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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Tuesday, September 10, 2024 - Vol. 47 N° 77

Clause-by-clause consideration of Bill 32, an Act to establish the cultural safety approach within the health and social services network


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Journal des débats

9 h 30 (version non révisée)

(Neuf heures quarante-six minutes)

Le Président (M. Bachand) :Bonjour, tout le monde! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Bienvenue! C'est nous autres, ce matin, qui inaugurent le nouveau bleu rouge. Alors, je suis très content que ce soit la Commission des institutions. Je vous rappelle que les règles du bleu s'appliquent au rouge. Donc, il n'y aura pas de café, c'est de l'eau, puis il n'y a pas de nourriture. Alors donc, c'est un petit rappel que les mêmes règles de bienséance du bleu s'appliquent au nouveau bleu que le rouge.

Donc, la commission est réunie afin d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 32, Loi instaurant l'approche de sécurisation culturelle au sein du réseau de la santé et des services sociaux. Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Bourassa, Charlevoix–Côte-de-Beaupré est remplacée par M. Jacques, Mégantic et M. Zanetti, Jean-Lesage est remplacé par Mme Massé, Sainte-Marie–Saint-Jacques.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors, je vous dépose, avant les remarques préliminaires, un mémoire reçu depuis la fin des auditions, soit celui de l'Ordre professionnel des criminologues du Québec. Donc, nous en sommes maintenant aux remarques préliminaires. Nous allons débuter avec M. le ministre. Alors, je vous cède la parole pour 20 minutes. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Lafrenière : Merci beaucoup, M. le Président. Je vais vous rassurer, je pense que les collègues des oppositions et moi, on n'a pas besoin de café. C'est un sujet qui nous passionne tellement que ça va superbien se passer. Alors, bonjour... M. le Président, mes amis collègues députés, équipe de mon cabinet, le secrétariat, chers collègues des oppositions, je suis content de vous retrouver aujourd'hui. M. le Président, vous l'avez mentionné, ce n'est pas une petite symbolique. On siège les premiers dans ce... vous avez appelé ça le salon bleu rouge, je vais m'habituer, dans ce salon bleu rouge aujourd'hui.

Je pense que c'est lourd de symbolique. C'est un sujet qui est extrêmement important aujourd'hui. Je vais être transparent avec vous, M. le Président. C'est un sujet qui est extrêmement sensible, on le sait, on l'a travaillé avec les oppositions, on l'a travaillé dans le passé et on le fait parce qu'on doit le faire. Pendant des années, c'est un sujet qui n'a pas été abordé. Aujourd'hui, ce qu'on va faire ensemble, avec l'aide des oppositions, c'est de changer, changer la donne. Puis ça, c'est pour le bénéfice de tous.

M. le Président, lorsqu'on revient, dans le cadre d'une étude détaillée, ce n'est pas le travail d'un ministre, ce n'est pas le travail d'une personne qu'on va vous présenter aujourd'hui, c'est une étude détaillée qui est le fruit d'un travail colossal qui a été fait avec les équipes, les gens qui ont travaillé extrêmement fort pour qu'on se retrouve ici aujourd'hui. Chers collègues de la banquette ministérielle...

M. Lafrenière : ...c'est drôle quand on est au rouge comme ça puis on dit «la banquette ministérielle» parce qu'elle est comme ça à quelque part. Alors, chers collègues, merci. Merci de votre dévouement. Merci de votre ouverture. M. le Président, on est rendus à 35 collègues de la banquette ministérielle qui se sont déplacés en communauté pour voir les réalités autochtones. Je peux dire la même chose des collègues des oppositions qui le faisaient déjà, mais ensemble, on l'a fait, entre autres, dans le cadre de la loi 79. À trois reprises, on s'est déplacés sur le terrain parce que c'est là que ça se passe, M. le Président, c'est là qu'on apprend ce qui est important et ce qu'on doit faire.

Vous savez, M. le Président, je l'ai dit tantôt, c'était très sensible. On s'est retrouvés ensemble. Ma collègue de la deuxième opposition était là. Quand on a fait le projet de loi n° 79, c'était aussi très sensible. C'était un enjeu qui amenait les passions. Il y a eu beaucoup de critiques. Puis je vais recevoir de la critique aujourd'hui, M. le Président. Je suis prêt à ça. Je le comprends. Je le conçois. Mais quand on a fait le projet de loi n° 79 ensemble, malgré les critiques, je peux vous dire qu'aujourd'hui tous sont d'accord que c'était important, qu'il fallait le faire. Plus de 200 enfants, 115 familles qui font confiance à la direction de soutien aux familles, qui font confiance à l'organisme autochtone... avec qui on travaille. Si je vous dis tout ça, c'est que c'est beau comme ministre d'être présent sur le terrain, mais tout seul, je n'y arriverais pas. C'est pour ça que je suis si heureux de savoir que mes collègues se déplacent sur le terrain, vont voir les réalités, parce que c'est comme ça qu'on travaille aujourd'hui. Notre premier ministre l'avait passé clairement le message : Ce n'est pas la job de Ian, de Kateri. C'est la job de tout un gouvernement. Bien, je veux dire : C'est la job de toute une Assemblée nationale, M. le Président, pour connaître ces réalités, pour avoir de l'ouverture, pour faire le changement. Croyez-moi que les autochtones me le rappellent au quotidien, M. le Président. C'est important de prendre le temps, puis on va parler du temps, M. le Président. Ça fait une année, une année qu'on a fait les consultations, la dernière fois qu'on s'est vus. Mon collègue de la deuxième opposition, à l'époque, me disait : M. le ministre, il faut prendre le temps. Il faut bien faire les choses. Je vais vous avouer que je n'ai jamais été aussi en accord avec lui.

Et aujourd'hui, ce qu'on vous présente, c'est le résultat de tout ça. On a pris le temps de lire 21 mémoires. On a reçu 15 témoignages en commission, M. le Président. Vous étiez là. Nous avons rencontré cinq ordres professionnels, des travailleurs sociaux, psychoéducateurs, des criminologues, des sexologues, des éducateurs spécialisés. On a envoyé... On a fait la main tendue à l'APNQL, à la fin de l'année dernière, pour poursuivre le dialogue, malgré le fait qu'on a des positions divergentes, puis je le respecte. Pas plus tard que vendredi dernier, mon chef de cabinet écrivait au chef de cabinet de l'APNQL pour répondre à sa demande, pour faire, j'étais pour dire, un brief, pour faire un résumé de ce qu'on va déposer aujourd'hui. Ça n'a pas fonctionné. Bien, tout ça pour vous dire qu'il faut le faire avec les gens, et ce, même s'ils n'ont pas la même vision, même s'ils sont en désaccord. Nous avons rencontré au cours des dernières semaines, mois, cinq groupes autochtones pour leur présenter nos... nos intentions législatives. Et je l'ai déjà dit aux collègues des oppositions, M. le Président. En disant ça, je ne viens pas vous dire qu'ils étaient tous en accord avec tout ce qu'on fait. Il y avait des déceptions, M. le Président. Bien, c'est aussi ça de travailler différemment, c'est d'entendre des gens, même s'ils ne sont pas en accord avec nous.

• (9 h 50) •

Aujourd'hui, chers collègues, je vous présente le résultat de ces réflexions, de ces temps d'arrêt, des consultations, des dialogues. Je veux régler quelque chose de bien, bien clair avec tous, M. le Président. Est-ce que c'est parfait? La réponse, c'est non. Est-ce qu'on avance? La réponse, c'est oui, M. le Président. Et cette phrase, je l'ai répétée souvent, là : Les gens peuvent être déçus aujourd'hui quand on parle de notre position face au racisme systémique, mais ils ne peuvent pas être surpris, M. le Président. On est complètement conséquents. Ce n'est pas la première fois qu'on a... qu'on a cette position-là. Mais il y a une chose qui est très claire, on a toujours la même intention de lutter contre le racisme sur toutes ses formes. Vous savez qu'on a mis en place un groupe d'action contre le racisme. On a fait plusieurs choses. Mais lorsqu'on utilise le mot «racisme systémique», les gens se braquent - des gens, je ne veux pas dire les gens - des gens se braquent. Puis moi, bien, mon travail devient difficile à ce moment-là pour faire la lutte au racisme.

On a fait une autre réflexion, M. le Président, parce que dans nos consultations, dans cette volonté de trouver des solutions, il y a un groupe qui nous a suggéré d'aller avec un autre terme, la discrimination systémique, et, quand on a fait des vérifications avec certains groupes, ce n'était pas acceptable. Pour eux, c'était vraiment le racisme systémique. L'autre, ce n'était pas... La discrimination systémique, ce n'était pas acceptable pour ce qu'ils voulaient. Alors aujourd'hui, je vous confirme, c'est la même position. Je comprends que certains groupes soient déçus, mais je vous le dis encore une fois :  Ils ne peuvent pas être surpris.

Pour ce qui est de la co-construction, vous le savez, M. le Président, on a co-construit une campagne publicitaire que vous avez tous déjà vue. 55 communautés, 12 nations, avec la nation québécoise, on doit se connaître. On a sorti tout récemment des capsules pour chacune des nations pour apprendre à les connaître. Ça, on l'a travaillé ensemble. On l'a fait. Pour la lutte au racisme, on a constitué la création d'équipes mixtes pour certains corps policiers au Québec...

M. Lafrenière : ...on a augmenté les ressources en logement en communauté. Puis ça, M. le Président, vous le savez, hein, c'est une responsabilité fédérale, mais on a osé, M. le Président. On fait des choses différemment, entre autres en créant des milieux de vie étudiants. Et ça, on l'a à Sept-Îles, on l'a à Trois-Rivières, bientôt à Québec. Et vous n'êtes pas obligé de croire mes paroles, allez sur le terrain - je pense, c'est Yvon Deschamps qui aimait ça dire ça, «on ne va pas le savoir, on veut le voir» - bien, vous allez pouvoir le voir. C'est à Trois-Rivières, c'est à Sept-Îles, ça va être bientôt à Québec. Et avec plusieurs des collègues, on est allés visiter. Les gens ont pu voir des jeunes étudiants qui étaient dans un milieu étudiant, un milieu de vie pour eux, où ils se sentent en sécurité, où ils pouvaient aller au bout de leurs rêves. Ça, M. le Président, ce n'est pas rien, ça. C'est quelque chose qu'on a réussi à faire. Puis je vous dis, on a osé, parce que normalement c'est le fédéral. On a beau pas être en accord avec tout, M. le Président, mais personne ne va pouvoir dire qu'on n'a rien fait.

Pour ce qui est de l'article trois qu'on va parler aujourd'hui concernant les ordres professionnels, il est vraiment primordial d'agir. On... tous, il faut faire quelque chose. Je vous donne des exemples. Un jeune au Nunavik qui doit être évalué soit sous la Loi sur les jeunes contrevenants, la LJPA, soit en vertu de la DPJ, soit qu'il est dans une position où il est suicidaire, le temps compte, M. le Président. Il faut donner des outils pour qu'on reconnaisse une personne, bien qu'elle ne soit pas membre de l'ordre, qui réside au Nunavik, que les compétences culturelles, linguistiques... pour agir rapidement. Le temps compte.

Puis c'est ce qu'on va vous présenter aujourd'hui, M. le Président. C'est une urgence d'agir, oui. Pourquoi? Parce qu'on se rappellera du p.l. no 21, qui a été mis en place dans les années 2010-2015, il fallait faire un changement. La commission Viens nous a enjoints de le faire. Aujourd'hui, c'est ce que je propose aux oppositions, qu'on le fasse ensemble.

Joyce Echaquan, M. le Président, le simple fait de nommer son nom est extrêmement sensible et délicat. On ne peut pas parler de sécurisation culturelle sans penser à Joyce Echaquan, son décès tragique le 28 septembre 2020, parce que ça nous rappelle qu'ensemble, M. le Président, on doit travailler pour que plus jamais. On s'inspire du principe de Joyce, c'est supersensible, mais comment ne pas référer à cet événement, cette tragédie qui, bien que le ministère de la Santé travaillait sur le dossier de la sécurisation culturelle depuis 2018, on va tous être très clairs entre nous, cette tragédie a commandé une réponse rapide et forte.

Je me rappelle, comme première annonce, je l'ai faite avec mon collègue ministre de la Santé, on a mis en place une série d'actions, on a aussi fait une promesse : la sécurisation culturelle va se retrouver dans la Loi sur la santé. C'était non seulement la bonne chose à faire, avec tout ce que les gens disaient sur le terrain, mais M. le Président, on répond à une commission d'enquête, à la commission Viens, qui l'a écrit clairement : «Il faut le faire.» Puis c'est ce qu'on veut faire aujourd'hui, M. le Président. Alors, oui, c'est sensible, mais il faut oser.

Coconstruction. Pas plus tard qu'hier, M. le Président, une femme autochtone qui m'écrivait, qui écrivait à mon collègue ministre de Santé en faisant référence à cette première loi. Et sa crainte, M. le Président... je veux l'exprimer parce que je pense que c'est important de dire les choses, sa crainte, c'est qu'on mette beaucoup, beaucoup de pression, se disant : Nous, on veut être les premiers au Canada, un genre de concours en disant : Nous, là, ce qu'on veut, c'est marquer le pas puis dire on est bons, on est les premiers. M. le Président, si c'était vraiment ma volonté, ce projet de loi, on l'aurait fait ensemble avant le p.l. no 15. Et mon collègue qui est à ma gauche a travaillé très fort avec le ministre de la Santé puis avec à peine... je pense que c'étaient 1 196 articles de plus que nous. Alors, si vraiment on était dans une course contre la montre, M. le Président, je serais passé avant le p.l. no 15. Ce n'est pas ça. C'est vrai qu'il y a urgence d'agir, mais on s'est donné le temps.

Je reçois aussi la critique que ça fait un an, mais je pense que c'est important de prendre ce pas de recul, d'entendre les gens, les consulter, de réfléchir, M. le Président. Mais sur le terrain, ce que j'entends, puis on l'a posé en commission, puis ils étaient... il y a plusieurs personnes qui étaient là, j'ai demandé : Est-ce qu'il est minuit moins cinq? Et quelqu'un m'a rappelé à l'ordre en disant : Il n'est pas minuit moins cinq, il est 0 h 05, M. le ministre. Il fallait agir ça fait longtemps alors c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui.

Il y a plusieurs gens qui étaient en poste dans le passé, M. le Président, qui auraient pu, qui auraient pu le déposer, qui auraient pu faire un changement. Ce qu'on vous présente aujourd'hui, ce n'est pas quelque chose qui est nouveau, hein? Sécurisation culturelle, c'est quelque chose qui existe depuis longtemps. Je comprends que ce n'est pas simple, je comprends que c'est sensible. Ce qu'on vous présente aujourd'hui, la sécurisation culturelle, qui est un concept qui existe depuis les années 80 avec les Maoris, donc ce n'est pas quelque chose qui est tout récent, nous, ce que je vous dis, M. le Président, vous allez m'entendre souvent le répéter...

M. Lafrenière : ...souvent de répéter : Nous osons... nous osons faire les choses différemment.  Faire ce pas-là, c'est un premier pas qu'on fait aujourd'hui, et mes collègues le savent dans l'opposition. Ce n'est pas vrai que ça va tout régler. Ce n'est pas vrai que ce qu'on va faire aujourd'hui va tout régler dans le système de santé, comme une seule mesure de notre groupe d'action contre le racisme, ce n'est pas vrai qu'une mesure règle tout, c'est...  c'est l'ensemble de ces mesures qui amènent un résultat. Ce qu'on vous dit aujourd'hui, M. le Président, il y a des actions concrètes sur le terrain. Je les ai vues, l'ajout de navigateurs, l'ajout de personnel soignant qui est issu des Premières Nations, des membres des conseils d'administration qui viennent des Premières Nations. Il y a plusieurs actions concrètes. Là, on vient rajouter quelque chose de très clair, qui est important pour nous.

Rappelez-vous, M. le Président, qu'on travaille en équipe aujourd'hui. Je dépose ce projet de loi avec mes collègues des oppositions, je le fais pour mon collègue de la santé. C'est un projet de loi en santé. On travaille en équipe. Et, quand on parle de coconstruction, on a bien entendu le terme à plusieurs reprises. Je peux vous donner une multitude d'exemples où on a fait de la coconstruction. Je peux commencer par le guide de sécurisation culturelle, M. le Président, qui a été coconstruit avec les Premières Nations, formations pour le personnel des hôpitaux, l'embauche de navigateurs, les employés autochtones dans le réseau, trois membres qui sont présents dans des conseils d'administration partout au Québec, dans la santé, sans oublier, M. le Président, puis tout le monde a remarqué, la dernière nomination au conseil d'administration de Santé Québec, premier chirurgien autochtone issu de la communauté de Pessamit, Stanley Vollant qui est un Innu lui-même. Puis ça, ce n'est pas rien, M. le Président, c'est très lourd de sens aussi.

Le projet de loi qu'on présente aujourd'hui, c'est un ajout, M. le Président. Il est important, il est lourd de sens pour plusieurs organisations autochtones. Ce n'est pas simple, je sais, M. le Président, on doit le faire, on doit innover puis on doit oser encore aujourd'hui. Je l'ai dit tantôt, je m'attends... je vais être critiqué. Nous serons critiqués comme gouvernement, mais jamais on pourra dire qu'on n'a rien fait, M. le Président, qu'on n'a pas osé faire ce premier pas. J'ai entendu aussi, monsieur... M. le Président, pardon, des critiques concernant la Déclaration des Nations Unies sur le droit des peuples autochtones, la DNUDPA, qui, en passant, M. le Président, il faut se rappeler, a été adopté en 2007. Donc, on aurait pu agir bien avant ça. Ça a été adopté par les Nations unies, c'est vrai, je pense que mes collègues, mes prédécesseurs aussi, avaient certaines réticences. Je vais vous dire notre position clairement aujourd'hui, M. le Président, on veut donner vie à cette déclaration dans nos ententes de nation à nation.

Et, au Québec, la nation crie, la nation inuite, la nation naskapie, a une entente, un traité avec le gouvernement du Québec, qui est reconnu de façon mondiale et qui donne beaucoup plus que la Déclaration des Nations Unies, la DNUDPA. C'est ce qu'on veut faire et on ne veut pas faire du mur-à-mur, M. le Président, on veut y aller dans cette approche de nation à nation. Et la preuve, c'est que le projet de loi que je vous présente aujourd'hui, vous allez voir, qui s'appliquerait aux Inuits du Nunavik, mais il ne s'appliquerait pas aux Cris de territoires conventionnés à leur demande. Puis ça, c'est un exemple de ne pas faire du mur-à-mur.

• (10 heures) •

Aujourd'hui, M. le Président, on répond à trois recommandations de la commission Viens : travail colossal, tout le monde est d'accord, deux ans de travaux. Recommandation 74 qui est importante : Modifier la Loi sur les services de santé et services sociaux et la Loi sur les services de santé des services sociaux pour les autochtones cris, pour y enchâsser la notion de sécurisation culturelle, et ce, en collaboration avec les autorités autochtones. Recommandation 75, M. le Président : Encourager les établissements du réseau de la santé et des services sociaux à mettre sur pied des services et des programmes répondant au principe de sécurisation culturelle, développés à l'intention des peuples autochtones en collaboration avec eux. Et la recommandation numéro 106, M. le Président, «essaie de mettre en œuvre les recommandations du comité sur le pl 21». Donc, c'est l'article 3 qu'on va voir ensemble aujourd'hui. Oui, M. le Président, on reconnaît qu'Il y a a de la discrimination. C'est pour ça qu'on doit agir, on doit agir comme un gouvernement responsable.

Puis, en terminant, j'aimerais vous laisser cette réflexion pour mes collègues, pour vous, M. le Président. Rappelons-nous que la commission Viens étudiait les relations du gouvernement de l'époque avec les Premières Nations, les Inuits, de 2001 et 2016. Deux ans de travaux, ils ont fait des recommandations, monsieur le Président, entre autres au sujet de la sécurisation culturelle, c'est là qu'on agit aujourd'hui. Depuis la création de mon secrétariat, M. le Président, il y a eu quatre projets de loi. Le premier a été la création du secrétariat. Les trois autres, on les a déposés. Pourquoi, M. le Président? Ça ne se faisait pas avant, c'est sensible, on le reconnaît. On fait des premiers pas dans un sentier qui n'a pas été très très utilisé. On le reconnaît aussi, M. le Président, mais ça ne doit pas nous empêcher d'agir. Il faut faire ce premier pas, M. le Président.

Je vous l'ai dit tantôt, il y a plusieurs gens nous ont répété qu'il n'était pas minuit moins cinq, il est minuit moins cinq.  Il y a urgence d'agir, urgence d'agir pour les membres des Premières Nations, des Inuits, mais urgence d'agir pour le personnel soignant aussi, qui nous ont dit, sur le terrain, à quel point c'était important pour eux. C'est important...


 
 

10 h (version non révisée)

M. Lafrenière : ...de mettre la sécurisation culturelle dans le corpus législatif pour qu'il y ait des comparaisons aussi entre les établissements, pour que les gens s'améliorent, mais aussi pour guider, guider notre personnel soignant qui veulent faire un bon travail.

Tantôt, j'ai parlé du projet de loi n° 79, M. le Président, je vous rappelle que plusieurs l'ont critiqué, puis c'est correct, c'est le travail, puis je sais qu'avec les collègues des oppositions, on va tout faire pour avoir le meilleur projet de loi. Puis je sais qu'il y avait des critiques à l'époque, parce qu'en plus de ça on était dans des sentiers que personne n'avait osé franchir. C'était très sensible, mais on y est arrivé, M. le Président, on a fait des choses qui ne s'étaient jamais vues. On a rajouté un comité, on a rajouté certaines choses qui ne se faisaient pas normalement dans le cadre législatif. On y est arrivé.

Je vous dirais, M. le Président, puis je le disais tantôt aux collègues des oppositions, le système législatif, les réalités des Premières Nations, c'est deux systèmes qui sont très, très loin. C'est complexe. On essaie de trouver une solution, on essaie de consulter sans faire un outrage à votre commission, M. le Président. On essaie de trouver des voies de passage pour que tout le monde puisse être impliqué et qu'on puisse le faire ensemble, mais, vous savez, quand on parle de co-construction, on est d'accord pour les choses avec les Premières Nations, les Inuits, mais j'ai posé la question en commission : Ça veut dire quoi? Ça veut dire de mettre les 55 communautés autour de nous, les gens du milieu urbain, parce que ce sont des réalités, M. le Président. Quand on parle des autochtones, il y a autant de réalités autochtones que de points de vue, puis c'est normal. Alors, c'est pour ça que ce qu'on vous présente aujourd'hui, c'est quelque chose qui est important.

