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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre! La
commission de l'industrie, du commerce et du tourisme continue ses travaux afin
d'entendre les représentations des personnes intéressées
par le projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux.
Je vais vous donner la lecture de l'ordre du jour d'aujourd'hui, le 16
février 1984: D'abord la Corporation des marchands de meubles du
Québec, l'Association des détaillants en alimentation du
Québec, l'Association des directeurs de centres commerciaux de la
province de Québec. Cet après-midi: le conseil municipal de la
ville de Hull, l'Association des garagistes et détaillants d'essence du
Québec, l'Association des garagistes spécialisés, la
Fédération du détail et des services du Québec,
l'Association des détaillants de matériaux de construction du
Québec, l'Association des marchands du Canada, Québec,
l'Association des gens d'affaires d'Ahuntsic Inc. et PharmEscomptes Jean Coutu.
À 20 heures: PHAR-MAPRIX, l'Association des marchés publics du
Québec, l'Union des employés de commerce et l'Association des
consommateurs du Québec.
Nous avons, pour dépôt seulement, des mémoires de
l'Association des quincailliers au détail du Québec
métropolitain, de J.-B. Laliberté Ltée, de la Chambre de
commerce de Rouyn-Noranda régional et de la Chambre de commerce de la
province de Québec.
Les membres, aujourd'hui, sont: M. Rochefort (Gouin), M. Biron
(Lotbinière), M. Bourbeau (Laporte), M. Dubois (Huntingdon), M. Dussault
(Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lavigne (Beauharnois), M.
Fortier (Outremont), M. Maciocia (Viger), M. Beaumier (Nicolet), M. Tremblay
(Chambly).
Les intervenants: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Blais (Terrebonne), M.
Champagne (Mille-Îles), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. O'Gallagher
(Robert Baldwin), M. Lafrenière (Ungava), M. Mailloux (Charlevoix), M.
Rocheleau (Hull).
Nous allons maintenant appeler le premier groupe, la Corporation des
marchands de meubles du Québec. Si vous voulez bien vous
présenter, M. le président, ainsi que ceux qui vous
accompagnent.
Corporation des marchands de meubles du
Québec
M. Souligny (Bernard): M. le Président, MM. les membres de
la commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme, il me fait
plaisir, à titre de président de la Corporation des marchands de
meubles du Québec, en mon nom personnel et au nom de tous les membres de
cette corporation de vous remercier de l'invitation à participer
à cette commission qui se réunit en vue d'étudier le
projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux. À ces remerciements, M. le
Président, s'ajoute également ce vif intérêt qu'ont
les 500 marchands membres de la corporation de se faire entendre sur ce projet
de loi.
Pour discuter de ce projet, j'aimerais vous présenter
immédiatement les représentants de la Corporation des marchands
de meubles du Québec. À ma droite, M. Claude Filiatrault,
Ameublements Filiatrault Inc., de Châteauguay, M. Yves Varin, directeur
général de la Corporation des marchands de meubles du
Québec, M. Paul Vaillancourt, vice-président de M.D. Vaillancourt
Ltée, de Laval, M. Georges Mercier, président de Les ameublements
Migué Inc., Saint-Jacques de Montcalm, M. Gaston Tremblay,
président de Le foyer du meuble Inc., de Québec, M. Tom Gaudet,
président de Les ameublements Gaudet et Frères Inc., de
Québec. Je me présente: mon nom est Bernard Souligny,
président de la Corporation des marchands de meubles du Québec.
M. le Président, j'aimerais maintenant céder la parole à
M. Paul Vaillancourt.
Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt, vous avez la
parole.
M. Vaillancourt (Paul): Merci. M. le Président, la
Corporation des marchands de meubles du Québec, organisme dont les
objectifs sont de défendre, protéger et stimuler les
intérêts économiques, culturels et sociaux de ses membres,
en même temps que d'informer le public sur le commerce du meuble au
Québec, représente les détaillants qui, à eux
seuls, effectuent quelque 70% du volume des ventes au Québec.
La corporation des marchands a soumis, en octobre 1982, un volumineux
dossier sur la question des heures d'affaires des établissements
commerciaux. Également, à la
suite de la consultation effectuée en février 1983 par le
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, la corporation des
marchands de meubles a fait connaître les voeux et souhaits des quelque
500 membres qu'elle représente, à savoir: non à
l'ouverture des magasins le dimanche, inclusion du dimanche à la Loi sur
les heures d'affaires des établissements commerciaux, amendes plus
significatives aux contrevenants, accroissement des pouvoirs des fonctionnaires
chargés de l'application de cette loi, statu quo relatif aux heures
d'ouverture des magasins sur semaine.
Nous sommes heureux de constater que le projet de loi 59, aussi
imparfait soit-il, prévoit la fermeture totale et complète des
magasins le dimanche et l'inclusion de la journée du dimanche à
la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux; heureux
aussi de souligner que le projet de loi donne plus de pouvoirs aux
fonctionnaires chargés de son application; heureux de constater
également que des amendes plus significatives seront imposées aux
contrevenants. Vous conviendrez, M. le Président, que la
tolérance étrange dans la loi concernant le respect du dimanche,
l'insuffisance criante des amendes ordonnées, parfois même la
dérision des sentences prononcées ont généré
insatisfaction et irrespect dans le monde commercial et créé
tensions et pressions.
Faut-il souligner, M. le Président, l'importance
économique et sociale de la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux pour le maintien d'une concurrence loyale,
ordonnée et disciplinée et pour le maintien d'un équilibre
commercial entre le magasin à succursales et l'indépendant,
mesure nécessaire à l'évolution et à l'expansion du
commerce au Québec. Faut-il aussi ajouter la part importante que
représente le commerce de détail au Québec, soit 17,2% de
l'ensemble des travailleurs au Québec, avec une masse salariale de plus
de 3 000 000 000 $ en 1981.
M. le Président, nous sommes sûrs que les membres de cette
commission sont pleinement conscients de cette représentativité,
sûrs également que les membres de cette commission ne veulent,
pour aucune raison, infléchir l'évolution du commerce de
détail en se soumettant ou en acquiesçant au désir d'un
groupe restreint d'individus qui prônent la libéralisation dans le
seul but d'accroître leur part du marché et de ruiner
d'épuisement les détaillants indépendants du
Québec, qui, on le sait, détenaient, en 1981, 68% de la part du
marché contre 51,2% en Ontario. Dans le commerce de meubles, quelque 90%
du volume des ventes étaient détenus en 1981 par les marchands
indépendants du Québec. Malgré ces aspects positifs du
projet de loi 59, les membres de la Corporation des marchands de meubles du
Québec s'inquiètent toutefois de certaines dispositions du projet
de loi 59 qui mériteraient, selon nous, d'être
révisées et améliorées. Pour que cette loi soit
appliquée, il faut qu'elle soit applicable à tous, sans exception
de classe, de race, de religion. Pour qu'elle soit acceptée, il faut
qu'elle tienne compte non seulement des besoins des consommateurs mais aussi
des nécessités humaines de ceux qui la servent, en l'occurrence
les patrons et les employés.
Foires, encans, liquidations, expositions, commerces qualifiés de
provisoires nés au gré des événements bien souvent
par des marchands non respectueux des lois devraient être soumis à
l'application de cette loi. Dans ce contexte, le projet de loi 59 se doit
d'être révisé et amélioré.
Amélioré aussi de façon que le contenu de cette loi
concorde avec la Loi sur les normes du travail. Faut-il ajouter au surplus que
la semaine normale des individus varie entre 35 et 40 heures, alors que les
dispositions de la loi actuelle des heures d'affaires des établissements
permettent d'ouvrir 62 heures par semaine, en plus de prolonger les heures
d'affaires à certains types d'activités, tels les journaux,
tabac, fleurs et autres qui sont indiqués à l'intérieur du
projet de loi.
Alors, il est difficile d'accepter les assertions de certains à
l'effet que la famille moyenne, dans le cadre de la loi actuelle, n'a pas le
temps de magasiner. Toute prolongation des heures d'affaires impose des
coûts supplémentaires aux entreprises: 1 000 000 $ de l'heure
supplémentaire, dont le coût sera défrayé, encore
une fois, par le consommateur; aucun effet sur la demande, aucun avantage
réel pour le consommateur, aucun avantage réel pour le
détaillant, aucun avantage réel pour l'employé. Seul le
magasin à succursales multiples, possédant des ressources
financières et humaines, est avantagé par une telle
proposition.
Ce projet de loi devrait être révisé de façon
qu'il y ait concordance avec les autres lois existantes, notamment la Loi sur
les normes du travail. Ce projet de loi, au surplus, devrait dissiper
incompréhensions et ambiguïtés au niveau de l'application,
en définissant clairement les termes suivants: Dimanche: marché
aux puces, boutique ou galerie d'artisanat, galerie d'art, établissement
commercial, vente au détail, exposition, festival, foire, tabagie,
pharmacie et ainsi de suite. Nous reviendrons tantôt sur ce sujet.
Il est clair qu'exclure les détaillants de marchandises
usagées de l'application de la loi nous apparaît non fondé.
Dans bien des cas, les marchands de meubles vendent à la fois du neuf et
de l'usagé. Dans sa formulation actuelle, les mots "établissement
commercial" devraient être révisés. Quant à
l'article du projet de loi 59, je laisse mon collègue continuer sur des
propositions ou certaines modifications que nous apportons de façon que
la loi s'applique à toutes les
situations qui peuvent se produire au cours normal des heures
d'affaires.
Une voix: M. le Président, je vous présente M.
Georges Mercier.
Le Président (M. Rancourt): M. Mercier.
M. Mercier (Georges): M. le Président, le voeu de la
Corporation des marchands de meubles du Québec est de rendre la loi
applicable à tous, pour favoriser un aspect concurrentiel, loyal et
ordonné. C'est pourquoi nous aimerions que les définitions
suivantes soient dans le projet de loi, c'est-à-dire:
Marché aux puces: local ou tout autre endroit où sont
offerts en vente ou vendus, de façon exclusive, des articles ou de la
marchandise usagée.
Boutique ou galerie d'artisanat: local ou tout autre endroit où
sont offerts en vente ou vendus des produits d'artisanat, ou résultant
d'un travail manuel, dans la mesure où ces produits sont vendus par
l'artisan même, ou dans le cas d'une corporation ou coopérative
d'artisans, par un mandataire ou un préposé.
Galerie d'art: local ou tout autre endroit où sont offertes en
vente, exposées ou vendues, de façon exclusive, des oeuvres d'art
originales telles que peintures, sculptures, lithographies, photographies et
autres.
Établissement commercial: local ou tout autre endroit où
sont efferts, vendus ou exposés de quelque autre manière les
denrées, produits ou autres marchandises au Québec.
Vente au détail: toute vente faite à un acheteur ou
à un usager pour fins de consommation ou d'usage et non de revente.
Exposition: endroit où un organisme, avec ou sans but lucratif,
d'envergure provinciale, nationale ou internationale, présente au public
ou aux détaillants des denrées, produits ou autres
marchandises.
L'article 1 du projet de loi 59 stipule ce qui suit: "Aucun client ne
peut être admis dans un établissement commercial les jours
suivants..." L'article 2 de la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux stipulait ce qui suit: "Aucun client ne doit
être admis dans un établissement commercial les jours ou parties
de jours suivants..."
Ces deux articles de loi mériteraient, à notre avis,
certains éclaircissements. Dans ces deux textes, on ne tient pas compte
des transactions qui se font entre consommateurs et entreprises par des
systèmes téléphoniques ou électroniques.
On ne tient pas compte non plus, lorsqu'on mentionne qu'"aucun client ne
peut être admis", de l'attitude de certains marchands qui, sous le
couvert d'une exposition, admettent le public dans leur établissement en
dehors des heures permises par la loi.
Le prétexte invoqué par ces marchands, c'est que ces
personnes viennent simplement voir la ou les marchandises exposées. On
sait que, par définition, un client, c'est une personne qui
achète de la marchandise ou des denrées quelconques. Il s'ensuit
donc que beaucoup de détaillants, sous le couvert d'expositions dans
leur établissement, ouvrent leurs portes.
Pour ce qui est du dimanche, la Corporation des marchands de meubles du
Québec accorde aux autorités gouvernementales son accord
relativement à la fermeture des magasins le dimanche.
À la lumière de l'analyse du projet de loi 59 avec la loi
actuelle sur les heures d'affaires des établissements commerciaux, nous
nous apercevons que ce projet permet l'ouverture des magasins les jours
suivants: le 2 janvier, après 13 heures; le lendemain du jour de
Pâques; le 2 juillet si le 1er juillet est un dimanche; le
deuxième lundi d'octobre; le 26 décembre, après 13 heures.
Ceci représente 38,5 heures, pour un coût total, à 1 000
000 $ l'heure, de 38 500 000 $.
À ce coût s'ajoute l'ouverture des magasins le lundi de
Pâques, considéré comme jour férié et
payé en vertu du décret 2472-80, à la suite d'un jugement
rendu. Ce jour, s'il est travaillé, devra être payé en
double. Le coût de cette prolongation se situe autour de 48 000 000 $ que
le consommateur devra absorber.
Les membres de la Corporation des marchands de meubles du Québec
demandent la fermeture complète et totale des établissements
commerciaux le 2 janvier, le lendemain de Pâques, le 2 juillet si le 1er
juillet est un dimanche, le deuxième lundi d'octobre et le 26
décembre.
Cette demande s'inscrit ou répond à des impératifs
de bien-être pour les employés et les patrons. Elle répond
également au peu d'achalandage, à quelques exceptions
près, dans les magasins durant ces journées.
Nous suggérons donc que l'article 1.2 se lise comme suit: "Aucun
consommateur ne doit être admis, toléré, ou commercer dans
un ou avec un établissement commercial les jours suivants:..." Les jours
de fermeture sont ceux prévus au chapitre 60 de la Loi sur les heures
d'affaires des établissements commerciaux.
L'article 2 du projet de loi 59. Les membres de la Corporation des
marchands de meubles du Québec entendent s'opposer à l'ouverture
des magasins les lundi, mardi et mercredi précédant la semaine de
Pâques jusqu'à 21 heures. Ils entendent de plus s'opposer à
la fermeture des magasins à 18 heures le samedi et, également,
à la fermeture des magasins les 24 et 31
décembre à 18 heures. Les raisons invoquées sont
les suivantes.
Le samedi. Fermer les magasins à 17 heures répond
amplement ou donne suffisamment de temps aux consommateurs pour satisfaire
leurs besoins. L'achalandage ne justifie pas l'ouverture des magasins
après 17 heures. Une enquête a également été
faite auprès d'autres secteurs du commerce. À quelques exceptions
près, le même phénomène a été
observé. Faut-il de plus signaler que, dans le secteur de
l'alimentation, par exemple, qui absorbe à lui seul plus de 30% du
budget du consommateur, nous avons observé le samedi après-midi
un achalandage restreint, sauf pour la demi-heure ou l'heure
précédant la fermeture, soit 17 heures. Prolonger la fermeture
des magasins à 18 heures n'aurait strictement comme conséquence
que de déplacer la clientèle à une heure plus tardive.
Les lundi, mardi et mercredi précédant Pâques
jusqu'à 21 heures. Les membres de la corporation ne voient, de plus,
aucun intérêt à prolonger l'ouverture les lundi, mardi et
mercredi précédant Pâques jusqu'à 21 heures. Aucun
effet sur l'accroissement de la demande. Aucun besoin de la part du public
consommateur gui devra indirectement en payer le coût. Egalement, aucun
besoin réel pour les employés, sinon celui de créer une
insatisfaction, entraîner des problèmes de relations du travail
qui, pourtant, se doivent d'être améliorées.
Le seul avantage envisagé serait pour le commerce à
succursales multiples qui, lui, possède une main-d'oeuvre de
remplacement suffisante pour répondre aux besoins et ruiner
d'épuisement, à long terme, l'indépendant au
Québec.
Pour les mêmes raisons qui militent en faveur de la fermeture des
magasins le samedi à 17 heures au lieu de 18 heures, nous jugeons
déraisonnable de favoriser l'ouverture des magasins les 24 et 31
décembre jusqu'à 18 heures au lieu de 17 heures.
En conséquence, nous proposons de modifier l'article 2 comme
suit: "Nul établissement commercial ne peut être ouvert, ne peut
admettre ou tolérer la présence du public, commercer avec
celui-ci par quelque moyen que ce soit avant 8 h 30 du lundi au samedi
inclusivement, ni après 17 heures les lundi, mardi et mercredi, ou
après 21 heures les jeudi et vendredi, et 17 heures le samedi." (10 h
30)
Sous réserve de l'interdiction relative au dimanche, nul ne doit
ouvrir, admettre ou tolérer la présence du public, commercer avec
celui-ci par quelque moyen que ce soit dans ou avec un établissement
commercial après 17 heures le samedi.
Cette formulation a pour objectif de soumettre à l'application
des heures d'affaires les promoteurs de pseudoexpositions qui exploitent hors
de la loi sur les heures d'affaires sous prétexte que le client
n'achète pas, mais, va simplement voir la marchandise exposée. De
même, les centres de distribution par téléphone seraient
soumis à la loi.
Les membres de la Corporation des marchands de meubles du Québec
suggèrent, au chapitre des exemptions, de revenir à la loi
actuelle, c'est-à-dire par activité et non par
établissement, tel que formulé dans le projet de loi 59. En ce
sens, le chapitre 60 de la loi actuelle répond à ce voeu. Il
faudrait cependant ajouter ce qui suit: Elle ne s'applique pas non plus aux
marchés aux puces, aux expositions, aux boutiques et galeries
d'artisanat et aux galeries d'art, tel que défini par la présente
loi.
Nous recommandons que le contenu de l'article 5 de la Loi sur les heures
d'affaires des établissements commerciaux soit maintenu pour toutes les
autres exclusions.
Article 4 du projet de loi 59. Les membres de la Corporation des
marchands de meubles du Québec expriment l'opinion suivante concernant
les modifications apportées aux articles 7, 8 et 9 de l'actuelle Loi sur
les heures d'affaires des établissements commerciaux: sur les articles
7.1 et 8, nous sommes d'accord. Article 9: nous aimerions modifier cet article
comme suit: Nul ne peut admettre ou tolérer un consommateur dans un
établissement commercial contrairement aux dispositions de la
présente loi. Toute poursuite pour infraction peut être
intentée par quiconque. Le tribunal peut accorder les frais au
poursuivant lorsque la plainte est maintenue ou au défendeur lorsqu'elle
est rejetée. Article 9.1: Nul ne peut annoncer l'ouverture d'un
établissement commercial, ni inciter par quelque moyen que ce soit un
consommateur à commercer avec tout ou tel établissement
commercial à une heure ou un jour interdit par la présente loi,
ceci en vue de soumettre à l'application de la loi les commerces qui
fonctionnent par le biais du téléphone ou autres moyens
électroniques.
Sur l'article 9.2, nous sommes d'accord. Article 9.3: cet article, selon
nous, devrait se lire comme suit: Quiconque contrevient aux articles 9, 9.1 et
9.2 commet une infraction et est passible, sur poursuite sommaire, en outre du
paiement des frais, d'une amende minimale de 200 $ à 5000 $ et, en cas
de récidive pour une même infraction, d'une amende de 400 $
à 10 000 $ - nous avons soustrait la période de deux ans en cas
de récidive. Dans la détermination du montant de l'amende, le
tribunal doit tenir compte des bénéfices que le contrevenant a
retirés de l'infraction.
Article 9.4: cet article devrait être modifié comme suit:
Toute personne,
propriétaire ou autre agissant pour ou au nom d'un
établissement commercial, qui ordonne, conseille, autorise, consent
à la commission une infraction est partie à cette infraction et
est passible de la peine prévue pour chacune des infractions.
Conclusion. Les membres de la Corporation des marchands de meubles du
Québec reconnaissent la valeur économique et sociale de la Loi
sur les heures d'affaires des établissements commerciaux et soutiennent
que cette loi répond aux impératifs de l'homme.
Ils soutiennent également que cette mesure assure, tant aux
consommateurs qu'aux commerçants, l'équilibre requis et
nécessaire à l'évolution du commerce au détail au
Québec.
Ils prétendent de plus que la liberté ne consiste pas
seulement dans un droit accordé, mais aussi dans le pouvoir donné
à l'homme de se développer dans un cadre défini sous
l'empire d'une justice.
Respecter le dimanche répond aux exigences de l'homme et aux
impératifs familiaux que toute société civilisée se
doit de respecter. Régir le commerce par une loi-cadre applicable
à tous sans exception de classe, de religion, appliquer cette loi
rigidement et sévèrement en imposant des amendes significatives,
donner aux fonctionnaires tous les moyens nécessaires pour faire
respecter le contenu de cette loi, voilà les voeux et souhaits
formulés par les marchands de meubles du Québec. M. le
Président, merci.
Le Président (M. Rancourt): Très bien, je vous
remercie. M. le ministre.
M. Biron: Je dois tout simplement vous remercier du
dépôt de votre mémoire. Je remarque que, sur l'essentiel,
les importantes demandes que vous faites... La fermeture le dimanche, ce
n'était pas inclus autrefois, c'était 1 $ d'amende. Je vous le
rappelle, lorsque nos fonctionnaires ont fait les dernières causes, le
juge a condamné les contrevenants à 1 $ d'amende. C'est un peu
décourageant pour nos gens de faire des causes.
Alors, inclusion du dimanche, augmentation des amendes de façon
très considérable. Il me semble que vous acceptez le montant des
amendes, de même que la liberté ou le pouvoir pour le juge de
déterminer des amendes plus ou moins élevées selon le
commerce. Je pense que c'est l'essentiel, ce sont les grandes demandes que vous
nous avez faites. Vous y ajoutez d'autres petites demandes qui ne me semblent
pas aussi importantes que les deux grands principes de la fermeture le dimanche
et des amendes très sévères pour le respect de la loi.
Quant aux questions sur les détails de votre intervention et sur
d'autres représentations qui nous ont été faites, au cours
de la journée de mardi, par des gens qui nous demandaient des
exclusions, je demande à mon collègue, le député de
Chambly, d'intervenir.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord vous féliciter pour la qualité de votre mémoire.
C'est un mémoire court, mais précis, qui fait
véritablement le tour de la question. Il aidera considérablement
les parlementaires qui auront à trancher éventuellement
là-dessus.
Une première question: globalement, vous dites dans votre
mémoire que vous regroupez 500 marchands de meubles au Québec.
Est-ce que c'est la totalité des marchands de meubles?
M. Varin (Yves): M. le Président, je vous fais part
respectueusement...
Le Président (M. Rancourt): M. Varin.
M. Varin: ...qu'il y a environ 800 à 900 marchands de
meubles au Québec. Nous regroupons environ 70% de la valeur des ventes
au détail du meuble au Québec.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Je vous remercie. Une autre chose aussi m'a
frappé. Vous admettez - c'est rare que les hommes d'affaires le font -
que le gouvernement doit, à l'occasion, prendre parti et s'impliquer
dans des décisions. Depuis quelques années, il y a une mode qui
dit que le gouvernement est trop partout. Vous, vous dites probablement la
même chose que tout le monde - on est tous d'accord là-dessus -
à savoir qu'il y a des places où le gouvernement doit
s'impliquer. Vous posez même la question très clairement, mais je
ne pense pas que vous y répondiez.
À la page 7, vous écrivez: Les droits individuels
doivent-ils prévaloir sur les droits collectifs? Et vous nous laissez
avec un beau point d'interrogation. J'aimerais connaître votre opinion
là-dessus.
Le Président (M. Rancourt): M. Varin.
M. Varin: M. le Président, on reconnaît la valeur de
la question du député de Chambly. On est conscient que, selon les
sondages effectués par la Corporation des marchands de meubles, la
majorité des gens ou des marchands veut le statu quo. Qu'un groupe
restreint demande une certaine libéralisation pour répondre
à un seul souhait
- augmenter sa part du marché qui a été grandement
affectée par l'ampleur et le dynamisme des indépendants au
Québec -c'est une question à laquelle on se doit de
répondre. Il reste que le droit des minoritaires, étant
donné que la majorité des marchands demande le statu quo, nous
pousse à dire ceci. On suppose que le gouvernement se doit de
répondre au voeu et au souhait de la majorité, même si
certains groupes minoritaires sont en désaccord avec nous. Est-ce que
cela répond à votre question, M. le député?
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: J'aurais espéré une réponse
plus directe à la question que j'ai posée, puisque vous me posez
la question. Mais, je comprends que les questions sont souvent plus faciles que
les réponses. Je voudrais maintenant poser une autre question. Vous
affirmez, à la page 5, que l'augmentation des heures ouvrables
créerait automatiquement une augmentation des prix. Pouvez-vous nous
expliquer comment cela se passerait?
Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Paul): M. le député, il n'y a
personne, dans quelque commerce que ce soit, qui travaille pour rien. Si on
élargit ou libéralise une plus grande part des heures de travail,
cela représente des coûts. Ces coûts - en tant que
commerçants, on est en affaires pour faire des profits, quels que soient
la discipline ou le secteur dans lequel on pratique - font partie de nos
coûts d'administration et cela se reflète sur nos coûts de
vente.
Évidemment, la position des marchands de meubles - un peu pour
revenir, si vous voulez, à la question de tantôt - se voit d'une
façon. Le projet de loi est là pour définir les heures de
travail dans plusieurs secteurs, dans la majorité des secteurs et pour
répondre également aux besoins des consommateurs. Nous savons
fort bien, d'après les recherches et les informations qu'on a, les
sondages qu'on a pratiqués, que dans le domaine du meuble au
Québec la très grande majorité - pour ne pas dire 100% des
employés est contre l'ouverture le dimanche et contre la
libéralisation des heures de travail. Tout le monde favorise
actuellement le statu quo, et même un peu plus que cela.
Vous avez pu remarquer dans le dossier qu'on vous a
présenté que nous demandons la fermeture dans notre domaine, le
"Boxing-day", le lendemain de Noël et le lendemain du jour de l'an et ces
fêtes-là où on est obligé d'ouvrir de 13 heures
à 17 heures. Ce n'est absolument pas rentable pour la grande
majorité. De ce côté-là, il y a deux façons.
Il y a les pour le statu quo et il y a les contre. Ceux qui sont pour la
libéralisation des heures font valoir les nouvelles méthodes de
consommation des consommateurs d'aujourd'hui. C'est très
défendable, mais pour nous - on a des employés - le danger que
cela implique si on s'en va vers une libéralisation des heures
d'ouverture des commerces, c'est d'arriver à une moins bonne
qualité de services. Il faut augmenter certains personnels au niveau de
la distribution ou de la vente, et cela cause des problèmes. Il est
prouvé actuellement, d'après les informations que nous avons
d'autres provinces ou d'autres endroits où on a libéralisé
les heures dans notre domaine, que tout ce qu'on a fait, c'est de
déplacer. On n'a rien augmenté, après un ou deux ans, de
l'assiette de vente. L'enveloppe de ventes n'a pas augmenté. Elle s'est
strictement déplacée. Le résultat s'est
révélé négatif. Dans les endroits où on a
fait ces recherches, ce qui est important à retenir, c'est que les
gouvernements municipaux ou provinciaux recommandent souvent de faire
attention, si on augmente les heures d'ouverture de commerce, à la
répercussion que cela va avoir sur les services publics. Les commissions
de transport au Québec, pour autant que je suis concerné, sont
toutes déficitaires. Cela coûte toujours plus cher d'année
en année et les déficits ne font que grandir. Si vous avez une
plus grande libéralisation des heures d'ouverture, à ce
moment-là, cela va coûter plus cher encore dans d'autres
assiettes. C'est un peu cela, l'inquiétude. Ce sera plus cher au niveau
des services de protection, policiers, incendie, parce que si vous
libéralisez il y a plus... L'occasion fait le larron. Il y a plus de
vols. Il y a plus d'accidents. Il y a plus de trafic sur les routes et tout
cela. C'est dans ce sens-là que nous prenons position.
Après avoir vérifié, le personnel qui travaille
pour nous, le personnel des détaillants de meubles, n'est pas pour une
plus grande libéralisation. On fait quoi? Est-ce qu'on se dit: On
répond strictement aux consommateurs? Actuellement, le consommateur a 62
heures pour pratiquer ses achats et la moyenne d'heures de travail varie entre
35 et 40. Actuellement, on trouve que c'est suffisant pour répondre
à cette demande.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: M. le Président, dans ce sens-là, vous
aviez un complément de... Je crois que monsieur avait un
complément de réponse.
Le Président (M. Rancourt): M. Varin.
M. Varin: M. le Président, selon des statistiques
estimées en 1981, la masse salariale des établissements
commerciaux au Québec en 1981 était de 3 068 000 000 $. Le nombre
d'heures estimatives permises ouvrables par année, 3181, ce qui faisait
un coût horaire d'ouverture d'à peu près 964 000 $. Mettons
grosso modo que chaque heure supplémentaire coûte environ 1 000
000 $ pour l'ensemble du Québec. Qui va absorber ce
coût-là? C'est le consommateur.
Le projet de loi 59, tel que formulé, prévoit une
augmentation de 38 heures et demie, d'où environ 38 500 000 $ de surplus
que le consommateur va devoir accepter. On prétend que cela s'inscrit
à l'encontre des objectifs fixés par le gouvernement
vis-à-vis de la relance.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly. (10 h 45)
M. Tremblay: Vous dites que si on augmente les heures ouvrables,
cela augmente les prix. On pourrait dire corollairement - est-ce qu'on pourrait
le dire? - qu'en les réduisant cela réduirait les prix.
Le Président (M. Rancourt): M. Varin.
M. Varin: Évidemment, votre formulation serait
sûrement un voeu qu'on voudrait voir se réaliser. Il est
évident que plus on va pouvoir réduire les coûts, plus il
va y avoir une incidence sur les prix.
M. Tremblay: Vous ne pensez pas que dans un contexte comme cela,
les marchands auraient tendance à tout simplement garder le profit
additionnel?
Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt, je
m'excuse.
M. Vaillancourt (Paul): II y aurait à ce moment deux
classes de gens plus heureux: les propriétaires qui feraient plus de
profits et les gouvernements qui percevraient plus d'impôts.
M. Tremblay: Comment cela?
M. Vaillancourt (Paul): Si on est ici pour discuter d'un projet
de loi dans lequel, de huit exceptions à la loi 60 on en est rendu
à seize et que le débat n'est pas terminé, il y a de
fortes chances qu'il y ait encore plus d'exceptions. Si on demande de
fermer...
M. Tremblay: Je ne voudrais pas que vous présumiez des
décisions de... Cela pourrait être moins.
M. Vaillancourt (Paul): ...pour réduire des
coûts...
Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Paul): ...et qu'on félicite le
gouvernement d'augmenter dans sa loi la surveillance et l'application de la
loi, d'être moins libre concernant la tolérance comme on l'a
été dans les dernières années, je pense que cela va
définitivement amener des coûts moindres dont le consommateur aura
aussi à bénéficier parce qu'on évitera, à ce
moment, les ouvertures non permises le dimanche, qui servent à enlever
des ventes à d'autres marchands qui respectent la loi.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Est-ce que vous avez envisagé la
possibilité de fermer pour les vacances à une période de
l'année?
Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Paul): Non. Cela ne répond pas aux voeux,
aux souhaits des consommateurs; du tout. Actuellement, cela n'a pas
été envisagé, cela n'a même pas été
discuté. Je peux vous dire, par exemple, que selon des informations que,
personnellement, j'ai recueillies - j'ai l'occasion de visiter d'autres pays
dans l'exercice de mes fonctions - on s'aperçoit que dans les pays
où on ferme totalement les portes pour la période des vacances,
on met en danger certaines industries ou certaines entreprises de détail
parce que tout tombe complètement. Ce ne serait peut-être pas la
façon de le pratiquer, je ne crois pas, du moins pas pour le moment.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Maintenant, pour être plus précis,
l'application de la loi pose des problèmes, plus particulièrement
pour déterminer ce que telle sorte de commerce qui a le droit d'ouvrir
ses portes le dimanche peut vendre. On parlait des menus articles... Il y a les
commerces d'horticulture ornementale qui demandent de pouvoir vendre des
meubles de jardin en même temps que leurs plantes le dimanche. Qu'est-ce
que vous en pensez?
Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Paul): Je peux vous dire une chose, c'est que je
représente au Québec, peut-être, un des plus grands
marchands de meubles de patio ou d'extérieur. J'ai le droit
d'ouvrir mes portes le dimanche et je ne l'ai jamais fait. De là
à vous dire que ce serait impensable de laisser à ces
horticulteurs ou à des commerces de ce genre de vendre de l'ameublement
de patio ou de l'ameublement de jardin, à ce moment, il s'agit de
définir... Actuellement, il y a un problème qu'on vous fait
remarquer dans ces lois, et c'est la définition des entreprises comme
telles. Maintenant, il est entendu que les vendeurs de produits de jardin
peuvent vendre des mobiliers de jardin, qui sont des mobiliers de saison. C'est
faisable.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: C'est faisable mais ce n'est pas légal.
M. Vaillancourt (Paul): Pourquoi ce n'est pas légal? Parce
qu'il y a une tolérance!
M. Tremblay: C'est que les amendes sont tellement minimes le
dimanche, vous le savez. C'est cela le problème qu'on tente de
régler aujourd'hui. Présentement, je ne pense pas que vendre des
meubles de jardin le dimanche soit légal.
M. Vaillancourt (Paul): II y a une trop grande
tolérance.
M. Tremblay: C'est que la loi n'a pas d'amendes suffisamment
élevées pour inciter les marchands à fermer.
Présentement, cela ne vaut même pas la peine d'aller plaider une
cause parce que les gens paient les amendes à l'avance. Ils ne sont
même pas intéressés à aller se battre contre
cela.
Il y a un autre problème que vous avez soulevé aussi dans
votre mémoire - et vous le définissez très bien - c'est le
problème des marchés aux puces qui pullulent. Vous
réduisez cela aux objets usagers. Déjà, la loi permet
cela. Elle permettrait aussi, par exemple, à un marchand de meubles qui
voudrait écouler ses meubles usagés le dimanche - il y a des
marchands de meubles, je crois, qui reprennent de l'usagé - d'ouvrir son
commerce pour des meubles usagés présentement.
Le Président (M. Rancourt): M. Varin.
M. Varin: M. le Président, dans la définition des
mots "marché aux puces", on est prêt à accepter les ventes
qui se font de consommateur à consommateur d'une façon exclusive.
Mais vous avez mis dans le projet de loi les mots "détaillant de
marchandises usagées". Les marchands de meubles font à la fois la
vente de neuf et d'usagé. Par conséquent, on veut que la loi soit
applicable à tous. On veut que les établissements commerciaux
soient clairement définis, que les mots "établissement
commercial" soient clairement définis. Si on a mis la définition
de marché aux puces, c'est parce qu'on veut simplement, au niveau des
exemptions, exclure les marchés aux puces; que les détaillants
purement et simplement de marchandises usagées soient soumis à
l'application de la loi, comme nous autres. D'ailleurs, que les consommateurs
qui vendent des meubles usagés entre eux, là-dessus, on est
d'accord. On est prêt à l'accepter.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: D'accord. Je comprends la nuance et je la trouve
très intéressante. Vous ne désirez pas en tant que
marchand, par exemple, avoir le droit de vendre vos meubles usagés le
dimanche et de la même manière, vous dites: Personne ne devrait
avoir ce droit-là; ce qui devrait être, c'est qu'un consommateur
qui veut vendre un meuble usagé à un autre consommateur puisse le
faire. Je trouve cela très intéressant.
En ce qui concerne un autre problème ou une autre situation, on
sait qu'il y a une cinquantaine d'expositions agricoles au Québec. C'est
devenu considérable les expositions agricoles. Il y a effectivement des
gens qui vendent des meubles dans ces expositions-là et toutes sortes
d'autres objets, et nécessairement c'est ouvert le dimanche et en dehors
des heures normales d'ouverture. Quelle est votre attitude face au
problème des expositions et votre solution, si vous en avez une?
Le Président (M. Rancourt): M. Varin.
M. Varin: M. le Président, pour ce qui est des
expositions, on n'est pas contre le fait qu'un organisme avec ou sans but
lucratif qui expose d'une façon nationale, internationale ou provinciale
soit exempté de l'application de la loi. Ce qu'on ne veut pas, c'est que
des pseudo-marchands ou de petites expositions régionales ou locales
soient soustraites à l'application de la loi au détriment des
marchands soucieux de respecter les lois. Cela clarifie votre question? Pour ce
qui est des...
Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt, vous avez
demandé la parole.
M. Vaillancourt (Paul): Vous avez demandé si on avait des
suggestions. Il y en aurait probablement une. Le gouvernement s'en tire
très bien dans d'autres organismes gouvernementaux, à savoir la
Régie des
loteries et courses du Québec. Ces expositions et ces
organisations d'expositions devraient s'adresser à l'organisme
gouvernemental qui fait appliquer cette loi: demander un permis d'exposition et
définir le contenu, la même chose qu'un organisme qui fait un
tirage pour une association bénévole. Il faut définir les
règles du jeu et cela dans le respect de cette loi. Il y a certainement
des solutions.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: En fait, c'est ce que la nouvelle loi
préconise présentement, à peu près ce que vous
suggérez. D'accord. Je vous remercie. Ce fut très
intéressant.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Il me fait
également plaisir, au nom de l'Opposition, de mes collègues, de
souhaiter la bienvenue aux représentants de la Corporation des marchands
de meubles du Québec qui déposent ce matin leur mémoire et
font leurs commentaires sur le projet de loi 59. J'ai pris connaissance du
mémoire comme la plupart de mes collègues et j'aimerais attirer
votre attention à la page 7 du mémoire, où vous traitez de
l'ouverture le dimanche. On a constaté, depuis le début des
travaux que nous menons à l'Assemblée nationale sur ce sujet,
qu'il semble y avoir un large consensus chez les marchands et les
commerçants sur la nécessité de ne pas ouvrir les
commerces le dimanche. Quant à vous, vous basez votre opinion sur des
fondements philosophiques et je note en particulier le deuxième
paragraphe et la phrase où vous dites: "Le droit minoritaire ou
individuel doit-il prévaloir sur le droit collectif ou majoritaire?"
C'est une phrase qui me semble très profonde. On semble avoir des
relents de la loi 101 ou des débats sur la constitution. J'aimerais que
vous me l'expliquiez, parce que ce n'est pas très clair dans mon esprit.
Dans votre esprit, à qui faites-vous référence quand vous
parlez des droits minoritaires et à qui faites-vous
référence quand vous parlez des droits collectifs en ce qui
concerne le projet de loi 59?
Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Paul): On fait référence, à
la majorité de nos employés. Quand on dit que, dans notre
domaine, dans notre secteur, il y a près de 100% des employés qui
ne veulent pas ouvrir le dimanche, est-ce qu'on respecte aussi ces
gens-là? On ne parle pas d'un débat politique "at large", d'une
philosophie. À ce moment-là, quand cela s'appliquera à
notre secteur, nous avons actuellement les informations pour le
défendre. La grande majorité des propriétaires et des
employés dans le secteur du détail de meubles au Québec
sont pour le statu quo ou contre l'ouverture le dimanche. C'est là qu'on
parle des majorités et des minorités.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Les propriétaires et les employés sont
considérés comme étant le groupe majoritaire qui souhaite
fermer le dimanche et il y a, parmi vos collègues propriétaires
et leurs employés, une minorité qui souhaiterait ouvrir le
dimanche. C'est le sens de la phrase, si je comprends bien.
M. Vaillancourt (Paul): Exactement. Comme information
additionnelle là-dessus, la représentation que vous avez ici
devant vous aujourd'hui en est un exemple assez frappant. Quand on sait que les
deux interventions majeures contre lesquelles la corporation a eu à se
défendre dans la dernière année ou auxquelles elle a eu
à faire face provenaient de la compagnie Eaton, qui favorise l'ouverture
ou la libéralisation des heures d'ouverture incluant le dimanche, et des
magasins IKEA, qui se sont implantés au Canada au cours des cinq ou six
dernières années, on voit tout de suite la différence.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Mon collègue, membre de la formation
politique opposée, a posé des questions tout à l'heure et
a fait état de votre représentativité. Vous disiez que
vous représentiez environ 70% de la valeur des ventes, je crois. Est-ce
que vous êtes également représentatif de 70% des marchands
ou si c'est encore plus important?
M. Varin: C'est à peu près cela.
M. Bourbeau: La même chose.
M. Varin: La même chose.
M. Bourbeau: Ce qui me frappe un peu dans l'argumentation qu'on
peut lire dans votre mémoire, vous en avez vous-même parlé
tantôt, M. Vaillancourt, - c'est le point que je veux traiter - c'est le
point de vue du consommateur. Vous avez dit quelque chose, tout à
l'heure - je n'ai pas noté vos paroles exactes - mais il y avait
peut-être une certaine divergence entre le point de vue du consommateur
et celui du marchand. Ce ne sont sûrement pas les mots que vous avez
employés, mais c'est ce que j'ai
compris. Vous me corrigerez si je vous cite mal. Je me demande
jusqu'à quel point on se préoccupe ou on ne se préoccupe
pas de l'intérêt du consommateur quand on parle de l'ouverture ou
de la fermeture le dimanche. Ce n'est pas que je sois nécessairement
pour l'ouverture le dimanche, mais je pense que cela vaut la peine de poser la
question. Est-ce que vous avez fait des enquêtes ou des sondages
auprès de votre clientèle ou auprès du public consommateur
en général pour savoir s'il est aussi enthousiaste que vous
l'êtes pour tirer la conclusion, à savoir qu'on ne devrait pas
ouvrir le dimanche?
Le Président (M. Rancourt): M. Varin.
M. Varin: M. le Président, en réponse au
député de Laporte, lorsqu'il y a eu un débat public sur la
question du dimanche et la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux, certaines associations de consommateurs,
publiquement, sur les ondes de la radio et de la télévision de
Québec, se sont opposées totalement à l'ouverture des
magasins le dimanche. On sait, selon nos sondages, qu'au moins deux
associations de consommateurs se sont opposées à l'ouverture des
magasins le dimanche. Par conséquent, sans aller plus loin, il n'y a pas
beaucoup d'associations de consommateurs, mais elles sont assez
représentatives pour répondre que les consommateurs sont
défavorables à l'ouverture des magasins le dimanche. (11
heures)
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Je veux bien vous croire; vous dites que certains
groupes se sont exprimés sur les ondes et que deux organismes de
consommateurs sont contre. C'est peut-être au ministre que je devrais
poser la question et, effectivement, je la lui ai posée mardi. Je n'ai
pas encore eu de réponse. Est-ce qu'il y a eu un sondage sérieux,
scientifique fait auprès de l'ensemble des consommateurs du
Québec sur la question de l'opportunité ou non d'ouvrir le
dimanche? Si oui, est-ce que quelqu'un pourrait rendre publics ces sondages de
façon qu'on puisse savoir non pas seulement ce que pensent les marchands
- on le sait, on le voit, c'est évident - et leurs employés, mais
également les consommateurs?
Le Président (M. Rancourt): M. Varin.
M. Varin: En réponse à la question du
député de Laporte, je vous soumets respectueusement qu'une
consultation a été faite en février 1983 sur les heures
d'affaires et sur la question du dimanche. Plusieurs associations, tant de
consommateurs que de commerçants ou d'employés, ont
répondu à cette consultation. Les résultats en ont
été déposés au bureau du ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme. Je pense que seul lui pourrait répondre
à la question que vous m'avez posée et ce, d'une façon
beaucoup plus précise que moi parce que je n'ai pas de document.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: J'ai effectivement pris connaissance et j'ai en ma
possession le rapport de cette consultation. Je disais au ministre mardi
dernier que justement, à la lecture de ce rapport, il semble que
l'enfant pauvre de cette consultation soient les consommateurs. On semble avoir
beaucoup plus consulté les marchands, les détaillants, les
commerçants et leurs employés que les consommateurs. Je ne
prétends pas que les consommateurs auraient une réponse
différente. Ce serait intéressant pour nous de le savoir, parce
que, en tant que législateurs, on est là pour tenter de
préparer une loi qui soit acceptable à l'ensemble de la
population et non pas seulement à un groupe, que ce soient les marchands
ou les consommateurs.
Toujours à la page 7, dans le même paragraphe, plus bas,
vous dites: "Accéder à une telle demande, sous le couvert des
droits et libertés de la personne, c'est accepter de rejeter un droit
collectif souhaité ou voulu par une population." C'est pour cela que je
vous pose ces questions. Vous affirmez que c'est souhaité et voulu par
une population. Quand vous parlez de la population, vous parlez des
consommateurs ou vous parlez de l'ensemble des marchands?
Le Président (M. Rancourt): M. Varin.
M. Varin: On parle des consommateurs. On parle des
commerçants. On parle des employés aussi. On a fait des
consultations auprès d'autres secteurs de commerce. On s'est rendu
compte que le statu quo, pour nous, répond à peu près au
voeu et au souhait de l'ensemble des milieux consultés. Par
conséquent, on dit: La collectivité le veut. On se demande la
raison pour laquelle le gouvernement se doit d'accepter le voeu et le souhait
d'un groupe minoritaire qui veut simplement accroître sa part du
marché au détriment de la majorité. Vous savez, à
ce moment, personne n'est intéressé de payer des taxes
continuellement. On l'accepte parce que cela répond à un besoin
collectif. Si on retourne la question à l'envers, on dit:
Écoutez, cela ne nous plaît pas; on est libre de ne pas payer des
taxes. À ce moment, c'est l'anarchie.
Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Paul): S'il n'y a pas
eu de sondage - mais il a dû y en avoir, je sais qu'il y en a eu -
d'autres secteurs font valoir leurs droits et leur position devant cette
commission. Nous avons fait nos recherches et, avec le dossier que nous
déposons ici aujourd'hui, nous sommes quand même confiants que ce
qu'il y a dedans est véridique. Si demain matin - je reviens aux
sondages parce que des sondages, vous savez, on peut leur faire dire ce que
l'on veut pas mal souvent - on veut parler de qualité de vie et de
qualité de service - on entend cela de la part du gouvernement depuis je
ne sais combien d'années, la qualité de vie - la qualité
de vie, ce n'est pas seulement le consommateur; c'est aussi l'ouvrier, parce
que c'est avec le même individu, la même personne qu'on fait
affaires. À ce moment-là, si on demande à nos ouvriers de
travailler plus longtemps, cela nous cause des problèmes, c'est
vrai.
Si, dans un secteur de marché, au niveau des employés, on
s'aperçoit - et on a les informations, parce qu'on les a tous faits nos
sondages de ce côté - que personne ne veut travailler et que tout
le monde est contre ce projet, à ce moment, on se doit de
défendre ces positions. Si, demain matin, les consommateurs ont besoin
de plus d'information de la part des services gouvernementaux, est-ce que vous
êtes prêts à ouvrir des ministères complets pour
répondre aux consommateurs, demain matin, pour fournir des informations
dont ils ont besoin? Et Dieu sait que les consommateurs ont besoin
d'information de plusieurs ministères. Est-ce qu'on veut virer tout le
système à l'envers? C'est un peu cela le danger. Je ne vous dis
pas que cela n'arrivera pas un jour, mais je ne pense pas qu'on en soit rendu
là actuellement.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Je ne suis pas le gouvernement, mais j'observe,
depuis un certain temps, qu'il y a effectivement...
Une voix: On vous observe...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Bourbeau: ...cela, la population le jugera bientôt. Mais
pour répondre à votre question, M. Vaillancourt, j'observe
effectivement que, depuis un certain temps, il y a au gouvernement un mouvement
vers ce que vous venez de dire. Je me souviens que le ministre de l'Habitation
et de la Protection du consommateur annonçait, il y a quelques mois,
que, dorénavant, on ouvrirait durant plus d'heures, à l'heure du
midi, pour répondre aux demandes, à la Régie du logement.
Je pense qu'on a déjà annoncé même des ouvertures le
soir, dans certains ministères pour... Et je pense qu'il y a un
mouvement très faible et très timide - je dois le dire - dans le
sens de donner plus de service à la population, à des heures
où celle-ci est susceptible d'en recevoir.
Je ne porte pas de jugement sur la valeur de cela, à savoir si
cela est souhaitable ou non. Mais, j'ai l'impression et la certitude même
qu'effectivement, même au gouvernement, d'une façon très
lente, on ouvre un peu. Il ne faut pas s'en faire. Comme député,
quand je veux appeler dans un ministère pour avoir un renseignement
à 16 h 15 ou 16 h 30 et que je vois que c'est fermé, que les
fonctionnaires sont partis... Dans certaines municipalités au
Québec, c'est complètement fermé le vendredi
après-midi, d'autres ferment à 15 heures ou 15 h 30. Quant
à nous, nous restons à nos bureaux jusqu'à 18 h 30 ou 19
heures tous les soirs. On trouve cela assez incroyable...
M. Biron: ...vous appelez au bureau du ministre!
M. Bourbeau: ...on appelle... et là on trouve le ministre.
Je dois avouer que c'est une bonne heure pour le retrouver, et le porte-parole
de l'Opposition aussi. Alors, peut-être qu'effectivement, il faudra
donner aux consommateurs les services dont ils ont besoin à des heures
un peu plus flexibles. Et peut-être que le gouvernement pourra aussi
fermer les lundis matin.
De toute façon, revenons à ce qu'on disait...
Une voix: ...fermer le Parlement...
M. Bourbeau: ...comme le dit mon collègue, si le
gouvernement fermait le Parlement, peut-être que...
Une voix: Cela irait mieux. M. Bourbeau: ...oui. Des
voix: Ah! Ah!
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Bourbeau: Alors, revenons à la question. La raison pour
laquelle je vous interroge - je reviens là-dessus et je ne veux pas que
vous pensiez que l'Opposition est en train de faire la guerre au profit de
l'ouverture le dimanche - c'est parce que vous me semblez être, parmi les
intervenants qui s'opposent farouchement à l'ouverture le dimanche, un
des mieux préparés et des mieux structurés, et c'est pour
cela que je vous teste un peu plus, pour tenter de voir vraiment le fondement
de l'argumentation.
Tout à l'heure, vous avez répondu: On
n'est pas pour ouvrir le dimanche pour faire plaisir à un groupe
minoritaire qui veut accroître sa part du marché. Je
présume que vous faisiez allusion à Eaton, IKEA et aux gros
magasins. Je reviens encore à ce point. Est-ce vraiment la seule raison
pour laquelle on pourrait ouvrir le dimanche, pour permettre à un groupe
de gros marchands de faire de l'argent? Quand vous affirmez cela,
êtes-vous vraiment certain que les consommateurs, eux, ne souhaiteraient
pas que ces commerces soient ouverts le dimanche?
Vous semblez vous faire le porte-parole de la population quand vous
employez les mots "pour une population qui ne veut pas d'ouverture le
dimanche". Je mets en doute votre capacité d'affirmer que la population
ne veut pas ouvrir le dimanche et je pense que c'est peut-être
plutôt par intérêt... Vous voulez faire de l'argent durant
la semaine -et c'est normal, vous êtes commerçant - et vous avez
des concurrents qui, eux, pensent qu'ils vont faire plus d'argent s'ils ouvrent
le dimanche. Alors, c'est une guerre entre marchands. Où est
l'intérêt du consommateur là-dedans? Est-ce que vous ne
vous arrogez pas un droit - pas un droit, mais un mandat - que vous ne semblez
pas avoir de parler au nom de la population, alors qu'en fait vous parlez
plutôt pour les commerçants?
Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Paul): J'ai, au départ, expliqué
certaines choses et parlé des vérifications que nous avons faites
auprès d'autres gouvernements, parce qu'il y a des heures plus libres ou
d'autres horaires d'ouverture des commerces dans d'autres provinces. J'en note
une ici: De grandes chaînes qui ont expérimenté la
libéralisation des heures d'ouverture dans d'autres provinces affirment
qu'après quelques mois on n'a pas augmenté les ventes du tout.
Tout ce qu'on a fait, on a seulement déplacé l'enveloppe
budgétaire. On a donné un service additionnel, si vous voulez,
aux consommateurs, mais cela a augmenté les coûts,
assurément. Alors, ces coûts - j'en ai fait mention tantôt
dans un autre exposé - se reflètent sur les coûts des
services publics et jusque sur le compte de taxes du consommateur.
Nous disons qu'actuellement 62 heures, du moins dans notre domaine, dans
le domaine de l'ameublement, c'est suffisant pour répondre à la
demande de la consommation. Si vous voulez comparer avec d'autres secteurs, par
exemple, celui de l'automobile est fermé le samedi et le dimanche depuis
quelques années, du moins dans la région de Montréal.
Quand on va acheter une automobile, on va contracter une facture de 10 000 $ au
minimum, entre 10 000 $ et 20 000 $. Ce secteur est fermé le samedi et
le dimanche maintenant. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres secteurs
dans le domaine du détail qui n'ont pas besoin d'ouvrir le dimanche.
Pour ce qui est de nos informations et de la cause qu'on a à
défendre ici aujourd'hui, à part IKEA, qui est une nouvelle
chaîne, qui est internationale et qui est la plus grosse chaîne au
monde - on en est conscients, on ne s'en cache pas - cette chaîne
représente actuellement peut-être 500 employés à
travers le Canada, ce qui peut représenter pour Montréal et
Québec, leurs deux succursales, peut-être une soixantaine ou une
centaine d'employés au maximum. 75% des produits qu'elle vend ici
actuellement, c'est de l'importation; 25% de ses produits sont fabriqués
au Canada. Cela ne veut pas dire juste au Québec; la partie du
Québec, c'est peut-être seulement 10%. Eaton est pour la
thèse d'ouvrir le dimanche et défend cette position. Ils ont
certainement leurs raisons, mais, jusqu'à présent, en un an, ceux
qu'on a rencontrés qui veulent réellement défendre cette
position jusqu'au bout, il n'y a que ces deux chaînes.
Si vous parlez des autres marchands de meubles, évidemment, il y
a la question des Juifs, de la communauté juive qui a le sabbat. Ils
veulent déplacer cela et tout le reste, mais cela est un autre
problème que la loi devra régler. D'autres marchands de meubles
ont ouvert à certaines périodes non permises depuis la crise
économique de 1982 - cela a commencé vers la fin de 1981. En
1982, plusieurs, pour venir à bout de passer un peu plus facilement
à travers la crise, se sont permis des ventes de 18 heures à 24
heures et des ventes le dimanche. Ceux-là, je n'en ai pas
rencontré un, depuis un an, qui est venu endosser les chaînes qui
ont demandé de défendre le point de vue de l'ouverture le
dimanche. Il n'y en a pas un. Ceux-là sont quand même
intéressés à ouvrir une fois de temps en temps le dimanche
pour aller gruger dans l'assiette de l'autre. À ce moment-là, on
trouve que la loi se doit d'être plus sévère. Si ces gens
veulent défendre cette position, ils ont le même privilège
que nous, ils n'ont qu'à venir la défendre. Depuis un an, on peut
vous dire une chose: ce sont les mêmes qui ouvrent le dimanche. Il y en a
qui ont eu des injonctions durant des périodes de trois à quatre
mois. Aussitôt l'injonction terminée, ils ont continué
à ouvrir le dimanche. Cela fait leur affaire d'ouvrir le dimanche pour
autant que la loi défend l'ouverture le dimanche.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte, en vous rappelant que nous avons dépassé le temps. (11 h
15)
M. Bourbeau: Quel temps, M. le Président?
Le Président (M. Rancourt): Le temps qui est alloué
pour une audition, soit trois quarts d'heure. Cela fait déjà une
heure que nous avons... Vous pouvez poursuivre.
M. Bourbeau: Quel article du règlement, M. le
Président?
Le Président (M. Rancourt): II semble qu'il y a eu
entente.
M. Bourbeau: Ah bon, très bien! Mais remarquez, je
comprends bien, mais ce matin, on a seulement trois intervenants, on a
commencé un peu en retard, on ne prendra pas trop de temps.
Je conclus, d'après ce que vous dites, que ceux qui ont ouvert le
dimanche ont déplacé le marché; que les coûts des
commerçants ont augmenté puisqu'ils avaient des heures plus
longues mais que, effectivement, les consommateurs s'en sont
prévalus.
Voici la question fondamentale qu'il faudrait se poser: Est-ce que, par
hasard, les consommateurs ne seraient pas prêts à payer un
coût additionnel, puisque c'est ce qui va se produire - ce n'est rien de
nouveau - pour avoir la possibilité d'un plus grand nombre d'heures
d'ouverture? Êtes-vous prêt à répondre à cette
question?
Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Paul): Je peux vous dire que j'ai eu l'occasion
de fureter quelques sondages qui ont été faits
dernièrement pour d'autres secteurs du commerce de détail. Il est
vrai - il y a des associations qui se feront entendre devant vous - que dans
certains domaines, on va observer, ce qu'on appelle en anglais, le "leisure
shopping"; c'est ce qui se fait le dimanche.
À cause de l'augmentation du coût de la vie, de la crise
économique qu'on vient de passer et de la relance à laquelle tout
le monde s'accroche et essaie de profiter au maximum, on ne peut pas dire que
les consommateurs d'aujourd'hui sont plus à l'aise qu'ils
l'étaient en 1981 ou 1982. Il y a beaucoup de ce "leisure shopping" - je
m'excuse de l'anglicisme - qui se pratique le dimanche mais, de là
à sortir un maximum de vente, ouvrez tout le monde le dimanche, tout ce
que vous venez de faire, d'autres provinces et certains États aux
États-Unis l'ont prouvé, c'est déplacer cette assiette de
vente, l'enveloppe de vente n'augmente pas.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Une dernière question. Je voudrais vous
demander ceci: Est-ce que, d'après vous, le consommateur - parce que je
reviens toujours au consommateur, vous le connaissez bien, vous le servez
régulièrement - fait une différence entre le genre de
commerce que vous exercez, soit la vente de meubles, et l'alimentation. Est-ce
qu'il est possible qu'on ait, parmi les consommateurs, une plus grande faveur
à l'endroit de l'ouverture le dimanche pour des commerces d'alimentation
que pour des commerces comme le vôtre?
Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Paul): Certainement. D'ailleurs, la loi 60 le
couvrait déjà pour certaines exceptions. Le projet de loi 59 le
couvre pour un plus grand nombre d'exceptions. Il y a, dans les
dernières années, l'avènement des marchés publics.
Je ne m'en cache pas, parfois, le dimanche, quand je n'ai rien à faire,
je pars avec mes enfants, je vais faire un tour au marché public. "It is
leisure shopping." Actuellement, d'autres feront valoir - parce qu'ils ont les
dossiers en main pour le faire valoir - que la méthode de consommation,
même au niveau de l'alimentation, n'a pas tellement changé. Ici,
au Québec, on consomme beaucoup au niveau de l'alimentation. Le
marché se fait le jeudi ou le vendredi et chez un épicier majeur
où il y a un grand choix. On y dépense la majeure partie de
l'enveloppe budgétaire de l'alimentation d'un coup sec.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, c'est très
intéressant, parce que les marchés publics, jusqu'à un
certain point, transgressent la loi actuelle avec tous ceux parmi les
commerçants des marchés publics qui ont plus de trois
employés dans une section du magasin, dans un étal. Ils ne se
conforment pas à celle-ci puisqu'ils doivent se limiter au maximum de
trois employés par magasin.
Dans la nouvelle loi, dans le projet de loi que le ministre nous
propose, cette restriction est conservée. Vous qui tentez de nous
convaincre de ne pas laisser ouvrir les commerces le dimanche, vous semblez
être d'accord pour qu'à l'égard de l'alimentation on
permette la libéralisation non seulement pour un maximum de trois
personnes, mais vous semblez dire également que vous encouragez les
marchés publics le dimanche. Donc, pour terminer, je repose ma question:
Est-ce qu'on devrait traiter l'alimentation d'une façon tout à
fait différente, libéraliser complètement le secteur de
l'alimentation, en ce qui concerne la loi du dimanche, et à
l'égard des autres commerces qui ne sont pas dans l'alimentation
observer une réglementation plus stricte?
Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt, suivi de M.
Varin.
M. Vaillancourt (Paul): Tout ce que j'ai mentionné, c'est
que j'avais eu l'occasion -là, c'est en tant qu'individu que je parle
-de voir d'autres documents ou sondages qui ont été faits dans
d'autres secteurs du détail. Ma fonction, ici, ce n'est pas de
défendre ces secteurs-là. Je vous ai bien dit une chose, je vous
ai bien stipulé que dans la loi 60 il y avait huit exemptions; il y a
des tolérances qui se sont greffées au fil des années
à cela et c'est un peu normal. C'est pour cela qu'on révise des
lois à un certain moment donné; lorsque l'article est rendu au
bout et qu'il est à la veille de péter, on s'asseoit autour d'une
table de concertation et on réagit. On est ici pour faire cela et la
preuve en est que, dans le projet de loi 59, au lieu de huit ou dix exceptions
comme il y a dans la loi actuelle, il y en a seize et il y en aura probablement
d'autres. Alors, tout ce que je puis vous dire, c'est qu'il y a, dans certains
secteurs, assurément, un changement de comportement de consommation.
Mais je peux vous assurer que dans le domaine du meuble, actuellement, ce n'est
pas prononcé assez fort, du moins pour que nous ayons pu le
déceler, parce que, comme je l'ai dit un peu plus tôt, nous sommes
des hommes d'affaires, on est en affaires pour faire des profits. Que ce soit
à vendre des carottes, des meubles ou des automobiles, il n'y a personne
qui est en affaires pour faire des pertes.
À ce moment-là, on est conscient d'une chose, c'est que,
si le consommateur nous demande d'ouvrir le dimanche, on ouvrira le dimanche et
on défendra cette position quand on sera rendu là. Mais,
actuellement, depuis un an, période durant laquelle ce comité
s'est prononcé, a travaillé, a fait ses recherches, dans le
secteur de l'ameublement, il n'en est pas question.
Le Président (M. Rancourt): M. Varin.
M. Varin: M. le Président, j'aimerais ajouter quelques
mots relativement à la question du député de Laporte. J'ai
eu l'occasion de travailler dix ans dans le domaine de l'alimentation, domaine
que je connais donc d'une façon un peu particulière. J'ai eu
l'occasion de diriger des magasins d'alimentation. Je peux vous dire que, dans
l'alimentation - bien que je ne veuille pas entrer dans le champ de
l'alimentation - les heures actuelles sont suffisantes pour répondre aux
besoins de la demande. C'est sûr que, si vous ouvrez les magasins 24
heures, il va encore manquer une heure aux consommateurs pour répondre
à leurs besoins.
M. Bourbeau: M. le Président, c'est tout. Merci.
M. Fortier: M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont, vous m'aviez demandé la parole; si vous voulez,
rapidement...
M. Fortier: Je vais certainement suivre vos conseils...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît.
M. Fortier: ...et procéder rapidement. Dans l'annexe A de
votre document, vous faites une comparaison de la loi actuelle avec le projet
de loi 59 ainsi qu'avec la Loi sur les normes du travail. Vous soulignez dans
votre texte qu'il n'y a pas concordance et que, compte tenu de la concurrence,
si certains jours - comme vous le souglinez, je crois, le lundi de Pâques
- il est possible d'ouvrir, cela va probablement vous forcer à ouvrir et
que, en conséquence, cela va vous coûter double salaire.
