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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je déclare la séance ouverte. Je vous rappelle le mandat
de la commission. C'est une question avec débat du député
de Notre-Dame-de-Grâce au ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme sur le sujet suivant: L'affaiblissement de la part du Québec
dans les investissements manufacturiers canadiens.
Avant de commencer, je vais rappeler l'article 162a qui dit ce qui suit:
"Lorsqu'une commission élue est saisie d'une question avec débat,
elle est soumise aux règles spéciales suivantes: "a) le
député qui a donné l'avis de question avec débat a
droit d'être entendu le premier et le ministre questionné peut lui
répondre immédiatement après; chacune de ces interventions
doit être limitée à vingt minutes; "b) un
député peut prendre la parole aussi souvent qu'il lui
plaît, à condition de ne parler plus de vingt minutes en tout;
cette restriction ne s'applique pas au député qui a donné
l'avis de question avec débat ni au ministre questionné lesquels
ont un droit de parole privilégié; "c) le ministre peut se faire
accompagner des fonctionnaires de son choix et les autoriser à prendre
la parole et ils parlent alors en son nom; "d) la commission ne désigne
pas de rapporteur et il n'y a pas de rapport à l'Assemblée; "e)
le quorum est présumé exister et l'absence de quorum ne peut
être invoquée; "f) il ne peut y avoir ni motion ni vote; "g)
à treize heures, ou lorsqu'il n'y a pas plus d'opinant, le
président met fin aux travaux de la commission."
Je vous avise aussi que je vais réserver à 12 h 40, dix
minutes au député de Notre-Dame-de-Grâce pour une
intervention finale et dix minutes au ministre, ce qui permettra à la
commission de se terminer à 13 heures.
Je donne la parole au député qui a demandé la
question avec débat, le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. le député.
M. Scowen: Merci, M. le Président. Avant de commencer,
puis-je vous demander - nous sommes quatre ce matin - si mes collègues
n'ont pas terminé les interventions, vu qu'on a commencé une
quinzaine de minutes en retard, si l'on peut au besoin légèrement
dépasser 13 heures?
Le Président (M. Rancourt): On verra à la fin,
suivant les événements, si on a un consentement.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
Exposé du sujet M. Reed Scowen
M. Scowen: On verra. Le débat qu'on a proposé ce
matin, c'est un débat avec une portée très limitée,
comme vous avez pu le constater, mais c'est tout de même très
important. Au fond c'est la question de l'emploi et on n'a pas souvent
l'occasion de parler de cette question ici à l'Assemblée
nationale.
Ce matin, on n'a pas l'intention de parler, comme on l'a fait assez
souvent, je pense, de l'exode des sièges sociaux, des "jobs" et des
cerveaux du Québec. C'est une autre partie de l'histoire, qui est quand
même très importante. Mais, ce matin, on a l'intention de parler
des usines, des investissements. On les appelle les investissements
manufacturiers ou les immobilisations manufacturières. Mais,
effectivement, quelque chose que les gens comprennent très bien, ce sont
les usines, les machines.
Cette semaine, M. le ministre, j'avais le plaisir de recevoir de l'Alcan
une belle photo de ses installations à La Baie, par exemple. C'est une
usine qui a été installée ici au Québec
récemment, qui entraîne 400 ou 500 emplois permanents stables.
C'est cet aspect de notre économie qui est le moteur et je pense qu'on
est tous sur la même longueur d'ondes. Dans ce sens, je vais simplement
citer ce que le gouvernement a dit au sujet des investissements dans le domaine
des usines et des machines quand il a rendu public son document Bâtir le
Québec, le premier, en 1979. Il disait: "La fabrication - c'est cela, la
fabrication, les usines - a toujours été considérée
comme le moteur de l'économie à cause de ses nombreux effets
d'entraînement directs, indirects et induits sur l'activité
économique."
Alors, je pense et j'espère que nous sommes sur la même
longueur d'ondes: les usines, les machines, les "jobs" stables et permanentes,
c'est là la clé d'une économie saine. Même quand on
prévoit que, dans l'avenir, les services deviendront plus importants, il
ne faut pas oublier que le secteur manufacturier, c'est aujourd'hui 600 000
emplois, ou presque, au Québec.
M. le Président, nous avons limité le débat pour
des raisons très spécifiques. Nous voulons parler de notre part
des investissements dans les usines et les machines de l'ensemble canadien et
nous avons choisi de limiter le débat pour plusieurs raisons. Je dois
vous dire très honnêtement que la raison la plus importante est
qu'on veut limiter un peu les réponses que vous allez nous donner, parce
que vous avez mal fait - et j'espère qu'on pourra le prouver - depuis
six ans, depuis le début de votre premier mandat, dans le domaine des
investissements au Québec et vous avez tendance à en blâmer
les autres. Ce matin, nous voulons que vous réféchissiez un peu
sur vos propres gestes ou sur vos absences de gestes.
La façon dont nous proposons le débat vous empêchera
de rejeter le blâme sur la crise économique parce qu'on va parler
de la part des investissements au Québec comparée avec l'ensemble
canadien. Au Canada, vous êtes dans une ligue avec neuf autres
concurrentes pour l'investissement, si les neuf autres provinces qui sont
toutes frappées par la même crise économique. On va vous
démontrer - je pense que c'est clair - que votre part de tous les
investissements au Canada a diminué. Alors, on vous demandera pourquoi.
Pourquoi n'êtes-vous pas capable de concurrencer l'Ontario, l'Alberta,
l'Île-du-Prince-Édouard et ainsi de suite? Pourquoi avez-vous
perdu la part que vous aviez lorsque vous avez pris le pouvoir?
M. le ministre, on veut éviter une autre espèce de
réponse. On veut éviter que vous blâmiez le gouvernement
fédéral. Pour cette raison, nous avons comparé votre
performance avec les six années, de 1970 à 1976, qui ont
précédé votre arrivée au pouvoir. Je ne sais pas si
vous l'avez oublié ou non, mais le gouvernement fédéral
était là avant que vous arriviez. M. Trudeau est là depuis
presque le début de la Confédération, il me semble, mais,
effectivement, il est là depuis 1968. Alors, les deux gouvernements,
Bourassa et Lévesque, étaient obligés de faire face au
même gouvernement fédéral. On vous montrera les chiffres
qui démontrent que, face au gouvernement fédéral, face aux
concurrents canadiens des autres provinces, vous ne vous en êtes pas
aussi bien sorti que les autres.
Alors, c'est important, parce qu'on ne veut pas passer la journée
à dénoncer le gouvernement fédéral. Si vous voulez
blâmer le gouvernement fédéral, vous serez obligés
de nous démontrer comment il se fait que vous n'êtes pas aussi
compétents face au gouvernement fédéral que vos
prédécesseurs.
La troisième chose qu'on voulait éviter, c'est de vous
écouter vous vanter que vous avez l'intention cette année de
donner des subventions de 15 000 000 $ qui vont créer 10 000 emplois. On
entend parfois ces déclarations répétées cinq, six,
sept ou huit fois sur le même sujet, mais aujourd'hui on ne parle pas des
déclarations d'intention pour l'avenir; on parle des performances du
passé. Comme cela, c'est toujours intéressant parce qu'au
début d'une saison de la Ligue nationale de hockey, toutes les
équipes se vantent de leurs joueurs, de leurs entraîneurs, mais
à la fin de la saison vous pouvez regarder les chiffres et vous allez
voir qui a gagné et qui a perdu.
Alors, très brièvement, je veux passer à travers
quelques données. La première donnée, c'est qu'aujourd'hui
au Québec, excusez-moi, le 31 décembre au Québec -cela
fait trois mois, ce sont les plus récents chiffres, en 1982 - on avait
à peu près 55 000 personnes de moins qui travaillaient dans les
usines du Québec que quand vous avez pris le pouvoir en 1976. Le record
de création d'emplois en six mois, c'est moins 55 000 personnes. Je
souligne que, à ce même moment, vous aviez 71 000 personnes de
plus dans le secteur public. Performance du Parti québécois en
six ans, 71 000 fonctionnaires de plus et 55 000 personnes de moins qui
travaillent dans les usines des villes et villages du Québec.
La deuxième chose qu'on peut constater, c'est que - je vais
utiliser quelques tableaux ici pour vous le montrer clairement - dans le
secteur des investissements - je vais me tourner pour vous le montrer - pendant
les six ans du régime Bourassa, on avait 24% de toutes les
immobilisations du Canada. Depuis six ans, depuis 1976, depuis l'arrivée
au pouvoir de votre gouvernement, c'est descendu à 19,5%. Les gens qui
ne sont pas experts dans les chiffres peuvent dire: Ce n'est pas une grosse
affaire, de 24% à 19%. Il faut rappeler que nous avons 26% de la
population. Mais cette baisse de 24% à 19,5% équivaut à
une perte au profit des autres provinces de plus de 2 000 000 000 $
d'investissements qui ont été faits dans les autres provinces du
Canada et pas ici à cause de cette baisse. Seulement pour que vous
compreniez l'importance de 2 000 000 000 $, l'usine de Bombardier, à La
Pocatière, a coûté environ 30 000 000 $.
Il y a là environ 1000 emplois, normalement. Or, nous avons perdu
l'équivalent de 70 usines comme celle de La Pocatière au profit
des autres provinces dans une période de six ans.
Qu'est-ce que cela veut dire sur le plan
de l'emploi? Sur le plan de l'emploi, M. le ministre, M. le
Président, quand vous êtes arrivés au pouvoir, on avait
31,5% de tous les travailleurs canadiens du secteur manufacturier. Aujourd'hui,
nous en avons 28,5%. Ce n'est pas important? Ce sont 66 000 emplois perdus au
profit des autres provinces, parce que les investissements n'ont pas
été faits ici. Ce sont, si vous voulez, les conséquences
de la perte de 70 usines comme celle de La Pocatière.
Pour résumer, 2 000 000 000 $ en investissements perdus au profit
des autres provinces, 66 000 emplois perdus au profit des autres provinces et
ceci, depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, en
six ans. C'est cela, le sujet de notre débat ce matin. Il n'est pas
question de l'exode mais des nouveaux investissements qui n'ont pas
été faits ici et qui ont été faits ailleurs.
On a analysé un peu les secteurs. Comme vous le savez, dans les
statistiques, il y a 20 secteurs industriels. On voudrait savoir un peu quelles
seraient vos priorités, quels sont les secteurs où nous avons
subi les baisses les plus importantes. Je vais donner au ministre une liste,
parce qu'on a sorti la liste et on a comparé, pour les six ans, la
vôtre à celle du Parti libéral. On peut constater que, sur
les 20 secteurs industriels de notre économie, il y en a seulement trois
où vous avez augmenté votre part des investissements canadiens:
ce sont les aliments et boissons, les raffineries, pétrole et charbon,
et la bonneterie. Pour tous les autres, il y a des baisses importantes qui vont
de 1% jusqu'à 54%.
Je veux en souligner seulement trois ou quatre parce que je pense
qu'à titre d'exemple ils sont très importants. Je vais donner au
ministre, s'il la veut, la copie du tableau complet. Prenez quelques exemples
dans les secteurs de pointe, M. le ministre. Prenez le secteur de
l'électricité et de l'électronique. Nous avons perdu 16%
de notre part des investissements dans le secteur de
l'électricité et de l'électronique depuis que vous
êtes arrivés au pouvoir. C'est un secteur de pointe. Nous avons
perdu également, dans le secteur des produits chimiques, 31% de notre
part des nouveaux investissements et nous avons perdu 54% de notre part des
investissements en nouvelles usines et machines dans le secteur du caoutchouc
et du plastique, qui est un autre secteur très important pour
l'industrie moderne.
Ce n'est pas tout. Même dans les secteurs traditionnels, on est
devant le même problème. Je prends à titre d'exemple le
secteur des pâtes et papier. Les gens vont certainement se rappeler
comment vous vous êtes vantés de votre programme de modernisation
de l'industrie des pâtes et papiers depuis 1976. Cependant, ce que les
gens ne réalisent pas, c'est que les autres provinces se modernisaient
aussi. Et, en conséquence, notre part des nouveaux investissements dans
les pâtes et papiers a baissé de 12%. L'Ontario, la Colombie
britannique se modernisent plus vite que nous. Dans le secteur du bois, des
scieries, c'est encore pire: une perte de 24%.
M. le ministre - c'est le dernier tableau que je vais vous montrer -
vous avez souvent parlé des effets néfastes du gouvernement
fédéral dans les questions de contingentement dans le secteur de
la chaussure, des meubles: les importations viennent de partout et c'est
à cause de cela que notre industrie s'affaiblit au Québec. Mais,
pendant cette période, la province de l'Ontario a trouvé le moyen
d'augmenter ses investissements dans ces domaines. En conséquence, vous
voyez que nous avons perdu 31% de notre part des nouveaux investissements, des
nouvelles usines, des machineries dans le secteur du meuble et 29% dans le
secteur de la chaussure. Pendant que vous blâmez continuellement le
gouvernement fédéral pour le contingentement ou le manque de
contingentement ou pour les efforts d'écraser l'industrie
québécoise du meuble et de la chaussure, en Ontario, les gens
sont en train de construire de nouvelles usines pour les mêmes fins. On
perd non seulement notre part du marché mondial, mais on perd notre part
des investissements canadiens dans ces domaines. Alors, c'est un très
bref résumé de la situation telle qu'elle est aujourd'hui.
Tous les tableaux démontrent, quant à nous, que, avec tous
vos sommets, avec toutes vos études, vos livres rouges, bleus, blancs,
avec vos petites subventions que vous accordez ici et là, avec toutes
les grandes interventions que vous avez faites dans les secteurs symboliques,
comme les lignes aériennes, les mines d'amiante et les
sidérurgies, avec tous ces ballons que vous avez soufflés dans le
domaine économique, quand on regarde la performance, malheureusement,
pour les travailleurs québécois, vous n'êtes pas
concurrentiels avec les autres provinces qui sont dans la même ligue que
vous, qui forment notre marché commun canadien. Vous n'êtes pas
concurrentiels. Vous êtes en pleine perte de vitesse par rapport à
vos concurrents canadiens. Ils sont plus habiles, plus compétents, plus
rapides pour chercher, trouver et obtenir des investissements dans les secteurs
clés manufacturiers. En conséquence - je reviens à mes
chiffres de base - une perte de 2 000 000 000 $ d'investissements depuis six
ans au profit des autres provinces, ainsi qu'une perte de 66 000 nouveaux
emplois qui auraient été créés si on avait
gardé notre part dans tous ces secteurs chez nous. Cela, c'est le
passé. (10 h 30)
Je termine, M. le ministre, sur un
autre aspect du problème, parce qu'on ne peut rien faire du
passé. J'espère que vous allez admettre que nos chiffres sont
bons. Ils sont basés sur les chiffres que vous avez vous aussi, ceux de
Statistique Canada. On ne peut rien faire quant à ce qui est
déjà arrivé. Malheureusement, c'est la situation
aujourd'hui. Mais ce matin, j'imagine que vous allez vouloir expliquer comment
il se fait qu'on en soit arrivé à une telle position pendant ces
six dernières années. Qu'avez-vous fait? Qu'est-ce qui est
arrivé pour qu'on ne soit pas concurrentiels? Je le
répète, j'espère que vous n'en blâmerez pas le
fédéral, parce qu'il me ferait plaisir d'y revenir.
Qu'est-ce que vous entendez faire pour devenir concurrentiels dans un
proche avenir? Surtout, quelles sont vos priorités industrielles? Il est
certain que vous ne pouvez favoriser les 20 grands secteurs et les 50 ou 60
sous-secteurs. Quelles sont vos priorités? Si je regarde votre
performance depuis six ans, dans les faits, je serais porté à
dire que vos priorités industrielles, depuis six ans, sont
l'alimentation, les raffineries de pétrole et de sucre, et les usines de
bonneterie, de bas de laine. Les choses qui ne vous intéressent pas sont
le plastique, le caoutchouc, l'industrie chimique, l'industrie du meuble et
l'industrie de la chaussure, parce que ce sont celles qui se trouvent au bas de
la liste quand je regarde vos priorités.
Je répète donc vos priorités, si je regarde la
performance: ce sont les raffineries de sucre et de pétrole, et
l'industrie de la bonneterie. Les choses auxquelles vous ne vous
intéressez pas sont le plastique, le caoutchouc, l'industrie chimique,
l'industrie du meuble et l'industrie de la chaussure. Et il y en a plusieurs
autres aussi. Est-ce un portrait réel de vos priorités? Sinon,
comment se fait-il que vos priorités n'ont pas donné de
résultats différents de ceux-ci? Mais, surtout, quelles sont vos
priorités sectorielles, industrielles pour l'avenir?
C'est à ces questions, M. le Président, que j'aimerais que
le ministre réponde. C'est une journée de question avec
débat, on pose les questions. Quelles sont les priorités? Il y a
66 000 emplois qui n'existent plus aujourd'hui. Il y a 2 000 000 000 $
d'investissements manufacturiers qui ne sont pas ici aujourd'hui. Il y a 70 La
Pocatière qui ne sont pas ici aujourd'hui, qui sont ailleurs au Canada,
à cause de quelque chose. Quel est ce quelque chose? Qu'entendez-vous
faire pour changer cela?
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme.
Réponse du ministre M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, je vais répondre aux
chiffres du député de Notre-Dame-de-Grâce. Tout le monde
sait qu'on peut faire parler les chiffres un peu comme on veut.
Là-dessus, je pense que le député de
Notre-Dame-de-Grâce a rempli son rôle. Le député de
l'Opposition a charrié les chiffres tout d'un câté.
D'abord, avant de répondre à ces chiffres-là, je voudrais
m'assurer de la bonne compréhension de tout le monde et, je pense, du
député de Notre-Dame-de-Grâce qui, pourtant, a une
expérience dans le monde des affaires et qui devrait se rappeler ce
qu'est la structure industrielle du Québec. Si on veut parler
d'immobilisations, de gens qui investissent dans des usines de fabrication,
comme le disait, tout à l'heure, le député de
Notre-Dame-de-Grâce, il faut dire qui investit dans ces usines-là.
Est-ce que c'est le gouvernement ou si c'est l'entreprise privée? Le
gouvernement, très peu, et de moins en moins. Au cours des
dernières années, on a vu de moins en moins d'investissements
gouvernementaux dans les sociétés de fabrication. On en voyait
beaucoup plus à l'époque de M. Lesage, de M. Bourassa ou de M.
Johnson. On en a moins vu au cours des dernières années. Qu'on se
souvienne de SIDBEC, cela a été décidé il y a
très longtemps et c'est nous qui avons hérité du
problème.
Qu'est-ce que les usines de fabrication et les investissements? Ce sont
des entreprises privées qui investissent dans la transformation, dans
des usines, dans de l'équipement, dans de la machinerie. Les entreprises
privées au Québec, si on les compare avec l'Ontario, qui est la
province voisine, on fera deux comparaisons très objectives. La
structure des entreprises québécoises est beaucoup plus à
base de PME comparativement à l'Ontario et fort sous-capitalisée,
à cause de notre culture - je ne blâme aucun gouvernement d'avant
et je ne blâme pas, non plus, les chefs d'entreprises -à cause de
notre histoire, à cause de nos traditions, de notre façon de voir
et de gérer des entreprises. Chez nous, une famille possède une
entreprise et les finances viennent de la même famille, peu de finances.
On emprunte à la banque sur une marge de crédit pour
développer l'entreprise et pour pouvoir prendre de nouvelles commandes
ou pour investir des des équipements neufs. L'Ontario étant mieux
structurée, à cause de sa culture un peu différente, il y
a plusieurs familles, plus d'argent, plus de capitaux dans l'entreprise. Si on
commence à critiquer nos chefs d'entreprises comme l'a fait le
député de Notre-Dame-de-Grâce en leur disant qu'ils
n'ont pas assez investi dans leurs entreprises au Québec, il faut
quand même savoir pourquoi ils n'ont pas investi. C'est parce que ces
chefs d'entreprises n'avaient pas beaucoup d'argent et souvent n'ont pas voulu
s'associer avec d'autres familles. Ils ont voulu garder le contrôle de
leur entreprise. Ainsi, en période difficile, particulièrement en
période de taux d'intérêt élevés, les
entreprises de l'Ontario, ayant du capital-actions sans intérêt,
ont tout simplement arrêté de payer des dividendes pendant un an,
deux ans, trois ans. Elles ont réussi à passer à travers
la crise beaucoup plus facilement, ont continué à investir dans
certains secteurs de fabrication, alors que, pour nos entreprises, cela a
été beaucoup plus difficile parce qu'elles ont dû emprunter
à des taux d'intérêt très élevés,
très très élevés. Quand on paie 18% ou 20% ou 24%,
c'est sûr que, pendant ce temps, on ne fait pas autre chose.
