Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
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Tuesday, November 28, 2023
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Vol. 47 N° 51
Special consultations and public hearings on Bill 40, an Act mainly to reform municipal courts and to improve the justice system’s efficiency, accessibility and performance
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15 h (version non révisée)
(Quinze heures vingt-neuf minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît.
Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite encore une fois la
bienvenue.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi no 40, Loi visant notamment à réformer les cours municipales et à
améliorer l'efficacité, l'accessibilité et la performance du système de
justice.
Avant de débuter, M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par Mme Labrie (Sherbrooke).
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, cet
après-midi, nous allons entendre les organismes suivants : la ville de
Gatineau, l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense, le
Barreau du Québec, mais il nous fait plaisir de débuter cet après-midi avec les
représentants de la ville de Montréal. Alors, merci beaucoup d'être avec nous.
Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, mais, avant tout, je
vous inviterais à vous présenter individuellement ou le groupe et à débuter
votre exposé. Merci beaucoup d'être avec nous.
M. Rabouin (Luc) : Merci.
Donc, je suis Luc Rabouin, je suis le président du comité exécutif de la ville
de Montréal. Je suis accompagné avec... de maître Patrice Gay, qui est avocat
en chef, et maître Denis Gallant, qui est notre directeur des poursuites
pénales et criminelles à la ville de Montréal.
Donc, bien évidemment, on est heureux de
prendre part aux présentes consultations entourant le dépôt du projet de loi no
40, un projet de loi qui jette les bases d'une réorganisation importante de l'administration
de la justice à l'échelle municipale et témoigne d'une volonté affirmée du
gouvernement de moderniser l'application du cadre réglementaire municipal.
Parmi les mesures que je mentionnerai dans mon allocution, l'introduction d'un
régime de sanctions administratives pécuniaires répond à une demande historique
de la métropole et permettra une meilleure utilisation des ressources et
surtout un meilleur service aux citoyens et aux citoyennes. Le projet de loi
contient également de nombreuses mesures qui permettront assurément d'améliorer
l'accès à la justice. Il présente une réorganisation équilibrée et bien
structurée. Je tenterai d'utiliser cette tribune pour partager certaines
recommandations qui permettraient, selon nous, de bonifier le projet.
• (15 h 30) •
Avant toute chose, il importe de camper le
contexte unique dans lequel évolue la Cour municipale de Montréal. Ce tribunal
offre des services judiciaires en matière civile, criminelle et pénale sur l'ensemble
du territoire de l'agglomération. Elle juge les infractions constatées dans l'ensemble
des 19 arrondissements de la ville de Montréal, ainsi que dans toute
municipalité reconstituée située sur le territoire de l'agglomération. Ce sont
31 juges qui y siègent à temps plein et de façon exclusive.
15 h 30 (version non révisée)
M. Rabouin (Luc) : ...la
juridiction pénale de la Cour municipale de Montréal s'étend à l'ensemble de la
réglementation municipale, ainsi qu'à certaines infractions à des lois
provinciales, dont celles résultant d'une contravention, ou au Code de la sécurité
routière, en matière d'environnement, de transport rémunéré ou de salubrité des
aliments. Ces causes de nature pénale représentent près de 500 000 dossiers
traités annuellement. La cour traite également plus de 8000 dossiers
criminels intentés par voie de procédure sommaire visant des infractions
diverses. Depuis les 40 dernières années, la Cour municipale de Montréal a
implanté plusieurs programmes spécifiques pour aider les personnes victimes et
accusées à naviguer à travers les complexités du processus judiciaire. On pense
aux personnes aînées, aux personnes aux prises avec des problèmes de santé
mentale, aux personnes en situation d'itinérance, aux personnes autochtones.
Toutes ces populations et bien d'autres bénéficient de ces programmes spécifiques
à Montréal. Certains de ces programmes ont d'ailleurs pour objectif de
permettre des solutions de rechange à l'incarcération ou aux sanctions
financières pour ne pas pénaliser l'avenir des personnes accusées et ils visent
aussi à responsabiliser les individus concernés et à réduire les récidives.
La ville est satisfaite de constater que
sa réalité particulière est reconnue et qu'elle pourra, compte tenu de sa
spécificité unique et du volume de dossiers traités, continuer d'opérer dans
une seule région de coordination. La ville voit également positivement la
structure proposée qui comprend un juge municipal en chef et implique la
nomination d'un juge coordonnateur et un juge coordonnateur adjoint pour la
région de Montréal.
L'opérationnalisation de la réorganisation
proposée soulève toutefois quelques questions et défis. La ville est notamment
préoccupée par les incidences financières du projet, particulièrement en regard
de la répartition à venir du partage des coûts entre les municipalités.
Le ministère de la Justice affectera
dorénavant le personnel au bureau de juge municipal. À l'heure actuelle, la
cour municipale emploie 31 juges et quelques employés permanents issus de
différentes affectations... affiliations syndicales. La ville souhaite obtenir
des précisions sur le fait d'affecter les ressources, ce qui est utilisé dans
le projet de loi, et connaître les implications de cette réorganisation sur les
ressources humaines et matérielles, là, de notre cour municipale.
Dans le même ordre d'idée, et à titre de
première cour municipale au Québec et responsable d'une région de coordination,
la ville de Montréal demande notamment de réinstaurer son droit de fournir ses
observations au comité de rémunération des juges, sous sa responsabilité. À l'heure
actuelle, afin de répondre adéquatement aux enjeux propres à la métropole et
ainsi s'assurer d'une justice de proximité accessible aux citoyens et
justiciables, la cour municipale peut adopter à la majorité de ses juges un
règlement uniquement applicable à sa cour. L'article 40 du présent projet
de loi introduit une modification qui aurait pour effet de nécessiter l'accord
majoritaire de tous les juges municipaux du Québec pour modifier les règles qui
seront propres à Montréal. Les impacts d'une telle mesure sont préoccupants et
la ville invite le gouvernement du Québec à reconsidérer la portée de l'article
afin d'adapter la situation à la réalité propre à chaque région de
coordination.
D'autre part, bien que la ville
reconnaisse l'importance des directives du DPCP, elle juge hautement
souhaitable de reconnaître le statut particulier du directeur des poursuites
pénales et criminelles de la ville de Montréal et de lui confier cette tâche au
sein de sa propre direction. Dans la perspective d'une utilisation plus
judicieuse des ressources et pour favoriser un traitement efficace de la
justice, la ville de Montréal invite donc le gouvernement du Québec à limiter
la portée de l'article 50 qui, dans sa mouture actuelle, laisse présager
une certaine lourdeur en matière de reddition de comptes.
Dans un autre ordre d'idée, la ville tient
à réitérer son entière satisfaction à l'égard de l'implantation d'un régime de
sanctions administratives pécuniaires sur son territoire et invite le
gouvernement du Québec à procéder très rapidement à l'adoption du règlement
afférent. C'est une évidence que ce nouveau mode de traitement des sanctions
permettra d'offrir un meilleur service à la population. Il a fait ses preuves
dans de nombreuses autres juridictions canadiennes.
Un bénéfice tangible de ce nouveau système
sera d'alléger considérablement le nombre de dossiers traités, tant par le
personnel de la cour municipale que par ses juges de paix fonctionnaires et par
la magistrature. Chaque année, plus de 1,4 million de constats de
stationnement et d'infractions connexes sont délivrés sur le territoire de la
ville de Montréal. De ce nombre, près du quart sont contestés ou encore font l'objet
d'un jugement par défaut. En 2002... en 2022, pardon, seulement plus de 52 000 dossiers
ont été portés au rôle de la cour municipale et plus de 200 000 jugements
par défaut ont été rendus par des juges de paix fonctionnaires. La ville de
Montréal estime que le régime proposé améliorera grandement l'accès à la
justice pour les citoyens, puisque...
M. Rabouin (Luc) : ...ces
derniers n'auront plus à consacrer des journées de présence en cour municipale
pour contester une contravention. Les régimes de sanctions administratives
pécuniaires sont déjà bien établis dans plusieurs lois au Québec, et
l'expérience du gouvernement dans ces matières sera mise à contribution lors de
l'adoption du règlement établissant un tel régime dans les municipalités du
Québec.
Toutefois, la ville souhaite maintenir sa
capacité actuelle de recouvrement eu égard aux manquements relatifs au
stationnement et demande l'implantation d'un système similaire à celui prévu à
la Loi concernant les partenariats en matière d'infrastructures de transport en
ce qui concerne le partage d'informations avec la Société de l'assurance
automobile du Québec relativement aux véhicules visés par une infraction. Une
telle pratique sera tributaire du succès de l'implantation du régime de
sanctions administratives pécuniaires à Montréal. À titre de comparaison, les
juridictions canadiennes qui ont développé des régimes de sanctions
administratives ont conservé cette possibilité.
En conclusion, il me fait plaisir de
réitérer l'accueil favorable de la métropole au projet de loi n° 40,
lequel contient des mesures importantes qui viennent moderniser les processus
d'administration de la justice dans l'appareil municipal. L'introduction d'un
régime de sanctions administratives pécuniaires représente une avancée
significative et répond à une demande historique de la ville de Montréal. Elle
permettra d'alléger le processus de traitement de nombreuses infractions au
bénéfice partagé de l'administration municipale et des citoyens. Je vous
remercie pour votre attention.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. Rabouin.
Alors, je cède la parole au ministre pour une période... du côté gouvernemental
de 16 minutes 30 secondes, s'il vous plaît. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, M. le Président. M. Luc Rabouin, président du Comité exécutif de la
ville de Montréal, Me Patrice Guay, directeur du service des Affaires
juridiques, Denis Gallant, directeur des poursuites pénales et criminelles à la
ville de Montréal, bonjour. Merci d'être présents avec nous à la Commission des
institutions.
D'entrée de jeu, je tiens à vous
féliciter... la Ville de Montréal pour votre cour municipale. C'est une cour
municipale qui... vous l'avez bien dit, M. Rabouin, qui a des programmes
particuliers qui ont été développés, et que notamment on s'est inspiré du programme
Côté Cour pour développer le tribunal spécialisé, et il y a des programmes en
matière de santé mentale aussi. Et vous avez somme toute des délais qui sont...
qui sont plus acceptables que nous avons au niveau des tribunaux, notamment au
Palais de justice de Montréal. Alors, je sais que c'est une justice de
proximité puis je sais à quel point... pour les élus de la ville de Montréal, à
quel point c'est important d'offrir des services aux Montréalais, aux
Montréalaises et d'avoir des services de proximité, puis je pense que votre
cour municipale y contribue.
J'aimerais ça qu'on aborde la question des
sanctions administratives pécuniaires. Donc, dans le cadre des échanges que
nous avons eus avec l'administration, ça va permettre quand même de libérer
environ 5 à 6 juges de la Cour municipale de Montréal, on parle de
4 millions d'économies, et surtout, c'est environ 72 % des dossiers,
si je comprends bien, qui procédaient des infractions de responsabilité absolue
de stationnement, des constats d'infractions, des «tickets» en bon québécois,
comme on dit. Donc, ça va permettre de dégager du temps à la Cour municipale de
Montréal.
M. Guay (Patrice F.) : Bonjour,
M. le ministre. Bonjour, M. le Président. Oui, effectivement, c'est notre
compréhension qu'un des bénéfices clairs de l'établissement de régime de
sanctions administratives pécuniaires à Montréal sera de nous permettre de
libérer du temps d'audience, c'est-à-dire de réduire le nombre de dossiers qui
auront à passer devant... sous l'attention des juges et aussi notre personnel,
à savoir les juges de paix fonctionnaires.
Cela étant dit, évidemment, nous avons
l'ambition d'améliorer encore plus les délais. Il faut voir que la justice de
proximité implique une capacité d'agir rapidement au bénéfice d'une situation
qui est souvent très frustrante pour les citoyens. Lorsqu'on pense notamment à
l'ensemble de l'application du cadre réglementaire que nous devons faire vivre
et que nous pouvons faire vivre qu'à la Cour municipale de Montréal,
c'est-à-dire l'ensemble des règlements adoptés par l'une et l'autre des villes
liées ainsi que les arrondissements et les divers services centraux. Nos délais
sont bons, effectivement, je crois qu'il faut en être fier. Je souligne
d'ailleurs le travail de la magistrature à la Cour municipale de Montréal et
l'ensemble des procureurs qui, dans les dernières années, ont vraiment mis des
bouchées doubles pour nous permettre d'avoir les délais qui font l'envie de
d'autres juridictions, selon ce que je comprends.
• (15 h 40) •
Mais donc, là où j'en suis, c'est bel et
bien que, oui, M. le ministre, l'avènement de la... des sanctions
administratives aura comme impact de libérer des salles d'audience, du moins
selon la volumétrie actuelle et les priorisations actuelles. C'est notre ambition
évidemment d'améliorer en ce qui a trait à l'ensemble des autres règlements qui
eux continueront à vivre dans le cadre du traitement actuel des dossiers
judiciarisés. Je pourrais vous nommer différents cas de figure, que ce soit en
hygiène, en construction, en... dans les dossiers en matière d'urbanisme, qui
requièrent l'attention de la cour et qui impliquent que l'on puisse obtenir des
remèdes par l'application...
M. Guay (Patrice F.) : ...dans
un cadre réglementaire. C'est un mandat très, très ferme de l'actuelle
administration et de la direction générale de la ville de Montréal de voir à ce
qu'on soit plus agile au niveau de l'application de notre cadre réglementaire.
Mais, oui, donc je résume, effectivement les quelques... nous aurons à terme,
et c'est notre espoir, de pouvoir réduire le nombre de dossiers actuels, ce qui
libèrera une certaine capacité.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une question. Certains ont dit : Écoutez, on aurait été mieux de faire une
quatrième chambre à la Cour du Québec, et donc de fermer les cours municipales.
Pourquoi c'est important pour la ville de Montréal de conserver sa cour
municipale?
M. Guay (Patrice F.) : La
cour municipale de Montréal, c'est l'ADN de la métropole. Elle existe depuis
près de 172 ans, je massacre sûrement les chiffres, mais elle existe
depuis le XIXᵉ siècle et elle a... elle fait partie de l'histoire même de notre
grande ville. Il serait absolument dommage qu'on perde la capacité d'avoir une
cour proche, efficace, capable de refléter l'identité de notre métropole. Il va
sans dire que nos juges, au quotidien, sont absolument indépendants dans la
réalisation de leurs tâches et dans l'exécution des travaux qu'ils ont à faire.
La proximité n'a évidemment aucun lien avec la capacité de pouvoir influencer
le processus. Là où j'en suis, c'est bel et bien l'opportunité que nous avons
par la cour de définir nos besoins en ce qui a trait à la... en ce qui a trait
à la nature des dossiers que l'on doit prioriser. Et cette proximité là, pour
nous, est importante.
M. Rabouin (Luc) : Peut-être,
j'ajouterais en disant que la cour municipale de Montréal est quand même
performante. Elle fonctionne bien puis elle a démontré sa capacité d'innover,
de s'ajuster aux besoins, à la réalité réelle. Vous l'avez nommé, précédemment,
merci d'avoir souligné les innovations qui ont été faites dans les différents
programmes pour s'adapter aux types de clientèles. Donc, ça, je pense que c'est
quand même un facteur qui justifie de maintenir une cour de proximité.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends très bien. Merci, M. Rabouin. Peut-être une question sur ce que vous
venez de dire, vous et Me Guay. Vous avez dit : La cour municipale est une
cour qui est performante. Me Guay a dit : On a une cour municipale qui doit
répondre aux besoins des Montréalais, Montréalaises. Comme administrateurs
publics, là, comment vous voyez ça, la gestion de la cour municipale? Bien
entendu, il y a l'indépendance judiciaire, la fixation des rôles, le fait que
les juges sont à l'abri de toute influence.
Cependant, une cour municipale, c'est
également un service de... un service public. Il y a un service de proximité
également pour les citoyens. Là, vous nous dites, Me Guay, qu'il y a d'autres
types d'infractions qui vont pouvoir être traitées parce qu'on sort les
dossiers de stationnement. Je comprends que l'objectif, notamment pour des
décideurs publics comme vous, c'est de faire en sorte que le service aux
justiciables soit accessible, efficace et que ça puisse bien fonctionner. Vous
avez ce souci-là. Parce que, dans le projet de loi, je vous amène... pourquoi
je vous pose la question. Dans le projet de loi, on a dit que le juge municipal
en chef est chargé de répondre aux besoins des municipalités et surtout de
s'assurer de la performance également. Ce n'est pas confié à l'administration,
c'est confié au juge municipal en chef. Est-ce que vous voyez une problématique
avec ça, avec les objectifs des services que vous voulez offrir aux citoyens?
M. Rabouin (Luc) : Bien, je
pense que c'est tout à fait compatible. C'est nécessaire qu'on garde
l'indépendance de la justice, mais en même temps, on veut s'assurer d'avoir des
organisations performantes, il y a des comptes à rendre sur les activités et la
performance. Nous, par rapport au juge en chef, on a déjà un directeur des
poursuites pénales et criminelles qui joue un rôle vraiment important. Donc, je
pense que c'est la bonne personne qui est en mesure de fournir la reddition de
comptes nécessaire.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous
êtes d'accord avec le fait qu'on mette une région de coordination juste pour la
région de Montréal? Parce que vous avez déjà un juge président, un juge
président adjoint, désormais, il deviendrait, par le projet de loi,
coordonnateur et coordonnateur adjoint. Ça, vous êtes à l'aise là-dessus qu'il
y ait une spécificité pour Montréal?
M. Rabouin (Luc) : Tout à
fait. D'ailleurs, on apprécie cette reconnaissance-là. Je pense que c'est
nécessaire à la fois pour la spécificité de la région, le nombre de personnes,
mais surtout le volume des demandes, là. Je pense que ça justifie d'avoir une
région spécifique pour Montréal.
M. Jolin-Barrette : Excellement.
M. Rabouin (Luc) : Et surtout
la possibilité d'adapter par rapport aux différentes réalités, comme j'ai nommé
précédemment, personne en situation d'itinérance, etc., là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues.
L'Association des greffiers est venue la semaine dernière et nous a dit :
Écoutez, nous, ce qu'on souhaiterait, c'est que ce soient des juges de paix
fonctionnaires qui puissent évaluer certains types d'infractions. Nous, dans le
modèle des SAP, ce qu'on a fait, c'est que...
M. Jolin-Barrette : ...c'est
un réviseur administratif, supposons, à la ville de Montréal, qui viendrait,
et, par la suite, un décideur administratif. Qu'est-ce que vous pensez, là, du
fait que ça soit des juges de paix fonctionnaires?
M. Guay (Patrice F.) : Si je
peux me permettre, M. le ministre, la question est excellente. Un régime de
sanctions administratives a comme prémisse qu'il ne faut bel et bien pas
mélanger les genres. C'est-à-dire que le système peut fonctionner uniquement
dans la mesure où on isole chacune des étapes du processus généralement suivi
par le processus pénal. L'expérience ontarienne a bien démontré que le gain
d'efficacité, en ayant un système de sanctions administratives complètement
indépendant de l'instance judiciaire, il est réel, il est palpable, et je pense
qu'on est dans la cohérence ici.
J'ai eu vent, effectivement qu'il a été
proposé que l'agent, un des agents réviseurs, peut-être le dernier niveau, soit
un membre du personnel du périmètre de la cour municipale, notamment par la
personne de juge de paix fonctionnaire. Quant à nous, à Montréal, une telle
avenue serait perçue comme étant littéralement, et je pèse mes mots, je vais me
contenter de dire un échec du projet, puisqu'il faut bel et bien respecter le
caractère tout à fait séparé et administratif du processus.
C'est mon propos que nous sommes
parfaitement capables de créer, à l'instar de ce qui a été fait dans la grande
ville de Toronto depuis 2007, un régime qui va mieux répondre aux besoins des
citoyens, auquel... le citoyen va avoir accès directement à un agent réviseur
et un citoyen va pouvoir bénéficier de toutes les technologies disponibles pour
que ce soit le plus simple possible.
La réforme, avant tout, va bénéficier au
citoyen qui croit être à avoir quelque chose à dire à l'encontre de l'avis
d'infraction, qui maintenant va s'appeler une sanction administrative, qui lui
aura été... qui lui a été donné. Donc, je pense qu'il est bien important
d'assurer, et je crois que votre projet de loi le protège bien, protège bien et
campe de façon très efficace, à nos yeux, cette distinction qu'on doit avoir
entre le processus pénal et le processus administratif. Avoir un agent qui, au
dernier échelon, serait un membre du périmètre judiciaire ferait en sorte que
le système, à mon humble avis, ne pourrait pas fonctionner de façon aussi
efficace. Et là ce serait, en quelque sorte... je qualifierais le tout...
peut-être un échec de la réforme que l'on recherche depuis de nombreuses années
à Montréal.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Je vous remercie grandement pour votre présence en commission parlementaire
puis je vais céder la parole à mes collègues.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
Mme la députée d'Anjou-Louis-Riel, pour 5 min 30 s, s'il vous plaît.