Je rappelle que ça existe depuis les années 80, on n'invente rien. Il y avait l'importance d'agir. Ça n'a pas été fait dans le passé. Nous autres, aujourd'hui, on le fait. M. le Président, avec la loi 79, j'ai eu le bonheur, l'honneur d'assister à la première transmission d'informations de famille. Ça va me rester gravé à tout jamais dans ma tête, puis c'est là que je me dis qu'on a fait les bonnes choses, M. le Président, ensemble, avec les collègues des oppositions, on a changé la donne.... Merci beaucoup, tout le monde.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, M. le député de l'Acadie, pour 20 minutes. La parole est à vous.

M. Morin : Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous. Bonjour, M. le ministre, collègues, députés de la barquette gouvernementale, collègue de la deuxième opposition. En fait, je suis heureux de revenir au Parlement siéger et surtout de recommencer à siéger avec, je vous dirais, un projet de loi qui, pour moi, est également très important. Parce que, dans ce projet de loi, nous parlons de sécurisation culturelle pour les Premières Nations, pour les Inuits, dans le réseau de la santé et des services sociaux. Et j'aurai la chance, dans les minutes qui suivent, de vous donner des exemples, d'autres explications, mais combien la sécurisation est importante pour tout le monde dans le service de santé, mais particulièrement pour... pour les Premières Nations.

Quand on a commencé à étudier ce projet de loi, M. le Président, bien, comme nos règles nous le dictent, on a d'abord entendu des groupes. Et quand j'ai lu au tout départ le projet de loi, moi, je me disais : Bien, il est certain que tous les groupes ont été consultés, ils ont... ils ont participé, ils ont donné leur avis. Et, au fur et à mesure des consultations avec les groupes, on s'est rendu compte que ce n'était pas le cas et qu'il y avait plusieurs points d'achoppement entre ce que des groupes représentant des organisations des communautés autochtones disaient et la position du gouvernement, à un point où, événement assez inédit en commission parlementaire, il y a même un groupe, le Bureau du principe de Joyce, qui a fermé ses livres, puis qui est parti, et qui a claqué la porte. On a continué. Et puis après ça, le projet de loi a été mis comme en veilleuse et ce bout-là appartient au gouvernement.

Moi, comme porte-parole de l'opposition officielle, bien évidemment, j'attendais. Et bon, le temps a passé et je me suis dit : Bien, c'est probablement parce que le gouvernement est en train de consulter des gens, compte tenu de...

M. Morin : ...épisode qu'on venait de vivre en commission parlementaire. Puis finalement, à la fin de la session, le projet de loi, woup, est réapparu au feuilleton pour le principe. C'est difficile d'être contre le principe d'une sécurisation culturelle pour les Premières Nations et les Inuits. C'est ce qu'on veut atteindre dans notre société, encore faut-il utiliser les bons moyens pour l'atteindre. Mais c'est sûr que, comme principe, c'est assez difficile d'être contre. Et là je me disais : On va appuyer, on va être pour. Et, bien, par la suite, il y a l'été qui va se passer, donc le gouvernement va travailler. Et, quand on va arriver, on va reprendre, éventuellement, le projet de loi va franchir une autre étape et puis, bien, les consultations seront faites et différents intervenants auront pu participer, des intervenants que je décrirais comme étant des intervenants clés pour un succès dans la suite des événements en lien avec le projet de loi.

On a appris récemment, très récemment, en fait, qu'on allait ouvrir le Parlement en septembre, puis particulièrement le salon rouge, en fait, moi, je m'attendais à siéger dans une salle de commission comme on le fait toujours, c'est... Je me trouve privilégié de pouvoir adresser la parole à la commission dans ce salon aujourd'hui puis de le faire ce matin. Mais là je me disais : Mais il n'y aura pas de souci, tout a été ficelé, donc ça va... ça va aller rondement. Et, quand on a su qu'on commençait ce matin, bien là, j'ai fait quelques appels à des gens que je trouvais être des acteurs clés, en leur demandant : Ah! savez-vous? Bien oui... Non, c'est sûr que vous le savez, ce projet de loi va repartir, va continuer finalement aujourd'hui, donc, un 10 septembre, quand on va reprendre le Parlement. Et, à ma grande surprise, plusieurs interlocuteurs m'ont dit : Non, on n'est pas au courant. C'est : Oh! là, on a un enjeu.

• (10 h 10) •

Je tenais absolument à parler au chef de Manawan, M. Sipi Flamand, parce qu'évidemment M. le ministre le rappelait, Mme Echaquan était de cette communauté. Mais je lui ai appris qu'on reprenait les travaux ce matin. J'ai eu une rencontre aussi très riche, importante, avec Femmes autochtones du Québec, puis j'aurai la chance d'en reparler plus tard. Mais, en tout cas, bref, les échanges que FAQ a eus avec le gouvernement, personnellement, je n'appellerais pas ça, une consultation. Et, quant au bureau du Principe de Joyce, bien, je ne sais pas.

Et je dois vous dire, M. le Président, que je suis étonné, parce que, quand on parle de sécurisation culturelle... Et je pense que si c'est important d'en parler maintenant, alors, ce n'est pas nouveau, au contraire, l'insécurisation culturelle... et ça, c'est un drame. Mais, personnellement, je pense que le décès tragique de Mme Echaquan a contribué à faire avancer des dossiers, à faire avancer, entre autres, une action gouvernementale qui se traduit par un projet de loi. Sauf que, personnellement, je m'attendais évidemment à ce que la communauté de Manawan soit au premier plan, Mme Echaquan vivait dans cette communauté. Eh bien, il semble que non. Et ça, c'est un élément que je tenais à soulever. J'écoutais attentivement M. le ministre, dans ses remarques préliminaires, qui nous disait : Il a consulté des gens. Bien, mais moi, j'aurais aimé que les gens, dont je viens de faire référence, soient évidemment consultés et soient partie prenante du processus. Si on veut accomplir quelque chose, je pense, comme parlementaires, avec un tel projet de loi, c'est d'abord en consultant et en travaillant de concert avec des représentants des Premières Nations, l'ensemble. Ça va peut-être prendre plus...

M. Morin : ...de temps, mais je pense que le résultat n'en sera que mieux, ce sera préférable. Et ce que je constate, c'est que ça n'est pas le cas.

Et pourtant j'écoutais M. le ministre tout à l'heure qui nous disait : Il faut agir, il faut agir vite. Il faut... Il faut s'assurer que les gens aient accès à des soins rapidement. Bien, je vous rappellerai, M. le Président, qu'à la fin de la dernière session parlementaire, j'ai fait adopter une motion à l'unanimité, demandant à ce que le gouvernement fasse tout ce qu'il peut pour qu'il y ait un CT scan au Nunavik. On aura la chance d'en reparler. J'espère qu'il y a eu beaucoup d'avancées, mais, aux dernières nouvelles, le CT scan n'était pas rendu. C'est difficile de parler de sécurisation culturelle, d'accès au réseau de santé quand, pour des peuples autochtones, ils n'ont pas accès non plus à des instruments qui peut sauver des vies.

Je reprends et je fais référence à l'article 3 du projet de loi qui parle, entre autres, du devoir de consulter les communautés autochtones, consulter, pas les convoquer, travailler de concert avec elles pour faire avancer, pour arriver à un consensus qui va faire en sorte que tout le monde va pouvoir avancer dans la bonne direction. Et je constate que, malheureusement, on n'en est pas là.

Mais j'aimerais, dans mes remarques préliminaires, parce qu'on en a... on en a parlé beaucoup... j'aimerais rappeler certains passages du rapport final de la commission Viens. Ça fait plusieurs années, M. le ministre l'a souligné, sauf que c'est encore malheureusement d'actualité, et on doit encore en parler. Mais, dans le rapport final, le commissaire Viens rappelait, et je cite la page 223 de son rapport : «...la discrimination systémique vécue par les peuples autochtones au regard des services publics, à savoir l'absence d'une action gouvernementale pérenne et représentative des réels besoins exprimés par les peuples autochtones.» Sauf que pour être capable d'agir d'une façon efficace, de bien comprendre les besoins, bien, il faut les écouter, les peuples autochtones. Et je suis conscient que, tout dépendant des nations, ils n'ont pas nécessairement les mêmes besoins ou les mêmes priorités. Mais c'est important d'avoir ce dialogue soutenu, constant.

Et j'ai écouté aussi M. le ministre qui disait... il parlait de racisme, il disait : Bon, racisme systémique, ça semble être plus compliqué pour faire avancer certains dossiers. Sauf que, si on veut être capable de résoudre un enjeu, si on veut être capable de véritablement parler de sécurisation culturelle, je vous soumets, M. le Président, qu'il faut être capable d'identifier les vrais enjeux, le vrai problème. Est-ce qu'il serait préférable de parler de discrimination systémique? Peut-être, mais, dans les deux cas, il y a le mot «systémique». Et je l'ai déjà souligné, quand je parle de discrimination systémique ou de racisme systémique, je l'ai dit au salon bleu, alors qu'on y était, je ne suis pas en train de dire : Identifiez quelqu'un, là, en disant : Ah! bien, vous, là, vous êtes raciste. Ce n'est pas ça que je dis. Ce principe-là ne... à mon avis, ne fait pas référence à ça, mais fait référence à des institutions. Institutionnellement, il y a certaines pratiques, dans le monde médical, qui font en sorte qu'un groupe va être défavorisé par rapport à un autre, va être discriminé par rapport à un autre. Et ça, ce n'est pas moi qui l'invente, parce que, dans le... vous vous rappellerez, lors des consultations particulières, lors du... de la comparution et du dépôt du mémoire du Collège des médecins, ils en ont parlé. Donc, ils le reconnaissent.

Donc, je pense que, si on veut faire avancer ce débat-là et permettre aussi véritablement de faire un pas en avant, il va falloir parler de discrimination systémique. Je tiens à le souligner...

M. Morin : ...et parce que c'est fondamental si on veut... si on veut avancer.

Et je réfère encore au rapport de la commission Viens, cette fois-ci à la page 391, où on rappelait de nombreux témoignages de citoyens et qu'à la lumière de ces témoignages-là, je cite, «force est d'admettre que les préjugés envers les autochtones demeurent très répandus dans l'interaction entre les soignants et les patients.».

À la même page : «Des pratiques non éthiques ciblant les femmes et basées sur les préjugés liés aux dépendances, telles que des tests de dépistage de drogues effectués sans consentement auprès de femmes autochtones venues accoucher, ont été aussi portées à notre attention.»

Donc, on a un véritable enjeu. Et je tiens à le souligner, parce que, et Femmes autochtones du Québec nous le rappelait hier, dans le système de santé, ce qu'on nous disait, c'est que c'est souvent les femmes qui vont avoir accès ou qui vont devoir se rendre à l'hôpital, que ce soit pour des suivis de grossesse, pour un accouchement. Et il me semble que dans notre société, en 2024, le minimum, c'est que quand elles doivent se rendre à l'hôpital, elles n'aient pas un sentiment d'insécurité. Quand on est malade, quand on est vulnérable, la dernière chose qu'on veut, c'est que le personnel ou que l'institution qui est l'hôpital manque d'empathie. Moi, quand je ne me sens pas bien puis que je vais à l'hôpital, c'est fou mais comme blanc, je ne me suis jamais posé la question est-ce que je vais être bien reçu. Mais j'imagine que ça doit être.

• (10 h 20) •

Et là, ça nous ramène à la situation de Mme Joyce Echaquan. On l'a entendu, on l'a vu, comment elle a été traitée. C'est même difficile. Je revois les images dans ma tête, c'est difficile. Ce n'est pas humain. Donc, il me semble que, si on a la chance comme parlementaires d'étudier un projet de loi qui traite de la sécurisation culturelle, il faudrait d'abord et avant tout reconnaître le problème pour être capables, après ça, tous ensemble, de trouver des pistes de solutions.

D'ailleurs, permettez-moi de citer un document qui fait référence au Principe de Joyce. Et, dans le mémoire, on dit : «L'adoption du Principe de Joyce permettra de faire valoir les droits des autochtones au Québec et au Canada en matière de santé et de services sociaux. Le présent mémoire constitue donc un rappel et une demande d'engagement formels pour les gouvernements du Québec et du Canada ainsi que pour leurs institutions — et c'est de ça dont on parle, on parle des institutions — envers le respect du droit autochtone et des droits des autochtones en matière de santé». Parmi les attentes, dans le mémoire, on disait : «La tragédie de la mort de Mme Joyce Echaquan ne tolère pas l'inertie. Et c'est en travaillant ensemble et rapidement que nous arriverons à établir un équilibre respectueux des droits de tous et pour tous». Donc, vous comprendrez, quand je relisais ce document, et que j'ai parlé au chef Sipi Flamand, et que je lui apprenais que la commission allait siéger ce matin puis qu'on reprenait les travaux, il me dit : Merci de m'en informer. Ça m'a laissé, en fait, véritablement sur mon appétit, si je peux m'exprimer ainsi, parce qu'il me semble que le minimum, ç'aurait été qu'on en parle davantage et qu'on fasse en sorte que les principaux acteurs, évidemment, soient consultés, soient rencontrés pour qu'on puisse véritablement, véritablement, en arriver à une avancée qui va faire en sorte...

M. Morin : ...on va régler cette question-là une fois pour toutes et on va faire en sorte qu'institutionnellement, il y aura cette sécurité qui sera reconnue, donnée aux peuples autochtones, aux Premières Nations et aux Inuits. Permettez-moi de rappeler dans mes remarques préliminaires, le rapport du Collège des médecins du Québec qui disait et qui faisait référence à une expression consacrée qu'on utilise parfois «Les bottines doivent suivre les babines», si vous me permettez, je cite leur mémoire. Et le mémoire disait : «L'idée de vouloir s'attaquer au problème sans, d'entrée de jeu, le reconnaître, c'est ce que je disais tantôt, bien, à ce moment-là, ça ne peut qu'engendrer de la méfiance sur les intentions réelles du législateur. Donc, on a un travail important à faire.

Moi, comme porte-parole de l'opposition officielle évidemment, je suis là, il y a des choses qui doivent être ajoutées dans ce projet de loi, M. le Président, pour faire en sorte qu'on arrive véritablement à une sécurisation culturelle, et un des éléments essentiels, ce sera évidemment, et je vous le soumets, de permettre à des gens de s'exprimer à nouveau. Et je conclurai mes remarques préliminaires en ce sens. C'est la raison pour laquelle, moi, j'aurai des motions préliminaires à présenter. Je vous expliquerai pourquoi. Et je pense que ces demandes-là que je vous ferai au nom de l'opposition officielle vont véritablement permettre d'avoir un vrai débat et de faire avancer la question. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie. Mme la députée de Sainte-Marie-Saint-Jacques, s'il vous plaît.

Mme Massé : Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, tout le monde. Kwe. Heureuse d'être là ce matin pour commencer ce travail important sur le projet de loi n° 32. Je remercie d'ailleurs mon collègue de Limoilou d'avoir pris la relève au moment où je ne pouvais être présente. Mais là, je suis là et j'en suis très heureuse. C'est sûr qu'on se rappellera tout le monde que malheureusement, une femme qui est morte dans des circonstances inacceptables, on a eu besoin, comme peuple québécois de ce... cet électrochoc pour dire : Wow, minute! Ça ne marche plus. Les Québécois et Québécoises sont indignés. Les autochtones n'en pouvaient juste plus. Les Premières Nations, les Inuits n'en pouvaient juste plus, parce que ça faisait des décennies qu'il nous envoyaient le signal qu'eux, là,  ils sont traités de façon différente juste parce qu'ils sont issus des Premières Nations ou des Inuits. On ne les a pas entendus pendant des années, des décennies, on n'a pas agi là-dessus, mais on le savait. En fait, si on avait été un tant soit peu à l'écoute, on le savait. Comme peuple québécois. C'est désolant, je pense, pour moi, et dans ce sens-là, M. le ministre, vous avez raison, il y a quelque chose qui bouge et ça, on ne pourra jamais vous l'enlever. Vous avez raison? Mais toujours est-il qu'il faut bouger dans le bon sens, parce que bouger pour bouger, ça fait juste des shows de boucane puis ça ne sert personne et surtout pas des gens discriminés systématiquement, non. Je voulais voir si vous étiez présents. Ce n'est pas la discrimination et le racisme systémique n'est pas que dans chaque Québécois et Québécoises, chaque blanc, chaque blanche dort quelqu'un qui est raciste. Ce n'est pas ça. C'est que l'impact du développement colonial du Québec, puis ça, il n'y a personne ne veut remettre en cause quand même, là, hein? Ça a eu des impacts sur bien du monde, mais particulièrement chez les premiers peuples. Bien, que ça, ça laisse des traces, ça laisse des traces chez les...

Mme Massé : ...Premières Nations, parce qu'ils sont discriminés, parce que le système est discriminant puis ça laisse des traces chez les non-autochtones parce qu'on pense que nous, on est légitimes d'agir comme ça. Alors, la réconciliation, il faut qu'elle commence mais qu'elle commence du bon pas. D'ailleurs, dès le rapport de la coroner Gehane Kamel, je dirais même Me Lafontaine avant, je dirais même d'autres avant ces femmes-là, c'était nommé, c'était identifié, mais là, c'est des rapports de nos instances officielles, là. Quand un coroner émet un rapport théoriquement, on devrait l'écouter. Bien, Mme Kamel nous dit clairement puis elle a pris la peine de le définir, c'était quoi une... c'était quoi, en fait, ce qui s'est vécu comme discrimination dans le cas du décès de Joyce? Et elle a parlé, bien sûr, de discrimination et de racisme systémiques. Notre projet de loi, ce n'est pas le mien,  je ne l'aurais pas écrit comme ça, mais le projet de loi qui est sur la table veut corriger cette situation-là et la job est énorme. La job est énorme parce que ça fait des décennies, des siècles qu'on pense que les autochtones n'ont pas les mêmes droits que les autres humains. Pas individuellement chacun d'entre nous, là. Nos systèmes sont organisés comme ça. Alors... Puis vous savez quoi? Pas bien, bien original, c'est... Même l'INSPQ, parce que, oui, les autochtones nous le disent, nous le nomment, bon. Mais à un moment donné, il faut prendre acte que nos propres institutions blanches nous indiquent aussi qu'il y a un problème et que si on ne nomme pas le problème tel qu'il est, bien, on n'aura pas les bonnes solutions. Et d'ailleurs, l'INSPQ qui a... je pense qu'il n'y a personne qui remet beaucoup en doute,  insiste sur le fait que l'absence de reconnaissance des rapports de pouvoir liés au colonialisme et de la discrimination qui en découle rend à elle seule impossible de mettre en œuvre une véritable politique de sécurisation culturelle. Alors je vous entends, M. le ministre, mais là, il est temps qu'on saisisse qu'entre sécurisation culturelle et sensibilisation culturelle, il y a un monde, et ce monde-là est le seul pas qui va nous mener à une réelle réconciliation, c'est-à-dire de reconnaître pleinement aux Premières Nations le droit à l'autodétermination de ce qui les concerne. La Déclaration des Nations Unies nous le dit. Vous l'avez émis, M. le ministre, mais la Cour suprême l'a dit, la Cour supérieure l'a dit, tout le monde l'a dit.

• (10 h 30) •

Sauf que, malheureusement, de l'autre côté de cette chambre-là, il semble y avoir quelque chose qui bloque. Mais moi, M. le Président, comment vous voulez que je travaille à un projet de loi qui est supposé prendre soin de ce qu'on n'a pas pris soin pendant des décennies, et de s'assurer qu'il... qu'enfin, au Québec, dans nos institutions, on va faire l'exigeant travail de déconstruire ce que les politiques coloniales nous ont mis en tête. Comment je peux travailler sur ce projet-là si, d'entrée de jeu, on me dit : Tu sais, ce qui est la base du problème, bien, on ne peut pas le nommer comme ça. M. le ministre, vous avez au moins, et je vous reconnais là-dedans, l'honnêteté d'être transparent et de dire : Écoutez, on part, tout le monde le sait, là, on s'entend qu'on ne s'entend pas, comme vous m'avez déjà dit un jour. Bien, moi, je n'ai pas besoin que vous vous entendiez avec moi, ça, c'est ma démarche personnelle. Si, moi, j'ai décidé de déconstruire toute la pollution qu'il y a dans ma tête comme personne blanche pour saisir les impacts désastreux sur mes amis des Premières Nations. Ça, c'est moi, Manon Massé, là. Mais, ici, comme parlementaire, vous comme gouvernement, c'est une autre paire de manches, ce n'est pas juste nous, individuellement, là, on a une responsabilité par rapport à de nos concitoyens...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

Mme Massé : ...qui ont le plein droit de s'autodéterminer. C'est dans la Constitution canadienne. Moi, je veux bien en sortir de la Constitution canadienne, et compter sur moi, mais qu'on en sorte, on n'en sortira pas de façon coloniale. Mais c'est un autre dossier, j'y reviendrai éventuellement. Alors, pourquoi j'insiste là-dessus puis que j'ai pris presque la moitié de mon temps pour ça? C'est pour qu'on saisisse que la... nous, là, parlementaires. Parce que là, on n'est plus, là... ce n'est plus le gouvernement. Le projet de loi qui a été déposé ici, et, maintenant, c'est la job de tous les parlementaires de s'assurer qu'on fait au Québec, au Québec, la bonne affaire. Alors, moi, je m'en sens une grande responsabilité parce que, vous savez, dans l'opposition, on n'a pas une tonne de pouvoir sur ces affaires-là, mais j'ai la responsabilité, même si je n'ai pas le pouvoir. Alors, c'est pourquoi, vous savez, la co-construction, dont le ministre a fait état, il y a une différence fondamentale entre co-construire, donc construire avec... quelque chose et consulter sur quelque chose. On n'est pas du tout dans les mêmes sphères. Parce que quand je consulte, je garde pleinement le pouvoir. Quand je co-construis, je m'assois d'égal à égal avec les gens avec lesquels je co-construis pour arriver à trouver des solutions qui conviennent aux différentes parties, mais c'est un travail qu'on fait ensemble. Et pour moi... puis ce n'est même pas moi qui l'a défini, là. Vous pourrez retourner voir des définitions du Réseau... du Réseau québécois de l'innovation sociale et bien d'autres. Il y a aussi les Premières Nations qui ont donné des définitions de leur vision de la co-construction. Mais pour moi, Manon Massé, ça veut dire faire avec. Et pour moi, Manon Massé, c'est ça la reconnaissance du droit à l'autodétermination des premiers peuples, parce que ces gens-là et surtout les représentants politiques de ces peuples-là, au sens de la Déclaration des Nations Unies... pas au sens de la déclaration de Manon Massé, au sens de la Déclaration des Nations Unies, au sens de la Constitution canadienne, au sens de la Cour supérieure puis j'ai envie de dire au sens du gros bon sens... Un coup que tu as pris conscience, là, que tu n'as pas agi adéquatement pendant plusieurs années, voire des décennies, voire des siècles... puis ça, là, je veux dire, là, les données sont probantes, là. Un coup que tu reconnais ça, bien là, il faut que tu agisses en fonction de ça.

