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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Tuesday, April 30, 2024 - Vol. 47 N° 68

Special consultations and public hearings on Bill 56, An Act respecting family law reform and establishing the parental union regime


Aller directement au contenu du Journal des débats


 

Journal des débats

9 h 30 (version non révisée)

(Neuf heures quarante-cinq minutes)

Le Président (M. Bachand) :Bonjour à tous. À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale. Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Bourassa (Charlevoix-Côte-de-Beaupré) est remplacée par Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac); M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri-Sainte-Anne).

Le Président (M. Bachand) :Merci. Nous allons débuter ce matin par les remarques préliminaires, puis nous entendrons par la suite les personnes et organismes suivants : Me Andréanne Malacket, professeure à l'Université de Sherbrooke - très bonne université, bien sûr, dans une belle région; l'Union des notaires du Québec; et Me Jean Lambert, notaire. Donc, on débute par les remarques préliminaires. M. le ministre, pour six minutes, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Salutations, puis vous avez très raison relativement à l'Université de Sherbrooke.

Alors, chers collègues, nous entamons aujourd'hui une étape importante, celle des consultations particulières du projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale. Ce projet de loi vient poser le troisième jalon de la vaste réforme du droit de la famille entreprise par le gouvernement en 2021.

Réclamé et attendu depuis plus de 10 ans, ce volet de la réforme porte sur la conjugalité, est de loin celui qui touchera le plus grand nombre de familles québécoises. En effet, au Québec, la proportion de couples non mariés a quintuplé au cours des 40 dernières années, passant de 8 % à 42 %. Le Québec se distingue ainsi non seulement du reste du Canada, mais aussi à l'international, en ce qui a trait au taux d'unions libres. À titre comparatif, la Suède est le pays où le taux d'unions... de couples en union libre est le plus élevé dans le monde, et il se situe à seulement...

M. Jolin-Barrette : ...33 %. Ce nouveau portrait conjugal a évidemment des impacts sur les parents et sur les enfants qui naissent désormais en grande majorité hors mariage, soit à hauteur de 65 %. Élaboré dans les années 80, le cadre législatif qui régit notre droit familial encore aujourd'hui ne tient pas compte de ces nouvelles dynamiques familiales et surtout n'y est pas adapté. Bien que hautement saluée à l'époque, la dernière réforme du droit de la famille de feu Marc-André Bédard nécessitait donc une importante mise à jour.

Le projet de loi n° 56 présente une solution équilibrée qui reflète la nouvelle trajectoire familiale qu'empruntent désormais les Québécoises et les Québécois. La réforme propose la mise en place des protections nécessaires pour éviter que les enfants ne subissent les contrecoups de la séparation de leurs parents, tout en maintenant le libre choix pour les couples qui souhaitent convenir d'une entente qui leur est propre. Soulignons que la réforme proposée a été de manière générale bien accueillie par la population au moment de son dépôt.

Nous entamons donc cette étape des consultations avec ouverture et écoute les conseils, les préoccupations, les propositions qui ne seront partagées au cours des prochains jours par les divers intervenants qui viendront témoigner devant la commission continueront à bonifier notre réflexion quant au cadre qui protégera les familles pour les prochaines décennies.

Avant de vous céder la parole, permettez-moi de vous résumer brièvement les quatre mesures phares que nous proposons dans le projet de loi n° 56.

Tout d'abord, le projet de loi propose d'introduire un nouveau régime d'union parentale qui s'appliquerait aux conjoints de fait qui deviendront éventuellement parents d'un même enfant.

L'union parentale serait ainsi formée lorsque deux personnes deviennent parents d'un même enfant après la date d'entrée en vigueur de la loi, font vie commune et se présentent publiquement comme un couple.

Ce régime entraînerait la constitution d'un patrimoine parental composé de la résidence familiale, des meubles de la résidence ainsi que des véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille.

Le patrimoine s'appliquerait automatiquement aux conjoints de fait dès que les conditions seraient remplies. Toutefois, les conjoints pourraient, d'un commun accord, retirer des biens du patrimoine d'union parentale ou se retirer complètement de son application.

Il était hors de question pour nous de marier les gens de force au Québec. L'autonomie décisionnelle est au cœur de notre droit civil, il importe que les gens soient libres de décider pour eux-mêmes.

Soulignons aussi que les parents non mariés qui le souhaiteraient et dont les enfants sont nés avant l'entrée en vigueur de la loi pourraient décider d'adhérer au patrimoine d'union parentale et bénéficier d'un processus simplifié.

Le projet de loi n° 56 propose aussi d'instaurer des mesures de protection de la résidence familiale. Nous voulons éviter qu'un parent ne se retrouve du jour au lendemain en position de vulnérabilité avec ses enfants parce qu'il n'est pas propriétaire de la maison familiale. Ainsi, en cas de séparation, le tribunal pourrait attribuer un droit d'usage temporaire de la résidence familiale au conjoint qui obtiendrait la garde des enfants, même s'il n'en est pas propriétaire, cela lui permettrait de prendre le temps de se reloger convenablement et d'assurer une transition plus en douceur pour les enfants.

La réforme que nous proposons inclut également des mesures visant à contrer la violence judiciaire. Malheureusement, nous avons constaté au cours des dernières années que certains citoyens se servent du système de justice pour nuire à leur ex-conjoint en multipliant les procédures judiciaires qui sont évidemment source de stress et qui peuvent être coûteuses. Trop souvent, ce sont les enfants qui se retrouvent au milieu des conflits et qui en sont les victimes collatérales, ne sachant pas trop comment ils doivent se positionner entre leurs deux parents. Nous donnons donc les outils aux juges et aux tribunaux pour qu'ils puissent déceler ce type d'abus en matière de droit familial et les sanctionner.

La dernière mesure phare du projet de loi concerne l'héritage et prévoit de nombreux droits successoraux... de nouveaux droits successoraux pour les conjoints en union parentale. À l'heure actuelle, si un conjoint de fait décède sans nécessairement 100 % de son héritage va à ses enfants, le conjoint survivant risque de se retrouver dans une situation de précarité financière en plus de vivre son deuil. Imaginez le conjoint survivant qui doit payer un loyer à ses enfants pour habiter dans la maison dans laquelle il a vécu depuis les 20 dernières années. C'est insensé. Et pourtant ce sont des situations qui ont cours actuellement.

• (9 h 50) •

Avec cette nouvelle mesure, en l'absence du testament, le conjoint survivant pourra hériter dans la... dans les mêmes proportions que s'il avait été marié avec le défunt, soit dans la répartition suivante : un tiers pour le conjoint survivant, pourvu qu'ils aient fait vie commune durant un mois avant le décès... au moins un an avant le décès, et deux tiers pour les enfants, comme en mariage.

Cela dit, la liberté testamentaire demeure et un conjoint pourra toujours décider de partager son héritage d'autres façons.

En conclusion, M. le Président, la réforme s'adresse aux couples qui relèveront ce grand défi qu'être celui de devenir parent au cours des prochaines années. Elle met en place un filet de sécurité pour assurer la plus grande stabilité possible aux enfants en cas de séparation, tout en maintenant la possibilité pour les parents qui le souhaitent de convenir ensemble d'une entente qui leur est propre.

Le droit de la famille constitue sans doute l'un des plus importants cadres juridiques de l'État québécois, car la famille est au fondement même de notre société et elle en est, pour ainsi dire, la clé de voûte. Les discussions que nous aurons aujourd'hui auront des répercussions pour les générations à venir.

Et j'entame cette commission parlementaire avec ouverture et surtout avec un... un bonheur, M. le Président, parce qu'enfin nous arrivons à une réforme qui était attendue et nécessaire depuis fort longtemps. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Avant de passer la parole à l'opposition officielle, est-ce qu'il y aurait consentement pour octroyer une minute pour les remarques préliminaires au député de Jean-Talon?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Bachand) :O.K. Merci beaucoup. Alors, M. le député de l'Acadie pour 4 min 30 s, s'il vous plaît.

M. Morin : ...bien, écoutez, M. le ministre vient de parler d'ouverture alors on a... on a consenti, n'est-ce pas?

Bonjour, M. le ministre. Bonjour, M. le Président. Pr Roy, bonjour. Je suis heureux de vous retrouver en commission parlementaire, M. le Président. Je salue mes collègues...

M. Morin : ...collègues députés, les collègues qui accompagnent M. le ministre, qui sont fonctionnaires, qui ont un rôle important à jouer dans tout projet de loi. Heureux d'être accompagné de mon collègue M. Bourret.

Et mes remarques préliminaires, je vous dirai, seront les suivantes. C'est un projet de loi qui était fort attendu, disons-le comme ça, et qui a suscité, immédiatement après son dépôt, un grand nombre de commentaires dans les journaux. Bien, souvent, il y a une réaction d'experts, de professeurs, de journalistes, quand on... quand il y a un projet de loi qui est déposé. Mais là on en a eu de toutes les sortes, tous azimuts. Alors, il y a des gens qui disaient : C'est... C'est très bien, d'autres qui disaient : Ça va trop loin, d'autres qui disaient : Ce n'est pas assez loin. Et vous comprendrez donc l'importance... Et c'est pour ça qu'on a... qu'on a soumis un nombre important de groupes pour les consultations parlementaires, compte tenu... compte tenu de l'impact du projet de loi et, entre autres, des réactions que ce projet de loi a suscitées.

C'est un projet de loi qui vient apporter un encadrement juridique à un très grand nombre de couples. M. le ministre référait à certaines statistiques. Moi, des statistiques que j'ai trouvées, c'est qu'en 2022, il y avait 43 % des couples au Québec qui vivaient en union libre, mais il y avait seulement 8 % des couples qui ont une convention de vie commune. Donc, c'est vous dire l'écart. Puis quand on regarde un peu les statistiques, on se rend compte qu'il y a aussi un nombre important de couples qui s'imaginent que l'ensemble des lois s'applique... s'applique à leur... à leur situation, ce qui n'est pas... ce qui n'est pas le cas. Donc, le projet de loi vient créer un encadrement pour ces couples. Mais évidemment, parce que... parce que ça touche un très grand nombre de familles et puis éventuellement d'enfants, je pense qu'il est très important qu'on puisse avoir recours en consultations parlementaires à plusieurs groupes et à des experts pour qu'on soit capables, évidemment, de bien évaluer l'impact de ce projet de loi sur les familles... sur les familles québécoises. Et c'est la raison pour laquelle, enfin, moi, je suis très heureux de participer à ce projet de loi là et de pouvoir dialoguer avec des experts sur le sujet. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :...M. le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, pour une minute 32 secondes, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, M. le Président. Content de vous retrouver également. Merci au ministre et à... et à nos collègues des oppositions. Merci aux équipes juridiques également. Content de vous retrouver. Merci pour votre travail en amont et qui va se continuer dans l'ensemble de cette consultation.

Mon collègue vient de le mentionner, c'est une réforme importante qui était attendue, alors j'ai très hâte d'entendre les groupes et les interventions. Ils sont nombreux, avec des points fort pertinents, fort détaillés. On a la chance de pouvoir compter sur quelques centaines de pages d'avis, là, si on cumule tout ça, donc on va avoir beaucoup de travail. Alors, allons-y, M. le Président, attelons-nous à la tâche. Et je garderai mes commentaires pour quand on sera un peu plus avancés dans l'étude du projet de loi. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Jean-Talon, pour une minute, s'il vous plaît.

M. Paradis : Merci beaucoup. Salutations à toutes les équipes, et bravo pour le travail qui a été accompli, qui mène jusqu'au projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui. C'est en quelque sorte l'aboutissement d'un chantier lancé par un gouvernement du Parti québécois, hein? C'est en... C'est le 19 avril 2013 que le professeur Roy s'est vu confier la présidence de... du comité qui a mené au rapport qui va servir de base à nos travaux aujourd'hui. La société évolue, il faut adapter le droit de la famille à cette évolution. Il faut le faire avec mesure, en tenant compte des données probantes, en tenant compte des expertises, des avis qu'on va recevoir. Alors, on sera là pour travailler en collaboration avec les collègues de l'opposition et du gouvernement. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de Jean-Talon. Donc, on va débuter les auditions avec Me Andréanne Malacket, professeure de droit à l'université de Sherbrooke. Merci beaucoup d'être avec nous. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, après ça, on aura une période d'échange avec les membres. Alors, la parole est à vous. Merci.

Mme Malacket (Andréanne) : M. le ministre de la Justice, M. le Président de la commission, Mesdames et Messieurs les membres de la commission, bonjour. Alors, je tiens tout d'abord à vous remercier de l'invitation à me présenter devant vous ce matin pour échanger sur le projet de loi n° 56 dans le cadre des consultations particulières sur la réforme du droit de la famille qui débutent ce jour. Puisque le temps qui m'est imparti est court, j'entre donc immédiatement dans le vif du sujet. Je m'adresserai à vous en trois temps pour vous transmettre mes réflexions...

Mme Malacket (Andréanne) : ...d'abord, sur la philosophie d'ensemble du projet de loi n° 56, ensuite, sur la question de la vocation successorale du conjoint de fait survivant et, finalement, sur l'enjeu concernant l'encadrement des rapports pécuniaires conjugaux en mariage.

Philosophie d'ensemble du projet de loi n° 56. Premier élément, j'accueille favorablement le projet de loi n° 56, qui vise à parachever la seconde partie de la réforme du droit de la famille consacré à la conjugalité. Je tiens d'entrée de jeu à souligner que je suis d'accord avec le nouveau régime d'union parentale proposé, qui conçoit le besoin d'encadrement des rapports pécuniaires conjugaux au regard de la naissance d'enfants communs aux couples. C'était d'ailleurs l'idée mise de l'avant dans le rapport Roy, la réforme proposée aux parents... un équilibre délicat, à mon sens, entre les droits et les devoirs des parties en cause.

Deuxième élément, je suis d'accord avec la constitution d'un patrimoine d'union parental tel que proposé dans le p.l. 56, lequel est en partie calqué sur le patrimoine familial. Plus spécialement, je suis favorable à la composition du patrimoine d'union parental envisagé qui vise la résidence principale de la famille, les meubles meublants et les véhicules à l'usage de la famille. Je suis également à l'aise avec l'exclusion des régimes de retraite de ce patrimoine d'union parentale. En effet, ils ne sont pas un bien à caractère familial comme le sont la résidence, les meubles, les véhicules. Sur le plan des principes, on peut donc considérer que ces biens sont propres à chaque conjoint puisqu'ils sont intrinsèquement liés à la formation acquise par chacun d'entre eux et aussi à leurs efforts sur le plan professionnel.

En outre, je souligne que le partage de ces gains a normalement lieu lorsque les enfants sont autonomes et ont quitté le domicile familial. Si la réforme se justifie d'abord et avant tout par la nécessité d'assurer aux enfants une meilleure stabilité, il paraît donc difficile d'en justifier l'inclusion. Cela dit, j'invite les parlementaires à amender le projet de loi n° 56 afin d'inclure les résidences secondaires dans le patrimoine d'union parentale. Comme elles sont un bien à usage de la famille au même titre que la résidence principale, rien ne me paraît en justifier l'exclusion.

Troisième élément, je suis entièrement favorable à la possibilité de se soustraire au patrimoine d'union parental. Il s'agit d'un choix qui vise à mettre en œuvre une valeur sociale et juridique légitime, la liberté contractuelle et l'autonomie de la volonté. J'ajouterais que la réforme doit être envisagée en ayant en tête pour premier bénéficiaire nos enfants et nos petits enfants et non pas nos mères et nos grands-mères, dont le besoin de protection était différent à une époque qui n'est pas la nôtre.

Quatrième élément, je suis d'accord avec l'orientation compensatoire plutôt qu'alimentaire privilégiée dans le projet de loi n° 56. En l'occurrence, on y met de l'avant l'idée voulant que l'État n'ait pas à imposer aux conjoints de fait un devoir de solidarité, comme c'est le cas pour les conjoints mariés, s'agissant plutôt de compenser un conjoint qui se serait appauvri aux mains de l'autre, l'enrichi. En conséquence, l'opportunité d'introduire une prestation compensatoire, qui se fonde justement sur cette idée de compensation plutôt qu'une obligation alimentaire qui se fonde, elle, sur un devoir de solidarité, prend tout son sens à mon avis. Aussi, je suis favorable à l'adoption du mécanisme de prestation compensatoire pour les conjoints d'union parentale sans possibilité de s'en soustraire, il faut le dire.

• (10 heures) •

Cinquième élément le législateur devrait toutefois, à mon sens, renforcer davantage ce dernier régime. Je vous réfère à mon mémoire pour le détail au sujet de la méthode de calcul du montant dû au titre de compensation, la valeur reçue étant... la méthode reçue par le projet de loi, la méthode... pas reçue, mais la méthode retenue par le projet de loi avec laquelle je suis favorable, sujet à certaines nuances. J'insiste toutefois aujourd'hui devant vous sur l'importance d'adopter des lignes directrices des barèmes, donc ,de compensation afin de permettre d'établir avec précision le montant de compensation dû, ce que proposait aussi le rapport Roy. Ces lignes directrices permettraient non seulement d'encadrer davantage le recours, mais auraient, au surplus, l'avantage de neutraliser une interprétation éventuellement restrictive de la mesure, tout en favorisant davantage de prévisibilité pour le conjoint d'union parentale. Le législateur devrait, en outre, à mon sens, et toujours dans cette même perspective, adopter un certain nombre de présomptions d'appauvrissement et d'enrichissement pour faciliter la preuve des éléments justifiant l'octroi d'une prestation compensatoire. À nouveau, je vous réfère à mon mémoire pour plus de détails ici.

Deuxième sujet : la vocation successorale... du conjoint survivant. Depuis l'accession de l'époux survivant au statut d'héritier légal en 1915, le droit québécois est demeuré quasi inchangé au chapitre de la vocation successorale du conjoint survivant. Au vu des transformations conjugale et familiale qui se sont opérées durant les 100 dernières années, n'est-ce pas, je me réjouis de l'intérêt nouveau porté à la question. Je salue donc la modification proposée dans le PL 56, qui vise à modifier l'article 653 du Code civil du Québec afin que les conjoints d'union...


 
 

10 h (version non révisée)

Mme Malacket (Andréanne) : ...soit considéré comme un conjoint survivant, aux fins de la dévolution légale de la succession du conjoint prédécédé. La mesure, par contre, si elle doit être saluée, demeure, à mon sens, incomplète. Dans l'état actuel du p.l. n° 56, il faudra être conjoint d'union parentale, c'est-à-dire avoir un enfant commun avec le défunt pour voir son statut reconnu aux fins de la dévolution légale. Pourtant, ce sont les affections présumées, c'est-à-dire les affections qu'on peut raisonnablement prêter à un défunt type à l'égard des membres de sa famille, ici, le conjoint de fait survivant, que reposent les règles de dévolution légale. Or, ici, les affections présumées ne suffisent pas et sont éludées au profit de l'union de droit, matérialisée ici sous la forme de la nouvelle union parentale.

Ce qui est, toutefois, encore plus préoccupant, à mon sens, c'est que le projet de loi n° 56 opère une distinction à l'intérieur même du cercle privilégié des conjoints de fait avec enfants communs, puisque seuls ceux dont un... au moins un enfant commun sera né après le 29 juin 2025 seraient visés par la mesure. Or, je vous pose la question : Est-il raisonnable de présumer que les conjoints de fait dont tous les enfants communs sont nés avant le 30 juin 2025 ne s'aiment pas, alors que c'est le contraire pour ceux dont la postérité naîtra, en tout ou en partie, à compter de cette date? Bien sûr que non. Les affections présumées ne peuvent pas se décliner au regard d'une arbitraire date de calendrier.

Par ailleurs, je me permets aussi de réfuter les arguments ayant conduit le Comité consultatif sur le droit de la famille à recommander le statu quo sur l'absence de vocation successorale ab intestat du conjoint de fait survivant, une recommandation qui, fort heureusement, n'est pas entièrement suivie dans le projet de loi n° 56. Pour justifier l'exclusion du conjoint de fait, le rapport Roy se base sur la volonté de protéger les enfants issus d'un premier lit et sur l'importance de préserver la liberté contractuelle des conjoints de fait. Ces arguments sont certes séduisants, mais ils ne résistent pas à une analyse plus approfondie des lieux.

D'abord, ils ne tiennent pas compte du fondement même des règles de dévolution légale, j'en ai parlé, les affections présumées. Ensuite, admettre le conjoint de fait survivant dans le cercle des héritiers légaux ne remet pas en cause la liberté des conjoints de fait, comme on l'avance dans le rapport Roy. Au contraire, la liberté de tester, le ministre l'a dit, est un principe-phare du droit successoral québécois, et la reconnaissance d'une vocation successorale légale au conjoint de fait survivant n'y changerait absolument rien. Enfin, on notera que la position du rapport Roy ignore les recommandations étoffées émises en 1996 par le Comité interministériel sur les unions de fait et, en 1978, par l'Office de révision du Code civil, lesquels avaient, tous deux, suggéré l'admission du conjoint de fait survivant comme héritier légal. Je vous réfère à mon mémoire pour plus de détails à ce sujet.

Enfin, dernier point de réflexion, l'encadrement des rapports pécuniaires conjugaux en mariage. En proposant la création de son nouveau régime d'union parentale, le projet de loi n° 56 cesse de concevoir l'encadrement des rapports pécuniaires conjugaux en fonction de l'unique dichotomie union de fait-mariage. Il propose donc des mesures qui tirent leur source dans ce qui impacte de facto les rapports économiques des conjoints entre eux, à savoir la naissance d'un enfant. Or, du même souffle, le projet de loi n° 56 omet d'étendre la réflexion à l'encadrement des rapports patrimoniaux des conjoints mariés. Ainsi, on ne questionne pas la légitimité de l'approche paternaliste du législateur envers les époux, qui ne peuvent se soustraire, même en partie, au régime primaire impératif prévu au Code civil du Québec. Pourtant, le projet de loi n° 56 reconnaît le droit des conjoints de fait en union parentale de se soustraire du patrimoine d'union parentale, calqué sur le patrimoine familial. Pourquoi, donc, nier cette possibilité aux époux?

Comprenez-moi bien, je ne dis pas que le régime primaire impératif en mariage n'a pas sa place, mais le mariage n'est pas que partenariat économique ou institution civile, il est aussi institution religieuse, sociale et culturelle. Des personnes peuvent vouloir se marier et avoir des enfants, mais sans pour autant adhérer à l'idée d'un encadrement strict et englobant de leurs rapports pécuniaires conjugaux. Il s'agit là d'enjeux fondamentaux que le projet de loi n° 56 met de côté. Or, cette réflexion devra, tôt ou tard, être menée, parce qu'elle paraît nécessaire pour vraiment achever la réforme, nécessaire parce que la société a changé.

En conclusion, je formule donc le souhait que le législateur poursuive ses efforts de réformer le droit de la famille par le truchement d'une phase III, eh oui, une phase III, qui permettrait à la vision qui se dégage du projet de loi n° 56 de se déployer pleinement, même en mariage, comme, d'ailleurs, l'avait suggéré le rapport Roy. J'ajoute, finalement, qu'en parachevant le projet de loi n° 56 les parlementaires pourraient également se saisir des solutions mitoyennes qui existent au regard de l'absence de rétroactivité de la loi... du projet de loi, en fait, qui a été critiquée par plusieurs. Mon mémoire en traite, je vous y réfère à nouveau.

Je vous remercie de votre écoute et je demeure, évidemment, disponible pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Je me tourne vers le gouvernement, pour 16 min 30 s. M. le ministre de la Justice, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Pre Malacket, merci beaucoup d'être aujourd'hui avec nous...

M. Jolin-Barrette : ...au début, bien, en fait, comme on dit, d'inaugurer les... les consultations en matière de droit de la famille sur le projet de loi n° 56. Merci de vos éclairages. Merci de votre mémoire également. Vous êtes professeur de droit de la famille notamment à l'Université de Sherbrooke et accessoirement vous occupez plein d'autres fonctions.

Globalement, là, vous êtes d'avis que le projet de loi est une avancée sociale importante. Je crois avoir lu un article là-dessus dans les journaux, là, suite au dépôt du projet de loi.

Mme Malacket (Andréanne) : Oui, effectivement, vous avez raison. Je pense qu'il faut applaudir ce projet de loi là. Ça faisait longtemps, vous l'avez dit, qu'il était attendu. La dernière réforme sur le droit de la conjugalité date des années 80 avec la réforme, la grande réforme de 1980, la loi 89. Donc, on était dû pour ce genre de réforme, et personnellement, j'accueille très favorablement ce qui est proposé dans le projet de loi, à savoir à mon sens, un équilibre vraiment, là, entre les droits, les devoirs des conjoints de fait, ici, avec enfants. Je pense que la façon suggérée par le projet de loi de concevoir l'encadrement des rapports pécuniaires conjugaux, c'est-à-dire au regard de l'enfant, est la... est la voie à suivre. C'est d'ailleurs ce qu'avait proposé le rapport Roy, là, donc c'est... ce n'est pas une idée qui est nouvelle. Donc effectivement, je suis tout à fait favorable à ce projet de loi là. Ceci étant dit, comme dans n'importe quoi dans la vie, on peut toujours bonifier les choses, donc évidemment, on... on pourrait en faire encore davantage.

M. Jolin-Barrette : J'ai une question pour vous. Suite au dépôt du projet de loi, il y a eu certaines critiques relativement au projet, relativement au fait que le projet de loi créait trois catégories d'enfants. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, savoir ce que vous en pensez.

Mme Malacket (Andréanne) : En fait, j'ai détaillé cet argument-là un peu dans mon mémoire, là. Bon, pour moi, cet argument-là ne tient pas la route, là. Sur le plan des principes, ça ne se défend pas. On ne peut pas concevoir le principe d'égalité des enfants en fonction du statut économique ou de la position du point de vue patrimonial de leurs parents. Ce n'est pas comme ça qu'on conçoit... qu'on doit concevoir la chose. C'est d'ailleurs... c'est d'ailleurs une façon de voir qui a été complètement mise de côté dans les années 80, hein? Si on fait le parallèle avec, à l'époque, la distinction qu'on faisait entre les enfants et les familles légitimes versus les enfants et les familles illégitimes, donc c'est... Pour moi, ce n'est absolument pas la façon de concevoir les choses.

D'ailleurs, si on pousse l'argument un petit peu plus loin, on se rend compte, là, qu'on pourrait s'amuser à créer un paquet de catégories supplémentaires. Par exemple, considérer que les enfants de conjoints mariés en séparation de biens sont dans une position moins enviable que ceux qui se sont mariés en société d'acquêts, lesquels sont même dans une position moins enviable que ceux mariés en communauté de biens et d'acquêt. Donc, je pense qu'on n'a pas fini si on s'en remet à cette façon de voir les choses qui pour moi n'a pas sa raison d'être. Le fait de distinguer entre deux situations avoir des enfants, ne pas avoir d'enfants et être en union de fait, être un mariage ne veut pas nécessairement dire faire une distinction qui est discriminatoire au sens d'ailleurs des droits fondamentaux. Je vous rappelle ici qu'il faut se rappeler quand même que la Cour suprême a validé le régime actuel, hein? Et le régime actuel, qu'est-ce qu'il prévoit pour les conjoints de fait? Rien pantoute. Donc, je ne pense pas qu'on puisse vraiment prendre cet argument-là et lui faire faire beaucoup de chemin.

• (10 h 10) •

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, ce que vous dites, c'est... dans le fond, c'est une vision passéiste de dire : Bien, ça crée des catégories d'enfants distinctes, alors que le droit actuel, si je vous comprends bien, à l'intérieur même du mariage avec les régimes matrimoniaux, parce que le régime par défaut pour les gens qui nous écoutent, c'est la société d'acquêts si vous n'allez pas chez le notaire pour changer de régime matrimonial. Sinon, il y en a qui vont chez le notaire, puis ils se marient sous la séparation de biens. Déjà, il y a une distinction au sein du régime matrimonial, donc ça existe déjà cette distinction-là. Donc déjà, si on suit la logique des gens qui prétendent ça, qu'il y a déjà des catégories d'enfants.

Mme Malacket (Andréanne) : Absolument, mais ce n'est pas ça des catégories d'enfants.

M. Jolin-Barrette : O.K.

Mme Malacket (Andréanne) : Des catégories d'enfants, ce sont des enfants dont les droits sont différents en raison des circonstances de leur naissance. Donc, on parle des droits alimentaires, des droits successoraux, des droits à l'autorité parentale. C'est ça, catégoriser les enfants, et ça, on ne le fait plus depuis 1980 fort heureusement, et le projet de loi n° 56 n'implique pas un recul à cet égard là. Pas du tout.

M. Jolin-Barrette : Et on ne fait pas de catégories d'enfants dans le cadre du projet loi 56?

Mme Malacket (Andréanne) : Non.

M. Jolin-Barrette : O.K. J'aimerais vous entendre sur les résidences secondaires. Dans le fond, lorsqu'on a construit les régimes, on a amené une distinction relativement au patrimoine familial versus le patrimoine de l'union parentale. Vous, vous dites : On devrait inclure les résidences secondaires dans le cadre du patrimoine union parentale. Pourquoi?

Mme Malacket (Andréanne) : Bien, en fait, il n'y a pas vraiment de raison, sur le plan des principes, là, de les distinguer. Si on...

Mme Malacket (Andréanne) : ...on est une famille suffisamment à l'aise pour avoir non seulement une résidence principale de la famille, hein, là où on exerce nos principales activités, mais aussi une ou des résidences secondaires, le chalet en Estrie, le condo à Tremblant, la maison à Charlevoix, name it. Je ne vois pas pourquoi on devrait exclure ça. Ce sont des biens qui sont à l'usage de la famille, qui sont à l'usage des deux conjoints, qui sont à l'usage des enfants. Il n'y a pas vraiment de raison de les distinguer de la résidence principale de la famille. D'ailleurs, dans le patrimoine familial, cette distinction-là n'est pas faite. Ceci étant dit, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire des distinctions entre le patrimoine d'union parentale et le patrimoine familial, mais, quand on distingue à mon sens, il faut quand même rechercher les justifications à ça et les fondements à ça. Et ici, j'avoue que j'ai un peu de misère à le voir, là.

M. Jolin-Barrette : Puis, tout à l'heure, vous avez dit, vous, vous êtes à l'aise d'avoir un patrimoine dans le fond d'union parentale versus, supposons, une pension alimentaire entre ex-conjoints. Le fait que le législateur choisit, avec la proposition qu'on a, dans le cadre du projet de loi, d'y aller par création d'un patrimoine, puis c'est ce patrimoine-là qui devient partageable, vous êtes à l'aise avec le fait qu'il n'y ait pas de pension alimentaire pour ex-conjoint de fait?

Mme Malacket (Andréanne) : Oui, tout à fait. Et je mettrais davantage en ballant la question de la pension alimentaire avec l'orientation compensatoire, là, qui est privilégiée dans le projet de loi, parce que c'est davantage là, là, où je pense qu'on peut faire les distinctions. C'est une question de philosophie, hein, la pension alimentaire repose sur une idée qu'on veut imposer un devoir de solidarité au conjoint. On peut adhérer à ça ou pas. Ici, dans la mouture actuelle du projet de loi, on n'adhère pas à ça.

Ce qu'on dit, par contre, c'est il faut quand même les compenser, ces conjoints de fait là, s'ils ont subi des désavantages économiques consécutivement à la naissance des enfants. Mais, quand on veut compenser quelqu'un en droit civil, le bon mécanisme, ce n'est pas la pension alimentaire, c'est la prestation compensatoire. Et là, évidemment, on a entendu des craintes légitimes de certains groupes, de certaines personnes, à savoir, bon, mais la prestation compensatoire, ça a été historiquement interprété de façon restrictive.

Bon, ce genre d'argument là, bien, il faut savoir qu'il y a moyen de contrer tout ça, et je le mentionnais un petit peu plus tôt, en créant un régime un peu plus renforcé et notamment en adoptant des barèmes de compensation qui nous permettraient de nous assurer que l'appauvrissement réel... et ici, je comprends que la préoccupation, c'est souvent l'appauvrissement réel du conjoint qui reste à la maison, à la suite de la naissance des enfants, donc plus souvent la femme que l'homme, malgré que ça pourrait être l'inverse. Donc, il faut vraiment s'assurer de compenser l'appauvrissement réel de cette personne-là, donc avoir une approche ou une interprétation libérale de la méthode de calcul qui est privilégiée dans le projet de loi, ça... c'est-à-dire la méthode de calcul de la valeur accumulée... pas accumulée, reçue. Et il faut également, comme je le disais... on aurait avantage, en fait, à écrire des... des lignes directrices qui en elles-mêmes intégreraient cette interprétation large et libérale de ce que doit être une compensation au regard de l'appauvrissement réel d'une personne. Je détaille ça un petit peu dans le mémoire, là. Je ne sais pas si vous voulez qu'on entre davantage dans le sujet, là.

M. Jolin-Barrette : Bien, peut-être juste avant d'y aller sur... sur les lignes directrices à détailler relativement à prestation compensatoire, j'aimerais juste vous ramener un pas en arrière relativement, justement, à cette prestation compensatoire là, puis relativement au choix du législateur d'utiliser la méthode de calcul de la valeur marchande plutôt que de la valeur accumulée. Parce que j'ai écouté avec intérêt votre passage à Tout le monde en parle. Puis manifestement, vous n'avez pas eu suffisamment de temps pour expliquer tout ça. Alors, je voudrais que vous nous l'expliquiez ce que vous vouliez dire.

Mme Malacket (Andréanne) : Oui. Effectivement, je n'ai pas eu assez de temps. Bien, en fait, la méthode de la valeur reçue, c'est la méthode de calcul de droit commun, la méthode de calcul propre au droit civil. Et c'est une méthode de calcul qui nous permet de calculer la compensation en tenant compte de l'appauvrissement ou de l'enrichissement, le moindre des deux montants, là, chez les conjoints. La méthode de la valeur accumulée, c'est une méthode qui a été développée dans la jurisprudence via la common law canadienne, où finalement on calcule le montant de compensation autrement, c'est-à-dire en prenant la valeur nette du patrimoine, de la valeur nette du patrimoine de l'enrichi, et en décidant d'en octroyer entre 20 % et 40 % en termes de valeur au conjoint qui s'est appauvri. Donc, on crée là ni plus ni moins une espèce de régime de partage de biens sui generis...

Mme Malacket (Andréanne) : ...perspective civiliste est étrangère à ça. Alors, on a du droit civil ici au Québec. On devrait en être fier. On a un Code civil, on a une tradition à cet égard-là et une perspective à cet égard-là. Et en droit civil, le montant de la compensation doit être établi par le législateur au moyen d'une méthode de calcul claire, ce que permet de faire la méthode de la valeur reçue ou de la valeur marchande, donc, en prenant tout simplement le moindre de l'appauvrissement ou de l'enrichissement. Alors que la méthode de la valeur accumulée, elle, donne un pouvoir de création du droit aux juges parce qu'ultimement c'est eux qui vont décider en quelque sorte de partager, via cette compensation-là, de partager en quelque sorte, là, les biens entre les conjoints de fait. Donc il y a ça.

Par ailleurs, il faut faire attention. La méthode de la valeur reçue a trop souvent été interprétée restrictivement par les tribunaux québécois. C'est à dire, si je prends un exemple, prenons l'exemple du... de la femme et de son conjoint. Ils sont ensemble. Ils ont un enfant. Mme, par exemple, est ingénieure, abandonne le marché du travail pendant cinq ans pour se consacrer au soin des enfants. Le montant de son appauvrissement, c'est son salaire d'ingénieur pendant cinq ans puis les avantages rattachés à ça. Ce que la jurisprudence a parfois tendance à faire, erronément à mon sens, c'est de dire : Bien, dans le fond, le montant de l'appauvrissement, ce n'est pas le montant de la valeur du salaire de cette femme-là, c'est le montant du salaire de ce qu'elle a effectivement fait pendant cinq ans, c'est-à-dire garder, entre guillemets, des enfants et éduquer des enfants. Donc, ce qu'on va lui donner comme montant de compensation, ce n'est pas son salaire d'ingénieure, c'est un salaire de gardienne d'enfants puis d'éducatrice.

Ça, c'est un problème. Cette façon de concevoir les choses, là, ne concorde pas avec la position d'ailleurs de la Cour suprême voulant qu'il faille interpréter de manière large, souple et libérale, la méthode de la valeur reçue. Ici l'appauvrissement réel, là, dans mon exemple de la femme, c'est son salaire d'ingénieure, ce n'est pas le salaire qu'elle aurait eu si elle avait été éducatrice d'enfants. Donc ça, c'est une espèce de «bottom line», et il faut être en mesure d'envoyer, je pense, via le projet de loi no 56, un signal clair aux tribunaux, que ce «bottom line-là» est en... est vraiment un minimum. Il faut apprécier chacune des situations pour ce qu'elles sont vraiment, ici, mon salaire d'ingénieure.

Comment on fait pour envoyer un signal clair aux tribunaux? On en jase entre nous, ils vont peut-être nous lire un jour, mais on peut aussi être encore plus certains et adopter des lignes directrices. Ces lignes directrices là, si elles épousent l'interprétation généreuse, large, souple de la méthode de la valeur reçue, bien, on va être certains d'avoir un juste un montant de compensation qui va être octroyée au parent qui va rester à la maison pour s'occuper des enfants pendant x années, pendant que l'autre, lui, n'arrête pas sa carrière compte tenu de la venue des enfants et du fait que c'est l'autre finalement qui fait le sacrifice.

• (10 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Parfait. Je vais céder la parole à mes collègues. Je sais qu'ils ont certaines questions, mais en résumé, je comprends que, pour respecter notre tradition civiliste, pour faire en sorte d'établir quelle est la véritable méthode de calcul, vous nous invitez à continuer dans la valeur marchande pour distinguer la valeur accumulée qui est une introduction de la common law dans notre droit civil, mais par ailleurs d'avoir des lignes directrices pour guider les tribunaux puis de clairement dire quel doit être le minimum, donc le véritable salaire de la personne qu'elle aurait fait, supposons, même si elle reste à la maison. Alors, je vais céder la parole à ma collègue. Merci beaucoup d'avoir participé...

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Vimont. Questions et réponses, 2 min 10 s.

Mme Schmaltz : Deux minutes? O.K. Parfait. Oui. Bonjour. Merci de votre présence. Bonjour, tout le monde. Merci, M. le ministre, d'amener un projet de loi de cette envergure-là parce que ça faisait longtemps qu'on l'attendait. Puis très apprécié, je pense, par tout le monde. Alors, je vais y aller rapidement. Intéressant d'ailleurs de vous écouter justement de parler de ce fameux calcul, là, des montants compensatoires et tout ça. J'aurai peut-être... Juste rapidement, je voudrais juste renchérir avant d'arriver à ma question. Est-ce qu'il y a un minimum, maximum? Est-ce qu'on a établi ça dans le montant compensatoire, est-ce qu'il y aurait un minimum si on calcule selon... Parce que j'ai l'impression, avec les lignes directrices, qu'on va rentrer dans plusieurs catégories. Mais est-ce que vous avez pensé ou imaginé un montant minimum à ça...

Mme Malacket (Andréanne) : ...bien, en fait, oui, on pourrait... Écoutez, tu sais ça, c'est le genre de travail qu'un actuaire pourrait évidemment bien mieux faire que moi. D'ailleurs, pour se guider, on pourrait aller voir le rapport Roy, là, il y a toute une annexe consacrée à ça. C'est sûr qu'on pourrait présumer, par exemple, que bon, dans les cas où il y a un des deux conjoints qui quitte le marché du travail pour s'occuper des enfants pendant x années, bien, pendant ce x nombre d'années là, il peut, par exemple, avoir droit à 50 % du régime de retraite de l'autre, pour en revenir à ça, et octroyer de façon très mécanique ce montant-là.

On peut aussi, si on le souhaite, capsuler des scénarios, hein, et venir dire, bon, au moyen de lignes directrices, de barèmes, un peu comme on l'a fait pour les pensions alimentaires pour enfants dans les années 90 : voici les critères qui doivent nous guider, et, actuariellement parlant, en fonction du revenu disponible de la personne qui doit compenser, en fonction du type de diplôme, du type de travail qu'occupait l'autre personne, on va fixer à x, y, z le montant. On peut aussi venir guider tout simplement en venant dire : Écoutez, il va falloir, au minimum, considérer l'appauvrissement réel en termes de salaire de la personne qui a quitté en tout ou en partie le milieu...

Le Président (M. Bachand) :...la parole au député de l'Acadie pour 10min 24s. M. le député.

M. Morin : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Pre Malacket.

Mme Malacket (Andréanne) : Bonjour.

M. Morin : Merci pour votre mémoire et pour vos explications. Il y a. Il y a quelques éléments que j'aimerais discuter avec vous. Dans le projet de loi, entre autres, quand on regarde l'article 3, sur l'union parentale, donc, la disposition 521.20, on dit que ça se forme dès que des conjoints de fait deviennent père et mère ou les parents d'un même enfant. Donc, c'est ce qui semble faire en sorte que l'union parentale va se cristalliser. Il n'y a pas, comme tel... puis ça semble être quand il y a effectivement... il y a... il y a un enfant, il n'y a pas de période de temps. Est-ce que, pour vous c'est suffisant ou si on ne devrait pas prévoir aussi peut-être une période de temps, même s'il n'y a pas d'enfant qui ferait en sorte que le législateur viendrait à accorder une certaine protection ou un encadrement juridique aux gens qui vivent en union de fait?

Mme Malacket (Andréanne) : Bien, en fait, ce que vous entendez, finalement, c'est est-ce qu'on devrait imposer un régime aux conjoints de fait sans enfants? C'est ça, votre question, si je comprends bien.

M. Morin : Ça fait partie, oui, c'est ça, ça fait partie de ma question, effectivement.

Mme Malacket (Andréanne) : Donc, à mon sens, non. Moi, je... moi, je suis une tenante de l'approche qui est davantage en faveur de l'autonomie de la volonté, de la liberté contractuelle. Je pense qu'il faut arrêter d'infantiliser les conjoints et les conjoints et de penser qu'ils ne sont pas capables de régler eux-mêmes leurs rapports pécuniaires conjugaux.

On a une job à faire, comme législateurs, comme juristes, il faut informer aussi la population de quels sont leurs droits, leurs obligations, mais, à un moment donné, on n'est plus non plus dans les années 80, hein, là où les femmes qui se divorçaient se retrouvaient presque à la rue parce que mariées en séparation de biens et parce qu'elles avaient passé leur vie à s'occuper des enfants, alors que M., lui, travaillait. C'était comme ça à l'époque. Ce n'est plus comme ça. Donc, imposer un devoir de solidarité pur et dur aux conjoints de fait en matière matrimoniale, familiale, moi, je ne suis pas en faveur de ça.

Maintenant, est-ce qu'il faut, à l'article 521.20, imposer un minimum quant à la durée de vie commune? Si on veut être conséquent avec ce que je viens de dire, non. Pourquoi? Bien, parce que, si on reprend la vision du projet de loi no 56, à laquelle j'adhère, c'est la naissance d'un enfant qui entraîne les désavantages économiques pour les conjoints, et c'est ça qu'on veut compenser. Donc, peu importe, ça fait combien de temps on est ensemble, il va l'avoir, le désavantage. Donc, en ce sens-là, je ne pense pas que la durée de leur vie commune doive ici avoir une influence.

M. Morin : Très bien. Je vous remercie. Ma compréhension du projet de loi, c'est que ces dispositions-là vont entrer en vigueur à partir de juin 2025, 30 juin 2025. Donc, pour les enfants qui vont être nés...

M. Morin : ...nés après. Je comprends que vous avez dit tout à l'heure que, selon vous, ça ne crée pas de catégories d'enfants. Mais, puisqu'on est en train de regarder un projet de loi qui vise à éventuellement accorder des prestations aux enfants qui seraient issus de l'union parentale, pourquoi attendre au 30 juin 2025?

Mme Malacket (Andréanne) : Oui. Ça, c'est un point que je soulève, tout à fait, là, dans mon mémoire, j'ai un certain malaise avec ça. Je comprends... En fait, je pense, là... Je ne suis pas dans la tête du ministre de la Justice, mais je pense comprendre c'était quoi, l'objectif avec cette disposition transitoire là, c'est-à-dire ne pas marier de force les Québécois, donc s'assurer qu'au moment où ça va entrer en vigueur, les gens vont avoir eu le temps de réfléchir à ce qu'ils veulent faire ou ne pas faire, et donc ne pas encadrer les situations déjà existantes, les enfants déjà nés, les situations qui se sont déjà cristallisées. La rétroactivité des lois, d'ailleurs, c'est toujours quelque chose de supersensible. On se rappellera en 1989, avec le patrimoine familial, là, ce que tout ça avait donné.

Donc, je peux comprendre qu'on ait choisi cette approche-là, je ne suis pas convaincue que c'est la meilleure. Je pense que ce serait une bonne affaire de réfléchir à des solutions mitoyennes qui peut-être seraient en mesure de fédérer les tenants des deux positions, c'est-à-dire marier de force les Québécois, entre guillemets, ou ne pas marier de force les Québécois, et en ce sens-là c'est un peu ce que je détaille dans mon mémoire. Peut-être y aurait-il lieu de réfléchir, par exemple, à la possibilité d'appliquer la loi - à une certaine date, bien sûr, c'est toujours comme ça, on n'a pas le choix, là - mais aux conjoints qui ont des enfants mineurs ou encore aux conjoints qui ont des enfants de moins de 14 ans. Pourquoi? Bien, parce que c'est là où les besoins sont les plus grands, c'est là où on est davantage proche des désavantages économiques qu'ont subis les conjoints, compte tenu de la naissance d'un enfant.

Donc, je pense qu'il y aurait lieu de réfléchir à ça et que les parties se questionnent ensemble à savoir quelle est la meilleure solution pour tous les Québécois, compte tenu de ce qu'on veut faire ou ne pas faire et compte tenu du fait qu'on veut laisser une certaine forme de liberté, mais en même temps on veut encadrer.

M. Morin : Parce qu'en fait je suis d'accord avec vous, c'est vrai que l'effet rétroactif d'une loi, c'est souvent problématique, c'est la raison pour laquelle c'est vraiment l'exception. On ne reviendra pas, avec le projet de loi, régler des problèmes que des conjoints en union de fait ont pu avoir il y a cinq, six, sept ou huit ans, sauf qu'aussi, habituellement, la loi, elle est d'application immédiate, donc elle est adoptée puis après ça, bien, elle rentre en vigueur.

Donc, il m'apparaît que cette date-là de juin 2025 me semble loin, d'autant que, si j'ai bien compris la volonté du ministre, c'est entre autres pour régler la situation d'enfants qui pourraient être défavorisés dans le cadre d'une union parentale plutôt que de naître dans... avec un couple où les conjoints sont mariés.

• (10 h 30) •

Ça serait quoi, pour vous, la meilleure option pour essayer de couvrir le plus d'enfants possible puis que ça s'applique assez rapidement? De toute façon, tôt ou tard, ça va s'appliquer, alors les gens qui sont en union de fait vont être confrontés à cette réalité-là. Avez-vous une suggestion?

Mme Malacket (Andréanne) : Bien, en fait, c'est ce que je disais, moi, je pense qu'il faut vraiment explorer la venue des enfants mineurs, ou peut-être même, si on veut restreindre davantage, là, des enfants de moins de 14 ans à une certaine date, là, on n'a pas le choix à un moment donné de fixer une date. Bon. Là, pourquoi c'est le 30 juin 2025 puis pas le 30 juin 2024? Je pense qu'on veut laisser le temps au monde de finir de faire leurs bébés avant l'entrée en vigueur de la loi s'ils veulent en faire, je ne sais pas. Mais, bon, ça, je pense que c'est quelque chose qui appartient aux parlementaires. Mais on peut clairement penser à appliquer la loi de façon mitoyenne, là, par exemple en considérant qu'à telle date, si les enfants... ou si au moins un enfant commun a moins de 14 ans, bien, la loi, par exemple, s'appliquerait. On pourrait... On pourrait penser à faire ça.