Déjà, au départ, on a une structure financière
d'entreprises au Québec qui n'est pas la même que celle de
l'Ontario. Je ne blâme pas le gouvernement fédéral. La
seule chose: Lorsqu'on administre un pays comme le Canada et qu'on administre
en fonction de l'Ontario, bien sûr qu'on pénalise le
Québec.
Lorsqu'on parle d'investissements, il faut dire que ce sont nos
entreprises, nos chefs d'entreprises, nos entrepreneurs qui ont à
investir des sommes d'argent dans l'entreprise pour la développer, pour
mettre de la nouvelle machinerie. J'aborderai à la fin un peu les
actions qu'on entend mener pour aider nos chefs d'entreprises
précisément à changer la structure financière de
nos PME québécoises.
J'en viens maintenant aux chiffres du député de
Notre-Dame-de-Grâce. Je dis qu'on peut faire dire un peu n'importe quoi
aux chiffres. C'est ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce
a fait. Pour la bonne compréhension de la discussion de ce matin, je
vais retenir des chiffres de 1970, lorsque les libéraux sont
arrivés au pouvoir, les chiffres d'investissement en 1977,
c'est-à-dire qui avaient été décidé sous
l'égide du Parti libéral et qui ont été investis
dans des entreprises manufacturières et les chiffres
décidés déjà pour 1983 dans des entreprises
manufacturières. On sait que, lorsqu'on investit dans de
l'équipement et de la machinerie, il faut au moins prendre la
décision une année à l'avance. Statistique Canada a des
chiffres assez précis sur ce sujet. J'ai, d'ailleurs, les chiffres de
Statistique Canada. En 1970, la part des investissements du Québec dans
le secteur de la fabrication était de 19,3%; 19% des investissements
canadiens dans le secteur de la fabrication se faisaient au Québec. Six
ans plus tard, lorsque les libéraux ont perdu le pouvoir, les
décisions d'investissement des manufacturiers québécois
dans le secteur de la fabrication, c'était 19,4%. Cela veut dire qu'on
est resté exactement au même pourcentage d'investissements
nouveaux dans les usines dont parle le député de
Notre-Dame-de-Grâce au cours des six années de pouvoir du Parti
libéral.
Ce qu'on prévoit maintenant pour 1983, c'est 21,4% des
investissements canadiens. Particulièrement pour les deux
dernières années, cela a été très difficile
à cause des taux d'intérêt élevés, mais,
maintenant qu'on replace les taux d'intérêt à un niveau un
peu plus convenable, plus raisonnable, au moins, pour le genre de financement
qu'on a dans nos entreprises, on peut dire que déjà les
décisions des chefs d'entreprises d'investir sont beaucoup meilleures au
Québec, comparativement à l'Ontario ou au reste du Canada. On
avait 19,3% en 1970, 19,4% en 1977 et 21,4% en 1983 des investissements
canadiens qui étaient décidés pour le Québec au
cours, de ces trois années.
Prenons les mêmes chiffres pour l'Ontario, parce qu'on aime cela,
se comparer à l'Ontario. L'Ontario en 1970, lorsque les libéraux
sont arrivés au pouvoir, avait 50,4% des investissements canadiens; la
moitié des investissements canadiens dans le domaine de la fabrication
se faisait en Ontario en 1970. Plus tard, en 1977, la première
année de l'arrivée du Parti québécois - donc, les
investissements étaient décidés sous le régime
libéral - l'Ontario avait 55% des investissements canadiens. Cela veut
dire que l'Ontario avait pris encore plus de place dans le marché
canadien vis-à-vis des investissements. Pendant ce temps, nous, au
Québec, nous étions stables. Maintenant, six ans plus tard, en
1983, on prévoit que 43,4% du marché des investissements
canadiens se feront en Ontario. Pendant que l'Ontario diminue de 12% sa part
d'investissement dans le marché canadien au cours des six
dernières années, nous, le Québec, on a augmenté de
2%.
Lorsque le député de Notre-Dame-de-Grâce dit qu'on
perd de la place pour ce qui est des investissements canadiens, c'est
totalement faux. C'est à partir d'un charriage politique, d'un
mélange de chiffres. Je veux bien croire qu'il mélange les
chiffres et il a droit de le faire comme député de l'Opposition;
je ne peux l'en empêcher. La vérité, si on prend des
chiffres donnés pour une période bien précise,
l'arrivée du Parti libéral, son départ et aujourd'hui,
1983, est qu'on s'aperçoit que la performance, comparée aux
industries canadiennes, dans les investissements de ses industries, dans ses
équipements de transformation, est de beaucoup meilleure au
Québec qu'en Ontario. Cela s'explique, bien sûr, parce que, depuis
que les taux d'intérêt sont un peu plus replacés, nos
industriels commencent à avoir une petite marge de manoeuvre et
investissent, ont confiance dans leur
économie. Cela s'explique aussi parce que l'Ouest canadien a
occupé une place plus large dans le marché canadien et qu'il a
fait en sorte de faire reculer l'Ontario.
M. le Président, si on veut prendre sur une plus longue
période, en moyenne, les taux moyens composés d'immobilisation
dans le secteur manufacturier, au Québec, de 1976 à 1983, nous
avons augmenté de 8,1%, de 1976 à Prévisions 1983,
d'après Statistique Canada.
M. Scowen: Prévisions! Ah! Ah!
M. Biron: Je prends Statistique Canada, M. le Président;
alors, je pense bien...
M. Scowen: Si je peux... M. Biron: M. le
Président...
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre a droit
à 20 minutes.
M. Scowen: Oui, oui.
Le Président (M. Rancourt): Vous pourrez répliquer
autant de fois que vous le voudrez par la suite. M. le ministre.
M. Biron: Ce sont exactement les mêmes études que
nous recevons de Statistique Canada. Pour une fois qu'on prend des chiffres de
Statistique Canada, j'espère que vous ne vous plaindrez pas du
gouvernement fédéral. Alors que l'Ontario, pour les mêmes
années, a une augmentation annuelle composée de 3,9%, nous avons
une augmentation de 8,1% pour les investissements dans le secteur
manufacturier: deux fois plus d'augmentation annuelle que l'Ontario. Je veux
croire que nous étions plus en retard à cause de la structure
industrielle et financière des PME québécoises, mais on ne
peut reprendre rapidement le terrain perdu surtout lorsqu'on a dû passer
à travers la pire crise économique que le Québec et le
Canada aient connue depuis 50 ans.
M. le Président, il y plus que cela aussi. Le
député de Notre-Dame-de-Grâce nous parle de
priorités dans certains secteurs. Bien sûr que nous avons des
priorités. D'abord, la priorité de conserver notre structure
industrielle pour lui permettre d'aménager l'après-crise. On a
aussi certains domaines d'activité qu'on voudrait voir prioritaires,
mais il y a d'autres décisions qui se prennent à un autre palier
de gouvernement qui font en sorte que les industriels québécois
ne peuvent profiter totalement de leur capacité d'invention,
d'innovation et d'investissement.
Exemple, le secteur de l'automobile. On sait que la décision du
gouvernement fédéral est de faire en sorte que l'automobile s'en
aille en Ontario. Nous avons beau nous battre comme des diables dans l'eau
bénite pour essayer de stimuler et d'inviter des entreprises
d'automobiles à venir au Québec, si la volonté
fédérale est de dire que cela s'en va en Ontario, il est
difficile d'avoir des investissements dans le domaine de l'automobile, et on
sait qu'il est porteur d'investissements très importants. (10 h 45)
Lorsqu'une des entreprises dans le domaine de l'automobile, Chrysler
Corporation, quasiment en faillite il y a quelques années, en
1981, a demandé une garantie de prêt de 150 000 000 $, bien
sûr que le gouvernement fédéral l'a accordée, parce
que c'était dans l'Ontario, que c'était pour l'automobile et que
c'était prévu pour eux d'aller dans ce sens-là pour
l'automobile. Massey-Ferguson, 200 000 000 $, on a tiré cela sur un coin
de table facilement. On a donné des avantages douaniers exceptionnels
à Volkswagen, encore une fois pour aller en Ontario. Mais, pendant ce
temps, les PME québécoises ne pouvaient pas trop investir dans le
domaine de l'automobile. Les grandes entreprises étaient dirigées
carrément vers l'Ontario. On a dû finalement se résoudre,
nous, le gouvernement du Québec, à faire des efforts seuls
vis-à-vis des grandes compagnies d'automobiles pour les inviter au
Québec ou faire profiter davantage la structure industrielle du
Québec de la présence d'une de ces grandes compagnies, qui est GM
en particulier.
Les actions précises qu'on pose. On voudrait occuper une place
plus importante dans le domaine de l'automobile, au moins 25% du marché
canadien. C'est normal que les Québécois et les
Québécoises, les travailleurs du Québec puissent
espérer avoir 25% des emplois dans le domaine de l'automobile au
Québec, mais, pour cela, cela prend la volonté de deux paliers de
gouvernement: la volonté, bien sûr, du gouvernement du
Québec, et on passe à l'action dans ce domaine; mais la
volonté aussi du palier fédéral, du gouvernement central
qui va dire: II y a au moins 25% des emplois dans le domaine de l'automobile
qui seront au Québec.
On organise un salon de la sous-traitance avec GM, avec Kenworth, avec
la division de GM pour les autobus, avec Prévost Car, avec Bombardier,
pour essayer d'avoir une plus grande partie du domaine du transport au
Québec. On va inciter des PME québécoises à devenir
des sous-traitants de ces grandes firmes dans le domaine du transport. Ce sont
des actions précises qu'on pose, mais tout seul. Encore une fois, on va
réussir à augmenter notre part dans le domaine des pièces
d'automobiles et des emplois dans le domaine de l'automobile, mais on ne pourra
le réaliser seul tant et aussi longtemps qu'au niveau du
gouvernement fédéral on n'aura pas au moins une
volonté de donner justice aux travailleurs et aux travailleuses du
Québec et aux entreprises de chez nous.
Le domaine de l'aéronautique est prioritaire pour nous. On sait
qu'au Québec on a 50% de la production canadienne; on avait 50%, il y a
quelques années, dans les pièces dans le domaine de
l'aéronautique. Il s'est donné une commande importante au niveau
du gouvernement fédéral pour les F-18. On nous a promis,
d'ailleurs, 50% des retombées. Vous savez, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce - vous avez les chiffres vous-même - qu'on a
environ 20% à 22%, au moment où on se parle, des retombées
de ce gros contrat des F-18 payé par les citoyens
québécois. Pourquoi n'avons-nous pas le droit d'avoir notre part
dans le domaine de l'aéronautique: 50%? Pourquoi? Bien sûr, si
vous faites comme votre grand frère à Ottawa, vous allez
blâmer les chefs d'entreprises du Québec, en disant: Les
dirigeants de PME québécoises ne se sont pas assez
grouillés. Mais nous au gouvernement du Québec, qui avons
travaillé quotidiennement avec des chefs d'entreprises du Québec
et des chefs d'entreprises de PME québécoises dans le domaine de
l'aéronautique, on sait tout ce qu'on a fait avec eux; on sait combien
de missions on a organisées pour aller chez McDonnell Douglas, pour
aller un peu partout, pour pouvoir obtenir cette part qui nous avait
été garantie lorsqu'on a donné le contrat du F-18. Cela
s'en va en Ontario, selon la volonté du gouvernement
fédéral. Ne venez pas trop blâmer le gouvernement du
Québec de cela. On a tout fait pour que le gouvernement
fédéral respecte ses engagements et pour qu'on puisse aider nos
PME québécoises au maximum pour obtenir les contrats dans le
domaine de l'aéronautique. C'est un domaine prioritaire pour nous.
Comment voulez-vous que ces industriels investissent de nouvelles sommes
d'argent dans leur équipement de fabrication si la commande s'en va en
Ontario? Ils ne sont pas fous, non plus.
Le domaine du textile et du vêtement, vous l'avez mentionné
tout à l'heure. Vous savez qu'on avait, il y a trois ans, en 1980, 70%
des emplois au Québec. On a fait plusieurs rencontres avec les
industriels dans le domaine du textile et du vêtement. Ce que les gens
nous disent dans le fond, c'est: Ecoutez, on est prêt à investir;
on a des capacités de production qui sont inoccupées. On
voudrait, d'abord, produire avec un plus haut pourcentage de capacité de
production et on est prêt à investir dans nos entreprises pour
développer et moderniser nos entreprises. Cela nous prend une chose: une
assurance d'un marché minimal garanti, un peu comme les
États-Unis. On n'est pas tout seul. Vous dites que c'est le gouvernement
du Québec qui critique le gouvernement fédéral. Je vous
dis non, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Ce n'est pas
le gouvernement du Québec qui critique, ce sont les chefs d'entreprises.
Vous n'allez pas blâmer les chefs d'entreprises qui veulent avoir une
garantie sur les quotas d'importation. Ce qu'on dit au gouvernement
fédéral, c'est: Garantissez-nous au moins 75% du marché
domestique. Lorsqu'on aura 75% garantis du marché domestique, on
investira les sommes d'argent nécessaires pour moderniser nos
équipements et nos bâtisses existantes et on pourra
conquérir de nouveaux marchés. Mais, à l'heure actuelle,
on a une capacité de production qui est inoccupée au
Québec. Vous ne pouvez' pas blâmer les chef d'entreprises de ne
pas investir. Ils ont des capacités de production.
J'ai ici un journal qui nous parle, justement, du vêtement et du
textile. On rapporte qu'un chef d'entreprise, M. Arthur Sanft, le
président de Beverini de Montréal -c'est une grosse entreprise
dans le domaine du vêtement - disait: "We need quotas gurantying that
domestic procedures will have 75% of the domestic market. What we are talking
about is a matter of survival of the industry. If we can not do something about
the import problem, there is no point in an information or productivity center
because there won't be any companies around to use them." C'est un chef
d'entreprise qui dit: Nous voulons 75% du marché protégé
et, lorsqu'on aura cela, on investira davantage d'argent, parce que, au moins,
nos capacités de production vont fonctionner à pleine
capacité ou tout près.
Il n'est pas le seul à dire cela. Il y a un député
libéral fédéral qui s'est réveillé
dernièrement. Un député libéral
fédéral. Vous n'accuserez pas le Parti québécois ou
le gouvernement du Québec. C'est M. Louis Duclos, le
député de Montmorency, qui a lancé un cri d'alarme au
Parlement canadien cette semaine en demandant au gouvernement
fédéral de faire quelque chose pour sauver l'industrie du textile
et du vêtement au Canada d'une mort lente, mais certaine. M. Duclos
demande même plus que ce que les industriels demandent. Il dit: Si le
Canada ne restreint que de 20% les importations, c'est encore loin des 85% des
importations que les États-Unis protègent sur leur propre
marché. M. Duclos disait: "M. le Président, il me semble qu'il ne
faudrait pas que le gouvernement canadien soit plus catholique que le pape dans
ce domaine et qu'on puisse au moins protéger nos entreprises."
Comment voulez-vous blâmer les chefs d'entreprises, comme vous
venez de le faire tout à l'heure, de ne pas avoir investi ou de ne pas
investir tellement plus d'argent en immobilisations et en équipements
manufacturiers lorsqu'ils ont des capacités de production qui sont
inoccupées? Tout ce
qu'ils veulent, nos chefs d'entreprises dans le domaine du textile et du
vêtement, c'est un marché minimal garanti et, à partir de
ce marché minimal garanti, ils vont pouvoir investir d'autres sommes
d'argent pour créer d'autres emplois. À l'heure actuelle, c'est
difficile de leur demander plus.
M. le Président, je pense qu'il faut, à ce sujet, bien
comprendre ce qui existe à l'heure actuelle au Québec, ce qui
existait dans le passé et ce que nous sommes capables de faire. J'ai
beaucoup d'autres statistiques que je pourrais citer, je vais revenir
là-dessus tout à l'heure. Mais ce qu'il est important de noter,
c'est que le Québec s'est mieux comporté que l'Ontario au cours
de la période de 1976 à 1983. C'est important à noter.
C'est aussi important de noter que la structure financière de nos
entreprises québécoises, la gestion de nos entreprises n'est pas
du tout la même que la structure financière des entreprises de
l'Ontario, sans blâmer personne. Mais il faut être assez
réaliste pour reconnaître cela et dire: Nous, on a besoin de
décisions différentes. On a besoin de gérer d'une
façon différente la politique économique du Québec,
non pas à partir d'une vision de l'Ontario, mais à partir d'une
vision des entreprises existantes.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Argumentation M. Reed Scowen
M. Scowen: M. le Président, j'ai l'intention de commenter
les déclarations du ministre sur les structures industrielles du
Québec, sur son interprétation des chiffres et ses commentaires
sur le gouvernement fédéral. Mais je veux d'abord faire deux
choses. Premièrement, j'espère que, avant la fin du débat,
le ministre répondra à notre double question: Quelles sont vos
priorités industrielles sectorielles pour l'avenir? Quels sont les
secteurs que vous prévoyez favoriser et quels sont les secteurs auxquels
vous donnerez moins d'attention?
Mais je veux que quelque chose soit clair. Le ministre a dit: Pourquoi
blâmez-vous les industriels québécois de ne pas investir?
On ne les blâme pas. Le problème, c'est qu'ils investissent, mais
ils n'investissent pas au Québec. C'est le problème. Ce n'est pas
une question de blâmer le secteur privé. Le problème, c'est
que le gouvernement d'ici n'est pas concurrentiel pour les conditions
d'investissements et, en conséquence, cela se fait ailleurs, comme je
vais le démontrer une deuxième fois.
Je pense que, avant de parler de la structure, je vais aller directement
à cette question de chiffres. M. le Président, ce n'est pas la
première fois, le ministre a trompé
délibérément tout le monde avec ses chiffres. Pour que ce
soit fait de la façon la plus juste possible, on a pris une
période de six ans, on a comparé sur six ans. C'est clair? De
1970 à 1976, de 1977 à 1982.
M. Biron: Question de règlement.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! Sur une question de règlement.
M. Biron: Question de règlement, M. le Président.
Je n'accepte pas et je n'accepterai pas que le député de
Notre-Dame-de-Grâce dise que j'ai trompé les députés
ici ou à la Chambre. J'ai pris des chiffres qui nous sont donnés
par Statistique Canada. Si vous dites que Statistique Canada a trompé le
monde, dites-le, mais mes chiffres proviennent directement de Statistique
Canada.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je remercie le ministre, parce que ses commentaires
vont porter l'attention de tout le monde sur ce que je vais dire. Je
répète qu'il a trompé tout le monde et je vais vous dire
pourquoi. Nous avons pris deux périodes de six ans, parce que c'est
seulement par rapport à un mandat qu'on peut juger un gouvernement,
quant à moi, pas sur une seule année. On ne vous juge pas par
rapport à 1982, qui a été désastreuse pour vous. On
vous juge sur la base de votre mandat. Je le compare...
M. Biron: Question de règlement.
Le Président (M. Rancourt): Question de règlement,
M. le ministre.
M. Scowen: M. le Président, s'il vous plaît!
M. Biron: M. le Président, je n'admets pas et je n'accepte
pas que le député de Notre-Dame-de-Grâce dise que j'ai
trompé la Chambre là-dessus. J'ai dit tout à l'heure que
le député de Notre-Dame-de-Grâce avait fait dire ce qu'il
avait voulu à ses chiffres. J'ai pris des chiffres de Statistique Canada
et j'ai cité...
M. Scowen: M. le Président...
M. Biron: ...les chiffres exactement.
M. Scowen: ...question de règlement.
M. Biron: Je n'accepte pas que le député de
Notre-Dame-de-Grâce dise que j'ai
trompé la Chambre.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît! Vous avez le droit de faire connaître vos opinions de
chaque côté de cette assemblée. M. le ministre, vous faites
valoir votre point de vue, et M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce de la même façon. Le
député de Notre-Dame-de-Grâce a demandé la parole et
je lui cède le droit de parole.
M. Scowen: Bon! Pour que ce soit très clair, M. le
ministre, sur deux périodes de six ans, je vais vous donner les chiffres
parce que vous avez mentionné l'année 1970, l'année 1976
et vous avez même parlé de l'année 1983, qui n'est pas
encore arrivée. Je vous donne les chiffres pour les six années du
mandat libéral, de 1970 à 1976, et pour les six années de
votre mandat, jusqu'au 31 décembre 1982. Ce sont les suivants: 1971,
environ 18%; 1972, environ 23%; 1973, environ 25%; 1974, environ 27%; 1975,
25%; 1976, environ 20%; 1977, environ 19%; 1978, environ 20%; 1979, environ
19%; 1981, environ 18%, 1982, environ 17%. Ce sont les chiffres pour douze ans,
six ans du Parti libéral et six ans du Parti québécois,
tirés de la même source que vous. Si je prends la moyenne de ces
six ans, dans chaque cas, j'arrive exactement aux chiffres que je vous avais
présentés sur ces tableaux ici. Alors, que vous vous amusiez avec
une année ici et une autre là, c'est votre droit, mais je suis
persuadé que vous ne trompez pas la population.