J'aimerais que vous souligniez s'il n'y a pas d'autres jours où le
même phénomène se produit. Est-ce que, finalement - ceci
n'est pas implicite dans votre texte - la demande que vous faites, c'est de
maintenir la loi telle qu'elle est ou bien c'est que le gouvernement modifie la
loi pour conserver le projet de loi 59 tel qu'il est, ou demander au
législateur de s'assurer que la Loi sur les normes du travail concorde
avec le projet de loi 59? Ce n'est pas très clair dans votre texte.
J'aimerais avoir l'impact économique. Votre association a-t-elle fait
une demande explicite pour qu'il y ait concordance entre les deux lois?
Le Président (M. Rancourt): M. Varin.
M. Varin: M. le Président, le voeu et le souhait des
marchands de meubles du Québec, c'est que les jours de fermeture
prévus par la loi actuelle - le chapitre 60 -soient maintenus. Nous
avons remarqué que, dans le projet de loi 59, les jours de fermeture ont
été restreints et que, par contre, la Loi sur les normes du
travail, plus spécifiquement le décret 2472, oblige les
commerçants à payer le double pour des heures non prévues.
Par conséquent, on aimerait revenir au chapitre 60 de la loi
actuelle.
M. Fortier: Dans le cas où le gouvernement statuerait et
maintiendrait le projet de loi 59 tel qu'il est, est-ce que votre association a
une recommandation à faire? Peut-être n'en avez-vous pas, mais je
vous pose la question bien explicitement: Dans le cas où le gouvernement
maintiendrait le projet de loi 59 tel qu'il est, est-ce que vous faites une
demande que la Loi sur les normes du travail soit modifiée en
conséquence?
Le Président (M. Rancourt): M. Varin.
M. Varin: ...qu'il y ait concordance avec la Loi sur les normes
du travail. Sans modifier la Loi sur les normes du travail, qu'il y ait une
concordance quand même entre celle-ci et le projet de loi 59. C'est tout
ce qu'on demande.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Hull.
M. Rocheleau: M. le Président, deux petites questions
très courtes. Vous appartenez particulièrement à
l'industrie du meuble. On a parlé de réaménagement
d'heures dans le projet de loi 59, entre autres d'ouvrir une heure de plus le
samedi, alors que cela semble être rejeté par l'ensemble des
intervenants qui sont venus à ce jour. Par contre, certains intervenants
dans le commerce du détail ont fait allusion au fait que, les jeudi et
vendredi soir, il serait peut-être intéressant d'avoir une
demi-heure de plus. Est-ce que je pourrais vous demander si, dans le commerce
du meuble, vous avez la même affluence au point de vue consommateurs que
d'autres genres de commerces?
Le Président (M. Rancourt): M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Paul): J'ai eu l'occasion, pour la Chambre de
commerce de Laval, dans laquelle je milite, de vérifier cette partie
dans le secteur de Laval. On a, je pense, suffisamment de centres commerciaux
à Laval, imposants et importants, pour arriver avec une
vérification assez juste à ce niveau. Il s'est
avéré qu'à la première information qu'on a obtenue
au niveau des directeurs généraux - les D.G. des
établissements - 75% ou 80% disaient: On aimerait avoir une heure de
plus le jeudi et le vendredi. Nous avons étudié cela, nous aussi.
Nous sommes même allés un peu plus loin, parce qu'on sait qu'il y
a des associations de marchands dans tous les centres commerciaux ou à
peu près tous les centres commerciaux le moindrement importants.
Après avoir vérifié auprès de l'Association
des marchands, on s'est rendu compte que c'était le contraire. L'heure
de plus les jeudi et vendredi, les commerçants n'en veulent pas.
Seulement le D.G. la voudrait bien, parce qu'il est à la gestion. Il a
un peu raison: s'il a une heure de ventes de plus, il y a toujours la clause de
surplus de loyer qui fonctionne au niveau des centres commerciaux. Il fait du
loyer de plus, donc il rentabilise son centre commercial un peu plus. Mais
lorsqu'on a vérifié auprès de l'association, chacune de
ces associations, dans cinq centres commerciaux à Laval, on s'est
aperçu que c'était l'inverse: 75% des détaillants n'en
voulaient pas. Les 25% qui voulaient cette heure additionnelle étaient
encore les commerces à succursales, soit Eaton, La Baie, Sears qui
endossaient le D.G. Par contre, lorsqu'on regardait au niveau de l'association
des détaillants ou des commerçants du centre, on s'apercevait
qu'on avait exactement la réponse inverse: 75% contre cette extension
d'une heure.
Le Président (M. Rancourt): M. Varin.
M. Varin: M. le Président, pour répondre à
la question du député de Hull, la loi actuelle prévoit la
fermeture les jeudi et vendredi à 21 heures. Elle prolonge d'une
demi-heure pour les clients; il peut arriver au client de rester une demi-heure
supplémentaire, soit jusqu'à 21 h 30. On se demande quel attrait
il y aurait à ajouter une demi-heure de plus, d'une part, et qu'est-ce
que cela donnerait de plus, en termes de bénéfices pour le
consommateur.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte... M. le député de Hull.
M. Rocheleau: M. le Président, certains intervenants ont
fait allusion aux congés des 24 juin et du 1er juillet, à savoir
qu'il serait plus intéressant de reporter le congé au lundi le
plus près, afin d'éviter, entre autres, si le 24 juin ou le 1er
juillet tombent un jeudi, et autant pour le consommateur que l'employé
et l'employeur, il serait peut-être préférable que le
congé soit déplacé un lundi afin de faire
bénéficier tout le monde d'une plus grande fin de semaine.
J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. (11 h 30)
M. Varin: Pour répondre à la question du
député de Hull, à ce moment, cela va impliquer une
modification à la Loi sur les normes du travail qui prévoit que
le 24 juin et le 1er juillet, c'est fermé. Mais pour le report, je ne
pense pas qu'il y ait inconvénient.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte, un commentaire?
M. Bourbeau: Oui. En terminant, je voudrais simplement remercier
nos amis de la Corporation des marchands de meubles de s'être
déplacés pour venir nous informer. Je voudrais également
les rassurer en leur disant qu'il ne faudrait pas conclure des questions que
j'ai posées que l'Opposition libérale est nécessairement
en faveur d'une libéralisation des heures le dimanche. Disons que j'ai
simplement voulu vérifier la solidité de votre foi et de vos
arguments. Merci.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre. S'il vous
plaît! M. le ministre.
M. Biron: II faut être discipliné vu qu'on a encore
beaucoup d'autres intervenants à entendre aujourd'hui. Je veux tout
simplement vous remercier d'avoir participé à cette commission
parlementaire. Je veux faire le point quand même. C'est que vous
êtes intervenus à plusieurs reprises en disant: Nous, le dimanche,
on veut que ça ferme. La loi c'est cela. On va fermer le dimanche.
Bravo. Je pense qu'il y a assez d'amendes pour que la loi soit respectée
là-dessus.
D'autre part, vous dites aussi que les gens qui veulent ouvrir le
dimanche c'est pour s'approprier le marché des autres alors que les gens
qui veulent ouvrir le dimanche disent: Non, ce n'est pas cela. On a
déjà l'évolution du consommateur, de la consommatrice qui
tend à ce qu'il y ait plus d'occasions, et le fait d'ouvrir à des
heures différentes est meilleur pour le consommateur et la consommatrice
plutôt que le lundi matin ou le mardi matin. Cela vise à augmenter
le commerce. Ce n'est pas déplacer le commerce. Au contraire, c'est une
augmentation de commerce. Une augmentation de revenus pour tout le monde et une
augmentation d'emplois en fin de compte.
L'argumentation est valable, je pense, des deux côtés. Il
faut l'examiner le mieux possible. En fait, comme commentaires, je vous dis: On
a écouté vos principales recommandations. On a voulu les mettre
dans le projet de loi. Aussi, bien sûr, dans certains petits
détails, on a essayé de se rendre à certaines demandes de
gens qui voulaient avoir une occasion d'augmenter le commerce. C'est tellement
peu. Je ne peux pas dire que c'est une révolution notre Loi sur les
heures d'affaires. C'est plutôt une très légère
évolution ou un très léger changement plus qu'une grande
révolution dans les heures d'affaires sauf pour la fermeture le dimanche
et imposer des amendes suffisantes pour que ce soit respecté. Je vous
remercie encore une fois d'être venus ici aujourd'hui.
Le Président (M. Rancourt): Oui, M. Souligny.
M. Souligny: À la suite des mentions faites sur la
qualité du dossier présenté, au nom de tous mes
collègues ici présents et au nom de tous les marchands de meubles
du Québec, je vous dis merci. Évidemment, c'est un merci qui
s'adresse aussi aux membres de la commission d'avoir bien voulu entendre nos
commentaires sur le projet de loi 59.
Le Président (M. Rancourt): Merci beaucoup. Ceci termine
la présentation de la Corporation des marchands de meubles du
Québec. Nous allons appeler maintenant l'Association des
détaillants en alimentation du Québec.
Nous accueillons maintenant l'Association des détaillants en
alimentation du Québec. Si, M. le président veut bien se
présenter et présenter ceux qui l'accompagnent.
ADAQ
M. Séguin (Normand): M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés, permettez-moi de me présenter:
Normand Séguin, président de l'Association des détaillants
en alimentation du Québec. J'aimerais maintenant vous présenter
les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Jean Dubois,
vice-président exécutif de l'association; Me André Martel,
conseiller juridique; Mme Gisèle Hamelin, directrice des communications;
Me Martel vous fera la présentation du mémoire de l'Association
des détaillants en alimentation du Québec.
Le Président (M. Rancourt): M. Martel, vous avez la
parole.
M. Martel (André): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): Un instant, s'il vous
plaît! M. le ministre.
M. Biron: Si je comprends, vous allez résumer le
mémoire. Merci beaucoup. Cela nous donnera plus de temps pour
questionner sur le fond, parce que je pense que tous les membres de la
commission l'ont lu.
Le Président (M. Rancourt): D'accord. Donc, M. Martel,
vous pouvez y aller.
M. Martel (André): Merci. MM. les membres de la
commission, comme le soulignait le ministre, nous avons l'intention de faire un
court résumé du mémoire qui vous a été
soumis par l'Association des détaillants en alimentation du
Québec le 1er février 1984. Il est peut-être utile,
à ce stade, de souligner qu'il s'agit pour notre association de la
présentation d'un second mémoire concernant la Loi sur les heures
d'affaires des établissements commerciaux. En effet, je crois que vous
devriez avoir en votre possession le premier mémoire, qui vous a
été soumis le 30 mars 1983.
Donc, en vous référant au mémoire du 1er
février 1984, il serait peut-être utile de rappeler que
l'Association des détaillants en alimentation du Québec compte
plus de 2500 membres qui sont tous, évidemment, des épiciers
détaillants indépendants et qui gèrent des commerces de
toutes les tailles, du simple dépanneur au supermarché
indépendant. Par ailleurs, l'association représente environ 80%
du chiffre d'affaires des 11 000 épiciers détaillants
indépendants.
Notre association a toujours, à cet égard,
été reconnue comme le porte-parole officiel des 11 000
détaillants indépendants.
Notre association, M. le ministre, M. le Président, MM. les
députés, attache la plus grande importance à la
consultation publique à laquelle vous nous avez conviés. Qu'il
soit dit en passant que la position soutenue aujourd'hui par l'Association des
détaillants en alimentation du Québec est basée sur un
sondage scientifique qui a été réalisé à sa
demande par la firme COGEM, soit la même firme qui a
réalisé le sondage, en 1975, pour le gouvernement. Le but du
sondage est simple. Il visait à mettre à jour les données
qui avaient été recueillies par COGEM en 1975, dans un premier
temps, et, dans un second temps, le sondage visait à obtenir l'opinion
des consommateurs ainsi que l'opinion des détaillants que nous
représentons justement sur cette Loi sur les heures d'ouverture des
établissements commerciaux.
Parallèlement, l'association désirait vérifier les
habitudes d'achat des consommateurs de même que la perception que les
détaillants se faisaient de la loi actuelle. Vous constaterez, à
la page 3, que la firme COGEM a procédé à trois
étapes importantes dans sa recherche au niveau du sondage. Dans une
première étape, il s'agissait d'obtenir l'opinion des groupes
reliés au commerce de détail en alimentation. Dans un
deuxième temps, une enquête ou un sondage scientifique a
été effectué auprès de 500 consommateurs
responsables des achats d'épicerie dans onze villes différentes
dans la province de Québec. Dans un troisième temps, un sondage
ou un questionnaire fut également soumis aux détaillants
indépendants afin de connaître leur opinion.
Lorsque le sondage a été complété, l'ADA a
également procédé à de multiples consultations,
tant auprès de ses membres que des divers groupements d'épiciers
indépendants. Si les membres de la commission désirent se
référer plus particulièrement au sondage effectué
par la firme COGEM Inc., les résultats de ce sondage ont
été déposés avec le mémoire qui a
été remis le ou vers le 30 mars 1983. Si vous me le permettez, en
quelques mots j'aimerais me référer à ce sondage, plus
particulièrement au sondage qui a été effectué
auprès des consommateurs. Ce sondage a révélé, en
ce qui concerne l'alimentation tout au moins, de façon non
équivoque que les consommateurs étaient satisfaits des heures
d'ouverture actuellement en vigueur dans les commerces de détail en
alimentation. Vous trouverez aux pages 8, 37 et 43 du sondage,
évidemment les conclusions auxquelles je fais
référence.
Donc, la première conclusion qui nous semblait apparente, c'est
que le consommateur ne manifestait pas un désir ou un besoin essentiel
de voir élargir le cadre des heures d'ouverture. Quant aux
détaillants, probablement pour les mêmes raisons que celles qui
ont été fournies tantôt par le groupe qui nous a
précédés, les détaillants se déclarent
unanimement satisfaits des heures d'ouverture actuelles.
Cela dit, vous trouverez à la page 4 de notre mémoire le
groupe des trois principales recommandations que nous formulions dans ce
mémoire. Ils s'agit de maintenir le statu quo en ce qui concerne les
heures d'ouverture des établissements commerciaux, tout en ajoutant le
dimanche à la nomenclature des jours où aucun client ne peut
être admis dans un établissement commercial.
Dans un deuxième temps, le groupe des recommandations tendait
à préciser dans le domaine alimentaire les épiceries qui
sont exclues de l'application de la loi. Dans une troisième
recommandation, notre association suggérait que de nombreuses
modifications soient apportées à la loi afin de la rendre plus
contraignante.
Nous avons pris connaissance - et nous avons procédé
à une étude exhaustive - du projet de loi 59 qui a
été déposé le 21 décembre 1983 par
l'honorable ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme du
Québec. Notre première réaction est de vous informer que
notre association considère qu'il s'agit d'un effort louable et
manifeste pour procéder à un réexamen de la loi actuelle,
d'analyser les problèmes vécus par les divers intervenants et de
répondre, évidemment, de la même façon aux attentes
de la majorité de ces intervenants.
Plus particulièrement et de façon générale,
l'Association des détaillants en alimentation du Québec approuve
sans réserve le maintien du cadre d'ouverture et de fermeture des
établissements commerciaux. Un tel cadre nous apparaît
nécessaire et, suivant les résultats du sondage auquel nous avons
fait référence, reflète l'opinion de la majorité
des intervenants et des consommateurs.
Nos commentaires généraux, que vous trouverez à la
page 5 de notre mémoire, méritent probablement d'être
analysés en quatre points principaux. Tout d'abord, nous sommes d'avis
que le projet de loi actuel permettra de maintenir un service approprié
aux consommateurs tout en assurant - nous soumettons qu'il s'agit d'un des
objectifs louables de la loi - dans une certaine mesure, une concurrence
relativement mieux équilibrée dans le domaine de l'alimentation
entre les gros détaillants et les petits détaillants.
Dans un deuxième temps, ce projet de loi réalise
également un autre objectif, c'est-à-dire d'assurer à ces
propriétaires, à ces 11 000 détaillants
indépendants, surtout à leurs employés, la
possibilité de continuer à travailler à des heures
normales et
raisonnables.
Dans un troisième temps, nous avons cru remarquer
également que des précisions ont été
apportées au texte de loi actuel afin de clarifier certaines
dispositions qui peuvent paraître obscures à première
vue.
Dans un quatrième et dernier temps, notre association a
également constaté avec joie que plusieurs dispositions avaient
été modifiées afin d'atteindre un des objectifs de
quelques dispositions à caractère pénal, soit celui de
dissuader les contrevenants éventuels.
Voilà, MM. les membres de la commission, les commentaires
généraux que nous entendions formuler sur le projet de loi 59.
À la page 6 du mémoire, vous verrez que nous nous sommes permis,
dans un esprit positif - j'aimerais le souligner - de formuler plusieurs
commentaires spécifiques sur le contenu même du projet de loi. (11
h 45)
À l'article 2 plus particulièrement, nos commentaires sont
les suivants. Quant à l'addition du dimanche à la nomenclature
des jours où aucun client ne peut être admis dans un
établissement commercial, nous approuvons, comme je le disais, sans
réserve cette addition.
En ce qui concerne maintenant le lendemain du jour de Pâques ainsi
que le deuxième lundi d'octobre, que nous n'avons pas vu dans le projet
de loi 59, nos commentaires sont les suivants - vous les trouverez à la
page 7 du mémoire: La Loi sur les normes du travail, comme vous le
savez, prévoit que le 1er janvier et le 25 décembre sont des
jours fériés, chômés et payés. Les quatre
autres jours établis par règlement prévoient que la
fête du travail, le vendredi saint ou le lundi de Pâques, la
fête de Dollard et l'Action de grâces sont également des
jours considérés comme fériés, chômés
et payés, de même que le 24 juin, jour de la fête nationale.
Nous croyons qu'en abrogeant par le projet de loi 59 la journée du
lendemain du jour de Pâques ainsi que celle du deuxième lundi
d'octobre, il semble y avoir à tout le moins une certaine anomalie ou
une non-concordance entre cette Loi sur les normes du travail et la loi sur les
heures d'affaires. Nous sommes respectueusement d'avis qu'une concordance
devrait être effectuée entre ces deux lois, c'est-à-dire
que le deuxième lundi d'octobre de même que le lendemain du jour
de Pâques devraient continuer à être
considérés comme des jours où aucun client ne peut
être admis dans un établissement commercial au sens de la loi sur
les heures d'affaires.
De la même façon, quant au 2 janvier et au 26
décembre, nous avons cru constater que le projet de loi permettra
dorénavant d'admettre des clients dans un établissement
commercial à compter de 8 h 30 le matin. L'Association des
détaillants en alimentation du Québec soumet respectueusement
qu'il n'existe, à notre avis, aucune raison suffisante justifiant
l'ouverture des épiceries le lendemain de Noël, de même que
le lendemain du jour de l'An, à une heure aussi matinale. D'ailleurs,
l'exception prévue au paragraphe 6 du premier alinéa de l'article
5, soit l'exception concernant les dépanneurs, permet - nous le
soumettons respectueusement - au consommateur de pallier les besoins urgents
qui pourraient se manifester à une heure aussi matinale concernant ces
deux journées. Voilà donc essentiellement les commentaires que
nous formulons sur cet article 2.
Quant à l'article 3 - plus particulièrement à la
page 9 - la disposition concernant le samedi, disposition qui prolonge de 17
heures à 18 heures l'heure après laquelle aucun client ne peut
être admis dans un établissement commercial le samedi, en nous
référant au sondage effectué par la maison COGEM, vous
constatez que ce sondage révèle que seulement 10% des
consommateurs ont déclaré effectuer l'achat de leur commande
principale le samedi. Donc, si seulement 10% des consommateurs effectuent leur
commande principale le samedi, nous croyons qu'il n'existe pas, encore une
fois, de raison suffisante pour prolonger de 17 heures à 18 heures
l'heure de fermeture le samedi. Fait assez intéressant, ce même
sondage révèle que 88% des consommateurs sont très
satisfaits des heures d'ouverture de leur magasin d'alimentation habituel. Donc
-et c'est notre humble prétention - à quoi servirait de
pénaliser non seulement les propriétaires de ces commerces, mais
surtout leurs employés, en leur demandant de prolonger leur
journée de travail jusqu'à 18 heures le samedi, alors que le
consommateur non seulement n'exprime aucun intérêt pour une telle
prolongation, mais ne se présentera pas, suivant les données
statistiques, pour y effectuer sa commande principale?
De la même façon, à la page 9 du mémoire,
vous constaterez que nos commentaires sont un peu au même effet
concernant la semaine précédant le dimanche de Pâques. Dans
l'alimentation tout au moins, notre expérience révèle
qu'il n'existe pas de motif suffisant pour prolonger les heures d'ouverture
jusqu'à 21 heures durant les six jours précédant le
dimanche de Pâques. Elles le sont déjà jusqu'à 21
heures les jeudi et vendredi et nous ne voyons aucune raison de procéder
à une telle extension pour les autres journées. En ce qui
concerne la période précédant Noël, il ne s'agit
évidemment pas d'une modification majeure, mais vous trouverez notre
approbation à cette modification à la page 10 du mémoire.
Un seul détail mériterait peut-être d'être
analysé, il s'agit du fait que cette prolongation durant la
période précédant Noël devrait se limiter soit du
lundi au vendredi inclusivement et ne devrait pas inclure la
journée du samedi comme journée où les magasins et les
épiceries peuvent être ouverts jusqu'à 21 heures. Vous
comprendrez qu'une telle réserve s'imposerait de la même
façon advenant que la disposition concernant les six jours
précédant Pâques soit adoptée par l'Assemblée
nationale.
Voici un dernier point, M. le Président, M. le ministre, et MM.
les députés, qui n'apparaît pas au mémoire, mais qui
mériterait peut-être d'être souligné. Notre
association approuve certains commentaires qui ont été
formulés à ce jour, à savoir que les fêtes du 24
juin et du 1er juillet, si elles arrivent un dimanche, soient reportées
au jour ouvrable suivant, soit le lundi. Ce qui m'amène, dans un dernier
temps, à vous parler de l'article 5 de la loi. Cet article revêt,
pour les détaillants en alimentation, une importance primordiale.
D'ailleurs, à cet effet, j'aimerais rappeler que notre association
représente les intérêts des épiciers
indépendants qui, pour certains d'entre eux, font affaires sous des
bannières relativement connues. Vous trouverez en annexe la liste des
bannières qui sont arborées par les différents membres de
notre association. Qu'il soit dit également, à ce stade, que,
dans notre présentation, aujourd'hui, nous avons l'appui inconditionnel
des groupements d'épiciers indépendants. À cet
égard, qu'il me soit permis de mentionner les noms des groupements
Épiciers unis, Métro-Richelieu, Provigo, Hudon et Deaudelin et
Servi.
Article d'une importance primordiale pour les détaillants en
alimentation, pourquoi? Parce que c'est dans cet article, croyons-nous, qu'en
1969, le législateur avait manifesté l'objectif clairement
visé par la loi sur les heures d'affaires, tout au moins concernant
l'alimentation. Cet objectif que vous pourrez constater à la page 12 du
mémoire nous apparaît double. Dans un premier temps, c'est
l'objectif suprême, permettre au consommateur de bénéficier
de services normaux raisonnables et même de services à
l'extérieur du cadre d'ouverture et de fermeture des épiceries.
Dans un second temps, favoriser et assurer la survie des petits épiciers
en leur permettant d'ouvrir à des heures différentes. Donc,
maintenir un certain équilibre.
Nous avons constaté que le projet de loi 59 fait
référence pour la première fois au mot "dépanneur".
Il s'agit d'un mot qui est véhiculé couramment par le public et
par tous les intervenants dans le milieu alimentaire, mais un mot que nous
retrouvons pour la première fois dans un texte de loi. Il n'est
toutefois pas défini. Aujourd'hui, c'est le problème que nous
vous soumettons, le commerce de détail en alimentation s'est
également quelque peu modifié avec les années. Les
boutiques spécialisées se sont ouvertes graduellement. Ces
boutiques peuvent être exploitées soit individuellement ou de
façon regroupée, comme nous les retrouvons dans les
marchés publics. À ce stade, nous aimerions vous informer que
nous n'avons aucune objection à ces boutiques dans les marchés
publics pour autant qu'individuellement elles soient soumises aux mêmes
règles que les détaillants en alimentation conventionnels. De la
même façon, avec les années, les pharmacies à
escompte ont également modifié leur vocation première et
plusieurs d'entre elles offrent maintenant au public une variété
de denrées alimentaires qui, souvent, soit dit en passant, sont
supérieures à celles offertes par les petits dépanneurs.
Tous savent sans l'ombre d'un doute que ces pharmacies à escompte ne se
soumettent pas aux heures d'ouverture et de fermeture des établissements
commerciaux prévus à l'article de la loi puisqu'elles sont
autorisées à faire ainsi. Notre position à cet
égard est simple, précise et - croyons-nous -réaliste.
Nous sommes d'avis que la loi ne devrait exclure au niveau de la vente de
denrées alimentaires que les petites épiceries et les
dépanneurs dont l'activité principale est la vente au
détail de denrées alimentaires. Quant aux modalités, nous
les analyserons lorsque nous passerons au paragraphe 6 du premier
alinéa. Le paragraphe 6 du premier alinéa prévoit que les
épiceries, y compris les dépanneurs, sont exclus de l'application
de la loi si, à chaque jour d'ouverture, il n'y a jamais plus de trois
personnes en même temps pour en assurer le fonctionnement. Vous trouverez
nos commentaires sur la rédaction de cette disposition à la page
13 de notre document.
À titre de commentaire général, qu'il nous soit
permis simplement de souligner que nous recherchons un profil constant du type
de détaillant en alimentation qui sera exclu de l'application de la loi.
De la même façon, vous trouverez nos commentaires concernant le
deuxième alinéa, le troisième alinéa et le
quatrième alinéa à la page 14 du mémoire. Nous
approuvons le deuxième alinéa ainsi que le troisième
alinéa de cet article. Quant au quatrième alinéa - et je
voudrais terminer sur ce quatrième alinéa plus
particulièrement - une analyse attentive de cet article nous permet de
constater qu'il serait certainement possible à des supermarchés
de cloisonner une ou plusieurs parties de leur établissement afin de
bénéficier de l'exception prévue au paragraphe 6 du
premier alinéa en faveur des dépanneurs. De la même
façon, rien n'empêcherait un magasin à rayons de cloisonner
ou, plus encore, les pharmacies à escompte, qui pourraient certainement
se servir de ce moyen pour éviter de se soumettre au principe
général. Qui nous dit qu'un jour prochain une pharmacie ne sera
pas ouverte à l'intérieur d'un supermarché?
Tout ceci nous amène donc à vous faire part de notre
position sur ce problème épineux. L'Association des
détaillants en alimentation du Québec n'est évidemment pas
contre le fait que les pharmacies vendent des denrées alimentaires et
même de menus articles. Par contre, nous croyons que, pour l'avenir, tout
au moins, si les pharmacies, tabagies, confiseries et pâtisseries, comme
indiqué dans la loi, veulent vendre des denrées alimentaires,
elles devraient se soumettre, comme les détaillants en alimentation, aux
dispositions de la loi, c'est-à-dire se soumettre au deuxième
alinéa de l'article 5. Nous ne sommes pas sans savoir qu'actuellement
certaines de ces pharmacies vendent des denrées alimentaires. Nous
sommes disposés à analyser toute disposition qui permettrait de
maintenir une certaine forme de droits acquis à l'égard de ceux
qui, déjà, exploitent des pharmacies de cette façon. Par
ailleurs, pour l'avenir, MM. les députés, nous sommes
persuadés que, si on ne règle pas ce problème de
façon définitive, ceci va entraîner la disparition d'un
grand nombre de véritables petits épiciers et dépanneurs
qui, eux aussi, ont investi non seulement temps et argent pour
développer leur commerce, mais également une partie de leur vie.
(12 heures)
Ces gens, de plus, n'ont aucune autre source de revenu et leur seule
protection est la loi sur les heures d'affaires qui a été
adptée, à cet égard, au niveau de l'alimentation, en 1969
et dont l'entrée en vigueur était fixée au 1er janvier
1970. Cette loi explique probablement en partie d'ailleurs la croissance qu'ont
connue les dépanneurs au Québec depuis 1970. Je termine, M. le
ministre, M. le Président et MM. les députés, en vous
référant à la page 15 du mémoire et en signifiant
que nous sommes heureux de constater les modifications qui ont
été apportées à l'article 9.3 et plus
particulièrement au deuxième alinéa de l'article 9.3. Nous
croyons qu'il s'agit d'une innovation qui mérite d'être retenue
puisqu'elle aura comme avantage de faire en sorte que les contrevenants
éventuels seront pénalisés proportionnellement aux
bénéfices qu'ils pourront retirer de leur contravention.
Sur ce, j'aimerais terminer le résumé de la
présentation. Notre président, de même que notre
vice-président et les personnes présentes se feront un plaisir de
répondre à toutes les questions que vous pourriez poser
concernant ce mémoire, celui du 30 mars 1983 ou tout autre sujet
relié à la loi sur les heures d'affaires. Merci.
Le Président (M. Rancourt): Merci, Me Martel. M. le
ministre.
M. Biron: Je veux premièrement vous remercier du
dépôt de votre mémoire et, deuxièmement, de l'appui
global que vous donnez au projet de loi en disant: Oui, cela va dans la bonne
direction. Je vous remercie des suggestions que vous nous faites aussi, de
même que de l'ouverture que vous nous faites ce matin pour régler
des problèmes qui existent, qui sont quand même des espèces
entre guillemets de droits acquis. Je vous remercie de votre ouverture de ce
côté. Je demande à mon collègue, le
député de Chambly, de vous poser quelques questions
particulières, spécialement sur des gens qu'on a
déjà entendus, comme ceux des boutiques
spécialisées en fruits et légumes frais ou de ce genre,
pour un peu orienter des décisions que nous aurons à prendre au
cours des prochaines semaines. Mon collègue, le député de
Chambly.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Merci. Tout simplement un petit commentaire avant de
commencer. Quand je lisais votre mémoire je me disais: Cela a
sûrement été écrit par un avocat. Je ne pense pas
m'être trompé. Dans ce sens, je n'aurai pas beaucoup de questions
puisque vous avez déjà bien couvert presque tous les points dont
le projet de loi fait mention. Le ministre a déjà parlé
des choses sur lesquelles vous êtes d'accord. J'ai noté que vous
étiez d'accord sur l'augmentation des amendes. Vous suggérez,
à la page 4 de votre mémoire, au paragraphe 3, d'autres moyens
radicaux, que je qualifierais presque de médecine de cheval, pour faire
en sorte que les commerces ne puissent pas ouvrir. Dans ce sens, est-ce que
vous ne pensez pas vraiment que, du simple fait que les amendes seraient
beaucoup plus importantes, premièrement, cela empêcherait, et
c'est là notre désir toujours constant, l'augmentation du nombre
des inspecteurs chargés de l'application de la loi? En effet, vous savez
que le gouvernement du Québec ne cherche pas à augmenter le
nombre de personnes qui sont dans la fonction publique. Au contraire, on l'a
diminué de façon importante depuis 1976. On veut continuer dans
ce sens.
On pense que le simple fait d'avoir des amendes qui sont importantes
comparativement à ce qu'elles étaient, passant de 1000 $ à
10 000 $ au maximum, c'est considérable, et que ce seul fait risque de
décourager des marchands d'ouvrir parce que cela devient alors moins
rentable. Quelle est votre réaction à cela?
Le Président (M. Rancourt): M. Dubois.
M. Dubois (Jean): Je pourrais peut-être ajouter, M. le
député, que, lorsque vous parlez de diminution des effectifs,
cela me fait rire un peu. Je pense que vous êtes vraiment conscients de
cela, car vous n'avez
que quatre inspecteurs pour la province de Québec. Il ne faudrait
pas diminuer les objectifs. Je dois dire qu'ils sont très
dévoués. Lorsqu'il y a des plaintes, ils se rendent sur place,
quatre inspecteurs pour la province. C'est pour cette raison que les amendes
doivent être très exemplaires.
M. Tremblay: Mais il n'y a pas que ces quatre inspecteurs. Il y a
aussi tous les policiers qui peuvent agir. Ils n'agissent pas
présentement parce que les amendes sont trop faibles. Préparer un
dossier pour une ouverture illégale et se réveiller en cour avec
1 $ d'amende, cela décourage les policiers de faire des causes.
M. Martel (André): Évidemment, c'est
peut-être...
Le Président (M. Rancourt): M. Martel.
M. Martel (André): Je m'excuse, M. le Président.
Nous sommes peut-être dans un cercle vicieux. Il n'en demeure pas moins
que nous ne sommes pas persuadés que le seul fait d'augmenter les
amendes permettra une application rigoureuse de la loi. Un des problèmes
- et je pense qu'il ne faut pas se le cacher - que nous vivons actuellement,
c'est que la loi actuelle n'est pas appliquée de façon constante
et rigoureuse pour toutes sortes de raisons que je ne veux pas invoquer devant
vous aujourd'hui. Certes, le fait d'augmenter les amendes permettra
certainement aux différents corps policiers et au ministère de
procéder à une meilleure application de la loi. Nous vous
soumettons respectueusement que d'autres moyens peuvent être
ajoutés à celui de l'augmentation des amendes pour s'assurer que
cette loi soit respectée. Lorsque tous les intervenants, que ce soit
dans le domaine alimentaire ou dans les autres domaines, réaliseront que
la loi sera et est respectée, nous sommes persuadés que les
contrevenants deviendront de plus en plus rares. Par ailleurs, lorsque les gens
savent que la loi n'est pas respectée, à ce moment-là on
encourage évidemment les autres contrevenants éventuels. La
réaction est humaine et elle est commerciale aussi. Personne n'aime voir
son concurrent accaparer une part du marché dans
l'illégalité et rester soi-même dans la
légalité. C'est pour cette raison que nous avons cru utile
d'ajouter d'autres moyens, d'autres outils qui assureront que la loi sera
respectée. Lorsque après un an, deux ans, trois ans, tout le
monde sera certain que la loi est respectée, il sera peut-être
plus facile - nous le soumettons respectueusement - à ce
moment-là de diminuer le nombre d'inspecteurs. C'est essentiellement
notre position sur le sujet.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Je pense que, sur le principe...
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Avez-vous déjà vu le gouvernement
diminuer son personnel, vous?
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Je voulais simplement dire qu'il y a un gouvernement
qui a effectivement diminué son personnel. C'est le gouvernement du
Québec depuis 1976. Il y a moins de personnel qu'avant 1976,
malgré qu'il y a eu plusieurs nouvelles lois.
Je pense que, globalement, on peut dire que vous partagez notre
conviction, à savoir que cela ne sert à rien de faire une loi
s'il n'y a pas une incitation importante et suffisante pour que les gens la
respectent, et surtout les gens d'affaires. J'en suis un, moi aussi. On a
tendance à calculer si c'est plus payant d'acquitter l'amende ou de
rester ouvert. C'est cela. Quand on est des gens d'affaires, c'est comme cela
qu'on pense. Respecter la loi pour respecter la loi, ce n'est pas suffisant
pour une personne en affaires. Il faut qu'il y ait des pertes
économiques. Je pense qu'on est d'accord sur ce principe.
Sur un autre sujet, vous avez beaucoup insisté sur le
cloisonnement. C'est une partie importante du projet de loi. C'était la
même loi qu'en 1969. Vous suggérez qu'il ne devrait pas y avoir de
possibilité de cloisonnement. Est-ce que, par exemple, Servi-prix, la
Maisonnée et tout cela ne constituent pas une forme de cloisonnement,
finalement, pour les chaînes, puisque ce sont elles qui vendent les
produits quand même? Elles les vendent en dehors des heures normales et
pour ce faire, pour se conformer à la loi, elles ouvrent un
établissement distinct, différent, mais qui provient de la
même organisation et qui a moins de trois employés en même
temps. N'est-ce pas une forme de cloisonnement, finalement?
Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.
M. Séguin: Je crois que ces gens respectent
présentement la loi en fonctionnant avec trois employés ou moins.
Si les pharmacies veulent vendre de l'alimentation, on n'est pas contre, mais
selon les mêmes dispositions de la loi que nous respectons.
M. Tremblay: D'accord. Par exemple...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: ...dans un établissement -vous avez
utilisé l'exemple d'une pharmacie -que la porte de sortie de
l'épicerie ou du dépanneur soit vers le magasin ou vers
l'extérieur, quelle est la différence?
Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.
M. Séguin: C'est que les caissières sont souvent
utilisées aux mêmes fins pour tous les produits.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Là, je vous dis que, s'il y a cloisonnement,
il faut que la caisse soit là aussi.
M. Séguin: D'accord. Il faut que ce soit
complètement séparé.
M. Tremblay: Quand on parle de cloisonnement, on parle d'un
espace qui est cloisonné. Il y a un commerce distinct à
l'intérieur. C'est ce que le terme "cloisonnement" veut dire. Ce n'est
peut-être pas cela qui a été fait parce que les gens ne
suivaient pas la loi, mais, si c'était appliqué selon la nouvelle
loi, il y aurait une caisse dans chacun des établissements. À ce
moment, est-ce que cela vous irait?
Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.
M. Séguin: Ce serait déjà un gros pas en
avant pour cette partie, pour ceux qui sont déjà existants. Dans
l'avenir, comme on en parlait tantôt, il faudrait trouver un moyen
d'appliquer les mêmes dispositions de la loi à tout le monde.
Le Président (M. Rancourt): M. Martel.
M. Martel (André): Si vous me permettez, M. le
député, à titre de précision, pour préciser
un peu notre position de tantôt. Pour le passé, nous comprenons
très bien qu'il soit envisageable de parler de cloison, de quelque forme
que ce soit, pour permettre de maintenir une certaine forme de droits acquis.
Par contre, pour l'avenir, ce dont nous voulons nous assurer, c'est que si une
pharmacie veut vendre des denrées alimentaires elle respecte les
mêmes critères que ceux imposés aux détaillants en
alimentation, c'est-à-dire qu'il y ait uniquement trois personnes en
même temps pour l'ensemble de l'établissement. Si on veut
cloisonner et en faire des affaires totalement distinctes avec, à titre
d'exemple, numéro civique différent, personne ne peut
empêcher cela. Un mur mitoyen, autrement dit, on ne pourrait pas
empêcher cela, bien sûr; c'est bien normal aussi. Par contre, il ne
faudrait pas tomber, avec une telle clause pour l'avenir - je parle
évidemment de l'avenir - presque dans l'absurde où, par une
cloison presque métaphysique, on prétendrait distinguer le
commerce de dépanneur de celui de pharmacien, si vous voulez.
À cet égard, comme je le mentionnais, il faudrait que ce
soient des activités totalement distinctes. Je pense qu'au niveau
commercial il n'est pas nécessaire d'insister longtemps sur cette notion
d'opération complètement distincte. Cela implique des
employés distincts, presque un employeur distinct, un local propre
à soi, etc. Évidemment, je parle de l'avenir parce que, comme je
le mentionnais, pour nous, les détaillants en alimentation, c'est un
point essentiel. Soyez assurés que c'est un point essentiel surtout pour
les petits détaillants que nous défendons, car ce seront les
premiers frappés par une telle politique si, d'ici à un an ou
deux ans, les pharmacies de 20 000, 25 000, 30 000 pieds carrés qui,
dans certains cas, fonctionnent avec des surfaces beaucoup plus grandes que nos
propres supermarchés gèrent un commerce de détaillant en
alimentation sans respecter les critères qu'on impose au petit
détaillant, celui que, théoriquement, on prétendait
vouloir protéger en 1969 et celui que - je l'espère tout au moins
- on entend encore protéger aujourd'hui.
C'est un peu, je pense, l'essence de notre position. Nous n'avons
évidemment pas, à ce stade, de texte légal à
suggérer ou de texte à suggérer concernant la
rédaction de la loi, bien au contraire. Ce que nous vous soumettons,
c'est un principe, et je pense que, par les exemples que nous vous fournissons,
les principes que nous défendons sont facilement compréhensibles,
lorsqu'on parle d'opération totalement distincte et non pas uniquement
distincte par fiction juridique. (12 h 15)
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Dans un autre domaine, il y a de vos concurrents
qui, présentement, oeuvrent le dimanche. Exemple, les gens d'OCTOFRUIT
qui sont venus ici et qui vendent des fruits et légumes. Ils ont
longuement insisté sur l'importance pour eux d'être ouverts sept
jours et sept soirs par semaine de façon à pouvoir offrir des
fruits frais à la population. Quelle est votre réaction à
cela?
Le Président (M. Rancourt): Me Martel.
M. Martel (André): Si on accepte ce principe, ce serait,
autrement dit, sanctionner l'illégalité dans laquelle ces gens se
trouvent, quant à nous, bien humblement,
depuis déjà... Je ne pense pas qu'on puisse aujourd'hui
sanctionner cette illégalité, d'autant plus que ce serait aller
à l'encontre du principe général. Je pense que les fruits
et légumes, jusqu'à preuve du contraire, constituent des
denrées alimentaires et que ces denrées alimentaires font partie
des denrées alimentaires visées par la loi actuelle comme par le
projet de loi 59. Donc, si on faisait une exception de cette nature, on ferait
tellement d'exceptions qu'on abolirait purement et simplement tout ce qu'on
essaie de bâtir depuis 1969 à cet égard.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: II y a des gens qui prétendent que les
marchés publics, qui sont aussi des concurrents - ils font de la
concurrence - répondent à un besoin puisqu'il y a un très
grand nombre de personnes qui magasinent chez eux. En les fermant le dimanche,
cela priverait les consommateurs des services qu'ils offrent. Quelle est votre
attitude face à cela?
Le Président (M. Rancourt): M. Dubois.
M. Dubois (Jean): M. le député, il faudrait
peut-être mettre cela un peu plus clair. Nous ne sommes pas, de
façon définitive, contre l'ouverture des marchés publics;
mais, par contre, l'ouverture d'OCTOFRUIT sept jours par semaine rend, je
pense, service au public. Tout ce qu'on demande, c'est que de tels commerces se
conforment aux mêmes règlements. Que les boutiques de
marchés publics soient ouvertes sept jours par semaine, cela va pour
l'alimentation. Ce sont des spécialistes, on en a parlé. Par
contre, la limite que nous devons subir de trois personnes en tout temps, ils
doivent la suivre. La même chose pour OCTOFRUIT, je le mentionne aussi.
Peut-être qu'on a fait un premier pas en disant: Trois personnes en tout
temps, et vous pouvez changer, au lieu de trois personnes par 24 heures, en y
incluant le propriétaire. Je pense que le gouvernement a fait un bon pas
en ce sens. On est d'accord là-dessus. C'est tout ce qu'on demande. On
n'est pas contre... On ne désire pas fermer les marchés publics,
aucunement. Je pense que la liberté d'entreprise existe et on doit la
respecter.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Seriez-vous aussi contre le fait d'augmenter le
nombre de personnes: par exemple, quatre ou cinq en même temps?
Le Président (M. Rancourt): M. Dubois.
M. Dubois (Jean): Je pense que, là-dessus, nous avons
discuté longuement. Nous avons consulté des gens dans le domaine
alimentaire, et dans d'autres secteurs. Nous sommes tombés d'accord sur
trois personnes en tout temps au lieu de trois personnes par 24 heures; c'est
déjà une amélioration, parce que c'étaient trois
personnes en y incluant le propriétaire. Maintenant, vous pouvez avoir
trois personnes cinq fois par jour quinze personnes qui peuvent travailler dans
un magasin, toujours avec un maximum de trois. Je pense que cela a
été un bon pas que vous avez fait en endossant notre point de
vue.
M. Séguin: Si vous permettez.
Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.
M. Séguin: Vous mentionnez que ces gens-là
étaient souvent des dépanneurs la semaine et des
supermarchés les fins de semaine, simplement par le fait que, sur
semaine, peut-être qu'ils respectent la limite de trois, mais, à
un moment donné, parce que la majorité des autres marchés
sont fermés le dimanche, ils opèrent peut-être avec un plus
grand nombre. Si tout le monde était ouvert, ils seraient
peut-être réduits à trois ou il y aurait moins de
clientèle. L'affluence serait moins grande chez eux. Il y en aurait un
peu partout.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, seulement un commentaire
pour remercier l'Association des détaillants en alimentation du
Québec de nous avoir fait l'honneur de nous présenter un
mémoire extrêmement bien étoffé. On a conscience
qu'on est devant un groupe extrêmement important qui représente
80% des ventes de tous les petits épiciers, de tous les Épiciers
détaillants indépendants du Québec. Il est bien sûr
que leur point de vue est susceptible de peser lourd dans la balance. Je
souligne aussi l'ouverture d'esprit, l'expression de tolérance, le
réalisme dont ils font preuve à l'égard du problème
de l'alimentation et de la concurrence. Je pense qu'un des problèmes
majeurs de la loi actuelle, c'est la question posée par le secteur de
l'alimentation. Je pense qu'à l'égard des autres secteurs il y a
un certain consensus pour conclure que, le dimanche, on ne devrait pas ouvrir.
Dans l'alimentation, c'est moins évident. C'est probablement parce qu'il
y a tout un secteur de l'alimentation qui est périssable et on peut
comprendre que, le lundi, plusieurs consommateurs ne seront pas satisfaits
d'avoir des légumes qui datent du vendredi ou du samedi. Dans le domaine
des fruits, c'est
l'argument principal que font valoir des gens comme OCTOFRUIT, la
fraîcheur des fruits pour les gens qui veulent en consommer le dimanche
ou en consommer le lundi.
Cela va être également l'argument que va nous apporter
l'Association des marchés publics, la fraîcheur de certains types
d'aliments. En ce sens, la position que vous avez évoquée tout
à l'heure va peut-être permettre de trouver un compromis entre une
situation qui serait rigide autrement et celle à laquelle on pourrait se
rallier.
Ceci étant dit, M. le Président, j'aimerais que vous
reconnaissiez mon collègue, le député d'Outremont, qui a
des questions à poser à nos invités.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'aimerais continuer dans la même veine que le
député de Chambly en ce qui concerne le cloisonnement, trois
employés. Dans l'annexe, parmi la liste des bannières, quels sont
les établissements qui présentement oeuvrent le dimanche? On
parle de trois employés ou moins, je ne sais pas. Qui répond
à ces critères? Les Boni-Plus, les Boni-Soir? C'est ce genre
d'activités?
Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.
M. Séguin: Les accommodations Chanteclerc, Action Plus,
Ami, Boni-Soir, Budget, Dépanneur ouvert, Dinamique, Éco,
Idéal, la Maisonnée, la Réserve, le Frigo, Mac's Milk,
Marino, je crois, Pinto, Provi-soir, Sept Jours, Servi express. Les autres sont
peut-être plutôt classés dans la catégorie des
marchés.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Tout à l'heure, en parlant d'OCTOFRUIT et
d'autres qui fonctionnaient dans l'illégalité, vous avez
semblé dire que les autres étaient dans
l'illégalité et que vos membres étaient dans la
légalité. Je m'aperçois, en lisant l'article de la loi
actuelle, qu'on dit bien ceci: La loi ne s'applique pas aux
établissements commerciaux dont l'activité principale est la
vente au détail de denrées. Je saute. À la fin, on dit:
Toutefois, ce commerce ne devra pas faire partie d'un plus grand nombre
d'établissements commerciaux liés les uns aux autres en
association. La plupart de ceux que vous venez de nommer sont en association.
C'est donc dire qu'à peu près tout le monde est dans
l'illégalité.
Le Président (M. Rancourt): Me Martel...
M. Fortier: Vous aviez lancé des roches aux autres, alors,
j'essayais de voir si vous-mêmes étiez aussi purs que vous l'avez
dit.
M. Martel (André): M. le député, avec tout
le respect que je vous dois, je devrai vous dire que la réponse sera
relativement facile puisque tous ces épiciers sont
considérés comme des indépendants, étant tous
propriétaires de leur fonds de commerce. Ils sont
généralement maîtres de la façon d'exploiter leur
commerce. Ils arborent une bannière, mais le fait d'arborer une
bannière ne les rend pas moins indépendants pour autant. C'est un
peu le principe, si vous voulez, de la franchise où on dit que le
franchisé reste quand même un indépendant. Il ne faudrait
pas croire que ces gens sont en association les uns avec les autres.
D'ailleurs, plus souvent qu'autrement, ils ne se connaissent même pas,
même s'ils arborent la même bannière, si vous voulez. Il
s'agit de regroupements d'épiciers indépendants qui,
individuellement, sont totalement indépendants.
M. Fortier: J'imagine que le sens de la loi...
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: ...donner une réponse de juriste ou autrement,
j'imagine que le sens de la loi était, à l'origine, de donner une
protection au petit indépendant du coin comme on le connaissait.
Maintenant, il y a de grandes coopératives qui sont organisées.
Les achats sont faits sur une grande échelle. Vous vous occupez de leur
marketing, de merchandising, des achats en groupe, des politiques pour
définir le "lay-out" du magasin et tout cela. Pour le commun des mortels
- je ne sais pas si c'est vrai pour un juge ou pour un juriste - mais il existe
des associations de ces établissements. Je ne lance la pierre à
personne. Simplement, ce que je constate, c'est que la loi originale voulait
certainement défendre le petit indépendant du coin. Depuis ce
temps, il y a eu une évolution. Je remarque que la nouvelle loi ne
reprend pas cette définition. Donc, elle va sanctionner, pour l'avantage
de ceux qui fonctionnent comme cela présentement, une question de fait,
à savoir que ces gens-là opèrent comme ils le font
présentement, mais je constate que, depuis 1970 il y a eu
évolution en ce sens et qu'en 1984 c'est le législateur, si on
adopte le projet de loi 59, qui va sanctionner le fait qu'au cours des ans les
petits établissements du coin se sont regroupés en association.
Une interprétation que vous permettrez à un ingénieur
comme moi qui n'est pas juriste, c'est qu'il semblerait que tous ces
gens-là étaient dans la légalité jusqu'à
maintenant, mais il me fait plaisir de voir quand même
qu'il y a évolution. Il s'agit pour le législateur de
départager les demandes qui sont faites. Dans votre cas, vous vous
déclarez satisfaits et il y a d'autres demandes, dans d'autres cas, qui
ne semblent pas être satisfaites de ce qui est inclus dans le projet de
loi 59. Si vous avez des commentaires à faire, je suis personnellement
très ouvert sur le sujet.
Le Président (M. Rancourt): M. Dubois.
M. Dubois (Jean): M. le Président, pour répondre au
député d'Outremont, je crois, avec une assez grande certitude,
que le parrain de la loi, c'était, dans le temps, le ministre Jean-Paul
Beaudry, qui était lui-même détaillant. Le mot association,
je pense, l'interprétation... Il faut dire que les groupements d'achat
et les groupements d'affiliés existaient déjà.
C'étaient peut-être les débuts, mais tout de même
cela existait. Le mot association, je pense que, dans ce temps-là il
faut dire que cela représentait probablement des chaînes
alimentaires, les grandes chaînes corporatives telles que Steinberg,
Dominion. C'était l'interprétation de la loi à ce
moment-là.
M. Fortier: Cet article de la loi a-t-il été
testé en cour de la façon que je l'interprète ou
autrement?
Le Président (M. Rancourt): M. Martel.
M. Martel (André): M. le député, je ne crois
pas, à ma connaissance - on pourra me corriger - que cet article
précis ait été testé en cour, sauf que le principe
de la franchise a été débattu devant les tribunaux sous
d'autres lois, à titre d'exemple, la Loi sur les permis d'alcool, et les
tribunaux ont toujours généralement reconnu que le fait pour un
épicier indépendant d'arborer une bannière ne lui
enlève pas son statut d'indépendant. Le critère
généralement reconnu, c'est d'analyser le contrôle que peut
avoir le franchiseur sur le franchisé. Autrement dit, plus le
franchiseur exerce un contrôle direct sur son franchisé, moins,
évidemment, ce franchisé portera le critère
d'indépendant, mais il faut faire attention aussi de faire des
généralités, parce qu'il y a autant de types de contrats
de franchise qu'il peut y avoir de bannières ou qu'il peut y avoir
d'individus, ou presque. Chaque cas devient un cas d'espèce, le principe
étant, comme je vous le disais, que le franchisé ne perd pas son
statut d'indépendant parce qu'il fait affaires avec une bannière
qui peut être arborée par d'autres commerçants que lui. On
a ce phénomène du regroupement et de la franchise dans tous les
domaines de l'activité commerciale aujourd'hui, je crois bien,
l'alimentation ayant probablement été le secteur qui a
donné le ton respectueusement aux autres secteurs et le secteur qui a
démontré la viabilité du système qui permet,
notamment, à un franchiseur de faire le négoce de ses produits et
qui permet à des gens d'ici, des indépendants, de gagner leur vie
comme commerçants en profitant des conseils, de la publicité
commune et des autres avantages du système de la franchise. Je crois que
le ministère, depuis de nombreuses années, a favorisé le
regroupement, les franchises. De nombreux volumes ont d'ailleurs
été écrits par le ministère à ce sujet. (12
h 30)
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je pense que vous-même, tout à l'heure,
avez dit que l'article de la loi qui permettait aux dépanneurs d'ouvrir
le dimanche a permis l'éclosion d'un nouveau type de marché qui
est à la satisfaction de la clientèle, qui a permis un
développement économique important. Je crois qu'il faut le
reconnaître.
Pour revenir aux sondages, vous avez fait état des sondages, tout
à l'heure, et mon collègue de Laporte a essayé de voir
quel était le point de vue de la clientèle là-dessus. Je
remarque que ceux qui sont en faveur d'une grande libéralisation des
heures d'ouverture, ce sont en particulier des chaînes canadiennes ou
internationales. Est-ce que vous avez des informations selon lesquelles les
sondages nationaux feraient une distinction entre le comportement de l'acheteur
québécois et le comportement de l'acheteur canadien? Ma question
en sous-tend une autre; du moins c'est qu'on pourrait partir d'un sondage fait
à l'échelle canadienne. On peut vendre les magasins Eaton ou
d'autres chaînes semblables qui ont une expérience dans d'autres
parties du Canada ou d'autres chaînes qui ont une expérience dans
d'autres parties de l'Amérique du Nord et chercher à extrapoler
ce comportement, mais le comportement québécois est
peut-être différent.
On sait d'ailleurs que l'acheteur québécois, dans le
domaine des vins, est différent. On sait que l'acheteur
québécois, pour certains vêtements féminins, est
différent. Je me demandais si vous aviez des informations scientifiques
comme des sondages qui permettraient de déterminer la différence
de mentalité du francophone québécois par rapport aux
Canadiens ou par rapport aux Nord-Américains d'une façon
générale et si, en extrapolant des comportements canadiens ou
nord-américains, on ne faisait pas une grave erreur, car on sait que le
Québécois, le Canadien français aime beaucoup vivre avec
sa famille en fin de semaine, aime beaucoup ce climat familial. Je me demandais
si vous aviez des données scientifiques qui nous permettraient
de saisir cette facette du comportement québécois.
Le Président (M. Rancourt): Me Martel.
M. Martel (André): La question est fort
intéressante et je crois être en mesure d'y répondre si
vous acceptez que je ne sois pas garant des conclusions qui m'ont
été fournies. J'ai eu l'occasion d'oeuvrer à plusieurs
reprises pour l'association - et je crois connaître assez bien le
commerce -notamment lors d'un récent procès qui a fait couler
beaucoup d'encre. Il a été mis en preuve par tous les experts de
toutes les parties qu'il est très dangereux de tenter de faire une
comparaison entre le comportement du consommateur québécois et le
comportement du consommateur d'une autre province. Qu'il me soit permis de
citer à cet effet - je pense qu'il ne m'en voudra pas, bien au contraire
- le nom de M. Jean-Guy Daudelin, qui est un personnage connu dans
l'alimentation, qui a été président de la maison Hudon et
Daudelin et qui m'a toujours indiqué que, effectivement, suivant ses
connaissances, qui sont nettement supérieures aux miennes, il
était très difficile et très hasardeux d'essayer de faire
une comparaison entre le comportement du consommateur québécois
et le comportement du consommateur d'une autre province, voire d'un autre pays.
Même suivant M. Daudelin, il peut être difficile de faire des
comparaisons entre différentes régions de notre propre
province.
Ceci pour dire que nous préférons quant à nous,
lorsque nous analysons l'intérêt des consommateurs - je pense que
notre position reflète assez bien que nous nous préoccupons non
seulement de nos intérêts personnels comme commerçants,
mais aussi de ceux des consommateurs - faire référence à
des enquêtes et des sondages qui ont été effectués
auprès de consommateurs québécois. C'est ce que nous avons
fait dans la préparation de notre mémoire, car, si vous faites
référence au sondage qui a été
réalisé par la firme COGEM, vous constaterez qu'en ce qui
concerne le sondage, la méthodologie a fait appel à des entrevues
qui ont été réalisées dans onze villes du
Québec. Je peux vous les nommer si la chose vous intéresse. On
parle de Montréal, Québec, Chicoutimi, Sherbrooke, Granby,
Rouyn-Noranda, Thet-ford-Mines, Saint-Georges, Mont-Joli, Dolbeau et Bolton.
Donc, nous avons devant nous tout au moins un échantillon valable et
représentatif des différentes municipalités au
Québec, des différentes régions et, à cet
égard, d'ailleurs, l'ADA s'est fiée entièrement à
des spécialistes reconnus et dont les compétences sont
acceptées par tous et qui ont d'ailleurs effectué une telle
étude pour le gouvernement en 1975.
Le Président (M. Rancourt): M. Dubois, un
complément de réponse.
M. Dubois (Jean): Pour continuer dans le même sens,
j'aimerais souligner que, lorsque nous avions donné le mandat à
COGEM, dont le président est M. Gérard Virthe, nous lui avions
demandé d'examiner la situation dans les autres pays et les autres
provinces afin d'avoir une idée générale - non pas pour
nous fournir des données exactes - pour voir ce qui se passait partout.
On peut dire maintenant que COGEM est une firme internationale, parce qu'elle
est établie en Europe, aux États-Unis et partout au Canada.
Maintenant, je dois ajouter, M. le député d'Outremont, que
la mise en marché au Québec est très différente.
Lorsque vous avez un produit qui est présenté dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, on doit avoir une façon de
faire tout à fait différente que dans la région de Toronto
par exemple. Les compagnies qui font de la mise en marché sont au
courant de cela.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je relisais rapidement le discours de Jean-Paul
Beaudry qui, en 1969, faisait état du fait qu'en 1964 il y avait eu une
loi qui déléguait aux municipalités les heures de
fermeture et qui n'avait pas donné de bons résultats, et je pense
que personne ici autour de la table ne va suggérer qu'on revienne
à cet état de choses. De la même façon qu'on accepte
qu'il y a une différence, très probablement, entre la
mentalité du Québécois et celle des gens des autres
provinces, est-ce qu'il n'y a quand même pas une difficulté
à avoir une loi provinciale qui pourrait s'appliquer et qui ne
satisferait pas aux désirs de tous les Québécois? De la
même façon qu'il y a une différence entre les
Québécois et les Canadiens des autres provinces, il y a
sûrement des problèmes différents entre la personne du
Lac-Saint-Jean, à Chicoutimi ou ailleurs, et le Montréalais de
Montréal-Ouest. Malgré tout, je pense que la loi ne permet pas
ces distinctions qui prendraient en considération des différences
régionales. Est-ce que vous avez un commentaire à faire
là-dessus?
Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.
M. Séguin: Je pense bien que, aujourd'hui, avec le
réseau de dépannage qu'il y a au Québec, environ 6000
à 7000 dépanneurs, plus les boutiques spécialisées,
cela va très bien répondre aux désirs du consommateur.
M. Fortier: Dans le domaine de l'alimentation?
M. Séguin: Dans le domaine de l'alimentation. C'est la
raison pour laquelle elle pourrait facilement être mise en vigueur dans
tout le Québec.
Le Président (M. Rancourt): M. Dubois, en
complément de réponse.
M. Dubois (Jean): M. le député d'Outremont, pour
répondre un peu à la question, je crois que, autrefois, il y
avait des lois sur les heures d'ouverture - dans la région de
Montréal, au moins dans la région urbaine - qui étaient
régies par les villes. À ce moment, par exemple sur la rue
Pie-IX, d'un côté c'était Montréal et, de l'autre
côté, c'était Saint-Léonard; il y avait des
conflits. En campagne et en province, on retrouvait les mêmes
problèmes. Je ne sais pas si le sens de votre question c'était
pour privilégier une loi provinciale ou une loi municipale mais nous
préférons de beaucoup une loi provinciale qui régirait
tout le Québec.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: S'il y a une loi, je suis complètement
d'accord qu'elle doit s'appliquer dans tout le Québec. Je posais la
question simplement pour m'assurer si cela ne créerait pas des
difficultés d'application parce que, jusqu'à maintenant, il y a
eu des tolérances. Comme vous l'avez dit, si les législateurs
adoptent une nouvelle loi, se donnent la peine de faire une commission
parlementaire, je pense que personne ici autour de la table ne va
suggérer qu'on adopte une nouvelle loi pour avoir encore des
tolérances. À ce moment, si la loi ne correspond pas aux besoins
réels des Québécois et qu'elle serait différente
dans certaines parties de la province... Je conçois bien le
problème de Montréal où, à ce moment, sur un coin
de rue, c'était une ville et de l'autre côté de la rue une
autre ville avec des règlements différents. Je ne le
suggère pas; je voudrais simplement, m'assurer que, si nous adoptons une
nouvelle loi, celle-ci va répondre aux besoins des
Québécois et qu'on n'entrera pas encore dans le domaine des
tolérances. C'est la raison pour laquelle je posais la question.
Le Président (M. Rancourt): Me Martel.
M. Martel (André): M. le député, si vous me
permettez, peut-être une dernière réponse aux commentaires
intéressants que vous avez formulés concernant la
différence qu'il peut exister entre le consommateur
québécois et le consommateur d'autres provinces ou d'autres pays.
Comme vous pouvez le constater, il s'agit d'un point important pour nous.
L'exemple de la pharmacie, auquel nous avons fait référence,
illustre bien ce que nous prétendons. Il serait hasardeux, croyons-nous,
de prendre l'exemple d'un État américain, par exemple, où
il est généralisé que les grosses pharmacies vendent aussi
bien de l'alimentation que des tondeuses à gazon. Il faut, je pense,
lorsqu'on a à faire face à un problème comme
celui-là, analyser le comportement, le désir du consommateur et,
évidemment, le désir des intervenants en fonction du
problème que l'on vit au Québec. C'est un peu pour cela que nous
avons maintenu cette position car nous sommes d'avis que le dépanneur
traditionnel, comme nous le connaissons, qu'il arbore ou non une
bannière, a joué un rôle important et joue encore un
rôle important ici, au Québec, ainsi que la boutique
spécialisée qui, dans les années à venir, jouera un
rôle de plus en plus important.