M. Morin : Si vous étiez le législateur puis vous aviez à rédiger le projet de loi, qu'est-ce que vous auriez inclus dans le patrimoine de l'Union parentale?

Mme Malacket (Andréanne) : J'aurais inclus exactement la même affaire que ce qui est proposé actuellement dans le projet de loi n° 56, en ajoutant les résidences secondaires.

M. Morin : Et uniquement les résidences secondaires? Vous ne voyez pas autre chose qui devrait être ajouté pour s'assurer que, s'il y a une séparation, évidemment, les enfants pourront bénéficier?

Mme Malacket (Andréanne) : Non. Comme je le disais un petit peu plus...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

Mme Malacket (Andréanne) : ...comme je le disais un petit peu plus tôt dans ma présentation, je suis à l'aise avec le fait que les régimes de retraite, là, c'est ça qui... qui a été le plus critiqué, là, j suis à l'aise avec le fait que les régimes de retraite soient exclus. Compte tenu de la philosophie qu'il y a derrière ça, je pense qu'à un certain point il faut laisser les conjoints libres de gérer leurs rapports pécuniaires conjugaux. Et j'aimerais bien ça qu'on laisse les conjoints mariés aussi un jour régler un petit peu plus leur rapports pécuniaires conjugaux parce qu'actuellement on se rappellera qu'on ne peut s'exclure d'absolument rien, même par contrat de mariage, et moi, j'ai un problème avec ça.

M. Morin : Oui, quand on parle du régime primaire, là...

Mme Malacket (Andréanne) : Exactement. 

M. Morin : ... il s'applique, il est d'ordre public.

Mme Malacket (Andréanne) : Exactement.

M. Morin : O.K., parfait, je vous remercie. Quand on parle de la prestation compensatoire, vous n'avez pas peur qu'éventuellement ça vienne à nouveau engorger davantage les tribunaux. Puis quand on parle de lignes directrices, avez-vous en tête des règlements ou des lignes directrices ou comment... qu'est ce que vous voyez qui serait le meilleur véhicule pour s'assurer que ça soit efficace?

Mme Malacket (Andréanne) : Je ne vois pas comment ça pourrait affecter l'accès à la justice plus qu'une pension alimentaire. Actuellement, on se rappellera qu'une pension alimentaire entre conjoints ou ex-conjoints, on n'en a pas vraiment de barème, on a des lignes directrices fédérales qui découlent de la Loi sur le divorce et qu'on n'applique pas ici, au Québec, dans la vaste majorité des cas. Donc, c'est du cas par cas.  Ça fait que, tu sais, si on veut faire perdre moins de temps aux tribunaux, ce n'est certainement pas avec une pension alimentaire qu'on va y arriver ou, en tout cas, penser que c'est comme ça qu'on va y arriver je pense, je ne... je ne pense pas que c'est... que c'est réaliste et que c'est vrai de dire ça maintenant. Est-ce qu'on va faire en sorte que les tribunaux vont récupérer du temps si on fait des lignes directrices? Bien, oui, parce qu'on va les diriger un peu comme on l'a fait pour les pensions alimentaires pour enfant...

Le Président (M. Bachand) :Merci.

Mme Malacket (Andréanne) : ...avec un formulaire.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Le temps... le temps file. Je vais céder la parole au député de Saint-Henri—Saint-Jacques... Saint-Henri—Sainte-Anne pour 3 min 28 s, merci.

Mme Malacket (Andréanne) : D'accord.

M. Cliche-Rivard : Même si... merci, M. le Président et merci beaucoup pour votre présentation et votre mémoire fort détaillés. Je me posais une question. Vous étiez à détailler un petit peu tout à l'heure la réflexion que vous aviez sur l'information, l'autonomie des couples de choisir, finalement, et ce qu'on voit là plutôt dans le nombre considérable d'entre eux qui ne connaissent pas leurs... leurs droits où le régime qui s'appliquent à eux. Vous dites évidemment qu'on a un travail d'information à faire. C'est vrai. Est-ce que c'est réaliste, compte tenu de ce qu'on sait aujourd'hui sur la connaissance qu'ont ces mêmes couples, de leurs droits? C'est une question qui mérite d'être posée. Dans ce contexte-là, est-ce que, plutôt que d'assurer un droit de retrait qui serait complet, mais en prévoyant un régime d'application, est-ce qu'on ne donnerait pas là quand même le droit de s'en sortir tout en protégeant ceux qui finalement pensent qu'ils sont protégés indirectement mais qui ne le sont pas?

Mme Malacket (Andréanne) : Je ne suis pas sûre de vous suivre, là, donc répétez donc ce que vous voulez dire, parce que, là, ce que vous souhaiteriez, vous, c'est...

M. Cliche-Rivard : Non, moi, je ne souhaite rien, je vous pose la question, là. Mais, allez-y, je vous laisse compléter.

Mme Malacket (Andréanne) : Bien, en fait, je ne suis pas sûre de saisir votre question. Donc vous, vous me demandez si on devrait plutôt imposer à tout le monde, tous les conjoints de fait qui ont des enfants, puis leur permettre un «opt out». C'est ça que vous me dites?

M. Cliche-Rivard : C'est la question.

Mme Malacket (Andréanne) : Bon, c'est ce qu'on a fait avec le patrimoine familial en 89. Le problème avec cette façon de faire, c'est que ça prend, bien sûr, le consentement des deux conjoints pour l'«opt out». S'il y en a un des deux qui ne veut pas, bien, on ne peut pas opter out. Donc, c'est... c'est l'argument qui va être opposé à la situation. On pourrait faire ça, on pourrait décider qu'on veut faire ça. Ma compréhension, c'est qu'en 1989, ça a mal passé. Donc, est-ce qu'on veut retourner là? Je ne suis pas convaincue. Je pense que de le penser à l'inverse est peut-être plus habile et probablement plus fédérateur si on se met à aller interroger un peu tout le monde dans la population. Mais est-ce qu'on pourrait faire le contraire? On peut tout faire.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Vous dites aussi... puis vous privilégiez quand même que les gens choisissent, puis quelle est leur volonté, là, dans une liberté contractuelle de... d'embarquer ou non dans le mariage, puis ne pas les marier de force. Par contre, là, vous proposez de reconnaître un statut d'héritier légal à l'ensemble des conjoints de fait donc qui ne sont pas mariés. Je voudrais juste bien comprendre votre distinction entre ce qui vise le testament, puis ce qui vise le patrimoine familial.

Mme Malacket (Andréanne) : Oui, c'est une excellente question. J'en ai fait ma thèse de doctorat qui a plus que 500 pages. Donc, vous pourriez aller la lire, mais ça se peut que ce soit un peu long. Donc, pour faire court, j'en parle un petit peu dans mon mémoire, mais il faut distinguer les deux types de règles qui sont en cause. D'un côté, le droit familial matrimonial qui vise à partager les biens entre les conjoints et d'un autre côté, les règles de dévolution légale qui vise à transmettre les biens d'un conjoint. Quand on veut transmettre les biens d'un conjoint, on ne vise pas à protéger quiconque. Il n'y a pas de désert...

Mme Malacket (Andréanne) : ...réserve héréditaires ici, au Québec, là, il y a un principe de liberté de tester absolu, oui, limité de façon indirecte, là, depuis 89, mais c'est ça, l'idée. Alors, on est vraiment dans deux schèmes de pensée complètement différents. Et on ne peut pas dire que parce qu'on considère qu'en matière matrimoniale c'est juste les conjoints de fait avec enfants qu'en matière successorale il faut faire la même affaire. Deux types de règles, deux types de fondement, deux visions différentes, d'un côté, une façon de voir les choses où on veut compenser, voire imposer un devoir de solidarité, où on veut partager des valeurs et, de l'autre, une vision où on veut transmettre des biens et où les affections, qu'elles soient présumées, donc, dans les règles de dévolution légale ou exprimées dans un testament, sont le fondement de ce qui est fait.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Merci. M. le député Jean-Talon, pour deux minutes 38 s, s'il vous plaît.

M. Paradis : On n'a pas beaucoup de temps, alors je vais essayer des questions pour des réponses courtes. Vous dites essentiellement que, pour compenser le possible appauvrissement d'un conjoint, c'est vraiment le mécanisme de la prestation compensatoire plutôt que celui de la pension alimentaire, donc, en ce sens, vous dites : Le projet de loi est sur le bon principe, mais vous faites des recommandations importantes pour revoir, justement, le calcul de la prestation compensatoire, harmonisation de la méthode de calcul, adoption de la méthode dite de la valeur reçue, lignes directrices pour faciliter le calcul, adopter certaines présomptions. S'il n'y a pas ça dans le projet de loi, est-ce que votre avis demeure le même sur le principe?

Mme Malacket (Andréanne) : Bien, en fait, ça prend ça. Donc, en je n'ai pas envie de vous dire... S'il n'y a pas ça, est-ce que mon avis demeure le même? Mon... S'il n'y a pas ça, mon avis ne sera pas plus qu'il faut se contenter d'un mécanisme, par exemple la pension alimentaire, qui n'est pas fait pour ça parce qu'on n'est pas capable de faire le travail jusqu'au bout. Donc, je me dis : Bien non, il faut le faire, la job, puis il faut la faire jusqu'au bout, il faut être cohérent avec les fondements qu'on cherche à défendre.

M. Paradis : Très bien. De manière générale, vous dites : Bien, il y a... il faut se détacher d'une certaine approche paternaliste dans la... dans la gestion, là, des relations entre... entre les conjoints ou entre les époux. Mais certaines critiques disent qu'il y a encore quand même souvent des situations où un des conjoints ou une des conjointes est dans une situation de vulnérabilité et que, là, ce qui risque d'arriver, compte tenu de la démographie au Québec, c'est qu'il va avoir globalement un régime plus défavorable aux conjoints en situation de vulnérabilité, qui va devenir celui qui va devenir un peu le régime général. Qu'est-ce que vous répondez à cette... à cette pratique-là?

Mme Malacket (Andréanne) : Je réponds deux choses. Il faut arrêter de penser que le conjoint dit placé dans une situation plus favorable va forcément exploiter puis vouloir dominer l'autre, hein, la majorité des Québécois, quand ils se séparent, heureusement, ils sont en mesure de gérer leur séparation sans aller se battre devant les tribunaux. Donc, il faut partir de cette vision-là où on se dit : Bien... je veux dire, on n'est pas ici pour prendre pour acquis qu'il faut concevoir que le conjoint favorisé va forcément profiter de sa situation. Le deuxième point, c'est qu'il faut arrêter de penser que les Québécois, que les Québécoises ne sont pas capables de régler leurs rapports pécuniaires conjugaux. C'est réducteur, c'est une façon de voir qui n'a plus sa place. On est capables, en 2024, surtout qu'on est en train d'écrire une loi pour nos enfants puis nos petits enfants, d'aller plus loin et de se dire que les conjoints de fait sont capables, comme les conjoints mariés, de régler, à tout le moins...

• (10 h 40) •

Le Président (M. Bachand) :Merci.

Mme Malacket (Andréanne) : ...une certaine proportion de ces rapports-là.

Le Président (M. Bachand) :Merci, Maître. Merci beaucoup d'avoir été avec nous. Le temps passe très rapidement, bien sûr. Bien, merci infiniment.

Et, cela dit, je vais faire suspendre les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 41)

(Reprise à 10 h 44)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir d'accueillir les représentants et représentante de l'Union des notaires du Québec. Merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Alors, je vous inviterais, bien sûr, d'abord à vous présenter et débuter votre échange pour une période de 10 minutes, s'il vous plaît.

(Visioconférence)

M. Aspri (Roberto) : Merci. Bonjour. Mon nom est Roberto Aspri. Je suis notaire à Montréal et le président de l'Union des notaires du Québec, l'UNQ. Je suis accompagné aujourd'hui par Maître Mélanie Lessard, notaire... administratrice, membre du conseil d'administration de l'UNQ, et Maître Pierre Périgny, avocat, secrétaire général de l'UNQ.

Alors, M. le Président, M. le ministre de la Justice, notaire général du Québec, Mmes et MM. les députés, je voudrais tout d'abord vous remercier de nous accueillir pour nous entendre sur le projet de loi n° 56 portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale. Nous vous avons acheminé notre mémoire contenant le détail de nos commentaires et recommandations.

L'Union des notaires du Québec ou UNQ fut fondée en 2016. C'est un syndicat professionnel représentatif de ses membres notaires et qui a pour mission principale de représenter leurs intérêts sociaux, légaux, financiers et moraux. Elle est née du constat que la profession notariale fait face à d'importants défis. J'aimerais profiter d'ailleurs de la présente occasion pour saluer le courage et la vision du ministre de la Justice et notaire général du Québec pour son importante contribution à l'amélioration et à l'avancement du notariat.

Le projet de loi n° 56 suscite un vif intérêt au sein de l'UNQ en raison de son incidence majeure sur la pratique notariale. En effet, les notaires jouent un rôle essentiel en fournissant des conseils juridiques aux couples québécois concernant leurs droits en matière d'état civil et matrimonial. De plus, ils sont chargés quotidiennement de vérifier l'identité et la capacité juridique des personnes, rédiger des actes notariés qui régissent les relations des couples, qu'ils soient mariés, en union civile ou en union libre.

Malgré la croyance de beaucoup de couples en union de fait à l'effet qu'ils auraient les mêmes droits que les personnes mariées, la réalité est tout autre puisque jusqu'à présent le Code civil du Québec n'accordait pas de reconnaissance formelle aux couples en union de fait, à l'exception de quelques situations spécifiques, notamment en ce qui concerne le logement résidentiel.

Selon les données émanant de l'Institut de statistique du Québec dans son édition de 2023, le bilan démographique démontrait qu'en 1981 seulement 8 % des couples québécois vivaient en union de fait, alors que ce pourcentage est passé à 42 % en 2021, soit 828 000 couples au Québec vivent en union libre, dont près de 400 000 ont des enfants. Nous sommes convaincus que le projet de loi n° 56 offre une occasion précieuse pour enfin légiférer... (panne de son) ...nouvelle réalité et moderniser notre cadre juridique afin de mieux refléter la diversité des modèles familiaux au Québec.

Je vais maintenant passer la parole à Me Pierre Périgny.

M. Périgny (Pierre) : Bonjour, distingués membres de la...

M. Périgny (Pierre) : ...la commission, à la demande du président de l'UMQ, j'ai mené une consultation auprès des membres et, pour prendre le pouls de nos membres, et un certain nombre d'entre eux ont répondu. Et ce qui est ressorti, c'est que... Une des questions qui leur a été posée, c'est : Comment voyez-vous le projet de loi? Très favorablement, favorablement et... ou encore défavorablement. Puis en à peu près aux deux tiers, les gens sont... le voient favorablement, donc accueillent favorablement cette possible... ce possible changement.

Autre question qui leur a été posée, c'est : Quel est l'impact que ça aura, selon vous, sur la pratique notariale, ce changement, cette introduction-là à des mesures de protection à l'égard des couples en union de fait. Et là, je peux vous dire que 95 % des gens pensent que ça va avoir un impact parfois très significatif. Dans une grande majorité, près de 60 % pensent que ça va... C'est un impact très important. Alors... Et très peu de personnes pensent que ça... moins de 5 % pensent que ça n'aura pas d'impact sur leur pratique. Alors, c'est... On le perçoit du côté notaire d'une façon... d'une façon où il y aura des impacts majeurs pour eux dans leur pratique.

Alors, on leur a demandé aussi : Bien, quels étaient les points forts selon eux, de ce que vous avez vu dans le projet de loi? Et pour une grande partie d'entre eux, le fait d'hériter sans testament est un point fort du projet de loi, de même que la protection de la résidence familiale. Évidemment, on s'est questionné aussi sur ce qu'étaient les points faibles de ce projet. Et le fait d'exclure une grande partie des conjoints de fait, donc tous ceux qui actuellement ont des enfants, ne serait pas visé, selon notre compréhension, du projet de loi, mais que ça s'appliquerait à partir de 2025, pour fin du mois de juin. Et ça, c'est perçu... c'était vu comme un point faible par nos membres. Aussi, le fait que le patrimoine de l'union familiale ne soit pas aussi étendu, par certains, mais pas majoritairement, on se doit de dire, comme étant un point faible, si vous voulez.

C'est un constat intéressant qui a été fait par les membres, c'est que les couples... On pense que le... Enfin, certaines personnes l'ont soulevé, un droit au... pourrait peut-être être envisagé, mais de façon modérée, là, c'est-à-dire... Donc, c'est les constats que je tenais à partager avec vous rapidement ce matin. Alors, je passe la parole à Me Lessard.

Mme Lessard (Mélanie) : Bonjour, membres de cette commission. Donc, suite à la consultation, nos membres ont fait certaines recommandations. Donc, la première recommandation serait l'application immédiate pour tous les couples en union parentale et non seulement les couples qui vont avoir un enfant suite au 29 juin 2025, ce qui engloberait au moins 400 000 membres... 400 000 couples qui seraient laissés sans protection. Et puis aussi, cela faciliterait, nous, notre travail en tant que notaire pour les vérifications. Lorsque nous faisons par exemple un acte de vente et que nous avons besoin d'une intervention d'un conjoint.

• (10 h 50) •

Le deuxième... La deuxième recommandation serait peut-être de laisser... de donner la possibilité de faire une renonciation volontaire pour ceux qui souhaitent se soustraire à la loi avec un acte notarié, en signant un acte notarié et un enregistrement au... un peu comme cela avait été établi lors... le patrimoine familial dans les années 80. On s'était donné une période de temps, un délai raisonnable, entre six et 18 mois pour...

Et la troisième recommandation, la création d'un registre pour faciliter l'identification des couples vivant en union parentale, union de fait, soit la possibilité d'avoir un accès direct aux données du Directeur de l'état civil du Québec ou de Revenu Québec en tant que juriste, un peu comme nous avons accès au registraire des entreprises du Québec comme représentants autorisés.

Et dernière recommandation le droit aux aliments pour une période, comme un autre témoin a dit à l'avant, avant moi, une période de 30 mois, par exemple, une période tampon pourrait donner un délai suite à la fin de l'union. Donc nous suivons l'évolution du droit. L'Union des notaires est en accord avec les valeurs de la société...

Mme Lessard (Mélanie) : ...depuis l'affaire d'Éric contre Lola, nous savons que nous devons faire changer et protéger mieux nos couples en union de fait. Donc, c'est pour cette raison que l'Union des notaires du Québec soutient le nouveau projet de loi, et nous sommes prêts, avec nos membres, à mettre en place les mesures pour une meilleure application de cette loi. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors, je cède la parole du côté du gouvernement. M. le ministre, 16min 30s.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Aspri, Me Lessard, Me Périgny, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission et d'avoir déposé un mémoire. Donc, vous êtes l'Union des notaires du Québec, qui est une association de notaires, donc l'équivalent d'un syndicat représentant certains notaires. Vous avez plus de... vous me corrigerez, plus de 1000 notaires qui sont membres de votre association?

M. Aspri (Roberto) : Oui. Nous avons eu une baisse cette année, un peu, là, mais on fait une grosse campagne actuellement.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, vous soulignez le fait, dans les points positifs du projet de loi, notamment, la possibilité d'hériter du conjoint en l'absence de testament. Un peu plus loin, par contre, vous dites que les enfants... en fait, au point 4, vous dites : «La loi vient modifier notre liberté de tester en créant un nouvel héritier. Les enfants qui héritaient du parent 100 % vont perdre un pourcentage en faveur du conjoint en union parentale.» Donc, je comprends que vous dites c'est un point positif, mais c'est un point négatif en même temps. Est-ce que je me trompe?

M. Périgny (Pierre) : Non. On a voulu faire ressortir la diversité des points qui nous ont été partagés.

M. Jolin-Barrette : Je comprends que c'est un sondage que vous avez fait, là. Qu'est-ce que... Vous avez pris quoi, Survey Monkey ou un truc comme ça?

M. Périgny (Pierre) : Non, on a utilisé un logiciel pour les sondages, mais c'est un sondage fait maison, là, ce n'est pas... ce n'est pas une firme de sondage.

M. Jolin-Barrette : Combien de notaires ont répondu?

M. Périgny (Pierre) : Pas énormément, malheureusement, pas autant qu'on aurait souhaité. C'est en bas d'une centaine.

M. Jolin-Barrette : D'une centaine, donc moins de 10 % de vos membres. O.K. Mais juste sur le fond des choses, là, il y a beaucoup de gens qui se retrouvent à être conjoints de fait, supposons, pendant 30 ans, avec leur conjoint, qui ont trois enfants, ils ont toujours été ensemble, tout ça, ils ont pas de testament, ils sont conjoints de fait, puis là la maison, supposons, bien, était au nom de M., M. décède, Mme, elle n'hérite de rien, actuellement. C'est un peu problématique puis c'est ça qu'on veut corriger. Vous êtes d'accord avec ça, que, comme en mariage, dans le fond, le conjoint survivant, et lorsqu'il y a des enfants, puisse hériter d'une partie de l'héritage lorsqu'il n'y a pas de testament?

M. Aspri (Roberto) : Effectivement.

M. Périgny (Pierre) : C'est une loi à caractère social qui vise à corriger les écarts qu'on peut... qu'on a pu... qu'on constate. Donc, je pense que oui, ça implique qu'on passe... qu'on se rende jusque-là.

M. Jolin-Barrette : O.K., mais la mesure qu'on met en place, vous êtes conscients que ça n'enlève pas la liberté de tester, là. Dans le fond, les parents qui disent : Bien, moi je veux laisser l'entièreté de mes biens à mon conjoint ou l'entièreté de mes biens aux enfants puis et ne pas avantager mon conjoint de fait, même si c'est la mère de mes enfants depuis 30 ans... puis que je laisse 100 % de mon pécule, de ma fortune à mes enfants, ça, c'est toujours possible de le faire avec le projet de loi, là.

Des voix : Oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je voudrais vous entendre, là, sur la question des REER, là. Vous dites, dans les points négatifs, là, au point 3 : «Le fait que le patrimoine parental ne prenne pas en considération les régimes de retraite et REER, article 3du projet de loi introduisant l'article 521.30 du Code civil, les cotisations et les prestations du régime de rentes sont déjà partageables entre les conjoints en union libre. Un membre sur quatre considère que le patrimoine d'union parental devrait inclure un partage du régime de retraite et des REER.» Mais là c'est juste 25 % des gens qui ont répondu à votre sondage qui sont d'accord pour que les REER soient là. Donc, je comprends qu'a contrario 75 % des notaires que vous avez sondés sont d'accord pour ne pas mettre les REER, les fonds de pension, les régimes de retraite dans le régime d'union parentale. C'est comme ça que je dois le lire.

M. Périgny (Pierre) : Exact. Vous avez... votre interprétation est correcte.

M. Jolin-Barrette : Pourquoi vous le mettez dans points négatifs, alors que 75 % des notaires sondés sont d'accord avec la position du projet de loi?

M. Périgny (Pierre) : Bien, on a voulu, je pense... parce que ce n'était pas unanime, il y avait des... parmi les notaires, il y en a qui pensent que le projet de loi n'aurait pas dû... n'aurait pas dû être déposé, même, parce qu'ils considèrent que c'est... des commentaires que j'ai lus, là, la liberté...

M. Périgny (Pierre) : ...de choix est compromise avec le projet de loi, mais... mais la majorité, je pense, se range... on a voulu, je pense, peut-être... peut-être ne pas... on... on a voulu faire ressortir cette diversité de position...

M. Jolin-Barrette : Pouvez-vous me parler, là, dans l'aspect pratico-pratique, là, le rôle du notaire, là? C'est quoi, le rôle fondamental du notaire en matière de droit de la famille? Tu sais... (panne de son) ...votre association, là. Quel... Quel rôle le notaire joue en matière de droit de la famille?

M. Aspri (Roberto) : Bien, tout d'abord, je pense que dans... le notaire est le... est le professionnel qui est le plus sollicité dans les questions familiales, dans le sens que ne serait-ce dans le cas... le cadre de la préparation d'un testament, d'une vente ou de n'importe quelle transaction, le client, son réflexe, c'est de demander au notaire c'est quoi... quels sont ses droits. Et d'ailleurs on avait toujours... Mais, moi, ça fait, quoi, 48 ans que je pratique, là, puis ça fait... à chaque fois m'arrivent les mêmes questions : Bon, moi, si je décède demain matin, il arrive quoi si je n'ai pas de testament? Donc, on est continuellement sollicités par les clients. Tout ce qui s'appelle droit familial, je pense qu'on a un rôle très important à jouer au niveau de l'information qu'on véhicule auprès du public.

Alors, c'est pour ça que c'est très important que nous possédions très, très bien les règles et tout ce qui est, disons, amené par le projet de loi n° 56, parce que ça va être amené à chaque jour à nous être demandé. Donc, il faut savoir exactement... on ne veut pas induire en erreur le public, là, on doit exactement les diriger vers la bonne décision. S'ils ont à faire un testament, c'est aussi bien qu'ils le fassent. Sinon, bien, le droit commun va être ces règles-là. Donc, on a un impact important, je pense, face au public constamment. Chaque jour, on se fait poser des questions sur le droit familial.

M. Jolin-Barrette : O.K. Dans votre mémoire, là, vous soulignez, là, qu'il y a deux États fédérés, là, notamment le... la Nouvelle-Écosse et le Manitoba, qui ont un registre des couples en union libre. Vous, vous nous dites : Bien, peut-être qu'il devrait y avoir la même chose au Québec en lien avec le projet de loi pour, dans le fond, faciliter l'accès aux données au notaire, supposons, quand va venir le temps de faire la liquidation de la succession ou, supposons, la fin de l'union ou la vente d'une maison. Quelle forme, selon vous, dans le cadre de votre proposition, ça devrait prendre... (panne de son) ...vous nous proposez comme registre, là?

Parce que, tu sais, je vous mets en contexte, là. Supposons, j'ai un enfant. Là, actuellement, les gens, ils ne font pas de contrat de vie commune, là. C'est notamment une des raisons pour lesquelles on vient mettre en place un régime qui va s'appliquer à tout le monde puis que, s'ils veulent s'en exclure... à partir du moment où vous avez un enfant, vous devez aller chez le notaire pour avoir... pour vous exclure du notaire. Là, moi, ce que je comprends du registre que vous nous proposez, ce serait de dire : Bien, à partir du moment où vous avez un enfant, vous allez devoir vous inscrire sur le registre. Mais là, déjà, les gens... ils ne font pas de contrat de vie commune, ils ne font pas les démarches. Ce n'est pas tout le monde qui a un testament non plus. Donc, comment vous voyez ça, là, cette opérationnalisation-là? À quoi vous pensez quand vous nous suggérez ça?

• (11 heures) •

Mme Lessard (Mélanie) : Bien, peut-être avoir accès au directeur d'état civil, qui tient compte des naissances du nom des pères et mères des enfants, ou Revenu Québec, qui nous demande qui sont des conjoints de fait.

M. Jolin-Barrette : ...ne signifie pas, supposons, au registre des naissances, aux acteurs de l'état civil que les gens sont assujettis au régime d'union parentale parce qu'il y a des critères associés au régime d'union parental, notamment le fait de s'exposer publiquement comme étant un couple, le fait de faire vie commune. Alors, ça, ce n'est pas parce que votre... votre... votre nom est sur le certificat de naissance... Puis là il y en a de plus en plus, là, qui ont des... supposons, des projets parental en ayant des enfants mais en n'étant pas un couple. Donc, qu'est ce qu'on fait avec ça?

M. Aspri (Roberto) : Je pense... Je pense que, M. le ministre... qu'on est confrontés avec la même réalité lorsqu'on parle d'une personne qui se déclare célibataire. Il n'y a pas de registre qui nous dit que le... si des... A priori, si on n'a pas un certificat de mariage, on n'a pas une preuve de ce lien-là, bon, force est de croire que la personne est vraiment célibataire, mais il n'y a pas de registre, donc, si on est confrontés à la même... à la même problématique, qu'on doit se fier en grande partie à la déclaration des parties. Par contre, s'il y avait une façon d'avoir accès à...


 
 

11 h (version non révisée)

M. Aspri (Roberto) : ...a des registres qui nous permettraient de confirmer si la personne, surtout en droit successoral, par exemple, où ça va devenir important pour être capable de délimiter les masses à partager. Basé sur quoi, on va avoir les notaires seulement sur la parole d'une des parties? C'est là que ça devenait important d'avoir soit un registre ou quelque chose...

M. Jolin-Barrette : J'ai une question pour vous, Me Aspri, avant de céder la parole à ma collègue, mais exemple, en matière, actuellement, là, de succession, là, testamentaire, là, le notaire fait la recherche testamentaire, bon, au registre, mais cependant, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de testaments olographes qui ont été enregistrés par la suite, là.

M. Aspri (Roberto) : Oui, vous avez raison.

M. Jolin-Barrette : Bien, qui n'a pas... qui ont été enregistrés, qui ont été faits.

M. Aspri (Roberto) : Non, puis d'ailleurs, comme vous le savez, il y a seulement deux registres officiels, là, de... absolus, du Barreau du Québec, celui de la Chambre des notaires. Alors, il n'y a pas de registre sur les testaments olographes. Je crois qu'il y a une firme qui a tenté de le faire, mais c'étaient des... les entreprises privées, donc c'était hautement risqué. Un exemple, si cette société-là faisait faillite demain, où iraient toutes ces données-là? Alors donc, et vous avez raison, le... Mais, par contre, le public, il est... il a le choix de se... bien se protéger en allant voir le notaire ou aller voir un avocat pour faire son testament, qui va être inscrit à ce moment-là dans un registre, donc qui ne sera pas perdu. Alors, on a assisté parfois à des successions dans lesquelles le testament a été découvert dans un livre de la bibliothèque 20 ans après, alors c'est trop tard, les biens ont déjà été distribués.

M. Jolin-Barrette : Oui, je comprends. Je vous remercie, Me Aspri, merci d'être venu en commission parlementaire. J'ai des collègues qui veulent vous poser des questions.

Le Président (M. Bachand) :Merci.

M. Aspri (Roberto) : Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : Il reste combien de temps?

Le Président (M. Bachand) :5 minutes.

Mme Schmaltz : O.K., parfait. Merci. Merci, M. le Président. Merci. Bonjour à vous trois. Merci de votre présence. Ma question concerne la validité du consentement. Quelles sont les précautions qui vont être prises par les notaires, justement, pour s'assurer de la validité? C'est... C'est ma question.

M. Périgny (Pierre) : ...à l'époque... à l'époque... Est-ce que vous m'entendez?

Mme Schmaltz : Oui.

Le Président (M. Bachand) :Oui, là, on vous entend bien, oui.

M. Périgny (Pierre) : Oui. À... lorsque... Dans le fond, c'est... On peut penser à un mécanisme semblable à celui qui s'est appliqué lorsque le patrimoine familial a été instauré en 1989, où les couples pouvaient se désengager pendant... Ils avaient un an et demi, on a revérifié... on n'était pas certains si c'était six mois ou un an et demi, mais ils avaient un an et demi pour se désengager, aller chez le notaire, puis les notaires, bien là, évidemment, s'assureraient du consentement des deux parties. Donc, ça veut dire prendre des précautions... additionnelles puis s'assurer qu'il n'y ait pas de, excusez, tordage de bras. À l'époque, j'en ai... Moi-même, j'ai... dans une autre vie, j'ai été notaire et puis j'ai vécu cette période-là, puis il fallait faire particulièrement attention. Mais je pense que... je peux dire que... je pense que les notaires s'en sont bien sortis avec cette réforme-là, puis je ne vois pas pourquoi ça ne serait pas le cas éventuellement.

M. Aspri (Roberto) : Je crois aussi qu'il y a certains indices qui nous indiquent que... Moi-même, pour avoir passé certains contrats de mariage même... ou si je vois dissensions puis je vois qu'il y a comme de la captation quelque part ou, bien non, c'est forcé, je demande, à ce moment-là, que les parties se retirent, qu'ils discutent entre eux encore parce que je ne pense pas qu'ils sont d'un commun accord. Alors, c'est le rôle du notaire, justement, de... de faire en sorte que le consentement est éclairé et, aussi, un consentement qui est volontaire et qui n'est pas forcé d'une part ou d'autre.

Mme Schmaltz : Parfait. Merci. J'ai encore le temps? Oui. Merci. Alors, on constate que 65 % des couples qui sont en union libre ne font pas leur testament. Comment vous expliquez un chiffre aussi élevé? Est-ce que c'est parce que vous constatez que les gens croient qu'ils ont les mêmes avantages qu'un couple qui est marié, c'est ce qui explique cette forte hausse?

M. Aspri (Roberto) : Je crois, personnellement, comme je vous dis, je... pas que je veux révéler mon âge, là, mais, après 48 ans de pratique, je pourrais vous dire que les conjoints de fait ont véritablement l'impression qu'ils ont des droits et ils sont tous surpris quand ont dit : Non, vous n'avez absolument aucun droit. S'il y avait décès demain de votre conjoint, c'est seulement vos enfants. Si vous avez des enfants, si vous n'avez pas d'enfant, vous allez avoir de la grande visite dans la maison parce que c'est la famille du conjoint qui va embarquer, là. Alors donc, c'est là qu'ils font leur testament parce que, là, ils réalisent qu'ils se pensaient, eux... qu'ils étaient protégés parce que ça faisait deux ans, cinq ans ou 20 ans qu'ils étaient ensemble, mais ça n'a absolument aucune incidence. Alors, je... par mon expérience...

M. Aspri (Roberto) : ...je vous dirais qu'en grande partie c'est qu'il y a cette croyance qu'ils ont des droits comme les conjoints à partir d'un certain délai, mettons deux ans ou trois ans qu'ils sont ensemble.

Mme Schmaltz : O.K. Et puis est-ce que ce sont principalement de jeunes couples qui pensent encore de cette façon-là? Parce que c'est assez étonnant, avec le nombre d'annonces qu'on entend là-dessus, il me semble que ça fait longtemps qu'on le dit, qu'on l'a répétée, l'importance, justement, de faire un testament. Donc, de voir encore des chiffres aussi élevés est assez surprenant. Est-ce que, de votre côté, il y a un plan, justement, de communication qui avait été fait ou... Là, c'est sûr que ça va changer, mais bon.

M. Aspri (Roberto) : Ce serait important de le faire, un plan médiatique national d'importance, parce que je... Puis moi, je l'ai remarqué de tous les couples, ce ne sont pas seulement que les jeunes, bien au contraire, même les couples que ça fait 20, 30 ans qu'ils sont ensemble, ils sont tout surpris... bien là, moi, je pensais qu'on était protégé, qu'il y avait quelque chose quand même qui... Ils se réfèrent à certaines autres provinces, certains autres États, comme particulièrement en Ontario, je crois que c'est deux ans de vie commune, ça donne des droits, certains des droits de la personne mariée, mais, ici, ils sont tout surpris qu'ils n'ont absolument rien, ils n'ont aucune protection.

Et c'est pour ça que le projet de loi no 56, en tout cas, pour nous, l'union, était... était vraiment quelque chose qui... il était temps que ça vienne, parce que ça vient légiférer puis ça vient donner, maintenant, des droits, ça vient clarifier ce tableau qui était quand même nébuleux jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie, pour 10 min 24 s.

M. Périgny (Pierre) : Si vous permettez...

Le Président (M. Bachand) :Oui, Me Périgny, rapidement.

M. Périgny (Pierre) : Oui, oui. Juste pour répondre, renchérir, c'est... Il y a des lois à caractère social au Québec qui créent cette confusion-là. Mme Belleau, dans son mémoire qu'elle a transmis, là, la chercheuse de l'INRSS, a cité, je pense... a fait un bon inventaire de tout ce qu'on a comme loi où les conjoints de fait sont reconnus. Puis ça, moi qui enseigne dans le... dans le réseau... collégial, pardon, je peux vous le dire, jeunes ou moins jeunes méconnaissent leurs...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Acadie, pour 10 min 24s.

M. Morin : Alors, merci. Merci, M. le Président. Me Aspri, Me Lessard, Me Périgny, bonjour. Merci pour votre mémoire et l'éclairage que vous apportez à la commission.

J'ai quelques questions pour vous. D'abord, parlez-moi de la date du 30 juin 2025. Il semble y avoir un délai, là, il va y avoir un délai. Donc, il y a certains couples en union de fait et en union parentale qui ne seront pas couverts. Est-ce que vous pensez qu'on devrait attendre en juin 2025 ou si la loi devrait être d'application immédiate, quelque temps après sa sanction?

Des voix : ...

• (11 h 10) •

M. Aspri (Roberto) : Vas-y, Mélanie.

Mme Lessard (Mélanie) : ...dans nos recommandations de l'appliquer pour ne pas laisser tomber ces 400 000 couples là.

M. Morin : Je vous remercie. Le projet de loi va créer un patrimoine d'union parentale, c'est l'article 3 du projet de loi, mais l'union parentale va être composée, entre autres, de la résidence familiale, des droits qui en confèrent l'usage, des meubles, des véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille. D'autres experts nous ont dit que ça n'allait pas assez loin.

Évidemment, si on veut protéger et faire un partage de biens qui ont... utilisés par la famille, on pourrait en rajouter. Donc, selon vous, est-ce que c'est complet ou si on ne devrait pas prévoir plutôt tous les biens, meubles ou immeubles, qui sont utilisés pour les fins de la famille?

Le Président (M. Bachand) :Me Aspri? M. Périgny?

M. Périgny (Pierre) : Je pense que je vais... Je peux peut-être... Je pense que c'est un premier jet qui est fait avec ce projet de loi là. Il n'y avait rien, donc. Je pense qu'il y a une question de proportionnalité, là. Si les gens veulent avoir tous les effets du mariage ou l'union civile, bien, ils ont la possibilité de se marier et de s'unir civilement. Par contre, au niveau... d'un point de vue social, bien, on sauve un peu, là... excusez, on sauve un peu les meubles en permettant au couple en union de fait qui ne sont pas toujours... dont les unions se sont formées comme ça, assez rapidement, sans trop y réfléchir... bien, on vient peut-être...

M. Périgny (Pierre) : ...établir un minimum pour eux. C'est un peu comme ça, je pense qu'on le perçoit, mais il n'y a pas de... Je n'ai pas senti chez les membres, à part peut-être l'observation qu'on a fait, là, certains pensaient que ça n'allait pas assez loin, mais ce n'était pas non plus partagé, comme j'ai mentionné au ministre tantôt, là, par l'ensemble des notaires.

Donc, moi, j'en déduis que du groupe des gens de l'Union des notaires, c'est... ça semble être un minimum, là, qui satisfait.

M. Morin : Toujours à l'article 3, à l'article 521.33 du projet de loi, toujours dans le patrimoine d'union parentale, le législateur indique que «les conjoints peuvent, en cours d'union, par acte notarié en minute, à peine de nullité absolue, se retirer d'un commun accord de l'application des dispositions du présent chapitre». Donc, contrairement au patrimoine familial, on pourra sans exclure, le patrimoine d'une union parentale, on pourrait, évidemment, ça a des conséquences, ça peut avoir des conséquences énormes. Est-ce que vous êtes d'avis que, pour décider, chaque conjoint devrait consulter un notaire différent, devrait obtenir une opinion juridique, chacun, pour bien comprendre les enjeux, éviter toute forme de pression puis s'assurer que le consentement est valide ou si, comme c'est là, ça semble dire qu'un seul notaire pourrait conseiller les deux parties?

Mme Lessard (Mélanie) : Un notaire est impartial de par sa nature. Je crois qu'il saura conseiller bien les deux parties et expliquer tous leurs leurs droits, devoirs, obligations ou leurs pertes, en cas de non-application de ce patrimoine-là.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. Le régime qui est prévu ne parle pas de pension alimentaire, mais bien de prestation compensatoire. Certains suggèrent qu'il devrait y avoir des lignes directrices. Quelle est votre... quelle est votre opinion là-dessus?

M. Périgny (Pierre) : Bien, c'est sûr que faire la preuve devant les tribunaux pour obtenir une prestation compensatoire, c'est complexe. C'est pour ça, peut-être que, un, en titre de mesure additionnelle, on a rajouté à notre présentation que, possiblement, un droit aux aliments, en plus, peut-être sans ôter le droit à la prestation compensatoire, sans toucher à cette mesure-là, peut-être, oui, elle devrait être bonifiée. On n'a pas de position précise sur ce qui devrait être fait, mais, par contre, pour peut-être améliorer le sort, le fait de permettre le droit aux aliments, c'est peut-être un peu plus facile. Parce qu'on peut penser que, lorsque le couple, la dissolution survient, on cherche les mesures les plus rapides, puis probablement qu'une pension alimentaire, c'est peut-être plus facile, les critères d'octroi sont peut-être... peuvent être pensés de façon à ce que cette aide-là vienne plus rapidement, puis peut-être, quitte à ce que par la suite, la prestation compensatoire puisse être demandée. Mais il n'y a pas de... on ne s'est vraiment penché sur les critères comme tels, la prestation compensatoire. Donc, on n'a pas... on n'a pas élaboré davantage.

M. Morin : Je vous remercie. Juste pour bien, pour bien vous saisir, est-ce que ce que vous suggérez qu'il devrait y avoir une pension alimentaire et, en plus, la possibilité d'une prestation compensatoire ou juste la prestation compensatoire?

M. Périgny (Pierre) : On pense que la prestation compensatoire, c'est c'est quelque chose qui devrait rester, mais vu la difficulté peut-être d'obtenir cette prestation compensatoire, ce n'est jamais facile, devant les tribunaux, de faire cette démonstration-là. Le droit aux aliments, par exemple, de trois à six mois, tout dépendant ce que le législateur pourrait considérer comme raisonnable, bien, ça peut constituer une aide assez... qui peut venir assez rapidement, qui peut être octroyée assez rapidement, puis qui va peut-être permettre au conjoint de, qui est défavorisé dans le couple, de reprendre un peu l'ascendant sur la situation qu'il vit au moment où la rupture survient.

M. Morin : Un peu plus tôt, la professeure Malacket nous disait que, dans un régime de droit civil, ce qui est le nôtre, la prestation compensatoire est plus conforme au droit civil, la pension alimentaire serait plus de régime de common law. Pour vous, est-ce que ça pose un enjeu particulier si on veut garder l'intégrité de notre droit civil... ou, enfin, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Périgny (Pierre) : Je vais laisser mes collègues répondre, mes confrères...

M. Aspri (Roberto) : ...je ne pense pas qu'on perde notre caractère par le fait qu'on joindrait... qu'on permettrait les deux. L'opinion que vous soumettez a ses mérites, mais je pense que, dans le cas ici, lorsqu'on a une question de rupture, c'est quand même assez important, c'est grave, même, puis il faut aussi penser à quelles seraient les mesures les plus efficaces et les plus rapides qu'on puisse amener à une telle situation. C'est une situation quasiment d'urgence. Donc, je crois effectivement que le droit aux aliments va être beaucoup plus facile à consentir que l'autre, la prestation compensatoire. Et dans un esprit d'urgence, je pense, c'est ça, il faut l'expliquer du côté humain, beaucoup plus qu'une question légale ou de juridiction.

M. Morin : D'accord. Donc, en fait, vous, vous n'auriez pas d'inconvénient à ce qu'on crée, par exemple, un régime de pension alimentaire avec une grille qui pourrait s'appliquer évidemment aux enfants issus de l'union parentale?

M. Aspri (Roberto) : Oui, oui.

M. Morin : Et dans un cas comme ça, ça s'appliquerait à tous les enfants ou ceux nés après le 30 juin 2025?

M. Aspri (Roberto) : Bien, nous, on préconiserait plutôt que même à tous les enfants parce que, finalement, on se trouve à exclure... comme disait Me Lessard, tantôt, on exclurait 400 000 couples d'un coup, là. Parce que, bon, je comprends, il faut commencer quelque part, mais d'un autre côté, je pense qu'on pourrait... on rendrait beaucoup plus justice si on inclurait ces gens-là qui sont quand même 400 000 couples, là. Ce n'est quand même pas mineur, là, comme effet.

M. Morin : Parfait. Puis en matière de règles successorales ou de règles de dévolution, avez-vous des recommandations à faire? Est-ce que le projet de loi vous semble satisfaisant ou si on peut l'améliorer davantage?

M. Périgny (Pierre) : Bien, on avait... On a soumis l'idée que... puis bien qu'on n'en ait pas fait de recommandation, que les couples qui vivent... les conjoints de fait qui ne répondent pas à la définition de couple en union parentale, puissent... peut-être, qu'on puisse réfléchir à la possibilité qu'ils puissent hériter l'un de l'autre. Parce que, souvent, ces personnes-là qui sont depuis longtemps ensemble, qui n'ont pas nécessairement eu d'enfants, ont acquis des biens ensemble et ils ont contribué à ériger un petit patrimoine ensemble. Donc, c'est quelque chose auquel on devrait réfléchir, mais qu'on n'a pas vu la nécessité d'en faire nécessairement une recommandation à ce stade-ci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.

• (11 h 20) •

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Des petites questions juste d'éclaircissement pour bien comprendre les positions. Je vois dans vos points faibles, vous parlez le fait que le projet de loi ne s'applique qu'aux couples en union libre avec enfants, là. Vous mentionnez ça à la page... je pense à votre page 3. Juste pour bien comprendre, est-ce que votre suggestion, c'est une application immédiate pour tous les conjoints de fait, enfants ou pas, juin 2025 ou pas? Est-ce que c'est ce que vous visez comme application mur à mur avec un droit de complet... un droit de retrait, pardon, complet pour tout le monde ou pas pour tout le monde? Est-ce que vous voyez une différence quand il y a des enfants, pas de différence? Une question que je pose aussi, là. Puis est-ce que vous voyez, bon, la possibilité de retrait sur la résidence familiale? Non? Bref, j'essaie de bien comprendre votre positionnement finalement, là, dans le régime global que vous proposez, là, considérant que vous mettez ça dans vos points faibles, là.

M. Aspri (Roberto) : Oui. Bien, personnellement, je pense que dans le cadre que nous, ce que nous soumettons, c'est qu'en réalité il reste quand même que le couple a le choix encore de se marier aussi s'ils veulent avoir tous ces autres éléments-là. Donc, le régime complet de protection, bien, ils n'ont qu'à se marier. C'est un choix, là, c'est un couple, ils doivent décider, eux, c'est quoi qui fait... qui est plus le modèle d'union qu'ils veulent avoir. Et je pense que, par le mariage, ils auraient droit à ces protections-là qui sont le patrimoine familial mur à mur que vous dites ou... Mais, par contre, s'ils veulent y aller moitié chemin, bien, ils ont d'autres avenues, ils ont d'autres opportunités, là, qu'ils peuvent saisir. Donc, je ne pense pas que le régime actuel, celui proposé par le projet de loi n° 56, devrait se rapprocher à ce point là du couple marié. Ils ont l'option aussi, là, de faire le couple de... comme ils ont aussi l'option de faire un testament.

Alors, vous savez, il y a... le projet de loi n° 56 vient amener une protection supplémentaire pour ceux qui n'ont pas prévu ni de testament ni de contrat de mariage...

M. Aspri (Roberto) : ...rien de tout ça. Bien là, il y a au moins une règle, là, un régime légal, un peu comme la société d'acquêts est venu combler le fait... le régime. Il y a un régime légal. Si vous n'en faites pas un par contrat de mariage, il va y en avoir un qui va vous être attribué par l'État, et c'est la société d'acquêts, alors...

M. Cliche-Rivard : Et qu'en est-il sur la distinction entre l'union libre avec enfants ou sans enfant? Parce que, là, le projet de loi, bon, vient débuter le régime avec l'enfant, alors que, là, vous le dites, là, les unions libres sans enfants, eux, n'ont pas de protection supplémentaire. Où est-ce que vous êtes sur votre positionnement entre... du fait que l'enfant entre dans la vie des parents ou qu'il n'y a pas d'enfant dans le régime? Êtes-vous à l'aise avec la proposition?