Alors donc, j'entends, on a consulté cinq groupes, oui, on leur a parlé, bon, etc., mais les représentants dans mon livre à moi doivent être assis... surtout, surtout quand on parle de sécurisation culturelle. Bien sûr, ils ont joué dans notre film, là. Il y a un projet de loi qui a été déposé l'automne dernier. Ils sont venus en consultation. Il y a des Premières Nations, des... des groupes qui ont claqué la porte, comme le bureau du principe de Joyce. Bon, ils ont joué dans notre film. Parce que notre film, c'est le parlementarisme britannique, colonialisme. Colonialisme, parlementarisme britannique. Prenons conscience, on joue dans des règles du jeu alors qu'on se dit de nation à nation. Alors qu'on se dit d'égal à égal avec les premiers peuples, on joue avec des règles qui sont exclusivement les nôtres, le parlementarisme britannique, bon, qu'on a fait nôtre, là, à travers... j'allais dire... La reine n'est pas là, là. Bien... Bien... Hein, c'est ça. Anyway, je m'arrête là, pas je m'arrête là parce qu'il me reste encore du temps. Ce que je veux dire : J'arrête de déconner dans ma tête. Ce que je veux essayer de vous faire comprendre, c'est que ces gens-là depuis longtemps jouent dans nos règles du jeu...

Mme Massé : ...et moi, je pense qu'il est temps, par respect pour les représentants de ces groupes-là, qu'il est temps qu'on essaie de sortir un petit peu en dehors de la boîte, qu'on essaie d'innover dans le cadre de nos règles. Puis vous savez quoi? On n'est même pas original, on ne serait pas les premiers ici, au Parlement du Québec, quand on a étudié, je n'y étais pas, mais mes collègues y étaient, le projet de loi n° 37 avec le ministre des Services sociaux, quand on l'a étudié ensemble, par respect pour les représentants politiques des Premières Nations, on a décidé de... d'essayer de jouer dans un cadre pour tenter de... je dirais, d'éliminer le vice caché de notre parlementarisme, c'est-à-dire qu'ils seront toujours des subalternes, parce que c'est nous qui prenons les décisions.

Alors... puis ce n'est pas rien, là, parce qu'on ne peut pas être d'égal à égal s'ils ne sont pas autour de la table. On ne... on ne peut pas faire ça. Alors, je vais prendre, avant d'aller vers une proposition que je vais vous faire... parce que je voudrais être constructive, ceux et celles qui travaillent avec moi depuis toujours, vous le savez, je suis très rough. Je dis les affaires comme je pense, mais je suis constructive. Mais on avance et on a un devoir d'avancer.

Moi, quand j'ai été élue, j'ai porté serment au peuple québécois, et moi, là, je ne représente pas les peuples autochtones, on se parle pas pire, mais je ne les représente pas. Je suis juste une représentante du peuple québécois, mais une représentante qui assume ses responsabilités, puis c'est ce que je veux faire.

Mais je veux peut-être prendre quelques instants pour vous aider... bien, vous aider, ce n'est pas ça, mais pour vous aider à voir dans ma tête, c'est un peu ça. On est un ordre de gouvernement, hein? Dans notre démocratie, on parle de... bon, il y a le gouvernement fédéral, il y a nous, il y a le gouvernement... Bien non, il n'existe plus, le gouvernement scolaire, ça a déjà existé, le gouvernement municipal, et il y a les gouvernements des premiers peuples. Moi, là, j'essaie de vous donner un exemple pour illustrer pourquoi ce n'est pas la même chose de s'asseoir avec un seul gouvernement de communauté de nation, de s'asseoir... même si leur propos est essentiel à saisir, mais quand on veut discuter de nation à nation, il faut discuter avec les représentants que ces gens-là se sont donnés.

• (10 h 40) •

Imaginez-vous si... non, mais regardez, je vais vous dire pourquoi. L'article 18 de la déclaration, c'est mon petit bouquin. D'ailleurs, peut-être que je pourrais essayer de vous en faire parvenir à tout le monde. C'est vraiment très intéressant, qu'est la Déclaration des Nations Unies. Ça se traine bien, puis ça se lit bien, surtout, ça... c'est 20 ans de travail, ou, en fait, probablement 100 ans de travail, mais en tout cas 20 ans de gros travail, m'a dire ça de même. Je vous lis l'article 18 qui dit : Les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décision sur des questions qui peuvent concerner leur droit ou sécurisation culturelle, là, on est sur le target, donc qui peuvent concerner leurs droits par l'intermédiaire de représentants qu'ils ont eux-mêmes choisis conformément à leurs propres procédures, etc.

Ça, là... puis moi, je pense qu'il y a bien... il y a bien des gens qui sont ici dans la salle qui reconnaîtraient que la loi coloniale qui détermine les modes électifs chez les premiers peuples, bon, peut-être que, s'ils ne vivaient pas dans une Constitution canadienne, ils feraient ça autrement. Puis ils s'arrangeraient autrement, puis ils ne se laisseraient pas mener par le bout du nez par une constitution qui leur dit : Voilà comment vous devez réagir, puis etc.

Mais là ce n'est pas le cas, on est en droit... dans un pays de droit, donc ce n'est pas comme ça. Mais ici, là... puis ça fait quand même plusieurs années qu'elle a été adoptée, cette déclaration-là. On reconnaît qu'ils ont le droit à l'autodétermination. Donc, ce que ça veut dire, c'est qu'en tant qu'État, et nous, comme parlementaires, on n'est pas le gouvernement, mais on va écrire une loi qui les...

Mme Massé : ...on est légitimes de vouloir s'asseoir avec les représentants des premiers peuples pour être capables d'attacher ce projet de loi là. Puis là, on me dira : Bien oui, mais là on parle de... Ah! mon Dieu! Manon, 50 quelques communautés... O.K. C'est vrai. Mais en même temps, ils se sont donné des instances, ces gens-là. Puis d'ailleurs ils ont... ils ont cosigné... les chefs de l'APNQL ont cosigné une déclaration, j'essaie de me rappeler, au printemps dernier, je crois, excusez-moi, ma mémoire de... oui, 27... 28 septembre 2023. Ce n'est pas juste le chef Picard qui a signé ça. Bien oui, c'est lui qui l'a signée, mais je veux dire, c'est l'Assemblée générale des Premières Nations.

Alors, moi, ce que je vous invite, et c'est... j'ai fait tout ce chemin-là pour essayer de vous convaincre qu'il faut qu'on essaie de sortir de la norme. Oui, il y aura les remarques préliminaires... pas «les remarques préliminaires», les motions préliminaires, mais encore là, ça, c'est dans notre film à nous, hein, à nous, là, l'institution, puis là... Moi, ce que je vais vous inviter, là, c'est qu'on reproduise l'expérience qui s'est vécue dans le 37, où le ministre était assis autour de la table, où les oppositions, tout le monde, on s'est entendus pour dire qu'on va inviter les représentants des premiers peuples à venir s'asseoir pour regarder les amendements, qui sont nouveaux. Parce qu'ils ne les ont pas plus vus que nous autres... bien oui, nous, on les a vus parce qu'ils sont dans le Greffier, mais c'est là-dessus qu'on va délibérer pour les prochaines heures.

Alors donc, M. le Président, je vous annonce que... puis je pense que je vais le faire tout de suite puisque les remarques préliminaires... Non. En tout cas, je vais souhaiter faire comme le 27, demander une suspension, demander, puisqu'ils sont là avec nous dans la salle, de venir s'asseoir avec nous et qu'on va discuter de comment on va pouvoir faire ça dans la règle de l'art, de nation à nation, d'égal à égal. Je nous propose ça, de sortir de la boîte.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Je comprends, parce qu'on s'était parlé avant le début de la séance, que c'est une demande de suspension de la commission pour pouvoir en discuter entre nous pour voir la suite des choses. J'accepte votre demande, mais à la fin des remarques préliminaires. En attendant, je cède la parole au député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Quelques minutes à peine. Vous me connaissez, j'aime intervenir, mais je vais limiter ma contribution.

Un peu ce matin... je l'avoue, comme le collègue de l'Acadie, parce que je me sens privilégié moi aussi de prendre la parole ce matin avant qu'on ouvre officiellement à 14 h aujourd'hui le nouveau salon bleu dans le salon rouge, on verra comment ce sera à ce moment-là, mais, si la fébrilité est aussi facile à sentir que la première fois que je suis venu ici ce matin, on a affaire à un après-midi assez... je ne dirai pas historique mais assez important, mais c'est parce que je voulais rebondir aussi, et c'est vraiment pour ça que je prends la parole, sur ce que le ministre nous disait quand il a évoqué, mais je ne suis pas sûr qu'il... il ne l'a pas expliqué autant en tout cas que moi je l'aurais voulu, son acharnement, puisque c'est ce que c'est, à amener avec lui en mission vers les communautés autochtones du Québec, à amener en mission avec lui des députés du gouvernement.

Et je l'avoue, je lui ai dit non jusqu'à maintenant, pas parce que je ne voulais pas y aller, mais je voulais donner la chance à mes collègues. Parce que j'ai été assez chanceux dans ma carrière pour faire le tour d'à peu près toutes les communautés des Premières Nations du Moyen Nord... pas le Grand Nord, là, mais du Moyen Nord et de l'Ouest canadien et de l'Atlantique, mais surtout au Québec. J'étais même à la naissance de la nation crie... quelque part entre Chibougamau puis Chapais. C'est des années importantes. Et puis j'ai d'ailleurs dit au ministre que la prochaine fois qu'il ira faire un tour à... j'apporterai ma valise. Mais je voulais saluer ça. C'est important.

J'écoute toute l'éloquence de mes collègues, qui nous ont déjà présenté leur vision du projet de loi, et tout ce que ça comporte comme tenants et aboutissants pour s'y rendre, à ce projet de loi, mais moi, comme député de la banquette gouvernementale, je suis très fier du projet de loi n° 32. Fier que le ministre ait fait ce qu'il a fait en amenant nos collègues pour aller voir la réalité terrain. On comprend, là, ils ne partent pas pour trois semaines de stage, là, mais les deux ou trois jours puis, quand il y a une tempête de neige, les quatre ou cinq jours que ça prend pour aller et revenir. C'est... Et puis il y a plusieurs ministres qui...

M. Lemieux : ...plusieurs ministres qui sont allés aussi, c'est important. Mais ce projet de loi n° 32 aussi est important. Je salue la patience, la persévérance puis le pragmatisme du ministre. Ceux qui nous connaissent vont dire : Ça ne doit pas lui faire plaisir de le vanter comme ça. C'est vrai, c'est un peu à corps défendant, mais il fallait quand même que je le dise. Je salue les efforts du ministre et les avancées du ministre par rapport à tout ce qu'il y a de plus de nouveau, de positif, de constructif depuis qu'il est en poste. Petit train va loin, là. Tantôt, il disait : Lentement, mais sûrement. En tout cas, ce sont toutes des choses qu'on dit parfois sans y penser. Mais «petit train va loin», pour moi, c'est important, parce que ce projet de loi là, les nations autochtones en ont besoin, le Québec en a besoin, et je pense que le travail qui a été fait depuis un an, parce que j'y étais pendant les consultations particulières il y a un an, presque, le travail qui a été fait, que le ministre va déposer... a déjà déposé sur Greffier, mais va débattre avec vous, je pense que ça fait, ça fait une bonne partie du chemin qu'il nous faut faire maintenant.

Pour la suite, pour le reste, je comprends, j'entends et j'apprécie les commentaires des collègues, mais, moi, je suis d'avis qu'on va faire déjà une très bonne chose en travaillant et, je l'espère, en votant pour le projet de loi n° 32. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le député de Saint-Jean. Alors, je vais suspendre les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 50)


 
 

12 h (version non révisée)

(Reprise à 12 h 21)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Lafrenière : Merci beaucoup, M. le Président. À cette étape-ci, j'aimerais qu'on rende disponibles les amendements. Je les ai déjà présentés à mes collègues des oppositions. Je n'ai rien fait de pas correct. Notre règlement le permet. Alors, ils les ont déjà. Mais j'aimerais que les gens qui sont ici avec nous, les gens qui nous écoutent à la maison puissent avoir accès à ces amendements-là. C'est important. C'est transparent.

Puis, M. le Président, tout à l'heure, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent à la maison, qui ont arrêté de nous écouter parce qu'on n'était plus là, sachez qu'on avait des bonnes discussions. Puis j'ai beaucoup apprécié les collègues des oppositions, qui ont tenté de faire différemment. Puis c'est ce qu'on veut faire, M. le Président, hein? Quand on regarde les relations des Premières Nations... les réalités, pardon, des Premières Nations, des Inuits, notre salle, notre façon de faire, c'est très loin de leur réalité. Moi, je me rappelle, quand on était ensemble en bas, dans la salle Kirkland, et quelqu'un m'avait dit : Ça me rappelle une salle d'audience dans un palais de justice, j'ai compris sa réaction, j'ai compris pourquoi il était moins à l'aise.

Alors, M. le Président, malgré que vous faites en sorte qu'on a d'excellents travaux ici, tout est merveilleux, on pense qu'on peut faire les choses différemment, on va en reparler tout à l'heure, mais on est prêts à sortir de ce cadre qu'on a ici, dans cette commission, dans ce lieu, de mettre de côté nos manteaux d'oppositions, nos manteaux de ministre pour être tous des humains, discuter avec eux, échanger...

M. Lafrenière : ...et même de le faire. Monsieur le Président, rester assis après les heures de cette commission parce qu'on veut faire les choses différemment.

Alors, monsieur le Président, je laisse le soin aux gens de regarder les amendements. Je vous dirais qu'il y a 14 changements qui ont été faits, je l'ai dit aux gens de l'opposition, et ça, c'est suite à ce qu'on a entendu, à ce qu'on a vu. Merci, monsieur le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Donc, je dépose officiellement les amendements.

Et, compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux. À tantôt. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 22)


 
 

15 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 15 h 46)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des institutions reprend ses travaux. On poursuit donc l'étude détaillée du projet de loi n° 32, Loi instaurant l'approche de sécurisation culturelle au sein du réseau de la santé et des services sociaux. Donc, nous sommes à l'étape des motions préliminaires. M. le député d'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Alors, conformément à nos règlements et à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, je fais motion afin :

«Que la Commission des institutions tienne, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 32, Loi instaurant l'approche de sécurisation culturelle au sein du réseau de la santé et des services sociaux, des consultations particulières;

«Et qu'à cette fin, elle entende dès que possible différents groupes... Donc, je vais vous mentionner ici les groupes, donc les groupes suivants, et ce, afin d'apporter un éclairage supplémentaire à la commission dans l'exécution de son mandat;

«Qu'à cette fin, la commission puisse consulter les groupes suivants : l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, l'APNQL, Femmes autochtones du Québec...

M. Morin : ...M. Sipi Flamand, chef de la communauté de Manawan, et le Bureau du Principe de Joyce, et;

«Que les modalités soient déterminées par les membres de la commission.»

En fait, M. le Président, je présente cette motion... Et on en a discuté avec M. le ministre, avec ma collègue la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Et, je tiens à le souligner, dans le cadre de nos travaux, moi, je considère que c'est très important que ces groupes-là puissent être entendus, pour qu'on puisse avancer avec le projet de loi, et que ce soit fait dans le cadre d'un... dans un cadre qui est informel. C'est ce que soulignait, demandait, ce matin, ma collègue la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Donc, au fond, la motion est présentée parce qu'on est en commission, mais... Ce qu'on veut, en fait, pour faire avancer les travaux de la commission, c'est d'entendre, de discuter, de dialoguer, de coconstruire avec ces groupes, dans la mesure du possible, et, dans un cadre informel, avoir une discussion sur les différents articles, et sur les modifications qui sont proposées par M. le ministre, et qui ont été déposées un peu plus tôt, aujourd'hui, dans le cadre des travaux de cette commission.

Alors, c'est important, je le souligne, ma collègue la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques en parlait, ce qu'on recherche, c'est un cadre informel, un endroit où les gens seront tout à fait à l'aise, donc un espace ouvert pour faciliter les échanges dans le cadre des travaux de cette commission, mais, puisque, évidemment, on fonctionne avec des normes, des procédures, je tenais à présenter cette motion à la commission.

Et pourquoi, pourquoi présenter cette motion, pourquoi ces groupes? Je l'ai dit plus tôt ce matin, de façon un peu brève, mais je vais expliquer davantage. Quand on nous a souligné que le gouvernement appelait le projet de loi n° 32 et qu'on allait procéder à l'étude article par article, quand ça nous a été confirmé, mon premier réflexe, ça a été de consulter... évidemment, on n'a pas eu énormément de temps, mais de consulter des groupes, associations, personnes qui, je crois, ont un rôle, ont un apport important pour les travaux de la commission, puis pour le Parlement, puis pour la population québécoise, également.

Et quand j'ai parlé à ces personnes ou ces représentants d'associations, plusieurs m'ont dit : Écoutez, on a été convoqués, on nous a expliqué certaines choses, mais je crois qu'il n'y a pas eu véritablement d'échanges, de consultations, et je suis convaincu que, pour faire avancer ce projet de loi là dans la bonne direction, il est important d'en avoir. Et, lorsque j'ai parlé, notamment, aux représentants de Femmes autochtones du Québec, on m'a souligné que la consultation était hyper-hyperimportante, une discussion informelle. Donc, sortons du cadre un peu, évidemment, normatif et plus rigide de l'Assemblée, et trouvons un moyen de discuter avec ces groupes. Et pour moi, c'est important.

• (15 h 50) •

Et Femmes autochtones du Québec a fait parvenir une lettre le 9 septembre — donc c'est hyper-hyper récent — sur l'adoption du principe du projet de loi, mais aussi, elle l'a envoyée aux membres de la commission, dans le cadre de la reprise des travaux parlementaires entourant l'adoption du projet de loi n° 32. Et ce qu'on nous dit, c'est que, puisque l'étude détaillée débutera — c'est ce qu'on a fait ce matin — Femmes autochtones du Québec tenaient à exprimer, par cette lettre, leur désaccord avec l'adoption du principe, et plusieurs préoccupations qu'ils ont avec le projet de loi, d'où, évidemment, la motion préliminaire, et l'importance de les entendre et de travailler avec ce groupe.

On nous rappelle que Femmes autochtones du Québec a pour mission de promouvoir et défendre les droits des femmes autochtones à travers le Québec, et qu'elles souhaitent mettre en évidence, une fois de plus, l'incompréhension des visions communes concernant le projet de loi, dans sa forme actuelle. On nous souligne également que, bien que des amendements soient prévus, selon les informations qu'ils ont obtenues lors d'une rencontre tripartite en août 2024...

M. Morin : ...avec des membres des cabinets des ministres Lafrenière et Dubé, on nous souligne que, force est de constater que ceux-ci ne répondront pas aux revendications exprimées par Femmes autochtones à travers le Québec, notamment la reconnaissance du racisme et de la discrimination systémique et l'application du Principe de Joyce. Et j'y reviendrai un peu plus tard, M. le Président, dans le cadre de mon intervention. C'est la raison pour laquelle, dans le cadre de cette motion préliminaire, j'ai évidemment ajouté M. Sipi Flamand et le Bureau du Principe de Joyce.

Femmes autochtones du Québec rappelle que leur organisation ne considère pas avoir été consultée à sa juste valeur par le gouvernement de la CAQ dans le cadre du présent projet de loi. On nous dit qu'au fond il y a une rencontre tripartite, mais que les consultations se résument aux éléments suivants : Une discussion informelle à l'époque, avec Mme Boileau, lors de la campagne de réélection de M. le premier ministre, un questionnaire de quatre questions et un mémoire qui a été déposé en 2023, en septembre 2023, par Femmes autochtones du Québec à la Commission des institutions.

De plus, on nous rappelle que même si le gouvernement de la CAQ considère que FAQ a été consulté lors de ces trois étapes, force est de constater que nos avis et recommandations n'ont aucunement été pris en compte dans l'actuel projet de loi. Et je le souligne et j'insiste sur l'importance d'entendre Femmes autochtones du Québec, parce que, je le mentionnais ce matin, dans le système de santé, c'est souvent les femmes qui doivent y avoir accès. Et, évidemment, elles doivent se sentir accueillies, respectées et ne pas vivre, bien sûr, de discrimination systémique.

Dans leur lettre, on nous rappelle la Déclaration des Nations Unies sur les droits autochtones et particulièrement l'article 24 où on souligne que les peuples autochtones ont droit à leur pharmacopée traditionnelle. Ils ont le droit de conserver leurs pratiques médicales, notamment de préserver leurs plantes médicinales, animaux, minéraux d'intérêt vital. Et, selon la déclaration, les autochtones ont aussi le droit d'avoir accès, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé. Les autochtones ont le droit, en toute égalité, de jouir du meilleur état possible de santé physique et mentale, et les États doivent prendre les mesures nécessaires en vue d'assurer progressivement la pleine réalisation de ce droit.

