaler hier à la Chambre, à l'occasion du
débat de deuxième lecture, et plusieurs de mes collègues
l'ont fait également, le Mouvement Desjardins n'est pas novice en
matière de prêt industriel et commercial. Il y est entré
plus tardivement, il l'a fait d'une manière plus conservatrice, au
début. Mais justement à cause de ces réserves très
fortes qu'il a accumulées, à cause de ce réseau unique de
relations financières, administratives, humaines et sociales que
constitue le Mouvement Desjardins, c'est sûrement une force dont on doit
tenir compte dans l'examen d'un problème comme celui qui fait l'objet du
projet de loi no 40, toujours en acceptant le postulat qui a été
émis tantôt par M. Blais et repris à son compte par le
ministre des Institutions financières voulant que la décision
appartienne aux sociétaires. Je pense que nous sommes tous d'accord pour
affirmer que le premier principe est la protection des épargnants, et
celui qui va avec, c'est la décision par les sociétaires en
dernière analyse, dans la mesure, évidemment, où les
ressources nécessaires pour assurer l'exécution de cette
décision sont disponibles.
Je voudrais maintenant passer à quelques questions à
l'intention de M. Blais
et de l'équipe qui l'accompagne. Le 3 décembre dernier...
je ne veux pas rester trop longtemps dans le passé, parce que nous
devons regarder vers l'avenir d'une manière assez pressée, il
reste à peine deux ou trois semaines avant que toute cette machine
prévue par le bill 40 doive se mettre en marche, mais il y a quand
même certains points à préciser. Dans la conférence
de presse que vous faisiez le 3 décembre dernier, M. Blais, et qui
semblait une sorte de "farewell", une sorte d'adieu du Mouvement Desjardins aux
possibilités qui avaient été entrevues de ce
côté, vous disiez qu'à travers les pourparlers que vous
aviez eus avec le gouvernement jusque-là vous aviez eu l'impression
qu'on voulait que le Mouvement Desjardins assume la responsabilité de
fautes d'omission ou d'exagération qui ont été commises
par d'autres.
Deuxièmement, vous disiez, et je vous cite: "Nous n'avons pas
vraiment senti l'affirmation ferme d'une volonté politique de
régler ce dossier avec nous." Je ne veux pas revenir là-dessus,
mais avez-vous senti des améliorations de ce point de vue depuis le 3
décembre dernier ou si, à votre jugement, nous en sommes encore
au même stade?
M. Blais (Raymond): Je voudrais, d'abord, faire quelques
commentaires sur cette conférence de presse. Il y a des choses qui
étaient écrites et qui demeurent. Dans notre esprit,
c'était moins le fait que le Mouvement Desjardins avait le goût de
se retirer du dossier. Nous avons effectivement dit: S'il n'y a pas de
développements, ce sera la seule voie qui nous restera. Cette absence de
volonté politique de régler le dossier avec le Mouvement
Desjardins, si nous l'avons écrit, si nous l'avons dit en
conférence de presse, c'est qu'au meilleur de notre connaissance et en
toute honnêteté, nous l'avions senti de cette façon. Comme
on parle de volonté politique de régler un dossier qui n'est pas
avec nous, malheureusement, cela ne se répercute pas uniquement par un
paragraphe ou un mot, mais c'est un esprit global. À tort ou à
raison, c'était notre jugement. On l'a dit parce que beaucoup de gens
commençaient à penser que le Mouvement Desjardins se
désintéressait du dossier. Par la suite, on a senti, de part et
d'autre, une volonté que le Mouvement Desjardins pouvait faire une
alternative ou un choix valable. Nous sommes à travailler - je ne peux
anticiper les résultats - et le travail qu'on a de fait actuellement me
semble bien fait. Il nous reste globalement à préciser le sens
des garanties, parce qu'il semble que notre premier principe, que les membres
des caisses ne doivent pas faire les frais de la facture, je n'ai encore
rencontré personne qui me dise que c'est farfelu. Si on accepte ce
principe, il faut être conséquent et il faut que quelqu'un
garantisse ou que les membres des caisses d'entraide absorbent la perte
totale.
Deuxièmement, nous sommes aussi préoccupés, au
moment où on se parle -j'écoutais M. Forrest qui en a fait
mention et ce n'est pas en termes de blâme de qui que ce soit - du fait
que, si le Mouvement Desjardins devait avoir une proposition finale et ferme,
il faudra trouver un mécanisme pour la présenter dans tous ses
aspects, parce que, pour le moment, le Mouvement Desjardins n'est pas
intéressé à s'embarquer dans une assemblée
contradictoire dans 77 caisses au Québec. Il n'est peut-être pas
plus intéressé à faire présenter par des tierces
parties qui n'ont pas nécessairement le même intérêt,
la proposition du Mouvement Desjardins. M. le ministre nous demandait tout
à l'heure: Qu'est-ce qu'il nous reste à faire? Ce n'est pas en
termes de blâme, parce qu'on n'a pas eu de refus de ce côté.
Je ne dis pas qu'on nous a refusé des choses. Je dis: II va falloir
trouver des mécanismes, ce qui nous préoccupe beaucoup au moment
où on se parle.
M. Ryan: Très bien. J'aurais deux séries de
questions à vous adresser, M. Blais. Cela me satisfera si vous pouvez
répondre à ces questions. Une première série porte
sur la nature du projet de solution que pourrait présenter le Mouvement
Desjardins. Il y a une série de questions qui se posent. Tout d'abord,
il y a la mécanique de cela, comme vous l'avez dit: comment cela se
ferait. Cela va être dans la deuxième série de questions,
la mécanique pour présenter cela aux sociétaires, pour
faire entrer cela dans la machine consultative avant les prises de
décision. (17 heures)
Discutons un peu le plan de solutions que travaille à mettre en
oeuvre le Mouvement Desjardins. Le ministre nous disait une chose hier. Vous
parliez des garanties qui sont peut-être le gros sujet de recherche
actuellement. Le ministre nous disait: Je n'ai pas d'objection, dans la mesure
où la valeur des garanties demandées ne serait pas
supérieure à ce que je suis prêt à consentir au plan
Dugal, quelque chose de l'ordre de 90 000 000 $. Je ne serais pas opposé
à l'idée de le mettre également à la disposition du
Mouvement Desjardins. La question que je me pose est la suivante: Est-ce que -
vous aviez dit, le 3 décembre dernier: II nous a été
impossible jusqu'à maintenant d'obtenir les informations
nécessaires qui nous auraient permis d'apprécier la situation
financière actuelle des caisses - depuis ce temps, vous auriez eu des
renseignements qui vous permettraient de l'apprécier d'une
manière plus précise, si le
ministre vous disait: Je suis prêt à marcher avec vous
autres, que vous soyez sur un pied d'égalité avec l'autre
formule, à condition que votre solution ne me coûte pas plus de 90
000 000 $ directement ou indirectement? Est-ce que c'est quelque chose de
sérieux, à votre point de vue, et est-ce que cela répond
à la connaissance que vous avez de l'état financier actuel des
caisses et des problèmes dont vous pourriez hériter? On veut
savoir, nous autres, où on s'en va avec cela.
M. Blais (Raymond): Malheureusement, au moment où on se
parle - c'était cela, ma première réaction aux 90 000 000
$ - nous ne pouvons pas évaluer si ces 90 000 000 $ représentent
95% de la perte possible ou 35% de la perte possible. Pour nous, c'est une
contrainte importante, parce que, en toute simplicité, si les membres
des caisses ne font pas les frais de la facture et s'il y a une perte de 250
000 000 $, la différence devra être supportée par les
membres. Je ne suis pas capable de déclarer aujourd'hui que ce serait la
fin de tout le dossier, au contraire. Mais, quand même, pour nous, si
c'était, par hypothèse ou par scénario optimiste, 95% de
la perte, cela deviendrait très facile. Si c'était, par une autre
hypothèse plus pessimiste, 30% de la perte, il faudrait trouver des
mécanismes. Si les membres, malgré cela, décidaient de
prendre une solution - à définir, finalement Desjardins, il
faudrait que ce soit très clair et que ce ne soit pas le Mouvement
Desjardins qui ait fait perdre un montant d'argent à des gens qui
n'étaient pas là avant. C'est sur tous ces mécanismes
qu'il faudrait bien se comprendre.
Vous comprendrez que ce n'est pas de l'arrogance. C'est de la sagesse
pour la protection d'un empire de 15 000 000 000 $ qui, actuellement, a encore
la confiance totale, mais c'est fragile, et on n'a pas le droit de jouer avec
cela.
M. Ryan: Avez-vous une idée, M. Blais, de la
période de temps sur laquelle pourrait s'échelonner cette
garantie? Est-ce que cela couvrirait, par exemple, les pertes
vérifiables au moment où se ferait l'intégration? Est-ce
que cela couvrirait les pertes pouvant se présenter, parce que des
prêts vont continuer de courir après l'intégration, pendant
une période X? J'espère que vous ne voulez pas une police
à vie, parce qu'on va vous nommer fonctionnaire du ministre des
Institutions financières et Coopératives. On va proposer cela. On
est sûr qu'on n'aura pas de difficulté là-dessus,
d'après l'esprit du projet de loi.
M. Blais (Raymond): M. le Président, il faut
déterminer ce qu'on appelle en latin un quota pour dire qu'après
une période de temps, c'est notre problème et notre
responsabilité, parce que c'est, à ce moment-là, sous la
gouverne de nos normes, de notre surveillance et, dans le fond, cela ne peut
pas continuer indéfiniment. Il s'agit de trouver une période
raisonnable de dispositions transitoires, si je peux m'exprimer comme ceci.
M. Ryan: Est-ce que vous êtes avancés dans la
discussion de cet aspect-ci avec le ministre?
M. Blais (Raymond): On n'a pas commencé à
travailler cet aspect de la question.
M. Ryan: Autre question, toujours dans la première
série. Vous disiez, dans un document que vous avez rendu public le 3
décembre, à l'occasion de votre conférence de presse, que
parmi les choses qui incomberaient au Mouvement Desjardins, il faudrait que
soit assurée la prise en charge de la gestion et du contrôle de la
Fédération des caisses d'entraide économique en tant que
telles. Cela m'a fait me poser la question suivante: Ce sur quoi vous
travaillez, c'est une sorte de solution globale, qui comprendrait à la
fois les caisses individuelles qui le voudraient et l'ensemble du mouvement.
Est-ce que vous trouvez que la prise en charge de la fédération
par le Mouvement Desjardins, dans l'hypothèse où votre solution
serait retenue, pourrait venir après qu'auraient été
faites les consultations auprès des membres? Cela serait un des
éléments qui leur seraient communiqués, comme une des
constituantes de votre projet de solution.
M. Blais (Raymond): Je m'excuse, ce document-là, M. le
Président, était déposé lors de notre
conférence de presse parce que nous voulions rendre publique l'offre que
nous avions faite au mois d'octobre. Mais dans des pourparlers que nous avions
eus avec le ministère après, nous avions dit qu'à la
demande du ministère, nous étions prêts à laisser
tomber la fédération. Ce que le ministère trouvait le plus
acceptable, c'était acceptable pour nous. Alors on ne pouvait
fonctionner et, en aucun temps nous n'avions demandé l'ensemble et la
totalité des caisses d'entraide. Ce que nous voulions, c'est un
modèle global le même modèle partout, pour être juste
et équitable, mais il n'y avait nul besoin d'avoir l'exclusivité
du dossier. En théorie si dix caisses disaient que le modèle
Desjardins nous agrée, on ne demande pas de régler le
problème seul, nous sommes disposés à être au
dossier pour donner un support au ministère, si c'est
agréable.
M. Ryan: Très bien, je pense que c'est très
important. Une autre question. Vous
avez dit lors de cette même conférence de presse, le 3
décembre, que 25 à 30 caisses d'entraide économique
avaient communiqué avec le Mouvement Desjardins pour obtenir des
informations quant à la possibilité d'une solution de ce
côté-là. Est-ce qu'il y a d'autres caisses qui se seraient
manifestées depuis ce temps-là? Et de quelle manière ces
caisses-là se seraient-elles manifestées? Est-ce que ce serait
par voie de résolutions adoptées en bonne et due forme par leur
conseil d'administration, ou par une assemblée générale ou
si ce serait simplement des démarches informelles de la part d'individus
qui voulaient établir des ponts ou explorer des avenues? Où en
est-on avec cette question?
M. Blais (Raymond): Vous pourriez peut-être me permettre,
M. Croteau me souligne un élément additionnel sur votre question
précédente. C'est toujours vrai que notre approche
vis-à-vis de la fédération est la même, sous
réserve que chacune des caisses a des fonds gelés à la
fédération, alors il faudrait dénouer ce problème
si on procédait sans la fédération.
Concernant l'approche des caisses d'entraide. Quand je lis tout ce qui
se publie sur le sujet, je réalise que je ne rencontre pas les
mêmes personnes que d'autres, parce qu'il semble y avoir des sons
discordants. Nous avons au moins 30 caisses d'entraide qui ont eu des contacts
formels, il y en a qui vont jusqu'à des résolutions. J'ai eu une
demande ce matin de dire... on sent chez ces gens-là, c'est le moins
qu'on puisse dire, qu'ils veulent savoir ce que Desjardins peut apporter dans
le portrait. Je répète, je l'ai dit dans mon texte écrit,
en aucun temps, nous n'avons fait de sollicitation ni directe, ni indirecte. Ce
sont des gens qui sont venus nous voir; notre interlocuteur jusqu'à
maintenant a été le ministère. Si on a finalement convenu
de faire une conférence de presse le 3 décembre, c'était
principalement parce que des gens de nos régions nous disaient: On fait
quoi quand les gens nous demandent? On a dit aux caisses d'entraide
individuelles ce qu'on avait dit publiquement, à savoir on travaille, on
ne sait pas si on sera encore au dossier, si on était au dossier,
ça pourrait avoir le modèle à peu près suivant.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais passer à la
deuxième série de questions que j'avais à l'esprit. Dans
l'hypothèse où vous en arrivez avec le ministre des Institutions
financières à mettre au point une formule de solution susceptible
d'être présentée aux membres, moi, je postule - le ministre
me corrigera si je lui accorde trop d'importance - qu'il ne sera pas
raisonnable d'envisager qu'une solution sera présentée par
Desjardins qui ne soit pas avalisée en quelque sorte par le ministre des
Finances, sans qu'il exprime une préférence pour l'une ou
l'autre. C'est ce qu'il nous a dit jusqu'à maintenant, mais j'accepte
que ça doive au moins être accepté comme raisonnable par le
ministre des Finances, étant donné les fonds publics qui sont
impliqués là-dedans. Il n'y a pas de débat entre nous
là-dessus. Mais ce que je voudrais savoir par exemple c'est comment,
vous autres, du mouvement Desjardins, envisageriez le cheminement de votre
proposition de manière à assurer qu'elle sera communiquée
avec toute l'information nécessaire dans les meilleures garanties et
dans les meilleures conditions d'impartialité et d'objectivité
nécessaires. La loi est conçue, M. le ministre, d'une
manière que vous privilégiez une solution. Vous nous disiez en
Chambre hier que vous vouliez donner une sorte de substratum juridique à
la formule mise de l'avant par M. Dugal et son équipe; c'est très
bien. Mais, je voudrais demander au Mouvement Desjardins si lui, dans
l'hypothèse où il en vient à une entente avec vous sur une
autre formule possible, il demanderait que des changements soient faits
à la loi, de manière à assurer que votre proposition soit
présentée aux sociétaires dans des conditions de
traitement égal par rapport à ce qui serait accordé
à la solution Dugal? Comment verriez-vous ça? Verriez-vous, par
exemple, que votre document ou votre proposition serait contenue dans les
documents d'information qui seraient adressés aux membres, en
préparation des assemblées qui devront avoir lieu au début
de 1982? Verriez-vous que le Mouvement Desjardins devrait être
représenté par un porte-parole autorisé aux
assemblées où les sociétaires seront appelés
à prendre connaissance des propositions qui leur seront soumises,
etc.?
M. Blais (Raymond): À première vue, M. le
Président, nous n'avions pas vu d'implication de ce genre dans le bill
40. Il nous fait un peu peur, le bill 40. Nous n'avions pas vu, via le bill 40,
d'implications de notre solution, mais c'est discutable et, en tout cas, je
vous donne notre première réaction. M. le ministre mentionnait
tout à l'heure qu'il serait intéressant de savoir ce qu'il nous
reste à faire; là, je dis que ça, pour moi, ça
reste à faire. Nous n'avons pas été très loin dans
ça, même à ma connaissance, je n'ai pas assisté
complètement à la dernière réunion, je ne pense pas
qu'il ait été question de ces détails, à savoir de
quelle façon cette proposition pourrait être acheminée.
M. Ryan: Je m'excuse, M. le Président. Je me permets, de
porter ça à votre attention parce que nous autres, nous avons
été obligés, par devoir d'état, de l'examiner de
plus près. J'ai l'impression que c'est un aspect que vous devriez
regarder en même
temps que vous progressez dans la recherche d'une solution avec le
ministre parce que, autrement, je pense que l'égalité de
présentation des deux propositions... Le ministre en a
évoqué deux autres l'autre jour, je pense qu'il avait
mentionné la possibilité de fusion de certaines caisses avec
d'autres institutions financières et la possibilité de
liquidation; je pense que c'est très bien. Il me semble que vous devriez
examiner ça, c'est une suggestion que je vous adresse, il me semble que
ça donnerait à tout le monde, surtout au grand public, la
certitude que toutes les avenues possibles auront été
examinées dans les conditions les plus équitables.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Charlevoix, vous avez demandé la parole. Alors, M. le ministre ou M. le
député de Charlesbourg?
M. Mailloux: Moi? C'est correct.
M. Parizeau: Moi, je n'avais qu'une question à poser
à M. Blais, au point où nous en sommes; c'est ceci: Une des
choses qui... Évidemment, les délais commencent à devenir
finalement très courts. Un des problèmes majeurs, je pense, que
le Mouvement Desjardins éprouve à l'heure actuelle à
préciser une proposition vient de ce qu'il n'a manifestement pas
suffisamment de renseignements sur l'état financier de chacune des
caisses.
Il est, évidemment, assez difficile pour le ministère de
communiquer comme ça motu proprio les états financiers de chacune
des caisses sans l'autorisation des caisses d'entraide elles-mêmes. Ce
sont des choses qui ne peuvent pas se faire. Je comprends cependant que la
Fédération des caisses d'entraide a suggéré,
à quelques reprises, au Mouvement Desjardins de lui fournir les
états financiers nécessaires. Nous aurons l'occasion d'en parler
à M. Dugal tout à l'heure, mais y-a-t-il une raison pour
laquelle, à l'heure actuelle, le Mouvement Desjardins ne peut pas
s'entendre avec les caisses d'entraide pour se faire communiquer les papiers
nécessaires? Parce que évidemment, compte tenu des délais
dont nous disposons, ce serait une démarche qui me semblerait
importante.
M. de Belleval: Avez-vous demandé ces états
financiers? Est-ce que les caisses qui vous ont approchés vous les ont
fournis? (17 h 15)
M. Blais (Raymond): C'est-à-dire que dans certaines
caisses, dans les 30 caisses qui nous ont approchés, on n'est pas tous
au même palier, dans certaines caisses il y a eu des études, mais
très peu nombreuses, pas assez pour porter un jugement; mais nous
n'avons pas fait de demande à la Fédération des caisses
d'entraide, notre interlocuteur a toujours été le
ministère.
M. Parizeau: La Fédération des caisses d'entraide
ne vous a pas suggéré de vous fournir ses états
financiers?
M. Blais (Raymond): Dans le cadre de deux rencontres que nous
avons eues, c'est une autre chose que j'ai mentionnée à la
conférence de presse, nous n'avons malheureusement pas trouvé de
terrain d'entente suffisamment précis pour que ce soit valable de
s'échanger des états financiers. Ce qui m'a semblé
être non discutable, c'est la formule, et je dois dire que nous
proposions une seule possibilité, c'était l'intégration.
C'est clair et précis. Ce ne sont pas les structures qui sont
importantes et ce n'est pas la structure de la fédération qui ne
nous agrée pas, au contraire. C'est la demande qu'on avait de
procéder à l'aide d'une de nos entreprises, qui est une
corporation qui s'appelle le Crédit industriel Desjardins, et cela
signifiait l'abandon de la formule coopérative; cela aurait pu
être une douzième fédération. Peut-être que si
nous avions avancé... mais pour le Mouvement Desjardins c'était
à l'intérieur d'une intégration dès le
début, et c'est pour cela qu'il n'y a pas eu d'échange des
états financiers.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Charlevoix.
M. Mailloux: M. le Président, je voudrais faire quelques
observations à la suite des propos tenus par M. Blais et son
équipe. Si je fais cette intervention, c'est que je viens d'une
région où l'action des caisses d'entraide a quand même
généré chez nous 1500 ou 2000 jobs qu'il n'aurait
probablement jamais été possible de créer sans les risques
qui ont été pris par la caisse d'entraide économique. Il
est indiscutable, je l'ai dit en Chambre récemment, qu'on n'a pas
toujours la même réaction que ceux qui vivent dans des milieux
plus favorisés. J'ai même été plus large que vous,
M. Blais, parce qu'en Chambre, malgré que je fais partie de
l'Opposition, j'ai dit que la responsabilité appartient, oui, à
l'ensemble des sociétaires des caisses d'entraide économique,
mais elle appartient davantage au gouvernement. J'ai été dans un
sens assez large puisque j'ai dit que depuis 1971 on connaissait assez bien la
situation. Il est vrai qu'à ce moment-là le Parti libéral
avait gelé le nombre de caisses qui était en existence, une
quarantaine. Il est également vrai que les sommes à ce
moment-là étaient d'environ 300 000 000 $; ce n'était pas
le milliard quelque cent millions dont on parle aujourd'hui.
Par contre, j'approuve le fait qu'actuellement ce soit l'ensemble de
la
société québécoise, par ses gouvernements,
ceux qui se sont succédé, celui qui est en place actuellement,
qui doive prendre la grande responsabilité de ce qui se produit
présentement. Vous avez l'obligation, M. Blais, comme directeur ou
président du Mouvement Desjardins, de ne pas prendre de risques qui ne
soient pas des risques calculés. Vous avez l'épargne de vos
membres à sauvegarder et je vous verrais mal embarquer dans une
situation aussi embrouillée que celle que l'on connaît dans
certaines caisses sans avoir l'état valable de l'ensemble des
prêts qui sont consentis et des risques afférents.
Si je vous ai bien compris, des demandes vous sont venues de 20 ou 25
caisses. J'imagine, je ne veux pas vous mettre ces paroles-là dans la
bouche, j'imagine que ça vient principalement des caisses qui sont le
moins en difficulté, celles qui sont les plus saines. Cela ne provient
sûrement pas des caisses qui sont en difficulté, des caisses qui
sont en détresse parce que celles-là, dans l'ensemble du
portefeuille avant qu'il soit bien étudié, j'imagine que peu
d'organismes sont intéressés à prendre la
relève.
M. le Président, l'autre jour j'ai fait deux suggestions et c'est
pour cela que la date du 31 janvier je la trouve très prochaine. Ce ne
sont pas des solutions qui peuvent être envisagées à court
terme. C'est un peu court, évidemment, pour permettre aux gens de porter
un jugement éclairé et savoir ce qu'ils pensent, malgré
les erreurs de parcours qu'on a connues dans les caisses d'entraide
économique. On a vu l'absence de surveillance des gouvernements. Si on
était devant une administration mieux surveillée, respectant les
critères de saine gestion et de saine administration, les gens
pourraient choisir s'ils veulent garder la caisse d'entraide économique
mieux gérée ou s'ils veulent aller vers une caisse populaire ou
ailleurs.
J'ai dit au ministre des Institutions financières, l'autre jour,
que je comprenais mal, vu la responsabilité qu'on a comme citoyens
québécois, de ne pas avoir, avant, tâché
d'aérer le dossier un peu et d'amoindrir l'état actuel que
rencontre l'ensemble des caisses d'entraide économique. J'avais
apporté deux suggestions, que je rappellerai à la mémoire
de chacun. Il y en a une autre dont je n'ai pas parlé: je n'ai jamais
compris, comme législateur, que le gouvernement actuel ne soit pas
responsable, d'abord, premièrement, de la partie qui concerne les
réserves qui devaient être placées en toute
sécurité et qui ont été prêtées dans
du capital de risque. Il appartiendrait, je pense, d'abord au gouvernement de
prendre la relève de ces risques-là, étant donné
que le ministère des Institutions financières n'a pas pris les
précautions qui s'imposaient, en laissant cette réserve
placée, en partie - je ne connais pas le chiffre exact - dans du capital
de risque. Je pense que c'est une chose qui est inadmissible.
J'avais dit également, l'autre jour, alors qu'on va faire
l'étude de chaque cas en particulier, de chaque caisse en particulier,
que les caisses les plus en détresse sont dans des milieux marginaux,
comme chez nous. Ce sont des prêts qui sont dans le domaine touristique,
principalement. Et quand on a voté 250 000 000 $, l'an passé, qui
sont loin d'être tous épuisés, je pense, il aurait
appartenu d'abord au gouvernement, par la SDI, de prendre la relève
d'une partie de ces prêts-là pour dégager certaines
liquidités dans chacune des caisses en question. On devrait non pas
aller appuyer d'autres institutions hôtelières ou dans le domaine
de la restauration ou quoi que ce soit, on devrait d'abord regarder quels sont
les prêts pour lesquels, par le biais de la SDI, on devrait aller prendre
la relève un peu partout dans la province de Québec. Cela
apporterait certaines liquidités et éliminerait certains risques
dangereux pour les caisses d'entraide économique.
Et je mentionnerai seulement un exemple. On a fait des griefs
considérables à la façon, l'amateurisme des caisses
d'entraide économique dans des prêts qui ont été
consentis. Je donnerai un seul exemple. C'est bien bon de jeter le blâme,
dans ces régions marginales là, sur une société qui
a développé les régions. Le premier prêt qui a
été consenti chez nous par la SDI, après qu'on eut
voté cet argent en Chambre l'an passé, c'est un prêt qui a
été refusé par toutes les institutions financières
du coin. Le gouvernement nous a mis sur la "black list", parce qu'on a fait
perdre quelque 100 000 000 $. Je dirais que cela a été fait avec
un amateurisme tel que c'est quasiment insensé qu'un prêt
semblable ait été consenti, où il y a eu une faillite
considérable après. Je pense, en premier lieu, que le
gouvernement devrait - cela coûtera peut-être 30 000 000 $ à
40 000 000 $ -dégager une partie de ces créances
hypothécaires. Il lui appartiendrait de prendre la relève.
Je disais que du côté fédéral, le ministre
des Institutions financières m'en a dit quelques mots après, la
Banque fédérale de développement aurait pu
également soulager une partie des prêts industriels et
commerciaux, dont la responsabilité a été assumée
par plusieurs caisses d'entraide économique. Je pense bien que s'il y a
peut-être 75 000 000 $ ou 100 000 000 $ de prêts qui ont
été consentis de la façon qu'on sait, qui sont des risques
dangereux, on ferait partager non pas seulement aux 350 000 sociétaires
des caisses d'entraide économique, la responsabilité, parce
qu'ils n'ont pas tous la responsabilité du geste
qu'on aura à poser, des pertes qu'on aura à subir.
Moi-même j'ai vu des gens, des personnes âgées qui se sont
fait vendre du capital social en rentes de retraite ou autrement et qui
pensaient que c'était du capital, évidemment, c'étaient
des dépôts à terme couverts par
l'assurance-dépôts jusqu'à 20 000 $.
