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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme
reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de cette commission, qui est
d'étudier les crédits budgétaires du ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
Les membres de cette commission sont: M. Biron (Lotbinière), M.
Champagne (Mille-Îles), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Dubois (Huntingdon),
M. Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lavigne
(Beauharnois), M. Lincoln (Nelligan), M. Maciocia (Viger), M. Payne (Vachon),
M. Tremblay (Chambly).
Les intervenants sont: M. Beaumier (Nicolet), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Blais (Terrebonne), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M.
Fortier (Outremont), M. Mailloux (Charlevoix), M. Rocheleau (Hull).
L'entente entre les leaders, tant de l'Opposition que du gouvernement,
prévoit que nous utiliserons une quinzaine d'heures pour étudier
les crédits de ce ministère. À la fois, les
représentants de l'Opposition et M. le ministre ont convenu que nous
allions adopter les programmes en bloc à la fin de nos
délibérations et que nous procéderions donc à des
questions qui peuvent toucher n'importe quel des programmes en cause.
Je vais maintenant demander à la commission de désigner un
rapporteur qui fera effectivement rapport à l'Assemblée
nationale. Est-ce qu'il y a des propositions?
M. Dussault: M. le Président, on pourrait demander
à M. Champagne de jouer le râle de rapporteur.
Le Président (M. Blouin): Alors, M.
Champagne, député de Mille-Îles, sera le rapporteur
de cette commission. Sur ce, je vais céder la parole au ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui nous livrera ses remarques
préliminaires. M. le ministre.
Exposés préliminaires M. Rodrigue
Biron
M. Biron: Je crois que je vais faire un tour d'horizon un peu de
ce qu'on a fait l'an dernier et de ce qu'on se propose de faire cette
année. Bien sûr, je pense bien que les représentants de
l'Opposition voudront, eux aussi, faire leurs commentaires
généraux et, après cela, on pourra échanger ou
répondre aux questions précises de chacun des membres de la
commission.
L'an dernier, j'étais heureux de voir le budget du
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme augmenté. Je
suis encore heureux cette année. Il semble que le gouvernement du
Québec, encore une fois, a voulu conserver une part importante des
sommes d'argent de transferts aux entreprises. Ces transferts ne visent pas
à remplacer l'entreprise, mais tout simplement à lui donner le
petit coup de pouce nécessaire pour réussir de grandes choses. Au
cours des deux dernières années et de la dernière
année en particulier, je me souviens qu'on a parlé beaucoup
d'exportation, des nouveaux programmes à l'exportation. Cela a
été mis en marche au cours de l'année. Le gouvernement a,
d'ailleurs, nommé un ministre à temps plein pour s'occuper du
commerce extérieur. Ces nombreux programmes ont répondu à
la demande des entreprises québécoises. La même chose pour
les programmes mis en marche au cours de l'an dernier, mais qui vont rapporter
pleinement cette année.
Je note, en passant, que tous les nouveaux programmes de transfert
d'argent aux entreprises, c'est-à-dire d'aide aux entreprises de quelque
forme que ce soit, ont été conçus, ont été
préparés après de longues discussions avec les milieux
concernés; que ce soit le programme d'urgence d'aide au financement du
fonds de roulement des entreprises où il y a eu de nombreuses
discussions avec les chefs d'entreprises et avec les institutions
financières; que ce soit le programme de recherche et de
développement, d'aide à l'industrie de l'électronique
où il y a eu beaucoup de discussions avec les entreprises qui font de la
recherche et du développement; que ce soit les programmes d'aide
à l'exportation où, là aussi, on a eu de nombreuses
discussions; que ce soit les programmes de développement de
crédit touristique qu'on apporte cette année, car là
aussi, M. le Président, il y a eu de nombreuses discussions avec les
principaux intervenants de ce secteur. Pour nous, le gouvernement et le
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme en particulier sont
au service des entreprises et doivent
orienter leurs programmes et leurs actions en fonction des besoins des
entreprises et non en fonction de leur vision personnelle du
développement économique. C'est dans ce sens qu'on a toujours
voulu être en relation constante avec ceux et celles qui, dans le monde
économique, prennent des décisions et investissent dans l'avenir
et dans le développement économique du Québec.
Plus particulièrement cette année, nos objectifs, bien
sûr, sont de continuer les programmes qui sont déjà en
marche à l'exportation - mon collègue du Commerce
extérieur en parlera lui-même - qui sont administrés
financièrement par la Société de développement
industriel du Québec. Et les programmes de recherche et de
développement: le développement de l'industrie de
l'électronique par une aide accrue à la fabrication des
ordinateurs pour les écoles, en particulier. On a vu dans le dernier
budget hier - je ne veux pas reprendre le discours sur le budget de mon
collègue, le ministre des Finances comment, pour nous, sont importants
la recherche et le développement. Et, dans ce sens-là, en plus
des programmes réguliers de la SDI, il y a un crédit
d'impôt qui est maintenant instauré pour favoriser un plus haut
volume de recherche et de développement à portée
industrielle et scientifique au Québec. Lorsqu'on songe qu'avec le
nouveau budget on nous annonce que 10% des salaires versés au
Québec, dans le cadre des dépenses de recherche et de
développement, seront remboursés par le gouvernement du
Québec sous forme d'impôt négatif, je pense que c'est
excellent. Cela veut dire que des dizaines de millions de dollars seront mis en
circulation pour faire de la recherche et du développement dans les
entreprises québécoises. Je pense que c'est le départ,
dans le fond, de la production de pièces ou de morceaux
d'équipement.
Le deuxième point, la deuxième action bien précise
pour cette année, c'est le financement des entreprises. Et c'est
là-dessus, en particulier, que je voudrais m'arrêter un peu plus
longtemps. Je sais que mes collègues de l'Opposition et du parti
gouvernemental s'intéressent beaucoup au financement des entreprises.
Là-dessus, je dois dire, sans blâmer nos
prédécesseurs ou nos ancêtres, que c'est un peu partie de
la culture francophone québécoise; on a beaucoup d'entreprises
qui sont sous-capitalisées. Cette culture faisait en sorte que, dans le
fond, on soit un peu renfermés sur la famille. Au niveau des
entreprises, on en voit dans tout le Québec qui sont la
propriété d'une famille. Le père de famille avec ses
enfants lance une entreprise, la développe lui-même à force
de travail et d'un travail inlassable, mais, souvent, il manque de fonds de
roulement, il manque de capital de risque pour développer
véritablement d'une façon sûre son entreprise.
Lorsque les taux d'intérêt ne sont pas trop
élevés, lorsque la conjoncture est bonne, il peut emprunter sur
marge de crédit et fonctionner pendant de longues années. Mais
lorsqu'on traverse des années difficiles, comme au cours des
dernières années, où la conjoncture a été
terrible - cela a été la pire crise économique qu'on ait
vécue depuis 50 ans - avec des taux d'intérêt très
élevés, ces gens qui sont financés à court terme
par marge de crédit doivent payer des sommes astronomiques pour le
financement de leur entreprise. Lorsque cela se resserre un peu, lorsque les
ventes diminuent, comme on le dit dans le jargon du milieu, la banque tire la
"plug" et l'entreprise disparaît.
Alors, on a voulu s'attaquer déjà l'an dernier d'une
façon conjoncturelle, mais cette année d'une façon
structurelle, au financement des entreprises. On a eu d'une façon
conjoncturelle, l'an dernier, le plan d'urgence d'aide au fonds de roulement
des entreprises qui y a consacré au-delà de 125 000 000 $;
aujourd'hui, au moment où on se parle, on a déjà
au-delà de 150 000 000 $ en circulation. Cela n'a pas coûté
cher au gouvernement du Québec. L'an dernier, cela a coûté
à peu près 1 000 000 $ pour mettre 125 000 000 $ en circulation,
parce qu'on a gagé sur les entreprises. On n'a pas choisi des
entreprises en faillite; on a choisi de bonnes entreprises
manufacturières qui étaient rentables, dynamiques, bien
gérées autrefois, mais qui, à cause de la crise
économique, à cause d'une sous-capitalisation, ne
réussissaient pas à passer à travers la crise.
On a dit à ces entreprises: Vous allez vous présenter
à votre institution financière, demander un prêt pour votre
fonds de roulement, un prêt à long terme ou à moyen terme,
un prêt de 5 ans, sur lequel vous ne rembourserez pas de capital la
première année. Vous paierez une partie des intérêts
et le capital sera remboursé la deuxième, troisième,
quatrième et cinquième année. L'entreprise se
présentait et nous donnions une garantie de prêt sur les deux
tiers, 66% de garantie sur la somme empruntée. Une entreprise qui avait
besoin de 300 000 $ empruntait 300 000 $; le gouvernement du Québec, si
cette entreprise y était admissible à cause de ses bonnes
performances du passé, garantissait 200 000 $. Donc, la banque devait
prendre un risque de 100 000 $ ou obtenir des garanties du chef d'entreprise
pour 100 000 $ et lui prêter les 300 000 $ de capital à peu de
risque, dans le fond, avec les engagements du gouvernement du
Québec.
En plus de cela, nous avons pris en main 75% de l'excédent de 10%
du taux d'intérêt, ce qui veut dire que, l'an dernier,
même en période où le taux d'intérêt au
départ était autour de 18%, le chef d'entreprise payait 12% et
nous payions 6%. À l'heure actuelle, les entreprises peuvent emprunter
à environ 13% ou 14%. Alors, il en coûte 11% au chef d'entreprise
et 3% au gouvernement du Québec. C'est un programme qui a
coûté très peu d'argent au Québec, mais qui a
aidé à protéger au-delà de 25 000 emplois au
Québec au moment où l'on se parle. C'est un programme qui a fait
en sorte que des entreprises ont pris de l'expansion maintenant, ont acquis une
confiance dans l'avenir et une confiance dans leur capacité de passer
à travers des temps économiques difficiles. C'est l'action
conjoncturelle qu'on a faite l'an dernier et ce programme continue cette
année jusqu'au 31 mars 1984. Cela veut dire qu'on va agir à court
terme pour aider le financement des entreprises.
Maintenant, on ne peut pas, non plus, se fier tout simplement à
des programmes conjoncturels; il faut véritablement changer la structure
et faire évoluer, en quelque sorte, la mentalité des
entrepreneurs québécois afin de mieux financer leur entreprise.
On va me dire qu'ailleurs dans le monde ou en Ontario, en particulier, on a
beaucoup de PME. On en a beaucoup au Québec aussi. La seule
différence est que nos PME manufacturières sont deux fois moins
capitalisées que les PME manufacturières de l'Ontario et je ne
blâme personne à cause de nos traditions. Dans le fond, il faut
mieux capitaliser, mieux financer nos entreprises manufacturières pour
leur donner la structure financière nécessaire pour passer
à travers des temps économiques difficiles ou des temps
économiques où la concurrence est très forte avec les
autres pays dans le monde.
J'étais heureux du discours sur le budget de mon collègue,
M. Parizeau, le ministre des Finances, à ce sujet parce qu'il a
parlé beaucoup de capitalisation des entreprises. On veut mettre en
marche, justement, un programme qui changera la structure financière de
nos PME québécoises. En plus du plan d'urgence, du plan d'aide au
fonds de roulement des entreprises, nous aurons maintenant un nouveau programme
qui incitera les entreprises québécoises à se financer sur
des marchés publics, donc à être cotées en Bourse.
Cela coûte de l'argent, cela fait peur au monde au départ et il
faut vraiment l'intervention, le petit coup de pouce de la collectivité
québécoise, du gouvernement du Québec.
Dans ce sens-là, parmi les annonces qui ont été
faites par mon collègue, le ministre des Finances, la première
est l'étude de faisabilité. Est-ce que c'est faisable d'inscrire
à la Bourse une entreprise donnée? Le chef d'entreprise
hésite toujours à dépenser de l'argent pour faire cette
étude.
Nous avons dit: Très bien, comme première étape,
nous allons payer 50% des frais de l'étude de faisabilité,
jusqu'à concurrence de 10 000 $. On estime qu'une étude comme
celle-là, après en avoir discuté avec les gens des
institutions financières et les gens de la Bourse, coûte environ
20 000 $ pour avoir une idée si c'est réalisable ou pas
d'inscrire une entreprise à la Bourse. On paye donc 50% de la
première étude. Le chef d'entreprise doit prendre un risque.
Jamais nous n'irons à 100%; il faut que le chef d'entreprise aussi
prenne un risque.
Une fois que l'étude a prouvé que c'est faisable, on
franchit la deuxième étape. On dit au chef d'entreprise:
Maintenant que c'est faisable, tu vas te trouver un courtier, tu vas faire
inscrire tes titres à la Bourse. Cela coûte très cher
d'inscrire une entreprise à la Bourse. Pour une grande entreprise, vous
devez assumer un coût de 200 000 $ ou 300 000 $ sur un investissement de
millions et de dizaines de millions de dollars. Ce n'est pas si mal, mais pour
une petite entreprise, une entreprise de taille moyenne qui a 1 000 000 $, 2
000 000 $ d'émissions, cela coûte très cher. On a donc dit
que, sur le coût de la première émission d'une entreprise,
on paierait jusqu'à 75% des premiers 200 000 $ admissibles, souscrits et
payés d'une première tranche d'émission publique. On va
payer 50% entre 200 000 $ et 400 000 $, et 25% au-dessus. Cela veut dire qu'on
peut donner quelques centaines de milliers de dollars pour aider l'entreprise
à s'inscrire à la Bourse, pour que ses titres soient
échangeables par des investisseurs. Je pense que c'est important d'aider
l'entreprise à aller dans ce sens-là, parce que cela aussi
bloquait l'entreprise, cela l'empêchait d'être cotée en
Bourse.
Maintenant, il faut continuer, parce qu'une fois que l'entreprise est
cotée en Bourse, vous comprendrez qu'il ne suffit pas qu'elle soit
cotée, il faut véritablement qu'il y ait échange sur les
titres. On a amélioré le régime d'épargne-actions
qui fait que l'investisseur québécois qui veut investir
maintenant dans une entreprise en voie de développement, donc une
moyenne entreprise québécoise - on va oublier les petites, il
sera difficile d'aller là - une entreprise qui a moins de 25 000 000 $
d'actifs au total à son bilan pourra bénéficier d'une
déduction fiscale de son régime d'épargne-actions
jusqu'à 20 000 $ de son investissement pour une année. Il pourra
déduire de son revenu 150% de son investissement, donc 150% de 20 000
$.
Pour les hauts salariés, ceux qui se plaignent de payer des
impôts trop élevés, voilà une façon d'avoir
un abri fiscal qui les aidera considérablement et qui replacera leur
impôt à un niveau même plus bas que les impôts de
l'Ontario. Lorsqu'on songe que, pour 20 000 $ investis dans une moyenne
entreprise manufacturière québécoise, le
gouvernement du Québec donnera une déduction fiscale d'à
peu près 10 000 $, pour les hauts salariés, cela veut dire que le
coût réel pour l'investisseur québécois, pour le
citoyen québécois n'est que de 10 000 $ pour 20 000 $ d'actions
achetées dans une moyenne entreprise québécoise. On voit
la volonté du gouvernement de changer la structure financière de
nos entreprises manufacturières.
Ensuite, le plafond, cette année, du régime
d'épargne-actions est augmenté de 15 000 $ à 20 000 $.
Cela encourage les gens à investir dans ce genre d'entreprises. En plus
de cela, il y a aussi un changement important pour encourager les
investisseurs, ceux qui ont un peu d'argent à placer dans ces
entreprises-là. Autrefois, le régime d'épargne-actions
était compté sur le revenu gagné, donc sur le salaire,
alors que, maintenant, c'est sur le revenu total. On sait qu'il y a des
investisseurs qui n'ont pas beaucoup de salaire, mais qui ont des revenus
d'intérêts, de dividendes un peu partout et qui ne pouvaient pas
profiter du régime d'épargne-actions, donc qui n'investissaient
pas dans des entreprises québécoises. À compter de cette
année, ils vont pouvoir investir dans ce genre d'entreprises. Ils
pourront déduire une partie de leurs investissements des impôts
à payer au gouvernement du Québec. (10 h 30)
Finalement, pour ne pas trop compliquer la vie des investisseurs
québécois dans ce domaine, le gouvernement du Québec a
décidé que ces gains en capitaux réalisés selon les
titres inscrits dans un régime fédéral qu'on appelle le
RPTI, seront exemptés d'impôt. Or, les profits de capital que vous
allez faire sur des entreprises québécoises seront
exemptés d'impôts à condition que cette entreprise soit
enregistrée selon le régime fédéral RPTI.
Voilà qui prouve que cette année en tout cas, c'est une des
grandes priorités du gouvernement du Québec et du MICT de changer
la structure financière des entreprises québécoises.
Je sais que mon collègue, le député de Nelligan,
qui a de l'expérience dans ce secteur, appréciera les actions que
nous prenons. Pour l'assurer aussi qu'on a vraiment fait le tour de tout le
dossier, mon collègue me dira peut-être que le marché
secondaire sera difficile sur des titres de moyennes entreprises
québécoises. C'est exact. Lorsqu'il n'y a pas des millions et des
millions d'actions en circulation, c'est plus difficile. C'est pour cela qu'on
a accepté cette année, après une demande des gens de la
Bourse de Montréal, de changer le régime fiscal des mainteneurs
de marchés, de ceux qui sont continuellement sur le parquet de la Bourse
et qui pourraient maintenir un marché sur ces moyennes entreprises. S'il
n'y a pas un régime fiscal amélioré pour les mainteneurs
de marché, c'est sûr qu'on ne garantit pas le marché
secondaire, mais si on peut améliorer le régime fiscal pour ces
gens qui sont obligés de payer de l'impôt au fur et à
mesure qu'ils peuvent faire un profit et qui ne sont pas
considérés comme des entreprises jusqu'à maintenant, c'est
sûr qu'on accélérera et qu'on assurera surtout un
marché ferme et soutenu pour les titres de moyennes entreprises
québécoises.
C'est dans ce sens-là que mon collègue, le ministre des
Finances, encore une fois, dans son discours sur le budget, même si la
mécanique n'est pas terminée, a annoncé que le
régime fiscal pour les mainteneurs de marché serait changé
et que les modalités seraient annoncées après que nous
aurons eu des discussions plus approfondies avec les gens de la Bourse de
Montréal. Nous voulons donc travailler en collaboration avec les gens de
la Bourse de Montréal et faire en sorte que le marché financier
de Montréal devienne un marché très important pour le
financement des entreprises manufacturières québécoises.
C'est notre première priorité dans le cours de l'année. Je
pense que cela durera pendant un certain temps parce que changer toute la
structure financière des entreprises, c'est important.
D'autre part, je me rappelle qu'il y a maintenant sept ans un de mes
prédécesseurs, M. Guy Saint-Pierre, qui était ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, avait présenté un projet
de loi pour créer les SODEQ, en faire de petites banques d'affaires qui
pourraient investir dans les entreprises manufacturières
québécoises. Bien sûr, les SODEQ n'ont pas connu le
succès que M. Saint-Pierre voulait à l'époque, pour toutes
sortes de raisons; possiblement parce que c'était nouveau et qu'avant
d'ajuster nos expériences, avant de trouver les gens ayant la
complémentarité nécessaire dans les connaissances des
différentes structures des différents secteurs industriels, cela
prend du temps. Cela aussi, cela fait partie de nos préoccupations. Je
n'ai pas de réponse précise aujourd'hui sur l'évolution de
ces banques d'affaires, mais c'est sûr qu'il faut retourner aux sources
de temps à autre. Cette idée de M. Saint-Pierre devra être
réévaluée dans le cours de l'année, mais on devra
faire en sorte que les parlementaires à l'Assemblée nationale se
penchent d'une façon sérieuse sur les capitaux de risque qui
pourront être investis dans des PME manufacturières à
travers des banques d'affaires du genre des SODEQ ou d'autres banques
d'affaires du même genre.
Une autre priorité pour l'année et qui ne coûtera
pas tellement cher, non plus, au gouvernement du Québec, c'est la
sous-traitance. On s'est toujours préoccupé de la présence
au Québec d'une foule de PME
manufacturières. D'une façon professionnelle - encore une
fois, je ne blâme aucun de me prédécesseurs - au cours des
20, 30, 40 dernières années, on ne s'est peut-être pas
assez préoccupé des retombées secondaires de la
présence sur le territoire québécois de grandes firmes
multinationales. Je pense à GM, à Eaton, à Simpsons,
à La Baie, à Kenworth, à des grandes entreprises comme
celles-là qui sont capables de donner beaucoup de sous-traitance
à des PME manufacturières. D'autant plus que l'évolution
du commerce et de l'industrie fait en sorte que ces grandes firmes veulent
tenir de moins en moins d'inventaires, donc, cherchent des sources
d'approvisionnement qui sont tout près de leur centre de
décision. Surtout leur centre de décision
québécois, c'est important pour nous.
Un magasin comme La Baie achète à partir de
Montréal, un centre de décision, pour 1 000 000 000 $, pas
nécessairement au Québec, mais possiblement partout à
travers le monde. Nos discussions avec eux font en sorte qu'ils sont
intéressés à trouver des sources d'approvisionnement
encore plus nombreuses dans l'agglomération montréalaise pour
pouvoir baisser leur niveau d'inventaire. S'ils peuvent baisser leur niveau
d'inventaire d'une semaine, c'est une économie considérable. Des
gens comme ceux de GM veulent maintenant avoir une journée d'inventaire
seulement en entrepôt à Sainte-Thérèse. Cela veut
dire que, chaque jour, ils achètent pour 5 000 000 $ de produits. S'ils
peuvent trouver des sources québécoises, bien sûr, cela
aidera le développement économique du Québec.
Nous, on veut créer de solides réseaux de sous-traitance
entre la grande entreprise, d'une part, et la PME, d'autre part. Il y a deux
salons de sous-traitance que nous organisons au cours de l'année. Un qui
revêt une forme particulière vis-à-vis de
l'épuration de l'air et de l'eau où, au cours des prochaines
années, il se dépensera énormément d'argent au
Québec en particulier. Tout près de 5 000 000 000 $ seront
dépensés au cours des dix prochaines années dans ce
secteur. Il faut vraiment être présent. Il faut être
présent dans les bureaux d'ingénieurs-conseils. Il faut
être présent dans les entreprises. Il faut leur permettre
d'acheter des licences de fabrication de technologie étrangère,
un peu comme l'a fait Bombardier. Nous voulons développer ces
réseaux de sous-traitance et en faire une activité très
positive au cours de l'année 1983-1984.
C'est la même chose vis-à-vis de la sous-traitance des
pièces de transport en particulier. Au Palais des congrès, les 15
et 16 juin prochains, il y aura un salon de sous-traitance dans le secteur
industriel des transports. On a tout simplement voulu inviter les grandes
firmes à être là. General
Motors, Bombardier, Kenworth, Prévost Car et Renault ont
accepté. Ce sont des firmes qui oeuvrent au Québec et qui ont
accepté d'être présentes pour enseigner à nos PME ce
qu'elles veulent acheter d'elles et, surtout, pour discuter de la
qualité des produits. Dans ce domaine, aussi, si on veut faire de la
sous-traitance avec des grandes firmes, on a besoin d'améliorer la
qualité de nos produits, on a besoin d'avoir des technologies nouvelles.
On discutera de cela au cours de ces salons afin d'encourager de plus en plus
de PME à profiter de la présence au Québec de grandes
firmes.
C'est la même chose en ce qui concerne les grandes firmes de
commerce. J'en ai rencontré plusieurs jusqu'à maintenant et je me
réjouis de l'excellente collaboration des dirigeants de ces grandes
firmes qui oeuvrent au Québec. On m'a promis toute la participation
nécessaire afin de faire en sorte que ces grandes firmes puissent encore
mieux aménager leur présence au Québec et faire profiter
davantage de PME québécoises de leur capacité d'achat.
Dans ce sens, je voudrais que le MICT, au cours de l'année et
après, joue pleinement son rôle de carrefour entre la grande
entreprise et la PME. Je pense qu'on est capable de réussir à ne
pas ignorer un marché de toute première importance pour le
Québec.
Bien sûr, M. le Président, il y a d'autres programmes qu'on
a mis en marche l'an dernier qui continueront cette année. Je pense, en
particulier, au programme UNI-PME qui avait été oublié
pendant quelques années, mais qu'on a remis en marche l'an dernier, qui
a eu un succès extraordinaire. Il fait en sorte d'intégrer
l'école au travail. On prend des jeunes diplômés de
cégep ou d'université dans des sciences de génie ou
d'administration et nous payons 50% de leur salaire de la première
année s'ils travaillent dans une PME manufacturière de moins de
200 employés. Ce qu'on fait, dans le fond, c'est qu'on prend des jeunes
qui ont appris la technique, qui ont appris la théorie à
l'université, on les met au niveau des PME québécoises qui
n'ont pas le moyen, habituellement, d'en engager ou qui ne songent pas à
en engager et on dit: Nous allons vous aider à apprendre la pratique, ce
qui se passe dans le vrai monde industriel du Québec et
particulièrment dans les PME. On constate, dans le fond, qu'après
un an les entreprises manufacturières décident de garder ce
diplômé et font ensuite appel à un deuxième
diplômé, parce que, pour elles, c'est important d'avoir une
technologie nouvelle, une théorie et des connaissances de gestion que,
souvent, nos gens n'ont malheureusement pas apprises. C'est un des programmes
importants dont le budget a été augmenté cette
année pour nous permettre de faire appel à davantage de
diplômés
d'université dans ce sens.
Un autre programme qui a été très populaire l'an
dernier et qui continue cette année avec un budget
amélioré est gestion-marketing. On a constaté que, au
niveau des PME manufacturières, encore une fois, de moins de 200
employés, on n'avait pas souvent de stratégie de marketing, on
n'avait souvent même pas de catalogue ou d'équipement pour vendre
les produits. On a voulu mettre en marche, l'an dernier, un programme qui
servait à faire des études de marché, à
développer une stratégie de marketing et à aider à
payer une partie des premiers frais de catalogue de pièces qui vont
servir à faire la vente, la mise en marché, le marketing. Encore
une fois, c'est tout simplement une partie que nous payons jusqu'à
concurrence de 50%, au maximum 20 000 $ par entreprise. Cela a
été un programme très populaire l'an dernier; il a
aidé nos entreprises à faire une meilleure mise en marché
avant de se lancer sur les marchés internationaux.
Cette année, nous augmentons notre aide aux commissariats
industriels. Au lieu d'y aller, tout simplement, d'un programme annuel comme
celui que nous avions les années passées, nous avons garanti aux
commissariats industriels un programme de trois ans, ce qui leur permet de
mieux planifier et de demander à leurs partenaires des
municipalités ou du monde industriel et commercial de leur aider
davantage. Encore une fois, c'est un maximum de 50% que nous payons; pour le
reste, ils trouvent dans le milieu ce dont ils ont besoin.
Cette année, il y a une baisse un peu dans les crédits aux
ententes auxiliaires pour les infrastructures industrielles, parce que les
parcs industriels sont maintenant en marche un peu partout. Il reste encore des
travaux à faire, mais il y a des espaces disponibles dans les parcs
industriels. C'est un programme qui a été institué il y a
quelques années, où on a développé de nouveaux
parcs industriels dans tout le Québec. Il s'agit maintenant de continuer
à faire des efforts pour remplir ces parcs avant de recommencer à
construire ou à ouvrir d'autres parcs au Québec.
La Société de développement industriel voit son
budget augmenter sensiblement pour répondre à de nouvelles
demandes de la part des entreprises qui vont décider d'investir au
Québec dans le développement de leurs équipements ou, tout
simplement, pour de nouveaux investissements.
Le Palais des congrès voit, bien sûr, son budget augmenter
sensiblement parce que, l'an dernier, cela ne fonctionnait pas; d'ailleurs, on
en annonce l'ouverture officielle pour la fin de mai. On s'attend qu'à
compter de cette année les gens vont pouvoir commencer à profiter
pleinement de ces installations au Québec.
M. le Président, avant de terminer, je veux dire un mot sur une
autre de nos priorités qui est très importante, sinon
peut-être la plus importante. Là-dessus, on a besoin de l'aide de
l'Opposition, on a besoin de l'aide de tous ceux qui s'occupent ou qui se
préoccupent du développement économique et commercial. La
crise est en train de s'estomper. En tout cas, le creux de la vague est
passé et on commence à remonter. On voit un peu la lumière
au bout du tunnel. Il y a beaucoup d'argent en épargne au Québec
comme partout ailleurs, mais particulièrement au Québec
où, en 1981-1982, pendant la crise économique, le pourcentage de
l'épargne des Québécois a augmenté. Cela veut dire
qu'il y a de l'argent quelque part. Nos chefs d'entreprise sont prêts
à faire l'effort nécessaire. Ils sont compétents et ils
ont besoin du coup de pouce nécessaire des différents niveaux de
gouvernement. Ils sont prêts à faire l'effort
nécessaire.
Ce qui manque maintenant - je pense que c'est collectivement qu'il faut
mettre l'épaule à la roue - c'est d'adopter une attitude positive
envers le développement économique, envers le Québec,
envers l'avenir du Québec et envers, surtout, la capacité des
entreprises québécoises, des hommes et des femmes du
Québec de réussir de grandes choses. En d'autres termes, il ne
faut pas rapetisser le Québec. Il faut employer un langage exaltant,
excitant, un langage qui va faire bien comprendre à nos concitoyens que
nous sommes capables de réussir. C'est une question de confiance et
c'est une question de développement économique. Je dis souvent
que le développement économique, le succès en affaires,
c'est 75% ou 80% de confiance; le reste, c'est de la technologie, de l'argent,
des connaissances.
Je pense qu'il faut reprendre ce dossier de confiance en nous, de la
place que les Québécois et les Québécoises sont
capables d'occuper et de notre capacité de réussir. C'est un
langage qui est peut-être difficile à tenir pour certaines
personnes, particulièrement quand on est dans l'Opposition. Que c'est
bon au Québec, qu'il y a des choses qui sont meilleures au Québec
qu'ailleurs, je pense qu'il faut le dire. C'est sûr qu'il y a des choses
à améliorer au Québec, je suis d'accord avec vous aussi.
Il y en aura toujours, quel que soit le gouvernement au Québec.
(10 h 45)
Qu'est-ce que cela me donne de faire des contacts avec des investisseurs
étrangers et de leur dire: Venez au Québec, vous allez être
les bienvenus, on va s'arranger pour que vous trouviez votre place au
Québec chaque semaine, je rencontre des investisseurs étrangers
et je les invite à venir au Québec - on va aménager
l'espace québécois pour que vous vous sentiez bien à
l'aise au Québec, si un chef d'entreprise, si un leader
économique ou si les membres de l'Opposition critiquent en disant que
c'est invivable au Québec, qu'il n'y a rien à faire au
Québec, que c'est une place où il ne faut pas venir? C'est
sûr que c'est plus difficile pour nous, du gouvernement, d'attirer du
monde chez nous. Je comprends qu'il faut que l'Opposition, comme d'autres gens
qui exigent plus, puisse dire qu'il y a des choses à améliorer.
Mais dans le genre de langage qu'on tient, je pense qu'il faut faire la part
des choses. Il faut dire: II y a des choses au Québec qui sont mieux
qu'ailleurs. Par contre, il y a d'autres choses à améliorer. Il y
a d'autres choses qui sont moins bonnes et il faut les améliorer
absolument. Je pense que ce serait un rôle responsable de la part d'un
peu tout le monde. Et c'est le langage que j'aime à tenir
personnellement vis-à-vis des gens d'affaires en leur disant: Bien
sûr qu'il y a des choses à améliorer, je suis bien d'accord
avec vous sur ce sujet. On travaille à s'améliorer constamment,
mais il faut retrousser nos manches. Il faut être solidaires de tous les
Québécois. Il faut avoir confiance en notre capacité de
réussir. Il faut surtout se dire entre nous qu'on est capables de faire
des choses, à un moment précis où il y a un virage
important après la crise.
Quand on songe que la Fédération des travailleurs du
Québec, la FTQ, lance son fonds de solidarité et dit: Nous, on
voudrait investir des capitaux de risque dans les entreprises et participer aux
décisions de gestion des entreprises, c'est un virage important. Quand
on considère que la CSN, le secteur privé, par la voix d'une de
ses vice-présidentes, Mme Lalonde, nous dit: Nous, à l'avenir,
notre priorité, c'est la survie des entreprises, c'est un virage en U
après la crise. Ces gens-là ont pris le virage après la
crise. Quand on songe que les actions que nous avons posées, comme
gouvernement, vis-à-vis de la gestion des secteurs public et parapublic,
c'étaient des décisions courageuses comme probablement aucun
autre gouvernement dans l'histoire du Québec n'en a prises, c'est un
virage, cela aussi. Mais, il faut que tout le monde, ensemble, le prenne ce
virage-là. Si les syndicats sont prêts à prendre le virage
de l'après-crise et disent: Nous, on veut travailler avec les chefs
d'entreprise à développer nos entreprises, à les enrichir
davantage, et plus l'entreprise va être riche, plus on va en profiter, je
pense que c'est un langage exaltant qui peut attirer des investisseurs
étrangers.
Et dans ce sens, les chefs d'entreprise, les leaders économiques,
l'Opposition, les gens du gouvernement, tout le monde doit dire: Ils ne sont
pas tous réglés, les problèmes du Québec. Il reste
encore des problèmes politiques, constitutionnels, sociaux, culturels,
des problèmes économiques; ils ne sont pas tous
réglés, il en reste encore. On va finir par les régler.
Mais peu importent les décisions que les Québécois et les
Québécoises prendront, peu importe l'orientation qu'ils
prendront, à tous points de vue, le Québec sera toujours l'un des
meilleurs endroits au monde pour investir parce qu'on a une population qui est
extraordinaire. On a des jeunes qui sont formés, qui sont fiers, qui
sont capables de travailler au développement de nos entreprises comme on
n'en a jamais eu dans le passé. Il y a 35% des étudiants
canadiens en administration, en économie, qui sont des
Québécois, des Québécoises. On a plus que notre
part. On a une jeune génération qui est prête à
prendre les commandes de nos entreprises.
Ce qu'il nous faut maintenant, c'est un peu de confiance, beaucoup plus
de confiance en nos capacités, et c'est un langage positif qui ne
détruit pas l'économie du Québec, mais qui, au contraire,
sert à la développer. Et on a besoin de tout le monde pour le
faire, des leaders en matière économique de l'Opposition comme de
ceux du gouvernement. Nous sommes prêts à faire notre bout de
chemin là-dessus. J'invite mes collègues de l'Opposition à
faire, eux aussi, leur bout de chemin et à prendre le virage de
l'après-crise.
M. le Président, j'écouterai les interventions de mes
collègues de l'Opposition et, après cela, on passera aux
questions sur les différents points importants que les gens de
l'Opposition voudront se faire expliquer.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, M. le
ministre. M. le député de Nelligan, vos remarques
préliminaires.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, tout d'abord, je voudrais, au
nom de mon collègue le député de Mont-Royal, notre
porte-parole à l'Industrie, au Commerce et au Tourisme, présenter
ses excuses auprès du ministre et de vous-même. Il ne peut pas
être ici aujourd'hui pour l'étude des crédits parce que,
comme vous le savez, il est à la commission de l'énergie et des
ressources à laquelle il est obligé d'assister pour assurer la
continuité des travaux. Il s'excuse.
M. Biron: Ce n'est pas fini, cela?
M. Lincoln: Ce n'est pas fini, malheureusement. Cela
continue.
M. le ministre, nous avons écouté vos commentaires avec
beaucoup d'intérêt. On espère que cette étude de vos
crédits va être constructive de part et d'autre. Vous comprendrez
que notre rôle même est un
râle d'opposition. C'est un rôle qui est prévu par le
système parlementaire pour que nous essayions justement de relever, par
des questions en Chambre, des questions durant l'étude des
crédits, les faiblesses qu'on peut trouver, de façon à ne
pas être purement négatifs, mais qu'ensemble nous puissions
apporter des correctifs si nécessaire. C'est notre rôle et nous ne
sommes pas ici pour dire: Tout est beau dans le meilleur des mondes. On dira ce
qu'il y a de bon quand on pense qu'il y a des choses positives qui se font. En
même temps, nous sommes ici principalement pour essayer d'interroger le
ministre pour savoir ce qui se passe vraiment et pour apporter les commentaires
que nous avons de tous les gens que nous représentons sur des situations
qui sont, en fait, les plus importantes pour le Québec, parce qu'il va
sans dire que votre ministère, qui réunit l'Industrie, le
Commerce et le Tourisme, est peut-être un des plus névralgiques
qu'ait le gouvernement du Québec. Aujourd'hui, tout passe par
l'économie; si on n'a pas une économie saine, si on n'a pas un
ministère de l'Industrie et du Commerce dynamique qui relancera
l'économie, tous les autres programmes sociaux qu'on pourrait avoir, que
ce soit dans le domaine social, récréatif, culturel ou
éducationnel, tombent à l'eau. Alors, tout tourne autour de lui.
Ce ministère est tellement important que nous avons à nous faire
le relais de tout ce que nous ressentons, de tout ce qui nous est dit, de tout
ce que nous savons et suivons.
Tout d'abord, je me réjouis avec vous de la tournure des
événements dans le budget concernant le plan d'investissement. Il
faudra suivre cela de très près pour voir. Par rapport au
programme d'investissement et de détaxation des investissements dans les
entreprises, je pense que c'est un pas en avant d'avoir mis l'accent sur les
petites plutôt que sur les grosses entreprises, telles Bell Canada,
Imasco, etc., qui réellement n'ont pas besoin d'autant de capital que
les petites. Mais, en même temps, il faudra se pencher sur les questions
qu'a posées mon collègue de Vaudreuil-Soulanges avec beaucoup
d'à-propos en Chambre. Il ne faudrait pas que cela devienne un programme
de placement pour les investisseurs plutôt qu'un programme où
vraiment ils entrent dans les investissements du Québec. Il faudra
suivre cela de près.
J'ai moi-même suivi cela d'assez près depuis que ce
programme a été mis en vigueur et des gens que je connais m'ont
parlé de cela. Tous les gens qui ont essayé d'acheter des actions
d'Imasco, de Bell, selon le programme, n'en trouvaient jamais. Elles
étaient toujours épuisées. Mais si vous essayiez d'acheter
une action d'une des entreprises - on ne va pas les nommer - qui
n'étaient pas aussi fortes, elle, elle était disponible. Alors,
il faudra qu'on suive cela de près parce que la tendance pour les
investisseurs sera d'aller chercher de la PME qui est en condition florissante.
C'est naturel. Si vous voulez investir, vous allez essayer d'investir dans une
entreprise qui fait du profit, tandis que l'investisseur, lui, cherchera le
profit sur ses actions; il va essayer de mettre de l'argent dans une entreprise
qui est florissante, qui a un produit compétitif et qui va de l'avant.
Il faut se demander ironiquement: Si on met de l'argent dans des entreprises
déjà florissantes qui, elles, ont un besoin relativement moindre
de capital, que va-t-il arriver de ces PME qui souffrent vraiment d'un manque
de capital? Est-ce que les investisseurs investiront dans des PME qui, elles,
par manque de capital peut-être, ne vont pas aussi bien que d'autres?
C'est cela qu'il faudra suivre de très près pour savoir si ce
plan ne devient pas, comme l'a suggéré mon collègue de
Vaudreuil-Soulanges, purement un plan de placement où les investisseurs
vont se diriger vers des entreprises profitables et florissantes plutôt
que vers des entreprises qui sont moins florissantes. Je suis d'accord avec le
principe qu'on mette l'accent sur les PME qui, elles, ont besoin de capital
plutôt que sur les grosses entreprises.
Sur ce point, je me réjouis aussi si cela peut apporter une
activité accrue à la Bourse de Montréal. Si vous voyez le
journal des Débats, quand nous avons eu des débats avec le
ministre des Finances antérieurement, on a parlé beaucoup de la
Bourse de Montréal, du déclin relatif de la Bourse. On peut
relier cela à toutes sortes de facteurs, mais c'est vraiment triste de
penser que la Bourse de Montréal, qui était la Bourse principale
du Canada dans les années trente et même quarante jusqu'au
début de la guerre, est maintenant devenue une Bourse tout à fait
- on peut dire le mot - régionale en ce sens qu'elle représente
quelque chose comme moins de 10% des activités totales des Bourses du
Canada. Elle a même perdu pied par rapport à Vancouver, par
rapport à Calgary. Alors, si cela peut apporter une recrudescence de la
Bourse de Montréal, en faire un centre d'action peut-être pour
l'Est du Canada, nous nous en réjouirons certainement. En fait, il y a
des gens, dans le monde des investissements, qui me parlaient d'un programme
possible pour l'avenir où la Bourse de Montréal deviendrait le
centre financier important d'un secteur subsidiaire de financement et
d'investissement en rapport avec les produits pétroliers, qui surgirait
autour des découvertes pétrolières qui se font et qui
continuent à se faire au Canada du côté de l'Atlantique, en
Nouvelle-Écosse. Si ce programme peut aider à la revalorisation
de la Bourse de Montréal et de Montréal comme secteur financier,
on ne peut que s'en réjouir, mais on suivra ceci avec beaucoup
d'attention.
Les questions qu'on va vous poser aujourd'hui sont centrées sur
certains secteurs. D'abord, naturellement, les sociétés
d'État, la SGF, la SAQ, SIDBEC. Il faudra se poser des questions sur le
bilan de la SGF, les raisons des pertes, les activités, les directions
futures de la SGF, par exemple le départ de la SGF dans les secteurs de
la haute technologie, de la biotechnologie. Comment cela se fera-til? Est-ce
qu'il y a une planification d'ensemble, des priorités industrielles, des
priorités d'investissement de la SGF? Quel est le programme de la SGF
par rapport à ses investissements minoritaires dans des
sociétés et à ses investissements majoritaires, au droit
de vote qu'elle a donné à la Caisse de dépôt dans
Domtar, etc? Il faudra se poser beaucoup de questions sur la SGF et sur les
politiques d'ensemble, les politiques de l'avenir que compte prendre la
SGF.
Dans le cas de la SAQ, il faudra aussi que nous établissions
quelles sont vos politiques d'envergure pour la SAQ, la direction que vous
entendez donner pour l'avenir à cette société
d'État, à ce quasi-monopole, si on exclut le vin qui est
maintenant vendu dans les centres de dépannage, etc. En fait, c'est un
quasi-monopole. Il faudra se demander quelle sera la politique d'avenir si la
SAQ, comme monopole, se décharge de certaines responsabilités
d'offrir des produits de grande qualité, par exemple les vins, au public
qui pourrait les demander. Est-ce qu'on devrait laisser une marge plus grande
à la libre entreprise, à l'entreprise privée pour prendre
en main certains secteurs si la SAQ, comme monopole, décide, pour des
raisons d'exploitation, de se détacher de ces secteurs? Il faudra aussi
se poser des questions sur toute la politique de la SAQ, la
réévaluation des taux de change qui, selon nous, ne se fait pas
avec une fréquence assez grande et dont le consommateur souffre. On va
vous donner des exemples tout à fait frappants là-dessus.
Il faudra se demander, par rapport à SIDBEC, ce qui est
arrivé depuis la dernière commission parlementaire. On a
posé plusieurs questions au ministre. Il nous a dit: On a toujours des
pourparlers avec les syndicats. Mais il y avait certaines questions
fondamentales que nous avons posées sur la réouverture possible,
la renégociation des contrats. Là, il faudra se demander:
Où sommes-nous arrivés? Il y a plusieurs mois qui sont
passés depuis la commission parlementaire et l'entreprise continue
à perdre de l'argent, des montants substantiels, des millions et des
millions de dollars. Il faudra se demander où nous allons avec cela. (11
heures)
En passant, je vais ouvrir une parenthèse. Là aussi, nous
allons poser des questions au ministre par rapport à l'enveloppe globale
de son ministère, les 264 000 000 $ qui, au premier abord - vous avez
fait allusion à cela - semblent montrer une très grosse
augmentation, en fait une augmentation de 76%. Nous avions questionné le
ministère pendant l'étude des crédits provisoires; mon
collègue de Mont-Royal, si je ne m'abuse, vous avait questionné.
Cela a l'air d'être une augmentation substantielle comparée
à l'année dernière. Pourtant, lorsqu'on regarde cette
augmentation, on voit que, dans ce budget de 1983-1984, plus des trois quarts
du budget, 76%, je pense, 59 000 000 $, sont utilisés pour le
déficit de SIDBEC et de Pétromont. On comble le déficit de
SIDBEC par le biais de votre ministère pour une somme de près de
44 000 000 $. On se demande si c'est vraiment une augmentation réelle
qu'on voit ou si une grande part de cette augmentation n'a pas du tout de
relation avec les besoins de la relance économique, mais est
plutôt là pour combler les déficits de certaines
sociétés d'État.
Il faudra poser des questions là-dessus pour voir si ça
devrait continuer dans l'avenir, si nous devrions, comme gouvernement,
continuer d'investir des sommes. C'est ça, la clé de SIDBEC; nous
réalisons tous les coûts sociaux, nous avons même pris des
positions assez catégoriques lors de la commission parlementaire, mais
il faut se poser des questions à nouveau, puisqu'il y a plusieurs mois
de cela. Je pense qu'on est en droit de demander ce que l'avenir nous
réserve.
Nous allons aussi parler de certaines industries clés de votre
ministère, par exemple de l'industrie du vêtement, dont nous avons
beaucoup parlé au cours de la question avec débat de vendredi
dernier. Il faut se poser des questions. Si je relis le rapport de la
conférence socio-économique du Québec sur l'état de
l'industrie du vêtement, tenue les 14 et 15 avril 1983, on voit un
glissement net vers l'Ontario de notre industrie du vêtement. Il faudra
se poser des questions parce qu'on ne peut pas dire: Bon, c'est le gouvernement
fédéral, ce sont des politiques fédérales. Il
faudra se demander comment nous allons protéger l'industrie du
vêtement, qui est une industrie clé pour nous, par rapport
à la réduction des tarifs du GATT d'ici 1987. Il faut nous
demander quelle sera notre politique pour la protection de cette industrie s'il
faudrait la protéger ou non. En même temps, comment peut-on
s'expliquer ce glissement continuel vers l'Ontario qui, d'après ce
rapport, ira en s'accélérant et qui, maintenant, va plus vers
l'Ouest, vers le Manitoba?
Il faudra aussi se poser des questions sur l'industrie
pharmaceutique qui est une industrie clé pour le Québec. Le
ministre parlait de toute la question de la recherche et du
développement. Voilà une industrie de
pointe pour nous, une industrie qui, par les effets qu'elle a sur la
recherche et le développement universitaire, la recherche et le
développement scientifique dans les laboratoires, est de première
importance. Là-dessus, il n'y a aucune opposition entre le gouvernement
et l'Opposition, parce que nous recherchons exactement la même chose, en
fait l'abolition possible de l'article 41 de la loi fédérale.
Nous avons travaillé dans le même sens sur cette question.
Mais il faudra se poser des questions par rapport à ce qui se
passe maintenant. On a été très actif dans ce dossier. Ma
collègue de L'Acadie, mon collègue de Mont-Royal et
moi-même avons fait pas mal de pressions sur les ministres
fédéraux. Nous avons eu des rencontres assez récentes
là-dessus. Nous avons eu plusieurs rencontres avec divers intervenants
dans ce dossier. Il faudra se poser la question de savoir quel genre de
solutions on peut retrouver. Il y a différentes solutions, il y a cinq
options à l'étude présentement du côté
fédéral, d'après ce que nous avons appris. Il faudra se
poser la question à savoir quelle solution nous recherchons tous
ensemble pour faire une pression globale sur le fédéral. Je
voudrais discuter cette question avec vous plus en détail plus tard.
Il y a une question que nous allons aussi mettre de l'avant, c'est celle
de la politique d'achat du gouvernement du Québec. Je sais que le
ministre voyage plus que nous, parce que son travail le met en contact beaucoup
plus souvent que nous ne pouvons l'être avec les entreprises de
façon officielle. Le ministre suit ça de près.
Naturellement, son ministère est peut-être un des plus importants
aujourd'hui au Québec. Je ne peux pas concevoir qu'aujourd'hui un
ministre qui dit: On va favoriser la relance économique au
Québec, ne se penche pas plus sérieusement sur la question. Je
vous demande de le faire. Je sais que ce n'est pas votre responsabilité
immédiate, mais je peux vous faire part des cas qui nous arrivent; des
copies ont été envoyées à tous les
ministères. Je vous rapporte un cas spécifique, le cas de la
firme Sceptre, qui est un cas flagrant où nous sommes en train de perdre
des investissements, nous sommes en train de perdre des emplois. Ce sont les
mêmes conséquences de sous-traitance, etc. Je vais discuter du
cas, j'ai tous les documents ici. Il y en a d'autres que je pourrais vous
citer, mais je prends un cas typique qui m'a été donné.
C'est un cas où il y avait des investissements possibles au
Québec. Je vous donnerai toutes les échéances, tous les
programmes qu'ils avaient en place. Mais si, demain matin, on dit: On
n'achète pas votre marchandise, même si vous achetez vos
matières premières au Québec, comme c'est le cas pour
eux... Une proportion de près des deux tiers ou de 70% de leurs produits
viennent de matières premières achetées au Québec,
et ils entendent investir ici. Par exemple, il faudrait avoir une politique
d'achat plus flexible pour les entreprises d'ailleurs qui veulent faire
même un genre d'engagement de s'installer ici d'une façon plus
primordiale. Je pense qu'on ne se sert pas assez - appelez cela des
importations, que cela vienne de l'extérieur du Québec, du reste
du Canada ou même d'ailleurs - des importations pour créer de la
technologie future.
En passant, vous avez parlé de l'assainissement des eaux et il y
a eu tout ce grand débat: est-ce qu'on prendrait de l'équipement
japonais pour l'usine de traitement de Montréal ou est-ce qu'on
prendrait notre équipement? À la fin, on a pris
l'équipement japonais, parce que c'était le mieux
constitué pour la question, le plus en avance technologiquement. De
source très, très sûre, je peux vous dire que la firme
japonaise s'attendait même qu'on se serve du genre de "leverage" que nous
avions comme gouvernement pour faire pression sur elle pour qu'elle s'installe
peut-être avec sa technologie ici, qu'on fasse une espèce de
"bargaining" avec notre force d'exportation. On pourrait faire beaucoup plus de
cette façon-là pour faire venir ici, en se servant de ce
"bargaining power" que nous avons, des industries où on a besoin
d'importer - en fait la question de Sceptre se rapporte, encore une fois,
à l'assainissement des eaux - plutôt que de faire une politique
d'achat qui est tellement rigide, certainement la plus rigide que nous ayons au
Canada. Enfin, il faudra discuter de cela.
On va parler aussi des PME. Je pense qu'on cherche, justement, à
ce que les PME deviennent florissantes, à ce que cela devienne un
secteur qui ait du capital. On va parler aussi de la question des
priorités industrielles que vous avez. L'autre jour, quand nous avons
posé des questions pendant le débat en Chambre, je pense que mon
collègue de Notre-Dame-de-Grâce en a fait le point primordial de
son débat. Il a dit: Ce que je cherche ici, c'est que vous me disiez de
façon définie quelles sont vos priorités industrielles de
l'avenir. Il a dit: Qu'est-ce que vous cherchez? Quels secteurs, etc? C'est
bien beau de dire: On va faire le virage technologique, mais, en même
temps, il faudrait dire aussi comment on protège, entre-temps, nos
secteurs mous, comme les vêtements, les meubles, etc.
Il faudra avoir une politique de priorités industrielles. On peut
dire: On va lancer la PME, mais il faudrait avoir une idée de base
beaucoup plus certaine, beaucoup plus sûre. Vous avez répondu:
Quant aux secteurs que nous voulons privilégier, nous ne voulons mettre
de côté aucun secteur. Lorsque le gouvernement
fédéral nous dit qu'il faut que l'industrie du
vêtement et l'industrie de la chaussure disparaissent, nous disons: Non,
il faut, au contraire, les conserver, mais moderniser les entreprises, les
usines qui fabriquent ces produits.
Cela ne veut pas dire qu'on doit envoyer les gens qui ont
travaillé durant toute leur vie dans l'industrie du vêtement, dans
l'électronique et la biotechnologie. Ils vont être
mêlés et avec raison. Il faut garder ces gens dans des usines
où ils peuvent travailler avec la formation qu'ils ont en
développant nos usines.
Nous ne pouvons qu'être d'accord avec vous. Nous tous, nous
voulons favoriser tous les secteurs, nous tous, nous voulons garder les
vêtements, la chaussure, les meubles et, en même temps, faire de la
haute technologie, c'est sûr. C'est comme dire: On veut du ciel bleu tous
les jours, on veut le soleil en hiver et tout le temps. Mais comment
arrive-t-on à cela? C'est ce que nous vous demandons. Il y a
sûrement des secteurs industriels prioritaires pour vous dans l'avenir.
Il y a sûrement une politique qui veut dire: On va prendre le virage
technologique et, en même temps, on va accepter toutes les
réductions du GATT, on va accepter le libre échange des biens et
services. Même votre collègue, le ministre Landry, du Commerce
extérieur, a dit: On va faire un marché commun avec les
États-Unis. Mais, en même temps, il se garde bien de dire: On va
protéger les secteurs mous.
Nous avons envie d'y aller plus spécifiquement et de savoir
comment vous allez protéger ces secteurs mous, comment vous allez
empêcher le glissement vers l'Ontario de ces mêmes industries - mon
collègue de Notre-Dame-de-Grâce a cité des chiffres
à l'appui - des meubles, des vêtements, du textile, de
l'électronique et, en même temps, prendre ce virage technologique.
Quelles sont vos priorités industrielles définies pour l'avenir?
Quels sont les secteurs que vous allez favoriser et comment va s'y prendre
votre ministère pour diriger ce programme d'ensemble? Il nous semble que
les programmes annoncés par votre ministère - vous en avez
cité plusieurs - ont obtenu l'assentiment général, mais il
semble aussi qu'il manque des critères de base en ce qui touche le
financement de ces entreprises. C'est un peu fait au pied levé. On en
citera quelques exemples plus tard.
Il y a une question qui nous chicote: la relance économique. En
fait, ce n'est pas le député de Nelligan - je ne me
considère pas comme un expert - qui le dit. Tous les experts que j'ai
lus et tous les organismes comme la Chambre de commerce de la province de
Québec, la Chambre de commerce du district de Montréal, le Board
of Trade et plusieurs autres nous disent qu'on ne peut penser à la
relance économique sans un assainissement des finances publiques. Tout
passe par là. Faisons une comparaison entre le produit intérieur
brut de l'Ontario et celui du Québec. L'Ontario a un produit
intérieur brut de 133 000 000 000 $ par rapport à 80 000 000 000
$ pour nous. En d'autres mots, il y a une différence entre nous et
l'Ontario de quelque chose comme 40% en ce qui concerne notre produit
intérieur brut. Pourtant, notre population n'est que de 25% ou 30%
inférieure à l'autre.
Si on regarde ce que les deux gouvernements ont dépensé,
c'est exactement la même chose. Que ce soit le budget de l'année
dernière, 23 000 000 000 $, ou celui de cette année, 24 000 000
000 $, c'est à peu près la même chose, c'est presque
équivalent. Si on compare le produit intérieur brut de l'Ontario
et le produit intérieur brut du Québec, l'un est de beaucoup
supérieur à l'autre. Si on le traduit en chiffres, c'est 17% de
toute l'activité économique pour l'Ontario et 29% pour le
Québec. Si on ajoute à cela toutes les dépenses publiques
du Québec, les municipalités, les sociétés
d'État, etc., on s'aperçoit qu'au Québec, pour le secteur
public, c'est à peu près la moitié, 50% de notre produit
intérieur brut.
Question d'intérêt, j'ai poussé cette étude
un peu plus loin par rapport à votre ministère. Je me suis dit:
Qu'est-ce qui arrive au ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme? Comparons un peu le ministère du Commerce de l'Ontario et
celui du Québec. Là, j'ai pris les chiffres des comptes publics
de l'Ontario et ceux du Québec, les dépenses totales du
ministère du Commerce de l'Ontario et celles du Québec. Par
exemple, pour la question du personnel, la différence est immense. Le
personnel du ministère du Commerce de l'Ontario, pour la même
année que le Québec - je pense que c'était pour 1981-1982,
je pourrai vérifier -démontre une grande différence: 683
personnes pour l'Ontario et 1700 personnes pour le Québec. (11 h 15)
Certains programmes ne cadrent peut-être pas, car le
ministère, là-bas, se loge peut-être dans différents
secteurs. Je suis d'accord, peut-être qu'on ne peut pas faire des
comparaisons exactes. Mais les chiffres étaient si différents.
Par exemple, pour une année, en Ontario, il y avait un ministre et un
sous-ministre qui dirigeaient le ministère, tandis qu'ici nous avions un
ministre, un sous-ministre et, ensuite, quelque six sous-ministres adjoints. Si
on prend la tranche de tout l'exécutif du personnel du ministère,
pour le même groupe, c'était environ 14 600 000 $ pour l'Ontario
et 39 200 000 $ pour le Québec. Ce sont des chiffres que j'ai
moi-même compilés l'autre jour. J'ai essayé de faire cela
avec le plus de soin possible. Je me trompe peut-être
d'une façon ou d'une autre, à un certain pourcentage.
C'est à être revu. Mais, en tout cas, les études du COPEM,
les études de la Chambre de commerce de la province de Québec et
les études de M. Marcel Bélanger, ont l'air d'aller toutes dans
la même direction. Il faudrait qu'on voie pourquoi notre administration
publique, nos finances publiques sont tellement lourdes par rapport à
celles de la province voisine.