Donc, c'est avec ces critères en tête qu'il nous faut
analyser l'ensemble du problème et non en fonction, par exemple, du
consommateur d'un État américain qui a toujours vécu avec
la mentalité qu'il est normal qu'on fasse sa commande principale
d'épicerie dans une pharmacie à toute heure de la journée.
Donc, c'est un peu le sens de notre position sur les cloisons. C'est de
façon, quant à nous, à réaliser un des objectifs de
la loi, qui était clairement avoué et qui semble encore
avoué par le gouvernement, le législateur, selon lequel la loi va
toujours tenter d'être un compromis respectable entre les
intérêts des intervenants, les intérêts des
consommateurs, pour qui tout le monde travaille, et, également, les
intérêts des petits commerçants. C'est un peu tout cet
ensemble-là, cet équilibre que nous devons peser et
sous-peser.
Notre position est une position, je pense, de compromis très
respectable, eu égard, quand même, aux intérêts de
nos membres qui, vous le comprendrez, peuvent être foncièrement
beaucoup moins tolérants que la position que l'on défend en tant
qu'association. C'est parce que nous avons pris connaissance du problème
dans son ensemble et que nous avons tenté de présenter une
position réaliste. Le problème des cloisons au niveau de la
pharmacie me paraît une position réaliste. Nous
répétons que nous ne croyons pas qu'une cloison de type juridique
ou de cette nature soit un élément suffisant pour protéger
les petits épiciers indépendants, ceux que l'on voulait avantager
et ceux qu'on veut encore avantager par le texte de la loi. À long
terme, le consommateur ne sera pas gagnant si on fait disparaître une
partie importante, quant au nombre, tout au moins, de ces petits
épiciers indépendants. Tout cela mis ensemble nous fait dire que,
effectivement, si les pharmacies, à l'avenir, veulent vendre
des denrées alimentaires, eh bien, qu'elles respectent les
mêmes règles que les détaillants en alimentation,
c'est-à-dire le critère de trois en même temps, peu importe
qu'on fasse une cloison juridique ou non. Ce n'est pas l'essentiel, je pense.
Quant au passé nous avons déjà cette preuve d'une certaine
forme de conciliation, en reconnaissant que certains ont déjà
aménagé des établissements en fonction de la loi
actuelle.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Ce que vous nous dites, c'est que, si on prend la
peine de faire une loi, il ne faudrait pas permettre par la porte d'en
arrière ce qu'on ne peut pas permettre par la porte d'en avant. Il y
aurait beaucoup d'autres éclaircissements qu'on pourrait demander, mais
il faut tenir compte du temps et je crois que le mémoire est très
explicite; vous demandez des définitions plus précises, vous nous
dites que vous n'êtes pas trop favorables à ce qu'on augmente les
heures d'ouverture. Ceci satisfait au désir d'autres intervenants qui
sont venus avant vous. Nous en avons pris bonne note et soyez assurés
que nous serons aux aguets pour surveiller les amendements qui viendront
éventuellement et nous tenterons de nous assurer que vos désirs
seront respectés, si c'est là le voeu de l'ensemble des
intervenants qui viendront après vous. Je voudrais vous remercier pour
la qualité de votre mémoire. (12 h 45)
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Je voudrais vous
féliciter pour la qualité de votre mémoire. Simplement
deux petites questions: Concernant les magasins de fruits, comme OCTOFRUIT qui
nous a soumis un mémoire avant-hier, et le cas des marchés
publics, je pense que, dans le cas des magasins de fruits, M. Gravel nous a
carrément dit que, si la loi est adoptée dans sa forme actuelle,
c'est-à-dire trois employés par magasin, il ne pourra pas ouvrir
le dimanche. Sans doute que ce sera le même problème pour les
marchés publics qui ne pourront pas, avec leur superficie de plancher,
fonctionner à trois employés par magasin.
J'aimerais connaître votre opinion si on proposait un amendement
à la loi et qu'on déterminait le nombre d'employés au pied
carré, admettons trois employés par 1000 pieds carrés.
Cela répondrait peut-être aux commerces comme les magasins de
fruits, les marchés, dans le secteur de l'alimentation. Cela
répondrait à la question et permettrait à ces magasins de
continuer à ouvrir le dimanche, comme cela a toujours été
toléré jusqu'à présent, depuis l'adoption de la
loi, en 1959. Quelle serait votre réaction à une telle
proposition ou quelle serait la réaction des marchands membres de votre
association?
Le Président (M. Rancourt): M. Dubois.
M. Dubois (Jean): M. le député de Robert Baldwin,
lors de la présentation de notre premier mémoire, en mars 1983,
nous avions suggéré que la superficie totale au sol de tout
établissement commercial dont l'activité principale est la vente
au détail de denrées et qui jouit d'une exemption en vertu de
l'article 5 soit limitée à un maximum de 3000 pieds. C'est une
suggestion que nous avions faite. Il s'agissait d'un maximum de 3000 pieds,
pour trois personnes au maximum.
Je pense qu'il y a un danger dans votre suggestion de trois personnes
par 1000 pieds. J'imagine, par exemple, ce que serait ce nombre chez Eaton,
s'ils voulaient ouvrir avec trois personnes par 1000 pieds.
M. O'Gallagher: Non, on parle du secteur de l'alimentation.
M. Dubois (Jean): Bon, d'accord. Voici notre réaction. Je
comprends mal qu'un détaillant de fruits pourrait ouvrir avec six
employés, ayant investi sur 3000 pieds de plancher, alors que l'autre
supermarché d'à côté, qui a peut-être investi
1 000 000 $ ou 2 000 000 $ et qui a un superbe rayon de fruits et
légumes, n'aurait pas le droit d'ouvrir le dimanche parce qu'il a 15 ou
20 enployés. Je pense qu'il faut une loi juste envers tout le monde,
parce que tout le monde a fait des investissements et a respecté le sens
de la loi. Si, par exemple, une personne dans un supermarché a
dépensé 2 000 000 $ et qu'elle a respecté la loi
jusqu'à aujourd'hui, il faudrait peut-être que l'autre aussi
subisse le même sort et qu'il respecte la loi.
Maintenant, pour votre information, ces marchands de fruits, avec trois
personnes, peuvent très bien fonctionner. Vous en avez un exemple chez
les dépanneurs qui vont vendre jusqu'à 25 000 $ ou 30 000
$ par semaine et qui ont trois personnes. Mais s'ils savent travailler de nuit,
à la préparation des fruits et des légumes, à la
préparation de la pâtisserie ou de la charcuterie... Vous voyez
cela, présentement, chez le dépanneur et ils arrivent avec trois
personnes. C'est généralisé au Québec.
Naturellement, si vous avez cinq caisses enregistreuses, vous avez un
problème. Il s'agit peut-être d'orienter le commerce en
conséquence.
C'est la même chose dans les marchés publics. Au
début, c'était pour aider le petit, le boutiquier,
l'indépendant, mais, à trois personnes, vous avez une très
bonne
boutique. Maintenant, si vous allez à neuf personnes, comme on le
voit présentement dans les marchés publics, chez un fruitier ou
un spécialiste de la viande, je pense que, là, on doit avoir une
loi maximale et on doit prendre l'idée qui représente l'ensemble
du monde alimentaire au Québec.
M. O'Gallagher: Dans le cas des...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: ...marchés publics, comme vous le savez,
il y a un marché à exploiter le dimanche. Dans un marché
dans mon comté, je pense qu'il passe environ 10 000 personnes le
dimanche. Vous allez priver les propriétaires d'exploiter ce
marché qui est là, qui est développé et qui
fonctionne depuis deux ou trois ans, d'ouvrir une journée et de
réaliser des bénéfices durant cette journée,
privant un certain nombre de personnes d'un emploi à temps partiel,
peut-être, dans plusieurs cas. Jusqu'à présent, on a
toujours toléré une telle chose. Cela m'amène à ma
deuxième et dernière question: Je n'ai pas vu votre sondage et je
ne l'ai pas étudié. Mais, semble-t-il, la question posée
était: Êtes-vous satisfaits des heures d'ouverture? Sans doute
que, en grande partie, le monde va répondre: Oui. Mais dans votre
sondage ou d'autres sondages que vous connaissez, peut-être, est-ce que
cette question a été posée: Êtes-vous contre
l'ouverture des marchés ou des magasins le dimanche?
Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.
M. Séguin: Non, on n'est pas contre l'ouverture...
M. O'Gallagher: Non, non, dans les sondages. La population du
Québec ou les consommateurs du Québec sont-ils contre l'ouverture
des magasins le dimanche? Est-ce que cette question a déjà
été posée dans votre sondage ou dans d'autres sondages
dont vous seriez au courant?
Le Président (M. Rancourt): M. Séguin.
M. Séguin: On a posé des questions aux
consommateurs sur les heures d'ouverture qui leur sont offertes
présentement. Les consommateurs ont répondu, à 88%, qu'ils
étaient très satisfaits de la présente situation compte
tenu des services qui leur sont offerts à l'extérieur des
supermarchés, c'est-à-dire dans les boutiques
spécialisées, les fruiteries, chez les dépanneurs.
Le Président (M. Rancourt): M. Dubois. M. Dubois
(Jean): Pour répondre à M. le député de Robert
Baldwin, dans notre enquête, on disait: Dans l'ensemble, plus de la
moitié de la population demeure indifférente face aux nouvelles
heures d'ouverture. C'est 50% des consommateurs, en partant.
Maintenant, une autre...
M. O'Gallagher: Donc, 50% de la population...
M. Dubois (Jean): ...sont indifférents.
M. O'Gallagher: C'est cela. Si on ouvrait le dimanche ou 24
heures par jour, cela ne les dérangerait pas.
M. Dubois (Jean): Cela est en preuve et c'est
déposé.
Une autre réponse que nous avons aussi, c'est que...
M. O'Gallagher: Non, non, on peut conclure que la population
n'est pas contre l'ouverture le dimanche. Peut-être.
Le Président (M. Rancourt): Me Martel. M. Martel
(André): Oui, évidemment...
M. O'Gallagher: Bien, des interprétations des sondages, on
peut toujours en faire.
M. Martel (André): Si on...
M. O'Gallagher: Je suis aussi expert qu'un autre.
M. Martel (André): II y a déjà quelqu'un qui
a dit: On ne peut pas être contre la vertu. Évidemment, je pense
que personne ne va répondre qu'il est contre si on pose une question
dans ce sens-là. Si on demande à quelqu'un: Êtes-vous
contre le fait, par exemple, qu'il y ait des fleurs sur la rue Sherbrooke
à Montréal? personne ne va dire: Je suis contre. Si on explique
à la personne, par ailleurs, que, si on met des fleurs le long de la rue
Sherbrooke, cela peut occasionner des dépenses, que cela peut lui
occasionner, vu l'augmentation des coûts, une augmentation des taxes,
peut-être que la réponse va être différente. Donc, je
pense que c'est plus difficile d'espérer avoir une position
générale des consommateurs avec une question comme
celle-là plutôt qu'avec des questions, finalement, qui ont
été formulées par des experts qui sont reconnus pour
être des gens qui ont une crédibilité et qui posent des
questions neutres, si vous voulez, qui sont reconnues comme étant
neutres au niveau du sondage.
Dernier élément, avant de passer à d'autres
questions si nécessaire, M. le député, vous avez
parlé d'une perte de
bénéfices pour peut-être un commerçant ou
deux en particulier. Cette notion me fait gravement peur parce que, voyez-vous,
les bénéfices que ces gens réalisent dans
l'illégalité, ils les réalisent aux dépens de ceux
qui sont dans la légalité. Donc, cela est l'autre
côté de la médaille. C'est peut-être vrai que celui
qui est dans l'illégalité, s'il doit, du jour au lendemain, se
mettre dans la légalité, va perdre des bénéfices;
sûrement. Sauf que celui qui était dans la légalité
a perdu des bénéfices au profit de celui qui s'est mis dans
l'illégalité. Donc, c'est encore la dualité. Allons-nous
sanctionner l'illégalité aux dépens de ceux qui respectent
les règles du jeu?
Alors, je souligne très humblement - on peut diverger d'opinion -
qu'on ne peut pas sanctionner l'illégalité sous le
prétexte qu'un commerçant qui était dans
l'illégalité va perdre quelques bénéfices. Il faut
aussi prendre en considération que celui qui était dans la
légalité a perdu autrement plus de bénéfices au
profit de celui qui était dans l'illégalité et qu'on n'a
pas pu poursuivre, qu'on n'a pas pu condamner pour toutes sortes de raisons que
j'ignore. Si vous saviez le nombre de plaintes que l'association peut recevoir
dans une année, justement de détaillants qui respectent la loi et
qui disent à leur association: M. Untel fait des bénéfices
à mes dépens parce que, dans le fond, si moi aussi je pouvais
ouvrir, si moi aussi je me mettais dans l'illégalité, l'autre
ferait moins de bénéfices et moi aussi j'irais chercher une
partie de la clientèle. Donc, vous me permettrez, très
humblement, de diverger un peu d'opinion - au moins dans le sens de la question
qui était posée - sur ce principe parce que cela peut nous mener
loin, vous en conviendrez.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Je suis d'accord avec vous que ce n'est pas juste
envers les commerçants qui n'ouvrent pas le dimanche. Il y en a d'autres
qui vendent le dimanche; ils sont tolérés par le gouvernement et
ils contreviennent à la loi. Je suis complètement d'accord avec
vous. Il faut admettre qu'il y a une certaine évolution qui s'en vient
quant à la question des heures d'ouverture le dimanche. Il faut trouver
des moyens législatifs de répondre à cette
évolution. C'est une demande du public et cela amène toujours ces
problèmes. C'est le dilemme.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Je crois qu'on va vous remercier de votre
présence et de votre mémoire. On va essayer de
réétudier tout ce que vous nous avez dit. Merci surtout de votre
ouverture pour nous aider à solutionner les problèmes du
passé et à pouvoir très bien s'aligner sur l'avenir.
Je suggère, M. le Président, qu'on passe à
l'audition du prochain mémoire, même s'il est déjà
12 h 55, et qu'on passe à la période des questions tout de suite
après le dîner parce que, autrement, ce soir nous allons avoir des
invités qui devront attendre très tard si on ne se discipline pas
un peu plus.
Le Président (M. Rancourt): D'accord. Est-ce qu'il y a
consentement pour entendre le mémoire?
Des voix: D'accord.
Le Président (M. Rancourt): Oui, il y a consentement.
Donc, nous remercions l'Association des détaillants en alimentation du
Québec et nous demandons à l'Association des directeurs de
centres commerciaux de la province de Québec de se placer à la
table, s'il vous plaît! Merci beaucoup.
Nous accueillons à la table l'Association des directeurs de
centres commerciaux de la province de Québec pour entendre son
mémoire avant l'heure du repas, comme il y a eu consentement. Si vous
voulez bien vous présenter et présenter la personne qui vous
accompagne.
Association des directeurs des centres
commerciaux
M. Labbé (Gaston): Mon nom est Gaston Labbé, je
suis secrétaire exécutif de l'Association des directeurs de
centres commerciaux de la province de Québec. Je vais laisser la parole
au président pour vous présenter le mémoire. Il n'est pas
long; donc, on peut l'entendre au complet.
Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau.
M. Cousineau (Pierre): M. le ministre, M. le Président,
messieurs les députés, nous allons être très brefs
contrairement à nos prédécesseurs.
À la suite de notre sondage effectué auprès de
marchands indépendants dans plusieurs centres commerciaux, notre
interprétation des résultats de ce sondage se résume
ainsi: les commerçants consultés sont majoritairement en faveur
du statu quo, bien que 26% d'entre eux seraient d'accord avec la proposition
soulevée par l'ADCCQ relativement à l'accroissement d'une heure
à l'horaire des jeudi et vendredi soir.
L'ouverture des commerces le dimanche a été refusée
par la très grande majorité des répondants. La
libéralisation totale des heures d'affaires est une option qui a
été aussi refusée à la grande majorité.
Conséquemment, la majorité des commer-
çants consultés est en faveur de rendre les amendes
beaucoup plus sévères pour les contrevenants à la loi des
heures d'affaires.
L'opinion de l'ADCCQ: les directeurs de centres commerciaux sont en
majorité contre la libéralisation des heures d'ouverture, mais
optent pour l'accroissement d'une heure à l'horaire des jeudi et
vendredi soir. La logique derrière cette proposition est basée
sur la conviction que les chiffres d'affaires actuels ne peuvent être
augmentés suffisamment pour justifier une libéralisation totale
des heures d'affaires. L'association est cependant consciente que les habitudes
de magasinage ont forcément changées avec le
phénomène du couple qui travaille et c'est la raison pour
laquelle nous croyons qu'un ajustement est requis. Réalisant que le
commerçant ne peut greffer plus de dépenses fixes à son
établissement sans risque de faillite, il faut conserver la même
période d'ouverture au public tout en s'ajustant à cette
réalité qu'est le temps réduit consacré au
magasinage.
En conclusion, bien que les commerçants aient en majorité
opté pour le statu quo, il n'en demeure pas moins qu'une proportion de
25% a opté pour l'accroissement de deux heures supplémentaires,
et il faut garder en mémoire que certaines tendances au statu quo
s'expliquent facilement par la peur du changement. (13 heures)
De l'avis des directeurs de centres commerciaux, selon leur expertise et
leur professionnalisme, la proposition d'ajouter une heure à l'horaire
actuel des jeudi et vendredi soir s'avère la plus justifiable, compte
tenu: 1- du potentiel restreint d'augmentation des ventes 2- des charges
salariales fixes dues aux heures d'affaires existantes 3- des périodes
creuses des débuts de matinée 4- de la possibilité de
garder le même nombre d'heures d'ouverture, retardant l'heure d'ouverture
du matin.
Ce mémoire vise à faire en sorte que votre
ministère se rende compte que l'association est satisfaite et
fière de pouvoir offrir des heures d'ouvertures régies par une
loi qui se veut honnête et qui établit des règles où
tout commerçant a le droit de faire des affaires.
Relativement aux amendes pour les contrevenants, il va sans dire que
celles-ci devraient être très sévères pour ne pas
favoriser les établissements qui ne se conforment pas à la
loi.
L'association considère que les changements apportés aux
articles 2 et 3 du projet de loi 59 sont, en majeure partie, non acceptables,
car ils ne représentent en rien l'opinion des marchands au
détail, et qu'un tel ajout d'heures d'ouverture ne fait que nuire
à la vie sociale des commerçants, sans vraiment se montrer utile
vis-à-vis du consommateur.
De l'article 2 du projet de loi 59, la Loi modifiant les heures
d'affaires des établissements commerciaux, l'association retient et
accepte l'énoncé, mais nous préférons et maintenons
l'article 2 existant, tout en demandant que les 2 janvier et 26 décembre
soient ajoutés comme jours fériés.
L'association est contre la proposition de l'article 3, qui permettrait
l'ouverture des établissements commerciaux jusqu'à 21 heures
durant les six jours précédant le dimanche de Pâques.
L'association est aussi contre l'extension des heures d'ouverture le
samedi jusqu'à 18 heures.
Comme vous l'avez remarqué, nous nous sommes opposés
seulement aux articles 2 et 3 du projet de loi 59, qui touchent directement les
centres commerciaux. Merci.
Le Président (M. Rancourt): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Biron: Merci de votre mémoire. On a convenu avec notre
collègue, le député de Laporte, qu'on procéderait
à la période de questions immédiatement, si cela ne vous
fait rien de rester quelques minutes, ce qui nous permettra, finalement, de
recommencer à 15 heures avec le groupe qui était
cédulé pour 15 heures, c'est-à-dire le conseil municipal
de la ville de Hull.
Je vous remercie, d'abord, de l'appui, il me semble, un peu global que
vous donnez à notre projet de loi, à la fois en ce qui concerne
l'augmentation des amendes et la fermeture le dimanche, quitte à ce que
vous interveniez sur certains cas. Votre suggestion des jeudi et vendredi soir
a déjà été faite par le Conseil
québécois du commerce en détail. Je remarque que votre
sondage est aussi important; il démontre qu'une partie relativement
importante - 19% de vos gens -veut la libéralisation complète. Il
y a quand même une partie des gens qui disent: II y a peut-être du
commerce à faire en dehors des heures actuellement stipulées par
l'ancienne loi. On devrait regarder davantage ce qu'on peut faire.
Je garde cela en mémoire et je demande à mon
collègue, le député de Châteauguay, qui a quelques
questions à vous poser là-dessus, de procéder.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Ce sera très
bref. D'abord, vous avez fait un sondage et vous dites qu'il s'agit d'un
sondage réalisé auprès de 30 centres commerciaux. Est-ce
la totalité? Je n'ai pas vraiment d'idée sur le nombre de
centres
commerciaux qui existent. Est-ce que c'est très
représentatif du nombre de centres commerciaux?
Le Président (M. Rancourt): M. Labbé.
M. Labbé: Oui, je vais répondre à votre
question. On parle de 30 centres commerciaux qui nous ont retourné les
demandes faites auprès de leurs marchands.
M. Dussault: D'accord.
M. Labbé: Ces centres commerciaux représentent les
centres commerciaux couverts, donc avec mail. Lorsqu'on parle de centres
commerciaux dans la province de Québec, on peut totaliser, si on parle
de tout centre commercial, jusqu'à 200 centres commerciaux. On parle
d'environ 150 centres commerciaux avec mail. Plusieurs mails sont
détenus par des intérêts, par exemple, de Cadillac Fairview
ou Ivanhoe qui, à eux deux, ont 50 centres commerciaux.
M. Dussault: Cela confirme l'impression que j'avais selon
laquelle c'était un petit nombre...
M. Labbé: C'est un...
M. Dussault: Parmi ces 30 qui ont répondu, est-ce qu'on a
une idée très générale de ce que pensent les
marchands?
Le Président (M. Rancourt): M. Labbé.
M. Labbé: Nous considérons l'échantillonnage
- en fait c'est un échantillonnage à travers la province, selon
l'endroit d'où il venait; il y en a de Rimouski et de Montréal en
grande partie -satisfaisant. Nous n'avons pas eu à refaire un autre
sondage.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: D'accord. Ces 30 centres commerciaux en question qui
font partie de l'échantillonnage - de toute façon les sondages
fonctionnent par échantillonnage, mais on peut porter foi aux
résultats; si l'on se fie aux autres, pourquoi pas à
celui-là -sont-ils répartis de façon telle qu'on puisse
vraiment dire qu'il s'agit de milieux différents, que cela couvre
l'ensemble des réalités québécoises?
Le Président (M. Rancourt): M. Labbé. M.
Labbé: Oui.
M. Dussault: D'accord. Ce qui frappe -et je vais m'en tenir
à cela - dans votre mémoire, qui est court mais qui dit bien ce
qu'il veut dire, c'est qu'il n'y a pas d'entente sur tous les points entre les
directeurs des centres commerciaux et les marchands comme tels. En fait, les
directeurs voudraient, au-delà des positions des marchands, qu'il y ait
davantage ouverture, particulièrement les jeudi et vendredi soir. Je me
rappelle que, avant-hier, des gens, représentant des SIDAC, des
associations de marchands de centres-villes, nous ont dit que,
déjà, quand les clients ont passé l'heure de fermeture,
ils sont obligés de fonctionner encore pendant une demi-heure ou trois
quarts d'heure. C'est une réalité qui avait l'air d'être
générale pour ce qui est de ce type de marchands dans les
centres-villes.
Est-ce que, dans les centres commerciaux, la réalité est
la même? Est-ce que les marchands ou les employés sont
obligés de faire une demi-heure ou trois quarts d'heure de plus
au-delà de l'heure de fermeture, pour satisfaire la
clientèle?
Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau.
M. Cousineau: M. le député, nous remarquons que,
antérieurement à la loi, en 1971, nous gardions nos centres
commerciaux ouverts - je parle des centres avec mail -jusqu'à 22 heures
les mardi, jeudi et vendredi soir, dans mon cas; j'étais le
gérant de Fairview à Pointe-Claire dans le temps. Et nous avions
un public très constant, très nombreux. Maintenant, nous
remarquons que les jeudi et vendredi soir, à 21 heures, nous sommes
forcés de mettre les gens à la porte; ils veulent continuer de
magasiner. Les gens qui ont fait leur épicerie veulent continuer de
magasiner pour les cadeaux ou l'habillement. On pense que l'on perd beaucoup de
ventes impulsives; surtout dans la bijouterie. On voit nos bijouteries tomber
un peu dans les ventes. Je crois que c'est dû au manque de temps, les
jeudi et vendredi soir, où on a déjà toute cette
clientèle. On est obligés de leur fermer les portes. Souvent, on
est obligé de pousser les gens pour fermer nos portes. Plusieurs des
commerçants ne sont que des employés; à 21 heures, ils ont
fini et ils ne sont payés que jusqu'à 21 heures. Donc, ils
disent: On ferme les portes. Les gens se buttent sur les portes. C'est vrai
dans nos centres commerciaux; c'est une tendance que l'on voit, contrairement
au samedi après-midi où, à 16 heures ou 16 h 15, on
observe que les clients sortent automatiquement, sans être
pressés, sans être forcés de le faire. Tandis que, les
jeudi et vendredi soir, on voit que cette affluence ne diminue pas avant 21 h
15 ou 21 h 20; on voit les gens s'en aller parce qu'ils sont forcés de
s'en aller.
Le Président (M. Rancourt): M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: Donc, dans l'optique d'une libéralisation des
heures, ce qui serait le plus naturel en termes d'ajouts, ce serait les jeudi
et vendredi, parce que c'est là qu'on sent que la clientèle a le
goût de rester, de gagner un peu de temps pour compléter ses
achats.
M. Cousineau: On le sent, assurément, dans tous nos grands
centres régionaux ainsi que dans les centres-villes.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Mais pourquoi vos marchands n'ont-ils pas
identifié le même type de préoccupations? Ils ont un
intérêt donc à rester ouverts plus longtemps. Est-ce que
c'est une préoccupation d'ordre social davantage qui les amène
à penser qu'il faudrait quand même s'en tenir aux heures
actuelles?
Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau.
M. Cousineau: En plus de l'ordre social, M. le
député, je crois qu'il y a aussi ceci: c'est que plusieurs de ces
marchands font affaires avec des syndicats. Il y a le nombre d'heures et la
dépense additionnelle. Il y a aussi la peur de changer le statu quo, je
crois. Mais la plupart des propriétaires de ces boutiques aimeraient
rester ouverts un peu plus longtemps.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: M. le ministre me dit que c'est peut-être par
la formulation de la question... Question 2: Respecter les heures d'ouverture
existantes en accroissant d'une heure l'horaire des jeudi et vendredi soir. Ont
dit oui, 26%; non, 74%. Je voudrais vraiment que vous me confirmiez ce que veut
dire la réponse. Je vois: Non, 74%. J'en conclus donc qu'ils refusent -
c'est ce que j'avais compris - l'ouverture après les heures actuelles.
Est-ce que l'interprétation du ministre est bonne?
Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau.
M. Cousineau: J'aimerais dire que nos questionnaires ont
été envoyés aux magasins directement et j'ai peur que
plusieurs employés aient répondu au lieu du propriétaire;
les gérants de magasin, les gens qui sont employés ont
répondu. Tandis que les propriétaires qu'on rencontre dans les
associations de marchands qu'on a mentionnées antérieurement nous
montrent le désir de rester ouvert. C'est cela la différence, je
crois: ces questionnaires ont atteint la chaîne de magasins, mais ils ont
atteint seulement la gérance et non le propriétaire du
magasin.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Donc, on peut penser qu'à travers les
réponses il y a une préoccupation sociale, mais reliée
spécifiquement aux heures de travail des employés.
Le Président (M. Rancourt): M. Labbé.
M. Labbé: Certainement. D'ailleurs, j'en profite pour
mentionner le fait du lendemain de Noël et du lendemain du jour de l'an.
On a une misère noire à garder les magasins de nos membres
ouverts ou même de les faire ouvrir. L'association des marchands et nous,
nous avons pensé à toutes sortes d'amendes. Les gens ne veulent
pas ouvrir, ils se sentent lésés d'un droit, acquis, je suppose,
à savoir qu'on doit se reposer le lendemain de ces fêtes. Ils se
disent: On est là depuis 9 h 30 le matin... C'est sûr et certain
qu'une heure de plus représente certains frais et aussi beaucoup de
temps. Maintenant, on suggère, à l'intérieur de nos
centres commerciaux, d'ouvrir une demi-heure plus tard le matin. Cela peut ne
pas être dans la loi comme tel, mais cela peut être fait à
l'intérieur des centres commerciaux; il n'y a pas d'affluence le
matin.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Une dernière question. Les gens des
centres-villes nous ont dit leur inquiétude selon laquelle si, par
exemple, on prolongeait les heures d'affaires les jeudi et vendredi, cela
favoriserait davantage les commerçants des centres commerciaux et se
ferait sur le dos des marchands des centres-villes. Qu'est-ce que vous pensez
de cette assertion?
Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau.
M. Cousineau: Dans le moment, je suis gérant de Eaton Les
Terrasses, au centre-ville de Montréal, qui est au coin des rues
Sainte-Catherine et McGill. Je crois que c'est un des centres les mieux
situés, avec Place Ville-Marie, au centre-ville. À cause de la
crise économique et de l'augmentation de l'essence, nous avons vu,
contrairement à ce qui s'est passé il y a une dizaine
d'années, le retour au transport en commun. Les gens se servent de plus
en plus du transport en commun. À cause du retour au
centre-ville, dans le moment, nos augmentations les jeudi et vendredi
soir et le samedi ont plus que doublé depuis cinq ans. Avant, on
souffrait beaucoup des gros centres régionaux à
l'extérieur des villes. Mais, maintenant, les gens sont retournés
au centre-ville, travaillent au centre-ville et font leurs achats aussi au
centre-ville. Je pense qu'il y a de la place pour les deux. Assurément
que nos gros centres commerciaux sont très occupés les fins de
semaine, mais les centres-villes gardent de plus en plus leur clientèle
de la journée, M. le député.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Donc, cela ne briserait pas l'équilibre qui a
l'air de s'être fait maintenant.
M. Cousineau: Je ne le crois pas, M. le député.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Un commentaire seulement. En somme, vous avez fait
un sondage auprès de vos commerçants et vos commerçants
vous ont dit à peu près essentiellement la même chose
qu'ils nous ont dite, à savoir qu'ils sont très majoritairement
en faveur du statu quo. Et, vous, vous ajoutez que c'est peut-être un peu
parce qu'ils ont peur du changement. Vous faites penser un peu à la
locomotive qui tente de tirer le train, mais le train est un peu lourd à
déplacer.
Enfin, je retiens de la conclusion de votre mémoire qu'à
l'égard du projet de loi 59 vous ne semblez pas l'aimer beaucoup. Vous
dites que votre association considère que les changements
apportés par le projet de loi sont en majeure partie non
acceptables.
Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau.
M. Cousineau: On se réfère toujours, M. le
député, aux articles 2 et 3 où on parle des heures et
surtout des lendemains de Noël et du jour de l'an, si vous me le
permettez.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: D'accord, mais je lis...
M. Cousineau: En tant que directeurs de centres commerciaux, on
peut vous dire que le reste du projet nous est très acceptable.
M. Bourbeau: II faudrait que ce soit un peu clarifié parce
que, quand on regarde la conclusion: Le projet de loi 59... Je suis d'accord
que ce n'est peut-être pas aussi global que je le dis, mais, à
l'égard de l'article 2, vous êtes d'accord pour accepter
l'énoncé, mais vous préféreriez
l'énoncé de l'article 2 dans la loi actuelle.
M. Cousineau: Ou on a le lundi de Pâques et le lundi de
l'Action de grâces, mais on demanderait aussi les lendemains de Noël
et du jour de l'an parce que c'est un problème pour les directions des
centres commerciaux dans le moment de faire ouvrir quelques boutiques. Chaque
année, il faut avoir des assemblées avec les marchands et les
forcer, essayer de les pénaliser d'une façon quelconque par les
contrats qu'ils ont avec les centres commerciaux parce que nous investissons
beaucoup d'argent en publicité pour avertir les gens que notre centre
commercial leur souhaite la bienvenue telle et telle journée, de telle
heure à telle heure. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir quelques
magasins de fermés quand nous annonçons que notre centre
commercial est ouvert. Cela nous cause un problème, en ce moment, et
cela nous a causé un problème dans les dernières
années. (13 h 15)
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: C'est très intéressant, ce que vous
dites là. Je ne sais pas si le ministre écoute. J'aimerais
attirer l'attention du ministre. C'est qu'on a ici des gens qui ont
intérêt à ouvrir, ce sont des directeurs qui
représentent les propriétaires des centres commerciaux.
Eux-mêmes nous disent qu'on devrait retourner à l'ancien article 2
parce que ceux qui ont intérêt à ce qu'on ouvre nous
disent: On ne devrait pas ouvrir. Je comprends de moins en moins pourquoi le
ministre veut faire ouvrir à 8 h 30, le lendemain de Noël, par
exemple, ou le lendemain du jour de l'an...
Des voix: II n'y a pas d'obligation...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, s'il
vous plaît!
M. Bourbeau: Bien non, il n'y a pas d'obligation, bien sûr,
mais on sait ce qui se passe. Quand la loi permet d'ouvrir, il faut ouvrir dans
tous ces milieux-là parce que si l'un ouvre, l'autre ne veut pas se
faire dépasser. La concurrence force à ouvrir. Dans ce
sens-là, je conclus que, pratiquement parlant, à partir du moment
où la loi permet l'ouverture - c'est ce que nous ont dit la plupart des
marchands, de toute façon - ceux qui n'ouvrent pas sont
désavantagés. Est-ce que vous avez un commentaire à faire
là-
dessus?
Le Président (M. Rancourt): Oui, c'est M.
Labbé.
M. Labbé: Merci. En fait, il faut se rappeler qu'on ne
représente pas les marchands comme tels. On représente les
centres commerciaux. Mais j'aimerais faire une remarque: lorsque l'on dit que
le projet de loi 59 n'est pas acceptable, c'est qu'il nous semble que,
d'après nos requêtes, on nous suggère des choses qui vont
tout à fait à l'encontre de ce qu'on pense. On essaie de garder
un maximum d'heures d'ouverture, telles qu'elles existent présentement,
en essayant aussi d'implanter quelques heures sociales pour ces gens qui se
plaignent toujours qu'ils doivent ouvrir à telle heure; en tout cas, on
a toujours nos règlements. Vous savez, on doit avoir, dans chaque centre
commercial, en principe, quelqu'un qui, à tous les jours, passe et
remarque les retards d'ouverture, pénalise d'une certaine
manière. Déjà, on a du mal à les faire ouvrir aux
heures permises. On s'aperçoit qu'il y a une affluence qu'on doit
repousser les jeudi et vendredi soir. Alors, lorsqu'on nous présente des
choses selon lesquelles on est ouvert le lundi de Pâques, on est ouvert
à l'Action de grâces et tout, on se dit: Ce sont des choses qui
nous semblent placées là pour des raisons qu'on ignore.
Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau, en
complément de réponse.
M. Cousineau: Oui, pour compléter la réponse de mon
confrère, c'est que, dans notre métier, on est appelé
à négocier ces contrats avec les locataires. Dans plusieurs cas,
ces locataires ne sont qu'un homme ou une petite entreprise familiale où
vous avez le père de famille et la mère, des fois un enfant ou
deux qui aident. Toutes ces journées fériées leur
permettent de faire le plein. Souvent, cela joue dans la balance d'ouvrir une
boutique ou non. Souvent, ces gens-là disent: Mais est-ce qu'on est
obligés de travailler toutes ces heures-là? Est-ce qu'on est
obligés d'ouvrir aux heures du centre commercial? On aimerait
peut-être mieux avoir notre petite boutique sur le coin de la rue qu'on
pourrait gérer à notre guise. J'ai vu, dans plusieurs cas, des
gens dire: Écoutez, les autres personnes dans la vie, les
salariés, travaillent de 35 à 40 heures; nous, en plus
d'être ouverts, il faut rencontrer notre comptable, il faut administrer,
il faut faire nos achats. Donc, quelques journées de plus, comme le
lendemain de Noël, nous donnent la chance de faire le plein, de vivre
comme tout le monde et d'avoir un Noël comme tout le monde. Cela a
joué déjà dans la balance d'ouvrir ou de ne pas ouvrir un
commerce. Je pense que cela est très important.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Je termine simplement -je pense qu'il est important
de le faire - en soulignant - ce que j'ai déjà dit tout à
l'heure - que même en représentant des propriétaires de
centres commerciaux, vous avez de fortes restrictions sur la
libéralisation des heures, entre autres, le samedi jusqu'à 18
heures, l'ouverture dans la semaine avant Pâques jusqu'à 21
heures. Alors, bien entendu, si vous, comme représentants des
propriétaires, prenez cette position, à plus forte raison, on
comprend la position de vos marchands qui ont pris la même position.
Alors...
M. Cousineau: M. le ministre, j'aimerais ajouter à
cela...
Le Président (M. Rancourt): M. Cousineau.
M. Cousineau: ...que, dans mon centre commercial, dans le moment,
je suis ouvert. Je suis situé près d'une station de métro
de Montréal, donc je suis ouvert. Cela ne coûte pas plus cher
d'être ouvert tous les soirs, jusqu'à 2 heures du matin, que cela
ne me coûte dans le moment. J'ai les mêmes employés de
sécurité, j'ai les mêmes employés qui font le
nettoyage, parce que j'ai une affluence constante à cause de la station
de métro. Il y a d'autres centres commerciaux dans ma situation. Donc,
nous sommes ici pour montrer la juste mesure. C'est pour cela qu'on s'oppose
à l'ouverture jusqu'à 21 heures la semaine avant Pâques
parce qu'on croit qu'on va avoir de la difficulté avec nos marchands
pour qu'ils ouvrent. Maintenant, on ouvre - depuis 1971 - jusqu'à 21
heures deux semaines avant Noël. Le premier samedi où l'on force
les gens à ouvrir, on a tout le temps une moyenne assez
élevée de délinquants, de 20% à 25% qui ferment
à 19 heures ou 19 h 30 pour aller voir la partie de hockey; c'est plus
important d'aller voir la partie de hockey. Déjà, l'affluence a
beaucoup diminué. Donc, on ne voit pas l'utilité d'ouvrir
jusqu'à 21 heures durant la semaine avant Pâques, M. le
député.
M. Bourbeau: Très bien, au nom de...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: ...l'Opposition, je tiens à vous remercier
d'avoir apporté cette contribution à nos travaux. Je pense que
c'est un point de vue original, qu'on n'avait pas beaucoup entendu en ce qui
concerne les
propriétaires de centres commerciaux. Je vous remercie.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Je veux tout simplement vous remercier. Aussi, surtout,
je note - parce que votre mémoire là-dessus n'est pas clair
-qu'il dit, à la fin, que le projet de loi est inacceptable, alors que
le projet de loi répond à 95% de vos demandes. Je veux bien
croire que les 5% sont inacceptables pour vous. Par contre, d'autres groupes de
gens nous demandent d'ouvrir plus; d'ailleurs, le fait que beaucoup de gens
ouvrent le dimanche, à l'heure actuelle, ou en dehors des heures, est
signe qu'il y a un besoin pour l'évolution du commerce. Alors, le projet
de loi n'a pas voulu répondre à 100% à une
catégorie de monde; il a voulu essayer de faire un consensus entre les
gens d'affaires du Québec. Je vous répète ce que je disais
hier, c'est à cause de la faiblesse des gens d'affaires de se parler
entre eux et d'en arriver à un consensus eux-mêmes; si les gens
d'affaires en étaient arrivés à un consensus
eux-mêmes, le législateur aurait pu légiférer
très facilement. En tout cas, je vous remercie de votre
contribution.
Le Président (M. Rancourt): M. Labbé.
M. Cousineau: C'est nous qui vous remercions de nous avoir permis
d'exprimer notre point de vue.
Le Président (M. Rancourt): D'accord. M. Labbé,
vous aviez demandé la parole?
M. Labbé: Oui, une dernière chose, M. le ministre.
Comme le mentionnait tout à l'heure un député de
l'Opposition, on aurait tout intérêt à ouvrir plusieurs
heures. Un mémoire de cette sorte donne vraiment notre idée
à savoir si ces gens vont être en affaires l'an prochain, parce
que notre problème c'est de louer nos locaux et il faut aussi qu'ils
soient rentables. Je vous remercie.
Le Président (M. Rancourt): D'accord. Nous remercions
l'Association des directeurs de centres commerciaux de la province de
Québec et nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 22)
(Reprise de la séance à 15 h 5)
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre! Reprise des
auditions que la commission de l'industrie, du commerce et du tourisme a
à mener ici et qui a pour mandat d'entendre les représentations
des personnes intéressées par le projet de loi 59, Loi modifiant
la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.
Avant d'appeler le premier groupe de l'après-midi, j'ai
reçu une indication que, parmi les intervenants, il faut ajouter M.
Dupré (Saint-Hyacinthe), qui remplace M. Tremblay (Chambly), ce dernier
étant membre officiel.
M. Bourbeau: Est-ce qu'il est présent?
Le Président (M. Rancourt): Maintenant, nous allons
accueillir le conseil municipal de la ville de Hull. Si ses
délégués veulent bien s'approcher, s'il vous plaît?
Si vous voulez bien vous présenter?
Conseil municipal de Hull
M. Cholette (Pierre): Mon nom est Pierre Cholette, je suis
conseiller municipal à la ville de Hull. Je suis accompagné, cet
après-midi, par un autre conseiller de la ville, M. Cartier Mignault, et
par notre directeur du service des relations publiques, M. André
Lacroix.
Le Président (M. Rancourt): Merci. Vous pouvez
débuter.
M. Cholette: Merci, M. le Président. Dans un premier
temps, j'aimerais, au-delà du document officiel que nous avons
déjà déposé et que nous aimerions voir s'annexer au
procès-verbal de cette commission, vous dire que le conseil municipal et
la population de la ville de Hull tiennent absolument à vous remercier
de l'occasion que vous nous offrez, aujourd'hui, de participer à cette
commission parlementaire pour aider les membres de l'Assemblée nationale
à poursuivre leur réflexion sur les nombreuses raisons et les
divers moyens d'amender et ainsi de bonifier la Loi sur les heures d'affaires
des établissements commerciaux.
En comparaissant devant vous, aujourd'hui, nous espérons vous
amener à constater que le conseil municipal et la population de la ville
de Hull recherchent des moyens de mieux assurer les potentiels et les
dynanismes industriels, commerciaux et touristiques de Hull et de l'Outaouais
québécois.
Inscrite dans la problématique élargie de la recherche
d'un statut administratif particulier pour Hull et sa région et
tributaire de la consultation paraélectorale de novembre 1982, notre
démarche d'aujourd'hui est l'aboutissement logique et
modéré des préoccupations de la population et des
élus municipaux de Hull relativement au dynamisme économique
hullois et, conséquemment, outaouais, à la relative
compétitivité de nos commerces par rapport
à ceux de l'Est ontarien ainsi qu'à notre souci de
contribuer à freiner l'exode de nos activités commerciales
normales vers la province voisine.
Compte tenu de notre situation frontalière unique, Hull
étant au coeur d'une agglomération urbaine interprovinciale
majoritairement anglophone, de près d'un demi-million d'habitants, dont
près de 75% vivent hors du Québec, faite à la fois de
concurrence et d'interdépendance, et considérant que notre ville,
nos entreprises et nos commerces sont constamment à la recherche d'une
clientèle potentielle nouvelle, nous nous présentons devant vous
pour réclamer divers assouplissements à la Loi sur les heures
d'affaires des établissements commerciaux, particulièrement au
chapitre des périodes de très grand achalandage et du
mécanisme de décision.
Ainsi donc, déjà, dans l'état actuel des faits, la
ville de Hull est placée dans un environnement politique et
économique fort particulier dont je ne voudrais citer que trois
caractéristiques. Premièrement, Hull est une porte
d'entrée très importante du Québec; deuxièmement,
chaque année, près de 3 000 000 de personnes lui jettent un
regard curieux ou intéressé; sur ce, approximativement de 3%
à 5% seulement visitent notre ville: de ces 3 000 000 de touristes, 60%
sont des Canadiens, 20% viennent des États-Unis et 20% d'autres pays;
troisièmement, chaque matin, nous recevons approximativement 20 000
fonctionnaires du gouvernement fédéral, que l'on voudrait aussi
retrouver plus régulièrement dans l'ensemble de nos
établissements commerciaux. En plus de sa situation unique et
particulière, nous croyons que la ville de Hull a aussi une vocation
particulière. Nous venons suggérer que la ville de Hull devienne
l'instrument privilégié du Québec pour donner à
tous les visiteurs et travailleurs ontariens qui nous côtoient
quotidiennement le goût de faire leurs achats et de tirer profit d'une
bonne affaire au Québec.
Pour ce faire, il devient donc essentiel d'ajuster certains
éléments de la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux à notre spécificité,
à notre situation frontalière. C'est, entre autres, pour ces
raisons que nous venons vous dire que nous applaudissons à l'esprit des
propositions de réforme contenues au projet de loi 59 et nous en
profitons plus particulièrement pour souhaiter ou réclamer que
l'Assemblée nationale modifie la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux en favorisant Hull et sa banlieue de la
façon suivante: premièrement, idéalement, en
déléguant à la ville de Hull ou à chaque
gouvernement municipal le pouvoir de réglementer sur toute
l'étendue de son territoire les heures d'affaires des
établissements commerciaux; sinon, deuxiè- mement, en portant les
heures d'ouverture des établissements commerciaux à 21 heures
durant les 28 jours précédant le 24 décembre, ou en
permettant aux gouvernements municipaux de prendre une telle disposition afin
qu'elle corresponde aux besoins et à la situation compétitive
particulière de leurs établissements commerciaux;
troisièmement, en ajoutant à l'article 5 du projet de loi les
détaillants de fruits et légumes, les boucheries, les
charcuteries et poissonneries, ainsi que les marchés publics
localisés à l'extérieur des grands centres commerciaux
logeant des supermarchés.
Vitrine et porte d'entrée du Sud-Ouest québécois,
la ville de Hull vous remercie de l'avoir entendue et elle vous demande de
contribuer à la regénérescence et au renforcement de sa
structure financière en permettant à la capitale régionale
et à l'ensemble de l'Outaouais québécois de pouvoir mieux
concurrencer la rive ontarienne de l'Outaouais. Nous vous demandons donc la
permission, par des assouplissements mineurs à la Loi sur les heures
d'affaires des établissements commerciaux, de favoriser
l'épanouissement maximal de nos potentiels industriel, commercial et
touristique, et nous sommes persuadés que les amendements consentis
seront aussi bénéfiques pour nos villes voisines et pour
plusieurs autres agglomérations urbaines québécoises. Je
vous remercie.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Je voudrais vous remercier d'avoir fait votre
intervention cet après-midi et déposé votre
mémoire. Pour les premiers commentaires et les premières
questions, étant donné que votre municipalité est dans le
comté de notre collègue, le député de Hull, je lui
demanderai de faire la première intervention et de poser les
premières questions. Après quoi, mon collègue, le
député de Châteauguay et adjoint parlementaire, vous posera
quelques autres questions.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Merci, M. le
ministre, d'avoir passé votre tour. Je sais que vous reviendrez
sûrement dans les prochaines minutes...
M. Bourbeau: Pour mieux vous assommer.
M. Rocheleau: ...c'est cela. Je voudrais, premièrement, M.
le Président, féliciter le conseil municipal de Hull d'avoir pris
l'initiative de déposer un mémoire à la commission
parlementaire. Je remercie mes ex-
collègues du conseil municipal de Hull, ainsi que le directeur
des communications, pour le travail acharné qu'ils ont accompli au cours
des deux dernières années, tenant compte des
particularités de l'Outaouais québécois et, plus
particulièrement, de villes ou de municipalités qui
côtoient les régions frontalières telles que la
nôtre.
C'est peut-être un cas exceptionnel au Québec, et c'est
sûrement un cas exceptionnel de toucher de très près
à la capitale fédérale et d'avoir, du point de vue
démographique, une population aussi importante qui se compose d'environ
700 000 habitants, dont 500 000 du côté d'Ottawa et près de
170 000 du côté de l'Outaouais québécois. (15 h
15)
M. le Président, en 1982, j'ai moi-même produit un sondage
que j'avais fait auprès de la population sur certains
éléments particuliers à notre région dont, entre
autres, l'aspect de la langue, la loi 101, où nous demandions d'avoir un
caractère un peu plus officiel, c'est-à-dire de répondre
davantage dans les deux langues officielles du pays tout en gardant toujours la
prééminence du français.
Nous avions aussi fait certaines demandes concernant la construction ou
de l'OCQ afin d'éliminer les cartes de classification dans la
construction. Un des éléments importants qui a été
accepté par le gouvernement, c'est la taxe sur l'essence, où nous
connaissions des problèmes très particuliers à cause de la
taxe ascenseur qui avait été imposée à
l'intérieur du budget 1981.
Comme dernier élément et non le moindre, les heures
d'ouverture de nos commerces qui préoccupent notre conseil municipal,
qui préoccupent l'ensemble de nos entreprises commerciales de Hull et de
l'Outaouais et qui préoccupent aussi notre population, étant
donné qu'elle côtoie quotidiennement les deux rives de l'Outaouais
québécois et ontarien.
À la suite de ceci, je voudrais mentionner que la Chambre de
commerce de l'Outaouais, qui regroupe au-delà de 1000 membres, appuie
très favorablement des modifications qui pourraient être
apportées à la loi existante et nous profitons sûrement du
projet de loi 59 où on a entendu tous les intervenants du milieu et
où on continuera à les entendre dans les prochaines heures et les
prochains jours.
En terminant, je veux vous dire que je pense qu'il est essentiel de
prendre en considération une région québécoise, une
région qui connaît des problèmes particuliers à
cause de son aspect frontalier et qui demande au gouvernement de lui permettre
d'avoir une concurrence beaucoup plus loyale et beaucoup plus forte avec ses
voisins ontariens. Nous aurons sûrement, M. le Président,
certaines questions à poser à nos intervenants face à la
problématique qui existe, plus particulièrement, non seulement
dans le comté de Hull, mais aussi dans l'Outaouais
québécois.
En terminant, je suis très heureux que le conseil municipal ait
pris cette forme de leadership afin d'assurer cette commission parlementaire de
ses préoccupations et aussi des éléments qui pourraient
apporter des modifications qui, de toute façon, aideraient
considérablement l'émancipation du commerce, l'avenue de nouveaux
investisseurs du côté de l'Outaouais québécois et
aussi la création d'un nombre d'emplois très important dans le
contexte économique actuel.
Nous pourrons, immédiatement après, si vous voulez,
procéder... J'aurais des questions, mais je pense que notre
collègue de Châteauguay aurait peut-être une certaine
intervention à faire.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. La ville de Hull est
la seule municipalité qui a fait une intervention auprès de cette
commission, auprès du ministre, à l'égard de cette
question sur les heures d'affaires. C'est donc la seule qui demande, d'une
certaine façon, de donner une juridiction à une ville dans cet
ordre de préoccupations. Sans doute que cela est significatif à
quelque chose, c'est parce que les municipalités n'ont pas songé
à revenir à une situation qu'on a déjà connue et
qui n'a pas créé toute la satisfaction voulue. Aujourd'hui, il y
a une réglementation qui satisfait largement les gens, car beaucoup nous
disent qu'il n'y a peut-être pas lieu de toucher à cela et
d'autres nous disent qu'il y a peut-être lieu de le faire, mais il
faudrait réduire la portée des interventions.
Nous savons en plus qu'une certaine opposition a été
évoquée à ce qu'il y ait une ouverture du
côté des municipalités quant à une juridiction sur
les heures d'affaires. C'est que l'ADA a répondu à une question
sur ce point lors de nos travaux.
Il m'apparaît qu'il y aurait là un recul assez
évident par rapport à la situation qu'on a connue, et il y a sans
doute aussi à penser qu'il y aurait un impact - si on vous donnait ce
genre de permission - non seulement sur les municipalités environnantes,
par rapport à Hull, mais aussi sur les marchands de ces
municipalités. Est-ce que, pour en venir à une question, vous
avez fait des consultations dans votre région auprès des
dirigeants municipaux et auprès des marchands des municipalités
qui sont voisines de la ville de Hull? En fait, je ne suis pas allé dans
votre région très souvent mais quand même assez souvent
pour savoir qu'il y a un
développement relativement dense autour de votre
municipalité. Alors, est-ce que vous avez fait des consultations et
quels sont les résultats qu'ont donnés ces consultations?
Le Président (M. Rancourt): M. Cholette.
M. Cholette: M. le Président, M. le député,
oui, nous avons fait des consultations. D'abord, la première
consultation sur le statut particulier s'est faite lors de la dernière
élection municipale, lors d'un référendum, alors qu'on
demandait à la population si elle était d'accord pour confier au
prochain conseil municipal le mandat de négocier un statut particulier
pour la ville de Hull sur différents points, dont les heures
d'ouverture. Donc, on a eu une réponse très majoritairement
favorable à notre proposition. Nous donnons donc suite aux
volontés, si vous voulez, du public en général, pour
demander un statut particulier pour la ville de Hull.
En ce qui concerne les consultations plus précises auprès
des marchands, oui, nous en avons fait. Nous avons reçu des demandes
particulières, par exemple, de l'Association des marchands et des
détaillants d'essence et nous avons consulté la Chambre de
commerce de l'Outaouais. Remarquez bien que c'est la Chambre de commerce de
l'Outaouais - et non pas de la ville de Hull - qui s'est prononcée en
faveur d'un statut particulier, en faveur de la récupération de
ce pouvoir décisionnel quant aux heures d'ouverture. Cela regroupe
au-delà de 1000 membres qui sont impliqués dans toutes les
sphères de l'activité commerciale et industrielle de la
région. Donc, c'est une autre indication que les gens veulent que les
villes récupèrent certains pouvoirs.
C'est entendu, M. le Président, qu'au Québec la situation
d'ensemble est satisfaisante puisque la loi s'applique à tout le monde:
les marchands de Chicoutimi, de Montréal, de Québec, de
Trois-Rivières sont soumis à la même loi.
Notre cas est unique en ce sens que la ville de Hull est la seule ville
d'importance qui se situe aux frontières d'une autre province ou d'un
autre État; il n'y en a pas une autre. Cela veut donc dire que les
marchands font face à une concurrence qui est immédiatement
adjacente, si vous voulez, très voisine. Si on pouvait faire une
comparaison, ce serait que, si les marchands de Lévis avaient le droit
d'ouvrir à des heures particulières ou des heures plus larges et
que les marchands de Québec n'en avaient pas le droit, cela causerait un
débalancement excusez l'expression - entre les deux
sociétés ou les marchands des deux villes. Certainement que les
marchands de Québec, à ce moment-là, réclameraient
les mêmes droits que les marchands de Lévis. Nous vivons cette
situation quotidiennement. De l'autre côté de la rivière,
le pouvoir repose dans les villes. Chez nous, cela repose au gouvernement du
Québec. De l'autre côté de la rivière, plusieurs
villes ont adopté des heures d'ouverture beaucoup plus libérales,
si vous voulez, que nous. Par exemple, Nepean et Gloucester, qui sont
immédiatement voisines, ouvrent tous les soirs de la semaine, incluant
le samedi - pas le dimanche - jusqu'à 22 heures, II y a des centres
commerciaux très importants qui se sont implantés dans ces
municipalités et ils sont fréquentés par notre population
de Hull ou la population de l'Outaouais, six soirs par semaine jusqu'à
22 heures. Ceci met nos marchands locaux de Hull et de l'Outaouais
québécois dans une position défavorable vis-à-vis
de leurs concurrents de l'autre côté, c'est entendu.
Les statistiques démontrent une fuite dans les achats et les
dépenses de 75 000 000 $ par année du côté du
Québec qui va vers l'Ontario à cause de ces différentes
heures d'ouverture. Donc, la situation particulière de la ville de Hull,
c'est que nous sommes si près et que nous avons cinq ponts qui nous
relient à l'Ontario; nous sommes à côté, nous ne
sommes pas plus loin que d'ici à Lévis, même beaucoup plus
près, soit que d'ici à Sainte-Foy. Si Place Laurier à
Sainte-Foy était ouverte jusqu'à 22 heures tous les soirs et que
les marchands de Québec n'avaient pas le droit d'ouvrir, ce serait une
situation défavorable; c'est à cette situation que les marchands
de Hull ont à faire face, et ceci les place dans une situation
très dévaforable.
C'est la raison de notre démarche et nous voulons essayer de
rectifier, pour nous et pour nos marchands, ce déséquilibre des
heures d'ouverture. Pour ce faire, nous voulons récupérer le
pouvoir décisionnel, parce que nous pensons qu'il est absolument
essentiel que nous soyons capables d'ajuster les besoins de nos marchands avec
ceux de l'Ontario. Il ne s'agit pas seulement des heures d'ouverture, mais
aussi des heures de fermeture.
L'Association des détaillants d'essence est venue nous trouver,
l'an dernier, au conseil municipal et nous a demandé de leur permettre
d'imiter les détaillants d'essence d'Ottawa, en ouvrant une
station-service par secteur de la ville, le soir, après 19 heures, parce
qu'elle fait face à cette situation: les multinationales y mettent une
personne à salaire minimum pour recueillir l'argent, dans les
libres-services, et ces gens font concurrence aux marchands individuels, aux
marchands privés qui doivent ouvrir, qui se sentent obligés
d'ouvrir le soir, à perte, pour se tenir à flot avec les
marchands des multinationales. Donc, les détaillants d'essence sont
venus nous trouver et ils ont demandé au conseil de réglementer
la
fermeture des stations-service et de dire: une par district, une par
secteur de la ville, par soir, après 19 heures.
Nous n'avons pu répondre à leur demande, parce que le
pouvoir de déterminer les heures d'ouverture ou de fermeture repose
à Québec. Je pense qu'il est utile et essentiel, si on veut
protéger ces marchands d'essence, ces commerçants, de leur
permettre de fermer le soir et de garder une station-service ouverte par
district. C'est ce que nous voulons récupérer dans le pouvoir
décisionnel: être capables de nous ajuster.
Nous avons, par exemple, le plus gros centre commercial d'Ottawa, le
centre Rideau, adjacent au Palais des congrès d'Ottawa et à un
gros hôtel du centre-ville d'Ottawa, l'hôtel Weston, qui vient
d'ouvrir. Le centre Rideau est le centre commercial le plus important à
Ottawa. Il doit ouvrir prochainement le soir pour répondre aux besoins
des congressistes. Il n'est pas plus loin de Hull que le fleuve ne l'est d'ici;
on le voit de notre hôtel de ville. Donc, c'est très près
physiquement. S'il commence à ouvrir le soir, jusqu'à 22 heures,
vous pouvez vous imaginer l'impact que cela aura sur les marchands du
centre-ville de Hull.
C'est absolument essentiel que nos marchands puissent faire concurrence
à ces gens, non seulement les jeudi et vendredi soir, mais aussi les
lundi, mardi et mercredi. C'est le sens de notre intervention et c'est dans ce
sens qu'on dit que la ville de Hull est dans une situation absolument unique
par rapport à toutes les autres municipalités du Québec.
Il n'y en a pas une autre, pas une seule, qui fait face aux mêmes
problèmes que nous.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay. (15 h 30)
M. Dussault: M. Cholette, vous m'avez beaucoup parlé de
l'impact du régime des heures d'affaires en Ontario, plus
spécifiquement d'Ottawa sur la ville de Hull. Je pense qu'il y a
là une réalité que vous vous devez de regarder, pour
laquelle vous devez chercher des solutions sans doute comme conseil municipal,
mais j'aimerais avoir - je ne suis pas tellement satisfait de votre
réponse - une réponse à la question que je vous ai
posée, à savoir si les villes -je pense à Gatineau, par
exemple - vous ont appuyés formellement sur ce que pourrait donner le
résultat d'une juridiction. Si on vous la donnait, cette juridiction,
est-ce que la ville de Gatineau, au bout d'un certain nombre de semaines, ne
viendrait pas demander au gouvernement de lui donner exactement le même
privilège sous prétexte que vous faites à son égard
ce qu'Ottawa fait à votre égard? Est-ce qu'il n'y a pas une
espèce d'effet en chaîne qui viendrait s'ajouter au fait qu'on
vous aurait donné une juridiction?
Deuxièmement, je vais vous reposer la question au cas où
vous ne répondriez pas à la question que je vous ai posée
tout à l'heure. Je vous ai parlé d'organismes, de marchands,
d'associations de marchands que vous auriez consultés. Vous m'avez dit:
Oui, la chambre de commerce nous a dit que... Je veux bien prendre votre
parole, mais la chambre de commerce parle au nom des marchands, sans doute.
Est-ce qu'elle a consulté les marchands en question? Quelle forme a pris
cette consultation? Est-ce que cela a pris une forme serrée, comme on
l'a vu pour certaines questions qui ont été posées?
À plusieurs reprises, on nous a parlé d'associations de marchands
qui ont fait très systématiquement une vérification
auprès des gens de leur association et on leur a posé encore des
questions sur la représentativité de leur sondage. On en est
arrivé à la conclusion qu'ils avaient fait un travail
serré pour aller chercher le point de vue des marchands.
Alors, quel type de travail a fait la chambre de commerce pour en
arriver à la conclusion que les marchands de toute la région
étaient prêts à appuyer une juridiction qui mènerait
carrément à un statut sur le plan des heures, qui aurait le
même effet sur eux qu'Ottawa a d'effet sur Hull? C'est cela que
j'aimerais que vous clarifiiez.
Le Président (M. Rancourt): M. Cholette.
M. Cholette: M. le Président, M. le député,
la chambre de commerce, au début de 1983, a mené un sondage
interne auprès de ses quelque mille membres et plus, et ce sondage s'est
avéré concluant. On a très majoritairement exprimé
l'opinion que ce pouvoir décisionnel revienne au plan local pour pouvoir
être sur le même pied que les compétiteurs de l'autre
côté de la rivière. Je pense que ce sondage, qui a
été fait à la suite du résultat du
référendum populaire, a été concluant. Nous avons
aussi commandé un rapport à des gens compétents. Ce
rapport nous a révélé que la très grande
majorité des commerçants locaux réclamaient ce pouvoir
décisionnel au niveau des villes dans notre région, dans notre
petit coin.
Maintenant, la ville de Hull étant...
M. Dussault: Quelles villes, à ce moment-là? La
ville de Hull et quelles villes?
M. Cholette: Gatineau et Aylmer. Ce sont les deux autres villes
majeures dans la région.
M. Dussault: Quand on s'est prononcé sur le statut
particulier pour Hull, on s'est trouvé, en même temps, à se
prononcer sur
ce qui arriverait aux autres villes de Gatineau et Aylmer. C'est ce que
vous me dites, là.
M. Cholette: Voici: le rapport, le statut particulier pour Hull,
cela a été les gens de Hull qui se sont prononcés.