Je pense qu'il appartient à l'ensemble de la
société québécoise, par ses gouvernements, d'abord
de voir toutes les options qui sont devant nous. Cela dépasserait
forcément le 31 janvier, mais cela donnerait peut-être un meilleur
éclairage, par la suite, à l'ensemble des sociétaires et
à des caisses d'entraide économique, qui veulent les conserver,
si leur portefeuille était soulagé de certains risques, ou cela
leur permettrait de se diriger vers les caisses populaires, si on
prétend que c'est vers ces institutions-là qu'on devrait aller
par la suite. Quand le ministre des Finances et des Institutions
financières m'a dit que c'était une somme d'environ 100 000 000
$, qu'il est prêt à consentir, comme responsabilité
gouvernementale, j'ai l'impression que si on envisageait toutes ces solutions,
toutes ces avenues, si on les explorait, avec plus de temps que d'ici au 31
janvier, peut-être qu'à ce moment-là, tous ceux qui
auraient décidé de continuer dans le mouvement auquel ils ont
appartenu, ou choisir un autre mouvement, autant les caisses populaires
seraient en mesure de mieux analyser les risques qui resteraient pas la suite,
autant tout le monde aurait un meilleur éclairage que celui qu'on a
maintenant. Je vois mal que les caisses populaires, quel que soit le
désir concertant de les voir prendre la relève, puissent aller
prendre des risques qui ne seront pas bien calculés, avec le moins de
pertes possible.
Ce n'est pas là votre rôle, vous avez l'obligation
peut-être de prendre la relève, mais pour autant que vous avez
l'assurance que ce ne sont pas vos membres qui sont responsables de la
situation, qui prendront le risque par la suite. Il appartient à la
société de prendre le risque, par le biais d'avenues comme celles
que j'ai avancées.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Parizeau: Juste une chose rapide que je voudrais dire au sujet
de l'intervention du député de Charlevoix, de la première
partie de son intervention en particulier. Quant au fond, nous aurons
l'occasion de discuter de ça en commission. Je voudrais faire remarquer
au député de Charlevoix que, bien sûr, il est
invraisemblable qu'on ait permis d'investir une partie des réserves dans
du capital de risque. Ce qu'il faut bien comprendre cependant, c'est que
c'était autorisé dans nos lois et quand on voit qu'à
l'heure actuelle, à l'occasion de loi comme la loi 40, on donne un coup
de barre pour essayer de contrôler ça un peu mieux, je ne veux
plus jamais voir de réserves d'institutions de dépôt
investies dans des magasins ou dans des centres de ski.
Seulement, il faut bien comprendre que ce n'était pas
illégal. Nos lois prévoyaient ça. Je regardais tout
à l'heure les pouvoirs de placement, pendant que le député
de Charlevoix parlait, établis dans les caisses d'épargne et de
crédit; mais ce sont des lois de 1964, des années 1970
jusqu'à maintenant. Cela a été un long cheminement, un
long processus, par lequel les réserves, les disponibilités, les
liquidités, les placements, tout ça a été à
ce point élargi qu'on retrouve tout à coup la liquidité
dans les magasins Paquet. Il est inévitable qu'il faut reprendre la
législation à cet égard.
Je rappelle seulement au député de Charlevoix que le
gouvernement ne pouvait empêcher ce genre de choses que dans la mesure
où la loi était corrigée. Parce que ce qui a
été fait l'a été légalement. Cela ne change
pas la nature de la crise devant laquelle nous sommes placés, ou les
solutions que nous devons trouver. C'était, je pense, une explication
qu'il fallait donner.
M. Mailloux: La mise au point du ministre me permet de faire mon
mea culpa et d'ajouter que depuis que les caisses d'entraide économique
existent, je n'ai pas connu un seul politicien qui n'a pas vanté ce
mouvement sur toutes les tribunes. J'ai voulu faire comprendre qu'aujourd'hui,
on a une responsabilité collective, tout le monde.
M. Parizeau: ...volontiers.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président,
à l'égard d'une remarque que le ministre vient de faire, on peut
dire que les placements ont été faits parce que la loi n'en
prévoyait pas l'interdiction. J'aimerais, dans ce cadre, demander
comment, à titre d'exemple, à moins qu'on attende la
présentation des gens qui viendront plus tard, les caisses d'entraide
ont investi dans un centre de ski qui est le Mont Tremblant? Est-ce que c'est
parce que les lois ne l'interdisaient pas ou c'est parce qu'il y a eu des
demandes faites par des instances gouvernementales? À l'époque,
ce sont les histoires qui ont couru.
M. Parizeau: Non, ce n'est pas sous la pression du gouvernement
que cela a été fait. Cela a été longuement
discuté au gouvernement, puisque le gouvernement devait donner des
autorisations, Écoutez, le
dossier remonte à trop loin, sur des dispositions de terrain ou
sur des droits des terrains qu'il y avait là. Forcément, il y
avait des autorisations à demander. On pourra discuter de tout ça
en commission, quand on sera entre nous. Mais je n'en suis pas sur le fait
qu'une fédération ou qu'un organisme financier, quel qu'il soit,
ne puisse pas investir dans des magasins ou dans des centres de ski. J'en suis
au fait qu'il ne faut pas mélanger les placements là-dedans, les
réserves, les liquidités, ce sont des concepts distincts. (17 h
30)
II faut que les lois reflètent ces concepts distincts, qu'on
sache enfin que de la liquidité, c'est de l'argent investi sous forme
d'encaisses, de bons du trésor, de titres à court terme, de
titres facilement liquidables, puisqu'on appelle cela dans la loi
"liquidité". Si un mouvement est intéressé à
acheter un centre de ski, que cela apparaisse dans une autre section de la loi
et qu'on ait une idée qu'on connaît depuis longtemps dans les
compagnies d'assurances de ce qu'est une "basket clause". Il n'y a rien de tout
cela dans nos lois. C'est tout mêlé.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Charlesbourg.
M. de Belleval: Oui, M. le Président. J'aimerais revenir
à l'examen d'un certain nombre de solutions de rechange qui ont
déjà été évoquées mais pour
lesquelles il me manque un certain nombre de renseignements. Vous avez
évoqué tantôt la possibilité de la création
d'une douzième fédération, entre autres, à
l'intérieur de votre mouvement. Pourquoi avez-vous rejeté cette
possibilité?
M. Blais (Raymond): Les caisses populaires, il y a
déjà plusieurs années, avaient à prendre une
direction concernant le crédit industriel et commercial. Je ne dis pas
qu'à ce moment, il y a dix ans, il y avait une solution. On pense qu'on
a pris la bonne, soit de dire: Les caisses populaires vont s'impliquer dans le
crédit industriel et commercial à leur palier et en plus, elles
vont se donner des unités de support qui s'appellent le Crédit
industriel Desjardins, qui s'appelle la Caisse centrale, lorsque des
prêts trop importants seront faits au niveau local. Cela nous semblait
pas mal en relation avec ce que tous les législateurs au Canada, au
Québec et au même au monde, contrairement à il y a
plusieurs années où la loi donnait presque des petits
gâteaux à chacun... Les fiducies avaient le droit de faire une
série d'opérations, les banques en faisaient une autre, les
caisses d'épargne et de crédit. Il semble que les
législateurs aient décidé que le marché financier,
c'était un immense gâteau et que le meilleur gagne.
Alors, il ne nous a pas semblé logique de faire marche
arrière de dix ans, si je peux caricaturer un peu, pour dire aux caisses
populaires: II ne faut plus faire de crédit industriel et commercial
maintenant. Nous allons acquérir des gens qui sont spécialistes
dans ce domaine et qui vont en faire. Ce n'était pas réalisable
et cela ne pouvait pas être maintenu.
C'est un peu le commentaire de M. Mailloux et la réponse de M. le
ministre. On a tous dit, au moment où on se parle, quand on fait des
retours en arrière, qu'il fallait qu'il se fasse des choses en
région. Les caisses populaires dans un autre domaine, peut-être un
peu plus tard dans le crédit industriel et commercial, mais dans
d'autres domaines sont venues au monde, parce que les banques ne voulaient pas
aller dans les milieux ruraux. Après avoir dit cela, il s'agit de
savoir, au moment où on se parle, quelle est la meilleure façon
de conserver, je le répète, non pas des structures, mais une
fonction. On peut avoir la nostalgie des structures, mais ce qui est important
pour l'avenir, c'est la fonction de développement économique dans
les régions.
M. de Belleval: Dans ce contexte, est-ce qu'il y a eu une
proposition précise pour associer la Fédération des
caisses d'entraide au Crédit industriel Desjardins?
M. Blais (Raymond): II y a eu de leur part présentation
d'un dossier que nous avons rejeté pour cette même raison.
M. de Belleval: C'est-à-dire que le dossier soumis
prévoyait que non seulement la fédération, comme
fédération, serait associée au Crédit industriel
Desjardins... parce que là-dessus je ne vois pas pourquoi vous auriez
une objection, mais peut-être que vous en avez au niveau de la
fédération. Après tout, le Crédit industriel
Desjardins, comme vous venez de le dire, joue une espèce de rôle
de support central pour chacune des caisses populaires. Est-ce que la
proposition qui vous était soumise voulait que non seulement la
fédération soit associée au Crédit industriel
Desjardins, mais que chacune des caisses d'entraide constitue ni plus moins des
points de vente de la caisse industrielle Desjardins?
M. Blais (Raymond): Chacune des caisses d'entraide, si je me
rappelle bien, aurait pu être une succursale, par exemple, du
Crédit industriel Desjardins.
M. de Belleval: C'est cela qui vous apparaît
inacceptable?
M. Blais (Raymond): C'était inacceptable dans le plan de
développement global des caisses impliquées depuis dix ans.
M. de Belleval: Est-ce que vous en avez discuté au niveau
de votre conseil d'administration à ce moment-là?
M. Blais (Raymond): Ah oui!
M. de Belleval: Cela a été rejeté au niveau
du conseil d'administration.
M. Blais (Raymond): Absolument.
M. de Belleval: Le Crédit industriel Desjardins, comme
tel, qu'est-ce qu'il disait de cela?
M. Blais (Raymond): Le Crédit industriel Desjardins, c'est
une corporation qui appartient au Mouvement Desjardins; ses administrateurs
sont les mêmes.
M. Ryan: L'unité complète; ce sont les mêmes
partout.
M. de Belleval: Ceci étant dit, j'aurais probablement une
dernière question. En vertu du projet de loi que nous avons devant nous,
il n'y a rien qui interdirait quand même à une caisse d'entraide,
individuellement, via son conseil d'administration, de proposer à ses
membres, lors de l'assemblée générale qui est
prévue, une troisième voie, c'est-à-dire entre la
liquidation et l'acceptation du plan Dugal, une proposition discutée
avec une caisse populaire locale ou la fédération. C'est possible
en vertu du projet de loi. Est-ce que vous envisagez que cela se produise
effectivement?
M. Blais (Raymond): II y a un élément important
qu'on discute depuis tout à l'heure, c'est l'élément
garantie. Si vous voulez conserver le principe que les membres des caisses ne
doivent pas en faire les frais, sous réserve de cela, tout est possible,
selon la volonté des gens en place.
M. de Belleval: Tout tourne finalement autour de la garantie.
Pour reprendre la question de mon collègue de Charlevoix qui disait, le
30 janvier: Est-ce que vous avez l'impression que, compte tenu du stade des
pourparlers que vous continuez, semble-t-il, à avoir, c'est une date
réaliste ou si vous pensez que c'est trop tôt, compte tenu des
problèmes qu'il vous reste à régler?
M. Blais (Raymond): Compte tenu de la période des
fêtes qui arrive, cela nous paraît une date très
serrée, mais nous n'allons rien négliger; nous avons
dégagé une équipe pour ne rien négliger pour que,
du côté du Mouvement Desjardins, en tout cas, il n'y ait pas de
délais.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Westmount.
M. French: Je regrette d'avoir été appelé
ailleurs. Si je reprends un sujet qui a été touché par
quelqu'un, on pourra m'arrêter. Je voudrais parler de la fameuse question
de spécificité. J'aimerais savoir ce qu'il en est. Ma question
est assez fondamentale; elle est assez simple. Est-ce faisable pour une
institution d'épargne de fournir le capital de risques en région
pour protéger suffisamment l'avoir des épargnants? C'est une
question, je pense, assez fondamentale dans le contexte actuel; c'est une
question que je me pose sur l'histoire des caisses d'entraide
économique. Est-ce un manque de professionnalisme qui a
créé des conflits d'intérêt et tous les autres
problèmes plus ou moins rattachés aux ressources humaines en
question et les individus en question ou, économiquement, est-ce que ce
n'est pas faisable? L'animal a-t-il été impossible dès le
début à cause non seulement de la qualité de gestion mais
aussi des autres problèmes phénoménaux, si vous voulez?
Économiquement, est-ce qu'il a été impossible de
poursuivre les objectifs que les caisses d'entraide se sont donnés?
Dans un contexte où quelques caisses fusionneraient
peut-être avec les caisses populaires, quelle attitude avez-vous sur la
possibilité de continuer la vocation du développement
économique régional?
M. Blais (Raymond): En théorie en tout cas et sur papier,
on pourrait donner des exemples où on a déjà
réussi. Si vous voulez faire du crédit industriel et commercial
dans une caisse populaire, vous avez à prendre les mêmes
méthodes que n'importe quelle des institutions financières. Vous
devez avoir des spécialistes, du suivi et vous devez avoir de l'argent
pour l'avoir. Le Mouvement Desjardins, avec ses caisses
décentralisées qui possèdent déjà des
spécialistes avec leur fédération, parce qu'on sait
qu'aucun prêt industriel ne peut être accepté au niveau
local, sans avoir l'autorisation de la fédération, où on
retrouve d'autres spécialistes et, sur papier, au moins, j'ai cru
découvrir ça dans le livre sur l'épargne du gouvernement
du Québec, sur papier et si c'est bien fait, en plus de toutes les
méthodes que n'importe laquelle des banques peut prendre, vous avez
l'implication du milieu qui devrait augmenter les sécurités,
parce que c'est sûr qu'un crédit commercial peut évoluer
plus rapidement qu'un crédit à la consommation. Mais, si vous
avez une caisse qui est dans le milieu, qui connaît son milieu, qui a les
outils, pour répondre à votre question, la faisabilité est
là et je pense que les caisses l'ont prouvé depuis cinq ou dix
ans. Je pense que les caisses veulent continuer là-dedans.
M. French: Certaines mauvaises langues voulaient que vous n'ayez
pas été
suffisamment à l'écoute ou attentifs envers les besoins
régionaux. Je me demande si dans l'avenir... Ce que j'ai entendu
tantôt, c'est que vous vous engageriez à poursuivre dans toute la
mesure du possible, la vocation qu'ont les caisses d'entraide économique
actuelles, mais tout simplement en améliorant les ressources humaines et
la gestion des institutions. Est-ce qu'on ne verra pas une certaine diversion
des avoirs, des placements envers une série de placements de risque
beaucoup plus modérés ou modestes que ceux qui sont
impliqués dans les investissements touristiques, par exemple?
M. Blais (Raymond): Depuis le début, j'ai essayé de
ne pas porter de jugement de valeur sur ce qui s'était fait avant. Pour
qui le Mouvement Desjardins peut-il se prendre pour juger? Mais si vous faites
référence aux mauvaises langues, je vous demande seulement de
vérifier, d'étudier le portefeuille existant, de mettre sur les
bonnes tablettes les prêts véritables industriels et commerciaux
à distraire des prêts hypothécaires. Vous allez
peut-être trouver qu'il y avait plus que du conservatisme du Mouvement
Desjardins, il y avait peut-être un peu de sagesse. Alors, le Mouvement
Desjardins ne peut pas s'engager à prêter à toutes les
demandes qui vont venir... Mais ça, je ne suis pas sûr que
ça s'appelle rendre service au développement économique et
régional. Alors, je pense qu'on se comprend bien, on est prêt
à livrer la marchandise, mais on n'est pas prêt à changer
l'approche du Mouvement Desjardins qui a été
caractérisée, peut-être, par ce que certains ont voulu
appeler du conservatisme mais qui, sur une période d'années a
été, je pense, avantageux pour les Québécois.
M. French: J'ai un autre petit sujet; alors, allez-y.
M. Parizeau: Seulement une intervention rapide. Je pense qu'une
des difficultés importantes de la situation actuelle, c'est que dans
certains... Je devrais dire que la situation est très variable entre les
caisses populaires et les caisses d'entraide d'une région à
l'autre; elle est très diverse, il n'y a pas l'ombre d'un doute que, par
exemple, dans certaines régions, les caisses populaires ont
développé leurs prêts industriels et commerciaux
très rapidement et en font un bon volume. Ils représentent
maintenant, sur le plan du prêt à la petite entreprise, quelque
chose d'extrêmement actif, important, se développant très
bien. Il y a d'autres régions où c'est moins commencé,
cela est allé moins loin, le volume est beaucoup plus faible. Un exemple
ici, l'Abitibi. Vous noterez, dans un des rapports, que nous avons tous, du
Mouvement
Desjardins, qu'en Abitibi, les caisses populaires ont seulement environ
12 000 000 $ dans le prêt aux entreprises alors que les caisses
d'entraide ont un actif total d'à peu près 85 000 000 $ dans la
même région; mettez peut-être 60% de ça en prêt
industriel et commercial, je vous donne un chiffre approximatif, mais ça
voudrait donc dire que, dans cette région-là, le prêt
industriel et commercial des caisses d'entraide est quatre fois plus important
que celui des caisses populaires, ce qui n'est pas du tout typique d'autres
régions, ça peut être largement le contraire. On a ici un
problème, celui de ne pas travailler seulement avec des abstractions,
des principes généraux, il faut faire attention. Dans certaines
régions, ça pourrait être, dans un certain sens, dramatique
que des caisses d'entraide se transforment en caisses populaires et se mettent
à faire à peu près exclusivement, ou en majorité en
tout cas, du prêt résidentiel, du prêt sur automobile, du
prêt personnel ou des choses comme ça, cela laisserait un trou.
C'est là un problème que nous discutons depuis longtemps et sur
lequel d'ailleurs, il faut le dire, on a fait pas mal de progrès de
chaque côté.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Westmount.
M. French: Je pense que je viens de vous entendre dire que ce ne
serait pas l'intention des caisses populaires de se retourner directement du
côté de l'hypothèque résidentielle
exclusivement.
M. Parizeau: C'est pourquoi je disais qu'il y a du progrès
de fait dans notre perception des choses de part et d'autre.
M. French: Mais, ce qui est le plus important, je pense, c'est
que les chiffres crus risquent d'être extrêmement trompeurs,
à mon sens, parce qu'un volume de prêts, c'est souhaitable, mais
ça me fait penser un peu à un député
péquiste qui participait au débat de l'autre soir et qui
mentionnait une couple d'investissements assez considérables des caisses
d'entraide. Je ne les spécifierai pas mais, par la suite, je suis
allé le voir et je lui ai dit: Vous savez que ces deux-là sont
les grands perdants. Il m'a dit; Cela ne fait rien, les gens locaux aiment
l'investissement chez eux. C'est beau mais, dans le fond, ça ne donne
pas grand-chose aux épargnants, et c'est pourquoi, envers les chiffres
crus comme tels, il faut exercer une certaine méfiance.
Je voudrais donc, poser une question très courte. Le délai
de l'échéancier devant nous est-il suffisant? Est-ce que votre
proposition est réalisable d'ici là?
M. Daneau (Yvon): Dans les discussions
que nous menons présentement avec le ministère, il serait
peut-être difficile pour nous de situer les membres de chacune des
caisses devant le portrait tel qu'estimé par nous. Il a
été fait mention de la possibilité que si le Mouvement
Desjardins présente une alternative, ce soit plus spécifiquement
au niveau des principes. C'est une approche qui peut être valable, mais
c'est ce qui implique, d'autre part, que nous soyons prudents et que, sur le
plan de la garantie, nous soyons insistants. Parce que, selon les dossiers que
nous rencontrons dans chacune des caisses, la situation pour le membre pourrait
varier considérablement d'une caisse à l'autre et, notre
président l'exprimait tantôt il ne faudrait pas évidemment
que ce soit le Mouvement Desjardins qui souffre, sur le plan de son image,
d'une situation qui, elle, est détériorée et qu'il nous
est difficile d'évaluer à ce moment-ci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges, vous avez demandé la parole?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non, non, ça va.
Le Président (M. Boucher): M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Doit-on ou peut-on conclure de ce que vous venez de
dire, M. Daneau, que ce que vous mettriez de l'avant au niveau des principes
n'exclurait pas la possibilité d'un dénouement ultime qui pourra
aussi bien se chiffrer à des obligations pour le gouvernement de 70 000
000 $ ou de 200 000 000 $, en somme et que personne n'est capable d'accoler un
chiffre précis à ce que vous posez comme condition dans
l'état actuel des connaissances qu'on a du dossier?
M. Daneau: M. le Président, il serait très
difficile pour nous et, je pense, hasardeux de vouloir ici donner des chiffres,
mais, lorsque nous tenons nous-mêmes le projet du gouvernement et que ce
projet du gouvernement suggère qu'au moins 25% du capital social soit
transformé en capital de risque, on peut interpréter qu'il s'agit
là d'un montant requis pour protéger les avoirs des membres.
M. Ryan: Pour autant qu'il pourrait être
éventuellement acceptable comme vous le dites, si le ministre des
institutions financières fixait une limite, s'il disait: Nous autres,
nous sommes prêts à accepter des engagements à votre
endroit en échange du plan que vous proposez, mais ces changements ne
pourront en aucune hypothèse dépasser 90 000 000 $. Est-ce qu'il
y a des négociations possibles à ce moment-là ou s'il n'y
en a pas?
M. Blais (Raymond): II y a certainement des négociations
possibles, mais, le plus vite, je le répète, on pourrait savoir
ce que cela représente par rapport à la perte réelle, il
s'agit de faire par la suite certaines simulations avec les chiffres les plus
précis possible de ce que donnerait dans une caisse donnée cette
situation pour M. Untel ou Mme Unetelle, et ce que M. Untel, le sacrifice de M.
Untel est prêt à faire pour avoir une situation je dirais claire
au 30 janvier, à savoir qu'il y a une perte donnée, mais, par la
suite, c'est le mouvement Desjardins et ce sont les membres qui vont avoir
à répondre à cette chose-là. J'aimerais cependant
mieux attendre qu'on puisse connaître la facture globale, disons-le, et
s'il y a un montant qu'on dit depuis le début être de 90 000 000
$, si ça représente uniquement 30% de la perte globale,
peut-être que c'est plus difficile, mais je ne peux pas à ce
moment-ci fermer la porte aux négociations, loin de là; il va
falloir retravailler pour dire comment ça va se comporter.
M. Ryan: Est-ce que je vous ai bien compris tantôt? J'ai
cru comprendre que vous disiez, en supposant que le responsabilité
gouvernementale soit limitée là dans l'ordre de grandeur dont
nous parlons, qu'à ce moment-là, il faudrait ouvrir la
possibilité qu'une certaine partie des pertes soit mise à la
charge des sociétaires au bout du compte?
M. Blais (Raymond): Absolument.
Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants?
M. de Belleval: Seulement un mot, dans une hypothèse comme
dans l'autre, il y a risque, il est même certain qu'il va y avoir des
pertes; que ce soit le plan Dugal ou votre plan, il y aura des pertes, mais,
dans un cas comme dans l'autre aussi, pour les déposants, c'est ce que
j'essaie de comprendre, est-ce que c'est le cas? Oui? Dans un cas comme dans
l'autre aussi, un déposant ne pourra pas retrouver la pleine
disponibilité de ses fonds avant une certaine période de temps
qui pourra varier, dans un cas comme dans l'autre, d'ailleurs. C'est parce
qu'on disait essentiel tantôt que les faits soient exposés. Si
j'ai bien compris le point de vue de certaines personnes que je rencontre et
qui sont membres d'une caisse d'entraide chez moi, on a peut-être fait
croire à quelques-uns qu'avec le plan des caisses populaires, ils
pourraient mettre la main sur leur épargne immédiatement.
Peut-être est-ce à cause du cas de la caisse populaire Laurier,
qui est un cas à part oui, enfin, si l'on veut, de la caisse d'entraide
de Québec, plutôt qui est un cas à part, mais
cela ne sera pas le cas des autres caisses vraisemblablement, les
membres ne pourront pas obtenir leur argent immédiatement.
M. Blais (Raymond): Écoutez, cela dépend
d'où on pose les questions, il y a peut-être des gens qui ont
laissé entendre que, dans le Mouvement Desjardins, il n'y avait pas de
perte du tout. Il y en a d'autres qui ont dit: Si le plan Desjardins arrive,
vous allez avoir 50% dans la piastre. Alors, il y a beaucoup de confusion
là-dedans.
Pour nous, ce n'est pas un problème de liquidité. On peut
ouvrir la machine le lendemain. C'est uniquement un problème de
rentabilité et, avec la garantie nécessaire, on peut ouvrir
demain matin. Et, la façon... Écoutez, oublions les pertes sur
prêt. L'autre faiblesse, c'est le désappariement. Si on demandait
dans une caisse à des gens de laisser leur capital social à 13%
pendant 9 mois, parce qu'il y a des prêts qui ne viennent pas à
échéance, ce n'est pas parce qu'on n'a pas l'argent pour les
rembourser, c'est parce qu'on ne peut pas financer avec de l'argent qui
coûte 19% des prêts qui rapportent 13%. On ne le fait pas dans
notre propre caisse. Ce n'est donc pas un problème, mais, d'un autre
côté...
M. de Belleval: Le résultat est le même pour
l'individu.
M. Blais (Raymond): Oui, le résultat est le même
pour l'individu, mais on pourrait même dire à l'individu qui
voudrait de l'argent immédiatement, qu'on va lui donner
l'équivalent. Ce n'est pas un problème de liquidité et
votre commentaire m'amène à dire qu'à toutes fins utiles,
et vous l'avez suggéré vous-même, la facture globale, je ne
la connais pas, mais il me semble qu'elle est la même soit avec le plan
Dugal, soit avec tout plan qui viendrait de Desjardins. Ce n'est pas cela qui
change. Le ministère est prêt, nous dit-on, à donner les
mêmes garanties. Le membre aura donc une perte, d'une façon ou
d'une autre, à moins de trouver une solution magique.
M. de Belleval: Et, à votre avis, elle va être la
même dans un cas comme dans l'autre?
M. Blais (Raymond): La même.
M. de Belleval: La perte pour le membre.
M. Blais (Raymond): Oui, je veux dire, je pense qu'il faut
qu'elle soit équitable.
M. de Belleval: Au fond, les deux plans pour le membre sont
à votre avis équivalents?
M. Blais (Raymond): Oh non. Il y a tout un autre pas à
dire ça. C'est que dans un cas, d'abord, le nôtre n'est pas
finalisé et je ne veux pas porter de jugement de valeur sur l'autre
plan.
M. Parizeau: M. le Président, est-ce que je pourrais faire
une proposition...
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Parizeau: ... comme nous sommes à quelques minutes de
18 heures, je pense qu'il ne serait pas correct pour le Mouvement des caisses
d'entraide qu'on travaille en prolongation avec eux. Pour quelques minutes, on
pourrait suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures et ensuite, consacrer
le temps nécessaire au plan Dugal et ensuite, nous pourrions continuer
en commission.
Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a consentement
à cette proposition?
Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 561
(Reprise de la séance à 20 h 07)
Le Président (M. Boucher): À la suspension, nous
avions terminé avec la Confédération des caisses
populaires et maintenant nous avons devant nous la Fédération des
caisses d'entraide économique représentée par M. Justin
Dugal, porte-parole, que je prierais de présenter le mémoire
dont, je crois, tout le monde a reçu une copie.
M. Dugal, vous avez la parole.
Fédération des caisses d'entraide
économique
M. Dugal (Justin): M. le Président, MM. les ministres, MM.
les députés, M. Blais. Je regrette de ne pas pouvoir vous
distribuer une copie des réflexions que nous allons faire à tour
de rôle parce que nous n'avons été convoqués qu'hier
à cette commission parlementaire; par conséquent nous n'avons pas
de texte, seulement des notes. Cependant, on vous a remis une copie d'un
dossier que nous avons remis le 8 octobre dernier à M. Blais.