M. le ministre, deux autres sujets avant de terminer. Vous avez
parlé de la sous-traitance et, là, on ne peut pas être plus
d'accord avec vous. La sous-traitance, c'est un des secteurs les plus
importants. Mais la sous-traitance ne va bien que si le secteur principal, le
secteur des grandes entreprises qui demandent la sous-traitance, reste avec
nous ou vient ici. C'est là un des débats que nous avons faits au
cours des derniers mois avec vous. La sous-traitance, par le fait même,
veut dire avoir ici des multinationales, de grandes entreprises qui vont avoir
besoin de sous-traitants. Vous avez vous-même cité General Motors
et plusieurs autres firmes importantes telles que Kenworth, La Baie, etc. Mais
c'est le grand problème dont nous souffrons depuis quelques
années. Vous avez cité La Baie, mais, en même temps,
peut-être faudrait-il aussi voir l'autre côté de la
médaille. Je suis presque certain des faits, mais cela demande
peut-être à être confirmé: je sais que le centre
commercial de Eaton à Montréal, est maintenant consolidé
à Toronto. Le centre commercial de Simpsons, qui était ici avant,
est consolidé à Toronto. Oui, Eaton et Simpsons. Ce qui arrive,
c'est qu'en perdant...
Une voix: Eaton et Simpsons?
M. Lincoln: Écoutez! On va vérifier.
M. Biron: Est-ce que je peux vous répondre tout de
suite?
M. Lincoln: Oui.
Le Président (M. Blouin): II serait
préférable, M. le député, que vous terminiez votre
intervention et le ministre pourra, ensuite, vous apporter des
précisions sur les sujets que vous avez évoqués. M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: Enfin, je peux vous citer le nom de personnes qui ont
perdu leur emploi et qui travaillaient aux centres commerciaux de Eaton et
Simpsons. C'est à vérifier, mais, en tout cas, je suis certain
qu'il y a une décroissance tout à fait significative de leur
politique d'achat centrée auparavant au Québec pour les achats du
Québec. Cela demande à être vérifié, mais je
vais également le vérifier. J'y reviendrai.
Le Président (M. Blouin): Est-ce que vous avez
terminé?
M. Lincoln: Non.
Le Président (M. Blouin): D'accord.
M. Lincoln: Mais là n'est pas le point, M. le ministre.
C'est le suivant. On a cité un exemple, mais il y a d'innombrables
exemples; plus de 100 importantes entreprises nous ont quittés. Quand on
perd Northern Telecom, quand on perd DuPont, quand on perd des centres
névralgiques de notre industrie, dans tous les secteurs de pointe
-environ 20 secteurs de pointe ont été identifiés, j'ai la
liste des compagnies oeuvrant dans ces secteurs - c'est là qu'on perd
cette sous-traitance. C'est là qu'on perd ces secteurs secondaires,
parce que ces secteurs secondaires s'effondrent. Qu'on pense seulement aux
conséquences de la perte de notre secteur financier à
Montréal. L'autre jour, des centaines d'employés ont
quitté la Banque Royale, la Banque de Montréal qui s'est
pratiquement vidée. Là, il y a cette sous-traitance qui existait
avant: les imprimeurs, les agents de voyage, les hôtels, le tourisme et
les voyages d'affaires. Un secteur immense dépendait de cela,
dépendait du secteur financier. Et il y a toutes sortes d'autres grands
secteurs manufacturiers qui nous ont quittés. Il faut se pencher sur les
causes de tout cela. On va y revenir parce que, pour nous, cela aussi est une
question capitale; on ne peut pas faire de la sous-traitance si, au même
moment, nous perdons nos plus grandes entreprises, si nous perdons nos plus
grandes multinationales.
Alors, on ne peut pas faire les deux ensemble. On ne peut pas dire: Bon,
on va faire de la sous-traitance en même temps que ces entreprises vont
nous quitter. On peut parler du facteur historique. On peut dire: Cela se passe
aux États-Unis. On peut dire: Cela se passe partout. Ce n'est pas tout
à fait exact, parce que ce qui se passe aux États-Unis, à
New York, c'est sûr, cela a causé des pertes de population, comme
dans le Québec. Cela a fait perdre beaucoup d'entreprises, comme dans le
Québec. Je ne pense pas que les entreprises soient allées vers
les villes-dortoirs du Connecticut. Elles sont allées vers les
villes-dortoirs autour de New York. Bien sûr, il y a beaucoup
d'exécutifs qui habitent le New Jersey, Philadelphie, mais je ne pense
pas que les grosses firmes soient sorties de New York pour aller à
Philadelphie. Elles sont allées dans le Sud, elles sont allées
dans l'Ouest. Elles sont allées chercher le soleil, elles sont
allées chercher un climat plus facile pour la fabrication, là
où le centre de la population sera "shifté".
Cela n'a pas été le cas avec nous; la
plupart de ces entreprises ont quitté Montréal pour aller
à Toronto. On pourra vous donner toutes sortes de chiffres si cela vous
intéresse. En même temps, il faudra parler de la question inverse,
du manque de gain que nous avons fait par rapport aux nouveaux investissements.
Quand on parlait à votre collègue des Finances de toute la
question de la perte des grosses industries, des grosses firmes au
Québec et de toutes les conséquences que cela posait, il nous
disait: Bon, vous ne parlez pas du remplacement que nous avons fait. Je vais
citer, par exemple, la BNP, la Banque Nationale de Paris, son édifice,
son secteur, etc. Mais, par rapport à ce qu'il avait dit, cela m'a
intéressé d'aller voir. Il y a eu de nouvelles banques au Canada.
Il y en a quelque chose comme 56 qui se sont implantées depuis le
changement de la Loi sur les banques, permettant à des banques
étrangères de venir ici: 47 sont allées à Toronto,
seulement cinq à Montréal, quatre banque françaises et
seulement la Banque Nationale de Grèce.
Pensez à tout ce que cela comporte: d'abord, la sous-traitance
immense, qu'il s'agisse des ordinateurs et de l'imprimerie seulement. En plus
de cela, il y a les investissements indirects que cela apporte parce que, pour
chaque banque qui s'installe, cela veut dire tant d'investissements. Les
banques, les investisseurs, vont les consulter, d'abord si c'est leur banque.
Toutes les banques américaines sont allées à Toronto et
les investisseurs américains, la première chose qu'ils vont
faire, s'ils font affaires avec la Bank of America, c'est aller demander
à ces banques des conseils. Ils vont aller leur demander où on
s'installe au Canada? Comme elles sont installées là, elles vont
avoir tendance à dire: Installez-vous ici. Ce que nous avons perdu
d'investissements nouveaux de sous-traitance par le fait que des firmes sont
installées ailleurs qui pourraient s'installer ici est énorme. Il
faudra en voir toutes les raisons.
Je vais passer à votre dernier point, M. le ministre, parce que
cela est fondamental. Je ne pense pas qu'il faudrait présumer, parce que
nous critiquons le peu d'investissements qui viennent ici, que nous critiquons
le fait que nous perdons nos firmes dans les secteurs les plus
névralgiques, que nous, on est tout à fait négatifs
à l'égard du Québec et que c'est cela qui cause de telles
choses, parce que ce n'est pas exact. Comme vous-même, moi et mes
collègues, c'est certain, il n'y a rien qui nous fait plus mal - parce
que nous vivons ici, nous aussi, nous payons des taxes - que quand nous voyons
partir une firme, qu'elle soit petite, qu'elle soit grande, que ce soit
à Montréal ou ailleurs. Nous cherchons la même chose que
vous, mais, en même temps, nous sommes conscients de la
réalité des choses. Ce n'est pas négativement que nous
abordons ces choses.
Personnellement, je suis maintenant impliqué dans la venue
à Montréal d'une firme de Toronto, qui est établie dans le
secteur de la bicyclette. J'ai eu des contacts très fréquents
avec le comité d'expansion et de développement économique
de la Communauté urbaine de Montréal. J'ai persuadé une
des firmes qui voulait faire une expansion de son usine, qui est maintenant
à l'Île-des-Soeurs, de rester ici au Québec. Ma
collègue de Jacques-Cartier et moi participons très activement
à un comité économique qui va être
créé dans notre bout de l'île et qui est relié de
très près au comité d'expansion économique de la
Communauté urbaine de Montréal. En fait, on rencontre le
président lundi. On s'est intéressé à l'industrie
pharmaceutique pour essayer de la garder ici. On en discutera plus tard. On a
fait des interventions soutenues auprès du gouvernement
fédéral pour arriver au même but que vous voulez atteindre.
Il y a des collègues à moi qui se sont intéressés
à une invention qui est faite au Québec en ce moment. Il s'agit
d'un jeune inventeur qui veut ouvrir une petite PME pour lancer une invention
presque révolutionnaire dans le domaine du sport. Nous l'avons
aidé à démarrer, etc.
On recherche certainement le bien-être du Québec, parce
que, même si c'était de façon égoïste, on
serait un peu stupide de penser autrement. Mais, en même temps, il faut
vivre dans la réalité. C'est donc notre devoir de venir vous dire
ce que nous attendons de la part des entreprises, petites, moyennes et grandes.
Vous pouvez dire: Les problèmes ne sont pas ici, ils n'existent pas,
mais vous voyagez aussi souvent que nous et plus souvent que nous. On va voir
les entreprises. On parle à des présidents d'entreprise. On parle
à des gérants d'entreprise qui nous disent toujours la même
chose: On ne sait pas où on s'en va avec l'instabilité
politique.
Il y a aussi la question des impôts. Le budget n'a pas
ajouté aux impôts. Cela a été un pas en avant. Il
faut au moins se réjouir d'une certaine stabilité que cela a
créée. Il y a la question dont on a parlé - et le
député sait très bien qu'on en a discuté - le
problème de l'éducation des enfants, la question linguistique qui
revient. Il y a la question du coût de faire des affaires au
Québec, la réglementation à outrance, la
réglementation fantastique de notre entreprise. Il y a le coût de
l'administration publique ici qui fait que, justement, on porte un plus lourd
fardeau des taxes, parce que notre administration publique, par rapport
à celle de la province voisine, est tellement lourde. Ce sont des
réalités auxquelles nous avons à faire face; les gens des
entreprises nous en parlent constamment et c'est
toujours le même refrain qui revient. Il faut se dire: Si c'est
là, il faut en tenir compte. Il ne faut pas l'oublier en même
temps qu'on essaie de faire le mieux possible pour que les entreprises viennent
au Québec, pour essayer de relancer l'économie.
Ce sont les remarques que je voulais faire. On vous posera des questions
au fur et à mesure ici.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. le
député de Nelligan. M. le ministre, préférez-vous
que le député de Nelligan commence dès maintenant à
aborder les sujets qu'il souhaite traiter et vous pourrez ensuite y
répondre?
M. Biron: Oui, à moins qu'il n'y ait d'autres
interventions.
M. Lincoln: Mais mes collègues ont peut-être quelque
chose à dire. Joan?
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
Jacques-Cartier. (11 h 30)
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: II y a deux sujets que j'aimerais aborder. Le
ministre, je crois, a parlé de la formation professionnelle et il y a
une chose qui m'inquiète beaucoup. J'aimerais en discuter un peu plus
tard. Ce sont les possibilités offertes par les programmes
fédéraux grâce à l'entente sur le National Trading
Act, par exemple. Vous avez parlé de l'apprentissage en vertu duquel le
gouvernement est prêt à payer 50% des salaires des jeunes
ingénieurs et des jeunes techniciens. Mais ce qui m'inquiète,
dans tous les renseignements que j'ai, c'est que nous, du Québec, ne
profitons pas des programmes fédéraux.
L'autre question, c'est le transfert de la technologie des
universités vers les entreprises. Vous n'avez pas mentionné le
Centre de recherche industrielle (CRIQ). J'aimerais vous demander quel est
votre programme. Dans quel sens travaillez-vous avec l'autre ministère
qui s'occupe du transfert technologique, la recherche appliquée, par
exemple, et quelle est votre intention à cet égard? Je crois que
l'une des clés du virage technologique est le transfert technologique,
l'application des connaissances pour des fins et processus ou des produits
utiles. Je crois que, dans votre discours d'ouverture, vous n'avez pas
mentionné cet aspect du problème.
M. Biron: II y a deux points, Mme la députée de
Jacques-Cartier; d'abord sur les programmes fédéraux, je crois,
pour ce qui est du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, selon les informations que j'ai, qu'il y a
une complémentarité entre les deux programmes, mais en tout cas,
en ce qui nous regarde, lorsqu'on institue un programme, quel qu'il soit, on
regarde d'abord ce qui existe ailleurs, c'est-à-dire
particulièrement au gouvernement fédéral, pour ne pas
doubler les programmes qui existent. Ce serait un peu ridicule de le faire.
J'ai eu assez de problèmes avec les programmes du textile, de la
bonneterie et du vêtement où le fédéral a
institué un programme, après le programme
québécois, pour faire exactement ce que le Québec faisait;
cela a été une chicane épouvantable et, finalement, on
s'est retiré de ce programme, parce que cela n'avait pas de bon sens de
subventionner deux fois la même entreprise pour le même
investissement. Mais, règle générale, à part ces
exceptions qui étaient arrivées à l'époque de M.
Lumley, il y a une assez bonne entente vis-à-vis des différents
programmes, que ce soient les programmes fédéraux ou les
programmes québécois, à tel point que, dans certains
programmes, on est en train, avec le gouvernement fédéral, de
concevoir un formulaire unique, lorsque c'est réalisable, où le
fédéral fait un bout de chemin et où nous faisons l'autre
bout.
Il arrive que nous ayons un programme complémentaire à
celui du gouvernement fédéral. Nous sommes en train, avec la SDI
et le gouvernement fédéral, la Banque fédérale de
développement, de négocier un unique formulaire pour le chef
d'entreprise, en deux copies; une copie viendrait à Québec et
l'autre s'en irait à Ottawa. Dans ce sens, je pense qu'on essaie
d'être le plus complémentaire possible et de ne pas intervenir
dans la juridiction du fédéral. On lui demande aussi de ne pas
intervenir dans notre juridiction, mais d'être vraiment
complémentaire et de faire en sorte que, pour le chef d'entreprise qui a
affaire à un ou l'autre gouvernement, il y ait le moins de bureaucratie
possible. Le député de Nelligan parlait tantôt de la
bureaucratie et de la réglementation, il y en a toujours trop. On essaie
que ce soit le plus simple possible, d'aller le plus rapidement possible. De ce
côté d'ailleurs, on a amélioré
considérablement notre performance pour donner des réponses
très rapides aux chefs d'entreprise. Au programme d'aide au financement
des entreprises, dans l'espace de deux semaines en moyenne, on donne la
réponse, sauf s'il y a un gros problème avec une entreprise,
mais, règle générale, cela prend deux semaines pour
l'entrée complète du formulaire, pour que le chef d'entreprise
ait ses réponses.
Quant à votre deuxième question, les transferts
technologiques, bien sûr, il y a de l'ajustement à faire,
maintenant qu'il y a un nouveau ministère de la Science et de la
Technologie, ce qui n'existait pas avant, et
c'était un peu une zone grise. Maintenant, nous sommes en train
de délimiter avec ce ministère les juridictions de chacun. En
fait, le ministère qui fera la coordination des actions sera le
ministère de la Science et de la Technologie, pour être certain
que tous les ministères sectoriels qui sont impliqués dans des
développements technologiques, au moins, parlent le même langage
et aient les mêmes objectifs et les mêmes priorités.
Pour encourager la recherche à ce niveau, c'est le
ministère de la Science et de la Technologie qui est le maître
d'oeuvre, qui décide ce qu'il fera ou dans quelle orientation la
recherche technologique se fera. Une fois qu'on a défini les grandes
orientations et qu'on passe à l'action pratique vis-à-vis des
entreprises, pour les transferts technologiques en particulier, cela revient au
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, en ce qui regarde
notre genre d'entreprise, ou cela revient au MAPAQ pour ce qui regarde les
industries agro-alimentaires ou au ministère de l'Énergie et des
Ressources pour les industries qui regardent son secteur d'activité.
Nous avons des programmes à l'intérieur du ministère, en
particulier à la SDI, pour encourager justement ces transferts
technologiques. On a des programmes pour aider à acheter des
connaissances technologiques à l'extérieur comme on a des
programmes pour financer les prototypes, ce qui est important. Une entreprise
va faire un prototype qui coûtera souvent plusieurs centaines de milliers
de dollars. C'est un risque immense pour une entreprise qui n'a pas les
capacités financières assez fortes pour répondre à
ces besoins-là. Dans ce sens-là, dans notre programme de
recherche et de développement, il y a un volet qui s'adresse aussi aux
subventions, à l'aide à la fabrication de prototypes.
Je pense qu'on essaie de délimiter le plus clairement possible
nos actions, mais pour être certain que l'orientation
déterminée et la coordination déterminée par le
ministère de la Science et de la Technologie passe réellement
à l'action à travers les différents ministères
sectoriels.
Le Président (M. Blouin): Merci. M. le
député de Viger.
La situation politique au Québec
M. Maciocia: Je voudrais souligner un aspect, le dernier que le
ministre a touché -je crois que mon collègue de Nelligan l'a
touché aussi - c'est la confiance aux Québécois et aux
Québécoises. Je suis convaincu, comme l'est le ministre, que, de
part et d'autre, on a pleinement confiance aux Québécois et aux
Québécoises, on a confiance en cette population qui est vraiment
très réceptive, très dynamique pour promouvoir les
industries au Québec. Je crois qu'il faudrait regarder cet aspect de
confiance d'une autre façon parce que -comme le ministre le disait
tantôt - il reproche quasiment à l'Opposition d'être
toujours négative vis-à-vis de cet aspect de la confiance. Je ne
crois pas que ce soit l'Opposition qui soit négative sur cet aspect mais
plutôt le gouvernement même, qui donne l'impression à
l'étranger, aux investisseurs étrangers, que l'instabilité
politique au Québec est un facteur primordial de la non-venue - si on
peut dire - des entreprises étrangères ici au Québec.
Je crois que le ministre est au courant de cette situation à
moins que nous entendions des choses et que lui entende d'autres choses.
L'instabilité politique sera probablement un jour réglée,
d'une façon ou de l'autre. Je crois qu'il faudrait abandonner - on a
toujours prétendu dans nos discussions, spécialement sur le plan
économique, et je crois que le ministre est au courant - qu'il faudrait
mettre de côté ce climat instable sur le plan politique qui
empêche justement la venue des entreprises au Québec. On a
toujours dit dans nos discours, dans nos revendications aux différents
ministères, de mettre de côté - spécialement dans le
temps qu'on vit, qu'on a vécu et qu'on continue à vivre - cette
option première du Parti québécois, c'est-à-dire
l'indépendance du Québec pour relancer justement
l'économie. De quoi vient la confiance économique? Cela vient de
la part des investissements que peuvent faire les Québécois et
les étrangers qui viennent investir au Québec.
De notre part, cela a été une priorité, une mise en
garde très souvent au gouvernement de délaisser, au moins pour un
certain temps, cette option politique pour donner la possibilité aux
Québécois et aux Québécoises de dépasser
cette crise économique qu'on vit et de donner la possibilité aux
investisseurs étrangers de venir s'installer au Québec. Si on a
perdu des entreprises au Québec, il faut dire aussi - je crois et
j'espère que le ministre en est conscient - que c'est aussi à
cause de cela, pas seulement la non-venue des entreprises
étrangères mais aussi le déménagement d'entreprises
du Québec qui sont allées vers d'autres provinces ou à
l'extérieur même du Canada, à cause de cette
instabilité.
Je voulais souligner ce point, parce que je crois que le ministre est un
peu au courant et j'espère qu'au moins pour un certain temps, le plus
vite possible, on tentera de régler cette situation qui empêche le
développement économique de la province de Québec.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Biron: Juste sur ce point-là, parce
que le député de Nelligan en a aussi traité, je
regrette qu'on parle toujours d'instabilité politique parce que des gens
du Québec continuent d'être logiques et surtout d'être les
héritiers de tous ceux qui ont gouverné le Québec. Cela
fait 100 ans, depuis le début du siècle, qu'on parle de
l'indépendance du Québec avec Honoré Mercier, avec M.
Duplessis qu'on parle d'autonomie, ou Lomer Gouin, avec Jean Lesage, qui
parlait d'être maîtres chez nous, et avec Daniel Johnson qui
disait: Ou on aura l'égalité ou cela sera l'indépendance,
et même avec Robert Bourassa, qui demandait beaucoup plus de pouvoirs, de
souveraineté culturelle, et qui a déclenché une
élection générale sur le thème que le gouvernement
fédéral voulait faire un rapatriement unilatéral de la
constitution et que c'était inacceptable pour le Québec. C'est
Robert Bourassa, du Parti libéral, qui a dit cela. Or qu'on attaque le
Parti québécois en disant qu'il y a de l'instabilité
politique, je ne comprends pas trop, sauf si on veut vraiment faire de la
politique partisane, mais le Québec, historiquement, a toujours
demandé beaucoup plus de pouvoirs qu'il n'en a présentement pour
protéger la population québécoise, qui n'a pas du tout la
même mentalité que celle du reste du Canada.
Depuis deux ans que je suis à la tête du ministère
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et que je négocie avec le
gouvernement fédéral, je ne dis pas que les gens du gouvernement
fédéral sont de mauvaise foi, en incluant M. Trudeau, mais tout
le système politique fédéral fait en sorte que les
décisions sont prises en fonction du Canada. Le Canada, ce n'est pas le
Québec, c'est l'Ontario d'abord. Si vous appliquez un remède pour
l'Ontario, vous tuez l'économie québécoise. Mais
l'histoire politique du Canada fait qu'on prend des décisions à
Ottawa pour cela. Or, le meilleur moyen de régler ce problème une
fois pour toutes et d'être des bons partenaires associés
économiquement et politiquement de quelque façon, c'est que les
Québécois aient en main les pouvoirs nécessaires et qu'il
faut parler de stabilité politique. Au contraire, notre langage, c'est
de dire: Mettons la stabilité politique, arrêtons de faire ce
qu'on fait depuis 100 ans. Réclamons plus de pouvoirs, ayons-les ces
pouvoirs et là, il y aura une stabilité politique. On sera
capable de discuter d'égal à égal avec nos voisins et cela
ira très bien.
Dans ce sens-là, je pense que, tant et aussi longtemps que les
Québécois n'auront pas eu ce qu'ils réclament,
l'égalité politique, ils vont la réclamer et avec raison.
Peu importe celui qui est ou sera à la tête du Québec, peu
importe si c'est Robert Bourassa, s'il revenait, ou n'importe qui d'autre -
à moins de vouloir être un Adélard Godbout et de
céder les droits du Québec, mais je ne pense pas qu'un premier
ministre du Québec voudra être un autre Adélard Godbout -
le chef du gouvernement du Québec va toujours exiger plus de droits et
plus de pouvoirs pour le Québec. Cela sera ce que vous appelez de
l'instabilité politique. À mon point de vue, il va
réclamer la stabilité politique essentielle que le Québec
veut toujours avoir depuis 100 ans dans ce genre de régime. C'est ce
point. Vis-à-vis de la langue, c'est la même chose. Je pense que
M. Bourassa a passé la loi 22 en disant qu'il y avait un problème
de langue et qu'il fallait que cela se corrige. Je ne pense pas qu'aucun
gouvernement du Québec change quoi que ce soit à la loi 101. Elle
est là pour rester. On est bien mieux d'apprendre à vivre avec
elle le mieux possible. C'est vivable, et c'est bon pour la
sécurité économique du Québec.
M. Maciocia: M. le Président.
Le Président (M. Champagne): Oui, M. le
député.
M. Maciocia: Lorsque vous parliez tantôt de
stabilité politique, il faut la régler une fois pour toutes,
parce que vous êtes conscients, je l'espère, qu'il y a beaucoup de
réticence vis-à-vis du Québec actuellement justement
à cause de cette stabilité, si vous voulez l'appeler comme vous
voulez, mais il ne faut pas donner l'impression de cette situation claire aux
investisseurs étrangers dans le sens de dire qu'au Québec, on est
comme cela ou on est de l'autre côté. Si on ne l'est pas, il
faudrait le faire le plus tôt possible, pour donner cette
possibilité aux investisseurs qui veulent investir au Québec. Si
la population du Québec veut avoir l'indépendance politique du
Québec, avec une association, avec un trait d'union, ou n'importe quoi
avec les autres provinces canadiennes ou avec les États-Unis,
faisons-le, mais jusqu'à quand? On ne l'a pas. On ne clarifie pas cette
situation. J'espère que vous êtes conscient que, justement, des
investisseurs étrangers et même les investisseurs
québécois se posent des questions pour investir ici au
Québec.
M. Biron: M. le député, pour régler la
stabilité politique du Québec, un jour, j'ai pris ma
décision de dire oui au référendum. Or, je vous invite
à faire la même chose avec nous et on va la régler une fois
pour toutes.
M. Maciocia: Mais quand? (11 h 45)
M. Dussault: M. le Président, cela me paraît
intéressant ce que dit le député. Il est tout à
fait en contradiction avec ce qu'il a dit tout à l'heure. Il nous
disait: Mettez la pédale douce, retardez le temps de régler la
crise. Et, maintenant, il nous dit: Réglez
cela le plus tôt possible. Il y a suffisamment de
Québécois qui sont d'accord pour ce changement profond, que tout
ce qu'on peut voir dans l'avenir, c'est qu'il y en ait encore davantage qui
soient d'accord pour le changement. Il n'y a qu'une chose à faire, c'est
de demander aux gens de l'Opposition de se rallier à l'idée que
c'est cela qui nous permettra de nous en sortir une fois pour toutes pour
créer la plus grande stabilité, celle qui est idéale. Il
n'y a qu'une façon de la régler, c'est qu'on s'en aille de plus
en plus vers un consensus qui mènera au maximum de pouvoirs pour le
Québec. On réglera le problème. Je sais qu'on ne peut pas
vous demander cela. Autant j'aurais tendance à penser que c'est cela
qu'il faut vous demander, autant je sais qu'on ne peut pas vous le demander,
parce que ce serait contre nature pour vous. On sait qu'une prochaine
élection ou d'autres élections subséquentes en
dépendent pour vous. Vous voulez prendre le pouvoir. Vous voulez nous
battre. Vous voulez discréditer cette option. Nous, on sait que c'est
cela qui s'accréditera de plus en plus dans la population. On a
déjà fait énormément de chemin dans ce sens.
Ce qui crée des problèmes, c'est ce que vous colportez. Ce
qui se dit à l'étranger, si cela se dit, c'est ce que vous
colportez. Cessez de colporter qu'on est faible. Cessez d'affaiblir le
Québec. C'est votre discours qui affaiblit le Québec et qui
crée l'instabilité. Admettez - on l'a vu pendant la crise - qu'on
n'a pas les pouvoirs qu'il faut au Québec. S'il y a un moment dans
l'histoire du Québec où on a pu constater qu'on n'a pas les
pouvoirs pour s'en sortir, c'est bien en temps de crise. On a la moitié
des outils, présentement, mais on veut avoir tous les outils pour s'en
sortir. Si on a besoin de ces outils, c'est bien en temps de crise. Si on a
encore à vivre un jour une crise comme celle qu'on a connue, il faudra
qu'on ait appris de cette crise qu'on n'avait pas les outils et que,
dorénavant, il faudra qu'on les ait.
Arrêtez de nous dire: Oubliez cette affaire le temps de
régler la crise. Au contraire, il ne faut pas l'oublier. Vous savez,
malheureusement, les Québécois ont fait la preuve qu'ils n'ont
pas toujours toute la mémoire qu'il faut, ils oublient relativement
vite. Il ne faudrait pas qu'ils oublient que, pendant la crise, on avait
constaté qu'on avait des difficultés en termes de pouvoirs. On a
la moitié des outils, il faut qu'on aille chercher ces autres outils,
l'autre moitié.
Travaillez avec nous. Si vous n'êtes pas capables de travailler
avec nous dans ce sens parce que c'est contre nature sur le plan des
élections, parce que vous voulez prendre le pouvoir, vous voulez nous
battre sur cette question, au moins, changez votre discours. Faites en sorte,
à un moment donné, de ne pas colporter ce genre de choses qui
nous feraient passer pour des gens qui ne sont pas accueillants, pour des gens
qui ne sont pas capables de voir venir l'investisseur, alors que, en
réalité, on est intéressé à ce que
l'investisseur vienne.
On a vu que cela n'inquiète pas très largement les
compagnies qui sont ici. J'ai participé je ne sais pas combien de fois
à des représentations pour le ministre dans différentes
compagnies où on investissait des millions de dollars, où on
agrandissait et où les gens étaient intéressés
à continuer de travailler avec les Québécois. Vous savez,
s'il y a un langage qui fait du tort, c'est le vôtre, et s'il fait du
tort à l'étranger, c'est le même langage. Il
n'énerve pas les gens ici, maintenant. Arrêtez de faire croire que
les compagnies qui se déplacent vers l'Ouest le font à cause de
la venue au pouvoir du Parti québécois et parce qu'il est encore
au pouvoir. Cette affaire a commencé bien avant nous autres. Il ne faut
pas s'imaginer que, à partir de novembre 1976, subitement, les
compagnies se sont mises à s'en aller vers l'Ouest. C'est une tendance
qui existe depuis des années, ici, au Québec, comme elle existe
aux États-Unis de l'Est vers l'Ouest. On ne luttera pas contre ces
grands mouvements.
Ce que nous ferons, ce sera de nous donner les meilleurs instruments
possible pour qu'on puisse faire le maximum dans ces circonstances et dans ce
contexte. Cela, c'est parler un langage positif. Cessez d'affaiblir le
Québec par votre discours. Évidemment, expliquez en quoi ce que
vous pensez est meilleur, mais arrêtez d'affaiblir la collectivité
québécoise à partir de votre discours, c'est cela qui nous
fait le plus de tort. C'est ce que le ministre voulait vous dire tout à
l'heure, lorsqu'il vous demandait, dès le début, de parler un
langage positif, de nous aider à faire voir la capacité des
Québécois de se prendre en main sur le plan économique,
parce que c'est là qu'on est rendu. La prise de conscience des
Québécois est extraordinaire présentement sur ces
questions de développement économique. Arrêtez de
décourager les Québécois. Dites-leur: Oui, vous l'avez le
potentiel. On est ouvert. On va essayer de convaincre le monde, les
investisseurs étrangers, étant donné qu'il y a un
potentiel extraordinaire ici, que vous avez la formation, l'éducation.
Vous avez mis beaucoup d'argent là-dedans, maintenant, vous êtes
à même de jouer avec cela d'une façon naturelle. Je pense
que c'est cela qu'il faut dire aux Québécois.
Quand les étrangers nous entendront nous parler entre nous ce
langage, ils vont cesser de s'énerver sur ce qui se passe ici et ils se
rendront compte que ce qui se passe ici, c'est tout à fait normal. Nous
sommes une collectivité distincte des autres collectivités qui
l'entourent et qui veut,
effectivement, avec ce qui la distingue, arriver au maximum de
résultats. C'est cela, je pense, qui doit se passer. C'est cela qu'on
veut vous dire ce matin, quand on vous dit: Parlez un langage positif. C'est
vrai que l'Opposition est là pour critiquer. Mais elle n'est pas
toujours obligée de critiquer et elle n'est pas toujours obligée
de prendre les arguments les plus négatifs pour critiquer.
Il y a certains points de vue que le député de Nelligan a
avancés ce matin et qui relevaient du positif. Mme la
députée de Jacques-Cartier, l'autre jour, sur la question avec
débat à l'Assemblée nationale, a aussi tenu un langage
très largement positif et, chaque fois que je vous entends, cela nous
fait plaisir, parce qu'on n'est pas habitués à cela. Quand on
vous entend tenir ce langage, on vous le dit. Mais il faudrait le faire
beaucoup plus que cela jusqu'à ce que cela cesse de conditionner
négativement le développement du Québec sur le plan
économique.
Le Président (M. Champagne): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Je ne voulais pas me lancer dans une discussion
stérile sur l'indépendance du Québec, etc., excepté
que, si, M. le député de Châteauguay, vous pensez que cela
n'existe pas comme facteur important dans l'esprit des investisseurs, dans
l'esprit des hommes d'affaires, vous n'en connaissez pas beaucoup. Je peux vous
dire que je visite beaucoup d'entreprises, que je connais beaucoup de gens dans
les entreprises. L'autre jour, j'étais à une réunion avec
dix personnes d'entreprises dont le chiffre d'affaires représente 500
000 000 $, dix PME. Alors, si vous pensez que cela n'existe pas, que ce sont
seulement les libéraux qui colportent ces choses-là, vous
êtes ou aveugle ou sourd. Si vous pensez que c'est seulement la Gazette
de Montréal ou l'Opposition libérale qui en parlent, lisez les
articles de Marcel Adam, lisez les articles de Vincent Prince, dans la Presse,
récemment, au sujet de toutes les déclarations sur
l'indépendance qu'ont faites les ministres du Parti
québécois. Tout ce qu'on vous dit, c'est d'essayer de
réaliser qu'à tort ou à raison, les gens pensent que c'est
instable parce que c'est un climat d'incertitude politique. C'est ce que les
gens disent, à tort ou à raison.
Qu'on fasse l'indépendance, d'accord. Mais qu'on règle la
question une fois pour toutes. En 1980, on a fait un référendum.
On croyait que c'était fini. Mais cela recommence à
présent de plus belle. Alors, ne me dites pas que c'est quelque chose
qui n'existe pas. Ne me dites pas que le phénomène des
sièges sociaux qui ont quitté le Québec est un
phénomène naturel et historique. Comment se fait-il que, durant
les cinq dernières années, cela a été une question
catastrophique ici? Vous ne parlez jamais de chiffres. Vous faites toujours de
grands discours avec de belles phrases. Moi, je vais vous donner des chiffres.
Vous savez combien de sièges sociaux sont maintenant à Toronto
par rapport à ceux qui sont à Montréal? Est-ce que vous
connaissez le nombre? Des 500 plus grandes compagnies du Canada qui sont
inscrites dans le Financial Post, il y en a 264. Est-ce que vous savez qu'il y
a plus de sièges sociaux maintenant dans l'Ouest du Canada,
c'est-à-dire 108. Et à Montréal, à Québec?
Il y en a 94 dans le Québec tout entier, 84 à Montréal; 84
à Montréal, qui était la ville même des
sièges sociaux. Si vous voulez qu'on vous donne la liste, je vais vous
la donner. Seulement, cela prendra dix minutes à la lire, la liste des
firmes, des entreprises qui ont quitté le Québec. Elles n'ont pas
quitté le Québec pour aller à Vancouver, comme c'est le
cas pour les entreprises qui quittent l'Est de l'Amérique pour aller
à San Francisco, à Los Angeles, au Texas, au sud des
États-Unis. Elles ont quitté le Québec pour aller à
Toronto, qui a le même climat géographique que nous, les
mêmes infrastructures que nous.
En fait, on a les meilleures infrastructures. Il ne faut pas que vous
vous disiez aussi que ces problèmes-là, quand on les aborde,
c'est une bebelle d'élection pour le Parti libéral. C'est de la
frime. Vous n'avez qu'à lire - l'autre jour, je vous l'ai cité -
le rapport des investisseurs japonais. L'avez-vous lu? C'est un document de 350
pages. Ces 38 investisseurs japonais sont venus ici au Canada, au
Québec, en Colombie britannique, en Alberta et ailleurs, faire le
programme de plans d'investissements au Canada. Qu'est-ce qu'ils ont dit? Ils
ont dit: La question de l'indépendance politique du Québec reste
un handicap sérieux pour nous. Ce n'est pas moi qui ai dit cela. Ce sont
des investisseurs japonais. Je vous ai cité plusieurs noms. Je vais vous
passer le rapport, si vous ne l'avez pas lu et si vous ne pensez pas le lire.
Ce sont des Japonais. Si vous lisez, parmi les firmes qui nous ont
quittés, il y a des firmes allemandes, des firmes suédoises. Ce
ne sont pas des "blokes", ce n'est pas seulement le Parti libéral.
Alors, nous dire que cela n'existe pas, que c'est une constatation... Je sais,
moi, qu'il y aura toujours des revendications de la part du Québec. Je
sais cela. Nous sommes d'accord. Vous, votre option politique, c'est
l'indépendance. Nous, notre option, c'est le fédéralisme.
Cela va rester. Cela va rester un argument de base. Tout ce qu'on vous dit,
c'est que, lors de la dernière élection, le
référendum venait de se passer. Le Parti québécois
avait dit: On va faire l'élection à partir d'un programme de bon
gouvernement. On va mettre l'indépendance en veilleuse. Ce n'est pas
moi
qui ai dit cela. Si vous voulez qu'on aille chercher les citations,
vous-même, est-ce que vous avez parlé d'indépendance
pendant votre campagne électorale? Est-ce que cela a été
le thème de votre campagne électorale? Cela n'a pas
été comme cela chez moi. Le Parti québécois a dit:
Ah non! on fait cela sur une base de bon gouvernement. Mais, seulement, quand
vous êtes arrivés au pouvoir, votre ministre même disait
l'autre jour: L'indépendance du Québec!
Tout ce qu'on vous dit, c'est que, maintenant, en attendant la prochaine
élection, vous n'avez pas besoin de faire un grand chahut
là-dessus, parce que cela énerve les gens. Cela énerve les
Américains. Ils ont parlé de cela assez souvent. Il y a eu une
déclaration l'autre jour à New-York à ce sujet. Cela les
énerve. Pourquoi pensez-vous - comme je vous le disais tout à
l'heure, si vous voulez la liste, je vais vous la donner: voilà la liste
est ici - que, sur 56 banques qui se sont implantées au Canada, il y en
a 47 qui sont allées à Toronto? Pourquoi pensez-vous - vous le
dites - que ces facteurs ne jouent pas du tout? Mais, comment se fait-il
qu'elles ne sont pas allées en Californie, qu'elles ne sont pas
allées à Vancouver? Elles sont allées à Toronto,
à 350 milles de nous, dans le même climat géographique.
Alors, ne venez pas nous dire que nous sommes fous parce qu'on apporte
la question sur le tapis. Tout ce qu'on vous dit, on le dit au ministre et, de
façon constructive, moi, je suis à 100% pour les investissements
au Québec. Je travaille dans ce sens et je vous mets au défi
d'avoir travaillé aussi fort que moi pas pour enlever des entreprises
à Toronto mais pour garder des entreprises au Québec. Et je peux
vous donner des noms. Peut-être que si vous me dites que, comme
député de Châteauguay, dans votre circonscription, vous
êtes allé chercher une entreprise à Toronto pour l'amener
dans Châteauguay, je vous tirerai mon chapeau. Je peux vous dire que je
le fais aussi et je peux vous donner des noms. Ne me dites pas qu'on est contre
le Québec, qu'on est contre les investissements, bien au contraire. Tout
ce qu'on vous dit, c'est qu'on parle à des gens et ils constatent un
facteur d'instabilité. Si cela continue, cela continuera. Si cela
continue avec le Parti libéral, ce sera la même chose. Il faudra
qu'on arrête, qu'on se le dise, il faudra qu'on fasse un moratoire sur
toute cette question politique pour permettre aux investissements de se faire
dans le plus grand calme, dans la plus grande sérénité.
C'est cela qu'on dit.
Je pense qu'il est tout à fait normal pour nous de parler de cela
et que nous ne sommes pas fous de parler de cela. Si vous voulez des noms
d'entreprises qui m'ont parlé de cela, je vous les donnerai. Si vous
voulez qu'on aille ensemble voir ces entreprises et qu'on parle aux
présidents des entreprises et qu'on vous le fasse dire - je suis
sûr que le ministre aussi a écouté - je peux vous amener
là-bas. S'ils ne vous parlent pas à vous, je vais vous amener
dans des entreprises où l'on a dit qu'ils avaient parlé à
des ministres du Parti québécois.
Le Président (M. Champagne): M. le ministre,
peut-être ou...
M. Biron: M. le Président, je voudrais ajouter...
Le Président (M. Champagne): Je voudrais faire remarquer
aux membres de la commision que nous sommes engagés dans un débat
politique, et que nous sommes ici pour faire l'étude des crédits.
Est-ce que... Je peux vous donner la parole...
M. Dussault: Moi, brièvement, M. le Président, pour
conlure là-dessus.
Le Président (M. Champagne): ...brièvement, et
ensuite on en viendra peut-être à l'étude du programme
1.
M. Dussault: Le député me fait dire des choses que
je ne dis pas, M. le Président. D'abord, il me parle de listes qu'il
voudrait me fournir. Je suis bien prêt à regarder ces listes, mais
je me rappelle - il y a de quoi se méfier maintenant - d'une liste que
le Parti libéral avait rendue publique de sièges sociaux qui
s'étaient déplacés, semble-t-il, et quand elle a
été analysée, on s'est rendu compte qu'il s'agissait de
gens qui n'avaient qu'un numéro de téléphone dans le
bottin. C'est facile de déplacer des sièges sociaux de cette
façon-là. Il y a des exagérations, c'est ce que je veux
dire, il y a des exagérations. Leur discours est un discours qui
conditionne le climat. Ce que j'essaie de faire comprendre aujourd'hui à
M. le député de Nelligan, j'ai essayé de le lui faire
comprendre vendredi dernier lors de la question avec débat, c'est un
discours qui conditionne négativement le développement
économique du Québec. C'est ce qu'il faudrait réellement
comprendre. C'est sûr qu'on peut énerver les Américains.
Les Américains ont eu quelques expériences malheureuses tout
près d'eux dans le Sud. Ils ne souhaiteraient pas qu'il y ait des
expériences malheureuses comme cela au Nord. Ce n'est pas du tout ce qui
se développe ici. Il n'y a pas d'atmosphère de guérilla
ici au Québec. Il faut cesser de mêler les contextes et de donner
l'impression qu'ici, c'est la fin du monde. Ce n'est pas cela la
réalité. Ici, il y a un cheminement des Québécois
vers leur prise en main collective, mais un cheminement qui est tout à
fait pacifique, qui est tout à fait serein et qui est tout à fait
normal en même temps.
C'est cela qu'on voudrait que vous saisissiez une fois pour toutes. Ce
que vous faites, c'est que vous avez un discours qui conditionne un climat, qui
crée de la psychose. Arrêtez de créer de la psychose pour
des intérêts politiques. Ce n'est que cela qu'on vous demande.
Le Président (M. Champagne): Je pense qu'il ne faudrait
pas...
M. Payne: Je voudrais juste ajouter quelque chose, quinze
secondes, avec la permission...
Le Président (M. Champagne): En quinze secondes,
peut-être, ensuite dix petites secondes et ensuite on arrivera... Le
député de Vachon, en quinze secondes.
M. Payne: II pourrait être intéressant que le
député de Nelligan consulte le professeur Lemay, qui est en train
de faire une étude exhaustive de la situation des sièges sociaux
à travers l'Amérique du Nord, d'une part, et, d'autre part, le
taux d'attraction, la valeur d'attraction du Québec vis-à-vis des
autres provinces du Canada. En ce qui concerne l'intérêt du
Québec pour celui qui vient de l'extérieur - c'est un professeur
de l'Université du New Jersey -c'est absolument étonnant.
Deuxièmement, j'aimerais m'assurer qu'il lise le livre que Gerard
Clark publiait dernièrement sur la confiance dans le Québec et
Montréal en particulier.
Le Président (M. Champagne): Une dernière
peut-être avec le député de Viger?
M. Maciocia: Une dernière, oui. La seule chose que je
voulais dire, quand je suis intervenu sur cette aspect, c'est d'arrêter
d'en parler. Parlez-en seulement pendant les 35 jours de la campagne
électorale et c'est tout. Arrêtez d'en parler
jusqu'à...
Le Président (M. Champagne): On va espérer que la
commission n'en parlera...
M. Dussault: On pourrait peut-être inviter le
président...
Le Président (M. Champagne): D'accord. Est-ce que la
commission pourrait prendre le programme 1 ou enfin globalement les
programmes?
M. Lincoln: On s'est entendu pour en parler globalement.
M. Biron: On s'était entendu pour en parler
globalement.
Le Président (M. Champagne):
Globalement, d'accord. M. le député de
Nelligan, vous avez la parole sur les crédits.
M. Lincoln: M. le ministre, est-ce qu'on pourrait commencer par
les sociétés d'Etat, peut-être par la SGF? (12 heures)
M. Biron: Juste une information au député de
Nelligan, sur la question de la SGF, il y a un projet de loi qui sera
déposé au cours des prochains jours sur la Société
générale de financement pour augmenter son capital-actions et lui
permettre d'agir dans le secteur des alumineries. À ce moment, le
président de la Société générale de
financement sera avec nous pour répondre à toutes les questions.
On avait prévu qu'à l'occasion de ce débat sur la loi sur
la SGF, on pourrait vraiment répondre à ce qui arrive en ce qui
concerne la SGF. Si vous voulez poser des questions à l'occasion de
l'étude des crédits, j'essaierai de vous répondre le mieux
possible mais, étant donné que les gens de la SGF ne sont pas
ici, on n'avait pas prévu qu'ils seraient ici aujourd'hui, parce que ce
n'est pas budgétaire, je vais essayer de vous répondre le mieux
possible.
M. Lincoln: Ce sera quand?
M. Biron: Avant la fin de juin, parce qu'on voudrait que le
projet de loi soit déposé et adopté avant le 21 juin.
Comme information, on pourra avoir vraiment tout le dossier de la SGF en
même temps. Je ne veux pas vous empêcher d'en parler.
Société des alcools du
Québec
M. Lincoln: Cela va. Mes questions sont d'ordre
général, mais si on peut y revenir durant la commission
parlementaire, on aura pas mal de temps. Nous pourrions peut-être passer
à la SAQ, si vous voulez.
M. Biron: La même chose vis-à-vis de la SAQ. Il y a
un projet de loi aussi qu'on espère pouvoir faire adopter avant la fin
de juin, ce qui n'est pas encore certain, parce que le projet de loi est au
comité de législation. Je pense que si vous voulez poser des
questions d'ordre général sur la SAQ, comme orientation globale
de ce qui s'en vient, je suis bien prêt à vous
répondre.
M. Lincoln: D'accord. Tout d'abord, j'aurais voulu savoir, c'est
si vous avez prévu des politiques avec cette nouvelle loi pour favoriser
une réévaluation beaucoup plus rapide des taux d'échange,
surtout les taux d'échange francs qui couvrent la plus grande partie des
vins. Prenez maintenant la dévaluation fantastique du franc
français. Trois dévaluations presque consécutives,
très rapides, qui ont une portée substantielle sur le coût
au consommateur. Pouvez-vous me
dire si vous avez des politiques en marche à ce sujet?
M. Biron: D'abord, voulez-vous me permettre de donner un peu
l'orientation dans laquelle nous voulons aller avec la Société
des alcools du Québec? Vous avez mentionné dans votre
intervention du début que c'était un monopole de première
distribution; au point de vue du grossiste, c'est un monopole, au point de vue
de la vente au détail, ce n'est pas un monopole, maintenant, parce qu'on
permet...
M. Lincoln: Je pense que j'ai qualifié cela. J'ai dit
à l'exception des centres de dépannage.
M. Biron: D'accord. Au point de vue de la production, de la mise
en bouteille et de la fabrication, ce n'est pas un monopole non plus, parce
qu'il y a les distilleries. Il y a aussi onze permis privés
d'embouteillage et de fabrication de vin. Ce que nous voulons garder, c'est le
monopole de première distribution, c'est-à-dire un contrôle
adéquat de tout ce qui se distribue au Québec comme boissons
alcooliques. Nous voulons par contre permettre plus de marge de manoeuvre
à l'entreprise privée dans ce sens. On a souvent attaqué
la SAQ sur cela, mais je peux vous dire que notre objectif est de permettre une
marge de manoeuvre plus grande, une plus grande concurrence au point de vue de
la fabrication et de l'embouteillage des boissons alcooliques et des vins au
Québec. Il y aura même une comptabilité
séparée pour la SAQ-embouteillage, pour être certain qu'il
n'y aura pas de concurrence indue avec des taxes payées par les
Québécois sur les spiritueux ou sur le vin, vis-à-vis des
firmes privées de distillerie ou d'embouteillage. Dans ce sens, il y
aura une comptabilité très séparée.
Nous voulons quand même garder la SAQ comme un secteur
témoin d'embouteillage jusqu'à un certain point. Nous voulons
aussi permettre davantage aux firmes québécoises privées
de conquérir des nouveaux marchés. Avec l'ancienne loi de la SAQ,
tout devait passer par la SAQ, à tel point qu'on a eu même un
exemple il y a quelques années d'une firme québécoise qui
avait une commande d'un million de caisses de vin embouteillé au
Québec pour vendre en Nouvelle-Angleterre, et elle n'a pas pu
réaliser cette vente parce que la SAQ d'autrefois l'a
empêchée de faire cela. Cela n'a pas de bon sens. On peut acheter
du vin en France, l'embouteiller au Québec et le vendre en
Nouvelle-Angleterre. Je pense que tout le monde va se féliciter, parce
qu'on aura des bouteilles qui seront québécoises,
l'embouteillage, les étiquettes, les boîtes etc. Dans ce sens, la
nouvelle loi va donner beaucoup de marge de manoeuvre au secteur
privé.
Nous avons aussi demandé depuis...
M. Lincoln: Excusez-moi, M. le ministre, pour être
sûr que je vous ai bien compris, cela donnerait droit aux entreprises
d'embouteillage, par exemple, de faire venir elles-mêmes des vins
importés et de les embouteiller?
M. Biron: Les embouteiller et les vendre sur d'autres
marchés.
M. Lincoln: Sur d'autres marchés.
M. Biron: Sur d'autres marchés. À l'heure actuelle,
elles n'ont pas le droit de conquérir...
M. Lincoln: Je sais, elles n'ont pas le droit.
M. Biron: Alors, on veut le leur permettre, parce qu'on a fait
faire des études par la SAQ en Nouvelle-Angleterre. On a d'ailleurs
distribué des copies de ces études aux gens du secteur
privé qui prouvent qu'il y a un marché immense qu'on pourrait
conquérir à partir du Québec. Alors on veut permettre
à nos embouteilleurs de le faire. Vis-à-vis de ce qui sera
acheté, embouteillé au Québec et vendu dans le
réseau des épiceries, nous allons quand même exiger que ce
soit une marque québécoise, pour nous assurer qu'il y ait le
maximum de contenu québécois dans le sens qu'on ait la bouteille
et ce qu'on est capable de faire au Québec.
Mais, jusqu'à maintenant, on exigeait aussi qu'il y ait 33% de
vins importés qu'on pouvait admettre. Pour le reste, il fallait que ce
soit du concentré ou des raisins, en tout cas un mélange qui ait
un certain contenu québécois, mais on s'aperçoit qu'on
force finalement les embouteilleurs à produire un vin de seconde
qualité. Si on avait des vignes au Québec, on pourrait se dire:
C'est du produit québécois, mais on se force à importer
des choses et à réduire finalement la qualité. Dans la
nouvelle loi, il sera permis aux embouteilleurs de faire venir un vin à
100% italien ou français et de l'embouteiller au Québec sous une
marque québécoise, par exemple. Cela pourrait s'appeler un
Portneuf, un Montréal, un Saint-Laurent ou je ne sais quoi et ce serait
distribué à nouveau dans le réseau des
épiceries.
En plus, jusqu'à maintenant, on limite la quantité de
marques par un embouteilleur privé dans chaque épicerie, au
maximum, à trois marques. Comme objectif, on veut ouvrir cela pour avoir
vraiment le libéralisme de ce côté, mais si on ouvre trop
vite, on va pénaliser de petits embouteilleurs, si vous
les comparez aux plus gros ou à ceux qui ont une structure
financière plus forte. On ira graduellement et par étapes, mais,
comme première étape, on permettra possiblement cinq marques et
on laissera plus de marge de manoeuvre au privé mais on limitera quand
même le nombre de marques pour la Société des alcools, qui
sera la seule, dans le fond, en cours de route, à être
limitée alors qu'éventuellement les autres pourraient être
beaucoup plus ouverts.
Dans ce sens, on fait plus confiance à l'entreprise privée
et on force la SAQ-embouteillage à s'administrer le plus sainement
possible. À la première distribution au grossiste, je pense que
c'est normal qu'on contrôle tout. Il va même y avoir des amendes
plus élevées pour être certain de tout contrôler. On
nous rapporte - mais on n'a pu le prouver à date - qu'il y aurait
peut-être du coulage de part et d'autre qui pourrait se faire. Alors, on
veut être certain que tout le monde soit traité sur le même
pied de ce côté pour la première distribution.
Pour la deuxième distribution au détail, on va permettre
beaucoup plus de marge de manoeuvre, aussi, encore une fois, vis-à-vis
du secteur privé en plus...
M. Maciocia: Si vous me permettez, M. le ministre, est-ce que
cela veut dire que la SAQ va continuer quand même à importer du
vin elle-même ou si elle va seulement prendre celui qui a
été embouteillé au Québec?
M. Biron: La SAQ va continuer, comme cela sera permis pour le
privé aussi d'ailleurs, d'importer du vin.
M. Maciocia: C'est la même chose.
M. Biron: Sauf les appellations contrôlées qui, pour
un bout de temps encore, seront la seule responsabilité de la SAQ. Mais
notre objectif est de faire en sorte d'importer le maximum de vins en vrac pour
les embouteiller au Québec au lieu d'importer en bouteilles, parce qu'on
est capable de faire la bouteille. Si on songe que le coût du vin avec la
bouteille, l'embouteillage, les étiquettes en moyenne, un vin de table,
c'est 50%, alors, on pourra améliorer et accentuer le contenu
québécois là-dessus.
Pour la mise en marché finale au détail, nous avons comme
objectif d'avoir cette année 25 agences privées à travers
le Québec qui vont distribuer des spiritueux en plus du vin dans
certaines régions, villes ou municipalités qui sont
situées à plus de 25 kilomètres d'une succursale de la
SAQ. En d'autres termes, on ne veut pas augmenter le nombre de magasins de la
SAQ. On va au moins stabiliser ce qui est là et éventuellement
diminuer probablement lentement le nombre de magasins et faire un peu plus
confiance au secteur privé dans le sens de la deuxième
distribution, c'est-à-dire la distribution au détail.
En d'autres termes, si je résumais l'action qu'on va faire, on
s'ouvre beaucoup plus vers le secteur privé. Il y a aussi un point
important de ce côté, c'est qu'on avait des plaintes du secteur
privé, à savoir que la SAQ étant en même temps
compétitrice d'une firme privée et ayant sous sa seule
responsabilité le contrôle de la qualité, pouvait des fois
dire: On n'accepte pas, parce que tu n'as pas une bonne qualité, et elle
n'était pas obligée de donner les résultats. Alors, on
enlève le contrôle de la qualité à la SAQ. Ce sera
maintenant la responsabilité du MICT et il y aura une commission
où seront présentes à la fois l'entreprise privée
et la SAQ. On sera obligé de dévoiler le résultat de
l'analyse devant les membres de la commission, si une firme privée n'est
pas satisfaite du résultat. Or, cela veut dire, en d'autres termes,
qu'on veut permettre à l'entreprise privée de participer aussi
avec nous au contrôle de la qualité, mais si la qualité
n'est pas là dans une firme privée et si on fait appel devant
cette commission, ses compétiteurs vont savoir que sa qualité
n'est pas là. Alors, la firme privée aussi va être beaucoup
plus responsable dans ses demandes.
M. Maciocia: Lorsque vous dites qu'il y aura 25 agences
privées à 25 kilomètres d'un local de la SAQ, est-ce qu'il
y a un rayon d'établi pour ces agences, pour la vente ou peut-on vendre
"at large", n'importe où?
M. Biron: On peut vendre "at large", mais c'est comme un magasin
de la SAQ dans le fond. Il faut se rendre à cette agence pour pouvoir
acheter une bouteille de spiritueux comme on se rend à une succursale de
la SAQ.
M. Maciocia: Vous parlez d'une agence pour aller dans un local,
alors...
M. Biron: Dans un local, et ceux qui peuvent soumissionner pour
avoir ce local ne sont que ceux qui déjà ne sont que
détenteurs d'un permis de vente de vin ou de bière. Règle
générale, c'est un magasin, un Métro, un Provigo, une
Coop...
M. Maciocia: Un dépanneur.
M. Biron: Un dépanneur qui soumissionne. Alors ces 25
agences, bien sûr, sont en région rurale parce que, dans toutes
les villes, il y a une succursale de la SAQ. On donne un meilleur service
à la clientèle, d'une part, et, d'autre part, on veut
tranquillement mais sûrement s'en aller vers
un peu plus de confiance au secteur privé de ce
côté-là.
M. Maciocia: Une autre question me semble naturelle. Est-ce qu'il
peut y avoir des succursales dans la même agence? Parce que, si vous
parlez de 25 agences privées, cela veut dire qu'il peut y avoir une
agence avec 25 succursales. Ou est-ce limité à une
succursale?
M. Biron: Non, il pourrait y avoir 24 succursales mais, dans des
régions bien données, c'est-à-dire...
M. Maciocia: Oui, je comprends.
M. Biron: ...que l'agence qui est délimitée pour
Squatec, dans le comté de Témiscouata, a un dépôt
à Squatec mais il ne peut pas ouvrir une autre succursale dans la
paroisse voisine.
M. Maciocia: Je comprends, mais ce que je veux dire, c'est que ce
ne seraient pas 25 agences différentes, je veux dire 25 agences avec des
propriétaires différents.
M. Biron: Non. C'est sûr que c'est différent, parce
que...
M. Maciocia: Si on dit qu'il peut y avoir jusqu'à 24
succursales, il peut y avoir une personne seulement. C'est ce qu'il disait.
M. Biron: ...s'il faut déjà passer par ceux qui
sont détenteurs d'un permis de vente de boisson, c'est-à-dire de
bière et de vin, c'est automatiquement un commerce privé. On ne
peut pas avoir une grande chaîne détentrice d'un permis.