M. Périgny (Pierre) : Bien, en fait, c'est ce qu'on a voulu faire ressortir, peut-être... c'était que c'était... le voyait comme une faiblesse. Par contre, ce que nous on a... en équipe, on a considéré, c'est ce que j'ai expliqué tantôt, c'est-à-dire on s'est questionné, est-ce que... nécessairement une mauvaise... Est-ce que ça serait une bonne mesure que de permettre à des gens qui ne sont pas... qui n'ont pas d'enfants de pouvoir hériter, là, ça sans que les autres effets du patrimoine d'union... de l'union parentale s'appliquent à eux? C'est-à-dire on ait... que pour ces gens-là, peut-être, la possibilité d'hériter, ceux qui n'ont pas d'enfants. Mais ce qu'on a voulu faire ressortir, c'est surtout... ce n'est pas nécessairement... c'est certains points faibles qui ont été soulignés par des notaires, on a voulu les présenter aussi, mais on pense que l'union parentale telle qu'elle est actuellement, en tout cas, c'est un point de départ intéressant, si vous voulez.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député Jean-Talon.

M. Paradis : Merci beaucoup. Dans votre échange, tout à l'heure, avec le ministre, vous avez parlé un petit peu de la méthodologie de votre enquête maison. J'aimerais revenir un petit peu là-dessus, parce que, pour moi, en tout cas, comme député, ce que les notaires pensent des questions qu'on aborde, c'est très, très, très important. Vous l'avez mentionné aussi tout à l'heure, vous jouez un rôle d'accompagnement, vous préparez certains des documents les plus importants dans la vie des couples du Québec. Et là je sais qu'on va entendre les collègues de l'Association professionnelle des notaires du Québec demain. Je n'ai pas encore vu leur mémoire. Vous avez un collègue qui vous suit, Me Jean Lambert, qui était dans le comité Roy, qui, lui, en tout cas, insiste beaucoup pour le... sur le fait que les solutions proposées sont les bonnes.

Et vous, vous arrivez avec des points quand même importants, là, sur le fait que l'union parentale ne s'applique qu'aux couples en union de fait à partir du 29 juin 2025. Ensuite, que c'est seulement aux couples en union libre avec enfants que ça s'applique. C'est des points très importants. Donc, qu'est-ce qui fait que vous avez déterminé que c'est dans les points forts ou dans les points faibles? Combien de gens on dit ça ou on dit ceci? Parce que, pour nous, comme députés, c'est important de voir ce que vous pensez des mesures qui sont proposées dans le projet de loi.

M. Périgny (Pierre) : Bien, je vais répondre, parce que c'est moi... Le sondage qu'on a préparé, il fallait quand même faire ressortir rapidement. Moi, j'ai affaire à... on a affaire à des praticiens, essentiellement, là, ça ne veut pas dire que c'est essentiellement des... uniquement des praticiens, dans la... dans cette association, mais il y a quand même une bonne portion de praticiens. Donc, on a fait ressortir un certain nombre de points forts de la loi de... qui découlaient de la loi, d'autres qu'on considérait comme étant des points faibles, avec la possibilité de commenter. Est-ce que c'est un point fort? Les gens pouvaient commenter aussi par rapport à ce qui était des points forts, pour en rajouter ou encore aussi, au niveau des points faibles, bien, rajouter. Donc, ils n'étaient pas limités par les choix qu'on avait faits. L'idée c'était... a on a mis les articles de loi aussi pour qu'ils puissent y référer au besoin, et, bien, c'est comme ça qu'on a procédé.

On a reçu... un certain nombre de membres nous ont répondu, puis on a essayé de mettre de l'avant un peu ce qui ressortait de plus... parmi les points forts, parmi les points faibles.

M. Paradis : Est-ce que vous avez des pourcentages sur les différents points que vous avez mis de l'avant d'un côté ou de l'autre?

M. Périgny (Pierre) : Je pense que oui, attendez un instant.

Le Président (M. Bachand) :...terminé, Me Périgny. Alors, je voulais juste vous remercier, Me Aspri, Me Lessard, Me Périgny, d'avoir été avec nous aujourd'hui.

Et cela dit, la commission suspend ces travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h27)

(Reprise à 11 h 31)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît. La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir Me Jean Lambert, notaire. Alors, merci beaucoup d'être avec nous.

Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, après ça, on aura un échange avec les membres de la commission.

Alors, je vous cède la parole, Me Lambert. Merci beaucoup, encore une fois, d'être ici.

M. Lambert (Jean) : Merci, M. le Président. Alors, Jean Lambert, notaire praticien. J'ai été président de la Chambre des notaires de 1984 à 1990, donc huit grandes commissions parlementaires sur le nouveau Code civil. De 2009 à 2014, ça, ça a été le Code de procédure civile, puis il y a eu d'autres commissions parlementaires. Donc, j'en suis à ma 18 ᵉ...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Lambert (Jean) : ...dont une à la Chambre des communes. Alors donc, c'est pour ça que l'invitation m'a plu beaucoup, mais je comprends que c'est sans doute suite à l'article dans la Presse du 12 avril et aussi ma qualité de l'un des 10 membres du comité consultatif sur le droit de la famille, qui a été mis sur pied au printemps de 2013, à la suite du jugement Éric et Lola.

Et, M. le Président, le comité consultatif, ça a été des travaux intenses et sérieux qui se sont étendus sur deux années, à raison de deux pleines journées aux 15 jours, plus les travaux, évidemment, préparatoires, hein, et ça a donné pour résultat ce document.

Certains vont dire que les propositions, ça vient d'un groupe qui était déconnecté. Là-dessus, je peux vous dire que le comité a suivi l'évolution de la parentalité, conjugalité, utilisons tous les mots, au Québec, et tout au long de ces travaux, nous avons été éclairés par la sociologue et démographe de grande réputation Céline Lebourdet, qui était l'un des 10 membres de la commission. Elle a d'ailleurs écrit le chapitre II de ce rapport avec la collaboration d'une autre sommité dans le domaine, la Pre Évelyne Lapierre... On avait aussi trois avocates spécialisées en droit de la famille et litiges matrimoniaux. Je me demande qu'est-ce que ça prend pour être plus connecté.

Vous me permettrez donc de rendre hommage, et je ne suis pas flagorneur, au notaire général et ministre de la Justice d'avoir donné suite à ce rapport, alors que ses prédécesseurs ont tergiversé. On en est au troisième volet, aujourd'hui, et je suis très heureux d'y participer.

Rapidement, un énoncé général. Évidemment, je suis tout à fait d'accord avec l'approche du projet de loi, qui est fondée sur le respect de la volonté et des libertés... de l'autonomie et de la volonté, devrais-je dire. Cependant, avec la limitation lorsqu'un enfant arrive dans le couple, parce que, pour les Québécois, la présence d'un enfant, son bien-être, son évolution, son développement, c'est aussi une valeur reconnue et chérie. Alors donc, c'est la raison pour laquelle le projet de loi est devant nous, pour cette raison. Alors, souvent, on a eu des questions, j'ai entendu... je vais plutôt attendre que les parlementaires me posent des questions, mais vous comprenez donc que je suis tout à fait d'accord avec la philosophie.

Et j'aimerais parler de deux mesures phares. Évidemment, on est dans le cadre d'une philosophie de compensation. Il n'est pas question de solidarité, il n'est pas question d'union économique, mais on vient compenser le conjoint qui, d'une façon prépondérante, s'occuperait de l'enfant, verrait à son développement, ses soins, etc., et qui a subi un désavantage. Alors, le comité, dont je faisais partie, trouvait tout à fait juste que ce conjoint-là soit compensé. Alors, c'est la philosophie.

Et ce qui est intéressant, dans ce qui est proposé ici, parce que, souvent, la question des capacités financières pour la personne qui doit faire valoir ses droits, c'est majeur... ici, l'article 521.45 permet au juge d'ordonner une provision pour frais. Donc, on vient faciliter.

Par contre, comme membre du comité, je persiste à dire qu'il devrait y avoir des lignes directrices, un peu sur le modèle des pensions alimentaires pour enfants. Pourquoi? Bien, ça permet aux conjoints de pouvoir mieux, eux-mêmes, en arriver à une entente, la définir, définir le montant. C'est un meilleur accès à la justice, puis on espère que, ce faisant, ça déjudiciarise. Et le notaire général s'est fait fort, depuis plusieurs récentes législations, de faciliter l'accès à la justice. D'ailleurs, on sait que c'est probablement la marque de sa présence au Conseil des ministres.

Le retrait du patrimoine familial, je reviens là-dessus parce qu'encore une fois il y en a qui vont se présenter devant vous puis ils vont reculer 35 ans en arrière, moment d'horreur, semble-t-il, des femmes, des épouses ont été traînées par les cheveux dans les bureaux de notaires, complaisamment...

M. Lambert (Jean) : ...mon expérience, c'est que j'en ai reçu, de ces déclarations-là, il y en a qui n'ont pas été signées après explications. Je me rappelle d'un cas en particulier, je vous en parle parce qu'à cette épouse-là avait un lien de famille, c'est pour ça que je m'en rappelle. Après mes explications, après que je l'ai implorée de ne pas signer, elle a signé. Elle avait ses raisons.

Aussi, c'est bien d'avoir des chiffres pour savoir c'est quoi, l'ampleur du phénomène. Il y avait, à l'époque, à peu près 2 millions de couples qui pouvaient être touchés par le patrimoine familial. Et savez-vous combien il y en a qui s'en sont soustraits? 59 334 avis qui ont été déposés au RDPRM, parce qu'il y avait seulement que 18 mois, donc il n'y en a plus d'autre. Ça, quand on fait le calcul, c'est trois centièmes de 1 %. Et, dans ces 59 000 là, combien ont donné lieu à un litige? Pour être généreux, je pourrais peut-être dire 500, je ne sais pas. Vous demanderez à ceux qui vont vous dire, là, que c'était épouvantable... peut-être leur demander c'est quoi, les chiffres. C'est sûr qu'il y en a eu que... Je ne prétends pas qu'il n'y a pas certains notaires qui n'ont pas été à la hauteur. Il n'y a pas un corps professionnel qui est parfait. C'est malheureux. Mais, dans l'ensemble, les notaires ont bien joué leur rôle. La preuve, c'est que la responsabilité à la chambre ou le service du syndic discipline n'a pas été submergé du tout par les demandes concernant cette question-là. Alors, je pense que ça, il faut savoir mettre ça de côté. Vous aurez sans doute des questions.

J'y vais rapidement. Un des problèmes avec les unions dites libres, c'est que c'est difficile de savoir quand ça a commencé, est-ce que ça existe, quand est-ce ça finit. Alors, évidemment, dans mon petit papier, je vous ai proposé qu'il y ait une déclaration notariée. Je ne dis pas qu'elle doit être obligatoire, mais je vous dis : Nous autres, les notaires, on veut se faire forts de faire de la promotion, dire aux gens : Écoutez, faites une déclaration, et particulièrement quand un enfant va naître. Bon. Tout à l'heure, j'entendais la question, mais savez-vous que, dans nos bureaux, là, quand il y a un enfant qui s'en vient ou qui naît, les gens viennent nous voir pour dire : Bien là, là, je n'avais pas fait de testament, là, je n'avais pas vu, tu sais, on vivait ça bien, nous autres, mais là, là, il y a un enfant, comment ça se passe, notaire? Donc, l'arrivée d'un enfant provoque ces rencontres-là dans nos bureaux. Et c'est certain qu'on va leur dire d'abord : Ça serait peut-être bien qu'on ait une déclaration, comme ça, ça va... on n'aura pas besoin d'engager un inspecteur ou un... je ne sais pas quoi, là, pour dire : Bien, cherchez donc pour savoir, là, s'il y a des éléments, vous aurez déclaré. Puis on vous invite, si jamais il y a une rupture, de le faire également. Déposer cette inscription-là au RDPRM ou à un registre que la chambre pourrait accoler à son registre des testaments, mandats don d'organe, ça serait une bonne idée.

La vocation successorale, il en a été question tantôt, ça, c'est... le comité n'avait pas retenu cette avenue-là, parce que, dans le fond, ça ne vise pas l'enfant, ça... ce n'est pas son bien-être. Et même il y a un parlementaire tantôt qui a soulevé que, bon, il y avait un tiers de la succession, dans le fond, qui n'irait pas à l'enfant parce qu'il irait au conjoint. Moi, personnellement, je ne peux pas dire que ça me défrise, malgré que ce n'est pas en accord avec ce qu'on avait proposé, mais, à ce compte-là, je verrais qu'on... qu'on élargisse à tous les conjoints, tous les conjoints de fait, d'autant que la conséquence n'est pas terrible, hein, parce qu'un geste unilatéral d'un des conjoints de faire son testament ou simplement à la main, holographe, puis il n'est pas tenu. Ça fait que je ne pense pas que ça va provoquer une levée de boucliers. Opinion.

• (11 h 40) •

Je termine en disant que le fait d'avoir à respecter le délai d'un an pour succéder, souvent c'était une difficulté à prouver, alors j'ai imaginé, je le soumets là, je ne veux pas... c'est un peu technique, je ne vais pas aller très loin, mais je me suis inspiré de ce qui existe, ce que la Régie des rentes fait, ce que le RREGOP fait, etc., de demander des déclarations de parents, amis, etc. Mais, comme il s'agit, en plus, d'affecter le droit de d'autres héritiers potentiels, je pense qu'il faudrait solidifier, et là je m'inspire des procédures devant notaire pour la vérification des testaments où là il y aurait un acte formel du notaire et qui pourrait donc sceller, solidifier cette preuve.

M. le Président, je termine en disant que ce projet de loi mérite de recevoir l'aval de l'Assemblée nationale, juridiquement innovateur, socialement équilibré. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci, Me Lambert. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Maître Lambert, bonjour...

M. Jolin-Barrette : ...merci de participer aux travaux de la commission. Vous êtes notaire érémite... émérite, vous avez été président de la chambre à de... deux reprises au moins, avec des mandats renouvelés. Donc dans les années fin 80, 2009, 2015, vous me corrigerez.

M. Lambert (Jean) : 2014.

M. Jolin-Barrette : 2014, 2014. Et d'entrée de jeu, là, vous avez suscité chez moi un questionnement parce que vous avez dit : Écoutez, en 89, lorsqu'il y a eu le patrimoine familial, on permettait aux gens de s'exclure en allant chez le notaire. Puis, vous l'avez bien dit, il y a beaucoup de gens qui disent : Bien, écoutez ça, ça a fait en sorte, là, qu'il y a des gens qui ont été traînés de force chez le notaire. Vous, vous dites : Écoutez, il est peut être arrivé des épisodes anecdotiques, mais ça ne s'est pas produit à grande échelle, et le syndic n'a pas sévi là-dessus parce qu'on fait le parallèle avec la disposition qu'on a dans notre projet de loi où on permet aux gens d'aller chez le notaire pour s'exclure du régime. Donc, j'aimerais juste vous faire préciser ça, là.

M. Lambert (Jean) : Vous me demandez si je suis d'accord avec la mesure.

M. Jolin-Barrette : Oui. Êtes-vous d'accord avec la mesure?

M. Lambert (James) :  Bien sûr.

M. Jolin-Barrette : O.K. Et puis vous...

M. Lambert (Jean) : C'est... ça participe de la philosophie du respect de la liberté des gens, alors il y a... Mais j'imagine que les gens qui voudront se soustraire de l'union parentale, bien, ils vont le faire en connaissance de cause. D'autant plus qu'aujourd'hui, on est 35 ans plus tard, puis je pense que la connaissance du droit, là, même si les gens ne connaissent pas les virgules, ils ont quand même une intuition, à un moment donné, qu'il y a quelque chose de sérieux, puis ils vont consulter, puis c'est certain que le rôle des notaires, ça va être de les éclairer.

M. Jolin-Barrette : Puis sur le fait, là, que les gens, souvent le conjoint vulnérable, seraient traînés de force chez le notaire, là, puis que le notaire ne consente pas librement à retirer cette protection-là, là, comme les exemples qui sont donnés en 1989, là, qu'est ce que vous dites par rapport à ça?

M. Lambert (Jean) : Que le notaire ne... excusez, c'est parce que je n'ai pas très bien... Qui a dit que les gens, à l'époque, il y en a qui ont décidé de ne pas signer parce qu'on... sachant les les... les conséquences, puis les gens disent : Mais comment vous allez chercher le consentement? Ce n'est pas compliqué. Vous posez, c'est quoi votre patrimoine? Bon, bien, écoutez, M., Mme dépendant, bon, dépendant en tout cas, si vous renoncez, bien là, regardez... financièrement, ça veut dire telle, telle chose, telle chose ou telle chose. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça? Tu sais, c'est une entrevue qu'on... bon, ce n'est pas là qu'on le sent. On le sent tout de suite le malaise quand il y en a un puis on dit : Bien, écoutez, je pense que vous devriez peut-être consulter chacun de votre côté si vous voulez ou vous reparler, mais moi, j'estime que ce n'est pas prêt. Ça m'est arrivé d'avoir cette attitude-là.

M. Jolin-Barrette : Pourquoi c'est important pour vous de conserver cette autonomie-là de la volonté, le fait de permettre aux gens d'être assujettis ou non? Pourquoi c'est important?

M. Lambert (Jean) : Bien, comme je le disais tantôt, ça participe de... de l'approche qui veut le respect de l'autonomie, de la volonté des gens. On présume que les gens sont assez bien pourvus pour être capables de décider comment ils veulent régler leur union. Alors, s'ils se soustraient, c'est parce qu'ils auront discuté entre eux et ils se sont aperçus qu'ils sont financièrement assez bien pourvus l'un et l'autre, qu'ils se sont bien entendus sur le partage des tâches, etc., puis que pour eux, ils n'ont pas besoin de tout ça. Qu'est-ce que j'ai à dire contre ça? Leur dit Non, non, non, là, savez-vous, là, vous ne pensez pas... ce n'est pas correct. Je ne suis pas capable de leur dire ça. Je vais poser des questions pour m'assurer, par contre, que c'est bien réfléchi. Une fois qu'ils me disent :Écoutez, notaire, là, n'insistez pas, là, c'est ça qu'on veut. Bien là, écoutez, on va signer.

M. Jolin-Barrette : O.K. Qu'est ce que vous pensez du fait que, dans le patrimoine d'union parentale, on n'inclut pas les REER, on n'inclut pas les régimes de retraite, on n'inclut pas les fonds de pension? C'est quoi votre opinion sur le fait? Parce qu'il y en a certains qui disent ça devrait être inclus. Nous, on a décidé de les exclure. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Lambert (Jean) : Moi, je pense qu'en fait c'est encore une fois la position du comité, c'est que ce sont des éléments qui ne sont pas reliés à la compensation du conjoint qui sera déjà désavantagé pendant une certaine période, mais assez limitée, pour avoir pris soin de l'enfant, alors que les pensions, le partage, dans le fond, du patrimoine familial, c'est systématique, c'est mécanique, c'est comptable, ça ne tient pas compte d'autres choses, alors qu'ici la philosophie de votre projet de loi, c'est de compenser une personne qui a été désavantagée. Alors, c'est là. Et le projet de loi le fait bien sentir, c'est qu'on règle ça rapidement. Pourquoi? Aussi, c'est que, généralement, on a affaire...

M. Lambert (Jean) : ...les couples visés ici, les couples sont jeunes parce qu'ils ont des enfants, un enfant commun, un ou plusieurs enfants communs. Alors, souvent 85 % de ces couples-là, après rupture, se remettent en couple. Donc, traîner une pension alimentaire, ça... Je pense que la compensation, elle doit être évaluée au moment de la rupture, s'enligner sur une somme globale et de voir à ce que soit... ça soit réglé rapidement pour que, de chaque côté, les nouvelles unions ne traîneront pas un passé désagréable.

M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce que vous pensez du fait que l'on fait une distinction entre les conjoints avec enfants et les conjoints de fait sans enfants, dans le fond, que le projet de loi s'applique uniquement aux gens qui auront des enfants. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

M. Lambert (Jean) : Bien, oui, parce que c'est ce que le comité... Et c'est le résultat de nos travaux, ça a été ça, parce que c'est une approche. Il y en a trois. Solidarité, union économique, ça, ça a été mis de côté. Donc, on en vient à une philosophie de compensation. Ce qui est intéressant, c'est que c'est facilité par la provision pour frais. Donc, il y a eu un désavantage. C'est ça actuellement qu'on veut compenser. CParce que c'est ça, l'esprit. Sinon, discutons plutôt de la philosophie. Puis là on va arrêter de jouer, bien, peut-être une virgule ici, peut-être ajouter un pourcentage là. Là, là, il faut discuter de la philosophie. Dès l'instant qu'on adopte la philosophie de la compensation, je suis tout à fait d'accord avec la disposition.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous êtes d'accord avec la prestation compensatoire qu'on vient inclure. Que pensez-vous de la méthode de calcul qu'on vient insérer? Le fait que ça soit la valeur marchande plutôt que la construction jurisprudentielle de la valeur accumulée?

M. Lambert (Jean) : Bien, c'est que la valeur marchande, généralement, c'est assez collé sur la réalité. Et je pense que c'est une bonne façon d'approcher la solution du problème. De toute façon, regardez, les meubles, ça ne se déprécie pas beaucoup, les automobiles non plus. Donc, de quoi on parle? On parle de maison. Alors, il y a plein de mécanismes pour être capable de cerner...

M. Jolin-Barrette : J'aimerais que vous abordiez davantage la question des lignes directrices parce que, vous dites, on est... je suis d'accord avec la prestation compensatoire, avec ce que l'on vient créer, parce que, dans le fond, la prestation compensatoire vient remplacer le recours d'enrichissement injustifié, qui est un recours complexe. Là, on vient simplifier ce recours-là par le biais de la prestation compensatoire, à l'image de ce qu'il y a... de la prestation compensatoire en mariage. Là, vous nous invitez à développer des lignes directrices. Qu'est-ce qu'il devrait y avoir dans ces lignes directrices là? C'est pour guider les tribunaux, c'est pour orienter, dans le fond, quel devrait être le régime de compensation.

• (11 h 50) •

M. Lambert (Jean) : Bon, très franchement, M. le ministre, moi, je ne suis pas un spécialiste de ces questions-là aussi précises. Cependant, ce que je comprends, c'est que s'il y a des lignes directrices, j'imagine que les gens qui vont les déterminer sont des gens qui vont avoir les connaissances. Il doit y avoir, j'imagine, un point de vue économique... d'économiste aussi là-dedans. Alors, le résultat, ça va être quoi? C'est que ça va faciliter la conclusion d'ententes, et il est... et on le souhaite, sans avoir à aller au tribunal. Alors, moi, je pense que c'est vraiment ajouter ce quelque chose, je pense, qui vient bonifier votre disposition du projet de loi qui, par ailleurs, fondamentalement, est excellente.

M. Jolin-Barrette : Et je vous remercie, Me Lambert,m pour être venu en commission parlementaire. Je vais céder la parole à mes collègues. Mais très apprécié puis merci pour votre mémoire.

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Il reste combien de temps?

Le Président (M. Bachand) :7 min 20 s

M. Lemieux : Merci beaucoup. Et, Me Lambert, je vais commencer par vous faire répéter ce que vous avez dit en conclusion tout à l'heure. Je ne l'ai pas noté lorsque vous l'avez dit. C'est juridiquement...

M. Lambert (Jean) : Juridiquement innovateur et socialement équilibré. C'est ça?

M. Lemieux : Oui. Merci beaucoup. Parce que c'est important, le contexte. Vous avez été, et vous l'avez bien fait, le contexte du rapport du comité d'experts, comité consultatif, et c'est important parce que ça date déjà un petit peu. Puis quand on parle de 89, ça date un peu plus. Puis on arrive avec le projet de loi aujourd'hui, et la société a évolué, et c'est important de se souvenir du contexte, de ne pas juste être en réaction.

Là où je veux en venir, puis je vais vous écouter parce qu'on a le temps et que ça tombe bien, il y a une expression qui dit : Ils ont coupé la poire en deux. Moi, je trouve ça péjoratif parce que c'est comme si c'était facile, alors que couper un tiers, deux tiers...

M. Lemieux : ...c'est facile aussi, là, c'est une expression que je considère péjorative. Mais ça illustre bien la recherche de l'équilibre. Et puis c'est ce que vous avez dit, c'est équilibré, en tout cas socialement, puis c'est pour le monde qu'on fait ça. Juridiquement, je sais que vous êtes... pour ce qui est du droit civil, vous êtes... Je vous ai vu réagir tout à l'heure quand maître... quand la professeure Malacket parlait de notre tradition civiliste et tout ça, je vous ai vu très intéressé. Pour le droit, je comprends. Mais je ne suis pas avocat, puis il y a plein de monde qui nous écoutent qui ne sont pas avocats. Pour le monde, cette loi-là et cette proposition de projet de loi là, c'est équilibré pour aujourd'hui, là. On ne fait pas juste faire un peu de rattrapage, on se ramène à jour, dans le fond.

M. Lambert (Jean) : Exactement. Vous savez, je vous disais tantôt que j'en suis à la 18e comparution devant une commission... il n'y en a pas une que je n'aie pas entendu : Ça ne va pas assez loin, ça va trop loin, il n'y en a pas une. Ça fait que, que vous entendiez ça, c'est dans la nature des choses.

M. Lemieux : Le contexte dont je parlais... Et puis, ma collègue y faisait référence tout à l'heure, il y a des chiffres qui frappent, puis on ne le réalise peut-être pas jusqu'à tant qu'on soit frappés dans notre cercle immédiat ou nous-mêmes : 65 % des couples qui ne sont pas mariés n'ont pas de testament. Et vous avez dit très justement : Mais là, quand il arrive un enfant, par exemple, là, c'est autre chose, là. Là, on se retrouve avec des gens qui se réveillent.

Puis en même temps, j'ai noté tout à l'heure — je pense que c'était justement maître... pas «maître», professeure Malacket qui le disait — que les conventions de vie commune que les couples peuvent... qui ne sont pas mariés peuvent aller signer, il n'y en a pas tant. Il n'y en a vraiment, dans le fond, pas assez.

M. Lambert (Jean) : Ça, c'est la première réforme de 1980, parce qu'avant c'était impossible, hein. Les concubins, la loi ne leur permettait pas de se faire des donations. Bah! Je ne reviendrai pas au passé aussi lointain. Mais on espérait qu'effectivement il y en aurait, puis on a vraiment battu le tambour à l'époque. Je m'en rappelle, j'étais vraiment bien, bien impliqué dans ça. Ça ne suit pas. Mais, par contre, savez-vous ce qu'on remarque? C'est que les conjoints le font à la pièce. Ils achètent la résidence, ils achètent des choses. Toi, tu paies ci, faites cela, tu sais. Ça fait que, dans le fond, ils le font, leur... mais à la pièce plutôt que d'avoir un principe général. Pourquoi? Parce qu'ils se sentent plus libres. C'est psychologique, mais ils se sentent plus libres, puis ils le font de cette façon-là. Puis, moi, je n'ai pas vu de manifestation dans les rues là-dessus, là.

Puis, dans le groupe auquel j'appartiens, qui est PME INTER Notaires, on a une direction du droit des personnes. Ça, c'est une trentaine de notaires, je dois dire qu'ils sont, à une exception ou deux près, des femmes, et ils se réunissent aux deux mois des journées entières pour travailler puis... Et je leur ai posé la question : Qu'est-ce que vous pensez de ça, le projet de loi puis tout ça? Est-ce que... Ils ont tous dit : Ça correspond à ce qu'on entend de nos clients quand on leur... on les... on parle puis on leur parle d'une convention : Non, savez-vous, notaires, on va y penser, là, mais on a... savez-vous, on a déjà fait ça, gardé la maison être aux deux, non, puis bon, etc.

M. Lemieux : Ce qu'on entend... Quand vous dites : Ce qu'on entend des clients, on se pose théoriquement plein de questions de : Est-ce qu'il va arriver ci? Est-ce qu'il va arriver ça? Est-ce que ça arrive, des notaires qui sont obligés d'apprendre à quelqu'un qui n'avait pas de testament puis qui était en union de fait que la famille de M. ou de Mme, là, dépendant, peut débarquer? Parce que, là, le trouble commence. Est-ce que ça arrive, ou c'est juste une théorie infinitésimale, là?

M. Lambert (Jean) : Lemieux, je me rappelle d'un cas du tout début de ma pratique, donc c'est loin. Il s'agissait d'un couple, 27 ans de vie commune. Décès, Mme n'hérite pas. Elle s'est retrouvée immédiatement dans l'indigence, puis les héritiers, ils ont dit : Bien, regarde, on te donne deux mois pour sortir de la maison. Puis ça, c'est vrai, ça, là, il y en a.

M. Lemieux : Donc, on est en train, avec ce projet de loi là, d'actualiser, de moderniser, d'équilibrer pour des citoyens qui ne s'occupent pas de ce dont ils pourraient s'occuper. Parce qu'on s'entend, là, à quelque part on peut aller faire un testament, on peut aller signer une convention de vie commune, on peut tout faire. Mais, les temps étant ce qu'ils sont — on n'est plus dans le temps de Séraphin, où il était le plus populaire du village, puis tout le monde passait le voir à toutes les années — les temps étant ce qu'ils sont, il faut qu'on prenne les devants pour eux, et ce qu'on est en train de faire, c'est la bonne affaire?

M. Lambert (Jean) : Oui. Oui, définitivement. Mais les autres ont... Regardez, on multiplie les campagnes de publicité, on a des dépliants, je donne des conférences... Je ne suis pas le seul, hein, il y en a plusieurs...

M. Lambert (Jean) : ...mais, à un moment donné, un âne, là, vous avez beau de le pogner par les deux oreilles puis vouloir le faire boire dans le ruisseau, là, bien, ça ne marchera pas. Ça fait que, si les gens ne veulent pas, bien, ils ne veulent pas.

M. Lemieux : Il ne reste pas beaucoup de temps, mais je vous ai promis qu'on en parlerait. Le droit civil, faites-moi plaisir et faites plaisir au ministre, parce que c'est un grand amateur du Code civil, il m'en a même signé une copie juste pour moi, pourquoi c'est si important? Quand on n'est pas avocat, quand on n'est pas notaire, on en entend parler, mais on ne comprend pas l'importance que ça a.

M. Lambert (Jean) : Oui, bien là, vous touchez une corde bien sensible pour moi parce que, dans le comité, entre autres, je reprochais à un membre en particulier plusieurs fois, qui était originaire d'un pays de droit civil, la Belgique, je disais... un moment donné... dit : Coudon, c'est-tu de la common law qu'on fait ici ou du droit civil? C'est une question d'approche, de façon de voir le droit. La common law, c'est un droit empirique qui se développe par des décisions, tout ça. Maintenant, il y a ce qu'ils appellent des... parce qu'à un moment donné ils sentent le besoin d'écrire, mais ça n'a pas la même force qu'un code civil qui, lui, dit, après consultation, après qu'on est allé chercher ce que la population veut, bien là, on les établit, et c'est clair.

C'est sûr qu'on a besoin des tribunaux, parce qu'on a beau dire, c'est clair, mais l'application elle... l'humain étant ce qu'il est, là, ce n'est pas une machine. Alors, c'est sûr qu'on a besoin d'une appréciation, mais, au moins, les choses sont claires. C'est une question de génie, de société. Et moi, j'y suis très attaché parce que, des sapins, il y en a partout au Canada, des lacs, il y en a partout, au Canada, des grands espaces aussi. Qu'est-ce qui distingue le Québec? On parle français, d'ailleurs, ailleurs, mais le notariat, ça, c'est typiquement québécois.

Le Président (M. Bachand) :...

M. Lemieux : Content de vous l'entendre dire. Merci beaucoup, Me Lambert.

M. Lambert (Jean) : Je ne m'attendais pas d'avoir...

Le Président (M. Bachand) :M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît. M. le député de l'Acadie.

M. Morin : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Lambert, merci d'être avec nous. Merci pour votre éclairage. J'aimerais... j'aimerais que vous puissiez nous parler d'un élément. Quand vous avez parlé tout à l'heure de la philosophie du projet de loi et des travaux que vous avez faits précédemment, vous avez souligné que vous vous étiez arrêté et vous avez mis, finalement... vous avez fait la promotion d'une philosophie de compensation. J'ai bien compris?

M. Lambert (Jean) : Très bien compris.

M. Morin : Merci. Maintenant, je comprends que, dans le projet de loi, s'il y a un partage, c'est dans le cadre évidemment d'une union parentale, donc quand il y a un ou des enfants qui arrivent. Est-ce que j'ai raison de dire que, si un couple en union de fait...

M. Lambert (Jean) : Parentale?

M. Morin : ...n'a pas d'enfants...

M. Lambert (Jean) : Ah, O.K.

• (12 heures) •

M. Morin : ...il n'y aurait pas de compensation du tout s'il y a une séparation? Est-ce que je suis dans l'erreur ou...

M. Lambert (Jean) : Bien, il ne l'aura pas, du fait qu'il vit comme conjoint, mais il peut y avoir toujours le recours en cas d'enrichissement sans cause. Donc, si les conjoints de fait, un travaille dans l'entreprise de son conjoint, puis elle... bien ça, ce recours-là est toujours là.

M. Morin : Oui.

M. Lambert (Jean) : La seule chose, c'est que le fait seul d'avoir... de ne pas avoir... d'avoir un enfant motive ici qu'on intervienne, sinon on n'interviendrait pas, là, en fait, c'est ce que j'ai compris.

M. Morin : C'est ça puis...

M. Lambert (Jean) : Alors donc, c'est pour ça... Et il n'y en a pas d'autre, compensation, que celle de l'enrichissement sans cause.

M. Morin : Exact. Pour l'enrichissement sans cause, bien, évidemment, c'est un concept dans notre droit civil...

M. Lambert (Jean) : Beaucoup plus difficile, effectivement.

M. Morin : ...ça peut donner lieu, évidemment... bien, c'est un recours qui est ouvert, ça donne lieu à des litiges et c'est quand même assez difficile à prouver.

Compte tenu de la philosophie qui a, évidemment, guidé vos travaux, pourquoi ne pas étendre cette compensation-là à toutes les unions de fait et non pas uniquement dans le cas d'une union parentale? Est-ce que c'est quelque chose auquel vous avez réfléchi dans le cadre de vos travaux?

M. Lambert (Jean) : On l'a discuté. On ne l'a pas juste réfléchi, on l'a discuté, mais, encore une fois, c'est une philosophie de compensation à l'égard d'un désavantage d'un des membres du couple qui aurait mis sa carrière en veilleuse pour s'occuper de l'enfant, et ça, d'un commun accord, et qui, pendant un certain nombre d'années, va subir ce désavantage... sa carrière va moins progresser... tout ce que ça veut dire, des bénéfices aussi qui entourent tout ça. Alors, c'est ça qu'on dit : Bien, il faut compenser, il faut établir un équilibre. Il y a justice ici à faire, mais, dans l'autre cas, c'est le conjoint qui... qui parcourent leur vie, qui... il n'y a pas un qui a à...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Lambert (Jean) : ...à consacrer à un tiers, si peut-être à des enfants d'une autre union, mais ce n'est pas de ça dont on parle. Alors, non. La fin de nos discussions, ça a été : On se concentre sur le désavantage de la présence d'un enfant commun.

M. Morin : Donc... Alors, s'il y a un des conjoints qui, d'un commun accord, mettait, par exemple, sa carrière en veilleuse pour s'occuper d'un parent, bien là, il lui resterait l'enrichissement sans cause... être compensé.

M. Lambert (Jean) : Ce n'est pas l'objectif du projet de loi.

M. Morin : Ce n'est pas l'objectif. Très bien. Je vous remercie. Dans le projet de loi, on parle, évidemment, du patrimoine de l'union parentale. Puis ça, on en a parlé un peu... un peu plus tôt aujourd'hui, vous l'avez probablement entendu, le législateur limite la composition du patrimoine d'union parentale. Est-ce qu'on devrait l'étendre davantage au lieu d'avoir une énumération? Est-ce qu'on ne devrait pas parler, bon, d'un patrimoine commun? Comment... Comment vous... Comment vous voyez ça? On... On semble exclure, évidemment, les résidences secondaires. Puis, si l'esprit du projet de loi, c'est de compenser parce que, dans l'union parentale, il y a des enfants qui bénéficient des biens. Bien, pourquoi, à ce moment-là, les restreindre à ce qui est indiqué à 521.30?

M. Lambert (Jean) : Bon, dès l'instant qu'on parle d'un patrimoine, qu'il soit familial ou d'union parentale, bien, il faut le décrire, il faut... Il faut... il faut lister les biens qui sont visés. Là, on ne peut pas juste rester dans le vague, hein? Puis ça, ça... c'est très cohérent avec notre esprit, justement, de loi civile. Bon, ceci étant dit, est-ce que le chalet devrait en faire partie, et poussons plus loin, parce que c'est surtout cet aspect-là qu'on va vous dire, est-ce que ça ne devrait pas aussi avec les pensions et les régimes de retraite? Je pense, j'ai répondu un peu à la question tantôt, mais j'y reviens, c'est que ces éléments-là, le patrimoine d'union est vraiment centré sur la cellule familiale, le milieu de vie de l'enfant. C'est d'ailleurs aussi pour laquelle on a aussi les dispositions concernant la résidence principale. Donc, ça, ça forme un tout. Qu'on aille au chalet, bon, mais on n'a pas cru bon, nous, que d'étendre ça... On pense que ce qu'on a déterminé dans... le patrimoine d'union, bien... parentale, je m'excuse, c'est que...

Une voix : ...

M. Lambert (Jean) : ...pour la question des REER et des pensions, là, il est difficile aussi, encore, de... d'y voir une contribution au principe de la compensation ou des avantages. On peut se retrouver... parce qu'il peut arriver... parce qu'il y a un écoulement du temps, là. Alors, la question, là, des soins de l'enfant s'est déjà rendue loin. Et ça peut être le conjoint désavantagé qui va être perdant. Pourquoi? Parce que les cinq ans qu'il a consacré à son enfant, il a racheté, après ça, les... ses années de pension et se retrouve, au moment du partage, d'avoir, lui, ce conjoint-là désavantagé, un patrimoine excédentaire à l'autre, donc il va falloir qu'il partage ça. Ça fait que, là, il va être... non seulement il ne sera pas... compensé pour les désavantages, mais il va être désavantagé par un partage. Alors, je pense que ce qui... ce qui est dans le projet... cadre bien avec la satisfaction du besoin de compenser un conjoint qui a été désavantagé parce qu'il s'est occupé particulièrement d'une façon prépondérante de l'enfant.

M. Morin : Je vous... je vous remercie. Un peu plus tôt, bon, évidemment, dans le projet de loi, il y a un mécanisme de prestation compensatoire. On ne parle pas de pension alimentaire. Un peu plus tôt, il y a un groupe, si j'ai bien compris, de notaires qui nous disait : Écoutez, on pourrait combiner les deux parfois dans des situations d'urgence, ça permettrait d'offrir, évidemment, des aliments aux enfants. C'est quoi, votre opinion là-dessus? Est-ce qu'on devrait avoir une combinaison des deux ou simplement laisser ce qu'il y a dans le projet de loi actuellement?

M. Lambert (Jean) : Non, non, pas de combinaison... pour les raisons que je vous ai dites. La pension alimentaire, c'est quelque chose qui s'étire dans le temps dont le principe fondamental, en common law, là, c'est celui qui demande est dans le besoin puis celui à qui on demande a les moyens, et le trait d'union, ça a été la période d'union qu'il y a eu et que la rupture mettra peut-être ce conjoint, qui devient demandeur, dans l'indigence. Ça, c'est la base même au départ de la pension alimentaire. Mais on n'est pas en présence de ça, là, ce n'est pas ça ici, là. Alors, je... Moi, difficilement, moi, l'application...

M. Lambert (Jean) : ...d'une pension alimentaire. Ce qu'on a préféré, c'est que... Comme je vous disais tantôt, la présence d'enfants communs, c'est généralement dans la partie jeune du couple. Un moment donné, il va y avoir une rupture, il va y avoir un nouveau... C'est la notion de ce que les Anglais, les anglophones appellent le «clean break». C'est-à-dire qu'on évalue c'était quoi , votre désavantage, c'était quoi, le dommage que vous avez subi, avec les lignes directrices qui viennent nous aider, on calcule la somme, et c'est un paiement immédiat ou échelonné sur une période n'excédant pas 10 mois. Alors, on pense que ça satisfait à répondre aux besoins que l'on veut corriger.

M. Morin : Mais vous ne pensez pas que dans le cas d'une union parentale, admettons, parce que ça va arriver, des séparations, rapidement, il y a... D'après vous, là, il n'y a pas un conjoint ou un enfant qui pourrait se ramasser dans l'indigence?

M. Lambert (Jean) : Je m'excuse, qu'il n'y aurait pas un enfant qui se retrouverait...

M. Morin : Qui pourrait se ramasser ou se retrouver dans l'indigence? Parce que vous dites, avec la pension alimentaire, ça peut arriver, ça fait que je veux juste comprendre.

M. Lambert (Jean) : Regardez, avec respect, là, on parle de deux choses. Il y aura toujours obligation pour le parent d'une obligation alimentaire avec l'enfant, qu'on soit marié ou en union parentale. Ça, si l'enfant dans le besoin, bien, le parent va devoir pourvoir à ses besoins. Ça, c'est déjà prévu dans notre loi.

Donc, ce qu'on en parle autrement, c'est une pension alimentaire envers le conjoint. Et c'est ça que je vous dis, on a écarté ça dans nos travaux. Pourquoi? Parce qu'on a estimait que ça ne correspondait pas à la bonne façon de solutionner le besoin de compenser ce conjoint qui, d'une façon prépondérante, s'est occupé de l'enfant pendant un certain nombre d'années.

Le Président (M. Bachand) :30 secondes, M. le député.

Et qu'est-ce que vous pensez de l'idée, par exemple, d'avoir des directives ou des lignes directrices pour guider, éventuellement, un montant qui  pourrait être accordé?

M. Lambert (Jean) : J'ai mentionné, justement, que j'étais favorable à ça, et le comité d'ailleurs était favorable.

M. Morin : Très bien. Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le député. M. le député de Saint-Henri-Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup pour votre présentation, Me Lambert, merci pour votre contribution à la profession, également. Vous parlez, là, dans votre mémoire, du droit de retrait complet du régime d'union parentale, et je voulais vous questionner. Là, vous parlez de la valeur aussi ou de la pensée compensatoire. Est-ce qu'on n'y voit pas possiblement là une contradiction entre le fait qu'on veut pouvoir protéger et compenser, mais qu'en même temps on prévoit un droit de retrait? Comment vous voyez ça, le fait qu'on pourrait se retirer d'une compensation possible?

M. Lambert (Jean) : Bien, je... c'est qu'au départ on estime que les gens sont assez bien informés, ils sont assez... ont assez de capacité pour être capable d'apprécier la situation et d'ajuster leurs relations économiques en fonction du programme de vie qu'ils ont décidé ensemble. L'arrivée d'un enfant change la donne, et là on ne peut pas laisser ça juste au volontarisme. Là, il faut arriver puis imposer.

• (12 h 10) •

Maintenant, pourquoi le projet de loi ouvre la possibilité? Bien, si les conjoints bien informés, il faut bien... ayant évalué, généralement, aussi, on met des chiffres sur la table quand on parle de ces situations-là, et, s'ils estiment que leur situation personnelle à chacun est suffisante, ils ont établi entre eux des règles comme quoi que le fardeau de l'enfant va être bien partagé puis... pour nous, on ne pense pas que c'est utile, donc on veut s'en soustraire.

M. Cliche-Rivard : O.K. Mais vous ne pensez pas qu'une protection minimale, par exemple, à laquelle on ne pourrait pas déroger, comme la résidence principale, pourrait être une protection de droit public à laquelle... ça, on ne pourrait pas y déroger... Vous ne pensez pas qu'il y a besoin de ça, vous pensez que les gens sont capables, finalement, d'avoir l'information?

M. Lambert (Jean) : Bien, regardez, je reviens un peu sur le chiffre que je vous donnais par rapport au patrimoine familial. Sur les deux millions de couples, à peu près, à l'époque, qui étaient visés, il y en a eu 59 000 qui se sont soustraits. Donc, ce n'est même pas 1%. Moi, je ne pense pas qu'on va avoir, ah! un alignement aux portes de nos bureaux, là, le lendemain du projet de loi, là, pour ces gens-là, là, bon. En fait, là, il y a un peu la question de l'application, là, je sais que la question a été posée tantôt, elle ne m'a pas été posée, mais je ne pense pas qu'on va avoir un défilé de personnes pour dire : Nous, on se soustrait, je ne le crois pas. Et les quelques-uns qui vont le faire, là, bien, je pense que ce sera des gens qui seront financièrement, je dirais, assez bien pourvus, puis ils vont vouloir continuer de gérer d'une façon tout à fait autonome leur patrimoine.

M. Cliche-Rivard : Vous dites qu'on ne vous a pas posé la question de l'application, voulez-vous... voulez-vous la chance d'y répondre?

M. Lambert (Jean) : Au mois de juin 2025. Habituellement, j'ai toujours vu que ça s'appliquait...

M. Lambert (Jean) : ...au moins à partir du dépôt du projet. Bon, ça serait déjà une première amélioration. C'est certain, j'ai questionné... effectivement, il y a un... il y a un malaise qu'il n'y ait pas une certaine rétroactivité. Combien? Un an, deux ans? Mais à tout le moins que ça... ça parte du dépôt du projet de loi, je pense que ça serait déjà mieux.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Jean-Talon.

M. Paradis : Bonjour. Merci beaucoup de vos contributions à nos débats. Je reviens aussi, moi aussi, sur cette question du droit de retrait et aussi du droit de renonciation au moment du... du partage. Vous dites que quand on est devant le notaire, c'est... généralement le notaire est là pour protéger, mais est-ce que vous ne convenez pas que, parfois, ce n'est pas devant le notaire que l'enjeu arrive, c'est avant parce qu'il y a déjà une relation de déséquilibre à l'intérieur d'un couple. Et qu'on adopte aujourd'hui, ou on considère cette réforme-là parce qu'elle donne plus de protection, parce qu'on se dit : Il y a encore des situations au Québec qui nécessitent plus de protection, mais que là on est en train, peut-être, et c'est ce que plusieurs nous disent dans leurs mémoires, de miner cette protection additionnelle qu'on veut conférer aux conjoints. Donc là, n'allons pas sur ce qui se passe chez le notaire, c'est une notion de déséquilibre qui pourrait exister à l'intérieur même d'un couple.

M. Lambert (Jean) : Oui. Puis que le notaire ne verrait pas?

M. Paradis : Mais c'est parce que vous êtes concentré sur ce qui se passe devant le notaire dans votre mémoire, puis là vous dites : Attendez, là, c'est un délire, quand on dit qu'ils ne sont pas protégés mais... Excluons la partie devant le notaire.

M. Lambert (Jean) : Regardez, d'abord, on va replacer les choses, c'est que le patrimoine familial, là, il reculait, et l'objectif, je m'en souviens très bien, j'avais les deux mains dedans, on voulait corriger le déséquilibre qui résultait des contrats de séparation de biens des années 40,50, 60 qui avaient été signés sans probablement bonne connaissance de cause, et on a voulu corriger cette situation-là. À l'époque, on avait dit : Pourquoi vous aussi vous légiférez pour le futur alors que là, la situation n'est plus du tout la même. Bien, je reviens ici avec le même principe, là, actuellement, ça va s'appliquer à des gens qui vont arriver dans la situation future. Ils vont le connaître, ils vont le savoir, parce que ce projet de loi l'a. On ne vient pas toucher rétroactivement, je ne sais pas quoi, moi, quatre, cinq décennies de... de couples, là. Alors, qu'il y ait un droit de retrait... Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question, là, mais...