J'aimerais, avant de faire part de quelques réflexions, vous
présenter ceux qui sont ici avec moi ce soir. À ma droite, c'est
M. Mario Georgiev, actuaire à la fédération; M.
Gérald Tremblay, MBA et spécialiste en redressement; M. Lacoste,
ex-président de la Commission des valeurs mobilières et, à
ma gauche, M. Ronald Savoie, qui est responsable des communications à
la
fédération.
M. le Président, en juillet dernier, lorsque nous avons
hérité du dossier des caisses d'entraide, l'équipe que je
dirige se devait de trouver une solution aux problèmes qui
étaient dans le dossier des caisses d'entraide et cette solution se
voulait globale, c'est-à-dire qu'il fallait que cela soit une solution
qui s'adresse à toutes les caisses d'entraide sans exception. Cette
solution, nous avions 40 jours pour la rédiger et le 22 août, lors
d'une assemblée convoquée à cette fin, nous avons
déposé pour approbation devant nos membres deux plans: le plan de
relance et le plan de redressement, redressement qui est déjà
amorcé depuis le mois de juillet; c'est-à-dire que nous avons
fait depuis le 22 août dernier une meilleure gestion des ressources
humaines et financières de la fédération.
Cette solution globale qui est contenue dans le plan de relance repose
sur deux préoccupations majeures que nous avions en tête lorsque
nous avons rédigé ce plan. Ces deux priorités sont d'abord
de protéger l'épargne de nos membres, d'assurer la mission des
caisses d'entraide et, en même temps, d'assurer une saine concurrence aux
autres institutions financières au Québec. Ce plan de relance, en
plus de reposer sur deux priorités, repose sur un principe que nous
considérons fondamental, un principe qui dit que la première
responsabilité repose d'abord sur les épaules des
propriétaires ou des membres, et dans notre cas puisqu'il s'agit d'une
institution financière, des membres. La première
responsabilité repose d'abord sur les membres des caisses d'entraide et
c'est pourquoi nous n'avons pas analysé la possibilité ou fait
l'hypothèse de demander au gouvernement une subvention.
Il fallait donc trouver une façon de pouvoir réaliser
notre relance. L'instrument dont on avait besoin pour assurer cette relance
s'appelait un projet de loi qui nous permettrait de transformer les caisses
d'entraide en sociétés d'entraide à capital-actions pour
d'abord corriger une faiblesse des caisses d'entraide, c'est-à-dire le
capital social à demande, et le transformer en capital-actions
stable.
Il fallait donc une loi et c'est pourquoi nous avons eu la promesse du
ministre des Finances, une lettre signée le 20 août, à
l'effet que le ministre s'engageait à déposer pour approbation un
projet de loi avant le 1er décembre. Or, ce projet de loi, comme vous le
savez, a été déposé le 30 novembre dernier et c'est
ce qui fait l'objet de notre présence ici ce soir.
Nous avons donc un plan de relance; nous avons aussi l'instrument qui
est la loi qui sera adoptée sous peu, nous l'espérons. On nous a
demandé souvent si nous avions aussi étudié d'autres
hypothèses. Oui, nous avons étudié d'autres
hypothèses et comme nos membres nous demandaient d'approcher le
mouvement Desjardins et de savoir s'il n'y avait pas une possibilité
d'affiliation avec le mouvement Desjardins, nous l'avons fait. J'ai
rencontré M. Blais à deux reprises, le 11 septembre et le 19
septembre; durant ces deux rencontres, je lui ai fait mention de notre
désir de nous asseoir avec eux et d'examiner d'autres solutions que
celles que nous avions proposées. Tout cela s'est passé au mois
de septembre. Le 11 décembre, aujourd'hui, nous n'avons rien encore,
aucune proposition n'a été déposée entre nos
mains.
Il est bien certain que nous n'avons pas l'intention de fermer la porte
à toute négociation avec le Mouvement Desjardins ou d'autres
institutions financières. Cependant, s'il y avait une solution qui
était présentée par le Mouvement Desjardins, nous
exprimons le désir que nous aimerions être consultés.
Alors, si vous le permettez, afin de vous donner une plus longue
période de temps pour que vous puissiez nous poser des questions, je
vais demander brièvement à chacun de ceux qui sont avec moi, M.
Savoie par exemple, de nous faire un bilan de la tournée de
consultations que nous avons faites au Québec. Deuxièmement, je
vais demander à M. Lacoste de vous parler de la structure du
capital-actions des nouvelles sociétés d'entraide et enfin, je
demanderai à M. Tremblay de nous parler des aspects financiers et de les
comparer; comparer les aspects financiers et avantages du plan de relance
à la proposition du Mouvement Desjardins tel que décrite dans la
lettre de M. Parizeau, lettre qui a été rendue publique.
Alors, je termine ici mes réflexions pour demander à M.
Savoie de vous faire un bilan de la tournée.
Le Président (M. Boucher): M. Savoie. (20 h 15)
M. Savoie (Ronald): M. le Président, très
rapidement, le 22 août dernier, 76 présidents et directeurs
généraux de tout le réseau des caisses d'entraide du
Québec, étaient convoqués à Aima pour une
assemblée générale au cours de laquelle on a soumis le
projet de plan de redressement et de plan de relance. Et les présidents
présents et les directeurs généraux ont voté - avec
deux votes contre - l'approbation des principes généraux contenus
dans le plan de redressement et dans le plan de relance.
À la suite de cela, afin d'informer les membres aux quatre coins
du Québec, nous avons entrepris une tournée qui a
débuté le 14 septembre dernier pour se terminer le 1er
décembre. Au cours de cette tournée, nous avons effectué,
M. le président ou les membres de son conseil d'administration, la
visite de 75 villes où sont situées les caisses d'entraide au
Québec moins une, la ville de
Sherbrooke. Comme on le sait, chaque caisse est autonome et il fallait,
avec chacune des caisses, déterminer des dates et des ordres de
soirée et chaque caisse avait la liberté de convoquer une
assemblée générale au cours de laquelle on donnait de
l'information sur le plan de redressement et le plan de relance ou encore, on
constituait une soirée uniquement afin d'informer les membres du plan de
relance.
Au cours de cette soirée, on a produit un diaporama qui
expliquait en 14 minutes à peu près, ce qu'était le plan
de relance. Dans ce diaporama, on rappelait que les spécialistes au
service de la Fédération des caisses d'entraide avaient
étudié différentes solutions: le statu quo, la liquidation
et ces choses-là, et également le plan de relance. Étant
donné que les gens avaient voté pour qu'on explique le plan de
relance, c'est ce qu'on allait un peu démontrer dans chacune de ces
soirées.
Également au cours de ces soirées, tous les orateurs
disaient - c'était une phrase... C'est un leitmotiv qu'on
répétait de ville en ville, que quiconque aurait une meilleure
solution que la nôtre, qu'il l'apporte, qu'il la mette sur la table, et
on l'étudierait et si elle était meilleure, on laisserait tomber
le plan de relance et on l'étudierait. Au cours de ces soirées,
également, on invitait les membres à faire du "shopping" s'il y
avait lieu, à aller voir ailleurs et à revenir, si possible, avec
des meilleures solutions que la nôtre. Et, au moment où on se
parle, personne, je pense, ne nous a apporté de meilleure solution.
Également au même moment, nous avons fait distribuer aux 300 000
membres, en plus du bulletin régulier de la Fédération des
caisses d'entraide, un tiré à part du journal des Affaires dans
lequel on proposait trois scénarios possibles, c'est-à-dire le
plan de relance, qui présente des avantages et des inconvénients
pour l'épargnant, les caisses populaires, une bouée de sauvetage
compliquée à manier et la liquidation, option de dernier recours.
On a décidé d'envoyer ce tiré à part, afin de faire
réfléchir les gens et de leur donner, peut-être, des
avenues nouvelles à exploiter, de leur permettre de faire des demandes
à leurs conseils d'administration locaux.
Au cours de ces tournées, nous avons regroupé, nous avons
informé plus de 40 000 personnes qui ont assisté à ces 75
assemblées, c'est-à-dire une moyenne de 500 personnes, à
peu près, par assemblée d'information. Et on doit dire que, dans
la majorité des endroits, je pense, les soirées se sont
déroulées tout à fait normalement; cela roulait même
dans l'huile. À d'autres endroits, évidemment, on a eu des
groupes de contestation, on a eu des gens qui sont venus dire qu'ils
souffraient du gel des épargnes. Et nous avons également,
à la suite de certaines convocations spéciales, refait deux
assemblées d'information, une à L'Assomption, notamment, et une
à Rimouski. Au cours de ces assemblées spéciales
convoquées à la demande d'au moins 100 personnes, on a
décidé de former des comités spéciaux qui
étudieraient d'autres solutions que celle du plan de relance. Mais tout
s'est fait dans les normes, selon les lois et selon les règlements.
Les soirées d'information et la tournée d'information se
résument à ce petit exposé.
M. Dugal: Alors, nous allons passer à l'exposé de
M. Lacoste.
M. Lacoste (Gérald): M. le Président, MM. les
ministres, MM. les députés. Lorsque nous sommes arrivés
aux caisses d'entraide économique à la fin du mois de juin,
évidemment, il s'agissait d'une situation de crise. C'est le genre de
crise que personne au Québec n'avait eu l'occasion de manipuler,
c'est-à-dire une crise financière. Les spécialistes qui
étaient présents à la dernière crise
financière connue étaient ceux qui étaient là vers
la fin des années vingt-neuf et ils n'étaient pas disponibles
pour donner des conseils sur la façon de la résoudre. On a donc
dû s'attaquer à un problème, particulier à une
crise, celui d'une institution financière où le principal
problème est celui de la confiance dans l'institution. Après
avoir analysé plusieurs scénarios possibles, il avait
été décidé qu'une solution serait proposée
qui aurait pour effet d'amener les gens de l'institution, les membres à
assumer la solution de leur crise. Lorsque, au début du mois
d'août, l'équipe qui est devant vous est allée voir le
ministre des Institutions financières, nous avons proposé le plan
qui se reflète dans le titre I de la loi qui est devant vous. Tout ce
qui est dans ce titre, c'est ce que nous avons demandé. Vous aurez
l'occasion d'en discuter plus en détail tantôt.
Notre suggestion est basée sur les deux objectifs dont parlait M.
Dugal tantôt: sécurité de l'épargne et maintien du
développement économique régional.
Comment atteindre cet objectif? Nous avons procédé sur une
base globale. Nous avons pris le mouvement dans son ensemble avec un capital
social de 800 000 000 $. Pour atteindre la sécurité de
l'épargne, nous prenons d'abord les trois quarts de ce capital social et
nous l'envoyons en dépôt garanti par la Régie de
l'assurance-dépôts. On offre donc à nos membres dans un
premier temps la mise à l'abri de 75% sur une base globale toujours;
cela peut varier d'une caisse à l'autre, lors de la conversion. Donc 75%
de l'épargne sont protégés. C'est d'ailleurs une
constatation qui avait été faite, que la plupart de nos membres,
en achetant des parts sociales, avaient cette notion de prêt
ou de dépôt. On atteint donc cette fin pour
immédiatement, 75% de l'épargne.
Quant aux 25%, c'est-à-dire 200 000 000 $ de ce capital social,
nous proposons de le transformer en capital permanent, parce que nous sommes
convaincus par l'expérience des caisses, par l'expérience
d'autres institutions financières, que le prêt à terme
à l'entreprise doit se faire avec du capital permanent. C'était
une des carences majeures du mouvement et on l'a bien vu en période de
crise, qu'on ne peut prêter à terme sur du capital volatile
à demande. Il était clair que si on voulait maintenir la mission
de prêt industriel et commercial, il fallait avoir de la permanence du
capital. Ce faisant, nous réalisions que nous demandions à nos
membres d'investir une portion de leur épargne en capital permanent
comme on demande à des investisseurs d'investir dans des entreprises.
Les lois du Québec favorisaient déjà cet investissement
par des crédits d'impôt dans certains cas et par le régime
d'épargne-actions dans d'autres cas. Nous ne sommes pas allés,
comme institution financière, demander une subvention au gouvernement
pour appuyer les risques de l'institution. Nous avons tout simplement
réclamé - le projet de loi les donne - les mêmes avantages
fiscaux que d'autres investisseurs ont.
Pour réaliser ce plan, il fallait avoir du temps et immobiliser
ce capital pour ne pas que l'institution s'effondre. C'est pour cela que nous
avons demandé à toutes nos caisses, et elles ont toutes
accepté, de déclarer un moratoire sur les retraits de capital
pendant la période nécessaire pour que nous mettions de l'avant
une proposition étayée et même que d'autres personnes
puissent proposer des solutions. Le moratoire - un jugement de la Cour
supérieure dans la région de Matane l'a confirmé
récemment - est une mesure d'équité et de justice pour
tous les membres de la caisse.
Le 22 août, nous proposions à nos membres de voter le 30
janvier, cinq mois et plus avant qu'une solution au problème puisse
être définie. Vous réalisez aujourd'hui qu'on manque de
temps, mais le 22 août, quand on disait à nos membres et à
tout le monde: Ce n'est qu'au mois de janvier 1982 que vous déciderez,
on nous reprochait de mettre très loin la date à laquelle une
solution pourrait être prise. Ce qui est difficile aujourd'hui pour nos
membres, c'est non seulement le moratoire, mais la période de temps qui
s'écoule, pendant laquelle il n'y a aucune solution qui est
acceptée ou refusée.
Lorsque nous avons proposé à nos membres la
sécurité de l'épargne, nous leur disions: II est normal
que votre épargne soit protégée par les autorités
gouvernementales, et ce, de trois façons: en ce qui concerne le
développement de votre institution, par le ministère des
Institutions financières, dont c'est la première
responsabilité. Vous aurez, messieurs, l'occasion de discuter de cet
aspect ce soir. Également, tout ce qui a trait à votre
capital-actions, la Commission des valeurs mobilières, par ses lois,
régira l'émission et la vente de ces actions.
Troisièmement, votre épargne sera également
protégée en ce qui concerne les dépôts par la
Régie de l'assurance-dépôts du Québec. Il y a donc
trois instances gouvernementales qui auront à coordonner leurs efforts,
mais qui seront là pour protéger votre épargne.
Quant au maintien de l'entraide économique ou de sa mission, le
développement économique régional, nous pensions et nous
pensons encore que la meilleure protection de l'épargne, c'est le
maintien de l'institution. Sur une base de "going concern", il est
évident que les pertes seront minimisées parce que les
mêmes personnes qui ont consenti les prêts seront encore là
pour les suivre et le même degré de fiabilité du
remboursement qu'on a vu pendant vingt ans dépend de la relation
personnelle entre ceux qui ont prêté l'argent et ceux qui l'ont
emprunté. Il faut faire bien attention quand on parle de
sécurité d'épargne de se rappeler que le tissu
socio-économique des caisses d'entraide, emprunteurs et prêteurs,
est un facteur important. Toute personne en dehors de l'entraide qui regarde un
portefeuille de près ne peut pas avoir le même jugement sur la
qualité du prêt que ceux qui l'ont consenti, sachant très
bien qu'ils prêtaient l'épargne des gens du milieu.
Les sociétés que cette loi crée sont ce que nous
avons demandé qu'elles soient, des sociétés à
l'intérieur desquelles il existera une démocratie
financière. Je dois vous dire que lorsque j'entends parler de
l'opposition que l'on fait entre le système coopératif et le
système capitaliste, je trouve que l'on prend les mots pour les mettre
sur les mauvais concepts. Les coopératives financières sont des
corporations capitalistes, il ne faut pas oublier cela. Quand on annonce
à tout le monde: Parlons d'argent, je me demande si on ne fait pas du
capitalisme quand on dit cela. Je pense que c'est fausser le débat que
de mettre en opposition deux modes de fonctionnement de deux corporations. La
loi qui est là fait de ces sociétés des entités
où la démocratie financière pourra s'exercer de la
façon suivante: D'abord, 5% de détention, c'est pour mettre
à l'abri d'une prise de contrôle par un ou très peu
d'individus une institution financière qui représente une
entité quasi publique.
Deuxièmement, les conseils d'administration dans cette loi
pourront être composés d'administrateurs qui ne sont pas des
actionnaires, c'est-à-dire qu'on pourra impliquer les gens du milieu
dans la corporation.
Troisièmement, le conseil de surveillance, qui a le même
nom que celui de la coopérative, est une excellente institution que les
coopératives ont mise sur pied il y a longtemps. C'est drôle
qu'aujourd'hui, depuis quelques années, on retrouve dans les lois aux
États-Unis pour les corporations publiques des "audit committees" qui
ont exactement les mêmes fonctions que le conseil de surveillance. Si nos
coopératives ont été plus précoces, tant mieux,
mais il est important d'avoir dans des compagnies publiques aujourd'hui de ces
comités qui protègent l'actionnaire ou le membre.
Quant à la commission de crédit, ce qui est le plus
important dans le projet de loi, c'est qu'elle doit donner son avis et que le
conseil de surveillance doit faire rapport aux actionnaires dans tous les cas
où le conseil d'administration n'a pas suivi l'avis de cette commission
de crédit. Il est donc bien clair que la société, comme on
la voit aujourd'hui, emprunte ce qu'il y a de mieux, non seulement au
système coopératif, mais dans les autres lois où on a
voulu assurer de la démocratie financière et de la protection aux
actionnaires.
Enfin, la décision que nos membres auront à prendre le 30
janvier se veut une décision démocratique. Nous l'avons soumise
dès le début au ministre des Institutions financières. Si
on veut que la décision soit démocratique, elle doit l'être
sous plusieurs aspects. Je pense qu'il est important que tous ceux qui auront
à offrir les solutions aux membres des caisses d'entraide soient pour le
moins assujettis à ce que je pourrais appeler une réglementation
ou un coût égal, ou à tout le moins équitable, quant
à la soumission des propositions. (20 h 30)
Je dois vous dire aujourd'hui qu'on évalue, au moment où
on se parle, à au moins 500 000 $ le coût de la relance au niveau
des caisses d'entraide économique. Lorsque nous nous alignons sur le 30
janvier, on a des coûts énormes d'impression de circulaires pour
se conformer à la Loi des valeurs mobilières et être bien
certains, lorsque nos membres se prononceront, que l'institution qui proposera
aux membres la transformation se sera conformée à toutes les
lois. Je m'attends personnellement que tous ceux qui feront des offres soient
soumis à la même obligation de divulgation complète, claire
et précise, laquelle nous est imposée par les lois de la
province.
Enfin, il faut se demander quel genre de décision auront à
prendre nos membres le 30 janvier prochain. S'agit-il d'une décision
financière d'abord? Si oui, s'il s'agit d'une décision
financière, ils doivent être en mesure d'évaluer les
solutions avec les mêmes critères; ils doivent pouvoir quantifier
et comparer chacune des offres qui leur seront faites. Il ne s'agit pas de
voter sur des concepts, il s'agit de prendre une décision
financière.
Si, par ailleurs, ce n'est pas l'unique but de la décision, on
doit se demander si on propose à nos membres qui sont en crise un choix
entre institutions ou non. Il faut faire bien attention parce que l'institution
dans laquelle ils sont et qui, nous croyons, doit être maintenue est une
institution en crise. Je me demande si c'est poser la bonne question aux
membres que de leur demander de choisir: Préférez-vous être
dans une institution en crise ou dans une institution non en crise? Cela peut
fausser grandement le débat, suivant la façon dont la question
est posée à nos membres.
Pour l'instant, d'après ce qui paraît du projet de loi et
des directives que nous avons reçues de la Commission des valeurs
mobilières, il n'y a qu'une seule question à poser le 30 janvier:
Acceptez-vous ou non de transformer votre institution en corporation à
capital-actions? Par ailleurs, les autres solutions doivent être
déposées pour pouvoir soupeser les conséquences de
l'acceptation ou du refus de la proposition de transformation. C'est un
processus très complexe que la préparation de cette
transformation et je dois vous dire, pour ceux qui sont ici, que depuis le mois
de septembre, nous avons, à la fédération, avec une
collaboration incroyable de la part des fonctionnaires du ministère des
Institutions financières, accompli un travail que je qualifie de
gigantesque.
Ce sera possible, le 30 janvier, de soumettre aux membres une
proposition claire quant à l'échéance des
dépôts, quant au rendement des dépôts
résultant de la conversion et chaque membre sera en mesure de calculer
l'impact des crédits d'impôt et du régime
d'épargne-actions sur sa décision. Notre proposition, il pourra
la quantifier. J'espère qu'il pourra faire également les autres
propositions. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. Tremblay, je
crois.
M. Tremblay (Gérald): Lorsque j'assume la
responsabilité d'essayer de trouver une solution pour assurer la
protection de l'épargne de 300 000 Québécois, je ne peux
pas faire autrement que d'avoir des serrements au coeur et de me poser
sérieusement la question à savoir si on ne peut pas, tous
ensemble, oublier nos préjugés et essayer de trouver une solution
aux problèmes des caisses d'entraide économique.
Je me permets d'être le plus objectif possible parce que j'ai
été très critique au sujet des caisses d'entraide
économique et je n'étais pas là lorsque les
problèmes des caisses d'entraide économique sont arrivés.
Alors, j'aimerais, dans cette optique, faire
abstraction de la deuxième condition qu'on s'est fixée,
nous, c'est-à-dire d'essayer de maintenir la mission des caisses
d'entraide économique pour uniquement s'attarder à la protection
de l'épargne de 300 000 Québécois. Je pense qu'on a cela
à coeur et que le Mouvement Desjardins a également cela à
coeur. Vous ne m'en voudrez donc pas de parler de cents et de piastres,
d'autant plus qu'on discute de la survie d'une institution
financière.
Comparons donc les deux possibilités qui s'offrent à nos
membres, c'est-à-dire celle des caisses d'entraide économique et
celle du Mouvement Desjardins car le membre, le petit épargnant, a le
droit de choisir entre deux solutions pour autant qu'il soit en possession de
toutes les données financières et de toutes les données
qualitatives pertinentes pour le faire, et ceci au moment où il est
appelé à faire son choix. C'est dans cette optique que nous, aux
caisses d'entraide économique - la nouvelle équipe a
fonctionné sous le signe de la transparence - avons offert à
Desjardins et aux deux partis politiques, à plusieurs reprises,
personnellement et par personnes interposées, de leur donner tous les
renseignements qu'ils désiraient, premièrement, pour les informer
et, deuxièmement, parce que nous considérions l'enjeu des plus
importants, c'est-à-dire, premièrement, l'épargne de 300
000 Québécois et, deuxièmement, la
crédibilité des institutions financières
québécoises. On ne nous a jamais demandé de données
financières.
Alors, qu'est-ce que cela veut dire, au point de vue pratique, la
protection de l'épargne? Pour les caisses d'entraide économique,
cela veut dire, tout d'abord, la protection du capital. Deuxièmement,
cela veut dire du rendement. Troisièmement, cela veut dire des avantages
fiscaux jusqu'à concurrence d'un maximum de 90 000 000 $. Pour le
Mouvement Desjardins, si on veut comparer des pommes avec des pommes, cela veut
dire, premièrement, la protection de l'épargne, la même
chose que nous autres. Deuxièmement, nous, c'est du rendement; eux
autres, peut-être du rendement.
Troisièmement, nous, des avantages fiscaux jusqu'à
concurrence de 90 000 000 $; le Mouvement Desjardins, aucun avantage fiscal. Je
m'explique.
Protection du capital. La question importante, c'est de savoir comment
notre membre va récupérer son argent. Puis, je pense qu'on a
convenu, cet après-midi, le Mouvement Desjardins est d'accord avec cela,
personne ne va pouvoir arriver, demain matin, et donner 1 000 000 000 $ aux 300
000 Québécois qui ont leur argent dans les caisses d'entraide
économique; pas parce que l'argent n'est pas là, mais parce que
l'argent a été prêté à terme à des
institutions et à des PME au Québec. Donc, il faut trouver une
solution.
Je fais volontairement abstraction de la confiance - c'est très
important - que les caisses d'entraide économique doivent regagner
à l'avenir. Je fais abstraction de cela pour me limiter aux choses
importantes. Alors, la meilleure façon - vous en conviendrez - de
protéger l'épargne des Québécois, c'est de
continuer à administrer les caisses d'entraide économique "as a
going concern", d'une part. Deuxièmement, c'est de se servir des
ressources humaines en place pour réaliser ces actifs,
évidemment, en encadrant ces ressources humaines de gestionnaires qui
ont une certaine expérience dans la réalisation d'actifs de cette
importance. Finalement, de procéder de façon ordonnée
à l'appariement du portefeuille de prêts avec les
dépôts d'épargne qui seront donnés aux membres pour
leur permettre de récupérer leur argent.
Alors, nous, les caisses d'entraide économique, dans le but de
protéger le capital, parce qu'on parle uniquement du capital, on offre
d'administrer "as a going concern". Si je lis la lettre de M. Parizeau,
à la page 2, qui réitère la position du mouvement
Desjardins, M. Parizeau dit pour le Mouvement Desjardins: "Les caisses
d'entraide économique seraient intégrées au Mouvement des
caisses populaires et d'économie Desjardins. Ces intégrations se
feraient soit par conversion des caisses d'entraide en caisses populaires ou
soit par absorption des actifs et passifs des caisses d'entraide par des
caisses populaires existantes."
M. Ryan: M. le Président, est-ce que je pourrais demander
la date de cette lettre de M. Parizeau?
M. Tremblay (Gérald): Oui, le 2 décembre 1981.
Une voix: On doit l'avoir.
M. Parizeau: Elle a été rendue publique, je pense.
Il doit y en avoir des copies un peu partout.
Une voix: Oui, nous avons les copies.
M. Tremblay (Gérald): Pour moi, cela est bien beau, mais
je sais très bien que si je vais acquérir les actifs d'une caisse
d'entraide, c'est évident que si la caisse ne fonctionne plus et que
j'achète les actifs, je vais les escompter. Je dois faire cela parce que
si ce sont des actifs qui rapportent 12% - le taux du marché, c'est 16%,
17% ou 18%, parce qu'on parle de PME - alors, je vais les escompter et je vais
avoir une perte. C'est évident qu'à ce moment-là, j'ai une
perte.
Deuxièmement, si en plus d'assumer cette perte, je dois me servir
de personnes autres que les personnes en place des caisses d'entraide
économique pour continuer à percevoir ces actifs, c'est
évident que je vais avoir une perte additionnelle. C'est ce qu'on a dit
noir sur blanc au Mouvement Desjardins dans notre projet d'association avec le
Mouvement Desjardins, à la page 13, où on explique pourquoi il
faudrait éviter une fusion caisses d'entraide, caisses populaires.
Je pense que ce n'est pas long, c'est à peu près cinq ou
six paragraphes et je vais vous les lire: "II faut connaître les modes de
fonctionnement et le portefeuille de l'entraide économique pour
réaliser l'importance de ne pas simplement fusionner les caisses
d'entraide avec les caisses populaires locales. Aucune institution
financière - ce n'est pas seulement le Mouvement Desjardins - ne
pourrait, en effet, faire l'acquisition d'une caisse d'entraide
économique sans escompter de façon importante les actifs de la
caisse d'entraide et ceci, pour les raisons suivantes: 9% des actifs d'une
caisse sont détenus par la fédération. Or, sur une base de
réalisation, ces actifs rapporteraient entre 0,60 $ et 0,70 $ pour une
valeur aux livres de 1,00 $."
C'est évident. Si vous prenez seulement notre portefeuille
d'obligations qui est en actions municipales au niveau de la
fédération, cela vaut aux livres 66 000 000 $. Au 30 septembre
1981, cela vaut 40 000 000 $, parce que les échéances moyennes,
c'est 4,8% et cela rapporte 12%. Si on l'escompte à la valeur du
marché, je vais avoir une perte énorme, mais une perte qu'aucune
institution financière sérieuse ne doit prendre. Tout le monde...