M. Maciocia: Mais vous parliez tantôt de Provigo ou de
n'importe qui?
M. Biron: C'est un magasin sous la bannière Provigo.
M. Maciocia: C'est cela.
M. Biron: Mais il est propriété d'un individu. Cela
ne peut pas être la compagnie Provigo qui détient l'agence, cela
peut être M. Joseph Blanchette, qui a un magasin sous la bannière
Provigo ou Métro.
M. Maciocia: Oui, je comprends, mais il peut arriver, comme je le
disais tantôt, qu'il y ait 25 Provigo, 25 propriétaires
différents, mais que ce soient seulement des Provigo qui auraient ce
privilège, 25 agences privées.
M. Biron: C'est possible. Ce qu'on fait habituellement, on
annonce...
M. Maciocia: II faudrait regarder un peu plus.
M. Biron: ...autour. Cela se fait par des soumissions publiques
et les gens disent: Nous sommes prêts à faire la vente pour X
pourcent, 5%, habituellement, ou quelque chose comme cela.
M. Maciocia: Une autre question. Est-ce que cela veut dire qu'il
y aura un gel de permis à partir d'un certain moment ou quoi? Vous dites
que ce sont seulement des dépanneurs ou des personnes qui ont
déjà un permis d'alcool, est-ce que cela veut dire que, d'ici le
projet de loi, il y aura un gel de permis, parce que les gens qui vont savoir
qu'il y aura 25 agences privées, je crois qu'ils seront portés
à aller demander un permis d'alcool pour avoir cette possibilité.
C'est juste une mise en garde ou quoi que ce soit.
M. Biron: II y a déjà 10 000 permis de vente de
bière et de vin à travers le Québec. C'est tellement peu
et d'ailleurs ce n'est pas rentable d'avoir seulement la vente de bière,
du vin et des spiritueux, il faut absolument vendre aussi autre chose en
même temps, parce que autrement, surtout en allant aux soumissions
publiques, au prix qui est payé, il faut absolument avoir une
épicerie.
M. Maciocia: Je ne suis probablement pas d'accord avec vous, car,
avec la vente de la bière, du vin et des spiritueux, on ne peut pas
avoir assez de profits pour avoir seulement un tel magasin.
M. Biron: Dans de grandes villes comme Montréal,
Québec et Sherbrooke, oui, mais, dans de petits centres qui sont
choisis, surtout à 25 kilomètres d'une succursale, ce sont de
très petits centres où vraiment l'achalandage n'est pas assez
élevé, la quantité vendue n'est pas assez grande pour
permettre d'avoir une exclusivité. (12 h 15)
M. Maciocia: Est-ce que le ministère a fait une
étude de cette situation, parce que cela pourrait être une
situation...
M. Biron: On a fait, l'an dernier, trois expériences
pilotes: une à Squatec, une à Saint-Paul-de-Montmagny et l'autre
à Blanc-Sablon. C'est à partir de ces expériences pilotes
qu'on a décidé d'ajouter 25 autres agences dans des
régions un peu plus éloignées des villes.
M. Maciocia: Je vous posais ces questions pour qu'il n'y en ait
pas de favorisés. Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire par
cela? Parce que ce serait encore épouvantable pour les autres qui
seraient là.
M. Lincoln: M. le Président, M. le ministre, toujours en
ce qui concerne la SAQ, d'après ce que je comprends, les producteurs,
les embouteilleurs, les gens dans les distilleries, dans l'industrie vinicole
avaient fait quatre demandes principales. Il y avait le droit d'embouteiller
des vins importés. D'après ce que vous me dites, cela sera
possible par la loi.
M. Biron: Exact. Ils demandaient même de pouvoir augmenter
jusqu'à 50%. On leur permet maintenant 100% de vins importés,
mais vendus au Québec sous une marque québécoise ou, si
c'est une marque française, un Pisse-Dru par exemple, il devra
être vendu à la Société des alcools et dans les
magasins de la Société des alcools seulement, alors que les
marques québécoises seront vendues dans tout le réseau des
épiceries. En d'autres termes, on veut ouvrir le réseau des
épiceries aux marques québécoises seulement.
M. Lincoln: Après cela, justement, cela concernait
l'accès au réseau des épiceries. Si, par exemple, ils ont
une marque qui est considérée comme québécoise,
cela pourrait être en partie du vin importé qui est
mélangé avec du vin d'ici; tant que c'est reconnu comme une
marque québécoise et pas comme une marque d'appellation
contrôlée - Bordeaux, Beaujolais ou une marque française -
ils auront le droit de vendre ces vins. Vous gardez la vente exclusive de tous
les vins de marque autre que québécoise?
M. Biron: Exact.
M. Lincoln: Tout cela se vend à travers...
M. Maciocia: Quand vous parlez de marque québécoise
- j'ai probablement mal saisi tantôt - cela veut dire que quelqu'un peut
importer à 100% du vin d'un autre pays, comme la France, l'Italie,
l'Espagne ou n'importe où, et l'embouteiller ici; pour vous, à ce
moment-là, c'est considéré comme une marque
québécoise?
M. Biron: S'il est embouteillé ici et s'il est vendu sous
une marque comme Geloso, Réserve à Vincent...
M. Maciocia: Oui, c'est ce que j'ai dit.
M. Biron: Cela devient une marque québécoise, parce
que le contenu est importé, mais le contenant, la bouteille, tout le
travail et le nom sont québécois.
M. Lincoln: Mon collègue me fait penser à quelque
chose. Prenez ce qui se passe maintenant chez les dépanneurs; vous
pouvez acheter du Chianti, qui a une étiquette bleue, ou du Valpolicella
chez les dépanneurs. Est-ce que, dans l'avenir, selon la loi, on ne
pourra plus vendre cela parce que c'est du Chianti ou bien si c'est reconnu
comme une marque québécoise?
M. Biron: Cela fait partie des huit marques d'appellation
contrôlée vendues par la SAQ et seule la SAQ continuera d'avoir
des appellations contrôlées, mais ce sera limité à
huit dans les épiceries...
M. Lincoln: Dans les épiceries, d'accord.
M. Biron: ...comme première étape. Tout le reste du
vin de table sera ouvert à tout le monde.
M. Lincoln: D'accord. Ils avaient aussi demandé
l'accès au réseau des succursales de la SAQ pour des vins de
qualité supérieure importés en vrac et embouteillés
au Québec. Je pense que c'était une de leurs demandes.
M. Biron: C'est accordé. M. Lincoln: C'est
accordé? M. Biron: C'est accordé.
M. Lincoln: Maintenant, ils pourront importer eux-mêmes de
France, par exemple, des vins de qualité et les placer dans les
succursales de la SAQ pour les vendre?
M. Biron: Exact. Des vins d'appellation contrôlée
pourront être importés en vrac, embouteillés au
Québec et placés dans le réseau des succursales. C'est
exact.
M. Lincoln: Ils sont sujets à votre monopole de
première distribution, c'est-à-dire que vous aurez toujours un
veto sur... Vous me disiez que vous vouliez garder le monopole de la
première distribution.
M. Biron: Exact.
M. Lincoln: Alors, si je comprends bien votre cheminement, vous
aurez une commission de contrôle de la qualité. Si, par exemple,
Seagram veut importer du vin de première qualité de la France, si
c'est une nouvelle marque de vin qui n'est pas importée, elle devra
passer par la commission pour en reconnaître la qualité?
M. Biron: Exact.
M. Lincoln: Une fois que cela sera reconnu, elle pourra importer
la quantité qu'elle veut, mettre cela en bouteille et vous, à la
SAQ, vous êtes obligés de prendre ces produits. C'est ce que vous
voulez dire?
M. Biron: C'est quand même soumis à une politique de
marketing de la SAQ, parce que, autrement, Seagram pourrait importer -pour
prendre votre exemple - et vendre 10 000 caisses à la SAQ et dire: Vous
mettez cela dans vos entrepôts et vous attendez de vendre cela. Il y a
quand même une politique de marketing de la part de la SAQ pour ne pas
avoir 18 000 sortes différentes de vin parce qu'on sera pris avec
tellement d'inventaire que cela va coûter très cher. C'est sujet
à une politique de mise en marché. Si Seagram dit: II y a deux
marques que je vends déjà, qui ne marchent à peu
près pas; je voudrais les remplacer par telle autre marque de grand vin
qui, à mon point de vue, va marcher plus et je vais faire plus de
promotion ou de publicité là-dessus, cela va certainement
être accepté par la SAQ, mais sujet à un contrôle de
qualité par le comité interprofessionnel.
M. Lincoln: Ce contrôle de la qualité... En fait, ce
qui va changer la politique actuelle, cela va être que ces vins pourront
être importés en vrac et embouteillés au Québec,
c'est-à-dire que cela va diminuer, espérons-le, le coût
final du produit sur le marché.
M. Biron: Cela peut diminuer un peu le coût final. Je crois
que cela va être à peu près le même prix, mais il va
y avoir beaucoup plus de contenu québécois, donc plus de
main-d'oeuvre au Québec.
M. Maciocia: Deux questions me viennent à l'esprit.
Premièrement, qui va établir le prix? Je ne sais pas si c'est la
SAQ ou si c'est l'embouteilleur au Québec.
Deuxièmement, quand vous parlez de mise en marché, de
marketing, cela veut dire que la compagnie qui fait l'embouteillage du vin
importé de France, de première qualité, pour qu'il soit
accepté par la SAQ, doit s'occuper de la mise en marché de ce
vin. La promotion, en bref, doit être faite par la compagnie et pas par
la SAQ.
M. Biron: Exact, la promotion doit être faite par la
compagnie. La SAQ va mettre les bouteilles sur ses tablettes, mais ne fera pas
de promotion, sauf pour ses magasins en général. Cela
relève de la compagnie elle-même. La compagnie elle-même
établit son prix à la SAQ. Si elle vend une bouteille 5 $,
après cela les coûts de la SAQ seront ajoutés, plus la
marge fiscale à la fois du Québec et d'Ottawa.
Il y a aussi un autre point intéressant que vous devez savoir.
Notre décision est de ne pas émettre de nouveaux permis
d'embouteilleur ou de fabricant de vin. Il y en a déjà onze au
Québec. Nos chaînes de production sont occupées à
peu près à 25%. Ce serait ridicule d'émettre d'autres
permis sous prétexte qu'une compagnie décide d'importer son
propre vin puis de demander un permis. On dit présentement que, tant et
aussi longtemps que nos chaînes d'embouteillage dans les entreprises
existantes - les onze qui ont des permis - ne seront pas occupées au
moins à 60% ou 70%, on ne donnera pas de nouveaux permis
d'embouteillage. On recommande aux gens de passer par une de ces onze, qui est
une ligne privée.
M. Maciocia: Et le prix?
M. Biron: C'est la compagnie qui embouteille qui établit
son propre prix. Si elle décide de vendre son vin 5 $ à la SAQ,
elle le vend 5 $, la SAQ ajoute ses frais d'administration plus la marge
fiscale des deux gouvernements.
M. Maciocia: Comme cela, il n'y aurait pas de nouveaux
permis.
M. Biron: D'embouteillage, non. Pas de nouveaux permis
d'emboutaillage car les lignes ne sont occupées qu'à 25%. On
tuerait des entreprises existantes.
M. Lincoln: De ce point de vue, le producteur qui importe pour
embouteiller au Québec et vend à la SAQ devient le grossiste de
la SAQ dans ce cas, en principe.
M. Biron: Grossiste embouteilleur parce qu'il embouteille en
même temps.
M. Lincoln: Grossiste embouteilleur. Ce qui m'amène
à une prochaine question. Qu'est-ce qui arrive de l'usine de la rue
Tellier qui a coûté - on y a investi il y a deux ans - environ 22
000 000 $? À l'usine d'embouteillage de la SAQ, qu'est-ce qui va se
passer? Je suis pour l'entreprise privée, mais là on a investi,
on a un monopole. Qu'est-ce que vous avez prévu comme impact que cela va
avoir sur les chaînes d'embouteillage de la rue Tellier? Est-ce que cela
va être une compétition directe qui va peut-être affecter
les emplois, c'est-à-dire que ce qu'on perd d'une main on va le gagner
de l'autre et vice versa? Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui va se passer,
si vous avez des prévisions? Est-ce qu'on a fait une étude ou
est-ce qu'on va faire une étude là-dessus pour voir l'impact que
cela va avoir sur l'usine de la SAQ?
M. Biron: On prétend qu'il n'y aura pas de baisse de
production. C'est sûr que les dirigeants de la SAQ sont forcés,
à cause de la compétition - on est maintenant en
compétition - d'administrer de la meilleure façon possible, la
plus moderne. Même si on prétend que c'est bon aujourd'hui, je
pense qu'il y a toujours de l'amélioration possible.
II n'y aura pas de baisse de production. Là où il va y
avoir une baisse de production, ce sera dans les usines françaises,
italiennes, espagnoles, et ainsi de suite, parce qu'il va y avoir plus
d'embouteillage au Québec, premièrement, pour le marché
québécois.
Deuxièmement, en permettant aussi de conquérir des
marchés à l'extérieur du Québec, il y aura une
augmentation. Même la SAQ pourra - et nous on l'encourage fortement -
essayer de conquérir une part du marché à
l'extérieur du Québec pour sa chaîne d'embouteillage. Il
n'est pas question d'augmenter la capacité de la SAQ, mais on va essayer
de garder à peu près le même marché au Québec
et de conquérir d'autres marchés à l'extérieur.
M. Lincoln: Les produits exportés, si je vous comprends
bien, ce sont les produits qui ont été classifiés comme
des produits québécois avec une étiquette d'une marque
québécoise, par exemple la Cuvée des Patriotes. Si les
Français sont d'accord, est-ce qu'ils pourront importer en vrac des
Pisse-Dru ou des Saint-Émilion import-export et la même chose vers
les États-Unis, en fait, faire compétition, ou bien si cela se
situe purement par rapport aux produits qui sont traités comme
québécois?
M. Biron: Les produits qui sont traités comme
québécois ne sont que pour la vente au Québec. Si la
compagnie décide d'exporter un produit qui est traité comme
québécois, tant mieux. Mais elle pourra importer, faire venir du
Pisse-Dru, comme vous dites, l'embouteiller au Québec et le revendre aux
États-Unis, sur tous les marchés.
M. Lincoln: II y a une sorte de limitation...
M. Biron: Alors, pour l'exportation, il n'y a pas de
limitation.
M. Lincoln: C'est un grand pas en avant. Maintenant, il y a
certainement eu des sondages qui ont été faits. Il y a eu des
représentations de gens qui disent que, de moins en moins, on trouve des
vins de qualité supérieure dans les établissements de la
SAQ. C'est un peu en fonction de l'économie, je suppose. Les gens se
dirigent vers des vins moins chers, vers les centres de dépannage, etc.,
pour acheter leur vin. Mais, en même temps, il est sûr qu'il y a
moins de sélection dans les bureaux de la SAQ. Est-ce que vous avez
envisagé la possibilité de dire, par exemple: Bon, on avait toute
une part du marché, et peut-être que, si quelqu'un de l'entreprise
privée voulait faire concurrence dans les secteurs que la SAQ
volontairement abandonne, les vins de grande qualité, par exemple, on le
lui permettrait? Est-ce que la loi permettra ce genre de flexibilité
pour faire en sorte qu'un détaillant de l'entreprise privée, ou
peut-être un dépanneur, puisse décider de vendre des vins
de grande qualité parce que la SAQ a décidé d'abandonner
telle marque parce qu'elle est trop chère, afin que les gens qui aiment
les grands vins ou les grands crus puissent avoir une source
d'approvisionnement?
M. Biron: Règle générale, je crois que la
SAQ n'abandonne pas des marques qui fonctionnent un peu. On va les abandonner
pour des raisons de stratégie de marketing, en disant qu'il n'y a pas
assez de marché, que cela ne vaut pas la peine de les garder. Mais, on
n'a pas pensé - pour le moment du moins - donner la permission à
l'entreprise privée de vendre des grandes marques ou des appellations
contrôlées. On a voulu réserver cela encore pour la SAQ.
Enfin, on fait une étape vers la libéralisation du commerce des
boissons alcooliques. Personnellement, je ne crois pas qu'il faille aller trop
rapidement. Je pense que c'est une étape très importante, mais on
veut quand même limiter les ventes de ces grandes marques aux magasins de
la SAQ.
M. Lincoln: Est-ce que c'est possible pour vous, M. le ministre,
de tenir compte de cette recommandation, de cet état de choses? De plus
en plus, pour les magasins de la SAQ, par le fait que la vente de
qualité inférieure se fait sur une plus grande échelle,
les chiffres d'affaires restent donc les mêmes. En même temps, les
produits de qualité tendent à diminuer dans les magasins de la
SAQ. Alors, si, par exemple, la SAQ décide, pour des fins
d'exploitation, que c'est aussi rentable d'avoir des vins de seconde
qualité et si le public n'a pas accès aux autres vins,
peut-être qu'il faudrait trouver un mécanisme quelconque pour que,
à long terme, si la SAQ décide volontairement de se
départir des grandes marques, le public puisse s'en procurer, d'une
certaine façon, chez des agences que vous créerez ou des
dépanneurs, ou quelque chose du genre.
M. Biron: Je vous remercie de la suggestion. On a
déjà ce qu'on appelle des Maisons des vins de la SAQ. Mais, je
vais faire vérifier s'il y aurait possibilité d'avoir d'autres
maisons des vins - celles qui ne vendent que des grandes marques - qui
pourraient être sous la responsabilité du secteur privé.
C'est cela que vous voulez me dire?
M. Lincoln: Oui.
M. Biron: Je vais faire faire la vérification et je vous
donnerai une réponse au moment de l'étude du projet de loi de la
SAQ.
M. Lincoln: Nous avons plusieurs questions, mon collègue
et moi, à propos de la SAQ. Mais je pense qu'il est l'heure de terminer.
Alors, on va laisser faire.
Le Président (M. Blouin): II est presque 12 h 30. Comme
les travaux de l'Assemblée nationale reprennent à 14 heures, nous
allons donc revenir après la période des questions. Pour le
moment, la commission de l'industrie, du commerce et du tourisme suspend ses
travaux.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise de la séance à 15 h 30)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît! Selon la motion qui a été présentée
par le leader du gouvernement, la commission parlementaire de l'industrie, du
commerce et du tourisme reprend ses travaux.
Les membres de cette commission sont: MM. Champagne (Mille-Îles),
Biron (Lotbinière), Ciaccia (Mont-Royal), Dubois (Huntingdon), Dussault
(Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Lavigne (Beauharnois),
Lincoln (Nelligan), Maciocia (Viger), Tremblay (Chambly), Payne (Vachon).
Les intervenants sont: MM. Beaumier (Nicolet), Bisaillon (Sainte-Marie),
Blais (Terrebonne), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Fortier (Outremont),
Mailloux (Charlevoix), Rocheleau (Hull).
M. le député de Nelligan, vous avez la parole. Oui, M. le
ministre.
M. Biron: Seulement pour informer le député de
Nelligan, nous avons parlé, ce matin, du projet de loi de la SGF et il
peut arriver que, cet après-midi, je sois obligé de demander une
suspension des travaux pour quelques minutes afin de me présenter au
comité de législation pour compléter ce projet de loi. On
essaie de me libérer pour je ne sois pas obligé d'y aller ou pour
que je puisse y aller plutôt à 18 heures, si c'est possible. Si ce
n'est pas possible, je vous demanderai peut-être une suspension de
quelques minutes au milieu de l'après-midi pour régler ce
problème.
M. Lincoln: Avec plaisir, mais est-ce que vous pourriez nous
indiquer combien de temps cela va prendre pour qu'on puisse s'ajuster demain et
prendre quelques minutes de plus, si on n'avait pas le temps de poser certaines
questions?
M. Biron: On me dit, de dix à quinze minutes au
maximum.
M. Lincoln: Ah! Alors, il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, sur ce
consentement, nous allons maintenant donner la parole à M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, si on pouvait revenir
à la Société des alcools du Québec. J'avais
posé la question au départ concernant la politique de revoir les
taux de change qui s'appliquent aux produits de la SAQ et qui, naturellement,
ont un impact substantiel du fait que la grande majorité des vins et
plusieurs spiritueux sont importés de l'étranger, surtout de la
France. Dans le cas du franc, comme nous le savons, il y a eu une
dévaluation successive du franc, soit trois dévaluations. Est-ce
que vous avez des projets pour arriver à une réévaluation
peut-être mensuelle ou même beaucoup plus fréquente que
c'est le cas maintenant? Est-ce que vous pourriez me renseigner un peu sur ce
sujet?
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Biron: Oui. Là-dessus, il faut tenir compte des
inventaires. C'est ce qui est un peu compliqué. Lorsqu'il n'y a pas
beaucoup de changements dans les taux de change, cela va assez bien, mais pas
lorsqu'il y a des changements fréquents dans les taux de change et que
nous avons des produits en inventaire pour une période donnée et
où il y a surtout des marques de vin, dans les grands vins en
particulier, qui vont tourner deux fois par année. Cela veut dire que,
si dans les six mois il y a des changements dans les taux de change, nous ne
pouvons pas changer nos prix sur ces marques en particulier. Donc, on est
obligé de prévoir une moyenne, d'abord pour les inventaires.
Deuxièmement, avec certains de nos fournisseurs, on est obligé
aussi de négocier certains prix sur une plus longue période. Cela
aussi, il faut en tenir compte dans nos changements. Bien sûr, il y aura
probablement des ajustements à apporter pour être encore mieux que
nous ne sommes présentement, mais on ne peut pas intervenir très
rapidement après le changement du taux de change parce qu'il faut tenir
compte des inventaires, des commandes qui sont déjà en route et
d'autres facteurs tels que les coûts de maintien en inventaire de
certains de ces produits.
M. Lincoln: J'ai l'impression que, pour prendre le franc, par
exemple, qui a dévalué de presque 47% cumulativement, je pense,
le rajustement des prix à la baisse, par rapport au franc, s'est fait
beaucoup plus lentement que le contraire, soit quand le franc a remonté;
il me semble que les rajustements à la hausse se font assez rapidement.
Plusieurs fois je me souviens, comme
consommateur, d'être allé à la Société
des alcools, et on me disait qu'il y avait une hausse du prix du vin parce que
le franc avait été réévalué. Je voudrais
savoir de vos fonctionnaires ou de vous-même si la même politique
s'applique des deux côtés. En d'autres mots, est-ce qu'on fait ces
réévaluations à période fixe, est-ce qu'il y a une
politique déterminée sur ce sujet?
M. Biron: D'accord, on me dit qu'on a une politique
là-dessus. C'est fort possible, dans le fond, qu'on réagisse plus
vite dans un sens que dans l'autre. J'ai demandé qu'on vérifie
pour avoir des données plus précises. C'est sûr qu'il y a
une politique et qu'il doit y avoir une politique vis-à-vis de la
variation des taux de change sur ce qui devrait, à mon point de vue,
être une période minimale et maximale pour tenir compte des
facteurs dont je vous ai parlé tout à l'heure, en particulier les
inventaires et les commandes en suspens.
M. Lincoln: Est-ce que vous pourriez nous donner des
réponses sur la méthode d'évaluation en haut et en bas?
Est-ce que les deux s'accordent du point de vue du laps de temps?
M. Biron: Je peux vous trouver des réponses pour la
prochaine séance.
M. Lincoln: D'accord. Si vous pouviez me dire quelle est la
politique actuelle, quel est le laps de temps. Par exemple, si je ne me trompe
pas, l'Ontario Liquor Board ajuste ses prix par rapport aux taux de change tous
les mois. Je suis d'accord qu'au départ vous allez perdre quelque chose
par rapport à vos stocks, mais, à un moment donné, cela
s'ajustera. Est-ce que vous pouvez me dire si, à la SAQ, cela se fait
tous les deux mois, tous les trois mois, tous les six mois? Quelle est la
politique de la SAQ? Ou est-ce que cela se fait un peu sans temps
déterminé, sans une politique quelconque?
M. Biron: On pourrait vous fournir la politique
déterminée par la SAQ, mais on m'informe aussi qu'il y a toute la
question de l'étiquetage des prix dans les magasins. Votre question
porte quand même sur les deux aspects: lorsque cela monte, lorsque cela
descend. Depuis un an, on a eu beaucoup plus de variations qu'autrefois.
Autrefois, il y avait tellement peu de variations que je pense que cela
n'entrait pas beaucoup en ligne de compte. Depuis le début des grandes
variations, surtout la diminution de la valeur du franc, en particulier, et des
devises européennes, il est sûr qu'il y a des changements majeurs.
Je pourrais, encore une fois, à la prochaine séance, vous
apporter la politique de la Société des alcools du Québec
là-dessus. Je n'aime pas avoir des changements trop fréquents. Il
faut un délai de quelques mois avant de faire des changements qui soient
vraiment opérationnels vis-à-vis de la population.
M. Lincoln: Je suis d'accord avec vous M. le ministre. Je
comprends la question de l'étiquetage. Je comprends que tout cela
présente un problème. En fait, même si on n'allait pas
aussi loin que de changer les étiquettes dans les magasins pour les
stocks qui sont déjà sur les étagères, le processus
d'importation, de stocks, d'embouteillage, sûrement qu'on a une
façon de réajuster les prix à la baisse pour les stocks
qui entrent à ce moment-là. Le fait est que, si on n'a pas une
politique quelconque, si tous les mois on ne va pas voir où le dollar
canadien se tient par rapport à la devise étrangère, on va
laisser cela un peu flou. On a vérifié que l'Ontario Liquor Board
a une politique de réévaluation de ses inventaires par rapport
aux taux de change et des devises tous les mois. Ils regardent cela et ils
ajustent. Je ne peux pas vous dire comment cela se fait pour
l'étiquetage. Que ce soit un mois ou que ce soit deux mois, je ne
pourrais pas dire quelle est la limite exacte ou idéale qu'il faudrait.
C'est difficile à établir, je suis d'accord. Mais, au moins, il
faudrait une formule quelconque où le consommateur sache que, dans un
délai raisonnable, il y a une relation entre les prix et les taux de
change, du fait que tout cela, ce sont des marchandises importées. Nos
stocks principaux viennent de la France, de l'Italie, deux pays où la
devise baisse, et de l'Allemagne, où la devise a monté.
Il m'intéresserait de le savoir, parce que, lorsque c'est
à la hausse, cela à l'air de marcher bien vite. Il me semble
qu'on ne sente pas l'impact de la baisse du franc sur les vins français
aujourd'hui au Québec. Par exemple, une bouteille qui aurait
coûté normalement 3,85 $ coûte bien au-delà de 4,00 $
à cause de cette division! C'est bien simple, si vous ajoutez quelque
chose comme 40% du prix de gros, cela a un effet cumulatif qui est fantastique,
parce que tout s'ajoute à cela la plus-value, etc. Alors vous reviendrez
là-dessus?
M. Biron: Je vous apporterai les renseignements sur la politique
de prix par rapport aux taux de change.
M. Lincoln: Peut-on avoir l'assurance, M. le ministre, que vous
allez vérifier, nous l'espérons, par rapport avec ce qui se fait
avec l'Ontario Liquor Board pour voir comment elle ajuste ses prix en relation
avec le taux de change, pour voir s'il y a une méthodologie qui permet
que cela se fasse? Puisqu'elle le fait, il y a sûrement une façon
d'ajuster tout cela; après tout,
tout cela est fait par ordinateur. Est-ce qu'on pourrait la consulter
pour voir si on peut appliquer les mêmes politiques et si c'est
avantageux du point de vue du consommateur? Il me semble que c'est ce qu'on
recherche.
M. Biron: Je suis assuré qu'à la SAQ on a des
renseignements concernant la politique de l'Ontario, mais, à tout
événement, s'ils ne sont pas précis, je leur demande de
vérifier et je vous apporte la réponse en même temps.
M. Lincoln: D'accord. J'aurais voulu vous poser deux autres
questions par rapport à la SAQ avant de passer la parole à mon
collègue. Il y a une autre question concernant les succursales de la
SAQ. Ce qui arrive, c'est qu'on a un problème socio-économique,
un problème social et un problème économique. Vous avez
dit vous-même qu'on essaie de rentabiliser les succursales. C'est certain
qu'il faut rentabiliser les succursales, les changer en succursales de
libre-service. C'est ce que la SAQ cherche à faire: rentabiliser chaque
succursale. En même temps, parfois, pour la rationalisation ou la
viabilité de ces succursales, il arrive qu'une succursale soit
fermée ou qu'il y ait une décision de fermer une succursale qui
se trouve dans une région qui, pour des raisons sociales très
importantes, a besoin d'une succursale quelconque.
Je vous donne l'exemple d'une succursale de mon comté qui est en
ce moment en litige avec la SAQ: on voulait fermer celle de
Sainte-Anne-de-Bellevue. Je ne pose pas cette question uniquement pour mon
comté, mais plutôt par principe. Je suis intervenu auprès
de M. Turmel de la SAQ, qui a été très compréhensif
et qui m'a dit: Bon, on a eu un sursis de 90 jours pour étudier la
question. Il rencontre le conseil de ville, etc. Cette succursale se trouve au
centre d'une région où il y a un gros hôpital de
vétérans et où il y a beaucoup de gens âgés
qui ne peuvent pas aller à trois kilomètres et demi où se
trouve une autre succursale. Ma question est celle-ci: Dans le cas où,
dans une région donnée, la SAQ décide de fermer pour
manque de rentabilité, par exemple, est-ce qu'à ce
moment-là ce serait possible de dire: On se retire de cette ville, mais
si quelqu'un peut faire, d'une façon ou d'une autre, une plus petite
affaire, plus flexible, si quelqu'un veut ouvrir une agence qui va nous
remplacer et veut courir le risque de faire de l'argent ou de perdre de
l'argent, on le laisse faire pourvu qu'il y ait un dépôt pour les
consommateurs dans une région où socialement ce serait
certainement une question critique pour les gens qui ne peuvent pas se
déplacer, qui sont vieux, qui n'ont pas d'argent, qui n'ont pas les
moyens ou qui sont des invalides? Serait-ce possible pour la SAQ de faire le
même système que vous avez dans les régions
éloignées, dans certaines régions critiques lorsque la
question sociale entre en jeu?
M. Biron: Votre demande s'appliquerait dans des régions
éloignées qui entrent dans nos barèmes de 25
kilomètres. Vous me parlez de Sainte-Anne-de-Bellevue qui est
collée sur Montréal et sur d'autres villes de banlieue. Je me
permets tout simplement de garder votre question et de faire les
vérifications nécessaires avec la SAQ pour savoir ce qui est
arrivé exactement dans le cas de la succursale que vous me mentionnez,
celle de Sainte-Anne-de-Bellevue et de vous apporter la réponse plus
tard. En même temps, je prends note de votre intervention demandant s'il
y a lieu de prévoir passer à l'entreprise privée certains
endroits comme l'exemple que vous m'apportez.
M. Lincoln: Ce n'est pas...
M. Biron: Je ne suis pas en mesure aujourd'hui de vous apporter
une réponse, mais je voudrais, d'abord, savoir ce qui est arrivé
chez vous et, après cela, je pourrais vous apporter la réponse
précise à votre question.
M. Lincoln: Ah oui, je ne pose pas cela du tout comme une
plainte; c'est plutôt par principe parce qu'il y a une négociation
avec la SAQ. Tout fonctionne bien et je n'ai pas envie qu'on croie qu'on a
passé sur leur tête, etc. Alors, tout fonctionne très bien
concernant la négociation avec le conseil de ville. Je pensais, question
de principe, que, s'ils maintenaient la décision, c'est malheureux, vu
la situation monopolistique, que quelqu'un ne puisse pas essayer de faire
quelque chose si bon lui semble. (15 h 45)
M. Biron: C'est peut-être aussi une question de
rentabilité pour les succursales autour. C'est beaucoup plus complexe
que seulement une succursale seule.
M. Lincoln: Oui, je comprends cela.
M. Biron: C'est pour cela que je veux vérifier avant de
vous apporter la réponse précise.
M. Lincoln: Je comprends cela. Est-ce que tu as des questions
concernant la SAQ?
M. Maciocia: Oui.
M. Lincoln: Je vais passer la parole à mon
collègue.
Le Président (M. Blouin): M. le député
de Viger, vous avez la parole.
M. Maciocia: Oui, j'avais une question ce matin que je voulais
poser au ministre. J'ai reçu, de la part du consulat d'Italie, une
documentation sur la question - c'est probablement le moment d'en parler,
étant donné qu'on parle de la Société des alcools
-de l'appellation "vermouth". Il y avait une dispute, je crois, entre le
gouvernement italien et le ministère des Affaires intergouvernementales
du Québec. Apparemment, le ministère de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme s'en venait avec un projet de loi pour concéder ou donner
ce nom au cidre. Je ne suis pas vraiment au courant du problème. Est-ce
que le ministre pourrait me renseigner un peu sur cette situation et me dire
où cela en est rendu?
M. Biron: Oui. Ce sont deux producteurs de cidre
québécois qui ont décidé de faire du vin
fortifié sous l'appellation "vermouth". Les producteurs italiens ont
prétendu que "vermouth" s'appliquait beaucoup plus à une marque
de commerce qu'à un produit donné, alors que les producteurs
québécois, qui faisaient du cidre et qui ont fait du vin
fortifié sous le nom "vermouth", disaient: Le vermouth est une sorte de
vin, comme on parle du vin rouge, du vin blanc, du vin rosé. On peut
aussi dire que le vermouth est une catégorie et non pas une marque d'une
maison ou une marque de commerce.
Il y a eu de nombreuses discussions de part et d'autre là-dessus.
Nous ne sommes pas venus à une décision finale. Les producteurs
produisent encore sous l'appellation "vermouth". Ce qui a probablement
choqué le producteur italien qui produit sous l'appellation "vermouth",
c'est que les producteurs québécois qui l'ont fait ont
conçu une étiquette qui ressemblait étrangement à
l'étiquette de la marque italienne. Dans ce sens, je comprends qu'il y
ait eu une compétition. Est-ce que c'est une compétition indue ou
pas? On n'a pas voulu trancher, parce que je pense que c'est un tribunal qui
pourrait dire si c'est une appellation enregistrée ou une marque de
commerce. On a continué, jusqu'à nouvelle ordre, d'acheter de ce
sous-produit du cidre pour le distribuer dans les épiceries.
M. Maciocia: Cela veut dire que l'appellation "vermouth" est
là pour ces détaillants de cidre ou de boisson fortifiée,
comme vous l'appelez.
M. Biron: Exact. En considérant que c'est une sorte de vin
fortifié.
M. Maciocia: Vous parlez de vin; le "vermouth" devrait
plutôt être un produit qui vient des raisins, du vin. Je crois.
J'ai lu cela quelque part dans la documentation que j'ai reçue. Est-ce
que c'est cela ou si c'est plutôt ce que vous venez d'expliquer dans le
sens de dire que c'était une marque de commerce?
M. Biron: Les producteurs italiens prétendent, eux, que
c'est une marque de commerce enregistrée à partir d'un produit
à base de vin, alors que les producteurs québécois
prétendent que c'est plutôt une catégorie de vin. Je ne
voudrais pas m'immiscer dans le rôle d'une cour de justice. Si une cour
de justice décidait pour un ou pour l'autre, bien sûr, on s'y
conformera. Mais, jusqu'à maintenant, selon notre perception, il y
autant de raisons de croire un côté que de croire l'autre. Je
pense que tout le monde a un peu raison là-dessus. C'est beaucoup plus
de la compétition entre des producteurs différents à ce
niveau, à mon point de vue. Je n'ai pas voulu m'immiscer
là-dedans. C'est pourquoi je dis: Maintenant que c'est sur le
marché, on continuera jusqu'à nouvel ordre.
M. Maciocia: Est-ce que vous croyez que cela se réglera un
jour? C'est pour les bonnes relations entre les différentes
communautés.
M. Biron: C'est très difficile pour nous d'intervenir
vis-à-vis de deux entreprises privées, dans le cas du
Québec en particulier, et de leur dire: Vous ne produirez plus et vous
allez changer vos étiquettes. C'est très délicat.
M. Maciocia: Au sujet de la marge - je ne sais pas si le
député de Nelligan vous a posé la question tantôt -
que vous accordiez, de 16,5% au détaillant et de 6% au distributeur,
dans le discours sur le budget de M. Parizeau, on dit: "La SAQ établira
ses prix de gros et laissera les distributeurs et épiciers fixer leurs
propres marges de commercialisation. Les prix de gros de la SAQ seront
fixés en appliquant sur le coût des ventes un taux de majoration
inférieur de 20 points de pourcentage au taux utilisé pour les
mêmes catégories de produits vendus dans les succursales."
À moins que je ne me trompe, il y a 2,5%, disons, que les
détaillants perdraient en profit à un certain moment,
étant donné que la marge ne serait plus la même, soit
16,5%, mais pourrait aller à 20%. Est-ce que le ministère a pris
en considération cette situation? Quelle est votre position?
M. Biron: Ce qui arrive présentement, c'est que chaque
fois que le gouvernement du Québec et le gouvernement canadien, les
deux, décident d'imposer une nouvelle taxe indirecte, si l'on veut, sur
les produits alcooliques, immédiatement les commerçants,
le détaillant et le grossiste, font 6% et 16,5% sur le produit de
la taxe, ce qui est un peu inacceptable à notre point de vue. Ce n'est
pas de l'entreprise privée; il faut laisser l'entreprise privée
décider de sa marge de profit. Dans ce sens, nous voulons qu'à
l'avenir le gouvernement ou les gouvernements décident de leur marge de
taxes et qu'on puisse dire au grossiste qui va acheter de la SAQ: Nous vous
vendons une bouteille de vin 5 $ et vous prenez la marge de profit que vous
désirez dessus, de même que le détaillant prend la marge de
profit qu'il désire.
Quant à nous, de la SAQ, on vous donne la garantie qu'on va
prendre un minimum de 20% pour ne pas avoir, non plus, une compétition
indue entre la SAQ et les entreprises privées. On garantit à
l'entreprise privée que le prix de vente dans les magasins de la SAQ
sera 6 $. On lui suggère de la vendre 6 $, mais on la vend au grossiste
5 $, en lui disant: Si vous voulez prendre 10% vous les prenez, si vous voulez
prendre 5% vous les prenez. Ce qui va arriver, c'est que, dans certains
produits qui ne tournent pas beaucoup, c'est possible que le grossiste prenne
une marge un peu plus élevée et, dans des produits qui marchent
beaucoup, c'est possible que le grossiste prenne un peu moins. La même
chose pour l'épicier. En d'autres termes, nous ne voulons plus geler
l'épicier ou le grossiste avec 6% et 16,5%, mais leur laisser la marge
de manoeuvre qu'ils désirent.
M. Maciocia: À moins que je n'aie mal compris ce matin,
vous avez dit que les détaillants ou les épiciers ne pouvaient
pas vendre en bas du prix de la SAQ.
M. Biron: Ils peuvent vendre en haut maintenant.
M. Maciocia: Je sais cela.
M. Biron: Ce qu'on veut faire, c'est qu'on veut les donner une
garantie minimale de compétition indue, mais leur laisser la marge de
manoeuvre qu'ils désirent.
M. Maciocia: Mais en établissant un prix de marché,
celui de la SAQ, disons qu'une bouteille de vin se vend 6 $ à la SAQ, le
détaillant ne peut pas la vendre 5,80 $ ou 5,90 $, mais il est
obligé de la vendre 6 $ ou 6,10 $ ou 6,50 $ ou plus.
M. Biron: Ou plus, exact.
M. Maciocia: Vous ne voulez pas avoir de compétition
vis-à-vis de la SAQ.
M. Biron: Non, mais on veut aussi le protéger parce que,
si on n'a pas un prix minimal - j'ai pensé aussi laisser cela sans prix
minimal - on craint que certains gros détaillants en alimentation
décident d'en faire un "leader" pour vendre d'autres produits et on va
pénaliser le dépanneur du coin avec cela. On veut aussi
protéger le dépanneur du coin qui peut faire un profit
raisonnable. On sait que les magasins de grandes surfaces qui vendent du vin
vont tenir le prix minimal. Par contre, le dépanneur du coin pourra
ajouter 10%, il n'y aura pas une trop grosse différence. S'il fallait
que la grande surface enlève 10% sur son prix de vente, le
dépanneur du coin serait vraiment pénalisé, lui qui donne
le service 16 heures par jour.
M. Maciocia: En même temps, la SAQ aussi.
M. Biron: En même temps, la SAQ, quoique les gens qui se
rendent aux succursales de la SAQ, c'est qu'à la fois ils veulent
acheter des spiritueux et d'autres marques de vin; en achetant ces marques de
vin, ils achètent aussi du vin de table régulier qu'ils
pourraient trouver chez un épicier. C'est ce qu'on a trouvé
jusqu'à maintenant. Celui qui va faire son marché à
l'épicerie achète le vin de table dont il a besoin en temps
normal.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Nelligan.
La Société de développement
industriel du Québec
M. Lincoln: Oui. Est-ce qu'on peut passer à un autre
sujet? À la SDI, peut-être, M. le ministre? À propos de la
SDI, M. le ministre, il semble que les critiques qui ont été
faites, surtout récemment, depuis le dernier rapport annuel de 1981-1982
de la SDI, allaient dans le sens que les prêts qui ont été
consentis pour l'aide à l'industrie l'ont été de
façon tout à fait non systématique. Il semble que cela
aurait été fait au pied levé, sans critères
définis. Dans certaines industries, cela aurait été fait
sans aucun barème de programmation, sans critères définis,
etc. Il semble aussi - et nous aurons des questions à ce sujet - que
pour pas mal de prêts, la banque avait fini, dans un laps de temps
très court, pour rappeler son prêt parce que la compagnie
était en difficulté, sinon en faillite.
Par exemple, vous avez sûrement dû lire l'éditorial
de Michel Nadeau dans le Devoir du 10 décembre où il dit:
"Poursuivant sa politique "vigoureuse" orientée "résolument vers
le virage technologique", le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme du Québec, M. Rodrigue Biron, a annoncé, hier, l'octroi
de garanties financières importantes au Club de fers à cheval
Inc., de Maniwaki, à la firme
Mon Rêve Navigation Inc., de Sainte-Luce-sur-Mer." Il dit: "La SDI
aurait pour stratégie de viser partout; on finira bien par créer
des emplois quelque part. Il y a des programmes pour tous les secteurs dont le
meuble, le textile, les vêtements et la chaussure." Il poursuit: "Quels
sont les objectifs de cet organisme qui a distribué pas moins de 169 000
000 $ l'an dernier?" Il dit: "Les provisions pour pertes sur prêts ont
grimpé de 54% l'an dernier pour dépasser 25 000 000 $. Faut-il
aveuglément continuer à gaspiller les ressources
financières de l'État québécois dans une multitude
de projets souvent sans lendemain?" demande M. Nadeau. "Il est évident
que l'économie québécoise doit se spécialiser. Nous
ne pouvons oeuvrer de façon concurrentielle dans tous les domaines. Le
marché éliminera les secteurs qui ne correspondent plus à
des besoins économiques réels. Québec doit cesser de tirer
dans toutes les directions."
Alors, je vous demande, M. le ministre, ce que vous pensez de cet
éditorial et de ces critiques qui vraiment ont été
formulées - mon collègue vous a posé des questions en
Chambre sur les prêts de la SDI - par rapport à la SDI sur le fait
qu'on tire un peu de tous bords, qu'on prête, semble-t-il, sans se baser
sur des critères tout à fait définis, qu'on prête un
peu au pied levé, avec le résultat que les provisions pour pertes
sur prêts continuent de monter. J'aurais voulu que vous fassiez un
commentaire sur toute cette question des critères de la SDI. Qu'est-ce
qui va se passer à l'avenir? Est-ce que la réorganisation de la
SDI, qui a eu lieu récemment, va apporter les correctifs
nécessaires? Quels sont les correctifs que vous apportez de façon
tangible pour mettre plus de cohérence dans cette politique qui semble
tout à fait incohérente pour le moment?
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Biron: II faut noter, M. le Président, que l'an dernier
nous sommes intervenus à l'endroit de 719 entreprises avec des garanties
de prêts, des prêts ou des subventions.
M. Lincoln: Pour 1982-1983?
M. Biron: Pour 1982-1983. Si vous voulez des chiffres exacts pour
l'aide aux entreprises: de 1970 à 1976, il y avait eu 531 interventions
en six ans, alors qu'on en a 719 au cours de la même année. C'est
beaucoup. C'est sûr que, si vous prenez quatre noms de firmes qui
ressortent à travers cela, vous pouvez charrier pas mal longtemps. Mais
je ne pense pas que ce soit honnête de ce côté-là. Il
y a un programme qui existe depuis trois ans et c'est le crédit
touristique. D'après les exemples que vous avez donnés, ce sont
des crédits touristiques pour développer certains produits
touristiques dans des régions données et, en particulier, les
pourvoiries ou des choses comme cela. Ce ne sont pas de gros montants, mais ce
sont de très petits montants qui donnent un coup de pouce à un
secteur donné.
En ce qui concerne la politique des prêts ou la garantie des
prêts pour la Société de développement industriel et
nos nouveaux programmes, lorsqu'on a annoncé nos nouveaux programmes, le
6 décembre dernier, quelques jours avant l'éditorial que vous
avez mentionné, le Conseil du patronat disait - et vous connaissez bien
le Conseil du patronat et ses critiques car, habituellement, il est assez
sévère à l'endroit du gouvernement du Québec - Le
nouveau programme, présenté aujourd'hui par la
Société de développement industriel et par le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, tient compte des
représentations du milieu patronal au cours des dernières
années. Le CPQ a signalé sa satisfaction surtout sur trois
programmes: aide aux investissements dans des entreprises de technologie
moderne et dynamique, dans des entreprises tertiaires moteur et dans la
recherche et l'innovation.
C'est la même chose pour le Board of Trade qui se dit satisfait de
la décision annoncée par le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme: M. Biron a clairement indiqué que tous les programmes
à l'échelle provinciale seraient dorénavant axés
vers l'entreprise privée. C'est là la première
étape d'un succès assuré, dit le Board of Trade. Je pense
que les organismes patronaux sont satisfaits de nos interventions
là-dessus. Je vous répète ce que je vous disais ce matin
quant à la SDI. Avant de les lancer, tous nos nouveaux programmes, sans
exception, ont fait l'objet de sérieuses discussions et
négociations avec nos intervenants du secteur privé, avec les
institutions financières de même qu'avec les entreprises.
Maintenant, quant aux prêts, nous prêtons en dernier
ressort. C'est-à-dire que nous ne voulons pas concurrencer les
institutions financières telles que la fédération des
caisses populaires ou tout le Mouvement Desjardins, ou telles que les banques
à charte ou toutes les autres institutions financières. Je pense
que c'est leur rôle d'intervenir et de prêter aux entreprises. Nous
intervenons en dernier ressort dans des régions où les
institutions financières sont faibles, mal représentées ou
ne veulent pas s'impliquer, lorsqu'on juge que c'est un projet qui a de
l'avenir. Nous intervenons aussi pour apporter un complément à
l'intervention d'une institution financière, si la banque dit qu'elle
est prête
à accorder un financement de 500 000 $ sur l'investissement en
première hypothèque, mais qu'il faudrait une deuxième
hypothèque de 200 000 $ provenant de la Société de
développement industriel, parce que, autrement, elle n'y participe pas.
Parfois, on arrive à accrocher la deuxième hypothèque avec
la Banque fédérale de développement. Parfois aussi, la
banque fédérale, pour certaines raisons, décide de ne pas
participer dans certains secteurs et nous, si on juge que c'est important, on y
va. Il est sûr que nos prêts sont toujours plus risqués. En
fait, la SDI n'est pas une institution financière, c'est une
société de développement. Une société de
développement va prendre des risques car, si on ne prend pas de risques,
on ne fera rien. Cela, c'est quant aux prêts.
Quant aux garanties de prêts, vous avez mentionné tout
à l'heure qu'il est arrivé quelquefois qu'on a
complété les documents nécessaires à la garantie de
prêt dans le programme d'urgence et, un mois ou deux ou trois mois
après, l'entreprise était en faillite. Je dois vous informer
là-dessus parce que, moi aussi, j'ai été surpris, lorsque
ces renseignements furent connus, et j'ai vérifié.
Habituellement, aussitôt que la décision est prise, la demande
entre sur la garantie de prêt, sur le plan d'aide au financement et elle
est habituellement décidée dans les deux semaines qui suivent
à la SDI. Elle est signée par le ministre après deux
semaines, sur recommandation de la SDI. Aussitôt que la lettre du
ministre est signée, habituellement, la banque avance l'argent sous une
forme ou sous une autre, en attendant de compléter les documents.
Très souvent, on va exiger une deuxième hypothèque, on va
exiger un nantissement commercial, on va exiger les endossements des
propriétaires de l'entreprise, on va exiger autre chose. En tout cas, la
banque ou nous avons des exigences.
En cours de route, les exigences sont mises au point. Elles sont
complétées. Les contrats sont notariés et, souvent, cela
prend trois, quatre et même cinq mois avant que tous les contrats soient
signés. Lorsque les contrats sont signés officiellement, la
garantie de prêt de la SDI passe officiellement avec ce numéro et
à la date précise à l'entreprise, quoique, la plupart du
temps, on ait vu la banque à charte avancer immédiatement la
somme d'argent. Alors, il est exact de dire que, officiellement, l'entreprise
est en faillite un mois ou deux après, mais, en pratique, il est
arrivé que cela a pris plusieurs mois avant de compléter tous les
documents nécessaires.
Sur ce plan d'urgence, on avait même prévu au début
de l'année que, compte tenu de la conjoncture, on pourrait faire face
jusqu'à 20% de faillites dans les cas d'aide aux entreprises
manufacturières. Au moment où on se parle, on en a 14 qui ont
fait faillite sur les 450 ou 500 qu'on a aidées au cours de la
première année. Sur ces quatorze entreprises, il y en avait neuf
pour lesquelles les prêts étaient faits, cinq autres qui ont fait
faillite, mais dont le prêt n'avait pas été
déboursé, ou les garanties étaient là sous forme de
deuxièmes hypothèques et de nantissements commerciaux qui n'ont
rien coûté au gouvernement du Québec. Donc 9 seulement sur
450, soit 2%, où on a dû débourser des sommes d'argent. Je
dois dire que, dans ce sens, c'est mieux, beaucoup mieux qu'on avait
prévu. Pour répondre à votre point, à savoir
pourquoi cela a pris un mois ou deux - l'entreprise était en faillite
-c'est à cause de la signature de documents de toutes sortes. Je pense
que j'ai couvert la question des prêts et des garanties de
prêts.
M. Lincoln: Je vais revenir là-dessus, sur les points
spécifiques de cette liste de cas de défaut, mais avant je
voulais, par exemple, passer sur la question des programmes d'aide et
même comparer un peu les années. Nous sommes d'accord. Vous dites:
Dans le bon vieux temps, on prêtait à un petit nombre
d'entreprises. Cela a monté à 719 en 1982-1983, mais, en fait,
n'est-ce pas vrai que c'est seulement en 1981-1982 qu'il y a eu cette grande
hausse du nombre de cas, parce que, avant... J'ai là les années
1977-1978 où on était à 291; en 1978-1978, il y en avait
425, qui est un nombre conséquent; en 1979-1980, il n'y en avait que
143, si mes chiffres sont vrais; en 1980-1981, 168 et, en 1981-1982, il y a une
escalade du nombre de cas à 688, et 719 pour l'année 1982-1983.
En fait, si on prend la moyenne des deux années 1979-1980 et 1980-1981
où il y a eu un nombre de 143 et 168, ce qu'il est important de
souligner, c'est peut-être le total de l'aide en chiffres...
M. Biron: Je m'excuse, M. le député. M. Lincoln:
Oui.
M. Biron: Vous avez le nombre de subventions dans les rapports -
cela devrait être beaucoup plus espacé - à la
première colonne et le nombre de prêts à la deuxième
colonne.
M. Lincoln: Oui.
M. Biron: Les chiffres que je vous ai donnés tout à
l'heure, c'est le nombre de subventions, c'est-à-dire de transferts
d'argent aux entreprises.
M. Lincoln: Oui, oui, le nombre de cas, le nombre de cas
d'aide.
M. Biron: Oui.
M. Lincoln: Vous avez, en 1981-1982...
M. Biron: Je pense qu'on ne peut pas les additionner, M. le
député, parce que souvent c'est la même entreprise...
M. Lincoln: Oui.
M. Biron: ...qui reçoit à la fois un financement et
une subvention.
M. Lincoln: Oui, mais est-ce qu'on pourrait parler des chiffres
eux-mêmes, des chiffres du total d'aide? Là, le montant que nous
avons... Cette année, on a prêté - en 1981-1982 - 130 600
000 $ qui sont à votre bilan.
M. Biron: M. le Président, 130 600 000 $, c'est le
financement et les subventions additionnés: 22 000 000 $ de financement
et 108 000 000 $ de subventions.
M. Lincoln: Oui, d'accord. Si on prend cela ensemble, on arrive
au total de 130 000 000 $.
M. Biron: C'est exact. Vous avez raison.
M. Lincoln: D'accord. Quel est le chiffre pour 1982-1983, le
chiffre correspondant à 130 000 000 $?
M. Biron: C'est 121 000 000 $ de financement - un instantl - et
de garanties de prêts et 60 000 000 $ de subventions. Si vous remarquez,
les subventions sont moindres, mais les garanties de prêts sont beaucoup
plus élevées.
M. Lincoln: Combien dites-vous?... C'est 121 000 000 $ de
financement et de garanties de prêts et combien...
M. Biron: Et 60 000 000 $ de subventions.
M. Lincoln: Comparativement à 22 000 000 $...
M. Biron: Et 108 000 000 $.
M. Lincoln: ...et 108 000 000 $ de subventions.
M. Biron: C'est exact. Ce qui explique les subventions de 60 000
000 $, c'est que le programme d'urgence avait été institué
au début de l'année avec des crédits beaucoup plus
élevés parce que le taux d'intérêt était
à 18% à l'époque. En cours de route, le taux
d'intérêt a diminué considérablement. C'est une
économie appréciable, parce qu'on épargne 75% de
l'augmentation.
M. Lincoln: D'accord. De là, si on peut retourner au cas
spécifique dont on parlait avant, parce que j'ai envie de faire une
relation entre les deux. Par exemple, vous voyez les cas de défaut - les
chiffres et la liste que vous avez déposés en Chambre et que vous
avez passés à mon collègue de Mont-Royal... Je prends, par
exemple, le cas que vous avez cité ici, Maisons modulaires Richelieu
Ltée; c'est le cas de défaut au programme d'urgence à la
PME, 7 février 1983. C'est vous qui avez déposé
celui-là en Chambre.
M. Biron: D'accord.
M. Lincoln: D'accord. On peut prendre n'importe lequel de ces
cas. Prenons, par exemple, les Maisons modulaires Richelieu, le premier qui est
sur la liste que j'ai. Montant du prêt garanti, 200 000 $. La date
d'autorisation, c'est le 22 juin 1982. La date du déboursé, c'est
le 29 juillet. Il n'y a presque pas de marge de...
M. Biron: Celui-là est correct.
M. Lincoln: II y a un espace d'un mois, mais le rappel de la SDI,
c'est le 26 octobre 1982. C'est ce que je ne peux pas comprendre. Comment, dans
un espace de temps aussi restreint... Vous avez le 22 juillet 1982 qui est la
date d'autorisation. Si vous prenez le 26 octobre, vous avez juillet,
août, septembre et octobre. En l'espace de quatre mois, cette
entreprise... Oui, je suis d'accord; nous pouvons dire: La SDI n'est pas une
banque. Elle prête pour les risques, mais il faut sûrement que ce
soient des risques valables d'entreprises qui peuvent être
sauvées. Comment peut-on, le 22 juin, faire une autorisation qui,
à ce moment-là, indique que nous avons fait une étude qui
démontre qu'il y a une chance de sauver cette entreprise? On ne va pas
payer une entreprise qui va faire faillite. Dans l'espace de quatre mois
seulement, elle fait faillite. Vous pouvez prendre plusieurs cas comme cela.
Vous prenez la compagnie Bofab Ltée. On donne des garanties de
prêt de 150 000 $ le 8 juillet 1982; il y a l'autorisation qui est encore
beaucoup plus près, du 8 juillet au 19 août. Enfin! Oui, à
peu près pareil. C'est un peu plus d'un mois, environ un mois. Le 18
novembre, c'est presque la même relation de temps, encore une fois. On
peut dire que, le 8 juillet, on fait une autorisation de garantie, après
avoir étudié un cas qui... On étudie un cas. On dit: Bon!
On va prêter 150 000 $. Avant de prêter 150 000 $, on fait
sûrement une relation entre la possibilité de sauvetage de cette
entreprise seulement le 18 novembre... Si on part de la date d'autorisation,
admettant même que la banque ait donné de l'argent avant la date
de déboursé... Là, on dit: La date de
déboursé, mais prenons même
votre argument suivant lequel la banque a peut-être avancé
des fonds le 8 juillet, on fait août, septembre, octobre et novembre,
encore une fois, quatre mois, et l'entreprise est en faillite. Vous pouvez les
prendre presque un à un. Vous pouvez en prendre plusieurs qui sont dans
le même ordre d'idées. M. le ministre, prenez IWM Meunerie
Internationale Inc. On fait un prêt de 150 000 $ le 20 juillet. Le 5
août, il y a une autorisation qui est très proche. C'est une
affaire de même pas un mois, quoi! En fait, c'est un peu plus de quinze
jours ou trois semaines. Le 30 octobre, il y a un rappel du prêt et ainsi
de suite.