Mme Boivin Roy : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, M. Rabouin, M. Guay, M. Gallant, c'est un
plaisir de vous retrouver. Dans votre présentation, vous avez salué le régime
de SAP que nous souhaitons mettre en place. En fait, même, dans votre
recommandation 5, vous dites : «La ville de Montréal demande au
gouvernement du Québec de procéder rapidement à l'adoption du règlement
établissant un régime de SAP, et ce, afin que la ville puisse s'engager
rapidement dans la mise en place d'un tel régime sur son territoire. Alors,
est-ce que vous pouvez nous en dire davantage sur les avantages que vous voyez
à mettre en place ce régime-là, pour la Cour municipale de Montréal mais
également pour les citoyens et citoyennes?
M. Guay (Patrice F.) : Oui,
bien, merci, Mme la députée, pour votre question. Écoutez, il est... à nos
yeux, il est clair qu'un système de sanctions administratives va avant tout
bénéficier au citoyen, qui va pouvoir avoir un résultat beaucoup plus rapide
que dans le processus pénal actuel. M. le ministre l'a dit, nos délais sont
très bons à la cour municipale, mais il reste qu'encore trop souvent, en
fonction de différents phénomènes pour lesquels... qui va bien au-delà de la
volonté claire de la magistrature d'abattre du boulot à bon rythme, il peut arriver
effectivement qu'on ait des délais d'audition qui peuvent osciller entre 12
mois et 14 mois, pour un constat d'infraction en matière de stationnement.
Donc, je me projette dans la peau du citoyen qui a à attendre aussi longtemps
pour pouvoir donner une explication en regard des motifs de contestation de son
constat, souvent, ça en décourage plusieurs. Plusieurs peuvent... disent, puis
il y a un adage, en anglais, qui dit : «Justice delay, justice denies»,
c'est tout à fait le cas lorsqu'un citoyen qui reçoit un constat veut faire
valoir les raisons pour lesquelles il n'est pas... il est contre le fait qu'on
veuille le sanctionner.
• (15 h 50) •
Le régime de sanctions pécuniaires a
l'immense avantage de pouvoir rapidement amener le dossier sous les yeux d'un
agent réviseur, du moins, si on s'inspire du modèle ontarien, qui, très
rapidement, va voir si le cas de figure rapporté correspond ou pas à un des cas
de figure pour lesquels il faut arrêter les procédures. Un exemple évident,
c'est le fait d'avoir payé à une borne pour un stationnement tarifé et d'avoir
payé le mauvais espace. Au lieu d'avoir entré sur votre téléphone l'espace
A-312, vous avez rentré l'espace A-311, vous avez payé le 311 et,
malheureusement, vous étiez à l'espace 312. C'est un cas de figure que...
M. Guay (Patrice F.) : ...de
toute évidence, une fois qu'il y aura une coordination faite entre
l'immatriculation et le moment de l'infraction et le paiement, on ne veut pas
continuer la procédure, il faut l'arrêter. Est-ce qu'on a à attendre 14 mois
pour aller voir un juge pour dire ça? Mais aucun ne pourrait dire que,
techniquement, la poursuite pourrait déjà prendre la décision de le retirer. Il
fut un temps, lorsque la volumétrie le permettait, qu'effectivement nos
poursuivants faisaient une analyse des différents retours de la part des
citoyens, mais nous ne sommes plus là. La volumétrie actuellement à Montréal ne
nous permet pas d'avoir cette agilité-là. Donc, c'est vraiment axé vers le
citoyen, l'efficacité et la souplesse. Les lois en matière pénale, et j'ai en
tête le code de procédure pénale, ne permettent pas certains échanges de
manière technologique pour notamment pouvoir régler un élément de la preuve. Le
fait d'avoir une sanction administrative, un régime beaucoup plus souple nous
permettra d'introduire des technologies qui seront beaucoup plus XXIᵉ siècle
que ce que nous avons actuellement.
Donc, quant à moi, l'idée est bel et bien
d'avoir un système plus rapide, plus efficace, plus équitable dans lequel le
citoyen va pouvoir avoir un interlocuteur qui va pouvoir rapidement disposer le
dossier. Il va sans dire qu'un tel système va requérir quand même un
déploiement de la part de la ville en ce qui a trait à la... à un service qui
va être capable d'absorber tout. Nos projections actuelles sont à l'effet que,
dans un horizon d'une année, nous serons certainement capables d'avoir une
bonne idée de la volumétrie. Et on a franchement bon espoir qu'il ne risque pas
à y avoir vraiment plus de contestations, mais ça va être beaucoup plus facile
pour les citoyens. Donc, nous avons une opportunité ici de changer de siècle en
ce qui a trait à la façon de donner un suivi aux décisions des villes, d'avoir
à tarifer des espaces de rues, d'avoir à établir certaines bases réglementaires
pour... au bénéfice des citoyens.
Et je pense que la cour municipale et le
processus pénal n'est pas le bon processus pour pouvoir traiter une très, très
grande quantité d'infractions qu'on devrait plutôt traiter de façon
administrative. L'Assemblée nationale a voté plusieurs lois dans lesquelles on
retrouve des régimes de sanctions administratives pécuniaires, et je sais que
plusieurs administrateurs publics disent qu'ils ne reviendraient pas en
arrière, que les bénéfices sont clairs en ce qui a trait à la souplesse
apportée par les sanctions. J'ai eu le bénéfice de parler à mon homologue à la
ville de Toronto, qui me disait que toute son organisation ne pouvait pas
imaginer un retour en arrière avec un processus pénal pour la tarification de
rue et que, pour eux, c'était clairement un gain d'efficacité. Et je sais que
plusieurs autres villes canadiennes sont exactement à la même place.
Ce que nous demandons, Montréal, c'est
d'avoir le bénéfice de cette même avancée et de pouvoir nous concentrer en ce
qui a trait aux activités judiciaires, aux véritables enjeux qui méritent le
temps d'un juge.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, pour 8 minutes 35 secondes, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Alors, bonjour, M. Rabouin, Me Gallant, que je suis très heureux
de revoir, et Me Guay également. Merci beaucoup pour votre mémoire. J'ai
quelques questions pour vous. On a parlé beaucoup des sanctions
administratives. Le projet de loi dit que c'est par règlement que le
gouvernement va pouvoir mettre en place un tel régime. Il s'agit, je pense, en
fait, d'une transformation de fond. Serait-il préférable d'inclure, à tout le
moins, le régime dans la loi? Et après ça, voir aux modalités d'application par
règlement? Parce que, si tout est créé par règlement, bien, évidemment, on n'a
pas le bénéfice d'en débattre dans le cadre des travaux des travaux de
l'Assemblée nationale.
M. Guay (Patrice F.) : Bonjour,
M. le député. Effectivement, un grand plaisir de vous revoir. Écoutez, il faut
voir que... Ce que je comprends, c'est que le projet de loi n° 40 ressemble
vraiment beaucoup à l'amendement qui avait été apporté à la Loi sur les
municipalités en 2001 en Ontario, lequel, justement, déférait au gouvernement
le pouvoir d'adopter par règlement le cadre plus précis de fonctionnement.
Évidemment que nous serons au rendez-vous pour pouvoir discuter avec qui voudra
bien discuter avec nous du contenu d'un éventuel règlement. Mais donc ce que je
comprends, c'est que le modèle proposé ici, au projet de loi n° 40, ressemble
non pas en tous points, mais sur l'élément de la référence à un règlement sur
les pénalités administratives. C'est effectivement la façon dont la législature
ontarienne avait instauré le régime dans sa juridiction.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Avez-vous une idée de l'impact financier de la réforme pour la ville?
M. Guay (Patrice F.) : Nous
avons fait une...
M. Guay (Patrice F.) : ...en
ce qui a trait aux économies que nous croyons crédibles et réalistes, nous
pensons que la ville de Montréal va pouvoir faire vivre le régime de sanctions
administratives avec approximativement 30 % des coûts actuellement engagés
pour faire les mêmes activités. Un gain, évidemment, clair, outre les enjeux
que nous avons évoqués tout à l'heure de gains et d'efficacité pour d'autres
types de dossiers, un gain clair est de voir à ce que tout le processus de
jugement par défaut par nos juges de paix fonctionnaires n'auront plus à
être... n'auront plus à être effectués, ce qui, pour nous, représente un gain
vraiment important.
Vous savez, j'ai... je suis responsable
administrativement du périmètre du greffe de la Cour municipale de Montréal et
je rencontre périodiquement la greffière en chef de la cour municipale, et un
des premiers sujets qu'on a, c'est le fait qu'on a de la difficulté à suivre la
cadence en ce qui a trait au nombre de jugements rendus par les juges de paix
fonctionnaires. Bon an, mal an, il faut rendre plus de
200 000 jugements, c'est-à-dire que nous avons un greffier de la cour
qui, lorsqu'il ne siège pas comme greffier de la cour, doit trouver du temps
pour s'asseoir derrière un ordinateur et voir à réviser à la pièce les trois
documents qu'il doit réviser pour, au final, rendre un jugement. L'image que
j'ai, c'est qu'il fait : Clic, clic, clic, un jugement est rendu, et vous
avez cette séquence-là d'événements plus de 200 000 fois par année à
la ville.
Actuellement, nous sommes en retard. Il y
a une pénurie importante au niveau des greffiers-audienciers. On sait que le
ministère de la Justice à de la difficulté à recruter. Nous avons également de
la difficulté à recruter. Je pense qu'il faut... Évidemment, on pense au temps
d'audience, on pense aux procureurs, on pense aux juges, mais aussi le
personnel de la cour va vraiment être soulagé de travaux à être faits.
Donc, je parle peut-être trop longtemps,
mais retenons donc que c'est une économie significative et que l'évaluation des
coûts qu'on a faite, c'est moins de 25 % des coûts actuels pour le même
résultat, avec beaucoup plus d'accessibilité pour le citoyen.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. J'ai une question pour Me Gallant maintenant. Bonjour, Me Gallant. Je
comprends que, dans le mémoire, vous soulignez que vous souhaitez garder le
régime de poursuivants de la cour municipale parce que, dans le projet de loi,
ce serait le directeur des poursuites... criminelles et pénales du Québec qui
chapeauterait tout ça. Il y aurait donc une exception, si j'ai bien compris,
pour la cour municipale de Montréal. Est-ce que ce serait la même chose pour
les cours de Laval et de Québec, qui sont trois cours municipales importantes,
qui ont un gros volume et qui ont une compétence étendue, notamment en vertu du
Code criminel?
M. Gallant (Denis) : M. le
député, je veux juste revenir, c'est-à-dire que les... le statut de
poursuivants qu'on a en matière criminelle, on l'a par entente, on l'a par
entente, donc des ententes administratives. Celle de Montréal date de 2005,
dans laquelle... une série d'infractions qui sont poursuivies en vertu de la
partie 27 du Code criminel. Alors, nous sommes les poursuivants, capacités
affaiblies, violence conjugale, tous ces... tous les... tous les dossiers, je
vous dirais, là, qui sont... une panoplie de dossiers. C'est un peu
l'équivalent à Québec et à Montréal. Par contre, Montréal a sa spécificité
parce qu'on a une entente parallèle en matière... pour la violence conjugale,
ce que les autres cours municipales n'ont pas.
Nous sommes, comme poursuivants
municipaux... nous sommes assujettis aux directives du directeur des poursuites
criminelles et pénales en vertu de l'article 18 de la Loi sur les... sur
le directeur des poursuites criminelles et pénales, ce qui veut dire que, la
même chose que moi quand mes procureurs autorisent un dossier, ils sont liés
par la directive ACC3. Quand ils règlent un dossier, c'était un peu pareil au
fédéral puis on avait les... parce que les directives en tant que telles du
directeur, c'est le moyen d'encadrer le pouvoir discrétionnaire du poursuivant.
• (16 heures) •
Donc, on est des poursuivants à part
entière, là, puis je vais me limiter au droit criminel. Donc, on ne devient pas
des employés du DPCP. Ce qui... Ce qui nous... Ce qui nous accroche, nous, avec
l'article 50 du projet de loi, c'est qu'on vient modifier
l'article 18 et, dans le fond, on vient ajouter trois paragraphes qui
n'existent pas en ce moment. Donc, dans la... dans la mouture actuelle de
l'article 18 en tant que tel, bien évidemment, il est stipulé que le
directeur, c'est son habilitation législative, peut émettre des directives pour
encadrer le pouvoir discrétionnaire des poursuivants, ses poursuivants, des
poursuivants désignés ainsi que les procureurs agissant devant les cours
municipales, et chacune des...
16 h (version non révisée)
M. Gallant (Denis) : ...directives,
quand on les lit, qui sont... qui sont sur le site du DPCP, on le sait, si
elles sont applicables aux poursuivants municipaux ou pas. Ce qui faisait en
sorte que les directives prévoient la chose suivante, que des directives... au
niveau opérationnel, des fois, on ne peut pas les suivre. Je vous donne juste
un exemple, Montréal a des programmes sociaux, qui fait en sorte que, par
exemple, pour les multirécidivistes qui auront réussi le programme Point Final,
qui est très... je vous dirais, qui mise plutôt sur la réhabilitation puis s'assurer
qu'il n'y ait plus de criminalité, va faire en sorte qu'au bout de la ligne
ces... ne déposera pas l'avis de récidive, donc, pour obtenir une peine plus
forte en tant que tel. Les directives prévoient que, pour faire cela, ça doit
être... on doit le motiver dans notre dossier et ça prend l'autorisation du
procureur-chef.
Les directives du DPCP prévoient que, dans
les cours où est-ce qu'il y a un directeur des poursuites pénales et
criminelles... Notamment, Montréal, nous faisons office de procureur-chef, c'est...
Alors, moi, là, opérationnellement parlant, un matin à mon bureau... puis vous
avez été procureur-chef d'une région, vous le savez, vous avez été mon patron, M.
le député, alors je peux... on peut passer dans mon bureau et me demander à peu
près... de régler à peu près quatre, cinq dossiers qui pourraient être problématiques
au niveau des directives, mais, avec le bon sens puis le côté opérationnel, je
peux accepter, je peux refuser, etc. Et ça reste à la cour municipale et ça
reste dans mon ressort. Quand je lis les ajouts, et M. Rabouin en a parlé en
tant que tel, maintenant c'est : Les procureurs doivent informer le
directeur de tout défaut -- ça, c'est la nouvelle mouture — de conformité ou de
toute irrégularité dans l'application d'une directive. Quand je m'en vais dans
les définitions, le directeur, c'est le DPCP, ce n'est pas le procureur. Et ça,
je vous...
Une voix : Je comprends.
M. Gallant (Denis) : Faire
ça, opérationnellement, ça peut poser des problèmes. Et toute la reddition de
compte. Et je suis le premier à dire qu'une reddition de comptes est
importante, mais le problème, c'est que cette reddition de comptes là ne doit
pas venir à l'extrême et nous empêcher, je vous dirais. Parce que la cour
municipale de Montréal, là, en termes de volume... Au niveau juste de mes
procureurs, mon équipe, ma portée de gestion, c'est 127 personnes. J'ai 63 procureurs
qui sont sous moi, qui font du droit criminel ou du droit pénal. J'ai une cour
qui roule sept jours-semaines. Je dois être agile. Et je considère... le
danger, on allume des lumières, les ajouts qui sont apportés à l'article... par
l'article 50 à l'article 18 de la Loi sur le Directeur des poursuites
criminelles et pénales peuvent, à notre avis, poser des problèmes en termes d'efficacité...
Et c'est pour ça qu'on pense que le statu quo actuel fonctionne très bien.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député,
il reste une minute 30 secondes, question, réponse.
M. Morin : Oui. Merci, Me
Gallant. Dernière question. J'attire votre attention à l'article neuf qui va
modifier l'article 192, à la page sept du projet de loi. Et voyez-vous un
impact sur l'indépendance de la magistrature si le juge municipal en chef
chargé de la direction des cours doit répondre aux objectifs de performance et
aux besoins des municipalités et non pas de la justice ou de la cour?
Le Président (M.
Bachand) :...en moins de deux minutes, s'il
vous plaît. Merci.
M. Guay (Patrice F.) : Écoutez,
j'ai... Quant à moi, je suis confiant que la magistrature a une mission
commune, avec tout intervenant, évidemment, du monde judiciaire, que ce soit le
poursuivant, que ce soit même le justiciable lui-même. Moi, personnellement, je
ne vois pas d'enjeu à ce niveau-là, tenant pour acquis que nous avons un
rendez-vous commun d'efficacité, maintenant, de façon très, très claire,
lorsque l'on parle de gestion des instances judiciaires et de leur capacité de
bien répondre aux besoins des justiciables et des contribuables. Quant à moi,
je ne vois pas d'enjeu.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Jean-Talon, pour 2 min 12 s, question, réponse. Merci.
M. Paradis : Merci. Bonjour à
tous les trois, merci de votre présence. En fait, j'aimerais enchaîner dans la
foulée de la dernière question. Vous avez 31 juges à Montréal, et j'imagine
que vous pouvez nous vanter leur indépendance. Alors, cette question de l'article 192,
elle est soulevée dans d'autres mémoires. Donc, c'est une source d'inquiétude
sur l'indépendance de la magistrature, c'est souligné à grands traits dans d'autres
mémoires. Est-ce que vous pourriez nous parler de votre expérience, vous? De
quelle manière, donc, vous avez une coordination avec les juges qui permet de
tenir compte, donc, des impératifs de la ville tout en respectant l'indépendance
des juges de la ville de Montréal?
M. Guay (Patrice F.) : Oui,
merci pour votre question. Écoutez, la cour municipale de Montréal a... ça a
été dit, Me Gallant vient d'évoquer l'importance de l'équipe des procureurs,
nous avons 31 juges permanents. Il va sans dire que, comme poursuivant et
comme...
M. Guay (Patrice F.) : ...avocat
en chef de la ville, donc, où je suis évidemment très... très soucieux de voir
à l'application du cadre réglementaire. J'ai un procureur-chef qui, évidemment,
on ne parle pas des dossiers en matière criminelle, mais je parle surtout des
unités d'affaires de la ville qui sont des services émetteurs. Il va sans dire
que nous avons eu des préoccupations, dans les dernières années, en ce qui a
trait à notre capacité de rendre justice dans le délai. En 2016, il y a un coup
de semonce important, en juillet 2016, par l'arrêt Jordan, qui est bien connu
même de ceux qui ne portent pas intérêt aux activités judiciaires. Et cet
arrêt-là nous a tous amenés... quand je dis «tous», c'est tous les intervenants
du système de justice, ça a un rendez-vous commun de voir à mieux faire.
Nous avons beaucoup de statistiques à la
ville sur le temps d'utilisation de la cour. Nous devons fournir déjà à la juge
en chef adjointe, responsable des cours municipales, beaucoup de statistiques
annuelles et un rapport est produit. Donc, c'est mon propos qui est déjà
ambiant dans l'univers de la justice, la nécessité de donner des informations
pour qu'on puisse voir si la priorisation globale du système de justice est là,
au bon endroit. Évidemment, il ne faut pas, ce faisant, dicter la main du juge
sur sa... sur la tâche qui est sienne en toute indépendance, de voir à répartir
la priorisation des dossiers et voir à intervenir... voir à rendre justice avec
le confort qui est nécessaire pour que la justice soit bien rendue. Mais, cela
étant dit...
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci beaucoup, Me Guay.
Le temps va tellement rapidement. Donc, M. Rabouin, Me Guay, Me Gallant, merci
beaucoup d'avoir été avec nous, c'est très apprécié. Je suspends les travaux
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 08)
(Reprise à 16 h 09)
Le Président (M.
Bachand) :Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il me fait plaisir
d'accueillir les représentants de la ville de Gatineau. Merci beaucoup d'être
avec nous. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, mais
je vous invite d'abord à vous présenter. Alors, M. et Mme... mesdames, merci
beaucoup d'être avec nous.
M. Tanguay (Christian) : Merci
beaucoup, M. le Président. Donc, je me présente, Christian Tanguay. Je suis
directeur général adjoint au sein de la ville de Gatineau. Je suis accompagné
aujourd'hui de Me Annie Gaudreault, directrice des affaires juridiques; et de
Mme Chantal Havard, qui est notre responsable des relations gouvernementales.
Donc, M. le Président, M. le ministre,
Mmes et MM. les députés, merci de recevoir la Ville de Gatineau dans le cadre
de cette commission. Nous sommes heureux de vous présenter notre mémoire et
aussi de vous partager notre appréciation positive des changements qui sont
proposés. Bien que certains éléments mériteraient d'être précisés afin de
renforcer l'atteinte des objectifs visés par le projet de loi, notre mémoire
compte cinq recommandations. Toutes nos recommandations, nous l'avançons avec
humilité, sont en droite ligne avec les objectifs du projet de loi. Nous
espérons que celles-ci pourront trouver écho au sein de cette commission afin
d'améliorer, d'entretenir et de développer la confiance qui se doit d'exister
entre la justice et les justiciables. Nous sommes d'avis que l'indépendance
judiciaire peut s'accorder avec efficacité. C'est une ambition que nous
partageons et nous nous réjouissons que le projet de loi propose des solutions
qui militent vers l'atteinte de ces objectifs.