Deuxièmement, je reviens à la question de la structure.
Vous avez dit: M. le député, vous ne comprenez pas la structure
industrielle du Québec. La première chose que je veux dire, c'est
que je me demande si le ministre lui-même comprend la structure
industrielle du Québec. Il prétend, et pas pour la
première fois, qu'au Québec nous avons une économie qui
compte beaucoup plus de PME que dans les autres régions du Canada. Nous
avons démontré, chiffres à l'appui, chiffres de votre
gouvernement, qu'au Québec le pourcentage des PME, mesuré sur la
base de l'emploi et des chiffres de vente, n'est pas plus important que dans le
reste du Canada, j'ai même pris la peine d'écrire de longs
articles avec tous les chiffres dans le journal La Presse il y a quelques mois.
Je vais les citer pour que ce soit la dernière fois, je l'espère,
que cette question est soulevée.
Je cite un document du gouvernement du Québec, qui s'appelle
Étude sur les besoins de formation en gestion des PME, dans lequel on
dit: "Selon Statistique Canada et le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme du Québec, les PME ont produit l'an dernier 50,4% du produit
national brut du Québec. Ces entreprises ont aussi fourni 53% des
emplois au Québec." Je cite encore: "Ces proportions sont sensiblement
les mêmes à l'échelle du Canada." (11 heures)
Est-ce que c'est clair? Les PME ne sont pas plus importantes ici. C'est
de la mythologie. Elles sont très importantes, ici, au Québec,
elles l'ont toujours été. Elles le seront toujours. Elles sont
sensiblement aussi importantes en Ontario et dans les autres régions du
Canada. Je cite vos propres documents. Et, il y a d'autres chiffres pour
prouver que votre document est exact.
L'autre élément que je veux soulever, M. le ministre,
c'est que nous avons pris deux périodes et je ne pense pas que vous
puissiez prétendre que, de 1970 è 1976, la structure industrielle
était sensiblement différente de celle dont vous avez
hérité au début de 1977. C'était la même.
Vous avez hérité de la même structure industrielle. Notre
argument, c'est que vous ne l'avez pas administrée aussi bien. Vous
aviez la même chose, les mêmes problèmes qu'on avait avant,
les mêmes problèmes de petites et moyennes entreprises, les
mêmes problèmes des grandes entreprises. Vous avez
hérité d'une équipe de hockey, mais vos entraîneurs
n'étaient pas aussi compétents. Et vous êtes tombé
de rang dans le classement de la ligue des provinces. C'est ça. C'est
pourquoi nous avons pris la peine de prendre deux périodes. On ne
voulait pas que vous recommenciez à nous faire des discours, selon la
mythologie péquiste, parce que c'est néfaste pour tout le
monde.
Avant de parler du dernier sujet qui touche le gouvernement
fédéral, je veux simplement que vous compreniez, M. le ministre,
que nous ne sommes pas seuls. Je vais parler tantôt de l'industrie du
vêtement, mais écoutez-moi, quand je parle un peu de l'industrie
du meuble. L'industrie du meuble, c'est quelque chose de très important
au Québec. Et, récemment, vous avez fait un de vos fameux
colloques socio-économiques au cours duquel le président de
l'Association des fabricants de meubles du Québec a dit exactement la
même chose qu'on dit aujourd'hui. C'est une industrie, comme vous le
savez, qui est importante. Je veux citer sa déclaration. Il dit:
L'industrie du meuble traverse actuellement une crise majeure: 7000 emplois
sont disparus. Les causes principales sont la fiscalité
québécoise basée sur la masse salariale trop
élevée, la poussée du salaire minimum, autre
législation avant-gardiste. Il dit - M. Mailloux, le président
-qu'il a adressé le même message au Sommet du meuble à
Victoriaville en 1977 et que les recommandations n'ont pas été
suivies, avec le résultat que l'on connaît aujourd'hui. Il dit -
et ça, c'est l'aspect important - :Nous avons perdu 16% de notre part du
marché. Ces 16% du marché - et je le cite - sont maintenant
rendus en Ontario. L'industrie du
meuble de bureaux a vu sa part de marché diminuer de 31% à
21% dans les quatre dernières années, et ce, au profit de
l'Ontario. Ce n'est pas une question de contingentement. Les gens investissent
dans une autre province du Canada pour faire les mêmes choses.
"Pouvons-nous déceler certaines causes..." C'est le président qui
parle. Il dit: "Certaines analyses ne passent pas la rampe en ce qui nous
concerne. On dira que c'est la faute de la crise mondiale, du pétrole,
des Arabes, des Américains, de l'inflation, de Pierre Elliott Trudeau."
Je cite M. Mailloux. Il dit: Ces théoriciens au quatrième
degré d'abstraction cogitent des solutions. Ils proposent: Faisons tous
ensemble un grand virage technologique. Mettons au travail les
micro-organismes. Soyons maîtres chez nous et chantons tous ensemble, la
larme à l'oeil: II me reste un pays à bâtir. Ceci nous
laisse froid - je cite encore M. Mailloux - et le message sonne faux chez les
500 entrepreneurs du meuble qui restent. Car, il y en a qui restent! Lorsque
vous dites - je le cite encore - qu'il faut valoriser le rôle de
l'entreprise privée, que vous voulez créer un climat propice, que
le dynamisme économique passe par "l'entrepreneurship", vous avez un
grave problème de crédibilité. Je cite le président
de l'Association des fabricants de meubles du Québec. Et, je vous l'ai
démontré, les conséquences de tout cela font que notre
part des investissements dans le secteur du meuble a chuté de 31% en six
ans, notamment au profit des investissements en Ontario. Alors, ne me parlez
pas du manque de bonne volonté de la part des investisseurs. Parlez-moi
des problèmes chez vous. Parce que, si vous ne les acceptez pas, ils ne
seront jamais réglés.
Le fédéral! Bon. On a eu droit au discours, que je ne
voulais pas écouter, mais il a fallu quand même l'entendre. Oui,
le gouvernement fédéral accorde des subventions à
l'Ontario. Oui, il en donne aussi au Québec, à Canadair - ce
n'est pas la seule -et il y en a plusieurs autres. J'ai pris la peine de
chercher les chiffres de ce que le fédéral a versé en
subventions depuis 1970. J'ai obtenu les chiffres pour les programmes suivants
et qui sont à peu près, je pense, tous les programmes
fédéraux qui touchent l'industrie manufacturière. Il est
possible qu'il y en ait d'autres plus petits, mais j'ai pris les chiffres du
MEER en plus de ceux du programme d'expansion de l'entreprise, le PEE, le
programme de productivité de l'industrie du matériel de
défense, le PPIMD, le programme de développement des
marchés d'exportation, le programme d'aide aux constructeurs de navires
et le programme pour l'avancement de la technologie industrielle. Ce sont les
grands programmes fédéraux.
Le ministre peut toujours soulever un cas où le
fédéral a donné une subvention à l'Ontario. C'est
sa responsabilité. Les gens de l'Ontario paient des impôts au
fédéral, comme nous. Quels sont les chiffres? La seule chose que
je peux vous dire, M. le ministre, c'est qu'entre 1970 et 1976, le
fédéral a versé en moyenne dans tous ces programmes 179
000 000 $ ou 180 000 000 $ par année. Depuis que vous êtes au
pouvoir, il a versé en moyenne 271 000 000 $ par année, soit une
augmentation de 50%. Quelqu'un m'a dit, en voyant ces chiffres: II faut garder
le Parti québécois au pouvoir, le fédéral nous
donne beaucoup plus de subventions. Il nous aide beaucoup plus dans le domaine
industriel quand le Parti québécois est au pouvoir. Alors, vous
ne pouvez pas aller dans les deux sens. Le fédéral a clairement
joué son rôle ici, au Québec, sur le total. Oui, il a
donné des subventions ailleurs, mais nous avons eu une augmentation de
50% en moyenne, chaque année, pendant votre mandat. Alors, s'il vous
plaît, ne charriez pas avec le fédéral! Il est assez
présent ici.
En passant, je veux dire que vous n'avez jamais arrêté de
parler de Volkswagen comme une industrie qu'on a perdue. Avez-vous
vérifié si Volkswagen s'est installée en Ontario? Mon
impression est qu'elle a décidé de ne pas faire cet
investissement. Mais vous essayez de persuader tout le monde qu'il y a une
belle usine d'automobiles qui a été construite en Ontario et qui
n'a pas été faite ici.
M. Biron: Ce n'est pas vrai!
M. Scowen: Je pense que ce n'est pas vrai, M. le
Président. Tout cela pour vous dire... Je ne sais pas si j'ai
commencé à vous convaincre un peu. Je vais terminer sur le plan
de l'industrie du vêtement.
Nous avons eu droit à tous les beaux discours sur les
déclarations des entrepreneurs dans le domaine du vêtement au
Québec, à savoir comme ils détestent le manque de
contingentement de la part du gouvernement fédéral, comme ils
trouvent que le gouvernement du Québec est bon. Je citerai encore des
chiffres. Depuis six ans, depuis que vous êtes au pouvoir, les
entrepreneurs de l'industrie du vêtement ont investi à
l'extérieur du Québec, même avec tous ces problèmes
de contingentement, produisant l'effet que notre part des nouveaux
investissements dans le domaine du vêtement a chuté de 24% en six
ans. Nous avons perdu 24% de notre part des nouveaux investissements dans le
domaine du vêtement, une des plus grandes industries sur le plan de la
création d'emplois, au profit des autres provinces.
Les gens disent qu'ils n'aiment pas le fédéral. Oui, mais
ils investissent à Winnipeg, à Toronto, à Edmonton et
ailleurs, comme
vous le savez. Parce qu'il est beaucoup plus agréable d'investir
dans un climat où le monde n'est pas hostile envers ces compagnies. Ce
sont les chiffres, M. le ministre. C'est la performance des gens qui avaient le
droit de choisir. Ils avaient le droit de vous regarder agir, de regarder les
programmes que vous avez présentés, vous et vos
prédécesseurs, ainsi que les programmes des autres provinces,
enfin, tout l'ensemble des programmes qui rendent une région
compétitive et concurrentielle. Ils ont choisi.
Je pense qu'il faudra, quand vous parlerez une prochaine fois avec les
gens de l'industrie du vêtement, que vous leur posiez certaines
questions. Oui, il y a des problèmes de contingentement, qui est la
responsabilité du gouvernement fédéral. Mais comment se
fait-il que cette industrie, sur la base des investissements, progresse
beaucoup plus vite en Alberta, au Manitoba et en Ontario qu'ici? C'est cela la
question clé. Je termine en répétant la question que j'ai
posée au ministre au départ. Comme prévu, il a
décidé d'utiliser ses 20 minutes en tentant de blâmer le
gouvernement fédéral pour tous nos malheurs. Personne n'en est
plus convaincu, je suis même persuadé qu'il ne l'est pas lui non
plus quand je pense à son passé.
Cependant, j'aimerais qu'avant la fin de ce débat, il nous donne
quinze minutes pendant lesquelles il parlera de ses priorités
industrielles, sectorielles pour les années qui viennent. Merci.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Roland Dussault
M. Dussault: Merci, M. le Président. Comme je n'ai que 20
minutes, vous comprendrez que je ne pourrai pas me permettre de grands
exposés sur plusieurs points. Je vais toucher à plusieurs choses
et, malheureusement, je n'irai pas en profondeur. On le comprendra. Je voudrais
commencer par rappeler au député de Notre-Dame-de-Grâce que
les chiffres qu'il a avancés tout à l'heure relativement à
la création d'emplois par le gouvernement actuel dans les secteurs
public et parapublic sont faux. Si on peut parler de quelqu'un qui trompe la
Chambre avec les chiffres, c'est bien ce qu'a fait le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Les chiffres très, très précis là-dessus
sont les suivants et, puisqu'on veut faire des comparaisons entre les six
années d'un gouvernement et les six années d'un autre, voyons
très précisément ce qu'il en est. En 1970-1971, il y
avait, dans les secteurs public et parapublic au Québec, 262 245
employés. En 1976-1977, il y en avait 335 787. Cela avait donc
augmenté de 73 542. Des 100 000 emplois dont avait parlé le
gouvernement du temps, on en a créé 73 000 essentiellement dans
les secteurs public et parapublic. Pour ce qui est de la performance de la
création d'emplois dans le secteur privé, on peut se permettre
d'en rire.
Regardons maintenant, entre 1976-1977 et 1981-1982, ce qui s'est
passé. Il y avait, en 1976-1977, 335 787 employés dans les
secteurs public et parapublic et, en 1981-1982, il y en a 335 030. Il y a donc
eu une décroissance. Nous nous étions engagés à
vivre un processus de décroissance et nous l'avons vécu. Nous
avons réussi puisqu'il y a eu diminution de 757. Nos efforts ont
porté davantage du côté de l'entreprise privée.
Voyons, par exemple, l'aide apportée à l'entreprise
privée en termes de financement ou en termes de subventions. Entre
1971-1972 et 1976-1977, sous le gouvernement libéral du temps, il y a du
financement et de l'aide apportés à 515 entreprises. Rien que
dans l'année 1982-1983, nous avons aidé au financement de 491
entreprises. Je ne vous donnerai pas tous les chiffres. En six ans, ces
gens-là ont aidé par le financerment 515 entreprises et nous,
dans la seule anr.ée 1982-1983, on en a aidé 491. Regardons du
côté des subventions. Dans le même temps, pendant que les
libéraux aidaient 531 entreprises, nous, en 1982-1983, nous en avons
aidé 719. Je parle de l'aide qui a été apportée par
la Société de développement industriel du Québec.
Ils auront beau nous raconter toutes sortes d'histoires et essayer d'utiliser
les chiffres à leur profit, il reste quand même qu'il y a des
chiffres qui parlent par eux-mêmes.
Sur la structure économique du Québec, la structure
d'entreprises au Québec, ils nous répètent constamment
qu'il n'est pas exact que la structure économique du Québec est
caractérisée par la petite et moyenne entreprise. Nous ne sommes
pas les seuls à penser que c'est la réalité. Je me
rappelle que, lors d'une rencontre que nous avons eue à Ottawa, un
certain nombre de députés canadiens-français du Canada -
nous étions réunis et le gouvernement fédéral en a
profité pour nous vanter un certain nombre de choses - nous avions une
association représentative des entreprises indépendantes du
Canada. Je me rappelle avoir posé la question au représentant en
disant: Chez nous, nous pensons que nous avons une structure
caractérisée par la petite et moyenne entreprise, ce qui n'est
pas la réalité du reste du Canada. Je lui ai demandé,
à partir de chiffres qu'il avait avancés dans les minutes
précédentes, si cela confirmait ce que nous pensions. Il m'avait
dit: Effectivement, notre conviction, c'est que la structure du Québec
est une structure qui est très caractérisée par la petite
et moyenne entreprise, plus largement que dans le reste du Canada. M. le
Président, nous ne
sommes pas les seuls à penser que nous avons raison. Il faudrait
peut-être que les gens de l'Opposition révisent leurs chiffres de
temps en temps. Il me semble qu'à force de leur répéter
des choses, cela devrait les amener à faire des corrections. (11 h
15)
Sur la question du vêtement, du cuir et de la chaussure, je
voudrais revenir un peu sur ce sujet. C'est trop facile que les gens d'en face
nous parlent de pertes d'emplois en se rivant sur les chiffres, en refusant de
regarder tous les facteurs qui jouent. Ils auront beau commencer leur discours
en disant: Ne parlez pas d'indépendance, ne parlez pas du
fédéralisme, ne parlez pas de la crise, on veut parler seulement
des chiffres dans le domaine manufacturier, c'est vraiment vouloir se mettre
des ornières et refuser de regarder la réalité en face. Il
y a d'autres facteurs qui jouent.
Depuis 1976 que nous sommes là, on peut dire, à
l'expérience, à l'usage, et on peut même dire à
l'usure, qu'on a été défavorisé par le
régime fédéral. Le régime fédéral,
par le gouvernement qui est en place présentement, ne protège pas
notre marché. Peut-être que, si l'on changeait de gouvernement, on
aurait les mêmes difficultés, c'est un problème de
régime qu'on a.
Regardons précisément ce qui se passe dans le domaine du
vêtement. Non seulement ces gens ne nous aident pas ici pour soutenir
notre structure dans ce domaine, mais ils aident les pays du tiers monde dans
ces secteurs-là; grâce à l'ACDI, ils mettent de l'argent
pour aider des pays à nous concurrencer. À ce moment, ils coupent
leur politique du côté des contingentements, ce qui fait que notre
marché, s'il n'est pas protégé, se retrouve vraiment
cerné de toutes parts. Qu'ils arrêtent de nous faire croire que le
seul gouvernement du Québec est responsable de cette
réalité. Du côté fédéral, ces gens ont
une très large responsabilité. Ils ont des moyens, eux, que nous
n'avons pas; j'y reviendrai plus tard.
Dans le domaine du cuir et de la chaussure, c'est la même fameuse
réalité qu'on a connue avec le fédéral. On n'a
jamais compris profondément pourquoi, cela demeure encore un peu
mystérieux. Sans doute qu'un jour on aura les véritables
réponses. Comment se fait-il que, subitement, comme cela, dans le
décor, un ministre fédéral est arrivé et a dit:
"Voici les contingentements de notre politique, c'est fini sur cela; on laisse
entrer toute la chaussure qui veut bien entrer au Québec"? Notre
entreprise productrice de chaussures en a mangé tout un coup. C'est
plusieurs centaines d'emplois qui ont été perdus seulement parce
qu'un jour un ministre fédéral a décidé, à
un certain moment, que les contingentements, c'était fini.
Quand j'entends les gens d'en face me raconter leurs histoires, j'en
prends et j'en laisse. Je ne prends pas cela avec le sourire, parce que c'est
dramatique. Ce que je prends encore bien moins avec le sourire, c'est ce genre
de politique que pratiquent les gens d'en face en venant nous tenir le genre de
discours qu'ils nous tiennent aujourd'hui et qui alimentent les
préjugés à l'égard du Québec. Le
Québec et le gouvernement, ce n'est pas la même chose. Quand on
tient des discours négatifs sur l'économie du Québec,
qu'on cherche toutes sortes de puces au gouvernement et qu'on les attribue
à l'ensemble du Québec, ce qui arrive, c'est qu'on crée la
morosité. Quand on crée la morosité, quand on en
sème, ce qu'on récolte, c'est du désespoir. C'est cela que
ces gens en face font régulièrement quand on parle des questions
économiques.
Leur objectif, depuis que nous sommes là, depuis 1976, c'est de
faire croire à la population que nous sommes des incapables sur le plan
économique. Tous les arguments sont bons pour arriver à ce
résultat. Ils sont responsables de certains problèmes
économiques que nous avons. Ils en sont responsables à cause de
leurs discours. Ces gens encouragent la non-confiance, encouragent la
morosité, encouragent le désespoir. S'il y a quelque chose qu'on
doit faire présentement, maintenant que la crise commence à nous
lâcher, c'est de créer de la confiance, c'est de regarder vers
l'avenir, de regarder nos capacités sur le plan structurel, de regarder
quels sont les changements qu'on doit faire sur le plan structurel, donc de
faire des changements dans la structure, mais non pas en laissant tomber des
entreprises qu'on a.
L'autre jour, le député de Vaudreuil-Soulanges, à
l'Assemblée nationale, lors d'un débat, pendant deux mercredis, a
essayé de nous faire croire qu'il faudrait absolument oublier des gens
qui travaillent dans le textile, dans le vêtement, dans la chaussure,
etc., au profit de grands changements technologiques. Oui, il faut aller vers
le virage technologique. Il faut le faire, il faut que tous les
Québécois le fassent ensemble, il faut qu'on s'aide mutuellement,
il faut qu'on soit solidaire les uns des autres. Il va falloir que les
structures intermédiaires s'embarquent aussi et on a des indications
suivant lesquelles elles sont intéressées à s'embarquer.
Mais cela ne veut pas dire pour autant que, pendant ce temps, on va oublier
ceux qui travaillent dans des secteurs traditionnels et qui y gagnent leur vie;
ces Québécois et ces Québécoises veulent que le
gouvernement pense à eux.
M. le Président, que cette Opposition qui, bien sûr, veut
jouer son rôle, qui très souvent s'oppose pour s'opposer, essaie
donc de temps en temps d'être positive, d'apporter une contribution
positive et reconnaisse
surtout qu'il faut parler un langage positif au Québec sur le
plan économique.