Je ne peux pas m'expliquer comment on peut faire une évaluation
sérieuse et valable. Vous prenez plusieurs de ces cas. C'est toujours
dans le même ordre d'idées. Prenez la compagnie d'aluminium TMB,
etc: tous ces cas de défaut, c'est la même chose, sauf
peut-être - et là, on va vous demander plus de détails
après - Métallurgie Pelchat où il y a une grande marge de
temps, juin 1982 et juin 1983 où il y a eu le rappel du prêt, mais
toutes les autres se situent dans le même ordre d'idées où,
quelques mois après seulement, la banque arrive et dit: On va reprendre
le prêt. Que s'est-il passé quand on a évalué ces
compagnies, qu'on a prêté de l'argent cumulativement, 200 000 $,
100 000 $, 150 000 $, 300 000 $, etc., dans des cas où il était
évident que, s'il y a eu un rappel tellement près, la situation
était désespérée? C'était un risque qui
n'était pas un risque valable, même pour la Société
de développement industriel, parce qu'il n'y a pas de
développement s'il y a une faillite. (16 h 15)
M. Biron: M. le Président, là-dessus, je dois
rappeler que, dans le fond, le plan a été institué pour
aider des entreprises qui étaient en difficulté
financière. On s'est dit, au départ du plan: Nous ne voulons pas
aider des entreprises qui, d'une façon ou d'une autre, sont
vouées à la faillite, mais nous voulons aider des entreprises qui
ont souffert énormément de la conjoncture, donc, qui sont
aujourd'hui en difficulté financière, pas nécessairement
en faillite, mais en difficulté financière. Ces entreprises, on
veut leur permettre de passer à travers la crise. C'était, comme
objectif, de protéger la structure industrielle du Québec. On ne
pouvait pas se permettre d'en perdre 500 en cours de route parce que, lorsque
l'économie reprend, ce n'est pas facile de relancer une entreprise de
fabrication. On peut relancer un commerce six mois après, mais une
entreprise de fabrication, la technologie est partie, et tout cela. C'est
sûr qu'on s'attendait de perdre avec ce plan. Tout à l'heure, je
vous ai dit qu'on avait prévu 20% de pertes. En fait, on a à peu
près 2% de pertes la première année.
Pour nous, c'est beaucoup mieux que ce à quoi on s'attendait.
Vous citez quelques cas et là-dessus on veut en perdre le moins
possible. On dit: Cela a été le plan d'urgence, donc, il fallait
aller rapidement. Il fallait juger sur le fond des dossiers, avoir un bon
jugement. D'un autre côté, on ne pouvait pas se permettre non plus
d'attendre pendant des mois avant d'aider l'entreprise, parce que plusieurs
auraient sauté en cours de route. Il fallait agir rapidement
là-dessus. Je pense que la décision de la SDI, chaque fois, a
été une excellente décision, malgré qu'on ait
à subir neuf pertes déboursables dans le courant de la
première année. Je pourrais vous donner des exemples où
cela a été le contraire; non seulement on a aidé des
entreprises à passer à travers et à conserver les emplois,
mais des entreprises ont augmenté leurs emplois. Ces cas seraient
très nombreux. Je pourrais en citer dans à peu près tous
les comtés du Québec; ce sont des exemples de succès
réel parce qu'on a apporté un financement adéquat à
court terme, au moins à moyen terme, à ces entreprises et les
entreprises ont repris plus de monde.
Moi aussi j'ai à déplorer comme vous les pertes qu'on a
subies. Je n'aime pas cela. On avait prévu pire que cela. Je pense que
là-dessus le jugement des gens de la SDI a été correct. On
pourrait analyser chacun des cas et dire que cela dépend de telle
raison. Peut-être que oui, après, on n'aurait peut-être pas
dû prêter. Tandis que d'autres à qui on n'aurait pas
dû prêter ont passé à travers la crise et se sont
relevées. On a des exemples nombreux là-dessus. Dans ce sens, je
pense que, somme toute, si on fait l'addition totale des plus et des moins, les
plus sont tellement nombreux qu'il faut dire que les analystes de la SDI ont
fait un excellent travail à cet effet.
M. Lincoln: M. le ministre, n'êtes-vous pas d'accord avec
moi pour dire qu'il faut partir du principe qu'on pose des gestes tout à
fait objectifs et, s'ils ne marchent pas, on les défend, d'accord? Dire,
par exemple, que cela n'a pas été aussi mauvais qu'on le
craignait, c'est dire: Est-ce que cela aurait pu avoir été bien
mieux? On peut retourner l'argument et dire cela. Nous, on n'a pas envie de
dire: Bon, dans tous les cas, cela a été des cas de mauvais
jugement, de mauvaise gestion. Pas du tout. Mais seulement, quand nous voyons
des cas qui logiquement n'ont pas de sens, on se pose beaucoup de questions
parce que le fait est qu'en 1981-1982, au dernier rapport de la SDI, si je ne
me trompe, il y avait une réserve de prêts de 25 000 000 $. C'est
exact?
M. Biron: 25 000 000 $.
M. Lincoln: 25 000 000 $, par
anticipation, d'accord. C'est une provision. Quelle est la
réserve pour 1982-1983? Parce que nous n'avons pas les chiffres.
M. Biron: On me dit que le Vérificateur
général est maintenant en train de vérifier. Lorsqu'on
assume des prêts... Sauf la réserve accumulée que nous
avons, pour les prêts qui ont été faits en 1982-1983, le
Vérificateur général est présentement en train de
faire la vérification pour établir, avec les gens de la SDI, la
réserve qu'on devrait avoir au cas où cela irait mal. Mais, sur
le plan d'urgence en particulier, pour les garanties de prêts, on a
prévu cette année 12 000 000 $, si je me souviens, pour le budget
1983-1984.
M. Lincoln: Pourriez-vous nous donner un ordre de grandeur pour
1982-1983? Le Vérificateur général, je suis d'accord,
vérifie ces chiffres maintenant, mais vous avez sûrement un ordre
de grandeur par rapport au travail qu'il fait. Vous lui avez donné des
chiffres, etc. Pourriez-vous nous donner un ordre de grandeur, un bloc?
M. Biron: On prévoit que la provision sera
légèrement diminuée. En fait, c'est assez difficile de
prévoir. Il y a des prêts qui sont là depuis
déjà cinq ans, huit ans, dix ans et qui sont remboursés un
peu chaque année selon les ententes qu'on a; même qu'au
départ il y avait des prêts à long terme là-dedans.
On me dit, d'après les informations que nous avons, que la
réserve sera diminuée légèrement. Cela veut dire
que la performance a été un peu meilleure en 1982-1983, ou que la
prévision pour 1983-1984 est un peu meilleure que celle qu'on avait pour
1982-1983.
M. Lincoln: Mais, M. le ministre, ce que je veux souligner, c'est
qu'au lieu de parler du nombre de cas sauvés par rapport à ceux
qui sont en défaut, on nous dit qu'on fait une provision, une
réserve pour les prêts qui vont être en défaut. On
fait sûrement une réserve. Au contraire, on aurait tendance
à faire une réserve qui soit moindre, c'est sûr, pour
montrer un meilleur bilan. On fait une réserve, on parle de chiffres
très conséquents, 25 000 000 $ dans cet exercice. Là, on
parle de gros montants d'argent par rapport au montant des prêts, quand
vous parlez de 130 600 000 $ pour le total de l'aide. Ce que je voulais vous
dire, c'est que toute cette politique est très importante parce que si,
par exemple, des décisions étaient prises qui n'étaient
pas justifiées pour l'avenir, on aurait une perte possible; autrement,
on ne mettrait pas ces chiffres dans le bilan, qui passe par votre conseil
d'administration, par des vérificateurs, etc.
Alors, quand on parle de 25 000 000 $ de provision possible en cas de
perte, on parle de beaucoup d'argent. Pourquoi cela? C'est un exemple des
possibilités qui peuvent arriver. On peut dire: Bon, il n'y a que
quelques cas, on ajoute ces montants, ce n'est pas grand-chose. En fait, quand
on parle de cette année où le financement a augmenté de 22
000 000 $, d'après les chiffres que vous m'avez donnés pour
1981-1982, jusqu'à 121 000 000 $ en financement et garanties de
prêts, on a encore plus de raisons d'établir une politique qui
soit aussi sûre que possible pour qu'on n'ait pas une
répétition de cas comme ceux-ci sur une plus grande
échelle.
C'est pourquoi je reviens à cette affaire. Je vous dis: En
prenant ces cas typiques, pour l'évaluation, quel est le système
dont se sert la SDI avant de consentir un prêt? Quelles sont les
enquêtes qui se font? Qu'est-ce qui fait que - nous en avons douze qui
sont sur cette liste, en fait treize - des cas comme ceux-ci passent à
travers le tamisage? Comment se fait-il que, dans des cas tellement flagrants,
en l'espace de quatre mois, une évaluation puisse être tellement
fausse?
M. Biron: La seule façon de ne pas avoir de ces cas, c'est
de ne rien faire, absolument rien faire. Plus on agit souvent, plus on en a. On
me donne comme exemple que la Banque fédérale de
développement, qui est reconnue comme assez bien gérée,
mais qui est une institution prêteuse de dernier recours, un peu comme la
SDI, l'an dernier, a assumé 75 000 000 $ de perte sur ses prêts
alors que nous, on a assumé 4 000 000 $. Elle a prêté dans
certains secteurs où elle a assumé des risques. Nous aussi,
même souvent, avec notre plan d'urgence. Il y a des garanties de
prêts où on va conjointement avec la Banques
fédérale de développement parce que c'est vraiment
risqué. Lorsque la BFD décide de prendre son bout de risque, nous
on dit: Nous aussi, on prend notre bout de risque là-dessus.
Alors, je juge, M. le député de Nelligan, que la
performance qu'on a faite, c'est-à-dire 719 interventions ou 450
garanties de prêts pour le plan d'urgence et seulement 9
déboursés sur 14 en défaut est une performance qu'on peut
qualifier d'extraordinaire. Il faut dire que nos gens ont été
très sérieux dans leurs actions. C'est sûr qu'on aurait
peut-être pu ne pas faire ces pertes sur ces 9, 10 ou 14 entreprises,
mais, en ne le faisant pas, on aurait peut-être bloqué 200, 300
autres interventions. On est intervenu en grande quantité parce que
c'est important pour nous. Cette année, notre objectif, c'est
d'intervenir pour 500 entreprises. Il va y avoir 100 000 000 $ de garanties de
prêts dans le décor quelque part, qui ne coûteront à
peu près rien au gouvernement du Québec si les entreprises
passent au travers, se structurent et créent de l'emploi. Bien
sûr, cela ne va rien coûter. C'est sûr que si, en cours de
route, on en perd quelques-unes, cela va être des coûts. On essaie
d'être le plus sérieux possible dans l'analyse, mais on imagine
qu'étant donné qu'on donne des garanties de prêts, non pas
aux meilleures des 10 000 entreprises manufacturières, mais à
celles qui ont une chance d'avenir, qui sont en difficulté
financière... Je dirais qu'on intervient peut-être à partir
du numéro 6000, 7000, ou 8000, parmi les 10 000, jusqu'à la fin.
C'est sûr qu'il y a plus de risques dans le bassin d'entreprises dans
lequel on intervient.
M. Lincoln: M. le ministre... Allez-y.
M. Biron: Je prends note de votre intervention. Je comprends que
vous voulez qu'on fasse le plus attention possible parce que vous aussi, vous
ne voulez pas, comme moi, gaspiller l'argent des citoyens du Québec.
Là-dessus, le message est fait, est très clair aux gens de la
SDI. Il sera refait, à la suite de votre intervention, pour les inciter
à analyser le plus sérieusement possible leurs actions et leurs
recommandations. D'un autre côté, je suis obligé de leur
dire qu'il faut intervenir pour sauver des entreprises qui sont en
difficulté financière.
M. Lincoln: Sur la dernière question, nous n'avons aucun
sujet de discussion. Je pense qu'on ne se querelle pas sur les objectifs. La
Banque fédérale de développement, c'est sûr que
c'est un instrument essentiel. En même temps, je crois qu'il faut partir
du principe que ce n'est pas mon affaire d'aller regarder ce qui se passe
à la Banque fédérale de développement. S'ils
courent des risques tels que le chiffre de dette qu'ils ont à amortir
est trop grand, cela ne veut pas dire que, pour nous aussi, c'est une raison de
suivre le... Peut-être que la Banque fédérale de
développement fait très bien ses affaires. Elle a une très
bonne réputation. Mais ce que je veux dire, c'est qu'il faudrait se
concentrer sur ce qu'on a ici. Je veux bien que la Banque
fédérale de développement monte. Ce qui me tracasse, c'est
qu'on a fini avec un déficit de 4 000 000 $, mais nous avions une
réserve. On a monté la réserve pour les prêts -
c'est à cela que je voulais revenir - à quelque chose comme 50%,
cela a presque doublé. La réserve pour les prêts est
montée à 25 000 000 $.
S'il n'y avait pas eu la possibilité que le risque soit trop
grand, qu'il y ait des mauvaises décisions qui puissent causer des
pertes substantielles, on n'aurait pas fait des réserves de l'ordre de
25 000 000 $. Même si on dit que la performance va être meilleure,
qu'on va diminuer de quelques millions, le fait est qu'on a fait cette grosse
réserve. Ce que je veux dire, c'est qu'est-ce qu'on fera à
l'avenir pour prévenir des cas comme celui-ci?
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Biron: Juste comme information, l'an dernier, la plus grosse
de nos pertes a été le cas Admiral, où le gouvernement
était intervenu il y a plusieurs années. On a dû assumer la
perte l'an dernier d'un prêt de 7 000 000 $. C'est un prêt, donc,
un déboursé de fonds qui a été fait il y a
plusieurs années et pour lequel on n'a pas perçu
d'intérêts, mais qu'on a dû assumer complètement dans
nos livres l'an dernier. On n'a pas tendance maintenant à faire de gros
prêts, aussi gros que cela. On a plutôt tendance à aller
dans des garanties de prêts et surtout à essayer de séparer
le risque avec d'autres institutions. J'ai cité tout à l'heure la
Banque fédérale de développement qui travaille assez bien,
je pense, avec la SDI dans ce domaine. Je prends note de votre intervention
là-dessus. On va essayer de continuer à être le plus
sévère possible dans nos interventions, mais toujours en gardant
en vue, comme objectif, que la Société de développement
industriel n'est pas une banque à charte. C'est une
société de développement qui doit prendre des risques de
temps à autre si on veut développer le Québec, parce qu'il
nous manque véritablement des capitaux de risque un peu partout. Dans ce
sens, la Société de développement industriel doit
intervenir dans des endroits plus risqués que normalement, mais c'est le
rôle de la collectivité si on veut développer
l'économie. D'ailleurs, c'est pour cette raison que la
Société de développement industriel a été
créée il y a maintenant onze ans. On a fêté le
dixième anniversaire l'année dernière. Il y a onze ans,
c'est le député de Bonaventure qui était ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il a été le ministre
responsable de la création de la Société de
développement industriel avec, comme objectif, qu'on prendrait des
risques et que, souvent, on perdrait de l'argent. Mais, d'un autre
côté, c'était le prix à payer pour développer
des entreprises manufacturières au Québec.
M. Lincoln: Pouvez-vous me dire, M. le ministre, quel est le
cheminement typique d'un dossier? Prenons un dossier; le plus gros ici, c'est
500 000 $. Les autres sont dans l'ordre de 90 000 $ jusqu'à 200 000 $,
etc. Quel est le cheminement d'un dossier par rapport au laps de temps entre la
demande et l'autorisation, dans le cas typique d'une entreprise qui est en
difficulté, et comment s'établit le processus d'enquête,
de
vérification de la survie de l'entreprise, etc? Quels sont les
barèmes? Quels sont les critères qu'on emploie pour
décider si on va autoriser un prêt ou non et dans quel laps de
temps? Quels sont les paramètres que vous utilisez?
M. Biron: D'accord. Si l'entreprise a un problème,
habituellement, elle communique avec le délégué
régional du MICT, dans la région de l'entreprise, qui lui dit un
peu quels sont les programmes qui existent à Québec et à
Ottawa. Nos délégués régionaux donnent les services
aux deux niveaux de gouvernement pour essayer, au fond, d'obtenir le maximum
des sommes d'argent qu'on paie à Ottawa là-dessus. Il y a un
excellent service de part et d'autre, d'ailleurs. Je pense que les gens du
gouvernement fédéral font la même chose vis-à-vis
des services du MICT. Une fois qu'on a décidé, on dit à
l'entreprise: Cela te prendrait probablement le plan d'aide au financement des
entreprises. On lui dit le chemin à faire, et rapidement. Il faut que tu
te présentes à ton institution financière. Il faut que
l'institution financière étudie ton cas et consente à te
faire le prêt garanti aux deux tiers seulement, parce qu'on ne veut pas
que toutes les demandes entrent au gouvernement avant même que
l'institution financière ait le temps de les analyser; sinon toutes les
entreprises en faillite nous enverraient leurs demandes. D'abord, l'institution
financière; le chef d'entreprise se présente donc à sa
banque ou à sa caisse populaire, il parle de son prêt - s'il a
besoin, par exemple, d'un prêt de 300 000 $ - avec son directeur de
succursale, qui est autorisé ou doit le faire passer par le siège
social. Cela dépend des succursales et cela dépend du directeur
et de la banque ou de l'institution financière. Une fois que la formule
est remplie au niveau de l'institution financière et que l'institution
financière s'engage à avancer le tiers des sommes d'argent
à condition que le gouvernement endosse pour les deux autres tiers, la
demande au complet est transmise à la Société de
développement industriel du Québec. Aussitôt qu'elle est
transmise, on lui assigne un analyste financier et, à compter de cette
date, en moyenne, habituellement - à part les cas graves ou les cas
où il nous manque vraiment des informations - règle
générale, l'analyste financier, dans les deux semaines qui
suivent, a le temps de faire l'analyse du dossier -cela lui prend une semaine
environ - de présenter l'analyse à son directeur régional,
à son supérieur, d'en discuter avec lui.
Au niveau de la SDI, une fois que la recommandation de l'analyste est
acceptée au point de vue de ses supérieurs immédiats
à l'intérieur de la boîte, elle est présentée
soit au comité exécutif ou au conseil d'administration pour la
décision et la recommandation au ministre. Elle est transmise au
ministre le lendemain pour signature. Habituellement, ce processus prend deux
semaines. Donc, l'analyste financier fait la recommandation. Elle est
acceptée ou refusée par son directeur immédiat qui lui
demande, si elle est refusée, de l'analyser de nouveau et de trouver
d'autres arguments. Elle est acceptée pour recommandation au
comité exécutif ou au conseil d'administration selon ce qui
siège - chaque vendredi, il y a une réunion - et le lundi ou le
mardi, au plus tard, elle est sur le bureau du ministre pour autorisation.
Aussitôt qu'elle est autorisée, l'information est transmise
immédiatement par la SDI à l'entreprise et à l'institution
financière en disant: Nous vous faisons parvenir les formules
immédiatement; d'ici une journée ou deux, tout sera chez vous.
Après cela, le processus de prêt s'enclenche de façon
définitive.
M. Lincoln: Quel est le processus s'il y a...
M. Biron: Excusez-moi. C'est pour le plan d'aide au financement
qu'on appelle le plan d'urgence. Pour les autres, c'est un peu plus long, parce
qu'il y a toute l'analyse à faire pour savoir si le secteur dans lequel
l'entreprise veut investir est un secteur d'avenir, si l'entreprise produit
au-dessus de la moyenne ou selon la moyenne de la productivité du
secteur. Si c'est une entreprise qui n'est pas développée du
tout, si c'est un secteur où il n'y a pas beaucoup de marché ou
s'il n'y a pas de marché au Québec, on n'aidera pas cette
entreprise. On va plutôt lui dire: Écoute, ou tu te
développes plus pour avoir plus de productivité ou tu changes de
secteur parce que tu n'as pas d'avenir, tu es vouée à ne pas
passer au travers, d'une façon ou d'une autre. Par exemple, dans le
secteur des portes et fenêtres, la SDI n'intervient pas parce qu'il y a
assez d'entreprises dans le Québec pour produire tout ce dont on a
besoin au Québec dans ce secteur. On n'intervient pas pour aider les
entreprises dans ce secteur en particulier, et c'est la même chose pour
d'autres secteurs. Cela, c'est vis-à-vis d'autres programmes.
Je vous remets ici des feuillets d'information sur tous les programmes
d'aide de la SDI, avec le financement à terme, le capital de risque, la
forme, les objectifs, les critères d'admissibilité. C'est
très technique. La moyenne, c'est habituellement un mois dans les autres
cas de subventions. Dans le cas de la recherche et de l'innovation, c'est un
peu plus long, présentement, parce que c'est un programme qui est tout
nouveau. On est en train de roder nos critères là-dessus. Tout
sera en marche, d'ici quelques mois et on espère que, dans un mois, on
pourra
donner la réponse aux chefs d'entreprise.
M. Lincoln: Dans des cas spécifiques comme ceux-ci, est-ce
que vous pourriez nous dire combien de temps cela prend et quel genre de
recherche a été faite, au préalable, dans les cas de
défaut qui sont cités pour 1982-1983?
M. Biron: Habituellement, cela prend une semaine à
l'analyste financier pour faire sa recommandation.
M. Lincoln: Dans le cas de Métallurgie Pelchat, on a
prêté 500 000 $. Est-ce qu'une semaine, c'est assez pour savoir si
cette entreprise est viable, pour savoir exactement où elle s'en va,
quelles sont ses chances de survie?
M. Biron: Dans le cas de Métallurgie Pelchat,
déjà la SDI était intervenue auparavant pour des
subventions à l'expansion. Alors, on avait le dossier de cette
entreprise chez nous. C'est une entreprise qui avait une excellente
performance. Il y avait une participation au capital-actions des travailleurs.
Ce n'est pas nécessairement une garantie de succès, mais, au
moins, c'est un sens des responsabilités accrue des travailleurs. C'est
une entreprise qui était très dynamique autrefois, mais qui est
reliée directement à la construction d'édifices de taille
moyenne ou grande. C'est beaucoup plus le manque de marché de la
construction qui l'a finalement emportée. Dans ce cas précis, une
semaine, c'était assez parce qu'on avait tout le dossier. C'est
sûr qu'il y avait un certain risque avec Métallurgie Pelchat, mais
c'était une entreprise dynamique de la rive sud, à Saint-Romuald,
et compte tenu de sa performance passée on a cru que nous devions
intervenir.
M. Lincoln: Quelle est votre politique? Je vois dans votre
rapport annuel: Selon les conditions posées par la
société, des exonérations de remboursement, pour un
montant d'environ 1 776 900 $, sont anticipées sur les prêts
consentis au 31 mars 1982. Au 31 mars 1981, la somme pour les
exonérations de remboursement était de 888 000 $. Cela a presque
doublé. C'est à la page 20 du rapport annuel 1981-1982. On voit
que les exonérations de remboursement ont doublé de 1981 à
1982. Pourriez-vous nous l'expliquer?
M. Biron: Ce sont surtout des cas pour l'exportation, ce qu'on
appelle le crédit implantation où nous faisons des prêts
aux entreprises. Le remboursement est conditionnel à la conquête
de marchés. Certains marchés sont assez risqués. Des
entreprises décident de s'implanter sur un marché. Nous leur
faisons des avances à la fois pour établir des entrepôts
pour les premiers stocks qui sont là, pour les premières
démarches. Si le marché donné a du succès,
l'entreprise nous rembourse. Si le marché donné ou à
attaquer n'a pas de succès, il y a une partie du prêt qui est non
remboursable; donc, nous devons prévoir des exonérations en
fonction d'une de ces conditions.
M. Lincoln: Parlez-vous des programmes qui ont été
pris, par exemple, par le ministre du Commerce extérieur, APEX et
APEX-F, ou si vous parlez de SDI-exportation, ou quoi?
M. Biron: C'est SDI-exportation.
M. Lincoln: Vos propres programmes de SDI-exportation.
Pouvez-vous nous dire quel est le chiffre, de ce programme, sous cette rubrique
pour 1982-1983?
M. Biron: On me dit que c'est à peu près la
même chose en 1982-1983.
M. Lincoln: Serait-il possible d'avoir les chiffres exacts?
M. Biron: C'est sujet à l'approbation définitive du
Vérificateur général. Donc, cela peut être
disponible d'ici deux ou trois semaines.
M. Lincoln: Vous dites que c'est à peu près la
même chose, dans le même ordre de grandeur?
M. Biron: Oui.
M. Lincoln: Je n'ai pas saisi votre réponse quant à
la différence. Il y a presque 100% d'augmentation en 1981-1982.
M. Biron: Les programmes d'exportation ont pris de l'expansion en
1981-1982. Ce sont des programmes tout nouveaux, en tout cas, qui datent de
quelques années seulement. Lorsqu'il n'y avait pas de programmes
à l'exportation, il n'y avait rien à prévoir. Ce sont de
nouveaux programmes qui ont été institués il y a deux
ans.
M. Lincoln: Maintenant que nous savons que les
exonérations de remboursement vont être de l'ordre de 2 000 000 $
par an, est-ce que cela va continuer d'être la politique de la SDI de
continuer ces exonérations ou bien allez-vous revoir toute cette
politique si ces montants continuent de grimper de façon
conséquente?
M. Biron: Cette politique vis-à-vis du commerce
extérieur va être revue avec le ministère du Commerce
extérieur une fois que la première tournée de son jardin
aura
été faite par le ministre du Commerce extérieur. Il
va peut-être décider que certains programmes ne sont pas
prioritaires ou qu'ils sont beaucoup trop dispendieux et qu'il faut les
enlever. Par contre, il va peut-être décider d'avoir de nouveaux
programmes. Par exemple, il y a deux ans, j'annonçais qu'on avait
suspendu un programme qui prenait charge d'une déduction de 2% sur
l'augmentation des exportations. Dans l'espace d'un an, si on avait suivi ce
raisonnement, on aurait monté un compte à la SDI, seulement
à ce progrmame, de 100 000 000 $. Cela n'avait pas de bon sens.
C'était beaucoup trop dispendieux. On a suspendu le programme pour
essayer de le revoir en conséquence. C'est fort possible que le ministre
du Commerce extérieur, avec son équipe, décide de changer
des choses à un programme. Il faut réaliser que ces programmes de
transfert d'argent aux entreprises sont, vis-à-vis de l'exportation,
administrés par la SDI, mais sous la recommandation du ministre du
Commerce extérieur.
M. Lincoln: Parlant du commerce extérieur, pouvez-vous
nous dire quelle sera la politique de l'avenir par rapport à
SDI-exportation? Par exemple, si je me souviens bien, lors du débat en
commission parlementaire sur la loi 89 qui a créé le Commerce
extérieur, je suis presque certain - je pourrai le vérifier - que
le ministre du Commerce extérieur avait annoncé son intention que
SDI-exportation fasse partie du ministère du Commerce extérieur,
soit sous l'égide du ministre du Commerce extérieur. Depuis,
naturellement, l'OQCE forme maintenant le noyau du ministère du Commerce
extérieur. Le ministère du Commerce extérieur, sur ces
entrefaites, a pris le programme APEX, et APEX-F. Que se passe-t-il par rapport
à SDI-exportation? Est-ce que, légalement, SDI-exportation est
toujours sous votre ministère? Est-ce qu'on a l'intention que cela reste
ainsi ou est-ce qu'on a l'intention de présenter un projet de loi pour
transférer SDI-exportation au ministère du Commerce
extérieur, ce qui serait beaucoup plus logique? (16 h 45)
M. Biron: J'ai eu de nombreuses discussions avec mon
collègue du Commerce extérieur là-dessus et on en est venu
à la conclusion qu'il valait mieux laisser la SDI-exportation, sous la
juridiction de la SDI parce que souvent ce sont les mêmes analystes qui
vont faire une analyse financière pour un cas d'exportation d'une
entreprise, et qui vont faire l'analyse pour un cas de recherche et de
développement ou d'autres choses. On a vraiment voulu que la SDI soit le
guichet unique des transferts d'argent aux entreprises, des transferts plus
importants. APEX, dans le fond, est un petit transfert de quelques milliers de
dollars par décision, alors que cela peut devenir des transferts de
plusieurs centaines de milliers de dollars et cela prend une connaissance
financière. Nos analystes financiers sont formés pour cela.
Pour être certain que tout aille très bien entre les deux
ministères, on est parvenu à signer un protocole d'entente qui
explique le cheminement d'une demande. La demande d'une entreprise est
présentée habituellement au délégué
régional du ministère, soit à Montréal, à
Québec, à Rimouski ou ailleurs. Le délégué
régional, immédiatement, fait parvenir la demande à la SDI
avec une copie qui s'en va immédiatement au ministère du Commerce
extérieur. Avant que nous puissions analyser la demande, le
ministère du Commerce extérieur décide si la demande est
recevable, c'est-à-dire que, si on a une demande d'une entreprise pour
l'aider dans un pays d'Afrique, en Iran, mettons, le ministre du Commerce
extérieur peut dire: Non, ce n'est pas une de mes priorités et je
ne veux pas attaquer ce marché tout de suite. Ou si une entreprise, je
ne sais pas, veut vendre des réfrigérateurs aux Eskimaux, le
ministre du Commerce extérieur, lui, peut décider que ce n'est
pas une de ses priorités. C'est, d'abord, au ministère du
Commerce extérieur de décider si cela entre dans ses
priorités, dans son objectif de développement des exportations
autant du point de vue des produits à exporter qu'au point de vue des
marchés à atteindre, du type de marchés
géographiques à travers le monde.
Cela se fait très rapidement. Habituellement, dans une semaine,
on a la réponse du ministère du Commerce extérieur qui
nous dit: D'accord, vous y allez ou vous n'y allez pas. Si la lumière
est rouge, comme on dit, nous, on avise tout simplement l'entreprise que ce
n'est pas recevable selon les critères du ministère du Commerce
extérieur. Si le ministère du Commerce extérieur nous dit:
Oui, c'est recevable, là on fait l'analyse financière. Est-ce que
l'entreprise a les reins assez solides financièrement pour atteindre ce
marché? Est-ce que la qualité de ses produits est là? On
fait vraiment l'analyse financière une fois que le ministère du
Commerce extérieur nous a dit que c'était recevable pour le
produit et pour la région géographique. On fait l'analyse et on
transmet à l'entreprise la réponse de notre analyste. La
lumière peut être rouge comme elle peut être verte de notre
bord. Chaque fois que la lumière est rouge du côté du
ministère du Commerce extérieur, nous n'intervenons pas plus
avant afin, justement, de respecter les compétences, la juridiction et
les connaissances des gens du Commerce extérieur en ce qui regarde les
marchés à l'extérieur du Québec.
M. Lincoln: Si la lumière est rouge de votre point de vue,
du côté de vos fonctionnaires de la SDI-exportation?
M. Biron: Cela ne fonctionne pas. Si la lumière est verte,
si on dit, oui, c'est pour exporter aux États-Unis, c'est sûr que
la région géographique des États-Unis est acceptée
d'emblée par le ministère du Commerce extérieur, et cela
peut être un produit donné qui est accepté. L'entreprise
n'a peut-être pas les capacités financières d'exporter.
Elle est peut-être ni plus ni moins en faillite ou quelque chose comme
cela. Pour conquérir des nouveaux marchés, si elle est
appelée à débourser 500 000 $, elle ne passera pas
à travers. Au Commerce extérieur, nous disons: Voilà les
raisons pour lesquelles on juge, nous, que la capacité financière
de l'entreprise ne lui permet pas d'atteindre ce marché. Jusqu'à
maintenant, cela a été très bien selon ce protocole
d'entente qu'on a signé avec le Commerce extérieur.
M. Lincoln: Est-ce qu'il y a moyen de voir le protocole
d'entente? Est-ce que vous auriez pu le déposer ou nous en faire avoir
une copie?
M. Biron: Je l'ai signé aussi. Les copies que j'ai ici
sont signées seulement par mon collègue, mais, en fait, c'est
signé par les deux. Le même protocole d'entente existe avec le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, de
même qu'avec le ministère de l'Énergie et des Ressources.
Souvent, il y a une industrie qui concerne un abattoir ou une
coopérative laitière. Autrefois, on avait un problème
parce que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation décidait que, dans une région donnée, il y
avait assez d'abattoirs, qu'il ne fallait pas en avoir plus, qu'il y avait
assez d'usines laitières et qu'il ne fallait pas en avoir plus. Il y
avait une demande qui venait à la SDI et la SDI pouvait subventionner un
abattoir dans cette région. Alors, le ministère de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation disait: Non, cela n'a pas de bon sens.
Dans le fond, c'était une mauvaise entente entre les deux organismes et
on en est venu à la conclusion qu'il valait mieux avoir un protocole
d'entente et fonctionner exactement de la même façon. Si un
abattoir, une industrie laitière ou tout ce qui regarde
l'agroalimentaire nous demande une aide financière par le truchement de
la SDI, chaque fois, cela s'en va au MAPAQ qui nous répond, lui aussi,
dans la semaine; habituellement, dans la semaine qui suit, dix jours ou plus,
on a sa réponse ou celle du MER en ce qui concerne les entreprises qui
relèvent de leur juridiction. À ce point de vue, la SDI est
véritablement devenue le guichet unique des subventions aux entreprises
de la part du gouvernement, mais en respectant véritablement la
juridiction des ministères, chacun décidant de ses
priorités et de son action. Nous ne faisons que le transfert d'argent
à l'entreprise une fois que l'analyste financier a jugé que
l'entreprise avait les capacités de faire le développement ou de
conquérir le marché.
M. Lincoln: Si je vous comprends bien, SDI-exportation reste sous
la juridiction légale de la SDI. Cela reste au MICT. On contrôle
cela par un protocole d'entente. Le ministre du Commerce extérieur n'a
qu'un droit de regard. En fait, il n'a pas un droit légal. Vous avez
l'autorisation finale, le mot final de l'affaire. C'est, en fait, comme
cela.
M. Biron: II a un droit de regard pour bloquer toute demande de
transfert financier d'argent aux entreprises. Il a un droit de regard pour
bloquer toute subvention à une entreprise lorsqu'il décide que le
produit, que le marché n'est pas prioritaire pour lui. En fait, tout ce
qu'on fait, c'est l'analyse financière. Le véritable juge de la
stratégie de développement du commerce extérieur est le
ministre du Commerce extérieur.
M. Lincoln: Je vais insister un peu là-dessus, parce que
c'est une question fondamentale. Vous avez les mêmes entreprises, comme
vous l'avez dit vous-même. Cela va de soi que, pour exporter, il faut une
entreprise qui soit sur notre sol, qui soit ici. Autrement, ce n'est pas une
entreprise exportatrice. La même entreprise est chapeautée tout le
temps par les deux ministères. Elle est sous la juridiction de votre
ministère, parce que c'est une entreprise, une industrie ou un commerce,
mais en même temps elle est une entreprise exportatrice. Sitôt
qu'elle commence à exporter, elle devient une entreprise qui
intéresse le ministère du Commerce extérieur. Parfois,
vous avez un conflit d'opinions, un conflit de vues d'ensemble sur les
politiques par rapport à une entreprise, par rapport à la
façon dont on la voit, soit une entreprise qui est dans le cadre de
votre ministère et une entreprise exportatrice, c'est-à-dire
ayant une vocation exportatrice et une vocation locale. Je comprends qu'on
parle de financement, mais qu'arrive-t-il si un jour vous avez des vues
totalement différentes si votre conseil d'administration -si je
comprends bien, c'est le conseil d'administration de la SDI qui recommande les
subventions - lui, voit cela dans une optique tout à fait
différente; par exemple, s'il voit cela dans une optique plus
centrée sur la question de l'apport local de l'entreprise plutôt
que sur l'exportation, si c'est un cas où vous trouvez qu'il ne
devrait
pas y avoir de subvention et que le ministre du Commerce
extérieur pousse pour une subvention? Je comprends le cas que vous me
soumettez où il dit: Bon! Ce n'est pas bon, et vous êtes d'accord,
mais qu'arrive-t-il s'il y a, demain matin, un conflit d'intérêts?
Sans jouer aux sorcières - ce n'est pas du tout mon intention - je vous
dis que j'ai des contacts parmi des gens de SDI-exportation, parmi des gens du
Commerce extérieur, etc. On me dit qu'il y a des situations, justement,
où il y a toujours cette possibilité de différence
d'opinions. Peut-être que le protocole d'entente règle la
question, mais qu'arrive-t-il si, comme ministre, vous avez, vous, des vues
tout à fait séparées de celles du ministre du Commerce
extérieur par rapport à une entreprise qui joue des deux
côtés, c'est sûr?
M. Biron: Jusqu'à maintenant, on n'a eu aucun
problème. Je n'en entrevois pas non plus, parce que nous ne faisons
qu'administrer les programmes définis pour l'exportation, pour le
commerce extérieur. Le vrai juge, c'est le ministère du Commerce
extérieur. En fait, cela peut arriver qu'on change certains programmes.
Les programmes qui seront changés, la SDI s'y implique techniquement,
parce qu'il faut que ce soit techniquement gérable, "manageable", mais
sur le fond du programme, c'est le Commerce extérieur qui décide.
Je crois que c'est sain. Dans le fond, on s'épargne beaucoup de
bureaucratie en faisant cela parce que les vrais spécialistes de
l'analyse financière sont à la SDI. Là-dessus, on veut
respecter leur compétence. S'il fallait avoir une structure à
part à la fois pour l'Agriculture ou pour l'Énergie et les
Ressources, cela coûterait beaucoup plus cher à la
collectivité québécoise. On a à peu près 80
analystes financiers.
M. Lincoln: Est-ce que ces analystes financiers travaillent
centralement ou est-ce qu'il y en a qui sont attachés à la
SDI-exportation purement pour les cas d'exportation?
M. Biron: II y a une petite équipe à la
SDI-exportation, mais les analystes financiers travaillent surtout par cas
d'entreprises, à la fois à Québec et à
Montréal. Jusqu'à maintenant, l'expérience qu'on a
vécue avec le Commerce extérieur - pourtant, c'était un
nouveau ministère, il aurait peut-être pu y avoir des
tiraillements - c'est qu'on discute vraiment pour savoir où on va, mais
tout le leadership du Commerce extérieur revient au ministre du Commerce
extérieur. Nous ne faisons que rendre opérationnelles les
décisions sur le fond. En même temps, c'est exactement la
même chose que si une entreprise demande une subvention à
l'investissement au MICT. Nous disons: La subvention à l'investissement
est analysée par la SDI. La SDI peut dire: Oui, cela fait notre affaire
d'investir dans le domaine, de la verrerie. La SDI peut décider que non,
l'entreprise n'a pas les reins assez solides financièrement pour y
aller; la SDI décide de ne pas donner de subvention. C'est exactement la
même chose, même vis-à-vis du MICT, là-dessus.
La stratégie globale et l'orientation sont données par les
ministères sectoriels et l'analyse financière est faite par les
spécialistes de la SDI, quel que soit le ministère qui demande
une subvention à l'entreprise.
M. Lincoln: Si je vous comprends bien, comme le système
actuel, avec le protocole d'entente et tout fonctionne, on ne le change pas;
cela continue comme cela. Mais, dans l'avenir, il faudrait arriver que,
d'après la politique même qu'avait annoncée le ministre du
Commerce extérieur, la SDI-exportation rejoigne le Commerce
extérieur. D'après ce que je comprends, la seule raison pour
laquelle on laisse la SDI-exportation avec la SDI, c'est que vous avez des
analystes financiers pour une centralisation. Autrement, on aurait aussi bien
pu prendre le budget de financement et passer cela au Commerce extérieur
dont le budget sauterait de 18 000 000 $ à de beaucoup plus gros
chiffres - c'est purement une question comptable - et qui aurait un
portefeuille d'analystes financiers.
M. Biron: Cela coûterait plus cher de gestion au
gouvernement du Québec. Or, on a pensé que c'était la
meilleure formule. D'ailleurs, le sous-ministre au Commerce extérieur
est au conseil d'administration de la SDI. Il a le droit de parole sur tous les
cas, mais, bien sûr, lorsqu'il intervient dans un cas d'exportation, sa
voix est privilégiée au sein du conseil d'administration.
M. Lincoln: Maintenant, concernant la question...
M. Biron: C'est un argument important. On a aussi toutes les
connaissances comme les juristes, le service de la connaissance du
marché et on a fait la même chose vis-à-vis du
ministère. Il y avait certains programmes - que vous allez voir,
d'ailleurs - qui étaient administrés au ministère, comme
textiles, vêtements, bonneterie, innovation-meuble, dont on a
transféré l'administration, l'analyse du cas par cas à la
SDI. On jugeait que c'était plus complet là-bas où il y
avait vraiment une vision globale de l'entreprise, autant au point de vue de
ingénierie, qu'au point de vue légal qu'au point de vue des
connaissances financières. On a trouvé maintenant, en
transférant nos programmes, qu'on avait un meilleur service.
C'était déjà,
dans 80% des cas, des clients réguliers de la
SDI.
(17 heures)
On va prendre l'exemple d'une entreprise qui oeuvre dans le secteur
agroalimentaire et qui fait affaires avec la SDI pour l'exportation. C'est
véritablement trois ministères. Mais, pour l'entreprise, elle n'a
qu'une seule porte d'entrée, c'est la SDI. Nous, on fait le
nécessaire pour avoir les approbations des deux autres
ministères. Alors, le chef d'entreprise, on essaie de lui faire la vie
la moins compliquée possible. Le même chef d'entreprise peut
décider d'avoir une subvention en recherche et développement
à l'exportation et au financement de son entreprise. Il va faire la
demande à un guichet unique et nous, on fait le nécessaire avec
les autres ministères. On a voulu faire cela le plus simple possible
pour le chef d'entreprise.
M. Lincoln: M. le ministre, une dernière question sur la
SDI, dans le cas où une subvention ou une garantie de prêt a
été refusée par le conseil d'administration. Il y a eu des
débats là-dessus, comme vous le savez, par exemple des cas
où vous avez changé la décision du P.-D.G., M. Lebrun.
Qu'est-ce qui se passe à ce moment-là? Quel est le
mécanisme dont vous vous servez pour décider? Cela a passé
par toutes les étapes dont vous nous avez parlé, par un processus
élaboré, par le conseil d'administration, par l'analyste
financier et, à la fin, ils disent: Non, ce cas n'est pas valable. Cela
arrive à votre ministère et là vous dites: Non, je vais
renverser la décision. Il y a même un cas qui a été
rapporté où M. Lebrun insistait sur une décision
négative que vous aviez renversée. Naturellement, on sait qu'il y
en a plusieurs. Quels sont les critères de réévaluation?
Quel est le temps qui se passe entre la décision par le conseil
d'administration et votre réévaluation et votre décision
contraire?
M. Biron: Lorsque c'est recommandé positivement par le
conseil d'administration, c'est une question d'une journée ou deux..
M. Lincoln: Oui, cela nous sommes d'accord.
M. Biron: ...pour la signature et l'acceptation. Lorsque le
conseil d'administration refuse, il y a une nouvelle façon, maintenant,
de procéder. Vous voulez surtout parler du plan d'urgence, des garanties
de prêt. Au départ c'était un nouveau plan qui n'avait
jamais fonctionné nulle part, en tout cas au Canada, parce que
même le gouvernement fédéral ou les autres provinces ne
l'avaient pas. C'était la première fois qu'on y allait avec une
forme de plan où on pouvait aider au financement du fonds de roulement
des entreprises. Alors, c'était vraiment du droit nouveau et de
l'économie nouvelle qu'on était en train d'écrire. Pour
pallier des erreurs de parcours, parce qu'on n'avait pas pu prévoir tous
les cas, on a prévu, à un article du règlement, que le
ministre pourrait employer son pouvoir pour répondre présent
à la demande d'une entreprise. Au cours des six premiers mois de gestion
de ce programme, je suis intervenu une vingtaine de fois sur 200 cas ou quelque
chose pour changer des décisions du conseil d'administration de la SDI.
La plupart du temps, c'était dans des cas précis. Par exemple,
une entreprise avait huit emplois; c'était indiqué dans le
règlement: de dix emplois à 500 emplois. Alors, elle avait huit
employés et elle ne pouvait pas passer à travers le tamisage de
la grille du règlement et l'analyste financier était
obligé de dire: Ce n'est pas recevable, donc je recommande que cela soit
refusé. Le conseil d'administration n'avait pas d'autre choix que de
refuser. Ce n'était pas recevable selon notre règlement.
Là, je me servais de mon pouvoir pour écrire une lettre à
la Société de développement industriel en disant:
Même si cette partie du règlement n'est pas respectée - au
lieu d'en avoir dix, on en a huit - j'autorise la Société de
développement industriel à procéder et à faire le
prêt en conséquence. C'est arrivé à quelques
reprises comme cela avec des cas bien précis.
Un autre cas que j'ai ici devant moi, c'est une usine de chaussure
à Montréal où je suis intervenu par mon pouvoir
discrétionnaire. Chausssures Di Felice n'avait pas deux ans de vie. Il y
avait un des critères qui disait qu'il fallait qu'il y ait deux ans et
cela existait depuis environ un an et demi. Il y avait des gens qui avaient
laissé une grande entreprise dans le domaine de la chaussure pour aller
là. Finalement, on est intervenu avec le pouvoir du ministre. Depuis ce
temps-là, on a créé huit emplois additionnels. Il y en
avait 55, si je me souviens. On a augmenté le chiffre de vente et on me
dit que c'est une entreprise très dynamique au niveau du marketing. Ils
vendent même de la chaussure à l'extérieur du
Québec. Ils vendent de la chaussure à des grands magasins comme
La Baie. On vient de signer un nouveau contrat. Cela veut dire que cela a
été une bonne décision dans ce cas, en particulier,
même s'il y avait un des critères qui n'était pas
respecté.
Un autre des critères, c'était aussi deux années de
profit sur trois au cours des trois dernières années. Bien
sûr, cela arrivait souvent qu'il y avait deux années de
déficit sur trois au lieu de deux années de profit. Dans ce
sens-là, je pouvais intervenir. Cela a été pour les six
premiers mois. Après cela, on a eu des discussions avec les analystes
financiers de la SDI qui nous ont dit: Nous, on aimerait cela pouvoir
intervenir parce
qu'on juge avec intelligence qu'il y a des entreprises qui seraient
recevables et on est obligé de dire non. On n'aime pas cela se faire
dire par le ministre: Vous changez d'idée quand nous autres, on serait
capables de dire oui.
Depuis six mois, je ne suis à peu près pas intervenu
directement par mon pouvoir discrétionnaire, sauf à une ou deux
occasions. Chaque fois, l'analyste financier fait l'analyse de l'entreprise en
disant: D'accord, il y a un critère qui ne va pas selon le
règlement, mais, par contre, je recommande au ministre d'intervenir en
vertu de l'article 36, de son pouvoir discrétionnaire, et de statuer que
ce critère est mis de côté pour cette entreprise. Depuis
six mois, on a environ 20 ou 25 recommandations de la part d'analystes
financiers de la SDI qui nous demandent d'intervenir. Mais ils n'ont pas le
pouvoir d'intervenir directement. Donc, ils ne sont pas capables d'accepter. Le
conseil d'administration n'a pas le pouvoir d'intervenir, il n'est pas capable
d'accepter. C'est l'analyste financier et le conseil d'administration qui
recommandent au ministre d'intervenir. Dans ce sens, c'est accepté
très rapidement parce que déjà la demande vient de la SDI,
du conseil d'administration ou de l'analyste financier.
Dans d'autres cas où la demande ne vient pas d'eux,
habituellement, cela nous prend une à deux semaines pour
réanalyser le cas, discuter de ce qui arrive et faire parvenir notre
recommandation. Mais, règle générale, ce sont des cas
vraiment bien spécifiques, du cas par cas où on peut intervenir
et je pense qu'on peut vous expliquer tout les cas un par un. Habituellement,
la raison de l'intervention est donnée à la Société
de développement industriel afin que l'analyste financier et les gens de
la SDI puissent savoir pourquoi on intervient. C'est parce qu'on donnait les
raisons de notre intervention qu'on a eu la recommandation de la SDI disant:
Permettez-nous de vous recommander de faire une chose même si nous on ne
peut pas dire oui; de vous recommander, à vous, d'intervenir en fonction
de votre pouvoir réglementaire.
M. Lincoln: Sur votre pouvoir discrétionnaire, à
l'article 36, est-ce que, dans les cas que vous nous avez soumis, les cas de
défaut dont on parlait avant, vous ne pensez pas que c'est significatif
ou étonnant qu'il y ait cinq de ces cas où vous avez usé
de votre pouvoir discrétionnaire? Il y a les cas de AJS Métal,
Équipements et Accessoires plastiques, IWM Meunerie Internationale, les
Entreprises Gérard Moreau, Vêtements Vatel International. Si vous
aviez à recommencer la chose, maintenant qu'on sait que ces entreprises
ont failli très près de la date d'autorisation, est-ce que vous
recommanderiez des cas comme cela malgré la décision du conseil
d'administration?
M. Biron: Oui, je les recommanderais parce que, pour chaque cas,
il y a des raisons bien spécifiques. Pour AJS Métal, de
même que pour les Entreprises Gérard Moreau, la recommandation du
conseil d'administration était positive avec certaines conditions
à l'endos.
M. Lincoln: Est-ce que c'était pour aller de l'avant?
M. Biron: C'était positif. J'ai signé, mais, en
cours de route, une des conditions -disons qu'on demandait un nantissement
commercial, une deuxième hypothèque ou je ne sais quoi - ne
fonctionnait pas. Quand une des conditions ne fonctionne pas en cours de route,
la procédure normale et la plus rapide, c'est une recommandation au
ministre disant: Voulez-vous nous écrire une petite lettre en disant que
telle condition peut être suspendue pour qu'on puisse continuer à
aller de l'avant? Cela arrive de temps à autre. Des fois, on est assez
sévère sur les conditions parce qu'on veut aussi forcer les
banques et même les individus à donner des endossements. Je me
souviens d'une entreprise où on forçait une autre entreprise
à endosser, mais l'autre entreprise n'était
possédée qu'à 51% par la première de sorte que
c'était difficile de dire à des étrangers d'endosser pour
une autre. On a dû intervenir avec l'article 36 pour les conditions.
M. Lincoln: Cela a été, pour AJS Métal et
les Entreprises Gérard Moreau...
M. Biron: Pour AJS Métal et les Entreprises Gérard
Moreau...
M. Lincoln: ...les conditions...
M. Biron: ...cela a été les conditions, mais
après coup. Pour la Meunerie Internationale, je suis intervenu parce
qu'il y avait 85% des ventes de Meunerie Internationale qui étaient
faites aux États-Unis. C'était de la nourriture pour animaux. Les
gens du commerce extérieur ou de l'OQCE à l'époque me
disaient: II faut intervenir parce que c'est un marché qu'on veut
essayer de conquérir et on a une chance de le prendre. Une fois que les
gens qui s'occupaient du commerce extérieur nous ont dit que, pour eux,
c'était une entreprise dynamique et que c'était un marché
important à conquérir, j'ai pensé qu'il fallait que je
passe outre aux recommandations qui avaient été faites à
l'époque.
La dernière, les Vêtements Vatel International, c'est une
entreprises qui fabriquait des vêtements, mais qui vendait aussi, en plus
de son commerce d'exportation, dans la région de Québec. Le
prêt n'a pas été déboursé. Je crois
que si on avait pu intervenir très rapidement lorsque la Banque
Nationale a retiré sa marge de crédit, on aurait pu sauver
l'entreprise. Mais cela a pris du temps avant qu'on puisse intervenir.
Entre-temps, la Banque Nationale a délégué un
administrateur, qui était Mercure, Béliveau et Associés,
et à partir de l'administrateur, on a monté un compte, si je me
souviens, d'environ 60 000 $ à l'entreprise pour la prise en charge, la
gérance de l'entreprise pendant trois ou quatre mois. Le temps que cela
a duré -nous garantissions 75 000 $ de prêt - ils ont mangé
le prêt avec le compte de l'entreprise. Quand le chef d'entreprise a vu
cela, il a tout simplement décidé de faire faillite avant de se
prévaloir du prêt de la Société de
développement. C'est pour ça qu'à cet
élément de Vatel International, vous voyez - du moins, c'est dans
mes notes personnelles - que le prêt n'a pas été
déboursé; donc, ça n'a rien coûté au
gouvernement.
Cela veut dire que chacun de ces cas avait une raison bien
particulière et, si c'était à refaire aujourd'hui,
probablement que je prendrais exactement les mêmes décisions.
M. Lincoln: Je n'ai pas l'intention de revenir sur toutes les
questions qui ont été discutées en Chambre, comme les
questions de conflit d'intérêts, etc. Ce n'est pas mon dossier; je
travaille au nom de mon collègue de Mont-Royal. Je ne veux pas
intervenir dans ce sens aujourd'hui parce qu'on discute des crédits. Il
y a un cas que je voudrais souligner, comme question de principe, c'est celui
qui s'est produit dans votre comté, là où vous avez pris
une décision. Si on se réfère aux critères que vous
donniez vous-même d'une société qui est en
difficulté, là, ce n'était pas du tout le cas c'est une
société qui était florissante, qui rapportait des
dividendes. Je sais qu'en Chambre vous avez donné comme argument qu'on
avait créé des emplois.
On pourrait utiliser cet argument pour n'importe quelle
société. On pourrait dire: Si on donne 500 000 000 $ à
l'Alcan, on va créer tant d'emplois et, si on donne de l'argent à
n'importe quelle entreprise, c'est sûr qu'elle va créer des
emplois. Est-ce qu'on devrait dépenser des fonds du gouvernement
à la suite d'une décision de votre part, d'une décision
discrétionnaire? Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y avait un conflit
d'intérêts définitif dans le cas d'une entreprise de votre
comté qui était florissante, qui n'avait pas besoin de capital
puisqu'elle faisait 200 000 $ de dividendes par an? Pour subventionner une
entreprise, je ne connais pas les chiffres exacts, mais on pourra les voir.
Pour le principe de la chose, ne pensez-vous pas que ça vous mettait
dans une situation de conflit d'intérêts presque direct,
étant donné que c'est une entreprise de votre comté,
même si ça devait créer des emplois?
Il me semble que le député de Châteauguay pourrait
nommer dix entreprises de son comté où, en investissant, on
aurait pu créer des emplois, et M. le député de
Mille-Îles également. Comment pouvez-vous réconcilier cela
avec les critères de la SDI qui a comme objectif d'aider le
développement industriel d'entreprises qui ne peuvent pas compter sur
des fonds de roulement, des fonds de capital dont les entreprises ont besoin
pour se développer?
M. Biron: Là-dessus, je dirai d'abord que ce n'est pas une
subvention. C'est une garantie de prêt d'une entreprise qui serait
vraiment rentable et solvable. Enfin, la pire année d'exploitation de
cette entreprise a été l'année 1981-1982. C'est la seule
année où l'entreprise, en fait, a fait un déficit
important dans le domaine du meuble. C'est une des entreprises habituellement
des plus dynamiques au Québec dans le domaine du meuble. Les emplois ont
été créés en partie dans Lotbinière et en
partie dans le comté de votre collègue, le député
d'Orford, à Coaticook. C'est une entreprise qui a trois usines, deux
dans Lotbinière et une à Orford.
C'est exact que j'ai rencontré le président de
l'entreprise qui m'a conté ses problèmes. C'était en
pleine crise économique, au début de 1982. Il me disait:
J'hésite à monter mes inventaires, j'hésite à
moderniser mon entreprise, j'hésite à engager du monde. Combien
de temps va durer la crise économique? En jasant avec lui, je lui ai
dit: Fais donc une demande pour le plan d'urgence, je pense que c'est
important. Nous, on va gager sur toi, ça ne coûtera pas cher au
gouvernement du Québec et tu vas être capable de créer des
emplois, de conquérir de nouveaux marchés et de te moderniser.
C'est ce qu'il a fait, en réalité. C'était une des
premières décisions de la SDI relativement au plan d'urgence et,
depuis ce temps, nous sommes intervenus très souvent vis-à-vis
des entreprises qui étaient un peu sur la ligne, comme ça, qui
n'étaient pas en faillite, loin de là, au contraire, mais qui
pouvaient nous garantir de prendre une expansion considérable ou
importante et de créer de nouveaux emplois. (17 h 15)
Nous sommes intervenus dans ce domaine et, depuis ce temps, je suis
intervenu à 26 reprises dans des usines de meubles au Québec. Ce
n'est pas la seule usine de meubles. Il y a eu 26 interventions dans le domaine
du meuble. Celle-là en particulier ne coûte à peu
près rien au gouvernement du Québec et, pour créer une
centaine d'emplois, si c'était à refaire aujourd'hui, je
reprendrais la même décision
en disant: II y a une limite à ne pas faire confiance aux gens.
J'ai voulu dire à ce bonhomme-là: Si le gouvernement du
Québec gage sur toi, cela ne coûtera pas cher à la
collectivité, mais toi, tu vas te relever la tête, tu vas regarder
l'avenir avec confiance, tu vas relancer tes usines, tu vas rouvrir l'usine de
Coaticook, qui était fermée à l'époque, tu vas
engager beaucoup de monde à l'usine de Laurierville, dans
Lotbinière, et tu vas réussir à conquérir de
nouveaux marchés. C'est ce qu'il a fait. Je peux me féliciter de
cette décision-là, parce qu'une centaine de personnes de plus au
Québec travaillent à cause de l'intervention du gouvernement du
Québec à cette époque-là.
M. Lincoln: M. le ministre, vous faites de très bons
"speeches", mais je ne suis pas tout à fait convaincu. Vous dites que la
SDI a pris la décision. N'est-il pas vrai que c'est la SDI qui avait
refusé la garantie de prêt parce que l'entreprise était
florissante? Je pense que c'était en août, le conseil
d'administration avait pris la décision de ne pas prêter de
l'argent parce que l'entreprise, selon les analystes financiers, était
en bonne situation. Selon ledit conseil d'administration et selon lesdits
analystes financiers, elle n'avait pas besoin de garantie de prêt; elle
pouvait se subvenir à elle-même. C'est ensuite que vous avez
renversé la décision de la SDI. C'était votre
décision personnelle; cela n'a pas été une décision
de la SDI.