À la suite du résultat concluant de ce référendum
sur ce statut particulier, nous avons commandé un sondage auprès
des organismes, dont la chambre de commerce, qui a été conduit
par des gens très compétents en la matière. Ils nous ont
dévoilé, sans l'ombre d'un doute, que les gens de la
région voulaient récupérer ce pouvoir décisionnel
pour les heures d'ouverture; les marchands, entre autres, les gens directement
impliqués, pour eux, c'est très clair qu'ils veulent que les
villes puissent décider sur place pour s'ajuster sur les gens de
l'endroit.
Maintenant, peut-être que M. Mignault, qui a été, en
passant, marchand de la ville de Hull pendant au-delà de 30 ans,
pourrait ajouter quelque chose.
Le Président (M. Rancourt): M. Mignault.
M. Mignault (Cartier): M. le Président, M. le ministre, M.
le député, le problème de Gatineau et le problème
d'Aylmer, ce n'est pas tout à fait le problème de Hull. À
Hull, pensez-y, nous avons cinq ponts. Nous sommes en communication avec la
ville d'Ottawa. Notre service d'autobus traverse à toutes les
demi-heures et même plus fréquemment aux heures de pointe - tous
les cinq minutes. Il n'y a pas de pont entre Gatineau et Ottawa ni entre Aylmer
et Ottawa, mais nous, nous avons cinq ponts. Le problème de Hull est
pratiquement l'équivalent du problème d'Ottawa: on voudrait avoir
les mêmes heures d'ouverture qu'à Ottawa.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Je reviens à la question que j'ai
posée: entre Hull et Gatineau, n'y a-t-il pas un danger, lorsqu'on vous
aura accordé cette juridiction que vous demandez et pour laquelle vous
dites qu'il y a un courant de sympathie, chez les marchands et dans les villes,
qu'il y ait des pressions de la ville de Gatineau pour dire: Vous avez mis les
villes de Hull et d'Ottawa sur le même pied sur ce plan, pourriez-vous
maintenant nous mettre également sur le même pied que Hull? C'est
la question. C'est l'effet en chaîne. Est-ce que vous ne craignez pas que
ce danger nous guette?
Le Président (M. Rancourt): M. Mignault.
M. Mignault: II y a possibilité que ce danger puisse vous
guetter. Nous, ici à Hull, Gatineau étant à un mille de
Hull - on se touche - j'espère que les trois villes ne feront un jour
qu'une ville. On aura alors un seul problème au lieu de trois.
M. Dussault: Ce sera un autre référendum.
M. Mignault: Nous sommes à défendre les
intérêts de la ville de Hull et de ses marchands. Nous sommes deux
conseillers de Hull. On a également notre député. Ce n'est
pas notre problème. Nous, on pense à régler le
problème de la ville de Hull.
M. Dussault: Dans ce sens, on ne peut vous le reprocher. Vous
faites votre travail. Mais nous, on doit avoir cette préoccupation parce
que ces effets en chaîne, nous devons les prévoir. Il ne sera pas
facile de vous donner raison, mais, en tout cas, nous sommes là pour
vous écouter et continuer à y réfléchir.
Le Président (M. Rancourt): M. Cholette, vous aviez un
complément de réponse?
M. Cholette: M. le Président, j'ai deux petits points
à apporter. D'abord, nous, dans notre intervention, on parle du statut
administratif particulier pour Hull et sa région. Nous ne parlons pas
seulement de la ville de Hull. C'est entendu que notre mandat du
référendum se limite à la ville de Hull, parce que ce sont
ces gens que nous avons consultés. Mais nous sommes bien conscients,
comme dans le cas de l'essence, que la taxe sur l'essence ou l'abolition de la
taxe sur l'essence s'applique graduellement à toute la région de
l'Outaouais, dans un degré inversement proportionnel à la
distance nous séparant de l'Ontario. Vous êtes au courant pour
l'essence. À Gatineau, les gens subissent moins la taxe sur l'essence
à payer qu'un peu plus loin, parce qu'ils sont plus près de
l'Ontario.
L'autre point que j'ai oublié de mentionner tout à
l'heure, c'est que la réponse au statut particulier a été
suivie d'audiences publiques où la population en général a
été invitée à venir rencontrer notre comité
sur le statut particulier pour présenter ses commentaires sur les
différentes questions. Je dois dire que cette question, entre autres, a
fait l'unanimité de tous les groupes d'intervenants, que ce soient les
hommes d'affaires de l'Outaouais ou la Société nationale des
Québécois. Nous avons reçu quantité de groupes et
d'intervenants. Pour les heures d'ouverture, tout le monde était
d'accord pour dire que c'est essentiel, pour assurer la survie et la
concurrence normale de nos hommes d'affaires, qu'on
puisse récupérer ce pouvoir. C'est une des seules chances
que nous avons, si vous voulez, d'obtenir un autre magasin majeur -nous n'en
avons qu'un parce que la concurrence d'Ottawa est tellement forte. Nous n'en
n'avons qu'un seul qui est venu s'établir à Hull. Si nous voulons
espérer en obtenir d'autres, il faut leur offrir les mêmes
avantages qu'ils vont retrouver de l'autre côté de la
rivière. Sans cela, ils ne viendront pas à Hull s'ils sont
limités aux heures d'affaires du Québec par rapport à
l'Ontario. Jusqu'à présent, ce fut le cas. Actuellement, nous
n'avons qu'un seul magasin majeur à Hull.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: M. Cholette, une seule question brève va
s'ajouter à la question qui vous a été posée par
mon collègue de Châteauguay. Je permettrai à votre
député de Hull d'intervenir et poser des questions. Je vous
demanderais quand même d'être un peu plus bref dans vos
réponses pour donner une chance de terminer avec les autres groupes.
Tout d'abord, l'Union des municipalités du Québec nous dit
qu'il faut continuer à réglementer les heures d'affaires à
partir de Québec et non pas en redonner aux municipalités le
pouvoir, parce que cela irait dans le sens contraire de ce qui a
été demandé autrefois. Avant 1969, c'étaient les
municipalités qui réglementaient et tout le monde sait que
c'était le vrai bordel partout. L'Union des municipalités du
Québec nous dit de continuer comme cela. Vous vous inscrivez donc en
faux contre l'Union des municipalités dans la question de Hull en
particulier.
Deuxièmement, la question que je vais vous poser est qu'il existe
à travers l'ancienne loi, de même que la nouvelle loi, la
possibilité, pour le ministre, et très rapidement, de vous
accorder le privilège de zone touristique, ce qui vous donne la
permission, en fait, d'autoriser vos marchands à ouvrir à toute
heure du jour et de la nuit. On en a discuté avant-hier avec votre
député, qui est intervenu pour dire: Qui devrait demander la
permission d'être zone touristique? Est-ce la municipalité ou pas?
À mon point de vue et à ma connaissance -vous pourriez
peut-être me dire si je me trompe - chaque fois que la ville de Hull ou
les villes environnantes ou la Communauté régionale de
l'Outaouais ont demandé le permis de zone touristique, celui-ci leur a
été accordé sans aucune question, compte tenu que vous
aviez bien documenté votre demande en disant: On veut le faire à
cause de la proximité d'Ottawa. Donc, est-ce exact que vous n'avez
jamais essuyé un refus quand vous en avez fait la demande? Est-ce que
vous ne pourriez pas continuer à agir de la même façon,
c'est-à-dire vous laisser la marge de manoeuvre nécessaire pour
ne pas faire chiâler les villes autour de vous -parce que si on donne le
permis à une ville, on doit le donner aux autres, il faut une logique -
et il faut continuer à bénéficier de cette zone
touristique tout à fait spéciale qui existe dans la loi justement
pour des villes comme Hull ou pour des régions comme celle de la
Gatineau québécoise?
Le Président (M. Rancourt): M. Cholette.
M. Cholette: M. le ministre, nous sommes d'accord avec la
position de l'Union des municipalités du Québec. Nous l'avons
contactée. Notre maire siège au conseil d'administration de
l'Union des municipalités du Québec. Nous sommes d'accord avec sa
position pour l'ensemble du Québec, parce que le problème
n'existe pas. Comme je vous l'ai dit au début, pour le marchand de
Montréal, le marchand de Québec, sa compétition est
soumise aux mêmes règlements que les autres. Donc, il n'y a aucun
problème. C'est le fait que nous sommes "unique" au Québec, la
seule ville aussi rapprochée de l'Ontario, que nous demandons ce
privilège.
Deuxième question: Oui, vous nous avez toujours accordé
l'ouverture des commerces mais, à l'extérieur de la
période de Noël, une fois seulement nous avons demandé
à l'occasion des Jeux du Québec, lors de la tenue des finales,
été 1981, que nos marchands puissent demeurer ouverts un peu plus
longtemps le soir durant ces deux semaines, et cela nous a été
accordé pour une période très limitée de deux
semaines et pour une occasion spéciale. Dans le cas des fêtes,
nous avons toujours eu à faire appel au Conseil des ministres et, dans
plusieurs cas mise à part l'année dernière, nous avons
toujours obtenu la permission mais en retard sur Ottawa d'une ou deux semaines.
C'est pour cela que, là-dedans vous avez notre douzième
recommandation: 28 jours avant Noël, pour être bien certains que
nous serions ouverts en même temps que les marchands d'Ottawa.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Dans notre nouveau projet de loi, nous avons voulu
accélérer le processus, que ce soit sur autorisation du ministre,
donc pour aller très rapidement. C'est ce qui inquiétait le
député de Hull avant-hier. Il disait: Oui, autorisation du
ministre, mais demandée par qui dans les régions? Est-ce un
organisateur de foires, d'expositions, la municipalité? Que cela vienne
des municipalités; il y a alors quelqu'un qui
répond devant la population. Dans ce sens, je pense que vous avez
toujours eu vos permis. Ce sera beaucoup plus rapide maintenant.
Le Président (M. Rancourt): M. Cholette.
M. Cholette: Si tel était le cas, nous insisterions pour
que l'intervention auprès du ministre soit faite par le conseil
municipal de la ville de Hull. Maintenant, ce qui nous inquiète surtout,
ce n'est pas la période de Noël ou les Jeux du Québec - qui
ne reviendront pas pour un bon bout de temps -mais plutôt l'année
courante, où les marchands de l'Ontario ouvrent leurs portes
jusqu'à 22 heures, tous les soirs de la semaine.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Hull. (15 h 45)
M. Rocheleau: Je vous remercie, M. le Président.
J'aimerais apporter un commentaire relativement important aux propos du
ministre. C'est un fait que, dans la loi antérieure, la permission
devait être accordée par le Conseil des ministres. Dans la loi, il
y a une modification relativement importante, car, en plus de parler de
l'aspect touristique, elle parle également des zones
frontalières, ce qui en élargit le cadre d'une façon assez
intéressante. La préoccupation que j'avais personnellement, M. le
Président, était que, contrairement à ce qui se passait
avant, quand on obtenait l'autorisation, souvent, les fêtes
étaient passées. Au point de vue du marketing et de la
publicité, les commerçants ne pouvaient pas entamer un accord et
préparer leurs budgets de publicité, n'ayant pas obtenu
l'autorisation au préalable.
Il est évident que la prévision que vous y apportez ici
peut améliorer sensiblement l'impact concurrentiel entre les deux rives.
Mais il serait bon, M. le Président, que le ministre note qu'à
l'article 5.1, qu'on étudiera davantage éventuellement, il
faudrait que le mécanisme prévoie que ce sont les
municipalités qui, à la suite d'une demande d'une chambre de
commerce ou d'une association de marchands, puissent intervenir auprès
du ministre pour demander l'autorisation. J'ose souhaiter que l'intervention
qui se fera auprès du ministre sera entendue le plus rapidement
possible, pour éviter ce qu'on a connu antérieurement.
Je voudrais que les membres de la commission comprennent que Hull n'est
pas une ville comme les autres, c'est, dans la province de Québec, une
ville très particulière qui subit une concurrence très
forte de l'autre côté. Comme le disait tantôt le conseiller
municipal, M. Pierre Cholette, selon les dernières statistiques, il y a
quand même un exode de 75 000 000 $ par année qui se
dépensent de l'autre côté, ce qui nous empêche
d'être favorisés par de nouveaux investissements, de nouveaux
centres commerciaux, de nouveaux établissements majeurs pour lesquels on
fait des demandes particulières.
En terminant, M. le Président, j'aimerais aborder une autre
question. On sait qu'à Ottawa, il y a un marché public
très important, un immense marché public. Hull a fait des efforts
et même, en priorité, cette année, fait des efforts pour
l'implantation d'un marché public. On sait qu'on tolère
actuellement les marchés publics dans la loi existante, avec les amendes
que l'on connaît. Par contre, si la ville de Hull a l'intention de
privilégier, au cours de l'année, la possibilité d'un
marché public, il est évident que des heures concurrentielles
devront être établies en fonction de celles de la ville d'Ottawa.
Étant donné que le marché public a un caractère
semi-culturel, semi-artisanal et commercial du même coup, c'est une tout
autre forme de commerce le dimanche, c'est un commerce pour les passants, un
commerce de petits, de menus articles entre autres.
J'aimerais entendre le conseiller municipal, les conseillers ou le
directeur de la ville à ce sujet. On parle, entre autres, des
poissonneries, des charcuteries, etc., commerces à qui il n'est pas
actuellement, permis d'ouvrir le dimanche. Advenant le cas - et j'aimerais
entendre les conseillers là-dessus - qu'il y ait refus, dans la loi
globale, est-ce que la même permission pourrait être
accordée, en tenant compte de l'article 5.1, qui dit que les villes
frontalières ont des exemptions à la règle?
Les membres du conseil ont peut-être quelque chose à
ajouter, et j'aimerais entendre le ministre à ce sujet pour avoir juste
le...
M. Cholette: M. le Président...
Le Président (M. Rancourt): M. Cholette.
M. Cholette: M. le Président et M. le ministre,
effectivement, dans notre plan triennal 1984-1986, nous consacrons des sommes
importantes à l'établissement, en plein centre-ville de Hull,
d'un marché public, du genre du marché de l'Ouest à
Montréal, que nous avons visité récemment. Je pense que,
pour que ce genre d'établissement soit viable - et nous comptons bien
procéder d'ici 1985, d'ici un an ou deux au maximum, à
l'établissement d'un tel marché - il faut qu'il puisse être
ouvert le dimanche, comme le fait existe pour le marché d'Ottawa. La
plus grosse journée du marché d'Ottawa, c'est le dimanche. Il
faudrait donc que notre marché puisse être concurrentiel de ce
côté aussi. Comme M. Rocheleau vient de le
mentionner, je pense que c'est un élément très
important pour essayer de récupérer des sommes de l'autre
côté de la rivière.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Est-ce que je peux me permettre de répondre
là-dessus que nous décrétons des zones touristiques dans
le Vieux-Québec, à certaines occasions, à
l'intérieur des murs du Vieux-Québec? C'est sûr que les
centres commerciaux qui sont à l'extérieur ne peuvent pas
bénéficier d'heures supplémentaires, tandis qu'ils le
peuvent à l'intérieur des murs oui. Dans le
Vieux-Montréal, à certaines périodes de l'année,
une zone touristique est décrétée. C'est sûr que le
propriétaire d'un commerce qui est juste de l'autre côté de
la rue où le Vieux-Montréal se termine se plaint parce qu'il ne
peut pas bénéficier des mêmes heures d'ouverture. Alors,
cela pourrait être possible d'accorder, à l'intérieur d'un
quadrilatère quelconque, à l'intérieur de la ville de
Hull, une zone touristique pour un marché public si la demande
était faite à la fois par la municipalité et, possiblement
- peut-être que le député de Hull peut le mieux me dire
cela - par d'autres municipalités autour. C'est fondé la crainte
du député de Châteauguay, tout à l'heure, à
savoir que, si on donne à Hull un permis, constamment, les marchands de
Gatineau et d'Aylmer vont se plaindre, et à bon droit, je pense bien.
Ils vont dire: Notre commerce, on est en train de le perdre. C'est Hull qui
prend notre commerce.
Je crois que, dans une région comme l'Outaouais
québécois il faut regarder plutôt les municipalités
qui sont là et dire: À l'intérieur des
municipalités, est-ce que l'on peut fonctionner ensemble, oui ou non? Si
toutes les municipalités disent, un peu comme dans le temps de Noël
- je crois que c'est à l'intérieur de l'Outaouais
québécois qu'on donne le permis: Nous, jusque là, cela
fonctionne, on s'entend, je ne vois pas du tout d'inconvénient à
répondre aux demandes des municipalités, mais il faudrait quand
même être prudent avant de dire à une municipalité:
Toi, tu peux réglementer comme tu le veux, parce que si les deux autres,
de chaque côté, n'ont pas la même permission, on pourrait
avoir des critiques, à bon droit, je pense bien, des commerçants
des autres municipalités.
M. Rocheleau: Mais, simplement, M. le Président...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Hull.
M. Rocheleau: ...pour le bénéfice du ministre,
c'est que la Société d'aménagement de l'Outaouais,
actuellement, organise annuellement des concours d'achat chez nous, qui sont
des concours dans toute la région. Tous les marchands qui veulent y
participer le peuvent. Je ne pense pas que l'intervention de la ville de Hull,
à moins que je fasse erreur, soit limitée à Hull. Il est
bien évident que, si Gatineau faisait une demande similaire, ou Aylmer
etc., cela peut être la communauté régionale en
périphérie de cette communauté, incluant cette
communauté... Je veux simplement que l'on comprenne qu'il y a un
élément très particulier à notre région et
cela commande des aménagements particuliers. Je pense que le ministre,
pour en avoir discuté avec lui, est quand même très
conscient de cet aspect et on retrouve, à l'intérieur du projet
de loi, certains éléments qui sont davantage
compréhensibles pour une région qui est frontalière.
Le Président (M. Rancourt): M. Mignault.
M. Mignault: Pour ajouter un mot, il y a une bonne proportion de
la population des trois villes qui désire: Peut-être qu'un jour ce
sera seulement une ville. Cela simplifiera vos décisions.
Le Président (M. Rancourt): M. Cholette.
Une voix: Le député de Hull est spécialiste
là-dedans.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît'
M. Cholette: M. le Président...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
Cholette, vous avez la parole.
M. Cholette: ...je voulais juste reprendre les paroles
mêmes du ministre qui disait que, si la ville de Hull obtenait cette
autorisation d'ouvrir ou de décider des heures d'ouverture, les villes
avoisinantes, comme Aylmer et Gatineau, se plaindraient à juste droit.
C'est exactement ce qui se passe dans le moment avec l'Ontario et la ville de
Hull se plaint à juste droit. C'est que nous sommes aux prises avec une
situation qui est absolument injuste pour nos marchands et nous nous en
plaignons à juste droit, et notre mémoire - le mémoire que
vous avez reçu et cette synthèse - indique bien la région,
nous sommes les représentants de la ville de Hull. C'est la ville de
Hull qui a conduit le référendum. Nous ne pouvons donc pas nous
faire les porte-parole de la région, bien que M. Cartier Mignault et moi
siégions à la Communauté régionale de l'Outaouais,
le gouvernement régional, mais je suis certain
que les mêmes choses sont requises par les autres
municipalités avoisinantes: Aylmer et Gatineau.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: M. Cholette, vous dites que vous vous plaignez à
juste droit, mais vous ne nous avez pas demandé de permis spécial
pour ouvrir douze mois par année, admettons. Je vous dis que votre
intervention d'aujourd'hui, je l'écoute avec beaucoup de sympathie. Au
moins, cela nous fait comprendre encore davantage la situation
particulière, au point de vue du commerce, entre Hull et Ottawa, qui ont
des heures différentes. Est-ce qu'on peut mettre quelque chose dans la
loi pour couvrir l'Outaouais québécois, ou Hull, ou autre chose?
Je ne le sais pas. Mais, de toute façon, c'est sûr que, lorsque
vous aurez consulté vos marchands et les autres municipalités
autour, si vous nous demandez une reconnaissance tout à fait
spéciale en vertu de l'article 5.1, surtout à cause de votre
intervention d'aujourd'hui, la réponse va venir très rapidement
et elle va être affirmative. Je vous recommande quand même de
vérifier auprès des représentants des commerçants
locaux. Ce matin, on a entendu l'Association des détaillants en
alimentation et la Corporation des marchands de meubles qui se plaignaient
d'avoir des heures d'ouverture trop longues.
Je veux juste m'assurer que, au moins avec vos commerçants, on
parle le même langage. Si vous faites un consensus dans votre
région, vous pouvez être certains qu'avec la loi actuelle, c'est
déjà prévu, pour des zones frontalières, vous aurez
les autorisations très rapidement si vous faites les demandes
nécessaires.
Le Président (M. Rancourt): M. Cholette.
M. Cholette: M. le ministre, c'est exactement ce que nous
cherchons. L'idéal est d'obtenir la juridiction ou le pouvoir
décisionnel au sein des municipalités, mais si ce n'est pas
possible, nous nous en remettrions à votre jugement d'homme d'affaires,
pour obtenir ce dont on a besoin.
M. Biron: Je ne m'inquiète pas. Si je ne réponds
pas à votre demande, votre député va m'en parler
rapidement.
M. Cholette: Ah oui? On va revenir. Je pense qu'il est là
pour cela.
Le Président (M. Rancourt): Aucun autre intervenant?
M. Rocheleau: M. le Président, un mot pour remercier les
membres du conseil municipal ainsi que le directeur de l'information d'avoir
présenté ce mémoire, qui est très positif,
très objectif, non seulement pour la ville de Hull, mais aussi pour
l'ensemble de la région de l'Outaouais. Connaissant le ministre et son
implication au niveau des affaires, je sais qu'il a toute l'oreille de
l'Outaouais à ce niveau.
Le Président (M. Rancourt): Donc... M. Rocheleau:
On y reviendra après.
M. Biron: Chaque fois que je fais des compliments au
député de Laporte, il n'aime pas cela. Je vais commencer à
avoir peur si les compliments viennent de l'Opposition.
Groupe d'associations du détail et des
services
Le Président (M. Rancourt): Donc, nous remercions le
conseil municipal de la ville de Hull d'être venu se faire entendre. Nous
allons maintenant appeler l'Association des garagistes et détaillants
d'essence du Québec.
À la rubrique 5, j'ai appelé l'Association des garagistes
et détaillants d'essence du Québec. Bien sûr, je crois que
nous y retrouvons plusieurs groupes qui, du même coup, sont
représentés par M. Gilles-N. Rivet, ce qui fait que, à la
fois, nous entendrons l'Association des garagistes spécialisés,
la Fédération du détail et des services du Québec,
l'Association des détaillants des matériaux de construction du
Québec, l'Association des marchands détaillants du Canada,
Québec et l'Association des gens d'affaires d'Ahuntsic Inc.
Donc, M. Rivet.
M. Rivet (Gilles-N.): Bonjour! Bonjour M. le ministre, bonjour
tout le monde! Avec votre permission, M. le Président, je vais tourner
cela à l'envers et commencer par l'Association des gens d'affaires
d'Ahuntsic Inc.. Ce sera une façon plus rapide, je pense.
Le Président (M. Rancourt): À votre aise, M.
Rivet.
M. Rivet (Gilles-N.): Me Lise Dagenais, qui est présidente
de l'Association des gens d'affaires d'Ahuntsic Inc., m'a donné une
résolution que j'ai déposée, tout à l'heure, ici,
me demandant de soumettre ce mémoire et de vous remercier de permettre
à l'AGAA de le faire.
L'Association des gens d'affaires d'Ahuntsic Inc. est une association
qui fête ses 25 ans d'existence cette année. Elle a fait des
consultations en rapport avec le projet de règlement des heures de
commerces. Il faut que vous compreniez qu'une partie des membres de
l'association sont des
marchands ou sont engagés dans des services et sont
évidemment opposés à tout changement.
Ahuntsic est un quartier du nord de Montréal situé
à proximité des centres commerciaux de Laval. Ils ont peur, sans
doute avec raison, que le quartier d'Ahuntsic ne se vide, les heures et les
jours où les autres seront ouverts, alors qu'eux ne seront pas
justifés de faire de même. Donc, l'AGAA demande le statu quo, se
trouve très heureuse de la façon que cela marchait et cela
règle le cas de l'AGAA.
Si vous voulez, nous allons maintenant passer à l'Association des
détaillants de matériaux de construction du Québec, dont
le président, M. Bertrand Dufresne, est ici. Avec votre permission, je
vais l'inviter à s'asseoir près de moi et il répondra
à vos questions. En synthèse, quand, M. le ministre, vous avez
écrit, l'année dernière, pour demander à
l'association de faire une consultation auprès de ses membres, cette
consultation a été faite de façon très
sérieuse et j'ai vu les rapports quant aux retombées: 68% des
membres de l'association ont répondu à la consultation; 98% des
membres se sont déclarés en faveur du statu quo, donc, contre
l'ouverture le dimanche à toutes fins utiles. S'il y a une petite
ouverture différente, je vais laisser M. Bertrand Dufresne, s'exprimer
si vous n'avez pas d'objection. (16 heures)
Le Président (M. Rancourt): M. Dufresne, vous avez la
parole.
M. Dufresne (Bertrand): Merci, M. le Président. Il y a
plusieurs genres de commerces dans les matériaux de construction. Il y
en a qui font affaires avec des entrepreneurs et cela les oblige à
ouvrir plus à bonne heure. Je pense que vous avez été
très tolérants depuis 1969 ou 1971, date à laquelle la
dernière révision a été faite là-dessus.
Vous avez eu un mémoire conjoint, qui a été fait
par les groupes d'achat, les trois majeurs au Québec, BMR, Dismat et
Ro-Na. Et on vous fait mention strictement des heures d'ouverture en tenant
compte qu'on apprécierait énormément le statu quo pour les
autres règlements.
Le Président (M. Rancourt): Oui, M. le ministre.
M. Biron: Je vais vous poser une question pour bien comprendre.
Vous dites l'Association des détaillants de matériaux de
construction; mais, si je comprends, vous vendez au détail et aussi vous
vendez au gros, c'est-à-dire à des entrepreneurs?
M. Dufresne: On est confus lorsqu'on a à remplir des
documents pour le gouverne- ment ou autres, à savoir si on est des
grossistes dans un certain sens. Pour moi, un grossiste, c'est quelqu'un qui
achète pour revendre à quelqu'un qui en fait le détail
après.
M. Biron: Dans ce sens-là, vous dites: Tant et aussi
longtemps que l'on vend au détail, on va être couverts par les
heures régulières?
M. Dufresne: Oui.
M. Biron: Mais, si on vend à des entrepreneurs, c'est bien
sûr qu'eux vont venir à 7 h 30 et il faut pouvoir leur livrer la
marchandise. La réponse a déjà été
donnée à Ro-Na justement, lorsque ses porte-parole sont venus, en
disant: La loi ne couvre que le commerce au détail.
M. Dufresne: D'accord.
M. Biron: Lorsque vous vendez à des entrepreneurs qui ont
une licence, il n'y a aucun problème, vous n'êtes pas couverts par
cette loi-là, vous pouvez opérer.
M. Dufresne: Merci.
Le Président (M. Rancourt): Est-ce que vous avez
terminé votre intervention, M. Dufresne?
M. Dufresne: Pour continuer l'idée de M. Rivet, là
où cela picosse un peu aussi, c'est du côté des
congés. En ayant ou pas de syndicat, on a quand même - en majeure
partie - des conventions de travail avec nos employés, mais vous coupez
beaucoup de congés avec le projet de loi 59. Je pense, entre autres,
à la Saint-Jean-Baptiste et à la Confédération; ces
congés, dans nos propres conventions, sont reportés à des
journées de semaine, à des journées de travail. C'est la
même chose dans le cas du lundi de Pâques et d'autres. En tout cas,
de douze ou treize, vous tombez à six ou sept. Je répète
encore qu'on apprécierait énormément, au nom de
l'association, que cela demeure tel que c'était. On était...
Allez-y, M. le ministre.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Est-ce que je pourrais vous demander de demeurer
à votre siège? on va permettre à M. Rivet de faire toutes
ses présentations...
M. Dufresne: D'accord.
M. Biron: ...et on passera à la période des
questions sur les cinq mémoires en même temps, si vous permettez.
Mais demeurez là.
Le Président (M. Rancourt): Donc, M. Rivet.
M. Rivet (Gilles-N.): La Fédération du
détail et des services du Québec regroupe seulement des
associations professionnelles de détaillants. La
fédération est un miroir. C'est un miroir qui peut être des
fois controversé et "controversant". Mais c'est un miroir qui est
très utile, qui est très commode.
À l'annonce de ce projet de loi, nous avons convoqué les
associations à quelques reprises. On en a réuni jusqu'à 30
le même jour, en même temps. L'unanimité s'est faite dans
ces associations autour de la fermeture totale et complète le dimanche
et les jours fériés et autour d'amendes plus fortes. Selon des
versions différentes, il y a statu quo en ce qui regarde les
congés et une section particulière, l'Association des
détaillants d'essence revient avec une suggestion qui date d'il y a 25
ans. Je n'amène donc rien de nouveau ici. Le système existe
à Toronto, la ville où il y a le plus d'automobiles per capita en
Amérique du Nord. Les stations-service ferment le soir à 19
heures. Les gars se mettent une belle chemise blanche, une cravate, ils sortent
tranquilles et ils rouvrent le lendemain matin, à 7 heures. Dans chaque
vitrine, il y a une affiche qui dit: Telle station-service, à telle rue
près de là, est ouverte. C'est une rotation qui est
décidée d'avance par les détaillants et non pas par la
municipalité, non pas par la Communauté urbaine de Toronto.
Alors, un gars qui décide de faire la rotation fait partie de la
rotation. Il ne peut plus changer au cours de l'année. Son affiche
s'installe. La police sait où sont les postes de rotation, si quelqu'un
manque d'essence. Je peux vous dire que, moi, j'ai déjà
manqué d'essence à Toronto et je suis allé chez un client
qui avait des pompes. Il a refusé de me servir et il a fallu que j'aille
me chercher de l'essence et cela m'a coûté 5 $ de service. Jamais
je n'en ai manqué par la suite, à cette heure-là le soir.
C'est facile. Il y a plus de véhicules à Toronto qu'à
Montréal et ces gars-là font une belle vie. Tout se fait dans la
paix et l'harmonie, sans juridiction particulière, avec une aide
psychologique, c'est sûr, de l'administration en place. Alors, voici pour
le système de rotation.
La dernière recommandation que je vais vous faire, et elle est
faite par toutes les associations que nous côtoyons, serait que nous
formions une espèce de conseil supérieur du commerce de
détail - il y a la Fédération du détail et des
services du Québec qui existe - qui aurait un rôle de consultation
à longueur d'année auprès du ministère: non pas une
juridiction pour appliquer des lois ou des pénalités ou mettre le
monde à l'amende. Ce serait pour faire une étude continue,
à l'année, la main dans la main, avec les ministères
concernés, afin que la Fédération du détail et des
services du Québec soit vraiment ce miroir efficace et qu'on ne se
retrouve pas devant des problèmes insurmontables, mais qu'on les
aplanisse petit à petit.
Je veux vous remercier beaucoup de nous avoir donné l'occasion de
venir à bâtons rompus, cet après-midi, verbaliser, en
quelques mots, ces textes. Je ne vais pas entrer dans le détail de nos
textes, parce que je sais que toutes les associations y sont allées
à la virgule ou au point. Il n'y a pas lieu de couper cela. Il y a une
chose certaine: il ne faut pas enlever les relations professionnelles des mains
des associations. Je ne parle pas de commerces. Je parle de relations, la
formation professionnelle, le renouvellement de la compétence, les
heures de commerce, les relations à tous les plans: les gouvernements,
les institutions en place. Il faut absolument que les associations de marchands
détaillants demeurent des interlocutrices très valables, il ne
faut pas qu'elles soient divisées. C'est malheureusement le cas. Par un
hasard sensationnel, on dit tous la même chose. Cela n'aurait pas de bon
sens de dire le contraire. Ce pourrait être autrement. Le hasard fait
bien les choses. Peut-être qu'à l'avenir, je ne veux pas
m'étendre sur le sujet, vous avez tous assez d'expérience pour
savoir ce que je veux dire, avec une Fédération du détail
et des services du Québec bien structurée, on pourrait agir la
main dans la main, tel que conçu au début. Cela a très
bien fonctionné. Aujourd'hui, malheureusement, on manque de la
communication nécessaire.
Je vous remercie, M. le ministre. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Je vous remercie de votre présentation et
surtout d'avoir synthétisé plusieurs mémoires dans
quelques minutes. On l'apprécie pleinement, d'autant plus qu'on a encore
beaucoup de mémoires à entendre aujourd'hui et demain. On s'est
rendu à vos demandes les plus importantes: surtout sur la fermeture du
dimanche. Lorsque vous parlez de statu quo, le dimanche n'est pas couvert dans
l'ancienne loi. C'était couvert par la loi fédérale et, si
on poursuivait en vertu de la loi fédérale, dans les
dernières poursuites qu'on a faites, les contrevenants ont
été condamnés à 1 $ d'amende. C'est sûr que
nos gens se sont lassés parce que, lorsque tu fais toute une poursuite
et que tu vas en cour, 1 $ d'amende pour ne pas avoir respecté la loi,
cela devient décourageant. On a voulu couvrir la loi sur les dimanches
par la nouvelle loi et on a voulu augmenter considérablement les
amendes. Je pense que
cela fait partie d'un ou deux de vos mémoires: mettre des amendes
pour décourager le monde. Cela fait partie du gros de vos demandes et
cela a été respecté.
Bien sûr, il y a des gens qui nous disent: "Nous, il faut ouvrir
le dimanche, il faut ouvrir en dehors des heures". Il faut quand même
négocier avec ces gens-là. Ils ont un point de vue. Il
mérite qu'on l'analyse en disant: "Plus on va donner de chances à
du monde, plus il y aura de commerces".
J'apprécie également la suggestion que vous me faites
d'une fédération du commerce et du détail. Il existe quand
même plusieurs associations au Québec. Peut-être, et vous
l'avez vous-même mentionné tantôt, la faiblesse des gens
d'affaires du Québec est-elle d'être un peu trop divisés.
On a entendu, cette semaine, une espèce de fédération: le
Conseil québécois du commerce en détail, qui
représente beaucoup de gens. En tout cas, il y aurait peut-être
lieu que les gens d'affaires, en dehors du projet de loi, se parlent davantage
et se structurent mieux pour en arriver à un consensus et à des
présentations communes.
J'aurais deux choses à vous demander. Vous avez entendu les
représentants de la ville de Hull avant vous qui disaient que, dans leur
région, étant donné la concurrence d'Ottawa, ils avaient
besoin d'une marge de manoeuvre additionnelle dont d'autres n'ont pas besoin.
Lorsqu'on parle de la ville de Hull, on parle de tout l'Outaouais
québécois, donc des trois grandes municipalités: Hull,
Gatineau et Aylmer, plus une foule d'autres petites municipalités
situées à peut-être 15, 20 ou 25 milles tout autour. Dans
ce sens, je voudrais vous demander ce que vous et vos membres, dans cette
région de l'Outaouais québécois, en pensez.
Êtes-vous prêts à ouvrir à toute heure du jour ou de
la nuit, si on libéralise complètement les heures d'ouverture
dans cette région du Québec? Quels seraient les impacts sur vos
membres de cette région du Québec? Première question.
Deuxièmement, vous nous avez également parlé de
Toronto où le système est peut-être agréable
à regarder. Comment cela fonctionne-t-il? À mon avis, ce n'est
pas une loi qui fait fonctionner cela, ce sont les gens qui se regroupent en
association et qui décident de s'autodiscipliner, comme les marchands
d'automobiles du Québec, qui ont le droit d'ouvrir le dimanche et qui,
en fait, n'ouvrent pas le dimanche, sauf un par-ci par-là, par accident,
mais règle générale, ils n'ouvrent pas le dimanche. Ils se
conforment à une certaine autodiscipline en se disant: Nous fermons le
samedi soir et le dimanche.
La troisième question que je vous pose, c'est vis-à-vis de
vos membres. On a entendu avant-hier des gens qui représentaient
l'Association des administrateurs des expositions agricoles du Québec
Inc. Une quarantaine d'expositions agricoles à travers le Québec
nous demandent la permission d'ouvrir deux ou trois jours, ou une semaine, dans
le temps de l'exposition agricole, sans vraiment aucune limite des heures de
commerce. Là aussi, certains de vos membres font du commerce en
détail et doivent ou aller à l'exposition agricole, s'ils ne
veulent pas perdre leurs clients, ou tout simplement rester chez eux où
ils n'ont pas le droit d'ouvrir en dehors des heures régulières,
alors que l'exposition agricole, à trois, dix, douze ou quinze coins de
rue plus loin, a le droit d'ouvrir en dehors des heures
régulières. Je vous mentionne ces trois points et j'aimerais
avoir vos commentaires à ce sujet.
Le Président (M. Rancourt): M. Rivet.
M. Rivet (Gilles-N.): Par ordre, au début, lorsque la
province de l'Ontario a décidé d'adopter des heures provinciales
de commerce, nous avons été consultés. J'ai moi-même
rencontré le ministre de l'Industrie et du Commerce et celui des
Transports de l'Ontario et on devait prendre les mêmes heures que nous.
Cela devait être ainsi. À ce moment-là, nous sommes
allés à Ottawa et nous avons dit aux marchands d'Ottawa que cela
s'en venait et qu'il faudrait immédiatement prendre des dispositions
pour y faire face. Nous avons communiqué avec le maire d'Ottawa et avec
les conseillers municipaux. Les circonstances ont fait que la loi a
été adoptée. Cette loi de l'Ontario est surtout faite pour
le Toronto métropolitain; c'est une loi de centres commerciaux et de
grands magasins comme Eaton et ce genre d'endroit. C'est sûr qu'à
Hull il y a un problème. C'est un problème local. Il ne faut pas
oublier qu'à Montréal, autrefois, si je me rappelle bien, nous
avions douze régimes d'heures de commerce sur l'île de
Montréal, douze lois différentes.
Hull va certainement être obligée de faire preuve
d'initiative de ce côté, parce qu'il serait périlleux de
sacrifier notre loi provinciale, que nous avons obtenue après 35 ans de
demandes; enfin, on a une loi provinciale demandée par 82,5% des
marchands du Québec. Jusqu'à maintenant, je n'en connais pas
vraiment qui veulent changer cela. Les chambres de commerce sont d'excellents
organismes - je ne veux pas les diminuer - mais elles ne sont pas
nécessairement des détaillants.
Je pense que les détaillants doivent prendre leurs
responsabilités dans la région d'Ottawa. Ce que vous avez dit
tantôt, M. Biron, à propos de la loi 24 - ma loi que je connais
par coeur, ma loi des heures de commerce - elle vous permet de donner des
permis spéciaux pour des périodes spéciales. Je pense que
cela suffit, en l'occurrence. Ce que vous avez répondu tantôt m'a
paru
parfaitement adéquat. Je ne veux pas blesser ces gens, mais,
s'ils parlaient avec Ottawa... Il y a un centre, le centre Saint-Laurent
à Ottawa - je me rappelle - qui faisait venir des cirques et qui
attirait les gens de Hull. C'est le St. Lawrence Shopping Center, mais,
à Hull, on l'appelle le centre Saint-Laurent. Ce centre invitait les
gens à s'y rendre. Je pense que Hull devrait aussi se trouver des
initiatives pour garder les gens, qu'ils ne traversent pas le pont.
Peut-être le ministre des Finances pourrait-il couper la taxe sur
l'essence? Dans ce territoire, cela ne nuirait peut-être pas. (16 h
15)
M. Bourbeau: II pourrait le faire pour tout le monde.
M. Rivet (Gilles-N.): Je sais que c'est local. En tout cas...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! On va revenir au sujet.
M. Rivet (Gilles-N.): La deuxième, M. Biron,
c'était le Conseil québécois du commerce de détail.
Vous savez que les gens du Conseil québécois du commerce de
détail sont des collègues, des confrères. C'est The Retail
Council of Toronto, les magasins à rayons. Ce sont de très
grandes entreprises qui ont intégré le commerce de détail
dans la fabrication et la distribution. Ne nous leurrons pas: Sears, Eaton,
Woolco ne sont pas des détaillants, ce sont des fabricants et des
distributeurs massifs de produits. Ce sont des multinationales, des cartels.
Ils ont mis ensemble toutes leurs activités de crédit que nous
essayons, nous, de faire avec nos membres, avec les cartes Visa, Desjardins,
Master Card. On essaie d'améliorer le sort de nos détaillants.
Mais eux, vous savez, que cela fait longtemps qu'ils sont organisés. En
fait, c'est comme une entreprise massive et, quand le Conseil
québécois du commerce de détail fait des
représentations ici, pour moi, c'est le Retail Council qui parle. C'est
de la très grande entreprise. Ce n'est pas du détail. Je
comprends que la brèche qu'ils obtiennent actuellement dans quelques-uns
de leurs commerces est, pour eux, une victoire fantastique parce qu'ils n'ont
jamais cessé d'essayer d'obtenir des heures supplémentaires. Je
ne les blâme pas. C'est leur métier de faire cela, mais cela
n'aidera pas le petit et le moyen détaillant et le consommateur n'a pas
besoin de cela.
Le consommateur a 62 heures pour aller magasiner et il travaille de 36
à 40 heures par semaine et, en plus, n'a pas tellement d'argent. Vous
savez, ils ont commencé à dire, à l'automne: Les
augmentations du chiffre d'affaires dans le commerce de détail dans les
magasins à rayons, mais regardez les retombées, ce n'est plus 15%
et 20%, c'est 6% et 7%. Est-ce que cela justifie des heures d'ouverture plus
libérales? Imaginez-vous les coûts que cela va amener? On
prétend que l'heure supplémentaire de 17 heures à 18
heures, le samedi - ce sont mes collègues qui ont fait la recherche - va
coûter 1 000 000 $ dans la province de Québec. Pensez aux patrons,
aux mamans qui travaillent dans ces magasins, qui ont de petits enfants
à la maison et qui vont arriver chez elles à 18 h 30 ou 19 heures
au lieu de 17 h 30 ou 18 heures. Pensez à l'aspect familial, même
pas pour plus d'argent dans le fond. Acceptez, la brèche est faite dans
la loi.
Nous, on pense qu'au nombre d'heures que nous avions, c'était
satisfaisant pour le moment. Il n'y a pas tellement d'argent pour cela. Y
aurait-il une autre question?
M. Biron: Oui.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Vous avez dit qu'à Toronto, c'était de
l'autodiscipline, que les gens se disciplinaient eux-mêmes et
s'ajustaient ensemble à travers leur association?
M. Rivet (Gilles-N.): À Toronto, l'association des
détaillants d'essence, à l'époque, avait demandé
à la Metro Toronto d'avoir un système de rotation et on a
répondu: Faites-le. Les gars s'en sont fait un. Ils sont revenus devant
les autorités compétentes et cela marche comme un charme.
Personne ne se plaint.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Encore sur la question de Toronto, comment se
fait-il qu'on ne puisse pas faire la même chose à Montréal?
Comment se fait-il que les gros et petits détaillants puissent
s'entendre à Toronto et, semble-t-il, ne puissent le faire dans notre
région?
Le Président (M. Rancourt): M. Rivet.
M. Rivet (Gilles-N.): C'est une question de mentalité. Il
faut vous dire qu'ils sont moins divisés dans les opinions à
Toronto que nous l'étions, ici, à Montréal. Je parle de
Montréal, je m'excuse, parce que c'était vraiment le centre
important où on pouvait prendre ces décisions.
M. O'Gallagher: Non, c'est Québec.
M. Rivet (Gilles-N.): Vous savez, à Toronto, c'est facile
de faire une réunion de détaillants, parce qu'à 19 heures,
ils ferment. Ils sont fermés, vous pouvez leur parler. Vous leur donnez
rendez-vous à 6 heures et
ils sont là, le matin - de 6 heures à 6 h 45 - vous avez
1500 détaillants dans la place. Ils n'ouvrent pas avant 7 heures. Je
suis allé à leurs assemblées. C'est formidable. Vous
prenez le café et des rôties, à 6 heures du matin.
Après cela, ils partent et s'en vont à leur station-service; ils
ouvrent à 7 heures. Ce n'est pas la même chose. Ici, les gars
travaillent jusqu'à 23 heures ou 23 h 30. Ce sont les
sociétés pétrolières qui font des pressions pour
que ces gars-là laissent les lumières allumées, à
leur dépens, pour vendre de l'essence et des carburants. On ne les
blâme pas, c'est leur commerce de faire cela. Mais ce n'est pas
justifié. Ils n'en vendent pas plus, vous savez.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Ce sont les mêmes "majors", les mêmes
compagnies qu'à Toronto?
M. Rivet (Gilles-N.): Oui, mais il y en a moins qu'il y en avait,
là. On n'en a plus que sept, maintenant, il en tombe. Il y a
Petro-Canada qui est pire que les autres; en tout cas, cela nous appartient.
C'est un problème de communication et, à Toronto, je regrette,
mais les conditions sont plus faciles pour les communications. II n'y a qu'une
langue, pour commencer, je veux dire...
Une voix: Ils parlent tous polonais!
M. Rivet (Gilles-N.): Ce n'est pas long de communiquer avec
quelqu'un, tu n'as pas besoin d'un système. Et, à part cela, ils
sont déjà encadrés dans une réglementationn
volontaire.
M. O'Gallagher: M. le Président...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: ...il y a eu sans doute un "spark-plug",
quelqu'un qui a pris...
M. Rivet (Gilles-N.): Oui, c'est notre association à
Toronto.
M. O'Gallagher: C'est votre association à Toronto...
M. Rivet (Gilles-N.): Oui, oui, c'est notre association à
Toronto.
M. O'Gallagher: ...qui a fait la promotion de cette
réglementation-là.
M. Rivet (Gilles-N.): Oui. C'est notre association...
M. O'Gallagher: Et vous n'êtes pas capables de l'appliquer
à Montréal?
M. Rivet (Gilles-N.): Dans le temps... Le Président (M.
Rancourt): M. Rivet.
M. Rivet (Gilles-N.): Vous savez, Toronto, c'est une
géographie. À ce moment-là, quand elle a été
faite, la réglementation à Toronto, Toronto, c'était un
îlot; c'était facile. Aujourd'hui, Toronto, c'est bâti tout
le tour. Mais, dans ce temps-là - cela fait 25 ans, vous savez. Quand
cette réglementation facultative a été faite, elle a
passé comme du beurre dans la poêle, doucement, tranquillement. Ce
sont des gens qui sont habitués à cela. Et, aujourd'hui, il n'y a
personne qui se plaint de cela. Tout le monde est content. Les
sociétés pétrolières, elles sont bien
obligées de prendre leur pilule.
D'ailleurs, elles ne perdent rien. Cela ne leur coûte absolument
rien. Elles vendent la même essence. Elles n'en vendront pas une once de
moins parce que la station-service est fermée à 19 heures.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Toronto, c'est un îlot; Montréal,
c'est une île.
M. Rivet (Gilles-N.): Oui, oui, mais vous comprenez ce que je
veux dire. C'est que c'était facile, dans ce temps-là, de
communiquer à Toronto. Aujourd'hui, c'est tellement... Mais ils ont
gardé la même discipline et ils en sont heureux. Il n'y a pas de
problème. Cela n'accroche pas du tout, du tout. Ce serait facile de
faire cela ici. Du moment que les autorités en place, au
ministère des Richesses naturelles, par exemple - ce n'est pas facile de
rentrer là, vous savez, ce sont tous des anciens de compagnies de
pétrole qui sont là, tous; je suis allé; des anciens de
Texaco, de Shell. Ce sont des gars qui sont habitués à cela. Ce
n'est pas facile de leur parler ce langage de liberté. Parce que, pour
eux, c'était facile. Ce ne sont pas eux qui étaient sur les coins
de rues jusqu'à 23 heures.
Alors, ici, il faudrait le faire. Cela prendrait une volonté, une
espèce de désir clairement exprimé par le ministre, et on
pourrait se servir de cela comme d'un outil. Je vous assure que cela irait
bien. Ce ne serait pas long que cela fonctionnerait.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Alors, quant à nous, il nous reste - je crois
que vous avez terminé pour l'ensemble des mémoires -...
M. Rivet (Gilles-N.): Oui, monsieur.
M. Bourbeau: ...à vous remercier, M. Rivet, et tous les
organismes que vous représentez et dont vous avez été le
porte-parole, pour la participation à cette commission parlementaire. Et
nul doute qu'on tiendra compte des suggestions contenues dans vos
mémoires.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Je vous remercie également d'être
venu.
M. Rivet (Gilles-N.): Merci beaucoup.
Le Président (M. Rancourt): Donc, nous remercions M. Rivet
pour avoir participé à la commission au nom de diverses
associations.
Nous allons demander, maintenant, à Pharm-Escomptes Jean Coutu de
bien vouloir se présenter.
Pharm-Escomptes Jean Coutu
M. Desjardins (Guy): M. le Président, permettez-moi de
faire les présentations d'usage.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Desjardins: À ma droite, M. Jean Coutu, pharmacien,
président des Pharm-Escomptes Jean Coutu, et, à sa droite, M.
Raymond Cyr, directeur de l'activité professionnelle pour le groupe. Mon
nom est Guy Desjardins, je suis avocat.
Le Président (M. Rancourt): D'accord, merci, M.
Desjardins.
M. Desjardins: Je vois que certains d'entre vous esquissent un
sourire, mais qu'est-ce que vous voulez, les avocats, c'est un mal
nécessaire! J'espère qu'on vous convaincra que M. Coutu est un
bien nécessaire.
Le Président (M. Rancourt): Est-ce que vous
présentez le mémoire, M. Desjardins?
M. Desjardins: Si vous voulez me permettre, nous allons vous
suggérer de procéder d'une façon toute
particulière. Tout d'abord, en mon nom personnel et au nom de M. Coutu,
nous vous remercions de nous avoir fourni l'occasion d'être entendus
devant cette commission. Vous comprendrez facilement, n'est-ce pas, que,
lorsque les propriétaires d'un commerce dont le chiffre d'affaires
annuel est de 300 000 000 $ se sentent menacés, ils deviennent un peu
inquiets. Nous n'avons pas, par ailleurs, l'intention de lire le
mémoire. Vous en avez, sans aucun doute, pris connaissance. Il contient
le résumé des raisons qui nous portent à conclure comme
nous le faisons. Je ne parlerai, quant à moi, que des Pharm-Escomptes
Jean Coutu ou des commerces du genre. Nous n'avons pas l'intention de tout
relire. Nous n'avons pas, non plus, l'intention, M. le Président, de
faire la leçon à qui que ce soit. Bien au contraire, nous voulons
tout simplement, et de façon objective, sereine, sérieuse et
logique, vous aider à possiblement comprendre, si le projet de loi 59
était adopté dans sa forme actuelle, la position absolument
intenable dans laquelle les Pharm-Escomptes Jean Coutu seraient placées
ainsi que les conséquences néfastes et extrêmement graves
qui en découleraient, et je n'ai pas le sourire, lorsque je le dis.
Par ailleurs, il serait peut-être bon de souligner au
départ que certains prétendent que Jean Coutu et surtout votre
humble serviteur ont un tempérament latin. Si, à certains
moments, nous haussons le ton de la voix ou si, pour ma part, je peux
être porté à employer des adjectifs percutants, je vous
demanderais de nous en excuser par anticipation. Ceci dit, avec votre
permission, M. le Président...
Le Président (M. Rancourt): Nous vous rappellerons
à l'ordre.
M. Desjardins: C'est ce à quoi je m'attendais. Ceci dit,
M. le Président, avec votre permission, quant à moi, je ne
m'attaquerai qu'à l'aspect légal et législatif du
problème alors qu'ensuite M. Coutu élaborera sa pensée
quant aux aspects économiques et sociaux.
Si vous voulez bien me permettre, je voudrais d'abord poser une
question: "Qu'est-ce que de la bonne législation?" Sans vouloir
philosopher et sans citer au texte les auteurs, mais en m'inspirant de ce qui
est universellement reconnu, je vous demanderais bien respectueusement de
retenir, tout au cours de cette discussion, les principes suivants: 1. Les
meilleures lois sont celles qui sont simples et claires; 2. Si
l'interprétation des lois est un mal, il est évident que
l'obscurité en est un autre, car elle entraîne
nécessairement avec elle l'interprétation, et le mal sera alors
considérable; 3. C'est le caractère de stabilité et de
fixité qui fait la force des lois; 4. La loi doit résoudre un
problème et non pas en créer.
En résumé, et pour le commun des mortels, il importe, je
crois et je le soumets très respectueusement, que les citoyens puissent
savoir simplement, clairement et sans interprétation inutile, à
quoi s'en tenir.
Ils doivent aussi prendre pour acquis que la loi ne sera pas
substantiellement modifiée suivant l'humeur du législateur. Et
là je parlerai d'insécurité législative. (16 h
30)
Tout d'abord, la loi telle qu'elle existe présentement dit
à l'article 5: "La présente loi ne s'applique pas à un
établissement commercial ni à une partie distincte et
cloisonnée d'un établissement commercial dont l'activité
exclusive est la vente - et à f) - de produits pharmaceutiques,
hygiéniques ou sanitaires." Je vous souligne tout d'abord que l'on parle
d'un établissement commercial, ni d'une partie distincte ni
cloisonnée d'un établissement commercial, c'est-à-dire
qu'il ne s'agit à ce moment que d'un seul commerce, une cellule
économique.
Au paragraphe suivant: Elle ne s'applique pas non plus aux
établissements commerciaux, ni aux parties distinctes et
cloisonnées de tels établissements dont l'activité
principale est - et je saute - la vente de produits pharmaceutiques,
hygiéniques ou sanitaires, pourvu qu'il ne s'y vende en outre que des
produits alimentaires ou menus articles.
C'est donc dire, et je résume, qu'au moment où nous nous
parlons, un établissement ou des établissements comme ceux de M.
Coutu, avec ou sans cloison distincte et cloisonnée, donc
l'activité principale est la vente de produits pharmaceutiques,
hygiéniques et sanitaires, est exempté de la loi, pourvu qu'il ne
s'y vende en outre que des produits alimentaires ou menus articles, et il a le
droit de vendre aujourd'hui des produits pharmaceutiques, hygiéniques et
sanitaires, et des produits alimentaires et de menus articles. Ce sont des
droits qui ont été acquis depuis 1969, ce sont des droits sur
lesquels tout le commerce de M. Coutu a été basé.
Que voulons-nous faire maintenant? Et là, j'en arrive au projet
de loi 59. Je lis tout d'abord les notes explicatives en partie: "Ce projet de
loi modifie la Loi sur les heures d'affaires des établissements
commerciaux afin notamment d'inclure le dimanche, jusqu'à présent
couvert par la loi fédérale de 1907, dans la liste des jours
couverts par la loi québécoise et d'enlever l'obligation de
fermeture de ces établissements pour certains jours ou parties de jour."
Libéralisation. "Ce projet de loi a de plus pour objet d'ajouter une
heure aux heures d'ouverture le samedi et de prolonger les heures d'ouverture
jusqu'à 21 heures pendant certaines périodes de l'année."
Libéralisation. "Il vise également à augmenter les
catégories d'établissements commerciaux exclus de l'application
de la loi." Libéralisation quant aux heures d'ouverture et de fermeture.
Nous sommes complètement et entièrement d'accord avec
l'énoncé de principe et le but recherché dans la note
explicative. Mais quand nous allons à la loi, est-ce ce qui arrive quant
aux commerces de M. Coutu?
Je vais vous soumettre, à ce moment-ci, que ce projet de loi 59,
quant à nous, est contradictoire quant au but recherché et ce, en
ce qui a trait, comme je le disais, à l'établissement commercial
dont l'activité principale est la vente de produits pharmaceutiques,
hygiéniques et sanitaires. À l'article 2 du projet de loi 59, sur
le dimanche, je n'ai rien à dire.
Je tombe immédiatement à l'article 3, parce que c'est
l'amendement de l'autre article 5; "La présente loi ne s'applique pas
aux établissements commerciaux suivants", et au cinquième: "les
pharmacies." Je note immédiatement, comme juriste, que, dans l'ancienne
loi on parlait de produits. Dans la nouvelle, on parle de types
d'établissements. Je me pose une première question: Les
pharmacies, qu'est-ce qu'une pharmacie? Ce n'est pas défini. Je soumets
et je tiens presque pour acquis que, lorsqu'on emploie le mot "pharmacie", on
veut dire l'établissement qui vend des produits pharmaceutiques,
hygiéniques et sanitaires. Sinon, si l'on veut restreindre par le mot
"pharmacie", est-ce qu'on va dire simplement des "produits pharmaceutiques"?
Là, M. Coutu vient de se voir enlever, d'un seul trait de plume, les
produits hygiéniques et sanitaires. Mais si on me dit: Ce n'est pas
cela. On emploie le mot "pharmacie", qui n'est pas défini, mais ce que
l'on veut dire et la façon dont il faut l'interpréter, c'est la
vente de produits pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires. À
ce moment-là, ne changez pas la terminologie. C'était
compréhensible, dans l'ancienne loi, ça disait ce que ça
voulait dire, ça fait quinze ans que ça fonctionne comme
ça et il n'y a pas de problème. Interprétation.
Ensuite, après le seizième paragraphe, on dit: "Toute
tabagie, pâtisserie, confiserie ou pharmacie qui vend, en outre des
produits caractéristiques - je m'arrête - de son type
d'établissement... Ce n'est pas défini. Quels sont les produits
caractéristiques d'une pharmacie? Sont-ce les produits
caractéristiques d'une pharmacie à Baie-Saint-Paul, d'une
pharmacie de quartier en Abitibi, d'une pharmacie de quartier à
Montréal ou sont-ce les produits caractéristiques des pharmacies
de grande surface dans la métropole? Je ne le sais pas, mais si on me
dit: Ecoutez, M. Desjardins, quand on parle de produits
caractéristiques, même si ce n'est pas défini, on doit
comprendre: les produits pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires.
J'ai dit: Ou dites-le ou gardez la même terminologie. Ensuite, on dit:
"...diverses denrées alimentaires demeure exclue de l'application de la
présente loi si, à chaque jour d'ouverture, il
n'y a jamais plus de trois personnes en même temps pour en assurer
le fonctionnement."
N'oublions pas qu'actuellement les Pharm-Escomptes Jean Coutu ont le
droit, de par la loi, de vendre des produits pharmaceutiques,
hygiéniques et sanitaires, des produits alimentaires et de menus objets.
Là on dit: Si vous voulez vendre des produits alimentaires ou des
denrées alimentaires: trois employés. M. Coutu vous l'expliquera
tout à l'heure, quant à lui et dans toutes les Pharm-Escomptes
Jean Coutu, c'est une impossibilité physique. Ce n'est pas possible
d'exploiter ce genre de pharmacies avec trois employés quand on sait
que, dans la plupart d'entre elles, il y a trois, quatre ou cinq
caissières, qu'il y a un, deux ou trois pharmaciens. Comment pouvez-vous
exploiter un commerce de ce genre? C'est une impossibilité. M. Coutu
vous l'expliquera.
Là, on peut nous dire: Cloisonnez. Est-ce que l'on sait ce que
veut dire "cloisonner"? Est-ce que cela voudrait dire: M. Coutu, dans toutes
vos pharmacies, vous allez cloisonner la section dite "denrées
alimentaires". Vous allez réaménager complètement vos
pharmacies. Vous allez réaménager vos
réfrigérateurs. Vous allez réaménager tout cela et,
là, on vous a donné, dans cette loi, la façon de faire
indirectement ce que la loi vous défend directement. On dit: Ne vous
inquiétez pas. Si vous avez plus de trois employés, mettez une
cloison et arrangez-vous pour qu'il n'y en ait que trois.
Comment cela sera-t-il interprété par les tribunaux? Je
n'en sais rien. Je peux vous dire tout de suite que ce projet de loi, quant
à moi, comme avocat, ce sera le paradis terrestre. Nous allons passer
des années et des années devant les tribunaux à
l'interpréter. Je ne peux pas croire qu'un législateur pourrait
dire: Vous ne ferez pas cela, mais, dans la même loi, je vais permettre
de le faire indirectement. Mais il y a plus que cela. À ce
moment-là, on dirait: M. Coutu, vous allez avoir un dépanneur en
plein milieu de vos pharmacies. Je vous ai demandé, tout à
l'heure, de ne pas oublier que, dans la loi telle qu'elle existe on dit:
Établissement commercial ainsi que toute partie distincte et
cloisonnée ne forment qu'un établissement commercial. Le projet
de loi 59, toujours dans le même article 5, glisse, à un moment
donné, à la toute fin de l'article, la phrase suivante: "Aux fins
du présent article, une partie distincte et cloisonnée d'un
établissement commercial est réputée être un
établissement commercial." On n'a pas besoin d'être avocat,
à ce moment-là, pour comprendre que le dépanneur va
être un établissement commercial. Mais est-ce que cela a
été mis là parce qu'il y a un mur ou une cloison qui
entoure le comptoir pharmaceutique? Si c'est cela et si quelqu'un
l'interprétait de cette façon, vous partez déjà
avec deux commerces: un commerce d'aliments, un commerce de produits
pharmaceutiques. Et, coincés entre les deux commerces, vous avez combien
d'autres commerces? Un commerce de tabagie: cigarettes, tabac? Un commerce de
menus objets? Un commerce de produits hygiéniques ou sanitaires?
Là, selon l'interprétation de la loi, ils pourraient ouvrir et
fermer à des heures différentes. Ce serait, pour ne pas dire un
bordel, à tout le moins la tour de Babel. Cela n'a aucun bon sens.
Mais je pose une autre question. Si c'est vrai que vous avez un, deux ou
trois commerces, allons-nous prétendre que, à ce
moment-là, il va nous falloir trois entrées principales? Trois
entrées pour la marchandise? Trois systèmes de
comptabilité? Trois genres de caisses enregistreuses? Parce que
l'article 9 de la loi dit: "Nul ne peut admettre un client dans un
établissement commercial - si on en a trois et s'il y a une
entrée - ni y tolérer sa présence contrairement aux
dispositions de la présente loi." Voyez-vous cela, un commerce
pharmaceutique qui peut être ouvert; un commerce de dépanneur qui
peut possiblement être ouvert, je n'en sais rien; et un autre commerce
qui peut ou ne peut pas être ouvert? Et là, M. Coutu, qui est
respectueux des lois, pourrait se faire dire qu'il a enfreint la loi quant aux
heures parce qu'il a toléré, à un moment donné, une
personne dans la partie hygiénique, ou sanitaire, ou dans la partie des
menus objets alors que les heures de fermeture n'étaient pas les
mêmes!