La Déclaration des Nations unies sur les droits des autochtones est pour moi un document fondamental de base parce qu'on y explique, on fait mention, au fond, de droits, mais d'une marche à suivre pour s'assurer que les peuples autochtones vont être considérés qu'ils vont être capables de travailler et de faire vivre leurs traditions, leur langue et surtout de ne pas subir de discrimination. Et c'est important parce qu'on l'a mentionné ce matin, et c'est dans la lettre de Femmes autochtones du Québec, l'alinéa 2 de l'article 24 de la Déclaration des Nations Unies des peuples autochtones, selon Femmes autochtones du Québec, fait directement écho à la motion qui avait été soumise par la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques et adoptée à l'unanimité en septembre 2023, afin :

«Que l'Assemblée nationale se souvienne du décès de Joyce Echaquan, survenu dans des circonstances tragiques à l'hôpital de Joliette, le 28 septembre 2020; et

«Qu'elle reconnaisse également que les personnes des Premières Nations et les Inuits ont le droit d'avoir un accès équitable sans aucune discrimination à tous les services sociaux et de santé, ainsi que le droit de jouir du meilleur état possible de santé physique, mental, émotionnel et spirituel; et

«Qu'elle souligne l'importance de reconnaître et de respecter les savoirs et les connaissances traditionnelles et vivantes....

M. Morin : ...des autochtones en matière de santé; et finalement

«Qu'elle observe une minute de silence à la mémoire de Joyce Echaquan.»

Donc, cette motion, je le rappelle, elle a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec, et je vous dirais que ça doit guider nos travaux, comme parlementaires, quand vient le temps d'étudier et de travailler un projet de loi qui vise justement à sécuriser culturellement, au sein du réseau de la santé et des services sociaux, pour que, justement, les peuples des Premières Nations et les Inuits se sentent bien accueillis et qu'ils ne subissent aucune discrimination.

Femmes autochtones du Québec a reconnu la nécessité et l'importance de ces travaux et a soutenu la mise en œuvre. Ils ont même adopté une résolution à cet effet en décembre 2022, rappelant l'importance de la justice, de l'égalité, des droits des femmes et de leurs familles, et que cela passe par la reconnaissance du racisme et de la discrimination systémique que vivent les femmes et les filles autochtones du Québec, mais également par l'adoption sans délai et sans réserve du principe de Joyce.

Je pense qu'il faut, comme parlementaires, être capables de nommer les problèmes, d'identifier le problème pour être capable par la suite d'y apporter des pistes de solution. Sinon, si on n'identifie pas l'enjeu, les besoins, le problème, bien, on pourra travailler, mais on risque de manquer notre but. Et puis moi, bien, je me dis que, comme parlementaire, j'ai une responsabilité dans mon travail au quotidien. Et parce que le gouvernement a décidé de déposer un projet de loi qui vise la sécurisation culturelle, bien, je me dis : Mettons toutes nos chances de notre côté pour nous assurer que le travail qu'on va faire va être fait conjointement, de concert avec des groupes qui sont directement interpellés par le sujet. Femmes autochtones du Québec avait évidemment déposé un mémoire et rappelait l'importance de définir le terme de sécurisation culturelle. Et également on nous rappelle que le commissaire Viens a pourtant été catégorique dans les conclusions de son rapport, et là on remonte en 2019 : "Le lien de confiance entre les communautés autochtones et les institutions publiques est à reconstruire." Et, quand on lit ça, moi, comme parlementaire, je me sens interpellé. Je ne peux pas passer ça sous silence. Je ne peux pas ne rien faire quand je lis un tel texte.

• (16 heures) •

Et je vous dirais que c'est de notre devoir, en tout cas, clairement, le mien, de faire tout ce que je peux pour rétablir ce lien de confiance entre les communautés autochtones et les institutions publiques, et je vous dirai, particulièrement, M. le Président, dans le cadre des institutions publiques dans le domaine de la santé, parce qu'oon a tous, dans nos vies, expérimenté, tôt ou tard, des problèmes de santé. Et, évidemment, quand on est malade et qu'on va à l'hôpital, on est dans un état de vulnérabilité, et la dernière chose qu'on veut qui nous arrive, c'est qu'on soit victime de racisme ou de discrimination.

Pour Femmes autochtones du Québec, la reconnaissance du racisme et de la discrimination systémique est un élément ultime et nécessaire à la mise en place d'une loi sur la sécurisation culturelle. En effet, Femmes autochtones du Québec est d'avis que la mise en place d'une telle loi sans reconnaître le problème qu'elle tente d'enrayer est une coquille vide. C'est ce à quoi je faisais référence il y a quelques minutes quand je parlais exactement de l'importance d'identifier les véritables enjeux pour être capable de régler le problème.

Et, finalement, Mme Étienne, présidente de Femmes autochtones du Québec, conclut en disant... en faisant référence à un courriel de M. le ministre soulignant que l'étude détaillée en commission permettra de peaufiner ce projet de loi novateur et qu'il a espoir que la première loi du pays en matière de sécurisation culturelle sera adoptée au Québec...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Morin :...Alors, on parle, évidemment, ici, d'une course contre la montre.

Mais je pense que ce qu'il est important de se rappeler et de se dire, M. le Président... et je tiens à le souligner publiquement, l'ouverture de M. le ministre. Parce que, ce matin, ce matin, quand on a commencé nos travaux, ma collègue la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques a fait une proposition. J'avais moi-même une motion, ou des motions, en fait, à présenter à la commission pour qu'on soit capables de trouver un cadre où, justement, on va être en mesure de peaufiner le projet de loi et de le faire d'une façon qui est... d'une façon novatrice, dans un cadre informel. C'est ce que soulignait ma collègue la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, je tiens à le dire. Donc, je pense qu'on veut collaborer le plus possible pour nous assurer que ce projet de loi, quand on va passer les différentes étapes... En tout cas, moi, comme parlementaire, je vais pouvoir me dire : Moi, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour que les gens qui étaient le plus concernés puissent être entendus.

Le chef de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, M. Picard, était ici ce matin. Je ne le vois plus dans les gradins, mais il était ici ce matin. On lui a parlé, c'était important pour lui. J'ai parlé aussi au chef de la communauté de Manawan, M. Sipi Flamand, qui me disait... écoutez, c'est moi qui lui a appris qu'on allait commencer l'étude article par article aujourd'hui, et il me disait : Oui, j'ai des choses à dire. Et rappelez-vous que Mme Joyce Echaquan était de la communauté de Manawan, donc, s'il y a quelqu'un qui sait et qui comprend l'importance de ce projet de loi, mais surtout, l'importance non pas d'en faire une course, mais de prendre tous les moyens pour qu'on arrive à bon port, bien, je pense que le chef Flamand fait partie de ce groupe-là. C'est la raison pour laquelle je le mentionne dans mon... dans ma motion préliminaire.

Et, finalement, le Bureau du Principe de Joyce, c'est parce que le Bureau du Principe de Joyce nous a déposé, évidemment, un mémoire, et il nous disait comment il était important... Et c'était leur attente. Et on nous disait, dans le Principe de Joyce... Pourquoi le Principe de Joyce? Bien, c'est pour faire valoir les droits des autochtones, au Québec, en matière de santé et de services sociaux. Donc, c'est un rappel, une demande d'engagement, pour que nos institutions respectent les membres des Premières Nations et des Inuits quand ils doivent avoir accès à des services de santé.

Le Bureau du Principe de Joyce nous le rappelait, la tragédie de la mort de Joyce Echaquan ne tolère pas l'inertie. Et, je le souligne, M. le ministre a travaillé, et c'est la raison pour laquelle ce projet de loi a été déposé. Je le salue. Mais on peut faire plus. Moi, je vous soumets respectueusement qu'on peut faire mieux, comme parlementaires, puis je vous dirais également qu'on doit faire mieux, compte tenu des éléments qu'on va étudier, analyser dans le cadre du projet de loi.

On nous rappelle que c'est en travaillant ensemble, et rapidement, qu'on va arriver à établir un équilibre respectueux des droits de tous, et pour tous. C'est dans le document qui traite du Principe de Joyce. On doit écouter ce qu'ils ont à nous dire puis on doit sortir d'un cadre qui est trop rigide, parfois, ou trop procédural, pour être capables d'avoir une véritable discussion avec des groupes, l'Assemblée des Premières Nations du Québec, Femmes autochtones du Québec, M. Sipi Flamand, chef de la communauté de Manawan, et le Bureau du Principe de Joyce, pour être capables, d'une façon plus informelle, de nous assurer que, quand on va passer à travers ces articles, ça va véritablement répondre à leurs préoccupations. Parce que, sinon, pour moi, je vous le dis, M. le Président, ça ne sert à rien, ça ne donne rien. Donc, soyons pertinents.

On a parlé ce matin. Je salue l'ouverture de M. le ministre, je sais...

M. Morin :...il veut bien faire les choses, et c'est la raison pour laquelle je présente cette motion. Je remercie également la députée de Sainte-Marie--Saint-Jacques pour son apport, je pense que c'est important, et c'est la raison pour laquelle je présente cette motion préliminaire cet après-midi dans le cadre des travaux de la commission. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Lafrenière : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Bon retour à tous et à toutes. Je vous salue puis, encore une fois, je le dis pour le besoin des gens qui nous écoutaient ce matin, vous nous avez vu partir en petit caucus. Pourquoi? Parce qu'on voulait faire les choses différemment, puis je tiens à saluer justement cette proposition-là. Puis, M. le Président, jusqu'à voilà à peu près 17 minutes, c'est vraiment le feeling que j'avais. Je me disais : On va faire les choses différemment. Puis je comprends mon collègue de l'opposition officielle, il fait son travail, ce n'est pas simple, mais là j'ai l'impression qu'on retourne dans ce que vraiment les gens nous... nous reprochent, notre système colonialiste. On se lance une couple de roches puis on trouve à qui la faute. Et puis je comprends et je sais qu'il n'y a pas une once de méchanceté, M. le Président, mais je vais vous dire : Il faut se sortir de là.

Et je prends peine puis je vais prendre un peu de temps, M. le Président, je trouve ça important, là, il y a une partie qu'on va mettre les pendules à l'heure aussi. Vous savez, j'ai tenté puis j'ai aidé. Par exemple, Femmes autochtones, c'est vrai qu'on les a rencontrées pendant la campagne, faire différemment, de façon non officielle. Vous écoutez, vous avez deux ans, ça s'en vient. On les a rencontrées à plusieurs reprises puis on a même tenté avec des interlocuteurs différents, avec une personne qui a une coupe de cheveux différente, M. le Président. Je me suis dit : Peut-être que ça va être plus facile. Une dame qui les connaît bien va les rencontrer, puis ce n'était pas un questionnaire, c'était quatre questions pour guider la conversation. On n'envoie pas un questionnaire, M. le Président. On l'a fait avec FAQ. Avec l'APNQL, on l'a tenté. Quand on a fait les consultations, ils se sont abstenus. C'est leur droit.

Depuis décembre dernier, on envoie des lettres, on tend la main, mais ce que j'essaie de vous dire, M. le Président, c'est que force est de constater que ce qu'on essaie, peut-être que ce n'est pas la façon qui fonctionne bien avec les programmations, M. le Président. Vendredi dernier, mon chef de cabinet, a contacté le chef de cabinet de l'APNQL qui voulait en savoir plus. On a dit : On va vous faire un briefing. Ça n'a pas fonctionné, M. le Président. C'est pour ça quand, ce matin, mes collègues des oppositions ont dit : On peut-tu faire différemment? Je dis : Oui, absolument, travaillons-le ensemble.

Je vais terminer avec ça, mais entre les deux, j'aimerais mettre certains petits points au clair, puis un tout avec mon collègue de l'Acadie, parce que je sais qu'il fait le travail pour les bonnes raisons, mais je pense qu'il y a des choses qui restent en suspens, qui nous donnent un grand, grand malaise, M. le Président. Quand on parle, on laisse sous-entendre qu'on veut faire ce qu'on fait aujourd'hui parce que c'est une course pour être les premiers au Canada. Ce n'est pas une course, c'est une course de fond. Ça fait 40 ans que ça existe. Les Maoris l'ont inventé dans les années 80. Les gens qui étaient dans ma position pendant des années ne cherchaient pas ce qui était fait. M. le Président, ils ouvraient tous les tiroirs puis il n'y a rien comme dans rien. Ça fait que n'est pas une course, M. le Président.

• (16 h 10) •

Quand on dit qu'on peut le faire, excusez-moi, là, moi, depuis ce qui est arrivé, puis mon collègue de l'Acadie l'a dit, ce qui est arrivé à Joyce Echaquan, c'est un électrochoc. Ma collègue de la deuxième proposition l'a dit, ça nous a tous réveillés, puis on a dit : Aïe! il faut faire de quoi. À la Santé depuis 2018, ils travaillaient sur un plan. C'est sûr que ça a bouleversé les gens, en disant : Il faut faire quelque chose. Je n'appelle pas ça une course puis je n'accepte pas l'étiquette de dire : On veut bien paraître, M. le Président, ce qu'on fait aujourd'hui, là, c'est tout sauf l'ancienne politique. Je voulais mettre ça au clair, M. le Président, puis ça vient me chercher, vous le sentez.

Déclaration des Nations Unies, la DNUDPA, ça existe depuis 2007. De venir nous dire qu'on est assis là puis on ne fait rien pour, je l'accepte à moitié, M. le Président. Vous allez le comprendre, il y a des raisons qu'il faut faire de quoi. Il faut juste être prudent, ça fait depuis 2007. Le racisme systémique, ce n'est pas récent. Ma collègue de la deuxième opposition, à l'époque, questionnait le gouvernement qui était au pouvoir, et c'était une fin de non-recevoir. On n'est pas les premiers, il doit y avoir une raison à ça. C'est complexe, M. le Président, c'est sensible, et ce sont des enjeux qui sont très complexes. Je l'ai dit quand on a commencé aujourd'hui. En 2014, il y a une journaliste qui s'appelle Anne Panasuk qui a sorti au grand jour un reportage qui a laissé tout le monde bouche bée. Des enfants sont décédés ou disparus pendant in transport à l'hôpital, 2014.

On est arrivés au pouvoir, M. le Président. On l'a fait pas parce que ça paraît bien, parce qu'il fallait faire, il fallait être responsable. Ce que j'essaie de dire, en tout respect avec mon collègue, on peut se lancer des roches, trouver à qui la faute, mais on retourne dans notre vieux système, puis ce n'est pas pour rien qu'ils ne sont pas dans la salle présentement, ce n'est pas leur style, mais pas du tout, M. le Président. Ça fait que moi, j'accepte puis je reviens à la motion. On dirait un grand détour pour revenir à ce qu'il me présente. Puis, M. le Président, on en a jasé ce matin, puis on s'est dit : Il faut faire différent. On peut-tu essayer quelque chose en dehors du cadre habituel? Puis je l'apprécie vraiment beaucoup parce que, je veux dire, on peut tous se regarder le miroir puis avoir une partie de responsabilité. Je vais rappeler Viens, là, on me remet en plein visage souvent le fait que je dois mettre en place des recommandations...

M. Lafrenière : ...mais viens étudier les rapports du gouvernement de l'époque avec les Premières Nations de 2001 à 2016. J'ai les recommandations sur mon bureau, c'est du travail, et on va le faire ensemble, mais ce n'est pas vrai que je vais prendre tout le blâme aujourd'hui. C'est arrivé dans le passé. Il faut travailler là-dessus, mais il faut le faire ensemble. Ce que je fais aujourd'hui, M. le Président, vous ne m'avez jamais vu faire ça. Jamais. Je déteste ça, mais là... il fallait que ça sorte, M. le Président.Ça fait que je l'accepte, mais c'est une responsabilité partagée. Changeons la donne. La façon de faire comme ça, ça ne plaira pas à nos collègues, les membres des Premières Nations et les Inuits. Moi, je comprends une chose : notre système parlementaire, quand on les convoque, qu'on leur demande de parler pendant une période de temps avec des questions, ça ne répond pas à leur réalité. S'asseoir en cercle, excusez, on va dire les vraies choses, là, s'asseoir en cercle, prendre un café, jaser, moi, c'est ça que je vous propose. Je prends votre proposition en disant : Je comprends puis c'est un beau geste. Je vais voter contre en vous disant : Voici ce qu'on se propose, ce qu'on se parlait plus tôt. Faisons-le de façon informelle. Puis devant tout le monde, ici, je prends l'engagement, puis j'ai une parole, je vais enlever mon veston de ministre, vous allez enlever vos vestons d'oppositions, puis eux vont enlever leur veston... on va tous être des humains dans la même salle. Puis qu'est-ce qu'on va faire? On va se parler des vraies affaires puis on va essayer de se comprendre mutuellement.

Parce que, tantôt, quand on me disait... trouve qu'il n'y a pas eu de changement... il y a trois changements majeurs dans notre projet de loi qui viennent de ce que... a déposé. Puis je ne dis pas ça pour dire qu'ils ont tort, je dis ça pour dire : Définitivement, ça ne fonctionne pas. On n'est pas capable de leur montrer cette réalité-là parce que nos systèmes ne sont vraiment pas alignés. On le sait, le système de parlementarisme a des très belles qualités, M. le Président, puis je reconnais votre commission puis tout ce que vous faites, mais comprenez, quand on s'en va en mode autochtone, c'est peut-être très loin de leur réalité. Puis je m'en rends compte, parce que j'entendais les arguments, puis ils sont vrais, je l'ai lu, j'ai reçu les lettres, puis j'étais surpris et déçu. Ici, on pourrait parler du principe de Joyce. Ils ont été invités, ils se sont présentés, ils ont décidé de quitter, mais ils nous ont laissé un mémoire. On l'a lu, on a repris des éléments. Pour ce qui est du chef... même chose. J'étais à Manawan, voilà deux semaines, puis je l'ai dit à matin, vous n'êtes pas obligés de me croire, vous pouvez aller le voir, allez voir sur mon Facebook, il en a résulté un «flat», comme il arrive souvent dans cette région-là. Je suis allé le voir. Ce n'est pas vrai que j'ai passé une heure à lui parler du p.l. no 32, ce n'est pas vrai. On a eu notre rencontre pour parler, entre autres, du chemin de Manawan, et je lui ai dit : Le p.l. no 32 s'en revient, ça va être de retour au retour de notre siège. Est-ce que la date était claire pour lui? Je comprends, peut-être que non, M. le Président.

Puis je vous le dis, mon but, ce n'est pas de lancer des roches, c'est un constat de dire : Notre façon de faire, on dirait que ça a ses limites avec les Premières Nations et les Inuits, il va falloir trouver quelque chose d'autre. Puis c'est exactement ça, M. le Président. Puis, tantôt, quand mes collègues m'ont accroché, j'en étais vraiment touché, de se dire : Aïe! On va sortir de ça, là, on va essayer de quoi de complètement différent. On l'a fait ensemble dans 79. On l'a fait ensemble dans la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs, on a démontré qu'on pouvait faire les choses différemment. Ça fait que, si on continue de même, j'ai l'impression qu'on va arriver au même résultat, puis les gens vont être déçus, alors que ça fait des années que ça doit être fait.

Puis je vous le dis encore une fois, ce qu'on fait aujourd'hui, là, ce n'est pas une course contre la montre. On veut aider qui? Les soignants, les jeunes qui sont sur le terrain puis qui ont besoin de cet outil-là pour faire un bon travail. On a besoin d'envoyer un message clair, aussi, que du racisme, de l'intolérance, c'est non. Et c'est très clair. C'est une position qu'on a prise, c'est une promesse qu'on a faite suite aux événements tragiques de oyve Echaquan. En passant, M. le Président, comme je dis, c'est sensible, il y a des groupes qui ne sont pas d'accord parce qu'on a repris des éléments du principe de Joyce. Puis je vais être bien honnête avec vous, ne pas l'avoir fait, j'aurais eu des critiques aussi, là. Il faut entendre les gens.

Cette discussion-là, je la salue, cette offre-là, à 18 h 30, de s'asseoir dans un contexte non parlementaire, d'entendre les gens d'égal à égal. Honnêtement, M. le Président, je le salue. Je trouve ça très grand. Je trouve que tout le monde a mis ses choses de côté en disant : Soyons plus grands que la politique, là, faisons vraiment différemment pour les Premières Nations. Ça me touche, M. le Président. Alors, dans la même phrase, je vais dire oui et non. Je vais voter non dans ce qui nous est présenté, mais je vais dire oui à la discussion qu'on a eue plus tôt, M. le Président, allons ensemble à 18 h 30, quand mes collègues des oppositions confirmeront leur accord, on va même envoyer un courriel le confirmant aux gens qui étaient ici... en bonne et due forme, en disant : On a une salle, assoyons-nous, prenons un café ensemble, échangeons. Il faut l'essayer, M. le Président, il faut au moins l'essayer.

Alors, on peut me reprocher bien des choses, mais ce n'est pas vrai qu'on est assis sur nos mains. J'ai donné des exemples tantôt. J'espère prendre cette feuille et la mettre le plus loin possible dans mon cartable. Je n'aime pas faire ça, mais il y a une partie que je ne suis pas prêt à accepter, M. le Président. Alors, on a mis les choses au clair. Je suis prêt à entendre mes collègues, puis, s'ils le veulent, on sera prêts à envoyer l'invitation, mais je veux essayer quelque chose de différent. Je vous dis : On se lance dans quelque chose qui n'a jamais été fait, mais il faut l'essayer, M. le Président. Merci à mes collègues des oppositions, je trouve ça très innovant.

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le ministre. Mme la députée de Sainte-Marie-Saint-Jacques, s'il vous plaît.

Mme Massé : Oui. Merci, M. le Président. Vous savez, quand je donne ma proposition ce matin...

Mme Massé : ...mon objectif fondamental, c'était qu'on apprenne ensemble, comme parlementaires à, oui, faire les choses différemment, mais à saisir profondément ce que ça veut dire travailler d'égal à égal. Puis ce n'est pas toujours simple, ce n'est pas simple dans nos couples, ce n'est pas simple dans nos milieux de travail. Tu sais, travailler d'égal à égal, là, ce n'est pas simple, on n'est pas habitués à ça parce qu'on est dans des sociétés très hiérarchisées où le modèle dominant, c'est celui du top down ou, à tout le moins... ça fait qu'on n'est pas habitués de travailler en cercle. M. le ministre a raison, quand on arrive avec nos façons de faire, on déstabilise des gens qui ont une pratique millénaire et qui aimeraient bien qu'on finisse par comprendre leur façon de faire.