M. Biron: Oui, c'est ma décision de créer une
centaine d'emplois et, pour moi, c'était important. Tenez pour acquis
que le président de cette entreprise n'était pas
nécessairement un ami politique; c'était un vice-président
d'un comté du non au référendum, un organisateur
libéral. J'aurais bien pu dire: Je ne t'aide pas. Je n'ai pas voulu
faire de politique. Au contraire, j'ai dit: Tu es un chef d'entreprise qui est
capable de faire des choses et capable de réussir. Nous allons gager sur
toi, mais tu vas relever la tête, tu vas regarder l'avenir, tu vas
engager une centaine de citoyens. M. le député de Nelligan, je
vous connais assez bien, si vous aviez été à ma place,
vous auriez pris la même décision.
M. Tremblay: Non, monsieur! Vous le connaissez mal.
M. Lincoln: Je vois qu'ils ont...
M. Biron: Vous auriez décidé d'aider une entreprise
québécoise et de créer une centaine d'emplois.
M. Lincoln: ...raison, vous me connaissez bien mal. Si cela avait
été une entreprise de mon comté, je vous assure, M. le
ministre...
M. Biron: Péquiste par surcroît.
M. Lincoln: Non, non, non. Laissons les péquistes et
libéraux. Si cela avait été une entreprise de mon
comté - vous m'avez posé la question - à qui la SDI avait
refusé la chose, je pense que j'aurais procédé avec
beaucoup plus de précaution que normalement. Écoutez, en plus,
l'entreprise est dans mon comté, c'est une entreprise florissante. La
SDI dit: Elle a assez de fonds de roulement pour créer elle-même
son propre capital, passons cet argent-là à d'autres. Et vous
renversez la décision. Vous donnez 500 000 $ à cette entreprise,
ce qui est une garantie de prêt assez substantielle à comparer aux
autres qui sont offertes à des PME.
M. Biron: Je n'ai pas donné d'argent à cette
entreprise, M. le député.
M. Lincoln: Non, une garantie de prêt.
M. Biron: Exactement, la garantie de prêt ne coûte
rien au gouvernement du Québec si c'est une bonne entreprise. Dans le
fond, tout à l'heure, vous me disiez: Vous n'êtes pas assez
sévère vis-à-vis des entreprises; il y en a quatorze qui
ont été en défaut, vous devriez être plus
sévère. Maintenant que je prends des entreprises avec qui on est
certain de ne pas perdre de l'argent, vous me dites: Vous ne devriez pas aider
celles-là non plus. Alors...
M. Lincoln: Non, non, non, non.
M. Biron: ...lesquelles allons-nous aider? Le fil commencera
à être mince tout à l'heure.
M. Lincoln: Non, du tout, du tout, du tout, M. le ministre. Il y
a une distinction. Nous sommes d'accord, nous qui avons vécu dans
l'industrie, le commerce, etc., comme vous l'avez dit vous-même avez
beaucoup de raison, la SDI n'est pas une banque. C'est comme la Banque
fédérale de développement. C'est là pour aider les
entreprises qui n'ont pas assez de fonds de roulement, qui ont besoin
d'être soutenues, etc.
Il y a une grande marge entre cela et choisir une entreprise
florissante. Autrement, on n'a pas besoin de la SDI parce que les banques
aideraient les entreprises florissantes; cela est sûr qu'il n'y aurait
pas besoin de la SDI et de la Banque fédérale de
développement.
Ce qui arrive c'est que nous avons un cas où le conseil
d'administration décide que la situation financière de cette
entreprise est florissante, est excellente, elle peut même subvenir
à ses propres besoins, elle a fait un gros dividende de 200 000 $, elle
peut emprunter de l'argent de la banque. Mais
vous donnez une garantie de prêt de 500 000 $. Vous dites que le
principe, c'est que cela a créé 100 emplois de plus. Ce que je
vous dis, c'est qu'on pourrait justifier des quantités de cas, au
Québec, où on pourrait donner des garanties de prêt de 500
000 $, pour créer des emplois dans des entreprises qui n'ont aucun
problème pour se faire financer. C'était cela, le critère.
Si, demain matin, vous me disiez: C'était une entreprise en grande
difficulté; on a pris des risques parce que la situation allait changer
à cause de l'aide même. Mais ce n'était pas du tout cela.
C'était une entreprise pour laquelle le conseil d'administration a dit:
Nous avons une entreprise qui peut se suffire à elle-même.
M. Biron: M. le député, si c'était à
refaire, je referais la même chose. Si vous m'amenez des entreprises ou
une entreprise de votre comté ou de n'importe quel comté du
Québec dans la même situation et que son dirigeant vienne me dire:
Je suis prêt à créer une centaine d'emplois additionnels si
le gouvernement du Québec a confiance en moi, ne me donne rien ou
à peu près rien, sauf une garantie que je puis emprunter pour
quelques années pour pouvoir faire une planification raisonnable, bien
sûr, je vais dire oui chaque fois. Car, si on multipliait cela par 500
cas, si on le faisait à 500 reprises, on pourrait ensemble créer
50 000 nouveaux emplois au Québec. Il me semble que c'est important.
M. le député, l'action, les gestes que j'ai posés
jusqu'à maintenant, je referais exactement les mêmes. Ma
préoccupation, c'est de créer des emplois. C'est cette
entreprise-là que vous avez remarquée. Vous auriez pu en nommer
d'autres au Québec qui sont situées dans d'autres comtés.
Vous le savez, beaucoup de vos collègues du Parti libéral sont
intervenus au nom d'entreprises situées dans leur comté. Jamais,
une fois, je n'ai fermé ma porte. Chaque fois, je suis intervenu et
même dans plusieurs comtés représentés par des
députés libéraux qui sont intervenus, je suis intervenu
avec mon pouvoir discrétionnaire pour changer des choses, pour corriger
des choses. Mais j'ai pensé que ce n'était pas une question de
politique partisane. C'était beaucoup plus une question de
développement économique et de création d'emplois. Pour
moi, la priorité, c'est de créer des emplois. Dans ce
cas-là en particulier, si c'était à refaire aujourd'hui,
je reprendrais exactement la même décision.
M. Champagne: Même dans le comté de Nelligan.
M. Biron: Même dans le comté de Nelligan.
M. Lincoln: M. le ministre, si vous pouvez trouver chez mes
collègues du Parti libéral, où qu'ils soient, même
dans le comté de Nelligan ou ailleurs, des cas similaires à
celui-ci, je dirai exactement la même chose. Je vous dirai exactement la
même chose. Si vous me citez le cas de la Beauce et si, objectivement, je
trouve que c'est la même chose, je vous dirai exactement la même
chose. Je ne vais pas changer parce que c'est un libéral; cela ne veut
rien dire pour moi.
M. Biron: M. le député.
M. Lincoln: De ce point de vue, je pense qu'il y a des principes
fondamentaux. Cela revient à la question des critères de base,
à ce qu'est la vocation de la SDI: ou bien sa vocation, c'est vraiment
d'aider les entreprises qui n'ont pas de fonds de roulement, qui n'ont pas de
capital, à se "vitaliser" - je ne connais pas le mot français
exact - à prendre de l'essor, à se renflouer, ou bien on
prête à des entreprises florissantes, ce qui a été
le cas ici d'après le verdict du conseil d'administration. C'est la
querelle que j'avais. Le fait que ce soit dans votre comté, cela a
ajouté à la dimension. Le fait que vous ayez nommé le
président - qu'il soit libéral ou qu'il ait voté non au
référendum, cela ne m'intéresse pas beaucoup - ...
M. Biron: Vous allez le perdre.
M. Lincoln: Peut-être que maintenant il a changé
d'idée.
M. Biron: Vous allez le perdre si vous continuez ainsi.
M. Lincoln: Mais peut-être qu'on l'a déjà
perdu. Vous l'avez nommé au conseil d'administration de SIDBEC et,
là aussi, je me pose des questions. Est-ce que le fait que tout cela se
soit enchaîné ne vous tracasse pas, M. le ministre? Cela
m'étonne que cela ne vous tracasse pas. Comment pouvez-vous me dire que
si la même situation se reproduisait, enfin, vous referiez la même
chose? Évidemment, aujourd'hui, pour les fins de la discussion, vous
allez me dire cela, mais j'espère que cela ne se refera pas. On peut
dire que c'est une erreur de parcours. Je ne trouve pas que cela cadre avec les
décisions qui auraient dû être prises en rapport avec les
critères de la SDI.
M. Biron: Ce n'est surtout pas une erreur de parcours.
C'était un des premiers cas que j'ai décidé, dans le fond,
au départ, et c'était pour bien établir que ce plan d'aide
au financement du fonds de roulement des entreprises devait être un plan
dynamique, efficace et conservateur
d'emplois et, en même temps, créateur d'emplois. J'ai pris
cette décision et vous auriez dû être présent dans le
comté de Lotbinière, il y a deux ou trois semaines, lorsque
j'assistais à un brunch où il y avait 500 personnes, un dimanche
matin. J'ai dit aux gens de Lotbinière que j'avais été
critiqué parce que j'étais intervenu pour des entreprises de
Lotbinière. Je leur ai dit: Si cela se représente, je vais
intervenir encore. Et les gens de Lotbinière m'ont appuyé.
M. Lincoln: J'en suis sûr, c'est certain, M. le
ministre.
M. Biron: Cela, c'est pour Lotbinière. Mais ailleurs au
Québec, je suis intervenu souventefois. Vous devriez vous informer
à votre caucus; des députés libéraux sont venus me
voir. Je ne les nommerai pas ici, ce sont de bons députés qui
s'occupent de leur comté.
M. Lincoln: Bien oui.
M. Biron: Ils s'occupent de leur comté. Ils sont venus me
voir pour des cas spécifiques d'entreprises et, chaque fois, j'ai
étudié personnellement le dossier avec les députés.
Peu importe qu'il soit du Parti libéral ou du Parti
québécois, quand un député me rapporte un cas
d'entreprise, je regarde personnellement le dossier et chaque fois, quand je le
peux, j'interviens. Dans ce cas particulier, ce n'est pas une erreur de
parcours. Depuis ce temps, les critères de notre programme se sont
élargis un peu et on admet ce genre d'entreprises qui ont connu des
difficultés temporaires, qui ont besoin d'un coup de pouce de notre
part, qui ont besoin d'une attitude de confiance de la part du gouvernement du
Québec pour créer une centaine d'emplois. Garantir 500 000 $
quand ça ne coûte rien au gouvernement du Québec, parce que
le chef d'entreprise repaie ces 500 000 $ pour créer une centaine
d'emplois sans quoi que ce soit, juste un peu de confiance, je vais le refaire
n'importe quand. Ce n'est pas une erreur de parcours de créer 100
"jobs".
M. Lincoln: Bon, M. le ministre, je regrette que vous ne vouliez
pas revoir la question. En tout cas, je comprends très bien que les gens
de Lotbinière vous applaudissent. Naturellement, c'est un peu normal,
c'est bon pour Lotbinière. C'est sûr qu'ils vont vous applaudir et
crier bravo en plus. Si la même chose s'était passée et
concernait mes collègues libéraux - ça ne
m'intéresse pas du tout - si c'étaient les mêmes
critères, je serais prêt à dire devant vous à chacun
de mes collègues libéraux que je ne suis pas du tout d'accord
avec cette politique. Si vous me disiez que c'est un député
libéral qui est intervenu dans le même sens, je dirais qu'il a
tort, lui aussi.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Nelligan, je crois que sur cette question les avis ont été
clairement énoncés de part et d'autre.
M. Lincoln: Oui.
Le Président (M. Blouin): Je sais qu'il y a d'autres
députés qui ont des questions à poser et qui attendent
depuis quelques heures maintenant.
M. Lincoln: Oui, je m'excuse.
Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député
de Viger.
M. Maciocia: J'aurais seulement une petite question.
M. Champagne: J'ai demandé le droit de parole il y a une
heure et je dois me rendre à une autre commission parlementaire dans
quelques minutes.
M. Lincoln: Je ne le savais pas. Je m'excuse. Je suis tout
à fait disposé à laisser la parole à d'autres.
M. Champagne: D'accord? Vous dites que le ministre a le discours
facile, mais vous avez la parole facile, M. le député de
Nelligan.
Le Président (M. Blouin): Je sais que vous m'aviez
demandé la parole tout à l'heure, M. le député de
Mille-Îles, et, si le député de Viger voulait y consentir,
vous pourriez poser votre question parce que je sais que vous devez quitter
pour vous rendre à une autre commission parlementaire.
M. Champagne: À moins que - je ne sais pas si l'Opposition
y consentirait - je pose une première question et que je laisse mes
collègues continuer ensuite. D'accord?
Le Président (M. Blouin): Vous avez la parole, M. le
député de Mille-Îles.
M. Champagne: J'appuie la position du ministre dans
Lotbinière. J'ai eu des échos du monde des affaires. Des chefs
d'entreprise se plaignent que la bureaucratie est trop lourde. Enfin, il y a un
ministre qui prend des décisions et il les a prises. Il a un pouvoir
discrétionnaire, il y avait une situation d'urgence, il a pris position
et on a entendu parler de chefs d'entreprise qui ont dit: Bravo, on a un
ministre qui prend des décisions. C'est tout à votre honneur, M.
le ministre. Ce ne sont pas simplement les gens de Lotbinière qui vous
applaudissent ce soir, M. le ministre; ce sont tous les gens des
comtés qui regroupent des petites et moyennes entreprises.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Mille-Îles, est-ce qu'il s'agissait là de votre question?
M. Champagne: Non, non, c'est un préambule. Je voulais
faire une observation. Le député de Nelligan a fait beaucoup
d'observations tout à l'heure.
Le Président (M. Blouin): Vous avez la parole, M. le
député de Mille-Îles.
M. Champagne: Je voudrais faire ressortir un point avant de poser
une première question. Tout cela touche les garanties de prêt. Le
ministre n'a pas beaucoup à hésiter lorsqu'il sait qu'il peut
sauver une entreprise en investissant 100 000 $, laquelle va créer ou
maintenir des emplois. Qu'est-ce que c'est, 100 000 $, si cela permet de
conserver des emplois? Cela veut dire, pour un prêt garanti, 6000 $ pour
le gouvernement pendant deux ans à 14% d'intérêt. Cela veut
dire que le risque n'est pas tellement grand. Pour 100 000 $, il en coûte
comme risque 6000 $. Je pense que c'est une chose à faire. Il y en a qui
pensent que c'est une subvention directe de 100 000 $. C'est plutôt 6000
$ qu'on risque jusqu'à un certain point pour créer des emplois
par un prêt ou une garantie de 100 000 $. Ma première question au
ministre est la suivante: Le plan d'urgence a-t-il encore son caractère
d'urgence?
(17 h 30)
M. Biron: Cela s'appelle maintenant le plan d'aide au financement
des entreprises et le plan se continue jusqu'au 31 mars 1984. C'est un
programme conjoncturel. Donc, c'est un programme qui intervient pour une
période de temps bien limitée. Il est intervenu à compter
d'avril 1982 et il durera jusqu'à mars 1984. En même temps, cette
année - je l'ai expliqué, d'ailleurs, ce matin notre
priorité consiste à changer la structure financière des
entreprises pour qu'on ne soit pas obligé d'intervenir en temps de
conjoncture économique difficile pour avoir des entreprises
économiquement et financièrement beaucoup plus saines. Le
programme se continue jusqu'au 31 mars 1984.
Le Président (M. Blouin): Sur le même sujet?
M. Champagne: On a accepté que mon droit de parole soit
cédé, parce que je dois quitter.
Le Président (M. Blouin): Est-ce sur le même sujet,
M. le député?
M. Maciocia: C'est sur le même sujet touchant ce que le
ministre a dit antérieurement.
Le Président (M. Blouin): Non, mais il y a une question
sur le même sujet. M. le député de Rouyn-Noranda, cela va?
Très bien, M. le député de Viger.
M. Maciocia: J'ai une petite question, M. le ministre.
Probablement que c'est une question que vous jugerez à propos ou non. Je
suis resté un peu surpris au moment où vous avez dit que la
décision de garantie de prêt de 500 000 $ destinés à
une société de votre comté a été une des
premières ou la première que vous avez prise. Ce qui me chicote
un peu, ce qui me pousse à poser des questions, c'est qu'elle a
été la première décision ou une des
premières quand il y avait des critères de base pour participer
à ce programme. Si cela avait été un an, six mois ou sept
mois après, je l'aurais un peu mieux acceptée dans le sens qu'on
a amélioré cela après. On a vu que cela ne marchait pas et
on a essayé de changer les critères. Mais là, cela a
été, comme vous l'avez dit, la première ou une des
premières décisions. Cela veut dire que cela a été
fait pour quelle raison? C'est une question naturelle. Je crois que, si vous
étiez à ma place, vous poseriez la même question. Est-ce
qu'il y avait des critères de base auxquels il fallait se conformer pour
avoir droit à cette garantie de prêt? Vous avez
décidé tout à coup que les critères de base
n'étaient plus nécessaires au début du programme. C'est ce
que je trouve un peu étrange.
M. Biron: Tout dépend, M. le député, de la
vision des critères de base. Ma vision des critères de base est
la suivante. C'est une entreprise qui a fait des profits pendant les dix ou
quinze dernières années et, en 1981-1982, elle perd une somme
d'argent importante. La conjoncture continue-t-elle de la même
façon? L'entreprise continue-t-elle d'être déficitaire?
Personne ne le sait au début de l'année 1982. Personne ne le sait
et lorsque je vois une entreprise qui fait des profits pendant deux ans ou
même plus avant et qui perd une somme d'argent importante dans une
année, j'interviens; je regarde ce qui arrive et j'essaie de voir dans
ma boule de cristal. Ma boule de cristal me disait: Si j'interviens aujourd'hui
en fonction du plan d'urgence et que je suis capable de parler à ce chef
d'entreprise, je lui donne la sécurité et la confiance
nécessaire et il repart en créant des emplois additionnels. La
vision de l'analyste de la SDI qui était probablement aussi bonne que la
mienne - et sa boule de cristal était peut-être meilleure que la
mienne - disait: La conjoncture se replacera plus rapidement et il n'a
peut-être pas
besoin d'aide. Mais s'il avait fallu que la conjoncture ne se replace
pas rapidement pour lui et que l'entreprise continue de mal fonctionner et
devienne une entreprise vraiment moribonde au point de vue financier, les gens
seraient revenus contre moi et m'auraient dit: Pourquoi n'es-tu pas intervenu
quand tu pouvais intervenir? Dans le fond, très honnêtement,
l'analyste de la SDI a fait son analyse de la situation selon les
critères du programme et, très honnêtement, j'ai fait mon
analyse selon les critères du programme. Selon mon analyse des
critères du programme, c'est une entreprise qui entrait dans ce cadre.
Je me devais d'intervenir et l'histoire a prouvé que, finalement, c'est
moi qui ai eu raison, parce qu'on a créé 100 emplois
additionnels, sans que cela coûte à peu près rien au
gouvernement du Québec; 100 "jobs", sans que cela ne coûte rien,
je vais en créer n'importe quand.
M. Maciocia: Ce n'est pas la question des 100 "jobs" que vous
avez créées. La question, c'est que cela s'est passé au
début. Je reprends vos paroles. Vous avez dit que c'était
arrivé au début et que c'était probablement une des
premières ou la première décision que vous avez prise.
À ce moment-là, si vous pensiez que les critères
d'adhésion à ce programme n'étaient pas valables pour les
compagnies qui faisaient des demandes dans ce sens, pourquoi n'avez-vous pas
changé les critères au même moment où vous
décidiez de donner à cette entreprise ce que le conseil
d'administration de la SDI avait refusé? Pourquoi l'avait-il
refusé? Parce que cela n'entrait pas dans les critères
d'adhésion au programme.
M. Biron: Non.
M. Maciocia: Vous avez passé pardessus la décision
du conseil d'administration de la SDI pour donner ces garanties de prêt
à cette compagnie. C'est justement la question, le début.
M. Biron: M. le député, à mon point de vue,
cette entreprise rentrait dans les critères du programme. Je n'avais pas
à changer les critères du programme. Ma lecture des
critères du programme à l'époque me disait que
l'entreprise s'y conformait. Enfin, on appelle cela du droit britannique, on
essaie de juger par précédent. Depuis ce temps, on a
établi, dans le fond, une lecture des critères.
M. Maciocia: Juste un instant, M. le ministre.
M. Biron: M. le député, je finis de vous expliquer.
Depuis ce temps, on a établi une lecture des critères de la part
des analystes de la SDI qui ne le savaient pas au départ; personne ne le
savait, c'était un programme vraiment nouveau. On a établi une
lecture des critères qui était un peu plus large du
côté des entreprises qui sont solides afin qu'on puisse
intervenir. La preuve de cela, c'est que jusqu'à maintenant on a 653
entreprises qui nous ont demandé le plan d'urgence pour 31 000 emplois.
C'est quelque chose d'important au Québec. Alors, il y a 653 entreprises
manufacturières qui l'ont demandé ou qui sont en voie de le
recevoir. On a réussi à protéger au-delà de 30 000
emplois parce qu'on a fait en sorte que la lecture des critères du
programme par la SDI soit un peu plus généreuse que juste la
petite ligne très mince dans laquelle on était au début:
Si une compagnie était en faillite, elle n'y avait pas droit et,
aussitôt qu'elle faisait un cent de profit, elle n'y avait pas droit. Il
n'y avait pas beaucoup d'entreprises sur la ligne droite au milieu. Il y en
aurait peut-être eu seulement une centaine. On en a 650. Je pense que
c'est important de le noter. Enfin, on n'a pas changé les
critères, mais on a changé la lecture des critères, la
vision des critères pour faire en sorte que, finalement, aujourd'hui,
les analystes de la SDI acceptent des entreprises qui n'ont pas perdu d'argent
au cours des trois dernières années, mais qui ont besoin d'un
coup de pouce pour renflouer leur fonds de roulement.
M. Maciocia: Est-ce qu'ils acceptent aussi des entreprises qui
font du profit?
M. Biron: Oui.
M. Maciocia: Depuis quand?
M. Biron: Ils acceptent des entreprises qui font du profit, sauf
que, si l'entreprise a augmenté son chiffre d'affaires et a
augmenté son profit au cours des dernières années, elle
n'est pas acceptée. Mais si l'entreprise a eu un profit qui est stable
ou un peu en diminuant, mais qui quand même reste un profit, on
l'accepte. Si vous avez des cas précis à me donner qui ont
été refusés pour des critères comme cela, je suis
prêt à les regarder. Mais je pense qu'à ma lecture des
choses toute entreprise qui a besoin d'un coup de pouce dans son fonds de
roulement pour sécuriser ses emplois ou pour prendre d'autres emplois
est à peu près admissible au plan d'aide au financement des
entreprises à condition de ne pas avoir augmenté son profit et
son chiffre de vente d'une façon importante au cours des
dernières années.
M. Maciocia: Combien, parmi les entreprises qui ont eu des
garanties de prêt, se trouvaient dans la même situation que celle
de Lotbinière?
M. Biron: II y en avait même qui étaient en
meilleure situation que celle de Lotbinière.
M. Maciocia: Combien?
M. Biron: Ah! Je n'ai pas le nombre exact, je pourrais le savoir.
Celle de Lotbinière avait perdu de l'argent d'une façon
importante en 1981-1982. Depuis ce temps, on a accepté des entreprises
à ce plan qui n'ont pas perdu d'argent au cours des dernières
années, mais pour lesquelles le fonds de roulement s'est serré
d'une façon appréciable; autrement, s'il n'y avait pas eu la
conjoncture difficile, c'étaient des entreprises qui auraient
été beaucoup plus vivantes.
M. Maciocia: Est-ce qu'il y en a qui ont payé des
dividendes?
M. Biron: De mémoire, je ne peux pas vous répondre.
Il y en a certainement.
M. Maciocia: Pourriez-vous nous donner les réponses plus
tard, demain?
M. Biron: C'est tout un travail que vous me demandez, de voir 650
entreprises.
M. Maciocia: Oui, mais je crois que vous avez les analyses de ces
entreprises; vous les avez, il s'agit seulement de regarder pendant quinze
minutes pour voir combien il y en a qui ont payé des dividendes au
moment où vous avez octroyé une garantie de prêt.
M. Biron: II y en a de ces entreprises là. Il faut savoir
aussi comment les entreprises fonctionnent dans le fond. Je vous
répète que, grâce à une vision un peu plus
généreuse, un peu plus large de ce plan, il y a beaucoup
d'emplois au Québec qui ont été sécurisés et
protégés.
M. Maciocia: J'attends la réponse.
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
Jacques-Cartier s'impatiente un peu; elle avait demandé la parole.
Alors, je la lui cède.
M. Maciocia: Oui.
Mme Dougherty: J'aimerais aborder un autre élément
du problème, l'évaluation du risque. Le but de cette exercice
n'est pas uniquement de sauver les industries à court terme. Un des buts
est d'améliorer leur rentabilité. Je tiens pour acquis qu'un des
buts de cet exercice de garantie de prêt est de les aider à
améliorer leur rentabilité à long terme. En plus de
l'analyse financière, il faut faire un diagnostic de leur
capacité d'augmenter leur rentabilité.
Pour cette analyse, est-ce que vous utilisez l'expertise qui existe dans
le secteur privé, dans les universités ou au niveau
fédéral, par exemple, où il y a l'Institut canadien
d'information scientifique et technique, des organismes créés par
l'Institut national de la recherche scientifique? Est-ce que vous utilisez ces
ressources? C'est la première question. Deuxième question: Compte
tenu de l'analyse technique et technologique de la capacité de
rentabilité des industries, est-ce que la SDI impose certaines
conditions, exige une certaine amélioration des conditions dans un
certain délai?
M. Biron: Pour tout ce qui regarde le programme d'aide au fonds
de roulement des entreprises, le programme d'urgence, ce qu'on demande, c'est
un plan de redressement à l'entreprise. Je ne vous cache pas que,
même si le coup de pouce qu'on donne au moyen de garantie de prêt
ou de prise en charge d'une partie des intérêts au-delà de
10%, c'est important, ce n'est pas encore ce qui est le plus important. Ce qui
est le plus important, c'est le plan de redressement. L'entreprise est
obligée de se regarder, de dire si elle coupe des salaires, etc. Elle
est obligée de couper tous les dividendes aux propriétaires, elle
est obligée de couper des salaires, elle est obligée d'avoir un
plan de redressement, souvent une nouvelle entente avec ses travailleurs, elle
est obligée de réduire certaines dépenses. Le
redressement, dans ce sens, est très important. Tout cela est
exigé rapidement pour qu'on puisse parvenir à garantir les sommes
nécessaires.
On ne fait pas appel à des instituts spécialisés
comme ceux que vous avez mentionnés, soit au niveau
fédéral ou québécois, comme le CRIQ ou autres,
parce que c'est un programme qui aide au fonds de roulement des entreprises et
une décision doit être prise rapidement. Pour tous nos autres
programmes, on fait appel à des connaissances techniques soit au Centre
de recherche industrielle du Québec, soit au centre national de
recherche...
Mme Dougherty: Vous parlez des autres programmes de la SDI ou
d'autres programmes?
M. Biron: Tous ces autres programmes de la SDI aident les
entreprises dans les domaines de la recherche, du développement et de
l'investissement; ils assistent les entreprises de technologie de pointe ou
plus avancée que la moyenne de leur secteur. La plupart du temps, on a
besoin de connaissances technologiques de l'extérieur de la SDI parce
qu'à la SDI on a des connaissances financières et certaines
autres,
mais on fait appel souvent à des organismes de
l'extérieur. Là-dessus, je peux vous dire que l'on fait souvent
appel au CRIQ. Le CRIQ est en relation constante avec l'Institut national de la
recherche scientifique. Il y a des banques de données qui sont
conjointes entre les deux organismes. C'est très facile pour nous de
bénéficier de ce qui existe ailleurs.
Mme Dougherty: Un autre élément du problème.
Cela va au-delà de la SDI, mais ça touche l'utilisation de
l'expertise extérieure. Dans le discours sur le budget du ministre des
Finances, quand on parle des 10% de "tax credit" pour la recherche et le
développement des entreprises, j'ai noté que...
(17 h 45)
Le Président (M. Blouin): Je m'excuse, Mme la
députée de Jacques-Cartier. Est-ce que je puis vous
suggérer que nous complétions les questions que les membres ont
à poser...
Mme Dougherty: C'était uniquement pour la main-d'oeuvre
non québécoise exemptée dans le calcul des 10% de
crédit. J'étais un peu surprise parce qu'il y a plusieurs
industries, plusieurs entreprises qui doivent faire appel à l'expertise
de l'extérieur parce que l'expertise est un phénomène
mondial et il faut faire appel à n'importe quelle expertise dans le
monde pour améliorer notre compétitivité.
M. Biron: Mme la députée de Jacques-Cartier, j'en
ai discuté avec mon collègue, le ministre des Finances, et je
peux vous dire que, si une entreprise fait appel à une entreprise
privée du Québec pour faire une partie de la recherche et du
développement, cette partie de salaires versée au Québec
est déductible à 10% du salaire. C'est sûr qu'on vise deux
objectifs avec cela. Le premier, c'est de maximiser la recherche et le
développement au Québec et le deuxième, c'est qu'on nous
disait souvent - et je pense que votre parti nous le rappelle très
souvent, hélas - que les impôts sont plus élevés au
Québec pour les hauts salariés qu'à l'extérieur du
Québec. Dans ce sens-là, la personne qui gagne maintenant 50 000
$ par année au Québec ou 50 000 $ par année à
Toronto et qui fait de la recherche et du développement est beaucoup
mieux au Québec qu'en Ontario parce que ses impôts seront
très bas au Québec. En fait, on élimine la grande
totalité des impôts payés au Québec parce que, pour
un salaire de 50 000 $, où vous payez à peu près un
maximum de 13 000 $ ou 14 000 $ d'impôt au Québec probablement,
vous avez une déduction immédiate pour la compagnie de 5000 $.
Donc, votre impôt payé au Québec est très
très bas.
Enfin, on a cherché à développer la recherche et le
développement, mais aussi à faire en sorte que tous ceux et
toutes celles qui font de la recherche et du développement au
Québec puissent dire: Nous payons beaucoup moins d'impôt au
Québec, compte tenu de la déductibilité sur notre salaire.
Donc, au lieu d'avoir un centre de recherche en Ontario, il sera au
Québec. Immédiatement, cela stimulera la recherche et le
développement au Québec.
Là-dessus, cependant, la partie qui sera déductible sera
aussi la partie qui sera faite dans d'autres instituts privés ou des
entreprises privées de recherche et de développement au
Québec, mais on n'a pas voulu déduire le salaire de
l'extérieur.
Mme Dougherty: Je pense surtout aux individus, ingénieurs
ou conseillers, qu'on pourrait embaucher pour un certain temps sur un contrat
pour un travail précis. Cela élimine une certaine
possibilité qui n'est pas très positive pour nos entreprises, je
crois.
M. Biron: Mais c'est très positif pour ceux et celles qui
demeurent au Québec. Dans le fond, ce qu'on a voulu, c'est une
incitation pour des gens de l'extérieur à déménager
au Québec, à déménager leur centre de recherche au
Québec ou leur recherche et leur développement au Québec.
Enfin, par cette décision, on vise à ramener au Québec les
grands avantages de pouvoir travailler au Québec pour faire de la
recherche et du développement. Mais ce n'est pas payant de la faire
à l'extérieur du Québec. Vous avez raison, c'est mieux de
la faire au Québec.
Le Président (M. Blouin): Cela va? M. le
député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.
M. Baril (Rouyn-Noranda-Témisca-mingue): J'aimerais
peut-être parler d'un sujet très important en tout cas
particulièrement pour la région de
l'Abitibi-Témiscamingue. C'est un programme qui répondait aux
grandes aspirations des jeunes finissants et finissantes du Québec.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, c'est ce que je voulais dire tout à
l'heure quand Mme la députée de Jacques-Cartier a pris la parole.
On m'a demandé, si possible, de pouvoir libérer les
fonctionnaires de la Société de développement industriel.
S'il y avait encore quelques questions à ce sujet...
M. Lincoln: J'ai deux questions sur la SDI; après, j'aurai
terminé.
Le Président (M. Blouin): ...j'aimerais qu'elles soient
traitées immédiatement pour
que nous puissions libérer ces collaborateurs. M. Lincoln:
Avec plaisir.
M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue): Cela va.
M. Lincoln: J'ai deux questions sur la SDI; après, j'aurai
terminé.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le
député de Nelligan, vous avez la parole.
M. Lincoln: Concernant la SDI, M. le ministre, il y a une
question très importante qui a été soulevée par le
député de Mille-Îles. Je n'ai pas envie de laisser un
malentendu à ce sujet. Selon moi, il a mal interprété
toute la question, parce qu'il a parlé du risque par le gouvernement du
Québec comme étant un risque de la valeur des
intérêts sur la garantie de prêt. Ce n'est pas du tout le
cas. Il me semble - je suis sûr que vous allez concourir avec moi - que,
selon son interprétation, il disait: On prend 25 000 $; on a un
prêt à un taux de 14%; alors, le risque pour le Québec,
c'est le risque de l'intérêt sur la garantie de prêt. Mais
ce n'est pas du tout le cas. Quand on fait une garantie de prêt, si je
comprends bien, dans le cas d'une entreprise qui fait faillite, la garantie de
prêt c'est toute la garantie qui est impliquée dans le risque. Ce
n'est pas la marge d'intérêt sur la garantie. C'est pourquoi, du
reste, il ne faut pas minimiser la chose et dire que ce n'est rien et qu'on ne
prend aucun risque. Et c'est pourquoi il y a des réserves de prêt
de 25 000 000 $ dans le budget de la SDI. C'est ce que je voulais mettre au
clair. Je crois qu'on se comprend. Le député a l'air
d'interpréter cela comme étant un risque par rapport à
l'intérêt sur la garantie de prêt. Mais ce n'est pas du tout
le cas, parce que, quand on garantit un prêt, s'il y a un risque
quelconque, s'il y a une faillite, c'est toute la garantie de prêt qui
peut être impliquée. Ce n'est pas seulement l'intérêt
sur la garantie. C'est sûr, autrement...
M. Biron: Sur ce sujet, M. le député, je pense
qu'on traitait du cas de l'entreprise de meubles de mon comté et le
député de Mille-Îles voulait bien vous faire comprendre
qu'il n'y avait pas de risque pour le gouvernement à endosser un tel
prêt. C'était une très bonne entreprise et ce l'est
encore.
M. Lincoln: Pour revenir à ce sujet, parce que je pense
que cela a été commencé par mon collègue - cela me
revient à l'esprit - est-ce qu'une des questions primordiales dans toute
cette étude du dossier, si on revient encore à cette question
comme un cas type, ce n'était pas que cette entreprise avait une marge
de crédit à la banque d'environ 1 500 000 $ dont elle ne
s'était jamais servie? Elle ne s'était jamais servie de sa marge
de crédit. Cette marge de crédit était là pour
qu'elle l'utilise presque n'importe quand. En plus, comme il l'a
souligné, il y avait un dividende de 200 000 $ qui aurait pu, au lieu
d'aller dans les poches des actionnaires, dans une conjoncture
économique difficile, être laissé là, dans
l'équité de l'entreprise, dans les surplus de la compagnie pour
faire face aux années difficiles. Cela aurait évité -
c'est le moins qu'on puisse dire - 200 000 $ sur la garantie de prêt. En
plus, il y avait une marge de crédit à la banque de 1 500 000
$.
M. Biron: Concernant les PME, M. le député de
Nelligan, vous avez, vous aussi, vécu dans ce milieu. Vous savez que,
souvent, les propriétaires de PME ne se paient pas beaucoup de salaires
et ils se paient sous forme de dividendes. Cela arrive très souvent.
C'est un abri fiscal qu'ils peuvent réaliser. Or, il y a beaucoup
d'entreprises oeuvrant dans ce domaine et il faut accepter qu'il y ait un
certain dividende de payé qui, finalement, remplace un salaire qui n'est
pas payé. D'autre part, j'ai toujours su qu'administrer, c'était
prévoir; et dans ce sens-là, en particulier, on a voulu
prévoir que ce serait pire dans la conjoncture économique. Mais
je répète que je pense que cela a été une bonne
décision et vous allez être d'accord avec moi
là-dessus.
M. Lincoln: Non, ce n'est pas cela du tout. Dites-moi, enfin, -
c'est ma dernière question; cela m'est revenu à l'esprit - n'y
a-t-il pas une autre entreprise, les Industries maritimes de Tilly - j'oublie
le nom exact; vous devez vous le rappeler - où, là aussi, il y a
eu 375 000 $? Dans ce cas-là, c'était différent. Ce
n'était pas un refus. C'était une espèce d'annonce
prématurée de votre part puisque, avant que la décision
finale du conseil d'administration de la SDI soit prise, vous aviez
déjà annoncé le prêt ou la garantie de prêt
à l'entreprise. Je ne sais pas si c'est dans le cas d'une subvention ou
d'une garantie de prêt d'un montant d'environ 400 000 $, encore une fois,
à une entreprise qui, par hasard, se trouvait dans le comté
où tous les gens vous applaudissent.
M. Biron: M. le député de Nelligan, je ne me
souviens pas de la date de l'annonce. C'était aussi sur le plan
d'urgence. C'était une garantie de prêt. Encore là, c'est
une entreprise qui a beaucoup de succès. On a engagé,
récemment, une quinzaine d'employés additionnels. Je pense que
cela a été une bonne décision. Encore une fois, les gens
de Lotbinière sont heureux de la décision de leur ministre. Mais
non, la recommandation de la Société de développement
industriel
était positive. C'est possible que le chef d'entreprise ait su de
l'analyste de la SDI ou de quelqu'un que la recommandation était
positive. Cela prend, quand même, trois ou quatre jours avant que ce soit
signé, mais habituellement je n'annonce jamais rien avant de signer
véritablement la décision.
M. Lincoln: Ah Bon! Pour une fois, vous admettez qu'il y a eu une
petite erreur de parcours dans ce cas.
M. Biron: Je ne sais, M. le député. Pour moi, cela
n'a pas été annoncé avant. J'ai été bien
surpris d'entendre parler de cela une bonne fois. J'ai pensé que
c'était encore un autre canard lancé en l'air par l'Opposition et
je n'ai même pas vérifier, mais je pourrais le faire.
M. Lincoln: Vous auriez pu vérifier et nous le laisser
savoir.
M. Biron: Je pourrais vérifier; mais je n'ai pas encore,
à ma connaissance, une fois dans ma vie, annoncé une chose qui
n'était pas réalisée.
M. Lincoln: Mais peut-être que vous auriez pu
vérifier ce cas. Alors, s'il y a eu une exception à la
règle, peut-être qu'on pourrait dire: C'était une erreur de
parcours ou il y a eu maldonne et cela ne se refera pas.
M. Biron: Vous savez, il y a tellement de bonnes entreprises dans
Lotbinière.
M. Lincoln: C'est fait.
M. Biron: II y a seulement de bonnes entreprises dans
Lotbinière.
M. Lincoln: Oui, mais le cas est fait.
M. Biron: Les chefs d'entreprises, les travailleurs et les
travailleuses sont tellement dynamiques dans Lotbinière que ce n'est pas
surprenant qu'ils aient aussi un bon député.
M. Lincoln: Elles sont si dynamiques qu'elles ont besoin de
l'aide spéciale de la SDI.
M. Biron: Je peux vous dire que Lotbinière a
peut-être moins souffert de la crise que d'autres comtés. Mon
comté comprend 50% de producteurs agricoles; la production agricole a
peut-être un peu moins souffert. Les entreprises, pour leur part, se sont
très bien comportées.
M. Lincoln: Merci, M. le ministre. Le Président (M.
Blouin): D'accord.
M. Biron: Est-ce qu'on peut s'entendre pour libérer les
gens de la SDI?
M. Lincoln: Oui, tout à fait.
M. Biron: On pourrait leur permettre de vaquer à leurs
occupations.
M. Lincoln: Oui, oui.
M. Biron: On peut accepter le programme qui les concerne, puis
ils pourront quitter.
Le Président (M. Blouin): Est-ce qu'on pourrait adopter le
programme 2?
M. Lincoln: Je crois qu'on s'était mis d'accord pour
adopter tous les programmes dans l'ensemble. Je
préférerais...
M. Biron: C'est juste pour les gens de la SDI, pour être
certain qu'on ne leur demande pas de revenir.
Le Président (M. Blouin): Si l'entente est ainsi faite, je
crois qu'il n'y aura pas de difficulté.
M. Biron: D'accord.
Le Président (M. Blouin): Entendons-nous simplement sur ce
point. L'ensemble des questions a maintenant été posé sur
ce sujet précis de la société.
M. Lincoln: J'aurais préféré qu'on fasse le
tout globalement et qu'on adopte les programmes après.
Le Président (M. Blouin): Nous pourrons adopter les
programmes en bloc, tout en nous entendant sur le fait que...
M. Lincoln: En cas qu'il y ait quelque chose, qu'on puisse
revenir là-dessus.
M. Dussault: En convenant qu'on a fait l'échange voulu sur
la question de la SDI.
Le Président (M. Blouin): C'est cela.
M. Lincoln: M. le député de Châteauguay, je
suis tout à fait d'accord avec vous, mais si, au cours de discussions
subséquentes sur d'autres sujets, il arrivait qu'on touche à
quelque chose qui se rapporte à la SDI, je ne voudrais pas que ce soit
une entente figée dans le ciment. Le ministre est très
souple..
M. Biron: Vous connaissez notre réceptivité
proverbiale.
Le Président (M. Blouin): Nous nous entendons sur le bon
sens. Sur ce, nous
suspendons nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise de la séance à 20 h 08)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre!
La commission parlementaire de l'industrie, du commerce et du tourisme
reprend ses travaux.
Je cède la parole à M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Je pense, M. le ministre, qu'on s'était mis
d'accord avec votre sous-ministre et vos fonctionnaires pour en finir avec les
sociétés d'État ce soir. J'ai parlé du dossier de
la SGF à mon collègue de Mont-Royal et il m'a demandé de
me renseigner pour savoir s'il y aura un projet de loi qui nous permettra de
faire le tour du dossier avec les gens de la SGF d'ici à la fin de la
session. Nous ne voudrions pas perdre la chance, dans le cadre des
crédits, de faire un tour d'horizon sur la SGF si la présentation
du projet de loi était problématique. Est-ce assuré que
vous déposerez un projet de loi et que nous aurons l'occasion de parler
aux gens de la SGF?
M. Biron: C'est assuré, on a un projet de loi. J'entends
faire venir les gens de la SGF pour une séance de la commission
parlementaire soit avant ou après la deuxième lecture; on
s'arrangera ensemble en cours de route.
M. Lincoln: Ce sera avant la fin de la session?
M. Biron: Avant la fin de la session.
La sidérurgie du Québec (SIDBEC)
M. Lincoln: Dans ce cas, nous sommes tout à fait d'accord
pour laisser tomber cela pour le moment. On pourrait peut-être passer
à SIDBEC et en faire un tour d'horizon. Dans le cas de SIDBEC, la
première question sera très brève. Il y a six mois, en
novembre 1982, j'ai fait partie de la commission parlementaire au sujet de
SIDBEC et beaucoup de questions ont été posées en Chambre
depuis. Qu'est-ce qui se passe? Pouvez-vous faire le tour du dossier et nous
dire exactement où on en est en ce moment? Il y avait deux conclusions
principales: vous deviez rencontrer les syndicats, négocier avec eux
pour voir quelle était la situation par rapport à des ententes
possibles au sujet des augmentations de salaire, des conditions de travail,
etc. Deuxièmement, il y avait la question du contrat avec les financiers
de SIDBEC, où on avait laissé entrevoir qu'il y avait
peut-être des possibilités de renégocier la clause qui
permettrait peut-être à SIDBEC d'avoir plus de flexibilité
au point de vue de sa production. Ne pourriez-vous pas parler de ces deux
questions? Peut-être que vous pourriez faire un tour d'horizon et nous
dire où on en est maintenant.
M. Biron: Depuis la tenue de la commission parlementaire au mois
de novembre dernier sur SIDBEC, on avait convenu, d'abord, d'avoir deux
comités tripartites - SIDBEC, les métallos et le MICT - pour
étudier à la fois les activités manufacturières et
les activités minières. Ensuite, on a débattu une motion
du député de Mont-Royal, je crois, quant à l'avenir de
SIDBEC-Normines, au moins tant et aussi longtemps que les décisions
finales ne seraient pas prises pour qu'on puisse continuer à fonctionner
sous une certaine forme vis-à-vis des activités minières.
Depuis ce temps, les comités ont siégé. Ils ont
identifié, premièrement, des éléments
d'économie plus ou moins importants, selon les cas, qui pouvaient
être mis en oeuvre pour beaucoup d'entre eux ou qui pourraient venir
éventuellement dans d'autres cas. Ils ont évalué aussi
différents secteurs d'activités, différents
créneaux de marché pour des produits susceptibles d'être
fabriqués par SIDBEC. En particulier, je pense aux produits plats dans
les activités manufacturières. Le fait que ces comités
aient siégé avec les dirigeants de SIDBEC et les
représentants des travailleurs a réussi à créer un
meilleur climat à l'intérieur même des usines et des
activités minières, à améliorer un peu la
productivité et nous a permis d'économiser à plusieurs
endroits des sommes d'argent assez importantes de sorte que, dans les budgets
de fonctionnement, le déficit prévu de 164 000 000 $ pour 1983 a
été réduit à 132 000 000 $ en cours de route, avec
des économies qu'on a pu identifier. Donc, cela veut dire que les
conséquences de la commission parlementaire ont été
d'identifier et de mettre en route au moins 32 000 000 $ d'économies
dans les activités à la fois minières et
manufacturières.
En ce qui concerne les activités minières, en particulier,
à la suite de la décision qu'on a prise ensemble à
l'Assemblée nationale du Québec, on a gardé les
activités de boulettage ouvertes à 3 300 000 tonnes de
capacité par année, alors qu'on sait que les capacités
sont un peu au-delà de 6 000 000 de tonnes. Cela veut dire que les
lignes de boulettage ont produit à environ 50% d'efficacité ou de
capacité. Nous avons écoulé une grosse quantité de
réserves de minerai qui étaient en inventaire et nous sommes
présentement
en négociation avec nos partenaires quant à l'avenir des
activités minières. Il semble que les activités de
boulettage pourraient se continuer et nous sommes maintenant en discussion
à la fois avec British Steel et Québec Cartier Mining pour
d'autres économies en vue et pour prendre une décision
définitive vis-à-vis des activités minières, sur la
façon dont on va se procurer du minerai québécois au
meilleur prix possible en continuant à bouletter 3 000 000 de tonnes
environ - c'est-à-dire à 50% de la capacité - et en
essayant, si possible, de trouver d'autres marchés.
En même temps, il y a des gens qui sont en pourparler avec les
bailleurs de fonds. La négociation concerne des contrats importants et
nombreux. Les problèmes de négociation sont un peu plus
compliqués qu'on ne l'avait prévu au départ compte tenu
qu'un de nos partenaires, Québec Cartier, est aussi un de nos
fournisseurs importants. C'est elle qui administre la mine, et qui fait le
transport du minerai à partir de Gagnon et de la mine de Fire-Lake
jusqu'à l'usine de boulettage de Port-Cartier. C'est par ces
négociations importantes qu'on essaie d'en venir à une
conclusion. Il faut aussi noter que British Steel ou US Steel, qui sont
propriétaires de Québec Cartier, sont des partenaires dans
d'autres domaines d'activités, en particulier, dans la fusion du minerai
pour en faire de l'acier. Tout cela ensemble veut dire que ce ne sont pas des
négociations faciles, compte tenu des contrats qui existaient dans le
passé. Ce sont des négociations en cours. J'ai rencontré
personnellement les dirigeants de Québec Cartier, certains des
dirigeants de US Steel et nos gens sont en constante communication avec eux.
Pour le moment, on ne peut que dire que nous continuons à
négocier avec la quasi-assurance que les activités de boulettage
se continueront à Port-Cartier. Quant au reste, il y a des
négociations en marche.
M. Lincoln: Est-ce qu'on a pu séparer la question? Si on
se reporte à la motion qu'on avait présentée,
concentrée sur des points assez spécifiques, on avait
suggéré, par exemple, qu'on négocie les clauses de
pénalité des contrats relatifs à SIDBEC-Normines, qu'on
poursuive les activités de SIDBEC-Normines, tant et aussi longtemps que
se poursuivra la renégociation des clauses de pénalité et
qu'on entreprenne une étude approfondie sur les coûts
socio-économiques et sur toutes les conséquences pour la
Côte-Nord de la cessation des activités de SIDBEC-Normines. On
reconvoquera cette commission parlementaire le plus tôt possible, une
fois les résultats de la renégociation des contrats connus. De
toute façon, on demandait de reconvoquer la commission parlementaire au
plus tard le 28 février 1983 afin de présenter un rapport sur
l'état du dossier, incluant toute autre recommandation qui pourrait
découler des délibérations de la présente
commission. Est-ce qu'on aurait pu séparer les deux points? Le premier,
spécifiquement la négociation avec les syndicats. Vous avez
parlé de cela en termes généraux, mais est-ce que vous
pouvez nous dire, en termes spécifiques, à quoi vous pensez
aboutir par rapport à la négociation avec les syndicats?
M. Biron: Avec les syndicats ouvriers vis-à-vis des
Métallurgistes unis d'Amérique, sur la Côte-Nord, il y a un
contrat qui s'applique à toutes les autres exploitations
minières. En d'autres termes, s'il y a une baisse de prix ou s'il y a
une meilleure entente pour la partie patronale avec le syndicat des
métallos pour la mine de Gagnon-Fire-Lake, la même entente
s'applique à Fermont, à Labrador City et à Wabush.
Jusqu'à maintenant, les syndicats ont voulu adopter une position pour
nous dire: Au cours de la prochaine ronde de négociations, on discutera
à fond de l'avenir des mines de fer et nous sommes d'accord pour en
discuter, mais, pour le moment, nous ne pouvons concéder aucun avantage
à SIDBEC-Normines parce que ce seraient les mêmes avantages qu'il
faudrait concéder aux autres compagnies minières sur la
Côte-Nord.
D'un autre côté, il y a de l'ouverture d'esprit de la part
des représentants des syndicats pour d'autres choses qui n'existent que
pour SIDBEC-Normines; par exemple, le transport des travailleurs à
partir de Gagnon jusqu'à la mine de Fire-Lake; il y a 55 milles de
distance entre les deux. Pour cela, il y a des possibilités de
négociation lorsque les activités minières pourront
reprendre à plein. Mais, à l'heure actuelle, parce qu'on a
écoulé beaucoup de minerai de réserve et qu'il y a eu
très peu d'activités minières, il n'y a pas eu encore
d'urgence.
Certaines conditions de transport ou certaines
rémunérations pour le transport, n'existent qu'à
Gagnon-Fire-Lake; ça n'existe pas ailleurs dans les autres mines parce
que les mines sont situées près des villes. Déjà,
on pourrait faire des économies, on les a identifiées, mais elles
n'ont pas été réalisées parce qu'elles
étaient en production encore. Ce serait faisable, c'est la seule mine de
SIDBEC-Normines qui est concernée. Aussitôt qu'on parle d'autres
avantages salariaux, d'autres conditions de travail qui s'appliquent aussi aux
autres mines, vous comprendrez que c'est très difficile pour eux d'en
accepter une seule sans accepter toutes les autres, d'autant plus que le
contrat qui existe entre SIDBEC-Normines et les métallos est exactement
le même contrat pour la même unité syndicale que la mine de
Québec Cartier à Fermont. Cela complique encore les choses
puisque les droits
d'ancienneté s'appliquent aux deux mines ensemble. En pratique,
des gens qui sont mis à pied à Gagnon pourraient aller "bumper"
des mineurs de Fermont et des mineurs de Fermont mis à pied pourraient
venir "bumper" des mineurs de Gagnon. C'est exactement la même
unité de négociation, parce que le gérant de mine, c'est
Québec Cartier.
M. Lincoln: Le gouvernement a-t-il pris une décision? Le
Conseil des ministres a-t-il repensé à la question? Est-ce qu'on
a pris des décisions intérimaires ou finales sur la question de
SIDBEC-Normines en soi? La question avait été laissée en
suspens après la commission parlementaire. Il y a toujours cette
question de la Côte-Nord, de l'avenir incertain des gens qui travaillent
là-bas. On ne sait pas si on continuera, si on fermera, si ce sera
ouvert en permanence. Où se place-t-on? Y a-t-il un
échéancier? Dans quelle direction vous dirigez-vous? Il y a
déjà six mois, on avait parlé de toute cette question.
Est-ce qu'on en est au même point où on en était en
novembre 1982, à part ce que vous nous avez dit?
M. Biron: Non, on est beaucoup plus avancé dans nos
négociations avec nos partenaires et, particulièrement, avec
Québec Cartier, mais le Conseil des ministres n'a pas eu l'occasion de
se pencher à nouveau sur la question parce qu'il n'y a rien de nouveau.
Il n'y a pas de paquet d'attaché, de ficelé au terme des
négociations pour pouvoir dire au Conseil des ministres qu'on est rendu
à prendre une décision. On est encore à l'étape des
négociations avec nos partenaires.
Il y a aussi toute l'implication des quantités de minerai qui
seront attribuées à chacun des partenaires. Lorsqu'on
fonctionnait à 5 400 000 tonnes, on savait d'avance que SIDBEC-Normines
avait 50% et ainsi de suite, mais en produire à 3 300 000 tonnes, il y a
toute la renégociation à faire avec les partenaires quant
à la quantité du minerai extrait ou à la quantité
de tonnes de boulettes qui serait accordée à chacun des
partenaires. Cela aussi complique les choses. Si un partenaire en prend moins,
quelle sera sa pénalité, quel sera son engagement quant au
déficit ou au surplus de l'entreprise minière? C'est tout cela
qui est en négociation présentement, qui est compliqué
parce qu'on a un partenaire qui est en même temps un fournisseur et parce
qu'on a un partenaire qui dirige une autre mine à Fermont, qui a
dû ralentir la production de Fermont de 11 000 000 ou 12 000 000 de
tonnes qu'elle était il y a deux ans à 7 800 000 tonnes environ
cette année. Déjà, notre partenaire, qui emploie un peu de
notre minerai, a sa mine qui lui appartient à 100% et doit ralentir sa
production; alors, cela complique d'autant les négociations avec
lui.
M. Lincoln: Avez-vous un échéancier quelconque ou
si on laisse la situation comme cela, avec un genre de négociation qui
évolue à la longue? On savait, lors de la commission
parlementaire, qu'on avait des partenaires. On savait qu'il y avait le contrat
de fiducie. On savait qu'on avait des clauses de pénalité dans
les contrats. On savait qu'on devrait faire face à cette situation que
les conditions salariales d'une mine affectent celles des autres, etc. Si on
laisse la situation évoluer graduellement, sans
échéancier, sans prise de décision quelconque, c'est dire
qu'on revient au point de départ, on peut dire: On a eu la commission
parlementaire, mais qu'est-ce qu'on a résolu, en fait? Est-ce qu'on
arrivera à un point où on dira: Bon, on prend une décision
arrivé à tel point, selon tel échéancier?
Autrement, autant ne pas avoir eu la commission parlementaire. Les
déficits vont s'accumuler, les mêmes problèmes restent,
tout ce dont on a parlé existait déjà au départ, en
novembre 1982.
Du point de vue de votre ministère, responsable de SIDBEC, est-ce
que vous recommandez au Conseil des ministres d'arriver à un point
où on dit: II faudra arriver à une décision: ou bien, pour
les raisons socio-économiques qu'on a discutées en novembre 1982,
on décide de payer un coût social pour garder ces emplois à
SIDBEC-Normines ou bien on ferme ou bien on renégocie avec les
partenaires pour leur dire: Écoutez, la situation est sans issue, il
faut renégocier les clauses de pénalité? Il me semble
qu'on arrive au même point; on est dans une situation très floue
où il n'y a pas de décision qui se prend.
M. Biron: C'est exact que des décisions ne se prennent pas
parce que ce sont des contrats longs à négocier et d'autant plus
qu'en cours de route on a décidé de produire le minimum possible
en essayant de minimiser les pertes, de les baisser. Je pense que les pertes
à ce chapitre-là sont au minimum qu'on peut atteindre, sauf si on
en vient à une autre décision, à une autre forme d'entente
avec nos partenaires. On avait, justement, à essayer de diminuer les
coûts de fonctionnement - comme on le fait présentement - et, en
cours de route, de négocier avec nos partenaires une meilleure entente,
ou à prendre une décision de tout fermer tout simplement.
Vous me dites aujourd'hui: Vous êtes en face d'une décision
très dure à prendre qui sera peut-être celle de tout
fermer. Mais avant de décider de tout fermer, comme je l'ai, d'ailleurs,
dit en commission parlementaire et plusieurs fois après, il faut aussi
considérer une responsabilité à la fois sociale pour toute
une région, une
responsabilité politique et économique même. Dans ce
sens-là, on a décidé plutôt d'assumer une certaine
perte en cours de route, mais de minimiser cette perte-là au maximum,
d'essayer de la diminuer pour qu'on puisse au moins nous donner une marge de
manoeuvre de négociation.
Lorsqu'on dit qu'on a déjà économisé 32 000
000 $ sur les budgets de fonctionnement, c'est déjà beaucoup.
Cela nous donne une petite marge de manoeuvre pendant quelques mois
additionnels pour essayer de négocier la meilleure entente possible
à la fois pour la Côte-Nord, pour le développement
économique et pour les travailleurs qui sont là.