Je me pose toutes ces questions. Menus objets? Il a le droit,
aujourd'hui, en vertu de la loi - et il l'a respectée
intégralement -de vendre de menus objets parce que la partie principale
de son commerce, ce sont les produits pharmaceutiques, hygiéniques et
sanitaires. Qu'est-ce que l'on dit pour les menus objets? "Des menus articles
autres que ceux exclus par règlement du gouvernement." Nous en discutons
dans le mémoire. Écoutez, je ne vois pas... Et je ne suis pas un
homme d'affaires, M. Coutu vous en parlera, je ne suis, malheureusement, qu'un
petit avocat. Comment voulez-vous qu'un homme d'affaires investisse des
millions et des millions de dollars parce qu'il a le droit de vendre de menus
objets pour, alors qu'il vient, dans 72 commerces, d'investir des dizaines de
millions de dollars, se faire dire: Coutu, demain, tu n'as plus le droit de
vendre cela? Est-ce que c'est de cette façon que l'essor
économique de la province ou d'un pays tout court peut évoluer?
(16 h 45)
Je vais poser la question. M. Coutu se chargera d'y répondre.
Cela, c'est de l'insécurité législative. On ne peut
pas
investir et se faire dire... On ne peut pas vivre avec cette
épée de Damoclès au-dessus de la tête. Cela, c'est
l'insécurité du commerçant. Vous vous rappelez les
principes que je vous ai émis au début de cet exposé et,
après toutes les questions que l'on se pose quant à
l'interprétation possible de cette loi, je crois que je peux dire, sans
peur de me tromper, que nous sommes loin de la clarté, de la
simplicité, de la fixité, de la stabilité et de la
sécurité qui font la force des lois. Je serais peut-être,
à l'inverse, plutôt porté à conclure que nous
nageons dans l'obscurité, la complexité, les difficultés
d'interprétation et l'insécurité.
Au surplus, et j'achève ma partie de notre exposé, je me
dis ceci: Quelle que soit l'interprétation que l'on veut donner à
la loi, où retrouve-t-on les droits acquis par M. Coutu depuis quinze
ans. Il y a une chose qui est claire par exemple: au mieux, ces droits acquis
sont ou pourraient être réduits considérablement suivant
l'interprétation que pourrait en faire le tribunal ou, au pire, ils
disparaîtraient complètement. Dans les deux cas, comme vous le
démontrera M. Coutu dans quelques instants, c'est le public consommateur
qui en sera la première victime et ce, sans tenir compte que l'on
paralysera, freinera ou détruira un commerce florissant et
nécessaire avec, comme conséquences inévitables, des mises
à pied massives et une augmentation des prix inutile. Je soumets que
l'intérêt public, dans ce cas-ci, doit primer et, ceci dit, et
avec votre permission, M. le Président, je demanderais maintenant
à M. Coutu d'élaborer sa pensée sur les
conséquences économiques et sociales du problème auquel
nous avons à faire face à ce moment-ci.
Le Président (M. Rancourt): Merci, M. Desjardins. M.
Coutu.
M. Coutu (Jean): M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, mesdames et messieurs, je ne vais certainement pas
continuer à parler de détails légaux, juridiques ou de
droits acquis. Ne vous attendez pas qu'un pharmacien continue dans cette veine,
surtout après un si brillant énoncé de la part de mon
procureur.
Par contre, après avoir lu, moi aussi, avec mes yeux de
pharmacien votre projet de loi, après avoir relu la lettre que j'ai
envoyée au mois de février dernier à M. le ministre Biron,
lettre dans laquelle nous lui expliquions notre position vis-à-vis de la
libéralisation des heures d'ouverture des commerces de détail,
après avoir assisté aujourd'hui depuis plus d'une heure à
de nouvelles représentations ici, il y a une chose qui me surprend
infiniment et que nous avions résumée dans la lettre à M.
Biron: je me considère comme un commerçant et un professionnel au
service du consommateur. Je trouve surprenant que, de part et d'autre, ce
soient les commerçants et les professionnels qui voudraient insister
pour imposer au public qui les fait vivre des heures peut-être qu'il ne
mérite pas ou qu'il ne veut pas. Je ne veux pas entrer dans les
détails de mes prédécesseurs, mais vous avez simplement
besoin de penser aux problèmes de Hull, où l'on voit, dans une
province, un endroit qui est ouvert à des heures plus longues et
où on vient de déclarer que 75 000 000 $, c'est le chiffre
d'affaires québécois qui se dirige vers la province de
l'Ontario.
Dans cette lettre à M. Biron, nous nous résumons à
peu près de cette façon: nous croyons, nous, que nous sommes au
service du consommateur, peut-être un peu comme vous, MM. les ministres
et députés, vous êtes au service des électeurs,
c'est-à-dire que les consommateurs et les électeurs sont nos
réels patrons. Après avoir lu et relu notre mémoire
plusieurs fois il y a un mot ou plutôt un chiffre qui me revient
continuellement à l'esprit: 107 400 clients sont venus en 1983 dans nos
68 points de vente québécois, c'est-à-dire 750 000 par
semaine, et c'est 39 000 000 de clients québécois qui sont venus
chez nous en 1983, plus de six fois la population de la province de
Québec. Croyez-vous, mesdames et messieurs membres de la commission, que
c'était une belle chanson d'amour? J'aimerais le croire, mais, si vous
me le permettez, j'essaierai de donner une autre réponse si vous me
donnez quelques instants pour vous expliquer pourquoi, nous, les
Pharm-Escomptes Jean Coutu, qui sommes pointées comme, peut-être,
les plus mercantiles des professionnels, sommes quand même ceux qui
pratiquent la profession de pharmacien pendant les plus longues heures dans la
province de Québec.
Permettez-moi de faire un bref résumé de l'histoire de la
pharmacie. On dit des pharmaciens qu'ils ont accaparé la majorité
de la vie des autres commerçants. Je vais vous dire ce qu'étaient
les pharmaciens autrefois, au temps où j'ai commencé, temps que
quelques-uns d'entre vous et certainement vos parents ont connu. Autrefois, la
pharmacie, c'était de 8 heures à 23 heures. C'est un artisan qui
avait fait un cours sérieux, qui fabriquait des médicaments. Avec
les années, cet artisan, ce professionnel a perdu cette
prérogative, c'est-à-dire qu'on ne pouvait plus dire: Je vais
chez tel pharmacien parce qu'il fait des onguents plus onctueux qu'un autre ou
que ses sirops pour le rhume sont plus efficaces. Au contraire, et pour le bien
du public, je crois, ce sont des compagnies pharmaceutiques qui ont tout
fabriqué pour nous. En même temps, à cette période,
vous allez peut-être être surpris de savoir que le pharmacien
avait, dans son officine et autour de son officine, une multitude de produits,
et
je vais en citer quelques-uns: tout ce qui se rattachait à
l'hygiène, à la santé, à la beauté, à
l'hygiène des bébés, à l'hygiène
féminine, aux nourritures d'enfant était presque du domaine
exclusif des pharmaciens.
Par contre, après la guerre, et avec les compagnies
pharmaceutiques qui voulaient agrandir leur marché, on a permis et
laissé faire que ces exclusivités soient répandues un peu
partout. La preuve: une étude, toute récente, en 1983 de la
Banque Nationale, qui a été faite par Mlle Lise Lefebvre pour les
succursales de la Banque Nationale de la province de Québec et du
Canada, où, en page 3, on dit ceci: Au cours des années soixante,
les pharmaciens ont progressivement perdu l'exclusivité de plusieurs de
leurs produits et ils ont dû faire face à la vive concurrence que
leur livraient d'autres catégories de commerçants plus
particulièrement les épiciers qui profitaient d'une
période de croissance rapide, consacraient de plus en plus d'espace aux
médicaments en vente libre, aux articles d'infirmerie et aux produits
d'hygiène personnelle.
Encore aujourd'hui - et je cite des choses plus récentes - dans
la Presse et je crois dans la plupart des journaux de la province de
Québec, le mardi 7 février, les quatre grands de l'alimentation
disaient: II n'y a plus de nouvelle guerre de prix. Par contre, comment
allons-nous pouvoir continuer à nous agrandir, à aller chercher
une part plus importante du marché, un volume plus important? Je cite:
On veut aussi augmenter considérablement la gamme des produits offerts,
notamment en ce qui concerne les produits pharmaceutiques et les aliments
à faible teneur en calories ou aliments diététiques.
Messieurs, le pharmacien d'aujourd'hui a connu cette perte
d'exclusivité. En même temps, au début des années
soixante, le Collège des pharmaciens nous a imposé des murs pour
séparer la partie pharmaceutique de la partie parapharmaceutique et
commerciale. Je dois vous avouer que moi-même j'ai fait des pressions et
j'ai essayé tout mon saoul d'empêcher cette loi et je dois vous
dire qu'aujourd'hui j'en suis fier, parce que, pour une bonne raison, le
Collège des pharmaciens se veut le défenseur d'une formation qui
est acceptée par tous les gouvernements depuis plus de cent ans. Si les
gouvernements paient des cours à des étudiants et qu'on est
prêt à payer des cours pendant quatre ans pour former des talents,
je crois qu'il est normal que les pharmaciens essaient de vivre du
médicament.
Qu'est-ce qui est arrivé? Le pharmacien a essayé de vivre
du médicament. Mais, comme aujourd'hui - et c'est regrettable - le
pharmacien, messieurs et mesdames, n'est pas jugé par son talent, il est
jugé par ses prix. Il est le seul professionnel où, si vous ne
vendez pas de médicament, vous n'êtes pas payé. Cela
n'existe nulle part. Vous allez voir un médecin: malade ou pas malade,
il a droit à son honoraire. Pour le pharmacien, son honoraire s'ajoute
à un geste commercial. En plus, qu'est-ce qui arrive au pharmacien qui
ne veut vivre que du médicament au Québec? Son honoraire
professionnel est de 3,62 $, s'il s'organise bien et, après 20 000
prescriptions, comme récompense, son honoraire tombe à 3,25
$.
Je peux vous comparer ceci avec l'Ontario où nous avons une
pharmacie. L'honoraire du pharmacien est de 4,65 $. Vous allez peut-être
me dire que l'Ontario est une province riche. Je vous rétorquerai que
nous avons deux pharmacies au Nouveau-Brunswick et l'honoraire professionnel y
est de 5,55 $. Est-ce que, plus nous sommes pauvres, plus nous somme capables
de payer? Nous serions une exception ici, au Québec.
Le pharmacien des temps modernes vit un dilemme. Quel est-il?
D'un côté - il me fera plaisir de vous le prouver - il y a
éparpillement d'une partie importante de ses revenus. Ce n'est pas moi
qui le dis, ce sont des banques. Ce sont ceux-là même qui sont
venus créer l'éparpillement chez nous qui le disent; ils veulent
le continuer. Je ne me plains pas. On n'est pas ici pour se plaindre, nous
sommes ici pour exposer des faits.
Deuxièmement, le pharmacien, qui ne veut vivre que du
médicament, bénéficie d'un honoraire professionnel qui est
faible. Vivre du médicament. Avez-vous déjà compris que,
si on condamne un pharmacien à ne vivre que du médicament, des
pressions s'exerceront de l'extérieur? Vous du Parlement, vous, des
groupes de parents, vous, des associations charitables ou paracharitables,
exercez des pressions pour qu'il se vende de moins en moins de drogues et de
médicaments, et avec raison. D'un côté, on veut condamner
le pharmacien à ne vivre que du médicament et, de l'autre
côté, on lui dit: Vends-en le moins possible.
Pas de médicament, pas de dollar. Quelles auraient
été la situation et la solution pour les pharmaciens qui ne
veulent vivre que du médicament? La pharmacie de clinique, cela va. La
pharmacie de clinique nécessite une certaine concentration
médicale. Il y a eu beaucoup de pharmacies de clinique, il y en a encore
beaucoup au Québec. Pharmacie communautaire, cela va. Il y en a
beaucoup, on peut vivre en pharmacie communautaire. Mais comment peut-on vivre?
On peut vivre en restreignant les heures et faire en sorte qu'elles deviennent
très près du service médical que l'on peut trouver ici, au
Québec. Qui peut se vanter de pouvoir jouir, aujourd'hui, d'une visite
médicale à la maison comme il y en avait autrefois? Les soirs et
les fins de semaine, le pharmacien qui ne veut vivre que du médicament
ne peut presque pas
subventionner une présence pharmaceutique nécessaire. Le
public veut une présence pharmaceutique. Mais le pharmacien qui ne veut
vivre que du médicament ne peut pas la lui donner. Il n'y a aucune
raison que le pharmacien, après quatre années d'études,
devienne ce qu'on pourrait appeler une espèce de martyr de la
santé.
Écoutez, je ne veux pas exagérer ni faire de drame, mais
il y a une autre solution. C'est la solution que nous, messieurs, avons prise.
Nous et quelques autres confrères avons joué le jeu de ceux qui
nous avaient éparpillés. Nous avons ouvert de grandes surfaces.
Nous avons engagé des jeunes et des moins jeunes. Par du marketing et de
la publicité, nous sommes allés rechercher une partie importante
de ce qui nous avait été enlevé. En même temps, nous
en avons profité pour importer des produits alimentaires qui ne
nécessitent aucune expérience. Il me ferait plaisir, ici, de
badiner et de vous dire: Je ne vois pas les conséquences d'un
gâteau acheté chez Jean Coutu. Je vois beaucoup plus
d'inconvénients à ce que des aspirines soient achetées
à peu près n'importe où, en présence d'individus,
de jeunes garçons et filles, qui n'ont pas du tout l'expérience
pour en expliquer les bienfaits comme les dangers. Ce que nous avons fait, nous
et quelques autres confrères, nous l'avons fait avec des prix
réduits. (17 heures)
Est-ce que je pourrais - vous n'en avez pas ici parmi vous - vous
distribuer des feuilles qui explicitent très bien ce que vous retrouvez
à la fin de notre mémoire? J'aimerais, avec votre permission,
lire quelques lignes de ce qui s'est réalisé à propos des
prix. Il y en a peut-être qui vont dire: Écoutez, ici, ce n'est
pas une question de prix. Je n'en doute pas. Pour la majorité d'entre
nous, les prix ne sont peut-être pas d'une importance vitale. Mais je
peux vous dire que, dans les temps que nous vivons et que nous avons
vécus, avec les budgets restreints de la plupart des familles
québécoises, les prix, c'est quelque chose d'extraordinaire. Un
prix à bon marché, c'est presque de la musique aux oreilles de
tout père et jeune mère de famille.
J'aimerais vous résumer - remarquez qu'il n'y a aucune
agressivité dans cela, il n'y a que des faits que vous pourrez lire aux
pages 1, 2 et 3 - nos prix, par rapport à ceux de la compétition.
Nous avons comparé nos prix avec ceux de treize autres dépanneurs
et épiciers qui vendent des produits comme nous en dehors de nos
spécialités pharmaceutiques. Nous avons même, à la
page 7, fait des comparaisons dans des produits strictement alimentaires.
Enfin, si vous voulez bien tourner à la page 9, nous y avons fait un
drôle de tableau. À 1, vous avez le nombre de produits que nous
avons comparés avec chacune des entités qui sont là, et,
à 2, vous avez la différence -pour ceux qui ne l'ont pas, c'est
la petite chose noire qu'on vous a distribuée - de prix négative
entre nos prix et ceux de tous les gens qui y sont
énumérés.
Remarquez que, chez nous, les prix ne changent ni le matin, ni
l'après-midi, ni le soir. Par contre, à la même page 9,
vous pourrez voir que Provigo et Provisoir, c'est près de 17,2% plus
cher; chez Steinberg et La Maisonnée: 9,9%; IGA et Bonisoir: 10%.
C'est-à-dire que, le jour, lorsque la compétition est intense,
ces chaînes d'alimentation ont un prix et, le soir, par
l'intermédiaire de leurs subsidiaires ou leurs franchisés, ont un
deuxième système de prix, ce qui n'existe pas chez nous.
Enfin, à la page 10, sur les 33 produits que nous avons
comparés, vous remarquerez ceux qui vous offraient les meilleurs prix;
il y a quatre zéros, trois qui ont eu une fois le meilleur prix, deux
qui ont eu deux fois le meilleur prix, et je continue jusqu'à la fin,
où trois fois c'est IGA et nous avons eu les meilleurs prix, une fois
c'est Provigo, et nous avons eu les meilleurs prix, et, sur 103 produits, nous
avons eu les meilleurs prix 72 fois.
Peut-être jugerez-vous cela banal, mais je crois que c'est
essentiel, parce que c'est avec cette diversité que, chez nous, nous
avons été capables d'être présents 91 heures par
semaine. En même temps, il y a eu une présence pharmaceutique de
91 heures par semaine et, de plus, nous sommes la seule entité
pharmaceutique au Québec qui a une pharmacie ouverte 24 heures par jour
pour le public québécois, sans aucune augmentation de prix.
Vous me direz peut-être: Vous avez profité d'une
espèce de pige, vous êtes allés chercher ailleurs pour en
profiter et vendre les produits pharmaceutiques plus cher. Je vais vous
référer à une compagnie qui s'appelle Comparative Prices
of America qui, à travers l'Amérique du Nord, à tous les
trois mois, produit des prix comparatifs. Nous avons - et il me fait plaisir
d'insister là-dessus - les meilleurs prix en pharmacie en
Amérique du Nord. Qui en a été le
bénéficiaire? Le consommateur québécois.
Cette formule, depuis 1973, a attiré dans sa famille 46
franchisés, pharmaciens et pharmaciennes au Québec, depuis
Val-d'Or, et aujourd'hui à Rouyn, jusqu'à Sept-Îles; de
Rimouski jusqu'à Hull et Gatineau. Nous n'avons négligé
aucun endroit au Québec. Il me fait plaisir de vous dire que, d'ici un
mois, nous ouvrirons une nouvelle succursale à LaSalle et que nous avons
déjà en plan quatre autres projets à court terme pour le
début de cette année.
Il me fait plaisir de vous dire que 46 franchisés se sont joints
à nous, en toute légalité, ont investi des sommes
d'argent
importantes et ont signé des baux à long terme. En 1984,
nous avons à notre emploi 2500 personnes. En 1983 seulement, nous avons
créé au Québec 483 nouveaux emplois. Ce n'est pas
extraordinaire, mais c'est mieux que d'en mettre dehors.
Nous avons eu 39 000 000 de clients en 1983. Sont-ils réellement
venus chez nous par amour? Oui, mais après avoir connu nos prix, notre
choix, notre disponibilité pour des choses aussi importantes que la
santé, la beauté, un certain dépannage alimentaire et en
menus articles, mais surtout à cause de cette présence
pharmaceutique si nécessaire, encore une fois, à des moments
où le pharmacien, les soirs et les fins de semaine, est le seul
représentant de ce qu'on appelle l'équipe de la santé.
Réussite, je le crois bien, sans aucune subvention, sans aucun
protectionnisme, dans la fragilité d'un petit profit. Vous pouvez
peut-être sourire, mais c'est la réalité: 39 000 000
d'individus ont bien aimé ce que nous avons fait, peut-être parce
que c'était un heureux mariage d'une partie commerciale forte qui a
subventionné trop souvent une présence professionnelle de
qualité à laquelle le public a droit.
M. le Président, messieurs et mesdames, nous connaissons bien la
sociologie de notre temps. Nous avons créé une formule qui colle
bien à cette réalité. Je crois que nous avons bâti,
au Québec, un succès. Nous avons fonctionné et voulons
fonctionner dans la légalité. Nous voulons continuer à
bien servir notre clientèle québécoise. Nous voulons
exporter la bonne nouvelle ailleurs au Canada, et c'est déjà
fait.
Pour terminer sur une note, je ne dirais pas humoristique, parce qu'elle
est réelle, pourquoi pas aux États-Unis, et l'on dira
peut-être bientôt, malheureusement en anglais, "Aux Pharm-Escomptes
Jean Coutu, on trouve de tout, même un ami"? Je vous remercie.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: M. Coutu, je vous remercie pour la présentation
de votre mémoire. Je suis sympathique à ce que vous avez dit,
mais il reste quand même un fait. Beaucoup de détaillants en
alimentation qu'on a entendus d'une façon particulière - entre
autres, ce matin, c'était l'Association des détaillants en
alimentation du Québec, l'ADAQ - nous ont dit qu'il y a deux
règles du jeu et on ne peut pas accepter qu'il y ait deux règles
du jeu. Il faut accepter qu'il y ait une règle du jeu. La plupart des
gens qui représentent le commerce en détail, en grande
majorité - nous en avons entendu un groupe avant vous, ce matin et on en
a entendus avant-hier et hier, nous ont dit très majoritairement qu'il
doit y avoir une règle du jeu et des heures un peu plus raisonnables, un
peu pour tout le monde, et qu'il faut que tout le monde suive les mêmes
règles.
Vous avez mentionné, dans votre présentation - j'ai
aimé le terme que vous employez - un certain dépannage
alimentaire. On a eu beaucoup de discussions, avec les représentants des
détaillants en alimentation en particulier, pour essayer de trouver un
modus vivendi, si on ne peut trouver consensus, qui vous permettrait de
continuer de fonctionner, d'autant plus que, dans le domaine des produits
pharmaceutiques, vous faites un excellent travail. Vous l'avez vous-même
mentionné et tout le monde au Québec, vos clients - d'ailleurs le
succès de votre formule concernant les produits pharmaceutiques le
prouve - l'apprécient. Nous sommes prêts à faire certains
petits changements dans le sens de votre mémoire et, comme d'autres nous
l'ont dit, quant à la formulation. Dans la nouvelle loi, on parle plus
d'établissements et dans l'ancienne on parlait de produits. Plusieurs
mémoires allaient dans le même sens que le vôtre disant
qu'on devrait retourner à la formulation des produits au lieu de celle
des établissements, ce qui, après avoir mûrement
réfléchi, me semble un petit peu plus clair.
Quant au dépannage alimentaire que vous faites, nous ne vous
empêchons pas pendant une soixantaine d'heures par semaine de vendre de
tout. Vous avez le droit, il n'y a pas de problème là-dessus.
Mais, pour les heures additionnelles dont vous avez besoin, je voudrais savoir,
pour certains dépannages alimentaires, de combien de personnes vous avez
besoin pour ce service de dépannage alimentaire. De combien de
travailleurs et de travailleuses à la fois avez-vous besoin pour donner
ce service à votre clientèle, compte tenu que, d'une façon
ou d'une autre, vos produits pharmaceutiques connexes, hygiéniques et
sanitaires, sont déjà exclus par la loi 24, comme ils le sont
aussi par la loi 59?
Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.
M. Coutu: C'est votre question? M. le ministre Biron, je ne peux
pas répondre exactement à votre question. J'espère que ce
message ressortait de notre présentation: chez nous, c'est un ensemble.
Jamais on n'a fait de séparation pour dire que cela prend tant
d'employés pour ci et tant d'employés pour cela. Nous avons chez
nous - je félicite notre personnel - du personnel polyvalent. Un
pharmacien peut aussi bien à l'occasion préparer un
étalage de "peanuts" si, au point de vue pharmaceutique, il n'y a pas
d'ouvrage. Il peut se faire aider par un individu ou une jeune fille qui
travaille au comptoir de dépannage pour répondre à la
clientèle ou mettre un produit
pharmaceutique ou une ordonnance dans un sac. C'est extrêmement
difficile pour moi de vous répondre là-dessus.
Par contre, je peux vous parler du pourcentage des chiffres d'affaires
que nous faisons. Cela me ferait plaisir de vous donner le pourcentage au point
de vue strictement pharmaceutique, le pourcentage au point de vue
parapharmaceutique et le pourcentage des menus articles et de l'alimentation.
Je les ai.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: M. Coutu, je vais expliciter un peu ma question. Vous
savez fort bien que, peu importe la loi qu'il y aura, vous n'avez pas le droit
de vendre de caméras chez vous, vous savez fort bien que vous n'avez pas
le droit de vendre de fours micro-ondes chez vous en dehors des heures
régulières préconisées par la loi, soit 62 ou 63
heures par semaine. Vous le savez, et c'est très clair. Ce dont on
discute, et je suis prêt à vous aider là-dessus, car on a
eu beaucoup de discussions avec les gens qui sont venus déposer leurs
mémoires ou qui viendront, en particulier les gens du domaine de
l'alimentation puisqu'il semble que c'est là où il y a certaines
difficultés et où on peut essayer de trouver un modus vivendi:
Que peut-on faire pour que vos investissements dans ce domaine de
dépannage alimentaire ne soient pas des investissements perdus? Je ne
pense pas qu'ils soient perdus, mais on essaie de voir comment on peut faire
pour vivre avec cela. À l'avenir, c'est très clair: la loi, une
fois adoptée, s'appliquera pour tout et vous saurez où aller.
Vous me dites que vous avez une soixantaine de Pharm-Escomptes Jean Coutu
établies au Québec. Qu'est-ce qu'on fait avec elles? Au fond, il
faut régler le problème du passé, bien sûr. Quant
à l'avenir, si vous connaissez les règles du jeu, je pense bien
que vous allez vous conformer à la loi. Vous êtes assez bon
administrateur pour savoir vous organiser en conséquence.
Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.
M. Coutu: Oui. M. Biron, vous me demandez quelque chose
d'extrêmement difficile. Je ne me vois pas continuer au Québec
avec une loi pour un certain nombre de pharmacies et une autre loi pour un
autre nombre de pharmacies. Si ce que nous avons fait était permissible,
pourquoi ne pas continuer dans la même voie? Je ne vois pas pourquoi. Qui
va bénéficier de ce changement dans la loi? Je me suis
déjà posé cette question. Je vais essayer de vous
répondre indirectement. Qui va bénéficier de la loi 59? Je
ne parle pas des marchands de meubles; je parle des quinze personnes et de la
seizième qui peut être à peu près n'importe qui. Qui
va bénéficier de cela? Il me semble que cela saute aux yeux. J'ai
écrit dans une autre partie de notre mémoire qu'il semble qu'on
veuille protéger le petit dépanneur. Par contre, si on lit bien
votre projet de loi, vous le détruisez totalement. Le petit
dépanneur, autrefois, avec trois employés en tout, y inclus le
patron, n'avait même pas le droit de s'associer à d'autres noms.
Comment se fait-il qu'aujourd'hui on ait des Provisoir? Comment se fait-il
qu'on ait des Maisonnée? (17 h 15)
Je ne suis pas avocat mais je n'ai pas compris. On les a certainement
tolérées. Mais de quelle façon? Est-ce qu'on les a
empêchées, elles, de garder des produits pharmaceutiques et
parapharmaceutiques? Je ne parle pas de produits qui nécessitent la
présence d'un pharmacien mais de produits qui demanderaient souvent
l'aide d'un pharmacien.
M. Biron, je regarde ce nouveau projet de loi et, sans être un
légiste ni un avocat, c'est une panacée pour les grands
distributeurs de produits alimentaires. Cela leur permet d'avoir deux
réseaux de prix; un prix compétitif durant les quelque 60 heures
normales d'ouverture et un autre prix le soir. Si vous lisez les chiffres que
je vous ai donnés, c'est textuel. Pourquoi nous demander à nous
de faire un sacrifice alors que, dans ce qui était permis, nous avons
fait une réussite? Ce n'est pas honteux de réussir aussi au
Québec. Nous sommes au service des consommateurs. Personne ne vous a dit
ce que les consommateurs pensaient parce qu'il est impossible de savoir ce que
pensent les consommateurs. Les associations de consommateurs, ce n'est pas la
même chose. Les consommateurs sont M. tout-le-monde. Je peux vous prouver
que M. tout-le-monde aime notre formule.
Il y a quelques minutes, on vous a prouvé qu'à Hull, quand
un magasin est ouvert, quelqu'un qui est même dans une province
étrangère y va. Les gens y vont le dimanche. Ils y vont le soir
jusqu'à 22 heures. Hull veut avoir quelque chose de spécial.
Pourquoi? Parce que les gens y vivent à l'intérieur d'une
réglementation qui ne permet pas de concurrencer les autres. Je suis un
Nord-Américain et je crois beaucoup plus à la formule
nord-américaine. En Europe, tout est contingenté. Mais
qu'avez-vous comme prix en Europe? Le consommateur ne bénéficie
d'aucun bon prix. Tout est "full price", comme on dit. Là-bas, au point
de vue pharmaceutique, il est idéal d'être pharmacien. Ils vendent
même un permis de pharmacien parce qu'ils sont contingentés et
zonés. Tout est protégé. Tout le monde ferme à
telle heure, on prend deux heures pour aller dîner - en Italie, on prend
trois heures - c'est parfait! Avoir un commerce en
Europe est une faveur. Ici, je crois qu'avoir un commerce est un devoir.
On l'a choisi librement. Ce n'est pas parce qu'on vend telle ou telle chose
qu'il faut aller demander au gouvernement de nous protéger. Si on ouvre
des commerces et qu'on n'a pas le courage de la discipline de ce en quoi on
s'engage librement, je crois qu'on ne mérite pas d'exister.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: M. Coutu, je vous fais la même recommandation que
j'ai faite à plusieurs autres. Vous devriez militer à
l'intérieur de vos associations de commerçants pour tenir ce
langage. Nous ne demandons pas mieux que de répondre aux demandes des
commerçants. Mais, à l'heure actuelle, certains
commerçants nous disent qu'ils ouvrent et d'autres qu'ils ferment et le
gouvernement doit prendre certaines décisions. C'est d'ailleurs pour
cela qu'on a cette commission parlementaire. Ce n'est pas parce qu'on est
entêté sur un projet de loi donné. J'ai même dit en
déposant le projet de loi et au début de la commission
parlementaire: Nous allons écouter les différents intervenants
avec beaucoup d'ouverture d'esprit. Mais, parce que nos gens d'affaires sont
trop faibles pour se parler entre eux et parce que vous n'avez pas
réussi à communiquer votre message à l'intérieur
d'associations de gens d'affaires comme ces gens d'affaires n'ont pas
réussi à communiquer leur message chez vous, parce que vous ne
tenez pas le même langage, bien sûr, le gouvernement doit
décider. Il y a un groupe qui va dire que cela fait moins son affaire.
Un autre va dire que cela fait plus la sienne. Ou les deux groupes vont dire
que le gouvernement ne leur en a pas assez donné ou qu'il leur a trop
pris, etc. Il reste quand même que l'association des consommateurs - on
va les entendre ce soir - nous dit: II faut maintenir un régime
restrictif, avec un petit peu plus d'ouverture, mais quand même un
régime restrictif là-dessus.
Vous dites que vous avez bâti votre commerce dans la
légalité; c'est exact. La loi vous permettait d'avoir certains
produits alimentaires. Mais, dans l'esprit de la loi de l'époque,
c'étaient véritablement certains produits de dépannage
alimentaire. Je pense que, textuellement, vous avez bien dit le mot. Mais,
lorsqu'on arrive sur des grandes surfaces et si on a des milliers de
commerçants en alimentation qui nous disent: Non, c'est une
compétition indue, bien sûr, on est obligé de
considérer cela. L'esprit de la loi a été
contourné, probablement par d'excellents avocats comme votre procureur,
qui me semble très brillant. Heureusement, je ne suis pas un avocat. Je
suis comme vous, un pauvre homme d'affaires.
M. Coutu: Moi, je suis un pharmacien de coin de rue.
M. Biron: M. Coutu, la seule chose que je veux vous dire, c'est
que j'apprécie le dépôt de votre mémoire. Nous
allons, bien sûr, y réfléchir très
sérieusement. Il reste qu'il faut répondre à la demande de
la grande majorité des gens d'affaires du Québec, des
commerçants au détail du Québec, de la grande
majorité qui nous demandent une certaine réglementation, la plus
souple possible, mais quand même une certaine réglementation qui
va faire en sorte que tout le monde pourra vivre à l'avenir avec cette
réglementation. Vous avez profité d'une certaine
élasticité dans l'ancienne loi. Qu'est-ce qu'on fait? C'est
pourquoi je vous ai posé des questions concernant le nombre de personnes
qui peuvent être requises pour travailler dans chacune de vos
Pharm-Escomptes Jean Coutu, au service du dépannage alimentaire.
J'aimerais pouvoir regarder avec vous comment on peut s'organiser et si on
peut, d'ici à la reprise de la session, en arriver au moins à un
modus vivendi avec les autres groupes de détaillants en alimentation.
C'est surtout de ce côté-là parce que, du côté
pharmaceutique, il n'y a aucun problème. Pour tout ce que vous vendez
d'autre: fours micro-ondes, caméras, etc., il n'y a aucun
problème pendant les heures régulières. Il reste le petit
problème du dépannage alimentaire que je voudrais regarder avec
vous pour trouver des formules qui vont permettre à tout le monde de
vivre convenablement.
Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.
M. Coutu: M. Biron, je ne veux pas dira que je suis
scandalisé, mais je suis ému et étonné de voir
qu'on nous demande, à nous, de faire des sacrifices pour une partie
importante, alors que cette partie importante de notre chiffre d'affaires, on
est allé la chercher seulement après qu'on nous a presque
dépouillés d'une partie importante de nos revenus. On en parle
dans notre mémoire. Qu'on nous ramène tout ce qui touche à
la santé, tout ce qui touche aux médicaments et je crois que les
pharmaciens vont être capables de travailler plus de 63 heures, mais il y
a un choix, là. Si la population veut avoir une présence
pharmaceutique nécessaire, la population et les autres
commerçants, c'est regrettable, mais ils doivent permettre une certaine
concurrence, concurrence à laquelle il n'y a qu'un seul vainqueur, c'est
le consommateur québécois. Je n'ai pas inventé la formule,
il y en a plusieurs qui nous suivent. C'est curieux; plus il y a de pharmacies
à grande surface, plus les gens aiment cela.
Par exemple, vous arrivez dans une
ville d'une certaine importance où vous avez plusieurs petits
marchands. Arrive un grand. On appelle cela, un grand: un Eaton, un La Baie,
etc. Les gens trouvent cela extraordinaire de voir qu'enfin on a un grand
marchand. Rares sont ceux qui se lèvent pour dire que c'est dommage pour
le petit tailleur, pour le petit commerçant de chemises et de cravates.
Rares sont ceux qui se lèvent. Par contre, lorsqu'un pharmacien, par des
moyens légaux, s'est gagné une certaine renommée, on
trouve cela épouvantable; il faut faire quelque chose.
M. Biron, je peux vous dire que de véritables petits
dépanneurs, que, je crois, l'esprit de ce projet de loi voudrait
protéger, jamais nous n'en avons fait fermer un seul. Chez nous, il
vient en général 1500 personnes chaque jour, dans toutes nos
pharmacies du Québec, et ce n'est pas parce que nous avons, à
l'occasion, un dépannage pour un pain, une pinte de lait ou une livre de
beurre ou quelques oeufs, nous avons un dépannage mitigé. Pendant
ce temps, on amène une affluence devant la maison du petit
dépanneur qui peut vendre, lui, du vin, de la bière, de la viande
et un paquet de choses que nous ne vendons pas et que nous ne vendrons
peut-être jamais. Prenez notre pharmacie sur l'avenue Mont-Royal, notre
plus importante pharmacie, une pharmacie qui est ouverte 24 heures par jour,
une pharmacie où nous servons plus de 3500 personnes par jour et, devant
chez nous, nous avons un dépanneur. Ce garçon fait une fortune.
J'en suis très fier pour lui, mais demandez-lui s'il est content que
nous soyons là. C'est nous qui le faisons. Par contre, prenez un petit
village. Je connais surtout ceux autour de Montréal. Parlons de
Saint-Constant, Saint-Rémi, Saint-Janvier, où vous avez deux ou
trois dépanneurs qui sont là et qui vivent très bien.
Qu'arrive un grand dépanneur - entre parenthèses, je pose
toujours la même question: Je ne comprends pas comment les grands
dépanneurs, en association aujourd'hui, qui s'appellent Provisoir, La
Maisonnée ou quoi que ce soit, peuvent exister dans la loi actuelle -
qui vend exactement les mêmes produits qu'eux, plus cher que nous, avec
une station-service devant et, très bientôt, peut-être un
comptoir-lunch avec des hot-dogs, des hamburgers et des patates frites, lui, il
fait réellement du tort au petit dépanneur que la loi, je crois,
voudrait protéger, beaucoup plus que les Pharm-Escomptes Jean Coutu.
M. Biron: Mon dernier commentaire...
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: ...c'est beaucoup plus pour reprendre ce que vous avez
dit: Vous nous demandez de faire des sacrifices. Je m'aperçois, par
votre dernière intervention, que vous avez dû voyager longtemps
avec votre savant avocat: vous savez plaider votre cause. Si vous dites que
vous voulez vendre une pinte de lait, un pain ou une tablette de chocolat, si
c'est vraiment cela, il n'y a aucun problème. Écoutez! Je suis
prêt à regarder avec vous ce qu'on est capable de faire pour en
arriver à un modus vivendi. Je ne peux pas vous dire plus. Je suis venu
à cette commission parlementaire avec beaucoup d'ouverture d'esprit et
pour essayer de répondre, si c'est possible, le mieux possible, aux
demandes des gens ou des groupes de commerçants qui demandent aussi bien
complètement l'extrême droite que complètement
l'extrême gauche. Je vais essayer de voir le point de vue avec chaque
groupe. Là-dessus, je pense que nos collègues de l'Opposition de
même que mes collègues ministériels ont été
très réceptifs tout au long des travaux et ont parlé avec
les gens. On s'est dit: Après la commission parlementaire, on se reverra
et on va essayer de trouver un moyen pour qu'au moins, à l'avenir, on
réponde à la demande de la grande majorité des gens du
Québec.
Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.
M. Coutu: M. Biron, les gens qui se plaignent, pourquoi ne
restent-ils pas ouverts le soir? On dit que ce n'est pas rentable. Qu'ils le
rendent rentable. Ce n'était peut-être pas rentable pour nous, au
début, d'ouvrir le soir, mais, par des efforts, nous et nos
employés, par une politique dynamique, on a tenu le coup, on a
rentabilisé nos soirées et nos fins de semaine. Je ne vois pas
pourquoi après avoir fait cela... Écoutez! J'admire et
j'apprécie le fait que vous soyez très conscient et que vous
vouliez... mais j'aimerais vous exposer les faits brutalement. Je ne vois pas
pourquoi étant ce que nous sommes, nous donnerions quoi que ce soit
à qui que ce soit, parce que nous l'avons fait dans la plus grande
légalité et le public l'a aimé.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. On a eu droit
à une belle présentation par l'avocat et par le
propriétaire des Pharm-Escomptes Jean Coutu.
Une voix: Je ne suis pas avocat, vous non plus.
M. Bourbeau: Non, je ne suis pas avocat non plus, mais il semble
que ce soit une qualité de ne pas être avocat. Chacun s'en
défend, même le célèbre avocat du client a fait
preuve d'une grande timidité d'une grande modestie en se
présentant lui-
même. Disons que je suis un peu avocat, puisque je suis notaire,
et un peu homme d'affaires également et je tente de comprendre où
on s'en va.
Une voix: Une autre profession... Des voix: Ah!
M. Bourbeau: Tout ce que je peux dire, c'est que je comprends
pourquoi votre commerce s'est propagé et a fait des miracles,
semble-t-il, parce qu'avec la démonstration que vous venez de faire, on
apprend en plus ce qu'est le marketing. Je déplore pour vous que cette
commission ne soit pas télévisée, parce qu'avec les
documents que vous nous avez servis, cela aurait sûrement
été une propagande extraordinaire dans tout le Québec.
Toutefois, vous n'en avez probablement pas besoin.
Je voudrais revenir à l'exposé que vous avez fait du
présent projet de loi et de la loi actuelle. N'étant pas
député depuis très longtemps, j'ai pris connaissance de
ces lois récemment et je dois avouer que, comme votre avocat, j'ai
été assez frappé par le manque de clarté de la loi
actuelle et également du projet de loi qu'on nous propose. Ma
première réaction à la lecture de tout cela, c'est que
c'est un imbroglio incroyable. Quand on lit la loi actuelle, on commence par
une nomenclature de ce qui est permis et, ensuite, les exceptions suivent et
les exceptions des exceptions. Je peux vous montrer mon modèle; j'ai
fait des flèches partout pour essayer de comprendre comment le
deuxième paragraphe annule le premier. C'est vraiment incroyable. La
conclusion à laquelle j'en suis venu - je le disais mardi, à
l'ouverture de cette même commission parlementaire - vous me permettrez
de me citer, M. le Président: "On n'a pas l'impression d'être
devant une véritable politique, mais plutôt devant un certain
nombre de compromis face à des intérêts multiples et
disparates." Je crois que c'est, en une phrase, ce que j'avais tenté de
résumer au début des travaux de cette commission. Plus j'avance,
plus j'entends les commentaires de tous ceux qui viennent ici et plus je me
convaincs que c'est encore pire que ce que j'avais pensé.
Il me semble que le système actuel, c'est un peu l'exception
érigée en sytème ou la tolérance
systématisée. On a pris connaissance, au cours des derniers
jours, des mémoires de chacun. Par exemple, on a appris que les
dépanneurs ont le droit de vivre, mais, dans la loi actuelle, on dit:
"Ce commerce ne devrait pas faire partie d'un plus grand nombre
d'établissements commerciaux liés les uns aux autres en
association." On a des dépanneurs qui semblent être des commerces
liés en association par exemple, La Maisonnée, les Provisoir.
À moins que je comprenne mal, il me semble que ces commerces
contreviennent à la loi actuelle. (17 h 30)
Nous avons entendu hier un groupe qui s'appelle OCTOFRUIT qui,
manifestement, semble-t-il, s'est construit depuis quelques années,
probablement en ne respectant pas la loi, puisque ses représentants ont
admis avoir plus de trois employés, trois personnes, 24 heures par
jour.
Nous entendrons, ce soir, les représentants de l'Association des
marchés publics du Québec, dont on a lu le mémoire, qui a
été déposé, et qui admettent contrevenir à
la loi actuelle, puisqu'au moins 30% de leurs boutiques comptent plus de trois
employés. Ils nous disent également qu'à chacune des
inaugurations des marchés publics il y a un député du
Parti québécois, sinon le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation pour faire cette inauguration. Comment se
peut-il que ces gens-là fonctionnent avec la bénédiction
du gouvernement puisqu'ils contreviennent à la loi?
Hier, les représentants des expositions agricoles du
Québec nous ont dit qu'ils étaient très malheureux parce
qu'ils ne peuvent fonctionner. Leur association existe depuis 160 ans...
Une voix: Toléré.
M. Bourbeau: ...mais c'est toléré; ce n'est pas
permis par la loi. Le ministre, chaque année, leur donne des exemptions.
Évidemment, des exemptions, on sait ce que c'est. Cela peut venir; cela
peut ne pas venir; c'est selon l'humeur d'un ministre. Le ministre a même
dit: Écoutez! On va vous donner des exemptions automatiques à
l'avenir. On s'est demandé: Pourquoi des exemptions automatiques? Si
c'est automatique, pourquoi ne pas leur permettre de fonctionner
continuellement? Tout cela s'est fait dans le système actuel depuis des
années. On vit dans un système d'exceptions
généralisées et de tolérances
systématisées, comme je le disais tout à l'heure.
On nous a dit: On va faire une nouvelle loi. On aurait pensé que
la nouvelle loi aurait réglé le problème une fois pour
toutes, mais il ne semble pas que le gouvernement soit disposé à
faire son lit dans ce domaine. Le gouvernement ne veut pas s'avancer. Il ne
veut pas établir de politique. Forcément, c'est quoi? C'est l'art
de plaire à tout le monde. On cherche manifestement à plaire
à tout le monde et à ne déplaire à personne. Le
ministre, d'ailleurs, l'a dit tout à l'heure, il voudrait essayer de ne
pas trop vous déplaire, de ne pas trop déplaire à l'un, de
ne pas trop déplaire à l'autre. Je ne pense pas que ce soit
vraiment la meilleure façon de légiférer. La question qui
se pose, c'est: Est-ce que, finalement, on devrait
légiférer?
Le plaidoyer qu'on a entendu tout à l'heure est manifestement un
plaidoyer en faveur de la libéralisation. On a fait état que les
notes explicatives dans le projet de loi tentent de démontrer ou de
faire croire qu'on est devant une libéralisation annoncée. Or,
les notes explicatives, on sait ce que c'est. En général, c'est
un peu du cosmétique pour consommation par les gens qui ne lisent pas le
projet de loi et, très souvent, le projet de loi n'est pas vraiment une
traduction ou un reflet des notes explicatives. Souvent, il y a de la
propagande. Les notes explicatives ne se traduisent pas toujours, dans les
faits, par la réalité du projet de loi. Je ne sais pas si je peux
dire que, très souvent, les fruits ne répondent pas à la
promesse des fleurs, puisqu'on est dans le domaine alimentaire.
La question que je voudrais vous poser, M. Coutu, après avoir
fait ce préambule, je vais vous la poser d'une façon assez
brutale. Est-ce que vous êtes personnellement pour une
déréglementation totale dans ce domaine?
Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.
M. Coutu: Je pourrais laisser M. Desjardins répondre.
Étant donné que cela touche des points de nature juridique, il
pourrait donner la réponse à ma place.
Le Président (M. Rancourt): Me Desjardins.
Une voix: ...
M. Coutu: Vous me demandez, à moi, si...
M. Bourbeau: Écoutez! Je peux bien laisser quelqu'un
d'autre répondre, mais la question n'est pas de nature juridique. Je
pense que c'est une question d'affaires.
M. Coutu: Si c'est une question...
M. Bourbeau: Seriez-vous d'accord avec une
déréglementation totale dans le domaine des heures
d'affaires?
Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.
M. Coutu: Je crois que, dans mon exposé, c'était
assez clair, peut-être d'une façon sous-entendue. J'ai voulu me
limiter aux articles de la loi et aux quinze personnes qui étaient
mentionnées ici. Si on peut vendre du gin et du whisky n'importe quand,
il me semble qu'on pourrait vendre à peu près n'importe quoi
n'importe quand. On dit que la Société des alcools pourra vendre
à peu près n'importe quand. Je ne vois pas pourquoi, on ne
pourrait pas vendre des pintes de lait n'importe où et n'importe quand.
Je ne vois pas pourquoi si quelqu'un veut vendre des meubles le soir, parce
que... N'oublions pas qu'aujourd'hui - quelqu'un l'a mentionné tout
à l'heure - il est facile de magasiner; on travaille 35 ou 36 heures et
il en reste 63. C'est vrai et ce n'est pas vrai, parce qu'aujourd'hui les gens
travaillent le matin, l'après-midi, le soir et la nuit. Ils travaillent
n'importe quand et ils ont congé à peu près n'importe
quand. Dans la lettre que nous avions envoyée à M. Biron, on
l'expliquait. On disait: Oui, mais il y a une pression des loisirs. Les gens
veulent vivre des loisirs. Il n'y a rien qui nous oblige à avoir des
loisirs ou à faire du sport seulement le samedi soir et le dimanche, et
c'est une très bonne chose. Je vois une libéralisation totale
où des gens travailleraient peut-être le dimanche, peut-être
les fins de semaine, mais pourraient avoir leurs loisirs le lundi et le mardi,
et cela décongestionnerait les centres de loisirs. De plus, si on a tous
des heures qui sont similaires au point de vue des affaires, qu'est-ce qui va
arriver? On va avoir tous nos loisirs en même temps. En jouissant d'un
certain congé hebdomadaire, on oblige beaucoup de gens à
travailler, par exemple. Je ne sais pas si on s'est déjà
posé cette question. Si tout le monde avait congé en fin de
semaine, ce serait la stagnation totale. Si personne ne voulait travailler en
dehors des heures, ce serait un imbroblio impensable. Quand un gars dit: Je
joue au baseball les lundi, mardi, mercredi, jeudi et vendredi; pas
après 17 heures, ce sont des choses aussi... Vous allez me dire que
c'est absolument insignifiant; c'est vrai. Mais, si on va au fond du
problème, si on ne libéralise pas les heures, si on ne laisse pas
le public être le véritable juge - c'est lui qui juge... Aux
États-Unis, on est entouré par cela. Si ce n'est pas bon
d'ouvrir, qu'il ferme. Si, pour un autre, c'est bon, qu'il ouvre. Ce n'est pas
vous autres qui nous avez choisis. On a choisi ce métier-là, un
métier de service. Je ne crois pas que ce soit à quelque
association que ce soit de dicter au gouvernement des heures d'ouverture et de
fermeture. C'est au public. Personnellement, pour répondre à
votre question, oui, je serais pour une libéralisation totale des
heures. Si c'est bon d'ouvrir le soir, ouvrez le soir. Si ce n'est pas bon,
fermez.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Je vais pousser ma question un peu plus loin. Vous
avez fait état tout à l'heure d'un document, vous nous avez
même distribué une coupure de journal faisant état de la
volonté des grandes chaînes d'alimentation d'empiéter sur
votre domaine. Est-ce que vous seriez également
non seulement pour une libéralisation des heures, mais pour une
libéralisation du commerce, ce qui ferait en sorte que les grandes
chaînes d'alimentation pourraient vendre des produits pharmaceutiques
comme elles le veulent et vous, la même chose, en ce qui concerne les
denrées alimentaires?
Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.
M. Coutu: Si elles peuvent faire mieux que moi, tant mieux pour
le public. Je n'ai plus de raison d'exister. C'est la dure
réalité du commerce et du commerçant. Si je dois demander,
quémander des faveurs, des heures spéciales pour pouvoir vivre,
je ne mérite pas d'être un bon commerçant.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Votre argumentation, c'est un hommage à la
libre entreprise. Je suis entièrement d'accord avec la libre entreprise
et je pense que c'est la philosophie de notre formation politique, sauf que
tout cela est basé sur une chose, l'intérêt du
consommateur. Vous avez dit tout à l'heure, lors de votre
présentation et je vous cite: "Je suis au service des consommateurs". Je
pense que je vous cite au texte. Nous, les hommes politiques, avons tendance
à penser que consommateur égale électeur. C'est un langage
auquel on devrait normalement être très sensible. Mais des
associations de consommateurs viennent nous voir. Ce sont les gens sur lesquels
est assis votre commerce. Ce soir, il y en a une qui va se présenter
à la commission; elle nous a remis son mémoire. C'est
l'Association des consommateurs du Québec, qui ne recommande pas au
gouvernement d'ouvrir le dimanche. Comment pouvez-vous expliquer la position
d'un groupe spécialisé dans la défense des consommateurs
face à votre propre affirmation, à savoir que vous rendez service
au consommateur, enfin, que vous vous assoyez sur les consommateurs?
Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.
M. Coutu: La réponse, ce n'est pas moi qui vais vous la
donner. Depuis le début de cet après-midi, vous l'avez
déjà eue. Quelqu'un, ici, a dit: Le dimanche, c'est notre
meilleure journée. Quelqu'un a dit cela, ici, tout à l'heure. Je
ne sais pas qui. Il a dit: La meilleure journée. Une association de
consommateurs vous dit: On ne veut pas ouvrir le dimanche. Ils disent cela,
mais ils vont acheter quand même parce que, maintenant et dans notre
propre groupe, le dimanche est la troisième, la deuxième ou la
meilleure journée de la semaine. Il y en a qui disent: Oui, mais c'est
parce qu'ils sont fort peu nombreux, ceux qui ouvrent le dimanche. Ouvrez. Je
crois que ce serait beaucoup plus normal de fermer le lundi, quand tout le
monde est fatigué et travaille que de fermer le dimanche, alors que le
père, la mère et les enfants peuvent rarement être ensemble
pour faire du magasinage. Je parle d'une façon générale.
Je ne parle pas au point de vue d'un pharmacien. Le samedi, les fins de
semaine, le dimanche, c'est un temps idéal, en famille, surtout quand il
pleut. Allez aux États-Unis. Je pense que tout le monde va aux
États-Unis, même les députés et les ministres. Le
dimanche, le soir, lorsqu'il pleut, les centres commerciaux regorgent
d'individus. Pourquoi? Parce que c'est plus agréable d'aller là
que de regarder tomber la pluie sur le balcon. Je crois que ceux qui vont juger
que c'est nécessaire d'ouvrir le dimanche ouvriront même si les
associations de consommateurs disaient: Non, n'ouvrez pas le dimanche. Est-ce
qu'ils représentent réellement l'avis des consommateurs? Comme
groupes, peut-être, ils vont vous dire cela. Aussitôt que quelqu'un
va ouvrir le dimanche, faites des tests. Chaque fois qu'un gars ouvre le
dimanche, c'est toujours un succès. J'ai rencontré quelqu'un,
l'autre jour - je crois que c'était un député - qui m'a
dit: Les marchés aux puces, c'est effrayant le succès qu'ils ont
le dimanche; on a des problèmes avec cela, parce que c'est difficile de
percevoir les taxes. Les marchés aux puces sont censés vendre des
choses usagées. Vous en parlez dans votre projet de loi. Ce n'est pas la
question de mettre deux ou trois chaises antiques en avant et d'avoir 500 000 $
de stock neuf en arrière qui va lui permettre d'ouvrir continuellemenmt.
Par contre, les marchés aux puces, c'est un succès extraordinaire
et cela se passe surtout le dimanche. Il y a certainement, dans le public
consommateur québécois nord-américain - la preuve est
faite - un goût d'acheter le dimanche. Si les gens ne veulent pas
acheter, pourquoi ne pas leur donner la chance de ne pas acheter en
étant ouvert? S'ils n'achètent pas, on fermera. Mais pourquoi
dire: Vous allez fermer et le public consommateur ne pourra pas acheter? C'est
entendu que, si on est fermé en vertu d'une loi et que cela coûte
5000 $ d'amende et 10 000 $ la deuxième fois, il n'y a pas un gars qui
va ouvrir. Est-ce que c'est cela que le public veut? Il me semble que c'est
votre rôle de juger.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Pourtant, un sondage Gallup a été fait
à l'automne 1983 qui indiquait qu'au Québec il y aurait,
semble-t-il, selon les statistiques, les chiffres qu'on nous a remis, seulement
39% des Québécois qui souhaiteraient qu'on ouvre le dimanche.
Qu'avez-vous à répondre à cela?
M. Coutu: D'abord, il va y avoir 39% des marchands qui vont
ouvrir le dimanche. Les autres vont juger que ce n'est pas nécessaire et
ils fermeront. Cela va dépendre des marchands et du genre de
marchandises qu'ils vont vendre. Il y a des choses, monsieur... Je m'excuse, je
sais que vous êtes député, mais je ne sais pas votre
nom.
Une voix: M. le député... M. Coutu: M. le
député... M. Bourbeau: Mon nom, c'est Bourbeau.
M. Coutu: II y a des achats... On va faire des farces. Dans notre
chanson, on dit: II y a des achats, on s'en rend compte, qu'il vaut mieux faire
aux Pharm-Escomptes. Il y a des achats qui sont impulsifs. Tout à
l'heure, M. le ministre Biron a dit: Écoutez! M. Coutu, vous ne pouvez
toujours bien pas m'expliquer la vente d'une caméra le soir ou les fins
de semaine. C'est peut-être plus facile à expliquer qu'on peut le
penser. Croyez-vous sincèrement qu'un produit, comme une
caméra... De toute façon, ceux qui en vendent les fins de
semaine, que ce soient des tabagies, des "variety stores" ou des pharmacies, en
général, ce sont des caméras de peu de qualité et
peu dispendieuses. Je vais vous expliquer à peu près la
situation. Il y a une petite fête de famille; on fête le grand
garçon ou la grande fille qui a sept ou huit ans. On fait un
gâteau. La mère trouve qu'elle est bien habillée et elle
dit: II faudrait prendre des portraits. Aux Pharm-Escomptes Jean Coutu ou chez
un autre ils vont acheter une petite caméra de 18 $ ou 20 $. Ils
retournent à la maison, ils prennent des portraits et, bonjour, c'est
fini. Croyez-vous qu'on a réellement enlevé une vente à un
spécialiste en photographie? Je ne pense pas que, le lendemain, la
famille serait allée acheter un Nikon et aurait dit: On recommence la
fête. C'est un achat impulsif. C'est un peu cela que nous avons et que
nous vendons, comme les dépanneurs, comme les "variety stores", comme ce
qu'on appelle les petits marchands, ceux qui ont des tabagies. On est
sévère pour nous, mais je peux vous dire que, dans des
pâtisseries, on vend des ensembles à fondue qui sont beaucoup plus
gros que la main et qui valent plus de 20 $. Par contre, est-ce que le fait de
vendre de la crème fouettée nous donne le droit de vendre des
ensembles à fondue à 100 $? Je ne le sais pas, je ne peux pas y
répondre.
On dit que 39% du public veut avoir l'ouverture le dimanche. Pourquoi ne
pas la lui donner? Est-ce que vous croyez que les 61% qui restent vont nous
poursuivre parce qu'on est ouverts? Non. Ils sont neutres. Ils sont anonymes.
Cela ne leur fait rien. C'est une majorité silencieuse. Ils acceptent.
Mais les 39% qui en veulent, pourquoi ne pas les gâter?
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte. (17 h 45)
M. Bourbeau: J'ai une dernière question, parce que je ne
veux pas prendre tout le temps. Que pensez-vous de l'argument qu'on a entendu
à maintes reprises ici depuis deux jours, quand la grande
majorité des petits commerçants nous dit ceci: Si on laisse
certains commerces comme les nôtres ouvrir le dimanche, si on ne veut pas
perdre notre marché - enfin, ce qu'on entend dire, c'est qu'il y a un
marché, au Québec, dans une région donnée ou dans
une province donnée, il y aurait un marché qui existe, qui est
plus ou moins élastique, mais surtout dans l'alimentation, de toute
façon, qui ne l'est pas du tout, en vertu du principe qu'on ne mange que
trois fois par jour, tout le monde, et comme on est 6 000 000, donc cela fait
18 000 000 de repas par jour - et puis, il y a une masse d'aliments qui vont se
consommer dans une journée, dans une semaine. Si on augmente les heures
de 30%, il ne s'en consommera pas plus, mais cela va être sur une plus
longue période de temps. Donc, ces gens nous disent: Si on permet une
déréglementation, une ouverture la fin de semaine et le dimanche,
nous allons être obligés de suivre, si nous ne voulons pas crever,
pour garder notre part du marché. Or, à ce moment-là, cela
veut dire que nos employés devront travailler le dimanche. Le petit
propriétaire, qui travaille avec sa femme et en famille, va devoir
travailler sept jours sur sept; il n'aura plus de vie de famille, il ne pourra
plus se reposer. Il y a même les évêques, je pense, qui ont
fait une intervention en disant que la cellule familiale pourrait
éclater et ainsi de suite. Enfin, on avance ce genre d'argument. Je vous
pose donc une question: Qu'est-ce que vous avez à répondre
à cette objection des petits détaillants, de vos
compétiteurs, qui prétendent que, pour faire plaisir à une
minorité de consommateurs, on oblige l'ensemble des petits
détaillants, pour survivre, à ouvrir des heures très
longues, ce qui rend la vie familiale et personnelle très difficile
à vivre?
Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.
M. Coutu: Monsieur, vous avez vous-même, je crois - est-ce
qu'on s'entend bien? - donné la réponse il y a quelques instants.
Le réel danger - parce que vous restez toujours dans l'alimentation,
n'est-ce pas, on ne parle pas des vendeurs de meubles - pour le petit
dépanneur - ce qu'on appelle vulgairement ici, en Amérique du
Nord, le
"Mum & Pop Store" - croyez-vous qu'il vient des 72, ou 73, ou 75
pharmacies Jean Coutu dans la province de Québec? Je vous ai dit, tout
à l'heure, d'où il venait.
Maintenant, à l'intérieur d'une loi, que je comprends mais
dont l'application me semble avoir été pas mal contournée,
il s'est développé, au cours des dix dernières
années, 500 à 600 dépanneurs rattachés ensemble en
associations dans tout le Québec. Je reviens à ce dont je vous ai
parlé tout à l'heure. Prenez un petit village ou une petite
ville, vous avez deux ou trois "Mum & Pop Stores". Vous avez un
dépanneur bien organisé qui arrive et qui est subventionné
par des compagnies de distribution alimentaire. Il est bien organisé.
Cela ne me scandalise pas mais je réponds à votre question. Lui
va faire du tort aux deux ou trois "Mum & Pop Stores" dans un village ou
une petite ville. Je crois qu'il va les faire fermer; parce qu'ils vendent la
même chose, exactement la même chose. Tandis que nous, on se sert
de cela pour subventionner une présence pharmaceutique que tout le monde
veut avoir. Mais nous en avons besoin pour vivre; la preuve: ceux qui ne font
pas comme nous ferment ou opèrent moins longtemps. Et je veux vous
répondre là-dessus en vous disant que, dans la province de
Québec, depuis le symptôme des grandes pharmacies, le nombre des
pharmacies a monté quand même. Dans le même rapport de la
Banque Nationale que je vous citais tout à l'heure, il a monté,
peut-être pas d'une façon spectaculaire, mais environ de 250 au
cours des dix dernières années. Mais ce qui est arrivé,
c'est que la présence pharmaceutique a diminué.
J'ai commencé mon exposé en vous disant que, autrefois,
lorsque j'ai commencé en pharmacie, c'était de 8 heures à
23 heures. Il y avait un pharmacien par coin de rue dans toute la province de
Québec. Aujourd'hui, il y a un peu plus de pharmaciens, il y a un petit
peu plus de population. Mais ils sont moins présents. Ils sont là
le matin, l'après-midi et ils ferment de bonne heure le soir. Les fins
de semaine, ce n'est pas rentable. Un pharmacien a le droit d'avoir un salaire
raisonnable. Comment voulez-vous que quelqu'un subventionne une présence
pharmaceutique pour cinq ou six ordonnances dans la soirée? Par contre,
il y a peut-être une vingtaine ou une trentaine d'appels
téléphoniques demandant: Écoutez, je ne suis pas capable
de rejoindre mon médecin, mon petit bébé a ceci, mon petit
bébé à cela. Cela, c'est du dépannage
pharmaceutique et professionnel gratuit, bénévole. Et c'est ce
à quoi les pharmaciens sont condamnés. Si nous n'avons pas un
arsenal, une grande variété de produits pour subventionner cette
présence, que vous voulez vous-même et que moi aussi je veux, on
nous condamne à opérer durant de petites heures. Là, cela
va venir que, en fin de semaine, il ne faudra plus jamais être malade.
Certains soirs de la semaine, il ne devra même pas avoir une petite
attaque de grippe, sinon, que va-t-il arriver? Et c'est ce qui me surprend, le
dépanneur, avec la complicité de beaucoup de compagnies
pharmaceutiques, tient des produits para-pharmaceutiques qui touchent d'assez
près à la pharmacie. Il les vend plus cher et il n'y a personne,
aucune présence, capable d'en expliquer les effets. C'est ma
réponse.
M. Bourbeau: Merci. C'est tout pour l'instant, M. le
Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. Coutu, votre mémoire est provocant et il
fait réfléchir. Il a au moins le mérite de nous
ébranler dans les réflexions que nous avons faites jusqu'à
maintenant, à la suite des mémoires qui nous ont
été présentés. Ce qui m'a frappé le plus,
c'est surtout les bas prix que vous affichez; vous nous avez donné des
prix. On peut bien parler, comme vous l'avez dit, du bien des consommateurs,
mais, finalement - et pour le bénéfice du journal des
Débats, étant donné que le journal des Débats
n'enregistre pas les documents que vous nous avez fait circuler -je vais
seulement insister sur quelques prix. Je prends pour acquis qu'il est
impossible pour quiconque de contester les chiffres que vous nous avez
donnés. Enfin, vous donnez les chiffres ici, vous faites des
comparaisons entre Pharm-Escomptes et les supermarchés et les
dépanneurs. Ainsi, Jean Coutu et Provigo. Il en coûterait pour un
même achat 182,73 $ chez Jean Coutu et 200,99 $ chez Provigo. Pour 46
produits, il en coûterait 91,19 $ chez Jean Coutu et 116,01 $ chez
Provisoir.