J'y reviendrai un peu plus tard. Je ne voudrais pas être seul...
Et je voudrais me garder un peu de temps parce que je n'ai que 20 minutes quand
même. Je voulais dire que l'attitude de ces gens est un facteur de
régression sur le plan économique. Qu'ils comprennent donc une
fois pour toutes, qu'ils deviennent donc positifs, qu'ils nous aident
plutôt que de nuire au développement de l'économie du
Québec.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Huntingdon.
M. Claude Dubois
M. Dubois: Je voudrais tout d'abord relever les propos du
député de Châteauguay et lui indiquer que c'est
plutôt le fait que le Parti québécois et le gouvernement du
Parti québécois encouragent la morosité envers le
fédéral qui devient nocif pour le Québec et pour les
investissements ici.
M. le Président, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce
a bien amorcé le débat et l'a bien situé dans son
contexte. Je voudrais poser quelques questions et aussi apporter quelques
constatations sur des faits précis. Tout d'abord, je voudrais indiquer
que des retombées économiques, cela ne se produit pas et n'arrive
pas quand on crache sur tout le monde, quand on injurie tout le monde, comme le
font le Parti québécois, tous ses ministres, tous les
députés.
On entend des injures et des injures envers le fédéral,
les anglophones, les Québécois antiséparatistes, enfin,
tous ceux qui ne sont pas indépendantistes, séparatistes et
péquistes. Ce sont des injures complètement et toujours
dirigées contre eux. Je ne crois pas que cette attitude aide au
développement économique du Québec. Ce n'est pas de cette
façon non plus que nous allons attirer la sympathie de nos autres
partenaires canadiens ni des investisseurs, aussi bien québécois
que canadiens.
Je pense qu'il va falloir que le gouvernement péquiste change son
attitude d'une façon radicale puisqu'il est impossible d'obtenir, ici au
Québec, la sympathie des investisseurs si ces péquistes
continuent à cracher sur eux et à injurier tout le monde. Selon
ce qu'ils disent, ils sont les seuls brillants, les seuls intelligents, les
seuls en possession de la vérité, et je crois que leur attitude
est très nocive. D'ailleurs, je pense que les chiffres que mon
collègue de Notre-Dame-de-Grâce a présentés tout
à l'heure sont là pour le prouver.
Il est bien certain qu'ici au Québec, il y a beaucoup de gens qui
ont décidé de sortir de la province, de s'en aller ailleurs au
Canada. Je pense qu'on peut quand même affirmer que ce ne sont pas des
assistés sociaux qui sont sortis du Québec. Ce sont plutôt
des gens qui avaient le moyen de le faire, parce que la pauvreté s'est
tellement installée au Québec depuis 1976 qu'un bon nombre de
Québécois ne pourraient même pas sortir. Ils ne pourraient
même pas se payer un voyage à l'extérieur s'ils le
voulaient. La réalité d'aujourd'hui, M. le Président, est
que le Parti québécois a appauvri le Québec. Il a fait
diminuer les investissements manufacturiers, il a chassé les
investisseurs, il a surtout chassé ceux qui ne pouvaient supporter la
structure économique telle que le Parti québécois la
voyait.
Avant d'aller plus profondément dans le débat, j'aimerais
souligner l'attitude du député-ministre de Lotbinière
depuis qu'il est devenu ministre péquiste, depuis qu'il est devenu
séparatiste, depuis qu'il est devenu indépendantiste; il faut
dire que tout cela est arrivé d'un coup. Il est évident que le
député de Lotbinière et ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme a totalement décroché de la
réalité depuis sa venue dans le Parti québécois. Il
s'agirait, pour le constater, de comparer les propos qu'il tenait, en 1977,
1978 et 1979, avec ceux qu'il a tenus depuis son entrée chez les
séparatistes, en 1980, 1981, 1982, jusqu'à aujourd'hui, et on
verrait un personnage politique à deux visages. Un visage
fédéraliste pour certaines années et un visage
séparatiste pour certaines autres années. C'est même
"trippant", M. le Président, - j'emploie le terme - c'est "trippant" de
voir cela.
De toute façon, ce n'était pas le but de mon intervention,
mais je voulais le souligner, parce que je ne peux croire qu'un homme
politique, une personne adulte puisse se dégrader à ce point dans
son comportement et aussi dans son objectivité. Ce sont des choses que
je me devais de souligner, M. le Président. J'aimerais, si vous me le
permettez, souligner quelques propos du ministre de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme.
Il y a très peu de temps, lorsque le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme était dans le comté de Taillon, il n'y a
pas longtemps, il parlait tout de suite après le premier ministre devant
50 personnes - ce n'est pas si mal pour un ministre et un premier ministre,
c'est un gros groupe - dans le comté de Taillon. Les propos que
soutenait le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme se lisaient
comme suit, tels qu'ils ont été rapportés par la Presse
Canadienne: "Avec un oui au référendum, la compagnie Volkswagen
se serait installée au Québec." N'est-ce pas ridicule? Elle n'est
même pas installée nulle part en Amérique du Nord, enfin,
depuis quelques années. Elle n'est pas au Canada, en tout cas. "2000
emplois dans l'industrie de la chaussure auraient été
épargnés. 25 000 travailleurs des PME auraient conservé
leur
gagne-pain." Mais ce qui est le plus intéressant ici, c'est que
4000 emplois auraient été créés, si on avait dit un
oui au référendum, pour la construction du F-18. C'est le contrat
que McDonnell Douglas a reçu du gouvernement canadien. Imaginez-vous, un
Québec qui dit oui pour la séparation recevrait des
investissements de McDonnell Douglas au Québec pour construire des
avions canadiens. C'est le ridicule consommé, M. le
Président.
Je ne peux pas croire qu'une compagnie américaine de la stature
de McDonnell Douglas serait intéressée à donner des
contrats, à laisser aller des retombées économiques dans
une province du Canada qui désire se séparer du Canada et qui
deviendrait automatiquement - on ne sait pas quand - un pays étranger au
Canada. C'est incroyable de tenir de tels propos pour un ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. D'ailleurs, cela fait un contraste
énorme avec les propos qu'il tenait en 1977, en 1978 et en 1979. Ce
n'est pas croyable. Franchement, je me demande si le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme est perdu. Il est totalement décroché,
c'est sûr, d'une réalité qu'il avait pourtant
abordée avec un peu de bon sens dans les années
précédant 1980, mais qu'il n'est plus du tout capable de
concevoir aujourd'hui. C'est incroyable. De toute façon, M. le
Président, il y a des choses à faire rigoler dans ce qu'on peut
relever de tous ces propos.
Je voudrais, pour le député de Châteauguay,
l'informer que des recherches de son propre gouvernement, du gouvernement du
Québec, indiquent ceci -cela ne fait pas longtemps que c'est
publié -"Ottawa dépense beaucoup plus au Québec qu'il ne
retire d'argent de la province." Alors, ici, je pourrais lire: "Ces comptes
viennent d'être publiés par le Bureau de la statistique du
Québec et analysent, année par année, toutes les
données de 1961 à 1980." Les années subséquentes
à 1980 ne sont pas disponibles, mais on dit ici: "C'est un
déficit de 4 400 000 000 $ qu'Ottawa a donc connu dans ses
opérations au Québec pour la seule année 1980", selon un
document du gouvernement du Québec. Alors, je ne sais pas ce que vous
avez à chialer sur les retombées économiques et aussi les
investissements fédéraux ici...
M. Dussault: M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Question de règlement, M. le député de
Châteauguay.
M. Dubois: ...parce que le gouvernement fédéral
dépense plus qu'il ne retire.
M. Dussault: J'aimerais que le député de Huntingdon
soit clair. Il nous parle de chiffres qui se réfèrent, en fait,
à de l'aide sociale et du chômage. C'est de la création
d'emplois, des jobs qu'on veut...
M. Dubois: M. le Président, un instant.
M. Dussault: C'est de l'investissement fédéral dans
les...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! s'il
vous plaît! s'il vous plaît!
M. Dubois: II aura l'occasion de revenir tout à l'heure
s'il n'est pas satisfait.
M. Dussault: ...domaines qui vont créer de l'emploi, pas
créer du chômage et de l'aide sociale. Ce n'est pas ce qu'on
veut...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le
député de Châteauguay, s'il vous plaît!
M. Dussault: Ils peuvent nous en sortir en masse, mais on n'en
veut plus de cela...
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Dubois: Vous aurez l'occasion d'y revenir, M. le
député de Châteauguay, laissez-moi finir.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Dussault: On veut être un État fort qui
crée des jobs.
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Dubois: M. le Président...
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Dubois: M. le Président, j'ai la parole, je crois.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le
député de Huntingdon, vous avez la parole. M. le
député de Châteauguay, il vous reste dix minutes. Vous
pourrez répliquer dans les dix minutes qui vous restent à une
autre occasion.
M. le député de Huntingdon.
M. Dubois: M. le Président, je pourrais souligner d'autres
propos du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qui disait ceci
par exemple, il n'y a pas très longtemps: "Independence is not the
problem - Mr. Biron responded - It will bring more jobs and more activity for
small businesses.
Quebeckers are losing money by remaining in the federal system." Je
viens juste d'indiquer qu'on reçoit plus du fédéral qu'on
n'en donne au fédéral. C'est beau. Ce sont de beaux propos.
M. le Président, je pourrais y aller à fond, remarquez
bien. De toute façon, je voudrais poser aussi des questions au ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme sur d'autres domaines
d'activités.
M. le Président, pourriez-vous me dire combien il me reste de
temps à peu près?
Le Président (M. Rancourt): Vous avez commencé
à 11 h 22, M. le député. Vous avez encore douze minutes.
(11 h 30)
M. Dubois: M. le Président, il y a une question que
j'aimerais poser plus particulièrement à notre cher ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. M. le ministre, en vertu de votre
programme d'urgence, un programme où vous disposez -il semblerait, en
tout cas - de beaucoup de discrétion dans le cas de l'aide aux
entreprises manufacturières, j'aimerais savoir de quelle latitude vous
disposez dans le cas des industries reliées au développement
agroalimentaire, reliées à la transformation des produits
agricoles, si vous voulez.
Il semblerait, de prime abord - même que cela se constate - que le
ministre est totalement indifférent aux industries reliées
à l'agro-alimentaire, à la transformation au Québec. On en
a des exemples très frappants. Je pourrais soulever un cas plus
particulièrement. J'imagine que cela a fait l'objet d'une discussion au
Conseil des ministres. Je parlerai, premièrement, de l'industrie Sucre
Saint-Laurent, de Montréal. Je pense que le ministre devrait être
au courant. Je ne sais pas quelle intervention il a faite dans ce dossier,
mais, publiquement, je n'en ai entendu aucune. Il a été
totalement muet.
On voit quand même l'attitude du gouvernement du Parti
québécois face à cette compagnie qui rend et rendait de
très bons services aux Québécois. Je pense que personne
n'a manqué de sucre au Québec. L'industrie Sucre Saint-Laurent
connaît une capacité excédentaire de 100 000 tonnes par
année. La compagnie Sucre Saint-Laurent faisait, apparemment, un
très bon travail, compétitif. Elle fournissait le sucre
nécessaire à la population. Tout à coup, le gouvernement
du Québec décide de s'attaquer, par sa politique sucrière,
à une compagnie, à une industrie privée qui fonctionne
bien. On prend des fonds publics -je l'ai indiqué en Chambre en posant
une question au ministre de l'Agriculture - on donne des primes, on donne des
bonis, on donne des rabais plus élevés que tous les autres
partenaires de l'industrie, on arrache les deux principaux clients de Sucre
Saint-
Laurent, qui sont Provigo et Métro à coup de dollars
provenant des fonds publics, on la pousse vers la faillite, on la torpille
jusqu'au bout et, après cela, on va la voir en disant: Voulez-vous, s'il
vous plaît, raffiner du sucre pour nous, pour aller le vendre à
vos clients? C'est joli.
Je me dis que, pour un ministre responsable des industries... Je pense
qu'une industrie telle que Sucre Saint-Laurent devrait quand même
être assez importante pour que ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme voie ce qui se passe là, qu'il soit au fait de la situation et
intervienne dans le dossier. Mais, depuis que j'ai abordé le sujet, je
n'ai jamais entendu le ministre l'Industrie, du Commerce et du Tourisme faire
part à quiconque qu'il n'était pas d'accord avec une telle
intervention, soit qu'une société d'État aille jeter par
terre, aille acculer à la faillite une compagnie privée, et cela
toujours avec des fonds publics, les taxes des Québécois.
J'aimerais bien que le ministre me fasse part de ses intentions dans ce
dossier. Est-ce qu'il laissera d'autres ministères ou son
ministère agir de cette façon envers l'industrie privée?
Dans le texte de la motion d'aujourd'hui, on parle d'investissements
manufacturiers. Comment voulez-vous attirer des manufacturiers au
Québec, attirer des industriels quand le gouvernement du Québec,
par une société d'État, va acculer au pied du mur et
presque mettre en faillite une compagnie privée qui fonctionne bien et
qui avait un projet d'investissement de 55 000 000 $? Cette compagnie
privée avait un projet d'investissement de 55 000 000 $. Elle a
déjà, peut-être, 30 000 000 $ à 35 000 000 $
d'investis. Elle a encore environ 20 000 000 $ à invertir. Le
gouvernement du Québec décide de la jeter par terre avec une
politique que je ne comprends pas du tout. S'il faut s'attaquer à tous
les secteurs d'activité qui vont bien et qui sont payants au
Québec, s'il faut que l'État prenne ces sociétés
pour se renflouer dans ses déficits, M. le Président, ce sera
impossible d'attirer à l'avenir des compagnies privées et des
investisseurs étrangers au Québec. C'est indécent, pour un
gouvernement, d'agir de cette façon.
M. le Président, je pourrais soulever un autre cas au ministre,
comme Sodispro, à Saint-Hyacinthe, où il y a environ 13 000 000 $
de fonds publics dont 6 500 000 $ du Québec et 6 500 000 $ du
gouvernement fédéral. La compagnie a ouvert ses portes pendant
six mois, aussitôt qu'elle a reçu la tranche de subvention
fédérale qu'il restait à retirer, puis les portes se sont
refermées une semaine ou deux après. Je ne sais pas ce qu'a fait
le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme dans ce dossier. Encore
là, c'est une
industrie de 30 000 000 $ au Québec. Je n'ai jamais entendu un
mot du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il me semble encore
muet dans ce dossier.
Pourtant, si on regarde l'industrie agroalimentaire et le nombre
d'intervenants dans ce secteur, c'est notre premier secteur créateur
d'emplois au Québec. C'est notre secteur d'activité le plus
important. Par contre, c'est le secteur que le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme semble négliger, semble totalement oublier, il
ne semble pas s'en préoccuper. Jamais je n'ai entendu le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme se préoccuper d'aucune usine
agro-alimentaire depuis qu'il est en titre à son ministère.
J'aimerais bien que le ministre nous dise quelles sont ses intentions
envers le développement agro-alimentaire au Québec et pourquoi il
ne s'en occupe pas. Est-ce qu'il y aurait conflit entre le ministre de
l'Agriculture, des- Pêcheries et de l'Alimentation et son
ministère? Je ne sais pas, mais cela ne regarde pas la population du
Québec. Il va falloir que le ministre se branche quelque part et qu'il
nous dise où il se situe dans ce dossier. J'espère que le
ministre répondra à mes questions, répondra aussi à
la population et répondra aux industries du Québec. C'est
important.
M. le Président, il doit me rester encore quelques minutes pour
tout à l'heure?
Le Président (M. Rancourt): Oui, vous avez encore cinq
minutes environ.
M. Dubois: D'accord, je reviendrai en dernier.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, d'abord, je voudrais commencer
par la première partie de l'intervention du député de
Huntingdon. Pour sa bonne compréhension et la compréhension des
gens qui nous écoutent, je voudrais reprendre un peu mon cheminement
personnel au point de vue de la vision politique du Québec, parce que
c'est de cela qu'a parlé le député de Huntingdon dans la
première partie de son intervention.
En 1980, M. le Président, c'est exact, j'ai dit oui au
référendum pour des raisons émotives - mes enfants, les
jeunes du Québec - pour des raisons politiques, parce que l'histoire du
Québec faisait en sorte que tous les premiers ministres et tous les
chefs politiques responsables, Honoré Mercier au début du
siècle, Lomer Gouin, Maurice Duplessis, Lesage, Johnson, Bertrand et
même Bourassa, avaient toujours demandé plus de pouvoirs pour le
Québec, plus d'autonomie, plus de souveraineté et plus
d'indépendance.
J'ai pensé que, si on voulait être logiques avec nous, il
fallait, dans ce sens, respecter la direction politique donnée par
l'histoire du Québec. Tous les premiers ministres, sans exception, ont
réclamé davantage de pouvoirs pour que le Québec puisse
mieux se gérer, mieux créer des emplois, mieux répondre
aux problèmes culturels ou sociaux du Québec.
Mon oui était donc émotif, familial, politique et
culturel. C'est cela que je veux dire aujourd'hui au député de
Huntingdon. Après deux ans comme ministre de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme, après une expérience extraordinaire que j'ai
vécue depuis deux ans, j'ai négocié plusieurs dossiers
pour le Québec avec le gouvernement fédéral pour les
entreprises du Québec, pour les travailleurs et les travailleuses de
chez nous. J'ai vécu une expérience à négocier
constamment en faveur du Québec et à réclamer des choses
du gouvernement fédéral. Aujourd'hui, après deux ans comme
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, mon oui serait encore
là bien sûr, encore plus rapide qu'autrefois, mais, cette
fois-là, mon oui serait économique. En plus d'être
familial, politique et culturel, mon oui serait en faveur des entreprises du
Québec, en faveur des travailleurs et des travailleuses du
Québec.
Depuis deux ans, j'ai vécu une expérience que je voudrais
que d'autres hommes politiques, d'autres hommes d'affaires puissent vivre. Je
me souviens d'un ancien ministre de l'Industrie et du Commerce, de
l'époque de M. Johnson, M. Jean-Paul Beaudry. Un bon jour, il y a
quelques années, M. Beaudry me disait: Lorsque je suis devenu ministre
de l'Industrie et du Commerce, j'avais une bonne foi et j'étais
fédéraliste inconditionnel, mais, après deux ans de
négociation avec le gouvernement fédéral, je m'en venais
carrément indépendantiste. On ne peut gagner à
négocier avec le gouvernement fédéral, me disait M.
Jean-Paul Beaudry.
Je ne suis peut-être pas aussi patient que M. Beaudry dans ce
sens-là, mais je réclame des choses pour le Québec. C'est
pour cela qu'aujourd'hui, je fais des déclarations pour les entreprises
québécoises, pour donner davantage une chance à nos
entreprises, pour donner davantage une chance à nos travailleurs et nos
travailleuses. Ce n'est pas à cause de la mauvaise volonté des
hommes politiques à Ottawa. Pas du tout. Je reconnais la bonne
volonté de MM. Trudeau, Lalonde, Chrétien et de tout ce
monde-là. Je reconnais leur bonne volonté. Mais le système
canadien n'est pas fait pour le Québec. C'est seulement cela. Même
si
MM. Lévesque, Parizeau, Biron, Landry et tout ce monde-là
étaient à Ottawa demain matin et même si M. Scowen ou
d'autres y étaient, on ne pourrait pas répondre aux besoins du
Québec parce que la vision canadienne - pour être honnête
avec la vision canadienne - c'est surtout l'Ontario ou l'Ouest canadien. C'est
là qu'il y a de l'argent supplémentaire. Et ce n'est pas
orienté vers les besoins québécois qui ne sont pas ceux de
l'Ontario ou de l'Ouest canadien.
Lorsque j'ai négocié avec le gouvernement
fédéral, dans le domaine de la chaussure, pourquoi cela a-t-il
pris un an à Ottawa avant de se décider à écouter
et à faire exactement ce que le Québec demandait? Cela a pris un
an avant de convaincre la bureaucratie fédérale de faire des
choses pour le Québec. Et, pourtant, les députés
fédéraux québécois étaient d'accord avec
nous. Cela a pris un an avant que la machine fédérale change de
bord. Mais, pendant ce temps, on avait gaspillé 2000 jobs dans la
chaussure. Il y a 2000 travailleurs et travailleuses de la chaussure qui,
aujourd'hui, sont en chômage ou qui reçoivent de l'aide sociale.
On a gaspillé leurs jobs. On a pris un an avant d'écouter le
gouvernement du Québec à ce sujet. Il me semble que c'est
important.
Dans le domaine du vêtement, on se bat avec les industriels et les
travailleurs, avec les syndicats, pour essayer de protéger leurs jobs.