M. Lincoln: Où est-ce qu'on se situe spécifiquement
par rapport aux clauses de pénalité du contrat de fiducie?
M. Biron: Actuellement, c'est peut-être meilleur
marché pour SIDBEC de payer une pénalité selon les clauses
pour ne pas prendre l'excédent de minerai de fer ou de boulettes qui
serait produit au nom de SIDBEC par l'usine de boulettage; cela c'est au moment
où l'on se parle et depuis la commission parlementaire jusqu'à
aujourd'hui. On prévoit au cours de la prochaine année une
légère amélioration dans le marché pas
nécessairement des boulettes, mais au moins du minerai de fer et,
particulièrement, dans le marché de l'acier avec les produits
plats.
Dans ce sens-là, c'est un peu plus facile aujourd'hui de se
trouver possiblement un ou deux autres partenaires dans la mine, des gens qui
éventuellement auraient besoin de minerai de fer. Il y a quelques mois
seulement, c'était impossible d'en trouver parce qu'il y en avait
partout dans le monde. Je ne dis pas par là qu'il y a des
débouchés extraordinaires et que tout le monde courra
après nous pour avoir du minerai de fer parce qu'ils peuvent avoir du
minerai de fer à meilleur marché et souvent de qualité
supérieure dans certains pays comme le Brésil ou ailleurs. Quand
même, il reste un certain potentiel qu'on n'a pas le droit de ne pas
explorer; on doit essayer de trouver les partenaires possibles dans les
exploitations minières et dans les opérations de boulettage.
C'est ce qui explique, au fond, que la situation évolue lentement. Mais,
à mon point de vue, le fait qu'on a réussi une économie
appréciable, cela nous donne une marge de manoeuvre pour essayer de
trouver la meilleure solution.
M. Lincoln: Mais vous parlez toujours des 132 000 000 $ qui
restent.
M. Biron: Exact.
M. Lincoln: Ce n'est pas de la petite bière. On dit: On
économise 32 000 000 $, mais il nous reste toujours 132 000 000 $.
Est-ce cela, le coût social? C'est la question qui se pose tout le temps.
Quel est le coût social que nous devons payer pour garder la mine
SIDBEC-Normines ouverte et, entretemps, est-ce le coût minimum auquel on
puisse avoir à faire face? Est-ce qu'on a approché les
fiduciaires pour discuter spécifiquement de la réouverture de ces
clauses de pénalité? C'est de cela qu'on parle tout le temps. On
dirait qu'on n'a pas de réponse exacte à cette affaire-là.
On en a discuté en Chambre comme vous le savez; des questions ont
été posées au ministre des Finances assez récemment
sur la réouverture possible de ces contrats. On a dit: Ou bien il faudra
discuter de la renégociation des clauses de pénalité ou
bien la mine ferme et vous perdrez de toutes les façons. (20 h 30)
M. Biron: Non. Les fiduciaires ne peuvent pas perdre de toutes
les façons, parce qu'ils ont la garantie du gouvernement du
Québec...
M. Lincoln: La garantie du gouvernement du Québec.
M. Biron: ...et du gouvernement britannique et de US Steel. Les
pénalités ne sont pas négociables avec les fiduciaires.
Elles sont négociables avec nos partenaires dont l'un est à la
fois notre fournisseur. Avec British Steel et Québec Cartier, on est en
train de négocier un nouveau contrat incluant certains amendements, en
tout cas, en ce qui regarde Québec Cartier surtout, pour lui permettre
de continuer à produire du minerai ou à gérer notre mine.
Les discussions sont à ce niveau-là et c'est beaucoup d'argent,
parce que c'est un contrat qui a été signé pour 30 ans.
Cela représente énormément d'argent.
M. Lincoln: Quand je parle des fiduciaires, je sais qu'on ne
discute pas directement avec eux, mais sans leur assentiment pour un changement
de contrat -si les fiduciaires disent: Écoutez, on garde notre contrat
parce que cela nous avantage; comme fiduciaires, on ne veut pas qu'il y ait des
changements au contrat - c'est presque impossible. Ce sont des décisions
presque futiles avec Québec Cartier et British Steel.
M. Biron: La garantie des fiduciaires, en fait, ce sont les
installations de boulettage, les installations minières et les garanties
des partenaires: le gouvernement du Québec, le gouvernement anglais et
US Steel. Dans ce sens-là, des installations minières qui ne
produisent rien, cela ne vaut rien comme garantie pour les fiduciaires, mais
ils vont se tourner vers les différents gouvernements. Il faut, d'abord,
en venir à une entente entre partenaires, décider
comment le nouveau "partnership" va fonctionner, ce qu'on paie à
Québec Cartier pour administrer nos mines, les droits d'exploitation
qu'on leur paie. On leur paie encore des droits d'exploitation selon les
anciens contrats. C'est tout cela ensemble qui est sur la table
présentement.
M. Lincoln: Je n'ai pas envie de me répéter, mais
quelles sont vos recommandations au Conseil des ministres? Est-ce que vous
voyez un genre d'échéancier? Vous discutez avec Québec
Cartier. Vous discutez avec British Steel et US Steel, la parente de
Québec Cartier. Est-ce que vous avez vous-même en vue un
échéancier selon les discussions? Il y a sûrement un
échéancier. Est-ce que vous pouvez voir quelque chose à
l'horizon? Est-ce qu'on laisse cela fluctuer? Je réalise que vous avez
beaucoup de facteurs qui interviennent, mais, tout de même, quand on
considère les deux partenaires de SIDBEC-Normines, est-ce que vous
pouvez fixer un échéancier? Est-ce qu'on peut dire qu'on va
prendre une décision en août, en septembre, en novembre ou en
décembre? Il y a sûrement un échéancier. On ne peut
pas dire qu'on va discuter tout le temps.
M. Biron: II y a un échéancier. C'est difficile de
dire jusqu'à quand on va discuter. Mais tant et aussi longtemps que les
discussions évoluent, on se dit qu'on s'en va dans le bon sens et qu'on
s'approche de plus en plus de l'échéancier final. Il faut, quand
même, être responsables vis-à-vis de toute cette
société de la Côte-Nord, vis-à-vis de nos
partenaires. Si les négociations bloquaient et qu'on voyait qu'il n'y a
rien à faire, on serait en face d'une décision: ou on continue de
perdre cet argent ou on ferme. Mais tant et aussi longtemps que les discussions
évoluent dans le bon sens et qu'on s'aperçoit que nos partenaires
aussi veulent faire un effort, c'est difficile de mettre un
échéancier très serré.
Mais ce que je peux vous dire, c'est que, jusqu'à maintenant, les
discussions vont dans le bon sens. Donc, il y a ouverture d'esprit. Des clauses
se règlent petit à petit et on voit un peu plus où on va.
Mais je ne peux pas vous donner, ce soir, un échéancier bien
précis en disant: Rendu à tel point, si je n'ai pas atteint mon
objectif, je ferme tout ou je continue à tout payer. Je pense qu'on est
mieux de continuer à économiser peut-être pas par millions
de dollars, comme on le fait présentement, mais au moins on s'en va dans
la bonne direction.
M. Lincoln: Je n'étais pas présent à la
commission parlementaire qui s'est tenue sur la Côte-Nord, mais mes
collègues m'ont dit que, là-bas, des travailleurs
s'interrogeaient sur leur avenir. Si on ne peut pas mettre un
échéancier plus ou moins défini, pour des raisons de
négociations qui continuent dans le bon sens, comme vous dites, ne
pourrait-on pas, au moins, leur laisser savoir que le gouvernement a, en
principe, pris une décision jusqu'à ce que ces
négociations soient terminées, à savoir que, pendant un
temps déterminé, la mine va rester ouverte? C'est toujours la
même question qui se pose et qui se posait en novembre 1982.
M. Biron: Non, M. le député, parce que la mine
reste ouverte. Les usines de boulettage continuent à fonctionner, au
ralenti, vous allez me dire, mais elles continuent à fonctionner tant et
aussi longtemps qu'on n'arrivera pas à une fin ou à une
conclusion de nos négociations. Est-ce que les travailleurs aimeraient
mieux entendre dire qu'à telle date la mine sera fermée
complètement et qu'il ne sera plus question de reprendre des
travailleurs? Je ne le pense pas. Je dis: Tant qu'il y a de la vie, il y a de
l'espoir. C'est dans ce sens qu'on essaie de sauver le maximum, tout en
évitant que ça ne coûte trop cher aux citoyens du
Québec. Ce n'est pas si facile que cela de dire: Vous êtes dehors
à compter de telle date. Si je n'atteins pas l'objectif, bonjour! Tant
et aussi longtemps que ces gens travaillent, il y a une certaine incertitude
pour l'avenir, mais, au moins, il y a un espoir qu'on puisse réaliser
quelque chose. Sinon, le seul autre choix est de dire: Nous fermons à
telle date. Ce ne serait pas tellement drôle pour les gens de la
Côte-Nord. Notre objectif est d'essayer de sauver le maximum d'emplois
possible sans que ça coûte trop cher aux contribuables
québécois.
M. Lincoln: Comme vous le savez, il y avait eu une recommandation
du comité interministériel pour qu'on ferme SIDBEC-Normines. Ce
n'est pas une histoire qui a été forgée; il y a eu une
recommandation de SIDBEC et du comité interministériel, au
départ, qui a provoqué toute l'affaire. La recommandation
était de fermer SIDBEC-Normines. C'est cette recommandation qui a
provoqué la commission parlementaire. À cette commission
parlementaire, notre position était de laisser la mine de
SIDBEC-Normines ouverte, d'essayer de renégocier avec le syndicat,
d'essayer de renégocier avec les partenaires pour voir s'il y a des
ouvertures quelconques. En fait, il y avait eu une recommandation au
comité interministériel; c'est ce qui a provoqué surtout
après ce qui s'est passé sur la Côte-Nord, les actions que
Québec Cartier a prises indépendamment de SIDBEC-Normines - tout
un remous dans la population qui se demande maintenant où on en est.
Nous sommes maintenant dans une situation d'incertitude où
personne ne sait vraiment ce qui se passe. Vous le savez, M.
le ministre, mais nous ne le savons pas. Nous vous l'avons
demandé en Chambre et vous avez dit: Bon, ça continue. À
un moment donné, il y a eu une recommandation du comité
interministériel. On a dit: On ferme la mine. On a convoqué une
commission parlementaire qui a laissé cela dans un état
d'incertitude, car, comme vous le savez, la motion que nous avons
présentée n'a pas été votée. Il n'y a pas eu
de recommandation définitive de la commission parlementaire,
excepté qu'on a dit: Bon, on laisse cela, on se reverra, on
étudiera la question. Pendant ce temps, vous aviez pris l'engagement de
contacter les syndicats. La question du contrat a été
discutée.
C'est sur cela que je voulais revenir, car on est un peu dans la
même situation. Je me demande si, par exemple, on ne pourrait pas
définir une politique quelconque par laquelle on dirait: En principe, la
recommandation du comité interministériel qui avait dit que
SIDBEC-Normines fermerait, pour le moment, est suspendue jusqu'à nouvel
ordre, jusqu'à ce qu'on ait fini les négociations. En fait, il
n'y a jamais eu de contrôle de cette déclaration du comité
interministériel.
M. Biron: M. le député, je pense que votre attitude
là-dessus est exactement la même que celle du gouvernement. On a
adopté ensemble une résolution à l'Assemblée
nationale disant que, tant et aussi longtemps que les négociations ne
seraient pas terminées et que la décision n'aura pas
été prise, les usines de boulettage et la mine continueront de
fonctionner à un minimum au moins, autour de 3 000 000 de tonnes. La
position dont vous venez de faire état est exactement celle du
gouvernement depuis longtemps. Tant et aussi longtemps que la décision
n'est pas prise, nous continuons de fonctionner. C'est ce qu'on fait.
Si vous me demandez ce qui arrivera en fin de compte; c'est sûr
que, si on s'entend avec nos partenaires, si on s'entend avec nos syndicats,
les chances sont que cela continuera de fonctionner. Si on ne s'entend ni avec
les partenaires, ni avec les syndicats, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de
chances que cela fonctionne. Là-dessus, je voudrais faire une offre qu'a
faite Québec Cartier à la fois à son syndicat et aux
métallos de Fermont et de Gagnon, demandant un certain gel des salaires
pour assurer que la mine de Fermont continue de produire. La réponse: le
vote des syndicats a été négatif. Ils ont dit: Si on vote
quelque chose pour Fermont et Gagnon, la même chose s'appliquera à
Labrador-City, à Wabush et à Havre-Saint-Pierre. Finalement, la
réponse même des syndicats a été non. Je ne veux pas
les blâmer; je ne fais que mettre les faits sur la table. Cela veut dire
que, si on ne réussit pas à s'entendre, les chances de poursuite
des activités seront minces. Si on s'entend, il n'y aura aucun
problème à continuer la production. Mais, d'ici ce temps, elle
continue au ralenti.
M. Lincoln: Comptez-vous faire des déclarations en Chambre
pour nous dire exactement où se situe le dossier ou si vous attendez
qu'on vous pose des questions là-dessus de temps en temps pour faire le
point? On laisse cela d'une façon très indéfinie chaque
fois. On se pose des questions. Allez-vous nous mettre au courant par des
déclarations ministérielles, à savoir: Voici la situation
du dossier; il y des progrès définitifs qui ont été
faits. Ou bien attendez-vous qu'on vous pose des questions en Chambre pour
savoir où on s'en va avec cette affaire? Chaque fois qu'on pose des
questions, on revient à la même réponse. Ensuite, on s'en
va et les mois passent.
M. Biron: M. le député, vous avez assez
d'expérience dans le domaine privé de la négociation entre
des entreprises pour savoir que ce genre de négociation ne se fait pas
habituellement sur la place publique.
M. Lincoln: On ne parlait pas des négociations.
M. Biron: L'assurance de succès, au fond, c'est que les
deux parties soient les plus sérieuses possible et qu'on essaie de faire
évoluer ces négociations. Dans ce sens, je n'ai pas l'intention
de faire de déclarations ministérielles tant et aussi longtemps
qu'on n'en sera pas venu soit à une entente avec nos partenaires et les
syndicats, ou soit pour dire que tout est brisé et annoncer la
décision finale. Mais, encore là, je me suis engagé, peu
importe la décision à laquelle on arriverait, à convoquer
une commission parlementaire sur cette décision, rendu en bout de piste,
et je respecterai, bien sûr, l'engagement que j'ai pris.
M. Lincoln: Pouvez-vous nous donner l'assurance à ce
point-ci que les négociations continuent avec les partenaires...
M. Biron: Oui.
M. Lincoln: ...de façon systématique, que ce n'est
pas une histoire qui va et qui vient? Elles continuent?
M. Biron: C'est de façon systématique. On a
engagé des gens pour négocier en notre nom. Personnellement, je
suis les négociations de très près. J'ai même
parlé avec nos principaux partenaires assez souvent et même
fréquemment au cours des dernières semaines.
M. Lincoln: Pour ce qui est de SIDBEC même, les usines
SIDBEC-DOSCO et FERUNI International, où se place-t-on par rapport
à la même chose? Il y avait aussi une déclaration de votre
part en commission parlementaire à savoir que vous alliez
négocier le plus tôt possible. En fait, vous avez formé, je
pense, un comité ad hoc avec les syndicats pour négocier toute la
question, parce que la question des syndicats est encore beaucoup plus
importante pour les usines. Où se place-t-on par rapport à
cela?
M. Biron: Pour les activités de SIDBEC-DOSCO - les
activités manufacturières -c'est déjà mieux que les
activités minières. En tout cas, on voit beaucoup mieux à
travers cela. En particulier, une décision ou une recommandation de
SIDBEC nous disait: Il faut investir tout près de 1 000 000 000 $ dans
l'acier plat si on veut vraiment être à la page. Les
métallos disaient: Non, ce n'est pas vrai, avec 50 000 000 $, 60 000 000
$ ou 65 000 000 $, on pourrait au moins produire pour certains créneaux
de marché. Il semble qu'après discussion des gens de SIDBEC avec
les métallos tout le monde se soit bien entendu là-dessus.
L'acier plat fonctionne, en tout cas, peut-être pas à 100% de
capacité à l'heure actuelle, mais fonctionne très bien et
apporte une contribution assez importante aux activités de l'usine. Dans
ce sens, je dois dire que, du côté de l'acier plat, les nouvelles
sont bonnes, alors qu'elles étaient très mauvaises il y a six
mois, lorsqu'on s'est rencontré.
Dans les autres séries de production, là aussi, on est en
train de prendre des décisions qui ne sont pas encore
définitives, parce qu'on cherche certains partenaires. Je pense, en
particulier, à l'usine de Truscon qui fait des poutrelles d'acier. Il y
a déjà d'autres fabricants québécois du secteur
privé dans le domaine des poutrelles. On est en train de discuter avec
eux pour soit la vente d'une partie de nos actifs dans ce domaine ou soit une
entente avec les entreprises qui existent déjà au Québec.
Dans le domaine de SIDBEC-FERUNI, il y a aussi des discussions qui ont lieu
avec les ferrailleurs privés québécois pour voir s'il n'y
aurait pas d'autres ententes à faire pour en arriver à faire
d'autres économies importantes, des économies d'échelle.
Il n'est pas encore sûr qu'on en arrive à une discussion, parce
qu'ils veulent, eux aussi, certaines garanties, comme SIDBEC qui veut avoir
certaines garanties de prix pour acheter à l'entreprise privée,
mais je pense que ce sont des négociations d'affaires qui se font de
façon très sérieuse. Il est fort possible qu'il y ait
quelques petits éléments des activités
manufacturières, finalement, qui soient dissociés des
activités manufacturières régulières, mais qui
passeraient en "partnership" avec l'entreprise privée.
M. Lincoln: Du point de vue des syndicats eux-mêmes, des
négociations avec les syndicats, spécifiquement, où vous
placez-vous par rapport à une renégociation possible des
conditions de travail et des conditions salariales, etc?
(20 h 45)
M. Biron: II n'y a pas de décision définitive. On
n'est pas arrivé à une entente avec le syndicat. Par contre, on
commence déjà à négocier le prochain contrat; le
contrat qui est en vigueur présentement se termine en décembre
1983. Alors, il nous reste encore sept mois. Déjà, on est en
marche dans la renégociation du nouveau contrat et il semble que, de ce
côté, il y a une ouverture, d'autant plus qu'à
l'intérieur de l'usine, dans la plupart des unités de production,
il y a eu une excellente collaboration de la part des membres du syndicat.
M. Lincoln: Est-ce que vous voulez dire que...
M. Biron: Nous sommes arrivés à des suggestions
très concrètes de la part du comité tripartite:
métallos, SIDBEC et MICT, là-dessus. À l'intérieur
de SIDBEC, on est en train de voir comment on peut appliquer cela, par
étapes bien sûr, au fur et à mesure qu'on pourra se
procurer, d'abord, un peu des fonds nécessaires - parce qu'il y a aussi
une question de fonds qui est en jeu là-dessus -et qu'on saura quelle
sera la participation des travailleurs dans ce domaine.
M. Lincoln: Est-ce que les réunions du comité
tripartite et les recommandations sont en fonction du renouvellement du contrat
de décembre 1983? Est-ce que tout cela se dirige vers la
renégociation des conditions salariales et des avantages sociaux pour
décembre 1983...
M. Biron: Non.
M. Lincoln: ...ou bien si cela se place en fonction d'une
réorganisation de toute l'affaire?
M. Biron: Cela se place beaucoup plus en fonction d'une
réorganisation de toute l'affaire. Cela a été beaucoup
plus des travaux techniques pour l'amélioration de la
productivité, des coûts de production à l'intérieur
de l'usine, tout en continuant au niveau du syndicat, d'autre part, et de la
direction de SIDBEC, leur négociation comme cela se fait dans n'importe
quelle autre entreprise. Mais c'est sûr qu'en fonction des
décisions qui sont à se prendre présentement à
l'intérieur de SIDBEC pour faire les améliorations
suggérées par le comité
tripartite de la part des métallos, on s'aperçoit qu'il y
a un effort comme il ne s'en est jamais fait de la part de SIDBEC pour vraiment
respecter ces travailleurs et essayer de protéger le maximum d'emplois
dans ce secteur.
M. Lincoln: Est-ce que le comité tripartite se
réunit sur une base régulière ou si c'est quelque chose
qui est plus ou moins irrégulier? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Biron: II s'est réuni sur une base
régulière. Il y a eu déjà neuf réunions de
tenues depuis le mois de décembre. La première étape,
c'étaient les opérations minières. À partir de la
fin de décembre, on s'est occupé des opérations
manufacturières. Le comité tripartite, maintenant qu'il a fait
des recommandations, se verra moins souvent. Il reste maintenant, à
l'intérieur de SIDBEC, à voir comment on peut
opérationnaliser les suggestions du comité.
M. Lincoln: Qu'est-ce qui se passe au point de vue de la
gérance de SIDBEC? Il y a eu pas mal de recommandations au point de vue
du marketing international qui était, d'après l'aveu de plusieurs
intervenants au dossier - et SIDBEC même reconnaissait dans sa fiche -
une des failles du dossier. Qu'est-ce qui se passe par rapport à la
réorganisation de toute la gestion, du marketing international?
M. Biron: II y a deux choses. Ce qu'on appelle le marketing
international, SIDBEC international, c'est pour vendre des boulettes dans le
monde entier. Il n'y a pas un marché énorme pour les boulettes.
C'est sûr que c'était peut-être faible à
l'époque, mais, comme le marché n'existe pas, c'est beaucoup plus
difficile, d'autant plus que, maintenant qu'on a réduit la production
à 3 300 000 tonnes, il n'y a pas beaucoup de surplus de boulettes;
alors, c'est plus facile à écouler. Quant au marketing même
des produits manufacturés par SIDBEC-DOSCO, il y a eu toute une
réorganisation dans le système de marketing, une rationalisation,
une spécialisation vis-à-vis de certains produits à
écouler. Il nous semble qu'au cours des derniers mois on peut voir
poindre une amélioration du rendement du service de marketing. Mais les
produits plats, les produits longs et les produits de SIDBEC-DOSCO ne se
vendent pas sur le marché international proprement dit, sauf sur les
marchés américain et canadien.
M. Lincoln: Oui, d'accord. Pouvez-vous nous dire quelle
réorganisation de SIDBEC et de ses filiales a été faite?
Depuis la commission parlementaire, quels changements significatifs ont eu
lieu?
M. Biron: II n'y a pas eu de changements significatifs dans
SIDBEC et ses filiales depuis la commission parlementaire, sauf de petites
filiales, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, Truscon et
FERUNI pour lesquelles on est en pourparlers avec des partenaires
privés.
M. Lincoln: Non, je parle de la gestion de l'entreprise.
M. Biron: II y a eu une rationalisation au siège social.
Il y a eu des économies de ce côté-là, mais,
vis-à-vis de la structure même de l'entreprise et de ses filiales,
il n'y a pas eu de changement.
M. Lincoln: Y a-t-il des pourparlers actuellement? Y a-t-il des
projets de réorganisation qui se font? C'est parce qu'on a beaucoup
parlé, justement, de toute la question de la gestion de SIDBEC et de ses
filiales.
M. Biron: II y a eu des projets de réorganisation. Il y a
eu beaucoup d'actions posées. En particulier, la direction de
SIDBEC-Normines qui était autrefois à Montréal est
maintenant située à Port-Cartier. Je pense que c'est beaucoup
plus près des activités et c'est tout à fait normal. La
direction de SIDBEC - le siège social - était un peu
coupée des activités manufacturières. Il y a maintenant
des rencontres fréquentes entre les dirigeants du siège social et
ceux des activités manufacturières. Il y a une meilleure
interaction ou une interrelation entre les activités mêmes,
à la fois minières et manufacturières, et la direction de
SIDBEC qui, elle, est au siège social à Montréal.
Déjà, on sent qu'il y a eu des économies importantes au
niveau des coupures ou du redressement du personnel au siège social et
il y a une meilleure relation entre le siège social et les
activités minières et manufacturières.
M. Lincoln: Pourriez-vous nous donner un aperçu exact de
la situation actuelle de toute l'entreprise SIDBEC par rapport au
déficit passé? Quelle est la situation maintenant?
Qu'envisagez-vous pour le prochain bilan?
M. Biron: La situation maintenant, c'est 132 000 000 $ de
déficit envisagé, alors qu'à l'époque
où on s'est parlé, en décembre, on envisageait 164 000 000
$ de déficit. Cela veut dire qu'au cours de cette période on a
réussi à identifier très clairement une partie importante
du déficit et à éliminer cette partie, soit 32 000 000
$.
M. Lincoln: Je suis en train de revoir mes notes de la commission
parlementaire et
il me semble qu'on avait parlé aussi de la question des
crédits bancaires de SIDBEC qui étaient en bien mauvaise posture.
Les crédits bancaires étaient épuisés. On
s'était servi de tous nos crédits bancaires. La marge de
manoeuvre était devenue très serrée. On prévoyait
qu'il fallait, les crédits bancaires étant épuises, un
renouvellement du fonds de roulement, etc. Où se place-t-on par rapport
à cela?
M. Biron: On a renégocié nos crédits
bancaires avec les institutions financières. On a
transféré une partie de ces crédits en prêts
à long terme avec ces mêmes institutions financières, la
plupart du temps. Aujourd'hui, il semble qu'on ait encore une petite marge de
manoeuvre. On fonctionne toujours, bien sûr, sur le côté
maximum de notre marge de manoeuvre, ce qui n'est jamais bon pour une
entreprise, mais la situation n'est pas pire qu'elle était à
l'époque.
M. Lincoln: Savez-vous où on se place par rapport à
la marge de manoeuvre? On parlait de 90 000 000 $, ce qui est tout à
fait insuffisant pour une entreprise de cette envergure. Savez-vous où
on se place par rapport à ce chiffre?
M. Biron: La situation dans ce domaine est à peu
près la même qu'elle était à l'époque. Donc,
il n'y a pas eu d'amélioration du côté des crédits
bancaires puisque les activités déficitaires ont continué
à un rythme moins aigu, bien sûr. Mais il n'y a pas eu
d'amélioration à ce chapitre.
M. Lincoln: Mais qu'est-ce qu'on fait vraiment pour
améliorer la situation si on est dans cette position? Qu'est-ce qu'on
fait vraiment pour améliorer cela? Si on était déjà
dans une position où la marge de manoeuvre de 90 000 000 $ était
insuffisante et si vous dites qu'il n'y a pas eu d'amélioration à
ce chapitre, qu'est-ce qu'on a fait réellement? Ce n'était pas
là une question importante, l'amélioration des crédits
bancaires, pour donner une plus grande marge de manoeuvre que ces 90 000 000 $
dont on parlait à ce moment-là?
M. Biron: C'est sûr que la marge de manoeuvre, c'est
toujours important. Le fait de payer un peu moins d'intérêts, cela
aide aussi un peu. D'un autre côté, vous trouvez, dans nos
crédits, un montant de 44 000 000 $. C'est un déficit de ZOO 000
000 $ en raison des exploitations minières, qui a été
refinancé à même des crédits budgétaires du
ministère pour être payé sur une période de dix ans.
Cela libère une marge de manoeuvre pour un an et plus, en attendant
qu'on trouve des formules définitives.
M. Lincoln: Les 44 000 000 $, si je vous comprends bien, cela
nous donnera un genre de sursis d'environ un an.
M. Biron: Plus qu'un an, parce que, 132 000 000 $ de
déficit, ce n'est pas nécessairement 132 000 000 $ en besoins
financiers nets, parce qu'il y a des amortissements de comptés
là-dessus. C'est quand même 200 000 000 $ en besoins financiers
totaux qu'on a améliorés chez SIDBEC. C'est dans ce
sens-là que je vous dis que, maintenant, la situation n'est pas pire
qu'elle était à l'époque; elle n'est pas mieux, non plus.
Mais elle n'est pas pire qu'elle était lorsqu'on s'est parlé.
M. Lincoln: Si je me souviens bien des remarques qu'avaient
faites le P.-D.G. de SIDBEC, il nous disait que, si on n'améliore pas de
façon draconienne notre marge de manoeuvre, si on ne pose pas des gestes
à moyen terme pour essayer de se donner plus de marge de manoeuvre, on
sera obligé d'en appeler au gouvernement et d'aller chercher de l'argent
dans le fonds consolidé du trésor. Je me souviens d'avoir
même fait une remarque dans ce sens-là, sur le parquet, à
ce moment-là. Il disait que dans un an, on serait arrivés
à une situation critique.
M. Biron: Mais la situation a été
améliorée grandement. D'autre part, est-ce le gouvernement qui
doit financer les activités de SIDBEC? Je crois que c'est SIDBEC qui
doit financer ses propres activités. Le gouvernement a pris en charge le
déficit de 200 000 000 $ accumulé par SIDBEC, qui n'a pas
été fait directement à cause des gestionnaires de SIDBEC,
mais bien à cause des contrats qui datent déjà de presque
une dizaine d'années, dans les exploitations minières. À
ce point de vue, cela a amélioré, bien sûr, les
activités de SIDBEC que le gouvernement prenne en charge une partie de
la dette accumulée.
M. Lincoln: M. le ministre, il y a beaucoup de questions qui
restent en suspens et ce n'est pas l'endroit ici pour en faire le tour. Il y a
tellement de choses; c'est un dossier immense. Est-ce qu'on pourrait vous
suggérer que, peut-être à l'été ou au
début de la nouvelle session parlementaire, peut-être en
septembre, on fasse un tour d'horizon, on ait une commission parlementaire
d'une journée uniquement sur le dossier SIDBEC pour voir où on en
est par rapport à ce qui existait en novembre 1982?
M. Biron: Si tout se déroule normalement, à mon
point de vue, au début de la session d'automne, on aura des
réponses à donner sur le résultat des
négociations que nous avons avec nos partenaires et les
fiduciaires. D'une façon ou d'une autre, j'ai pris l'engagement
qu'aussitôt qu'on en viendrait à un accord ou à une
décision du Conseil des ministres il y aurait une commission
parlementaire. Dans ce sens-là, M. le député, je pense que
la commission parlementaire aura lieu dans ce temps-là. (21 heures)
M. Lincoln: D'accord. On pourrait peut-être maintenant
aborder d'autres dossiers et laisser le dossier de SIDBEC.
L'industrie pharmaceutique
J'aurais voulu parler de l'industrie sectorielle, surtout de la question
dont j'avais parlé au sous-ministre qui m'avait demandé:
qu'est-ce qu'on pourrait aborder? Si on pouvait parler un peu de l'industrie
pharmaceutique, de ce qui se passe maintenant et dire quels sont les
développements. Comme Opposition, on a fait des représentations,
nous aussi, aux ministres impliqués à Ottawa. Ma collègue
de Jacques-Cartier, le député de Mont-Royal et moi-même
avons écrit à des ministres pour essayer de voir si on pouvait
s'accorder quant à une amélioration de la question des patentes,
sous l'article 41 de la loi fédérale, pour essayer de voir si on
pouvait arriver à une abolition ou à un amendement de l'article
41. D'après ce que je comprends de la situation, il y a
différentes options qui sont considérées, allant du statu
quo, c'est-à-dire le maintien de l'article 41, jusqu'à
l'abolition de l'article 41. Entre les deux, des options sont
étudiées en ce moment qui iraient - je pense qu'il y a quelque
chose comme cinq options - augmenter les redevances que les
génériques donnent à l'industrie régulière
pharmaceutique, qui iraient dans le sens de considérer un genre
d'exception pour les firmes spécifiques qui font une demande au
fédéral. Alors, chaque cas serait considéré un
à un, un peu comme FIRA, et ce serait un dédale terrible.
Et il y aurait une troisième option mitoyenne, entre le maintien
ou l'abolition, qui irait dans ce sens: si l'industrie pharmaceutique est
prête, comme industrie globale, à fournir une certaine partie de
ses revenus, en accord avec les provinces et le fédéral, pour la
recherche et le développement et qu'il y ait une situation où les
prix des médicaments patentés, avec un contrôle quelconque
de la part des provinces sur ces prix d'accord avec l'industrie pharmaceutique,
à ce moment, le fédéral serait prêt à amender
l'article 41 pour permettre un certain laps de temps entre la certification
d'un produit, la mise en marché d'un produit et l'apparition de produits
génériques.
Une voix: "Licensing."
M. Lincoln: Non, non, non. Pas le "licensing". À partir du
"health registration", de la date du "health registration" ou de la
certification du médicament. Au lieu d'avoir 17 ans de protection sous
le brevet, on dirait: À partir de la date de certification -pas la date
de la patente, mais la date de la certification - de la mise en marché
du produit, on donnerait un certain laps de temps.
Alors, dans les négociations que nous avons eues avec l'industrie
pharmaceutique, plusieurs membres de ce secteur, des P.-D.G. des
différentes compagnies pharmaceutiques, que nous avons chacun dans nos
comtés respectifs, étaient prêts à considérer
un genre de compromis parce qu'ils savent que, politiquement, il serait
très difficile d'abolir l'article 41 complètement, pour plusieurs
raisons. Ils seraient prêts à considérer un genre de
compromis qui irait dans le sens d'une protection de tant d'années
à partir de la date de la certification du médicament
patenté. Ils seraient prêts à s'engager envers les
provinces et le fédéral pour un genre de contrôle des prix
plus ou moins acceptable à tous, un genre de "monitoring" de prix et
aussi à s'engager pour un pourcentage de recherche et de
développement. Sous ces conditions, ils auraient une protection de huit
à dix ans - c'est ce qu'ils semblent demander - à partir de la
date de la certification du nouveau médicament.
Nos informations sont que le gouvernement fédéral est
prêt à s'embarquer dans une des trois options que j'ai
citées. Alors, ce que je voudrais savoir de vous, M. le ministre, c'est
où vous vous placez. Il y a plusieurs intervenants. Il y a
vous-même, et il y a le ministre délégué à la
Science et à la Technologie, etc. Quelle est la position du
Québec et du ministre des Affaires sociales par rapport à ces
différentes options?
M. Biron: Je pense que je vais demander à mon
sous-ministre, M. Beaulieu, de parler en mon nom. C'est très technique,
mais on a beaucoup de choses de faites dans le sens de vos questions. Je pense
qu'on va faire un tour d'horizon.
M. Lincoln: Je suis tout à fait d'accord, surtout qu'on
ait une réponse, c'est très important.
M. Biron: En fait, il faut d'abord dire que le Canada est le seul
pays au monde à ne pas protéger, pour des périodes de 15
ou 17 ans, les découvertes faites dans le domaine pharmaceutique.
M. Lincoln: Oui, oui.
M. Biron: Cela n'existe pas ailleurs. On est absolument
unique.
M. Lincoln: Nous sommes tous au courant, M. Beaulieu.
M. Biron: Notre position là-dessus, en fait, est une
position aussi de compromis, jusqu'à un certain point, que le
gouvernement du Québec avait transmise par la voix des ministres, M.
Biron, M. Paquette et M. Johnson. Ce qu'on demandait, c'est que les
découvertes qui sont faites au Canada soient protégées
intégralement durant 17 ans, suivant la Loi sur les brevets, donc de
retirer l'article 41. L'article 41 est compliqué parce qu'il brevette le
procédé et non pas seulement le produit. L'autre chose sur
laquelle on était prêt à faire un compromis, c'était
pour les génériques. On permettait la fabrication des
génériques à la condition que les matières
premières qui servaient à ces médicaments soient aussi
fabriquées au Canada, que la chimie fine soit faite au Canada, au lieu
d'importer en vrac des produits d'Italie ou d'ailleurs pour simplement les
mettre en capsule ou en bouteille ici. C'était ce qu'on demandait au
gouvernement fédéral.
De plus, je sais que le gouvernement fédéral est en train
de regarder ce qu'on fait ailleurs. On est en discussion constante avec
l'Association des industries pharmaceutiques. Il est en train de regarder les
positions que vous avez mentionnées. Si cela fait l'affaire de
l'industrie, tant mieux. On a pris une position de négociation qui va un
peu plus loin que celle-là et les informations qu'on a, c'est que le
gouvernement fédéral, au niveau du cabinet, devrait prendre
position là-dessus assez prochainement.
M. Lincoln: Pour une fois qu'on peut s'accorder sur quelque
chose, peut-être qu'on aurait pu essayer de trouver un terrain, par
exemple, où on peut aller dans la même direction. Enfin, je dois
aller en Chambre. Je vais laisser continuer mon collègue, qui est en
charge de ce dossier. On a travaillé cela ensemble; alors, il le prendra
à partir de là.
M. Biron: J'espère que vous allez revenir.
M. Lincoln: Pourquoi? Je suis trop gentil?
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Mont-Royal.
M. Biron: Qu'est-ce qui arrive avec la commission de
l'énergie et des ressources? Est-ce arrêté net?
M. Ciaccia: Non. Cela a été ajourné
jusqu'à demain matin à cause de la loi spéciale. Le leader
parlementaire et aussi le porte-parole principal à la commission de
l'énergie et des ressources ne peuvent pas être à deux
endroits en même temps. Pierre Paradis, député de
Brome-Missisquoi, est le porte-parole à la commission du travail. Elle
est ajournée jusqu'à demain matin.
M. Biron: Vos témoins sont en congé.
M. Ciaccia: Je ne sais pas si ce sont nos témoins
aujourd'hui, mais les témoins sont en congé. Mais cela va
reprendre "same time, same session" demain matin. C'est comme un
roman-feuilleton.
M. Biron: Je pense que c'est rendu un roman-feuilleton.
Le Président (M. Blouin): Nous allons revenir à la
pertinence de nos travaux.
M. Ciaccia: Nous allons y revenir, très bien, mais le
ministre, à titre amical, m'a posé une question sur la commission
de l'énergie. Pour revenir aux produits pharmaceutiques, est-ce que vous
avez une position établie vis-à-vis du gouvernement
fédéral? Excusez-moi, je n'ai pas suivi depuis le début.
Peut-être avez-vous répondu à la question. Est-ce que vous
avez une position établie vis-à-vis du gouvernement
fédéral?
M. Biron: Oui, elle a été transmise, en fait, par
les voix officielles des ministres que je vous mentionnais tantôt.
M. Ciaccia: Afin de...
M. Biron: Afin de protéger...
M. Ciaccia: ...protéger...
M. Biron: ...protéger par brevet toutes les
découvertes qui sont faites au Canada.
M. Ciaccia: Pour?
M. Biron: Pour la période normale des brevets, de 15
à 17 ans, en fait, suivant le système normal. C'était la
position qu'on avait demandée il y a six mois, transmise par
écrit.
M. Ciaccia: Autrement dit...
M. Biron: II y a un deuxième volet à la position
sur les génériques qui ne sont pas découverts au Canada,
on exigeait aussi qu'ils soient produits au Canada. La chimie fine, les
matières premières qui servent à faire les pilules, que
cette matière première soit fabriquée au Canada, de sorte
qu'on n'ait pas uniquement des génériques qui font simplement de
la mise en bouteille ou de la mise en capsule. C'étaient les deux
conditions qu'on avait demandées.
M. Ciaccia: Dans les producteurs génériques, quel
pourcentage se situe en Ontario? Quel pourcentage se situe au
Québec?
M. Biron: Principalement en Ontario.
M. Ciaccia: Principalement. Alors, ceux qui sont au
Québec, c'est minime.
M. Biron: C'est minime et c'est récent. C'est à la
suite, en fait, de l'article 41 de la Loi sur les brevets qu'il y a eu un
déplacement de l'industrie pharmaceutique de Montréal vers
l'Ontario.
M. Ciaccia: Est-ce que vous demandez l'abolition pure et simple
de l'article 41 de la loi pour que le brevet existe durant 17 ans, comme dans
les autres pays?
M. Biron: C'est cela. On permettait les génériques
pour ce qui n'avait pas été découvert au Canada.
M. Ciaccia: Est-ce que vous avez d'autres possibilités?
Supposons que le gouvernement fédéral ait des arguments contre
l'abolition pure et simple; est-ce que vous avez d'autres
possibilités?
M. Biron: Ceci est intéressant. On est allé
à Toronto, il y a deux ou trois mois. On a rencontré les gens du
ministère de l'Industrie et du Commerce de l'Ontario qui, autrefois, il
y a plusieurs années, étaient en faveur du
générique, parce qu'ils gagnaient du marché. Maintenant
qu'il y a aussi d'autres genres d'entreprises qui sont établies
là-bas, eux aussi voudraient voir abolir l'article 41 de la loi
C-102.
M. Ciaccia: Même en Ontario?
M. Biron: Même l'Ontario. Là, on commence à
parler à peu près le même langage, parce qu'ils ont des
entreprises qui font aussi un peu de recherche là-bas. Je pense qu'ils
voient que, à long terme, c'est mieux comme cela.
Le pire des systèmes, c'est le système actuel. Le
meilleur, c'est celui qu'on préconise, à notre point de vue,
donc, celui qui fait que l'entreprise privée, selon les formules
habituelles, peut faire de la recherche et trouver des nouveaux produits.
Là où nous permettrions du générique, c'est
sur ce qui se découvre à l'extérieur du Canada. Il y a
beaucoup de recherche qui se fait à l'extérieur du Canada. Dans
ce sens, on permet, quand même, aux entreprises de produire ces produits
génériques s'ils sont trouvés aux États-Unis ou
ailleurs. Il y a une partie des découvertes mondiales qui est faite au
Canada, mais ce n'est pas la grande partie, c'est une petite partie. Cette
partie serait protégée au Canada. Quant au reste, pour nous, on
voudrait que la matière première soit produite au Canada. Alors,
déjà, on encourage des firmes canadiennes.
M. Ciaccia: Mais si le gouvernement fédéral se voit
dans l'impossibilité, pour une raison ou pour une autre, et parce que
beaucoup d'arguments sont invoqués contre l'abolition pure et simple,
est-ce qu'il y aurait d'autres possibilités, par exemple, une
exclusivité dans la vente d'un produit pour un certain nombre
d'années? Est-ce que vous avez envisagé la possibilité de
suggérer cette alternative?
M. Biron: Je disais que la meilleure pour nous est la
période normale des brevets. C'est sûr que si le
fédéral dit: Ce ne sera pas 17 ans, les brevets sur les
médicaments, mais ce sera 10 ans, c'est déjà mieux que le
système actuel. Ce serait une alternative. On se dirait: À
défaut d'avoir tout ce qu'on demande, on en a au moins une partie. Je
juge que, pour que cela vaille la peine de faire de la recherche pour les
entreprises, cela prend un minimum de dix ans. S'il n'y a pas une protection de
dix ans sur leurs produits, cela ne vaut pas la peine de faire de la recherche.
(21 h 15)
M. Ciaccia: Est-ce que vous exigeriez, par exemple, en plus de
donner l'exclusivité, admettons que ce soit 10 ans ou le brevet de 17
ans, qu'un certain montant soit garanti ou qu'il y ait des garanties
d'investissement dans la recherche ici au Canada et pour nous, au
Québec?
M. Biron: Plus on raccourcit la période de
profitabilité du brevet, moins on peut avoir d'exigences de recherche et
de développement. C'est sûr que, si on avait 17 ans, on pourrait
être très exigeant vis-à-vis de la recherche et du
développement. Si on l'abaisse à 10 ans, il faut être un
peu moins exigeant parce que déjà c'est moins rentable pour
l'entreprise. C'est sûr qu'il faut, quand même, lier cela à
une forme de recherche et de développement. Si on exige trop,
l'entreprise ne restera pas, elle va tout simplement s'en aller. Dans ce sens,
je pense qu'il faut exiger jusqu'à un certain point, mais essayer de
pondérer cela avec la profitabilité de la production.
M. Ciaccia: Est-ce que vous seriez prêt à appuyer la
position d'exclusivité pour un certain nombre d'années - si ce
n'est pas 17 ans, admettons 9 ou 10 ans - avec une condition qu'il y ait de
l'argent investi dans la recherche?
M. Biron: Exact. Là-dessus, le fédéral parle
pratiquement de la même chose. C'est peut-être pour sauver les
meubles. Lorsque
vous parlez de dix ans après l'accord de la Commission de
certification des médicaments ou 17 ans après la prise de brevet,
- c'est-à-dire la déclaration d'intention; ce n'est pas la prise
de brevet, car une prise de brevet, cela peut être long - dès que
vous enregistrez votre demande, vous commencez à compter votre temps. Si
vous avez 17 ans à partir de là ou 10 ans à partir de la
certification, on ne parle pas de grande différence. La certification,
cela peut être très long dans le cas d'un médicament et
cela peut être même plus que sept ans. C'est une question
d'envelopper le paquet.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il y a le danger -cela, c'est une autre
raison qui est invoquée - que, si on abolit purement et simplement
l'article 41, les prix des médicaments vont augmenter substantiellement?
Avez-vous des prix sur un certain nombre de médicaments, le prix
maintenant avec la loi, et le prix des mêmes médicaments si la loi
n'existe pas, par exemple, aux États-Unis ou dans d'autres pays?
M. Biron: On a des rapports d'un peu tout le monde
là-dessus, mais tous les rapports ne vont pas dans la même
direction. C'est un peu contradictoire. Je pense que c'est surtout basé
sur le genre de médicament. C'est possible qu'une entreprise trouve un
médicament pour un mal de tête, puisqu'une autre entreprise trouve
un autre médicament pour le mal de tête. Les deux peuvent se
ressembler, quand même, étrangement, mais les deux peuvent
être protégés. Finalement, les deux sont en concurrence
l'un avec l'autre. C'est très rare qu'une entreprise trouve un produit,
un médicament, puis qu'elle va être la seule à l'avoir
trouvé, ce médicament-là. Habituellement, il y a toujours
une deuxième ou une troisième entreprise qui a un
médicament un peu différent, pour guérir le même
mal. Alors, automatiquement, il y a toujours une forme de concurrence quand
même.
M. Ciaccia: Vous devez avoir une liste, par exemple, de prix de
certains médicaments qui sont vendus au Canada, et la même liste
avec les prix auxquels ils sont vendus aux États-Unis où la loi
les protège. Est-ce que vous avez cette comparaison-là?
M. Biron: M. Saint-Cyr, qui est le spécialiste dans le
domaine des médicaments, va vous donner les informations.
De mémoire, je n'ai pas le nom des rapports. Il y eu certaines
études où ils ont comparé des listes de produits au Canada
et aux États-Unis depuis 10 ou 15 ans. Suivant les
échantillonnages - je n'ai pas en mémoire le nom des rapports,
mais il y a un rapport en particulier qui disait que c'était un
échantillonnage assez restreint - il y aurait eu effectivement une
hausse des prix un peu plus rapide au Canada, mais c'était bénin
et ce n'était pas tellement élevé.
M. Ciaccia: II y avait une hausse au Canada qui était plus
rapide.
M. Biron: Dans d'autres cas, c'était l'inverse. Il y avait
un petit peu de contradiction selon les échantillonnages retenus. Je ne
sais pas si, dans le rapport Fowler, on disait qu'il y avait eu
effectivement... C'était le contraire. Les licences obligatoires ici
n'avaient pas fait grand-chose, cela n'avait pas eu grand effet sur les
prix.
Il y aurait peut-être aussi une autre formule, je sais que le
fédéral l'examine, celle-là, c'est qu'au lieu d'exiger 4%
de redevance, elle pourrait être de 6%, de 8% ou de 10% et liée
à la recherche et au développement. Ce serait une autre formule.
Je sais qu'elle est examinée.
M. Ciaccia: Est-ce que vous avez discuté avec les gens de
l'industrie pour savoir quelle formule ils préféreraient?
M. Biron: Les gens de l'industrie évoquent, chaque fois
qu'on leur parle, diverses options. Je pense qu'ils vont un peu à la
pêche vis-à-vis des gouvernements. Ils espèrent qu'il va y
avoir une espèce de compromis. Mais je pense qu'ils sont ouverts
à diverses solutions. Ils seraient peut-être moins
réceptifs à une redevance plus élevée qui ne ferait
que cela. Certaines entreprises génériques seraient probablement
capables d'acquérir, quand même, la license dès que le
produit serait certifié.
M. Ciaccia: Est-ce exact que, si cet article de la loi
était aboli purement et simplement, cela voudrait dire la disparition de
l'industrie générique, et que c'est pour cette raison qu'on
cherche d'autres solutions?
M. Biron: Nous, ce qu'on préconise, c'est de permettre le
générique sur les découvertes étrangères qui
représentent 75% des médicaments.
M. Ciaccia: Oui, mais, comment pouvez-vous faire cela? Si vous
amendez la loi, est-ce que votre solution n'ira pas contre les conventions
internationales sur les brevets?
M. Biron: En disant le générique ici, à
partir de chimie fine et d'ingrédients actifs, c'est peu probable qu'il
s'en fasse. Il y a très peu de chimie fine ou de chimie de
synthèse au pays où on fabriquerait les ingrédients. La
plupart des entreprises pharmaceutiques...
M. Ciaccia: Elles importent, exactement. Elles font de
l'assemblage.
M. Biron: ...de toute façon, font du conditionnement, de
l'emballage, de la recherche clinique. Les possibilités qu'il se
crée vraiment une industrie et du générique et des
ingrédients actifs ici au pays sont encore lointaines.
M. Ciaccia: L'année dernière, je crois -je ne sais
pas si c'est au mois de juin -l'association vous a présenté un
mémoire spécifiquement sur la politique des prix médians.
Je crois que, depuis janvier 1982, le gouvernement du Québec a mis en
application sa nouvelle politique des prix médians. Et, au mois de juin,
l'industrie vous a soumis un mémoire démontrant les pertes de
l'industrie à la suite de cette politique. Elle vous a fourni certains
chiffres et la position qu'elle a prise, je crois, c'était que ce que le
gouvernement épargnait avec cette nouvelle politique était
dépensé plutôt en Ontario, parce que c'était
l'industrie générique qui en bénéficiait. Puisque
l'industrie générique était en Ontario, je pense que 65%
des achats allaient en Ontario. Quelle est la position du ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme sur le mémoire qui lui a
été soumis et sur la demande de l'industrie de modifier cette
politique?
M- Biron: On a, d'abord, formé un comité avec les gens des
Affaires sociales et les gens de l'industrie pour étudier la politique
du prix médian, faire certaines suggestions correctrices. Ce
comité est même allé en Colombie britannique où il
existe un système de prix réel d'acquisition payé par le
pharmacien. Or, le système de la Colombie britannique nous semble plus
juste, en tout cas, à l'égard des fabricants et des
manufacturiers et nous permettrait probablement d'acquérir des produits
québécois.
Il y a une économie appréciable pour les Affaires
sociales, c'est certain: autour de 5 000 000 $. C'est pour cela qu'on est
allé en Colombie britannique parce que c'est un plan qui aurait pu
plaire aux Affaires sociales. On n'a pas de réponse définitive.
Le comité continue à négocier avec les Affaires sociales
pour essayer de concilier à la fois une économie pour le
gouvernement du Québec au point de vue des coûts et
protéger l'entreprise québécoise. Il y a de l'ouverture du
côté des Affaires sociales, mais on n'a pas de réponse
définitive.
M. Ciaccia: Vous avez référé au
système de la Colombie britannique. Est-ce que vous avez des
détails sur ce système?
M. Biron: Au lieu d'avoir un prix qui est fixé comme notre
prix médian au niveau du formulaire, les Affaires sociales en Colombie
britannique remboursent le prix réel d'acquisition au niveau du
pharmacien, avec un prix à chaque pharmacien par ordonnance. Alors, le
pharmacien est un peu comme nos médecins et il est payé à
tant de l'ordonnance, mais il n'y a pas de profit additionnel pour le
pharmacien d'employer un produit plutôt que l'autre. C'est le prix
réel d'acquisition.
M. Ciaccia: II y a une réduction dans le coût
à la province, je présume, avec ce système. Ce n'est pas
autant que celui-ci. Est-ce la différence?
M. Biron: C'est cela. C'est à mi-chemin à peu
près entre les deux.
M. Ciaccia: Et quand vous dites qu'il y a une économie de
5 000 000 $, je crois que l'industrie avait souligné qu'elle avait perdu
10 000 000 $. Alors, vous avez épargné 5 000 000 $, mais, sur le
10 000 000 $ qu'eux projetaient - c'étaient des projections, je pense,
au mois de juin, mais je pense qu'à la fin de l'année la
projection s'était avérée pas mal exacte, même que
c'était un peu au-delà de la projection - 65% de ces 10 000 000 $
ont été dépensés en Ontario. Je pense que cela
faisait partie des raisons qu'ils invoquaient pour modifier cette
politique.
M. Biron: Oui, il y a beaucoup de chiffres qui ont circulé
là-dessus, mais je dois dire que les gens des Affaires sociales sont
ouverts à regarder cela et à essayer de trouver la meilleure
façon de concilier tout cela ensemble. Et c'est pour cela, d'ailleurs,
qu'ils ont accepté notre suggestion de regarder d'autres systèmes
et de peut-être trouver un système qui serait plus compatible avec
leur recherche d'économie et de développement économique
au Québec. Mais l'autre système de la Colombie britannique est un
peu plus compliqué, dans le sens que, lorsque vous payez le pharmacien
à l'acte, cela commence à faire tout un problème
vis-à-vis du système.
Ah oui! Là-dessus il y a une politique d'achat en Ontario. Nous
avons pris la liste des génériques qui est publiée par le
gouvernement canadien, alors que, si on avait eu assez de
génériques, on aurait pu en publier une à nous. L'Ontario
a publié sa propre liste de génériques. Alors, finalement,
sur sa propre liste ils éliminent des entreprises
génériques qui sont productrices à l'extérieur de
l'Ontario. C'est une façon élégante, dans le fond, d'avoir
une politique d'achat ontarienne.
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Je crois qu'il y a un autre élément
du problème. Pendant l'étude des crédits du MAS, si je ne
me trompe pas, le ministre des Affaires sociales a révélé
le coût d'administration du programme des médicaments. Est-ce que
vous êtes au courant du coût d'administration, parce que, si on
soustrait le coût d'administration, il n'y a pas grand-chose qui reste
comme économie pour le MAS? Est-ce que vous étiez au courant de
cela?
M. Biron: Non. Je n'ai pas les coûts d'administration du
programme des médicaments.
Mme Dougherty: Je n'ai pas les documents ici, mais je crois que
le coût est substantiel. Donc, il faut en tenir compte en calculant les
points positifs et négatifs dans cette affaire.
M. Ciaccia: Si la loi fédérale est amendée,
est-ce que cela va changer votre position, vos recommandations vis-à-vis
de votre politique des prix médians? Parce que je peux comprendre
maintenant que, si la loi fédérale permet à l'industrie
générique de produire à des prix plus bas, c'est presque
ancillaire à la loi que, si l'industrie générique peut le
faire, nous allons en bénéficier.
(21 h 30)
M. Biron: Si la loi fédérale était
changée, j'ai l'impression que le prix médian pourrait finalement
profiter davantage à l'industrie pharmaceutique canadienne. Étant
donné qu'on a encore la majorité au Québec,
automatiquement, on reprendrait un certain leadership parce qu'on placerait
à peu près toutes les entreprises au même niveau.
M. Ciaccia: Vous seriez prêt à dire: On est
prêt à faire des recommandations. Je sais que ce n'est pas au
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme à faire des
recommandations pour modifier la politique des prix médians en vue des
modifications de la position fédérale.
M. Biron: Aujourd'hui, on est peut-être obligé de la
modifier pour aider davantage les entreprises québécoises, mais,
si la loi fédérale était changée, peut-être
que la politique du prix médian serait la meilleure. Là on
placerait toutes les entreprises canadiennes à peu près au
même niveau, donc, les entreprises québécoises aussi, parce
que ce seraient les entreprises productrices qui seraient les plus
pénalisées. Alors leur coût monterait, ce qui replacerait
les entreprises québécoises à peu près dans le
milieu.
M. Ciaccia: Je comprends votre point de vue, mais cela ne
changerait pas les...
M. Biron: Cela monterait le coût des...
M. Ciaccia: Ce ne serait pas rétroactif. Cela
s'appliquerait seulement à des nouvelles découvertes. Cela ne
s'appliquerait pas à des médicaments qu'on fabrique maintenant.
On a le droit de produire...
M. Biron: Qu'on a le droit de produire. C'est sûr qu'il
faut viser à protéger au maximum l'industrie
québécoise. On cherche des formules à l'heure
actuelle.
M. Ciaccia: L'association vous l'a dit, la meilleure
façon, c'est de changer votre politique des prix médians parce
que cela profite à l'industrie de l'Ontario. Ce n'est pas votre argent,
mais on a donné des quantités de pertes d'emplois. On a dit que
ce que le ministère des Affaires sociales épargne, cela ne vaut
pas les pertes d'emplois, les salaires, la recherche, le développement,
les impôts, etc., et tout ce qui s'ensuit pour l'industrie et pour
l'ensemble de l'économie. Je n'ai pas devant moi le mémoire
qu'elle vous a soumis, mais elle vous a démontré le nombre
d'emplois au Québec des sociétés qui font de la recherche
et du développement - je crois que c'est au-delà de 2300 emplois
- et l'effet sur ces emplois de votre politique des prix médians, parce
qu'en perdant les ventes, on est obligé de réduire son
effectif.
M. Biron: De toute façon, s'il y avait un changement de la
loi fédérale, on fait des extrapolations, il faudrait vraiment
s'arrêter et regarder quel est l'impact et quel est d'abord le
changement. Quel est l'impact sur les entreprises québécoises et
sur le coût des médicaments? Après cela, on pourrait
ajuster la politique des prix médians en conséquence.
M. Ciaccia: Même avec une modification à la loi
fédérale, serait-il trop tard pour sauver une entreprise comme
Ayerst?
M. Biron: Je pense que le centre de recherche de Ayerst est parti
pour de bon. L'entreprise Ayerst songe même à prendre de
l'expansion à Saint-Laurent à l'heure actuelle, mais c'est pour
la production et non pas pour la recherche.