Il est bien évident que, finalement, le consommateur y gagne,
d'une part, quant aux prix, quant au choix qu'il peut faire et quant aux heures
d'ouverture, puisqu'il peut s'y rendre à peu près n'importe
quand. Plusieurs sont venus avant vous nous dire que, s'ils devaient ouvrir de
plus longues heures - et j'imagine que l'argumentation peut varier d'un type de
marchand à un autre, du moins en ce qui concerne les différents
types de détaillants - ils devraient augmenter leurs prix et, en
conséquence, que les consommateurs en paieraient la différence.
C'est pour cela que je dis que votre mémoire est provocant mais qu'il
fait réfléchir, parce que, là, vous nous faites une
démonstration; je pense bien que certains d'entre nous savaient - ceux
qui vont dans vos magasins -que, malgré le fait que vous ouvrez durant
les fins de semaine et très tard le soir, finalement, le consommateur y
gagne, puisque vos prix sont inférieurs.
II est certain que cela fait réfléchir, puisqu'on peut
examiner ce problème et, comme le disait mon collègue de Laporte,
on peut l'examiner de différentes façons. On peut le regarder sur
le plan politique en disant que beaucoup d'associations et de gens voudraient
que nous promulguions une nouvelle loi qui protège certaines heures
d'ouverture et de fermeture. On peut aussi le regarder sur le plan
économique et, si vous le permettez, je vais le regarder sur le plan
économique, parce que tout le monde au Québec parle de plus en
plus de compétitivité, d'ouverture sur le monde; l'argumentation
que vous avez développée, on pourrait peut-être la
développer également dans d'autres secteurs de l'économie.
Comme il est impossible, même dans des domaines où les nouvelles
technologies ont des impacts, de se défendre totalement contre ces
nouvelles technologies qui nous viennent de l'étranger, je pense qu'au
Québec on devra accepter de plus en plus d'avoir une philosophie
où la compétitivité est une règle respectée
et qu'il faut affronter de plein fouet.
Vous nous avez dit, dans le fond, et c'est ce qui m'a frappé -
nous en avions et j'en avais moi-même fait état ce matin -que,
d'une part, la raison pour laquelle les dépanneurs ont pu se
développer, c'était à cause de cette règle de 1969
ou 197D qui permettait à un petit dépanneur - et j'imagine que,
dans l'esprit de la loi à ce moment, il s'agissait du petit
dépanneur indépendant - d'ouvrir le dimanche. J'imagine que
quelqu'un a trouvé que c'était là une formule
intéressante et l'a exploitée; on s'est organisé en
association; on a développé à partir de là des
commerces très florissants, qui donnent un bon service à la
population et répondent aux voeux d'une bonne partie de cette
population.
Comme vous l'avez souligné, ces structures corporatives font
qu'un produit est vendu un jour de semaine à un certain prix et que le
même grossiste, par l'entremise d'autres détaillants, le vend plus
cher le soir et durant la fin de semaine. Vous avez également fait
allusion à l'expérience européenne et je crois que,
là, on peut facilement voir le danger de développer ou d'avoir
une réglementation qui, finalement, fait en sorte que le consommateur
doit payer plus cher. Et si cette formule-là est appliquée
même dans d'autres secteurs - là, je sors du commerce, pour
toucher à l'industrie et tout cela - on établit des règles
qui font qu'on peut devenir facilement de moins en moins compétitif face
à la concurrence dans le monde. Comme de raison, dans le domaine du
commerce, c'est plus local. La compétition d'un commerce se fait
à l'échelle locale, à l'échelle d'une ville ou
à l'échelle d'une province. Peut-être que, plus tard, votre
formule vous permettra d'aller dans d'autres provinces.
Mais c'est pour cela que je disais que cela faisait
réfléchir. Je me demandais si -je crois qu'en réponse aux
questions de mon collègue de Laporte, vous l'avez dit très
clairement - d'après vous, on devrait s'orienter vers une formule qui
nous permettrait d'être plus compétitifs dans l'avenir. Deschamps
dit dans un monologue: "Moi, mon petit n'est pas intelligent, je suis
obligé d'y faire attention." Il reste que la règle ne peut pas
être suivie par tout le monde de la même façon. Je pense
bien que vous le comprenez, mais vous avez fait une très bonne campagne
pour défendre votre formule. Il reste qu'il y a des gens qui n'ont pas
eu votre dynamisme pour organiser des chaînes comme vous en avez
organisé; ils exploitent un commerce; ils veulent quand même
bénéficier d'une structure qui leur a permis de vivre
jusqu'à maintenant et voudraient que la même formule se
perpétue.
Je crois bien que, pour le législateur, c'est de favoriser, d'une
part, de nouvelles expériences comme la vôtre, qui permettent au
consommateur d'avoir de meilleurs prix et de démontrer que ces nouvelles
formules peuvent assurer le bienfait du consommateur, et, de l'autre
côté, de permettre au commerçant qui avait
fonctionné d'une certaine façon jusqu'à maintenant de
pouvoir dans une certaine mesure continuer de le faire. En établissant
un équilibre entre ces deux formules, compte tenu du fait, je pense
bien, que ce n'est pas tout le monde qui s'appelle Jean Coutu au Québec,
que ce n'est pas tout le monde qui pourrait faire ce que vous avez fait, il
faut quand même qu'il y ait une certaine formule d'adaptation. Vous avez
répondu à mon collègue de Laporte, tout à l'heure,
que vous étiez pour une libéralisation complète; je ne
sais pas si vous avez voulu dire du jour au lendemain. Il reste, je pense bien,
que, en pratique, on doit se rendre à l'évidence que tous les
pharmaciens ne sont pas des Jean Coutu, que tous les détaillants ne sont
pas non plus des Jean Coutu et que ce ne serait pas possible à tous et
chacun d'être aussi dynamiques que vous l'avez été.
C'est pour cela que, pour ma part, quoique étant bien sensible
à l'argument économique, puisque le même argument
économique devrait se refléter dans le domaine industriel, dans
le domaine de la technologie et dans le domaine de la
compétitivité face à l'Amérique du Nord, je crois
que, par ailleurs, le législateur a également une protection
à donner à ceux qui ne sont pas prêts, du jour au
lendemain, à affronter une école de pensée qui est
totalement différente de celle que vous avez défendue très
brillamment cet après-midi. Je me demandais si vous aviez des
réflexions à ce sujet.
Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.
M. Coutu: Merci. Vous m'avez entraîné sur un
chemin... Je dois vous dire que, lorsque vous mentionnez "Jean Coutu, Jean
Coutu", je ne suis qu'un jeton dans la grande organisation qu'est la
nôtre, à laquelle participent intensément 2500
employés, qui me sont d'une nécessité absolue. Loin de moi
l'idée que cela s'est fait seul. Je dois vous dire que, par notre
structure de travail, nos 2500 employés y participent d'une façon
totale. Pour mentionner simplement un petit chiffre, nous avons fait une
enquête chez nos employés et même si on travaille le soir et
les fins de semaine, 85% de nos employés étaient satisfaits de
leur genre de travail. C'est pour dire qu'eux aussi ont des familles, eux aussi
ont des obligations, eux aussi aiment être en famille, eux aussi aiment
jouer de la musique, magasiner, voyager. Mais il ne faut pas oublier une chose
non plus: c'est que, dans un contexte comme le nôtre, si des fois vous
travaillez les fins de semaine et les soirs, vous avez congé à
des moments où tout le monde travaille, vous pouvez avoir congé
le mardi en matinée et en après-midi. Vous pouvez avoir
congé le mercredi soir et le jeudi en matinée et en
après-midi, ce qui fait que, peut-être, parmi nos employés,
on a des joueurs de golf extraordinaires. Ils ont souvent congé
l'après-midi, chose qui est peut-être difficile pour des gens qui
sont dans un métier du matin jusqu'au soir. (18 heures)
Je comprends votre insistance et je dois vous dire que, par contre,
j'accepterais qu'il y ait une gradation, parce qu'il n'est jamais bon de passer
d'un extrême à l'autre, mais je crois que la tendance actuelle,
c'est une espèce de marée irrésistible, il va falloir se
diriger vers un libéralisme au point de vue commerce, parce que la vie
nord-américaine nous fait vivre à toutes les heures du jour, du
soir et de la nuit. Autrefois, on était condamné à avoir
faim le matin, le midi et le soir et, aujourd'hui, on mange à peu
près n'importe quand; ce n'est peut-être pas bon pour la
santé malgré que, pour nous, ce n'est pas mauvais pour la
santé que ce soit difficile à digérer - sans faire
d'humour - on vit un peu de cela. Il y a une chose qui est importante...
M. Bourbeau: De toute façon, vous vendez des
médicaments, alors, si vous êtes malades, il n'y a pas de
problème.
M. Coutu: Les gens disent: D'un côté, il vend du
chocolat et, de l'autre côté, il vend des produits pour faire
maigrir; on a les deux côtés. Soyez assuré que je comprends
la situation. Mais, à long terme je crois que la formule que nous avons
mise de l'avant, qui n'est pas unique, mais qui est un reflet de la vie
nord-américaine, est une formule irrésistible car, lorsque vous
donnez le choix à la clientèle, au consommateur, c'est une
formule qu'il choisit toujours.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Juste une dernière question, puisque le temps
avance, malgré que votre mémoire est extrêmement important.
La loi existante a été promulguée le 1er janvier 1970 et
elle avait été adoptée par le Parlement en 1969. À
ce moment, il avait été décidé, à la suite
d'une très large consultation, de ne pas revenir à des temps
révolus où c'était chaque municipalité qui
établissait les heures d'ouverture. Je dois avouer que, après des
échanges avec plusieurs personnes ici, il me semble que, dans la mesure
où on a besoin d'une loi, dans la même mesure, je crois qu'il
serait préférable que la loi soit provinciale plutôt que
municipale.
J'aimerais quand même vous poser la question, étant
donné que vous avez des magasins partout dans la province. Vous venez de
nous dire qu'on vit maintenant 24 heures par jour; j'imagine que, dans
certaines petites municipalités, ce n'est peut-être pas le cas.
Peut-être que ce que vous venez de dire est plus vrai à
Montréal, c'est peut-être plus vrai dans certaines grandes villes.
Si le législateur devait permettre une certaine libéralisation,
ce doit être sans se créer nécessairement de
problèmes vis-à-vis des communautés de plus petites villes
pour qui, le fait que les magasins soient fermés le dimanche, cela fait
certainement partie de leur code d'éthique, je dirais.
J'imagine que si on allait vers une plus grande libéralisation
dans les années à venir, il faudrait prendre en
considération les besoins que vous venez de définir mais qui sont
différents dans une grande ville comme Montréal et dans une
petite ville de province. Vous avez vous-même des établissements
dans différentes parties de la province, peut-être pourriez-vous
me dire quelles sont ces villes de province et si vous avez perçu des
différences substantielles de comportement entre le citoyen, par
exemple, de Montréal-Ouest, de CÔte-des-Neiges, et le citoyen
d'une plus petite ville en province?
Le Président (M. Rancourt): M. Coutu.
M. Coutu: M. le député d'Outremont, je dois vous
avouer que, de par la structure même de notre organisation, de par la
minceur de nos profits, nous ne pouvons pas nous installer n'importe où.
Cela nous prend, pour rentabiliser une Pharm-Escomptes Jean Coutu, une certaine
densité de population. Donc si je vous cite notre exemple, nous sommes
installés dans des endroits où la population, que ce soit
à Sherbrooke, à Trois-Rivières, ici à
Québec, à Chicoutimi, à
Jonquière, à Rimouski ou à Sept-Îles,
constitue des entités qui, en soi, sont assez grandes pour nous
permettre d'y bien servir la clientèle. Je dois vous avouer qu'il y a
beaucoup d'endroits au Québec où il serait impensable pour nous
de nous installer.
Dans les endroits où nous sommes, je peux vous dire que cela se
passe comme vous dites: sur la rue Côte-des-Neiges ou ici, à
Sainte-Foy, dans la paroisse Saint-Sacrement, ou dans Limoilou. Par contre,
comme chacun d'entre nous va toujours à la campagne dans des endroits
plus retirés, j'ai remarqué que beaucoup d'individus vivant dans
de petites localités se servent souvent de la fin de semaine et d'un
temps où, dans son village ou sa petite ville, les commerces sont
fermés pour prendre la voiture et aller magasiner dans des endroits
où il y a une certaine disponibilité.
Je peux vous dire que, chez nous, dans des endroits comme
Sept-îles, comme Rimouski, le dimanche et à certaines heures
durant la semaine, c'est l'occasion pour les gens des alentours de venir faire
un tour, de venir faire - c'est presque passé dans le vocabulaire
familial - son Jean Coutu. Je ne doute pas que cela puisse se dire pour
d'autres personnes, mais j'aime mieux garder cela ici, en note, c'est un peu
cela. Ma réponse serait que, où nous sommes, je ne vois aucune
différence, mais je ne doute pas qu'il y en ait. Et, pour
répondre à votre première question, je crois que M. Biron
l'a bien explicité tout à l'heure, c'était un fouillis,
autrefois, la loi régie par les municipalités. Je crois que c'est
la province de Québec qui doit régir tout le monde, quitte,
à l'occasion, à faire peut-être écoutez, ce n'est
pas moi le législateur -quelques exceptions, peut-être pas pour
une ville, parce que, là, il arrive une réaction de chaîne,
mais, pour une région. Je crois que le problème serait
réglé.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Fortier: Je vous remercie.
M. Biron: Je vous remercie. M. le Président, je pense que
je vais suggérer que l'on suspende jusqu'à 20 heures. Il faudrait
se discipliner ce soir, parce qu'on a quatre groupes à entendre dans le
courant de la soirée. Alors, il va falloir être un peu plus
efficace que l'on ne l'a été cet après-midi.
Le Président (M. Rancourt): D'accord. Nous allons
suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures, et j'avise tout de suite les
membres que, à 20 heures, ce sera PHARMAPRIX. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 18 h 7)
(Reprise de la séance à 20 h 6)
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous reprenons les travaux de la commission de l'industrie, du
commerce et du tourisme, qui a pour mandat d'entendre les
représentations des personnes intéressées par le projet de
loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux.
Nous invitons maintenant le groupe PHARMAPRIX à bien vouloir
s'approcher et s'identifier, s'il vous plaît.
PHARMAPRIX
M. Lesieur (Michel): M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés, permettez-moi de vous présenter les personnes
qui m'accompagnent. À ma gauche, nos conseillers juridiques, Mes Norman
Montcalm et Yves Raic. Pour l'occasion, trois de nos membres ont bien voulu
nous accompagner, trois pharmaciens-propriétaires affiliés aux
services PHARMAPRIX depuis dix ans. À l'extrême gauche, M. Jean
Quintal, de Chicoutimi, à ma droite, M. Guy Bussières, de Granby,
et, à l'extrême droite, M. Yves Garon, de Lévis.
Permettez-moi de me présenter; mon nom est Michel Lesieur,
vice-président exécutif de PHARMAPRIX.
Le Président (M. Rancourt): C'est bien, monsieur. Vous
pouvez entamer la présentation de votre mémoire.
M. Lesieur: En commençant, j'aimerais laisser la parole
à Me Montcalm.
Le Président (M. Rancourt): Me Montcalm, vous avez la
parole.
M. Montcalm (Norman): M. le Président, M. le ministre et
MM. les membres de la commission parlementaire, d'abord un aperçu des 35
membres du système PHARMAPRIX et de leurs entreprises. Nos clients sont
tous membres du système PHARMAPRIX, au terme d'un contrat qui leur
permet l'usage de la marque de commerce PHARMAPRIX et aussi de recevoir
d'autres services qui n'ont pas directement trait à la tenue de leurs
pharmacies. Entre autres, nos clients peuvent acheter des produits à
prix modiques, puisqu'ils achètent ces produits en grande
quantité de leurs 250 fournisseurs. Ils peuvent ainsi revendre ces
produits à des prix beaucoup plus concurrentiels et ce, à
l'avantage général des consommateurs qu'ils desservent.
Nos clients emploient au total une centaine de pharmaciens dans toute la
province ainsi qu'environ 700 autres employés. Ceci ne fait
évidemment aucunement état du nombre de pharmaciens et
d'employés visés par des contrats pouvant
provenir d'autres systèmes que
PHARMAPRIX.
Depuis onze ans, nos clients ont engagé des sommes très
importantes dans la poursuite de leurs entreprises respectives. Qu'on en juge.
Ils ont un chiffre d'affaires annuel de 100 000 000 $; des dépenses
annuelles, en publicité, de l'ordre de 3 000 000 $; des salaires
payés qui s'élèvent à 9 500 000 $; des inventaires
dans le système PHARMAPRIX qui s'élèvent à 15 000
000 $ et nos clients font affaires avec 250 fournisseurs.
Nos clients s'opposent à l'adoption de ce projet de loi, tel que
rédigé, pour les motifs suivants: 1. ce projet de loi aurait pour
effet de mettre un frein à l'évolution du commerce de
détail en général et du commerce de produits
parapharmaceutiques en particulier, avec le résultat que nos clients
devraient concurrencer des commerces de toute nature qui vendent des produits
parapharmaceutiques sans toutefois pouvoir eux-mêmes aucunement
concurrencer lesdits commerces dans leur domaine respectif; 2. ce projet de loi
aurait pour effet de faire disparaître, à toutes fins utiles,
l'exception contenue à l'article 5f de la Loi sur les heures d'affaires
des établissements commerciaux de 1969 en ce qui a trait aux produits
pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires. Or, c'est en toute
connaissance de ce texte législatif que nos clients ont investi des
sommes considérables d'argent et de très grandes énergies
dans leurs entreprises et leur progression, et l'adoption de ce projet de loi
viendrait mettre leurs entreprises en grave péril; 3. ce projet de loi a
comme caractéristique importante de manquer de clarté et de
précision dans plusieurs des termes et formulations qu'on y retrouve,
par exemple, et entre autres: denrées alimentaires; menus articles;
produits caractéristiques de son type d'établissement, trois
termes qui n'y sont définis nulle part, créant ainsi un
état d'insécurité juridique extrêmement nocif
à la conduite des affaires et laissant même poindre la
possibilité de réglementation future encore moins précise;
4. l'exception prévue au deuxième alinéa de l'article 5 du
projet de loi est absolument irréaliste pour une pharmacie moderne qui
ne peut évidemment pas fonctionner avec un personnel maximal de trois
personnes; 5. nos clients ont bâti des entreprises extrêmement
utiles pour les consommateurs, ont créé de nombreux emplois dans
tout le Québec et n'acceptent pas que les règles du jeu soient
abruptement modifiées à ce qui semble être à leur
seul détriment; 6. ce projet de loi est de nature protectionniste et,
comme tel, son adoption serait beaucoup plus dommageable que
bénéfique en ce qu'il forcerait nos clients à
réduire leurs heures d'ouverture, diminuant ainsi les services offerts
aux citoyens malades; il réduirait la concurrence avec la
conséquence que le consommateur paierait un prix plus
élevé pour un nombre important de produits d'usage courant; il
provoquerait un nombre certain d'emplois perdus dans les entreprises de nos
clients et mettrait aussi en péril grave la survie de leurs
entreprises.
Bref, ce projet de loi, s'il était adopté dans sa forme
actuelle, créerait une situation de fait inacceptable et
intolérable pour nos clients et les consommateurs qui s'y rendent
régulièrement depuis onze ans. C'est pourquoi nous concluons au
rejet pur et simple du projet de loi 59, tel que rédigé et en ce
qui nous concerne.
J'aimerais aussi, pour faire épargner du temps à la
commission, puisque nous avons pu entendre la présentation faite par Me
Guy Desjardins, à la fin de cet après-midi, mentionner à
la commission que nous faisons nôtres toutes les observations qui ont
été faites par Me Desjardins au nom de Pharm-Escomptes Jean Coutu
sur le plan juridique. On va s'abstenir de les répéter.
Merci.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Je veux vous remercier de votre mémoire et
surtout de nous aider à passer un peu plus rapidement, ce soir, à
travers d'autres mémoires et d'autres groupes. Je vous remercie d'une
façon particulière d'être ici. Je veux juste vous poser
quelques questions sur lesquelles on n'a pas eu d'éclaircissements de la
part d'autres intervenants avant vous.
Au quatrième point, vous mentionnez qu'une pharmacie moderne ne
peut évidemment pas fonctionner avec un personnel maximal de trois
personnes. Oublions ce qui existe présentement - je pourrais
peut-être demander à M. Lesieur de me répondre
là-dessus - les 35 qui sont là, admettons qu'on trouve un moyen
de régler le cas, pour l'avenir, est-ce qu'il y a possibilité...
Vous entendez continuer à délivrer d'autres permis, je suppose;
cela marche avec un permis?
Une voix: Sous franchise.
M. Biron: Sous franchise. Est-ce que, pour l'avenir, il y aurait
possibilité de dire: Pour la pharmacie et les menus articles, cela
fonctionne d'une façon et, quant à la section de l'alimentation,
on pourrait la cloisonner d'une façon qui serait acceptable - encore
là, je ne veux pas vous mettre des murs de ciment de huit pouces
d'épais - et on pourrait fonctionner avec trois personnes en même
temps sur le plancher mais pas plus? Est-ce qu'il y aurait possibilité
à l'avenir de dire qu'on s'organise de cette façon? Je
remarque, si je fais un calcul rapide de votre personnel, qu'il me
semble arriver à ce nombre.
Le Président (M. Rancourt): M. Lesieur.
M. Lesieur: C'est une question à laquelle il est
très difficile de répondre. Je pense que vous avez posé la
question cet après-midi à notre confrère, M. Coutu, et on
doit sensiblement donner la même réponse. C'est que la pharmacie,
de la façon dont nous la concevons, de la façon que nous la
pratiquons, est un tout. Il devient très difficile de séparer ou
de faire des murs; pratiquement, cela devient très difficile. Je ne vois
pas la pharmacie de cette façon.
J'aimerais ajouter - il y a eu, cet après-midi, une
présentation très intéressante - que l'orientation de la
pharmacie au cours des quinze dernières années s'est faite en
réaction aux autres commerces, et je m'explique. Autrefois, il y avait
des produits qui relevaient non pas d'une législation mais d'une
habitude destinée - si on peut employer cette expression - strictement
aux pharmaciens.
Au cours des quinze dernières années -si on se reporte
après 1969 - peu à peu, d'autres commerces comme les magasins
d'alimentation ont fait leurs ces produits. Comme preuve, vous n'avez
qu'à ouvrir un journal, n'importe lequel, et à regarder quelles
catégories de produits sont annoncés par les grands magasins; les
plus grandes surfaces ne sont pas des pharmacies et vous allez voir que, de
plus en plus, elles essaient de bâtir leur commerce sur des produits de
soins de beauté et de santé qui étaient autrefois notre
pain et notre beurre.
En réaction à cela, les pharmaciens ont été
obligés de former des associations, de se regrouper, d'augmenter leur
surface, d'augmenter leur sélection de produits pour satisfaire le
consommateur, en somme, pour garder leur clientèle. Cela s'est fait en
réaction pour arriver à ce qu'on peut appeler aujourd'hui un
état de fait. Nous sommes devant le fait... Il y a des pharmacies
à grande surface et nous sommes maintenant rendus là.
C'est l'explication que je veux donner à cela. Essentiellement,
tout pharmacien, lorsqu'il fait son cours, rêve d'avoir une clinique
médicale et de travailler uniquement dans la prescription. Par la force
des choses, nos membres, entre autres, sont forcés de devenir des
administrateurs, sont forcés de suivre des cours et de développer
d'une façon pratique l'administration d'un commerce. C'est un
état de fait.
Pour ces raisons, personnellement, je crois que c'est important qu'on
puisse conserver notre liberté de manoeuvre dans notre sélection
de produits.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Je ne sais pas si vous êtes avocat, M. Lesieur,
mais vous excellez à ne pas répondre à la question que je
vous ai posée. Je recommence ma question parce que... On ne discutera
pas ce sur quoi on est d'accord. Nous sommes - il ferait un bon ministre -
d'accord que vous puissiez concurrencer les grandes surfaces, que vous vendiez
des souffleuses à neige en semaine, durant les heures d'affaires, cela
ne me fait rien, cela ne me dérange pas, les autres en vendent. Que les
autres vendent des pilules en semaine, on s'entend là-dessus.
La seule chose, c'est qu'en dehors des heures d'ouverture les autres
commerces sont fermés. Vous autres vous avez le droit de vendre des
produits pharmaceutiques, hygiéniques, etc., tout le monde
reconnaît cela, tout le monde est d'accord là-dessus, mais,
lorsque vous vendez des produits que les autres n'ont pas le droit de vendre en
dehors des heures régulières, c'est là que le
problème commence. Je veux dire ceci: Vous n'avez pas le droit de vendre
des caméras très dispendieuses, vous n'avez pas le droit de
vendre des souffleuses à neige ou d'autres choses en dehors des heures
régulières d'ouverture.
Or, vous me dites: Nous avons besoin de plus de trois personnes pour
exploiter notre commerce. Je suis d'accord avec vous, mettez-en quinze dans la
pharmacie, en dehors des heures d'ouverture, c'est excellent. Par contre, si
vous parlez de souffleuses à neige, de caméras ou de choses comme
celles-là, je vous dis: Les autres n'ont pas le droit, parce que les
détaillants de commerce nous disent, à 80% et même plus: II
faut avoir des heures raisonnables de vente de ces produits. Je vais vous
retourner à vos gens d'affaires et vous dire: Parlez au moins à
votre groupe, entendez-vous ensemble; faites un consensus et vous reviendrez
nous voir lorsque vous serez prêts. Mais, à 80%, ils nous disent
non, à l'heure actuelle.
Pour l'alimentation, on a de l'ouverture. On peut vous dire maintenant
ce qu'on ne pouvait vous dire avec l'ancienne loi. L'ancienne loi disait: Trois
personnes au total, incluant le patron. Donc, le pharmacien, la
caissière et une autre personne sur le plancher, c'était le
maximum. La nouvelle loi fait beaucoup d'ouverture; elle dit: Trois personnes,
en même temps, sur le plancher. Le patron n'est pas inclus, c'est un
pharmacien. Il n'est pas inclus et il y a trois personnes en même temps
sur le plancher.
Je crois, d'après ce que je connais de votre commerce, que vous
êtes capables pourvu qu'on ne s'entête pas, et je vous le
répète, à vous faire un mur en ciment d'une
épaisseur de six, huit ou douze pouces -pourvu qu'on s'entende
avec vous, d'exploiter votre section de l'alimentation avec trois personnes en
même temps sur le plancher. Vous n'avez pas le droit de vendre des
articles dispendieux tels que des souffleuses à neige, des
caméras, etc., d'une façon ou d'une autre, vous n'en avez pas le
droit, mais vous avez le droit d'exploiter votre pharmacie avec de menus
articles tels de petites caméras qui se vendent moins de 20 $ ou de
petites choses comme celle-là, il n'y a pas de problème. Si c'est
permis à d'autres, cela vous l'est également.
De ce que je connais de votre commerce, à l'heure actuelle, la
loi telle que présentée vous donne le droit de le faire. Vous
allez me dire qu'il y aurait peut-être certains
réaménagements à faire à l'intérieur.
Peut-être. En tout cas, encore une fois, je vous fais la même offre
que j'ai faite à M. Coutu: je suis prêt à m'asseoir avec
vous et à regarder, pour le passé, avec vos 35 membres, ce qu'on
est capable de faire avec eux et, pour l'avenir, qu'on s'organise pour que tout
le monde au Québec puisse avoir la même loi et vivre sous le
même régime.
Le Président (M. Rancourt): M. Lesieur.
M. Lesieur: Si vous me permettez de vous répondre, ce
n'est pas une réponse politique, la question mériterait
certainement d'être étudiée. À première vue,
de la façon que nous développons nos commerces, nous percevons la
pharmacie comme un tout, ou enfin, comme une entité en soi. À ce
moment, si on parle de cloisonnement, c'est un problème pour nous. Comme
je vous l'ai dit, il y aurait certainement lieu - je pense que cela devrait
être fait en collaboration avec votre ministère, ce serait
très important, si on allait jamais jusque là - que nous
puissions avoir droit au chapitre et que nos observations et nos indications
soient suivies. Il y a un état de fait actuellement et on veut changer
cet état de fait.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Je puis vous dire là-dessus qu'on est venu en
commission parlementaire cette semaine avec beaucoup d'ouverture d'esprit, des
deux côtés de la Chambre. Des deux côtés de la table,
on a dit: Nous voulons écouter les gens et voir, par des observations,
peut-être à l'extrême des deux parties, comment on peut
faire pour avoir au moins la façon de vivre la plus ordonnée
possible par l'entremise des gens d'affaires du Québec. Or, vous pouvez
être assurés de notre ouverture d'esprit.
Ce que vous nous dites dans votre mémoire et ce que je connais de
votre genre de commerce, c'est qu'il fonctionne assez bien jusqu'à
maintenant. Il n'est pas tellement âgé non plus; il ne date pas
d'une vingtaine d'années, ni d'une cinquantaine et vous avez des
représentants dans toutes les régions du Québec, aussi
bien sur la Côte-Nord qu'à Montréal.
Je pense qu'il est important que nous essayions de discuter avec vous
pour en venir à une façon de vivre susceptible de répondre
aux besoins de la majorité des commerçants du Québec.
Le Président (M. Rancourt): M. Lesieur.
M. Lesieur: Notre organisation veut faire preuve de bonne
volonté, c'est évident. Elle l'a toujours fait dans le
passé et elle essaie d'être un bon citoyen corporatif. J'aimerais
faire quelques autres observations.
Le Président (M. Rancourt): Allez-y!
M. Lesieur: Un point très important n'a pas
été signalé cet après-midi: pour se faire
connaître, en tant que pharmacie ou en tant que commerce relié
à la pharmacie, vous savez sans doute que, dans le Loi sur la pharmacie,
il est défendu d'annoncer les produits d'éthique, par
règlement de l'Ordre des pharmaciens. Je ne donnerai aucun nom, mais
tout le monde est sûrement allé dans une pharmacie et a
déjà acheté des produits, que j'appelle d'éthique,
vendus, par législation, strictement en pharmacie, parce que, dans
certains cas, il pourrait être dangereux d'utiliser ce
médicament.
Il est défendu d'annoncer ces produits-là; il est
défendu d'annoncer la prescription. Notre part de marché se
rétrécit au niveau des soins de beauté et santé.
Alors, qu'est-ce qu'il nous reste? Disons que c'est un point qu'il est
très important de comprendre. Comme j'ai essayé de l'expliquer,
ce n'est pas une excuse et ce n'est pas un bien ou un mal, mais la situation du
commerce nous a forcés à fonctionner de cette
façon-là. Ce n'est peut-être pas à la base ce qu'on
désirait, mais on en est rendu là maintenant. Je pense que c'est
un point très important, la façon de faire notre
publicité. Nous devons concurrencer les magasins d'alimentation, les
grandes surfaces. Au niveau des soins beauté et santé, nous ne
pouvons pas annoncer les produits d'esthétique; certaines compagnies de
cosmétiques nous limitent dans l'annonce. Alors, il nous reste des
produits reliés de près ou de loin au parapharmaceutique ou
à l'alimentation. Disons que c'est un point très important.
Aussi, au nom de nos pharmaciens, j'aimerais vous signaler ceci: on est
ici et on veut faire des représentations. C'est principalement au nom de
nos pharmaciens; ils sont 35 pharmaciens-propriétaires
affiliés
au service PHARMAPRIX. Ce sont réellement des entrepreneurs.
Donc, ils possèdent un commerce. Ils y investissent beaucoup de temps et
d'énergie au départ, disons les deux ou trois premières
années, même des fois c'est plus long. C'est absolument difficile.
J'ai eu une pharmacie pendant neuf ans. La première année, on
était ouvert de 9 heures à 21 heures le samedi et de 9 heures
à 18 heures le dimanche. Je me rappelle avoir fait 40 fins de semaine,
à part ma semaine régulière, la première
année. Alors, c'est à titre d'exemple.
On y investit beaucoup de temps et d'énergie et on essaie de
bâtir en considérant les conditions du marché. C'est
très important - je pense que vous l'appréciez - que les membres
de la commission apprécient ce fait-là. M. Coutu a fait le point,
cet après-midi. Il a dit à peu près la même chose en
d'autres mots, peut-être d'une façon plus détaillée.
Mais c'est très important d'apprécier ce fait-là.
De toute façon, nous croyons personnellement que la pharmacie de
l'avenir, c'est la pharmacie à grande surface, c'est la pharmacie avec
une sélection de produits très étendue. Je pense que nous
rendons - la compagnie comme telle et nos pharmaciens -des services très
appréciés de la population. Tantôt, on a dit - je ne sais
pas si cela a été noté - qu'on a un million de clients par
mois; on a quand même beaucoup de gens qui viennent dans nos pharmacies.
Peut-être qu'eux aussi sont de bons juges de notre situation.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Une dernière question, M. Lesieur. Vos
pharmacies sont ouvertes, pas 24 heures par jour, je suppose, mais de 9 heures
à 21 heures ou après 21 heures; elles sont ouvertes le dimanche
aussi?
Le Président (M. Rancourt): M. Lesieur.
M. Lesieur: Rapidement, sans entrer dans les détails, nos
pharmaciens ont certains critères de base, mais nos pharmaciens sont des
entrepreneurs. Ils font leurs achats. Ils décident de leurs heures
d'ouverture. Évidemment, il y a un nombre minimal d'heures; si un membre
veut ouvrir de 10 heures à 16 heures, on ne sera pas d'accord. Mais ils
décident. Alors, certaines pharmacies, comme celle de notre ami Quintal,
depuis onze ans... J'aimerais lui laisser la parole, c'est important. Ces
messieurs vivent la situation, je pense.
Le Président (M. Rancourt): M. Quintal.
M. Quintal (Jean): Alors, à titre d'exemple, le jour de
l'an et le jour de Noël, il y a des gens qui ont certains malaises le
lendemain de la veille; ce serait sûrement difficile de donner le service
pharmaceutique à la clientèle si on n'a pas le choix de produits
à dispenser. Je pense que c'est essentiel. Mon confrère de classe
Jean Coutu l'a dit cet après-midi. Je partage entièrement son
avis. C'est qu'il y a beaucoup de services professionnels qu'on donne au niveau
de la pharmacie, qu'on offre à la clientèle. Chez moi, ce n'est
pas 91 heures, c'est 86 heures, depuis 11 ans, à Chicoutimi. Je ne
pourrais sûrement pas, si j'avais une pharmacie à petite surface,
ouvrir 365 jours par année et pouvoir vivre et payer d'autres
pharmaciens pour m'aider.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Cela veut dire qu'en moyenne vous ouvrez de 9 heures
jusqu'à 21 heures, à peu près chaque jour.
M. Quintal: Jusqu'à 22 heures, 5 jours par semaine, et le
samedi et le dimanche jusqu'à 18 heures.
M. Biron: D'accord.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, je vais laisser la parole
à mon collègue, le député d'Outremont. (20 h
30)
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, j'aimerais prendre avantage
de la visite des gens de PHARMAPRIX pour en savoir un peu plus. J'ai bien
compris la nature de vos doléances, mais j'aimerais savoir si PHARMAPRIX
est organisée - elle semble l'être - de la même façon
que les Pharm-Escomptes Jean Coutu. Est-ce que, tenant compte de la dimension
des surfaces que vous avez, de la nature des produits que vous vendez et de la
façon générale dont vous fonctionnez, on peut dire que
vous êtes dans le même genre d'affaires, que vous êtes en
concurrence, ni plus ni moins? Est-ce qu'il y a des caractéristiques de
fonctionnement de votre groupe qu'il serait important de savoir pour le
législateur, ou est-ce qu'à toutes fins utiles il s'agit des
mêmes problèmes, des mêmes situations et de la même
conjoncture?
Le Président (M. Rancourt): M. Lesieur.
M. Lesieur: Généralement, oui. Il y a quelques
caractéristiques qui sont différentes. Nous sommes - en
quantité - un peu plus
dans les centres commerciaux, et nos 35 pharmacies sont en franchise, ce
qui n'est pas le cas des autres organisations. Nous sommes à peu
près la seule organisation où tous les membres sont en franchise
sauf, peut-être, quelques organisations mineures. À ma
connaissance, nous sommes les seuls.
Je pense aussi que la façon dont on travaille,
c'est-à-dire dont nos membres font leurs achats diffère; nous
n'avons pas de distribution centralisée. Or, pour ce qui concerne la
quantité et la sélection de la marchandise, nous avons à
peu près la même caractéristique que nos concurrents, Jean
Coutu ou d'autres.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Autrement dit, si on sort des produits autres que
pharmaceutiques, les produits de beauté, etc., quand on passe aux autres
produits, est-ce que la gamme que vous en offrez est à peu près
la même?
M. Lesieur: C'est à peu près la même; cela
varie cependant d'une pharmacie à l'autre, comme je l'ai dit
tantôt, selon la situation. Étant donné l'autonomie que
notre entrepreneur a dans sa région où dans sa localité,
il peut énormément varier la sélection de sa marchandise.
Nous n'avons peut-être pas une sélection de produits aussi vaste
que notre concurrent.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je vois que, dans votre mémoire, vous dites
que vous avez un chiffre d'affaires de 100 000 000 $; des dépenses
annuelles en publicité de 3 000 000 $. Je voudrais vous avouer qu'en
publicité cela me semble élevé, mais je ne m'y connais pas
beaucoup, c'est 3% de votre chiffre d'affaires. Il s'agit là d'un
pourcentage qui me semble élevé, peut-être que je n'ai pas
raison de dire qu'il est élevé, parce que votre organisation est
nouvelle, ou est-ce le genre d'affaires que vous faites qui vous oblige
à faire ce genre de dépenses?
Le Président (M. Rancourt): M. Lesieur.
M. Lesieur: C'est un montant normal. Dans un montant comme
celui-là, la moitié est payée par les membres et l'autre
moitié, c'est ce qu'on appelle la coop des compagnies qui le paie quand
elle veut annoncer un produit. Je crois que c'est un montant normal.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Quand vous dites que c'est normal, si on compare cela
à d'autres genres de commerce, c'est à peu près la
même chose?
M. Lesieur: C'est la même chose. M. Fortier: Je vous
remercie.
Le Président (M. Rancourt): Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants? M. le ministre. Oui, M. Raie.
M. Raic (Yves): Pour les fins du journal des Débats, mon
nom est Raic, et non pas Wreck ou toutes sortes de manières dont on peut
vouloir le prononcer. Fondamentalement, ce qu'on a expliqué tantôt
du mouvement des pharmacies et de la réaction qui s'est faite dans les
pharmacies, c'est que le projet de loi, tel que nous le concevons ou tel que
nous le comprenons, a pour effet... Avant de continuer plus loin,
peut-être devrais-je préciser notre attitude à nous en
résumant un peu l'attitude de M. le ministre, qui nous dit:
Fondamentalement, pourquoi est-ce qu'on vous laisserait ouvrir plus longtemps
pour vendre les mêmes produits autres que pharmaceutiques et
parapharmaceutiques que les autres?
La raison provient du fait, essentiellement, que ce projet de loi, s'il
était adopté dans sa teneur actuelle, nous ramènerait, si
on veut, en quelque sorte, au même niveau ou aux mêmes heures
d'ouverture que les autres. Il oublie fondamentalement que nous sommes
astreints à d'autres règles. Tout à l'heure, M. Lesieur
les a brièvement évoquées. Ce sont, notamment, les
règles qui sont édictées en vertu de la Loi sur la
pharmacie et des règlements qui la régissent, notamment les
règlements sur la publicité. Par exemple, on ne peut pas annoncer
des produits d'éthique alors que d'autres commerçants peuvent le
faire. Je donne l'exemple des sirops décongestionnants, que nous ne
pouvons pas annoncer mais qui peuvent fort bien se vendre ailleurs et que les
autres peuvent annoncer. Nous mettre sur le même pied que d'autres, alors
que nous sommes astreints à des règles plus exigeantes, ce serait
ne pas fonctionner.
Je dois vous dire, pour expliquer l'attitude générale qui
a prévalu chez mes clients au début, quand ils sont venus me
voir, qu'on a reçu deux bonnes nouvelles coup sur coup. On a reçu
le projet de loi 59, sur lequel il fallait déposer les mémoires
avant le 1er février, et on a reçu, pour la simple information de
la commission, un projet de règlement, qui est maintenant sur le bureau
- j'imagine, enfin - du ministre de l'Éducation, M. Laurin, de l'Ordre
des pharmaciens, qui veut en plus, au même moment où l'on discute
de ce projet de loi, empêcher les pharmaciens dans toute la
province de Québec, s'il s'en faut, d'utiliser le préfixe
ou le suffixe "pharm". On se serait concerté et on n'aurait pas mieux
réussi.
Alors, si, en plus de cela, on est astreint à d'autres
règles, si les autres peuvent vendre les mêmes produits sur
lesquels on n'a même pas le droit de faire la même
publicité, je pense qu'on va nous remettre dans une situation encore
pire que celle qui prévalait avant que les pharmaciens sentent le besoin
de lancer la formule. Mais la formule qui existe aujourd'hui n'existe pas
uniquement chez Jean Coutu, chez PHARMAPRIX, chez UNIPRIX, chez n'importe qui;
elle existe chez tous les pharmaciens indépendants. Il s'agit de tout le
monde. Il s'agit de 1200 pharmaciens indépendants, qui ont tous la
même formule, qui sentent tous le besoin de vendre des produits et qui
ont tous bénéficié de la loi telle qu'elle existait
avant.
Peut-être que la loi actuelle a créé une
espèce de - entre guillemets - "affirmative action" pour pharmaciens, en
quelque sorte. Si on adoptait le projet de loi actuel - et on est bien heureux
de l'ouverture que nous a faite M. le ministre tantôt - tel qu'il est
rédigé à l'heure actuelle, on nous met dans une situation
pire qu'un dépanneur ou un commerçant ordinaire dans la mesure
où il y a d'autres règles qui s'appliquent à nous et qui
ne s'appliqueraient pas à eux. C'est ce qui fait que les pharmaciens ont
pu prospérer aujourd'hui, comme l'a démontré, avec
beaucoup de brio d'ailleurs, l'intervenant précédent, M. Jean
Coutu.
C'étaient les remarques additionnelles que je voulais faire.
Le Président (M. Rancourt): Merci. M. le ministre.
M. Biron: M. Raic, je vous remercie de vos remarques. Cela me
fait encore mieux comprendre, dans le fond, que votre mémoire a
été préparé avec une nette vision du projet de loi.
On aurait peut-être dû se rencontrer avant et en discuter un peu
plus. Je suis persuadé, à la lecture de votre mémoire et
devant l'exposé surtout de la situation de vos membres - les 35 membres
-que le projet de loi 59, si on en discute, vous offre une marge de manoeuvre
qui vous permettrait, à l'avenir, en tout cas de fonctionner. Mais,
encore une fois, je vous fais la même offre que j'ai faite à M.
Coutu précédemment: nous sommes ici pour vous écouter
d'abord, réfléchir sur le dépôt de vos
mémoires et sur vos interventions. Et, entre cette réflexion et
une décision qui devrait nous amener à l'adoption d'une nouvelle
Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux, je suis
prêt à rencontrer votre groupe et à discuter avec vous pour
voir s'il n'y aurait pas d'autres accommodations qu'on pourrait faire, toujours
en tenant compte aussi des interventions d'autres intervenants dans le secteur
du commerce de détail.
Le Président (M. Rancourt): M. Raic.
M. Raic: Je ne sais pas si c'est bien fondé d'adresser une
question au ministre, mais avez-vous une vague idée de la marge de
manoeuvre que vous avez en tête, à peu près?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Je ne sais pas si vous avez entendu d'autres
mémoires ou si vous avez pris connaissance d'autres mémoires,
particulièrement de l'Association des détaillants en
alimentation, ou si vous avez lu le mémoire de l'Association des petits
commerçants québécois, ou le mémoire du Conseil
québécois du commerce de détail, vous avez là quand
même une idée d'où la très vaste majorité des
commerçants québécois veut aller. À partir de
là, je suis disposé à vous rencontrer et à discuter
avec vous pour voir comment on peut faire en sorte que votre groupe puisse
s'insérer à l'intérieur de la loi, mais avec toute la
flexibilité qu'on peut y apporter. Lorsque vous parlez d'une
libéralisation du commerce sous toutes ses formes, je suis un fervent de
cela, naturellement, mais toujours en mettant certaines normes qui font en
sorte que les gens puissent vivre le plus convenablement possible à
l'intérieur de ces normes.
Je vous remercie d'être venus et je vous remercie surtout de vous
être axés directement sur des points qui n'avaient pas encore
été discutés jusqu'à maintenant.
Le Président (M. Rancourt): Donc, on remercie le groupe
PHARMAPRIX. S'il vous plaît! S'il vous plaît! Nous allons demander
à l'Association des marchés publics du Québec de prendre
place à la table et de présenter ceux qui la
représentent.
Association des marchés publics du
Québec
M. Laforest (Gilles): M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés. Je vais vous présenter nos
représentants. À ma gauche, M. Jean Rizzuto, du Marché
public 440, Laval, qui est notre vice-président; M. Maurice Corey qui
est le représentant des marchands du Marché public 440, à
Laval; à mon extrême droite, M. Noël Charland, marché
en construction à Québec Les Halles Fleur-de-Lys, à ma
droite, M. Antoine Geloso, vice-président qui représente le
Marché Saint-Léonard; moi-même, Gilles Laforest, je
représente Les Halles de Longueuil, et je suis président de
l'association qui vous rencontre ce soir, et, finalement, Me Denis
Boudrias, conseiller juridique, qui va vous présenter notre
mémoire.
Le Président (M. Rancourt): M. Boudrias.
M. Boudrias (Denis); M. le Président, M. le ministre, je
ne voudrais pas relancer le ministre mais un ancien député de
l'Assemblée nationale devenu juge à la Cour d'appel, Antoine
Rivard, avait déjà dit un jour, en boutade: Lorsque vous
témoignez devant une cour ou devant une commission parlementaire, vous
dites la vérité, toute la vérité, rien que la
vérité, votre avocat dira le reste. Je ne sais pas si c'est dans
cet esprit que le président de l'association me demande de faire la
présentation du mémoire...
M. Laforest: C'est toute la vérité.
Le Président (M. Rancourt): C'est M. Laforest, cela.
M. Boudrias: Je vais tenter non pas de vous lire le
mémoire, mais de vous en donner les points principaux. Comme
association, nous partons de loin, l'association est toute récente, elle
n'a été incorporée, comme compagnie
québécoise sans but lucratif, qu'au cours des dernières
semaines. C'est ce qui explique que nous n'avons pas participé à
la consultation qui a été faite par le ministre l'an dernier.
Étant arrivés un peu tard dans le débat, nous avons
voulu participer d'une façon pleine et entière à cette
commission parlementaire et suivre son déroulement à compter du
début, pour nous aussi, nous faire une bonne opinion des autres
positions défendues par les groupes qui sont venus devant vous
jusqu'à maintenant. Nous savons qu'il est important pour nous de voir ce
que les autres avaient à dire, de voir vos réactions, MM. les
membres de la commission, pour ensuite arriver avec une position plus à
point, qui ne fasse pas redondance avec des choses déjà dites, et
vous présenter peut-être une réaction à ce que nous
avions entendu.
Qu'est-ce que l'Association des marchés publics? C'est une
association qui regroupe actuellement tous les marchés publics que l'on
retrouve au Québec. Il y en a neuf qui sont construits et en
opération et cinq qui seront en opération très
prochainement, au cours des mois qui viennent. À l'annexe A de notre
mémoire, vous avez la liste de tous ces marchés autant ceux qui
sont en opération que ceux qui ouvriront bientôt.
Que sont les marchés publics? Les marchés publics sont un
regroupement de petits détaillants, tous indépendants, petits
producteurs agricoles qui, plutôt que de vendre leurs produits aux
producteurs agricoles chez eux ou de les vendre aux grandes chaînes
d'alimentation, ont décidé de se regrouper sous un même
toit pour offrir aux consommateurs un plus grand choix de produits frais et
aussi de produits d'alimentation un peu plus raffinés, des produits
fins, des épices, des pâtes, des choses un peu plus
spéciales.
Qu'est-ce qu'on retrouve dans les marchés d'alimentation?
Qu'est-ce qu'un marché? Est-ce que c'est une bâtisse tout
simplement? C'est beaucoup plus que cela. Dans un marché, on retrouve de
l'âme, on retrouve de la tradition. Dans le fond, aujourd'hui, on
retrouve dans le marché public ce qu'on retrouvait dans nos
marchés, dans nos villes et villages il y a 25 ou 50 ans.
J'écoutais l'Association des expositions agricoles - je ne sais pas si
c'est comme cela qu'elle s'appelle - j'écoutais Me Jules Allard et les
représentants de l'association, qui nous parlaient du folklore autour
des expositions agricoles; on pourrait en dire autant des marchés
publics. J'ai été élevé à
Saint-Jean-sur-Richelieu, où il y a encore un marché depuis 104
ans au moins. À côté de chez nous, à
Saint-Hyacinthe, il y en a un aussi.
Partout au Québec, dans le fond, il y avait des marchés
où les producteurs de la région se regroupaient différents
jours de la semaine et venaient présenter leurs produits aux
consommateurs. C'était un lieu de rassemblement et de rencontre. On y
rencontrait le maire, on y rencontrait le président de la commission
scolaire, son voisin, tout le monde, dans le fond. (20 h 45)
Une voix: Le député.
M. Boudrias: Le député aussi. Combien de
députés, messieurs, se sont fait élire parce qu'ils ont
été présents à leur marché public durant
quatre ans? Je pense que, comme vous le dites, M. le député...
Quel est votre comté? Vous êtes M. O'Gallagher.
M. O'Gallagher: Oui. Le Marché de l'Ouest.
M. Boudrias: C'est Robert Baldwin. C'est ce que je cherchais. Le
Marché de l'Ouest, c'est dans votre comté, effectivement.
C'était un lieu où tout le monde essayait de se retrouver...
Des voix: ...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Boudrias: J'aimerais parler d'un sondage que nous avons fait.
Je dois avouer que cela ne donne pas les tendances
électorales, malheureusement.
Une voix: Heureusement pour eux!
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Boudrias: Qu'est-ce qu'on retrouve dans un marché
public? Dans la revue L'alimentation au Québec du mois de
décembre 1983, la directrice de la revue disait ceci: "Marchés
publics, commerces spécialisés, magasins aux dimensions plus
humaines que l'on divise en sus en petites boutiques pour les humaniser
davantage, voilà donc que les Québécois
redécouvrent la romance, le pittoresque et l'originalité." C'est
cela les marchés publics. C'est un retour aux sources et c'est dire aux
Québécois: Le marché que vous aviez autrefois en plein
air, avec la pluie, toutes les intempéries, vous avez cela maintenant
d'une façon plus moderne. Vous retrouvez les viandes qui se vendaient
autrefois, mais, maintenant, c'est vendu dans des conditions plus
hygiéniques, des conditions beaucoup plus acceptables.
Qu'est-ce que le marché public apporte au consommateur? Il lui
apporte des produits frais. On relance la mode des produits frais. Pas qu'il
n'y en avait pas ailleurs, il y en a toujours eu ailleurs. Par contre, d'en
trouver autant dans un même lieu, bien présentés, cela
redonne le goût aux consommateurs des produits frais et il a le choix.
Cela me rappelle que dans les villes et villages, autrefois, après la
grand-messe, on allait au magasin général où on faisait
ses achats pour la journée. On allait aussi à la boucherie
à côté qui était ouverte. Cela ne remonte pas
à tant d'années que les boucheries étaient ouvertes le
dimanche. Déjà, dans ce temps, je me souviens, il y avait au
moins quatre ou cinq employés, parce qu'il y avait du monde après
la grand-messe, le dimanche. Il fallait servir parce qu'après cela on
voulait aller au bord de l'eau, faire autre chose.
Le consommateur a des produits plus frais et il a un plus grand choix.
Si vous allez dans un marché conventionnel d'alimentation et que vous
voulez vous procurer, disons, des carottes, vous allez avoir une sorte de
carottes dans un étalage au prix que la chaîne veut bien vous les
vendre. Si vous êtes dans un marché public, l'été,
vous allez en avoir quinze qui vont vouloir vous vendre des carottes
à des prix différents, de qualités différentes.
Vous pouvez les regarder et décider: Voilà celles que je veux
à ce prix. Vous avez des produits plus frais. Étant donné
la concurrence qui existe entre les producteurs et les marchands qui vendent
des produits de même nature, ils doivent vous offrir un produit de
meilleure qualité. Quant aux prix, ils ne peuvent pas vous charrier
parce que le gars à côté, il en vend lui aussi. La
concurrence joue. J'ai aimé les remarques que faisait le
député d'Outremont cet après-midi à M. Jean Coutu
quant aux prix dans les pharmacies. Dans le fond, on retrouve, dans les
marchés publics, une saine concurrence dans les produits d'alimentation
qu'on ne retrouve nulle part ailleurs au Québec. Je pense que pour le
consommateur, c'est extrêmement sain.
On va parler tantôt d'un sondage qu'on a fait récemment.
Cela va vous être déposé ce soir. L'idée
n'était pas d'arriver avec un "punch" de dernière minute, mais on
ne devait avoir ce sondage qu'à la fin de février et nous avons
réussi, en tordant les bras de tout le monde, à l'avoir pour la
commission parlementaire. Finalement, nous l'avons eu aujourd'hui et nous
allons le déposer en commission tantôt. Le sondage va montrer
très clairement que les consommateurs veulent que les marchés
publics soient ouverts le dimanche.
Maintenant, regardons les marchés publics du point de vue du
producteur agricole. Le gros producteur agricole n'a pas trop de
problèmes. Il a une grosse production. Il va, à l'occasion,
être malheureux du prix que Steinberg ou Provigo va lui donner pour sa
laitue, pour ses pommes, pour ce qu'il produit. Le petit et le moyen
producteur, lui, ne se rendra même pas chez Steinberg ou chez Provigo. Il
ne produit pas de quotas suffisants pour vendre aux chaînes, aux grands
de l'alimentation. Par contre, s'il peut vendre lui-même ou par un
intermédiaire, parce que, dans les marchés publics, il y a aussi
des intermédiaires qui vendent: les boutiquiers qui ne produisent pas,
mais qui sont spécialistes de la vente, eux, disent au cultivateur: Toi,
tu es bon pour produire, tu vas produire et moi je vais vendre tes produits.
Cela existe aussi en partie. C'est un débouché inouï pour
les produits.
Combien de cultivateurs, dans les régions
périphériques de Montréal ou Québec, avaient des
terres très riches et ont cessé de produire, à un moment
donné, parce qu'il n'y avait pas de débouchés? Vendre
à un comptoir sur le bord du chemin devant la porte, c'est inutile. Il
ne passe pas de monde. Ils vendent aux voisins, à quelques passants le
dimanche et c'est tout. Vendre dans les grandes chaînes, ils ne pouvaient
pas. Ou, s'ils le pouvaient, ils devaient vendre à des prix qui
faisaient que cela n'était pas intéressant de produire. Tandis
qu'au marché public ils peuvent écouler leurs produits.
M. O'Gallagher disait à d'autres intervenants plus tôt
cette semaine qu'il avait vu au Marché de l'Ouest 5000 à 10 000
personnes passer un dimanche. Et ce n'est pas rare; c'est comme cela tous les
dimanches et c'est comme cela dans tous les
marchés. Alors, imaginez les autres jours de la semaine, il y a
beaucoup de monde aussi. C'est un débouché extraordinaire pour un
producteur agricole. Depuis le temps qu'on veut revaloriser l'agriculture au
Québec, qu'on veut remettre nos terres en valeur. C'est bien beau de
faire cela sur papier au ministère de l'Agriculture, mais sur le terrain
il faut les vendre quelque part, ces produits agricoles. On n'ira pas les
vendre en Californie; c'est ici qu'on va les vendre. Et les marchés
publics, il me semble, sont un excellent débouché pour les
vendre. C'est une façon, je pense, de stimuler énormément
l'agriculture que d'encourager l'éclosion et le développement des
marchés publics. Il y en a neuf actuellement; il y en aura quinze
bientôt. Et rien ne dit qu'il ne pourrait pas y en avoir une vingtaine au
Québec. Je ne vous dis pas qu'il va y en avoir cinquante; il n'y a
probablement pas de place au Québec pour cinquante marchés
publics. Ce n'est pas une loi qui va nous le dire. C'est le consommateur qui va
dire: Arrêtez, il y en a assez. Le marché va s'autodiscipliner. Je
pense que l'une des grandes lois du marché - on a parlé, par
exemple, d'ouverture de 17 heures à 18 heures. La plupart des
intervenants, pour ne pas dire tous, ont dit: Non, on n'en veut pas des 17
à 18 heures le samedi, parce qu'à partir de 16 h 30 il n'y a plus
personne. Même si la loi leur donnait jusqu'à 19 heures, ils
n'ouvriraient pas. Je pense que le marché s'autodiscipline et les gens,
à un moment donné, le samedi, tirent la ligne. C'est samedi soir;
ce n'est plus samedi après-midi et on fait autre chose que
magasiner.
Maintenant, quel est l'impact du marché sur les autres commerces
d'alimentation? On a parlé beaucoup des petits dépanneurs. Est-ce
que le marché public affecte le petit dépanneur? Nous vous
soumettons que non. Le petit dépanneur vend du produit d'appoint, pain,
lait, beurre, cigarettes, chocolat, journaux, alors que le marché public
vend des produits beaucoup plus spécialisés, beaucoup plus
sophistiqués. L'individu qui reçoit quelqu'un chez lui à
la dernière minute - comme le disaient les gens d'OCTOFRUIT et d'autres
- et qui veut offrir quatre ou cinq variétés de fromage ou des
charcuteries à ses invités, n'ira pas chez le dépanneur.
Le dépanneur ne vend pas cela; il ne vendra jamais cela. Il va aller au
marché public. Ce qu'on veut dire par là, c'est que le
dépanneur, dans le fond, n'a pas à craindre les marchés
publics. Les marchés publics existent depuis 1979 dans le cas des Halles
de Longueuil et, à ce que je sache, il n'y a pas eu de dépanneurs
ou d'autres marchés d'alimentation qui ont fait faillite depuis 1979
dans le secteur. Le Marché de l'Ouest existe depuis trois ans; les
autres marchés, à Laval et à Longueuil, depuis un an ou
deux et je pense que c'est la même situation. Ce qui affecte les
dépanneurs - et cela a été dit par plusieurs intervenants
-c'est beaucoup plus le dépanneur spécialisé du type La
Maisonnée ou Provisoir. Probablement que cela peut affecter beaucoup le
petit dépanneur, mais pas le marché public. Et on n'affecte pas,
non plus, la grande surface. Dans l'enquête de SECOR dont on va vous
parler tantôt, on nous dit que l'ensemble des Québécois
continue à effectuer son marché d'alimentation chez Steinberg,
chez Provigo, chez Métro-Richelieu. On vient dans les marchés
pour des commandes d'appoint, pour des commandes secondaires. Dans ce
sens-là, on n'enlève pas la commande principale aux grands de
l'alimentation; ce n'est pas le marché qu'on vise. Et je ne pense pas
que ce soit le marché qu'on récolte un jour. C'est autre chose
qu'on vise.
Dans l'économie en général, il y a à peu
près 800 commerces dans les marchés publics actuels; 400
producteurs agricoles vont vendre à l'extérieur et 400
boutiquiers et petits commerçants indépendants vont vendre
à l'intérieur du marché. L'amendement que nous vous
demandons, nous avons tenté bien humblement de l'écrire dans le
mémoire, non pas pour dire au législateur comment
légiférer, mais pour indiquer au législateur dans quel
sens l'association souhaitait l'amendement. On suggère "les
marchés publics dont l'activité principale est la vente de
produits agricoles à l'extérieur par des producteurs et des
commerçants indépendants - ce sont des produits agricoles et
c'est vendu par des commerçants indépendants les uns des autres -
et à l'intérieur de produits d'alimentation en
général par des commerçants et boutiquiers
indépendants". Cela dit tout ce que cela veut dire. Ce ne sont pas trois
grandes chaînes sous un même toit, ou une seule grande chaîne
qui vend des produits, mais des commerçants ou des boutiquiers
indépendants.
Vous allez sans doute nous demander à la période de
questions si nous sommes prêts à libéraliser pour
l'ensemble du secteur de l'alimentation. Si le Québécois est
prêt à cela, pourquoi pas? On n'est pas là pour restreindre
la loi, en aucune façon. Mais ce que nous vous demandons, c'est un
amendement spécifique pour les marchés publics qui sont une
réalité au Québec depuis cinq ans, une
réalité qui a prouvé qu'elle avait sa place au
Québec et qui répond à un besoin du consommateur.
Cela m'amène, à vous parler du sondage que nous avons
demandé à la maison SECOR. J'aimerais déposer, avec votre
permission, le sondage fait par la maison SECOR au mois de février. Je
vais attirer votre attention, dans le document, sur les pages jaunes, au
centre, qui contiennent les faits saillants et les conclusions du sondage,
quitte à ce qu'on aille, un peu plus tard, dans les autres pages
si c'est nécessaire.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Vous allez essayer de résumer, si vous voulez.
Parce que si l'on commence à tout lire cela, les deux groupes qui
restent vont finir très tard ce soir. Je pense qu'il faudrait se
discipliner. Cela fait une vingtaine de minutes que vous faites votre
présentation. J'aimerais bien vous entendre sur l'essentiel, surtout sur
les points que vous voulez développer, afin que l'on puisse vous poser
des questions.
M. Boudrias: D'accord, M. le ministre. J'avais terminé
avec le mémoire. Sauf que je voudrais attirer votre attention sur
certaines données de SECOR, qui se trouvent à la page 25, et qui
nous disent ceci: En 1982, le marché global de l'alimentation au
Québec a représenté 7 500 000 000 $. Là-dessus, les
spécialistes, dont nous comprenons à peu près le tiers,
puisque nous parlons d'un chiffre d'affaires global de 200 000 000 $...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Je voudrais être en mesure de vous suivre.
Pouvez-vous nous dire à quel endroit vous prenez les chiffres?
M. Boudrias: À la page 25 de notre mémoire, M. le
député de Laporte.
Une voix: Du mémoire.
M. Bourbeau: À la page 25 du mémoire.
Ah bon! Je m'excuse, je croyais que c'était dans le document de
SECOR. Très bien, allez-y.