Il y en a qui, dans leur portefeuille, ont des obligations qui rapportent 9% ou
10%. Il y en a qui ont des fonds de pension dans les sociétés de
fiducie qui rapportent 9% ou 10%. Ils ont pris cela avant l'escalade des taux
d'intérêt. Je pense qu'il faut être réaliste et nous,
quand on dit: II ne faut pas fusionner demain matin avec une caisse populaire,
c'est évident, parce que la caisse populaire en tant que financier ne
peut pas faire autrement qu'escompter cela. Mais qui va payer pour l'escompte?
Premièrement, je vais vous l'expliquer tout à l'heure, cela va
être le petit épargnant sur le rendement et je vais vous
démontrer clairement qu'il n'y aura plus de rendement.
Deuxièmement, c'est évident qu'à ce moment-là, le
gouvernement va être obligé de sortir son carnet de chèques
et de faire des chèques. C'est totalement impensable et je vais vous le
montrer tout à l'heure.
Je continue. Dans la plupart des cas, le portefeuille de prêts
d'une caisse reflète une entente entre personnes. C'était cela,
l'entraide économique. Quand on faisait affaires dans une région,
on venait voir quelqu'un à la caisse d'entraide économique qui
nous prêtait, pas parce qu'on avait des garanties, parce qu'il avait
confiance en nous et qu'on le connaissait. On admet qu'il va falloir être
moins amateur et devenir professionnel, sauf que si on n'avait pas fait cela
pendant 20 ans, ce serait quoi, les PME, aujourd'hui? Moi, je me pose de
sérieuses questions à ce niveau, par opposition à une
relation entreprise, institution financière. En conséquence, tout
acquéreur devrait anticiper et donc, escompter des pertes importantes si
une liquidation de la caisse d'entraide intervenait avant une
réalisation rationnelle du portefeuille de prêts. Nous, on
prétend que cela va prendre deux ans.
Enfin, de nombreux dossiers s'avèrent incomplets, d'où la
nécessité de colliger les documents ou sinon, de prendre un
escompte additionnel. C'est évident que dans certains cas, au niveau des
caisses d'entraide économique, on n'avait pas les meilleurs
gestionnaires. Vous le savez, on n'a pas des problèmes pour rien. Alors,
il y a des dossiers incomplets. Pensez-vous qu'une institution
financière sérieuse va prendre le dossier? On a essayé
avec le Montreal Trust. On a essayé avec la Banque d'épargne. On
a essayé avec Avco. On a essayé avec Laurentides Finances. On a
essayé avec la Banque fédérale de développement.
Ils sont entrés et ils ont dit: Voyons donc! Que voulez-vous qu'on fasse
avec cela? Il faut toujours bien commencer à faire des études et
faire des analyses et seulement le coût pour commencer à faire ces
études pour évaluer le risque financier, c'était
énorme. Finalement, toutes les provisions qu'on doit prendre auraient
évidemment pour conséquence des risques de pertes
considérables de capital pour les membres des caisses d'entraide. C'est
pourquoi, seul le plan de relance permettrait d'éviter une telle
situation pour eux, parce que nous, tout ce qu'on dit, c'est qu'il faut passer
par la relance, parce qu'on va assurer une transition qui va permettre de faire
faire notre propre ménage par les gens qui sont en place et qui ont la
relation de personne à personne avec l'emprunteur et le membre. (20 h
45)
Dans la perspective où le Mouvement Desjardins veut
protéger l'épargne des membres des caisses d'entraide
économique, il faut être conscient que tous les gestes
posés en vue de fusionner une caisse d'entraide à une caisse
populaire sont contraires à ce but ultime. Je pense que c'est ce qu'on
veut. On veut protéger l'épargne des Québécois.
Nous ne saurions évidemment, nous, de l'entraide, souscrire et nous
associer à une telle perspective non plus qu'encourager et conseiller
une telle solution où à la fois les membres des caisses
d'entraide auraient à subir des pertes de capital et où le
Mouvement Desjardins
pourrait lui-même nuire à sa crédibilité et
éventuellement à sa santé financière. Cela, on a
été assez responsable pour le leur dire.
Quand cela a été le problème des caisses
d'économie, j'étais administrateur provisoire d'une caisse
d'économie à ce moment-là. J'ai participé à
l'étude de la Ligue des caisses d'économie et je me suis
aperçu qu'au niveau des caisses d'économie les ressources
humaines n'étaient pas là, les ressources financières
n'étaient pas là et j'ai fortement recommandé dans ce
cas-là la fusion, l'intégration pure et simple de la Ligue des
caisses d'économie avec la Fédération des caisses
d'économie pour former une nouvelle fédération. Alors,
soyez bien à l'aise. Si cela avait été le cas dans des
caisses d'entraide économique, je serais arrivé à la
même conclusion. Mais j'ai pris le temps de la quantifier avant de dire:
Oui, je vais m'impliquer et je vais assumer des responsabilités dans les
caisses d'entraide économique. Partant de là, je dis, "as a going
concern", qu'il y a seulement le plan de relance qui offre cela.
Deuxièmement, les ressources humaines ne sont pas si mauvaises
que cela. On en avait 140 à la fédération. On est
maintenant 68, mais je peux vous assurer, et vous le demanderez aux gens du
ministère, de la qualité des ressources humaines qu'on a au
niveau de la Fédération des caisses d'entraide économique.
Vous pouvez être assurés également qu'ils ont
été agréablement surpris quand on a fait
l'évaluation de notre portefeuille de prêts, parce que c'est la
première chose que je leur ai demandé. J'ai dit: Moi, j'ai
entendu dire depuis trois ans que les prêts, c'était tout croche,
qu'il y avait des pertes importantes là-dedans, mais je ne me suis pas
arrêté, je n'ai pas été traumatisé à
m'empêcher de dormir. J'ai dit: On va aller voir et on va faire une
étude. On a fait une étude. Elle n'a pas été
satisfaisante. Le ministère nous a demandé d'en faire une autre.
On l'a faite et en moins de deux semaines, on a rempli des documents de cette
épaisseur qui ont été remis par nos 76 directeurs
généraux. Moi, je prétends que, jusqu'à preuve du
contraire, ils sont capables de faire le travail. Finalement, si on veut le
faire de façon ordonnée, il faut faire l'appariement.
J'aimerais prendre quelques minutes pour vous expliquer ce que cela veut
dire, en pratique, l'appariement. Pour faire de l'appariement, au
départ, il faut avoir des états financiers vérifiés
au 30 septembre 1981. On les a fait sortir et, en plus de cela, on a fait
l'analyse du portefeuille de prêts. C'est ce qui explique pourquoi au 31
mai 1981 le rendement global combiné du mouvement, on a donné
à nos membres 10%. On a dû prendre, à cause de
l'évaluation du portefeuille de prêts qu'on a faite, 8 000 000 $
de provisions additionnelles. Malgré cela, au 30 septembre 1981, on
avait 4,75% de rendement et le pro forma qu'on a fait au 28 février 1982
démontre qu'on va avoir 6,5% de rendement. N'oubliez pas ces chiffres,
parce que je vais y revenir dans quelques minutes. Alors, on fait les
états financiers vérifiés au 30 septembre et on analyse
notre portefeuille de prêts, premièrement. Ensuite, on parle
d'appariement. L'appariement, c'est ce qui va arriver à l'avenir pour
autant qu'on doit donner du rendement. Je pense que les épargnants,
s'ils ont investi dans une institution financière, c'est parce qu'ils
doivent avoir du rendement. Pour faire l'appariement, il faut faire,
premièrement, un budget d'opération, pas un budget
d'opération pour les quatre prochains mois, il faut le faire jusqu'au 28
février 1982 et, ensuite, il faut le faire jusqu'au 28 février
1983. Je vous montrerai cela tout à l'heure. Deuxièmement, il
faut faire un budget de liquidité, parce que nous autres on a des
problèmes de liquidité. C'est drôle, on n'a pas de
problèmes de rentabilité, les caisses d'entraide
économique, on a des problèmes de liquidité. C'est
exactement le contraire du Mouvement Desjardins. C'est pour cela que ce serait
si intéressant si on pouvait s'asseoir ensemble et se parler. Eux
autres, ils n'ont pas de problèmes de liquidité. On pourrait les
régler. On pourrait régler tous nos problèmes en
même temps.
Alors, il faut faire des problèmes de liquidité. Cela
implique un mouvement de trésorerie pour les seize prochains mois et
finalement il faut faire des pro forma au 28 février 1982 et des pro
forma au 28 février 1983. Ensuite, on prend tout cela et on met cela sur
informatique. J'essaie de vous simplifier cela. On met cela sur informatique.
Là, on arrive à des résultats au point de vue,
premièrement, de notre liquidité, parce que ce qui est important,
c'est de ne pas emprunter pour prêter de l'argent. Quand on dit: Le
Mouvement Desjardins critique un article du projet de loi et dit, oui, mais
cela va être dur, la liquidité, nous autres on tient pour acquis,
aux caisses d'entraide économique, que si on est obligé d'aller
emprunter à la Banque de Montréal pour prêter à des
PME, on n'est pas en affaires. Il va falloir payer tous nos banquiers.
Après cela, il va falloir payer la Régie de
l'assurance-dépôts du Québec et après cela il va
falloir commencer à payer nos membres. Il faut mettre cela dans un
programme et savoir comment cela va sortir.
Deuxièmement, il faut avoir de la rentabilité. Si on n'est
pas capable de donner de la rentabilité à nos membres,
pensez-vous qu'on serait assis devant vous autres aujourd'hui en essayant de
vous dire que c'est une bonne affaire, la relance? On serait assez intelligent
pour dire: Cela ne
vaut rien, nos membres sont bien mieux de liquider leur caisse demain
matin. On a fait, notre travail.
Finalement, il faut regarder l'échéance de notre
portefeuille de prêts. On est passé à travers notre
portefeuille de prêts sur informatique et on est arrivé à
des échéances. Quand on a trouvé cela, il faut prendre le
projet de loi et dire: On s'est entendu sur une conversion, cela devrait
être sensiblement 75-25. Il s'agit de voir si on répond à
ces normes. Cela, c'est le ratio de conversion; il y a un ratio d'endettement
cinq pour un qui dit que si on a 100 $, on ne pourra pas aller chercher des
dépôts de plus de 500 $. C'est évident qu'il y a des
ajustements à faire, qu'il faut parfois avoir plus de capital, ce qui
fait que ça ne sera peut-être pas 75-25 dans toutes les caisses,
peut-être que dans une autre caisse, ce sera 30%, peut-être que
dans une autre caisse ce sera moins mais, globalement, c'est 75-25.
Alors, quel jeu joue-t-on? On a deux jeux. On a des trop-perçus.
Au 28 février, il y a des trop-perçus, parce qu'on est rentable.
On est rentable, donc on a des trop-perçus. Et il y a des surplus.
Alors, on prend ces trop-perçus et ces surplus, on remet cela dans le
modèle, on appuie sur un bouton et, encore là, cela sort et on
l'analyse. Cela fait six mois qu'on le fait, qu'on se prépare à
cela. Ce n'est pas simple, ce qu'on fait. Moi, cela me fait très peur
quand le Mouvement Desjardins me dit: Je vais faire cela, mais avant de faire
toute intégration, je vais m'assurer de la situation financière.
Vous savez très bien que quand un mouvement a des problèmes
financiers, c'est l'urgence de la situation qui fait qu'on le règle. Si
on attend six mois et qu'on crée des attentes chez nos membres, il y a
de grosses chances qu'on perde nos membres pour très longtemps.
J'espère que vous réalisez que tout est dans
l'appariement. Si c'est bien fait, l'appariement, une perte de capital pour un
membre est presque inexistante. C'est là qu'est la clé et c'est
ce que je ne comprends pas du Mouvement Desjardins parce que tout ce qu'on a
à faire, c'est s'assurer qu'on élimine le rendement
tranquillement et qu'on pousse l'échéance. Si cela rapporte 10%
sur 800 000 000 $, cela fait 80 000 000 $; c'est impossible qu'on perde de
l'argent. Les membres vont perdre du rendement, mais ils ne perdront jamais de
capital.
Quand le mouvement Desjardins dit: Oui, mais qu'est-ce qui va arriver?
On va perdre 200 000 000 $. Je dis que cela pourrait arriver qu'il y ait une
perte dans une caisse ou deux caisses, des caisses isolées, mais
globalement, les 90 000 000 $, les 100 000 000 $ ou les 200 000 000 $ dont on
parle - dans la presse, on dit qu'il se peut que ce soit 500 000 000 $ - c'est
de la belle théorie parce que ça ne peut pas arriver.
Notre prétention est qu'il n'y a pas de perte de capital,
premièrement.
Deuxièmement, il y a du rendement et, troisièmement, il y
a des avantages fiscaux. Pourquoi y a-t-il des avantages fiscaux? Je pense que
c'est un point important. Pourquoi M. Parizeau, avec son ministère,
a-t-il accepté de nous donner 90 000 000 $? Je pense que c'est
important. On ne lui a jamais dit que le mouvement va avoir des pertes, que
c'est tout à l'envers et qu'on risque de perdre beaucoup d'argent, qu'il
faut compenser nos membres. On n'a pas dit cela. On a dit: On veut avoir du
capital permanent. C'est un sacrifice qu'on a demandé à nos
membres, du capital permanent, on devait leur donner quelque chose en
retour.
Nous pensons que pour faire du développement économique
régional, cela prend un capital permanent, un coussin qui fait que, s'il
y a encore des hausses de taux d'intérêt, s'ils montent et
descendent comme cela, on sera protégé. Si, parce qu'on veut
faire du développement régional, on assume un risque qui est plus
grand que celui qu'une institution financière normale prendrait, je
pense que les membres, dans une région, ont le droit de vouloir prendre
ce risque. Si vous allez à Sept-Îles, par exemple, personne n'est
capable de vendre sa maison, personne n'est capable d'emprunter, mais notre
caisse d'entraide économique à Sept-Îles se tient debout
parce que les membres le veulent.
C'est important et le gouvernement a dit: Oui, je vais vous donner les
90 000 000 $. Pourquoi? C'est très simple. Il y a deux lois qui
existent, il y a un crédit d'impôt offert; on n'a rien
inventé, on a pris ce qui existait. Deuxièmement, il y a un
régime d'épargne-actions. Le régime
d'épargne-actions, on le donne à Bombardier, on le donne à
Provigo, on le donne à tout le monde; pourquoi le petit
Québécois n'aurait-il pas le droit d'en profiter? Parce qu'il ne
le connaît pas? Il va l'apprendre et il va savoir ce que c'est, un
régime d'épargne-actions.
Quand on prend tout cela en considération et qu'on le quantifie,
si on veut réellement résumer les deux positions, il n'y a pas de
perte de capital chez nous et il n'y a pas de perte de capital chez Desjardins.
La comparaison s'arrête là. En plus, nous donnons du rendement et,
deuxièmement, nous donnons des avantages fiscaux. Si on s'arrête
et qu'on fait des petits calculs très simples, on s'aperçoit que
les deux positions ne se comparent même pas. J'aimerais dire que
l'appréhension du Mouvement Desjardins vient de son ignorance volontaire
du dossier. Et même s'il protège le capital, il n'y a pas de
rendement et il n'y a pas d'avantages fiscaux.
J'aimerais, en terminant, vous faire
certaines réflexions personnelles. On n'a plus le droit, à
compter de ce soir, minuit, de jouer au yo-yo avec les caisses d'entraide
économique et 300 000 Québécois. On n'a plus le droit de
faire cela. On n'a plus le droit de blâmer les gouvernements qui n'ont
pas assumé leurs responsabilités de 1970 à 1981. On n'a
plus le droit de blâmer le gouvernement qui fait des efforts pour adopter
un projet de loi qui va assurer la sécurité de l'épargne
de 300 000 Québécois: on n'en a plus le droit. Parce que le
gouvernement décide aujourd'hui de faire quelque chose, on va critiquer
encore. C'est cela, on va critiquer et on va se ramasser ici encore dans trois
ans et on va dire: On aurait bien dû... On a une chance aujourd'hui et on
est aussi bien de la prendre pendant qu'elle passe. On n'a pas le droit, parce
qu'un mouvement a de la crédibilité financière, de
pénaliser 300 000 Québécois, parce que si on
s'arrête et on calcule, on s'aperçoit très bien que les
deux solutions ne se comparent même pas.
Finalement, si on permet à Desjardins de continuer de
créer des attentes chez nos membres, sans quantifier sa proposition dans
les plus brefs délais, on risque d'être complice de la disparition
des caisses d'entraide économique et également d'un projet de loi
essentiel pour assurer que ce qui s'est passé dans le passé ne
pourra plus jamais se reproduire. Messieurs, le temps est venu d'assumer nos
responsabilités, sinon nous aurons tous un jour à répondre
à ceux qui nous ont confié la sécurité de leurs
épargnes. À Desjardins, je dis: Messieurs, Madame, il n'est
peut-être pas trop tard pour trouver ensemble une solution globale au
problème des caisses d'entraide économique, qui dotera le
Québec d'une institution financière capable d'assumer la
concurrence des années 1980. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Tremblay.
M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, on comprendra que j'ai
passé passablement de temps dans ce projet de loi. J'ai eu,
évidemment, des contacts assez fréquents avec les gens de la
Fédération des caisses d'entraide. Je les vois depuis quelques
mois, d'abord dans un premier temps chercher à se débattre dans
une situation qui n'est pas facile, puis, petit à petit, sortir ce
programme de relance auquel la loi que nous avons devant nous prête son
appui. Alors, dans ce sens, j'ai passablement de renseignements de mon
côté. Je serais plutôt tenté de laisser le chef de
l'Opposition et ses collègues poser les questions qui leur semblent
utiles, quitte à intervenir dans le débat de temps à
autre. J'ai déjà eu de la part du chef de l'Opposition des
demandes, quant à des renseignements d'ordre financier, sur la situation
des caisses d'entraide. Il serait probablement utile, je pense, que le chef de
l'Opposition puisse obtenir des caisses d'entraide tout renseignement utile
à cet égard. Moi, j'ai ce qu'il faut de mon côté
pour compléter. Dans ces conditions, je m'arrêterai là pour
le moment. Je pense qu'il est important qu'on puisse sonder un certain nombre
de choses qui nous ont été faites et retournées, pour les
examiner. Je me réserverai seulement, peut-être, le rôle
d'intervenir de temps à autre dans le débat, soit pour faire
préciser quelque chose ou appuyer quelque chose, le cas
échéant.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.
M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Je vais parler brièvement à ce stade-ci;
mon collègue, le député de Westmount, posera les
premières questions tantôt, puis mes collègues et
moi-même nous reviendrons ensuite, parce qu'il y a un bon nombre de
questions que nous voulons adresser aux représentants des caisses
d'entraide. Je voudrais leur dire tout d'abord que nous sommes bien contents de
les rencontrer autour de cette table, que nous nous intéressons depuis
le début au dossier des caisses d'entraide économique.
Moi-même, M. le Président, je dois confesser mon conflit
d'intérêts, je suis membre d'une caisse, comme plusieurs d'entre
nous, d'ailleurs, ici autour de la table. Par conséquent, nous nous
parlons...
Le Président (M. Boucher): ...
(21 heures)
M. Ryan: Très bien, très bien.
M. de Belleval: Cela prouve qu'on est une grande famille.
M. Ryan: II ne faut pas trouver trop de facteurs qui nous
unissent, parce que ça peut inquiéter, d'un côté
comme de l'autre. Je reviens. Par conséquent, nous sommes très
heureux de vous rencontrer. Nous avons suivi le travail que vous avez accompli
au cours des derniers mois.
Je voudrais simplement faire une correction à la suite de ce qu'a
dit M. Tremblay tantôt. Il a dit que les responsables actuels du
mouvement avaient offert au Mouvement Desjardins, ainsi qu'aux deux principaux
partis politiques, tous les renseignements qu'ils pouvaient désirer.
C'est vrai dans un certain sens, je me souviens d'avoir eu une rencontre avec
vous-même et M. Lacoste au cours de l'été, au cours de
laquelle vous m'avez donné certains renseignements; je vous en avais
demandé d'autres, vous me les avez communiqués par
téléphone.
Vous m'aviez dit vous-même que les facteurs principaux,
c'était un travail de plusieurs mois avant de les recueillir:
renseignements principaux sur l'état de chacune des caisses, sur la
situation des prêts, etc. J'avais cru comprendre que quand ces
renseignements auraient été colligés, ils seraient mis
à notre disposition. Je faisais un reproche au ministre des Finances,
hier, au cours du débat. Je lui disais: Vous nous invitez à un
immense acte de foi. Vous devez convenir que nous n'avons aucun dossier devant
nous, aucun dossier de faits, aucun dossier de statistiques les plus
récentes, les plus solidement vérifiées.
Le ministre m'a dit: Moi, je les ai, mais je ne m'estime pas
autorisé à vous les donner; vous les demanderez à ces gens
quand ils viendront demain. Nous vous les demandons à nouveau. Je suis
content de vous entendre répéter votre disposition à le
faire. Si vous pensez que c'aurait été mieux qu'on les eût
obtenues avant, si, même, vous pouviez en mettre à notre
disposition au cours de la fin de semaine, parce que je crois comprendre que
l'étude article par article serait faite lundi...
M. Parizeau: Nous commencerons probablement ce soir, et nous
continuerons la semaine prochaine.
M. Ryan: À ce moment-là, ça pourrait nous
être très utile pour le jugement que nous devons nous former, dans
la mesure limitée de notre influence sur les décisions du
gouvernement.
Je laisse la parole au député de Westmount, et il me fera
plaisir de revenir tantôt pour poser une série de questions.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Westmount.
M. French: Je voudrais ajouter ma voix à celle du ministre
des Institutions financières et Coopératives et à celle du
chef de l'Opposition pour dire que nous sommes tous, je pense, remplis
d'admiration pour le travail qu'a accompli l'équipe Dugal dans des
circonstances extrêmement difficiles. Je pense que tout le monde en
convient.
Je voudrais profiter de cette expérience qui est la vôtre
quant aux activités des caisses d'entraide économique pour vous
inviter, dans un premier temps, à nous faire une espèce de
diagnostic de la faiblesse essentielle. Je dis la faiblesse essentielle parce
que je vais essayer de vous décrire les options quant au choix de cette
faiblesse. Ou bien il y avait un problème intrinsèque à
une institution prêteuse auprès des PME en région, ou bien
il y avait toutes sortes de problèmes qu'on peut appeler des
problèmes de gestion auprès des caisses d'entraide.
Si le premier problème, le problème des risques
intrinsèques à l'entreprise - bonne gestion, mauvaise gestion -
était le seul problème, je présume qu'on n'aurait pas un
plan de transformation qui vise essentiellement la même mission. Je
présume que cela a dû être un problème
d'administration et de gestion. Si oui, je voudrais entendre parler un peu plus
de la question de l'encadrement, dont vous avez parlé, l'encadrement des
ressources humaines que vous avez évité, en quelque sorte.
Je pose cette question parce que la seule analyse soutenue que nous
ayons de la situation actuellement, c'est le rapport de 1978, avec lequel M.
Lacoste est très familier. Mis à part ce rapport, nous n'avons
pas vraiment de données historiques, une analyse en deux ou trois pages
du noyau du problème. Nous savons qu'il y avait énormément
de problèmes, mais c'est très difficile de juger lequel de ces
problèmes était l'essentiel.
M. Dugal: II y avait, évidemment, comme dans toute
institution financière, des faiblesses, c'est bien évident, dans
le Mouvement des caisses d'entraide. En juin, si on veut cerner le
problème, il faut dire que c'était un problème de
confiance. Évidemment, ce qui a entraîné un déficit
de liquidité, c'est le manque de confiance de nos membres à la
suite de ce que vous savez. Toutes les faiblesses que nous connaissions
déjà auraient fort bien pu être corrigées dans une
situation normale et non pas de crise comme celle que nous connaissions.
M. French: Sans crise pas de correctifs. M. Dugal:
Probablement.
M. French: Je suis un peu déçu.
Recommençons! Vous prétendez essentiellement que nous vivons, par
les temps qui courent, d'une politique monétaire qui n'était pas
convenable aux caisses d'entraide économique, mais il faut dire qu'il y
a beaucoup d'autres institutions qui souffrent de la même chose; avec les
"savings and loans" aux États-Unis, on a vu cela. D'accord. Mais ce qui
me préoccupe, je le répète, c'est que les institutions qui
se consacrent à l'hypothèque résidentielle, au "short term
paper", etc., n'ont pas subi le même genre de problèmes. Donc,
est-ce que ce sont des problèmes intrinsèques pour fournir du
financement aux PME? Est-ce faisable pour cette entreprise de fournir du
financement aux PME en région avec une administration de meilleure
qualité que celle qui a géré la boîte jusqu'ici?
M. Dugal: Pour faire le financement de la PME, il est
évident que le mouvement des
caisses d'entraide avait une faiblesse au niveau de la structure de
capital et c'est ce que nous corrigeons. Pour continuer à faire du
placement du genre de celui que nous avons fait jusqu'à présent,
il y a plusieurs mois que nous sommes convaincus que nous devons avoir une
autre structure de capital. Il faut une structure de capital stable. C'est ce
que nous avons dans le projet de loi. C'est ce que nous avons
demandé.
M. Tremblay manifeste le désir d'ajouter quelque chose à
cette question.
M. Tremblay (Gérald): Je pense qu'il y avait un
problème administratif sérieux aux caisses d'entraide
économique. Si, au niveau de la fédération, on n'avait pas
investi une partie importante du portefeuille d'obligations et le
dépôt statutaire dans des placements non liquides, par exemple, le
mont Tremblant, pour en citer un que vous connaissez très bien, on
aurait pu passer à travers la crise parce qu'on a 151 000 000 $ d'actifs
au niveau de la fédération. Si cela avait été
investi dans les normes que le ministère recommande dans son projet de
loi, c'est évident qu'on aurait pu payer tous nos membres sans
exception.
Toutefois, cela n'aurait pas réglé le problème
important des ressources humaines au niveau de la fédération,
c'est certain. C'est bien beau d'avoir de l'argent, mais cela doit être
géré. Le problème des ressources humaines, on n'a jamais
prétendu qu'on le réglerait du jour au lendemain. Sauf qu'il y
avait assez de ressources humaines au niveau de la fédération
pour nous permettre, dans un premier temps, de consolider les problèmes
des caisses d'entraide économique, deuxièmement, de faire le
ménage et, troisièmement, d'avoir les ressources
nécessaires pour procéder, dans un premier temps, à la
formation de nos ressources humaines et, dans un deuxième temps,
à l'établissement des mécanismes essentiels en
crédit industriel et commercial. Alors, j'espère que cela
répond à votre question.
M. French: Cela répond certainement à ma question.
C'est vrai que vous ne pouvez pas améliorer vos ressources humaines du
jour au lendemain, mais, malheureusement, les épargnants, vos membres,
sont obligés de prendre une décision du jour au lendemain. J'ai
bien compris quand vous avez expliqué leur impatience à prendre
une décision et votre opinion selon laquelle c'est essentiel d'ailleurs
de prendre la décision dans les délais envisagés dans le
projet de loi. Je l'ai bien entendu.
Mais il me semble qu'une des choses essentielles pour un
épargnant, pour un membre, dans une région quelconque, c'est
sûrement la confiance qu'il a dans les gens en place. Je vous ferai
remarquer respectueusement que ce n'est pas la structure de capital qui va
faire en sorte qu'un épargnant, dans une ville que je ne vais pas nommer
mais dont le député de la région m'a dit qu'il ne voulait
rien savoir de cette "gang"... Ce n'est pas un surplus de capital qui va
régler le problème de confiance de cette personne. Comme vous
l'avez dit au commencement, c'est une question psychologique, c'est une
question de confiance. Cela va être partie intégrante de votre
entreprise de faire valoir vos efforts afin de convaincre certains de nos
gérants que l'appariement, c'est important et comment on fait cela, avec
cette entreprise. C'est important pour votre plan de relance.