• (16 h 10) •
L'occasion nous est offerte aujourd'hui de
commenter le projet de loi, certes, mais également de vous parler de la cour
municipale de Gatineau, de sa réalité, de ses acteurs et de ses projets. La
cour municipale de Gatineau compte plus de 20 employés et exerce sa compétence
en matière civile et pénale. Chaque année, on y gère plus de 85 000 constats
d'infraction. Près de 8000 dossiers pénaux sont entendus suivant le calendrier
de la cour. Annuellement, c'est près de 465 séances qui se sont tenues. Deux
juges, dont un juge responsable, sont affectés à la cour. Tous ces chiffres
démontrent la nécessité de la justice de proximité. Ce que les chiffres ne
démontrent pas...
M. Tanguay (Christian) : ...toutefois,
c'est l'incapacité, à la Cour municipale de Gatineau de tenir des procès à tous
les jours ouvrables d'une semaine, et ce, 12 mois par année.
La cour municipale met de l'avant
différents projets visant à accroître l'accessibilité à la justice pour la
population et à optimiser la performance afin d'offrir un service de qualité.
Aussi, notre cour municipale innove en intégrant les nouvelles technologies
pour évoluer en cohérence avec les besoins des citoyens.
La cour municipale participe également à
différents projets pilotes. Il y en a un qui vise l'accompagnement social, qui
est initié par Maître Anne Thibault, avocate-coordonnatrice à la Clinique
interdisciplinaire en droit social de l'Outaouais. Tant de projets sont rendus
possibles parce que nous plaçons le citoyen au cœur de nos actions. C'est notre
raison d'être, et nous croyons que tous les intervenants du milieu judiciaire
doivent être habités par cette valeur fondatrice.
C'est dans ce contexte que la ville de
Gatineau porte un regard attentif sur le projet de loi no 40 et souhaite que
ses modalités contribuent à offrir une justice de proximité à la hauteur des
besoins et des attentes de la population gatinoise, de même que la population
de tout le Québec.
M. le Président, M. le ministre, Mmes et
MM. les députés, nous l'avons nommé d'entrée de jeu et nous le répétons :
La ville de Gatineau accueille favorablement le projet de loi et salue la
volonté qui y est affirmée d'améliorer l'efficacité, l'accessibilité et la
performance du système de justice. Parmi les changements proposés et qui auront
le plus de probabilités de livrer des résultats concrets, nous soulignons les
nouvelles compétences territoriales des juges et la création des régions de
coordination.
Il y a cependant dans le projet de loi
certains éléments qui sont source de questionnements ou de préoccupations.
Notre préoccupation la plus importante concerne l'indépendance des cours
municipales. Les cours municipales sont actuellement indépendantes et elles
doivent rester indépendantes. Ainsi, nous vous demandons de confirmer cette
indépendance par certains ajustements qui s'appuient sur les trois piliers du
principe de l'indépendance judiciaire, soit l'inamovibilité, la sécurité
financière et l'indépendance institutionnelle.
Cela... cela étant énoncé, pardon, notre
regard positif se porte sur l'article 9 du projet de loi, qui vise à accorder à
chaque juge la compétence d'exercer sur tout le territoire du Québec. Il s'agit
là d'une avancée importante qui contribuera à une meilleure efficacité du
système au profit des justiciables. Nous soulignons également l'établissement
des régions de coordination. Les juges seront maintenant regroupés dans quatre
régions. Les juges coordonnateurs veilleront à la distribution des causes, à la
fixation des séances de la cour et à l'assignation des juges. Ce changement
offrira globalement un meilleur accès à la justice à l'ensemble de la
population, sans interruption de service. C'est une amélioration importante
pour les justiciables de la ville de Gatineau.
En ce qui concerne les fonctions accordées
au juge municipal en chef, au nouvel article 192 de la Loi sur les tribunaux
judiciaires, nous vous soumettons qu'il serait opportun de référer aux besoins
de la clientèle de la cour municipale et à ceux de la cour elle-même, et non
aux besoins des municipalités. Cette nuance est importante pour confirmer
l'indépendance de la cour. Les besoins pour le nombre et le moment des séances
de la cour sont fonction des impératifs de délai. Ils visent à offrir une
justice efficace et une opportunité d'être entendu par la cour dans le moment
le plus contemporain avec l'événement qui induit cette présence à la cour.
Ainsi, la préparation du calendrier des séances et la fixation des causes
devraient être réalisées avec le greffier. Ce dernier est un officier de
justice bien au fait et il a les informations administratives pertinentes pour
gérer efficacement et avec célérité les causes à entendre.
Abordons maintenant la question de la
rémunération. Le projet de loi vise à changer le mode de rémunération des juges
de manière importante, particulièrement pour les cours municipales auxquels des
juges à la séance sont affectés, comme c'est le cas à Gatineau. Nous souhaitons
obtenir plus de précisions sur ce mode de rémunération ainsi que sur les frais
de déplacement. De plus, l'article 44 du projet de loi ajoute une
responsabilité financière aux municipalités. De fait, les sommes requises pour
assurer l'assignation et la gestion des juges, sommes qui étaient jusqu'à
maintenant assumées par le gouvernement provincial, devront maintenant être
payées par les municipalités. Ce nouveau mode de fonctionnement s'apparente à
un transfert de charges aux municipalités.
Permettez-nous maintenant d'aborder le
nouveau régime de sanctions administratives pécuniaires en matière municipale.
Selon notre compréhension, ce nouveau régime viserait notamment les
infractions...
M. Tanguay (Christian) : ...de
stationnement. Concrètement, à Gatineau, ce type d'infraction représente en
moyenne 48 % de toutes les infractions qui sont émises sur le territoire,
et le taux de contestation est marginal. Pour exemple, en 2022, les infractions
contestées en matière de stationnement ne représentent que 840 dossiers
répartis sur une vingtaine de séances, sur un total de près de
465 séances. C'est environ 5 % des activités.
Le taux de perception des amendes pour les
infractions de stationnement est très élevé grâce au levier prévu au Code de
procédure pénale qui permet aux percepteurs d'émettre un avis à la SAAQ
suspendant certains droits du conducteur, dont la suspension du permis de
conduire. Lorsqu'un défendeur ne paie pas les montants dus en vertu du constat
d'infraction en matière de circulation et... de circulation et en matière de
stationnement, ça nous offre un levier qui est indiscutable. Or, il semble que
la nouvelle loi fera en sorte que de créer un nouveau régime pour ce type
d'infractions avec du personnel différent pour entendre les contestations et
pour gérer la perception des sanctions administratives. En basculant la gestion
de ce type de créance dans le domaine du droit civil, les leviers utiles du
Code de procédure pénale ne seraient plus accessibles.
Ne vous soumettons que, si l'objectif de
cette loi est de soustraire le juge municipal de la gestion de ce type de
dossier devant la cour, il pourrait être opportun d'évaluer la possibilité de
référer cette fonction au juge de paix fonctionnaire qui évolue déjà dans les
cours municipales. Il serait également intéressant de penser à un mode
intégrant les nouvelles technologies pour la mise en place de ce nouveau mode
de fonctionnement.
Il nous semble que, dans un souci de
cohérence ou d'uniformité, la justice municipale devrait être exercée de la
même manière sur tout le territoire québécois, indépendamment de la cour devant
laquelle se trouvent le citoyen ou la citoyenne. Ce n'est pas ce que le projet
de loi nous propose, et la ville de Gatineau est disponible afin d'être
partenaire des réflexions complémentaires sur la mise en place de ce nouveau
mode de gestion des infractions.
Nous vous remercions pour votre attention
et votre intérêt à l'égard du mémoire de la ville de Gatineau et nous sommes
disponibles maintenant pour répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. Tanguay.
Alors, M. le ministre, pour une période de 16 min 30 s, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Tanguay, maître Gaudreault, Mme Havard,
merci d'être avec nous aujourd'hui à la commission parlementaire pour le projet
de loi n° 40.
D'entrée de jeu, j'aimerais ça, M. Tanguay
et vos collaboratrices, là, que vous nous parliez... comment ça se passe, à
Gatineau, votre cour municipale? Est-ce que... Tantôt, vous avez dit :
Nous, on a deux juges, un juge responsable. C'est le cas lorsqu'il y a plus
qu'un juge qui est affecté à une cour municipale. Comment ça fonctionne? Ça
ressemble à quoi, votre calendrier de séances? Parce que vous avez dit tout à
l'heure : On ne peut pas siéger cinq jours semaine.
M. Tanguay (Christian) : Absolument,
M. le ministre. Et, si vous permettez, je vais laisser Me Gaudreault, qui a une
connaissance beaucoup plus fine et qui est dotée d'une expérience fort variée
en matière de droit... cour municipale, parce qu'elle a eu l'occasion de
piloter les destinées de différentes cours, dont la Cour municipale de Québec
et la Cour municipale de Lévis. Donc, son expérience nous est assurément fort
utile. Donc, maître Gaudreault, si vous permettez.
Mme Gaudreault (Annie) : En
fait, le calendrier qui existe actuellement fait en sorte qu'il y a
14 semaines pendant lesquelles on ne siège pas, la cour ne siège pas et,
pour le citoyen, il y a donc une impossibilité d'avoir une audience pendant ces
semaines-là.
M. Jolin-Barrette : ...semaines,
qu'est-ce que vous voulez dire, pendant... parce qu'il y a 52 semaines
dans une année. Ça veut dire, il n'y a pas de cour municipale à Lévis pendant
14 semaines?
Mme Gaudreault (Annie) : À
Gatineau.
M. Jolin-Barrette : À
Gatineau, à Gatineau, excusez-moi, parce que je sais que vous venez de Lévis,
puis M. Tanguay aussi, donc...
Mme Gaudreault (Annie) : Oui,
effectivement. Il y a trois mois, pendant la période d'été, où la cour ne siège
pas, et quelques autres journées dans la semaine. Le calendrier est concentré
sur les lundis, mardis et mercredis.
• (16 h 20) •
M. Jolin-Barrette : O.K.
Donc, avec le projet de loi...
M. Tanguay (Christian) : ...si
je peux...
M. Jolin-Barrette : ...ça va
pouvoir être corrigé, ça.
Mme Gaudreault (Annie) : Tout
à fait.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et
tout à l'heure, vous avez parlé, là... Mais excusez-moi, M. Tanguay, vous
vouliez ajouter quelque chose?
M. Tanguay (Christian) : Non,
c'est en complément, M. le ministre, si vous permettez. C'est la raison pour
laquelle nous sommes très positifs dans notre représentation, aujourd'hui, que
nous supportons grandement les avancées qui seront possibles grâce aux
propositions qui sont soumises dans le projet de loi.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, je vous pose la question parce que, tout à l'heure, vous avez dit :
Peut-être qu'à l'article 192, il y a un certain enjeu avec le fait de
répondre aux besoins des municipalités. Vous, vous dites : Bon, bien, il
faut répondre aux besoins des cours municipales. Et, je pense, vous
dites : Des justiciables ou des citoyens. Donc, je comprends que vous
souhaiteriez qu'on rajoute également les citoyens...
M. Jolin-Barrette : ...pour
la ville parce que, vous savez, bon, la cour municipale, on ne remet pas ça en
cause une entité qui est indépendante, les juges municipaux sont indépendants.
Mais par contre, comme administration publique aussi, la ville de Gatineau, en
tant que service public, doit s'attendre à ce que les besoins de la
municipalité ainsi que les citoyens, c'est les deux côtés parce que la ville,
bon, elle est poursuivante, mais que ça soit une cour efficace, que soit une
cour qui roule, j'imagine qu'administrativement, ça ne fait pas votre affaire
que, 14 semaines par année, la cour ne siège pas.
M. Tanguay (Christian) : Ça
ne fait pas notre affaire administrativement, M. le ministre, parce que ça ne
répond pas nécessairement aux besoins du citoyen. Notre notre angle d'analyse
est vraiment orienté sur le besoin de nos citoyens. Le citoyen souhaite avoir
un service en continu, soit avoir une disponibilité à des séances de façon...
sur un horaire qui est varié, étendu aussi.
Donc, la municipalité, dans le cadre de
ses opérations, oui, elle émet des constats d'infraction et fait confiance au
système de justice pour pouvoir les gérer de façon efficace. Notre besoin, il
est vraiment tourné vers le citoyen qui, pendant une certaine période qui peut
être plus ou moins longue, est en attente de recevoir une décision finale sur
un dossier.
Donc c'est plutôt un angle d'analyse que
nous vous proposons parce qu'on ne voudrait pas, de par l'apparition des baux
de municipalités, venir nuire à l'indépendance des tribunaux. C'est plutôt là
notre préoccupation et c'est vraiment primordial pour nous, les tribunaux
doivent demeurer indépendantes... indépendants, et en ajoutant cet élément-là,
on risque de créer un une perception peut être de partialité ou encore
d'inférence, ou d'ingérence possible, et nous souhaitons nous distancer le plus
possible de cette interprétation.
M. Jolin-Barrette : Sauf que
l'article, ce qu'il dit, il dit que c'est le juge municipal en chef, donc ce
n'est pas... ce n'est pas la ville, ce n'est pas... c'est lui dans son
évaluation d'administrateur aussi. Parce que, vous savez, quand on est juge en
chef, on a une responsabilité, on n'est pas le juge sur le banc puis on a une
responsabilité que les cours municipales fonctionnent bien, que le service aux
citoyens soit bien rendu aussi. Mais il y a la poursuite, il y a le citoyen
aussi, il faut que ça soit efficace. Vous êtes d'accord avec moi que ça prend
de la performance aussi dans tous les services publics, même si c'est de la
justice. Là, on ne dit pas au juge à quelle vitesse écrire son jugement. On ne
dit pas au juge combien de causes à entendre, puis combien de dossiers vont
être entendus en un avant-midi ou un après-midi. Ce n'est pas ça la question.
Mais la question c'est que vous avez souvent on le dit la justice doit être
rendue avec célérité, avec sérieux, et ultimement ça va être préjudiciable à la
fois aux municipalités, mais aux citoyens si ce n'est pas fait. Mais vous êtes
d'accord avec les objectifs de performance là-dessus?
M. Tanguay (Christian) : Absolument,
sans aucune réserve, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous
avez fait une recommandation relativement au calendrier des séances, à l'effet
que ça doit être fait avec... attendez, la deuxième : «La ville de
Gatineau recommande de préciser, dans un article de loi, que la préparation du
calendrier de séances et la fixation des causes seront établies avec le greffier».
Là, nous, on a proposé, à
l'article 61 du projet de loi, que, bon, l'article 30 de ce règlement
est remplacé par le suivant : «Fixation des séances, les séances de la
cour sont fixées par le juge assigné à la cour municipale lorsqu'un seul juge y
est affecté — ce qui n'est pas votre cas — dans les cours
municipales ou plus d'un juge est affecté, les séances sont fixées par le juge
coordonnateur — donc le juge coordonnateur. Dans tous les cas, le
greffier est consulté lors de la fixation des séances et il collabore à
celles-ci».
Donc, je comprends que le troisième
alinéa, il n'est pas suffisant pour vous. Vous souhaiteriez que le greffier
soit beaucoup plus impliqué que «consulté et collabore». Vous souhaitez qu'on
aille plus loin que ça?
Mme Gaudreault (Annie) : En
fait, je crois que l'Association des greffiers vous en ont parlé également.
Pour nous, notre intention, c'est que le greffier, c'est l'administrateur qui a
toutes les données en main, les données nécessaires à faire le calendrier et
effectivement aussi proposer des horaires aux juges en fonction des besoins qui
vont avoir été exprimés par les citoyens. On leur demande même s'ils veulent
avoir une séance en journée ou en soirée, et aussi prendre en considération les
besoins particuliers des procureurs qui agissent en poursuite, hein, et du
greffier. Et dans le monde où on est actuellement, où évidemment les enjeux de
main-d'œuvre sont aussi chez nous, bien, c'est important que ce soit fait avec
toutes les bonnes données pour être capable de vraiment avoir un calendrier
optimal, il fait en sorte effectivement que les séances qu'on tient, le nombre
de dossiers qu'on y met, bien, bien, qu'on arrive à atteindre les objectifs que
le greffier doit fixer, la pertinence de la cour.
M. Jolin-Barrette : O.K. Ça
fait que vous voulez qu'on aille plus loin puis qu'on donne davantage de
pouvoirs au greffier. O.K.
M. Tanguay (Christian) : Absolument.
M. Jolin-Barrette : C'est
bien entendu...
M. Jolin-Barrette : ...Sur la question
de l'efficacité de la reddition de comptes, là, on a fait en sorte, dans le
cadre du projet de loi à l'article 196, de faire en sorte qu'il y a un
rapport qui va être transmis au juge municipal en chef deux fois par année pour
savoir, bon, le nombre de séances, le temps, et, par la suite, ce rapport-là va
être transmis au ministre. J'ai entendu certaines critiques du fait qu'il ne
fallait pas le transmettre au ministre. Moi, écoutez, je ne tiens pas à l'avoir
personnellement, il pourrait être rendu public sur Internet. L'idée, c'est
d'avoir des données. Comme vous le dites, souvent, les greffiers, ce sont eux
qui ont les données. Mais si on veut un système de justice qui est efficace, il
faut être en mesure d'avoir des données ouvertes, des données publiques qui
puissent être en mesure de mesurer les choses, là. J'imagine, dans vos services
administratifs, c'est ce que vous faites. Quand vous gérez la ville, vous
regardez : Bien, on prend des mesures, on prend des statistiques, des
données. Est-ce que vous avez un enjeu, vous, avec ça, le fait qu'il y ait eu
des rapports avec certaines données?
Mme Gaudreault (Annie) : Il
en existe déjà. La cour transmet déjà annuellement, là, les données sur les...
sur autant le nombre de dossiers, le nombre de causes entendues, c'est déjà
publié, notamment dans le rapport sur les cours municipales. ...mais peut-être
que oui, c'est bien d'avoir le nombre de causes entendues, mais encore faut-il
savoir le nombre de dossiers global pour avoir un rapport qui nous présente
qu'est-ce qu'on entendu versus qu'est-ce qui... qu'est-ce qui reste à fixer.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Donc, vous, vous voudriez qu'on ait plus de données sur ce rapport-là, le
nombre de dossiers entrants, supposons, le nombre de dossiers entendus, le
nombre de dossiers qui restent.
Mme Gaudreault (Annie) : Mais
en même temps c'est déjà des données qui sont accessibles et qui sont
produites, là, par les greffiers.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Sur
la question des sanctions administratives pécuniaires, M. Tanguay, vous me
disiez, bon, les infractions de stationnement, nous, à Gatineau, c'est environ
5 % des dossiers, donc ça se règle quand même assez bien. Vous n'êtes pas
dans la même situation que Montréal, donc vous dites : On devrait
peut-être envoyer ça à un juge de paix fonctionnaire. Là, la ville de Montréal,
qui est passée avant vous, disait : Bien, écoutez, le juge de paix
fonctionnaire par contre il est dans le périmètre de l'administration. Donc, au
niveau de l'indépendance, il y a peut-être une problématique avec ça. Mais je
veux juste vous dire que le régime qu'on met en place des sanctions
administratives pécuniaires, il est optionnel pour les municipalités. Donc, on
va pouvoir travailler avec vous, à savoir : Est-ce que oui, vous souhaitez
l'avoir pour Gatineau ou non? Mais, à terme, et c'est ça l'intérêt, ça pourrait
être élargi à d'autres types d'infractions aussi, notamment en matière
d'urbanisme aussi. Donc, je pense que ça peut être un bon outil pour les
municipalités dans le futur, pour faire en sorte que, lorsqu'il y a de
l'engorgement au niveau de la cour municipale, si on peut avoir une procédure
allégée, une justice sur rendez-vous pour les citoyens, ça va les satisfaire,
notamment les citoyens puis ça va enlever de la... comment je pourrais dire, de
la rigidité, supposons, procédurale.
M. Tanguay (Christian) : Bien,
nous, on reçoit ça positivement, M. le ministre. Dans notre mémoire, ce que
nous amenons comme argument, c'est qu'on souhaite... Un, la problématique à
laquelle on voulait répondre chez nous, c'est plus ou moins existant
actuellement. Les détails qui sont disponibles dans le projet de loi sont
limités. On vous comprend dans le sens que le régime est à créer, est à
établir, mais on est ouverts à collaborer et à analyser les opportunités. Nous
n'avons pas de réserve par rapport à ça.
Le seul élément sur lequel on souhaite
attirer votre attention, c'est sur l'uniformité du système de justice qui est à
la grandeur du Québec, sur lequel on a une préoccupation. Dans la région chez
nous, oui, Gatineau occupe une partie importante du territoire, mais nous avons
des voisins aussi, et on veut s'assurer pour l'ensemble du Québec qu'une
justice municipale se traite de même façon un peu partout sur le territoire et
non pas avec des distinctions. Et là, on fait appel encore là au besoin du
justiciable qui doit se retrouver dans le système de justice, qui doit être en
mesure d'avoir des repères qui sont uniformes, parce que ce n'est pas un
rendez-vous quotidien ou hebdomadaire pour les justiciables de faire affaire
avec la justice. Il faut que ça soit simple à notre point de vue et uniforme.