Alors, mon objectif était... et il l'est toujours, d'ailleurs, ma vision de ce que j'essayais de partager ce matin, de ce qu'on nomme comme étant sortir du cadre, c'était surtout exigeant pour nous. Parce que, pour les gens qui côtoient un tant soit peu les gens des Premières Nations, ils savent très bien quand ils parlent d'un cercle, par exemple, que, dans le cercle, tu as beau être le chef, mais tu es dans le cercle. Les aînés, les aînés, ils ont une petite plus-value, si je peux dire, en tout respect, mais quand tu es en cercle, tu es égal à égal.

Alors, quand mon collègue de l'Acadie est venu me montrer ça rapidement avant qu'on rouvre le micro, tu sais, rapidement, je me suis dit : Ah! O.K., oui, là, il y a peut-être... mais en jasant avec ma gang, je me suis dit : Aïe, non, mais attends un peu, on est en train de retourner dans cette façon de faire ou dans les faits, les règles de l'Assemblée nationale déterminent. C'est vrai que la dernière phrase qu'ils disent que les... et là-dessus, c'est vrai qu'il y a comme un pas qui se dirigeait, que les modalités soient déterminées par les membres, mais on a passé une heure et demie à discuter ce matin, là. Tu sais, puis on... Ce matin, on s'est entendu que... M. le ministre, vous venez de le dire, vous allez l'officialiser, que ce soir on allait rencontrer les gens de l'APNQL, qu'on allait être en cercle et qu'on allait essayer clairement de comprendre pourquoi, qu'est-ce qui fait qu'une partie des représentants... En fait, je recommence. Qu'est-ce qui fait que les représentants des élus des Premières Nations au Québec sentent que, là, ils n'ont pas été partie prenante de cette nouvelle étape? Puis comment ça se fait que les amendements arrivent? Puis, oui, le ministre a fait un certain nombre d'actions, mais... Puis l'exemple de Femmes autochtones du Québec est aussi un exemple. Même si elles ne font pas partie des représentantes élues, elles représentent quand même des femmes de toutes les nations à travers... élues, à travers le Québec. Bien, qu'est-ce qui fait qu'elles sentent que, malgré ce que vous dites, M. le ministre, elles ne sont pas confortables là-dedans?

• (16 h 20) •

Ça fait que moi, c'est sûr que je trouve ça... C'est beau, ce qu'on s'apprête à faire. C'est beau, la discussion. Puis pas parce que c'est mon idée, là, ce n'est même pas ça, l'affaire, c'est parce que c'est ça qu'ils nous demandent depuis tout le temps, qu'ils demandent — vous avez raison, M. le ministre — autant à votre gouvernement qu'ils le demandaient au gouvernement précédent, qu'ils le demandaient à l'autre avant celui-là. Et, en fait, depuis René Lévesque. J'étais jeune, là. Depuis René Lévesque, il est question d'un forum permanent des Premières Nations. Pourquoi? Bien, parce que... puis à l'époque, on n'avait pas de Déclaration des Nations Unies, là, mais c'est des peuples qui ont le droit à l'autodétermination, comme tous les peuples de la terre. Ça fait que c'est pour ça que ça date de 1985, M. Lévesque l'avait inscrit dans la même motion constitutrice, il me semble, là, que la reconnaissance des nations autochtones. Alors, je...

Mme Massé : ...tout ça pour vous dire que ce n'est pas parce que c'est ma proposition, c'est parce que c'est... Je vous partage comme parlementaire ce que je comprends qui est le défi qui est le nôtre actuellement. Alors, dans ce sens-là, bon, j'aurais tendance à m'abstenir parce que moi aussi je comprends l'esprit dans lequel la volonté de contribuer à cette idée qu'on s'assoie... qu'on s'assoie avec des gens concernés. Ah! oui, parce que c'est ça qui est génial dans votre idée, M. le député de l'Acadie, c'est qu'il faut que ce soient les personnes concernées qui déterminent qui va être en bout de ligne de ce qu'on va adopter comme projet de loi sur la sécurisation.

Moi, je ne vis pas les discriminations puis le racisme que vivent ces personnes-là. Je ne suis pas puis je ne représente pas non plus les élus autochtones au Québec, ni des Premières Nations, ni des Inuits. Mais ce que je peux par contre, c'est de faire le travail de déconstruction de ce que ça veut dire, puis c'est exigeant parce que même moi, tantôt, je jasais avec e ne me souviens pas qui, puis... c'est colonialiste ce que je viens faire là. C'est un travail exigeant que de déconstruire, très exigeant. Alors, c'est pourquoi je vais m'arrêter là. Je pense que oui. C'était le sens de l'entente qu'on avait ce matin. Je pense que oui, ce soir, on va se... on va rencontrer — en tout cas, moi, j'ai envie d'être là. J'ai libéré mon agenda moi aussi — de rencontrer des gens de l'APNQL, et... et après ça, on fera les discussions aussi sur... parce que, pour moi, je sais que l'APNQL travaille avec avec Sipi Flamand qui travaille avec le bureau de Joyce, qui travaille avec les Femmes autochtones du Québec. Je sais que ce monde-là travaille ensemble, et c'est ça qui est beau. Ils ne s'entendent pas tous, ils ne pensent pas tous pareil, mais quand il s'agit de venir dire au gouvernement... en fait à l'Assemblée nationale du Québec de venir dire qu'est-ce qui est essentiel de retrouver dans ce projet de loi là et de la définir, ils travaillent ensemble sur ces choses-là.

Puis d'ailleurs l'APNQL a tracé les lignes, puis j'insiste là-dessus parce que peut être que, des fois, il n'y a pas des rencontres, mais des fois, il y a des documents qui sortent, ont tracé les lignes dans une déclaration. Et d'ailleurs de plus en plus, hein! vous remarquerez que les Premières Nations vont y aller par déclaration. Pourquoi ils font ça? Il faut comprendre, là. C'est parce qu'il y a une multitude de chefs. On le dit souvent, Ghislain Picard, ce n'est pas le chef des chefs. Ghislain Picard, c'est un porte-parole qui porte la parole des décisions qui sont faites en assemblée générale par l'Assemblée des Premières Nations du Québec. Je ne pense pas me tromper quand je dis quelque chose de même. O.K. je ne me trompe pas. Fiou! Et donc par conséquent, ce que ça veut dire, c'est que, quand ces gens-là passent des journées à délibérer de ce qu'ils appellent une déclaration, ce n'est pas une déclaration qui est écrite par une seule personne, c'est une déclaration qui est mâchée, débattue, brassée, entendue par le cercle de l'Association des Premières Nations du Québec et du Labrador.

Et d'ailleurs, si vous regardez le logo de l'APNQL, c'est un cercle avec toutes les nations assises autour. Ça aussi c'est intéressant, il n'y a pas de... il n'y a pas de 90 sièges pour un gouvernement, tant. Non, non,  eux autres, c'est le monde, ils sont en cercle, et chacun... chacun a une parole, et chaque parole est écoutée, elle a son choix... elle a son poids. Et dans ce sens-là, l'APNQL a fait le travail, déjà, l'année... l'automne dernier, sur qu'est ce qui serait... qu'est ce qui est incontournable pour que la sécurisation culturelle réponde, parce qu'ils sont les seules personnes qui peuvent déterminer si c'est réussi ou non la sécurisation. Nous, on a beau avoir des... des idées, mais c'est eux autres qui le savent.

Alors, on a ce document-là quand même, M. le ministre, qui nous guide, et pour moi, la magie, ce n'est pas de la magie... Qu'est-ce que c'est que je viens de dire, là? Je pense que c'est dans ma tête. Le... Ce soir, ce qui est mis de l'avant...

Mme Massé : ...comme processus. Ce qui était intéressant, premièrement, c'est que c'est un processus. Je ne sais pas où est-ce qu'on va aller avec ça, je n'ai aucune idée, à même titre que quand on l'a fait au 37, pour le projet de loi n° 37, où on a créé un espace hors-normes, si je peux le dire comme ça. Comptez sur moi, je connais ça, le hors-normes, dans la vie. Quand on crée des espaces hors-normes, on découvre des choses. Ça exige quelque chose qui est vraiment, vraiment difficile pour nous, dans la joute parlementaire. Ça exige aussi qu'on se fasse confiance.

Ça fait que moi, cher ami député de l'Acadie, je vais m'abstenir sur la motion, pas parce que vous n'avez pas ma confiance, mais parce qu'on a eu une entente, préalablement, à micros fermés. Je pense que le ministre est prêt à faire ce pas-là, et c'est ça, notamment, que souhaitaient les gens qui sont représentants élus des Premières Nations. Et que, pour moi, l'expérience de ce soir, elle sera riche dans la mesure où on est capables de rentrer dans cette expérience-là en toute humilité, en grande ouverture.

Même s'il y a des tensions historiques entre les Premières Nations et nous, Parlement du Québec, même s'il y a un travail monstre qui est fait par les Premières Nations pour nous éduquer, ça a eu, malheureusement, à travers les années, des impacts. Mais moi, je pense que... Et ils ont accepté, là, tu sais, je veux dire, je ne suis pas partie sur ma balloune sans vérifier. J'ai coconstruit tout ça. Vous vous en doutez bien, M. le ministre, vous me connaissez maintenant, j'ai coconstruit tout ça avec eux autres, parce que je voulais qu'on vive cette expérience-là.

Maintenant, je ne le sais pas plus que vous, ça va donner quoi, mais si on y rentre avec ouverture, avec générosité, avec le désir que cette expérience-là soit positive pour tous nos peuples, qu'ils soient autochtones ou allochtones comme nous, je pense qu'on va marcher... on va marquer des coups, des points.

Le Président (M. Bachand) :...la députée. Est-ce qu'il y aurait d'autres interventions sur la motion préliminaire du député d'Acadie? S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons procéder à la mise aux voix. Est-ce que la motion préliminaire du député d'Acadie est adoptée?

• (16 h 30) •

M. Morin :...

Le Président (M. Bachand) :Vote par appel nominal? Merci beaucoup, M. le député. M. le secrétaire, s'il vous plaît.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Morin (Acadie)?

M. Morin :Pour.

Le Secrétaire : M. Lafrenière (Vachon)?

M. Lafrenière : Contre.

Le Secrétaire : M. Asselin (Vanier-Les Rivières)?

M. Asselin : Contre.

Le Secrétaire : Mme Schmaltz (Vimont)?

Mme Schmaltz : Contre.

Le Secrétaire : Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel)?

Mme Boivin Roy : Contre.

Le Secrétaire : M. Lemieux (Saint-Jean)?

M. Lemieux : Contre.

Le Secrétaire : Mme Haytayan (Laval-des-Rapides)?

Mme Haytayan : Contre.

Le Secrétaire : Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques)?

Mme Massé : Abstention.

Le Secrétaire : Et M. Bachand (Richmond)?

Le Président (M. Bachand) :Abstention. Donc, la motion du député d'Acadie est rejetée. Est-ce qu'il y aurait d'autres motions préliminaires? S'il n'y a pas d'autre motion préliminaire, nous allons débuter l'étude du projet de loi article par article. Donc, j'appelle l'article 1. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Lafrenière : Merci beaucoup, M. le Président. Puis je sais, dans ma petite carrière, qu'on peut tout faire avec consentement. Ça fait qu'avec le consentement de mes collègues des oppositions je prendrais un instant pour notre engagement, parce qu'on est dans les détails. Est-ce qu'on est tous d'accord, devant micros, qu'on invite les groupes? Puis M. le député de l'Acadie a mis des groupes au tableau, on va les inviter à 18 h 30. Est-ce que j'ai votre consentement, ensemble, pour qu'on les invite, qu'on les rencontre?

Le Président (M. Bachand) :Peut-être, M. le ministre, parce qu'on a eu beaucoup de conversations à micros fermés... peut-être de faire un résumé, si vous êtes d'accord, pour les gens, les milliers de personnes qui vous écoutent, M. le ministre, pour savoir qu'est-ce qui va se passer ce soir.

M. Lafrenière : Parfait. Est-ce qu'il y a consentement des collègues? Consentement. Alors, ce qu'on a discuté, c'est de faire les choses différemment, ma collègue de la deuxième opposition l'a bien dit. Donc, c'est d'inviter... et on a quatre groupes qui ont été mentionnés par le collègue de l'Acadie... on en est fort d'accord de faire une table ronde, de faire un cercle en dehors de nos travaux. M. le Président, bien qu'on vous apprécie puis qu'on vous respecte, on va essayer de faire les choses différemment. On va le faire dans un lieu qui est plus propice, qui ne soit ni ici ni dans la salle Kirkland, qui, des fois, pour certains, ressemble plus à un palais de justice. On va trouver un endroit où ça va être plus approprié. Ils vont même avoir du café, M. le Président. On va prendre le temps, on va enlever nos vestons, on va tous... Puis j'ai bien aimé ce que ma collègue a dit tout à l'heure, «d'égal à égal».

Bon, c'est sûr, coconstruire avec quatre groupes, c'est plus simple qu'avec 55, là, mais les gens qui sont là, on va les rencontrer, on va les entendre. Et, je suis d'accord avec ce qu'elle a dit, on ne sait pas où ça va nous mener, mais on l'essaie, puis je pense que c'est la bonne chose. Alors, avec... voyant le visage de mes collègues, on envoie un message aux quatre groupes, en disant : Nous serons là, avec une salle. Prenons ce temps-là, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :...intervention, M. le député d'Acadie?

M. Morin :...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Morin :...aucun, aucun problème, parce que c'était l'objectif de la motion, M. le Président. Alors, c'est sûr que je ne peux pas être contre. D'ailleurs, la motion disait que les modalités peuvent être déterminées par les membres de la commission. C'est exactement ce qu'on est en train de faire, alors... Bien, évidemment, c'est sûr qu'on ne fera pas ça ici, dans le salon rouge. Alors, que ce soit dans un endroit ailleurs, une table ronde, s'il y en a une, ça va être encore mieux, puis ça va être fait d'une façon tout à fait... C'est très clair, c'était exactement l'objectif visé par ma motion, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :...interventions avant de débuter l'étude vraiment article par article? Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, sur ce que le ministre vient de dire?

Mme Massé : C'est parfait.

Le Président (M. Bachand) :C'est beau?

Mme Massé : Oui. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Alors, ça, c'est de l'efficacité. Alors, M. le ministre, sur l'article 1, mais je sais qu'il y a eu des discussions pour peut-être débuter une conversation sur le préambule. Je ne sais pas où est-ce que ça en est rendu. M. le ministre.

M. Lafrenière : Absolument, M. le Président. Encore une fois, avec le consentement de nos collègues, on peut tout faire. Alors, je suggère, comme on a fait dans le projet de loi n° 79, M. le Président, de commencer par le préambule tout en suspendant son adoption. Alors, c'est ce que je vous propose de faire, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Alors, est-ce qu'il y a consentement pour suspendre l'étude de l'article 1, parce qu'il a été appelé, et d'aller au préambule? Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Bachand) :Consentement. Donc, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Lafrenière : Merci beaucoup, M. le Président. Alors : «Considérant que, dans la prise en compte des droits des usagers de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats, les autochtones doivent être distingués des autres usagers puisqu'ils forment une nation... des nations, pardon, ayant une histoire et une culture distinctes;

«Considérant que l'approche de sécurisation culturelle repose sur le principe de justice sociale et qu'elle contribue à favoriser des liens de confiance avec les usagers autochtones;

«Considérant que la Commission d'enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics recommande la mise en oeuvre de l'approche de sécurisation culturelle par les établissements du réseau de la santé et des services sociaux;

«Considérant l'importance de cette approche pour les... peuples, pardon, autochtones, laquelle a notamment été mise de l'avant parmi les revendications du Principe de Joyce;

Alors, M. le Président, tel que déposé ce matin, j'ai des amendements.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors... Ça va? Alors, les amendements... On va juste... quelques secondes. Oui, M. le ministre.

M. Lafrenière : Merci, M. le Président. Alors, dans le préambule du projet de loi :

1° remplacer, dans le premier alinéa, «autochtones» par «membres des Premières Nations et les Inuit»;

2° remplacer, dans le deuxième alinéa, «usagers autochtones» par «membres des Premières Nations et les Inuit»;

3° remplacer, dans le quatrième alinéa, «peuples autochtones» par «membres des Premières Nations et les Inuit».

Et je me propose de relire le nouveau texte de loi, si on veut, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :...

M. Lafrenière : Oui, commentaires :  L'amendement vise à référer aux membres des Premièrs Nations et aux Inuit plutôt qu'aux peuples autochtones, comme on l'a si bien entendu ensemble lors des consultations.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Donc, interventions? M. le député de l'Acadie.

M. Morin :Oui. Alors, M. le Président, j'ai... je n'ai pas d'intervention spécifique sur la modification suggérée par M. le ministre de remplacer «autochtones» par «membres des Premières Nations et des Inuit». Cependant, je vais avoir des commentaires et des questions sur le préambule en général. Donc, on peut... je vais réserver mes commentaires pour la modification qui est apportée là puis j'imagine qu'après ça, on aura l'occasion de débattre pour l'ensemble du préambule.

Le Président (M. Bachand) :Oui, effectivement. Donc, on doit procéder à l'étude de l'amendement, faire sa mise aux voix, et après ça, on retourne à l'article amendé ou pas. Donc, est-ce qu'il y a interventions sur l'amendement du ministre? Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : On va... notre rythme de croisière, M. le Président, inquiétez-vous pas. Bien, oui... Bien, moi, je pense qu'on n'avait pas le choix. C'est une des premières choses à faire, à apprendre, à rendre visible que les premiers peuples, ce n'est pas une entité homogène et qui se ressemble...  Bien sûr, ils ont des vécus co-partagés puis des oppressions, des discriminations similaires, mais de faire exister les peuples autochtones et les Inuit, c'est une excellente idée. Mais ça veut donc dire... Et je nous invite nous-mêmes dans nos prises de parole... et je m'invite moi-même... Quand je dis nous, je m'inclus. Je fais partie du nous. ...bien à ce qu'on développe cette bonne vieille habitude...

Mme Massé : ...de... quand on parle d'utiliser le terme «Premières Nations et Inuits», ça fait exister tout le monde.

Et moi, vous allez voir, je vais faire un drôle de parallèle. Mais en tant que lesbienne, quand, dans les années 80, on nous disait : «Les gais, les gais, les gais», moi, je n'existais pas. Moi, je disais : Aïe! J'existe, moi, je ne suis pas un gai, moi, j'existe. Puis à un moment donné, bien, peut-être que l'acronyme, vous le trouvez long aujourd'hui, bon, LGBTQI+2S, mais le l est là pour lesbienne, et ça m'a rendue visible dans les années 80. Alors, je vais voter en faveur de cet amendement.

Le Président (M. Bachand) :Merci. S'il n'y a pas d'autre intervention, est-ce que l'amendement au préambule est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Président (M. Bachand) :Adopté. Donc, on revient à la discussion sur le préambule, tel qu'amendé. M. le député de l'Acadie.

M. Morin : Oui, alors merci, merci, M. le Président. Donc, dans le préambule, le premier considérant, «qu'on prenne en compte des droits des usagers, recevoir des services de santé et services sociaux adéquats», ça va. Ce n'est pas très, très clair, et puis peut-être que M. le ministre pourra préciser davantage. Mais son principe ou son approche de sécurisation culturelle qui repose sur le principe de justice sociale, je pense qu'il faudrait... il faudrait préciser davantage. Enfin, bref, j'aimerais entendre ce que le ministre a en tête avec ça.

Après ça, on dit «recommande la mise en œuvre de l'approche de sécurisation culturelle par les établissements du réseau.» Oui. Et puis finalement : «Considérant l'importance de cette approche pour les peuples autochtones, laquelle a notamment été mise de l'avant parmi les revendications du principe de Joyce». Et ce n'est pas... ce n'est pas... Pour moi en tout cas, ce n'est pas très, très clair, ce qu'on entend... ce qu'on entend par ça.

Un des éléments qui est fondamental dans les revendications du principe de Joyce, bien, il y a l'ensemble d'ailleurs des revendications, mais les groupes ont tous demandé comme ajout du principe de Joyce, que ce soit une condition essentielle pour la mouture finale du P.L. no 32. Ça fait partie d'un élément fondamental de la sécurisation culturelle. Or, il me semble que, dans le préambule qui va nous aider à interpréter le projet de loi, il faudrait faire référence au principe de Joyce et le cristalliser là plutôt que de souligner «a été mis de l'avant parmi les revendications». Mais encore là, je ne suis pas certain de bien saisir ce que le ministre a en tête ou ce qu'il avance par la façon dont ce considérant-là est libellé.

• (16 h 40) •

Donc, alors moi, c'est des questions que j'ai pour M. le ministre, et voir après ça à quoi ça correspond.

Il y a également, dans la Déclaration des Nations unies, des principes qui sont affirmés. Il y en a notamment dans le préambule, parce que la déclaration commence avec une série d'affirmations avant de spécifiquement adresser la question des droits par une série d'articles. Il me semble qu'il y a des éléments là-dedans dont on pourrait s'inspirer et l'indiquer clairement dans le préambule, notamment souligner que les membres des Premières Nations et des Inuits, dans l'exercice de leurs droits, ne doivent faire l'objet d'aucune forme de discrimination.

Et enfin, il y a d'autres éléments que... dont j'aimerais porter à la connaissance de M. le ministre, certains... certains aspects. Mais j'aimerais d'abord écouter, entendre un peu ce qu'il a en tête avec ce préambule-là, qui, quant à moi, soulève des questions, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Lafrenière : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Puis je suis content qu'on commence par le préambule, parce qu'on le sait... En passant, le préambule, on ne fait pas ça dans tous les projets, M. le Président. Vous le savez, dans votre commission, vous en recevez plusieurs. On le fait dans... C'est très rarissime, mais c'étaient des projets de loi qui étaient importants, qui marquaient la nation. Puis aujourd'hui, on propose un préambule parce qu'on trouve ça important. On l'a fait dans 79 puis on va le faire aujourd'hui.

Le projet de loi, M. le... Le préambule, pardon, M. le Président...