M. Paradis : Bien, c'est...

M. Lambert (Jean) : Moi, je ne vois pas de problème. Puis, vous savez, souvent on dit que, bien, quand les gens sont chez le notaire... Mais le ministère de la Justice, ici, en mai 2019, a fait faire une étude, une enquête sur l'accessibilité, la confiance envers le système de justice québécois. Et, entre autres, on interroge les gens sur la confiance qu'ils ont envers les différents acteurs : 84 %, les notaires, 77 %, les policiers, 72 %, les juges, 51 %, les avocats. Alors, je pense que...

Le Président (M. Bachand) :Merci. Sur cette note...

M. Lambert (Jean) : ...la population parle. Quand ils viennent dans nos bureaux, là, ce n'est pas vrai que... En tout cas. Merci, M. le député.

Le Président (M. Bachand) :J'aimerais vous remercier d'avoir été avec nous. Et qui sait, on se verra dans une 19e commission, éventuellement, dans le futur.

Cela dit, la commission suspend ses travaux jusqu'après les avis touchant les travaux des commissions vers 15 h 15. Merci. À tantôt.

(Suspension de la séance à 12 h 16)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 23)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi à tout le monde. La Commission des institutions reprend ses travaux.

On poursuit donc les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale. Nous allons voir... avoir avec nous aujourd'hui Me Michel Tétrault, Me Louise Langevin, l'Association des avocats et avocates en droit familial du Québec, Mme Suzanne Guillet, médiatrice en matière familiale, mais on débute avec Mme Carmen Lavallée, professeure titulaire à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke. Alors, merci beaucoup d'être ici. Alors, vous avez 10 minutes de présentation, après ça on aura un échange avec les membres de la commission. Merci. La parole est à vous.

Mme Lavallée (Carmen) : Merci. Alors, M. le Président, M. le ministre de la Justice, Mmes et MM. les parlementaires, nous vous remercions de nous donner l'occasion de partager nos réflexions sur le projet de loi n° 56. Comme d'autres personnes avant nous, nous saluons le dépôt de ce projet de loi. Nous estimons qu'il contient certaines avancées intéressantes, notamment, là, toute la question de contrer la violence judiciaire, dont trop de personnes sont encore aujourd'hui victimes. Toutefois, s'agissant de l'objectif énoncé au moment du dépôt du projet de loi, soit mettre les droits et l'intérêt de l'enfant au cœur de la réforme afin qu'il n'ait plus à faire les frais de la séparation de leurs parents, nous pensons, malheureusement, que le projet de loi n'atteint pas complètement sa cible. En effet, non seulement ce projet de loi ne met pas fin à la différence de traitement entre les enfants, mais il l'accentue en créant plusieurs catégories d'enfants qui verront leurs droits dépendre des choix que feront ou ne feront pas leurs parents ou encore de circonstances aléatoires comme la date de leur naissance. Il y aura les enfants nés dans le mariage qui resteront, et de loin, les mieux protégés, ceux nés dans l'union de fait, entraînant la constitution de l'union parentale qu'ils seront partiellement protégés, ceux dans l'union de fait mais qui sont nés avant l'entrée en vigueur de la loi et ceux qui sont nés pendant l'union de fait après l'entrée en vigueur de la loi mais dont l'un des parents est toujours marié, et ce cas de figure est assez fréquent, ce fait-là fait en sorte de tenir en échec la constitution de l'union parentale, et ces enfants-là seront, comme maintenant, sans aucune protection.

À ce chapitre, le projet de loi, plusieurs l'ont mentionné, apparaît en contradiction avec l'article 522 du Code civil, qui dit que tous les enfants dont la filiation est établie ont les mêmes droits, peu importe les circonstances de leur naissance. La démultiplication des catégories d'enfants et des catégories de femmes ou de mères ayant des droits différents selon les circonstances aura également pour effet de complexifier encore davantage un droit que les personnes directement concernées n'arrivent déjà pas à bien comprendre. S'agissant de la différence entre les enfants, les deux facteurs qui sont les plus souvent mentionnés pour l'expliquer sont la question de la protection de la résidence familiale et l'importante baisse de niveau de vie à laquelle les enfants nés en union de fait font face après la séparation en comparaison avec les enfants qui sont nés dans le mariage.

En ce qui concerne la protection de la résidence familiale, le projet de loi n° 56 prévoit une avancée très intéressante pour éviter que des enfants fassent l'objet d'une éviction par le parent qui serait l'unique propriétaire de la résidence. Or, la recherche montre que ce sont seulement 14 % des couples en union de fait ayant un enfant commun pour lequel un seul des membres du couple est propriétaire de la résidence familiale. S'il est vrai que le projet de loi constitue une avancée sur ce point-là, il s'agit, selon nous, d'une avancée trop timide compte tenu du nombre d'enfants qui ne pourront en bénéficier. Quant au fait que les enfants nés en union de fait subissent une baisse de leur niveau de vie, encore là, le projet de loi n° 56 ne remplit pas, à notre avis, ses promesses. Concernant le partage d'une partie de la valeur de la résidence familiale, ce sont les mêmes 14 % qui pourraient en tirer avantage, à condition qu'aucun d'entre eux n'exerce son droit de retrait, ce qui aurait pour effet d'en limiter encore plus la portée.

De plus, si l'on peut se réjouir que les femmes en union de fait soient majoritairement copropriétaires de la résidence familiale, cette copropriété ne suffit pas à les protéger contre l'appauvrissement. En effet, des données récentes de 2023 montrent qu'après la séparation le taux de pauvreté des femmes en union de fait est deux fois plus élevé que celui des hommes, il est de 8 % pour les hommes...

Mme Lavallée (Carmen) : ...18... 19 %, pardon, pour les femmes. De plus, selon Revenu Québec, le revenu disponible des femmes en union de fait chute de 28 % après la séparation, alors que celui de leur ex-conjoint augmente de 11 %, expliquant la différence de traitement que... de niveau de vie des enfants après la séparation.

Quant à la prestation compensatoire supposée pallier cette iniquité, telle qu'elle est formulée, elle constitue en fait une diminution des droits des conjointes de fait, qui peuvent, actuellement, via le recours pour enrichissement injustifié en cas de co-entreprise familiale, bénéficier de la valeur accumulée de l'enrichissement, ce qui ne serait vraisemblablement plus le cas, là, si l'article 521.46 était adopté tel qu'il est libellé.

Il nous apparaît injustifiable que le législateur intervienne pour diminuer les quelques avancées jurisprudentielles dont les conjointes de fait peuvent bénéficier dans ce domaine. Trop d'enfants écartés de la protection de la loi, des conjointes de fait désavantagées financièrement, notamment parce qu'elles ont assumé plus que leur part des charges familiales, qui se retrouvent en grande partie laissées à elles-mêmes, un patrimoine d'union parentale dégarni, dont il est par ailleurs possible de se soustraire, l'exclusion des régimes de retraite du partage pour des raisons, à notre avis, très peu convaincantes, l'absence d'obligation alimentaire entre conjoints de fait, même à la suite de l'établissement d'une interdépendance économique liée au rôle de chacun dans l'union, tout cela nous conduit à penser que le projet de loi no 56, s'il était adopté en état, nous conduirait vraisemblablement vers une nouvelle contestation judiciaire.

La fameuse liberté contractuelle, qui est à la base même de tout le projet de loi no 56, qui est invoquée pour justifier, dans la réalité, de profondes injustices, on le sait maintenant, relève d'un mythe plus que de la réalité. Je vous invite à consulter, à la page 25 de notre mémoire... qui montre que, dans une étude qui a été faite, qui est représentative de la population du Québec, plus de 50 % des conjoints de fait sont incapables de répondre à des questions juridiques extrêmement simples. Donc, dans ce cas-là... comment prétendre que l'union de fait est un choix éclairé ou un choix libre dans ce cas-là?

D'ailleurs, l'idée selon laquelle il serait possible d'assurer l'égalité des enfants sans agir sur les situations qui créent et qui perpétuent les inégalités au sein des couples, comme si tout cela, pour les femmes, n'était qu'une responsabilité individuelle, peut sembler attirante pour certains, mais elle ne résiste pas à l'analyse des faits. Le projet de loi no 56 est fondé sur des mythes qui ont la vie dure dans certains milieux et qu'il convient pourtant de déconstruire en se fondant sur la réalité telle qu'elle est réellement, et non pas, malheureusement, telle que... sur la situation qu'on aimerait qu'elle soit. Et d'ailleurs, pour mieux comprendre quelle est cette réalité, je vais céder la parole à ma collègue, Hélène Belleau, qui est sociologue, qui va nous en tracer un court portrait.

• (15 h 30) •

Mme Belleau (Hélène) : Merci, Carmen. Bonjour à tous et à toutes. Alors, je suis Hélène Belleau, sociologue, professeure titulaire à l'INRS. Au Québec, on associe souvent le mariage à la tradition et l'union libre à la modernité, à l'égalité. Et, pour cette raison, on a l'impression qu'il y a beaucoup plus de conjoints de fait en ville, à Montréal et à Québec, et plus de conjoints mariés dans les régions éloignées et dans les campagnes, en particulier. Or, au Québec, c'est exactement le contraire. Il y a beaucoup plus de couples mariés à Montréal et à Québec et beaucoup plus d'unions libres dans les régions du Québec. Je vous invite à consulter la carte à la page 41. On voit que, dans les zones rouges, certaines régions du Québec, il y a plus de 60 % des couples qui sont en union de fait. Pourquoi? Parce que ce sont principalement les Canadiens français d'origine catholique qui ne se marient plus. Et, à Montréal surtout, il y a beaucoup d'immigrants et d'anglophones qui continuent à se marier.

Nos recherches montrent que les Québécois francophones associent le mariage à la religion et aux rôles traditionnels. Très peu l'associent à l'encadrement juridique, et surtout 50 % des conjoints de fait pensent que c'est la même chose d'être marié ou en union libre. Je vous invite à consulter la page 25.

Dans la moitié des régions administratives du Québec, plus de 80 % des enfants naissent hors mariage. En 2022, on a réalisé une enquête auprès de 2500 Québécois et Québécoises, représentative de toutes les régions. On leur a demandé s'ils étaient favorables ou non à la proposition suivante : de donner aux conjoints en union libre les mêmes protections qu'ont les couples mariés en cas de séparation, mais en permettant un droit de retrait aux couples qui refusent une telle protection. Les résultats montrent que 70 % veulent le même cadre juridique pour les mariés et les couples en union libre, alors en union de fait. Sont favorables à cette proposition, je fais référence à la page 29, 75 % des femmes et 68 % des hommes, 76 % des conjoints de fait. Parmi ceux et celles qui ont une bonne connaissance du droit, 76 % sont favorables, parmi ceux et celles qui ont connu un divorce et qui vivent en union libre, 70 % sont favorables, et parmi...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Belleau (Hélène) : ...ceux et celles qui connaissent l'obligation des couples mariés de partager leur fonds de retraite, des fonds de pension, 77 % sont favorables.

Le projet de loi n° 56 semble s'appuyer sur plusieurs mythes. En voici certains. Mythe numéro 1, les femmes au Québec gagnent presque autant que les hommes. C'est faux. Dans certaines régions... Je vous rapporte à la page 17 de notre mémoire, là où il y a le plus d'unions libres, d'unions de fait, dans les zones rouges, on retrouve des grands écarts de revenus entre les hommes et les femmes avec enfants mineurs, donc chez les moins de 54 ans. En Abitibi-Témiscamingue, sur la Côte-Nord, au Lac-Saint-Jean, les hommes gagnent presque le double du salaire annuel des femmes.

Deuxième... Un autre mythe, les écarts de revenus entre conjoints se résorbent avec le temps. C'est faux aussi. Alors, à la page 22 et 23 de notre mémoire. Les femmes au Québec gagnent actuellement 30 % de moins de revenus de retraite que les hommes. Selon l'étude 2022... une étude réalisée en 2022 au Québec, les écarts de patrimoine sont très importants aussi entre les hommes et les femmes, surtout chez les conjoints de fait, la richesse des hommes équivaut à 1,8 fois celle... celle des femmes. Et ces écarts sont encore plus importants quand on regarde les couples par opposition aux célibataires. Par... Par ses lois fiscales et sociales, le gouvernement ne se gêne pas pour marier de force les conjoints de fait. Il les traite pareillement et sème la confusion chez les citoyens. Actuellement, le coût de la vie familiale, l'interdépendance qui se crée avec la charge... la prise en charge des enfants mais aussi des parents âgés, pèse beaucoup plus lourdement sur les épaules des femmes en union de fait que sur celle des hommes. On le voit lors des séparations et au moment de la retraite. C'est inacceptable dans une société qui se dit si égalitaire.

Pour toutes ces raisons, voici notre proposition : Alors, on propose un même traitement juridique pour les couples mariés et les couples en union de fait, après trois ans de vie commune, ou quand il y a un enfant, avec un droit de retrait en tout ou en partie pour les conjoints de fait, après avoir consulté des conseillers juridiques indépendants. Et, par respect du droit à l'égalité de tous les enfants, il ne serait pas permis de se soustraire de la protection de la résidence familiale et au droit alimentaire...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Désolé...

Mme Belleau (Hélène) : ...considérés d'ordre public.

Le Président (M. Bachand) :Désolé. Je dois vous interrompre.

Mme Belleau (Hélène) : J'avais terminé.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci beaucoup. Pardon. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Pre Belleau, Pre Lavallée, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. C'est toujours un plaisir de... de vous retrouver. Et puis je vous dirais : Le projet de loi tombe bien parce que c'est de façon concomitante avec votre étude, alors c'est... c'est... c'est dans l'actualité, comme on dit.

Bien, d'entrée de jeu, je vous dirais : Que trouvez-vous de positif avec le projet de loi n° 56?

Mme Lavallée (Carmen) : Bien, je peux peut-être commencer, Hélène. J'en ai fait mention. Toute la question d'essayer de contrer la violence judiciaire, c'est vraiment, je crois, une avancée. Les droits successoraux aussi, la reconnaissance, là, des droits successoraux entre conjoints de fait, je pense que c'est une avancée intéressante. Il y a des avancées. La constitution du patrimoine d'union parental. Je ne voudrais pas qu'on... qu'on interprète... nos interventions comme étant le fait qu'il n'y a pas d'avancée ou qu'il n'y a rien d'intéressant dans le projet de loi. Ce n'est pas le cas. Je dirais que, de façon générale, on trouve que ça ne va pas assez loin, et que cet argument-là de la liberté contractuelle, qui est quand même le fondement, je pense... vous me corrigerez, là, si je me trompe, qui est un peu le fondement, là, du projet de loi. Nous, avec les études qu'on a menées, on réalise que ça ne peut pas être le fondement de la décision des conjoints de fait, donc on a des données sur ça. Ce n'est pas... Ce n'est pas sur cette liberté contractuelle là ou sur la volonté d'être soumis à un encadrement juridique x ou y, ce n'est pas ça qui conditionne le fait pour les couples en union de fait de se marier ou non. Et d'ailleurs il y a beaucoup de... d'idées qui sont préconçues, qui sont répandues, notamment l'idée que les conjoints de fait n'en voudraient pas d'un... d'un encadrement juridique qui serait le même pour les conjoints de fait et pour les gens mariés.

Alors, encore là, cette étude-là qu'on vient de mener prouve le contraire, puisque la très grande majorité des... des... des... pas seulement des conjoints de fait, on en a beaucoup parlé, là, mais Hélène me corrigera, mais de l'ensemble des Québécois et des Québécoises, la population québécoise est largement favorable à cette idée d'une reconnaissance, mais avec un droit de retrait pour les conjoints de fait qui voudraient vraiment ne pas être soumis à la protection de la loi, qui en seraient informés par un conseiller juridique indépendant. Et là je pense qu'on pourrait dire que, dans leur cas, il s'agit d'un consentement libre et éclairé de ne pas vouloir être soumis à la protection d'un cadre juridique prédéterminé par la loi.

M. Jolin-Barrette : O.K. Parce que je regardais votre étude et... et le... le... le PowerPoint que vous avez soumis, notamment dans... dans les questions, puis je... je... je voulais en discuter avec vous...

M. Jolin-Barrette : ...de la façon dont vous amenez les questions, vous l'amenez d'une façon qui est quand même positive, lorsque vous avez sondé les gens. Je donne un exemple, là, vous dites : «Donner seulement aux conjoints en union libre qui ont des enfants ensemble, les mêmes protections qu'ont les couples mariés en cas de séparation.» Tu sais, vous parlez de donner, de protections. Est-ce que vous pensez que ça aurait été différent si on avait utilisé, supposons, les termes «obligation», «soumettre», «assujetti» dans la formulation de la question? Parce que c'est sûr, si on demande à quelqu'un : Voulez-vous les mêmes droits?, bien, c'est une approche positive. Si vous dites : Voulez-vous avoir les mêmes obligations?, là, peut-être que la perception de la personne, elle est différente aussi.

Mme Belleau (Hélène) : Moi, je pense que les gens auraient répondu sensiblement de la même manière, d'autant qu'on a regardé aussi les gens qui connaissaient le droit, entre autres par rapport aux gens mariés, et qui pouvaient... qui savaient très bien de quoi il retournait par rapport à la... au partage des fonds de pension, et je dis... Juste, quand on regarde ces gens-là, je pense qu'on est à 77 % qui sont favorables. La question, c'est que les gens... Alors, il y a deux choses. D'un côté, les gens pensent que c'est pareil, beaucoup de gens pensent que c'est pareil d'être mariés ou en union libre, mais même ceux qui connaissent bien le droit... Souvent, en fait, les gens ne se marient pas pour les questions juridiques, ils se marient pour un paquet d'autres raisons, parce qu'ils s'aiment, parce qu'ils sont... c'est une tradition familiale, et ceux qui ne se marient pas, de la même façon, ne se marient pas parce qu'ils l'associent à la religion, parce que ça coûte trop cher et, de faire un petit mariage qui ne coûte pas cher, ce serait un affront à la famille étendue. Donc, il y a un paquet de raisons qui expliquent ça, mais en même temps, les gens, au Québec, ne savent plus qui est marié et qui ne l'est pas. Puis ça, je pense, c'est un élément qui est bien important. Regardez autour de la table, là. Est-ce que vous êtes en mesure de dire qui est marié, qui ne l'est pas? Ce qu'on voit, c'est qu'au Québec il y a un recul...

M. Jolin-Barrette : Je vous dirais... je vous dirais, Pre Belleau, si je regarde la main des gens, à moins qu'ils aient enlevé leur alliance pour venir à Québec, je devrais le savoir.

Mme Belleau (Hélène) : ...vous seriez surpris parce qu'il y en a qui l'ont enlevé probablement et il y en a d'autres qui portent peut-être une alliance qui vient d'un parent. La raison à la... En fait, je vous pose cette question-là parce que ce qu'on voit, c'est que tous les marqueurs de l'alliance ont disparu. Les femmes, quand... depuis les années 80, gardent leur nom quand elles se marient.

• (15 h 40) •

On le voit même aussi dans... On a parlé des alliances, mais on le voit aussi dans le vocabulaire qu'utilisent les Québécois. Alors, le terme le plus neutre, c'est «conjoint», un... on présente son conjoint et sa conjointe. En France, le terme «conjoint» a une connotation juridique, alors qu'ici on ne sait pas si la personne est mariée ou pas. Les gens qui sont mariés, quand ils sont dans une situation... quand ils sont avec, par exemple, des... des personnes immigrantes dans des relations formelles, donc les gens qui ne sont pas mariés, dans ces situations-là, vont souvent présenter leur conjoint ou leur conjointe comme étant leur mari ou leur femme parce que ce qui signifie... c'est que c'est une relation qui est solide, qui est sûre, et des gens mariés, a contrario, vont souvent présenter leur conjoint ou leur conjointe comme leur chum et blonde parce que ce sont des termes qui... qui met de l'avant, en fait, le côté affectif. Alors, même dans le vocabulaire, on voit que les... les termes «chum», «blonde», «conjoint», «conjointe» sont devenus plus inclusifs que «mari» et «femme». C'est une évolution, ce qu'on voit, depuis des années, en fait, alors que «chum», «blonde», avant c'était juste pour les gens qui n'étaient pas mariés.

Donc, aujourd'hui, pour la majorité des gens, être marié ou en union libre, c'est la même affaire, mais le droit social, fiscal donne l'impression que c'est la même chose puis c'est... pour la plupart des citoyens, c'est difficile de comprendre que le gouvernement peut dire une chose et son contraire et, dans la vie de tous les jours, les gens ont l'impression que c'est la même chose, sauf quand arrive une séparation, et là il y en a plusieurs qui ont des... ou le moment de la retraite, et là les gens ont des mauvaises surprises.

M. Jolin-Barrette : Mais je reviens sur la... sur ma question précédente, là. Vous avez dit dans votre intervention : Les gens sont peu informés de leurs droits et leurs obligations, mais vous dites : Sur un certain échantillon de gens qui le savent, même eux, ils se marient, mais ils ne savent pas nécessairement les conséquences associées à l'union. Donc...

Mme Belleau (Hélène) : Ce n'est pas...

Mme Lavallée (Carmen) : Ce n'est pas ça qu'on dit, non.

Mme Belleau (Hélène) : Non, non, non, ceux qui... ceux qui se sont mariés, alors... Particulièrement, ceux qui connaissent mieux le droit, c'est ceux qui se sont mariés religieusement parce qu'ils ont des cours de préparation au mariage et qui ont des cours avec un juriste, il y a une séance qui est dédiée à ça. Les gens qui sont mariés connaissent ces droits, mais les couples en union libre, justement, qui... Il y a des couples en union libre qui connaissent les droits aussi, mais c'est 50 % dans la population en général, et donc, chez les couples en union libre en particulier, c'est la moitié, justement, des couples qui ne... qui ne connaissent pas le droit.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question de, bon, au-delà du fait que vous, vous dites : On devrait avoir les mêmes protections en mariage puis en union de fait, la position par rapport...

M. Jolin-Barrette : ...avec les enfants ou sans enfants. Faites-vous une distinction par rapport à ça?

Mme Lavallée (Carmen) : C'est sûr que la question d'avec enfant ou sans enfant, elle est difficile à trancher parce que, dans le temps, on est tous sans enfant et on devient, à un moment donné, avec enfant aussi. Donc, si la possibilité de se retirer d'un cadre juridique x est liée à la question des enfants, bien, ça met en perspective la possibilité de devoir changer, finalement, ou de faire de nouveaux choix.

Moi, je pense qu'on devrait établir pour tous les couples un cadre minimal et permettre aux conjoints de fait de se retirer de certaines dispositions de la loi. Mais, comme je disais, par rapport aux enfants, au moment de la naissance d'un enfant, ça pourrait être conditionnel à la naissance d'un enfant. Là, on dirait ça, par exemple, la protection de la résidence familiale, à mon avis, ça devrait s'appliquer à tous les enfants, hein, peu importe, là, en union parentale, en mariage, en union de fait, peu importe, parce que ça fait partie de leurs droits à eux.

Et, ensuite, sur la question de l'obligation alimentaire...

M. Jolin-Barrette : Pre Lavallée, c'est ça qu'on fait, là, avec le fait que ça va être une disposition qui va être impérative, d'ordre public, pour les résidences, pour les nouveaux enfants.

Mme Lavallée (Carmen) : Oui, mais seulement ceux qui seront en union parentale.

M. Jolin-Barrette : Effectivement. Mais...

Mme Lavallée (Carmen) : Donc, tous ceux...

M. Jolin-Barrette : ...vous pensez à quoi?

Mme Lavallée (Carmen) : Les exemples que je vous ai donnés tout à l'heure, là, par exemple, l'enfant qui naît dans l'union de fait, mais dont l'un des parents est marié, les gens des associations des familles recomposées pourront vous en parler. Le fait qu'un des conjoints soit marié, d'après ce que j'ai compris dans le projet de loi, mais j'ai peut-être mal compris, ça tient en échec la constitution de l'union parentale.

M. Jolin-Barrette :  Oui, mais, comme on ne peut pas se retrouver dans deux mariages non plus.

Mme Lavallée (Carmen) : Oui. Non, mais je ne dis pas qu'il faudrait que ce soit le cas, mais je dis que ces enfants-là, ils sont nombreux, ils ne seront pas en union parentale, les parents de ces enfants-là ne seront pas en union parentale, donc ça... d'après ma compréhension, ça ne s'appliquera pas à eux. Donc, c'est pour ça que cette idée-là, tu sais, puis je reviens là-dessus, puis... tu sais, pourquoi on ne peut pas, peut-être, s'entendre, c'est que nos prémisses de base ne sont peut-être pas les mêmes, nécessairement. Moi, je pense que distinguer sur le fondement seulement d'avoir un enfant ou pas, c'est comme considérer que c'est la seule cause de dépendance ou d'interdépendance économique qui peut survenir dans un couple. C'en est une, c'en est une qui est importante, mais ce n'est pas la seule non plus. Et c'est peut-être sur ce fondement-là que moi, j'ai des réserves. Tu sais, on peut penser, il y a toutes sortes de cas d'interdépendance financière qui peuvent survenir.

Pensons, par exemple, à un couple en union fait... en union de fait qui a le projet d'avoir un enfant. On sait qu'il y a beaucoup de couples ont des problèmes de fertilité, à l'heure actuelle, ça peut durer des années, ça peut entraîner toutes sortes de conséquences, il peut y avoir des absences, etc. Une conjointe qui suit, par exemple, son conjoint à l'étranger qui a une promotion, qui est un cas quand même assez fréquent, maintenant, la mobilité de la population est beaucoup plus grande, tous ces cas de figure là ne sont pas prévus dans le cadre du projet de loi no 56. Prenons le cas, je pense à une décision que j'ai lue, là, en jurisprudence, où la dame assume les soins des enfants de son conjoint qu'il a eus d'une union antérieure. Donc, tous ces cas de figure là, on peut être d'accord ou pas.

Nous on pense que c'est des cas qui devraient être couverts, non seulement parce qu'il faut préserver les enfants, mais je pense qu'il faut préserver aussi le droit à l'égalité des femmes. Et, moi, c'est peut-être ma principale critique que je faisau niveau de ce projet de loi là. C'est une avancée, il y a des choses intéressantes, mais il n'assume pas la protection du droit des femmes à l'égalité.

M. Jolin-Barrette : Le temps va vite, puis je veux céder la parole à mes collègues, mais, cela étant, nous, le fondement du projet de loi, c'est notamment le fait d'avoir un enfant commun. J'entends bien ce que vous me dites, qu'il peut y avoir des situations où, parfois, sans enfant, on a un conjoint malade, on s'occupe des enfants de son nouveau conjoint, comme vous le dites, également. Il y a toujours la possibilité aussi de faire des contrats de vie commune aussi qui existe, donc...

Mme Lavallée (Carmen) : Oui, mais les gens, ils n'en font pas, on le sait, on a des données là-dessus, c'est moins de 8 %.

M. Jolin-Barrette : Mais il y a un équilibre aussi à avoir, puis je vous laisse là-dessus, entre ce que l'État impose à la population et la liberté contractuelle aussi. Mais j'ai trouvé la discussion fort intéressante, je vous laisse la continuer avec mes collègues. Merci beaucoup d'être venues en commission parlementaire.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Bonjour, Pre Belleau, Pre Lavallée, merci d'être ici, de prendre le temps avec nous. Je me demandais, que pensez-vous du fait que le p.l., le projet de loi no 56 ne... prévoit que la prescription ne court pas entre les conjoints en union parentale?

Mme Lavallée (Carmen) : Bien, écoutez, je pense que c'est la...

Mme Lavallée (Carmen) : ...même chose qu'entre époux, hein, la prescription ne court pas entre époux ou entre conjoints en union civile. Donc, je pense qu'à ce niveau-là, il y a une certaine cohérence, là, à faire avec l'union parentale.

Mme Haytayan : Parfait. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : J'ai combien de temps?

Le Président (M. Bachand) :3 min 29 s.

Mme Schmaltz : O.K. Parfait. En fait, je me questionne concernant le mythe numéro trois. Vous mentionnez que... En fait, vous dites que les écarts de revenus entre conjoints, conjointes se résorbent avec le temps. Est-ce que vous êtes affirmative là-dessus? Parce que, parmi les obstacles, c'est sûr, vous parlez de... bon, il y a des obstacles à l'épargne, et puis on parle des congés de maternité qui sont un obstacle à l'épargne deux fois plus souvent pour les femmes, ça, bon, on s'en doute, là, parce que, généralement, c'est plus les femmes qui prennent les congés, mais c'est quand même une petite période, là, ce n'est pas quelque chose qui s'inscrit dans le temps, là, on ne parle pas pendant 10 ou 15 ans, là, de congé maternité, là. En fait, moi, ce qui me... ce qui me surprend, c'est qu'on affirme il y a... ça ne se résorbe pas, c'est comme ça, c'est... c'est inscrit puis il n'y a pas moyen de penser qu'à un moment donné on se... on va rejoindre l'autre?

Mme Belleau (Hélène) : En fait, d'abord, un 5 000 $ qui n'a pas été placé ou qui n'a été une année, 30 ans plus tôt... 30 ans plus tard, il en vaut 40 000 $, quand on regarde les écarts...

Mme Lavallée (Carmen) : ...

Mme Belleau (Hélène) : ...dans un régime de retraite, oui, merci, Carmen, quand on regarde les écarts de... au niveau de la... justement, de la retraite, de revenus au niveau de la retraite, on voit justement que les écarts se creusent entre les hommes et les femmes. Il y en a certainement quelques-unes qui vont réussir, justement, à rattraper ce temps-là, sans... sans aucun doute. Mais les... ce qu'on voit aussi, c'est que les conjoints ne compensent pas l'un pour l'autre et que surtout, en fait, tout ce qui est d'épargne à plus long terme est un impensé de la vie conjugale. Alors, moi, j'ai étudié beaucoup la gestion de l'argent dans les couples, puis, quand on arrive sur justement : Est-ce que vous avez mis de côté de l'argent ensemble? Est-ce que vous essayez de compenser l'un pour l'autre? Tout d'un coup, les gens, ils disent : Ah! On n'a pas pensé à ça. Alors, c'est des choses qui sont très mécaniques, hein, parce que... en tout cas, dans la gestion de l'argent. Il y en a certains qui vont s'en remettre. Mais moi, je vous dis, quand on regarde en bout de ligne, quand on regarde les statistiques, les grands chiffres, bien, c'est bien de valeur, mais il y a des écarts énormes.

Mme Lavallée (Carmen) : C'est la réalité.

Mme Belleau (Hélène) : C'est la réalité.

Mme Schmaltz : Est-ce qu'on connaît le pourcentage de femmes qui ont des fonds de pension?

Mme Belleau (Hélène) : Oui, on l'a. C'est à la page, à la... à la dernière, attendez un peu, dans le... Vous avez un tableau, en fait, qui a été fait par le Conseil du statut de la femme à la page 46, où on voit le nombre de femmes, on voit les écarts. Puis c'est justement, quand je vous dis : 30 % de moins de revenus de retraite, c'est de ça...  que je vous ai dit.

Mme Schmaltz : O.K. parfait. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Il reste une minute, Mme la députée de... Oui, Mme Lavallée.

Mme Lavallée (Carmen) : Ah! Non, mais c'est bon, je vais laisser le temps à... pour une autre question.

Le Président (M. Bachand) :...Mme la députée de Laval-des-Rapides.

• (15 h 50) •

Mme Haytayan : Merci. Vous disiez tout à l'heure que vous voyez d'un bon oeil les mesures pour contrer la violence judiciaire en cas de séparation. Pouvez-vous nous dire comment vous, vous pensez que ça va aider?

Mme Lavallée (Carmen) : Bien, je pense que... je n'ai pas fait l'étude détaillée du projet de loi. Et évidemment, il faudra voir, là, ce qui est... ce qui sera déterminé par les tribunaux, quel est l'encadrement que les tribunaux donneront, là, à ces nouvelles dispositions là. Mais ce que j'en ai compris, c'est que le tribunal pourrait condamner à des dommages-intérêts un des conjoints ou une conjointe qui se livrerait, là, à une démultiplication des procédures judiciaires visant à épuiser l'autre psychologiquement et surtout financièrement. Donc, c'est pour ça que je dis que c'est... en fait, c'est un frein à la violence judiciaire. Et ça, je... on le voit... je pense que tout le monde le voit d'un très bon œil.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mesdames, Bon après-midi. Merci pour le document que vous nous avez produit. J'ai dû m'absenter, ce n'est pas par manque d'intérêt pour votre exposé, mais j'avais une allocution à prononcer au salon bleu, alors je tiens à m'en excuser. Maintenant, j'ai quelques... quelques questions... quelques questions pour vous. On en a parlé un peu plus tôt ce matin. Il y a d'autres experts qui ont donné leur opinion là-dessus, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Le projet de loi crée évidemment un patrimoine d'union parentale, et c'est l'article trois du projet de loi qui va ajouter un article dans le Code civil, 521.30.

Le projet de loi dit que, dans le patrimoine d'union parentale, il y aura, entre autres, la résidence familiale, les meubles, les véhicules automobiles, mais... pour les déplacements de la famille, mais rien d'autre. Et, ce matin, il y a... il y a plusieurs... en fait, il y a des gens qui nous disaient : Bien, si on veut créer un patrimoine d'union parentale pour la famille, pourquoi ne pas inclure d'autres biens, qu'ils soient meubles ou immeubles, utilisés par la famille? Pourquoi restreindre à cette énumération-là? J'aimerais... j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Morin : ...s'il vous plaît. Je ne sais pas si vous avez une opinion.

Mme Lavallée (Carmen) : Oui. En fait, il y a... je sais qu'il y a eu un débat autour de la question des résidences secondaires. Est ce que les résidences secondaires devraient être incluses dans le patrimoine d'union parentale comme elles le sont, là, pour... en cas de mariage? Je dirais, bien oui, peut-être, pourquoi pas, mais je trouve que cette question-là elle est souvent utilisée un peu comme une distraction, hein, parce que des résidences secondaires, ce n'est pas tout le monde qui en a, c'est quand même une certaine classe privilégiée qui pourrait en profiter. La plupart des citoyens n'en ont pas, là, de chalets sur le lac Memphrémagog ou de condo en Floride. Donc, oui, pourquoi pas. Mais je pense que la faiblesse, à notre sens, du projet de loi, c'est d'abord les régimes de retraite. J'ai entendu des gens dire : Les régimes de retraite, ce n'est pas des biens familiaux. Bien non, je suis désolée. Comme le disait tout à l'heure ma collègue, pendant qu'on est en congé de maternité, on a le régime québécois d'assurance parentale le plus généreux au monde, il faut s'en féliciter. Mais pendant toutes ces périodes de temps là où les femmes, les hommes aussi, mais les femmes sont en congé de maternité, les prestations du régime d'assurance parentale, ce n'est pas du revenu, donc ça empêche l'investissement dans les régimes de retraite. Et comme on disait tout à l'heure, 5 000 $, 6 000 $, 7 000 $, 8 000 $ qu'une femme n'investit pas dans son régime de retraite l'année ou la période de temps où elle est en congé parental, ça peut donner des sommes extrêmement importantes au moment de la retraite et c'est ce qui explique que les femmes au Québec ont 30 % de moins de revenus à la retraite. Donc, je pense que le... le coeur du projet de loi ou... si on voulait, je pense que ce n'est pas l'objectif du projet de loi, mais si on avait voulu contrer peut-être ces inégalités économiques très importantes, c'est d'abord par le partage des régimes de retraite et par l'institution d'une pension alimentaire qu'on aurait pu le contrer de façon véritable. Évidemment, sur la question des partages... du partage des biens, oui, il pourrait y avoir un droit de retrait, à mon sens, pour les conjoints de fait qui, étant bien informés, choisiraient de se soustraire au partage des résidences, mais...

Mme Belleau (Hélène) : Et j'aimerais rassurer que...

Mme Lavallée (Carmen) : Oui, vas-y, Hélène.

Mme Belleau (Hélène) : ...que 80 % des couples en union libre ont déjà acheté la maison ensemble.

Mme Lavallée (Carmen) : Oui. C'est 14 % des couples dont on parle ici, là.

Mme Belleau (Hélène) : Ça fait qu'au début de notre exposé, là... C'est ça. Donc, finalement, ça ne touche pas grand monde, 14 %, à peu près des Québécois, des Québécoises.

Mme Lavallée (Carmen) : Oui, parce qu'ils sont copropriétaires, les autres, là.

Mme Belleau (Hélène) : Ils le sont déjà.

M. Morin : Exact. Non, mais c'est... Je vous remercie.

Mme Belleau (Hélène) : Ça fait partie de l'engagement des... des couples. Quand les couples ne se marient pas, ils achètent ensemble une maison, ils ont des enfants ensemble, c'est une façon...

Mme Lavallée (Carmen) : ...ils achètent la maison.

Mme Belleau (Hélène) : Oui, ou le contraire. C'est ça. Mais ça fait partie de l'engagement, et donc c'est devenu une pratique courante pour les conjoints de fait de, puis ça coûte cher, une maison, donc ils mettent leur argent ensemble pour s'acheter une maison. Donc, c'est... ils partagent de la maison familiale, oui, mais.

Mme Lavallée (Carmen) : Oui, mais pour peu d'entre eux.

Mme Belleau (Hélène) : Très peu.

Mme Lavallée (Carmen) : Donc les meubles, c'est souvent une valeur moins... moins importante. Les autos sont souvent louées. Maintenant, de moins en moins de gens sont propriétaires de leur voiture, donc ça veut dire qu'ils sont théoriquement exclus du partage. Donc, dans ce patrimoine d'union parentale, il y a la résidence, en réalité, qui peut avoir une certaine valeur. Puis il ne faut pas... je veux juste préciser qu'on ne parle pas ici de la moitié de la valeur nette de la résidence, hein. Et d'ailleurs, le projet de loi n° 56 prévoit des déductions de la valeur partageable qui sont interdites en matière de mariage. La période de temps qui va servir à la constitution de cette créance, là, de partage, elle va être beaucoup moins grande, la valeur partageable, parce que ce n'est pas au moment de la constitution de l'union que la valeur partageable commence à être calculée, mais à la naissance d'un premier enfant. Donc, si le couple a vécu ensemble pendant sept, huit ans avant la naissance d'un enfant, c'est une période de temps qui n'est pas prise en considération dans le... la valeur partageable de la résidence. Donc, sur cette question-là, du patrimoine parental, honnêtement, je salue la bonne volonté qu'on a, mais c'est une peau de chagrin en bout de ligne qui va rester, hein, c'est pour 14 % des couples et c'est des valeurs partageables qui seront essentiellement assez minimales.

M. Morin : En fait, je vous remercie. Puis merci pour votre éclairage pour les régimes de retraite, parce qu'on a entendu ce matin, en fait, plusieurs experts qui disaient : Non, non, non, écoutez, ça n'a rien à voir, il ne faut surtout pas inclure ça là-dedans. Donc, vous avez... vous avez, enfin, vous avez une opinion qui est très, très différente, donc c'est enrichissant pour les membres de la commission. Je vous... je vous en remercie.

Maintenant, quand vous dites «retrait du partage des biens», bien informés, évidemment, le projet de loi parle d'un... que ce soit fait par acte notarié. Avez-vous des suggestions, des recommandations sur le comment on devrait informer les gens?

Mme Lavallée (Carmen) : Oui, je pense que ça peut se faire par acte notarié. Le problème avec le projet de loi n° 56, et je pense que d'autres personnes vont le souligner, c'est que les gens n'ont pas accès à un conseiller juridique indépendant. Le notaire, malgré toute sa compétence, il reçoit généralement les deux membres du couple dans son bureau face à des gens qui auront probablement des...

Mme Lavallée (Carmen) : ...des droits en opposition. Donc, je l'ai entendu, moi aussi, là, un notaire, sur les ondes de Radio-Canada, dire : Bien, moi, je disais à monsieur: Bien là, vous, vous ne devriez pas vous engager là-dedans, vous devriez vous désister, puis vous, madame, vous auriez intérêt à être dans l'union parentale. Donc, on laisse finalement le conjoint le plus vulnérable avoir un peu des pressions de la part de l'autre. Si ça peut se faire par acte notarié, il faudrait au minimum que chacun d'entre eux ait accès à des conseillers juridiques indépendants de façon séparée pour que, vraiment, là, la personne puisse poser toutes ses questions et que ce choix-là soit véritablement éclairé, mais pas nécessairement sous la pression du moment, là, face à un notaire qui agit pour les deux puis qui est souvent payé par un des deux aussi.

M. Morin : Merci. M. le Président, je pense que ma collègue aurait une question. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :3 min 15 s Mme la députée de Westmount-Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci beaucoup. Merci beaucoup, professeure Lavallée et professeure Belleau, pour votre excellente présentation. D'emblée, je dois vous dire, je suis dans ma sixième année comme députée, puis c'est rare qu'on reçoit des présentations qui sont si complètes en format de PowerPoint qui sont claires. Alors, merci, parce que ça... ça aide vraiment à comprendre votre position et aussi peut-être à préparer des amendements, parce que, moi... moi, là...

Puis, aussi, vous avez clarifié l'impact sur les femmes, en particulier, chose que je pense que ça nous tient à cœur ici. J'espère que le ministre sera à l'écoute en ce qui concerne les modifications qui vont être nécessaires pour bonifier le projet de loi pour s'assurer qu'on protège les femmes, et j'ai trouvé très intéressante la question du ministre que j'avais, moi aussi, l'impact sur les femmes qui sont conjointes de fait sans enfants. Pouvez-vous juste élaborer un peu là-dessus? Parce que c'est quelque chose, je pense, qui est vraiment manquant. Vous avez parlé des catégories des femmes, on a parlé des trois catégories des enfants. Mais là, vraiment, là, on va avoir des femmes qui vont être pénalisées, puis il y a beaucoup de femmes, maintenant, qu'on sait qui font le choix aussi de ne pas avoir des enfants.

Mme Lavallée (Carmen) : Oui. Oui. Mais, en fait — puis, Hélène, tu pourras compléter, là, mais...

Mme Belleau (Hélène) : Oui.

Mme Lavallée (Carmen) : ... — sur toute la question du soutien qu'il faut donner aux femmes, je pense que la question fondamentale, c'est de savoir : Est-ce qu'on considère que c'est une responsabilité individuelle ou c'est une responsabilité sociétale? Parce que les gens qui disent : Bien, les femmes maintenant sont autonomes, elles gagnent leur vie, en gros, qu'elles se débrouillent, elles font reposer sur des femmes de façon individuelle la responsabilité de leur dépendance financière, alors que c'est un système qui fait en sorte que les femmes s'appauvrissent.

L'exemple le plus frappant est certainement la naissance des enfants, qui entraîne... On le sait, les données sont là, les chiffres sont clairs, là, on ne les invente pas, ils sont là. Ça conduit... Ça induit un appauvrissement d'un certain nombre de femmes. Nous, ce qu'on dit, c'est que ce n'est pas que la naissance d'un enfant. Pensez par exemple aux proches aidantes... le vieillissement de la population. Il y a de plus en plus de femmes qui agissent comme proches aidantes, qui travaillent à temps partiel, parfois qui vont quitter leur emploi pendant un certain temps pour accompagner un parent âgé en fin de vie, pour soutenir un parent qui a besoin de soins particuliers. Ça, il n'y a aucune... ce n'est aucunement pris en considération par le projet de loi n° 56.

Et moi, c'est la critique principale que je fais, c'est qu'on a tout misé sur les femmes qui sont mères, et le critère, à mon sens, de dans quelle mesure il faut établir ou rétablir un certain équilibre entre les droits des femmes, c'est : Est-ce qu'il y a eu une dépendance ou une interdépendance économique qui a découlé de cette union-là? S'il n'y en a pas eu, qu'il y ait des enfants ou pas, ils n'ont peut-être rien à se partager, mais, s'il y en a eu, je pense qu'il faut les considérer.

Mme Maccarone : Avez-vous des statistiques en ce qui concerne le nombre de couples qui ont utilisé les contrats de vie commune? Parce qu'on sait que, comme vous avez dit, c'est très rare, puis là je peux même penser à des personnes qui ne sont pas dans un état financier important.

• (16 heures) •

Mme Belleau (Hélène) : C'est moins de 8 %. Quand on avait posé la question, justement, on avait pris très soin de la manière dont on posait la question, dans quel ordre, pour que les gens distinguent c'est quoi, la... le... les... en fait, un héritage ou différents papiers légaux, et c'est moins de 8 %. On pense que c'est plutôt autour de 5 % des gens qui l'ont fait. Donc, c'est très peu...

Le Président (M. Bachand) :Merci, Mme Belleau, merci. Je dois céder la parole au... le député de Saint-Henri-Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup à vous deux. J'étais, moi aussi, retenu au salon bleu, donc j'ai malheureusement raté une petite partie de votre intervention. Donc, excusez-moi si la question a déjà été posée, mais je reviens, là, sur l'essence même puis l'objectif de votre mémoire. Si je vous comprends bien, il y a des avancées certaines qui sont faites. Mais, de votre avis, là, est-ce qu'on assure ou on accomplit une égalité entre les hommes et les femmes avec la version actuelle du projet de loi? Et sinon, bien...

Mme Lavallée (Carmen) : Pas du tout.

Mme Belleau (Hélène) : Clairement pas.

M. Cliche-Rivard : Pourquoi?

Mme Lavallée (Carmen) : Pas du tout.

Mme Belleau (Hélène) : Non, pas du tout.

Mme Lavallée (Carmen) : Mais ce n'est pas l'objectif.

M. Cliche-Rivard : Ce n'est pas l'objectif?

Mme Lavallée (Carmen) : Je pense que ce n'est même pas... L'objectif du projet de loi, il est essentiellement orienté sur la naissance d'un enfant. Donc, il ne prend pas en... Et c'est ce que... un peu ce que je disais, c'est une idée qui est théoriquement intéressante...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Lavallée (Carmen) : ...qui serait l'idée selon laquelle on peut assurer l'égalité des enfants sans tenir compte des conditions financières de leurs parents. C'est comme quand on entend le gouvernement dire : on va lutter contre la pauvreté chez les enfants, bien, la meilleure façon de lutter contre la pauvreté chez les enfants, c'est de lutter contre la pauvreté en général. Donc, ce n'est pas l'objectif du projet de loi, on peut être d'accord ou pas, puis le ministre l'a dit tout à l'heure, nous, c'est ça qu'on a choisi de privilégier. Nous, on est plus ou moins d'accord avec ce choix-là. On trouve qu'il est trop étroit. On ne dit pas qu'il n'est pas important, là, c'est important de protéger les enfants puis les... mais ce n'est pas suffisant.

Hélène, je te cède la parole.

Mme Belleau (Hélène) : Puis on trouve justement que ça ne touche pas tant les enfants. Ce n'est pas les enfants qui sont pauvres, c'est les parents qui sont pauvres. Quand un couple se sépare, les statistiques sont très claires, les couples en union libre...

Mme Lavallée (Carmen) : ...

Mme Belleau (Hélène) : ...les enfants n'ont pas le même niveau de vie dans les couples en union libre. C'est 40 % qui n'ont pas le même niveau de vie chez leur père et chez leur mère, alors que c'est beaucoup moins important chez les couples mariés parce qu'il y a un paquet d'autres protections. Donc, ce n'est pas les enfants eux-mêmes qui sont pauvres, mais c'est quand ils vivent chez papa ou quand ils vivent surtout chez maman, qui a un revenu nettement moindre.

Mme Lavallée (Carmen) : Et on pourrait nous prétendre que ce n'est pas un droit des enfants, ça, de ne pas subir une baisse de leur niveau de vie, donc ce n'est pas un droit. J'ai entendu, là, une collègue dire : ça, c'est des droits, puis ça, ça n'en est pas. C'est, à mon sens, une discrimination indirecte des enfants qui découle de la discrimination dont leur mère est victime.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Je vous laisse sur un dernier point.

Mme Lavallée (Carmen) : Donc, si on n'assure pas l'égalité économique des femmes, forcément, par ricochet, ça atteint les enfants.