M. Boudrias: Je vous avais renvoyés plus tôt aux
pages jaunes.
M. Bourbeau: J'étais dans l'autre document que l'on vient
de m'apporter.
M. Boudrias: C'est la dernière mention que je fais au
sujet du mémoire comme tel. Le tableau de la page 25 vous indique que
les marchés publics, avec 200 000 000 $ de chiffres d'affaires par
année, globalement, représentent à peu près 2% du
chiffre global de 7 500 000 000 $. Lorsque l'ADA ou d'autres groupes vous
disent: Les marchés publics sont un danger, je ne vois vraiment pas
comment. On parle de 2% du marché. Même si cela doublait, on
prendrait 4% du marché.
Quant au mémoire, je vous ramène immédiatement
à la question du dimanche. Vous avez souligné - le
député de Laporte ou le député d'Outremont -
à l'ADA, ce matin, que la question n'avait pas été
posée clairement dans le sondage de Cogem, à savoir si les
consommateurs voulaient que ce soit ouvert le dimanche. La question
était: Êtes-vous satisfaits des heures actuelles d'affaires? La
réponse était prévisible et elle a été,
effectivement, très forte. Il faut souligner que le sondage de l'ADA
remonte à un an et demi. Je pense qu'on parle de juillet 1982. Il faut
souligner également que le sondage de l'ADA a été fait
l'après-midi auprès de ménagères, dans l'ensemble
du Québec, donc de femmes qui ne travaillent pas.
Le sondage de SECOR va vous indiquer très clairement que 48% des
femmes, suivant les statistiques de 1981, étaient au travail. Donc,
immédiatement, on voit que l'échantillonnage pris par Cogem
n'était pas représentatif, alors que le nôtre l'est. Le
sondage fait par SECOR a été fait dans les zones où il y a
des marchés publics. L'échantillonnage est fait auprès
d'environ 800 personnes. Nous nous sommes dit, M. le Président, M. le
ministre et messieurs, que si nous allions demander aux gens s'ils veulent que
les marchés publics soient ouverts le dimanche, il faudrait au moins le
demander à des gens qui savent ce qu'est un marché public et qui
en ont déjà vu. On ne pouvait pas poser la question à
Chicoutimi, ni à Rimouski, ni à Sept-Îles. Avec les
données que le sondage révèle, même si on avait
posé la question à ces endroits, compte tenu d'une
pondération qu'il aurait fallu faire quant à la population, les
résultats n'auraient pas été tellement
différents.
Si on regarde le tableau principal, à la page 27 du
mémoire: Êtes-vous favorables à l'ouverture des
marchés publics le dimanche? M. le ministre, 83% des consommateurs
touchés - d'abord, 75% des consommateurs, qui ont répondu
à l'enquête étaient déjà allés dans un
marché public, donc les gens savaient de quoi on leur parlait; ils ont
répondu en connaissance de cause - nous disent: Oui, nous voulons que ce
soit ouvert le dimanche. Et si vous allez à la page 11, dans les pages
jaunes, si vous regardez un des tableaux subséquents à la page
27, chez les moins de 45 ans, 90% des gens sont favorables. On est loin des
statistiques de Gallup qui parlaient de 38%, plus 11% d'indécis. On est
loin du sondage de Cogem, M. le ministre, où il y avait 50% ou un peu
plus d'indifférents, à la question: Êtes-vous favorable
à un changement des heures d'affaires?" Les indifférents, M. le
ministre, ne sont pas contre ou nécessairement pour le statu quo. Ce
sont peut être des gens que cela ne dérange pas que ce soit ouvert
ou non. (21 heures)
Si je posais une question comme sondeur et que ma réponse
était, à 50%, "Je
suis indifférent", je me poserais des questions sur ma question.
Vous allez voir qu'on n'a pas ce type de réponse dans notre sondage. 83%
des gens, messieurs, veulent que les marchés publics soient ouverts le
dimanche. On a dit: Soyons de bon compte et posons la question pour l'ensemble
de l'alimentation. Nous étions intéressés de voir si
c'était la même chose. Je vous amène à la page 32 du
mémoire où on pose la même question: Êtes-vous
favorable à ce que l'ensemble des magasins d'alimentation soit ouvert le
dimanche? La réponse est favorable à 52%. C'est 30% de
différence, pas 3%. Ce n'est pas une erreur mathématique, ce
n'est pas une erreur dans la question, il y en a 30%. Il faut expliquer ces
30%. Comment les expliquer?
Dans les raisons pour lesquelles les gens étaient favorables
à venir dans les marchés publics, le dimanche, on a beaucoup
insisté sur les produits frais, la qualité, l'atmosphère,
et que c'est agréable de venir au marché public. C'est une sortie
qu'on fait le dimanche avec la famille. Il se passe quelque chose dans un
marché public. On n'est pas entre deux rangées de tablettes, des
conserves d'un côté et des légumes de l'autre. C'est un
centre d'animation où l'on vient rencontrer ses amis. Nous pensons, M.
le ministre - et nous vous le soumettons bien humblement - que les 30% de
différence entre les gens qui veulent venir au marché public le
dimanche et les 52% qui sont prêts à aller dans les autres
commerces s'explique par le fait que nous, on est un lieu de regroupement, de
rassemblement des gens. On leur présente des activités
culturelles, il y a de l'animation. C'est quelque chose de différent.
Nous pensons que - c'est plein de statistiques très intéressantes
dans ce sondage qui, dans le fond, est l'outil de référence le
plus récent que vous puissiez utiliser, il me semble, pour vous inspirer
pour faire une loi - la consultation de 1975 date quand même de quelques
années.
Le sondage de Cogem remonte aussi à un an et demi et la question
posée n'est peut-être pas tout à fait celle qui pouvait
permettre de donner une réponse positive à la question du
dimanche puisque la question spécifique n'a pas été
posée.
Lorsque vous avez fait la consultation, vous vouliez libéraliser
la loi. La consultation a été faite de telle façon que les
marchés publics, qui n'étaient pas tellement là à
l'époque, n'ont pas participé. Il ne semble pas que l'autre son
de cloche de ceux qui sont favorables ait été vraiment
donné. Quand je regarde le sondage qui dit 83%, on les a pris quelque
part. Quand M. Jean Coutu vous dit: 39 000 000, l'an dernier, ces gens sont
passés chez nous; ils sont venus de quelque part. Cela ne peut
être 90% contre.
J'écoutais la SIDAC du Mail centre-ville de Québec nous
dire, mardi soir, que, si les marchés publics ne vendaient que de
l'alimentation, dans le fond, elle serait assez favorable. L'ADA ne
représente pas tout le monde dans l'alimentation. Tous nos marchands
pourraient être membres de l'ADA. Si nos marchands étaient membres
de l'ADA, est-ce que cela ne donnerait pas un autre son de cloche à
l'intérieur de l'ADA? Peut-être.
J'ai noté, M. le ministre, avec beaucoup d'intérêt,
que vous avez parlé, au début de la commission parlementaire, de
faire un consensus. Il fallait un consensus. Si j'ai bien compris l'intention
du ministre et du gouvernement, la loi ne visait pas à faire des
énoncés philosophiques sur les heures d'affaires. Elle visait
à être pratique, à répondre à des besoins
existants. Je conçois bien, M. le ministre, avec le document de
consultation qui a pu résulter de la consultation qui a
été faite, que la loi devrait aller dans le sens où elle
est allée, en se disant: II est difficile d'avoir une voie directrice ou
une philosophie générale; allons-y avec des exceptions au fur et
à mesure, lorsque c'est demandé. Je ne dirai pas: Lorsque le
nombre le justifie, je pense que je ferais sauter des gens autour de la table,
mais on y est allé avec des exceptions quand c'était
demandé. C'est ainsi qu'on retrouve des monuments funéraires, des
piscines, des marchandises usagées.
Dans l'alimentation, M. le ministre, au début de la commission,
vous avez semblé chercher un consensus, de la même façon
que vous aviez cherché un consensus dans d'autres secteurs
d'activité. Il me semble que l'alimentation, ce n'est pas un secteur:
les grandes chaînes, les petits dépanneurs, les marchés
publics, ce n'est pas un secteur d'activité. C'est un peu comme les
chambres de commerce. Pourquoi les chambres de commerce vous soumettent-elles
tout le temps des mémoires qui sont ni chair, ni poisson? C'est parce
que tout le monde fait partie des chambres de commerce. On ne peut pas
représenter tout le monde et son père et donner un courant
d'opinion quand on représente tout le monde. Je pense que l'ADA s'est
trouvée prise dans ce même dilemme, d'autant plus qu'on
connaît les positions de certains grands de l'alimentation comme
Steinberg, qui voudraient libéraliser "at large".
M. le ministre, vous avez parlé au début de consensus;
aujourd'hui, nous avons senti une espèce d'ouverture - on parlait moins
de consensus - vous avez parlé de modus vivendi. Je n'ai pas
fouillé dans les dictionnaires pour voir les différences, les
distinctions entre les termes, mais j'ai cru comprendre - et vous me corrigerez
- que le consensus semblait impossible à obtenir dans l'alimentation
mais qu'il y aurait peut-être une façon de tenir compte des
particularités, des disparités de chacun pour que tout le
monde puisse vivre, pour que tout le monde puisse progresser et que le
consommateur québécois soit bien servi.
Je pense, M. le ministre - je termine là-dessus avant la
période de questions, vous allez peut-être trouver qu'on est un
peu long, mais on n'était pas là au mois de mars, on a du chemin
à faire pour faire connaître notre point de vue - après
avoir eu les outils que vous avez eus en main pour faire le projet de loi,
après avoir pris connaissance du sondage de Cogem et de ses limites et
après, ce soir, avoir pris connaissance du sondage que vient de faire
SECOR, ou le gouvernement pourrait s'inspirer de cet outil qui est le plus
récent, qui est scientifiquement bien fait, ou peut-être aller
vers une consultation plus large des consommateurs.
Il nous semble que, dans le fond, les heures d'affaires - M. Coutu en
parlait aujourd'hui et d'autres en ont parlé - sont d'abord et avant
tout faites pour le consommateur. Il ne faut pas que cela pénalise le
commerçant non plus, sauf que le commerçant - et M. Coutu l'a
expliqué - est un serviteur; il ne sera jamais autre chose qu'un
serviteur, un peu comme un député. Pourquoi travaillez-vous en
commission parlementaire jusqu'à minuit tous les soirs? Vous avez des
lois à étudier; il y a du travail à faire, vous êtes
les serviteurs de vos commettants; ce n'est pas toujours facile, et parfois les
heures sont longues. C'est la même chose pour le commerçant. On
s'en va vers une société de loisirs, mais qui organisera les
loisirs? Si on fait du ski trois jours par semaine, il faudra que des hommes
travaillent sur les pentes. La société des loisirs n'implique pas
que les gens vont travailler moins; elle implique peut-être que les gens
des secteurs primaire et secondaire travailleront moins, mais, dans le secteur
tertiaire, ils vont travailler beaucoup plus. Il faut que quelqu'un organise
les loisirs vers lesquels on s'en va.
Je termine là-dessus. Il m'apparaît que les consommateurs
dans la consultation sont un peu les parents pauvres; le député
de Laporte l'a souligné. Je suis fier d'une chose à cette
commission et l'assocation aussi, ce n'est pas une commission parlementaire
partisane. On a senti très peu de partisanerie politique à
l'intérieur de la commission. On a senti que vous vous
intéressiez tous à la question soumise et que tous, dans un
esprit de non-partisanerie, vous cherchiez à faire la meilleure loi pour
les Québécois. C'est très enthousiasmant et nous avons
confiance que la commission et le gouvernement, par la suite, pourront,
à l'aide des paramètres qui auront été
définis à la commission et à l'aide des consultations que
vous avez promis de faire à la suite de la commission parlementaire,
définir une loi qui saura répondre, on l'espère, aux
meilleurs intérêts des Québécois.
Le Président (M. Rancourt): Merci, M. Boudrias.
M. Boudrias: Je m'excuse, si cela a été long. Nous
sommes prêts pour la période des questions et des
réponses.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Je vous remercie. Je vais me discipliner, je ne suis
heureusement pas un avocat, alors, on peut peut-être être plus
direct avec les gens d'affaires.
M. Boudrias: M. le ministre, vous êtes méchant pour
les avocats; cela fait plusieurs fois aujourd'hui. J'ai remarqué...
M. Biron: Je remarque que les avocats parlent longtemps et que
les gens d'affaires vont directement au but, c'est toute la
différence.
M. Boudrias: Et vous remarquerez lesquels font de l'argent, M. le
ministre. Ce sont ceux qui vont au but.
M. Biron: Les avocats sont payés à la minute et les
gens d'affaires au profit. Ceci dit, je vous remercie de votre intervention. Je
vous écoutais parler et je me demandais pourquoi vous étiez venus
nous demander de changer quelque chose; on leur a tout donné dans la
loi. Si vous remarquez l'ancienne loi vous permettait seulement d'avoir trois
personnes au total dans chacune de vos boutiques. La nouvelle loi vous permet
d'avoir trois personnes en même temps sur le plancher. Cela veut dire que
vous avez trois personnes, que, six heures plus tard, vous en avez trois autres
et que, six heures plus tard, vous en avez encore trois autres. En fait, vous
pourriez avoir une dizaine d'employés et faire fonctionner chacune de
vos boutiques. Or, dans ce sens-là, j'ai l'impression - à vous
entendre, en tout cas - que le pauvre cultivateur qui vient vendre ses fruits
et légumes frais n'en a jamais plus de trois en même temps et
qu'il n'a pas de problème puisqu'il est couvert.
L'autre qui vend un peu d'alimentation du genre dépanneur est
aussi couvert. À peu près tout le monde est couvert, à
moins qu'il n'y ait des choses que vous ne m'ayez pas dites en commission. J'ai
l'impression qu'à peu près tout cela est couvert par la grande
ouverture qui a été faite dans la nouvelle loi, comparativement
à l'ancienne, dans le domaine de l'alimentation. S'il y avait quelque
chose à l'extérieur de cela, je suis bien prêt à le
regarder.
Lorsqu'on parle de marché public, c'est une forme. Demain matin,
un marchand de
meubles pourrait arriver avec un marché public qui vendrait des
meubles et dire: Ici, c'est un marché public pour la vente de meubles.
Je pense que cela ne marchera pas pour rejoindre ce que la grande
majorité des gens du domaine du meuble comme du domaine de
l'alimentation nous dit. Il faut quand même tenir compte des gens qui
représentent les commerçants en alimentation - ils sont environ
12 000 au Québec - et qui nous disent en très grande
majorité qu'il faut se discipliner à tant d'heures, mais plus de
trois employés en même temps... Je ne vous cache pas que
vis-à-vis de l'ADA et des autres commerçants en alimentation,
cela a été assez long pour eux d'accepter qu'on passe de trois au
total à trois en même temps sur le plancher, ce qui vous donne
huit, neuf ou dix employés qui travaillent pour votre entreprise.
Je veux seulement attirer votre attention sur ce point avant de
permettre à mon collègue, le député de
Châteauguay, de vous poser quelques questions là-dessus. J'ai
l'impression que le texte de la loi n'a pas été compris par la
plupart de vos membres qui croyaient qu'on était encore à trois
au total, alors qu'en pratique nous sommes à trois sur le plancher en
même temps qui peuvent être remplacés par trois autres qui,
eux, peuvent aussi être remplacés par trois autres. Finalement,
sept jours par semaine, cela fait facilement une dizaine d'employés.
M. Boudrias: Est-ce que je peux répondre, M. le
ministre?
M. Biron: Oui.
Le Président (M. Rancourt): M. Boudrias.
M. Boudrias: M. le ministre...
M. Biron: Vous avez dit que votre président
répondrait. Sa réponse serait peut-être plus courte.
Le Président (M. Rancourt): M. Boudrias.
Une voix: On va laisser ce point technique à Me Boudrias.
Après on fera une intervention plus directe.
M. Boudrias: M. le ministre, dans le cas des producteurs
agricoles: à l'extérieur, trois employés, je pense qu'il
n'y aura pas de problème. Par contre, il y a à peu près
30% des boutiquiers qui sont à l'intérieur des marchés.
Vous avez des fromageries, sept personnes; boulangeries, sept personnes;
volailleries, cinq personnes; charcuteries, cinq personnes; fruits et
légumes, quinze personnes; poissonneries, sept personnes; alimentation,
cinq personnes; boucheries, neuf personnes. C'est 30% des boutiques d'à
peu près chaque marché - des fois, c'est 25% -qui ont plus de
trois employés. Tel que la loi est faite, M. le ministre, ceux qui ont
plus de trois employés de façon régulière ne
peuvent pas ouvrir le dimanche, même avec trois employés, d'une
part. Même si on pouvait le faire, si on en a neuf la semaine, alors
qu'on a 30% de nos clients le dimanche où il y a beaucoup plus
d'affluence, on ne peut certainement pas ouvrir le dimanche à moins de
trois.
Il nous apparaît, M. le ministre, que la règle des trois
employés a été faite pour protéger les
détaillants d'alimentation, les petits dépanneurs. Dans le fond,
ils ont les Maisonnée, les Provisoir dans les jambes et on ne les a pas
vraiment protégés. Je ne pense pas qu'une loi puisse
protéger un secteur du marché. Le marché
s'auto-discipline. Les dépanneurs ont existé et existent toujours
malgré les marchés publics, malgré les Maisonnée,
malgré les Provisoir. On ne peut pas forcer des gens par une loi
à aller acheter à une place plutôt qu'à l'autre. Je
pense que le marché se discipline lui-même. Le projet de loi tel
qu'il est déposé affecte 30% de nos commerçants d'à
peu près tous les marchés. Si on ferme 30% de nos commerces le
dimanche, c'est l'ensemble du marché que vous affectez. C'est un concept
global. Les gens viennent au marché parce qu'ils vont à la
boucherie; ils achèteront éventuellement leur bouteille de vin le
dimanche, car cela va être aussi permis. Ils font plusieurs achats le
dimanche.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. J'apprécie de
vous avoir entendu. Vous m'avez donné le goût d'aller dans un
marché public. Je n'y étais pas allé jusqu'à
maintenant. Sans doute, si on m'avait posé la question du
côté de SECOR, j'aurais été parmi les 75% de gens
qui auraient dit: Oui, je suis déjà allé dans un
marché public. Je suis déjà allé dans un
marché, mais, au sens où vous l'entendez, non. L'explication
étant beaucoup plus spécifique, je ne suis jamais allé
dans un marché comme celui-là. Je suis convaincu qu'un
très grand nombre de personnes à qui vous avez posé la
question ont dit: Oui, je suis allé dans un marché public, en
ayant à l'esprit le marché que j'ai à l'esprit et qui
n'est peut-être pas très différent, mais où il n'y a
pas de cloisons, pas de divisions et où le service est un petit peu
différent.
M. Boudrias: Cela aurait été défini par
l'interviewer, M. le député. (21 h 15)
M. Dussault: Non, je n'étais pas là. Je pense que
le sondage a son intérêt, mais il
faudrait faire attention parce qu'à partir du moment où
vous dites que les gens à qui on a posé la question savaient de
quoi on parlait, puisqu'ils y sont allés... Beaucoup sont allés
dans un marché, on peut facilement assimiler les deux et on a
probablement raison de le faire, sauf que ce n'est pas tout à fait la
même chose. Vous nous avez fait valoir les avantages du marché
public sur le plan du produit québécois. Je trouve cela
très intéressant. Vous devez sans doute vendre des produits
autres que québécois. Les agrumes, cela ne pousse pas beaucoup au
Québec. Les boîtes de conserve, enfin toutes sortes de produits
qui peuvent venir d'ailleurs, qui ne poussent pas ici, vous devez
sûrement en avoir dans les marchés publics.
Avec toutes les explications que vous m'avez données, j'ai eu le
même réflexe que le ministre. Je me suis dit: Qu'est-ce qu'ils ont
en plus des produits alimentaires et à ce point considérable pour
qu'ils y voient un gros problème d'application de la règle de
trois? Vous avez tous des commerces avec division, des boutiques, si je peux
employer le terme qu'on a employé tout à l'heure. Quelle est la
proportion de ce qui est alimentaire là-dedans par rapport à ce
qui ne l'est pas? Qu'est-ce qui est alimentaire? Quelle est la proportion?
Est-ce que c'est 90% de produits alimentaires qui se vendent là?
Le Président (M. Rancourt): M. Laforest.
M. Laforest: Je vais répondre à votre question, M.
le député. Premièrement, le projet de loi, tel que
présenté, pour nous, c'est un recul, parce qu'avant ce projet de
loi, par exemple, quelqu'un chez nous qui exploitait un commerce avec sept ou
huit employés le samedi aurait toujours pu ouvrir le dimanche s'il avait
fait une équipe de nuit. Il aurait dit: Je coupe un peu le service et
j'en mets trois le dimanche; donc, je peux fonctionner. Avec le nouveau projet
de loi, le commerçant qui, le vendredi, a besoin de cinq employés
en même temps sur son plancher ne peut plus ouvrir, parce que la
règle de trois, pour lui... Prenons l'exemple d'une boucherie. Chez
nous, aux Halles de Longueuil, une boucherie, c'est achalandé. Le
propriétaire peut engager jusqu'à dix employés le vendredi
et le samedi pour exploiter le commerce.
Deuxièmement, revenons à notre sondage pour une simple
précision, M. le député. Le sondage a été
fait dans des régions où il y a déjà des
marchés publics. La façon dont le sondage a été
fait, c'est que SECOR - c'est quand même un groupe sérieux - a
bien situé la question et bien situé les gens. Le chiffre auquel
on est arrivé, 83% des gens qui sont d'accord pour qu'on ouvre le
dimanche, c'est même plus que confirmé. Les marchés
publics, tels qu'ils existent chez nous, chez eux ou chez vous, on n'a jamais
fait de publicité en disant: On est ouvert le dimanche. Ce n'est pas
cela qu'on a fait. On a fait une publicité en disant: Venez chez nous;
c'est agréable; venez magasiner en détente; c'est familial. On se
rend compte que 30% de notre chiffre d'affaires, 30% de nos clients viennent le
dimanche. On n'a pas eu besoin de l'annoncer. Les gens sont venus chez nous
principalement le dimanche, parce que notre concept s'y prête. Il y a une
comparaison que j'emploie souvent. On leur a demandé: Qu'est-ce qu'on a
de plus ou de moins que les autres? La vogue, actuellement, en agriculture - on
ne parle pas d'agrumes; on va parler de produits de chez nous - c'est qu'on va
cueillir nos pommes et nos fraises. Les vergers sont ouverts du lundi au
dimanche. Mais quand les gens vont-ils cueillir leurs pommes? C'est le dimanche
qu'on va cueillir des pommes, parce que c'est en famille, c'est
agréable, c'est différent. C'est cela chez nous.
M. Dussault: À votre point de vue, quand les gens vont
vous voir le dimanche, est-ce qu'ils vont vous voir dans l'idée d'un
dépanneur ou s'ils vont vous voir dans l'idée qu'ils vont faire
leur commande d'une façon substantielle? C'est quoi, l'approche du
consommateur qui va chez nous?
M. Laforest: Tous les documents que vous allez lire vont vous
révéler ceci. En moyenne, les gens dépensent 25 $ dans une
semaine chez nous. Ces gens-là...
M. Dussault: Cela relève du dépannage. Cela me
coûte à peu près le même prix quand je vais chez le
marchand de fruits et légumes.
M. Laforest: Non, pas nécessairement.
M. Dussault: Je fais ma commande pour quelques jours et cela me
coûte 25 $.
M. Laforest: Peut-être. Mais les gens...
Le Président (M. Rancourt): Oui, M. Laforest.
M. Laforest: M. le ministre a dit: Nous autres, les gens
d'affaires, on veut donner des réponses rapidement.
Si je me souviens de la question, les gens...
M. Dussault: Vous en étiez toujours...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: ...à l'interprétation du sondage,
à toutes fins utiles.
M. Laforest: D'accord. Pourquoi ces gens-là viennent-ils
chez nous? Il y a deux raisons. Ils viennent chez nous parce que c'est
agréable et cela ressort clairement partout; c'est une détente.
Vous m'avez parlé du choix. Allez faire une commande, le jeudi soir,
dans une chaîne d'alimentation, il n'y a pas grand "fun" là. Vous
avez une rangée de tablettes, vous attendez une demi-heure pour payer
à la caisse et une autre demi-heure pour prendre la commande à
l'auto. Il n'y a pas grand plaisir là.
Venez faire une commande dans un marché, je vous invite, M. le
député, vous en avez beaucoup qui vous entourent, vous traversez
le pont, vous en avez à Dollard-des-Ormeaux, venez chez nous à
Longueuil...
M. Dussault: Vous m'avez vendu cela tout à l'heure,
comprenez-vous? Votre avocat m'a vendu, très clairement,
l'intérêt d'aller vous voir. J'ai le goût, je suis curieux,
je vais aller voir, à un moment donné, un des marchés,
mais ce n'est pas cela que je veux savoir, parce que si c'est vrai,
l'intérêt, je vais le découvrir en allant vous voir. Ce que
je veux savoir, c'est dans quel esprit les gens vont-ils vous voir? Est-ce
qu'ils vont vous voir dans le même esprit où ils vont chez le
dépanneur ou s'ils vont vous voir pour faire substantiellement leur
commande de la semaine? Si c'est pour faire leur commande de la semaine et
qu'ils la font la fin de semaine, le dimanche, je crains que ce ne soit de la
concurrence. Je comprends les associations de marchands qui nous ont dit:
Attention, essayez de rétablir l'équilibre dans la loi, parce
qu'il y a des gens qui nous font une concurrence trop grande.
Si c'est dans l'esprit du dépannage qu'ils vont vous voir, c'est
une autre affaire. Si c'est dans cet esprit et qu'en même temps les gens
se divertissent - comme vous nous l'avez dit - bravo, tant mieux! Si c'est dans
cet esprit, la loi est tout à fait réceptive au fait que vous
dépanniez les gens mais, à ce moment, on vous dit: Vous allez le
faire de la même façon que les autres dépanneurs le font,
c'est-à-dire avec des règles telles qu'il n'y a pas de
concurrence déloyale à l'égard des autres. Parce que c'est
notre devoir d'essayer de créer un équilibre, essayer de faire en
sorte que les gens vivent harmonieusement entre eux même dans le domaine
commercial.
En général, est-ce que les gens y vont - est-ce que cela
paraît dans votre sondage - dans l'esprit du dépannage ou s'ils y
vont dans l'esprit de faire leur commande substantielle pour la semaine?
Le Président (M. Rancourt): M. Laforest.
M. Laforest: M. le député, le meilleur exemple, on
le vit chez nous. Chez nous, c'est un marché public qui, à
l'intérieur, a 25 000 pieds de surface. Dans ces 25 000 pieds de
surface, 2000 pieds sont consacrés au dépannage, et ce, seulement
depuis six ou sept mois. C'est un service qu'on a ajouté. Pendant les
quatre premières années, on a fonctionné... Un
marché public, c'est à l'extérieur; on s'entend tous,
c'est clair. À l'intérieur, ce sont des
spécialités, ce sont des viandes. Les 25 $ que les gens laissent
chez nous c'est... À titre d'exemple, sur la rive sud, vous voulez vous
trouver un fromage fin, vous voulez vous trouver une charcuterie, une viande
spéciale; vous n'avez pas beaucoup de choix. Le dépanneur du coin
ne l'a pas. La chaîne ne l'a pas non plus et, si elle l'a, ce n'est pas
sa spécialité et ce n'est pas un produit fin. Pour retrouver le
même produit, vous auriez à aller à Place Ville-Marie ou
à des boutiques très spécialisées. Mais, chez nous,
on l'a.
M. Bourbeau: ...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Dussault: Et dans mon cas aussi.
M. Laforest: M. le député, dans un marché
public, c'est monnaie courante. Pour nous, on répond à ce nouveau
besoin du nouveau consommateur, on l'a dit, l'enquête le démontre.
Tu as toute une catégorie de nouveaux consommateurs. On a dit: 48% des
femmes travaillent maintenant. Le sondage va vous montrer aussi que 45% ou 50%
des foyers sont moins de deux personnes. Ces gens ont des goûts, on
développe des goûts nouveaux et une façon nouvelle. C'est
à ce besoin que l'on répond.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Si je comprends bien, le consommateur va chez vous,
il se promène d'une boutique à l'autre et, quand il sort, il
s'est dépanné dans chacun des dépanneurs, il a fini par
faire sa commande de la semaine parce qu'il trouve là l'ensemble des
produits dont il a besoin pour la semaine. À toutes fins utiles, on va
être obligé de penser que c'est vraiment dans l'esprit d'une
commande de semaine qu'il va là.
Personnellement, dans l'esprit de celui qui cherche à
créer l'équilibre, j'ai beaucoup de difficulté à
croire que vous ne faites pas concurrence aux autres entreprises qui donnent le
même service, mais davantage concentré dans un même
édifice. Vous savez, ce n'est pas parce que les gens vont acheter dans
un marché public le dimanche qu'ils mangent plus durant la semaine.
Quand on
additionne le total des dépenses qui se font pour manger, ce
n'est pas parce que les marchés publics sont arrivés qu'il se
dépense plus d'argent maintenant pour manger. À moins que vous ne
nous disiez que cela coûte tellement moins cher que cela va faire une
différence. Même là, en tenant compte de la
différence, on est obligé de penser qu'il y a une concurrence qui
se fait.
Comme législateur, je ne pourrais pas rester indifférent
au fait que cette concurrence existe. Cela me rend, peut-être, plus
sympathique à ce que les associations de marchands sont venus nous dire.
Cela ne veut pas dire que je ne suis pas disposé à chercher des
accommodements pour tenir compte du fait que vous existez. Qu'il y a maintenant
quelque chose qui est parti, une espèce de concept nouveau qui
relève d'un concept plus ancien, mais avec des éléments
supplémentaires, cela, je l'ai clairement à l'esprit et je pense
que le ministre vous l'a dit tout à l'heure. On est ici pour vous
écouter et on est conscient des difficultés que cela pose de
rectifier un peu le tir. On va chercher ensemble un moyen pour en arriver
à corriger cela, mais il ne faut quand même pas penser que les
législateurs que nous sommes, parce qu'ils ne sont pas allés dans
un marché public, ne sont pas capables de saisir qu'il y a une
réalité de concurrence qui est peut-être un peu difficile
à accepter pour certains commerçants. Je comprends votre nouveau
mode de fonctionnement. Je le trouve sympathique; assez, en tout cas, pour
aller voir cela et probablement prendre des habitudes, mais cela me pose des
maudits problèmes quand viendra le temps de trancher la question.
De la même façon que le ministre a annoncé, tout
à l'heure, qu'il allait faire des efforts pour tenir compte de la
réalité des pharmacies, des pharmacies avec extension, des
services, tout cela, je pense qu'il va être disposé à
chercher à accommoder le projet de loi pour que cela vous fasse le moins
mal possible. Or, il y a une réalité qui est difficile à
nier, c'est le moins qu'on puisse dire; c'est une réalité
difficile à nier, malgré toute la sympathie qui se dégage
de vos explications. C'est ce que je voulais vous dire. Pour moi, il est
important de clarifier l'approche et la motivation que les gens ont en allant
chez vous. À moins que vous ne me disiez que je n'ai pas vraiment
compris, c'est un peu l'image que je vais garder.
Le Président (M. Rancourt): M. Laforest.
M. Laforest: En réponse, M. le député, je
vous dirai que cela me fait bien plaisir que vous soyez sympathique à ma
cause, mais si, le dimanche, je dois fermer mon établissement, qu'on
ferme les marchés publics, écoutez, je me dis... Je ne dramatise
pas - il y a des marchands ici - 30% de notre chiffre d'affaires se fait le
dimanche.
Vous avez mentionné autre chose: la concurrence. La concurrence,
M. le député, on n'en a pas peur; on est bâti autour de
cela. Dans un même édifice de 30 000 pieds carrés, il y a
cinq boucheries, six chez nous, quatre chez eux, trois fromageries. La
concurrence, c'est synonyme de qualité, M. le député.
Venez voir cela chez nous. Moi, j'aimerais poser la question. Il y a des
marchands ici.
Encore une fois, en terminant, je dirai que les sondages, c'est
technique. Ce n'est pas moi qui les ai faits. Les sondages disent encore - et
vous les lirez, M. le député -que les gens continuent à
faire leur commande principale chez Métro et chez Steinberg. C'est
spécial chez nous. Ils viennent chercher une spécialité.
Nos plus grosses journées, M. le député, ce sont les
dimanches où il pleut. Quand il pleut le dimanche, l'été,
ne venez pas chez nous, vous n'aurez pas de place; vous ne pourrez pas nous
apprécier. Venez à ce temps-ci, c'est plus tranquille et nos gens
de l'extérieur n'y sont pas.
Le Président (M. Rancourt): M. Corey, pour un
supplément de réponse.
M. Corey (Maurice): Je vous ferai remarquer que, dans tous les
marchés où je suis allé le dimanche, le minimum de gens
qu'il peut y avoir dans la journée, c'est à peu près 6 000
personnes. Il y a entre 6 000 et 10 000 personnes qui passent dans les
marchés et on réussit à vendre à peu près,
dans l'ensemble des marchés, 30% de notre chiffre d'affaires, ce qui
représente environ 50 000 $ ou 60 000 $. Ce ne sont pas de grosses
commandes.
M. Dussault: Quelle est la proportion...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: ...dans votre marché, qui n'est pas
alimentaire, en termes de surface?
M. Corey: Dans tout le marché, c'est de l'alimentation,
excepté une tabagie qui offre aussi de l'équipement de
cuisine.
M. Dussault: Bon, il reste... Pardon?
M. Corey: Des "kitchen gadgets", pour la cuisine, de
l'équipement de cuisine. La tabagie vend des couteaux, des fourchettes,
des cuillères, des livres de recettes, etc.
M. Dussault: C'est une drôle d'extension du concept de
tabagie.
M. Corey: Disons que c'est cela. Il y a
seulement un magasin. Tout le reste concerne l'alimentation. Le
dimanche, dans nos marchés, au moins 30% de la clientèle, ce sont
des hommes, ce qu'on ne voit pas dans les autres marchés.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Vous nous dites que l'affluence est telle que le
nombre de personnes qu'on autorise par la loi est insuffisant.
M. Corey: Oui, pour chacun... (21 h 30)
M. Dussault: Étant donné que c'est alimentaire
très largement, cela ne devrait pas poser de problème puisque
c'est du côté alimentaire qu'il y a cette restriction du nombre de
personnes. Vous me dites que c'est insuffisant. Le ministre a dit, tout
à l'heure, qu'on allait regarder cela. On comprend votre
difficulté. Est-ce qu'on aura la certitude absolue que vous avez
totalement raison de craindre? Je ne le sais pas, mais on va la regarder, cette
affaire. C'est pour cela qu'on vous a écoutés, aujourd'hui. Je
comprends votre problème.
Le Président (M. Rancourt): M. Boudrias.
M. Dussault: Le temps passe.
M. Boudrias: Avec votre permission, M. le Président, je
comprends que le temps passe, messieurs, mais je pense... On parle de 200 000
000 $ de chiffres d'affaires. 60 000 000 $, ce ne sont pas les chiffres de M.
Coutu, mais vous allez fermer nos marchés et c'est drôlement
important pour nos marchés. Je pense qu'ils peuvent peut-être
bénéficier de quelques minutes de plus pour bien expliquer leur
point de vue.
M. Dussault: Pour nous, il n'est pas question de fermer vos
marchés.
M. Boudrias: Si vous les fermez le dimanche, vous les fermez.
M. Dussault: On pense que vos marchés sont utiles. On
pensait, jusqu'à maintenant -on va regarder cela à la
lumière de vos réclamations - que ce que le projet de loi
prévoyait pouvait vous permettre de continuer à fonctionner. Il
ne faudrait pas croire que l'objectif du projet de loi est de fermer les
marchés, loin de là, au contraire.
M. Boudrias: On a compris que ce n'était pas l'objectif de
ce projet de loi. On veut bien vous expliquer notre situation parce qu'en
pratique, c'est ce qui risque d'arriver si la loi était adoptée
telle quelle.
La règle des trois employés ne correspond à aucune
espèce de réalité dans aucun secteur d'activité,
sauf le petit dépanneur du coin. M. Coutu vous l'a dit. M. Gravel,
d'OCTOFRUIT, vous l'a dit. Allez dans une boutique demain, dimanche, et comptez
les employés qui sont là. Si vous voulez acheter de la viande
fraîchement coupée, il faut un gars pour la couper.
Peut-être que ce n'est pas le même qui va l'envelopper. Il faut
qu'il y ait une fille à la caisse. S'il y a plus de deux clients en
même temps dans la boucherie, il faut peut-être deux "sets" de
personnes pour faire tout cela si on veut servir deux clients en même
temps. Si vous ne pouvez pas, dans un établissement commercial,
aujourd'hui, servir au moins trois clients en même temps, vous
n'êtes pas en affaires. C'est cela qu'il faut voir.
Il faut descendre de l'Assemblée nationale et aller voir sur le
terrain comment cela se passe. La règle de trois employés est
absolument impraticable.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le
ministre.
M. Biron: M. Boudrias, je ne voudrais pas que vous charriiez non
plus, quand vous dites qu'on veut fermer vos commerces. À l'heure
actuelle, vous le savez, vous avez bâti vos commerces sachant que ceux-ci
ont plus de trois employés en tout temps et qu'ils sont dans
l'illégalité. Vous le saviez lorsque vous avez pris vos
décisions chacun ou chacune d'entre vous. Vous dites qu'on veut fermer
vos commerces; au contraire, on a fait un effort énorme pour essayer de
sauvegarder le maximum de ce qu'on pouvait essayer de sauvegarder en
s'entendant. Parce que nous, il faut quand même vous renvoyer à
vos gens d'affaires qui, à quelque 80% et plus, nous disent: II faut
avoir quand même certaines règles dans le domaine de
l'alimentation. Je voulais juste faire cette mise au point: Vous accusez le
gouvernement de fermer vos commerces alors que vous avez accepté
délibérément de vivre dans l'illégalité en
prenant des risques. Je ne vous blâme pas et on peut le faire dans la vie
d'affaires. Ce sont quand même des décisions que vous avez
prises.
Le Président (M. Rancourt): M. Boudrias.
M. Boudrias: M. le ministre, lorsqu'un commerçant ouvre
son commerce, il ne le fait pas pour contrevenir à une loi. Il le fait
parce que son client lui demande d'ouvrir. M. Laforest, en 1979, lorsque le
tiers de ses marchands - les deux tiers fonctionnent dans l'absolue
légalité, c'est la majorité quand même - ont
décidé d'ouvrir, c'est parce que les autres, à
côté, étaient ouverts et que les clients leur disaient:
Écoutez, pourquoi on va
à côté, le dimanche, et qu'on ne peut pas aller chez
vous. La situation de fait s'est développée pendant quatre ou
cinq ans et c'est comme cela... Dans le fond, M. le ministre, il
m'apparaît qu'une loi doit répondre à un consensus social.
Lorsque tout le monde défie la loi, c'est peut-être parce que la
loi ne répond plus au consensus social. C'est peut-être la
question qu'il faut se poser aussi.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Boudrias: Personne ne rêve de vivre dans
l'illégalité, M. le ministre, et, comme avocat, ce n'est
certainement pas une recommandation que je ferais à mes clients.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Je pense que nos amis des marchés publics
peuvent se réjouir. Le député de Châteauguay a dit
qu'il leur était sympathique. C'est déjà quelque chose. Ce
n'est pas nécessairement la même chose pour l'Opposition à
son endroit.
M. Dussault: Cela, on le savait. Vous n'avez pas besoin de le
dire publiquement; c'était connu.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Bourbeau: Je voulais poser des questions, mais je pense que je
vais laisser parler le député de Robert Baldwin, si M. le
Président veut bien lui laisser la parole et, après, je me
réserve le droit de poser quelques questions.
Le Président (M. Rancourt): D'accord. M. le
député de Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Merci. Je voudrais faire un plaidoyer un peu
particulier pour les marchés publics. Je voudrais inviter le ministre et
le député de Châteauguay et les autres
députés du gouvernement, avant de trancher cette question,
à aller visiter, le dimanche qui vient ou un autre, des marchés.
L'expérience est vraiment quelque chose. Chez nous, il y a le
Marché de l'Ouest ouvert depuis trois ans maintenant. Moi, comme
père de famille, il y a quelques années, j'avais cinq enfants
à la maison, là, j'en ai moins. Mon épouse et moi faisons
notre commande à toutes les semaines chez notre marchand Métro,
ce qui nous coûte environ 200 $ ou je ne sais trop; cela me coûtait
200 $ dans ce temps-là.
Une voix: Je comprends!
M. O'Gallagher: Malgré cela, on va au Marché de
l'Ouest à toutes les semaines. C'est un endroit où l'on rencontre
nos amis, on rencontre même les jeunes de nos voisins qui y travaillent.
On a l'occasion de rencontrer les cultivateurs sans l'entremise du "middle
man", on a la chance de comparer les prix de tous les légumes, pas des
légumes empaquetés mais les carottes avec les feuilles et tous
les fruits possibles du Québec. On peut également comparer les
prix, d'un cultivateur à l'autre. C'est un avantage pour le consommateur
et c'est aussi un avantage pour le cultivateur.
Or, à l'intérieur du marché, il y a toute une gamme
de boutiques qui offrent toutes sortes de mets. Chez nous, je pense qu'il y a
à peu près quatre boucheries, qui emploient au moins une dizaine
de personnes. Le service est excellent; le choix et la préparation de la
viande, c'est du tout nouveau, cela vient de tous les pays possibles. On a
vraiment un excellent choix. C'est la même chose pour les poissonneries;
je pense qu'il y en a deux. Il y a plusieurs variétés de poisson;
les enfants vont là presque comme si c'était un musée,
pour voir les variétés de poisson que l'on peut manger et qui
viennent d'autres pays, comme le calmar. Il y a du poisson de toutes les
grosseurs possibles. J'en ai mentionné seulement deux.
Il y a des marchands qui offrent des fruits et des légumes qui
viennent également de tous les pays possibles, des fleurs ainsi qu'une
variété incroyable de mets. Alors, qu'est-ce qu'on y
achète? On y dépense normalement, je dirais, en moyenne,
peut-être une trentaine de dollars, surtout pour le repas principal du
dimanche. On achète un fruit un peu spécial, une coupe de viande
française. On se dit: On va essayer cela, c'est quelque chose de
nouveau. On achète un poisson qu'on ne retrouve pas chez Métro,
ou un pain aux raisins, ou un pain à je ne sais pas trop quoi. On sort
de là après avoir rencontré tous ces gens. J'ai
demandé aux marchands du Marché de l'Ouest de venir
présenter un mémoire et même de prendre la peine d'apporter
des photos, des photos du "parking" le dimanche, des photos prises à
l'intérieur du marché.
M. Dussault: Est-ce que je peux vous poser une question...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: ...puisque vous vous adressez à nous depuis
tout à l'heure? Est-ce que je peux vous poser une question?
M. O'Gallagher: Certainement.
M. Dussault: Est-ce que vous avez déjà
acheté une batterie de cuisine au marché où vous
allez acheter...
M. O'Gallagher: II y a une...
M. Dussault: Avsz-vous acheté de la papeterie, des
bijoux?
M. O'Gallagher: Non.
M. Dussault: En avez-vous vu au marché?
M. O'Gallagher: II y avait une carriole en avant.
M. Dussault: Oui. Avez-vous acheté du cuir?
M. O'Gallagher: Un jeune homme offrait des mantes, imitation
Christian Dior...
M. Dussault: D'accord.
M. O'Gallagher: ...ou je ne sais pas trop!
M. Dussault: Avez-vous acheté du cuir? M. O'Gallagher:
Mais pourquoi pas?
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Dussault: Des bibelots?
Le Président (M. Rancourt): Oui.
M. Bourbeau: J'invoque le règlement.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Dussault: II faudrait que le portrait soit complet, M. le
Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Bourbeau: Je voudrais m'exprimer sur ma question de
règlement.
M. Dussault: Le portrait n'était pas très
complet.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le
député de...
M. Bourbeau: Laporte.
Le Président (M. Rancourt): ...Laporte, sur une question
de règlement.
M. Bourbeau: M. le Président, je pense qu'on dévie
d'une façon singulière. On est en train de traiter d'une chose
très sérieuse. Le cas des marchés publics, c'est
très important parce que - j'aurai l'occasion d'en parler tout à
l'heure - on risque de créer une grave injustice à leur endroit.
Le député de Robert Baldwin est en train d'expliquer comment il
voit la situation et on a un contre-interrogatoire de la part d'un
député du gouvernement, ce qui est tout à fait
irrégulier. Je pense qu'on...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Bourbeau: ...devrait laisser terminer le député
de Robert Baldwin. Après, si le député de
Châteauguay veut faire un autre discours, on l'écoutera,
malgré qu'on n'ait pas tellement de sympathie à son endroit.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Dussault: M. le Président...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay...
M. Dussault: ...normalement...
Le Président (M. Rancourt): ...sur une question de
règlement?
M. Dussault: M. le Président, normalement, ici, on pose
des questions à nos invités. Depuis quelques minutes, M. le
député de Robert Baldwin s'adresse à nous et est en train
de nous faire une démonstration.
Le Président (M. Rancourt): D'accord.
M. Dussault: Je veux bien, M. le Président, sauf qu'il
faudrait qu'elle soit complète.
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Dussault: J'ai essayé de la rendre la plus
complète possible.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay, s'il vous plaît! M. le député de Robert
Baldwin, vous avez la parole.
M. O'Gallagher: Je voulais tout simplement vous dire que si vous
aviez l'occasion d'aller visiter un marché public en pleine
activité le dimanche, ce n'est pas du tout comme la
Société des alcools; lorsqu'on entre là, on peut rester
à attendre - à Noël, par exemple - pendant dix minutes. Les
employés ne sont pas pressés. Ils n'ont pas l'instinct de
productivité qu'on retrouve dans un marché où vous
êtes boucher de ce côté-ci du corridor et où, en face
de vous, dans
le même corridor, il y a un autre boucher qui est en concurrence
directe avec vous. Il faut donner le service. Comment pouvez-vous donner le
service à une clientèle qui arrive en masse, quand vous avez une
restriction sur le nombre de personnes affectées à ce
service?
Dans toutes les règles de marketing, dans tout concept de
productivité, d'augmentation de l'utilisation de nos jeunes ou du plein
emploi, cela ne tient pas debout. On pourrait dire à GM: Oui, vous
pouvez faire votre production 24 heures par jour pour avoir des voitures
à prix modique. Cependant, garder les mêmes employés 24
heures par jour, cela ne marcherait pas. On ne peut pas répondre aux
exigences du marché et à la demande du public avec des
règles qui ne font pas de place à la réalité.
Je vous invite tout simplement, avant de prendre une décision sur
cette question en particulier, à prendre la peine, un bon dimanche, de
visiter nos marchés publics.
Le Président (M. Rancourt): M. Laforest.
M. Laforest: Je veux remercier le député de Robert
Baldwin qui, en plus d'être sympathique à notre cause, semble
surtout très familier avec notre cause.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. J'aurais quelques
questions à poser aux gens des marchés publics. En page 3 de
votre mémoire, vous suggérez un amendement au projet de loi. Vous
suggérez qu'on ajoute à l'article 5 de la loi actuelle une
définition de ce qu'est un marché public. Enfin, vous
suggérez qu'un marché public soit ajouté à la liste
des commerces auxquels la loi actuelle ne s'applique pas. Remarquez que le
ministre a reçu des demandes semblables de la part de nombreux groupes
aujourd'hui et, d'une certaine façon, il tente de résister de son
mieux et cela se comprend. Il tente de ne pas inclure tout le monde dans les
exceptions car, à ce moment-là, il n'y aurait plus de raison
d'avoir de loi.
Il s'agit de voir si, d'une façon dégagée et
objective, on peut inclure les marchés publics dans ces exceptions sans
créer de préjudice à d'autres marchands. Vous
suggérez d'inclure les marchés publics selon une
définition que je pense qu'il est important de lire. Je vais le faire
rapidement. On écrirait: "Les marchés publics dont
l'activité principale est la vente de produits agricoles à
l'extérieur par des producteurs ou des commerçants
indépendants et à l'intérieur de produits d'alimentation
en général par des commerçants et des boutiquiers
indépendants."
À l'extérieur, il n'y a pas de problème, ce sont
des produits agricoles vendus par des producteurs, des agriculteurs, etc.
À l'intérieur, vous limitez la description de ce que vous faites
à des produits d'alimentation en général.
La question que je veux vous poser est celle-ci: Est-ce
qu'effectivement, dans l'état actuel des choses et dans l'état
projeté des choses, vous vous limitez et que vous avez l'intention de
vous limiter à des produits d'alimentation quand vous vendez dans les
marchés publics?
M. Boudrias: M. le Président, je demanderais à M.
Jean Rizzuto de répondre à la question.
Le Président (M. Rancourt): M. Rizzuto.
M. Rizzuto (Jean): M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés, je crois, pour avoir fait la visite de tous les
marchés, ceux qui sont bâtis et ceux qui sont en construction dans
la province, pouvoir vous dire que la majorité des marchés
publics, ce sont des marchés d'alimentation. Vous allez retrouver, sur
une surface très minime dans certains marchés, des petites
boutiques d'artisanat ou de cadres. Dans la majorité des marchés
publics qui existent actuellement, c'est strictement de l'alimentation. (21 h
45)
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Est-ce qu'on peut dire que votre association,
à supposer que le ministre retiendrait votre suggestion, serait
satisfaite d'une désignation qui ferait en sorte que vous seriez
légalement obligés de ne vendre que des produits d'alimentation?
Si j'ai bien compris les questions du député de Châteauguay
tout à l'heure, il semblerait que certains de vos marchés
actuellement excèdent cette description.
Le Président (M. Rancourt): M. Rizzuto.
M. Rizzuto: Actuellement, si on prend le cas du Marché
public 440 à Laval et d'autres marchés, sur 83 000 pieds
carrés de superficie, il y a peut-être 500 pieds carrés
d'articles autres que l'alimentation. Si vous allez au Marché de l'Ouest
qui a 125 000 pieds carrés d'alimentation, il y a peut-être 2000
pieds carrés d'artisanat et de bebelles. Je suis sûr que les gens
qui représentent ces marchés-là vont se faire un devoir,
si la loi est adoptée telle que proposée, de s'en tenir
strictement à l'alimentation.
M. Bourbeau: Je vous signale...
Le Président (M. Rancourt): M. le
député de Laporte.
M. Bourbeau: ...que si c'est de l'artisanat, c'est
déjà exclu du projet de loi. Alors, il n'y a pas de
problème. En vertu de la loi actuelle, si j'ai bien compris les
réponses que vous avez faites tout à l'heure au ministre, vous
êtes partiellement dans l'illégalité en ce sens que vous
avez dit qu'il y a environ 30% de vos boutiques qui ne respectent pas la
règle actuelle d'un maximum de trois personnes en même temps dans
chaque boutique. Est-ce que cela est exact?
Une voix: C'est exact, M. le député.
M. Bourbeau: Est-ce que ces 30% représentent 30% du volume
de vente ou plus de 30% du volume de vente?
Le Président (M. Rancourt): M. Laforest.
M. Laforest: M. le député, l'implication est plus
grave que cela. Un marché public est un tout; les 70%, si je regarde
comment est regroupé un marché public... Dans un marché
public qui regroupe, par exemple, 30 boutiques, il y a peut-être 23 ou 24
boutiques qui pourraient fonctionner tel que le projet de loi 59 est
présenté parce qu'elles peuvent être dans les exclusions:
restaurants, confiseries, pâtisserie, biscuiteries; cela pourrait
fonctionner. Le problème vient des autres 30%. Ces 30% ne
représentent peut-être pas 30% du chiffre d'affaires, mais un
marché public est un tout. Si on lui enlève le coeur, on ne peut
pas marcher avec seulement deux roues, on ne peut pas marcher avec une
béquille.
M. Bourbeau: Je ne vous demande pas de...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Je vous pose des questions parce que je voudrais
avoir des faits et, après cela, on passera à l'argumentation.
Avant de pouvoir pousser plus loin mes questions, je voudrais avoir des faits,
si vous n'y voyez pas d'objection. Je ne vous demande pas de vous justifier, je
veux simplement savoir si, pour ce qui est de la proportion de vos commerces
qui ne respectent pas la loi telle qu'elle existe actuellement, ce chiffre
d'affaires est plus grand que 30% ou moins grand que 30%. Est-ce que vous
êtes en mesure de répondre à cette question?
M. Laforest: II peut être plus grand...
Le Président (M. Rancourt): M. Laforest.
M. Laforest: II pourrait être plus grand parce que ces
commerces ont un plus grand nombre d'employés. Ce sont les boucheries,
principalement.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: La question qui se pose à mon esprit est:
Comment se fait-il que des hommes d'affaires comme vous, qui avez investi des
dizaines de millions, je présume, pour construire des marchés
publics importants, ayez décidé de le faire connaissant la loi
actuelle? Comment avez-vous pu réussir à le faire et à
fonctionner?
Le Président (M. Rancourt): M. Laforest.
M. Laforest: Avec la loi telle qu'elle existait, on le pouvait.
Au pire, on peut fonctionner, et. je m'explique. Si je prends une boucherie
qui, le jeudi et le vendredi, emploie huit employés - je l'ai dit tout
à l'heure - avec l'ancienne loi, au pire, si le propriétaire
avait un horaire de nuit le samedi et qu'il préparait beaucoup de
viande, il pouvait fonctionner le dimanche avec trois employés. Je pense
que le nouveau projet de loi ne dit pas cela. Il dit que, dès que c'est
un commerce qui requiert plus de trois employés en même temps sur
le plancher, il ne peut pas ouvrir le dimanche. Dans une boucherie, le jeudi,
le vendredi et le samedi, il en faut dix en même temps sur un même
plancher. Cela représente au moins quatre ou cinq boutiques par
marché.
M. Bourbeau: Une question qui peut-être...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Je n'ai peut-être pas bien fait saisir ma
question, mais est-ce que vous avez eu à un moment ou l'autre, au cours
de vos démarches préparatoires à la construction, des sons
de cloche selon lesquels vous seriez tolérés? Vous avez
certainement dû prendre certaines polices d'assurance quelque part.
Est-ce que vous vous êtes informés de cela ou avez-vous pris le
risque que cela fonctionnerait sans, d'aucune façon, avoir des
indications?
Le Président (M. Rancourt): M. Boudrias.
M. Boudrias: M. le député de Laporte, ce que je
connais de la question - je n'ai pas fait le tour de tous nos marchés,
il faut que je sois honnête là-dessus - cela ne s'est
pas fait comme cela. On a dit à ces gens: Nous ouvrons un
marché public où on ne va vendre que de l'alimentation. Il y a
peut-être des gens qui ont ouvert des boutiques en se disant: On va
être capables de fonctionner avec trois employés. Ils ne pensaient
jamais qu'il y aurait l'affluence qu'on a dans les marchés publics
depuis le début; ça rentre, ça sort, c'est plein.
Très rapidement ils ont réalisé, après avoir
ouvert, qu'à trois personnes ce n'était pas suffisant. Ils
n'arrivaient pas à satisfaire le client. Ils ont été
obligés d'ajouter une quatrième, une cinquième et parfois
une sixième personne.
Je ne pense pas qu'aucun de nos marchands ne se soit dit: On va mettre
le gouvernement devant un fait accompli et on va le forcer. Ce n'est pas du
tout cela. Ils se sont dit: On va ouvrir un marché public, cela va
partir lentement et progressivement, on va regarder aller cela, mais les portes
se sont ouvertes, cela s'est rempli dès le premier jour et c'est encore
vrai aujourd'hui. Ils se sont retrouvés "poignés" pour donner un
service au client, il faut qu'ils soient quatre, cinq ou six personnes et la
loi n'en permet que trois. C'est une situation de fait qui est arrivée
comme cela.
Le ministre, aucun député, personne n'a donné
d'assurance aux marchés publics qu'on pourrait fonctionner
illégalement. La situation de fait est arrivée comme cela.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Je veux reprendre la question du député
de Laporte parce que je pense que c'est la vraie question qu'il a posée.
M. Boudrias, vous me permettrez de poser la question à M. Geloso.
Peut-être que d'autres pourraient également le dire. Est-ce exact
qu'on vous a avisés que vous jouiez un jeu dangereux et que vous
pourriez être forcés de fermer certaines boutiques ou de ralentir
certaines boutiques si vous dépassiez trois employés, cela avant
même que vous commenciez la construction de votre marché
public?
Le Président (M. Rancourt): M. Geloso.
M. Geloso (Antoine): La question est un peu plus
compliquée que cela, M. le ministre.
M. Biron: Est-ce qu'on vous a avisés, oui ou non, avant
que vous commenciez...
M. Geloso: Non.
M. Biron: ...que c'était trois employés en
même temps?
M. Geloso: Non, je devrais dire le contraire et je crois...
M. Biron: M. Geloso, on devrait peut-être déposer la
lettre qu'on vous a fait parvenir là-dessus. Vous saviez, lorsque vous
avez commencé - la question du député de Laporte est
exacte là-dessus - que vous aviez droit par boutique, au maximum,
à trois employés, incluant le patron. Vous avez quand même
passé outre à la lettre qu'on vous a fait parvenir.
M. Geloso: On va précéder un peu la lettre, M. le
ministre. On a reçu cette lettre à l'automne. Je crois que le
printemps passé on a eu l'occasion, à la Chambre de commerce de
Laval, de participer à un genre de rencontre de comté pour un
sous-secteur économique. C'est à ce moment, autour d'une table
ronde, qu'était venu sur le tapis qu'il y avait une consultation qui se
faisait sur les marchés publics. À ce moment, on était en
voie de construction et j'avais essayé de contacter mes
confrères. Comme Me Boudrias l'a dit tantôt, on était
engagés dans des efforts de construction, d'organisation. On n'a pas
vraiment compris les ramifications de la consultation que vous étiez en
train de faire.
Je crois quand même que votre consultation a été
faite de bonne foi, a été faite dans l'esprit que même vous
et votre ministère vous vous rendiez compte qu'il y avait un besoin de
la part du consommateur. Je crois que vous, en tant que ministre, en tant que
législateur, devez être un peu compréhensif, sensible
à la demande du consommateur. Nous, comme hommes d'affaires, on essaie
de réagir à ce que peuvent être les demandes des
consommateurs. Je crois que cette commission parlementaire témoigne des
demandes de ceux-ci. Si le consommateur ne nous demandait pas d'être
ouvert le dimanche, on n'ouvrirait pas. Si le consommateur ne l'exigait pas, on
ne répondrait pas; à ce moment, on ne ferait pas de changement
à la loi.
Je crois que la question est beaucoup plus complexe que cela.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Je vous ai posé une question parce que le
député de Laporte a posé la vraie question. Me Boudrias a
répondu parce qu'il a dit: Mes clients ne répondront pas; je suis
avocat et je peux répondre. J'ai posé la vraie question que le
député de Laporte a posée tout à l'heure. Vous avez
été avisés avant.
M. Geloso: La lettre en question, qui était de M. Plante
et datée du mois d'octobre ou du mois de novembre, est venue bien
après l'ouverture de notre propre marché et, deuxièmement,
bien après l'ouverture de certains marchés. Je crois
qu'on est un des nouveaux arrivés dans ce domaine. Mes
confrères, M. Laforest des Halles de Longueuil, ainsi que du
Marché de l'Ouest n'ont pas plus d'expérience que moi dans ce
domaine. J'ai un peu suivi. Je crois que c'est ce qui est malheureux, M. le
ministre, les lois ne devancent jamais les besoins du consommateur. Les lois
sont toujours une réaction à ce que le consommateur demande ou
à ce que le public demande. Au moins, j'ai senti que, de la part du
ministère, il y avait une volonté d'examiner à fond les
heures d'ouverture, vers quoi la société québécoise
se dirigeait. Je crois que vous vous êtes ramassés avec des
surprises qui étaient avancées de la part d'un groupement. Dans
ce groupement, qui dit représenter tout un secteur, il y a d'autres
voies. Je crois qu'il y a Steinberg dans les marchés publics. Il y a des
indépendants.
Le problème est très complexe. Je crois qu'on n'en
détient pas les réponses. Ce que notre association avance, c'est
une position qui tend à répondre à un secteur très
minime, à certains besoins du consommateur.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: J'aimerais faire certains commentaires ici. Je pense
qu'avec l'arrivée devant nous de l'Association des marchés
publics il y a vraiment un fait nouveau qui se produit. Depuis le
départ, si on regarde l'ensemble des mémoires soumis par les
marchands et les commerçants, il y avait une tendance qui se
dégageait et qui était de demander plutôt de restreindre la
loi que de la libéraliser. On remarquait que ces mémoires
venaient surtout des milieux des commerçants et des détaillants.
À plusieurs reprises, j'ai déploré le fait qu'on n'avait
pas vraiment le point de vue des consommateurs. Les consommateurs, c'est
vraiment ceux qu'on doit privilégier en premier lieu. D'ailleurs,
plusieurs ont dit qu'ils sont là pour servir les consommateurs et non
pas l'inverse.
À l'occasion du mémoire des marchés publics, un
sondage nous est déposé. Si vous avez pris le temps de regarder
le sondage, enfin, on n'a pas tellement eu le temps, mais en regardant dans les
premières pages on voit que c'est un sondage qui a été
fait d'une façon extrêmement scientifique. Ils ont une
méthodologie qui est tout à fait classique et qui est reconnue
avec un coefficient, une marge d'erreur de 2,8% selon les méthodes
généralement reconnues. À ma connaissance, c'est
probablement le seul sondage qui a été fait d'une façon
très scientifique dans les milieux où existent les marchés
publics. Comme on l'a fait remarquer tout à l'heure, il est inutile de
faire des sondages auprès de gens qui ne savent pas ce que sont les
marchés publics, parce qu'à ce moment on risque d'avoir des
réponses fausses. On s'est bien préoccupé, de ce
côté, depuis le début - et je ne passe pas de remarque sur
l'autre côté, je pense bien que c'est la même chose - du
point de vue des consommateurs. Je pense que si on tient pour acquis que ce
sondage nouveau est exact il y aurait lieu de se poser des questions sur la
philosophie qui devrait se dégager du projet de loi.
Il me semble qu'à l'égard des marchés publics on a
de sérieux problèmes. C'est peut-être la première
fois depuis le début des audiences qu'on a un problème semblable.
On a un organisme qui est en place, qui fonctionne, qui a été
toléré depuis le début. Le gouvernement a assisté
à la naissance de ce mouvement. Même si le ministre nous dit
qu'une lettre a été envoyée, à un moment
donné, il reste quand même que de nombreux députés
ont assisté à l'inauguration de marchés publics.