• (16 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Juste
pour bien vous comprendre, là, puis c'est vrai que c'est ma dernière question,
là, quand vous dites ça, M. Tanguay, vous faites référence à quoi,
supposons, à la partie 27? Parce que, tu sais, déjà sur le territoire des
Québécois, il y a certaines cours municipales que, oui, ils traitent des
infractions sommaires en matière criminelle, d'autres non. Est-ce que vous
faites référence à ça ou vous faites référence à autre chose?
M. Tanguay (Christian) : Quand
je fais référence à des régimes qui pourraient être différents, à titre
d'exemple à la Ville de Gatineau et à la MRC des Collines, et, etc., où il n'y
aurait pas les mêmes types de modes de fonctionnement pour obtenir des
jugements en lien avec différentes infractions.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vous remercie beaucoup pour votre passage en commission parlementaire.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le ministre...
16 h 30 (version non révisée)
Le Président (M. Bachand) :...M. le député de Saint-Jean, pour trois minutes 50, s'il
vous plaît.
M. Lemieux : Merci beaucoup, M.
le Président. Justement, M. Tanguay, c'est là-dessus que j'allais rebondir dans
votre témoignage, parce que... là où on était rendus avec la sous-question du
ministre, parce que vous le dites, vous l'écrivez, vous êtes positifs. En fait,
Montréal aussi avant vous était positif. On peut dire que c'est bien reçu et
que les villes ont hâte de travailler avec ça, mais, dans votre cas, ma
question, avant de vous entendre jusqu'à la fin, tantôt, c'était : Comment
vous voyez ça, un juge municipal en chef, vu de Gatineau? Je comprends
maintenant que vous le voyez aussi très positivement, c'est ça?
M. Tanguay (Christian) : Bien,
écoutez, on n'a pas émis de commentaire sur l'organisation des tribunaux. On
croit que le législateur est mieux placé que nous pour émettre des commentaires
sur l'organisation des tribunaux. Ce qui est notre priorité, ce qui est notre
préoccupation la plus importante, c'est le service aux citoyens.
M. Lemieux : Oui, mais, au
regard de ce que vous venez de dire avec le voisin de la MRC, puis l'autre, un
juge en chef... un juge municipal en chef, ça vient un peu vous rassurer, j'imagine,
là.
M. Tanguay (Christian) : Absolument.
Désolé. Moi... désolé, j'avais mal compris votre question. Donc, oui,
absolument, c'est rassurant d'avoir une uniformité sur un territoire, sur une
région administrative de coordination, d'une certaine façon. Donc, oui, on peut
être affirmatifs à votre question.
M. Lemieux : Parce que, si j'ai
bien compris, il va y avoir un juge coordonnateur régional pour quatre régions
et un juge municipal en chef. Alors là, vous avez un autre étage où vraiment
trouver la référence que vous vouliez pour avoir la même justice municipale
partout au Québec.
M. Tanguay (Christian) : Absolument.
C'est une façon de le voir.
M. Lemieux : C'est comme ça
que je l'ai vu, moi. Bon, et justement, d'une ville à l'autre, tout le monde a
beau être positif, il y a des différences. Je n'ai pas pu poser la question à
Montréal parce qu'ils font déjà tout, eux autres, c'est Montréal, c'est l'autre
moitié du Québec, là. Grand régionaliste que je suis, je dis souvent : C'est
juste l'autre moitié du Québec, mais ça reste la moitié. Vous, votre corps
municipal, est-ce que vous avez de l'ambition pour elle? Est-ce que vous
voudriez que des infractions statutaires... que d'autres causes soient
entendues? Est-ce que vous voyez ce qu'on est en train de faire avec le P.L. 40
comme le début d'un temps nouveau, mais d'aventures nouvelles aussi?
M. Tanguay (Christian) : Absolument.
On vous réfèrera, M. le député, à notre recommandation cinq, dans notre
mémoire, dans lequel nous saluons l'ajout de nouvelles compétences au Tribunal
des... pardonnez-moi, aux cours municipales, mais on soumet aussi, par la même
occasion, que nous avons une expertise particulière en matière pénale et que
nous pourrions agir comme tribunal compétent pour d'autres types d'infractions
statutaires, comme ce fut proposé par d'autres groupes, incluant l'Association
des greffiers, là, de mémoire, si je ne fais pas erreur, on prend les exemples
des infractions détectées par radar photo ou encore les infractions sur les
routes numérotées sur le territoire de Gatineau.
M. Lemieux : Radar photo, ça
vous tente beaucoup, ça, hein?
M. Tanguay (Christian) : Oui,
bien, il y a déjà des radars photo qui sont de juridiction du ministère des
Transports sur notre territoire. Donc, on pourra juger à ce moment-là par... la
cour municipale pourra entendre ses causes.
M. Lemieux : D'accord. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Westmount–Saint-Louis pour 11 minutes 26 secondes, s'il vous plaît.
Mme Maccarone : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Tanguay, Maître Gaudreault et Me Havard,
c'est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui. J'aurais quelques
questions. Je prends un peu la balle au bond des questions que vous avez eues
de mes collègues du gouvernement en ce qui concerne les sanctions
administratives pécuniaires. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de
parler peut-être avec le Barreau du Québec, mais ils ont quand même fait des
recommandations un peu en lien avec des recommandations que vous avez
soulevées.
Alors, je voulais avoir votre avis, parce
que vous, dans votre mémoire, vous avez dit que vous... recommande un... qu'il
soit ajouté des précisions complémentaires en ce qui concerne le SAP. Que
souhaitez-vous voir? Parce que ce que nous avons dans le mémoire que nous avons
reçu du Barreau, eux, ils suggèrent que c'est le législateur et non le
gouvernement qui devrait encadrer cette portion. Alors, comment voyez-vous ça?
Qu'aimeriez-vous voir à l'intérieur de ce projet de loi si c'est vous qui étiez
en mesure de l'écrire en noir et blanc, les modifications à avoir?
Mme Gaudreault (Annie) : Il
faudrait assurément qu'on puisse bien comprendre dans quels domaines de droit
on reste ou on évolue. Actuellement, ce qu'on comprend, puis c'est notre
compréhension, là, on est dans le domaine... actuellement, on fonctionne avec
le droit pénal. Alors, nos mécanismes, nos modes de fonctionnement, nos
systèmes informatiques aussi sont assez...
Mme Gaudreault (Annie) : ...puissants
au niveau de l'émission du constat, au niveau du suivi qui est apporté au
constat ensuite à la cour municipale et aussi au mode de perception. Si on
bascule dans un régime qui est davantage du droit civil, on imagine, là, on est
dans l'hypothétique, qu'on remplace le constat par une facture ou un avis ou
quelque chose du genre, bien, on comprend que ça sort du giron de la cour
municipale. Et là notre préoccupation aussi comme municipalité, c'est de se
dire : bien, qui seront les personnes qui vont traiter ces infractions-là?
On comprend qu'il y aura un décideur, un réviseur municipal qui vont être
nommés par le gouvernement, qui assurera la rémunération de ces gens-là,
quelles seront leurs fonctions principales. Mais on veut aussi savoir tout le
domaine de la perception de ces infractions-là. Alors là, ce ne sera
nécessairement pas à la Cour, qui, elle, agit dans le giron du droit pénal,
mais est-ce que ce sera notre service des finances qui devra donc assurer le
paiement ou la perception de ces factures-là? Alors... de ce nouveau mode de
ces sanctions pécuniaires? Est-ce qu'on aura besoin d'avoir un nouveau système
informatique pour sortir vraiment du cadre qu'on a actuellement et avoir un
cadre différent?
C'est certain qu'on a vu des initiatives
intéressantes. On a vu, bon, les travaux qui se font notamment... là, avec un
système de gestion de litige des règlements en ligne, ça peut être ça. Mais
actuellement, si on nous demandait de dire : Est-ce que c'est une bonne
chose, quels sont les investissements que la ville va avoir à faire si on
bascule de ce côté-là, on n'a pas assez d'informations pour être capables de se
faire une tête puis d'avoir les bons paramètres pour faire une étude, là,
complète, sur la question.
Mme Maccarone : Avez-vous des
inquiétudes en termes de... Il y a-tu des choses que nous devons éviter, si,
mettons, c'est quelque chose que nous pouvons encadrer dans la loi? Souvent, un
règlement, vous serez consultés, on a 45 jours, mais est-ce qu'on a des
pistes que nous devons éviter en ce qui concerne cette détermination de comment
ça va fonctionner?
M. Tanguay (Christian) : Écoutez,
les... À notre point de vue, il n'y a que des risques potentiels, mais on n'a
pas de précision pour venir déterminer est-ce que c'est un risque important ou
non important. Vous faisiez référence tout à l'heure à la recommandation du
Barreau, à l'effet que ça devrait être le législateur. Il est indiscutable
qu'une disposition du législateur est toujours préférable, est toujours à
privilégier, à notre point de vue, surtout quand qu'on fait un cadre de
référence qui va se décliner ultérieurement. Il ne peut pas être mauvais de
procéder, non plus, comme M. le ministre le propose dans son projet de loi,
toutefois ça présente un lot d'incertitudes ou encore de préoccupations. Et
c'est ce qui ressort de notre mémoire à l'effet que nous n'avons pas
actuellement suffisamment de détails pour être capables de se prononcer. Cela
étant, il ne faut pas entendre ces réserves comme étant une... un désaveu de
l'initiative du ministre. C'est plutôt un appétit pour nous permettre de bien
comprendre le pourtour qui guidera les prochaines années de la justice
administrative.
Mme Maccarone : Inquiétez-vous
pas, ce n'est pas des questions pièges, c'est juste pour mieux comprendre votre
point de vue. Comme, par exemple, une prochaine question pour moi, ce
serait : selon vous, qui devraient être les personnes chargées d'entendre
les contestations, par exemple? Est-ce qu'il y a des qualifications, selon
vous, qu'on devrait... des critères de base?
• (16 h 40) •
M. Tanguay (Christian) : Bien,
écoutez, notre mémoire nous propose déjà une voie qui est intéressante à notre
point de vue, c'est-à-dire de faire appel au juge de paix fonctionnaire qui
pourrait... Qui existe déjà. M. le ministre faisait référence tout à l'heure
aux préoccupations formulées par vos collègues la Ville de Montréal au niveau
de l'indépendance, potentiellement, parce qu'il faisait partie de l'administration.
Il y a assurément moyen de renforcer l'indépendance à ce niveau-là. Nous, on
est ouverts à l'évaluer. Mais en termes de compétence, il nous apparaît
indiscutable qu'une compétence et une connaissance en droit est incontournable,
même requise. Ça serait minimalement, là, la... cet élément-là qu'on vous
soumettrait, puisqu'on parle de droits des citoyens, qui sont... qu'il faut
protéger, qu'il faut qui soient lus et interprétés de façon juste, et on croit
que les compétences juridiques seront pertinentes.
Mme Maccarone : Puis je
présume aussi un droit à l'appel, si le citoyen n'est pas en accord avec la
décision. Comment voyez-vous ce processus à l'intérieur de ce nouveau régime?
M. Tanguay (Christian) : Peut-être
une... Oui, le droit à l'appel est incontournable. C'est une très bonne
suggestion que vous nous soumettez.
Le processus?
Mme Gaudreault (Annie) : Oui,
j'ai compris qu'il y avait un...
Mme Gaudreault
(Annie) : ...il y a un réviseur, alors il
y a déjà deux étapes. Il n'y a rien qui empêcherait ensuite que ça puisse aussi
être soumis ultimement à un autre palier. L'important, c'est que le citoyen
puisse être assuré d'avoir été entendu, d'avoir été compris et de comprendre
évidemment la décision qui va... puis la possibilité, comme dans tout système,
là...
Mme Maccarone : Puis
l'avez-vous chiffrée? Parce que dans
plusieurs mémoires que nous avons reçus des villes
qui viennent témoigner en consultation ici, évidemment, c'est une préoccupation
qui est soulevée par plusieurs villes, parce que ce qu'on peut constater, c'est
que c'est un projet de loi... malgré que vous, c'est bien reçu, parce que je
comprends, vous, votre orientation, c'est l'accès à justice, c'est de réduire
le temps d'attente, qui est très louable, mais il y a quand même plusieurs
villes qui ont soulevé la préoccupation qu'il y a des coûts qui vont être
engendrés avec ceci. Mais, malheureusement, ce qu'on comprend, c'est qu'il y a
zéro rapport d'impact, une analyse d'impact qui a été faite auparavant avant le
dépôt de ce projet de loi pour analyser ça va être quoi, l'impact sur les
villes. Quelles sont vos préoccupations? Puis avez-vous une idée des coûts que
vous pourriez engendrer avec ce changement?
Mme Gaudreault (Annie) : Bien,
effectivement, le premier coût, ce sera le coût pour transformer le système
informatique, assurément, qui gère ces infractions-là. Et il y a une partie des
fonctions qui bascule vers le système des finances... ce soit assurément une
charge supplémentaire pour nos collègues des finances. Quand je vous disais
tout à l'heure qu'il nous manque un peu de paramètres pour bien évaluer ça,
c'est ce à quoi on fait référence. Et je vous soumets aussi que faire ces
changements là, dans un délai qui est peut-être de six mois, là, si on souhaite
une entrée en vigueur en juillet, bien, ce sera quand même assez serré. Alors,
il faudra le considérer.
Actuellement, pour nous, c'est indiqué
dans notre mémoire, c'est à peu près 840 dossiers, là, sur une vingtaine
de séances. Ça, on sait comment ça coûte. Ça, on est capable d'identifier le
coût de gestion de ces infractions-là parce qu'on a déjà un système, aussi,
bon, des procureurs qui peuvent être associés. Dans le nouveau système, une
fois qu'on saura les paramètres, ce à quoi on doit faire face, là, on pourra
identifier le coût potentiel des changements qui sont apportés.
Mme Maccarone : Pour votre
recommandation no 5, où vous parlez que la Ville de Gatineau recommande
d'évaluer la possibilité que la cour municipale puisse agir comme tribunal
compétent pour d'autres infractions statutaires, pourriez-vous expliquer un peu
votre vision puis comment vous voyez ça à l'oeuvre puis comment ça peut aider
vos citoyens, réduire les temps d'attente, l'accès à la justice, par exemple.
Mme Gaudreault (Annie) : Bien,
on considère que le droit pénal, la gestion des infractions statutaires, c'est
vraiment notre marque de commerce. Dans les cours municipales, on agit très
bien, on n'a pas de délais.
Les infractions, on a un très bon système
qui gère ça, on a le personnel qui est là. Alors, pour le citoyen, quand on se
met dans sa perspective, souvent, il va déjà venir à la cour municipale, même
quand il y a une infraction qui est peut-être plus... où il devrait s'adresser
au palais. Alors, on considère que c'est déjà quelque chose qui est bien
établi, on a des bons délais, des façons de faire qui sont rodées. Alors,
toutes les infractions statutaires pourraient être entendues à la cour
municipale puis aussi dans un souci d'efficacité de la justice provinciale
également.
Mme Maccarone : Une dernière
question pour vous, parce que je sais que le temps file, mais vous avez fait
référence, je crois, à l'article 192, ce qui est soulevé souvent en
commission actuellement, le ministre lui-même soulève les préoccupations, que
d'autres personnes ont quand même mentionnées en ce qui concerne l'impact sur
l'indépendance de la magistrature. Parce que le libellé dans l'article en
question, on parle directement des objectifs de performance et aux besoins des
municipalités. Puis vous, vous avez parlé quand même des besoins de vos
citoyens puis de clientèle. Est-ce que vous prévoyez ou est-ce que vous avez
une recommandation pour nous, peut-être une modification, un amendement que
nous pourrions faire en ce qui concerne cet article pour mieux rejoindre ce que
le ministre souhaite accomplir? Que je comprends, on souhaite avoir une
indépendance, tout le monde est d'accord, mais peut être sur le libellé, la
façon que c'est écrit, qui rejoint mal les besoins du terrain, les gens qui
sont en train...
Le Président (M.
Bachand) :En dedans de 20,
30 secondes, s'il vous plaît. Merci.
M. Tanguay (Christian) : Alors,
si vous permettez, la recommandation, nous l'avons nommée. C'est vraiment un
ajustement pour mettre le focus sur l'angle citoyen plutôt que l'angle...
M. Tanguay (Christian) : ...municipal,
on croit qu'en créant cette... ce changement de vue là on arrivera à assurer
une sécurité plus grande.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup.
Mme Maccarone : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Jean-Talon,
pour deux minutes 12 secondes, s'il vous plaît.
M. Paradis : Bonjour à vous
trois. Merci de votre présence. Justement, continuons là-dessus. Vous faites
une suggestion intéressante quant à l'article 192, qui, je pense, va être
un de ceux qui va être sous la sellette dans ce projet de loi. En quoi tenir
compte des besoins de la clientèle, qui sont les personnes qui sont appelées à
être jugées, serait plus respectueux de l'indépendance de la cour? Et comment
mesurer ces besoins de cette clientèle si ce n'est pas à travers ses
représentants démocratiquement élus de la municipalité?
M. Tanguay (Christian) : Bien,
la séparation... Merci pour votre question. La séparation des pouvoirs nous
apparaît incontournable. On croit, à notre avis que, dès qu'on s'en va avec un
angle citoyen, on couvre l'ensemble des préoccupations qui peuvent interpeler
notre vie démocratique. C'est-à-dire que notre citoyen a des attentes d'être
entendu rapidement, a des attentes d'être entendu de façon impartiale, avec
compétence, que le droit soit rendu de bonne façon, en conformité avec le code
de déontologie de la magistrature. Donc, les besoins du citoyen, c'est le besoin
de la société, à notre point de vue, plutôt que le besoin de la municipalité,
qui pourrait être interprété par certaines personnes comme étant d'impératif
financier, alors que ce n'est pas le cas. L'angle de la justice doit se
concentrer sur le service aux citoyens. C'est notre prétention, c'est ce qui
nous motive et c'est la raison pour laquelle aujourd'hui on est devant vous
pour militer en faveur du service de qualité pour les citoyens.
M. Paradis : Et donc comment
on pourrait mesurer les besoins de ces citoyens, donc comment on les fait
parvenir, et comment la cour en tient compte?
M. Tanguay (Christian) : La
cour en tient compte en respectant les délais, en offrant des séances de cour
selon des plages de temps qui sont l'année durant, avec des variétés, que ce
soit de jour, de soir, en ayant de la... en tenant compte des disponibilités
des différentes parties, incluant les poursuivants, etc. C'est un peu ce qu'on
énonçait au départ, M. le député.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, je
tiens à vous remercier d'avoir participé aux travaux de la commission. Ça a été
très intéressant. Et je suspends les travaux quelques instants pour accueillir
nos prochains invités. Merci beaucoup et à bientôt. Au revoir.
(Suspension de la séance à 16 h 49)
(Reprise à 16 h 50)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir Me
Jean-François Benoit, représentant au conseil général de l'Association
québécoise des avocats et avocates de la défense. Alors, Me Benoit, merci
beaucoup d'être avec nous. Alors, je vous laisse débuter votre exposé, et après
ça on aura une période d'échange avec les membres de la commission. Merci
d'être avec nous cet après-midi.
(Visioconférence)
M. Benoit (Jean-François) : Parfait.
Merci. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je me
présente, Me Jean-François Benoit. Je suis avocat de la défense, responsable du
comité de projets de loi au sein de l'Association québécoise des avocats et
avocates de la défense du Québec, soit l'AQAAD. Je suis... Je devais être
initialement accompagné par Me Boulet, la présidente, mais, pour des raisons
familiales, elle a dû s'absenter. Elle vous salue d'ailleurs.
L'AQAAD a été fondée le 18 août 1995 et
représente plus de 600 avocates, avocats oeuvrant en droit criminel et pénal
partout au Québec. Sa mission consiste à défendre les intérêts de ses membres,
promouvoir les moyens d'action propres à assurer l'intérêt de ses membres,
favoriser et soutenir la formation professionnelle de ses membres et défendre
les libertés individuelles ainsi que les droits fondamentaux des justiciables.
La mission de défendre les droits et libertés des justiciables a amené...
M. Benoit (Jean-François) : ...agir
à plusieurs reprises comme intervenant dans les dossiers devant la Cour d'appel
du Québec ainsi que devant la Cour suprême. Les membres de l'AQAAD représentent
des milliers de justiciables devant les tribunaux du Québec, notamment devant
les cours municipales. Comme ils agissent en défense, leur expérience se
rapproche de celle du justiciable devant celle des cours. L'AQAAD remercie la
Commission des institutions pour cette invitation.
Lors de l'intervention, l'AQAAD soulignera
les avancées les plus importantes du projet de loi. Elle fera des propositions
d'amendements et elle soulignera certaines des inquiétudes que soulève le
projet de loi. D'entrée de jeu, l'AQAAD reconnaît que la réforme des cours
municipales proposée permet des avancées importantes pour les justiciables.
Nous croyons utile de souligner celles que nous trouvons les plus importantes.