Passons aux structures de capital. On parle de structures de capital
permanent; cela nous amène, comme hommes politiques,
inévitablement à la question - comment l'exprimer, sans en
préjuger? - de la participation continue d'un membre d'une caisse
là où la majorité opte, avec les règlements fournis
par la loi, pour continuer la caisse en société d'entraide.
Quelle est la situation de l'épargnant qui a voté non, qui ne
veut pas continuer? Pouvez-vous faire le tour de cette question? C'est
extrêmement important pour nous, la question de la conception, si vous
voulez.
M. Tremblay (Gérald): On est très très
conscients de ce problème. Il y a un article du projet de loi - je ne me
rappelle pas exactement lequel, au début, près de 34 ou 35 - qui
permet la transférabilité. Nous sommes en ce moment en train
d'établir des mécanismes qui vont, entre le 1er février et
le 28 février, immédiatement après le vote, permettre
à des épargnants qui ont réellement besoin de leur argent,
qui vont atteindre l'âge de 71 ans, à ceux qui, en
réalité, doivent avoir leur argent, de sortir de l'entraide
économique.
Comment va-t-on faire cela? Ce qu'on nous dit et ce qu'on vit, c'est
qu'il y en a qui croient encore à l'entraide économique.
Simplement pour votre information, une statistique. Au début, on avait
150 000 membres, avant la crise, qui, à tous les mois, nous donnaient
100 $, 150 $ ou 200 $. Après la crise, après le gel, après
tout ce qu'on peut avoir lu dans les journaux, on a encore 83 000 membres qui
continuent régulièrement à verser ce qu'on appelle les
PPA, les paiements préautorisés. Partant de là, on a
énormément de gens dans les caisses d'entraide économique
qui sont prêts à racheter, parce que c'est cela le but de la
transférabilité, la partie du capital-actions d'une personne qui
voudrait en sortir.
Mais, vous comprendrez que c'est assez complexe et on est à
travailler à un plan qui va être gérable. C'est bien beau
de dire: On va faire cela, mais on ne veut pas se ramasser du jour au lendemain
avec une file à la porte. Les gens vont dire: On veut
notre argent, on veut notre argent, on veut notre argent. On est en
train de faire ça d'une façon qui va, premièrement,
s'intégrer à l'informatique pour ne pas perdre le contrôle
de ça. Deuxièmement, on parle d'un registre pour intégrer
ces gens-là et on veut garder le contrôle de la façon dont
ça va se faire. Mais on est très conscient qu'il faut faire
quelque chose.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Berthier.
M. Houde: M. le Président, pour votre information d'abord,
je suis membre de la caisse de Berthier depuis au-delà de six ans. Ma
question s'adresse à M. Lacoste. Je n'ai pas pensé de retirer mon
argent. J'ai dit: C'est un bon Québécois, j'ai confiance et il
faut le laisser là.
Vous étiez employé de la caisse d'entraide et vous
l'êtes encore, je pense. Oui, vous êtes encore aux caisses
d'entraide, M. Lacoste?
M. Lacoste: Non, je suis conseiller du président depuis la
fin juin.
M. Houde: Je voudrais savoir combien il y a d'argent de
prêté...
M. Parizeau: Cela n'a pas été perçu tout
à l'heure. M. Lacoste a été jusqu'à
récemment président de la Commission des valeurs
mobilières du Québec et il est maintenant conseiller du
président.
M. Houde: Ah bon! Je pensais qu'il était employé de
la caisse d'entraide.
Combien y a-t-il d'argent - peut-être qu'un autre pourrait me
répondre - prêté aux petites et moyennes entreprises et
à quel taux d'intérêt en moyenne? Et aussi, j'aimerais
connaître la durée des prêts aux petites et moyennes
entreprises. Est-ce que vous pouvez me répondre là-dessus, s'il
vous plaît?
M. Georgiev (Mario): Approximativement, le chiffre avancé
par M.
Le Président (M. Bordeleau): On devrait lui prêter
un micro, pour le journal des Débats.
M. Georgiev: Approximativement, il y a un milliard et quelques
millions de prêts au solde aux livres et le chiffre avancé par M.
Parizeau de 60% étant carrément du prêt industriel et
commercial, est un chiffre conservateur, ça peut même aller
à 70% dans certaines caisses, 60% étant à peu près
le minimum. (21 h 15)
M. Tremblay (Gérald): On va vous le donner selon les
états financiers vérifiés au 31 mai 1981. Sur 1 227 968
000 $ de prêt, si vous voulez vous limiter au prêt commercial et
industriel - on oublie les hypothèques conventionnelles - c'est 859 040
000 $; on a des nantissements, des actes de fiducie au nombre de 133. Supposons
qu'on enlève à peu près 1 000 000 000 $.
M. Houde: D'accord, environ 1 000 000 000 $. Et le taux
d'intérêt pour ces petites et moyennes entreprises se chiffre
à combien? 8%, 9%?
M. Georgiev: Ah, non!
M. Tremblay (Gérald): Non, voyons donc, on serait en
faillite, à 8% ou 9%.
M. Georgiev: Actuellement, il est supérieur à
14,5%...
M. Houde: De 14,5%.
M. Georgiev: ... le rendement moyen pondéré du
portefeuille.
M. Houde: Et la durée des prêts est de combien de
temps, environ?
M. Georgiev: L'échéance moyenne d'un prêt
commercial et la durée d'amortissement, si on parle de cela...
M. Houde: Oui.
M. Georgiev: ... est d'une quinzaine d'années. La clause
de rappel, au moment où les conditions du prêt sont
renégociées, était de trois ans jusqu'au début de
1980; depuis ce temps, les politiques sont de renouveler les prêts avec
des clauses de rappel d'un an. Ce qui veut dire que l'échéance
moyenne doit se situer actuellement aux alentours de seize mois.
M. Houde: Seize ans? M. Georgiev: Seize mois.
M. Houde: Combien avez-vous perdu d'argent dans des faillites
jusqu'à présent dans les caisses d'entraide? Avez-vous la somme
exacte des montants perdus dans des faillites à ce jour?
M. Georgiev: À titre de comparaison, sur une base
courante, on a passé 8 000 000 $ en allocations aux créances
douteuses durant l'année et la provision globale aux états
vérifiés était de 14 000 000 $, ce qui veut dire qu'il
nous restait encore 6 000 000 $ de provisions accumulées depuis les
dernières années, non
utilisées, plus les 8 000 000 $ courants. Les pertes, sur une
base courante, ne couvrent même pas les provisions comptables qu'on doit
avoir en fonction des dispositions de la Loi sur les caisses d'épargne
et de crédit et de la Loi sur les caisses d'entraide.
M. Houde: Merci beaucoup.
M. Tremblay (Gérald): Au point de vue combiné, on a
une réserve générale qui était de l'ordre de 16 000
000 $.
M. Houde: Merci beaucoup, j'ai fini.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Chambly ou M. le ministre.
M. Parizeau: Seulement des renseignements. J'avais indiqué
au chef de l'Opposition officielle que je lui remettrais une répartition
des prêts des caisses d'entraide selon différents types
d'emprunteurs (crédit commercial, résidentiel, à quel
groupe, etc.) et j'ai fait préparer un certain nombre de tableaux
à cet égard dont je lui remettrai quelques copies ce soir.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Chambly. M. Lacoste.
M. Lacoste: Quand on parle du montant de prêts que nous
faisons à l'entraide économique, il faut bien comprendre que ce
sont tous des prêts à terme. Lorsqu'on parle de l'implication du
mouvement de l'entraide en crédit commercial et industriel, nos chiffres
ne couvrent que le prêt à terme. Je ne sais pas, lorsqu'on entend
les statistiques du Mouvement Desjardins ou lorsqu'on lit certaines
statistiques d'autres institutions financières, si leur implication, en
crédit commercial et industriel, est également uniquement
composée de prêts à terme ou si on inclut dans ces chiffres
des marges de crédit ou du prêt à très court
terme.
Quand on compare l'impact dans les régions des différentes
institutions financières, il faut être bien certain que les
chiffres qu'on a se comparent à ceux que l'entraide fournit. Je voulais
faire cette mise au point pour être bien certain qu'on compare toujours
la même chose.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Lacoste.
M. le député de Chambly.
M. Tremblay (Chambly): Seriez-vous d'accord pour dire que la
structure de placement maintenant proposée dans le projet de loi no 40
aura pour effet de baisser votre pourcentage de rendement, compte tenu du fait
qu'il y aura nécessairement des prêts qui seront moins de risque
que ce que vous avez fait jusqu'à maintenant?
M. Dugal: Je pense que c'est difficile de répondre
à cette hypothèse. Cela aura sûrement une influence,
j'imagine, puisqu'il y va y avoir un contrôle plus serré de la
part du ministère sur la ventilation des prêts que nous allons
faire. Il se peut que cela se traduise par une réduction de
rendement.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Parizeau: ... commentaire rapide là-dessus. Cela
dépend essentiellement de la forme théorique de la courbe des
taux de rendement. À l'heure actuelle, par exemple, et depuis
déjà un bon bout de temps, le court terme rapporte beaucoup plus
que le long terme. Pendant cette phase, dans la mesure où on exige une
réserve de liquidités en court terme, le mouvement aurait fait
plus d'argent. Dans la mesure où au contraire la courbe des taux est
plus normale et que le court terme rapporte moins que le long terme, là,
il est évident que sur la part de liquidités qui doit être
vraiment maintenue en liquidités, ça rapporte moins. C'est la
raison, je pense, pour laquelle c'est un peu difficile pour les caisses
d'entraide. Cela dépend essentiellement de l'état du
marché monétaire par rapport à l'état du
marché financier. À certains moments, cela peut être plus,
à d'autres moments, cela peut être moins.
M. Tremblay (Chambly): Autre question. Est-ce que vous avez
tenté d'évaluer le temps approximatif que vous mettrez à
regagner la confiance des épargnants chez vous, compte tenu du fait que
c'est quand même amoché? Je suis heureux d'entendre qu'il y en a
82 000 qui ne l'ont pas perdue. Il y a quand même une couple de 100 000
qui sont plus réticents. Je me demande jusqu'à quel point vous
allez être en mesure de reprendre cette confiance qui vous est
nécessaire pour pouvoir fonctionner.
M. Dugal: Ce ne sera sûrement pas facile, mais, au moment
où on se parle, il y a plus de 50% de ceux qui déposaient qui
continuent à déposer. On peut pour le moins compter sur 52% de
nos membres qui continuent de déposer. Avec la nouvelle équipe,
avec le plan de redressement, avec une meilleure utilisation des ressources
humaines et financières, je pense que c'est possible de regagner cette
confiance au cours des deux prochaines années.
M. Tremblay (Chambly): Une dernière question rapide.
Compte tenu du plan ainsi que de la loi 40, il reste quand même des
risques que les caisses d'entraide ne passent pas au travers. Est-ce que vous
seriez
d'accord avec ça?
Une voix: C'est vous qui le dites.
M. Dugal: Nous, on n'est pas d'accord avec ça. Depuis le
mois d'août, vous savez, l'équipe qui est ici et celle qui est
derrière nous, on a consacré des milliers d'heures à
présenter un plan de relance; on y croit à ce plan de relance et
on est convaincu qu'on va passer au travers. Pour ça, il faut gagner la
confiance, il faut regagner la confiance de nos membres et, je viens de le
dire, on en a déjà 52% de gagnés. On va essayer de gagner
les 48% qui nous manquent.
M. Tremblay (Gérald): On est assez réalistes pour
savoir qu'il va y avoir une contraction d'actifs. Après les
transformations et dans les deux années à venir, on ne s'attend
pas à avoir encore 1 200 000 000 $ d'actifs. Il va y avoir une
contraction d'actifs qui va faire qu'il y a certains membres qui vont s'en
aller. Mais nous pensons qu'avec la mission des caisses d'entraide
économique et avec ce qu'on a l'intention de faire, si vous lisez
l'article 47 du projet de loi, de l'éducation économique, on a
absolument confiance.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le
député de Charlevoix.
M. Mailloux: M. le Président, étant le plus vieux
parmi vous, je vais me permettre de donner un conseil, faire une observation et
poser une couple de questions. Vivant dans une région comme celle dont a
parlé cet après-midi le ministre des Finances, quand il parlait
de l'Abitibi, il est indiscutable que l'on constate que les
sociétés prêteuses ne sont pas légion qui s'occupent
de capital de risque dans nos régions. Quand je conteste l'idée
de liquidation possible de certaines caisses, je vais vous donner un seul
exemple qu'a peut-être confirmé davantage mon appréhension
pour ces régions. Les sociétés prêteuses deviennent
très nerveuses actuellement. Pas seulement chez vous, il y en a d'autres
qui sont très nerveuses actuellement devant la flambée des taux
d'intérêt et je voyais la semaine passée le rappel d'un
prêt, qui était en défaut de la part d'une autre
institution prêteuse, d'un actif assez bien quantifié, un
très gros producteur de porc, un actif de 550 000 $, qui a
été liquidé par la société prêteuse
comme c'était son droit, par encan. Si cela avait été en
faillite, cela aurait peut-être été pire, mais cela ne
pouvait pas être une faillite. Et cela a donné comme
résultat, que la créance de 200 000 $ a été
récupérée, mais tout y a passé. Alors
c'était pour vous dire un peu ce qui arrive lors de liquidation, quand
cela arrive de façon pressée. C'est un peu le problème
dans lequel on se serait placés, nous autres, dans des régions
comme l'Abitibi et chez nous.
Vous avez parlé tantôt, que vous aviez gardé les
meilleurs éléments humains, que vous aviez à la
fédération, tant mieux. Un conseil que je voulais donner
était le suivant. Vous avez dans les régions également,
depuis quelques mois, attaché des personnes de valeur à
l'administration. Et le conseil que je donne c'est que dans les mois qui vont
suivre, si le plan de relance va de l'avant, vous devriez faire un effort qui
ne va pas tout à fait dans le sens de ce qu'on a dit tantôt, quand
on dit, je pense que c'est M. Tremblay qui disait cela: II faudrait assurer la
continuité de ceux qui ont consenti les prêts, qui doivent les
suivre. Et j'hésite à penser, que si c'est ce à quoi on
doit s'attendre dans les mois qui vont suivre, la confiance pourrait revenir
dans certaines caisses, si les mêmes personnes qui ont consenti certains
prêts et qui sont responsables en très grande partie d'erreurs
inacceptables continuent à y être, comme ce que j'ai vu lors de la
dernière assemblée, chez nous.
Quant à vos assemblées, l'autre point de divergence que
j'ai c'est l'information qui a été donnée à mes
commettants. On a eu une diapositive et certaines indications du plan de
relance mais il aurait été difficile aux gens, de se faire une
idée de valeur, alors qu'aucun chiffre de l'ensemble du portefeuille
n'était à la disposition de ceux qui étaient
là.
Les deux questions que j'ai à vous poser sont les suivantes. Vous
avez parlé tantôt, et cela m'a laissé perplexe un peu. On
parle d'un plan de relance par lequel 25% du capital social serait gelé
à vie, et 75% transférés à
l'assurance-dépôts, ce qui garantirait au moins, que cette partie
du capital, elle, soit sauvegardée. Et vous avez dit, il me semble, que
ce ne sera peut-être pas partout 25-75. Je voudrais bien qu'on me dise,
si dans l'ensemble des caisses, c'est 25-75 partout, pour tout le monde, ou si
dans une caisse cela peut être 50-50. Là, je commencerais à
me poser certaines questions. Est-ce qu'on peut d'abord répondre
à cette question-là?
M. Dugal: 75-25 c'est une solution globale, et ce ne sera
sûrement pas, dans toutes les caisses, les même normes de 25-75. Je
pense que Mario pourrait le dire, parce qu'il a travaillé beaucoup au
cours des derniers jours là-dessus, et cela pourrait être dans
certaines caisses un pourcentage supérieur à celui-là.
M. Georgiev: En fait, le ratio de conversion 75-25 devra
être établi, de façon à rencontrer les normes qui
sont proposées dans la loi 40 quant à la distribution des actifs,
avoir trois des actionnaires, face au
passif dépôt. Donc, il y aura peut-être, dans
certaines caisses, et là on ne parle pas d'un cas
généralisé, obligation de générer un peu
plus de capital-actions, pour nous permettre de rencontrer un ratio
dépôt versus capital qui entre à l'intérieur des
normes qui sont fixées alentour de 5 pour 1.
M. Mailloux: Mais c'est un peu le point d'interrogation que j'ai
à l'esprit. On a devant nous autres un projet de loi, évidemment
qui dit, 75-25. C'est cela qui est écrit dans le projet de loi que la
Chambre va étudier. Si l'Abitibi ou ma région ou une autre se
retrouve devant une proposition par laquelle c'est 45 qui est gelé et
c'est 55 dont il faudra attendre l'appariement pour six ans, de quelle
façon envisage-t-on que ces caisses-là pourront résister
à une telle obligation? Et pourquoi, s'il y a un problème qui
concerne l'ensemble du Québec, n'est-on pas en mesure de faire en sorte
que tout le monde soit traité sur le même pied? (21 h 30)
M. Parizeau: J'aimerais intervenir à ce point parce que
j'ai l'impression que...
M. Mailloux: Je voudrais savoir vers où on se dirige.
M. Parizeau: Le 75-25 n'est pas dans la loi, il a toujours
été dans le plan de la fédération. Chaque plan
applicable à chaque caisse doit être approuvé par le
ministère et c'est à ce moment-là que l'on
déterminera autour de cette moyenne, 75-25, les ajustements
nécessaires. Je voulais seulement corriger ceci, c'est que le partage
75-25 n'est pas dans la loi que nous avons devant nous. Il apparaît dans
les plans de chaque caisse qui doivent être approuvés par le
ministère.
M. Mailloux: M. le Président, avant l'assemblée du
31 janvier, si la date reste celle qui est indiquée dans le projet de
loi, au moment où les sociétaires auront à se prononcer
dans chaque caisse en particulier, il leur sera dit qu'elle est la partie de
leurs épargnes qui devra être convertie à vie.
M. Lacoste: Le projet de loi prévoit qu'au plus tard le 15
janvier - et c'est une date que vous aurez à confirmer aussi - la
fédération fera parvenir à chacun des sociétaires
un document approuvé par la Commission des valeurs mobilières qui
va déterminer précisément pour chacune des caisses quel
est le nombre, le pourcentage de parts sociales transformées en actions
et le nombre de parts sociales transformées en dépôt. Donc,
pour chaque caisse, ce sera le même pourcentage mais cela variera d'une
caisse à l'autre et les gens seront avertis avant l'assemblée.
Chacun des membres recevra par la poste la précision quant à sa
conversion, le pourcentage et, quant aux dépôts, la durée
des dépôts et le taux payé.
M. Mailloux: M. le Président, s'il arrivait que dans une
caisse donnée qu'on dise aux sociétaires que 45% de leurs
épargnes seront gelés à vie, de quelle façon
peut-on espérer qu'il y aurait une acceptation du plan de relance et
qu'on ne serait pas placé face à une liquidation de certaines
caisses? Je pense que c'est quand même la situation qu'on nous
décrit actuellement. Cela m'amène à poser une autre
question. Je pense que c'est ça la vérité.
M. Lacoste: Juste la première question, avec votre
permission. Quand vous dites une partie gelée à vie, c'est toute
la notion de ce qu'est une action. Ce qui est permanent, c'est le capital de la
société, mais chacun des membres détiendra une action qui
représentera ce pourcentage en capital-actions. Cette action pourra
être échangée. Ce qu'on ne sait pas au lendemain de la
transformation, c'est quel sera le prix qu'un membre pourra obtenir s'il veut
vendre ses actions. Si une caisse est rentable, il y aura un prix à
cette action. Alors, toute la notion de gelé à vie, ce n'est pas
parce que le capital de la caisse est permanent que cela veut dire que chaque
membre devra garder pour toujours ses actions.
M. Mailloux: Ce que j'ai voulu avancer, c'est que si un
sociétaire s'aperçoit que 50% de ses actions sont gelées
à vie, il va être prêt à accepter quasiment n'importe
quoi à ce moment-là. Je vois mal la réaction qu'il doit
avoir.
La question que je voulais vous poser est la suivante. Vous avez dit
tantôt, M. Tremblay, qu'au 31 mai 1981 vous aviez déclaré
10% de rendement, au 30 septembre 1981, 4,75%...
M. Tremblay (Gérald): 31 mai 1981. M. Mailloux: 31
mai 1981, 10%. M. Tremblay (Gérald): C'est ça...
M. Mailloux: Au 30 septembre 1981, 4,75%.
M. Tremblay (Gérald): Et le 28 février 1982,
6,05%
M. Mailloux: Vous déclareriez dans votre prospectus un
rendement de 6,05% au 28 février 1982.
M. Tremblay (Gérald): Non, jamais.
M. Mailloux: Ce n'est pas ça que vous avez dit
tantôt? C'était quoi, le rendement,
pour le 28 février 1982?
M. Tremblay (Gérald): Non, j'ai voulu donner un exemple.
Si on est capable de déclarer 6,05%, je n'ai pas dit qu'on le
déclarerait. Lorsqu'on va faire l'appariement entre les ratios de
conversion et d'endettement, on va peut-être devoir se servir du
trop-perçu, ces 6,05%, pour créer une réserve
additionnelle pour satisfaire aux exigences du ministère. J'ai dit que
si, au 28 février 1982, on peut déclarer 6,05% sur 800 000 000 $
de capital-actions, si vous multipliez, cela fait 52 000 000 $ de protection,
de rendement pour le Mouvement Desjardins. J'ai voulu faire le point. On dit
que la police catastrophe dont on parle, cela peut coûter 90 000 000 $,
mais la première année on a déjà 52 000 000 $ pour
protéger cela, la deuxième année on va avoir de 60 000 000
$ à 70 000 000 $. Alors, c'est théorique de parler d'une police
catastrophe qui va coûter au gouvernement 90 000 000 $.
M. Mailloux: M. Tremblay, les 4 075 000 $ que vous avez
déclarés au 30 septembre 1981, ce n'était pas un
pourcentage uniforme à travers les caisses.
M. Tremblay (Gérald): C'est cela.
M. Mailloux: C'était suivant le rendement de chaque
caisse. Incidemment, dans le prospectus qui pourra parler de la
possibilité d'intérêts que pourraient retirer des membres
de caisses en détresse, il pourra être indiqué que le
rendement est zéro aussi.
M. Tremblay (Gérald): C'est cela.
M. Mailloux: Celles à qui on demanderait peut-être
40% ou 45% de capital retenu à vie, cela pourrait être à
zéro également.
M. Tremblay (Gérald): Certainement, il y a des caisses
qui, à la suite des provisions additionnelles qu'elles ont prises, vont
peut-être arriver avec un déficit. Alors, ce sera aux membres de
décider s'ils acceptent le plan de relance ou non. S'ils
considèrent, par exemple, que 50% c'est trop élevé, le
choix qu'ils auront pourra être double: aller voir quelqu'un d'autre et
lui dire: Écoutez, on veut s'associer avec vous, ou encore liquider leur
caisse. Mais on est en train, parallèlement au travail qu'on fait pour
chacune des caisses, de prévoir des plans de réorganisation dans
des régions. M. Dugal a dit lors de son dîner à la chambre
de commerce qu'on est assez réaliste pour réaliser qu'on n'aura
pas 75 caisses d'entraide économique dans les cinq prochaines
années. Peut-être qu'on n'aura que 30 caisses d'entraide
économique qui représenteront plusieurs régions, avec un
capital-actions de l'ordre de 100 000 000 1 Si on veut être rentable et
pouvoir former les ressources humaines nécessaires pour réaliser
la mission des caisses d'entraide économique, il va falloir en arriver
là.
M. Mailloux: Cela répond à mes questions, mais cela
augmente mes appréhensions.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): À moins qu'il y ait
alternance ou que le ministre...
M. Parizeau: Parce que cela découle de certaines choses
dont vient de parler le député de Charlevoix. J'aurais un
commentaire, une question véritable et une question plantée,
enfin que je me plante à moi.
Une voix: Pas pour la première fois.
M. Parizeau: Là je me la plante moi-même.
M. Guay: On peut toujours compter sur l'Opposition
libérale pour faire cela aussi, on va gagner du temps.
M. Parizeau: Sur la question de l'état de certaines
caisses actuellement, je pense que le député de Charlevoix doit
bien se rendre compte, comme on s'en est tous rendu compte, je pense, tous les
intervenants là-dedans, qu'il y a certaines caisses qui devront
être liquidées. En tout état de cause, que ce soit au
niveau du plan Dugal, des caisses pop, de n'importe quelle circonstance qu'on
puisse imaginer, il y a quelques caisses dont on sait, depuis
déjà assez longtemps, qu'elles ne peuvent pas continuer comme
cela. Alors, bien sûr, un plan de redressement de ces caisses peut leur
être présenté, dont on sait très bien que les
conditions seront telles qu'il vaut mieux liquider. Il y a dans certains cas
des prêts qui ont été faits dans des circonstances telles
ou qui ont tourné de façon telle qu'à moins de vraiment
croire au miracle de Fatima... Mais cela, c'est en tout état de cause et
cela fait déjà assez longtemps. Il y a évidemment des
possibilités de ne pas liquider, dans quelques-uns de ces cas-là,
et procéder par fusion. Mais même dans un cas de fusion comme
celui-là, je vois très mal ceux avec qui on fusionnerait,
accepter n'importe quelles circonstances de fusion.
La question que j'aurais à poser est la suivante...
M. Tremblay (Gérald): M. Parizeau... M. Parizeau:
Oui.
M. Tremblay (Gérald): Pourrais-je demander à M.
Mailloux de ne pas, sur votre point, prendre le cas de la caisse de Charlevoix?
Je comprends que cela peut vous préoccuper, mais c'est malheureusement
une caisse qui a un problème sérieux de liquidité et de
rendement; elle a un rendement négatif. On essaie de trouver une
solution, mais on ne fera certainement pas de miracle dans le cas de la caisse
de Charlevoix.
M. Mailloux: Je peux vous dire que je ne m'en sens pas
responsable, parce que je n'ai jamais été un administrateur de la
caisse dont vous parlez.
M. Tremblay (Gérald): Je comprends.
M. Parizeau: La question véritable, c'est ceci. J'ai
appris ce soir quelque chose que je ne savais pas et je l'ai appris rapidement,
alors, j'aimerais que vous explicitiez cela davantage. Vous disiez qu'avant que
la crise commence, il y avait 120 000 membres qui, chaque mois, payaient leur
tranche du plan d'épargne auquel ils avaient souscrit et qu'à
l'heure actuelle, il y en aurait encore 83 000 qui feraient ça. Quand
vous dites à l'heure actuelle, vous parlez de quoi? De la période
où nous nous trouvons ou...
M. Tremblay (Gérald): Au 30 octobre 1981.
M. Parizeau: C'est-à-dire que les deux tiers des gens qui
souscrivaient continuent de souscrire au 30 octobre.
M. Tremblay (Gérald): Vous dites 120 000, il y en avait
150 000.
M. Parizeau: Excusez-moi, 150 000. M. Tremblay
(Gérald): 52,7%.
M. Parizeau: II y a encore 52,7% des membres qui souscrivent.
M. Lacoste: M. le ministre... M. Parizeau: Oui.
M. Lacoste: ... sur ces plans, jusqu'au 30 septembre, les
contributions étaient versées pour l'acquisition de capital
social. À partir du 1er octobre, ces contributions sont des
dépôts à demande.
M. Parizeau: Est-ce qu'il y a une différence nette entre
les régions urbaines et les autres régions, quant à ce
genre de comportement? Ce que je veux dire, c'est que quand la crise a
éclaté, beaucoup pensaient que ce serait en région qu'elle
aurait ses effets les plus dramatiques et, en fait, c'est le contraire qui
s'est produit, c'est dans un bon nombre de caisses urbaines autour de
Montréal, dans Québec ou aux environs de Québec que
l'impact a été le plus fort alors que dans des régions
périphériques, au contraire, cela a très bien pris.