Même le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation s'est présenté à l'inauguration du
Marché public de Laval. Le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, lorsqu'il a inauguré le
marché de Laval, savait qu'à Longueuil, depuis trois ou quatre
ans, il y avait plus de trois personnes dans les boutiques. Qu'on ne nous dise
pas que le gouvernement ignorait que les marchés publics fonctionnaient
au-delà de la loi. Il y avait d'autres marchés publics qui
existaient à ce moment et, déjà, ils excédaient la
norme de trois par boutique. Donc, quand le gouvernement et son ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ont donné une
caution morale, si je peux dire, aux marchés publics nouveaux, ils se
trouvaient ni plus ni moins à sanctionner une situation de fait. Il ne
faut quand même pas nier l'évidence et jouer les pharisiens. (22
heures)
On ne peut quand même pas laisser des gens s'établir en
affaires et leur dire, après: Vous êtes dans
l'illégalité, mais on vous a laissés faire et vous saviez
ce que vous faisiez. La loi actuelle et le nouveau projet de loi font en sorte
de protéger certains commerces, par exemple les pharmacies, les
librairies, les tabagies. Il y a des régimes d'exception pour ces genres
de commerces. Quant aux pharmacies, on va vraiment dans les détails. La
loi fait vraiment des efforts tout à fait particuliers pour les
légaliser en ajoutant des sous-alinéas: la définition de
"menus articles", de "denrées alimentaires", etc., tout cela parce que
ces gens-là, historiquement, ont des droits acquis qu'on ne veut pas
leur enlever. Donc, la nouvelle loi va également continuer à
protéger les pharmacies.
Les marchés publics qui existent
présentement et qui ont été tolérés
en vertu de la présente loi risquent, si on regarde la nouvelle loi,
d'avoir de sérieux problèmes parce que, si j'ai bien compris, la
nouvelle loi va avoir des dents, alors que l'ancienne loi n'en avait pas. Le
ministre pourrait bien nous dire: Écoutez! On les a
tolérés sous l'ancienne loi; on va les tolérer sous la
nouvelle loi. Je pense qu'on ne peut pas dire cela parce qu'on doit s'attendre
que, sous la nouvelle loi, il n'y aura plus de tolérance puisqu'on va
prévoir des amendes très sévères et que les
inspecteurs du gouvernement auront la possibilité de la faire respecter.
Il ne faut donc pas commencer dès maintenant à faire une loi en
sachant qu'elle ne sera pas observée parce qu'à ce
moment-là, on va avoir des problèmes relativement à
l'observance de la loi.
Je pense qu'à ce moment-ci, le ministre doit prendre ses
responsabilités. Il va falloir qu'à l'égard des
marchés publics on fasse quelque chose. Le ministre a fait preuve d'une
grande ouverture d'esprit à l'égard de plusieurs des intervenants
qui sont venus devant nous, surtout les pharmaciens, en disant: Écoutez!
Vous avez une section d'alimentation; vous avez une section de menus articles;
on va s'asseoir ensemble et on va trouver une façon d'en sortir, etc.
Mais les marchés publics vont être complètement dans
l'illégalité si on ne fait rien. Je ne peux pas concevoir que le
gouvernement va, tout à coup, décider d'empêcher les
marchés publics d'exister après les avoir tacitement
acceptés. Pour être responsable, il va lui falloir dans ce cas,
poser des gestes concrets pour faire en sorte qu'ils puissent être
acceptés.
La suggestion des marchés publics de définir leurs
activités d'une façon assez précise, compte tenu de la
spécificité, cela pourrait être une solution acceptable. On
pourrait peut-être baliser d'une façon assez précise ce que
sont les marchés publics et l'inclure dans la section V. Par exemple, on
sait que les marchés publics doivent nécessairement, selon la
définition, contenir un volet extérieur où les
agriculteurs se présentent. Cela exclut déjà tous les
marchés d'alimentation qui voudraient aller dans les marchés
publics. On sait également que c'est un regroupement de marchands
indépendants. Alors, cela exclurait les magasins à succursales ou
un supermarché qui prétendrait être composé de
petits marchés indépendants, puisque ce doit
nécessairement être des marchands indépendants.
Il y a également la nomenclature des produits vendus. On a fait
état plus tôt des pharmacies à escompte ou d'immenses
pharmacies qui vendaient à peu près de tout, même des
caméras, des bicyclettes, je ne sais trop. Dans le cas présent,
c'est strictement des produits alimentaires. Déjà, c'est
singulièrement rétrécir leur champ d'activité. J'ai
l'impression qu'on ne peut tout simplement pas se mettre la tête dans le
sable et dire: Écoutez! On va faire ce qu'on peut et on va essayer de
voir comment on va régler votre problème. Je pense qu'on a ici un
sérieux problème qu'on n'a pas connu depuis le début des
auditions. Ces marchés publics existent en vertu d'un état de
fait qui a été toléré et ils ne seront pas
protégés par la nouvelle loi. Je soumets respectueusement -
j'aimerais qu'on puisse trouver un terrain d'entente là-dessus - qu'on
puisse, en restreignant ou en tentant de cerner davantage la définition
d'un marché public, l'inclure dans les exceptions, de sorte que ces
marchés puissent continuer à exister, à vivre et que les
consommateurs puissent profiter, comme ils semblent le désirer, en
très grande majorité, de ces services spécialisés
dont il semble y avoir un grand besoin dans la communauté. Je vous
remercie.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Je vous remercie d'être venus ici. On a vos
mémoires. Nous allons les regarder. Il y a quelque chose que vous devez
vous rappeler, c'est que la loi est beaucoup plus large qu'autrefois. Elle est
passée de trois à neuf ou dix employés par boutique. Je
pense que vous devez regarder cela sérieusement.
Deuxièmement, vous me dites qu'il y a des marchés qui sont
en construction. Cette fois-ci, ne soyez pas dans l'illégalité.
Regardez la loi actuelle et, au moins, soyez conformes à la loi 24, tout
en regardant ce qu'il y a dans le projet de loi 59. Ce n'est pas possible qu'on
ouvre pour l'avenir... Voyez d'abord vos détaillants en alimentation,
soit l'Association des petits détaillants en alimentation ou
l'Association des détaillants en alimentation; d'une façon ou
d'une autre, vous êtes dans l'alimentation. Si les détaillants en
alimentation nous disent que cela a bien du bon sens et qu'ils décident
qu'on change cela, on va faire un consensus du secteur, tant mieux. Sinon, on
va avoir de drôles de problèmes. Je veux tout simplement vous en
aviser aujourd'hui officiellement; je le ferai par lettre demain pour
être certain qu'au moins les marchés publics qui sont en
construction présentement soient dans la légalité, parce
que vous savez que avez agi dans l'illégalité depuis le
début.
Quant au reste, encore une fois, tel que je l'ai fait depuis le
début, je prends note de votre mémoire. C'est avec beaucoup
d'ouverture d'esprit que nous essaierons de voir comment en venir à un
consensus général ou global avec ceux et celles qui vendent de
l'alimentation.
Le Président (M. Rancourt): M.
Boudrias, le mot de la fin.
M. Boudrias: M. le ministre, je prends bonne note de vos derniers
commentaires. Soyez assuré que les marchés publics respecteront
la loi en vigueur et s'y conformeront lorsque la loi sera adoptée, en
espérant qu'elle nous sera favorable.
M. Biron: II y en a une présentement conformez-vous
à celle-là du moins.
M. Boudrias: M. le ministre, vous avez parlé aujourd'hui
de modus vivendi. Il me semble que, si la situation a été
acceptée depuis cinq ans le ministère pourrait accorder une
espèce de trêve jusqu'à ce que la nouvelle loi soit
adoptée. Nous ne pouvons pas défaire ce qui est bâti
aujourd'hui.
M. Biron: Non, la seule chose que je vous ai...
M. Boudrias: Quant aux nouvelles choses, il est sûr que
nous ne ferons pas de nouvelles constructions ou de nouvelles conceptions de
marché qui ne tiendraient compte ni de la loi actuelle ni de la
prochaine loi proposée.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: D'accord. C'est un conseil que je vous donne pour les
quatre ou cinq qui sont présentement en cours. Voyez-y tout de suite,
avant qu'il soit trop tard, pour qu'au moins ceux-là soient conformes.
D'accord.
M. Boudrias: M. le ministre, dans la mesure où les baux ne
sont pas signés, les choses ne sont pas en cours.
M. Biron: Cela se change.
M. Boudrias: M. le ministre, il me reste à vous remercier
au nom des marchands de tous les marchés publics et aussi des
employés. Nous avons fait remettre tantôt, aux deux
côtés de la commission, des lettres d'appui de tous les marchands
et de tous les employés des marchés publics. Il nous reste
à vous remercier.
M. le Président, au mois de décembre, nous avons fait
signer une pétition à des consommateurs de marchés
publics. Nous avons recueilli un peu plus de 46 000 signatures. Je ne sais pas
si la commission veut prendre notre parole, à savoir que nous avons 46
000 signatures, ou si la commission veut que, dès demain matin, 10
heures, nous déposions la pétition car nous l'avons ici tout
près, à l'hôtel, et nous pouvons la déposer devant
la commission.
M. Biron: On ne lira pas les 46 000 noms demain.
M. Boudrias: Vous nous faites confiance, même si c'est un
avocat qui vous le demande, M. le ministre.
M. Biron: Oui.
M. Boudrias: Je vous en remercie.
M. Biron: Pour une fois.
Le Président (M. Rancourt): D'accord.
M. Boudrias: Une fois n'est pas coutume, mais j'en prends bonne
note, M. le ministre.
Le Président (M. Rancourt): D'ailleurs, la commission ne
peut recevoir de pétition pour une part, donc, nous prenons acte
de...
M. Boudrias: Cela règle le problème.
Le Président (M. Rancourt): D'accord. Nous remercions
l'Association des marchés publics du Québec. Merci beaucoup.
Puisqu'il est maintenant 22 heures, l'Assemblée étant
maîtresse de ses travaux, je crois qu'il y a entente pour entendre les
deux autres groupes. Nous allons maintenant appeler l'Union des employés
de commerce.
S'il vous plaît, un instant! M. le ministre a demandé la
parole.
Union des employés de commerce
M. Biron: Je remarque que, dans votre mémoire, vous vous
attaquez à peu près exclusivement au dimanche.
M. Kukovica (Thomas): Oui, M. le ministre. Il faut comprendre que
ce mémoire a été fait le 3 avril 1983, à la suite
d'une demande de consultation. Par contre, nous avons des observations
pertinentes à faire sur le projet de loi 59 ainsi que sur quelques
mémoires présentés ici.
Le Président (M. Rancourt): D'accord. Monsieur, si vous
voulez bien vous présenter, ainsi que ceux qui vous accompagnent
à la table.
M. Kukovica: Mon nom est Thomas Kukovica, président de
l'Union des employés de commerce, local 500; à ma gauche, Me
Pierre Laplante, qui est notre procureur; à mon extrême gauche, M.
Jules Lavoie, président du local 501 de l'Union des employés de
commerce; à ma droite, M. Jean Roberge, secrétaire
exécutif du conseil provincial de l'Union des employés de
commerce et, à mon extrême droite, M. Jean-Guy Provençal,
président du local 504, de
Sherbrooke.
M. le Président, nous aimerions, dans un premier temps, dire qui
nous sommes et, dans un deuxième temps, vous dire comment nous voudrions
aborder notre exposé. Notre exposé se fera en deux temps; dans un
premier temps, nous ferons nos observations quant à l'aspect technique
et légaliste du projet de loi 59, et nous laisserons Me Pierre Laplante
l'exposer. Dans un deuxième temps, nous allons commenter notre
mémoire, qui est presque exclusivement centré sur le dimanche,
mais qui contient d'autres observations très pertinentes sur d'autres
aspects.
L'Union des employés de commerce représente 30 000
travailleurs syndiqués dans toute la province de Québec. Nous
sommes le syndicat qui représente 95% de tous les travailleurs
syndiqués de l'alimentation ou du commerce au détail: on parle
d'alimentation, on parle de magasins d'alimentation, on parle de magasins
à rayons, on parle de magasins de meubles, de quincailleries et d'un tas
d'autres employés. Nous sommes repartis à travers toute la
province de Québec, à partir de Hull, et nous avons des locaux
jusqu'en Abitibi, à Chicoutimi, à Rimouski, à
Sept-Îles. Nous sommes un syndicat international qui regroupe 140 000
travailleurs au Canada et 1 200 000 travailleurs en Amérique du
Nord.
Sans plus tarder, je vais laisser la parole à Me Pierre Laplante,
qui va vous exposer nos points de vue et nos observations quant à
l'aspect technique et légaliste du projet de loi 59.
Le Président (M. Rancourt): Me Laplante.
M. Laplante (Pierre): Merci, M. le Président. M. le
ministre, messieurs les députés, un premier point qu'on remarque,
à la lecture du projet de loi, c'est l'absence de définition des
termes. On retrouve dans ce projet de loi, par rapport à la loi
existante, des concepts juridiques nouveaux. Il y a un danger de susciter de
longs débats juridiques s'il n'y a pas de définition des termes.
Lorsqu'on précise les mots "produits caractéristiques"
apparaissant à l'article 5, au deuxième paragraphe, et lorsqu'on
mentionne aussi "menus articles", apparaissant à l'article 5, au
troisième paragraphe, évidemment il y en a d'autres, nous
souhaiterions qu'il y ait une définition des termes, compte tenu de ces
nouveaux concepts juridiques.
Un deuxième point, il y a difficulté de concordance entre
la loi existante et le projet de loi. Il faudrait donc, et nous vous le
soumettons respectueusement, réviser le projet de loi à la
lumière de la loi existante pour rendre concordants les termes
légaux utilisés. À titre d'exemple, lorsqu'on mentionne
à l'article 5, paragraphe 3, le mot "pharmacie" et qu'on retrouve dans
le projet de loi, à l'article 5, paragraphe f, une définition qui
correspond, somme toute, à "pharmacie", mais sans en être
sûr, et qui se lit comme suit "produits pharmaceutiques,
hygiéniques et sanitaires," il y a un manque de concordance.
Troisième point, le projet de loi modifie à ses articles 2
et 3 un mot qui nous apparaît important. Il s'agit du mot "peut".
Celui-ci vient remplacer le mot "doit", qui apparaissait dans la loi existante.
Or, on sait fort bien que les tribunaux ont tendance parfois à
interpréter les termes "doit" comme voulant dire "peut" et "peut" comme
voulant dire "doit". À titre de praticien, je préfère
souligner ou débattre l'interprétation qui voudrait dire: Le
terme "doit" veut dire "doit", surtout que cela apparaissait dans la loi
existante. Je ne vois pas pourquoi on ne retrouverait pas le même terme,
c'est-à-dire pour utiliser le terme "doit" plutôt que le terme
"peut". Cela apparaît aux deux articles 2 et 3. (22 h 15)
De la même façon, à l'article 2 du projet de loi, on
a fait sauter un bout de phrase qui nous apparaît important, ne serait-ce
que pour l'interprétation qu'on peut en tirer. C'est la locution "jour
ou partie de jour" qui apparaît dans la loi existante et qui
n'apparaît plus dans le projet de loi. Par interprétation, si le
législateur fait disparaître un bout de phrase dans une loi comme
"partie de jour", est-ce qu'on ne peut pas soutenir devant les tribunaux que
l'utilisation d'employés de façon illégale pour partie de
jour ne contreviendrait pas à la loi puisque cela n'a pas
été fait à longueur de journée? Si le
législateur l'a prévu dans sa loi et ne le modifie pas dans la
loi subséquente, il y a donc matière à
interprétation. Somme toute, il y aurait lieu de reprendre exactement
les mêmes termes.
Un autre point qui nous apparaît important, M. le
Président, M. le ministre, c'est la disparition dans le projet de loi de
la possibilité, à l'article 9 de la loi actuelle, pour quiconque
de voir à poursuivre et donc d'appliquer la future loi. Pourquoi a-t-on
fait disparaître dans le projet de loi la possibilité pour
quiconque, y compris tout citoyen, de poursuivre les contrevenants à la
loi?
Ceci dit, cela nous amène à vous souligner un autre point
important. Non seulement sommes-nous d'avis qu'on devrait retrouver cette
locution selon laquelle quiconque peut voir à l'application de la loi,
mais, de façon plus spécifique, on devrait également
retrouver, de façon nommée dans la loi, la possibilité
pour les associations syndicales accréditées, compte tenu du fait
que l'application de cette loi a un impact direct sur nos membres, de
poursuivre et ce, sans autorisation du ministre.
À titre de suggestion - c'est une idée que nous soumettons
à la commission - n'y aurait-il pas lieu de soumettre la juridiction,
quant à l'application de cette loi, au Tribunal du travail plutôt
qu'au tribunal de droit commun? Les motifs à l'appui de cette intention
sont les suivants: il y a, quant à nous, une connexité, une
relation étroite entre les relations du travail et l'application de
cette loi. Dans un deuxième temps, de façon très pratique,
cela aurait pour effet d'accélérer le processus, compte tenu de
l'encombrement des rôles en matière de droit commun, en
matière pénale.
Finalement - et vous aurez l'occasion d'entendre M. Kukovica sur ce
point bien précis - tout le concept de cette loi vient en quelque sorte
modifier ce qui existait auparavant. On entendait tantôt les concepts de
dépannage et d'opération commerciale normale; je mets cela entre
guillemets, cela reste à définir. On opposait la philosophie de
dépannage et la philosophie d'opération commerciale, le tout dans
le contexte des opérations du dimanche, par exemple. Qui doit et comment
doit-on délimiter ce qu'est le dépannage? À quelle limite
se situe le dépannage? À quelle limite juridique se situe le
dépannage? Qui va le trancher? Je n'ai pas vu dans cette loi les outils
et le mécanisme qui sont nécessaires pour y arriver. Je vous
soumets donc que vous avez déjà, dans une loi qui s'appelle la
Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction,
prévu un mécanisme pour ce type de problème, par exemple,
de façon très particulière, la nomination d'un commissaire
de la construction chargé d'interpréter et d'appliquer tous les
cas litigieux en matière de construction. N'y aurait-il pas lieu, dans
les cas où il y aura des difficultés de déterminer le
dépannage et les opérations commerciales normales, de soumettre
ces problèmes à une autorité quasi judiciaire qui
s'appellerait un commissaire pour l'application de cette loi-là?
Telles sont les remarques que nous avions à formuler quant
à la technique même, quant aux aspects légaux du projet de
loi. Avant de terminer, je m'en voudrais de ne pas souligner les passages du
mémoire de l'ADA parce que nous avons eu l'occasion de prendre
connaissance dudit mémoire. Il y a au moins trois aspects - nous l'avons
lu rapidement - qui ont retenu notre attention et nous voudrions
également les faire nôtres.
Ils sont les suivants: à l'article 5, paragraphe 6, ajouter le
mot "total" à la suite du mot "fonctionnement"; un deuxième
point, une meilleure définition des pouvoirs des inspecteurs;
finalement, un troisième point, accorder le pouvoir spécifique au
Procureur général ou à l'un de ses substituts de
requérir l'émission d'une ordonnance d'injonction en cas de
contraventions répétées. Bien que, théoriquement,
nous pourrions recourir à cette ordonnance d'injonction par la voie
normale, telle que prévue au Code de procédure civile, il n'est
pas mauvais, au contraire, il est même bon de prévoir
spécifiquement cette possibilité-là. C'est la raison pour
laquelle nous sommes d'accord avec les propos tenus par Me Martel.
Ceci termine, M. le Président et M. le ministre, nos
représentations sur ces aspects.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Je pourrais juste me permettre de donner une
réponse très brève là-dessus, qui, je pense,
devrait vous satisfaire. Plusieurs des points que vous avez avancés ont
déjà été soumis dans d'autres mémoires. Il y
a des décisions qui sont en train de se prendre, en particulier quant
à la concordance. Il y a plusieurs de ces cas qui vont être
réglés. Vis-à-vis de la définition, il y a
déjà beaucoup de jurisprudence qui définit "menus
articles" et ainsi de suite. Et, vis-à-vis des poursuites, il y a la Loi
sur les poursuites sommaires à laquelle on fait référence
dans ce projet de loi; ce n'était pas dans l'ancienne loi et cela permet
à quiconque d'entreprendre des poursuites. Il y a beaucoup de choses qui
sont en marche. Quant au reste, on prend note de votre intervention. Bien
sûr, cela pourra nous éclairer dans nos décisions.
Le Président (M. Rancourt): M. Kukovica, s'il vous
plaît!
M. Kukovica: Je vais me référer, M. le
Président, M. le ministre et MM. les députés, à la
page 5 de notre mémoire où on parle du commerce du dimanche. Non
seulement les principaux problèmes reliés à la Loi sur les
heures d'affaires des établissements commerciaux ainsi qu'à la
loi fédérale du dimanche portent-ils sur les activités
commerciales illégales le dimanche, mais, qui plus est, il se dessine
actuellement une nette tendance afin que le commerce du dimanche soit
libéralisé puisque j'entendais même un député
le mentionner; et il y a eu plusieurs représentations qui ont
été faites par plusieurs associations.
Le conseil provincial de l'Union des employés de commerce
s'oppose fermement à toute libéralisation du commerce le
dimanche. On félicite le gouvernement d'avoir inclus le dimanche dans le
projet de loi 59.
Non seulement le conseil provincial de l'Union des employés de
commerce s'oppose-t-il à toute libéralisation mais le conseil
demande, en outre, qu'apparaisse dans la loi québécoise
l'interdiction formelle d'exploiter un commerce le dimanche, sous
réserve d'exception.
Avant d'aborder l'application de ce principe, il convient, dans un
premier temps, de soumettre les raisons qui militent en faveur de
l'interdiction des activités commerciales le dimanche.
La qualité de vie d'abord. Je dois vous dire que ce chapitre a
été fait à la suite d'une consultation parmi les 30 000
travailleurs que nous représentons et surtout à la suite - je
pense que tout le monde ici en est conscient - de la dernière bataille
qu'on a dû livrer dans les négociations dans l'alimentation au
détail avec les deux géants de l'alimentation. Au coeur des
négociations, un des problèmes majeurs qui avaient
été soulevés dans les négociations était
justement que les employeurs voulaient maintenant fonctionner le dimanche et
à rabais. Alors que nous avions deux fois le salaire horaire ou le
salaire mensuel, on nous demandait maintenant de travailler le dimanche
à temps simple et, dans certains cas, sans aucune prime pour le travail
du soir. Alors, vous comprendrez qu'on s'oppose totalement à quelque
libéralisation que ce soit.
Pour les membres de l'Union des employés de commerce, la semaine
normale de travail débute le lundi matin et se termine le samedi en fin
d'après-midi. Les travailleurs de l'industrie du commerce au
détail ont appris à composer avec cette situation et ce, depuis
de nombreuses années. Il ne faut pas oublier que le commerce au
détail, cela veut dire 400 000 travailleurs et travailleuses qui sont
aussi des consommateurs et consommatrices. Pour l'Union des employés de
commerce, le dimanche constitue la seule et unique journée où
tant le travailleur que la travailleuse peuvent planifier et consacrer une
journée entière aux activités familiales. Dans notre
société contemporaine où les enfants vont à
l'école du lundi au vendredi et où les parents sont
appelés à travailler du lundi au samedi inclusivement, le
dimanche est devenu le seul et unique moment privilégié de la vie
familiale.
Conséquemment, toute libéralisation qui ferait en sorte de
permettre le commerce le dimanche serait une menace directe à la vie
familiale des membres de l'Union des employés de commerce. Il convient
également de noter que cet argument s'applique aussi aux salariés
non syndiqués de ce secteur de l'industrie qui ont le droit d'être
syndiqués. Les membres de l'Union des employés de commerce ne
considèrent pas le fait de ne pas travailler le dimanche comme un
privilège, mais bien comme un droit fondamental dans une
société qui se veut soucieuse du bien-être de ses
citoyens.
Nous allons maintenant aborder le deuxième aspect: Les prix des
produits et des services. C'est le fruit de nos réflexions, on vous le
soumet respectueusement, qu'il ait du sens ou non. On vient tous de ce milieu;
on a travaillé dans l'industrie de l'alimentation et du commerce au
détail.
D'autre part, le conseil provincial de l'Union des employés de
commerce maintient qu'une libéralisation du commerce le dimanche aura
pour effet que les prix des produits augmenteront et que les
municipalités seront obligées d'augmenter leurs taxes en raison
des services qu'elles seront obligées de fournir en surplus. Il en est
ainsi puisqu'il est plus coûteux d'exploiter un commerce sur une base de
sept jours par semaine que sur une base de six jours par semaine. En
contrepartie, l'achalandage nouveau créé par une
libéralisation du commerce le dimanche aura tôt fait de
nécessiter, à titre d'exemple, l'augmentation des coûts de
service comme ceux du transport en commun et de la sécurité
policière.
Sans entrer dans le détail de cette mécanique spirale,
force nous est de constater que la concurrence étant ce qu'elle est dans
ce secteur de l'industrie, le service offert à la clientèle est
primordial et, par voie de conséquence, le coût de ce service se
répercutera nécessairement sur le prix des produits et ce, de
façon directe ou indirecte, comme nous l'avons vu dans les paragraphes
précédents.
Nous allons maintenant parler des conventions collectives en vigueur.
Finalement, et subsidiairement, l'abolition de l'interdiction de faire commerce
le dimanche entraînera de nombreux litiges. On vous a parlé du
litige qu'on a vécu au mois d'octobre et au mois de novembre 1983. Je
pourrais vous parler de l'expérience que nous vivons en Amérique
du Nord et aux États-Unis où nous représentons 1 200 000
travailleurs dans le secteur de l'alimentation et du commerce au détail.
Les États qui n'ont pas de loi fédérale sont régis
par les municipalités. On a, depuis trois ans, négocié
à rabais puisque l'ouverture du dimanche s'est produite au fur et
à mesure et l'ouverture de 24 heures en 24 heures. On a dû
abandonner le temps supplémentaire, les primes et nos conditions de
travail s'en sont ressenties drôlement.
Qu'est-ce que cela a amené? Cela a amené tout simplement
trois facteurs importants. Cela a amené plus de temps partiel dans notre
industrie. Alors qu'aux États-Unis, c'est 80% de tous les travailleurs
qui sont des employés à temps partiel qui ne gagnent pas leur vie
où ils travaillent, chez nous, on est encore chanceux qu'il y ait 65% et
70% des travailleurs qui sont des employés à temps partiel. (22 h
30)
Malgré tout, nous voyons des mises à pied massives. On
nous parle d'emplois qui sont créés; j'entendais les
marchés publics qui créent des emplois, pendant ce temps, juste
à côté, ils oublient les 800 travailleurs
que nous avons actuellement en chômage dans le commerce de
l'alimentation au détail. Ils oublient les magasins qui doivent fermer.
Pas plus tard que la semaine passée, deux grandes chaînes ont
annoncé la fermeture de cinq magasins. On va en annoncer combien
d'autres. On crée des emplois fictifs, mais on en fait disparaître
ailleurs. Il est à prévoir qu'avec une forte proportion
d'établissements commerciaux non syndiqués la
libéralisation du commerce le dimanche aura tôt fait d'accentuer
davantage une concurrence déjà déloyale faite par les
établissements non syndiqués à l'endroit des
établissements syndiqués.
Ou bien les commerces syndiqués devront supporter un coût
d'exploitation supérieur en raison des conventions collectives, ou bien
les travailleurs devront accepter une diminution de leurs conditions de travail
pour équilibrer la concurrence. C'est ce qui est arrivé lors des
dernières négociations parmi 10 000 travailleurs de
l'alimentation et du commerce. On a dû avoir des diminutions et des
baisses de nos conditions de travail. Le conseil provincial ne saurait accepter
qu'une loi vienne, directement ou indirectement, abaisser les conditions de
travail de ses membres.
Somme toute, les effets d'une exploitation commerciale continue sur sept
jours seront destructeurs pour la qualité de vie des salariés
membres de l'Union des employés de commerce et se traduiront
inévitablement par une augmentation des coûts auprès du
consommateur.
Pour une vraie loi du dimanche. De toute évidence, l'appât
du gain, une loi désuète - on l'a vu tantôt avec les
marchés publics - et une administration inefficace de cette loi, le tout
projeté dans un environnement de très vive concurrence ont fait
en sorte que les lois actuelles (provinciale et fédérale) sont
devenues inutiles. Une loi efficace doit comporter des mécanismes
coercitifs. À ce niveau, on vous félicite. Bravo! On est
très satisfait des amendes qui apparaissent au projet de loi 59.
Le commerce constitue, à notre avis, l'industrie où la
concurrence demeure la plus féroce et où le moindre avantage
consenti à un commerçant par rapport à un autre se
transforme inéluctablement en gains pécuniaires
appréciables. La faiblesse de la loi et l'absence quasi totale
d'administration, cela se comprend, compte tenu du très petit nombre
d'inspecteurs. Nous sommes très heureux d'apprendre que les policiers
seront maintenant plus vigilants. On comprend qu'ils ne pouvaient pas
l'être trop tôt, puisque, avec 40 $ d'amende, quand on fait des
profits très intéressants... On souhaite, à l'article 9 de
votre projet de loi 59, que nous soyons reconnus expressément comme
association accréditée pour que nous puissions nous aussi
appliquer cette loi.
Je disais que la faiblesse de la loi et l'absence quasi totale
d'administration de cette loi ont créé une situation qui permet
de conclure qu'il est plus rentable pour un commerçant de violer la loi
que de la respecter. Pour un coût minime, lorsqu'il y en a un, le
commerçant agissant dans l'illégalité s'approprie un
avantage de marché certain sur son concurrent.
Le meilleur exemple à cela, c'est le Marché de l'Ouest
situé juste à côté du centre commercial Fairview et
il y a ce qu'on pourrait appeler des magasins de fruits en gros qu'on dit
indépendants. Pourtant, on retrouve ces mêmes marchands au
marché de Laval, de Greenfield Park. OCTOFRUIT, Toscana, Plantation,
est-ce que ce sont des marchés indépendants? Il faudrait se poser
la question, puisqu'ils sont un peu partout dans ce qu'on appelle les
marchés publics.
Il existe actuellement au Québec des centaines et des centaines
de commerces qui font affaires illégalement au détriment de
l'industrie et du commerce, c'est-à-dire non seulement au
détriment des commerçants respectueux de la loi, mais
également au détriment des salariés syndiqués
membres de l'Union des employés de commerce. Qu'il nous suffise de
citer, dans un premier temps, certains exemples que l'on retrouve partout au
Québec et qui, à notre avis, constituent autant de violations
flagrantes de cette loi.
Il y a d'abord les marchés aux puces où, chaque dimanche,
des dizaines et des dizaines de commerçants vendent tous les produits de
détail imaginables et ce, sans aucun respect de la loi du dimanche ainsi
que de la loi sur les heures d'ouverture et de fermeture des magasins.
Les dépanneurs, avec ou sans essence, camouflent de petits
magasins d'alimentation de détail et ont plus de trois salariés
le dimanche. Fait cocasse, nous venons d'en syndiquer un et, lorsque est
arrivé le moment pour l'employeur de dévoiler le nombre
d'employés qu'il avait, il en avait huit. Or, il ouvre le dimanche.
Il y a les marchés de fruits où, chaque dimanche, une
demi-douzaine d'employés, parents ou non du propriétaire, font le
commerce de détail. Je ne voudrais pas vous citer des noms, je pense
qu'on les connais.
Il y a les nouveaux centres commerciaux où sont apparus des
commerces de type boutique et où le regroupement des boutiques dans un
même site commercial constitue un exemple frappant d'un centre commercial
fonctionnant le dimanche.
Il y a les magasins de "faillite", où l'on retrouve des ventes de
pseudo-faillite à l'année une grande opération commerciale
le dimanche, puisqu'ils les annoncent même à la
télévision.
Il y a les pharmacies où les produits pharmaceutiques contituent
l'infime partie des biens commerciaux vendus et où l'on y
retrouve même de la viande, des produits laitiers, des conserves,
des jouets, etc.
Ceci dit, depuis quelque temps, une pression est exercée sur les
commerçants qui, tout en étant respectueux des lois, voient cette
menace de la perte d'une clientèle dans une concurrence déloyale
de la part de commerçants opportunistes qui n'hésitent pas
à violer la loi pour accaparer d'une part du marché.
Cette pression aura pour conséquence, si aucune correction n'est
apportée, que les commerçants respectueux de la loi n'auront
d'alternative que de fonctionner commercialement dans
l'illégalité, ne serait-ce que pour stopper la diminution de leur
clientèle.
Inévitablement, toute contre-attaque au niveau de cette
concurrence déloyale aura un effet direct sur les membres de l'Union des
employés de commerce en ce qu'ils serviront de main-d'oeuvre à
rabais au sein de cette concurrence du dimanche. Conséquemment, nous
croyons qu'il y a lieu, en plus d'indiquer clairement l'interdiction de
commercer le dimanche, de préciser les exceptions et de les encadrer
davantage. C'est un des éléments importants de notre
mémoire.
Ainsi devrait être déclarée illégale, en plus
des commerces qui ne se conformeraient pas à la loi actuelle, toute
superficie commerciale qui excéderait 1200 pieds carrés, y
incluant - nous sommes prêts à reconnaître trois personnes -
tout espace servant à des fins commerciales le dimanche. Nous sommes
prêts à accepter l'exigence des 1200 pieds carrés et de
trois personnes.
Ajoutée aux autres critères prévus à la loi
actuelle, la définition du périmètre devrait faire en
sorte que les pharmacies redeviennent de véritables pharmacies; que les
dépanneurs redeviennent de véritables dépanneurs. En
outre, chaque établissement commercial faisant partie d'un regroupement
géographique d'établissements commerciaux tel que les boutiques
dans un centre commercial devrait obtenir une autorisation particulière
accordée au mérite et après étude de chaque
cas.
Finalement, au texte actuel de la loi, il y aurait lieu d'ajouter une
définition des services qui peuvent être rendus le dimanche de
façon à permettre une appréciation, cas par cas, de chaque
entreprise commerciale opérant le dimanche.
La force coercitive de la loi.
Quant aux amendes - on vous a dit que nous étions très
fiers de voir cela dans le projet de loi 59 - un encadrement devrait être
prévu, encadrement qui ferait en sorte de prévoir un minimum et
un maximum qui soient réalistes et dissuasifs pour la première
infraction, le double en termes d'amende en cas de récidive dans la
même année et, au cas d'une troisième récidive, la
suspension possible du permis d'exploitation commerciale et la fermeture de
l'établissement, avec ou sans amende.
En ce qui a trait à la juridiction du tribunal, nous croyons
qu'il y aurait lieu que le Tribunal du travail puisse être saisi de
plaintes pénales en regard de l'application de cette loi. Les plaintes
pourraient être déposées éventuellement, soit par
des employeurs, soit par des associations de salariés dûment
accréditées par le biais d'un texte législatif
approprié.
Un tel encadrement, dans la structure des amendes, ajouté
à la célérité des procédures devant le
Tribunal du travail, devrait permettre d'amorcer un virage important de la
conduite des opérations commerciales illégales le dimanche.
Nous voudrions maintenant répondre à quelques arguments
entendus lors des présentations de certains organismes. Nous avons
entendu OCTOFRUIT vous dire qu'il y avait besoin de fruits frais. Nous disons
que c'est faux; que c'est un faux besoin. Est-ce que la commission a
demandé à OCTOFRUIT quels sont ses fournisseurs? Nous croyons que
ce sont les mêmes que pour Steinberg, Provigo, IGA et tout autre magasin
d'alimentation. Est-ce qu'OCTOFRUIT va prétendre vendre tous ses fruits
la journée même et qu'il jette le reste? Est-il en train de
prétendre que les grandes chaînes ne vendent pas des produits
frais et que c'est seulement parce qu'on est ouvert le dimanche qu'on vend des
produits frais? Les moyens de conservation aujourd'hui, en 1984, sont tels que,
lorsqu'on a coupé le bananier à l'Équateur, il
était totalement vert et qu'il est devenu frais dans le
réfrigérateur d'un wagon de CN ou de CP Rail, il n'est pas plus
frais chez OCTOFRUIT, parce qu'on le vend le dimanche, qu'ailleurs?
Les marchés publics sont un besoin. Je n'entrerai pas dans tous
les savants énoncés qui ont été faits. Qui a
créé ce besoin? On dit que le marketing qui a été
fait sur les marchés publics est fantastique. Tout à coup, on a
créé un besoin et on nous a parlé des marchands, des
agriculteurs qui venaient vendre leurs produits. On ne touche pas à ces
gens-là; le Marché Central existe depuis de nombreuses
années; le Marché Jean-Talon, où les producteurs vont
vendre et où les commerçants vont acheter, existe depuis nombre
d'années. Il n'est pas assujetti à la loi actuelle et il n'est
pas non plus assujetti à votre loi. Qu'est-ce qu'un marché
public? C'est peut-être la question à se poser. (22 h 45)
Nous avons la liste des marchands qui vendent dans les marchés
publics; prenez le Marché de l'Ouest; prenez le Marché du
bonheur, le 440; prenez le Marché Laval ou Greenfield-Park, ce sont des
boutiques l'une à côté de l'autre, sous un même toit.
Mais quelle différence y a-t-il avec un centre commercial? Est-ce parce
que les marchands et les agriculteurs viennent vendre des
produits dans les quelque 20 ou 30 espaces qu'il y a pour eux que ce
sont des marchés publics tout d'un coup? Que va-t-il arriver si le
centre commercial Fairview décide de s'appeler le marché public
Fairview, qu'il donne 20 espaces aux agriculteurs et qu'il y a des boutiques?
Est-ce qu'il va être exclu par la loi? Alors, c'est quoi, un
marché public? C'est une accumulation de boutiques qui fait que c'est un
centre commercial. On a fait du très bon marketing pour nous parler de
l'ancienne, mais on a, nous, en tant que société, un choix
à faire. Vous et nous avons un choix à faire. On exige et on
revendique le dépannage le dimanche, mais on ne veut pas
d'opération commerciale au même rythme et de même ampleur
qu'un jour de la semaine. Oui, au dépannage; cela est un choix de
société qu'on a à faire et on a ce loisir de le faire.
Qu'on parle maintenant de cloisonnement, de la pseudo-pharmacie. Nous
sommes d'avis que notre choix de société, c'est d'interdire les
opérations commerciales le dimanche, à l'exception du
dépannage. PHARMAPRIX, Jean Coutu et tous leurs semblables se sont
moqués de la loi à cause des faiblesses administratives. Nous
devons stopper les aventuriers qui en profitent. Vous l'avez fait dans un
premier temps - on vous en félicite encore - par les amendes. Nous
voulons aller plus loin et on dit: On doit le faire aussi par ce qu'on appelle
les pieds carrés, les 1200 pieds carrés et les trois
employés, puisque la pharmacie va continuer à opérer. Cela
va être un vrai dépanneur, un dépannage, car 1200 pieds
carrés et trois employés, laissez-moi vous dire que j'ai
travaillé dix ans dans le commerce de l'alimentation et du
détail, cela se fait, et c'est du vrai dépannage.
Les faillites et les marchés aux puces. Comment cela a-t-il
été créé? Cela a été
créé par les aventuriers qui ont l'appât du gain. Quand
vous voyez de la publicité à la télévision, dans
les journaux, qui nous dit que ce sont des faillites, alors que cela fait un an
qu'il est en faillite, qu'on vend des habits le dimanche, il va falloir se
poser la question: Est-ce que cela fait longtemps, ces faillites? Nous, ce que
l'on veut, ce sont les mêmes règles du jeu pour tout le monde.
On a entendu différentes représentations sur les droits
acquis. Oui aux droits acquis, au dépannage, mais non à
l'exploitation commerciale à grande échelle le dimanche. Des gens
l'ont admis eux-mêmes et, bien souvent, il y en a plusieurs qui ont admis
qu'ils l'ont fait dans l'illégalité. C'est pour cela qu'en
commission parlementaire... On a, je crois, les Québécois,
dépassé le seuil de la tolérance, qui est
déjà plus élevé qu'ailleurs. On n'a tout simplement
qu'à se rappeler la bataille d'IKEA ici même, dans la ville de
Québec.
On a aussi entendu le mot réalisme employé par M. le
ministre. Nous sommes d'accord. Il faut être réaliste et proche
des problèmes de l'industrie de l'alimentation. C'est pourquoi nous
sommes d'accord avec le dépannage, mais nous ne sommes pas d'accord avec
l'exploitation des commerces, à grande échelle, le dimanche.
On vous met même au défi que, si les enjeux étaient
clairs, sur la place publique, entre deux choix, premièrement, la vie
familiale le dimanche et, deuxièmement, ce que j'appelle l'appât
du gain ou le "fast-buck", nul doute que la réponse serait de permettre
le dépannage et de protéger notre vie familiale.
En conclusion, M. le Président, premièrement, nous sommes
d'accord pour l'exploitation de certains commerces le dimanche, le
dépannage du dimanche, mais nous sommes contre toute exploitation des
commerces à grande échelle. Deuxièmement, nous sommes pour
qu'on limite à 1200 pieds carrés et à trois personnes en
dehors des heures d'ouverture et de fermeture, tel que stipulé dans le
projet de loi 59. Nous sommes contre toute libéralisation des heures
d'ouverture et de fermeture. Nous ne voyons pas la nécessité
d'ajouter une heure le samedi, jusqu'à 18 heures; les commerçants
n'y gagneraient absolument rien. Nous sommes totalement opposés à
la perte des jours de fermeture obligatoire que la loi actuelle stipule. Le
lendemain du jour de l'an jusqu'à 13 heures, pour les 40 000
travailleurs du secteur de l'alimentation et du commerce au détail,
c'est aussi fête. Le lundi de Pâques, qui est reconnu par la Loi
sur les normes du travail, qu'est-ce qu'on va en faire? On va permettre
d'ouvrir cette journée-là et on va devoir travailler. Le jour de
l'Action de grâces, qu'est-ce qu'on va en faire? On va travailler. Le
lendemain de Noël, jusqu'à 13 heures, c'est aussi fête. Nous
nous opposons énergiquement au retrait de ces jours-là dans la
loi 24. Nous sommes aussi d'avis que le jour de la Saint-Jean-Baptiste et le
jour de la Confédération devraient être reportés au
lundi pour permettre aux travailleurs d'avoir deux jours de congé
consécutifs. Ce serait probablement très avantageux dans le
commerce au détail puisque c'est la journée la moins
achalandée.
Nous croyons aussi que la libéralisation que vous voulez faire
quant aux six jours précédant le dimanche de Pâques est
totalement inutile, premièrement, parce que c'est une fête
flottante et, deuxièmement, parce qu'une infime minorité de
commerçants en profiteraient puisqu'il n'y a rien de spécial la
semaine précédant Pâques, en termes de vente et en termes
d'exploitation des commerces d'alimentation ou du commerce au
détail.
Nous voudrions aussi attirer votre attention sur le fait que, les 24 et
31 décembre, la loi 24 stipule que la fermeture
devrait se faire à 18 heures. Nous vous soumettons
respectueusement que cela devrait être 17 heures. Nous croyons, par
expérience - nous vivons dans ce milieu -qu'il n'y a pas beaucoup de
consommateurs qui viennent la veille des fêtes, à 18 heures et
à 17 heures, faire des achats. Nous pensons que vous devriez changer
l'heure pour 17 heures, ce qui offrirait aux membres syndiqués et non
syndiqués une vie familiale plus normale.
Mon dernier point, nous croyons que vous devriez remettre dans la loi
l'article 9 et dire que toute association syndicale accréditée a
droit de poursuivre et de faire respecter la loi. Ainsi, nous serions plusieurs
à la faire respecter et ce ne serait certainement pas une innovation
dans les lois qui nous régissent. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: M. Kukovica, je pense que votre mémoire est on
ne peut plus clair. Après avoir entendu jusqu'à maintenant 25 ou
30 mémoires au cours des derniers jours, je me permets tout simplement
de vous remercier et vous féliciter pour la limpidité et la
clarté de la présentation de votre mémoire. Ce sont des
choses avec lesquelles - vous l'avez mentionné vous-même - nous
sommes d'accord. D'autres nous font réfléchir et nous nous
pencherons sur ces recommandations au cours des prochains jours, des prochaines
semaines. Quant à moi, j'ai trouvé votre présentation
tellement claire que je n'ai pas de question à vous poser. Je ne sais
pas si mon collègue de Laporte aurait quelques questions.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Vu la clarté du mémoire, M. le
Président, et la clarté des propos des représentants de
l'Union des employés de commerce et vu aussi l'heure tardive, je pense
bien que nous allons passer outre nous aussi.
Le Président (M. Rancourt): Nous vous remercions,
messieurs de l'Union des employés de commerce.
Nous allons appeler maintenant l'Association des consommateurs du
Québec. Nous accueillons maintenant l'Association des consommateurs du
Québec. Si vous voulez bien vous présenter et présenter
ceux qui vous accompagnent.
Association des consommateurs du Québec
M. Beauchamp (Jean-Claude): M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés, à ma gauche, Mme Louise
Rivard-Plouffe, présidente de la section Québec-Sainte-Foy de
l'Association des consommateurs du Québec. À ma droite, Mme Manon
Laporte, membre de l'association et conseillère en consommation. Je suis
Jean-Claude Beauchamp, avocat, président de l'Association des
consommateurs du Québec.
Les nombreuses associations qui se sont présentées devant
vous et plus particulièrement leurs avocats, la plupart du temps, ont
soulevé certaines règles de droit, ont rappelé à la
commission l'existence de certaines règles de droit. On pourrait en
rappeler une en ce qui nous concerne: nul n'est amené à plaider
au nom d'autrui. On a pu constater, pendant le peu de temps qu'on a
été ici, que tous les intervenants se réclament des
intérêts des consommateurs et des besoins des consommateurs pour
justifier leur propre position. Humblement, nous allons essayer de vous faire
part de ce que les consommateurs ou un groupe de consommateurs pensent du
projet de loi 59 et présenter très rapidement l'association.
L'Association des consommateurs du Québec existe depuis 35 ans
maintenant. C'est donc l'aînée des associations de consommateurs
au Québec. L'association regroupe actuellement environ 800 membres
répartis dans toute la province. On exploite, en fait, une dizaine de
sections locales et chacune exploite un centre d'information. Nous sommes une
association qui est reconnue par l'Office de la protection du consommateur.
Nous sommes subventionnés. Peut-être que 800 membres, cela
paraît peu aux yeux des membres de la commission. Je peux dire à
la commission que si on se compare à la situation des associations de
consommateurs un peu partout dans le monde, la comparaison est avantageuse. Le
pourcentage des membres de notre association se compare avantageusement avec ce
qu'on retrouve dans la plupart des pays occidentaux. (23 heures)
L'association rejoint, par ses publications et ses services,
au-delà de 100 000 personnes par année. D'autre part, la
situation particulière existant au Québec explique un peu le
nombre de membres qu'on retrouve, c'est-à-dire qu'il existe plusieurs
associations de consommateurs au Québec. Ce qui distingue
peut-être un peu l'Association des consommateurs du Québec des
autres, je pense, c'est le fait que notre association ne représente pas
et n'a jamais eu la prétention de représenter un groupe
particulier de consommateurs, notamment des consommateurs
défavorisés économiquement comme certaines associations le
font, telles les ACEF. Nous avons toujours eu comme prétention et comme
position de tenter de traduire la situation vécue par l'ensemble des
consommateurs, du consommateur moyen.
M. le ministre, l'Association des consommateurs du Québec, comme
vous le savez, vous a fait parvenir un mémoire, il y un an, sur cette
question. Essentiellement, la position que nous avions exprimée à
ce moment-là était celle de donner le pouvoir de
réglementation dans le domaine des heures d'affaires aux
municipalités. Nous disions à ce moment-là que cette
façon de procéder permettrait de satisfaire un plus grand nombre
de consommateurs. Nous disons que la grande préoccupation du
gouvernement doit, selon nous, être de faire en sorte que la situation
dans le domaine du commerce évolue en fonction des besoins des
consommateurs. Nous savons tous que ces besoins-là ont
évolué de façon rapide et de façon importante
depuis un certain nombre d'années.
On peut rappeler aux membres de la commission le fait que les gens ne
travaillent plus majoritairement - certaines études l'ont
démontré - sur un horaire de 9 heures à 17 heures, du
lundi au vendredi. Selon certaines statistiques et certaines études
faites en 1976, déjà, à cette époque, au Canada,
55% des gens, de la population active travaillaient en dehors des heures
régulières, c'est-à-dire de 9 heures à 17 heures du
lundi au vendredi. D'autre part, on sait que la structure familiale s'est
modifiée considérablement au cours des dernières
années. On retrouve beaucoup plus, d'une part, de familles
monoparentales ou de gens qui vivent seuls et, d'autre part, de couples
où les deux conjoints travaillent, de sorte que cette évolution
fait en sorte que les besoins des couples et des consommateurs en
général ont évolué et sont différents.
À ce point de vue-là, je peux vous dire, M. le ministre,
que, ce soir, j'ai entendu des propos d'associations qui faisaient état
des besoins des consommateurs et de leurs recherches pour s'adapter aux besoins
des consommateurs, notamment l'Association des marchés publics. Je peux
vous dire que leurs propos ne m'ont pas fait "siler" les oreilles, si vous me
permettez l'expression. Je pense que l'association est foncièrement
d'accord avec la position de ce groupe qui dit qu'il y a eu une
évolution des besoins des consommateurs et certains
phénomènes, comme celui des marchés publics, correspondent
effectivement, si on se fie à la fréquentation de ces
endroits-là, à un besoin ressenti par les consommateurs.
Dans notre mémoire, on suggère, premièrement, au
gouvernement de redonner le pouvoir de réglementation aux
municipalités; pensons aux municipalités régionales de
comté; pensons aux communautés urbaines régionales. La
situation en milieu urbain est fort différente de celle vécue en
milieu rural. Deuxièmement, on demande de maintenir des restrictions en
ce qui concerne les heures d'ouverture le dimanche parce que, selon la
consultation qu'on a faite auprès de nos membres, il semble y avoir
encore beaucoup de réticence en ce qui concerne la libéralisation
des heures d'ouverture le dimanche. Je pense qu'il faudrait apporter une
correction à notre mémoire quand on dit à la page 3:
"L'Association des consommateurs du Québec maintient sa recommandation
de ne pas libéraliser les heures d'ouverture des commerces le
dimanche... " II faudrait ajouter et lire "sauf si les municipalités
l'autorisent". En fait, on dit, en ce qui concerne le dimanche: Laissons le
fardeau de la preuve à ceux qui réclament l'ouverture le dimanche
alors que, sur semaine, on dit de renverser le fardeau de la preuve et imposons
le fardeau de la preuve aux municipalités qui voudraient restreindre les
heures d'ouverture sur semaine. Notre recommandation est de libéraliser
les heures d'ouverture en semaine. Nous pensons qu'actuellement certaines
situations constituent des irritants pour les consommateurs. Nous pensons
à certains secteurs particuliers comme l'alimentation, où les
commerces de grande surface sont obligés de fermer à 18 heures
pile, alors que beaucoup de consommateurs, des couples où les deux
conjoints travaillent, doivent aller chercher un enfant à la garderie
à 17 heures, faire des déplacements assez importants, etc. Donc,
les limites qui sont imposées actuellement nous paraissent
sévères. On pense qu'une certaine libéralisation dans ce
domaine favoriserait une meilleure réponse aux besoins des
consommateurs.
Dans notre mémoire, M. le ministre, comme vous avez pu le
constater, nous avons essayé de tenir compte de trois variables
importantes, dont celle de l'impact de l'ouverture des commerces sur la vie
sociale et familiale. Nous avons souligné à la commission que ces
préoccupations portaient surtout sur le dimanche, et non la semaine.
C'est la raison pour laquelle on recommande au gouvernement de faire en sorte
qu'en principe aucun commerce ne puisse ouvrir le dimanche, sauf les cas qu'on
connaît déjà de dépannage - cela a été
souligné - et si les municipalités le désirent. Par
exemple, la Communauté urbaine de Montréal pourrait
réaliser, étant donné son contexte urbain, la
densité de sa population, le fait que les gens ont des habitudes de vie
fort différentes les uns des autres, que cela répond à un
besoin, le fait de libéraliser les heures, le dimanche.
M. le ministre, en ce qui concerne les impacts sur le commerce, la
concurrence et les prix, on a voulu attirer votre attention sur ceci. Par
exemple, dans le secteur de l'alimentation, le fait d'avoir
développé une structure parallèle de dépannage
comporte aussi des coûts; il faut y penser. Quand on dit que cela
pourrait avoir un impact sur les prix, c'est-à-dire les faire augmenter,
on a
un doute là-dessus. On pense que, dans beaucoup de cas, la
situation pourrait être à l'inverse; cela pourrait avoir un effet
à la baisse sur les prix.
Enfin, en ce qui concerne l'impact sur les travailleurs, encore une
fois, on semble faire une adéquation entre la prolongation des heures
d'ouverture et la prolongation des heures de travail. Nous pensons qu'il n'y a
pas nécessairement adéquation entre les deux et que cela
donnerait ouverture à une plus grande souplesse en ce qui concerne les
heures de travail. Cela donnerait peut-être ouverture à des
nouveaux emplois dans ce secteur et, encore une fois, cela permettrait de
satisfaire un plus grand nombre de consommateurs.
M. le ministre, j'ai résumé très sommairement, vu
l'heure tardive, l'essentiel de notre mémoire. Nous sommes prêts
à répondre à vos questions.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: D'abord, je vous remercie de votre sympathie à
l'égard des membres de la commission qui ont commencé tôt
ce matin et qui ont passé quelques heures au bureau avant de commencer
à siéger ici. Je pense qu'on apprécie beaucoup les
quelques minutes additionnelles de repos que cela va nous donner ce soir.
Brièvement, quelques commentaires. J'apprécie votre
mémoire, votre présentation surtout; je pense que c'est aussi
clair d'en écouter la lecture que de le lire. Nous savons maintenant
où l'Association des consommateurs du Québec se loge. Je pense
que votre intervention vis-à-vis des consommateurs et la perception que
nous en avons nous aideront à étudier, au cours des prochains
jours, les différents mémoires qui nous ont été
soumis ou qui nous seront soumis encore demain.
Je crois qu'on ne pourra pas répondre à votre demande -
j'aime mieux vous le dire tout de suite - de transférer aux
municipalités le pouvoir de réglementer les heures d'ouverture.
Ce pouvoir appartenait aux municipalités avant 1969 et je ne vous cache
pas que, si le gouvernement est intervenu à l'époque, c'est que,
de l'avis d'à peu près tout le monde, en incluant les
municipalités, c'était le vrai bordel. L'Union des
municipalités du Québec, avec laquelle nous avons
communiqué avant cette commission, nous a dit: Au nom de nos membres, on
ne veut pas reprendre cela parce que, si la municipalité de Sainte-Foy
réglemente l'ouverture le soir, et si la ville de Québec dit non,
finalement, elle est obligée de dire oui à cause du commerce qui
s'en va à Sainte-Foy et ainsi de suite. Le dimanche, cela pourrait
être la même chose. Cela fera, finalement, autant de régimes
que de municipalités, ce qui veut dire que, dès que la
première municipalité va libéraliser totalement, en y
incluant le dimanche, toutes les autres municipalités, un jour où
l'autre, devront suivre.
La plupart des associations, jusqu'à maintenant, l'Union des
municipalités du Québec et la plupart des commerçants nous
ont dit: On aime mieux qu'il y ait une vision globale dans tout le
Québec, quitte à intervenir dans des régions
particulières, comme la ville de Hull, aujourd'hui, nous a dit: Pour
nous, il y a un problème, parce que, de l'autre côté de la
rivière, à Ottawa, c'est ouvert tout le temps; on voudrait avoir
une certaine marge de manoeuvre.
Cette marge de manoeuvre est donnée en vertu du projet de loi au
ministre qui peut, sur demande de la municipalité ou d'un corps
représentatif du milieu, intervenir dans certaines régions dites
touristiques ou frontalières pour leur accorder certaines permissions
spéciales. Dans ce sens, je crois que la plupart des interventions vont
dans le sens contraire de la vôtre, quoique j'apprécie la
vôtre et les raisons pour lesquelles vous nous faites cette
présentation.
Quant au reste, je vous remercie de votre présentation et je
l'apprécie beaucoup. Je ne sais pas si mon collègue, le
député de Laporte, aurait quelques questions à vous
poser.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: À peine une ou deux, M. le ministre. Je suis
content de voir enfin des représentants de consommateurs; on en
rêvait depuis le début et on n'en voyait jamais. En
définitive, ce sont les consommateurs qui sont concernés, au
premier chef, par les heures d'ouverture des commerces. Les commerces existent
en fonction des consommateurs et non l'inverse.
Dans votre mémoire, en conclusion, vous semblez dire, si j'ai
bien compris votre mémoire, que vous avez reconsulté vos membres
récemment et que vous avez observé un certain déplacement.
Dans votre conclusion, finalement, vous dites: Nous sommes foncièrement
convaincus qu'il faut libéraliser les règles dans ce domaine,
pour permettre à la société de s'ajuster plus facilement
aux multiples situations et aux besoins constamment en évolution de
consommateurs, par ailleurs plus avertis que jamais. On sent là-dedans
que vous avez constaté une évolution et que vous tentez de la
traduire dans votre mémoire.
Par contre, vous conservez quand même, comme consommateurs, la
demande de ne pas permettre les ouvertures le dimanche. Je me pose des
questions, compte tenu du sondage qui nous a été livré ce
soir par l'Association des marchés publics,
sondage fait exclusivement auprès des consommateurs, mais des
consommateurs dans les régions où existent des marchés
publics. Ce sondage semble avoir été fait de façon
très scientifique et, d'une façon assez étrange,
finalement, a été effectué auprès de 800
consommateurs - c'est-à-dire qu'il y a eu 1359 échantillons au
départ. Avec les rejets et ce qu'on fait dans les diverses
méthodologies, 800 entrevues ont été
complétées. Or, 800 est un chiffre étrange, parce que
c'est exactement le nombre de membres que vous avez. Les vôtres sont
disséminés à travers le Québec et il n'y a pas de
marchés publics partout au Québec. Croyez-vous que la
pensée des consommateurs évolue suffisamment dans le
Québec pour que, éventuellement, vous soyez en mesure de nous
dire que les consommateurs -comme, on l'a observé dans les
régions où il y a des marchés publics - seraient
plutôt en faveur de permettre la libéralisation le dimanche?
Le Président (M. Rancourt): Me Beauchamp.
M. Beauchamp: Je n'aurais pas de difficulté à vous
répondre affirmativement pour la raison suivante: d'une part, lorsqu'on
parle de maintenir des restrictions sur le dimanche, dans notre mémoire,
c'est toujours dans le contexte où le pouvoir est dévolu aux
municipalités et en ajoutant: sauf si les municipalités
l'entendent autrement. Donc, il faut situer cela dans ce contexte. La raison
était bien simple; notre prétention était que les voeux de
la population et ceux des consommateurs peuvent être différents en
milieu rural ou semi-rural de ceux du milieu urbain. D'autre part, si je me fie
au son de cloche qu'on a à l'association en ce qui concerne ceux qui
vivent en milieu urbain, je serais porté à croire que les
résultats du sondage dont il a été question ici, ce soir,
correspondent probablement à une réalité,
c'est-à-dire que, en milieu urbain et, en particulier, dans le cas des
gens qui habitent près des centres commerciaux et des marchés
publics, ce nouveau phénomène est apprécié par les
consommateurs. Cela correspond effectivement à une nouvelle façon
de se comporter au niveau du commerce et au niveau de la consommation de la
part des consommateurs. Oui, c'est le sens de ma réponse.
Mme Rivard-Plouffe (Louise): Notre sondage concernait les
commerces en général.
M. Beauchamp: En plus, là, on parle de marchés
d'alimentation, presque exclusivement de marchés d'alimentation, alors
que, nous, cela portait sur l'ensemble du commerce sans distinction.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Je conclurai, M. le ministre, sur une observation.
Puisque nous sommes en présence d'un groupe de consommateurs, je me
demande s'il ne serait pas opportun, à ce stade-ci, pour le ministre ou
le gouvernement, de reprendre le sondage, de faire faire vraiment un sondage
scientifique, non seulement dans la région de Montréal ou dans
celles où il y a des marchés publics, mais dans l'ensemble du
Québec, auprès des consommateurs cette fois-ci - puisqu'ils
semblent avoir été les grands négligés des
consultations effectuées - de façon que l'ensemble des
parlementaires soient bien informés sur les souhaits des
consommateurs.
Les gens qui sont ici, malgré toute leur bonne volonté,
n'ont pas les moyens financiers, je pense, de faire un sondage scientifique.
Quand un sondage n'est pas fait de façon scientifique, on sait ce que
cela vaut; cela ne vaut pas grand-chose. Cela pourrait valoir, mais je ne
voudrais pas dire que vous n'êtes pas représentatifs. Au point de
vue scientifique, on ne peut l'invoquer de façon très
précise. Alors, je me demande si on n'est pas là pour
répondre au voeu de la population et si cela ne vaudrait pas la peine,
plutôt que de dépenser des millions de dollars en propagande
à la télévision pour toutes sortes de choses, de
dépenser quelques centaines de milliers de dollars pour faire faire un
vrai sondage, de façon qu'on sache quel est le voeu des
consommateurs.
M. Fortier: M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Juste un mot. Je crois que votre mémoire fait
allusion au fait que vous n'êtes pas sûrs qu'une
libéralisation amènerait nécessairement une hausse des
prix des produits pour le consommateur. Vous faites allusion au fait qu'une
structure parallèle, dans le cas des dépanneurs, semble signifier
des prix quelque peu plus élevés. Je ne sais pas si vous
étiez ici cet après-midi lorsqu'on a entendu M. Jean Coutu faire
état de comparaisons de prix, pour des produits bien précis,
entre ses prix et ceux de ses concurrents. Ses concurrents m'ont dit
après la réunion qu'ils nous donneraient leur point de vue
là-dessus. Selon l'information que M. Jean Coutu nous a donnée -
si vous ne l'avez pas, vous devriez en obtenir une copie - contrairement
à ce que certaines personnes nous disent, il semblerait que, dans son
cas, les prix sont très bons. Il réussit à maintenir ses
prix très bas - meilleurs, dans bien des cas - malgré le fait
qu'il soit ouvert sept jours par semaine. Je pense que vous devriez comparer
cette information avec d'autres
informations. Si c'était le cas, cet argument ne pourrait pas
tenir à l'avenir, si vous prenez la défense du consommateur.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Merci beaucoup d'être venus ce soir, même
à une heure passablement avancée, nous faire connaître
votre point de vue. Pour une fois que l'Opposition encourage le gouvernement
à faire un sondage...
Une voix: II faudrait en profiter et le faire.
M. Biron: ...certainement que je garderai en mémoire
longtemps cette ouverture de la part de l'Opposition à l'égard du
gouvernement. Merci.
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai bien dit sondage et non
pas propagande.
Des voix: Ah! Ah!
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Ceci
clôt cette journée d'audition. La commission ajourne ses travaux
jusqu'à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 15)