M. Cliche-Rivard : Merci. Vous avez mentionné justement le volet sur l'exclusion des régimes de retraite, là. Qu'est-ce qui, selon vous, explique ça ou justifie ça dans le projet de loi actuel? Puis est-ce que les réserves que vous avez entendues jusqu'à date sont justifiées selon vous?

Mme Lavallée (Carmen) : On a un peu répondu. À mon avis, elles ne sont pas justifiées de nous dire que ce n'est pas un bien familial, les régimes de retraite. On n'est pas d'accord. De nous dire que maintenant, les femmes en ont, des régimes de retraite, donc c'est formidable, ils ne seront pas obligés de les partager, c'est un argument qui, moi, je le trouve parfaitement aberrant. Si ces femmes-là ont des régimes de retraite, probablement que leurs conjoints en ont eux aussi. Et probablement qu'il y a plus d'argent dans leurs régimes de retraite, ces conjoints-là, parce que les chiffres nous montrent que les hommes gagnent plus, 34 % de plus que les femmes au Québec.

Mme Belleau (Hélène) : Et, si ça crée des inégalités parce que Mme a un fonds de retraite et M. n'en a pas, on ne pourrait pas prévoir un mécanisme pour rétablir cette inégalité, plutôt que de dire...

Mme Lavallée (Carmen) : C'est facile. On a juste à donner aux tribunaux le pouvoir d'ordonner qu'il n'y en aura pas, de partage du régime de retraite de madame. Parce que le cas qu'on nous évoque toujours, c'est le monsieur qui lui a beaucoup d'argent, il n'investit pas dans son régime de retraite parce qu'il sait qu'il va être obligé de le partager, alors il l'investit en dehors du patrimoine familial. Parfait. La solution à ça, ce n'est pas de dire : il n'y aura pas de partage. La solution, c'est de dire : dans ces cas-là, Mme, elle, elle ne le partagera pas, son régime de retraite. C'est simple.

Le Président (M. Bachand) :Merci.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup pour votre passion.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Jean-Talon.

Mme Lavallée (Carmen) : On parle trop, on s'en excuse.

Le Président (M. Bachand) :Ça va, ça va. Ça va bien. M. le député de Jean-Talon.

M. Paradis : Oui, merci beaucoup. On a deux minutes 38 secondes ensemble, ce n'est pas beaucoup. Vous avez dit que le projet de loi n° 56 prive certaines personnes des maigres avancées de la jurisprudence. Vous référez ici à la diapo 12 de votre présentation, que vous avez transmise. C'est bien ça?

Mme Lavallée (Carmen) : Oui. Je vais... Bien, 12, je ne sais pas si c'est 12, là, mais...

M. Paradis : Bien, sur la... sur la prestation compensatoire, la valeur de la prestation, la non-reconnaissance du travail non rémunéré et le fardeau de preuve. C'est ça?

Mme Lavallée (Carmen) : Oui.

M. Paradis : O.K. Parce que c'est quand même... c'est quand même un commentaire très important. Je suis allé voir votre étude, en fait, qui est beaucoup citée dans votre document, Le cas du Québec en 2022. Je comprends que vous avez donc sondé 1 000 personnes en 2021, puis 2 520 personnes en 2022. Vous avez posé la question qui m'apparaît très importante, là, à la page 29 de votre mémoire, donc, donner aux conjoints en union libre les mêmes protections qu'ont les couples mariés en cas de séparation, mais en permettant un droit de retrait. C'était en 2022. Le ministre dit : Bien, en réalité, on fait une partie de ça, pas complètement, mais on fait une partie de ça, parce qu'on part d'un régime qui n'avait pas de protection, là on en donne certaines qui sont essentielles, pas d'autres, puis avec un droit de retrait. Est-ce que vous pensez que si vous posiez la question avec ce qu'on a devant nous actuellement, vous auriez le même genre de réponse? Est-ce que les gens seraient contents de ça ou cette réponse-là, vous considérez que c'est encore celle qui est valide aujourd'hui face au projet de loi qu'on a devant nous?

Mme Belleau (Hélène) : Bien, ce qui est particulier, c'est qu'on s'est aperçu que les gens étaient plus favorables quand la proposition était plus inclusive, plus large. Si on se limite juste aux parents qui ont des enfants, il y a moins de gens qui sont favorables, alors que si on ouvre ça plus largement puis qu'on dit on traite tout le monde de la même manière, mais avec un droit de retrait, là les gens sont favorables.

M. Paradis : Ça, vous l'avez mesuré, ce que vous... ce que vous venez de mentionner?

Des voix : ...

Mme Belleau (Hélène) : ...oui, oui, c'est tout à fait dans... regardez dans les faits... Ah non, on ne l'a pas mis dans les faits saillants. Mais oui, c'est dedans, là, c'est clair, clair, oui.

Mme Lavallée (Carmen) : ...si on regarde l'adhésion à la proposition qui serait de reconnaître les mêmes droits à... seulement aux couples qui ont un enfant commun, ce que... ce que prévoit le projet de loi n° 56, c'est l'affirmation...

Mme Lavallée (Carmen) : ...c'est l'affirmation qui reçoit le moins d'approbation, donc l'idée... C'est pour ça qu'Hélène dit : Ce qui est ressorti de l'étude, c'est que plus la proposition, elle est inclusive. C'est l'idée un peu de l'égalité. Je pense que chez les Québécois et les Québécoises en général, ils sont assez favorables à cette idée que les gens soient traités équitablement. De la même manière, après une union qui a duré un certain temps, après la naissance d'un enfant, comme les lois sociales, hein, comme Hélène le disait, on, les marie de force dans ce cas-là.

Mme Belleau (Hélène) : Alors, c'est à la page 31 du mémoire. Vous l'avez la statistique. Donc...

Le Président (M. Bachand) :Très bien.

Mme Lavallée (Carmen) : Donc, notre réponse, c'est non.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député. Le temps va rapidement. Alors, Pre Lavallée, Pre Belleau, merci beaucoup d'avoir été avec nous. Merci beaucoup. Bon...

Une voix :  Merci.

Le Président (M. Bachand) :Et je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 08 )

(Reprise à 16 h 10 )

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir Me Suzanne Guillet, médiatrice en matière familiale. Merci beaucoup d'être avec nous encore une fois. Alors je vous laisse la parole immédiatement pour 10 minutes et après ça, nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission. Merci.

Mme Guillet (Suzanne) : Parfait! Et là, je mets mon chrono justement. Alors merci pour... merci pour l'invitation. Je dois vous dire que, bon, j'ai fait partie de la commission qui a donné suite au rapport qui a été préparé par Me Roy. Mais ce... ce que je dois vous dire, ce que j'ai le plus... ce que je trouve le plus important ayant eu beaucoup d'années de litige, j'ai... Je l'ai arrêté de faire du litige il y a à peu près trois ans, c'est la crédibilité pour le justiciable. Ça, c'est essentiel. Pour arriver à pouvoir négocier adéquatement, il faut et absolument avoir des dispositions claires, un encadrement clair pour que les parties puissent négocier et qu'à ce moment-là ils n'aient pas à faire arbitrer par le tribunal. Et je ne vous apprendrai rien en vous disant que, compte tenu du coût pour aller devant les tribunaux, de moins en moins de même de personnes de la classe... de la classe moyenne ont beaucoup de difficulté à y aller. Alors, je commence. Donc, crédibilité, je dois vous dire... et j'ai fait le... j'ai indiqué, à la fin de l'union parentale, selon le document que je vous ai préparé, important pour la crédibilité de n'absolument pas le laisser tel quel avec respect, c'est... la fin de la vie commune, manifestation expresse ou tacite des volontés. Là, on est reparti pour un tour. Il y a un article qui est dans le code, qui est éprouvé depuis le patrimoine familial, donc depuis 1990, qui indique que la fin est à la fin de la vie commune et à ce...

Mme Guillet (Suzanne) : ...à ce moment-là, toute la jurisprudence est bien assise et elle est très, très claire, on n'a pas à recommencer en reprenant ces termes-là. Donc, ça touche aussi les gens qui, pour des motifs économiques de réorganisation, vont vivre sur le... continuer de vivre sur le même toit, mais on va les déclarer qu'ils sont quand même séparés. Alors, la jurisprudence est claire. Alors, moi, ce que je vous soumets : ne recommençons plus, surtout qu'on a une disposition qui est... qui est là.

Le délai pour les mesures de protection, on a... Et ça, je salue, effectivement, que, maintenant, autant les enfants, peu importe, l'union, bénéficient d'une protection pour pouvoir rester dans le domicile conjugal.

Je vous soumets que le 30 jours devrait être retiré et il n'a rien à voir avec la réalité. Les gens qui... les conjoints qui se séparent, premièrement, il faut qu'ils atterrissent de leur séparation. Le temps qu'ils prennent pour aller soit consulter, soit pour se rendre en médiation, et tout ça, ça prend beaucoup plus que 30 jours. Alors, ce délai-là, quant à moi, devrait être complètement retiré, parce que, si on laisse ce délai de 30 jours, même si on le met à 60, 90, ça ne s'applique pas. Il faut que les gens aient la liberté de le faire, de consulter. Et surtout, et ça, je vous l'indique, ça va à l'encontre de tout ce que ce qu'on essaie d'inculquer sur les modes de règlement de conflits, d'aller essayer de régler ça... de régler ça à l'amiable entre eux. Alors, pour ça, il faut leur laisser le temps. Et vous comprenez que je ne suis pas inquiète, si un conjoint arrive et vient comme un an plus tard, demander la possession de la résidence, ça devrait... ça, c'est la jurisprudence qui pourra se développer toute seule. Alors, ça, vraiment, quant à moi, il faudrait le retirer.

Patrimoine de l'union parentale. Vous voyez, pour moi, cet article-là, c'est vraiment... pour moi, l'article en soi est un mode de règlement de conflits. C'est clair, les biens sont nommés, on pourrait ajouter, tu sais, les résidences, toutes les résidences utilisées par les enfants, mais les biens sont clairs, sont identifiés, et là les gens peuvent aller négocier sur cette base-là, de façon très claire, sans avoir recours à aucun, aucun tribunal. Et ce qu'on sait, c'est que la majorité des actifs, pour la majorité de la moyenne des Québécois et Québécoises, c'est ces actifs-là, si j'exclus le fonds de pension, mais c'est vraiment la maison, les meubles, les autos, c'est les actifs qu'on en général les gens.

Retrait... excusez, je me minute, retrait du... retrait partiel ou total de l'union parentale, je pense que ça, c'est une disposition qui doit être permise, qui laisse la liberté aux gens de... et c'est un «opting-out», et non un «opting-in» et... mais la condition sine qua none pour, selon moi, dans mon opinion, c'est vraiment ce que je vous ai mis. Moi, je... bien là, vous voyez mon âge, moi, j'ai connu les conventions d'un assujettissement du patrimoine familial en 1989. Je pense que j'avais fait une cinquantaine d'entrevues à la fin d'octobre, novembre, décembre. Et là c'est ça, les jeunes, souvent, ne savaient absolument pas ce qu'ils allaient signer. Donc, formation préalable en violence pour les notaires, violences psychologiques, pour savoir si... est-ce qu'il y a des moyens coercitifs, et tout ça, inventaire des biens, parce que ceux qui vont le faire en cours de régime... inventaire des biens comme c'était... comme c'était le cas, comme c'est le cas et c'est censé être le cas lorsque vous changez de régime, d'un régime de société d'acquêts à un régime de séparation de biens, donc, c'est très important, puis même projectif. Quelqu'un qui vient vous voir, qui veut se retirer, encore faut-il savoir à quoi cette personne-là renonce. Alors, pour moi, c'est important.

Et la condition aussi, c'est l'obligation. Et ça, c'est l'obligation qui est déjà à 618, pour l'ensemble des médiateurs, de toutes professions confondues. Savoir que, si on constate, à titre de professionnel... parce que, voyez, en médiation, les gens viennent nous voir, et tout ça, et ils peuvent très bien prendre le résumé des ententes, il y a des formulaires sur Internet...

Mme Guillet (Suzanne) : ...et aller se divorcer avec ça. Donc, c'est notre rôle de voir... Si on voit qu'il y a un préjudice pour le conjoint ou les enfants, bien là, à ce moment-là, de les référer pour aller chercher une opinion indépendante, pour savoir... sur ce point, ce qui aide à négocier quand ils reviennent.

Vous avez, bon, prestation parentale... prestation compensatoire parentale, évidemment, on l'a travaillé pendant deux ans. Ça, encore une fois, c'est quelque chose qui fait en sorte qu'on peut, avec des tables... Il y a eu des tables... Bon, ça a fonctionné dans les autres provinces, pas ici parce que ce n'était pas adapté pour les pensions alimentaires. Il y a les tables pour les... les... les pensions alimentaires pour enfants, mais avec des lignes directrices qui fait en sorte que si un parent a pris vraiment la charge... plus la charge de l'enfant, par exemple congé de maternité, où il n'y a pas eu de... de... de... il n'a pas cotisé au fonds de pension, ou, etc., bien là, à ce moment-là, d'avoir des règles très... très claires par des lignes directrices. Ça peut sembler bien compliqué et, au contraire, ça va être, selon moi, un pacificateur. Et ça, ça règle exactement les biens, plus la prestation parentale, ça règle la majorité des dossiers. Il va toujours en rester à l'extrême, mais la majorité des dossiers sur ces questions-là au Québec devrait se régler de cette façon-là. Je pourrai vous... vous revenir parce que j'ai fait le calcul pourquoi la pension alimentaire, ce n'est pas la bonne... la bonne solution.

Dévolution successorale. Woups! Il faut, je me dépêche, parce que ça aussi, ça me tient à coeur. Dévolution successorale. Je vous ai expliqué. Présentement, c'est 100 % de la succession qui est dévolue aux enfants. Je vous ai mis un exemple avec l'article. C'est qu'il y a un tiers de la succession après un an qui va être dévolu au conjoint... au nouveau conjoint qui va avoir eu un enfant. Alors, ça, je vous ai donné l'exemple. Quelqu'un qui a vécu 10 ans, 12 ans, qui ont eu deux enfants, se sont séparés, et tout ça, là... l'autre parent a une nouvelle relation, elle dure 14 mois, il y a un enfant. Bien là, à ce moment-là, le conjoint de fait... le conjoint de fait va prendre un tiers de la succession des enfants.

Alors ça, je trouve que ce n'est pas une mesure de protection pour enfants. En plus, quand on pense que, de toute façon, ce conjoint-là va avoir la... la... la rente de conjoint survivant de la Régie des rentes, et s'il a un fonds de pension, la... il va avoir la rente du conjoint survivant du fonds... du fonds de pension.

Alors ça, c'est... j'ai... j'ai essayé de voir dans les autres... dans les autres juridictions, et tout ça, et là j'ai... j'ai trouvé très peu... puis c'est toujours avec un amalgame d'autre chose, très peu de juridictions... tu sais, qui ont ça. En tout cas, au Canada, c'est très rare. Alors ça, je... je vous dis, c'est... Woups! Excusez. C'est... C'est moi. C'est comme déshabiller l'un pour habiller l'autre, et... puis le délai d'un an n'a pas de...

• (16 h 20) •

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.

Mme Guillet (Suzanne) : Donnez-moi...

Le Président (M. Bachand) :On va passer à la période d'échanges avec... avec... On va débuter avec le... M. le ministre, pardon.

Mme Guillet (Suzanne) : Bon, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Guillet, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 56. Bien, écoutez, vous le dites bien, là : Lorsque les règles de droit sont énoncées clairement, ça simplifie la vie des justiciables. Alors, je voulais vous demander. Grosso modo, vous avez dit : Bon, bien, écoutez, c'est clair, qu'est-ce qui rentre dans le patrimoine de l'union parentale : la maison, la résidence familiale, les autos, les meubles. Ça, c'est clair. Vous avez semblé inquiète par la fin de la vie commune à 521.22. Donc, comparativement au mariage, là, on dit : L'Union parentale prend fin par le décès de l'un des conjoints, par la manifestation expresse ou tacite de la volonté des conjoints, ou de l'un d'eux, ou de mettre fin à l'union par... ou par le mariage ou l'union civile des deux conjoints, ou par le mariage ou l'union civile de l'un d'eux avec un tiers. Qu'est-ce que... qu'est-ce qui vous chicote? Qu'est-ce que vous ne trouvez pas clair?

Mme Guillet (Suzanne) : Bon, moi, je serais très... j'aimerais faire un tour de table pour voir autour de votre table comment les gens interprètent «manifestation expresse ou tacite de la volonté des conjoints ou de l'un d'eux de mettre fin à l'union». Parce que ça peut être : Je lui ai dit que je ne l'aimais plus. Pour moi, c'est clair. C'est...

Mme Guillet (Suzanne) : ...j'ai mis fin à notre union, et tout ça. Alors qu'en mariage, exactement pour la même chose, c'est parce que là, au lieu d'être dans la tête des gens sur la manifestation expresse ou tacite de la volonté de faire vie commune, c'est la cessation de la vie commune. C'est clair. L'article est clair, et, comme... et, comme je l'ai dit tantôt, il y a eu de la jurisprudence ad nauseam sur cette question. Il y a eu plein de jurisprudence, M. le ministre, sur cette question, et c'est réglé. Par exemple, des couples peuvent rester sous le même toit pour des motifs économiques ou pour des motifs de réorganisation, mais on dit : Oui, mais c'était pour ces motifs-là, donc on met la fin de la vie commune au moment où ils ont décidé qu'ils n'étaient plus un couple. Ça fait qu'on parle de la même chose.

M. Jolin-Barrette : Oui. Lorsque vous avez la cessation de la vie commune, là, en mariage, les gens conviennent qu'il y a cessation de la vie commune, mais... peut continuer d'habiter au sous-sol. Supposons, M. s'en va dans le sous-sol.

Mme Guillet (Suzanne) : Absolument.

M. Jolin-Barrette : Donc, il n'y a rien qui l'empêche ici non plus que ça soit ça.

Mme Guillet (Suzanne) : Non. C'est pour ça que je dis : Les mêmes règles devraient s'appliquer, qu'on soit... parce que c'est des relations de couple. Alors, qu'on soit mariés ou pas, c'est la même chose, c'est les mêmes émotions, c'est les mêmes choses. Alors, ce que je vous dis, c'est qu'on a dit les... quand les époux ont cessé de faire vie commune, et cette notion-là de cessation de vie commune a été interprétée depuis 1990 par les tribunaux, des jugements de la Cour d'appel. Alors que, si on introduit manifestation expresse ou tacite de la volonté, on est parti pour un tour... Tu sais, c'est... on va avoir de tout pour tous. Et c'est ça que je vous disais, le législateur...

M. Jolin-Barrette : O.K. Je comprends. Mais c'est tout de même pas mal un synonyme, mais je comprends que vous souhaitez de la clarification là-dessus.

Mme Guillet (Suzanne) : Bien, c'est la seule... Je vous dis, M. le ministre, et je vous implore, je n'implore jamais personne, c'est que de mettre...

M. Jolin-Barrette : Ah bien, écoutez, je prends ça d'une façon... je le prends sur moi.

Mme Guillet (Suzanne) :  Oui, oui, prenez ça, effectivement, ceux qui me connaissent le sachent, particulièrement mon conjoint, mais ce que je veux dire... ce que je veux vous dire, c'est que, quand je dis les règles claires à interprétation, je vais juste vous dire, moi, là, j'enseigne, je forme les médiateurs, et tout ça, et je leur demande toujours : Pourquoi? Pourquoi vous voulez faire de la médiation? Et là ils ont dit : Bien là, parce qu'on veut que ce soit plus calme, et ne plus à argumenter sur des articles de loi, savoir ce que ça veut dire... Et là on a une belle opportunité de mettre ça clair comme ce l'est.

M. Jolin-Barrette : O.K. Une autre question. Le 30 jours, là, pour la résidence familiale, vous, vous nous recommandez de mettre ça à combien? Vous avez dit : C'est trop court, 30 jours.

Mme Guillet (Suzanne) : Moi, je ne mettrais pas de délai. Je vais vous dire pourquoi. Mon expérience de médiation me dit...et puis, tu sais, mon expérience de litige était la même, c'est que chaque couple a son tempo, a son moment où les deux sont ensemble pour pouvoir négocier. Et là, si on dit qu'il y a une protection, il y a une protection, mais il n'y a pas de délai, de dire : Ah! j'ai 90 jours, là, il faut absolument que je dépose une procédure en cours si je veux rester là. Alors, que peut-être qu'effectivement, l'exemple que vous preniez, vous en avez un qui est à l'étage puis l'autre qui est au sous-sol, et là, quand c'est la fin de semaine, ils inversent, il y en a un qui s'en va... puis ça, c'est courant, là, qui s'en va à l'étage, et tout ça. Et là, un moment donné, ils sont prêts à aller négocier pour savoir qui va rester dans la maison, et tout ça. Alors, moi, je ne voyais pas, je ne vois pas encore, la justification du recours... du délai.

M. Jolin-Barrette : En fait, ça prend absolument un délai, parce que, contrairement au mariage, dans le fond, quand vous vous séparez, bien, vous restez mariés jusqu'à tant que ce soit prononcé. Donc, le mariage subsiste. Là, avec la fin de l'union parentale, vous dites : Bon, bien, M., tu t'en vas coucher dans le sous-sol, je ne t'aime plus, mais là la fin de l'union parentale est pas mal là. Donc, ça prend... Il faut absolument mettre un délai dans la loi. On peut peut-être le trouver trop court, le délai, mais ça prend un délai parce que l'union parentale prend fin à partir du moment où M. s'en va coucher sur le divan dans le sous-sol. Donc, ça prend un délai pour faire survivre cette obligation-là, là.

Mme Guillet (Suzanne) : C'est ça. Bien, si vous tenez aux délais, mettez-le plus loin que ça peut être, six mois, je ne sais pas.

M. Jolin-Barrette : Mais là on n'a pas le choix de mettre un délai, c'est ça que je vous dis.

Mme Guillet (Suzanne) : Mais non, mais, regardez, les couples, là, mariés là, parce que, là, on se comprend que c'est la fin de l'union parentale, etc., puis ce qu'on va faire, c'est qu'on va liquider les biens, tout ça. Combien de personnes sont mariées et qui arrivent en médiation parce que, là, ils sont prêts, et que ça fait peut-être deux ans qu'ils vivent séparés l'un de l'autre?

M. Jolin-Barrette : Oui, mais, Me Guillet, ce que je vous dis, c'est que le lien du mariage existe toujours entre les gens, à ce moment-là, ils sont séparés ou...

M. Jolin-Barrette : ...supposons, séparés de corps, mais le lien du mariage, il est toujours. Peut-être une autre question : Qu'est-ce que vous pensez, là, du fait, là, que les REER, les fonds de pension, les régimes de retraite ne soient pas inclus dans le patrimoine d'union parentale?

Mme Guillet (Suzanne) : Bon, le... pour moi, l'union parentale, puis c'est... c'est... c'est... Pour moi, c'est un tout cohérent. C'est que la prestation parentale règle cet élément-là avec des lignes directrices. Alors, tout est centré sur l'enfant. On comprend que le fonds de pension, ce n'est pas pour l'enfant, l'enfant n'en bénéficie pas maintenant, là, ce n'est pas non plus... les gens, là, le... tu sais, les unions, c'est... C'est quoi, là? C'est 10 ans de durée de vie, et tout ça. Alors, moi, quand je regarde au niveau de l'enfant, je me dis, oui... Puis, toutes les résidences, je n'ai aucun problème avec ça, qui sont utilisées avec les enfants. Le fonds de pension, quand on regarde l'application de la... de la prestation parentale, c'est là qu'ils vont aller le chercher : Moi, je n'ai pas pu contribuer à mon REER, parce que je m'occupais des enfants, je n'ai pas pu. Alors, ça, ça devient lié à... lié aux enfants. Alors, ça, c'est vraiment dans la logique enfant, et, pour moi, dans la logique de... de droit civil, tu sais, de libre choix, là... Mais je ne ferai pas une dépression nerveuse, là, mais ce que je vous dis, ce n'est pas...

M. Jolin-Barrette : Je voulais vous entendre. Vous, vous avez pratiqué beaucoup, vous nous l'avez dit en début, notamment à la cour, en matière familiale, la Cour supérieure. Qu'est-ce que vous pensez du fait que, dans le projet de loi, on vient demander de favoriser le fait que, dans la mesure du possible, il y ait un seul et même juge qui suive le dossier d'une famille? Dans le fond, j'imagine que, surtout, je pense, vous pratiquez à Montréal, vous, quand vous faisiez des intérimaires ou des dossiers qui revenaient... mais j'imagine que vous deviez raconter à nouveau l'histoire à de multiples reprises.

Mme Guillet (Suzanne) : Oui, c'est que... Regardez, pour... pour ça... Bien, premièrement, je... il faudrait parler à la juge en chef, là, mais, pour connaître l'ancien juge en chef, c'est que ça... dans un district comme Montréal, ça ne peut pas s'organiser parce que on est à la merci... tu sais, le juge, il a... il a ses assignations, et etc. Moi, le bémol que je... Le bémol que je mets là-dessus, c'est... Il existe déjà, pour les dossiers à haut niveau de conflit, ce qu'on appelle la gestion particulière et la gestion particulière fait en sorte que, quand tu as un dossier trop compliqué, le juge en chef ou la juge en chef peut décider de dire : Regardez, eux, là, il faut raconter l'histoire 20 fois et ils sont aux minutes et quart en cours, donc on va assigner un autre juge. Donc, au niveau pratique, ce n'est pas... Et je vous dirais, et ça, c'est mon idée, là, c'est... c'est... c'est personnel à moi, parce que, dépendant des sensibilités...

• (16 h 30) •

Regarde, ce n'est pas des ordinateurs, on se comprend, les juges, comme nous, nous ne le sommes pas. C'est que la sensibilité des juges peut... tu sais, peut être différent. Il y a des juges avec lesquels, tu sais, on trouve qui sont plus habiles dans certaines choses puis d'autres moins. Donc, de dire : Voici, parce que j'ai passé devant ce juge-là, bien là, à ce moment-là, ça va être celui que je vais avoir tout le long du... tout le long du procès, est-ce que c'est quelque chose que moi, j'aurais privilégié? Non, parce que c'est... Au tribunal de la jeunesse, c'est comme ça, puis c'est bien, que ça soit comme ça, parce qu'ils ont une expertise particulière et ils ne gèrent que le bien-être des enfants. En Cour supérieure, dans un dossier matrimonial, là, on gère la... on gère le... tu sais, l'argent, le partage, et tout ça. On peut avoir, par exemple, un parent qui est vraiment mal foutu pour payer sa pension alimentaire, mais par ailleurs il est très bon pour être un papa, puis tout ça... bien, «très bon», en tout cas, tu sais, c'est parce qu'il devrait avoir les deux, mais peu importe, et là c'est qu'il peut avoir des paradigmes qui se touchent et que ça peut influencer à... influencer ça, alors donc... Parce que l'être humain, là, l'être humain, hein, quand on pense qu'on a raison sur quelque chose puis qu'on a... tu sais, c'est... c'est... c'est plus difficile... Puis je vous dis d'expérience, j'ai déjà eu des... des jugements en intérimaire parce que c'étaient les affidavits, c'était si, c'était ça, et j'ai eu le contraire au provisoire, mais j'avais un juge tout neuf qui regardait ça, etc. Je pense que ça aurait été plus difficile. Et c'est humain, c'est juste humain, on est tous comme ça.

M. Jolin-Barrette : Mais vous ne pensez pas que, du point de vue du justiciable, le fait que son avocat doive raconter encore l'histoire, doive retourner témoigner, il n'y a pas...

Mme Guillet (Suzanne) : Bien, c'est...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Jolin-Barrette : ...d'efficacité à avoir là-dessus, là. Puis je comprends...

Mme Guillet (Suzanne) : Oui. Bien, c'est que dans les dossiers, dans les dossiers... comment dire, dans les dossiers pas problématiques, là. C'est dans les dossiers problématiques, on va plaider notre intérimaire et là on va aller plaider, qui n'est pas la même chose, que c'est juste, juste du temporaire, et on va plaider au provisoire, et tout ça. Donc, ce n'est pas nécessairement des vases communicants. Mais, comme je vous dis, moi, j'aime bien le mécanisme de la gestion particulière.

M. Jolin-Barrette : O.K. Écoutez, Me Guillet, je vais céder la parole à mes collègues. Merci beaucoup pour votre présentation en commission parlementaire, c'était fort instructif. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Donc, je me tourne vers la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Guillet. Merci pour votre temps. Merci de vous joindre à nous, c'est très apprécié. Je me demandais : Que pensez-vous des mesures pour contrer la violence judiciaire en cas de séparation? Est ce que vous pouvez développer là-dessus? Merci.

Mme Guillet (Suzanne) : Ça, c'est vraiment... je dois vous dire que le... ça, ça va être un bon outil au niveau... pour contrer la violence judiciaire, puis tout ça, parce que là, les outils qu'on... qu'on avait, c'est faire déclarer quérulent et... et tout ça, aller... être en attente. Et alors que là on a... a recours direct, dommages-intérêts, et tout ça, puis et on sait que dans des cas... je ne vous dis pas que ça va régler tous les cas, tu sais, moi, qui en a déjà eu un, la personne, ça ne le dérangeait pas, mais dans la... dans beaucoup de cas, ça va être... ça devrait être un... un incitatif à se calmer et un incitatif pour les avocats aussi, parce que comprenez vous que derrière ça, tu sais, j'ai déjà donné une conférence sur les clients et les avocats extrêmes, en en ayant rencontré quelques-uns moi aussi. Et là, c'est... je pense que ça, ça va forcer une maturité du recours, si j'ose dire. Et là que... parce que vous faire dire... parce que vous voyez, en médiation, là, on... on demande toujours d'expliquer, etc. Tandis que, souvent en litige, ce que... ce qui m'est rapporté par les gens qui viennent suivre les cours de médiation parce qu'ils veulent s'éloigner un peu du litige, c'est : Bien là, mon client veut ça, etc. Mais là ça fait en sorte que ça va faire quelque chose auquel l'avocat va devoir penser aussi avant d'accompagner son client devant de multiples, multiples, multiples recours. Alors, oui, je salue cette disposition-là.

Mme Haytayan : Merci.

Mme Guillet (Suzanne) : En espérant que ça va rendre plus civilisé.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de Saint-Jean pour 2 min 2 s.

M. Lemieux : 2 min 20 s. Merci beaucoup, M. le Président. Me Guillet, vous l'avez bien expliqué depuis le début, vous parlez... à partir de ce qu'on propose dans le projet de loi n° 56, vous parlez de votre pratique, de votre... de vos connaissances depuis le temps. Je voudrais qu'on ramène ça, pour les deux minutes qui me restent, maintenant que j'ai dit tout ça, au monde ordinaire, que vous ne voyez pas, et qui ne vont pas voir des médiateurs, et qui ne vont pas voir des avocats parce qu'ils sont encore ensemble, mais ils sont restés ensemble, jamais mariés, puis ils ont eu des enfants, puis tout va bien. Puis le projet de loi, veux veux pas, c'est de la théorie, puis on essaye de couvrir tous les angles. Celui qui m'impressionne le plus, de ces angles-là, c'est les couples pour qui ce n'est pas une séparation, c'est un décès, et qui se pensait aussi bien couverts que s'ils étaient mariés puis que ce n'est pas le cas. C'est des histoires d'horreur. Je comprends que c'est peut-être la marge, mais dans la théorie, ça fait peur. Est-ce que le projet de loi n° 56 au moins ramène une partie de ces risques là à quelque chose de plus gérable pour la société? Parce qu'on se rend bien compte, en analysant puis en regardant le projet de loi, que, dans le fond, on fait pour les gens ce qu'ils pourraient faire eux-mêmes s'ils allaient voir un notaire, mais ils ne le font pas. Ça fait que là il faut qu'on... il faut qu'on comble ce vide-là jusqu'à un certain point. Est-ce qu'on le comble bien, ce vide-là?

Mme Guillet (Suzanne) : C'est que, moi, bon, les... au niveau de l'information, puis vous avez vu, à la fin de ma lettre, là, vous allez... il va y avoir une loi qui va être votée, le pan qui touche plus la conjugalité, les enfants, c'est... tout passe par l'information. Et là, à ce moment-là, dans l'avis de cotisation, le... le ministère du Revenu, il le sait si les gens... les gens sont des conjoints. Qu'est-ce que c'est? Ils ne vont pas lire le pamphlet qui est au Palais de justice, etc., puis souvent, effectivement, il est trop tard puis c'est ailleurs, mais, tu sais, vous recevez votre avis de cotisation, qu'est ce que c'est que d'écrire, et là vous... vous couvrez sans frais parce que c'est le même timbre, là, ça ne fait rien, mais vous couvrez sans frais, et là je suis même prête à vous l'écrire, vous pouvez... vous... non, mais moi, je vais vous dire, j'ai... j'ai...

Mme Guillet (Suzanne) : ...ça s'appelait Droit et vie quotidienne, à l'UQAM, qui était pour les gens qui n'étaient pas en droit mais qui devaient suivent un cours hors programme. J'avais des listes d'attente à n'en plus finir. Et là...

Le Président (M. Bachand) :Merci, Me Guillet. Je dois céder la parole...

M. Lemieux : Alors, je m'inscris. Je m'inscris, maître. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :...je vais céder la parole au député de l'Acadie. M. le député de l'Acadie.

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Me Guillet. Merci pour, en fait, le document que vous venez de nous transmettre et évidemment l'éclairage que vous apportez. Une question... en fait, deux questions qui sont peut-être un peu plus... un peu plus techniques. Vous en avez déjà parlé avec M. le ministre, mais à 521.27, quand on parle que la demande doit être présentée au tribunal au plus tard 30 jours après la fin de l'union, en pratique, je ne vois pas comment ça peut faire.

Mme Guillet (Suzanne) : Non, ça, je suis d'accord avec vous. C'est ça que j'expliquais, c'est impossible.

M. Morin : Parce que souvent, quand les gens décident de se séparer, là, la première affaire qu'ils pensent, ce n'est pas d'aller à la cour supérieure. On s'entend, là.

Mme Guillet (Suzanne) : C'est impossible. Les gens dont vous appelez, soit comme avocat, ou tout ça, pour ou médiateur, et c'est... ils vont dire : bon, bien là, on voulait juste voir si vous étiez disponible, on va vous rappeler. Et souvent ils nous rappellent, c'est deux mois plus tard, là. Tu sais, c'est comme, tu sais, il y a la peine, il y a le deuil, il y a... tu sais. Alors, moi qui aime les solutions négociées, je ne veux pas les envoyer devant le tribunal au bout de 30 jours. C'est... Tu sais, il faut respecter... il faut respecter leur rythme et les...

M. Morin : Parfait. Je vais...

Mme Guillet (Suzanne) : Et surtout, ce que je vois, c'est que même les couples qui sont divorcés, parce que le... il y a la création d'un patrimoine ici, patrimoine parental. S'il n'y a pas d'urgence pour eux à le régler, là, pourquoi on aurait, nous, une urgence à régler? Un peu comme les gens en mariage qui ne voient pas l'urgence de venir régler tout de suite et qui attendent leur moment. Parce qu'en médiation il y a un moment, et il faut que les deux soient... les deux soient au même niveau.

M. Morin : Au même niveau pour être capables de faire une médiation.

Mme Guillet (Suzanne) : Absolument.

M. Morin : Ça fait qu'en tout cas, bien, merci, parce qu'à la première lecture, je me disais, wow, ils sont vraiment très efficaces, 30 jours, là, mais dans la pratique, c'est... ça ne fonctionne pas.

Mme Guillet (Suzanne) : Ah, non, non, dans la pratique... dans la pratique, je vous le dis.

M. Morin : O.K. Parfait.

Mme Guillet (Suzanne) : Puis là, vous pourrez poser les questions par exemple aux... à l'association des avocats du droit de la famille.

M. Morin : Mais je vous... Non, non, mais je vous crois.

Mme Guillet (Suzanne) : Sur le terrain, là, c'est... c'est... c'est impraticable.

M. Morin : Parfait. L'autre chose...

Mme Guillet (Suzanne) : Et là... Oui, excusez, je ne veux pas vous interrompre.

M. Morin : Si vous me permettez. Je suis désolé, c'est parce qu'on a un compteur, le temps... le temps file, n'est-ce pas?

Mme Guillet (Suzanne) : Oui, ça, je le sais.

• (16 h 40) •

M. Morin : Dans entrer dans le projet, puis vous en avez parlé un peu, il va y avoir des modifications au Code de procédure civile. L'article 29 du projet de loi, qui va modifier l'article 54 du Code de procédure civile, en matière familiale, pour permettre au tribunal de... en fait, accorder des dommages si une procédure a un caractère abusif. Maintenant, l'article 54 actuel du Code de procédure civile ne permet pas déjà ça? Qu'est-ce que ça, ça va ajouter de plus, premièrement, puis deuxièmement, puisqu'on parle du Code de procédure civile dans son ensemble, pourquoi le restreindre uniquement aux matières familiales? Quant à modifier le code, ça pourrait s'appliquer dans toutes les matières, parce que ce n'est pas juste en matière familiale que ce genre d'abus là existe.

Mme Guillet (Suzanne) : Non, effectivement, mais en matière familiale, compte tenu des émotions qui s'y prêtent, le... c'est l'enfant. Et le tribunal peut facilement devenir une arme pour un conjoint de mauvaise foi ou un conjoint qui a des problèmes, tu sais, des problèmes de santé mentale, ou, etc. Donc, c'est ça. Moi, je pense, parce qu'il n'y a pas le quantum, mais ce que je... ce que je vous dis, c'est que c'est un incitatif parce que ça peut être une somme minimale, mais ça... encore une fois, ça fait la... ça fait une pratique plus uniforme, dans le sens qu'il y a des juges qui sont moins enclins à le faire, et tout ça. Puis moi, je ne dis pas de condamner, puis, de toute façon, l'article ne dit pas ça, de condamner à des sommes... à des sommes énormes, mais de dire : Regardez, là, un peu comme un outrage au tribunal, regardez, ça, là, il faudrait que vous arrêtiez de faire ça. C'est un... C'est un incitatif à ne plus avoir ce genre de comportement là.

M. Morin : ...à la fin de votre lettre, vous écrivez : «Je me permets de suggérer qu'il y aurait lieu de procéder à une mise à jour en ce qui concerne la fixation des pensions alimentaires pour enfants.» Là, je comprends, est-ce que vous parlez des pensions alimentaires uniquement dans le cas d'un divorce ou si vous voulez les ajouter dans le cas d'une séparation en union de fait?

Mme Guillet (Suzanne) : Non, ça, c'est... O.K. Non. Ma... Mon commentaire était général. Parce que l'étape date depuis 1997. Il y a des ajustements à faire, entre autres, en garde partagée...

Mme Guillet (Suzanne) : ...il y a des... tu sais, maintenant, les montants de... les montants peuvent être assez importants, au niveau des allocations, et tout ça. C'est de regarder, après tant d'années, parce que ça a été... ça aussi, ça a été très pacificateur, mais de regarder, où en sommes-nous, tu sais, 30 ans plus tard.

M. Morin : Mais vous ne suggérez pas nécessairement qu'il y a une pension alimentaire pour enfants dans le cadre d'une union de fait.

Mme Guillet (Suzanne) : Bien, elle existe déjà, la pension alimentaire pour enfants. Tous les enfants ont le même...

M. Morin : On le droit à des aliments.

Mme Guillet (Suzanne) : Oui.

M. Morin : Parfait. Excellent.

Mme Guillet (Suzanne) : Et moi, je veux juste vous dire, j'avais fait le calcul parce qu'il n'y a pas de pension... Le choix qui a été fait, en Ontario, c'est pas de biens, pension alimentaire. Ici, ça a été... moi je suis vraiment pour ça, de créer un patrimoine, pas de pension alimentaire. Mais, dans une des études que vous allez voir, on a dit que le revenu moyen, c'était 62 000 $ pour le père et 42 000 $ pour la mère. Alors, j'ai pris le tableau pour les tables, parce que, quand on a fait le... quand on était en comité, la personne du gouvernement nous disait : Pour les gens mariés, une fois que la pension alimentaire dans... pour la moyenne des gens, une fois la pension alimentaire pour enfants payée, qui est défiscalisée, bien là, à ce moment-là, il n'y a plus de liquidités pour une pension alimentaire pour le conjoint parent. Et là moi, vous ferez l'exercice si vous voulez, j'ai pris le formulaire de fixation de pension alimentaire, 42 000 $, 62 000 $, et là vous voyez, deux enfants, une fois que la... avec la garde à la mère, une fois que la pension alimentaire est payée, le père, il reste dans ses poches, là, tu sais, à peu près, là, tu sais, à peu près, là... en tout cas, près de 35 000 $, et la mère, avec les allocations, pension alimentaire, et tout ça, qui donne un 31 000 $ de plus, a, puis c'est bien correct... a 63 000 $ net dans ses poches. Alors, ce que je veux vous dire, c'est juste que c'est pour ça que, vraiment, en tout cas, moi, au sein du comité, je privilégiais de... quelque sorte de sûr, certain, donc des biens. Ça, c'est facile, pas de chicane.

M. Morin : Merci, je vais céder la...

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Westmount-Saint-Louis, 3 min 28 s.

Mme Maccarone : Bon, bien, merci beaucoup. Je vais aller rapidement, il me reste très peu de temps. Merci beaucoup pour votre présentation puis le document comme mémoire que vous avez présenté aux membres de la commission.

Moi, je souhaite parler avec vous par rapport au fardeau de la preuve sur la personne qui s'est... qui va être appauvrie à l'intérieur de ceci, parce que c'est quelque chose... selon moi, est manquant dans le projet de loi. Puis vous, dans votre pratique, pratico-pratique, comment ça va fonctionner? Puis si vous pourriez l'amener sur l'angle de... on a peut-être aussi un couple qui n'ont pas enfant, l'impact sur la femme, en particulier.

Mme Guillet (Suzanne) : O.K., bon, il y a un mémoire de maîtrise, je pourrais... pour dire qu'il date de 2022, O.K., et qui a fait toute la jurisprudence sur l'enrichissement... prestations, etc. Ce qui reste de ce mémoire là, c'est que... et je suis d'accord avec son analyse, c'est qu'on ne sait pas où on s'en va. On ne peut pas dire à un client : Voici ce qui va vous arriver. Alors, est-ce qu'il devrait avoir pour... Parce que, quant à moi, la prestation parentale règle le problème de la majorité des gens avec le patrimoine. Il reste ceux... puis on le voit, là, de toute façon, la jurisprudence, c'est tout fait... on parle de millions puis, etc., là. Tu sais, ce n'est pas... Mais je suis tout à fait d'accord qu'il faudrait un encadrement sur ça. Puis je pourrai vous donner, là, le... je ne l'ai pas loin, là, le mémoire de maîtrise, mais... je pourrai vous l'envoyer, mais si je suis tout à fait d'accord. Puis les avocats me le disent, je ne le sais plus, quoi dire, c'est les dossiers que... je ne le sais plus, tu sais. Puis là les avocats se parlent, mais ils ont chacun leurs... tu sais, ils peuvent tous avoir des... Il n'y a pas de règles. Il faudrait des règles.

Vous me profitez de l'occasion juste pour dire que l'article, moi, je ne m'en suis pas... Tu sais, juste comme je dis, ça ne fait pas partie de mes interrogations présentes parce que moi, le volet conjoint-enfant et tout ça me... mais pour... Puis de toute façon, on peut avoir... tu sais, si on en a, on peut de toute façon aller en enregistrement sans cause. Mais quand on parle du critère de... qui était 521-46, d'établir la valeur en fonction de la valeur marchande des biens et des services reçus, ça, je suis d'accord avec la Cour d'appel que ça, c'est comme un peu à plus simple expression, là. Tu sais, c'est comme... c'est beaucoup plus... c'est beaucoup plus que ça. Est-ce que c'est comme semble vouloir...

Mme Guillet (Suzanne) : ...le faire la cour d'appel, de dire : Bien, regardez, c'est bien simple. C'est : on va regarder le patrimoine qui a été accumulé, on va dire que vous êtes en... en co-entreprise puis on va le diviser en deux, mais il n'y a pas de règle.

Le Président (M. Bachand) :Il vous reste 25 secondes, Mme la députée.

Mme Maccarone : Bon, j'aurais voulu vous entendre par rapport à l'impact de le délai applicable aux mesures pour les 30 jours, pratico-pratique... encore une fois, si ce n'est pas changé, l'impact sur vos clients.

Mme Guillet (Suzanne) : C'est : on les précipite. Ma réponse est très claire : On les... On ne les respecte pas... le temps qu'eux ont décidé. C'est le justiciable, hein...

Le Président (M. Bachand) :Merci...

Mme Guillet (Suzanne) : ...qui décide de choisir...

Le Président (M. Bachand) :Merci...

Mme Guillet (Suzanne) : ...quand est-ce qu'il emmène ça devant les tribunaux...

Le Président (M. Bachand) :Merci, Me Guillet. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Me Guillet. Merci pour votre présentation. Je vais rapidement aussi, là. Tout à l'heure, puis là je vous cite, là. Vous avez dit, sur les REER et autres fonds de pension, que vous ne feriez pas, et je cite, là, «une dépression nerveuse là-dessus». Je voulais juste quand même comprendre votre propos. C'est que vous... vous pensez que ce serait plus judicieux de l'inclure ou vous pensez qu'on devrait laisser les choses telles quelles?

Mme Guillet (Suzanne) : On devrait laisser les choses telles quelles, parce que...

M. Cliche-Rivard : Tel quel. Parfait.

Mme Guillet (Suzanne) : Oui. On devrait laisser les choses telles quelles, parce qu'on a fait... En tout cas, je suis tout à fait d'accord avec la vision de couples avec enfants, le fonds de pension, là on tombe dans la conjugalité. De toute façon, c'est pour le fonds de pension. Ils ont des enfants mineurs, alors ils ne sont pas proches de leur retraite. Et, comme si on a des lignes directrices pour la prestation parentale, comme c'est possible, ça va se régler là.

M. Cliche-Rivard : O.K. Ça fait qu'il faut qu'on le règle avec des lignes directrices claires. C'est par là qu'on doit passer. C'est ça votre recommandation.

Mme Guillet (Suzanne) : Oui...

M. Cliche-Rivard : Dernier... Votre dernier point à votre mémoire, c'est le point 7, là, sur le SARPA, vous ne nous en avez pas beaucoup parlé.

Mme Guillet (Suzanne) : Ah non! Je...

M. Cliche-Rivard : Est-ce que je peux vous laisser la chance de...

Mme Guillet (Suzanne) : Ah! merci!

M. Cliche-Rivard : Allez-y.

Mme Guillet (Suzanne) : Bon, le SARPA... parce qu'il y avait ça dans toutes les autres provinces, et tout ça. Le SARPA, c'est des techniciens et c'est... qui vont.... Quand il y a une pension alimentaire de fixée et qu'il y a un enfant qui est devenu majeur ou qui n'est plus à charge, un ou un enfant... tu sais, un enfant est parti, etc. ou qu'il y a une baisse de revenu ou augmentation de revenu, ils vont, je ne sais pas si vous êtes allés, c'est... ils vont dans le formulaire de pension alimentaire, rentrent les nouvelles données, bingo, ça sort, et ils ne sont pas obligés d'aller au tribunal. Sauf qu'on sait qu'à peu près 87 % pour les conjoints de fait, c'est qu'ils ne vont pas judiciariser leur entente, ils... ils s'entendent. Où je trouve vraiment que c'est une perte de droits, c'est que, si on donne à des techniciens... Tu sais, ils font un bon travail, puis tout ça, là, mais d'aller fixer des pensions alimentaires... Fixer une pension alimentaire pour enfants, là... Prenons juste une histoire de garde partagée, qu'on peut passer une entrevue là-dessus. C'est une garde partagée. Qui va payer les... les vêtements qui circulent d'un endroit à l'autre? Tu sais, qui va payer quoi, etc., dans tout ce qui est compris, les... les... les fournitures scolaires, puis tout ça? Alors, il faut tout régler ça.