La fin du régime des juges municipaux
rémunérés à la séance. Ce régime porte atteinte à l'indépendance judiciaire
comme il ne permet pas d'assurer la sécurité financière des juges soumis à ce
régime. En abolissant ce régime et en uniformisant la rémunération des juges
municipaux, le projet de loi renforcit cet aspect, l'indépendance judiciaire,
et contribue à maintenir la confiance du public dans le pouvoir judiciaire.
Nous saluons cette proposition.
Également, le projet de loi propose que
chaque juge municipal exerce une compétence sur tout le territoire du Québec et
pour l'ensemble des compétences d'une commune spatiale, et ce, quelle que soit
la cour municipale à laquelle il est principalement affecté. Cette proposition
est directement en lien avec l'objectif d'efficacité, d'accessibilité et de
performance du système de justice recherché... recherché par le projet de loi.
Elle permettra une plus grande flexibilité dans l'assignation des juges
municipaux devant les différentes cours municipales. Cette flexibilité
permettra de déployer un niveau de service plus équitable sur l'ensemble du
territoire et d'assurer une optimisation des ressources. Ainsi, le pouvoir
judiciaire pourra répondre plus efficacement aux besoins ponctuels d'une région
donnée, comme réduire des délais qui s'accumulent ou encore de procéder plus
facilement à une audition pour laquelle le juge habituellement affecté à la
cour municipale est en conflit d'intérêts. Cette flexibilité bénéficie
directement aux justiciables et elle est souhaitable.
Dans la même lignée, la mise en place des
régions de cordination... coordination, pardon, permettra une vision plus
globale des besoins sur l'ensemble du territoire et un meilleur déploiement des
ressources judiciaires. Cependant, le libellé du premier point de
l'article 195 projeté impose une limite indue, selon nous, à la capacité
d'assignation du juge coordonnateur lorsqu'un seul juge est affecté à une cour
municipale. Il en est de même pour l'article 30 projeté du Règlement des
cours municipales. Nous croyons que le juge coordonnateur doit bénéficier de la
plus grande latitude possible lors de la distribution des causes et la fixation
des séances afin qu'il puisse rencontrer les impératifs d'une bonne
administration de la justice, maximiser les périodes durant lesquelles les
cours municipales siègent et tenir compte d'une gestion efficace des fonds
publics, comme le veut l'article projeté 195. Ici, nous proposons de rayer
les mots «lorsque plus d'un juge municipal est affecté à la cour municipale» à
l'article 195.1, premier point. Nous proposons de modifier en conséquence
les deux premiers alinéas de l'article 30 du Règlement des cours
municipales pour n'en former qu'un seul qui se lirait : «Les séances de la
Cour sont fixées par le juge coordonnateur».
Également, le projet... Comme mentionné
plus tôt, certains aspects du projet de loi soulèvent des inquiétudes. L'AQAAD
doute qu'il soit judicieux que le juge en chef et les juges coordonnateurs
cumulent leurs tâches administratives et celle de juge puîné. Il y a
89 cours municipales et 73 juges qui fournissent leurs services à
916 municipalités, à une population de plus de 7 millions de
personnes. Il nous semble irréaliste que le juge municipal en chef et que le
juge coordonnateur... et que les juges coordonnateurs cumulent leurs fonctions
et la charge de juge puîné. Nous recommandons donc de modifier l'article 191,
quatrième paragraphe, pour y rayer les mots «qui doit» et les remplacer par «et
peut», de sorte qu'il se lise «la charge du juge municipal en chef s'ajoute à
la charge du juge... de juge puîné» et peut continuer de siéger à la cour
municipale à laquelle il est affecté ou à laquelle il s'assigne.
Également, à l'article 195 qui réfère
au juge coordonnateur., il faudrait rayer les juges... les mots «réguliers» et
également substituer «qui doit» par «et peut»...
M. Benoit (Jean-François) : ...également
par rapport aux rapports d'activité qui doivent être transmis. Nous sommes
d'accord avec l'idée qu'une saine administration des ressources demande la
collecte et l'analyse de données pertinentes à la prise de décision des
décideurs. Or, l'article 96 projeté du projet de loi prévoit que les juges
coordonnateurs transmettent au juge municipal en chef un rapport d'activité, et
que ce dernier doit le transmettre sans délai au ministre de la Justice. Le
projet de loi prévoit que le rapport doit contenir le nom du juge municipal qui
a présidé chaque séance. Cette donnée nous semble pertinente pour les juges
coordonnateurs, qui ont comme fonction de voir à la distribution des causes et
à la fixation des séances et d'assigner les juges municipaux. Cette donnée nous
semble également pertinente pour le juge en chef, qui a comme fonction de
coordonner, de répartir et de surveiller le travail des juges, dans un souci
d'efficacité et d'assiduité de la justice. Cependant, nous ne sommes pas en
mesure d'identifier en quoi cette donnée est pertinente pour le ministre de la
Justice. Avec tout respect, cette exigence porte atteinte à la nécessaire
indépendance judiciaire, puisqu'elle peut faire en sorte que le juge municipal
se sente redevable envers le pouvoir exécutif de l'État, qui surveille sa
prestation de services, alors que cette fonction est dévolue au pouvoir
judiciaire. Donc, nous recommandons de retirer l'exigence que le rapport
d'activité transmis par le juge municipal en chef au ministre de la Justice
comprenne notamment le nom du juge municipal qui a présidé chaque séance.
Également, l'article 92, deuxième alinéa,
premier point du projet de loi prévoit que les juges doivent répondre aux
objectifs de performance et aux besoins des municipalités. Nous sommes
d'opinion que ces deux éléments sont susceptibles de porter atteinte à
l'indépendance de la cour et de ses juges. Le rôle des juges est de maintenir
la confiance du public dans l'administration de la justice et de rendre justice
conformément à la loi et à la preuve. Le rôle des juges n'est pas de répondre
aux besoins des municipalités, qui agissent, en plus, à titre de poursuivants
devant les cours municipales. Les assujettir aux besoins des municipalités mine
complètement leur indépendance et leur impartialité. D'ailleurs, la formulation
permet une interprétation large, qui inclut également la rentabilité des cours
municipales. Nous devons préserver l'indépendance du juge municipal envers la
municipalité.
Certains intervenants ont proposé de
remplacer le mot «municipalité» par «cour municipale». Nous sommes d'opinion
que cela ne règle pas entièrement le problème, puisque le juge sert la cour à
laquelle il est affecté, il ne répond pas à ses besoins. C'est le juge
municipal en chef qui coordonne, répartit et surveille le travail des juges,
dans un souci d'efficacité et de fluidité de la justice, et ce sont les juges
coordonnateurs qui voient à la distribution des causes et à la fixation des
séances, en tenant compte des impératifs d'une bonne administration de la justice
et de la gestion efficace des fonds. Il est évident que cela se fait de concert
avec les greffes des cours municipales, qui connaissent les besoins en matière
d'audience, mais la décision doit être celle du pouvoir judiciaire.
• (17 heures) •
Également, toute saine gestion demande
l'optimisation des ressources disponibles. Il est concevable de mesurer
certains aspects du système de justice d'un point de vue macro : les
délais, la durée des séances, le nombre de dossiers entendus, le nombre moyen de
remises, le nombre de témoins entendus. Ces données permettent une meilleure
planification et allocation des ressources. Il y a cependant un risque à
apposer un indicateur de performance à la prestation d'un juge. Un système de
justice permet de régler les différends entre justiciables ou entre l'État et
les justiciables. Il permet de maintenir la paix sociale, et de contrôler le
pouvoir de l'État, et d'assurer le respect des lois, un indicateur premier de
performance d'un système de justice et sa capacité à rendre justice. Cela
inclut, notamment, sa capacité de le faire dans un délai raisonnable. Le
justiciable doit avoir été et avoir l'impression d'avoir été entendu, et que
l'attention requise a été portée à sa cause. Il est très inquiétant
d'introduire des objectifs de performance du point de vue micro, soit de la
prestation du juge. Donc, nous recommandons de retirer les mots «répondre aux
objectifs de performance et aux besoins des municipalités» au deuxième alinéa
de l'article 192.
Le Président (M. Bachand) :Merci, M. Benoit. Le temps passe rapidement, on va débuter
la période d'échange. Merci beaucoup, Me Benoit.
M. Benoit (Jean-François) : Oui...
parfait.
Le Président (M.
Bachand) :M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, Me Benoit, pour l'association des avocats...
17 h (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...et des
avocates de la défense. Merci d'être présents en commission parlementaire. J'ai
quelques questions avant de céder la parole à mes collègues.
Dans un premier temps, Me Benoit, vous
dites, bon : Il y a un risque pour l'indépendance judiciaire. Je vous
poserais la question suivante. Vous savez, une des responsabilités que j'ai,
comme ministre de la Justice, c'est de m'assurer du bon fonctionnement du
système de justice, de s'assurer que les causes puissent être entendues dans
des délais raisonnables, que les ressources dans le système de justice soient
là, sauf qu'on est dans un système, et je le soutiens et j'en suis, où ce n'est
pas le ministre qui vérifie le nombre de dossiers entendus, ce n'est pas le
ministre qui fixe le rôle, ce n'est pas le ministre qui fixe les séances de la
cour, ce n'est pas le ministre qui dit combien de dossiers vont être entendus,
ce n'est pas le ministre qui dit ça va prendre combien de temps à rendre le
jugement, ce n'est pas le ministre qui dit combien de témoins vont être
entendus, mais ma responsabilité, c'est quand même que le système de justice
fonctionne. Puis c'est correct comme ça, que ça ne soit pas le ministre qui
détermine combien il y a de témoins, combien qu'il y a de dossiers, les
horaires de la cour, tout ça, la cour est indépendante. Bien...
Puis j'apporterais un bémol, par contre,
parce que, vous savez, dans les cours municipales, ça siège le soir puis la fin
de semaine, puis ça, c'est au bénéfice des justiciables. Peut-être qu'il y a
des tribunaux supérieurs aussi qui devraient siéger, pour le bénéfice des
citoyens, le soir et la fin de semaine, mais le ministre ne peut pas imposer
ça. Mais, voyez-vous, ça, c'est un service, lorsqu'on s'oriente vers les
justiciables, quand les gens travaillent. La justice, c'est un service public,
et les gens ont le droit d'accéder à la justice, mais on devrait faire preuve
de flexibilité.
Alors, c'est un peu ça qu'on essaie de
faire ici à la Commission des institutions, orienter le système de justice vers
les citoyens. Puis un des éléments fondamentaux pour que les gens croient à la
justice, adhèrent à la justice, c'est le sentiment de confiance dans le système
de justice. Lorsqu'on se retrouve avec des délais extrêmement longs puis que le
ministre dit : Bien, écoutez, oui, on rajoute des ressources, mais qu'il n'y
a aucune obligation de performance, non pas une performance que le ministre
évalue la performance des gens, mais qu'un membre de la magistrature, qui est
le juge municipal en chef, lui, regarde la performance de ses juges, regarde l'efficacité
vers le citoyen... Moi, je suis dans cette logique-là. Ce n'est pas le
ministre, là, qui va dire : Écoutez, travaillez tel jour, tel jour, tel
jour. Cependant, il faut faire en sorte de donner les outils au juge municipal
en chef pour s'assurer que les citoyens sont entendus, pour s'assurer que dans
une organisation... Parce que, vous savez, quand vous êtes juge en chef, là,
vous êtes un peu un administrateur public, là. Oui, vous êtes juge, sauf que
vous avez un rôle de gestion qui vous est confié avec vos confrères, puis c'est
vous, le patron. Bien entendu, le juge municipal en chef ne dit pas quoi écrire
aux juges dans leurs jugements, parce qu'il y a une indépendance individuelle
de la magistrature, il y a effectivement aussi une indépendance
institutionnelle, elle est respectée.
Mais comment faisons-nous, comme État,
comme gouvernement, pour faire en sorte que le système de justice soit plus
efficace? Et comment faisons-nous pour dire aux membres de la magistrature, sur
l'organisation du travail : Écoutez, il faut prendre en considération que
les citoyens, là, eux, ils veulent être entendus, il faut qu'il y ait de la
disponibilité? Sur la question du rapport, là, qui est transmis, là, vous dites :
Bien, écoutez, si c'est transmis au ministre, ça se peut que ça soit perçu
comme étant une ingérence de l'exécutif. Écoutez, moi, je n'ai pas de problème.
Ce rapport-là pourrait être rendu...
M. Benoit (Jean-François) : Si
vous permettez...
M. Jolin-Barrette : Ce
rapport pourrait être, là, rendu public. Est-ce que vous êtes d'accord qu'on
pourrait le mettre sur le site Internet des cours municipales?
M. Benoit (Jean-François) : Ce
que j'ai mentionné... Si vous me permettez, M. le ministre, qu'est-ce que j'ai
dit, je ne me suis pas opposé à ce qu'il y ait une transmission de rapport ni d'informations.
Ce qu'on s'oppose, c'est que le nom du juge siégeant soit sur le rapport qui
vous est transmis, parce que je ne comprends pas en quoi cette donnée-là est
utile au ministre de la Justice pour s'assurer que la justice, le système de
justice fonctionne rondement. C'est ça, le point.
M. Jolin-Barrette : Si on
enlève le nom, vous êtes d'accord avec ça, que les données...
M. Benoit (Jean-François) : Je
pense que la... Bien, écoutez, à moins que le ministre est capable de justifier
en quoi le nom du juge siégeant est pertinent pour lui. En l'absence d'explication,
je pense que ce... ce... cet élément-là ne devrait pas se retrouver. Il porte
atteinte à l'indépendance judiciaire. Si on fait extraction de cette donnée-là,
mon commentaire ne s'applique pas.
M. Jolin-Barrette : O.K.,
excellent. Bon, bien, on avance. Puis il n'y a pas d'enjeu que le ministre ait
le rapport, si le nom du juge n'est pas là?
M. Benoit (Jean-François) : Non.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Excellent. Sur la question...
M. Jolin-Barrette : ...la
performance puis les besoins des municipalités. Bon. On a eu... Il y a des gens
qui disent : Le fait qu'on inscrive «besoins des municipalités», c'est
problématique. Il y en a d'autres qui disent que ça ne l'est pas. Il y en a qui
nous ont suggéré «besoins des justiciables», «besoins des cours municipales»,
où vous êtes là-dessus?
M. Benoit (Jean-François) : Bien,
écoutez, ceux qui vous ont suggéré que ce n'était pas problématique, c'est des
gens de l'Union des municipalités du Québec puis de la Fédération des
municipalités du Québec qui, eux, administrent les cours municipales et ont un
certain souci de rentabilité de ces cours municipales là. Donc, pour moi, il
faut faire attention à ça. Le juge ne doit pas être tributaire des besoins
d'une cour ou d'une administration ou d'un exécutif quelconque, pour moi, c'est
une évidence. Et tout lien ou tout rattachement ou toute subordination du juge
aux besoins d'une municipalité qui est l'exécutif, sous une certaine forme, et
problématique.
M. Jolin-Barrette : Je vous
pose la question, parce que là on parle de cours municipales, O.K., je ne pense
pas que les cours municipales sont subordonnées à l'administration municipale,
parce que toutes les cours municipales, elles ont leur indépendance, elles ont
un greffier qui est séparé. Puis ce n'est pas les élus qui viennent dire à la
cour municipale comment faire, mais, si une municipalité... Prenons l'exemple
de Gatineau, tantôt, là. Gatineau, puis je pense que vous connaissez bien, vous
pratiquez en Outaouais, là, Gatineau nous dit : Écoutez, on n'a pas de
séance de cours 14 semaines par année durant la période estivale. Un, c'est
problématique...
M. Benoit (Jean-François) : Votre
projet de loi répond à cette problématique-là. C'est le juge coordonnateur qui
fera ça. L'assignation va pouvoir se faire. Le projet de loi répond à cet
impératif-là. Je pense que ça va pouvoir se faire de concert avec les
greffiers, comme c'est prévu dans la réglementation. Donc, vous répondez à ça,
mais la question, c'est «assujettir aux besoins des municipalités», il est là,
le problème, c'est ce qui est écrit dans le projet de loi.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
vous ne pensez pas que la municipalité, quand ses citoyens viennent la voir,
pour dire : Écoutez, nous, on veut être entendus. J'ai un constat
d'infraction ou j'ai une infraction de nature pénale ou criminelle, puis la
cour ne siège pas pendant x nombre de mois, ça rallonge les délais. Ça fait en
sorte aussi que, pour l'administration municipale, là, le fait de ne pas siéger
comme ça, là, ça engendre des coûts supplémentaires pour tous les citoyens. Plutôt
que d'avoir une répartition à l'année longue, si la cour municipale, supposons,
doit faire en sorte... En fait, si l'administration municipale doit faire en
sorte que son procureur est en temps supplémentaire, ses greffiers, le
personnel de l'administration municipale qui vient témoigner également sont en
frais supplémentaires, en heures supplémentaires, vous ne pensez pas qu'il y a
un enjeu également inhérent aux citoyens là-dessus?
Parce qu'il faut être réaliste aussi,
l'indépendance du juge, l'indépendance de la cour municipale est protégée. Mais
on vit dans une situation où le système de justice municipale, c'est des
municipalités qui décident d'offrir ce service de proximité là à leurs
citoyens, de dire : Nous, là, on est d'accord, là, on veut que vous
puissiez venir devant la cour municipale le soir, parfois, la fin de semaine.
On veut offrir ce service de proximité là avec des programmes alternatifs pour
les justiciables, supposons, en matière d'infraction de nature criminelle sur
la partie 27. Mais il y a un coût associé à ça, il y a un coût, puis ce
coût-là, c'est les citoyens des villes qui les paient.
Alors, moi, je vous soumettrais, si on
rajoutait les besoins des justiciables, mais qu'on laisse les besoins des
municipalités, vous ne trouvez pas qu'on a un juste équilibre là-dessus?
• (17 h 10) •
M. Benoit (Jean-François) : À
mon sens, pourquoi ajouter ça. Je suis convaincu que l'ensemble des juges, des
juges en chef, des juges coordonnateurs ont déjà ce besoin-là en tête. Il ne
faut pas oublier que dans... l'article prévoit déjà que le juge doit le faire,
coordonner, répartir, surveiller le travail dans un souci d'efficacité,
d'assiduité de la justice.
Donc, à mon sens, le projet de loi répond
déjà à votre inquiétude que le juge de la cour municipale ne siège pas pendant
14 semaines. C'est déjà réglé. Ça se fait de concert avec le greffier qui va
évaluer les besoins d'audience, pas les besoins économiques de la municipalité.
Et il y aura un horaire qui sera fait et la plus grande flexibilité que vous
accordez par votre projet de loi au juge coordonnateur permettra de faire en
sorte que le temps de banc, comme on appelle dans le milieu, sera mieux utilisé
et optimisé dans l'ensemble des cours municipales. Je ne pense pas qu'on a
besoin de nommer cette chose-là, parce que cette chose-là semble sous-entendre
que le pouvoir judiciaire est assujetti à quelque chose.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, écoutez, je comprends votre point de vue. Je vais laisser la parole à mes
collègues. Je fais juste un commentaire, parce que vous présumez que répondre
aux besoins des municipalités, c'est uniquement financier...
M. Benoit (Jean-François) : ...pas
uniquement.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
vous avez dit ça, vous avez dit : Répondre aux besoins financiers de la
municipalité. Je vous soumettrais que l'administration municipale, les élus
municipaux sont élus dans un souci d'offrir des services de proximité aux
citoyens, d'efficacité, et il n'est pas question d'intervenir dans la gestion
de la cour municipale. Ça, il faut garder ça en tête aussi. Si on veut avoir
tous les services publics puis la justice également, c'est un service public,
de l'efficacité, de la performance, que les citoyens puissent pouvoir obtenir
justice, être entendus pour la justice, il va falloir faire des façons
différentes, puis se fixer des objectifs. Parce qu'une des grosses lacunes du
système de justice, c'est qu'il n'y a pas de données, il n'y a souvent pas de
reddition de comptes, il n'y a souvent pas d'efficacité, il n'y a souvent pas
de transparence. Alors, je laisse là-dessus, mais ça fait partie de la
réflexion, puis je vais céder la parole à mes collègues.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Laval-des-Rapides, 5 minutes, s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Bonjour. Merci de votre présence. Selon vous, quelles fonctions
seraient incompatibles avec celles de procureur municipal?
M. Benoit (Jean-François) : Écoutez,
aujourd'hui, je fais une intervention au nom de l'AQAAD. Ce n'est pas un
élément que nous avons étudié. Je n'émettrai pas un commentaire qui n'engage
que moi, mais je... Donc, ce sera ma réponse sur cette question.
Mme Haytayan : Parfait.
M. Benoit (Jean-François) : Je
n'ai pas de commentaire à faire.
Mme Haytayan : O.K. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée d'Anjou—Louis-Riel.
Mme Boivin Roy : Merci, M. le
Président. Alors, Me Benoit, merci pour votre présence et votre présentation
aujourd'hui. J'aimerais vous entendre relativement au régime de sanctions
administratives pécuniaires.
M. Benoit (Jean-François) : Oui.
Mme Boivin Roy : Est-ce que
vous croyez que c'est une initiative qui va permettre une meilleure
accessibilité à la justice, une meilleure efficacité également? À Montréal, par
exemple, on estime que c'est une mesure qui permettrait de libérer cinq juges
municipaux pour entendre des dossiers dits plus graves, plus sérieux.