C'est sûr qu'avec la politique, en changeant la loi C-102, avec ce
que le ministre des Finances du Québec a annoncé pour la
recherche et le développement, les 10% d'impôts négatifs
directement sur les salaires, il y aura un avantage considérable
à faire de la recherche et du développement au Québec,
mais ce qui est déjà perdu, je crains que cela soit perdu.
M. Ciaccia: Quelles sommes d'argent sont consacrées, par
ces compagnies, à la
recherche au Québec?
M. Biron: J'ai les chiffres au ministère, mais je ne les
ai malheureusement pas ici.
M. Ciaccia: Les entreprises pharmaceutiques qui font la recherche
et le développement au Québec, quel montant consacrent-elles ici
à la recherche? La recherche primaire qu'elles font elles-mêmes et
la recherche qu'elles financent dans les universités.
M. Biron: Je ne les ai malheureusement pas ici.
M. Ciaccia: Seulement pour conclure sur ce sujet des produits
pharmaceutiques, est-ce que le gouvernement fédéral vous a
indiqué quand il serait en mesure de prendre une décision soit
sur l'abolition de l'article 41, soit sur un choix, une modification? Quand
sera-t-il prêt à prendre une décision?
M. Biron: Les informations que nous avons au sujet du
gouvernement fédéral sont que le dossier serait rendu ou presque
rendu au Conseil des ministres. Cela veut dire que, dans les prochaines
semaines, il y a une décision qui pourrait se prendre.
Mme Dougherty: J'aimerais ajouter un autre élément
pour l'avenir. Je crois que les règles du jeu imposées par la loi
fédérale auront aussi un impact appréciable sur
l'industrie de la biotechnologie. Aujourd'hui, on parle de l'industrie
pharmaceutique. Le gouvernement parle de la possibilité que les
recherchistes de Ayerst soient transférés à l'Institut
Armand-Frappier. Donc, il y aura le même problème.
Mais, on parle aussi de la priorité de l'industrie des
biotechnologies, je ne sais pas s'il y a des précédents dans ce
domaine. Ce n'est pas clair du tout. Je crois que l'industrie biotechnologique
sera assujettie aux mêmes règles du jeu que l'industrie
pharmaceutique. Donc, il faut prévoir l'impact sur l'avenir de ces
industries.
Il y a quelques années, j'ai demandé à quelques
recherchistes si les inventions dans le domaine de la biotechnologie seront
assujetties aux mêmes règles. Les experts, les recherchistes ne
sont pas clairs là-dessus. Mais il faut prévoir l'impact, parce
que, si la biotechnologie était vraiment une industrie de l'avenir,
l'impact serait même plus important que celui sur l'industrie
pharmaceutique.
M. Biron: D'accord. On va essayer de vérifier pour vous
donner les réponses exactes. Mais, à première vue, je
crois que tout ce qui regarde les produits pharmaceutiques avec la
biotechnologie et les produits de la santé seraient couverts par la loi
fédérale. Donc, cela serait sujet à la même loi. Par
contre, en biotechnologie, on peut trouver une foule d'autres produits qui ne
sont pas nécessairement des produits de santé. Ceux-là ne
seraient pas couverts par la loi fédérale, par la loi C-102. Ils
seraient couverts par d'autres lois. Dans ce sens...
Mme Dougherty: ...produits...
M. Biron: ...les découvertes seraient sujettes à
être protégées par la loi ordinaire sur les brevets.
Mme Dougherty: Mais la loi fédérale ne s'applique
que pour les produits de la santé?
M. Biron: Exact. Mme Dougherty: Oui?
M. Biron: C'est pour cela que je vous dis que ce serait sur les
produits de la santé...
Mme Dougherty: Est-ce que c'est spécifié dans la
loi?
M. Biron: Aliments et drogues.
Mme Dougherty: Mais il y a des zones grises qui sont très
importantes,
M. Biron: Le biotechnologie, vous pouvez vous en servir dans le
domaine de l'énergie et dans beaucoup d'autres domaines.
Mme Dougherty: L'énergie, l'agriculture, même le
fameux débat sur l'arrosage des forêts...
M. Biron: La tordeuse des bourgeons de l'épinette.
Mme Dougherty: Je crois que c'est très important de
vérifier si ces produits sont inclus dans les règles du jeu
imposées par l'article 41.
M. Biron: C'est cela. Tout est ensemble, dans l'article 41. Si
l'article 41 est amendé, j'ai l'impression que le reste va être
amendé. On va aussi s'assurer que les autres produits qui ne sont pas
nécessairement du domaine de la santé, mais qui seraient du
domaine des aliments ou d'autres domaines ne soient pas couverts au moins par
cet article, pour qu'ils puissent faire l'objet de couverture par d'autres
lois, les lois régulières en tout cas. Il semble que, dans le
domaine de l'entreprise, c'est beaucoup mieux si c'est la loi
régulière qui les couvre.
M. Ciaccia: Est-ce que vous êtes prêt à
recommander au ministère des Affaires
sociales d'effectuer des changements à la politique des prix
médians aux mêmes conditions, si le gouvernement
fédéral effectue des changements à sa loi? Est-ce que le
ministère est prêt à dire: Oui, on s'engage, comme
ministère, à faire une représentation auprès du
ministère des Affaires sociales afin de faire modifier cette politique?
Est-ce que l'Association des manufacturiers de produits pharmaceutiques
considère que cette politique est très négative envers son
industrie?
M. Biron: II faudrait d'abord savoir quels sont les changements
qui vont être faits. C'est difficile de dire d'avance, en fonction de
changements qu'on ne connaît pas: Je prendrai telle autre attitude. Je
peux vous dire que je m'engage à continuer à travailler avec le
ministère des Affaires sociales pour faire bénéficier au
maximum les entreprises québécoises du pouvoir d'achat du
gouvernement pour ces produits de la santé.
M. Ciaccia: L'association des manufacturiers de ces produits
voulait que le gouvernement effectue des changements dans la politique des prix
médians, même si le gouvernement fédéral n'agissait
pas, parce qu'ils nous ont montré des chiffres assez
révélateurs à ce sujet. Même avec la loi
fédérale, ils voyaient les produits de leur industrie s'en aller
vers l'Ontario.
M. Biron: Le ministère des Affaires sociales, avec nous, a
été très ouvert là-dessus; il a cherché des
formules pour concilier à la fois économie et
développement économique. Il y a une préoccupation de ce
côté-là.
M. Ciaccia: Aucune action concrète n'a été
prise, aucun engagement. La dernière fois que j'ai parlé aux
représentants de l'industrie, ils se plaignaient qu'il n'y avait pas eu
de réaction de la part du gouvernement. Ils ont fait des
représentations. Je crois qu'ils les ont faites au ministère des
Affaires sociales et au ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme.
M. Biron: Tout le monde est un peu dans l'expectative ou dans
l'attente de la décision fédérale. Une fois que la
décision sera prise au niveau du fédéral, que ce sera
clair et qu'on saura exactement dans quelle direction nous allons, ce sera
beaucoup plus facile, dans le fond. Une fois qu'on saura que l'avenir d'un
produit pharmaceutique, c'est dans telle direction, on avisera en
conséquence pour que les entreprises québécoises en
bénéficient au maximum. (21 h 45)
M. Ciaccia: La réponse que vous me donnez n'est pas
compromettante vis-à-vis de l'industrie. Vous jetez la balle. Je ne veux
mettre personne dans l'embarras, car on n'est pas à la commission de
l'énergie et des ressources, mais mettez-vous dans la position de
l'industrie. Elle perd des millions. La compagnie Hoffmann-La Roche - cela a
joué un peu dans sa décision - a pris 50 employés et elle
les a envoyés en Ontario. Votre intérêt, vous, devrait
être de préserver les emplois et de faire en sorte que cette
industrie soit plus viable qu'elle ne l'est maintenant, qu'elle maintienne sa
position au Québec. Ces gens voient rebondir la balle entre les deux
ministères. Le ministère des Affaires sociales regarde les 5 000
000 $ qu'il épargne, mais c'est à très court terme. Le
coût pour épargner ces 5 000 000 $, selon les gens de l'industrie,
cela ne vaut pas le coup. Alors, peut-être que vous seriez en position de
prendre une décision, de faire une recommandation. Je sais que vous ne
pouvez pas la prendre unilatéralement, mais si, à titre de
ministre de l'Industrie et du Commerce - et moi j'appuie l'industrie dans cette
démarche... Au moins, ce serait un engagement de votre ministère;
après cela, s'ils ont un engagement de votre part, ils pourraient voir
leur tâche facilitée pour faire affaires avec le ministère
des Affaires sociales.
M. Biron: Je peux vous dire, M. le député de
Mont-Royal, qu'il y a une grande préoccupation vis-à-vis de
l'impact économique de la décision; il y a une grande
préoccupation des Affaires sociales dans ce sens-là. Je me
souviens du cas Baxter et Abbott, en particulier; on en a parlé
longtemps. Finalement, à cause d'une décision difficile et
courageuse, je pense, des Affaires sociales, on a un investissement de quelques
millions de dollars dans la région de Sherbrooke qui crée
au-delà d'une centaine d'emplois. Et, comme conséquence
secondaire, les Affaires sociales, maintenant, font une économie
importante dans l'achat de leurs solutés. Or, peut-être que les
quelques millions dont on avait besoin pour un autre domaine vont venir d'une
économie dans ce secteur en particulier. Deuxièmement, le fait
que le ministre des Finances ait annoncé un impôt négatif
de 10% sur les salaires directs des centres de recherche et de
développement, c'est très important pour l'industrie
pharmaceutique au Québec. On en a beaucoup au Québec
là-dessus. Quoi qu'il en soit, je m'engage, aussitôt que la
décision du gouvernement fédéral sera connue, à
discuter avec les gens des Affaires sociales pour que le Québec profite
au maximum des retombées économiques possibles
conséquentes à la décision fédérale.
M. Ciaccia: Et, non seulement les
conséquences des décisions fédérales, mais
aussi une modification aux décisions du gouvernement du
Québec.
M. Biron: J'ai appris à travailler avec vous, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Vous ne dites pas oui et vous ne dites pas non?
Alors, je n'ai pas d'autre question à ce sujet.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Nelligan.
Industrie du vêtement
M. Lincoln: On aurait voulu vous poser des questions sur
l'industrie du vêtement et peut-être faire un tour d'horizon de
cela. Je pense qu'avant de commencer à voir un peu le point qu'on avait
soulevé ce matin, en général, le glissement de ces
industries vers l'Ontario... Qu'est-ce qu'on va faire entre-temps pour la
protection des tarifs, en attendant le GATT, etc.? Je voulais vous poser une ou
deux questions d'ordre général parce qu'il me semble que, lors du
débat que nous avons eu en Chambre vendredi, vous avez parlé de
la question de protection de 75%; que l'industrie cherchait une protection d'au
moins 75% d'écoulement sur le marché canadien. Et, il m'a
semblé que vous étiez d'accord avec cela. Est-ce que j'ai bien
compris que vous adoptiez la politique que l'industrie préconisait: que
75% du marché intérieur soit réservé à
l'industrie canadienne du vêtement?
M. Biron: C'est 75% des dollars de vente. Il y a eu un certain
imbroglio là-dessus à savoir les unités ou un chandail par
rapport à un veston ou quelque chose comme cela, des dollars de vente...
Alors, l'industrie préconise 75% en dollar. Cela veut dire qu'il y a des
pièces qui valent beaucoup plus cher qui pourraient être produites
ici au Canada et des pièces très bon marché qui seraient
importées.
Mon collègue, le ministre du Commerce extérieur, a
parlé de 50%, si je me souviens bien, d'unité de production ou
d'unité de vente. Alors on ne parlait pas tout à fait le
même langage. Il y en a un qui parlait d'unité, de morceau et
l'autre parlait de dollar. Enfin, on est sur la même longueur d'onde.
M. Lincoln: C'est justement ce que je voulais vous demander parce
que, d'après ce que j'avais lu du débat l'autre jour, vous
parliez de 75%; quand je lis ce que M. Landry a dit, il a dit: Ah non! Pas
question. Il a dit à l'industrie: Écoutez, on exporte 40% de
notre marchandise vers les États-Unis, on va être collés
avec un tarif excédentaire. En fait, c'est un peu le cas de l'industrie
du vêtement maintenant avec les États-Unis. Alors, il disait: II
n'est pas question de 75%, c'est pourquoi je voulais me situer? Si vous
êtes en contradition avec M. Landry, où vous placez-vous? Parce
que lui, il parlait en tant que représentant du gouvernement du
Québec.
M. Biron: C'est parce qu'avec l'industrie du vêtement, on
parlait en dollar et mon collègue parlait en unité de production.
Alors, on va essayer de s'entendre pour au moins parler le même langage.
Quant aux Américains, les 85% qu'ils protègent sur leur
marché, c'est en dollar.
M. Lincoln: J'ai essayé d'avoir la déclaration de
M. Landry justement parce que cela nous intéressait. Il me semblait que
c'était au nom de l'industrie que M. Steinberg avait demandé que
75% du marché intérieur soit réservé à
l'industrie canadienne, faisant valoir que ce secteur court à la
catastrophe si la tendance actuelle se poursuivait. Les manufacturiers
canadiens détiennent présentement 63% du marché
domestique, soit une baisse de 9% par rapport à il y a quelques
années. Alors, j'ai compris que c'était un chiffre de vente, que
c'était une dimension en dollar. Quand il dit: On obtient tant du
marché canadien, il me semble que c'est un chiffre en dollar. Alors, il
dit: Toutefois, comme représentant du gouvernement M. Landry a
répondu qu'il n'était pas réaliste d'exiger un
marché protégé à 75% alors que le Québec,
comme le Canada, exporte 30% de ses produits et qu'il espère en outre
conquérir de nouveaux marchés dans les secteurs de pointe, la
biotechnologie, etc.
Alors, il ne situe pas exactement de quoi il parle; mais il me semble
que l'industrie, quand elle parle de 75% de marché protégé
à l'intérieur du Canada, parle d'une dimension en argent
plutôt qu'en unité.
M. Biron: Pour votre information, cela avait lieu au sommet sur
le vêtement et, à la fin de la réunion, il y a eu une
discussion entre les gens de l'industrie et les gens du Commerce
extérieur, M. Landry en particulier. Tout le monde s'est entendu pour
dire qu'on ne parlait pas tout à fait le même langage et qu'on
allait essayer à l'avenir de parler le même langage. Alors,
l'industrie parle en dollar alors que M. Landry a ses statistiques en
unité d'importation, statistiques qu'on détient aussi du
gouvernement fédéral.
M. Lincoln: Mais là, c'est une question importante. Je
pense que M. Landry et vous êtes les deux ministres qui êtes le
plus
directement impliqués dans toute l'affaire. Réellement,
vous allez décider de l'avenir de l'industrie, enfin, jusqu'au moment
où on prendra le pouvoir, ce qui sera dans deux ou trois ans,
aussitôt que les élections auront eu lieu. Enfin, vous avez cette
petite marge de manoeuvre d'un an ou deux. Alors, il faudra, quant au
temps...
M. Biron: Si on décidait à l'heure actuelle, il
faudrait être à Ottawa.
M. Lincoln: Entre-temps, il faudra décider d'une politique
vraiment cruciale par rapport au secteur mou au Canada, compte tenu de
l'échéance du GATT. On arrive en 1987 où on aura une zone
franche par rapport à toute notre industrie. Est-ce qu'on protège
le secteur mou et jusqu'à quel point? C'est là que l'institut des
manufacturiers du vêtement demande à être
protégé jusqu'à concurrence de... Cela pose une autre
question. Si, par exemple, le Canada n'est pas là et qu'avec la
politique du gouvernement actuel il y a séparation, qu'arrive-t-il par
rapport à ces 75% ou ces 50% que M. Landry annonçait? C'est
l'hypothèse du système actuel. Je ne fais pas de discours
politique, je dis cela d'une façon tout à fait objective.
Si, demain matin, vous avez le Québec autonome et vous avez le
Québec dans le Canada... On dit maintenant qu'on protège 75% du
marché canadien. Si le marché canadien n'est pas là... Il
faudrait donc établir une espèce de politique, il me semble. J'ai
lu les discours de M. Landry par rapport au secteur mou. Il dit qu'on formera
un marché commun. C'est sûr que tout le monde se réjouit
à l'idée d'avoir un marché commun, mais on parle du
marché commun d'une façon très sectorielle. On parle du
libre échange de biens et services. On dit qu'on protégera notre
secteur mou. Jusqu'à quel point va-t-on protéger notre secteur
mou? Cela devient un point critique parce que toute protection des secteurs
mous, en attendant qu'on les abandonne... Selon ce que j'ai vu de votre
politique, vous avez dit qu'il n'était pas question d'abandonner les
secteurs mous. Est-ce que j'ai bien compris ce que vous avez dit?
M. Biron: On va essayer de s'entendre pour parler le même
langage. Des entreprises qui ne sont pas modernisées, dans ce
sens-là, je dis que ce sont des entreprises qui... Vous devriez venir
avec moi visiter quelques entreprises dans le domaine du vêtement. Elles
sont informatisées, presque robotisées partout. Ce sont vraiment
des entreprises d'un secteur d'avant-garde, d'un secteur de pointe. Pourtant,
cette entreprise-là produit du vêtement. On en a plusieurs
à Montréal. Ce à quoi on veut en venir, c'est qu'on dit
qu'on n'a pas le droit de continuer de produire du vêtement, de la
chaussure ou des meubles d'une façon artisanale. Ce genre d'entreprises,
ces entreprises qui veulent se développer, employer de la technologie de
pointe et moderne pour produire du textile, du vêtement, de la
bonneterie, des chaussures et des meubles, celles-là on doit les garder.
Il faut même les aider à se moderniser et à se
développer encore plus. Elles pourront conquérir des
marchés.
On vend pour environ 100 000 000 $ par année aux Etats-Unis. On
serait capable de vendre beaucoup plus que cela. On sera capable de vendre plus
si nos entreprises sont capables de produire la qualité
nécessaire à un prix convenable et compétitif.
Déjà, plusieurs de nos entreprises le font. Dans ce
sens-là, ce qu'on a fait depuis un an, c'est qu'on a institué
deux centres de productivité, un pour le textile, un pour le
vêtement, pour essayer de fournir aux entreprises dynamiques, modernes
à l'intérieur de ce secteur-là les connaissances
technologiques, l'aide nécessaire pour se moderniser. On est en train
d'instituer un centre de la mode parce qu'on prétend que la mode
québécoise est non seulement florissante au Québec, mais
qu'elle peut sortir à l'extérieur du Québec et aller aux
États-Unis, au Canada anglais et partout. On a eu, la semaine
dernière, l'exposition internationale de la fourrure. Dans le fond, les
fourrures canadiennes sont faites à Montréal. Parmi les gens qui
conçoivent des pièces de fourrure, je pense que les meilleurs
concepteurs sont à Montréal.
Malheureusement, jusqu'à maintenant, on a laissé nos gens
se former et se développer. Pourquoi ne ferait-on pas connaître
davantage Robichaud, Chevalier, tout ce monde-là? On a un effort
énorme à faire de ce côté-là. Avec le centre
de la mode, on met en relation les concepteurs, les designers avec les
manufacturiers et souvent des magasins de détail pour être certain
que toute l'intégration se fera d'un bout à l'autre et qu'on fera
connaître davantage les grandes marques, les grands couturiers
québécois. Dans ce sens-là, je suis d'accord avec vous ou
avec mon collègue Landry ou avec d'autres qui vont me dire qu'ils feront
disparaître les industries qui se trouvent dans le secteur mou. Il faut
cependant absolument garder des secteurs tradionnels, mais avec des entreprises
qui sont dynamiques, efficaces et modernes; autrement, on manque
complètement le bateau. C'est dans ce sens-là qu'on va s'entendre
très clairement. (22 heures)
Le Président (M. Blouin): Messieurs les membres de la
commission, il est presque 22 heures. Nous avons eu une discussion, avant la
reprise de cette commission à 20 heures. Une hypothèse
s'était alors dégagée selon laquelle nous pourrions
poursuivre nos travaux
puisque l'Assemblée nationale siégera assez tard, jusque
vers minuit. Ceci nous permettrait de compléter une séquence
d'environ 8 heures et 30 minutes de travaux pour aujourd'hui. Je crois donc
que, dans les circonstances, nous pourrions éviter de revenir demain
matin et il resterait 6 heures et 30 minutes de travaux pour jeudi prochain, le
19 mai; c'est ce qui est prévu, me dit-on. Les deux heures
supplémentaires que nous pourrions faire ce soir pourraient combler en
bonne partie les trois heures prévues pour demain. Nous pourrions donc
éviter de revenir demain matin.
M. Biron: Est-ce que c'est assuré qu'on ira jusqu'à
minuit, à l'Assemblée nationale?
Le Président (M. Blouin): On me dit à tout le moins
jusqu'à 23 h 30.
M. Lincoln: Je suggère de continuer, si les fonctionnaires
sont d'accord. Je n'ai pas l'intention de déranger qui que ce soit,
mais, si cela vous va...
Le Président (M. Blouin): D'accord, nous poursuivons.
M. Biron: Et nous ne venons pas demain matin?
M. Lincoln: Nous poursuivrons jusqu'à l'heure de
l'Assemblée nationale parce qu'il faudra prendre un vote. Il faudra
donc...
M. Biron: II y a un vote; oui, il y a un vote.
Le Président (M. Blouin): Je crois que nous pourrions
poursuivre nos travaux et, lorsque l'Assemblée ajournera...
M. Lincoln: On ajournera nos travaux.
Le Président (M. Blouin): II est possible, avec le
consentement unanime, que nous poursuivions jusqu'à minuit.
M. Biron: Je pense qu'on se rendra jusqu'à minuit, mais
pas plus tard.
Le Président (M. Blouin): II est très possible que
nous poursuivions jusqu'à minuit, selon le désir des membres de
la commission. Je considère que nous pourrions poursuivre nos travaux
jusqu'à minuit...
M. Biron: Est-ce qu'on pourrait faire les arrangements pour la
semaine prochaine?
Le Président (M. Blouin): Ce sera fait, par la suite,
entre les leaders, et le leader du gouvernement les annoncera en Chambre,
mercredi prochain.
Nous poursuivons donc nos travaux.
M. Lincoln: Je pense qu'il est important de situer exactement
où on en est. Je comprends exactement ce que vous voulez dire. Moi, par
ce mot, je comprends qu'il s'agissait d'une industrie traditionnelle, de base,
historique qui emploie beaucoup de gens de façon artisanale,
semi-artisanale, plus ou moins moderne et très moderne, très
modernisée, très technologique, très avancée, mais
qui, en même temps, est sous l'empire d'une concurrence tellement
accentuée au cours des années, surtout de la part des pays du
tiers monde, qu'elle est maintenant en péril, qu'elle met beaucoup de
ses travailleurs en péril. Il y a des glissements continuels à
cette industrie. Si vous prenez un secteur total qui emploi plusieurs milliers
de gens - je pense à 50 000 - vous dites: Ce sont eux qui sont
attaqués. Il faudra trouver une solution d'une façon ou de
l'autre.
Votre solution est de dire: On va retirer les mauvais fruits, on va les
laisser pourrir. On ne pourra pas les sauver parce que, s'ils ne se modernisent
pas, ils sombreront, de toute façon. On va détacher de cela toute
la modernisation de l'industrie, toute l'industrie de pointe, toute l'industrie
qui s'est recyclée. De plus, on va lui donner une autre dimension, par
exemple la mode pour enfants, les fourrures. Cela pourrait devenir beaucoup
plus avancé et ce serait une deuxième transformation de
l'industrie. Je suis d'accord. Le point crucial est que vous avez à
faire beaucoup dans un laps de temps très court. Nous faisons face
à des échéances qu'on ne peut pas éliminer. On fait
partie du GATT, on fait partie de la zone de libre-échange. En 1987, on
en arrivera au point d'être pratiquement dans un marché commun
avec les États-Unis. Toutes les franchises, au point de vue de
l'exploitation, seront éliminées, même les importations
seront, à ce moment-là, pratiquement éliminées. Que
faut-il faire?
Il faut qu'on se demande si on doit protéger certains secteurs,
soit le vêtement... Je ne parle pas d'une industrie ou de l'autre, d'une
usine ou de l'autre, mais plutôt d'une industrie comme les meubles, par
exemple. L'industrie du vêtement demande à être
traitée comme un ensemble. Elle ne dit pas: Protégez nos
industries qui vont sombrer; elle dit: Protégez-nous en tant
qu'industrie. L'industrie du vêtement nous dit: Bon, nous cherchons une
protection du marché canadien qui va favoriser notre industrie à
75%. C'est une demande formelle qu'elle fait. Là, il faudra que nous
fassions un compromis, parce que, si on protège l'industrie, on a le
problème que soulevait M. Landry: des représailles
américaines, des mesures américaines similaires. En fait, on sait
très bien que, maintenant, sur certains vêtements, ils adoptent
une politique, ils disent: Notre tarif douanier va presque doubler, parce qu'on
considère cela comme des... Ah oui, on a
mis quelques boutons; c'est un vêtement décoratif.
Déjà, on commence à sentir cela.
Il faudra qu'on adopte une politique où on arrive à faire
ce genre de transition qui va durer quelque chose comme quatre ou cinq ans.
Votre solution est de dire: Bon, nous allons prendre, parmi les compagnies de
vêtements, celles qui veulent être sauvées; nous allons les
aider à se moderniser, etc.; les autres, nous allons les laisser
sombrer. Mais, entre-temps, l'industrie elle-même - et c'est là le
dilemme - dit: Ah non, traitez-nous comme une industrie. On est solidaire. On
vous demande une protection de 75%. Même là, il y a des
divergences de vues. M. Landry dit: Bon, je suis dans l'exportation, il faut
que je fasse attention aux Américains. Vous vous êtes
dirigé beaucoup plus vers le marché intérieur, c'est
normal; alors, vous voyez cela comme un sauvetage. Quelle est la politique
prioritaire du gouvernement, pas celle du ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme? Le gouvernement, quelle est sa politique prioritaire pour la
protection de l'industrie dans son ensemble dans les prochaines cinq
années, jusqu'à l'échéance du Tokyo Round en 1987?
Ensuite, est-ce qu'on élimine les barrières? Est-ce qu'on
continue les barrières tarifaires, assumant le système actuel
canadien, assumant que rien n'est changé jusque-là? Qu'est-ce
qu'on fait par rapport à cette industrie? Je parle de l'industrie qui
est traitée comme une industrie plutôt qu'une agglomération
de bonnes usines et de mauvaises usines.
M. Biron: Vous savez, on a un avantage des fois à
être petit. Dans ce sens-là, vous avez mentionné tout
à l'heure le tarif des ornements, de la décoration aux
États-Unis. Le marché américain est autour de 40 000 000
000 $ de vêtements par année, c'est beaucoup d'argent. Nos
entreprises québécoises nous disent qu'il y a une
possibilité de vendre pour 500 000 000 $ aux États-Unis. C'est
1,2% du marché américain. Ce n'est pas beaucoup, 1,2%. Je pense
qu'on pourrait l'atteindre en visant certains créneaux de
vêtements, particulièrement les vêtements qui sont de la
plus haute qualité et qu'on peut vendre un peu plus cher. Car il y a une
clientèle qui va acheter bien bon marché, une clientèle de
moyens acheteurs et une petite clientèle qui va payer cher pour de la
haute qualité avec un grand nom. Nos entreprises
québécoises, en tout cas à l'occasion du sommet, nous ont
demandé d'intervenir énormément vis-à-vis du
gouvernement fédéral et du gouvernement américain pour
essayer de faire disparaître la clause ornementale.
Si on la faisait disparaître et si on faisait descendre le tarif
douanier régulier à 22% au lieu de 42,5%, les plus dynamiques de
nos producteurs - pas ceux qui produisent, de façon artisanale, une
très basse qualité, mais ceux qui produisent une bonne
qualité -prétendent qu'on pourrait aller chercher 500 000 000 $
de chiffres de vente là-bas. Or, dans ce sens, je crois qu'il faut se
spécialiser dans certains créneaux de produits. Je ne voudrais
pas voir le Québec embarquer dans deux ou trois domaines de production,
juste la biotechnologie ou juste l'informatique. Je pense qu'il n'y a pas
d'avenir pour juste quelques produits. Je pense qu'il faut garder plusieurs
séries de production, mais produire les petites séries qui ne
sont pas rentables pour les grandes entreprises américaines, en
particulier, mais des petites séries de haute qualité. Ce que je
vous dis pour le vêtement, j'en ai la même vision pour SIDBEC. Au
lieu de produire de la tôle à automobile, on est peut-être
mieux de produire de la tôle galvanisée qui se vend en petite
quantité, mais à un prix beaucoup plus cher la tonne. C'est la
même chose dans le domaine du vêtement. C'est pour cela que les
centres de productivité, le centre de la mode a voulu changer la
structure des entreprises.
On a un autre programme, un programme de regroupement d'entreprises pour
faire en sorte que deux ou trois petites ou moyennes entreprises se regroupent
pour former une entreprise qui se tienne un peu et qui ait les reins financiers
et technologiques assez bons pour pouvoir viser le marché
américain.
Dans ce sens, selon ma philosophie, on doit viser certains
créneaux de produits à l'intérieur de la grande
série de produits et non pas seulement les vendre au Québec ou au
Canada, mais les vendre aussi particulièrement sur le marché
américain. On doit se servir des connaissances de nos gens en commerce
extérieur pour aller chercher ces marchés, sans trop nuire
à ceux qui veulent produire en grande masse des produits bon
marché; je pense qu'il n'y a peut-être pas d'avenir pour des
entreprises québécoises à faire ce genre de produits.
J'ouvre une parenthèse pour parler du secteur mou. On parle avec
les gens de ce secteur de l'industrie et ils nous disent: Chaque fois que vous
prononcez cela, vous nous nuisez.
M. Lincoln: Oui.
M. Biron: Essayez plutôt de dire: Les secteurs
traditionnels, le secteur du vêtement. Mais, quand vous dites: le secteur
mou, c'est comme si vous vouliez le mettre de côté. Alors que je
pense à M. Gutman, de Paris Star, qui a environ 1000 employés,
c'est vraiment une entreprise dynamique très moderne qui est en train de
conquérir des marchés aux États-Unis. Je pense que c'est
un bonhomme qui mérite qu'on l'appuie. Il y en a d'autres comme cela.
Finalement, on
peut aider à conserver une quantité appréciable
d'emplois.
M. Lincoln: Chaque fois qu'on se parle, M. le ministre, je
réalise qu'on cherche les mêmes objectifs, mais je n'arrive pas
à saisir, parfois, les contradictions dans les politiques. C'est
là où je suis complètement perdu. Par exemple, j'ai envie
de revenir à un problème spécifique. On a le
problème spécifique d'une industrie qui demande une protection
tarifaire très élevée par rapport aux importations. Elle
veut un marché protégé, en fait, pratiquement
protégé. Que l'on dise trois quarts, deux tiers, unité, ou
valeur, cela revient à la même chose; elle veut une protection
tarifaire très exigeante. En même temps, nous voulons que les
Américains réduisent le tarif et, eux, ils essaient d'appliquer
leurs lois - je suis d'accord avec vous - avec discrimination. Par cette loi,
ils ajoutent encore 20% ou 20,5%. Là, nous sommes en train de demander
aux Américains la même chose que ce que nous voulons pratiquer
chez nous. On peut jouer ce jeu et chercher des marchés
américains en même temps. Vous dites: On peut aller vendre pour
500 000 000 $. Mais, en même temps, si les Américains viennent
vendre ici, on va dire: Non, on a un marché qu'on protège
à 75%. On veut vendre à l'intérieur du Canada, ne venez
pas chercher querelle, etc.
Mais il y a un échéancier très restreint. On a un
échéancier qui nous donne cinq ans de manoeuvre pour trouver une
solution. Je crois que, dans l'industrie, personne ne va dire, je suis le
premier à le dire ici... Ce n'est pas une question d'être
libéral ou péquiste. Le mouvement dans le sens de créer un
centre de recherche dans l'industrie du vêtement, de se diriger dans le
secteur de la haute couture, de la mode, de la fourrure, tout le monde est
d'accord là-dessus. Je pense que l'industrie pense que c'étaient
des pas positifs.
En même temps, il y a ce dilemme: En attendant qu'on arrive
à trouver les solutions à ce problème, que vous ayez ces
usines modernes qui pourront être concurrentielles, on en arrivera
à un point où on a quelques années critiques qui pourront
être décisives pour l'industrie. On parlera tout à l'heure
du glissement vers l'Ontario, le Manitoba, etc. Que fera-t-on si on ne sait
même pas se placer, si on en est encore au stade de ne pas savoir
exactement où on va? Peut-être que vous et M. Landry devriez vous
asseoir et décider d'une protection pour le Québec des tarifs de
l'industrie. On va laisser l'industrie "whether finds its own level"... Les
faibles vont mourir, les forts vont flotter, les modernes vont passer. C'est ce
genre de choses que je n'ai pas réussi à retenir de vous. Comment
solutionnez-vous ce problème, ce dilemme de dire: On va aller voir les
Américains, dans un sens, et on protégera notre industrie
à très fort tarif en même temps?
(22 h 15)
M. Biron: Là-dessus, le marché américain est
protégé à 85%. On ne dit pas qu'on veut le protéger
autant, qu'on veut le protéger moins; 75%, c'est moins que le
marché américain. Je suis totalement d'accord avec vous pour dire
qu'un jour ou l'autre, on ouvrira nos barrières et on diminuera notre
protection. Mais, on a besoin de quelques années pour transformer nos
usines. En d'autres termes, si on dit à nos manufacturiers: Vous n'avez
plus de marché ici, mais modernisez-vous, on mêle vraiment le
monde.
Et j'entendais M. Lumley, la semaine dernière, dire qu'il allait
mettre 55 000 000 $ additionnels dans la modernisation des usines de
vêtements. En même temps, M. Regan dit: Je ne protège pas
votre marché. Allez-vous-en. Vous n'en avez plus de marché.
Alors, je ne vois pas de gens qui vont investir, à moins d'être
soutenus à 100% par les gouvernements, s'ils ne sont pas assurés
d'avoir un certain marché pour un temps donné. Notre attitude
là-dessus - c'est ce qu'on a demandé au gouvernement
fédéral - c'est de dire: Donnez une protection au marché
pour cinq ans en décroisssant. Avisez à l'avance nos entreprises
et nous, on travaillera avec vous pour moderniser les entreprises. On a
déjà commencé, il y a quatre ou cinq ans, avec le
programme de modernisation des secteurs du textile, du vêtement, de la
bonneterie. On a donné aux industries du Québec 30 000 000 $ de
subventions pour des investissements de 125 000 000 $ en vue de la
modernisation des industries. Parmi les meilleures usines qui voulaient se
moderniser, le gouvernement fédéral a lancé un programme
qui était à peu près semblable à celui du
Québec. Alors, on a arrêté notre programme. On n'a pas pu
s'entendre avec M. Gray. Peut-être qu'avec M. Lumley, on aurait pu
s'entendre, mais, avec M. Gray, il a été impossible de
s'entendre. Alors, on a arrêté notre programme et on a dit:
Continuez. Tout ce qu'on a gardé de notre programme, c'est la
productivité, le programme de regroupement, etc.
Là aussi, du côté du fédéral, on est
prêt à mettre de l'argent pour moderniser nos usines ou les
meilleures de nos usines. Mais, pour les moderniser, cela prend une garantie de
marché pendant une période de temps donnée, pour pouvoir
assurer les usines de rentabilité le plus rapidement possible. Et, en
même temps, qu'on dise: Nous avons terminé les négociations
avec le gouvernement américain. Eux vont protéger 85% de leur
marché. Mais, sur la plus haute qualité de produits, on s'est
entendu sur le fait qu'on peut faire face à une concurrence
sur ces marchés-là. En d'autres termes, les objectifs
qu'on fixe, nous voulons y arriver sur une période donnée. Je
pense que, là-dessus, vous êtes passablement d'accord avec nous.
Au départ il faut s'assurer d'un certain marché. Il faut dire aux
chefs d'entreprises: Ce marché protégé finira par
disparaître. Par contre, on vous ouvre tout un autre marché
ailleurs.
M. Lincoln: D'accord. Maintenant, on en arrive à des
choses spécifiques. Là, vous dites: On commencera comme cela.
Cela sera plus simple. Alors, vous dites cinq ans. En principe, c'est cela que
vous dites, cinq ans. Vous dites que vous allez procéder en
décroissant. Vous allez prendre une protection tarifaire très
"hot" et ensuite, graduellement, à la fin des cinq ans, on
réussira à équilibrer les choses de façon que,
à ce moment-là, on aura eu le temps de se moderniser. Ceux qui
resteront resteront, etc. L'industrie sera préservée. Nous sommes
d'accord là-dessus. Mais il me semble que, même au point de
départ, il semble exister la même chose entre M. Regan et M.
Lumley qu'entre vous et M. Landry. Vous n'avez pas l'air d'avoir situé
exactement votre point de départ. Est-ce que c'est le point de
départ de l'industrie de 75% du marché canadien intérieur
que vous, vous semblez préconiser, ou est-ce que c'est la version de M.
Landry qui, lui, dit que c'est moins de 75%? Est-ce qu'on aurait pu situer cela
de façon plus claire, afin que les signaux pour l'industrie soient plus
clairs? Je peux vous le dire, parce que je parle aussi à ces
intervenants de l'industrie et, dans leur esprit, ce n'est pas très
clair. Du reste, comme vous l'avez dit vous-même, c'est à la fin
de la réunion que vous avez eue récemment que cela s'est
discuté et que tout cela est resté un peu en l'air. Si on lit ces
choses-là, on n'est même pas sûr si ce sont la valeur ou les
unités. C'est sûr qu'ils ne savent pas exactement où ils
s'en vont. Alors, est-ce qu'il y aurait possibilité - moi, je vous
suggère cela beaucoup plus fortement - que les deux ministères
impliqués - et cela aurait dû être une suggestion à
M. Regan et à M. Lumley - se concertent, vous-même et M. Landry,
qui êtes les deux principaux intervenants, pour qu'on sache exactement au
départ ce que l'on veut protéger? Est-ce qu'on veut
protéger 75% de la valeur? Est-ce que c'est 150%? Quelles en sont les
conséquences pour qu'au moins on puisse étaler une politique, que
les gens de l'industrie du vêtement sachent à quoi s'en tenir et
se disent: Bon, nous avons 50%; nous sommes protégés?
M. Biron: C'est aussi le voeu des gens du vêtement qu'on
fasse une rencontre avec MM. Lumley, Regan, Landry et moi-même pour
déterminer la protection dont ces gens- là ont besoin et la
politique canadienne là-dessus. MM. Lumley et Regan étaient
prêts à nous rencontrer, M. Landry et moi. Mais les intervenants
dans le domaine du vêtement ont dit: Nous, on voudrait y être
aussi, autant les représentants des travailleurs que les
représentants de l'industrie. Alors, j'ai exigé qu'ils soient
là. Malheureusement, on n'a pas pu fixer de rencontre parce qu'il semble
qu'au gouvernement fédéral, on n'ait pas voulu venir rencontrer
les intervenants, sauf les ministres Landry et moi. J'ai rencontré
personnellement M. Lumley, depuis ce temps-là. M. Landry a
rencontré M. Regan. On a de la difficulté à convaincre le
gouvernement fédéral, à lui faire comprendre le point de
vue qu'il faut, absolument, au moins une certaine protection minimale pour une
période de temps, quitte à le faire en décroissant
après cela. On n'a pas encore réussi là-dessus, sur la
protection d'un marché donné pendant une période de
temps.
M. Lincoln: Mais, dans un premier temps, c'est une suggestion
concrète que nous vous faisons, peut-être que M. Landry devrait se
situer exactement où vous êtes, vous deux.
M. Biron: On se situe là-dessus exactement au même
niveau parce que, lorsqu'on a traduit les unités de vêtements de
M. Landry en dollars, c'est environ le même niveau. Véritablement,
à la fin de la réunion, lorsqu'on a eu cette rencontre avec les
principaux intervenants, qui étaient un peu surpris de l'intervention,
tout le monde a dit: On est d'accord, on parle le même langage. Ce qu'on
veut protéger, dans le fond, c'est environ 50 000 emplois, autant les
uns que les autres. Tout le monde, on vise à peu près cela.
À compter de maintenant, on met notre langage plus clair et on parle en
dollars parce que je pense qu'on vit avec des dollars.
M. Lincoln: Assumant ce que j'ai lu ici, que M. Landry ne
favorise pas 75% lorsqu'il parle des unités, assumant que votre
interprétation, c'est que, si on met cela sur une base de dollars, vous
parlez de la même chose, 75% en dollars, et comme M. Landry est d'accord,
on va avoir le crédit du Commerce extérieur, on pourra lui
demander cela, assumant que vous êtes d'accord, est-ce que, dans un
premier temps... Je suis d'accord avec vous que les gens de l'industrie du
vêtement devraient être présents, ce serait sûrement
l'idéal. Si les fédéraux ne veulent pas accepter cela,
est-ce que vous n'auriez pas pu avoir une rencontre entre vous, M. Landry, M.
Lumley et M. Regan, pour au moins situer une espèce de terrain de
rencontre, de terrain de compromis, et ensuite les convaincre, puisque vous
êtes très convaincant? Vous faites de
très beaux discours, vous convainquez les gens de
Lotbinière et vous essayez de me convaincre, mais pas tout à
fait. Vous auriez pu, peut-être, à ce moment-là, convaincre
ces deux-là que c'est essentiel que les gens de l'industrie du
vêtement, les autres intervenants du dossier soient là aussi. Il
me semble que, dans un premier temps, si vous aviez au moins situé un
point de compromis, un point de départ entre vous, peut-être que
cela aurait été encore mieux pour présenter à
l'industrie quelque chose qui représenterait une idée globale du
fédéral et de vous.
M. Biron: Je devrais peut-être aller convaincre les gens de
Nelligan aussi.
M. Lincoln: Bien oui. Pourquoi pas?
M. Biron: Vous avez raison sur l'opportunité d'une
rencontre entre les quatre ministres, mais vous devez reconnaître que M.
Regan est à Ottawa une dizaine de jours par mois et il est, lui aussi,
ministre du Commerce extérieur, il est toujours parti. La même
chose pour mon collègue, M. Landry. Il est au Québec une dizaine
de jours par mois; il voyage beaucoup pour représenter les entreprises
québécoises à l'extérieur. Alors, c'est sûr
que c'est plus facile pour M. Lumley et moi de nous rencontrer parce qu'on est
à peu près toujours soit à Québec, soit à
Ottawa, dans le Québec ou dans le Canada. Mais, on peut essayer de fixer
une rencontre aussitôt que MM. Landry et Regan seront à Ottawa ou
à Québec à peu près en même temps. On
pourrait fixer une rencontre avec ces gens, au moins établir une
discussion de base. Je sais que vous êtes d'accord avec moi. J'insiste
beaucoup pour que les représentants de l'industrie soient là pour
qu'eux aussi se commettent jusqu'à un certain point. C'est important que
les gens de l'industrie disent: Si on l'a, notre protection de marché,
on s'engage en contrepartie à investir. Parce que, si ces gens
n'investissent pas au cours des prochaines années, dans quelques
années, on va être encore au même point où on en est
aujourd'hui. Je pense que ni vous ni moi n'aurons gagné quoi que ce
soit.
M. Lincoln: D'accord. Enfin, on fait un pas en avant, en
commission parlementaire. Le journal des Débats va dire que vous allez
essayer d'arranger une rencontre, tout d'abord avec les fédéraux,
M. Landry et vous. On va arriver à un point de départ. Je pense
que cela va débloquer la chose. Au moins, il y aura un signal de votre
part envers l'industrie. On sait de quoi on parle et on parle de la même
chose. J'aurais voulu discuter de la question de l'Ontario et du Québec.
Pas la question de l'Ontario et du Québec politique, la question de
l'industrie qui glisse vers l'Ontario. Je lisais le rapport sur le
vêtement, l'état de la situation des conférences
socio-économiques du Québec. Je lisais cela et, l'autre jour, M.
Scowen, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, a fait
référence à cela dans son débat du vendredi. Et si
on lit... Je peux vous faire état des références
continuelles qui montrent cette espèce de glissement. Vous voyez ici,
à la page 3: En Ontario, principal concurrent du Québec dans ce
secteur, les livraisons ont doublé de valeur durant cette période
- je pense qu'on parle de la période de 1975 à 1980 - ce qui a
maintenu l'importance de ce secteur dans l'ensemble du secteur manufacturier
ontarien. Alors, ils donnent l'aspect des chiffres montrant, en 1975,
l'importance relative du secteur du vêtement. Par rapport à notre
industrie totale, c'était 6,5, descendant à 5,3 en 1981;
l'Ontario, qui était beaucoup plus petit, monte d'un point, de 1,1
à 2,2 par rapport à la période de 1975 à 1980.
Il y a certainement... Il dit, par exemple, que, de 6,7 qu'il
était en 1976 dans l'ensemble du secteur manufacturier
québécois, le pouvoir relatif de ce secteur a
régressé constamment pour se situer à 5,3 en 1980; tandis
que l'Ontario - c'est la page 3 du... Si vous voyez, les
références sont presque continues. Je pense qu'il y a un seul
secteur où le Québec maintient sa position. Pour sa part,
l'Ontario a connu une augmentation du nombre de travailleurs, soit une hausse
de 3090 emplois de 1975 à 1980, quand, pour nous, le nombre d'emplois
est tombé de 65 789 en 1975 pour descendre à 50 623 en 1982.
Si on disait que c'est le résultat d'une progression, c'est le
résultat d'une modernisation, c'est le résultat d'une meilleure
technologie... En fait, ces rapports ne semblent pas l'indiquer.
Je vais d'abord vous dire, pour ne pas aller trop loin... Je vais vous
demander si vous avez constaté... D'abord, en prenant connaissance de ce
rapport, c'est très clair qu'il y a ce glissement. Qu'est-ce qu'on fait
pour l'arrêter? Qu'est-ce qu'on discute avec l'industrie? On a
discuté de quelques points avec l'industrie et on en reparlera tout
à l'heure, mais est-ce que vous êtes conscient de ce glissement
qui semble être progressif et qui semble continuer d'année en
année?
M. Biron: II y a plusieurs facteurs. En particulier, il y en a un
qui fait en sorte qu'au Québec, on avait une vieille structure
d'entreprise, entreprise par entreprise, pas tellement moderne,
sous-capitalisée où les gens prenaient la majorité de
leurs profits immédiatement. Donc, c'était d'une façon
plus artisanale, en se fiant à une main-d'oeuvre qui était bon
marché, relativement bon marché si on la compare à celle
de l'Ontario, et on a pu, grâce à cette main-d'oeuvre bon
marché, continuer nos usines
pendant un bout de temps.
Lorsque les salaires ont commencé à augmenter, on n'avait
pas développé la capacité de l'entreprise, la technologie
ou la capacité financière. On avait profité en
totalité des sommes d'argent. Et il nous restait quand même nos
grands édifices et nos machines à coudre, comme on disait
autrefois. L'Ontario a des entreprises dans le domaine du vêtement qui
sont un petit peu plus grandes, mieux structurées et qui payaient un peu
plus cher en salaire à l'époque. Elles ont donc été
obligées, par la force des choses, de remplacer du salaire par de
l'équipement. Elles étaient donc plus prêtes à faire
l'autre étape vers le développement technologique et, les
entreprises étant plus grandes, elles ont réussi à avoir
les sommes nécessaires pour investir plus rapidement.
En d'autres termes, la structure de l'entreprise de l'Ontario s'est
modernisée plus rapidement que celle du Québec à cause de
toutes sortes de circonstances historiques. Nous, nos entreprises étant
de taille plus petite, à l'heure actuelle, on essaie quand même de
les faire grandir et c'est pour cela que, tout à l'heure, je vous citais
le programme de regroupement d'entreprises. Quand on a une entreprise qui
compte 50 personnes, l'autre qui en a 80, l'autre qui en a 90, à mon
point de vue, on n'a pas beaucoup de chances de concurrencer sur un
marché américain et cela n'a pas de chances de réussite.
Il faut que l'entreprise soit plus grande, donc qu'elle ait les
capacités financières de faire des choses. Là où on
a du succès dans l'exportation, c'est lorsqu'on a réussi à
former un consortium de plusieurs entreprises. On réussit alors à
faire des choses. Dans ce sens-là, on a un programme de regroupement
pour essayer de pallier la carence de taille de l'entreprise et sa
capacité financière; on regroupe des entreprises pour qu'elles
soient un peu plus fortes financièrement et technologiquement. (22 h
30)
Le fait aussi que notre salaire était très bas autrefois,
qu'il a augmenté plus rapidement que celui de l'Ontario qui était
plus élevé au départ, cela aussi a fait un changement un
peu brusque sur la capacité de gestion de nos chefs d'entreprises, sur
la capacité de rentabilisation de l'entreprise. Je ne veux pas que cela
soit une critique du passé. J'essaie d'analyser cela pour vous dire un
peu ce qui est arrivé. Finalement, à partir de cette
analyse-là, on se demande ce qu'on doit faire: regroupement
d'entreprises, programmes de développement, de modernisation des
industries du textile, vêtement, bonneterie, centre de
productivité pour forcer les entreprises québécoises
à développer leur technologie et à employer des
technologies de pointe, un centre de la mode pour développer le
critère qualité et d'attirance pour la mode
québécoise, finalement, des sommets qui forcent les gens à
se parler, à se regrouper, à améliorer cette performance
de nos entreprises.
M. Lincoln: Mais, vous voyez...
M. Biron: Vous avez raison. L'Ontario a augmenté, nous
avons diminué. C'est surtout dû à la structure
d'entreprises qu'on avait et à la façon de les gérer.
Ce doit être un vote de deuxième lecture.
Le Président (M. Blouin): Je ne le sais pas. On va
attendre. On va le savoir dans une minute.
M. Lincoln: M. le ministre, c'est là qu'était le
point. Vous avez l'air de dire qu'ils avaient plus de grosses entreprises. En
fait, les chiffres ont l'air de démontrer... J'aurais voulu que vous
ayez ce rapport pour comparer, par exemple, la taille des établissements
entre le Québec et l'Ontario. Si on regarde la taille des
établissements de 1975 à 1980, au Québec...
Le Président (M. Blouin): Je m'excuse, M. le
député, nous devons nous rendre à l'Assemblée,
parce qu'il y a un vote. Nous reviendrons par la suite.
M. Lincoln: Est-ce qu'on peut laisser nos papiers ici?
Le Président (M. Blouin): Oui. Nous allons demander au
service d'ordre de surveiller vos papiers. La commission suspend ses travaux
pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 22 h 33)
(Reprise de la séance à 22 h 47)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission parlementaire de l'industrie, du commerce et du tourisme
reprend ses travaux. La parole est au député de Nelligan.
M. Lincoln: M. le ministre a parlé...
M. Biron: M. le député de Nelligan, j'ai su que
j'avais déjà convaincu les gens de votre comté. Vous
êtes de l'ancien comté de mon ami, William Shaw.
M. Lincoln: Oui, c'est bien cela.
M. Biron: Je les avais déjà convaincus comme cela
une fois.
M. Lincoln: Mais vous savez ce qui est
arrivé à William Shaw.
M. Biron: Je devais être convaincant à
l'époque, n'est-ce pas?
M. Lincoln: C'est lui qui a appuyé ma candidature, ah oui.
Il est devenu libéral. Il est comme vous, il a été membre
de l'Union nationale, il est libéral maintenant.
M. Biron: II a perdu comme libéral, n'est-ce pas?
M. Lincoln: II a perdu comme libéral. Bon, pour revenir
à l'industrie du vêtement, on parlait, justement, de la taille des
entreprises. Vous faisiez valoir que les entreprises de l'Ontario
étaient mieux structurées, avaient des plus grosses
unités, etc., que celles du Québec. Là, si on regarde le
tableau IV, qui montre la taille des établissements au Québec et
en Ontario, c'est exactement le contraire qui allait se passer entre 1975 et
1980. C'est que, dans les petites entreprises - on parle de celles qui ont de 0
à 19 employés - au Québec, on en avait 672 en 1975 et, en
Ontario, ils avaient 207. Ils en ont naturellement beaucoup moins que nous dans
tous les secteurs. Mais le phénomène intéressant, c'est
qu'en Ontario on montre une très petite augmentation de ce nombre. Il y
a 228 de ces très petites entreprises en Ontario en 1980, tandis qu'au
Québec nous passons de 672 à 719 dans les toutes petites
entreprises. Pourtant, dans les entreprises de 100 employés et plus, les
grosses entreprises, là nous avions 178 de ces usines comparativement
à 64 en Ontario. L'Ontario maintient ses 63 qu'elle a maintenant en 1980
et nous perdons de ces grosses usines. On descend de 178 à 141. Si on
regarde les entreprises de 50 à 99 personnes, le même
phénomène se passe là aussi; nous perdons encore.
L'Ontario augmente de 61 à 71; nous passons de 210 à 195. Cela
montre qu'on augmente le nombre de nos petites usines, mais que nous perdons de
notre poids relatif dans les grosses usines. Sommes-nous vraiment en train de
nous marginaliser, comme industries ou, au contraire, de créer plus de
petites entreprises, peut-être pas viables pour l'avenir, et pas assez de
grosses entreprises, tandis que l'Ontario a l'air d'aller dans le sens
contraire, si on se fie aux chiffres que j'ai?
M. Biron: C'est ce que je vous disais tout à l'heure.
L'Ontario a tendance à améliorer le nombre de ses grandes
entreprises. Elle a une meilleure structure d'entreprises. C'est pour cela - on
constate ces chiffres - qu'on a lancé un programme de regroupement
d'entreprises. Autrement, vous avez raison quand vous dites que les petites
entreprises vont se marginaliser. Elles n'ont pas de chance d'avenir. On veut
absolument encourager des entreprises à se regrouper. Mais, pour le
faire, il y a une question de culture, d'histoire, de passé. Alors, on
intervient financièrement pour aider à payer une partie de
l'étude de regroupement et, ensuite, pour essayer de les mettre ensemble
et de les faire travailler ensemble davantage.
M. Lincoln: M. le ministre, ce que vous venez de nous dire, c'est
qu'il y a eu ce glissement de 1975 à 1980. Vous devenez ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme en 1981, n'est-ce pas, après les
élections. Là, c'est la nouvelle vague, la vague Biron. Vous
allez regrouper ces industries. Ce que vous voulez nous dire, c'est que le
prochain rapport qu'on aura, c'est-à-dire de 1980 à 1985, nous
montrera que le Québec a arrêté ce glissement. C'est ce que
vous voulez dire? Vous voulez dire que c'est arrivé en 1980. On a eu une
situation détériorée, mais à partir de quand
recommence-t-on?
M. Biron: Ce programme date de 1981.
M. Lincoln: Ah bon! Là, on ne peut pas juger des
résultats. Il faudra qu'on attende l'avenir. Il n'y a pas moyen de vous
contredire. Vous gagnez pour aujourd'hui, parce qu'il n'est pas question, comme
cela a commencé en 1981, d'aller voir.
M. Biron: Je peux peut-être vous donner rendez-vous en
1986, si vous voulez venir me questionner encore une fois.
M. Lincoln: En 1986, oui. Si vous êtes encore là.
Moi, je serai certainement ici, le député de Nelligan sera
réélu.
Donc, en 1980, il y a sûrement ce glissement. Vous me dites qu'on
prend des mesures pour le regroupement. Vous pensez que cela aura pour effet de
créer des plus grosses unités et de rétablir
l'équilibre?
M. Biron: II faut créer de plus grosses unités. Il
faut s'assurer qu'il y ait un financement adéquat à ces grosses
unités, parce que, si elles sont financées sur marges de
crédit, cela ne marchera pas. Il faut s'assurer que ces entreprises - je
pense qu'on a parlé du financement amplement ce matin et à
l'occasion du discours sur le budget -ne soient pas sur une base artisanale,
mais soient développées technologiquement. On a notre centre de
productivité du textile, notre centre de productivité du
vêtement qui les aidera, plus les autres programmes là-dessus.
En plus, ce qui est intéressant - je ne vous l'ai pas dit
aujourd'hui, je pense à cela - c'est vis-à-vis de la mode. Nos
gens qui dessinent et qui conçoivent des modes nouvelles, souvent, ne
peuvent pas faire de
collections, parce que cela coûte environ 100 000 $ pour faire une
collection et c'est trop risqué pour la taille de l'entreprise qu'on a.
Avec le programme de recherche et de développement, de subvention ou de
garantie de prêt pour des prototypes, nous allons considérer une
collection de vêtement conçue et fabriquée par des
Québécois comme un prototype québécois et on pourra
avancer les sommes d'argent nécessaires pour réaliser cette
collection. On espère que, ce faisant, on va améliorer la
qualité et donner le goût à des Québécois de
concevoir et, à des entreprises québécoises, de fabriquer
ce genre de mode.
Dans ce sens, oui, on veut développer la technologie; oui, on
veut regrouper des entreprises, mais on veut aussi les aider à se
financer comme il faut.
M. Lincoln: Mais si vous parlez de financement, il y avait le
programme de modernisation pour les industries du textile, de la bonneterie et
du vêtement qui était pratiqué par la SDI, le programme de
modernisation du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme de
mai 1980. Ce programme, amorcé par M. Duhaime, d'après ce que je
comprends, a été stoppé.