• (16 h 50) •

Au niveau fiscal, je sais que c'est... défiscalisé. Mais si vous avez une pension, disons, qui est 200 $ par année puis que vous mettez... Vous dites : Payez 200 $ par année, vous perdez la... la déduction de personne à charge, si vous êtes en garde partagée. Alors, il y a tellement d'éléments. Comment tu calcules? Il y a tellement d'éléments qu'on ne peut pas à la baisse... et il y a le service de médiation. Les gens y ont recours et ils ont le service complet. Et moi je vous dirais que je trouverais même un danger. C'est comme on va aller calculer ça, mais là, après ça, non, ça n'a pas de bon sens. Donc, je veux obtenir la garde plus de temps. Bien, merci pour la question pour le SARPA. C'est très important pour le justiciable.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup pour votre temps aujourd'hui.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Jean-Talon.

M. Paradis : Merci. On a deux minutes 38 ensemble. Je vous amène à votre commentaire dans votre document où vous dites que la prestation compensatoire, c'est vraiment le véhicule le plus approprié, le plus... le plus efficace. Vous dites : Il y a neuf des 10 experts du comité consultatif qui se sont prononcés en faveur, mais d'autres nous disent qu'il y a des reculs en réalité, notamment les Pres Belleau et Lavallée, qu'on vient d'entendre, qui nous disent : Bien, l'union de fait, actuellement, c'est l'enrichissement injustifié. L'union parentale, ça va être la prestation compensatoire de la valeur accumulée à la valeur marchande, de la reconnaissance de la co-entreprise familiale à la non-reconnaissance du travail non rémunéré, fardeau de preuve sur la personne qui s'est appauvrie dans... avec le nouveau projet de loi. Qu'est-ce que vous en dites?

Mme Guillet (Suzanne) : Bon, moi, ce que j'en dis, c'est que la prestation parentale avec ses tables va régler la majorité des dossiers. S'il y a des... par exemple, qui a été... qui ont participé à l'entreprise ou quoi que ce soit, on n'enlève pas l'autre prestation conjugale, qu'on appelle...

Mme Guillet (Suzanne) : ...sans cause ou prestation... voyons... prestation compensatoire parentale. C'est comme... Ce n'est pas... Où je pense que le recul, il voit, c'est le recul où il voit... quand on établit que c'est à partir de la valeur établie de 521.46. Mais là ce n'est pas du tout... on n'est pas du tout dans la même chose. Pour moi, la dernière chose que je veux, c'est que, si... Puis je ne suis pas... je ne suis vraiment pas la seule à le penser, là, j'ai hâte de voir les autres, mais la prestation parentale, avec les tables, règle la majorité des dossiers. Il va toujours en rester...

Le Président (M. Bachand) :Il reste 50 secondes...

M. Paradis : Et vous dites que ça n'exclut pas, donc...

Mme Guillet (Suzanne) : Absolument...

M. Paradis : ...la notion d'enrichissement injustifié, selon vous?

Mme Guillet (Suzanne) : Non, ils peuvent très bien prendre... c'est... ça n'exclut pas. On peut avoir une prestation parentale parce qu'on s'est occupé de l'enfant, et tout ça, puis on a perdu, mais ça n'exclut pas... puis vous lirez dans le rapport... on n'a jamais exclu une autre prestation que pourrait avoir le conjoint s'il se sent lésé, et que l'autre s'est enrichi injustement à son détriment. Mais ça, comme je vous dis, pour moi, c'est l'exception, une fois que la prestation parentale est réglée. C'est la majorité, là. Mais on...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. O.K., le temps file rapidement. Me Guillet, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi, c'est très apprécié.

Sur ce, je vais suspendre les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 54)

(Reprise à 16 h 55)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Ça nous fait plaisir d'accueillir les représentants et représentantes de l'Association des avocats et avocates en droit familial du Québec. Merci d'être avec nous cet après-midi. Alors, avant de débuter votre présentation, peut-être vous présenter, tous les deux, et débuter, s'il vous plaît.

M. Gravel (Patrice) : O.K., d'accord. Patrice Gravel, avocat, qui est président de l'association des avocats en droit de la famille, Me Marie Christine Kirouack, qui est membre du conseil d'administration.

L'association des avocats en droit de la famille, c'est une corporation à but non lucratif, fondée en 1985, donc bientôt 40 ans, qui compte entre 300 et 500 membres, répartis dans presque toute la province de Québec. Quinze administrateurs siègent au sein du conseil d'administration. On se réunit chaque mois, on organise des sous-comités sur différents aspects de la pratique du droit de la famille. Notre rôle, c'est s'enquérir et diffuser toutes les informations nécessaires, c'est aussi d'organiser des conférences, des sessions de formation, puis de participer à toutes les choses importantes, là, qui touchent le droit de la famille, dont produire ce qu'on... notre mémoire aujourd'hui. Compte tenu du temps alloué, si vous voulez plus d'informations sur l'association, nous avons un tout nouveau site Web, et qui devrait fonctionner adéquatement.

Je passe maintenant la parole à Me Kirouack pour la présentation du mémoire.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Alors, nous avons déposé... fidèles à notre habitude, nous avons déposé un mémoire ainsi qu'un tableau comparatif, en annexe, n'est-ce pas, qui est, le Code civil actuel, les modifications et ses entrées en vigueur, telles quelles.

En résumé, pour ce qui est de la protection de la résidence familiale, on considère, un, qu'elle ne devrait pas être restreinte dans le temps, la question de 30 jours, puisque, notamment, à partir du moment où la résidence familiale cesse d'être une résidence familiale, la protection tombe. C'est la même chose pour ce qui est des époux, la protection ne tombe pas nécessairement avec le divorce. Ça tombe avant, quand la résidence familiale n'est plus une résidence familiale, ce qui est une question de fait. Et, dans ce cadre-là, il y a de la jurisprudence sur des autorisations passées selon un acte, y compris la décision C.L. c. J... G., EYB 2019 380, qui a dit que c'était inutile de demander la permission, puisque la résidence familiale n'en était plus une...

Mme Kirouack (Marie Christine) : ...les parties étaient séparées, mais par ailleurs pas divorcées.

Par contre, nous sommes d'opinion que cette réforme-là, c'est-à-dire l'ensemble du chapitre de ce qu'on va appeler la protection de résidence familiale, devrait être d'application immédiate lors de l'entrée en vigueur prévue en juin 2025, donc s'appliquer à tous les conjoints de fait ayant des enfants à cette date et non pas ceux qui auront le bonheur d'avoir de nouveaux enfants a posteriori de l'entrée en vigueur de la loi. Il est... On a la même position pour ce qui est de l'élargissement du droit au maintien dans les lieux. Et nous pensons que ça aussi devrait être d'application immédiate.

Pour ce qui est du patrimoine d'union parentale, que nous trouvons particulièrement intéressant, nous soumettons seulement cependant avec égards qu'il devrait y avoir un article qui indique que les conjoints de fait et conjoints d'union parentale devraient avoir l'obligation de contribuer aux charges de la famille, et afin d'éviter une dérive en matière de demande de partage inégal. Lors de l'avènement du patrimoine familial, à l'époque, beaucoup se sont précipités devant les tribunaux pour faire des demandes de partage inégal basées sur le fait qu'un seul des deux avait payé. Et cette porte-là a été fermée pour les tribunaux, en disant : non, non, non, vous aviez l'obligation, n'est-ce pas, de contribuer aux charges, que ça soit en biens ou en services, ou par votre apport, n'est-ce pas, à l'intérieur, par exemple, là, de la maison ou si vous vous occupez des enfants. Si cette disposition-là n'est pas reprise avec le patrimoine d'union parentale, nous avons peur qu'il y ait une dérive, parce que là, on ne pourra pas fermer la porte et suivre la jurisprudence, notamment, de la Cour suprême, sur la question de quels sont les motifs pour lesquels on peut demander un patrimoine d'union parentale. L'Association est aussi d'opinion que toutes les résidences devraient faire partie du patrimoine familial, et non pas... à l'usage de la famille, là, et non pas juste la résidence principale.

La valeur... Le partage de la valeur miette d'un bien retiré, non pas les parties qui, en cours de régime, se retireraient de l'ensemble de l'application, parce que le projet de loi prévoit qu'on doit alors liquider, comme présentement, les époux, là, qui, par exemple, passeraient de la société d'acquêts à la séparation de biens, mais le projet de loi ne prévoit pas et, au contraire, indique que c'est au moment final où il y aurait effectivement dissolution du régime d'union parentale que le bien retiré en cours de régime serait susceptible, à ce moment-là, d'être liquidé. Nous soumettons que lorsqu'un bien est retiré, il devrait être immédiatement quantifié et liquidé.

Par ailleurs, les fruits ne devraient pas pouvoir être soustraits. Et on... j'avoue qu'on n'a pas compris, peut-être, le premier... M. le ministre, vous pourrez m'éclairer, je ne comprends pas pourquoi les fruits devraient être soustraits de la valeur nette des biens qui comprennent le patrimoine d'union familial, alors qu'en société d'acquêts les fruits ne sont pas soustraits, les fruits des biens propres. Alors, c'est comme une particularité ici.

• (17 heures) •

La provision pour frais. Nous vous soumettons que, un, on trouve fort intéressant effectivement que la provision pour frais soit nommément prévue dans le cas de la liquidation du patrimoine familial... Non, l'inverse. C'est-à-dire, vous avez prévu au projet de loi que les demandes de prestation compensatoire pourraient effectivement... il pourrait y avoir une demande de provision pour frais. Nous vous soumettons que la demande de provision pour frais chez les conjoints parentaux devrait effectivement être disponible au moment de la demande de liquidation du patrimoine d'union familiale également.

La prescription. Écoutez, l'Association est non seulement favorable, là, mais on trouve que c'est congruent avec l'ensemble de cette réforme, que la prescription ne court point entre les conjoints parentaux. Ça nous semble effectivement couler de source.

Le SARPA. Conformément au commentaire que Maître Guillet vient de vous faire, et on fait nôtres ses propos, nous sommes contre l'élargissement du pouvoir du SARPA pour pouvoir permettre la fixation originelle, là, de la pension initiale des enfants. Ce n'est pas l'objectif du SARPA. Et je vous soumettrais qu'ayant des cheveux blancs, avant le SARPA, et surtout avant la loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, les parties mettaient fin à la pension alimentaire juste en se regardant, ils faisaient : O.K., c'est correct, notre dernier vient d'obtenir sa maîtrise, n'est-ce pas, puis c'est fini puis on arrête ça, ce qui n'est plus le cas depuis la loi facilitant les paiements des pensions alimentaires. Ce qui a permis certaines dérives, dont dans un de mes dossiers, on a réclamé 30 ans de pensions suite au fait que le plus jeune avait eu 25 ans. Donc, les parties désormais, effectivement, saisissent le tribunal, O.K., et permettent par le SARPA de faire : O.K., c'est fini, ils ne sont plus à charge, on va mettre fin à la pension alimentaire. Mais, le fixer de façon originelle est un exercice qui demande plus qu'effectivement un technicien. Le greffier spécial n'a pas les pouvoirs de faire ça. On est un...


 
 

17 h (version non révisée)

Mme Kirouack (Marie Christine) : ...un peu surpris qu'on veuille qu'un fonctionnaire puisse le faire.

Pour ce qui est de l'abus judiciaire, M. le ministre, nous vous félicitons. Vous n'avez pas idée à quel point nous nous réjouissons que désormais, il puisse y avoir des dommages-intérêts en matière d'abus judiciaires, un, parce que des dommages-intérêts, on n'a pas besoin d'établir la capacité de payer du payeur, n'est-ce pas, puisqu'on est dans un autre département, on est en matière d'abus. Par ailleurs, et peut-être avant de devancer une question possible, vous savez, en matière familiale, contrairement en matière civile, O.K., le concept de chose jugée ne s'applique que, par exemple, au jugement final de divorce, mais juste quant aux questions patrimoniales. En matière de garde, on peut toujours resaisir le tribunal, en matière de pension alimentaire, on peut toujours resaisir le tribunal, et c'est ce qui permet que dans certains dossiers où on a effectivement des plaideurs quérulents ou «borderline», bien, tu sais, on a une des parties qui revient à la charge quatre fois par année, n'est-ce pas, alléguant les mêmes faits, et on a l'autre conjoint qui est pris comme pour suivre le train. Ça nous semble un outil extrêmement intéressant à utiliser pour faire en sorte qu'on puisse condamner une partie qui déciderait qu'elle fait des procédures à répétition qui ne constituent, dans le fond, qu'une guérilla judiciaire et dont les fondements en termes de est-ce qu'effectivement il y avait un droit réel ou une question réelle à faire valoir sont plutôt minimes.

L'application de la loi. Écoutez, on est d'accord avec le fait que la loi ne sera pas d'application immédiate, sous réserve de nos commentaires en regard de la protection de la résidence familiale, parce qu'on réitère que dans ces cas-là, ça devrait être d'application immédiate. Par contre, on vous propose, membres de la commission, d'ajouter quelque chose avec grande campagne de publicité qui ferait en sorte que les... en date d'entrée en vigueur de la loi, qui est prévue le 30 juin 2025, les personnes qui correspondent à la définition de conjoint parental, c'est-à-dire les conjoints de fait, parents, le jour du 30, auraient une période de six mois pour aller voir le notaire et opter in effectivement du régime, ce qui permettrait, je pense, à certaines parties de prendre des décisions et de décider : savez-vous, c'est un très bel outil, ça. Et effectivement, on va aller voir le notaire et on va décider qu'effectivement ça s'applique, O.K. Et, dans ces cas-là, et ce sera au législateur de voir, mais est-ce qu'il ne serait même pas possible de permettre à ces conjoints-là, c'est-à-dire ceux qui étaient déjà... qui faisaient déjà vie commune et qui étaient déjà parents d'enfants communs, de demander à ce que ce régime-là rétroagisse à la date de naissance de leur premier enfant?

Le Président (M. Bachand) :Merci. Peut-être en... parce qu'il reste 8 secondes, alors je vais donner la parole à... au ministre de la Justice.

Mme Kirouack (Marie Christine) : C'est beau.

Le Président (M. Bachand) :Parfait. Le timing est bon. Alors, M. le ministre de la Justice.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Gravel, Me Kirouack, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. Me Kirouack, je vois que vous êtes en meilleure forme que la dernière fois que je vous ai vue. Votre cou va mieux?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui. Juste pour que tout le monde comprenne, je me suis fracturé le cou le 8 mars, alors... et, M. le ministre, on a eu une rencontre. Alors, non, je n'ai plus de collet cervical depuis jeudi dernier, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bon, on est heureux de vous savoir en santé, Me Kirouack. Écoutez, plusieurs choses. Premier élément, contribuer aux charges de la famille. Vous, vous dites : Bien, écoutez, si on veut avoir un partage inégal, ça prend ça. Cependant, on a déjà prévu qu'on pourrait faire un partage inégal sans que ça soit écrit «contribuer aux charges de la famille». Donc, expliquez-nous pourquoi, là, vous considérez que c'est important d'inclure la même disposition, là, qu'il y a dans le mariage?

Mme Kirouack (Marie Christine) : O.K. Moi, je... je vous explique. Je vous parle du concept de partage inégal quand que l'une des parties s'adresse au tribunal, et il dit : Non, non, non, O.K., il y a une injustice, O.K.? Si on partageait également le patrimoine d'union parental, il y aurait une injustice. Ça s'est plaidé dans les premières années suivant l'entrée en vigueur, en juillet 1989, du patrimoine familial. Et la porte a été fermée à ça, O.K., alors que c'était juste un des deux qui plaidait : Non, mais c'est parce qu'écoutez, moi, je gagnais plus, donc j'ai payé, mettons 75 % des biens du patrimoine familial. Et les tribunaux sont venus fermer la porte à ça en disant : Non, non, non, vous aviez une obligation de contribuer aux charges du ménage en proportion de vos facultés respectives. C'est ce que dit l'article. Vous ne pouvez donc pas venir sur la base d'une demande de partage inégal, demander un partage inégal parce que vous avez, vous, payé plus que l'autre partie. Et ce que... ce qu'on soumet, c'est qu'en l'absence d'une disposition similaire en matière de patrimoine d'union parentale, nous craignons effectivement que le fait que l'une des deux parties ait payé plus, c'est-à-dire plus que 50 %, que ça donnerait ouverture à un partage inégal. Et, à ce moment-là...

Mme Kirouack (Marie Christine) : ...on se comprend, la porte va être ouverte à toutes les formes de... de partages inégaux.

M. Jolin-Barrette : O.K. Pourquoi vous voulez inclure les résidences secondaires dans le cadre du patrimoine d'union parentale?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Parce que, écoutez, j'ai eu des dossiers au cours de ma carrière, là, où la résidence secondaire, c'est la résidence que les seules parties sont propriétaires parce que la résidence principale, c'est un appartement, et, par ailleurs, c'est une résidence de la famille, là.

M. Jolin-Barrette : Donc, ce que vous dites, c'est que pour assurer un partage équitable du patrimoine, supposons qu'il y a un mini appartement à Montréal, mais qu'il y a un... un immense chalet à Tremblant...

Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui.

M. Jolin-Barrette : ...ça devrait rentrer à l'intérieur.

Mme Kirouack (Marie Christine) : ...c'est que, oui, effectivement, je pense que la philosophie même, qui... étant une espèce de patrimoine restreint, mais les parties devraient effectivement inclure toutes les résidences.

M. Jolin-Barrette : O.K. Au niveau... Bon, vous l'avez dit, en matière de violence judiciaire, c'est une avancée.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Ah! ça, c'est extraordinaire.

M. Jolin-Barrette : Le fait, là... Pour identifier cette violence judiciaire là, le fait que, bon, parfois, je pense qu'en pratique, vous le voyez souvent, là, vous repassez souvent devant différents juges, puis là ça s'accumule, puis les procédures, les procédures, les procédures. Comment est-ce qu'on fait pour contrer ça au-delà de la... de la mesure qu'on met... qu'on met de l'avant?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien, écoutez, je vais vous dire...

M. Jolin-Barrette : C'est-tu un changement de culture dans le système de justice? Parce que là, dans le fond, on envoie un message aux tribunaux pour dire : Bien, écoutez, vous devez le sanctionner, là, si vous constatez de la violence judiciaire.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Absolument. Mais là vous envoyez un message aux tribunaux qui est clair. Comprenez-vous? Normalement, on essayait d'utiliser, soit faire déclarer la partie quérulente, et, vous savez comme moi que la barre est haute pour pouvoir effectivement faire en sorte que plus personne ne puisse instituer de procédures pour toute sorte de fondements démocratiques et constitutionnels et... et/ou la provision pour frais. La provision pour frais, c'est une preuve qui est beaucoup plus longue. Je dois prouver que l'autre a la capacité effectivement de payer, n'est-ce pas, mes honoraires d'avocat, alors que vous êtes arrivé, je trouve, avec une solution terriblement élégante. Le dommage-intérêt, je n'ai pas le fardeau de la preuve de prouver effectivement la capacité de payer de l'autre, ça ne fait pas partie des éléments de près ou de loin, et je fais confiance aux tribunaux pour décréter qu'est-ce qui va constituer effectivement une dérive judiciaire. Et ils vont être faciles à identifier, M. le ministre, ces dossiers-là, là. Quand un... Quand monsieur revient quatre fois dans la même année pour, encore une fois, demander qu'on modifie la garde, il semble comme évident qu'on est en pleine dérive, là. Et ça, j'en ai eu des exemples, ça, dans ma carrière.

M. Jolin-Barrette : ...c'est plus facile quand ça passe devant le même juge?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Non, pas vraiment, parce que l'historique... l'historique est là, les jugements sont au dossier, donc ça fait... ça, ce n'est pas un plus.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question du 30 jours pour la survie du... du droit à la résidence familiale, le... le... le droit d'attribution, là, vous, vous dites : Le délai, il est trop court.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Ça serait quoi un délai approprié, selon vous?

• (17 h 10) •

Mme Kirouack (Marie Christine) : Ça ne serait aucun. Si je regarde la jurisprudence en matière de protection de la résidence familiale entre époux, O.K., il n'y en a pas de délai.

M. Jolin-Barrette : Mais...

Mme Kirouack (Marie Christine) : C'est le fait que la résidence familiale ne serve plus de résidence familiale. Alors, on a eu effectivement des résidences familiales qui, en cours de dossier de divorce, ont cessé effectivement d'être protégées. C'est une question de fait. Ce n'est pas une question de liquidation de la valeur, c'est une question de fait. À partir du moment où, effectivement, là... Je pense, entre autres, à deux jurisprudences, là, O.K.? Il y en avait une où madame était sous régime de protection, les parties n'avaient plus de vie effectivement de vie commune, ce n'était plus une résidence familiale, et le tribunal, effectivement, a permis aux curatrices des filles de s'occuper de la vente de la résidence, bien que le mariage n'ait pas été liquidé.

Je pense à un autre dossier où madame avait quitté et monsieur voulait, effectivement, là, vendre la résidence. Madame était partie depuis six mois. Il n'était pas question qu'elle revienne, ils n'avaient pas d'enfant, puis le tribunal a dit : Ce n'est même pas nécessaire que vous demandiez la permission de passer... Ce n'est plus une résidence familiale. Donc, c'est une question de fait, et c'est pour ça qu'on ne voit pas la nécessité qu'il y ait un délai. Et... Et 30 jours, à toutes fins pratiques, je vais vous dire...

M. Jolin-Barrette : Bien, on a quand même besoin d'un délai considérant que dans ce régime-ci, la fin de l'union parentale prend fin avec la fin de la vie commune. Donc, contrairement aux mariages, où le lien subsiste, là il faut mettre un délai. Mais je comprends que pour vous, un délai plus grand serait plus approprié, là.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui, puis je ne suis pas nécessairement d'accord avec votre interprétation. J'ai des personnes mariées, là, à partir du moment où ils se séparent, là,  l'ouverture du droit au partage, c'est la même chose que mes conjoints de fait. Il n'y a pas de différence pour moi entre... entre un... juridique et l'autre, et je ne vois pas pourquoi on aurait un délai chez les conjoints de fait qu'on n'a pas chez les époux.

M. Jolin-Barrette : Bien, vous savez, des... des fois, le monde...

Mme Kirouack (Marie Christine) : C'est les mêmes questions factuelles.

M. Jolin-Barrette : ...le monde juridique, c'est un peu un zoo, là, alors on...

M. Jolin-Barrette : ...essaie de... de clarifier le tout.

Avant de céder la parole à... à... à mes collègues, tout à l'heure, vous avez parlé, là, de la question de la... la chose jugée pour pouvoir ressaisir le tribunal. Vous disiez : Écoutez, la... on peut toujours la redemander. Pouvez-vous expliciter sur ce que vous avez dit à ce niveau-là?

Mme Kirouack (Marie Christine) : O.K. C'est que, bon, contrairement, par exemple, là, si, je ne sais pas, j'ai poursuivi quelqu'un en exécution d'un contrat, O.K., et j'ai gagné, puis ils doivent me verser 10 000 $. O.K., je ne peux pas revenir six mois après puis dire : Savez-vous, j'avais un contrat. O.K. La partie adverse va juste pouvoir faire une requête en rejet parce qu'il a chose jugée, ça mort là au feuilleton. En matière familiale, puisque si on peut justifier des faits nouveaux, par exemple en matière de garde dans l'intérêt de l'enfant, ultimement, on peut toujours comme non seulement demander la modification de la garde, mais obtenir un changement de garde. En matière de pension alimentaire, on peut toujours justifier et obtenir un changement de pension alimentaire s'il y a une modification des revenus, ce qui implique que dans un cas et dans l'autre, O.K., il y a toujours ouverture pour saisir le tribunal et l'autre ne pourra pas prendre une... une requête pour demander que ça soit rejeté pour chose jugée, même si, par ailleurs, au bout du compte, la personne n'aura pas gain de cause parce qu'elle ne satisfait pas le critère qu'il y a eu des changements de circonstances significatifs, si je pense, en matière de garde ou en matière de revenus. Donc, la porte est ouverte effectivement à ce que je puisse revenir devant le tribunal à répétition.

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être, une dernière question avant de céder la parole : pourquoi vous êtes inquiète par rapport au fait qu'au SARPA ils vont pouvoir calculer le montant de la pension alimentaire? Parce que les gens vont avoir été en médiation, ils s'entendent, ils s'entendent également sur le fait qu'ils doivent verser une pension alimentaire, puis le fait que ça soit calculé, puis qu'il y a de consentement, puis il n'y a pas de litige. Ça, il me semble, ça participe à la déjudiciarisation.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Mais c'est parce que, présentement, dans ces dossiers-là, on fait juste... les consentements sont déposés sous enveloppe devant le greffier spécial, il n'y a personne qui va devant le tribunal, puis on obtient un jugement, parce que les parties qui sont allées effectivement en médiation ont le résumé de leur entente. Dans certains cas, c'est effectivement, le-la médiateur, c'est le juriste qui va rédiger le consentement. Il n'y en a pas de problème. La difficulté, si je regarde le libellé de la modification qui est proposée, c'est qu'on permettrait effectivement au SARPA, O.K., de décréter une... une pension alimentaire, et notamment en matière de garde partagée c'est terriblement compliqué, parce qu'une fois qu'on a établi, là, X doit payer 100 $, ou 200 $, ou 500 $ à Y, O.K., mais qui va payer les frais scolaires? Qui paie effectivement les vêtements? Qui paie la sortie scolaire? O.K. C'est beau parce que la loi présume que chacun des parents vont effectivement assumer 50 % des dépenses, la pension sert juste à rétablir la capacité de payer l'un et l'autre, mais une fois qu'on a dit ça, là, à part... à part, là, le gîte et le couvert, tout le reste doit être négocié sur qui va payer quoi, puis comment on fait, et comment on se rembourse à la fin de l'année. C'est beaucoup plus compliqué que juste on va arriver avec la grille puis on va dire on arrive à quel montant.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie pour votre passage en commission parlementaire, toujours un plaisir de vous voir.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Je me tourne maintenant vers la députée de Lotbinière-Frontenac, s'il vous plaît.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Moi, je veux vous ramener sur la... les mesures pour contrer la violence judiciaire en cas de séparation. Au niveau de... au niveau de l'obligation du juge de tenir compte de l'historique, les conséquences et l'équilibre des forces, j'aimerais savoir comment vous voyez ça? Bien, tu sais, quand les... le... un des conjoints va aller voir son avocat, est ce que, dans le fond, est ce que l'avocat va saisir le tribunal puis ce sera le juge de décider s'il s'en saisit ou pas?

Mme Kirouack (Marie Christine) : O.K. D'abord, un, la condition préalable que ce régime-là s'applique, c'est qu'effectivement il y a abus judiciaires. S'il n'y a pas de procédure, il n'y a pas d'abus judiciaire en partant. O.K. Donc, je tiens pour acquis que c'est dans les cas ou soit en demande reconventionnelle, O.K., à répétition, O.K., il y a une départie ou c'est de façon originelle et qu'il y a une partie qui revient régulièrement à tous les quatre mois pour demander une modification de la garde, comme j'ai vu dans certains dossiers. Donc, ça, ça ne me semble pas... ça ne sera pas difficile pour nos tribunaux effectivement d'établir ça. Et si, en plus, il y a de la violence, c'est sûr que ça rajoute une tranche. Et je vais vous dire, ce que je trouve extraordinaire dans les dossiers où il va y avoir de la violence... parce que l'article de loi, je trouve, est particulièrement bien rédigé parce que le tribunal va pouvoir accorder ces dommages-là ultra petita d'office sans que ça lui soit demandé. Ce qui implique que dans des dossiers où la preuve devant lui aura...

Mme Kirouack (Marie Christine) : ...effectivement qu'il y a eu de la violence, le tribunal pourra ordonner des dommages-intérêts sans même que Mme en ait réclamé.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Mais, Mme, ma question c'était plus... Moi, j'en ai vécu, là, de la violence judiciaire, puis, tu sais, dans le fond, quand mon ex-conjoint m'amenait en cour, bien, je devais me prendre un avocat. L'avocat regardait la cause, il disait : Oui, oui, ça va être facile, on s'en va devant le juge, mais là, tu sais, moi... Par exemple, le parent va devoir quand même se prendre un avocat. Il va quand même... Tu sais, l'avocat décide... ce n'est pas l'avocat qui va décider si c'est une bonne cause ou pas, là, il va l'amener devant le juge quand même.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Ah! je ne suis pas d'accord avec vous, là.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Non? O.K.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Quand même, bien, c'est parce que je suis d'accord avec une partie de ce que vous dites, j'ai des réticences quant à l'autre partie O.K.? Oui, un avocat sait s'il y a une cause qui est valable ou qui n'est pas valable... Il y a des zones grises, là, O.K., mais il y a aussi des... O.K.? La quatrième fois que vous demandez une modification de garde, je suis désolée, dans la même année, là, vous devriez vous poser de sérieuses questions sur ce que vous êtes en train de faire, comme procureur, O.K.? Un. O.K. Deux, effectivement, puis c'est ce que je disais tout à l'heure, puis c'est pour ça qu'on se réjouit... Je vais vous prendre à titre d'exemple, O.K.? Quand on vit effectivement de la violence judiciaire, on n'a pas le choix de suivre le train, hein, on ne peut pas juste faire : Écoute, moi, j'en ai jusque là puis, «that's it», O.K.? L'avantage, c'est que les dommages-intérêts vont faire en sorte qu'on va pouvoir condamner l'autre partie à payer l'ensemble des frais d'avocat sans avoir à prouver qu'il ou elle a la capacité de payer. Mais c'est sûr que permettre la fin de l'abus judiciaire, le seul, la seule mécanique qu'on peut utiliser présentement, c'est pouvoir les qualifier effectivement de plaideur quérulent.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :  Parfait. Bien, merci pour la réponse.

Mme Kirouack (Marie Christine) : De rien.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Jean, 2min 30s.

M. Lemieux : Merci, M. le Président. Bonjour à tous les deux. Mme Kirouac. Si vous avez écouté depuis le début de l'avant-midi, vous allez me voir venir, mais, pour moi, c'est important de placer dans son contexte ce projet de loi là qui a été appelé de tous ses vœux, particulièrement par la communauté des avocats et des gens qui travaillent beaucoup dans ce secteur-là, surtout depuis Éric et Lola, là. Tout le monde attendait qu'on arrive à quelque chose. Moi, je me demande jusqu'à quel point, si on exclut les... Je sais que, pour vous, ce qui est intéressant, c'est les cas problèmes, les cas qui aboutissent en litige, et tout ça, mais, pour la moyenne des ours pour qui tout va bien, jusqu'à quel point est-ce qu'on ramène un équilibre qui est moderne, qui est pertinent puis qui est juste? On pense à l'enfant beaucoup, dans le projet de loi, mais, pour le reste, on essaie de ne pas aller dans le sens de ceux qui disent : Vous me forcez à me marier, puis, en même temps, on essaie de rester, entre guillemets, raisonnables. Est-ce que le vide qu'on essaie de remplir ou le curseur qu'on bouge, il est pas mal dans le milieu? Parce qu'il y en a beaucoup qui sont d'avis que ça ne va pas assez loin, puis d'autres qui trouvent que ça va trop loin.

• (17 h 20) •

Mme Kirouack (Marie Christine) : En fait, je vais vous dire, je pense que le projet de loi, c'est une espèce de juste milieu entre la chèvre et le chou, O.K.? Puis n'oublions pas, là, les couples peuvent décider de se marier, ils peuvent avoir la totale, avec toutes les obligations qui vont avec. Ce n'est pas un cas de : nous faisons de la discrimination et nous le permettrons, n'est-ce pas, juste aux gens qui font notre affaire de pouvoir se marier puis d'avoir la totale. C'est un choix, le mariage, c'est un contrat. Oui, vous pouvez me pointer du doigt puis dire : Je suis civiliste, je le suis, O.K., mais il reste que ça n'en demeure pas moins...

Par contre, là où j'ai plus un bémol sur ce que vous venez de dire, c'est que, moi, j'irais plus loin pour ce qui est des enfants, vous savez, et on l'a mis dans notre mémoire. Il est plus que temps que les barèmes soient actualisés. L'enfant de 2024, hein, ce n'est pas vrai qu'il coûte ce que l'enfant de 1998 coûtait. Et, oui, les barèmes ont été indexés, mais l'enfant de 1998, il y a toute une série de besoins qu'il n'avait pas. Il n'avait pas besoin d'Internet, il n'avait pas besoin d'un ordinateur au primaire, il n'avait pas besoin d'une tablette pour fonctionner. Donc, le montant des barèmes québécois ne correspond plus aux besoins de nos enfants, effectivement, contemporains de 2024.

Et l'association ira plus loin. Nous, on est d'avis que l'article qui permet de déroger aux barèmes, le critère pour déroger devrait être assoupli pour permettre notamment ce qu'on avait avant la modification qui a amené les barèmes de pension alimentaire, à savoir qu'on pouvait avoir un bout de pension qui était pour permettre des logements comparables aux deux...

Le Président (M. Bachand) :Merci.

M. Lemieux : Mon temps est écoulé. Merci beaucoup, Me Kirouac, et un autre civiliste, Me Lambert...

Le Président (M. Bachand) :M. le député d'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, Me Kirouac, Me Gravel, ça fait plaisir de vous revoir. Continuons, justement, sur le barème pour des montants qui pourraient être accordés aux enfants...

M. Morin : ...Selon vous, quel serait le meilleur moyen pour l'actualiser? Puis est-ce qu'on ne devrait pas prévoir un mécanisme pour qu'il soit actualisé d'une façon progressive en tenant compte, je ne sais pas, moi, de... de l'inflation ou de l'augmentation du coût de la vie, etc.? Parce qu'effectivement vous... vous le soulignez, Me Kirouack, les... ce que les enfants avaient de besoin... ou même pour aller à l'école aujourd'hui, ce n'est pas ce qu'il y avait il y a 20 ou 25 ans, là. Puis on le sait, il y en a des écoles où maintenant les élèves, il faut qu'ils apprennent avec des tablettes, etc., donc il y a... il y a un coût. Ça serait quoi votre meilleure recommandation pour ça, pour actualiser le tout?

Mme Kirouack (Marie Christine) : En fait, moi, je pense qu'il devrait effectivement y avoir une réévaluation complète de ce que sont les besoins de l'enfant moyen au Québec. N'oubliez pas là, les besoins qui ont été évalués, ils ont presque 30 ans. Et les enfants actuellement ont besoin effectivement d'une kyrielle de choses qu'ils n'avaient pas besoin à l'époque. Et par ailleurs, bien, le dollar constant est resté par contre, hein? On a l'indexation le 1ᵉʳ janvier de chaque année, selon l'indice de la Régie des rentes du Québec. Donc, ça... ça, ça demeure stable. Le problème, c'est que les besoins... les besoins des enfants, maintenant, il y a pas mal plus d'affaires que ça leur prend pour fonctionner qu'à l'époque, et tout ça devrait être effectivement... Puis, vous savez, il était supposé y avoir à l'époque un rapport de l'an 1, et ne me citez pas, mais il me semble, un repère de l'an 5 sur les barèmes qui n'a pas vraiment eu lieu. Je pense qu'il serait temps qu'on s'assoie puis qu'on fasse : O.K., un instant, là, c'est parce que ça fonctionne plus. La contribution alimentaire de base ne correspond plus aux neuf besoins de base des enfants.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. Autre question relativement à l'article 521.33, qui est en lien avec le patrimoine d'union parental. Les conjoints peuvent se retirer d'un commun accord de l'application des dispositions, mais c'est par acte notarié en minutes. Et là on... il y a des gens, il y a des notaires qui nous ont dit : Bien, un seul notaire, c'est parfait. Le notaire est impartial, il va conseiller tout le monde. Il y a des gens qui nous ont dit : Non, non, non, les parties devraient avoir des avis juridiques séparés avant d'aller voir le notaire. Vous, votre recommandation là-dedans pour... pour s'assurer que les parties vont effectivement avoir toute l'information puis qu'ils vont avoir un consentement libre et éclairé, ce serait quoi?

Mme Kirouack (Marie Christine) : ...je vais vous dire : Je suis médiatrice accréditée et Me Gravel aussi, puis depuis bien plus longtemps que moi en plus, O.K.? Si j'ai deux parties qui viennent me voir effectivement, là, puis qu'ils sont prêts à liquider, puis personne ne prend quoi que ce soit. J'ai l'obligation au Code de procédure civile de les envoyer voir un procureur indépendant, à 608, le Code de procédure civile. Je trouverais incongru qu'effectivement le notaire officiant n'ait pas cette obligation quand il s'agit de dire à des gens : Non, non, vous allez vous retirer. Si vous ne vous retirez pas, là, il va y avoir effectivement un droit au partage. Madame, vous allez pouvoir effectivement partager la valeur de la résidence familiale, mais là, venez juste vous retirer, et il n'y aura pas de... de... de procureur indépendant? Je ne comprends pas que j'aie cette obligation-là en médiation quand... quand que les intérêts sont effectivement opposés, et, quant à moi, un acte de retrait, les intérêts sont opposés, et que les notaires n'en auraient pas.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. J'attire votre attention sur l'article 521.22. Pour la fin de l'union parentale, ce qui est proposé dans le projet de loi, c'est qu'on utilise les mots «par la manifestation expresse ou tacite de la volonté des conjoints». Me Guillet disait : Écoutez, pourquoi ne pas utiliser le libellé ou la rédaction de l'article 417, alinéa 2, sur la cessation de vie commune? C'est déjà un concept qui est connu. Ceci risque d'en fait provoquer plus d'interprétations judiciaires que moins. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien, écoutez, je vais vous dire, là, je vais vous donner un exemple. J'ai... J'ai eu le même problème, je pense, et nous avons le même problème que Me Guillet sur la question de l'expression tacite. Qu'est-ce qu'une... Qu'est-ce qu'une expression tacite, O.K.? Je vais vous donner un exemple, là, que j'ai vu souvent, O.K.? Ils habitent ensemble, la chicane pogne, puis là, elle fait : Regarde, là, toi, tu vas aller coucher sur le divan, là. Et ça fait trois mois qu'il couche sur le divan. Ils habitent toujours ensemble, là, O.K., ils ne sont pas séparés. Ce n'est pas un cas de : Oui, nous habitons ensemble. On fait chambre à part parce qu'économiquement... Ce n'est pas la vie séparée sous le même toit au sens de la jurisprudence. C'est juste, il y a une mésentente. Est-ce qu'après ça on va pouvoir se présenter devant les tribunaux, puis elle, elle va dire : La journée où je lui ai dit : Tu ne couches plus dans notre chambre, tu vas coucher sur le divan, que moi, j'avais la volonté tacite de me séparer. Il y a un flou... qui aurait peut-être lieu effectivement de clarifier, là.

M. Morin : Puis ça serait quoi votre recommandation?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Ça serait effectivement, là, que... qu'on a déjà eu le libellé qui existe. On a déjà des concepts en jurisprudence de qu'est-ce que constitue effectivement la cessation de la vie commune. Je ne vois pas pourquoi on réinventerait la roue...

Mme Kirouack (Marie Christine) : ...les conjoints de fait parentaux. Vous savez, quand on invente un nouveau concept, là, et c'est... jurisprudence, c'est effectivement les justiciables qui paient la note, ça fait que, oui, je suis d'accord avec Me Guillet qu'il y aurait lieu de spécifier.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. Maintenant, j'aimerais avoir votre opinion relativement à l'article 33 du projet de loi. En fait, il y a deux articles qui sont semblables. Il y a 33, puis il y a 43, mais 43 traite de la Loi sur la protection de la jeunesse. Et ça dit : «Le juge en chef privilégie la prise en charge d'un dossier du tribunal par un seul et même juge.» Je comprends que probablement que la volonté du législateur, c'est que ça aille plus vite, que ça soit plus efficace. D'après vous, est-ce que ça va être vraiment plus efficace ou si c'est préférable de laisser justement le juge en chef gérer sa cour?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui, bon, en Cour du Québec, c'est déjà le cas, là. C'est un juge qui se saisit du dossier puis qui va l'amener à sa conclusion, là, dans les dossiers de compromission. En Cour supérieure, par contre, ce n'est pas le cas, et je vous dirais, la journée où il y aurait... Parce que... est-ce que c'est intéressant? Oui, ça pourrait l'être. Le problème, c'est que la justice manque de fond, la justice manque de juges, O.K., et on voit mal comment ça pourrait même être faisable dans l'état actuel des choses. Et ça ne serait pas une avancée d'avoir un juge saisi qui n'a pas de disponibilité avant neuf mois pour entendre sur une demande d'intérimaire ou sur une modification. Je doute que ça. La journée où on aurait des équipes de juges spécialisés en droit de la famille, là, qui ont envie de faire juste du droit de la famille, O.K., et qu'on a les budgets et les heures juges, ça pourrait être intéressant, mais là je pense que ce n'est pas faisable.

M. Morin : O.K. Parfait. Je vous remercie. J'aimerais... Vous y avez fait référence un peu plus tôt, mais le régime actuel va s'appliquer quand des conjoints en union de fait vont avoir un enfant, puis ça... 2025, O.K., puis là il va y avoir un régime de partage. Maintenant, s'ils ont eu des enfants avant, ça ne va pas s'appliquer de la même façon ou s'ils n'ont pas d'enfant...

Mme Kirouack (Marie Christine) : Ça, ne s'appliquera pas du tout.

M. Morin : Ça ne s'appliquera pas du tout. Est-ce que la réforme est trop timide?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Non, je pense que ça prenait une espèce de solution mitoyenne. Écoutez, n'oubliez pas, là, il y a une grande... il y a une partie des conjoints de fait au Québec, là, on est les grands champions à peu près au niveau mondial, ce n'est pas pour rien, là, c'est... Il y a une volonté de ne pas se marier. Et par ailleurs, au risque de me répéter, les gens peuvent se marier, ils peuvent avoir la totale, là, O.K., le régime matrimonial, l'obligation alimentaire, puis tout ça. Alors, non, on considère que, dans le fond, c'est une espèce de solution mitoyenne intéressante, mais sous réserve qu'on pense aussi que les conjoints de fait parentaux qui sont cette journée-là devraient pouvoir aller chez le notaire pendant six mois, puis... nous, on opt in, et on veut effectivement bénéficier de ce régime.

M. Morin : Et ça, vous seriez prêts à aller l'offrir finalement ou à l'ouvrir à tous les conjoints en union de fait?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Tous les conjoints parentaux, effectivement.

• (17 h 30) •

M. Morin : Qui ont un enfant.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui.

M. Morin : Qui ont un enfant.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui. Donc, ils qualifient... parce que, par ailleurs, les autres conjoints de fait, O.K., on peut toujours...

M. Morin : Oui, ceux qui n'ont pas d'enfant, là...

Mme Kirouack (Marie Christine) : On n'est même pas obligés d'aller voir un notaire. Des conjoints de fait, là, hein, ils peuvent s'asseoir sur le bord de la table, puis faire... O.K., là, O.K., ça fait trois mois qu'on vit ensemble, puis là vraiment on voudrait, comme, gérer nos choses, ils pourraient même, entre eux autres, décider, regarde, la journée... si on se sépare, là, parce que ça ne marche pas trop, là, O.K., bon, bien, s'il y a une différence de revenus, il y aura une pension alimentaire, puis sais-tu? Le patrimoine familial, c'est une belle bébelle, on va la prendre, nous autres, ça va s'appliquer à nous autres. Ce n'est pas contre l'ordre public de faire ça, là. Des conjoints de fait qui n'ont pas d'enfant peuvent toujours faire ça, comme les conjoints de fait qui ont des enfants peuvent toujours le faire. Ce n'est pas terriblement populaire, je vous l'accorde, O.K., mais nous, ce qu'on voudrait, c'est que le régime d'union parentale... que ceux qui sont des conjoints parentaux en date d'intro devraient... pouvoir une période où ils vont aller se soumettre au régime.

M. Morin : Ce qu'on... Oui, merci, ce qu'on apprend, puis vous l'avez dit vous-même, ce n'est pas très, très populaire, ce n'est pas très répandu. Puis ce qu'on nous dit, c'est qu'il y a aussi des conjoints de fait maintenant qui pensent qu'ils ont le droit à un ensemble de protections puis un encadrement juridique, mais il n'y en a pas. Alors, tu sais, je comprends ce que vous nous dites, mais ça... dans le quotidien, ça ne règle pas le problème de bien du monde.

Mme Kirouack (Marie Christine) : Mais ça, je suis d'accord avec vous, mais il y a aussi un problème, je dirais, d'éducation populaire par rapport à ça. Et c'est notamment dû au fait que, désormais... en fait, ça fait... ça fait longtemps, ça fait 25 ans, ça fait 30 ans, écoutez, moi... moi, je suis en couple avec une femme, ça fait qu'on est devenus des conjoints en 2002, pour ce qui est des lois fiscales, O.K., On était considérés comme conjoints, donc on pouvait prendre des déductions pour les choses, et tout ça. Pour les couples hétéros, ça date d'avant ça. Les... La...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

Mme Kirouack (Marie Christine) : ...la rente de conjoint survivant. Pas besoin d'être mariés, là. Il y a plein d'autres lois, là, fiscales ou autrement, qui font en sorte que les conjoints de fait sont considérés au même titre que s'ils étaient des époux. Et c'est sans doute ce qui fait en sorte que, des fois, c'est peut-être plus difficile pour le commun des mortels à comprendre.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Je cède la parole au député de Saint-Henri-Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup pour votre présentation. Merci aussi pour le mémoire fort détaillé, ça nous aide beaucoup dans le travail à venir. Dévolution légale, je voudrais vous entendre là-dessus. Vous avez fait un commentaire, mais je voudrais bien comprendre qu'est-ce que vous proposez, là, parce que vous soulevez... «L'Association considère que la dévolution légale en faveur des conjoints parentaux ne bénéficie qu'aux enfants nés du dernier lit et non à l'ensemble des enfants.» Donc, qu'est-ce que... c'est quoi, la proposition ou la modification qui serait apportée?

Mme Kirouack (Marie Christine) : O.K. sur cette question-là, il y a deux choses. D'abord, un, on est en désaccord avec la période d'un an, là, le 365 jours, là, ou ça va dans un sens ou ça va dans l'autre, là, mais pas 365 jours, ça va faire des débats inutiles. Surtout qu'en matière de conjoints parentaux, là, ça se calcule de la date de la naissance, il n'y a donc pas de flou artistique sur quand est-ce que ça a commencé.

B, c'est que vous comprenez que si... si L'objectif de la réforme, c'est de bénéficier les enfants, bien, de faire la dévolution légale au dernier conjoint ou à la dernière conjointe de fait, ça fait en sorte qu'elle obtient, il obtient un tiers de la succession, et les deux tiers seront, après ça, partagés entre les enfants de tous les lits, le premier, le deuxième, le troisième, le cas échéant, O.K.? Donc, chacun des enfants aura... chacun des enfants des premiers lits bénéficiera moins, effectivement, de la valeur de la succession par personne interposée que les enfants du dernier lit. Si, par ailleurs, l'objectif n'est que de reconnaître le statut des conjoints de fait, indépendamment des enfants, bien, à ce moment-là, c'est congruent, comprenez-vous? À ce moment-là, effectivement, ça bénéficie, au moment du décès, au conjoint parental.

M. Cliche-Rivard : Puis est-ce qu'il pourrait donc y avoir une proportion séparée entre les deux ex, bon, la veuve, là, ou le veuf et l'ex-conjoint, sur la durée de l'union, ou là il y aurait un partage? Est-ce que c'est ce que... tu sais, vous tentez de rétablir une équité, là?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Mon Dieu! Mal de tête.  Non, non, non, ce n'est pas ça, l'objet de notre propos. Tout ce qu'on soulève, c'est qu'effectivement la proposition... la proposition ne bénéficie pas aux enfants du...