M. Benoit (Jean-François) : Mais
écoutez, selon moi, je suis content que vous posiez la question parce qu'à mon
sens les sanctions pécuniaires constituent un risque vraiment important, encore
une fois, à l'indépendance judiciaire, parce que — si vous me
permettez de reprendre mes notes — oui, effectivement cette notion-là
existe déjà dans d'autres lois, mais il s'agit des lois comme la Loi sur la
sécurité des barrages, la Loi sur les permis d'alcool. C'est des lois qui
visent à réglementer des activités plutôt complexes, qui ne touchent pas le
quotidien des citoyens, et l'objectif est de mettre fin à une infraction. C'est
d'ailleurs le premier article qui est proposé dans ce régime-là, il parle...
Dans le projet de loi qui vise... qui est «d'inciter à remédier rapidement à un
manquement, à une disposition réglementaire ou de prévenir la répétition d'un
tel manquement».
Je ne vois pas en quoi la mise en place
d'un SAP va faire en sorte que l'individu va moins faire d'infractions de
stationnement, va moins se retrouver dans un parc en dehors des heures
réglementaires. Il n'y a pas de lien avec ça. Puis iI faut comprendre aussi
qu'habituellement il y a peut être des fonctions municipales qui se
rattacheraient ou qui seraient plus à même de fonctionner avec ce type de
régime là. Tout ce qui touche la réglementation en matière d'urbanisme, tout ce
qui touche l'environnement ou l'affichage qui sont en réalité des actions
continues dans le temps et que l'administration municipale pourrait vouloir
mettre un terme, je vous dirais que le SAP pourrait probablement mieux
fonctionner dans ce contexte-là. Mais pour ce qui touche des activités
ponctuelles, en quoi un SAP va faire en sorte qu'il va avoir... que l'individu
va arrêter de se stationner illégalement, puis ça ne rencontre pas du tout de l'objectif
un de la loi qui est prévu par son article premier. Est-ce qu'on va vraiment...
Ça, c'est une chose.
L'autre chose : Qui sont les gens qui
vont entendre les causes? Le projet de loi ne prévoit absolument rien. On
prévoit que tout va se faire par réglementation. On n'a aucun détail là-dessus.
Moi, ce que je trouve important, parce qu'on a tous droit à une audience qui
est tenue par un juge et impartial et une audience publique qui... cc'est un
droit qui est couvert par l'article 23 de la Charte québécoise. Le SAP qui
est présenté présentement, on n'y connaît absolument rien. La seule chose que
le ministre dit, c'est notamment une infraction de stationnement illégal. Ce
n'est même pas prévu, ça, dans le projet de loi. Il n'y a rien, il n'y a aucun
type d'infraction, on n'a aucun détail. On ne connaît pas les conditions
salariales, ni la formation, ni le mode de sélection des personnes qui
entendront ces audiences-là. On ne connaît même pas non plus quels seront leurs
liens d'emploi ou de subordination. Nous n'avons rien. La confiance du public,
elle est très importante.
Le ministre parlait de performance tout à
l'heure, mais il n'y a pas de justice sans indépendance. Ça, c'est un... on ne
peut pas contourner cet élément-là. Pour un souci de performance, on va créer
des audiences...
M. Benoit (Jean-François) : ...le
projet de loi... comme je vous dis, il est très difficile d'émettre des
commentaires très précis ou d'avoir une discussion très précise sur le projet
de loi parce qu'il y a très peu, dans le projet de loi, sur cette question-là.
Le Président (M.
Bachand) :Une minute, Mme la députée.
Mme Boivin Roy : Ça va, Me
Benoit, on vous entend. Merci. Je cède la parole, merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Westmount-Saint-Louis, pour 11min 26s, s'il vous plaît.
Mme Maccarone : Bonjour. Me
Benoit. Merci beaucoup pour votre présentation. J'espère que vous allez nous
envoyer une copie de votre discours, si possible, parce que je sais que vous
n'avez probablement pas eu assez de temps pour préparer un mémoire, mais nous,
ça va nous aider. Parce que j'ai aussi compris que vous n'avez pas eu assez de
temps pour terminer vos remarques. Alors, est-ce qu'il y a des éléments que
vous souhaitez soulever que vous n'avez pas eu la chance d'en discuter ou de
faire valoir?
M. Benoit (Jean-François) : Bien,
la dernière question m'a permis un petit peu de rattraper. Écoutez, je pense
que le SAP, comme je le disais... il est difficile pour nous de comprendre ce
qu'est le SAP. Puis je tiens à le préciser aussi, dans les lois où ça existe,
comme je le disais tout à l'heure, c'est des activités réglementées qui ne
touchent pas les activités citoyennes, mais il y a des droits d'appel, au
Tribunal administratif du Québec. Je n'ai pas vu ça dans le projet de loi du
ministre, c'est... Donc, le citoyen se retrouve devant un superfonctionnaire,
si vous me permettez l'expression, qu'on ne connaît pas vraiment le statut et
ça... justice rendue. Est-ce qu'ultimement on va pouvoir utiliser des
mécanismes de recouvrement qui vont pouvoir mener à l'imposition d'une peine
d'emprisonnement pour non-paiement à la suite de cette décision-là? Je pense
que ça, c'est une inquiétude majeure. On parle, ultimement, d'une privation de
liberté. Le projet de loi est muet là-dessus. Donc, est-ce qu'on pourrait
arriver à une condamnation qui mènera à une peine d'emprisonnement sans aucune
garantie juridique? C'est problématique.
Mme Maccarone : Je partage votre
avis, puis vous n'êtes pas seul, le Barreau du Québec reflète aussi vos
commentaires que vous avez partagés. Même qu'eux, ils disent que, dans le fond,
ça devrait être le législateur, et non le gouvernement, qui met en place, quand
même, qui définisse les notions et les éléments essentiels, centraux, dans ce
projet de loi, en ce qui concerne les sanctions administratives pécuniaires.
Êtes-vous d'accord que ceci devrait être enchâssé dans la loi et non fait par
règlement?
M. Benoit (Jean-François) : Ça
devrait être enchâssé par la loi pour que les députés aient l'opportunité d'en
débattre. Dans un premier temps, qu'il y ait une loi, qu'on peut s'assurer que
cette loi-là est légale. De le faire par règlement et de modifier ça par
règlement, par avis dans la Gazette, je trouve ça totalement inacceptable,
parce qu'on va chercher quelque chose qui est fondamental, là, dans notre
système de justice, et je crois que c'est inacceptable, totalement.
Mme Maccarone : Puis quels
sont les critères, selon vous, pour les personnes qui devront être chargées
d'entendre les contestations? Vous avez soulevé un élément très important, le
droit d'appel, mais, par exemple, les exigences de nomination, est-ce que vous
avez des recommandations pour nous?
M. Benoit (Jean-François) : Bien,
écoutez, je n'ai pas de recommandation précise, mais il faut s'assurer que
cette personne-là ait une indépendance par rapport à la municipalité, par
rapport au gouvernement. Il faut également... Parce qu'on parle de mandat à
durée déterminée, c'est ce qui semble être prévu dans le projet de loi. Ça
m'inquiète. Quelles sont les conditions de renouvellement du mandat de cette
personne-là? Est-ce que ça va être assujetti à des indicateurs de performance
qui seront définis dans un règlement? Je trouve ça très inquiétant.
Ça fait que je vous dirais, pour
l'instant, l'inquiétude est non pas la formation et qui sera décideur.
Présentement, c'est l'idée en entier sous la forme sur laquelle elle se trouve
sur ce papier.
• (17 h 20) •
Mme Maccarone : ...débuter
l'étude détaillée du projet de loi que vous pourriez nous envoyer quand même
les recommandations en ce qui concerne les préoccupations que vous avez
soulevées, comme est-ce qu'il y a des exigences de nomination, est-ce que ça
doit être quelqu'un qui est membre d'un ordre professionnel, par exemple, ou
bien il y a les garanties nécessaires pour l'indépendance, les mandats
renouvelables, d'une durée déterminée, si vous avez des recommandations? Parce
que ce serait le moment, évidemment, de partager votre point de vue, avant
qu'on commence ce débat.
Je serais curieuse de vous entendre, parce
que, vous, vous représentez quand même les avocats de la défense, est-ce que
vous voyez un impact sur les membres de votre ordre, pour vos membres, de voir
les SAP quitter la compétence de la cour municipale?
M. Benoit (Jean-François) : Je
vous dirais : Très peu, parce que ce genre de constat là, souvent, c'est
des justiciables qui se représentent seuls devant le tribunal. Donc, je vous dirais,
il n'y a pas d'impact pécuniaire, il n'y a pas d'impact du tout envers nos
membres. L'inquiétude est beaucoup plus par rapport au respect de nos grands
principes constitutionnels, là, c'est l'impact, l'inquiétude de nos membres,
là.
Mme Maccarone : O.K. Parfait.
Puis vous avez soulevé, dans vos remarques, l'article 61, pour la fixation des
séances par les juges coordonnateurs. Nous avons déjà entendu le regroupement
des greffiers...
Mme Maccarone : ...et puis
même la ville de Gatineau, qui a passé juste avant vous, qui ont dit que, dans
le fond, le souhait... que ça soit les greffiers qui seront responsables de
ceci. Êtes-vous du même d'avis que ces deux personnes...
M. Benoit (Jean-François) : Écoutez,
présentement, c'est prévu par le règlement que ça se fait de concert puis je
pense que c'est comme ça que ça doit se faire. Ultimement, la décision doit
être celle du pouvoir judiciaire. J'aurais été curieux d'entendre les
représentations des gens de Gatineau, mais j'ai pu entendre la représentante de
l'association, la semaine passée, des greffiers et je comprends que, dans sa
réalité à elle, Mme Dufresne, je crois, c'est elle qui le fait, mais elle le
fait avec l'approbation du juge, et le juge accepte l'assignation ou la proposition
d'assignation ou d'horaire qu'elle... qu'elle fait. C'est important de le
comprendre, ça. Puis, surtout si on sort puis on tombe dans une région de
coordination, bien, le juge coordonnateur, là, il va être en contact avec 15
greffiers. Ultimement, il doit consigner ces choses-là. C'est important que le
dernier mot appartienne au juge coordonnateur.
Mme Maccarone : Ça fait que
vous, vous serez d'accord d'abord avec un amendement qui... modifier cet
article, qu'il dise : en consultation, par exemple, avec le greffier.
M. Benoit (Jean-François) : Mais,
si je ne me trompe pas, c'est prévu dans la réglementation, parce que
l'article 30 prévoit : «Dans tous les cas, le greffier est consulté
lors de la fixation des séances.» Donc, c'est déjà prévu dans la réglementation
proposée. C'est l'article 61 du projet de loi, mais qui sera le nouvel
article 30.
Mme Maccarone : C'est de ça
que j'évoque. C'est d'ici que je parle d'un amendement...
M. Benoit (Jean-François) : Parfait.
Moi...
Mme Maccarone : ...voilà,
pour dire qu'ils auront quand même un rôle à jouer en ce qui concerne la
fixation des séances.
M. Benoit (Jean-François) : Bien,
moi, je vois qu'il est déjà prévu au troisième alinéa de l'article 30
projeté. À mon sens, c'est correct parce que le besoin d'audience est connu du
terrain, est connu par le greffier responsable de la cour municipale. Et, comme
je vous le dis, surtout avec une région de coordination, le juge coordonnateur
doit avoir une vision plus globale, plus reculée, parce qu'il doit concilier
les besoins dans... différentes municipalités. Donc, c'est important que ce
devoir et ce pouvoir-là lui appartiennent.
Mme Maccarone : Merci. Dans
les échanges que vous avez eus avec le ministre, vous avez parlé du rapport,
puis il y a plusieurs personnes qui évoquent la notion de ce rapport puis
l'indépendance, comme vous avez mentionné, puis vous, vous avez suggéré
d'enlever le nom du juge, mais nous avons aussi entendu la part que c'est
important d'avoir un rapport pour mesurer l'efficacité. Est-ce qu'il y a des
éléments pour vous qui sont manquants ou qui sont nécessaires à aborder dans ce
rapport? Parce que c'est vrai, on a besoin d'avoir ce sentiment de confiance
puis la démonstration que, oui, on a un accès à justice, puis le but de ce
projet de loi, c'est d'améliorer ceci. Est-ce qu'il y a des éléments, pour
vous, qui sont incontournables dans ce rapport, qui ne sont peut-être pas
évoqués présentement?
M. Benoit (Jean-François) : Je
ne saurais pas répondre à cette question-là parce que, bien sûr, je ne suis pas
dans l'administration de la cour, je suis... je fais des représentations devant
la cour. Oui, je participe à des tables de concertation avec la magistrature,
mais je n'ai pas l'expérience terrain et de la poutine, si vous me permettez
l'expression. Donc, je ne suis pas à même, je pense, d'évaluer qu'est-ce qui
pourrait être ajouté. Mon seul commentaire est par rapport à ce qui devrait y
être retiré, par contre.
Mme Maccarone : C'est bien.
Merci. Vous avez aussi parlé de l'article 192 puis qu'on parle de l'impact
de l'indépendance de la magistrature. Il y a plusieurs personnes aussi qui ont
évoqué cette préoccupation versus la performance qu'on souhaite de la ville,
par exemple, dans cet article. Quelle est votre recommandation en ce qui
concerne les modifications de cet article? Que prévoyez-vous en ce qui concerne
un amendement au projet de loi?
M. Benoit (Jean-François) : Moi,
c'est tout simplement rayer les termes «objectifs de performance et aux besoins
des municipalités», parce que l'article prévoit déjà que le juge est assujetti
aux ordres du juge en chef, et le juge en chef a déjà l'obligation de le faire
et de... avec... assurer l'assiduité de la justice, et le juge coordonnateur
doit aussi le faire dans... je cherche le libellé, mais dans la bonne
administration de la justice et en tenant compte des deniers publics. Je
paraphrase, mais c'est déjà prévu. Donc, c'est déjà des objectifs et... qui
sont couverts par la fonction. Puis je vous dirais que, même si ce n'était pas
nommé dans la loi, c'est déjà des choses que les juges coordonnateurs... C'est
sûr que je ne connais plus la réalité de la Cour du Québec, mais, la Cour du
Québec, c'est déjà ce qu'elle fait à tous les jours, là, c'est de prendre...
les ressources puis de tenter de les optimiser et de fermer des salles parce
qu'il manque de greffiers, et tout ça, puis qu'est-ce qu'on fait, comment qu'on
répond à ça, c'est déjà ce que la cour fait, je vous dirais, quotidiennement.
Je n'ai pas des... de problème à ce qu'on nomme ces choses-là dans les devoirs
et fonctions du juge en chef et juge coordonnateur, mais, de la façon que c'est
libellé, précisément à l'article 192, c'est fort problématique.
Mme Maccarone : Oui, merci.
Là, vous avez parlé des juges coordonnateurs. Puis, dans son projet de loi, le
ministre dit que c'est lui qui affectera...
Mme Maccarone : ...le
personnel nécessaire au bureau du juge municipal en chef, des juges
coordinateurs ou des juges coordinateurs adjoints. Que pensez-vous de cette
mesure?
M. Benoit (Jean-François) : Moi,
je pense que c'est une bonne chose. Parce que, oui, le projet de loi a des
avancées, l'agilité du système de justice, ça permet une meilleure, je vous
dirais, probablement utilisation des ressources judiciaires, probablement une
meilleure utilisation du temps de banc. Ça permet une plus grande flexibilité
dans une région de coordination plus grande. Ça, je pense que c'est une des
avancées du projet de loi.
Parce que, présentement, lorsqu'un juge de
la cour municipale... le juge siège seul dans sa cour municipale, bien,
écoutez, là, c'est comme lui, un petit peu, qui peut faire la pluie et le beau
temps. Par contre, en regardant... en créant les juges coordonnateurs, je pense
que c'est une chose qui est... c'est probablement une des plus grandes avancées
avec le retrait de la rémunération à la séance, là. C'est des avancées
importantes, là, puis je le souligne, là, c'est du beau travail, mais
malheureusement, il y a d'autres éléments qui viennent un peu diminuer les
avancées, là, vers lesquelles on s'en va.
Mme Maccarone : Mais merci
beaucoup, ça a été un plaisir d'échanger avec vous puis je serai... hâte de
recevoir un mémoire ou vos remarques pour nous guider avant qu'on procède aux
prochaines étapes de ce projet de loi. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Merci... faites
parvenir ces remarques supplémentaires à la commission. Merci. M. le député de
Jean-Talon pour 12 minutes... 12 minutes, excuse-moi, 2 min 12 s.
M. Paradis : Bonjour, merci
de votre présence. L'indépendance judiciaire, c'est un thème extrêmement important.
Je vais vous poser des questions sans aucun a priori et je me sens d'autant
plus à l'aise de vous les poser à vous parce que vous ne représentez ni la
municipalité, ni les juges, ni le ministère ici. Mais je suis intrigué sur
cette question-là du nom du juge municipal. En quoi la transmission d'une
information qui est entièrement publique... quel juge a présidé une session, en
quoi la transmettre au juge municipal en chef et au ministère de la Justice ça
enfreint l'indépendance judiciaire? J'aimerais en savoir plus sur votre opinion
là-dessus. Et deuxièmement, à l'inverse, ne pas la transmettre, est-ce que ça
ne peut pas être vu comme une mesure qui peut nuire, d'une certaine façon, à la
capacité du ministère de la Justice et du juge municipal en chef à mieux
comprendre le fonctionnement de la justice municipale et à mieux l'analyser et
à donc agir en conséquence?
M. Benoit (Jean-François) : Mais
en quoi le nom du juge permet de comprendre comment fonctionne le tribunal ou
l'administration de la justice? C'est ça que je ne comprends pas. C'est vrai
que c'est une donnée publique, mais pour l'avoir, il faut faire des recherches
sur chacune des audiences, et tout ça. Puis c'est important que ça soit une
donnée publique. Mais moi, ce que je connais du... ce que je comprends du
projet de loi, c'est que le ministre désire avoir cette donnée-là. Et
présentement, moi, personnellement, peut-être qu'il y a eu d'autres échanges,
je ne vois pas qu'est-ce que le ministre veut en faire. Sans une réponse
efficace puis complète sur cette question-là, moi, je vois un risque. En
quoi...
M. Paradis : Je vous... je
vous entends là-dessus, mais j'aimerais vraiment avoir l'autre côté. En quoi la
transmission du nom du juge pourrait nuire à l'indépendance judiciaire?
M. Benoit (Jean-François) : Bien,
Je vous dirais, parce que le juge, lui, doit rendre justice. On le sait qu'il
est «monitoré», je suis désolé pour l'anglicisme, et cette... cette
surveillance-là, très pointue, va être envoyée à l'exécutif. Sur le macro,
comme je vous le dis, je ne vois pas de problème : c'est quoi, le nombre
de séances requises, combien de dossiers ont été traités, de façon globale, je
pense que c'est très, très pertinent pour une assignation, pour une saine
gestion des ressources. Mais je ne comprends pas comment... Puis écoutez, il y
a plein de données qui sont précises. Le ministre peut venir s'asseoir dans
chacune des salles de cour s'il le désire. Mais pourquoi il a besoin de ça?
Puis C'est ça, l'inquiétude. Il y a un principe à défendre, vous allez
dire : Bien, il serait capable de l'obtenir de toute façon, ce n'est pas
une raison pour faciliter la tâche...
Le Président (M.
Bachand) :Merci.
M. Benoit (Jean-François) : ...puis
de faire en sorte que la loi, à sa face même...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Maître Benoit,
d'avoir été avec nous cet après-midi. C'est très, très apprécié.
M. Benoit (Jean-François) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Et je suspends les travaux
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 30)
17 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 17 h 34)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît, la
commission reprend ses travaux. Ça me fait plaisir d'accueillir les
représentants du Barreau du Québec, dont la bâtonnière. Alors, Mme la
Bâtonnière, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui, c'est très apprécié.
Je vous inviterais d'abord à présenter la personne qui vous accompagne et
débuter votre exposé. Merci beaucoup.
Mme Claveau (Catherine) : Alors,
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, comme vient de le
mentionner M. le Président, je suis effectivement Catherine Claveau, Bâtonnière
du Québec, et je suis accompagnée ce soir de Me Nicolas Le Grand Alary, qui est
avocat au secrétariat de l'ordre et affaires juridiques du Barreau.
Le Barreau du Québec vous remercie de l'avoir
invité à participer aux consultations entourant le projet de loi no 40, qui
constitue un jalon important dans la réforme des cours municipales au Québec. D'emblée,
nous désirons vous rappeler qu'en tout temps le Barreau du Québec a été
préoccupé par la justice offerte par les cours municipales. Ainsi, nous tenons
à exprimer que nous saluons le dépôt de ce projet de loi. Nous formulons
cependant certains commentaires afin de le bonifier et d'offrir au législateur
de meilleurs outils pour renforcer l'indépendance judiciaire et favoriser l'accès
à la justice.