Dans votre idée, chez ces 53% de gens qui continuent de
souscrire, est-ce que le phénomène est surtout en dehors de
Montréal et Québec ou si c'est réparti à peu
près également?
Une voix: Je n'ai pas les noms des caisses, j'ai seulement les
numéros. Je ne les sais pas par coeur.
M. Dugal: II faudrait peut-être mentionner que le
pourcentage serait probablement encore plus fort, car, au 22 août,
lorsqu'on a déclaré le moratoire, il y a beaucoup de nos membres
qui ont cru qu'ils ne pouvaient plus continuer à déposer à
cause du gel. Il y en aurait encore beaucoup plus que ça. Cela a
même augmenté de 53 $, comme moyenne mensuelle, à 61 $
entre juin et octobre.
M. Parizeau: Remarquez qu'implicitement, je ne considérais
pas que 53%, c'était bas, je considère ça très
élevé, compte tenu des circonstances. C'est assez
extraordinaire.
M. Dugal: Ce n'est pas 53% mais 53 $ de dépôt. La
moyenne de dépôt de 53 $ est passé à 61 $, de juin
à septembre.
M. French: C'est impressionnant.
M. Parizeau: C'est très impressionnant, sauf que...
M. Ryan: Ce sont des plans à long terme. Ils ont droit de
payer des frais d'entrée et de dire qu'ils aimeraient rester
jusqu'à la fin.
M. Parizeau: Enfin, 4,5%, quand il y a un problème de
confiance, vous savez... "Which do you prefer, keep your 4,5% or lose it?"
J'attends la réponse, parce que j'aurais une nouvelle question.
M. Tremblay (Gérald): Sur nos feuilles d'informatique, on
procède par numéro. On n'a pas la table de concordance, mais on
peut vous dire qu'un numéro, Longueuil, par exemple, au mois d'octobre,
a été renouvelé à 85,77%. C'est une caisse qu'on
considère urbaine.
M. Parizeau: Écoutez, de toute façon comme on a des
contacts de temps à autre, si vous pouviez me ramasser le renseignement
et me le fournir...
M. Tremblay (Gérald): On l'a...
M. Parizeau: ... je trouverais ça très utile.
M. Tremblay (Gérald): ... si vous voulez prendre une
caisse, laquelle?
M. Parizeau: Donnez-moi une espèce de résultat
global, quand vous l'aurez, ce n'est pas nécessaire que ce soit ce
soir.
La question plantée est la suivante. Maintenant, j'aimerais que
vous indiquiez à la commission précisément ce que vous
allez remettre aux membres d'une caisse comme renseignements sur le plan de
relance de la caisse elle-même, pour l'assemblée du 30 janvier.
Quel genre de renseignements financiers ces gens vont-ils avoir? (21 h 45)
M. Dugal: Voici l'expert et la brique.
M. Tremblay (Gérald): ... plantée?
M. Lacoste: On parle de ce qui, d'après la loi, doit
être remis à chaque membre et de ce qui, d'après la
Commission des valeurs mobilières, doit également être
remis à chaque membre. Il y aura pour chaque caisse un document
particulier et pour toutes les caisses un document commun. Dans le document
commun, il y aura un exposé, une espèce d'historique factuel de
ce qui se passe dans les caisses actuellement. Il y aura un exposé de ce
qu'est le plan de relance, pourquoi, ainsi que ce que sera la
société une fois transformée. Chacun des membres recevra
en plus, en vertu de la loi, un document spécifique tel que
mentionné dans le projet de loi qui donne les éléments de
ce qu'on appelle le résumé du projet de transformation. C'est
à l'article 6 du projet. Chaque membre saura exactement le nombre de
parts sociales dans la caisse affectée par la transformation; il aura la
description par caisse des caractéristiques de ces actions et des
dépôts résultant de la transformation, la proportion des
trop-perçus qui, pour l'exercice financier en cours, pourront être
affectés au paiement de l'intérêt sur les sommes
versées sur les parts sociales ou aux paiements de ristourne aux
déposants ou emprunteurs.
Donc, chaque membre aura cette partie d'information sur la
transformation de sa caisse. Il aura également les états
financiers vérifiés de sa caisse au 30 septembre 1981 et un
état financier pro forma basé sur les états au 30
septembre, mais illustrant l'effet de la transformation sur sa caisse
d'après les données du 30 septembre 1981. Donc, concernant les
documents financiers, les parts sociales, la partie qui s'en va en actions, la
partie qui s'en va en dépôts, une idée des
trop-perçus et des surplus et les états financiers de sa caisse,
ainsi qu'un pro forma. Je ne sais pas si cela répond à votre
question.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je remercie le ministre d'avoir
posé cette question parce que c'est dans ce sens que je m'en allais
précisément et cela aurait eu l'air que la question
plantée venait de moi. Cela aurait été exceptionnel.
M. Lacoste, à la lumière de tous ces documents, à
mon sens, surtout les états financiers, les termes et
échéances de la portion dépôts, en faisant jouer le
jeu des crédits d'impôt qui s'appliquent à la portion du
capital-actions et qui résulteraient de la transformation pour chaque
sociétaire, quel pourcentage croyez-vous, des quelque 300 000 membres
des caisses d'entraide, seront à même, ce jour-là, à
la lumière de ce renseignement, de calculer la valeur réelle du
placement dont ils deviennent les heureux propriétaires? Ou
comptez-vous... Je vais compléter pendant que vous y pensez.
M. Lacoste: Je ne peux pas répondre à cela. Je ne
peux pas donner quel pourcentage.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ou comptez-vous, dans ce cas,
indiquer aux membres des différentes caisses, à la lumière
des états financiers et évidemment de la composition du nouveau
capital-actions et de dépôts qui en résulteraient, fournir
une façon, des indications à ces gens pour calculer la valeur
réelle du placement qu'ils auront à ce moment?
M. Lacoste: La Commission des valeurs mobilières nous a
déjà manifesté qu'il serait important d'avoir quelques
exemples, dans la circulaire, pour que ce soit commun à tout le monde,
de l'impact des avantages fiscaux. Il y aura probablement deux ou trois
exemples; sûrement un exemple de quelqu'un qui a du capital social, mais
qui n'est enregistré dans aucun régime; un autre exemple de
quelqu'un qui a une portion de son capital social ou tout son capital social
dans un régime enregistré.
Depuis que nous avons annoncé le plan de relance, nous avons
organisé en plus des assemblées d'information dont on a
parlé tantôt, ce qu'on peut appeler des assemblées
d'information par petits groupes; certains diraient des assemblées de
cuisine, où nous avons expliqué à nos membres, sur la base
de notre projet, de notre plan - mais la loi
y donne effet - comment calculer pour chacune des personnes avec un
petit tableau très simple l'impact de ce que nous appelons la
contribution nette au régime, c'est-à-dire en enlevant la portion
qui est remboursée par les crédits d'impôt, combien
effectivement la personne peut calculer pour elle-même ce qu'elle laisse
en capital permanent dans les actions de la nouvelle société.
On a déjà des modèles et nous prévoyons
envoyer, dès que la la loi sera adoptée, à
différentes corporations professionnelles, les comptables, les CGA, les
avocats et autres, des modèles, pour que tous les gens puissent, dans
toutes les régions, avoir accès à des gens qui peuvent le
leur expliquer. Non seulement il y aura nos permanents des caisses, nos
administrateurs, mais on va diffuser dans le milieu comment calculer cela.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): D'accord, je ne voulais pas
évidemment faire d'ironie, ou vous attacher au mûr avec un
pourcentage. Je vois que vous avez pris des dispositions pour que ce
pourcentage des membres qui pourront calculer la valeur réelle de leur
placement se rapproche de 100%. Si je comprends bien, dans le fond, c'est
l'objectif.
La question reste de savoir si, à la lumière d'autres
options, y compris celle de la liquidation, parce qu'il y a une valeur de
liquidation également à ces placements, les informations que ces
gens auront leur permettront de porter un jugement pour savoir s'ils veulent un
peu d'argent tout de suite ou peut-être tout leur argent plus tard. C'est
dans ce sens que je crois que, si on pense laisser l'occasion à ces gens
de prendre une décision éclairée, il faut qu'ils puissent
évaluer la valeur réelle de chaque option.
À l'heure actuelle, la documentation que vous préparez et
les renseignements d'appoint, si je peux m'exprimer ainsi, que vous distribuez
ne permettent que d'évaluer le plan Dugal pour ces gens, en l'absence de
toute autre possibilité. Est-ce que vous prévoyez faire quelque
chose dans ce sens?
M. Lacoste: Lorsque le plan a été
déposé à l'assemblée du 22 août, nous avons
demandé à chacune des caisses de nous envoyer, pour confirmer
cela au niveau des conseils d'administration, des résolutions
s'engageant à déposer le plan devant chacun des membres. Nous
avons offert un modèle de résolution à tout le monde
où il est clairement indiqué que chacune des caisses aura
à se prononcer sur le plan de relance et sur toute autre solution.
Depuis les assemblées d'information et par toutes sortes d'autres
contacts, on nous pose souvent la question: Que vaut ma caisse, si je la
liquide demain? Vous comprendrez que, par le strict fait que nous puissions
dire qu'il y a une liquidation, la première des choses, on se fait
accuser de chantage. Nous n'avons pas le droit d'en parler, mais, quand on nous
pose la question, le plus loin qu'on peut aller, c'est de dire aux gens:
Essayez de vous trouver quelqu'un d'autre que nous pour vous dire quelle serait
la méthode pour calculer la valeur des actifs en cas de liquidation et,
à l'impondérable, s'il y a une caisse qui se liquide dans le
Québec, ce n'est pas tellement grave, il y aura des preneurs pour ces
actifs, mais s'il y a 75 caisses qui se liquident en même temps, le
marché aura à absorber 1 200 000 000 $ de prêts et je
n'oserais pas vous décrire l'histoire d'horreur que cela
représente pour nos membres.
Il n'y a personne aujourd'hui qui peut dire avec certitude ce qu'est la
valeur de liquidation. Ce qu'on sait, par ailleurs, c'est que nous n'avons pas
le droit de le mettre dans la circulaire, parce que la Commission des valeurs
mobilières, en vertu de ses normes, défend de faire des
projections dans des documents comme ceux-là, sur ce qui peut arriver.
Tout ce qui est permis, c'est de faire des hypothèses sur le
passé, mais on n'a pas le droit de faire des projections et on n'a pas
le droit, en vertu des règles de la commission, d'inscrire dans un
document comme celui qu'on va soumettre à nos membres quelle serait
cette valeur. C'est au conseil d'administration de chacune des caisses de voir
soit à engager quelqu'un ou à prendre un spécialiste pour
dire: Je l'évaluerais comme ceci ou comme cela, mais nous ne pouvons pas
donner ce chiffre.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je veux bien croire que, dans
le cours normal des choses et des émissions de prospectus ou autres
documents approuvés par la Commission des valeurs mobilières, il
n'est pas question d'indiquer quelle est la valeur de liquidation de
l'entreprise qui tente de se procurer du financement. C'est à titre
d'exemple, je ne pense pas qu'on soit devant un cas semblable de toute
façon, mais on peut passer là-dessus.
Quant à la valeur plus proprement dite de la portion
capital-actions qui résulterait de la transformation, on emploie toutes
sortes de termes, y compris "gelé à vie", ce à quoi vous
avez répondu: "Bien non, la nature même d'une action ne doit pas
être assimilée à un placement qui est gelé à
vie. J'ai eu beau feuilleter - peut-être pas assez attentivement, on
verra - le projet de loi, je n'y trouve que deux occasions pour un actionnaire
éventuel de réaliser son placement, soit dans les 30 jours qui
suivent la transformation... Alors, ça, c'est une fenêtre de 30
jours.
M. Lacoste: Les 30 jours suivant le vote, mais avant la
transformation.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Mais avant la transformation,
je m'excuse. De toute façon, il y a un délai de 30 jours dans
lequel il peut réaliser, à cinq dollars, la valeur nominale sur
son placement ou, alors, après son décès.
C'est-à-dire que la succession pourra demander que la caisse
rachète. Et la caisse ne rachètera pas nécessairement,
à moins qu'elle ne rencontre certains tests objectifs des ratios qui
sont relativement courants dans le cas des compagnies à capital-actions
qui ont le droit de racheter leur capital-actions émis et en cours.
Si ce n'est pas gelé à vie, mais qu'on peut simplement
avoir 30 jours pour les vendre après le vote et, simplement ensuite pour
l'éternité, lorsqu'on a trépassé, j'essaie de voir
où se trouve, entre ces deux dates, le 28 février 1982 et la date
du décès, les occasions de constituer un marché
secondaire, les occasions, pardon, de réaliser ce placement-là
sur un marché secondaire. J'aimerais simplement entendre vos
commentaires sur les perspectives d'un tel marché dans un avenir quand
même prévisible.
M. Lacoste: Vous comprendrez que nous avons clairement
indiqué dans le plan de relance qu'au lendemain de la transformation il
n'existe aucun marché secondaire. Il faut que ce soit bien clair; que
les gens ne pensent pas que, le 2 mars au matin, ils seront capables de trouver
preneur. Mais, si on regarde la vision à un peu plus long terme, on a
parlé tantôt d'une trentaine de caisses dans les régions du
Québec. Il est évident que ces 30 caisses-là, ce n'est
parce qu'il y en a en 45 qui ont refusé le plan de relance; c'est
qu'après la transformation il faut regrouper les caisses pour en faire
des institutions avec une quantité d'actifs telle, qu'on peut justifier
des coûts d'administration avec les meilleures expertises et avoir un
réservoir d'actifs sur lequel travailler.
Moi, je vois très bien - et là, c'est une question qui
pourra être adressée au ministre des Institutions
financières - dans un avenir qui n'est pas si loin, qu'on puisse
retrouver dans des régions du Québec des places de marché
où les gens qui ont des titres dans les entreprises de ces
régions-là puissent se rencontrer, ne serait-ce qu'une fois par
semaine ou une fois par mois. On devra innover en vue de décentraliser
nos places de marché parce que moi, je ne me vois pas personnellement
d'envoyer les gens de la région d'Abitibi transiger leurs actions
à une Bourse à Montréal; ça ne voudra rien dire
à ce marché-là. Il faudra innover, il faudra proposer des
places de marché où non seulement les titres des
sociétés d'entraide, mais peut-être des titres de SODEQ,
des titres d'entreprises qui ne sont pas inscrites à la Bourse, mais qui
sont des compagnies publiques pourraient se transiger au niveau
régional. Je pense qu'avec le temps on trouvera des solutions à
ça.
M. Parizeau: II y a, d'ailleurs, plusieurs courtiers qui
s'intéressent à ça.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
J'allais suggérer qu'on ne décentraliserait pas le
marché, mais peut-être les maisons de courtage et que l'expertise
est que ces transactions-là se déroulent beaucoup plus au
téléphone que sur l'autobus entre Rouyn et Montréal. Ce
n'est pas la question. Alors, quant au marché, on va voir; autrement
dit, il y a des espèces de prévisions ou d'espoirs que se
constituera un marché qui pourrait permettre à des gens
d'échanger ces titres-là. C'est tout ce qu'on peut dire à
ce moment-ci. C'est entendu, c'est évident. M. Dugal.
M. Dugal: J'aimerais peut-être ajouter que, étant
donné que 43,7% de nos membres ont moins de 1000 $, à 25%,
ça fait 250 $; 25% de réduction d'impôt - je parle de
quelqu'un qui paie de l'impôt - en supposant un taux moyen de 22%,
ça fait 47%, ça fait à peu près 50%, ça veut
dire un investissement de 125 $. Il ne faut pas dramatiser, non plus. Pour
43,7% de nos membres, ça représente 125 $ d'investissement dans
sa région, pour son développement régional. On ne peut pas
appeler ça... C'est moins que la quête du dimanche, pour un an! Ce
n'est pas beaucoup. (22 heures}
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'aurais une troisième
et dernière question, M. le Président, à l'adresse de M.
Tremblay qui a indiqué tout à l'heure que le plan que vous
proposez contenait les germes d'une moins grande perte, si je comprends bien,
pour les membres que la solution Desjardins, et c'est là que je voulais
en venir, avec l'établissement des valeurs qui demeure en suspens
à bien des égards. Vous affirmez que vous pourrez assurer du
rendement et protéger le capital, mais qu'il y aurait un sacrifice de
rendement, si je comprends bien, alors qu'une autre solution tendrait par le
mécanisme d'escompte à éroder le capital tout en
garantissant un rendement supérieur sur un capital moindre. À mon
sens, dans les deux cas, il y a une perte et si la perte qu'on chiffre
éventuellement par quoi que ce soit existe dans les faits, - elle existe
quelque part dans l'abstrait, on ne la mesurera que lorsqu'elle se sera
produite - il y a quelqu'un qui va payer pour cela, de toute façon.
J'aimerais que vous m'expliquiez comment, dans votre plan, par opposition
à
d'autres choix, la perte réalisée, parce qu'elle le sera
un jour sur certains mauvais prêts de toute façon, serait moindre
en vertu de ce plan qu'en vertu d'autres solutions.
M. Tremblay (Gérald): Ce que je prétends, c'est
qu'il est vrai qu'il va y avoir une perte des deux côtés, mais pas
une perte de capital, une perte de rendement. Je prétends que la perte
de rendement va être de beaucoup inférieure dans le plan Dugal par
opposition au plan Desjardins et je vous ai expliqué pourquoi.
Si on fonctionne "as a going concern", si ce sont les mêmes
personnes qui réalisent les investissements à cause de la
relation personne à personne, il est évident que la perte de
rendement sera inférieure avec les caisses d'entraide. Finalement, en
plus de cela, même si vous aviez raison à l'effet que la perte de
rendement est la même, il demeure un fait qu'il y a un crédit
d'impôt jusqu'à concurrence de 90 000 000 $ qui s'ajoute à
la troisième variable qui est importante, que le Mouvement Desjardins
n'offre pas.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Évidemment, le crédit d'impôt à
l'égard de 43,7% des membres est relativement insignifiant, alors que,
je pense, pour une société comme le Mouvement Desjardins, c'est
substantiel, 90 000 000 $ de crédit d'impôt. Si on regarde comment
ces sommes peuvent être utilisées dans le développement
économique, déjà, on ne parle plus de la même chose,
je pense bien, de la même ampleur.
Ce que je relève déjà dans votre réponse,
j'ai l'impression qu'on tourne en rond à certains égards.
L'insistance que vous mettez, afin de protéger le capital, sur le
maintien en place des gens qui sont aujourd'hui dans les caisses, tout en
déplorant que ces mêmes gens, effectivement, dans de nombreux cas,
ne devraient pas rester là parce qu'ils sont à la racine
même de la crise et du problème que nous avons vécu
l'été dernier et qui s'est accumulé sur plusieurs
années, j'aimerais que vous m'expliquiez bien honnêtement ce
paradoxe, cette contradiction dans les exposés que vous m'avez
faits.
M. Tremblay (Gérald): Cela dépend de quels gens on
parle. Ce que j'ai mentionné concernait les 76 directeurs
généraux.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous voulez qu'ils restent ou
qu'ils partent, ces 76 directeurs généraux?
M. Tremblay (Gérald): Non, moi je prétends que ceux
qui ont livré la marchandise pour nous permettre de préparer les
données financières ce sont nos directeurs
généraux, ce ne sont pas nos administrateurs. Je prétends
que la structure passée favorisait une prise de décision non pas
au niveau des directeurs généraux, mais au niveau des conseils
d'administration et le nouveau projet de loi prévoit clairement que,
premièrement, le mandat des nouveaux administrateurs sera d'un an.
Deuxièmement, les administrateurs ne devront pas nécessairement
être des actionnaires; donc, on pourra avoir des personnes de
l'extérieur. Troisièmement, on aura une commission de
crédit qui ne sera plus composée de membres élus; elle
permettra d'avoir des personnes de l'extérieur donnant des garanties
additionnelles pour le contrôle. Un exemple précis: Dans le cas du
centre commercial La Tuque, le directeur général de la caisse
savait très bien qu'il devait prendre une provision pour le prêt
sauf que des administrateurs de La Tuque - je parle de quelque chose qui a
passé à la télévision alors, je n'invente rien -
... Au conseil d'administration, il y avait des gens qui étaient
propriétaires du centre commercial. Donc, ils n'étaient pas
intéressés à prendre une provision, parce que ces
gens-là devaient se présenter devant leurs membres et dire: On
vient de perdre 300 000 $ ou 400 000 $. Moi, je fais confiance à mon
directeur général parce que dans le fond c'est lui qui fait le
quotidien. Alors, lorsque j'ai mentionné les ressources humaines en
place, moi, j'ai parlé de mes 76 directeurs généraux; par
ceci je ne veux pas que vous teniez pour acquis que tous les administrateurs
n'étaient pas bons, moi je dis qu'il y en avait. Ceux-là sont
déjà partis ou ils vont partir.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je vais être bref
compte tenu que plusieurs de mes collègues ont eu l'occasion de poser
des questions et aussi compte tenu de l'heure, vu que nous sommes
conviés à étudier le projet de loi article par article ce
soir.
Alors, M. Dugal, M. Lacoste, messieurs, j'ai une caisse d'entraide dans
mon comté qui est bien active, qui a joué un rôle important
au chapitre du développement économique dans le comté de
Portneuf. J'aurais eu des commentaires peut-être un peu plus longs
à faire et j'aurais à formuler certaines appréhensions,
certaines satisfactions aussi, mais je crois que le député de
Charlevoix, M. Mailloux, a bien résumé la situation et le
rôle que peuvent jouer les caisses d'entraide dans des comtés
ruraux comme ceux de Portneuf et de Charlevoix, dans les comtés
où plus particulièrement les institutions financières
comme les grandes banques n'ont pas toujours pignon sur rue, ne sont pas
toujours
là.
Dans Portneuf, notre caisse, en 1981, avait 20 000 000 $ d'actifs, avec
plus de 6000 membres; 860 prêts ont été faits. Les montants
qui ont été prêtés depuis la fondation de la caisse
chez nous c'est quand même important, c'est 50 000 000 $ qui ont
été prêtés à des entreprises du comté;
les pertes, ça je tiens à le dire, sur les prêts depuis la
fondation représentent 183 000 $, ce qui fait 0,003%.
Depuis deux ans la caisse d'entraide économique de Portneuf a
crée ou maintenu au moins 420 emplois et c'est ce pourquoi non seulement
le député mais la très grande majorité des citoyens
considèrent l'importance de notre caisse locale.
Je dois vous dire la solidarité exprimée depuis les
événements du mois de mai. Avant le 30 mai dernier, les
dépôts mensuels à la caisse d'entraide chez nous
étaient de 150 000 $ et sont maintenant aujourd'hui, malgré la
tempête qu'on a traversée, de 100 000 $ par mois, ce qui
témoigne assez clairement de la volonté des gens du comté
de garder notre caisse bien vivante, bien à nous et bien rentable.
Par contre, il y a des inquiétudes qui ont été
formulées de la part de membres qui avaient de l'argent chez nous, et
j'ai deux questions bien spécifiques à vous poser qui sont les
suivantes: Ceux qui ont placé de l'argent, la très grande
majorité ce sont des gens qui avaient des sous à placer, mais
parmi ceux-là plusieurs ont placé de l'argent sous l'égide
de programmes tels que épargne-retraite et épargne-logement. Le
problème particulier qu'on vit chez nous c'est l'inquiétude chez
les gens qui avaient des sommes de placées dans une perspective
d'épargne-retraite.
L'article no 207 du projet de loi prévoit certaines dispositions
relatives à la possibilité pour une personne qui a placé
de l'argent dans l'épargne-retraite de ravoir son argent à un
certain âge; je comprends que 75% de cet argent sera en
dépôts à termes à l'avenir et 25%, en capital
social. On a dit à l'assemblée qu'on a eue dans mon comté
qu'en ce qui concerne le 25% ce serait possible que celui qui l'a
déposé puisse en bénéficier seulement une fois
qu'il soit devenu un de cujus, c'est-à-dire au lendemain de son
décès. Ce serait sa succession qui pourrait le toucher, et pas
nécessairement au moment du décès, mais peut-être un
an, deux ans, trois ans après.
Avez-vous envisagé la possibilité peut-être que le
ministre des Finances pourra ajouter aussi - que dans les cas particuliers
d'épargne-retraite le 25% qui sera converti en capital social puisse
être distribué jusqu'à concurrence de 5% par année
à partir de 60 ans? J'aimerais vous entendre là-dessus et voir ce
que ça pourrait impliquer.
M. Lacoste: Est-ce que vous voulez dire par le rachat par la
caisse des actions, 5% par année?
M. Pagé: Oui.
M. Lacoste: Nous n'avons pas fait cette proposition, si ça
répond à votre question.
M. Pagé: Si vous aviez à la considérer,
ça pourrait impliquer quoi?
M. Lacoste: II y a une décision au niveau des institutions
financières qui a été prise dès le début de
nos tractations, soit que le genre de capital que l'on veut voir dans les
institutions que seront les sociétés d'entraide et du capital non
rachetable par la caisse. Et le volet du rachat en cas de décès
vise une situation bien précise des gens qui ont ce capital lors de la
transformation et le premier acquéreur subséquent. C'est une
question de politique d'institutions financières.
M. Pagé: Si une mesure de rachat était permise par
le ministère, que c'était prévu dans la loi, cela pourrait
représenter combien au Québec?
M. Dugal: Je pense qu'on les a... Mario... c'est facile à
répondre.
M. Georgiev: Si on englobe l'ensemble de nos régimes
enregistrés d'épargne-retraite, on peut penser à un
montant d'environ 80 000 000 $ de capital-actions qui sera
généré à l'intérieur de ces
régimes-là. À 5% par année.
M. Pagé: 16 000 000 $. L'épargne-logement. Je dois
vous...
M. Georgiev: L'épargne-logement, c'est...
M. Pagé: ... dire que plusieurs jeunes couples de mon
comté sont inquiets dans le sens qu'ils avaient prévu se
construire une maison à l'automne 1981 ou au printemps 1982.
Malgré - comme je vous le disais -qu'il y a beaucoup de
solidarité, que les gens soient conscients qu'on peut, et on
l'espère, passer à travers, selon un plan ou l'autre, peu
importe, mais que cela puisse continuer à servir à la
communauté du comté. L'inquiétude se manifeste surtout
chez les jeunes couples, notamment qui ont prêté de l'argent dans
la perspective de construire leur résidence et que là, ils se
voient confrontés à une fin de non-recevoir, tout au moins une
fin assez difficile à prévoir. Y a-t-il quelque chose à
faire?
M. Dugal: Moi, je peux dire, qu'on s'interroge sur cette question
depuis le tout
début, c'est une des contraintes, peut-être, du plan de
relance la plus difficile et on n'a pas de solution encore, au moment où
l'on se parle.
M. Pagé: Cela pourrait représenter combien si
l'épargne retraite pouvait représenter 80 000 000 $?
M. Georgiev: L'épargne-logement à 8 000 000 $
environ.
M. Pagé: 8 000 000 $, par année?
M. Georgiev: Non, 8 000 000 $ au global. On a des fonds
d'épargne-logement pour environ 35 000 000 $ actuellement. Un rapport de
4 pour un, 8 000 000 $, 8 500 000 $ de 25% de capital-actions
généré.
M. Pagé: D'accord, pas plus que cela. Merci.
M. Tremblay (Gérald): Mais, on l'a demandé, on est
très conscient de cela...
M. Pagé: Puisque vous avez demandé, vous l'avez
formulé comment?
M. Tremblay (Gérald): Pas verbalement, par
écrit...
M. Pagé: Non, je suis d'accord, mais vous avez
demandé quoi exactement? Que la possibilité de...
M. Dugal: De libérer entièrement.
M. Pagé: Entièrement.
M. Dugal: Partiellement, entièrement...
M. Tremblay (Gérald): Les régimes
d'épargne-logement, les personnes qui vont atteindre l'âge de 71
ans lors de la... Il y a 18 personnes alors, on voulait faire des exceptions
pour ces personnes-là. Alors la seule possibilité de
réaliser ce que vous demandez, c'est par le biais de la
transférabilité; alors, entre le 1er février et le 28
février 1982, c'est cela qu'on étudie mais on ne veut pas,
surtout pas, créer des attentes chez les gens...