M. Lafrenière : ...le préambule, pardon, M. le Président, marque, envoie un message fort sur notre intention. Et, quand mon collègue parle de la DNUDPA, article 24, la Déclaration des Nations Unies, qu'il faut s'en inspirer, il a raison, mais il me devance d'un article. Tantôt, quand on va... on va se rendre à la définition, vous allez voir que c'est largement inspiré par la Déclaration des Nations Unies.

Pourquoi on fait référence au principe de Joyce? Puis mon collègue me disait... Puis on a déjà eu cette discussion-là, mais je veux le faire clairement devant tout le monde. Je ne peux pas faire à moitié. Je ne peux pas... Et les gens du principe de Joyce, les gens de Manawan, les gens en général nous l'ont dit : On ne peut pas reconnaître le... On ne peut pas appliquer le principe de Joyce, il faut le reconnaître, l'adopter, sans reconnaître le racisme systémique.

Ça fait que, M. le Président, c'est une discussion qu'on a à maintes reprises. Je pense, les gens connaissent très bien notre position, peuvent être déçus, mais pas surpris. C'est pour ça qu'on tenait absolument... puis je l'ai dit ce matin dans mes remarques préliminaires, on tenait absolument à faire référence à ce qui est arrivé, parce que personne ne va s'en cacher, là. C'est ce qui a remonté. Cette... Ce besoin d'agir était déjà là depuis 2018, mais, lorsque c'est arrivé en 2020, tout le monde s'est dit : On doit agir. On trouvait ça important de le mettre dans les considérants, de le mettre dans le préambule, M. le Président, pour envoyer un message fort, parce qu'on s'est tous dit : Plus jamais. Mais plus loin dans le projet de loi, pour la Déclaration des Nations unies, on y revient, on y fait référence, M. le Président.

M. Morin :...et je comprends que le préambule démontre l'intention du gouvernement. Il ne fera pas partie comme tel du projet de loi par la suite, là. C'est une intention gouvernementale.

Maintenant, si on revient au principe de Joyce, si ma mémoire me sert bien, l'ensemble des groupes nous ont tous dit que le problème était là, qu'il fallait être capable de reconnaître le problème pour être en mesure par la suite d'avancer. Donc, dans le cadre des consultations particulières, ça nous a été dit, dit et redit. Le Collège des médecins a été particulièrement clair à cet effet-là. Peut-être que M. le ministre n'aime pas le mot «racisme systémique». On peut sûrement parler de discrimination. Ça, c'est clair. Et, quand on réfère à «systémique», c'est qu'il y a des mesures qui sont mises en place dans un système, donc pas nécessairement des individus, dans un système, qui fait en sorte que, par la suite, il y a des personnes qui vont poser des gestes A plutôt que B. Mais l'impact, c'est qu'il y a des gens qui reçoivent les services ou les soins qui vont être traités différemment puis qui vont être discriminés.

Donc, j'ai de la... J'écoute M. le ministre, mais j'ai de la difficulté à saisir pourquoi, entre autres dans son préambule, il ne veut pas reconnaître qu'il y a eu de la discrimination systémique. Dans les consultations particulières, tous les groupes nous l'ont dit. Puis le Collège des médecins... Parce que malheureusement, dans l'histoire du Québec, il y a des médecins qui ont posé des gestes qui sont totalement, totalement regrettables, qui, quant à moi, n'auraient jamais dû être posés à l'égard de femmes autochtones. Bien, le Collège, même, des médecins nous le souligne. Alors, pourquoi le ministre ne veut pas le mentionner, le reconnaître? Je dois vous avouer, M. le Président, que ce volet-là m'échappe un peu.

Alors, il y a peut-être une très bonne raison, puis peut-être que M. le ministre peut nous l'expliquer, mais moi, j'aurais besoin d'éclairage, parce qu'il me semble que, si on met, dans un préambule : «Considérant l'importance de cette approche pour les peuples...» En fait, maintenant, on va parler des membres des Premières Nations et des Inuits. L'approche... Cette approche... «laquelle a notamment été mise de l'avant parmi les revendications du principe de Joyce».

Moi, ce que je trouve, c'est qu'on vient diluer, finalement, l'importance des éléments constitutifs du principe de Joyce. Et il me semble que, si on veut véritablement avoir une approche de sécurisation culturelle, il faut commencer par ça.

Le Président (M. Bachand) :M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Lafrenière : Merci, M. le Président. Alors, plusieurs points qui ont été apportés. Quand on parlait de préambules tantôt, j'avais une liste, là, je vous donne des exemples : Charte des droits et libertés de la personne, Charte de la langue française, Loi sur l'Assemblée nationale, Loi sur la laïcité de l'État, la loi 79. Pourquoi on fait un préambule? Justement parce que c'est des... c'est des jalons importants qu'on va faire aujourd'hui. Ça fait que ça, je voulais régler le pourquoi du préambule puis pourquoi il y a certaines choses qui se retrouvent là qui ne se retrouvent pas dans le projet de loi.

Pour ce qui est du principe de Joyce...

M. Lafrenière : ...M. le Président, dans mes remarques préliminaires, j'ai dit que c'était pour être sensible et difficile. Mon collègue vient de l'illustrer carrément. Certains groupes trouvent que je ne devrais pas le mentionner, mais pas du tout. Ils ont un malaise avec ce que je... à ce que je l'utilise. Puis j'ai posé la question bien ouvertement puis tantôt on a dit qu'on ferait différemment, j'ai hâte d'entendre les gens honnêtement. Moi, je trouve, puis plusieurs groupes aussi, puis c'est là la beauté de la chose, ils disent qu'on ne peut pas passer à côté de ça. Mon collègue me dit : M. le ministre, pourquoi vous ne reconnaissez pas le racisme systémique? Moi, ce n'est pas moi comme individu, je veux juste mettre ça très, très clair. Puis si c'était si simple que ça? Ça aurait été fait dans le passé aussi, M. le Président. Je l'ai dit tantôt, ce n'est pas d'hier. Dans le passé, les autres gouvernements ont hésité eux autres aussi. Je pense qu'ils se sont rendu compte de la même chose que moi. Pourquoi? M. le Président, quand on utilise le terme, ce n'est pas de savoir si moi j'aime ça, si je suis d'accord avec le collègue, ou l'autre collègue qui est ici, mais s'il y a 30 % de la population qui se ferme, qui ne nous écoute plus. Là, où moi, j'ai un problème, comme gouvernement responsable, c'est je ne suis capable d'agir, M. le Président, pour faire la lutte à... la lutte au racisme, la lutte à l'intolérance. Il y a des gens qui réagissent sur les médias sociaux, puis ce n'est pas ça, là, je... je trouve qu'on perd ce focus là. On a toujours dit, puis je mettre ça clair avec le collègue, il y a du racisme, il y a de l'intolérance, il y a du profilage, et je le dis dans cette Chambre, M. le Président, on l'a reconnu. Non seulement on l'a reconnu, mais on a nommé un ministre responsable de la Lutte au racisme, qui n'avait jamais été fait. On a mis un plan d'action aussi, M. le Président, avec des résultats que les gens ont pu voir. Est-ce que c'est fini? La réponse, c'est non. Est-ce que la lutte au racisme, on doit la poursuivre à tous les jours? Absolument, M. le Président. Moi, ce que je veux dire, puis c'est un débat qu'on a eu à plusieurs reprises, j'ai toujours été à la même place pour ce qui est du racisme systémique. Le Principe de Joyce, on veut s'en inspirer, c'est important. Ce qui a été mis là-dedans, c'est important, on se l'est fait dire clairement : On ne peut pas l'adopter si on ne reconnaît pas la notion de racisme systémique. Puis, je pense, tout le monde comprend autour de la table ce que ça amène comme dilemme. Mais on veut quand même... on trouve ça important, dans le préambule, de marquer le pas, de se rappeler l'importance de ce qui a été vécu là. Puis c'est pour ça qu'on l'a présenté, M. le Président, puis c'est pour ça qu'on l'amène dans le préambule, parce qu'on... Avec tout ce qui a été vécu, avec ce que ça a causé, puis la collègue de la deuxième opposition on a parlé dans ces remarques préliminaires, c'est un électrochoc. On ne peut pas ne pas... on ne peut pas passer à côté de ça, M. le Président, c'est pour ça qu'on l'a amené dans le... dans le préambule.

Puis je réponds à l'autre question aussi. Le collègue me demandait au niveau de la... de la justice sociale, mais c'est l'égalité des chances. C'est un principe qu'on a aussi dans notre plan d'action notre le plan d'action sociale, M. le Président. Ce principe là, de justice sociale, d'égalité des chances, c'est important, puis ça nous a été demandé par un groupe lors des consultations, puis c'est ITUM. Donc, les gens... qui étaient avec nous, les Innus... Quand on a fait des consultations, ils nous l'ont demandé. Puis, M. le Président, vous allez voir, au fil de nos travaux qu'on va faire ensemble, il y a 14, 14 points qu'on a été capable de changer suite à tout ce qu'on a reçu comme consultations, comme mémoires. Alors ça, c'est un point qui avait été demandé, M. le Président.

• (16 h 50) •

Le Président (M. Bachand) :M. le député de l'Acadie.

M. Morin : Ça va, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Sainte-Marie Saint-Jacques.

Mme Massé : Oui, bien, je... Justement, je saute dans le bain de la justice sociale. Ça me connaît. Euh, blague à part. Premièrement, je tiens à dire que j'étais contente, à l'instar de plusieurs, de voir qu'on allait aborder ce projet de loi là en se disant que, dans le corpus législatif, c'est tellement important qu'il faut qu'on mette un préambule. On doit... le législateur, puis ça, c'est nous autres, là, hein, on réitère, le législateur, ce n'est pas seulement la partie gouvernementale, c'est tous nous autres qui travaillons ensemble. On doit être capable de ce qui sortira de nos consensus, puis là, bien, je vais... on verra, là, mais ce qui sortira de nos travaux, il faut être capable d'exprimer le plus clairement possible l'esprit dans lequel on veut travailler ça.

Alors donc, je souligne, je suis vraiment contente qu'il y ait un préambule. Maintenant, allons plus dans le contenu, puis là, bien, je comprends, c'est la force de le type de discussion qu'on a présentement, on est à discuter, de façon plus générale, je vais vous demander éventuellement de vous prononcer, M. le Président, à savoir si on a des amendements, nous, comme opposition, à quel moment donné il serait opportun de les apporter, mais, pour le moment, allons sur un des considérants, dont le ministre de vient faire d'état, c'est-à-dire le deuxième considérant : «Que l'approche de sécurisation culturelle repose sur le principe de justice sociale et qu'elle contribue, bon, à favoriser les liens de confiance avec les Premières Nations et les Inuit. Je regardais le mémoire qui a été présenté par...

Mme Massé : ...le CSSS PNQL, hein, la Commission de la santé et services sociaux des Premières Nations du Québec et Labrador, c'est sûr qu'ils se sentent extrêmement interpellés par ce projet de loi là, puisqu'il est question de santé et qu'eux, depuis quelques décennies, je ne me souviens pas, c'est leur mandat de se préoccuper de la question de la santé envers les gens des premiers peuples. Bien sûr que c'est le gouvernement du Québec qui a la responsabilité lorsque les gens sont hors communauté, en dehors des réserves, ça, les gens doivent le savoir, mais le CSSS... on va l'appeler comme ça, le CSSS PNQL, parce que vous allez l'entendre souvent, ont, eux et elles, une responsabilité par rapport à la question de la santé et des services sociaux dans les différentes communautés. Et une des choses qu'ils ont amenées en matière de considérants, parce qu'eux, ils en ont fait une proposition, puis c'est sûr, ça va dans le même sens de ce que l'Assemblée des Premières Nations, donc les chefs réunis, ont fait... ont dit, pardon, dans leur déclaration des Premières Nations sur la sécurisation culturelle, c'est : La justice sociale n'est pas là.

En fait, il y a beaucoup plus que ça, on parle de droit fondamental, là, on est dans le droit, puis on parle de droit à la santé, au mieux-être, à l'autodétermination, l'autogouvernance, le droit à l'égalité réelle, l'autogouvernance en matière de données — j'en reparlerai plus tard — le respect de la sécurisation culturelle, telle que définie par les Premières Nations, la continuité des soins. Bref, je ne veux pas tout lire parce que... mais il ne parle pas de justice sociale. Puis je peux comprendre parce qu'à quelque part, ça, c'est notre langage à nous, justice sociale, mais leur langage à eux est plutôt clair sur qu'est-ce qu'une approche en sécurisation culturelle devrait être, devrait contenir. En tout cas, une approche devrait être. Et ça ne ressemble pas à que l'approche de sécurisation repose sur les principes de justice sociale.

Alors, j'aimerais ça vous entendre, puisque cette recommandation-là vous a été faite dans le mémoire du CSSS, c'était la troisième recommandation. Qu'est-ce qui fait que vous êtes parti de leur propre définition de ce que devrait être l'approche? À quoi ça devrait répondre? Et atterrir sur justice sociale.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Juste pour répondre à votre question, quand vous serez prêts pour les amendements, nous serons prêts aussi. Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Lafrenière : Merci, M. le Président. Écoutez, c'est une bonne question. Puis je veux rassurer, ça a été mentionné... parce qu'elle fait référence à des termes qui nous appartiennent quand on parle de justice sociale. Ça nous a été amené par ITUM, donc qui est des Premières Nations, j'étais pour dire autochtones, et le Bureau du Principe de Joyce. Alors, ce n'est pas un concept qu'on a sorti de notre côté, M. le Président, c'est vraiment des recommandations qu'on a reçues.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée, oui, de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Je trouve ça intéressant. Je trouve ça intéressant. Prenez le temps de prendre une gorgée d'eau. Si vous voulez, j'ai des petites pastilles aussi, des peppermints roses, M. le ministre. C'est une autre génération. Vous êtes plus jeune que moi. Bien. Merci de l'explication. Ce que je trouvais intéressant dans l'utilisation de la recommandation n° 3... parce que, vous avez raison, c'est des choix que vous avez à faire entre différents groupes qui proposent différentes façons de dire les choses, de nommer les choses, etc. Ce que je trouvais intéressant dans la façon dont le CSSS PNQL...

Une voix : ...

Mme Massé : Vous me faites compétition, vous, là, vous lui donnez des pastilles, hein? Eh, seigneur, moi qui pensais adoucir son coeur avec mes pastilles. Un peu de sérieux, je suis désolée. C'est que dans la définition ou dans le considérant, l'ajout que nous proposait le CSSS PNQL, c'est que ça reprenait des termes clairs qui sont dans la Déclaration des Nations unies pour le droit des peuples autochtones. Je trouvais qu'il y avait un intérêt à utiliser cette définition-là...

Mme Massé : ...cet apport-là, parce que ce n'est pas vraiment une définition, c'est un considérant. Donc, qu'est-ce qui vous a guidé? Parce que je le sais, puis on a déjà adopté collectivement une motion sans préavis ici, à l'Assemblée nationale, qui déclarait que nous étions d'accord avec les principes de la déclaration des droits des Nations Unies. Qu'est-ce qui a fait que vous êtes allés vers ça plutôt que la déclaration?

Le Président (M. Bachand) :M. le ministre.

M. Lafrenière : Merci à ma collègue, qui m'a laissé le temps de reprendre mon...

Mme Massé : C'est correct... toujours.

M. Lafrenière : C'est bien gentil. Quand on parle de justice sociale. Ce que vous avez, en passant, c'est la définition de l'OQLF. C'est ce qu'elle... c'est comme ça que c'est défini. Et, quand on a entendu les groupes, on parle de... on parlait tantôt du Bureau du Principe de Joyce, c'est des... Cependant, ma collègue, quand elle fait référence à ce que la CSSS avait amené, ça fait partie de la définition que vous allez voir plus tard, là, je vais vous la déposer plus tard. On a pris certains éléments aussi, là. Ça fait que ma collègue a raison, on reçoit beaucoup de mémoires, de consultation, on essaie de prendre un petit peu de tout pour faire refléter ce qu'on a entendu. Tantôt, je l'ai dit puis je veux bien le dire avec une voix qui est à 100 % là, là, je veux la rassurer, le terme "justice sociale" a vraiment été dit et demandé par, entre autres, deux groupes, dont le groupe du Principe de Joyce, ce qu'on trouvait important. Le Bureau du Principe de Joyce-- pardon, je vais le dire comme il faut

Mme Massé : Oui. Merci. Et ne serait-il pas pertinent, puisque l'Assemblée nationale du Québec a déjà adopté une motion qui reconnaît les principes de la Déclaration des Nations unies pour le droit des peuples autochtones... Ça, c'est une étape qu'on a faite ensemble dans la règle de l'art de... Est-ce qu'il ne serait pas opportun d'inscrire au niveau du préambule quelque chose? Bon. Plusieurs mémoires ont parlé de l'article 19, de la déclaration, d'autres, de la CAT, Bref... Mais nous, comme parlementaires, on s'est quand même entendus sur la reconnaissance des principes de la Déclaration des Nations Unies sur le droit des peuples autochtones. Il y a... il y a... Dans votre tête, M. le ministre, est-ce qu'il y aurait de l'espace pour... je ne sais pas exactement comment, mais on est là justement pour avancer, pour... inscrire dans le préambule, en disant : Bien, nous, les parlementaires du Québec, on considère que la déclaration, là, ces principes, là, ça nous guide, ça devrait être un guide, ça, pour nous autres? 

• (17 heures) •

M. Lafrenière : Merci, M. le Président. Comme je disais tout à l'heure, quand on regarde l'article 24, ça nous a vraiment guidés, vraiment guidés quand on a fait la définition de sécurisation culturelle. Puis je veux revenir sur ce qu'on a dit tantôt avec la collègue, dans notre échange, quand on parlait de justice sociale, la définition de l'OQLF, c'est : "Permettre la création de règles atténuant les inégalités." On va adopter des mesures pour achever des services de qualité auxquels ils ont droit. C'est ça qui nous a guidés. C'est ce que je voulais dire tout à l'heure, c'est ce qui nous guide, c'est ce qu'on veut obtenir, c'est ce qu'on veut faire.

Puis, après, ma collègue se demandait où j'étais dans ma tête. C'est ce qui nous guide, c'est là où on va. Déclaration des Nations Unies, l'article 24, on s'en est servi pour créer notre définition de sécurisation culturelle. On va le voir un petit peu plus tard. Alors, je suis d'accord avec la collègue, c'est quelque chose, là, qui... il faut s'en inspirer. Il y a des belles choses à aller voir là-dedans, M. le Président.

Mme Massé : Je pense, M. le ministre, en tout respect, qu'on doit plus que s'en inspirer puisque nous avons déjà dit, comme parlementaires, qu'on était d'accord pour reconnaître ces principes-là. Alors, je pense qu'il faut plus que s'en inspirer. C'est mon premier... mon premier commentaire.

Et, pour ce qui est de la justice sociale, je comprends la définition de l'OQLF. Est-ce que vous nous l'avez fournie, la définition de... Vous dites que "justice sociale", vous vous êtes appuyé sur la définition de l'OQLF. Est-ce que vous nous l'avez fournie d'une quelconque façon? C'est sûr qu'avec M. Google, je peux aller la chercher, là.

M. Lafrenière : Tantôt, quand on aura la discussion, M. le Président, on parlera de la définition, on pourra revenir.

Mme Massé : Parfait. Puis est-ce que vous allez...

M. Lafrenière : C'est ce qui nous a guidés. Comme je disais tout à l'heure, c'est ça qui nous a guidés, qui nous a inspirés, M. le Président, c'est ce qu'on veut donner, des soins, puis je pense que tout le monde est d'accord là-dessus.

Mme Massé : Oui et non.

M. Lafrenière : Allez...


 
 

17 h (version non révisée)

Mme Massé : ...oui, parce qu'effectivement, en bout de ligne, ce qu'on veut, c'est que, devant nos services publics, peu importe les gens qui se présentent devant nos services publics aient accès de façon égalitaire aux mêmes services. Ça fait que mon... oui, là, c'est... je ne voudrais pas que personne ici ne pense que je ne veux pas ça, au contraire, c'est clair que je veux ça. Mais, pour moi, dans les mémoires, j'ai aussi compris qu'il y avait une différence entre la sensibilisation culturelle et la sécurisation culturelle. Puis c'est sûr que je ne suis pas la meilleure pour vous en parler, je pense que c'est vraiment les Premières Nations qui peuvent vous parler, et les Inuits, peuvent vous parler de ça. Mais ce que j'en ai compris, je vais dire ça comme ça, c'est que, dans les faits, pour être capable de réellement répondre aux impératifs d'une sécurisation culturelle, c'est-à-dire que les gens se sentent en sécurité pour aller chercher, recevoir un service public, mettons qu'ici on parle de la santé, mais c'est vrai en éducation, c'est vrai en justice.

Tu sais, un coup qu'on a assis la sécurité culturelle, là, vous allez voir, ça va revenir un peu partout... en fait, ça devrait revenir un peu partout. Mais ce que je comprends de l'importance, c'est de faire le cheminement, pas juste de dire : Il faut que je serve tout le monde de la même façon, c'est de dire : J'ai fait l'effort de comprendre c'est quoi, les impacts du colonialisme, c'est quoi, les impacts sur moi comme individu, les impacts sur nos systèmes. Puis, vous savez, on le sait, les exemples, il en pleut, et je ne veux pas les reprendre ici, on a le temps d'en discuter, je suis plus au niveau du principe. C'est que, pour moi, la justice sociale, elle vient assurer que le service soit donné comme il devrait être donné à tous les êtres humains de façon égale et équitable. Mais pour que ce soit ça, il faut qu'il y ait, en amont, reconnaissance des discriminations historiques qu'a apporté, malheureusement, le colonialisme et son lot. Alors, c'est pour ça. Puis, je vous jure, M. le ministre, je réfléchis. Je n'avais pas réfléchi à pourquoi, justice sociale... J'ai vu le mot que j'ai fait : Yé, justice sociale, j'aime ça. Mais quand je creuse et quand je prends le temps de m'arrêter puis d'essayer de saisir, c'est évident que je vais avoir tendance à plus aller du côté de la Déclaration des Nations Unies, parce que ces déclarations-là ont été co-construites avec les Premières Nations, puis, avec les Premières Nations, la planète, en plus, là.