Le Barreau du Québec soumet que le projet
de loi semble offrir toutes les garanties nécessaires aux juges municipaux
quant aux piliers de l'indépendance judiciaire que sont l'inamovibilité et la
sécurité financière. Cependant, plusieurs dispositions du projet de loi
pourraient constituer des atteintes au troisième pilier de l'indépendance
judiciaire, soit l'indépendance institutionnelle. Précisons que l'indépendance institutionnelle
exige que l'on doive donner aux tribunaux le contrôle des décisions
administratives qui portent directement sur l'exercice des fonctions
judiciaires. À cet effet, les décisions administratives comprennent les
questions sur l'assignation des juges aux causes, les séances de la cour, le
rôle de la cour, ainsi que les domaines connexes de l'allocation des salles d'audience
et de la direction du personnel administratif qui exerce ses fonctions.
Ainsi, le Barreau du Québec est d'avis que
les éléments suivants du projet de loi pourraient constituer des atteintes au
principe de l'indépendance institutionnelle. D'abord, le projet de loi établit
la durée du mandat du juge municipal en chef à cinq ans. En ce qui concerne la Cour
du Québec, la Loi sur les tribunaux judiciaires prévoit que le mandat du juge
en chef est de sept ans. De plus, le projet de loi octroie au gouvernement, un
après consultation du juge municipal en chef, le pouvoir de désigner un juge
coordonnateur pour chacune des régions de coordination et de déterminer la
durée du mandat de chacun d'eux. Dans sa mouture actuelle, la Loi sur les
tribunaux judiciaires prévoit que le juge en chef désigne...
Mme Claveau (Catherine) : ...les
juges de la Cour du Québec, avec l'approbation du gouvernement, bien sûr, des
juges coordonnateurs, et déterminent la durée de mandat pour chacun d'eux.
Le projet de loi prévoit également qu'au
moins deux fois par année, les juges coordonnateurs et le juge municipal en
chef doivent transmettre un rapport d'activité au ministre de la Justice. Pour
la Cour du Québec, la loi sur les tribunaux judiciaires ne prévoit pas que le
juge en chef doive transmettre des rapports d'activité au gouvernement.
En outre, le projet de loi oblige le juge
municipal en chef à répondre aux objectifs de performance et aux besoins des
municipalités, ce qui semble faire un amalgame entre l'administration
municipale, soit le pouvoir exécutif, et la Cour municipale en tant que telle,
soit le pouvoir judiciaire.
Finalement, le projet de loi prévoit que
c'est le ministre de la Justice qui affecte le personnel nécessaire au bureau
du juge municipal en chef et des juges coordonnateurs ou des juges
coordonnateurs adjoints.
Le Barreau du Québec recommande donc que
le projet de loi soit modifié afin de réduire au maximum ces différentes
atteintes potentielles en les arrimant, lorsque cela est possible, avec les
dispositions prévues par la Loi sur les tribunaux judiciaires pour la Cour du
Québec ou en s'inspirant des pratiques actuelles qui ont fait leurs preuves.
Poursuivons sur le thème de l'encadrement
des procureurs municipaux. Le projet de loi prévoit que le gouvernement peut
déclarer par règlement certaines fonctions incompatibles avec la fonction de
procureur agissant en poursuites criminelles ou pénales devant une cour
municipale. Le Barreau du Québec appuie cette modification qui vise à maintenir
et garantir l'autonomie des procureurs des cours municipales. Toutefois, nous
estimons que l'indépendance du procureur doit être une condition sine qua non
pour s'assurer du traitement équitable des justiciables devant les tribunaux.
Ainsi, le procureur doit pouvoir prendre des décisions de poursuivre ou non le
dossier sans être soumis aux contraintes du mandat reçu par le conseil municipal.
Nous invitons donc le Gouvernement à considérer ces impératifs lors de
l'élaboration du règlement qui déterminera les fonctions, les charges ou les
emplois incompatibles avec les fonctions du procureur municipal.
Par ailleurs, le projet de loi permet au
DPCP de s'assurer du respect des directives qui s'appliquent aux procureurs
municipaux en exigeant la transmission d'informations relatives à l'application
d'une directive ou de tout renseignement aux documents relatifs à des dossiers
afin de procéder à la vérification du respect de celles-ci.
«Corollairement», Le projet de loi impose
aux procureurs municipaux d'informer le DPCP de tout défaut de conformité ou de
toute irrégularité dans l'application d'une directive à laquelle ils sont
soumis. Bien que cet objectif soit louable, nous sommes d'avis que le libellé
proposé par le projet de loi porte à confusion. Le Barreau du Québec propose au
législateur de préciser spécifiquement que le procureur municipal doit dénoncer
tout défaut de conformité et toute irrégularité dans l'application d'une
directive, qu'elle soit causée par un procureur en particulier ou qu'elle soit
le fruit de la culture locale ou de l'exigence de la municipalité.
Le projet de loi prévoit l'édiction de
lois sur les sanctions administratives pécuniaires en matière municipale qui
vient permettre au gouvernement, de concert avec les municipalités, de mettre
en place un régime de sanctions administratives pécuniaires communément appelé
les SAP visant certaines infractions pénales. Le Barreau du Québec accueille
favorablement cette possibilité qui permettra de désengorger les cours
municipales afin qu'elles puissent se concentrer sur le traitement des dossiers
en matière criminelle ou pénale plus graves.
• (17 h 40) •
Nous notons cependant que la loi proposée
n'identifie pas les... de municipalités en particulier ni les infractions qui
seront visées. À ce sujet, le projet de loi accorde un important pouvoir de
réglementation au Gouvernement, qui peut alors définir lui-même les aspects
essentiels et les notions fondamentales du projet de loi. Le Barreau du Québec
est d'avis que certains éléments devraient être définis dans le projet de loi.
En effet, si un règlement permet de préciser les modalités d'application d'une
loi, il ne devrait pas avoir pour objet de définir les concepts fondamentaux en
vertu desquels elle sera appliquée. Par ailleurs, nous incitons le législateur
à mettre en place un régime de SAP qui s'offre... qui offre certaines garanties
d'indépendance afin de facilement justifier la possibilité d'imposer ces
sanctions. Ce régime doit être construit dans le respect des principes de
justice fondamentale et d'équité procédurale. Le Barreau du Québec recommande
ainsi que la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière
municipale prévoit de manière particulière d'abord des montants
renouvelables... pardon, pardon, d'abord, des mandats renouvelables à durée
déterminée qui protègent le décideur administratif contre les destitutions
arbitraires ou discrétionnaires puis les exigences de nomination comme la...
Mme Claveau (Catherine) : ...appartenance
à un ordre professionnel, ainsi que les garanties d'indépendance nécessaires
envers la municipalité ou le gouvernement. Enfin, qu'on prévoit le droit
d'appel ou de révision d'une décision rendue en vertu du régime...
En terminant, le Barreau tient à réitérer
qu'il accueille favorablement le projet de loi qui vise à réformer les cours
municipales et à améliorer l'efficacité, l'accessibilité et la performance du
système de justice. Pour le Barreau du Québec, les questions de juridiction et
de nomination des juges et des procureurs sont fondamentales dans un État de
droit. Ainsi, ce sont les grands principes d'accessibilité à la justice qui
doivent orienter cette réforme non seulement en matière de proximité et de
flexibilité d'horaire, mais surtout d'universalité des services offerts aux
justiciables.
D'autres commentaires se trouvent dans
notre mémoire. Nous vous remercions encore une fois pour cette invitation et nous
sommes disponibles pour répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, Mme la bâtonnière, Me Catherine Claveau, Me Nicolas Le Grand Alary.
Merci pour votre présence en commission parlementaire et pour votre mémoire sur
le projet de loi n° 40. D'entrée de jeu, Me claveau, j'aimerais qu'on
aborde, là, la fin de votre intervention sur l'universalité d'horaires pour les
citoyens. On parle beaucoup, là, d'accessibilité au système de justice, donc je
comprends que vous êtes d'accord pour que les cours municipales, ça siège les
soirs, les fins de semaine au bénéfice des justiciables québécois.
Mme Claveau (Catherine) : Oui.
Oui, oui. Il n'y a pas de désaccord, là, par rapport à cela.
M. Jolin-Barrette : Mais dans
un souci aussi que... de rendre la justice accessible, ça ne serait pas
nécessairement mauvais que les tribunaux supérieurs aussi puissent siéger
également les soirs, la fin de semaine pour répondre aux besoins des
justiciables.
Mme Claveau (Catherine) : Est-ce
qu'on parle de la Loi sur les tribunaux judiciaires ou sur la Loi sur les cours
municipales?
M. Jolin-Barrette : Bien, on
vient toucher, notamment dans la loi, à la Loi sur les tribunaux judiciaires.
Donc, je vous pose la question. Vous trouvez que c'est une bonne chose pour les
cours municipales parce que les citoyens ont des besoins, ils veulent avoir de la
flexibilité d'horaires. Donc, moi, je vous pose la question : Est-ce que
le Barreau est d'avis qu'également ça devrait s'appliquer pour la Cour du
Québec, la Cour supérieure, pour faire en sorte de répondre... Parce que c'est
les mêmes justiciables, là. La personne qui se fait poursuivre pour une
infraction de nature pénale à la cour municipale, c'est la même personne qui va
se faire poursuivre pour une infraction pénale à la Cour du Québec ou dans un
recours civil à la Cour supérieure. Donc, juste connaître l'opinion du Barreau
sur le fait que... Est-ce que ça serait à l'avantage des citoyens qu'il y ait
de la flexibilité d'horaire au niveau de la Cour du Québec, de la Cour
supérieure les soirs et la fin de semaine?
Mme Claveau (Catherine) : C'est
sûr qu'on ne s'est pas penchés sur cette question spécifiquement par rapport à
ce projet de loi ci. Mais vous savez comme moi, M. le ministre, que le Barreau
du Québec se montre toujours favorable à des mesures qui favorisent l'accès à
la justice pour les justiciables. Donc, s'il y a des mesures par rapport aux
horaires qui sont appliquées aux cours municipales, pourquoi pas pour un
tribunal de droit commun.
M. Jolin-Barrette : O.K. Bon.
Sur la question, bon, des besoins des municipalités, il y a beaucoup de groupes
qui sont venus nous en parler à l'article 192 du projet de loi. Bon,
certains nous ont dit : Écoutez, nous, on ne voit pas de problématique
avec l'indépendance judiciaire. Vous, le Barreau du Québec, vous dites :
Attention, on voit un enjeu avec ça, le besoin des municipalités. Moi, je vous
dirais, on est dans une situation où on veut s'assurer... Quand qu'on
déconstruit l'article puis on regarde. 192, c'est vraiment le juge municipal en
chef, c'est son pouvoir à lui. Ce n'est pas l'exécutif. Ce n'est pas le
ministre. Ce n'est pas la municipalité qui a ce pouvoir-là, c'est vraiment le
juge municipal en chef qui regarde, quand qu'il organise ses choses en tout
respect de l'indépendance judiciaire, parce que c'est lui qui va assigner,
c'est lui qui va coordonner le tout, ultimement, qui a son pouvoir de
surveillance. Le législateur, lui, il dit : Écoutez, prenez en
considération les besoins des municipalités. J'ai eu des suggestions. Au fil
des consultations, on me disait : Bien, écoutez, vous devriez peut-être
rajouter les besoins des justiciables aussi. Ça, je vous dirais, je suis ouvert
à ça. Mais en quoi est-ce que ça porte réellement atteinte à l'indépendance
judiciaire le fait que le juge municipal en chef, quand qu'il regarde sa grille
d'analyse pour fixer son nombre de séances, de regarder quels sont les besoins?
Ce sont des partenaires, les municipalités aussi, puis il y a un coût pour les
citoyens associés à ça. Alors, en quoi réellement ça porte atteinte à
l'indépendance judiciaire, le fait que le juge en chef ait cet outil-là dans
ses poches?
Mme Claveau (Catherine) : Je
vais laisser Me Le Grand Alary, qui est notre grand connaisseur dans ces
questions-là, de répondre à votre question, M. le ministre.
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Oui.
Bonjour. Sur ce point, j'aimerais quand même préciser que le mémoire du
Barreau, on a identifié certains... certaines atteintes potentielles. On a
parlé de durée de mandat. On a parlé de la nomination du juge coordonnateur...
M. Le Grand Alary (Nicolas) : ...au
niveau de l'obligation pour le juge municipal en chef de répondre aux objectifs
de performance puis aux besoins des municipalités, également, là, dans la
confection des rôles et la fixation des séances. Je pense que toute discussion
avec l'administration municipale, toute orientation au niveau des justiciables,
c'est quelque chose qui est... mais c'est plus pris dans leur ensemble quand on
cumule toutes ces mesures-là, on vient un peu lire certaines atteintes
potentielles à l'indépendance. Donc, il y a peut-être des petits ajustements
qui peuvent être faits au projet de loi, notamment à l'article 192, pour juste
préciser que c'est dans le respect de l'indépendance judiciaire. Mais ce n'est
pas une opposition, là, complète, qu'on a, là-dessus, c'est plus qu'on vous
souligne certains écueils potentiels, là, et celui-là en fait partie. Je vous
dirais que, couplé avec la reddition de comptes qui est proposée, incluant, là,
l'identification, là, des juges, nommément, dans les rapports d'activités,
bien, on en vient à vraiment avoir des indicateurs plus de performance. Puis il
faut éviter que ça soit utilisé pour... de manière qui pourrait porter, là,
atteinte à l'indépendance judiciaire. C'est plus ça.
Mais, au niveau des besoins, puis on vient
d'en parler, la première question au niveau des horaires, je pense qu'il y a
effectivement une discussion à avoir avec le juge en chef, le juge
coordonnateur, pour que la cour municipale réponde aux besoins, là, des
justiciables.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vais vous poser une question, parce que le Barreau du Québec, souvent, me
demande d'investir davantage, de nous attaquer aux délais, d'avoir un système
où est-ce que la confiance des citoyens va être là. Puis la confiance des
citoyens, ça passe notamment par l'efficacité, l'accessibilité, la réduction
des délais. Mon souhait est le même que celui du Barreau du Québec, là, c'est
d'être efficace, puis c'est un service public, la justice, puis il n'y a
personne qui a confiance dans le système de justice quand ça prend de longs
délais, quand avant de se faire entendre pour un constat d'infraction de 100$
ou de 200$, ça prend plusieurs mois. Là, on est... dans certaines cours
municipales, je vous dirais, les délais sont meilleurs qu'à la Cour du Québec,
notamment en chambre criminelle et pénale, mais on est dans une situation aussi
parfois où il y a des cours municipales qui sont compétentes sous la partie 27
du Code criminel, qui entendent des dispositions criminelles.
Moi, je donne des outils aux juges en chef
pour faire en sorte de dire : Écoutez, on offre un service public, il faut
que ça soit performant, il faut que ça soit efficace. On a des partenaires, les
justiciables, les citoyens, mais on a une responsabilité comme administrateur.
Parce que, quand vous êtes juge en chef, là, vous êtes administrateur public
aussi, là, de votre cour, là. Oui, vous demeurez juge, mais vous avez une
fonction d'administration. Pourquoi le système de justice serait... n'aurait
pas les mêmes outils, je vous dirais, en termes de reddition de comptes? Puis
je ne parle pas, là, d'envoyer ça au ministre, là, je pense que... il y a eu
quelques commentaires, un des enjeux sur le rapport... bien, certains m'ont
dit : Vous enlevez le nom du juge en chef... l'Association des avocats en
droit de la défense m'a dit : Vous enlevez le nom du juge en chef, le nom
des juges qui siègent, c'est correct, il n'y a pas de problème à transmettre au
ministre. Il y en a d'autres qui me disent : Ah! c'est le fait de le
transmettre au ministre. Honnêtement, moi, de le recevoir, de ne pas le
recevoir, tant qu'il est rendu public, ça peut être sur le site Web... du site
des cours municipales, je n'ai pas d'enjeu, l'important, c'est que les données
soient là, que tout le monde ait les mêmes données puis qu'on puisse évaluer où
il y a des enjeux, où il n'y en a pas. Mais ça, c'est un outil à la portée du
juge municipal en chef.
• (17 h 50) •
En quoi cet objectif-là du législateur de
faire, de donner des outils affecte l'indépendance judiciaire? Parce que, moi,
là, si j'étais juge en chef, là, j'aimerais ça, offrir des services de qualité
en temps opportun aux justiciables, puis je serai fier que ma cour soit menée
avec des délais raisonnables. Puis je serais surtout fier de dire à mes juges :
Écoutez, quels sont les outils pour qu'on puisse être efficace? Le tout sans
venir leur dire, là : Qu'est-ce que vous allez écrire dans vos jugements,
combien de jugements vous allez rendre par année? Ce n'est pas une question de
ça, mais c'est une question de, dans n'importe quelle organisation, comment
est-ce qu'on peut améliorer les choses, comment est-ce qu'on peut être plus
efficace. Je pense qu'on se rejoint, là-dessus, non?
Mme Claveau (Catherine) : Bien
sûr.
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Puis,
si vous me permettez de compléter, je pense que, sur le point vraiment du
rapport d'activités, je pense qu'on se rejoint également, là. Au niveau... on
avait un enjeu au niveau de la présence du nom du juge, au niveau de la
transmission au ministre, mais il y a une reddition de comptes publique, le
Barreau. De tout temps, on a demandé des données de qualité, des statistiques
de qualité sur les délais en matière de justice, et les autres matières en
matière de justice, donc c'est toujours quelque chose qu'on a favorisé. Donc,
oui, pour répondre à votre question, là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Une
question sur le nom du juge, là, dans le rapport, là, parce ça semble être un
irritant, mais les rôles sont déjà publics. Cette information-là, elle est déjà
publique. Alors, quel est l'enjeu qu'elle soit colligée dans un rapport...
M. Jolin-Barrette : ...parce
que... Puis, tout à l'heure, on m'a dit : Bien, vous voulez le savoir, M.
le ministre? Allez vous asseoir dans la salle de cour. Bien, je peux déjà aller
m'asseoir dans la salle de cour quand c'est public puis ce n'est pas à huis
clos. Quelle est la problématique que ça soit consolidé comme information, vu
que c'est déjà public?
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Je
pense que ce n'est pas tant le fait que ce soit consolidé en soi, c'est plus la
combinaison de ce rapport-là puis d'ensuite d'autres statistiques qu'on peut
tirer, qui pourraient avoir des impacts sur l'indépendance judiciaire, si on
commence à évaluer, de manière particularisée, la performance de juges, le
nombre d'amendes qu'ils ont reçu ou d'autres choses. Ce n'est pas en soi le
rapport, on est peut-être dans une autre étape de qu'est-ce qu'on peut faire
avec la donnée là-dessus. Mais, comme je vous dis, on convient qu'il y a
également du bon à avoir, de manière générale, des statistiques sur les délais
judiciaires et sur les auditions, notamment dans les cours municipales.
M. Jolin-Barrette : Mais
l'enjeu, là, vous savez, dans le domaine de la justice, souvent, c'est un
manque de données qui est problématique. Puis là tout le monde... pas tout le
monde, certaines personnes disent : Écoutez, il manque des ressources dans
le système de justice. On rajoute des juges, on a... Mme Vallée, quand il y a
eu Jordan, elle a rajouté 16 juges dans le système de justice. Avec l'entente
avec la Cour du Québec, on a rajouté 14 juges dans le système de justice, quand
on va avoir les rapports de sélection, vont être nommés. Il y a 45000 dossiers
de moins dans le système de justice que voilà 10 ans, mais il y a 45 juges de
plus, puis là les données sont souvent contestées. Moi je me dis : Soyons
transparents, montrons les données comme dans n'importe quelle organisation
publique, je pense que l'information, les citoyens doivent pouvoir le faire et
l'avoir.
Alors, en quoi ça porte atteinte à
l'indépendance judiciaire, le fait que ces données-là soient indiquées puis que
tout le monde puisse partir de la même page puis surtout se questionner pour se
dire : Écoutez, il n'y a pas des nouvelles façons de travailler, parce
que, manifestement, il y a un problème, là. Si on n'est pas capable d'être
efficace, d'être performant puis qu'on dit toujours : Bien, il faut juste
rajouter des ressources, on n'avancera pas, là. Vous êtes d'accord avec moi
qu'il faut changer nos méthodes puis il faut changer nos façons de faire. Mais
je sens que, souvent, l'indépendance judiciaire est invoquée pour ne pas que ça
change. Est-ce que je me trompe?
Mme Claveau (Catherine) : Non,
ce n'est sûrement pas invoqué pour ne pas que ça change, mais je vais laisser,
encore une fois, mon collègue essayer de mieux répondre à la question que par
un non.
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Je
ne pense pas que c'est l'objectif, nous, on fait juste soulever des enjeux
potentiels. Il faut se rappeler que les exigences au niveau de l'indépendance
judiciaire, c'est quand même des des principes qui remontent, là, qu'on
retrouve dans les lois constitutionnelles. C'est des choses qui ont été
reconnues, ça fait longtemps, par la Cour suprême du Canada. On veut juste
s'assurer qu'il n'y ait pas d'enjeu dans la façon que le système est fait au
niveau de la reddition de comptes. Je pense qu'on convient avec vous qu'il est
tout à fait possible d'avoir des données de qualité sur la justice, qu'elles soient
administrées, disons-le comme ça, par le ministère ou par les tribunaux en tant
que tels. Mais c'est lorsqu'on commence à particulariser envers certains juges,
lorsqu'on commence à avoir...