M. Cliche-Rivard : Je comprends. Et donc il y a... il y a directement un avantage, possiblement indu, envers celle ou celui qui reste veuf, versus celui qui a été conjoint de longue date.

Mme Kirouack (Marie Christine) : ...les enfants de celui qui devient veuf, oui, par personne interposée.

M. Cliche-Rivard : Lui est privilégié. Votre position, là, je voulais juste être sûr de bien l'avoir comprise, sur l'inclusion ou l'exclusion des REER et autres régimes de retraite dans l'union parentale, dans le régime, c'était quoi, votre position, finalement?

Mme Kirouack (Marie Christine) : On n'est pas en désaccord. On comprend le...

M. Cliche-Rivard : Vous n'êtes pas en désaccord avec ce qui est proposé?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Non. Non. On comprend le choix que le législateur a fait.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Qui est basé, vous aussi, sur le mécanisme de compensation, finalement. On pourra aller bonifier ça avec des lignes directrices, au besoin, dans le recours subséquent, mais ça ne vaut pas la peine de les inclure en amont. C'est ce que vous soumettiez?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Non, pas du tout. Ce n'est pas ça, notre position.

M. Cliche-Rivard : Peut-être juste me la clarifier pour que je la comprenne bien.

Mme Kirouack (Marie Christine) : O.K. Non, non, non. Nous, on est en accord avec le patrimoine union parentale tel qu'il est constitué, O.K., qui est une espèce de strict minimum. C'est un patrimoine familial réduit qui se penche, effectivement, sur les biens à l'usage de la famille, les résidences, les véhicules, O.K.? Les REER et les régimes de retraite, je veux dire, quelque part, c'est autre chose. Par contre, la Régie des rentes du Québec, vous savez qu'elle peut être partagée entre les conjoints de fait, en autant qu'ils sont d'accord au moment du partage, ce qui, dans certains cas, n'est pas nécessairement le cas, mais, quand au reste... Ça fait que, non, nous on n'a pas une espèce de prestation en aval ou en amont.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Jean-Talon, s'il vous plaît.

M. Paradis : Merci beaucoup. Merci, d'ailleurs, pour les commentaires que vous faites de manière détaillée sur chacun des articles, c'est très utile. Relativement à la prestation compensatoire, on a entendu aujourd'hui des inquiétudes sur le fait que ça pourrait être un recul par rapport à la notion d'enrichissement sans cause actuelle, et je pense que notre devoir, c'est de s'assurer qu'il n'y ait pas de recul. Vous, vous dites : Bien, en réalité, la Cour suprême nous a rappelé, dans un arrêt de 1996, que c'est à peu près la même notion. Et donc je comprends que vous n'avez pas d'inquiétude, vous, sur ce côté-là, qu'il y ait des reculs?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Non. Je vais vous dire, notre position, c'est que, regardez, pour les conjoints d'union parentale, désormais, ça va s'appeler une prestation compensatoire. Pour les autres conjoints de fait, ça va s'appeler une action en enrichissement sans cause, ou des tierces parties, là, mais ça c'est une autre question. Ce sont les mêmes critères, à peu de chose près, là, c'est deux noms pour, grosso modo, le même recours.

M. Paradis : Et donc y compris sur la notion, là, de valeur accumulée, par rapport à la valeur marchande? Parce que, là, le projet de loi parle vraiment de valeur marchande. Des inquiétudes de ce côté-là?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui, mais c'est parce que, si vous regardez, là, une prestation compensatoire, c'est quoi, c'est : je me suis appauvri, je vous ai enrichi, l'enrichissement subsiste toujours, O.K., et il n'y a pas de...

Mme Kirouack (Marie Christine) : ...relation ou d'obligation que j'avais de m'appauvrir par rapport à vous enrichir. Donc, je veux dire, ce sont les critères.

M. Paradis : Très bien, merci. Je vous amène à la fin aussi de vos commentaires sur les dispositions transitoires et finales. Vous dites : C'est une bonne chose qu'on n'ait pas appliqué ça ou qu'on l'ait appliqué seulement aux enfants... aux conjoints avec des enfants nés à compter du 30 juin, parce qu'on ne veut pas répéter les dérives de violence conjugale lors de l'adoption du projet de loi n°C -146. Pourriez-vous nous en dire un mot?

Mme Kirouack (Marie Christine) : Écoutez, au moment... dans le... particulièrement dans le dernier mois, pour permettre... les couples avaient dit... les couples qui étaient déjà mariés au moment de l'introduction de la loi en juillet 1989 avaient 18 mois, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 1990, pour se retirer, particulièrement dans le dernier mois, le nombre de dossiers où il y a eu des dérives de violence conjugale, dont deux de mes voisines, dont une qui a été tuée dans des couples qui, par ailleurs, allaient plutôt bien par le passé. O.K.? Alors, parce que... puis je n'étais pas avocate à l'époque, là, O.K., mais parce qu'effectivement on a été... Puis, je veux dire, Me Gravel a plus de métier que moi, et tout ça, on a vu effectivement... on a plaidé les articles 42 devant les tribunaux en disant : Non, non, ça ne peut pas s'appliquer, le retrait, là. Mme s'est fait taper dessus pour aller chez le notaire. Donc, oui, est-ce qu'il y a une certaine sagesse de chèvre et de chou... mais d'éviter effectivement du jour au lendemain... Vous savez, la violence conjugale, c'est un réel problème présentement. Et est-ce que c'est une solution de chèvre et de chou? Oui. Mais est-ce que ça va éviter qu'on ait effectivement des conjoints violents qui décident que je vais lui taper dessus pour qu'elle aille chez le notaire? À un moment donné, il faut choisir.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Me Kirouac, Me Gravel, merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui. C'est très apprécié. Sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 39)

(Reprise à 17 h 43)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. S'il vous plaît! On vous invite à prendre place. Merci beaucoup. Alors, il me fait plaisir d'accueillir Maître Louise Langevin et Maître Marie-Claire Belleau. Merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi, c'est très apprécié. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation. Après ça, on aura une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous. Merci.

Mme Langevin (Louise) : Vous m'entendez bien? M. le ministre de la Justice, Messieurs, mesdames les députés, tout d'abord, nous désirons vous remercier de l'occasion que vous nous donnez de vous présenter notre analyse du projet de loi aujourd'hui. Je fais équipe avec ma collègue Marie-Claire Belleau.

Nous saluons le dépôt de ce projet de loi. Plusieurs mesures proposées par le projet de loi afin d'humaniser le droit de la famille doivent être soulignées. J'en retiendrai un seul. Je pense, entre autres, à la protection de la résidence familiale pour les conjoints en union parentale. Je ne m'étendrai pas plus, là, sur les mesures que tout le monde a saluées. Cependant, à notre avis, le projet de loi doit être revu en profondeur compte tenu de la discrimination qu'il crée envers les femmes et les enfants. La réforme du droit de la famille en 1980 a été qualifiée d'avant-gardiste, parce qu'elle reconnaissait à l'époque l'égalité entre les conjoints. Elle reconnaissait aussi la valeur de l'activité des femmes au foyer, des épouses au foyer.

Cependant, nous ne croyons pas que... le projet de loi n° 56 tel que présenté, nous ne croyons pas qu'il soit avant-gardiste. Les parlementaires aujourd'hui ne peuvent pas manquer l'occasion de donner un sens réel à l'égalité pour les femmes et à la solidarité familiale. Le ministre de la Justice affirme avoir guidé... avoir été guidé par la protection des enfants, ce qui est louable, mais le projet de loi crée quatre catégories d'enfants selon le mode de conjugalité de leurs parents. Les enfants dont les parents sont mariés seront mieux protégés sur le plan juridique en cas de rupture de leurs parents, parce que les couples mariés ne peuvent pas se soustraire au partage du patrimoine familial. De plus, ce patrimoine familial pour les couples mariés contient beaucoup plus d'actifs que celui proposé par le projet de loi n° 56, qui est minimaliste, pour ne pas dire famélique.

Le patrimoine d'union parentale dans le projet de loi n° 56 ne contient pas les régimes de retraite et les REER, qui est l'actif le plus important des familles. Est-ce que certains enfants méritent d'être mieux protégés que d'autres? L'époque où le droit à distinguer entre les enfants illégitimes et légitimes est révolue depuis 1980. Le projet de loi discrimine à l'égard des enfants. Je pourrais vous faire la preuve de la discrimination selon les critères adoptés par la Cour suprême du Canada sur la discrimination. Je ne le ferai pas parce que ce n'est pas le moment et ce n'est pas l'endroit, mais je pourrais faire la preuve de la discrimination au sens juridique du terme.

Le projet de loi discrimine aussi à l'égard des femmes. Il crée sept catégories de conjoints de fait. Nous considérons que les femmes sont les grandes oubliées de cette réforme. On ne peut pas penser le bien-être et le meilleur intérêt de l'enfant en faisant l'impasse sur la condition économique de sa mère. Il ne s'agit pas ici d'être paternaliste ou d'infantiliser les femmes, ou même d'être réductrices, comme je l'ai entendu aujourd'hui. Je ne veux pas ramener les femmes à leur rôle de mère ou remettre en question leur capacité décisionnelle. Ce sont les statistiques noir sur blanc qui nous démontrent bien le coût de la maternité pour les femmes. Le projet de loi a été pensé comme si l'égalité pour les femmes était déjà atteinte, ce qui...

Mme Langevin (Louise) : ...n'est pas le cas. Par cette catégorisation de cette sorte de conjointe de fait, le projet de loi porte un jugement de valeur sur les femmes et leurs enfants à être protégés lors de la rupture conjugale. Ce sont les femmes mariées qui méritent davantage de protection juridique.

Donc, selon le statut matrimonial, on peut voir ici un relent de la famille traditionnelle, hétérosexuelle et patriarcale. En traitant différemment les couples mariés et non mariés, le projet de loi porte un jugement de valeur sur les formes de conjugalité. Le législateur ne peut pas imposer un modèle de conjugalité et de famille au risque de porter atteinte au droit à la dignité et à l'égalité des personnes. Nous croyons au respect de la liberté contractuelle lorsqu'elle est exercée en pleine connaissance de cause et entre des parties d'égale force. J'ai entendu ce matin qu'il ne faut pas marier les conjoints de fait de force. L'État le fait déjà. Dans les lois à caractère social et à caractère fiscal, ils sont déjà considérés comme mariés. Excusez-moi. Je donne la parole à ma collègue.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Alors, bonjour et merci de nous recevoir. J'aimerais d'abord remercier ma collègue, la professeure Louise Langevin, d'avoir eu la générosité et la gentillesse de m'inviter à contribuer à cette commission parlementaire. La médiation familiale est une bonne chose. Depuis 1997, 27 ans déjà, le programme québécois est un modèle d'accessibilité et de professionnalisme. J'en suis très fière. La médiation familiale favorise le dialogue et la communication entre les parents afin de gérer le mieux possible les conséquences de leur séparation. Cette pratique vise à encourager les bonnes relations entre les membres d'un couple qui apprivoise une nouvelle parentalité. Pour ce faire, les parents déterminent eux-mêmes les termes de leur entente, imaginent des solutions sur mesure, viables au quotidien et s'acquittent de leurs obligations vis-à-vis de la famille au moyen d'un processus qui requiert leur participation volontaire et active fondée sur la notion... empowerment.

Or, nous sommes d'avis que le projet de loi n° 56 peut avoir pour effet malheureux de limiter l'accès à la justice des conjoints de fait et, plus précisément, l'accès à ce processus de médiation familiale. Les principaux arguments pour arriver à cette conclusion sont les suivants. La médiation familiale repose sur des normes claires qui sont faciles d'application. Par exemple, il est facile de partager la valeur du patrimoine familial dans le cas des couples mariés qui sont en instance de divorce. Le patrimoine de l'union familiale devrait être encore beaucoup plus simple à... à diviser : la résidence, les meubles et... la voiture. Toutefois, ce nouveau patrimoine n'inclut pas les régimes de retraite et les REER. Or, pour la classe moyenne, il s'agit du bien qui a souvent le plus de valeur. Comme vous le savez, les investissements fructifient dans le temps au gré des marchés puisque les sommes sont placées pour le long terme. Au moment de la séparation, on tient compte de la valeur actuarielle de ces fonds. Les sommes sont donc très importantes.

• (17 h 50) •

Les conjointes et les conjoints qui ne pourront pas automatiquement profiter du partage de ces montants plus importants ou des montants plus importants qui sont investis par leur ex-conjoint vont se sentir floués. Les sommes investies dans ces fonds seront suffisamment considérables pour qu'ils tentent la chance de se voir reconnaître une prestation compensatoire. Cette probabilité est d'autant plus réaliste que les tribunaux reconnaissent la famille comme une co-entreprise pour l'enrichissement injustifié dans le cas des unions de fait. En effet, depuis plus de... de... de 10 ans, la Cour d'appel du... du Québec a reconnu que ce sont les sommes accumulées qui sont partageables, et non pas seulement la valeur marchande des biens et des services reçus. Pendant les années que prendront les tribunaux à se prononcer sur cette nouvelle prestation compensatoire, il y aura une grande incertitude en droit. Cette imprévisibilité juridique sera telle que des juristes indépendants spécialisés en droit de la famille ne seront pas en mesure de donner des conseils juridiques à ce sujet. Ces juristes devront eux aussi se tourner vers les tribunaux pour obtenir des réponses judiciaires à ces questions pour bon nombre d'années. Ces recours vont engendrer des coûts importants, si les parents sont représentés. Il y a fort à parier qu'au moins un des parents jugera qu'ils n'ont pas les moyens d'être représentés par avocat ou par avocate, ce qui va compliquer la tâche des juges qui n'auront pas accès aux preuves requises pour procéder à une véritable évaluation de la situation. Dans ces circonstances, le recours à la médiation familiale pour les conjoints de fait ne sera pas très utile pour plusieurs...

Mme Belleau (Marie-Claire) : ...raison. Lors de la rupture, les décisions des parents sont interreliées. Ils doivent trouver des solutions au sujet du plan d'action parental, de la pension pour les enfants, du partage des biens. Il est difficile de séparer ces enjeux parce que les décisions sur un élément affectent les autres. Par exemple, le plan de garde détermine la taille du logement de chaque parent. La pension alimentaire pour enfant et le partage des biens ont un impact sur la capacité ou non de devenir le seul propriétaire de la résidence familiale. De plus, un recours potentiel aux tribunaux crée de la tension dans la famille, puis, évidemment, entre les ex-partenaires, une tension qui deviendra très difficile à gérer en médiation familiale puisque la prestation compensatoire pèsera comme une épée de Damoclès, autant au-dessus de la personne qui s'attend à se voir reconnaître une compensation qu'au-dessus du conjoint qui devra peut-être la payer.

En conclusion, l'incertitude créée par le projet de loi et l'acrimonie qui affecte trop souvent les familles aux prises avec des procédures judiciaires risquent de rendre illusoire le recours à la médiation familiale, ce qui est vraiment désolant. Merci beaucoup pour votre attention.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Professeur Langevin, Professeur Belleau, merci de participer aux travaux de la commission parlementaire. J'aurais envie de vous demander qu'est-ce qu'il y a de positif dans le projet de loi que nous avons déposé, s'il y a des éléments.

Mme Langevin (Louise) : Trois mesures, la protection de la résidence familiale, les mesures adoptées en matière de... j'étais pour dire, quérulence, violence, violence judiciaire, et puis...

Mme Belleau (Marie-Claire) : Elle l'a écrit dans son rapport dans les premières pages, mais pas assez, M. le ministre.

Mme Langevin (Louise) : Ah! oui, l'approche en silos, là, éviter l'approche en silos. L'idée d'un juge, une famille, là. Bon.

M. Jolin-Barrette : Oui. Ça, vous trouvez que c'est pertinent, dans le fond, supposons à  la Cour supérieure, le fait que... pour éviter que...

Mme Langevin (Louise) : S'il y a assez de juges, oui, oui.

M. Jolin-Barrette : ...pour éviter que les familles aient toujours à raconter leur histoire, puis que ce soit un nouveau juge à chaque fois qui prend connaissance du dossier, le temps que ça prend, tout ça. Ça, vous êtes d'accord avec ça?

Mme Langevin (Louise) : Oui, c'est déjà fait dans certains États aux États-Unis, une famille, un juge, un dossier, oui, en matière familiale.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Est-ce que je peux ajouter un élément?

M. Jolin-Barrette : Allez-y, allez-y.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Moi, ma seule... bien, une préoccupation, c'est le temps, c'est à dire que c'est souvent des décisions qui sont très importantes au niveau des délais, hein? puis dans... Les juges de la Cour supérieure, comme vous le savez, se promènent, hein, ils vont dans les régions. Je ne voudrais pas qu'un juge, un dossier ait pour effet de retarder de façon... peut-être beaucoup... en tout cas, suffisamment pour que ça pose des problèmes pour la famille, parce que les décisions doivent être prises rapidement. Alors, moi, c'est là que j'ai un petit bémol, mais...

M. Jolin-Barrette : Oui. Mais je comprends que, sur le principe général...

Mme Belleau (Marie-Claire) : Ce serait idéal.

M. Jolin-Barrette : ...du point de vue du justiciable, idéalement, si vous vous retrouvez avec le même juge qui connaît déjà l'historique, notamment en matière de violence judiciaire, ça pourrait aider, nonobstant, là, des ressources et du mode d'organisation, mais sur le principe, à la base.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Bien, j'entendais la médiatrice familiale dire : Ça dépend sur quel juge on tombe. Alors, parfois, ça peut être une bonne chose, puis, parfois, ça dépend des circonstances. Elle faisait valoir que les juges n'ont pas les mêmes sensibilités.

M. Jolin-Barrette : Mais théoriquement, la justice doit être neutre et doit être objective.

Mme Belleau (Marie-Claire) : C'est très théorique.

M. Jolin-Barrette : Bien, je ne sais pas, ce n'est pas ce qu'on enseigne à la faculté de droit?

Mme Belleau (Marie-Claire) : Est-ce que c'est ce qu'on enseigne à la faculté de droit?

Mme Langevin (Louise) : Mais pour revenir...

M. Jolin-Barrette : Quand on se présente à la cour, là, on s'attend à avoir un traitement qui est objectif, qui est basé sur le droit en fonction de l'analyse des faits. Normalement, c'est ça. Pouvez-vous me confirmer, ou...

Mme Belleau (Marie-Claire) : Est-ce que vous voulez un cours sur le terrain du droit? Parce que...

M. Jolin-Barrette : Bien non, mais c'est parce que, tu sais, moi, ça me... je trouve ça quand même particulier qu'on nous dise... puis c'est une réflexion à voix haute, là, mais un justiciable qui se présente devant un juge, peu importe qui est assis dans le siège, sur le banc, il devrait recevoir le même traitement d'égalité devant la loi. Alors, si on se retrouve avec une situation où il y en a qui ne traitent pas les justiciables la même façon, moi, je trouve que c'est quand même un enjeu. Puis il ne faut pas se retrouver avec un magasinage de juges en fonction de dire : Bien, je vais aller devant lui, ça va être plus favorable, tout ça. Moi, l'idée que j'amène, c'est de faire en sorte de dire : Comment, du point de vue du justiciable, ça doit être le plus simple possible. Je suis d'accord avec vous, le mode d'organisation de la Cour supérieure, il y a des juges qui s'en vont en région, puis tout ça, qui circulent, il ne faut pas que les délais soient une question. Puis c'est pour ça que ce qu'on a mis dans le projet de loi, c'est... privilégie le fait... ce n'est pas une obligation, mais dans la mesure du possible, idéalement, pour le justiciable, il puisse raconter son...

M. Jolin-Barrette : ...histoire, puis que quand c'est à haut niveau de conflit ou même d'une façon régulière... Vous savez, les justiciables, quand ils se présentent devant les tribunaux... en matière de litige familial, là, ça leur coûte une fortune, bien souvent. Des fois, les délais sont longs aussi. Alors, moi, je me mets du point de vue du justiciable. Je comprends qu'il y a peut-être des améliorations à faire ou des ajustements sur l'assignation, ou tout ça, ça ne relève pas du ministre de la Justice, ça relève la Cour. Sauf que je me dis, bien, peut-être qu'il y a des avancées, là, à faire. Puis je comprends que, sur le principe, idéalement, vous êtes en accord.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Moi, je trouve qu'ils ne devraient pas aller à la cour. C'est la première règle, c'est que les parents ne devraient pas être obligés d'aller à la cour, le moins possible.

M. Jolin-Barrette : O.K., mais quand ils sont rendus là, quand ils sont rendus là. Idéalement, je suis d'accord avec vous, médiation, puis c'est pour ça qu'en civil on met de la médiation, en familial aussi, je pense qu'il y a du bon travail qui est fait.

Mme Belleau (Marie-Claire) : C'est excellent.

M. Jolin-Barrette : Mais, malheureusement, ça se retrouve à la cour, des fois.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Mais on voudrait que ce soit le cas exceptionnel. Puis le projet de loi, si vous le gardez de la façon qu'il est, pour une certaine période de temps, certainement, ça va être un recours régulier pour les conjoints de fait, que les conjoints mariés n'auront pas besoin de faire.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais, sur le principe du juge qui suit la famille, vous êtes en accord, si toutes les circonstances sont optimales.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Évidemment.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous avez abordé, puis je pense que c'est davantage Pr Langevin... vous dites : Écoutez, il y a différents types d'enfants, avec le projet de loi, parce que, là, on a les enfants qui sont issus du mariage, les enfants issus du patrimoine d'union parentale, mais, déjà, dans le mariage, il y a des distinctions. Si mes parents sont mariés en société d'acquêts, ils n'ont pas le même patrimoine individuel que s'ils sont mariés en séparation de biens. Vous êtes d'accord avec moi? Ça fait qu'il y a déjà, théoriquement, quand vous êtes marié, des différences.

Mme Langevin (Louise) : Je vais répondre. Oui, j'ai entendu l'argument ce matin. Je ne suis absolument pas d'accord, parce qu'au moins, pour les conjoints mariés, il y a le patrimoine familial, et donc c'est un régime de base qui s'applique à toutes les personnes mariées, et donc aussi à leurs enfants. Donc, on ne peut pas jouer ce jeu-là de : ah! il y a des distinctions qui existent, on va continuer à en faire exister. Et par ailleurs l'article 522 dit qu'on ne peut pas distinguer et discriminer à l'égard des enfants, selon les circonstances de leur naissance, hein? Bien, l'état matrimonial de leurs parents, ça fait partie des circonstances de leur naissance. Il y a une sorte d'enfant, des enfants, et donc les enfants ne doivent... Si votre objectif est de protéger les enfants, vous ne pouvez pas distinguer entre les enfants et discriminer selon l'état matrimonial de leurs parents, et c'est ça que le projet de loi fait.

M. Jolin-Barrette : Donc, vous nous inviteriez, si je vais au bout du processus de la logique, dans le fond, d'abolir les régimes matrimoniaux à l'intérieur du mariage.

• (18 heures) •

Mme Langevin (Louise) : Pas du tout. De faire le contraire, de traiter tous les conjoints, et donc tous les enfants, de la même façon, parce qu'ils méritent le même respect.

M. Jolin-Barrette : Oui, mais, supposons, là, un enfant que ses parents sont mariés en société d'acquêts, ce n'est pas la même chose qu'un enfant que ses parents sont nommés en séparation de biens où il y a un régime commun sur le patrimoine familial...

Mme Langevin (Louise) : Oui, mais parce que...

M. Jolin-Barrette : ...comme il y a un régime commun aussi, puis je vous soumettrais...

Mme Langevin (Louise) : Oui, mais la majorité des gens au Québec ont une maison, des meubles, une auto et peut-être un fonds de retraite et des économies. Et c'est ce régime, ce patrimoine familial primaire obligatoire qui fait un socle, une base pour tous les couples, et c'est pour ça qu'on l'a adopté. Ça fait que vous ne pouvez pas parler de conjoints mariés en séparation de biens, M. le ministre, en tout respect, ils ne peuvent pas être mariés en séparation de biens, dans la mesure où il y a le socle qui s'applique à tous les conjoints.

M. Jolin-Barrette : Mais la différence majeure, c'est qu'il n'y a pas les REER entre les... le REER, les régimes de retraite, les fonds de pension, puis ce n'est pas tous les Québécois qui l'ont non plus. Mais, par contre, quand vous êtes marié en séparation de biens, quelqu'un qui a un grand revenu, lui son argent qui ne rentre pas dans le patrimoine familial, il se retrouve à le piler dans son compte, à le mettre dans ses CELI, à aller mettre à côté, ça fait qu'il y a déjà des distinctions. Mais, exemple, supposons, les parents qui ne font pas vie commune, eux aussi, les enfants, ils n'ont pas le même patrimoine.

Mme Langevin (Louise) : Oui, parce qu'ils ne sont pas des conjoints, ils ne sont pas des conjoints, mais ce que je veux vous dire, là...  En ce moment, les seules personnes qui pourraient être considérées comme mariées, comme vivant à séparation de biens, ce sont les conjoints de fait, en ce moment. Ils sont comme à l'époque de mes parents, mariés en séparation de biens. Et c'est pour ça qu'en 1989 on a adopté le...


 
 

18 h (version non révisée)

Mme Langevin (Louise) : ...patrimoine familial pour corriger les... les injustices créées par la séparation de biens. Donc, en ce moment, vous ne pouvez pas dire qu'au Québec il y a des conjoints mariés en séparation de biens, dans la mesure où il y a le patrimoine familial qui partage équitable... également les principaux avoirs, ce qui inclut les régimes de retraite et les REER.

M. Jolin-Barrette : Et ça, c'est la distinction, notamment fondamentale, et le fait qu'on n'inclut pas les autres résidences.

Vous... vous avez dit tout à l'heure, je crois, là, vous n'appréciez pas quand on disait : On ne veut pas marier les gens de force. Cependant, c'est un peu ça en maintenant la liberté de la volonté des gens, parce qu'actuellement les conjoints de fait avec enfants n'ont absolument rien, ils ne sont pas protégés. Là, on vient mettre des protections supplémentaires : résidence familiale, prestation compensatoire, un patrimoine qui va être commun également. Les gens peuvent aussi rajouter des choses, mais il y a une limite à ce que l'État devrait faire pour imposer aux gens aussi. Il y a une question de choix aussi; c'est un choix de se marier, il y a un choix aussi de faire vie commune. Donc, vous, vous dites : Bien, tout le monde devrait être assujetti aux mêmes règles et donc c'est la même chose pour tout le monde.

Mme Langevin (Louise) : Je dis que la liberté contractuelle, le choix, ce que vous soulevez comme argument de choix, ne peut être réel que si ce choix est exercé avec toutes les informations, que si... parce que ce choix s'exerce dans la réalité. Si les gens n'ont pas les informations, si les gens n'ont pas les outils pour exercer ce libre choix, on ne peut pas parler de la liberté contractuelle comme ça, de manière abstraite. Et, en ce moment, vous avez la chance de réfléchir à ce qu'est la solidarité familiale et ce qu'est l'égalité pour les femmes. Donc, la liberté contractuelle, ce choix qui l'a vraiment quand on ne comprend pas l'état du droit, quand on n'est pas égaux dans la négociation?

M. Jolin-Barrette : Mais là avec la...

Mme Belleau (Marie-Claire) : ...

M. Jolin-Barrette : Allez-y. Allez-y.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Actuellement, l'État marie de force tous les conjoints de fait mariés, parce qu'à partir d'un certain moment on est... on est reconnus, que ce soit pour des raisons fiscales, de bénéfice étatique, dans toutes sortes de circonstances, les conjoints de fait sont reconnus comme des personnes qui ont les mêmes... Alors, il y a un mariage de force de l'État qui s'exerce. La seule exception, c'est au moment de la rupture. Les conjoints... puis moi, je vous dirais des juristes... moi, j'ai pratiqué beaucoup, beaucoup, la médiation, ça fait 22 ans que je médiatrice, et le nombre de fois où les conjoints de fait nous arrivent convaincus qu'ils ont les mêmes droits. C'est tout à fait normal qu'ils en soient convaincus parce que toutes les autres lois leur disent qu'ils le sont. Puis, comme ils remplissent leur rapport d'impôt chaque année, ils voient bien qui sont des conjoints comme tout le monde. Le nombre de personnes et de juristes qui ne sont pas spécialisés en famille, qui nous disent : Bien, évidemment, ça fait 20 ans, ça fait 25 ans, ça fait 10 ans qu'on est ensemble, on a les mêmes droits.

Alors, le problème de la liberté contractuelle, c'est que pour qu'elle soit une liberté contractuelle, vous le savez, il faut qu'on... qu'il y a un consentement libre et éclairé. Les raisons pour laquelle une personne se marie ou ne se marie pas, ou est de conjoints de fait ou n'est pas un conjoint de fait, ce n'est pas une question de droit, ce n'est pas pour des raisons juridiques qu'une personne se marie ou qu'elle ne se marie pas. Par contre, les conséquences vont être extrêmement importantes. Alors. La liberté contractuelle, l'enjeu avec la... la conjugalité, c'est qu'il faudrait faire des grandes campagnes de publicité, par exemple dans... quand la décision Éric contre Lola, connue populairement, a été rendue par la Cour suprême, on en a beaucoup parlé, mais ça n'intéresse les gens que lorsqu'ils sont dans la situation, ça ne les intéresse pas avant, ça les intéresse au moment où il y a une certaine conjugalité, un engagement, la résidence familiale, par exemple, pour les conjoints de fait, puis ça les intéresse au moment de la rupture, mais ça les intéresse pas autrement, alors toutes les campagnes, ce serait beaucoup, beaucoup d'énergie puis d'argent pour peu de résultats. Alors, le problème de la liberté contractuelle dont on parle avec beaucoup, beaucoup de... puis nous, on l'aime, hein, on l'enseigne toutes les deux, on aime beaucoup la liberté contractuelle, mais il faut qu'elle soit éclairée. L'enjeu, c'est qu'elle ne l'est pas. Puis non seulement elle ne l'est pas, mais il y a, entre guillemets, il y a une certaine fausse représentation de l'État qui dit que les gens qui sont... qui vivent une conjugalité de fait ont les mêmes droits et les mêmes obligations. Alors, c'est une situation très, très, très, délicate, puis moi, je... On voit très bien, Louise et moi, les enjeux de... d'arbitrage...

Mme Belleau (Marie-Claire) : ...que vous vous devez faire. Mais ce qui est... ce qui est crève-cœur, c'est la pauvreté ou l'appauvrissement d'une certaine partie de la population parce qu'elle enfante, puis l'enfantement, toute la société en bénéficie, les hommes comme les femmes. Si vous regardez les régimes de retraite, le RRQ, quand une... j'ai une collègue... j'ai une amie de 75 ans qui me disait : Marie-Claire, on regarde notre RRQ toutes les deux puis je suis capable de voir à quel endroit j'ai eu mes enfants, mais lui, il a eu des enfants au même moment, à la même... lui, ça a tout monté constamment, constamment, constamment, parce que ses revenus ont continué à augmenter. Il a pu prendre des promotions. Alors, il y a toutes sortes d'éléments comme ça qui sont... Puis moi... moi, les régimes de retraite, l'argent qui va dans un régime de retraite pour les gens qui ont la chance d'en avoir, l'argent qui va là, c'est de l'argent qu'on ne voit jamais, l'employeur met de l'argent, la personne met de l'argent, mais on n'a pas les liquidités, alors on ne fait pas les mêmes vacances, on ne fait pas les mêmes voyages, on... Parce que cet argent-là, on ne le voit pas, il est placé, ce qui est une bonne chose, mais, lorsqu'on fait l'évaluation actuarielle de ces sommes-là, c'est des sommes vraiment importantes.

Puis moi, ce qui... ce qui m'intrigue, c'est qu'en adoptant votre prestation compensatoire, ce qui m'inquiète, c'est que, là, la personne va dire : Oui, mais moi, je n'ai presque rien, puis lui, il a... lui ou elle, a tout l'argent, puis moi, je trouve que c'est... c'est des deux bords, l'égalité, hein, ce n'est pas juste d'un côté. Alors, il a mis tout son argent dans un fonds, puis moi, je me ramasse avec rien. Ces sommes-là, c'est ce qui va faire que les gens vont dire : Bien oui, mais là je vais peut-être avoir une prestation compensatoire, peut-être que ce serait une bonne chose, et là il va retourner vers les tribunaux. C'est terrible pour une... pour une question de justice, mais la médiation familiale au Québec, ça marche bien et ça fait... 85 % des couples le font, puis ils ont vraiment des ententes. Moi, je trouve les tribunaux essentiels, mais comme un dernier recours. Il ne faut pas recommencer à aller aux tribunaux parce qu'on veut une prestation compensatoire, parce qu'on s'est fait flouer. C'est ça qui est inquiétant. C'est comme si vous le sortez du patrimoine familial, mais là, vous le rentrez dans les tribunaux. C'est ça qui va arriver. C'est un peu triste.

Le Président (M. Bachand) :20 secondes.

M. Jolin-Barrette : Bien, je vous remercie pour la présence. Mais très certainement la médiation familiale a sa place. Et avec le nouveau régime qu'on met en place, l'union parentale notamment, les gens vont pouvoir aller en union parentale en médiation avec leur régime pour se faire renseigner sur leurs droits.

• (18 h 10) •

Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Langevin et Me Belleau. Merci pour votre... votre mémoire et ainsi que les questions, réponses et dialogues très riches que nous avons avec vous. Je dois avouer que votre mémoire m'a un peu rassuré, mais je vous explique pourquoi. Ce matin, quand on a commencé la journée, évidemment, j'avais lu le projet de loi, puis avec ma lecture, moi, je m'étais dit : Mon Dieu! Il me semble qu'une ministre est en train de créer des catégories d'enfants. Puis on a écouté le professeur Malacket ce matin qui nous a dit puis je l'ai, je l'ai noté texto, ça m'a frappé, elle dit : Non, non, non, il n'y a aucune catégorie d'enfants, cela ne tient pas la route. C'est quand même... Tu sais, c'est affirmatif, c'est sérieux. Puis là, vous, vous commencez votre mémoire en disant : Non, non. Il en crée quatre, catégories d'enfants. Donc, ce que je voudrais savoir de vous, parce qu'au fond on s'entend, le projet de loi vise à réparer certaines injustices. On n'en veut pas des injustices. Quelle serait la meilleure façon pour vous d'éviter qu'il y ait des enfants qui ne soient pas traités de la même façon pour éviter ces catégories-là? Puis qu'est-ce qu'on devrait faire avec le projet de loi pour s'assurer qu'en bout de piste au fond, qu'on soit marié ou pas marié, quand on est un enfant, là, c'est de ça dont on parle, on ne soit pas finalement défavorisé ou discriminé quand les parents se séparent?

Mme Langevin (Louise) : Oui. Merci pour votre question. Le projet de loi crée des distinctions entre les enfants. Il en crée aussi chez les conjoints de fait. On ne peut pas faire ces distinctions-là. C'est de la discrimination au sens de l'article 15.1 de la Charte canadienne. La façon de ne pas discriminer, c'est de traiter tous les enfants de la même façon. Donc, c'est-à-dire la même protection juridique lors de la rupture de leurs parents, peu importe la forme de conjugalité choisie ou retenue par leurs parents. Donc, tous les enfants...

Mme Langevin (Louise) : ...devraient être traités de la même façon, et avec le projet de loi on distingue entre les enfants dont les parents sont mariés avec le partage du patrimoine familial et les enfants dont les parents sont conjoints de fait avec le petit patrimoine d'union parentale. Et il y a encore la possibilité, pour ces gens-là avec des conjoints de fait avec enfants, de s'exclure. Donc, vous allez avoir des enfants dont les parents sont des conjoints de fait nés après le... juin 2025, dont les parents se sont exclus du partage du petit patrimoine, même si le patrimoine est très petit. Et vous avez aussi les enfants nés avant. Donc, il y a... il y a une façon de corriger ça, c'est de traiter tous les enfants de la même façon. C'est ça que l'article 522 dit.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Est-ce que je...

Mme Langevin (Louise) : Oui.

M. Morin : Donc... Oui, allez-y, je vous en prie.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Mais ce que... Mais nous, ce qu'on vous propose, c'est une proposition qui a été faite par d'autres personnes puis que vous allez peut-être recevoir. C'est l'idée que tous les conjoints seraient soumis au patrimoine familial, qu'il y aurait un droit de retrait, mais qui est protégé par une certaine... où on protège la liberté contractuelle par des conseils juridiques indépendants pour qu'on comprenne quels sont les enjeux, qu'à partir du moment où il y a la naissance d'un enfant, que le droit de retrait soit ,entre guillemets, suspendu jusqu'au moment de la rupture, auquel cas, là, il y aurait possibilité d'avoir un partage inégal,  mais encore là, avec... si ce n'est pas le partage égal, avec des juristes indépendants qui donnent de l'information aux deux personnes séparément, notaires ou avocats, mais pas la même personne. Parce qu'un des enjeux qu'on voit, c'est que, si on veut que la liberté contractuelle soit réelle, les intérêts sont tellement opposés qu'il faut s'assurer que les personnes comprennent quels sont les enjeux de... de se retirer. On propose même un opting in, c'est-à-dire de se remettre... de se resoumettre à la protection lorsqu'on a des circonstances. Un enfant autiste qui, à partir d'un certain âge, il n'a plus de services, puis un des parents doit renoncer à sa carrière pour s'occuper de l'enfant, une personne qui s'occupe d'une personne âgée ou d'un proche aidant, qui perd des revenus. Alors, l'idée, c'est dans ces circonstances- là, toujours avec des conseillers juridiques indépendants, que la liberté contractuelle soit vraiment réelle des deux côtés, autant la personne qui accepte que... de se retirer, que la personne qui accepte de se... de reprendre la protection pour la donner à son conjoint, pour que l'information soit juste.

M. Morin : Ma compréhension du projet de loi évidemment avec le patrimoine, c'est si les conjoints sont en union parentale et qu'ils ont un enfant. L'exemple que je donnais ce matin à des gens qui ont... qui sont passés avant vous, c'était : Oui, ça, c'est vrai que dans le cas d'un enfant, il y a un des conjoints qui peut arrêter sa carrière, peut... peut ralentir, mais ça peut arriver aussi entre des conjoints qui n'ont pas d'enfant puis puis qu'ils sont obligés de s'occuper d'un parent. Puis là, bien, la conséquence pour la personne, que ce soit au niveau du développement de sa carrière ou de ses avoirs financiers, peut être même. On ne parle pas d'enfant, mais le résultat va être semblable. Et là, je comprends qu'ici évidemment, le... le projet de loi ne couvrirait pas ça du tout.

Et quand vous parlez du fait du... du patrimoine familial, parce que là, ici, on parle d'une union parentale avec la création d'un patrimoine, mais c'est un patrimoine d'union parentale, vous vous faites référence plutôt au patrimoine familial qu'on retrouve dans le Code civil présentement, c'est... Est-ce que je comprends bien? Puis qui serait applicable à tous? Non?

Mme Langevin (Louise) : Bien, le projet de loi parle du patrimoine d'union parentale.

M. Morin : Oui, le projet de loi, oui. Exact.

Mme Langevin (Louise) : Oui. Et ce qui existe déjà, c'est le partage du patrimoine familial.

M. Morin : Famillial qui est dans le Code civil, auquel on ne peut pas déroger.

Mme Langevin (Louise) : Oui, qui est d'ordre public.

M. Morin : Exact.

Mme Langevin (Louise) : Qui s'applique à tous les mariés.

M. Morin : Exact.

Mme Langevin (Louise) : Les seuls qui pouvaient s'en sortir, c'était en 1980 et jusqu'en 1989.

M. Morin : Oui.

Mme Langevin (Louise) : Donc, il n'y plus personne qui peut s'en sortir.

M. Morin : C'est... ça, c'est terminé, et... mais est-ce que vous suggérez au fond que, pour l'ensemble des couples qui sont en union, le patrimoine familial devrait s'appliquer à eux également?

Mme Langevin (Louise) : Oui, on suggère que le patrimoine familial pour les couples mariés actuellement...

M. Morin : Oui, oui.

Mme Langevin (Louise) : ...lequel inclut les REER et les fonds de retraite, s'applique aussi aux conjoints de fait. On ne comprend pas pourquoi les REER ont...

Mme Langevin (Louise) : ...ont été exclus. J'ai une explication personnelle, mais on ne comprend pas quelle est la logique derrière tout ça. C'est bon pour les mariés. Pourquoi ça ne serait pas bon pour les conjoints de fait? Je me demande quelle est la raison.

Mme Belleau (Marie-Claire) : On se demande qui ça protège.

Mme Langevin (Louise) : Oui, qui ça protège.

M. Morin : Évidemment, les gens peuvent être en union de fait avec des REER, puis ils n'ont pas d'enfants, puis il peut y avoir une conséquence pareille si...

Mme Belleau (Marie-Claire) : Absolument.

M. Morin : ...s'ils se séparent à un moment donné, là.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Mais dans notre proposition, on ne distingue pas entre enfants ou pas d'enfants.

M. Morin : C'est ça.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Tout le monde est couvert. Par contre, on garde un droit de retrait avec de l'information, donc liberté contractuelle, et on fait une parenthèse lorsque des parents ont des enfants communs, auquel cas le droit de retrait prend fin, alors s'il a été exercé, il prend fin. On ne peut plus se retirer jusqu'au moment de la rupture. À la rupture, on pourrait choisir un partage inégal, mais ce partage doit aussi faire l'objet d'information juridique indépendante afin de s'assurer que les personnes sachent dans quoi ils s'embarquent.

M. Morin : C'est ça? Et là vous avez devancé une de mes questions, parce que ce matin, on nous disait : Oui, un notaire peut conseiller les deux parties, il est totalement impartial, il n'y a pas de souci.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Non, il ne peut pas, non.

M. Morin : D'accord, on s'entend.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Puis notaire ou avocat.

M. Morin : Oui, oui. Non, non, je comprends.

Mme Belleau (Marie-Claire) : On aime beaucoup les notaires.

M. Morin : Non, moi aussi. Ça, ce n'est pas un problème. C'est très utile d'ailleurs.

Mme Langevin (Louise) : Parce qu'un notaire dirait à Mme : Non, renoncez pas, et il dirait à M. : Elle devrait renoncer. Donc, il ne peut pas se couper en deux, le notaire. Vous comprenez?

M. Morin : Je comprends, oui. Merci. Écoutez, autre chose. Ça, c'est un petit peu plus... un peu plus technique, c'est Me Guillet, je pense, qui nous disait qu'à 521.22, l'expression «manifestation expresse ou tacite de la volonté des conjoints» fait preuve de créativité de la part du législateur, mais ça se démarque un peu de ce qu'on a présentement, qui est la cessation de vie commune. Est-ce que vous pensez qu'on devrait plutôt utiliser «cessation de vie commune» ou si ce libellé-là ne causera pas de problème finalement?

Mme Belleau (Marie-Claire) : L'objectif de notre présentation, c'est de s'assurer que les normes sont claires. Si on crée du nouveau vocabulaire, des nouvelles institutions, on va avoir besoin d'interprétation judiciaire. Alors, nous, notre perspective, c'est tout ce que vous pouvez faire pour garder l'état du droit facilement applicable en médiation... puis moi, mon critère, c'est la médiation familiale, c'est une personne qui n'est pas juriste peut répondre à la question sans aller voir de la jurisprudence. Il faut... Alors, toute dérogation au vocabulaire qui a été interprété par les tribunaux depuis plusieurs décennies va nuire, puis c'est pour cette raison-là qu'actuellement, avec le petit patrimoine puis le... la possibilité d'aller chercher une compensation de la prestation compensatoire, ça va créer une incertitude juridique qui va faire qu'on va retourner vers les tribunaux. Alors, nous, tout vocabulaire qui a déjà été interprété, on le garde.

• (18 h 20) •

M. Morin : Merci. Est-ce qu'il reste encore...

Le Président (M. Bachand) :1 min 30 s.

M. Morin : 1 min 30 s, parfait. On n'a pas beaucoup parlé de la dévolution de l'impact sur, évidemment, les droits successoraux. C'est quoi votre opinion là dessus?

Mme Belleau (Marie-Claire) : Bien, ce qui est intéressant, c'est que le projet de loi a été présenté par le ministre comme étant la protection des enfants.

M. Morin : Oui, exact.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Alors, c'est un peu étonnant parce que la question... Nous, on est favorables à la dévolution successorale, mais vous avez entendu certains commentaires qui sont assez importants sur la question des changements de partenaires de vie qui ferait que des conjoints très, très récents pourraient être privilégiés aux dépens de conjoints qui ont été beaucoup plus longtemps dans la vie de la personne. Donc, il y a des enjeux là. Mais ce qui est étonnant, c'est que, curieusement, par ces mesures-là qu'on trouve importantes à cause de l'importance des conjoints de fait, on se trouve à enlever des droits aux enfants. Alors, il y a comme une incongruité, là, entre protéger les enfants puis leur enlever des droits. Puis c'est aussi qu'il y a un gros trou. Il y a... On protège pendant que les enfants sont à charge, puis on protège à la succession, à la mort, mais pas pendant la retraite. Il y a un gros, gros trou là.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci. Beaucoup M. le député d'Acadie. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, 4 min 8 s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation fort intéressante...

M. Cliche-Rivard : ...vous mentionnez, là, prévoir, ou dans vos recommandations, prévoir une ADS, vous ne pensez pas que ça a été fait, vous ne lisez pas l'analyse différenciée des sexes dans le p.l. 56, si je devine.

Mme Langevin (Louise) : Pas du tout.

M. Cliche-Rivard : Vous ne l'avez... Pensez-vous que le Secrétariat à la condition féminine ou la ministre a été consulté?

Mme Langevin (Louise) : Je ne le sais pas, mais ça ne paraît pas.

M. Cliche-Rivard : Ça ne paraît pas?

Mme Langevin (Louise) : Je vous... on l'a écrit clairement, les femmes sont les grandes oubliées. C'est comme si l'égalité pour les femmes était déjà atteinte. Regardez les statistiques, vous les connaissez comme moi, ce sont les femmes qui payent le coût de la maternité. Je ne dis pas que les femmes n'ont pas fait de progrès, je dis que c'est la réalité.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Puis des mères pauvres, ça fait des enfants pauvres.

Mme Langevin (Louise) : Des mères pauvres, ça fait des enfants pauvres.

M. Cliche-Rivard : Mais le ministre semble nous indiquer qu'il y en a eu une ADS.

Mme Langevin (Louise) : Il y en a eu une?

M. Cliche-Rivard : J'espère... j'espère qu'on va pouvoir l'avoir publique.

Le Président (M. Bachand) :S'il vous plaît, on ne s'interpelle pas... S'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Non, non, je fais juste... Moi, je vous dis ça... j'ai entendu du ministre, je lui laisserai répondre par la suite, mais si elle existe, ce serait bien qu'on puisse y mettre la main. Vous avez des moyens, j'ai des moyens, alors on pourra... on pourra le... le faire.

Vous dites, là, des mesures concrètes, ça, c'est votre 10e point, des mesures concrètes pour garantir le libre consentement éclairé. C'est là où on parlait de deux avis juridiques distincts pour valider. Vous, vous pensez que c'est impossible, que ça soit fait par le même juriste. Vous pensez que le notaire, comme vous dites, là, il ne peut pas se séparer en deux, il va donner un conseil à a puis un conseil à b, c'est ce que vous pensez?

Mme Langevin (Louise) : Qu'est ce qu'il va dire, le notaire, à Mme? Ils vont chez le notaire pour faire un opting out, pour se soustraire. Il faut qu'il dise à Mme, à moins qu'elle ait elle-même des biens personnels, là : Mme, si vous vous retirez, c'est que vous perdez ceci, ceci, cela. Ce n'est pas une bonne idée de se retirer. Puis, à M., il va dire : Ah, oui, il faut qu'elle se retire, sinon c'est partagé à 50 %, tes biens. Il ne peut pas dire blanc et noir.

M. Cliche-Rivard : Vous ne pensez pas que c'est réconciliable.

Mme Langevin (Louise) : À mon avis, ce ne l'est pas. Et c'est pour ça qu'on a dit...