On va finir par gagner cette bataille, après six mois, un an, deux ans,
je ne le sais pas. Mais, entre-temps, on perd des milliers et des milliers
d'emplois parce que le gouvernement fédéral hésite
à écouter le Québec.
Ce n'est pas parce que le Québec veut avoir raison tout le temps.
C'était la même chose à l'époque des
libéraux. C'était la même chose à l'époque de
l'Union Nationale. C'était la même chose à l'époque
du Parti conservateur, au début du siècle. Le Québec a
toujours réclamé des choses pour le Québec, en
connaissance de cause de sa structure industrielle, culturelle ou sociale. La
vision fédérale est différente, même avec des gens
très honnêtes à Ottawa. Je n'accuse personne du
gouvernement fédéral de malhonnêteté. On serait
là demain matin et on ne pourrait pas faire mieux, parce que le
Québec n'est pas comme le reste du Canada. Lorsqu'on parle de deux
nations, ce n'est pas pour rien. C'est parce qu'il y a vraiment deux mondes
différents au Canada.
J'ai négocié, M. le Président, dans le domaine des
pièces d'automobiles. Tantôt, le député de
Huntingdon a charrié en parlant de Volkswagen. Il est sûr que,
dans le domaine de l'automobile, si le gouvernement du Québec avait tous
les pouvoirs, il se ferait quelque chose dans le domaine de l'automobile au
Québec, ou on échangerait certains de nos produits pour des
automobiles. On dirait à l'Ontario: Écoutez, vous allez acheter
tel genre de produits, que ce soit des vêtements, des meubles ou des
produits électroniques. Vous allez acheter cela et, en compensation,
nous, on va acheter vos automobiles ou vice versa. Si l'Ontario ne voulait pas
nous vendre ses automobiles à un prix convenable en échangeant
nos matériaux, on irait aux États-Unis, au Japon, en Europe,
quelque part. Il y a des gens qui seraient prêts à faire des
affaires avec le Québec. Actuellement, on est un peu
sous-développé dans le domaine de l'automobile.
Dans le domaine de l'aéronautique, bien sûr, le
député de Huntingdon dit que le gouvernement canadien n'aurait
pas donné le contrat au Québec. Mais, d'un autre
côté, on paie 25% des taxes. On aurait au moins 1 000 000 000 $
dans nos poches. Pour une période donnée, apparemment, ça
engendre de l'argent.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Biron: Mais, avec cela, on pourrait au moins dicter des
choses. Si on ne faisait pas de l'aéronautique pour les F-18, on ferait
peut-être de l'aéronautique pour d'autres genres d'avions. En
d'autres termes, ce que je veux dire, c'est que, si on avait les pouvoirs
politiques dans nos mains, au lieu de servir les intérêts des
entreprises de l'Ontario ou de l'Ouest, on servirait les intérêts
des entreprises du Québec. C'est là où est toute la
différence. C'est cela qui créerait des milliers et des milliers
d'emplois.
Pourquoi le programme d'urgence de la PME a-t-il fonctionné?
Parce qu'on avait une partie des pouvoirs. On est allé à Ottawa
pourtant. Au départ, on est allé à Ottawa et on a dit:
C'est votre faute, les taux d'intérêt élevés, mais
quand même on est prêt à en payer la moitié pour vous
aider. La structure financière des entreprises du Québec n'est
pas comme la structure financière des entreprises de l'Ontario; on est
sous-capitalisés, nous. À des taux d'intérêt de 8%
ou 10%, on finit toujours par arriver, mais, quand cela monte à 20%,
22%, 24%, on n'arrive plus. On ferme les portes. La banque tire la "plug" et
c'est la faillite. On est allé à Ottawa avec MM. Lévesque,
Parizeau, Landry, et on a dit au gouvernement fédéral: On est
prêt à en payer la moitié. Voilà, on a conçu
notre programme. Aidez-nous, on va le mettre en marche rapidement. Le
gouvernement fédéral a dit: "No way", c'est trop
compliqué; 150 000 000 $ à Chrysler, ça marche; 150 000
000 $ à Massey-Ferguson, ça marche; 500 000 000 $ garantis
à Dome Petroleum, ça marche. Mais 1000 PME
québécoises, c'est trop compliqué. Bon. Je
les comprends. Si j'étais à Ottawa, je ferais
peut-être la même chose. Ce n'est pas le système qui est
fait pour le Québec.
C'est pour cela que je dirais encore oui au référendum.
C'est pour cela qu'au point de vue économique, je dirais oui au
référendum, pour nos PME québécoises. On est revenu
à Québec, on l'a mis en marche notre programme. On a
protégé 25 000 emplois au Québec avec cela parce qu'on
avait assez de pouvoirs pour le faire. Imaginez-vous, si on avait eu d'autres
pouvoirs et d'autres sommes d'argent, ce qu'on aurait pu faire avec cela! On
aurait fait encore plus et plus rapidement. Au lieu d'attendre pendant trois ou
quatre mois pour avoir des négociations avec le fédéral,
avant de le mettre en marche, on l'aurait mis en marche plus rapidement. On
aurait sauvé d'autres entreprises, j'en suis assuré. On aurait
sauvegardé d'autres emplois et on aurait fait en sorte de
protéger davantage la structure industrielle du Québec. (11 h
45)
C'est ce que je voudrais faire comprendre et je sais que, si le
député de Notre-Dame-de-Grâce, en particulier, lui qui a de
l'expérience dans le monde des affaires, avait l'avantage et le
privilège de négocier pendant deux ou trois ans avec le
gouvernement fédéral pour des entreprises du Québec, je
suis à peu près certain qu'il dirait la même chose que moi,
en fin de compte. Il dirait: Cela n'a pas de bon sens. On ne peut pas vivre
dans ce système. Un peu comme M. Guy Saint-Pierre l'avait dit, un bon
jour, qu'il était tellement tanné - et c'était un ministre
libéral - de négocier constamment avec le fédéral
et de n'avoir à peu près rien, mais la vision du
fédéral n'est pas comme celle du Québec et c'est tout ce
qui fait la différence.
C'est pour cela, M. le député de Huntingdon. Lorsque vous
dites qu'il y a une évolution de ma part, bien sûr, il y a une
évolution, à cause de l'expérience de la vie que j'ai
vécue et à cause de mes deux années comme ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Je veux faire comprendre aux gens
d'affaires du Québec que c'est pour leur bien qu'il leur faut mettre
plus de pouvoirs dans les mains du gouvernement québécois pour
répondre davantage à leurs préoccupations, à leurs
besoins et à leurs inquiétudes, plutôt que de laisser les
pouvoirs dans les mains d'un autre gouvernement qui a d'autres
préoccupations, d'autres pouvoirs et d'autres besoins ailleurs. Mais il
n'a pas besoin de répondre directement à ce que le Québec
demande.
Sur les transferts des sommes d'argent qui nous parviennent, bien
sûr, il nous vient de l'argent d'Ottawa sous forme d'aide sociale et
d'assurance-chômage, mais, comme le dit le député de
Châteauguay, ce n'est pas ce qu'on veut. Les gens du Québec ne
veulent pas de l'aide sociale et de l'assurance-chômage d'Ottawa, on
voudrait des emplois. Pourquoi les dépenses créatrices d'emplois
qui se font, à partir du gouvernement fédéral, se
font-elles toujours de l'autre côté de la rivière Outaouais
et en Ontario en particulier, enfin, à peu près toujours? Ah! il
est sûr que, plus on a du monde qui ne travaille pas, plus on a de
problèmes. On voudrait avoir les pouvoirs nécessaires sur ce
point.
M. le Président, je formule le voeu que des gens de bonne foi,
qui sont dans l'Opposition, puissent venir négocier avec moi et le
fédéral sur quelques dossiers particuliers. Ceux qui sont
impatients, vous allez vite vous décourager et vous allez voir que vous
allez mettre de côté votre fédéralisme aveugle. Vous
allez dire qu'il faut plus de pouvoirs à Québec. Vous allez dire
la même chose que les hommes politiques qui ont été au
pouvoir et qui ont été de ce côté-ci de la Chambre.
Traversez de ce côté-ci de la Chambre et vous allez voir ce que
vous direz. Cela ne sera pas long, si vous avez un peu de coeur
québécois, ce que je pense que vous avez. Il est important de
noter notre attitude. Lorsqu'on est au gouvernement du Québec, vraiment,
on veut protéger les intérêts québécois.
Encore dernièrement, j'ai eu l'exemple de Pétromont.
Pourquoi cela a-t-il pris au-delà d'un an de négociation avec le
gouvernement fédéral pour que ce dernier dise, finalement, au
bout d'un an: Le Québec a raison, il faut aider l'industrie
pétrochimique? Mais cela a quand même pris un an. Pendant ce
temps-là, on a empêché des investissements, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. Vous parlez
d'investissements. Pétromont était prête à investir
dans le développement et dans la modernisation de ses
équipements. Les usines en aval de Pétromont, la foule de PME
manufacturières dans le domaine de la pétrochimie, du plastique,
étaient prêtes à investir aussi. Mais, est-ce qu'on va
investir lorsqu'on ne sait pas d'avance si notre matière première
va arriver, si l'usine mère Pétromont va continuer à
fonctionner? Cela a pris un an avant de convaincre le gouvernement
fédéral qu'il fallait faire des choses. Finalement...
M. Scowen: M. le Président, est-ce que je peux poser une
très brève question au ministre dans le cadre de son
intervention?
Le Président (M. Rancourt): Oui. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le ministre pourra vous
répondre tout de suite.
M. Scowen: En 1978, M. Duhaime, le ministre de l'Industrie et du
Commerce, a annoncé son intention de régler le
problème
de SIDBEC dans les six prochains mois. On est maintenant en 1983 et les
gens de la Côte-Nord attendent encore, presque six ans après, une
réponse, une décision du gouvernement du Québec. Cela
traîne aussi un peu.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, je répondrai
là-dessus après. Mais, pour Pétromont, pourquoi cela
a-t-il pris un an au gouvernement fédéral avant de donner raison
finalement au gouvernement du Québec? Si le Québec avait eu plus
de pouvoirs, si les Québécois et les Québécoises
avaient dit oui au référendum, on aurait eu plus de pouvoirs, on
aurait pu agir plus rapidement. Finalement, il y avait plus d'emplois à
créer au Québec ou plus d'emplois créés au
Québec. Dieu merci pour les PME québécoises. C'est le
langage qu'on parle et ce n'est pas un langage de rêve. C'est mon
expérience personnelle depuis deux ans qui me fait dire aux hommes
d'affaires qu'il faut dire oui à la prochaine question
référendaire. C'est oui, il faut donner plus de pouvoirs au
gouvernement du Québec. Après, quel que soit le parti politique
qui dirigera le Québec, que ce soit le Parti libéral ou n'importe
quel autre parti, il aura en main les pouvoirs nécessaires pour
répondre aux besoins des gens du Québec.
À propos de SIDBEC, qui nous a embarqués dans ce
guêpier-là, sinon un contrat signé sur un coin de table par
Robert Bourassa? Une fois que le contrat est signé sur un coin de table,
il faut bien continuer et faire les contrats officiels nécessaires. Qui
nous a embarqués dans le guêpier de SIDBEC-Normines? Le
gouvernement libéral. Aujourd'hui, nous essayons le mieux possible d'en
sortir tout en essayant de protéger le maximum d'emplois existants, de
protéger une structure industrielle qui se tient comme du monde et de
faire en sorte que finalement, le Québec puisse en profiter et que les
travailleurs n'aient pas trop à en souffrir, et même qu'ils en
profitent le plus possible. On a mis sur pied des comités avec les
travailleurs, comme cela ne s'est jamais fait à votre époque.
Jamais les travailleurs, jamais les syndicats ouvriers n'ont été
appelés à collaborer avec l'entreprise et le gouvernement de
cette époque-là. C'était mettre de côté tous
les travailleurs, tous les syndicats ouvriers. Ils n'avaient pas besoin d'eux.
Ils étaient l'establishment libéral.
Nous voulons travailler avec ces gens-là et, grâce à
leur collaboration, nous avons amélioré considérablement,
au cours des derniers mois, la performance de SIDBEC, vous le verrez. Bien
sûr qu'il reste encore des décisions importantes à prendre.
Mais elles ne seront pas prises sur un coin de table comme cela s'est fait
à l'époque de Robert Bourassa. La gestion économique du
Québec est trop importante pour qu'on la prenne sur un coin de
table.
Une autre question précise du député de Huntingdon
concernant l'industrie agroalimentaire. M. le député de
Huntingdon, l'industrie agro-alimentaire relève de mon collègue,
le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Je
discute avec ces gens-là et du cas particulier de Sucre Saint-Laurent,
j'en ai discuté avec le président à plusieurs reprises. Je
l'ai invité à négocier avec la raffinerie de sucre de
Saint-Hilaire, avec SOQUIA, avec le ministère de l'Agriculture pour
offrir au moins sensiblement le même prix que celui que nous sommes
capables d'obtenir n'importe où en Ontario ou ailleurs pour raffiner le
sucre. Je pense que c'est tout à fait normal. Je pense qu'on peut, au
Québec, produire aussi efficacement que cela. Là-dessus, je pense
que la vision de mon collègue, le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, est correcte. Il veut faire en sorte que
de plus en plus de producteurs agricoles puissent développer la
production de betterave à sucre avec une industrie au Québec qui
se tienne comme du monde.
M. Dubois: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Question de règlement.
M. Dubois: Je n'ai pas parlé tout à l'heure de
production de betterave à sucre. Je n'ai absolument pas parlé de
cela. J'ai parlé de produits finis de sucre faits par Sucre
Saint-Laurent à Montréal. C'est de cela que j'ai parlé. Je
ne suis pas contre la production de betterave à sucre au
Québec.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Biron: Si on veut faire du sucre, il faut une matière
première, et le député de Huntingdon devrait savoir que,
s'il n'y a pas de canne à sucre, il faut des betteraves ou quelque chose
d'autre. Tout cela pour dire que tout ce qui regarde l'industrie
agroalimentaire relève de mon collègue. Il n'y a pas de conflit
de juridiction, au contraire. On a établi une façon de
procéder. J'interviens très souvent avec la Société
de développement industriel, que ce soit par le plan d'urgence ou
d'autres plans. Chaque fois qu'on intervient dans le domaine agroalimentaire,
je demande l'avis de mon collègue, le titulaire du MAPAQ. Si l'avis est
positif, nous étudions, avec l'expérience des
analystes de la SDI et leur compétence, la capacité
financière de l'entreprise, la capacité de gestion de
l'entreprise et nous décidons si nous pouvons l'aider avec les
programmes que nous avons. Si le titulaire du MAPAQ, mon collègue Jean
Garon, me dit que ce n'est pas un dossier, une direction ou un créneau
qu'il faut développer au Québec, nous n'aidons pas cette
entreprise. Nous ne voulons pas donner des subventions pour planter des arbres
avec un ministère et des subventions pour arracher des arbres avec
l'autre ministère, comme cela se faisait trop souvent à
l'époque du Parti libéral.
Dans ce sens-là, les juridictions sont bien définies. Tout
ce qui regarde l'agroalimentaire relève de mon collègue du MAPAQ
et tout ce qui concerne le reste de l'entreprise manufacturière
relève du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: Merci. Mes collègues ont tracé le
triste bilan de la situation au Québec dans le secteur manufacturier. La
question qui se pose est la suivante: Comment pouvons-nous être
compétitifs, pas uniquement au Québec, même pas au Canada,
mais sur le plan mondial? Nous sommes dans une guerre mondiale
économique. Il faut se rendre compte de cela. Le défi auquel nous
faisons face est de travailler non pas nécessairement plus fort, mais
plus intelligemment pour essayer de savoir ce que nous devons faire pour sortir
de cette crise. J'ai consulté les experts. Je ne suis pas un expert dans
ce secteur, mais j'ai consulté des gens de l'École polytechnique
à Montréal, les déclarations de Pierre Lortie, le
président de la Bourse de Montréal, des experts de
l'Université McGill, les déclarations de Rodrigue Tremblay,
l'ancien ministre de l'Industrie et du Commerce ici à Québec, the
Canadian Manufacturers' Association, the Canadian Council of Engineers, le
Conseil politique et scientifique du Québec. Ce qui m'étonne,
c'est qu'il y ait un consensus énorme entre tous ces groupes et ces
experts. Leur diagnostic de la situation est qu'il y a deux principes
primordiaux. D'abord l'idée clé est que c'est par l'innovation
qu'on va sortir de cette crise. Deuxièmement, ils ont conclu qu'il y a
certaines initiatives que le gouvernement doit prendre pour créer un
climat qui va favoriser l'innovation.
C'est sur ces deux points que j'aimerais parler. J'aimerais aussi avoir
la réaction du ministre sur leur diagnostic. Qu'est-ce que le
gouvernement du Québec, qu'est-ce que le ministre, en concertation avec
ses collègues, sont prêts à faire pour implanter les
conditions que ces experts ont proposées comme étant
primordiales, essentielles pour sortir de la crise? D'abord l'idée de
l'innovation. Si l'on observe les industries qui sont en croissance et qui ont
réussi à augmenter et à agrandir, ce sont des industries
basées d'abord sur de nouvelles connaissances, la création de
nouveaux produits et de nouvelles méthodes. C'est là le moteur de
la croissance. Il faut encourager l'exploitation des nouvelles connaissances
pour des fins utiles sur le plan social et le plan économique. (12
heures)
Quel est le rôle du gouvernement dans cette initiative? Je crois
qu'il faut reconnaître que le rôle du gouvernement -c'est
l'observation de ces experts - n'est pas de contrôler ni de gérer
ce développement. Son rôle est de libérer ce
développement en créant des conditions fiscales et sociales
propices à maintenir et à attirer l'intelligence, les esprits
créateurs et l'argent, l'investissement.
Il y a d'abord la proposition de débureaucratiser et
déréglementer le climat industriel dans cette province.
M. Pierre Lortie a dit: Les conditions nécessaires
à l'innovation sont étrangères à la culture
bureaucratique. L'innovation jaillit d'un environnement où règne
un certain désordre. Il faut bien comprendre qu'il est impossible de
gérer le processus de développement de façon
centralisée. Cette conception est abominablement antibureaucratique et
je doute que les bureaucrates ne viennent jamais à la comprendre et,
encore moins, à apprendre comment la harnacher.
La deuxième proposition souligne une tendance que nous avons ici
au Québec qui est de voir le protectionnisme et le "bailout" comme des
solutions économiques viables. Je crois que cette tendance d'encourager
la dépendance résulte dans un délai de faire... On
n'implante pas les améliorations technologiques qui sont
inévitablement nécessaires pour augmenter notre
compétitivité.
Troisièmement, et je parle encore du consensus que j'ai appris en
lisant et en écoutant les experts, il faut mettre plus d'accent sur la
compétence de nos ressources humaines. Je crois que, pour la
main-d'oeuvre de nombreuses industries et la main-d'oeuvre de chaque secteur de
notre société, il faut mettre plus d'efforts pour
améliorer la qualité de cette main-d'oeuvre. Une partie de ces
efforts doit être de rapprocher le milieu universitaire et le milieu
industriel pour favoriser un transfert des nouvelles connaissances aux
industries afin de créer de meilleurs produits par de meilleurs
processus à des meilleurs prix.
Quatrièmement, les incitatifs fiscaux. Qu'est-ce que le ministre
va faire en concertation avec ses collègues pour
améliorer le climat fiscal? Parce que c'est par
l'amélioration du climat fiscal qu'on va attirer les investissements
dont nous avons parlé et que tout le monde cherche. Les experts ont
proposé qu'on repense le "capital gains tax" parce que, à l'heure
actuelle, les industries qui sont les plus progressives, qui prennent les plus
grands risques et qui progressent le plus rapidement sont les plus
pénalisées par les règles du jeu. Deuxièmement, sur
le niveau des taxes directes et indirectes sur l'individu. On parle beaucoup de
ces taxes. Nous sommes les gens les plus taxés en Amérique du
Nord. Troisièmement, sur le plan de la recherche des incitatifs pour
libérer les investissements dans la recherche et le
développement, le problème n'est pas qu'il n'y a pas d'argent; le
problème est de libérer l'argent pour créer des
règles du jeu qui sont attirantes pour les investisseurs. Les chambres
de commerce ont fait plusieurs suggestions pour augmenter le retour sur leurs
investissements pour ceux qui ont de l'argent à investir dans la
recherche et le développement.