M. Pagé: D'accord.
M. Tremblay (Gérald): ... parce que cela prend un
acheteur.
M. Dugal: On va vous dire pourquoi, il y a une raison plus
profonde.
M. Lacoste: Dans la période du 22 août à
aujourd'hui, vous savez que le moratoire était imposé en vertu de
l'article no 31 de la Loi des caisses d'épargne et de crédit. Il
n'était pas possible de faire des exceptions à cause de la nature
même de l'article no 31. La seule façon qui est possible de sortir
d'une caisse qui invoque l'article no 31, c'est de prendre le no 1 sur la
liste, le premier qui l'a demandé, le deuxième, le
troisième. Or, on ne pouvait pas - à moins d'amender
rétroactivement cette loi - permettre d'aller chercher un couple qui a
70 ans, qui a le numéro 200 sur la liste. Cela est très
pénible pour nous. On pense que la transférabilité sera la
solution dans la mesure où les gens du milieu voudront s'entraider pour
ceux qui en ont le plus besoin - dans la période après le vote et
avant la transformation - aller chercher cette partie en capital-actions et
payer ces gens.
Le Président (M. Bordeleau): Merci Alors, étant
donné qu'il n'y a plus d'intervenants...
M. Ryan: Ici.
Le Président (M. Bordeleau): ...excusez, M. le chef de
l'Opposition.
(22 h 15)
M. Ryan: D'abord, je voudrais vous interroger sur le Mouvement
Desjardins. Vous nous avez dit tantôt, je ne sais pas si c'est M. Dugal
ou M. Tremblay, qu'au mois d'octobre, je pense que c'est le 5 octobre, vous
aviez soumis un projet au Mouvement Desjardins, auquel projet vous n'auriez pas
reçu de réponse et qui n'aurait entraîné aucune
réaction de la part du Mouvement Desjardins. Si je comprends bien, dans
ce projet que vous aviez soumis - j'en ai fait une lecture rapide, parce que
vous me l'avez remis après la séance de cet après-midi
-vous proposiez au Mouvement Desjardins de devenir actionnaire à 20%.
Vous lui demandiez de mettre 40 000 000 $ dans l'affaire et vous lui offriez en
retour une participation à 20% dans le capital-actions, autant au niveau
des caisses individuelles que de la fédération. Est-ce que j'ai
bien compris?
M. Tremblay (Gérald): II prenait une participation au
niveau des caisses individuelles.
M. Ryan: Au niveau de la fédération, est-ce qu'il y
avait quelque chose de prévu dans votre plan?
M. Lacoste: Non, parce que la fédération... On
prévoyait une présence des membres du Mouvement Desjardins au
conseil d'administration de la fédération.
M. Ryan: Une présence, ce n'était pas plus
précis que ça.
M. Tremblay (Gérald): La fédération, c'est
la propriété des caisses, ce sont toutes les caisses,
individuellement, qui détiennent la fédération; donc, en
étant actionnaire d'une caisse, le Mouvement Desjardins est
propriétaire, en partie, de la fédération.
M. Ryan: Et la prise de participation du Mouvement Desjardins se
serait faite par l'intermédiaire du Crédit industriel Desjardins,
si j'ai bien compris?
M. Tremblay (Gérald): C'est ça.
M. Ryan: Vous autres, vous envisagiez deux réseaux
parallèles qui continuaient à se faire concurrence, si je
comprends bien, entre lesquels il n'y avait aucune intégration au niveau
des unités locales ou régionales.
M. Tremblay (Gérald): On prévoyait, c'est dans le
document, une réorganisation complète des caisses d'entraide
économique. Ceci voulait dire, dans une période de transition,
qu'il y a sûrement certaines caisses d'entraide économique qui
devaient être liquidées, premièrement; deuxièmement,
il y a d'autres caisses d'entraide économique, à vocation
principale de prêts personnels et de prêts à l'habitation,
qui auraient été fusionnées avec les caisses populaires
locales. C'est dans cette optique qu'on dit qu'il serait resté une
quarantaine de caisses d'entraide économique et principalement, à
ce moment-là, lorsqu'on parlait, on savait très bien que le
Crédit industriel Desjardins avait ses placements, principalement, dans
des régions urbaines. Alors, on se disait que le Crédit
industriel Desjardins allait continuer à jouer un rôle primordial
au niveau des zones urbaines et nous, les caisses d'entraide, on allait jouer
ce rôle dans les régions économiques où nous sommes
déjà très bien implantées. C'est ça le
plan.
Le plan allait plus loin que ça dans le sens que
l'hypothèse qu'on faisait, c'était que le Mouvement Desjardins,
dans le crédit industriel et commercial, au niveau régional, va
faire surtout des marges de crédit, du financement à court terme
et les caisses d'entraide économique vont se spécialiser dans le
financement à terme. C'est au niveau de l'actif. Au niveau du passif, on
se disait: On va concurrencer le Mouvement Desjardins au niveau de la
cueillette de l'épargne, mais notre cueillette de l'épargne va
demeurer de l'épargne méthodique. En d'autres mots, une
épargne où on va aller voir le petit épargnant, on va
faire de l'éducation économique avec lui et . on va percevoir son
épargne. C'était à ce niveau que le projet d'association
devait se faire.
M. Ryan: Je signale justement, pour mémoire, qu'en
regardant les chiffres de vos placements que vous avez communiqués
tantôt par l'intermédiaire du ministre des Finances, parce qu'on a
eu un petit débat à l'Assemblée nationale là-dessus
hier, d'après les statistiques prima facie, le Mouvement Desjardins a
deux fois plus d'argent investi dans le prêt industriel et commercial que
les caisses d'entraide économique. Je ne sais pas si vous êtes au
courant de ça.
M. Tremblay (Gérald): J'aimerais avoir le détail de
ça au même titre qu'on vous donne...
M. Ryan: D'après les chiffres qu'on m'a fournis, au
Mouvement Desjardins, actuellement, il doit être à peu près
à 1 200 000 000 $ ou 1 300 000 000 $. Vous autres, à la fin de
1980, dans le prêt industriel et commercial, c'était 620 000 000
$. Il faut arrêter de répandre des légendes selon
lesquelles le Mouvement Desjardins ne serait pas présent dans ce
secteur. Je pense qu'il l'est de manière considérable. C'est
seulement une parenthèse que je faisais pour introduire une autre
question. Si je comprends bien, jusqu'à maintenant, depuis que vous avez
fait une proposition au Mouvement Desjardins, en date du 5 octobre, il n'y a
plus eu de contact entre les deux mouvements. Avez-vous eu une réponse
à cela? Je voudrais savoir cela bien clairement.
M. Tremblay (Gérald): Non, il n'y a jamais' eu...
M. Dugal: Non, il y a eu trois rencontres, les 11, 19 et 21
septembre. J'ai toujours dit à M. Blais que j'étais prêt.
On a même proposé, M. Ryan, à M. Blais un communiqué
de presse conjoint dans lequel on s'engageait à négocier
ensemble, à s'asseoir, à essayer de trouver une solution ensemble
et pendant le temps qu'on négocierait on convenait, dans ce
communiqué de presse, qu'il n'y aurait aucune déclaration de
faite. J'avais demandé à M. Blais s'il serait consentant à
faire un communiqué de presse conjointement. La réponse a
été non. J'ai dit à M. Blais: Si la proposition qu'on vous
a faite le 19 septembre lorsqu'on est allé vous voir, concernant le
sigle, si on ne peut pas faire de communiqué de presse ensemble, la
prochaine fois, si vous voulez qu'on se rencontre, c'est vous qui allez
m'appeler, parce que la réponse que vous me donnez, c'est toujours non.
C'est cela, l'état de nos relations.
M. Ryan: Si vous me permettez de continuer. M. Tremblay
tantôt a fait un certain nombre d'affirmations qui demandent des
explications, je pense bien. Il a dit: Nous autres, nous proposons un plan pour
la protection du capital. Nous sommes en
mesure de le quantifier. Nous pouvons garantir qu'il n'y aura pas de
perte là-dessus, qu'il va y avoir un certain rendement, qu'il va y avoir
en plus accès à des avantages fiscaux. Le Mouvement Desjardins
est obligé de dire qu'il va y avoir des pertes. Je ne sais pas, je
trouve que c'est un petit peu simple comme présentation des deux points
de vue. Je vous avoue que, personnellement, je n'accepte pas cette
présentation. Si le Mouvement Desjardins n'a pas les mêmes
données que vous, s'il n'en a pas plus que moi, il ne peut
évidemment pas présenter un plan quantifié, je pense que
cela saute aux yeux. Est-ce que vous êtes prêts à mettre
à la disposition du Mouvement Desjardins les données objectives
et complètes dont ce mouvement aurait évidemment besoin pour
présenter une proposition qui serait plus précise que les
principes auxquels il a apparemment voulu s'en tenir jusqu'à
maintenant.
M. Dugal: Ce n'est pas facile de répondre à cette
question. M. Tremblay a laissé entendre clairement tout à l'heure
que pour pouvoir donner les données à nos membres pour le 15
janvier prochain, nous avons dû consacrer plusieurs semaines, plus de six
semaines de travail pour pouvoir... Il faut avoir accès à nos
données qui sont dans l'ordinateur et tout cela. On se demande si c'est
humainement possible, même s'ils possédaient tous nos états
financiers, d'arriver à cette date. Cela nous paraît
impossible.
M. Ryan: Cela nous pose le problème de
l'échéance du 31 janvier 1982. Pour vous autres, d'après
ce que décrit le projet de loi, toutes les assemblées de prise de
décisions doivent avoir lieu avant le 31 janvier 1982.
M. Dugal: C'est cela.
M. Ryan: C'est une affaire arrêtée de manière
fatidique, j'imagine, M. le ministre.
M. Parizeau: Non, il y a l'article 36 dans la loi qui
prévoit que les dates peuvent être changées par le
ministre.
M. Ryan: II y a tellement de choses qui peuvent être
décidées par le ministre que celle-là m'avait
échappé!
M. Parizeau: Vous voyez que certaines des choses
décidées par le ministre peuvent être commodes!
M. Ryan: Oui, très bien. Je n'irai pas plus loin dans
cette voie, parce que je m'aperçois que c'est délicat et que les
facteurs humains me semblent occuper une place considérable. Il me reste
à dire, sur cette question du mouvement Desjardins, qu'on va se fier sur
le ministre qui, à toutes fins utiles, prend le contrôle du
mouvement des caisses d'entraide économique. Cela m'étonne ce
point de vue, je vous le dis bien simplement, que vous avez semblé
éprouver énormément de scrupules à voir le
Mouvement Desjardins prendre un contrôle d'une manière ou de
l'autre, mais pour l'instant je pense que le ministre va prendre un
contrôle complet. C'est lui-même qui va vous nommer, dès que
la loi sera adoptée, si je comprends bien, pour une période dont
on ne connaît pas la durée, ce n'est pas indiqué clairement
dans le projet de loi.
M. Parizeau: C'est très peu de temps.
M. Ryan: Je ne sais pas, ce n'est pas si clair que cela.
M. Parizeau: C'est juste pour que des élections aient
lieu.
M. Ryan: II y a une chose qui me frappe à propos de la
fédération - je continue - ce sont les sociétés
d'entraide économique qui seront membres de la fédération,
si je comprends bien. Est-ce qu'il va y en avoir d'autres qui peuvent
être membres de la fédération que des
sociétés d'entraide, les quelque 30 ou 35 qui vont rester? Vous
nous parlez d'une fédération et on essaie de voir ce que cela va
donner exactement, comment cela va fonctionner, sur quelle base les
sociétés d'entraide vont être représentées
à l'assemblée générale, comment cela va se faire.
On nous dit: II va y avoir des règlements pour cela, mais dans le projet
de loi, on ne le sait pas, à moins que je ne l'aie mal lu.
M. Lacoste: La question sur le projet de loi, je ne me sens pas
habilité à répondre à cela, mais ce que nous avons
proposé, par la réglementation qui pourra suivre, c'est que
chacune des sociétés soit membre de la fédération,
que cette fédération soit financée par des cotisations et
qu'il y ait un conseil d'administration élu par chacune de ces caisses
réunies en assemblée.
M. Ryan: Mais comment la pondération de la
représentation se fera-t-elle à l'assemblée
générale? Est-ce que ce sera un représentant par
société ou est-ce que l'ampleur du capital va avoir un rôle
à jouer là-dedans ou le nombre des membres?
M. Lacoste: Non, c'est une société, un vote
à l'assemblée. C'est ce que nous avons proposé. Je
m'attends que les règlements qui donnent effet à cela le
confirment.
M. Ryan: C'est curieux. Il y a une chose qui m'intrigue à
propos du rôle de la fédération. Je continue. On va
pouvoir
vérifier cela, en tout cas, quand on passera à
l'étude article par article. Il y a une chose qui m'intrigue. Je regarde
les pouvoirs et les responsabilités de la fédération.
Je me souviens, quand je vous avais rencontrés,
l'été dernier, M. Tremblay et M. Lacoste, je vous avais
interrogés sur le rôle éventuel de la
fédération. J'avais compris, quand nous en avons discuté,
que la fédération serait appelée à jouer un
rôle de service, un rôle normatif au sens large du terme,
c'est-à-dire qu'avec la participation des sociétés
affiliées, elle établirait certaines normes pour la
liquidité, par exemple, pour la tenue des livres, des choses comme
celles-là, le genre de rapport à présenter aux
sociétaires, à la fédération, etc., mais j'avais
cru comprendre que cela n'était pas beaucoup un rôle de fiduciaire
également pour les liquidités, si mes souvenirs sont bons.
En regardant les pouvoirs que vous donnez à la
fédération, il y en a un qui me fatigue un peu, c'est celui
à l'article 168. Je ne sais pas, je vous demande votre opinion
là-dessus. Est-ce que c'est vous autres qui avez demandé cela?
Est-ce que c'est cela que vous voulez? "La fédération doit
établir des normes applicables aux sociétés et concernant
les matières suivantes: 3 , tout sujet en matière
financière et administrative qu'elle détermine." Vous savez que
cela va loin, s'il vous plaît, cela. C'est aussi loin que les pouvoirs
que s'attribue le ministre avec la loi. D'ailleurs, c'est une expression qu'on
retrouve dans les pouvoirs qui sont conférés au ministre. Le
ministre va exercer ces pouvoirs; il va vous les transmettre à vous
autres pour les exercer.
Cela veut dire que vous pouvez déterminer l'engagement des
gérants, des directeurs généraux de chaque caisse locale,
que vous pouvez déterminer les politiques de personnel, les politiques
de rémunération et que d'autres choses. II me semble que cela
ouvre la porte d'une manière fantastique.
Moi-même, ayant une certaine expérience de ce type
d'organisme fédératif, je n'en connais pas qui aillent aussi loin
dans la voie d'une centralisation potentielle. Si c'est cela, la conception que
vous vous faites, ce ne sera plus un mouvement, ce sera une sorte de
regroupement. Je ne sais pas comment cela s'appellera, comment cela pourra se
définir, dans quelle catégorie cela se retrouvera, mais il me
semble qu'avec cela, on peut arriver à une affaire
énormément centralisée, qui aura des filiales ici ou
là, et sur laquelle les organismes affiliés n'auront pas
énormément de contrôle avec des choses comme
celles-là et surtout avec l'espèce de pouvoir continuel, un vrai
pouvoir de plomb qui pèsera sur les caisses en provenance du
gouvernement.
M. Lacoste: Mais les dirigeants de cette
fédération, sauf les premiers pour créer la
fédération, seront élus par les sociétés
membres. Ils seront élus par les sociétés membres.
M. Ryan: Mais cela ne change pas le problème, M.
Lacoste.
M. Tremblay (Gérald): Au point de vue pratique, de la
façon que cela va se passer, la fédération va devoir se
présenter devant les représentants des caisses et leur soumettre
un budget, un budget qui va définir clairement quels services seront
offerts à ces caisses. Ces caisses vont décider si, oui ou non,
elles veulent avoir ces services et si elles sont prêtes à payer
pour ces services. Le projet de loi prévoit que si les caisses sont
d'accord avec ça, on a un pouvoir de cotisation pour les fonds. (22 h
30)
Ce que je trouve difficile à concilier dans ce que vous dites,
c'est ce que M. Johnson dit et ce que M. Mailloux dit. M. Johnson a dit tout
à l'heure: Oui, mais il y a des administrateurs, il faut faire
attention, on ne sait pas exactement; s'il y a eu des problèmes, c'est
peut-être à cause de nos ressources humaines.
M. Mailloux nous dit que sa caisse a eu des problèmes, il n'en
était pas un administrateur mais, peut-être que c'était
à cause des administrateurs qui étaient là qu'il y a eu
des problèmes. Mais il ne faut pas blâmer le gouvernement et la
fédération de vouloir avoir certains pouvoirs pour pouvoir
décider premièrement quel genre de prêts, d'encadrement des
prêts, quel genre de garanties on va devoir demander et,
deuxièmement, quelles ressources humaines on va avoir dans les
caisses.
C'est joliment important, c'est la base de ce qu'on essaie de faire. On
n'est pas pour perpétuer les erreurs du passé en permettant aux
caisses - je sais que vous tenez à l'autonomie des caisses et moi aussi
j'y tiens à l'autonomie des caisses, mais dans un certain encadrement -
on doit faire en sorte de ne plus jamais permettre à une caisse de
mettre en péril le mouvement des caisses d'entraide économique.
C'est ça que le projet de loi permet, et ça je pense que c'est
important.
M. Ryan: Là-dessus, mon interrogation demeure
évidemment; vous m'avez donné votre explication, ça me
suffit. Mais la fédération, est-ce que vous avez une idée
de l'ampleur que ça devrait revêtir, une fois que vous aurez
trouvé un rythme de fonctionnement au sortir de la période de
transition? Vous disiez tantôt que vous aviez réduit les effectifs
du personnel de 135 à 68, quelque chose comme ça. Est-ce que
ça va être réduit encore ou si ça va être
augmenté un petit peu, ou si ça dépend des
décisions
qui seront prises par les sociétaires au cours du mois de
janvier? D'après les projections que vous avez faites, quel genre de
fédération ça prend? Je voudrais que vous me disiez aussi,
à propos des placements de la fédération actuellement, ce
que vous avez trouvé là-dedans, ce que ça vaut comme
valeur de liquidation, peut-être que, sur ceux-là, vous pouvez
nous renseigner? Est-ce que vous allez disposer de plusieurs d'entre eux?
M. Tremblay (Gérald): Au niveau du premier volet de votre
question, ça va dépendre des services que les caisses vont
vouloir avoir et également des services qu'on va devoir rendre. Par
exemple, si les caisses ne veulent pas avoir d'inspection, l'inspection, je
pense que c'est important, le ministère va s'en charger et il va nous
envoyer la note. C'est clairement prévu dans le projet de loi. Il se
réserve le pouvoir d'inspection. Si nous, nous ne sommes pas assez
intelligents pour nous organiser et faire l'inspection de nos caisses, il va
venir la faire. Cela, c'est la protection de l'épargne des membres quant
à l'informatique, il me semble - on est en 1980 - que c'est important.
II va falloir offrir des services informatiques à nos membres. Il va
falloir aussi offrir des services de formation à nos membres. Quant aux
services de mise en marché, on est sur un marché concurrentiel
où il va falloir établir des politiques de cueillette de
l'épargne qui sont assez importantes. Nous présentons ça
aux membres. On va dire. On conçoit que l'encadrement normal d'une
fédération pour les caisses, les services que vous devez avoir
sont les suivants, et ils devraient normalement accepter ça.
Quant à la deuxième partie de votre question, j'ai les
états financiers vérifiés de la fédération
au 30 septembre 1981. Sur une base de "going concern", il n'y a pas de perte.
Sur une base de réalisation rapide des actifs, c'est facile, je ne vois
pas ce qu'il y a de drôle, si vous voulez liquider la
fédération demain matin, liquidez-la, et nos membres vont perdre
50 000 000 $ à 60 000 000 $. Mais on n'a aucune raison de faire
ça; si vous êtes capables de l'évaluer, les
vérificateurs, c'est Samson & Bélair, ce n'est pas nous. On a
bien joué avec les chiffres, mais la firme Samson & Bélair ne
prévoit aucune perte, tout ce qu'elle dit, c'est que la valeur
économique est moindre sur une base de liquidation, demain, que notre
portefeuille de prêts rapporte 7,6%, que notre portefeuille d'obligations
rapporte pour les obligations hypothécaires, 7,80%; que notre
portefeuille d'obligations et d'avances rapporte 14,28%. Il faudra alors
prendre une calculatrice et escompter ça à un chiffre qu'on
considère équitable, et vous allez arriver à la perte.
M. Ryan: Est-ce que je vous ai bien compris? J'ai cru que vous
aviez dit à un moment donné, tout en disant que vous ne vouliez
pas répondre à cette question, que si on devait liquider la
fédération demain, il y aurait une perte de 50 000 000 $ à
60 000 000 $ pour les membres.
M. Tremblay (Gérald): C'est évident.
M. Ryan: C'est la réponse que je voulais avoir.
M. Tremblay (Gérald): C'est évident, c'est bien
facile, vous allez sur le marché et vous vendez les obligations
municipales. Vous avez automatiquement une perte de 26 000 000 $. Après
ça, vous vendez le Complexe Desjardins, puis, après ça,
vous vendez le Mont-Tremblant au premier venu...
M. Ryan: Non, pas le Complexe Desjardins, le Complexe
d'Alma...
Une voix: ... Un complexe aussi.
M. Parizeau: Est-ce que je pourrais intervenir un instant juste
sur cette question-là, en réponse, si l'Opposition me le
permet?
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Parizeau: Là, il faudrait quand même revenir
à des données un peu réalistes là-dessus. Il est
évident qu'avec les taux d'intérêt qu'on connaît
à l'heure actuelle, n'importe quelle institution financière...
J'imagine que même la compagnie d'assurance la plus solide, si on lui
demandait de réaliser son portefeuille d'obligations demain matin,
prendrait une perte épouvantable. Il s'agit de savoir de quoi on parle
quand on parle de perte. Est-ce que c'est simplement le fait des obligations
municipales ou scolaires de dix ans achetées il y a quatre ans qui
doivent avoir une valeur, si on les vend demain matin, inévitablement,
beaucoup plus faible, qui n'apparaît pas si on les garde jusqu'à
échéance?
Je pense qu'il faudrait s'entendre sur le sens qu'on donne au mot
"perte".
M. Ryan: M. le Président, dernière intervention, si
vous permettez.
Le Président (M. Boucher): Oui.
M. Ryan: Tantôt, j'entendais M. Tremblay nous dire qu'on
n'a plus le droit, à compter de ce soir, de jouer au yo-yo avec les
caisses d'entraide économique, qu'on n'a plus le droit de critiquer le
gouvernement pour ce qui ne s'est pas fait avant 1981. Je vais vous dire que
c'est peut-être un voeu
que vous avez vous-même fait, mais que moi je ne fais pas, parce
que c'est ma responsabilité de faire ça. Je crois qu'on est
capable de l'exercer de manière constructive; je ne voudrais pas que
vous m'emprisonniez dans ce genre de langage parce que moi, je ne marche pas
là-dedans.
M. Tremblay (Gérald): Non, ce n'est pas ça. Je ne
vous ai pas empêché de critiquer le gouvernement. Je pense que
c'est votre droit, mais quand je parlais de jouer au yo-yo avec les caisses
d'entraide économique, je ne faisais aucunement allusion aux personnes
qui sont en face de moi.
M. Ryan: On se comprend très bien. Je voudrais finir. Vous
avez dit une autre chose qui m'a intéressé. Vous avez dit qu'il
n'est peut-être pas trop tard pour trouver, ensemble, une solution qui
permettrait de doter le Québec d'une institution financière
capable de servir le Québec et ses besoins des années 80. Ceci
est une parole que vous adressiez au Mouvement Desjardins. Est-ce qu'on peut
vous demander, ce soir, si vous êtes disposé - moi, c'est une
question d'information que je pose, pas davantage, je n'ai pas d'autre
rôle que celui-là à jouer dans la discussion, pour
l'instant - à reprendre les pourparlers avec le Mouvement Desjardins sur
la base - je crois que la base que vous aviez proposée est une base qui
n'est pas réaliste; c'est mon opinion, on en pensera ce qu'on voudra,
remarquez bien -des principes qu'avaient énoncés les responsables
du Mouvement Desjardins ou si, de votre côté, c'est une porte
qu'il faut fermer, quitte à ce que le ministre l'explore dans la limite
de ses attributions? Si une deuxième hypothèse était mise
au point à la suite des consultations qui se poursuivent, nous a-t-on
dit, entre le ministre et le Mouvement Desjardins, auriez-vous objection
à ce que cette deuxième hypothèse soit
présentée d'une manière équitable, d'une
manière objective, avec une importance égale au cours des
assemblées - en vue, d'abord, des assemblées - dans la
documentation qui sera envoyée aux sociétaires avant, et,
deuxièmement, auriez-vous objection ou est-ce que ça vous
répugnerait que, lors des assemblées qui auront lieu, des
dispositions soient prises pour que chaque hypothèse soit
présentée par un porte-parole compétent et
intéressé à la défendre? À ce
moment-là, vous autres, vous seriez un peu en conflit
d'intérêts, vu que vous mettez une solution de l'avant. C'est
d'autant plus sérieux que vous serez des gens nommés par le
gouvernement pour administrer un plan qui comporte quand même
l'engagement de fonds publics importants. Comment verriez-vous la
présentation impartiale dans l'hypothèse où un autre plan
surgirait? Ce serait encore mieux qu'il y ait un plan commun.
En fait, voici ma première question. Êtes-vous
disposés à rouvrir les conversations une dernière fois
avec eux pour voir si c'est possible? Deuxièmement, dans
l'hypothèse où il n'est pas possible de trouver un plan commun,
êtes-vous prêts à chercher avec le gouvernement des
conditions de présentation équitables d'une autre option qui
permettrait à vos sociétaires de faire un choix en toute
lucidité et en toute connaissance de cause, avec le maximum
d'information?
M. Dugal: M. Ryan, le 22 août, lorsque nous avons
présenté notre plan de relance, nous avons invité tout le
monde à présenter une autre solution que la nôtre. Or,
aujourd'hui, au moment où on se parle, il n'y en a pas d'autre et le
temps nous presse. Le 30 janvier est, pour nous, la date limite où on
peut retenir nos forces, notre monde. S'il doit y avoir un rapprochement, parce
qu'on pense qu'il devrait y en avoir un, je crois que, d'abord, on devrait
passer par la relance, parce que si vous avez jeté un coup d'oeil sur la
proposition que nous avons faite le 8 octobre, on parle d'une affiliation,
d'une possibilité d'affiliation à long terme, pas
immédiatement, nous croyons sincèrement que nous devons d'abord
passer par la relance et en même temps peut-être commencer
déjà le rapprochement pour une solution qui viendrait se greffer
à cette première...
M. de Belleval: Vous voulez dire exactement que vous avez fait
une proposition d'affiliation ou d'intégration au crédit
industriel Desjardins entre autres?
M. Dugal: Association.
M. de Belleval: Oui, c'est une bonne affaire, c'est une bonne
idée.
M. Ryan: Association.
M. de Belleval: M. Dugal, j'essaie de comprendre et de suivre le
chef de l'Opposition en même temps que de vous suivre. Vous dites une
association avec le crédit industriel Desjardins comme une
première étape quoi?
M. Dugal: Non. D'abord, la première étape, la
relance.
M. de Belleval: C'est-à-dire le plan. M. Dugal: Le
plan, oui. Transformation.
M. de Belleval: Transformation des caisses en
sociétés, etc., selon le plan que vous proposez.