M. Biron: Ce programme, c'est moi qui l'ai arrêté
lorsque le gouvernement fédéral a institué à peu
près le même. Je ne veux pas critiquer le gouvernement
fédéral pour rien, mais je veux seulement vous raconter ce qui
s'est passé. Le gouvernement fédéral a institué son
programme de modernisation de textile, bonneterie, vêtement, par l'OCRI,
en juin ou juillet 1981. Lorsque j'ai su cela, j'ai rencontré M. Lumley,
ministre de l'Industrie et du Commerce fédéral, et je lui ai dit:
Écoutez, le programme que vous voulez instituer, c'est exactement le
même que celui du Québec. Voulez-vous, on va essayer de travailler
ensemble et on va améliorer nos programmes? On va faire un programme
conjoint, fédéral-provincial, on va en payer chacun 50%, on va
avoir un seul formulaire avec deux copies, une à Ottawa, une à
Québec, on va faire une étude conjointe, si vous voulez, et
prendre une décision, conjointe et il y aura deux chèques et deux
visibilités, un drapeau, un rouge et un drapeau bleu. Je n'ai jamais
reçu de réponse de M. Gray, à l'époque. Il n'a
jamais voulu travailler avec le Québec. Quelques mois plus tard, il a
institué son OCRI et sa façon de travailler.
Cela n'avait pas de bon sens de subventionner deux fois des entreprises.
On subventionne jusqu'à 50%, dans certains cas, des entreprises. Cela
n'avait pas de bon sens de les subventionner deux fois. Ce qu'on a fait, c'est
qu'on a coupé notre programme de ce qui existait à Ottawa et on a
gardé les volets du programme qui n'existaient pas à
Ottawa. Ce qui m'a choqué le plus du programme
fédéral l'OCRI, c'est que j'ai rencontré un sous-ministre
fédéral, un de mes amis, qui m'a dit: Je vais te dire la raison
pour laquelle on a institué notre programme sans travailler avec le
Québec, c'est que le Québec, avec son programme de modernisation
de textile, vêtement, bonneterie, avait pris le leadership
vis-à-vis des industriels de ce secteur et le gouvernement
fédéral ne pouvait pas laisser le leadership au gouvernement du
Québec. Cela a été un peu choquant pour moi d'entendre
cela. Je vous raconte exactement ce qui s'est passé. Cela n'avait pas de
bon sens de subventionner deux fois. On a suspendu la partie du programme qui
était couverte par le gouvernement fédéral. Maintenant, on
a d'autres parties de programme. Mais, pour vous dire à quel point on ne
veut pas être contre le gouvernement fédéral, nous
encourageons nous aidons même nos entreprises à remplir les
formulaires nécessaires pour faire appel à l'OCRI. C'est notre
argent à nous. Donc, nous encourageons nos entreprises. On a des gens
qui travaillent là-dessus pour dire: Tu vas te moderniser, mais fais
appel à l'OCRI; il y a là de l'argent. Et on subventionne ce que
l'OCRI ne subventionne pas.
M. Lincoln: Entre le programme fédéral et votre
programme supplémentaire d'aide à l'industrie, qu'est-ce qu'on a
présentement comme programme global pour l'industrie du vêtement?
Qu'est-ce qui est disponible en ce moment pour l'industrie qui veut se
moderniser, se mettre au pas?
M. Biron: II y a surtout le programme fédéral pour
les subventions à l'investissement. Le gros de l'argent est là.
Nous complétons le regroupement. On paie une partie des études.
On encourage les gens, on les aide même à faire appel au
gouvernement fédéral. On les aide - c'est une aide technique -
dans la conception de leurs idées de développement. On assiste
l'industriel jusqu'à l'OCRI. Souvent, nos gens peuvent aller même
jusqu'à l'OCRI pour plaider en faveur de l'industriel, afin qu'on
profite au maximum des programmes qui existent aux deux niveaux de
gouvernement.
M. Lincoln: Mais, en fait, sur la question d'investissement du
ministère, aujourd'hui, dans l'industrie, au point de vue de
l'assistance pour la modernisation, il n'y a pas de programme.
M. Biron: Tout le programme vis-à-vis de la modernisation
est couvert par l'OCRI. C'est déjà couvert. Alors, je pense qu'on
n'a pas besoin de le couvrir deux fois. C'est presque une copie conforme de
notre programme, institué deux ans plus tard.
M. Lincoln: Je n'ai pas envie de m'attarder sur ce rapport, mais
seulement il en ressort beaucoup de conclusions. Par exemple, ici, on dit: La
production québécoise globale est supérieure de
près de quatre fois à celle de l'Ontario. Alors, l'Ontario reste
derrière nous au point de vue de la production dans l'industrie du
vêtement. Mais là, on dit que, en dollars constants de 1971, la
progression de la valeur des livraisons entre 1975 et 1980 au Québec
atteint un taux de 4,3% seulement, tandis qu'en Ontario on constate une
progression plus rapide de la valeur réelle des livraisons qui
s'établit à 21,7% entre 1975 et 1980. Ce que j'ai envie de
savoir, c'est s'il y a un chiffre de la même industrie qui va vers
l'Ontario, de notre industrie québécoise qui nous quitte pour
aller là-bas. C'est cela qui semble se détacher des intervenants
de l'industrie. (23 heures)
M. Biron: Non, on n'a pas de chiffres sur le nombre d'entreprises
qui se sont déplacées de l'Ontario vers le Québec, ou du
Manitoba et du Québec vers l'Ontario, ou du Québec vers le
Manitoba; on n'a pas de chiffres précis là-dessus.
M. Lincoln: Est-ce qu'on pourrait en avoir, M. le ministre, parce
que là il y a un phénomène très clair que ce
rapport met en évidence. Il semblerait qu'il y ait un glissement du
Québec vers l'Ontario et de l'Ontario vers le Manitoba pour des raisons
de meilleures conditions de subventions, d'appui financier. Est-ce qu'on ne
pourrait pas porter cette étude plus loin - cette étude date de
1980 - pour voir exactement ce qui se passe? Est-ce que la raison est vraiment
que l'industrie ontarienne a de plus grosses unités, est mieux
située au point de vue de la technologie ou bien est-ce un "shift" de
notre industrie parce que de meilleures usines commencent pour la même
firme en Ontario et que maintenant le même processus se fait au Manitoba?
Est-ce qu'on ne peut pas continuer cela pour aller voir, finalement, où
on se situe par rapport aux leaders de notre industrie à
Montréal? Est-ce qu'ils nous quitteraient pour aller à Toronto et
ailleurs?
M. Biron: Les meilleures de nos entreprises, les leaders ont
modernisé à Montréal ou au Québec et ils sont
certainement des citoyens permanents dans ce sens. Il reste que ceux qui ne se
sont pas modernisés, qui n'avaient que des moulins à coudre, un
bon soir, on met cela dans un camion et on s'en va. C'est sûr que,
lorsqu'on a des problèmes ouvriers - c'est arrivé malheureusement
qu'on en a eu au Québec - un bon soir, le chef d'entreprise, qui est
dans une bâtisse louée, souvent, dans le domaine du
vêtement, ramasse tout son équipement et est disparu le lendemain
matin. Il y a eu des déménagements en ce sens.
Il y a eu aussi le problème des zones spéciales et cela
vient tout simplement de se terminer avec l'annonce de M. Lumley qui a aboli
les zones spéciales. On ne sait pas quel impact cela va avoir. Cela
aussi a contribué à déménager des entreprises du
Québec et de l'Ontario vers le Manitoba. Est-ce que le fait de les
enlever va avoir un effet contraire? Je ne le pense pas. Est-ce que cela va
arrêter le déménagement? C'est fort possible. Si on faisait
l'étude, il faudrait vraiment la faire avec les faits nouveaux qui sont
survenus au cours des dernières semaines. Aussi, vis-à-vis des
syndicats ouvriers, il me semble qu'il y a une beaucoup plus grande
responsabilité vis-à-vis de l'entreprise maintenant, à
cause de la crise économique qui a fait réfléchir bien du
monde. Cela aussi est un élément important du choix d'un chef
d'entreprise d'investir dans un endroit ou dans un autre.
M. Lincoln: II y a des intervenants du secteur que nous avons vus
et qui nous ont dit certaines choses spécifiques qu'ils ont
déjà portées à votre attention dans ces
réunions. Je ne sais pas à quel degré ils ont dit leur
anxiété là-dessus, s'ils ont mis cela par écrit ou
si cela a été purement verbal. Je ne le sais pas. Mais
voilà ce qu'ils nous ont dit: II y a, d'abord, la question de la
sous-traitance. Ce matin, on a parlé de cela. Cela m'a été
confirmé par une autre source que, les centres d'achat, par exemple,
Eaton et Simpsons, qui étaient situés à Montréal,
ou bien ils ont déjà déménagé ou bien ils
sont à compléter leur déménagement vers Toronto.
C'est un facteur qu'il faudra vérifier parce qu'apparemment cela a un
impact direct sur l'industrie du vêtement. Quand vous avez des acheteurs
qui sont sur place, ils viennent acheter sur place.
M. Biron: Les grands...
M. Lincoln: Je parle des acheteurs, du centre d'acheteurs. Je ne
parle pas des centres commerciaux. Excusez.
M. Biron: D'accord. Non, non. Les acheteurs de La Baie, en ce qui
concerne le vêtement, sont à Montréal. Les acheteurs de
Sears et Simpsons, dans certains domaines, sont à Montréal. Il y
a eu des déménagements de part et d'autre, mais ce qu'on nous a
dit, en tout cas de la part de ces grandes firmes, c'est que celui qui achetait
le vêtement achetait de Montréal pour l'Ontario, le Québec
et les Maritimes. Par contre, celui qui achetait un autre produit, disons le
meuble, je pense qu'il allait à Toronto.
Alors, il y a des centres de décision
qui achètent non seulement pour une région maintenant,
mais pour plusieurs régions dans un endroit donné et le centre de
décision pour un autre genre de produit est dans un autre endroit. Dans
ce sens, dans le secteur du vêtement, il y a des centres de
décision qui sont à Montréal, mais je devrais
vérifier Eaton et vous le donner cas par cas. Mais, c'est certain que
Sears est à Montréal et que La Baie est à Montréal
aussi.
Juste pour vous donner une idée, Sears achète pour 800 000
000 $ à partir d'un centre de décision du Québec; La Baie
achète pour au-delà de 1 000 000 000 $ à partir d'un
centre de décision du Québec. Bien sûr, ils
n'achètent pas seulement au Québec, ils achètent à
l'extérieur aussi, mais c'est spécialisé dans certains
produits.
M. Lincoln: En tout cas, je vous dis que nous obtenons cette
information de l'industrie du vêtement parce que ces gens sont
très anxieux, ils ont peur que cela commence une vague. Vous savez, un
commence... Notre information est que Eaton avait des acheteurs ici qui
faisaient tous les achats pour le Québec à Montréal, que
maintenant ils ont consolidé tout cela à Toronto, qu'ils font
leurs achats par ordinateur centralisé de Toronto. Les producteurs ont
besoin de se déplacer. Alors, cela a créé une
espèce de pôle d'attraction central et parfois c'est beaucoup plus
simple pour les usines de se placer là où est le centre,
là où il y a la marchandise à vendre. Nous avons aussi dit
que c'était la même chose pour Simpsons. Seulement, il faut dire
que Simpsons et La Baie maintenant, c'est la même compagnie; ils
appartiennent au même groupe. C'est possible que ces deux-là
soient rattachés, mais, en tout cas, je peux vous dire que ce sont des
intervenants de l'industrie qui nous ont dit que, pour eux, c'était
quelque chose de capital. Ils nous ont aussi parlé de Simpsons. Je ne
sais pas si c'est total ou partiel dans le cas de Simpsons, mais, dans le cas
de Eaton, c'est certain qu'il y a une centralisation vers Toronto. Ils ont
très peur qu'à un moment donné, avec ces grosses
boîtes, une fois que cela commence, cela continue.
Alors, je pense que c'est quelque chose qu'il faudrait vérifier,
dont il faudrait peut-être s'assurer, faire des représentations
auprès des compagnies et voir à ce qu'elles restent à
Montréal, certainement pour l'industrie du vêtement. C'est une
question capitale, d'après ce qu'ils nous disent.
M. Biron: D'accord. Je le prends en note pour vérifier
à nouveau Eaton, en particulier. Mais je peux vous dire, seulement
à titre d'information, que, pour la fourrure, La Baie a
déménagé son encan à Toronto et, cette
année, a dû revenir avec l'exposition internationale, à
Montréal parce que la main- d'oeuvre, parce que les manufacturiers sont
surtout à Montréal. La Baie se demande si elle ne reviendra pas
avec sa fourrure à Montréal.
C'est sûr qu'à cause des technologies nouvelles
d'informatique et de bureautique, il y a du va-et-vient qui va se faire, mais
il faut s'assurer, comme vous le mentionnez, qu'on puisse ne pas perdre au
moins le potentiel de dollars qu'on a chez nous.
M. Lincoln: Je vous dis les choses comme elles ont
été dites. J'avais un dossier que j'ai laissé dans mon
bureau, mais mon collègue de Mont-Royal, qui avait les mêmes
notes, a refait les notes pour être sûr que ce sont les mêmes
points; il y avait un, deux, trois, quatre points principaux qui étaient
mis en ligne de compte. Je n'ai pas envie de commencer une longue discussion
avec notre collègue de Châteauguay. C'est une question qui a
été mise en ligne de compte par les intervenants de l'industrie.
Ils disent, par exemple, toutes les mesquineries qu'ils subissent de la part de
l'Office de la langue française sur la question de la francisation de
leur entreprise. Par exemple, savez-vous que maintenant, pour exporter dans
l'industrie du vêtement, même la facture pour l'exportation aux
États-Unis, l'OLF dit qu'il faut que cela soit fait en français?
Ils nous disent qu'ils ont abordé la question devant vous au cours de la
réunion avec le ministre Landry. Personne ne conteste le fait
français, personne ne met en doute que la loi 101 va demeurer, mais, sur
des petites chicaneries comme cela, est-ce qu'on ne pourrait pas avoir le bon
sens de dire que, si on fait de l'exportation aux États-Unis, on a une
facture en anglais? Si l'Américain a besoin de traduire sa facture, il
achètera du Japonais qui, lui, enverra sa facture en anglais. C'est une
chose qui ajoute au coût de l'affaire parce qu'ils sont obligés de
faire des factures fictives traduites parce qu'on envoie des factures en
français. Cela n'a pas de sens si on fait de l'exportation. Je veux bien
qu'on dise que nos factures internes au Québec sont en français,
tout le monde est d'accord. Mais, si vous facturez pour l'exportation,
voilà qu'on nous dit: "Unilingual invoices outside of Quebec". Ils ont
discuté de cela avec l'OLF en disant que cela n'avait pas de sens.
Avez-vous fait des interventions auprès de l'OLF pour dire: C'est un
"irritant" à l'exportation, c'est sûr?
M. Biron: Je me souviens de l'intervention qui a
été faite à l'occasion d'une rencontre. J'en ai
parlé avec mon collègue, Gérald Godin, qui m'a dit que la
loi 101 ne disait pas cela. Il y a eu un inspecteur, ce n'est pas la loi... Moi
aussi, j'ai vécu une expérience comme celle-là avec un de
mes bons amis, qui est courtier en
valeurs mobilières et qui a un terminal branché sur
l'ordinateur de la bourse de New York. Quand l'information sort à
l'autre bout, sur le logiciel, cela sort en anglais. Il y a un inspecteur de
l'Office de la langue française qui est passé là une bonne
fois et qui lui a dit qu'il fallait que cela sorte en français. À
partir de là, mon ami, le courtier en valeurs mobilières, me
disait que la loi 101, c'était fou, que cela n'avait pas de bon sens,
qu'il fallait que je change cela. Je lui ai dit que ce n'était pas la
loi 101 qu'il fallait changer, mais l'inspecteur.
C'est le même cas vis-à-vis de votre manufacturier. J'ai
fait la même réponse et Gérald Godin m'a fait la même
réponse. Il a dit: Ce n'est pas possible. Ce n'est pas la loi 101 qui
dit cela; c'est un inspecteur qui, lui, a sa vision des choses. Mon
collègue, M. Godin, m'a dit qu'il communiquerait avec l'Office de la
langue française pour faire en sorte qu'on se serve au moins de son
intelligence, plus particulièrement lorsqu'on vend sur les
marchés américains. Je pense que la loi 101 ne s'applique pas
pour les marchés américains. Dans ce sens-là, il n'y a pas
d'obligation de facturer en français pour le marché
américain.
M. Lincoln: Je suis très content de cette confirmation. Je
pourrai dire aux intervenants qui nous ont parlé de cela que j'ai la
confirmation du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qui cite
le ministre responsable de l'application de la loi 101, qu'ils peuvent oublier
tout cela.
M. Biron: II faut changer l'inspecteur au lieu de changer la
loi.
M. Lincoln: Ils ne pourront pas changer l'inspecteur;
j'espère que vous vous occuperez de cela et passerez le message. Je vais
leur dire de continuer à faire leurs factures pour l'exportation en
anglais. Ils disent que c'est un réel problème pour eux. Il est
bon de savoir qu'ils peuvent ignorer la chose.
Ils parlent aussi du coût de production par unité par
rapport à l'Ontario. Ils nous disent que le coût de production par
unité -je ne suis pas un technicien du vêtement; j'ai
été dans les usines, mais je ne peux pas vous dire que je sais
exactement ce que cela veut dire, mais vous, vous connaissez le métier
de beaucoup plus près - par rapport à l'Ontario, est de 1,00 $
à 1,50 $ supérieur. Encore une fois, ce sont toutes des notes que
nous avons obtenues des intervenants de l'industrie du vêtement, qui nous
ont demandé de discuter de cela. Nous avons pensé que
l'étude des crédits était l'occasion idéale pour
vous les livrer. Ils disent que c'est cela qui provoque cette espèce de
glissement de l'industrie ailleurs parce que notre coût de production, au
Québec, est beaucoup trop haut en raison de beaucoup de choses: la
réglementation du travail, la question des avantages sociaux
supérieurs, les indemnités d'assurance-maladie, notre salaire
minimum comparé à celui de l'Ontario, etc. On dit que totalement
le coût de production monte de 1 $ à 1,50 $ de plus. Est-ce que
vous pourriez commenter cela et nous dire ce que nous allons faire pour
l'industrie du vêtement pour essayer d'équilibrer la chose, parce
qu'on dit que c'est cela, la cause même de ce glissement vers l'Ouest?
(23 h 15)
M. Biron: Vous n'ignorez pas qu'il y a eu des problèmes
dans les décrets de l'industrie du vêtement. Le gouvernement a
dû nommer un tuteur et, finalement, cela semble vouloir se replacer un
peu. C'est relié à deux choses, l'application des décrets
ou la négociation des décrets avec un syndicat responsable.
Premièrement, maintenant il y a des syndicats responsables dans le
secteur du vêtement; deuxièmement, l'état de modernisation
de nos entreprises n'est pas aussi avancé que l'état de
modernisation des entreprises de l'Ontario. Mais, même si on modernise,
s'il n'y a pas des syndicats sérieux qui vont négocier avec les
chefs d'entreprise dans ce domaine, il y aura toujours une différence et
il faut améliorer la productivité de nos entreprises.
Or, je sais qu'à l'occasion du sommet on a même
intentionnellement organisé une journée complète de
discussion, de part et d'autre de la table, avec les principaux ministres qui
s'occupent du travail ou de la sécurité du revenu, les
industriels et les représentants des syndicats ouvriers. Il y a eu
d'excellents échanges à mon point de vue au cours de cette
journée, qui me laissent présager qu'il va y avoir, de part et
d'autre de la table, des discussions. Les syndicats sont conscients d'une perte
de main-d'oeuvre et qu'il faut avoir une plus grande responsabilité du
monde syndical. Les chefs d'entreprise sont conscients aussi qu'ils doivent
négocier leurs décrets le mieux possible avec les
représentants des syndicats. À ce point de vue là, je
demeure confiant qu'on pourra réussir à corriger des choses dans
un proche avenir.
M. Lincoln: Je pense qu'on a parlé de cela avant, mais
j'ai oublié ce que vous m'avez dit exactement. Qu'est-ce que vous faites
par rapport à l'imposition du tarif spécial "d'ornement" par les
Américains, de 20%? Est-ce que vous ou le ministre Landry avez fait des
représentations aux États-Unis, au Secrétaire
d'État au commerce?
M. Biron: M. Landry a communiqué directement avec M.
Reagan à Ottawa pour cette question, en demandant au gouvernement
fédéral d'intervenir et de l'appuyer dans ses démarches.
Il a écrit lui-
même au Secrétaire d'État au commerce
américain et, aux dernières nouvelles que j'avais avant son
départ pour l'Europe, il y a une dizaine de jours, il me disait qu'il
s'attendait à rencontrer les autorités américaines avec
des représentants du gouvernement fédéral pour plaider la
cause des exportateurs canadiens et principalement québécois,
dans ce domaine. C'est une vieille clause qui existe depuis 40 ou 50 ans, mais
qui a été retirée des boules à mites par...
M. Lincoln: Oui, oui.
M. Biron: ...un douanier. Finalement, c'est appliqué
maintenant. Cela nuit considérablement à nos exportateurs.
M. Lincoln: Pouvez-vous me dire si c'est appliqué
maintenant de façon systématique ou irrégulière, si
on s'attaque à un secteur plutôt qu'à un autre ou si c'est
une affaire qu'on fait au pied levé?
M. Biron: C'est appliqué d'une façon
irrégulière. C'est cela qui est compliqué parce que
l'exportateur ne sait jamais d'une fois à l'autre si cela va être
appliqué. Or, ce qu'on veut pour pallier à tout cela, c'est
essayer d'avoir une porte d'entrée aux États-Unis pour qu'au
moins on sache exactement quel est le "pattern" de cette porte d'entrée
pour que l'exportateur, lorsqu'il prend une commande, puisse savoir exactement
si cela sera 22% ou 42,5%. Si on peut l'éliminer, la clause
"d'ornement", tout le monde est assuré que c'est 22%. Là-dessus,
M. Landry fait des démarches présentement.
Ah oui! Cela touche surtout le genre de produit qu'on veut viser sur le
marché américain. Si le produit est d'une plus haute
qualité, dans le secteur de la mode, si vous avez sur une chemise les
deux lettres MR, pour Michel Robichaud, tout de suite, c'est un ornement et
vous êtes imposé à 42,5%. C'est incroyable, en tout
cas.
M. Lincoln: Est-ce que c'est fait par des douaniers individuels
ou s'il y a une politique? Comment cela se produit? Est-ce que c'est devenu une
politique globale des États-Unis?
M. Biron: On nous a dit que ce n'est pas devenu une politique
globale des États-Unis. Cela a été décidé
par un douanier; après cela, ce n'est pas régulier et ce n'est
pas partout. Donc, on ne sait jamais. C'est vraiment de l'incertitude pour les
exportateurs. On veut essayer de faire définir si c'est enlevé
complètement ou, au moins, savoir où on va sur certaines
pièces de vêtement où cela n'existe pas du tout. On
pourrait au moins exporter certains produits.
Politique d'achat du gouvernement du
Québec
M. Lincoln: Est-ce qu'on pourrait passer à quelque chose
d'autre? Je pense que ce sont les questions que j'avais à vous poser sur
l'industrie du vêtement. J'aurais voulu regarder un peu ma liste pour
revenir à ce qu'on avait d'abord commencé. D'après ce que
je comprends de M. Beaulieu, toute la question de la politique d'achat, est-ce
qu'on ne pourrait pas démarrer là-dessus? On a une demi-heure. On
pourrait parler un peu de cela en général, quitte à
continuer la semaine prochaine un peu plus en détail? Je m'excuse, M.
Beaulieu, je vous avais dit qu'on ne parlerait pas de cela ce soir, mais je
n'avais pas réalisé qu'on irait jusqu'à minuit. Si on
pouvait en parler en général... Si on n'a pas fini, on ira...
J'ai envie de vous apporter des cas spécifiques que des gens nous ont
soumis, qui sont venus nous porter ce dossier.
D'accord. Si on peut parler plus généralement de la
politique d'achat du gouvernement du Québec, cela nous arrive de
plusieurs secteurs. Il y a comme une espèce d'idée d'ensemble qui
se détache de cela. Par exemple, je veux vous dire qu'il y a des gens de
l'industrie du caoutchouc qui sont venus en groupe à Québec. Il
me semble qu'ils viennent ici presque chaque année. Ils nous ont
parlé - je peux vous donner l'exemple - d'un des intervenants qui
étaient là, d'une des personnes qui étaient là; ils
étaient un groupe de 13 ou 14 qui représentait une des grosses
industries manufacturières de pneus. Je ne veux pas la citer, parce que
je ne lui ai pas demandé la permission de le faire, mais, en tout cas,
c'est un des gros producteurs. Il nous disait: Voilà ce qui se passe -
disons que c'est Goodyear, Firestone ou Michelin - disons qu'on a une usine au
Québec, une autre usine en Ontario, une dans les Maritimes ou ailleurs.
L'usine du Québec, pour être vraiment rentable,
considérée par eux comme une multinationale, comme un des points,
un des centres de production d'un secteur global... C'est-à-dire qu'ils
ne peuvent pas dire que le Québec se situe séparément du
reste de leurs unités de production. Tout cela fait partie d'une
unité globale.
Donc, ils peuvent décider de produire des pneus radiaux de camion
ou d'automobile d'un certain calibre ou certains genres de pneus radiaux
d'automobile. On va produire des pneus de camions en Ontario, des pneus
d'autobus et de tracteurs ailleurs. Toutes ces unités de production sont
centrées sur des balises de production globale qui se rencontrent, parce
qu'on a décidé, pour une raison ou une autre, de produire ici
telle chose et là telle chose. Aussi, sur l'axe nord-américain...
Étant une firme nord-américaine, comme General Motors le fait
pour son centre de production à Sainte-Thérèse, on
produit un certain modèle. On ne produit pas tous les modèles
à Sainte-Thérèse. Ce qui arrive, d'après ces
intervenants - ils nous citaient des cas typiques - c'est que le gouvernement
du Québec et toutes ses filiales, ses subsidiaires, les
sociétés d'État, etc., toute l'administration publique
représente, d'après ce que nous comprenons, un chiffre d'achat
global d'environ 4 000 000 000 $. Ce sont des chiffres... Attendez une minute.
400 000 000 $; 10%, ce serait 400 000 000 $. Oui, si on parle de tous les
achats globaux. On ne parle pas d'un secteur. Si on parle de tout ce qu'Hydro,
le gouvernement, l'administration publique achètent, c'est un
très gros secteur. Si on parle... Je sais que les gens de la chambre de
commerce m'ont dit, par exemple, que la question de la protection de la
politique d'achat du Québec, cela représente 400 000 000 $. Cela
représente 10%, plus ou moins, d'une grosse somme globale d'achat du
gouvernement qui représente des milliards de dollars.
Mais là, on ne parle pas de tout cela. On parle d'un secteur
spécifique, je vais vous donner un exemple spécifique. Disons
que, dans l'industrie des pneus, le gouvernement du Québec achète
des pneus pour des camions du ministère des Transports, des camions
d'Hydro-Québec, etc. C'est immense, les achats globaux que le
gouvernement représente dans tous les secteurs. Là, vous avez une
usine. Que ce soit Goodyear, Firestone, Goodrich qui a une usine au
Québec. C'est peut-être la plus grosse usine au Canada. En fait,
dans le cas spécifique qu'on nous avait présenté,
c'était la plus grosse usine que les gens avaient au Canada. Eux, ils
ont besoin de faire une soumission pour des pneus de camions pour
HydroQuébec ou pour le gouvernement du Québec. Parce que leur
usine au Québec ne produit que des pneus d'automobiles, ils sont
obligés de faire venir des pneus de camions de l'Ontario ou de je ne
sais où. Là, on dit: Ce ne sont pas des pneus
québécois. Vous êtes soumis à la politique d'achat
du Québec. Alors, ils disent que, pour réellement se soumettre
à la politique d'achat du Québec, il faudrait que leur centre de
production soit un petit centre de production multiple: pour les autos, les
camions, etc. Ceci deviendrait tout à fait un non-sens au point de vue
de la politique globale de production. C'est un exemple typique que je vous
donne, un exemple factuel.
Un autre exemple qu'on nous donne -et là, je vais revenir au cas
de Sceptre -c'est une industrie qui fabrique certains tuyaux industriels. Un
pourcentage de 65% ou 70% de ses matières premières vient de
Shawinigan, de la résine qui est produite par Goodrich. J'ai des notes.
En tout cas, je vais retrouver la note qui m'a été donnée
par le P.-D.G. de la firme en question. Mais, enfin, disons que c'est une marge
très importante de ses matières premières qui vient du
Québec; des produits, des matières premières
fabriqués au Québec. Dans ce cas, on me dit que ce sont des
produits résineux qui sont fabriqués à Shawinigan par B.
F. Goodrich. Ce sont des tuyaux PVC qui sont fabriqués à base de
produits de résine et ces gens disent que c'est quelque chose de l'ordre
de 60% ou plus. La résine est faite au Québec par B. F. Goodrich
de Shawinigan. Le dioxyde est fait à Montréal et le contenu
québécois est très important. J'ai des chiffres de l'ordre
de 60%. Ils disent: Voilà, nous produisons, notre usine est en Ontario
en ce moment. Alors, ils font une soumission. Ils sont les plus bas
soumissionnaires. Ils respectent toutes les clauses du contrat. Ils sont les
sous-traitants pour un entrepreneur québécois qui, lui, obtient
le contrat. Comme ils ont accepté toutes les clauses de la soumission,
ils fabriquent le produit dans leurs usines, ils envoient cela par camion au
Québec - on ne parle pas d'un cas de grande valeur, on parle de 35 000 $
seulement - pour commencer la construction; c'est employé dans
l'assainissement des eaux. Après cela, quand le produit est sur le site,
l'entrepreneur ne décide pas; le gouvernement du Québec dit que
ce produit n'est pas acceptable du point de vue de la politique d'achat du
Québec. Il a besoin de reprendre le produit, de le renvoyer en Ontario
et le produit reste là parce que c'est un produit spécifique du
Québec. (23 h 30)
Nous avons eu un autre cas, l'autre jour, qui nous a été
soumis par une manufacture dans le domaine de la climatisation. On nous a
parlé aussi d'une autre firme, mais celle-ci ne veut pas qu'on divulgue
tous les détails; c'est une firme internationale située en partie
aux États-Unis, en partie en Europe.
De tout cela se dégage que la politique d'achat est une politique
très rigide, qui est en train de nuire aux investissements qui peuvent
se faire au Québec. Prenez le cas de Sceptre, si on peut parler d'un cas
spécifique. Sceptre a un local à Saint-Laurent, à
côté de Montréal, un bureau et un entrepôt. En 1979,
elle a acheté un site de cinq arpents à Aspen Street, à
Saint-Laurent; l'idée était d'élargir son entrepôt
et, en même temps, de bâtir une usine pour le Québec quand
son produit aurait atteint un chiffre de vente assez intéressant ici.
Elle a même été jusqu'au point d'avoir des dessins
préliminaires, des plans préliminaires, des designs, etc. Elle a
fait son premier stage de design, le site a même été
nivelé, tous les préparatifs préliminaires ont
été faits. Cela aurait créé environ 50 ou 60 jobs.
Après cela, elle a eu l'idée que cela valait
peut-être la peine, puisque qu'elle avait deux sites
séparés à Saint-Laurent, de consolider le tout dans un
centre industriel à Laval. Il y a deux ans de cela, elle a
rencontré M. Landry, qui était alors ministre du
Développement économique, avec l'idée de consolider toutes
ses opérations à Laval et de bâtir une usine. Ce qu'elle
avait proposé, c'était qu'on lui permette de vendre son produit
au Québec comme produit acceptable, puisque c'est un produit très
spécialisé qui n'est pas manufacturé ici, pourvu qu'elle
s'engage à ce que le contenu québécois soit au moins de
60% à 70%, et, une fois qu'elle aurait obtenu une part assez
intéressante du marché, elle aurait bâti une usine dans
deux ans. Le projet, d'après ce qu'on me dit, n'a pas été
accepté avec les conséquences que je vous dis sur la question du
rejet de projets selon la politique d'achat.
Il y a quatre cas spécifiques qui sont venus à notre
connaissance. Il y a le cas de l'industrie du caoutchouc qui nous a dit cela
plusieurs fois, il y a le cas d'une grosse multinationale qui ne veut pas
être citée -mais je suis en train d'essayer d'obtenir
l'approbation de la firme pour citer son nom - il y a le cas de Sceptre ici et
de ses tuyaux, il y a le cas d'une entreprise dans le domaine de la
climatisation qui nous écrivait récemment pour citer des cas de
soumissions qui ont été encore rejetées à cause de
la politique d'achat du Québec. Il y a beaucoup d'intervenants qui
commencent à nous dire que cette politique d'achat est beaucoup trop
rigide. Ce qui va arriver, nous vendons tellement à l'Ontario, c'est
que, si les Ontariens nous disent: Bon, nous allons faire la même
politique, acheter seulement en Ontario, quand ils ont une politique d'achat de
produits canadiens, on va se retrouver dans une espèce de guerre qui ne
profitera ni à l'un ni à l'autre. C'est pourquoi j'ai
pensé que c'était le moment... J'ai dit à ces gens de
Sceptre qui nous ont parlé de cela... Je connaissais un intervenant dans
le domaine de la matière première, je le connaissais très
bien; c'est lui qui m'a présenté à ces gens de Sceptre qui
avaient un problème et qui voulaient qu'on discute le principe de la
chose. J'ai pensé que ce serait le temps idéal de parler de cela
au moment des crédits et de voir comment on peut en arriver à une
politique qui sera plus constructive du point de vue... Tout d'abord, se servir
- appelez cela les importations -des importations pour créer de la
nouvelle technologie et, deuxièmement, pour le domaine de
l'investissement au Québec.
M. Biron: Je suis heureux que vous souleviez ce problème
parce que j'en ai discuté longuement la dernière fois que j'ai
rencontré mon collègue, le ministre de l'Industrie et du Commerce
de l'Ontario, pour essayer de le convaincre d'abandonner sa politique d'achat
en lui disant: On va essayer certains secteurs, si tu veux, et je ne veux pas
que tu les abandonnes du jour au lendemain. Vous avez une politique très
stricte en Ontario qui n'est pas publiée et on va essayer certains
secteurs d'activités.
Le premier secteur qu'on a choisi, c'est le secteur de la santé,
tout le secteur de la santé, les hôpitaux et tout cela. C'est plus
facile à contrôler parce que c'est un secteur
contrôlé par le public à peu près à 100%,
à la fois dans les deux provinces. Et on s'était entendu sur le
principe mais, depuis ce temps, il y a des entreprises
québécoises qui ont eu énormément de
problèmes avec la politique d'achat de l'Ontario, à tel point
qu'elles sont maintenant bannies des hôpitaux ontariens parce que
l'Ontario a décidé d'y aller avec des soumissions, non pas
publiques mais privées, seulement avec des firmes qui produisaient en
Ontario. Alors, on a beaucoup de problèmes et j'ai à l'ordre du
jour une prochaine rencontre avec le ministre ontarien, encore une fois, et je
vous assure que vais être très dur à son égard parce
que je pense que, si on veut jouer le jeu, il va falloir le jouer franchement
des deux côtés et pas tout simplement d'un côté.
Sa réponse à une grande entreprise
québécoise dans le domaine des produits de la santé a
été de dire: J'ai ma politique d'achat et je ne l'abandonne pas.
Je pense que ce n'est pas comme cela qu'on joue le jeu. Je me souviens du cas
Bombardier, en particulier à Toronto ou à Scarborough, si je ne
me trompe pas, où Bombardier était le plus bas soumissionnaire.
J'ai soulevé cette question aussi avec M. Walker en disant: Pourquoi
Bombardier qui était le plus bas soumissionnaire n'était-elle pas
recevable, pas recevable, pas recevable jusqu'au jour où la ville a
réalisé que, si elle présentait une demande au
gouvernement de l'Ontario avec UTDC et Hawker Siddeley de l'Ontario, elle
pourrait recevoir le contrat, elle pourrait recevoir le O.K. et cela a
été accepté à... Il y avait une différence
d'environ 60 000 000 $ sur une commande de 150 000 000 $, mais c'était
fabriqué en Ontario, cette fois. Je ne blâme pas M. Walker sur ce
contrat spécifique parce qu'il a fait en sorte de mettre au monde une
industrie de transport en commun qui n'existait pas du tout en Ontario avant.
C'était le Québec qui avait cela avec le Bureau de transport
métropolitain de Montréal, Bombardier, Lavalin. C'est seulement
pour dire que cela existe quand même ailleurs et on a de la
difficulté avec la politique d'achat ailleurs.
Sur les points spécifiques que vous avez mentionnés, les
gens de la firme que vous mentionnez dans le domaine du caoutchouc sont venus
me voir aussi. Je pense qu'on parle de la même firme. Vous m'avez
donné assez de détails pour que je puisse savoir ce
que c'est, sans la mentionner quand même au procès-verbal
de cette assemblée. Ils sont venus me voir aussi avec leur monde et se
sont plaints de la politique d'achat québécoise. Mais, on a fait
venir le directeur général des achats ici à Québec
de même que les gens qui s'occupent des statistiques d'achat des
différentes communautés urbaines parce que, lorsqu'on vend des
pneus de caoutchouc, on en vend aussi pour les autobus, dans le transport
urbain en particulier, et on leur a prouvé avec nos chiffres qu'ils
avaient la grande part du marché québécois, que leur
compétiteur qui produit aussi au Québec, lui, aurait
peut-être des raisons de se plaindre, mais pas les gens de l'entreprise
qui sont venus nous voir. En tout cas, on a mis tous les chiffres. Je ne sais
pas de quand date votre rencontre avec cette firme. Pour nous, cela date d'une
couple de mois à peu près, où on a vraiment mis tous les
chiffres sur la table en disant: Vous êtes privilégiés. Il
est vrai que vous ne vendez pas certaines catégories de pneus, mais, par
contre, pour les autres catégories, vous avez tout le marché
québécois ou à peu près. C'est difficile de
demander à l'autre de se tasser davantage. C'est le premier cas.
Le deuxième cas, le cas Sceptre dont vous avez parlé, il
est exact que les tuyaux étaient rendus sur les lieux, mais ce n'est pas
la faute du gouvernement du Québec. Il y a un protocole d'entente avec
les municipalités et avec les entrepreneurs généraux selon
lequel ils doivent respecter les devis. Dans le devis, il était
clairement indiqué qu'il s'agissait de tuyaux en fonte ductile faits
à Trois-Rivières qui devaient être employés pour le
contrat spécifique de Valleyfield, ou de la région. Les autres,
qui avaient soumissionné dans la région, avaient
soumissionné conformément au devis tel que fait et accepté
par le gouvernement. Dans ce sens-là, il était difficile en cours
de route de changer des choses lorsque les compétiteurs de
l'entrepreneur général avaient soumissionné suivant le
même devis.
On a voulu pousser plus loin et on a rencontré cette
firme-là. On a discuté avec elle de son implication au
Québec et de ses achats de matière première au
Québec. Le dossier n'est pas complété. Si la firme a
décidé de ne pas investir au Québec en 1981, ce n'est pas
à cause de la politique d'achat, c'est vraiment que le contexte
économique a fait que ses ventes...
M. Lincoln: ...
M. Biron: ...ont diminué non seulement au Québec,
mais à l'extérieur aussi. On est en pourparlers
présentement avec cette firme pour voir, maintenant que le marché
semble en progression, s'il n'y aurait pas lieu de faire une entente pour une
production québécoise. Entre-temps, nous sommes réceptifs
pour regarder avec elle ce qu'on peut faire pour que cette firme fasse son
possible pour investir au Québec et créer des emplois sans nuire
aux autres manufacturiers de produits compétitifs. Je pense à la
fonte ductile, à l'amiante-ciment, au béton. On sait que, pour
les tuyaux d'aqueduc en particulier, on peut utiliser plusieurs sortes de
produits qui sont à peu près de qualité égale. J'ai
vécu personnellement dans ce domaine-là et on pouvait remplacer
la fonte par l'amiante-ciment ou par le plastique. Ce n'est pas
nécessairement le plastique contre le plastique ou l'amiante-ciment
contre l'amiante-ciment; ce sont vraiment des produits compétitifs mais
différents. Dans les produits de fonte ductile, d'amiante-ciment, de
béton, on a un contenu québécois de 90%, un très
haut contenu québécois; il faut aussi s'assurer que, si on perd
des emplois à un endroit, on puisse les regagner à l'autre, sinon
nous serons toujours perdants.
De toute façon, le dossier de cette firme n'est pas fermé.
Comme le contexte économique semble se replacer un peu, nous sommes
prêts à des discussions pour en venir à une entente. Dans
chaque cas spécifique qui est porté à mon attention, on
revoit tous les dossiers et on essaie, autant que possible, d'en venir à
des ententes. Je vous ai mentionné, dans le courant de la
journée, le cas Baxter. Dans le fond, à cause de la politique
d'achat, nous avons établi une usine à Sherbrooke. Il y a une
centaine d'employés dans cette usine plus la sous-traitance qu'elle va
donner à d'autres petites usines de la région de Granby. Ce qu'il
est intéressant de noter, c'est que finalement toute sa production de
pièces pour les solutés - le soluté sera produit en
Ontario - toutes les pièces qui n'étaient pas produites en
Ontario, mais à Taiwan ou ailleurs à travers le monde, sont
maintenant produites au Québec pour tout le marché canadien.
C'est un gain net pour l'économie canadienne et bien sûr aussi que
c'est un gain net pour l'économie québécoise.
J'ai un cas en mémoire - je ne sais pas si cela vous a
été rapporté - les filtres à eau où,
là aussi, à cause de la politique d'achat, on a finalement
convaincu l'entreprise. On a discuté avec elle sur une base
économique; c'est une entreprise qui s'installe dans le parc industriel
de Saint-Augustin, pas loin de Québec. Il y aura 35 employés. Ce
qu'on essaie de faire, en fait... Bien sûr, les gens trouvent souvent,
lorsqu'ils se butent à notre politique d'achat, que cela est très
rigide. Je vous dis que notre politique est moins rigide que celle de
l'Ontario, mais qu'on veut l'appliquer de façon intelligente. Je pense
qu'on ne veut refuser personne. Tout ce qu'on veut faire, c'est d'attirer des
gens chez nous en discutant avec ces gens-là. Si vous avez des exemples
ou des cas qui vous sont rapportés,
j'apprécierais que vous puissiez communiquer avec moi ou avec mon
sous-ministre. On vous dira bien honnêtement, on vous mettra au courant
des dossiers, à savoir si on a déjà discuté avec
cette firme-là ou si on n'a pas discuté, mais ce qui arrive dans
un cas précis. (23 h 45)
Je pense aussi à Loto-Québec qui a acheté pour 30
000 000 $ de terminaux. C'est une firme américaine qui a
soumissionné. On s'est entendu avec elle. On lui a dit qu'elle pouvait
soumissionner à la condition de faire une entente avec une entreprise
québécoise pour produire au Québec les terminaux
nécessaires. Ce qui arrive, c'est qu'on produit plus que pour
Loto-Québec finalement. C'est Gaming System qui a une petite entreprise
à Dorval - je ne sais pas si c'est dans votre comté -Rank
Périphérique ou quelque chose comme cela...
M. Lincoln: À côté de chez moi.
M. Biron: ...qui va prendre beaucoup d'expansion. Finalement,
comme retombée secondaire à cause de cette entente avec Gaming
System en disant: Nous allons vous donner une commande du gouvernement du
Québec, mais vous installez des usines de production. Comme
retombée secondaire, le cas de Vidéotron, pour produire les
modules pour la télévision, cela va être produit avec une
association Vidéotron et Gaming System. Or, finalement, on a deux
retombées à cause d'un premier achat du gouvernement du
Québec, on a une retombée aussi dans le secteur privé.
Dans ce sens, je veux juste vous assurer qu'on ne veut pas s'entêter avec
une politique d'achat qui ne sera pas applicable, mais qu'on veut essayer
d'encourager les investissements au Québec.
Vous m'avez mentionné aussi dans le courant de la journée
le cas des filtres-presses à Montréal et des deux commandes de la
Communauté urbaine de Montréal. Vraiment, je ne vous cache pas
qu'on est intervenu un peu tard dans ce dossier. On l'a su, les plans et devis
étaient faits. On aurait probablement pu y attacher, si on l'avait su
avant, un transfert technologique pour le Québec. Cela m'a fait un peu
mal au coeur de donner des commandes pour 75 000 000 $ ou 80 000 000 $ à
l'extérieur, payées par le pauvre monde du Québec. Je
pense que, si on avait été le maître d'oeuvre dans ce
secteur, on aurait pu intervenir directement, mais, comme il fallait passer par
la Communauté urbaine de Montréal, cela a été
très difficile. Mais, à l'avenir, on fait en sorte que les plans
et devis, au moins, assurent une retombée technologique ou
économique minimale. Avec cela, on permet à tout le monde de
soumissionner à condition de faire des ententes avec des entreprises
québécoises.
Finalement, avant de terminer sur ce point, ce qu'on est aussi en train
d'étudier avec notre politique d'achat - on ne veut pas aller contre le
développement technologique et économique - ce sont les cas de
mission mondiale; par exemple, IBM, General Motors à
Sainte-Thérèse. C'est sûr que General Motors ne peut pas
produire toutes les sortes d'automobiles au Québec. Elle produit la
Oldsmobile Cutlass, et certaines séries de Pontiac et on
s'aperçoit que c'est très important pour le Québec. Donc,
on va permettre à toutes les entreprises qui auront une mission mondiale
au Québec - le cas, dans le fond, du caoutchouc, c'est un peu cela - ou
au moins une mission nord-américaine de recevoir, et on est en train de
travailler pour cela, un série plus complète de leurs produits.
Dans le fond, si on veut ouvrir notre commerce extérieur à
travers le monde, il faut aussi s'ouvrir. Je pense que les entreprises qui font
un effort, comme IBM ou GM au Québec, méritent qu'on les traite
en citoyens québécois à part entière. Alors, il y a
de l'ouverture de notre part là-dessus, mais on veut s'assurer que le
pouvoir d'achat du Québec serve à développer le
Québec au maximum.
M. Lincoln: D'accord. Là, on peut dire qu'il y a un pas en
avant de fait si vous traitez cette question des grosses firmes qui ont des
centres de production ailleurs et qui fatalement ne peuvent pas tout produire
ici. Mais, si on revient à la politique d'achat, au principe de base, si
vous me dites que M. Walker en Ontario applique la politique de façon
discriminatoire; je suis tout à fait d'accord avec vous. J'espère
que vous allez lui dire votre façon de penser de façon tout
à fait catégorique. Nous sommes d'accord sur cela, mais, en fait,
sa politique de base, c'est que l'Ontario est censé avoir une politique
officielle où il n'y a pas de discrimination, pourvu que le produit soit
canadien. C'est cela, la politique officielle du gouvernement de l'Ontario.
M. Biron: Officielle, la politique officielle du gouvernement de
l'Ontario. Par contre, en pratique, sur les listes de soumissionnaires ou sur
les listes d'entreprises de qui les hôpitaux ou le gouvernement peuvent
acheter, on enlève les noms des entreprises de l'extérieur de
l'Ontario. Alors, officiellement, on s'excuse; les autres, nous ne les
connaissons pas.
M. Lincoln: D'accord.
M. Biron: C'est une façon très intelligente de
pratiquer la politique d'achat.
M. Lincoln: Mais ce n'est pas "fair".
M. Biron: Ce n'est pas "fair". Vous avez raison.
M. Lincoln: Donc, si on dit qu'on a une politique d'achat
canadienne, il faut que ce soit canadien ou bien qu'on dise qu'on a une
politique d'achat ontarienne. Mais, en même temps, si, par exemple, on
dit qu'on a une politique d'achat au Québec, il faut s'attendre que
l'Ontario dise: On a une politique d'achat en Ontario. Est-ce qu'on ne peut
pas, de part et d'autre, considérant qu'on a des échanges mutuels
tellement immenses entre les deux provinces, en arriver à une politique
d'achat de base plus flexible où, par exemple, on pourrait dire à
l'Ontario: Ici, au Canada et au Québec, on a une politique d'achat
Canada plutôt que Québec? À ce moment-là, à
condition que l'Ontario marche, on aurait autant davantages à vendre nos
produits sans entrave que d'aller jouer à des exceptions chaque fois. Ce
qui arrive, de part et d'autre, c'est que vous avez besoin d'aller voir M.
Walker et de lui dire: M. Walker, voilà les cartes de discrimination
dans le domaine de la santé et des hôpitaux, Bombardier ou quoi
que ce soit. Est-ce qu'on n'aurait pas pu, par exemple, avoir une politique
similaire qui serait appliquée de façon tout à fait
objective d'un côté et de l'autre?
M. Biron: Mon objectif à plus long terme est d'arriver
à ce que vous dites, mais, compte tenu des circonstances, du
passé et de la crainte que nous avons de voir l'Ontario appliquer avec
discrimination sa politique et de la crainte que l'Ontario a de nous voir
appliquer avec discrimination notre politique... C'est pour cela que j'avais
suggéré à M. Walker de commencer dans un secteur
donné en disant: Au lieu de se lancer dans tous les azimuts en ne se
fiant ni à l'un ni à l'autre... Je lui ai dit qu'on ne pouvait
pas se fier à l'Ontario: Vous avez trahi le Québec constamment,
on ne peut pas se fier à vous autres, mais on est prêt à
faire une entente dans certains secteurs et si, avec une meilleure, une plus
longue fréquentation, on en vient à faire un mariage de raison,
tant mieux! Ce sera un mariage intelligent.
C'est pour cela que, dans ce sens, je lui ai dit: On va commencer dans
tout le secteur de la santé, ce qui représente une somme
fabuleuse. On va commencer dans tout le secteur de la santé où ce
ne seront pas seulement le Québec et l'Ontario, on va ouvrir notre
politique d'achat à toutes les provinces canadiennes, pour avoir une
politique canadienne pour tout le secteur de la santé. Cela regroupe
bien sûr les produits pharmaceutiques, cela regroupe les instruments
chirurgicaux, ce sont beaucoup de choses. Cela a accroché, depuis ce
temps, de la part de l'Ontario, mais je me propose de faire un nouvel effort de
ce côté. C'est un secteur où on est assuré, nous
autres du Québec, de tirer notre épingle du jeu, parce qu'on a un
assez bon pourcentage du marché canadien.
Je pense que cela vaudrait la peine d'attaquer un secteur et de dire: Ce
secteur est réglé. Ensuite, on pourra prendre d'autres secteurs,
les secteurs, surtout, qui regardent la capacité d'achat des
gouvernements respectifs. Je pense que, sur une certaine période de
temps, on pourra en venir à l'objectif que vous avez et que j'ai moi
aussi, mais une fois qu'on aura prouvé notre bonne foi de part et
d'autre dans des secteurs donnés. Je prétends que ce sera
très facile à réaliser en commençant par tout le
grand secteur de la santé. Ensuite, on pourra prendre le secteur du
transport - les pneus, le transport en commun et tout cela - et on pourra
élargir peu à peu à tous les secteurs de l'activité
économique. Je pense que c'est une façon intelligente de
progresser. Surtout, cela nous permet d'acquérir une confiance mutuelle
dans l'autre partie.
M. Lincoln: M. le ministre, je trouve cela impensable, en 1983,
qu'on se dirige vers une espèce de zone de libre-échange. On
réalise que c'est plus dans le principe que dans la pratique... Dans le
monde entier, c'est le marché commun européen; ici, votre
collègue, M. Landry, cherche un marché commun avec les
États-Unis. Qu'on en soit arrivé à pratiquer presque du
protectionnisme à l'échelle tout à fait immédiate,
qu'on ne puisse pas s'entendre sur une question de... Nous, on a tout à
gagner, parce que notre vocation est purement exportatrice, qu'on se place du
point de vue du reste du Canada, des États-Unis ou d'où que ce
soit. Sans les exportations, nous mourons. Comment peut-on dire en même
temps qu'on va exporter et avoir une politique d'achat qui dise: On se
protège, c'est "Québec only"?
Il me semble que, comme gouvernement, il faudra que nous en arrivions
à un point où on ait une politique d'achat globale plus flexible.
C'est une espèce de système "chicken and eggs", à savoir
qui commence l'affaire. Eux disent: C'est le Québec qui commence. Le
Québec dit: Non, c'est l'Ontario qui commence. C'est un jeu sans
fin.
M. Biron: C'est pour cela, M. le député de
Nelligan, que j'avais suggéré qu'on commence dans un secteur
donné. Au moins, si on ne se fie pas à tous les secteurs en
disant: Que l'autre commence avant, dans un secteur donné, on peut se
permettre de commencer et, au moins, de prouver de part et d'autre sa bonne
foi.
Nous, en même temps, avons une autre chose à faire au
Québec. Vous dites qu'on a
beaucoup à gagner, mais on a aussi beaucoup à perdre,
parce que la mentalité des gens de l'Ontario est plus tournée
vers un produit fait en Ontario. C'est naturel. Ils n'ont pas besoin
d'être forcés de le faire. Les Japonais, vous n'essayez pas de
percer le marché japonais; pourtant, c'est le plus grand pays
exportateur au monde. Pour eux, si c'est fait au Japon, c'est instinctif, c'est
automatique, ils vont acheter un produit japonais. Nous, au Québec, on
n'a pas développé des attitudes protectionnistes naturellement.
On regarde deux produits et on ne regarde pas si le produit est
québécois ou non. On regarde d'autres dimensions du commerce.
Alors, en même temps qu'on va ouvrir nos marchés, qu'on va
faire des ententes avec les provinces voisines ou avec les pays voisins, je
pense qu'il faut développer chez notre population une attitude pour
acheter des produits québécois. Je pense que, si on faisait cela,
si on développait cette attitude, ce serait naturel. À choisir
entre deux produits, c'est normal de choisir un produit
québécois, à mon point de vue. Alors, si on pouvait
encourager notre population à aller dans ce sens, je pense qu'on aurait
fait un bon bout de chemin; sans mettre de barrières artificielles, que
ce soit tout simplement une discipline personnelle.
M. Lincoln: On me dit que, dans le cas spécifique de
Sceptre, vous avez eu des négociations récemment? Comment...
M. Biron: C'est tout le secteur des tuyaux, égouts et
aqueducs qui est sous observation et en discussion présentement.
M. Lincoln: ...on a fermé depuis juillet 1982? Est-ce que
vous seriez prêt, M. le sous-ministre - ou M. le ministre, je ne sais pas
lequel - à rencontrer les gens de Sceptre? Ils sont venus nous voir pour
nous dire...
M. Biron: On a déjà rencontré ces
gens-là dernièrement, mais on est prêt à
revérifier avec eux.
M. Lincoln: Ils sont venus nous voir parce que, sans doute, cela
a fini dans le sens qu'il n'y a rien eu de constructif. Comment cela s'est-il
terminé?
M. Biron: II n'y a pas encore de décision de prise. Tout
le secteur des tuyaux, égouts et aqueducs est sous observation, en
discussion présentement, pour prendre de nouvelles décisions, en
fonction, bien sûr, d'une décision de leur part d'investir, soit
à Laval ou ailleurs au Québec. C'est sûr que cela nous aide
à accélérer nos décisions. On est soumis aussi
à des pressions par les fabricants du tuyau d'amiante-ciment et du tuyau
de béton qui disent: On veut protéger notre marché. Pour
vous donner un exemple, quand je parle de l'amiante-ciment, l'Ontario
défend de mettre du tuyau d'amiante-ciment parce qu'il est produit au
Québec. On ne dit pas que c'est parce qu'il est produit au
Québec. On dit que l'amiante n'est pas un bon produit. On trouve
d'autres raisons pour instituer une politique d'achat
préférentielle en Ontario. Or, nos manufacturiers disent: Au
moins, protégez-nous. Dans le fond, les dimensions sont un petit peu
plus compliquées que si elles s'appliquaient seulement à une
entreprise donnée.
M. Lincoln: Est-ce que vous avez l'intention de rencontrer M.
Walker à ce sujet?
M. Biron: J'ai l'intention de le rencontrer au sujet de la
politique d'achat, parce que, ce que M. Walker m'a dit lors de ma
dernière visite à Toronto, ce n'est pas tout à fait ce qui
est pratiqué maintenant par l'Ontario. J'ai l'intention de le rencontrer
à ce sujet.
M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous dire quand vous avez
l'intention ou quand le Conseil des ministres va se pencher sur la question que
vous suggériez tout à l'heure, soit celle de traiter les
entreprises multinationales qui ont une envergure nord-américaine ou
internationale?
M. Biron: Je ne suis pas tout à fait prêt à
faire une recommandation globale et générale, je voudrais la
faire par secteur d'activité. En d'autres termes, je ne crois pas qu'on
puisse monter un escalier en sautant sur la sixième marche d'un coup. Je
pense qu'il faut le monter marche par marche et, dans ce sens, j'aimerais mieux
procéder par secteur. C'est ce qu'on est en train de déterminer
au ministère, quels sont les secteurs où il y a vraiment des
entreprises à mission mondiale ou nord-américaine au
Québec, combien de secteurs d'activité ces entreprises
représentent et comment on peut procéder rapidement pour les
admettre. C'est sûr qu'on fait cela aussi en consultation avec
l'industrie.
M. Lincoln: Est-ce que M. Beaulieu pourrait nous dire quel
échéancier vous avez en ce sens? Quand votre étude
sera-t-elle terminée?
M. Biron: La consultation avec l'industrie, dans tout ce
domaine-là, a pris à peu près un an et on est en train de
rédiger le mémoire. Il va y avoir des discussions à
l'intérieur du ministère pour arrêter notre décision
et, après, cela ira au Conseil des ministres.
Le Président (M. Blouin): Alors, il est presque minuit.
Nous avions convenu de terminer nos travaux à minuit. Sur ce, la
commission parlementaire de l'industrie, du commerce et du tourisme ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à minuit)