Quatrièmement, il y a le climat social. Le gouvernement du
Québec, le gouvernement péquiste ne veut pas admettre que le
climat social au Québec est toujours perturbé par les actions du
gouvernement et par les confrontations continuelles. On confronte les
syndicats; on trouve toujours des prétextes pour des confrontations sur
le plan linguistique; on est en train de menacer les commissions scolaires; on
a des confrontations avec Ottawa; on a des confrontations avec les
médecins, avec les ingénieurs et avec les municipalités.
Ces confrontations sont en train d'affaiblir année après
année notre tissu social. C'est l'atmosphère créée
par cette instabilité qui cause l'exode des plus intelligents avec les
capacités et l'expertise dont nous avons tellement besoin.
M. le Président, combien de minutes me reste-t-il?
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de Jacques-Cartier, vous avez commencé à 11 h 55; il vous reste
encore au moins cinq minutes.
Mme Dougherty: Dans l'Actualité de mai 1983, on parle de
la haute technologie, du développement économique et des
conditions qui favorisent le développement économique. On compare
le climat à Ottawa, où il y a un développement vraiment
spectaculaire de haute technologie, avec celui de Hull. "Ottawa a vite fait de
son industrie de pointe le pivot d'une vaste promotion économique par
toute l'Amérique. Il faut se demander - et c'est M. Yvon Desautels, de
Northern Telecom Canada, qui parle - comment il se fait qu'aucune industrie n'a
traversé la rivière des
Outaouais pour déborder du côté de Hull ou d'Aylmer,
qui sont pourtant des zones désignées, offrant une gamme
invraisemblable de subventions à l'établissement d'entreprises.
Selon lui, la fiscalité québécoise y est pour beaucoup.
Traverser la rivière, traverser de Hull à Ottawa donne une
augmentation automatique de salaire d'au moins 10% et l'essence y coûte
0,10 $ de moins le litre. La loi 101 n'a pas aidé non plus, ne serait-ce
qu'en nous créant une mauvaise image.
M. le ministre, j'ai cité les conclusions, les diagnostics d'un
grand nombre d'experts qui s'impliquent dans le monde des affaires tous les
jours, qui comprennent les conditions nécessaires à la sortie de
la crise, à l'amélioration de notre condition surtout, dans notre
secteur manufacturier dont nous parlons aujourd'hui. Quelle est votre
réponse? Qu'allez-vous faire? Qu'est-ce que vous êtes prêt
à faire en concertation avec vos collègues pour améliorer
cette situation? Merci.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Roland Dussault
M. Dussault: Merci, M. le Président. Je voudrais reprendre
quelques éléments du discours du député de
Huntingdon, qui s'apprêtait à partir. Il aurait tout
intérêt à rester, au moins pour apprendre des choses. Il
nous a parlé, M. le Président, d'exode. C'est vraiment une chose
dont nos amis d'en face aiment bien nous parler, l'exode de
Québécois vers le reste du Canada. Va-t-il falloir leur
répéter cent fois pour qu'ils comprennent que la
réalité que nous vivons présentement n'est pas
différente de ce qui a été connu avant que notre
gouvernement prenne le pouvoir, que le Parti québécois prenne le
pouvoir?
Rappelons-nous l'étude qui a paru dans le journal La Presse
récemment, celle de M. Castonguay qui, en fait, est professeur à
l'Université d'Ottawa. Il nous a donné des chiffres à
partir des dernières statistiques et a démontré que, avant
nous, il y avait une réalité d'exode de Québécois
vers le reste du Canada et que la réalité d'exode qui existe
présentement n'est pas plus considérable que celle qui a
existé avant. Nous savons depuis des années, depuis que
l'affirmation du Québec français existe - l'affirmation du
Québec français n'a pas commencé avec nous autres - qu'il
y a un exode. Les effets ou les conséquences de cela sont les
mêmes aujourd'hui que dans le temps. Il n'y a rien de nouveau à
cela, M. le Président. On ne s'anglicisera pas et on ne s'assimilera pas
parce qu'il y a des gens qui partent. Est-ce que cela peut être plus
clair que cela? Mais pourra-t-on, une fois pour toutes, s'entendre sur le fait
que les chiffres sont là, à l'appui,
pour démontrer que ce n'est pas pire aujourd'hui que cela
l'était dans le temps. M. le député de Huntingdon devrait
se rappeler cela.
Il a aussi parlé, M. le député de Huntingdon, du
référendum. Il a fait allusion à une partie du discours de
M. le ministre dans ce qui devait être une réunion, probablement,
de lancement de la campagne de financement, ce qui fait qu'il y a un nombre
réduit de personnes qui sont invitées. Il ne faut pas
s'étonner du nombre de personnes qui étaient là.
C'était tout à fait dans l'ordre des choses. Mais il a, entre
autres, critiqué un avancé du ministre sur la question du F-18.
Est-ce qu'il va falloir rappeler à M. le député de
Huntingdon que, au moment du référendum, il y avait une question
qui portait sur une association économique? Il est tout à fait
pensable que, dans une association économique, des contrats venant de la
défense d'un pays soient accordés à un des
éléments de l'association. C'est tout à fait pensable. Il
n'y a rien de ridicule là-dedans, M. le Président. Eux, ils ont
intérêt à faire passer cela pour ridicule. Mais, dans le
monde civilisé, des ententes internationales sur le plan
économique sont des choses tout à fait pensables. Cet argument de
M. le député de Huntingdon, ce n'est pas très
sérieux.
M. le Président, je suis devenu souverainiste pour des raisons
culturelles en 1962, 1963. Il y avait beaucoup d'émotivité
là-dedans, M. le Président. J'ai vieilli, plus j'ai vieilli et
plus j'ai eu des convictions sur le plan de la souveraineté du
Québec et plus mes convictions se sont appuyées sur des questions
économiques. Aujourd'hui, M. le Président, je crois mordicus
qu'il faut devenir souverain et c'est pour des raisons économiques que
je veux qu'on le devienne. (12 h 15)
Mme la députée de Jacques-Cartier tout à l'heure
nous disait qu'il faut devenir compétitif et comment on peut devenir
compétitif. M. le Président, pour devenir compétitif, il
faut se donner des instruments. Il faut se donner de bons instruments. Il ne
faut pas se donner des instruments partiels, des instruments qui vont nous
permettre d'obtenir de petits résultats ici et là, mais il faut
se donner l'instrument qu'il faut. L'instrument qu'il faut, c'est celui dont
dispose un État moderne. Je dis bien un État, pas une province,
pas une espèce de ghetto dans lequel on est coincé, mais quelque
chose où l'on n'a plus les jambes et les pieds liés. C'est comme
cela qu'on va arriver à ce résultat en améliorant tous les
instruments qu'on a et en se donnant l'instrument qui va nous permettre de
sortir sur l'extérieur.
Ce n'est pas un mur de Chine qu'on veut pour nous, mais on veut
effectivement devenir un État. Qu'on cesse, de l'autre
côté, de nous reprocher d'avoir des résultats qui sont ceux
d'une province s'ils ne veulent pas qu'on devienne un État souverain.
Qu'ils choisissent. Si l'on reste une province, on aura des résultats
économiques minables. On restera comme cela si l'on ne devient pas
souverain. Mais s'ils veulent qu'on ait la performance d'un État
national, qu'on ait la performance économique d'un État qui a des
moyens, d'un État moderne, qu'ils s'accordent pour dire qu'on va y
arriver dans la mesure où l'on aura des instruments, des leviers. Le
Canada existe présentement comme État unitaire, et cherche
à l'être en plus. Quand on a les instruments d'un tel État,
on arrive à beaucoup plus de résultats. Quand on veut
écouler les produits de notre esprit innovateur, on a les canaux qu'il
faut.
Quand on n'est pas un État, mais une simple province qu'on
écrase continuellement, on a beau vouloir être innovateur,
créateur -les Québécois sont extraordinaires de ce
côté-là - le fruit de cette innovation, le fruit de cette
création, on va avoir de la misère à l'écouler
parce qu'on n'a pas les leviers. On essaie de faire du commerce
extérieur dans le cadre de la province qu'on a, mais on sait que les
résultats optimaux qu'on pourrait obtenir, ce serait dans le cadre d'un
État moderne qui dispose de leviers, d'un État souverain.
M. le Président, je voudrais terminer sur la dernière
chose dont a traité la députée de Jacques-Cartier.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Lincoln: J'aurais une petite question. Peut-être que le
député pourrait prendre deux minutes pour répondre, cela
va être intéressant.
Le Président (M. Rancourt): Est-ce que vous acceptez que
M. le député de Nelligan pose une question rapidement?
M. Dussault: Certainement, M. le Président.
M. Lincoln: Peut-être que vous auriez pu nous dire, M. le
député, parce que vous avez tous les leviers en main, de quelle
monnaie vous allez vous servir et comment vous allez protéger cette
monnaie. Peut-être que vous auriez pu parler un peu de cela, parce que,
quand on demande cela à vos collègues, c'est toujours à
l'étude. Là, vous arrivez à l'indépendance en 1985.
Peut-être que vous auriez pu nous donner un petit traité sur la
monnaie dont vous allez vous servir, à savoir si ce sera la monnaie
canadienne, la monnaie US ou la monnaie québécoise. Comment
est-ce que vous allez la protéger? Peut-être que vous allez nous
le dire, parce que vous avez sûrement un plan
d'attaque.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Je remercie M. le
député de Nelligan de sa question. Je vais y répondre tout
à l'heure, je la trouve intéressante.
M. Lincoln: Moi aussi.
M. Dussault: Pour revenir aux propos que tenait Mme la
députée de Jacques-Cartier tout à l'heure, elle a fait un
exposé que j'ai trouvé très positif; pour les trois
premiers quarts de son exposé j'ai trouvé cela extrêmement
positif. Je n'y étais pas habitué. On connaît mes
réactions vis-à-vis de certains discours de Mme la
députée de Jacques-Cartier. Je trouve qu'elle est
extrêmement négative généralement à
l'égard des Québécois, de toute la réalité
québécoise. Aujourd'hui, je l'ai trouvée très
positive. J'ai trouvé cela formidable, sauf quand on est arrivé
au dernier point, la question linguistique.
Il faudrait peut-être rappeler à Mme la
député de Jacques-Cartier, qui se fait aujourd'hui la disciple
d'un certain nombre d'intervenants dans le décor québécois
sur le plan économique, que la question linguistique est la
huitième - pas la première, la deuxième, la
troisième ou la quatrième -priorité du Conseil du patronat
au Québec. Pour vous montrer comme c'est important pour les gens
d'affaires, c'est la huitième priorité.
M. le Président, est-ce qu'il ne faudra pas se mettre une fois
pour toutes dans la tête que la question linguistique au Québec
est une affaire réglée? On a réglé cela, nous, dans
notre premier mandat, par la loi 101 qui peut-être à l'usage
connaîtra certaines améliorations. On ne se mettra pas à
parler de cela et à en faire une grosse histoire une fois de plus. On
l'a réglée, cette question-là. Peut-être qu'il y
aura lieu de faire certains ajustements. On sait, cependant, que c'est clair
que, le jour où l'on sera souverain, la loi 101, on n'en aura plus
besoin parce qu'un État souverain, ça protège le monde qui
se situe dans cet État sur le plan culturel. C'est une protection en
soi, M. le Président.
M. Lincoln: Mettez-le dans votre programme.
M. Dussault: Alors, la loi 101, on n'en aura plus besoin à
ce moment-là. On n'aura plus le problème des langues, non plus.
Cela va aller de soi que le français sera la langue de ce
territoire-là.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay, il vous reste une minute.
M. Dussault: D'accord, M. le Président. C'est une question
réglée, donc, la question de la langue, dans un premier mandat.
Et, s'il y avait - faisons l'hypothèse - un autre gouvernement qui nous
remplace bientôt, cet autre gouvernement qui nous remplacerait ne
changerait pas cette situation. Il ne pourrait pas le faire. Les
Québécois ne supporteraient pas qu'il y ait un changement
fondamental dans cette situation linguistique. Elle est réglée
à la satisfaction de la très grande majorité des
Québécois. Alors, c'est réglé.
Maintenant, puisqu'il me reste peu de temps, je voudrais répondre
à la question de M. le député de Nelligan. Si, dans mon
très grand exposé sur la question, je devais dépasser, on
va sûrement tolérer que je déborde un peu, M. le
Président? Non, je ne suis pas sérieux, je vais faire un petit
exposé.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Dussault: M. le Président, à propos de la
monnaie, je pense qu'on a encore à se poser des questions à ce
sujet, et c'est normal. C'est normal, car les uns pensent que le mieux est
encore d'avoir sa propre monnaie, parce que c'est un levier bien important sur
le plan économique, et d'autres pensent qu'on devrait plutôt se
raccrocher à une monnaie forte qui existe déjà.
M. Lincoln: Assez!
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Dussault: M. le Président, pour terminer ma
réponse...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Vous
devez conclure.
M. Dussault: ...j'ai assisté à un colloque - un
excellent colloque, d'ailleurs - qui a été organisé par le
Parti québécois, il y a de cela quelques semaines, à
Montréal; beaucoup de spécialistes sont venus nous parler, des
gens crédibles. Un spécialiste, entre autres, nous a beaucoup
parlé de la question de la monnaie. Et il a lancé l'idée
que, dans le fond, le Québec devrait se raccrocher à la monnaie
américaine. Ce n'est peut-être pas bête, M. le
Président. Mon idée n'est pas arrêtée
là-dessus. J'entends des points de vue...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Dussault: Mon idée sera faite,
évidemment, quand le moment déterminant sera
arrivé. Mais, pour l'instant, je pense qu'il faut regarder cette
idée de près. Cela en prend une. Il est sûr que cela en
prend une. Il faut qu'elle soit la plus forte possible, quoique, lorsqu'on part
de très loin sur le plan économique et qu'on a une monnaie qui
est très dévaluée, il peut arriver que ce soit un
élément intéressant de dynamisation de l'économie
pour la faire se relever. Vous savez, ces histoires qu'on nous a
racontées...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M. le
député de Châteauguay...
M. Dussault: ...que, de 1 $ à 0,65 $, ce serait
catastrophique, c'est absolument faux.
Le Président (M. Rancourt): ...vos 20 minutes et
plus...
M. Dussault: Je termine. Je conclus, M. le Président.
M. Lincoln: J'aurais voulu donner une minute de mon temps au
député, parce que...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
L'article 162 est très clair à ce sujet. Donc, M. le
député de Châteauguay, votre temps est
écoulé, même dépassé.
M. Dussault: Je conclus, M. le Président, en disant
simplement que cela ne m'étonne pas que le député de
Nelligan ait posé cette question parce qu'avec cet
élément-là on peut faire peur à beaucoup de
monde...
M. Dubois: Est-ce que cela arrête ou non?
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: ...comme ils ont l'habitude de le faire.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Mais il ne faut pas se faire de problème avec
ça.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay, vous avez terminé. M. le député de
Huntingdon, il vous reste cinq minutes.
M. Claude Dubois
M. Dubois: M. le Président, à la suite de ma
première intervention, j'ai bien écouté la réplique
du ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme, surtout à propos de l'intervention de
l'État dans la commercialisation du sucre, l'écrasement d'une
société privée, l'écrasement d'une compagnie
privée par l'État, par des fonds publics massifs. Mais j'aimerais
que le député de Lotbinière se souvienne d'une certaine
intervention qui est indiquée dans le journal La Tribune de Sherbrooke
du samedi 11 février 1978. Je cite, M. le Président: "Aucun
ministre du cabinet de René Lévesque n'est compétent dans
le domaine économique, et le ministre de l'Agriculture est sans doute le
plus incompétent que nous ayons jamais eu." C'est toujours du même
ministre de l'Agriculture qu'on parle, il est encore là aujourd'hui.
"C'est le jugement péremptoire qu'a énoncé le chef de
l'Union Nationale, Rodrigue Biron, au cours d'une conférence de presse
donnée hier matin devant les médias de la région. Ce sont
aussi des théoriciens, de grands rêveurs. Il y en a trop dans le
présent cabinet. Il faut des administrateurs, a déclaré
Rodrigue Biron, en soulignant qu'il ne confierait jamais 25 000 $ de ses
dollars à l'actuel gouvernement de crainte qu'ils ne s'envolent en
fumée." Ce sont des propos que tenait l'actuel ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme, il n'y a pas tellement longtemps, quand même.
Il n'y a pas 20 ans, ni 50 ans de cela, M. le Président; cela fait
à peine 4 ou 5 ans.
Je comprends mal la réaction du ministre face au dossier de la
politique sucrière du Québec quand l'État se mêle
d'écraser une compagnie privée pour ses propres fins partisanes.
Il n'y a pas d'autres raisons que je pourrais évoquer. M. le
Président, nous savons tous qu'il y a eu un montant de 55 000 000 $
investi à Saint-Hilaire pour le progrès du raffinage de la
betterave à sucre brute. Nous savons qu'il y a des producteurs
intéressés à faire la culture de la betterave. Nous
souscrivons à la production de la culture de la betterave. Mais ce n'est
pas l'argument en cause, aujourd'hui. Mais, quand on arrive avec un produit
fini, où l'État n'a rien à faire là-dedans, je
pense qu'il est inacceptable que l'État aille chercher les domaines
économiques rentables pour renflouer ses coffres et, du même coup,
faire crever l'industrie privée.
Nous savons tous que Sucre Saint-Laurent a 400 employés à
Montréal, dans le comté de Maisonneuve, le comté de Mme
Harel. J'ai mal compris que, ces dernières semaines, Mme Harel n'ait pas
soulevé cette question. Pourtant, cela la regarde directement, puisqu'il
s'agit de ses commettants. Alors, je suis très étonné que
le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme appuie de tels gestes de
la part d'un gouvernement qui se dit près des industries privées.
Il se dit d'accord pour
appuyer les industries privées et, en même temps, il les
écrase avec les fonds publics. Je voulais relever ces propos du
ministre, tout à l'heure, et lui indiquer qu'en deux temps il a eu des
propos complètement divergents et différents.
Il y a un autre dossier, et j'aurais aimé que le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme puisse le voir de plus près. Je
veux parler du développement des boissons alcooliques au Québec.
Nous savons que des recherches se font à l'UQAM, où il y a un
centre de recherche, le CRESALA, qui ne reçoit à peu près
rien du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Si on veut
ralentir les quantités de boissons alcooliques importées pour en
produire davantage au Québec, il faudrait que le ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme verse des fonds pour la recherche au
CRESALA ou à d'autres centres de recherche en matière de
développement agroalimentaire. Depuis plusieurs années,
principalement, depuis 1976, ce fut un domaine totalement
délaissé et où il y a d'énormes
possibilités. Je pense qu'il y aurait intérêt, pour le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, à s'attaquer
à ce problème et à fournir les fonds
nécessaires.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Huntingdon, votre temps est écoulé.
M. Dubois: Je vous remercie, M. le Président. La
population saura juger les propos tenus aujourd'hui. Elle saura diriger son
vote à la prochaine élection, parce que tout le monde
s'aperçoit que c'est le désastre économique depuis 1976,
depuis que ce gouvernement est en place. Merci.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, très
brièvement, parce que je ne voulais pas parler de cette question du
tout, mais je pense que le député de Châteauguay a fait
allusion à l'article de M. Castonguay paru dans les journaux, au sujet
de l'exode de la population anglophone du Québec. Je veux souligner au
député de Châteauguay qu'il aurait dû ajouter qu'il y
a eu un article subséquent, écrit par quelqu'un dans un autre
journal, qui a souligné au professeur Castonguay qu'il avait
parlé seulement des gens qui quittaient. Il n'avait pas
considéré les gens d'ailleurs qui arrivaient au Québec. Il
faut prendre le chiffre net. C'est exactement comme un chiffre d'affaires, les
revenus et les dépenses. Si vous prenez les revenus et les
dépenses, vous avez un chiffre net. Si vous ne prenez que les
dépenses, naturellement, vous n'aurez qu'un seul côté de la
médaille. Lui, il n'a pris que les chiffres de l'exode; il n'a pas pris
les chiffres des gens qui entraient, c'est-à-dire le reste. Si vous
prenez le solde, il est tout à fait négatif depuis 1976, depuis
que le Parti québécois est au pouvoir. Alors, il faudrait que
vous citiez aussi...
M. Dussault: Question de règlement, M. le
Président.
M. Lincoln: II n'y a pas de question de règlement. J'ai
mon temps. Vous n'aviez qu'à citer l'article...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Dans
une question avec débat, même si je l'ai dit tantôt, en
fait, il n'y a pas de question de règlement. Vous avez eu votre droit de
parole.
M. Dussault: Question de privilège, M. le
Président, en vertu de l'article 98 ou de l'article 100.
M. Lincoln: II n'y a aucune question de règlement.
Le Président (M. Rancourt): Vous voulez poser une
question, peut-être?