Mais on sait qu'on a des gens ici, au Québec, qui ont été largement impliqués, les gens des Premières Nations qui ont été largement impliqués dans l'atterrissage, le 20 ans de travail pour faire atterrir cette déclaration-là. C'est pour ça que j'ai tendance - naturellement, je n'y avais pas pensé jusqu'à date, mais là on est là pour réfléchir ensemble - j'ai tendance à me dire : L'OQLF, voilà, c'est une instance allochtone que je respecte énormément. Ce n'est pas... ici, ce n'est pas le sujet de mon propos. Mais, lorsque parallèlement à ça, j'ai  et la Déclaration des Nations unies, que je comprends qu'on verra, mais là je suis juste dans l'esprit qui nous guide. Et la Déclaration des Nations unies et l'APNQL, les CSSSPNQL qui nous disent : Ça serait le fun de voir apparaître, dans le préambule, justement, un considérant qui assoit l'esprit des principes de la Déclaration des Nations unies, vous comprendrez que je suis tentée d'aller ce bord-là parce que je suis en co-construction avec eux autres. Alors, c'est là que je suis, là, c'est là que je suis rendue. Vous m'avez amenée là, cher député de l'Acadie, sans le savoir.

Le Président (M. Bachand) :M. le ministre.

M. Lafrenière : Oui. Merci, M. le Président. Puis, oui, effectivement, dans la définition de sécurisation culturelle, plusieurs éléments qu'on va voir tantôt. Je veux juste rassurer la collègue, quand je disais tantôt, je faisais référence à l'OQLF...

M. Lafrenière : ...un des documents qui nous a guidés comme ITUM, comme le bureau du principe de Joyce. Et on parlait d'atténuer les inégalités. C'est exactement ce qu'on recherche. Puis je veux rassurer la collègue, puis c'est sur le premier considérant, M. le Président, que, dans la prise en compte des droits des usagers de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats, les membres des Premières Nations et des Inuit doivent être distingués des autres usagers. Je pense que c'est exactement ce que la collègue vient de dire quand elle dit : C'est vrai qu'il y a des inégalités un petit peu partout, mais c'est particulier du côté des Premières Nations et des Inuit, je pense qu'on l'assoit très bien dans le premier considérant quand on dit qu'ils ont leur histoire, qu'on ne vient pas la raconter à leur place. On ne vient pas dire à leur place ce qu'ils vivent. On dit que... ça leur appartient, c'est leur histoire, leur culture. Je pense que, clairement, on respecte la limite de ne pas parler en leur nom à leur place. Puis oui, on fait... on s'est inspiré de la... oui, on s'est inspiré de plusieurs choses, M. le Président. Ma collègue a bien raison.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Je vais céder la parole au député de l'Acadie. Je vais revenir avec la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques plus tard. M. le député de l'Acadie.

M. Morin :Oui, merci, M. le Président. Alors, simplement pour rappeler, et c'était en 2019, Mme la députée de Sainte-Marie-Saint-Jacques avait présenté la motion, entre autres, suite aux conclusions de la commission Viens, et les conclusions de la commission demandaient au gouvernement de reconnaître les principes et de s'engager à négocier la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones avec les Premières Nations et les Inuit. Il y a un des allégués qui disait : «Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec de reconnaître les principes et de s'engager à négocier la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones avec les Premières Nations et les Inuit.» Cette motion-là a été adoptée à l'unanimité.

• (17 h 10) •

Mon point est le suivant : quand on parle maintenant du projet de loi n° 32, et je vous tends la main, M. le ministre, je pense qu'on a une opportunité ici de poser un geste concret pour suivre, évidemment, cette motion qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec en 2019. Et, moi, ce que je vous soumets, dans le cadre de nos discussions, et j'utilise, bon, différents mémoires qui nous ont été déposés, dans le mémoire du bureau du Principe de Joyce, le Bureau demande d'amender le préambule afin d'y inclure une reconnaissance de l'état actuel des lieux pour qu'on soit capables après, dans le cadre du projet de loi, de bien cerner les différents enjeux pour essayer de les corriger. C'est une demande spécifique qui nous est faite. Le préambule actuel donne une indication, mais, quant à moi, ne reconnaît pas d'une façon spécifique l'état actuel des lieux. Je suis quand même heureux de voir qu'il y a un préambule. Je pense que c'est quand même une manifestation, une intention du gouvernement d'accorder un volet particulier à ce projet de loi. Bien, moi, ce que je vous invite à faire, M. le ministre, c'est d'être plus précis. Parce que, quand on regarde la motion qui a été adoptée par l'Assemblée nationale en 2019 et qu'après ça on va voir la Déclaration des Nations Unies sur les peuples... les droits des peuples autochtones, au départ, avant même de débuter la nomenclature avec les articles, avant même d'arriver à l'article 24, on dit que la déclaration réaffirme que les peuples autochtones, c'est le langage des Nations Unies dans l'exercice de leurs droits. Ils ne doivent faire l'objet d'aucune forme de discrimination.

Après ça, quand on va voir le mémoire qui a été déposé par la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations, du Québec et du Labrador, on nous dit, et je cite, à la page 10 :  L'implantation d'une véritable approche de sécurisation culturelle exige de reconnaître toute forme de discrimination, y compris le racisme systémique, pour adopter des mesures correctives et efficaces. Bon, par conséquent, on ajoute une loi sur la sécurisation culturelle, qui ne reconnaîtrait pas le racisme, et la discrimination systémique serait contradictoire et inefficace.

Bien, moi, ce que je vous invite à faire, M. le ministre, c'est que, puisque dans la déclaration, on souligne... à juste titre, on réaffirme que les peuples des Premières Nations... membres des Premières Nations Unies et des Inuit ne doivent faire l'objet d'aucune forme de discrimination...

M. Morin : ...Dans la mémoire de la Commission de la santé et des services sociaux et des Premières Nations et du Labrador, on nous dit qu'une véritable approche de sécurisation culturelle doit reconnaître puis éliminer toute forme de discrimination. Alors, pourquoi, dans le préambule, ne pas indiquer clairement qu'«il faut considérer que les membres des Premières Nations et des Inuits ne doivent faire l'objet d'aucune forme de discrimination quand ils ont accès ou qu'ils reçoivent des services de santé ou des services sociaux»? Pour moi, et je vous le soumets, c'est plus précis, plus clair et ça permet de décrire l'état des lieux, en partie, ce qui rejoint ce que le bureau du principe de Joyce nous disait. Et ça campe exactement ce que le gouvernement veut faire. Et pour moi, c'est beaucoup plus précis, à tout le moins, et je vous le soumets, que de dire : «Ils doivent recevoir des services adéquats, ils doivent être distingués des autres usagers.» Écoutez, «recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats», c'est un minimum. Je veux dire tout le monde s'attend à ça dans notre société. Mais le véritable enjeu avec les membres des Premières Nations et des Inuits, je pense, c'est au-delà de ça.

Ce qu'on essaie de corriger ici, c'est qu'ils ne subiront plus de discrimination quand ils auront accès aux services de santé et aux services sociaux adéquats. Je reviens à la façon dont Mme Joyce Echaquan a été traitée. Je comprends, je vous ai compris, là, racisme systémique, là, ça pose un problème. Mais êtes-vous d'accord avec moi pour admettre que c'est un euphémisme, qu'elle n'a pas été traitée comme les autres patients puis qu'elle a subi de la discrimination? Est-ce d'accord pour dire que, dans son cas, c'est assez évident, là?

Le Président (M. Bachand) :M. le ministre.

M. Lafrenière : M. le Président, c'est une évidence même. On a tous entendu le rapport du coroner. Et j'ai tellement envie de passer à l'article 0.1, M. le Président, pour répondre à mon collègue, qu'il voit la définition, qu'il voit que ce qu'il vient de mentionner, ça se retrouve presque mot pour mot. Alors, mon collègue a raison. Juste nous rappeler collectivement que ce qu'on fait présentement, c'est un préambule. Ce n'est pas le projet de loi, ce n'est pas l'article par article. Comme il dit, il faut être beaucoup plus précis, il a totalement raison. Je nous invite à regarder dans les prochains articles. Mais oui, la Déclaration des Nations unies, on s'en inspire, je vous l'ai dit.

Pour la mise en œuvre, M. le Président... Parce qu'en passant on a voté à trois reprises. On est unanimes. Je pense, le message est très fort. Pour ce qui est de la mise en œuvre, j'ai invité les Premières Nations via l'APNQL en disant : Est-ce qu'on... vous voulez qu'on s'assoie pour voir sur quelle forme ça prend? On n'est pas rendus là, M. le Président. L'offre a été faite. On n'est pas rendus là parce qu'il faut savoir quelle forme ça va prendre. Mais on ne reste pas assis, M. le Président.

Je veux rassurer mon collègue aussi, je l'ai dit dans mon... ce matin dans mes remarques préliminaires, quand on regarde ce qu'on fait avec les Cris, les Inuits, les Naskapis, de leur propre aveu, ça dépasse de beaucoup ce qu'il y a dans la Déclaration des Nations unies. Nous, ce qu'on veut... Puis présentement, sans donner trop de détails sur ce qu'on négocie, nous négocions présentement des ententes de nation à nation. On va aller plus loin que ça. C'est la façon qu'on a trouvée, M. le Président, de ne pas faire du mur-à-mur. Le collègue a raison, on s'en inspire, vous allez le voir dans des articles qu'on va passer ensemble. On s'en inspire.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de l'Acadie.

M. Morin :Oui. Alors, on arrivera aux articles du projet de loi. Puis le préambule, ce n'est pas un article du projet de loi, j'en qu'on vient. C'est très clair. Sauf que pour moi, le préambule, bien, c'est un peu comme mettre la table, puis après, bien, il y aura d'autres éléments plus substantifs qui vont arriver. Alors, je me dis, bien, pourquoi ne pas la mettre comme il faut, si vous me permettez? Puis pourquoi ne pas... ne pas reconnaître dans le préambule d'abord et mettre ce principe-là, puis après, bien, si, évidemment, on peut le spécifier davantage dans le cadre d'articles, tant mieux. Mais je vous dirais que pour moi, si le préambule veut vraiment dire quelque chose puis, si, après, pour les gens qui nous suivront puis qui voudront regarder pourquoi il y a ces dispositions-là, bien, évidemment, ils pourront voir le préambule, ce qui ne sera pas dans la loi, puis là, bien, ils vont comprendre ce que le législateur a fait.

En fait, un des éléments clés pour moi de cette loi-là, pour l'approche de sécurisation...

M. Morin : ...de sécurisation, c'est de s'assurer que les membres des Premières Nations et des Inuits ne subiront plus, ne feront plus l'objet d'aucune forme de discrimination. Alors mon invitation pour M. le ministre, c'est pourquoi pas le mettre clairement dans la loi, puisque de toute façon plusieurs groupes nous ont invités à le faire. Et si, par la suite, on l'aborde d'une façon spécifique avec des articles dans le projet de loi, tant mieux, mais disons-le tout de suite. Et ça nous permet de... d'écouter, de recouper, de mettre en œuvre plusieurs recommandations qui nous ont été faites par des groupes pendant la période des consultations particulières.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Lafrenière : Oui. Merci, M. le Président puis et c'est la beauté de la chose quand on s'est dit qu'on regarderait ensemble le préambule, qu'on le mettrait de côté puis on y reviendrait, puis c'est ce qu'on a fait dans 79, M. le Président, ça nous a permis de voir premièrement ce qu'il y avait dans le projet de loi. Nous, quand on a travaillé, ce qu'on s'est dit sur ce projet de loi, on s'est dit : Ça n'a pas force de loi, on voulait l'écrire dans un article parce que ça avait force de loi, mais j'ai très bien entendu le point du collègue puis je vous suggère, M. le Président, comme on s'était dit, nous le mettrons de côté, on pourra passer aux autres articles, puis on verra si ça se retrouve parce qu'on aura le loisir d'en reparler plus tard, M. le Président. J'ai bien entendu la recommandation.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Oui, M. le Président. Bien, c'est ça. Je pense que mon collègue de l'Acadie exprime clairement ce que je disais plus tôt, c'est-à-dire qu'il faut qu'on trouve une façon d'au moins inscrire dans le préambule cet esprit que nous avons un consensus à l'Assemblée nationale. Vous savez, les Premières Nations nous disent souvent, notamment les représentants des élus, tu sais, oui, il y a le gouvernement, mais eux, ils traitent, ils veulent traiter avec toutes nous autres, parce que nous sommes... Ce n'est pas juste notre gouvernement, nous sommes le peuple québécois. Ce n'est pas juste le 43 % qui ont élu le gouvernement actuel, c'est tout le monde, y compris qui ont voté pour nous. Alors, dans ce sens-là, pour moi, puis ça va exactement dans le sens de, tu sais, quand je vous avais parlé d'amendements, là, c'est cet amendement-là que je voulais, mais... mais je pense, tu sais, là, j'entends l'ouverture du ministre, je pense qu'on va l'écrire comme il faut puis on y reviendra. L'important, c'est d'avancer. D'autant plus que probablement d'autres éléments dans le préambule qu'on souhaite pouvoir aborder, là.

• (17 h 20) •

Le Président (M. Bachand) : Si je comprends des conversations, c'est qu'il y avait une première discussion sur le préambule et que la commission, les membres de la commission seraient d'accord pour le suspendre et puis après ça, de continuer. Mais on pourrait revenir au souhait de la commission. Est-ce que j'ai bien compris. Est-ce qu'il y a d'autres interventions à ce moment-ci donc, sur le préambule? Alors, s'il n'y a pas d'autre intervention donc, on est d'accord... Oui, allez-y, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : En fait, j'ai besoin que vous m'expliquiez, M. le ministre. Vous dites qu'il y a des groupes qui étaient mal à l'aise de voir apparaître dans le préambule la question du principe de Joyce. D'autres qui auraient voulu, et j'en suis, voir apparaître la reconnaissance du racisme et de la discrimination systémique. Mais j'ai de la difficulté à comprendre les gens qui ou les groupes ou les élus qui étaient en défaveur du principe de Joyce. C'était quoi le problème? Je ne saisis pas bien.

M. Lafrenière : ...question, M. le Président, excusez, j'aurais dû vous laisser la parole entre les deux. On est tellement animé pour répondre à ça. Ils n'étaient pas contre le principe du tout. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce qui... le malaise pour certains, c'est qu'on le mentionne dans notre projet de loi sans l'adopter complètement comme ça. Quand je vous dis ça, vous savez que je suis transparent, je vous fournis des armes, mais je pense qu'il faut être transparent, il faut tout se dire. Alors là, le malaise, il était là. Puis c'est un petit peu ce que j'ai dit au tout début. On ne le fait pas, c'est une erreur, on le fait, c'est on le dit, c'est sensible, on le comprend. Voilà pourquoi pour moi, c'est un incontournable. Je pense que vous l'avez bien dit, je veux dire, c'est la réalité. C'est ce qui est arrivé et c'est ce qui a provoqué beaucoup de changements. Mais je tenais quand même, en toute transparence dans cette assemblée, à vous transmettre ce petit malaise. Puis ce n'est pas c'est pas 40 groupes, mais quand même, je le voulais vous le partager, M. le Président. Merci.

Mme Massé : ...dans ce cas-là, M. le ministre, dans notre façon funky de jouer, pas de jouer parce que ce n'est pas un jeu, de travailler en dehors du cadre ou à tout le moins d'essayer quelque chose de nouveau, moi, je vais être intéressée de discuter avec les groupes pour dire, parce que je le sais, et ça avait été nommé, notamment au niveau du CSSSAPNQL, de mieux comprendre parce que je suis sensible et je sais que vous l'êtes aussi à cette idée de...

Mme Massé : ...d'appropriation culturelle. Et là, je le sais, mais laissez-moi m'expliquer. Je ne vous dis pas qu'on est en train de s'approprier quelque chose culturellement, mais ce que les gens nous disent, c'est que vous ne pouvez pas, vous, allochtones, parce que, là, ce n'est pas juste vous, c'est moi aussi qui va mettre mon nom là-dessus, vous ne pouvez pas seulement faire allusion au Principe de Joyce simple sans vous enraciner profondément.      Alors, puisque... je suis en train d'annoncer tous mes amendements, moi aussi, M. le ministre, mais puisque nous allons rencontrer des groupes, qu'on va discuter, on va les entendre là-dessus, on va essayer de, disons, déconstruire la quadrature du cercle, ça fait que, donc, j'annonce déjà que, probablement, lorsqu'il sera temps de vraiment adopter le préambule et surtout quand on aura fait le travail... Parce que j'ai confiance, puis j'ai confiance, M. le ministre, que c'est vrai que vous avez fait l'effort d'intégrer. Moi je n'en suis pas là, même si en termes de processus, j'ai beaucoup de questions. Mais on a ouvert une autre porte, ça fait que je ne la fermerai pas d'entrée de jeu. Ça fait que je me laisse la chance aussi de voir. Ça fait qu'on s'en reparlera plus tard.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Autres interventions? M. le député? M. le ministre, oui, pardon.

M. Lafrenière : Oui. Merci, M. le Président. Bien, il y a deux choses, je pense très clairement, avant de fermer le préambule, M. le Président, je le dis devant cette Assemblée, s'il y a unanimité, les gens que vous rencontrez nous disent qu'ils veulent qu'on retire la mention du Principe de Joyce, je vais le retirer. Je veux mettre ça au clair. Puis je veux aussi être honnête et transparent en vous disant qu'il y en a plusieurs qui y tiennent aussi. Ça fait que c'est le message que je pense. Je ne peux pas être plus transparent.

Puis quand ma collègue dit qu'il veut faire les choses différemment, si elle veut me déposer tous ses amendements, comme j'ai fait plus tôt, ça va me faire plaisir. Mais, blague à part, M. le Président, faisons les choses différemment. Puis comme elle l'a dit, on va pouvoir entendre les gens, mais le terme, ce n'était pas... juste le terme que j'ai entendu, c'est qu'ils ne voulaient pas être instrumentalisés ou qu'on instrumentalise... puis je le comprends. Puis c'est là, je vous dis, la ligne est mince, je suis très transparent. On veut le mentionner parce que c'est arrivé puis on ne peut pas passer à côté, puis je pense que les proches de Joyce pourraient nous le reprocher dans plusieurs années. D'un autre côté, il ne faut pas les instrumentaliser non plus. Ça fait que trouvons la bonne ligne, c'est ce qu'on vous propose. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :S'il n'y a pas d'autre intervention, est-ce qu'on est d'accord pour suspendre l'étude du préambule?

M. Lafrenière : Suspendu.

Le Président (M. Bachand) :D'accord. Alors, merci. Alors, M. le ministre, pour la suite des choses.

M. Lafrenière : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. C'est à ce moment-ci que je vous propose d'introduire un nouvel article. Article 0.1, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Allez-y. Vous pouvez en faire la lecture, s'il vous plaît.

M. Lafrenière : C'est bon. Parfait. Le Parlement du Québec décrète ce qui suit :

«0.1. Aux fins de la présente loi, la sécurisation culturelle est une approche qui consiste à mettre en œuvre un ensemble de pratiques qui visent à assurer, pour les membres des Premières Nations et des Inuits, un accès équitable et sans discrimination aux soins de santé ou aux services sociaux.

«Cette approche vise à permettre aux membres des Premières Nations et aux Inuits de bénéficier du meilleur état possible de santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle. Elle implique de tenir compte de la réalité culturelle historique dans l'organisation des soins et des services et de toute interaction avec eux. Elle implique aussi de considérer avec respect leurs pratiques ainsi que leurs savoirs traditionnels et contemporains dans les domaines de la santé et des services sociaux.»

«Santé Québec et tout établissement du réseau de la santé et des services sociaux doivent adopter une approche...» Je suis rendu à 1, M. le Président, j'étais parti, là, pour rouler ça. Je suis désolé collègues. Alors, ça se terminait avec services sociaux.

Le Président (M. Bachand) :Ça va? Ça va pour l'instant?

M. Lafrenière : Alors, c'est l'article 0.1 qu'on propose comme amendement.

Le Président (M. Bachand) :Donc, interventions? M. le député d'Acadie, sur l'amendement, au nouvel article 0.1.

M. Morin :Oui, 0.1. Vous faites référence au tout début et vous mentionnez que les membres des Premières Nations et des Inuits doivent avoir un accès équitable et sans aucune discrimination. Donc, je comprends que, par cette disposition-là, vous tentez de répondre en partie à un allégué de la Déclaration des Nations unies qui réaffirme que les peuples autochtones, dans l'exercice de leurs droits, ne doivent faire l'objet d'aucune forme de discrimination.

Maintenant, quand vous parlez...

M. Morin :...dans l'approche. Et vous définissez la sécurisation culturelle comme «une approche qui consiste à mettre en œuvre un ensemble de pratiques». Là, je comprends que les pratiques comme telles, vous ne les définissez pas. Vous faites référence à des pratiques qui visent à assurer un accès équitable, mais on ne sait pas exactement ce que c'est. Et après ça, bien, vous dites que la conséquence de ça, c'est qu'ils devraient bénéficier du meilleur état de santé physique, mental, émotionnel et spirituel et que vous considérez leurs savoirs traditionnels et contemporains. L'ensemble de pratiques, ça correspond à quoi pour vous?

M. Lafrenière : M. le Président, c'est justement ce qu'on vient dire dans l'article 1 qui va suivre, où on dit ce que les pratiques culturellement sécurisantes doivent être. Ça, on le dit dans l'article 1.

M. Morin :O.K.

M. Lafrenière : Cependant, M. le Président, puis là je sais que je vais avoir l'attention de ma collègue de la deuxième opposition qui va se réjouir, on ne veut pas faire de mur-à-mur, on veut que ce soit co-construit. Ça fait qu'on dit ce que les pratiques doivent être. Cependant, M. le Président, on veut s'assurer que ce soit co-construit localement avec les nations et les Inuits. Alors, ce que mon collègue demande, c'est vrai qu'on le fait référence largement à 0.1, mais à 1, on dit clairement que les pratiques culturellement sécurisantes doivent être.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de l'Acadie.