M. Cliche-Rivard : Mais il peut, de manière neutre, présenter l'état du droit pour les deux, non, vous ne pensez pas?

Mme Belleau (Marie-Claire) : Mais c'est à cause de la tension qu'il y a entre les deux. Leurs intérêts sont opposés. Je vais vous donner un exemple très simple, en médiation familiale, là, quand on veut vendre une résidence familiale, alors idéalement, quand un couple se sépare, on veut la vendre, la maison, parce qu'on va la vendre le plus cher possible. Si on a deux... une personne la veut puis l'autre qui ne la veut pas, on a deux personnes qui ont des intérêts opposés : un veut la payer le...

M. Cliche-Rivard : Moins cher.

Mme Belleau (Marie-Claire) : Exactement, alors vous voyez, tout de suite. Bon. Alors, quand on veut vendre la maison, on va aller chercher un... un courtier immobilier qui va nous donner une valeur objective extérieure, mais là les parents ont le même intérêt. Mais moi, si je suis aux prises avec deux personnes, là, qui veulent des choses opposées, moi, ce qui m'inquiète c'est deux choses, la... la pression que ça va exercer pour la personne qui doit, entre guillemets, renoncer. Puis un des enjeux qu'on a, qui est très sérieux aussi, c'est qu'il y a des personnes qui ne veulent pas se marier parce qu'ils ne veulent pas partager leur régime de retraite. Je vous donne des exemples stéréotypés, mais la police, les militaires, nous on a des gens dans notre... nos environnements où ils ne veulent pas se marier parce qu'ils ne veulent pas... Puis, vous savez, dans l'affaire Éric contre Lola, il ne voulait pas se marier, on le sait pourquoi. Donc, l'enjeu est important parce que ça crée de la pression. Donc, nous, ce qu'on se dit, c'est que... qu'une personne ne veut pas se marier, O.K., qu'elle soit en union de fait puis que l'autre ne soit pas protégé, ça pose une injustice. Si tout le monde est sur le même pied d'égalité, puis qu'on ait des enfants ou pas d'enfant, on peut se retirer. Bien, il faut s'assurer que les personnes ont de l'information vraiment séparée pour comprendre c'est quoi leur intérêt.

L'autre chose, c'est la violence conjugale. Puis aujourd'hui, vous savez, le terme «violence conjugale», ce n'est pas seulement physique ou sexuel, ce qui est déjà trop, mais c'est financier, c'est... c'est de l'extorsion, c'est toute sorte de choses. Alors, c'est un enjeu important. Puis ce n'est pas du tout un commentaire à propos des notaires. Pas du tout.

Le Président (M. Bachand) :Je vous remercie beaucoup. Je vais... Me Langevin, Me Belleau, merci beaucoup d'avoir été avec nous, ça a été très apprécié.

Je vais suspendre les travaux quelques instants pour accueillir notre nouvel invité. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 27)

(Reprise à 18 h 28)

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, je vous demanderais de prendre place. Merci. Alors, il me fait plaisir d'accueillir Me Michel Tétrault. Alors, Me Tétrault, merci beaucoup d'être avec nous. Comme vous savez...

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) :S'il vous plaît! S'il vous plaît! Merci. Alors, vous avez 10 minutes de présentation, après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. La parole est à vous maintenant, Me Tétrault.

M. Tétrault (Michel) : Donc, merci, M. le Président. Merci, M. le ministre de la Justice. Merci aux membres de la commission pour l'invitation. Est-ce qu'on m'entend bien? Ça va? Parfait.

Le Président (M. Bachand) :Oui. Allez-y.

M. Tétrault (Michel) : Merci beaucoup. Donc, 10 minutes. Je vous indique tout de suite que, dans un premier temps, M. le ministre, je dois souligner et saluer votre volonté de faire progresser ces questions-là qui traînent dans le paysage depuis une quarantaine d'années. Et ça, bien, il faut... il ne faut pas bouder notre plaisir dans le sens où rien n'est parfait, on peut bonifier les choses, mais il y a des choses, et je les saluerai au passage, qui sont importantes et qui sont des jalons qui sont significatifs par rapport à l'intérêt de l'enfant. Et je commencerai en vous disant, et c'était d'ailleurs à la page en exergue, un enfant n'aura jamais un meilleur niveau de vie que les parents qui en ont charge. Ce que j'ai entendu tout à l'heure d'une formule plus lapidaire, bien, des enfants pauvres avec des parents pauvres, donc... Et ça, c'est mathématique.

Donc, ce qu'on veut, c'est que, dans l'intérêt des enfants, les parents qui en ont la charge puissent financièrement, parce que c'est ce dont il est question, il n'est pas question de... parental ici ou d'autorité parentale, il est question de : Est-ce qu'on a des moyens pour les enfants? Or, ce qui est proposé, c'est la création d'une union parentale. Je vais vous inviter à aller à la page 7 de mon mémoire, je ne citerai pas et je ne lirai pas au long, vous n'avez rien fait pour mériter ça. Mais il y a une chose qu'on comprend, c'est que depuis le début des années 2000, à peu près tout le monde a dit :  Vous savez, laissez ça aux gens et contractualisez. Ce n'est peut-être pas la meilleure idée. Pourquoi que ce n'est peut-être pas la meilleure idée? Et là je reprends au vol la question qui avait été soulevée chez les personnes qui étaient là avant, à savoir : Bien, écoutez, c'est une question de rapport de force, on va s'entendre.

• (18 h 30) •

Donc, à partir du moment où on impose des règles puis on dit qu'on peut le retirer, la question qu'il faudra toujours avoir à l'esprit, c'est : Est-ce que le rapport de force est suffisamment bon pour qu'on protège les intérêts financiers de cet enfant-là? Évidemment, ce qui nous est offert, c'est important, mais il ne faut pas oublier une chose, si on fait des réformes en droit de la famille à tous les 40 ans, je pense qu'on n'a pas beaucoup de marge de manœuvre par rapport à ce qu'on doit faire, ce qu'on devrait faire, parce qu'avant qu'on repasse là-dessus, nous serons vraisemblablement, peut-être pas dans mon cas... plus âgés. Donc, on se rend compte d'une chose, une minute, à peu près tout le monde, vous avez ça aux pages 7 et 8, à peu près tout le monde s'est entendu pour dire que de laisser la contractualisation, c'est-à-dire que les parties, elles-mêmes conjointes de fait, s'organisent au niveau de leur vie commune et au niveau de la rupture, ça n'a pas beaucoup marché, on va le dire, là, ça peut jouer autour de 5 à 7 %.

Et les gens qui font ce type de contrat là sont des gens qui normalement ont une formation dans les affaires, en droit ou autre, et qui réalisent l'avantage qu'il peut y avoir. Mais, de toute évidence, les gens ne sont pas tentés d'y aller, et je vous indique, dans une des recherches de Mme Belleau qui est sociologue...


 
 

18 h 30 (version non révisée)

M. Tétrault (Michel) : ...ce qu'elle dit c'est : Écoutez, les gens ne veulent pas entendre parler de séparation puis de rupture quand ils viennent de se mettre ensemble, puis vous allez aller leur dire d'aller rédiger un contrat de vie commune. C'est... Et c'est ce que, heureusement ou malheureusement, l'expérience démontre.

Je passe à la page 9... définis les conjoints de fait. C'est une définition qu'on retrouve évidemment dans notre loi d'interprétation et dans beaucoup de lois sociales. Et il y a aussi les lois fiscales. Il faut comprendre, par ailleurs, je suis en bas de la page 9 et en haut de la page 10, que quand on parle de cohabiter, ça ne veut pas dire corésider. Vous avez probablement, ou peut-être dans vos connaissances, des gens qui sont reconnus comme un couple mais qui n'habitent pas au même endroit. Et ça, bien, c'est une façon de voir la cohabitation. Et ça, je vous indique immédiatement que, si ce n'est pas clarifié, nous avons déjà des débats épiques en matière de lois sociales, ce qu'on appelait communément de l'aide sociale, ce qu'on appelle la Régie des rentes du Québec, on a déjà des débats épiques sur c'était... est-ce que c'était des conjoints de fait? Quand est-ce que ça s'est terminé? Comment ils vivaient, ces gens-là? Parce que normalement, on fait une équation avec est-ce qu'ils vivaient comme des gens mariés? Donc, est-ce qu'ils faisaient une vie maritale?

Et là j'arrive à quelque chose que je trouve un peu particulier, c'est qu'on dit qu'il va y avoir une union parentale. Il va même y avoir une union économique parce qu'il y a un patrimoine familial différent de celui qu'on voit pour les gens mariés. Mais entre ces personnes-là il n'y a pas de... d'obligation de respect, il n'y a pas d'obligation de secours mutuel. Il me semble qu'on devrait retrouver minimalement ces éléments-là qui ne rejoignent pas ce que les gens mariés doivent avoir comme obligation en vertu de l'article 392. Vous aurez remarqué que je n'ai pas parlé du devoir d'entretien de pension ni rien, là. Je parle de respect, puis je parle de secours mutuel. Un respect dans une période où, d'ailleurs le ministre en a fait, là, un de ses cheval de bataille, où on parle de violence. Est-ce que d'indiquer que, dans une union parentale, les gens doivent se respecter, c'est un effort législatif? Est-ce que c'est important de souligner qu'ils se doivent un secours mutuel, à savoir que s'il y a un conjoint dans l'union parental qui est malade, bien, l'autre, il peut peut-être l'aider? Ça fait un petit peu froid, là, hein?

Je comprends qu'on parle chiffres et mathématiques, puis qu'on s'assure de la situation financière plus avantageuse pour les enfants, mais il me semble que ce serait bon de rappeler, là, ce genre de principe là, à savoir respect et secours mutuel. Et je renvoyais par analogie, toute analogie étant boiteuse, à 392 du Code civil. Mais encore une fois, j'ai exclu le devoir d'entretien là-dedans. Je n'ai pas parlé de... Je n'ai pas employé le mot qu'il ne faut pas prononcer. Ah! Pour les amateurs de Harry Potter, vous savez qu'il y a un méchant, méchant, méchant. Et il ne faut jamais nommer son nom parce que, sans ça, il va nous arriver des mauvaises choses.

Mais ce qui est particulier, c'est qu'on ne retrouve jamais dans cette union parentale le mot aliment ou le mot alimentaire. Il appert que c'est le terme qu'il ne faut pas utiliser. Et je vous indique immédiatement que, dans le rapport du comité sur la famille, je me range d'emblée avec le professeur Goubault qui avait enregistré sa dissidence en disant que ce qui était proposé, ça ne permettrait pas d'arriver à la fin qu'on recherchait, à savoir la protection des intérêts financiers et d'un milieu de vie pour l'enfant. Ce qui est proposé au niveau de la prestation compensatoire, je vais y revenir dans deux secondes, ça ne permettra pas ça.

Je passe ensuite à la question de la résidence familiale. Je ferai court parce que je salue le fait qu'effectivement on reconnaît aux conjoints de fait, en union parentale, la résidence familiale. J'ajoute une chose dans mon mémoire à la page 16. On parle beaucoup de violence familiale. C'est en caractères gras. Vous avez ça dans le deux tiers de la page de page 16. Est-ce qu'on ne pourrait pas prévoir que les enfants qui vivent dans une résidence familiale, un appart ou un immeuble, s'il y a une intervention policière, les enfants restent dans leur milieu. Parce qu'actuellement, ce qui arrive, c'est qu'on va parfois demander à la mère de sortir avec les enfants et d'aller en maison d'hébergement, ou actuellement...

M. Tétrault (Michel) : ...il n'y a à peu près pas de place. Ce que je vous dis là, et je vous donne quelques références, ça se fait à Lille, en France. En France, quand les policiers interviennent, bien, si vous avez un mari ou un conjoint violent, c'est lui qui sort de la maison, ce ne sont pas les enfants. Ce qui m'apparaît être tout à fait dans l'intérêt des enfants. Pourquoi on les enlèverait du milieu qu'ils connaissent, à moins que ce soit dans leur intérêt de le faire, pour les envoyer dans un autre milieu qui... on va s'entendre, là, les maisons d'hébergement sont nécessaires. Mais si vous donnez le choix aux enfants de rester dans leurs choses et d'aller dans une résidence, dans une maison de... d'hébergement, s'ils n'ont jamais vu ça, ils ne trouveront pas la chose très agréable. Donc, je pense qu'on devrait indiquer, au niveau de la résidence familiale, qu'en cas de violence, le choix, il est facile pour ceux qui ont à intervenir. D'ailleurs, on comprendra que si... Au moment où on va arriver devant le tribunal, si effectivement il y a démonstration de violence familiale, on va faire quoi? Les enfants et madame qu'on a envoyés en maison d'hébergement, on va les retourner à la maison. Ce n'est peut-être pas la solution la plus pratique.

Je passe ensuite à la question du...

Le Président (M. Bachand) :C'est... Malheureusement, le temps avance très rapidement. Alors, je dois céder la parole au ministre de la Justice. M. le ministre, s'il vous plaît, pour la période d'échange.

M. Tétrault (Michel) : Allons-y.

M. Jolin-Barrette : Bonjour, Me Tétrault. Content de vous revoir. Merci de participer aux travaux de la commission sur le projet de loi n° 56 relativement au droit de la famille. Me Tétrault, je vous référerais tout de suite, à la page 35 de votre mémoire relativement à la prise en charge d'un dossier. Vous dites, bon : «Les articles 33 à 43 du projet, on ajoute l'article 409.1 CPC qui prévoit que le juge en chef privilégie la prise en charge d'un dossier du tribunal par un seul et même juge. Il en va de même pour... en matière de la protection de la jeunesse», ce qui se fait déjà. Là, vous dites : «Ce qui est éminemment souhaitable et pourrait se faire dans certains districts».

Donc je comprends qu'en fonction des ressources disponibles, vous, vous trouvez que c'est une bonne idée quand une famille se retrouve devant le même juge puis qu'ils n'y aient pas à raconter tout le temps leur histoire devant... à de multiples juges?

• (18 h 40) •

M. Tétrault (Michel) : Tout à fait, sauf que... C'est éminemment souhaitable, sauf que le problème, c'est que, si je vais en région, en région où j'ai un ou deux juges résidents, hein? Je vais à Sept-Îles, puis je vais... Est-ce que je vais demander à ce juge-là d'entendre du civil, du pénal, puis en plus, on va lui dire : Bien là, si vous prenez un dossier familial, là, il serait bon que vous le reteniez, ce qu'on peut penser, qui est totalement possible à Montréal, à Québec, dans les plus grands centres où ils y ont plus de juges résidents, mais je suis pour ça totalement. Il n'y a rien de pire pour les gens que d'avoir à réitérer l'histoire à chaque fois.

M. Jolin-Barrette : Mais dans... Je comprends. Ça fait que, dans un monde idéal, c'est là qu'il faudrait aller en fonction...

M. Tétrault (Michel) : Oui.

M. Jolin-Barrette : ...des ressources disponibles puis des contraintes associées, supposons comme dans Saint-François, je pense, il y a deux ou trois juges de la Cour supérieure qui sont résidents. Cela étant, Montréal, Longueuil, Laval, Québec, où il y a un gros bassin de juges, la Cour supérieure, vous, vous dites : Bien, si c'est possible, faisons-le.

M. Tétrault (Michel) : J'allais même une étape plus loin. Pourquoi ne pas former, dans ces gros districts-là, des juges? Bien, les juges sont déjà formés, mais former des équipes de juges qui ne travailleraient qu'en droit de la famille. Vous avez le volume qui le justifie. On va s'entendre, là, pour un juge de la Cour supérieure, c'est le beurre et le pain,  hein. C'est à peu près 50 à 60 %, peut-être même un peu plus de ce qu'il entend. Mais si on formait une équipe et eux, leur job, ça va être bien plus facile pour le juge en chef ensuite de les assigner parce qu'ils sont déjà en famille. Donc, si je serais en famille, je ne suis pas dans un procès civil, je ne suis pas en criminel, je ne suis pas... je suis en famille. Donc moi, j'allais un pas plus loin, puis dire : Écoutez, tous ces districts-là où on peut former des équipes, allons-y. Et là, bien que le juge en chef ou le juge en chef associé dise : On y va avec ça.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous avez abordé la question tout à l'heure de la résidence familiale, puis le fait de ne pas déraciner les enfants de leur milieu. Je suis assez d'accord avec vous, là, lorsque les parents se séparent, ce n'est pas les enfants qui font ce choix-là, puis c'est souvent les enfants qui se retrouvent ballottés puis sortis de leur milieu, puis la garde partagée une semaine chez un, une semaine chez l'autre. Les parents, eux, ils ne font pas ça, là, ils couchent tout le temps dans leur lit, là, à chaque soir, puis ils ne changent pas d'environnement. On en demande beaucoup aux enfants, là.

M. Jolin-Barrette : Exact.

M. Jolin-Barrette : Mais je voulais attirer votre attention, là, sur 521.28, là, du projet de loi où on dit : «Le tribunal peut ordonner à l'un des conjoints de quitter la résidence familiale pendant toute l'instance visant à régler les conséquences de la fin de l'union».

M. Tétrault (Michel) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Vous, vous dites : On devrait aller plus loin que ça et mettre une présomption ou... ou une obligation...

M. Jolin-Barrette : ...obligation de dire : Bien, les enfants restent dans la maison, puis c'est monsieur ou madame qui sort.

M. Tétrault (Michel) : En attendant qu'il y ait une procédure, parce que... ou qu'il y ait une décision, parce qu'on va s'entendre. Je comprends qu'on nous dit ici que les protections, ce qui est proposé, c'est que ça dure 30 jours. Moi, je vous indique dans mon mémoire que 30 jours, ce n'est pas assez, parce que peut-être que la victime, elle a d'autres choses plus urgentes à penser que de prendre des procédures, peut-être qu'elle a été blessée, peut-être qu'elle est hospitalisée. Moi, votre 30 jours, là, j'ai un peu de misère, j'en mettrais un peu plus long.

M. Jolin-Barrette : Oui. Mais, en fait, le 30 jours, c'est pour faire la demande au tribunal...

M. Tétrault (Michel) : Oui.

M. Jolin-Barrette : ...parce que dans le fond le tribunal peut octroyer l'attribution de la résidence familiale pour une période plus longue.

M. Tétrault (Michel) : Totalement d'accord.

M. Jolin-Barrette : Mais vous, vous dites... Parce qu'on a eu ce commentaire-là également plus tôt tout à l'heure de dire : Bien, le 30 jours, il est peut-être trop court pour le demander...

M. Tétrault (Michel) : Oui.

M. Jolin-Barrette : ...parce que notre enjeu, c'est qu'à partir du moment où il y a la fin de l'union parentale, bien là, le régime n'existe plus, contrairement au mariage. Donc, à combien de jours vous pensez qu'une demande devrait être... jusqu'à combien de jours une demande devrait pouvoir être faite de se voir attribuer la résidence familiale?

M. Tétrault (Michel) : Écoutez, moi, je le vois entre 45 et 60 jours. On connaît tous la situation entre 45 et 60 jours, parce qu'on connaît tous la situation du logement. On va demander à quelqu'un de sortir, de trouver un logement convenable pour elle et les deux enfants. Elle a... La première chose à penser, c'est : Il faut que je me reloge. Si les enfants changent de bassin scolaire, il faut que je les change de... Ecoutez, là, il y a... comme ils disent en anglais, là, il y a du «red tape», là. Et moi, 30 jours, je trouve ça court, tout particulièrement s'il y a eu de la violence, parce que, écoutez, là, la victime, il faut qu'on l'aide, il faut qu'elle se remobilise. Ça ne se fait peut-être pas toujours dans 30 jours. Puis là, bien, on va faire quoi? Je pense qu'on ne les sert pas, les enfants, toujours, je reviens toujours à ça. C'est l'objectif de ce projet de loi là, c'est l'intérêt de l'enfant, là.

Donc, moi, je pense qu'il devrait y avoir une priorité ou une présomption, comme vous le disiez, avant même que le tribunal soit saisi, parce que, écoutez, mathématiquement, là, si je suis très pragmatique, c'est plus facile d'en sortir un que d'en sortir trois. Or, on voit dans des dossiers où, effectivement, les forces constabulaires vont dire : Bien, Mme, les enfants, allez dans une maison d'hébergement. Mais là, non, pas... l'agresseur va sortir, et on va laisser les enfants dans leur milieu. Ils en vivent déjà assez, comme vous l'avez très bien souligné.

M. Jolin-Barrette : Vous avez pratiqué plusieurs années à l'aide juridique, vous avez plaidé des dossiers en droit de la famille. Pouvez-vous nous parler de votre expérience par rapport à, supposons, la réalité terrain sur la violence judiciaire, sur la multiplication des recours puis...

M. Tétrault (Michel) : Bien, écoutez, c'est clair, là. L'article que vous prévoyez d'ailleurs dans le Code de procédure civile qui va permettre au tribunal, même d'office, en priorité de juger d'un possible... Bon. Certains appellent ça de l'abus judiciaire, mais je pense que, correctement, on peut appeler ça de la violence judiciaire. Ça, c'est définitivement un plus, et il faut le saluer, parce que le tribunal traite cette question-là en priorité. Donc, on n'attendra pas d'avoir été trois jours devant un juge avant de pouvoir effectivement dire : Bien là, M. le juge, vous savez, il faudrait regarder, là, on multiplie. Moi, je pense qu'un tribunal qui voit qu'il y a eu 248 entrées au plumitif par une même partie devrait se saisir de ça rapidement, donc en priorité, et agir en conséquence. Parce qu'il faut qu'on arrête ça là, parce qu'on va aussi s'entendre sur le fait que c'est du temps juge, c'est du temps de la cour, c'est des ressources financières. Il faut que ça arrête. Ça, je suis pour, il n'y a pas de problème.

M. Jolin-Barrette : Oui. Puis, pratico-pratique, là, ça ressemble à quoi sur le terrain? Tu sais, vous dites : 248 entrées au plumitif. Mais ceux qui font ça, là, ils font quoi précisément?

M. Tétrault (Michel) : Bien, écoutez, ça va être de demander des ordonnances de sauvegarde à répétition : il y a un juge qui va rendre une décision ce mardi sur une ordonnance de sauvegarde; la semaine d'après, on revient avec une autre demande de sauvegarde. Puis là, quand vous regardez les deux copies, vous dites : Bien, c'est la même chose. On est en train de faire un appel déguisé, et c'est comme ça. Ça va être une multiplication. Ou encore des avis de gestion. On va demander au juge... ou l'autre partie, là, qui est un petit peu plus coercitive et contrôlante, va dire : Bien, écoutez, là, j'aurais besoin de tel document. Il n'est pas pertinent, mais il a fallu que tout ce monde-là se retrouve en cour devant un juge pour dire que ce n'était pas pertinent. C'est comme...

M. Tétrault (Michel) : ...ça.

M. Jolin-Barrette : Excellent.

M. Tétrault (Michel) : Il y a des... Il y a des remises aussi. Ah! Je ne peux pas. Je ne suis pas prêt. Parce qu'il y a des partis non représentés, comme vous le savez, qui vont dire : Bien là, je ne suis pas prêt. Je n'ai pas fait ci, je n'ai pas fait ça. Puis pendant ce temps-là, les enfants, eux, ils attendent la décision, hein? Puis là, bien, on retarde, on retarde.

M. Jolin-Barrette : Excellent. Je vais céder la parole à mes collègues. Je vous remercie, Me Tétrault, d'avoir participé aux travaux de la commission. Donc, à la prochaine, comme on dit. Merci

M. Tétrault (Michel) : Je vous en prie. Je vous en prie.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de Saint-Jean. 7 min 20 s, s'il vous plaît.

M. Lemieux : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Tétrault. Me Tétrault, merci d'être des nôtres. Je vous écoutais avec le ministre depuis 10 minutes. Et puis je me disais, on est rendus très, très loin dans des cas de figure. Et je comprends que c'est votre expertise. C'est son intérêt. Il a plusieurs projets de loi en dessous de la cravate pour essayer de régler ces choses-là. Je vous ramène avec un gros élastique jusqu'au projet de loi no 56, même si on était dans le cadre du 56. Je vous ramène au général du général du 56, dans la mesure où votre enthousiasme au début m'a impressionné, puis ensuite vous m'avez... vous m'avez forcé à philosopher. Je ne me souviens pas de ce que vous avez dit au début de... Je me suis surpris à philosopher, puis je suis resté accroché sur une question que j'aurais voulu poser au témoin précédent. Puis je me suis dit : Bon, bien, je vais lui poser à lui.

Alors, je vous amène directement sur... Quand j'écoutais les échanges avec les oppositions, puis avec le gouvernement, des gens qui étaient là avant, je me disais : Là, on parle toujours juste du scénario, et puis vous l'avez dit aussi, de la protection des enfants. C'est ça qui est le plus important. C'est le but de l'opération, c'est... c'est ce qui prime, puis on organise le système autour. Pourtant, pendant et... Pendant l'union et en cas de séparation des conjoints de fait qui n'ont pas d'enfants, pour eux, rien ne change. Alors, je me disais, à écouter ce que j'entendais avant, je me disais, à les entendre, je n'ai pas été capable de leur poser la question, ça fait que je ne le saurai pas, je vais peut-être aller les voir après, mais à les entendre, je me disais : Dans le fond, il voudrait ça pour les conjoints de fait sans enfants aussi, et les conjoints de fait avec des enfants avant.

Donc là, aidez-moi à comprendre comment on peut réconcilier tout ça en se disant : Là, on fait une loi aujourd'hui. En fait, on ne la fait pas, on la modernise, on la remet à jour. C'était attendu, c'était demandé. Puis là, pour plusieurs, c'est trop. Puis pour d'autres, ce n'est pas assez. Vous, vous étiez enthousiaste au début. Est-ce que c'est parce que vous êtes très pragmatique?

• (18 h 50) •

M. Tétrault (Michel) : Bien, écoutez, ce n'est pas une question... Je suis enthousiaste parce qu'on progresse. O.K. Là, on peut s'entendre pour dire : Est-ce qu'on progresse assez vite ou pas assez vite? Ce que les intervenants qui étaient là avant disent, c'est qu'on ne progresse pas assez vite parce que ça devrait être la totale pour tout le monde. Bon. Écoutez, moi j'ai lu le projet de loi, je l'ai lu, le rapport du comité, j'ai écrit sur le sujet. Je souhaiterais que tout le monde, hein, au pays des licornes, aient tout. Ce n'est pas ça que le projet de loi offre. Et je pense qu'il y a de la résistance au niveau de la population sur le fait de dire : Ça va être, comme on disait à une certaine époque, de la Laurentide pour tout le monde.

Donc, je comprends qu'on a créé un carré de sable, ce qui me rend très enthousiaste. J'aimerais ça que le carré de sable soit beaucoup plus grand, mais là j'ai un carré de sable et je vais essayer, dans la mesure de mes moyens, de bonifier ce carré de sable là. Parce que nous savons tous que nous ne reviendrons pas dans ce carré de sable là avant beaucoup, beaucoup, beaucoup d'années. Donc, il est peut-être préférable de faire un bon carré de sable, puis ensuite on verra.

M. Lemieux : Je vous confirme qu'en tout cas, à mes yeux et mes oreilles, vous êtes pragmatique et sage. Maintenant que j'ai dit ça, vous venez dire quelque chose qui, pour moi, est plus important que tout le reste, c'est pour... pas... Je ne parle pas des avocats, je ne parle pas des professeurs, je ne parle pas des spécialistes, je ne parle pas des chroniqueurs, je parle du monde. Et à votre avis, quand vous parlez de résistance, là, c'est comme ça que vous le campez, mais je vous demande de me l'expliquer davantage. Est-ce que vous pensez que les Québécois et Québécoises sont rendus là, la... la totale?

M. Tétrault (Michel) : Je ne suis pas convaincu que les gens sont rendus là, mais je suis assez convaincu que les gens se disent que ça n'a pas de sens que quand il y a des enfants...

M. Tétrault (Michel) : ...il y ait des parents qui se retrouvent dans des situations qui vont faire en sorte qu'ils ou elles ne pourront pas offrir aux enfants... je ne parle pas, là, encore une fois, d'un niveau de vie exceptionnel, et qu'on puisse leur offrir quelque chose. Je ne pense pas que, quand je vois tout le monde, parce que, quand je me promène, il y a des gens... À l'aide juridique, j'ai été là 37 ans, il y a des gens qui arrivaient dans mon bureau, qui avaient des enfants et qui me disaient : «Bien, là, j'ai le droit d'avoir une part des meubles, une part de ci, une part de ça», puis on était évidemment le mauvais messager, on disait : «Non, non, vous n'êtes pas mariés». Et là, eux nous disaient : «Oui, mais j'ai entendu dire...» Et ça des «j'ai entendu dire», vous le savez, hein, mon beau-frère m'a dit, puis le beau-frère, il est sympathique, mais ce n'est pas un juriste toujours. C'est... et c'est tellement important, la connaissance. S'il y a une chose qu'on doit retenir, parce qu'il y a des gens qui pendant longtemps ont retardé l'arrivée de l'union parentale puis du petit patrimoine familial, certains appellent ça comme ça. Après Éric et Lola ou avant plutôt Éric et Lola, là, les gens se tenaient la tête : Ah! non, non, on va... on va nous marier malgré nous, on va nous marier malgré nous, là, mur à mur. C'est presque... Ce n'est pas correct. Après Éric et Lola parce qu'Éric et Lola, ce n'est pas le meilleur exemple. On va s'entendre là, les avocats autour de la table, ils ont déjà entendu ça là? Bad facts makes bad law. Bien, écoutez, quand vous avez quatre bonnes, deux maisons, un hélicoptère, ce n'est pas... mais ce n'est pas ça notre réalité. Ce n'est pas ça notre réalité, et ça me permet de planter, dans votre affaire de prestation compensatoire, la chose suivante : pour avoir une prestation compensatoire, il faut qu'avec l'apport, mon apport en argent, en biens et services, l'autre se soit enrichi.

Au Québec, là, la majorité des gens il y a des chiffres qui sont sortis il n'y a pas longtemps, là, revenu familial moyen, 60 quelques mille, un couple, deux enfants. Comment une femme va être capable, avec une prestation compensatoire, d'obtenir quelque chose? C'est une réalité mathématique. Dans la vraie vie, là, ça existe la prestation compensatoire depuis 40 ans. Il n'y a personne qui s'est enrichi avec ça, et quand on s'enrichit, c'est parce que la partie adverse a beaucoup, beaucoup, beaucoup de sous. Ce n'est pas le cas de la majorité des Québécois. Je ne vous parlerai pas du 1 %. C'est aussi simple que ça.

Le Président (M. Bachand) :...

M. Lemieux : Oui, oui, je le sais, M. le Président, que c'est terminé. Je voulais juste dire que, fidèle notre habitude de la Commission des institutions, je ne sais pas pourquoi, mais les témoins, les derniers témoins du jour, nous portent toujours à aller beaucoup plus large et aller dans des zones auxquelles on reviendra demain. En attendant, merci beaucoup, Maître Tétrault. Vous êtes effectivement pragmatique et sage.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie pour 16 min 30 s.

M. Morin :Merci, M. le Président. Bonjour, Me Tétrault.

M. Tétrault (Michel) : Bonjour à vous.

M. Morin :Merci. Merci pour votre mémoire et les réponses que vous apportez... vous apportez aux questions. J'aimerais en fait un peu continuer au moment ou, en fait, à l'endroit où le député de Saint-Jean nous a laissés.

Quand on parle de prestation compensatoire, en fait, j'ai compris le ministre quand il a... il a présenté son projet de loi. Il a dit : Écoutez, c'est pour les enfants, etc. Bon, c'est bien, parfait, c'est... l'idée est excellente. Maintenant, on nous a dit un peu plus tôt aujourd'hui : Écoutez, ce projet de loi là ne crée pas de catégories d'enfants. Puis là, on vient de nous dire, juste avant vous : Oui, ça crée des catégories. Bon. Alors, vous comprendrez que nous, dans l'opposition, on essaye toujours de bonifier des projets de loi. Ça fait partie de notre travail de législateurs. Mais moi, ma lecture, je croyais effectivement que le projet de loi créait des catégories d'enfants. Vous, c'est quoi votre opinion là-dessus? Puis après ça, évidemment, la question qui vient tout de suite après, c'est : Mais si ça crée des catégories, qu'est-ce qu'on peut faire pour éviter qu'il y ait des enfants qui soient défavorisés? Puisqu'évidemment, le but du ministre, c'est de s'assurer qu'on va les aider.

M. Tétrault (Michel) : Bien, écoutez, c'est clair qu'il y a des catégories d'enfants. Il y a des enfants dont les parents vont choisir de se retirer du patrimoine familial et du reste, et les enfants n'ont rien à dire et rien à voir là-dedans. Et il y a d'autres enfants dont les parents vont bénéficier de ça. Et vous avez une troisième catégorie qui sont des enfants qui ont des parents qui ne sont pas en union parentale du tout, puis qui eux ne bénéficient des... pas des quelques avantages qui sont là.

Dans notre code civil, l'article 522, on nous dit que normalement, là, le statut marital ou autre des parents, ça ne devrait pas limiter les droits de l'enfant. Je paraphrase...

M. Tétrault (Michel) : ...je reviens à ce que je mentionnais à votre collègue avant, il y a un choix qui a été fait dans le projet de loi qui était de dire : Pour protéger les enfants, bien, nous, il faut que les parents soient en union parentale, et là il y aura certains droits. C'est clair que des enfants dont les parents ne sont pas une union parentale... Je reviens à ce que j'ai déjà dit, un enfant n'aura pas un meilleur niveau de vie que les parents qui en ont la charge. Or, les parents qui en ont la charge, s'ils ne sont pas une union parentale, ils n'ont pas le patrimoine familial, ils n'ont pas la prestation compensatoire. Oui, cet enfant-là, il est pénalisé parce que le parent qui en a la charge ou les parents qui en ont la charge n'auront pas ça, il n'y aura pas de partage de la résidence familiale, il n'y aura pas de partage des meubles, il n'y aura rien de ça. Et la façon, c'est : On va donner ça à tout le monde. La façon de régler le problème, c'est de dire : On va donner ça à tout le monde. Je ne suis pas sûr. Je ne suis pas sûr parce que, pendant très longtemps, et ça existe encore, là, les gens disaient : Écoutez, là, vous ne nous imposerez pas des choses. On ne s'est pas marié, il y a une raison pour ça, là. On ne voulait pas avoir le cadre. Il faut qu'on laisse une marge de manœuvre.

Moi, ce sur quoi je compte surtout toujours pour les enfants, c'est de dire... parce qu'il y a eu un débat, est-ce que c'était un «opting in» ou un «opting out»? Depuis 2003, moi, je suis dans l'«opting out» parce que les gens doivent comprendre et des fois il faut les amener voir un juriste qui va être capable de leur expliquer ça. Et je ne suis pas en train de vous dire qu'une seule personne peut conseiller deux personnes qui, fondamentalement, ont des intérêts opposés. On appelle ça un conflit d'intérêts. Les dames qui me précédaient en médiation vous ont expliqué ce que c'était, là. Écoutez, c'est un mandat commun, puis même un médiateur ou une médiatrice, il peut donner une information très générale, il ne peut pas répondre à une question très pointue. Et l'exemple qu'ils donnaient, c'est exactement ça. C'est de dire : Écoutez, là, pour M.... c'est très genré, mais c'est ça, la réalité, pour M., l'idée de partager la maison puis tout le reste, ce n'est peut-être ce qui lui sourit le plus.

Et là il ne faut pas oublier qu'on change... on change de régime, là, hein? Les conjoints de fait, les gens s'étaient faits à l'idée, presque, qu'ils n'avaient pas de droits, mais là ils vont en avoir, et ça va être très important qu'on leur explique ça dans le détail. Et je ne crois pas qu'une personne — je ne parle pas de notaires ou d'avocats, là, je parle d'une personne, moi, je parle d'un conseiller juridique — qu'une seule personne puisse fournir cette information-là. Je vous rappellerai qu'il n'y a pas si longtemps, on parlait du contrat de gestation pour autrui. On demande aux gens d'aller voir des procureurs indépendants. Pourquoi que, là, ça ne marche pas, là? Donc, ça, quant à moi, c'est essentiel. On ne peut pas donner un consentement libre et éclairé à un retrait si je n'ai pas l'information.

• (19 heures) •

Je vous rappelle que dans Éric et Lola, la minorité des juges qui venait du Québec disait que c'était une vue de l'esprit que de penser que les gens étaient informés de leurs droits. Et dans mes 37 ans de pratique, là, puis même encore, je continue de pratiquer, les gens ne savent pas. Il n'y a rien de plus éblouissant que de recevoir des gens mariés... Puis on leur demande : Parfait, vous êtes mariés sous quel régime? Ils ne sont pas capables de nous répondre et pourtant ils ont été chez le notaire, ils ont fait un contrat en séparation de biens. Les gens, quand on arrive... Écoutez, là, faire un calcul de patrimoine familial, il faut être spécialisé pour ça. On ne donne pas ça à n'importe qui. Il faut avoir étudié ça. Donc, imaginez-vous, quelqu'un vous pose la question : Oui, la résidence familiale, je comprends que ça se partage, mais moi, j'avais reçu 50 000 $ de ma tante Hortense en succession puis je l'ai mis dans la maison, qu'est-ce qui arrive avec ça? Là, il faut donner la bonne réponse puis elle ne fera peut-être pas l'affaire de tout le monde. Et ça, quant à moi, c'est une question d'éthique et de déontologie qui est profonde. On ne peut pas, pour certaines choses, dire : Bien oui, il faut avoir un avis indépendant, puis pour d'autres, bien, on va y aller, là.

M. Morin :Parfait. Je vous remercie. Une précision cependant, si mon souvenir est bon, pour la gestation pour autrui, en bout de piste, c'est un notaire, je pense, qui conseille des deux. Et l'idée qu'on avait proposé d'aller voir des conseillers juridiques séparés n'a pas été retenue par le gouvernement. Je trouvais que c'est une bonne idée, mais ça n'a pas été retenu. Voilà. Alors, merci...


 
 

19 h (version non révisée)

M. Morin :...j'aimerais attirer votre attention sur le projet de loi à 521.22, parce que vous avez pratiqué dans le domaine. J'aimerais ça avoir votre opinion. Le législateur utilise les mots «manifestations expresses ou tacites», ce qui semble être une nouvelle façon de décrire l'union parentale, plutôt que d'utiliser, par exemple, ce qui est déjà dans le Code civil. Est-ce que vous y voyez un avantage ou un inconvénient? Est-ce que vous croyez que ça risque d'entraîner des débats judiciaires inutilement?

M. Tétrault (Michel) : Oui, il y a des gens très sages qui m'ont précédé et qui ont dit : Vous savez, le temps que ce soit interprété, là, ça va prendre moyennement 10 ans. Vous avez pratiqué vous-même, vous savez, quand il y a des nouvelles expressions qui arrivent, bien, ça ne se règle pas dans les deux semaines. Si on écrivait que... «la cessation de la vie commune», ça, la cessation de la vie commune, la Cour d'appel s'est prononcée sur ce que ça veut dire, notamment au niveau du patrimoine familial, et la Cour d'appel nous dit : C'est la rupture irrévocable des liens économiques entre deux personnes. Ça, là, c'est facile, ça. Je dis : C'est facile, mais de dire : Non, non, monsieur, il a arrêté de payer le loyer, il ne donne plus d'argent à madame, il ne fait plus ci, bien là... Vous savez, les trucs tacites puis les trucs express, là, les trucs express deviennent parfois des trucs tacites, puis là, là, ce qu'on veut faire, c'est... est-ce qu'on veut embourber les tribunaux pour savoir c'est quand est-ce que ça finit, cette union-là? Mettons des critères qui existent déjà, et la cessation de la vie commune, on renvoie à quelque chose qui existe.

M. Morin :O.K., merci beaucoup. Dans la composition du patrimoine d'union parentale, je suis à 521.30, le législateur utilise, bon, une certaine catégorie de biens. Est-ce que vous trouvez qu'il y en manque? On a parlé un peu plus tôt de la résidence secondaire. Il y en a qui disent : Bien, ça devrait être inclus, pas inclus. On en a parlé des REER, c'est exclu. Si on veut véritablement s'assurer que les enfants ne seront pas défavorisés par une séparation, d'après vous, idéalement, qu'est-ce que devrait constituer le patrimoine d'union parentale?

M. Tétrault (Michel) : Ça devrait être un patrimoine familial, comme les gens mariés. Chalet, si les enfants sont habitués d'aller au chalet aux deux fins de semaine et un mois l'été, est-ce qu'on est en train de les priver de quelque chose? Parce que, là, on va relever d'un seul parent qui va décider : Bien, vous pourrez venir ou vous ne pourrez pas venir.

Dans un deuxième temps, les régimes de retraite, ça, quant à moi, c'est fondamental. Les gens, là, les Québécois, dans la majorité des cas, qu'est-ce qu'ils ont comme richesse? Leur résidence, leur fonds de pension. Et si vous êtes... parce qu'on ne changera pas la biologie, là, vous êtes la personne qui a accouché et vous décidez peut-être d'être un an sans solde, deux ans sans solde, vous ne contribuez pas à votre régime de retraite puis vous n'avez pas assez d'argent pour mettre de l'argent dans les REER. Ce n'est pas par la prestation compensatoire qu'on va réussir à aller chercher ça. Et la personne qui va dire : Oui, mais je voudrais racheter des années de service, ça coûte cher, racheter des années de service. Elle va prendre l'argent où? Et ce n'est pas prévu dans la prestation compensatoire. Rappelons-nous une chose, là, la prestation compensatoire, c'est pour éviter les injustices qu'une personne s'enrichisse ou en dépit ou malgré l'autre. Bien, le fait d'avoir un enfant, ça n'enrichit pas l'autre partie. Le fait que j'aie une dépression post-partum, ça n'enrichit pas l'autre.

Voyez-vous, c'est que la prestation compensatoire, la nature de la bête, c'est qu'elle regarde le passé. C'est rétroactif. Qu'est-ce que j'ai fait comme apport en biens, argent, services qui a permis à l'autre de s'enrichir? La pension alimentaire. Elle est à la fois rétro et prospective. Ça veut dire que, si moi, après avoir donné naissance à l'enfant, l'enfant tombe vraiment malade et je dois m'en occuper et aller voir 12 spécialistes par semaine avec cet enfant-là, puis je ne reprends pas d'emploi, la prestation compensatoire, ça ne servira pas à grand-chose. Un accouchement qui se passe mal, madame a des séquelles, ce n'est pas... La prestation compensatoire, ça vise le passé, l'obligation alimentaire dont on ne veut pas parler. Ça vise et le passé et le futur. Et ça, quant à moi...

M. Tétrault (Michel) : ...écoutez, de dire qu'il n'y a pas d'aliments entre ces gens-là, là, entre les unions... les conjoints de fait en union parentale, vous pourrez lire dans mon mémoire, là, je cite le doyen Leckey, de la Faculté de droit de McGill, qui dit: Bien, c'est quoi, ça?

J'ai une... Il y a une petite chose aussi. Je m'excuse de vous interrompre.

M. Morin :Non, allez-y, allez-y.

M. Tétrault (Michel) : Demander une prestation compensatoire, vous ne demandez pas ça à la sauvegarde, vous ne demandez pas ça aux mesures provisoires, vous devez attendre un an, un an et demi, deux ans, dépendant des districts, pour avoir votre prestation compensatoire. Ah! Un jour, vous serez... Puis n'oubliez pas qu'il ne faut pas qu'entre-temps la personne fasse faillite, l'autre côté, là. Parce que, si la personne à qui vous demandez une prestation fait faillite, il vous reste quoi?

Deuxième élément. La prestation compensatoire, ce n'est pas des aliments, tel que c'est rédigé là. L'autre personne fait faillite. Ce n'est pas un aliment, c'est une dette qui est libérable en vertu de 178. J'en parle dans mon texte. Écoutez, l'enfant, dévolution successorale, aïe! il arrive premier. On est-tu contents? Bon, bien, il y en a un des deux qui fait un testament puis qui dit: Bien, ça ne sera pas ça, ça va être d'autres choses. Parce que ce n'est pas d'ordre public, là, le patrimoine d'union parentale. Contrairement au patrimoine des gens mariés, je ne peux pas faire un testament puis dire: Mon... Le patrimoine qui aurait dû aller à mon épouse, par exemple, je le donne à mes enfants. Je ne peux pas faire ça. Avec le patrimoine d'union parentale, ce n'est pas d'ordre public. La meilleure preuve, c'est qu'on peut s'en retirer en tout temps. Il y a tellement de trucs qui permettent de passer à côté de ce qui est prévu là-dedans! Pas sûr. La seule chose, quant à moi, qui rendrait ça solide, c'est dire: Oui, ces gens-là se doivent des aliments.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de l'Acadie, il reste 2 min 20 s

M. Morin :Oui, effectivement. Donc, en fait, ce qui est proposé dans le projet de loi avec la prestation compensatoire, pour vous, ce n'est pas quelque chose qui est très utile. J'imagine, évidemment, qu'il faut demander ça au tribunal...

M. Tétrault (Michel) : Bien oui!

• (19 h 10) •

M. Morin :...il faut en faire la preuve. Ça va coûter probablement plus que 55,22 $ puis ça va prendre plus que trois semaines pour l'avoir. Donc, au fond, un conjoint qui pense être appauvri va être obligé de débourser des montants probablement significatifs pour peut-être avoir quelque chose en bout de piste.

M. Tétrault (Michel) : Oui. Donc, ça va lui coûter de l'argent, ça va prendre du temps, il ou elle s'occupera des enfants à temps partagé ou à temps plein, et on va lui demander ça pour la compenser, là. Elle, elle a fait œuvre utile, là, puis là, pour avoir fait ça, vous allez sacrifier de l'argent et du temps. Il y a quelque chose, encore une fois, qui, quant à moi...

Écoutez, la prestation compensatoire, là, ça fait 40 ans que ça existe, on sait ce que ça donne. Et ce que ça donne, c'est que les gens ne se précipitent pas pour demander des prestations compensatoires, pour la simple et bonne raison qu'il y a des délais, qu'il y a des coûts, puis c'est une preuve qui est excessivement lourde.

Je vous rappellerais que, dans Éric et Lola, quand c'est passé par notre Cour d'appel, le juge Beauregard, qui avait reconnu qu'il y avait de la discrimination, avait dit: Écoutez, moi, je vais vous l'arranger, votre obligation alimentaire pour conjoints de fait. Il avait pris l'article 585 puis il avait rajouté un petit bout de phrase, «y incluant les conjoints de fait». Là, on venait d'avoir une obligation alimentaire pour tout le monde, ça ne coûtait pas cher, et on a une protection pour les enfants, encore une fois. Je veux dire... parent n'aura pas d'argent, l'enfant n'en aura pas plus, et, je le dis en tout respect, ce n'est pas avec le barème qu'on va se rattraper. Le règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants, ce n'est pas là que ça va se passer.

M. Morin :Oui. Ça, c'est l'autre chose. On nous a... on a suggéré que le gouvernement devrait revoir le barème, parce que le barème, actuellement, n'est pas adapté à la réalité des enfants de 2024. Vous êtes d'accord avec ça?

M. Tétrault (Michel) : Écoutez, totalement. Quand c'est rendu qu'en pratique, des gens nous demandent: Il n'y a pas un moyen qu'on aboutisse sur les lignes fédérales? Parce qu'elles sont plus généreuses. Puis là, vous leur dites: Bien non, là! Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Comprenons...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Tétrault, c'est tout le temps qu'on a. Mais je veux vous remercier infiniment d'avoir pris le temps, c'est très, très apprécié.

Et, cela dit, la commission ajourne ses travaux au mercredi 1ᵉʳ mai après les avis touchant les travaux des commissions. Merci, et bonne soirée à tout le monde. Merci.

(Fin de la séance à 19 h 12)


 
 

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