M. Dussault: Ce que je veux, uniquement, M. le Président,
c'est qu'on ne me fasse pas déborder du champ que j'ai
abordé.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: On a parlé d'exode. J'ai parlé d'exode
exclusivement et j'ai donné les conclusions du professeur Castonguay. Je
pense que ce que j'ai fait était parfaitement correct.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan, votre droit de parole. (12 h 30)
M. Lincoln: Ce que je retiens de la dissertation du ministre et
de son adjoint, c'est la contradiction totale qu'on retrouve toujours dans les
dires du gouvernement du Parti québécois. Le Parti
québécois, c'est la contradiction totale. On veut tout à
la fois. On critique le gouvernement canadien parce qu'il ne nous donne pas
assez dans le domaine de l'automobile, qu'il favorise l'Ontario et qu'il ne
nous donne rien et, en même temps, on veut se séparer du
gouvernement canadien. Tout à l'heure, le ministre disait que ce qu'il
fallait à l'industrie du vêtement, ce qu'il avait demandé,
ce que les gens du textile avaient demandé c'est que l'industrie du
textile soit protégée à 75% au Canada. Qu'arrivera-t-il
à
ces 75% si le Québec est indépendant? On ne peut pas
demander deux choses à la fois. Ou bien on demande la protection du
marché canadien ou bien on est indépendant et cela n'existera
pas.
On se sert de l'argument canadien quand c'est bon, et on se sert de
l'argument anti-canadien quand cela fait notre affaire. On ne peut pas jouer
sur les deux tableaux. On parle de l'industrie automobile qui est
installée en Ontario. Il est normal qu'elle soit installée en
Ontario parce que Windsor est à proximité de Détroit.
C'est là que cela a commencé, c'est là que cela s'est
bâti. Les Ontariens pourraient dire que Bombardier, avec les trains, le
métro, est concentré au Québec. L'Ontario pourrait dire
que le Challenger a été construit à Montréal et
qu'on va mettre des sommes astronomiques dedans pour tenter un sauvetage. Ils
pourraient peut-être se plaindre. L'industrie de l'aluminium est
installée au Québec. C'est tout à fait naturel.
Je ne crois pas que ce soit là le problème fondamental du
Québec. Le problème fondamental est un problème
d'instabilité et de manque de confiance. Je vais vous donner quelques
exemples. Vous dites que la politique linguistique, c'est classé et
fini, et que votre politique d'indépendance n'affecte rien. Je vais vous
citer un rapport qui n'est pas un rapport libéral, qui n'est pas un
rapport fédéral, mais un rapport préparé par le
plus gros groupe d'investisseurs qui soient venus au Canada, les investisseurs
japonais, la plus grande puissance industrielle potentielle du monde de l'an
2000. Ils ont envoyé 38 investisseurs, des gens du ministère du
commerce international japonais: Toshiba, la Banque de Tokyo, Mitsui,
Nitsubishi, Sumitomo, Mitsubishi industrie lourde, Nissan, industrie
automobile, Nippon Koban, Itoh... enfin toutes les grosses
sociétés japonaises. C'est un rapport de 350 pages. Je suis
sûr que le ministre a dû le voir. Je ne sais pas s'il l'a lu. Je
vais vous donner quelques petites constatations. Ce n'est pas moi qui dis cela,
ce sont les Japonais dans ce rapport officiel: "À l'issue de
l'étude effectuée au cours de notre séjour - qui a
duré plusieurs semaines et pendant lequel ils ont traversé le
Canada et ont été interviewés par les gens de plusieurs
ministères au Québec et ailleurs - je suis profondément
convaincu que, globalement, le Canada offre un grand potentiel
d'investissements. La question est de savoir comment promouvoir les
investissements au Canada." Et là, ils ajoutent: "Le climat et le
problème de l'éducation pour les enfants des représentants
japonais travaillant dans les entreprises japonaises au Québec..." Je ne
dis pas que les Japonais ont raison, le fait est qu'eux considèrent cela
comme étant un problème. Ils ajoutent: "II faut mentionner que le
Canada se trouve dans une situation politique et sociale complexe." Ils parlent
des mouvements indépendants, antifédéraux, antianglais,
profrançais dans la province de Québec où se trouve
Montréal, la deuxième ville en importance au Canada. Ils disent:
"En ce qui concerne la stabilité politique du Canada, on peut mentionner
la rivalité entre les gouvernements fédéral et provinciaux
au sujet des droits des provinces. Il y a tout d'abord la question du
Québec. Sur le plan pratique, certaines questions sont mises en oeuvre
l'une après l'autre et la politique d'unilinguisme français de la
province a poussé certaines grandes entreprises à quitter le
Québec. Du point de vue des investissements dans cette province, il
semble que sa politique soit un handicap sérieux." Ils parlent de la
question de l'indépendance: "La province était dirigée par
le Parti québécois, partisan de l'indépendance, qui
préconisait l'indépendance politique de la province tout en
demeurant alliée au gouvernement fédéral dans le domaine
économique. La question du Québec, issue de l'histoire, de la
culture et des problèmes sociaux est considérée comme
profondément ancrée."
Le Nikin Kai, le groupe de sociétés japonaises au
Québec - il y en a 24 au Québec - constituant l'association des
hommes d'affaires japonais au Québec, dit dans son rapport: "La question
est devenue politique, bien qu'elle semble réglée en surface.
L'adoption du français comme seule langue officielle en 1978 a conduit
de nombreuses entreprises à quitter la province tout comme le taux
d'imposition des particuliers, qui est le plus élevé en
Amérique du Nord." Ce n'est pas nous qui disons cela. Le taux
d'imposition, même les Japonais le reconnaissent et le remarquent.
Il y a aussi divers indicateurs économiques, comme le taux de
croissance et le taux de chômage. Ce n'est pas M. Scowen qui dit cela:
"Le taux de croissance, le taux de chômage, sont-ils défavorables
au Québec par comparaison avec les autres provinces? La
détérioration des finances provinciales est un autre
élément défavorable. Malgré les efforts du
gouvernement du Québec pour diminuer les dépenses publiques, on
parle continuellement d'augmenter les impôts."
Ce sont des gens qui viennent ici pour voir les possibilités
d'investissements. Ils disent: Le Canada, c'est un pays formidable pour
l'investissement. Mais, partout où il y a des références
au Québec, il y a des références au problème de la
langue, il y a des références aux problèmes fiscaux, il y
a des références aux problèmes politiques et de
l'indépendance, il y a des références aussi au salaire
minimum au Québec, qui ne croît pas avec celui des autres
provinces et influence défavorablement.
Ce sont les Japonais qui disent cela, ce
n'est pas moi qui dis cela que c'est fini. Vous me dites que le
problème linguistique, c'est réglé, c'est classé.
L'Association des hôteliers, cela relève de votre
ministère, le tourisme réagit pourtant. Or, dans un article de la
Presse, qui date du 18 février 1983, on dit que l'Association des
hôteliers, par ailleurs, va poursuivre la bataille sur la loi 101,
l'affichage unilingue français dans les halls. Il y a les
dépliants en anglais et en français, également le
pourboire obligatoire, etc. C'est l'Association des hôteliers qui dit:
Comment est-ce qu'on peut avoir l'aberration, c'est toujours la contradiction
totale du Parti québécois, de faire venir les Américains,
qui sont notre plus nombreux groupe de touristes ici, et, en même temps,
de faire des idioties comme de mettre des plaques sur les affiches de
sécurité en anglais sur les pentes de ski, ce que même le
ministre Chevrette, du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, a
trouvé ridicule lui-même et a fait enlever. Comment peut-on faire
cela et, en même temps, vouloir attirer les gens? L'Association des
hôteliers, ce n'est pas le Parti libéral, reconnaît
elle-même qu'il y a un problème. Il y aussi M. Alain Dubuc, dans
la Presse, le samedi 8 mai 1982, qui ne fait pas parti du Parti libéral,
que je sache, reconnaît lui aussi un bon nombre des problèmes qui
nous sont causés et que c'est, dit-il, pourquoi on n'a pas
d'investissements ici: déplacement d'une partie de l'activité
économique, renouvellement trop lent de la structure industrielle de
Montréal, mais aussi certains obstacles linguistiques, fiscaux et
salariaux.
Ce n'est pas nous qui inventons ces choses. Il y a deux grandes
sociétés de technologie avancée qui sont restées
ici et qui disent qu'elles aiment et qu'elles vont rester ici. Il y a Micom, il
y a AES. Si vous lisez les articles sur Micom et AES que je peux vous passer,
que disent-ils? Ils disent la même chose encore, que les problèmes
fiscaux, les problèmes linguistiques sont des entraves à la venue
ici des technologies, que ce qu'il faut pour se rendre compétitifs avec
les industries qui sont situées à Boston, en Californie et
ailleurs, la question clé...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan, je m'excuse de vous couper la parole. J'avais dit au début que
je réservais dix minutes à chacun des deux côtés.
Actuellement dans le temps partagé qu'on vient de me faire
connaître, à 12 h 40, le Parti libéral ou l'Opposition a eu
15 minutes de droit de parole de plus que la partie gouvernementale. Est-ce
qu'on accepte de garder dix minutes chacun, de chaque côté, en
partant de maintenant?
M. Biron: M. le Président, le député de
Nelligan peut prendre encore cinq minutes pour terminer, j'aurai ensuite une
brève intervention pour lui répondre. Après cela, on aura
tous les deux dix minutes d'échange, le député de
Notre-Dame-de-Grâce et moi.
Le Président (M. Rancourt): D'accord. Y a-t-il
consentement?
M. Scowen: D'accord.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan, rapidement.
M. Lincoln: J'aurais voulu passer aux contradictions
fondamentales du programme du Parti québécois. M. le
député de Châteauguay nous dit: On va faire
l'indépendance, tous les problèmes vont être
résolus. On va résoudre les problèmes linguistiques, on va
abolir la loi no 101. Tout va être formidable, on aura une structure
à nous, cela va être la prospérité totale, le
ministre aussi a dit cela. Mais comment voulez-vous que les investissements
arrivent florissants au Québec quand vous-même, dans votre mandat,
nous parlez d'exproprier. Partout, prenez les mines, on peut prendre cela page
après page: "exproprier, moyennant compensation, les gisements
découverts par le secteur privé et non exploité
après un délai déterminé. Alors si les gens veulent
venir ici faire de la prospection à la tonne d'une situation
économique favorable, ils viendront sûrement au Québec en
comparaison aux investissements américains. À cette fin, il
cherchera à diminuer l'apport américain dans les investissements
étrangers et à s'assurer que ceux-ci concourent à la
réalisation des objectifs économiques du Québec. Plus
loin, on dit qu'on réglementera tous les investissements. Pourtant on se
plaint que la FIRA ira à Ottawa et je suis d'accord avec vos plaintes
là-dessus. Il existe pourtant dans votre programme et c'est une des
choses clé. Mais sur la question fondamentale que j'ai posée au
député, il n'a même pas pu me répondre, disant: On
se servira de la monnaie américaine. C'est là la clé. De
quelle monnaie...
M. Dussault: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! II n'y
a pas de question de privilège ici.
M. Dussault: M. le député de Nelligan me fait dire
des choses que je n'ai pas dites.
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Dussault: J'ai dit: M. le Président, je regarde la
question. Je n'ai pas dit que pour moi elle était tranchée.
Alors...
M. Lincoln: Oui, vous regardez. Bon, j'accepte, j'accepte.
M. Dussault: S'il vous plaît, M. le Président. Quand
même...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
M. Dussault: Qu'il soit honnête. Qu'il admette que j'ai dit
que la question n'était pas tranchée pour moi.
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Nelligan. Vous pouvez poursuivre.
M. Dussault: ...
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Châteauguay. M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Tout ce que je. veux dire c'est que c'est ce qui fait
que le Parti québécois est tellement vulnérable avec ses
idées de chimères. Jusqu'à présent - ils disent
qu'ils vont faire une élection sur l'indépendance en 1985 - c'est
dans deux ans - ou 1986 - peut-être trois ans au maximum - ils sont en
train de faire des colloques pour décider de quelle monnaie ils vont se
servir. Sans monnaie, comment peut-on faire des investissements, comment
peut-on faire des échanges, comment peut-on faire du commerce? Alors, il
faut une monnaie du Québec, du Canada, américaine. Il faut que
les Américains consentent à votre monnaie. Ils ont
déjà dit à votre ministre du Commerce extérieur
qu'ils ne veulent pas de votre marché commun. Le "State Department"
lui-même l'a dit. Alors, il faudra les persuader de vous servir de leur
monnaie. Et, quand vous vous servirez de leur monnaie, n'allez-vous pas
être plus dépendants des Américains en vous servant plus de
leur monnaie que la vôtre, la monnaie du Québec? La France, un
grand pays indépendant de 55 000 000 d'habitants, a eu à
dévaluer sa monnaie trois fois cette année, trois fois depuis
1982, de quelque chose comme 47% en tout, parce que la monnaie allemande,
à cause de l'industrie allemande beaucoup plus forte, la domine. Cela a
été le problème continuel du marché commun, et vous
allez faire un marché commun avec les Américains, avec la monnaie
américaine? Et, si vous avez une monnaie québécoise,
même le Canada, avec une structure de 25 000 000 d'habitants et une
industrie beaucoup plus variée que le Québec, ne peut même
pas résister à la monnaie américaine et elle est
obligée de dévaluer de 20%. Le jour où vous aurez une
monnaie du Québec, les capitaux vont s'enfuir comme cela. Même M.
Rodrigue
Tremblay l'admet dans son livre. Alors il faudra prendre des mesures
pour empêcher la fuite des capitaux, le terrorisme économique. Je
vous mets au défi...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
À l'ordre.
M. Lincoln: ...M. le député de Châteauguay et
n'importe quel ministre, incluant le ministre des Finances, de me dire avant
1985, avant 1986, de façon que la population le sache, ce que vous allez
faire comme politique monétaire parce que c'est là la clé
des investissements, c'est la clé de tout le commerce. Sans monnaie on
ne peut faire de commerce et le Parti québécois, dans votre
programme de 1982, n'avez aucune réponse. Vous allez encore faire des
colloques; vous ferez des colloques demain, après-demain. Vous allez
lancer des idées mais le peuple, lui, veut savoir des faits. Il veut
savoir ce que vous allez faire. Vous ne pouvez gueuler contre le Canada et
ensuite vous associer et dire: On se sert de la monnaie. Alors vous vous servez
de la monnaie québécoise et quel tarif aura cette monnaie, quel
taux d'échange, comment allez-vous prévenir la fuite des
capitaux, comment allez-vous faire les investissements ici au Québec
avec une monnaie étrangère? Alors c'est la clé de toute
l'affaire. Je vous mets au défi, M. le député de
Châteauguay, si vous n'avez pas le pouvoir vous-même d'aller
consulter votre Conseil des ministres, de venir nous dire en Chambre, demain ou
après-demain, et au public québécois ce que vous savez de
cette question. On en a assez de vos colloques et de vos chimères, que
l'indépendance va tout régler quand vous ne savez même pas
de quel argent on va se servir et quelle valeur il aura. Si le dollar canadien
vaut 20% de moins que le dollar américain, fatalement, puisque le
Québec est infime comparé au tout nord-américain, il
vaudra peut-être 30% ou 40% de moins. À ce moment-là,
comment allez-vous empêcher la fuite des capitaux? Comment allez-vous
empêcher les gens d'investir ailleurs: à Miami, à Toronto
et à Edmonton? Qu'allez-vous faire?
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Allez-vous faire un contrôle des
échanges? (12 h 45)
Le Président (M. Rancourt): Pour respecter l'entente, si
vous voulez conclure.
M. Lincoln: Oui, d'accord. Je suis entièrement d'accord.
J'attend que le ministre me dise de quel argent il se servira.
Le Président (M. Rancourt): M. le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: Bon, maintenant que le député de Nelligan
a fini son numéro de vaudeville, je pense qu'il faudrait répondre
à des questions bien précises. En particulier, je me souviens
qu'il y a trois ans on avait des grandes pancartes rouges où
c'était écrit: "Pour ma prospérité, j'y suis, j'y
reste". Depuis ce temps, le chômage a augmenté partout, la
misère est arrivée et on nous chantait que c'était la
prospérité dans tout le pays. Je pense que la marchandise n'a pas
été livrée par ceux qui nous promettaient la
prospérité, par ceux qui nous promettaient, dans des discours
éloquents, qu'ils pourraient mettre leur tête sur le billot et
leur siège en jeu si le Québec n'était pas
respecté. On n'a pas entendu beaucoup de critiques de l'autre
côté, sinon votre ancien chef, M. Ryan, le député
d'Argenteuil, qui s'est élevé contre cela.
M. le Président, on nous a parlé de l'industrie de
l'automobile. Je me dis que cela va en Ontario, c'est décidé. Le
député de Nelligan, du Parti libéral dit: L'automobile, on
n'en veut pas au Québec, c'est l'Ontario, c'est décidé.
Mais avant qu'on en vienne à une entente canado-américaine sur le
pacte de l'automobile, il y avait des décisions de prises.
Déjà on a vu, à la fin des années soixante, General
Motors décider d'installer une usine de montage d'automobiles au
Québec. On pouvait espérer qu'avec le temps on pourrait avoir
d'autres usines d'automobiles, mais le pacte de l'automobile a fait en sorte de
servir exclusivement l'Ontario dans le domaine des pièces et du montage
d'automobiles. C'est important de le noter parce qu'il y a des gens au
Québec qui sont capables de travailler sur les pièces
d'automobiles et le montage d'automobiles. On nous dit même que l'usine
de GM est une des plus productives de toutes les usines de GM à travers
le monde. On a des gens compétents. Les travailleurs et les
travailleuses du Québec sont efficaces, dynamiques et productifs. Ce qui
manque, dans le fond, est une volonté fédérale d'aider le
Québec dans ce sens-là.
On nous a dit tout à l'heure que le gouvernement du Québec
a nationalisé des choses. Pas grande-chose, M. le Président, si
on compare ce que les libéraux ont fait à leur époque ou
si on compare avec ce que le gouvernement fédéral a fait au cours
des dernières années. Qu'on pense à Pétrofina
où, pour une entreprise qui valait 500 000 000 $, on a payé 1 500
000 000 $, trois fois la valeur. Il y a du monde qui s'est enrichi,
probablement parmi les amis du Parti libéral, mais les actions à
la bourse valaient 50 $ et elles ont été payées 150 $. Je
n'ai pas entendu les libéraux, de l'autre côté, critiquer
leur grand-frère...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Biron: Pourtant, c'était l'argent des citoyens du
Québec qu'on a gaspillé, qu'on a payé à des
présumés amis, je suppose, du Parti libéral. Cela a
été la même chose dans le cas de BP qu'on vient de
nationaliser pour pouvoir y mettre le drapeau rouge. Eh bien! le drapeau rouge
nous coûte cher. Il faut au moins se poser des questions
sérieuses. Et si vous voulez être honnête, de ce
côté, vous allez vous élever de temps en temps contre sa
façon de voir. Canadair appartient au gouvernement fédéral
et cela coûte passablement d'argent. Bien sûr, il faut maintenir
une usine dans la domaine de l'aéronautique, mais vous ne me direz pas
que c'est bien géré. Cela appartient au gouvernement
fédéral. Même les dirigeants se demandent ce qui peut
arriver d'un jour à l'autre. Ce sont des choses importantes qu'il faut
au moins réaliser.
Quant aux critiques sur la langue, on a eu le droit au numéro
habituel du Parti libéral. Lorsqu'on songe que les hommes d'affaires du
Québec, dont les membres du Conseil du patronat - il y a des anglophones
comme des francophones là-dedans considèrent en moyenne que le
problème linguistique est le huitième problème, alors,
arrêtez donc d'en parler, tout simplement. Je pense qu'il y a des choses
qui se sont faites quant au problème linguistique. La loi 101 est
là pour y rester. Les gens qui viennent de l'extérieur et qui
veulent envoyer leurs enfants à l'école peuvent le faire
facilement. Ils ont jusqu'à six ans. Pour la personne qui vient de
l'extérieur avec une famille et qui peut envoyer son ou ses enfants
à l'école anglaise pendant six ans, il y a toujours un bon bout
de chemin de fait. Si, au bout de six ans, les jeunes ne peuvent comprendre le
français, il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans. Mais,
au moins, ils ont six ans pour le faire. C'est assez facile.
Quant au côté linguistique, vous avez touché le
domaine du tourisme. On a fait une enquête aux États-Unis il y a
environ un an et demi, qui nous disait que c'était payant d'être
différent des autres, que les Américains étaient
prêts à venir au Québec s'il y avait quelque chose de
différent, s'il y avait un sens français, ils étaient
prêts, même, à payer un peu plus cher pour venir au
Québec. Il me semble que c'est une enquête objective qui a
été faite aux États-Unis par une firme américaine.