M. Dugal: Oui.
M. de Belleval: Et, en même temps affiliation au
crédit industriel Desjardins.
M. Dugal: On pourrait par la suite passer parce que là on
deviendrait...
M. de Belleval: Par la suite, ça veut dire combien de
temps cela?
M. Dugal: Après le 30 janvier.
M. de Belleval: Après le 30 janvier, d'accord.
M. Dugal: Pas en même temps. M. de Belleval: En
même temps?
M. Dugal: II y aurait un choix à faire, et je me demande
comment on peut présenter ce choix-là à nos membres.
M. de Belleval: Non, mais c'est parce que j'essaie de comprendre
lorsque vous dites après le 30 janvier, ça veut dire quoi? Le 31
janvier?
M. Dugal: Quand nos membres se sont prononcés sur le plan
de relance. On pourrait en même temps leur dire qu'il y a un projet
d'affiliation ou une négociation qui pourrait amener après la
relance à la proposition qui est là ou amendée,
corrigée.
M. de Belleval: Lorsque vous dites après la relance,
ça veut dire après un an, après deux ans, après que
la relance ait donné tous ses fruits ou dans les semaines qui
suivent?
M. Dugal: Dans le document qu'on a présenté...
M. de Belleval: Je ne l'ai pas lu votre document, je regrette, je
l'ai eu cet après-midi.
M. Dugal: Parfait, mais je vais juste vous dire ce qu'on dit
là-dedans; c'est dans le document qui a été
présenté au Mouvement Desjardins, c'était certain qu'on se
rencontrait lorsqu'il a été présenté le 5, le 6 ou
le 7 octobre pour mettre en application immédiatement la transition,
comment ça se ferait tout cela, alors dans mon esprit à moi,
c'était qu'on considérait que c'est important pour faire du
développement économique régional d'avoir du capital
permanent. La preuve que c'est important, c'est que le Mouvement Desjardins
lorsqu'il a voulu en faire a formé le crédit industriel
Desjardins.
Alors, on sentait, nous, que s'il y avait une possibilité
d'association, c'était de ce côté-là. Alors, il y en
a peut-être une autre et pour répondre à M. Ryan bien
précisément, si les gens du Mouvement Desjardins sont prêts
à s'asseoir avec nous, ce qu'ils nous ont refusé jusqu'à
maintenant, moi, je pense qu'on est prêt à le faire pour
protéger l'épargne des Québécois et trouver une
solution globale au problème de l'entraide économique. Je n'ai
aucun problème avec ça, moi, au contraire, je le souhaite depuis
six mois.
M. de Belleval: Vous voulez dire que ça pourrait
être sur la base d'une association avec le crédit industriel ou
sur une autre base.
M. Dugal: Oui.
M. de Belleval: II pourrait y avoir d'autres formules à
votre avis...
M. Dugal: Oui.
M. de Belleval: ... possibles.
M. Dugal: Oui, il y en a d'autres.
M. de Belleval: Cela répond à votre question?
M. Ryan: Mais non parce que M. Dugal a répondu
différemment.
M. de Belleval: Vous répondez M. Dugal et M. Tremblay la
même chose une fois que vous avez clarifié vos...
M. Dugal: II me semble que c'est difficile de présenter
deux choix le 30 janvier prochain; ça je pense que ce n'est pas possible
de présenter deux choix.
M. de Belleval: Y compris la question du chef de l'Opposition,
ça c'est une partie de sa question, mais il avait l'air à ouvrir,
peut-être que je l'ai mal interprété il me corrigera, il
avait l'air à ouvrir au-delà de cette possibilité pour le
30 janvier date à laquelle vous répondez quelque chose de
très définitif, mais je pense que M. Tremblay ne répond
pas à la même chose...
M. Tremblay (Gérald): ... question, moi.
M. de Belleval: C'est cela, oui, je croyais que le chef de
l'Opposition se trouvait à poser deux questions...
M. Tremblay (Gérald): C'est cela.
M. de Belleval: Une question qui a trait à
l'échéance du 30 janvier et une question plus large sur des
possibilités de coopération entre hypothèses, est-ce que
j'ai bien compris le chef de l'Opposition, là-dessus?
M. Tremblay (Gérald): Vous me
permettez, M. Ryan?
M. Ryan: J'avais posé seulement une question, s'ils
étaient prêts à reprendre les conversations maintenant.
M. de Belleval: Oui.
M. Ryan: Maintenant, pas après que le dépôt
va avoir été fait, maintenant.
M. Tremblay (Gérald): La réponse c'est oui.
Vous aviez une deuxième partie de la question et M. Dugal ne
voudrait pas que vous pensiez que nous sommes en contradiction parce que ce
n'est pas le cas. Sur la première partie, si on veut protéger
l'épargne de 300 000 Québécois on n'est certainement pas
pour se mettre des oeillères et penser qu'on est en possession de la
vérité. On a toujours dit que s'il y avait une meilleure
solution, on l'accepterait. Alors, en réponse à votre
première question, oui; si le Mouvement Desjardins est également
prêt à nous dire oui ce soir, on va se rencontrer dans les plus
brefs délais. (22 h 45)
Deuxième partie de votre question. Si on ne s'entend pas - c'est
ce que vous demandez - est-ce qu'on est prêt, dans notre circulaire
d'information, à inclure la proposition du Mouvement Desjardins?
À ceci, je réponds que si la position du Mouvement Desjardins est
comparable à la nôtre, si elle est quantifiée, je pense
qu'en toute honnêteté pour nos membres, on doit pouvoir leur
présenter les deux solutions. Je suis d'accord sur ça. Il va
falloir le faire.
M. Ryan: Avec un porte-parole attitré pour chacune?
M. Tremblay (Gérald): D'après moi, il n'y aura
même pas besoin de porte-parole attitré, parce que si les deux
solutions sont identiques et que le gouvernement donne 100 000 000 $ au
Mouvement Desjardins, avec sa crédibilité, vous connaissez les
résultats à l'avance et on va tirer notre
révérence, M. Ryan. C'est clair. Si c'est ça...
M. Dugal: Si c'est ça que je n'ai pas dit tout à
l'heure, c'est ce que cela veut dire.
M. Tremblay (Gérald): Ce n'est pas compliqué. Si,
dans le meilleur intérêt des 300 000 membres, ça conserve
une certaine spécificité aux caisses d'entraide
économique, je n'ai aucun problème. Je n'attendrai pas que le
gouvernement me nomme, pour employer vos mots, administrateur des caisses
d'entraide économique, voyons! Je ne suis pas là pour
ça.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges. Vous avez une dernière question?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, une dernière
question. Étrangement, M. Tremblay vient justement d'évoquer ce
qui est le noeud du problème. Il avait, à l'origine,
indiqué comme avantage du plan Dugal, sur la proposition des caisses,
qu'il y avait un abri fiscal dans votre cas et qu'il n'y en avait pas dans
l'autre. Ce qu'il ne faut pas perdre de vue, ce sont deux choses, il me semble,
que l'abri fiscal est imposé à des sociétaires, alors que
dans la loi qu'on connaît, il est à leur option,
c'est-à-dire que quelqu'un peut acheter une action qui se qualifie au
REA, que ce soit Bombardier, CP, ou autre chose; en l'occurrence, c'est un abri
fiscal que le contribuable doit souscrire, prendre ou accepter, dans les
sociétés d'entraide. C'est la première chose; alors, il me
semble que dire que c'est un abri fiscal et que les autres n'en ont pas,
ça passe très rapidement par-dessus les choix d'investissement
que les gens ont le droit de faire, dans tous les cas.
Le deuxième aspect, c'est quant au montant que le gouvernement
est prêt à contribuer dans la résolution du problème
des caisses d'entraide. Ce qu'on a clairement établi, ce n'est pas qu'on
est en faveur, au gouvernement du Québec, d'un plan qui comprend un abri
fiscal, ainsi de suite, et des déductions, tout ce que vous voudrez, qui
résulterait en un manque à gagner de 90 000 000 $ pour le
gouvernement. II me semble que le raisonnement est inverse, c'est-à-dire
que le gouvernement du Québec, à titre de participant à la
solution de la crise, si on veut, est prêt à se lier, à
engager les fonds publics, jusqu'à concurrence de 90 000 000 $, auquel
cas... C'est vrai pour vous autres, c'est vrai pour les caisses, ainsi de
suite. Alors, utiliser la façon technique dont le gouvernement compte
s'engager jusqu'à concurrence de 90 000 000 $, pour dire: Nous autres,
c'est un abri fiscal, c'est formidable, c'est attrayant, alors que le Mouvement
Desjardins ne procure pas cette occasion, quand, dans les deux cas, c'est
simplement une façon de protéger l'épargne des
Québécois, c'est un peu un faux raisonnement.
J'aimerais savoir, parce qu'il faut formuler une question, quels sont
vos commentaires sur les distinctions que vous prétendez apporter
concernant l'avantage fiscal - on y reviendra - de ces 90 000 000 $, s'ils sont
investis chez vous ou chez vos membres, en réalité, par
opposition à l'autre proposition.
M. Tremblay (Gérald): Oublions les 90 000 000 $, parce que
dans mon esprit, c'était un bénéfice additionnel qui
était
donné à nos membres. Quand on a comparé, on a
comparé la protection du capital identique, Mouvement Desjardins et
caisses d'entraide économique, rendement différent. Le rendement
va être meilleur avec la proposition des caisses d'entraide
économique qu'avec celle du Mouvement Desjardins. C'est le point qui est
là. C'est dans ce sens qu'il va toujours y avoir un rendement qui va
faire qu'on n'aura jamais besoin des 90 000 000 $ du gouvernement, le Mouvement
Desjardins n'en aura jamais besoin.
Vous ne comprenez pas? Bon, je vais recommencer.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On est en train d'oublier ce
qui est absolument central à tout l'exercice, c'est-à-dire
l'obligation et l'engagement du gouvernement d'aller mettre jusqu'à 90
000 000 $ dans cette histoire, et vous dites: Oublions-le.
M. Tremblay (Gérald): Je vous dis de l'oublier parce que,
en pratique, le gouvernement n'aura pas à débourser un sou si
c'est bien fait. Avant de débourser, il va éliminer le rendement
aux membres. Quand on parle de protection de l'épargne des membres, ce
n'est pas cela que le Mouvement Desjardins veut, parce qu'il n'y aura pas de
protection de l'épargne des membres, il va y avoir protection du capital
du membre. Il va éliminer le rendement pour couvrir les pertes
éventuelles, pour couvrir le fait que ce ne sont pas les mêmes
personnes. Quand il va avoir éliminé cela et s'il fait son
appariement de la façon que cela doit être fait, il n'aura pas
besoin d'aller voir le gouvernement avec la police catastrophe et dire: Vous me
devez 30 000 000 $ ou 40 000 000 $, alors que, nous, de l'autre
côté, on protège le capital au même titre que le
Mouvement Desjardins. Deuxièmement, on offre du rendement, un rendement
sûrement supérieur à ce que le Mouvement Desjardins va
offrir, et, troisièmement, on donne un avantage fiscal à nos
membres.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est sûr qu'ils vont
payer moins d'impôt.
M. Tremblay (Gérald): Je pense que c'est important.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ils ne paieront pas
l'impôt qu'ils auraient dû payer autrement.
M. Tremblay (Gérald): C'est cela.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Cela vous coûte quelque
chose. C'est clair.
M. Tremblay (Gérald): C'est cela.
M. Parizeau: C'est clair.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est clair que cela
coûte quelque chose au gouvernement.
M. de Belleval: En vertu des lois existantes.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je comprends cela.
M. Tremblay (Gérald): Cela n'a rien coûté au
gouvernement depuis vingt ans les caisses d'entraide économique, il ne
faut pas oublier cela, pas un sou.
M. Parizeau: Est-ce qu'il y a d'autres...
Le Président (M. Boucher): Messieurs, au nom de tous les
membres de la commission, je vous remercie pour la présentation. Vous
avez une question?
M. Lacoste: Je reviens sur la question des chiffres.
M. Parizeau: Je m'excuse, avant que nous n'allions plus loin, je
voudrais simplement remercier tous les participants, parce que je vois qu'il y
en a qui se déplacent vers la sortie, aussi bien M. Forrest et M. Harvey
qui ont commencé, ensuite M. Blais, des caisses populaires et ceux qui
sont venus avec lui, et M. Dugal qui est encore à notre table avec ses
acolytes.
Le Président (M. Boucher): M. Lacoste.
M. Lacoste: Quand on parle de s'asseoir avec Desjardins pour
trouver une solution, nous sommes prêts à le faire dans les plus
brefs délais jusqu'à ce qu'on se soit mis d'accord sur les
principes d'une association ou d'une participation ensemble. Les chiffres dont
vous parlez, vous comprendrez que ce sont des chiffres qui sont dans nos
caisses. C'est l'élément de concurrence qui existe encore et qui
devra continuer si la transformation se fait. Avant de donner tous les chiffres
à ce qui est jusqu'à aujourd'hui un concurrent, on veut
être bien d'accord qu'on s'entend sur les principes. On peut donner
certains états financiers - ce sont des documents publics - et l'analyse
de nos prêts, notre clientèle et toutes les données
financières qu'on a, mais si on ne s'entend pas sur certains principes
d'une collaboration pour régler le problème, je veux juste
exprimer qu'il n'est pas question dans ma tête qu'on donne tous nos
chiffres et le détail de nos actifs. On peut donner certains chiffres
pour aider à préparer une solution.
Le Président (M. Boucher): Cela va"'
Messieurs, je vous remercie. Pour continuer le mandat de la commission,
nous devons commencer l'étude du projet de loi no 40, Loi sur les
sociétés d'entraide économique et modifiant diverses
dispositions législatives.
Je crois bien, MM. les députés et M. le ministre, que les
commentaires préliminaires sont déjà faits.
J'appelle...
M. Ryan: Je ne crois pas qu'on puisse dépasser minuit ce
soir, d'après nos règlements?
Le Président (M. Boucher): Exact. M. Parizeau:
D'après nos règlements.
M. Ryan: Est-ce que c'est tellement utile qu'on commence
l'étude article par article à cette heure tardive? Est-ce que ce
ne serait pas mieux de donner un coup la semaine prochaine quand on aura eu le
temps de réfléchir à tout cela?
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Ryan: On vous promet notre collaboration la semaine
prochaine.
Le Président (M. Boucher): La commission est
maîtresse de ses travaux.
M. Ryan: Je ne crois pas que dans l'heure qui nous reste on va
pouvoir progresser beaucoup, parce que cela nous fait de gros problèmes
à absorber et il y a de gros inconnus qui vont peut-être
connaître des clarifications au cours des prochains jours. Il me semble
qu'on sera beaucoup plus alertes pour collaborer avec le ministre des
Institutions financières et vous-même, M. le Président,
quand on va reprendre le travail la semaine prochaine. Il est 23 heures,
vendredi soir, au terme d'une semaine extrêmement exténuante.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, dans la mesure où
l'Opposition fait une suggestion comme celle-là, je n'ai pas d'objection
particulière, sauf peut-être pour dire que, comme il y a
énormément de mécanismes dans ce texte de loi, nous
pourrions peut-être prendre le temps, dans les jours qui viennent, pour,
de part et d'autre, nous familiariser avec toute cette mécanique, de
façon que cela puisse aller assez vite quand nous aborderons tout cela.
Parce qu'il faut bien se rendre compte que, dans un projet de loi comme
celui-là, il y a un certain nombre d'articles charnières qui
posent des questions importantes et il y a bien des articles de concordance ou
des machins techniques à travers lesquels on peut aller rapidement, dans
la mesure où, de part et d'autre, on connaît la portée de
chacun de ces articles, moyennant quoi on pourrait, je pense, avec cette offre
de collaboration de l'Opposition, ajourner nos travaux et les reprendre la
semaine prochaine.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Westmount.
Discussion générale
M. French: Je proposerais qu'on continue encore cinq ou dix
minutes pour échanger des propos sur les termes généraux
avant de se quitter ce soir. Est-ce possible? Je voudrais poser quelques
questions et je ne sais pas si c'est la même chose pour vous.
M. Parizeau: Bien sûr.
Le Président (M. Boucher): Allez-y, M. le
député de Westmount.
M. French: On a échangé quelques mots - je voudrais
le faire enregistrer, si vous voulez - au sujet des directives qui seraient
parvenues à l'équipe Dugal de la Commission des valeurs
mobilières du Québec, quant aux renseignements qui devaient
être contenus dans le projet de transformation ainsi que dans le
résumé du projet.
On a parlé des formules types ou des échantillons pour que
le membre en question puisse calculer sa situation après la
transformation. Serait-il possible d'en avoir une idée pour la prochaine
séance, d'avoir une lettre du président de la Commission des
valeurs mobilières nous informant de ce que cela veut dire
précisément? Cela nous permettrait de mieux comprendre les
articles du début du projet de loi qui touchent justement cette question
des renseignements pour les membres.
M. Parizeau: M. le Président, je comprends que la
Commission des valeurs mobilières, à partir de ses propres
directives, de ses formules standards, a rencontré, pendant une
journée, à la fois les gens des caisses d'entraide et les
fonctionnaires du ministère des Institutions financières, ceci,
en somme, traduit concrètement ce que ses directives impliquent comme
formules, comme préparation de papiers.
J'essaie seulement de comprendre ce que veut exactement le
député de Westmount; une sorte de résumé de
cela?
M. French: Dans la mesure où le membre, qui a une
décision importante à prendre, n'a qu'un certain minimum de
documents et de données à sa portée pour prendre la
décision, il y a un certain exercice de vulgarisation qui s'impose.
Cet
exercice de vulgarisation n'est nulle part dans le projet de loi, tel
qu'il est actuellement rédigé. Si les 25 membres des caisses
d'entraide économique qui ont des MBA et si les quelques centaines de
membres qui ont des BAA sont capables, d'après les renseignements
exigés par la loi, de faire le calcul nécessaire, à savoir
quels sont leurs intérêts en cause, il en est tout autrement pour
la plupart des membres qui sont de petits épargnants et des gens qui ne
sont pas plus renseignés qu'il ne faut en matière
financière.
M. Parizeau: Juste un instant, M. le Président! Je regarde
certains des...
M. le Président, il y a déjà une sorte de premier
projet qui a été préparé. Je passe rapidement
à la page frontispice, à la table des matières portant sur
chacun des renseignements qui doivent être fournis à chacun des
sociétaires. Si je comprends bien, c'est ce premier projet qui a
été discuté avec la Commission des valeurs
mobilières. On pourrait peut-être envoyer cela au
député de Westmount.
M. French: Je pense qu'on apprécierait cela. Est-ce
possible qu'il y ait eu d'autres ententes entre l'équipe Dugal et la
commission et qu'on ignore pour le moment? Je ne veux pas que le
sous-ministre...
M. Parizeau: Mais quel genre d'entente?
M. French: Quant aux renseignements pour les sociétaires,
pour les entraidistes.
Une voix: Non. (23 heures)
M. Parizeau: Mais de quel type? Parce que, encore une fois, il
faut bien comprendre. La circulaire de renseignements est
préparée dans une première étape; c'est soumis
à la Commission des valeurs mobilières qui regarde ça et
qui dit: Changez-moi ça ou faites ceci ou modifiez ça. Et,
là une deuxième formule est préparée, toujours sous
la juridiction de la Commission des valeurs mobilières. Alors, on peut,
d'étape en étape, au fur et à mesure où le texte
évolue, le communiquer au député de Westmount mais je ne
vois pas quel genre d'entente il pourrait y avoir entre la Commission des
valeurs mobilières et les caisses d'entraide si ce n'est qu'à un
moment donné, la Commission des valeurs mobilières dise, bon,
votre document est ...
M. French: Elle donne une approbation finale, je comprends. Donc,
je voudrais tout simplement proposer des amendements à certains articles
tels qu'ils sont actuellement rédigés parce que je crois qu'il
n'y a pas suffisamment d'incitation à la vulgarisation du
problème pour les membres. Donc, si la
Commission des valeurs mobilières avait pris des dispositions en
ce sens, nous serions épargnés de tous ces efforts et c'est
ça qui est ma préoccupation. Si d'ici là, on pouvait en
conséquence de cette compréhension de mes intérêts
et besoins faire en sorte que les documents soient maintenant disponibles et si
nécessaire...
M. Parizeau: Bien sûr, et on fournira les dernières
versions disponibles au député responsable.
M. de Belleval: Sauf qu'on recommence nos travaux lundi matin
à 10 heures.
M. French: Non, pas du tout au contraire.
M. de Belleval: Bien, c'est un ordre de la Chambre, M. le
Président, qu'en est-il?
Le Président (M. Bordeleau): J'ai fait vérifier si
l'ordre avait été donné en Chambre ce matin et j'attends
des nouvelles.
M. French: Est-ce que le ministre sera ici oui ou non, lundi?
M. Parizeau: Non, je serai à Toronto.
M. de Belleval: Effectivement, M. le ministre des Finances est
à Toronto et moi aussi, d'ailleurs...
Une voix: C'est le ministre des Institutions financières
qu'on veut.
M. de Belleval: Et celui des Institutions financières ne
serait pas capable de les utiliser.
M. Parizeau: On n'a pas encore trouvé le moyen de faire en
sorte qu'un ministre soit à Toronto et l'autre à
Québec.
M. de Belleval: Mais la question n'est pas là, s'il y a un
ordre de la Chambre, je ne sais pas trop, il faut s'assurer.
Une voix: Je pense que l'on peut trouver...
M. French: Deuxièmement, dans le but encore une fois,
d'épargner notre temps la semaine prochaine, le problème du ratio
75-25 me met toujours un peu dans la brume. Peut-être ce soir pourrait-on
clarifier ou peut-être y aurait-il d'autres documents qu'on pourrait nous
faire parvenir pour ne pas se faire blâmer de ne pas avoir demandé
suffisamment de documents. Donc, je veux être absolument certain que je
demande tous les renseignements possibles sur cette question-là.
Il n'y a pas de plafond sur le
pourcentage de parts sociales qui seraient, après la
transformation dans une caisse donnée, consacrées au
capital-actions. C'est-à-dire que, si la caisse est extrêmement
faible, si elle a besoin de liquidités mais si le projet de
transformation est quand même accepté, il est possible que 35%,
38%, je ne sais pas 40% des parts sociales soient transformées en
capital-actions. Est-ce vrai?
M. Parizeau: Est-ce que ça peut monter? Oui, ça
peut aller jusque là.
M. French: Alors, serait-il possible d'avoir une idée?
Est-ce vrai de dire que c'est strictement une question de liquidités qui
gouvernerait le calcul de cette proportion? M. le ministre m'indique que non.
Quels seraient les autres facteurs? On serait intéressé, pas
nécessairement ce soir, de savoir s'il y avait un calcul type ou des
idées, comment se réglerait cela? Les deux questions que je pose
sont, quant à moi, de l'optique du membre d'une caisse d'entraide
donnée extrêmement significative? Si nous ne sommes pas en mesure
de les saisir relativement facilement et de comprendre comment va se
dérouler cette décision-là dans l'esprit d'un membre, moi
je soumets que ce sera extrêmement difficile pour eux surtout avec la
courte échéance avec laquelle on travaille.
M. Parizeau: Moi, je suggérerais, dans ces conditions,
qu'une sorte de calcul type soit communiqué lundi matin.
M. French: On trouverait ça très utile,
excellent.
M. Parizeau: Et même si je suis à Toronto, le
travail peut se faire pendant ce temps-là.
M. French: D'accord.
Je ne sais pas s'il y a d'autres... Je veux juste rapidement
réviser mes notes. Je pense que c'est complet. Tout ça encore une
fois dans le but de nous sauver du temps plus tard.
Le Président (M. Bordeleau): Merci. Oui, M. le
ministre.
M. Parizeau: Bon, bref. De mon côté, je ferai
quelques commentaires rapides.
Dans tout ce que nous avons discuté dans le courant de la
journée, il y a une chose qui est revenue à plusieurs reprises et
que je voudrais clarifier ici. On a, à plusieurs reprises,
soulevé la question de la date et je sens très bien, par
certaines des interventions qui se présentent, qu'on trouve cela
serré. Il est vrai que nous avons dans la loi la possibilité,
pour ce qui a trait à toutes les dates indiquées au titre i,
c'est-à-dire la transformation, de déplacer ces dates. Il fallait
le faire pour des raisons de prudence; imaginons trois jours de tempête
de neige, n'importe quoi de ce genre-là. Il faut se donner une
possibilité de déplacer certaines dates pour des raisons de force
majeure.
Mais j'aimerais aussi qu'on repense à cette question quand nous
aurons l'occasion d'en discuter. Il reste une chose dans ce qui nous a
été dit qui est très importante, je pense, et qui domine
tout le portrait, c'est que ces gens-là qui, à l'heure actuelle,
sont membres des caisses d'entraide sont placés dans cette situation
depuis déjà un très grand nombre de mois; c'est
très long. Donc, avant de modifier quelque date que ce soit pour ajouter
des délais pour des raisons d'opportunité en termes de
délais, je me sens forcé d'y penser à plusieurs reprises,
simplement, encore une fois, à cause du temps qui s'est
écoulé. Je tenais à préciser cela puisque c'est
revenu six ou sept fois dans le courant de l'après-midi et de la
soirée. Je comprends très bien l'utilité que cet article
peut avoir, mais, d'un autre côté, je pense qu'il va falloir
penser à s'en servir avec beaucoup de discrétion.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, M. le ministre.
C'était à la lumière des espèces d'ouvertures -
ça devient encore plus pertinent d'en parler - qui ont été
faites, à un certain moment, de la part du groupe de M. Dugal. Il n'en
reste pas moins que, si on regarde cela froidement, on est en train de
décider aujourd'hui que le 30 janvier les membres, les
sociétaires décideront s'ils décident ce jour-là,
plutôt qu'un mois plus tard ou deux mois plus tard, de geler leurs
épargnes pour un certain temps et pour une période qui
dépasse largement plusieurs semaines dans tous les cas. Il s'agit de
voir si on peut, en trente jours de plus, explorer de façon ouverte des
façons de pallier ce désavantage très net pour les petits
épargnants quant à leurs épargnes en actions, d'une part,
et en dépôts à échéance lointaine, d'autre
part, et saisir une opportunité, comme vous le dites, d'en arriver
à un résultat meilleur pour eux. C'est dans cet esprit que vous
sentiez de notre part cette requête-là.
M. Parizeau: Tout ce que je nous incite à faire ce soir,
c'est de penser à toutes les facettes de la question sans nous engager
sur le fond pour le moment.
M. de Belleval: II y a des questions de principes fondamentaux
qui sont en cause. Cela ne prend pas un mois à régler des
questions de principes fondamentaux: les gens veulent ou ils ne veulent pas,
puis ils s'entendent sur des principes ou ils ne s'entendent pas. Si
c'était juste une question de mécanique, c'est une chose, mais
si, d'ici
un mois, ils n'ont même pas réussi à s'entendre sur
un certain nombre de principes fondamentaux, je pense que ça devrait
changer notre attitude. Même, on devrait le savoir d'ici les prochains
jours, j'ai l'impression, et, au fond, peut-être même avant qu'on
se rencontre de nouveau; on pourrait toujours se tenir aux aguets. Mais il me
semble que ça ne devrait pas être si difficile. Dans les
transactions financières, il y a deux phases. Il y a une phase où
des gens décident s'ils veulent, oui ou non, se marier; une fois qu'ils
ont décidé cela, ça peut être très long de
faire un "closing" parce qu'il faut mettre du monde ensemble pour
évaluer des actifs, etc. Il y a toutes sortes de mécanismes qu'on
connaît très bien pour faire des arbitrages, mais c'est la
première phase qui est cruciale, au fond, dans tout cela, et cela ne
prend pas tellement de temps après tout le temps qui est
déjà écoulé. En tout cas, c'est comme cela que je
le vois.
M. Parizeau: M. le Président, nous commençons
à plaider quant au fond; nous aurons l'occasion d'y revenir.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci.
La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 10)