M. Morin :Ça va pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Sainte-Marie Saint-Jacques, s'il vous plaît.

Mme Massé : Oui. C'est sûr que le Principe de Joyce, l'intérêt qu'on s'y colle e et en fait, à mon sens, l'intérêt qu'on l'adopterait tel quel, c'est parce que déjà il fait consensus chez les Premières Nations. Je sais qu'il y a du travail aussi. Mais pas seulement les Premières Nations, aussi les Inuits, c'est vrai à travers Makivik, le Principe est reconnu. Ça fait que je trouve que de s'y coller, vous avez eu une très bonne intuition.

• (17 h 30) •

Maintenant, quand je regarde avec attention... Excusez-moi, je fais un pas de recul. L'autre élément, c'est qu'on le sait que le Principe de Joyce, parce que les gens nous l'ont dit, s'appuie sur l'article 24, vous nous en avez fait état tantôt, de la Déclaration des Nations Unies pour les droits des peuples autochtones. Puis l'intérêt peut-être pour les gens qui nous écoutent, parce qu'on... c'est de même quand on parle notre jargon, des fois, on oublie qu'il y a du monde qui nous écoute, puis ce n'est pas tout du monde qui, comme nous, jouons là- dedans en plein. L'article 24 de la Déclaration, mais premièrement, la déclaration a été adoptée par les Nations Unies, reconnue par le Canada, et je dirais aussi, dans ses principes, reconnue par le Québec.

Et l'article 24 dit ceci : «Les peuples. Les peuples autochtones ont droit à leur pharmacopée traditionnelle et ils ont droit de conserver leurs pratiques médicales, notamment de préserver leurs plantes médicinales, animaux et minéraux d'intérêt vital. Les autochtones ont aussi droit d'avoir accès, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux de santé... et de santé.

Et en deuxième alinéa : «Les autochtones ont le droit, en toute égalité, de jouir du meilleur état possible de santé physique et mentale. Les États prennent les mesures nécessaires en vue d'assurer progressivement la pleine réalisation de ce droit.»

Ça, c'est l'article 24 de la déclaration sur laquelle les autochtones se sont entendus pour asseoir le principe de Joyce. Alors, ma question, c'est que le Principe de Joyce, il est... Vous avez raison qu'au niveau des éléments que vous avez apportés, il y a pas mal d'affaires qui sont là, mais il manque des affaires assez importantes à mon sens, et c'est là que j'aimerais qu'on aille ensemble.

Premièrement, on dit du Principe de Joyce, pour les gens qui nous écoutent, qu'il vise à garantir, alors qu'au niveau de...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

Mme Massé : ...votre projet de loi, vous dites : Qui consiste à mettre en œuvre un ensemble de pratiques, etc. Parce que, pour moi, dans mon livre à moi, quand on vise à garantir quelque chose, c'est qu'on veut s'assurer de ce quelque chose là, versus quand on consiste à mettre en œuvre quelque chose, à la limite, je peux mettre en œuvre quelque chose de tout croche, mais je l'ai mis en œuvre, mais je n'ai pas nécessairement visé à garantir, puis on abordera les autres éléments de tantôt. Alors, est-ce que, quand je vous dis ça, M. le ministre, vous... ça vous rappelle vos réflexions, pourquoi vous n'avez pas mis «vise à garantir»?

M. Lafrenière : Merci, M. le Président. Puis je suis d'accord avec la collègue qu'on a pris, puis je pense qu'on le voit, là, plusieurs éléments de la déclaration des Nations Unies. Vous avez parlé de pharmacopée, tout ça, on le retrouve clairement là-dedans. Quand on regarde le terme «vise à garantir», bon, quand on... quand on l'envoie dans la sphère politique, c'est un message fort qui est très fort. Au niveau légal, ça voudrait dire quoi? Puis je vais faire un parallèle avec ma collègue. Lorsqu'est arrivée la tragédie de Joyce, les gens m'ont dit : Est-ce que vous pouvez garantir que ça n'arrivera jamais? Je vais vous garantir que je vais tout mettre en place pour ne pas que ça arrive. Vous comprenez ce que je veux dire? Tu sais, de venir garantir... de dire : Je vais vous garantir que ce que je vais vous donner, surtout pour la sécurisation culturelle, on va le voir plus loin, les personnes qui peuvent l'évaluer, c'est ceux qui reçoivent les soins. Moi, je vais vous garantir que vous allez être contents, que ça va être correct, alors que les gens pourraient bien dire : Vous avez tout mis en œuvre, mais il y a des choses qui demeurent encore en suspens pour nous. Et on va le voir plus loin puis... souvent, je le dis, M. le Président, mais c'est comme ça, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, plus loin, on va en parler, on veut le faire localement, on veut que les gens... qu'il y ait des comités qui aient leur mot à dire. Ce n'est pas à moi de dire que c'est correct, puis que je te donne, je te garantis que c'est correct pour toi. On veut que ce soit fait avec les groupes.

Tantôt, je le mentionnais un peu, c'est ce qu'on a... dans plusieurs cas, vous allez voir le terme «coconstruire», «codévelopper», «travailler ensemble» va être là. On ne fait pas du mur-à-mur.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée. Oui.

Mme Massé : Oui. Bien, la phrase... ministre, c'est :  "Vise à garantir à tous les autochtones..." d'ailleurs, ils auraient pu écrire "les Premières Nations et les Inuits, mais ils ont mis un a majuscule, ..."un droit d'accès équitable." Donc, ce n'est pas le résultat, mais c'est le droit d'avoir accès. Ça fait que j'entends votre... votre explication, mais ceci étant dit, c'est ça, là, donc, je veux garantir à toutes les Premières Nations et les Inuits d'avoir ce droit-là d'avoir accès équitable à...

Le Président (M. Bachand) :M. le ministre.

M. Lafrenière : Excusez-moi. Puis je vous écoutais d'une oreille, vous le savez.

Mme Massé : Je le comprends, on sait comment ça marche.

M. Lafrenière : On fait tout ça en même temps. C'est important puis ce débat-là est vraiment, vraiment important, mais... Ce n'est pas un débat, l'échange. Droit d'accès, c'est la charte des droits et libertés qui le confère. Ce qu'on vient rajouter là, c'est une coche de plus. On dit un droit d'accès qui est équitable. Alors, le droit d'accès, c'est pour ça qu'on ne le met pas là. Je comprends ce que ma collègue veut dire, mais c'est dans la charte, c'est présent, puis nous autres, on y va avec le volet équitable, qui est si important, puis on se l'est fait dire à plusieurs reprises. Sans discrimination, c'est un mot qui est très important aussi, c'est mentionné. Ça fait référence à ce que mon collègue de l'Acadie demandait un petit peu plus tôt. On l'écrit clairement, "sans discrimination", parce que c'est vrai qu'il faut marquer le pas.

Mme Massé : Donc, est-ce que je comprends bien, M. le ministre, que ce que vous me dites, c'est que vous allez... à travers ce projet de loi là, vous souhaitez mettre en œuvre un droit qui existe déjà, que vous me dites, dans la charte des droits et libertés, c'est-à-dire d'avoir un accès équitable... et que donc... Je veux juste être certaine que je comprends. Vous, ce que vous me dites, c'est : Moi, mon objectif, comme ministre, ce n'est pas de viser à garantir quelque chose que je ne pourrai pas garantir, mais de mettre en œuvre des pratiques qui vont garantir, finalement, sans l'écrire, là, mais qui vont garantir, finalement, cet accès, ce droit à l'accès équitable.

Le Président (M. Bachand) :M. le ministre.

M. Lafrenière : Merci, M. le Président. Vous voyez que c'est le travail de toute une équipe.

Mme Massé : C'est normal, moi aussi.

M. Lafrenière : On se challenge parce qu'on veut la même chose. Quand on dit qu'on vise un accès équitable, on trouve ça encore plus fort...

M. Lafrenière : ...un accès équitable pour tous. Et, M. le Président, dans les mots qu'on a mis, dans les mots, qu'on a utilisés, on ramène «discrimination», on trouvait ça hyperimportant, et c'est pour ça qu'on y va spécifiquement... Vous allez voir tantôt, avec la collègue, quand on va parler des pratiques, ce que c'est, tranquillement pas vite, ça va nous rapprocher de ce qu'on vise, ce qu'on va mettre en place, tout en s'assurant qu'on ne fait pas du mur-à-mur, M. le Président.

Mme Massé : O.K. Merci. Ça m'éclaire. Et donc, si vous visez à assurer, je vais dire, le service, donc, un accès équitable, qu'en est-il du droit à ce service, du droit d'avoir accès? Parce que c'est ça qu'il dit, le Principe de Joyce, il dit : On veut avoir le droit, comme les autres, là, d'avoir accès à. Puis vous, vous me dites : Non, nous, ce qu'on dit, ce n'est pas le droit à l'accès équitable, mais qu'on vise l'accès équitable.

Le Président (M. Bachand) :M. le ministre.

M. Lafrenière : Est-ce que vous me permettez un instant...

Le Président (M. Bachand) :O.K. On va suspendre quelques instants.

M. Lafrenière : ...suspendre un instant...

Mme Massé : Je suis d'accord, parce que, moi aussi, je veux... Ça va vite.

Le Président (M. Bachand) :Merci. On va suspendre. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 39)


 
 

18 h (version non révisée)

(Reprise à 18 h 12)

Le Président (M. Bachand) :...

M. Morin :Alors, dans le cadre de nos travaux, nous avons fait parvenir à la commission un sous-amendement à l'amendement proposé par M. le ministre. Le sous-amendement...

M. Morin :...se lirait comme suit, l'amendement tel que modifié :

«0.1. Aux fins de la présente loi, la sécurisation culturelle est une approche qui consiste à mettre en œuvre un ensemble de pratiques qui visent à assurer, pour les membres des Premières Nations et pour les Inuits...»

Le Président (M. Bachand) :...peut-être reprendre ce que vous... ce que le sous-amendement apporte... amène, pardon.

M. Morin :Alors, ce que le sous-amendement apporte, c'est un accès équitable et sans discrimination...

Le Président (M. Bachand) :Non, ce que je veux dire... Excusez-moi, M. le député de l'Acadie.

M. Morin :Oui, oui. Que c'est que vous voulez dire?

Le Président (M. Bachand) :...tout simplement dire : L'amendement introduisant l'article... du projet de loi est modifié par...

M. Morin :O.K. Donc...

Le Président (M. Bachand) :...alinéa, alinéa.

M. Morin :Donc, depuis le tout début.

Le Président (M. Bachand) :O.K. S'il vous plaît. Merci. Pardon.

M. Morin :On y va. Pas de souci. Donc, sous-amendement, projet de loi n° 32, Loi instaurant l'approche de sécurisation culturelle au sein du réseau de la santé et des services sociaux, article 0.1 : L'amendement introduisant l'article 0.1 du projet est modifié par :

1° l'insertion, dans le premier alinéa, du mot «systémique» après «discrimination»;

2° le remplacement, dans le deuxième alinéa, des mots «tenir compte de» par «reconnaître et respecter».

L'amendement tel que modifié se lirait ainsi :

«0.1. Aux fins de la présente loi, la sécurisation culturelle est une approche qui consiste à mettre en œuvre un ensemble de pratiques qui visent à assurer, pour les membres des Premières Nations et pour les Inuits, un accès équitable et sans discrimination systémique aux soins de santé et aux services sociaux.

«Cette approche vise à permettre aux membres des Premières Nations et aux Inuits de bénéficier du meilleur état possible de santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle. Elle implique de reconnaître et respecter leurs réalités culturelles et historiques dans l'organisation des soins et des services et dans toute interaction avec eux. Elle implique aussi de considérer avec respect leurs pratiques ainsi que leurs savoirs traditionnels et contemporains dans les domaines de la santé et des services sociaux.»

Et, M. le Président, je propose cet amendement parce que, quand... ce sous-amendement, parce que, quand on regarde... puis suite aux discussions qu'on a eues avec M. le ministre et les échanges qu'on a eus avec lui, quand on regarde ce qui a été apporté, décrit, présenté par les différents groupes, et encore plus récemment par... dans la lettre de Femmes autochtones du Québec, on dit, et on suggère, et on demande : «En conclusion, le fait d'adopter le principe du projet de loi n° 32, Loi instaurant l'approche de sécurisation culturelle au sein du réseau de la santé et des services sociaux, sans la reconnaissance du racisme et de la discrimination systémiques, qui est un élément nécessaire pour la mise en place d'une loi plus sécuritaire culturellement... et constitue à notre avis un coup d'épée dans l'eau.»

Alors, pour que nos travaux soient bénéfiques, qu'ils avancent, je pense qu'il est important de reconnaître ce concept de discrimination systémique et aussi de garantir un droit d'accès équitable sans aucune discrimination à tous les membres des Premières Nations et des Inuits.

Quand on regarde l'énoncé du principe de Joyce, et on en a parlait avant la présentation de ce sous-amendement-là, et ma collègue la députée de Sainte-Marie-Saint-Jacques y faisait référence, le principe de Joyce, je pense qu'il faut que ça s'incarne dans le projet de loi, c'est ce que tous les groupes ont demandé, puis, si on veut, je pense, aller de l'avant... puis je pense que ça répond aussi à une attente des différentes communautés. Donc, ça vise à garantir à tous les membres des Premières Nations et des Inuits un droit d'accès équitable sans aucune forme de discrimination. Puis, on l'a vu, les groupes nous l'ont tous dit. La commission Viens en a parlé. Il y a malheureusement de la discrimination systémique. Je pense qu'il faut le reconnaître.

Et le sous-amendement permet également de reconnaître, évidemment, et de respecter leurs réalités culturelles et historiques. Pourquoi...

M. Morin :...c'est important, bien, c'est parce qu'il faut être capables de reconnaître, d'identifier et de nommer un élément avant d'être capables, après ça, de le respecter et de pouvoir travailler avec les membres des Premières Nations et des Inuits. Si on regarde cet élément-là, ça vient, je pense, bonifier ce qui est déjà demandé ou ce qui était, en fait, demandé par, entre autres, l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador. Ils ont, en septembre 2023, publié une déclaration sur les droits des Premières Nations à l'autodétermination, mais aussi à la sécurisation culturelle. La sécurisation culturelle, c'est ce dont on parle, aujourd'hui, avec le projet de loi n° 32. Et ils demandent de considérer... Et puis ils parlent du droit des Premières Nations d'avoir accès à tous les services publics, et ce, évidemment, sans aucune discrimination. Je l'ai mentionné un peu plus tôt aujourd'hui, la Déclaration des Nations unies fait aussi référence à l'absence de discrimination. C'est fondamental.

Le sous-amendement s'inspire aussi du mémoire qui a été déposé par le Collège des médecins du Québec dans le cadre de l'étude de ce projet de loi. Puis, en fait, c'est la première recommandation, où on demande, évidemment, d'offrir à toute la population l'accès à des soins de qualité, sans discrimination, et c'est particulièrement le cas pour les communautés des Premières Nations et des Inuits. Le sous-amendement combine et vient bonifier, je vous le soumets, l'amendement que M. le ministre a déposé, mais il s'inspire aussi de la recommandation 2 que l'on retrouve dans le mémoire du Collège des médecins, alors que le Collège des médecins nous demandait... demande au gouvernement de reconnaître le Principe de Joyce.

• (18 h 20) •

Donc, avec le sous-amendement que je présente, il y a un élément très concret du Principe de Joyce, à mon avis, qui est reconnu. On veut lutter contre toute forme de discrimination... et puis il faut reconnaître aussi qu'il y a eu de la discrimination systémique. Puis on veut aussi s'assurer qu'il y aura un accès équitable à des soins de santé au sein du service de santé, et toujours dans le respect de leur savoir, tout comme de leurs connaissances traditionnelles et vivantes en matière de santé. C'était une recommandation du Collège des médecins, et le sous-amendement vise, effectivement, à reconnaître et respecter leur réalité. Ce sont des termes qui, je vous le soumets, sont, je pense, plus précis, permettent de mieux cerner et, surtout, de mieux passer à une étape où on va être capables de travailler avec les membres des Premières Nations et des Inuits, pour s'assurer qu'évidemment toutes leurs réalités culturelles vont être respectées.

Puis pourquoi c'est important, puis pourquoi je prends la peine de présenter ce sous-amendement, et de parler du Principe de Joyce, qui est, au fond, au cœur de ce projet de loi, c'est que, dans le mémoire qui a été déposé devant la commission, lors des consultations particulières, par le Bureau du Principe de Joyce, on fait référence... et je cite la page 7, on dit : «Le rapport du coroner Kamel établit clairement qu'entre autres le racisme et les préjugés ont contribué à la mort de Mme Echaquan.» Et, à l'époque... on parle... bien, c'est en 2023... on dit que de nombreux Attikameks hésitent encore à solliciter des soins dans les établissements de santé québécois, ne se sentant pas en sécurité au sein de ces structures.

Et quand on parle, après ça, de la mise en œuvre de mesures de sécurisation culturelle, on dit : «Il demeure que les membres de nos nations disent n'en ressentir que très peu de soulagement. Il est possible que la raison vienne du fait que certaines initiatives soient mises en place...

M. Morin :...de manière non concertée, ayant ainsi trop souvent des résultantes superficielles ou partielles. Le pouvoir décisionnel demeure unilatéral et nos savoirs traditionnels sont trop souvent banalisés, voire ridiculisés.»

Et quand on lit ça et qu'on parle d'établissements de santé au Québec, je pense qu'il faut être capable, comme parlementaires, de reconnaître qu'il y a véritablement un problème, qu'il faut être capable de reconnaître leur réalité, et c'est l'objectif que je poursuis avec... avec le sous-amendement, pour être capable par la suite, une fois qu'on les a reconnus, qu'on les comprend, de respecter leur réalité. Ce n'est pas un élément qui est... Ce que le sous-amendement, ce qu'il apporte, c'est que ce ne sont pas des éléments déconnectés de la réalité.

Quand on lit le mémoire qui a été déposé le 13 septembre 2023. Je regarde la date d'aujourd'hui, ça ne fait à peine même pas un an, et qu'on dit que, dans certains endroits, non seulement des Atikamekw hésitent à solliciter des soins, mais ils ne se sentent pas en sécurité. On dit aussi que pour la sécurisation culturelle, ils n'en ressentent que très peu de soulagement et que les résultats souvent sont peu concluants, puis encore pire, que les savoirs traditionnels sont trop souvent banalisés, voire ridiculisés. Donc, je pense qu'il faut être capable, en tout cas comme législateurs, de reconnaître cet état de fait et d'essayer de faire en sorte que la législation puisse aider véritablement les membres des Premières Nations et des Inuits à sortir de cet état-là qui va faire en sorte qu'ils vont se sentir en sécurité.

Dans le mémoire de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador, quand on parlait de l'implantation d'une véritable approche de sécurisation culturelle, bien, on dit que ça exige de reconnaître des formes de discrimination pour qu'on soit capable d'adopter par la suite des mesures correctives efficaces. On dit, et puis on le dit clairement : «Une loi sur la sécurisation culturelle qui ne reconnaîtrait pas le racisme et la discrimination systémique serait contradictoire et inefficace.»

Alors, la question qui se pose, c'est : Voulons-nous travailler pour éventuellement adopter une loi qui va être contradictoire ou inefficace? Bien, moi, comme parlementaire, ça ne m'intéresse pas. Je voudrais qu'on adopte un projet de loi qui va faire en sorte... Il ne sera pas parfait, tout est perfectible, mais qui va permettre au moins aux gens de dire : On a quand même reconnu, dans un texte de loi, des éléments qui sont réels, qui existent et qui nous ont été soulevés par plusieurs groupes qui sont venus en commission parlementaire.

J'ai vu, on en a discuté, l'amendement proposé par monsieur le ministre. Pour moi, ça répond en partie à certaines préoccupations. Je pense qu'il faut aller plus loin. Et bien qu'il y ait des textes plus généraux, et je pense entre autres à la Déclaration des Nations Unies pour les peuples autochtones où on parle de l'importance qu'il n'y ait aucune forme de discrimination, quand on l'applique aux travaux de la commission, aux différents groupes qui sont venus nous parler, on a toujours fait référence au Principe de Joyce, et à ce moment-là, on parlait, tout dépendant des groupes, de racisme systémique ou de discrimination systémique, puis je pense qu'il faut le nommer pour qu'on soit capable, par la suite, avec les membres des Premières Nations et des Inuits, d'aller plus loin.

Le sous-amendement que je présente vise à reconnaître ça. Je salue l'amendement que monsieur le ministre a présenté. Je pense que...

M. Morin : ...un pas dans la bonne direction. Mais moi, je pense qu'il faut aller plus loin. Puis par la suite, quand on parle d'une approche qui doit permettre aux membres des Premières Nations et aux Inuits de bénéficier du meilleur état possible de santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle. Moi, je tiens, et je le souligne, je tiens à ce qu'on mette des mots, reconnaître et respecter, parce que, avec ces mots-là, c'est, en fait, c'est une décision du législateur. Éventuellement, c'est un texte législatif qui va faire en sorte que les gens qui auront à l'appliquer et qui auront à le lire vont voir très clairement ce qu'ils doivent faire. Donc, reconnaître les réalités culturelles et historiques dans l'organisation des soins et des services et dans toute interaction avec eux. Pourquoi? Bien, parce que quand on regarde certains mémoires qui ont été déposés, je le disais tout à l'heure, on dit nos savoirs traditionnels sont trop souvent banalisés, voire ridiculisés. Donc, il faut que les droits et le respect des droits des Premières Nations soient reconnus. D'ailleurs, toujours dans le mémoire du principe de Joyce, on ajoute un peu plus loin pour véritablement assurer la sécurité et le sentiment de confiance de nos membres. Puis on l'a vu un peu plus tôt aujourd'hui et je l'ai lu dans un des mémoires, il y a un lien qui est brisé, le lien de confiance qui est brisé. Donc il faut être capable de refaire ce lien de confiance entre les communautés des Premières Nations et des Inuits et notre système de santé. Donc, le respect des droits est primordial pour ramener ce sentiment de sécurité et de confiance. Et dans le mémoire, on dit la mémoire est le fruit de la mise en commun du savoir «expérimenciel», mais aussi de consultations avec nos partenaires des centres de santé, des communautés atikamekw ainsi que de la Direction de la protection sociale de la Nation.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Désolé de vous interrompre. Compte tenu de l'heure, la Commission ajourne ses travaux au mercredi 18 septembre 2024 à 11 h 15 où elle entreprendra un autre mandat. Merci, passez une belle soirée. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 h 30)


 
 

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