Les statistiques sont là pour prouver que les Américains aiment
venir au Québec parce que c'est différent. Le fait
français, au contraire, cela ne repousse pas les gens, cela
attire les gens et cela fait en sorte...
M. Lincoln: Est-ce que vous êtes prêt à le
déposer...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, il n'y
a pas de dépôt ici.
M. Biron: Le fait français fait en sorte que les gens de
l'extérieur du Québec veulent venir au Québec pour vivre
quelque chose de différent.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, si vous voulez
y aller rapidement.
M. Biron: Je termine, seulement une autre note avant de conclure.
Je garde mes dernières notes pour la fin, parce que je voulais parler de
l'intervention de Mme la députée de Jacques-Cartier sur la
recherche et le développement. J'ai trouvé que c'était une
intervention très intéressante. Mais, tout à l'heure, en
répondant au député de Notre-Dame-de-Grâce, je dirai
quelques mots sur les questions posées par Mme la députée
de Jacques-Cartier.
En terminant, je veux noter que, pour les travailleurs, ceux qui
travaillent au Québec, ceux qui gagnent moins de 20 000 $ par
année, c'est bon de travailler au Québec, on paie moins
d'impôt au Québec que nulle part ailleurs. Cela, je pense qu'il
faut le noter.
Les taxes municipales sont la moitié des taxes municipales de
l'Ontario. Ce sont des avantages marqués qu'il faut dire. Il ne faut pas
se gêner pour le dire, parce qu'il y a des gens qui en profitent. Si
j'avais un investissement à faire dans le domaine manufacturier, je le
ferais au Québec, parce que j'ai confiance dans les
Québécois et les Québécoises.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Une voix: ...
Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît,
monsieur.
Conclusion M. Reed Scowen
M. Scowen: Voilà, M. le Président, à la fin
de notre débat, je veux seulement rappeler que nous avions deux
objectifs, ce matin, premièrement, c'était de porter à
votre attention qu'il y a un affaiblissement important de notre part des
investissements canadiens au Québec et de demander au ministre de nous
dire, secteur par secteur, de préférence, quelles sont ses
priorités industrielles pour l'avenir, pour corriger la situation.
J'espère que, dans les dernières minutes qu'il lui reste, il va
répondre à la question, parce que, jusqu'à maintenant, on
a eu droit à deux réponses seulement.
Le député de Châteauguay a dit que le
problème réside dans le fait que l'Opposition critique d'une
façon déloyale le gouvernement et par conséquent
crée une atmosphère de morosité ici. Il dit que c'est la
faute du Parti libéral, parce qu'on critique le gouvernement. Je pense
qu'il n'y a personne au Québec qui va prendre cet argument au
sérieux.
Voici l'autre argument auquel on a eu droit ce matin. Je
répète qu'on n'a pas entendu un seul mot du ministre quant
à ses priorités industrielles pour l'avenir, pas un seul mot. On
a eu droit à 90 minutes d'attaque contre le gouvernement
fédéral. Ce n'est pas cela. Je veux expliquer un point une
dernière fois au ministre, parce qu'il s'intéresse à
l'exportation.
Je fais un parallèle avec une compagnie québécoise
qui veut exporter. Si la compagnie revient chez vous, à la SDI, et dit:
On a visité un client à l'extérieur du Québec qui a
dit que nos prix sont trop élevés, que notre qualité n'est
pas assez bonne et que notre service laisse à désirer, qu'est-ce
qu'on doit faire? Parler à ces gens de vos belle brochures, de votre
publicité et proposer une autre conférence pour essayer de
discuter du prix et de les persuader que ce n'est pas aussi élevé
que cela. On retourne chez le client à l'extérieur du
Québec. Le client nous dit encore la même chose, savoir qu'il aime
beaucoup nos brochures et notre publicité. Il est impressionné
par la quantité du travail qu'on a fait pour prouver que nos prix ne
sont pas plus élevés, mais quand même, il insiste pour dire
que les prix sont trop élevés, que la qualité et le
service ne sont pas bons. Qu'est-ce que vous suggéreriez à cette
compagnie?
Je pense que vous lui diriez, si vous avez le moindre réalisme:
II faut changer le prix, il faut améliorer la qualité et le
service. C'est exactement le problème que nous avons au niveau
provincial, au niveau gouvernemental ici.
Le gouvernement fait des colloques, le milieu économique donne
clairement la liste des problèmes. J'ai été content
d'entendre le ministre dire que la question linguistique, c'est la
huitième des préoccupations du gouvernement. Il ne doit pas
être très fier de cela parce que c'est la huitième et tout
le monde convient que c'est important. S'il y a sept problèmes de plus
qui sont même plus importants que celui de la langue, vous avez un paquet
de problèmes à régler, mon cher.
M. Biron: M. le Président...
M. Scowen: ...mais par exemple...
Le Président (M. Rancourt): ...vous avez une question.
M. Biron: Pour l'information du député de
Notre-Dame-de-Grâce, j'ai dit que c'était la huitième
préoccupation du Conseil du patronat, du monde patronal et non du
gouvernement.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: C'est ce que j'ai dit aussi. Le monde patronal croit
que la question linguistique est la huitième. Je pense qu'il a
probablement raison, parce qu'il y en a au moins sept autres. La langue est
importante. Vous avez huit questions importantes à régler, mon
cher. Vous comprenez? Ils en ont huit. C'est grave. Alors, j'ai pris cet
exemple simplement pour vous expliquer que vous êtes sourd, que vous ne
comprenez rien. Si vous n'acceptez pas d'écouter les gens et que vous ne
réagissez pas en conséquence... Je ne sais pas combien de fois
des colloques ont été tenus au cours desquels le milieu
industriel - et j'ai cité le président de l'Association du meuble
comme exemple -vous a dit: Réglez votre problème d'impôt.
Réglez votre problème d'incertitude politique. Réglez
votre problème d'incertitude minimum. Réglez votre
problème de réglementation générale. Réglez
celui-ci. Réglez celui-là. Vous vous retournez et vous
préparez un autre programme de publicité, mais vous ne
réglez pas les problèmes qui sont soulevés par le
milieu.
Je termine, M. le Président, avec deux choses.
Premièrement, je répète, avec l'espoir que, dans les dix
minutes qui nous restent, le ministre va répondre à notre
invitation de dire à la population quelles sont les priorités
industrielles, sectorielles, qu'il a adoptées pour les années
1983-1984. Mais, je veux lui demander, en terminant, qu'il n'essaie pas de
persuader la population du Québec que tous les maux économiques
d'ici sont la faute du gouvernement fédéral. Oui, nous avons une
province, une région, un pays, si vous préférez, qui n'est
pas comme les autres régions du Canada. Tout le monde le sait. Mais, la
démonstration qu'on a faite ce matin, c'était pour vous
démontrer que, depuis toujours, les ministres de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme ont été obligés de faire face
à un autre gouvernement. Et le gouvernement fédéral est
lent et lourd, la population en convient. Elle sait aussi, cependant, que, dans
tous les gouvernements, c'est difficile, long, bureaucratique.
Je pense, M. le ministre, que si vous demandez à la population
qui est obligée de communiquer avec la Régie du loyer, le
ministère du Revenu, d'attendre vos décisions sur un paquet de
choses sur lesquelles vous avez tenu des colloques depuis des années, et
sur lesquelles vous n'avez pas pris de décision, dirait: Écoutez,
oui, le gouvernement fédéral est lent, mais le gouvernement du
Québec n'est pas beaucoup plus rapide. Et, si vous pensez que la
population serait prête à mettre tout son avenir économique
dans les mains de Rodrigue Biron, je pense que vous vous trompez royalement.
Les gens, en général, sont satisfaits de ce système de
deux gouvernements. Ils l'ont depuis longtemps. On a démontré ce
matin que, de 1970 à 1976, ce même Guy Saint-Pierre que je connais
très bien, a manifesté très souvent son
découragement devant la lenteur du processus de négociation avec
le fédéral. En même temps, il était obligé
d'écouter les hommes d'affaires qui disaient que le gouvernement
provincial n'agissait pas très très vite non plus. C'est dans la
nature des choses.
Ce même Guy Saint-Pierre et les autres ministres de l'Industrie et
du Commerce de l'époque avaient réussi à persuader les
investisseurs du secteur privé de dépenser au moins 25% en
investissement de leur capital ici. Je n'ai pas l'intention de revenir aux
chiffres. Pour ceux qui ne me croient pas, je leur demande simplement d'aller
faire un tour en Ontario et de regarder les nouvelles usines du meuble, du
vêtement, de la chaussure, des scieries, les usines des pâtes et
papier, les usines dans l'électronique, enfin, toutes ces usines qui
s'installent en Ontario, qu'on ne voit pas parce qu'elles ne sont pas
installées ici, mais qui contribuent à l'affaiblissement de notre
part de l'économie canadienne. La conséquence, c'est que les gens
qui travaillent dans ces usines le font de plus en plus à
l'extérieur et nous, les Québécois, sommes
condamnés à acheter les produits fabriqués au Canada, mais
pas au Québec. Avec un autre genre de politique - que j'attends encore -
on les aurait peut-être fabriqués ici, par nous et pour nous.
Alors, si votre réponse, M. le ministre, en terminant, est que
vous ne pouvez rien faire pour développer l'économie du
Québec, à l'intérieur de notre système
fédéral, je propose que vous démissionniez et que vous
laissiez le job à un autre groupe de politiciens, d'hommes politiques,
à une autre formation politique qui est prête à prendre la
relève. Merci.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du
Tourisme.
(13 heures)
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, le député de
Notre-Dame-de-Grâce en a fini avec les chiffres qu'il a donnés ce
matin. Mais au cours des dernières années, si on la compare
à l'Ontario - et personne n'est satisfait, on veut toujours faire
mieux, on veut toujours faire plus, il ne faut jamais se satisfaire de ce qu'on
a, il faut exiger plus - la performance du Québec fait qu'on a une plus
grande part des investissements canadiens. Notre part augmente, alors que la
part de l'Ontario diminue. C'est grâce au dynamisme des gens d'affaires
du Québec. Je veux leur rendre hommage. Je ne veux pas dire, comme le
député de Notre-Dame-de-Grâce, que les gens d'affaires
n'ont pas fait leur bout de chemin, au contraire. Ils ont fait un effort
énorme, malgré la crise économique et la crise des taux
d'intérêt élevés qu'on a dû traverser.
Sur une question bien spécifique des secteurs d'activité
que le gouvernement du Québec va privilégier, je voudrais tout
simplement me référer à un article du journal La Presse,
du 30 avril dernier, qui comparait Calgary à un "gros Schefferville".
Cet article comparait le Québec et l'Alberta. Qui a l'économie la
plus saine? M. Dubuc disait: "Un Québécois n'en croira pas ses
oreilles si on lui dit que l'économie québécoise est plus
saine que celle de l'Alberta." C'est pourtant cela qu'Alain Dubuc nous dit.
"Malgré ses faiblesses et ses faillites, le Québec dispose d'une
base industrielle diversifiée. On y fabrique à peu près de
tout, ce qui permet de résister aux chocs les plus profonds qui peuvent
survenir. À l'inverse, l'économie albertaine en est une de
ressources naturelles, l'agriculture et surtout le pétrole, ce qui la
rend profondément vulnérable à tout choc extérieur,
un peu comme un pays en voie de développement dont la survie
dépend des cours mondiaux d'une denrée quelconque."
M. Dubuc nous dit que l'économie québécoise est
meilleure que l'économie de l'Alberta. Elle est beaucoup plus
diversifiée. Elle se tient plus. Lorsqu'on parle de taux de
chômage, il est sûr qu'on regarde ailleurs de temps à autre.
Quand on songe au taux de chômage à l'heure actuelle dans la ville
de Calgary - on nous a dit que des gens s'en allaient dans l'Ouest - il est de
14,9%, celui d'Edmonton est de 13,7%. C'est énorme - je ne me
réjouis pas de leur taux de chômage -si on se compare avec ce qui
se fait là-bas présentement. Ce n'est pas drôle non plus en
Alberta. Malgré cela, le Québec a réussi, à la
force du poignet, à force de travail, à cause du dynamisme des
gens d'affaires et des travailleurs qui veulent faire un effort dans ce
sens-là, à développer un peu le Québec et à
reprendre le terrain perdu sur les autres provinces au cours des années
antérieures.
Cela veut dire que les secteurs que nous voulons privilégier...
Nous ne voulons mettre de côté aucun secteur. Lorsque le
gouvernement fédéral nous dit qu'il faut que l'industrie du
vêtement disparaisse, et celle de la chaussure, nous disons non. Il faut
au contraire les conserver, mais moderniser les entreprises, les usines qui
fabriquent ces produits. Cela ne veut pas dire qu'on doit envoyer les gens qui
ont travaillé dans l'industrie du vêtement durant toute leur vie
dans l'électronique et la biotechnologie. Ils vont être
mêlés, et avec raison. Il faut garder ces gens-là dans des
usines où ils peuvent travailler avec la formation qu'ils ont, en
développant nos usines.
Je retiens l'intervention de Mme la députée de
Jacques-Cartier. J'ai d'ailleurs beaucoup apprécié cette
intervention, sauf le petit bout sur la langue. Quant au reste, cela
était correct. Mme la députée de Jacques-Cartier nous a
beaucoup parlé de recherche et de développement. Vous avez
raison, Mme la députée de Jacques-Cartier. Il faut, si on veut
faire de l'innovation, deux choses importantes: des idées et de
l'argent. Je pense qu'on a des idées au Québec. Il y a plusieurs
Bombardier au Québec, un peu partout. Il y a aussi beaucoup d'argent,
mais on ne réussit pas à mettre les idées avec l'argent.
C'est cela qui est le plus compliqué. Notre argent est sous forme
d'épargne. Nos Québécois, à cause de notre
tradition, sont habitués à économiser notre argent au lieu
de s'en servir pour le développement et la transformation des
matières premières. Ce qu'on a fait au cours des dernières
années, on a mis en marche des programmes de recherche et de
développement, particulièrement avec la Société de
développement industriel, par lesquels on veut aider des entreprises qui
veulent développer des idées, innover. Bien sûr, on n'est
pas capable de prendre tout le risque, et il ne serait pas normal que le
gouvernement seul le prenne. Je crois qu'il faut que ce soit l'entrepreneur,
l'individu ou l'entreprise qui prenne un bout de risque et nous, on va y donner
le petit coup de pouce nécessaire. Exemple, Vidacom. Tout le monde sait
que c'est une entreprise, avec Vidéotron, où on va investir 25
000 000 $ et créer environ 300 ou 400 emplois. C'est sûr que
c'était un risque, l'idée était là, le
développement technologique était là, mais il manquait
d'argent. Le gouvernement du Québec a assuré des prêts
garantis à l'entreprise, plus de petites subventions comme d'ailleurs le
gouvernement fédéral l'a fait dans ce cas précis et,
finalement, on va réussir à attacher tous les morceaux et se
mettre en marche dans une industrie de très haute technologie. Depuis
qu'on a annoncé notre programme, cela ne fait même pas six mois,
cela fait cinq mois, on a déjà 40 demandes d'entrées
à la Société de développement industriel pour une
aide quelconque par ces programmes de recherche et de développement.
C'est la première chose. Donc, donner un petit coup de pouce
nécessaire et encourager les gens qui ont des
idées en essayant de mettre en contact les idées et
l'argent sans prendre trop de l'argent des gens. Je crois qu'on est mieux de
miser sur des chevaux gagnants, comme on dit souvent dans notre métier,
donc de garantir de l'argent à ces gens en disant: Passe à
travers et vas-y. Prendre le risque sur le dessus.
Vous avez parlé aussi de "débureaucratiser" et de
déréglementer; on est d'accord avec vous sur ce sujet. À
plusieurs reprises, on en a parlé. Il y a des choses qui se font au
gouvernement du Québec présentement; c'est difficile, tout de
même, de passer à travers tous ces règlements qui existent.
Je vous donne juste une idée à ce sujet de ce qu'on peut faire
quand on fouille. J'ai un règlement, concernant les
établissements hôteliers, qui comprend 250 articles. On est en
train de le terminer, il va en rester 50. Dans le fond, c'étaient des
choses qu'il fallait voir. On va s'entendre sur ceci. Il y a des actions
précises qui se font, peut-être pas encore assez rapidement. On
est tous d'accord qu'il faut aller plus rapidement, mais au moins donner
l'occasion aux gens de se contrôler jusqu'à un certain point,
parce que si on les contrôle trop on empêche tout le monde de
prospérer et d'avoir des idées.
La compétence des ressources humaines, vous l'avez
mentionnée, Mme la députée de Jacques-Cartier. Vous avez
raison qu'il faut former des gens. De plus en plus d'ailleurs dans les
cégeps, les écoles, les universités, on veut former des
gens. On a un programmes d'ordinateurs dans les écoles, ce n'est pas
seulement pour mettre une petite bebelle. C'est pour former des gens afin
qu'ils apprennent à travailler selon les méthodes les plus
modernes qui existent au monde, mais qu'ils apprennent à travailler
très jeunes selon ces méthodes, pour qu'ils puissent arriver
finalement dans les entreprises et avoir une formation conformément
à ce qu'on exige dans l'entreprise. Une relation beaucoup plus intense
entre l'école et le travail, on est tous d'accord sur cela. On a
déjà commencé à passer à l'action. Il reste
encore d'autres étapes à franchir mais il faut les franchir. Le
marketing, l'exportation, la gestion et le financement des entreprises, cela a
fait partie de nos préoccupations, mais cette année, en
particulier, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je dis
qu'on veut aider les entreprises dynamiques et efficaces. On ne veut pas aider
des entreprises qui sont vouées à la faillite ou qui gardent
encore des anciens sytèmes, mais toutes les entreprises efficaces qui
ont une chance de déboucher sur l'avenir et créer davantage
d'emplois au Québec. On veut s'attacher à ces gens et essayer de
les aider.
Mais une des fonctions faibles de l'entreprise à l'heure
actuelle, et je pense que vous avez assez d'expérience pour le savoir,
c'est la structure financière. Or au cours des prochains mois pour nous
au MIC, c'est notre priorité pour l'année, voir ce qu'on peut
faire pour transférer une partie des sommes d'argent qui sont en
épargne, tout en laissant une garantie à ces gens-là, bien
sûr, en capital-actions pour pouvoir faire en sorte que l'entreprise soit
plus dynamique ou transférer cela en prêts à long terme.
Malheureusement nos entreprises empruntent sur marges de crédit à
très court terme et en période difficile. Quand on tire la "plug"
tout ferme. Je pense qu'il faut faire en sorte de donner une liquidité
financière à l'entreprise.
Finalement, M. le Président, et je termine avec un climat de
confiance qu'il faut... Les gens d'affaires, d'ailleurs, reprennent confiance
dans leur capacité de produire mais il ne faudrait pas avoir une
attitude que je vois malheureusement trop souvent chez le Parti libéral.
Dans le fond, c'est une attitude qui est nocive au développement
économique. Il ne faut pas se promener partout et dire: Ne venez pas au
Québec, c'est mauvais au Québec, tout va mal au Québec.
J'entends trop souvent de ces gens dire cela et je pense qu'il faut dire: II y
a des choses à améliorer à Québec, le Québec
est le meilleur endroit au monde pour investir.
Bien sûr on est tous d'accord qu'il y a des choses à
améliorer des deux côtés de l'Assemblée nationale du
Québec mais, à compter de maintenant, il faut avoir un climat de
confiance en nous-mêmes, mettre de côté l'incertitude et
l'inquiétude qu'on sème malheureusement, trop souvent à
tous vents et dire aux gens qui viennent de l'extérieur: Venez au
Québec, vous serez les bienvenus. Le gouvernement du Québec dit
cela constamment: Venez au Québec, vous serez les bienvenus, nous allons
faire tous les efforts nécessaires pour bien aménager votre venue
au Québec, pour bien aménager l'avenir et, ensemble, on pourra
développer ce Québec, ensemble on pourra aider davantage
l'entreprise et ensemble on pourra créer plus d'emplois pour les hommes
et les femmes du Québec qui veulent y travailler.
Le Président (M. Rancourt): La commission...
M. Scowen: S'il vous plaît, juste...
Le Président (M. Rancourt): Le temps est
écoulé.
M. Scowen: Non, je sais, ce n'est pas une question de
règlement. Je veux simplement... Je demande le vote.
Le Président (M. Rancourt): II n'y a pas de vote comme je
l'ai déjà indiqué. Je veux
faire connaître que la commission permanente de l'industrie, du
commerce et du tourisme a maintenant accompli le mandat qui lui a
été confié et elle est ajournée sine die.
(Fin de la séance à 13 h 10)