Il faut juste s'assurer que ça ne vienne
pas limiter, dans leurs actions, les juges, parce qu'il y aurait une... Ils
seraient en train de penser à l'image que ça pourrait sortir, selon, par
exemple, les données ou le volume ou autres choses, par ça. Mais tout se fait,
comme on vous dit, on vous soulève un écueil potentiel. Mais, au-delà de ça, il
y a clairement des choses qui peuvent être faites, là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Dans
le fond, ce que je reçois de votre message, c'est que, si le juge se sent
identifié, il voudrait peut-être juger plus rapidement. Puis vous dites :
Ça, c'est problématique parce qu'il faut qu'il prenne le temps de bien évaluer,
puis il ne faut pas qu'il ait de pression extérieure de dire : Bien,
écoutez, moi, j'ai entendu moins de dossiers cette année, même si c'était des
plus gros dossiers ou des dossiers plus complexes. Vous avez ce souci-là de
faire en sorte que le juge ne subisse pas de pression à ce niveau-là, en
résumé.
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Exactement,
exactement. Je pense que c'est au niveau de tout ça, au niveau des différentes
pressions qu'ils peuvent avoir, qu'elles soient réelles ou qu'elles soient
appréhendées par le juge.
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis
ce n'est pas le ministre qui fait ça, là, c'est le juge en chef, là, mais, dans
l'éventualité où vous avez un juge, là, qui est nommé puis qui ne remplit pas
sa prestation de travail normale ou adéquate, là, qu'est-ce que le juge
municipal en chef est supposé faire avec ça?
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Je
pense qu'il existe un mécanisme, dans la Loi sur les tribunaux judiciaires,
lorsqu'un juge ne remplit pas sa charge, là, de...
M. Le Grand Alary (Nicolas) : ...de
passer par ce mécanisme-là. Je pense qu'on est à ce niveau-là, là, dans ce cas
là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Excellent. Peut être une dernière question, avant de céder la parole à mes
collègues, sur la question des procureurs. Dans le fond, vous dites vraiment...
Là, nous, on a mis des directives que le DPCP peut intervenir, mais vous
souhaiteriez qu'on aille plus loin pour les procureurs poursuivants municipaux.
Mme Claveau (Catherine) : Effectivement.
M. Jolin-Barrette : Puis ce
que vous nous suggérez pour... pour ces procureurs-là?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
c'est qu'on aille plus loin, c'est que... qu'on aille plus loin, là, pour...
que la situation actuelle. Puis je pense que ce qui est important de retenir,
c'est qu'ils ne soient pas influencés par le pouvoir exécutif, que si
effectivement, là, il y a... et il y a des directives qui sont émises par le
DPCP, qu'on doit s'y conformer, si on en a connaissance que les directives ne
sont pas suivies, de le dénoncer, et ça a d'ailleurs déjà été le cas pour un de
nos membres, là, qui a reçu... qui a été sanctionné, qui refusait, par exemple,
là, d'appliquer le programme de traitement non judiciaire de certaines
infractions criminelles commises par des adultes. Donc, c'était contraire à une
directive du DPCP. Donc, dans le fond, c'est pour éviter toute influence du
pouvoir exécutif, là, dans la décision des procureurs.
M. Jolin-Barrette : Est-ce
que... est-ce que ça arrive fréquemment qu'il y a des cas comme ça au Barreau
du Québec, j'imagine, qui a été un qui a été amené devant le Conseil de
discipline du Barreau? Est-ce que vous avez fréquemment des... des avocats
comme ça, qui, à juste titre de poursuivant, qui ne respectent pas...
Le Président (M.
Bachand) :...il ne reste pas beaucoup de
temps.
M. Jolin-Barrette : Oui. Qui
respectent les directives du DPCP.
Le Président (M.
Bachand) :O.K. En 30 secondes, s'il
vous plaît.
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Rapidement,
c'est le seul... c'est le seul cas qu'on a qui est allé devant le conseil de
discipline. Je ne peux pas vous dire qu'il y a eu d'autres cas qui ont été sous
enquête sous d'autres situations, mais c'est des choses de manière générale
qu'on avait entendues qu'il pouvait y avoir, dans certains districts, des
directives qui n'étaient pas appliquées ou d'autres choses. Donc, on conçoit
que c'est une très bonne chose de venir préciser les règles au niveau du
pouvoir de contrôle, disons-le comme ça, là, du DPCP sur les différents
programmes municipaux.
Puis on vous invite, dans le cadre des
délibérations règlement des fonctions incompatibles, de bien considérer cela,
puis de peut être certaines précisions, peut-être éducatives, là, au niveau
de... dans quels cas il doit y avoir des dénonciations, là, qui doivent être
faites lorsqu'il y a des manquements au respect des directives.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député d'Acadie,
s'il vous plaît.
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Bonjour ou en fait bonsoir, Mme la bâtonnière. Bonsoir, Maître.
Merci... merci pour votre mémoire.
J'ai une question pour vous en ce qui a
trait au chapitre II du projet de loi qui va créer la Loi sur des
sanctions administratives pécuniaires en matière municipale. Le projet de loi
suggère que le gouvernement va régler ce cadre-là par règlement et, évidemment,
c'est sûr que le règlement laisse plus de souplesse au gouvernement. Mais je me
demandais si ce ne serait pas préférable d'au moins de mettre certains
paramètres, dans la lo, pour garantir évidemment l'indépendance de ceux qui
auront à entendre ces dossiers-là, puis après, bien, compléter avec un
règlement?
• (18 heures) •
Mme Claveau (Catherine) : Oui,
bien, c'est d'ailleurs ce qu'on indique à la page 10 de notre rapport.
Nous sommes... lorsque... Il y a quand même des... Ce serait davantage... ce
serait mieux que ce soit intégré dans le projet de loi plutôt que dans un
règlement, c'est vraiment... Dans ce genre de dossiers là, je pense que ça met
souvent en cause des droits fondamentaux garantis par la Charte canadienne, la
Charte des droits et libertés de la personne, par exemple. Donc, il y a un
minimum de règles et de modalités, là, à prévoir dans un projet de loi.
M. Morin : Oui, parfait.
Mme Claveau (Catherine) : Plutôt
que par règlement, oui.
M. Morin : Oui. Et quant au
processus de nomination des gens qui vont être appelés à entendre ces
causes-là, l'article 5 dit : «Le gouvernement, sur recommandation du
ministre de la Justice, nomme les personnes chargées d'entendre la
contestation». Puis je comprends que, dans certains documents, on parle de
contraventions ou des contraventions stationnement, mais le projet de loi ne
limite pas le régime à des contraventions en matière de stationnement. Donc, ça
pourrait être théoriquement des infractions pénales où les sanctions sont
beaucoup plus importantes. J'aimerais vous entendre...
18 h (version non révisée)
M. Morin : ...là-dessus.
Est-ce que ça garantit suffisamment l'indépendance face au gouvernement? Est-ce
qu'il ne devrait pas y avoir un comité indépendant qui ferait des
recommandations au gouvernement, un peu comme c'est avec les juges des
nominations du Québec, là?
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Oui,
bien, merci pour la question. Deux choses, au niveau, Effectivement... puis
vous avez tout à fait raison qu'il y a beaucoup des modalités de la loi qui
vont être adoptées par règlement, au niveau de la décision pour la nomination
des décideurs, soit la personne chargée, là, d'entendre la contestation ou le
décideur responsable, il y a ces deux termes-là qui sont employés dans la loi
mais qui ne sont pas définis, effectivement, ce que nous, on propose, dans
notre mémoire, c'est que les conditions, là, de nomination, par exemple, la
durée du mandat, qu'il soit renouvelable ou non, devraient être prévues, là, à
même la loi, les exigences de nomination, si jamais il y a une appartenance à
un ordre professionnel, ou d'autres conditions, là, qui sont nécessaires, l'expérience
pertinente, par exemple, de mettre les grandes lignes là-dedans. Les garanties
de l'indépendance nécessaire envers la municipalité, le droit d'appel.
Pour ce qui est de la nomination, il faut
se rappeler qu'on parle de décideurs administratifs, on comprend, de la Loi sur
les sanctions administratives pécuniaires municipales, que ces décideurs-là
vont être assujettis à la Loi sur la justice administrative, en partie, ou du
moins au Conseil de la justice administrative, pour l'enquête de plainte
déontologique. Donc, dans cette mesure-là, un mécanisme similaire à ce qui se
fait pour les juges administratifs et autres décideurs administratifs pourrait
être une voie, là, intéressante, là, de réflexion pour la nomination, là. Il y
a déjà des règles qui sont prévues dans la Loi sur la justice administrative,
dans les lois particulières des tribunaux administratifs, on peut s'inspirer de
ces règles-là pour la nomination.
M. Morin : Je vous remercie.
Prochaine question, c'est plus au niveau des... plutôt des grands principes. Je
pense que, bien, en fait, le ministre de la Justice aurait pu inclure le volet
des cours municipales, parce qu'elles vont devenir permanentes, il n'y aura
plus de juge à la leçon dans... au sein de la Cour du Québec, ce qui aurait
évité de multiplier des tribunaux de première instance. Il y a déjà... il y a
eu des rapports qui ont été déposés à cet effet-là. Les premiers datent des années
70, quand on a unifié les différentes cours cours, cours provinciales, cours...
de la paix. Ça n'avait pas été fait à l'époque. Est-ce que ce serait quelque
chose qui serait important?
Les villes nous disent, dans leur mémoire :
Bien, nous, on veut une justice de proximité. Bien, évidemment, au niveau de la
conception même de la justice, quant à moi, un n'empêche pas l'autre. Quelle
est votre opinion là-dessus?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
nous partageons la même opinion que les municipalités. Je pense que, de
manière... Il y a des raisons historiques qui font en sorte que les cours
municipales ont été créées. Il reste que, tu sais, ça demeure une cour de
proximité. Puis je pense que l'objectif, c'est vraiment, là, de garantir un
accès à la justice, une justice municipale de qualité, et de la façon dont le
système est fait puis va s'améliorer avec ce projet de loi, pour nous, ça nous
satisfait. Donc, on considère également, là, que le maintien des cours
municipales est adapté, plutôt que la création d'une quatrième chambre, par
exemple, à la Cour de Québec.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Ma collègue de Westmount-Saint-Louis...
Une voix : ...
M. Morin : Oui, mais as-tu
des questions?
Mme Maccarone : Oui. J'ai quelques
questions.
Le Président (M.
Bachand) :O.K. Merci beaucoup. Mme la
députée de Westmount-Saint-Louis, s'il vous plaît.
Mme Maccarone : Oui. Bonsoir,
Mme la Bâtonnière, bonsoir, Me Le Grand Alary. Merci pour votre mémoire, qui
est excellent, on s'est beaucoup inspiré de vos recommandations. Puis la
question que j'avais pour vous, c'est toujours en lien avec le SAP, parce qu'évidemment
ça engendre beaucoup de questions, c'est un régime qui sera nouveau. Puis le
fait que c'est optionnel... Parce que nous avons entendu la ville de Gatineau,
qui ont quand même remarqué que le fait que c'est optionnel, on n'a pas le même
type d'accès de justice à travers toute la province, auprès de toutes les
municipalités. Puis je voulais avoir votre avis là-dessus. Je trouve la
préoccupation intéressante, qu'ils soulèvent, étant donné que ça risque de ne
pas être établi partout. Ça fait que quelle est votre opinion, l'opinion du
Barreau en ce qui concerne cette préoccupation?
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Oui,
bien, c'est une excellente question. Comme vous le savez, puis on en a...
évoqué, là, précédemment, dans les questions, au niveau, là, que l'essentiel de
ce régime-là va être prévu dans le règlement, donc ce n'est pas... le champ des
infractions visées, on comprend que c'est très large, on comprend que c'est
aussi très large au niveau de quelles villes peuvent être visées.
Nous, on croit que c'est une avancée
importante puis ça va être quelque chose qui va être utile, puis on espère que
ça porte fruit. Il y a une souplesse, d'avoir un certain certain flou dans la
loi, quand même, sur ce point-là, il faut qu'on le reconnaisse, on le
reconnaît, dans le mémoire, d'ailleurs. Donc, s'il y a des villes qui se
lancent, puis je vais utiliser le terme «projet pilote», même si ce n'en est
pas un, là, légalement, un projet pilote, mais, s'il y a des villes qui se
lancent puis que l'expérience...
M. Le Grand Alary (Nicolas) : ...positive,
bien, on a juste à espérer que ce soit implanté partout. Il faut se rappeler
que la réforme doit avoir comme objectif d'assurer une justice équitable,
accessible à tous les justiciables qui se retrouvent au Québec, peu importe,
là, la région. Donc, il y a aussi un... il va aussi y avoir un intérêt, là, à
développer ça à l'extérieur, peut-être, de Montréal ou d'autres villes, là, qui
vont lancer de tels programmes.
Mme Maccarone : Est-ce qu'il
y a quelque chose, une modalité que nous pourrons aborder, comme amendement
dans le projet de loi, pour protéger les citoyens face à, peut-être, un manque
d'accès à la justice d'une municipalité à l'autre, étant donné que c'est une
mesure qui est optionnelle?
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Je
pense que les mesures qui sont prévues par le projet de loi au niveau de... Puis
ça revient un peu à la question précédente, là, de votre collègue sur une
chambre à la Cour du Québec, ou autres. Les cours municipales vont... ont des
spécificités actuellement, puis ça a des avantages, parce qu'on a vu des beaux
programmes différents, en matière criminelle et pénale, dans différentes cours
municipales, qui ont, ensuite, été repris puis établis dans d'autres
juridictions. Je pense que le fait d'avoir divisé les cours municipales dans
des régions de coordination, avec la présence de juges coordonnateurs, ça va
permettre d'assurer, là, une certaine uniformité des règles de l'application,
là, dans les différentes municipales, puis c'est le type de mesure qui peut
être pertinente. Puis on peut y aller plus loin aussi, s'il y a des... S'il y a
d'autres suggestions de... là-dessus, ça peut être intéressant. Mais nous, on
n'a pas de recommandation spécifique là-dessus, sur une mesure en particulier,
mais si vous en avez, ça va être... ça va nous faire plaisir de les entendre
puis de les commenter, éventuellement.
Mme Maccarone : Merci. Je
souhaite revenir sur vos recommandations en ce qui concerne les pouvoirs du
DPCP. Ce serait intéressant pour moi, en tout cas, de mieux comprendre vos
recommandations ainsi que vos préoccupations, parce que vous dites que, tu
sais, les objectifs sont louables, mais le libellé proposé par le projet de loi
porte à confusion, vous l'avez évoqué dans vos remarques initiales ici en
commission. Est-ce que vous avez des recommandations pour nous en ce qui concerne
les amendements que nous devons aborder pour bonifier le projet de loi, pour
éviter ce que vous avez évoqué à maintes reprises, dans le fond. C'était très
bonifié, cet aspect, dans votre mémoire, puis je constate qu'évidemment on veut
éviter tout ce qui peut porter confusion. Alors, ce sont quoi, vos
recommandations?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
je pense, d'abord, si vous regardez à la page 8 de notre mémoire, par rapport
au libellé du deuxième alinéa de l'article 18, on souhaiterait qu'il soit modifié
afin de préciser spécifiquement que le procureur municipal doit dénoncer tout
défaut de conformité ou toute irrégularité dans l'application d'une directive,
qu'elle soit causée par un procureur en particulier ou qu'elle soit le fruit de
la culture locale et de l'exigence de la municipalité. Je ne sais pas si mon
collègue veut ajouter quelque chose à ça?
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Oui,
rapidement. C'est juste que, lorsqu'on voit l'article 18 tel que proposé, là,
de la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales on a un aspect
peut-être un peu pédagogique à avoir envers, là, les procureurs, de s'assurer
que ça... l'obligation d'informer le directeur des défauts de conformité
inclut, là, une contre-directive, disons-le comme ça, qui émanerait de la
ville, qui dirait de ne pas appliquer un programme, puis c'est des cas qu'on
a... dont... qu'on a déjà vus. Donc, c'est ça, c'est plus de le préciser sur ce
point-là spécifiquement, là, c'est de préciser le libellé, là, comme Mme la
bâtonnière l'a soulevé.
Mme Maccarone : O.K., merci.
Quel sera l'impact si le ministre n'accepte pas un tel amendement?
• (18 h 10) •
Mme Claveau (Catherine) : Ça
revient à l'indépendance... Il y a l'indépendance judiciaire, mais il y aussi
l'indépendance du poursuivant. C'est toujours l'importance, là, que les règles
soient suivies partout, et qu'il n'y ait pas, là, d'inéquités, là, par rapport
à l'application aussi, là...
M. Le Grand Alary (Nicolas) : ...puis
j'ajouterais juste que le risque, c'est que, si les procureurs lisent cet
article-là puis sont mal au fait de l'étendue de leurs obligations, bien,
qu'ils ne dénoncent pas des situations qui devraient être dénoncées, parce
qu'il y a un non-respect d'une directive, par exemple, dans une cour municipale
en particulier.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Jean-Talon, s'il vous plaît.
M. Paradis : Merci pour...
Bonjour, merci pour un mémoire tout en nuances et constructif. Et, justement,
parlant d'être constructif, j'aimerais vous amener à l'article 192, où vous
dites qu'il pourrait, donc, causer des problèmes sur l'indépendance judiciaire.
Mais on sait depuis longtemps que la magistrature, les juges, donc, rendent
justice en étant conscients qu'il y a des.... il y a l'intérêt public, tout en
refusant, évidemment, d'être soumis, mais dire : Il faut tenir compte de
ces impératifs. Est-ce qu'il y a un moyen, est-ce qu'il y a une formulation que
le Barreau du Québec pourrait proposer pour qu'on couche sur papier, dans cette
loi, ce principe, qui...
M. Paradis : ...existe déjà en
réalité, que la magistrature respecte déjà. Parce que vous dites «pourrait»,
donc je comprends que vous n'êtes pas en train de dire qu'il ne la respecte
pas, l'indépendance judiciaire, cet article-là, mais qu'il pourrait. Est-ce
qu'il y a une formulation qui permettrait d'avoir le meilleur des deux mondes,
respecter l'indépendance et tenir compte de ce facteur, en 2023?
M. Le Grand Alary (Nicolas) : C'est
une excellente question. Nous, on n'a pas proposé, là, malheureusement, de
libellé particulier, mais un libellé qui reprendrait, là, les principes
généraux de l'indépendance judiciaire ou qui fait les nuances appropriées
pourrait être quelque chose d'intéressant. Comme on a dit précédemment dans les
autres questions, réponses à d'autres questions, c'est une liste de
différents... de différentes atteintes potentielles qu'on a identifiées. Et
donc tout va être dans la façon que cela est appliqué et la façon que c'est vécu
par les cours municipales. Donc, c'est... C'est dur aujourd'hui, là, de prévoir
sur l'impact potentiel, mais c'est... On veut lever, là, le drapeau sur ces
mesures-là, là... sur ces enjeux-là qu'on a soulevés.
M. Paradis : Et je comprends
donc que, pour le Barreau du Québec, il y aurait possibilité, donc, d'avoir un
libellé qui tiendrait compte de l'indépendance judiciaire mais qui dirait que,
oui, on tient compte de l'intérêt supérieur des citoyens, des contribuables,
des justiciables dans la façon de gérer la cour.
M. Le Grand Alary (Nicolas) : Mais,
d'un point de vue général... puis je vais laisser la bâtonnière compléter, mais
l'intérêt supérieur de la justice devrait être inclus. Bien entendu, l'accès à
la justice, la justice pour les justiciables, l'intérêt supérieur de la
justice, l'accès à la justice, tous ces... tous ces concepts-là qu'on discute
sont là, au final, pour que la justice soit rendue puis que les citoyens aient
confiance et obtiennent... obtiennent justice éventuellement puis que ce soit
fait ou, s'ils sont devant un processus criminel ou pénal, bien, qu'ils
obtiennent une sanction après avoir un processus, un procès juste et équitable.
C'est des principes qui reviennent toujours aux citoyens. On... Ultimement, la
justice, on fait tout ça pour les citoyens, on ne fait pas ça juste pour la
justice avec un grand J, la justice avec un grand J, ça inclut citoyen, là,
bien entendu.
Le Président (M.
Bachand) :Merci.
Mme Claveau (Catherine) : C'est
ça, je n'ai rien à ajouter, je pense que c'est bien complet.
Le Président (M.
Bachand) :O.K. Me Le Grand Alary, Mme la
bâtonnière, merci beaucoup d'avoir été avec nous, c'est très, très, très
apprécié. Sur ce, je procède le dépôt des mémoires de personnes et organismes
qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.
Et, compte tenu de l'heure, la commission
ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup. Belle soirée.
(Fin de la séance à 18 h 14)